(1894) Archives de neurologie [Tome 28, n° 89-94] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1894) Archives de neurologie [Tome 28, n° 89-94] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

AIICIWVh;S

DE ri.

NEUROLOGIE

tiEVUE MENSUELLE

DES MALADIES NEUVEUSES ET MENTALES

FONDÉE PAR J.-111. CIIAltCO'1

PU13LIÉE SOUS LA DIIIECTION DE 1)1.

A. JOFFROY I

Professeur de clinique z

des

maladies mentales .

a là Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Ste-Aillie).

F. RAYMOND

Pioïeascur de clinique

lies m.il.uiicb

du système nerveux

de Paris.

COLLABORATEURS PRINCIPAUX

\I1. A7.OLLAY, 15AHINSIU, BALLET, BAUDOUIN (M.), BLANCHARD ? ), BLIN (E.),

BLOCQ, BONNTIS, BOUCUEREAU, BIIIANO (M.). 11111SSAUD (E.), IiIt0UA1tUE1 (P.),

r.AHL'SL : T,CATSAHAS. CHAMËRT. CHARPENTIER, CII1UST1AN,

CULLEItItE, Z DENY, DEVAY, 1)1 CAMP, OUTIL, UI1VAL(1<Irmns),

1-'Elill[Elt, FI1ANCOTTE, GAHNILR (S ), GILLES DE LA TOUIIETFE, COMUAULT,

GRASSET, KLHAVAL (P.), KLIPPEL, 1,A)IY,lANI)OIMY, MARIE,

MIEIIZEJEWSKY,,%IUSGIIAVE-CLAY,NOII, PiE)tHET.PiT)OES,POPOt'F.RÉntS,

ITEGNAIII) (P.), IUCUER (P.), 110111sIN0Y1TC11, IIOTII (SV.), SÉGLAS,

SEItfEALIX, SEGUIN (E.-C.), SÉRIEUX, SOLLIEII, SOUQUES, SOURYfJ.),

TATY, TE1NTURIEU (E.), T11UL1É (H.), TOULOUSE (E.),

VOISIN (J.), P. YVON.

Rédacteur en chef : BOUItNEYILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. C ! ! ARCOT et G. GUINON

Dessinateur : LEUBA

Tome XXVIII. 1894.

Avec 20 liglires d,Ltis le texte.

PARIS

BUREAUX DU P; ! OG/ ! A' MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1894

Vol. XXVIII. Juillet 1894. N° 89

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

A NOS LECTEURS

En 1880, nous avons fait appel' à l'amitié de notre

illustre Maître, J.-M. Charcot, pour la' fondation des

Archives de Neurologie. Il en avait accepté la direc-

tion scientifique et cette direction a toujours été effec-

tive. Non seulement il nous remettait régulièrement

les travaux qu'il faisait rédiger, pour les Archives, par

ses élèves, français et étrangers, mais encore c'est

avec lui que nous fixions l'ordre d'apparition des

mémoires originaux de toute provenance, la mise en

page de chaque numéro. Il nous a semblé de haute

convenance et de toute justice de continuer à faire

figurer son nom sur le frontispice des Archives afin de

perpétuer le souvenir de sou active et constante parti-

cipation à l'oeuvre commune.

D'accord aussi avec notre Conseil de surveillance, à

la direction, autrefois unique, de M. Charcot nous

avons substitué un Comité de direction, composé de

trois de ses élèves, nos amis, qui tous ont marqué

leur place dans la Neurologie et la Psychiatrie, et

rendu d'éminents services à la science et à l'enseigne-

ment : MM. A. JOFFROY, V. Magnan et F. Raymond. 11

Archives, t. XXVIII. 1

.8rS3L3G3A`CL1NIQUEL MENTALE'. ·L-tL2 a'r05î

ne nous appartient" pas de' faireeur'etoseMaisno'us

pouvons dire que tous, les trois, 9 ? 115'C51 `1

pouvons dire que tous. les trois, dtrectement.et.par

OUtHCf ? U dm9 ? o f LLW o( u Z8e1 Ot ? t.<; Oti c8 P

leurs,élèves; pT ! nç ! fqj2t,une@p ? ré-ulièrejeta.desplus

actives1 la-.rédaction'et@ à))a'directioQdès'lA'cM ? ? ? , .7 ° 9 ï nr S`L, a5 n.^Ly In ortrr-ft ' . nLL41 t

VcM ? 'o/oc<e; quiis nous z perfectionner

' ' .' 4'jilgU 114t -'<ni M' Updot

et à les rendre de plus en plus dignes de la confiance

, ? ),i') ? rn4r . : D.u nimbe Jas 31 ! muOLr.'nB Xia-9jnalj ...J

tuLpubliçjonédiç Ir1L1s9b'sa7 Lb JsaiüJuss;,BpUNr.VLLE ? 92 r4

.K.90B A js(,03 les ;,zessase5 ncss's·Cs59S-sb JnisJJs m : z ialil Jas

., .1lU-.Llin1 jif1 8M i)qf;fuu';i if e1 ta iiiiibnaq : uais silosnssstn eb Jm9JJl : D : aa-tuad 9Jpp-J6niv ah JEoK)<t'te3

mu J8 aigris ! j ! [ sb 29b Jn9msldmsnJ ,911piiooalB aaiito'h

x.ussnu3 si(sb sb r[i iJe , ' ,9' ,n3 sl ab zsloznm

.«««vmrYlna nn. M ? vL ? J ? AL'jiU3u)fBffMV(-

cn 2-s7qa a'idoJao 16 ai 91ovnsr 9L 9L Je .9ldslosqqu 97slsb ansa 9la.a

NOTE SUR UN CAS DE FOLIE URLViIQUEiCOVSI;CUTIFI1'UV

J2nil· j ? - (1 nl nyt·w l (1

J . 3 RÉTRÉCISSEMENT TRAUMATIQUE DE L'URETHRE ?

- Bji3le D pgei*ia eau n jatu* , miauiau ..iujiiiju oj .iiu>jj.« » . indO"1

K ,Inszao3n4`I iup 20 PariU ie'D"'A;'CULLERRE9"I9) 3nsbn9q nou

riL9Dai 91Jn Viédecin-directeui' dé l'A'sile' d'alieaés`dé I : a`lRoctîe=sûr=1'ôu`pm fla

91StS5003 91y201B1)1 91 .OB9`I 911 aup ud b'h ti .9Up110091fi 23Q7t-

Jï ? », F* icOiî'isp ttr ! > ? « 4r'h'v`r v' 19 '9nm ? ? ol 2'N'fwr.n or;,

'Si j'emploie,'en tête de.cette note,, expression de folie, \ire- ? MeQet 'noncel ! eje/b ! e,6)'t< ? Me,.quisemMe,aYpir)le

r q. nu 1. m..

même sens, quej'ai moi-même employée dans une : .communi-

cation au dernier. Gongrèsi des médecins aliénistes ? et qui'a le

mérite d'ètreacceptéeraujourd'hui par tous z

l'existence d'une1 relation'' entre lp-'délire,9 la-folie --et 'les'aS'ec-

tions des reins' 'elstl'q-tiel,l s"il 's'a-à-'lt7 d' - "ë'a's 'dè'foli cause par

l'empoisonnement' urinaire''cet'ëmp61sonnemcnrésulte"d'une

.t f.- ? ., ? o ? ... , ."< , , )uui euuu urm91 us

toute autre cause que dune lésion rénale....

je, e111 ,` qrut tt.- 'Oks.41l M) w ,'sa >n5r nt> : i - a,innhb

effet, du

L'urémie, en etiet, que 1 on considère, depuis les.travaux du

.professeurj Bouchard comme, une, auto-intoxication due à 1 ac-

cumulation d,a,n-s'-i'e san-ide.tou. iles- principes de, 1 ? urine indis-

tinctement, njestpas seulement la-conséquence : d'unel maladie

des, reins' eux-mêmes;. elle,peutiètrelé7aùsée pârj tout 'obstacle

qui s'oppose à la libre excrétion" de' l'urine'et' la' science a enre-

Qistrë`quelqués-observations oùI'apparitI6'n''dés'âccIJënts ùré-

- 14xii-ioxi, ii £ ,éijd li tati3 -.db ii Il li ,9^L,^m no ? sb eqff))J e'ilillo'l(i

fl" ! A.' Cullerre. -4 Quelques observations de folie briglalique (Compte

rendu du congrès des médecins, aliénistes de, la Rochelle, 1893). ,>i,r

NOTE SUR UV fCS DEaI'OLIE"URI : JI1QUE. 3

rriques , al,été laconséquence .d'un, rétrécissement^ du canal de

I'uï, ' - - - 1 -t, - - . - - - 1 - 1. , - i z

lureinre. o t ™,,jk ? ;,v^i sel gront Rrf ? h i 1) -à ' «

' Mais je ne sache pas que parmi ces accidents uremiques

consécutifs à'la sténose uréthrale; le'délire~et,la folie'aient été

notés. ;Aussi l'observation [que, ! je. vaisrrapporterprésentera-

t-elle au moins cet intérêt d'être, si je ne, me trompe ? unique

1usqu'ici-'da' 'ns"'so'no ? e'nre - ,

a3"sft(ioo ci et) pulq na Piliq ah aiMe'" a-il si J)

C... trente-six ans, journalier, est admis pour la première fois le

27 septembre 1893. 1 Èe certificat du médecin qui l'a'soigné au dehors

est ainsi conçu : « atteint Aedelirium tremens; est sujet à des accès

pendant lesquels il s'échappe de sa maison. »

Certificat de vingt-quatre heures : c Atteint de mélancolie aiguë

d'origine alcoolique, tremblement des mains, de la langue et des

muscles de la face; dépression entrecoupée d'accès de délire furieux

avec hall uciiiatio 'n's-iloldbi([6u"es : àan#-éu ? ptirson entourage. »

Absent au moment de l'admission. de ce malade, je le retrouve

à mon retour dans un état de calme avec légère dépression men-

tale sans délire appréciable, et je le renvoie le 31 octobre après un

mois de séjourà l'asile ? lll;TflU 31JO'3 HO 2A0 ;,U W ' TO/"

On le ramène le 21 novembre suivant, avec, un, certificat ainsi

conçu : « Atteint de délirium tremens ; sujet a des crises d'excita-

tion pendant lesquelles il est dangereux pour, ceux qui l'entourent. »

En même temps j'apprends qu'ils n'a fait depuis sa sortie aucun

excès alcoolique. 11 n'a bu que de l'eau. Le diagnostic alcoolisme

me parait dès lors suspect et je rédige ainsi mon, certificat de vingt-

qùatrêhéuresr : ei' ? ateiut pour la seconde fois (de' mélancolie aiguë

avec hallucinations terrifiantes crisës'panopnbbiques et impulsions

dangereuses.1 ! » PfiiRh s'solqrns smbm-iom is'lsup .arias sriiSm

T C ? est un homme ,'de taille' moyenne/à ! )a figure fotement-àsy-

jmétriqtie, le côtéj droit, étant rbeaucoupmoinstdéveloppé que le

gauche. 11 ne présente 5 aucun autre, sti mate apparent de dégéné-

Irescence. Attitude stupide, regard jet immobilité presque catalep-

tiques ; sorte de pétrification dans nue atlitu e,e rayee ? 10(1 £ IIA

Sa. femme nous' fournit' lés renseignements" suivants sur(ses anté-

cédents : son père est mort' le neuvième ouy,d;uné fèvrèavec

'délire continu', marié trois fois, tous les enfants qu'il a eus'de ses

' deux premières femmes'sont'morts ; 'dé'la'1 dernière ? il'a eu notre

maladefet deux1 filles bien'portalites. l'as d'hérédité vésanique dans

t li famille,1, mais onry,meurt'subitement; : oucle, mort d'apoplexie,

cousin mort également d'apoplexie. Sa mère,. vivante, est en bonne

.santé, mais extrêmement.emportée.axa gidit Li É 9(iuqii 1 : E P

.^,C...l1esthabhué de longue date aux,excès, alcooliques., Dans les

premiers temps de son mariage, il y a dix ans, il buvait énormé-

'. ment; il était presque toujours pris de boisson'et on le'i,a7pportait

parfois chez lui 'ivre-mort ; mais depuis quelques àniés, ses éxèè : ,

StpLle21eTJ ';ufn- t.T ·no vrrr y ? 'U ? 'rOY1

4 CLINIQUE MENTALE.

9G .tmt^ tfi fi`lrf" aFr gp^ t^v , nnn` .rr( , n' m .rr·,· nf, nli, )'l r

sans cesser cependant, étaient beaucoup moindres. En dernier lieu

il lui arrivait encore de rester plusieurs' jours de ' 'suite'en ait6

Ses boissons préférées sont l'eau-de-vie et le vin". Bonne santé habi-

ttïelle ? pa's"de"'m' aladie"'9'r'a'v'>è."Il"y a un an, est tombé sur la'tête

du hâut d'un wàgün chargé"depâille"et resta' un'' instant' étourdi

t' ? . . ? iil,s ? m( "ir ',^im...,i| i.rr,i ? i(', tu * ? .* ` '

sur le coup. Ces temps derniers, il a travaille au delà de ses forces

`Sür p ? Ces Leips derniers, il a tiavaillé au 'delà si es

'et s'est surmené. " ''' * JUnuUf ? â°"m^™^f ?

Le nouvel accès de folie s'est manifesté quelques1 jours 'après1 sa

sortie de l'ààile'sàâà'qà'ilàit fàit le moindre excès alcoolique ? il a

été 'repris ; de' ses crises panophobiques'avec fugues "au dehors^actes

de violence envers ceux'qui cherchaient à le'retenir et'accès d'hé-

bâtiiïerit cataieptiforme.' Daris'ses rcrisés'3'd'agitation on, né-pou-

vait1 le'mâintenirTâuPlit ! .ilsét lévâit.,r'boûsculail toutUe monde et

s'é'n' fu'y'ait e'n"cli«e'*m' is,eài trâ*vërs)ié-1v, illa' 1-e IP 8ôï'IJi «oq Je Jaauoatia

om...rebd in ,MttKr'< Hua )t)OJ -) ? '"<t lo'ttp - r,aai ? ^ ? l no 1,i

25 novembre. Stupeur , panopliobtque; ntrès hébété, regard

effrayé ; immobilité, inertie '; on ne peut lui arracher un mot ; pas

d'accès d'agitation.' Il' se nourrit bien'1'état'g'enéral'est'Bon', mais

a ll.lPUil.i'li'i'i 4, ->" ° lr->51,j-t 1( ,'r.n ?

il présente,, souvent par. intervalles de la rou-eur'de la race ; les

*pupilles sont contractées; pas de fièvre. Il urine dans son pantalon.

r ,,... ïl ^, , g , , . U,.e. jc, i-^ftoo 30 aiuweoqo'i

15 5 décembre ? Le gardien nous informe qu'il, pi,éseiite .une yive

`inflammation du prépuce. Nous faisons coucher, le malade,et nous

constatons,.aussitôt non seulement une irritation inflammatoireide

l'orifice préputial causée par l'urine; mais encore^ un^oedènie blanc

très marqué des jambestet,des cuisses, et un développement anor-

mal du globe vésical. Une sonde introduite, dansjjurèthre s'arrête

. à mi-chemin devant un obstacle et, ne pénètre pas dans la vessie.

Je ne suis pas plus heureux avec des bougies fines ? ?

Sa femme mandée aussitôt nous apprend qu il y a,neuf ans,

dans un'cabaret, il, est tombé à, cheval- sur. l'angle, d'une table ;

)qu'il il en est resuite une lésion intérieure qui s'est traduite immédia-

ment par une'hémorrhagie du canal, et plus tard,"par une diffi-

.éûlté·d'uriner : Il ne le'faisaitysûrtüùt'dâns lès`dêmièrs'têmps·qü'à

'force d'efforts et enruettant un certain temps ? Pendant' une' de ses

périodeVd'instruction' le'médecin' mititaire avait'diagnostiquê'un

,per e aire avait diagnostique uti

rétrécissement et avait voulu l'opérer,' mais il s'y'étaitrëfusé.'Tout

,, s`éâpliqûë dès lors;'nous ayons affaire à ûri iétt'éëisséiiïéilt'tëaüriïa-

s s'explique dès lofs'j'nous ayons affaire à rétrecissé'meht'traurrla-

tiqûéUdè`l'ûrètliré'dy ânt'ëntrainé` niié`rétèntionld'uri)ie3d'abord

partielle, puis totale;' et les' troubles intellectuels sont causés selon

toute' probabilité par une auto-intoxicatioh'uriuaire." Un traitement

est institué en conséquence ! 1 L'urine'examinée ne contient ni albu-

mine ,. ,rto 1 otr o< ;,JS ? sl .ft.QBL .m T - - .9r.;l,m : r4 Ew £

j.tjt.tttu ? 91v 11 `/1 ? '1r ? r- '1f7 '^ h-'f n,ao^ C.` «i n ? t),

j - 10 décembre. si Le malade urine de temps en, temps spontane-

^1 ? .....^ ? ? I ,;iJi ., , ,j . Jlt n.;tj ? t ? f)<; a (|l ,ri h

,,ment, mais sans .vider sa vessie môme à moitié. Le reste du temps

il urine par regorgement. Sûbâgitatitin ; délire bizarre,' s'imagine

que son bain est plein de microbes, qu'on adultère ses aliments ;

NOTE SUR UN CAS DE FOLIE URÉMIQUE. t)

4, 6l 0' tu ai 91 kl ? ,y

,que l',huile,de ;ricin quon lui donne n'est pas de l'huile de ricin. Se

lève la nuit se met nu, ' dlt qù'il ? trôP`chaud : "Egaré, air hébété,

püpilles ôntaçés. v `t j,t ? 9 ? n ? 1 ? ™a j,«,jt>s hj» if

2 l,décembre ? ,Depuis hier la rétention est presque^absolue.

,Calhé,térismeiimpossiblë;,lawessie"dépâssel'ëmbilic. Langue'sale

sû céntre,yrongé sur·lés bords ; soif intense ? fièvre; il maigrit : prend

un teint jaune et refuse les aliments ! " T. s. 38,8. - Lâit, laxatifs,

.4tl .u Jazz ,I

onctions.belladonées ? 1 ? "'8 . , ? ? '^ J8f* t J*

1 122 décembre. rT., m ,38°,l.,Hier. : la pur-ation a bien fait ;'il a

uriné ; la' vessie avaiti sensiblement diminué devolume le soir. Ce

, ) . Ï 1u ... '< ! t1 ? H( ? ) ,.

.matin"il,aluriné environ 200,Çrammèsdune urine rouge, sedi-

menteuse, mais la vessie n'en arrive pas moins à l'ombilic. Pâle,

calme. ,,un peu.moins abruti, dit qu'il a de grands frissons^ qui le

secouent et puis après qu'une chateur le, brûle, partout; demande

.qu'on le. guérisse; qu'on", fasse tout son possible; né semblé'pas

trop mal Lait, scâillmonee. T. s. 39°,4.' `l - '"«'«""V 6s

c.t,n rî»'ni iv- it>,lyr'"i4. Mi' ' ,'l fin % *ili9,i, : lit ? ,1^", ' t.

,Jt 23 décembre. r.(m. 39,1 ? Langue épaisse, blanche; vessie

, pJeiné.·On réûssll. passer une boigie filiforme.^ ,, ,<... ''

Aussitôt après 11 bésbihetvidê le quart 'de' sa' vessie ;°éhsûite

"t·Aûssit8taàprèl.albésôin`etvidé le'qliai't`de sâvessie; ensuite

impossible de passer. Il s est agité cette nuit; il veut s'en aller, veut

qu on retourne . 1 une des manches de sa chemise'sans'savoir pour-

qûoi;`Illüss,taliôn;Jie comprend pas pourquoi' on'lui met le ther-

'"momètré,1 etc ! 1 Urine rouge, épaisse,' odeur ammoniacale, sans albu-

"mineT ? sf3T',8.<'n&.i'6fn .M"1"^ 19'f76nttJU(jyy .oHik f

"^°24 décembre]' 'T.' m. 37°,5 ? Langue meilleure, ! nuit calme,

urine un peu avec ne rands efforts. t : ...,at ? f<b) J (..<.'

2ôdécémbhre. - Hiéï solr, vJOlent accès de fiè'vrè. T. 40°,7 : Pas de

délire. Ce matin,T ! J 370,8 De -m'a-ide à"1 manger ? Langue bonne.

1 ° " t i)J ? 1H41 : 'tsou Jnoaut dSxuLm ;,r,d,po sr

' T ? s., 37 ,5" W»,Igw -Itra ? ...r" , ..rf ? m ? . a a, y '

26 cdécémbre. - T. m. 38,2 , Langue bonne, calme.' T. s. 38°,5.

2 2'7j décembre. - T. m. 38°,4. Il a vbnii/ce1 matin ? Ponction càpil-

claire de la, vessie avec l'appareil Dieulafoy. On'i,etii'540 grammes

d'urine ;"à ce* moment le malade se 'débat tellement qu'il faut sus-

,,pendre l'opération'. Il sou re, crie; dit'q;z'tiü veut lui faire du mal.

j 11 ne"sait où'il^est, veut'descendre, mais sans savoir où aller.1 Obtu-

,sion mentale profonde : T. s.' 38°,4,Jèülë, décide a' tenter l'opéra-

Lion del'ùréihrotômle intelyie Aet pour, préparer le malade je lui

olpré'seris 1 fat lâ do se de 0,75 ? "" " - ?

tr9,28,décembre., ,T.,m.37°,2.`luitcalme; il urine, mais la vessie'

-t est toujours distendue. Sulfate^de quinine, 0,75. T. s. 38 ? 1 t

29 décembre. T. m. 36°,9. Persistance de l'ohtusion mentale ;

; dit qu'on ne^lui donneras manger alors qu'il vient de prendre

^des aliments à d'autres moments, les refuse.' T. s. 37" .'Depuis la

. ponctionna vessie a repris'' un peu, de son1 élasticité' et il urine

mieux c r'1 ">>'<' m"' -il ut· 'i.K'- .viip1 ynarnç' ? 91 ThfJ 91 ,Tw Il

. ,... ? ii ps* : naJ(Dfv av nv aJuTtun vh ai'q )e- ? un» iji-j

6 mentale SUS NTOU

v30 décembre]^ Tq m. 36,9 ? A°trûisheures'dû soir'l'opératîon°deb

l'uréthrotomié intérne^èst faite 'avec succès ? Le malade-' se'montre ' l

inqûiét;usé demande" ce'qû'bn^eûtFfaire ?

. demeure qu'on lui'passe^'il'fait'des réflexions bizarres. 'c Je'neveux'

pas rester avèc un''rôbiïet` comme3çai * Le éollodiorf destiné&à'Ué'f

fixer lui rappelle 'des1 souvenirs"; ï'ee'qûe vdûs'me mettez là^c'est'

comme ce qu'on m'avait 'donné 'pour mes verrues. » -">Pas d'albu-P

mine dans' l'urine ? 8Do3 J6 sf no np .on3us au`6 altiuo asl lul

3t décembre. Hier soir, T. 39°,3 : `Âedélü;é d'ûné'fâgotli`ï icôiri=is

préhênsiBle ? Ce : matiîiT1T. 37°;4"Caline ? toujoursf déprim é ? refùse

de' prendre 'des'Falimetits f" ditpqu'il' sera'cmortJ demaiii|fqu'ilxest"

bouché par tous lès' b'oùts'.6'( éïnt bon' Pas;dë1nèvré : i-T.r `s ? 37°,3 ! c91 b'\

1er janvier 1894. T. m ? 37° ? 'ti''adéfiré'usqu'a''dMx'heures'dùP

matin ; ïnussitâtiëriT3 On enlève lâf sondes' à'derliéilrë. -I1 'rëfusé la

nourritûrë'Tcihcf minutes' après il 'demande T'iTEst-ce^qu'on ne va'1 ?

pas me donnera manger bientôt ? » Pouls petit, serré à 400;Iroù=f

geurs foncées à la face. T. s. 37°. '

2 Janvzer. -T. m. 36 ,9. Bien ; moins déliéant. 9USno1 9»8rJ r

i.n-7 r(nre Tf ? ffn ? r ? rr<r nr ofrt. a (r ? ( nb

3 jvnvier. - Les urines sont épaisses, ammoniacales, mantes;"

cystite.' T : 'iî : q37°;49 Térpiné,vl`'gr miriè TFSx3 ? 3 tzoqzcb9Tq t)b

4yâzzvzet r Uriiies plus c'lairës. Le malade urine au ht la1 nuit ! 1*

Mange mieux ? iJ3S9Tgoiq tm881 ? rm'b JzsqSb ab Jaioq

5janviér ? ? Unpeu der' fièvre'' hier soir/'T : ac38°,6 Ce^matin ? *»

T. 'm; 38 ? Sutfatetdef'quininePPas dé'délire^trèsifcalme.f.UrinesO a

très claires..Tu s : 37°.3w B3 insm9Sslqrrloo isba 71ovt'oq gulq an

5 janvier. ;T : m : 36°,7.3Mang'emieux,.9J9 sI Tua 9ltjda ectt îicl

7 junroier ? = T : es : 3 ? cT.3m : i36°,B.uMieux,ztoutLàifait°calme;v

retient son urine, nedélirepas. A'.trs.bien.ma.nge.j gab ;xu8VT9n

8janvie·. T.îm.l37°,2. ? gqs t1eid ; aeJngbàaàicr xus isJiioifi'e

9jcLnvietyt ? T. .13î;,5.T.;p.33,7p,2.lObtusiongde;laimémoiçè.rl

Cae,,nonj,drant,unpeu.oMus.9 [s3nsm, olduoz,i sI , ,9léiqmoa

15 ,janvier : ;nTlrn. J37,5u.,Des essais, de ; dilatation, sont sus- ,,

pendus à cause, du -retour, de la fièvre,,et des urines purulentes.

ft -i<jL* ; ? âj ? t L m.rJ4,.C· ? r, ,st , v.v. i a, fI117q

5 février. \ Légère amélioratiqnmentale ; moins hébété s'oc-

cupe un peu du ménage, , mais^ persistance^de, la cystite. Lavages ;

avec eau boriquee... r, in

-«m'usai 'it)i<f ? utf .hf9<r fïô 2s([Amxrr s ? ,n."fi'> ."w.Twri a<>{T

26 février ? .Depuis r quelques, ours,3,1'ame o ation,s aceentueul

nettement : ' le malade a l'air plus éveillé ! parle. dé sa famille, s'irf- zou ? tt ? < ) ? f"x''t r<. ? r'fT f ? tpT)f 'rf'i' ? fT

quiète de ce que deviennent sa femme et son fils. IT s occupe un"

peuîairménàge'"1ét aide rihfirmiéFqûi''est malade. Lés" urines ne'11

sonsplds purulêntes'J'ni1 filahtés ? 0Depuis trois' jours on ajsùsp'enduiS

les'lavages d'eau b`oriqûée.9ctü'b ua9V9b Jifii'» ,zio3enJus Tijavd

27-févrie7 ? 'Uri'exàmén·trèsattentifdéel'état' mental f'rêvètee

encore quelques idées de persécution et quelques hallucinations si

NOTE SUR UN.jCAS^DE^ FOLIEIURÉMIQUE. 7 ?

de l'ouje, Après^avpirjqnguement parte de sa maladie, .disant que

la.boisson n'y,,était pour,rien, parce qu^à sonjdéejl ne.faisaitjpasj

d'excès., ^que tT8me.depuisqueIquetemp§,i)aaitundegqût pour^

Jeyin, que, ça l'avait pristout.d'un,coupjaprès deux ( nui ils et^trois^

jours d'un .voyage^qu'il avait le ventre gonfléJ,et,'1neLmangeait.pas1-

il se met àjiqus dire que ce, qu'on lui, donne ici n'est3 pasl du,viu,3

que, çasna pas le goût de raisin uqu'on, lui 1reprocl]eûd/tavoir,ichez,>

lui les outils d'un autre, qu'on le dit de tous c6tés,f él ? Urines ,

a^Bl^at^'.^^ T,-n,v ia.H ? n.lAws9b `

10 mars...-milieux,, plus, éveillé, 'maisrn'a qu'un souvenir confus™

desa,maladie,etest,dis{)oséj croire^ que loutre,, qu'on ^lui^a.fait^,

l'a renduo'plus ma]adeqavant;pjpMendurujerjnoins loién d

qu,'avant,,et61déeswa=esAde,perséeutonu ? pRl ·csrcs' · ,9 !

,i<=,6[u ? ? rr. Depuis, troj^s semaines ilg vâ au délire^

reste néanmoins chez hjijun certain degré de paresse inte)n

lectuelle. p ,; 911s·r31JsqaluoQa E,i6Jnstd lagrfBm blsaao6·sw stq

é '" w<>\ û 2J99;'t6 é7Jd

Cette longue obs3rvation.,peut ? en définitye, se résumer

de la façon suivante" : un individu robuste,, mais non exempt

de prédisposition aux 5accidenJ,s^nprve^ cérébraux,. tqmbe,.p

sur, l'angle, d'une. table ? et se faitunerupture de l'urèthre,

a

point de départ d'un rétrécissement progressif..Neuf -,ans ! /f

après ,-iCeti homme qui,,estladonné,auxT excès j alcooliques-,

commencera subirles3conséquencestde son rétrécissement 1

ne plus pouvoir vider complètement sa vessie; entre temps il M

fait une chute sur la tête qui, : bien qu'elle n'ait eu aucune gra-

vité,chirurgicalement;taupu produire'un'certain ébranlement

nerveux; des causesidéprimantes'dordre)physiquewiennent3

s'ajouter aux précédentes ; bref, après ^quelques1 jours » de

malàise^un'déîire;violént éclate ;'la"*rétention d'urine' devient

complète; le trouble mental et : rétat'généralfs'aggravent jus'-5^

qu'à'ce'que l'opération de'1'uréth'rotomie interne* vienne' sup-

priméi3l'ôbstâclé qûi '"s'opposait^à''1 l'excrétion0 de1' l'urine1.' ''A'1*

partir'dé ce 'moment 1 émpoisonnëment cëssê, le délirê s'at-

r ? i|V^ I 01rT ? r^ f) c"> - ntar o cve .nl ? ^ ! "I, ,' , 1 ntt 'in.

tenue progressivement et le malade revient lentement a la santé.

r.. ° ,, .,nni'io-,>T". *>a^r

Des diverses causes auxquelles on peut attribuer légitime : ; "

ment la ! , production1 de" cette maladie"mentale^,deûx prédomi-

' li t' i .*>llrlll>i e m 9 ttim ? Ut ? 1,.i),fiii l,,l il'. ? J9C

nent sans contestation possible : 1 alcoolisme et 1 empoisonne ?

.il1 J4y'JU .. 11 "u nu J on '<atjoejuEtu.ta)*9 ,'i*m.lj i , , ''Up

mentsurinaire. JVlaisl alcoolisme,, ne, .vient lui-mêmenqu en , q

seconde ligne,, .caçf c]est aiiqmoment5 où,, le... malade,, .grande

buveur autrefois, était devenu d'une sobriété trelative,4 quetsi

sous l'influence diunifacteurinouveau, l'urémie,lafolie éclate

aveci intensité : 9t)p)aup'J9 noiJuoaa'i9q ab ah5bi suplsup ·s7ooas

8 3ri,M3flCLINIQUEtIIENTALE.Lie 3TO

' ( Màis"r'âvant';f d'allér^plùs'1 loin dans" les considérations'' qui

d ,e'oÜlent],de,ée"cds7,c]iiqu 1 l)'+, -6; ' que' 1, nous -1 1 Il qu 'àlifion's,de,folie

urémique ? il faut démontrer l'existence de l'urémie elle-même.

epremier . el acces 1, Id e délire"1 avant" été incomplètement'observé,

n "-lui' '- 1 0 f là 'cet égard; mais -le secod,

ne nous^fournit aucune, preuve égard; mais -le second,

qui 1n'a ? 'd'ailleussrétéI séparé^du' p'remier'quepar'quelques

jours d'un calme trompeur et 'd'une" lucidité imparfaite;' puis-

,q'ü'ilsîlbsistâit ? ûne'certâine`hébétude mentale-àt-la sortie du

malade, nous' en fournit plusieurs d'irréfutables : dès'le ! début,

un oedème des,, membres '' inférieurs^ remontant''jusqu'à ) 1 l'ab-

do dans' le' cours * de l'accès ? les troubles' gastriques

permanentset' caractéristiquesIe' teint'spécial; lés vomisse-

iëfitàe6t la nëvre* Les rèins"ont-ils été touchés ? Cela est,pos-

sible ? 'CépeiTdant'l'albumine ' a constamment* fait'défaut dans

l'urine examinée à £ de'nombreuses,'reprises; maistëeT signe

manque souvent dans le cours des néphrites, ce qui nous laisse

dans* le"dqute'' au'1 sujet' de l'existence' de' cette'complication ?

"j llâintënânt,pôûrquôi le diagnostic de folie urémique et;non

celui 9dè' folie'alcooli que( porté avant l'admission durnalade à

l'asile ? Voici les raisons qui nous font pencher pourtlapre-

riè'r'ë'àliê'r'n'ativ'é7 if *>* ltj(u9b slfiue« sj, suo 3Bq JP,,9'U aD ? Dans1 sa1' première^ phase,- la/maladie'1 revêt, 1 a. 1 for ' m et dés

'délires' toxiques ;fç'estr' la confusions mentale avec^hallucina-

tib s a 0 110 1 uesl.,Le màladeisembleplongé'dans un càu-

chemar qui tantôt'le pousse 'aux fugues automatiques ? tantôt

le`'pétrifiet dails une sorte' d'immobilités i cataleptiforme.1110n

pourrait peut-être contester qu^à"ce moment L'urémie soit bien

réellement en cause,' le malade'étaht en outre alcoolique,' et le

délire" 'alcoolique' étant' précisément tiej type des délires toxi-

qu'es ? Mais" Id pliysionimie duadélire n'est pas.tout à,faitcelle

qu'onsbbserve habitilelleinènt°· : dans` l'aIcoolismefuL présente

quelques0 nuances/quelques -touches; : qui l'en) distinguent c en

une certaine mesure ;- par exemple, ces phases cataleptifordes,

"déjàx, obs1ervéesfdansla folieurémique·pâW MMaBrissaudrét

Lamy';let par moi-méme<dans'une communication au Con-

grès' de' La "Rochelle; LI ces- rcmitten ces,et 1 ces) exarcerbation s

^pâràissant'érï1 rapport avec les irrégularités de la fon'etioniuri-

nàirë ? et'en6n cette hébétude'absolùmentqspéciale"beaucoup

plus profonde que celle de l'alcoolique, même'en état de stupidité.

'"* ' Brissaud et Lamy : l«ayMesM<ah'uM chez un &r : A< ! Mc'<<c7t-

rani (Gazette hebd. deniéd. et de'chir. ? 3 3 août, 1890)1 ni) ? bn5as,r ,li

NOTE SUR UN, CAS, DE, FOLIE. URÉMIQUE. V)

tLtEtsiJje,reviens de, nouveau,sur cette hébétude à propos de

1 quelle ,j'ail déjà,insisté dans macommüüicàtiônprécédénte,

e est, qu'elle - est un des, signes 1 s,ply sconst ,- "1.11 ? Ur le 1.

un de, ceux que les,anciens', auteurs, se plaisaient plus particu-

lièrement admettre, en relief, et' à, laquelle les.modernes qui

t l, ï 1 1 .> ! >, u iliijui UUU " 1»

.ont,fait,une,étude spéciale de la,.folie rénale ne semblent pas

attacherjtunei importance" suffisante, 8 à1 mon avis. t «(11 est(irn-

.possible, .dit Lasègue, de, méconnaître un ensemble e e carac-

tèresproprestaux,,albuminuriques et qui se manifestent déjà à

par,l'expression du.visaoe,-Iadém " ? " d " ' »'

par, l'expression du.visage.^a^démarchejirabsencejde.préocçaj-

pations,,et 'szt2,lout,de 7éactions, intellectuelles Et le même

-auteur, étudiant,,les : accidents cérébraux, du, mal de.,Bright,

met en premièret;ligne4des,variétés,de ces troubles, l'attaque

plus ou.'moins soudaine,de,stupeur qui} peutàè,trepasâgère,

intermittente, et>qui; dans,ce, dernier, cas, âe«termône parla

mort.;aon tfrp 93 R9.trTlfvff 2y1) «f/na ,l a&b'a9V172 9 ! TIL. iy

Un] autre. )argument)en faveur) du l diagnostic, de folie uré-

tmique, ciest la-rechute survenue : peu .de ,temps après ^sortie

jet sans ]que ila-malade ait;fait, le;,moindreuabûs nonéa4 Je

boisson.ueq Tgdatllq taol p taJp 1 aHIJ , ? Ju

botsson.tjoq Tariomq taot s cran lap moatB'i »ai a'"V( ? s'(

Ce n'est pas que je veuille dénier tout rôle j à l'alcoolisme

dans la; pathogénie de ce délire, bien,au contraire^ L'urémie

n'apparaît d pas -fatalementicomme,,résultated',uné,afFéton

rénale' oue d'unicobstàcletdesb voies urinaires ; ? il lui, faut, ^en

général;àlcôtécde la-' causée principale, .une causet,occasiôn

nelle ; ·et;3danss,le,cas actuel,lil me,se'mble'dii ? d ? é.vidèn'ce

que sans,l'intoxication alcoolique qui a altéré, progressivement

la 'nutrition) et sapé) peu à peu- la résistance du système, ner-

veux,- la gêne des fonctions urinaires eût pu se, prolonger, long-

temps encore sans entraîner des complications urémiquesCes

dernières proviennent, d'une' rétentions d'urine prolongée,, due

,non,pastantlau'rétrécissement,aquin;était,pas, infrancbisf-

sable ? qu'aw spasme dû col de la vessie et de, la ! portion ^ merci -

braneuse del 1'urèthre,zi phénomènes essentiellement nerveux

dans la genèse : desquels» l'intoxication alcoolique a jpué,âqps

. doute ! {le)'principal, rôle ? Mais c une fois la, rétention^d'urine

constituée, ! c'estàl'empoisonnement urineux qu'il.convient,

sa mon sens;; d'imputer les nouveauxgaccidénts, nerveüx pro-

duits;,c'est-à-diré· la· folie.strptluool6'lsb sïi 3s sup buo'oq ulq

111, Lasèguer Des accidents cérébraux qui surviennent daas; le,coiers

de la maladie de Bright (Etudes médicales,at. 11) ? a9A a»5r»TM ln»i

10 î 3lISitlM.f. YCf.SIIQUEDiRl1'ALE.lY)O.IOh0YE9 Zizi

Ce ttel interprétation 4es faits est d>' ailleurs* conforme àl'ex=6

périence.8 Onea1 observé°querlïapparitiondes àceidents,uré-p

miques était)parfois imputable à l'administrationintempëstive3

d'une substance médicamenteuse, c'est-à-dire d'un poison ; il este

donc admissible quei'1'alcool'ait une actiontdece.genre : rTouta Li

ce·quiraugmenteslatoxicité du : sang augmente,·par.tlà`même;ir

la toxicité des urinés; -or,- l'alcool estium poison ettde plus parn

son' action ? délétère -sur -le foie; ? il entrave -et supprime même a

les fonctions' dépuratives : delcetorgane. Ne -,s'est-on) pasade--e

mandé,cïd'ailleurs;sile délire'alcoolique n'était pastoul siiii ? i

plement un- délire urémique)1- ? ! en neii j8 Icirigm auv gb rnrioq

Sans aller ! aussi'loin; on peut, encore admettre, sil'on.veut;s

que l'alcoolisme a pu concurremment avec l'urémie contribuera

à faire éclore le délire..On.serait.ainsi en présence d'un cas

mixte, d'une folie alcoolito-urémique. En 1852, Lasègue invo-

quait déjà l'alcool comme cause possible des troubles psy-

chiques dans l'urémie;et; si1 eettei,opinion n'est pas justifiée

d'une manière absolue, elle n'en comporte pas moins, dans

certains cas, une certaine pîrt-d-E-vérité. Cependant cette in-

terprétation éclectique me semble moins satisfaisante que la

premièriJOI113le ? m .ll ? Pl;IIGItl;l9l ·IhtO,IOHJiC2q AJ

.Nous voyons tous les jours l'alcoolisme produire.deux ordres ,

de troubles mentaux : ceux, qui relèvent exclusivement de l'in-

toxication, et ceux qui sont le résultat d'une prédisposition

vésanique mise en mouvement parfcdestdoses d'alcool trop

faibles pour,, provoquerq les accidents, spécifiques. D'une part,

on a le delirium tremens et ses variétés, de l'autre des formes

quelconques d'aliénation née9.à{l'occasion)d'excesalcqoliques.

Pareille distinction est admise^ poulies trouble5'jmentauxJa"Jo-fij

rigine,urémique. Iljeiste,,qs as de délire Itirémiquee

des,as de folieilla tout gAe,elq,qliez des prédisposé^ àiprq-og

pos.de 1.'urémie Mais la clinique ne,

de ces ,distinction s,. d'aille u rsl,l égitim es,Len, tji qrie ? t,,q peut j\

voirruneofolié urémique 'de forme £ banate,,se.compliq9F.e,,

délire toxique3 on j un. délire urémique ? pur3 se transformer peuy

à peu-en vésanie.) 9b pvcstl'saca Sno'snjoc(c·csilrct'1 iotof, ! sa

C'est unapeuçe;gui s'st.passé çhezwotre malade.L'a,ffec,

tio.p MRtA.1f,nels'est,pas bornée à. un. acces, pCssp-qriApdél'

plus ou moins aigu ;,elle a ? olué, nettement dan.losens)y ? q

confusion mentale à forme mélancolique avec idées délirantes

*,r 'iB)<<M'<'M.M mçoSoiWvjî^ ah t't ? n\<''<« ? tA .{«ghEV ih .H '

1 Spigaglia. De la folie* urémique ou /'oe.7'c'Ha<e (Genève, "1891). \K'<y\

LA PSYCHOLOGIE, EXPÉRIMENTALE .EN AMÉRIQUE. 1'Lt l

d'hypocondrieEetdepersécution.tLa suppression de l'obstacle

quh entretenait l'empoisonnelriéntuurémiqué n'a pas. suffi-àr

faire disparaîtreole,'délire; et bieniqueil'uréthrotomie ait été.'

suivie d'une amélioration, presque imi-fiédiate;le, malade '-1 trois i,

moisTaprès;7présentaitiJ encore quelques. traces de la^maladie;1

unipeuid'hébétude et de tendance aux idéeside persécution : Et -i

même au moment où jei rédige cette'note; il ne ipeut être con-.t

sidéré comme «absolument guéripsiipar guérison 1 il faut exclu-' é

sivèment entendre un retourcompletàl'étatantérieur°àla

maladie;car : le 'malade me<parait''manifestement diminuétaun

point de vue mental, et rien ne prouve^qu'il reprenne jamaisq

complètement,l'éneraie primitiveo,deo sesfacultésintellec-

tuelles-trtoo eim9TU'1 a9vj6 Sasmmsnuonoo uq 8 smaïfoo(u'I aup

'.69 nij'b sangabiq rr.q ? ? <-- ^n ,9111911 Jl atoloa 91 1 i

-ovni 91r§Ô86J ,S88r n3 .9upimàiu-oiloools gifol safl'6 "qjxifr

- yeq zsldffolà zs6 gldiaaoq gauso srnrnos Ioosls'1 L-4b Jiuiip

9sïli,tzuzsg J88'a PSYCHOLOGIE9"119 ? 0 ' acirb aanpirf : .

si 9up 9fIÛ2tli121.tR2 2(IIUfII 91(fnI9Z ohm 9upita9laa lioijn1biqlst

LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AIiGRIQUG,GIm9z,s

LE I : ,1BORATOIRE ET LES COURS DELCLARB : UNIVERSITY

fil' ab JfIgfII9Vt2lIiaX9 ta ? '"5 ? irr vrrg·0 y,U&fR3fII 291ttJ0lJ 9 ? 1 AiWORCester; .

1101,120(12(9T(i 9(IIJ'il c.Ai(LcÿRCÿST juve iup xuao 19 CIOIBOI$U

qoz3 100,916*b 292opa5nai'èei BAUDOUIV;n n9 921m eupinc23n

Jl.gq ! Cha't'gê do"miss on'aux itat3-Uirlis etta l'Exposition de Chieago.Oq 291t1ffil

29tI1' ! UÎ asb 9't,iü6'1 et) .29f91T6V aga ta 2tC9SCt9'C1 ttClSS'1f59J 91 8 fi(

hI ! tH ! ldê'arignv vient de pulier'dans 1. là*Re've ;cientifique ? P

la déscriptionrdu5lâboratoire rde-psycllôlogie expériméntale-de

l'Uni ? rsité'de'Madiso411 ne Fa'pas'visité'sur p)ace7 a'Madi ?

son1,1 (Wiscbnsin)V,'vinè 'situéêtaugnoi·dTde3Chicââôétdâns'l'

laquelle' no'usln'avôns pas>cruf devoir1 nous a'rÏter 1 nus ? Màaie q

(l'Université3 de 1\Yisconsin,|n'ayànt,'qu'unef école 'préparatoire'1 1,

aux1 études^médicales^et' la9 ville ne possédant pas' d'autre ?

facultés de médecine); et s'est contenté de'décrire'l'exposition'de'' l'

ce laboratoire à Y Anthropoloqical 13uildzizg de la'PFo'M's Fair. '"

Aÿântreûl ôccastond'étûdteî'-sur les lieux)mèmesà Wor-

cester;eritr : é' : Bôston'éta New-I'orh'; ûn 1 autré ·labot : atoires de it

cester]fentrë>'Bôstonï'et3New-Yûrk7cunIautre3laboratoire'IdeIJ

psvbhologiê'ex'périméntale>1dont M1/- H ? de-Varigny cite à peiner

aiamzsb a9Mbt osvs 9upilooaslêm smio3 9tsznqm noleu3ao

' H. de Vari.-II3,. Le laboratoire de psychologie expérimentale de

l'Université de 3ladison : · in'7 ! eu..S'C ! 'e ! ii., l9,mai189É. n 1

! 2 .U5rtT1JId6 'rT8 g,1 PSYÇLIOLO(31E1 jJf,0J(llw,.n Ad

le nom,celaide, Clark liniuersily, je crois utile,- en .raison, de

1 importance qu désormais acquise cet institut et de la grande

renommée de^son,chef, d'enldonner un bref aperçu. Je, m em- 1

presse d'ajouter que je souscris d'ailleurs àj'avance,, à1, toutes

les remarques,de,mon éminent confrère et que, loin de vouloir

icritiquer lesjréflexions,3qii accompagnent, son intéressante

description, je n'ai qu'un but, celui de la compléter; en faisant

- tajn 3u ? irW L, « 4v'iaE tas JnMAi anl=i<1-ttcl, .'ëhij ? t ?

connaître ce que j'ai vu dans une jeune université, presque

complètement ignorée dans notre ''pays jusqu'à ces derniers

temps ? ' , ' - ? ? ; ` J* .

Il y a quelques années, Clark University n'existait pas ; et

déjà la : voilà florissante ? C'est 'que les, universités, en'Amé-

rique, naissent et croissent comme des villes 2 : ... ; . . ;

- - Clark Universily est un établissement3 qui par ses tendances,

.représente assez bien, une université, telle que nous la com-

prenons en France; mais il n'y a, pour l'instant, que deux

facultés : celle des sciences et celle des lettres., En réalité, elle

comprend- aujourd'hui,cinq,départements,tcomme on dit en

;" "h F. it y i . - 1# , 1, e CI 4tm,4n(j9'7'^ A i), ( 4 , ,4 1,is . rtn v t . 1

',Comme I. de Variny, j'ai vu Har,,vard University et comme

lui, je n'ai pas eu l'occasion de visiter le laboratoire de psychologie

expérimentale'4dé dirige M.'le D' Hugo Mùnsterberg. Je le crois un peu

plus important que celui de Clark University., i ni u gin1 ,,ialr3 ,i

,1 Une seule preuve : quatre de(ces, institutions,- et, des,plus impor-

tantes, viennent d'être fondées en cinq ans : Clark à Worcester, l'Uni-

versité catholique à Washington, l'Université Stanford à San Francisco,

une merveille, et enfin celle de Chicago, toujours' en voie' de construction.

' Naturellement, c'est une institution absolument privée; elle, a été

ndé"par 31. Jonasa. Clark. ;q,f. ? ? , 1 - l 2f,p ? .>, lit

Fig. ].-Plan des bâtiments, actuellement construits, de Clark University

44 ? "TV'aJ- ! à .Worcester. ! ^jfy ? 4&^ "'^,{

I, Laboraloire de psychologie* expérimentale; 2, Laboratoire'de chimie.

'' '' ' £ ? " f " ... -- , î'i ' î z

LA. PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE. 13

merique . 10 mathématiques; 2° physique; 3° chimie; 4°bib-

logie; ! 5"hs-clïlcigie ? (Ilîi'ÿ'â actûellémentrnP'facultéide

théologie, 'ni*' faculté* de' droit1 nir faculté ou°école^de méde-

cirié0el'de', pharmacie.) ? 11^h ? ^iam S[ anp tJu /; b 32a y

^Elci ? èâiapûs' dè°l'univer'sitéést3à` une'certaineldistance;sà à

environ un mille demi' dû éintê"'dê -17cité, au; nord

de Main* Stréet(g ? 1). Deux "grands bâtiments sont désormais

construits, dont le plus récent est réservé à un institut chi-

mique de'premier'ordre ? L'autre; quücomprendles'spartles

rattribüées'à' l'administratinn ? rénferme les' ! magnifiquesi instal-

lations du laboratoire de psveliologie physiologique du pro-

fésséur'G ? S',tânléy, Hâll. 0û y,' trôûve âûssi des laboratoires de

....n ., c r, 1 ? J 1 î. v 1 ' W ., '1,1(1 j 1 s ] ? n mi

'physique et de, biologie,, d,une importance, moindre (fig^ ? ) ?

Il faut, lors d'un voyage) scientifique aux Etats-Unis, 1 abso-

lument consacrer-un jour/uniquement pour-îles, départements

de çhjmie'Jet surtout' de- psychologie' expérimentale1 de Clark

;,Ùniâéysilÿ ? Ce' qu'on peut y apprendre, causant ave 0 M ! 'G.

, .-....K ? l ? }( ? J ? <........ttu.<J,.<tf)39n ! L'f)f.

'Les armes de cette université sont'constituées par* un. livre -ouvert,

au-dessus duquel rayonne un soleil, avec ces mots : Fiat l2cxa ?

-1 t ? ?

- " 2.1, ' - Le ? P ? " e ye e*éxîériinéii*tli àClali Uiiie -sity

«XLi" J-ageagf t de Psychologie expérimentale a'Clark University.

Il t sraBJ8ff' l WrpE ,t 1- ( ie 8 ACfT 9,lirSfii 4 1 c ,7û()ffnll 1

14 3tlUliittll )''a H.IPSYUOLOG1E. lUO,lOH r12" AI

Stanley Hall; président de l'université et professeur'de psycho-

logie,*fort au courant'des travaux- français;1 et y'voir,€eh,Epdr

courant ces immenses salles," déjà;luxueusement aménagéesen

appareils de précision'pour l'étudè"'déà'ëèntre3 'nerveux, vaut

rr ? io..n t p.,H. ', , 1e iw r ? Mt ? Y ? i , >»i'i)n

certainement la peine d un arrêt entre ew- aven et Boston.

, ay le rr : y rrrrr, 1·s rW <It, à ...

C'est évidemment la un centre de haut enseignement en voie

.. r ? HMI ? . -III - ? > ? -. -, " ? ? lO .l«l'IH\',ltl/-t ^*

dèfôrmâtiôn;'ët`i1J peut nourrir. 1 espoir d'atteindre un. jour

Ht a'11 ? n.ttja ,tt'L ? ( ? 3 .'... ? ....n ? Jj).

les hauteurs les, plus, élevées ? dé` la soienlele, iq a .gjnoe ? ) l

sont; les.cours, e psyçlioloâiëet le laboratoire* de

psychologie expérimentale, que je. veux étudier ici ? Aussi bien le

savant serait-il frappé de la richesse'et de l'installation' du labo-

ratoire de 11. `Hall, de la7 naturealdes travâuxoriginaûx' qili'v

ont été faits, des idées qui y ont cours. C'est certainement-un

des modèles dut;enre `·Il serait à souhaiterque'notre labbra-

toir'e'de psychologie physiologique de la Sorbonriel; qui'dépend

de l'École pratique des Îia-iitês'Et'ûdes ? fût--dûs-s'i'àb6lidà'm'iï;en'nt

Villen'appareils variés`'et enrinuvëns°d'étüdê`âûssi`perfec- ? f. ? ) jb 9D 9mat(t(nq et gqloag no)JHMuB,)u ? t.jujuat

tl0nnés9d ? Jb sb 9m9ldoiq 91 ^iloaa'aao noiJBemB*v)o ,.i1J0ju91>i

4tr'tif1'1Ua) ,CI aiuaaaaloil .(an ! B')h9mA %9' tnc ! aanoizzsq <up)

Le Department of Psyrhology de Cla It'Uriivé)`sitÿ ? dalé `de

1889 et comprend l'anthropologie, la neurologie et l'éduca-

tioi7^'Lerchef deL7cet'»énsei-neient'est M ? Hal),'ancien élève

'd'Haîwàrd·Universityiett ancien profésséur"dévpsÿchôlôgië 'à

Johns'Hopkins ,Uriiversityrà,BaUimofe'êt à l'Université7 de Mi-

'chigan àAnn`Arbôr. Il* isU'à's ? tél'par S 1. plusieuryprofesseurs

suppléants',1' qui ! seepartagPnt`·lesconrs : 9les' uns-sont' assis-

tants les àutres'Jéllows,1 instructôrs, dôcents, oû schôlers, etc.

%l Voici1 d'ailleurs' le programme des co rs e psye ologie de

cet institut 'pour 1893 : ° 0 glrjga j,l osq jsan ,a^"H°*^MS

- atrr,tav4do'h J9tU3 qmrnoo 3bslctrr

, ,1 flntomieét physiologie du sqsteme nerveux, (cerveau,, moelle

'etorpanes des sens). (Exercices de laboratoire .dans.une sallespé-

'ciale.)'Professeur" : M' 1 le le ` Hôd,;è,'âssistant. . Ï ., iltt 141 4

e. '^Professeur' : M.1 le D1' HÔdgV'assb^

*i -2° - Psljcholbgié^'jphysiolbgiqùP'eb^ eîpiïnmewta/e/'cbmpréhant1 les

'réflexes,'le' sommeil,'1 l'hypnotisme}' l'aùtomotismeles témpérà-

ments, etc. (Laboratoire particulier pourtl'étude'desipliéuomènesde

la mémoire et de l'attention). -- Professeur . 31. Sanfoéd, assisLa7nt 2. ? < «onlo ? vrlii 311 »<* 9rmntRMt t"3 a'9 ? tTB y'iRVBtl eb '"loi

' Cf. A. Binet.7)t'onc< ! OMa h la Psychologie expérimentale. Alcan,

189r ? Je'posst·,de, en1 outî-ëf* qu'elqùes documents' sur les 'installations ! de New-l'orl,' '4 New-Ilaven,lthaca, etc. "peut-être lestferai-je connaître

un jour, puisque, de l'aveu de M. Binet,lui-mêmel(1y16),,onl`l'a rien

publié en France sur ces laboratoires ? *' ' ? ,

>.>,, ...., it \ ni. ? » TJrt^ii 3,>ni*f ! 'V ail

' Un cours de psychologie' animale et comparée va être organisé sous

LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE, do ? 3°Psyçhologie morbide et anormale- : le mondeides nerveux,' les pro-

d-es; les génies, le monde des, dégénérés/, les idiots, îles criminels,

1 eàveu l.es - ? ourds -muets; les. aliénés, (les. hystériques, ales

épileptiques. les. neurasthéniques,- etc.; les, maladies de la, persoii-

nalite, etc. (Etudes cliniques à Ï hôpital, par M. üal)1 rPi ôfûsi eûr

..1..rv ' ù I", Tt ' , ? K ? ,'«» -ri- 1) aill^u i JjttHti * l

MM. Donaldson et Hodge, assistants ? ? , .....

3 4 - -Pii.1 ") re11g10nS,carts Jff.fn'y.q dû

4° Psychologie anthropologique : religions, arts primitifs, études du

développement des fonctions cérébrales chez les enfants'et les ado-

lescents, des et1c.' (Lab'o'r"atO*Lrë ,spe(,ial ? )

"4' Profeseurs : MAI : ChariZbéi'laiîi'; léètéür'; ët`I3ôas;'docênt : inv

el 5° Esthétique' et psychologie de) 1 musique,0 de la pein-

tuée' dé la littérature,* dès' phénomènes et des lois delà motilité et

de·lavolonté ? Professeurs ? IIAi : I : 41acDoûald,'docent; et Gilman,

instructeur; cj183 jg3'0 aiuoa ino y iup aaèbi agb züsi sJ9 J0"

61lldstoire de la\Psychologie et4de, Ialhilosophie, Edes,théoriez,;

scientifiques et^médicales, des, religions,, de réthique,,del'éduca-

Lion. (Cours fond.àrélital.) ? TiPr*ofesseur \IvGiStanIeyHalh·l nh

114 ."111 Vlbl"IUI» I Iûl'IJU 11' 'Î^U-.Ji.» OJ^l»..l. CV.AI Jt't ? J J.«uJ Jtt

;t4 .lit jbl-lut, , jj. Il ? pédapogie, P ? el

^^° Applications^de la Psychologie : pédagogie, liy-iène,,morale et

méntâle, oéjanisaVon des"éëoles, le problème de'la coéducation

15l tl-

(qui passionne tant les Américains). Professeurs : D'' Burnliaiti,

instructeur, etM. Hall 0\j sb ? ojopy \o)sK<\'q9 sA

-fianb.»'1 t9 aipofotuaa bt "9molortomilnF'I feii9'jomoo tf l'I3n"

q,7 ii. dHallu"çomprend lsonrrrôle,deiprofesseurl;de,Ipsyçhologie

^d'une fâçon,vraiment digne d'attention..1cné-se,'contente pas

dë fâirë,en`seignér ses élevés l'anatomie,et la physiologie, du

système, nerveux ? (. 1lescoizdu t, toiîs les dimaazches âl'la8pital

des aliénés delà ville, montre,des malades et, leur faititou-

cherdu, doigt, surle"yivant,rlesr,différéntesaffectionst de la

.mémoire,- de, la-volonté, etc..L'école de AI : Ribot;'de la Revue

philosophique, n'est pas la seule, Il on1ple ? voit ? 1à- prendre le

malade comme sujet d'observations psychologiques.....

Jil l ^' 1l "i t ? i"\t'<'" " )n'< ? Mt ? ,

Sanford, le clief de laboratoire d expériences psychofo-

-«.1- ilitx. u 'iin . -iiu'' ;i»iw ' 'in ? ', "C'^iitn. r '.<-'T ? ) '

giques, est de même. très connu en A'Ini'ériq"'ute4,' 'o ? ui)ses articles

.sur4eJF)'t<<H .J7W o f Lâiircï `l3oidgincïiz, , publiés,, en./1886-188' ? i

dans"l'Oveylzd Mozthly,iont été., très remarqués. On, lui-doit

,un nouveau' ehronoseope.nnq 'îjïU$;M)v>fli 9'tt0lA'f0(f 11 aJa ? <n<t'

s J Leineurologiste, M.'Donaldsôn; médecin'distingué; est-l'au-

teur de travaux appréciés sur l'anatomie et la physiologie des

cellules neryeuses'des"ganglipns'spinaux, sur'l'ahatomiedu

cellules^neryeuses*l'des>'gangHpnsiV'spinaux,' sur,'ranatbmie. : du

.cerveau,-etc.; il a étudié aussi le cerveau de Laura Bridgman ? la

lfameuse''soûrde=rriuette=âvèùgle,; le, sens dé .là", température,

les sensations motrices de la peau,,etc. sj, â1ri0;. nu * ? L pliipart'dé's autres professeurs sont des hommes dont. la

16 - PSYCHOLOGIE.

réputation, malgré leur jeune âge, est déjà faite de l'autre

côté de l'Atlantique. D'ailleurs, M. Stanley Hall, le grand

chef, a apporté un soin des plus judicieux au choix de ce per-

sonnel d'élite, qui le seconde de la façon la plus remarquable.' ''

On le voit ici, une fois de plus : Point n'est besoin du con-

cours sur épreuves pour assurer à une jeune Université une

phalange de maîtres du plus brillant avenir scientifique.

Le Laboratoire de Psychologie expérimentale comprend

quatre sections : 1° le laboratoire de neurologie (2 chambres);

2° le laboratoire d'anthropologie (2 chambres) ; 3° le musée

pédagogique, annexe des cours d'été, destinés aux professeurs

d'autres écoles, qui viennent à l'université travailler pendant

leurs vacances; 4° le laboratoire de psychologie expérimen-

tale proprement dit. '

Ce dernier laboratoire, le plus important, comprend quatre

chambres, situées au second étage du grand bâtiment cen-

tral de Clark University (fig. 2) : l'une d'elles est vaste; les

autres sont de dimensions plus restreintes. La grande salle sert

de laboratoire général et de salle de dépôt pour les instru-

ments. L'une des petites est réservée aux expériences chrono-

métriques; une autre sert d'atelier; la troisième constitue le

laboratoire particulier de M. Sanford. Au troisième étage du

même bâtiment, se trouve une seconde salle assez grande,

utilisée plus spécialement par les expériences publiques et

pour les gros instruments.

Parmi les appareils que nous avons pu reconnaître dans ces

appartements, au cours de notre rapide visite, nous citerons le

kinésimetre de MM. Hall et Donaldson, une création de la mai-

son ; le dynamomètre bilatéral et celui de Galton; le thermo- .

esthésiomètre ; la table de rotation d'Aubert pour l'étude du sens

de la rotation ; l'olfactomètre de Zwaademaker; le chronoscope

deHipp; le sonomètre ; le chromatoskiomètre d'Holmgren; l'oph-

talmomètre; le phacomètre de Snellen; le pseudoscope ;,l'ho-

ropteroscope de Donders ; un télestéréoscope ; l'antirhéoscope

de Hall et Bowditch, instrument américain; l'appareil d'Hering,

pour les contrastes simultanés; le neuromoebimètre de Bow-

ditch(d'HarvardUniversity); des laryngoscopes, kymographes,

métronomes, etc., etc.; sans compter de nombreux instruments

du ressort de l'anthropologie. On nous a soumis surtout des

appareils grossiers, mais ingénieux, construits sur place par les

LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉPIQUE. 17

expérimentateurs qui travaillent dans ces laboratoires, et qui

ont été imaginés dans le seul but d'élucider un point particu-

lier de leurs recherches. On m'a montré là les pièces qui ont

servi à une étude histologique des plus délicates, les transforma-

tions subies par les cellules des centres nerveux sous l'influence

de causes diverses, et je n'ai pu qu'admirer la patience et l'ha-

bileté technique du jeune assistant qui a mené à bien un tra-

vail aussi complexe.

La bibliothèque psychologique de cet Institut est aussi

digne de mention. On y trouve des collections rares, au moins

en Europe : celles de The Jloizist, International Journal of

E, thies, Journal of the Society for psycltical Researclt, Journal

of comparative 11'eurology, etc., etc.

Parmi les travaux les plus importants sortis de ces laboratoires

depuis 'quelques années, je mentionnerai en particulier : The

psychology of lime, de M. Herbert Nichols, un des fellows de

psychologie de l'université ; On the developpment of voluntary

iiotorability, de M. W"* L. Bryan ; The study of childei-n at the

state normal school at Worcester, parHarlowRussnell; A micros-

copicalstudy of changes due to fu2zetionalactivity in nerve celles

(1892), de M. C. F. Hodge, dont je citai à l'instant les belles

préparations ; An lal oratory course in physiological Psycho-

logy, séries d'articles de M. IeD''Sanford, parus dans l'Am.

Journ. Psych. (vol. IV et V) ; et, du même auteur, A new visual

illusion, in Science, 17 fév.1893; Illusions of memory, in

Scribner's Magazin, 1892, de M. Burnhads; de M. J. H.

Leuba : An instrument for demonstrating Weber's law in star

magnitudes, in Am. Journ. Psych.; On facial vision and the

pressure sensé of the drunz of the ear, de M. Fletcher B.

Dressler (idem, 1892), etc., etc.

Il s'agit donc là d'un véritable Institut de Psychologie expéri-

mentale, qu'on pourrait comparer à notre Ecole d'Anthropo-

logie de Paris, qu'une université aurait incorporée. C'est d'ail-

leurs Clark University qui publie la revue, très appréciée des

hommes compétents, l'Anzericazz Journal of Psychology, dont t

M. Hall est le fondateur (1887) et le rédacteur en chef, et qu'a

signalée M. H. de Varigny. M. Hall dirige encore The Pedago-

gical Seminary , importante revue consacrée aux questions

pédagogiques depuis 1891.

Les élèves, suivant ces cours de hautes études, étaient en

1892 au nombre de 18 seulement; ils les fréquentent trois ans

Archives, t. XXVIII. 2

18 HISTOIRE ET CRITIQUE.

et deviennent ultérieurement des, professeurs spécialisés, très

recherchés par les divers collèges.

Je suis convaincu que ces quelques remarques sur Clark

Universily, sur ses cours et ses laboratoires de psychologie,

suffiront à montrer quelle impulsion un professeur de talent

peut donner à une institution', quels résultats un homme de

grande énergie peut atteindre, quand, soutenu par des dona-

teurs généreux, il est simplement guidé dans son entreprise

par l'amour de la science et des idées personnelles, toujours

originales. N'est-il pas regrettable que de tels hommes ne

puissent jamais dans notre pays faire ainsi preuve de leur

vigueur morale, de leurs qualités d'organisateurs ? Mais quel

est le système qui n'a pas ses défauts... et il faut reconnaitre

que celui des Américains est loin d'en être dépourvu. L'idéal

serait peut-être de concilier les deux procédés, celui de l'An-

cien et du Nouveau Monde; mais je doute fort qu'on y par-

vienne jamais chez nous.

histoire ET critique

BARBE BUVEE

EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRETENDUE

POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1658-1663).

(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque

nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)

Par le De Samuel GARNIER,

Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon.

V. L'Information du commissaire Legoux fut absolument

étendue et complète, puisqu'il entendit jusqu'à soixante-dix-

sept témoins. Son objectif était de dégager la vérité de ce

' La première réunion de l'American Psychologicâl Association a eu

lieu à Claik University, de même que, en 1892, la réunion annuelle de

1 ! Association des directeurs d'asiles d'aliénés.

BARBE BUVÉE. 19

qu'il soupçonnait, et, pour cela, il s'enquit soigneusement de

tout ce qui concernait Barbe Buvée . Ses investigations

s'étendirent à tout ce qui avait pu donner crédit à l'accusation

de magie, de sortilège et d'infanticide. Il n'eut garde d'ou-

blier que l'éloignement du monastère du prêtre Nouvelet

avait été causé par les tentations charnelles qu'éprouvaient .

pour lui huit religieuses, et en scrutant la conduite de cet

ecclésiastique avec ces ' religieuses, afin de découvrir si les

tentations précitées n'avaient pas eu de suites fâcheuses, il

fut aussi appelé à examiner la conduite des autres exorcistes.

Il arriva ainsi à établir les preuves testimoniales d'un com-

plot fait pour perdre Barbe Buvée, de la supposition cer-

taine contre elle des crimes d'infanticide, de magie et de

sortilège, et du mensonge de la possession des religieuses.

La conduite des exorcistes ressortait dé tout cela d'autant

plus suspecte qu'il découvrit en outre des indices de la gros-

sesse de soeur Marguerite Jamain et des présomptions contre

d'autres.

Les déclarations des religieuses prétendues possédées et

des autres concernant la magie, le sortilège, les actes lubri-

ques et les prétendus accouchements imputés à soeur Buvée,

soigneusement recueillies par le commissaire déjà muni des

procès-verbaus de l'official à cet égard, furent trop impor-

tantes pour qu'il ne soit pas indispensable d'en donner dès

maintenant une analyse aussi courte que possible, tout en

étant complète. En montrant en outre, à l'aide de faits tirés

de la procédure de AI. Legoux, combien il y eut de superche-

rie et de mensonge, du côté des prétendues possédées et des

exorcistes, nous justifierons ainsi amplement les convictions

qui inspirèrent au Parlement la sentence rendue dans cette

affaire, et les conclusions médicales elles-mêmes de cette

époque.

La première déposition fut celle de Marie Borthon, qui se

crut possédée dès 1658. Elle raconta que soeur Buvée devait

avoir commerce avec les démons puisqu'elle avait reconnu à

ses yeux qu'elle-même était possédée. Puis elle ajouta que ' 1

« les baisers reçus de la soeur Buvée lui causèrent « de

grandes tentations contre la pureté pour Nouvelet » et qu'elle

lui avait fait « des attouchements par dessus les jupes », ce

1 Fonds français. Manuscrit « Preuves qui résultent, etc. N° 18696, folio 147,

Bibliothèque nationale.

20 HISTOIRE ET CRITIQUE.

qui lui persuada que ces pratiques avaient fait rentrer dans

son corps les démons qui en étaient sortis. 1 1

Pierrette Boillaut déclara qu'ayant coupé des manches

dans une vieille tunique de soeur Buvée pour remplacer les

siennes, elle souffrit, après avoir mis ce vêtement ainsi réparé,

de grandes tentations de la chair.

Marie de Laramisse déposa que soeur Buvée étant venue

assez souvent, dans sa chambre, allumer sa lumière, elle fut

persuadée que les maux de tête et de ventre dont elle eut à

souffrir ensuite provenaient de l'influence mauvaise de cette

soeur; et elle le crut d'autant mieux qu'elle ne pouvait lire

son office dans son livre quand soeur Buvée avait eu occasion

de s'en servir. ,

Gabrielle Jamain, novice, se plaignit de douleurs d'estomac

et de coliques provenant de ce que la même soeur lui avait

soufflé dans la bouche et mis la main sur la gorge. Elle

raconta ensuite avoir vu, par une fente de la muraille, dans

la pièce où soeur Buvée était détenue, celle-ci en compagnie

d'un bénédictin appelé dom Claude; mais ne put décrire le

vêtement de ce dernier, à l'exception de son scapulaire gris

brun.

Charlotte Joly, professe depuis une dizaine d'années,

déclara que, depuis cette époque, elle était tourmentée de

visions' « de spectres, de lions, de bestes affreuses qui avoient

de longues queues », et que, depuis la même date, il lui

venait des pensées de désespoir contre la religion, le Saint-

Sacrement ; elle dit aussi qu'en 166o, étant en compagnie des

soeurs Borthon et de Malo, vers six heures du soir, elle vit la

soeur Buvée en même temps dans deux endroits différents, et

dans l'un, le diable Asmodée en forme de singe en feu (cette

déposition ne fut pas confirmée par les deux autres témoins

qu'elle citait). Elle ajouta qu'elle avait aperçu soeur Buvée et

soeur Gabrielle de Malo 1 « se baiser la langue à la bouche »

et mentionna, devant l'official qui leva tous ses scrupules,

qu'elle les vit, la main sous leur jupe, se faisant des attou-

chements réciproques; que du reste la soeur Buvée voulut

la baiser et lui mettre la main sous la guimpe ; qu'enfin deux

prêtres apostats de Genève heurtèrent un jour la fenêtre de

cette soeur et décrivit le costume de l'un d'eux.

' Manuscrit n' 18696, loc. cit., folio 148.

2 Id., loc. cit., folio 149.

BARBE BUVÉE. 21

Soeur Marguerite Jamain imputa à soeur Buvée les tentations

d'impureté, de désespoir et d'impiété dont elle se disait assié-

gée, et prétendit avoir souffert plus de cinquante fois' * les

accouplements des démons et des sorciers; qu'ils se sont

servis, pour la violer, de bâtons, de linge >, et qu'en ayant

trouvé dans son lit, elle les a jetés au feu. Elle affirma que

soeur Buvée lui avait fait de sales attouchements, l'avait solli-

citée de se faire sorcière, en lui disant que, bien qu'elle'fût elle,

même la reine du sabbat, elle se soumettrait à elle; que le

diable Asmodée prit une fois, dans le choeur, la forme de soeur

Sainte-Colombe, et que celle-ci l'obligea d'appeler Asmodée

en ces termes : « Viens, mon coeur; viens, mon amour; tu es

ce que j'aime le mieux . Elle dit en outre' qu'étant au choeur,

elle avait vu une fois la même soeur Colombe qui communiait

retirer de sa bouche l'hostie pour la mettre dans son mou-

choir ; que l'ayant suivie, quand elle fut rentrée dans sa

chambre, elle l'entendit raconter à un homme qu'elle venait

de prendre le Saint-Sacrement pour causer des peines d'impu-

reté dans le couvent, et enfin que, dans la nuit qui suivit,

soeur Buvée lui apparut 3, « tenant d'une main l'hostie » déro-

bée le matin « sur laquelle il lui sembla voir d'un côté la

partye honteuse d'un homme », et de l'autre un crucifix dont

le Christ portait « un des bastons desquels les sorciers et les

démons se servoient pour commettre sur elle des actions

impures », ce qui lui fit pousser d'horribles blasphèmes. Elle

ajouta que, lorsqu'elle communiait elle-même, ayant en sapes-

session des images pieuses ayant appartenu à soeur Buvée, elle

s'imaginait que Notre-Seigneur prenait la forme d'un homme*

« pour commettre sur elle des actions impures et qu'à l'ins-

tant elle les ressentait D : que les deux prêtres apostats qui

apparaissaient dans le couvent' luy ont mis des hosties

consacrées dans les partyes » et s'accusa elle-même d'avoir

brûlé des crucifix, des images et proféré des blasphèmes

contre Dieu et la Vierge.

Sur les observations de M. Legoux, qui s'était d'abord

refusé à insérer tout ce qu'elle avait dit, en l'invitant à l'écrire

' Manuscrit n° 18696, loc. cit., folio 149. '

2 Id., loc. cit., folio 15 o.

' Id., loc. cit., folio 1 50.

* ld., loc. cit., folio i 15 o.

Id., loc. cit., folio 1 50.

22 HISTOIRE ET CRITIQUE.

elle-même, soeur Jamain répliqua avec colère qu'il fallait

rédiger toutes ses déclarations, qu'elle ferait ses plaintes, s'il

en était autrement, de ce qu'il avait cherché à l'intimider, car

il était nécessaire que tout cela fût connu.

Soeur Françoise Borthon, dite de la Trinité, professe,

déposa qu'ayant dérobé quelques images de piété à soeur

Buvée. elle ressentit aussitôt des tentations violentes contre

la foi et la religion et se mit à proférer des blasphèmes. Elle

raconta également qu'un jour, dont elle ne put préciser la

date, le diable Asmodée lui apparut sous forme d'un homme

de cour, aux cheveux blonds et bouclés, vêtu de drap noir de

Hollande, qui la viola sous la galerie, et dit en riant qu'on

peut vérifier qu'elle est déflorée. Puis elle continua sa dépo-

sition en assurant qu'une nuit, dont la date lui échappait,

soeur Buvée s'était montrée à elle accompagnée de deux prê-

tres apostats, César Auguste et Macaire, et lui avait dit : « Tu

es enceinte, il faut te délivrer pour sauver ton honneur ; »

qu'aussitôt la même soeur lui avait mis « la main dans les

partyes, les lui ouvroit de force et luy fit rendre quantité de

sang clair et en caillotz ». Elle déclara en outre, que souvent

elle sentait quelque chose qu'on lui mettait « dans les partyes

comme un fer chaud » ; que dans les agitations de l'exorcisme

les boyaux lui sortaient du ventre « par les partyes », mais

que son exorciste duquel elle expérimentait « tous les jours

les secours, les rétablissait en un moment » ; qu'elle n'a fait

ses plaintes qu'au sieur Bretin, son exorciste, e de ce que la

soeur Buvée lui avoit déchiré les partyes honteuses, et ne les

avoit faict voir ny au chirurgien, ny à l'apothicaire, parce

qu'elle a creu que son mal provenoit d'une cause extraordi-

naire, l'exorciste seul pouvant le guérir @,; qu'enfin la soeur

Colombe la fit asseoir une fois sur ses genoux et lui mit "-

« son doigt dans les partyes comme un homme aurait faict D .

Humberte Borthon, dite de Saint-François, soeur de la

précédente et encore novice, raconta qu'un jour, dans une

chambre de la communauté, un sorcier nommé Poitrin se

présenta à elle et que, sur un signe fait à ce sorcier par soeur

Buvée qui était présente, elle tomba « comme pasmée »

pour demeurer en cet état depuis dix heures jusqu'à mi-

1 Manuscrit ne 18696, loc. cit., folio li2.

' Id., loc. cit., folio 152.

' Id., 'ce. cit., folio 152. ,

BARBE BUVÉE. 23

nuit; » que pendant ce temps, il lui sembla c avoir esté trans-

portée en enfer » où elle vit tourmenter des âmes par des 's

choses affreuses « des lions, des ours, des chiens et autres

semblables ». Elle dit également que les démons « l'avaient

violée avec des boyaux a ; que soeur Buvée lui avait mis « un

serpent dans les partyes >, lui avait déchiré « la matrice i, ce

dont son exorciste Denizot l'avait guérie et qu'elle l'avait

« baisée » et s'était mise sur elle comme un homme sur

une femme. Elle déclara qu'elle souffrait lorsqu'elle avait des

images appartenant à soeur Buvée, des tentations d'impureté

pour cette soeur; que celle-ci lui ayant touché la mâchoire,

attacha ainsi à sa personne le démon Herpha de la compa-

gnie de Mélifa; que dom Claude, bénédictin, lui mit la main

sur la langue pour l'empêcher de faire des plaintes à la supé-

rieure ; que soeur Buvée lui proposa un jour le mariage avec

un prêtre apostat, et que, sur son refus, la même soeur lui fit

des menaces à la suite desquelles elles ressentit à l'estomac,

où les diables s'étaient sans doute retirés sur l'ordre de soeur

Buvée, des douleurs vives que son exorciste Bretin réussit à

calmer en y mettant la main.

Soeur Gabrielle de Malo rapporta de son côté avoir

entendu heurter aux fenêtres de soeur Buvée pendant la nuit

et celle-ci répondre : « passez par la cheminée, » mais qu'elle

ne vit personne; que cette soeur la sollicita un jour de se

faire sorcière et empêcha une fois, en lui touchant les lèvres,

l'effet d'une médecine, jusqu'à ce que son exorciste appelé

eût détruit ce maléfice. Elle confessa avoir eu des tentations

de'désespoir, avoir brûlé des images, voulu se jeter dans un

puits, et avoir souffert. du fait des sorciers et des démons,

des choses que la pudeur lui empêchait de spécifier, comme

par exemple d'avoir vu, lorsqu'elle communiait des repré-

sentations déshonnêtes.

Soeur Jeanne de Malo raconta à son tour que soeur Buvée

lui avait soufflé dans la bouche pour lui faire des incanta-

tions ; qu'après être rentrée en possession d'un reliquaire

prêté à la même soeur, elle fut tentée de se faire sorcière;

que les démons lui ont dévoilé qu'en 1635, soeur Buvée s'était

fait recevoir sorcière à un sabbat où Asmodée tenait la place

de Lucifer, que la réalité du Saint-Sacrement n'était qu'un

conte, et que soeur Buvée ne tomberait pas sous le bras

' Manuscrit 18696 B.N, lor. cil.

24 HISTOIRE ET CRITIQUE.

séculier. Elle reconnut avoir eu des pensées d'impureté,

comne par exemple que la Vierge n'était qu'une femme qui

avait fait un enfant qu'elle aurait ensuite étouffé. Elle affirma

aussi que les démons s'étaient servi de boyaux pour com-

mettre sur elle des actions impures, lui ' avaient fait des

attouchements et souffrir des' choses que la pudeur lui

empêche de dire; que lorsqu'elle communiait à proximité de

soeur Buvée, elle ne pouvait consommer les saintes espèces

ou croyait voir « ' un spectre impur d'homme et un de femme

qui commettoient des actions déshonnêtes » ; qu'enfin elle a

vu soeur Buvée faire sur elle « des regards et des attouche-

ments impurs », sans pouvoir en indiquer la date; que le

père Macaire a été envoyé pour lui causer des peines d'im-

pureté et des doutes qu'elle ne peut exprimer, contre la foi

et le Saint-Sacrement.

Anne Piron déclara que les démons lui avaient suggéré

que soeur Buvée était la cause des maux du monastère, que

les mêmes démons et les sorciers lui avaient fait souffrir des

choses que la pudeur l'empêche de dévoiler; que soeur Buvée

a voulu la baiser et mettre la main sous sa guimpe.

Lazare Arnier fit au sujet de Barbe Buvée les mêmes décla-

tions, puis elle ajouta que trois jours avant la procession, le

jour de Saint-Simon et de Saint-Jude, elle savait que soeur

Buvée serait accusé de magie et de sortilège. Elle se reconnut

de plus coupable d'avoir proféré des blasphèmes contre

Dieu, d'avoir, chanté des chansons contre la Passion, dit que

saint Joseph n'était qu'un charpentier, que la sainte Vierge

était une femme comme une autre ayant eu deux enfants,

dont l'un, celui qui avait été crucifié, n'était pas le fils de

Dieu, afin, disait-elle, de décharger sa conscience, ajoutant

qu'elle avait aussi brûlé des images de la Vierge, l'ayant

crue sorcière, et prenant Jésus-Christ son fils pour le grand

sorcier du Sabbat.

Soeur Jeanne Jurain déposa que soeur Buvée, depuis son

retour de Flavigny, n'était plus la même, répondant avec peu

de respect aux supérieurs, et plusieurs religieuses affirmèrent

qu'elle ne faisait pas les génuflexions imposées par la règle,

qu'elle s'abstenait souvent de chanter au choeur, et, qu'aux

récréations elle pinçait ses compagnes par-dessus la jupe.

1 Manuscrit n" 18696, loc. cit., folio 154. Bibliothèque nationale.

BARBE BUVEE. -là

Henriette Cousin se plaignit qu'en déchargeant un jour du

foin, soeur Buvée la fit tomber, la baisa et qu'elle sentit sa

main proche de son genou. Elle prétendit en outre qu'un jour

où elle était alitée à l'infirmerie, la même soeur lui mit la

main sur la gorge et la baisa; que protestant contre un tel

acte, soeur Buvée répondit alors qu'elle croyait baiser une

image.

D'autres religieuses firent grief à Barbe Buvée, devant le

commissaire, de ne pas employer un temps suffisant pour sa

préparation à la communion ou pour ses actions de grâces.

et d'avoir été communier après avoir dit un mensonge. Elles

racontèrent que soeur Buvée avait avoué que son ange

gardien était Trigory, tandis que c'est un diable qui possède

soeur Piron.

Un témoin déposa avoir entendu dire que soeur Buvée avait

écrit au curé Borthon, avec du jus d'oignon, des vers remplis

de termes d'amour. Un autre déclara que Barbe Buvée avait

donné une cédule au diable, signée de son sang; une autre

enfin avoir entendu dire à soeur Colombe que les sorciers

prenaient les hosties consaciées dans les ciboires, et les por-

taient au sabbat. Soeur Marguerite Jeannel, supérieure,

raconta avoir reçu des plaintes de baisers et autres actions

impures commises par soeur Buvée sur d'autres religieuses,

mais répondit au commissaire qui lui demandait si elle avait

informé les supérieurs de la maison, ou si elle avait infligé

des pénitences à cette soeur, qu'elle n'avait pas cru devoir le

faire parce que tout s'était passé en secret. ,

Bien que les accusations d'infanticide eussent été, comme

nous l'avons vu, désavouées à la plaidoirie de la cause par

Seuguenot, avocat du promoteur de Salin, les informations

du Commissaire portèrent néanmoins sur les prétendues

grossesses de Barbe Buvée; en effet les religieuses persis-

taient à dire qu'elle avait eu, des accouplements des sorciers

et des magiciens, deux enfants qu'elle avait fait disparaître.

Or, il n'y eut aucune preuve des crimes d'infanticide-, ni de

signes de grossesse antérieure. Du reste, on ne put jamais

dire en quelle année, ni en quel mois, Barbe Buvée était

accouchée. Tout se borna à des propos malveillants, émanés

de servantes ou de religieuses racontant avoir entendu dire

qu'elle avait fait un enfant à Flavigny, lui avoir vu le ventre

et les seins volumineux, mais à des dates qui variaient entre

2(j HISTOIRE ET CRITIQUE.

elles de un à quatre ans. L'une disait que voyant soeur

Buvée demander des potages au lait. elle crut que c'était une

envie de femme enceinte ; l'autre expliqua. de son côté, qu'elle

l'avait supposée enceinte, en la voyant vomir le matin avec

effort. Une troisième déclara qu'ayant frictionné les jambes

de soeur Buvée, elle eut l'idée qu'elle voulait ainsi se procurer

« l'abord' ». Une quatrième fit remarquer que soeur Buvée

avait demandé du linge plus souvent qu'à l'ordinaire, qu'elle

marchait plus difficilement à un moment donné, que sa pos-

ture au choeur était celle d'une personne qui a le ventre gros ;

tous motifs pour elle de la croire enceinte, d'autant plus,

qu'après une médecine, son ventre parut diminué. Une soeur

infirmière raconta bien que soeur Buvée fut saignée et resta

à l'infirmerie pendant quelques jours, sans pouvoir affirmer

si elle eut une perte de sang ; mais le chirurgien ordinaire

des Ursulines, Pierre Borthon, déposa qu'il ne l'avait saignée

que cinq fois pendant les neuf dernières années, et toujours

avec des intervalles de sept à huit mois.

Deux autres religieuses parurent citer des faits plus signi-

ficatifs en apparence : la première, Gabrielle de Malo, en

déclarant avoir vu soeur Buvée tenir à la main un vase "

« dans lequel il y avait du sang », alors qu'elle sortait de sa

chambre, vers onze heures du matin ; .la seconde, Marguerite

Jamain, en racontant qu'en hiver, à quatre heures du matin,

étant allée à l'oraison et se promenant dans le jardin pour

prendre l'air, elle avait aperçu du parterre où elle était, soeur

Buvée ouvrir la fenêtre de sa chambre et verser un vase'

« rempli de sang dans lequel il y avait une peau qui s'attacha à

la muraille ». Mais outre que ces deux dépositions n'avaient

point de conformité entre elles, l'une parlant de onze heures,

l'autre de quatre heures, et soeur Buvée sortant ici de sa

chambre le vase à la main, tandis que là elle le versait par

la fenêtre, on s'expliqua difficilement comment soeur Colombe

pouvait se trouver dans sa chambre et non pas à l'oraison

puisqu'elle n'était pas malade, et en outre, la possibilité de

distinguer du sang à quatre heures du matin en hiver, à la

distance indiquée.

La même Marguerite Jamain répéta devant le. Commissaire

1 Synonyme d'avortement.

* Manuscrit 18696, loc. cit., folio 14. ,

1 Id., loc. cil , folio 14;.

, BARBE BUVÉE. 2T

le récit qu'elle avait fait devant l'official, de l'accouchement

de soeur Colombe auquel elle disait avoir assisté pendant le

carême de 1660, alors qu'elle couchait dans une chambre de

communauté avec quatre autres soeurs, sous la surveillance

de soeur Julienne Surmain. Elle avait déclaré à l'official avoir

vu soeur Buvée descendre par la cheminée avec deux prêtres

apostats vêtus, l'un d'une soutane de camelot de Hollande,

l'autre d'un surplis et d'un bonnet carré, et quelques femmes

qui l'accompagnaient, puis s'asseoir près du feu de la che-

minée pour y accoucher d'un enfant qui fut reçu par l'un des

prêtres. Elle avait prétendu que l'autre prêtre, s'étant

approché de son propre lit, avoir voulu l'obliger à recevoir

ce nouveau-né, ce qu'elle avait refusé de peur qu'on ne crût

qu'il était à elle ; qu'alors soeur Colombe l'avait menacée de

l'en faire repentir et de lui'faire souffrir les douleurs de l'en-

fantement ; qu'aussitôt elle avait été prise de coliques et

d'une perte sanguine de trois quarts d'heure; que s'étant

levée, elle avait trouvé dans son lit une pièce de chair ou de

sang caillé, gros comme le poing, qu'elle avait jeté dans le

feu, sans le faire voir à ses compagnes, et en l'absence de

soeur Surmain qui s'était rendue à matines. '

Dans sa version devant le Commissaire, Marguerite Jamain

introduisit des variantes très suggestives. Au prêtre apostat

du premier récit, elle substitua un dom Claude, bénédictin,

par un ressentiment évident de ce que le P. Joseph, béné-

dictin, qui l'avait exorcisée, avait déclaré à son sujet, qu'elle

n'avait donné aucun signe de possession. Au lieu du prêtre-

qui avait accouché Barbe Buvée, elle déclara au Commis-

saire que ce fut une villageoise. Devant l'official, l'accouche-

ment avait eu lieu près de la cheminée; devant le commissaire

ce fut sur un matelas apporté à cette intention. Même con-

tradiction pour la perte de sang, qui, de'trois quarts d'heure

devant l'official, eut une durée d'une heure et demie devant le

Commissaire. Marguerite Jamain avait ensuite affirmé à l'of-

ficial avoir trouvé, dans son lit, une peau de chair ou de sang

caillé ; de peur qu'on ne pût en tirer des présomptions à son

désavantage, elle dit au Commissaire l'avoir trouvée près du

feu, à l'endroit où Barbe Buvée était soi-disant accouchée.

D'autre part elle lui déclara, sans en avoir parlé à l'official,

que soeur Colombe, lui ayant apparu une nuit, l'avait me-

nacée, si elle déposait qu'elle lui avait vu faire un enfant dans

28 HISTOIRE ET CRITIQUE.

sa chambre, de dévoiler à son tour qu'elle en avait eu un de

Pelletier, son exorciste. Or, comme depuis sa déposition

devant l'official, elle fut avisée que plusieurs religieuses avaient

déposé sur des remèdes employés contre une prétendue

hydropisie dont elle aurait été jadis malade, on put en inférer

que cette adjonction lui fut conseillée dans le but de détour-

ner les soupçons, et par surcroit, y voir une preuve indirecte

qu'elle imputait, dans ce cas, à soeur Buvée, ce qu'elle-même

avait fait. Les remèdes employés contre la dureté de foie et

l'hydropisie que trois religieuses prétendaient avoir été' la

maladie de Marguerite Jamain, donnèrent aussi matière à

réflexion. Par les dépositions des chirurgiens Borthon et Des-

moulins, on établit qu'elle avait été saignée cinq fois (dont

trois fois en octobre-novembre), la première datant de juin, ses

époques étant arrêtées depuis la même date, et qu'à la der-

nière saignée, les règles parurent (ce dont Marguerite Jamain

témoigna grande joie), accompagnées, comme elle le déclara

elle-même, d'un sang clair et en caillots. Le livre de la phar-

macie ne mentionna, en fait de remèdes délivrés à cette soeur

que de l'eau minérale sur la composition de laquelle ni

l'apothicaire, ni la soeur de la pharmacie ne purent donner

les mêmes détails, si bien qu'il sembla évident que l'on ait

voulu cacher les véritables remèdes dont on se servit pourla

guérison de cette prétendue hydropisie.

Quoi qu'il en soit de la vérité sur ce qui concernait soeur

Jamain, comme celle-ci fixait l'accouchement attribué plus

haut par elle à soeur Buvée, au carême de ;66o, son allégation

fut reconnue, en dehors d'autres preuves, d'autant plus men-

songères que plusieurs religieuses affirmèrent de leur côté

avoir vu, dans l'été de la même année, le ventre et les seins

de soeur Colombe plus gros qu'à l'ordinaire, de sorte qu'a-

près son accouchement, son ventre serait ainsi encore resté

enflé.

Il importe de faire remarquer que, devant l'official

d'Auxonne, aucune des soi-disant possédées n'avait introduit

des obscénités comparables à celles dont elles remplirent

leurs dépositions devant le Commissaire. Mais comme elles

ne s'en avisèrent qu'aussitôt après que le P. Godin eut

déclaré que ces choses horribles provenaient de l'obsession,

il y eut grand sujet de croire qu'elles mirent à profit cette

imprudente remarque. Non contentes d'imputer à Barbe

BARBE BUVÉE. "" 29

Buvée les pensées d'impureté qui les assiégeaient et les actes

lubriques qui émaillent leurs dépositions, nos prétendues

possédées lui attribuèrent encore leurs coliques, leurs fiè-

vres, leurs indispositions de toute nature. Plusieurs se

plaignirent que son haleine leur avait causé des maux de

tête dont la disparition coïncida avec son départ pour Dijon.

Une prétendit que soeur, Buvée avait empêché par son

regard, la soeur Saint-Michel de se confesser à l'article de

la mort, tandis qu'une autre, affirmait avoir ressenti des

chaleurs très grandes après avoir bu de l'eau, sur laquelle la

même soeur Buvée avait fait des bénédictions. Enfin, dans les

exorcismes les prétendus démons qui parlaient par la bouche

des possédées, assurèrent que le curé Borthon était mort

pour avoir pris également des mains de soeur Buvée, entrée

dans sa chambre un jour qu'il avait laissé la fenêtre ouverte.

une poudre composée d'os d'enfant de sorcier et d'autres

ingrédients, ce qui lui avait donné un mal de gorge mortel,

tandis que le chirurgien Borthon avait affirmé qu'il était mort,

comme nous l'avons vu, d'une hernie qui fut traitée par le

chirurgien Guibaudet. i

Les exorcistes de leur côté prétendaient démontrer la réa-

lité de la possession par tous les signes déjà donnés plus

haut, et lorsqu'ils étaient priés par le Commissaire d'indiquer

comment ils avaient pu connaître l'existence de corps étran-

gers dans les parties honteuses de ces religieuses possédées,

ils répondaient que le diable le leur révélait pendant l'exor-

,cisme. Ils ajoutaient, à l'appui de leur démonstration de la

possession, « que ces religieuses tomboient dans les exor-

cismes comme pasmées et qu'elles n'avoient pas les membres

flexibles' 1 » ; qu'elles avaient rendu des sorts, savoir : deux

petits serpents de cire entrelacés avec de petits cordons de

cheveux, des coquilles, des papiers, des morceaux de par-

chemin, des canevas où il y avait des lettres écrites, des

cailloux, des noisettes, et que sous des carreaux elles avaient

trouvé « des sorts consistant en de petits gâteaux de terre et

de graisse ». Mais il fut acquis par des témoignages et des

expertises que ces prétendus sorts étaient composés de ma-

tières identiques à celles trouvées dans les poches d'une des

religieuses ; que les fameuses lettres écrites et trouvées dans

les coquilles, étaient de la main d'un exorciste ; ce qui prouva

' Manuscrit 18696, loc. cit., folio iS6, Bibliothèque nationale.

30 HISTOIRE ET CRITIQUE.

surabondamment son entente avec l'exorcisée. Il fut de même

établi, à rencontre de ce qui était avancé au sujet des préten-

dues possédées, que leurs forces ne dépassaient point celles

de la nature, qu'elles furent impuissantes à déclarer, soit les

choses passées, soit les choses présentes. Ainsi à un nommé

Poitrin, sur lequel elles s'acharnèrent plus tard, elles ne

purent désigner « ce qu'il avoit pris le premier jour de

l'année qui estoit un oignon, ni déclarer de quel bois estoit

le chappelet de Villemerle. procureur, et le contenu d'un

papier qu'il présenta ' ».

Enfin il fut reconnu qu'elles s'exorcisaient entre elles, le

greffier lui-même les ayant surprises, et on trouva, entre

leurs mains, l'histoire de la possession de Louviers et de

Loudun, dont on peut, sous plus d'un rapport, faire le rap-

prochement avec celle d'Auxonne. Toutes ces choses-là et

une infinité d'autres que le temps ne permet pas de rapporter,

furent des preuves « que l'on a tenu que ces filles estoient

possédées pour entretenir quelque mauvais commerce dans

la maison 2 ».

L'attachement des soi-disant possédées pour le prêtre Nou-

velet et ses acolytes, l'aversion contre leur confesseur ordi-

naire Terrestre, depuis qu'il avait nié la possession, furent, à

cet égard, des indices d'une haute valeur; et, en songeant de

plus que les exorcismes se faisaient tout bas, à l'oreille et

dans le lit, on ne put conclure si c'étaient là des exorcismes

ou des entretiens secrets.. z

« Dans les exorcismes secrets aucune d'elles disait qu'elle

n'étoit point agitée, que le diable obéissoit au commande-

ment de l'exorciste de ne pas les tourmenter, mais qu'en

public il les agitoit parce qu'il estoit important de faire con-

noistre la vérité au public 3».

De plus il fut prouvé « 6 que l'on vit, avant que la nécessité

des exorcismes eust ouvert la porte à toutes les heures, sur

le couvert qui respondoit à la cellule de la soeur Jamain, des

pas d'hommes qu'elles disoient (les possédées) estre des sor-

ciers, et la soeur Jamain dit qu'ils entroient en sa chambre ».

Il fut présumable d'après cela c que l'entrée par le couvert

1 Manuscrit 18696, loc. cit., folio 159.

2 Id., loc. cil., folio 160.

3 Id., même folio.

Id., loc. cil., folio 161. ·

BARBE BUVÉE. e3'1

étant plus difficile que celle de la porte, que l'exorcisme

tenoit à toutes les heures du jour et de la nuit ouverte »,

les exorcistes renoncèrent à y pénétrer de la première

manière, et les déclarations des possédées « d'avoir esté vio-

lées par les sorciers et les démons » donna encore des soup-

çons qu'elles imputèrent aux démons ce qui pourrait être

« attribué à d'autres ».

On ne put s'arrêter à des conjectures plus vraisemblables.

quand on se fut rendu compte, de visu, que de la rue on pou-

vait entrer dans la chambre du parloir de la communauté,

dont la fenêtre était dépourvue de barreaux, que depuis cette

chambre, il était facile de pénétrer dans une cour appelée la

cour des dortoirs, dont les couverts étaient si bas et si plats.

qu'après expérience faite, il était commode d'y accéder sans

échelle, et entrer ensuite dans la cellule, soit de la soeur de

Malo, soit de la soeur Jamain. La- première cellule était en

effet, privée de barreaux, et la seconde en avait de si récem-

ment scellés dans du plâtre qu'on pouvait facilement les

enlever. Ainsi s'expliquèrent aisément et sans intervention

démoniaque : i° les faits rapportés par la soeur Marie de

Laramisse qui déclara avoir entendu siffler des hommes, sur

les couverts, heurter à sa fenêtre qui était la seconde après'

celle de soeur Jamain et l'avoir trouvée un jour ouverte; 2° les

déclarations d'un témoin racontant qu'une certaine nuit.

comme on se mettait en devoir d'ouvrir la cellule de la soeur

Jamain, elle mit ses ciseaux sur le loquet pour en empêcher;

et 3° les constatations des murs dégradés, dont les faîtières

avaient été récemment abattues, vraisemblablement en pas-

sant sur elles. La facilité enfin avec laquelle toutes les reli-

gieuses se .découvrirent aux exorcistes « de toutes leurs

maladies plutôt qu'à leurs supérieurs et infirmières D et l'instan-

tanéité des guérisons obtenues, par l'exorcisme, apportèrent

leur contingent « de violentes présomptions de quelque mau-

vais commerce » de toutes ces possédées avec leurs exorcistes.

La moralité des exorcistes eux-mêmes fut trouvée sujette

caution, en dehors de leurs agissements au monastère même;

et, pour ne parler que de Nouvelet plus compromis, sa liaison

avec Claudine Bourgeot dont il se servit pour faire publier

l'existence de la possession des Ursulines, fut de notoriété

publique des plus scandaleuses. En voici plusieurs épisodes

tiré Î,u manuscrit de M. Legoux :

32 , HISTOIRE(ET CRITIQUE.

' ' L'attachement de Nouvelet pour Claudine Bourgeot est

prouvé par ses propresconfessions ; qu'il a conduit et défrayé,

la ditte.Bourgeot et sa^mère au village de Tanay, à Sainte

Jean-de-Losne;,dë Sâint-Jeân-de-Losné, à L.aperrière; .qu'ils ,

furent surpris de la pluie ; qu'estant arrivez. au logis au dit

lieu de Lapérière, on leur alluma du feu. Que la dite Bourgeot

étant proche du dit, inouvelet, lui' passoit les mains sur les

cuisses et sur les. .genoux, qu'il touchoit la teste à la, ditte

Bourgeot; qu'il l'appela dans une chambre séparée, prit un

livre, fist sur elle des bénédictions et sur un petit garçon. Ils

couchèrent en ce lieu de Lâperrière en des, chambres sépa ?

rées. Le dit Nouvelet la faisant manger à table, assise proche

de" luy. Le curé de' Laperrière dit qu'il alla' voir Nouvelet ?

qu'il l'invita à dîner, qu'il y fust invité de la part' d'un jeune

homme qui s'estoit marié, qu'il refusa d'y aller."» 'l .1 1

ai Ce mesme curé dit que sur l'advis qui luy fust donné que

Claudine Bourgeot faisoit scandale il ' obligea Nouvelet de

s'esloigner. De Laperrière ils allèrent à Pagny où la'ditte''

Bourgeot demeure d'accord que le dit Nouvelet coucha dans `

la même chambre dans des litz séparez, savoir : le dit Nou-

velet seul; elle, sa mère et le petit, clerc du dit Nouvelet,' âgé "r

de dix à douze ans, dans une autre.' De là ils allèrent à Char-

nay 2, de Charnay à Châlon, où elle demeura'aussy d'accord

d'avoir logé chez une pauvre femme et d'avoir'couché dans la '

mesme chambre dans des litz' séparez avec le'dit Nouvelet; '

elle ditqu'elle'`fist"deà, prières pendant' neuf jours devant

l'imagé miraculeuse de la Vierge, et qu'un carme nommé'

P. Prosper l'exorcisa' daiisune`maisontreligieusè.'De'Châlôn'

ils prirent résolution d'aller à Dôle. Le père du dit Nouvelet,' ' `

sur l'advis qu'il èn'reçéut et sur les mauvais bruits que l'on ?

faisoit courir de sa conduite avec cette fil 1 ;e' "es crivit à sont

fils de la quitter et de'retourner à Auxonne. Il demeuré d'ac-

cord d'avoir reçu la lettre. Il dit qu'il préféroit la délivrance

de cette fille à tous les faux bruits qu'on faisoit courir de luy ; t

qu'à Chalon il prit conseil de la conduire à Saint-Claude;s

qu'ils passèrent par. Dôle ou estant, son père vint pour l'obli-

ger à quitter la ditte Bourgeot; qu'ayant' tesmoigné à'sbn"

père qu'il nevouloitpas s'en séparer, son père alla trouver les '

magistrats de Dôle pour les prier de faire fermer les portes

' ? ? "3 ' 1 J . I j 1 I 'i >>,( |

1 Manuscrit 18696, loc. cit., folios 167-168. - ' ' ,t ' - in ? ,,

' Charnay-les-Chaions, canton de Verdun sur le Uoubs (Sadue-et-Loire). i, ,

,1W F j r.. .1*

BARBE BUVÉE. 33

et d'empescher son fils de sortir avec cette fille ou bien de

faire arrester par les prestres, le dit Nouvelet, son fils, que le

sieur de Salin, eschevin de la ville d'Auxonne, fut envoyé par

les magistrats à Dôle pour ordonner audit Nouvelet de se

séparer de la dite fille, ce qu'il ne voulut faire. »

« Il est vray que par la déposition du sieur de Salin, il dit

qu'estant par occasion à Dôle, il fut prié par le père de Nou-

velet d'interposer son autorité pour obliger son fils de retour,

ner à Auxonne, qu'il luy ordonna de la part de la chambre

de ville, mais qu'il ne voulut obéyr. »

c Que le sieur Thomas, official, fust député de la part des

prêtres d'Auxonne pour aller à Dôle et ordonna au dit Nou-

velet de retourner à Auxonne, à quictter la ditte Bourgeot

mais qu'il ne voulut pas obéyr; que le père du dit Nouvelet

dit au sieur Thomas que son fils alloit se perdre avec la ditte

Bourgeot. Les raisons pour lesquelles le dit Nouvelet s'excuse

de n'avoir quictté cette fille sont que comme elle apprit le

voyage de son père, du sieur Thomas, official, et du sieur de

Salin, elle entra en des grandes agittations, qu'elle monta sur

un toict, qu'il fist l'exorcisme dans lequel il commanda aux

diables qui la possédoient de la descendre; qu'elle descendit

dans une chambre ou estoit le sieur Thomas, official; que la

ditte Bourgeot se jetta sur luy, luy deschira son collet, ses

gants, luy disant qu'elle avoit pouvoir de faire mourir; que

l'official alla consulter le P. Planchette, jésuite, qui donna con-

seil délaisser continuer le voyage au dit Nouvelet jusqu'à Salin,

ce quiaurait obligéle ditsieur Thomasde luypermettre, et que

pour cela il luy donna des lectres testimonialles de ses vies

et moeurs. Le commissaire lui ordonna de représenter ces lec-

tres, il y a satisfait, elles se trouvent datées d'Auxonne. On luy

demanda pourquoi il impose, il dit que l'official les datte

d'Auxonne parce qu'il n'avoit point de juridiction dans Dôle.

Il est vrai pour les choses qui despendent de la contentieuse,

mais non pas de la volontaire. Mais il est facile de juger qu'il

prétendoit se servir de ces lettres pour faire croire qu'il

avoit continué son voyage à Salins avec le consentement du

sieur Thomas, official. »

Il faut remarquer que dans le mesme procès-verbal il

dit que la ditte Bourgeot pendant ce voyage entroit en des

agittations extraordinaires qui la faisoit courir dans les bois

où il estoit obligé de la suyvre, crainte qu'elle se précipitât.

Archives, t. XXVIII. 3

34 ' 'HISTOIRE ET CRITIQUE. 2-

De Dôle ils allèrent à Salins ou les magistrats de la ville

d'Auxonne donnèrent ordre de faire'arrêter la' fille Bourgeot

, et sa mère. La mère fust. constituée prisonnière, sa fille se

sauva et fuyant t6mba, pasmée sur le pavé. Le, vicaire ide

Salins empescha d'exorciser la ditte Bourgeot parce qu'il luy

dit qu'elle n'avait aucune marque de possession. On empescha

le dit Nouvelet à Salins pendant trois jours de dire sa messe.

Les prestres d'Auxonne et les officiers du bailliage écrivirent

à Nouvelet de retourner, comme sa mère estoit prisonnière,

il retourna après qu'elle fust élargie- des prisons. z

' ' «On laissa entrer dans Auxonne la mère de la ditte Bour-

geot,' mais pour elle on ne voulut pas' la recevoir. Nouvelet

la logea dans une grange qui appartenait à son père ou estant

couchée sur un lit, il la confessa, elle se leva et jeta' un gril

aux assistants. Quelque témoing dépose qu'un nommé Car-

pet, adverty que', la ditte Bourgeot estoit logée en' la' ditte

grange ou il avoit un enfant à nourrir; il y alla pour l'obliger

de la faire sortir,' que la ditte Bourgeot tenoit un.crucifix à la

main, et que ledit Carpet la pressoit de sortir, -de l'autre

main elle se jeta sur le dit Carpet, qu'elle le saisit par les

partyes honteuses qu'elle luy tira de telle sorte que le

témoing dit que pour les faire quitter, il fust obligé de

donner un coup de baston à la ditte Bourgeot. »

« Que le lendemain les magistrats obligèrent la'mère.de la

ditte Bourgeot et sa fille de sortir, qu'ils les firent conduire à à

Fauverney que pour l'y obliger, il fallut mander Nouvelet.

Comme elle l'aperçut elle se jeta à terre et s'adressant à luy

dit : Saulve la mère et 'garde son enfant, que ? Nouvelet lui

mit les pieds sur la teste et luy fit des prières ; qu'elle prit un

gril qu'elle jeta aux jambes des assistans. Que'les magistrats

la. firent conduire sur un chariot appartenant,au père dudit

Nouvelet au lieu de Fauverney avec sa mère. ? i

= Il'est aussy prouvé que la ditte Bourgeot appela .le dit

Nouvelet son papa et que le dit Nouvelet luy appella ma

fille. *<'»% '' r ? t

,' « Au mois de novembre de l'année mil. six'cent soixante,

la dite Bourgeot retourna à Auxonne. Sur l'avis "donné aux

magistrats, ils la fisrent chercher. Le soir elle ne fust pas

trouvée, le lendemain elle se trouva dans la maison de Nou-

velet, cachée sous le four de la maison de son père. »..1 ,

« Un témoing dit que les -sieurs Boisleau et Semel esche-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ,35

vins, donnèrent ordre de faire sortir la ditte Bourgeot, .qu'il

'la rencontra dans la chambre de Nouvelet, qu'il'la fist sortir,

que le soir on ne la put trouver, que la mèrei de Nouveleti la-

.conduisit hors les portes et luy donna; du gasteau. e , '

; *'Nouvelet dit que les magistrats l'avoit obligé de la rece-

voir le soir,' ce qui n'est pas, parce qu'ils-ne l'auroient pas

faict chercher, et si elle avoit esté par leur ordre logée dans

sa maison elle ne seseroit pas cachée sous le four. » ,ir , '

9 Les preuves recueillies qui rendaient la conduite des prêtres

d'Auxonne suspecte,, furent -donc irréfutables.. Celles d'un

complot fait pour perdre soeur Buvée ne se trouvèrent pas

moins solidement établies. D'autre part,, en réfléchissant que

la certitude^de l'existence tde la prétendue^, possession ! ne

reposait en réalité que sur une hypothèse, à savoir que soeur

Buvée étant magicienne, elle aurait eu le pouvoir de faire en-

- trer le démon dans le corpsde quinze religieuses, on ne put

faireautrement,que déduire la fausseté même d'une posses-

sion,,du fait reconnu quesoeur'Colombe n'était ni* sorcière

ni magicienne. ^i, ? ><, 1, 1 r. rti« ^ **< ? t*> Kf

., .. , /4 suivre.) ')

"REVUE DE" PATHOLOGIE1 NERVEUSE.

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^I l r ? Jt 1 "T '. " '9. ,ri· ? f)r ? ,llfw ..1

L SUR U.1CAS. DE LOCALISATION ERRONÉE DES IMPRESSIONS TACTILES

ou allachoestésie ; par GRAINGER Stewart, (d'Edimbourg). (British ? médical journal, janvier 1894, no l'i23.) z, ? j ? , ,;·

Il L'oliservation rde 11.' Grainger rappelle les cas auxquels Obers-

teiner a proposé de donner le nom d'allocliiriè, dans-lesquels une

impressiou donnée'au membre supérieur droit par exemple, est

attribuée par 'Le, malade à une sensation ressentie du côté symé-

triquement opposé. ' -ji- r z

5 L'allocbirie observée, par Ferrier, Fischer, Hammond, Browu-

Séquard, Leyden, Féré, Ge.116, Ga et Weiss peut s'étendre, à la

sensibilité des muqueuses et' tous' les 'appareils' sen'sitifs"senso-

riels ltyr ? ? .' ' ")r "P ' J" W* >I '- 'TJb'T-- <",<ri

'D'après Horsiëy ces transpositions de sensation" seraient liées àL

, une lésion de la zone rolandique. ' t ·1 >'#<* ? v v 1,

iDans le cas auquel Grain.er,propose de/donner leinotn-d'alla-

36 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

choestésie, l'impression est localisée du même côté, mais rapportée

à un point plus éloigné; par exemple une piqûre d'épingle au poi-

gnet droit est prisé pour une piqûre à la pulpe du pouce droit. '

- -it. -. A M\RIE 1

ji.ii.4li '<c ? 4 ? a ? ub)"ap''i.n "NIfln.4C L. *« n 'ir'i«iW,'> .

T- ».i rf>"^ un s' In «3 ? ^m -^ -n wrl. - I , ' i - T .* 1 .y- i.- .3- - 1 T

ll., CASLDjACROlÉG.IL1E ;, par( DRESCHFELD, (de' Manchester). (British

u^l. L ,l ? L..wlodicccl joLcrnal, janvier189, n f 73 ) si,l : -a ?

*' L'observation rapportée est un type de la maladie' de Marie avec

photographie démonstrative"pour les1 déformations' physiques des

extrémités'des membres et de la tête. Comme troubles fonction-

nets le malade présentait l'atrophie des papilles ? ' symptôme rare,

et une dyspnée' intense. Ces deux symptômes liés apparemment à

l'hypertrophie des glandes pituitaires dans le premier cas et thymus

dans le deuxième ? ? "-«« -" aJjflr = 1 ' "v le 71l lot'&" 0

.Comme dans le cas d'Henrot le- corps thyroïde , était lésé mais

formant tumeur, indépendante de celle rétrosternale. Vraisembla-

blement l'auteur attribue ces, dégénérations glandulaires^ une

prolifération de même; nature que le lymphosarcome comme Vir-

chow et-IosterAl'ont soutenu. '0 t n ? ? r' r'

L'auteur rappelle les autopsies confirmatives de cette façon de

voir, entre autres celles de GauthierHoIsti,' Duçhesneau,.cei)es

de Marie et Marinesco où le sympathique était en outre atteint) de

dégénérescence ganglionnaire scléreuse; de Burg, où le chiasma et

la base du cerveau étaient atteints de gliomatose, comme dans le

cas' d'HolshewnikoQ' où'la ·tumeur3gliomateuse-siégeait·dans la

moeiie d'où les symptômes concomitants de syringomyélie. Le trai-

tement·par l'arsenic fit disparaître' le symptôme dyspnée ? pour

lequel'le malade était entré à'l'hOpital,'d'où'i1L'sortit après'trois

semaines. A. Marie. 9' le

' Kj.tati* tiuu i ? a ? i. in;. '-i , <.m · InrL.op : ocaL,s :

IIIP : 1RALYSIE faciale BIL%TÉRALE DUE a l application DU forceps;

par DGEM'DR'rl i' (de' 13-is toi) ? (British* 14edié-al jôiciwàl,vjânvier

"^ 1804 'iî^ 17''3 ) ? s.i'11 ? 'iOtn Si tt.r Rtii'i"1^ ii> u .' jii->*i

.y,a ? wyjr '4t; 6 XD`Jl 9,U' ' Uy » W'tb ,Mle.n ·1 1. IJ 1 1f ? flt '

- o C'est une .paralysie double ? permanente après,, sept, ans, avec

physionomie inexpres-ive (2 photographies), troubles de la parole

par difficulté de prononciation des labiales, altération de la peau

de la face par,épzisrisement dû à l'absenceldes mouvements. des

muscles sous-jaceuls ; épiphorapar instants., é, r., ,.4p A. Marie. t )-<t-

,san4're-asfduur f ? U' ? 1 -.i uà e ? fm ? 9 ? i9, ' B*iU "'n'rç

1V ? t H UIT ' C.1S 1 UE f 1 1CI11 : 1Lli\I\GITE RÉ6LORnH : IGIQOE ; ! par t BONUURANT

h ! 9naa''q ? iffou\aurtï''i<4/ (d'Alabama).ic Midimm -,4 iip .1, f r

Sur ces huit cas, l'un est( une hémorragie suhdurale simple;

quatre sont 'des foyers liémôrrhâgiquès récents, ;mâis'a`vé fausses

membranes, è'n 'voie dé'formation ' : ' les deux , dernières présentent

Jt.J ut.d u,, rIp01111 J I,AS' : 'fit'14y ? 1 ..

v-'i ·v 4m·O·h t) 41C ".Ilji,lijb-10 ! ? ><« " u lu .8b'(1 Jtu>».' >

*. .1 ', , , ! 1 ? ' ,r k ? ! : a·. ? 3c 7

l'-iaqfiis-» ïh< REVUE.DE,PATHOLOGIE NERVEUSE.Et ? ! i ,' ? 37 1

.- »- -f"r t-" »> -...> -I - .r · ·f7 .10 .e .e . il - 1, ? Si -1 n .

la pseudo-membrane sans trace apparente d hemorrhagte. Dans un

cas, il y avait épanchement sanguin dans l'espace subarachhoïdien.

Dans tous il y avait atrophie marquée du cerveau, lésion évidente

de la,pie-mère et endartérile chronique diffuse plus ou moins pro-

noncée. Dans un'cas seulement;' la' dure-mère paraissait-atteinte,

encore celte lésion pouvait-elle n'être que secondaire. L'auteur

passe, en revue^les principales théories^ émises et.se ralliera la

théorie de l'bémorrhagie,primilive par, athéromc artériel..11 pro-

pose pour ces sortes de méningite hémorrhagique le nom,dé lepto-

méningite-hémorrbagique chronique. (The Alienist cLndNetoolorit,

XIV,93, n ? I.,) £ L^--[ fn'& ? tfr 'sesh ? = .·. A·,iIaRIE. ,.·o

- 3 ? d, t" >>"»0'i'ii i(J ' ' hn,'31·,1·... ? C- '«'" ? ) ? <-.q t7ri

V. Atrophie musculaire progressive; par ZENNER (d8, CIIIC : IIIIalI).

Huit observations'avec considérations générales sur les condi-

tions-ordinaires"'d'âge; de sexe; d'hérédité des malades,' l'évolution

de l'affection et son traitement-par l'électricité, le massage et les

injections' hypodermiques 'de'strychnine. (The Alienist and'Neuro-

logist, XIV, 93,,n° t, p. 60.) ' - A. Marie." ' >-

i I : ` LÈl'RE'SYSTÉU.1TI5ÉEF NERVEUSE ' A'* forme SYR1NG031YÉL1QUE par

' Mli.`le Drs PITRESf·et·.J. SABRizÈs. (NouvJ lconâgïi de1 la Salpé-

`9 trière,`r1893' Il ? 3.) °l" w <"*>> ik m,. -t ju, ',) · , ? · ·I,.ri3"9t

î", ..(lit» SiiJii y 9·.r·y ! "·c ! 11'f W yirla5 £ ir. -w1 .e, q m .W 4 11 ,

,,1 Le diagnostic.entre lâf lèpre et la syringomyélie est,.dans cer-

tains cas,, très, difficile. Exemple.,d'un, lépreux pris pendant plu-

sieurs mois pgtir ,un sy rin,,omyélique; c c'est l'examen bactériolo-

gique, d'un fragment de, nerf de l'avant-bras qui fit reconnaître la

lèpre Il ' - ?

Homme de quarante-six ans, non diathésique, non héréditaire

neuropathe, ayant habité la Martinique pendant dix ans, de vingt-

six à trente-cinq ans. A l'âge de vingt-neuf ans, apparition d'une

plaqué d'anesthésie sur le mollet gauche, et peu après plaque

symétrique sur le mollet droit. A quarante-deux ans, apparition

de troubles'trophiques variés : maux' perforants plantaires, exco-

riations ! des mains;'bulles pemphiaoïdes aux jambes et aux avant-

bras, j ûlcérations mutilantes des doigts, des orteils. Cicatrisation

lente eti récidives multiples jusqu'à quarante-six ans. Dissociation

très nette de la sensibilité sur les membres inférieurs, les' parties

génitales et diverses autres régions. En outre, troubles anormaux

de la céneslhésie, comme par exemple la sensation bizarre, couché

au lit, que les membres et le tronc s'hypertrophient et prennent

des dimensions démesurées. ^ t ,

On 'recherché1 le "bacille de* Hanse, sans succès, dans le sang,

dans'1 la' sérosité d'un vésicatoire, dans le' pus des ulcères. On se

décide à exciser un centimètre d'un rameau du musculo-cutane de

l'avant-bras, et, par les procédés ordinaires, on le trouve infiltré

38. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de'bacilles'de Hanseu. 11 existe aussi une névrite parenchyma--

teuseet interstitielle en même temps, de sorte que le nerf est à peu 1

près réduit à'un simple cordon conjonctif. * ? 0, "' ^ ? i-y

Quelque tempsapîès,ialôrë que' le diagnostic était établi par la

découverte des bacilles; des plaques érythémateuses se développè-

rent au niveau de'plusieurs des endroits anesthésiés. Ces plaques

sont caractéristiques delà lèpre^ à 'elles seules elles eussent'fixé

le diagnostic, si elles s'étaient montrées plus tôt. ''' ' ' *%'

On connaît deux autres`faits analogues à celui-ci, et la compa-

raison de ces trois avec les observations de syringomyélie franche

suscite les remarques suivantes : Les malades ont toujours séjourné

dans des pays où la lèpre est endémique ? L'affection n'a jamais

débuté avant l'âge adulte. -' IL existe toujours des 1 symptômes

céphaliques, ce qui prouve que des nerfs bulbaires sont intéressés.'

Il n'existe pas de déviation du rachis et les nerfs cubitaux sont

hypertrophiés. Mais, en somme, l'examen bactériolugique : 'rigou=

reusement conduit, ' reste le principal, sinon le seul élément de

diagnostic." ., .` ' ,.r . . ' ' , ' ' t s 4 i .. , - : ,r . r 1 C. '. . ·.1 ? t eJJ `L c

'VU. Note sur' UN cas d'hyperthiucosf. DE la partie inférieure DU

corps chez un épileptique ; par M. FÉRÉ. (Nouv. /COMO ? ? C<6 la

Salpétrière, 1893, iio 3.)

Un homme de' vingt-huit ans,- épileptique depuis l'enfance, por-

teur de quelques stigmates assez légers de dégénérescence, mais

ne présentant aucun symptôme d'une affection médullaire quel-

conque, offre cette particularité, : alors que la partie supérieure du

tronc et les membres supérieurs sont -labres, les membres infé-

rieurs, les fesses, le pourtour du bassin sont couverts de longs( et

abondants poils noirs. Les, poils sont limités par "üüé iignëtrâny

versale passant par la seconde vertèbre lombaire ? , , ? J)

L'hyperthricose localisée est un trouble trophique en rapport avec

une( affection des nerfs, celle qui est localisée aux membres infé-

rieurs, et, admet-on, sous, la dépendance de lésions médullaires,' on

l'observe parfois dans la myélite chronique, lapâchÿméuingite; la

paraplégie traumatique. On voit qu'il y a des exceptions à cette pro-

position, et que l'hyperthricose systématiquement limitée peut être

un stigmate de dégénérescence, la conséquence d'un trouble d'évo-

lution congénitale de nature inconnue. ., N.u, ? u, C.*^ ?

1 1 ' t H,J ? Pa 'Uni" , 1- , i, V 1 ' .),. *fl)'ll

VIII. Sur un cas d'artiiropathie tabétique DES deux hanches ; par

M. LoNDE, interne de, la clinique des maladies du système ner-

veux. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, 1893, na 3.)"u ") ? T."

Un homme de quarante et un'ans, a"tare'héréditaire' très peu

marquée, avec'syphilitique, ayant eu des rhumatismes articulaires

aigus dans'son enfance, devient ataxique, il y a sept ou huit ans.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 39

Entre autres symptômes tabéliques, il présente des crises gas-

triques. « . 1 , , .

Quatre ans après le début de l'affection, arthropathie de la hanche

gauche, et ensuite arthropathie de la hanche droite; actuellement

on reconnaît facilement l'existence d'une luxation coxo-fémorale

double, sans réaction locale. Le sujet peut marcher un peu avec

desibâtons, mais de chaque côté son fémur se déboite avec la plus

grande facilité, surtout, quand il s'incline en avant. Dans le décubitus

dorsal, on imprime aux membres inférieurs, les mouvements les

plus anormaux. Cette luxation double a produit une diminution

très sensible de, la taille, avec élargissement du , bassin,, lequel

bassin se rapproche de celui, de la femme, et enfin'une.incii-,

naison marquée du pli, fessier. La ligne bitrochantérienne passe à

z centimètres au-dessus, des épines iliaques supérieures.

..Annoter, principalement, dans cette observation, la coïncidence

des crises gastriques . et des deux luxations, spontanées de la.

hanche. Du reste, cette coïncidence des crises gastriques et des

arthropathies a déjà été signalée, on l'a même expliquée par la

présence d'une lésion, dont dépendraient les deux phénomènes,

située au bulbe dans le voisinage du noyau d'origine du pneumo-

gastriques vr .... | . ,

... f , 11,^1 z

T.. ÿ li. De la névrose dite TRAUMATiQUE; par Harold Mater (

.nii,w, " (de Chicago).. . '(i, ? , , ,

' L'auteur fait la'critique de la terminologie si variée jusqu'ici,

âppliquéë,^âua phénomènes pathologiques qu'il étudie. Hystéro-

traumatisnie,"railway-spiiie, spinal concussion (Clevenger), com-

motiôn' Iilédullaire (Erichsen) shock spinal sont autant de mots

qui sont loin de répondre à un syndrome clinique caractéristique.

Indépendamment des anamnestiques, comment en effet distinguer

la neurasthénie spinale simple' de la névrose traumatique ? Bien

dés traumatisés sont loin de présenter l'ensemble' des symptômes

décrits; et tous ceux qui' les présentent sont loin d'avoir été victimes

d'un traumatisïne'L'auteür cherche à préciser la symptomatologie

insuffisante.' 11 repousse l'électro-diagnostic. Il pense que tous les

troubles périphériques de l'innervation sont organiques et non

fonctionnels.' '' ? ' ' ' ' 4

Quant aux désordres des centres nerveux, moelle ou cerveau, il

admet qu'ils peuvent être fonctionnels, au simple ébranlement cor-

respondant une pseudo-neurasthénie avec mouvements et pression

douloureuse, sensation de faiblesse des membres, etc. Puis viennent

les altérations 'systématiques des différents cordons médullaires,

; enfin les désordres consécutifs aux ruptures, fractures et disloca-

tions de la, colonne,vertébrale. (The Alienist and Neurolôgist, XIV,

93, n b.) ? .en ï ,' ? A.Marie.

40 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

1· HÉ\fIANOPSIE ET NEURASTHÉNIE, ACCIDENTS DE CHEMIN DE' FER J

. par le Dr BADAL. (&a ? /ie6d.det sc. néd : de Bordeaux,' 1893, p ? 130

et 137.)

. ;r,-fFT.^r,^u m1'.t3Y 4 1 k ? IV -M. "unau ami .Ÿla

Si les troubles oculaires présentés par le malade qui fait le sujet

de cette observation sont comparables, sous beaucoup de rapports,

à ceux observés,très fréquemment dans la neuro-psychose trauma-

tique, l'hémianopsie semble indiquer ici quelque chose det plus, et

porte à admettre qu'au moment de l'accident, il s'est produit du

côté des centres' nerveux' des désordres' relativement' graves ren-

dant le pronostic très réservée" -" ? fl', 9nnstf A' elkhr. trJO·> "

. l.(r·i L. «>- ' o*> 'TSett)f1t) nl tt,gciyt°9 dl ? °lûTft19 : 1 ? 2'e.'foud`t aax,

T ' RO UBLF visuels dans les IIliuIPLÉGIES,tpar,Ie'D4fROmAGET.

' i . - '(Ga ? hebd. des se. . ,, méd. v dc Bordecux, ...... 4893,p : · n. 490.) · `trr,et ^,

- «lii,, ? f<1t.u tu > 'au- j 'tt5aux i ' ! i.i'i ? r> r· w ItrVV[`HJ

Deux cas'd'hémiplégie transitoire avec troubles persistants de la

vue,' se rapprochant de ceux'de Guglino; Boucheron; Féré (Ai,ch.,

de Neurologie, 1885). Les troubles visuels consistaient ici en'hémia-

nopsie latérale homonyme du côté paralysé, amblyopie croisée et

troubles de la vision des couleurs. L'auteur conclut qu'en accumu->

lant des faits analogues et'en les complétant par des nécropsies.on

arrivera à élucider le trajet encore en partie inconnu des fibres

optiques. q ! t Il ? fjoro'- ai^a..^ '< ? 'kjo t JP.tiE. I;.7 i') V

- 'fi eS.1.1't9,I. ft : ? >"' ? V' S `sfŸ.. ,Drt.I' zLl nt 9&(¢

XII. Les données DE la psychopathologie, essai critique ; par

DupRAT.,(Gsz. hebd. des sc.,méd.de Bordeaux, 4893,ap : 14k4,

474, 487t 604.) ? g -t , w«i>y,vt}St « s n.n 93 11 E. R.

. XIII. APH.151E,TRANSITOIREiNEURASTHÉNIQUE; par le 1), E ? RËGIS.'V

OH i, (Jctcrlz. de nzéd. de Bordeaux, n, 32.) *8 ") Q

Jeune homme.de dix-huit ans, offrant les stigmates physiques et

mentaux'jde'ta neurasthénie pubérale,r en partie ulier,,Ies -crises i

émotives, les obsessions anxieuses, l'aproseaie; etc., qui a éprouvé ?

unei dizaine de ! fois, en- quelque temps; des phénomènes curieux - r

d'aphasie, transitoire, rapportés tout d'abord à une tumeur céré--

brale; sansrtrouble psychique ou somatique; concomitant. Passant-

en revue les divers états morbides dans lesquels peut se rencontrer *

ce phénomène, notamment les lésionsorganiques·duFCerveau, les 1

intoxications, surtout l'épilepsie et l'hystérie, l'auteur. conclut, enrr

se basant à la fois sur la prédominance marquée des stigmates

neurasthéniques chez le isujetf et sur les caractères de sesi crises '>

d'aphasie transitoire,,essentiellementsémotives dans leurs allures,

que cette aphasie transitoire n'est elle-même qu'une manifestation

de la, neurasthénie, probablement due à un spasme`circonscrit et/

passager des vaisseaux de l'encéphale. Il importe.de connaître ces

REVUE'DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41

faits et de savoir les distinguer pour éviter, comme ici, d'impor-

tantes erreurs de diagnostic et de pronostic.,ire ,yt,. 1 ,,f '

tantes erreurs de/ti.agnostic et de pronostic. a<\ in7 y -<- y tr .

. 1 ............. - .. i

XIV. Les localisations cérébrales dans la région CAPSULO-STRIÉE :

I°A PROPOS'D'UN CAS DE 91UNOPLÉGIE1'ERSISTaNTE DU MEMBRE INFERIEUR

GAUCHE CAUSÉE PAR ' UNE* LÉSION TRÈS LIMITEE DE LA CAPSULE INTERNE

iDROITE;"Iparvle DA : PiTRES.'(Arch ? clin : de'Bordécitï ? i893,

I : n° : 1,) 3b szoru supl ip '' . 1 u- 'i(-m3 .1lonEà- ? ♦ blet.

' irt`t071 '' - h1 1 Shf`JJl ! i. · 9 : (i2(r1` rtvg'"I , ! mrlt 1... J' ,

Après avoir rappelé brièvement les principales opinions qui ont

eu cours dans la science relativement à la physiologie pathologique

des masses centrales du cerveau, le professeur consacre sa leçon à

l'exposé anatomo-clinique d'un cas tendant à démontrer, ^1°^ que

les lésions'de'struetives limitées à la substance grise des corps striés

peuvent ne déterminer aucune espèce de paralysie; 2° que les

lésions, destructives très circonscrites, siégeant dans l'aire du tiers

moyen de la capsule interne, peuvent donner lieu à des monoplégies

persistantes ? yA3tbt.,ï ? ..<^tv i i.i ? ► ' E.,R. , < </

t9 sàsioio t.i'{'>\ldm --7'tîiwi 't u' -it' ? dn Jk'tt ", 1 ,

LV.(SUR(,U1' C.%SJDEleSYPIIILIS cérébrale; par Je'D'' Etllile BiT01'.

io 11, Il (Arelt. clin., de Bordeaux, 1893, n° 2.) ? i' . >" <

>-4'citt d : 319 llil'OJtIt i·i9l : q o - q,l n, T4La ' ' "t," .·1..5"' "

XVI. C.1S DE GUÉRISON D'UNE paraplégie alcoolique par l'électricité;

par le Dr MASsY. (Journ. de méd. de Bordeaux, n° 17.)

ifiq , "Uyl" .« '' ,3,.1'UOi / il ? . . · " '

SdfU.-4 cas d'athétose double; par le Dr A ? AIOUSSOUS.

- (Jovrn, de méd. de Borcievux, n° 18.) ? K,' t

XVIII. : À Un S cas -d'automatisme 'ambulatoire ' hystérique S par le

Dr E. RÉGIS. (Journ. de méd. de Bordeaux, nos 8 et 26.)

.Cass d'automatisme, ambulatoire accompli par une' femme de

cinquante-deux ans dans un état de somnambulisme,' terminé par

des attaques d'hystérie. Le souvenir de la fugue et de la journée

précédente (amnésie rétrograde), àpeu près complètement perdu

à l'état de veille, sauf quelques incidents surnageants; reparaissait,

de la façon la plus nette dans t l'état hypnotique. A propos de ce '

fait; M., Pitres et li : Régis- résument les caractères différentiels de -

la fugue morbides dans la folie, dans l'épilepsie, dans l'hystérie;

dans la neurasthénie, s .1 1 ? ,d I .'. -1p a'" tr ? tn .DU.t ? r-·t^`

'9J1SU1 '['e "r'\ bhufïE' 1 l-l.t'Up-n\ . ,x ! -ru cf \ v A JG.^.. ? '

XIX : TREIIBLE31ENT hystérique; par le D 1 : : DELx.S. (JOII ? '11 ! d'7néd.-

L a' de Bordeaux,, nos g ? rp; 43; 44 45, 46,' 1 4-1.) "Ri"J, h

ioiJiJ.-9Îin8111 9< ! u'up ain'.fti ,»< tas 9'IAQ.J.'t5G7' tte- t'oa 9 ? t 9 >r

XX ! MÉN1NG0-ENC1.PHALITE SYPHILITIQUE chez un" enfant DE 'cinq* ans 1

,'Par le, Dr A1. llfoossUS ? (Jùurn.demécl : de Bordcctttx; n° 28.) 1

42 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE ?

XXI. Sur un cas d'ostéite déformante DE PAGET; par MM. Gilles des

la TOURETTE. (Nouv. Iconogr. de la Satpétrière, 1894, no 1.)-' - ! 9 ? '' , " ' ' '' ' 1' r .. t." « T't

Observation détaillée d'un cas de cette maladie étrange et assez

rare, puisqu'on n'en connaît qu'un -petit nombre d'observations

aussi bien en France qu'à l'étranger, et qui est caractérisée par un

ostéite déformante généralisée à presque tous les os du squelette.

Voici ses principaux caractères d'après M. Thibierge : Déformation

et augmentation de volume (hyperostose diffuse) d'un grand nom-

bre d'os, ses localisations plus les caractéristiques occupent les os du

crâne, le radius, le tibia (diaphyse et extrémité' supérieure) et les

clavicules. Elle respecte au contraire d'une manière absolue les'os

des mains et des pieds, les os de la face, sauf parfois )e maxillaire

inférieur dont les lésions sont toujours peu considérables, elle at-

teint constamment les os symétriques, mais les lésions prédomi-,

nent toujours sur l'un d'eux. ... ? , , ' 1 1.

. L'observation de M. Gilles de la Tourette trait à un homme de 'è

quarante-neuf ans, dont la maladie remonte à huit ans. Les pre-

miers symptômes furent un raccourcissement des jambes qui en 'i

même temps se courbèrent en dedans. On note tous les caractères

ordinaires de la maladie de Pagel, mais le cas diffère en certains

points des cas typiques dont le tableau clinique est esquissé plus,

haut. C'est ainsi que les os de la face sont atteints à un haut degré

Il y a saillie considérable des os malaires et par^suite élargissement

considérable de la face. Le maxillaire inférieur est épaissi et dé-

formé aussi bien dans sa branche horizontale que dans sa branche

montante. En outre, les deuxième et troisième métacarpiens.de

la main droite sont très volumineux et les parties molles défor-

mées à leur niveau. Il y a aussi hypertrophie des,os'*du tarse à

droite.. ' .. r, ? , ? , , ...

Cette observation est suivie de deux notes relatives aussi à la

maladie de Paget. La première est de i\l., Albert Robin, elle est

relative à un nouveau cas de cette maladie. Il s'agit d'un homme

de soixante-quatre ans qui est. atteint depuis quatorze ans ; il a

commencé, par se courber en avant et progressivement tous les

signes de,.l'ostéite ..déformante généralisée se,sont manifestés.

Les points les plus importants doucette note sont les. analyses

chimiques des, os malades et de l'urine du sujet. La, seconde

note est de M. H. Meunier,' interne des hôpitaux. M. Meunier

relate, lui aussi, une observation d'ostéite déformante' de Paget,

prise dans le service de M. Gombault. Le, malade qui en est

le sujet est un homme de soixante-huit ans, il s'éloigne du type

commun par plusieurs points, les os du visage, sont atteints, la

face dans son ensemble se rapproche du faciès de la leo7etiasiib*ssea

de Virchow. Les mains ne sont pas épargnées par l'ostéite et cer-

tains métatarsiens (des deux pieds participent à' l'hypertrophie

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43 ii -1

osseuse généralisée. Une autre particularité notcble à signaler

est une fragilité exceptionnelle du squelette, ainsi le malade se

fracture le fémur en tombant de sa hauteur, et on lui a brisé les

péroné en lui essayant un bas élastique. Cela tient probablement

à la disparition de la matière organique et à l'augmentation des

sels. " i i- i i n. ' ) ) > ,G.

i'" f i f m , ' .. z , - z - '.

XXII. Les POSSDliSt,DES dieux DAN l'art .antique; par M. Henry

i ,'i MEtGE. (Nouv. Iconogr. de la Scc7Nétricre, 1894, n° i.)

l'a grande préoccupation des artistes, dans tous les temps et

dans tous' les pays, a toujours été de reproduire exactement la

nature, et c'est ainsi que des monuments figurés anciens repré-

sentent des difformités humaines, copies exactes des sujets que

leurs auteurs avaient devant les yeux. On sait que'Charcot et

11. Richet ont'récûeilli un' grand nombre de ces oeuvres d'autrefois

et ont fait voir que, dans maintes scènes d'exorcisme ou de posses-

sion, des personnages présentaient des signes incontestables de

l'hystérie. L'antiquité 'ne' leur a pas fourni des matériaux de ce

genre, les anciens, disait très judicieusement Charcot, étaient trop

amoureux dé l'harmonie des formes pour peindre l'expression de

la' maladie*. Cependant cette règle n'est pas sans exception, et les

Grecs eux-mêmes, comme les artistes du moyen âge et de la renais-

sance, mais bien moins souvent qu'eux, ont représenté les convul-

sions et''les contractures de la grande névrose. M. Henry Meige,

dans ce savant et intéressant travail d'exégèse, étudie, à ce point

d e vue, deux bas-reliefs grecs qui existent l'un au musée des Offices

a Florence, l'autre dans la collection Jatttr in Ravo. '

Il ne s'agit naturellement pas de scènes d'exorcisme ou de pos-

session diabolique, les temps n'étaient pas à cette métaphysique

sombre. Il s'agit cependant quand même de possession, mais de

possession divine. Les femmes de ces bas-reliefs antiques sont des

côryhantes cu ménades et elles sacrifient au dieu Dionysos; dont

l'esprit les anime et les possède, de sorte que l'une prophétise' avec

de grands gestes et que d'autres sont renversées en convulsions.-

.Même en négligeant les documents~écrits qui les concernent et sont

venus jusqu'à nous, et'en s'en tenant seulement aux'seules repré-

sentations des 'scènes' où elles figurent,'que le ciseau des artistes

d'autrefois nous a'conservées, et qui sont si parfaitement repro-

duites dans lal Nouvelle Iconographie, il reste évident que les cory-

, hautes grecques' sont, comme les possédées du moyen âgé, lés

vraies soeurs des hystériques de la Salpêtrière' CAMUSET. ?

J i .u Ot9 s - ^ . t il, 1 - . À il, ·

XXHI. CAS DE névrites multiples; par le Dr W ? L. VORCESTER. ''

. ? o ? j.j.ir.- m ? ? 1.. , > 1.. 0- ? 1,

.-Pendant sa pratique de l'aliénation mentale, l'auteur a observé

quatre cas de névrites multiples, en excluant quelques cas de para-

. ,fT ftdf 3 €' . ·' ï :

44 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

- ! ? ; r*»" - ". =>-4V ' . ? ®yF.4-aC' .âY. '1

.sie diphtéritique. L'un est dû à un empoisonnement, par l'arsenic,

les trois autres sont de cause inconnue.. Bien que tels cas ne soient

pas d'une grande rareté, ils ne sont étudiés que depuis peu d'an-

nées et ils sont souvent' confondus avec' d'autres' affections -moins

curables. · r zw u 3r

Cas 1.=Lé premier'cas anis

qui, ayant trouvé dnrpaquelpd'arsênic,vëni ! prit^deux'cuillerées1 à

café. U fut pris3 aussitôt de V'Oâiiîse'm"ént*i"ioleti'et' 4li atre jours

après se déclarait un engourdissement dans les mains et les pieds,

engourdissement qui le' faisait trébucher en "marchant.111 aj ? ~'K'' 5,

Un mois'après l'accident, la' paralysie' avait' envahi les quatre

membres et le malade se levait de son siège avec une extrême diffi-

culté., Les mains serraient faiblement' Les muscles paralysés étaient

très atrophiés et la sensibilité au froid et'au chaud très imparfaite.'

Deux mois après ? il -,marchait' dans' sa chambre ? ses'mains'lui

permettaient - les * mouvements normaux et'- la" sensibilité 'était

revenue. : ·- '3 q, '' i inrm `t eéwiyri9; '"t)dt)0';f aii -eq ' -tmlrlq6Jq

, ' ,1- ^lr,f.- ~tth {9^Q-î^1 »<*1t" î- ' -J'IfVI1 y,411··luf

Ca : IL-Un'mélancolique;ressent,en juillet 1889 une sensation

de re froid'ise'me'iit* d'ans 1, les pieds ? d'éo«rnpa ? né'de*'do'tile'ùr>s"*ni üs"èü-'

laires. A cette époque, le malade jouissait d'une santé robuste "et

était' fortement musclé.' Peu à peu il .éprouve de. la, difficulté à

monter les escaliers)' les muscles deviennent sensibles à la pression

et spontanément dou)ou'rèux ? Pasd'àtaxie.Pas de diminution

de la sensibilité. ? ? » "' "" ? 3C ? t*11'" 'Mtf «"«f» ""

1 · -1 ? ,, .i,tù,n^, nmbo^m^ *»<2"l>.

En septembre, attaque.de. dysenterie qui,fait.faire à,la paralysie

de rapides progrès. Réflexe rotulien aboli, réflexe plantaire affaibli. !

En novembre, le malade, peut remuer les pieds. Retour dé l'excita .

bilité qui avàit disparu. Guérison complète,én,décembré.,nh smalt

111.5 1 l-, - Soli comp ,

, Cas JIf ? Un épileptique commence à se plaindre de douleurs

dans les jambes le 1er octobre 1889. C'était un homme d'une bonne

santé à. part son épilepsie.1 : Réflexe rotulien .normal.- La paralysie

survient lentement ! et le force à.'prendre le lit* aul mois de no-

vembre. Sensibilité.; tactile.) amoindrie ? pas ! d'analgésie. t Réflexe

rotulien aboli. - Le malade ne recommença à marchernqu'en

décembre. erio·Lf2laT f ,

Cas IV. Une femme,'qui avait plusieurs fois refusé'du'manger,

est prise- en octobre'd'âne telle faiblesse qu'elle'ne 'pouvait se' tenir

sur ses jambes, bien LI s1on 1- aliment.atiotil fût' e' ! Réflexe, et

rotulien aboli.' Réaction-' électrique nulle dans les'éxtrémités s il

rieures. Muscles douloureux à la pression. En' décembre' 1891 deux

mois après le début, àtrophié'très'rn'àr'quéé dês'fmusclès'ï0Arhélio-

ration progressive eri'jàilvier," sans'chan.ereiit'de' l'état mental.

(Amenicun journal of itisanity, 1893.) ^ ''9°rr m· eLlü Ecyr ? t y

- ,sh1'r·, y', ilél k ··al : v ? r d L ? y ? ll&$d ? · J.lllEr r . z

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 15

XXIV. Deux observations POUR SERVIR au diagnostic DES paraplégies

syphilitiques; pârrMUIa' GILLES 'DE LA'ToURETTE et HuDELO.

f (Nouiellé Iconoyraplaie de la Salpêtrièrl·;' 1893, n° 1.) ? "

ni, fl. "90 8f1 6HL$t w 37Dul Jn·2 ? I : : - ' ' - ... »

.Ces deux observations sont .prises à,Saitit-Louis, dans le service

de M. le Dr Fournier. - i,

1.e o,bse)-vation ? Homme, vingt-trois, ans,.syphilitique depuis

moins de, deux ans, pris subitement des phénomènes d'une para-

piégie spasmddique incoïnplète. Pâsde siçne, dé 13omberg. Pas de

plégié'spàsmôdique incomplète. Pas de signe, de Z5 Pas de

tr6ub)ësde)a .sensibittté. Pas,'d'atrophie(-des muscles. r Réflexes

rotuliens très* exagérés," trépidation , spinale, crampes -dans. les

mollets. Troubles urinaires. peu, prononcés., Le traitement spéci-

rqùë' estsâns aucune action. ', , n « n-u z

, ^.observation. Femme,] trente-neuf ans" II3'stérique,· syphili-

tique, elle, présente-, une .éruption papulo-squanieuse assez .abon-

daute.r Paralysie,. flasque incomplète.des quatre membres, mais

prononcée^surtout aux membres inférieurs. , Pas de phénomène

pupillaire ; pas de troubles sensitifs, absence complète des réflexes

rotuliens; troubles urinaires légers,,diminution de, l'excitation

électrique des muscles sans réaction de 'dégénérescence. Le traite-

ment spécifique est efficace........ ,

Les auteurs discutent ces deux observations et établissent, dans

' 1 es s deux 'cas,6 Je' diagnostic d " - ' ' " 1 ' ' " ' h *Iitiqii ? P ui - ils

exposent lésquelquès considérations eliiiiqu4e siv-alites '" `

'* La1 myélite syphilitique se caractérise le plus souvent'par ta para-

piégie spasmodique incomplète (tre observation), mais celle-ci est

ordinairement tardive/en outre elle est précédée de prodromes.

Ces" 'deux"1 caractères- f6nt"défa'ùt''chez' let' premier ' malade . -

Cés"pfodromes' sont' constitués5 par des" fdrmilj*er'ne'at' s, 'd' es 1 d i ou-

leurs dans le s,jaiiibes«,'Ieé'tt-ouble7s"oêulairei ne sont pas' rares,

U'; y ia< parfois desf do uieurslancinantest qui feraient penser' au

tabès,'mais l'exagération, des réflexes i éclaire le . diagnostic. Le

traitement-, échoue, parce, que, z sans f doute;4, les lésions 4 sont' de

nature, sclérotique, ù mais ! pendant - lai période' prodromique il

réussirait 'peut-être Du \ reste ! cette» paraplégie syphilitique^ qui

est typiqueipeut s'éterniser et même s'arrêter spontanément dans

sa marche. 9 ? -.

La syphilis, provoque, aussi, tmais moins souvent, des paralysies

,11s-ques, comme dans3 là seconde observation. . Ces , paralysies

flasques ont des allures cliniques, très variables. Certaines d'entre

elles se généralisent en quelques jours, gagnent le bulbe, s'accom-

pagnent d'eschares, dejphénomènes douloureux, de i relâchement

deslsplinclërs,-èt èllés entraînent rapidement la mort.) Malgré leur

gravité réelle, ce sont des I)e'auicoup plus souvent

et' beaucoup plus sûrement, par le^ traitement , spécifique, ..que les

myélites spasmodiques à marche lente'et insidieuse. -

46 - REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXV. Deux cas de myopathie progressive du TYPE Landouzy-

DLrenrrr$; par M. Guinon. (Nouv. Icon. de la Salpéÿrièty, 1893,ri n° 1.') ? ? t) L , ICI

Ces deux observations confirment ce que nous disait Charcot en

1885, à propos des différents types de, myopathie, à savoir que les

trois types, connus sous les noms de : paralysie, pseudo-hyperlro-

phique, forme juvénile de l'atrophie musculaire deErb, atrophie

myopathique de Landouzy-Déjerine, ne sont, en réalité que trois

formes différentes d'unei seule, et même- affection, la 'myopathie

progressive. , gd j,, - j3 -, i £ -.i i-t

Erb lui-même avait reconnu que sa forme juvénile se confondait

avec la paralysie pseudo-hypertrophique, et l'on sait maintenant

que la forme de Erb se confond également avec le type Landouzy-

Déjerine. , * " " "" ; ;. ;; ''

Mais M. Guinon, dans cet article, démontre directement et parla

clinique, que ce - type 1 Landouzy-Déjeritie (atrophie myopathique à

forme facio-scapulo-humérale) est de nature identique'avec celle de

laparalysie pseudc,-hypertrophique.En effet, dans les deux cas qu'il

relate on voit qu'il y a coexistence de l'atrophie et' de laipseudo-

hypertrophie, celle-ci entraînant comme celle-là l'impotence mus-

culaire. Dans certains muscles, l'affection a évolué dans'le sens de

l'atrophie; dans d'autres dans-le sens- de l'hypertrophie. 1 1l .-arrive

même que l'alrophie et l'hypertrophie se manifestent chacune iso-

lément sur un même muscle. Dans tous ces types divers, il s'agit

donc toujours d'un même processus morbide, d'une même entité

nosologique : la myopathie pro,ressi-e.,9,1 ti'lqcr'Ui'.i K<jq ,"9rp"i

Observation 1. - Homme, quarante-deux ' ans."L'aS'ection a

débuté à dix-huit ans par de la difficulté de la marche,' puis elle a

progressivement' évolué 'jusqu'au 'moment actuel ? La' face ' est

envahie^' mais ' sans 'le 'signe ' de ' Landouzy (impossibilité- de clore

complètement les paupières) ? Atrophie de'tous lès muscles'pris

ordinairement dans la' forme' Landouzy-Déjerine, et en ^ même

temps pseudo-hypertrophie de plusieurs' muscles de la face, du del-

toïde'et surtout des muscles du mollet. Les mouvements sont très

limités^ certains sont impossibles;' par suite' d'impotence' muscu-

laire. Réaction de dégénérescence sur certains muscles.' La sensi-

bilité est conservée' dans toutes ses formes. Parfois légères contrac-

tions fibrillaires'des muscles à la suite d'un effort." ''> ? '')') ?

Cette"obsérvationiest concluante,' on y voit la coexistence'de

l'atrophie et'de la pseudo-hypertrophie, d'où'résulte parfois''un

aspect étrange des membres,' ainsi l'atrophie du'bras très pro-

iioâeée' tranche avec l'hypertrophie du"'deltoïde : Il s'agit' bien 'de

pseudo-hypertrophies'et non''de'* cas de muscles1' conservés 1 et

échappés à l'atrophie; on a vu ? dans le service, les pseudo-hyper-

trophies" s'établir petit'à' petit,' et'du reste les''muscles hypertro-

phiés ont perdu foute'leur force. '' " ? a ? 0't) ? )t.t

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. , 47

A noter deux symptômes exceptionnels dans les myopathies : le

frémissement vermiculaire et la réaction de dégénérescence. Les

exceptions sont données comme caractéristiques des myélopathies,

mais ce n'est pas une règle générale et on a. exagéré ce caractère.

'310bservation 2. ' Analogue à la précédente. Homme de vingt-

cinq ans chez lequel l'affection a débuté à l'âge' de sept) ans.

Myopathie' progressive de la forme facio-scapulo-liuriiérale. 0 Faciès

myopathiquë typique avec le' signe des' paupières. Pseudo-hyper-

trophie de certains muscles et surtout du deltoïde droit et du triceps

crural gauche. , »" ,

tPhCr'11 ? i nlj·· n ,-rI'l.1 4.ü - v. '

XXVtTB.OS cas d'arthropathies 9SYÉLOPaTHIQUES ; par les Drs L.

Rsvü.Llôti étH. AUDÉOUD. (Nouv.'Icoizogi-. tiell(tSalpêtrière ? 1893,

Zl tst n° 2.) i ' i 'r ? 1-t' ; n«vii" , i, i - . , 4 , 1 , '

iii(f

i le, cas. Femme, cinquante-neuf ans, intelligence peu dévelop-

pée, tare héréditaire peu lourde, pas de syphilis.- Le tabès est an-

cien, il est difficile d'en marquer le début exact. Actuellement : les

membres supérieurs ont perdu de leur force. On ne peut savoir si

la marchel est ataxique, des lésions articulaires ne permettant pas

à la malade de faire. un seul pas ? Le. signe de Romberg est très

accusé ? Les réflexes, patellaires sont abolis. Dpuleurs, fulgurantes

danstles quatre membres. Sensibilité tactile intacte partout. Aux

jambes, la'sensibilité à la douleur a disparu et la. sensibilité ther-

mique est pervertie. La vue est diminuée, les pupilles ; sont puncti-

formes, pas d'atrophie papillaire. - ,'i»,i(, 4V) -0 . .

Troubles. trophiques. .Les dents ont toutes tombé, à trente-

quatre ans. Arthrite sèche et indolore du genou droit,,lequel est

énorme, il mesure 44 centimètres de circonférence. La synoviale

est épaissie,(les cartilages sont érodés.- Craquements pendant'.les

mouvements. Mouvements anormaux. Atrophie du fémur. et hy-

pertrophie du tibia - Arthrite de, l'articulation tibio-tarsienne

droite, sans rougeur ni chaleur, ni douleur. L'articulation est tumé-

fiée, .pas de craquements ni de mouvements anormaux.- Arthrite

également indolore, et sans réaction de l'articulation tibio-tarsienne

gauche. Il y, a un gonflement et une déformation .considérable,

fracture (spontanée et ancienne) du tibia et mouvements anormaux

étendus. Le traitement par suspension ne produisit aucun effet. ,

. ! 2e cas.' Homme de cinquante et un ans, syphilitique, tabès

ancien avec les symptômes ordinaires, marche ataxique. Troubles

urinairesl etoculaires. Crises apoplectiformes. Arthropathie du

genou, gauche. L'arthrite s'est développée depuis peu, sans que

le malade s'en soit, aperçu. L'articulation est tuméfiée, 38 centi-

. mètres 1/2, l'autre genou ne mesure que 33 centimètres. Pas d'hy-

darthrose, pas de douleur, pas de rougeur. Les mouvements passifs

sont accompagnés de froissements. Dans la station debout, le genou

48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

est en récurvation, c'est-à-dire convexe en arrière et concave en

avant. Pas d'autre arthropathie, ni de troubles trophiques.

3e cas. Il s'agit d'un cas fruste de maladie de Friedreich.

Jeune garçon, seize ans, crâne petit, front étroit, intelligence peu

développée, attitude voûtée, mais pas de scoliose. Papilles réagis-

sant bien, strabisme léger, ni nystagmus, ni rétrécissement du

champ visuel. La marche et même la station sont impossibles, il

y a paraplégie complète; cependant, couché, quelques mouvements

restreints de flexion et d'extension, sont encore possibles. Réflexe

patellaire complètement aboli, sensibilité normale. 1 1

Déformation particulière des pieds, lesquels sont raccourcis, la

voûte plantaire très accentuée,' le tarse faisant saillie en haut, les

orteils difformes et relevés. 11 n'y a ni ankylose, ni douleur, ni

rougeur. Ce cas est fruste, le diagnostic un peu hasardé, car on

ne peut savoir si la marche est ataxique. Mais noter qu'une soeur du

malade a une déformation semblable d'un pied et que,, chez elle,

les réflexes patellaires sont abolis. -L -i

' ... .. i in f ";

XXVII. DE la MÉNIXGO-MYËHTE syphilitique. Étude clinique ET ANA-

T0310-PATHOLOGIQUE ; par M. Lamy. (jyottv. 1(.onogi ? de la Salpe-

trière, 1893, nos 2, 3, 4 et 5.) . ' ' '

' - ' i a

. Cette étude date de 1892, depuis cette époque, des recherches

dans le même sens, poursuivies par d'autres auteurs, ont confirmé

plusieurs données cliniques et surtout anatomiques, avancées par

M. Lamy. > ? !

1° Anatomie pathologiques Elle est basée sur l'examen de trois

cas d'origine certainement syphilitique, avec autopsie. - ' ,

Ire observation. Homme, cinquante ans, syphilis un an avant

l'apparition desfaeeidentst médullaires. Paraplégie flasque à début

subit et sans douleur,1 participation des sphincters. Mort subite dix-

neuf jours après le début de la paraplégie. A l'autopsie : pas de

lésion visible à l'aeil nu. Au microscope, les méninges pie-mère et

arachnoïde sont, dans toute la hauteur de la moelle, infiltrées de

cellules, à' gros noyaux se colorant' vivement, cellules embryon-

naires.'Ces cellules sont surtout abondantes autour des capillaires

et dans- les parois des veines,' les artères de- calibre en sont dépour-

vues ! - En certains points des méninges et des parois vasculaires,

elles'forment des nodules par leur agglomération, et au centre, il

n'est pas rare- de trouver une- cellule géante polynucléaire. Dans

beaucoup de veinules; l'infiltration embryonnaire a amené l'oblité-

ration du vaisseau. ""f @-1,1 I ? ? & se hiim,, , ;1, .. ;,1. -

' La moelle, elle, n'est atteinte qu'à la région dorsale. L'infiltra-

tion embryonnaire s'est manifestée par places; comprimant et dé-

truisant les. éléments nobles. Ceci concorde avec le principe

généralement admis, à savoir que les néoformations syphilitiques ont

REVUE 'DE- PATHOLOGIE NERVEUSE. " 49

leur origine dans le tissu conjonctif ou dans ses équivalents, les élé-

ments nobles des tissus's'atrophiant consécutivement ? '. " t ..

2e observation. Homme, vingt-six ans; alors que la syphilis est *

ancienne dej un an,' paraplégie complète qui se développe en sept

jours, flasque d'abord, elle s'accompagne de. contracture au bout

de trois mois. Rétention d'urinë."Eschare,sacrée,infectionseptique

et mort un'an et demi, après, le début de la paraplégie"- ,{>' z

Autopsie. Lepto-méningitesclérense diffuse. Ala moelle, sclé-

roseinévrosique' avancée, -disposée. en îlots autour» des -petits vais-

seaux, ou en bandelettes, contre les travées conjonctives.' Dans les

méninges et dans la moelle, péri-artérites et péri-phlébites. Latdis-

position des îlots scléreux de la moelle démontre l'origine vasculaire

de ceux-ci ? Toutlporte àicroire que ces lésions sont) des lésions

identiques trouvées dans la première observation, mais arrivées à

une période plus avancée de leur processus évolutif. En effet; chez

le premier sujet, 'la mort a interrompu le processus presque.au

début de celui-ci. >'> " ' ? z ? F ? . t· ? z

3e observation. Il s'agit d'une syphilis qui date de huit ans et

qui s'est toujours accompagnée de céphalée vive, de rachialgie et

d'ictus apoplectiques ? La paraplégie est apparue, en même temps

que quelques troubles céphaliques comme le strabisme qui, eux,

furent transitoires. Exagération des réflexes tendineux et mort par

maladie intercurrente, érysipèle. L'autopsie montre des lésions

autres que celles notées' chez' les deux sujets précédents.' Il y a un

effet''pachy-méningite; avec épaississement ou adhérence intime

des trois enveloppes de la moelle, en arrière et aux régionssupé-

rieures du rachis.'La moelle' est également envahie par la sclérose

aux mêmes endroits;, et ? sur les coupes.- on constate que la moitié

postérieure est fortement sclérosée et atrophiée. ».«»' >-- -f z

Ces trois autopsies font voir'que dans lesmyélopathies, il existe

toujours une méninge-myélite diffuse avec altérationi constante des

vaisseaux nourriciers delà moelle, et que le processus anatomique

débute toujours par les vaisseaux ? » nt . .» , -3 idj- un.

On peut établir deux grandes classes de ces méningo-myélites :

dans l'une^.la pie-mère et l'arachnoïde, sont seules atteintes/ dans

l'autre,. les trois méninges' sont prises simultanément. A noter

qu'il Y a souvent participation à l'affection des méninges de la base

du cerveau; ce que la clinique fait,, du reste, prévoir. (exemple, la

2° observation). ? Au. cerveau, on décrit : une méningite et une

artérite syphilitiques, on ne peut établir cette même indépendance

pour, la moelle. Dans la myélitesyptilitique; il a.-toujours co-

existence de la méningite et de l'artérite, mais ces deux- éléments

morbides peuvent se- manifester avec une importance réciproque

très inégale; A remarquer enfin que les lésions veineuses appa-

raissent les premières'et qu'elles restent ordinairement, dans-la

suite, toujours plus prononcées que les lésions artérielles.f i-«.r --,

Archives, t. XXVIII. 4

OU REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

-Comme conclusion : 'On ne peut pas encore, au point de vue des

lésions,' différencier d'une façon précise les méninge-myélites

syphilitiques des mêmes affections vulgaires, mais on peut regarder

comme acquis qu'il existe dans les premières des caractères spéci-

fiques assez tranchés, communs à 'la vérité .à 'la syphilis, et,à la

tuberculose ainsi- les- granulations embryonnaires) avec cellule

géante» centrale, ainsi les foyers gommeux microscopiques des

méninges et des'vaisseaux (exemple,- la 1 observation).

II. Clinique : - Des trois observations inédites'et détaillées qui

précèdent/ainsi que d'autres observations assez nombreuses et suc-

cessivement relatées; l'auteur tire les données cliniques suivantes -.

Les formes les mieux caractérisées de méningo-myélites syphili-

tiques présentent deux périodes. La première qui correspond à la

localisation de la., syphilis sur les méninges seules, c'est la période

prodromique, est caractérisée par des;troubles de la sensibilité, la

rachialgie syphilitique de Charcot, et par des accidents cérébraux

moins constants, comme la céphalée, les paralysies oculaires.'1La

seconde période, celle 'des-lésions, médullaires,' est' constituée par

des paralysies à formes diverses. La; plus "commune est la' para-

plégie spasmodique généralisée incomplète; avec participation des

sphincters.- Une, telle paraplégie répond ! cliniquement' à la myé-

lite transverse. On l'en distingue jusqu'à'un certain point,' non par

les symptômes du' moment,' mais par ceux de' la1 période 'prodro-

mique, c'est-à-dire, que," quand' la période Prodomiquela existé, il

y a forte présomption en faveur de l'origine syphilitique de l'affec-

tion. 'Il existe une autre forme de méningo-myélite syphilitique

très grave et rapidement mortelle, elle survient en général dans les

premiers temps de la syphilis,- elle' est caractérisée par'une courte

et vague période prodromique et par lés symptômes ; de' la myélite

centrale aii;uë ? nf ? eu ? vi<"-1 Y ? 1 .'f. ' rhr ' ll, 'J ? uni ïï,

. '' ? . : -.1 «....1. ? t< ,..... ".r.

1 ?

- Rv;VUC ? p.Ef·111É^DECIrErL i'GLL ? v· ? ? .[.' ? r4 n ? : r -Il§, i L ? ) J'')"<")t ? ) ? tt)n

' - - - "' ' ,- . Il ? 1 Il . 1. s 1 . , .TV-3 i \rf

I. Examen DE seize crânes DE femmes, dont DOUZE criminelles ET

une SUICIDÉE; par P. 1VQ : CHE : "(Archiv f ? Psÿclaiat ? lXV,;l.) ·,

1 Il i - , 1.. " . ^ 1

Il est probable, dit l'auteur,' que les femmes normales, compa-

rées aux femmes aliénées et criminelles,- avaient une capacité

moyenne du crâne supérieur. Anomalies osseuses correspon-

'dantes, permettant de conclure que les cerveaux contenus dans les

boites en question n'étaient point normaux, et que bonne partie

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 51

de ces criminelles présentaient très probablement des anomalies

psychiques,, ce qui exclut d'ores et déjà le type du reste impossible

à établir d'après la variété. des irrégularités constatées/ Ce sont,

en somme, crânes d'aliénées. Si l'on serre de près l'examen des

crânes des douze criminelles, on note une série de troubles patho-

logiques indiquant, une vie .cérébrale morbide : Quant aux signes

de l'atavisme, il faut se montrer très prudent. (Widersheim, Rauke.)

D'ailleurs, la plupart des criminels et des criminelles sont des pro-

létaires ayant subi, plus que toute autre classe sociale, toute sorte

de troubles de,nutrition et l'action des excès de mille,espèces; pei-

nant depuis l'enfance, ils ont essuyé les,, éléments,, nocifs que l'on

sait ? ^d1' n,-OwtYlf, jb j- jj i ! ->m m P. K. - <

i b111 ) -«11 ? -j.. rm- 1,' i mi h «i /. )i- ? Éli 'A.-

lI : CONTRIHUTIOI'A t L'ÉTUOE' MÉDICO-LÉG.1LE de' la' pyromanie; par le

71 il Jt) ...ul.r· t Dr CAiUSET. ? >»' ' " " ♦->J*, * lln-v

*> ! ...(,, is-'i ni ifluiij . p'Ui f.hq ·3 ib ujiiu.' 18 : ;pfttj.u) .)j)t ! 'j.' z

-, ..Discussion intéressante*à propos'd'un cas de médecine légale

sur lequel l'auteur a eut faire un [rapport. Il s'agit d'un hérédi-

taire vésanique,, non t névrosé, mais d'un , tempérament nerveux,

faible -d'intelligence, émotif, orgueilleux ? haineux, hypocrite et

malfaisant dès son enfance. A seize ans, , il se met à allumer des

incendies sous l'influence de colères, toujourslpeu justifiées. A

propos de rien,, devient furieux, mais il se contient et dissimule

son ressentiment., Seulement) l'idée de'se venger surgit dans son

esprit et, immédiatement, il la met à exécution, il incendie la pro-

priété de son ennemi,, puis, comme font toujours ces sortes d'in-

cendiaires, iliappelle au- secours, il aide àuarr8ter,le feu et il s'ar-

range de façon à écarter tous les soupçons. 61 u. e ? 'idan ? L'identité est-complète, dit M. Camuset, entre,un tel individu et

un fou moral ou criminel. Ces individus anormaux, dégénérés,

déséquilibrés, instinctifs, étant considérés comme n'ayant qu'une

responsabilité limitée, on leur applique, en général, une pénalité

atténuée ; ce qui parait à l'auteur un usage illogique.

On admet que dans cette lutte, dont on admet la réalité du moi,

contre les instincts mauvais, la crainte du-châtiment est, chez ces

individus, le facteur le plus puissant dans le sens du bien. Les

autres mobiles qui agissent dans le même sens chez les sujets nor-

maux (sentiment du devoir, crainte du déshonneur, etc.) manquent

chez eux ou sont rudimentaires. 11 faut donc accroître le plus pos-

sible chez les'dégénérés criminels la crainte du châtiment qui est,

à peu près, le seul élément au moyen duquel on'peut agir sur leur

détermination, «et pour, ce faire, au lieui de leur appliquer une

pénalité atténuée, sous prétexte que leur responsabilité est par-

tielle, il faudrait, au contraire, en bonne logique, accroître pour

eux la pénalité ordinaire.- (Annales illédico-Psychologiques, dé-

cembre 4893.) .. , E. B.

S2 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

III. Alcoolisme reconnu EN justice comme cause d'irresponsabilité;

" ? ; . " * Jt.S W fpal' lr'ORAtAN 11ERR. 1 · ? - "' ~s", ' ·

d'à Rn3-ji ? « -î .j......'. 14 J' ' ^1t· , .

L'auteur rapporte plusieurs cas de procès récents pour homicide,

infanticide et délits moindres commis sous l'empire du délire alcoo-

lique, et où les-juges anglais acquittèrent'l'auteur comme ayant

agi sous l'empire du délire alcoolique. Dans ces cas, on sait que le

prévenu peut 'être interné duriiig her blajestys' pleasure," dont. il

n'existe pas chez nous d'équivalent. (The Alienist and Neurologist,

X1V,` 93, n ? "'» 9^5f.' u.r -* y Dji rlrfy 9rr; f A. lAIIIE. 1"A

. ft ? 9 ? c')rf : ur ? h' k fr9(u ? rw lç6S a' up .iY o`) j. ,'f.i0l

'ct7·9 ? 91n )·rvr rtl rr,i,l· -. rff· 'i' .^·h 1rr't4 .rNVn : .r i 1

JV. ALLEGATIONS DE FOLIE DANS LES AFFAIRES CRIMINELLES; r''

- wnn . par Spuingtiiorpe et Dür-LR . u : f '"1l'»>i ? i

On, a longtemps professé la théorie qu'un'criminel ne pouvait

être excusé pour cause de folié ? si'ce n'est'que 'lorsque cette folie

le faisait ressembler à une bête ! Les progrès de* la' médecine alié-

niste ont avancé'aujourd'hui la question ? 1--01 '4 ''f >ax->'>0 £ z' ".

Parmi les décisions prisés à propos* de l'affairé de ltac Naughteu,

la plus importante était celle-ci : un homme sujet'à'des hallucina-

tions, mais autrement' sain d'esprit, doit être- traité comme1' si ces

hallucinations étaient des faits réels et sa conduite jugée en'con-

séquence. C'est-à-dire que si un homme croit qu'on lui doit cinq

francs," on'l'excusera d'essayer par, tous les; moyens rationnels et

légaux de rentrer en possession' de son argent. Q V roi,

C'est une grave erreur : comment un homme'qui est fou pour

certaines choses, jouirait-il pour toutes les autres d'une raison par-

faite ? 9 "' '' 1r9.a· 4 1 .. 3 FrodJcWry 1 f Irat3t'IC'lüdfl 9 ! - lK0f*w\31t-}U

Une autre erreur'fut'commise'par les 'juges- dans; ce" cas"1 de

Mâc'Naughtéil ? ilsétablü'entqec'estl'action qui prouvera' folie.

Nori; une action' folle'en' apparence' peut être commise^sous-l'in-

il'ueni6'in'omentané'd'uie passion alors que la personne est'par-

faitement saine esr ' s'-hmuiI,. uot "a-1j Bob ai ?

- 'A ? " l d 1 " ? ion' : Là loi'dérinit la folies'« ufè 'ma-

"Aspect"lega)'de'Ia'question : Là loi définit la folie1'* une ma-

nière de s-"«c,'oiidù e i è'),"et 1 "non '« une maladie'du'corps' ou-'de

l'esprit ». La loi punit les actes, hbn'lès causes des actes; la société

se protège, et son seul moyen de protection est de punir les actes

qui lui' portent préjudice. Comment déterminerr si le criminel a

obéi à une impulsion irrésistible ou à une impulsion à laquelle il

n'a pu résister ? Le jury doil, dans ce cas, décider sur'le rapport

dès médëèins9°Pôurrce qui' concerne» l'alcoolisme" ou' l'ivresse,

l'homme qui^yôlonlairernen'*1 s'est mis dans' une état'où il peut; à

soio'insü; commettre''des"crimes, doit être considéré comme res-

ponsable., '" u 0f> '3"Jf* l~'1l ? >* ""don airrn f' (3sssilalr'^<9V <

Aspect médical de la question : Il est"1 faut "de"1 juger' la' folie

d'après la conduite, comme le fait la loi. Il est faux de dire : un

b 1 , i - "e 4b ? e ",k [ : v

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 53

i" ' il» . f (( ? » . ? Il , 1 1. 1 "1 '"» ? ) -

homme sain d'esprit agit de telle façon, l'accusé a agi de cette

façon, donc il est sain d'esprit. Il faut d'autres moyens pour juger

un homme fou ou raisonnable. * - ? n'- l.vn ? l ? . tu

-En somme,, on ne peut pas établir a priori de, moyens de recon-

naître la folie et par suite la responsabilité. Il est absurde, injuste,

d'établir une législation qui prévoit les cas où l'accusé sera. déclaré

responsable» ou «irresponsable : c'est au- médecin» seul,, se pro-

nU(lCCr ? 9 t,3..f·· ? ^5.\fe w1a .t3 1,, me T - k, r ? ,{^;, ,,(, ? , . .

Procédure légale : Pour que le témoignage du médecin ait du

poids, il faut que le médecin-expert soit reconnu compétent. Le

meilleur .moyen serait d'avoir un certain nombre de médecins

assermentés, assesseurs des juges et prononçant dans* tous les cas.

Conclusion : La folié doit 'être considérée par la loi, non pas

comme le résultat de la conduite, mais comme une maladie du cer-

veau. C'est au jury.de décider d'après le témoignage du médecin.

., On poserait au jury, les deux questions : z ", ? ?

1° L'accusé a-t-il la maladie du cerveau qui est la folie ? 4p ? 1 ",

20 Le.crime est-il le résultat de' cette maladie ? y; w

,.Les, questions sont simples; les difficultés naîtraient seulement

des .complications, particulières à chaque cas. iou ? ,i2al

of insanit, 1893.)r,ilv F , sy t ,, 'f\ ,' ,. , ^ ` -" E. B. It'

^013 JlOt IIj1 rtl ut. I J' il- ' f. ? "t ? j .t .& . .

V Rapport médico-légal SUR l'état morbide DU mécanicien DE LOCO-

motive W. B. mis1 hors DE service; par H. Oppenheim. (Archiv f.

luKpsychial.;( YV,` 1 : ) , 1 1< - , -, 1, î'l n . 1 ? SI fA'1 ? ,ib·'I YC1L1 b I : 7'y;h ,,9 ''M ? 1Ll. i l-p«n.- i -- i L- . 1 ,

Conclusions. Le mécanicien en question est atteint d'une affec- : tion du système. nerveux entièrement imputable, à l'accident de

décembre 1886. 11 y a eu, selon toutes probabilités, lésion des racines

spinales de- la queue-, du-, cheval ? cette lésion, déjà améliorée en

décembre 1888, a< terminé son évolution,, mais ellëa ? laissé après

elle des troubles fonctionnels. Les symptômes nerveux, généraux

ont été produits, directement ou indirectement parleniêrilé acci-

dent. Ilti'y.a, ni actuellement ni antérieurement, dans le cours de

ia maladie, ni simulation ni exagération. , 1 «n , P. K ? t

. ra , ., 4tiset (Ui &3.' c ·f "a.y. t

,9J01 Mi TIrrUq sb lie nct ? i'.tu q 91 ". r,n ? I 1u9 v3vr$,t , ^ilmu f"

- ' -VI7 Contributions- casuistiques A la psychiatrie tÉDICO·L1 : GALE;

lt 1"ul'1 par E.`SIEeIERLINC. (Aî,chiv f. Psyehiat.,4 X.XV, 2.), , t ?

'noous-i si lit ? T9171`,78 .rB't d". Enrh uo« n. < t ni c ;( . ? OBSERV.1T10NrI. Tentative de -meurtre., Folie systématique chro-

. nique. C'est bien actuellement du délire de persécution (paranoïa

chronique) c'est-à-dire d'une des. formes de la folie systématique

(Yerrùc6theit) ', mais à début anormal parce qu'il 's'est développé

, chez un dégénéré alcoolique. 0 1jSJ . ; .. . ? M

lui 'ï f ,1 «. '* .. '

1 Voir Archives de Neurologie. Terminologie.

84 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

Observation II. Meurtre. Obtusion mentale d'origine épileptique ;

Impudicité, hallucinations ? violences. ' '` P. K. i-"

- - 31. > '» .'

il : "t " ' .-] . 1. ' j vY1 .. - ' - S ' h

VU. Note 31l : DICO-LGALE A propos d'un incendiaire, par le Dr Dérobe.

s ,. ? Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belg., juin'1893.)1 ' )

L'étude des facultés mentales de certains incendiaires et la'déter-

mination de leur 'degré' de ' responsabilité constituent l'un des

problèmes les plus difficiles delà médecine légale des aliénés. Il

n'est pas rare de voir certains idiots ou imbéciles allumer des

incendies par suite d'un. entraînement instinctif dont il est impos-

sible de se rendre compte. Cette impulsion, morbide des imbéciles

et des idiots est bien- différente du délire partiel'monomaniaque.

La pyromânie est une 'forme de' la' folie impulsive." L'existence de

ce délire 'instinctif, de'cette attraction unique et°irrésistible dans

une intelligence d'ailleurs saine,' si elle existe,' est un fait excessi-

vement rare. ? ,9J- ? t9 ? ' ? "' ? ? s'-fs Mi' n( ? t 1 y

Plus souvent;' il s'agit d'épileptiques ou d'alcooliques. Sans pro-

1vocation'e sans aucun'motif de haine, on voit ceux-ci allumer des

incendies comme on les voit se livrer sur le premier passant venu

à des actes de"1 brutalité ou de violence 'dont ils' n'ont pas cons-

cience. » 'A

Il peut arriver aussi que l'incendiaire ait agi sous l'influence de

conceptions fausses, d'un délire plus ou moins systématisé..Mais à

côté des incendiaires qui agissent sous l'influence d'un délire

défini ou'de ceux qui,, obéissant' à une' impulsion irrésistible' et

i inexplicable; * "' d'- sans motif ni'raison il 1 existe une, caté-

inexplicable, incendient' sans motif ni raison ? il' existe une1 caté-

gorie d'individus qui allument' des incendies 'pour un' motif très

futile,'mais*' suffisant' néanmoins-pour expliquer leur rmauvaise

action.' Les auteurs s'accordent'généralement à ranger ces incen-

diaires dans la grande classe des dégénérés, des héréditaires vésa-

niques. "wn ' ,ca4· ? 1; f,j, . j« > it> > ff

Ces préliminaires posés, M. Derode relate l'observation d'un

dégénéré qui tenta ? sans'motif sérieux,' de mettre le feu à'la mai-

son de son oncle,'et eu faveur duquel il' rédigea un rapport médico-

légal dont' l'accusé à bénéficié, car il n'a été condamné qu'à une

peine très légère : ' T"' ? r,, 1% >," »1 1- ',p ' G. 4D ? i

VIII. Du RESTRAINT mécanique dans LE traitement DES aliénés;

'> a* -t ? par" Clark' Bell ? ? ? lh

C'est une vaste enquête entreprise au ! sujet des arguments' pour

ou contre le restraint' ainsi' que sur ses principaux partisans eu

Amérique et Grande-Bretagne, avec en' regard leslrésultats'obte-

nus dans les asiles, d'une part ceux où on applique le no-reslraint,

de l'autre ceux dont les médecins en sont adversaires.

revue, DE médecine légale. 55

Hâtons-nous d'ajouter qu'en dépit de plaidoyers fort habiles,

entre autres celui du Dr Yellowlees, l'avantage reste aux partisans

du no-restraint; signalons entre autres un exposé du Dl' Robertson

d'Edimbourg et une lettre de 111m Alice Bennett, médecin-direc-

trice de l'asile public de Norriston, enfin celles des Drs Brice et

William Orange^qui n'admettent le restraint que dans certains

cas d'interventions chirurgicales, ou d'appareils, et pour certains

cas de tendances.au suicide et aux mutilations. (Medico-legal

Journal, v. X, n°i.) z . T , , A ^

PL . ."aC'1 ! 1f Y^ 'inr , . iw.h . ; a · . , ? , ^,

'nqirn IX. Du''SECRET professionnel;' par Albert Bach. '

,-4)t'o i)k r, |ii« gt 4 ? tu. j ' - ? ' t ., ,

.-Étude d'actualité en Angleterre comme 'en France à cause des

récentes prescriptions, relatives aux déclarations de maladies épi-

démiques, obligation nécessitée par l'intérêt général, mais difficile

à concilier avec l'intérêt personnel du client..) j s ( , <, '

La question des assurances sur la vie et du secret professionnel

du médecin,% vis- à -vis des compagnies est. également^ abordé.

L'auteur.. considère que le principe du secret professionnel doit

prévaloir ? , et que , l'intérêt du, client doit l'emporter pour le

praticien sur. l'intérêt commun. (bTedico-lcgal-Journal, v. X, n° 1.)

t\IARIE.1, "Q

-.h t)9,t9 ? 0l'' ' f), ·'o il nitf V i, . , ? ryt j ... ,.».. - -f,

X : J11ALADlES du ! langage et localisations; par.Will. Struthers.

°rld4 b b g^4 )lrtn 9 ? t, t, ? ? k; -. - , 1

i., L'auteur, admettant la .dualité fonctionnelle, des hémisphères,

développe l'hypothèse du rôle de l'hémisphère droit comme siège

des mémoires,de,tous ordres, enregistrées par région selon les

combinaisons d'images correspondantes aux localisations symé-

triques. (Medico-legâl Journal, v. X, no,l) r f ,-A. 114AnIE., ? 9 at· . ·r,e A f., ? ? .1. 1 ? ? ' , ,

XI. L'affaire YARROw; par Wood RENTON.

' ')' ùr ? f' ! a.' . , --b ? » y , .- . ,- , t. ,.

,. Cas d'une femme adultère.leontre laquelle une demande en

divorce fut faite et qui était aliénée au moment de l'acte ^incri-

miné. Le divorce fut admis, par suite, la femme reconnue res-

ponsabletbien qu'aliénée. (Aiedico-legal Joua·zal,.X, n 1 : )

A. Marie.

, * ; : à,.i* Il ." V l, z·, au 1 - j .1l ·. , - , . k,

, XII. L'affaire IInnsenY; par \'Vood REnTON.

Procès en sévice et adultère, contre le. mari pour lequel fut

invoquée la folie circulaire, mais le jugement' repoussa l'argument

« le terme étant inconnu aux juges, et aux jurés et leur paraissant

inventé pour la circonstance,» ! (Medico-legal Journal, X, n" 2.) ', ? 1.. ? s. T * "À. 'Marie.

56 REVUE DE médecine LÉGALE.

-, ' t t.. ri -t L

. XIII. L'affaire par Clark BLL. , , t

Rappel du procès de meurtre par un persécuté de ce nom qui

poursuivait Robert Peel, en 1843. Ce procès fit époque en Grande--

Bretagne en ce qu'il aboutit à un" acquittement tellement reten-

tissant que la Chambre des Lords fit une sorte' d'appel à tous les

juges du royaume pour savoir's'il n'y avait pas'lieu de rendre la

loi pénale applicable dans ces cas de crime causé par la folie.

(Medico-legal Journal, X, 3.) A. Marie.

1 ii.T , 0 , , .-1,i f fj.,^1 Jl .,§ 1) - ? 3,j 1]V' t

XIV. Du témoignage DES mourants;1 par Clark BELL.

L'auteur s'occupe dérces, désignations in extremis de l'auteur

d'un meurtre par exemple. Il' signalé les réservés expresses qu'il y

a lieu dé faire sur ce point'et les hypothèses variées que la loi peut

avoir à 'examiner (foli6"de*'I'a,u.te ur'de- la dénonciation, erreurs,

perversion). (edM;o-6gVo : n'M( ? Y n 3.)aw"'i" ''A.'MARIE ? * '

XV. 11-1LPRACTICE; par Clark BELI.

De la responsabilité du médecin ou chirurgien traitant, relative-

ment aux dommages pouvant résulter d'un traitement intempestif

ou mal dirigé par, négligence ou ignorance. L'auteur admet cette

responsabilité même'pourries incapacités de"travail, les pertes

de temps et d'argent résultant d'un traitement eontre-indiqué,

bien entendu en dehors des imprudences ou négligences possibles

du malade lui-même. (J)7eMO-a Journal, X, 4.) A. Marie.

- , : .0 "J l 1 & ? t Lb, f li# ? 1$1 eo (, . -, 1 .

XVI. Exkmrr4,MICRO-CIIIMlQUE Du s,% ? G;, par Joseph JONES.

Dans un cas de meurtre, l'expert eut à examiner les taches d'un

couteau et -celles d'ûnrlivèé'c Il cônclut'à' l'origine humaine du

sang examiné.

Dans le' numéro précédent, deux 'études sur la question; l'une

de Marshall EWELL, Etude micrométrique des globules sanguins ci

l'état de" santé où de maladie.^ " ^v-A 1 'z < ™- * .4,. * ? i

L'autre de Clark Ir BELL, Recherche "dîr'san'g en -médecine légale.

Cette 'dernière très "documentée 'avéc"'tableaux"1'ettfigures" nom-

breuses : '(àfe dico-legal Jozcrnal," v X,t3 : )y'=" 'e Qç 'AT'-Marie.' `' - "

11 h M z ' >U <-w n H' ! 1ty(Y. l · I.wb4tn 9b 45L k, rvi.i.

v-irTT T ? ' "' "">-" i'" ! " Wi n .. c* a > " "' v..., ? 1

'XVII. L`EVOLU71ON de la jurisprudence pour la responsabilité des

. ;* ? alcooliques ; pâI lé`D'' Clal·li"BELL : '1 ? "'

1 : 1 y o ? t, > ..)".)t ? ? >4r . ? natj-q .l,I' 9.iy IfII n

'Après avoir tout d'abord considéré l'état d'alcoolisme au moment

du crime comme une aggravation, on l'a envisagé comme cause

d'atténuation de responsabilité, puis on l'a graduellement' iden-

,f SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

tifié à une psychose. 11 en résulte des inconvénients en ce que

l'alcoolisme invétéré appelle des mesures -'différentes de celles

appliquées à l'aliénation simple. L'assistance devrait être doublée

pour eux de mesures restrictives spéciales rappelant le régime des

% aliénés criminels] anglais. (Medico-legal 1.)- Dans le

même sens l'Aliéné criminel, parGRAHAM (Mëe ! }eo-a< Journal, X, 2),

conclut au minimum d'internement de dix ans pour l'aliéné alcoo-

lique homicide.' ' " , ', ? ', "" ' ? A". 'Marie. -

XVIII. Responsabilité CRIMINELLE DES paralytiques généraux au

s, '^ ? ' DBUT; par, Franlz P-iRso ? s. ,- ,

appelle l'attention , sur, la fréquence des délits commis

dans la période préparalytiqte ti, 4 dynamie fonctionnelle. Ces

cas bien que, topiques, trop souvent méconnus par les juges, appel-

leraient un, sursis.au jugement et .un examen médical ou même

une observation préalable, spéciale. (Jlecdico-legal Juür»cel, X, n. 3.)

.. ° . z A. Marie. -

1 va ? J'W Ji i' e S : 'Icr·r.y u.er r . ,-v 7FI U` ' ! ·1' ? W il i

''P°3Lt 9.ifl' r-iam*ti»i' nu h f-j.f;u-r » Iua-' < ir, ? .9^Pii.Ci ih v . . ? c'rTnpt7'c ? c'At7'\rï ? c ? . '

.9, a, 3 , ,ai.,SOGIL'ÉS, SÂV1NTES ? 7 ? ?

XXIV CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIENATES.

't'·ol tDEL'ALLEVIAGV1 : 17U SUD-OUEST " ? 9ft0t)tt'mi ? t ? j'9f.r.) i l'ifytm · f °, i

' -iiu-sdl'"1 » i .t y, SESSION, DE KARLSRUHE., a4 ? , ,

. -ni . » ri.

-i ' Séance, du 5 novembre 4S9 ? ? PnèslnrvcE de hl., LUDN1G : '

i vtin, <non< , Vis<V)Jc ' n> >' , iiV.,«o'u> t « >» 1 1 « 'li, ' ' .

De l'importance et de l'emploi de l'hydrothérapie chez les agités. Rap-

porteurs : MM. FUErtSTNER-,et,4FEDB.USCII. Voici les conclusions

proposées par les; deux ^rapporteurs qui sont à peu près d'accord

sur l'ensemble : 1° la valeur.de l'hydrothérapie scientifique sous la

surveillance de médecins compétents est incontestable dans le trai-

tement des aliénés; 2° mais, il faut qu'au préalable on ait soi-

gneusement examiné rieurs organes; 3° on a également à'tenir

compte de particularités quant au mode de réaction individuelle

,de,-rand, nombre d'entreeux;4°'tandis que il'eau chaude con-

- lipQy *** -» ? t *l "i - i, ir-.it. -j- '.< f ? f

,si Le retard de cette publication est dû ;\ la mort de M. Schoenthal.

58 sociétés savantes.

vient exclusivement sous la forme de grands bains, l'eau froide peut

être utilisée en frictions, enveloppements, airtisiotisilouelies, bai iis

partiels ou bains, généraux; 50 l'eau chaude sera employée en

grands bains de 26,; 28, 30° de 10, 15, 20 minutes, de durée,ou en

bains prolongés suivant le cas. On n'emploiera qu'à titre exception-

nel des bains plus chauds ou plus prolongés ;,car les résultats obte-

nus par leur emploi- ne sont pas en rapport avec les difficultés

qu'entraîne leur administration; 6° l'action du grand bain chaud

est triple ; il calme, appelle le .sommeil,' active les échanges

nutritifs. 11 contribue à l'entretien de la peau et à l'hygiène, no-

tamment chez les gâteux, les agités,ou les malades 'atteints de

lésions organiques; 7 ? le {grand bain, chaud est indiqué, dans

toutes les psychoses fonctionnelles, aiguës; il;, agit. favorablement

dans les psychopathies dépressives, surtout quand les.malades pré-

sentent en même temps de la déchéance somatique. Le bain chaud

rend également de grands services dans les psychoses d'origine or-

ganique, et, au premier chef,' dans, la paralysie générale; l'action

congestive qu'il peut exercer sera efficacement combattue par l'ap-

plication simultanée de compresses froides sur la,tête du malade;

8° on s'abstiendra de prescrire le bain chaud chez les malades qui

montrent pour lui une répulsion opiniâtre, extrême-et;continue,

qui se raidissent contre son administration;. on n'insistera pas non

plus quand (ce qui d'ailleurs est exceptionnel) l'aliéné qui. sort du

bain est plus anxieux, ou, plus agité qu'avant; 9°, l'hydrothérapie

froide agit le, plus,souvent d'une façon' défavorable dans les psy-

chopathies dépressives, surtout à la, période aiguë de., celles-ci,, et

tout particulièrement chez les malades dont lanutrition1estvicieuse.

Si l'on prescrit l'eau froide sans tenir compte de l'état général des

organes, si, par engoûment ou par, système, pour obéir à la mode

empirique, on soumet en masse, les. malades à l'entraînement de

KNEIPP, on nuit plutôt à l'évolution de la maladie.mëulate dont on

risque, pour le moins, de prolonger la durée de beaucoup. On est

alors d'autant plus nuisible que la prescription en a'lieu au stade e

initial de la psychopatie, et qu'en outre, parées pratiques, "on ré-

duit l'apport, nutritif ;. 10 ? il faut être particulièrement circons-

pect quand, on se propose de traiter.à l'eau froide les paralytiques

généraux. On leur évitera les affusions, et les douches, surtout sur

la tête; ce traitement exagère l'excitabilité' et' la tendance à l'agi-

tation et parait favoriser les" attaques' congestives; 11° on obtient

souvent de grands avantages de l'enveloppement du corps entier

dàns« le drap humide et froid pour traiter l'agitation,11 par exemple,

chez les maniaques, chez les malades'vigoureux et jeunes' qui sont

affectés de psychopathies postépileptiques, et d'une façon générale

dans les formes morbides^qui procèdent, par» de( l'hyperthermie^

12° les frictions froides, les affusions sur le corps, sans y comprendre

la, tête, sont à leur place- dans les stades avancés des psychoses

sociétés savantes. 59

fonctionnelles, notamment quand l'évolution delà maladie prend un

caractère traînant; ces procédés sont surtout indiqués lorsqu'on a

affaire à un état d'affaiblissement imminent du système nerveux

central; ils relèvent'la'force de résistance' des malades ; on les

emploiera notamment dans la neurasthénie, l'hypocondrie, chez

quelques convalescents, ou encore, à titre prophylactique, chez les

sujets "'à' hérédité vicieuse; 13° l'enveloppement.' partiel à l'eau

froide rend fréquemment de bons services lorsqu'on veut combattre

les sensations anormales, surtout celles qui sont circonscrites ; la

serviette froide appliquée sur le thorax convient, par exemple, dans

l'angoisse : Les bains froids partiels et'en particulier les bains de

pieds diminuent les sensations anormales de la tête, notamment la

sensation' de compression, céphalique; 14° les affusions et les

douches amélioreront'certains gâteux; mais c'est au médecin seul

qu'appartient la prescription et l'application de ce moyen de trai-

tement : L'eau froide aidera également à combattre la masturba-

tion ; 150 les' bains froids généraux, les bains froids de rivières et

de mer sont indiqués pourrenforcer le système nerveux central. La

réaction des'individus' est" d'ailleurstrès variable'et'échappe à

toute ^prévision ; 'aussi conseillera-t-one de commencer' par des

bains très courts ? ^ ? t c·;y » "j'^n Iiiir ' - o . ' - '' ,

- Discussion : M. KnOEPEUN ? Les bains chauds prolongés, de plu-

sieurs heures, chez les agités et dans les psychoses aiguës n'ont au-

cun désavantage pourvu que, par : précaution, l'on'administre de

petites'doses d'alcool' avant et après les bains^ On obtient fréquem-

ment ainsi un calme de plusieurs heures ! M. Stark préfère un bain

chaud' d'une demi-heure au maximum;' en' le répétant,' au besoin,

deux'fois par jour ? .t 7.y ' `t4j t.« ' '<>* v- - » z

t' M.' FUERS'1NER. - II est'difficilede maintenir si longtemps dans

le bain des 'agités, la' surveillance du médecin est, en tout cas, de

rigueur.' Ceux qu'on peut le mieux soumettre à ce' régime, ce sont

les mélancoliques anxieux et les malades affaiblis'par une maladie

physique aitérieure2 ,' ? P ,1, '" * ;"»* / ! ' / -

MM. Sioli et Schuele prolongent f aussi la durée* du bain chaud

pendant une| heure.' '^-' M. 'KROEPEUK se passe de bains quand il a

affairé à dès' malades tout à fait récalcitrants. Il s'abstient et l'on

doit absolument s'abstenir des baignoires' a couvercles. ` ' ',

1,, Conclusion 6. M. KROEPELIN regrette que les rapporteurs n'aient

pas fait mention des bains permanents chauds pour le traitement

.des* accidents gangreneux du décubitus' - M. DrrTMAR ? Les grands

bains chauds ne font pas. dormir. -,..., , , . m

·' Conclusiori 9 : ' -`M. FoERSTNERsur le désir de M. Schuele,

.-explique que sous le nom 'd'hydrothérapie froide (Kallwassei-proce

du ? -en).il entend parler des moyens d'administrer l'eau de source

froide : 3' -' ' " ' , " ' ,

60 SOCIÉTÉS savantes. ? .. - . a - ' -.1 1t.. -t" 'Mil'

111. SCHUELE. Et l'emploi de l'eau à la température moyenne

de 22° ? Faut- il le proscrire ? ay y ? « . ,, · ? y; r,y,,4

M. FUERSTQER. L'eau à 22° n'est pas de l'eau froide. > ^>.o " «c

MM. KREUSER, VVILDERIUTH, Stark et Kirn confirment la condam-

nation prononcée par I : Fuerstner contre le. système : de Kneipp

dans le traitement de l'aliénation mentale, surtout au'début, -et

dans celui de la neurasthénie. Adoption unanime ^'de la conclu-

sion 10..1, jt. (, , jyf(Jir - ). ! (" ? t 1 , "» it ? .il

. Conclusion J J . , 11L Schuele pratique, l'enveloppement à l'eau

froide dans là, manie et. dans la folie- systématique aiguë, quand

la fièvre est peu élevée; il en obtient de bons résultats.,t ^itnB'

Conclusion 13. - M. r BIrrsN.INGER combat avec succès les; sensa-

tions anormales en appliquant'sur l'abdomen des compresses de

Priessnitz; c'est un moyen qui a encore l'avantage de provoquer le

sommeil, mais.il il augmente l'angoisse. \ ,4"t,r"3niaJen e,fa.mNè'J

. Conclusion 45.-VI : BrNSwAi\GER recommande' les bains'des lacs

intérieurs; dans le lac de Constance on baigne beaucoup de malades

y compris les paralytiques généraux, sans que, jusqu'à ce jour,ion

en ait relaté d'inconvénients. Mais quand il s'agit de bains de mer,

il faut se montrer très, prudent. M. Fuerstner.^ Les' grands

asiles pourraient au besoin, construire des écoles de natation.

M. Stark. ? A Stephansfeid on utilise depuis neuf ans ^un ; bain ici

froid libre. ' , i W ,, tu

- Le congrès msistesur la nécessité d'être très circonspect à l'égard

des bains'de'mer'chëz les neurasthéniques ;le séjour, au bord de la

mer" est bien plus* utile pour' 'eux ? ' " " ? : " a- ait

' trio.. ,Ji ilj -iJATifif

M. Fuerstner. En somme, nous sommes tous à,peu'de chose

près d'accord sur les' indications de l'hydrothérapie et de labalnéo-

thérapie en pathologie mentale. Mais il est évident que' la précision

nous' fait à tous défaut* Les renseignements bibliographiques sont

ce sujet épars' et "rares ; et encore' ne'les trouve-t-on' pas dans

les recueils de psychiatrie. Il faut espérer, que l'avenir améliorera

cet état.

1. 1 '«.tiunn nuv .fit"" "ui"- <»; <i->iJi,'i.-i it 'Ti; -ç 11f1 E 41..

M. Rieger. t Lu psychiatrie , et l'étude de ,la médecine. f L'ora-

tp r E' La, 1.. - et - l'étiide on a de.,la inétlecine., i ' L'ora-

teur propose d'adresser, une,pétition aux, Etats qui ont déjà fait

tant de'sacrifices pour renseignement de la psychiatrie, c'est-à-dire

à la l3âvière ·; àu2 Wurtémberg; au duché de Bade; à la liesse et à

1 ? Alsace-Lorraine; afintde les prier d'agir dans le conseil fédéral et

auprès du ministre, dans le but de faire introduire les matières de

la médecine mentale, au nombre des épreuves, d'examen

Adopté. ^ . I .t.,... ? (tuM ? ( ? )<5Bt ul'B'-i x,

M. ICRPEL1N. Délimitation de la .paranoïa.^ ? L'orateur,; pro-

pose de n'appeler de ce nom que les cas dans lesquels il y a forma-

tion d'un délire systématique chronique, incurable, stable, implanté

sur une assise constitutionnelle. On en exclura par conséquent le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 61

délire systématique que beaucoup d'auteurs qualifient de IVahii-

sinn ou de WaA ? MMM aigu ou encore de paranoïa aiguë curable. On

en exclura aussi les observations dans lesquelles il y'a délire plus

ou moins cohérent, à début aigu ou'subaigu, délire qui témoigne

simplement d'une profonde débilité mentale préexistante ainsi que

le montrent le décousu et l'incohérence des conceptions délirantes ;

ces cas et.d'autres modalités plus ou moins semblables devront être

rangés dans l'hébéphrénie. - .<> i'<'<" ? r . '- -

Discussion : M. FUERSTNER. Jamais on n'a eu l'intention de

ranger dans la' paranoïa l'amentia. Mais qu'est-ce que signifie le

termede constitutionnel ? CommentM : KROEpELiNappeHera-t-iHapa-

ranoïa hallucinatoire aiguë des alcooliques ? " 418 - " s, - '

'M.KpOEpELiN. " On' désigne aujourd'hui encore fréquemment

l'amentia du nom de paranoïa-hallucinatoire aiguë. Quant aux mot

dalités hallucinatoires aiguës de Fuorstner,'ce sont du Wahnsinn.

L'épithète constitutionnel désigne un processus pathologique exis-

tant -à l'état latent chez l'individu et se -développant, «sans, coup

férir, lorsque les facultés mentales se développent.».. u t '

"M ? Kirn. 11' y, a ? des' cas de paranoïa1 aiguë- qui deviennent

chrôniques'et réssemblent'1exa"ctement àcéux qui "sont' chroniques

d'embléë ? 1 ? KRPELIN. Généralement la paranoïa à début

aigu ou subai-ù --àét-it 6ù' se1 termine'par la 'démence" niais 'ne

devient pas chronique ? 1 ' ? ftj Il ? n=-a;bJ' f, " `

Tul"'

M. ,VORSTER. Etat du poids spécifique, du, sang chez les, aliénés.

L'auteur a étudié la densité d'après lé, procédé, du pyknomètre

capillaire de'Schmalz '-^"et l'hémoglobine à" l'aide' de l'hémato-

tomètre de Fleiscbl. 1 ? 'l-4 .

' Il examiné 116 aliènes (103 hommes et 11 femmes) à l'âge

moyen de la vie. Dans la mélancolie,' la'manie périodique, le délire

sÿsténiâtiqilê'aiâüyôïicôïîstate;`à la pério'de* d'acmé de la maladie,'

une diminution de, la densité," et''de 'l'hémoglobine.' Celles-ci se

relèvent àvec ler' pôids du' corps, ' iquând ? ômmenee E la guérison.

Chez un malade «attei'nt' de "deli ? "itim" ti'èl,e;2,s, 1 oil* constata, à la

suite^'une période d'agitation de quatre jours, que pendant vingt

jours, le poids spécifique remonta de 1,052 à 1,061' et l'hémoglobine

de 85 àt 95'p." 400; tandis"que ler pôids''dû corps regagnait neuf

livres ? Mais il'faut réserver une' place à part 'aux 'mélancoliques ;

car au début on constate souvent une' ascension considérable des

dëux'elémènts du sang '(densité ? hémoglobine); la dépression', lors-

qu'elle* est grâve ? àrrêt'e là'circulatibh. '' ! ,1'B'" ? '' "

Chez'les paralytiques généraux,' tandis que "progresse la dé-

chéance, la densité et l'hémoglobine baissent. Chez une paralytique

générale'à marche'aiguë, la densité s'abaissa à 1,046, l'hémoglo-

bine à 63 p. 100 : 1 Une' attaque''congestive fit remonter la densité

de' 1,057- à'i4,06 ? et' l'hémoglobine de 85 ùz 95 p. 100; en deux

'' '9t)' ? U ? jLt ? ? t r t . -t' ' '. r 7 . `

'62 SOCIÉTÉS SAVANTES.

jours on redescendit aux chiffres qui étaient notés avant l'attaque

congestive. r Wt > » ! '* ' - ; - 1 1 il z

A la suite d'attaques d'épilepsie grave, il'y a d'ordinaire augmen-

tation évidente de la densité et de l'hémoglobine. Les épileptiques'

à l'âge moyen de la vie, qui ont pendant des années pris du bro-

mure, ont une densité supérieure à/celle des épileptiques qui n'en

prennent point ou n'en prennent que depuis peu.Voici un exemple :

un épileptique" prenant depuis onze ans du bromure, a, une demi-

heure avant `une attaque graver un poids spécifique de 1,067

une proportion d'hémoglobine de 110 p : 100 un- nombre> d'hé-

maties de 8,360,000. ? t »' i. : k ? ,loar - -1" ' ? ni- ? 14jet i

Voici, par contraste; une démente de. trente-neuf ans; atteinte de

maladie de Basedow : le poids spécifique est de 1,031 la; propor-

tion d'hémoglobine de 22 p. é 100 - le nombre 'des hématies de

i,8rI,000. Il est vrai que ce sont les chiffres lesiplus faibles qu'on

ait relevés. . -r - . 4L Il mwnMx'*

Discussion : M. SOMMER ? Quelles' sont les formes'de mélan-

colie où l'on ait constaté les chiffres les plus élevés ? -2 M.1 Vorster :

- La mélancolie stupide. 'O'1»^ n cr' t'3y ? »<» «..fi tiu ;^ oip.

La mélancolie La physiologie expérimentale a-t-elle, par l'exer-

cice exagéré, par exemple, pu réaliser des phénomènes'°serü-

1)1a111eS ? * ' ? vw·t ,·,i1 »n y v1 41 ''ü- ', ?

M. Vorster ! Non. D'autant plus 'qu'il'me paraît difficile que

l'on puisse dépenser une énergie' aussi vive et aussi continue'' que

les'aliénés en dépensent pendant une période ' d'agitation.n (Allg :

Zeitsch. f. Psyçhiatrie' L. ·, ,i. .,1 ? ? ? : tflJ 9 I . KER.1VAL. . ? >

- . ii, H'1' : : t .nui» )«' )11 ( ? tJ`t`'·9 Xrl' Yuflu ltl.t

,i.. , -r. ·w ? r ·t irr rr.i rf rrrr Cj itrr53 vyJv bz'erqd rHjr rrr,

- l ,r .r r ! . ·f7,tri.,· -1 Ir3 r ? V·rtia : ,,r 3. UjiU ;,t Br ! 6 ) '7AtrU'1.1 cru

Séance du 6 raovembre : 189. , Présidence de M.' rUEnsTEa.-u ,

' .· t , -119 Y 5t,i41 IlL ? ^n·.3·n '1 : sQfriC 2lri . yrrF3'ir : G tr^-ilil'

Le Congrès se réunira l'an procliain,(1893). à Ialrsruhe. On. y

traitera officiellement les questions suivantes : 1° Des quartiers de

surveillance continue. Rapporteurs : 111L IItPELIN et SIOLI ; 20 des

visites des parents dans les asiles d'aliénés. Rapporteurs : MM.'ScuuELE

et DITT31AE ? ·y r.,n,,F(mflt'. 1 ·Dri..v,n a.lEi' 81tlrJlJ 3..Î .{ i.i ^ 4

Du nombre des cellules nécessaires hLns lesasiles.publics de trai-

tenaent et d'hospitalisation d'aliénés ; de leur mode de : construction et

d'installation le plus convenable. Rapporteurs : MM. LUDwiG et Kreu-

sEn. Voici les conclusions proposées : o. 1 ? lue .=9 »-,i-, r.Sio

1° Un asile public du genre choisi pour la question proposée,^ dois

avoir une proportion de 10 p. 100 de' chambres bu de locaux prot

près à isoler les malades. Mais si l'asile a plus de 500 malades, on

peut lui en donner moins, bien que ce soient ces constructions qui

en réalité permettent de recevoir rapidement de nombreux en-

trants; 2° la moitié à peu près de ces locaux d'isolement serasoli-

, SOCIÉTÉS SAVANTES. 6t>

dément établie et groupée en un quartier spécial. Le reste sera de

construction légère et disséminé dans les autres quartiers de l'éta-

plissement; 3° chaque local de cette espèce aura une superficie de

12 à15;- mètres carrés, et cubera 50 à GO mètres; 4° nécessité de

la ventilation artificielle; 5° le chauffage central est à souhai-

ter ; 6° on les pourvoira de^ larges, fenêtres dont le quart ou le

tiers mobiles; 7°' il est indispensable qu'on dispose d'appareils

propres à éclairer ces toeauxi du, dehors pendant) la nuit; 8° on

installera un système de portes solides, s'ouvrant au dehors, rapi-

dement et sûrement, à plusieurs serrures. Il sera bon d'avoir de

doubles portes; 9° on n'oubliera pas le guichet ou toute autre baie

d'observation; 10°, Les parois devront êtres résistantes, faciles à la-

ver,ou,à désinfecter; 11° la planche sera en bois dur; 12° utilité

des sièges fixes des latrines dans les cellules ; 13- un-mobilier fixe

est tout à fait inutile.' aW1 u .4 'u. ? »,t» ii v « , .... ·

Discussion : Il résulte de cette discussion à laquelle prennent

part lf3LFuerslner, Stark, Kroepelin, Kreuseret Rieger qu'il est

impossible de tomber d'accord sur un-type de, cellules, pas plus

que sur un nombre centésimal régulier, parce que c'est une ques-

tion dans laquelle interviennent des facteurs d'une extrême variété

/Fuerstner) : " ,. ? 4 ? ) h .» ? ,ïqi. r4 ^ .,

M. 1. Hocxe. De la méningite ce ! 'ë6 ! 'o-pt ? ! a<e; présentation de pré-

paratOM. , li s'agit d'une femme grosse de trente-quatre ans,

arrivée au sixième mois de sa grossesse ; il existe chez elle tous les

accidents, de l'éclampsie, comprit unea albuminurie colossale.

L'autopsie montre une méningite suppurée diffuse.de tout le, sys-

tème nerveux central; l'organisme ne contient cependant aucun

foyer qui puisse être tenu pour le point de départ de l'infection.

On trouve dans le liquide cérébro-spinal le diplococcus de la pneu-

monie de Froe-nk'el.'Pas de microorganismes dans les vaisseaux ar-

tériels ; quelques-uns dans les veines; diplococcus sans nombre

dans' les espaces, lymphatiques delà pie-mère'et de l'arachnoïde.

C'est donc un cas sporadique de méningite ~épidémique, mais dont on

ne connaît pas le mode de'contamination. le -- v ., ...

"M. G : ILDERG. Le délire systématique hallucinatoire d'origine toxique

(Kroepelin). Le délire systématique hallucinatoire (%Vahnsinn) est

une maladie caractérisée par des hallucinations sensorielles et des

idées délirantes' sans trouble profond' de la connaissance, à évo-

lution, ! aiguë ou subaiguë,' qui, tantôt guérit complètement soit

après récidives, soif après avoir duré pendant quelques années,

tantôt aboutit à un affaiblissement secondaire des facultés intellec-

tuelles. Il faut le distinguer de la confusion mentale ou désordre dans

les idées , hallucinatoires, car les malades ne sont pas désorientés,

ils reconnaissent les personnes, ruminent tout un chapelet inter-

minable de conceptions délirantes cohérentes,- sont hantés de

perpétuelles hallucinations sensorielles et d'idées délirantes dé-

64 SOCIÉTÉS SAVANTES.

taillées, restent bien ordonnés et savent ce qu'ils veulent ; parfois

ils ont conscience de leur maladie et en conservent le souvenir. Le

délire systématique hallucinatoire aigu se distingue du délire sys-

lématique chronique (paranoïa) par la différence de la marche, de

la terminaison, du début (élude de Kroepelin de 1886). " '

11 en existe des formes dues à des intoxications.

Le délire systématique hallucinatoire alcoolique est la principale.

Il a pour facteurs les hallucinations de l'ouïe, et les idées de per-

sécution. 11 débute deux jours après l'ingestion de doses plus par-

ticulièrement exagérées d'alcool et éclate comme la foudre. Il

dure trois semaines au plus dans les cas aigus - cessation brusque

dès la première semaine conscience de la maladie du cinquièmp

au douzième jour, guérison absolue à la fin de la deuxième

semaine. La forme subaiguë : les accidents aigus persistent une à

six semaines- dès lors marche traînante, cessation graduelle des

hallucinations, réforme des idées délirantes = tout est terminé en

un mois et demi ou six mois. Le passage à la démence secondaire

s'annonce par des troubles de la mémoire et du jugement, une

conscience imparfaite de la maladie, une appréciation imparfaite

ou exagérée ou égoïste de la personnalité; réapparition des hallu-

cinations au bout de quelques années. C'est dans les formes subai-

guës qu'interviennent les prédispositions héréditaires ; les candi-

tions vicieuses de la nutrition ; des incidents constituant autant

d'éléments nuisibles individuels. On voit alors survenir des halluci-

nations multiples, des idées de culpabilité. -

Le délire systématique hallucinatoire morphiaococaïniq21c a pour

symptômes : des illusions et des hallucinations de l'ouïe, de la vue,

de la sensibilité générale, des idées de persécution hypocondria-

ques simples et complexes. Les hallucinations et les idées'déli-

rantes sont plus fréquentes et plus pernicieuses que dans le délire

alcoolique génital et obscène. Les malades ont des idées de jalousie

qui les minent; ils accusent de leurs persécutions des agents phy-

siques tels que l'électricité, l'optique, la photographie, le magné-

tisme, l'hypnotisme. Humeur tantôt colérique et excitée, tantôt

déprimée, défiante, hypocondriaque. Tendance à la dissimulation.

Idées délirantes cristallisées persistant pendant toute la maladie.

Grande agitation ; çà et là confusion mentale au moment de la

surémotivité. Désordre des actes, souvent dangereux en rapport

avec. cet état mental. Accidents somatiques multiples; lassitude;

amaigrissement, vertiges, dyspnée, accélération du pouls, exagé-

ration des réflexes, tremblements musculaires, etc. La durée des

accidents aigus dépend de la persistance avec laquelle le malade

se pique à partir du moment où il a éprouvé la première halluci-

nation. L'accès de délire est du reste curable. Mais le pronostic de

la.morphinomanie est mauvais.

AI. Schoeffer. Contribution à la connaissance de l'action du : <//0-

SOCIÉTÉS savantes. 6o

iitil. L'auteur a constaté dans l'urine des aliénés prenant du

sulfonal de l'hématoporphyrine (hématine exempte de fer). En

second lieu le sulfonal, surtout quand on en prolonge, l'adminis-

tration longtemps, tend à constiper, et cela d'une façon opiniâtre.

C'est aussi l'avis de M. Fuerstner. r , , ? ê> , *& ,

M. SIOLI présente des coupes du cerveau dans un cas de lésion du

lobe occipital. 11 y avait complète amaurose d'origine centrale ;

la réaction pupillaire était conservée ; il n'y avait pas d'atrophie

des nerfs optiques. Comme il n'y, avait pas de symptômes impu-

tables à la base ni au trajet de la bandelette optique, on dut penser ..

à une lésion des deux lobes occipitaux et, étant donné l'ancienneté

des symptômes et; l'ââe de soixante ans de la, malade, à un ra-

mollissement de ces organes. Il y avait lieu de croire que toute

la sphère visuelle- du lobe occipital, gauche était détruite et que,

dans le lobe' droit, une. partie seulement. de cette. sphère, était

altérée.. ? ... , .1 .) ...' 1 , 9 1

Les choses en étaient là, "quand on s'aperçut que la malade était

incapable de reconnaître par le toucher les objets d'un usage jour-

nalier ; elle énonçait nettement leur nom quand on lui disait à quoi

ils servaient,] ou quand elle -pouvait en apprécier 'rôdeur, ou le

goût. D'après les expériences de Munk, on dut pensera la destruc-

tion d'une zone du lobe pariétal immédiatement contiguë au lobe

occipital et plus particulièrement dans l'hémisphère droit qui pré-

side de préférence aux fonctions de sensibilité. C'était une sorte de

cécité corticale d2c tuct... ? ^.t-i-v,i\i 0'- .v

,L'autopsie .révéla : , la- destruction complète du-* lobe .occipital

gauche,.par-,un .ramollissement, y compris le coin, le.lobule lin-

gual et le lobule fusiforme ; le reste de l'hémisphère gauche était

intact. Dans l'hémisphère droit, il y avait un t ramollissement 'qui

commençait, immédiatement en arrière de l'extrémité postérieure

de la scissure de Sylvius, détruisait le pli,courbe et se continuait

dans le, lobe occipital...) , ( . ,.} ' v s ni' ' ? ► t ' <

t Lé trajet réel du ramollissement constaté dans l'hémisphère droit

était le suivant. Dans. la profondeur du. sillon occipital supérieur

commençait l'altération, elle gagnait la profondeur de la substance

blanche, et dissociait en partie la partie postérieure du stratum

sagittale interne et, externe ? la destruction portaitiencore sur le

pli courbe, pénétrait profondément, dissociait les fibres compactes

de la couche sagittale interne et la moitié supérieure du forceps

pour, entraîner la dégénérescence secondaire déjà couche optique.

La substance blanche. du lobule pariétal inférieur et du lobule pa-

riétal supérieur était, considérablement lésée. Intégrité des ascen-

dantes. (Allg. Zeitscls. f. Psychicitr. L. 5.) , .. P. Keraval.

Archives, t. XXVIII. 5

66 sociétés savantes.

SOCIÉTÉ : 11ÉUICO ? SYCHOLOC : 1QU1 ?

Séance du 28 mai 1894. Présidence DE M. A. Voisin.

Bustes de Baillarger et J. Falret. M. Vallon, au nom de la

commission du buste Baillai-ge ? ,, informe la Société que ce buste,

oeuvre du sculpteur Malherbe, est, dores et déjà, installé dans la

cour delà Salpêtrière. La commission, après entente avec l'Ad-

ministration de l'assistance publique, propose d'en faire l'inau-

guration solennelle, le 7 juillet prochain, à 4 heures du soir. Ou il

pourrait, en même temps, inaugurer le buste de Jean-Pierre Falret

(par Ludovic Durand), qui, à la fin du mois de juin, sera trans-

porté, du salon des Champs-Elysées où il se trouve actuellement, à

la Salpêtrière.

La Société adopte les propositions de la Commission, à laquelle

elle donne pleins pouvoirs pour organiser une cérémonie digne des

deux illustres aliénistes dont elle veut honorer la mémoire.

M. JOFFROY propose de voter un crédit illimité pour les frais

d'inauguration. La proposition est acceptée.

Attentat à la pudeur commis par un épileptique. M. Vallon

rapporte l'observation d'un individu ayant commis un attentat à la

pudeur dans les circonstances suivantes : -

X..., est un homme de quarante-trois ans, ne présentant, au point

de vue physique, d'autre particularité qu'un léger degré d'asy-

métrite faciale. Il n'a pas d'antécédents héréditaires ; mais à six

ans, il a fait une chute grave, et de plus il est sujet à des étour-

dissements. Un dimanche soir, il descend à la cave avec sa fille

aînée ; il était occupé à tirer du vin, quand tout à coup, il se relève

brusquement, déboutonne son pantalon, sort sa verge et s'avance

vers sa fille en lui disant : « Prends-la, prends-la. » L'enfant effrayée

se met à crier. La mère, qui était au rez-de-chaussée, accourt et

voit son mari debout la verge à la main, l'air hébété, répétant ces

mots : c Prends-la, prends-la. s

Interrogé sur ces faits, X... me répond, avec toutes les apparences

de la sincérité : « J'étais en train de tirer du vin, j'ai été pris d'un

vif besoin d'uriner, je me suis levé. A ce moment j'ai eu un étour-

dissement comme j'en ai quelquefois; que s'est-il passé alors ? Je

n'en sais rien ou plutôt je ne le sais que par le récit qu'on m'en a

fait. » 11 ajoute que ce jour-là il avait bu un peu et que c'est la

boisson qui lui a fait perdre un instant la tête.

SOCIÉTÉS savantes. 67

11 donne sur ces étourdissements les explications suivantes : Tout

d'un coup lui apparaît une scène de son enfance ; ilvoit son village

natal, il croit y être, enfant il joue comme autrefois avec ses cama-

rades, puis Usent des lancements dans les tempes. Il ne perd pas

positivement connaissance, mais s'il marche, il est obligé de s'ar-

rêter, s'il parle, il lui faut se taire et ne se rappelle plus après ce

qu'il a entendu; s'il tient un objet à la main, il est obligé de le

serrer fortement pour ne pas le laisser tomber. Ces troubles.ne

durent habituellement que quelques instants. Ensuite il a la tête

lourde; cette céphalalgie se maintient pendant quelques heures,

quelquefois pendant un ou deux jours. Ces renseignements sont

confirmés par l'entourage de X..., qui a toujours été bon époux et

bon père, jusqu'à l'attentat commis sur sa fille. Il boit cependant

de temps en temps. Les rapports de police sont favorables à l'in-

culpé ; son casier judiciaire est vierge de toute condamnation.

En somme, on peut dire que l'acte dont X... s'est rendu coupable

jure avec son passé. Homme d'un tempérament froid, père affec-

tueux, toujours convenable dans sa tenue et dans son langage en

présence de ses enfants, il s'est montré érotique, pour un moment,

et n'a pas craint d'attenter à la pudeur de sa fille. Pour expliquer

sa conduite insolite, X... prétend qu'il a perdu un instant la con-

science de ses actes, sous l'influence de quelques excès de boisson à

la suite d'un de ces étourdissements auxquels il serait sujet. La ques-

tion qui se pose est donc de savoir si X...a réellement par inter-

valles des troubles cérébraux, de déterminer la nature de ceux-ci

et de voir s'ils sont capables de faire disparaître la liberté morale

et par suite d'entraîner l'irresponsabilité. Enfin 11f ? X... déclare,

elle aussi, que son mari avait des faiblesses.

Pour M.VALLON,X... parait atteint de la forme d'épilepsie connue

sous le nom de petit mal. Mais il ne suffit pas qu'un individu soit

épileptique pour qu'on doive considérer comme entachés d'incon-

science tous les crimes et délits qu'il peut commettre ; il faut, au

contraire, examiner chaque fait en particulier et voir s'il présente

ou non les caractères d'une manifestation comitiale. Or l'acte com-

mis par X... a bien les caractères de ceux qu'on observe à la suite

d'un ictus épileptique. Les impulsions érotiques sont fréquentes

dans les heures qui suivent un paroxysme comitial et Lasègue a

montré que parmi. les aliénés qui exhibent leurs organes génitaux,

un bon nombre sont des épileptiques qui se livrent à ces actes à

la suite de vertiges ou d'absences.

X... n'a d'ailleurs conservé qu'un souvenir très incomplet de ce

qui s'est passé, il se rappelle qu'il s'est levé, poussé par le besoin

d'uriner, il a eu un étourdissement, le reste de l'histoire lui échappe

jusqu'au moment où sa femme est arrivée. La perte ou l'incer-

titude des souvenirs est la règle dans le cas d'impulsions épiiep-

tiques.

68 sociétés savantes.

De tout ce qui précède, M. Vallon tire les conclusions suivantes :

1°X... est atteint d'épilepsie (petit mal); 20 très vraisemblablement

il a-commis l'acte dont il est inculpé sous l'influence d'une impul-

sion épileptique, c'est-à-dire inconsciemment, il ne saurait donc en

être rendu responsable.

M. Falret a observé aussi plusieurs cas d'aura visuelle précédant

une attaque d'épilepsie. Un malade, qui avait eu sa première

attaque à la suite de la morsure d'un chien, voyait ce même chien

au moment de la manifestation comitiale.

M. Vallon. L'hallucination de mon malade était banale et

n'avait aucun rapport avec la frayeur.

M. JORFROY. Pendant l'attaque il a parlé à sa fille; on ne peut

donc considérer le mutisme comme pathognomonique de l'attaque

d'épilepsie. Quelques-uns ne peuvent répondre pendant leurs

absences, mais entendent très bien ce qu'on leur dit.

M. FALRET. Quelques auteurs admettent que l'aura panoramique

a son point de départ dans le nerf optique. i, '

M. Charpentier. Ce qui me paraît bizarre dans l'observation, c'est

que, comme toujours, l'attentat s'est produit' dans un endroit

obscur, en l'absence de témoins. Il y a là une fâcheuse coïnci-

dence. En tout cas, qu'il y ait ou non simulation, l'individu'n'a

été ni condamné, ni placé dans un asile. C'est regrettable. J'ad-

mets difficilement qu'on puisse perdre la conscience au' point

d'oublier des actes paraissant réfléchis. J'ai aussi observé un épi-

leptique qui, bien qu'il ait été mordu par un chien, n'avait point

l'hallucination visuelle du chien. ·

M. Vallon. L'acte de mon malade n'était nullement compliqué.

Pour ce qui est simulation, je n'y crois pas. Mes conclusions ne

sont d'ailleurs nullement affirmatives.

M. CHRISTIAN. Un jeune homme, ancien trappiste puis sous-offi-

cier, avait puni injustement un soldat qui, pour se venger, lui

appliqua un jour le canon de son fusil chargé sur la tête et pressa

la détente. Par un miraculeux hasard, le coup rata ; mais le len-

demain le sous-officier avait une première attaque d'épilepsie. Les

auras qu'il eut, par la suite, reflétèrent souvent la vue de son

ancien couvent ; mais jamais du fusil, et cependant le malade

m'avoua avoir éprouvé en face du soldat un sentiment épouvan-

table de frayeur.

M. SLGLAS. Je crois, comme M. Vallon, que son malade était

inconscient, au moment de l'acte incriminé. Ce matin même, j'ai

observé -un vertigineux qui dernièrement a donné, pendant une

absence, des coups de parapluie à un passant. Il ne se souvient de

rien. ,

M. 13RIA14D a observé un épileptique qui, à trois reprises diffé-

rentes, avait, au cours de vertiges, tenté d'arracher ou arraché vio-

sociétés savantes. 69

lemment les montres de passants, inconnus de [lui, pour les jeter

en l'air. Arrêté et conduit au poste, il ne se souvenait de rien, pas

plus qu'il ne se rappelait les coups de couteau inconscients que

plusieurs fois il s'est donné dans la région' du coeur dans des cir-

constances analogues. Une fois, la pointe du couteau a pénétré

assez profondément entre deux côtes pour amener la mort.

Alcoolisme et délire de persécution avec auto-accusation. M. Rou-

binovitch rapporte deux cas de délire de persécution avec auto-

accusation. La première observation est relative à un homme de

trente-huit ans, d'une bonne intelligence moyenne, sans stigmates

physiques ou psychiques de dégénérescence, sans antécédents héré-

ditaires névropathiques. A la suite d'un chagrin de famille, ,il se

mit à boire et bientôt un accès de délire se déclara avec le cortège

,habituel d'hallucinations et d'illusions d'origine toxique; au bout

de trois jours, il devint un peu plus calme et en l'interrogeant on

constata un, véritable délire de persécution avec auto-accusation.

Au bout de six semaines il est sorti guéri ; son délire a totalement

disparu en même temps que les différentes hallucinations.

Dans la seconde , observation, il s'agit d'une femme âgée de

quarante-sept ans, concierge qui depuis neuf ans environ se livre

à des excès alcooliques. Il y a trois ans, elle a eu un premier accès

de délire alcoolique et, peu de temps après, un second. On l'interna

en 1891 et, depuis cette époque, elle est hantée par des halluci-

nations de toutes sortes. Chez cette malade, il n'existe non plus aucun

stigmate de dégénérescence physique ou psychique.

M. Roubinovitch compare ensuite ses persécutés auto-accusateurs

alcooliques avec les persécutés auto-accusateurs dégénérés de

M. Ballet et fait ressortir la place considérable qu'occupent les

hallucinations chez les premiers malades. Il appelle ensuite l'at-

tention sur l'intérêt médico-légal de semblables cas. Très souvent

en effet, dit-il, les persécutés auto-accusateurs s'accusent de faits

réels. Il peut arriver qu'un malade de cette catégorie s'accuse d'un

délit quelconque, d'un vol par exemple, qui, après une enquête

faite judiciairement, sera reconnu comme ayant été réellement

commis. Quel sera le degré de responsabilité d'un pareil malade ?

Pourra-t-on lui intenter un procès, et dans ce cas quelle sera l'at-

titude de l'expert chargé d'examiner l'inculpé ? En supposant

que l'individu était sain d'esprit au moment de l'exécution de son

délit, pourra-t-on lui appliquer une pénalité quelconque dans son

état actuel de maladie ?

M. Charpentier. , Dans ma communication de 1886 sur les

variétés du délire, de persécution, j'ai décrit le groupe des auto-

accusateurs et j'ai fait remarquer qu'ils refusaient souvent les ali-

ments. J'en ai observé depuis un, qui s'accuse d'avoir commis un

attentat à la pudeur et demande à être condamné. Or le crime est

réel. Son'délire repose donc sur un fait exact.

70 BIBLIOGRAPHIE.

M. SÙGLAS. Depuis la communication de M. Ballet au Congrès

de Blois, sur les auto-accusateurs, j'ai cherché à établir si les idées

d'auto-accusation étaient pathognomoniques d'une forme mentale

particulière et j'ai constaté qu'elles s'observaient dans toutes les

formes. On fait, à tort, entrer ces maladies dans le groupe des

mélancoliques ; ce sont plutôt des délirants d'emblée des poli-

morphes, comme on dit en France. La formule d'auto-accusation

ne suffit pas pour les détacher du groupe des persécutés ordi-

naires. Quelques auteurs allemands en font une classe intermé-

diaire entre les mélancoliques et les persécutés systématiques.

L'auto-accusation fournit quelquefois l'explication de l'idée de per-

sécution, comme le fait l'idée de grandeur. D'auto-accusateur on

peut devenir persécuté très actif et ambitieux.

M. ROUBINOVlTC11faiL ressortir que l'intérêt de sa communication

réside dans le mélange de l'appoint alcoolique avec l'auto-accusa-

tion. 1

Appareil d'alimentation forcée. M. Lvoop présente pour l'alimen-

tation des aliénés une modification heureuse de la sonde habituelle.

Son appareil se compose d'une sonde en caoutchouc mou un peu

longue et muni d'un entonnoir au-dessous duquel se trouve une

poire aspirante et foulante qui prend le liquide nourricier dans

l'entonnoir et l'injecte par la sonde dans l'estomac'

M. Motet se trouve très bien des sondes molles qu'il emploie

concurremment à l'aide d'un injecteur.

M. LEGRAiNfait ressortir l'avantage de l'appareil de M. Lvoof, qui

supprime l'emploi de l'irrigateur. , MARcEL BRIAND.

r-

BIBLIOGRAPHIE.

I. Traité des maladies mentales; par le Dr H. DAGONET, avec la

collaboration de MM. J. DAGONET et G. Duhamel. (Baillière, édit.

Paris, 1894.) 1 .

En 1862, M. le docteur H. Dagonet publiait un traité des mala-

dies mentales constituant l'oeuvre la plus complète de ce genre qui

existât en France et qui par ce fait est devenu rapidement classique.

C'est une seconde édition de ce traité que le même auteur pré-

sente aujourd'hui au public médical. Par de nombreuses additions

ou modifications, c'est presque en réalité une oeuvre nouvelle. C'est

ainsi que la symptomatologie générale a reçu un développement

BIBLIOGRAPHIE. 71

plus considérable ; certains symptômes, notamment les troubles de

la personnalité y sont étudiés, qui ne figuraient pas dans l'édition

première. De même de nouveaux chapitres sont consacrés à la des-

cription des délires systématisés chroniques, de la dégénérescence

et de la folie des dégénérés. D'autres, comme celui de la paralysie

générale, ont été complètement refaits dans certaines de leurs

parties. Un volume de ce genre ne se prête guère à l'analyse et le

meilleur moyen de le présenter à nos lecteurs, c'est pensons-nous,

d'en décrire rapidement la placed'ensemble,laclassification adoptée

par l'auteur. Ce Traité des maladies mentales comprend d'abord trois

parties distinctes. 1

La première partie est consacrée à l'étude de la pathologie géné-

rale'et se subdivise en différents chapitres où nous trouvons succes-

sivement étudiés l'historique, la physiologie pathologique, la

symplomatologie générale, l'étiologie, la marche, l'anatomie

pathologique et le traitement.

l.a seconde partie a trait tout entière à la pathologie spéciale.

La classification adoptée par l'auteur se rapproche beaucoup de

celle qui a été proposée par le Congrès international de Paris

en 1889.

Une première classe comprend les vésanies ou folies proprement

dites (formes primitives). C'est d'abord la manie aiguë (forme

typique) avec ses variétés, furieuse, gaie, tranquille, ambitieuse,

sensorielle, transitoire; la manie subaiguë, chronique, le délire

aigu, les états maniaques symptomatiques. Puis la mélancolie

typique, sans délire, nostalgique, anxieuse, avec agitation, avec

stupeur, hypochondriaque, religieuse. Vient ensuite la slupidité

psychoasthénique, cataleptiforme et les états de stupidité sympto-

matiques. Enfin sont étudiés les délires systématisés chroniques,

tels que le délire des persécutions dans ses formes typique, méga-

lomaniaque, maniaque dans la paralysie générale, l'alcoolisme, etc.,

la mégalomanie simple, religieuse, érotomaniaque, et les délires

systématisés secondaires. Un dernier groupe comprend les folies

périodiques.

Une seconde classe est formée par la dégénérescence mentale et

les folies dégénératives : débilité mentale, débilité morale, psy-

choses dégénératives telles que folie du doute, agoraphobie, psy-

choses anormales. L'auteur fait remarquer à ce propos que plusieurs

de ces formes d'aliénation mentale peuvent se développer dans

beaucoup de cas en dehors de toute dégénérescence et de toute

prédisposition héréditaire et que l'extension donnée au terme folie

des dégénérés lui parait par suite excessive. La folie morale et

la folie impulsive forment une classe distincte et sont étudiées

à part.

La quatrième classe est constituée par les formes secondaires. Ce

sont les folies nervosiques, infectieuses, toxiques, parmi lesquels

72 BIBLIOGRAPHIE. 1

l'alcoolisme est étudié dans un' chapitre" à part, eu égard à son

importance.

La sixième^ classe comprend la paralysie générale ; la septième

les démences primitive, secondaire, sénile ; la huitième les états

congénitaux, imbécillité) idiotie; crétinisme.

Enfin la troisième partie du Traité ! renferme des considérations

sur la médecine légale des aliénés et une étude extrêmement com-

plète sur l'organisation des asiles d'aliénés, les sociétés de patro-

nage et l'administration des asiles.

Tel est succinctement le plan de cette nouvelle édition à laquelle

s'appliquerait plus justement encore ce que disait'le Dr Rousseau,

de la première « que c'est un véritable inventaire de la Science

psychiatrique dont il constate les richesses au même temps qu'il en

signale les imperfections ». z ·

C'est en effet un des grands'mérites de' cet ouvrage, d'être pro-

profondément sincère. Médecin érudit;' praticien consommé,

M. H. Dagonet ne cherche pas en face des difficultés à substituer

une description schématique, fût-elle lumineuse, à la constatation

exacte de faits souvent obscurs et confus par eux-mêmes. Il a trop

vu sans doute se succéder de théories au cours de sa longue car-

rière. Aussi son Traité, résumé d'une expérience de plus deiq'a-

rante années passées. la tête des services d'aliénés,'est-d'à à

méditer. A notre époque de production surchauffée, où il est passé

pour ainsi dire en' habitude qu'un médecin se destinant à une

spécialité commence par écrire un traité sur 'la matière pour

affirmer ses intentions, c'est une rare bonne fortune de se trouver

en face d'un livre vécu. ' ' ,L : , J : Séglas. i ,'

m .. " ?

t ' .- · ,» ' il : ' ** / '< ? > ! ' i.1 .' x

II. Etude sur la physionomie et la physiognomonie. (. Etude de psy-

chologie physiologique; par le D1' AUDIBERT. (Thèse de Bordeaux.

»° 26.) ? ,lV - , ,, iA ...,v ?

L'observation du visage au repos, quelles 'que'soient la' science

et la perspicacité de l'observateur,' ne permet pas de'porter un

jugement formel sur le caractère et les qualités intimes d'une pet--

sonne. Seule l'étude approfondie de la physionomie normale en'

action peut permettre de les apprécier d'une façon sérieuse. 'Mais,

pour bien comprendre ce langage naturel et spontané, il est néces-

saire de connaître les mouvements musculaires d'expression les

plus essentiels. . , "1 '" r.·;r E. R." '*

Il SOUSCRIPTION

POUR LE MONUMENT J. M. CHARCOT.

, 74 SOUSCRII'TION CUARCOT.

DIX-HUITIÈME LISTE.

Nous avons reçu, de M. le Pr Mierziéjewshy, de Saint-Péters-

bourg, une lettre dont nous extrayons les passages suivants :

Monsieur,

Nous avons l'honneur de vous envoyer dans cette lettre 229 rou-

bles qui ont été souscrits par la Société psychiatrique de Saint-

Pétersbodrg pour l'érection d'un monument à J.-M. Charcot.

Voici les noms des personnes qui ont pris part à la souscription.

Société psychiatrique de Saint-Pétersbourg.

VARIA.

Congrès annuel DES médecins aliénistes ET neurologistes

, de France ET DES pays DE langue française

Session à Clermont-Ferrand en 1894. - Le congrès annuel des mé-

decins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue

française se réunira à Clermont-Ferrand, en 1894, du lundi 6 août

au samedi 11. Le Congrès discutera spécialement les questions sui-

vantes :

1° Pathologie mentale : Des rapports de l'hystérie et de la folie.

Rapporteur : M. Gilbert Ballet, professeur agrégé de la Faculté de

médecine de Paris; 2° Pathologie nerveuse : Des névrites péri-

plaériques.Rapporteur : M. P. Marie, professeur agrégé de la Fa-

culté de médecine de Paris; 3° Législation ET administration :

De l'assistance et de la législation relative aux alcooliques. Rappor-

teur : M. L.\DA31E, privat-docent, de l'Université de Genève (Suisse).

Les rapports, sur ces questions, seront adressés en temps utile aux

adhérents. '

Des séances spéciales seront réservées aux communications par-

ticulières. Les personnes qui se proposent de participer aux tra-

vaux du Congrès de Clermont-Ferrand sont priées d'adresser leur

adhésion et leur cotisation à M.' le D'' P. Hospital, médecin en chef

de l'établissement d'aliénés de Sainte-Marie-de-1'Assomption, sis

à Clermont-Ferrand, avenue de l'Observatoire, 6 et 10, ou rue

Sainte-Claire, 54, et de vouloir bien faire connaître, le plus tôt

possible, le titre de leurs communications, ou leur intention de

prendre part à la discussion des questions générales indiquées ci-

dessus. Le montant de la cotisation est de 20 francs.

Une récente exorcisation EN BAVIÈRE. (Nouv. Iconogr. de la

Salpëtrière, 4893, n 4.)

Article à lire. - Le sujet était un jeune hystéro-épileptique dont

l'affection avait été diagnostiquée. Il avait dix diables dans le

corps, le P. Auréliau parvint, après des efforts inouïs, à les ren-

voyer dans l'enfer.

Tant que les exorcistes ne sont que grotesques, ils inspirent seu-

76 G varia.

t

lement la pitié, la bêtise humaine est infinie. Mais quand ils sont

à la fois grotesques et méchants, ce sont d'autres sentiments qu'ils

inspirent, et ce Père Aurélian apparaît," en réalité, comme une

bête foncièrement dangereuse. En effet, il affirme que le diable a

été mis dans le corps du sujet par une protestante, une voisine de

la famille de. celui-ci, et il insinue que les protestants, très bien avec

Satan, emploient volontiers les sortilèges pour faire du mal aux

catholiques. 11 est des contrées, même en France, où il ne fau-

drait pas prêcher bien longtemps des doctrines semblables pour

faire assassiner les protestants par les catholiques, et récipro-

quement. . -* " ' ly u *' ' ' " ' " ' ;j

, ' >-' *

, ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE , , r, ? -

z " <>

CONCOURS DE LILLE, DE NANCY, DE PARIS, DE LYON, DE BORDEAUX, ( z

DE MONTPELLIER ET DE TOULOUSE, POUR LES PLACES DE MÉDECINS-ADJOINTS

Concours de Lille. Le jury était composé de MM. les D15Droui-

neau, inspecteur-général, président, Combemale, professeur, à la

Faculté, Cortyl (Bailleur, Taguet (Armentières), Sizaret (Clermonl).

Deux candidats se sont présentés : MM. les Drs Maupate, interne : a

Vannes, Chocreux, interne à Bailleul. Les questions traitées^ ont

été pour la composition écrite : Nerf facial, anatomie, et physiolo-

gie ; pour la composition orale : Péritonite, diagnostic et étiolo-

gie ; - Fracture du radius, diagnostic et traitement. Les questions

restées dans l'urne ont été pour l'épreuve clinique : Localisations

corticales des centres moteurs du. cerveau, 'anatomie et physiologie ;

Cordons postérieurs de' la moelle j origine, trajet, terminaison,

fonctions ; pour l'épreuve orale : Insuffisance fforMue, diagnostic,

pronostic et traitement; Luxations de l'épaule. ''diagnostic "et traite-

ment; Hernie étranglée, diagnostic et traitement'; - Ictère. Les deux

candidats ont été déclarés admissibles aux emplois' de médecins-

adjoints, le premier, M. le D' i·Iaupale avec 80 points, efle second,

M. le Dr Chocreaux avec 52 points. M. Maupate a reçu les félicita-

tions du jury pour son brillant concours.- -< : 1, i$à ' 't.

Concours de Nancy. "Le 'jury était' composé de' MM. les

Drs Drouineau, Scllmidt, professeur à la Faculté; Langtois'(Mare-

ville), Paris (Maréville), Gallopain (Pains,' Meuse).- Quatre candi-

dats étaient inscrits, trois se sont présentés : MM. les DIS Paris

(interne à Marseille), Hamel (ancien interne de Charenton), Charuel

(ancien interne de Pains (Meuse). Les questions Liréès au sort, ont

été, pour l'épreuve écrite : Lobe frontal, anatomie et physiologie ;

pour l'épreuve orale : Broncho-pneumonie ; Hématurie au point

de vue chirurgical. Les questions restées dans l'urne étaient pour

l'épreuve écrite : Quatrième ventricule, anatomie et physiologie :

Nerf optique, anatomie et physiologie ; pour" l'épreuve orale f

VARIA. 77 7

Erysipèle ; Symptômes généraux des fractures ; Cirrhose atro-

chique du foie; Anthrax. Les trois candidats ont été déclarés

admissibles dans l'ordre suivant : 1° 11 : le Dr Hamel avec 71 points; ? 111. le Dr Charuel avec 60 points; 3° M. le Dr Paris avec 56 points.

Concours de Paris. - Jury : Drs H. Napias, inspecteur général,

président ; Joffroy, professeur à la Faculté de Paris ; Giraud,

Briand, Cayès, médecins en chef; Deny, médecin de Bicêtre,

suppléant. e 1 . , , i . 1

- Epreuve écrite. La question tirée au sort a été : Anatomie et

physiologie du lobe frontal. Deux autres questions avaient été mises

dans l'urne : Pneumogastrique, cellules nerveuses. » "

Epreuve orale. La question traitée a été : La mort dans le dia-

bète. Les deux questions restées dans l'urne étaient : Mal de Pott

dorsal, symptômes et traitement, diagnostic différentiel de fièvres

éruptives. Les candidats ont été classés dans l'ordre suivant :

10 Péebarman ; 20 Berbez ; 3° Trenel ; 4° Croustel.

'< Concours de'Lyon. --Jury : D1S H. Napias, inspecteur général,

président ; Mayet, professeur à la Faculté de Lyon ; Pierret, profes-

seur,' à la même Faculté, Gamin,' Bellut, médecins en chef;

Brun, médecin en chef, suppléant. '"

Epreuve' écrite . 'La question tirée au sort a été : Anatomie et

physiologie du cervelet.` Deux autres questions avaient été mises

dans l'urne : Capsule interne, sinus cérébraux.

Epreuve orale. La, question, tirée au, sort a été : Diagnostic

différentiel des méningites. Les deux questions restées dans l'urne

étaient : Indications et' contre-indications de la trépanation, étio-

logie et prophylaxie de la fièvre typhoïde. ,

^,Les candidats ont été admis dans l'ordre suivant : 1° Bourdin,

2° Viallon ; 3°Alombert.. " , .

lu- ' '

- Concours de Bordeaux, Montpellier et Touloupe. " Jury :

\i. Albert Regnard, inspecteur général -des services administratifs

nous envoie le résultat des, concours qu'il a eu l'honneur de prési-

der, les 1 ? 4 et 7 juin derniers, pour l'admission à l'emploi de

médecin-adjoint des asiles d'aliénés, successivement à Bordeaux, à

Toulouse et a Montpellier.. , , f .

,Dans ces trois Facultés, le président a soumis aux différents

jurys, qui l'ont acceptée, une proposition préalable, tendant à ce

que le candidat (il n'y en avait qu'un dans chaque région), ne fut

pas admis, s'il ne réunissait pas au moins la moitié du maximum

des points, soit 45 sur 90. Les trois candidats ont été reçus. Deux

ont dépassé les deux tiers du maximum.

a Les questions écrites ont été : à Bordeaux : Circonvolutions céré-

brales; à Toulouse : Structure et fonctions du cervelet; à Mont-

pellier : Circonvolutions frontales et pariétales.

78 faits DIVERS.

Restées dans l'urne : Substance blanche de la moelle épinière,

nerf facial, nerf pneumogastrique, circulation artérielle du cer-

veau, nerf trijumeau. ,

Les candidats ont eu à traiter comme question de pathologie : à

Bordeaux : Signes et prophylaxie de la fièvre typhoïde; à Toulouse :

Fractures de côtes; à Montpellier : Signes et diagnostic de la

pleurésie. - · ·

Parmi les questions restées dans l'urne se trouvaient : Etiologie

et prophylaxie du goitre, luxations de l'épaule, des pleurésies puru-

lentes. Les candidats admis sont MM. les Drs DUBOURDIEU (Bordeaux),

FENAYRou (Toulouse), Monertio (Montpellier).

Sur la demande d'un caractère simplement officieux du prési-

dent, un seul des candidats a déclaré se mettre à la disposition de,

l'administration pour être nommé de suite où l'on voudrait. Lus

deux autres désirent expressément rester dans la région. -

Cela, entre autres choses, donne raison à M. l'inspecteur géné-

ral Regnard qui fit le premier rapport sur le concours et conclut à

ce qu'il fut institué par régions 1. Dans ce rapport, Paris et les

deux ou trois asiles les plus voisins de la Seine constituaient une

région. M. Regnard pense que l'on devrait supprimer la close rela-

tive au stage d'un an dans un asile. On écarte ainsi des internes

des hôpitaux de Paris qui seraient d'excellentes recrues, et d'autre

part, il est trop certain que ce stage, en province surtout, n'est'

souvent qu'une garantie illusoire. Quand on voit la commission

des hospices mettre à la tête de leurs quartiers d'aliénés,'de 6 et

700 malades, quelquefois de jeunes'praticiens n'ayant jamais étu-

diés spécialement les maladies mentales, on n'a pas à se montrer

si sévère. Au surplus, le jeune médecin admis au concours où il

aura fait preuve d'intelligence et de qualités laborieuses, se mettra

vite au courant,' sous la direction du médecin en chef, et sachant,

dès lors qu'il doit aspirer aie devenir lui-même. La limite d'âge

devrait aussi être reculée à trente-cinq ans.

FAITS DIVERS.

LES Médecins DES asiles d'Aliénés devant LE Conseil D'LTAT. Le

Conseil d'État, statuant au contentieux, vient de trancher un diflé-

rend qui s'était élevé entre le préfet d'Indre-et-Loire et la com-

1 C'est également la thèse que nous avons soutenue dans notre Rap-

port au ministre de l'Intérieur. (B.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE . 7U

mission administrative de l'hospice de Tours au sujet de la nomi-

nation du médecin du quartier spécial d'aliénés annexé à l'hospice.

L'administration avait soutenu que, dans les cas semblables, les

quartiers spéciaux d'aliénés devaient être assimilés aux asiles

publics, ce qui aurait eu pour conséquence de permettre au préfet

d'en nommer les médecins. La haute assemblée n'a pas admis cette

thèse. Il résulte de sa décision qu'il faut distinguer entre les asiles

publics dont l'administration nomme le médecin et les hospices

pourvus de quartiers spéciaux affectés aux aliénés. Dans ce dernier

cas, la seule obligation de la commission administrative, être col-

lectif à qui la loi n'a pas voulu laisser les responsabilités incom-

bant aux directeurs d'asiles,consiste à désigner un préposé spécial

qui sera investi de ces responsabilités ; mais, cette obligation satis-

faite, les pouvoirs d'administration de la commission restent

entiers, et il lui appartient de nommer le médecin. En consé-

quence, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté préfectoral qui avait

-nommé le médecin de l'asile d'aliénés de Tours. Il est à souhaiter

que la future loi sur les aliénés règle cette question et que dans les

quartiers d'hospices comme dans les asiles les internes soient

nommés par le même concours. 1

Asile d'aliénés DE DURY-LÈS-A111ENS, Demande d'interne.

Uue place d'interne en médecine va être vacante très prochainement

dans cet asile. Conditions : être Français; 12 inscriptions docto-

rat. Traitement : 800 francs argent ; nourriture, logement,

chauffage, éclairage. Produire un certificat de scolarité et un

certificat de chef de service comme références.- Il y a à l'asile

deux internes en médecine et un en pharmacie.

Asile départemental DE IO.NTREUIL-SOus-LAoN (Aisne). Un

poste d'interne en médecine est vacant dans cet hospice. Traite-

ment : 400 à 500 francs.

I;IANCIII (Fr.). Dos casos de miopatia progressiva primitiva. Bro-

chure in-8° de 27 pages, avec 3 photographies. Buenos-Aires, 1891.

hnprentadeM.Biedma.

BOISSIER (Fr.). Essai sur la Neurasthénie et la Mélancolie, dépres-

sions considérées dans leurs' rapports réciproques. - Volume iu-8° de

95 pages. Paris, 1894. Librairie J. Steinheil.

Bombarda (M.). Conlribuçao para o esludo dos nficroceplialos.

Volume in-4° de 196 pages, avec 11 planches hors texte. Lisboa, 1894.

Tipografia de Academia Real das Sciencias.

Chocreaux. Emploi du chloralose ezaliénatiozmenlale.-I3rochure

in-8° de 72 pages. Lille, 1894. Imprimerie Le Bigot.

DAGONET (H.). Traité des maladies mentales, avec la collaboration

de DAGONET (J.) et Duhamel (G.). Volume in-8" de 856 pages, avec

42 photo-gravures en couleur, et une carte des Asiles d'aliénés.

Prix : 20 fr. Paris,- 1894. Librairie J.-B. Baillière et fils.

80 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

GLATZ (P.). Réflexions sur l'empirisme en médecine à propos d'hy-

drothérapie. Brochure in-8° de 38 pages. Genève, 1891. Librairie

H. Georg.

JOFFROY (A.). Nature et traitement du goitre exophtalmique. -

Leçons faites en décembre 1891. Brochure in-8° de 62 pages.

Prix : 1 fr. 50; pour nos abonnés, 1 fr. Paris, 1894. Bureaux du

Progrès Médical.

Magnan et Sérieux. La Paralysie générale. Volume in-12 de

194 pages. Prix : broché, 3 fr. 50; cartonné, 3 fr. Paris, 1894.

Librairie G. Masson.

111onax (V.). Recherches bactériologiques sur l'étiologie des conjonc-

livites aiguës et sur l'asepsie dans la chirurgie oculaire.- Volume in-8"

de 143 pages, avec une planche hors texte. Société d'éditions scienti-

fiques.

Oppeinheim (H.). Lehrbuch der Nervenkrankheiten sur arzle uild

sludirezde.-Vo1 ume in-8° de 870 pages, avec 220 ngures.Prix : 2 fr. 50.

Berlin, 1894. Verlay von S. Karger.

Semelaigne (R.) ? Les grands Aliénistes français. (Tome Premier : Ph.

Pinel, Esquirol, Ferrus, J.-P. Falret, F. Voisin et Georget.) Volume

in-8° de 414 pages. Paris, 1894. G. Steinlieil.

Stewart (D.-D.). Furlher renaarks on the occurrence of a /07' ? of

non- album inous nephritis and other lypical fibroid /c ? 6y. Biochure

in-8° de 27 pages. Plitladelphia, 1894. Tlie Médical news.

Stewart (D.-D.). A serious fallacy attending the emplacement of

certain délicate teests for </ ! 6 détection of sérum albumin in the urine,

especially the trichlor-acelic acid lest. Brochure in-12 de 19 pages.

l'hiladelphia, 1894. The Médical news.

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étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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Le redaeleur-géranl, OUIi\13VILLE.

Evrcux, Ch. HEHiBSR, imp. - 101

Vol. XXVIII. Août 1894. ? 90.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE 'i

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

DES LÉSIONS IIISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE

ÉTUDIÉES D'APRÈS LA MÉTHODE DE GOLGI

Par les Dr' KLIPPEL et AZOULAY.

Travail du laboratoire du Professeur JOFFROY (clinique des maladies mentales).

La méthode histologique de Golgi, onle sait, a, dans ces der-

niers temps, donné des résultats nombreux, nouveaux, et des

plus importants en ce qui concerne la structure normale du

système nerveux. Les travaux de Ramon y Cajal, pour l'encé-

phale, et de van Gehucten, pour la moelle et les ganglions -

pour ne citer que les principales applications à l'anatomie

normale de la méthode nouvelle, ont permis de comprendre

la morphologie et les connections des éléments nerveux, à tel

point que l'on peut, aujourd'hui, considérer nos connaissances

sur la structure des centres nerveux comme aussi parfaites

que celles qui concernent le foie, le poumon ou le rein. Nous

savons, à l'heure actuelle, comment se terminent dans l'écorce

les cylindres d'axe, quels rapports existent entre eux et les

prolongements des cellules nerveuses, quelle est la structure

et les particularités qu'offrent ces derniers, comment se com-

portent les fibres naissant des cellules calleuses des circonvo-

lutions de l'un des hémisphères et comment elles se terminent

dans la substance corticale de l'hémisphère du côté opposé;

nous connaissons dans la moelle les cellules donnant naissance

à des fibres qui vont se mêler à celles qui forment les cordons

latéraux ou postérieurs de la moelle ; nous avons appris quelles

sont les connexions, si longtemps discutées, entre les pro-

Archives, t. XXVIII. 6

82 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

longements cellulaires et les terminaisons des tubes nerveux.

S'il nous était permis d'insister ici sur les résultats fournis

par cette même méthode dans l'étude des nerfs périphériques

viscéraux, nous pourrions longuement décrire les plexus ner-

veux de l'intestin et ceux du rein chez l'homme, description

qui a fait, dans ces derniers temps, l'objet de plusieurs

communications de l'un de nous 1.

Une méthode nouvelle et susceptible de donner de pareils

résultats au point de vue des plus fins détails de l'histologie

normale, a semblé d'abord presque stérile, lorsqu'on cherchait

à la transporter dans le domaine de l'anatomie pathologique.

La raison en est que les recherches auxquelles nous venons

de faire allusion ont spécialement porté, en anatomie nor-

male, sur l'embryon des animaux en général et accessoirement

sur le foetus humain.

La méthode, en effet, s'applique aux cylindres d'axe, avant

le développement et la constitution de l'enveloppe de myéline

qui, à une certaine phase de développement, entoure ces élé-

ments.

Une fois cette gaine formée, c'est-à-dire après développe-

ment complet des centres nerveux, les imprégnations par le

sel d'argent ne se font que très difficilement. Presque tous

les résultats énoncés plus haut ont donc été obtenus chez des

embryons. Cependant, ne désespérant pas d'obtenir quelques

résultats en traitant par cette méthode les cerveaux adultes et

pathologiques, nous avons entrepris des recherches dont les

conclusions ont déjà été formulées par nous à la Société de

biologie 2.

Ces recherches ont porté d'abord sur le système nerveux des

paralytiques généraux. Nous décrirons en quelques lignes les

altérations que nous avons pu rencontrer, nous réservant de

revenir ultérieurement sur ces recherches, dans la mélancolie

et les autres maladies mentales. Ce n'est pas la première fois

que la méthode de Golgi aura été appliquée en dehors de l'a-

natomie normale. Tout récemment, Golgi lui-même3 a décrit

les altérations des cellules de l'écorce cérébrale, qu'il a pu

observer dans la rage expérimentale. Nous reviendrons plus

' Azoulay. - Soc. anal., mai 91.

2 Soc. de Biologie, 12 mai 1891.

3 Berl. Klin. Wochens, 1894.

LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 83

loin sur ces faits, qui semblent bien justifier les tentatives de

la méthode appliquée à l'anatomie pathologique chez l'adulte.

Nous avons pu recueillir, dans des circonstances favorables,

deux cerveaux de paralytiques généraux quelques heures après

la mort. Il semble que cette condition soit presque nécessaire

pour mener à bonne fin les recherches qui ont tant de fois

échoué dans d'autres conditions. Nous ne dirons rien autre

chose sur la méthode que nous avons suivie, renvoyant aux

descriptions classiques de la technique et ajoutant simplement,

pour ceux qui voudraient contrôler nos recherches, que nos

résultats n'ont été obtenus qu'après de longs tâtonnements et

un apprentissage longuement poursuivi de la méthode.

A titre de document, et afin de pouvoir comparer les lésions

obtenues par la méthode de Golgi avec les résultats que

donnent les autres méthodes histologiques employées jusqu'ici

pour l'étude de la paralysie générale, nous donnons d'abord,

résumée, l'observation suivante, avec l'examen microscopique

des zones corticales pratiqué à l'aide du picro-carmin et de

l'acide osmique.

Observation. Paralysie générale progressive à évolution lente, à

forme démente avec lésions destructives, épaississeaneut des mé-

ninges, érosions corticales.

Le nommé M. J..., valet de chambre, âgé de trente-trois ans,

entré à l'asile clinique (Sainte-Anne) le 8 octobre 1892. Décédé le

5 avril 1894.

Les certificats d'entrée sont les suivants : Paralysie générale pro-

gressive ayant débuté par des symptômes d'ataxie locomotrice.

Tremblement fibrillaire de la langue et des muscles. Inégalité pu-

pillaire. Grand embarras de la parole. Affaiblissement des facultés

et notamment de la mémoire. Incapacité de se diriger. Excitation

par intervalles. Signé : Dr Rouillard.

10 octobre 1803. Affaiblissement des facultés mentales. Em-

barras de la parole. Tremblement. Paralysie générale.

Signé : Dr PACTET.

Antécédents héréditaires. Côté paternel : grand-père, pas de

renseignements : grand'mère, pas de renseignements. Côté ma-

ternel : grand-père, pas de renseignements; grand'mère, pas de

renseignements.

Père, mère, tantes et oncles : père mort à soixante-cinq ans,

d'une angine de poitrine. Un oncle mort subitement. Mère morte

hydropique. Frères et soeurs : trois frères et trois soeurs du même

84 ANATOMIE pathologique.

lit. Un frère buveur serait comme lui. Une soeur de père premier

lit, bien portante, obésité et quatre frères ou soeurs morts du croup

(du même lit). Une soeur de père (troisième lit), sur laquelle on n'a

pas de renseignements. Enfants : Une fille de neuf ans, bien por-

tante. Pas de fausse couche.

Antécédents personnels. Hérédité : oui ; syphilis : non ; alcoo-

lisme : oui; excès vénériens : oui; causes morales : non. Interro-

geant les parents du malade en octobre 1892, nous avons pu-obte-

nir les renseignements suivants : Est malade depuis deux ans. Il a

recommencé à se plaindre de douleurs dans les reins.

Il y a dix-huit mois, il paraît avoir une attaque épileptiforme

sans perte de connaissance (mouvements dans le côté gauche de la

face et dans le bras du même côté), l'attaque a duré environ dix

minutes et presque aussitôt après il s'est remis à travailler.

Pendant quelques jours il a eu la parole embarrassée. (Il y a six

mois, au mois de mai), nouvelle attaque épileptiforme (côté gauche),

sur le boulevard Haussmann pas de perte de connaissance. Engour-

dissement du bras gauche pendant un jour ou deux. ZD

Sa femme a remarqué qu'il avait de l'embarras de la parole

depuis le mois de février 1892, cet état est intermittent.

Il y a dix-huit mois, il est allé un jour attendre son patron à la

gare du Nord pour le ramener en voiture, il est revenu ayant ou-

blié le patron, n'ayant pu attendre l'arrivée du. train. Vers la

même époque, on l'envoie toucher un chèque de 2,000 francs et de

son propre gré il va porter 500 francs chez un fournisseur à qui

devait son patron. Affaiblissement musculaire depuis six mois.

On n'a pas remarqué chez lui d'idées de grandeur ou de ri-

chesse.

Perle de la mémoire surtout marquée depuis six mois, sa femme

était constamment obligée de lui rappeler ce qu'il avait à faire.

Pas de symptômes d'ataxie. Jamais de douleurs fulgurantes. Pas de

troubles de la marche.

Garçon de café de seize à vingt-trois ans, a fait beaucoup

d'excès de femmes et de boisson. Malade depuis trois ans, pour

une maladie de la moelle. A pris des douches et du bromure, a

toujours été calme. Le malade nie absolument la syphilis. Il recon-

naît avoir eu 4 ou 5 blennorrhagies, mais il déclare n'avoir

jamais été affecté de chancre ou d'ulcération de la verge. (Pas de

constatation de cicatrices, ni d'adénite.) Pas de symptômes de sy-

philis héréditaire. A eu un rhumatisme articulaire aigu à dix-sept

ans.

Période de début ou prodromique.-Il est malade depuis le 15 juil-

let 1889. Il se plaignait à ce moment de fatigues très grandes et

de douleurs de rein. Il maigrissait énormément sans tousser.

Il transpirait beaucoup la nuit et paraissait avoir de la fièvre. Sa

peau était brûlante. Pas d'herpès. Cetle fièvre a duré un mois et

lésions histologiques de la paralysie générale. 85

le D''L.M... le traita par des vins toniques et lui conseilla l'air de la

campagne. Il y alla comme valet de chambre et s'en trouva très

bien. Mais déjà à cette époque son maître se plaignait beaucoup

de ses absences de mémoire. Son caractère qui habituellement était

très emporté s'adoucit un peu plus tard.

En 1889. Première attaque caractérisée par des contractions

spasmodiques des muscles du visage, aphasie, parésie du bras

gauche ayant duré un quart d'heure. Deuxième attaque en 1890;

de la même nature. Troisième attaque en 1891 ; commencement.

Quatrième attaque en mai 1892. Jamais de troubles digestifs

ni d'urination, jamais de maux de tête ni de douleurs fulgu-

rantes.

Symptômes actuels. 1° Affaiblissement des facultés; 2° pas

d'inégalité pupillaire. Pas de signe de Robertson ; 3° tremblement

de la langue. Troubles de la parole caractéristiques. Tremblement

de.s mains; 4° pas de signe de Romberg. Pas d'incoordination dans

la marche, se tient bien à cloche-pied. Croise bien les jambes; 5° Exa-

gération considérable des deux réflexes rotuliens. Le choc du ten-

don détermine non seulement une secousse plus violente, mais dé-

termine plusieurs secousses; 6° Douleurs (à réserver jusqu'aux

renseignements de sa femme).

Marche de la maladie. 23 octobre 1892. Cette nuit le malade

a eu une attaque épileptiforme sans morsure de la langue, ni mic-

tion involontaire avec légère épistaxis ; l'infirmier l'a trouvé inerte

dans son lit.

21 avril 1893. Affaiblissement musculaire progressif. Le ma-

lade tombe à chaque instant. Il a de la peine à marcher et à se

tenir sur ses jambes. Affaiblissement psychique sans délire.-

26 avril 1893. Troubles de la marche. Station debout peu so-

lide ; Tremblement des jambes. Pas d'ataxie proprement dite, mais

hésitation dans la marche ; surtout quand il tourne sur lui-même.

Tremblement des membres supérieurs.

25 octobre 1893. Exagération de tous les réflexes tendineux.

Trépidation du pied. Impossibilité pour le malade de se tenir de-

bout. Il perd constamment l'équilibre. Les mouvements des jambes

ne sont cependant pas abolis, mais seulement affaiblis. Gâtisme.

Tremblement à larges oscillations irrégulières de tous les muscles.

Conservation du réflexe plantaire. Le malade est arrivé à cet état

graduellement sans attaques congestives ni épileptiformes dans ces

derniers temps. Réflexes pupillaires à l'accommodation et à la

lumière diminués, mais non complètement abolis. Pupilles dilatées,

la gauche un peu plus grande que la droite. '

. 16 janvier 1894. Escarres sacrées assez prononcées. Escarre

trochantérienne gauche très profonde avec croûtes noirâtres et

épaisses. Escarre fessière gauche assez accusée. Escarre trochan-

8G anatomie pathologique.

rienne droite très superficielle. Mort le 5 avril 1894 dans le ma-

rasme. - - -

Autopsie (6 avril 1894). Encéphale. Les artères de la base ne

sont pas athéromateuses.

LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 87

Les éléments cellulaires offrent aussi des lésions. Les cellules cé-

rébrales dans les différentes zones de Meynert ont subi l'atro-

phie de leur protoplasma avec diminution de volume de leurs

prolongements. Même pour beaucoup de cellules ceux-ci sont invi-

sibles et le corps de la cellule semble réduit à un protoplasma de

forme arrondie ou ovalaire sans les angles tels qu'on les observe

au niveau des grandes cellules pyramidales dans l'état normal et

au niveau de certaines cellules polygonales de l'écorce. Les espaces

lymphatiques qui entourent les éléments atrophiés sont élargis.

Les noyaux eux-mêmes ont des contours irréguliers et sont

granuleux. Enfin le protoplasma est chargé en dépôts pigmen-

taires. 1

Les cellules rondes de l'écorce sont plutôt en voie d'atrophie

qu'en état de prolifération. Il serait difficile de dire que leur nom-

bre est très notablement augmenté; il parait plutôt dépasser la

normale.

Dans la substance blanche, les vaisseaux offrent les mêmes lésions

que dans la substance grise; peut-être sont-elles un peu moins

accusées ici. Les gaines sont très épaissies et scléreuses et par

place contiennent des dépôts ocreux. Lesnoyauxsont augmentés de

volnme.

2° Par l'acide osmique. On voit dans les cellules et dans les

vaisseaux de l'écorce, au niveau de la zone sous-méningée, de

nombreuses granulations isolées ou en amas. Les tubes nerveux

sont très diminuées dans l'écorce; au niveau de la zone sous- mé-

ningée, il est impossible de les mettre en évidence. Au-dessous les

fins réseaux qu'ils forment sont moins fournis qu'à l'état normal et

les tubes qu'ils forment paraissent très grêles.

Dans la substance blanche et au niveau de la limite inférieure

delà zone des cellules polymorphes, on constate des atrophies dégé-

nératives des tubes nerveux, de l'atrophie simple et çà et là des

boules hyalines dont l'origine paraît être l'altération des gaines

de myéline.

3° Par la méthode de Golgi. On constate d'abord des altéra-

tions portant sur le panache périphérique de la tige protoplas-

mique, puis sur la tige elle-même et sur ses expansions latérales

et les expansions protoplasmiques basilaires; enfin sur le corps de

la cellule.

Remarquons en passant que ces altérations sont centripètes,

fait qui semble confirmer la théorie de la fonction centripète des

prolongements protoplasmiques. Peut-être encore la marche de

ces lésions s'expliquerait-elle aussi par le fait que le corps de la

cellule est le centre trophique de tous les, éléments qui en éma-

nent.

Les altérations qu'on voit sur les préparations consistent comme

premier stade dans une abrasion graduelle des épines couvrant

88 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

les expansions protoplasmiques, puis en l'agglutination de plu-

sieurs épines formant de petites bandes irrégulières de proto-

plasma, puis, en troisième lieu, dans la coalescence de ces boules

pour en former de plus grosses rendant ainsi difformes les

expansions et la tige protoplasmiques; en quatrième lieu, en la

disproportion du corps cellulaire devenu globuleux ou piriforme

du fait de houles irrégulières de protoplasma; enfin, en l'atrophie

plus ou moins avancée du panache de la tige, des expansions

protoplasmiques et du corps cellulaire demeurant souvent mécon-

naissables avec de rares moignons d'expansions protoplasmiques.

Toutes ces altérations sont à différents degrés sur les diverses

cellules de l'écorce, mais elles semblent en général suivre la

marche que nous venons d'indiquer. Ce sont surtout les grandes

cellules pyramidales qui sont atteintes; les polymorphes et les

petites cellules pyramidales le sont beaucoup moins. Peut-être

cette moindre fréquence des lésions des petites pyramides vient de

ce qu'elles s'imprègnent plus rarement. Quant aux cellules spé-

ciales de Cajal, comme leur imprégnation est très difficile, nous

ne pouvons rien préciser. Les cellules à cylindre d'axe ascen-,

dant de Martinotti paraissent également lésées.

Dans la même coupe et dans une même couche on rencontre

y. 3. Cellules pyramidales altérées dans l'écorce cérébrale d'un

paralytique général et d'une mélancolique.

A, B, C, D. Cellules pyramidales de l'écorce d'un paralytique général, montrant les

divers degrés de la dégénérescence cellulaire; abrasion des épines, des prolongements

protoplasmiques; globules protoplasmiques irréguliers sur ces derniers et sur le corps

cellulaire; atrophie du panache périphérique, des expansions protoplasmiques latérales

et basilaires et du corps cellulaire devenu globuleux ou piriforme. e

E, F. Cellules pyramidales de l'écorce temporale d'un mélancolique. Mêmes lésions

qu'en A, B, C, D, mais à un moindre degré.

LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 89.

parfois côte à côte plusieurs cellules altérées, mais d'ordinaire les

cellules malades sont mêlées aux éléments sains. Les cellules

du cervelet présentent des altérations analogues. En comparant

ces lésions à celles que montre la figure ci-jointe dans la mélan-

colie on verra qu'il s'agit, pour cette dernière maladie, d'un pro-

cessus analogue mais à un moindre degré.

On vient de voir quelles sont les lésions obtenues par la

méthode de Golgi. Si nous les comparons à celles révélées

par les procédés habituels, nous constatons des traits com-

muns, à savoir l'atrophie des protoplasmas cellulaires, les

changements de forme de la cellule nerveuse qui, de triangu-

laire qu'elle est à l'état normal, devient ronde ou ovale en

perdant ses angles. Mais ce que donne en plus l'application du

procédé de Golgi, ce sont des altérations portant sur les pro-

longements et ramifications des éléments cellulaires, dont les

moindres détails normaux ou pathologiques sont mis en relief

par ce procédé appliqué d'abord à l'étude de la cellule normale

et sans lequel nous ne connaîtrions encore rien d'une altéra-

tion si intéressante. 1

Mais en présence de ces lésions, une double question se

pose : S'agit-il d'altérations caractérisant la paralysie géné-

rale elle-même, d'altérations permettant de reconnaître histo-

logiquement cette maladie ? et, en second lieu, quel rapport

existe entre les lésions et les symptômes observés pendant la

vie ?

En premier lieu, il ne s'agit pas ici de lésions purement

cadavériques, puisque sur des sujets morts de différentes affec-

tions on ne les retrouve pas dans les mêmes conditions d'au-

topsie et de technique. En second lieu, il nous est permis d'af-

firmer que ces altérations consistent dans un processus d'atro-

phie et de dégénérescence n'ayant en lui-même pas de carac-

tère pathognomonique.

Ce qu'on constate, c'est la destruction de certaines parties

invisibles par les autres procédés de cet élément si complexe

dans sa structure, la cellule de l'écorce cérébrale.

Les éléments anatomiques n'ont pas tant de façon de s'alté-

rer qu'une altération spéciale puisse correspondre à chacune

des affections différentes qui peut frapper le même territoire

anatomique. Les altérations que montre la méthode de

Golgi sont profondes, diffuses comme celles qu'on observe à

l'aide des autres procédés. Cette méthode ne permet pas d'as-

90 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

signer à la destruction de la cellule cérébrale un processus

que l'on puisse qualifier de spécifique. Ce qu'elle montre, ce

sont les détails de cette destruction, qui sont restés jusqu'ici

invisibles par toutes les autres méthodes. C'est cet état moni-

liforme des prolongements protoplasmiques, cette atrophie et

cette rareté des expansions du corps de la cellule, cette atro-

phie de saillies épineuses qui à l'état normal hérissent les

prolongements cellulaires, cette atrophie du panache périphé-

rique et, en un mot, l'ensemble des lésions citées plus haut.

En établissant la présence de ces altérations nouvelles, elle

vient confirmer ce fait déjà connu que la cellule cérébrale est

touchée par la maladie qui nous occupe ; mais, de plus, elle

nous fait voir cette lésion avec un ensemble complexe de par-

ticularités non reconnues jusqu'ici ; elle nous fait apparaître

cette dégénérescence possible et même probable dans des

observations où jusqu'ici les autres méthodes permettaient de

croire à l'intégrité de l'élément nerveux ; en nous montrant,

frappé dans les moindres détails de sa structure, l'élément

nerveux, elle donne un appui nouveau à la théorie parenchy-

mateuse de la paralysie générale, à l'opinion défendue à plu-

sieurs' reprises par le professeur Joffroy et par d'autres

auteurs, à savoir que dans cette maladie, c'est d'abord, et

avant tout, l'élément cellulaire lui-même qui est troublé dans

sa nutrition, les tubes nerveux, les vaisseaux et la névroglie

ne devenant malades que secondairement et en quelque sorte

dans une seconde étape du processus morbide.

Si en dehors de la paralysie générale, si dans la mélancolie

ainsi que nous l'avons observé, si dans la rage, ainsi que l'a

vu Golgi lui-même, on rencontre des lésions analogues, cela

n'ôte rien à ce fait que dans la paralysie générale la cellule

nerveuse s'amoindrit, s'étiole et s'atrophie.

Il nous a semblé que dans cette maladie, les lésions déli-

cates que nous venons de mentionner sont plus manifestes

et plus intenses que dans maintes affections, que la méthode de

Golgi peut nous permettre d'affirmer des modifications dans

les détails de la structure des éléments nobles de l'écorce et

que dans aucune autre maladie ces modifications n'appa-

raissent plus nettement que dans la paralysie générale.

Ce qu'elle nous montre surtout d'intéressant et de nouveau,

c'est l'atrophie et la disparition des nombreuses épines, des

saillies innombrables qui, à l'état normal, recouvrent les

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 91

branches ramifiées du protoplasma et la même atrophie des

organes de terminaison de ces prolongements.

Or, on se rappelle que le rôle de ces saillies si multipliées

est précisément d'établir des rapports fonctionnels entre les

cellules nerveuses et les prolongements terminaux des cy-

lindres d'axe venant se terminer à leur voisinage dans l'écorce.

De là on peut vraisemblablement conclure que dans tout

processus destructif aboutissant à l'atrophie de ces organes

terminaux, il doit nécessairement se produire des modifica-

tions dans les transmissions des impressions nerveuses d'élé-

ment à élément, c'est-à-dire un retard, un trouble ou une

perversion dans la marche de l'influx nerveux, quel que soit

sa nature.

Ce n'est là qu'une hypothèse, sans doute, mais qui peut-

être, dans la suite, pourra, jusqu'à un certain point, éclairer

la pathogénie de ces troubles si nombreux de l'innervation, qui

constituent la symptomatologie de la paralysie générale.

PATHOLOGIE NERVEUSE

NEURASTHENIE PALUSTRE

Par le D' TRIANTAPHYLLIDÉS (Batoum)

Le paludisme joue en général un double rôle dans la genèse

de différentes affections, soit d'une cause occasionnelle, soit

d'une cause spécifique; dans le premier cas, l'affection reste

indépendante du paludisme, dans le second, elle n'est qu'une

manifestation du paludisme, le paludisme lui-même sous sa

forme larvée. Ce double rôle étiologique s'exerce aussi dans la

neurasthénie. Mais d'autres fois la neurasthénie n'est qu'une

manifestation larvée du paludisme, et c'est cette neurasthénie

palustre que nous voulons étudier, telle que nous l'avons

observée au Caucase, d'autant plus que d'après notre connais-

sance elle ne fut pas encore le sujet d'une étude spéciale. Le

paludisme larvé est très fréquent au Caucase, et la neurasthénie

t3a ? s formes variables qu'il revêt. Cette neurasthénie

perif être unique, et est souvent la nrimitive manifestation de

l'impaludisme larvé.

Depuis que ma conviction fut arrêtée sur la nature simple-

ment palustre de cette neurasthénie, dans l'espace de plus

quatre ans et demi, j'ai pu rassembler une cinquantaine d'ob-

servations, dont j'ai étudié un bon nombre pendant plusieurs

années. C'est, basé sur ces cinquante cas, que je tâcherai de

donner un court aperçu symptomatique de celte forme spéciale

de l'impaludisme larvé. On rencontre la neurasthénie palustre

à des degrés différents, qui ne sont du reste que des transi-

tions insensibles du degré le plus faible qu'on pourrait nommer

névropathie palustre, au degré le plus avancé, qui est la neuras-

thénie confirmée typique avec ses stigmates.

La plus légère expression de cet impaludisme larvé et la plus

commune qui n'a épargné personne, consiste en un ,état

apathique, en un malaise psychique. On se sent ennuyé,

énervé et de mauvaise humeur, on a le spleen des Anglais.

Parfois on a la tête et les mains plus chaudes que d'habitude.

Cet état reconnaît souvent pour cause l'impaludisme larvé.

J'ai pu m'en convaincre par des recherches microscopiques

du sang, surtout chez les capitaines qui voyagent entre

Batoum et les pays chauds, et qui, après un séjour à

Batoum plus ou moins court, éprouvent ces effets du climat,

qui sont, affirment-ils, tout différents de ceux qu'on ressent

dans les pays chauds. Ces troubles peuvent passer et reparaître

avec ou sans périodicité, s'accentuer graduellement et s'appro-

cher de la neurasthénie palustre. '

La neurasthénie palustre consiste : a) en des troubles psy-

chiques ; b) en des troubles amyosthéniques; c) en des troubles

vaso-moteurs; d) et en d'autres troubles qui sont loin de jouer

le même rôle et d'avoir la même constance que dans la neuras-

thénie commune.

a) Troubles psychiques. Ils affectent la sphère intellec-

tuelle et la sphère morale.

Les malades ont le dégoût pour tout travail cérébral, ils

éprouvent depuis une paresse intellectuelle jusqu'à l'impotence

cérébrale complète, et à l'impossiblité absolue de penser et de

concentrer leurs idées. Ils perdent en même temps leur énergie,

leur volonté faiblit, ils deviennent indécis et hésitants, parfois

ils ont le sentiment d'un vide dans leur cerveau.

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 93

Dans quelques cas (3 fois sur 50) cette torpeur intellectuelle

est interrompue par une agitation morbide, qui arrive par

accès plus ou moins périodiques, surtout nocturnes. Alors des

idées absurdes, et sans aucune suite, viennent comme un tour-

billon passer par la tête, avec une rapidité extrême, l'une

interrompant l'autre. A un de mes malades, cet accès arrivait

régulièrement entre trois et quatre heures du matin et durait

une heure entière.

La torpeur intellectuelle est plus accusée au repos. C'est une

fatigue du repos. Si le malade, par un effort sur lui-même, en

se forçant de travailler, parvient à réveiller son cerveau,

celui-ci reprend ses fonctions plus ou moins normales. Dans

les cas avancés, la mémoire peut aussi faiblir.

Les troubles de la sphère morale consistent en un découra-

gement général, en une tristesse sans motif. Le malade est

mécontent de tout, et de lui-même ; il a du dégoût pour tout,

rien ne l'intéresse plus, il devient pessimiste, une inquiétude

vague le tourmente, comme s'il s'attendait à un grand mal-

heur, ou il a un sentiment de terreur comme s'il avait commis

un crime.

Une malade avait des accès de terreur périodiques, et une

autre des accès de phobie (pour l'incendie). (Voir observ.)

Le malade a, en même temps, l'humeur changeante et

capricieuse; il devient parfois soupçonneux et méfiant. Son

caractère devient toujours irascible, et son impressionnabilité

parfois exagérée : il pleure sans cause. Le malade a toujours

pleine conscience de son état morbide.

b) Amyosthénie. Elle accompagne en général l'état psy-

chique. Son intensité est variable et elle est plus accentuée au

repos. Elle survient parfois par accès, subitement, et dure de

quelques secondes à quelques minutes, accompagnée d'une

anxiété avec tremblement général ou partiel. Cette amyos-

thénie est due à un épuisement rapide, à une défaillance de

l'impulsion motrice cérébrale, et un effort de la volonté peut

le faire disparaître, et au dynamomètre ces amyosthéniques

présentent sensiblement la même force qu'à l'état normal.

c) Troubles vaso-moteurs. Ces troubles, à eux seuls, peu-

vent être l'unique expression du paludisme larvé et se pré-

senter sous forme de névroses, dont il ne sera pas question

ici. Je me borne à mentionner les troubles vaso-moteurs qu'on

rencontre habituellement dans la neurasthénie palustre.

94 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les malades ont habituellement le visage pâle, et, d'après

cette pâleur, on les aurait facilement pris pour des anémiques.

L'anémie n'y est pour rien. La quantité de l'hémoglobine et

le nombre des hématies de leur sang sont normaux ou à peu

près. Parfois, ils ont le visage injecté et les mains chaudes.

Ils sentent parfois des frissons qui leur parcourent le corps et

des bouffées de chaleur, comme si on leur versait de l'eau

tiède sur le corps, des battements artériels, etc. Dans les cas

anciens, ces troubles acquièrent une localisation plus ou moins

fixe en tel ou tel point du corps, parfois unilatérale, le plus

souvent bilatérale, accompagnés de sensation, de picotements

ou de fourmillement et de sécrétion sudorale plus ou moins

abondante. Ces troubles vaso-moteurs sont souvent périodiques

et toujours tenaces. Ils peuvent acquérir un caractère assez

étendu pour troubler la pression sanguine générale et donner

lieu à un état demi-syncopal, par abaissement de la pression

sanguine, ou bien à des accès d'angine de poitrine plus ou

moins accusée. Un de mes malades avait chaque jour, vers

onze heures du matin, des frissons généralisés, des refroidis-

sements des membres avec légers accès anginiformes, ren-

forcement du second ton aortique et élévation de la pression

sanguine à 0,26 au sphygmomanomètre de Potain. En dehors

des accès, la pression sanguine oscillait entre 0,021 et 0,023.

C'est sur ces trois ordres de troubles, et surtout sur l'état

psychique, que la neurasthénie palustre est basée.

d) Les autres symptômes, avons-nous dit, ou manquent

complètement ou sont si peu saillants qu'on doit les cher-

cher pour les constater. Ce sont :

Les troubles du sommeil, qui manquent dans plus de la

moitié des cas, et consistent, soit en une somnolence cons-

tante, soit, plus rarement, en une insomnie ou sommeil agité.

Les troubles digestifs, très peu accusés, qui consistent en

une légère anorexie ou une dyspepsie. Deux fois, sur mes cin-

quante observations, il y avait une amyosthénie complète de

tout le tube digestif avec dilatation de l'estomac, tympanisme

et constipation opiniâtre, ectopie rénale et accès névralgi-

formes du grand sympathique abdominal. Mais il faut noter

que des cas analogues s'observent en dehors de la neurasthénie,

et comme une variété du paludisme larvé.

La céphalée ou lourdeur de la tête existe dans plus de la

moitié des cas. Le casque céphalique est beaucoup plus rare, on

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 95

le rencontre dans les cas invétérés, et il est frontal et tempo-

ral, plus rarement occipital.

La plaque spinale (existe trente-cinq fois sur cinquante) est

peu accusée, rarement spontanée. Son siège de prédilection

est les apophyses épineuses des deux dernières vertèbres

cervicales et des deux premières dorsales ; par la pression,

on remarque que cet endroit de l'épine dorsale est plus sen-

sible et parfois douloureux. Rarement toute l'épine dorsale

est douloureuse, soit à la pression, soit spontanément. Cet

état coïncidait toujours avec une névralgie générale.

Une plaque qui manque rarement, c'est la plaque ombilicale

(quarante-trois fois sur cinquante). En comprimant profondé-

ment la région ombilicale un peu à gauche, on provoque une

douleur assez vive. Parfois, cette douleur est spontanée, avec

des irradiations réflexes. L'origine de cette douleur doit être le

plexus solaire, qui présente une susceptibilité particulière pour

le paludisme.

En dehors de ces symptômes, on en rencontre d'autres plus

inconstants, comme les douleurs erratiques, les diverses

névralgies disséminées, unilatérales ou bilatérales, le plus sou-

vent constantes et peu accusées : intercostales, lombaires,

lombo-sacrées (plexus et troncs), névralgies générales, du

grand sympathique abdominal, articulaires. Les douleurs

spontanées constrictives ou fulgurantes, ressenties surtout au

repos, analogues aux douleurs tabétiques d'origine centrale et

indépendantes de mouvement et de pression.

Les courbatures générales, les fourmillements, le tremble-

ment, les palpitations, les oppressions, les vertiges, les troubles

de sécrétion et, deux fois, il y avait une légère asthénopie et

trois fois une frigidité relative. Mais nous répétons que nombre

de ces symptômes, qui sont loin d'être constants, se rencon-

trent en dehors de la neurasthénie et sont dus à l'impaludisme

larvé.

Marche de la maladie. L'invasion de la neurasthénie

palustre est rarement brusque. Elle est presque toujours pré-

cédée de plusieurs périodes névropathiques que le malade

attribue à des causes banales. La neurasthénie, une J'ois décla-

rée, ne suit pas une marche régulière; elle s'atténue ou même

disparaît au bout de quelques jours ou de quelques semaines,

pour reparaître plus tard. Il y a, parmi mes observations, des

malades qui, dans l'espace de trois ans, n'ont eu que de

96 PATHOLOGIE NERVEUSE.

une à trois périodes neurasthéniques, sans aucun autre signe

de paludisme, guéries promptement par les injections hypo-

dermiques de quinine. Mais en général les récidives sont la

règle qui, à la longue, dans leurs intervalles, laissent le malade

définitivement, et déjà indépendamment du paludisme, névro-

pathe ou même neurasthénique, et les récidives alors se mani-

festent par une aggravation de leur état; ou, d'autres fois,

quelques troubles isolés peuvent survivre au paludisme et per-

sister indéfiniment. Mais il faut toujours se rappeler qu'une

personne, une fois impaludée, peut traîner .son paludisme

larvé pendant de longues années, et même dans les pays

salubres, sans pouvoir se débarrasser de ses troubles protéi-

formes, si leur nature reste méconnue.

Etiologie. -Les causes qui, dans la neurasthénie commune,

jouent un rôle capital, n'ont nullement la même importance

dans la neurasthénie palustre. Il suffit du germe palustre pour

créer de toutes pièces la neurasthénie; et il suffit de vivre ou

d'avoir vécu dans un pays à malaria, pour avoir le germe du

paludisme dans le sang, germe qui peut rester silencieux, sans

causer aucun trouble appréciable, mais toujours en éveil, prêt

à éclater de lui-même ou par l'effet d'une perturbation quel-

conque de l'organisme. Sous ce rapport, le paludisme ressemble

à la syphilis.

Comme dans les pays de malaria, on observe parfois des

intoxications palustres qui se manifestent uniquement par des

troubles fonctionnels, comme par exemple : les diverses

névralgies, les céphalées, le spasme delà glotte, l'asthme

palustre, etc. ; il y a aussi une intoxication palustre qui se

manifeste uniquement par l'ensemble de troubles que nous

venons de décrire sous le nom de neurasthénie palustre.

Pour admettre la nature palustre de ces troubles, on a,

croyons-nous, tort de s'attacher trop à la recherche soit des

accès de fièvre dans les antécédents, soit des altérations splé-

niques ou hépatiques.

De mes 50 malades, 23 n'ont jamais eu le paludisme

dans les antécédents, et de 27 avec antécédents palustres, la

plupart depuis plusieurs années n'ont plus eu d'accès fébriles..

Des 23 cas sans aucun antécédent palustre, 13 ne présen-

taient aucune altération appréciable, ni du foie ni de la rate et

10 avaient le foie ou la rate ou les deux organes légèrement

engorgés.

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 97

Les 27 cas avec antécédents palustres sont ainsi partagés :

8 cas sans aucune altération ni splénique, ni hépatique, étaient sur-

tout ces malades qui depuis longtemps n'ont plus eu d'accès de fièvre;

`7 cas avec engorgement hépatique;

6 cas avec engorgement hépatique et splénique;

4 cas avec engorgement splénique ;

et 2 cas douteux.

Pour admettre l'origine purement palustre de cette neuras-

thénie, nous passerons en revue les principales causes qui

pourraient être incriminées '.

Les climats tropicaux par la chaleur et l'humidité ont une

certaine influence sur le système nerveux. Mais leurs effets

sont loin de ressembler, à notre neurasthénie, excepté ceux

observés au Panama par Nicolas et qui présentent une cer-

taine analogie avec notre neurasthénie. On est à se demander

si cette particularité des effets du climat du Panama, sur

laquelle l'auteur insiste , ne tenait pas à l'impaludisme

latent. (Sem. méd.)

Batoum, du reste, est loin de se trouver dans les conditions

de climats tropicaux et l'hiver et le printemps, par une tempé-

rature de 8 à 14° et une humidité de 0,60 à 0,70, m'ont fourni

d'aussi nombreux cas de neurasthénie que l'été.

L'état constitutionnel des malades ne joue qu'un rôle

secondaire. Nous avons déjà dit que l'anémie n'y était presque

pour rien ; et d'autre part les vrais cachectiques palustres

deviennent rarement neurasthéniques. Il est vrai que l'impa-

ludisme larvé aggrave une neurasthénie préexistante et un

névropathe est plus prédisposé à contracter la neurasthénie

palustre.

Toutes les classes sociales figurent dans ma petite statis-

tique. La classe intelligente prédomine, mais un simple

ouvrier ou un paysan ne vient pas réclamer l'assistance médi-

cale pour des troubles qui ne l'empêchent pas de travailler.

Le surmenage et les préoccupations jouent parfois un cer-

tain rôle. Mais souvent c'est quand on est impaludé qu'on

devient susceptible à ressentir les effets fâcheux de ces causes.

Il y avait même des neurasthéniques qui se portaient bien

quand leurs occupations les entraînaient dans une suractivité

somatique ou intellectuelle.

Les altérations organiques doivent être éloignées de l'étio-

logie. Une bonne partie de mes malades n'en présentaient

t Archives, t. XXVIII. 7

98 PATHOLOGIE NERVEUSE.

aucune. La plupart avaient le foie engorgé. Mais au Caucase il

n'y a rien de plus commun que les congestions chroniques du

foie, qui habituellement sont dues à l'impaludisme franc ou

larvé. Au Caucase, le paludisme aime à se localiser aussi

bien au foie qu'à la rate. Mais ces engorgés du foie ne sont pas

nécessairement neurasthéniques. Et d'ailleurs, est-ce que les

affections hépatiques d'origine non palustre sont accompa-

gnées de troubles neurasthéniques ? Poncel, dans son ouvrage

« De l'influence de la congestion chronique du foie sur la

genèse des maladies », rattache les troubles neurasthéniques

au mauvais fonctionnement du foie. Dans ces congestions

hépatiques de Poncel, avec neurasthénie, la recherche des

plasmodies sans pigment et des effets curatifs des injections

hypodermiques de quinine à hautes doses serait d'un grand

intérêt; car il y a des pays réputés indemnes de paludisme,

et où le paludisme sévit pourtant, sous ses formes larvées.

Les troubles digestifs manquent dans la moitié des cas, ou

ils sont trop peu accusés pour donner lieu à la neurasthénie

gastro-intestinale de Bouchard. Nous avons fait mention de

deux seuls cas de dilatation de l'estomac avec neurasthénie,

sans autre manifestation du paludisme et qui, après avoir

résisté pendant plusieurs mois à tous les traitements ration-

nels, ont promptement guéri après six injections hypodermiques

de quinine à la dose de 1 gramme à 1 ? r0 en une fois. Il est

évident qu'ici neurasthénie et dilatation étaient dues au palu-

disme larvé que la quinine a promptement guéri. Le sexe ne

' joue aucun rôle et au point de vue de l'âge ma plus jeune

malade avait quatorze ans. Chez les enfants on ne remarque

que la pâleur, la perte d'appétit et le changement de ca-

ractère.

La présence presque constante des plasmodies dans le sang Z)

et les effets promptement curatifs de la quinine nous autori-

sent, pensons-nous, à rattacher notre neurasthénie au palu-

disme et à éliminer de son étiologie toute autre cause.

Sur mes 50 cas, 41 présentaient constamment les plasmo-

dies dans le sang. Je dois ces recherches microscopiques,

faites surtout sur le sang frais, à l'obligeante assistance de M. le

docteur Triantaphyllidès-Kotliarewsky. Ces plasmodies sont

incluses dans les hématies. Elles sont rosâtres à contours nets

et de formes variables, le plus souvent sphériques, parfois

munies de un à trois petits prolongements en guise de queues

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 99

courtes ; elles ont les mouvements amiboïdes et souvent elles

changent lentement leur forme, de sphériques elles prennent

la forme d'un biscuit ou autre; elles se colorent par l'éosine et

le bleu de méthylène, mais ces préparations ne réussissent pas

aussi communément que dans les préparations de plasmodies

pigmentées. Le nombre de ces plasmodies est variable, en

général on trouve sur chaque préparation de' 1 à 5 ou 6 plas-

modies, mais d'autres fois ce n'est qu'après des recherches lon-

gues et répétées qu'on parvient à en trouver une à deux, ce qui

n'a pas pu être fait chez tous mes malades. Sur ces 41 cas, où

nous avons pu constater la présence des plasmodies dans le

sang, chez 39 il y avait toujours des plasmodies non pigmen-

tées, et chez 2 malades seulement nous avons rencontré aussi

des plasmodies pigmentées.

Vu cette particularité intéressante que presque tous ces

malades ne présentaient dans le sang que des plasmodies non

pigmentées, et les mêmes malades en même temps avaient

une certaine immunité pour le paludisme franc ; et d'un autre

côté, vu la différence clinique qui sépare notre neurasthénie

et le paludisme franc ; et la quinine, qui fait vite disparaître

du sang les plasmodies pigmentées, est loin d'avoir la même

efficacité contre les plasmodies saris pigment. Toutes ces rai-

sons, au début de mes recherches, m'ont inspiré quelques

doutes sur l'origine palustre de cette neurasthénie. Mais ces

mêmes plasmodies, dont la biologie reste encore assez obscure,

servent à rattacher notre neurasthénie à une des formes si

variées du paludisme; car les plasmodies non pigmentées

existent souvent ensemble avec les plasmodies pigmentées

dans le sang des paludiques à accès francs, et on rencontre en

prédominance les pigmentées après l'accès.

A l'appui de l'identité de nature de ces diverses plasmodies,

vient encore l'observation d'une malade atteinte de neuras-

thénie palustre et ayant des plasmodies non pigmentées dans

le sang. Un jour cette malade, pour provoquer ses règles

retardées, a pris en une fois 2 grammes de quinine muriatique.

Elle a eu quelques symptômes d'empoisonnement quinique et

quelques heures après un fort accès de fièvre, qui a duré

quarante-huit heures. A l'examen du sang pendant l'accès on

ne voyait que des plasmodies pigmentées, le troisième jour on

en trouvait aussi et de non pigmentées, et le cinquième jour

seulement les pigmentées ont complètement disparu et les

100 PATHOLOGIE NERVEUSE.

non pigmentées ont pris leur place. Cette dame fut quand

même traitée par la quinine.

Le diagnostic de la neurasthénie palustrene peut être sérieu-

sement basé que sur la belle découverte de Laveran, la pré-

sence des plasmodies dans le sang; car cette neurasthénie

peut parfaitement ressembler à la neurasthénie commune.

Toutefois il faut noter que la marche de la neurasthénie

palustre diffère, au début du moins, de celle de la neurasthénie

commune. En dehors de ça, il arrive souvent que quelques

symptômes présentent une certaine périodicité, et une bonne

partie des symptômes capitaux, des stigmates de la neuras-

thénie commune, dans la neurasthénie palustre peuvent com-

plètement manquer ou être très atténués ; il faut ajouter

encore les antécédents du malade, s'il a vécu dans des pays

palustres, les altérations concomitantes malariques, qui peu-

vent du reste manquer, et les effets curatifs prompts des

injections de quinine à haute dose et au début. -

Le traitement, dans les cas récents, est souvent très efficace

et très prompt. Une à quatre injections sous-cutanées de

quinine bimuriatique à la dose de 0,60 à 1 gramme à la fois

donnent généralement les effets désirés.

Les récidives exigent un nombre plus grand d'injections

hypodermiques, et les cas invétérés se montrent plus ou moins

rebelles aux sels de quinine. On dirait que les plasmodies

s'accoutument à la quinine. Il m'est arrivé d'observer la per-

sistance de ces plasmodies dans le sang après la dixième injec-

tion de 0,80 à 1,20 de quinine bimuriatique.

Dans ces cas rebelles, le sulfate de cinchonine, soit par la

bouche, soit par la voie hypodermique et le sulfate de cinchoni-

dine, m'avaient parfois donné des résultats très favorables. Le

drap mouillé, la suspension, mais surtout les bains de mer, sem-

blent dans les cas anciens des adjuvantsutiles. Un changement de

climat, au début, est très efficace ; maisplus tard il doit être accom-

pagné d'un traitement antimalarique et antineurasthénique.

Les engorgements hépatiques exigent un traitement appro-

prié. Dans la plupart de ces cas, ces mêmes injections de

quinine ont réduit le volume du foie avec une rapidité vrai-

ment merveilleuse.

Nous insérons quelques observations des malades dont les

quatre premières sont prises parmi les cas les plus communs,

et les trois autres parmi les plus compliqués.

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 101

I. Sch..., négociant, trente-sept ans, habite Batoum huit ans.

Sans aucun antécédent morbide, il n'a jamais souffert de palu-

disme. '

Depuis neuf mois, me dit-il, il se sentait de temps en temps

nerveux et sujet à des mauvaises humeurs; mais cet état passait vite.

Il y a quinze jours qu'il commença à sentir de nouveaux troubles,

mais celte fois beaucoup plus accentués et progressivement s'ag-

gravant, ce qui l'avait forcé à venir me consulter.

Etat actuel. Santé physique excellente, faciès triste et un peu

pâle. Le malade ne peut plus s'occuper de ses affaires. Il ne peut

pas penser, et depuis trois jours il a suspendu toute sa correspon-

dance. Il a une impotence cérébrale presque complète. Mélan-

colie sans raison. Emotivité excessive, il commence à sangloter en

me racontant son histoire, ne sachant lui-même pourquoi il pleure.

Caractère irascible. Je deviens, me dit-il, insupportable, mais je ne

puis pas me retenir. Son caractère était toujours doux. Insomnie.

Légère céphalée. Diminution de l'appétit. Aucun autre trouble du

côté des voies digestives. Pas d'amyosthénie. Pas de troubles vaso-

moteurs, aucun trouble de la sensibilité générale, ni des sens.

Apophyses épineuses des deuxième et troisième vertèbres dorsales

un peu douloureuses à la pression. Foie, rate normaux. Sang :

hémoglobine 100. Plasmodies non pigmentées, urine normale.

Traitement. Injection hypodermique de 0,80 de quinine bimu-

riatique. Le lendemain, amélioration brusque. Le malade est gai

et content, et il se sent capable de reprendre ses occupations.

Deuxième injection de quinine de 0,60, et changement de climat

pour dix jours. Revenu bien portant, pas de récidives pendant

un an.

II. Mmo B..., quarante ans. Toujours bien portante, habite

Batoum depuis six ans. Jamais de fièvre. Aucune névrose dans ses

antécédents.

Depuis vingt jours, sans aucune cause appréciable, elle coin--

mença à devenir apathique, triste sans raison, émotive; elle pleure

- sans savoir pourquoi, est très irritable de caractère. Elle sent une

faiblesse musculaire, qui parfois s'accentue subitement. Par mo-

ment, elle a des palpitations et de légères oppressions (manque

d'air). Sommeil normal, fonctions digestives régulières. Pas de.

plaque spinale, ni de céphalée. Aucun trouble vaso-moteur. Aucun

igne d'hystérie. Foie et rate normaux.

Examen du sang. ,- Plasmodies sans pigment. Hémoglobine,

.0,070. Hématies, 4,200,000.

Traitement. Sulfate de cinchonine, 0,090 par jour. Après cinq

jours de traitement, guérison complète et pas de récidive depuis

deux ans. -

102 PATHOLOGIE NERVEUSE.

III. Mme Eu..., trente-quatre ans, paysanne, habite Batoum

depuis deux ans. Aucun antécédent ni malarique, ni nerveux, d'une

constitution forte. Depuis un an et demi, elle est sujette à des maux

de tête périodiques, accompagnés des nausées. Depuis deux mois, la

céphalée est presque constante, et, en même temps, elle a souvent

une tristesse sans motif; elle se sent fatiguée surtout après le

repos; elle a des douleurs erratiques partout, des sensations de

frissons et de bouffées de chaleur, qui lui parcourent le corps, des

palpitations fréquentes, des anxiétés et des terreurs, inappétence,

légère constipation.

Plaque cervicale et ombilicale.

Foie et rate normaux. Pâleur de la face, pâleur spécifique qui

porte un certain cachet de paludisme.

Plasmodies sans pigments dans le sang, hémoglobine 0,95;

hématies 4,400,0000. ,

Traitement. Injection hypodermique de 0,80 de quininebimu-

natique. Le lendemain,, la malade se sent beaucoup mieux, et,

après la troisième injection, elle se sent complètement guérie. A

la pression, la plaque ombilicale et cervicale persiste sensible-

ment.

Après trois mois, récidive et guérison prompte après quatre

injections de quinine. Dans l'espace de deux ans, elle a eu quatre

récidives guéries par les injections hypodermiques de quinine.

IV. MlleD..., vingt-sept ans, habite Batoum depuis quatre ans.

Elle n'a jamais souffert d'accès de fièvre. Aucune névrose, ni autre

maladie dans ses antécédents. Elle me raconte que depuis long-

temps elle se sentait souvent abattue, triste et irascible sans qu'il y

ait aucune cause, tandis que d'autres fois elle se sent très bien.

Depuis deux semaines ces troubles ont reparu plus accentués, ce

qui l'engagea à venir me consulter. -

La malade, un peu faible de constitution, a le faciès pâle,

l'expression' triste; elle pleure sans savoir pourquoi; elle a du

dégoût pour tout. ce qu'il l'intéressait avant avec passion, comme

la musique, par exemple; elle a laissé toute lecture, parce qu'elle

ne peut rien comprendre, son cerveau, dit-elle, est engourdi. En n

même temps, son caractère est devenu emporté. Elle se met en

rage pour un rien, et elle en a honte.

Elle se sent très faible et elle veut toujours dormir. Elle a parfois

des éblouissements, des vertiges, des palpitations, des malaises et

des brisements des membres, comme si elle était soumise à de

grandes fatigues physiques. L'appétit'est diminué.

A l'examen, je constate : langue un peu chargée, légère dila-

tation de l'estomac avec constipation. Foie et rate engorgés.

Plaques cervico-dorsale et ombilicale réveillées par la pression.

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 103

Légère asthénopie. Aucun stigmate hystérique. Plasmodies sans

pigment dans le sang, hémoglobine 0,85.

Je lui prescris la quinine par 0,36 trois fois par jour pour trois

jours sans résultats. Elle consent à subir les injections hypoder-

miques de quinine à la dose de 0,60. Après la troisième injection,

elle se sent tout à fait normale; tous ses troubles psychiques ont

disparus. L'appétit est revenu, l'amyosthénie a disparu. Son foie

déborde à peine le rebord costal, et l'examen du sang donne des

résultats négatifs.

Cette guérison a duré deux mois, au bout desquels les mêmes

troubles recommencent, et la malade vient elle-même réclamer

les injections de quinine, qui lui causent toujours des douleurs

fortes et durables.

Dans l'espace de deux ans, cinq fois la malade est venue se faire

traiter pour des troubles identiques et par la même médication qui

donnait toujours les mêmes prompts résultats.

Mme P... habite Batoum depuis dix ans. Elle n'a jamais eu la

fièvre franche, mais elle a de temps en temps des troubles ana-

logues à ceux de l'observation précédente.

Depuis deux jours ses troubles psychiques ont reparu avec

une intensité inaccoutumée et, effrayée, elle vient me consulter.

A l'examen je constate plusieurs stigmates neurasthéniques, et des

plasmodies dans le sang sans altération hépatique ni splénique. Le

soir même, avant qu'elle commence le traitement par la quinine

que je lui ai prescrit, un fort accès de fièvre éclata qui fut vite

guéri, avec les troubles neurasthésiques, par deux injections de

quinine.

V. 1er janvier 1892. -111m Br..., vingt-huit ans, habite Batoum

depuis douze ans. Elle n'a jamais souffert du paludisme. Toujours

bien portante, et sans aucune névrose, ni état névropathique anté-

cédent. Un mois avant elle a eu ses couches normales et elle nourrit

son enfant. '

Elle me raconte que depuis trois mois, elle éprouvait de temps

en temps des troubles moraux analogues à ceux des observa-

tions précédentes, qu'elle attribuait à sa grossesse. Mais après sa

délivrance ces troubles au lieu de s'amender, se sont accentués

et en même temps, elle sent des céphalées en casque, une amyos-

thénie générale, qui parfois la surprend subitement à un tel degré

qu'une fois elle a laissé tomber son enfant de ses bras; des four-

millements, des frissons erratiques avec des bouffées de chaleur.

Mais en dehors de ces troubles qu'on rencontre dans les autres

observations, la malade à des accès de terreur, d'abord .plusieurs

par jour sans heure fixe et d'une intensité moyenne, et plus tard

un accès chaque nuit, d'une intensité violente et lui arrivant entre

minuit et deux heures du matin. La malade saute subitement et

104 PATHOLOGIE NERVEUSE.

presque inconsciemment de son lit, dans une anxiété et une terreur

extrêmes, avec un sentiment d'étouffement et couverte de sueurs

qui continuent après l'accès. L'accès dure de dix à quinze minutes,

puis tout se calme, et la malade garde un souvenir vague de son

accès, qui commence, dit-elle, par une terreur, comme si quelque .

chose de terrible devait arriver, ne concernant pas du tout sa

santé, mais comme si elle assistait à une catastrophe, à un nau- .

frage, à la fin du monde.

L'examen de la malade, excepté la présence des plasmodies sans

pigment, donne des résultats négatifs.

Je lui prescris le bromure de potassium associé avec la quinine

et au bout de trois jours, la malade se sentait mieux; ses accès de

terreur ont perdu de leur intensité, et les troubles neurasthé-

niques se sont atténués. Comme traitement consécutif, je lui prescris

la quinine à prendre de temps en temps à des doses suffisantes.

20 février. La malade s'est trouvée tout ce temps-là assez

bien. Parfois elle avait ses troubles neurasthésiques avec des

inquiétudes vagues, mais alors, dit-elle, elle prenait quelque doses

fortes de quinine et elle se trouvait bien pour quelque temps.

Depuis hier elle a eu un frisson fort suivi d'élévation de tempé-

rature due à un érysipèle de la face, et la nuit un fort accès de ces -

terreurs qu'elle avait il y a un mois et demi. Elle m'affirme en

même temps qu'elle a perdu toute l'affection, presque passionnée,

qu'elle avait pour son unique enfant, et qu'elle ne peut plus le

supporter. Elle présente en outre au comble tous les troubles psy-

chiques de la neurasthénie. Je lui. fais une injection de quinine

bimuriatique à la dose de 0,60. *-

21. Le lendemain de l'injection, malgré la température élevée

(40°) et les douleurs physiques de l'érysipèle, la malade se sent si

bien qu'elle me prie de lui répéter les injections hypodermiques

de quinine. L'accès de terreur n'a plus eu lieu.

J'ai continué les injections pendant quatre jours. La malade fut

rétablie de son érysipèle vers le huitième jour, et elle se leva du

lit bien portante, ne gardant de, ses troubles neurasthéniques

qu'une indifférence pour son enfant, et des sueurs profuses loca-

lisées à la tête et au cou.

4 mars. - De nouveau, tristesse, inquiétude vague, caractère

irascible, amyosthénie, etc., etc. '

Examen de tous les organes négatif.

Présence de plasmodies sans pigment dans le sang, pas de . ·

plaques vertébrales, céphalée en casque, sommeil un peu agité.

Traitement. Injections hypodermiques de quinine à 0,80.

5. La malade se sent à merveille, elle m'affirme aussi que

l'affection pour son enfant est revenue. 1

7. Je lui ai fait encore deux injections. Après un an, la

malade n'a plus de récidives Elle se porte très bien.

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 105

Rarement elle se sent un peu nerveuse ; elle prend alors un

peu de quinine et ça passe.

VI. llne Par..., vingt-cinq ans. Elle n'a jamais eu le paludisme

franc pendant les huit ans qu'elle a demeuré à Batoum.

il y a un an, elle a eu la neurasthésie palustre pour laquelle je

lui ai fait deux injections de quinine et conseillé de changer de

climat. Depuis ce temps, dit-elle, elle se sentait souvent énervée,

apathique, triste, faible, avec des troubles vaso-moteurs divers, des

troubles digestifs, etc., mais tous ces troubles passaient vite, et

la malade gardait sa répugnance à se soumettre à un traitement

régulier.

Mais depuis une semaine à ces désordres psychiques, il s'en est

joint d'autres, qui l'avaient décidée à me consulter.

Chaque jour la malade, vers huit heures du matin et pendant

deux heures, a coup sur coup plusieurs accès qu'elle décrit comme il

suit : La malade commence à bâiller, puis une frayeur, une anxiété

de la mort la saisit avec la sensation d'un choc dans le cerveau, des

battements artériels, des palpitations, et le sentiment que son coeur

va s'arrêter. La malade fait des inspirations profondes, sa vue

s'obscurcit, elle tombe dans un état vertigineux, la tête tourne,

Elle a des alternatives de congestion et de pâleur de la face. En

même temps elle sent des douleurs partout, des frissons et bouffées

,de chaleurs erratiques, des picotements, des fourmillements qui lui

parcourent le corps, et un léger tremblement des membres. Du

- côté de l'abdomen elle a des borborygmes forts avec envie d'aller à

la selle sans résultat. Chez une autre malade sujette à des accès

-analogues, ces accès débutaient par des borborygmes intestinaux

douloureux.

Dans les intervalles des accès, le tremblement persiste, la malade

se sent très faible, et elle a la paresthésie comme si ses membres

.et son visage ne lui appartenaient pas... Elle ne perd jamais con-

naissance. L'apparition des sueurs termine la scène et la malade

tombe dans un sommeil profond.

Examen de la malade.- Elle présente tous les troubles de la neu-

rasthénie palustre, à savoir : état psychique, amyosthénie, troubles

'vaso-moteurs. Outre cela, troubles digestifs langue unpeu chargée,

anorexie légère, constipation, léger trouble de sommeil. Céphalée

parfois en casque, plaque spinale, et surtout ombilicale. Aucun

-autre trouble, ni du côté des sens, ni de la sensibilité générale. Foie

légèrement engorgé. Rate normale. Sang : plasmodies sans pig-

ment, hémoglobine 0,70, urines et règles normales.

Après la première injection de 0,75 de quinine-bimuriatique, l'ac-

cès s'est très atténué comme force et comme durée, et après la seconde

injection complètement supprimé. La malade est émerveillée, elle

-se sent très bien, l'appétit manque encore.

106 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Après six jours, les accès ont reparu à la même heure, mais

cette fois ils consistaient en une faiblesse générale, en un état lipo-

, thymique avec battements artériels et tremblement général. J'ai

repris les injections et après la cinquième, les accès, beaucoup atté-

nués, persistaient quand même, ainsi que les troubles neurasthé-

niques, et je lui ai conseilléde changer de climat, en lui prescrivant

par la bouche la quinine arséniée et le bromure.

VII. 1890. Mme G..., quarante-cinq ans. Antécédents nuls,

excepté quelques migraines et une anémie constitutionnelle. Au-

cune hérédité morbide, habite Poti et Batoum depuis douze ans

(depuis 1878).

Dès son arrivée à Poti, elle fut atteinte d'accès de fièvre qui ont

duré deux ans avec des interruptions, et étaient accompagnés de

maux de reins et de douleurs névralgiformes parfois assez intenses

pour nécessiter l'emploi hypodermique de la morphine. Plus tard

la malaria est devenue atypique et se manifestait par des courba-

tures, des malaises et des douleurs partout, surtout lombaires. A cette

époque, la malade présenta quelques symptômes hystériques

à savoir : la boule hystérique, des accès de rire et de pleurs quand

elle entendait de la musique, et pendant un an la phobie suivante :

effrayée une nuit d'un incendie, qui a eu lieu près de sa maison,

chaque nuit, après s'être couchée, elle était prise d'une phobie d'in-

cendie : pour dissiper ses craintes, qu'elle reconnaissait du reste

absurdes, elle devait parcourir son appartement et se rassurer.

Si, par un effort sur elle-même, elle tâchait de ne pas faire cette

visitation absurde, elle était prise d'une anxiété puis d'un frisson

suivi de bouffées de chaleur. Après cette psychose, elle fut atteinte

d'un vaginisme qui a duré plusieurs mois.

La cinquième année de son séjour à Poti elle est partie pour la

France. Le lendemain de son départ, dit-elle, elle a eu les pieds

enflés, et ces oedèmes persistèrent pendant trois mois, tout le temps

que la malade resta loin de son foyer d'impaludisme, et ils ne

disparurent qu'immédiatement après son retour à Poti. Ses fonc-

tions digestives étaient tout le temps excellentes.

En 1884, installée à Batoum, elle fut atteinte d'une diarrhée

séreuse abondante et tenace (jusqu'à quarante selles par jour) qui

a duré quinze jours, et un mois plus tard elle fut affectée d'une

névrose de l'estomac périodique, la malade devait chaque soir,

presque fatalement, rendre son souper, même le plus léger, avec

une facilité extrême. Le repas de midi, même le plus indigeste,

était parfaitement toléré. Cet état dura à peu près quatre ans. Les

troubles subjectifs de malaria larvée avec des douleurs diverses

existaient toujours chez elle. Mais depuis plusieurs années elle n'a

plus d'accès de fièvre.

Depuis un an elle se plaint de troubles pour lesquels elle me

NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 107

consulte pour la première fois, troubles qui périodiquem ent s'ag-

gravent à un degré fort accusé .

Etat actuel (janvier 1890). La malade a une constitution forte, f

passablement obèse, avec le faciès excessivement pâle, elle présente

presque tous les symptômes d'une neurasthénie très accusée, à

savoir : impotence cérébrale, la malade ne peut pas faire une

simple addition du compte que le cuisinier lui présente, et chaque

effort de penser lui provoque des tiraillements douloureux intra-

craniens ; troubles du moral, dégoût pour tout, tristesse, irritabi-

lité du caractère, etc. - Amyôsthénie.

Troubles vaso-moteurs; pâleur habituelle presque cadavérique de-

la face et parfois injections ; frissons erratiques et bouffées de cha-

leur, qui présentent une certaine périodicité et sont accompagnés

de sensations de fatigue, et de brisement des os; céphalée en

casque occipitale et pariétale; insomnie; .palpitations subjectives

sans que les battements du coeur soient accélérés, parfois doulou-

reuses avec sensation d'oppression ou de serrement cardiaque;

colonne vertébrale douloureuse à la pression avec des plaques dou-

- loureuses spontanées, surtout lombaires, dont les douleurs sponta-

nées nocturnes enlèvent tout repos à la malade. En même temps

la malade a une névralgie générale. Tous les troncs nerveux sans-

exception présentent les points douloureux de Valleix et tout le

corps est endolori. Celte névralgie générale, plus accusée à gauche,

se réveille surtout la nuit, au repos du lit, où chaque mouvement

excite la douleur et le corps ne peut pas supporter le contact de la

couverture. Cette névralgie s'étend aussi aux articulations, surtout

du cou-de-pied où la malade a la sensation d'un étau qui le com-

primerait violemment, et des phalanges dont quelques-unes sont

même un peu tuméfiées. Au réveil du matin les premiers mou-

vements font pousser des cris à la malade. Et pourtant celle-ci nie

le rhumatisme dans ses antécédents et dans son hérédité.

Examen du sang.- Hématies 3.100.000; hémoglobine 0,80; plas-

modies non pignentées; fonctions digestives excellentes; foie et

rate normaux ; rien de particulier du côté des autres organes. Aucun

stigmate d'hystérie. La malade tout le temps s'est traitée réguliè-

rement par la quinine, l'arsenic, etc.

Je lui ai institué le traitement exclusif par les injections de qui-

nine, dont les effets furent prompts ; après la troisième injection

hypodermique toutes les douleurs ont presque disparu et les trou-

bles neurasthéniques se sont tellement amendés que la malade se

croyait guérie, en m'affirmant que depuis de longues années elle

ne s'est jamais sentie aussi bien; la colonne vertébrale restait sen-

sible seulement à la pression, ainsi que tous les troncs nerveux

sur leurs points de Valleix. L'état psychique s'est complètement

transformé.

Celte amélioration oa guérison dura deux mois, puis une réci-

108 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 1

dive commença graduellement et le sixième jour, quand tous les

troubles précédents se sont considérablement aggravés, j'ai recom-

tmencé les injections hypodermiques de quinine à la dose de 0,60

à 0,80. La guérison fut de nouveau obtenue après la quatrième

injection. '

Cette malade, dans l'espace de trois ans, a eu plus de huit réci-

dives et elle a subi soixante-huit injections hypodermiques de qui-

nine de 0,50 à 1,20 en une fois. -

Ces récidives étaient toujours identiques. Mêmes douleurs iiévral-

giques et articulaires, même neurasthénie. Les plasmodies n'ont

jamais manqué dans son sang, même après les injections de qui-

nine et après un séjour en France de quatre mois. Elle n'a jamais

eu d'accès de fièvre, ni d'élévation de température. Le foie, la

rate et les fonctions digestives élaient toujours normaux. Les effets

des injections de quinine au début étaient prompts, mais avec le

.nombre de récidives, elles perdaient de leur efficacité, ce qui

m'engageait à forcer la dose et le nombre des injections hypoder-

miques.

Les six derniers mois de son séjour à Batoum, elle était défi-

nitivement neurasthénique, et la seule médication qui calmait

provisoirement ses souffrances, c'étaient encore les injections hypo-

dermiques de quinine. Toute autre médication restait sans

résultat.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES MANI-

FESTATIONS NERVEUSES DE L'ARSÉNICISME CHRONIQUE,

Par LUCIEN BECO, chef de clinique médicale

de l'Université de Liège.

(Laboratoire de M. le professeur Francotte.) .

Les paralysies par intoxication arsenicale sont actuellement

bien connues et la plupart des auteurs les rattachent à une

névrite multiple toxique (Ilirt 1).

Cependant, tout récemment, 13enschen 2 a publié un cas où

' Hirt. Pathologie du système nerveux. (Edit. franc., 1891.) -

2 Henschen. On arsenical paralysis. (Neterolog. Ceittralb., 15 fé-

vrier 1894.)

ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES MANIFESTATIONS NERVEUSES. 109

il a constaté des lésions médullaires primitives, très nettes et

très étendues. Le syndrome clinique avait du reste fait

admettre la participation de la moelle au processus morbide. '

Les paralysies arsenicales ont été moins étudiées expéri-

mentalement. Dans un travail déjà ancien, Scolosubofi' 1

concluait à la myélite arsenicale ; mais, ainsi que le démontre

Brissaud 2, les expériences sur lesquelles il s'appuie sont

loin d'être suffisantes.

Sur 50 lapins intoxiqués, Alexander 3 a observé six fois

des paralysies et dans trois cas, il a pu constater de l'atrophie

dégénérative des nerfs et des muscles. Schaffer a décrit der-

nièrement chez des animaux intoxiqués par l'arsenic, le plomb

et l'antimoine, des altérations de structure des cellules gan-

glionnaires, analogues à celles qu'on observe dans beaucoup

de nécroses.

Nos expériences ont porté sur 7 animaux : cobayes, 3 la-

pins, 2 chiens. Nous leur avons donné de la liqueur deFowler

diluée, en injections sous-cutanées, en espaçant les injections

de manière à produire une intoxication lente et progressive.

Les 2 cobayes ont vécu respectivement huit jours et

quinze jours. Les 3 lapins ont résisté un mois, un mois et

demi, et deux mois. Les 2 chiens deux mois et trois mois.

Les phénomènes observés ont été les mêmes, mais avec des

variations d'intensité, chez les divers animaux. Notons princi-

palement ;' de la conjonctivite ; des lésions tro'pho-cutanées

remarquables, consistant en une chute rapide des poils, se

présentant habituellement sous forme de plaques arrondies,

complètement glabres ; le fond de ces plaques était constitué

par de la peau saine, d'autres fois, par de la peau nécrosée,

s'éliminant par la suite et mettent à nu le plan musculaire

superficiel ; une dénutrition croissante. Jamais nous n'avons

observé l'augmentation de poids signalée, chez les chiens, par

Scolosuboff 1. Delà diarrhée et des hémorragies intestinales.

1 ScolosubofT. Paralysie arsenicale. (Compte rendu de Biol., 1875

et 1884.)

2 Brissaud. Les paralysies toxiques, 1886.

1 Alexander. Klinische und experimentelle Beitrkge zur Kennlniss

der Lühmungen Koc/t..4rM ? ? t ? <u. (Thèse de Breslau, 1889.)

Seliaffer. Ueber Verdnderungen der Nervengelleit bei expert ? te21-

tellen chronisches Blei. 4)'M ? : -MKt ! Antimonvergiftungen. (Neurolog.

Ce ? zli-abl., 15 février 1894.) ,

5 Scolosuboil. Loco citalo.

110 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Les animaux refusaient rapidement la nourriture et finissaient

par mourir dans un état cachectique avancé.

Nous les avons suivis de près. Jamais nous n'avons pu

constater chez eux, même dans les derniers jours, un symp-

tôme quelconque de parésie musculaire. Les réflexes tendi-

neux ont toujours été conservés ; la réaction électrique n'a

présenté aucune modification qualitative, ni quantitative.

L'autopsie révélait de la stéatose des organes viscéraux et du

catarrhe intestinal hémorragique. ,

La moelle, les troncs nerveux principaux et, dans la. plupart

des cas, de fines ramifications nerveuses musculaires et cuta-

nées, ont été enlevés. La moelle et les troncs nerveux ont été

durcis par le bichromate de potasse. Après passage dans

l'alcool, l'éther et la photoxyline nous débitions au microtome.

Les coupes étaient colorées par le picrocarmin ou par la

méthode de Weigert. Nous n'y avons découvert aucune alté-

ration de structure, notamment pas de foyer hémorragique

ancien ou récent, pas d'infiltration, pas de sclérose, ni de dégé-

nérescence.

Enfin nous avons pratiqué de nombreuses dissociations des

nerfs, après action de l'acide osmique.

La seule particularité que nous avons observée, c'est que la

myéline, au lieu d'avoir le reflet bleuâtre que lui donne habi-

tuellement l'acide osmique, avait une teinte gris noirâtre.

Ce fait se produirait également dans les névrites amenées par

l'alcool et l'éther, ainsi que l'ont signalé Pitres et Vaillard 1.

Au cours de ce travail, nous avons pris, comme moyen de

comparaison d'une part, les nerfs d'un chien normal et,

d'autre part, ceux d'un diabétique atteint de polynévrite

interstitielle chronique.

Nos recherches confirment donc cette conclusion d'Alexan-

der 1 : qu'il est difficile de déterminer, chez les animaux par

une intoxication arsenicale chronique, l'apparition d'une

polynévrite ou d'une myélite.

Il semble qu'il n'en est pas de même chez l'homme.

Mais il ne faut pas perdre de vue que l'étiologie de l'arseni-

cisme est souvent très complexe (Richardière 3) . A côté de

' Pitre et Vaillard. (C. R. Soc. Biol., 1887.)

1 Alexander. Loc. cil., p. 75 et 76.

9 Traité de Médecine, t. II, p. 601.

BARBE BUVÉE. d[l

l'arsenic d'autres facteurs peuvent intervenir : tels, le froid,

l'infection, d'autres toxinoses (plomb alcool surtout, etc.).

On doit également tenir compte de la coexistence possible de

certaines affections, spécialement la tuberculose.

HISTOIRE ET CRITIQUE

.1. BARBE BUVÉE

EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE

POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1638-1663).

(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque

nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)

Par le Dr SA111UEL GARNIER,

Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon.

VI. Cependant l'élargissement de soeur Buvée de la pri-

son de Dijon et les autres conséquences de l'arrêt du parle-

ment, en date du 18 mars 1661, redoublèrent l'appréhension

qu'avaient déjà causé le principal arrêt du 6 janvier précédent

et ceux qui suivirent. D'après la tournure, favorable à l'accusée,

qu'avaient prises les enquêtes du Commissaire, les exorcismes

faits sur l'ordre de l'Archevêque de Besançon et les constata-

tions médicales dont ils étaient instruits, ils redoutèrent fort

de voir la version de la possession ne trouver aucun crédit,

devant le Parlement, et l'accusée sortir victorieuse du complot

qui devait la perdre. Aussi mirent-ils tout en oeuvre pour

empêcher ce double résultat, ne reculant devant aucune dé-

marche dans ce but. Comme leur requête pour obtenir que

la cause fut évoquée devant le Conseil du Roi et enlevée à la

connaissance du Parlement, n'avait pas encore reçu de solu-

tion conforme à leurs espérances, les abbés Pelletier et Bre-

tin se rendirent à Paris, pour plaider, eux-mêmes, la cause

11 9 HISTOIRE ET CRITIQUE.

de l'évocation. -Pendant leur absence, tous les moyens de

procédure devaient, d'un autre côté, être successivement

employés pour retarder l'exécution d'un arrêt qui, était en

quelque sorte, déjà la préface de la condamnation de leurs

agissements.

Malgré le zèle déployé, nos deux exorcistes ne purent

obtenir l'évocation dû procès. Sentant la partie perdue de ce

côté, ils représentèrent alors que les exorcismes avaient été

mal faits, et émirent des doutes sur l'impartialité du Commis-

saire et des exorcistes choisis par le Parlement, en sorte qu'ils

obtinrent des lettres de cachet adressées à l'évêque de Cha-

lon-sur-Saône pour procéder à de nouveaux exorcismes.

C'était presque un succès.

Pendant ces actives démarches, l'official, les exorcistes et

les possédées, jugeant que leur meilleur expédient était de

discréditer autant que possible le Commissaire, le médecin,

les exorcistes désignés par le Parlement ainsi que tous ceux

qui s'étaient montrés hostiles à la croyance de la possession,'

s'y appliquèrent de tout leur pouvoir.

La supérieure qui avait d'abord dit que, par principe de

conscience et par respect de l'ordre, elle avait voulu taire jus-

qu'à présent la qualité de Claude, le magicien, déclara que

c'était un P. bénédictin de Flavigny, qui levait des perles sur

les ornements d'église, pour les donner à Barbe Buvée, afin

de noircir encore celle-ci et de jeter en outre une suspicion de

partialité sur le bénédictin désigné pour vaquer aux exor-

cismes ordonnés par le Parlement. Or, il n'y eut jamais de

dom Claude à Flavigny, et encore moins de perles sur les

ornements d'église de l'Abbaye. Un nommé Poitrin et son

fils, charpentiers à Auxonne, ayant déposé très ouvertement

contre la possession et les exorcistes, furent dénoncés aus-

sitôt par les religieuses comme étant des magiciens qui

venaient les tourmenter dans leurs chambres.

Le médecin Rapin ayant été gravement malade, après les

exorcismes, elles avancèrent que cette maladie n'était que la

punition de ses fautes. Enfin il n'est pas jusqu'aux questions

des exorcistes aux possédées qui ne furent posées avec l'in-

tention de détruire le prestige du commissaire Legoux, en

. faisant dire contre lui tout ce qui avait, sans doute, été com-

ploté entre eux auparavant, de concert avec elles.

Voici un dialogue qui s'établit entre l'exorciste et la possé-

BARBE BUVÉE. 113

dée le 25 septembre 1661 ; la supercherie et la malice de tous

.deux s'y refléta avec une telle évidence que tous ceux qui,

comme le déclare le Commissaire lui-même', auraient pu

croire à la possession, eussent été obligés « de ne plus y

croire et d'imputer tout à folie, à maladie ou méchanceté ».

D. N'y a-t-il point de charmes pour M. le Commissaire ?

R. C'est assez quand il n'aurait que les papiers de la

Colombe, sa vue et ses entretiens.

D. N'y a-t-il rien de plus ?

R. Il y a enchantement, ligatures les plus fortes qui se

soient jamais faites, et un sort dans la chambre où il couche.

D. En quel lieu est-il ?

R. Je ne le dirai pas, ce sont des secrets de la Colombe

et d'Asmodée. Il y en a pour tous les juges; il y en a dans la

chambre où président les juges sous le siège du président.

D. Je te commande au nom de Jésus-Christ la vérité

essentielle et première que tu nous dises sans fallace et men-

songe si M. Legoux est charmé ?

R. Je t'ai dit qu'il avait des charmes qui lui ont été don-

nés par la vue de la Colombe et par son souffle en communi-

quant avec elle je le dis de rechef qu'il a des papiers enchan-

tés touchant les affaires de cette communauté affligée, pour

lui donner de l'amour pour la Colombe et l'intéresser dans

ses affaires, pour lui donner aussi plusieurs opinions dans

l'esprit touchant ces exorcistes et ces filles.

D. Je te conjure de parler sincèrement et de nous dire les

moyens pour détruire ces enchantements ?

R. Tu ne saurais les détruire parce qu'il faudrait faire

les choses nécessaires sur la personne même, quand tu lui

aurais dit cent fois, il n'en ferait rien.

D. Arrive ce qu'il plaira à Dieu, je te demande et te

commande au nom de Jésus-Christ de me dire ce qu'il fau-

drait faire pour rompre tous ces charmes ?

R. Il faut qu'il brûle tous ses papiers et tout ce qu'il a de

la Colombe, qu'on bénisse ses habits, qu'on détruise par le z

pouvoir de l'Eglise tous les regards et souffles faits par elle,

il faut souffler par-dessus lui tout à l'entoura

1 Manuscrit fonds français, n° 186g;, toi. 23 et suivants. Bibliothèque nationale.

Ide ? n,loc. cit.

3 Manuscrit fonds français. r Raisons tirées, etc. Signé L'gou'i * n° iS691,

fol. 24. B. N.

AacBmES, t. XXVIII. 8

114 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Dans un autre exorcisme de la même époque, on trouva le

même but de dénigrement dans les questions posées.

L'exorciste demanda au démon Verrine quelle était la

langue des créatures quand elles déposaient devant le Com-

missaire, de choses si horribles; et l'exorcisée répondit : Il

n'y en a point, mais c'est que le Commissaire est injuste, ce

n'est pas la première fois qu'il a trompé ! il a ajouté plusieurs

choses à leur déposition, par exemple : il a mis qu'une fille

avait été déflorée par les sorciers, cela est faux, elle ne l'a

jamais dit. Il a trop suivi les ordres de la magicienne; il est

vrai qu'il y a des sorts, mais jamais ils n'ont été assez forts

pour contraindre la liberté. Dieu sauva bien les hommes en

son temps, aussi bien que les autres coupables, témoin : l'in-

juste Rapin dont le châtiment est encore manifeste aujour-

d'hui. '

Et plus loin :

D. Que faut-il faire pour le décharmer ?

R. Qu'il recoure à la Vierge, la priant d'intercéder pour

lui envers son fils, à ce qu'il plaise rompre, dissoudre, annuler

tous ces charmes. La principale chose qu'il doit faire est de

se séquestrer de la Colombe, j'entends de tout ce qui la con-

cerne : s'il le fait, il en ressentira si sensiblement les effets

qu'il se trouvera changé absolument, mais qu'il ne le fasse

pas à demi; s'il veut le faire, qu'il le fasse tout à fait. Autre-

ment il n'y a rien à faire, qu'il fasse enfin ce qu'il pourra,

Dieu fera le reste.

Pour le sort d'Asmodée qui est dans la chambre où il cou-

che, il n'y a rien faire pour le lever. Suspens-en les effets par

le pouvoir de l'Église, parce qu'il faudrait que ce fût le démon

qui le levât, puisque c'est lui-même qui l'a mis en ce lieu. Je le

jure par cet adorable sacrement qui repose sur cet autel,

,que j'ai été contrainte de vous dire toutes ces choses, non

de moi mais par la puissance de ce Dieu, que nous soumet-

tant à son Église, nous le sommes par conséquent envers les

ministres d'icelle lesquels m'ayant commandé de dire de la

part de leur maître tout ce qu'il m'intimait touchant cela,

je l'ai fait fidèlement, et n'ai rien dit que selon ses ordres et

sa volonté; que la justice de Dieu s'appesantisse sur mon

être se faisant ressentir dans l'étendue de ses rigueurs, si j'ai

menti ou fallacié. m

Tels étaient les discours préparés à l'avance et récités par

BARBE BUVÉE. 115

les exorcisées, pour récuser l'impartialité, le zèle à rechercher

la vérité, de tous ceux que le Parlement avait employés dans

cette affaire. Aussi ce fut avec la conviction la plus légitime

que M. Legoux, auquel nous empruntons les détails qui pré-

cèdent, put dire : « 4 Sur tout cela, j'appelle tout ce qu'il y a

d'hommes au monde pour nous dire si ces folies doivent être

prises pour des marques de possession, si Dijon est criminel,

devant Dieu pour ne pas le croire sur ces extravagances, si

ce ne sont pas là les vrais caractères de la vengeance et de la

ruse d'un esprit qui veut sauver son honneur et celui de ses

filles aux dépens du Commissaire et de ceux qui ont tra-

vaillé avee lui à la recherche de la vérité, en disant qu'on a

ajouté à leurs dépositions qu'elles ont signées, après en avoir

entendu lecture dans les formes de la justice. Interpelle

tous les théologiens de nous dire si cet exorciste procède

dans l'ordre de l'Eglise, et tout ce qu'il y a d'esprits raison-

nables, si la collusion ne paraît pas tout entière en faisant

causer une fille sur des sujets de cette nature, et tant plus

leur vengeance se manifestera, tant mieux on verra leur

esprit féminin qui ne s'est jamais plaint des autres prêtres, ni

de leurs exorcistes, au contraire qui ont été loués par ces

démons, justifiés par eux, rappelés au monastère duquel ils

avaient été sagement exclus par leurs supérieurs, et qu'il a

été impossible jusqu'à présent de séparer d'eux parce qu'ils

les aiment plus qu'ils ne les craignent et qu'ils s'accommodent

fort bien avec eux. »

Après cette habile mise en scène dont les dialogues que nous

venons de rapporter, étaient destinés à frapper l'esprit des

assistants et à préparer dans l'opinion publique un revirement

en faveur de la possession, la commission chargée par le roi

de porter un jugement sur cette affaire d'Auxonne pouvait

maintenant fonctionner. Tout était prêt pour qu'il fût favorable.

Cette commission se composait de l'archevêque de Tou-

louse, des évêques de Rennes, de Rodez, de Chalon-sur-

Saône,-de quatre docteurs de Sorbonne et de Morel, ancien .

médecin de la ville de Chalon « connu par sa doctrine et son

expérience= 9. Après avoir obtenu les pouvoirs nécessaires

1 Manuscrit 18695, folio ;6 et 37. Bibliothèque nationale, loc. cit.

' Jugement de nosseigneurs, etc., à Chalon-sur-Saône chez Philippe Tan,

imprimeur de la ville, 1662, page i. Cet imprimé se trouve aussi à la Biblio-

thèque nationale, manuscrit fonds français, n° 20973, fOl. 252.

116 6 HISTOIRE ET CRITIQUE.

de l'Archevêque de Besançon pour procéder aux exorcismes,

elle se rendit à Auxonne dans le mois de décembre 1661, alors

que le Commissaire Legoux s'y trouvait encore pour l'in-

formation prescrite par l'arrêt du 18 mars. Instruit de

son arrivée, M. Legoux alla trouver l'évêque de Châlon,

se mettant à'sa disposition pour assister aux exorcismes et

lui fournir tous les éclaircissements que sa longue procé-

dure lui avait permis d'acquérir en pareille matière; mais

l'évêque déclina entièrement ces offres obligeantes, de sorte

que le Parlement n'eut aucune connaissance officielle de tout

ce qui eut ainsi lieu en dehors de sa participation. Après

avoir vaqué pendant quatorze jours, tant à des visites qu'à

des exorcismes dans le couvent d'Auxonne, la commission

royale rédigea le 12 janvier 1662, à Paris, un rapport intitulé :

« Jugement de messeigneurs les archevêque, évesques, docteurs

de Sorbonne, et autres sçavans, députés par le roy, sur la pré-

tendue possession des filles d'Auxonne », dont les conclusions

furent en contradiction absolue avec ce qui était acquis

par la procédure parlementaire. Il est toutefois remarquable

que cette pièce ne fit aucune allusion à Barbe Buvée, ni

aux déclarations antérieures des soi-disant possédées, rela-

tives aux maléfices dont elles prétendaient que cette reli-

gieuse était l'auteur. Bien que ce rapport ait été imprimé, il

était trop important pour ne pas figurer dans notre étude; le

lecteur trouvera tout profit à lire la description des exor-

cismes, dans lesquels les crises de grande hystérie qui s'y

produisirent, ne présentèrent aucune différence appréciable

avec celle notée dans les exorcismes publics précédents. Au

surplus, il comprendra quelle portée pouvait avoir, tant par

la qualité de ses signataires que par l'esprit dans lequel il

était rédigé, un document contenant l'apologie de la posses-

sion et des exorcistes, quand le Parlement s'y montrait réso-

lument hostile. 1

« * Nous, souz-signés, ayans entendu le récit qui nous a

esté fait par Monseigneur l'évêque de Chalon-sur-Saône de ce

qui s'est passé etc., ont convenu dans le même sentiment

après que ledit Seigneur Evesque nous a rapporté.

i. Que toutes lesdites filles qui sont au nombre de dix-huit,

tant séculières que régulières et sans en excepter une luy ont

' Voir la note précédente.

BARBE BUVÉE. z lui

paru avoir le don de l'intelligence des langues, en ce qu'elles

ont tousiours respondu fidèllement au latin qui leur estoit pro-

noncé par les exorcistes, qui n'estoit point emprunté du rituel,

et encores moins concerté avec eux, souvent mesme se sont

expliquées en latin quelquefois par des périodes entières,

quelquefois avec des discours achevés qu'une d'entre elles,

nommée Anne l'Escossois dite de la Purification, l'un des

exorcistes luy parlant en Hirlandois a témoigné l'entendre fort

bien, et le luy a expliqué en langue françoise par plusieurs

fois.

2. Que toutes ou presque toutes ont témoigné avoir con-

noissance de l'intérieur et du secret de la pensée, quand elle

leur a esté adressée, ce qui a paru particulièrement dans les

commendements intérieurs, qui leur ont esté fait très souvent

par les exorcistes en divers occasions, ausquelles elles ont

obéy très particulièrement pour l'ordinaire, sans que les

commendemens fussent exprimés, n'y par paroles, n'y par

aucun signe extérieur, dont ledit Seigneur Evesque a fait plu-

sieurs expériences, entre autres en la personne de Denise

Parizot servante du Lieutenant Général d'Auxonne, laquelle

ayant fait commandement dans le fond de sa pensée de venir

le trouver, pour estre exorcisée, elle y est venue incontinent

quoy que demeurante en un quartier de la Ville assez esloigné

disant audit Seigneur Evesque qu'elle avoit esté commandée

par luy de venir, ce qu'elle a fait plusieurs fois : Et encore en

la personne de la soeur Marguerite Iamin dite de l'Enfant

Iésus, novice, en sortant de l'exorcisme, luy dit le comman-

dement intérieur, qu'il avoit fait au démon pendant l'exor-

cisme : et en la personne d'Humberte Borthon dite de Saint-

François, à laquelle ayant commandé mentalement, au plus

fort de ses agitations, de venir se pi osterner devant le Saint-

Sacrement le ventre contre terre, et les bras estendus, elle

exécuta le commandement au même instant qu'il eust esté

formé, avec une promptitude et une précipitation toute

extraordinaire; les autres ecclésiastiques, qui avoient l'hon-

neur d'assister le dit Seigneur Evesque, selon qu'il nous l'a

rapporté, en ayant tiré des preuves semblables tous les iours

par plusieurs fois ; cette expérience estant fort commune chez

eux, et cette pratique ordinaire pour les faire obéyr. »

3. Qu'elles ont prédit en diverses occasions les choses qui

dévoient arriver, particulièrement touchant les maléfices et

118 HISTOIRE ET CRITIQUE.

les sorts, qui se dévoient trouver, non seulement en divers

lieux du monastère, où ils ont esté trouvez par effet, mais

encores dans les corps des autres filles, auxquelles elles

n'avoient pas parlé, qui les ont rendu et vomy à l'heure

précisément, que les premières avoient marqué (les démons

selon qu'il paroist, se déstruisans ainsi les uns les autres à

leur confusion). Quelquefois elles ont découvert au dit Sei-

gneur Evesque et à quelques-uns des ecclésiastiques, des par-

ticularitez fort secrètes touchant ses affaires domestiques, et

le temps du voyage qu'il estoit obligé de faire à Paris, que

luy mesme ne connaissoit pas encores, et ce qui s'est trouvé

très véritable par l'avènement, quoy que l'un et l'autre ne

deut être connu par soupçon ny par conjecture.

4. Qu'elles ont presque toutes universellement témoigné,

surtout dans la chaleur de leurs agitations une grande aver-

sion des choses sainctes, particulièrement dans les Sacre-

mens de Pénitence, et de la très saincte Eucharistie, estant

nécessaire souvent d'y employer plusieurs heures pour en

confesser une, à cause des résistances extrêmes et des cris,

dont leurs confessions sont interrompues, ce qu'on ne sur-

monte qu'à force d'imprécations et de commandemens au

démon; et dans la Communion, les convulsions et les mouve-

mens involontaires apparemment, dont elles estoient saisies,

auparavant de recevoir la dite Hostie, et du moment qu'elle

estoit reçue, les cris et les hurlemens effroyables qu'elles

faisoient, se roulant par terre, la saincte Hostie demeurant

toujours sur la pointe de la langue qu'elles advançoient et

retiroient horriblement au commandement de l'Exorciste,

sans faire néant-moins aucune injure ou irrévérence au Sacre-

ment, quelquefois l'espace d'une demie heure plus ou moins,

tant que les espèces estant avallées, la fille demeuroit tran-

quille en un moment, et sans mémoire de tout ce qui s'estoit

passé; qu'elles ont témoigné des répugnances et des fureurs

extraordinaires à l'approche des Reliques des Saincts, qu'elles

ont souvent reconnu, et nommé tout haut, sans les avoir

apperceu, et sans avoir rien appris : que presque toutes

(Monseigneur ayant quelquefois imposé les mains secrète-

ment, et sans qu'elles peussent le connoistre) ont témoigné

le sentir en criant que cette main leur estoit insupportable,

et qu'elle estoit pesante, et qu'elles en estoient brûlées, que

dans la chaleur des exorcismes, et surtout pendant la saincte

. · BARBE BUVÉE. 119

Messe elles ont souvent vomy des blasphèmes, et des exécra-

tions si horribles, et si fréquentes contre Dieu et sa sainte

Mère, qu'il estoit impossible de les ouyr sans frayeur, et qui

ne peuvent sortir vray semblablement que de la bouche du

démon. , ·

5. Qu'estant pressées de donner des marques surnaturelles,

pour iustifier la présence du démon, elles semblent y avoir

obéy, entre autres une nommée Denise Parizot servante, "

commandée par Monseigneur de'faire cesser le pouls entiè-

rement au bras droict, pendant qu'il battoit au gauche, et puis

transférer le battement du bras gauche au droict, pendant

qu'il cesseroit au gauche, elle l'a exécuté punctuellement en

présence du médecin qui l'a reconnu et déposé, et de plusieurs

ecclésiastiques; que la soeur de la Purification a faict la

mêsme chose deux ou trois fois, l'une et l'autre pleine de

santé, agissant et parlant à son ordinaire, le faisant battre et

cesser, selon qu'il luy estoit commandé par l'exorciste, que

la soeur Marguerite Iamin dite de l'enfant Iésus a faict la

m esme chose, et au commandement de l'exorciste, ayant fait

enfler la poictrine d'une grosseur monstrueuse au seul com-

mandement, accompagné du signe de la croix, elle désenfla

au même instant, et cela par trois fois, avec un effect sur-

prenant, et aussi prompt que la parole, que la soeur Lazare

Arivey dicte delà Résurrection vint à l'un des ecclésiastiques,

portant dans sa main vn assez long-temps, vn charbon de

feu tout allumé, sans en témoigner aucun sentiment, et plu-

sieurs autres effects de pareille nature quil seroit difficile de

rapporter.

6. Qu'au simple commandement de l'exorciste elles ont

paru quelquefois dans une insensibilité prodigieuse, et entre

autres la nommée Denise, Monseigneur ayant faict comman-

dement au démon de suspendre les sens de la fille, en sorte

qu'elle ne sentit aucune douleur, et ayant déclaré qu'elle

estoit en cet estât un' espingle luy estant enfoncée par le

Médecin présent, dans le doigt, au lieu ou il s'attache en

haut de l'ongle, ou il disoit estre le plus sensible, elle témoi-

gna n'en rien sentir du tout, estant commendée d'arrester le

sang, l'espingle fut retirée de la playe sans tirer du sang.

estant commandée de le laisser couler, il coula aussi-tost

avec abondance, et après que le commandement luy eut esté

faict encores de s'arrester, il cessa de couler, l'ayant encore

120 HISTOIRE ET CRITIQUE.

faict quelques iours après, en la personne de la soeur de la

Purification, la peau du bras luy ayant esté percée de part

en part par vn' esguille enfoncée iusques à la teste dans les

doigts, sans qu'il y parust ny de douleur, ny de sang, sans

que la fille parust ny malade, ny assoupie, mais parlant et

pressant les assistants d'y employer le fer et le feu, protes-

tant de n'en rien sentir absolument, quelques unes d'entre

elles, particulièrement la soeur de la Purification, ayant esté

empêchée de sortir du monastère une nuict qu'elle devoit

estre enlevée au sabat, selon que les autres avoient asseuré

dans l'exorcisme les iours précédents, dans le mesme de

cette assemblée prétendue estoit tombée tout d'un coup dans

un' espèce d'assoupissement et d'insensibilité mérueilleuse

qui auoit duré cinq quarts d'heure ou plus, aliénée de tous

les sens, sans mouvement, sans parole, sans connoissance,

les bras croisés sur la poictrine et si roides, qu'il fut impos-

sible de les ouvrir, et les yeux fermés, et puis ouverts, mais

fixes et arrestés, et sans rien veoir, selon qu'il parroissoit,

en ce que passant les mains, elle ne silloit point les paupières

telle qu'une personne morte, ou privée de l'vsage de tous les

sens, qu'estant revenue de cette extase, elle disoit avoir esté

transportée au sabat en esprit et disoit tout ce qu'elle y avoit

veu.

7. Qu'elles ont paru ietter souvent du fonds de l'estomac,

après plusieurs heures de coniurations et d'exorcismes, de

certains corps étrangers qu'ils appellent des sorts et malé-

fices de différente espèce, des morceaux de cire, des osse-

ments, des cheveus, des cailloux d'une grosseur et d'vne

taille qu'il est malaisé de croire, qu'ils puissent passer par la

gorge naturellement, comme-nous l'avons iugé, nous ayant

esté représentés, tel se trouvant plus large, et beaucoup plus

espais qu'un escu blanc, que la nommée Denise entre autres

après trois heures d'exorcismes et de violence exraordinaire,

avoit ietté par la bouche vne grenouille ou crapaut vivant de la

largeur de la palme de la main, qui fut brûlé au mesme temps.

8. Que les démons, dont les filles se disoient possédées,

pressés de sortir par la voye des exorcismes en la présence

du Saint-Sacrement ont paru donner des signes surnaturels

et convainquants, que la nommée Denise, les démons ayants

receue commandement de sortir, et pour signe de casser

une vitre qui leur fust monstrée du doict par mon dit Seigneur

- BARBE BUVÉE. 121 I

la fille fut délivrée, et la vitre cassée par effect, que la soeur

Humberte Borthon dicte de Saint-François se trouva abso-

lument et entièrement guérie du jour de la Présentation de

la Vierge 1661, pour marque de sa délivrance jetta par la

bouche un taffetas plié, dans lequel paroist escript en lettre

rouge le nom de Marie, et quatre autre capitales, qui mar-

quent le nom de saint Hubert, et du Bien-heureux François

de Sales, que la soeur dicte de la Purification avoit esté déli-

vrée de plusieurs démons le iour de saint Grégoire le Tauma-

turge, pour signe de' cette grâce rendit par la bouche un

morceau de drap dans vn cercle de cvivre, dans lequel estoit

escript le nom de Grégorius, que le mesme iour de la Pré-

sentation, la soeur de la Purification pour marque d'vn' autre

délivrance de plusieurs démons chassés de son corps dans le

commencement de l'exorcisme, fit paroistre en un instant

escript sur son bandeau en gros charactères, comme de

sang, IESUS, MARIE, IOSEPH, ce bandeau ayant esté veu

tout blanc par les exorcistes un moment auparavant.

9. Que parmy les mouvements et les postures violentes,

dont elles sont agitées pendant l'exorcisme, quelques unes

ont paru si extraordinaires qu'elles ont esté iugées passer,

non seulement le pouvoir d'une fille, mais encore les forces

de la nature ; que la soeur Borthon dicte de Saint-François

commandée d'adorer le Saint-Sacrement s'est prosternée tou-

chant la terre de la poincte de l'estomac, la teste, les pieds,

les mains, aussi bien que le reste du corps portés en l'air;

que la soeur de la Résurrection a faict la mesme chose, elle y

a paru quelquefois prosternée tout le corps plié comme un

cercle, en sorte que la plante de ses pieds venoit lui toucher

au front; que les nommées Constance et Denise ont esté

veuës quelquefois renversées contre terre, qu'elles touchoient

seulement du sommet de la teste et de la plante des pieds,

tout le reste du corps en l'air, et marcher en cet estât ; que

toutes ou presque toutes demeurant à genoùil, et les bras

croisez sur l'estomac se sont courbées en arrières, de sorte -

que le haut de la teste alloit joindre la plante des pieds, la

bouche venoit baiser la terre, et former de la langue un

signe de croix sur le pavé; quelques unes entre elles, entre

autres la soeur Catherine dans l'exorcisme avoit paru la teste

renversée, les yeux ouverts, en sorte que la prunelle s'estant

retirée absolument sous la paupière supérieure, on ne vit que,

t f

122 HISTOIRE ET CRITIQUE.

le blanc des yeux, perdant apparemment l'usage de la veuë

dans ce moment, ce qui estoit effroyable à voir; que la

nommée Denise qui paroit ieune et infirme, estant agitée a

pris avec deux doigts un vase d'vn espèce de marbre rempli

d'eau béniste, si pesant que deux personnes des plus robustes

auroient peine de souslever, et tiré de son pied d'estail et la

renversé par terre, avec autant de facilité qu elle auroit eu

pour vn morceau de pierre : ce qui leur est arrivé souvent

aux vnes et aux autres, dans la chaleur de leur transport est

de frapper la teste contre la muraille, ou sur le pavé, plusieurs

fois par des coups si violents et si rudes, qu'apparemment

elles en dévoient estre offencées avec effusion de sang, sans

qu'il ayt paru n'y meurtrissure, n'y contusion, n'y marque.

Que toutes ces filles sont de différente condition, il y en a

de séculières, des novices, des postulantes, et des professes,

il y en a des jeunes, il y en a qui sont aagées, quelques vnes

sont de la ville, les autres n'en sont pas. quelques vnes qui

sont de bonne condition, d'autres de basse naissance, quel-

qu'vnes qui sont riches, et d'autres qui sont pauvres, et de

moindre condition : qu'il y a dix ans ou plus que cette afflic-

tion est commencée dans ce monastère, qu'il est malaisé que

depuis un si long-temps vn dessein de fourbe et de frippon-

nerieput conserver le secret parmy des filles en si grand

nombre, de condition etd'interest si différentes, qu'après une

recherche et une enqueste la plus exacte, le dit seigneur

Evesque n'a trouvé personne, soit dans le monastère, soit

dans la ville, qui ne luy ayt parlé advantageusement de l'in-

nocence, et de la régularité, tant des filles que des ecclésias-

tiques, qui ont travaillé deuant luy aux exorcismes, et qu'il

témoigne auoir reconnu de sa part en leur déportemens pour

des personnes d'exemple, de mérite, et de probité, témoi-

gnage qu'il peut deuoir à la iustice et à la vérité. » ,

« loinct à ce que dessus le certificat à nous présenté du sieur

Morel médecin présent à tout, qui asseure que toutes ces choses

passent les termes de la nature, et ne peuvent partir que de l'ou-

vrage du démon. »

« Le tout bien considéré, nous estimons que toutes ces actions

extraordinaires en des filles, excèdent les forces de la nature

humaine, et ne peuvent partir que de l'opération du démon, pos-

sédant et obsédant ces corps, c'est notre sentiment. Fait à Paris,

ce 20 janvier 1662. »

1 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 123

« Signé : Marc, archevesque de Toulouse, Nicolas, evesque de

Rennes, Henry, evesque de Rodes, Iean, evesque de Chalon sur

Saône, François Annat, Morel, N. Cornet, M. Grandin, frère

Philippe Le Roy. »

(A suivre.)

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. Documents RELATIFS A l'usage de l'opium aux Indes, d'après

le corps médical de l'armée des Indes.

Intéressante enquête entreprise par le British médical journal

auprès de 100 médecins militaires anglais. Il en ressortirait que

l'usage de l'opium est très répandu même parmi les Européens,

que son usage modéré n'est pas si nocif qu'on pourrait le croire;

objet de luxe dans la classe riche, objet de nécessité pour le pauvre

qui trouve dans cet excitant un complément de son alimentation,

l'opium est en Orient ce qu'est l'alcool en Grande-Bretagne; il

serait même moins nocif puisque la criminalité due à l'alcoolisme

semble considérable tandis que celle relevant de l'opium serait

nulle.

Les médecins ayant fourni ces renseignements, disent qu'ils

prennent indifféremment des serviteurs fumeurs d'opium ou non

tandis que tous les buveurs d'alcool sont Soigneusement éliminés

autant que faire se peut. Enfin sur la quantité d'autopsies d'indi-

gènes qu'ils ont faites, ils ne trouvent aucune lésion organique im-

putable à l'opium, différenciant ceux qui en feraient usage, alors

qu'il en est tout autrement de l'alcoolisme. C'est presque un plai-

doyer en faveur de l'usage de l'opium, les médecins qui ont fourni

les renseignements pourraient bien être en majorité des fumeurs

d'opium, ils paraissent avoir plaidé leur propre cause.

Dr A. Marie.

II. Thérapeutique par l'extrait DU corps thyroïde; par les

Drs WEST, RAVEN, SQUIRE BALMANNO et GORDON. (British médical

journal, janvier 1894, nos 1723, 1726.)

Dans le même numéro citons encore plusieurs applications des

tabloïdes d'extrait thyroïdien, l'une dans le traitement du psoriasis,

trois cas , l'autre dans deux cas de myxoedème datant de vingt ans

il-)4 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

chez un homme et une femme âgés. Quatre photographies : dis-

parition de l'hébétude, de l'infiltration des paupières et des extré-

mités, de la tuméfaction des lèvres de la langue et de l'oedème

des cordes vocales, disparition des troubles respiratoires et phoné-

tiques. A. Marie.'

III. Observation d'hydrocéphalie chronique traitée par le

drainage; par les Drs BASKETT et OxoRs.

C'est un hérédo-syphilitique hydrocéphale auquel les auteurs ont

ponctionné la fontanelle antérieure.

Suspension momentanée des accidents convulsifs, bientôt repa-

rus puis suivis de mort en dépit de l'écoulement permanent du

liquide céphalo-rachidien.

L'enfant de deux mois et demi a vécu trois mois après l'opération.

L'autopsie montre des lésions inflammatoires au niveau de la plaie

opératoire; néanmoins l'auteur se croit en droit de conclure à

l'opportunité d'une telle intervention dans des cas analogues « de

même dit-il, que la morphinisation est indiquée comme palliatif

dans le cancer ;). Voilà un aveu dépourvu d'artifices, les crâniecto-

mistes ne pourraient dire mieux. A. Marie.

IV. Elongation ET résection du nerf médian dans deux cas DE

névrite traumatique ; par le Dr Le Dentu. (Nouv. Icoitogr. de

la Salpétrière, n° 2.)

Conférence sur deux cas de névrite traumatique du médian. Les

névrites traumatiques provoquent dans les régions innervées par

les nerfs malades la triade : paralysie, anesthésie, troubles tro-

phiques, sans compter la douleur inconstante, mais parfois excessi-

vement violente, causée par la lésion nerveuse elle-même. C'est en

réalité le tableau clinique, sauf la douleur de certaines myélopathies

comme la syringomyélite par exemple. Le diagnostic différentiel

est parfois difficile quand le trauma n'a pas laissé de trace, ou

bien quand il est constitué par une contusion chronique, comme

dans les cas d'atrophie avec parésie des membres supérieurs, à la

suite de l'usage prolongé des béquilles. Se rappeler alors que les

myélopathies se traduisent, dans certains cas, par la dissociation

de la sensibilité et non par de l'anesthésie totale; se rappeler aussi

que les paralysies et anesthésies à cause centrale sont plutôt seg-

mentaires, alors que les mêmes phénomènes, dus à des névriles,

se localisent dans les territoires innervés par les nerfs malades

et leurs branches.

Comme moyen thérapeutique contre les accidents des névrites

traumatiques, on ne connaissait autrefois que l'amputation, quand

la douleur était violente et tenace. Aujourd'hui l'intervention chi-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 125

rurgicale comprend la simple élongation du nerf, quand celui-ci

n'est pas profondément lésé, ou l'excision du nerf, quand celui-ci

est au contraire très altéré, sectionné partiellement ou très adhérent

aux tissus voisins. La guérison, dans. les deux cas relatés par M. le'

D1' Le Dentu, fut obtenue dans un cas, par l'élongation, dans

l'autre, par l'excision. Chez les deux malades, progressivement et

en peu de jours, la paralysie et l'anesthésie se dissipèrent, les

troubles trophiques disparurent, et l'organe impotent, la main,

récupéra sa force et son habileté anciennes. -

V. Le traitement des psychoses dégénératives ; parle Dr J. Morel.

Le traitement de tous les individus ayant une tare mentale et

conséquemment leur 'préservation des maux qui les menacent,

doit commencer dès leur plus tendre enfance. Les résultats obtenus

par l'éducation physique et mentale dans les asiles spéciaux sont

assez bons pour qu'on n'ait pas à désespérer a priori de l'avenir

d'un enfant, à moins qu'il ne rentre dans la catégorie des' idiots

inférieurs. En ce qui regarde le pronostic, l'auteur estime que trop

souvent on fait entrer l'hérédité en ligne de compte pour assom-

brir le pronostic; à son avis l'hérédité, lorsqu'elle n'est pas trop

chargée, n'est pas incompatible avec l'espoir d'une guérison.

Il faut se rappeler que le surmenage est nuisible aux dégénérés

et, par conséquent, c'est avec régularité et modération que leur

jugement et leur esprit doivent être éduqués. Il en est de même

pour les exercices du corps, pour le développement de leur intelli-

gence et de leur sensibilité : c'est par la pondération, par l'effort

lent et continu qu'on arrivera à des résultats ; aussi cette éducation

demande-t-elle une attention de tous les instants.

L'auteur a visité tous les asiles de France, d'Allemagne, d'Au-

triche et d'Angleterre : il a été surpris dans beaucoup d'entre eux,

de voir négligée l'éducation des jeunes malades.

M. Morel vante beaucoup les maisons de réforme pour les jeunes

criminels. L'éducateur doit s'efforcer de découvrir les dispositions

naturelles des enfants afin de les utiliser dans le choix d'une pro-

fession : le point important pour l'éducateur est d'obtenir la con-

fiance du jeune malade. La conclusion est un voeu demandant la

création de maisons spéciales pour les enfants arriérés. (Anzerican

journal of insanity, 1893.) E. B.

VI. De la morphologie des contractures- réflexes intrahypnotiques

et de l'action de la suggestion sur ces contractures ; par M. Chartes

Schaffer. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière. 1893, n° fi, et 1894,

no 1.)

Expériences faites sur une hystérique qui présente d'une façon

très nette et invariable les phénomènes de la contracture muscu-

126 REVUE DE thérapeutique. '

laire réflexe, c'est-à-dire qu'une excitation quelconque de la sensi-

bilité produit chez elle une contracture musculaire toujours la

même, quand les conditions expérimentales sont identiques. Soit

qu'on excite la sensibilité cutanée par des frictions, le sens de l'ouïe

par le diapason, le sens du goût par du sel pulvérisé placé sur la

langue, la rétine enfin par la présence devant l'oeil d'un objet blanc,

le résultat est le même : il y a contracture de tous les muscles du

corps du côté opposé à celui sur lequel l'excitation a agi. Si l'exci-

tation porte sur les deux côtés du corps, la contracture est bilaté-

rale, généralisée; même résultat si l'excitation porte sur la partie

médiane du corps. Mais c'est l'excitation delà rétine qui donne des

résultats plus compliqués : si l'excitation porte sur la macule jaune,

ou sur un point de la perpendiculaire passant par la macule jaune,

il y a contracture généralisée; si la rétine est impressionnée par-

tiellement dans sa partie nasale droite, par exemple, il y a contrac-

ture du côté droit; si elle est impressionnée dans sa partie tem-

porale, il y a contrature du côté opposé, c'est-à-dire contracture

gauche. Ce phénomène est sous la dépendance de l'entre-croisement

partiel des nerfs optiques. En plus, si on provoque chez ce sujet,

par la suggestion, des anesthésies diverses, ce qui revient à susciter

chez lui des hallucinations négatives, les excitations ne produisent

plus les mêmes réactions que précédemment.

En discutant et interprétant les résultats de celles des expériences

qui ont trait aux excitations rétiniennes, l'auteur est amené à pré-

senter cette proposition : le faisceau non croisé du nerf optique

droit fournit à la moitié temporale de la rétine droite des filets

nerveux éveillant des sentiments de lumière et en même temps des

mouvements des réflexes; la moitié nasale de la rétine possède

seulement des fils donnant des réflexes. Le follicule non croisé du

nerf optique s'étend à la moitié nasale de la rétine de l'oeil droit

par des filets nerveux conduisant des sensations de lumière et des

réflexes, à la moitié temporale avec des filets nerveux donnant

seulement des mouvements réflexes.

Enfin, la conclusion générale de toutes les expériences et de tous

les phénomènes observés est celle-ci : 10 les réflexes intrahypnoti-

ques suivent un trajet cortical; 2° l'hallucination positive est

une excitation presque analogue à une excitation périphérique

réelle, parce que le résultat, avec les deux procédés, est le même,

c'est-à-dire une contracture; 3° une hallucination négative ne

reste pas limitée à un lieu circonscrit, mais se transmet aux centres

' sensoriels d'un même hémisphère avec une intensité plus ou moins

grande. Camuses.

VII. Trois cas DE crétinisme sporadique traités par L'INGESTION

de glande thyroïde; par TELr01tD, S11TH et RAILTON.

La glande thyroïde du veau, comme principal aliment, a été

REVUE DE thérapeutique. 127

employée pendant près d'un an. Les résultats seraient excellents,

à en juger par les photographies, en ce qui concerne l'état phy-

sique du moins. Quant à l'état mental, ajoute M. Railton, on ne sau-

rait prétendre que cette thérapeutique puisse aller sans un traite-

ment pédagogique spécial; l'expérience ultérieure permettra de

juger si cette thérapeutique préalable rend plus facile l'éducation

des sujets traités. (British med. Journ., juin 1894.) A. Marie.

VIII. Extrait DE CORPS THYROÏDE dans LE traitement DU psoriasis;

par BYR051 BRAMWELL.

Observation très intéressante de jeune fille traitée et guérie par

les tabloïdes d'extrait thyroïdien.

Photographies à l'appui. Dans les cas de dermoneuroses ana-

logues, l'emploi de ce mode de traitement parait indiqué.

Le numéro suivant du 14 avril contient deux observations de

lupus traité et guéri par la même méthode du même auteur (huit

photographies). (British med Journ., 24 mars 1894.) A. Marie.

IX. Importance DE la SUSPENSION dans QUELQUES maladies DE la

moelle; par W. DE BECHTERFW. (kete ? -olog. Cen<)'6[<6/aM., 1893.)

L'appareil de Sprimon (figures) lui a donné d'excellents résultats

dans le tabes dorsal et surtout dans la compression de la moelle,

la myélite par compression, les cas anciens de syphilis médullaire,

quelques cas de myélite transverse. Amélioration de la moelle, aug-

mentation de la force des extrémités inférieures, suppression des

paresthésies, diminution ou disparition de la douleur et de l'hy-

peresthésie, suppression plus ou moins complète des troubles fonc-

tionnels vésico-rectaux, atténuation de l'hyperexcitabilité réflexe

des membres inférieurs. Si l'on joint à la suspension les cautérisa-

tions le long de la colonne vertébrale, on obtient mieux encore.

Mais il faut s'abstenir de la suspension quand il y a complications

inflammatoires des méninges (hyperesthésie des régions vertébrales

et douleurs spinales). P. K.

X. Note SUR deux cas DE CHIRURGIE CÉRÉBRALE;

par le Dr CHIPAULT.

Le premier cas est relatif à un enfoncement du pariétal gauche

chez une fillette de neuf ans. Ce traumatisme fut suivi d'une para-

lysie faciale du côté droit. L'intervention opératoire destinée à

réduire cet enfoncement du pariétal, fut suivie d'aphasie motrice

et d'agraphie. Huit jours après l'opération, la paralysie faciale,

l'agraphie et l'aphasie avaient complètement disparu.

Le second cas a trait à un gliome sous-cortical, du volume d'une

128 REVUE DE thérapeutique.

cerise, sans relief extérieur, placé à 1 demi-centimètre de profon-

deur dans la deuxième frontale, à 3 centimètres environ de son

origine sur la frontale ascendante. Les troubles présentés par le

malade consistaient en crises 'épilepsie jacksonienne à auras

variables, et datant de neuf années.

L'aura primitif était une rotation du cou vers la gauche, bientôt

suivie de convulsions du bras et de la jambe gauches. Plus tard,

l'aura ne partait plus du cou comme autrefois, mais de la main ou

du pied. Peu à peu, le bras et la jambe gauches s'affaiblissent, et

depuis 1891, le bras est complètement paralysé. Cette paralysie du

bras gauche dirige l'intervention opératoire vers le milieu de la

ligne rolandique. L'exploration de la surface cérébrale sur une

ouverture de 6 centimètres de diamètre, ne donne aucun résultat.

La plaie se réunit très bien, sans élévation delà température, mais

la paralysie persiste et le malade s'affaisse rapidement et meurt

dans le gâtisme vingt jours après.

Cette observation est intéressante, car la tumeur siégeait en un

point noté d'ordinaire comme appartenant au centre de la face et

des paupières : il semble donc que la tumeur, sans avoir d'action

sur les éléments nerveux dont elle occupait le siège, ait surtout agi

périphériquement, en haut sur le centre de rotation de la tête et

du cou, en arrière sur le centre du bras. La mort rapide du malade

montre aussi que les grands traumatismes chirurgicaux du cerveau

et du crâne ne sont pas sans danger en dehors de toute infection.

(Revue neurologique, 1893.) E. BLIN.

XI. Contribution A la question de la paralysie générale PRO-

GRESSIVE DES aliénés ET A SON traitement chez LES syphilitiques;

parJ.-J. PLATÔNOW. (Centrul6l. f. iyei,venheilli. N. F. iv, 1893.)

Quatre observations dont une très complète.

Conclusion. 1° Le rapport étiologique entre la syphilis et la

paralysie générale est encore vague; -2° il n'y a pas plus de rai-

sons pour repousser ce facteur paralytique que pour l'accepter posi-

tivement. Il y a des paralytiques généraux non syphilitiques et il y

a des paralysies générales issues de la syphilis; 3° la cause pro-

chaine et essentielle de la paralysie générale émane, en chaque

cas particulier, des éléments probants de la clinique; 4° si, en

un cas donné,» il est très probable qu'il y a un rapport entre la para-

lysie générale et la syphilis, il vaut mieux employer le traitement

antisyphilitique que le repousser; 5° traiter la syphilis, c'est

élémentaire, mais il' faut aussi joindre au traitement antiseptique

des bains chauds, des bains de vapeur, une alimentation bonne et

régulière. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 129

XII. Injections hypodermiques d'extraits DE substance cérébrale

dans l'aliénation MENTALE; par RYAU (de Norfolk).

La cérébrine, dite alpha, fut injectée au bras, pendant quinze

jours, à six malades. Accidents signalés : fièvre, syncope, érythème.

Un cas de guérison (mélancolie avec idées de persécution). Les

autres cas sans amélioration se décomposaient en mélancolie chro-

nique, deux; amnésie primaire, deux; manie aiguë, une. (British

med. journ., 3 février 1891.) A. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. Le tonus PALATINUS CHEZ les ALIÉNÉS. par le Dr FERRAril.-(RiU.

sp. di fren., t. XIX, fasc. 4, 1893.)

Sur un total de 1,121 crâues d'aliénés (hommes 493, femmes 628),

l'auteur a trouvé un torus mamelonnaire, 251 fois (107 hommes,

244 femmes); un torus en dos d'âne 232 (103 hommes, 129 femmes).

Le torus était complet seulement dans 340 cas (105 hommes,

235 femmes) et partiel dans 217 (88 hommes, 119 femmes). La

présence d'un éperon, représentant comme un torus rudimentaire

a été constatée 10 fois antérieurement (8 hommes, 2 femmes) et

128 fois postérieurement en proportions égales dans les deux

sexes. La présence du torus sur le vivant a été constatée 49,58 p. 100

chez la femme et 39,17 p. 100 chez l'homme. J. SÉGLAS.

II. DES auto-intoxications dans LES maladies mentales, faits

d'ordre chimique et expérimental ; par E. Régis et Chevalier-

LAVAURE. (Arch. clin. de Bordeaux, 1893, nos 10 et 11.)

III. UN cas DE folie systématisée RELIGIEUSE avec hallucinations

PSYCHO-MOTRICES, orales ET graphiques ; par le De E. Régis..

(Journ. de méd. de Bordeaux, n° 4.) ,

IV. Des rapports de l'oeil avec l'épilepsie; par le Dr Georges

MARTIN. (Jour2. de méd. de Bordeaux, nos 13 et 14.)

L'astigmatisme, pas plus que l'hypermétropie, ne peut être

accusée d'être un facteur agissant fréquemment pour engendrer

Archives, t. XXVIII.. 9

130 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

l'épilepsie. Entre les mains de l'auteur, cette maladie n'a été

modifiée en aucune façon par l'usage des verres correcteurs, soit

de l'astigmatisme, soit de l'hypermétropie. Quelques faits relatés

par Stevens montrant la possibilité de remédier, dans certains cas,

à cette maladie par les moyens optiques, il convient cependant, en

présence d'un épileptique dont rien n'explique la maladie, de

penser à l'état oculaire. E. Régis.

V. Cas de folie consécutive A une OVA110-S ? LPI,,GECTOMIE; par le

Dr E. RÉGrs. (Jou ? ,n. de méd. de Bordeaux, n° 37.)

VI. AUTOMATIC tvriting. (Brilish médical journal, janvier 1894,

n°s 1724, 1725.)

Amusante polémique, un télépathe raille la médecine de s'être

d'abord moqué de l'écriture médianimique dont elle s'occupe

maintenant sous un autre nom. Le Dr James Rorie fait justice de

toute interprétation mystique en rappelant les grandes lois de

l'automatisme psychique et l'indépendance relative des centres

nerveux dont l'agrégat complet forme le substratum du moi-

conscient.

VII. Crétixisme sporadique; par BYROM Bramwell (d'Edimbourg).

(BI·itish medical jo2crnnl, janvier 1894, n° 1723.)

C'est un cas de myxoedème chez une petite fille de seize ans et

demi; six photographies nous montrent une enfant sans goitre

apparent, à faciès rappelant la face du boule-dogue, lèvres ouvertes

et pendantes, langue tuméfiée; beaucoup d'analogie avec le feu

Pacha et les autres idiots myxoedémateux du service de M. Bour-

neville à Bicêtre et avec le cas actuellement à Sainte-Anne dans le

service de M. Magnan. Par l'extrait de glande thyroïde, l'auteur dit

avoir obtenu une augmentation de la température rapprochée de

la normale, la souplesse plus grande de la peau avec fonctions

des glandes sudoripares et développement des follicules pileux,

augmentation des forces musculaires permettant la station assise

en équilibre et un éveil relatif des fonctions cérébrales en six mois.

A. Marie.

VIII. Des indices PflYSIONOMIQUES de la démence apathique; par

J. SIEOirshr. (Nouv. Icoi2ogr. de la Salpêtrière, 1893, n° 4.)

Cette étude est rendue claire et compréhensible surtout par les

excellentes photographies qui accompagnent le texte et qui repro-

duisenttoutes les délicates modifications de la mimique, auxquelles

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 131

l'auteur attribue ajuste titre uue grande importance diagnostique.

{\ La démence apathique, caractérisée surtout par l'affaiblissement

ou la perte de la mémoire et par un état général d'indifférence, et

qui est due à un affaiblissement notable, pouvant aller jusqu'à la

disparition totale des fonctions psychiques, est produite par l'atro-

phie de l'écorce cérébrale. Elle imprime à la physionomie des carac-

tères spéciaux qui ne manquent jamais, mais qui se montrent à

des degrés divers. Ce sont : 1° l'affaiblissement du muscle orbi-

taire inférieur qui est le premier indice de la démence; 2° l'af-

faiblissement de l'élévateur de la paupière supérieure; 3° l'affai-

blissement total des muscles innervés par le nerf inférieur de la

face, d'où un contraste marqué entre l'hyperkinésie du frontal

et l'akinésie des muscles inférieurs 'de la face; 4° l'ophtalmo-

plé-ie interne (l'auteur désigne ainsi l'ensemble des troubles

moteurs de l'intérieur de l'oeil, inégalité et déformation des pu-

pilles, troubles des réflexes dans les muscles ciliaires, dans l'iris);

5° transformation spéciale de la mimique et de la physionomie,

que les cliniciens cherchent à déterminer en disant que le visage

est devenu bestial, qu'il a pris la forme d'un masque.

Ces différents caractères de la mimique s'expliquent par ce fait

que l'innervation des muscles peauciers de la face est sous la

dépendance de l'écorce cérébrale. La parésie de ces muscles dans

la démence provient des troubles qui affectent, dans cette affec-

tion, la substance grise périphérique du cerveau. On peut donc

admettre, en résumé, que la démence apathique, dont les carac-

tères cliniques sont l'affaiblissement et la privation des fonctions

psychiques, est caractérisée anatomiquement par l'atrophie systéma-

tisée de l'écorce cérébrale, et rnimiqvemelzt par l'affaiblissement ou

la privation totale de la mimique. CAMUSE.

1 X. LE juif-errant DE la S.4LPI : TRIÈRE, ÉTUDE SUR certains NÉVRO-

PATHES voyageurs; par M. Henry Meige. (Nouu. Iconogr. de la

Salpètrière, 1893, n°,5 4, 5 et 6.)

Ce travail a été analysé par M. J.-B. Charcot dans le tome XXVI,

p. 343, des Archives de Neurologie.

X. OSTLO-ARTHROPOTHIE AIGUË CHEZ UNE ALIÉNÉE; par M. PoTOVSKI.

(Nouv. Iconogr. de la S«)<M)'t6)-c, 1893, n° 6.)

Femme quarante ans, l'aliénation mentale débute quelque temps

après une fausse couche. D'abord état maniaque, ensuite état

dépressif avec délire. Puis les deux états d'expansion et de dépres-

sion se remplacent et s'entremêlent, mais petit à petit un cycle

régulier s'établit, et en même temps la démence apparaît et se

prononce déplus en plus. A mesure que cette vésanie évolue, des

d32 . REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

maladies somatiques apparaissent et se succèdent : périostite de la

clavicule à droite, du fémur à gauche, arthropathie du membre

supérieur gauche, phlemon à l'avant-bras gauche, oedème, taches

violacées de la peau dans le voisinage des arthrites. La malade

n'est atteinte d'aucune diathèse, il s'agit de troubles trophiques

sous la dépendance de la maladie mentale. Il est probable que les

troubles trophiques de ce genre doivent se rapporter plus spécia-

lement à certaines formes phychopathiques, mais la question n'est

encore guère étudiée. CAMUSE.

XI. Épilepsie PARASYPAILITIQUE, par le professeur Fournier.

On voit parfois se produire au cours de la syphilis une épilepsie

très différente à divers titres de ce qu'on a appelé l'épilepsie syphi-

litique ou mieux la forme épileptique de la syphilis cérébrale.

Cette épilepsie présente les caractères suivants :

1° Elle débute en pleine santé, sans le moindre prodrome, sans

la moindre cause de nature à la motiver. Généralement, elle a

pour début un grand accès comitial;

2° Au delà, la maladie est constituée par un mélange d'accès de

grand mal et d'accès de petit mal. Elle subsiste en tant qu'épi-

lepsie pure et simple, sans association d'autres phénomènes mor-

bides (troubles congestifs, intellectuels, moteurs) ;

3° Elle est durable, et longuement durable;

4° Elle ne subit des remèdes antisyphilitiques aucune action , ni

curative, ni même temporairement suspensive ;

5° Elle n'a paru jusqu'ici être influencée que par la médication

bromurée qui la modère ;

' 6° Elle appartient à l'époque tertiaire de la syphilis et paraît

même n'en constituer qu'une manifestation tardive par excellence.

A tous égards, cette affection se rapproche de ces curieuses affec-

tions auxquelles on a appliqué, dans ces derniers temps, le qua-

lificatif d'affections parasyphilitiques. Elle s'en rapproche en effet,

à un triple point de vue : 1° en ce qu'étiologiquement elle procède

d'une origine syphilitique ; 2° en ce que, quant à ces symptômes,

elle ne présente rien qui appartienne en propre à la syphilis;

3° en ce qu'elle n'est pas influencée par le traitement antisyphi-

litique. Elle est à la syphilis ce qu'est à cette même maladie la

syphilide pigmentaire, ce que lui est le tabes ou la paralysie géné-

rale ; c'est-à-dire qu'elle dérive de la syphilis comme origine, sans

avoir la nature, l'essence d'une manifestation syphilitique. (Reçue

neurologique, 1893). E. BLIN.

XII. Contribution A l'étude DES actes purement automatiques CHEZ

les aliénés, par le professeur M. Bombarda.

Les faits d'observation qui font le sujet principal de cette élude

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133

démontrent que les régions psychomotrices peuvent être directe-

ment excitées à produire, non des mouvements brusques, désor-

donnés comme ceux d'une épilepsie, mais des mouvements ayant

tout le caractère d'actes volontaires et intentionnels, c'est-à-dire

que l'automatisme des régions psychomotrices peut se manifester,

non seulement par la mise en action des centres qu'elles contien-

nent et anatomiquement disposés dans le même groupe, dans la

même masse, mais encore par le fonctionnement simultané de cen-

tres dispersés anatomiquement et intimement liés entre eux par les

communications que la répétition physiologique des mêmes actes

a établies depuis longtemps. (Revue neurologique, 1893.) E. B.

XIII. NOTE SUR DES vergetures transversales DE la région LOMBO-

sacrée fréquentes chez les épileptiques; par les docteurs FRg

et SCHMID. -

Les vergetures sont le plus souvent en rapport avec un change-

ment de volume rapide des parties sur lesquelles on les voit se

développer. Quelquefois cependant, les vergetures ont paru n'avoir

aucun rapport avec une distension excessive et rapide et mériter

le nom d'atrophie cutanée progressive. Dans deux cas observés

à la Salpêtrière, la cause des vergetures restait douteuse et on

pouvait se demander s'il ne s'agissait pas de troubles trophiques :

chez ces malades, il existait des vergetures transversales de la

région lombaire. Cette même disposition est fréquente chez les

épileptiques et les auteurs l'ont rencontrée chez 26 sujets sur 72,

soit une proportion de 15, 11 p. 100. Ces vergetures transversales

sont groupées à la région lombo-sacrée.

D'après les recherches et les mensurations faites par les auteurs,

la grande longueur du tronc par rapport à la taille constitue une

des conditions étiologiques de ces vergetures lombo-sacrées. Il n'y

a pas là trouble trophique, mais développement disproportionné

du rachis par rapport aux membres inférieurs, d'où résultent un

tiraillement de la peau à la limite des deux régions et les verge-

tures lombaires. (Revue neurologique, 1893.) E. B.

XIV. NOTE SUR LES anomalies DU TESTICULE CHEZ LES DÉGÉNÉRÉS ET EN

particulier sur les inversions DE L'ÉPIDIDYUE; par les D's FÉRL et

Batigne.

Les anomalies du testicule chez les dégénérés ont été étudiées

dans ces dernières années, mais les anomalies qu'on a encore en

vue sont surtout les anomalies grossières, la microrchidie, la cryp-

torchidie, etc.. ; c'est à peine si l'on trouve une mention de l'in-

version du testicule. Dans un examen ayant porté sur 17 ! épilep-

tiques, l'auteur a rencontré la Inicrorchidie chez 9,35 p. 100. Les

134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

inversions du testicule se sont montrées sous plusieurs formes

l'inversion antérieure est la plus fréquente et s'est présentée chez

11,11 p. 100. On a trouvé, en résumé, 34 anomalies de position

de l'épididyme sur 171 épileptiques, c'est-à-dire 19, 87 p. 100. La

sensibilité morbide du testicule n'est pas très rare chez les épilep-

tiques ; on l'a constatée 16 fois sur 171 malades et 8 fois sur 16,

c'est-à-dire 50 fois sur 100, la douleur coïncidait avec une ano-

malie. (Revue neurologique, 1893.) "

XV. De la paralysie générale chez la femme; par le Dr ID ? Now.

Etude très documentée sur les conditions étiologiques et sur la

clinique de la paralysie générale chez la femme. Les conclusions

soi.t les suivantes :

1° La paralysie s'observe chez la femme bien plus souvent que

ne le croyaient les anciens auteurs ; d'après l'analyse de 104.000

aliénés pris dans les divers hôpitaux de huit Etats européens, on

trouve, en moyenne, 3 paralytiques femmes pour 10 paralytiques

hommes.

2° Ce désaccord avec les anciens auteurs tient en partie à ce que

la paralysie générale devient de plus en plus fréquente, surtout

pour les femmes.

3° L'étiologie de la paralysie générale ne présente, dans ses

traits principaux, aucune différence bien sensible chez la femme

et chez l'homme. Dans les deux sexes, un fait est caractéristique,

c'est la nécessité, pour qu'il y ait paralysie générale, de trois élé-

ments étiologiques simultanés (excès chagrins, hérédité, syphilis,

etc ? ) parmi lesquels la syphilis joue pour les deux sexes, un rôle

également prédominant et important. ,

Chez les femmes, la syphilis se rencontre dans la proportion de

68 p. 100 sur le nombre total de paralytiques générales ;

4° L'âge le plus favorable est de trente à quarante ans.

5° 11 n'existe pas de formes différentes dans l'évolution clinique

de la maladie, dans l'un ou l'autre sexes, et il parait superflu de

considérer une forme spéciale de la paralysie générale, dite forme

féminine.

6° Le rôle de la syphilis dans la paralysie générale est double.

Le plus souvent elle ne fait que préparer le terrain sur lequel, à

l'aide d'autres facteurs étiologiques qui sommeillent, puis agissent

simultanément, se développe la paralysie générale classique. Dans

d'autres cas, beaucoup plus rares, la syphilis, agit d'une façon

directe, immédiate, car en produisant des altérations au niveau de

certaines régions cérébrales elle peut provoquer le tableau clinique

qui ressemble à la paralysie générale ; c'est la pseudo-paralysie

générale d'origine syphilitique.

7° Le diagnostic différentiel de la pseudo-paralysie générale est

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 135

-très difficile à établir le plus souvent. Parmi les signes diagnos-

tiques, le plus fidèle, jusqu'à présent est la terminaison de la ma-

ladie par guérison, sous l'influence du traitement spécifique. De là

résulte cette dernière conclusion dans tous les cas de paralysie gé-

nérale, on doit' employer un traitement modéré antisyphilitique

notamment dans ceux où la syphilis a été notée dans les antécé-

dents du malade et dans les cas où les accidents antérieurs de la

syphilis ont été traités de façon négligée. (Annales médico-psycholo-

giques, mai 1894.) E. Bnx.

1VI. De l'hypothermie chez les aliénés; par le dOCteUr.L-B. Bouchaud.

En aliénation mentale, on n'observe habituellemei.t ni élévation

ni abaissement de la température. On peut cependant observer

l'une et l'autre. Et M. Bouchaud qui a pu observer plusieurs cas

d'algidité vient de faire paraître un travail où il étudie la question

del'hypotermie chez les aliénés. Après un historique où il rappelle

tous les travaux antérieurs parus sur le'sujet, travaux surtout nom-

breux à l'étranger, l'auteur entre tout de suite dans le récit de ses

observations personnelles. '

Le premier cas qu'il a observé date du 15 décembre 1879 et le

dernier du 22 janvier 1892, ce qui porte le temps d'observation à

treize ans environ. Pendant cette longue période, trente malades

ont été atteintes d'hypothermie et sur ces trente, trois l'ont été

deux fois, ce qui porte en réalité à trente-trois le chiffre des cas

d'hypothermie, c'est-à-dire 2, 5 en moyenne par an. Pendant le

même laps de temps, il y a eu à l'Asile 916 décès et 29 des

30 malades observés figurent dans ce nombre. Il y a donc eu un

décès sur3l, 6 qui s'est accompagné d'un abaissement de tempéra-

ture inférieure à 35 degrés. Tous ces chiffres un peu arides, -sont le

résumé de tableaux fort complets annexés au mémoire. Ils mon-

trent combien est grande, en somme, la proportion des cas

d'hypothermie chez les aliénés si l'on songe que dans les hôpi-

taux, où l'on reçoit des malades atteints d'affections si variées,

mais d'une autre nature, on voit rarement la température des-

cendre au-dessous de 36°, 5 et presque jamais au-dessous de

35 degrés.

Sous quelles influences se montrent chez les aliénés un abaisse-

ment de la température ? Une des causes les plus importantes est

le froid extérieur. Mais le froid ne suffit pas, il faut de plus que les

malades soient prédisposés et le froid est surtout préjudiciable aux

débilités et aux malades âgés. Presque tous les malades de M. Bou-

chaud étaient dans la section des aliénés débiles, c'est-à-dire de

ceux qui sont déments et calmes et presque tous étaient des indi-

gents. D'autres étaient affaiblis par des troubles morbides variés ;

vomissements avec diarrhée ; épuisement avec marasme dans deux

136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

observations ; alimentation insuffisante et état de stupeur avec

refus de nourriture chez deux mélancoliques, etc. De sorte que

pour conclure, on peut dire que si parfois la folie est la seule cause

de l'hypothermie, bien souvent aussi l'abaissement de la tempéra-

ture est provoqué par des accidents seconda ires qui en sont la

cause déterminante. -

M. Bouchaud cite ensuite, pour les discuter, quelques-unes de s

théories émises pour expliquer la prédisposition créée par l'alién a-

tion mentale. Il s'agit pour lui d'un trouble de la nutrition et on

peut considérer l'hypothermie chez les aliénés comme un état

d'inhibition diffuse provoquée par des causes de nature dépressive

chez des sujets dont le système nerveux est profondément débilité.

Vient ensuite une étude clinique 'des symptômes : hypothermie

qui rappelle beaucoup le coma et pourrait ainsi en imposer au

point de vue du diagnostic, avec le coma urémique et le collapsu s

diabétique.

Quant au traitement, M. Bouchaud insiste beaucoup sur les bons

résultats fournis par la chaleur. Comme traitement préventif,

d'abord, il faudra veiller à ce que les malades ne se dévêtissent pas

et soient le plus possible maintenant à l'abri du froid. Comme

traitement curatif, la chaleur au lit. Et jamais, dit M. Bouchaud,

en terminant, il ne faudra désespérer, malgré le peu d'espoir qu'on

ait d'obtenir la guérison. (Annales Médico-psychologiqztes, mars-

avril 1894.) ' . E. B.

XVII. DÉMENCE PROGRESSIVE ET INCOORDINATION DES MOUVEMENTS DANS LES

' QUATRE MEMBRES, CHEZ DEUX ENFANTS LE FRÈRE ET LA SOEUR ; par le

Dr BOUCHAUD.

Deux observations très complètes empruntant un intérêt tout

particulier à ce fait qu'elles apportent un nouvel élément à l'étude

des affections familiales du système nerveux. Dans l'un et l'autre

cas, la maladie se déclare vers l'âge de six à sept ans. On constate

dès le début, un affaiblissement de l'intelligence et l'incoordination

motrice dans les quatre membres, une démarche tabéto-cérébel-

leuse, sans paralysie, sans nystagmus, la diminution ou l'absence

du réflexe rotulien, la persistance des réflexes cutanés, une parole

lente, mais bien articulée, un air de satisfaction. Puis la maladie

s'aggrave ; la démence devient complète et la marche impossible :

la parole se réduit à quelques mots peu intelligibles ; la bouche

reste béante, la mastication et la déglutition s'opèrent lentement,

l'incontinence d'urine et des matières fécales apparaît, sans para-

lysie, la tonicité , musculaire augmente sans exagération des

réflexes tendineux, une scoliose se produit ; enfin un amaigrisse-

ment sans contractions fibrillaires se manifeste, une eschare se

développe au sacrum et la mort survient-en l'espace de quatre o u

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137

cinq ans. A l'autopsie, on trouve une sclérose bilatérale du fais-

ceau pyramidal croisé et du faisceau limitant. (Revue neurologique,

janvier 1894.) ·

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 25 juin 1894. Présidence de M. A. Voisin.

M. J. Ballet. La séquestration des déséquilibrés malfaisants.

Dernièrement, notre collègue M. Garnier envoyait à Bicêtre,

comme irresponsable, un individu impliqué dans une affaire cri-

minelle. Après quelques jours d'observation, M. Charpentier, ne

le considérant pas comme aliéné, dans le sens propre du mot, de-

mandait sa mise en liberté. Je fus, à mon tour, chargé de l'exami-

ner, et je suis arrivé à cette conclusion que nos deux collègues

avaient raison. M. Garnier pensant qu'il n'était pas possible de

condamner comme criminel un imbécile portant des tares géné-

ratives très accusées : mais, comme d'autre part, on ne pouvait pas

davantage le laisser en liberté, il avait conclu à la séquestration.

M. Charpentier, au contraire, estimant qu'un semblable individu

n'était amendable par aucune thérapeutique, voulait qu'on en

débarrassât son service, où il causait du désordre. Il était aussi

dans le vrai.

Si MM. Garnier et Charpentier avaient l'un et l'autre raison,

à leur point de vue c'est donc qu'il existe une lacune dans notre

législation.

Comme les tarés de cette espèce sont nombreux, on devrait

créer pour eux des asiles spéciaux où ils seraient tenus à un travail l

forcé ; malheureusement, la législation actuelle ne permet pas cette

création.

M. CHRISTIAN. La question soulevée par M. Ballet est de celles

qui préoccupent le plus les médecins aliénistes. Nous sommes una-

nimes à reconnaître que ces déséquilibrés sont insupportables dans

les services d'aliénés et que, cependant, on ne peut les laisser en

liberté. Pour que les asiles spéciaux aient une efficacité réelle, il

faudrait qu'on ne pût en sortir. Vous n'obtiendrez jamais une sem-

138 SOCIÉTÉS SAVANTES.

blable législation. M. Ballet voudrait les voir obligés au travail;

c'est trop juste ; mais de quel oeil seraient vus les médecins de ces

établissements, à une époque où les aliénistes ne sont déjà pas en

odeur de sainteté dans le public et dans une certaine presse.

M. J. Ballet. En somme, la société est désarmée contre ces

gens-là, qui ne craignent rien et qui se moquent du procureur de

la République comme de l'asile et de la prison.

M. BniAND. Le nouveau texte de loi, soumis à la Chambre, sur

le régime des aliénés et qui contient quelques bonnes choses (je ne

parle pas de l'intervention de la magistrature) prévoit la création

d'asiles spéciaux répondant au voeu exprimé par M. Ballet. Ils rece-

vront les aliénés criminels reconnus irresponsables et les condam-

nés devenus plus tard aliénés pendant la durée de leur peine.

Les criminels reconnus irresponsables n'en sortiront qu'après

guérison constatée, par le médecin traitant qui devra, en outre,

déclarer qu'ils ne paraissent pas susceptibles de rechutes. La sortie

ne sera, d'ailleurs, accordée que par le tribunal jugeant en chambre

de conseil.

M. Vallon. Cette solution aura au moins l'avantage de nous

débarrasser d'individus dont la présence à l'asile compromet si

gravement la guérison des véritables aliénés. A force d'accumuler

les faits, nous finirons par convaincre les pouvoirs publics de la

nécessité de cette création.

M. BRIAND. Il n'existe contre le projet qu'une seule objection

sérieuse en dehors des arguments budgétaires, c'est l'éloignement

de la famille. Quoique très nombreux, ces êtres maladifs et malfai-

sants ne sont pas en assez grand nombre pour qu'on pense à leur

édifier un établissement dans chaque département. Or, beaucoup

seraient séparés de leurs parents par d'assez grandes distances. On

avait bien proposé d'adjoindre à chaque asile départemental un

quartier spécial; mais c'eût été là une idée irréalisable. Il aurait

fallu construire tout un petit asile à côté du grand. De plus, le

voisinage des criminels aurait jeté sur l'asile de traitement, qu'on

tend de plus en plus à rapprocher de l'hôpital ordinaire, une

déconsidération facile à comprendre.

Je crois qu'en choisissant, comme emplacement, les points de

convergence des grandes lignes des chemins de fer, on donnera

satisfaction à tout le monde.

M. CHASLIN. On peut dire au point de vue théorique que tous

les criminels sont des anormaux. Dans la pratique, on distingue

ceux qui sont susceptibles de s'amender et les incorrigibles. Les

médecins devront abandonner à la prison tout déséquilibré qui,

par la répétition des mêmes actes, aurait donné la preuve qu'il il

n'est susceptible d'aucune amélioration.

M. Ballet. Le médecin sort de son rôle s'il se place au point

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 139

de vue purement théorique. Il doit, au contraire, rester dans le

domaine de la pratique, examiner chaque cas particulier sans trop

généraliser.

M. CHASLIN. Les médecins ne devraient intervenir qu'après un

jugement ayant déclaré l'individu nuisible.

M. CHRISTIAN. Nous sommes tous d'avis qu'une certaine popu-

lation de nos asiles serait mieux placée ailleurs, mais je ne crois

pas que la construction d'asiles spéciaux offre une solution heu-

reuse, à moins d'y enfermer à perpétuité ceux qui ont donné par

leurs actes la preuve de perversions instinctives invétérées.

M. Vallon. - Je ne vois pas pourquoi vous n'enfermeriez pas

perpétuellement les êtres nuisibles. Quand vous placez un idiot

dans un asile vous le séquestrez bien à perpétuité, puisqu'il n'est

pas guérissable. Souvent il n'est dangereux que pour lui. Pourquoi

avoir des scrupules pour ceux qui se sont montrés dangereux pour

autrui ? ,

M. JOFFROY. La question à se poser en face de chacun de ces

tarés est celle-ci : Est-il corrigible ? Pour la résoudre, il faut du

temps. 11 en existe beaucoup faisant le mal pour le mal, qui répon-

dent aux observations : « Moi, je suis irresponsable, j'ai le droit

d'agir à ma guise et de suivre mes instincts; vous n'avez rien à

me reprocher, puisque je ne puis me retenir. » Je ne verrais,

pour ma part, aucun inconvénient à enfermer dans des conditions

spéciales ces êtres vicieux, jusqu'à ce qu'ils tiennent un autre

langage.

Leur attitude vient surtout de ce qu'ils nous savent désarmés

contre eux. Martel BMAND.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME SÉANCE.

Séance du 10 décembre 1893. Présidence de M. Loehr aîné.

Délimitation de laparanoia. Rapporteurs, MM. Cramer etBOEDEKER.

M. Cramer présente les conclusions suivantes : 1. La confusion

mentale (amerxtia), le Wahnsinn et la Verrùcktheit ont une série

d'importants symptômes qui leur sont communs au point de vue

clinique et au point de vue pathogénique.

a. Les symptômes fondamentaux hallucinations sensorielles

140 " SOCIÉTÉS SAVANTES.

idées délirantes el incohérence sont, au point de vue de la

genèse, proches parents. 6. Le symptôme prédominant de la con-

fusion mentale et de la systématisation (Wahnsinn et Verrùcktheit)

résulte d'un trouble morbide de l'activité intellectuelle c. Dans

la confusion mentale, le Wahnsinn et la Verrùcktheit, l'affectivité

(sensibilité morale) ne joue qu'un rôle secondaire. d. Il peut y

avoir confusion mentale (amentia), qui joue le rôle de symptôme soi t

dans la forme de délire systématique connu sous le nom de Wahn-

sinn, soit dans celle qui est connue sous le nom de Verrûcktheit.

2° Les éléments du diagnostic différentiel entre la confusion

mentale, le Wahnsinn et la Verrûcktheit ne peuvent supprimer le

substratum commun à ces trois tableaux pathologiques, mais ils

sont tout à fait indiqués pour distinguer ces trois tableaux morbides

sur le fonds commun de la paranoïa.

3° Le groupe des psychoses fonctionnelles, simples non compli-

quées, par contraste avec les anomalies de l'humeur et les troubles

de la sensibilité morale, représente, sous le titre de forme princi-

pale de de la paranoïa, les affections de l'intelligence.

4° La p<M'6[MOMt se sépare ainsi nettement des anomalies de l'hu-

meur et des psychoses complexes. 1

5° La définition de la paranoia est par conséquent la suivante.

La paranoïa est une psychose fonctionnelle simple. Elle est carac-

térisée par une altération morbide de l'activité intellectuelle dans

laquelle la sensibilité morale ne joue qu'un rôle secondaire.

Sous le titre d'activité intellectuelle, il faut comprendre la faculté

à action nerveuse centripète, qu'a notre esprit de former des con-

ceptions représentatives en percevant les rapports des choses du

monde extérieur, de les associer aux provisions intellectuelles

préalablement emmagasinées dans les centres et de transformer

ces acquisitions en une activité productive.

M. BOEDEKER étudie les divisions de la paranoia, ne se sentant point

compétent pour formuler une proposition ferme. Peut-on accepter la

notion si large au point de vue psychologique que vient d'émettre

M. Cramer ? faut-il comprendre ainsi la paranoïa ? S'il n'en est

pas ainsi, il faut, pour diviser et définir la paranoïa, s'adresser à

d'autres guides, à d'autres manières de voir.

M. ,TASTROWITZ demande que l'on ne passe à la discussion que

lorsque les deux rapports seront imprimés. Adopté. i

M. le président demande que dans la prochaine séance on s'oc-

cupe parallèlement d'une question de science et d'une question

d'organisation générale. Par exemple, de la question du personnel

des infirmiers. Cette vieille question est toujours nouvelle. La nou-

velle loi lui donne un regain d'actualité. Dans ces dix dernières

années l'assistance des aliénés et le recrutement du personnel ont

progressé. N'a-t-on pas tout récemment, à propos de la psychiatrie

1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 141

et de l'assistance spirituelle, recommandé les infirmiers religieux ? 2

Il se déclare prêt, si personne ne le demande, à se charger du

rapport. Adopté.

M. MENDEL.-La question scientifique que l'on pourrait simultané-

ment traiter est celle qui a trait à la paranoïa en discutant juste-

ment les deux rapports d'aujourd'hui. Adopté. (Allg. Zeilsch. f.

Psych., L, 5.) P. KERAV.4L.

LIIe CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE LA PROVINCE DU RHIN.

SESSION DE BONN.

Séance du Il novembre 1893. Présidence de M. PELMAN.

Le président consacre àla mémoire de MM. Cramer, HOESTERMANN

et Charcot des paroles pleines d'émotion et de chaleureux éloges.

M. Kocas. Etude des phénomènes de l'hypnose chez une hystérique.

Il s'agit d'une malade à l'aide de laquelle M. Effertz organise des

expériences au laboratoire de physiologie animale de l'académie

de Poppelsdorf, expériences qui doivent montrer que l'individu en

état d'hypnose peut pendant longtemps, voire une demi-heure,

maintenir, sous l'influence de la catalepsie, son bras étendu sans

qu'il survienne d'accidents convulsifs. Cette malade est une russe

de trente-trois ans, de bonne famille, sans hérédité névropathique,

qui à l'âge de seize ans, à la suite d'une chute sans importance

et d'une émotion morale (perte de sa fortune), fut prise d'hystérie

avec contractures de divers membres.

Le traitement actif institué alors (K Br -- massage électrisa-

tion galvanique, faradique, statique, balnéothérapie hyp-

notisme) demeure sans grands résultats. Il y a cinq ans, à Londres,

abus de thé, café et tabac. Il y a trois ans séjour à Vienne, traite-

ment de Benedikt : des pointes de feu dans le dos font disparaître

la contracture pour deux mois. Par la suggestion, de Krafft-Ebing

obtient que, libre de toutes contractures, elle puisse revenir à

Londres. 11 y a quelques mois une émotion (sa soeur est écrasée

par un cab) ramène les contractures.

Il y a quatre semaines, nous la retrouvons à Bonn totalement

anesthésique (cornée comprise); aucun réflexe pharyngien, ni

selérotical. Champ visuel réduit à la vision centrale la plus res-

142 SOCIÉTÉS SAVANTES. ^

treinte; achromatopsie complète à droite, cécité du violetàgauche;

surdité, ageusie et perte de l'olfaction du côté gauche. Quand on lui

ferme les yeux elle ne perçoit plus la situation de ses membres

et ne peut exécuter aucun mouvement. Sensibilité spontanée et à la

pression de la colonne lombaire. Pas d'ovarie. A côté de cela la

malade perçoit les démangeaisons de . plaques d'eczéma qu'elle

porte aux mains ; elle accuse le contact d'une mpuche sur sa

peau. Le courant galvanique et faradique n'est senti que par l'in-

termédiaire des contractions musculaires provoquées et non sous la

forme douloureuse. Il existe une contracture permanente de huit

doigts ainsi qu'une forte tension de tous les autres muscles spon-

tanément mobiles qui, sous l'action de la plus faible excitation,

peuvent être contractures. Toutes les contractures artificielles

durent de dix à vingt minutes. Les excitations fortes engendrent de

grandes attaques d'hystérie, mais on les suspend en frottant légè-

rement les globes oculaires. A la suite de l'attaque, il y a mutisme

hystérique de quelques secondes, mais la malade peut alors manger

et boire. Une bonne alimentation jointe à la suppression du thé, du

café et du tabac l'a délivrée de tous les autres accidents.

On fait venir le sujet. La fixation du regard provoque l'hypnose

en quelques secondes. En tambourinantsur la table près de laquelle

elle est assise on voit les doigts s'ouvrir et tambouriner à leur tour

dans le rythme adopté par l'expérimentateur. La suggestion

verbale suspend pour quelque temps la reprise de la contracture.

M. Effertz montre la contracture latente, les contractures musculaires

provoquées par le chatouillement cutané, le massage léger de chaque

muscle, la pression sur le nerf correspondant, le heurt des tendons

et la disparition des contractures par l'action exercée sur les mus-

cles antagonistes; en suspendant l'activité des extenseurs des doigts

et du tibial antérieur il produit la contracture et en particulier la

contracture paradoxale de Westplial.

Il commande à la malade d'ouvrir les yeux ; la voilà dans l'état

somnambulique; activité psychique très intense, réponses très

nettes; hallucinations spontanées ou par suggestion (scènes de toute

nature fabriquées de toutes pièces) ; cet état est prolongé pendant

près de deux heures et, durant tout ce temps, persistance continue

d'un strabisme interne très actif. La malade semble fixer un point

idéal qui parait être à peu près à 5 centimètres delà cornée. Ces

constatations physiques mettent à njant la crainte d'une comédie.

Quelle est en effet la comédienne qui présenterait pendant tout ce

temps un strabisme permanent aussi intense ? On ne parvient

du reste à la réveiller qu'après lui avoir à plusieurs reprises, éner-

giquement suggéré verbalement d'avoir à sortir de cet état.

M. Scautz communique l'histoire de deux faits semblables dans

lesquels la suggestion eut, au point de vue thérapeutique, un résultat

surprenant.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 -Il 3.

M. PETERS présente un malade atteint d'adénome du nerf optique.

Affection bilatérale sans autres lésions du fond de l'oeil. On cons-

tate, dans la papille, des bourgeons tubéreux, sphériques, qui en cer-

tains points sont irréguliers, par suite de la prolifération de ces

masses. Voici d'ailleurs comparativement l'étude microscopique

de production de ce genre grâce aux préparations envoyées par

M. Hirschberg.

M. Pelman rend compte du congrès de la société pénitentiaire du

Rhin et de la Westphalie tenu récemment à Dusseldorf et traite la

question examinée par ce congrès relative à la culpabilité dans l'état

d'ivresse. Sur la proposition de lt.OEuEeE cette question sera pour la

prochaine séance rapportée par MM. Pelman et F1N6L13URG.

M. BARTELS. Deux cas remarquables de folie systématique (para-

noïa). La première observation est remarquable par sa genèse ;

la seconde par son évolution. On sait en effet que la théorie de

Zeller et de Griesinger avait fait accepter comme un dogme que

la vésanie qui se manifeste par des conceptions délirantes, cristal-

lisées et systématisées (idées de persécution et de grandeurs) pro-

cède d'un stade préparatoire primitif revêtant la forme de mélan-

colie ou de manie.

Snell l'attaque et montre qu'il existe une paranoïa primitive,

qu'on l'appelle d'ailleurs Wahnsinn ou Verrucktheit, peu importe le

nom qui, comme l'a montré M. Werner, ne paraît point fixer exac-

tement la modalité pathologique (Congrès des aliénistes allemands,

session de léna). Mais il existe concurremment une folie systéma-

tique secondaire (secundoere Verrûcktheit) caractérisée par ce fait

qu'elle prend racine chez des individus qui, à la suite d'un accès de

mélancolie accompagnée d'idées de persécution conservent de l'affai-

blissement intellectuel; l'affaiblissement intellectuel persistant, les

idées de persécution ne peuvent plus être redressées par le juge-

ment et subsistent malgré la disparition delà mélancolie affective.

Sans doute, comme l'a montré Kroepelin, les idées délirantes sont

loin d'être aussi systématiquement cohérentes que dans la Vert'McA-

theit primitive; sans ordre, elles sont fréquemment contradictoires

et ne sont plus méditées, remaniées par l'intelligence du patient.

C'est ce que dit aussi de Krafft-Ebing.

Voici maintenant une observation qui s'est d'abord présentée

sous l'aspect de la mélancolie puis qui a tourné à la folie systéma-

tique, il ne s'agit plus ici des conceptions délirantes de la mélancolie

transformées en idées de persécutions stables et permanentes, il

s'agit d'idées délirantes fixes mais complètement nouvelles qui

dans leur premier état étaient des idées de persécution puis se sont

transformées eu idées présomptueuses et finalement ont.été systé-

matisées, et restent telles, par la malade. En 1885 apparaît la folie

mélancolique qui ne guérit point ; en 1892, commence à se déve-

lopper la paranoïa secondaire ; les idées délirantes naissent, se sys-

144 , SOCIÉTÉS SAVANTES.

tématisent, elles provoquent la genèse de toute une série de con-

ceptions qui se coordonnent, sont raisonnées et interprétées par

l'intelligence absolument comme dans la paranoïa primaire.

L'autre observation a pour cachet, sa terminaison extraordinai-

rement favorable. C'est un délire chronique systématique, progres-

sif, incurable, qui, après avoir duré près de cinq ans, guérit en un

temps relativement court. Il s'agit encore d'une femme. Et qu'on

n'aille pas croire qu'il y a eu simple atténuation des.conceptions

délirantes, disparition de leur caractère impérieux, par suite, par

exemple, de l'affaiblissement intellectuel. Nullement. Les idées déli-

rantes, ont totalement disparu ; la malade a repris ses habitudes

antérieures, sa pleine lucidité, son activité normale. Il y a main-

tenant neuf mois qu'elle est retournée chez elle ; les personnes qui

vivent avec elle et qui connaissaient par le menu son système de

délire, n'en ont pas vu reparaître la moindre trace. Elle est

d'ailleurs revenue nous voir à l'asile sans la moindre crainte, sans

avoir cette horreur de l'établissement qu'une malade réticente ou

dissimulatrice aurait certainement conservée, et cela de son plein

gré comme toute malade ordinaire reconnaissante des soins donnés

dans un hôpital quelconque va retrouver son médecin. Et d'ailleurs

depuis qu'elle est sortie, elle a récupéré progressivement sa liberté

d'esprit, sagaité, a repris graduellement ses habitudes antérieures,

ses relations. Elle parle sans gêne de sa maladie.

M. Finrelnbourg. Des premiers résultats fournis par la statistique

des aliénés de la province du Rhin. Il s'agit de la statistique de

1880-1889.-Les admissions des aliénés de la province du Rhin dans

les asiles d'aliénés ont présenté une progression bien plus forte que

le chiffre de la population. En 1880 il y a eu pour une population

de 4.074.000 habitants, 1168 admissions = 2,86 pour 10.000 habi-

tants. En 1889 pour une population de 4.636.700 habitants, il y a

eu 1874 admissions, soit 4.04 pour 10.000 habitants. Cette progres-

sion a été de 5 p. 100 plus active pour les femmes que pour les

hommes et cependant ceux-ci ont été bien plus atteints que

celles-là. Les admissions ont été surtout actives dans les districts

industriels ou urbains de Cologne et Dusseldorf, à populations

denses.

Les admissions d'enfants jusqu'à l'âge de quinze ans méritent une

mention spéciale, En 1880 on en plaçait 39 ; ce chiffre a atteint le

nombre de 89 en 1889. C'est le district industriel de Dusseldorf

dans lequel la folie infantile le plus progressé (de 15 il a atteint

58). Faut-il accuser l'accroissement des tares héréditaires ? Faut-il

s'en prendre à des influences sociales ou à des modifications dues

à l'éducation ?

La paralysie générale a subi une pression ascendante remar-

quable. En 1880 on relevait 88 admissions; progressivement elles

atteignirent 219 en 1889. Les populations denses et industrielles

SOCIÉTÉS SAVANTES. 145

d'abord de Dusseldorf, et Aix la-Chapelle, puis de Cologne, sont

celles qui fournissent l'ascension la plus vive. Le district d'Aix-la-

Chapelle a ceci de marquant que, chez la femme, il y a une propor-

tion croissante de paralytiques; en 1880 on en admettait 40 ; en

1889, 119. Il est à signaler que la grande industrie d'Aix-la-Cha-

pelle occupe une telle proportion de femmes que le chiffre que

celle-ci représente vient immédiatement après celui de Berlin.

Voici maintenant des chiffres qui représentent le chiffre d'ad-

mission rapporté à celui de la population et à la moyenne annuelle

pour chaque district. Ainsi pour 10,000 habitants, on a admis, dans

les asiles d'aliénés pour cause d'aliénation mentale, et par an

(moyenne calculée pendant dix années) :

146 BIBLIOGRAPHIE.

Il n'y a à cela aucune explication. Cette particularité coïncida

avec l'augmentation notable et également passagère du nombre

des admissions tant dans les asiles d'aliénés que dans les hôpitaux.

Les admissions des aliénés, quiétaientde 1,465 en 1885, atteignaient

1,747 en 1886, et 1,959 en 1887. Les admissions des malades dans

les hôpitaux, qui étaient de 1,498 en 1885, atteignaient les chiffres

de 1,564 et 2,237 en 1886 et 1887.

Les hommes ont fourni un bien plus fort appoint quortes femmes

à l'augmentatiou de la fréquence des admissions, qu'elle soit con-

sidérée dans son ensemble ou par chacune des dix années, et cela

dans chacun des districts; mais bientôt, à la fin de cette période

décennale, comme on admettait d'année en année une proportion

de plus en plus forte de femmes aliénées par rapport aux admis-

sions masculines, la différence constatée diminuait. Ainsi, pour

10,000 habitants, le rapport annuel moyen des admissions était

pour Aix-la-Chapelle de 12,36 hommes, et de 9,27 femmes, pour

Elberfeld, 10,26 hommes ; 7,87 femmes. Ce qui prouve que les cercles

urbains et ceux des grandes villes industrielles provoquent le

surplus des admissions hommes, surtout à cause des excès alcoo-

liques, mais que les mêmes raisons engendrent la progression de

lafolie chez la femme.

L'étude statistique de l'influence psychopathique des professions

sera l'objet d'un travail exact et ultérieur. Les cercles les moins

nuisibles sont ceux où il y a une population agricole; il en faut

rapprocher ceux dans lesquels prédomine l'industrie minière

et celle du travail du fer. Moins favorables sont ceux à industries

textiles, surtout quand il y a en même temps des villes manufactu-

rières. 'Linfluence la plus défavorable paraît être exercée par les

hôtelleries et les cabarets qui se développent dans les popula-

tions ouvrières. (Alleg. Zeitsch. f. Psych., L. 5.) P. KËHAVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

III. Contribution à l'étude de la folie héréditaire. Folies concomi-

tantes; par M. Louis Pain. (Thèse de Nancy, 1894.)

L'auteur ayant eu l'occasion d'observer un certain nombre de

cas de folies à deux, trois, etc., a remarqué que, contrairement a

l'opinion généralement admise, des frères ou soeurs peuvent pré-

senter simultanément ou presque simultanément un même délire,

les mêmes troubles, alors que cependant ils ne vivent pas dans

une constante intimité, qu'ils sont même parfois assez éloignés les

SOUSCRIPTION C11ARC0'1·. 147

uns des autrea ou vivent en mauvaise intelligence. Il se base sur

des faits de ce genre et sur les observations de folie à deux déjà

publiées pour faire ressortir la faible influence du contact intime

des malades, eu égard à l'importance capitale de l'hérédité dans la

genèse des folies familiales et il croit que créer une subdivision de

la folie héréditaire pour la folie à deux, c'est compliquer sans justi-

fication suffisante l'étude de la pathologie mentale déjà bien encom-

brée de formes d'aliénation mentale non encore nettement définies.

M. Pain a réuni quelques documents intéressants à l'appui de ses

conclusions; on peut regretter cependant qu'il ne leur ait pas

donné plus de développement et qu'il n'en ait pas tiré un parti

plus étendu. Il a montré toutefois les ressources que l'on doit cher-

cher dans une connaissance complète des antécédents familiaux

des malades avant d'émettre une opinion aussi absolue que l'est

celle qui fait de la vie en commun une condition sine (lua non dans

la pathogénie de la folie à deux. Paris.

IV. Vade Piecuin du médecin-expert; par le professeur LaCASS.1GNG.

(Storck et Masson, Paris, 1894.)

« Ce livre s'adresse aux médecins et aux magistrats. Pour les

uns ce sera un aide-mémoire, pour les autres un contrôle. »

Toi est le but que s'est proposé l'auteur qui paraît l'avoir

atteint. Après avoir exposé des renseignements généraux qui peu-

vent être appliqués dans toute expertise, l'auteur passe en revue les

différents cas qui se présentent en médecine légale et donne pour

chacun d'eux un plan à suivre pour l'examen médico-légal et pour

l'autopsie s'il y a lieu, avec un modèle de conclusions contenant

les questions auxquelles l'expert doit répondre. La façon très pra-

tique dont cet ouvrage est comprise, son format et ses dimensions

en font bien réellement un vade mecum qui rendra de grands ser-

vices à tous les médecins appelés à ne faire que rarement, comme

c'est le cas en province, des examens médico-légaux. Us y trouve-

ront également un chapitre non moins utile sur les droits et obli-

gations du médecin devant la société et devant la justice. P. S.

SOUSCRIPTION

POUR LE MONUMENT J.-M. CHARCOT.

On a institué à Paris, dit le Galieiz, un Comité pour recueillir

des souscriptions, afin d'élever un monument au grand neuropa-

148 SOUSCRIPTION CUAUCOT.

thologiste CHARCOT. Les médecins soussignés se sont réunis'pour

former un Comité local en Grèce. Nous appelons, disent-ils, tous

les confrères des pays grecs, les amis, les admirateurs et en géné-

ral tous ceux qui apprécient la mémoire de ce grand homme qui,

par son enseignement et ses oeuvres, plus que personne autre, a été

le bienfaiteur de l'humanité souffrante. Nous les prions, s'ils le

veulent, d'envoyer à l'un d'entre nous leur souscription : Cons-

tantin Delyanis ; Georges Carainitzon -Michel Chatzimichalis ;

Jules Galvani ; George Caryofilis.

dix-neuvième liste du Progrès médical.

M. le Dr Lubimoff nous a versé au nom de M-e la princesse

VARIA. 149

à nos lecteurs pour qu'ils veuillent bien nous adresser leur sous-

cription, quelque modeste qu'elle soit. Ce serait un honneur pour

les médecins français si, tous participaient, même par les souscrip-

tions les plus modestes, à rendre hommage a l'un des plus illustres

Maîtres de la Science médicale française.

VARIA.

- Inauguration DES bustes DE Baillarger ET DE FALRET

A LA SALPTTRIÈRE

La Société médico-psychologigue a procédé le 7 juillet

dans l'après-midi, à la Salpêtrière, à l'inauguration des bustes

de Baillarger et de J.-P. Falret. Les bustes sont placés en face

l'un de l'autre, au milieu de la première cour de la Salpêtrière ;

tous deux sont en marbre. Celui de Baillarger est l'û3uvre d'un

jeune statuaire, M. Malherbe; il porte l'inscription suivante :

« A Baillarger, 1809-1890, la Société médico-psychologique,

ses amis, ses élèves. » L'autre, celui de Falret, est dû au ciseau

de Ludovic Durand ; on y lit cette simple mention : a J.-P. Fal-

ret, 1794-1870. »

Sous une vaste tente avaient pris place : M. Poubelle, préfet

de la Seine, MM. Félix Voisin, vice-président du conseil de

surveillance, Derouin, secrétaire général de l'Assistance

publique, Le Roux, directeur des affaires départementales,

MM. les D's Jules Falret, Vallon, Lnys, Raymond, Goujon,

Magnan. Dans une petite tribune, MM. Jules Falret, président

du comité des bustes et fils de J.-P. Falret, Ritti, secrétaire

général de la Société médico-psychologique, Magnan, repré-

sentant l'Académie de Médecine, Mottet et Bouchereau ont

pris la parole pour rappeler les découvertes et les améliorations

dues à ces deux illustrations de la médecine mentale. La Fan-

fare des Enfants de Bicêtre prêtait son concours à cette solen-

nité qui s'est terminée par un banquet. -

Voici le discours de M. Jules FALRET, :

Messieurs,

En ma qualité de président du Comité de la souscription Bail-

larger, je viens aujourd'hui, au nom de la Société médico-psycho-

150 VARIA.

logique et en mon nom personnel, offrir à l'administration de

l'Assistance publique et à l'hospice delà Salpêtrière lès bustes du

D'' Baillarger et de mon père, le De Jean-Pierre Falret, dus à

deux artistes distingués, MM. Malherbe et Ludovic Durand, dont

l'Administration a autorisé l'érection dans la première cour de la

Salpêtrière et dont la Société médico-psychologique a décidé

l'inauguration solennelle, devant M. le préfet de la Seine et M. le

directeur de l'Assistance publique, qui,ont bien voulu accepter

notre invitation et rehausser par leur présence l'éclat de cette céré-

monie. C'est pour nous un grand honneur, Messieurs, de voir ici

réunie une affluence aussi considérable de représentants de l'auto-

rité administrative, du Conseil général de la Seine et de la profes-

sion médicale, pour honorer la mémoire de deux médecins émi-

nents, qui ont laissé dans l'hospice de la Salpêtrière des souvenirs

si vivaces et dans notre science spéciale des traces si durables, des-

tinées à perpétuer leurs noms.

Nous adressons donc nos plus vifs remerciements à tous ceux qui

ont bien voulu honorer cette réunion de leur présence et rendre

ainsi hommage à notre famille aliéniste dans la personne.de deux

de ses plus illustres représentants.

La vie de ces deux maîtres de la pathologie mentale, malgré les

profondes différences de caractère et de tendances scientifiques

qui les ont séparés pendant le cours de leur existence, a présenté

néanmoins de nombreux points de contact qui les rapprocheront

aux yeux de la postérité et qui justifient pleinement l'inauguration

simultanée de leurs bustes que nous célébrons aujourd'hui. Tous

deux, élèves directs de Pinel et d'Esquirol, ils ont adopté, sauf des

modifications secondaires, et propagé les doctrines scientifiques et

philanthropiques de leurs illustres maîtres, pour lesquels ils ont

toujours professé la plus grande vénération. -

Tous deux, médecins de la Salpêtrière, ils ont eu l'insigne hon-

neur d'inaugurer, en même temps, dans cet hospice où leurs maîtres

avaient déjà fait école, l'enseignement clinique et public des mala-

dies mentales, à une époque où cet enseignement n'avait pas

de représentant officiel. Tous deux, ils ont, pendant près de trente

ans, poursuivi avec zèle et persévérance le but élevé d'initier à la

science, si dédaignée encore, qu'ils cultivaient avec tant de succès,

de nombreux élèves qui ont puisé, dans ce double enseignement,

toutes les notions qu'ils ont pu acquérir sur la science des maladies

mentales et qui se sont répandus ensuite en France et à l'étran-

ger, pour propager leurs doctrines et devenir médecins et direc-

teurs des asiles d'aliénés, publics et privés, dans toute l'Europe.

Tous deux, animés du même zèle humanitaire, qui caractérisait

leurs devanciers, ils ont mené de front la philanthropie et la science

et ils ont fondé, l'un la Société de patronage des aliénés convales-

cents, qui, depuis plus de cinquante ans n'a pas cessé de fonc-

VARIA. 151

tionner avec succès et de rendre les plus grands services aux

aliénés sortis guéris des Asiles publics du département de la

Seine, et l'autre, les Annales métlico-psycleologiques, mine iné-

puisable de documents précieux pour les travailleurs de l'avenir;

la Société médico-psychologique, qui, depuis 1852, a servi si

puissamment au développament de notre science spéciale, et enfin

l'Association mutuelle des médecins aliénistes, qui a fait tant de

bien aux veuves et aux enfants de nos confrères aliénistes morts

sans fortune !

Tous deux, enfin, médecins de la Salpêtrière et membres de

l'Académie de médecine, ils ont laissé dans la science des décou-

vertes durables que la postérité conservera. L'un a démontré la

non-existence de la monomanie telle que la concevait Esquirol,

c'est-à-dire comme délire partiel exclusivement limité à un seul

sujet; il a découvert la folie circulaire et la folie du doute, qui est

devenue le point de départ des études ultérieures sur la folie avec

conscience elles obsessions; il a décrit, le premier, les trois périodes

successives de l'évolution des délires partiels jusqu'au délire stéréo-

typé, description appliquée depuis lors au seul délire de persécu-

tion ; enfin il a proclamé la nécessité de créer désormais, par

l'observation clinique, des espèces naturelles de maladies men-

tales, reposant à la fois sur l'ensemble des symptômes physiques

et moraux et sur la marche de ces affections. L'autre, Baillarger,

a publié de nombreuses études cliniques sur la mélancolie avec

stupeur, sur les hallucinations psychiques et psycho-sensorielles,

sur la folie à double forme et surtout sur la paralysie générale, tra-

vaux qui suffiraient pour immortaliser son nom, et qui, basés sur

une observation sérieuse et persévérante, défieront les atteintes du

temps, sans parler de toutes ses recherches anatomiques et physio-

logiques qui ont complété son oeuvre.

Comme fils, il ne m'appartient pas, Messieurs, de faire ici l'éloge

d'un père pour lequel j'ai conservé la vénération la plus filiale, car

il m'a donné doublement la vie comme père et comme maître en

aliénation mentale.

Je laisserai ce soin à mes excellents collègues qui prendront la

parole après moi. Mais je ne puis terminer ce discours sans rendre

un dernier hommage à la mémoire de ces deux maîtres de la

médecine mentale, dont les bustes sont aujourd'hui posés sur leur

piédestal, à l'entrée même de cet hospice de la Salpêtrière, où ils

ont rendu, pendant de longues années, tant de services aux aliénés

et à la science.

Tous deux nous ont laissé un salutaire exemple et des enseigne-

ments précieux. Leur vie, consacrée tout entière au travail, aux

progrès de la science et au bien-être des aliénés, est pour nous un

vrai modèle à suivre. Comme leurs maîtres Pinel et Esquirol, ils

ont été dirigés, pendant tout le cours de leur existence, par deux

"'182 VARIA. ? mobiles supérieurs, l'amour des aliénés et le désir constant de

' - * faire progresser la science spéciale, encore si incomplète, à laquelle

ils avaient consacré leur vie, et tous deux nous ont légué, comme

testament scientifique, ce même et suprême enseignement : La

clinique doit être la véritable base de la pathologie mentale. L'ana-

tomie pathologique et la psychologie normale, sciences auxiliaires

indispensables, doivent lui servir d'appuis, mais non la dominer, et

la clinique seule peut contribuer à son avancement et à ses progrès !

M. le D Magnan s'est exprimé en ces termes :

Mesdames, Messieurs,

Je viens, au nom de l'Académie de médecine, rendre hommage

à la mémoire de deux de ses membres les plus éminents, Baillar-

ger et Falret, tous deux maîtres illustres, dont les échos de la Sal-

pêtrière rappellent encore le brillant et fécond enseignement.

J'ai été d'autant plus touché de la pieuse mission qui m'a, été

confiée, que j'ai eu le bonheur d'être l'interne de l'un et de l'autre,

conséquemment j'ai eu l'immense avantage dans les causeries

intimes de tous les jours, où le maître s'abandonne tout entier, de

puiser, à pleines mains, dans les trésors infinis de leur érudition,

de leur savoir et de leur vaste expérience. Qu'il me soit permis

d'exprimer ici le témoignage de ma respectueuse reconnaissance.

Dignes continuateurs de Pinel et d'Esquirol, ils ont marqué la

seconde étape dans la marche progressive de la psychiatrie, et ce

n'est pas trop des efforts de tous, aujourd'ui, pour soutenir la puis-

sante impulsion qu'ils lui ont imprimée.

Vous allez entendre dans quelques instants d'éloquents panégy-

riques, mais je dois, pour ma part, me borner à rappeler ce qu'ont

été les deux académiciens.

Le Dr Jean-Pierre Falret fut élu le 3 juin 1823, membre adjoint

résident de l'Académie de médecine, il n'avait pas encore trente ans,

mais il était déjà connu, et son traité de l'Hypochondrie et du Siii-

cide ne tardait pas à être traduit en plusieurs langues. Un peu

plus tard, ses travaux statistiques sur les aliénés, les suicides et les

morts subites furent, deux années consécutives, couronnés par

l'Institut.

Le 20 janvier 1835, lors de la réorganisation de l'Académie de

médecine, il devint membre titulaire dans la section de pathologie

médicale. Deux ans après, il prenait une part active à côté d'Es-

quirol et de Ferrus à la confection de la loi du 30 juin 1838, sur

les aliénés. Cette loi, inspirée par une pensée essentiellement

médicale, toute à l'avantage du malade et de la sécurité publique,

étonne et surprend ceux-là même qui, après l'avoir violemment

critiquée, sont appelés à l'examiner et à indiquer les modifications

qu'elle doit subir; à mesure qu'ils l'étudient et qu'ils l'approfon-

· varia. 153

'dissent,' ils sont forcés de convenir qu'elle est simple, pratique,

protectrice et bienfaisante, et que la plupart des réformes pro-

jetées sont, pour le moins, d'une utilité contestable.

En 1840, M. Falret qui, depuis neuf ans, était [chargé du servica

des aliénés chroniques de la Salpêtrière, passa dans la section de

Rambuteau,' réservée, à cette époque, aux aliénés en traitement.

Dès le début, il se consacra tout entier à cet enseignement si

renommé, essentiellement pratique, révélateur quotidien du clini-

cien hors de pair. Possédant au plus haut degré cet art si délicat

d'interroger l'aliéné, il ne tardait pas à rendre confiants et com-

municatifs les malades les plus taciturnes et les plus réservés ; il

parvenait ainsi à faire passer devant les auditeurs les pages

vivantes et les plus émouvantes de la clinique mentale; et comme

le disait Lasègue qui se plaisait à se déclarer son élève, cet ensei-

gnement familier était conforme à la destination de toute clinique,

dont le programme vrai est d'être, plutôt que de paraître.

Tel se montrait M. Falret, quand M. Baillarger, à la suite d'un

concours où il fut nommé le premier, prit possession d'un des

services de la Salpêtrière, et ne tarda pas à son tour à inaugurer

ses leçons, à la fois dogmatiques et cliniques, qui eurent plus tard

tant de retentissement.

Le 15 juin 1847, il était élu, à l'Académie de médecine, à cette

période difficile où les portes ne s'ouvraient pour chaque nouveau

titulaire, qu'après trois extinctions; il entra dans la section d'ana-

tomie et de physiologie, succédant a MM. Ribes, Olivier (d'Angers)

et Breschet.

Quoique jeune encore il avait à peine trente-huit ans il

avait donné la mesure de son vaste savoir,1 il s'était déjà fait

remarquer par l'originalité et l'importance de ses travaux et de

ses découvertes.

Observateur rigoureux et sagace, il apportait dans ses recherches

une telle netteté, une telle pénétration que les questions les plus

ardues, les plus complexes, devenaient par lui simples et faciles.

Il avait déterminé très nettement le siège précis de quelques

hémorrhagies dans la cavité arachnoïdienne.

Sans le secours du microscope, à une époque où l'histologie

était encore dans l'enfance, mettant à profit la propriété que

possède la substance grise de se laisser pénétrer par les rayons

lumineux, il donna de la structure de la couche corticale des cir-

convolutions, une description restée classique, que les progrès de

l'histologie moderne ont complétée sans rien changer à ce qu'elle

avait de fondamental. Dans le même ordre de recherches, son

mémoire sur le mode de formation du cerveau et sa communica-

tion à l'Académie, sur les rapports entre l'étendue de la surface

dn cerveau et le développement de l'intelligence avaient une haute

importance morphologique et physiologique.

154 varia.

Que dire de son remarquable mémoire sur les hallucinations,

auquel l'Académie de médecine accorda le prix Civrieux, si ce

n'est qu'il a servi de base à tout ce qui a été publié depuis sur ce

sujet et que psychologues, physiologistes et cliniciens le consultent

encore avec profit et y puisent chaque jour des éléments utiles à

leurs recherches.

Les autres travaux sur les hallucinations sont aussi remarqua-

bles, notamment son étude si pénétrante, si judicieuse du fonc-

tionnement cérébral dans cette période intercalaire à la- veille et

au sommeil, dans laquelle les centres supérieurs cessant d'inter-

venir, les hallucinations hypnagogiques deviennent le point de

départ du délire, mettant en évidence l'une des modalités les plus

curieuses du mécanisme cérébral, l'automatisme.

C'est là un vrai trait de génie à ce moment où les notions sur

la physiologie de l'écorce étaient si rudimentaires, à ce moment

où l'on n'avait pas encore mis à profit l'incomparable champ

d'exploitation qu'a fourni l'hystérie, à ce moment enfin où toute

cette mine si riche en phénomènes obsédants et impulsifs de la,

dégénérescence, était à peine explorée,

M. Baillarger avait eu l'intuition des grandes découvertes qui

ont suivi ces études.

Les hallucinations psychiques, les hallucinations psychosenso-

rielles, le mode de production des hallucinations hypnagogiques,

l'automatisme cérébral, étaient la révélation de l'existence des

centres supérieurs exerçant une action modératrice sur toute cette

région située en arrière de la pariétale ascendante, sur tout ce

domaine des appétits et des instincts. Cette partie de l'écorce céré-

brale, véritable substratum de nos souvenirs, renferme les ditré-

rents centres perceptifs encéphaliques qui recueillent les images

mnémoniques de toutes nos impressions sensorielles, et c'est là

que les centres d'idéation viennent puiser les matériaux néces-

saires à l'élaboration intellectuelle, à la formation des idées; ces

images passant en avant dans la région frontale, deviennent les

schémas, les signes représentatifs de la pensée et fournissent les

éléments de nos déterminations. Tous ces faits, aujourd'hui clas-

siques, on les trouve en germe dans les beaux travaux de M. Baillar-

ger. Tels sont les titres qui avaient assuré ses succès.

M. Baillarger a fait de nombreuses communications à l'Aca-

démie de médecine, toujours bien accueillies, car elles portaient

toutes la marque de son esprit de méthode et de précision. Il était

aussi bien écouté quand il parlait des stigmates physiques des

dégénérescences chez les Aztèques, dans la mierocéphalie, qu'en

exposant ses considérations sur,le goitre et le crétinisme ou qu'en

intervenant d'une façon active dans les questions à l'ordre du jour,

notamment dans la discussion sur l'aphasie.

En 1854, l'Académie assista à un véritable tournoi, les deux

VARIA. 155

géants se mesurèrent prenant pour devise, Falret la folie circu-

laire, Baillarger la folie à double forme. Cette question toute nou-

velle, quoique peu familière, on peut bien le dire, à beaucoup

d'académiciens, n'en captiva pas moins l'attention de tous, et les

deux grandes séances consacrées à la discussion furent trop courtes

au gré des auditeurs.

Cette lutte scientifique entre deux adversaires animés du même

amour de la vérité eut les conséquences qu'elle devait avoir, la cons-

titution définitive d'une nouvelle forme mentale. Vous pouvez être

satisfaits, chers maîtres, vous avez été tous les deux victorieux, vous

avez solidement posé les premières assises et c'est, désormais, sur

le roc que pourront bâtir tous ceux qui exploreront le terrain cli-

nique de l'intermittence et de la périodicité. C'est vers cette

époque, en l'absence de l'enseignement officiel que, grâce aux

deux maîtres que nous honorons aujourd'hui, brille de tout son

éclat l'École de la Salpêtrière.

M. Falret, dans le livre sur les maladies mentales et les asiles

d'aliénés, publié en 186, s'est appliqué à développer les principes

qui doivent guider dans l'examen du malade et dans l'élude cli-

nique de la folie; sa symptomatologie générale est un modèle du

genre, et ses considérations générales sur les asiles trouvent encore

chaque jour leur application.

De son côté, M. Baillarger a eu l'heureuse idée de réunir en

volumes, sous le. titre de Recherches sur les maladies mentales, la

plupart de ses travaux ; il les a groupés par séries distinctes, met-

tant à leur distribution le soin qui caractérise toutes ses oeuvres ;

des sommaires d'une extrême clarté, placés à la fin des deux

volumes, donnent une idée d'ensemble de chaque mémoire, si

bien 'que les questions les plus ardues deviennent accessibles à

ceux même qui n'ont pas l'habitude de ces études spéciales.

On comprend, à la lecture de ce magnifique recueil, tout ce dont

sont redevables à cet infatigable travailleur, l'anatomie et la phy-

siologie des centres nerveux, la physiologie, la pathologie et la

clinique mentales, la thérapeutique et la médecine légale des alié-

nés, sans oublier son sujet d'étude de prédilection, la paralysie

générale. D'autre part, on vous dira bientôt ce que lui doivent la

Société médico-psychologique et les Annales, son organe de vul-

garisation.

En 1878, il fut l'objet de la plus flatteuse distinction de la part

de ses collègues de l'Académie, qui l'élurent président; et, à son

tour, il apporta dans la direction de leurs travaux et de leurs

débats tout le poids de son autorité et toute l'aménité de son

caractère.

Ces deux hommes d'élite, MM. Baillarger et Falret, émules dans

le travail et la science, restent émules dans la charité et la bien-

faisance.

156 VARIA.

Tous les deux s'étaient émus du sort qui attend parfois certains

aliénés guéris ou convalescents à leur sortie de l'asile et, simulta-

nément, ils avaient créé une oeuvre de patronage dont la mission

était de recueillir ces anciens malades, de les encourager, de les

protéger, et les aider à trouver un travail rémunérateur, de les

suivre ensuite dans les différentes positions pour écarter ou amor-

tir les causes de rechutes,et intervenir si c'était encore nécessaire.

Les deux sociétés se développèrent parallèlement, mais plus tard

elles se fusionnèrent en une seule dont M. Falret resta le président,

y consacrant tout son amour du bien et son activité. A sa mort,

son fils, notre cher collègue, héritier des hautes qualités de son

coeur et de son esprit, a pris la direction de cette oeuvre de charité

qui continue à rendre les plus grands services.

De son côté, M. Baillarger, dont la digne compagne, heureuse

aujourd'hui de son triomphe, pourrait seule nous dire l'étendue

de l'ineffable bonté, préoccupé des infortunes imméritées de quel-

ques-uns de nos confrères, fonda l'Association mutuelle des méde-

cins aliénistes de France dont il devint le président d'honneur et

l'un des agents les plus actifs. ;

On ne s'arrêterait point si l'on voulait énumérer tout ce que la

science et l'humanité doivent à ces maîtres vénérés, au souvenir

desquels devra désormais s'associer dans cette enceinte le pieux

souvenir de ceux qui les ont guidés.

Qu'il nous soit donc permis en ce moment d'unir dans notre

hommage respectueux et de saluer, avec fierté, les noms glorieux

de Pinel, d'Esquirol, de Baillarger, de Falret qui personnifient la

florissante école de la Salpêtrière, ce berceau, ce foyer de la psy-

chiatrie dont le lumineux rayonnement s'est répandu dans le

monde entier.

Congrès des aliénistes ET des neurologistes de langue française.

Session de Clermont-Ferrand des 6 et 11 Août 1894.

Nous publions la circulaire suivante que nous venons de rece-

voir :

« Nous prions les personnes qui se proposent de faire partie de

ce Congrès : médecins, aliénistes, neurologistes, juristes, juris-

consultes, de vouloir bien se hâter de nous adresser leur adhésion,

et, autant que possible, leur cotisation (20 francs), afin que nous

puissions régler, en temps utile, le programme de la session. Nous

prenons la liberté d'attirer leur attention sur les avantages et

attractions suivants : -.

prendre la parole s'il le juge utile pour la science; il aura égale-

ment droit aux réceptions offertes par les autorités et les asiles

visités, aux distractions qu'on organisera pour recevoir le mieux

' varia. 157 Î

possible le Congrès, enfin il recevra un livre contenant les travaux

du Congrès ;

« 2° Des locaux, chambres, pensions, seront arrêtés à l'avance, à

des prix modérés, pour les Congressistes ; 3° le Congrès sera

ouvert sous la présidence de M. le préfet du Puy-de-Dôme ;

« 4° Les travaux du Congrès seront dirigés sous la présidence de

M. le Dr Pierret, l'éminent aliéniste, médecin en chef de l'établis-

sement départemental d'aliénés de Bron, à Lyon ; 5° outre les trois

grandes questions qui doivent être traitées par de savants alié-

nistes, plusieurs autres sujets intéressant l'aliénation mentale

seront exposés par leurs auteurs, qui se sont déjà fait inscrire, ce

qui donnera à notre Congrès un intérêt scientifique extrême ;

« 6° Les séances auront lieu dans la grande salle des fêtes de

l'hôtel de ville, gracieusement mise à notre disposition par

M. Lécuellé, maire de Clermont-Ferrand, qui se propose de rece-

voir les congressistes; 7° le Congrès s'est déjà acquis la bienveil-

lante sollicitude de toutes les autorités et de la presse locale;

8° sur la demande du Dr Hospital, organisateur du Congrès, le

Conseil général du Puy-de-Dôme a voté, à l'unanimité, une somme

de 600 francs destinée à rendre agréable, par quelques distractions,

le séjour des congressistes à Clermout-Ferrand ; 9° les dames qui

voudront bien accompagner leurs maris recevront à Clermont un

accueil des plus sympathiques, de la part des religieuses de l'éta-

blissement de Sainte-Marie et d'un comité de dames ;

« 10° Les établissements de Sainte-Marie, à Clermont, et de

La Cellette, dans la Corrèze, auront l'honneur de recevoir MM. les

congressistes ; 11° les moyens de transport sont multiples et peu

onéreux : MM. les congressistes pourront utiliser, pour se rendre à

Clermont, soit un billet circulaire, soit un billet d'aller et retour

pouvant se proroger avec un léger supplément, et dont les prix

actuels sont peu supérieurs à l'ancien demi-tarif; 12° la Compa-

gnie des eaux thermales de Royat, interviewée par nous, s'est

empressée de nous répondre, par son aimable directeur, qu'elle

mettrait à la disposition des congressistes son établissement et' son

casino; des cartes personnelles leur seront adressées.

« Clermont-Ferrand, le 3 juin 1894.

De HOSPITAL,

Médecin en chef de l'établissement Sainte-Marie.

Nous recevons la communication suivante, dit le Puy-

de-Dôme du z juillet :

Quelques semaines à peine nous séparent de l'ouverture de ce

Congrès, qui aura lieu à Clermont, du 6 au Il août; il nous faut

tout ce temps pour en préparer le fonctionnement; nous faisons

donc uu dernier appel aux retardataires et aux hésitants; qu'ils

15 FAITS DIVERS.

nous permettent d'attirer spécialement leur attention sur les points

suivants :

1° Une carte personnelle va être adressée à chaque adhérent,

ainsi qu'aux invités ; 2° quelques jours avant l'ouverture, les uns et

les autres recevront le programme détaillé des travaux et récréa-

tions de l'assemblée (séances où seront traités, les sujets proposés ;

visites aux asile, hôpitaux, école, Facultés, curiosités locales,

Royat, musées; séances avec adjonction d'images, projections oxhy-

driques, réceptions parles autorités, et asile Sainte-Marie; grande

excursion au Puy-de-Dôme, etc., etc.); 3° outre les trois grands

sujets traités par les trois rapporteurs du Congrès, MM. Ladame,

privat-docent à l'université de Genève ; Gilbert Ballet, professeur

agrégé de la Faculté de médecine de Paris, et P. Marie, également

professeur agrégé à la même Faculté, se sont fait [inscrire pour

prendre la parole sur divers sujets : MM. Maurice de Fleury, de

Paris; Charles Vallon, médecin en chef de l'asile de Villejuif;

docteur llfendelssohn, de Saint-Pétersbourg; Auguste Brachet,

lauréat de l'Institut; docteur Rouby, de Dôle; docteur Levillain,

de Royat, et d'autres encore.

Nous prions donc les médecins qui se proposent de se joindre à

nous, de se dépêcher. Première séance le 6 août, à huit heures du

matin, dans la grande salle de l'Hôtel de Ville. D'' IIOSI'IT1L.

FAITS DIVERS.

AS1LL : 5 d'aliénés. Promotions : M. le Dr Vallon, médecin en

chef de l'asile de Villejuif, est promu à la classe exceptionnelle;

M. le Dr Dubuisson, médecin en chef à l'asile clinique (Sainte-

Anne) est promu à la ire classe; - M. le Dr DuBuissoN, médecin

en chef de l'asile de Braqueville, est promu à la 2e classe (arrêté

du 1er juillet); M. le Dr G. CORTYL, médecin de l'asile de Saint-

Venant, est promu à la classe exceptionnelle (4°r juillet).

Faculté de médecine de paris. Clinicat : Nos collaborateurs,

MM. les Des Roubinowitcii et TOULOUSI, ont été nommés ex-xquo et

dans l'ordre alphabétique, chefs de clinique de la chaire de clinique

mentale à l'Asile clinique (Sainte-Anne). Nous adressons à tous

deux nos félicitations sincères.

Nécrologie. La Revue médicale de l'Est nous apporte la triste

nouvelle de la mort prématurée du Dr Auguste LANGLOIS. Il était né

FAITS DIVERS. 1S9

le 33 mai 1839 à Avranches. Successivement interne à l'Asile de

Saint-Dizier, médecin-adjoint des Asiles de Dijon et de Vaucluse,

médecin en chef de l'Asile de Afaréville; Langtoisn'a laissé partout

que des amis toujours heureux de ses joies, de ses succès, toujours

tristement émus lorsqu'ils découvraient le moindre nuage sur cette

physionomie qu'ils aimaient à voir gaiement animée. Parmi ses

travaux, nous noterons : sa thèse de doctorat sur les Maladies inci-

dentes chez les aliénés, Paris, 1893; une Étude physiologique sur le

sommeil; la Question de survie des fonctions et des organes chez les

premiers-nés; des Rapports de médecine légale; Folie simulée et aliénés

dits criminels, 1889. Depuis le premier novembre 1879, il était chargé

du cours annexe de clinique des maladies mentales à la Faculté de

médecine de Nancy. « Préoccupé, avant tout, a dit le Dr Heinden-

reich, sur sa tombe, d'inculquer aux élèves des connaissances pra-

tiques, il faisait passer sous les yeux les divers types d'aliénés,

causant avec les malades, les amenant à étaler eux-mêmes sous les

yeux des assistants la déviation et la défaillance de leur intelligence

et de leur volonté. Il apportait dans cet enseignement une verve,

qui rendait ses leçons agréables, en même temps qu'instructives, »

Maison nationale de CHARENTON. Concours pour l'Internat.

Ouverture du concours, le mardi, 20 juin 1894. Conditions. Sont

autorisés à concourir, les étudiants en médecine de nationalité fran-

çaise, âgés de moins de trente ans, et pourvus de douze inscrip-

tions. Les candidats qui voudront concourir devront se présenter

au secrétariat de la Maison Nationale pour obtenir leur inscription

en y déposant les pièces ci-dessous indiquées : 1° acte de naissance ;

2° certificat de scolarité ; 3° certificat de bonnes vie et moeurs. La

liste des candidats sera close le 18 juin 1894. Les épreuves du con-

cours seront les suivantes : 1° une composition écrite de trois heures

sur un sujet d'anatomie et de physiologie du système nerveux. Il

sera accordé 30 points pour cette épreuve ; 2° une épreuve orale de

quinze minutes sur un sujet de pathologie interne et de pathologie

externe, après quinze minutes de préparation. 11 sera attribué

20 points à cette épreuve. Nota. La durée de l'internat est fixée

à trois ans. L'allocation accordée aux internes de la Maison Natio-

nale de Charenton est : pour la Ire année, de 1.500 francs; pour la

2° année, de 1.600 francs ; pour la 3° année, de 1.700 francs. En

dehors de l'interne de garde, qui est nourri et logé, les internes ont

droit au déjeuner.

Ce concours s'est ouvert le 26 juin devant un jury présidé par

M. l'inspecteur général Regnard, et dont faisait partie, outre les

médecins et le chirurgien de Charenton, M. le Dr Labrurthe, méde-

cin du ministère de l'intérieur. Sur 11 candidats inscrits, 9 ont fait

la composition écrite ; 7 seulement ont subi toutes les épreuves.

Question écrite : Cordons postérieurs de la moelle (anatomie et

160 FAITS DIVERS.

physiologie). -Etaient restées dans l'urne : Nerf facial, anatomie

et physiologie ; 4° ventricule. Questions orales : Colique hépa-

tique ; Etranglement herniaire, signes et diagnostic. Restées dans

l'urne : Fièvre typhoïde; Fracture du rocher, signes et diagnostic ;

Erysipèle de la face; Rétrécissement de l'urètre, signes et diagnostic.

Sur les 7 candidats, 5 ont été déclarés admissibles dans l'ordre

suivant : MM. Poussin, Thibaud, Seulecq, Poitou et Monod.

Faculté de BUDA-PESTIi. M. le D'' Donath a été nommé

privat-docent de neuropathologie.

Asile d'aliénés D'ARMENTIÈRES (Nord). Demande d'interne. z

Une place d'interne en médecine est vacante à l'asile d'Armen-

tières, située à 25 minutes des Facultés de Lille. Conditions :

12 inscriptions de doctorat. Les internes sont nourris, logés, chauffés,

éclairés, et reçoivent pour la première année un traitement de

600 francs. Adresser les demandes au directeur, médecin en chef.

Asile d'aliénés de DURY-LÈS-AMIENS. Demande d'interne.

Une place d'interne en médecine va être vacante très prochainement

dans cet asile. Conditions : être Français; 12 inscriptions docto-

rat. Traitement : 800 francs argent; nourriture, logement,

chauffage, éclairage. Produire un certificat de scolarité et un

certificat de chef de service comme références. Il y a à l'asile

deux internes en médecine et un en pharmacie.

Un aliéné sur la voie du chemin de FER P.-L.-M. Dans la nuit

de dimanche à lundi, un individu qui se trouvait sur la voie du

chemin de fer P.-L.-M., entre Gien et Briare, apercevant le train

qui arrive à Gien à 4 h. 22, faisait des signes en agitant un pan-

talon rouge. Le conducteur fit arrêter le train et fit monter cet

individu et le mita la disposition du gendarme de service à la gare

de Gien. Cet individu, qui n'a pu prononcer aucune parole, était

porteur d'un livret d'ouvrier et d'un livret militaire au nom de

Vrinat. Il résulte des recherches faites que cet individu est le

nommé Vrinat (Jean), âgé de trente-deux ans, domicilié à Briare,

chez ses parents. Cet aliéné s'est levé vers quatre heures du matin

et s'est sauvé avec ses effets de soldat. Le père est venu chercher

son fils et a déclaré qu'il était atteint d'aliénation mentale depuis

quelques jours. La famille va faire le nécessaire en vue du rétablis-

sement du sieur Vrinat. (Le Républicain Orléanais du 7 juin.)

Mercier (A.). Les Coupes du système nerveux centra ! . Volume

in-18 de xn 2y8 pages. - Paris, 189. - Librairie Rueff et Cte.

Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. Hémssby, imp. - 794

Vol. XXVIII. Septembre 1894. N° 91.

. t...

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

NOUVELLE MÉTHODE GRAPHIQUE PERMETTANT D'ENREGIS-

TRER TOUS LES TREMBLEMENTS; EN PARTICULIER LE

TREMBLEMENT DE LA LANGUE ET DE CERTAINS MUSCLES

COMME L'ORBICULAIRE DES LÈVRES;

Par M. LE FILLIATRE, 1

Interne en médecine des asiles de la Seine ; ex-préparateur à la Faculté de médecine.

Le tremblement des membres et du corps dans les diffé-

rentes maladies nerveuses était jusqu'à ce jour enregistré cli-

niquement par des appareils donnant pour la plupart le gra-

phique du tremblement relatif et non du tremblement

absolu; quant au tremblement de la langue ou de certains

muscles superficiels comme l'orbiculaire des lèvres, par

exemple, il n'avait pas encore été permis d'en obtenir le gra-

phique sur le cylindre enregistreur. '

Passons rapidement en revue les différents procédés em-

ployés jusqu'à ce jour.

L'appareil dont s'est servi M. le D1' Fernet (catalogue de

Ch. Verdin, novembre 1890, fig. 136), dans son Elude sur les

tremblements (Thèse d'agrégation, Paris, 1872), et. dont se

sert l'Ecole de la Salpétrière, se compose d'un tambour à réac-

tion de Marey muni d'une tige métallique permettant au ma-

lade de le tenir a la main. La paroi mobile du tambour, porte

à son centre une tige sur laquelle on visse une masse métalr

lique. , , ,

Les oscillations de la main tenant le tambour se transmettent,

Archives, t. XXVIII. il

162 PHYSIOLOGIE pathologique.

par l'intermédiaire d'un tube en caoutchouc, au tambour en-

registreur dont le style se meut sur le cylindre noirci. On

comprend facilement qu'avec cette technique on n'enregistre

que le tremblement relatif de la main tenant le tambour

(c'est-à-dire en état de contraction musculaire). Je dis que le

tremblement ainsi obtenu est relatif, car il faut une secousse

musculaire assez forte pour mettre en mouvement la masse

pesante que supporte la membrane de caoutchouc; par suite

des secousses musculaires, assez faibles pour ne pas déplacer

· (Vitesse lente).

la masse pesante, ne se trouveront pas enregistrées. Quant au

tremblement à l'état de repos il n'est pas permis d'en avoir le

graphique.

M. le D'' Dutil, danssonetude clinique des Tremblements hys-

tériques (Thèse de doctorat. Paris, 1891), se sert d'un pro-

cédé presque analogue, mais plus précis. Le tambour au lieu

d'être tenu à la main « est monté sur une plaque en métal

que l'on fixe solidement sur la surface dont on se propose

rig. 4. Tremblement de la main chez un Pailiiiisoii.

ENREGISTREMENT DES TREMBLEMENTS. 163

d'enregistrer les oscillations ». Avec ce procédé on obtient le

raphique du tremblement sans que le malade ait à faire le

moindre effort. Néanmoins c'est toujours le tremblement RE-

LATIF qui est enregistré et non le tremblement absolu ; une

certaine partie du travail étant employée à déplacer la masse

métallique fixée sur la membrane de caoutchouc.

M. le Dr Dutil, pour des oscillations trop violentes, explore

« directement les muscles en appliquant un tambour myogra-

phique soit sur la face postérieure de l'avant-bras, soit sur la

région antérieure delà cuisse ».

Avec cette technique on enregistre la contraction mus-

culaire du muscle sur lequel porte le tambour myographique

et non le tremblement du membre dans sa totalité.

Fubini (Novo metodo pe scrioere il tre ? îzo2,e, Ann. u7ziv. de

med. e clair., Milano, 1886, col. XXVII, 391-339) décrit un ap-

pareil permettant d'enregistrer le tremblement absolu de la

main ET DE L'AVANT-BRAS seulement, et ne pouvant s'em-

ployer que pour des oscillations ne dépassant pas une certaine

amplitude.

Le procédé photographique plus précis que les précédents,

comme le fait remarquer M. le Dr Dutil, c pourvu qu'on ait

soin de se placer dans des conditions invariables (même ob-

jectif, mise au point exacte, etc.) a, de plus, l'avantage de four-

nir des tracés qui indiquent la direction des oscillations et

dans le sens vertical et dans le sens transversal. Mais il, le

défautd'exiger un dispositif plus compliqué, d'être d'unmanie-

ment plus délicat que le procédé graphique ordinaire >; ce

n'est donc pas un procédé pratique en clinique.

Tous ces procédés ne permettent pas d'enregistrer le TREM-

BLEIfE\T DE LA LANGUE ET DE CERTAINS MUSCLES COMME L'09BI-

CULAIRE DES LÈVRES.

M. le Dr Féré, cherchant à enregistrer les mouvements

ataxiques de la langue, avait fait construire un appareil (cata-

logue C. Verdin, octobre 1830, fig. 137) se composant d'un

tambour de Marey portant un petit index fixé au centre de la

membrane de caoutchouc. Le tambour se termine par un tube

en métal, auquel s'adapte un tube en caoutchouc qui le met

ainsi en communication avec un deuxième tambour enregis-

treur. Le tube en métal glisse à frottement dans un support,

ce qui permet de rapprocher plus ou moins l'index de la

bouche du malade. Faisant tirer la langue au malade le style-

'164 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

remue chaque fois que la langue touche l'index. Cherchant,

au moyen de cet appareil, à enregistrer les mouvements de

la langue chez les paralytiques généraux et les alcooliques ai-

o-us, nous avons remarqué qu'il est très difficile d'obtenir des

malades de diriger exactement leur langue sur l'index et par

` (Vitesse lente).

suitede venirle toucher; tantôt le malade porte sa langue soit

au-dessus, soit au-dessous, tantôt il la retire en arrière et enfin

jamais il ne touche l'index d'une façon continue. D'un autre

côté, il est impossible d'enregistrer avec cet appareil les mou-

vements de la langue lorsqu'elle reposesur le plancher buccal ;

quant au tremblement fibrillaire, au tremblement VERMI-

culaire, il n'est pas possible d'en obtenir le graphique.

Après avoir cherché longtemps à enregistrer les tremble-

MENTS absolus des membres, de certains muscles, comme l'or-

biculaire des lèvres, de la langue maintenue hors de la bouche

Fig. 5. tremblement de la langue hors de la bouche

dans l'alcoolisme aigu.

ENREGISTREMENT DES TREMBLEMENTS. 165

ou dans la cavité buccale, nous avons été assez heureux pour

trouver un appareil donnant A. lui seul les graphiques de

ces différents tremblements.

Notre appareil se compose (fig. 6) de deux tambours de

de Marey, l'un* enregistreur M, l'autre N, à réaction, chargé

de transmettre au tambour M, au moyen d'un tube en caout-

chouc AB, les vibrations communiquées à la membrane

élastique ef par un crin de cheval CD, lequel est fixé à la mu-

queuse linguale ou à la peau d'une région quelconque du

corps au moyen d'un hameçon spécial L. La difficulté était

de tendre le fil de crin CD, de façon que dans toutes les posi-

tions de la langue ou des membres, la transmission puisse

se faire instantanément.

Le but eût été facile à atteindre si la langue ou les membres

du malade fournissaient des oscillations passant toujours par

un même point d'un axe, autour duquel se produiraient les

tremblements de la langue ou des membres; et encore, dans

ce cas, pour toutes les expériences, le fil CD n'aurait pas la

même tension, car on le tendrait en déplaçant avec la main

le tambour N ; on n'aurait par suite qu'une tension approxima-

tive et jamais la même pour toutes les expériences. Cette dis-

tance CD varie avec chaque déplacement de la langue, soit

que celle-ci change de volume, par suite de dimension, soit

que l'on fasse tirer plus ou moins la langue au malade.

,, 'l- Fig- 6-

166 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Nous avons cherché à obtenir une tension toujours cons-

tante dans le fil CD, pour les différentes positions que peuvent

occuper la langue ou les membres des sujets observés.

La solution nous l'avons trouvée en faisant glisser le fil CD

dans la gorge d'une poulie, P, excessivement légère, laquelle

est fixée au moyen d'une monture spéciale à une tige T très

mince, excessivement légère et pouvant monter et descendre

sans frottement dans un tube, E F fixé solidement sur un sup-

port H.

A l'extrémité du tube EF est adapté un petit ressort R qui

permet de fixer avec le pouce instantanément la tige T dans

un point quelconque de sa course dans le tube EF. Ainsi donc,

si ayant accroché l'hameçon à la langue, par exemple et

ayant placé la poulie P à cheval sur le fil CD, ce fil sera

tendu par le propre poids de la poulie et de sa tige, et, au

moment où nous voudrons enregistrer le tremblement, il nous

suffira d'appuyer sur le ressort R pour fixer la tige T, supprimer

ainsi LE poids de la poulie ET de sa tige, et permettre, par

suite, à la transmission des mouvements ou des vibrations de

la langue de se faire aisément par le fil CD actuellement tendu.

Remarquons que tant que l'on ne fixera pas la tige T au

moyen du ressort R, les mouvements de la langue ou des

membres ne se transmettent pas au style, mais seulement à la

tige T mobile dans le tube EF.

L'appareil enregistreur se compose d'un cylindre enregis-

treur mis en mouvement au moyen d'un système d'horlogerie

avec régulateur de Foucault. '

Technique. 1° POUR LE tremblement DE la langue et

DE L'ORBICULAIRE DES LÈVRES : agir comme il est indiqué précé-

demment (fig. 6), en ayant soin de fixer au préalable la tête du

Fig. 7. Tremblement de l'orbiculaire des lèvres

dans la paralysie générale.

AMNÉSIE rétro-antérograde. 167

malade assis à un support, afin de ne pas enregistrer en même

temps les mouvements du corps ou de la tête. Exemple : fig. 5,

fig. 6 et fig. 7. ( Vitesse lente.)

2° Pour LE tremblement des membres : accrocher l'ha-

meçon à la pulpe d'un doigt ou à un point quelconque du

membre. Si le tremblement se fait plutôt dans le sens verti-

cal, disposer l'appareil comme dans la figure 4 ; si au con-

traire le tremblement s'exécute surtout dans le plan horizon-

tal, disposer l'appareil comme dans la figure 3.

> 3° Pour LE tremblement du corps : le malade étant cou-

ché ou assis, se servir de l'appareil comme pour l'enregistre-

ment du tremblement de la langue (fig. 3).

> Tous les graphiques ci-dessus, obtenus avec notre appareil,

sont pris avec le même style et à la vitesse lente du cylindre

enregistreur, à régulateur de Foucault. '

CLINIQUE NERVEUSE

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE A TYPE CONTINU

ET PROGRESSIF PAR CHOC MORAL;

Par EDOUARD TOULOUSE, médecin de l'asile Saint-Yon.

Les observations circonstanciées d'amnésie ne sont pas encore

très nombreuses. Parmi elles, celles qui se rapportent à des

troubles de la mémoire, consécutives à des émotions morales

sont en très petit nombre. Lunier', M. Ribot 2, M. Rouillàrd3,

1 Lunier. De l'influence des grandes commot. polit. et sociales sur

le développement des mal. ment. A ? in. méd.-psycla., 1874, t. XI, p. 350.

' Ribot. Les maladies de la mémoire, 8e édition, 1893, p. 69.

' Rouillai d. Essai sur les amnésies, 1885, p. 84.

Fig. 8. Tremblement vermiculaire de la langue dans la

- paralysie générale.

168 CLINIQUE NERVEUSE.

M. Arnozan ? Charcot et M. Féré en ont cité quelques cas.

Encore la plupart de ces observations sembleraient devoir

être rapportées à l'hystérie. C'est l'opinion plus ou moins

explicitement exprimée par M. Solfier1 et par M. Souques$ 5

dans deux''travaux récents. Les malades ont présenté presque

toujours une tendance à la guérison rapide, et certains phé-

nomènes pathognomoniques, tels que la reproduction, dans

des états hypnotiques, des souvenirs disparus. Il m'a donc

paru intéressant de publier l'histoire d'une malade atteinte, à

la suite d'une émotion, d'une amnésie rétro-antérograde très

étendue, à marche progressive, et où la névrose hystérique ne

semble pas devoir être incriminée ni dans l'étiologie ni dans

le mécanisme. -

Voici l'observation de ce cas :

Le 6 septembre 1891 était amenée à l'asile Saint-Yon une femme

qui y était envoyée par les soins de l'administration de l'Hôtel-

Dieu de Rouen où. elle se trouvait en traitement. On n'avait pas

voulu la conserver dans cet hôpital parce que la nuit elle se levait

quelquefois et troublait le repos de ses camarades de salle, et

qu'elle ne paraissait pas avoir toute sa raison, car' elle ne recon-

naissait pas toujours son lit. On ajoutait, peut-être pour donner

de plus sérieux prétextes à sa séquestration, qu'elle avait manifesté

le désir de se tuer et qu'elle voyait aussi des êtres imaginaires.

A l'asile, on constata que cette femme était incapable de donner

aucun renseignement sur elle-même, son passé, son entrée à

l'hôpital, son genre de vie antérieure et les divers événements

auxquels elle avait été mêlée dans ces dernières années. Outre

cette amnésie, très étendue, et probablement à cause de cette

faiblesse de la mémoire, dont elle avait conscience et dont elle

souffrait, elle présentait un état général de dépression et de tris-

tesse qui en faisait, pour le certificat de vingt-quatre heures, une

mélancolique simple sans hallucinations. On fut obligé de recourir

aux renseignements que la mairie et le commissariat de police font

prendre, dans tous les cas de séquestration d'office, par diverses

personnes, et notamment par un médecin, et qui sont transmis à

l'asile. On apprit alors que cette femme s'appelait B..., qu'elle

1 Arnoza'n. 4n ! K. rétrograde à la suite d'émotion morale. (Bull.

Soc. méd. clin., Bordeaux, 1887, p. 588.)

' Charcot. Sur un cas d'amnésie rétro-antérograde probablement

d'origine hystérique. ( Rev. de méd., février 1892).

' Féré. La pathologie des émotions, 1892, p. 325.

* Sollier. Les troubles de la mémoire, p. 188 et suiv.

Souques. - Essai sur l'amnésie rétro-antérograde... (Rev. c ! 6Me-

decine, 1892, p. 367 et 867.)

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 169

avait cinquante-quatre ans, étant née le 25 février 1837, qu'elle

était célibataire, sans parents, et avait exercé jadis le métier

de lingère. Elle était devenue malade à la suite de l'incendie de

la maison qu'elle habitait rue de la R..., 9, et qui avait éclaté

quelques années avant. Dans ces derniers temps, elle était domi-

ciliée rue Saint-H..., 126, où elle demeurait depuis le mois de jan-

vier dernier. On l'avait trouvée quelques jours auparavant errante

dans les rues de Rouen et n'ayant pas mangé depuis trois jours.

Je me suis livré aune enquête qui m'a permis de préciser et de

compléter ces renseignements ; mais je n'en ai recueilli aucun

sur les antécédents-héréditaires de cette malade. Il y a quelques

années, Mme B... vivait rue de la R... 9, à Rouen, dans une petite

maison attenant à un moulin. Elle sous-louait ses appartements

meublés et menait une vie très régulière, ne se livrant à aucun

excès alcoolique ou autre. Quelque temps auparavant elle avait été

abandonnée par son amant, ce qui l'avait beaucoup affectée. Elle

était d'ordinaire triste et peu communicative et manquait d'éner-

gie ; cependant elle ne paraissait atteinte d'aucun trouble nerveux

ni mental apparent... .

L'incendie de la maison où elle habitait eut lieu dans les pre-

miers mois de 1887. Mm0 B... putsauverses bijoux et quelques-uns

de ses meubles. Malheureusement elle avait négligé de payer la

dernière annuité de ses assurances et, malgré un procès qu'elle

intenta ultérieurement à la Compagnie en cause, ne fut pas dé-

dommagée de ses pertes. Le lendemain de l'accident, 111 ? B...

élait installée dans un petit logement d'une maison voisine; ses

amies la trouvèrent dès ce moment complètement changée. Elle

paraissait perdue, ne sachant pas trop ce qu'elle faisait, gémissant

sur sa situation et incapable d'agir pour se tirer d'affaire. Durant

les quelques mois qu'elle passa dans ce logement, elle ne rangea pas

ses meubles, qui restèrent tout le temps à la place où on les avait

mis primitivement. Mme B... sortait peu, ou, quand elle quittait

son domicile, c'était pour rester parfois jusqu'à huit jours dehors,

- Que faisait-elle dans ses longues sorties ? Se perdait-elle dans les

rues ? Je n'ai pu le savoir. Ce qui est soir c'est qu'elle ne pouvait se

livrer à aucun travail nécessaire à son existence. Elle se désolait,

reconnaissait son impuissance et manifestait des idées de suicide.

Mais ce qui est important à relever, c'est que sa mémoire était

manifestement diminuée; elle en paraissait tout hébétée. Cependant

elle pouvait encore se conduire tant bien que mal et vivait en utili-

sant ses dernières ressources et en vendant peu à peu ses meubles et

ses bijoux.

Elle changea plusieurs fois de domicile parce que, disait-elle à

une de ses amies, on la traitait de folle, bien qu'elle n'émît à aucun

moment d'idées délirantes. Dix-huit mois environ après l'incendie,

elle trouva une place de concierge, et ce fut le seul travail auquel

170 CLINIQUE NERVEUSE.

elle se livra avant d'entrer à l'asile. Mais elle ne put rester que

très peu de temps dans sa loge ; elle ne pouvait faire aucun service

sérieux et les locataires la traitaient encore de folle, d'imbécile.

Enfin, après quelques. pérégrinations à travers des logements de

plus en plus misérables et après avoir épuisé ses dernières res-

sources, on la ramassa un jour errant dans les rues de la ville

n'ayant pas mangé depuis quelque temps et ne sachant donner sur

elle-même aucune indication précise. '

Un point semble établi, c'est que l'incendie a provoqué cet état

d'amnésie et d'aboulie que l'on constate encore aujourd'hui chez

Alme B... et qui la faisait ressembler à une aliénée. Mais le choc

moral de l'incendie ne paraît. pas avoir agi à la façon des chocs

traumatiques ; il ne semble pas qu'il y ait eu de la stupeur suivie de

dysmnésie. L'affaiblissement de la mémoire a dû, bien que consé-

cutif à l'accident, se développer peu à peu et suivre une marche

progressive, car la malade a pu pendant un certain temps encore

vivre de la vie commune, quoique bien difficilement. Cela permet-

il de penser que le terrain était prédisposé de longue date à cette

évolution particulière ? Quoiqu'il en soit, le choc de l'incendie a été

aidé dans sa puissance étiologique par les émotions de la perte du

procès et les fatigues morales et physiques qui escortent d'ordinaire

la misère. Ajoutons que la malade ne présente pas de traces de

syphilis ni, comme on le verra, de stigmates hystériques, ni de

signes de maladies organiques de l'encéphale, et qu'en fin de

compte son amnésie doit être rattachée à une émotion morale qui

a joué là le rôle de cause plus ou moins efficiente.

Au moment de son entrée, le trouble mental principal que

présentait Mme B... était donc une amnésie qui paraissait

causée par l'émotion de l'incendie de sa maison, et qui s'éten-

dait sur la période de sa vie consécutive à cet accident et

remontait même plus ou moins loin dans le passé de la malade.

En outre il existait une incapacité profonde de fixer de nou-

veaux souvenirs ». En d'autres termes, Je diagnostic de ces

troubles de la mémoire pouvait se formuler de cette manière :

Amnésie rétrograde et antérograde de reproduction et de conser-

vation. Il n'existait pas d'idées délirantes bien caractérisées

ni d'hallucinations. La malade était assez docile et aidait le

personnel du quartier dans de menues besognes, où cepen-

dant on était obligé de la guider en quelque sorte à la main;

car elle oubliait aussitôt les ordres qu'on lui donnait.

' M. Solfier (ouvr. cité) a eu raison d'insister sur cette division de

l'amnésie antérograde, qui peut porter sur la conservation ou sur la

reproduction des souvenirs.

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 171

· Je n'ai pu voir cette femme qu'une année environ après son

entrée à l'asile. Je l'ai trouvée telle que les certificats et les

notes laissées sur elle au début de son internement la décri-

' vaient. Je l'ai interrogée à diverses reprises depuis mon pre-

mier examen, et enfin tout récemment je l'ai encore revue

avec soin. Je n'ai jamais constaté de changement notable dans

l'état de sa mémoire, si ce n'est qu'elle paraît s'affaiblir pro-

gressivement plutôt que tendre à se restaurer. Aussi, pour

éviter des redites, je décrirai les phénomènes morbides actuels

que présente cette malade, en indiquant parfois les change-

ments que j'ai pu noter dans leur évolution.

Examei2 somatique. - Mme B... est une femme de cinquante-sept

ans, grande, sèche, assez bien musclée. La peau, surtout au vi-

sage, est blafarde, de teinte terreuse ; les cheveux sont presque

blancs. Ni la tête ni le corps ne présentent de vices de conforma-

tion accusés.

La physionomie exprime la tristesse ; les yeux sont, quand elle

est assise, fixés à terre et le regard est vague; les traits de la figure

tombent. La voix est plutôt basse, faible, sans timbre; la parole est

monotone et lente. La force n'est pas grande, malgré des muscles

assez volumineux. Leur contraction n'est pas brusque et donne,

au dynamomètre, une indication moyenne de 23° pour la main

droite et de 19° pour la main gauche. Cette faiblesse de la pression

dynamométrique, qui est un acte au plus haut point volontaire

dont la principale condition est une conscience nette de l'effort

à produire est, dans ce cas, très compréhensible. Ce fait concorde

avec les résultats que j'ai obtenus chez les aliénés», où la force de

pression dynamométrique n'est point tant en rapport avec le

développement de la musculature qu'avec l'état de lucidité

et de conscience du malade. Mme B... étant dépourvue d'atten-

tion et se représentant mal, par suite de son amnésie, le mou-

vement à exécuter, ne peut avoir une pression dynamométrique

élevée. Il faut encore noter que, chez elle, la force de cette pres-

sion est assez variable et augmente d'une façon très évidente lors-

qu'on parvient à attirer l'attention du sujet et qu'on l'y maintient

quelque temps sur l'acte commandé.

La sensibilité ne présente pas de troubles notables. Elle sent sur

.tous les points de son corps, au contact et à la pression, et localise

assez facilement les sensations. Il n'a pas été possible de détermi-

ner bien exactement la distance minima à laquelle sont perçues les

. ' Recherches dynamométriques chez les aliénés, comm. à la Société de

biologie (3 juin 1893). De la dynamométrie chez les aliénés. (Bull.

de la Soc. méd. ment, de Belgique, 1893, p. 161.) ,

172 G), CLINIQUE NERVEUSE.

deux pointes de l'aesthésiométre, car la malade, dont le cerveau se

fatigue vite, ce qui occasionne une douleur de tête, se prête mal à

ces investigations minutieuses. Elle paraît sentir avec un léger

retard apparent, ce qui tient sans doute à une certaine paresse

psychique générale. Elle peut enfin dire assez nettement quels

dessins élémentaires, de lettres ou d'autres objets, on trace sur sa

peau avec une épingle pendant qu'elle a les yeux bandés.

La sensibilité à la douleur est conservée, bien qu'un peu obtuse.

De même pour la sensibilité à la chaleur. La malade différencie les

corps chauds des corps froids, et se dérobe lorsque la température

d'un objet est trop élevée, dépasse par exemple 50°.

Le sens musculaire ne paraît pas troublé. 1-1 B... indique

la position de ses membres. D'autre part, elle exécute assez faci-

lement, quoique lentement et les yeux bandés, certains mouve-

ment, tels que ceux de porter un de ses doigts dans son oreille ou

sur le nez ou sur un objet qu'elle vient de voir sur une table voi-

sine. 11 faut cependant noter ce sur quoi je reviendrai plus

loin que l'écriture est plus incorrecte lorsque le sens de la

vue ne peut s'exercer. Elle marche et se tient en équilibre assez

facilement quand ses yeux sont voilés.

Les réflexes sont tous conservés et d'intensité normale. Parmi

les tendineux, je citerai notamment le réflexe patellaire, qui est

très apparent. Les autres, les réflexes antibrachiaux et du poignet

sont à peine sensibles. L'excitation de la conjonctive, de la mu-

queuse du pharynx, de celle du nez produit du clignement et des

mouvements de déglutition et des narines.

Les pupilles sont moyennement dilatées, sensibles à la lumière

et à l'accommodation aux distances. L'acuité visuelle est faible;

mais cela doit tenir au défaut de transparence des 'cristallins, qui

sont légèrement nuageux. Le champ visuel parait rétréci; je n'ai

pu le circonscrire exactement, car Mme B... se fatigue vite et ne

se soumet pas aux explorations de quelque durée sur ses sens;

elle ne répond plus alors aux questions posées. La malade trie

des laines appartenant aux principales couleurs du prisme et me

les nomme ; elle reconnaît parfois des nuances qu'elle ne peut me

désigner. Les images des couleurs paraissent mieux conservées

que les images verbales correspondantes. '

L'acuité auditive est quelque peu diminuée. Les sensations de

l'ouïe sont extériorisées et assez bien situées dans l'espace.

Elle semble reconnaître certaines odeurs familières, telles que la

menthe, la fleur d'oranger, mais ne les nomme pas; toutefois,

quand je dis leurs noms, elle se les rappelle. Enfin, elle désigne

facilement les saveurs sucrées, salées et amères (quinine) ; l'acide

acétique lui paraît salé.

En somme, il n'existe pas de troubles bien nets de la sensibilité,

ou tout au moins le mode usuel de nos explorations ne permet

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 173

pas de les metlre en lumière. Mais il n'y a pas d'anesthésies, d'hy-

peresthésies, d'achromatopsies, telles qu'elles se manifestent d'or-

dinaire dans certaines névroses, dans l'hystérie. Ce qu'on peut

dire, c'est que, d'une façon générale, les sensations., sont perçues

lentement, faiblement, et déterminent une réaction, notamment de

douleur, très légère; ceci est probablement en rapport avec l'état

d'asthénie psychique. ,

Pour terminer avec cet examen somatique, je dirai que la ma-

lade n'est plus réglée, que ses fonctions digestives, quoiqu'un

peu paresseuses, s'exécutent bien. L'appétit est satisfaisant; il n'y

a pas de troubles gastriques ni intestinaux. Mm0 B... n'oublie pas

d'uriner. L'auscultation du coeur ne décèle qu'un certain éclat du

deuxième bruit à la base ; les pulsations sont en général lentes.

On ne constate pas d'athérome appréciable sur les artères que

l'on peut explorer. La respiration est superficielle et de rythme

assez lent. La glande thyroïde ne présente rien d'anormal.

Examen psychique. Ce qui frappe tout d'abord, ce qui est de

beaucoup le plus important parmi les phénomènes intellectuels

morbides de Mmo B..., c'est l'amnésie.

L'étude de la mémoire de \Ie 13... doit comprendre trois parties :

état des souvenirs de la période de temps contemporaine du choc

moral, de celle qui l'a précédé et de celle qui l'a suivi.

De l'incendie, Alme B... ne se rappelle pas grand'chose ; et les

renseignements qu'elle donne sur ce point sont assez contradic-

toires. Elle dit se souvenir qu'elle habitait rue de la R..., 9, au

deuxième, lorsque l'incendie éclata, une nuit. Elle était couchée;

elle entendit des craquements, des cris : Au feu ! et des coups vio-

lemment frappés à sa porte. Elle se sauva dans l'escalier aidée par

des voisins et elle vit des flammes très hautes. On la conduisit alors

chez une voisine qui demeurait dans une maison située en face la

sienne. Or, de tous ses souvenirs, il n'y a de certain que celui de

sa demeure, rue de la R..., 9. Les autres n'ont pas été contrôlés,

ils sont d'ailleurs si banals et si peu circonstanciés qu'ils peuvent

très bien être des réminiscences de conversations qu'elle a dû avoir

ultérieurement avec d'autres personnessur cesujet. Rien ne prouve

même qu'ils ne représentent pas une création de son esprit, bro-

dant sur ce souvenir vague d'incendie, et qu'elle ne raconte en

somme les choses comme il est probable qu'elles ont dû se passer

et non comme elles sont arrivées exactement. D'ailleurs elle se

contredit dans les détails et dit tantôt qu'elle a fini la nuit chez

une demoiselle de ses amies et tantôt chez ses parents. D'autre

part il lui est impossible de dire la date, même très approximative,

de l'accident, ni combien de temps il s'est écoulé depuis, ni com-

ment elle était vêtue quand elle s'est sauvée de chez elle, ni le nom

des personnes qui sont venues la prévenir, ni ce qu'elle a fait dans

174 CLINIQUE NERVEUSE. -

les heures qui ont suivi, ni enfin aucune particularité qui pourrait

donner plus de vraisemblance à ses'souvenirs.

Un fait semble l'avoir frappée, ce sont les flammes. Elle dit

qu'elle les revoit toujours en pensée, et que le soir, lorsqu'elle

ferme les yeux, elle les a encore devant elle, très hautes et très

lumineuses. Ceci cadre assez avec ce fait que les images visuelles

paraissent chez elle avoir été mieux conservées dans sa mémoire

que les résidus des autres sensations. Mais cette idée de flammes

peut aussi être venue après coup et même ne pas correspondre du

tout avec la réalité; il ne serait pas extraordinaire, en effet, qu'elle

se soit sauvée sans voir le feu. "

Ainsi les souvenirs correspondant à l'accident ne sont pas

nombreux et ne semblent.pas être tous exacts. Il m'a' donc été

impossible d'établir avec certitude si le dernier qu'elle se rappelle

est visuel ou auditif, lié à un état émotif ou autre, attendu surtout

qu'il n'y a pas eu de scission nette dans la mémoire de -M"10 B...

L'exploration du champ de la mémoire postérieure à l'acci-

dent est vite faite, car elle est peu près négative. On ne trouve

que quelques rares et vagues réminiscences.' Tantôt Mme B... dit

qu'après l'incendie elle est'restée chez ses parents, tantôt qu'elle

vécut seule et travailla pour des maisons de lingerie. - " Il '

La vérité est qu'elle est incapable de se rappeler avec une cer-

taine lucidité quoi que ce soit de ce qui lui est arrivé dans ces

dernières années. Elle a oublié qu'elle a été concierge quelque

temps et elle proteste énergiquement quand je le lui apprends;

elle a oublié qu'elle a été à l'hôpital de Rouen et montre la même

ardeur à nier cet épisode de sa vie. De sa séquestration elle dit se

rappeler qu'une personne de sa connaissance, un nommé D ?

qu'elle traite d'escroc, lui aurait proposé de faire une promenade

en voiture et l'aurait ainsi emmenée à Saint-1'on; mais elle nepeut

fournir aucun autre renseignement plus circonstancié. Elle se sou-

vient êlre allée, il y a quatre ou cinq mois (or il y en a trente

qu'elle est à l'asile) chez son frère, à Paris, rue de la Chapelle. Elle

dit aussi se souvenir d'une certaine fête du 14 juillet, à laquelle

elle aurait pris part; mais elle n'est pas sûre que ce soit un 14 juil-

let antérieur ou postérieur à l'incendie. De même elle prétend un

jour que son père et sa mère sont morts l'un avant et l'autre après

l'accident; et d'autres fois elle établit une chronologie différente.

Cependant elle affirme se rappeler certains détails, par exemple

les adieux de sa mère et que son père toussait avant de mourir ;

elle se souviendrait très nettement de leurs figures sur leurs lits

de mort. * ' '

Pour ce qui est des événements les plus récents, elle ne peut

me dire depuis combien de temps elle est à l'asile, le nom de son

quartier, ceux des médecins qu'elle voit tous les matins. Cependant

elle se rappelle que je l'ai examinée plusieurs fois. Quelques im-

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 1-15

pressions, bien que très peu nombreuses, restent dans certaines

conditions dans sa mémoire ; je reviendrai d'ailleurs là-dessus.

Mais, en résumé, les souvenirs de la période qui a suivi l'accident

sont à peu près nuls; il y a dans sa mémoire une lacune énorme

qui s'agrandit tous les jours. Un va voir que la lacune qui précède

l'accident n'est pas moins considérable. ,

D'abord elle ne se rappelle aucun fait qui a précédé immédiate-

ment l'incendie. Les souvenirs de la période antérieure à l'émotion

du feu sont plus nombreux et disséminés'. Interrogée sur son âge,

elle répond tantôt qu'elle a trente-huit ans, et tantôt cinquante-

trois ans (elle en a cinquante-sept), et qu'elle est née en 1830,

alors qu'elle est venue au monde en 1837, dans le département de

la Somme et quelquefois à Rouen. On a lu plus haut qu'elle ne

sait pas exactement quand son père et sa mère sont morts. Parfois

elle dit que ses parents étaient cabaretiers, parfois qu'ils vendaient

de la toile à sac, et d'autres fo is encore qu'ils étaient cultivateurs

Où étaient leurs propriétés ? Rue R..., 9, répond-elle. Cette

adresse est donnée par elle chaque fois qu'on lui en demande

une, celle de ses amies, de l'église dans laquelle elle a fait sa

première communion, ou de l'école qu'elle a fréquentée étant

enfant. On se rappelle que cette rue et ce numéro sont ceux de la

maison qu'elle habitait lors de l'incendie.

,Elle affirme un jour qu'ils étaient neuf enfants, et une autre fois

sept seulement. Elle est cependant d'accord avec elle-même sur son

frère aîné, qui habiterait Paris, et sur un autre frère qui aurait

disparu en- 1870. Encore parait-elle dédoubler quelquefois ce frère

en un que l'on n'aurait plus retrouvé après la guerre et en un

autre qui aurait été tué durant ces événements. Il semble aussi

qu'il est vrai qu'elle a eu quatre soeurs. Mais que sont-elles deve-

nues ? Vivent-elles encore ? Elle ne peut le dire.

Elle prétend se souvenir qu'elle a fait sa première communion ;

mais où ? quand ? Elle l'ignore. Quels parents, quels amis, étaient

à la fête, qu'elle prétend avoir eu lieu ? Elle ne sait pas. Parmi

ses amis, elle cite deux ou trois noms, avec leurs professions, mais

ne connaît plus leurs adresses. Voilà en somme tout ou à peu près

tout ce qu'elle se rappelle des événements de sa vie antérieure à

l'accident. Mais il lui reste d'autres souvenirs. D'abord la plus

grande partie de ce qu'on est convenu d'appeler la mémoire orga-

nique n'est pas abolie, puisque la malade peut marcher, manger,

balayer, se coucher, enfin se livrer aux mille actes de la vie auto-

matique. Des acquisitions relativement au langage, à la parole, à

l'écriture, et à quelques connaissances apprises à l'école, sont

demeurées dans son esprit à l'état de souvenirs, parce que, d'un

usage plus fréquent, ils se sont plus profondément fixés dans sa

mémoire. Etudier ce reliquat c'est circonscrire exactement l'éten-

due de l'amnésie.

176 CLINIQUE NERVEUSE

La malade peut me citer sans erreur toutes les lettres de l'al-

phabet ; de même elle les reconnaît facilement quand elles les

voit écrites. Mais il lui est plus difficile de les écrire elle-même

dans l'ordre alphabétique, exercice auquel elle n'est pas habituée.

Ainsi hésite-t-elle pour f, h, i, j, k, l, p, y et z, qu'elle ne peut

arriver à former. Or si je lui dicte des mots qui contiennent

une de ces lettres; comme : gira/e, jardin, lendemain, aujour-

d«hui, eeL...,-elle les écrit sans tâtonner. Lorsque les lettres en

question commencent un mut, elle hésite davantage, comme dans

Aonneur. Tous ces faits s'expliquent facilement d'eux-mêmes : dans

l'amnésie, ce sont les souvenirs les moins stables, ceux qui repré-

sentent des faits moins usuels qui tendent surtout à di'paraitre.

Mme R... lit assez couramment, bien mieux qu'elle n'écrit.

Je lui dicte divers mots et phrases, par exemple ceci : « Je suis

à l'asile, il fait beau aujourd'hui, nous sommes allés nous promener

hier, f irai demain ci la campagne. » Son écriture est hésitante ; on

sent qu'elle n'a jamais été beaucoup exercée. Cependant malgré

une instruction rudimentaire, beaucoup de mots sont correctement

écrits et quelques règles de grammaire sont appliquées, mais on

constate que des mots et des lettres sont oubliés ; ainsi elle écrira

jtli ? z pour jardin, nous aller pour nous sommes allés. J'essaye de

déterminer à quel genre de type verbal ma malade peut appar-

tenir. Il est probable que les images auditives doivent, étant

donné son peu d'instruction, avoir chez elle un rôle important.

Cependant les images visuelles semblent tenir une place considé-

rable dans sa mémoire des signes du langage. Cela cadre d'ailleurs

avec ce fait que ma malade se rappelle surtout des souvenirs

visuels. Lorsque je lui fais écrire les yeux fermés, des lettres ou des

mots, elle éprouve une difficulté extrême et n'arrive le plus sou-

vent qu'à tracer des caractères informes ou incomplets; en outre

elle est rarement capable de me dire la lettre qu'elle est en train

de tracer au moment où je l'arrête. Ou conçoit d'ailleurs que, vu

la faiblesse de toutes ces images et surtout des graphiques, si peu

répétées jadis, elle soit très embarrassée pour exécuter cet exer-

cice. D'une façon générale les mots évoquent les objets et rare-

ment leurs images verbales.

Je l'interroge sur le calcul et lui pose diverses questions qu'elle

résout ainsi :

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 177

table de Pythagore que sur les additions; c'est que la première est

généralement apprise par coeur et que sa récitation devient en

quelque sorte automatique.

Après le langage et le calcul, les autres connaissances sont encore

moins solides, parce qu'elles servent moins. Ma malade sait très

peu de choses en histoire. La mort de Napoléon le, évoque en elle

l'idée du premier empire, Louis XIV celle d'un roi de France ;

comme je lui demande ce qu'était Colbert, elle me répond que

c'est un personnage de l'histoire de France. En revanche elle ne

peut me dire qui est président de la République aujourd'hui et ce

qu'était Mac-Mahon. Elle est de même incapable de me citer le nom

du dernier maire de Rouen qu'elle a connu. C'est d'ailleurs un fait

que je constate souvent dans des états de confusion mentale, où il

existe une certaine forme d'amnésie. Les malades me citent parfois

les rois de la première dynastie et ne savent pas ce qu'était Gam-

betta, Thiers ou Ferry. C'est que les faits d'histoire appris à l'école

par coeur et dans l'enfance se fixent solidement dans nos celluies.

Ainsi ma malade, qui ne peut me dire pour quelles maisons elle

travaillait à Rouen, sait que Bordeaux est une grande ville du sud et

un port de commerce, que l'Italie est un beau pays, dont la capi-

tale est Rome, que l'Afrique est une contrée très lointaine où se

trouve l'Algérie. '

La musique a laissé chez elle des impressions plus fortes. Elle

l'aimait beaucoup d'ailleurs et elle se rappelle que quand elle était -

jeune elle fréquentait le théâtre des Arts et chantait des airs

d'opéra.

Je l'interroge là-dessus. Je lui fredonne des airs des Huguenots,

du Prophète et de Mignon ; elle en reconnaît plusieurs. Elle me

chante, sur ma prière, les premières notes de Dieu que ma voix

implore (du Trouvère), de Ange si pur que dans un songe et de

Leonor, mon amour brave (de la Favorite), de Toi que l'oiseau ne

suivrait pas (de Guillaume Tell), et de L'amour est enfant de Bohème

(de Carmen).

J'ai dit plus haut que la mémoire organique était en partie con-

servée. Ainsi elle marche, elle mange en se servant avec une cer-

taine adresse des ustensiles de table, elle coud, bien que des choses

faciles, de gros ourlets pour les draps. Je la fais danser et elle se

rappelle certains pas qu'elle exécute.

En résumé, si elle n'a presque aucun souvenir de son existence

concernant les événements qui lui sont arrivés, les gens qu'elle a

connus et les lieux qu'elle a habités, elle possède encore dans sa

mémoire une foule de faits, notamment touchant le langage et les

gestes de la vie automatique, qui lui suffisent pour jouer encore

son rôle dans l'existence. Elle cause, elle comprend ce qu'on lui

dit, elle discute, elle a des émotions, elle fait quelques petits tra-

vaux, elle vit enfin d'une vie psychique qui, bien qu'étroite, a encore

Archives, t. XXVIII. 12

178 CLINIQUE, NERVEUSE.

un certain horizon. Et c'est en cela qu'elle est curieuse à étudier et

qu'elle se différencie d'une démente, malgré les lacunes énormes de

sa mémoire et malgré surtout son incapacité radicale, absolue de

fixer de nouveaux souvenirs. Car c'est là un des points intéressants

à étudier de cette amnésie.. t ' Jz r

M™eB... est incapable d'une attention quelque peu prolongée

Elle est tout de suite distraite, et, si on la maintient de force sur

un sujet, elle accuse un mal de tête très pénible. Elle ne peut

retenir qu'avec la plus grande difficulté une sensation nouvelle ?

On a vu qu'elle ne sait pas le nom des médecins, ni celui de son

quartier; si on lui donne un ordre, il faut le lui diviser dans toutes

ses parties, sans quoi elle ne l'exécutera qu'à demi. Si on lui dit de

laver les verres, elle le fera, mais ne les essuiera que si on lui met

la serviette entre les mains.. . , ,

..Pour lui faire approprier une petite salle, il .faut lui indiquer,

détail par détail, toute sa besogne, balayer le parquet, ranger les

chaises, essuyer une table. Lorsqu'on l'envoie en course dans un

quartier voisin, elle se perd souvent en route ; le soir il lui est

arrivé de ne pas reconnaître son lit. Le matin elle ne pensejamais

à vider son vase, si on ne le lui dit pas. t, , , n

J'ai essayé de. déterminer Ja persistance des diverses images sen-

sorielles. Je lui montre divers objets, un crayon, un livre, et des

laines de toutes les couleurs. Cinq minutes environ après, je lui

demande ce que je lui ai fait voir, elle ne se rappelle pas; cepen-

dant quand je lui remontre les objets, elle semble les reconnaître,

et, parmi les laines par exemple, me cite les vertes et les brunes.

, J'expérimente alors l'état de la mémoire verbale. Je lui cite des

mots familiers tels que maison, jour, table ; après lui avoir parlé

d'autre chose pour détourner quelque peu son attention, et une

minute seulement après, je l'interroge. Elle se rappelle le mot

maison, mais a oublié les autres, qu'elle ne reconnaît pas,, même

quand je les lui répète. Je lui dicte d'autres mots, tels que chaise,

jardin, plante ; une minute après, elle ne se souvient de rien. Je lui

mets la plume entre les mains et la prie de les écrire ; mais elle ne

peut pas. Elle lit des mots que j'écris pour elle ; et deux minutes

après elle ne se les rappelle pas et ne les reconnaît pas.

On voit donc que les trois groupes de sensations verbales, audi-

tives, visuelles et graphiques laissent des souvenirs à peu, près nuls.

Je n'ai pu expérimenter sur les sensations verbales motrices d'arti-

culation.

-,Les sensations tactiles sont aussi impuissantes à réveiller des

souvenirs exacts ; mais cependant elle se les rappelle quelquefois

vaguement. Ainsi je lui pique le front et la main gauche en attirant z

son attention là-dessus. Dix minutes après, interrogée, elle répond

qu'elle a été piquée, mais elle a oublié la piqûre du front et croit

que l'autre a porté sur la main droite. Je trace sur sa peau avec une

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 179

épingle des dessins, par exemple une circonférence, une croix,* une

M.' Elle les perçoit^' les yeux fixés -ailleurs, mais deux minutes s'é-

taient écoulés qu'elle était incapable de me dire ce que je' lui avais

dessiné sur la peau. Il en est de même pour les odeurs et pour les

saveurs. Toutefois, deux minutes après l'expérience elle peut me

citer la'quinine, mais il est' probable qu'elle en a encore le goût ,

amer dans la bouche. '* ' '- ? < ! ' ' ' . 1 J

Cette amnésie a des conséquences sur ses jugements. Ainsi elle

ne sait jamais exactement la saison ni l'heure actuelle. Elle se fie

en général sur l'état du ciel. " * 'li- .' ' -

^Le 3 février à 10 heures du matin, elle me dit que nous sommes

en automne et' dans *'l'après-midi : Comme je lui manifeste mon

élonnement, et que je lui demande sur quoi elle s'est basée pour

admettre ce fait, elle me répond que ce n'est pas la plus mauvaise

saison, 'mais que ce n'est pas la plus belle, et qu'il commence à faire

nuit : En effet, il ne fait ni très chaud, ni très froid, le ciel est cou-

vert et le jour est petit. Or, comme elle ne se rappelle pas que

l'hiver est passé ni qu'elle n'a pas déjeuné, elle en'conclut que *

nous sommes en automne et l'après-midi. ' ' ' > ·

De même elle ne sait pas apprécier le temps, qu'elle raccourcit

généralement, ayant toujours trop peu de faits pour le' remplir.

Ainsi elle dit être allée chez son frère il y a trois mois, qu'elle ne me

connaît'que depuis quatre ou cinq mois et qu'elle acinquante ans.

L'incendie delà rue de laR..., serait survenu, il y a deux oit trois ans.

Elle' manifeste quelques idées délirantes : qui sont certainement

aussi la conséquence de son amnésie. C'est ainsi qu'il lui arrive de

dire'que certains chapeaux ou manteaux qu'elle voit"mettre par

d'autres malades sont à elle et qu'ils lui ont'été volés. Elle sait en

effet qu'elle avait un petit mobilier et quelques effets; et comme

elle ignore comment elle les a perdus, elle en conclut qu'on les lui

a volés. Elle' accuse même le sieur D... qui'l'a accompagnée à

Saint-Yon de s'être emparé de ses affaires. l

Comme on le voit, son délire se réduit à quelques idées fausses,

au nombre de deux ou trois, nullement tenaces, et qui sont des

- tentatives d'explication de certains faits dont elle a oublié les inter-

médiaires. Elle est très apathique. Elle n'a jamais manifesté

d'autres conceptions délirantes, ni des idées de suicide, et elle n'a

jamais été excitée durant son séjour à l'asile. Elle a d'ailleurs par-

faitement conscience de sa situation mentale, et sait qu'elle a perdu

la mémoire, ce qui la chagrine beaucoup. Sa susceptibilité sur ce

point est même très grande. Ainsi lorsqu'elle a mal fait une chose,

on ne' le lui dit pas, car autrement elle bouderait de longues

heures. C'est pour cela, à cause de mes questions qui mettent en

lumière sa faiblesse de mémoire dont elle souffre, qu'elle se sou-

met difficilement à mes examens et qu'elle se les rappelle, non

180 ' CLINIQUE NERVEUSE.

pas dans les détails, mais dans l'état émotif désagréable qui les

accompagne et les suit. C'est ainsi que j'ai pu expliquer comment

durant les deux mois qui suivirent mon premier examen, au cours

duquel je lui avais soulevé la robe pour explorer ses réflexes du

genou,' elle refusa de revenir causer,avec moi, parlant vague-

ment de vilaines choses que je lui avais faites..11 me paraissait

extraordinaire que cette amnésique se, rappelât si longtemps un

détail d'examen. Or, j'ai cru me rendre compteque ce qui avait

persisté chez elle c'était non pas le souvenir précis de la manoeuvre

qui l'avait choquée, mais bien le souvenir de l'émotion désagréable

qui l'avait accompagnée*. ' ` 'CM1 ? . - . · « '> .-'.>-> ,» '

Malgré son incapacité à' fixer des souvenirs récents et une mé-

moires ! restreinte, aMme B ? 1 n'est pas une démente : ' Elle' parait

raisonnable et apprécie assez justement la plupart des choses qui se

passent autour d'elle. , La démence ne consiste donc pas simple-

ment ± dans l'affaiblissement de la mémoire et demande (d'au-

tres conditions psychologiques, surtout une incapacité de comparer

entre elles des sensations ou des images, d'établir des jugements.

Je connais des paralytiques généraux , et' des séniles .qui font

bien plus de souvenirs immédiats et anciens que Mme B...; et qui

cependant n'ont pas sa raison ! Chez eux, il'ÿ'a en plus du trouble,

de la confusion' dans les idées. Quoi qu'il en soit, il est curieux de

constater qu'avec un effondrement si complet de la mémoire et une

faiblesse si grande du pouvoir de la réviviscence des images, une

malade peut ne pas avoir la physionomie psychique d'une démente.

La. marche de cette amnésie générale. parait progressive., Loin

de tendre à s'améliorer comme il arrive souvent dans les cas de ce

genre quisurviennentchez des hystériques, la perte de la mémoire

semble être définitive chez M018 B... et devenir de jour en jour plus

complète. ' ' ' ' ` '

J'ai essayé divers moyens thérapeutiques'. D'abord, j'ai voulu

rechercher s'il y avait persistance des souvenirs dans une autre per-

sonnalité coexistant avec la principale. J'ai mis en pratique le pro-

cédé de l'écriture automatique, procédé qui consiste à' mettre un

crayon ou une plume dans la main du sujet, et, tout en le distrayant,

à lui poser des questions qui s'adressent à une autre personnalité.

Je n'ai pas réussi, non plus qu'avec, l'hypnotisme. ^ ? ,

J'ai eu l'idée aussi de faire à cette malade des injections de

liquide orchitique; mais, à la quatrième séance, elle se refusait de

recevoir de nouvelles piqûres. Durant les trois premiers'jours, je

n'avais d'ailleurs constaté aucune amélioration sensible. ' ' '- '"

Enfin, j'avais pensé à expérimenter le traitement qu'ont imaginé,

pour un cas d'amnésie post-puerpérale, MM. Sé-las et Sollier', et

1 Séglas et Sollier. Fièvre puerpéral», amnésie, ataxie et abasie.

(Arch. de 11'eurol. 1890, n" 60, p. 386.)

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 181

qui consiste à donner,' par divers procédés'artificiels, une plus

grande intensité aux impressions, par exemple en en associant

plusieurs ensemble, et aussi à rendre leurs souvenirs plus durables

par leur répétition ou en essayant de fixer l'attention tous les jours

davantage. Malheureusement' ma malade ne voulut pas, étant

donné sa susceptibilité particulière et son indocilité' pour tout ce

qui est examen médical, se' soumettre à ce traitement. ' '

Je me suis assez étendu sur chacun des points intéressants

de cette observation pour n'avoir pas à les discuter de nouveau.

De l'étude des faits,, il ressort très- nettement que ma malade

présente les symptômes d'une amnésie très étendue, portant

sur la période de temps contemporaine de l'accident, sur celle

qui l'a précédé (amnésie rétrograde) et celle qui l'a suivi (amné-

sie antérograde) et se manifestant aussi par une incapacité

absolue de fixer de nouveaux souvenirs. Ses caractères sont de

respecter la mémoire organique et certaines connaissances rela-

tives 'au langage et à des faits appris' durant' l'enfance* et très

souvent répétés depuis. A part ces notions plus ou moins bien

conservées, tout le reste des souvenirs acquis durant une exis-

tence assez longue a disparu, si bien que la division en amnésie

rétrograde et antérograde est quelque peu artificielle ; il s'agit

en somme, ici, d'une amnésie portant sur toute l'existence. La

malade n'a de son passé 'que des réminiscences, sans recon-

naissance précise, sans situation dans le temps ni dans l'espace.

Les souvenirs sont-ils complètement disparus ou peuvent-ils

. revenir un jour, c'est-à-dire existent-ils encore à l'état latent

dans une mémoire inconsciente ? Cette dernière hypothèse n'est

pas probable; dans aucun des états, de distraction, il n'a été

possible de ranimer un groupe de souvenirs effacés, et les ten-

tatives d'hypnose ont échoué. D'autre part, le champ de l'am-

nésie ne varie guère dans les multiples examens auxquels j'ai

soumis la malade, et l'on ne voit pas réapparaître un jour des 's

souvenirs qui étaient inconscients'à un autre moment. Les

réminiscences constatées 'sont presque toujours les mêmes;

leurs détails seuls diffèrent, mais elles portent 'toujours sur les

mêmes faits. ? .

Cette invariabilité du champ de l'amnésie, sa chronicité et son

allure progressive diffèrent beaucoup de ce que d'autres obser-

vateurs ont remarqué dans des cas analogues où les troubles

de la mémoire, ordinairement transitoires et disparaissant à de

certains moments, avaient une physionomie nettement fonc-

182 CLINIQUE NERVEUSE. '' "'

tionnelle. Faut-il pour cela admettre que les- souvenirs'sont

complètement perdus chez ma malade et qu'ils ne* pourront,

jamais revenir ? On ne sait pas encore 'assez comment les sen-

sations f s'emrriâgâsinent à l'état de résidus dansées- cellules

nerveuses^' quelles modifications elles'y4 déterminent et dans

quelles conditions elles peuvent disparaître et reparaître; pour

affirmer une pareille proposition. D'ailleurs, certains souve-

nirs ? notammÏnt"ce'ux- portant sur les signes du'langage ne

sont qu'éclipsés, puisqu'ils réapparaissent avec un effort d'atten-

tion ou par le moyen de quelque artifice d'association;. dans

ces cas comme dans bien d'autres, les faits, avant de sortir'de

la conscience, s'effacent temporairement. 'Il ' est probable

qu'entre lé champ de l'amnésie et celui de-la mémoire, il doit

exister une zone où les images sont de moins en moins éclai-

rées et de plus en plus irrégulièrement. 'Aussi doit-on seu-

lement, sans hasarder d'affirmation aventurée, faire remarquer

les différences qui semblent séparer cette vieille amnésie con-

tinue et progressive d'avec les autres décrites.' -1- 4,ï

L'incapacité de fixer de nouveaux souvenirs' est, chez

Mme B ? assez semblable à ce qu'on observe ailleurs. L'atten-

tion est nulle et les sensations disparaissent à mesure qu'elles

sont perçues. Cependant celles liées à un état émotif paraissent

être susceptibles d'une plus longue durée. 9' fp ?

Qu'y a-t-il sous cette faiblesse des cellules nerveuses à rete-

nir les sensations qui les ont irritées ? Un état d'épuisement

chronique comme le pense M. Féré ? Dans l'amnésie consécu-

tive à un choc moral ou à un traumatisme physique, comme

aussi dans des états de fatigue, la perception deviendrait'moins

intense, les excitations arriveraient à' la conscience plus' lente-

ment et plus faiblement, et il en résulterait en définitive une

diminution de la iétentivité de ces sensations *. Il y a certaine-

ment une condition particulière des cellules qui doit être'une

sorte d'épuisement, de fatigue chronique; mais quelles modifi-

cations anatomiques ou physiologiques suppose-t-elle ? L'étude

de la nutrition des malades de ce genre ' pourrait donner

quelques renseignements sur cette question, si les recherches

en cette matière étaient moins hérissées de difficultés. L'examen'

de l'urine de M-11 B..., fait par M. Lailler, le distingué phar-

macien de l'asile, a indiqué une diminution notable des phos-

phates terreux (0,25 centigrammes pour un litre). r ,1 j

1 Féré. Ouvr. cité, p. 325 et suiv. -

AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 183

Quant à la cause objective de ce trouble delà mémoire, il faut,

vraisemblablement, la voir dans une émotion. Par quel méca-

nisme a-t-elle agi sur-le cerveau en déterminant une amnésie ?

On ne peut que. faire à. ce sujet des. hypothèses invérifiables.

Les effets pathologiques. des émotions sont, en effet, des plus

nombreux et des. plus divers. haut-il ? dire que cette femme

était prédisposée à devenir amnésique à la-suite, d'un choc

moral ? .,Bien qu'aucun de ses antécédents connus ne- légitime

entièrement cette. opinion, on- peut,l'admettre par compa-

raison avec des^ faits analogues] la prédisposition est une des

conditions .métaphysiques; de, la maladie et, on la. suppose

volontiers partout. ? ij .ç : ? 3- v,JV j. ? ça

tf Enfin,- un dernier point reste à examiner. Dans, quelle classe

d'amnésies faut-il ranger ce cas ? Cette question n'est autre, en

'résumé, que celle du mécanisme psychologique de ces troubles

morbides. , , 9 ri ? ·'( 1 -'t i, 1 1

.Ilty a une tendance) actuelle à faire des amnésies trauma-

tiques et par choc moral les unes et les, autres se ressem-

blent -3 des manifestations hystériques. Il est certain que

dans la plupart des observations publiées jusqu'à ce jour, cette

névrose paraissait en cause, puisque les,malades présentaient

des stigmates plus ou moins nombreux ou plus ou moins carac-

téristiques de cette maladie., Mais faut-il aller plus'loin et

admettre avec,M.,Sollier ? appliquant des idées générales de

M.; Paul JaneL1 sur l'hystérie, que certaines amnésies, et

notamment les traumatiques.rétro-antérogrades,, sont réssor-

tissables.à cette névrose, même en dehors de tout antécédent

névropathique c'est-à-dire ont un processus pathogénique par-

ticulier qui suffit à les grouper. Certes il n'y a pas grand incon-

vénient à ce qu'on admette une classe d'amnésies caractérisées

parleur mode déformation, dont le type se rencontrerait chez

les hystériques. Les caractéristiques de leur pathogénie psy-

chologique, seraient le défaut de synthèse et la tendance au

dédoublement de la personnalité. En, d'autres termes, les élé-

ments de la mémoire existeraient puisqu'on pourrait, par

l'hypnotisme par exemple ou par la simple distraction, déter-

miner la constitution d'une nouvelle personnalité, c'est-à-dire

d'un' nouveau groupement de faits de conscience, où les sou-

venirs effacés réapparaîtraient. Ce mécanisme parait exister

' Paul Janet. Voir Etal mental des hystériques, 2 vol. in Collec-

tion Charcot-Debove.

184 asiles d'aliénés.,

dans bien des cas; mais le rencontre-t-on toujours dans l'am-

nésie traumatique et rétro-antérograde ? - Pour l'affirmer dans

chaque- observation/ il est nécessaire" de montrer <par ides

artifices quelconques que les souvenirs effacés ne le sont que

provisoirement et font partie' d'un autre Moi, or la chose n'est'

pas toujours commode à établir. ' ^ ? ? · 1. ? ? " 3UP'1 `

Dans le cas dont j'vien; de(faire la-1 relation,1 je crois qu'il

est difficile d'accepter^ cette pathogénie. Car rien n'autorise à

admettre chez bi ? 8... un dédoublement de la personnalité,,

c'est-à-dire'de la mémoire, qui permettrait aux' souvenirs

échappant actuellement à la synthèse du- Moi, principal, de -

revenir dans un autre groupement psychique ? L'ancienneté de

1'.am'nésiê, 'qui, daté' de plusieurs années,' sa marche progrès-'

sive et l'âge avancé'de la' malade font'craindre au contraire

que ces' souvenirs ne'réapparaitront plus. 11 ne peut donc être

question^ ici d'amnésie par mode dit hystérique;^ je'ne pense

pas non plus, qu'on soit autorisé à voir chez cette malade une

hystérique au sens pathologique du mot, puisqu'elle ne pré-

sente aucun des stigmates de la névrose...,- , -,... ? s^i t-

Force est donc de ranger ce cas en dehors de cette maladie, i

en attendant que des études plus complètes sur les amnésies

aient permis d'établir un groupement plus vaste qui puisse le

contenir. ' ' · ' s " ' ' -' c - ' s r '" i

" ASILES D'ALIÉNÉS.' " ?

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NOTICE SUR L'ASILE DÉPARTEMENTAL 'D'ALIÉNÉS ' 1

DE BONNEVAL (EURE-ET-LOIR) ;'

™ ,M ' ' » . parIeU'CAMUSET. · `

' r . 9 » . . -e .

I. Le département d'Eure-et-Loir, qui jusqu'alors avait envoyé

ses aliénés au quartierspécial de l'hospice d'Orléans, résolut en 1861,

de les hospitaliser à l'avenir dans un asile lui appartenant ! Déjà,

en 1842, peu après la promulgation de la loi sur les aliénés, le

projet de créer un asile départemental avait été discuté au Conseil

général, mais il fut rejeté pour cette raison bizarre, devant laquelle

s'inclinèrent tous les membres du Conseil, qu'il n'était pas conve-

ASILE DE BONNEVAL. 185

nable de laisser les aliénés près de leurs familles, et que le mieux

était de les envoyer au loin.. <, t . ,, » : En i 4861· donc, on résolut d'installer 'un aqile départemental

d'aliénés, et e.i janvier 1862, cet établissement fonctionnait. Cette

rapidité .d'exécution paraît absolument anormale, mais'elle s'ei-

plique naturellement par ce fait qu'on ne construisit rien du tout,

et qu'on se contenta d'approprier à sa destination nouvelle, une

vieille abbaye de moines Bénédictins, située à Bonneval, et qui ser-

vait depuis douze ans de Colonie agricole pour les enfants trouvés

et pour les jeunes orphelins pauvres. - ' '

Ainsi, la vieille abbaye de Bonneval, qui abrita des moines pen-

dant près de mille ans; car elle fut fondée, parait-il, vers l'an 800,

finit par donner asile à des enfants trouvés et ensuite à des aliénés.

Elle eut son temps de splendeur au moyen âge, cette abbaye, alors

que ses abbés étaient de très grands seigneurs, et qu'elle possédait

tout le pays d'alentour. Elle eut aussi des calamités à supporter.

Les Normands et plus tard les Anglais pendant la guerre de Cent

Ans, ta saccagèrent à plusieurs reprises, ils la brûlèrent même trois

fois; dit-on. Mais après chaque désastre, les moines se mettaient à

l'oeuvre, les paysans corvéables aussi, sans doute, et bientôt les

murailles étaient reconsolidées, le palais de l'abbé était réparé, et

les cloîtres étaient reconstruits. t. -

En outre des transformations qu'elle subit par suite des malheurs

des temps, l'abbaye fut plusieurs fois presque - complètement

rebâtie. Mais' jamais on ne fit réellement table rase au préalable,

et à chaque transformation nouvelle, il subsistait plus ou moins

des constructions anciennes. En sorte que, lorsqu'à la Révolution,

elle fut vendue comme bien national, elle constituait un assem-

blagedes styles les plus divers, roman, gothique, renaissance, etc.1. 1.

Elle était bien déchue alors de son antique splendeur, elle ne

comptait plus qu : une douzaine de moines, et elle n'avait. plus

que quelques fermes, dans un pays qui lui avait appartenu presque

entièrement avant Rabelais. Mais la chose importe peu au point de

la destination qu'elle allait avoir. Elle constituait encore une ma-

gnifique propriété aux portes d'une petite ville et dans un des plus

1 Le D' Bigot, un des anciens médecins-directeurs de l'Asile, a occupé

ses loisirs à mettre en ordre et à publier trois vieux manuscrits, de

dates différentes, traitant tous trois de l'histoire de l'abbaye de Bonneval.

Il a fait précéder cette publication d'une très longue préface contenant

des commentaires sur les manuscrits et aussi des appréciations person-

nelles sur le rôle civilisateur des moines d'Occident pendant le moyen

âge, lesquelles se confondent avec les appréciations bien connues de

Montalembert sur le même sujet. Les amateurs d'histoires locales trou»

veront l'oeuvre du D' Bigot dans un volume imprimé à Châteaudun,

en 1876, chez H. Lecesne, imprimeur, et dont le titre est : Histoire

abrégée de l'Abbaye de Saint-Florentin de Boniieval.

186 asiles d'aliénés.

charmants endroits de'la vallée du Loir. Les moines, jadis, avaient'

bien choisi'leur place ? pour y bâtir leur demeure. «e . p ? «,ar,'H

L'abbaye et' les terrains'qui' l'entourent, complètement séparés

de la ville et des cultures voisines, par un mur d'enceinte continu ?

furent donc vendus pendant la Révolution, et un industriel y installa

une filature, je crois.- Cette propriété passa ensuite en plusieurs

mains, et en peu de temps, et elle finit par appartenir au marquis

d'Aligre1 qui," en' mourant : en fit don au département d'Eure-et-

Loir.' La'condition de la donation était que le département donne-'

rait'a'la propriété une' « destination^charitable », et qu'elle servi- ,

rait d'asile à des' vieillards, a'des orphelins ou à des aliénés. Comme-

je l'ai dit, on y installa d'abord une colonie agricole d'enfants

trouvés/ et en 1862; celle-ci fut transformée en asile départemental

d'aliénés>- H ? '- tilr ' nrc, ,,) ° r ' <1 - 1 tt -t=c if -. 3

Le' nouvel asile ne contenait, au début, que t4S malades. Il avait

bien été 'aménagé^ dans ]a'prévision; d'une augmentation; dersa'

population, mais on n'avait pas pensé que cette augmentation put)

jamais devenir très considérable. Aujourd'hui cependant, - l'asile i

compte 525 malades; il a donc-fallu nécessairement' agrandir les.-

bâtiments anciens et 'construire même à' nouveau., · e 4 ?

Mais je suis heureux' de le constater ici, agrandissement des'3

locaux anciens, 'installation de quartiers nouveaux, édification des.

services divers,' tout a'été conçu et exécuté de façon à ne rien}

enlever de son cachet-artistique, à la vieille propriété des moines.'

Quand il est devenu nécessaire de refaire une- aile délabrée- des

anciens cloîtres', par exemple, on a reconstruit dans un style appro-'

prié à celui des bâliments. Quand il a fallu faire disparaître une ,

autre portion de ces mêmes ' cloîtres, n on 'a conservé, encastrées :

dans les murs nouveaux, toutes les pièces anciennes intéressantes

des murailles détruites. C'est ainsi que se trouvent conservées ! cer-

tainès fenêtres à plein cintre et- colonnettes à chapiteaux golhi-

ques, devant lesquelles se délectent les archéologues'qui'voient là'

un spécimen très rare, disent-ils,' d'un moment de transition. Les : )

profanes, dont je suis, sentent seulement que- tout est harmonieux 4

et leur vue n'est blessée par aucun anachronisme grossier. Et c'est'

déjà beaucoup, quand on compare à ce qui se rencontre ailleurs.

Ainsi, je me souviens'avoir vu, à Saint-Alichel-en- : ller; la splendide

église gothique, édifiée au sommet du rocher," ornée d'un triom-r Y

phant portait relativement moderne et de pur style Louis XIV. Tout il

profane qu'on soit, si l'on n'est pas le dernier des philistins, on en

veut au barbare qui fut l'auteur,de'cet assemblage grotesque ? Or,

rien de pareil à Boniieval. Il faut, du reste, dire que les restaurations^

importantes y ont été dirigées par les Beaux-Arts. , . o ? « .

On a su également, quand il s'est agi d'élever des quartiers neufs ,

ou de bâtir des locaux pour les services généraux, choisir desem-° `

placements tels que les grands murs blancs modernes, et les toi- ^

asile DE BONNEVAL.. 187

tures régulières en tuiles rouges ne, font aucun tort, aux anciens

édifices qui, eux, ont reçu la patine du temps ; et que les .vieilles

et vastes cours restent toujours aussi boisées, aussi fleuries et aussi

riantes. Cela, on ne le doit plus à l'administration des Beaux-Arts,,

mais. on le doit simplement au.bon.goût,des.différents,médecins

directeurs de l'asile, mes prédécesseurs, et à celui de la commission

de surveillance.-) , 41, n ,nf ., ? h - .1- . ',

- On comprend maintenant. pourquoi l'asile de Bonneval, par son

aspect général, se trouve être sans- contredit, le plus riant et le'

plus pittoresque des asiles de France. Mais est-ce que son intérieur»

répond à son extérieur et n'a-t-on pas parfois, sacrifié Futile, à

l'aâréable ? 3os ? >.u... - -r ,* t i* a , ' t- ? ? ,,

'A ces questions ? je répondrai en toute sincérité on a conservé

à l'établissement son cachet spécial, parce que la chose était facile

et peu onéreuse, mais on n'a jamais; rien sacrifié aux considéra-

tions d'ordre artistique très secondaire dans l'espèce. Dans tout ce .

qui a été fait a. l'asile depuis sa création, on a eu en vue exclusive-

ment l'aliéné, son hygiène, son bien-être et son traitement. Cepen-

dant, il faut le reconnaître, si l'établissement remplit entièrement

les principales des conditions qu'on exige à notre époque, d'un,

établissement destiné au traitement de l'aliénation mentale, il lui

manque encore bien des choses pour,, être j un asile modèle. Il est

probable qu'avec le temps on le perfectionnera encore, mais quoi

qu'on fasse/ on ne parviendra pas à faire disparaître tous les desi-

derata dont certains subsisteront toujours., En effet, avec de vieux

bâtiments, on nepourra jamais faire un asile irréprochable. Un

asile doit être conçu et construit en vue de, sa destination spéciale.

A Bonneval surtout, comment modifier à son gré les anciens loge-

ments des moines/agrandir des salies,, en installer d'autres, alors

que certains murs d'intérieur ont plus de 2 mètres d'épaisseur ? On

est trop souvent réduit à faire ce qu'il est possible de faire et non ,

ce qu'il eût fallu faire 1. Du reste, je vais donner le, plus, clairement ,

qu'il me sera possible, la description de l'établissement, dans son

entier, --asile, pensionnat, ferme,. dépendances,, etc., et je noterai

ensuite les points qui sont défectueux. q,. ' ? >« ! 3,3 ( v ·

.f->Hûl'r' ' j ' j,1 ? le' ." . jT.(in>n fir jr-> .. .o-t 'f p r

Il., - L'asile de Bonneval est situé à l'extrémité de la petite ville

de 3,000 habitants dont il a emprunté le nom,, assez loin du chef-

lieu du département, Chartres, mais à 26 lieues seulement de Paris.

,.Il s'agissait, il y a quelques mois, de réunir en une seule salle deux

petites salles voisines situées au rez-de-chaussée de l'Asile ! Le'sondage

f3t'connaftré l'épaisseur "exacte du 'mur', de séparation, qui était de'

2 m. 80. Comment se décider à enlever une telle masse de maçonnerie au

rez-de-chaussée d'un bâtiment lourd et élevé ? C'eût été compromettre

peut-être t la. solidité de tout l'édifice. On se contenta, de percer une

porte de communication, laquelle, dans le fait, constitue une sorte de '

petite voûte. -' ' ' ' ' >-»" . , 1 , ' 1 .

188 asiles d'aliénés.

Il a 42 hectares de superficie, -parc et terrains de culture compris,

et cette propriété de 42 hectares est complètement isolée de la ville

et de la campagne par un mur de clôture continu et interrompu

seulement pour le passage du Loir. Le Loir, en" effet; traverse

l'asile ; il forme' deux-bras à son -entrée dans l'enceinte, mais ces

deux bras ne tardent pas à se réunir, dessinant ainsi une presqu'île

-- et la rivière, réduite alors à un unique cours d'eau parcourt en ser-

pentant la propriété dans sa plus" grande longueur, et du nord au

sud. =. o, ? ? - v,v ' ; ? ?

- - L'asile est donc divisé en deux parties par le Loir, la partie située

, " sur la rive gauche" et qui comprend la presqu'île précitée, elle forme

Zuà coteau boisé ;-et la partie située sur la rive droite qui est tout à

' ,fait -plate.-C*est sur.lapartie gauche et dans la presqu'île, que sont

- installés tous les~bâtiments, /quartiers des malades, services gêné- ,

raux, pensionnat; etc ? La [partie droite est occupée exclusivement *"x

' par la ferme et les cultures, Il faut noter, comme point de repère ? ^ ,. '

que la-ville et la porte d'entrée de 'l'asile sont entament de la °

rivière. Ces détails préliminaires sont nécessaires pour aider'à com-

prendre la disposition sans symétrie aucune et tout'à fait irrégû ? t

lière de l'établissement, 1 ? i* "J'l|V/[ ^ 'Ç j , -

A l'entrée, on' trouve l'Abbatiale, c'est ce qui reste de l'ancien

palais des abbés, dont une grande partie a disparu. L'Abbatiale a

- été complètement restaurée par les Beaux-Arts, > il y a douze ans,

dans son style -primitif des premiers- temps- dé la Renaissance.

.Classée comme monument* historique, elle a de remarquable ses

trois tours et surtout son portail gothique, bien plus ancien que le

reste de l'édifice. Elle est utilisée pour loger les bureaux de l'admi-

nistration et le médecin directeur. , . -

Le portail franchi, on arrive dans la cour d'honneur, qui est

plutôt un grand jardin anglais avec des massifs d'arbres, des

pelouses et des corbeilles de fleurs. On a devant soi les cloîtres qui

constituent l'asile proprement dit, tous les quartiers de malades,

sauf les quartiers d'agités, y sont installés. A droite est le Loir, tra-

versé par un pont en pierre-qui mène à la ferme ? Sur la rivière

se trouve une machine hydraulique qui envoie de l'eau dans toutes

les parties de l'établissement ; sur ses bords, un atelier de serru-

rerie et une petite maison où est logé l'interne. ,»

A gauche de la cour d'honneur, sont divers ateliers et la boulan-

gerie" Cès bâtiments sont disposés sans ordre, au milieu de massifs

et de jardins potagers. Derrière eux enfin et appuyés au mur d'en-

ceinte; se trouvent les quartiers' dès agités; hommes et femmes, qui

sont ainsi assez éloignés des autres quartiers de tranquilles.

Si maintenant on laisse la cour d'honneur pour passer derrière

l'asile (les cloîtres), on arrive à la jonction des deux bras du Loir,

et le terrain triangulaire existant entre l'asile d'une part et les'

deux bras de la rivière, d'autre part, est occupé par la cuisine,'

asile DE BONNEVAL. 189

l'hydrothépapie et la buanderie. Ces différents services ne datent

que de quinze ans. Il y a aussi en cet endroit et tout à fait au bord

de l'eau, un amphithéâtre grand, clair, bien disposé et également

de date récente. ? .. ? j,. ' . '. . u

.-«Tous les bâtiments que je viens, d'énumérer sont, on le voit, dis-

posés un peu pêle-mêle dans une sorte de presqu'île. Le pension- !

nat, lui, est situé à 250 mètres environ de l'asile, en haut de la e

colline déjà signalée sur la rive gauche du Loir, et au milieu d'un 1

parc ou plutôt d'un petit bois de 7 hectares. Il faut, pour y arriver, k

h'ig. 9. Plan d'ensemble de l'Asile et de ses dépendances, f

A, Asile (ancien cloître); B, Abbatiale (Bureaux et logement dut médecin direc-

teur ; C, C', Quartiers d'agités des hommes et des femmes; -D, Cuisine et hydrothé-

rapie ; E, Pensionnat; - F, Atelier de serrurerie; G, Ateliers de menuiserie et de

cordonnerie; H, Atelier de peinture; I, Boulangerie; K, Buanderie;-L, Mai- l

son, logement de l'interne; M, Ferme; - N, Abattoir; 0, Machine hydraulique; '

'l P, P, P", Trois ponts allant, l'un a la ferme, l'autre au potager et le troisième au :

t pensionnat. '

190 asiles 'd'aliénés. '

passer sur un pont en fer situé derrière l'hydrothérapie et qui'ira ?

verse un des bras de4 laf rivière ; on grimpe ensuite un chemin'

beaucoup trop raide' qui, ' à travers le parc, conduit 'aû` pén-

sionnat. '" . , , , .. . r p

Après ce coup d'oeil d'ensemble jeté sur tout l'établissement^ il il

faut examiner avec quelques détails, les quartiers de malades et les

principaux services. ' ' t n `

Asile proprement dit. Les anciens cloîtres, on l'a vu, ont été

aménagés pour recevoir des aliénés. Ces cloîtres sont un très vaste

bâtiment à deux étages très élevés,' de la formé'd'un quadrilatère

régulier, avec une cour centrale, laquelle est entourée d'un large'

promenoir, sorte de galerie couverte et soutenue par de massives'

colonnes carrées en pierre. Ce grand bâtiment est, en somme,' un

assemblage de quatre corps de bâtiments semblables, parallèles

deux à deux et circonscrivant une cour centrale. On a divisé cet t

grand bâtiment par une ligne médiane, en deux parties égales ;

toute la partie droite est occupée par la division des femmes' et

toute la partie gauche par celle des hommes. Cependant, le corps.

de bâtiment antérieur qui donne sur la cour d'honneur, très irré-j

gulier et bien moins élevé que les autres, ne renferme pas de,

quartier de malades; on l'a utilisé en y installant la lingerie,- la

pharmacie, les parloirs, le logement du receveur-économe, et

celui des soeurs.. , .< » : 1 1,

En conséquence de cette distribution, les deux divisions, celle des

hommes et celle des femmes, sont exactement semblables au point»

de vue du nombre, des dimensions et de l'arrangement des locaux.

Chacune d'elles renferme quatre quartiers : quartiers de tranquilles, r

d'épileptiques, de gâteux et infirmerie. Chaque quartier comprend ?

une salle de réunion au rez-de-chaussée et un ou plusieurs dortoirs,

au premier et au second étage. La salle de réunion, qui sert en

même temps de salle à manger, donne d'une part sur une cour ou

préau spécial, chaque quartier a le sien, et d'autre part sur la galerie

couverte que nous avons vue régner tout autour de la cour intév

rieure. 1 « 41- . z

». Le cubage d'air moyen de tous ces locaux est plus que suffisant, .

par rapport au nombre total des malades. Mais si l'on considère '

chaque local en particulier, on constate que, pour quelques-uns

d'entre eux, le cubage, d'air est trop faible, relativement au ?

nombre des malades qui les habitent. Il semblerait très facile

d'obvier à cet inconvénient puisque le cubage moyen est plus que

suffisant, et cependant la chose est irréalisable, pour les raisons

' sur lesquelles j'ai insisté plus haut. On ne peut enlever des murs

- de séparation qui ont 2 et 3 mètres d'épaisseur. Mais si j'insiste sur

ces défectuosités en réalité légères,'c'est que je tiens à être scrupu-

leusement exact, et comme j'ai aussi la prétention d'être impartial,'

asile DE BONNEVAL. 191

j'ajouterai que ces susdites défectuosités. ne peuvent pas avoir de

conséquences fâcheuses au point de vue de l'hygiène des malades'.

Si deux salles de jour sont un peu trop petites, il faut remarquer

qu'elles ne renferment leur population d'aliénés au complet que

quelques heures seulement dans la journée, une grande partie des

malades allant travailler à la ferme, ou aux ateliers. Si deux ou

trois dortoirs sont trop petits aussi, en revanche ils sont très large-

ment aérés parce qu'ils possèdent plusieurs grandes fenêtres dis-

posées en face les unes des autres. , ,. ,.

,En vérité, il n'existe que trois défectuosités graves dans la dispo-

sition de nos quartiers d'aliénés, et c'est déjà beaucoup, car, mal-

heureusement, il n'est pas possible de remédier aune seule d'entre

elles : s- ,. J "T 1 . ,

1" Aucun quartier ne possède de salle à manger particulière, h s

malades doivent prendre leur repas dans la salle de réunion, ce

qui n'a pas grand inconvénient dans le quartier des tranquilles,

mais ce qui est très regrettable dans le quartier des gâteux.

i 2° Les infirmeries ordinaires sont au second étage et il faut fran-

chir un nombre considérable de marches pour y arriver. Elles

sont par suite dénuées de préau. Inutile d'insister sur les inconvé-

nients qui en résultent. - . ' '

t3° Il n'y a pas de quartier particulier pour les jeunes idiots.

Ceux-ci sont soignés avec les adultes. Je suis amené ici à faire une

courte digression, et à exposer quelques considérations person-

nelles sur l'hospitalisation des jeunes imbéciles et idiots en pro-

vince'. k '

A Bonneval, nous n'avons qu'un nombre très restreint d'enfants

idiots.- En général, dans nos contrées, et il en est sans doute de

même dans toutes les contrées agricoles, on n'hospitalise les idiots

que lorsqu'ils ont donné' des- preuves tangibles de leur nuisance,

en incendiant, en tuant ou en violant; jusqu'à ce moment, on les

laisse errer librement dans la campagne. Mais, eussions-nous un

nombre important de ces jeunes malades, tout ce qu'on pourrait

faire pour eux, si la disposition des locaux le permettait,' ce qui

n'est pas, ce serait de les réunir tous dans un quartier spécial. 11

est certain que ce serait déjà quelque chose, mais ce serait encore

bien peu en comparaison de tout ce qu'on devrait faire.

'Beaucoup de ces enfants sont susceptibles d'un certain degré

d'instruction et d'éducation. Mais pour arrivera ce résultat, il faut

une installation spéciale, des pédagogues spéciaux, des ateliers, des

gymnases spéciaux. Tout cela a été réalisé à Bicétre par M. Bour-

neville, mais au prix de grands sacrifices que notre Maître a su

.,r , : , .

'.A noter encore une défectuosité importante mais non irrémédiable;

l'Asile ne possède pas de pavillons d'isolement pour les aliénés atteints

de maladies contagieuses.

liy.10.- Plan de l'Asile. La division des hommes est à gauche,

celle des femmes à droite.

1, Quartier des faibles hommes ; - 2, Quartier des épileptiques, hommes Quar-

tier des tranquilles, hommes; - 4, Quartier des épileptiques, femme ? 5, Quartier des

tranquilles, femmes; 6, 6', 6". Quartier et dortoir des faible ? , femmes; A. Cour

carrée intérieure avec un faîte au centre; B, B, B, Galerie couverte qui circonscrit

' les cours (cloîtres); C et F, Quartier des hommes et dortoir des femmes;

D, Logement des soeurs : E, Logement du receveur-économe; G, Pharmacie;

H, Château d'eau; I, Chapelle; - K, Cuisine; LL', Galeries couvertes allant à la

cuisine; M, ! Si', Salle de bains des hommes et salle de bains des femmes;

N, Salle d'hydrothérapie; 0. Puits; P P P P, P', P', P', 1", Préaux devant les différents

quartiers ; R, Chaudière des bains; Lingerie.

ASILE DE BONNEVAL. 193

obtenir du département de la Seine, mais que bien peu de dépar-

tements consentiraient à faire, dans l'état de nos moeurs rou-

tinières. e

Ce qu'un seul département ne voudrait, ne pourrait même pas

faire, plusieurs départements consentiraient peut-être à l'exécuter

en commun, parce que les frais deviendraient ainsi moins élevés

pour chacun d'eux. Aussi, je proposerai pour les enfants imbéciles

et idiots, l'établissement d'asiles régionaux qui ne seraient plus de

simples garderies, mais qui seraient des établissements à la fois

pédagogiques et médicaux, en harmonie avec l'état de la science

actuelle.

Mais tant que les choses resteront ce qu'elles sont dans la plu-

part, sinon dans tous les asiles départementaux, il sera toujours

bon de mettre les jeunes idiots dans des services à part, parce que

la présence d'enfants au milieu d'aliénés adultes a les inconvé-

nients que l'on sait, mais au point de vue purement médical, il

n'importera guère, dans le fond, que ces jeunes idiots aient ou

n'aient pas de quartiers spéciaux.' ° `

Quartier des agités. On a vu qu'ils étaient assez éloignés des

autres quartiers. Ils ont été complètement reconstruits, il y a qua-

torze ans, et dans les meilleures conditions. Ils sont adjacents l'un

à l'autre, le quartier des hommes et celui des femmes n'étant sépa-

rés que par un petit chemin.

Chacun d'eux renferme un préau, une chambre de réunion, un

réfectoire, trois cellules installées selon les données modernes,

plusieurs chambres d'isolement et un dortoir au premier étage.

En outre, chacun possède une petite salle de bains de quatre bai-

gnoires, ce qui permet de donner les bains prolongés au quartier

même et non aux' grands bains de l'asile.

Cette section d'agités est très bien comprise et elle ne présente

' pas de défectuosité, mais elle est trop petite pour la population de

l'asile; elle ne comporte, en effet, que 60 places pour S25 aliénés,

30 places pour les hommes et 30 places pour les femmes. Aussi, ai-

je facilement obtenu la création d'un nouveau quartier qui sera

destiné aux agités hommes; les deux quartiers actuels seront

réunis en un quai lier unique pour les agitées femmes. D'après le

projet de construction qui sera exécuté cette année, la section des

agités comprendra 140 places pour les deux sexes.

Pensionnat. Il n'a été ouvert qu'en 1889. Très éloigné de

l'asile et tout à fait indépendant de lui, il a été construit dans la

prévision de 80 malades des deux sexes. C'est un grand bâtiment

très élevé, fort bien situé et d'où la vue est magnifique. On a peut-

être trop cherché à lui donner un aspect monumental et pas assez

songé à sa destination réelle, ce qui en a rendu, ce qui en rend

encore parfois l'aménagement intérieur assez difficile.

Ahcmves, t. XXVI11. 13

194 . asiles d'aliénés.

. Services généraux. Ateliers. Ferme. On sait que derrière l'asile

se trouvent la cuisine, l'hydrothérapie et la buanderie. Ces diffé-

rents services sont très bien compris. Ils ont été établis il y a une

quinzaine d'années, époque à laquelle on a complété et amélioré

d'une façon générale l'établissement dans son entier. 1

La cuisine, très grande et très élevée, est reliée àl'asile par deux

longues galeries couvertes qui vont, l'une à la division des hommes,

l'autre à celle des femmes. On comprend les avantages qui résul-

tent de cette disposition pour le service des repas.

Derrière la cuisine se trouve l'hydrothérapie. Il y a deux salles

de bains, une pour chaque sexe, contenant 10 baignoires chacune.

. Entre les deux salles de bains, est la salle d'hydrothérapie qui sert

aux hommes et aux femmes. Elle possède tous les appareils hydro-

thérapiques employés dans le traitement de l'aliénation mentale,

on y voit même une grande piscine dont l'utilité me semble pro-

blématique.

La buanderie est installée sur le Loir même.

Les divers ateliers sont, on lésait, disposés sans symétrie autour

de l'asile. Ils suffisent à occuper tous les malades capables d'un

travail quelconque, et au point de vue budgétaire, ils constituent

une ressource importante. En effet, on achète la matière première

et on la fait ouvrer, avec l'aide et sous la surveillance des maîtres

ouvriers, par les malades dans les différents ateliers de couture,

de cordonnerie, de menuiserie, de serrurerie, de peinture. Des

malades, guidés par un mallre maçon, s'occupent des réparations

et des modifications que nécessitent sans cesse des bâtiments et

des murs de clôture anciens.

- Mais c'est surtout à la culture que travaillent nos malades, la

plupart d'entre eux sont des cultivateurs. La ferme placée sur la

rive droite du Loir, au milieu des terrains de culture, est, parait-

il, convenablement agencée, au dire des cultivateurs de la contrée.

Elle contient une quinzaine de vaches, une grande porcherie, une

basse-cour, etc.. Ce qui est certain, c'est qu'elle donne des pro-

duits importants, à défaut desquels la dépense en argent pour

chaque malade se trouverait sensiblement augmentée. Les chiffres

suivants indiquent la distribution des 42 hectares de terrain que

possède l'asile :

ASILE DE BONNEVAL. 1U5

Dans les asiles, la culture potagère est, sous tous les rapports,

principalement sous le rapport médical, préférable à la grande

culture. Pour faire cette dernière, c'est-à-dire pour labourer,

semer, faucher, etc., il faut de véritables ouvriers des champs-

lesquels sont rares dans certaines contrées. En outre, il suffit de

peu d'ouvriers pour cultiver un grand espace de terrain. Tout le

monde, au contraire , peut s'occuper de jardinage, et il est possible

de faire travailler dans des jardins, pourvu qu'ils aient une certaine

étendue, un nombre presque illimité de malades. Or, on sait com,

bien ce travail en plein air est précieux dans le traitement des

maladies mentales. En les faisant surveiller attentivement, on peut

envoyer aux jardins la plus grande partie des déprimés et même

des suicidistes. Au point de vue budgétaire, la grande culture n'est

guère rémunératrice, la culture potagère l'est, au contraire, beau-

coup. Enfin, l'abondance des légumes frais dans le régime de

malades est chose très importante.

A plusieurs reprises, j'ai noté que tel quartier, tel service... était

de construction récente : en effet, l'asile n'est arrivé que progres-

sivement à être tel qu'il est aujourd'hui. A mesure que les res-

sources le permettaient, on se hâtait de réaliser quelques amélio-

rations. Une phrase du rapport du préfet au Conseil général, pour

l'année 1862, fait soupçonner ce que devait être l'asile à son début :

c Tout ce que la loi prescrit a été effectué, les améliorations autres,

principalement le pensionnat, s'effectueront au moyen des écono-

mies de l'établissement. »

Ce fut le Dr Dagrou, dont les hautes capacités d'administrateur

étaient justement appréciées, qui fut chargé d'installer l'asile. Il

l'ouvrit en janvier 1862 avec 145 malades. Mais les locaux le per-

mettant, il demanda bientôt des malades au département de la

Seine, qui se trouve toujours obligé de recourir aux asiles de pro-

vince pour hospitaliser la totalité de ses aliénés. Depuis, on n'a pas

cessé d'avoir à Bonneval des malades de la Seine, des femmes

surtout, aujourd'hui encore, on en compte près de 80. L'augmen-

tation de population obtenue par ce moyen a certainement été

chose avantageuse pour l'asile, mais jamais, on peut le dire, on

n'a abusé de l'embarras du département de la Seine, en exigeant

de lui un prix supérieur à celui d'Eure-et-Loir. Pour les aliénés

indigents d'Eure-et-Loir, le prix de journée est de 1 fr. 20 pour les

deux sexes, les aliénés de la Seine sont reçus moyennant un prix

de journée de 1 fr. 20 pour les femmes et de 1 fr. 25 pour les

hommes, et on n'a jamais hospitalisé que très peu d'aliénés hommes

de la Seine.

(A suivre.)

HISTOIRE ET CRITIQUE

BARBE BUVÉE

EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE

POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (r658-1663)-

(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque

nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)

Par le D1' SAMUEL GARNIER,

Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon 1.

VII. Mais depuis le mois de novembre 1661, la sceur

Buvée avait introduit diverses requêtes au procureur général

pour « le faire forclore de plus amplement informé ». D'un

autre côté, le Commissaire Legoux ayant totalement achevé

son information, dont nous avons déjà donné les principaux

éléments qui allaient permettre au parlement de statuer, il

devenait de plus en plus évident que, malgré ce fameux juge-

ment du 20 janvier 1662. la cause de la réalité de la possession

n'avait gagné aucun terrain, et que le monde parlementaire

allait conclure contre elle. Devant l'imminence d'une décision

du parlement, défavorable à leur cause, les craintes des prê-

tres d'Auxonne augmentèrent de plus belle et deux d'entre eux

jugèrent à propos de faire un second voyage à Paris. Là, ils

se servirent de tous les moyens imaginables pour obtenir

l'évocation, vainement sollicitée jusque-là. Leurs emporte-

ments contre les juges et tous ceux qui avaient été chargés

de cette affaire furent si vifs, leurs insinuations si menson-

gères, que le parlement en fut officiellement avisé. Leurs récri-

minations passionnées et leurs insistances répétées, ne purent

toutefois arracher au chancelier autre chose qu'un ordre au

parlement, de lui envoyer un état sommaire des preuves.

En même temps qu'ils intriguaient ainsi à Paris, en s'ap-

puyant sur le jugement de la commission royale, en date du

' Voir les trois précédents numéros.

BARBE BUVÉE. 197

20 janvier, les mêmes prêtres faisaient multiplier les exor-

cismes à Auxonne, autant pour frapper de plus en plus

l'imagination populaire, dans le sens de la réalité de la pos-

session, en imposant cette dernière à la crédulité publique,

que pour avoir de nouveaux exorcismes probants à opposer

à ceux de la commission du parlement. Aussi bien le camp

des croyants était le plus nombreux, sinon le mieux à même

de juger en connaissance de cause, et le clergé lui-même était

très divisé sur la question de la possession : l'immense majo-

rité l'acceptait comme démontrée. Nous trouvons dans la

lettre d'un Religieux Chartreux au Général de son Ordre,

lettre imprimée et portant la date du 12 juillet 1662, non seu-

lement la preuve de cette croyance inébranlable et de bonne

foi à une véritable possession, mais celle de la multiplicité

continue des exorcismes sur les religieuses. En voici les

passages principaux relatifs à divers exorcismes et à leurs

résultats notoires au point de vue de la thèse de l'hystérie

convulsive et délirante.

« Comme j'en ay desjà envoyé d'autres relations à V. R.,

je diray seulement icy ce que j'y ay veu de nouveau. J'en

ay veu une laquelle montant jusqu'au second degré d'une

balustre, disant des paroles arrogantes et insolantes, l'exor-

ciste lui commanda de descendre et de s'humilier. Après

beaucoup de résistance, estant toute droite, elle se renversa

en arrière, ses pieds demeurant toujours sur le second degré

et vint tomber sans secousse, demeurant quelque temps en

l'air, avec agitation sur le pavé, au-dessous des deux degrés;

les assistans jugèrent qu'il n'y avoit point de forces humaines

qui puissent faire ce renversement à moins que de tomber

tout d'un coup. Nous en vismes une autre estant à genoux,,

entre le premier degré de l'autel, et le balustre en la grande

église, le diable parroissant, renversa le corps en arrière, de

telle sorte, que la teste panchait et touchoit le pavé au bas du

degré ou est posé le balustre, le reste du corps demeurant

en arcade sans lever les genoux de terre, qui estoient aussi

bien que les pieds, plus haut que la teste de tout le degré,

qui est pour le moins de huit pouces, et soustenoient ainsi

tout le poids du corps, en laquelle posture l'énergumènc

1 Lettre d'un religieux chartreux au R. P. Général de son Ordre portant

relation des choses arrivées pendant les exorcismes des Religieuses d'Auxonne.

Pierre Paillot, imprimeur du Roy, 1663. (Archives départementales, n° 12.)

198 HISTOIRE ET CRITIQUE. ,

demeura plus d'un gros quart d'heure, eslevant souvent la

teste, et la tournant de tous costés, tantost la posant sur le

pavé, et le plus souvent à fleur de terre, pendant quoy l'éner-

gumène parloit toujours, et respondoit auz interrogats latins

précisément, quoy que ce ne soit qu'à une simple fille, qui à

peine scay lire. Elle se releva par après, sans aucune ayde des

mains. »

a Nous vismes en deux autres mouvemens si furieux qui

mestoient ces corps en tant de postures différentes, et si vio-

lantes à la nature, que chacun de ces mouvemens foisoit

une marque assés évidante d'un esprit estranger qui agit

au-dessus des forces de la nature, mais cela ne se peut expli-

quer : et ce que j'y trouve encore de merveilleux, c'est qu'à

la fin de tout, ces créatures, non seulement n'en demeuroient

point ésmües, mais encore sont plus fraisches, et tranquilles

que devant l'exorcisme ; et encore que cela arrive à toutes,

je le remarquay principalement, a une assez puissante fille,

qui sortit de l'exorcisme sans sueur ni rougeur, après plus

d'une heure de furieuses agitations. »

« Nous en vismes une autre qui ne fut point agitée dans

tout l'exorcisme, quoy qu'elle l'ayt esté des plus, autrefois,

après avoir escouté les prières, avec l'assemblée, voici le

P. Janon, jésuite, qui entre doucement sans que l'énergu-

mène l'ait pu apercevoir, et donna un petit sachet de Reliques

à l'exorciste, lesquelles estant mises sur la teste de l'énergu-

mène, commença à luy faire sentir une chaleur intérieure,

dire plusieurs fois, qu'elle avoit un Jésuite dans la teste qui

luy foisoit peine (c'étoit des Reliques de saint Ignace) la fille

demeura toujours dans tout l'exorcisme présente de l'esprit.

%mais pour luy faire passer sa chaleur intérieure, produitte

sans doute par le démon, on s'avisa de luy faire avaller de

l'eau béniste, dans laquelle notre Procureur mit une pous-

sière d'une saincte Relique, mais on trouva qu'elle avoit les

dents si serrés, qu'on ne luy put faire ouvrir qu'après plusieurs

.commandemens. Ayant donc la liberté d'ouvrir la bouche,

elle prit elle-mesme la tasse, et tascha d'avaller l'eau, qui

luy demeura longtemps dans la bouche, le diable fermant le

passage. Enfin après plusieurs commandemens, l'eau passa,

mais demeura dans le gosier, le long du col, ou elle foisoit

un grand mouvemen qui se voyoit au dehors, et s'entén-

'doit par toute la chapelle, ce qui fut fort surprenant ; veu

BARBE BUVÉE. 199

qu'il n'y a point la de faculté retentive au gré de la personne;

cependant ce mouvement d'eau demeura visiblement et

intelligiblement le long du col plus de l'espace d'un bon

Miserere jusqu'après plusieurs commandemens, l'eau descen-

dit en l'estomac, et la fille demeura libre. »

« Je vis dans un autre exorcisme fait, en la grande Eglise,

après plusieurs agitations violantes, après plusieurs sottises

commises par l'énergumène, courant sans respect par l'Eglise

et montant jusques au dessus du grand autel, comme elle

vint à passer devant moy déplaisant de voir tant d'insolance,

je l'arrestay par la robe et luy dis en latin qu'elle eust à se

mettre dans le respect devant la Majesté Souveraine, elle

s'arresta tout court, et me regardant, elle se mit à terre

devant moy sans rien dire, et puis continuant au mesme lieu

ses badineries et railleries, elle dit qu'elle n'estoit qu'une

fille et qu'elle n'estoit pas possédée, l'exorcisme luy vint

commander de faire paroistre comme il estoit diable, et que

pour réparer l'injure faite à Dieu par ses insolances, et à la

fille par son mensonge, qu'il eust à souffrir la piqûre d'une

esguille, et la flamme d'un cierge allumé pour marque de sa

présence, et punition de son insolance sans lésion de la créa-

ture, et si telle estoit la volonté de Dieu, qu'il se mit en

devoir, et fist beaucoup de résistance, et esteignant le cierge

plusieurs fois en riant, et disant que cela estoit bon à ces

Religieux de se mortifier, parlant à moy, je luy respondis en

latin, que c'estoit luy qui méritoit punition pour son arro-

gance, que pour nous, nous estions dans le respect et humi-

liés devant la Majesté de Dieu, mais luy qui y commettoit

des insolances, il en devoit souffrir la peine, si tel estoit

le bon plaisir de Dieu, et devoit obéyr au commandemen.

Quelque temps après l'énergumène fist une petite plainte, et

abaissant la teste comme par assoupissement, et pour tesmoi-

gner que Dieu vouloit qu'il donna ce signe laissa les bras

libres et sans mouvemens et les présenta à l'exorciste qui en

prenant l'un, y fischa une grosse espingle jusqu'à la teste

qu'y demeura toute cachée sans sentimen, et l'ayant retirée,

il n'en sortit point de sang, sinon la grosseur d'une petite

espingle, et puis prenant l'autre bras, le brûla à la flamme

d'un cierge allumé pendant l'espace d'un Pater et d'un Ave

en sorte que la bruslure très notable, estant déjà de la lar-

geur d'un doigt, et de la longueur de trois, on jugea à propos

200 HISTOIRE ET CRITIQUE.

de n'en pas faire davantage, car on aurait bruslé jusqu'àl'os,

pendant lequel temps, l'énergumène ne tesmoigna aucun

mouvement en ses yeux, en son visage, ny en tout son corps :

après le commandemen estant fait au démon, de relever le

corps de la créature et de la laisser entièrement libre, ce

qu'estant exécuté, on demanda à la fille si elle ne sentoit

point de douleur, elle dit que non, on luy dit de montrer son

bras, elle monstra premièrement celuy ou estoit la pi-

qûre qu'elle n'avoit point senty; on luy dit de monstrer

encore son autre bras, elle parut être surprise d'y voir la

marque notable du feu, on luy demanda que c'estoit, elle dit

qu'elle n'en sçavoit rien, on luy demanda si elle sentoit de la

douleur, elle commença à pincer et à masnier elle-mesme la

bruslure, et dit qu'elle n'y sentoit aucune douleur. »

c Le lendemain comme on procédoit à l'exorcisme sur la

mesme, arriva que le démon renversa le corps de la créature

qui estoit à genoux sur un degré de l'autel, en sorte que la

teste s'abaissa jusques sur le pavé, un degré plus bas que

ses pieds, estant en cette posture violante, sans violance pour-

tant, car estant occupée d'un démon follatre, elle ne foisoit

que badiner. L'exorciste dit aux assistans que si quelqu'un

vouloit toucher le poulx de cette fille, qu'on le trouveroit réglé,

nonobstant cette posture contraire : un estranger qui disoit

estre du métier, en voulut faire l'essay, il n'y trouva point du

tout de poulx : un chirurgien qui estoit présent, s'approcha,

et toucha le poulx sans apercevoir aucun battement ; un

honneste Bourgeois du Lion, nommé Mr Jobert, en vou-

lust connoistre la vérité en touchant le poulx à l'un et à

l'autre bras, avoua qu'il n'y en avoit non plus que dedans un

corps mort; plusieurs des assistans en voulurent faire l'expé-

rience et recogneurent tous la cessation du poulx. Après quoy

l'exorciste commanda au démon de rendre le poulx, après

plusieurs commandemens, le poulx commença à parroistrc au

bras droit, ne parroissant point au gauche; quelque temps

après il parut au gauche, et cessa d'estre au droit, et il

repassa du gauche au droit, et parut alternativement tantost

à l'un, tantost à l'autre, près d'un quart d'heure, après avoir

cessé en tous les deux environ un autre quart d'heure, don-

nant ainsi le temps à tous les assistans de tous essayer et

considérer à loisir. Après tout cela le commandement estant

fait au démon de relever le corps de la créature, et de resta-

. BARBE BUVÉE. 201

blir le poulx dans son entier règlement, ce qu'il exécuta, en

sorte qu'on luy trouva un poulx naturel et régie partout. »

« J'ay communiqué ceci aux plus célèbres et mieux em-

ployés médecins de Dijon que V. R..connoit qui sont Mes-

sieurs Guibaudet, père et fils, Monsieur Henrion, et aussi à

des Messieurs chirurgiens qui tous ont avoué que la plupart

des choses susdites sont évidemment extraordinaires et au-

dessus de la nature. Cependant il y en a qui demandent

encore un signe univoque, et voila qu'en deux jours j'en ai

veu neuf ou dix qui sont hors de controverses, et qu'il est

impossible de toute impossibilité morale et phisicque, qu'il y

puisse avoir de complots secrets comme quelqu'uns semblent

les en vouloir soupçonner. »

VIII. Nonobstant tous ces exorcismes officieux, le Com-

missaire Legoux chargé de satisfaire à l'ordre du chancelier,

de lui envoyer un état sommaire des preuves de la procé-

dure, s'était empressé de s'y conformer. Il avait joint à son

extrait, un récit de ce qui s'était passé, en sa présence, aux

exorcismes officiels et quelques motifs tirés de la procédure,

établissant qu'il n'y avait, dans cette affaire d'Auxonnc, rien

de surnaturel, et que tout au contraire y était très humain.

Après plusieurs délais successifs d'ajournement le parle-

ment rendit enfin le 4 août 1662, l'arrêt suivant, dont la lec-

ture expliquera amplement les phases diverses de toute cette

longue procédure.

« ' Vu l'arrêt du cinquième janvier mil six cent soixante et

un donné entre soeur Barbe Buvée, religieuse professe au

couvent des Ursulines de la ville d'Auxonne, appelante

comme d'abus de toute la procédure contre elle foite par

l'Official de la dite ville, sur l'accusation de magie, de sorti-

lège et infanticide, contre M. Claude Salin, prestre promot-

teur en la dite officialité inthimé par lequel la cour, partyes

ouïes, et Nicolas, pour le Procureur Général du Roy auroit

dit qu'il avoit été bien appelé, mal nullement et abusivement

informé, décrété et procédé, tout ce qui avoit été fait par

ledit official cassé, révoqué et annulé, le dict Salin condamne

en l'amende de l'abus modéré à ioo sols, moitié au Roy et a

partyes et es dépens; ordonné que par commissaire il seroit

1 Manuscrit fonds français, n° 18696, folio 79. Bibliothèque national ? arrêt

de la Tournelle du Parlement.

202 HISTOIRE ET CRITIQUE.

informé des crimes desquels la ditte Buvée estoit accusée à

requeste du dict Procureur Général, à cet effect il estoit en-

joint au dict Promotteur de luy remettre entre les mains les

mémoires et, autres preuves qu'il pouvoit avoir; autre arrest

du quatriesme de février suivant donné, sur les conclu-

sions du dit Procureur Général portant que par le dict corn*

missaire estant sur les lieux, il seroit informé conformément

à celuy cy dessus et procédé à l'instruction du procès nonobs-

tant touttes -oppositions ou appellations ; austre arrest du

onziesme du dict mois de février, donné sur les conclusions

du dict Procureur Général contenant qu'il seroit informé des

fréquentations et familiarités de quelques personnes dans le

dict couvent des Ursulles d'Auxonne, à cet effect, monitoire

octroyé à la forme des édicts et arrest, informations faites

tant sur les dittes accusations que sur le complot prétendu

fait pour former icelle contre la dite Buvée, procès-verbaux

dressés par le dict commissaire de l'état du dict couvent et

des personnes des religieuses prétendues possédées par les

démons; autres procès-verbaux du dict commissaire de ce qui

s'est passé en sa présence aux exorcismes faicts aux dittes

religieuses par les exorcistes choisis et nommés par le vicaire

général de l'Archevêché de Besançon; autre procès-verbal

du dict commissaire contenant le rapport du médecin Rapin,

par luy nommé d'office de ce qu'il avoit recogneu es per-

sonnes des dittes religieuses; arrest du dix-huitiesme mars

mil six cent soixante-un, donné sur les procédures cy-dessus et

les conclusions du dict Procureur Général par lequel il auroit

esté ordonné qu'à sa diligence il seroit plus amplement

informé dans quinze jours des crimes desquels la ditte Buvée

estoit accusée, pour la ditte information représentée pour y

estre pourvu : Cependant icelle Buvée estoit élargie des prisons

icelles es quelles elle estoit détenue à sa caution juratoire de se

représenter à toutes assignations qui lui seroient baillées,

pour cet effect, élection de domicile en cette ville de Dijon et

les soumissions au greffe criminel, a laquelle seroient resti-

tuées les linges et habits trouvés en sa cellule lorsqu'elle fust

arrestée à requeste du dict promotteur avec injonctions aux

supérieurs, religieuses ou autres qu'en estoient saisis de faire

la ditte restitution incontinent après signification, à peine de

tout dépens et dommages interests; en ce qui concernoit la

provision demandée par la ditte Buvée, il y seroit faict droit

en procédant au jugement de l'incident formé entre elle et

BARBE BUVÉE. 203

les dittes supérieures et religieuses, ordonné aussi que Clau-

dine Bourgeot, détenue en la Conciergerie du palais, accusée

d'avoir contrefaict la possédée seroit ouye et répétée sur les

charges contre elle résultantes de la ditte information et

que Marguerite Jamain, Gabrielle deMalo, Anne Piron, Elisa-

beth Nicolas, Anne Lecossois. Charlotte Joly, Humberte et

Françoise Borthon, religieuses et novices au dict couvent

seroient à la diligence du dict Procureur Général, amenées

en cette ville et mises séparément es maisons de telles per-

sonnes qui seroient jugées à propos, pour après estre faict

droit ainsi qu'il appartiendroit; acte de prononciation du

dict arrest faict à la ditte Buvée de dix neuviesme du dict

mois de mars contenant son élection de domicile en la mai-

son de Mr Louis Gilles, son procureur et les soumissions par

le dict arrest, exploit de signification d'y celuy du dict Procu-

reur Général; autre arrest du vingt et unième du dict mois de

mars portant que par les trois experts nommés d'ofice, il

. seroit procédé à la recognoissance de quelques lettres capi-

tales en rouge sur un petit billet de papier prétendu rendu

par l'une des dittes religieuses 'pour marque de délivrance

des démons dont on disoit qu'elles estoient possédées et ceux

par conférence à des écriptures estant au prône de Mr Pierre

Denizot prestre au dict Auxonne, rapport des dicts experts

affirmés par devant le dict commissaire; arrest du neuvième

avril suivant donné sur la requeste de la ditte Buvée et les

conclusions du dict Procureur Général par lequel il auroit

esté ordonné au dict Salin de prouver incessamment sur

mémoire et nommer les tesmoins qu'il entendroit faire ouyr

pour estre ensuite procédé à l'instruction du procès avec

injonction à soeur Marguerite Jannel, Supérieure du dict cou-

vent des Ursulines d'Auxonne et aux prestres ayant procédé

aux exorcismes des religieuses d'y celuy, prétendues possédées

par les démons, de remettre au greffe de la ditte cour les

procès-verbaux qui y auroient esté dressés;-interrogatoire,

reponces de la ditte Bourgeot du vingt-cinquiesme du dict

mois d'avril, requeste de la ditte Buvée du onziesme de juil-

let et sizième août suivant, contenant injonction à la ditte

supérieure de satisfaire au dict arrest du dix-huitiesme mars

et suivant inclus remettre à la ditte Buvée, les dits linges et

habits, exploits et signification des arrests et autre requeste

présentée par la soeur Buvée, le dix-neuviesme septembre au

dict an mil six cent soixante et un, à ce que le dict Procureur

204 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Général fut déclaré for clos, de faire procéder àl'ampliation et

l'instruction dû procès, à faute d'y avoir satisfait suivant le

dict arrest du dix huitiesme mars ; autre requeste de la ditte

Buvée du vingt sixiesme du dict mois de septembre à mêmes

fins que celles cy-dessus et à'ce qu'elle fut renvoyée de l'ac-

cusation formée contre elle, sauf à se pourvoir pour obtenir

réparation et adjudication de ses dommages et intérêts ains

qu'elle verroit estre à faire ; les dittes requestes communiquées

au Procureur Général du Roy, conclusions d'y celuy; procès-

verbal du sixiesme novembre dernier dressé par le dict com-

missaire en la ville d'Auxonne où il se seroit acheminé, con-

tenant l'invittation faicte à soeurMargueriteJannel, supérieure

du dict couvent de déclarer s'il y avoit quelques précieuses

nouvelles venant à sa cognoissance, afin de procéder à la

continuation de l'information et sa déclaration tant sur ce

sujet que sur la sortie des religieuses du dict couvent pré-

tendues possédées par les démons pour aller résider en des

maisons particulières à la ville; autre procès-verbal du dict

commissaire du dit jour sixiesme novembre de la recog-

noissance de la longueur, largeur et état de choeur du coup

vent des dittes religieuses ; autre procès-verbal de ce com-

missaire du dict jour sixiesme novembre, des déclarations de

soeur Marguerite Jamain ayant déposé en l'information sur

quelques circonstances de la ditte déposition ; autre procès-

verbal du dict jour sixiesme novembre de l'invittation faicte

à Al. Jean Devenet prestre, supérieur du dict couvent, à ce

qu'il ait à représenter les escriptures de la ditte Buvée que

l'on prétendoit servir pour la preuve des crismes dont elle

estoit accusée, et les déclarations du dict Devenet sur le faict

et les marques de délivrance des démons prétendus rendus

par les dittes religieuses ; autre procès-verbal du septiesme

du dict mois de novembre des déclarations de soeur Marie

Borthon que tant, elle que les soeurs Humberte et Françoise

Borthon furent tirées du dict couvent le lendemain de la

Notre-Dame de mars précédente par l'ordre du grand vicaire

du R. Archevesque de Besançon et conduites en une maison

des prestres d'Auxonne ou elles avoient demeuré; depuis

cinq autres procès-verbaux du dict jour septiesme novembre

des déclarations de Mr Claude Nouvelet, prestre au dict

Auxonne, dû dict Mr Pierre Denisot, de soeur Jacqueline

Jobert, de la soeur Janon et de la ditte Jannel, supérieure;

requeste de la ditte Buvée du deuxiesmc may dernier a ce

BARBE BUVÉE. 1205

qu'ayant égard au misérable estât où elle estoit réduitte, il

pleut à la cour octroyer la forclusion par elle précédemment

requise contre le dict Procureur Général et ordonné que pour

estre faict droit au principal, les parties mettroient leurs pièces

civiles par devant le greffe; signification de la ditte requeste

et la responce faicte à icelle par 111' Jacques Cugnois, procu-

reur du dict Salin, promotteur, que inutilement la ditte signi-

fication lui estoit faicte puisqu'il n'est plus partie au procès

qui se faisoit de l'autorité de la cour à requeste du dict Pro-

cureur Général, en ayant le dit Salin esté deschargé et mis

hors de cour par arrest du cinquiesme janvier mil six cent

soixante et un; arrest donné sur la ditte requeste le seiziesme

du mois de mai par lequel attendu les conclusions du dict

procureur général et sa déclaration qu'il n'avoit austre tesmoi-

gnage à faire ouyr que ceux découverts en la procédure, il

auroit esté ordonné que la ditte procédure seroit communi-

quée au dict procureur général pour donner ses conclusions

définitives à l'égard de la ditte Buvée, à cet effect icelle remet-

troit par devant le greffe criminel touttes pièces que bon lui

sembleroit dans trois jours; requeste de la ditte Buvée du

huictiesme du dict mois de may à ce qu'ayant égard que

les religieuses du dit Couvent d'Auxonne jouissoient de sa

dotte il pleut à la cour lui adjuger provision de la somme

de quatre cens livres pour subvenir à sa nourriture et entre-

tènement et frais nécessaires pour sa défense ; signification

de la ditte requeste et la responce faite à icelle par 1\11 IIum-

bert Lucot, procureur des dittes religieuses Ursulles ; austres

requestes des onze et douzième du dict mois de may à mesmes

fins que la précédente, production de la ditte Buvée par l'in-

ventaire de laquelle elle auroit conclu à son renvoy des dittes

accusations avec réparation de la calomnie, et adjudication

d'interests et dépens contre les partyes secrètes et dénoncia-

teurs et encore à la restitution de la somme de trois mille livres

de sa dot et autres choses rapportées en son contract d'en-

trée au dict couvent du quinziesme avril mil six cent vingt-six,

avec intérêt depuis vingt années qu'elle avoit demeuré au

couvent de Flavigny et autres eschus à compter du jour qu'elle

estoit sortie du dict couvent, pour estre le tout porté par elle

au monastère qui les recevroit. »

Conclusions du procureur général du Roy.

206 HISTOIRE ET CRITIQUE..

« La cour a renvoyé et renvoie la ditte Buvée des accusa-

tions contre elles formées, ordonne que l'information con-

cernant le complot prétendu faict contre la ditte Buvée sera

continué et procédé par le Commissaire à l'entière instruction

du dict procès contre ceux qui s'en trouveront prévenus; à

cet effect le dict arrest du dix huitiesme mars mil six cent

soixante et un sera exécuté pour après la ditte instruction,

estre pourvu sur la réparation demandée par la ditte Buvée,

adjudication de ces dommages et interest, ensemble sur la

peine de la calomnie ainsi qu'il appartiendra ; ordonne aussi

que la ditte Buvée sera transférée en un autre monastère du

mesme Ordre ; à cet effect se pourvoira à ses supérieurs, et

pour faire droit sur la restitution de sa dot, les partyes feront

ouyr par devant le dict Commissaire et cependant adjugé et

adjuge à la ditte Buvée pension annuelle de ioo livres qui lui

sera payée par les dittes religieuses du dict Couvent d'Auxonne,

à faute de quoy elles y seroient contrainctes, ordonne en

outre que le procès sera faict et parfaict à la dicte Bourgeot

en prison fermé. ' ,

« Faict à la Tournelle de Dijon, le quatriesme août mil six

cent soixante deux,

« PELLETIER, greffier. »

Cet arrêt protecteur réhabilitait entièrement Barbe Buvée

en mettant à néant les imputations dirigées contre elle. Il

renversait également, en ruinant indirectement la théorie de

la possession démoniaque, tout l'échafaudage habilement

dressé par les exorcistes, pour dissimuler leurs agissements

suspects du début. La partie semblait perdue pour eux et tout

autre se fût déclaré vaincu. Il n'en fut rien cependant. L'échec

retentissant, que leur infligeait l'arrêt en question, ne fit

qu'accroître leur ténacité à le battre en brèche, par tous les

moyens possibles et en obtenir la cassation.

' Le hasard vint les servir à souhait en leur fournissant, au

moyen de l'affaire Moroge, l'occasion inespérée d'intervenir

de nouveau à Paris et de revenir à la charge.

{La fin prochainement.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXVIII. AMBLYOPIE TOXIQUE DUE A L'ABSORPTION DE VAPEURS DE Dl-

NITRO-BENZOL DANS LES MANUFACTURES D'EXPLOSIFS ; par Shnéon

SNELL.

L'auteur rapporte six observations d'ouvriers ou ouvrières des

manufactures de l'Etat où se fabriquent les explosifs, roburites

sichérites, etc., dans des locaux insuffisamment aérés où les vapeurs

de ces substances manipulées s'absorbent par les voies respiratoires.

C'est un rétrécissement concentrique, irrégulier, symétrique du

champ visuel que l'on observe le plus souvent. Les autres symp-

tômes de l'empoisonnement consistent en tremblements et anai-

blissements des extrémités, ataxie, modification des divers réflexes,

palpitations et troubles vaso-moteurs(cyanosesetaspliyxieslocales).

(Bi,ilish Med. Jozi2,7z., 3 mars 1894.) . A. Marie.

XXIX. ËNCEPHALOCÈLE {ablation et hydrocéphalie consécutive suivie

de mort)'; par W. Mackie. (Brilish AM. Joum., -10 mars 1894.)

L'enfant à la naissance présentait une tumeur occipitale du

volume d'une orange, contenant de la substance cérébrale comme le

montra l'opération. Après la fermeture de la fistule consécutive par

' laquelle coulait du liquide céphalo-rachidien, l'hydrocéphalie se dé-

veloppa et entraîna la mort au soixantième jour. A. Marie.

XXX. Un- cas DE paralysie consécutive A la varicelle; par William

GAY.

La paralysie atteignit les membres inférieurs dont la paraplégie

coïncida brusquement avec la chute des croûtes de l'éruption de

.'varicelle chez l'enfant. {Brilish Ne(l. Joit7@ii., 31 mars 1894.)

A. Marie.

XXXI. Aphasie SENSORIELLE avec agraphie, cécité, surdité verbale ;

par HARDING TOMEINS.

C'est l'observation d'un malade atteint d'liémorrlia"ie d'une des

branches postérieures terminales de la cérébrale moyenne corres-

pondant aux circonvolutions marginales. (Bnitislc lllcd. Jou· : z.,

28 avril 1894.) A.MARIE.

208 REVUE DE pathologie nerveuse.

À ,' . '

XXXII. Myélite diffuse aiguë'; par 1. DRESCHFELD (British 3[ed. JOtll' ? 2.,

2 juin 1894.) ..

Revue de la question à propos d'une observation détaillée avec

préparations microscopiques à l'appui. Les préparations de moelle

' sont des types de dégénération secondaire par foyers scléreux dis-

séminés. Les nerfs périphériques, en particulier le nerf optique,

sont proportionnellement plus lésés. L'auteur cite également le ré-

sumé d'un cas répondant à l'ataxie aiguë de Leyden. A. Marie.

XXXIII. Epilepsie SÉNILE; par Mausel Sympson. ,

Deux observations d'épilepsie idiopathique sans lésion microsco-

pique appréciable à l'autopsie. Ni paralysie ni troubles des sens spé-

ciaux.Les malades eurent leurs premières attaques après la soixante-

treizième année. (British Aled. Joz ? 'n., 19 mai 1894.) A. 111ARIE. "

XXXIV. Chlorose ET aménorrhée avec troubles cérébraux,

par CRAWFORD THOMSON.

Observation d'une jeune fille de vingt-trois ans ayant présenté "

une névrite optique double avec diplopie et symptômes de ménin- '

gite basilaire coïncidant avec un état cblorolique et disparaissant

avec luisanstraitementspécifiquc. (B ? ,ilish31ed. Jou ? nz., 18 mai 1994.)'`

A. Marie. z

XXXV. Cinq cas DE paralysie PSEUDO-IIYPERTROPHIQUE dans UNE même'

famille ; par Frédéric CoLEY. (British. Med. Joura., 24 fé-

vrier 1894.)

Quatre photographies nous montrent les deux principaux ma-

lades de cette famille, deux frères de onze et dix-huit ans. Tous les

membres delà famille paraissaient quelque peu retardés dans leur

développement physique et semblaient plus jeunes que leur âge.

L'intelligence était d'une bonne moyenne. Les garçons étaient

plus atteints que les filles (non seulement les membres inférieurs,

mais les épaules et les troncs étaient atteints de pseudo-hypertro-

phie musculaire). A. Marie. '

XXXVI. Monoplécjie brachiale DROITE ET dysesthésies consécutives A

UN traumatisme DE la ZONE antérieure frontale gauche DE la COR-

TICALITE; par LYNN Thomas. (British. Med. Joui-îz., 21 février 1894.)

Le malade est un mécanicien blessé dans un accident de chemin

de fer par une tige métallique ayant pénétré à travers la paroi

crânienne gauche. Deux ans et demi après l'accident une partie des

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 209

mouvements est revenue, mais il persiste certaines parésies parti-

culièrement pour les interosseux (modification de l'écriture consé-

cutive) ; en outre il y a perte de la sensibilité tactile à la douleur

dans la main et l'avant-bras et perte de la sensibilité thermique

dans la main ; altération trophique des ongles et hyperidrose

correspondante (figures à l'appui). A. MARIE.

XXXVII. Tabès ET diabète; par le Dr P. BLOCQ.

Intéressante observation de tabes vrai coexistant chez le même

sujet avec un diabète vrai, ayant produit une paraplégie du groupe

de celles que l'auteur a proposé d'appeler toxiques, à type de flexion

plutôt que pseudo-tabès. D'une part, l'ataxie locomotrice est af-

firmée chez le sujet par les signes caractéristiques de la série

tabétique, tels que : douleurs fulgurantes typiques, douleurs en

ceinture, diplopie transitoire, signe d'Argyll Robertson, parésie

vésicale, abolition complète des réflexes tendineux. D'autre part,

le diabète est démontré également chez le malade par ses signes

ordinaires : polydypsie, polyphagie, abondance et permanence de

la glycosurie (48 grammes de sucre par litre). Le diagnostic

ne laissait pas que d'être assez délicat, eu égard à la nature de la

paralysie. La localisation nette des troubles aux extenseurs de la

jambe, la bilatéralité des lésions, l'absence des douleurs caractéris-

tiques et la présence du sucre dans les urines permit de porter le

diagnotic de tabès avec diabète et paraplégie diabétique et de poser,

au sujet de la paraplégie, un pronostic plus favorable que si elle

était de nature tabétique; l'événement a heureusement justifié ce

pronostic, et le malade a, tout au moins temporairement, recouvré

l'usage de ses membres. {Revue neurologique, 1894.) E. BLIN.

XXVIII. ARTIIROPATIIIE SYTINGOMYËLÎQUE ET DISSOCIATION

DE LA SENSIBILITÉ par M. J.-B. CHARCOT.

Intéressante observation d'une malade syringomyélique avérée,

chez qui, à la suite d'un traumatisme léger, s'est produite une luxa-

tion et arthropathie de l'épaule, avec apparition sur la surface,

cutanée de cette région d'une zone de dissociation de la sensibilité

du type syringomyélique, alors qu'auparavant la sensibilité était

normale à ce niveau. La coïncidence de cette anesthésie particu-

lière au niveau même de l'articulation malade est la règle dans les

différents cas d'arthropathie signalés et la présente observation,

plus qu'aucune autre, est démontrative de ce fait (Revue neurolo-

gique, 1894). , E. B.

XXXIX. SUR UN cas d'encéphalite corticale ET DE poliomyélite

antérieure associées; par le Dr H. Lame.

Il s'agit d'un malade de quarante-trois ans, qui présentait une para

Archives, t. XX V1H. 14

10 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lysie atrophique du membre inférieur droit, remontant à la pre-

mière enfance. 11 avait eu, d'autre part, à cette époque de sa vie,

de nombreuses convulsions; l'intelligence s'était peu développée. Ce

malade succomba aux progrès rapides d'un cancer de l'intestin.

L'autopsie fit découvrir des lésions anciannes d'encéphalite dissé-

minées à la surface de l'hémisphère gauche. D'autre part, la

moelle était absolument saine dans toute la hauteur des régions

cervicale et dorsale ; mais, à partir de la région lombaire inférieure

et dans toute l'étendue de la région sacrée, la corne antérieure

du côté droit présentait une atrophie considérable.

Tout l'intérêt de l'observation se résume dans la présence simul-

tanée d'une altération ancienne du cerveau, qui n'eût pas manqué

de produire une hémiplégie infantile si elle eût été plus étendue,

et d'une lésion médullaire localisée, contemporaine de celle-ci,

ayant eu pour conséquence une paralysie atrophique du membre

inférieur ; et dans la conclusion qui s'en dégage légitimement, à

savoir que les deux lésions ont dû se développer sous l'influence

d'une même cause morbide, quelle qu'elle soit. {Revue neuro-

logique, 1894.) E. 13Lm.

XL. De la ST\TION sur les talons chez les 11'oP,ITIIIQUf· : S; par les

Drs Richer et Meige.

Les myopalhiques présentent, au point de vue de leur confor-

mation extérieure, de leurs attitudes, de leurs différents mouve-

ments, des irrégularités intéressantes qui précisent le diagnostic et

complètent les renseignements fournis par l'examen clinique.

Dans le présent mémoire l'auteur attire l'attention sur un mode

de station particulière, rarement utilisé, il est vrai, dans la vie

ordinaire et dont la recherche chez les myopathiques peut être la

source de signes diagnostiques intéressants. Tout d'abord un fait

à constater, c'est la possibilité pour un individu normal de se tenir

et de marcher sur les talons sans que la plante du pied repose sur

le sol.

Si l'on commande à un myopathique d'exécuter ce mouvement,

si facile à réaliser pour l'homme normal, on voit qu'il est absolu-

ment impossible au malade de détacher du sol la pointe de ses

pieds. Ce signe a une réelle importance, car, alors même que l'a-

trophie ne se révèle par aucune modification appréciable des formes

extérieures, il permet d'affirmer à coup sûr l'envahissement fibreux

des masses musculaires des gastrocnémiens, partant de confirmer

le diagnostic de myopathie. L'incapacité fonctionnelle, de relever

la pointe du pied n'est pas imputable à la faiblesse des muscles de

la région antéro-externe de la jambe, car on éprouve une résis-

tance invincible lorsqu'on cherche avec la main à plier le pied sur

la jambe. Dans la station sur les talons, en effet, à l'état normal,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 211 ? les muscles gastrocnémiens sont distendus ; or, chez les myopa-

-tiques, ces muscles de la région postérieure de la jambe ont subi

~ une transformation fibreuse et opposent à la distension une résis-

tance considérable que les muscles de la région antéro-externe ne

"'peuvent vaincre, quelque normaux qu'ils puissent être.

Une autre conséquence de ce raccourcissement des muscles gas-

trocnémiens consiste en ce fait que les malades, lorsqu'ils marchent,

- n'appuient pas leur talon sur le so ! aussi complètement que le

'' font les individus sains. Il leur est également impossible de s'ac-

croupir, ce mouvement nécessitant encore la flexion en avant de

la jambe sur le pied. (Revue neurologique, 1894.) E. BLIN.

SCTRROSE en plaques infantile d'origine grippale;

par les Drs 1)1.%SS.LO.I;Go et Silvestri.

Il s'agit d'une sclérose eu plaques disséminées infantile, sur-

venue chez une enfant de six ans, au cours d'une atteinte d'in-

iluenza. Le diagnostic de sclérose en plaques a été établi sur

l'existence d'un tremblement intentionnel, la parole nettement

scandée, l'exagération des réflexes tendineux, la démarche spas-

- modique légèrement ataxique, sur l'examen ophtalmoscopique, etc.

De la discussion faite à propos de ce cas, les conclusions sont les

suivantes : 1° importance étiologique des maladies infectieuses, dans

-la genèse de la sclérose en plaques disséminées; 2° aussi bien que

- 'les autres maladies infectieuses, l'influenza peut provoquer le déve-

loppement de la sclérose en plaques disséminées; 3° mieux que la

théorie des loxines produites par les micro-organismes pathogènes,

- celle de la migration de ces mêmes microbes à travers les parois vas-

culaires malades (d'artérite infectieuse), a de la valeur pour l'inter-

" prétation de la pathogénese des plaques de sclérose disséminées dans

le système nerveux central. (Revue neurologique. 1893.) E. B.

XDL A propos D'UN cas d'agraphie sensorielle ;

par le 0'' Souques.

Il s'agit d'un nouvel exemple d'agraphie par cécité verbale, en

tous points comparable aux cas récents de MM. Déjérine, Berckan

et Sérieux. A l'autopsie, les lésions sont localisées dans l'hémisphère

cérébral gauche. Elles consistent en une tumeur volumineuse,

d'apparence gliomateuse.

' Cette tumeur fait saillie à la surface des circonvolutions, sur la

face externe au niveau du pli courbe qu'elle détruit, et sur la face

' interne au niveau de la partie inférieure du lobule quadrilatère.

L'intégrité de la deuxième frontale range forcément l'agraphie

dans la catégorie des agraphies sensorielles par cécité verbale.

Les rapports qui existent entre le centre visuel et le centre era-

12 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

phique sont soumis aux mêmes lois que les relations des centres

auditif et d'articulation. Il y a des gens peu éduqués, tels la plupart

des malades des hôpitaux, qui restent à l'état infantile, en ce sens

qu'ils ne peuvent écrire sans se représenter mentalement l'image

visuelle, comme aux premiers jours. On conçoit que si ces gens-là

sont frappés de cécité verbale, l'agraphie s'ensuive nécessairement

et dans ces cas l'agraphie aura existé sans qu'à l'autopsie on ren-

contre une lésion du centre moteur graphique. Mais chez certains

adultes, à centre graphique émancipé, la cécité verbale ne devra

pas s'accompagner d'agraphie. Dans cet ordre d'idées, le malade

qui fait le sujet de l'observation, traçait facilement, correctement

et d'un seul trait, ses nom et prénom. Le mécanisme de l'écriture

était donc conservé pour ces deux mots. Il existait donc chez ce

malade un centre graphique automatique, indépendant du centre

visuel verbal, pour sa signature. Il est logique d'admettre que, si

cet homme eût été plus lettré et aussi habitué à écrire les mots

vulgaires que son nom et son prénom, il aurait également créé

pour ces mots vulgaires un centre graphique automatique, qu'il

aurait émancipé du centre de la vision des mots et que, dans ces

conditions, la cécité verbale n'aurait pas entraîné chez lui l'agraphie.

Cette observation semble donc plaider indirectement pour

l'existence indépendante d'un centre moteur graphique automa-

tique. {Revue neurologique, 1894.) . E. B.

XLIII. NOTE SUR QUELQUES phénomènes DE COMPRESSION DU NERF CUBI-

TAL, produits par l'apophyse SUS-ÉPITROCHLÉENNF; par MM. les

Drs Ferlé et BATIGNE.

L'apophyse sus-épitrochléenne a surtout été étudiée au point de

vue de l'anatomie comparée. Cette anomalie, tantôt unilatérale,

tantôt bilatérale, varie considérablement de fréquence suivant les

auteurs : de 1 à 7 p. 100. On l'aurait trouvée plus fréquemment

chez les aliénés.

L'auteur, ayant examiné les humérus de plus de 200 épilep-

tiques, n'en a trouvé que l'exemple qu'il rapporte. Dans ce dernier

cas, dans certains mouvements brusques d'extension du membre

supérieur se produisait une douleur suivie de fourmillements dans

le domaine du cubital, ce nerf venant alors s'archouter et se

tendre immédiatement sur la saillie osseuse. (Revue neurolo-

gique, 1894.) E. B.

XHV. D'UN symptôme QUI fréquemment accompagne L'LIIZURÈSE NOCTURNE

des enfants; par S. Freud. (Nettrolog. Ceizt2,albl., 1893.)

La moitié de ces enfants ont une exagération de la tonicité des

extrémités inférieures; quand on veut, en les saisissant par les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 213

pieds, leur écarter les jambes, on se heurte à une résistance des

adducteurs. Le triceps crural résiste également; il est difficile de

leur fléchir la jambe étendue sur la cuisse. Les réflexes tendineux

sont exagérés et les masses musculaires tendues. Ceci indique une

irritation spinale et permet de concevoir le mécanisme de l'incon-

tinence par surexcitation du muscle qui vide la vessie (d6()' : Mor

vesiex). P. KERAVAL.

XLV. Observation DE tabès A symptômes bulbaires ;

par F. Chvostek. (Nezarolog. Centralbl., 1893.)

Observation, sans autopsie, de tabes avec une paralysie de

presque tous les nerfs crâniens et troubles respiratoires (dyspnée,

crises laryngées, dysphagie). Les accidents prennent une intensité

toute particulière au moment où, les phénomènes paralytiques de

la branche motrice du trijumeau du côté droit ayant progressé, le

masticateur du côté droit présente un état de parésie marqué; le

facial droit est atteint, moins la branche frontale. C'est alors que,

sans qu'il y ait d'affection pulmonaire ou pleurale, la dyspnée

revêt une acuité toute particulière; il y a même apnée du côté

gauche. P. K. -

XLVI. DES allures du réflexe Y.1TELL<11RE dans LE diabète sucré;

par K. GRUBE. (Neurolog. Ccnt·albl., 4893.)

Ce réflexe faisait défaut chez 10 malades sur 131, soit 7,6 p. 100

dont neuf cas de diabète léger. Il avait diminué chez 4 malades

atteints de diabète grave dont un avec névrite double et troubles

trophiques. P. K.

XLVII. Du tabès chez la femme; par P.-J. 11BICIS. (C6n<)'a<6<. f. Ncr-

,venheiIA-. N. F., IV, 1893.)

Suite au mémoire paru dans le même journal en 1881 (t. Vil),

prouvant que le tabes est bien syphilitique. Observations XIX à

XXXIX. Chez la plupart des femmes tabétiques, les commémo-

ratifs décèlent la syphilis, chez presque toutes il existe des condi-

tions rendant probable l'infection antérieure ; ce mémoire permet

même de dire chez toutes. Sans doute la preuve directe est souvent

impossible, surtout chez les femmes mariées. Mais il n'y a pas un

seul cas dans lequel la syphilis soit improbable. Age moyen. :

trente-quatre ans et demi. Intervalle moyen entre la syphilis et le

tabès : huit ans.. P. K.

XLVI11. DES accès d'angoisse larvée ET abortive dans la NEURASTHÉ-

NIE ; par E. Hecker. (Ceiit ? ,albl. f. Nervenheilk. N. F., IV, 1893.)

Les neurasthéniques sont, dans des proportions considérables,

hantés par des angoisses à forme somatique qui remplacent des

214 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

accès d'angoisse complets. Il est rare qu'ils aient des accès carac-

térisés. En tous cas, les accès ne sont pas accompagnés de la sen-

sation psychique d'angoisse, ce sont : de l'agitation cardiaque

(battements de coeur); de l'accélération de la respiration, superfi-

cielle, comme tremblée; de l'incertitude de la démarche avec ver-

tige; des sensations de froid, d'engourdissement, d'horripilation,

avec sueur dans les membres (troubles circulatoires) ; de l'insuffi-

sance des sphincters; des épreintes; de la contracture pharyngo-

oesophagienne; de l'insomnie. Observation. En'pareils cas, c'est le'

trouble somatique préalable qui produit l'émotion morale par sa

perception même, l'angoisse est un effet non une cause. Voir la

théorie chimique de Kowaleswky. (Cettralbl. f. iYei,v., 1890.) P. K.

.\LIX. Sur un cas D'IIËRÉDO-ATAXOE cérébelleuse ; par les

D1'* Brissaud et LoNDE.

M. P. Marie a désigné sous le nom d'hérédo-ataxie cérébelleuse

une affection familiale très proche de la maladie de Friedreich

mais se développant à une époque plus tardive(après la vingtième

année) et ne présentant en général ni troubles trophiques, ni pied

bot, en même temps que les réflexes rotuliens sont conservés ou

exagérés et que se présentent des troubles visuels qui consistent eu

rétrécissement du champ visuel, dyschromatopsie et diminution de

l'acuité visuelle.. , ". 1,

Entre l'hérédo-ataxie cérébelleuse et la maladie de Friedreich

existent des formes de transition. L'intéressante observation rap-

portée parles auteurs parait appartenir à ce dernier, groupe :

toutefois étant donné qu'il fallait le déterminer, ce cas rentre

plutôt dans le type tardif de M. Marie.

Cette observation se résume ainsi qu'il suit : perte de l'équilibre,

du moins incomplète, se traduisant par la titubation, mouvements

choréiformes; déviation scoliotique de la colonne vertébrale; nys-

tagmus, sans autre trouble visuel; parfois du tremblement de la

tête; embarras de la parole consistant surtout dans l'irrégularité

et l'inégalité de la voix, exagération des réflexes : début après vingt-

deux ans par l'incertitude des membres inférieurs. Pas de douleurs,

pas de troubles sphinctériens, pas de troubles de la sensibilité, mais

tristesse et irritabilité; antécédents nerveux indiquant une ten-

dance à la dégénérescence; tare rhumatismale acquise. Enfin, fait

capital, existence de la même maladie chez une soeur cadette.

{Revue neurologique, 1891..) E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRES DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

. DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.

SESSION DE clermont-ferrand.

` (uu (i uzc l1 aoît iS9'r.)

,* Après Rouen (1890), Lyon (1891), Blois (159), la Rochelle

l'an dernier, vient cette année la réunion de Clermont-Ferrand.

Le congrès s'est ouvert le lundi 6 août, à huit heures du matin,

à l'hôtel de ville, dans la salle du conseil municipal, mis gra-

cieusement àla disposition des congressites. Après les souhaits

de bienvenue de M. Bardon, préfet du Puy-de-Dôme, et ;M. Lc-

cuellé, maire de Clermont-Ferrand, le bureau a été constitué

ainsi qu'il suit : président, M. le professeur P1ERRET, médecin

en chef de l'asile de Bron, désigné au Congrès de la Rochelle ;

vice-présidents, CHAIIPENTIER, médecin de Bicêtre, et Ritti,

médecin de Charenton ; secrétaires des séances, MM. Klippel

(de Paris), DEVAY (de Lyon). Le secrétaire général était

- NI. le D'' Hospital, médecin de l'asile Sainte-Marie, qui avait

accepté la difficile mission d'organiser le Congrès. Ont été

nommés : présidents d'honneur : MM. BARoox, BoucHARD,

J. Falret, LADAME et Monod. Ensuite, M. PIERRET a pro-

noncé un excellent discours que nous croyons utile de repro-

duire in exte ? iso :

Messieurs,

Dans la cité qui vit naître Pascal, les phrases creuses, les longues

périodes, les vains discours sont moins qu'ailleurs à redouter. Si

je ne sais pas être concis, je serai bref, tout au moins. Avant tout,

je dois remercier tous ceux de mes confrères qui, à mon insu, ont

bien voulu me choisir pour présider le Congrès où, pour la pre-

mière fois, les aliénistes de langue française donnent la main à leurs

frères les neuropathologistes. Je les remercie du fond du coeur. Ce

2 ! 6 6 sociétés savantes.

devoir accompli, ils me permettront, j'en suis sur, d'adresser un

triste et reconnaissant souvenir au maître qui m'a fait digne d'être >

leur élu. C'est à M. CHARCOT que va ma pensée; c'est lui qui

devrait être ici. 1 . , ',1 ^ , or

Je voudrais être encore à cette heureuse période de la vie, où

l'imagination se plaît à nous faire accroire que, par des liens mys-'

térieux, les morts restent unis à ceux qui les ont aimés. J'évoque-'

rais alors deux grandes ombres : Pascal, Charcot, et j'aimerais à

penser que, pour toute la durée de nos travaux, ils seront 'au

milieu de nous pour inspirer à tous les saines critiques et les appré-

ciations désintéressées. Il 1 1

Les circonstances sont graves : la psychiatrie, longtemps retenue

dans les dédales de la philosophie, vient, sans renier son passé, ' °

briser des liens trop serrés, faire son profit des admirables décoli-

vertes qui ont élucidé la texture et défini le rôle du cerveau de'

telle façon que Gall lui-même est dépassé. Dans ces hémisphères, <

en apparence très compliqués, il n'est pas aujourd'hui de gan-

glion si reculé qui n'ait son nom et sa fonction probable. La

mémoire, disséquée, se résout en mémoires partielles dont chat >

cune a son habitat. On sait, à n'en plus pouvoir douter, quels sont,

les points limités du cortex dont la destruction organique ou l'in-

suffisance fonctionnelle engendrent la surdité ou la cécité ver-

bales, de même que l'on décrit avec précision le lieu anatomique-

de l'aphasie motrice et de l'agraphie. On sait dans quels groupe-

ments ganglionnaires arrivent à s'emmagasiner, sous une forme*

variée du mouvement, les images auditives ou optiques. C'est dire

que le siège central des hallucinations de la vue et de l'ouïe est (

désormais connu. Ces notions capitales sont le résultat des efforts ' `

convergents des neuropathologistes et des aliénistes.

Charcot, Messieurs, était l'un et l'autre, et j'imagine que si la

mort l'avait épargné, il aurait lui-même tiré de l'hystérie quelque

belle et grande étude de psychologie morbide. Laissez-moi vous

parler un instant de ce Maître dont je fus l'ami. - ,

L'énorme influence qu'il a exercée sur les sciences médicales, je

l'attribue, sans hésiter, à ce fait qu'il s'est spécialisé très tard. Les

impressions reçues près de ses premiers maîtres l'entraînaient, en .

effet, vers la médecine générale. C'est alors qu'il étudie la goutte,'

le rhumatisme, les maladies rénales et les processus séniles. Les

recherches sur les maladies du système nerveux étaient d'abord z

plutôt concentrées dans les mains de Vulpian, cet autre maître z

qui tirait son originalité de travaux d'anatomie et de physiologie -

comparée, poursuivis dans les laboratoires du Muséum. Mais bientôt

Vulpian, pourvu de la chaire d'anatomie pathologique à la Faculté,

tourne pour un temps son activité dans un autre sens, et Charcot. -

reste seul pour parachever des recherches dont beaucoup avaient - ·

.été commencées par les deux amis. - , , . ?

SOCIÉTÉS ' SAVANTES . 217 Î

-L'analyse des scléroses médullaires d'abord entamée par Bou-.

chard,sous l'impulsion directe et puissante de Charcot, est reprise

par de nombreux élèves dont je ne puis vous faire l'éloge, parce

qu'ils sont ici presque tous. Dans un laboratoire étroit, mal éclairé,

mal outillé, par la seule initiative du maître et des élèves, et le

plus souvent, aux frais des travailleurs eux-mêmes, on voit s'éta-

blir un véritable atelier de neuropathologie. On y était pauvre

d'argent, riche d'ardeur - et quelquefois d'un peu d'ambition. Que

de difficultés au début ! J'ai connu ce temps et, sur ce point, mon

collègue et ami, le professeur Joffroy, ne me démentira pas ce

temps où, pour savoir avec certitude où se trouvaient les origines

réelles de l'hypoglosse, Duchenne (de Boulogne) dut négocier avec

Lockhart-Clarke l'envoi d'une préparation normale qui, pour plus

de sûreté, fut littéralement copiée par moi à la chambre claire.

Le résultat de cet effort collectif ne fut rien moins que la consta-

tation définitive de la disparition des cellules nerveuses motrices

dans le bulbe et la moelle d'une malade atteinte d'atrophie mus-

culaire et de sclérose latérale. Plus tard, cette observation devint

point de départ pour la description d'une maladie nouvelle : la

sclérose latérale aimjolrophique.

Charcot, Vulpian, Duchenne (de Boulogne), tels furent les trois

maîtres qui surent créer et faire vivre à la Salpêtrière une école

dont il ne sied pas de dire trop de bien. La méthode employée fut

la méthode anatomo-clinique à l'exclusion de toute autre, et l'avenir

prouvera que telle était la vraie manière de Charcot, celle qui cor-

respondait le mieux à son goût si vif pour l'isolement de types

nouveaux et pour les descriptions dont les lignes sont tellement

bien arrêtées qu'elles sembleraient un peu schématiques. C'est à

l'emploi de cette méthode que sont dues tant de données originales

sur les localisations spinales et bulbaires, les myélites systématiques ;

enfin sur les localisations cérébrales.

A l'étranger, comme en France, on a l'habitude, injuste à mon

sens, de dire que tout cet ensemble de faits élucidés, tous ces tra-

vaux et toutes ces activités groupées autour d'un maître, constituent

l'oeuvre de l'École de la Salpêtrière. Mais, messieurs, une école de

la Salpêtrière existait avant Charcot, avant nous. L'objet de ses

études était-il donc si différent du nôtre ? Y a-t-il deux Salpêtrières ?

Celle des Pinel, des Esquirol, des Voisin, des Delasiauve,, des

Trélat, des Moreau, des Baillarger, et celle de Charcot ? A vrai dire,

les deux écoles, avec des points de départ différents, tendaient au

même but et sont destinés à se. confondre.

Oser se dire ncuropathologiste et ignorer les rapports établis

par Baillarger entre la sclérose postérieure et la paralysie générale,

serait aussi présomptueux que de prétendre connaître à fond cette

terrible maladie sans en avoir étudié les localisations médullaires.

A-t-on le secret de tous les malaises dus à l'alcoolisme, si l'on

218 SOCIÉTÉS SAVANTES. -

oublie les névrites qu'il engendre si souvent, et ne voyons-nous'

pas à l'étranger des aliénistes très convaincus décrire avec détails ! t

ce qu'ils appellent la psychose polynévritique ? '

Tout n'est pas terminé cependant, et les deux branches de'

l'École de la Salpêtrière ont encore quelque distance à parcourir

avant de s'unir comme les affluents d'un grand fleuve. Le pas qui'

reste à faire, c'est l'étude des auto-intoxications qui le rendra facile,

et le terrain sur lequel la jonction s'opérera n'est autre que celui'

de la médecine générale elle-même. Sans doule, il est beau d'avoir

étudié un par un tous les désordres de la pensée et d'avoir orné

chacun d'eux de dénominations suggestives. Les Jussieu de la psy-

chiatrie sont à bout de classifications. '

Sans doute, il est excellent d'avoirmontré que de minimes lésions'

suffisent à mutiler les facultés mentales réputées jusqu'alors unes

et indivisibles, il faut encore aller plus loin, plus haut et savoir

quelle est l'essence de ces phénomènes fugitifs que, dans notre

ignorance, nous qualifions de fonctionnels et que nous osons

regarder comme indépendants de toute lésion matérielle. Il faut,' à

nos yeux myopes, de très grosses lésions, et nous nous glorifions

quand une cicatrice, un foyer de sclérose ou un rétrécissement

vasculaire s'est offert de lui-même à notre observation superficielle.

Pourtant, nombre de cas négatifs nous embarrassent et apparaissent

contradictoires. Beaucoup les oublient, d'autres s'en emparent pour

invoquer des actions à distance que la physiologie reconnaît possi-

bles, ou des actions dynamiques que, seule, la chimie sait expliquer. '

Le dynamisme cellulaire, considéré comme la somme des actes

biologiques dont la cellule est le siège, est-il donc pour toujours

hors de la portée de notre observation directe ? A vrai dire, je' ne

le crois pas, mais pour étudier les délicates modifications physico-

chimiques qui suffisent, cela est sûr, pour modifier en plus ou en

moins les activités cellulaires, il faut d'autres techniques que les

nôtres; il faut s'inspirer des procédés qui ont permis aux cyta-

logues de définir le rôle énorme que jouent, dans la cellule, le

noyau et les plastidules; il faut, avec le professeur Gauthier, épier

et surprendre les actions et les réactions de la cellule vivante.

Ce travail, si difficile à première vue, il est, vous le qavez, com-

mencé.

On peut faire quelques inductions bur une opération chimique

quand on en connaît les résidus. Nous pouvons donc, par l'examen

des urines, acquérir des idées très vraisemblables sur la composi-

tion des urines qui baignent les éléments anatomiqucs d'un sujet

donné. Aussi, ne voyez-vous pas que la génération médicale est en

quête de la formule chimique propre aux différents nerveux. L'un

montre combien les délires actifs modifient la constitution des

urines, tandis que la démence les rend pauvres en éléments de

désassimilation. Tel autre poursuit la recherche de la formule uri-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 219

naire de ces multiples syndromes qui sont l'hystérie. Qui donc a

démontré qu'en nombre de cas la maladie sacrée, l'épilepsie, n'est

qu'une urémie, le crétinisme, un empoisonnement. De tous côtés

surgissent des travaux qui, mettant, en évidence la toxicité des

humeurs, rapportent au conflit de certains poisons, avec les sub-

stances albuminoïdes de la cellule, les déviations les plus variées

de l'intelligence. Que dis-je ? nous savons, depuis les travaux de

Bouellard, que la cellule fatiguée s'empoisonne elle-même et peut

mourir, tuée par ses propres produits, si les opérations de voirie

cérébrale sont entravées de quelque façon. Réunissez les noms de

tous ceux qui, dans le cours de ces dernières années, ont produit

dans ce sens les meilleurs travaux et vous vous convaincrez qu'avant

peu, d'années, la chimie et l'histochimie biologiques auront pour

toujours uni les aliénistes, les neuropathologistes, les physiologistes

et les médecins., >é - .

Après ce discours, qui a été accueilli par de justes et una-

nimes applaudissements, le Congrès aborde la discussion de la

première question générale. - -

' -' , ' ? RAPPORTS DE L HYSTERIE ET DE I.A 1·'OLII : .

- w i' -

.M. Gilbert Ballet (de Paris), rapporteur. « L'hystérie, a dit

Esquirol, dégénère et passe souvent à la folie et, dans beaucoup de

cas, elle n'en est que le premier degré. » Cette proposition qui, dans

sa forme vague, est susceptible de plus d'une critique, semble avoir

trouvé crédit auprès des aliénistes à une époque où les notions

régnantes sur les symptômes et les caractères de l'hystérie man-

quaient plus que toutes autres de précision. Si l'on parcourt, eu effet,

les entêtes d'observation ou les certificats d'admission tels qu'on les

rédigeait encore il y a vingt ans à peine, on y voit l'hystérie fréquem-

ment mentionnée bien qu'il nous soit souvent difficile de l'y recon-

naître aujourd'hui, au moins sous les traits caractéristiques qu'ac-

tuellement on lui attribue. Les idées depuis lors se sont notablement

modifiées et l'étiquette folie hystérique, qui fut naguère courante,

n'est plus que rarement appliquée sous nos yeux dans les asiles.

Ce n'est pas que la pathologie se soit transformée; et il suffît de

parcourir au hasard les services hospitaliers pour s'assurer que

l'hystérie n'y est pas moins commune qu'autrefois. On l'y retrouve

chaque pas et on la reconnaît chez des malades qui étaient jadis

arbitrairement classés sous d'autres vocables. Ainsi, tandis que

l'hystérie devenait moins commune dans les asiles, elle augmentait

singulièrement de fréquence dans les hôpitaux ordinaires : c'est

qu'il fut un temps où on la voyait là où elle n'était pas, tandis

qu'on la méconnaissait souvent où elle était.

'MO SOCIÉTÉS SAVANTES

La tendance de la psychiatrie est aujourd'hui de mieux délimiter

les espèces morbides : de symptomatique elle vise à devenir noso-

logique. Etudier les rapports de l'hystérie et de la folie ne saurait

plus consister à énumérer simplement les troubles mentaux variés

qui se peuvent observer chez une hystérique avérée, mais à préciser

l'affection mentale caractérisée par ses causes, son évolution aussi

bien que par ses symptômes à laquelle se rattachent les désordres

cérébraux relevés chez les hystériques. ?

Pour remplir cette tâche il est nécessaire de bien déterminer au

préalable ce que l'on doit entendre par ces deux termes hystérie et

folie, l'un s'appliquant à une maladie psychique dont il ne me

paraît pas impossible de donner aujourd'hui une définition à peu

près précise, l'autre à un ensemble de troubles fort vagues à la

vérité; fort variables de physionomie, d'aspect et d'évolution comme

les espèces morbides dont ils sont la traduction clinique.

Le mot folie a été pris tour à tour dans un sens étendu ou res-

treint. On l'a considéré quelquefois comme synonyme du délire

(vésanique) et plus spécialement de délire intellectuel. L'expression

pour Georget devait servir à désigner les idées, les passions, les

déterminations différentes de celles du commun; pour Foville,

l'état de toutes les personnes qui ne jouissent pas de l'intégrité de

leurs facultés intellectuelles, morales et affectives. C'est dans ce

sens étendu que nous croyons devoir la prendre.

Définir l'hystéi-ic n'est pas chose aisée. Tout le monde est d'ac-

cord pour en faire une maladie mentale. Qu'on continue à la

classer parmi les névroses ou qu'on en fasse décidément une psy-

chose, peu importe : c'est un fait avéré que les troubles qui la

constituent sont d'ordre psychique. Personne ne songe plus à con-

sidérer ses manifestations comme des désordres réactionnels consé-

cutifs à des troubles de l'utérus ou de ses annexes.

Mais cette notion, quelque bien établie qu'elle paraisse, ne lève

pas la difficulté qu'on éprouve a donner de la maladie une défini-

nition exacte et précise. Ni l'étiologie, ni la symptomatologie, ni

le trouble psychologique fondamental qui, tout constant qu'il soit,

ne parait pas absolument spécial à l'hystérie, ne nous fournissent,

à proprement parler, l'élément de cette définition, au moins d'une

définition rigoureuse. Est-ce à dire que l'hystérie ne constitue pas

une espèce morbide nettement distincte ayant sa symptomatologie

spéciale et sa physionomie propre ? En aucune façon.

L'observation clinique, même tout empirique, suffit déjà sinon

à circonscrire avec précision le domaine de l'hystérie, du moins à

nous montrer les principaux des troubles qui la constituent. En

clinique, en effet, on ne se trompe plus sur la valeur et la signi-

fication de certains symptômes qui, rares, fréquents ou habituels,

révèlent leur commune origine et leur identité de nature en se

combinant et s'associant les uns aux autres de telle façon qu'ils

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 1

forment les éléments constitutifs d'un tout nosographique : les

troubles de la sensibilité générale et spéciale (je rappelle sans

décrire), anesthésies ou plaques hyperesthésiques, les désordres

moteurs, paralysies, contractures, tics et mouvements choréiques,

tremblements, certaines amnésies et aboulies, les attaques, les

crises de somnambulisme, les troubles vasculaires et trophiques,

pour ne citer que les principaux constituent un ensemble dont les

divers éléments par leur coïncidence fréquente, leur alternance

possible, les fantaisies apparentes de leur évolution accusent l'étroite

parenté. Si l'on est embarrassé pour dire où l'hystérie commence

et où elle finit, on ne l'est pas pour affirmer la nature hystérique

des diverses manifestations que nous venons de rappeler.

D'ailleurs ces manifestations (la plupart d'entre elles au moins)

ont un lien commun qui les rattache les unes aux autres et permet

d'affirmer leur communauté d'origine : elles dérivent d'un même

trouble du mécanisme cérébral qui parait être la caractéristique

palhogënique de la maladie.

Dans ces dernières années, différents auteurs ont mis en relief ce

fait que les troubles de nature hystérique tiennent à un état mala-

dif de l'esprit; ils auraient pour point de départ certaines repré-

sentations mentales trop fortes ou des associations d'idées trop

faciles et trop actives. C'était déjà un progrès considérable d'avoir

mis en relief le rôle de Vidée dans la genèse des manifestations de

l'hystérie, mais c'était un progrès insufflant. Il restait à montrer

que l'idée, qui intervient en pareil cas, diffère de nos idées et de nos

représentations ordinaires, qu'elle est une idée subconsciente. C'est

à cette démonstration qu'ont contribué les recherches de MM. Binet,

Myers, Laurent, Breuer et Freud, d'autres encore. Au premier rang

de ces travaux il convient de citer ceux de M. Pierre Janet.

C'est un fait qui paraît aujourd'hui avéré et établi que le trouble

mental élémentaire de l'hystérie, celui auquel tous les autres.sont

subordonnés, est un rétrécissement du champ de la conscience avec

conservation des phénomènes subconscients et automatiques. Ceci

demande quelques explications.

La conscience est un phénomène dont le sens intime nous donne

une idée plus juste que ne saurait le faire une définition quel-

conque. Quand nous sentons, nous nous souvenons, pensons, quand

nous voulons ou exécutons un mouvement, nous nous rendons

compte que la sensation a lieu, que le souvenir nous rappelle des

impressions passées; notre esprit assiste en spectateur aux associa-

tions d'idées qu'il forme, aux volitions qu'il élabore et à l'exécution

de ces volitions. Mais il faut savoir que la conscience de la sensa-

tion, du souvenir ou de la volition n'est pas une condition indis-

pensable à l'accomplissement de ces opérations. Nous pouvons

percevoir des impressions, les emmagasiner dans notre mémoire,

vouloir des actes sans que l'esprit ait la notion consciente des

222 SOCIÉTÉS SAVANTES.

phénomènes dont il est le théâtre, et cependant l'observation ulté-

rieure montrera que nous avons conservé-le souvenir,' que nous

'avons commandé le mouvement. Pour se convaincre de ce'que

nous avançons, il suffit d'observer ce qui se passe à l'état physio-

. logique quand notre intelligence vivement sollicitée par une idée

, semble momentanément étrangère à tout ce qui ne se rapporte pas

à cette idée. L'absorption de notre esprit, qui est une des formes

de la distraction, réduit au minimum la somme des phénomènes

.conscients. A côté de la sensation, de la mémoire, de la volition

conscientes, il y a donc des sensations, des souvenirs, des volitions

inconscients. A la vérité, dans les conditions normales, le domaine

de l'inconscient par rapport à celui du conscient est singulière-

, ment réduit. Mais il n'en est pas de même dans l'hystérie. ""

Chez les personnes affectées de'cette maladie mentale, l'oire de

la conscience (Spencer) se rétrécit d'une façon plus ou moins accusée.

Un petit nombre seulement des phénomènes psychiques qu'elle

dirige chez les gens bien portants, arrive jusqu'à elle. Elle devient

incapable de réunir, de grouper, de synthétiser le même ensemble

de notions qu'à l'état physiologique; elle laisse hors de son do-

marine beaucoup de celles qui y sont d'ordinaire comprises ? 1 Une

hystérique sent, se souvient, veut comme une personne normale :

les expériences et l'observation le démontrent ; mais elle a perdu

la conscience d'un certain nombre de ses sensations, de ses sou-

venirs, de ses volitions : delà des anesthésies, des amnésies,'des

aboulies, qui ne sont en réalité que de fausses anesthésies; des

aboulies apparentes. Les anesthésies sont des esthésies incon-

scientes, les amnésies des souvenirs inconscients, les aboulies' des

impuissances de la volonté consciente, mais qui cessent quand les

déterminations relèvent de l'activité inconsciente et automatique.

11 résulte de ce qui précède que la sensation et les images qui

restent en dehors du champ de la conscience n'en existent pas

moins. "

Aussi arrive-t-il qu'elles se coordonnent et se groupent de façons

t, différentes pour faire leur oeuvre : ce sont elles qui vont présider

aux actes automatiques dont le rôle est si important dans la pa-

thologie de l'hystérie. A vrai dire, chez l'hystérique deux per-

sonnalités sont toujours en présence, l'une constituée par' les

agrégats de phénomènes subconscients, l'autre la personnalité

consciente qui recevra le contre-coup de ce qui se passe chez la

première, que d'ailleurs elle ignore. Cette désagrégation du moi

qui met en présence deux activités différentes, l'une consciente,

l'autre automatique, nous donne la clef de la plupart des accidents

mentaux de l'hystérie. Qu'on ait affaire à un spasme, à une idée

fixe, à l'attaque ou au délire, tous ces troubles paraissent résulter

,non d'une simple représentation mentale telle qu'on en observe

dans la vie psychique normale, mais d'idées, souvenirs ou images,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 228

.qui, à l'insu du malade, surgissent du fond de l'inconscient.

, Il y a plus : ces souvenirs et ces images, négligés par la con-

science, peuvent se grouper et s'organiser de façon à constituer par

, leur ensemble des agrégats psychologiques nouveaux qui entrent

en lutte avec la personnalité consciente et dans certains cas la ter-

rasse et l'annihile momentanément. Ainsi sont constitués les états

de condition seconde ou de somnambulisme sur lesquels il ne sera

pas superflu de nous arrêter quelque peu.

Les notions qui précèdent résument, si nous ne nous abusons,

l'état actuel de nos connaissances sur la nature de l'hystérie. C'est

à la lumière de ces notions cliniques ou psychologiques qu'il de-

vient possible de démêler dans l'ensemble des troubles mentaux

complexes qu'on a, à tort ou à raison, rattachés à l'hystérie, ceux

qui relèvent véritablement de cette névrose ou ressortissent à

d'autres maladies psychiques. `'

, ' La raison principale qui explique la fréquence relative de ces

associations, c'est que les maladies qui se juxtaposent à l'hystérie

ont, comme l'hystérie, pour facteur étiologique principal, la pré-

disposition héréditaire. Elles fout partie à des titres divers de la

famille névropathique, dont les membres constitutifs représentent

' les diverses formes de déviation qu'imprime aux organismes, de

génération en génération, une hérédité défectueuse, hérédité ner-

veuse ou vésanique dans la plupart des cas, hérédité simplement

arthritique dans d'autres.

L'observation démontre que la prédisposition fâcheuse qu'apporte

' sa naissance le produit d'une génération viciée se manifeste par

les formes les plus diverses d'affections nerveuses ou mentales. On

r conçoit dès lors aisément que plusieurs de ces affections puissent

à un moment donné se trouver réunies chez le même sujet.

mais l'hérédité morbide ne se traduit pas seulement par des

"prédispositions : elle se manifeste dans d'autres cas, on lésait, par

un état durable et permanent, par une déviation indélébile du

type physiologique à laquelle on a donné le nom de dégénérescence,

état caractérisé par des malformations physiques, par de la débi-

lité ou de la déséquilibration mentale avec perversions habituelles

des instincts, instabilité de l'esprit qui est porté au doute, aux

hésitations, aux craintes morbides, aux impulsions, enfin par une

tendance à certaines formes de délire transitoires ou durables.

' Or, c'est chose commune de voir l'hystérie se développer sur un

fond de dégénérescence. D'ailleurs, cette association relativement

fréquente des troubles hystériques et dégénératifs ne semble pas

purement fortuite. Il y a une grande ressemblance et une étroite

parenté entre eux. Néanmoins il y a des différences, et si la dégé-

nérescence et l'hystérie constituent deux états très voisins, ils n'en

sont pas moins distincts,

..Il nous faut maintenant étudier l'état mental des hystériques et

224 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les déviations qu'il présente afin de nous rendre compte des rap-

ports qui existent entre l'hystérie et la folie.

Les auteurs anciens attribuaient à l'hystérie toutes sortes de per-

versions (mensonge, duplicité, esprit de simulation, etc.). M. Charcot

a tenté, à juste titre, de « réhabiliter les hystériques » ; il a montré,

avec ses élèves, que l'erreur commise dans l'appréciation du carac-

tère des hystériques tenait à ce qu'on avait négligé de faire la dis-

tinction entre les troubles qui relèvent de l'hystérie et ceux qui

dépendent de la dégénérescence mentale.

Ce qui caractérise l'état mental des hystériques, c'est, dans

l'ordre intellectuel, l'amnésie et l'aboulie avec les erreurs, les indé-

cisions, les impuissances que ces troubles entraînent, c'est la diffi-

culté de concentrer consciemment et volontairement l'attention,

par suite c'est la mobilité et souvent la contradiction dans les idées,

c'est dans l'ordre affectif et moral un sentiment habituel d'impuis-

sance mentale qui porte souvent à la tristesse; une suggestibilité

très grande, une émotivité plutôt diminuée avec prépondérance

cependant de certaines émotions automatiques.

Mais à côté de ces troubles qui relèvent directement de l'hystérie,

il en est d'autres qui dépendent de la dégénérescence mentale.

M. Falret a décrit chez les hystériques une folie morale ou raison-

nante. Quand on parcourt les observations sur lesquelles il s'est

appuyé, on voit que l'hystérie est à l'arrière-plan et la dégénéres-

cence mentale au premier.

De même les impulsions' que l'on a attribuées aux hystériques

n'appartiennent pas toujours à l'hystérie, mais souvent à la dégé-

nérescence mentale. Il est vrai que nous manquons d'un critérium

sûr pour distinguer dans la pratique celles des impulsions qu'on

doit attribuer à la dégénérescence et celles qu'il faut rattacher à

l'hystérie.

Ces considérations sur l'état des hystériques montrent qu'on

avait été trop loin quand on a voulu faire de l'hystérie une folie.

La r réhabilitation des hystériques » a été un effort louable, mais

dans cette tentative il ne faudrait pas aujourd'hui dépasser le but.

On ne peut, en effet, dénier à l'hystérique une certaine tendance

à la simulation. Telle affectée d'anurie, boit plus tard ses urines

afin de les vomir et d'ajouter à l'intérêt du symptôme qu'elle a

présenté; telle autre, polyurique, exagère son symptôme à l'aide du

pot de tisane; celle-ci cherche à induire le médecin en erreur en

comprimant avec le bras la cuvette du thermomètre, etc.

Ces quelques exemples montrent que l'état mental des hysté-

riques est susceptible de déviations qui expliquent la tendance

qu'on a eue à faire de l'hystérie une folie. On trouve d'ailleurs

dans l'attaque d'hystérie des troubles délirants qui appartiennent

exclusivement à l'hystérie et qu'il convient d'étudier pour arriver à

fixer les rapports de la folie et de l'hystérie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 225

C'est dans la grande attaque que les troubles délirants se mani-

festent avec le plus de netteté. On les trouve à la phase prodro-

mique, pendant la troisième et la quatrième période de la crise.

Les troubles psycbiques,de la phase prodromique consistent en

modifications du caractère, des sentiments affectifs, de l'activité et .

des habitudes. Les hystériques paraissent inquiètes, jalouses, soup-

çonneuses, tristes. Elles sont prises d'une agitation déréglée et

maladive. Elles présentent des hallucinations de la vue, de l'ouïe,

de la sensibilité générale. Ces phénomènes prennent fin pendant

la seconde période ou période épileptoïde. Il y a perte de connais-

sance et absence au moins apparente de délire. Il n'en est plus de

même dans la période des contorsions, des attitudes illogiques et des

grands mouvements. A la phase des attitudes passionnelles, on est en r

plein délire. La malade est en proie à des hallucinations qui la

ravissent et la transportent dans un monde imaginaire.

La quatrième et dernière période de l'attaque porte le nom de

période de délire. C'est assez indiquer que les conceptions déli-

rantes sont le phénomène capital.

A côté de la grande attaque avec toutes ses phases, il existe des

formes incomplètes, frustes. Parmi ces dernières, il en est qui

sont, au point de vue spécial qui nous occupe, particulièrement inté-

ressantes : ce sont celles où les phénomènes moteurs s'accentuent

ou s'effacent pour céder la place aux manifestations délirantes qui,

en s'isolant ou se prolongeant, prennent dans le tableau clinique

une part exclusive ou au moins prépondérante. C'est dans ces

formes frustes que l'on rencontrera des délires simulant des délires

d'autre nature.

Le délire de l'attaque d'hystérie est généralement passager; il

supprime ce qui reste de conscience au malade dans l'intervalle

des attaques. Mais cet anéantissement de la conscience ne s'observe

que dans les formes vraiment accusées de délire. On a expliqué le

délire de l'attaque en l'envisageant comme un rêve qui se repro-

duit de temps en temps et se rattache à une idée fixe, c'est-à-dire

au souvenir subconscient d'un événement qui a naguère plus ou

moins impressionné la malade. Lorsque ce rêve a lieu (au moment

de l'attaque) il absorbe à son profit toute l'activité cérébrale et sup-

prime la conscience. Il n'en est pas de même de toutes les idées .

fixes : quelques-unes d'entre elles peuvent provoquer l'éclosion de

certaines idées fausses ou délirantes qui pénètrent dans le champ

de la conscience, la troublent dans une certaine mesure, mais ne

la suppriment pas. ·

Pour comprendre ce qui précède, il est nécessaire de rappeler

brièvement ce que sont les idées fixes dans l'hystérie. Nous avons ,

montré que les divers phénomènes psychologiques, sensations, i

souvenirs, idées, se répartissent chez l'hystérique en deux groupes :

les conscients et les inconscients, ces derniers n'étant pas agrégés

Archives, t. XXVIII. 15

226 SOCIÉTÉS savantes.

à la personnalité. Qu'une idée naisse, soit par suggestion, soit

spontanément dans l'esprit du malade, sans arriver jusqu'à la

conscience (et les idées de ce genre sont communes dans l'hystérie),

elle constituera une idée subconsciente, c'est-à-dire que le sujet en

ignorera l'existence. Mais cette idée ne sera pas moins susceptible

de se traduire en acte à un moment donné. Nous suggérons à une

hystérique de venir à une heure indiquée prendre sur la table tel

objet qui y est déposé, un encrier par exemple ; elle oublie la sug-

gestion, mais néanmoins, à l'heure dite, elle vient s'emparer de

l'encrier. Elle le fait automatiquement, poussée par une contrainte

dont elle ignore l'origine. Or, cette contrainte résulte de l'ordre

que nous avons donné et qui s'était emmagasiné dans la mémoire

de la subconsciente. La subconscience est ainsi un réceptacle d'idées

plus ou moins nombreuses, spontanées ou provoquées, dont quel-

que -unes surgissent à un instant donné et déterminent des manifes-

tations de différente nature. Divers troubles somatiques, les hyperes-

thésies, les paralysies, les contractures résultent de pareilles idées.

11 en est de même de certains tics, de certaines hémorragies.

C'est aussi de cette façon que peut s'expliquer l'anorexie : elle se

rattache, en effet, à certaines préventions, à certaines défenses ou

à des idées fausses dont les malades n'ont plus conscience, mais

dont ils conservent néanmoins le souvenir inconscient. Le refus

d'aliment est une conséquence qui se présente en clinique isolée

des antécédents qui l'expliquent. Par différents procédés qu'il serait

oiseux de décrire ici (somnambulisme, écriture automatique, etc.),

on arrive à reconstituer les diverses scènes dont l'anorexie est sim-

plement l'épilogue.

Ce qui a eu lieu pour l'hyperesthésie, pour les tics, pour l'ano-

rexie hystérique, a lieu aussi pour certains délires plus ou moins

complexes, plus ou moins bien systématisés, plus souvent passa-

sagers que durables.

L'étude de ces délires hystériques est à peine ébauchée. M. Janet

en a étudié quelques-uns; il a montré que ces délires se rattachent

à des idées fixes subconscientes, qu'ils ont des caractères très spé-

ciaux qui ont été précisément observés dans tous les accidents hys-

tériques. Ces délires sont produits par le même mécanisme qui

amène chez d'autres malades des paralysies, des contractures ou

des attaques. Pour en finir avec les troubles mentaux qui ressor-

tissent en propre à l'hystérie, il convient de dire quelques mots du

somnambulisme et des délires somnambuliques.

Les somnambulismes peuvent être divisés en somnambulisme

provoqué et somnambulisme spontané, le dernier se subdivisant

lui-même en noctambulisme et vigilambulisme. Le uoctambunsme

ou somnambulisme nocturne s'observe spécialement chez les

enfants. On tend de jour en jour à l'envisager comme une mani-

festation de l'hystérie ; mais comme il est assez spécial et n'a été

SOCIÉTÉS savantes. 227

jusqu'à présent qu'insuffisamment étudié, nous le laisserons de

côté dans cette esquisse. Cette réserve admise, tous les états som-

nambuliques (exception faite pour l'automatisme ambulatoire des

épileptiques qui constituent une variété bien à part), qu'ils soient

provoqués ou spontanés, paraissent se rattacher à l'hystérie. Pour

l'établir il est nécessaire d'envisager les cas dans lesquels le som-

nambulisme revêt sa forme la plus complète. Il constitue alors un

état second au cours duquel l'individu présente les apparences d'un

sujet normal ; il voit, entend, marche, parle, raisonne, se souvient,

combine et exécute des actes. Mais au réveil où, si l'on préfère,

après le retour à l'état habituel, le souvenir de toutes les pensées,

de tous les actes qui ont eu lieu pendant cette condition seconde,

s'efface et disparaît. L'individu a donc en réalité deux vies séparées

et indépendantes, deux personnalités alternantes, qui s'ignorent

l'une l'autre.

Comment peut-on s'expliquer ces vies en partie double, ces

dédoublements de la personnalité ? Nous savons que ce qui caracté-

rise l'hystérie c'est l'insuffisance de la perception personnelle, le

rétrécissement du champ de la conscience. Il y a chez l'hystérique

en dehors de ce champ de conscience rétréci une foule de notions,

d'idées, de souvenirs qui restent dans le domaine de la subcons-

cience. Ces notions, ces idées peuvent se coordonner en un sys-

tème qui, sous diverses influences, se substitue aux notions et aux

idées conscientes ; elles apparaissent alors au grand jour quand la

conscience a été momentanément terrassée par ce système nou-

veau. Mais il ne faut pas perdre de vue que les phénomènes sub-

conscients peuvent s'agréger en groupes multiples de telle sorte

qu'on assistera à l'alternance non plus seulement de deux, mais

quelquefois de trois et quatre personnalités différentes. Aussi le

mot dédoublement de la personnalité appliqué aux états dont il

s'agit n'est-il pas parfaitement exact. M. Binet le remarque avec

raison, il peut y avoir simple dédoublement mais aussi morcelle-

ment du moi en plusieurs individualités successives et temporaires.

La connaissance de ces faits est indispensable si l'on veut saisir

la caractéristique de certains états mentaux observés au cours de

l'hystérie et s'expliquer les dissociations de la personnalité qu'on

y observe si communément.

Chez les hystériques, à côté des troubles mentaux qui relèvent

directement de l'hystérie, il n'est pas rare d'en observer d'autres

qui n'ont pas de relation, au moins directe et immédiate, avec la

névrose. Nous avons insisté précédemment d'une part sur le rôle

important que joue l'hérédité dans la genèse de l'hystérie et,

d'autre part, sur l'association fréquente aux stigmates hystériques

des tares dégénératives. On conçoit dès lors qu'il ne soit pas sur-

prenant de voir chez les hystériques se juxtaposer aux troubles

qu'elles présentent d'habitude, les divers délires que l'hérédité

228 sociétés savantes.

névropathique et vésanique et la dégénérescence peuvent faire

éclore. Aussi bien, lorsqu'on fait le bilan des délires qui ont été

plus ou moins arbitrairement confondus dans le groupe confus de

la folie hystérique, y trouve-t-on, conformément aux idées de

Krafft-Ebing, des psycho-névroses (première crise ou mélancolie)

et des délires qui portent l'empreinte de la dégénérescence.

Ces variétés de folie ne sauraient être plus longtemps confon-

dues avec les manifestations propres de la névrose. C'est pour

n'avoir pas su les mettre à leur véritable place dans le cadre noso-

logique que jusqu'à ces derniers temps les auteurs ont étendu outre

mesure le domaine de la folie hystérique et surchargé étrangement

sa description. C'est qu'en effet il n'est pas une seule des formes de

la folie qui ne puisse s'associer à l'hystérie. Parmi ces associa-

tions, il en est quelques-unes que nous ne ferons qu'indiquer.

On sait combien il est fréquent de voir l'hystérie se juxtaposer

à l'épilepsie *. On sait d'autre part combien chez les hystériques les

intoxications sont communes. On y observe couramment l'alcoo-

lisme, le morphinisme, le cocaïnisme. Qu'elles soient antérieures

ou consécutives à l'apparition de la névrose, elles combinent leurs

manifestations mentales avec celles de cette dernière affection. Au

cours de l'hystérie, on peut voir se développer des accès de manie

ou de mélancolie, dont on a fait des manies et une mélancolie hys-

tériques. Cette dénomination est-elle justifiée ? c'est ce qu'il s'agit

d'examiner. Il n'est pas douteux que le délire hystérique puisse,

dans quelques cas, revêtir une physionomie qui le rapproche de la

manie. Chez les enfants particulièrement, les réactions provoquées

par le rêve qui représente la phase délirante de l'attaque, sont

assez accusées pour qu'au premier abord on puisse penser qu'on

est en présence d'un état maniaque d'autre nature. Mais dans ces

cas, la prédominance des hallucinations visuelles, les caractères du

délire qui est surtout un délire de mémoire, sa courte durée, la

constatation de quelques-uns des phénomènes moteurs qui se mon-

trent d'habitude dans les crises hystériques complètes, permet--

tront de reconnaître à quoi l'on a affaire.

Il n'en est pas toujours ainsi et en dehors des accès maniaques

transitoires que leur brève durée, sans parler des autres carac-

tères, autorise à considérer comme des équivalents de l'attaque

hystérique, on en voit d'autres d'une durée de plusieurs semaines

ou même de plusieurs mois. Telle la manie hystérique qui, suivant

M. Sollier, se manifeste par un besoin incessant de mouvement,

non par une agitation incoordonnée, comme celle de la manie

vraie, mais par des accès d'automatisme ambulatoire et des dépla-

cements continuels. Les malades sentent souvent que leur accès va

les prendre et en préviennent l'entourage. Les malades se livrent

' Il nous semble prudent de faire des réserves à cet égard. (B.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. M9 9

à des actes extravagants, ayant un caractère de malice, comme

s'ils le faisaient exprès, et répètent aussitôt ce qu'on leur défend

de faire ou de dire. Ils sont la contradiction perpétuelle. Souvent

violents, quand ils ont des caprices qu'on ne veut pas satisfaire,

ils frappent, déchirent, menacent. Ils sont exigeants, ont des accès

de colère et paraissent toujours conserver la conscience de leurs

actes. Cette persistance apparente de la conscience est un carac-

tère très important. Mais en réalité ils n'ont qu'une conscience très

vague de ce qu'ils font, car ils n'en conservent guère le souvenir une

fois guéris. Ils aiment à se rouler par terre, à se cacher sous les

meubles, à faire toutes les niches possibles à leur entourage. Leur

délire est surtout un délire d'acte. Quant aux discours, ils ne sont

que rarement incohérents et traduisent seulement une grande

mobilité dans les idées et les volitions.

Les faits de cet ordre sont jusqu'à présent difficiles à classer.

Les rattacher sans autre forme de procès à la dégénérescence

mentale, comme le propose M. Colin, c'est aller vite. Il serait utile

de recueillir un certain nombre des observations qui s'y rappor-

tent, d'en noter avec soin les détails et peut-être alors pourrait-on

se faire sur leur nature une opinion précise dont jusqu'à présent les

éléments nous font défaut.

Les idées mélancoliques ne sont pas rares chez '.les hystériques.

En dehors de l'état d'habituelle tristesse, dont nous avons déjà

parlé et qui constitue le trait le plus saillant du caractère de

certaines de ces malades, on constate chez elles des délires lypé-

maniaques transitoires qui se relient étroitement soit aux concep-

tions délirantes de l'attaque, soit à des idées fixes ou à des rêves.

Mais indépendamment de ces derniers, on voit quelquefois la mé-

lancolie franche se développer sur un fond d'hystérie.

Suivant Schùle,la ! He<a : HCoMeA ! /6<ënMe aurait certains caractères

spéciaux : la prédominance de l'élément névralgique, les hallu-

cinations, l'apparition fréquente de la sensation de constriction

pharyngée, la permanence par delà le délire du tempérament

hystérique tel qu'on le concevait naguère ; avec la tendance aux

exagérations, aux doléances excessives. Ce sont là des caractères

très vagues.

M. JoprRoy. La question que nous avons à discuter aurait tout

aussi bien pu se poser ainsi : c Des rapports de l'hystérie .et de la

dégénérescence mentale. » M. Ballet, d'ailleurs, semble s'être placé

sur ce terrain dans son rapport.

C'est qu'en effet il est très fréquent d'observer l'association de

l'hystérie et des nombreuses formes de la dégénérescence mentale.

On peut dire que l'hystérie se développe habituellement sur un

terrain dégénéré. On peut même aller plus loin et se demander

si l'hystérie n'est pas une des modalités de la dégénérescence.

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Tout d'abord il est certain que les limites de l'hystérie sont dif-

ficiles à préciser et les états qui lui confinent sont précisément des

manifestations variées de la dégénérescence. La coexistence de ces

accidents de dégénérescence et de l'hystérie ne prouve pas que

cette dernière soit elle-même de la dégénérescence; 'cest tout au plus

une présomption en faveur de la nature dégénérative de l'hystérie.

Un motif d'une plus grande valeur se trouve dans ce fait que les

syndromes de dégénérescence et l'hystérie ont tous pour facteur

étiologique principal la prédisposition héréditaire. Et de la com-

munauté d'origine on est presque porté à conclure à la commu-

nauté de nature.

Je sais bien que M. Ballet établit une distinction entre la prédis-

position héréditaire et la dégénérescence, mais cette distinction

me paraît bien subtile. « L'hérédité, dit-il, ne se manifesterait pas

seulement par des prédispositions, dans d'autres cas elle se mani-

festerait « par un état durable et permanent, par une déviation

c indélébile du type physiologique ». Ce serait là ladégénérescence

Et plus loin : « la dégénérescence s'entend actuellement d'un état

caractérisé par des malformations physiques, par de la débilité ou

de la déséquilibration mentale avec perversions habituelles des ins-

tincts, instabilité de l'esprit qui est porté au doute, aux hésitations,

aux craintes morbides, aux impulsions, enfin par une tendance à

certaines formes de délire transitoires ou durables ». J'avoue que

je ne vois pas nettement la limite qui sépare la prédisposition hé-

réditaire et la dégénérescence et le sujet qui a * une tendance à

certaines formes de délires transitoires ou durables*'me semble

pouvoir être classé aussi bien parmi les prédisposés que parmi les

dégénérés.

Il y a cependant une certaine différence entre ces deux termes :

dégénérescence et prédisposition ; c'est que la dégénérescence s'est

déjà traduite par des symptômes plus ou moins frappants, plus ou

moins nombreux, tandis que la prédisposition peut être restée

silencieuse, l'occasion ne s'étant pas encore présentée. La prédispo-

sition, en un mot, c'est la dégénérescence à l'état latent. Et dire

que le facteur étiologique principal de l'hystérie est la prédisposi-

tion héréditaire, cela revient à dire que l'hystérie est une des mo-

dalités de la dégénérescence.

En résumé on peut dire : 1° l'hystérie et les manifestations indis-

cutables de la dégénérescence mentale se rencontrent fréquem-

ment chez le même malade ; 2° l'hystérie et la dégénérescence

mentale ont le même facteur étiologique principal : l'hérédité;

3° l'hystérie et les principales manifestations de la dégénérescence

mentale sont régies par des altérations identiques du mécanisme

mental.

Ne sont-ce pas là des motifs suffisants pour regarder tous ces phé-

nomènes comme étant de même nature et conclure que l'hystérie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

est une des nombreusesmodalités de la dégénérescence mentale.

Cela n'empêche pas l'hystérie d'avoir son individualité clinique,

mais cela lui fixe une place dans nos classifications nosologiques.

La maladie de Morvan n'est bien qu'une modalité;de la syringomyé-

lie et cela n'empêche pas que le malade affecté de la maladie de

Morvan doit être distingué cliniquement du syringomyélique qui

présente l'ensemble symptomatique de la sclérose latérale. De

même l'hystérie doit être séparée des autres formes de la dégéné-

rescence. 'w

Ces considérations me permettent de poser les conclusions sui-

vantes :

1° L'hystérie est une des formes de la dégénérescence mentale ;

2" Sur ses confins, l'hystérie se confond avec certaines manifes-

tations dégénératives, sans qu'il soit conforme aux faits de placer

entre elles une limite précise ;

3° Il y a lieu en clinique de conserver à l'hystérie son individua-

lité et de la distinguer autant que possible des autres modalités de

la dégénérescence ;

4° Pour cela il convient de n'accorder la dénomination d'hysté-

rique qu'aux accidents qui se rattachent ou dérivent directement

de l'attaque d'hystérie complète ou fruste ou d'une autre manifes-

tation indubitablement hystérique telle que le somnambulisme

spontané.

M. Pitres. J'ai eu cette année 'dans mon service à l'hôpital

Saint-André, de Bordeaux, une malade dont l'étude clinique m'a

permis d'étudier, dans des conditions très favorables, le rôle de

l'inconscient dans la pathogénie et le traitement de certains acci-

dents psychiques de l'hystérie. Voici le fait :

Louise Cr., âgée de trente-sept ans, marchande de quatre sai-

sons, a eu en '1887 une série d'accidents hystériques dont elle gué-

rit rapidement. Le 20 décembre 1893, elle fut soumise à un choc

émotionnel violent. Elle conduisait sa voiture ayant à ses côtés un

de ses enfants âgé de trois ans, quand tout d'un coup le cheval

effrayé s'emballa. Dans un heurt du véhicule contre le trottoir,

l'enfant fut projeté en avant et précipité sous les pieds du cheval.

Quelques mètres plus loin la mère tombe à son tour. Elle se relève

et se précipite chez un pharmacien où son enfant avait été conduit.

En ouvrant la porte de l'officine elle s'évanouit. Quand elle reprit

ses sens elle demanda son enfant, et comme on tardait à lui mon-

trer, elle crut qu'il était mort. Mais on le lui rapporta bientôt vivant.

Trois jours après elle eut une grande attaque d'hystérie convul-

sive suivie d'une scène de délire bruyant dans laquelle elle revécut

les principaux épisodes de la scène du 20 décembre.

Le 20 février, Louise Cr... étant entrée à l'hôpital, j'assistai à

diverses reprises à ce délire de reviviscence. A l'état de veille aussi

232 SOCIÉTÉS SAVANTES.

bien qu'à l'état d'hypnose provoquée, la malade se souvenait de

tous les détails de l'accident et parfois le souvenir de la scène

déterminait une grande attaque d'hystérie suivie d'un délire tou-

jours identique dans lequel la malade voyait son enfant écrasé et

se lamentant de sa mort tragique.

Je suggérai à la malade que désormais, quand elle penserait à

l'accident dont son fils avait failli être victime, elle songerait aussi-

tôt à son peu de gravité et que son fils lui apparaîtrait sain et sauf,

souriant et bien portant. L'effet fut des plus heureux. Les attaques

convulsives et délirantes disparurent très rapidement, et, s'il y en

avait encore, elles furent très légères. La malade voyait bien le

cheval emporté, son enfant tombant, mais elle s'écriait aussitôt :

c Ah ! quelle chance, tu n'es pas blessé ; tu l'as échappé belle ! 1 »

Débarrassée de ses attaques, la 'malade conservait un certain

nombre d'accidents qui la retenaient à l'hôpital. Elle se plaignait

de céphalées, de palpitations; elle avait une arthralgie sans

lésions appréciables du genou gauche. J'essayai de faire passer ces

accidents par suggestion; je n'y réussis pas. Cette malade se plai-

gnait toutes les nuits, elle avait des rêves désagréables. Je lui sug-

gérai d'avoir des rêves agréables. Cela réussit à merveille. Son

caractère se modifia avantageusement.

Me souvenant du rôle curateur joué par les rêves dans les

temples d'Esculape et dans les observations de quelques hysté-

riques anciennes, notamment dans celle de soeur Marie-des-Anges

qui guérit d'une pleurésie après que saint Joseph lui eut, dans un

rêve, frictionné le côté, j'essayai d'employer ce moyen pour débar-

rasser notre malade de ses souffrances.

Je lui dis un jour, après l'avoir hypnotisée, que l'interne du ser-

vice viendrait la voir cette nuit et la guérirait de ses maux de tête

en lui frictionnant les tempes avec un baume qu'il possède et

qu'elle serait guérie. Le lendemain elle ne souffrait plus de la tête.

L'arthralgie, les palpitations disparurent successivement par le

même procédé. D'où je conclus que certains accidents hystériques,

inaccessibles à la suggestion directe, sont accessibles à la sugges-

tion par le rêve.

M. Régis. M. Ballet a cherché, suivant l'expression de Char-

cot, à réhabiliter les hystériques. Il ne va pas jusqu'à nier que les

hystériques aient des perversions du caractère et des instincts, mais

pour lui ces perversions, moins communes qu'on ne l'a dit, n'ap-

partiennent pas à l'hystérie, elles relèvent de la dégénérescence

qui coexiste souvent avec elle. 11 y a là, à mon sens, une exagéra-

tion évidente. Tout d'abord, est-il vrai que les perversions soient

rares chez les hystériques ? Je ne le crois pas, car tous les jours on

en rencontre des exemples significatifs. En voici un qui me parait

topique :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 233

J'ai vu récemment à l'hôpital Saint-André, de Bordeaux, une

malade qu'on supposait être atteinte de méningite et qui présen-

tait depuis plusieurs semaines ce phénomène singulier d'une tem-

pérature au-dessus de 41°. Devant la persistance de cet état qui

résistait à tous les traitements, on commençait à se demander

déjà s'il ne serait pas utile de recourir à une trépanation.

Quand je vis la malade pour la première fois, la visite venait de

finir. Nous restâmes auprès d'elle après lui avoir placé le thermo-

mètre dans l'aisselle. Pendant que nous attendions la montée du

thermomètre, la malade était inquiète, souffrante, répondait d'un

air maussade à nos questions. Nous retirâmes le thermomètre au

moment voulu ; il était monté seulement à 38°; alors que quelques

instants auparavant il avait marqué 410. Placé dans le vagin, mal-

gré l'impatience de la malade qui s'agitait visiblement, le ther-

momètre se maintint aux environs de la normale. Les soupçons

étant éveillés, l'interne de service constata le soir même la super-

cherie et la malade vexée ne tarda pas à quitter l'hôpital. J'appris

alors qu'elle avait été précédemment dans un autre service pour

hystérie.

Voilà un fait qui, ce me semble, ne peut laisser place au doute.

On en pourrait citer d'autres qui prouveraient une fois de plus

que la perversité des hystériques existe. Mais cette perversité

appartient-elle à l'hystérie ou relève-t-elle de la dégénérescence ?

C'est cette dernière opinion que soutient M. Ballet en admettant

que la dégénérescence coexiste fréquemment avec l'hystérie.

Il est possible que l'idée de M. Ballet réponde à une réalité noso-

logique, mais où sont les preuves ? On a dit qu'un très grand

nombre d'hystériques n'ont jamais présenté de perversions tandis

qu'on les rencontre, au contraire, journellement chez les dégéné-

rés simples qui ne montrent aucun stigmate d'hystérie. Gela est vrai,

mais ce qui est plus vrai encore, c'est que les perversions des hys-

tériques affectent un caractère spécial et qui leur est propre. Je le

demande à M. Ballet lui-même; lorsqu'on lui apprend qu'une

malade fait ce qu'on me permettra d'appeler « le coup du thermo-

mètre » dans les conditions que j'indiquais tout à l'heure, se borne-

t-il à déclarer qu'il s'agit d'une dégénérée ? Lorsqu'une femme

aura inventé des histoires romanesques, compliquées bien que

toujours vraisemblables, où jouent surtout un rôle les mystères de

naissance, les secrets de grande famille, etc. (cas publiés), dira-t-il

encore que cette femme est une simple dégénérée ? Je n'ose le

croire, mais, pour ma part, je n'hésiterais pas, non à affirmer,

mais tout au moins à soupçonner l'hystérie.

On peut donc soutenir qu'il y a une perversité fréquente et sou-

vent typique dans l'hystérie et que cette perversité dépend ou de

l'hystérie elle-même ou du caractère spécial que l'hystérie imprime

à la dégénérescence concomitante.

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Un autre point du rapport de M. Ballet que je ' tiens à relever,

mais alors pour l'approuver, c'est celui qui a trait à l'analogie du

rêve avec certains états hystériques. Je crois, pour ma part, que

le rêve joue un grand rôle dans les phénomènes hystériques, sur-

tout dans les phénomènes mentaux. Mais les hystériques n'ont pas

la spécialité de ces délires qui paraissent dépendre de rêves. Le

délire des alcooliques, comme le disait Lasègue, n'est pas un

délire, mais un rêve.

On trouve des délires analogues dans les auto-intoxications. Je

poursuis depuis longtemps l'étude clinique du délire dit fébrile ou

infectieux et j'ai été frappé de ce fait que ce délire est une sorte

de rêve allant depuis le rêve immobile et muet jusqu'au rêve

d'action en passant par le rêve simplement parlé. Comme le

rêveur hypnagogique, le malade, si gravement atteint qu'il soit,

fait entrer la réalité ambiante dans sa conception hallucinatoire,

et si vous le secouez ou si vous lui adressez une brusque interpel-

lation, il revient à lui, vous répond correctement, Ipuis retombe

aussitôt dans sa fantasmagorie, absolument comme le rêveur

qu'on arrache à son sommeil ou l'alcoolique à son délire.

Tous ces états sont des empoisonnements par des voies dîne-

rentes de l'organisme; il semble que le délire du rêve soit comme

la caractéristique des intoxications et que, par ce côté-là, encore,

l'hystérie peut être considérée comme une intoxication ainsi que

certains auteurs l'ont soutenu.

Tels sont les deux points du rapport de M. Ballet à propos des-

quels je désirerais présenter quelques réflexions. Je parlerai à

peine de la folie hystérique. Je crois, pour ma part, que les hysté-

riques sont susceptibles d'être atteintes d'une folie véritable, peut-

être moins fréquemment qu'on ne pense et que cette folie peut

revêtir chez elles, par suite du terrain sur lequel elle se greffe, cer-

tains caractères plus ou moins spéciaux dont les principaux sont

peut-être la persistance au milieu de la perturbation psychique la

plus désordonnée en apparence, de la conscience, de la lucidité,

du retour brusquement possible à l'état normal, qui paraissent ne

jamais se perdre, pour ainsi dire, dans l'hystérie.

M. FALMT. Je ne veux discuter du rapport de M. Gilbert Bal-

let que le point relatif à la folie hystérique. Tout d'abord M. Ballet

a voulu, suivant l'expression de Charcot, réhabiliter les hystériques.

Je ne crois pas qu'il y soit arrivé. Les caractères généraux qu'on

a attribués à l'hystérie sont basés sur des recherches cliniques; ils

sont vrais, ils doivent être conservés. Le type de l'hystérique men-

teuse, coquette, etc.. restera toujours l'expression de la vérité.

M. Ballet ne croit pas à la folie hystérique; suivant lui, quand

la folie s'observe chez une hystérique, c'est que celle-ci est enta-

chée de dégénérescence. Voilà un mot bien vague. Dire d'une

SOCIÉTÉS SAVANTES. 235

folie que c'est une dégénérescence c'est remplacer un mot par un

autre, ce n'est pas définir.

Je crois, pour ma part, à la folie hystérique. Certes, la manie

hystérique, décrite par Morel, n'a pas des caractères absolument

déterminés, mais une étude clinique attentive et prolongée per-

met d'affirmer que l'hystérie imprime à la maladie mentale un

cachet particulier et l'on trouve à la manie, à la mélancolie hysté-

riques, quelques caractères spéciaux.

A coup sûr ces caractères ne sont pas aussi nettement détermi-

nés que ceux de la manie épileptique, mais on arrivera, sans

aucun doute, à les préciser en se plaçant sur le terrain de la cli-

nique, en laissant de côté les considérations psychologiques intéres-

santes sans doute,' mais dont on abuse aujourd'hui.

J'ai eu dans mon service plusieurs malades atteintes de manie

hystérique. Ce qui me paraît caractériser cette affection et ce qui

la différencie de la manie ordinaire, c'est que dans la première on

constate une incohérence beaucoup moins marquée dans le lan-

gage qui est moins haché et plus brillant. Un caractère encore de

la folie hystérique c'est l'idée fixe.

De plus, la manie hystérique s'observe chez des sujets jeunes;

elle guérit vite, mais elle est sujette à des rechutes. Et l'on voit

fréquemment, après plusieurs attaques de manie aiguë rémittente,

l'affection passer à l'état chronique. Dans la manie habituelle la

guérison est moins rapide, elle se fait graduellement; les rechutes

sont moins marquées. En somme, on peut dire que l'hystérie

aggrave le pronostic des manies et leur donne un cachet particulier.

M. Vallon. Je crois, pour ma part, qu'il existe une manie hys-

térique ainsi que l'avait établi Lasègue. C'est dans le langage que

l'on trouve le meilleur caractère différentiel entre la manie hysté-

rique et la manie habituelle. Le maniaque hystérique a un lan-

gage moins télégrammatique. Ses gestes sont moins désordonnés;

ils ont quelque chose de théâtral. Il semble que l'on retrouve chez

l'hystérique, le comédien qu'il est toujours.

M. CULLÈRE. - Renaudin avait signalé l'existence d'un phéno-

mène intéressant chez les maniaques jeunes et probablement hys-

tériques. C'était la présence d'une anesthésie qui disparaissait

après l'attaque, j'ai eu l'occasion d'observer des cas semblables.

M. Gilbert Ballet. M. Joffroy pense que l'hystérie, est une

maladie de dégénérescence. Il ne voit pas la différence qui existe

entre la prédisposition et la dégénérescence. Cette différence existe

cependant. Appellera-t-on dégénérée cette jeune femme qui, nor-

male jusque-là, qui toujours intacte au point de vue intellectuel,

devient tout à coup une hystérique à la suite d'ue profond cha-

grin, d'une émotion violente ? Je ne crois pas que la chose soit

possible. Un dégénéré est un être qui, quelle que soit la cause qui

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'ait conduit à la folie, a toujours différé des autres, qui a toujours

présenté une~instabilité mentale. Il ne faut pas ôter ce sens au mot

de dégénérescence; autrement il sera impossible de s'entendre.

Que l'hystérie et la dégénérescence soient deux états voisins, d'ac-

cord, mais affirmer que c'est la même chose est une erreur.

J'accorde à M. Falret que ce sont les enseignements de la clini-

que qui doivent appuyer les classifications que nous essayons de

faire, mais je ne vois pas en quoi les données de psycho-physio-

logie peuvent nuire à la clinique. Si je me suis appuyé sur les

enseignements de la psycho-physiologie, c'est que j'estime qu'il

n'est pas possible de faire autrement quand on traite d'un sujet

comme l'hystérie. La séance est levée. -

Le soir, M. Lécuellé, maire de Clermont, a offert le vin d'honneur

aux membres du Congrès, dans la salle de la Société lyrique,

place du Poids-de-l'Hôtel-de-Ville. La réception a été des plus cor-

diales. Toutefois, en raison de ce fait qu'un certain nombre de

congressistes avaient choisi Royat comme lieu de séjour, l'assis-

tance s'est trouvée quelque peu diminuée. En pareille circons-

tance il serait à désirer que tous soient présents.

Séance du 7 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. PIEI1RET.

SUITE DE LA DISCUSSION SUR LES RAPPORTS DE L'HYSTÉRIE

ET DE LA FOLIE.

M. Mendelsohn (de Moscou) prend la défense de la psychologie expé-

rimentale appliquée à la clinique psychiatrique ; il montre à ce sujet

la- possibilité de mensurations psychométriques intéressantes, et

développe la théorie d'après laquelle la folie hystérique pourrait

être considérée comme un équivalent psychique des accidents con-

vulsifs moteurs.

M. JOFFROY. M. Ballet ne veut pas admettre que l'hystérie ne

soit qu'une modalité de la dégénérescence; l'hystérie, selon lui,

peut exister chez des sujets indemnes de tout stigmate dégénératif.

Ce n'est pas là, je crois, une raison suffisante pour rejeter l'existence

de la dégénérescence. Comme la prédisposition, celle-ci peut exis-

ter à l'état latent. En effet, lorsque sur vingt femmes qui sont sou-

mises à la même émotion, j'en vois une seule devenir hystérique,

il me faut nécessairement admettre, même en l'absence de toute

tare névropathique constatable, que cette femme était différente

des autres, en un mot que c'était une prédisposée chez laquelle la

dégénérescence mentale existait à l'état latent.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237

M. BRISSAUD(deParis).-Ladivergencedesopinionssoutenuespar

MM. Joliroy et Ballet tient àce que tous les auteurs ne donnentpas au

mot dégénérescencela même signification, les unslui accordant une

valeur symptomatique, les autres une valeur étiologique. M. Joffroy

confond, je crois, deux choses absolument différentes : la prédispo-

sition et la dégénérescence. On peut admettre à la rigueur l'exis-

tence d'une prédisposition latente, lorsqu'à la suite d'un trauma-

tisme, par exemple, on voit un sujet jusque-là bien portant présenter

des manifestations hystériques. Mais un état dégénératif dont la

connaissance est fondée sur un ensemble de caractères somati-

ques appréciables ne peut être latent ; s'il est latent, c'est qu'il

n'existe pas.

111. JoFr.isoY. Si M. Brissaud veut se donner la peine de parcou-

rir les observations d'hystéro-traumatisme qui ont été publiées, il

verra que presque toujours on a noté chez ces malades l'existence

d'un ou de plusieurs stigmates de dégénérescence ; je suis donc

autorisé à affirmer qu'il n'y a guère que les dégénérés qui, sous

l'influence d'un traumatisme, soient susceptibles de présenter des

accidents hystériques.

M. Pitres. Il n'est pas douteux que les sujets qui deviennent

hystériques au moment de leur puberté ont presque tous présenté

dès leur plus tendre enfance un certain nombre d'accidents ner-

veux : crises et hoquets, quintes de toux, attaques syncopales, etc.;

mais ces accidents n'autorisent pas à considérer ces sujets comme

des dégénérés. Cette remarque s'applique à plus forte raison aux

individus qui sont atteints de paralysies ou de contractures hystéri-

ques à la suite de fortes commotions physiques ou morales. Je crois

donc avec M. Ballet qu'on peut devenir hystérique sans être un

dégénéré.

M. PIERRET (de Lyon). Au cours de cette discussion, je crois

qu'on s'est un peu trop occupé des facteurs étiologiques de l'hys-

térie et pas assez de ses rapports avec la folie : c'est pour ce motif

que je vous demande la permission de vous présenter quelques

remarques sur la folie hystérique proprement dite, que je n'hésite

pas à élever au rang d'entité morbide. Les arguments que j'invo-

querai pour défendre cette conception ne sont pas nombreux,

mais ils me paraissent devoir emporter la conviction. Personne ne

conteste aujourd'hui que certaines attaques d'hystérie ne puissent

être remplacées par des crises de manie qui constituent une forme

fruste de l'attaque. Il s'agit seulement de savoir si les accès de manie

hystérique sont assez caractéristiques pour pouvoir être différenciés

des autres variétés de manie; je n'hésite pas à répondre par l'affir-

mative. On peut faire ce diagnostic en s'appuyant : 1° sur la pré-

pondérance des troubles psycho-sensoriels, ainsi que cela s'observe

dans les délires toxiques; 20 sur l'état de semi-conscience des sujets

^««"interpellation brusque suffit à les sortir de leur rêve et à les

ramener temporairement à la vie réelle); 3° par la parfaite concor-

. dance qui existe entre les différentes formes de l'expression mimi-

que et les conceptions délirantes. Quand je trouve ces caractères

réunis chez une maniaque, je n'hésite pas à diagnostiquer l'hysté-

rie et cela en l'absence de tout renseignement anamnestique, aussi

bien qu'en l'absence de toute tare névropathique, de tout stigmate

de dégénérescence.

La dégénérescence n'est pas une doctrine médicale, je me ferais

un crime de l'enseigner à mes élèves ; en agissant autrement, j'en

ferais peut-être de mauvais anthropologistes, mais à coup sûr ils

ne deviendraient jamais des médecins.

La discussion du premier rapport, dû à M. Ballet, a été des

plus intéressantes et montré combien était justifiée la réunion

des neurologistes aux aliénistes, ainsi que les Archives et le

Progrès Médical, dès l'origine l'ont demandée.

DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES.

Le Congrès a passé ensuite à la discussion du second rap-

port, dû à M. le Dr P. Marie (de Paris). Toutefois, en raison

de l'absence de l'auteur, motivée par une indisposition, la

discussion a porté principalement sur la communication de

M. BARBINSKI. Toutefois nous croyons utile d'extraire du rap-

port de M. Marie les conclusions suivantes :

Un certain nombre de doctrines opposées partagent actuellement

les médecins sur la nature des névrites périphériques. Pour les uns,

Leyden, Déjerine, Pitres et Vaillard, etc., les polynévrites seraient

dues à l'altération directe produite par l'agent morbide sur les fins

ramuscules nerveux, l'expression c névrite périphérique exprime-

rait donc d'une façon tout à fait exacte le procédé par lequel se

font les lésions dans cette affection. Pour quelques-uns (Joffroy et

Achard), les névrites périphériques ou tout au moins celles d'entre

elles qui se voient au cours d'une affection des centres nerveux

(tabes, sclérose latérale amyotrophique) ne seraient qu'une lésion

surajoutée, secondaire, due indirectement à l'altération des centres

nerveux par suite du trouble diffus delà nutrition qui est la consé-

quence de cette altération. Pour d'autres auteurs (Leyden, Strüm-

pel, Vierordt, F. Raymond, Minkowki, etc.), l'agent morbide agi-

rait bien d'une façon directe sur les nerfs phériphériques, mais

il pourrait en outre provoquer en même temps d'une façon égale-

ment directe l'altération d'autres organes, tels que la moelle et

les muscles.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

Enfin, d'après une autre doctrine (Erb, Remak, Eisenlohr,

Stieglitz, etc., pour la névrite saturnine, Babinski), les altéra-

tions des nerfs périphériques seraient sous la dépendance des

lésions qu'a provoquées dans les centres nerveux l'agent morbide.

Tout d'abord, au seul point de vue de la clinique, un certain

nombre de faits donnent sinon la preuve, du moins l'impression

qu'on a affaire à une altération d'origine centrale. Comment, en

effet, dans l'hypothèse d'une origine périphérique, expliquer la

symétrie à peu près constante et complète aussi bien des troubles

moteurs que des troubles sensitifs; comment expliquer aussi l'in-

congruence de la localisation de ces différents troubles avec le trajet

des troncs nerveux ? Anesthésie par segments; conservation de

certains muscles (long supinateur, etc.), alors que les autres muscles

innervés par un même nerf sont paralysés ; résultats divers

fournis par l'électrisation sur les muscles appartenant à un territoire

nerveux unique. Enfin le fait que la paralysie atrophique de la poly-

névrite ne présente en réalité aucun caractère différentiel par rap-

port à la paralysie atrophique consécutive à la poliomyélite est bien

de nature à faire supposer que toutes deux ont la même origine.

Quanta l'anatomie pathologique, s'il est vrai qu'elle nous montre

les lésions des nerfs périphériques comme ayant une intensité

toute particulière, il ne s'ensuit* pas qu'elle permette d'affirmer

l'indemnité absolue des centres nerveux. En effet, nous savons que

dans la polynévrite le cerveau est souvent atteint, ainsi qu'en

témoigneut les troubles psychiques dont il a été question plus haut.

Nous connaissons aussi des cas dans lesquels ont été constatées

des lésions du nerf optique qui est en somme une portion de l'encé-

phale. Pour ce qui est de la moelle qu'un certain nombre d'auteurs

ont déclarée indemne, plus les travaux se multiplient, plus les

méthodes d'examen se perfectionnent, plus aussi on trouve les

cellules de la substance grise altérées ; à tel point que la tendance

générale est aujourd'hui de considérer les lésions de la moelle

comme concomitantes à celles des nerfs périphériques. Il faut, en

outre^ne pas perdre de vue, ainsi que l'a fait remarquer Babinski,

que la substance grise médullaire n'est pas le seul centre trophique

des nerfs périphériques et qu'à cet égard les ganglions spinaux

jouent un rôle important. Nous ne savons encore rien ou à peu près

rien de la manière dont ils se comportent dans la polynévrite et si

nous ne sommes autorisés à affirmer qu'ils sont altérés, nous ne le

sommes pas davantage à déclarer qu'ils sont indemnes.

Quant à ce qui est des lésions des nerfs périphériques eux-

mêmes, quelque intenses qu'elles paraissent, elles ne présentent

peut-être pas toute l'importance qu'on a voulu leur attribuer. En

tous cas, on ne peut prétendre qu'elles soient proportionnelles aux

symptômes présentés par les malades. En effet, il est de connais-

sance vulgaire aujourd'hui que dans bien des cas de maladies

240 SOCIÉTÉS SAVANTES.

graves, de cachexie d'origines diverses, et même simplement chez

les vieillards, on observe des lésions des nerfs périphériques tout

à fait analogues, aussi bien comme aspect que comme intensité, à

celles qui caractériseraient la polynévrite, sans que cependant les

malades aient présenté aucun des troubles moteurs ou sensitifs

propres à la polynévrite. C'est cet état que les nombreux auteurs

qui s'en sont occupés (Oppenheim et Siemerling, Gombault, etc..)

ont décrit sous le nom de névrites latentes. Un argument auquel les

partisans de l'origine périphérique de la polynévrite attachent

une grande importance, est celui tiré de l'intégrité des racines

antérieures. Comment, disent ces auteurs, pourrait-on admettre

que l'altération des nerfs périphériques puisse être due à des

lésions de la substance grise médullaire alors que dans les racines

antérieures on ne constate, même dans des cas de longue durée,

aucune trace de dégénération ? Je crois avoir montré que

cette intégrité des racines était loin de présenter l'importance

qu'on lui a prêtée, car il m'a été donné, dans plusieurs cas d'alté-

rations diverses de la substance grise bien caractérisées, englobant

les fibres radiculaires intra-médullaires, de constater cette inté-

grité des racines antérieures. Cet argument n'a donc, à mon avis,

nullement la valeur qui lui a été attribuée. D'ailleurs, pour com-

battre cet argument avant que fût faite la démonstration que je

viens de rappeler, les partisans de l'origine centrale de la polyné-

vrite avaient invoqué cette hypothèse que dans les lésions des

centres les parties qui dégénèrent les premières sont les parties

périphériques, celles qui sont les plus voisines des centres (notam-

ment les racines antérieures) restant en apparence intactes, pen-

dant un temps plus ou moins long. C'est là, en effet, si cette hypo-

thèse est exacte, une manière très plausible d'expliquer l'intégrité

des racines antérieures et des troncs nerveux dans la polynévrite,

tout en admettant l'origine centrale de celle-ci. Mais si l'origine

centrale de la polynévrite typique me semble devoir être admise,

il ne s'ensuit pas que dans tous les cas de polynévrites l'origine

périphérique doive être rejetée a priori. La névrite lépreuse, par

exemple, et certains cas de névrite vasculaire peuvent fort bien

reconnaître ce mode de production. Il y aurait donc lieu, parmi

les névrites périphériques, de distinguer celles qui sont de cause

centrale et celles qui sont réellement de cause périphérique. En

résumé, l'un des points les plus intéressants de l'étude de la poly-

névrite est incontestablement celui de la pathogénie ; en présence

des opinions diamétralement opposées émises à cet égard, il serait

indiqué d'en faire l'objet d'une discussion approfondie. C'est dans

l'espoir de provoquer cette discusion que j'ai cru devoir, dans mon

rapport, insister tout particulièrement sur ce point.

Des névrites périphériques. M. Babinski. L'histoire des névrites

périphériques constitue un sujet fort complexe auquel se rattachent

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

de nombreuses questions théoriques et pratiques. Mais c'est là une

tâche trop lourde pour être accomplie dans le court espace de

temps que nous pouvons consacrer à cette étude, et nous devons

nous contenter d'envisager seulement quelques-uns des côtés de cet

important sujet. ,

Sous le nom de névrites périphériques, de polynévrite, on désigne

des altérations nerveuses indépendantes d'une lésion des. centres

nerveux ! On en distingue deux grandes catégories, suivant qu'elles

sont d'origine externe ou de cause interne. Les premières sont le

résultat d'un traumatisme, d'une compression ; je ne m'en occupe-

rai pas. Les secondes sont provoquées le plus souvent par un agent

toxique ou sont le résultat d'une altération dyscrasique du sang :

c'est de cette seconde classe des névrites que je m'occuperai exclu-

sivement. Mais avant d'aller plus loin, je dois faire remarquer qu'il

n'est peut-être pas une seule variété de névrite de cause interne

sauf la névrite lépreuse dont on puisse affirmer qu'elle a une ori-

gine véritablement périphérique et qu'elle est absolument indé-

pendante de toute modification du système nerveux central.

Il existe, en revanche, un très grand nombre de névrites, en-

apparence périphériques qui dépendent en réalité d'une altération

légère ou même d'une modification purement dynamique des cen-

tres nerveux. Le fait a été démontré par Erb et Remak pour la

névrite saturnine; si la même démonstration n'a pas encore été

faite pour les autres espèces, on peut cependant invoquer en sa,

faveur plusieurs arguments. -

Il ne faut pas perdre de vue, dans l'étude de cette question, que

le cylindre-axe, partie essentielle du nerf, n'est autre chose qu'un

prolongement d'une cellule nerveuse dont il dépend étroitement.

Le corps de la cellule et ses prolongements constituent les diffé-

rentes parties d'un même élément cellulaire, et rien n'empêche

d'admettre qu'une perturbation de la partie centrale de la cellule,,

s'y traduisant par des altérations morphologiques très légères ou,

même imperceptibles, se manifeste exclusivement par des lésions

de ses portions périphériques; cela me parait d'autant plus accep-

table que les parties d'une cellule les plus éloignées de leur centre

trophique, c'est-à-dire du noyau ou des régions qui avoisinent le

noyau, doivent, selon toute vraisemblance, être les plus fragiles.

A côté de cette hypothèse, il en est une autre que nous devons

aussi exposer. Au lieu de subordonner la lésion du cylindre-axe à,

une modification dynamique de la cellule d'où dépend celui-ci, on

peut admettre que certains agents pathogènes impressionnent à la,

fois ces deux portions de l'élément cellulaire, mais que la portion,

périphérique, qui est plus vulnérable, traduit seule sa souffrance

par des altérations histologiques.

Ces deux hypothèses présentent ce caractère commun, à savoir

que toutes deux impliquent l'idée qu'il ne s'agit pas de troubles

Archives, t. XXVIII. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

exclusivement périphériques, mais que les centres nerveux ont

eux-mêmes subi une perturbation. Si on les rejette, bien des faits

relatifs à l'histoire des névrites périphériques deviennent inexpli-

cables ; elles sont donc utiles, presque nécessaires. Sans l'une ou

l'autre de ces deux hypothèses, est difficile de comprendre le mode

de localisation et la nature systématique de certaines espèces de

névrites.

Ce qui vient encore à l'appui de cette manière de voir, c'est que

l'on trouve parfois, dans la moelle des sujetsayantprésenté pendant

la vie des troubles nerveux qu'on a l'habitude de rattacher à des

névrites périphériques, des lésions plus ou moins marquées; c'est

ainsi que dans quelques observations de paralysie saturnine on a

noté l'existence d'altérations des cellules des cornes antérieures de

la moelle. Il faut reconnaître toutefois que ce dernier argument

n'est pas absolument décisif. On sait, en effet, qu'à la suite de

lésions expérimentales des nerfs, dont l'origine périphérique est

incontestable, il se développe parfois, dans les cellules des centres

nerveux dont proviennent ces nerfs, des altérations plus ou moins

prononcées. Ainsi donc, quand on trouve à l'autopsie d'un sujet

qui a présenté pendant la vie des troubles nerveux, de grosses

lésions de la périphérie des nerfs et des lésions moins marquées

dans les centres trophiques, on peut être fort embarrassé au point

de vue de l'interprétation des faits, et il est encore permis de dis-

cuter sur la valeur relative des lésions des nerfs et des altérations

spinales.

Voici donc, selon moi, comment on doit comprendre l'affection

à laquelle on donne la dénomination de névrite périphérique. Ce

terme, névrite périphérique, ne doit pas impliquer l'idée que les

lésions des nerfs sont primitives, qu'elles sont l'origine de tous les

troubles symptomatiques qu'on observe et que le système nerveux

central ne présente aucune modification. Il signifie simplement que

les altérations anatomiques du système nerveux, perceptibles par

nos moyens d'investigation, sont exclusivement localisées dans les

nerfs ou y sont bien plus accusées que dans le système nerveux cen-

tral. Il y a tout lieu d'admettre, et ce n'est pas là, du reste, une

simple hypothèse, que bien des agents qui déterminent des névrites

provoquent à la fois une perturbation du système nerveux central

et du système nerveux périphérique ; que parfois même ils exercent

en même temps, d'une façon directe, leur action pathogène sur

d'autres systèmes anatomiques; que les troubles fonctionnels qu'ils

occasionnent sont causés non seulement par des lésions histologi-

quement perceptibles, mais aussi par des modifications de nature

dynamique, et qu'en définitive les lésions des nerfs ne peuvent être

considérées que comme constituant tout le substratum anatomique

de l'affection en question; elles en représentent seulement les alté-

rations les plus apparentes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

M. RENAUT (de Lyon). Il semble ressortir du rapport de M. Ba.

binsky que l'ancienne notion de la dépendance absolue du cylindre-

axe par rapport à la cellule et cela en quelque point que ce soit

de son parcours - soit sur le point de reprendre pied, à l'encontre

des faits nouveaux mis en lumière par Joffroy, Pierret, Pitres et

Vaillard, M. et ntme Déjerine, etc. Cette conception m'oblige à pré-

senter quelques considérations anatomiques. Un cylindre-axe,

encore bien qu'il soit manifestement le prolongement d'une cel-

lule ganglionnaire, doit être considéré, en anatomie générale

pathologique, plutôt comme un membre de celle-ci (c'est-à-dire

comme une portion très différenciée) que comme une simple expan-'

sion absolument dépendante du conditionnement nutritif et consé-

quemment du trophisme du corps cellulaire qui l'a fourni. Dans

cette conception (largement corroborée par la structure complexe

du filament nerveux, si on le compare au filament de Deiters initial),

on peut, on doit même admettre qu'un cordon nerveux est tout à

fait disposé pour effectuer des processus réactionnels autonomes,

dans nombre de circonstances, alors qu'il est l'objet de certaines

actions pathogènes sur un point de son parcours, et surtout au voi-

sinage de ses terminaisons, c'est-à-dire là où son dispositif anato-

mique spécial varie parfois d'une façon très large.

Si, en effet, au lieu d'étudier la variation subie par le filament

de Deiters alors qu'il devient un cordon nerveux chez les animaux,

supérieurs, on choisit les gros nerfs amyéliniques des cyclostomes,

on voit que, dès que le filament axile devient un nerf au sortir du

névraxe, il quintuple brusquement de volume pour le moins. Entre

ses fibrilles, prend place un abondantprotoplasma granuleux. C'est'

l'agent actif de la nutrition locale à laquelle concourent aussi les

cellules conjonctives de la gaine de Henle. Si, chez les animaux

supérieurs, l'établissement de ces conditions de nutrition et

secondairement de réaction autonome - n'est pas aussi évident, il'

n'en est pas moins effectué, ne fût-ce que parle dispositif des seg-

ments interannulaires et des anneaux des nerfs, lesquels consti-

tuent des voies de nutrition d'un mode nouveau, parfaitement indi-

viduel. `

Je ne suis donc pas de ceux qui, pour expliquer la réaction locale

des cordons nerveux à l'encontre des actions pathogènes, se croient

forcés d'invoquer fatalement l'action à distance de la cellule gan-

glionnaire, dont le cylindre-axe dépend en tant qu'il y a pris son,' ·

origine première. Je suis encore moins de ceux qui, comme tout à

l'heure M. Babinski, font entrevoir une différence possible de cons-

titution entre le cylindre-axe émané d'une cellule sensitive et celui

issu d'une cellule motrice ou d'une sensorielle. '

.La structure des cylindres-axes est une et uniforme, la constitu-

tion intime des cellules ganglionnaires l'est aussi. Voilà ce que nous

apprend l'anatomie générale par la convergence de toutes ses mé-

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

thodes. En neurologie, il faut s'en tenir à cela, laissant le reste à la

philosophie biologique, c'est-à-dire à l'hypothèse.

Encore est-il qu'en prenant la question de cette façon, on arrive

à conclure que toute cellule motrice ganglionnaire est en somme

toujours aussi sensitive ; car sans cela elle ne recevrait aucun signal

pour mettre son activité excito-motrice en jeu. De même, toute cel-

lule dite sensitive est en quelque chose motrice. Elle l'est du mouve-

ment nerveux qui va exciter la cellule motrice, laquelle est l'instru-

ment de la réaction de l'être vivant déterminée par ses sensations.

Je suis amené à conclure des faits observés que, dans nombre

de cas, la réaction du nerf, à rencontre des actions pathogènes

qu'il reçoit à sa terminaison ou dans sa continuité, est ou demeure

toute locale, parfaitement individuelle aussi. Et sans nier l'influence

grande de la cellule ganglionnaire sur un nerf dans tout son par-

cours, j'estime qu'au point lésé le cordon nerveux peut et doit réa-

gir. Il possède un dispositif tout prêt pour cela et le met en jeu de

suite, dès qu'il y est suffisamment sollicité. C'est dire que le pro-

cessus réactionnel et local du nerf, la névrite périphérique, doit

conserver son individualité et sa place en neurologie. Seulement

il convient que cette individualité soit bien définie et que cette

place soit exactement marquée en pathologie nerveuse. Or, il faut

avouer qu'il n'en' pas été tout à fait ainsi jusqu'à présent.

D'une part, la névrite parenchymateuse avec dégénération du

segment périphérique, d'autre part, la névrite segmentaire de

Gombault, sont bien connues. Il reste à déterminer la part exacte

du tube conjonctif intrafasciculaire et à bien décrire ce qu'il faut

désigner par névrite interstitielle. Il faut aussi déterminer la part

prise, dans les procesus qualifiés de névrite, par la gaine lamel-

leuse et la cavité vaginale : établir et décrire exactement la péri-

névrite. Les auteurs qui, tandis que lesvrais neurologistes travaillaient

à établir l'existence des névrites périphériques, se sont précipités

sur le mot et ont fait des névrites du plexus cardiaque, par exemple

dans J'angor pectoris, sans songer qu'une inflammation n'est pas à

retours et qu'une névrite cardiaque vraie tuerait le sujet en quel-

ques heures, ces auteurs, dis-je, ont fait à la question des névrites

un grand tort qu'il faut maintenant réparer. On y arrivera en

reprenant pas à pas et avec soin et rigueur les lésions périphériques

des nerfs,'en étudiant notamment les lésions périiiévritiques

celles de la gaine lamelleuse et de la cavité vaginale des cordons

nerveux. Déjà, M. Vanlair', dans un travail très intéressant, vient

d'appeler l'attention sur la valeur qu'il faut accorder aux forma-

tions hyalines de la gaine des nerfs, que j'ai décrites en 1881.

Comme moi-même, il remarque que toujours les nerfs qui renfler-

ment des nodules fibro-hyalins renferment des fibres dégénérées.

* Voir le t. XXVII des Archives.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

C'est en eux aussi que j'ai vu pour la première fois' des fibres à

myéline se régénérant dans la continuité, par le mécanisme de la

production des segments courts intercalaires. Il semble donc bien

qu'il y aurait une périnévrite spéciale, à formations hyalines. Chez

les vieux animaux, chez ceux dont les nerfs ont beaucoup travaillé

et ont pendant longtemps subi l'action des grands muscles qu'ils

traversent. Vanlair a vu, de plus, que de telles lésions peuvent être

aussi suscitées par la dyscrasiestrumiprive. Il y a donc lieu de voir

si les dystrophies séniles ne sont pas, à un degré quelconque, déve-

loppées sous l'influence de lésions analogues et locales des nerfs.

Bref, je conclus en affirmant que la question des névrites péri-

phériques ne mérite pas d'être ramenée à un cas particulier de

trophisme émané des centres, et que le moment est au contraire

venu d'en mettre l'étude de plus en plus à l'ordre du jour. C'est

pour faciliter cette étude que j'indiquerai, vendredi prochain, une

nouvelle méthode de fixation interstitielle des nerfs et de leurs

gaines. J'espère qu'elle constituera, entre les mains des neurolo-

gistes, un puissant moyen d'investigation scientifique. 1

M. Pitres. Les nombreuses recherches que j'ai faites avec

M. Vaillard ont contribué à établir d'une façon indiscutable l'exis-

tence des névrites périphériques. Je ne crois pas utile de relater à

nouveau ici ces recherches qui ont été déjà l'objet de plusieurs

publications; je me bornerai aujourd'hui à vous présenter la syn-

thèse de ces recherches dans l'essai de classification suivant :

On peut distinguer trois grandes catégories d'altérations péri-

phériques des nerfs. Dans la première, je rangerai les névrites de

cause locale; dans la seconde, les névrites de cause générale, toxi-

que ou infectieuse; et, dans la troisième, les névrites de cause cen-

trale. Ces trois grandes classes de névrites comprennent chacune

un assez grand nombre de variétés. ,

A la classe des névrites de cause locale appartiennent : Io la

névrite a frigore; 2° la névrite qui. succède à une compression

interne ou externe d'un nerf (traumatisme, tumeur, etc.), et enfin

3° les névrites qui sont la conséquence de l'habitat d'un élément

organique vivant dans un nerf. Le type de cette variété de névrite

est celle qui s'observe au cours de la lèpre. Les névrites de

cause générale comprennent deux variétés : 1° les névrites toxiques

(plomb, alcool, mercure, arsenic, etc.) et 2° les névrites infec-

tieuses (diphtérie, typhus, tuberculose, fièvres éruptives, grippe,

etc., etc.).-Enfin, les névrites d'origine centrale reconnaissent

également deux variétés suivant que la lésion préexistante des

centres nerveux siège au niveau de la moelle (polymyélite, tabes,

etc.) ou du cerveau (hémiplégie, paralysie générale, etc.).

En terminant, je n'ai pas besoin de faire remarquer que le mé-

canisme intime de la production de ces différentes espèces de

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

névrites est variable. Celles du premier et du second groupe sont

dues à l'altération produite directement par l'agent morbide sur

les fins ramuscules nerveux : ce sont de véritables névrites périphé-

riques primitives, au moins dans un très grand nombre de cas.

Celles' du troisième groupe sont, au contraire, des névrites secon-

daires, puisqu'elles sont sous la dépendance d'une affection du sys-

tème nerveux central.

La discussion n'étant pas épuisée et la séance du soir devant

être consacrée à l'examen du rapport de M. LADAME (de Genève),

la suite de la discussion est remise au jeudi 8 août, h..1/Z.

Séance du 7 août (soir). PnËS)DEKCE nE 111. Pierret.

DEUXIÈME QUESTION

DE L'ASSISTANCE ET DE LA LÉGISLATION RELATIVES AUX ALCOOLIQUES

M. LADAME (de Genève). Depuis que Benjamin Rush (de Phi-

ladelphie) a poussé le premier cri d'alarme vers la fin du dernier

siècle, l'alcoolisme n'a cessé de s'étendre dans les pays- civilisés, et

ses ravages ont augmenté à tel point que les sociétés modernes

sont menacées aujourd'hui d'une- dégénérescence rapide si elles

ne luttent pas avec énergie contre ce fléau. Pour combattre l'al-

eoolisme, ou plutôt pour le prévenir, on a cherché à l'atteindre

dans ses causes et l'on a eu recours aux moyens prophylactiques

les plus variés; voici les plus importants :

Éducation de l'enfance. Les mesures législatives aussi bien que

les effets de l'initiative privée pour protéger et secourir l'enfance

abandounée comptent parmi les moyens préventifs de l'alcoolisme

les plus recommandables, à condition qu'il ne perdent pas de vue

l'éducation spéciale que réclament la plupart de ces enfants. Les

enfants des buveurs forment, en effet, un des plus forts contin-

gents de l'enfance moralement et matériellement abandonnée. Ils

sont sous l'inflnence de l'hérédité alcoolique et pour écarter le

danger qui les menace de tomber dans l'ivrognerie comme leurs

parents, on doit les élever dans l'abstinence absolue de l'alcool.

Il faut leur enseigner de bonne heure les suites fatales que ces bois-

sons auraient pour leur santé physique et morale, et leur appren-

dre qu'ils doivent s'en abstenir pendant leur vie tout entière. On

comprend combien il importe, à ce point de vue avec soin et dis-

cernement la famille ou l'institution dans laquelle doit être faite

l'éducation de l'enfant abandonné. Toutes les conditions favorables

d'un bon placement étant remplies, on donnera toujours pour ce

motif la préférence aux familles d'abstinents. Nous savons que cer-1

taines sociétés de bienfaisance, à Genève, agissent, suivant ces

principes, et non sans succès, lorsqu'il s'agit de placer des enfants

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 I

d'ivrognes. Cette éducation de l'eufance abandonnée pourrait deve-

nir efficace comme moyen prophylactique contre l'extension de

l'alcoolisme. `

Dans certains pays, en Amérique et en Angleterre par exemple,

on a fondé de nombreuses sociétés d'enfants abstinents, que l'on

enrôle dès l'âge de sept ans dans la croisade contre l'alcoolisme.

On y enseigne aux enfants les avantages de l'abstinence totale.

Amélioration des logements. L'habitation est une des choses

les plus importantes de la vie du pauvre et de l'ouvrier. Si celte

habitation est un taudis où l'air est infect et la malpropreté révol-

tante, l'ouvrier fuira son triste domicile et fréquentera le cabaret.

Les sociétés qui se fondent partout pour l'amélioration des loge-

ments ont donc un rôle important à jouer dans la prévention de

l'alcoolisme.

Parmi les cités ouvrières aucune peut être comparable à la Pull-

man City, que le célèbre constructeur de wagons a fait élever à

quelques milles au sud de Chicago, pour y placer ses ateliers et y

loger une partie de ses ouvriers. M. Pullman, dans sa cité, a voulu

éviter à tout prix les effets pernicieux des cabarets et il a refusé

systématiquement de louer aux aubergistes. Il renvoie de même

tout locataire qui tenterait de faire le commerce des boissons alcoo-

liques. C'est ainsi que Pullman City est devenue la ville tempérante

par excellence. Mais il ne suffit pas de supprimer les cabarets, il

faut les remplacer. M. Pullman a fondé une bibliothèque publique,

des écoles, des églises, un théâtre. 11 existe dans la ville de grands

espaces libres pour le jeu national du base bail et une foule d'autres

récréations analogues. Toutes ces institutions (sauf la bibliothèque

publique qui est une libéralité personnelle du fondateur) sont

fondées sur ce principe que chacun doit contribuer à une dépense

dont il profite, et les ouvriers acceptent volontiers ces contribu-

tions.

L'initiative privée est impuissante cependant pour remédier à

elle seule aux conséquences sociales des logements insalubres. L'in-

tervention de l'Etat est nécessaire pour assurer l'efficacité des efforts

faits par les sociétés.

Alimentation populaire. Un autre facteur dont l'influence est

non moins effective sur le développement de l'alcoolisme c'est le

mode d'alimentation des classes ouvrières. La consommation crois-

sante de l'eau-de-vie marche de pair avec la mauvaise qualité de

la nourriture. Il cst'reconnu que les difficultés qui s'opposent à la

préparation d'aliments convenables favorisent grandement la con-

sommation de l'eau-de-vie. On se plaint généralement aussi, dans

les milieux ouvriers, de ce que les jeunes filles qui ont toujours

travaillé dans les fabriques n'ont jamais appris à faire la cuisine,

et que leur ignorance en cette matière chasse le mari au cabaret

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

où il devient peu à peu un buveur d'eau-de-vie. Pour remédier à

ce mal, on a institué des écoles de cuisine; on a fait des lois sur le

travail dans les fabriques; on a créé des cantines économiques et

des cuisines populaires 'qui rendent 'de bons services aux classes

ouvrières. Les grandes Sociétés'de consommation, bien dirigées,

peuvent aussi améliorer beaucoup l'alimentation de ces classes en

fournissant à leurs membres des marchandises de première qualité

et d'un prix peu élevé.

Cafés de tempérance. Dans le même ordre d'idées, nous devons

- mentionner les cafés de tempérance. Pour diminuer la consomma-

.tion des boissons alcooliques, il ne suffit pas d'en interdire l'usage,

il faut les remplacer par des boissons saines à bon marché. Les

expériences qui ont été faites de divers côtés ont démontré que les

cafés de tempérance, bien organisés, bien dirigés et convenable-

ment situés, sont les meilleurs antidotes contre l'abus des boissons

alcooliques. Ils doivent répondre aux besoins de sociabilité des

classes ouvrières, et il faut les adapter aux moeurs et coutumes des

divers pays. C'est à Melbourne que l'on trouve le plus grand café

de tempérance du monde, sous la forme d'un hôtel de premier

rang; mais c'est à Liverpool que ces cafés sont les plus nombreux

et les plus importants. Ces fondations sont soumises du reste aux

mêmes conditions de réussite que toutes les entreprises de ce

genre; lorsqu'elles sont faites avec prudence et intelligence, elles

donnent d'heureux résultats et même de beaux bénéfices, mais la

ruine de beaucoup d'entre elles est un sérieux garde-à-vous pour

tous ceux qui s'imagineraient pouvoir créer facilement partout des

cafés de tempérance.

Sociétés de tempérance. Aucune mesure n'est capable de com-

battre avec efficacité l'alcoolisme si elle n'est soutenue par l'opi-

hion publique. Voilà pourquoi les Sociétés de tempérance jouent

toujours le rôle le plus important dans cette lutte. Car ce sont elles

qui forment et qui éclairent l'opinion publique et qui veillent avec

ardeur à ce que les prescriptions légales qu'elles ont provoquées

ne restent pas lettre morte. Les seuls pays qui aient fait des lois

sérieuses contre l'alcoolisme sont ceux où ces Sociétés les ont pro-

voquées et préparées. Mais il faut bien savoir que ces sociétés ne

donnent un résultat que si elles sont basées sur l'abstineiice

totale.

, Après cette étude sommaire des moyens prophylactiques em-

ployés pour la guérison de l'alcoolisme, nous pouvons étudier

l'organisation de l'assistance des alcooliques et la législation qu'il

conviendrait de leur appliquer. - ,

, Législation pénale. La question de la législation pénale de

l'ivresse a été l'objet d'une étude approfondie au Congrès péniten-

tiaire-international qui-s'est tenu, en 1890, à. Saint-Pétersbourg.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

De tous les rapports présentés le plus intéressant, à coup sûr, est

celui de M. Motet. En voici les conclusions :

« L'ivresse est punissable aussi bien que les délits ou les crimes

commis sous son influence, lorsqu'elle est simple et qu'il était ma-

nifestement, au pouvoir du délinquant de l'éviter. L'ivresse est

punissable, avec aggravation de la peine, lorsque l'excitation alcoo-

lique a été recherchée pour fournir l'appoint de détermination

nécessaire pour commettre un crime ou un délit.

« L'ivresse est punissable, mais avec un degré d'atténuation qu'il

appartient aux magistrats de déterminer, chez des individus faibles

d'intelligence -dont la tolérance pour les boissons alcooliques est

diminuée par les conditions d'infériorité de leur organisation céré-

brale. Elle ne saurait être excusable lorsque ces individus savent

qu'ils ne peuvent pas boire sans danger, et ce cas est plus fréquent

qu'on ne le suppose.

. c Les délits et les crimes ne peuvent pas être punis lorsqu'ils ont

été commis pendant la période délirante, aiguë ou subaiguë d'un

accès d'alcoolisme. Il en est de même pour l'alcoolisme chronique,

à l'heure où les lésions cérébrales définitives ont compromis l'in-

tégrité de l'organe et déterminé le trouble durable de ses fonc-

tions. »

. Si on nous demande maintenant quels bons effets on peut espé-

rer de l'intervention des mesures pénales contre l'extension de

l'alcoolisme, nous devons répondre que malheureusement ses effets

sont bien minimes et que toutes les pénalités du monde n'ont

jamais pu enrayer la propagation de l'alcoolisme. D'un côté les

amendes et les courtes peines d'emprisonnement n'atteignent pas

leur but et sont souvent directement nuisibles; de l'autre, les peines

plus sévères et les lois draconiennes ne sont pas appliquées et man-

quent par conséquent aussi leur but. On ne saurait blâmer les tri-

bunaux qui hésitent à condamner un ivrogne à une détention pro-

longée, quand ils savent que cette' mesure est inefficace et même

injuste, car tout conspire dans l'organisation actuelle de l'État et

de la société pour faire tomber le malheureux, incapable de résister

aux tentations qui l'entourent. C'est que la guérison et la préven-

tion de l'ivrognerie ne sont pas dans les mesures pénales de la

législation; le remède est ailleurs et voilà pourquoi les juriscon-

sultes les plus compétents se rallient aujourd'hui aux médecins qui

demandent la création d'asiles spéciaux pour le traitement des

ivrognes. L'ivrognerie, en effet, n'est pas' punissable comme

l'ivresse, car, aux yeux des médecins, l'ivrognerie est une maladie.

Législation civile. La déchéance de la puissance paternelle,

temporaire ou définitive, dont on peut frapper l'ivrogne d'habitude

dans certaines circonstances, est un moyen propre à sauvegarder

les intérêts, la santé et la moralité de ses enfants. Chacun com-

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

prendra l'urgence d'une loi semblable lorsqu'il saura que l'alcoo-

lisme est la-plus fréquente de toutes les causes de l'abandon moral

et matériel de l'enfance. On risque cependant de faire fausse route

- dans cette direction, et de perdre de vue le vrai but à atteindre, si

l'on poursuit, l'interdiction du buveur avant de s'occuper de sa

guérison.

Tant que l'on peut espérer la guérison d'un alcoolique, il n'y a pas

lieu de l'interdire, et ceux qui ont fait de l'interdiction une néces-

sité préalable du placement de l'ivrogne dans un asile pour buveurs

ont compromis d'emblée l'efficacité de cette mesure. En tout cas,

jamais l'interdiction d'un ivrogne ne devrait avoir lieu sans le rapport

motivé d'un ou de plusieurs experts médicaux, et il nous parait

nécessaire aussi de faire intervenir l'expert médical lorsqu'il s'agit

de lever l'interdiction. Celle-ci doit pouvoir être levée, en effet.

aussitôt que les motifs qui l'avaient fait prononcer n'existent plus.

Législation spéciale contre l'alcoolisme. Tous les peuples civi-

lisés ont cherché à réprimer le fléau de l'ivrognerie par des lois

spéciales. Dans notre siècle, on a expérimenté les systèmes les

plus divers, qui peuvent se ramener en définitive à cinq types

principaux :

A. Taxes et impôts. Parmi les mesures législatives qui ont été

prises pour réduire la consommation de l'eau-de-vie, aucune n'est

plus généralisée que l'impôt. Mais cette mesure n'atteint son but

que si la perception de cet impôt est entourée de garanties suffi-

santes pour assurer le paiement réel de la taxe et si la législation

a pris soin de dégrever parallèlement les autres boissons (vin, bière,

thé, café, etc.), d'autant plus qu'elles contiendront moins d'alcool.

Il est évident que si l'eau-de-vie, grâce à l'imposition des autres

boissons, reste la consommation la meilleure marché, on la boira

toujours de préférence aux autres, ce qui rend illusoire la réduc-

tion de l'alcoolisme par l'impôt.

Mais il faut bien le dire, les expériences les plus probantes faites

dans les divers pays et dans le détail desquels nous ne pouvons

entrer ici, ont eu pour résultat de démontrer clairement que

l'impôt sur les boissons alcooliques est impuissant, à lui seul, contre

le fléau de l'alcoolisme. D'un autre côté, les autres.mesures légis-

latives sont stériles lorsqu'elles ne s'accompagnent pas d'une taxe

élevée sur l'eau-de-vie, avec un dégrèvement correspondant des

boissons hygiéniques. ,

Réduction du nombre des débits. Comme la consommation de

l'alcool marche parallèlement au n'ombre des débits, il parait suf-

fisant de réduire le nombre des débits pour diminuer d'autant

celui des buveurs. Dans plusieurs pays, les lois sur les auberges se

sont inspirées de cette théorie et ont limité le chiffre des cabarets

suivant le système du nombre normal de la population..

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251 1

Mais l'enquête du Conseil fédéral suisse a montré que le paral-

lèle entre la consommation des boissons alcooliques et le nombre

des débits n'était point une règle générale comme on le croyait.

Résultat étrange et bien paradoxal. L'enquête fit voir que les can-

tons ayant le plus de débits de boissons sont précisément ceux qui

ont le moins à souffrir des abus de l'eau-de-vie et de leurs effets,

tandis que les cantons qui ont le moins d'auberges, à l'exception

du Valais, sont particulièrement infestés.

Ce phénomène s'explique naturellement lorsqu'on se rend compte,

d'une part, que le nombre des cabarets n'est qu'un des facteurs en

cause dans la question de l'alcoolisme, et de l'autre que, dans les

pays susnommés, la consommation de l'eau-de-vie est entrée dans

l'alimentation populaire et se fait surtout à domicile d'une façon

régulière, tout particulièrement pernicieuse.

Pour que la réduction du nombre des cabarets ait réellement

l'influence qu'on en attend, il faut qu'elle soit poussée à l'extrême,

comme en Norwëge,'en Suède et en Finlande, et dans plusieurs

États de l'Union américaine, et il est nécessaire qu'on l'accom-

pagne, en outre, d'autres mesures législatives sur la fabrication et

le commerce des spiritueux. Quant aux auberges, il va sans dire

que l'État devrait être très sévère sur les conditions hygiéniques

des locaux et la moralité des tenanciers, aussi bien que sur les

mesures de police, le droit de patente et toutes les autres prescrip-

tions législatives capables d'améliorer et d'assainir cette indus-

trie.

C. Système de licence de 6os<eo)'g' et de Bergen. Les systèmes

de licence de Goeteborg et de Bergen, en Suède et en Norwège,

ont donné quelques bons résultats, mais ils sont difficilement ap-

plicables dans les grands centres et dans les pays où le nombre

des cabarets est illimité. Ce système repose sur la création de so-

ciétés par actions qui achètent à l'encan, dans un but philanthro-

pique, les patentes de la vente au détail de l'eau-de-vie et cherchent

par ce moyen à réduire le nombre des débits et à protéger les

villes contre la spéculation des cabaretiers. Elle cherche à créer,

en dehors de tout désir de lucre, un monopole de la vente de l'al-

cool.' Elle ne confie la vente au détail qu'à des personnes qui n'ont

aucun intérêt personnel à ce commerce; elle verse le bénéfice

réalisé dans les caisses communales qui l'emploient en oeuvres de

bienfaisance, spécialement au développement et à la moralisation

de la classe ouvrière.

D. Le monopole de l'Etat ou le système suisse. Le monopole de

l'Etat a donné jusqu'ici de bons résultats en Suisse, en diminuant

de 25 p. 100 la consommation de l'eau-de-vie et en assurant la pu-

rification des alcools. Ce système ne pourrait cependant pas être

adopté partout avec les mêmes avantages, car les .circonstances

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

politiques et économiques dans lesquelles se trouvent les divers

pays influent grandement sur les résultats.

Le monopole peut être établi sous trois formes distinctes qui

peuvent être combinées entre elles : monopole de fabrication ;

monopole de rectification; monopole de vente. Suivant les cas on

pourra adopter l'un ou l'autre de ces monopoles ou les combiner

deux à deux ou les trois ensemble. Mais, il faut bien le dire, jamais

ils ne suffiront à eux seuls à la répression de l'alcoolisme.

E. La prohibition absolue locale ou nationale ou système américain.

Quand on lit les travaux et les statistiques publiés par les mé-

decins américains, on voit que le système de la prohibition absolue

de l'alcool a donné de bons résultats. Cette même influence heu-

reuse a été exercée parfois dans certaines localités de la Hollande

et des pays scandinaves. Dans les pays européens les moeurs ne

rendent pas possible l'application de ce système, qui porte une

atteinte trop marquée à la liberté individuelle. Il n'y a donc aucune

chance pour qu'il y soit appliqué. Un dernier' point qu'il convient

maintenant d'étudier, c'est l'assistance des alcooliques.

Les hôpitaux, les asiles d'aliénés, les prisons, les maisons de tra-

vail et de correction, les hospices d'incurables sont encombrés

d'alcooliques. L'alcoolisme, suivant ses effets, mène fatalement à

l'une ou à l'autre de ces institutions sociales, et cependant les

hommes compétents dans tous les pays réclament de plus en plus

énergiquement des asiles spéciaux pour les buveurs, en nombre

considérable, qui n'appartiennent ni à l'un ni à l'autre de ces éta-

blissemeuts, et qui sont un danger permanent pour leurs familles

et pour la société. Nous ne nous occuperons ici que de cette der-

nière catégorie d'alcooliques qui exigent une assistance spéciale.

Les Américains qui ont fait tant d'efforts pratiques pour extirper

l'ivrognerie sont arrivés les premiers à la conclusion que les bu-

veurs sont des malades et qu'ils doivent être traités dans des asiles

spéciaux.

En 1846, le Dr J.-E. Turner, du Maine, simple médecin-praticien,

désirant sauver de l'ivrognerie un vieil ami, reconnut la nature

morbide de ce mal et commença une agitation enthousiaste pour

la cause du traitement de l'ivrognerie dans les hôpitaux spéciaux.

Après huit années d'efforts persévérants, luttant sans relâche contre

une opposition formidable, il réussit à former une sociélé pour la

cosntruction, à Binghmanton, d'un «hôpital pour les ivrognes»,

dont le chirurgien Valentine Mottétait le président. On fit une loi

qui donna à la direction 'de l'hôpital le pouvoir de retenir contre

leur gré les internés de la maison.

- La construction de l'asile ne fut terminée qu'après dix-huit ans et

l'établissement ne put être ouvert aux malades qu'en 1864. Il fut

fondé sur les principes suivants : l'asile de Bin-hmanton n'accepte

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253 3

des malades que pour une durée minimum de une année. On ne

demande à l'entrée ni voeu ni promesse. Chaque cas est considéré

comme folie suicide, exigeant un long traitement médical et la

séquestration (restraint).

Cependant les ivrognes protestèrent contre leur internement

forcé. Ils cherchaient journellement à faire rompre par leurs amis

les engagements qui avaient été pris pour leur traitement. Grâce

à des hommes influents, les fondateurs de l'asile furent bientôt en

butte à une opposition acharnée. L'asile ne tarda pas à dispa-

raître. Mais la preuve était faite et la disparition de Binghmanton

marqua la naissance d'un grand nombre d'asiles similaires dont

quelques-uns ont accompli de grandes choses. Ils ont prouvé clai-

rement et définitivement que l'ivrognerie était une véritable ma-

ladie et, actuellement, qu'on pouvait la guérir par des soins con-

venables. On a créé plus de cinquante asiles pour buveurs aux

États-Unis, dont plus de quarante sont aujourd'hui en plein succès.

Les principes scientifiques sur lesquels sont fondés les asiles mé-

dicaux pour la cure des ivrognes peuvent se résumer en peu de

mots. L'admission d'un buveur a lieu pour trois à six mois au mi-

nimum. A l'entrée un examen médical soigneux avec l'observation

écrite de ses résultats : bains, hydrothérapie, médication et remèdes

suivant les indications. Occupation, travail, récréation. Change-

ment de régime et régularité de la vie. Les ivrognes sont traités

comme des malades du cerveau auxquels on évite toutes les causes

d'excitation ou d'irritation : abstinence totale des boissons alcoo-

liques, discipline, traitement méthodique et préventif des pa-

roxysmes périodiques. Il faut parfois de longues années pour se

guérir de l'état neurasthénique que produit l'alcoolisme. Crothers

compare le traitement des ivrognes dans l'asile aux quarantaines

faites par les malades atteints d'affections contagieuses. On isole

les victimes de la boisson de toute cause excitante ou provocatrice

et on les place dans les meilleures conditions possibles pour qu'ils

puissent recouvrer pleinement leur santé. On pense que plus tard

encore on obtiendra de meilleurs résultats à mesure que l'on per-

fectionnera les moyens rationnels de traitement. , .

Après avoir passé en revue les différents asiles des buveurs qui

ont été fondés en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, M. Ladame

termine par les conclusions suivantes :

1. Dans la lutte contre l'alcoolisme il faut mettre en oeuvre tous

les moyens prophylactiques, répressifs et curatifs que fournissent

l'initiative privée, la législation et l'assistance par l'Etat.

2. Parmi les moyens prophylactiques, on devra donner tous ses

soins à l'éducation de l'enfance, spécialement de l'enfance mora-

lement et matériellement abandonnée, à l'amélioration du loge-

ment des ouvriers et à l'alimentation populaire, ainsi qu'à toutes'

les institutions destinées au développement matériel, moral et

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

intellectuel des classes ouvrières (salles de lecture et de confé-

rences, cuisines et cantines populaires, caisses d'épargne, cafés de

tempérance, etc.).

3. Il faut s'efforcer de propager partout la fondation de sociétés

de tempérance sans lesquelles les meilleures lois demeurent lettre

morte. Ces sociétés n'agissent pas seulement comme moyen pré-

ventif pour relever les buveurs et empêcher leurs rechutes, mais

elles préparent l'opinion publique et rendent efficaces les mesures

législatives dont elles prennent souvent l'initiative.

4. La législation pénale s'est montrée impuissante contre l'alcoo-

lisme et jamais les pénalités, même les plus cruelles, n'ont pu.

guérir un ivrogne. L'accumulation des courtes peines, qu'il est de

mode d'appliquer aujourd'hui contre l'ivrognerie dans certains

pays, est particulièrement fâcheuse. D'autre part l'impunité, trop

facilement admise pour les délinquants et les criminels alcooliques,

est un grand danger social et une véritable prime pour la perpé-

tration de nouveaux crimes.

La législation peut collaborer efficacement à la lutte contre

l'alcoolisme : eil frappant la vente des spiritueux falsifiés et impurs ;

2° en punissant les aubergistes et les débitants qui favorisent

l'ivresse de leurs clients et qui donnent des spiritueux à boire à

des mineurs. Tout individu qui a sciemment enivré une autre per-

sonne devrait être puni parla loi; 3° en punissant l'ivresse pu-

blique. Mais cette punition ne s'est montrée efficace que dans les

pays où des mesures énergiques de prévention la rendent rare et

condamnable par l'opinion ; 4° en punissant plus sévèrement non

seulement les récidives, mais surtout l'ivresse qui se produit en

certains lieux (tribunal, églises, assemblées publiques, etc.) ou

pendant certaines occupations qui constituent un danger pour

autrui; 5° l'irresponsabilité médico-légale des délirants alcooliques

doit entraîner leur internement d'office dans des établissements

spéciaux dont ils ne pourront sortir qu'après guérison complète et

lorsque toute crainte de rechute sera écartée. Ils y seront réinté-

grés à la première menace de récidive.

5. La déchéance de la puissance paternelle, l'interdiction des

buveurs et leur mise sous curatelle sont des mesures efficaces et

nécessaires, mais qui ne doivent généralement pas être prises

avant le placement des ivrognes dans un asile destiné à leur trai-

tement et à leur guérison.

6. La non-reconnaissance des dettes de cabaret est une mesure

législative qui peut avoir une certaine efficacité, de même que

l'interdiction de fréquenter les auberges (dans les campagnes et

les petites villes).

7. Les taxes, impôts et accises sur les boissons n'ont par elles-

mêmes aucune action sur la consommation des spiritueux. Elles

ne deviennent utiles dans la lutte contre l'alcoolisme que si elles

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S5

sont accompagnées d'autres mesures législatives appropriées et

d'un dégrèvement correspondant des boissons dites hygiéniques

(café, thé, chocolat, sucre, etc.). Le dégrèvement du vin et de la,

bière n'a aucun effet sur la fréquence de l'alcoolisme.

8. Le nombre dés auberges ne peut être pris comme critérium

de la consommation alcoolique dans un pays, et la réduction du

nombre des débits n'a pas pour effet de diminuer parallèlement

la consommation de l'eau-de-vie.

Toutefois la réduction du nombre des cabarets est une mesure

qui s'impose, mais elle n'est efficace que si elle est poussée très

loin et si elle est accompagnée d'autres mesures législatives res-

trictives sur la fabrication et le commerce des spiritueux et, enfin,

si l'opinion publique se prononce énergiquement en faveur de la

tempérance.

9. Les systèmes de licence de Gcetebor- et de Bergen qui ont eu

d'excellents effets dans les pays scandinaves ne rencontreraient

pas toujours ailleurs les circonstances favorables qui en ont assuré

le succès. Ces systèmes n'agissent qu'indirectement sur la diminu-

tion de l'alcoolisme qui ne peut être obtenue que par d'autres

mesures restrictives concomitantes.

10. Le monopole de l'Etat a donné jusqu'ici de bons résultats en

Suisse, en diminuant de 25 p. 100 la consommation de l'eau-de-vie

et en assurant la purification des alcools. Ce système ne pourrait

cependant pas être adopté partout avec les mêmes avantages, car-

les circonstances politiques et économiques dans lesquelles se trou-

vent les divers pays influent grandement sur ses résultats. Le mo-

nopole peut être établi sous trois formes distinctes qui peuvent

être combinées entre elles : monopole de fabrication; monopole

'de rectification; monopole de vente. Suivant les cas, on pourra

adopter l'un ou l'autre de ces monopoles ou les combiner deux à

deux ou les trois ensemble. Jamais ils ne suffiront à eux seuls à la

répression de l'alcoolisme.

11. Le système de la prohibition totale, nationale ou locale,

d'origine américaine, a exercé parfois une heureuse influence dans

plusieurs Etats de l'Union américaine, dans certaines localités de

l'Angleterre, de la Hollande et , des pays scandinaves. Les moeurs-

actuelles de la plupart des pays européens rendent impossible chez

eux l'application de ce système.

42. L'assistance des alcooliques réclame avant tout la fondation.

d'asiles pour la guérison des buveurs. Ces asiles doivent remplacer

les prisons et les maisons de correction qui aggravent l'état phy-

sique et moral des ivrognes qui y sont placés et contribuent à les

rendre incurables..

13. Ces asiles doivent être organisés et dirigés d'après les prin-.

cipes de la science médicale. On y recevra les cas récents et cura-

bles. La loi devra accorder à ces asiles un droit de détention sur.

256 SOCIÉTÉS^SAVANTES.

les buveurs qui y seraient internés, moyennant une déclaration

médicale, pour une durée minima de six mois et maxima de deux

ans. ' ' ....

14. L'abstinence totale des boissons alcooliques, le travail et la

discipline sont les principes fondamentaux du traitement moral

dans les asiles pour buveurs. Le personnel et les employés doivent

s'y conformer aussi bien que les pensionnaires. 1

15. A sa sortie de l'asile l'ivrogne guéri doit être placé dans un

milieu abstinent, sous le patronage des sociétés de tempérance.

A la moindre menace de récidive, il doit pouvoir être immédiate-

ment réintégré dans l'asile.

16. Les buveurs aliénés, épileptiques et délinquants ne doivent

pas être admis dans les asiles pour la guérison des ivrognes.

17. Il faut fonder des établissements spéciaux pour l'internement,

la détention et le traitement des buveurs aliénés, épileptiques, dé-

linquants ou moralement pervertis.

18. La fondation d'hospices spéciaux serait désirable pour le pla-

cement des ivrognes incurables qui sont par leur dissipation, leur

immoralité et leur violence, un danger permanent pour leur

famille et pour la société.

M. Vallon (de Paris). Je suis très partisan de la création

d'asiles spéciaux pour les alcooliques. L'organisation de nos asiles

est, en effet, défectueuse pour le traitement de ces malades. Ceux

qu'on nous envoie-ils nous viennent du Dépôt ou del'Asile clinique

après avoir été ramassés sur la voie publique sont très rapide-

ment guéris. Au bout de quelques jours leur délire a disparu; ils

n'en ont même plus, le plus souvent, quand ils arrivent à l'asile de

Villejuif. Je les envoie travailler dans les différents chantiers;

on leur donne à porter du bois, du charbon, etc.. aux divers fonc-

tionnaires. Ceux-ci les récompensent en leur donnant un verre de

vin. Les alcooliques s'arrangent pour servir le même jour plusieurs

fonctionnaires. lien résulte qu'ils se grisent et jamais ils n'arrivent

à se guérir de leur alcoolisme.

Ces alcooliques encombrent nos services, prennent la place de

véritables aliénés. Pourquoi ne pas les renvoyer, dira-t-on, une

fois leur accès de délire passé ? La raison est bien simple. Il m'est

arrivé souvent de demander la sortie de semblables alcooliques.

Ils me sont revenus au bout de six à huit jours. De Villejuif à

Paris ils s'arrêtent dans tous les cabarets; ils arrivent à Paris ivres

et délirants. On les mène au Dépôt; comme il n'y a pas de place,

on les envoie à l'Asile clinique et de là à Villejuif. J'ai dans mon

service un alcoolique qui y est entré vingt-sept fois, toujours dans,

les conditions que je viens de rapporter.

Je demande qu'un individu de cette sorte qui a démontré qu'il

est incapable de vivre dans la société, qu'il est un danger pour

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 2S7

elle, je demande à ce qu'on l'enferme dans un asile spécial où la

loi permettra de le garder (car actuellement aucune loi n'autorise

à le séquestrer une fois le délire passé).

Un asile spécial pour alcooliques s'impose, on le voit. Mais il ne

devra renfermer que des alcooliques qui seront soumis à un ré-

gime spécial, à l'abstinence absolue de l'alcool. Au Conseil général

de la Seine on a voté la création d'un asile dans lequel cinq cents

lits seront réservés aux alcooliques. Dans cet asile les services gé-

néraux seront communs. C'est absolument comme si l'on ne faisait

rien. Ces alcooliques continueront à boire et leur guérison ne sera

jamais obtenue.

Encore une fois, ce qu'il faut, c'est un asile pour les seuls alcoo-

liques. Quand cet établissement sera créé, nous ne recevrons plus

dans nos asiles les ivrognes qu'on arrête tous les jours et qu'on

nous envoie parce qu'on ne sait pas où les mettre.

M. Legrain (de Paris). La création d'asiles spéciaux pour les

buveurs est une question neuve en France. En 1889, le Congrès de

médecine mentale de Paris s'en est occupé pour la première fois

en émettant un voeu tendant à cette création. En 1892 le Conseil

supérieur de l'Assistance publique a mis la question à l'étude. Dans

l'ordre pratique le Conseil général de la Seine vient de décider la

création d'un asile nouveau dans lequel 500 places seront réser-

vées aux alcooliques. Mais l'asile qu'on va créer pourra-t-il être

l'instrument tant désiré de traitement pour cette catégorie de

malades ? Il est permis d'en douter. ,

Pour tirer tout le parti désirable au point de vue curatif et pro-

phylactique d'un établissement pour alcooliques, il est de toute né-

cessité que cet établissement ne renferme que des alcooliques.

C'est à cette seule condition qu'on pourra, entre autres choses,

prescrire le régime abstinent dans toute sa rigueur, régime qui est

l'une des conditions les plus rationnelles du traitement. Or, l'éta-

blissement qu'on va créer sera un asile mixte. Dans ces conditions

le traitement des alcooliques, suivant les méthodes préconisées

dans les établissements spéciaux, sera une chimère.

Il est un autre point sur lequel je désire attirer l'attention du

Congrès. Le voici : l'alcoolique guérit vite des troubles morbides

qui ont nécessité son internement. Une fois guéri, il récupère ses

droits à la liberté et, de fait, rien ne peut le retenir à.l'asile. Il

sort, ne tarde pas à recommencer ses excès. Quelque temps après,

il est de nouveau interné, non sans avoir fait courir quelque

risque ou causé quelque dommage à la société. A l'étranger, les

lois autorisent l'internement prolongé de ces êtres dangereux.

Notre législation ne nous le permet pas. Il y aurait, en consé-

quence, utilité à demander la création de dispositions légales

analogues à celles qui sont en usage à l'étranger. Permettre au

Archives, t. XXV1U. 17

1258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

récidiviste de l'ivrognerie de retourner dans la société dans les

conditions où il peut y retourner actuellement, c'est vouloir stéri-

liser avant la lettre l'oeuvre de progrès que doivent réaliser les

asiles spéciaux pour alcooliques.

Il s'agirait donc de priver temporairement de leur liberté des

individus qui ont montré qu'ils étaient dangereux pour la sécurité

publique. Il me semble que c'est à la justice qu'il appartient de

prononcer la prolongation du traitement. Cette responsabilité, qui

n'a rien de médical, ne doit pas être confiée au médecin. Si l'in-

tervention de la magistrature doit être repoussée, au nom même

de notre dignité professionnelle, dans le placement des aliénés,

on n'en peut dire autant de son intervention à propos de leur

sortie et surtout de la sortie des ivrognes séquestrés dans les asiles

spéciaux.

M. Deschamps, conseiller général de la Seine, demande au Con-

grès un programme à suivre pour l'édification prochaine de l'asile

spécial, dont il a fait voter le principe et les fonds d'établissement

sur le vaste domaine de Ville-Evrard. On peut ramener à cinq les

questions qu'il pose : 1° doit-on construire un asile d'alcooliques

dans le département de la Seine ? 2° si l'édification de cet asile

doit être différente de celle des autres asiles d'aliénés, est-il pos-

sible au Congrès de soumettre un programme dont s'inspireront

les architectes décidés à concourir ? 3° les services généraux

peuvent-ils convenir à la fois à un asile d'aliénées (femmes) et à un

asile spécial d'alcooliques (hommes) ? 4° quelle est la catégorie

d'aliénés qu'il conviendrait d'interner dans cet asile spécial ?

5° croit-on qu'il sera facile au département d'utiliser les cinq cents

places de l'asile d'alcooliques ?

M. A. Voisin (de Paris) distingue les ivrognes occasionnels et les

ivrognes de profession. Suivant lui, c'est à ceux-ci qu'on devrait

réserver l'asile spécial qui serait doté d'un quartier de cellules pour

les ivrognes qui auraient un accès de délire. Il y aurait des quar-

tiers de plus en plus grands pour les malades tranquilles. Le

travail à air libre ne serait permis qu'aux alcooliques à peu près

guéris.

M. BOURNEVILLE.- Tout de suite je dois déclarer, pour qu'il n'y

ait pas de doute sur mon opinion, que je voterai les conclusions

qui terminent le remarquable rapport de notre collègue, l. Ladame,

concernant la création d'asiles spéciaux pour le traitement de l'ivro-

gnerie. Ceci dit, j'aborde les questions soulevées par M. Deschamps.

.Ma tâche se trouve d'ailleurs singulièrement facilitée par les obser-

vations présentées par MM. Vallon, Legrain et A, Voisin. M. Des-

champs a fait allusion au programme que j'ai été chargé d'élaborer

pour être discuté par la Commission de surveillance des asiles de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

la Seine et relatif à la construction d'un cinquième asile d'aliénés.

On ne croyait pas, a-t-il dit, qu'il fallait un programme spécial

pour la construction d'un asile d'alcooliques. On pensait que c'était

la même chose qu'un asile d'aliénés. Cette erreur, un peu étrange,

a été partagée par l'Administration. En effet, àlaséancedu 19 juil-

let de la Commission de surveillance des asiles de la Seine, l'Ad-

ministration, après avoir rappelé le vote du Conseil. général sur la

création et la mise au concours d'un asile d'alcooliques, annonçait

qu'elle avait décidé de remettre aux architectes concurrents la

partie adoptée de mon rapport sur le cinquième asile d'aliénés.

Nous avons fait remarquer que ce rapport avait trait à un asile

d'aliénés et non à un établissement d'alcooliques sur lequel la

Commission n'avait pas été consultée. Du reste, n'ayant pas étudié

la question de l'organisation d'un établissement pour les alcooliques

- et qu'entend-on par là ? - je ne me sentais pas en mesure, quant

à présent, de tracer un programme quelconque. Notre rapport,

ajoutions-nous, ne peut être donné qu'à titre de renseignement.

La discussion s'est terminée par un vote déclarant que la Commis-

sion de surveillance dégageait sa responsabilité relativement à la

cration d'un asile d'alcooliques.

. En l'absence d'un programme administratif, et du titre que

portent les affiches : construction d'un asile d'aliénés, les architectes

se trouvent dans un grand embarras. M. Deschamps, qui les y a

mis, vient nous demander de les en tirer, en traçant ici, séance

tenante, le programme, que n'ont donné ni lui, ni le Conseil géné-

ral, ni l'Administration, d'un asile d'alcooliques. Déjà, les précé-

dents orateurs ont démontré les inconvénients de l'adjonction d'un

.asile d'ivrognes à côté d'un asile d'aliénés. Il s'agit là, en effet, d'un

établissement hybride.

M. Deschamps a cru aussi utile de demander au Congrès ce qu'il

faut entendre par alcooliques. C'est là une question qui aurait dû

, être préalablement tranchée. Nous l'avons déjà posée à l'Admi-

nistration, qui n'a pas répondu, et pour cause.

. Selon nous, les alcooliques pourraient être ainsi classés : Il y a :

1° les ivrognes, les uns accidentellement, les autres de profession ;

- 2° ensuite les alcooliques délirants (aliénés) à l'état subaigu, aigu

ou suraigu;-3° enfin les aliénés dont les diverses formes mentales

ont pu être occasionnées par des excès alcooliques.

. Est-ce à toutes ces catégories qu'est destiné le futur asile, ou

n'est-ce qu'aux ivrognes ? Le programme est tout à fait différent

suivant les cas. * c

Vous demandez si vos deux asiles celui des hommes alcooliques[1)

et celui des femmes aliénées peuvent avoir des services généraux com-

- muns. On vous a dit qu'un asile d'ivrognes devait avoir une disci-

pline toute particulière; qu'une surveillance constante devait s'op-

'. poser à l'introduction des boissons alcooliques. Or, avec des services

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

généraux communs à chaque instant vous, courrez le risque de voir

la surveillance déjouée et votre traitement compromis. D'où la né-

cessité d'avoir un asile distinct pour vos alcooliques ou vos ivrognes.

Et puis la contiguïté de votre asile de femmes aliénées avec un

hôpital d'hommes ivrognes ne constitue-t-elle pas, au point de vue

moral, une situation pénible pour vos malades aliénées et pour

leurs familles ? Votre conception ne constitue pas un progrès.

Vous avez réclamé, dites-vous, une enquête auprès des médecins

pour savoir quelle était la proportion des malades qu'on pourrait

retirer des anciens asiles pour les mettre dans l'asile des alcoo-

liques. M. Deny vous a répondu cinq, M. Charpentier soixante-

quinze. Leurs services étant semblables, la divergence des réponses

tient à ce que l'un vous a donné le chiffre des ivrognes profession-

nels qui, de temps en temps, ont des accidents d'alcoolisme qui

les font interner comme aliénés, tandis que l'autre a compris dans

sa statistique les aliénés chez lesquels l'alcoolisme a joué un rôle

dans la production de l'aliénation mentale. Or, à notre avis, les

délirants alcooliques constituent un groupe de malades aliénés dont

la place est dans les asiles ordinaires. A plus forte raison en est-il

de même des autres aliénés à excès alcooliques. Si vous les placez

dans votre futur asile, il devient alors un véritable asile d'aliénés.

Nous estimons que les malades aliénés doivent passer avant les

ivrognes. Que c'est à faire face à ces besoins du service des aliénés

qu'il faut d'abord consacrer les ressources disponibles. Or, sur vos

12 à 13,000 aliénés, 6,000 seulement à peine sont hospitalisés dans

les asiles de la Seine. Les autres sont exilés, loin de leurs parents,

loin de leurs amis ce qui est inhumain - dans les asiles des

départements, où ils prennent la place des malades de ces dépar-

tements, qu'on transforme en incurables, ' qu'on n'hospitalise pas

parce qu'ils coûtent, tandis que les nôtres rapportent. Ce qu'il faut,

en premier lieu, c'est réaliser, en le mettant à la hauteur des

besoins nouveaux, le programme indiqué il y a une trentaine

d'années.

En ce qui concerne les ivrognes, espèce particulière de

malades, vous n'avez pas le droit de les interner; ils ne rentrent

pas dans les formes habituelles, classiques de l'aliénation mentale.

Il vous faut donc, avant de créer un asile pour eux, obtenir une

loi qui vous permette de les hospitaliser, de les interner, de les

traiter, de les maintenir malgré eux. C'est par là qu'il faut com-

mencer. Vous verrez ensuite à manifester pour eux vos bonnes in-

tentions et à leur construire des asiles spéciaux.

M. JoFFROY. Je suis d'avis qu'il y a utilité à créer un asile

spécial pour les alcooliques, et cela pour plusieurs raisons.dont je

ne citerai qu'une seule.

- Comment traite-t-on les malades intoxiqués par la morphine ? 2

SOCIÉTÉS SAVANTES. '26l

Par la suppression du poison. Eh bien ! les alcooliques sont des

intoxiqués au même titre que les morphinomanes; il convientdonc

de procéder à leur égard comme on le fait avec ces derniers, c'est-

à-dire de leur supprimer l'alcool.

Or, pour débarrasser un morphinomane de ses habitudes mor-

phiniques, il faut recourir à l'internement dans un asile : le même

procédé doit être mis en usage pour les alcooliques. Ainsi se trouve

justifiée la création d'un asile spécial.

Maintenant quels sont les alcooliques qu'on devra placer dans cet

asile spécial ? Nous savons qu'il y a une quantité d'individus qui sont

des sujets prédisposés, chez qui l'alcool joue le rôle de cause occa-

sionnelle pour déterminer l'apparition de troubles mentaux passa-

gers. C'est surtout pour les malades de cette catégorie que l'asile

spécial me semble présenter une grande utilité.

Un second point sur lequel je désire m'arrêter un instant est

relatif à la construction et à l'organisation intérieure de l'asile. On'

dit que l'asile d'alcooliques comprendra un quartier réservé exclusi-

vement à ces derniers et un autre quartier où seront traités des

aliénés ordinaires. De plus il y aura des services généraux communs

aux deux sections. A cette organisation, je vois de sérieux inconvé-

nients. Que se passera-t-il en effet ? Ce qui arrive dans beaucoup

d'asiles et en particulier à l'Asile clinique où j'ai mon service. Le

médecin prescrit l'abstinence aux alcooliques ; mais au bout de

quelques jours ils sont employés à différents travaux dans l'inté-

rieur de l'établissement et la récompense que l'administration accorde

aux travailleurs consiste précisément dans une ration supplémen-

taire de vin ; d'autre part, les travailleurs se trouvent en contact

dans les ateliers avec des ouvriers du dehors qui procurent les bois-

sons alcooliques les plus variées à leurs compagnons de travail

quand ce n'est pas le chef d'atelier lui-même qui se charge de les

approvisionner d'alcool.

Je crois donc qu'il y a intérêt à ne pas établir de services géné-

raux communs au quartier d'alcooliques et au quartier affecté aux

aliénés ordinaire', pour ne pas voir survenir dans l'asile spécial les

faits qui se produisent actuellement dans nos asiles et qui sont un

obstacle sérieux au traitement des alcooliques.

En troisième lieu, je dirai quelques mots au sujet de la progres-

sion constante de l'alcoolisme en France. A quoi tient cette pro-

gression ? Tout d'abord à ce qu'on boit maintenant plus d'alcool

qu'autrefois et cela dans des proportions extraordinaires. Pours'en

convaincre, il suffit de consulter les statistiques dressées par l'ad-

ministration et relatives, à la consommation de l'alcool. Celles-ci

démontrent que la progression est constante et va s'accentuant de

jour en jour. Laissez-moi, à ce propos, vous citer quelques chiffres.

A Paris, la consommation moyenne d'alcool absolu par habitant,

pendant l'année 1893, a été de 7 litres environ. A Caen et à Rouen,

262 SOCIÉTÉS SAVANTES..

elle est d'un peu plus de 15 litres et à Cherbourg elleatteint 18 litres

Il s'agit là d'alcool absolu et pour avoir la quantité d'alcool con-

sommé par chaque habitant sous forme d'eau-de-vie, il convient de

doubler au moins les chiffres précédents. En outre, il ne faut pas

oublier que cette statistique, basée sur des chiffres relatifs à la

consommation de l'alcool soumis aux droits, ne tient pas compte

de l'alcool introduit en fraude, lequel entre cependant pour une

large part dans la consommation.

Parallèlement à l'accroissement de la consommation de l'alcool,

se manifeste une augmentation dans le nombre des cas de folie

alcoolique, et la fraude n'est pas étrangère à la recrudescence de

l'alcoolisme. Nous savons que l'alcool exerce sur l'organisme une

action d'autant plus délétère qu'il est moins pur et c'est surtout

sur la qualité de l'alcool que s'exerce lafraude.De ce fait, le danger

se trouve donc encore accru.

Que pourrait-on faire en face de cette situation, pour parer, dans

une certaine mesure, aux dangers qu'elle présente ? Demander aux

buveurs de restreindre leurs excès de boisson, c'est une éventua-

lité sur laquelle il n'est'pas permis de fonder de sérieuses espé-

rances. Il n'est pas possible non plus de leur demander de ne boire

que des alcools de bonne qualité, en raison du prix élevé de ceux-ci.

Mais un voeu qu'on peut formuler, c'est de demander à l'État de

surveiller la fabrication des alcools et de n'autoriser la vente que

d'alcools complètement rectifiés. Pour réaliser ce desideratum, il

conviendrait d'établir le monopole de l'alcool, l'État pourra ainsi

exercer un contrôle plus effectif sur sa fabrication. Par conséquent,

création du monopole de l'alcool et surveillance de sa rectification,

voilà des réformes que, dans un intérêt social, nous avons le devoir

de réclamer. '

M. DENY (de Paris) fait remarquer que si, conformément à l'opi-

nion exprimée par M. Joffroy, on place dans l'asile d'alcooliques

tous les prédisposés qui présentent des troubles mentaux, à la

suite d'excès de boisson, cet asile spécial sera rapidement envahi

par des aliénés ordinaires et ne répondra plus à sa véritable desti-

nation.

M. JoFFRoy réplique que son intention n'a jamais été de con'-

" ondre les délirants systématisés avec accidents alcooliques sur-

ajoutés, par exemple, avec les prédisposés qui font un délire

relevant manifestement de l'intoxication par l'alcool et susceptible

de guérir par la suppression de l'agent toxique.

M. Doutrebente (de Blois) manifeste quelques craintes au sujet

de la qualité de l'alcool qui serait livré à la consommation si l'État

en monopolisait la fabrication. -, ,

. M. JoFFROY répond qu'on n'a qu'à,se reporter aux expériences

réalisées à l'étranger et qui ont.été exposées .dans le rapport de

· SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

M. Alglave. Celles-ci paraissent avoir donné en Suisse, par exemple,

d'excellents résultats, et l'on peut espérer qu'en France il en serait'

de même.

M. GIRAUD s'attache ensuite à faire ressortir l'importance du

caractère confessionnel des sociétés de tempérance à l'étranger. Là

seulement où elles ont eu ce caractère, elles ont pu donner quelque'

résultat; aussi estime-t-il qu'il n'y a pas à compter sur ce moyen'

de réformer les moeurs d'une partie de ra population en France;

il se rallie à la proposition de M. Joffroy concernant la monopo-

lisation par l'Etat. '

M. Roui3y lit sur ['alcoolisme en Algérie un mémoire dans lequel

il établit que l'ivrognerie fait beaucoup plus de ravages parmi les

colons que parmi les Arabes. ' ,

La séance est levée.

Le congrès charge MM. LADAME, et LEGRAIN, de lui sou-

mettre les conclusions définitives au début de la prochaine

séance, fixée au lendemain mercredi à 2 h. 1/2. La séance

est levée à 5 heures et rendez-vous est donné pour le lende-

main à 9 heures à l'asile privé de Sainte-Marie.

Séance du 8 août (soir). Présidence DE M. PIERRET. ,

ASSISTANCE ET LÉGISLATION RELATIVES AUX ALCOOLIQUES.

Après lecture du procès-verbal, M. Ladame propose au Congrès

d'émettre les voeux ci-après : 1° Que des asiles spéciaux soient

fondés pour le traitement des buveurs; 2° Que des mesures spéciales

soient prises à l'égard des buveurs d'habitude qui constituent un

véritable danger pour la société.

MM. Giraud, Charpentier prennent la parole sur le sujet ainsi

que le Dr Bourneville qui propose de voter d'abord sur la question

de principe de séquestration et de la nécessité d'une loi. Sans une

loi qui autorise l'internement des ivrognes, il est parfaitement

inutile de créer un asile pour eux.

L'ordre est interverti, la première question passe au deuxième

rang. La discussion d'hier recommence et 1111. LcnaIN, Vallon et

Charpentier présentent des observations sur les mots ivrognerie et

alcoolique.

M. Bourneville dit qu'il s'agit des buveurs incorrigibles, dits

ivrognes de profession, dangereux pour l'ordre public, qui sont

d'abord l'objet principal du rapport de M. Ladame, ce qu'on semble

oublier; c'est de l'assistance des ivrognes qu'il s'agit et non de

celle des alcooliques, aliénés ou des aliénés par-alcoolisme. ,

264 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. DESCHAMps qui se rend compte de la faute commise par le Con-

seil général demande au Congrès d'émettre le voeu qu'une commis-

sion administrative spéciale soit nommée pour étudier le pro-

gramme d'un asile d'alcooliques.

La discussion semble s'égarer. M. Vallon reprend la parole pour

demander simplement le désencombrement de son service, il vou-

drait un violon, une garderie pour les ivrognes qu'on arrête et qui,

le lendemain, sont guéris.

M. Deschamps. Si vous attendez une loi, vous attendrez

bien dix ans; je viens vous offrir l'application de vos désirs, le

moyen de désencombrer vos asiles. Au Conseil général de la Seine,

nous demandons des conseils, tout en vous offrant 500 places nou-

velles pour des alcooliques. Dans notre zèle, nous avons peut-être

le tort de marcher trop vite; mais cependant il y a lieu de prendre

une décision. '

M. BOURNEVILLE fait observer que le moment n'est guère propice

à la nomination d'une commission non par le Congrès mais par

l'administration de la Seine ; que l'élaboration du'programme

demandé exigera des recherches et du temps; que les architectes

concurrents sont à l'oeuvre et doivent remettre leurs projets, quels

qu'ils soient, à la fin de novembre; que le Congrès n'a pas à s'im-

miscer dans les questions particulières ce qui aurait assurément

de graves inconvénients, mais à traiter des questions générales

intéressant tous les pays.

M. Brissaud trouve dangereux d'engager la responsabilité du

Congrès. M. JoFFROY propose un troisième voeu, devant lequel

M. Deschamps retire le sien. Ce voeu est ainsi conçu : que les

médecins aliénistes soient consultés pour la construction d'un asile

pour les alcooliques. Ce voeu est adopté.

SUITE DE LA DISCUSSION SUR LES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES.

M. BABINSKI expose les relations qui existent, d'après certains

auteurs, entre le tabès et les névrites périphériques. Il rappelle les

lésions de l'ataxie locomotrice : sclérose des cordons postérieurs,

dégénérescence des racines postérieures, altérations de la subs-

tance grise de la moelle ou du bulbe, atrophie des nerfs optiques

et enfin des névrites (Pierret, Déjerine). La plupart des patholo-

gistes s'accordent à reconnaître que les lésions des racines posté-

rieures sont secondaires et celles des cordons postérieurs primitives.

Toutefois certains auteurs prétendent que la sclérose des cordons

postérieurs résulte d'une dégénérescence secondaire consécutive à

l'altération des racines postérieures. Cette manière de voir ne me

parait pas exacte; en effet, d'une part, il n'est pas prouvé que le

processus anatomique de la sclérose tabétique soit identique à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265"

celui de la dégénération secondaire, et, d'autre part, il est établi

que la sclérose des cordons postérieurs peut exister sans que les

racines postérieures soient nettement altérées.

Ce que l'on peut dire, c'est que les fibres des cordons postérieurs

qui dégénèrent dans le tabes appartiennent principalement au

système des fibres radiculaires. Mais quel est le point de départ

de l'altération de ces fibres ? Il était tout .naturel de le chercher

dans les centres trophiques des fibres en question, dans les gan-

glions cérébro-spinaux. Cependant les résultats des investigations

anatomiques, sauf dans quelques cas exceptionnels, ont été néga-

tifs. Si l'on veut, néanmoins, continuer à soutenir que des altéra-

tions ganglionnaires sont l'origine de la dégénérescence des fibres

radiculaires, il faut invoquer l'existence de lésions dynamiques,

ce qui n'est jusqu'à présent qu'une pure hypothèse.

Passons maintenant aux altérations (du système moteur. Leur

point de départ peut être localisé, à titre d'hypothèse, comme

celui des lésions du système sensitif, dans les cellules nerveuses.

Les altérations périphériques des fibres motrices peuvent être

attribuées à une modification dynamique des cellules ,dont ces

fibres dérivent, c'est-à-dire des cellules motrices de la moelle et

du bulbe. Dans certains cas les modifications cellulaires sont plus

profondes et de dynamiques elles deviennent organiques.

Cette hypothèse établit une relation étroite entre les altérations

périphériques et les altérations centrales du système moteur.

D'après cette conception, l'agent du tabes exercerait d'abord son

action pathogène sur certains centres cellulaires en y produisant

des modifications organiques dont les altérations des fibres des

nerfs et de la moelle ne seraient que la conséquence.

Enfin, la dégénération' des fibres du nerf optique serait aussi

sous la dépendance de quelques modifications plus ou moins appré-

ciables de leur centre trophique.

Une opinion toute différente a été émise. On a supposé que les

altérations des nerfs étaient primitives et que les lésions cellulaires

qu'on observe parfois n'en étaient que la conséquence et se déve-

loppaient par le mécanisme de la névrite ascendante. Le tabes, dit

M. Déjerine, apparaît de plus en plus comme une maladie des'

nerfs périphériques, sensitifs, sensoriels ou moteurs.

Je rappellerai cependant qu'il n'existe pas encore une seule

observation de névrite d'origine externe ayant donné naissance à

des lésions spinales comparables à celles qui appartiennent au

tabes. Je ferai observer ensuite que les polynévrites alcoolique,

saturnine ou diphtéritique ne paraissent pas capables de donner

naissance à la maladie de Duchenne.

M. Pierret. Depuis près de vingt-cinq ans j'ai publié un grand

nombre de travaux sur le tabes; je n'y reviendrai pas, je désire

266 SOCIÉTÉS SAVANTES. '

seulement consigner aujourd'hui les principaux résultats qui décou-

lent de mes recherches. J'ai montré en premier lieu que le tabes

dorsalis vrai était une maladie systématisée et j'en ai fourni la

preuve en établissant qu'à côté des lésions de l'axe médullaire il

existait dans cette affection des altérations du cerveau et des nerfs.

Le premier, j'ai décrit l'existence fréquente, au cours du tabes, de

névrites cutanées. Toutes les parties du système nerveux sont donc

altérées, à des degrés divers, dans le tabès et il serait tout aussi

inexact de le considérer comme une affection du système nerveux

central que d'en faire une maladie exclusivement périphérique.

' Mais il y a un second point que je désire mettre en relief, parce

qu'il prouve une fois de plus les nombreux liens qui unissent la

pathologie mentale à la neurologie. Quelle doit être la dominante

symptomatique d'une affection qui porte son action sur l'ensemble

du système nerveux ? Elle se traduira surtout par des phénomènes

douloureux, sensitifs ou sensoriels extrêmement pénibles. Or ces

phénomènes, contrairement à l'opinion commune, retentissent

fréquemment sur l'intelligence et finissent par déterminer l'appa-

rition, chez les vieux tabétiques, de véritables délires à forme

lypémaniaque ou à forme de délire de persécution. J'en ai rapporté

plusieurs exemples. On peut observer également dans les mêmes

conditions les différentes variétés de délire qui caractérisent la para-

lysie générale progressive, lorsque l'extension des lésions tabé-

tiques du cortex a donné naissance à une véritable méningo-encé-

phalite secondaire.

Des psychoses dans les polynévrites. M. Régis (de Bordeaux).

Plusieurs auteurs, surtout étrangers, ont décrit, comme on sait,

des troubles mentaux de la polynévrite. Ces troubles mentaux

peuvent se présenter avec des manifestations délirantes et halluci-

natoires variées, mais leur symptôme fondamental est l'obtusion,

la confusion mentale, pour employer l'expression maintenant cou-

rante. Cette confusion mentale se traduit essentiellement, comme

tous les auteurs l'ont fait remarquer, et en particulier Charcot

pour la polynévrite alcoolique, par une perte de la mémoire mas-

sive, écrasante, portant plus spécialement sur les faits récents et

actuels, si intense parfois que les malades, lorsqu'on leur pose une

question, l'oublient immédiatement, comme ils perdent le souve-

nir des premiers mots d'une phrase qu'ils commencent, du repas

qu'ils viennent de faire, etc., etc ·

Si l'on est tout à fait d'accord sur les caractères symptoma-

tiques de l'état mental dans la polynévrite périphérique, en

revanche on ne l'est point sur sa pathogénie. Certains auteurs,

comme Korsakoff, font de cet état mental une manifestation spé-

ciale à la polynévrite, d'où le nom de cérébropathie totémique ou

psychose polynévritique, qu'ils lui ont attribué. D'autres, tout en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267.

reconnaissant qu'on le rencontre assez fréquemment dans la poly-

névrite, n'admettent pas qu'il lui soit spécial, encore moins subor-

donné, et considèrent que trouble mental et polynévrite sont deux

conséquences possibles d'une même cause, l'intoxication ou l'in-

fection. 1

Certains faits dans lesquels le même trouble mental s'est observé

à la suite d'une maladie infectieuse sans coexistence de polynévrite,

joints aux nombreux faits que l'on connaît de polynévrite sans le

moindre désordre intellectuel, sont très probants à cet égard. En

voici un, du même ordre, que je viens d'observer tout récemment.

Un jeune homme, à la suite d'une angine diphtéritique grave,

présenta une obtusion mentale des plus manifestes. A peine ren-

tré au corps, au mois d'avril 1894, il fut atteint d'une nouvelle

maladie infectieuse, la rougeole, qui, dès la période d'incubation,

aggrava notablement son état psychique en y ajoutant un élément

mélancolique accompagné de tendance au suicide. A la fin du mois

de mai, ce jeune homme, de nouveau en convalescence, revint

chez lui et comme il ne s'améliorait pas au point de vue cérébral,

on me l'amena le 10 juillet. Il est hébété; on lui parle, il n'a pas

l'air de comprendre et fait répéter la question. Avant d'y ré pondre,

il a l'air de réfléchir, puis il parle lentement, en mots coupés,

hachés, espacés les uns des autres par de courts silences, comme

s'il cherchait dans l'intervalle ce qu'il va dire. Il a oublié bien des

choses, notamment les détails de ses deux infections, sur lesquelles

il ne donne que des renseignements très vagues ; il ne sait ce

qu'il a fait la veille et dans la journée; il ignore s'il a mangé. II

se rappelle beaucoup mieux les souvenirs anciens, notamment les

leçons d'école et l'écriture sténographique apprise autrefois, mais

il serait fort embarrassé, dit-il, pour expliquer les installations

électriques dont il s'occupait un peu avant son tirage au sort. La

mémoire, du reste, n'est pas seulement atteinte; il y a chez lui

adynamie psychique générale intense, car la moindre opération

delà pensée nécessite un effort et un temps relativement considé-

rables. L'équation personnelle, mesurée à ce point de vue par

M. Rivière, a donné un retard double de la normale. A côté de

cette obtusion, on trouve encore chez le malade un certain degré

de dépression mélancolique sans délire, conscient, presque logi-

que, qui lui fait désirer la mort plutôt que de rester indéfiniment

dans cet état d'infériorité mentale.

Tel est, depuis près de huit mois, l'état psychique du malade,

ce qui prouve combien sont profonds et durables les retentisse-

ments des maladies infectieuses sur le système nerveux.

Or, ce malade, dont l'état mental est manifestement l'état men-

tal caractéristique de la psychose polynEv9·itiqùe, n'a jamais eu de

polynévrite, ou plutôt il n'en avait jamais eu jusqu'ici, lorsque le

- 34 juillet, à la suite d'un refroidissement léger, il se présente à

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nous avec un peu d'arthrite de l'épaule gauche, de vives douleurs

spontanées du bras de ce côté, exagérées par le moindre mouve-

ment, enfin une hyperaigesie au toucher du nerf cubital tout le

long de son trajet. La plupart des nerfs des membres sont doulou-

reux, en particulier les nerfs cubitaux, les nerfs circonflexes, les

cruraux. Certains points des masses musculaires sont également

douloureux. 11 y a aussi quelques troubles de la sensibilité, notam-

ment de l'hypo-esthésie symétrique au niveau des épaules.

Je laisse aux neurologistes le soin de décider si, dans ce cas, on

peut suppposer que ces manifestations d'ailleurs incomplètes et

peu intenses de polynévrite sont imputables à l'infection déjà

ancienne et de nous dire s'il existe des précédents de ce genre.

A priori, cela peut être et il me semble qu'étant donné la persis-

tance si longue des troubles post-infectieux, on peut admettre que

l'infection laisse après elle et pour longtemps une disposition

éminemment favorable aux polynévrites, sous l'influence de la

moindre cause occasionnelle. Quoi qu'il en soit et s'il y a réelle-

ment ici un début de polynévrite, je tiens à faire remarquer que

cette polynévrite n'est survenue que près de huit mois après l'ap-

parition de l'obtusion mentale et que, par conséquent, on ne peut

la considérer comme véritablement liée au trouble mental.

Ce fait vient donc à l'appui de cette opinion que la psychose dite

polynévritique est tout simplement une psychose infectieuse, et je

suis de ceux qui pensent, par conséquent, que polynévrite et psy-

chose sont deux manifestations différentes de la même cause, l'in-

toxication ou l'infection, susceptibles de se présenter suivant les

cas, soit isolées, soit associées.

La séance est levée. (A suivre.)

La journée du jeudi août a été consaciée aux excursions au

Puy de Dôme. Le soir un banquet réunissait la plupart des con-

gressistes. Parmi les invités nous signalerons M. le préfet Bardon,

M. Lécuellé, maire, M. Bleynie, vice-président de la commission des

hôpitaux et hospices de Clermont-Ferrand, etc. Des toasts ont été

portés par M. Pierret, président, par le préfet, par M. le Dr Ladame,

M. le maire, nos amis Bousquet, Joffroy, Brissaud, A. Marie, Dou-

trebente. B.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 30 juillet 1894. Présidence DE M. A. Voisin.

àl.'RIST. Sur un pseudo-attentat anarchiste. Il s'agit d'un fait-

divers dont les journaux ont entretenu leurs lecteurs, il y a envi*

SOCIÉTÉS SAVANTES. 369

ron trois mois. Un jeune homme, afin d'obtenir de l'avancement

dans une administration dont il était employé, prétendit avoir

sauvé le bâtiment où il travaillait et ses habitants des dangers d'une

explosion, et, pour appuyer son dire, apporta une bombe chargée

dont il prétendit avoir éteint la mèche en temps opportun. ZD

Cette supercherie avait été combinée d'une façon si grossière

que l'intégrité des facilitées mentales du délinquant fut mise en

doute. J'eus l'occasion de l'observer deux fois dans sa prison et je

constatai que j'avais affaire à un déséquilibré que l'on pourrait

même taxer de demi-imbécile. Je suis convaincu que les idées de

crimes anarchistes hantaient depuis longtemps l'esprit de M. X...

et que ce n'est que par timidité et par un reste de conscience qu'il

a transformé un vrai crime en une innocente supercherie.

A cette occasion, j'appellerai l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait

à publier dans les journaux spéciaux le plus grand nombre possible

de cas analogues (cas fréquents dans les prisons), afin d'en former

un faisceau de faits imposants qui permettraient d'étudier avec

fruit l'histoire de ces sujets éminemment suggestibles.

Les renseignements fournis par la famille ne permettent pas de

considérer M. X... comme un héréditaire. Dans ses antécédents

personnels, on relève anciennement quelques idées vagues de per-

sécution, depuis longtemps dissipées. Etant donné les motifs d'in-

térêt (avancement) qui ont poussé M. X... à simuler un pseudo-at-

tentat anarchiste, étant donné surtout son degré d'éducation, les

bons exemples qu'il avait sans cesse sous les yeux dans le milieu où

il vivait, j'ai conclu à sa responsabilité, mais à sa responsabilité

atténuée, en raison de sa demi-imbécillité. X... a été condamné à

un an de prison. '

Après quelques observations de MM. Vallon et Charpentier,

M. CHRISTI1N demande à M. RIST si on ne se trouve pas là en pré-

sence d'un acte analogue à ceux commis si fréquemment par les

hystériques, dans le but d'attirer l'attention sur eux..

M. RIST. - 7'ai recherché vainement chez l'individu dont je parle

les stigmates hystériques.

M. Colin. Sur le fonctionnement et Inorganisation de la colonie des

aliénés criminels de Gaillon. Gaillon est l'infirmerie des aliénés

des prisons, on y détient non pas des aliénés devenus criminels,

mais des criminels devenus aliénés dans le cours de leur détention.

Au point de vue numérique, le service de surveillance y est très bien

organisé. Les surveillants (des gardiens de prison) y sont répartis

dans la proportion de 3 pour 10 ou 12 malades ; ces gardiens sont

doublés par des auxiliaires ; on arrive ainsi à une surveillance

exercée par une personne pour deux malades. Il est regrettable

que les auxiliaires soient des condamnés en cours de peine, comme

270 BIBLIOGRAPHIE.

cela existe du reste à l'infirmerie du Dépôt de la Préfecture de

police, avec les mêmes inconvénients. ,

Le régime alimentaire est excellent et, à ce point de vue comme

à celui de la surveillance, l'organisation de Gaillon est bien supé-

rieure à. celle de la majorité des asiles de province.

Il est fâcheux que les aliénésne travaillent pas, carlamoiliédeces

aliénés étant épileptiques et inoccupés, le temps se passait pour

eux en tentatives de rixe, provocations, échanges de propos gros-

siers. J'ai commencé à organiser le travail. La tâche m'a été relati-

vement facile, carie travail est bien rémunéré. Le prix de la journée

de travail est à Gaillon de 1 fr. 25 par jour; cette rémunération

est considérable, comparée au pécule journalier de la Seine,

soit 0 fr. 30 à 0 fr. 40, et surtout à celui des aliénés de province,

soit 0 fr. 20 à 0 fr. 10. C'est là un vif encouragement au travail, car

cela permet à ces malades de s'offrir à la cantine des douceurs

qu'ils ignoraient jusqu'ici. Malgré tous ces avantages, on ne ren-

contre que bien rarement des simulateurs. L'immense majorité des

pensionnaires de Gaillon provient des prisons de province ; peu

viennent de Paris ; la raison en est qu'à Paris les prévenus sont,

bien plus facilement qu'en province, l'objet d'expertises médico-lé-

gales. Guéri au point de vue mental, l'aliéné ne sort de Gaillon

qu'à l'expiration de sa peine; si, à cette même époque, il est encore

un irresponsable, il doit être transféré dans un asile public; mais

on rencontre alors des difficultés- considérables pour placer ces

malades, car en province c'est à qui leur refusera l'entrée de l'asile.

Par conséquent, que le malade s'améliore ou non, l'état de choses

actuel est pour lui déplorable et la responsabilité du médecin me

semble gravement engagée dans les deux cas.

M. Charpentier pense que, même avec la nouvelle loi, la direc-

tion des aliénés criminels sera toujours une source d'embarras

considérables pour le médecin traitant.

M. Motet. La prochaine loi remédiera à ces multiples incon-

vénients, car il y est dit d'une part que tout aliéné criminel sera

maintenu tant qu'il sera susceptible de rechute, et d'autre part

l'intervention de la magistrature dégagera la responsabilité du mé-

decin. Marcel Briand.

BIBLIOGRAPHIE.

V. Du traitement électrique du tabès. Recherches cliniques;

par le Dr Simon LABORDE.' (Thèse de Bordeaux, iio 79.)

Les résultats obtenus à la clinique du professeur Bergonié démon-

BIBLIOGRAPHIE. 271

trent que de toutes les méthodes d'électricité, la plus efficace dans

le traitement du tabes est celle par les courants continus suivant le

procédé d'Onimus modifié sur un point, la direction du courant.

On emploie à la clinique électrothérapique de Bordeaux des cou-

rants continus dirigés sur la colonne vertébrale indifféremment

ascendants ou descendants et non pas exclusivement ascendants,

comme l'indique Onimus. On applique à la région cervicale et à la

région lombaire chacune des deux électrodes mesurant 150 centi-

mètres carrés, préalablement trempées dans l'eau ordinaire, et on

fait passer pendant dix minutes ou un quart d'heure un courant

constant de 12 à 20 milliampères. Il importe de régler cette inten-

sité suivant la sensation éprouvée, qui doit être intermédiaire

entre le picotement et la brûlure légère, sans jamais atteindre

celle-ci. On obtient par ce traitement non pas la guérison du tabes,

mais dans certains cas une amélioration qui peut porter sur les

douleurs, les troubles oculaires, la faiblesse des membres.

, E. Régis

VL Des états seconds; variations pathologiques du champ de la

conscience; par le Dr Louis-Henri-Charles Laurent (Thèse de Bor-

deaux, n° 13.)-

Intéressant et important travail de 180 pages, fait sous l'inspira-

tion de M. le professeur Pitres et où sont passées en revue, dans

une étude critique d'ensemble, les diverses théories relatives à la

psychologie des états seconds. En voici les conclusions :

. Il existe une série d'états psychiques, désignés sous le nom d'états

seconds, caractérisés, dans les cas les plus nets, par une véritable

altération de la personnalité, le sujet étant autre qu'à l'état de

veille et perdant, lors de son retour à l'état normal, le souvenir de

tout ce qui s'est passé pendant la période pathologique. Ces états

ne doivent pas être étudiés séparément, mais bien groupés en un

seul faisceau, car il n'y a entre eux qu'une différence de forme,

déterminée par leur cause occasionnelle. Le phénomène psycholo-

gique est, au fond, toujours le même,- fait bien prouvé par la faci-

lité avec laquelle ces états peuvent se transformer l'un dans

l'autre et la persistance presque constante de la mémoire des actes

accomplis, pendant l'un, dans l'autre.

A ces cas bien tranchés (altération de la personnalité, somnam-

bulisme naturel ou provoqué, automatisme ambulatoire, sommeil

produit par l'éther ou le chloroforme, dernière période de la

grande attaque), il faut joindre un certain nombre d'états frustes,

caractérisés par la prédominance des phénomènes subconscients

et le souvenir partiel et souvent vague au moment du retour à

' l'état normal; ce sont : les états frustes de Bernheim, de distraction

de P. Janet, de fascination de Brémaud, le sommeil naturel et le

rêve, l'ivresse, etc.

2'il) FAITS DIVERS. : Cette prédominance des actions inconscientes et subconscientes

peut même se rencontrer pendant la veille chez une classe parti-

culière d individus, les hystériques. L'étude clinique de ces malades

permet de constater chez eux un stigmate mental constant, le ré-

trécissement du champ de la conscience, phénomène qui, mieux

que tout autre, permet d'expliquer les troubles de leur état men-

tal et certains de leurs stigmates physiques, bien qu'il reste encore

à trouver la raison de la systématisation des anesthésies que la dis-

traction seule ne suffit pas à expliquer.

Le rétrécissement du champ de la conscience permet chez ces

malades l'organisation d'un personnage inconscient ou subcons-

cient toujours prêt à se manifester, ce qui permet de comprendre

que le somnambulisme naturel ne se produit que chez les hysté-

riques, que le somnambulisme provoqué ne peut être nettement et

facilement produit que chez eux et que, chez l'homme physiologi-

quement sain, à conscience large, on ne pourra jamais déterminer

que des états frustes d'hypnose.

. Cet état particulier de débilité mentale, qui peut coïncider pour-

tant dans l'hystérie avec un certain brillant de l'intelligence, se

produit également chez l'homme sain sous diverses influences dont

l'effet général est d'affaiblir la puissance mentale et la répétition

peut amener la production artificielle d'un état mental analogue

à celui de l'hystérique. E. Régis.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés : Mutations et nominations. A la suite du

dernier concours de médecins adjoints, ont été nommés :

MM. Vigoureux, à l'asile d'Évreux; ANGLADE, à l'asile de Bracque-

ville; 1VIAUPATI, à l'asile d'Armentières; VIALLON, à l'asile de Dijon ;

CHARRUEL, à l'asile de Fains; BOURDIN, à l'asile de Bassens; Hamel,

à l'asile de Dôle; Bernez, à Saint-Meen; PÉTHARMAN, à l'asile de

Lafond (arrêté du fer août).

M. le DDEmcQ, médecin adjoint à l'asile de Prémontré, est nommé

-directeur, médecin à l'asile d'Alençon, en remplacement de

.M. PAGES, décédé (Iûjuillet);M. le D'' LwpFF, médecin adjointà l'asile

d'Aux erre,, est nommé médecin adjoint à Prémontré (1e'' août;;

M. le Dr ALLAMAN, médecin adjoint à l'asile de Bailleul, est nommé

médecin adjoint à l'asile d'Auxerre (3 août).

, Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE. ·

Fvreux, Ch. IlÊni9snY, imp. 991

Vol. XXVIII. Octobre 1894. N° 92.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE

ASILE CLINIQUE (SAINTE-ANI4F). - M. MAGNAN.

DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES DIVERSES

PSYCHOSES.

PREMIÈRE LEÇON.

SÉMÉIOLOGIE GÉNÉRALE'.

Sommaire. De la méthode en pathologie mentale. - 9onoma-

nie et délire partiel. La teneur du délire ne fournit au

diagnostic aucune indication précise. Il faut étudier : 1° sa

genèse; 2° son évolution.

Folie diathésique et folie sympathique : Hérédité et folie,

graduation de l'influence héréditaire dans les diverses psy-

choses. Délires systématisés dans les états maniaques et

. mélancoliques, dans la folie intermittente, le délire chronique

. et la dégénérescence mentale.

Différences dans la genèse des délires. Différences dans

leur évolution.-La prédisposition et l'étal mental sous-jacent

rendent compte de ces différences.

La même influence se fait sentir dans les états mixtes tenant

a à la fois de la pathologie et de la psychiatrie. Délires dans

l'alcoolisme, les névroses, la paralysie générale.-Conclusion.

MESSIEURS,

Deux méthodes sont en présence pour l'étude de la folie.

L'une fragmente le grand complexus symptomatique par

' Leçon faite à la Clinique, recueillie par le D Pécharman, médecin

adjoint des asiles de la circonscription de Paris. - .

Archives, t. XXVIII. 18

274 CLINIQUE MENTALE.

lequel se traduisent les maladies de l'intelligence ; elle détache

successivement les principaux symptômes et les élève à la

dignité d'entités pathologiques. Ainsi sont nées les monoma-

nies : délire des persécutions, démonopathie, agoraphobie,

folie du doute, etc.

L'autre méthode donne à chaque phénomène le rang qui lui

revient, non pas seulement d'après sa forme, mais encore et

surtout d'après 'son évolution. Elle ne décrit plus comme

espèces distinctes les diverses phases d'une maladie ; mais elle

essaye d'embrasser tout son ensemble, de reconstituer son

passé et de prévoir son avenir; elle rétablit l'accord de toutes

ses parties, soude tous ses chaînons, depuis la cause jusqu'au

pronostic.

L'étude des délires systématisés ne peut être faite qu'à la

lueur de cette dernière méthode.

Vous voyez un malade atteint d'idées de persécution, très

étroitement liées ; il a des hallucinations de l'ouïe, des troubles

de la sensibilité générale. D'invisibles ennemis le traquent de

tous côtés, l'accablent d'insultes, agissent sur lui à l'aide de

mystérieux engins. « C'est un persécuté, dites-vous ? Etc'est

tout. Pas un mot de pronostic. Réduits aux seules ressources

de l'observation actuelle, vous êtes impuissants à le donner.

Mais dix, quinze, vingt ans plus tard vous revoyez ce même

malade. Il n'a pas cessé de délirer, et cependant vous le recon-

naissez avec peine. Paré d'une personnalité nouvelle, le paria a

oublié ses misères ; il est prince, roi ; il dispose d'immenses

richesses. Le persécuté d'autrefois a fait place au mégalomane.

Que sont devenues les monomanies en face de cette évolu-

tion ? '

Mais voici un deuxième sujet. Celui-là, il est ambitieux, il

n'a jamais été qu'ambitieux ; il est empereur, il est pape, il

est Christ, il va bouleverser l'ordre social, réformer l'Église. Il

paraît bien, en effet, le représentant du délire partiel; il a pu

en être donné comme le type parfait. Mais scrutez son passé,

interrogez son dossier héréditaire, vous pourrez voir alors que

ce malade, aliéné, dit-on, sur un seul point, son raisonne-

ment étant sain sur tout autre objet, c'est ainsi que l'on

entend le délire partiel. Vous pourrez voir, dis-je, que ce

malade a épuisé dans sa vie la somme des irrégularités ou des

extravagances, que son enfance a été traversée d'accidents

nerveux ou psychiques, que ses ascendants étaient des désé-

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 275

quilibrés, des alcooliques, des névropathes, des psychopathes.

Si bien que ce délire partiel ne vous semblera plus que l'effet

d'un état général.

- En somme, la teneur du délire ne fournit au diagnostic que

de bien vagues indications. Elle est incapable de nous per-

mettre un diagnostic complet, c'est-à-dire un diagnostic com-

portant du même coup le pronostic.

Interrogeons d'autres éléments, et voyons par exemple si la

genèse et l'évolution du délire ne nous donneront pas la solu-

tion du problème.

Les lésions de l'organisme sont capables de réagir sur les

fonctions du cerveau et de les troubler ; mais il ne faudrait pas,

au point de vue de la genèse vésanique, exagérer l'influence de

certains états diathésiques et décrire avec Berthier des névroses

diathésiques, ou avec Bail des folies diathésiques : folie tubercu-

leuse, goutteuse, rhumatismale, cancéreuse, brigthique, syphi-

litique, etc.

Ces descriptions, qu'une saine clinique repousse, sont sédui-

santes par leur simplicité et font si bien leur chemin, que des

esprits fort intelligents, n'envisageant qu'un côté de la ques-

tion, n'ayant pas toujours l'occasion de contrôler par l'étude

comparative des faits toutes ces données théoriques, finissent

par croire que le tubercule, la goutte, le rhumatisme, la syphi-

lis, etc. peuvent de toute pièce engendrer la folie, qui, par

elle-même, a pourtant des caractères spécifiques si éminem-

ment personnels. Ils ont bien sous les yeux un tuberculeux,

un syphilitique, un cancéreux qui délire, mais ils négligent de

se demander pourquoi ce tuberculeux au milieu de mille

autres tuberculeux, ce syphilitique au milieu d'une infinité de

syphilitiques, ce cancéreux délirent, et pourquoi tous les

autres tuberculeux, syphilitiques, cancéreux ne délirent pas.

Il y a à cela une raison majeure, c'est que ces sujets diathé-

siques ont à délirer des titres qu'ils puisent ailleurs que dans

leur diathèse. Ils sont cancéreux, c'est vrai, mais ils sont aussi

prédisposés à la folie, et l'on retrouve dans cette prédisposi-

tion, dans les antécédents héréditaires, la véritable cause du

délire. Ils ont la folie en puissance et les manifestations can-

céreuses, rhumatismales, syphilitiques, etc., peuvent agir

comme cause déterminante, ainsi qu'ont droit de le faire le

froid, le chaud, les fatigues, les émotions morales, etc. ; mais

c'est tout ; aller au delà, c'est consacrer une erreur.

276 CLINIQUE MENTALE.

Un exemple va vous faire mieux comprendre ce que j'en-

tends dire.

Il y a quelques années, entrait dans mon service une jeune

maniaque de vingt-deux ans, atteinte d'une syphilide papu-

leuse. Dès le lendemain, un de mes amis, syphiliographe très

expérimenté, accourt pour me parler de cette superbe manie

syphilitique. L'exemple était bien choisi pour démontrer qu'il

n'y avait rien de syphilitique dans cette manifestation de la

folie, que les secousses morales endurées par la jeune fille

avaient comme cause déterminante une influence tout aussi

grande que la syphilis et que ses antécédents expliquaient la

prédisposition qui faisait le fonds même de l'état maladif et en

était la véritable cause efficiente.

Cette malade présentait un accès maniaque simple ; elle était

d'une volubilité extrême ; loquace, hallucinée, elle criait,

chantait, sautait, dansait, se roulait à terre, et, laissée libre

comme les autres malades du service, elle donnait large car-

rière à son besoin de mouvement.

J'affirmais à mon distingué confrère qu'il n'y avait chez cette

malade que les caractères habituels de la manie vulgaire, que

rien chez elle ne pouvait faire supposer une maladie différente :

J'ajoutais que très probablement dans six semaines à deux

mois, l'accès maniaque toucherait à sa fin ; que s'il n'y voyait

pas d'inconvénients, on ne ferait pas immédiatement le trai-

tement spécifique, de manière à bien établir la guérison de

l'accès sans iodure et sans mercure. Or, si l'accès venait à

guérir, la syphilis restant la même, il faudrait bien admettre

l'absence de corrélation entre l'une et l'autre, et, par suite,

que l'adage post hoc, ergo propter hoc si souvent invoqué en

matière de syphilis, démontrerait que la manie et la syphilis

étaient ici deux états coexistants, avec une étiologie différente,

et non pas autre chose.

D'un commun accord, nous instituâmes le traitement : des

toniques et du fer, la malade étant chloro-anémique ; du bro-

mure, des bains et du chloral à trois ou quatre reprises.

Au bout de quinze jours, cette jeune maniaque commença'

à dormir la nuit, mais elle restait fort agitée- le jour;-deux'

semaines après, se produisirent, dans la journée, des moments»

de répit, d'abord très courts, puis de plus en plus longs, et

finalement, au bout du second mois, la malade. était guérie de

son accès maniaque. Elle s'occupait d'une façon régulière, se

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 277

tenait convenablement, dormait bien, mais présentait encore

les mêmes accidents syphilitiques, peut-être un peu plus accu-

sés, pour lesquels je priai mon confrère de vouloir bien insti-

tuer un traitement.

Eh bien ! ne croyez-vous pas qu'envisagé par un esprit

prévenu, ce cas devenait la pierre angulaire d'une nouvelle

manie, la manie syphilitique ? La manie eût guéri malgré le

traitement spécifique, peut-être après une durée un peu plus

longue, mais enfin eût guéri, et la spécificité du traitement

eût entraîné la spécificité de la maladie.

C'est encore en exagérant l'influence étiologique de certaines

fonctions que l'on arrive, ainsi que l'a fait le D Skae, à

admettre comme autant d'espèces particulières la folie amé-

norrhéique, la folie post-connubiale, la folie de la grossesse,

la folie puerpérale, la folie de la lactation, de la ménopause,

la folie utérine qu'il désigne du nom de ovario-mania, utéro-

mania, sans compter la folie de la masturbation. Il suffit

d'énumérer ces espèces pour montrer à quelles exagérations

peut conduire la logique d'une théorie trop absolue.

Voilà une méthode naturellement féconde en nombreuses

espèces pathologiques, mais, derrière cette abondance, se

cache une véritable stérilité et, au milieu de cette mosaïque

symptomatique, le clinicien, désorienté, ne peut se retrouver,

car il perd de vue l'importance relative et l'ordre hiérarchique

des différents syndromes.

Un délire ne se développe donc pas au hasard. Il faut, pour

le faire naître, une certaine forme cérébrale qui est presque

toujours donnée par l'hérédité. Mais cette hérédité qui plane

sur toute la pathologie mentale, n'a pas également marqué

ceux qu'elle entache.

Il en est qu'elle a complètement tarés ; viciés dès le début,

profondément modifiés dans les manifestations de leur activité

psychique, ils sont des infirmes moraux, des difformes intel-

lectuels ; et chez eux s'allient souvent à la faiblesse mentale

des malformations physiques. Il y a déviation du type, rétro-

cession dégénérative, et, en vertu de la similitude de leurs

caractères, création d'une espèce toute particulière de malades :

les héréditaires dégénérés. Ceux-ci ont toujours un pied dans

la folie; d'un brusque écart, sous l'action des causes les plus

futiles, ils peuvent courir du calme au délire et retomber les

jours d'après dans une relative tranquillité.

278 Ô CLINIQUE MENTALE.

A l'autre extrémité de la pathologie mentale se rangent les

sujets que l'hérédité n'a presque pas atteints; faiblement pré-

disposés, ils peuvent, s'ils se trouvent soumis à des agents

puissants de débilitation (excès, veilles, fatigues, émotions,

marches prolongées, etc.) présenter un accès de manie ou de

mélancolie simple : chez eux la folie est fortuite, passagère et

en général ne reparaît pas.

Dans un autre groupe, les délirants chroniques, à prédispo-

sition plus accusée, mais dont l'équilibre mental reste intact

jusqu'au jour où se développe la maladie, le délire marche

sans trêve ni arrêt, suivant systématiquement toujours la

même évolution.

Entre ces derniers et les héréditaires dégénérés, sur l'éche-

lon intermédiaire, prennent place les fous intermittents. Chez

eux, la prédisposition native, latente pendant longtemps,

n'en fait pas moins sentir plus tard son intervention énergique

et soudaine : elle suscite ainsi le développement et la repro-

duction d'accès maniaques ou mélancoliques, isolés ou combi-

nés de diverses manières. Ces malades ont l'intelligence intacte

avant le premier accès, ils retrouvent de même, pendant les

périodes intercalaires, la plénitude de leurs facultés.

Manie et mélancolie simples, délire chronique, folie inter-

mittente, dégénérescence mentale sont des synthèses cliniques

à caractères fixes, des psychoses nettement définies qui réu-

nissent et classent le plus grand nombre de faits. Sur les

limites se montrent les cas hybrides, comme en présente la

clinique dans toutes les maladies, mais ces faits exceptionnels

ne font que confirmer la réalité, de ces espèces pathologiques.

C'est donc dans ces groupes que nous devons étudier les

délires systématisés. Ce sont les caractères nettement définis

de ces types morbides qui nous donneront les caractères évo-

lutifs des délires.

On a décrit des délires systématisés consécutifs à des accès

de manie ou de mélancolie. Mais, dans la plupart des cas signa-

lés, le nouveau complexus psychique avait pris racine dans

l'accès lui-même, les conceptions délirantes ne s'étaient pas

déployées en une marche progressive, souvent des idées hypo-

chondriaques se mêlaient aux idées de persécution ou de

grandeur ; c'étaient donc, en général, des accès maniaques ou

mélancoliques chez des dégénérés.

Les accès de folie intermittente se traduisent ordinairement

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 279 i)

par des phases mélancoliques ou maniaques, par des délires le

plus souvent diffus. Dans des cas plus rares, ces accès sont

constitués par de véritables délires systématisés (ambitieux,

mystique, de persécution), mais courts et limités à un petit

nombre d'idées. Le diagnostic devient d'ailleurs facile si l'on

tient compte de la marche et de la périodicité des accès, de

l'intégrité de l'état mental dans la période intercalaire, de l'ap-

parition du premier accès chez un sujet de vingt-cinq à trente-

cinq ans jusque-là sain d'esprit (ce qui exclut les héréditaires),

du développement brusque, sans cause déterminante énergique,

sans période prémonitoire (ce qui écarte les mélancoliques et

les maniaques simples).

Restent le délire chronique et la dégénérescence mentale,

c'est-à-dire la psychose des sujets préalablement normaux,

et le vaste complexus où viennent se ranger tous les déséqui-

librés du cerveau.

Le fond sur lequel va s'élever le délire diffère donc essentiel-

lement dans ces deux types opposés. La genèse et l'évolution

de leurs délires, ces deux éléments significatifs que nous

cherchons, seront également opposés. '

Je vous disais, il y a un instant, qu'une conception délirante

ne s'implante solidement que lorsque le terrain est prêt à la

recevoir. Or chez le dégénéré'que se passe-t-il ? L'hérédité en

a fait comme un terroir de la folie. Bien avant la floraison

délirante, des anomalies de l'intelligence, des irrégularités

morales et affectives en étaient sorties. A son tour, le délire

jaillit violemment, avec l'instantanéité d'une inspiration, armé

pour ainsi dire de toutes pièces, enveloppé dès sa naissance

de son ornement de troubles sensoriels. Le malade est-il per-

sécuté ? -Tout de suite il entend ses ennemis ; tout de suite, il

se plaint de leurs ténébreuses machinations, et il ne reste pas

longtemps à les connaître. C'est chez lui une systématisation

d'emblée, sans contrôle, sans gestation; le délirant dégénéré

ne réfléchit pour ainsi dire pas; il objectiveaussitôt les bizarres

constructions de son subjectivisme morbide.

Chez le délirant chronique, rien de pareil. C'est au sommet

d'une vie de travail que sourdement se modifie un état men-

tal jusque-là parfait. A ce moment la lutte pour la vie est à

son apogée; les heurts quotidiens de l'existence, les chagrins,

les échecs ruinent-ils insidieusement cette intelligence, ren-

dent-ils ce cerveau jusque-là valide apte à l'éclosion'de la

280 , CLINIQUE MENTALE.

folie ? Quoiqu'il soit, au moment précis où le délire se formule,

il y a déjà longtemps que la fermentation est créée; pénible-,

ment impressionné par une série de circonstances fâcheuses,

le futur délirant chronique se replie sur lui-même : il se con-

centre, il médite. Cette sorte de rumination psychologique

l'aigrit davantage encore. Il appréhendait; à présent, il soup-

çonne ; demain, il accusera. Le germe délirant est né, et il ne

fera que grandir, fécondé par la réflexion et le raisonnement.

Car si le dégénéré accepte, s'il s'assujettit tout de suite au

joug de la folie, le délirant chronique proteste et se défend. Il

examine, il cherche, il veut savoir et ce n'est qu'après un

siège de plusieurs années qu'il fait sa reddition au délire.

Ainsi, la genèse du délire est très différente dans ces deux

ordres de psychoses ; l'évolution ne l'est pas moins.

. Chez les dégénérés tout est aventure et désordre : ces délires

que nous avons vu s'installer avec tant de rapidité, achevés

.dès leur apparition, ont souvent une étrange complexité. Les

idées de persécution coudoient les idées de grandeur; à elles se

superposent des idées mystiques, des conceptions hypochon-

driaques, et tout ce mélange incohérent et enchevêtré, dispa-

raît souvent comme il est né. Ce n'est pas à dire que certains

délires des dégénérés ne se limitent, ne se cantonnent dans

une sphère plus étroite, en apparence bien systématisée. Mais,

dans ce cas, je vous l'ai dit, il n'y a pas de préface au délire :

complet dès le 'début, il n'évolue pas davantage; il piétine sur

place, il marque le pas, sans progresser ni s'accroître, tour-

nant dans un cercle fermé. D'ailleurs ces délires qui se pro-

longent dans le temps, mais restent fixes dans leur forme, ne

sont le plus souvent que la traduction d'un côté de l'état men-

tal que nous apprendrons à connaître : l'obsession. Et ici

encore, pareils à cette obsession, ils peuvent s'amender, dispa-

raître, reparaître, cesser pour toujours ou durer indéfiniment.

Le délire du dégénéré peut donc guérir ; il ne devient incu-

rable qu'au moment où le niveau intellectuel s'affaisse.

Le délirant chronique, au contraire, ne guérit pas; dès

qu'il a franchi les premières hésitations, dès qu'il est installé

dans la conviction de ses erreurs, il lui est impossible de

rétrograder. Chaque jour s'étend davantage ce champ des illu-

sions auxquelles il s'attache; et chaque jour il y pénètre plus

avant. Sa certitude vient de sa logique ; il croit parce qu'il rai-

sonne. Mais il est inébranlable, il évolue malgré lui, et lorsque

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 281

sa résistance cérébrale commence à diminuer, sa personnalité

exagérée revêt une forme nouvelle. Aux idées de persécution

succèdent les idées de grandeur. Le dégénéré, être originelle-

ment taré, peut entrer d'emblée dans le délire ambitieux; cette

manifestion des cerveaux affaiblis. Le délirant chronique n'y

vient qu'au moment où son intelligence fléchit : alors, sous la

violente poussée du travail syllogistique, le délire ambitieux

affleure à la surface.

En somme, délire chronique et dégénérescence s'opposent

l'un à l'autre en totalité. Qui dit délire chronique exclut par

ce fait même la dégénérescence.

L'étude des maladies de l'esprit n'est pas réduite aux psy-

choses ; elle comprend aussi les états mixtes tenant à la fois de

la pathologie et de la psychiatrie. Nous avons vu le rôle que

joue la prédisposition dans l'apparition des psychoses. Ce rôle

n'est pas moindre dans la genèse des troubles intellectuels

survenus dans ces états mixtes.

Passons rapidement en revue ces nouvelles espèces patholo-

giques : alcoolisme, névroses, lésions circonscrites et diffuses

des centres nerveux.

Un accès aigu ou subaigu d'alcoolisme éclate chez un sujet

pour la première fois; son délire actif, souvent violent, est fait

d'hallucinations multiples, mobiles, terrifiantes, se rapportant

à ses habituelles occupations. Puis l'orage se calme; les der-

nières conceptions délirantes fuient avec les dernières vapeurs

d'alcool, et l'alcoolisé reconnaît sans peine l'inanité de ses

constructions maladives. Ce malade est l'alcoolique simple,

non prédisposé; chez lui, le délire est comme un rêve qui ne

résiste pas aux réalités du réveil. Mais que ce malade soit au

contraire un prédisposé, et il peut projeter son délire au delà

du temps d'action du toxique. L'excitation corticale ne s'apaise

pas complètement chez lui, les troubles sensoriels se limitent

au sens de l'ouïe, le délire se circonscrit en une série de con-

ceptions pénibles, en quelques idées de persécution qui peu-

vent subsister pendant des mois entiers. D'autre part,. si l'alcoo-

lique non prédisposé secoue rapidement les terreurs qui

l'assiègent, il revient le plus souvent à sa faute, il récidive, et,

à chaque rechute, nouvelle, il crée en lui une prédisposition

qu'il n'avait pas au début, il prépare aux idées délirantes le

sol où elles pourront s'élever, après chaque accès, plus vigou-

reuses et plus tenaces. L'alcoolique chronique, dépourvu au

282 CLINIQUE MENTALE.

début de prédisposition, peut donc avoir lui aussi, à la suite

d'un accès subaigu, des idées de persécution avec hallucina-

tions auditives, quelquefois des idées de grandeur, c'est-à-dire

des délires systématisés.

Comme les intoxications, les névroses ont leurs délires.

L'épilepsie, cette grande névrose à paroxysmes, peut accoler

à l'attaque, en dehors des accès maniaques ou mélancoliques

qui lui sont habituels, de véritables délires systématisés, plus

rares, courts en général, mais pouvant s'étendre et durer par-

fois jusqu'à trois semaines. Dans ces circonstances, il ne faut

pas l'oublier, même si le malade parait lucide et répond assez

exactement aux questions, l'inconscience est la règle. Mais chez

un épileptique, à côté de l'hérédité qui l'a doté de la névrose,

il peut y avoir une hérédité collatérale, distincte de la précé-

dente, une hérédité vésanique. Le sujet devient alors un être

hybride, il peut se montrer à la fois délirant inconscient, du

fait de ses antécédents épileptiques, et dégénéré à délire systé-

matisé, s'il se rattache à des ascendants aliénés. Supposons,

au contraire, cet épileptique avec des tares vésaniques moins

graves, et rien ne s'oppose à ce qu'il construise un délire chro-

nique. On comprend enfin que, s'il s'alcoolise, il puisse délirer

encore sous cette influence nouvelle. De telle sorte, qu'avec le

délire systématisé épileptique pourront coexister chez lui des

délires systématisés d'un tout autre ordre et d'un pronostic

différent.

Des considérations analogues s'appliquent aux délires systé-

matisés de l'hystérie, délires en général assez courts et de dia-

gnostic facile.

Des délires systématisés peuvent aussi surgir à l'occasion

des lésions circonscrites du cerveau. Je dis à l'occasion, car ce

serait une erreur de croire que le délire en dépend. On sait

combien de malades à lésions encéphaliques circonscrites

encombrent nos salles d'hôpitaux, et cependant on n'en

remarque qu'un petit nombre qui délire. Tout se réduit, chez

la plupart, à l'affaiblissement de la mémoire, à la dissociation

des idées; si le délire se surajoute à cette déchéance de la

fonction, actif quand la lésion est faible ou débute, effacé

quand cette lésion est étendue ou progresse, on peut dire que

le sujet atteint est- un prédisposé. Dans son étude sur les

« troubles intellectuels liés aux lésions circonscrites du cer-

veau » (1890), M. Lwoff a publié plusieurs observations de

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES.. 283

délire systématisé chez des sujets atteints de lésions circons-

crites. Dans sa thèse sur « les psychoses de la vieillesse »

(1893), M. Pécharman a relevé plusieurs cas fort intéressants de

délire systématisé chez les vieillards, c'est-à-dire chez des

sujets dont le cerveau est en voie de régression athéromateuse.

Or, dans tous ces faits, la prédisposition joue le rôle le plus

important ; la lésion cérébrale n'a été que la cause détermi-

nante du délire.

L'activité des délires dans les lésions circonscrites du cerveau

est en raison inverse de l'intensité de la lésion. Que dire alors

de ces délires, dont je me propose de faire avec vous l'étude et

dont l'énoncé constitue presque un paradoxe clinique : les

délires systématisés dans la paralysie générale ? Ces deux

termes sont-ils donc ennemis, contradictoires ? Qu'est-ce, en

somme, que la paralysie générale ? Une sclérose interstitielle

diffuse qui frappe aussi bien les centres de perceptions que

leurs faisceaux de communication : de la sorte les images

sont obscurcies et mobilisées, les moyens de transmission

faussés, les associations des idées d'abord ralenties, puis

impossibles. Comment comprendre, dès lors, la mise en jeu

de ces associations d'idées qui créent la systématisation dans

les délires ? Certes, cela est impossible chez le paralytique

général dément, chez celui où tout mécanisme cérébral est

rompu, où, en face de la lésion maxima, il n'y a plus qu'anar-

chie complète des fonctions. Mais quand cette lésion ne fait

que débuter, quand elle tàte, pour ainsi dire, le terrain, quand

il n'y a encore que des faux pas dans le fonctionnement intel-

lectuel, pourquoi le délire systématisé ne serait-il pas possible ?

Pourquoi ne le serait-il pas aussi pendant ces périodes de

rémission qui interrompent la marche de la paralysie générale

à la première période ? Je n'en veux pour preuve que ce para-

lytique généra], actuellement dans le service, et que je vous

présenterai dans une des prochaines leçons. Au moment de

son arrivée à l'asile, au-dessus de l'affaiblissement mental,

escorté des troubles somatiques classiques, ce malade n'avait

qu'un délire confus, : incohérent, un vrai délire de dément.

Puis des modifications heureuses sont survenues, les facultés

se sont améliorées, la mémoire s'est affirmée plus nette, l'as-

sociation des idées moins fruste; il y a eu, en un mot, rémis-

sion. Et, à mesure que s'effectuaient ces modifications, le

délire incohérent du début faisait place à des idées de perséçu-

284 , asiles d'aliénés.

tion coordonnées.' Si bien qu'en l'absence des accrocs de la

parole, de l'inégalité pupillaire, de quelques lacunes du souve-

nir, on eût pu croire à un délire systématisé pur de tout

mélange.

Mais voici qu'un ictus frappe le malade, et aussitôt les idées

délirantes s'enfuient, le paralytique obtus reparaît. Deux fois,

semblable accident est venu couper la rémission, et, chaque

fois, le délire systématisé s'est effacé pour se montrer de nou-

veau, dès que l'amélioration s'affirmait. Ici encore, dans le

développement, de ce délire systématisé, la prédisposition a

presque tout fait; l'encéphalite n'a été que l'occasion.

Les considérations générales dans lesquelles je viens d'en-

trer tendent à prouver que la prédisposition et l'état mental

sont les deux jalons directeurs dans l'étude des psychoses;

c'est eux qui expliquent les différences dans la genèse et dans

l'évolution des délires. C'est eux que nous aurons toujours en

vue dans l'étude que nous allons faire des délires systématisés

dans les diverses psychoses.

ASILES D'ALIÉNÉS.

NOTICE SUR L'ASILE DÉPARTEMENTAL D'ALIÉNÉS

DE BONNEVAL (EURE-ET-LOIR);

Par le D' CAMUSET.

(suite)'. '. ,

Personnel. Avant d'exposer les conditions générales d'hygiène

de l'établissement, il est nécessaire de donner des renseignements

sur son personnel. Dans les asiles d'aliénés, le personnel médical et

le personnel administratif se confondent en très grande partie, il

existe cependant un certain nombre d'employés d'ordre exclusive-

ment administratif. Ici, le nombre de ces derniers, quoique réduit

au minimum, est suffisant. L'asile étant dirigé par un médecin-

1 Voir le dernier numéro, p. 181.

ASILE DE BONNEVAL. 285

directeur, le service purement administratif est assuré par un éco-

nome, qui est en même temps receveur, un commis d'économat et

un secrétaire de la direction; tous les autres fonctionnaires ou

employés de rétablissement sont plus ou moins chargés de diriger

les malades, de les surveiller et de les soigner, si l'on en excepte

trois ou quatre agents subalternes comme le concierge et les com-

missionnaires. Voici le détail de tout ce personnel :

Service médical : Un médecin-directeur et un interne en médecine.

Service administratif : Un receveur-économe, un comtois d'éco-

nomat, un secrétaire de la direction, un concierge, deux commis-

sionnaires.

Tout le reste du personnel est continuellement en contact avec

les malades : '

286 . asiles d'aliénés.

.conditions hygiéniques sont très bonnes. La contrée est réputée

salubre, les épidémies y sont rares. On a vu plus haut ce qu'il en

était de l'aération et du cubage d'air des différents locaux.

Eau. Les terrains d'assise sont sablonneux et argileux, et il

existe plusieurs puits dans l'enceinte de l'établissement. Ces puits

sont anciens et datent des moines, on ne les utilise plus.

Un d'eux cependant est réputé pour la pureté de son eau, on y

.puise l'eau- que l'on sert aux repas. Mais cette eau n'est pas plus

pure que celle du Loir, elle est seulement plus froide qu'elle et

c'est l'unique raison de sa réputation. En réalité, tous les puits de

l'asile, aussi bien que ceux de la Ville, s'alimentent à la même

couche d'eau souterraine, laquelle communique largement avec le

Loir; on en a des preuves nombreuses et tangibles. C'est là une

chose regrettable et qui, en temps d'épidémie, pourrait avoir des

conséquences fâcheuses. Combien de villes, de grandes villes

même, se trouvent malheureusement dans des conditions aussi

défectueuses au point de vue de leur eau potable !

A l'asile, l'eau est distribuée partout et avec profusion ; on trouve

des robinets dans toutes les parties de l'établissement. On a établi,

il y a quatorze ans, une canalisation qui part d'un château d'eau, z

lequel est accolé à l'asile, ou plutôt se confond avec un angle du

bâtiment, et qui envoie des branches partout, même dans les jar-

dins potagers, pour l'arrosage. L'eau est amenée au réservoir du

château d'eau, au moyen d'une forte machine hydraulique installée

sur le Loir. On a ainsi utilisé une chute d'eau qui, autrefois, fai-

sait mouvoir un moulin et, par suite, on a évité les frais qu'eût

nécessité le fonctionnement d'une machine à vapeur. Quand le

pensionnat a été ouvert, on a placé, dans les combles, un second

réservoir que l'on a mis en communication avec la machine hydrau-

lique, ce qui fait que cette annexe de l'Asile est aussi abondam-

damment pourvue d'eau que l'asile lui-même.

Eaux vannes, vidanges. Les eaux vannes vont directement au

Loir. Partout, sauf au pensionnat, on a établi des tinettes mobiles

qui sont vidées et nettoyées tous les jours. Les déjections sont uti-

lisées, après préparation, comme engrais dans l'établissement.

Au pensionnat, on a employé un autre système de vidange, et

c'est regrettable. Un gros tuyau, sorte d'égout collecteur, reçoit les

- eaux vannes et les déjections de l'établissement et conduit directe-

ment le tout au Loir. C'est donc, en réalité, le tout à l'égout sans

champ d'épandage, et par suite la contamination préméditée de la

rivière en cas d'épidémie. l est à peine utile de noter ici que pen-

dant l'épidémie cholérique de 1892, le pensionnat ayant été trans-

formé en lazaret, le premier soin a été de condamner, en les clouant.

les portes de tous les cabinets d'aisances, et d'arrêter le fonctionne-

ment de l'égout collecteur. ' `

ASILE DE BONNEVAL. 287

' Régime alimentaire. Il est satisfaisant. Au risque de paraître

trop minutieux, je dois entrer dans quelques détails; les personnes

qui s'occupent de médecine mentale au point de vue pratique

savent bien de quelle importance est le régime dans l'hospitalisa-

tion des aliénés. Et si, depuis quelques années, on a amélioré en

général ce régime dans les asiles départementaux, c'est grâce aux

efforts des médecins de ces établissements. Ici, à Bonneval, les

malades sont certainement mieux nourris aujourd'hui qu'ils ne

l'étaient il y a quinze ans. Le pain blanc et de première qualité

n'est pas rationné. Sur les quatorze repas de la semaine, dix com-

portent un plat de viande. La boisson est l'eau rougie, la ration

journalière de vin est, en réalité, peu considérable, mais on l'ac-

croît en donnant assez largement un peu de vin pur comme sup-

plément aux travailleurs et aux faibles. Quant aux légumes frais,

les grandes cultures potagères de l'établissement' permettent de

les donner à profusion.

Il serait superflu de passer en revue tous les détails des services

et d'entrer dans des considérations sur la vêture, la literie, etc..

Par ce qui précède on voit, en résumé, que d'une façon générale

les conditions hygiéniques de l'asile sont satisfaisantes.

Quant à la possibilité du fonctionnement de l'établissement tel

qu'il vient d'être exposé, avec le prix de journée de 1 fr. 20 fixé

pour les pensionnaires des départements, on l'explique par les

quatre considérations suivantes : 1° Il existe à l'asile, en même

temps que des malades au compte des départements d'Eure-et-Loir

et de la Seine, un nombre assez important de pensionnaires de

différentes classes dont les pensions plus ou moins élevées accrois- '

sent les ressources pécuniaires de l'établissement; 2° les objets

nécessaires à l'entretien des malades sont presque tous confection-

nés dans les ateliers, et on n'achète guère que les matières premières;

3° la ferme, la basse-cour, les potagers produisent d'importants

revenus en nature. Les animaux de boucherie sont achetés de gré

à gré dans les marchés de la contrée et tués à l'asile même, ce qui

constitue une économie plus sérieuse qu'on ne pourrait le supposer;

4° le personnel médico-administratif est réduit au strict néces-

saire.

III. Pour compléter cette notice, il reste à donner un aperçu

de la constitution médicale de l'établissement, au point de vue de

la pathologie ordinaire et à celui de la pathologie mentale.

La constitution médicale est ordinairement bonne. Les maladies

ordinaires intercurrentes sont, en général, peu nombreuses. A

aucune époque, on n'a constaté ces entéro-c0litesclironiques,endé-

miques autrefois dans les asiles d'aliénés, et qu'on observe encore

parfois de nos jours dans certains de ces établissements, par inter-

valle au moins. Ces diarrhées chroniques, qui aboutissent à la

288 . asiles d'aliénés.

mort dans le marasme, sont dues à l'encombrement et à un régime

alimentaire défectueux, ces deux conditions étiologiques n'existent

pas ici. En revanche, on a vu se développer dans l'asile, depuis sa

fondation, plusieurs véritables épidémies qui se sont, du reste,

rapidement éteintes.

En 1871, une épidémie de variole a fait monter la mortalité à

18,13 p. 100 de 10 à li p. 100, pourcentage moyen des années

antérieures. On sait que pendant cette année néfaste, la variole a

régné sur presque toute la France; elle a sévi dans nos contrées

avec une intensité extrême. Parmi les habitants des campagnes,

aucun n'était revacciné, beaucoup même n'étaient pas vaccinés du

tout. ,

En 1878, une épidémie de dysenterie enleva vingt malades et la

mortalité monta à 15,52 p. 100. Le médecin-directeur obtint à la

suite de cette épidémie, de pouvoir améliorer d'une façon notable

le régime alimentaire des malades. Depuis cette année 1878, on

n'a plus observé à l'asile que quelques cas très rares et très espacés

de dysenterie.

En 1888, nouvelle épidémie de variole, avec une vingtaine de

cas mortels. La mortalité ne monta pourtant qu'à 11,65 p. 100.

L'affection avait été importée à l'asile par un malade venant de

Châteaudun où la variole régnait. Depuis cette époque, on a ins-

tallé un service régulier de vaccination et de revaccination.

En 1892 enfin, une épidémie grave de choléra importée, croit-

on, par une femme qui venait de Saint-Denis, près Paris, et qui

séjourna quelques jours à Bonneval dans le voisinage de l'asile,

avant d'aller mourir à Auneau. L'histoire de cette épidémie qui, en

quelques jours, fit un nombre relativement considérable de vic-

times, a été exposée à l'Académie de médecine par M. le professeur

Brouardel. Il est inutile de la reproduire ici. Rappelons seulement

qu'il a été possible, par des moyens prophylactiques très rigoureux

et scrupuleusement exécutés, d'éteindre assez rapidement l'affec-

tion sur place, et de protéger d'une façon absolue la ville de Bon-

neval.

En dehors de ces épidémies qui ont fait époque, on n'a jamais

eu à traiter chaque année, dans les infirmeries, qu'un nombre très

restreint de maladies internes ordinaires. Dans la majorité des cas,

la mort survient dans le marasme, auquel aboutit la démence

vésanique souvent, et auquel aboutissent la démence sénile et orga-

nique et la paralysie générale, toujours.

Les statistiques des maladies intercurrentes qu'on établit tous les

ans ne ditrèreiilque très peu les unes des autres, et la liste suivante,-

qui est celle des maladies internes de l'année dernière, suffit pour

faire connaître la nature et le nombre des maladies qu'on observe

chaque année dans notre population de 525 aliénés.

Hémorrhagies et congestions cérébrales, 6 cas; bronchites

asile DE BONNEVAL. 289

diverses, broncho-pneumonie, 12 cas; pneumonie, 3 cas; phtisie

-pulmonaire, 4 cas; affections organiques du coeur, 5 cas; dysen-

terie, 2 cas; néoplasmes de l'estomac, 3 cas; lithiase biliaire, 1 cas;

rhumatismes articulaires aigus, 3 cas ; fièvres typhoïdes, 3 cas.

Veut-on savoir à quelles affections ont succombé les 50 aliénés

morts pendant la même année : marasme à la suite de démence-

vésanique et de démence sénile et organique, 20 ^hémorragie'

cérébrale, 2; paralysie générale, 13; broncho-pneumonie, 3; affec-

tion organique du coeur, 3; phtisie pulmonaire, 4; fièvre typhoïde,

1; attaques subintrantes d'épilepsie, 3; cancer de l'utérus, 1.

On remarque que les décès par paralysie générale sont assez

nombreux. On verra plus loin que la paralysie générale n'est pas

très rare en Eure-et-Loir, qui est cependant un département agri-

cole par excellence. Il faut aussi tenir compte de ce fait que l'asile

a toujours reçu des malades de la Seine et qu'il y a ordinairement,

parmi ceux-ci, une assez forte proportion de paralytiquos géné-

raux.

C'est à ce nombre de paralytiques généraux, insolite, peut-on

dire, dans une région agricole et dépourvue de grands centres popu-

leux, qu'il faut attribuer le pourcentage assez élevé de la mortalité

de l'asile. La mortalité moyenne, dans lefait, ne correspond pas à la

constitution médicale de l'établissement. Une autre cause qui élève

aussi la mortalité, c'est la présence de beaucoup de déments séniles

et apoplectiques qui seraient mieux à leur place dans des quartiers

d'hospice. Mais ce n'est pas là une particularité spéciale à l'Eure-

et-Loir ; dans de nombreux départements il en est de même.

En somme, la moyenne de la mortalité annuelle, depuis la

création de l'asile, c'est-u-dire depuis trente-deux ans, est de

10,53 p. 100, avec des différences annuelles peu considérables en'

général, sauf pour les années d'épidémie... . ' ' ". : ' ! l

Au point de vue delà pathologie mentale, maintenant, quelques'

particularités doivent être notées. ' - - ' '

Il est reconnu que les asiles d'aliénés n'ont pas nu aspet-géné-

ral uniforme dans toutes les régions de la France, et il semble que

l'homme conserve, dans l'aliénation mentale, plus ou moins du

caractère ordinaire de sa race. Par exemple, vus dans leur ensemble

les aliénés des asiles de Bretagne et ceux des asiles du Midi ne

donnent pas une même impression. Les premiers diffèrent des

seconds par des allures plus calmes, une physionomie moins tour-

mentée, surtout une loquacité moins grande. Eh bien, sous ce

rapport, on peut dire que les aliénés de Bonneval tiennent un rang-

intermédiaire entre les aliénés du Nord-Ouest et ceux du Midi.

Il ne faut pas oublier que le cinquième environ de nos aliénés

est constitué aujourd'hui par des Parisiens, et que la proportion de

ceux-ci était encore plus élevée ces temps passés. Les considérations

psychiatriques qui suivent ne se rapportent qu'aux seuls malades

Archives, t. XXVI II. 19

l\ ? i i ASILES D'ALIÉNÉS. z

du département d'Eure-ef-Loir. La question la plus importante est si

d'abord celle-ci : le nombre des aliénés augmente-t-il en Eure-et- \ ,

Loir, et dans quelle proportion; et quel est le rapport qui existe

entre, le nombre de ces maiades et la population de ce départe- 1 =

ment ?

., , On ne peut répondre que par les chiffres des statistiques de l'asile,

4 mais ces chiffres n'expriment pas exactement les quantités aux- (

( quelles ils correspondent. En effet, s'il est facile d'éliminer des

statistiques tous les malades qui proviennent des départements Î

^ étrangers, il est impossible d'y faire entrer les malades soignés,.

à soit dans des asiles publics des autres départements, soit dans des

maisons de santé particulières. Mais la principale et aussi la plus

grande cause d'erreur tient à ce qu'une partie seulement des alié-

, nés du département est hospitalisée, les autres vivent en liberté.

Dans quelle proportion sont-ils ? Aucun document n'est capable de; 1

* l'indiquer, et je n'oserai pas avancer un chiffre qui ne représente- -

rait qu'une appréciation personnelle. Par exemple, ce que je puis

dire hardiment, c'est qu'un très grand nombre d'aliénés qui, dans t

leur intérêt propre et dans l'intérêt de leur entourage, devraient

être traités à l'asile, sont laissés chez eux et ne reçoivent pas les *

soins qu'exigerait leur état. .

D'abord, pour les idiots et les imbéciles, les municipalités ne se x

décident le plus souvent à provoquer un arrêté préfectoral d'ad-4

mission à l'asile en leur faveur, que lorsqu'une catastrophe, pré-

vue pourtant, est venue démontrer que ces malades étaient réelle-

ment dangereux. Les municipalités reculent tant qu'elles peuvent

devant la dépense que nécessite la pension des malades, dépenser

bien faible cependant, puisque le département en acquitte la plus -

grande partie. Je me hâte d'ajouter que cette remarque s'api

plique, non aux villes, mais seulement aux petites communes

rurales du flépartement.

Quant' aux vésaniques, on les laisse ordinairement arriver à la*

chronicité avant de songer à les isoler, et on n'en arrive trop sou-

vent à ce dernier parti que lorsqu'il est impossible d'en prendre

un autre. Cela tient à des raisons diverses, et surtout à la raison*

d'économie, dans nos petites communes.

Ce mal que je signale était certainement plus grand autrefois, il t

diminue tous les jours et on. peut espérer qu'il finira par dispa-

raître. Mais jamais les choses, dans nos départements agricoles, t

n'en arriveront à être sous ce rapport ce qu'elles sont aujourd'hui r

à Paris et dans les grands centres.

En somme, les chiffres qui suivent, et qui sont ceux des aliénés - '-

traités chaque année à l'asile, ne répondent que très approxima-

tivement aux chiffres réels de tous les aliénés du département

pendant les mêmes années. (Voir la courbe de la population des

malades pendant les trente-deux dernières années.) "

Il. Conrhe fie ta progression croissante du nombre des.aliénés provenant du département d'Eure-et-Loir. à Tinnnpval..

292 asiles d'aliénés.

Cette courbe indique quel a été, chaque année, le chiffre moyen

de la population des malades d'Eure-et-Loir traités à l'asile, depuis

la fondation de l'établissemeut. En 1862, année de l'ouverture des

services, Ja population moyenne a été de 445 malades. En 1893,

elle a été de 445 soit une augmentation de près de 300 en trente-

deux ans. La proportion a été régulière, sauf en 1871. Pendant

cette année, il y a eu au contraire rétrogradation, ce qui était dû

à une grande mortalité, et non à une diminution des entrées.

Un accroisssement aussi considérable et aussi rapide du nombre

des aliénés d'Eure-et Loir à l'asile serait réellement effrayant, s'il

s'expliquait uniquement par un accroissement proportionnel des

cas de folie en Eure-et-Loir. Mais il n'en n'est rien, et même, pour

ma part, je suis porté à croire que la folie ne sévit pas aujourd'hui,

dans le département, beaucoup plus qu'elle n'y sévissait il y a

trente ans. Si notre courbe monte si haut et si vite, c'est que, et je

viens d'insister sur ce point, l'on prend de plus en plus, dans la

contrée, l'habitude de placer les aliénés à l'asile. Il faut aussi

tenir compte de ce fait que l'asile n'est pas très ancien, et que

beaucoup de malades chroniques y séjournent depuis les premières

années de son fonctionnement, leur présence fait monter les

moyennes annuelles, lesquelles sont ainsi loin d'être proportion-

nelles aux chiffres des entrées.

La recherche de la proportion des aliénés, par rapport à la popu-

lation du département, au moyen des seuls éléments dont on puisse

disposer, c'est-à-dire au moyen des seules statistiques de l'asile,

devient, on le comprend par toutes les considérations qui pré-

cèdent, peu intéressante. Les chiffres obtenus ne peuvent fournir

que des résultats très approximatifs et, par le fait, que des rapports.

Aussi, n'en donnerai-je que quelques-uns.

Le Dr Hildenbrand, un ancien médecin directeur de l'asile, en-

trait volontiers dans de nombreux détails dans les statistiques de

ce genre, voici les résultats auxquels il est arrivé pour les années

1882 et 1883.

En 1882, 1 aliéné par 701 habitants pour tout le département, mais

les différents arrondissements fournissaient des résultats différents.

Ainsi, dans l'arrondissement de Chartres, on trouvait 1 aliéné

pour G05 habitants; dans celui de Châteaudun, 1 par 695; dans

celui de Dreux, 1 par 744, et dans celui de Plogent-le-Rotrou, 1 par

1,025 habitants.

En 1883, les proportions étaient presque les mêmes; il y avait,

pour tout le département, 1 aliéné pour 691 habitants. Il me

parait inutile de multiplier les chiffres. Aujourd'hui, c'est-à-dire en

1893, il y a 1 aliéné par 646 habitants, pour tout le département.

Le nombre relatif des aliénés aurait donc sensiblement augmenté,

dans le département, pendant les dix dernières années. Encore

une fois, je crois qu'il n'en n'est rien, et que si l'augmentation est

ASILE DE BONNEVAL. 293

réelle, elle est en tous cas des plus minimes. De tous les arrondis-

sements du département, c'est l'arrondissement de Chartres qui a

toujours fourni et qui fournit encore la plus forte proportion rela-

tive d'aliénés, ce qui tient à ce que Chartres est la seule grande

ville du département; elle possède 23,000 habitants.

Le département d'Eure-et-Loir est constitué par les immenses

plaines dénudées et dépourvues d'eau de la Beauce, et par des

régions boisées et vallonnées, comme le Perche, par exemple. Les

habitants de la Beauce, les Beaucerons, diffèrent des autres habi-

tants du département parles habitudes et même aussi un peu par

le caractère. La Beauce a été, et est encore, dit-on, plus riche que

le Perche, et cependant les Percherons, j'entends les ouvriers des

champs et les petits cultivateurs, s'accordent plus de bien-être que

les Beaucerons. Tous, Percherons et Beaucerons, aiment la terre

avec passion, comme tous les paysans, du reste, mais les premiers

montrent moins d'âpreté que les seconds dans la poursuite de sa

possession.

Ces différences facilement appréciables ne semblent pas avoir

une influence très grande sur la fréquence relative de l'aliénation

mentale, chez les uns ou chez les autres. Cependant, les cantons

du Perche donnent, presque tous les ans, un nombre relatif d'en-

trées à l'asile moins grand que celui qui est fourni par les cantons

de la Beauce. Quant aux formes habituelles de l'aliénation, elles

sont les mêmes quelle que soit la provenance des malades. J'ai,

depuis six ans, recherché avec soin s'il existait, sous ce rapport,

quelque particularité intéressante, j'ai compulsé, dans ce même

but, les rapports médicaux de tous mes prédécesseurs, je n'ai pu

en constater aucune. .

Pour donner l'idée de la fréquence relative des diverses formes

psychopathiques chez les aliénés d'Eure-et-Loir, je note dans le

tableau suivant le nombre des aliénés de ce département entrés à

l'asile depuis dix ans, c'est-à-dire depuis 1883, ainsi que les psy-

choses dont ils étaient atteints. Il n'est tenu compte, dans cette sta-

tistique, que des malades nouveaux, c'est-à-dire des malades qui

n'avaient encore été traités dans aucun établissement spécial jus-

qu'au moment de leur admission à l'asile.

Pendant les dix dernières années, la moyenne annuelle des

entrées pour les malades nouveaux, non encore traités dans un

asile, est de 67,6, et d'une année à l'autre, l'écart entre le nombre

de ces entrées n'est jamais considérable, sauf une fois en 1892.

Si l'on divise cette période décennale en deux périodes quin-

quennales, on voit que la moyenne annuelle des entrées pour la

seconde période quinquennale n'est pour ainsi dire pas plus élevée

que la moyenne annuelle des entrées pour la première. Si donc le

nombre des aliénés augmente en Eure-et-Loir, il n'augmente,

comme il a été dit plus haut, que très peu et très lentement.

ASILE DE BONNEVAL. 39S

-Le nombre des entrées pour les femmes est un peu plus élevé

que ce même nombre pour les hommes, mais il en est de même

dans la plupart des asiles départementaux. Mais ce qui est à noter,

c'est la proportion minime des délires partiels. Les vésauies essen-

tielles sont dans la très grande majorité des cas représentées par

leurs formes élémentaires, manie et mélancolie. Ainsi, sur 391 cas

de folies simples, nous n'avons que 53 cas de délires partiels. Ce

n'est pas dans cette courte notice qu'il convient de discuter cette

question, je dirai seulement qu'il existe, sous ce rapport, entre

nos malades d'Eure-et-Loir et nos malades de la Seine, des diffé-

rences notables, et que les conceptions délirantes des seconds,

quelles que soient les maladies mentales dans lesquelles elles'

, entrent comme éléments, sont, d'une façon générale, bien plus

compliquées, bien plus intellectuelles, si on veut bien me passer

l'expression, que les conceptions délirantes des premiers.

Notre tableau démontre aussi le bien fondé de plusieurs

remarques faites journellement sur l'ensemble de nos malades.

Ainsi, il fait voir, d'une façon irréfutable, que les formes expan-

sives et dépressives de la folie, la manie et la mélancolie, se pré-

sentent en proportions à peu près égales, et que la manie essen-

tielle est fréquente chez les hommes. Elle est relativement rare

chez eux à Paris et dans les grands centres. Il fait voir également

qu'on observe souvent les diverses formes de la mélancolie, surtout

chez les femmes. Et à ce sujet, je noterai que certaines conceptions

délirantes sont très communes chez nos mélancoliques. Beaucoup

de ces malades refusent de manger et il faut les nourrir à la sonde.

On parvient encore assez souvent à les alimenter par le procédé

suivant : on dispose dans les coins, et à côté des ordures, des ali-

ments, ils s'en emparent subrepticement et les dévorent en

cachette. Us sont ruinés ou bien ils ont peur de se ruiner. C'est là;

en réalité, l'exagération morbide d'un sentiment d'avarice malheu-

reusement commun chez les paysans.

Quelques mots encore, en finissant, sur deux affections dont

l'importance est extrême en géographie médicale, l'intoxication

alcoolique et la paralysie générale.

' A s'en tenir scrupuleusement au tableau, les cas de folie alcoo-

lique seraient rares, et l'alcool ne ferait guère de ravages en Eure-

et-Loir. Ce serait se faire une grande illusion que de conclure de

la sorte. Oui, il arrive rarement à l'asile des malades atteints de

folie alcoolique typique avec son délire et ses hallucinations carac-

téristiques. En dix ans, on n'a reçu que vingt de ces malades,

mais la cause en est dans ce fait que la folie alcoolique typique se

dissipe souvent très vite, et que les sujets qui en sont atteints sont

soignés chez eux ou dans les hôpitaux du département. On n'en-.

.voie pas à l'asile les malades atteints de delirium tremens.

IL n'est que trop certain qu'on consomme en Eure-et-Loir, qui

296 HISTOIRE ET CRITIQUE.

n'est pas un département viticole, beaucoup de boissons alcooliques

de toutes sortes, qu'une boisson très appréciée dans le Perche est

le cidre de poires, le poiré, qui est particulièrement nuisible, et

que l'alcoolisme, en somme, est très répandu dans la région,

l'alcoolisme chronique surtout. Il est certain également, et tous les

médecins de l'asile l'ont noté, que l'intoxication alcoolique entre

comme appoint sérieux dans l'étiologie de quantité de cas de manie

et de mélancolie, aussi bien chez les femmes que chez les hommes.

Quant à la paralysie générale, on a soigné en dix ans, à l'asile,

76 sujets provenant du département atteints de cette affection,

64 hommes et 12 femmes. Si en plus on considère que dans les

pays agricoles, la forme démentielle de la paralysie générale est

de beaucoup plus fréquente que dans les centres populeux, et que

la paralysie générale à forme démentielle est soignée, non à l'asile,

mais dans les hôpitaux et les familles, on voit que la paralysie

générale est loin d'être rare dans le département. Quelle est la

cause de la fréquence relative, dans nos contrées, de cette affection

qui, prétend-on, était presque inconnue autrefois dans les cam-

pagnes ? il est impossible de le dire.

HISTOIRE ET CRITIQUE

. BARBE BUVÉE

EN. RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE

POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1658-1663)-

(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque

nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)

Par le D'' SAMUEL GARNIER,

Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon t.

(Suite et fin.)

Le 14 août 1662, dix jours après l'arrêt du Parlement rap-

porté plus haut, une jeune fille de vingt-deux ans, nommée

Moroge, servante de l'abbé Jannon, curé d'Auxonne, et qu'on

'.Voir les quatre précédents numéros.

BARBE BUVÉE. 297

disait possédée, vint à mourir presque subitement. Le Parle-

ment ayant eu avis qu'elle était morte empoisonnée, ordonna

par un arrêt du 23, l'exhumation du corps et commit un mé-

decin et un chirurgien pour en faire l'autopsie. On découvrit

alors que le corps de cette fille avait étéouvert antérieurement,

ce qui empêcha de reconnaître avec certitude les traces du poi-

son supposé. Un premier rapport des chirurgiens commis,

par le maire d'Auxonne, portait bien que la fille Moroge était

morte d'un abcès à l'estomac et qu'elle était vierge; mais le

rapport du médecin et du chirurgien commis par le Parle-

ment déclarait qu'elle était déflorée et que, selon toute appa-

rence, elle avait dû accoucher depuis quelques mois. Il résulta

de l'information que cette fille s'étant rendue un jour chez un

épicier nommé Terrestre, lui acheta pour « six blancs d'arse-

nic p, pour empoisonner, disait-elle, les rats du curé. Quoi-

qu'on n'ait pu éclaircir, si elle prit ce poison ou si on le lui fit

avaler, les symptômes observés pendant sa maladie, tels que

soif inextinguible, vomissements continuels, langue et dents

noirâtres, démontraient un empoisonnement arsenical. On

sut, d'autre part, qu'avant de mourir elle avait déclaré quelque

chose au Maire, et que celui-ci avait jugé à propos de faire

pratiquer l'autopsie. Les deux chirurgiens désignés par lui

avaient déjà commencé cette opération et fait une incision

cruciale, quand le curé Jannon fit irruption dans la salle en

disant s'opposer formellement à cette autopsie, que la fille

Moroge n'était point morte, mais seulement assoupie par le

diable et qu'il fallait l'exorciser, ce qu'il fit aussitôt avec

quelques autres ecclésiastiques. L'exorcisme dura assez long-

temps, mais après, la mère de la fille Moroge insista pour que

l'autopsie fût terminée, disant au Maire qu'elle porterait

plainte au Parlement, si elle n'obtenait point satisfaction, ce

qui lui fut accordé. Néanmoins, le Parlement ayant été saisi de

cette nouvelle affaire, le sieur Jannon crut opportun d'aller

lui-même à Paris pour en prévenir les conséquences. Bien

qu'étant resté étranger aux exorcismes des Religieuses, il

profita de ce voyage, pour solliciter de nouveau « avec beau-

coup de chaleur et d'emportement contre les juges » l'évoca-

tion de l'affaire de la possession des Ursulines. On lui refusa

encore ce qu'il demandait, mais, par ordre du roi, une com-

mission fut chargée d'examiner à nouveau les faits de pos-

session sur lesquels le Parlement s'était prononcé. ,

298 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Elle fut composée de MM. Claude Bouchu, intendant de

justice, police et finances en Bourgogne, Chamillard, Blond,

Guyard, Piqué, docteurs de Sorbonne, et Bachet, médecin. ;

Pour faciliter la mission dont ils étaient chargés, il fut dé-

livré pouvoir à M. Bouchu de faire recevoir, dans les maisons

des habitants des villes de Bourgogne, lesdites prétendues

possédées ou possédées et les y contraindre, par tous les

moyens, en vertu des ordonnances expédiées sur l'avis de

deux docteurs, et signées d'eux. En même temps une lettre de

- cachet était envoyée à l'Archevêque de Besançon, afin d'obte-

nir pouvoir d'exorciser et d'appeler ceux qu'ils jugeraient

nécessaires. Une seconde lettre était envoyée tant à l'hôtel

de ville d'Auxonne qu'à M. le marquis du Plessis-Besançon,

gouverneur de la ville, pour assister de son autorité les

commissaires délégués et faire exécuter les volontés royales

au cas où il en serait besoin et requis. z

Nous n'avons aucun détail sur les opérations de cette com-

mission nouvelle, mais il est certain que ses sentiments sur

la possession furent particulièrement concordants avec ceux

de la commission dont faisait partie le P. Séguin. Et en effet,

le médecin Bachet écrivait, le 15 juin 1662, au chancelier en

son hôtel à Paris la lettre probante à cet égard que voici ' : r

« Monseigneur,

« Puisque vous avez eu la bonté de jeter les yeux sur moy

pour estre un des juges de la prétendue possession des filles

d'Auxonne : j'ai vu qu'il estoit de mon debvoir de vous rendre

compte de tout ce qu'il s'y estoit passé depuis que nous y

sommés.

« Premièrement, monseigneur, nous avons jugé à propos

de faire faire les exorcismes par des prêtres non suspects et

qui eussent piété et lumière. Pour cet effect, nous avons

choisi dans le diocèse de Besançon et de Langres quatre

ecclésiastiques des plus considérables par leurs noms et par

leurs doctrines pour se joindre aux sieurs Blond et Chamil-

lard, sans admettre aucun des prêtres de la ville d'Auxonne,

ny sans leur donner aucune participation de tout ce qui se

passeroit. Dans cette disposition, nous avons commencé les

exorcismes, dans l'église des Pères Capucins, par celles qui

passoient au jugement de tout le monde pour les plus agit-

» Manuscrit fonds français, n° 18696, fol. i. Bibliothèque nationale.

BARBE BUVÉE. - S299

lées qui sont au nombre de huict. Nous les avons fait exorci-

ser chacune séparément deux jours de suite, matin et soir, de

trois heures à chaque fois, en la présence seulement de

M. l'intendant, son greffier, des six exorcistes et de moy mé-

decin. J'ose vous dire, monseigneur, qu'on ne peut pas ap-

porter, ce me semble, plus de soing, plus de défiance, plus

de précautions ny plus de présence d'esprit, pour découvrir

une vérité de cette nature que nous en avons tesmoigné.

Enfin, après une très exacte recherche et une très curieuse et

très fidèle observation de tout ce qui s'est passé en ces filles

pendant les exorcismes, je puis assurer Votre Grandeur, que

dans toutes leurs actions soit du corps, soit de l'esprit, elles

n'ont fait voir aucune marque légitime et convainquante de

vraye possession, ny dans l'intelligence des langues, ny dans

la cognoissance ou révélation des secrets, ni dans les dis-

cours relevés, ny dans les élévations du corps en l'air, ny

dans les transports d'un lieu en un autre, ny dans les mouve-

ments extraordinaires au point qu'ils surpassassent les forces

de la nature. Bref, il ne s'est rien passé en elles qui ne soit

fort humain et naturel et qui peut être rapporté à un principe

étranger. Je ne pense pas que dans les six autres qui restent

à exorciser, la possession s'y trouve plus établie. Voilà, mon-

seigneur, le fonds de mon coeur que je n'ay encore découvert

à personne, réservant à vous dire les autres particularités.

quand j'auray l'honneur de vous aller rendre mes respects et

mes soumissions en qualité de votre très humble, etc.

« BACIIET. »

Le résultat des exorcismes n'ayant pas été conforme à leur

attente, les prêtres d'Auxonne, bien que le Parlement, par

déférence pour les ordres du roi, eût jugé convenable de

cesser toute procédure, furent en proie à de nouvelles appré-

hensions. Le curé Jannon prit alors le parti de retourner une

seconde fois à Paris, et, profitant avec habileté de l'antago-

nisme tout au moins latent des pouvoirs de l'intendant royal

avec ceux du Parlement, obtint enfin, par lettres patentes du

3 août 1663, que M. Claude Bouchu fût chargé d'informer du

maléfice prétendu jeté sur les religieuses Ursulines d'Auxonne.

Le succès de sa démarche, quoique relatif, avait néanmoins

une portée considérable, car il pouvait être interprété

comme une preuve de défiance envers le rôle antérieur du

300 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Commissaire du Parlement dans cette affaire, et semblait

élever, par l'intervention tout à fait insolite d'un intendant

royal, autel contre autel. ni. Bouchu informa depuis le 17 août

jusqu'au 23, dressant procès-verbaux des déclarations des

religieuses soi-disant possédées et des autres, des déposi-

tions des abbés Bretin et Pelletier, les plus intéressés à la

démonstration de la possession. Ces procès-verbaux, qui

n'étaient qu'une reproduction amplifiée de tous les faits,

même controversés, déjà expliqués furent ensuite adressés

par lui à Paris.

M. Bouchu dressa, en outre, une sorte de mémoire réca-

pitulatif, en faisant état de toutes les affirmations des reli-

gieuses. Il exposait que de ses informations touchant le

maléfice jeté sur les Ursulines de la ville d'Auxonne et par la

déposition de vingt-neuf religieuses tant professes, novices

que converses, il résultait qu'il y avait du maléfice jeté sur

plusieurs desdites religieuses dont la plupart, affirmait-il,

étaient guéries par suite des exorcismes qui avaient été faits.

Pour arriver aux conclusions qu'il formulait, l'intendant

non seulement accepta comme démontrées toutes les affir-

mations des religieuses et des exorcistes, mais pour véridi-

ques les rétractations partielles de la soeur Marguerite Jamain,

de Pierrette Boillaut et de Nouvelet, qui se plaignirent de la

partialité du Commissaire du Parlement.

La première déclara que M. Legoux l'avait intimidée en la

menaçant delà mettre en prison, ce qui l'empêcha de prendre

garde à la lecture de sa déposition ; qu'on avait inséré qu'elle

avait eu des accouplements avec des démons et des sorciers,

ce qui était faux. La seconde prétendit que le Commissaire

avait à tort inscrit qu'elle avait des peines contre Nouvelet et

qu'elle était tentée d'impureté avec lui, cet aveu lui ayant été

arraché.

Nouvelet enfin y affirma que ce qu'il avait dit devant

M. Legoux n'était que des réponses faites aux demandes que

celui-ci prenait sur des mémoires écrits de la main de soeur

Buvée.

Malgré toutes ces insinuations perfides, tendant à démon-

trer la connivence et l'accord intime de M. Legoux et de soeur

Buvée, par lettres patentes, du 16 octobre suivant, il intervint

une ordonnance royale de renvoi au Parlement avec injonc-

tion d'en conférer avec M. le Premier Président Brulart. Cet

BARBE BUVÉE. 301

arrêt fut porté à la Tournelle par l'avocat général Nicolas,

dès la rentrée du Parlement ; et. par délibération de la

chambre, un des commis-greffiers s'en fut réclamer à

Al. l'intendant Bouchu les procès-verbaux dressés par lui et

qui lui avaient été retournés.

Absent une première fois, M. Bouchu fit répondre le lende-

main au commis-greffier que, d'après les ordres qu'il avait

reçus, il devait remettre la procédure au Procureur Général

ou à l'un de ses substituts. '

Le substitut Jannin se présenta trois fois pour en obtenir

remise, et, la troisième fois seulement, M. Bouchu répondit

qu'il l'avait donnée à AL Jannon, un autre substitut. Mais

comme ce dernier était l'oncle du curé d'Auxonne, Jannon,

qui, on ne l'a pas oublié, avait fait plusieurs voyages à Paris

dans le but d'obtenir que l'affaire fût enlevée à la connaissance

du Parlement, et que ce même curé était aussi l'oncle des

trois Ursulines de Malo du Bousquet, du nombre des reli-

gieuses possédées, on peut en inférer que cette procédure

fut d'abord communiquée aux exorcistes. Au surplus, le subs-

titut Jannon, l'ayant gardée plusieurs jours, n'en fit le dépôt

au greffe que le 25 novembre, pour être remise le 26 au con-

seiller Legoux.

Conformément aux ordres reçus de la Chancellerie, on

réclama en outre à AL Bouchu l'extrait du procès-verbal

dressé par MM. Chamillard et Blond; mais, quoique cette

pièce fût une des plus importantes pour l'instruction et le

jugement de l'affaire, il refusa absolument de s'en dessaisir.

La probabilité de l'indiscrétion commise par le substitut

Jannon, en communiquant les pièces qu'il avait entre les

mains, ainsi que nous venons de le faire entrevoir, ne tarda

pas à se changer en certitude. On apprit bientôt, en effet,

que son neveu Jannon avait obtenu, le 29 du même mois de

novembre, un arrêt pa,r lequel l'intendant Bouchu était de

nouveau chargé de continuer la procédure qu'il avait com-

mencée, et, qu'à cet effet, il était enjoint au Parlement de

s'en dessaisir, avec défense d'en connaître ultérieurement.

Cet arrêt royal causa une profonde émotion au Parlement.

Il établissait, en effet, un précédent qui dépouillait d'une façon

cavalière, au profit d'un pouvoir de création relativement

récente et dont les tendances à étendre le cercle mal défini

de ses attributions premières n'étaient que trop manifestes,

302 1.) HISTOIRE ET CRITIQUE.

un Corps dont les prérogatives juridiques étaient aussi an-

ciennes qu'incontestables en pareille matière.

Une protestation très digne fut adressée par le Procureur

Général Languet sous formes de Remontrances faites à Sa

Majesté pour protester contre l'arrêt en question. Elle se

terminait après un exposé très succinct des phases de cette

longue procédure, par les considérations suivantes ' :

* C'est cet arrest qui nous donne sujet de remonstrer à à

Vostre Majesté que le crime de magie et de sortilège estant

de la juridiction ordinaire et se punissant de mort, l'official

n'avoit pas du en prendre cognoissance et le Parlement a

eu raison de casser la procédure qu'il avoit faicte et d'en

retenir la cognoissance et d'empescher cette entreprise du

juge d'église sur la juridiction royale; et la qualité de ces

crimes obscurs mérite d'estre traitée dans vos Cours Souve-

raines qui par la longue expérience qu'ils se sont acquise et

le grand nombre de procès de cette qualité jugés depuis

vingt ans en celui de Dijon, peut mieux que nul autre péné-

trer la vérité. Les soins qu'ils ont apportés pour décou-

vrir celle de l'affaire d'Auxonne ont reçu l'approbation de

Mgr le chancelier et leurs sentiments se sont trouvés con-

formes à ceux de MAI. les docteurs de Sorbonme que Votre

Majesté a commis. »

« L'arrest du quatrième août 1662 a esté donné avec tout

l'examen que méritoit le sujet des accusations formées contre

la soeur Buvée. Il seroit bien injurieux à votre Parlement que

sur le faux exposé des prestres, cet arrêt souffrit quelque

atteinte par une nouvelle procédure et s'il échoit d'en faire,

ce seroit au Parlement. »

« Toutes les choses qui se font pour parvenir à la révision

des arrest ont toujours estes citées par les Parlements et les

lettres expédiées aux grandes chancelleries leur en ont esté

adressées.

« Ce qui seroit d'autant plus juste d'observer en ce sujet

que le Parlement a pris des cognoissances que le sieur inten-

dant ne peut avoir; en effect s'il avoit su que les sieurs Bretin,

Pelletier et autres s'étoient rendus solliciteurs de l'évocation;

que les arrests et les commissions avoient esté obtenus et

apportés par eux, il n'auroit pas faict des ordonnances par

1 Manuscrit fonds français, n° 18695, fol. 142. Bibliothèque nationale a Re-

montrances que le Procureur Général du roy fait à Sa Majesté, etc. »

BARBE BUVÉE. 303

lesquelles il leur enjoint de déposer par devant luy et s'il

avoit cognoissance des choses cy-dessus, il ne les auroit pas

reçus comme tesmoins, non plus que les religieuses qui ont

prétendu estre possédées et qui ne sont ny malades, ny occu-

pées des démons. »

* « Cette nouvelle procédure n'a este sollicitée que par ces

prestres que pour diminuer de leurs dépositions et de celles

des religieuses les choses qui pouvoient donner des lumières

à la vérité ou y en adjouter pour l'obscurcir. Le Parlement

n'a eu aucune affectation de cognoistre cette affaire. Il a exé-

cuté ponctuellement les ordres qui sont venus de Votre Ma-

jesté, il a suivi la procédure et il n'a jamais eu d'objet que

d'arrester le désordre et le scandale qui continue et qui aug-

mentera de j our à autre dans la province ; et si la cognoissance

leur en est ostée, il est à craindre que dans d'autres monas-

tères pareilles choses n'arrivent; si le Parlement est privé de

la juridiction qui lui est nécessaire pour les empescher et

pour procurer la santé à vos subjets dont la vie est exposée

par de semblables accusations de sortilèges faictes par de

fausses possédées; c'est ce que nous avons esté obligé de

remonstrer à Vostre Majesté pour l'honneur de vostre justice

souveraine que vous avez déposée à vos Parlements et pour

le bien de vos subjets de cette province, ce qui nous faict

espérer que sans s'arrester à l'arrest du 24 novembre, vous

ordonnerez qu'il sera passé outre par le Parlement à l'ins-

truction et jugement de ce qui reste à faire en exécution de

l'arrest du quatrième août 1662 et cela estant, nous avons

sujet d'espérer de faire cognoistre la vérité à Vostre Majesté

de telle sorte qu'il ne restera aucun doute. »

c Si le temps nous avoit permis, nous aurions icy joint les

différences des dépositions des mesmes témoins dans l'infor-

mation faicte par l'official, dans celle du Commissaire du

Parlement et dans celle du sieur Bouchu pour faire cognoistre

les variations de ces prestres et des religieuses, les omissions

et les adjonctions qui en ont esté faictes à dessein de cou-

vrir la vérité, à quoy nous satisferons si Votre Majesté nous

en donne les ordres, et ensuite nous luy ferons cognoistre

les choses qui seroient nécessaires pour restablir la régula-

rité et la piété dans cette maison religieuse et faire cesser le

scandale avec la charité qui est nécessaire '. »

1 Manuscrit, n° 18695, fol. 142, lot. Cit.

304 HISTOIRE ET CRITIQUE.

D'un autre côté AI. Legoux terminait un mémoire sur la

possession par ces mots : . ,

« Par toutes ces raisons et une infinité d'autres qui se pré-

sentent à l'esprit de ceux qui ont veu les exorcismes, et prit

garde à toutes les circonstances du dedans et du dehors, il

paraît que non seulement l'on n'aperçoit aucune marque suf-

fisante et univoque de vraye possession dans ces Religieuses,

mais que leur génie, leur raison, leur liberté se descouvre

suffisamment pour croire que tout vient d'elles, et que leurs.

volontés et leurs imaginations ou quelque maladie faict en

elle le principe de tout ce que nous y,voyons '. »

Il paraît à peu près établi, attendu qu'aucun acte de nou-

velle procédure ne fut exécuté par l'intendant Bouchu, puisque

nulle part on n'en trouve trace, que la protestation du Pro-

cureur Général impressionna favorablement le conseil de

Louis XIV et que l'arrêt mettant Barbe Buvée hors de cause

eut son plein effet. Du moment que l'accusation était recon-

nue fausse, la réalité de la possession devenait plus que pro-

blématique et l'épidémie ne tarda pas à s'éteindre par la

dispersion des religieuses elles-mêmes dans d'autres cou-

vents, ainsi que par la cessation des exorcismes qui n'avaient

plus de raison apparente de légitimité.

Peu à peu le silence se fit autour de cette affaire, les exor-

cistes eux-mêmes ayant tout à y gagner. Un siècle plus tard.

Courtépée 2 faisant allusion à cette possession, portait sur

elle le jugement suivant : « La prétendue possession de plu-

sieurs religieuses Ursulines qui fit tant de bruit dans le der-

nier siècle, fruit du fanatisme et de l'ignorance, peut aug-

menter le chapitre des égarements de l'esprit humain. »

Nous ne saurions mieux dire aujourd'hui; peut-être pour-

rions-nous ajouter, qu'elle ne fut pas seulement le fruit de

l'ignorance et du fanatisme, mais aussi des coupables ma-

noeuvres des exorcistes auxonnais.

IX. S'il n'est pas douteux que l'enquête, prescrite par le

Parlement de Bourgogne, sur la possession des Ursulines

d'Auxonne, ait démontré à la fois l'indignité des premiers

exorcistes, leurs manoeuvres louches et la fausseté de l'accu-

i Manuscrit fonds français, n° x86g6, loc. cit. B. N., fol, 52 et 55. La vérité

recognue, etc. Signé Legoux.

2 Description du duché de Bourgogne, t. III, page 232, (Dijon, 1778, Causse.).

BARBE BUVÉE. , , 305

sation intentionnellement provoquée par eux contre Barbe

Buvée, afin de masquer leurs agissements, il n'en est pas

moins prouvé que les médecins qui eurent la charge de

l'examen de cette affaire côtoyèrent, déjà à cette époque, la

vérité scientifique capable de jeter la lumière complète sur ces

faits et de les expliquer. Leur formule saisissante de conci -

sion : « Nihil a demone, pauca a morbo, multa ficta », serait

encore à peu près rigoureusement exacte aujourd'hui, avec

quelques réserves, et on ne peut qu'être frappé de sa har-

diesse, à une époque où la croyance à la possession dominait

les intelligences les mieux douées. Il est regrettable que pour

nous éclairer totalement sur la justesse de leurs appréciations,

en face des données cliniques actuelles, nous n'ayons pu nous

procurer le rapport médical annexé à la procédure du Par-

lement : ce document doit avoir disparu. Toutefois à l'aide

des passages qui lui furent certainement empruntés par

M. Legoux dans ses manuscrits, on peut s'apercevoir que

les remarques d'ordre médical ne manquèrent pas de valeur.

Ainsi le rapport avait certainement mentionné 1 que parm3^

les 15 qui se prétendoient possédées, ilr en avoit plusieurs qui

estoient dans une grande simplicité d'esprit, savoir : Pierrette

Boileau, Anne Mol, Marie de Laramisse, Elisabeth Nicolas qui

étoit en oultre « mélancolique f ; Lazare Arnier qui avait « des

iutervalles de démence a ; Gabrielle de nlalo qui était à l'époque

c une fille aagée de quinze ans, pensionnaire depuis huit ans de

la maison, dans la dernière simplicité » : que Marie de Malo

et Charlotte Joly étaient « de tempérament mélancolique, que

les accidens qui arrivèrent à la première, eurent quelques rip-

port à ceux que les épileptiques souffrent ou à ceux que les pas-

sions hystériques causent t ; que ce qui se passa en la soeur

Joly pouvait « estre un effect de la mélancolie cause de quelque

déplaisir, quelques personnes de la rrresme famille en ayant esté

atteintes »; que Marguerite Jamain, Humberte Borthon,

Françoise Borthon, Gabrielle de Malo, Jeanne de Malo avaient

5 beaucoup d'esprit, Aiiiie Pirorr, esprit et jugement » et étaient

toutes « saines de corps i,.

. Il avait de même noté que toutes les religieuses » nonobstant

leur possession estoient en parfaite santé et en fort bonpoinct » ; que

la pensée de leur possession les affligeait peu, que tous les

spectres qui leur passaient devant les yeux n'empêchaient

1 Manuscrit fonds français, n° ils695, fol. 14S. Preuves qui résultent, etc.

Archives, t. XXVIII. ' 20

306 HISTOIRE ET CRITIQUE.

point « leur sommeil, leurs entretiens, /e ! ;r ? M< ! 0)M]'. Il avait «

fait la constatation que « les prétendues possessions depuis trente

ans n'arrivoient que che des religieuses du 17zesj;ze ordre, Lou-

dun, Louviers, Auxonne »; que les possédées étaient toujours

les plus jeunes du couvent, « les plus anciennes se trouvant

exemptes » de la possession; que toutes les visions, tous les

spectres, tous les troubles de conscience étaient pour les

quinze dernières ; que les anciennes )o ! 'e avec elles, cou-

choient dans leurs chambres, assistaient aux exorcismes sans rien

ressentir, si ce n'est à force d'entendre parler s'imaginèrent par-

fois entendre du brztict » ; qu'enfin les communications des pos-

sédées entr'elles « estoient perpétuelles, qu'elles se rapportoient

les unes aux autres ce qu'elles avaient dict ou faict dans l'exor-

cisme », et avaient connu tout ce qui s'était fait à Loudun et

Louviers dont c on avait trouvé les livres dans le couvent ».

Mais toutes ces remarques ne permirent point de remonter

à la cause morbide, efficiente, exacte, ! l'imagination exaltée

des plus intelligentes ayant été seule mise en cause quand on

se fut aperçu que celles qui étaient simples et qui ne croyaient

être possédées c que parce que la supérieure leur avoit dict

qu'il le falloil croire et que les exorcistes l'avoient dict aussy >,

ne déposaient « d'aucune impiété ny rien quifeusse à charge de

la soezir Buvée. »

Enfin l'interprétation de toutes les descriptions érotiques des

possédées se fit par une maladie appelée furor uterinus dans

laquelle » 2 parit prinuan affecta est utérus sedes libidinis maxime

vero follnm ejus et osculum quod sinunz pitdoris vocant, quibus

tantus aidor, in-est czini pruritu et inextinguibili verreris appe-

tentia ut ftanrma quaqua effusa, cerebrum tipsum una-cunz dia-

phragmate in consensus rapiatur, qui nzorbus junioribus tantum

accidit quarum amentia tota versatur, in venere nihil que aliud

imaginantur vel loquuntur ».

Telle fut la doctrine médicale d'après laquelle, à l'époque

des faits d'Auxonne, certains phénomènes observés chez plu-

sieurs possédées trouvèrent leur interprétation dans une

maladie se rapprochant de la nymphomanie, tandis que tout

le reste était mis sur le compte de l'imagination, sans admis-

sion d'aucune intervention démoniaque. Ajoutons cependant

' Contrairement aux affirmations du jugement ecclésiastique de 1662. Biblio-

thèque nationale.

' Manuscrit fonds français, n° [8695, fol. 23 à 36, fol. 28. Raisons tirées, etc.

Signé Legoux. Bibliothèque nationale, loc. cit.

BARBE BUVÉE. 307 I

'que, pour au moins une des possédées, les mots d'épilepsie et

'de passion hystérique furent employés pour expliquer les

accidents qu'elle présenta.

Quoique les faits du même ordre aient déjà été lumineuse-

ment éclaircis, il nous reste à montrer rapidement que l'épi-

démie d'Auxonne rentre tout à fait dans le cadre de l'hys-

térie convulsive et délirante, dont la réalité, à l'état épidé-

mique, a été scientifiquement établie depuis longtemps. Notre

démonstration sera facile à l'aide des nombreux documents

qui ont passé sous les yeux du lecteur, et qui montrent clai-

rement, en laissant de côté tout jugement sur le rôle des

exorcistes locaux, que les religieuses ursulines parcoururent

la gamme entière de l'hystérie depuis la forme la plus atté-

nuée jusqu'à la plus sévère.

L'imitation et la contagion morale apparaissent d'abord

comme ayant joué un rôle, sinon décisif, du moins très con-

sidérable, dans l'explosion et la propagation ultérieure de la

maladie en question. Ce fait important n'avait pas échappé

à la sagacité des médecins experts, et ils avaient fort bien vu

une corrélation étroite entre ce qu'ils observaient à Auxonne

et ce qui s'était passé à Loudun et Louviers, dont la relation

écrite fut trouvée dans le couvent d'Auxonne. Il est prouvé,

d'autre part, qu'une contagion morale directe ne pouvait

manquer de se produire chez des religieuses répétant entre

elles, comme on l'a vu, les exorcismes et tout ce qui s'y fai-

sait, et l'on ne peut qu'être frappé de la similitude des phé-

nomènes délirants qu'elles offrirent, le fond restant à peu

près invariable.

Dès le début de l'épidémie, alors que les exorcismes se

faisaient pour ainsi dire à huis clos, il est certain que plu-

sieurs religieuses débutèrent déjà dans la maladie, par des

attaques plus ou moins complètes, s'accompagnant de vomis-

sements de corps étrangers, qui furent pris pour des marques

de délivrance ou des sorts, et qui n'étaient en réalité que des

objets avalés par les religieuses elles-mêmes, sous l'influence

d'une dépravation du goût assez commune chez les hysté-

riques. Si on ajoute à cette dépravation, comme mobile, le

besoin de mystification ancré chez toute hystérique, on s'ex-

pliquera facilement la cause véritablement morbide de ces

vomissements qui semblaient étranges.

Déjà, à cette phase de l'épidémie, on avait noté dans l'at-

308 HISTOIRE ET CRITIQUE.

taque la période des contorsions; le corps de la religieuse

étant courbé la plupart du temps en arrière. A ce moment

aussi, le délire hallucinatoire qui en résultait, puisant ses

éléments dans les idées courantes de possession, et com-

pliqué d'hallucinations du sens génital (l'association du délire

religieux et érotique est très fréquente), fit son apparition avec

les caractères que l'on sait ; ce qui explique parfaitement les

premières descriptions érotiques et libidineuses, déjà si pré-

cises, dont les possédées faisaient remonter la cause à l'ac-

tion des démons et des sorciers.

Ajoutons également que l'imagination des plus intelli-

gentes, déjà fortement surexcitée, s'exaltait encore aux récits

faits, par les prétendues victimes, deleurs tortures impudiques z

que celles qui étaient faibles d'esprit ne pouvaient manquer de

tenir docilement pour vraies, comme dans le délire à deux,

les interprétations délirantes et les hallucinations des pre-

mières. Ainsi, peu à peu, la folie hystérique se propagea, en se

développant successivement chez quinze religieuses ; ce qui

montre bien l'inconvénient majeur de la cohabitation continue

et étroite des possédées, avec celles restées encore saines.

Dès que l'épidémie eut acquis son plein développement, les

phénomènes s'accentuèrent avec la plus grande netteté, et ici

encore, il est de toute évidence que la suggestion et l'auto-

suggestion, dont l'empire s'exerce si facilement chez les névro-

pathes, eurent beau jeu d'influencer dés natures aussi acces-

sibles à leur action. Les exorcismes officiels ne pouvaient

manquer, maintenant, de faire surgir tous les symptômes cli-

niques de la maladie, et c'est en effet ce qui arriva.

La soeur de Saint-Alexis, par exemple, s'étendait à la ren-

verse, « ne touchant la terre que de la plante des pieds » (opis-

thotonos) ; une autre « se courboit en devant d'une manière que la

teste estoit comme entièrement cachée sous la poictrine » (empros-

thotonos), touchant presque la terre de la nuque du col, puis

toutes les deux revenaient à elles en se redressant elles-mêmes,

comme si rien ne se fut passé ». On vit de même la soezir de la

Résurrection ayant le corps plié comme un cercle, de sorte que la

plante de ses pieds venait lui toucher le front ; la soeur Borthon,

dite de Saint-François, touchant la terre « de la poincte de

l'estomac tandis que la tête, les pieds, les mains et le reste

du corps étaient en l'air. ?

Ces différentes attitudes illogiques variaient plus ou moins,

, BARBE BUVÉE. 509

suivant les sujets. Les attaques avec perte de connaissance,

parfois accompagnées de cris et de hurlements, précédaient

ordinairement une période de délire proprement dit, où les

possédées entraient très bien en communication avec le

monde extérieur, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par

les dialogues qui s'échangeaient entre la possédée et son

exorciste, mais ne laissaient pas non plus que de se répandre,'

spontanément, en imprécations et en blasphèmes, d'où l'on

tirait une preuve nouvelle de la possession. C'est à cette

période aussi qu'on observait ce besoin de mouvement, for-

çant les religieuses atteintes à grimper, à marcher et à com-

mettre toutes sortes d'excentricités.

D'autres fois les attaques prenaient le caractère léthargique,

comme chez la soeur de la Purification, qui, une nuit, resta

plus de cinq quarts d'heure dans une espèce d'assoupisse-

ment, sans parole, sans connaissance, les bras contracturés

sur la poitrine, les yeux tantôt fermés, tantôt ouverts, avec

une fixité et une sensibilité telles que tout réflexe palpébral

était aboli; puis racontant qu'elle avait été transportée au

sabbat, décrivait ce qu'elle avait cru voir. Charlotte Joly avait

aussi des visions terrifiantes, caractéristiques de l'hystérie,

quand elle affirmait voir des lions, des bêtes affreuses, etc.

Le délire zoopsique se compliqua chez d'autres de visions

obscènes, de la réalité desquelles elles ne doutèrent pas à

l'état de veille, et dont elles racontèrent les moindres détails

devant un auditoire souvent aussi borné que crédule.

Il nous paraît oiseux d'insister longuement sur tous ces

phénomènes auxquels se rattache certainement en partie la

description du fameux accouchement de soeur Buvée qui,

d'après soeur Jamain, était descendue une nuit, dans sa propre

chambre, avec un matelas, plusieurs prêtres et une villageoise,

en passant par une cheminée des plus étroites.

L'anesthésie, un des caractères les plus probants autrefois

de la réalité de la possession, fut chez les possédées d'Auxonne

des plus nettes et des moins contestables comme stigmate de

la névrose hystérique; elle se compliqua même de thermo-

anesthésie. C'est à la faveur de ce double stigmate que chez la

religieuse citée par le chartreux, dans la relation des exorcismes

auxquels il assista, on put enfoncer jusqu'à la tête une grosse

épingle dans son bras et le brûler ensuite à la flamme d'un

cierge allumé, pendant l'espace « d'un pater et d'un ave =, sans

310 HISTOIRE ET CRITIQUE. - *

que cette religieuse eut témoigné ensuite la moindre douleur ?

puisqu'elle pinçait et meurtrissait la brûlure impunément.

Nous avons, en ce moment, dans notre service, une hysté-

rique à grandes crises chez laquelle nous avons pu produire,*

de même (en vue de l'expertise dont elle devait être [l'objet),1

à l'extrémité d'une phalange, une brûlure dont elle ne s'a-

perçut pas sur le moment, et dont le lendemain elle me mon-'

trait, avec étonnement, le résultat consistant en une ampoule

très étendue. Il n'est pas jusqu'à la cessation du pouls qui ne

puisse s'expliquer aisément, par la suggestion qui s'accom-

plissait à l'injonction de l'exorciste, quand celui-ci comman-

dait au démon de faire cesser les pulsations alternativement

au bras droit, puis au bras gauche, à la grande stupéfaction

des assistants. -

Les contractures diverses qui accompagnent l'attaque hys-

térique et persistent même parfois, en dehors des attaques,

donnent également l'explication scientifique de l'impossibilité ' `

momentanée dans laquelle une religieuse, citée également

dans la relation du chartreux, se trouva d'avaler le contenu

d'une tasse de liquide, par suite d'abord d'une contracture

des mâchoires, puis d'une contracture pharyngienne qui s'y

opposèrent ; de la difficulté passagère qu'on eut également à

pouvoir ouvrir les yeux à une autre, par suite du spasme des

paupières. Ce fut également un bel exemple de tympanisme

hystérique que présenta soeur Marguerite Jamain et qui fut

pris par l'exorciste pour une grosseur monstrueuse dont le

« dégonflement » se produisit à son commandement.

On peut interpréter par une perturbation de l'innervation

vaso-motrice les faits multiples signalés d'absence d'écoule-

ment de sang, aux piqûres faites à lapeau des possédées.Tous

ces symptômes sont devenus d'une banalité telle que nous ne

jugeons guère à propos de nous étendre davantage sur eux.

Mais on se ferait une très fausse idée de l'épidémie d'Auxonne

si l'on pouvait penser, qu'en dehors des grandes crises et des

crises hystéroïdes qui laissaient auxpossédées, pendant l'exor-

cisme où ces phénomènes se produisaient, une connaissance

parfois assez complète, leur état mental ne fut pas profondé-

ment troublé, car c'est là le côté le plus intéressant de leur

commune folie. -

La raison de la physionomie spéciale que prit chez elles le

délire érotique, dont nous avons vu l'étendue et la fixité chez-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311

plusieurs religieuses, fut due, selon toute apparence, aux pré-

occupations générales de l'époque sur l'intervention des sor-

ciers et des démons, jointes aux émotions nées de la connais-

sance de ce qui s'était passé dans d'autres couvents, ainsi

qu'à l'extrême mysticisme du temps. Comme il n'est pas de

règle que les idées érotiques occupent une place aussi impor-

tante dans le délire hystérique, puisqu'elles peuvent même

faire complètement défaut ; il se pourrait aussi qu'en raison

de leur intensité, l'hystérie des ursulines ait été compliquée

de nymphomanie. Mais le caractère commun de leur état

mental, intercalaire aux crises, fut sans conteste de les rendre

pleines d'aversion pour les pratiques religieuses, les sacre-

ments et la confession, et impulsives à proférer des blas-

phèmes et des injures contre tout ce qui devait être sacré à

leurs yeux. Maintenant, à côté des troubles positifs auxquels

se rattachaient évidemment les descriptions de leurs cauche-

mars, de leurs hallucinations, de leurs visions obscènes, de

leurs troubles viscéraux, soit diurnes, soit nocturnes, il ne

faut pas oublier qu'il y en eut aussi d'imaginaires. Le lecteur

a dû suffisamment s'en rendre compte. Toutefois encore, ces

malheureuses religieuses, sous ce rapport, obéissaient à la

névrose qui pousse, celles qui en sont victimes à créer, parfois,

de toutes pièces, les aventures les plus extraordinaires, par

suite d'un besoin morbide de mystification à outrance. Plu-

sieurs procès célèbres et récents, où figuraient des hystériques,

démontrent jusqu'à quel point d'audace mensongère elles

peuvent atteindre dans leurs dénonciations.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. MESURE DE la force musculaire brute; par DE FOLLER.

(Neurolog. Centralbl., 1893.)

Étude de la force des muscles qui, pendant la flexion du corps

sur lui-même (mollet, fessiers, biceps, semi-membraneux, semi-

312 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

tendineux, triceps) sont chargés de faire équilibre au poids du-

corps. Elle est représentée par la formule :

Q = 2 P. cotang.

dans laquelle P représente le poids du corps,

a l'angle de flexion du genou mesuré à l'aide d'un

appareil spécial. i

Quand les malades peuvent fléchir à angle droit ou à angle aigu,

il faut modifier cette formule ainsi :

Q = (2 P + p). cotang.

dans laquelle p représente le poids dont on est obligé de charger

les malades pour les empêcher de fléchir le corps au-dessous d'un

angle de 110°. P. K. '

Il. La QUESTION du ruban DE REIL dans l'écorce ; par Hoesel.

(Nezt ? -olog. CentralGl., 1893.) Contribution A la QUESTION du

ruban DE REIL cortical. RÉPLIQUE; par MAHAIM. (Ibid.)

Contre la description de Mahaim dans les Archiv f. Psychiat.

XXV, 2', Ai. HoesEL maintient que, le ruban de Reil cortical va

tout entier se réunir aux ascendantes et qu'il ne fait que traverser

la couche optique, qu'il a une marche directe, ininterrompue

depuis les noyaux opposés des cordons postérieurs jusqu'aux ascen-

dants en traversant la couche optique. Ce à quoi M. MAIIAIM réplique

que ce qu'il a décrit est l'éclatante confirmation des expériences

de Monakow la plus grande partie du ruban de Reil dans

l'écorce se termine provisoirement dans la portion ventrale de la

couche optique en s'y résolvant en de petits rameaux terminaux.

P. KERAVAL.

III. Observation DE tumeur DE la couche OPTIQUE; par PH. ZEKKER.

(Neurologisches Centnalbl., 1893.)

Observation avec autopsie, sans examen microscopique. Jeune

homme de dix-huit ans. Paralysie faciale droite, surtout apparente

quand le malade rit; parésie droite des extrémités supérieures et

inférieures; céphalalgie occipitale; paralysie de l'oculo-moteur

externe droit; cécité de l'oeil gauche; diminution de l'odorat à

gauche; diminution de l'ouïe à droite; papille étranglée à droite.

Finalement cécité complète; marasme sans convulsion. Gliome

implanté dans la partie postérieure et la base de la couche optique

gauche. P. K.

* Voir Archives de Neurologie, Revues analytiques.

REVUE,D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 313

IV. Abus DE la THÉORIE DES localisations EN psychiatrie ET en

anthropologie; par P. NOEcrE. (Neiii,olog. (;eiiti-albl., 1893.)

Mémoire résumant les diverses écoles à localisations et essayant

de les mettre en contradiction avec l'unité de la théorie et son

application universelle. L'auteur oublie de dire qu'il y a plusieurs

sortes de localisations et de localisateurs ; qu'il ne faut pas con-

fondre la phrénologie avec la pathologie expérimentale, ni celle-ci

pas plus que la première avec la théorie des localisations basée

sur la méthode anatomo-clinique. En science, l'interprétation ne

vaut que par le déterminisme, les phénomènes ne peuvent être

sûrement formulés en une loi acceptable les coordonnant que

lorsque les conditions dans lesquelles ils se produisent invariable-

ment sont nettement et mathématiquement déterminées. Pour

juger d'une doctrine ou d'une loi scientifique il faut se renfermer

dans l'analyse et l'étude critique des conditions sur lesquelles se

sont appuyés les auteurs pour conclure. Il faut donc juger des uni-

tés en se renfermant dans la critique des groupes individuels, et

non comparer entre elles des choses qui ne sont pas comparables.

P. K.

V. DÉGÉNÉRESCENCES secondaires consécutives A la SECTION TRANS-

VERSE du corps calleux; parWL. DIURATON. (Neurolog. Centralbl.,

1893.)

. Ces expériences, comparées aux dégénérescenses consécutives à

l'extirpation des zones corticales motrices, permettent d'établir les

données suivantes :

z` Les fibres longitudinales du corps calleux (fascictiltis subcallosus)

et le tapetum représentent un seul et même système constitué par

de longues fibres qui unissent entre eux divers endroits de l'écorce

d'un seul et même hémisphère (fibres d'association de Meynert);

ces fibres ont la même fonction physiologique, mais les endroits

où elles se terminent dans l'écorce sont différents.

Les fibres transverses ou fibres du corps calleux proprement dit,

unissent n'importe quel segment de l'écorce, du moins des lobes

frontaux d'un hémisphère, avec toutes les circonvolutions des lobes

frontaux.de l'autre hémisphère. Il y a donc des fibres unissant

entre eux des endroits identiques de l'écorce, fibres qui ont leur

centre trophique dans l'écorce ; ces fibres, pour la base du corps

calleux du moins, sont disposées par plans transverses presque

parallèles.

La section transversale du corps calleux n'entraîne pas la dégéné-

rescense de la capsule interne; cette dégénérescense dépend exclu-'

sivement de la lésion du territoire moteur.

Le corps calleux est donc surtout une commissure constituée par

des fibres arciformes unissant entre eux les deux hémisphères,

314 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

fibres transverses directes dans la base du corps calleux, à direction

inféro-antérieure au niveau de l'extrémité antérieure du lobe fron-

tal, à direction inféro-postérieure au niveau de l'extrémité posté-

rieure du Jobe occipital. P. KERAVAL.

VI. Note SUR on ostéotome crânien ; par le Dr Chipault.

Ce modèle d'ostéotome crânien est destiné à supprimer les

chances de lésion du cerveau et à faciliter la section oblique au

ciseau et au maillet, du sommet et de la base du lambeau osseux

dans la résection temporaire du crâne, décrit par l'auteur dans la

Revue neurologique de mai 1894. (Revue neurologique, 1894.) E. B.

VII. SUR LE RÔLE du nerf facial dans la sécrétion DES larmes ; '

par le professeur Jendrassik.

Quelques observations de M. Goldzieher ont amené cet auteur à

la conclusion que la glande lacrymale est innervée non point,

comme on l'a cru jusqu'à présent, par le nerf trijumeau, mais par

le nerf facial.

Les observations recueillies par M. Jendrassik lui ont permis

d'éclairer quelques détails de cette question et de dresser avec

beaucoup de probabilité la voie de l'innervation de la glande lacry-

male de la façon suivante :

Les fibres du nerf facial se séparent à la hauteur du ganglion

géniculé et passent en partie, à travers le grand nerf pétreux super-

ficiel, dans le glanglion nasal. De là, les unes pénètrent dans le

voile du palais, comme nerfs palatins ; les autres, traversant la

seconde branche du nerf trijumeau, entrent dans le nerf orbital

qui prend naissance juste en face de leur entrée. Celui-ci, décrivant

une courbe régulière, va rejoindre le nerf lacrymal, et, à leur

réunion, émanent les fibres nerveuses qui entrent dans la glande

lacrymale.

Selon cette manière de voir, le nerf sécrétoire ne serait donc pas

le nerf lacrymal, sortant de la première branche du nerf trijumeau,

comme cela semble être adopté actuellement, mais bien le nerf

orbital. (Revue neurologique, 1894.). E. BLIN.

- VIII. Vacuolisation DU NUCLEUS DES CELLULES NERVEUSES

corticales; par Fred de LaRBERT.

.L'auteur reprenant la méthode de Beevan-Lewis, par l'étude du

cerveau des épileptiques a procédé à l'examen de 70 cerveaux, sans

distinction; sur 56 il a rencontré l'altération précitée avec dégéné-

rescence graisseuse. Il conclut à l'action en quelque sorte dépura-

trice du nucleus par rapport au trop-plein d'éléments nutritifs

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 315

apportés par la circulation cérébrale dans les cas d'hypertension

vasculaire correspondant à une hyperactivité fonctionnelle connue

dans la paralysie générale, la manie et d'une façon générale tous

les processus congestifs. (British. Med. Journ., 19 mai 1894.) -

A. Marie. z

Il. TOPOGIIAPHIE DE l'étage supérieur DU pédoncule;

par le Dr HABEL

Dans une intéressante série de six coupes vertico-transversales de

l'hémisphère cérébral, l'auteur étudie l'importante région de la

calotte. Le but de M. Habel n'est pas de revenir sur l'anatomie

topographique de chacune de ces coupes, anatomie déjà étudiée

par M. Brissaud, mais simplement d'indiquer la place de chacune

des parties de la calotle, envisagée séparérnen t, qu'on retrouve

successivement sur les six coupes qu'il préconise. (Revue neurolo-

gique, déc. 1893.) E. B.

X. Myélite expérimentale par toxine diphtérique ;

- par les Drs Enriquez et Hallion.

Dans ses recherches sur les lésions du système nerveux par le

poison diphtérique, Stcherback n'a trouvé dans la moelle, en de-

hors des petites hémorragies, que des altérations minimes de la

substance grise et une légère inflammation des méninges.

Les auteurs ont soumis à l'examen histologique le bulbe et la

moelle de trois chiens, qui avaient reçu, en injection sous-cutanée,

1,5 à 2 centimètres cubes par kilogramme d'animal de bouillon

diphtérique filtré; ces animaux avaient succombé au bout d'une

dizaine de jours.

MM. Enriquez et Hallion ont trouvé, dans un certain nombre

de segments médullaires, des lésions intéressantes de la moelle

ainsi que des racines.

Les lésions radiculaires rentrent dans la catégorie des névrites

périphériques.

Les lésions médullaires, très accentuées, ont consisté en con-

gestions, hémorragies, et, dans deux cas sur trois, en foyers de

myélite, localisés surtout dans la substance blanche. En ce qui

concerne ces derniers, il s'agissait d'une, sclérose névroglique au

premier stade de son évolution, avec destruction des fibres ner-

veuses.

Chez un singe, dont la santé générale s'est bien rétablie, à la

suite d'injection de toxine diphtéritique, il persiste des symptômes

paralytiques et du tremblement qui semblent indiquer des lésions

nerveuses centrales. (Revue neurologique , mai 1894.) E. B.

pi

316 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

XI. DES lésions DU système NERVEUX par LE poison diphtérique ?

' par le Dr STCHERBAA.

L'accord est loin d'être fait sur l'origine des paralysies diphté-

riques : sont-elles d'origine centrale ou périphérique ou bien en-

core d'origine myopathique ? *

D'après les expériences de l'auteur, ces paralysies proviennent

d'un processus inflammatoire (parenchymateux ou interstitiel) des

nerfs phériphériques, et toutes les autres lésions n'ont qu'une si-

gnification secondaire.

D'une façon générale, ce qui domine dans la moelle épinière, ce

sont les altérations des vaisseaux, tandis que l'atrophie des cellules

nerveuses apparaît tardivement et constitue un phénomène secon-

daire.

Les lésions des muscles ont un caractère variable, mais dans au-

cun cas la myosite n'était assez accusée pour expliquer à elle seule

les phénomènes parétiques.

Il en est tout autrement de la névrite : dans tous les cas de pa-

ralysie, l'auteur a trouvé dans les nerfs correspondants des lésions

en rapport avec l'intensité et la localisation des phénomènes paré-

tiques. Ces lésions frappent surtout les ramifications nerveuses arri-

vaut aux muscles et débutent dans les cylindres-axes (tuméfaction)

et les noyaux de la gaine de Schwanu (prolifération des noyaux

et tuméfaction du protoplasma). Plus tard la myéline participe à

son tour au processus (segmentation) : les cylindres-axes dispa-

raissent et on a le tableau classique de la dégénérescence wallé-

rienne.

L'intensité de la névrite et sa marche ultérieure paraissent dé-

pendre, entre autres choses, de la dose du poison. (Revue neuro-

logique, 1893.) E. B. -

XII. COURTE remarque sur la différenciation morphologique DU

CYLINDRE-AXE DANS SES RAPPORTS AVEC LES PROLONGEMENTS PRO-

toplasmiques dans la coloration DE 1VISSL; par K. SCHAFFER.

(Neurolog. Cent ? ,albl., 1893.)

L'auteur, après examen détaillé, croit que les prolongements

protoplasmiques contiennent de longs filaments de chromatine

tandis que le cylindre-axe, privé de ces derniers, apparaitcomme un

prolongement tout à fait homogène très peu coloré et à coloration

diffuse qui, par conséquent, même avec la méthode de Nissl, se dif-

férencie nettement quant à la forme. P. K.

XIII. Contribution A la pathologie DU noyau lenticulaire ET de

la capsule INTERNE ; par Sommer. (Celztwvlbl. f. Nervealceilk.,1V. F.

IV, 1893.)

Contracture post-hémiptégique plus accentuée dans le domaine

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317 Î

à

du cubital que du radial, ce qui donne l'illusion d'une parésie radiale

périphérique. A l'autopsie, on trouve un petit foyer qui, occu-

pant le segment externe du noyau lenticulaire, n'a touché qu'un

millimètre de long de la capsule interne sans la détruire. L'auteur

"en conclut qu'en cet endroit, tout contre l'angle supéro-interne du

putamen passent, dans la capsule interne, les fibres qui, à la péri-

phérie, se réunissent dans le cubital pour animer les interosseux.

Il semblerait donc qu'il y ait dans la capsule interne une place pour

les fibres cubitales des interosseux et une autre place pour les

fibres radiales des fléchisseurs. P. K.

XIV. DE l'asymétrie DES moitiés DE la moelle, consécutive A UNE

anomalie DE STRUCTURE du BULBE : par A. PicK. (Allg. Zet'tSC/t. f.

Psychint., L. 1 et 2.)

- Classification des asymétries de la moelle.

1° Asymétrie delà substance blanche par agénésie ou hypoplasie

des pyramides consécutive à une anomalie de développement d'un

ou des deux hémisphères; 2° même asymétrie consécutive aune

dégénérescence secondaire prématurée par foyers cérébraux ;

3° même asymétrie accompagnée d'asymétrie de la substance grise

d'un des renflements de la moelle avec arrêt du développement ou

absence de l'extrémité correspondante; 4° même asymétrie limitée

à un petit segment de la moelle par arrêt de formation local

ou excès de substance grise; 5° asymétrie des cordons antéro-laté-

raux par entre-croisement pyramidal disparate; 6° asymétrie de la

moelle par anomalie de structure du bulbe et, par suite, atteinte des

pyramides. C'est un exemple de cette dernière espèce que donne

l'auteur avec figures, seules capables de bien faire comprendre le

cas. P. K.

XV. CONTRIBUTION A l'étude DE l'arrêt DES PROCESSUS psychiques ;

par Sommer. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)

Observation de stupeur dans laquelle on arriva à mesurer le ra-

lentissement du décours des conceptions, le temps que mettait le

malade à multiplier, additionner, soustraire, diviser, à répondre à

une question simple : qu'est-ce que cet objet ? où est cet objet ?

Étude analytique de ces phénomènes. Le ralentissement de

l'équation personnelle relative aux objets (conceptions représenta,

tives) tenait à ce que les sollicitations des éléments nerveux partie-

du centre optique ne parvenaient que tardivement aux tractus con-

duisant au centre des mots. Ce retard venait de la diminution de la

conscience, des impressions dues aux excitations externes. Le cer-

veau fonctionnait bien dans son mécanisme, bien que le travail

intellectuel fût, dans l'espèce, extrêmement affaibli. P. K.

318 REVUE D'ANATOMIE,ET,DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XVI. NOTE$UR l'eximen bactériologique DE la moelle et des

NERFS DANS LA SYRING0511ÉLIE; par A. PITRES et J. SABRAZÈS. (Arch.

elin. de l3ordecrle, 1893, n 3.) @-

Les résultats de l'examen bactériologique dans trois cas de syrin-

gomyélie, pratiqués uue fois sur un filet nerveux et les deux autres

fois sur la moelle, ont démontré aux auteurs l'absence complète

du bacille de Hansen, d'où leur conclusion que la syringomyélie

parait être une maladie réellement distincte de la lèpre. E. R.

XVII. Du RÔLE DU LIQUIDE CÊPHALO-RACHIDIhN DANS LA CIRCULATION

cérébrale; par le De .IOL7"ET. (Gaz. /teM. des se. méd. de Bor-

cteaux, 1893, p. 339 et 386.)

La première partie de ce travail, fait de critique et d'expérimen-

tations personnelles, aboutit aux conclusions suivantes : 1° un

examen même superficiel des propriétés physiques et des fonctions

physiologiques du système nerveux et du cerveau en particulier,

suffit à montrer les nombreuses impossibilités des expansions

rythmées de ce tissu, en rapport avec celles de ses artères; 20 physi-

quement, l'expansion pulsatile des artères encéphaliques néces-

saires au mouvement régulier du sang dans le cerveau et au fonc-

tionnement de cet organe (de même que toutes les autres variations

du volume des vaisseaux) peut se faire sans qu'elle soit accompagnée

d'un changement correspondant du volume de l'encéphale; 3° de

toutes les expériences invoquées en faveur des mouvements : du cer-

veau, aucune ne démontre l'existence de ces mouvements; 4° une

de ces expériences, logiquement interprétée, démontre au contraire

l'absence de ces mouvements. E. Régis.

XVIII. UNE NOUVELLE méthode de coloration DE l'ensemble DU SYS-

TÈME NERVEUX AVEC REMARQUES SUR LES CELLULES NERVEUSES ET LES

CELLULES DE la névroglie; par H. ROSIN. (Neurolog. Ceitir., 1893.)

Voici les réactifs usités par l'auteur :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319

violette), et basophiles (vert bleu), sont à lire dans le mémoire.

De l'interprétation savante des substances colorées dans les élé-

ments histologiques, il résulterait que les cellules de la névroglie

sont, par rapport à la névroglie même, un vrai tissu conjonctif, le

protoplasma de ces cellules rappelant l'assemblage des fibres fines

du tissu névroglique. Les cellules-araignées et celles de Deiters de

la substance blanche semblent être restées à un état de développe-

ment antérieur; les cellules-araignées notamment correspondent

aux cellules du tissu conjonctif réticulaire.

Les cellules nerveuses possèdent dans leur protoplasma une subs-

tance basophile. Ou plutôt deux substances composent ce proto-

plasma : une substance basophile à gros grains et une substance

acidophile à fibres fines. Le noyau de ces cellules présente dans les

préparations à l'alcool cette particularité : noyau et nucléole sont

noirs comme de l'encre, par suite probablement du mélange des

trois matières colorantes (rouge, vert, orange). La substance du

noyau est donc absolument neutrophile. P. K.

T

XIX. LES réflexes DE la rétine pendant l'hypnose; par K. SCUAFFER.

(Neurolog. Centwlbl., 1893.)

Nouvelle étude des contractures réflexes dans l'hysléro-épilepsie

sous l'influence d'une excitation sensorielle ou sensitive (oeil, oreille,

larynx, épiderme) pendant l'état hypnotique :

« 1° Quand on excite le plan vertical du fond de l'oeil qui passe par

la tache jaune; ou quand on agit à peu de distance de ce plan d'un

côté ou de l'autre, on obtient toujours une contracture bilatérale.

2° Quand on agit sur la rétine, on constate l'existence de deux

champs nettement séparés dont l'excitation provoque de l'hémi-

contracture. La moitié nasale périphérique de l'oeil droit et la moi-

tié temporale périphérique de l'oeil gauche engendrent une hémi-

contracture du côté droit exclusivement. L'excitation de la moitié

temporale périphérique de l'oeii droit ou de la partie nasale de

l'oeil gauche provoque une hémi-contracture, toujours à gauche.

Cette dissociation physiologique indique la semi-décussation du

nerf optique qui se distribue ainsi à la rétine.

1° Le faisceau non entre-croisé du nerf optique droit envoie la

majorité de ses fibres à la moitié temporale de la rétine de l'oeil

droit jusqu'au bord rétinien, une petite partie de ses fibres empiète

sur la moitié nasale de la rétine, mais ne s'étend que jusqu'à la

moitié centrale de celle-ci.

2° Le faisceau croisé du nerf optique droit comprend parla plupart

de ses fibres la moitié nasale delà rétinede l'oeil droit jusqu'au bord

de la rétine; une petite partie de ces fibres empiète sur la moitié

temporale de la rétine, mais ne s'élend que jusqu'à la moitié cen-

trale de celle-ci.

320 SOCIÉTÉS SAVANTES.

. 3° L'empiétement alternatif et compensateur des deux faisceaux

croisés et non entre-croisés du nerf optique droit a lieu dans le

plan qui passe verticalement par la tache jaune.

Il en résulte que le faisceau non entre-croisé du nerf optiqne droit

envoie à la moitié temporale de la rétine de l'oeil droit les fibres

chargées de la sensation lumineuse et simultanément des actions

réflexes. Il n'envoie à la moitié nasale que des fibres chargées des

actions réflexes. Le faisceau entre-croisé du nerf optique droit en-

voie à la moitié nasale de la rétine de l'oeil droit des fibres char-

gées de la sensation lumineuse et des fonctions réflexes; il n'envoie

à la moitié temporale que des fibres chargées de l'action réflexe.

Le faisceau non entre-croisé du nerf optique gauche envoie à la

moitié temporale de la rétine de l'oeil gauche des fibres chargées

et de la sensation lumineuse et de l'action réflexe; il n'envoie à la

moitié nasale que des fibres chargées de la fonction réflexe. Le

faisceau entre-croisé du nerf optique gauche envoie à la moitié

nasale de la rétine de l'oeil gauche des fibres chargées de la sensa-

tion lumineuse et du mouvement réflexe; il n'envoie à la moitié

temporale que des fibres chargées de la fonction réflexe.

L'étude de la suggestion sur les réflexes ainsi provoqués est éga-

lement pleine d'intérêt. Elle montre par exemple que la suggestion

de la surdité à gauche supprime la contracture réflexe gauche,

c'est-à-dire que par la modification dynamique provoquée sur le

champ de l'écorce auditif droit, il y a suppression de l'action optico-

réflexe du champ visuel central droit. Evidemment les réflexes

rétiniens sont en rapport avec le lobe occipital droit, c'est-à-dire

que les réflexes obtenus par les moitiés rétinienne temporale de;

l'oeil droit et rétinienne nasale de l'eeil gauche sont en rapport-

avec le lobe occipital droit. Le corollaire, c'est que la suggestion

de la surdité bilatérale supprime tous les réflexes rétiniens. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

' SESSION DE CLERMONT-FERRAND.

Séance du 10 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. Rith.

La RÉDACTION DE L'ARTICLE 44 DU PROJET DE REVISION DE LA LOI

DE 1838, PROPOSÉE PAR M. E. LAFONT, rapporteur DE LA COMMIS-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321

SION LÉGISLATIVE ACTUELLE, ET LES RETRAITES DU CORPS MEDICAL

ALIÉNISTE.

M. le Dr Samuel Garnier, médecin en chef directeur de l'asile

de Dijon. Je viens encore une fois, dussé-je vous paraître en

proie à une idée fixe, vous convier à quitter les sereines hauteurs

de la science, dont ce congrès est la manifestation continue et

puissante, pour aborder le terrain trop négligé de nos intérêts

matériels. '

Je me suis déjà fait auprès de vous le champion de cette idée

que si nos traitements d'activité et nos pensions étaient centralisés

entre les mains de l'Etat, selon les dispositions favorables à la spé-

cialité d'un article 45 du projet de revision de la loi sur les aliénés,

voté jadis par le Sénat, il fallait nécessairement remanier en con-

séquence les traitements fixés par les décrets des 6 juin 1863 et

4 février 1870, et créer une classe exceptionnelle de 9,000 francs.

Un voeu dans ce sens a été déposé d'abord à votre première session

de Rouen, puis après l'avoir complété, à celle de Blois. Je ne puis

que vous renvoyer à mes communications de l'époque pour vous

convaincre à nouveau du bien fondé de mes propositions d'alors,

et de la parfaite équité de leurs dispositions. Mais il parait qu'il y

a loin de la coupe aux lèvres et si, nous appuyant sur le vote du

Sénat, nous pouvions espérer voir enfin notre situation à tous, au

point de vue des retraites, améliorée et nettement consolidée,

voici que les dispositions de l'article 44 du nouveau projet de la

commission législative actuelle remettent tout en question en vou-

lant nous ramener au statu quu dont nos devanciers ont eu à souf-

frir dans le passé et dont nous continuerions à pâtir dans l'avenir.

Avant que le projet de loi ne vienne en discussion à la Chambre,

il est bon de faire entendre nos justes doléances, et un congrès

étant une occasion impersonnelle de leur donner une force indis-

cutable, je devais revenir sur une question capitale pour nous.

Je vous rappellerai très brièvement que la nouvelle rédaction

proposée à la sanction de la Chambre par le rapporteur de la

commission spéciale, modifie du tout au tout le texte voté par le

Sénat, qui faisait payer par l'Etat les traitements et les pensions

de retraite des médecins. Les dispositions essentielles du futur

article 44 mettent au contraire t la charge des départements, en

leur donnant un caractère d'obligation incompatible avec les pou-

voirs légaux des conseils généraux eu matière de finances, les trai-

tements des médecins' fonctionnaires, et les associent corrélative-

ment pour leurs pensions de retraite aux charges et bénéfices des

caisses de retraites départementales. '

Or, là est toute l'erreur qui raye d'un trait de plume les disposi-

tions bienveillantes de l'ancien article 45 du texte sénatorial. Ce

dernier nous permettait d'espérer de plus une modification, désir

Archives, t. XXVIII. 21

322 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rable à tous les points de vue, de l'instabilité de nos retraites et le

relèvement du taux alloué par la loi de 1853 sur les pensions

civiles. Nous devons donc revendiquer le maintien en son entier

du texte du Sénat puisqu'il supprime le statu quo désastreux de

notre situation présente, et d'après lequel, ici, nous n'avons pas

droit à une retraite (Orne, Côte-d'Or), là nous lui voyons subir des

différences considérables, qui tiennent aux faveurs plus ou moins

grandes de telle ou telle caisse départementale, tantôt enfin nos

veuves sont obligées de lutter contre le mauvais vouloir d'un con-

seil général qui, au sur et à mesure d'une demande de liquidation

de leurs droits à une pension, cherche ou à s'exonérer de cette

charge ou même à la réduire pour l'avenir.

J'ai du reste à vous citer à cet égard un fait tout récent et très

topique. Lors du décès de notre regretté collègue Rousseau

(d'Auxerre), à soixante ans d'âge et à vingt-neuf ans de services, sa

veuve a dû pendant deux ans revendiquer ses droits à une pension

devant la juridiction du Conseil d'Etat qui a fini heureusement par

lui donner gain de cause en obligeant le conseil général de l'Yonne,

qui voulait s'y soustraire, à lui servir enfin sa pension. Cet exemple,

qui n'est malheureusement pas isolé, vous montre combien notre

situation à tous est précaire, et s'il convient d'y porter remède. Le

texte du Sénat, outre qu'il nous apportait la consécration légale de

nos droits à une retraite, nous affranchissait encore de l'obligation

souvent difficile, sinon impossible à remplir, de passer consécuti-

vement dix, quinze et même vingt ans, suivant les statuts variables

des caisses de retraites départementales, dans le dernier poste

pour obtenir le droit à la liquidation d'une retraite. L'article 44 du

projet de la commission de la Chambre nous prive de ces disposi-

tions favorables. En conséquence, j'ai l'honneur de déposer le pro-

jet de résolution suivant :

« Les médecins aliénistes et neurologistes réunis en congrès à

Clermont-Ferrand émettent le voeu que la Chambre des députés

dans la rédaction définitive de l'article 44 du projet de revision de

la loi sur les aliénés, présenté par la commission, adopte le texte

entier du paragraphe 3 de l'article 15 du projet déjà voté par le

Sénat, qui met notamment à la charge de l'Etat les traitements et

pensions de retraite des médecins en chef, médecins-directeurs et

adjoints des asiles publics et comme conséquence de ce rattache-

ment futur, ils expriment le désir d'un relèvement des traitements

qui correspondent aux classes fixées par les décrets des 0 juin 1863

et 4 février 1876. t Adopté.

Le mobilier ET LES instruments DE travail DES aliénés pauvres

ET CURABLES. t

M. TATY. (Cette communication sera publiée dans notre pro-

chain numéro.)

sociétés savantes. 32 3

- < ' z

Hallucinations oniriques DES dégénérés.

- M. Régis. La rareté des hallucinations chez les dégénérés

héréditaires, notamment chez les persécuteurs, est un fait bien

connu; il existe cependant des dégénérés, se rapprochant par bien

des points des persécuteurs, qui sont assez sujets à des hallucina-

' tiens : je veux parler des dégénérés mystiques. Voici les principaux

caractères de leurs hallucinations.

Ce qui ressort tout d'abord de leur examen, c'est que le plus

souvent ces hallucinations ont lieu la nuit et durant le sommeil.

' On peut cependant les observer le jour dans des conditions parti-

culières telles que l'extrême fatigue, la méditation, les longues

prières, l'extase, etc., c'est-à-dire dans les états comparables au

rêve : c'est pour cette raison que je les ai appelées hallucinations

oniriques ou hallucinations du rêve.

Le second caractère des hallucinations mystiques, c'est d'être

intermittentes, de ne se renouveler qu'à des intervalles de plusieurs

jours, de plusieurs semaines, quelquefois même de plusieurs

années.

En quoi consiste l'hallucination onirique ? C'est un ensemble

" d'hallucinations, une sorte de scène hallucinatoire suivie, cohérente,

complète, à type toujours uniforme. Une apparition surgit aux yeux

du malade, le plus souvent animée et céleste, mais toujours envi-

' ronnée d'une clarté plus ou moins brillante. Presque toujours une

e voix s'élève et dicte au malade dans la langue mystique ce que le

" ciel attend de lui, en un mot elle lui révèle sa mission. D'habitude

"le mystique recueille avec ferveur ces paroles qui lui serviront

désormais de guide; il s'enhardit parfois jusqu'à entrer en conver-

- sation avec l'apparition. Dans certains cas, surtout chez les hysté-

riques, le rapprochement entre la créature et l'être surnaturel

' devient plus étroit; il y a possession, incarnation, etc.

Ainsi, les diverses hallucinations de la vue, de l'ouïe, du tou-

cher, du goût, de l'odorat sont susceptibles de survenir et de se

- succéder dans la vision mystique.

Cette participation de tous les sens indique assez que les hallu-

' cinations oniriques sont des hallucinations psycho-sensorielles et

non de pures représentations mentales. Il n'est pas nécessaire de

dire que les hallucinations oniriques ne sont pas exclusives aux

dégénérés. Elles peuvent, en effet, se rencontrer chez tous les alié-

- nés à délire mystique,' notamment chez ceux qui sont atteints de

folie systématisée religieuse, mais ici elles occupent pour ainsi dire

l'arrière-plan, dominées qu'elles sont par le délire et les halluci-

nations diurnes habituelles. On les rencontre encore dans l'alcoo-

lisme, dans les psychoses infectieuses et, d'une façon générale, dans

tous les délires toxiques. '

M. S. Garnier lui objecte que des inculpés de ce genre peuvent

324 SOCIÉTÉS SAVANTES.

s'appuyer sur l'existence d'hallucinations simulées de ce genre,

dans l'espérance d'être déclarés irresponsables. 11 réclame de

M. Régis un critérium autre que les renseignements rétrospectifs et

la description du malade, présumée impossible à contrôler.

Confusion mentale, amnésie continue ET anesthésie généralisée

chez UNE hystérique; résultats DE l'expérience DE STRUMPELL.. ? lI. SÉGLAS. (Cette communication sera publiée prochainement.)

Paralysie générale A forme tabétique.

M. Joffroy. Dans le courant de l'année 1890 je fus consulté

par un malade qui présentait tous les symptômes du tabes : crises

douloureuses, troubles urinaires, signes de Romberg et d'Argyll

Robertson, etc., etc., aucun trouble cérébral.

L'année suivantej'envoyai ce malade à Lamalou, et, à son arrivée,

on remarqua qu'il présentait quelques troubles cérébraux survenus

inopinément pendant le voyage : peut-être avait-il eu à ce moment

une petite attaque apoplectiforme. Amélioré, il retourne à Lama-

lou deux ans plus tard, et l'on constate alors des troubles de la

parole, de la mémoire et de l'intelligence qui ne laissent aucun

doute sur l'existence d'une paralysie générale. Enfin, cette année,

le malade entra dans mon service avec un accès maniaque violent,

à la suite duquel il succomba. Fait remarquable, il présentait une

amélioration très marquée de la marche et la disparition du signe

de Romberg. L'examen histologique de la moelle a donné les

résultats suivants :

Sur une coupe au niveau du fiers moyen de la région cervicale

delà moelle épinière, on trouve les racines saines; les méninges

sont épaissies. Les cordons de Goll sont pris dans leur totalité et

leur lésion s'étend en se réfléchissant à la façon d'une bordure au

niveau de la commissure postérieure. Dans le faisceau pyramidal

croisé et la zone de Gowers les vaisseaux présentent des gaines

épaissies et les capillaires sont entourés d'un tissu interstitiel plus

abondant que d'habitude. Les faisceaux latéraux postérieurs sont

sains. ,

Au niveau de la région cervicale inférieure les modifications sont

profondes. Il existe de la méningite, et dans les cordons de Goll et

la zone voisine de la commissure postérieure on observe les mêmes

lésions que sur la coupe précédente. Au niveau des racines posté-

rieures on constate des lésions, mais légères. De plus, on trouve

ici la lésion dans la zone latérale dés cordons postérieurs.

Sur une coupe de la région dorsale moyenne on voit : l'épaissis-

sement des méninges avec périartérite, dans les cordons posté-

rieurs les mêmes lésions que sur la coupe précédente, et au niveau

SOCIÉTÉS SAVANTES. 325

des postérieures des lésions qui, sans être profondes, le sont plus

que sur la coupe précédente. -

Dans les cordons latéraux (faisceau pyramidal croisé) on n'a

plus la lésion constatée plus haut, mais seulement un très léger

épaississement des vaisseaux de cette région.

Dans la région dorso-lombaire on note l'épaississement des mé-

ninges et de leurs vaisseaux, la sclérose de l'ensemble des cordons

postérieurs, l'atrophie des cellules de la corne antérieure et de la

colonne de Clarke. La lésion des racines est loin d'atteindre ce

qu'on voit dans le tabès.

Sur des coupes de la région lombaire il y a de la méningite

spinale, pas de lésions dans les cordons antéro-latéraux, et une

lésion totale des cordons postérieurs s'avançant jusqu'à environ

un quart de la distance de la commissure postérieure à la péri-

phérie.

Si nous jetons un coup d'oeil sur l'ensemble des lésions rencon-

trées sur ces différentes coupes, nous voyons qu'elles diffèrent de

celles du tabès par plusieurs points de détail : d'abord par les

lésions des cornes antérieures qui s'observent rarement à un si

haut degré dans le tabes, mais surtout par l'état des racines dont

les altérations sont minimes sur une grande étendue de la moelle

et beaucoup moins accusées que dans le tabès classique. C'est en

réalité à une paralysie générale spinale ayant simulé le tabès aussi

bien au point de vue clinique qu'au point de vue anatomo-patholo-

gique que j'ai eu affaire dans ce cas. Au point de vue clinique, il

faut remarquer l'amélioration si remarquable des symptômes

moteurs et ladisparitiou du signe de Romberg. '

Ces faits ne sont pas absolument isolés; j'ai déjà publié l'obser-

vation de deux malades analogues. Pendant dix ans l'on observa

chez l'un d'eux les symptômes du tabès au complet; puis survin-

rent les signes de la paralysie générale avec disparition des sym-

tômes d'incoordination et du signe de Romberg. En résumé, mal-

gré des analogies considérables, il y a dans ces faits des différences,

tant au point de vue des symptômes qu'à celui des lésions.

Un cas DE neurasthénie (TYPE Beard-Charcot) ; trépanation ;

guérison.

M. Levillain (de Nice) communique une observation de neuras-

thénie (type Beard-Charcot) ayant débuté à l'âge de douze ans

chez un jeune élève à la suite de maux de tête violents et persis-

tants, accompagnés et paraissant provoqués par une dépression

crânienne de 8 millimètres de profondeur sur 5 centimètres de

largeur et 9 centimètres de longueur, siégeant sur la moitié in-

terne du pariétal gauche, près de la suture médiane. Ce malade

souffrait depuis trois ans de maux de tête presque continus, mais

326 6 SOCIÉTÉS savantes.

exagérés par le travail, et qui aboutirent à la formule neurasthé-

nique type, caractérisée par les symptômes suivants : céphalée

constante, impossibilité absolue de travail, vertiges, insomnie,

amyosthénie matutinale, troubles dyspeptiques, constipation, etc.

La plupart de ces accidents s'amendèrent sous l'influence du

traitement, mais les maux de tête, qui ne cédèrent jamais com-

plètement, s'exagéraient au moindre effort de travail. En outre,

quelques accidents se développèrent qui firent songer à la possibi-'

lité d'une compression cérébrale par la dépression crânienne

existante ; c'est alors que M. le docteur Duret (de Lille), consulté)

proposa et pratiqua la trépanation. L'opération décela un amin-

cissement considérable du pariétal sur toute l'étendue de la dé-

pression, mais aucune lésion méningée, ni corticale ; le chirurgien

se contenta de relever la région osseuse enfoncée; les suites

furent heureuses : le malade guérit en quinze jours, et depuis lors

les maux de tête ont disparu, ainsi que l'état neurasthénique.

M. Duret pense que la trépanation a pu faire disparaître les

maux de tête et, par suite, permettre une amélioration de l'étal

général et même la guérison ; mais l'orateur estime qu'il faut

faire des réserves à cet égard.

M. Ballet ne croit pas non plus que l'intervention chirur-icalé

ait été chez le malade de M. Duret la véritable cause de la guéri-

son : certains neurasthéniques, en effet, guérissent, au même titre

que les hystériques, par une opération, qui n'agit pas en tant

qu'opération, mais simplement par l'ébranlement nerveux qui en

est la conséquence.

M. Régis observe que, de même que pour l'hystéro-traumatisme, il

y a lieu de distinguer une neurasthénie traumatique distincte de la

neurasthénie type de Beard; il appelle en même temps l'attention

du Congrès sur d'autres formes dites pseudo-neurasthénies et neu-

rasthénies préparalytiques, prémonitoires de certaines affections

cérébrales organiques, telles que la paralysie générale par exemple.

MM. LANNOis et Doutrebentk reconnaissent l'importance de cette

dernière distinction, au point de vue de l'intervention thérapeu-

tique intempestive, mortelle même dans le cas où le paralytique,

au début, est méconnu et traité comme neurasthénique simple par

l'hydrothérapie froide par exemple.

M. Ballet répond que c'est un exemple de ces cas fréquents où

un choc moral ou opératoire faitdisparaitre destrouhtosnévrosthé-

niques ; de même ces causes les peuvent faire naître. Il cile un

exemple analogue où un diagnostic erroné de rein flottant condui-

sit à une opération inutile au point de vue du but chirurgical,

mais curative au point de vue médical, en ce qu'elle suffit à faire

disparaître tous les troubles nerveux simulant l'aspect clinique du

rein flottant douloureux.

sociétés savantes. 327

*"A ' SUR deux cas D'HÊRÉDO-ATAXIE CÉRÉBELLEUSE.

M. P. LONDE (de Paris). Les deux malades dont il s'agit, observés

dans le service de M. le D'' A. Robin, sont frère et soeur. Ils ont été

pris exactement au même âge, à vingt-six ans, d'incoordination

musculaire dans les membres inférieurs etsupérieurs avec troubles

de la parole et symptômes neurasthéniques. Le frère, plus jeune

que sa soeur de dix ans, offre de l'exagération des réflexes rotu-

hens, du tremblement intentionnel, un léger degré de scoliose, de

la titubation, etc. La soeur ne peut plus marcher sans aide; elle se

tient à peine debout ; mais au début c elle marchait de travers *.

Elle a donc parcouru la période que représente aujourd'hui l'état

de son frère. Ces observations diffèrent, pourtant, par l'absence de

troubles visuels du type morbide décrit par M. Marie : il en est de

même d'un autre malade observé par MM. Brissaud et Londe. Par

ce caractère, ces faits se rapprochent de ceux qui appartiennent à

la maladie de Friedreich et plaident en faveur de la théorie céré-

belleuse de cette maladie émise par Menzel et défendue par Senator.

D'autre part, ils ressemblent d'une façon frappante à certains cas de

sclérose en plaques d'avec lesquels le diagnostic est très difficile à

établir en dehors du caractère familial. 'On sait, d'ailleurs, que

celui-ci aurait été rencontré dans cette maladie, tout à fait excep-

tionnellement, il est vrai, d'après les observations de Dreschfeld.

Origine OTIQUE D'UN certain NOMBRE DE cas DE paralysie faciale

r. c A FRIGORE t.

M. LANNOis (de Lyon). L'étiologie de la paralysie faciale a

frigore reste fréquemment obscure et il y a lieu d'attirer l'atten-

tion sur une cause, non pas inconnue, mais trop fréquemment

négligée de cette affection. C'est l'otite moyenne légère atteignant

surtout la paroi interne de la caisse et déterminant le gonflement

du névrilème du facial, surtout dans les cas où le canal de Fallope

présente une fissure, ce qui paraît fréquent. J'ai observé plusieurs

cas démonstratifs de cette variété de paralysie faciale; l'origine de

cette affection rend compte d'une série de symptômes difficile-

ment explicables en dehors d'elle, comme la fièvre, les symptômes

généraux, les douleurs d'oreilles qui existent dans la moitié des

cas, les troubles de l'ouie, elc.

Il y a donc intérêt à examiner l'oreille dans tous les cas de para-

lysie faciale périphérique, car le pronostic de la paralysie d'ori-

gine auriculaire est plutôt favorable, surtout si l'on dirige contre

sa cause un traitement approprié.

DES URINES A la SECONDE PÉRIODE DE la paralysie générale

,, ltii. 11LIPPEL et Sérieux (de Paris). Il résulte de nos recher-

ches que les urines des paralytiques généraux sont essentiellement

328 SOCIÉTÉS savantes.

variables comme composition et comme quantité. Nous pouvons

cependant donner les caractères généraux de l'excrétion urinaire

moyenne à la seconde période de la paralysie générale. Il existe

alors une polyurie incontestable ; les urines ont une faible densité

et sont de coloration claire avec un dépôt muqueux assez abon-

dant. L'excrétion de l'urée est diminuée d'un façon sensible ainsi

que celle des phosphates, tandis que la quantité des chlorures est

au contraire notablement augmentée. Il y a souvent de l'albumine

en très petite quantité, très fréquemment des peptones et presque

toujours de l'acétone.

Classification DES dégénérés.

M. Vallon. La doctrine de la dégénérescence inventée par

Morel a été, à mon avis, exagérée depuis par M. Magnan et ses

élèves, et, à en juger par des travaux récents, sans excepter quel-

ques-unes des communications qui ont été faites à ce Congrès, le

mot de dégénérescence tend à devenir synonyme d'aliénation

mentale. Eh bien, la théorie de la dégénérescence, très vraie au

point de vue de l'anthropologie générale, comme le disait hier mon

maître et ami M. Falret, ne saurait servir de base à la classifica-

tion des maladies mentales ; il faut substituer à ce mot, désignant

une famille anthropologique, des termes caractérisant des groupes

établis sur des distinctions cliniques. '

Dans l'état actuel de la science, je crois que l'on pourrait, dès à

présent, admettre trois groupes, distincts symptomatiquement,

tout en ayant une base commune : l'hérédité.

SOCIÉTÉS savantes. 329 ? PREl'ARATIONSETDESSIXSinSTOLOGIQUES.

M. A. Voisin (de Paris) montre un certain nombre de prépara-

tions histologiques et de dessins représentant des altérations de

cellules cérébrales, médullaires et du grand sympathique dans la

paralysie générale et les différentes formes de folies vésaniques

(lypémanie, hypocondrie, etc.). D'après l'orateur, l'existence de ces

lésions serait une preuve de la tendance de ces maladies à l'incu-

rabilité et à la démence.

Au cours de la séance, M. le professeur JOFPROY (de Paris) a été

élu président du Congrès de 1895. Avant de se séparer, l'assemblée

décide, en outre, que le prochain Congrès aura lieu à Bordeaux.

La séance est levée à 11 heures et demie.

Séance du 10 août (soir). PRÉSIDENCE DE M. Charpentier.

Nouvelle méthode DE DXATION ET d'imprégnation interstitielle

DES nerfs A myéline

M. RENAUT (de Lyon).-L'obstacle principal à l'étude des lésions

des nerfs à myéline consiste dans les altérations spontanées qu'ils

subissent entre le moment de la mort et celui de l'autopsie. Quand

il s'agit de ramifications nerveuses engagées dans la peau, dans

une muqueuse ou dans un organe accessible à une injection

interstitielle à travers les tissus, je veux démontrer qu'on peut

tourner la difficulté et mettre en évidence les fibres nerveuses avec

tout leur dispositif conservé, y compris les formations endotlié-

liales de leur gaine de Henle ou de leur gaine lamelleuse.

La méthode que je vais décrire est fondée sur ce fait que, dans

un mélange de solutions d'acide picrique, d'acide osmique et de

nitrate d'argent dans l'eau, il ne se fait aucun précipité perturba-

teur ni dans le liquide, ni dans les tissus où le mélange est injecté.

Partout où pénètre ce mélange, l'acide osmique, l'acide picrique

et le nitrate d'argent effectuent conjointement leurs réactions his-

tochimiques ordinaires qui s'additionnent purement et simplement

sans modification aucune de leurs actions respectives sur les élé-

ments anatomiques.

Pour arriver à ces résultats dans la peau ou dans une muqueuse,

on effectue d'abord le mélange suivant, que j'appelle liquide jaune

os2nio-piC2·iq2le : solution saturée d'acide picrique dans l'eau dis-

tillée, 1 volume; solution d'acide osmique à 1 p. 100 dans l'eau

distillée, 1 volume. A 4 cent, cubes du liquidejaune on ajoute lacent.

cube d'une solution de nitrate d'argent à 1 p. 100 dans l'eau dis-

tillée, puis on charge de ce nouveau mélange, qu'on peut appeler

liquide jaune argentique, une seringue de Pravaz munie d'une

canule d'or ou de platine iridié. On pratique ensuite dans le tissu

330 * SOCIÉTÉS SAVANTES.

vivant, s'il s'agit d'un fragment enlevé par biopsie ou aussitôt

après la mort, une injection interstitielle. Celle-ci une fois faite,

on peut attendre pour achever le durcissement par l'alcool : les

éléments anatomiques sont fixés, les vaisseaux sanguins et lympha-

tiques le sont aussi à l'état de déploiement; toutes les formations

épithéliales et endothéliales atteintes sont imprégnées d'argent.

S'il s'agit d'une autopsie, on remettra donc au lendemain le pré-

lèvement des points où l'on a fait des injections et qui renferment

des nerfs à explorer : leurs lésions auront été saisies telles qu'elles

sont au moment même de la mort.

Voyons maintenant dans quel état sont fixés les nerfs normaux

engagés dans les tissus. Voici des préparations faites sur la peau

et le tissu cellulaire sous-cutané de la lèvre d'un homme atteint de

cancroïde. Je ne parlerai pour le moment que des résultais de

l'injection interstitielle faite loin de la tumeur, là où la peau était

saine. Dans les limites de l'injection interstitielle, tous les cordons

nerveux sont fixés et imprégnés par l'osmium et par l'argent.

Autour des troncs et des troncules, la gaine lamelleuse, puis celle

de Henle, sont imprégnées d'argent. Pour la gaine de Henle, on

constate une série de faits intéressants : tout d'abord, c'est la diffé-

rence essentielle qui existe entre cet endothélium et celui des lym-

phatiques voisins, lequel est formé de cellules sinueuses. En second

lieu, on voit que là où les troncules nerveux traversent des plans

fibreux sériés et même tendiniformes, la gaine de Henle garde son

calibre régulier, à peine rendu un peu moniliforme par les forma-

tions élastiques ambiantes qui la font varier de distance en dis-

tance. Et à l'intérieur de la gaine elle-même, qui a été fixée

comme soufflée à l'entour et à distance des fibres nerveuses, on

peut conclure hardiment qu'il n'y a pas de lymphe, mais bien un

liquide non albumineux consistant en de l'eau plus ou moins

chargée de sels minéraux. '

- Dans l'état normal, la cavité vaginale des troncs et des troncules

nerveux renferme donc non de la lymphe, mais bien un liquide

aquiforme, protégeant les fibres nerveuses contre les actions exté-

rieures.

A l'intérieur de la gaine de Henle, on voit les fibres à moelle

avec leurs segments interannulaires et la disposition de la myéline

qui a été colorée en noir par l'acide osmique. Au niveau des

anneaux des nerfs, on peut observer, imprégnés par l'argent, la

plupart des renflements biconiques ; le renflement biconique se

montre toujours au milieu et en travers de l'anneau; c'est son

pourtour qui répond à la branche transversale de la croix d'impré-

gnation de Ranvier. La substance qui forme ce petit corps est

brillante, tandis que le cylindre-axe reste pâle. Mais dans mes

préparations, on ne voit pas la branche longitudinale de la croix

d'imprégnation de Ranvier; c'est dire qu'ici les stries de Frommann

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331

manquent sur le cylindre-axe, entre le corps biconique et les reflets

de la myéline. ·

Ce fait, minime en apparence, prend au contraire une grande

importance quand on se rappelle que tout au contraire sur les

nerfs, par exemple, dissociés dans une solution de nitrate d'argent,

les stries de Frommann du cylindre-axe ne manquent jamais.

Or, que signifient ces stries ? Simplement, comme l'a montré

Ranvier, que le nitrate d'argent a pénétré peu à peu par l'étran-

glement annulaire jusqu'au cylindre-axe et que par analogie on

peut considérer l'anneau comme la voie que suivent les cristalloïdes

de la nutrition pour atteindre ce même cylindre-axe, mais l'obser-

vation que nous venons de faire à l'aide d'une méthode nouvelle

fait faire un pas de plus à la question. Nous venons de voir que le

corps biconique étant fixé et coagulé net par le réactif osinio-piero-

argentique, les cristalloides tels que la solution de nitrate d'argent

ne pénètrent plus jusqu'au cylindre-axe. C'est donc que le dia-

lyseur entre le plasma nourricier ambiant et le filament axile n'est

autre chose que le corps biconique lui-même et, quand il est figé

par la' coagulation brusque et rendu imperméable, la porte de la

nutrition reste en effet fermée au cylindre-axe. Les cristalloïdes

suivent donc bien la voie de ce petit corps colloïde pour pénétrer

jusqu'au filament axile dont il n'est ni une excroissance, ni un

reuflement, car le liquide jaune argentique laisse ce cylindre-axe

incolore, tandis qu'il rend le corps biconique réfringent, brillant

et qu'il teint la marge en noir pur.

Voici donc, par la nouvelle méthode que je viens d'indiquer,

deux problèmes : l'un relatif à la gaine endothéliale, l'autre à la

constitution et à la nutrition du nerf à myéline lui-même, qui se

trouvent élucidés. Il est clair qu'il en serait de même de toute

lésion de la gaine ou de la fibre nerveuse consécutive à la névrite,

à l'oedème, à la périnévrite. Je crois donc bien avoir imaginé un

moyen d'étude nouveau qui donnera de bons résultats aux ana-

tomo-pathologistes et aux neurologistes.

Contribution A L'ËHJDE DE la microcépualie ET EN particulier DU

traitement ItllsDICO-P1 : D.1GOG1QUE des IDIOTS microcéphales.

M. 130URNEVILLE. Ma communication a surtout un but clinique

et thérapeutique, à savoir la démonstration de la possibilité d'amé-

liorer même à un degré prononcé les idiots microcéphales. Avant

d'arriver à ce point spécial, je crois utile de placer sous vos yeux

un certain nombre de photographies représentant des cerveaux de

microcéphales.

I. Les premières planches sont empruntées au mémoire bien

connu de Vogt ; les dix suivantes au remarquable mémoire de

Giacommi, paru en 1890 ; les planches XV à XXI sont tirées du

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mémoire de M. Miquel Bombarda, qui vient de paraître. Les

microcéphales de M. Giacomini avaient un encéphale dont le poids

variait de 171 à 785. Les microcéphales dont M. Bombarda a fait

l'autopsie, au nombre de trois, avaient un encéphale dont le poids

variait de 316 à 828 grammes.

Aux photographies des cerveaux, nous avons joint; chaque fois

1 que cela nous était possible, les photographies des malades. A ces

documents nous avons ajouté, comme vous le voyez, la photogra-

phie du buste d'une idiote microcéphale de trois ans qui se trouve

dans le musée de l'hôpital de la marine à Rochefort.

Nous avons eu l'occasion de publier nous-mème déjà deux mé-

moires sur la microcéphalie au point de vue clinique et anatomo-

pathologique. Dans le premier ', nous avons rapporté l'observation

d'un microcéphale de cinquante-neuf ans, nommé Cher... et celle

d'un malade nommé Eder... âgé de vingt-six ans. L'encéphale de

Cher..., dont la taille était de 1 m. 61, pesait 770 grammes, alors

que l'encéphale de deux autres individus du même âge pesait

en moyenne 1,385 grammes. Le cerveau d'Eder... pesait

650 grammes.

Nous faisons passer sous vos yeux les photographies de Cher...

(pi. XXIV), et celle de son cerveau (pl. XXVI), ainsi que celle du

cerveau d'Eder... (pl. XXVI). '

Dans notre second mémoire sur la microcéphalie, fait en colla- '

boralion avec M. Camescasse, et qui a été communiqué au Congrès

international de médecine mentale de 1889, nous avons montré les

photographies du malade Clut... et celles de son cerveau et de

son crâne et présenté les malades Jan..., Mar... et Maz... Nous

reviendrons tout à l'heure sur les malades vivants : Jan... Mar...'

et Maz... Nous faisons passer également sous vos yeux la pho-i s

tographie du malade Dubill... et celle de son cerveau. Celle de'

l'enfant Labor... à l'âge de deux ans et de son cerveau à cinq ans

et trois mois.

SOCIÉTÉS savantes. 333

densité doit entrer aussi en ligne de compte. La microcéphalie

cependant n'est pas douteuse si l'on compare son crâne à celui

d'un garçon normal de dix ans et d'une fille normale du même

âge que nous plaçons sous vos yeux.

La comparaisondu crâne Louis avec ceux de Cher... et de Clut...

fait ressortir une différence sensible en ce sens que le frontal n'est

pas, chez lui, aussi fuyant que chez Cher... et Clut... Louis cons-

titue un type de microcéphale à part. La tête de Louis ne rappelle

pas le type simien des crânes de Cher... et Clut... En dernier lieu

et pour en finir avec ce préambule anatomo-pathologique, nous vous

présentons la photographie de Pouge... (pi. XL111 et XL1V), mort il

y a quelques jours, à l'âge de trois ans et les photographies de son

cerveau (pl.XLV à XLVIII); son encéphale pesait 365 grammes. La

moyenne du poids de l'encéphale des autres enfants du même âge

décédés dans notre service, était de 1,000 grammes.

Pour compléter les renseignements qui précèdent, nous met-

tons sous vos yeux : 1° le squelette de la tête de Cher...; 2° la

tête de Clu; 3° la calotte de Dubill..., celle de Labor... et celle de

Poug... et, en outre, comme terme de comparaison, lacalotle crânienne

d'individus du même âge. Cette comparaison meten relief les deux

points suivants : 1° la différence de volume et de conformation

des crânes microcéphales et des crânes ordinaires ; 2° l'absence de

synoslose chez ces microcéphales, sauf chez Cher...,âgé deciiiquailte-

neuf ans.

La comparaison des cerveaux montre d'une manière évidente que

la microcéphalie qui n'est pas due, nous le répétons, à la synos-

tose prématurée des os du crâne, n'est pas due non plus toujours,

à un arrêt de développement unique, mais qu'elle reconnaît aussi

pour cause des lésions pathologiques. Il semble que ce sont les

lésions anatomiques qui l'emportent. Il conviendrait donc de ras-

sembler tous les cas de microcéphalie occasionnés par un simple

arrêt de développement, de les grouper, de faire leur tableau cli-

nique et de procéder de même pour les microcéphales dont le cer-

veau a été arrêté dans son développement à la suite de lésions

pathologiques.

H. Nous arrivons maintenant au but principal de cette com-

munication, à savoir l'exposé du traitement médico-pétiagogiqzie qui

permet d'améliorer les idiots microcéphales. Nous avons pensé que

s'il était possible de faire cette démonstration, il en résulterait,

pour tous, la conviction que les autres enfants idiots, dont le cer-

veau est généralement moins atteint, sont eux aussi, et à un degré

plus considérable, susceptibles d'être améliorés ou même guéris,

suivant leur degré mental.

M. BouRNEViLLE montre les photographies qui représentent, en

groupe, dix microcéphales , d'âges différents, vus de face et de

334 SOCIÉTÉS savantes.

profil ; puis, les photographies collectives, de chacun d'entre eux,

prises chaque année durant leur séjour déjà prolongé dans sa sec-

tion (Jan..., Arno...,Mari..., Ramb..., Maz...); ces photographies

mettent en relief les progrès réalisés; les enfants invalides, c'est-

à-dire ne marchant pas et gâteux au début, sont vus ensuite.se

tenant debout, marchant et devenus propres. Parallèlement au

progrès de l'état physique on voit la physionomie s'éveiller de plus

en plus. ,

Les vingt autres photographies collectives représentent les

enfants plus jeunes auxquels on a appris successivement à se tenir

debout, à marcher et qui sont devenus propres (Ren..., Laur...,

G.Tab... et M. Tab...). Un seul, Poug..., figuré assis au premier

plan,J n'a été que légèrement amélioré, ayant succombé tout ré-

cemment.

M. B... donne des renseignements sur les procédés employés et

qui composent ce qu'il appelle le traitement médico-pédagogique : .'

10 traitement du gâtisme ; 2° éducation de la marche (barres

parallèles, chariot, etc.) ; 3° exercices et massage des jointures ;

4° exercices du saut, de la montée et de la descente des escaliers

(escabeau) ; 5° exercices de toilette (lavage de la figure et des

mains); 5° exercices de la préhension (éducation de la main);

7° exercices de la petite gymnastique (gymnastique Pichery) et, à

ce propos il fait passer sous les yeux des membres du Congrès, une'

série de photographies figurant les mouvements exécutés par ses

microcéphales (debout, assis, en avant, en arrière, etc.) ; 8° l'édu-

cation des sens (toucher, ouïe, vue, odorat) ; 9° exexcices sco-

laires. A cette occasion, M. Bourneville fait voir les cahiers

mensuels de plusieurs de ses malades).

En ce qui concerne, 9° l'éducation de la parole, l'auteur entre

dans des détails dont nous ne pouvons indiquer que les principaux.

a. Exercices des lèvres, de l'articulation temporo-maxillaire (mas-

tication), de la langue, de l'appareil vocal. C'est ainsi qu'on fait

imiter à l'enfant les mouvements du visage : ouvrir et fermer la

bouche ; rapprocher et écarter les commissures des lèvres, allonger,

rentrer, élever et abaisser la langue, la porter à gauche et à

droite, etc. Si les lèvres sont molles, lentes dans leurs mouvements,

et restent plus souvent écartées, il faut faire tenir entre les lèvres

une règle de plus en plus petite, ou faire sucer des bâtons de

réglisse de plus en plus petits. Afin d'augmenter la force du

souffle qui produira le son et pour apprendre à le guider, faire

éteindre par l'enfant une bougie qu'on éloigne déplus en plus;

le faire souffler dans un sifflet; lui faire rouler, en soufflant, une

bille plus ou moins grosse sur une planchette creusée d'une petite

goutlière. Un autre exercice aussi amusant et aussi efficace consiste

à faire gonfler une vessie en baudruche qui, en se gonflant, pro-

duit un bruit plus ou moins musical, mais qui plaît généralement

sociétés savantes. 335

à l'enfant. Si l'enfant ne prononce aucun mot, débuter par les

syllabes simples en les redoublant (pa, pa-pa, pe, pe-pe, ta, ta-ta)

pour en faciliter l'émission. Si l'enfant est assez attentif, assez

imitateur, s'il prononce quelques mots, quoique mal, l'habituer à

soutenir un son le plus longtemps possible. On peut avec cette

catégorie d'enfants commencer par les voyelles. M. B. montre une

série de tableaux comprenant des syllabes simples et des syllabes

doublées. Le maître doit dire lui-même les noms et les faire

répéter par l'élève en l'habituant à montrer, en même temps,

l'objet correspondant. Lorsque l'enfant sera arrivé à prononcer un

certain nombre de mots, il conviendra de choisir, pour les lui

faire répéter, les noms les plus usuels ; papa, maman, frère, etc ?

cuisine, cave, escalier, etc., couteau, assiette, table, etc.,

tête, front, nez, etc., chapeau, manteau, robe, bas, etc.,

boeuf, chat, chien, cheval, vache, etc. M. 130URNEVILLE rappelle en

terminant que le traitement médico-pédagogique, quand il est

appliqué de bonne heure, d'une façon méthodique et prolongée,

permet d'obtenir dans la majorité des cas des résultats tout à fait

sérieux ; tandis que, à cet égard, il n'existe plus de doute dans

l'esprit des médecins, en Angleterre, aux Etats-Unis, dans les Pays

Scandinaves, en Allemagne, etc., il n'en est pas de même en

France, où la plupart des médecins connaissant peu les maladies

nerveuses chroniques des enfants, ne croient pas encore qu'il est

possible de les améliorer et même de les guérir.

, UN cas DE MYXOEDÈME opératoire traité par L'INGESTION

DE glande THYROÏDE DE mouton.'

MM. Brissaud et Souques (de Paris). Nous avons observé

récemment une malade âgée de quarante-six ans qui, à la suite

d'une thyroïdectomie partielle pratiquée pour un goitre plongeant,

présenta d'abord des phénomènes de tétanie et, plus tard, de

myxoedème. A son entrée à la Salpêtrière, elle a les signes habituels,

mais atténués, du myxoedème, c'est-à-dire l'infiltration des tégu-

ments, la suppression des fonctions cutanées, la raréfaction des

poils, etc. Les troubles de l'intelligence sont peu accusés. La malade

se plaint surtout d'une sensation extrême de refroidissement et de

somnolences invincibles.

Le 24 juin, elle pesait 58 kilogrammes; sa température centrale

était de 360,8; son pouls battait 84 fois par minute et le taux de ses

urines oscillait entre 800 et 1,000 grammes.

Le lendemain, elle commençait le traitement en prenant un

lobe frais et cru de glande thyroïde de mouton. Les quatre pre-

miers jours, elle prit un lobe par jour, puis un lobe tous les deux

jours. Depuis quatre semaines que ce traitement est commencé, la

malade a ingéré en tout quinze lobes de corps thyroïde. Dès les

336 SOCIÉTÉS SAVANTES.

premiers jours, la température augmenta de quelques dixièmes de

degré, le pouls devint plus fréquent, la diurèse s'établit (1,500 à

1,800 grammes en vingt-quatre heures). La désinfiltration ne tarda

pas à devenir manifeste; les sensations de froid, la somnolence, la

torpeur disparurent rapidement. Les sueurs, supprimées depuis

six ans, firent leur réapparition. En somme, depuis quatre

semaines, l'amélioration est évidente. La malade a déjà perdu

3 kilogrammes de son poids. Elle est encore en cours de traitement

et il ne semble pas douteux que la guérison complète s'ensuive à

bref délai.

M. Régis demande à M. Souques s'il fait une différence entre le

myxoedème et le crétinisme. Si oui, il prie M. Souques de vouloir

bien lui indiquer les caractères de cette différence, qui lui expli-

queront peut-être pourquoi il a rangé la malade qu'il vient de

présenter dans le myxoedème et non dans le crétinisme, ce qui lui

semble plus exact.

M. BRISSAUD répond qu'entre le myxoedème congénital etle créti-

nisme, il n'y a pas de différence histologique précise et que dans le

cas en question il manquait le goitre et les déformations squelel-

tiques caractéristiques du crétin. , ,

DES LOIS PSYCIIOPIIYSIQUES EN pathologie nerveuse.

M. MENDELSSOIIN. De nombreuses recherches faites à la Salpé-

trière ont montré que les lois psychologiques de Weber et de

Fechner sont applicables aux modifications pathologiques de la

perceptibilité sensorielle, mais toutefois dans des limites plus res-

treintes qu'à l'état normal.

On pourrait croire que tout processus pathologique intéressant

un organe sensoriel eutralne fatalement une altération correspon-

dante dans sa fonction. Or, il se trouve justement que dans les

affections avec lésions destructives nous n'avons eu à enregistrer

que des troubles relativement faibles du côté de la perceptibilité

différentielle, tandis que nous observions tout le contraire dans les

amblyopies fonctionnelles des hystériques ; chez ces dernières, la

perceptibilité différentielle se trouve sensiblement diminuée.

Comme on voit, ce fait n'est pas sans importance au point de vue

du diagnostic différentiel dans les affections du système nerveux

central (hémiplégie hystérique et d'origine cérébrale).

En outre, chez tous les hystériques, à une diminution de la per-

ceptibilité différentielle correspond généralement un rétrécissement

plus ou moins prononcé du champ visuel, et plus ce dernier se

rétrécit, plus la première diminue. Chez les tabétiques, au con-

traire, il n'existe pas de rapport entre la vision périphérique et la

perceptibilité différentielle. .. i .

- SOCIÉTÉS SAVANTES. 337

Mais c'est l'étude de la perceptibilité différentielle dans ses rap-

ports avec l'acuité visuelle qui fournit les renseignements les plus

intéressants au point de vue clinique.

On sait que dans toute perception nette la perceptibilité diffé-

rentielle et l'acuité visuelle sont toujours simultanément mises en

jeu; or, dans l'oeil malade, il existe entre ces deux facteurs une

certaine divergence. La relation qui existe entre eux a une valeur

pathognomonique pour certaines affections : c'est ce que j'ai

appelé le symptôme de relation. Ce symptôme divise, au point de

vue des troubles visuels, les maladies du système nerveux en deux

grandes catégories : 1° Celles dans lesquelles l'acuité visuelle est

plus troublée que la perceptibilité différentielle (alcoolisme,

ataxie, etc.); 2° celles dans lesquelles la perceptibilité'différentielle

est plus troublée que l'acuité visuelle (hystérie).

On voit par là toute l'importance du symptôme de relation pour

la diagnostic différentiel de l'amblyopie dans l'hystérie et dans le

tabes.

Contribution A l'étude HISTOLOGIQUE DES dégénérescences spinales

Sous ce titre, M. le D1' Klippel a fait une intéressante commu-

nication qu'on trouvera dans notre prochain numéro.

DES réflexes vasomoteurs A LONG trajet dans quelques affections

NERVEUSES.

MM. Hallion et Comte (de Paris). Nous avons fait une série de

recherches sur les réflexes vasomoteurs qui se produisent à la fois

dans un grand nombre d'organes, à la suite d'une excitation sen-

sitive cutanée, sensorielle ou émotive. Dans ce but, nous avons

mesuré, comme l'ont fait chez l'homme sain divers auteurs et sur-

tout M. François-Franck et M. Mosso, les variations de volume des

extrémités : mains et pieds. Pour éviter certaines difficultés et cer-

taines causes d'erreurs importantes que comporte l'emploi des

appareils volumétriques classiques, nous avons fait subir à la tech-

nique quelques modifications. Les principaux résultats constatés

par nous chez les malades sont les suivants :

Les réflexes (vasoconstricteurs) font défaut quand on porte l'ex-

citation sur une région où la peau est anesthésiée par suite d'une

lésion nerveuse périphérique ; au contraire, ils se produisent d'une

façon entièrement normale quand on excite une région frappée

d'anesthésie hystérique : c'est là, sans contredit, un nouvel argu-

ment, et non des moindres, en faveur de la nature toute psychique

de l'anesthésie hystérique. Dans l'état hypnotique (somnambu-

lisme, léthargie), les phénomènes vasomoteurs consécutifs soit aux

excitations sensitives (même en l'absence de toute perception

Archives, t. XXVIII. 22

338 sociétés savantes.

apparente), soit aux excitations émotives (même en l'absence de

toute manifestation apparente de la conscience), gardent leur inté-

grité à la suggestion d'une sensation et agissent comme font la

sensation réelle et l'émotion. Dans iasyringomyétie, les excitations

sensitives, même lorsqu'elles sont faites sur des régions non anes-

thésiées, ont déterminé des réactions vasomotrices nulles ou très

peu marquées; divers caractères des courbes obtenues chez les

syringomyéliques semblent d'ailleurs indiquer une atteinte consi-

, dérable subie par le système vasomoteur. >

Paralysie générale avec chorée.

MM. VALLON et A. Marie. Nous avons observé récemment trois

cas de paralysie générale avec chorée. Dans deux de ces cas, la

chorée (type Sydenham) s'est présentée dans des conditions où il

est permis de se demander si elle ne représentait pas un symptôme

initial en rapport à quelque degré avec la périencéphalite ulté-

rieure, comme dans les observations, aujourd'hui nombreuses, où

l'on a signalé la coexistence de la paralysie générale avec des

symptômes de névroses diverses (hystérie, neurasthénie, maladie

de Basedow) ; il semble y avoir là plus qu'une coïncidence. C'est

comme un équivalent moteur atténué, à la période de dynamie

fonctionnelle, du processus à la fois psychique et moteur de la para-

lysie générale confirmée.

IIÉMIANOPSIE AVEC HALLUCINATIONS DANS LA PARTIE ABOLIE

DU CHAMP VISUEL.

M. IL Lamy (de Paris). J'ai eu l'occasion d'observer à la Sal-

pêtrière, en 1892, dans le service de Charcot, un cas d'hémianopsie

avec hallucinations dans la partie abolie du champ visuel chez une

femme de trente-cinq ans qui, cinq ans auparavant, avait présenté

des accidents de syphilis cérébrale extrêmement graves. Elle avait

conservé une hémianopsie latérale droite typique. En 1892, elle fut

sujette à de courtes absences fréquemment répétées, qui s'accom-

pagnaient de convulsions faciales légères, sans perte de connais-

sance complète. Pendant ces absences, la malade éprouvait une

hallucination singulière. Elle apercevait tout à coup, dans la partie

droite de son champ visuel, « une figure d'enfant, souriante, dont

les yeux la regardaient fixement ». Pendant plus d'une année,

cette vision se reproduisit à l'occasion de chaque absence. La litté-

rature renferme un petit nombre d'observations analogues à la

précédente, sinon identiques.

Si l'on veut rapprocher cette hémiopie hallucinatoire de quelque

syndrome déjà connu en neuropathologie, c'est la migraine ophtal-

mique qui se présente immédiatement à l'esprit. On sait, en effet,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

que certaines migraines ophtalmiques accompagnées se com-

pliquent, au moment des accès, d'une hémianopsie passagère, qui

persiste parfois dans l'intervalle de ceux-ci, et peut même devenir

permanente. D'autre part, le scotome scintillant est généralement

une hallucination hémiopique.

Dans la plupart des observations du même genre, l'hallucination

visuelle, remarquable par sa précision et par l'uniformité qu'elle

revêt chez le même malade, ne s'accompagne d'aucune hallucina-

tion concordante dans la sphère des autres fonctions sensorielles,

ni d'aucun trouble de l'intelligence. Il s'agit d'un phénomène

psychique isolé, phénomène d'excitation de la sphère visuelle occi-

pitale, comparable aux phénomènes d'excitation motrice de l'épi-

lepsie jacksonienne, et lié à la présence d'une altération corticale

localisée. L'observation que je viens de vous relater est la première,

à ma connaissance, dans laquelle l'hallucination se soit manifestée

sous la forme d'une épilepsie sensorielle surajoutée à une hémia-

nopsie permanente.

Sur LES LÉSIONS ANATOMIQUES DE LA SYÏUNGOMYÉDE.

M. Brissaud a fait, sous ce titre, - une communication dont In

résumé nous fait défaut; nous somme obligés de nous borner à

reproduire les réflexions faites à son sujet par M. le professeur

J. Renaut.

M.RENAUT(deLyon).Les faits indiqués par AI. Brissaud sont

très intéressants et aucun d'eux ne me paraît être en contradiction

avec les idées actuelles sur la névroglie. On sait qu'après beaucoup

d'hésitations et de discussions, les histologistes qui s'occupent de

l'anatomie générale du système nerveux ont fini par se ranger,

presque tous et y compris même tout dernièrement les élèves de

M. Ramon y Cajal, à cette opinion que j'ai émise le premier en

1881 : c'est à savoir que la cellule névroglique est une cellule neuro-

épithéliale. J'ajouterai pour ma part que c'est là aussi une cellule

nerveuse, dont la différenciation est demeurée rudimentaire, peut-

être en vue de certaines fondions de réserve qu'on viendra proba-

blement à envisager un jour à côté de la fonction connective, dont

pour le moment on s'est seulement occupé. Le fait de la réduction

de l'épithélium épendymaire à une ligne de cellules cubiques ou

prismatiques basses en certains points des cavités syriugomyé-

liques, est la reproduction, par l'anatomie pathologique, d'un fait

normal dans la série. La voûte du a sinus rhomboïdal », qui, chez

les cyclostomes, représente le 4° ventricule, est formée par une

lame très mince où le névraxe se réduit à l'épendyme sur les

côtés. Puis sur la voûte même (au-dessous d'une série déformations

vasculaires particulières que les morphologistes ont parfois cru

pouvoir assimiler à un cervelet), cet épendyme n'est plus re-

340 SOCIÉTÉS savantes !

présenté que par une couche de cellules plates, endothéliformes,

qu'il faut imprégner de nitrate d'argent pour la bien voir. Cette

réduction de l'épithélium épendymaire à l'étal endothéliforme se

voit, du reste, même sur le plancher du sinus rhomboïdal, là où de

gros capillaires sanguins, devenus très superficiels, pénètrent

l'épithélium cylindrique et se développent dans les intervalles de

ses cellules. J'ai signalé ce fait dès 1881. Dans les préparations de

AI. Brissaud, et probablement sous l'empire de circonstances ana-

logues amenant des pressions prédominantes sur l'une des parois

de la cavité, l'épithélium épendymaire a réalisé les mêmes flexions

morphologiques. Il est du reste probable que, si l'on avait pu

traiter les cavités par le liquide jaune argentique dont j'ai parlé il

y a un instant, on les aurait trouvées tapissées d'un revêtement

continu : ici formé de cellules épendymaires longues et typiques,

là de cellules prismatiques basses, et enfin d'un vernis épendy-

maire endothéliforme, là même où il ne semble plus y avoir du

tout d'épithélium.

Je ferai maintenant remarquer que pour expliquer certains

autres faits tels que l'existence de jeunes éléments, ayant l'appa-

rence de cellules de remplacement, entreles pieds des longues cel-

lules épendymaires et pour rapporter celles-ci à leur signification

morphologique exacte, il faut se rappeler comment prolifère l'é-

pendyme primitif pour former la masse indifférente neuro-névro-

glique. C'est la ligne épithéliale bordant le canal de l'épendyme,

qui joue surtout ici le rôle de couche régénératrice. Par des divi-

sions indirectes réitérées, elle satisfait à la fois à l'extension et à

l'accroissement en épaisseur du névraxe. Pour le premier but, la

figure de division oriente sa plaque équatoriale parallèlement à la

hauteur de la cellule épendymaire : les deux cellules filles sont

dans ce cas juxtaposées et augmentent de leurs travers les dimen-

sions en surface du revêtement neuraxial. Pour réaliser le second

but, la figure de division donne une plaque équatoriale perpendi-

culaire à la hauteur de la cellule épendymaire : les deux cellules

filles sont alors superposées et l'épaisseur de névraxe s'accroît d'au-

tant. Ainsi se forment les chaînes radiales de prolifération, dont

les grains superposés sont le produit chacun d'une division indi-

recte de ce second genre. Souvent aussi l'on peut voir des grains

devenir secondairement l'origine d'une cellule du type sensoriel,

qui primitivement profonde pousse son corps protoplasmique en

bâtonnet vers la surface de l'épendyme, l'engageant entre les cel-

lules épendymaires ordinaires, qui dès lors jouent le rôle de

cellules de soutien, tout comme dans les neuro-épithéliums péri-

phériques, édifiés d'ailleurs comme un type fondamentalement

identique à l'épendyme. Enfin je viens tout dernièrement d'ac-

quérir la conviction que non seulement la ligne épithéliale de

l'épendyme, celle qui borde le canal, est fertile; mais encore que

SOCIÉTÉS SAVANTES. 341

tout à fait dans la profondeur du névraxe épithélial, sur un point

quelconque des chaînes radiales de prolifération, les grains pro-

duits comme je viens de l'indiquer sont fertiles aussi. Ils donnent

des figures de division orientées dans n'importe quel sens, bien que

le plus fréquemment dans le sens tangentiel.

Comme, en même temps, les cellules des chaînes radiales pous-

sent des prolongements latéraux qui les rendent communicantes

et arquées, on voit se dessiner, sensiblement au-dessous de la ligne

épendymaire demeurée épithéliale, un réseau constituant la masse

neuro-névroglique primitive. Sur certains points, les mailles de ce

réseau s'allongent dans un sens prépondérant, comme l'a vu le

premier Reissner. Là, les cellules du neuro-épithélium deviennent

rares, à longs prolongements dont l'intrication forme le réseau

allongé que j'appelle 13 chemin de Reissner, parce qu'il marque

comme un précurseur la voie qui sera occupée par la végétation

des cylindres d'axe, puis, en fin de compte, par la substance

blanche. Ces cellules, qui manifestement viennent des grains issus

eux-mêmes des cellules épithéliales bordant l'épendyme, ont

d'emblée l'aspect et la signification des a cellules Araignées ». Epi-

théliales de race bien que pliées à des fonctions connectives, elles

pourront tout aussi bien reprendre une évolution épithéliale,

comme l'a vu M. Brissaud, qu'une évolution ganglionnaire ,

comme Lancereaux, moi-même ensuite et, plus récemment,

F. Raymond l'ont observé dans les gliomes que j'ai appelés neuro-

formatifs. ,

Démences vésaniques avec personnalité dissociée au COURS DE

délires systématisés anciens.

11111. IIrIMEL et Marie. Trois observations de démentes vésa-

niques avec personnalité dissociée au cours d'un délire systématisé

ancien. Dans l'une de ces observations la malade devenue méga-

lomane présentait une persistance de sa personnalilé primitive à

côté de la personnalité nouvelle correspondant à sa conception

ambitieuse. Entre ces deux éléments, il y avait opposition telle que

la malade identifiait sa persécutrice dans son ancienne personna-

lité en conflit avec la nouvelle. Elle parlait ainsi d'elle-même à la

troisième personne comme la malade de Leuret, maudissant son

nom et se plaignant amèrement de ce que'cette personnalité

désormais étrangère l'insultât (troubles psycho-moteurs probables).

A la différence du cas de Leuret il y a ici substitution d'un moi

ambitieux à l'ancien moi renié mais dont les éléments persistants

correspondent à la survivance d'idées de persécution dans la

période mégalomaniaque. Dans les deux autres observations même

dissociation de la personnalité mais sans opposition entre les deux

éléments dissociés. L'une croit avoir son fils dans l'estomac, l'autre

342 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sa mère. Toutes deux parlent tantôt en leur nom, tantôt au nom

de l'individualité imaginaire incluse, ce qui donne à leur discours

une incohérence plus apparente que réelle ; c'est la pseudo-

démence signalée par M. Christian et dont le mécanisme s'explique

très logiquement par l'automatisme moteur verbal qui existe dans

ces deux cas comme dans le précédent.

Étude SUR l'hérédité DIRECTE portant SUR quatre GROUPES

DE recherches.

MM. BRUNET et ViGouRoux. Dans le premier on étudie les

enfants nés d'aliénées internées : sur dix-sept enfants, trois sont

mort-nés, six morts à cinq mois et un à treize mois, un a été

brûlé à huit ans, un autre s'est suicidé à vingt et un ans et un der-

nier est dans une colonie pénitentiaire. Le deuxième groupe com-

prend les enfants internés nés de père ou mère internés : sur

vingt-cinq cas on trouve huit cas d'idiolie ou d'imbécillité pro-

fonde, deux cas de démence précoce, cinq cas de perversion

morale, cinq cas d'accès délirants passagers, deux cas de délire

avec tendance à la chronicité. Le troisième groupe correspond à

l'étude de quelques familles dont un grand nombre de membres

sont internés. Enfin le quatrième groupe est composé de quatorze

cas de frères et soeurs internés en même temps, et douze fois la

forme d'aliénation mentale s'est trouvée sensiblement la même

qu'eux.

M. DEVAY (de Lyon) lit un travail sur les localisations cérébrales

des convulsions chez les animaux intoxiqués. Il en conclut que chez

l'homme l'épilepsie peut être considérée dans un grand nombre de

cas (Pierret) comme due à la stase du toxique dans l'encéphale,

stase favorisée par des scléroses de nature variable.

M. Bonnet (de Saint-Robert) lit une élude sur les hallucinations

synesthéliques, ou phénomènes de sensations fausses associées (au-

dition colorée) et combinées au délire; il signale des cas d'audi-

tion colorée pure chez les dégénérés débiles des asiles.

LE FACIES DANS LES MYOPATHIES.

M. Henry àlEIGE. Les conceptions des neurologistes relative-

ment aux amyotrophies primitives ont subi des modifications telles

depuis quelques années que la révision de leurs symptômes s'im-

pose. Le faciès myopathique, considéré comme propre à la forme

facio-scapu]o-humérale, se trouve atténué ou modifié dans toutes

les formes de myopathie progressive. L'auteur signale plusieurs

faits observés par lui au sujet des physionomies des myopathiques :

l'accentuation delà fossette médiane du menton ; l'existence d'une

fossette latérale aux coins des lèvres ; des rides concentriques sur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

la paupière inférieure qui a perdu ses cils. Enfin l'auteur signale

des formes particulières des lèvres qui lui ont paru constantes.

DE la nature ET DE la forme DE la folie DE Charles VI.

M. Auguste BRACHET, ancien examinateur et professeur à l'École

polytechnique, lauréat de l'Institut, lit une note pour le sujet

ci- dessus.

Position de la question. L'intérêt au point de vue clinique est dans

la richesse de la cause prédisposante (unique, puisqu'il est le seul

aliéné dont nous possédions l'histoire de dix-huit ascendants

directs, documentée pathologiquement), au point de vue histo-

rique de la question capitale de la responsabilité de Charles VI

dans les rémissions de ces vingt-huit ans de folie.

L'histoire n'a point été étudiée par les aliénistes, faute d'avoir

pu recourir aux sources (les pièces des archives, les chroniques du

temps, les relations des ambassadeurs). '

Cause prédisposante. Ligne paternelle (père, Charles V, goutteux,

cardiaque; grand-père, Jean le Bon, arthritique; arrière-grand-

père, Charles de Valois, apoplectique ; trisaïeul, Philippe III, le

Hardi, inversion sexuelle). Ligne maternelle (inconnue jusqu'ici

des aliénistes et des historiens), mère, Jeanne de Bourbon, folle;

grand-père, Louis de Bourbon.

Traitement hydrothérapique DES maladies NERVEUSES.

Dans le compte rendu de la première séance nous avons omis de

mentionner une communication de M. le D'VERGER (de Paris) sur

les avantages du traitement hydrothérapique dans les maladies iici--

veuses. Il a passé en revue toutes les médications employées et,

à part l'électrothérapie qui a ses indications, mis au premier rang

l'hydrothérapie. Il a rappelé l'insistance avec laquelle M. Bourm-

ville est revenu dans ses publications relatives aux maladies ner-

veuses sur l'emploi de l'hydrothérapie, il conclut que l'hydrothéra-

pie scientifique mérite d'être plus employée qu'elle ne l'a.encore été

jusqu'ici. De même l'hydrothérapie à l'eau minérale, qui se rap-

proche par ses propriétés excitantes de l'hydrothérapie marine,

trouve son application dans quelques névropatbies asthéniques qu'il

appartient aux médecins de déterminer.

La séance est levée et la cinquième session du Congrès français

des médecins aliénistes et neurologistes déclarée close. Les Con-

gressistes se donnent rendez-vous au lendemain pour la visite à

l'asile de la Cellette.

Le soir (vendredi), les médecins de Royat avaient organisé une

soirée en l'honneur des congressistes, au théâtre du Casino muni-

cipal de Royat. Après lespectacle, les membres du Congrès et un

344 SOCIÉTÉS savantes.

essaim de joliesfcmmes », comme le disait un de nos confrères, se

sont rendus dans la magnifique salle à manger de l'hôtel Servant, où

un excellent lunch était servi. M. le D'' LAUSSEDAT, au nom des méde-

cins de Royat, a porté un toast chaleureux aux congressistes. Après

avoir regretté que leurs occupations n'aient pas permis aux méde-

cins de Royat de prendre part aux travaux du Congrès, il a exprimé

l'espoir de revoir les hôtes distingués que l'Auvergne a été heureuse

de recevoir.

Après un toast de remerciements du 'doyen des congressistes,

M. le Dr FaLRET, M. Bousquet, directeur de l'Ecole de médecine de

Clermont-Ferrand,a bu encore une fois aux congressistes. « Les mé-

decins clermontois, a-t-il dit, ont été heureux de donner avant

leur départ une nouvelle marque de sympathie à leurs hôtes. Si,

un jour, a-t-il dit, un de ces vaillants combattants pour la science

succombait dans la lutte, si ses forces le trahissaient, il serait sûr

de trouver en Auvergne des eaux exquises, un air pur et surtout

de vraies et solides amitiés. »

M. le D'JBOFFROY a clos la série des toasts en buvant aux Auver-

gnats et on s'est séparé après avoir vidé une [dernière coupe de

Champagne en l'honneur des hôtes aimables qui vont nous quitter.

Eu terminant ce compte rendu du Congrès de Clermont-Ferrand,

dont les séances ont été très intéressantes et très suivies, nous

devons dire quelques mots des visites faites à l'asile Sainte-Marie,

situé à Clermont-Ferrand et à l'asile de la Cellelte dans la Corrèze.

Le premier de ces asiles, qui reçoit les aliénés du Puy-de-Dôme, de

la Corrèze et d'une partie de la Loire, comprend un quartier

d'hommes contenant 150 malades et un grand quartier affecté aux

femmes (près de 800). Les hommes, après un séjour plus ou moins

prolongé à l'asile Sainte-Marie, sont envoyés à la Cellette. Nous

avons regretté que l'administration n'ait pas donné aux visiteurs

la statistique et le mouvement de la population, le chiffre du per-

sonnel et le régime, etc., ainsi que cela se pratique d'habitude lors

des visites de ce genre. A plus forte raison regrettons-nous l'absence

de plans et de notices ou tout au moins du compte rendu de 1893.

Nous avions visité cet asile en 1888 et il nous avait laissé une assez

pénible impression. Nous y avons constaté un certain nombre d'a-

méliorations. C'est ainsi que les bains des hommes ont été refaits

et ceux des femmes améliorés. 11 est regrettable que dans les ins-

tallations hydrothérapiques on ne se soit pas rapproché autant que

possible de l'asile de Privas, qui appartient à la même congréga-

tion. Quelques-uns des cabinets d'aisances ont été mieux aména-

gés (tout àl'égout et de là à la'l'iretaine). Les quartiers des femmes

ont subi également quelques transformations. Mais comme cet

asile a été fait en quelque sorte de pièces et de morceaux, qu'on a

construit les bâtiments au sur et a mesure des besoins, sans plan

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

arrêté, il en résulte que cet asile restera toujours dans des condi-

tions inférieures. On y voit des bâtiments qui ont trois étages, ce

qui est mauvais pour des aliénés. Les membres du Congrès ont été

bien accueillis et ont fait la visite sous la direction de l'abbé Saulze,

supérieur de la Congrégation et qui semble avoir la haute direction

sur les asiles qui lui appartiennent et des D5 Hospital et Fouriaux.

Les dortoirs qu'on nous a fait voir étaient en général bien tenus,

étant donné l'état des bâtiments. Mais on n'a pas conduit les con-

gressistes dans les étages supérieurs et partant ils n'ont pu se rendre

compte de leurs conditions hygiéniques et de leur degré d'encom-

brement.

Quelques points sont à relever : 1° Pour le coucher des gâteux,

on se sert de matelas en fibres de coco qui coûtent très bon mar-

elié et qui seraient presque aussi avantageux que les matelas en

laine de tourbe'; 2° le captage d'une source située dans les jardins,

qui a été fait il y a cinq ou six ans ; 3° pour rendre les malades soi-

gneux et les empêcher de cracher partout, le supérieur a fait

mettre un avis^ainsi conçu : « Les personnes bien élevées ne doi-

vent pas cracher sur le parquet de la chapelle. Les malades ont

voulu tous être bien élevés et n'ont plus craché sur le parquet, dit

le supérieur; 4° « les soeurs de la congrégation de Sainte-Marie ont

le rôle capital dans nos maisons » ; 5° les jardins ont une superficie

do trois hectares, sont bien cultivés et leurs produits suffisent à

l'alimentation de l'asile.

Après la visite de l'établissement un déjeuner a été olfert aux

membres du Congrès par la communauté. Plus de cent convives ont

pris place aulour de la table, dressée dans une des salles de l'éta-

blissement, décorée avec beaucoup dégoût. les abbés Saulze

et Gaudon en ont fait les honneurs avec une parfaite courtoisie.

M. Bardon, préfet du Puy-de-Dôme, a présidé le banquet. Parmi

les assistants : MM. Ilerbault, inspecteur d'académie ; Lécuellé,

maire de Clermont ; Bousquet, directeur de l'Ecole de médecine;

Pellet, doyen de la Faculté des sciences; Frèze, procureur de la

République; Bleynie de Châteauvieux, pasteur protestant, vice-pré-

sident do la commission administrative des hospices, et Goyet, ins-

pecteur de l'Assistance publique; quelques médecins de Clermont

et de Royat, etc., etc. Plusieurs dames aux élégantes toilettesassis-

taient également au banquet, qui a été très remarquablement

servi et auquel tous les convives ontfait honneur.

M. le Préfet a ouvert la série des toasts. Après avoir souhaité la

bienvenue aux congressistes, il a, en quelques paroles émues, rap-

pelé le triste événement qui a mis la France en deuil, puis levé son

verre en l'honneur de M. Casimir Périer, le digne successeur de

M. Carnot.

M. le professeur Pierret, président du Congrès, dans un toast

plein d'humour, a félicité l'abbé Saulze, supérieur de la commu-

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nauté, de la bonne tenue de l'établissement. Il a également

exprimé toute sa reconnaissance pour le bon et cordial accueil

fait aux congressistes.

M. le supérieur de la communauté, M. Fouriaux, médecin de

l'asile, M. le docteur Giraud, congressiste, et M. le docteur

Hospital, médecin en chef, ont ensuite pris la parole et porté des

toast fort applaudis.

Le samedi 11 août, à 5 heures et demie une trentaine de membres

du Congrès se sont rendus à l'asile de la Cellette (Corèze), consacré

aux aliénés du Puy-de-Dôme et où ils sont arrivés vers 10 heures.

Ils ont été reçus par M. le Dr Longy (d'Eygurande), médecin adjoint

de l'asile, conseiller général du canton, président de la commission

de surveillance de l'asile, M. le Dr Bargy, médecin en chef, l'abbé

Saulze, etc. Dans le cours de la visite, M. le sous-préfet d'Ussel et

les autres membres de la commission de surveillance sont venus se

joindre aux visiteurs.

L'asile d'aliénés de la Cellette est situé dans une petite vallée

sur la rive droite du Chavanon; il fait partie de la commune de

Monestier-Merlines, canton d'Eygurande, arrondissement d'Ussel.

Il occupe l'ancien emplacement de l'Ermitage delà Celle, fondé au

xn° siècle par un bénédictin. A une époque, l'ermitage fut aban-

donné puis réoccupé par un couvent qui, dès le début « nourrissait

opulemment douze religieux ». En 1475, le nom de la Celle fut rem-

placé par celui de la Collette.

« Les cordeliers de la Cellette ne se livraient pas seulement à la

prédication, ils donnaient aussi leurs soins à douze ou quinze

aliénés que leur confiaient les familles, et à des prêtres de mau-

vaises moeurs. » En 1793 le couvent fut vendu.

En juillet 1830, une nouvelle vente eut lieu : de cette époque

date la fondation de l'asile, qui était administré par des laïques.

En 1842, l'établissementfut vendu à Jacongrégation de Sainte-Marie

de l'Assomption. En 1869, un incendie détruisit une partie de l'asile.

L'asile actuel est adossé au flanc de la colline de Lavervialle.

On a construit successivement les bâtiments en faisant des entailles

dans la montagne, de sorte que ces bâtiments sont surexhaussés

les uns par rapport aux autres. 11 en résulte aussi que les cours

sont insuffisantes et que, par économie, on a été obligé de faire

des bâtiments de plusieurs étages, ce qui est toujours très mauvais

pour les aliénés.

Les bains, qui viennent d'être installés récemment, sont dans des

conditions convenables. Les préaux, les cellules, les cabinets d'ai-

sance, etc., sont, au contraire, dans des conditions tout à fait défec-

tueuses. Les nouveaux dortoirs sont mieux installés, mais ont l'in-

convénient de renfermer un trop grand nombre de lits.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

La situation de l'asile, dans une vallée très pittoresque, n'a que

des avantages pour la distraction des malades ; il est regrettable

que les installations en général ne soient pas en harmonie avec

cette situation.

Après la visite, un banquet, présidé par M. l'abbé Saulze, a été

offert aux membres du Congrès. M. le Dr Longy a porté un toast

très applaudi aux membres du Congrès et aux progrès de l'Assis-

tance des aliénés.

Nous devons remercier très vivement AI. le D1' Longy du

sympathique accueil qu'il nous a fait personnellement et nous pro-

fitons de l'occasion pour signaler sa « Nolice sur l'asile d'aliénés

de La Cellette », à laquelle nous avons emprunté la plupart des

détails historiques qui précèdent, et l'exemple excellent qu'il a

donné, et qu'on devrait imiter, en écrivant un très beau livre sur

l'histoire du canton d'Eygurande '.

Dans le cours de ces visites, M. l'abbé Saulze, en nous signalant

les améliorations qui avaient été réalisées, notamment à l'asile

Sainte-Marie depuis notre visite, ajoutait non sans une pointe

d'ironie que ces améliorations auraient été plus nombreuses si la

loi en suspens, sur la revision de la législation des aliénés, ne me-

naçait pas les asiles privés. Il savait, en effet, que c'était sur nos

instances que la première commission de la Chambre des dé-

putés avait inscrit dans le projet de loi l'obligation, pour les départe-

ments, d'avoir dans un délai de dix ans un asile public, propriété

départementale. Il est du devoir du Parlement de se prononcer

promptement et de ne pas prolonger une situation fausse dont les

inconvénients retombent, en somme, sur les malades.

Le dimanche 12 août enfin, une délégation du Congrès s'est

rendue à la colonie de Dun-sur-Auron, dont MM. Deschamps et

Roussel, du conseil général de la Seine, ont fait les honneurs à

M. le professeur Pierret et aux Congressistes qui l'accompagnaient

au nombre de douze. Le soir, après la visite de quelques place-

ments familiaux et l'inauguration de la petite infirmerie centrale,

un banquet a réuni les Congressistes, qu'un train spécial a ramenés

sur Bourges et Saincaize. B.

1 Longy. eca) : <o( ? t ? n)'att(<e (Corrèze), avec une carte du canton

et 6 gravures. Tulle, 1893.

BIBLIOGRAPHIE.

VII. Traité pratique des maladies du système nerveux; par

MM. .1 GnnssET et G. Rauzier. Montpellier, 1894 ; C. Coulet, éditeur.

Dans ces dix dernières années, le patrimoine de la neuropatho-

logic s'est singulièrement accru. De nouveaux syndromes cliniques

ont vu le jour et de nouvelles entités morbides ont été créées de

toutes pièces. On peut dire que l'ancienne pathologie nerveuse a

subi d'une manière générale des modifications profondes et de

véritables transformations sur certains points. La clinique, l'ana-

tomie normale et pathologique, l'histologie fine, l'expérimentation

ont contribué, chacune pour leur propre compte, à cette méta-

morphose. L'étude des maladies infectieuses, éclairée par les dé-

couvertes de la bactériologie, est venue, de son côté, jeter une

vive lumière sur la détermination d'un certain nombre de mala-

dies nerveuses. Aussi les anciens traités de neuropathologie ont-ils

vieilli et sont-ils vite devenus incomplets et insuffisants.

Il suffit, pour constater ces progrès, de comparer la troisième

édition du Traité des maladies du système nerveux, publiée en 1885,

par M. le professeur Grasset avec la quatrième édition qu'il vient

de faire paraître, en collaboration avec M. Rauzier. Ne pouvant,

en présence de « toutes les conquêtes accumulées en n;,uropatho-

logie dans ces huit dernières années », assumer seul cette lourde

tâche, M. Grasset a fait appel à son fidèle et ancien collaborateur,

M. Rauzier, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier, c habitué

depuis de longues années à penser avec lui ».

Et cette collaboration a été féconde; elle a donné naissance au

plus complet traité des maladies nerveuses que nous possédons.

Tout en conservant le cadre et le plan général de l'édition

précédente, MM. Grasset et Rauzier ont ouvert des chapitres entiè-

rement neufs pour l'acromégaJie, J'épilepsie, l'aphasie, la sclérose

cérébrale, l'athélose double, la chorée chronique, la porencé-

phalie, l'hydrocéphalie, la syringomyélie, la maladie de Fried-

reich, les névrites périphériques, la maladie des tics. Quant aux

autres maladies, déjà étudiées dans la dernière édition, les unes,

comme les amyotrophies, les paralysies pseudo-bulbaires et la neu-

rasthénie ont été tellement remaniées conformément aux données

récentes qu'elles sont pour ainsi dire transformées ; les autres ont,

3pdur la plupart, subi des additions considérables, nous citerons

particulièrement les chapitres : aphasies, localisation cérébrale,

tabès, sclérose en plaques, paralysie générale progressive, para-

BIBLIOGRAPHIE. 349

lysies atrophiques de l'enfance, maladie de Basedow, hypnotisme,

épilepsie, hystérie.

Mettant à profit l'élément nouveau apporté par les études bac-

tériologiques récentes, les auteurs ont explicitement souligné le

rôle des maladies infectieuses dans l'étiologie des méningites, de

la paralysie spinale infantile, de la sclérose en plaques, des encé-

phalites, etc. '

L'ouvrage nouveau de MM. Grasset et Rauzier comprend deux

forts volumes de 1,000 pages chacun. Il est divisé en six parties.

Les deux premières parties, qui constituentle premier volume ont

trait, l'une aux maladies de l'encéphale, l'autre à celles de la

moelle. Les quatre dernières parties concernent successivement

les maladies de la moelle allongée, les maladies des méninges, les

maladies des nerfs et les névroses, les manifestations nerveuses des

maladies générales. Enfin, comme appendices, deux très récentes

leçons de M. Grasset sur les vieux dogmes cliniques devant la

pathologie microbienne.

L'auteur défend ici une idée chère de pathologie générale et de

philosophie médicale, la vieille théorie vitaliste de l'école de Mont-

pellier, et déclare que les dernières recherches bactériologiques,

en rajeunissant les vieux dogmes cliniques, ont mis « de plus en

plus en lumière l'activité propre et spontanée de notre organisme

vivant ».

Il est impossible de terminer ce trop sec et trop court aperçu

sans mentionner les nombreux documents figurés (122 figures et

33 planches), qui illustrent ces deux beaux volumes. Très heureu-

sement choisies tant dans les collections personnelles de MM. Gras-

set et Rauzier, que dans divers auteurs, ces figures facilitent

singulièrement l'intelligence du texte. Un ouvrage de neuropatho-

logie ne peut actuellement se passer de ce complément icono-

graphique.

Les indications bibliographiques sont nombreuses et bien choi-

sies, encore que les auteurs déclarent expressément qu'ils veulent

être très sobres d'indications de ce genre. Les chercheurs qui con-

naissent la grande utilité de pareils renseignements et le temps

qu'il faut pour les recueillir, leur en sauront certainement gré et

les absoudront d'avoir péché par excès de modestie.

En somme, le Traité pratique des maladies du système nerveux,

de MM. Grasset et Rauzier, trouvera, nous en sommes certain,

auprès du grand public médical, le chaleureux accueil qu'il

mérite à tous égards. C'est la meilleure oeuvre et la plus com-

plète parue jusqu'ici sur la matière. Elle représente incon-'

testablement un travail assidu et continuel de plusieurs années.

Toutes les questions concernant la pathologie nerveuse y sont

traitées avec détails, d'une manière méthodique et claire, en

parfait accord avec les découvertes cliniques et pathologiques les

350 FAITS DIVERS.

plus récentes. Etudiants et médecins ne sauraient faire de lecture

plus instructive, lecture du reste très agréable, car la forme, si

souvent négligée en littérature médicale, est ici particulièrement

soignée. ,

Dans ces conditions, il est superflu d'ajouter que ce nouveau

traité a sa place marquée dans la bibliothèque de tout médecin et

surlatahfedetoutneuropathotogiste. J.-B.CHARCOT.

FAITS DIVERS.

Les aliénés en ANGLETERRE. Le nombre des fous s'accroît

d'une façon inquiétante dans le Royaume-Uni, si l'on en croit un

rapport officiel. Voici les chiffres qui montrent pour l'Angleterre,

l'Ecosse et l'Irlande réunies, les progrès faits par la folie au cours

des trente dernières années. On comptait : '

FAITS DIVERS. 351 1

LE traitement DE la morphinomanie. La Tribune de New-York

annonce que lord Randolph Churchill, l'éminent membre du Par-

lement anglais, est maintenant au Boston Sanitarium, à Chicago,

pour s'y traiter contre l'usage de l'opium. La méthode ressemblerait

à celle du traitement Keeley contre l'alcoolisme, à cela près qu'un

composé végétal remplacerait la solution d'or.

l'IIOMME-AUTRUC13E. Lorzdres : On vient de découvrir, dans un

asile d'aliénés, un homme-autruche, un fou qui passait son temps

à avaler les objets les plus divers qu'il rencontrait sur son chemin.

Le journal médical Lancet tient du médecin qui l'a soigné à Lan-

caster que le pauvre diable portait dans son estomac 192 clous de

tout genre et de toute dimension, mais ayant en moyenne 2 pouces

1/2 de longueur, plus quelques crochets, un morceau de fil de laiton,

des copeaux de bois, un bouton et une natte de cheveux, le tout

pesant une livre dix onces. L'extraction de ces différents objets,

bien que fort diffeile, a parfaitement réussi.

La folie. Horlczi ? L'auteur de la tentative de meurtre com-

mise sur un jeune garçon, dimanche soir, à Plougasniou, a été

arrêté, aujourd'hui, par la gendarmerie de Lanmeur. C'est un

garçon de ferme de Plou,jean, nommé Jean Legall. Cet individu,

atteint d'aliénation mentale, avait quitté le domicile de ses maitres

depuis huit jours environ et errait à l'aventure dans la campagne,

couchant à la belle étoile. 11 avait déjà précédemment donné des

signes manifestes de folie. C'est aux difficultés mises à l'admis-

sion des aliénés qu'est encore dû ce malheur.

Enfants épileptiques. Un arrêté de M. le Ministre del'intérieur

à la date du 3G juin 1893 prescrit à MM. les médecins des districts

du grand-duché de Bade de retirer des écoles communes les enfants

épileptiques dans l'intérêt de leur santé et de l'enseignement des

autres enfants, et de les placer à l'asile pour enfants épileptiques

de Rorlc qui fonctionne depuis le 30 novembre 1892. (Allg. zeilsch.

f. Psychiat., 4, 3, 4.) C'est également ce qui est fait en France,

en ce qui concerne l'exclusion de l'école, mais malheureusement on

n'a nul souci de secourir et d'hospitaliser ces enfants. z

Asile DE NEUTADO. - A la date du 1' octobre 1893 a été ouvert

l'asile d'hospitalisation provincial d'aliénés de Netistado dans le

Holstei2z ; cet asile destiné à huit cents malades a été installé dans

une grande fabrique de sucre adaptée à son nouvel usage. Situation

magnifique; hauteurs boisées; vue sur la Baltique. Le directeur de

l'asile du Sclilessvig a été nommé à ce poste qui le rapproche de

Kiel à l'université de laquelle il est privai docent.

Il est à espérer maintenant que cet asile deviendra bientôt un

asile de traitement en même temps qu'un asile-hospice. (Allg.

Zeitsch. f. Psychiat., L, 3, 4.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

BOTTEY (F.). Traité théorique ci pratique d'hydrothérapie médicale.

Volume in-8° de 597 pages. Prix : 10 fr. Paris, 1895. Librairie

Z ,

BOURNEVILLF. Rapport sur l'assistance des enfants idiots et dégénérés

au Congrès national d'assistance de Lyon, 1894. - Volume in-8" de 138

pages.

BOCIINGVILLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie, l'idiotie et l'hydrocéphalie. Compte rendu du service des enfants

idiots, épileptiques et arriérés de Bicètre pendant l'année 1893, avec la

collaboration de MM. Boncourt, Cornet, LEn0111, J. Nom et P. Sollier.

Tome XIV. Un beau volume in-8" de Lwv-38 pages, avec 88 figures et

un plan. Prix : 7 fr. Pour nos abonnés, 5 fr.

Fcxayrou (A.). La Folie dans l'Aveyron. Contribution à l'étude

des folies morales. Un volume in-8° de 188 pages. Toulouse, 1894.

Typographie et lithographie, A. Duclos.

GOLDSCHEIDER (A.). Ue6eo den Schmerz in physiologischer und

hlinischer Hinsicht. Brochure in-8° de G6 pages. Beriin, 1894.

Librairie A. Hirschwal.

JOrFROY (A.). Nature el traitement du goitre exophtalmique. -

Brochure in-8° de 62 pages. Prix : 1 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr.

Joffkoy (A.). De la méthode en médecine mentale.

Brochure in-8° de 23 pages. Priv : 1 fr. Pour nos abonnés, 0 fr. 70.

Magnan (V.). Leçons cliniques sur les maladies mentales faites «

l'asile clinique (Sainte-Anne). Recueillies et publiées par Biiiand (M.),

LEGnux, loummc et Sérieux. (Deuxième édition augmentée.) - Un vol.

in-8° de 435' pages, avec figures. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés, G fr.

Menard (Clr ? Des paralysies para-infectieuses, leur traitement

par les eaux de la tllalou. - Volume in-8 de 117 pages. Paris, 1894.

- Librairie 0. )Iassoii. 0

Prichard (A.). The early histonj o/' lhe Bristol médical School. -

Brochure z de 31 pages. Bristol, 1894. J. W.Arrowinsitli.

R1Y.IOND (F.). Étiologie du labes dorsal. Brochure in-8° de

20 pages. Prix : 1 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr.

BAYMOKD (F.). Contribution à l'élude des tumeurs névrogliques de

la moelle épinière (syringomyélie tt type spasmodique). Brochure in-8°

de 35 pages. Prix : 1 fr. 25. Pour nos abonnés, 0 fr. 90.

IiA)'bIOND (F.). Contribution ri l'élude des tumeurs du cerveau : un

cas de gliome neuro- formait) - Brochure in-8" de 28 pages, avec

19 figures. Prix : I fr. Pour nos abonnés, 0 fr. 70.

. Le 7,édacteti ? ,-géraitt, BOURNEVILLF,.

Evreux, Ch, Héiussey, imp. - 1094

Vol. XXVIII. Novembre 1894. ? 93

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

HYSTÉRIE. - CONFUSION MENTALE ET AMNÉSIE CONTINUE.

ANESTHÉSIE GÉNÉRALISÉE. - EXPÉRIENCE DE STRUM-

PELL. " ·

Par J. SÉGLAS, médecin suppléant à la Salpêtrière ;

et BONNUS, interne des hôpitaux '.

Mlle M..., dix-neuf ans, modiste, nous est amenée à la Salpê-

trière le 5 juin 1894 par une de ses tantes, pour des accidents intel-

lectuels survenus une dizaine de jours auparavant et dont le plus

saillant est un trouble de la mémoire, se présentant sous la forme

dite amnésie continue .

Les renseignements recueillis sur ses antécédents, bien qu'incom-

plets, nous apprennent cependant que vers l'âge de seize ans, au

moment de l'apparition des règles, elle eut deux crises de nerfs qui

furent les premières manifestations névropathiques, et des troubles

digestifs dont le caractère est assez difficile à déterminer rétrospec-

tivement. Jusqu'à il y a six mois, plus d'attaques. Depuis cette

époque, elle s'est trouvée mal seulement deux ou trois fois. Il n'y

aurait rien de particulier sur son état mental antérieur ; mais il

est au moins prudent de faire des réserves à ce propos.

Aujourd'hui cette jeune fille présente de la façon la plus nette

les stigmates classiques de l'hystérie. Les troubles de la sensibilité

sensitivo-sensorielle sont aussi développés que possible.

Anesthésie tégumentaire généralisée (peau et muqueuses). Ni le

contact, ni la douleur, ni la température ne sont perçus en aucun

point du corps ; sensibilité profonde abolie; perte absolue du sens

1 Communication faite au Congrée des aliénistes et neurologistes de

Clermont-Ferrand. (Août 1894.)

Archives, t. XXVIII. - 23

384 clinique NERVEUSE.

musculaire et articulaire, des notions de poids, de position des

membres, de direction. Chaque fois qu'on interroge la malade au

cours de ces recherches, elle fait cette réponse caractéristique :

« Comment voulez-vous que je sache tout cela, ce que deviennent

mes bras, mes jambes, puisque je ne les vois pas ? montrant qu'ha-

bituellement elle supplée par les sensations visuelles au défaut de

ses sensations kinesthésiques.

Le champ visuel des deux côtés est aussi rétréci que possible, se

réduisant presque au point de fixation. Il y a de la dyschromatop-

sie : les violets, bleus, verts paraissent uniformément tantôt bleus,

tantôt roses, suivant la teinte plus ou moins foncée.

L'ouïe des deux côtés est également très faible : une montre n'est

plus entendue à 1 ou 2 centimètres. L'odorat et le goût sont

abolis. Perte du réilexe pharyngien, de la sensibilité de l'anus et

du rectum ; la malade prenant un lavement sans sentir ni l'intro-

duction de la canule, ni la température du liquide. Elle ne sent

non plus jamais la faim. Comme zones hyperesthésiques, on ne

retrouve guère que le clou qui est très net.

D'après l'examen des troubles de la sensibilité, la malade se

présente donc à nous comme atteinte d'anesthésie généralisée. Elle

a d'autre part des attaques plus ou moins intenses, mais toujours

du même type, et caractérisées par une perle de connaissance, cris

et rires spasmodiques, convulsions toniques en extension, ébauche

d'arc de cercle, grands mouvements peu accentués, attitudes pas-

sionnelles, hallucinations et délire, sur lesquels nous reviendrons.

La malade ne garde à l'état de veille aucun souvenir de ces atta-

ques, fait assez explicable eu égard aux accidents mentaux qu'elle

présente d'autre part. Les plus saillants sont les troubles amnésiques

auxquels nous avons déjà fait allusion. Mais ils ne sont pas les

seuls.

Lorsque la malade nous fut amenée, le 5 jnin, il y avait déjà

quinze jours qu'elle était arrivée à Paris, venant de Lesparre, à la

suite d'une scène survenue le 26 mai, sur laquelle elle ne peut fournir

aucun détail. Elle ignore absolument tout : la date, ce qui s'est

passé. Elle sait seulement que son père a voulu la faire revenir

dans son pays, qu'un gendarme était venu lui en apporter l'ordre.

A partir de ce moment, elle ne se souvient plus de rien ; et ne peut

s'expliquer ni pourquoi, ni comment, ni avec qui elle est venue à

Paris.

De plus, à mesure que le temps s'avance, cette amnésie progresse

en quelque sorte; car la malade ne retient rien ou presque rien de

ce qui se passe autour d'elle. Les faits sont oubliés à mesure qu'ils

se produisent, la très grande majorité totalement, quelques-uns,

très rares, seulement dans leurs détails, restant ainsi à l'état défaits

vagues, isolés, sans signification précise.

Notre malade semble d'ailleurs parfaitement indifférente à tout

HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 355

et vit dans une sorte d'hébétement continu, passant ses journées à

faire de la dentelle d'une façon automatique, sans pensera rien,

dit-elle. De fait, par l'examen direct à l'état de veille, on ne peut

retrouver chez elle aucun délire, aucune idée fixe, et l'on ne cons-

tate qu'un état de confusion mentale assez accentué.

Depuis son entrée dans le service, elle semble n'avoir rien com-

pris et rien retenu. Elle dit bien qu'elle est à la Salpêtrière, mais

ce n'est là qu'un mot ne répondant à aucune idée précise. Elle

ignore comment et pourquoi elle y est venue, ne se rappelle même

pas être passée par le Dépôt de la Préfecture de police et l'asile

Sainte-Anne, sait seulement qu'elle était à Paris chez sa tante. De

même elle reconnaît les personnes du service plus ou moins aisé-

ment, mais toujours sans comprendre ce qu'elles font là; elle

ignore le nom de sa salle, ceux de ses voisines. Elle ne se souvient

pas d'un instant à l'autre de ce qu'elle vient de faire; et à cette ab-

sence de points de repère correspond une notion extrêmement

vague du temps. Si on la surprend au milieu d'une lecture, elle ne

peut en donner le sens. Il faut, lorsqu'on veut lui parler, fixer son

attention pour en obtenir des réponses, lentes à se formuler et très

brèves. Elle est toujours indifférente à ce qui se passe autour d'elle,

. distraite, ayant l'air de rêver, bien qu'elle déclare formellement ne

penser à rien ; ou s'absorbant par exemple dans la contemplation

d'un objet extérieur, d'un tableau pendu au mur qu'elle regarde

longuement et sans qu'elle paraisse ensuite en avoir retiré autre

chose qu'une notion très vague, à peine celle qu'un enfant pourrait

exprimer après avoir feuilleté un album d'images.

Les faits antérieurs au 26 mai ne sont pas oubliés, mais la mé-

moire ne les reproduit toutefois qu'en hésitant, avec un certain

effort ; et souvent même il faut presser la malade pour en obtenir

un renseignement, car elle répugne en général à toute espèce d'ef-

fort. Lorsqu'on lui parle des faits survenus depuis le 26 mai, quoi

qu'elle en dise, elle ne se donne guère la peine de chercher ; et sou-

vent même elle se contente de répondre que c'est ennuyeux d'en

entendre parler, puisqu'on sait bien qu'elle a tout oublié, qu'elle

ne retient rien.

Cette difficulté de l'effort ne se rencontre pas seulement dans le

domaine de l'attention, mais à l'occasion de toutes les manifesta-

tions volontaires. La malade est lente dans tous ses mouvements,

reste assise la plupart du temps à faire des travaux de crochet ; elle

est des plus dociles, se laissant facilement conduire, dans sou éter-

nelle indifférence. -

L'ensemble symptomatique que nous venons de signaler et

que l'on observe directement à l'état habituel, vient à se

modifier dans des circonstances différentes, donnant ainsi lieu

à des constatations de clinique psychologique d'une grande

3513 ? V' 5 CLINIQUE NERVEUSE.

- --importance au point de vue de la nature et du pronostic de ces

phénomènes. , ,

En face d'une malade se présentant à nous avec de l'anes-

thésie généralisée, la première idée qui devait se, présenter à

notre esprit était, avant toute chose, de tenter sur elle ce que

l'on appelle l'expérience de Strumpell.

Vous savez, en effet, Messieurs, qu'une anesthésique totale à

qui on enlève la faculté de voir et d'entendre, tombe dans un

état particulier, sur lequel les auteurs ne sont pas d'accord.

M. Raymond, qui a fait en France une étude très complète

de ces cas particuliers, pense que les malades entrent alors

dans un état de sommeil qui se rapproche du sommeil normal,

tant par son mode de production que par ses manifestations

extérieures. M. Ballet, au contraire, tout en ayant constaté les

mêmes phénomènes, leur attribue une autre interprétation et

pense qu'il s'agit là d'une forme de sommeil hypnotique. -,

Pour M. Pierre Janet, ce serait également un état somnam-

bulique ; pour M. Pronier, une manifestation purement hysté-

rique, nullement comparable au sommeil normal.

Or, si nous nous reportons à nos expériences personnelles,

voici, sous une forme résumée, ce que nous avons pu obser-

ver. L'occlusion, des oreilles seules, et lorsqu'elle n'est pas

prolongée, ne produit rien de particulier, aucune modification

dans l'état somatique ou psychique de la malade qui comprend

les signes, les gestes que l'on fait, les mots que l'on écrit devant

ses yeux, qui répond, exécute les ordres donnés. ,

Pratiquée dans les mêmes conditions, l'occlusion momen-

tanée des yeux seuls n'empêche pas M... de compter, de

répondre comme devant aux questions qu'on lui pose. Seuls

les mouvements volontaires se trouvent modifiés, ce qui n'a

rien d'étonnant puisque nous avons constaté chez elle la sup-

pléance des images kinesthétiques absentes par les images

visuelles. A la suite de l'occlusion des yeux, ou simplement

de l'interposition d'un écran, elle perd les notions de position

de ses membres, de la direction des mouvements, que tantôt

elle accomplit d'une façon incoordonnée, ou même qu'elle

croit parfois accomplir, alors que tout se borne à la simple

tentative d'un effort initial sans mouvement effectif. Ajoutons,

à ce propos, que l'interposition d'un écran, lorsque la malade

écrit, ne l'empêche pas de continuer; mais il est à remarquer,

comme nous le verrons plus tard, qu'elle présente le phéno-

HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 357

mène connu sous le nom d'écriture automatique et inconsciente.

Mais dans ces expériences, que la malade soit privée isolé-

ment de ses sensations soit optiques, soit auditives, il est à

remarquer que cela peut n'être que presque momentané (de

deux ou'trois minutes), et ensuite, lors même que l'expérience

se prolonge (occlusion des oreilles seules pendant dix minutes,

par exemple, ou des yeux seuls pendant trente minutes),

M... reste forcément en correspondance avec nous à l'aide du

sens qui reste libre, pour recevoir nos ordres et nous per-

mettre de nous assurer de son état psychique. Nous continuons

donc ainsi à fixer son attention, à entretenir et à diriger son

activité mentale.

Mais supprimons ces deux conditions, et une fois l'occlusion

faite des yeux ou des oreilles, toujours isolément, abandon-

nons la malade à elle-même et attendons. Que va-t-il se pro-

duire ? Absolument les mêmes phénomènes que détermine

chez elle l'occlusion simultanée des yeux et des oreilles, c'est-

à-dire l'expérience de Strumpell.

Voyons donc ce qui se passe dans cette expérience. Si l'on

vient à pratiquer tout à la fois l'occlusion hermétique des yeux

et des oreilles, la malade se débat d'abord un peu comme pour

essayer de se débarrasser du bandeau, puis après quelques

minutes laisse tomber sa tête sur sa poitrine. A ce moment

elle allonge les bras qui entrent en contracture, présentent

quelques petites secousses cloniques, puis des mouvements

automatiques ; la respiration s'accélère ; par instants, il se

fait des inspirations profondes et au bout de cinq minutes la

malade reste immobile. Elle présente alors des contractures

tantôt dans un membre, tantôt dans un autre, surtout aux

membres supérieurs. Il n'y a pas d'ailleurs d'hyperexcitabilité

neuro- ou cutano-musculaire ; pas trace de plasticité catalep-

tique dans les membres non contracturés.

Si on enlève les bandeaux, on constate immédiatement, et

de la façon la plus nette, un frémissement des paupières qui

persiste tant que la malade est dans cet état. Le pouls est

accéléré (108), la respiration l'est aussi, le visage un peu conges-

tionné.

Si on ouvre brusquement les paupières, on éprouve une

grande résistance. On voit alors que les yeux sont en stra-

bisme convergent supérieur ; les paupières se relerment de suite,

et tout reste dans le même état. Mais si on les maintient ouvertes

358 CLINIQUE NERVEUSE.

alors la malade tourne la tête, fait de profondes inspirations.

En même temps apparaissent des spasmes toniques dans les

membres, puis la malade fait quelques mouvements simple-

ment désordonnés, s'agite, secoue la tête, se frotte les yeux et

se réveille d'un air absolument hébété, sans avoir aucun sou-

venir de ce qui vient de se passer. Voilà pour les phénomènes

les plus apparents qui caractérisent objectivement cet état.

Sans rien préjuger de la question, ce sommeil semble déjà

se différencier beaucoup du sommeil normal. Mais approfon-

dissons davantage. La malade, quelques jours après, est placée

dans les mêmes conditions, par le môme procédé, ayant pro-

duit les mêmes phénomènes. On la débarrasse de son ban-

deau ; et au lieu de lui ouvrir les yeux, on l'interpelle. Loin de

se réveiller, elle nous répond ; on entre ainsi en conversation

avec elle, et l'on ne tarde pas à s'apercevoir qu'elle dispose

alors d'une activité intellectuelle beaucoup plus grande et

d'un champ de conscience beaucoup plus étendu qu'à l'état de

veille. 1

Si nous recherchons ce que sont devenus les stigmates phy-

siques constatés précédemment, nous les voyons profondément

modifiés. D'abord, on ne trouve plus le clou ; en outre la sen-

sibilité cutanée est revenue, de même que le sens musculaire,

bien que d'une façon encore imparfaite. Elle sent la piqûre et

a retrouvé les notions de position, de poids et même en grande

partie celles de direction.

D'un autre côté, mêmes modifications des sens spéciaux

(goût, odorat) ; le champ auditif réduit de 1 raz 2 centimètres

augmente à 12 ou 15 centimètres. Le champ visuel n'a pu être

examiné, mais il est bien vraisemblable qu'il a dû également

s'élargir. Il est à remarquer d'ailleurs que toutes ces excita-

tions sensitivo-sensorielles, même répétées, ne réveillent nul-

lement la malade, comme elles pourraient le faire chez un

simple dormeur; et sont le point de départ de réactions psy-

chiques, intelligentes, nullement comparables à l'automatisme

du rêve dans le sommeil normal. La modification des différents

symptômes anesthésiques nous indique donc déjà un élargisse-

ment du champ de la conscience permettant à M... de percevoir

les sensations actuelles. Mais tout ne se borne pas là ; il en est

de la mémoire comme de la perception extérieure, et de même

que la conscience perçoit maintenant les sensations présentes,

elle s'assimile également les images des souvenirs.

HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 359

Aussi, M... raconte-t-elle alors sans la moindre hésitation,

de la façon la plus précise, avec dates et détails à l'appui, non

seulement tous les faits qui ont suivi son départ de Lesparre,

mais encore d'autres qui l'ont précédé et qu'elle a oubliés à

l'état de veille; enfin, tous ceux qui se produisent au jour le

jour et.qu'elle semble ignorer.

De cette façon nous pouvons savoir dans quelles circons-

tances est apparue son amnésie et en déterminer les carac-

tères. Cette amnésie s'est montrée le 26 mai à la suite d'une

attaque survenue dans l'après-midi, au retour de quelques dé-

marches faites par la malade à l'occasion de l'ordre que le

gendarme lui avait apporté le matin entre sept et huit heures.

Cette visite du gendarme semble être, à l'état de veille, le

point de départ de l'amnésie qui, en réalité, présente ainsi déjà

une période rétrograde de quelques heures, comprise entre la

venue du gendarme et l'attaque. Cette période rétrograde

comprend même quelques souvenirs épars d'un passé plus

lointain, et ses limites réelles sont bien difficiles à pré-

ciser.

Quoi qu'il en soit, la malade pendant la période de Strumpell

donne tous les détails possibles sur cette période rétrograde.

Cela nous montre donc que les souvenirs de ces faits ne sont

pas totalement perdus pour elle, mais qu'ils existent en réalité

à l'état subconscient. De même, les faits qui ont suivi l'at-

taque, son voyage à Paris, ceux qui se sont passés jusqu'à son

entrée dans le service, et depuis (période antérograde), tous,

même les plus minimes, même ceux auxquels elle semble par-

faitement indifférente, ont été cependant complètement perçus

et fidèlement conservés de la même façon subconsciente. C'est

ainsi que, dans cet état, la malade donne les renseignements

les plus précis sur les péripéties de son voyage, de son séjour

à Paris, de son internement, sur ce qu'elle ressent, fait, voit

ou entend dans sa salle, sur ses voisines, sur ce qui se passe

autour d'elle, sur ses attaques et leurs particularités. Elle a

une notion et un souvenir parfaitement exacts des lieux, des

objets, des dates, de la durée; alors qu'à l'état de veille, elle

semble n'avoir rien compris et rien retenu. Elle combine par-

faitement tous ces faits les uns avec les autres, raisonne en un

mot et exprime ses idées avec plus de facilité, exécute plus

vite et d'une façon plus précise les mouvements qu'on lui

commande. -

360 CLINIQUE NERVEUSE.

Tels sont les symptômes observés à la suite de l'occlusion

simultanée .des yeux et des oreilles, et cela à différentes re-.

prises. A mesure cependant que l'on reproduit l'expérience,

les symptômes objectifs. qui l'accompagnent, tels que la con-

tracture, par exemple, s'atténuent beaucoup, mais sans dispa-

raître jamais.. - <

Nous rappellerons qu'on observe des phénomènes iden-

tiques de tous points par l'occlusion isolée des yeux, ou même

des oreilles, à condition de laisser la malade abandonnée à

elle-même. La seule différence est que cet état particulier se

produit moins rapidement que dans l'expérience de Strumpell,

surtout lorsque l'occlusion n'intéresse que les oreilles : au bout

de cinq minutes au plus dans l'occlusion simultanée des yeux

et des oreilles ; au bout de cinq à dix minutes environ dans

l'occlusion des yeux seuls; de vingt-cinq minutes dans celle

des oreilles seules. (Ces chiffres se rapportent aux premières

expériences de chaque catégorie, à mesure que les expériences

se répètent, le temps se raccourcit par une sorte d'entraîne-

meut, mais les rapports respectifs restent les mêmes.)

Interrogée sur ce qu'elle éprouve dans l'état que nous ve-

nons de décrire. M... déclare sans hésitation qu'elle se trouve

très bien, beaucoup mieux qu'à l'état de veille. Elle n'est pas

énervée, n'a pas mal à la tête. D'autre part, elle nous dit for-

mellement que cet état ne ressemble pas à son. sommeil de la

nuit, parce qu'alors elle a des cauchemars, qu'elle a mal à la

tête, tandis que maintenant elle n'a rien de tout cela. Cette

assertion de sa part n'a rien qui nous étonne, car nous l'avons

fait surveiller la nuit. Elle dort en général très peu et mal.

L'obscurité et le silence de la nuit, qui réalisent à peu près les

conditions de l'expérience de Strumpell, ne favorisent même

pas le sommeil. Pendant ce sommeil naturel, la malade rêve

souvent à haute voix; mais alors au lieu de répondre lorsqu'on

lui parle, ou bien elle continue son rêve, ou bien elle se ré-

veille. D'autre part son sommeil naturel n'est ni précédé, ni

accompagné, ni suivi d'aucuns des phénomènes objectifs que

détermine l'occlusion des yeux et des oreilles dans l'expérience

de Strumpell.

En revanche, les mêmes phénomènes se produisent dans une

autre circonstance, dans le sommeil provoqué. En effet, M...

est hypnotisable ; et quel que soit alors le procédé employé, le

plus souvent la fixation d'un objet brillant, l'on arrive en cinq

HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 361

minutes à provoquer un somnambulisme dans lequel nous

voyons non seulement se reproduire trait pour trait, les con-

tractures des membres, les petites secousses cloniques avant

et pendant le sommeil, le frémissement des paupières ; mais

ou l'on constate encore de même l'absence d'hyperexcitabilité

neuro-musculaire ou cutano-musculaire, les mêmes modifica-

tions des stigmates, le même élargissement du champ de la

conscience pour les faits de perception et de mémoire. Enfin

le réveil obtenu alors par le souffle sur les yeux ou la seule

injonction : Réveillez-vous », s'accompagne des mêmes phé-

nomènes objectifs précédemment signalés au sortir de l'état

déterminé par l'expérience de Strumpell. Et dans un cas

comme dans l'autre, une fois revenue à l'état de veille,

M..., est parfaitement inconsciente de ce qui vient de se

passer.

Nous ajouterons que la malade ne fait elle même aucune

différence entre ce sommeil provoqué et l'état qui succède à

l'expérience de Strumpell, qu'elle distingue formellement, en

revanche, de son sommeil normal. Il est à remarquer aussi

que pendant le sommeil provoqué, elle retrouve les mêmes

souvenirs spontanés ou relatifs à ce que l'on a dit ou fait pen-

dant l'expérience de Strumpell, et réciproquement.

Les considérations précédentes nous amènent donc légiti-

mement à cette conclusion que chez notre malade, le som-

meil qui succède à l'expérience de Strumpell n'est pas assimi-

lable au sommeil naturel, mais rentre dans la catégorie des

somnambulismes. Et ce fait nous parait avoir d'autant plus

de valeur que l'expérience de Strumpell n'avait jamais été

tentée chez M... avant nos recherches, qui ont débuté par ce

point et donné de suite les résultats que nous venons d'ex-

poser.

A un autre point de vue, notre observation vient à l'appui

de l'opinion qui rattache l'anesthésie et l'amnésie hystériques à

un état de désagrégation mentale particulier, de double con-

science. Cette anesthésie, cette amnésie apparentes ne sont en

réalité qu'un défaut d'assimilation des sensations d'une part,

et d'autre part, des images qui sont la base des ^souvenirs, et

qui en réalité sont enregistrées et conservées sinon dans la

conscience principale du sujet, du moins dans une conscience

secondaire, et peuvent ainsi être reproduites dans des circons-

tances spéciales : par exemple, dans le somnambulisme pro-

362 CLINIQUE NERVEUSE.

voqué par les moyens ordinaires ou par l'expérience de Strum-

pell, et aussi dans l'état de simple distraction si facile à

déterminer chez les hystériques et au cours duquel l'écriture

automatique et inconsciente nous donna déjà , bien que

moins complets, des renseignements sur nombre de faits que

notre malade paraissait ignorer.

Ces mêmes procédés nous ont permis de constater la pré-

sence d'un phénomène psychologique survenu à l'origine de

l'amnésie, de l'état aboulique, de la confusion mentale, et dont

la persistance depuis lors est sans doute pour beaucoup dans

leur continuité. C'est, comme dans bien des faits de ce genre,

en particulier dans celui qui fut étudié à divers points de vue

par MM. Charcot, Souques, P. Janet, la présence d'une idée

fixe subconsciente. En effet, alors qu'à l'état de veille l'inter-

rogatoire de la malade ne met sur la piste d'aucun délire, d'au-

cune idée fixe, dans le sommeil hypnotique, comme dans celui

qui succède à l'expérience de Strumpell, comme dans l'écri-

ture automatique, elle raconte qu'elle est perpétuellement

obsédée par l'idée ou même la vision du gendarme qui est

venu la chercher; et découvre même qu'elle y pense dans la

journée à l'état de veille, mais « sans s'en rendre compte, sans

le savoir » . 1

Elle dit également y rêver la nuit dans son sommeil natu-

rel et le revoir tout le temps à chacune de ses attaques. C'est

d'ailleurs ce que nous avons pu constater par nous-mêmes

dans ces circonstances. En effet, on l'a surprise, dans son som-

meil naturel, parlant de la scène en question, du gendarme,

du rappel de son père, de son émancipation. Et dans la

période délirante de son attaque, c'est l'hallucination visuelle

du gendarme qui forme le pivot de tout le délire dans lequel

elle cause avec des personnages imaginaires, refusant d'obéir

à l'ordre de son père, se disputant avec le gendarme, avec

son père, menaçant de tuer ce gendarme qui ne la quitte pas

un instant (sic), exprimant l'intention, qu'elle ajoute ne vou-

loir 'dire à personne (sic), de partir ensuite pour Buenos-

Ayres, etc... Ajoutons qu'à ce moment on peut se mettre en

communication et causer avec elle, mais à condition d'entrer

et de rester absolument dans le cercle restreint de son délire.

Encore ne peut-on pas le diriger et le modifier à son gré ; et

n'obtient-on que quelques réponses très brèves.

La présence constante de cette idée fixe, même pendant la

HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 363

veille, à l'état subconscient, absorbant le peu d'attention que

M... a de disponible, la maintenant dans un état de distrac-

tion perpétuelle, et par suite augmentant encore le rétrécis-

sement du champ de conscience; ne peut qu'entretenir les

troubles anesthésiques, abouliques et amnésiques par les-

quels il se manifeste à nous. Aussi est-il indiqué, au point de

vue thérapeutique, de s'attaquer à cette idée fixe. Mais il est

à remarquer, à ce propos, que M... n'est nullement suggestible

dans l'état somnambulique provoqué soit par les moyens

ordinaires, soit par l'expérience de Strumpell et se présentant

sous l'aspect que nous avons décrit, s'agit-il de suggestion

momentanée et des plus simples. La chose n'a rien d'éton-

nant, car nous savons qu'il existe, même chez les hystériques

suggestibles, des conditions de la suggestibilité. Et c'est ainsi

que la présence d'une idée fixe, un développement intellec-

.tue plus grand pendant le somnambulisme, déterminant

comme une restauration presque complète de la personnalité,

sont des obstacles à la suggestibilité. Or, nous avons vu que

notre malade réalise absolument ces deux conditions défavo-

rables. Toutefois, M... présente d'autres états, voisins du pré-

cédent, où le développement intellectuel en rapport avec la

deuxième conscience étant moins accentué, elle devrait être

plus suggestible et où elle l'est en effet. C'est ainsi que dans

l'état de distraction simple provoquée pendant l'état de veille,

et avec écriture automatique et inconsciente, on peut modi-

fier par la suggestion l'idée fixe du gendarme.

M... est également suggestible dans un autre état somnam-

bulique, intermédiaire en quelque sorte à la distraction avec

écriture inconsciente et à l'état somnambulique que nous

avons décrit chez elle, à la suite de l'expérience de Strumpell

ou de manoeuvres hypnotiques ordinaires. En effet, l'expé-

rience de Strumpell réitérée d'abord à des reprises multipliées,

nous avait toujours mis en présence de cet état dont nous

avons exposé tout à l'heure les particularités, lorsqu'un jour,

au lendemain d'une violente attaque, nous répétons cette

expérience de la même façon et après nous être assuré que la

malade était dans les mêmes conditions d'anesthésie et d'am-

nésie. Elle tombe rapidement dans un état de sommeil sem-

blable en apparence aux précédents, et toujours précédé et

accompagné des mêmes phénomènes objectifs, tels que con-

tractures,, modifications respiratoires, frémissement des pau-

364 CLINIQUE NERVEUSE.

pières... Mais, en revanche, nous constatons que cette fois,

contrairement à ce qui se passait dans les autres expériences,

M... a conservé, absolument comme à l'état de veille, son

anesthésie sensitivo-sensorielle, et ne présente, en fait de

modifications de la sensibilité, que la disparition du clou.

L'amnésie, elle, s'est modifiée dans le même sens que les

autres fois, mais cependant d'une façon moins complète, et

nombre de faits sont rappelés d'une façon beaucoup moins

précise et après quelques efforts. Il persiste même un certain

degré de confusion mentale, la notion des lieux, du temps,

des faits, est moins nette que dans les autres expériences. En

outre, lorsqu'elle vient à parler de son délire, de son idée fixe

du gendarme, elle ne la juge plus de la même façon au mo-

ment actuel. Alors que dans le somnambulisme des expé-

riences précédentes, elle jugeait la vision de son gendarme

à sa juste valeur, comme une véritable hallucination, upe idée

obsédante moins fausse, cette fois, elle déclare que si elle le

voit, c'est qu'il est bien là et qu'il s'est attaché à sa poursuite.

Malgré ces différences, il est à remarquer que dans cet état

somnambulique particulier, elle conserve la notion et le sou-

venir des somnambulismes précédents et se trouve, dit-elle, à

peu près dans le même état.

Dans ce somnambulisme, car c'est bien en fait un som-

nambulisme, mais à développement moins complet que les

autres, la malade est suggestible non seulement pour des sug-

gestions momentanées, mais aussi pour d'autres devant se

réaliser, et s'étant en effet réalisées, à échéance plus lointaine,

après le réveil.

Nous avons pu, dans les conditions précédentes, comme

dans l'état de distraction provoquée, nous attaquer à l'idée

fixe avec quelque succès, et il s'est produit dès lors une très

légère amélioration dans l'état mental, jusqu'à ce qu'une nou-

velle attaque, en rappelant le délire, vint tout remettre en

question. Ces variations de l'état somnambulique constatées

une fois dans l'expérience de Strumpell, n'ont rien qui puisse

nous surprendre, car on en rencontre de semblables dans bien

des cas de sommeil provoqué, et c'est là un argument de plus

en faveur de l'identité de l'état succédant à l'expérience de

Strumpell avec les somnambulismes. Pour être absolument

complet, il nous faudrait retrouver les mêmes variations dans

le sommeil hypnotique provoqué par les moyens ordi-

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE 365

naires 1. Nous ne doutons pas qu'on ne puisse y arriver.

Mais le temps nous a manqué pour cela, et nous ne pouvons

guère actuellement compter pour cela que sur le hasard.Nous

n'avons pu, en effet, déterminer les conditions de ces varia-

tions dans l'expérience de Strumpell. Nous avions toujours

opéré de-la même façon et l'examen de la malade, immédia-

tement avant l'expérience, ne nous avait rien présenté qui

nous eût paru différent.

Il nous semble donc résulter de notre observation en elle-

même et comparée à celles des autres auteurs, qui pour la

plupart ont avec elle de grandes analogies :

1° Que l'état particulier qui succède à l'expérience de Strum-

pell n'est nullement un sommeil naturel, mais bien un état

somnambulique.

2° Que cet état somnambulique, comme tout autre du même

genre d'ailleurs, peut varier chez le même malade suivant

des circonstances difficiles à préciser.

3° A plus forte raison qu'il peut varier suivant les malades;

et c'est sans doute à ce fait qu'il faut attribuer pour une

part les divergences des opinions exprimées par les auteurs,

l'autre part revenant aux différences qui, d'après la lecture de

leurs observations, ont certainement existé dans les conditions

de leurs expériences.

CHIMIE PATHOLOGIQUE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'URINE

DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE;

Par les D" KLIPPEL, chef de laboratoire de la Faculté de médecine;

et SERVEAUX, aide de laboratoire, licencié ès sciences.

Il est toujours d'un grand intérêt d'étudier la nutrition dans

les différents états pathologiques, mais cet intérêt croît encore

1 Ces mêmes variations ont été retrouvées depuis pour le sommeil

hypnotique provoqué par les moyens ordinaires, dans des expériences

postérieures à notre communication.

366 CHIMIE PATHOLOGIQUE.

quand il s'agit de maladies nerveuses ou mentales, car les

modifications des échanges nutritifs nous montrent quelles

sont exactement les conséquences des altérations anatomiques

et physiologiques du système nerveux sur la vie végétative.

On peut même espérer dans certains cas au moyen de la

connaissance de ces échanges nutritifs vicieux remonter à la

cause et faire ainsi dans des circonstances difficiles un diagnos-

tic douteux ou la preuve d'un diagnostic probable.

Pour bien connaître la nature et la valeur de l'évolution des

éléments de la nutrition, il faut tout d'abord étudier les excré-

tions de l'individu et surtout l'urine.

C'est ce qui nous a engagé à entreprendre, d'après le conseil

et sous la direction de notre excellent maître M. le professeur

Joffroy, ce travail sur l'urine des paralytiques généraux, qui a

pour but la détermination de la formule urinaire exacte de la

paralysie générale. Dans notre pensée cette formule servira de

préface à l'étude de la nutrition dans cette maladie, espérant

qu'on pourra peut-être arriver par la suite à un élément de

diagnostic important, d'autant plus important que le début de

la paralysie générale est plus obscur.

L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE, D'APRÈS LES AUTEURS

Nous n'avons point la prétention de faire ici un historique

complet des travaux sur l'urine des paralytiques généraux, et

nous espérons que les auteurs que nous n'aurons point cité

voudront bien nous pardonner notre omission ; nous voulons

simplement indiquer sommairement les principaux résultats

de nos prédécesseurs pour pouvoir montrer par la suite leurs

contradictions et faire voir combien des expériences de con-

trôle étaient nécessaires.

Sutherland et Beale * signalent dès 1855 que la quantité des

phosphates augmente dans le paroxysme de la manie aiguë

consécutive à la paralysie générale, et qu'elle diminue dans

son déclin.

A. Addison 2 conclut, au contraire, d'analyses d'urine de

paralytiques généraux, que dans l'excitation les quantités

d'acide phosphorique, d'urée et de chlorure de sodium sont

moindres que dans le calme.

1 Sutherland et Beale. Medico-chirurg. Transactions, 1850.

r A. Addison. Medico-chir. Review, avril 1805.

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 367 Î

De son côté, Merson 1, s'appuyant sur un grand nombre de

dosages, pense que l'urée est en général augmentée, que les

chlorures, que l'acide phosphorique sont en quantité moindre,

que celle de l'acide sulfurique est normale, que le poids spéci-

fique de l'urine varie à peine, et que le volume de vingt-quatre

heures est un peu diminué si on le compare à l'état physiolo-

gique ; mais qu'au contraire il est augmenté si on l'évalue

comparativement avec le poids du corps.

Rabow 2 considère lui aussi la quantité d'urine comme aug-

mentée ainsi que celle de l'urée, mais il constate en outre

l'augmentation des chlorures contrairement à l'opinion de

Merson. Enfin, d'après M. Lailler 3, cité par M. A. Voisin dans

son Traité de la Paralysie générale, l'urine a les caractères

de celle des fébricitants.

Aussi bien, dit M. Lailler, dans les phases d'excitation que

de dépression, la densité de l'urine est toujours plus ou moins

élevée au-dessus de la normale, et on note une augmentation

presque constante dans la somme des produits éliminés. Ces

modifications qui se produisent dès la première période sont

surtout marquées à la troisième et lorsque la maladie est tra-

versée par des crises épileptiformes.

A la troisième période, ajoute M. Voisin, l'urine est souvent

fétide et trouble et contient quelquefois de la bile ou des cris-

taux d'urate de soude, d'acide urique, parfois des globules

sanguins, des cellules rénales et de l'albumine.

On voit qu'il y a des contradictions assez nombreuses dans

ces différentes opinions ; aussi comme conclusions de ces

mémoires, M. A. Foville5 déclare-t-il qu'il lui parait ressortir

des analyses qui ont été publiées que la sécrétion urinaire ne

présente aucune altération spécifique dans la paralysie générale.

Et après lui MM. J. Christian et A. Ritti 6 pensent également

que dans cette maladie les modifications de la sécrétion uri-

naire n'offrent rien de caractéristique.

1 Merson. The Urinology of gênerai Paralysis. (West Riding lu-

natic Asyluni Reports, 1874.)

y Rabow. - Archiv. fur. Psych., 1877.

' Laitier. Ann. méclie. psych., 1876.

' A. Voisin. Traité de la paralysie génér. des aliénés. Paris, 1879.

5 A. Foville, fils. - Nouv. Dict. de méd. et de clair. prat. Articl. Pa-

ralysie générale, 1878.

a J. Christian et A. Ritti. - Dict. Encycl. des Scienc. Aléd.; Art. Pa-

raly. génér., 1884.

368 CHIMIE PATHOLOGIQUE. -

Les résultats de ces analyses des matériaux normaux de

l'urine n'ont donc rien donné de bien net, rien établi sûre-

ment ; nous allons voir que l'étude des substances anormales

n'a conduit à rien de plus certain.

Rabenan ' avait signalé la présence fréquente de l'albumine

dans la paralysie générale (20 cas sur 36, soit 55,5 p. 100),

mais M. A. Voisin' nie cette fréquence et prétend que l'albu-

mine ne se rencontre qu'exceptionnellement dans cette affection.

J. Türner' ne trouve également que 7, 6 p. 100 d'albuminu-

riques dans les paralytiques généraux.

Ici encore la question n'est point résolue vu la contradiction

absolue de M. Voisin et de Rabenau.

En 1885, Maccabruni * signala la présence des peptones chez

les aliénés, surtout à l'occasion des maladies intercurrentes, et

il l'attribua à une maladie latente ou à une altération de la

nutrition résultant de l'agitation (vu leur fréquence plus grande

chez les agités). Et nous trouvons un peu plus tard vingt-

deux analyses d'urines de paralytiques généraux publiées par

Marre dans lesquelles cet auteur a constamment trouvé des

peptones.

L'intensité de la peptonurie lui a même paru proportionnelle

à l'acuité de la maladie et à la rapidité de l'évolution. Aussi

se croit-il en droit de conclure que dans les cas de diagnostic

douteux l'absence de peptone dans l'urine permettrait d'écarter

l'hypothèse de paralysie générale.

. C'est aussi l'opinion de R. Fonda qui assure que la pepto-

nurie se rencontre chez '.ous les paralytiques; mais, ajoute-t-il,

elle n'est pas constante; aussi, apportant une certaine restric-

tion à l'opinion de Marro, l'absence de peptonurie pour lui

n'exclut la phrénose paralytique que si elle est constatée par

des examens répétés.

M. Laillerl développe beaucoup l'importance de cette res-

triction et il croit que la peptonurie ne saurait être invoquée

' Rabenau. Analyse des urines des aliénés paralytiques. (Archiv.

fur. Psych. 1874.)

A. Voisin. Loc. citât.

J. Tùrner. Brit. med. Journ., 1887.

Maccabruni. Archiv. ital. per le malatto nervose, 1885.

marra. Giornale délia R. Ac. di AM. di Torino., Janv. 1888.

R. Fonda. Arcleiv. italiennes de biologie, XVIII, 1893.

1 Lailler. Ann. médéc.-psycla., XIX, p. 17, 1894.

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 369

comme un symptôme de paralysie générale. Elle se rencontre

en effet dans des indispositions passagères et dans un grand

nombre de maladies. On l'observe, dans différentes formes

d'aliénation mentale et si elle est plus fréquente dans la para-

lysie générale, elle fait le plus souvent défaut au début de

l'affection, alors que le diagnostic est incertain. Donc là encore,

au moins d'après M. Lailler, et quoi qu'ait pu croire Marro et

Fonda, pas davantage de critérium.

L'acétonurie peut-elle davantage en donner un ? En aucune

façon. Marro' avait signalé chez les aliénés la relation de

l'acétone avec la peur, mais M. Lailler', après Boech et Slosse,

a montré que l'acétone ne fournissait aucun signe pathologique

en rapport avec l'état psychique ; il a constaté qu'on pouvait

trouver cette substance à l'état de santé comme de maladie et

qu'elle n'avait aucune valeur chez les aliénés. Enfin, parmi les

substances anormales de l'urine des paralytiques, M. Régis' a

signalé la glycose.

Que pouvons-nous et que devons-nous tirer de ces asser-

tions ? Assurément pas grand'chose et nous sommes obligés

de garder une réserve prudente puisque, à côté d'une affirma-

tion absolue, nous trouvons constamment la négation déve-

loppée par un auteur non moins digne de.foi que celui qui

affirme.

C'est en raison de ces doutes que nous avons entrepris

la petite étude qui suit et qui ne représente qu'une minime

partie de l'étude de l'urine dans la paralysie générale. Il nous

semble en effet nécessaire d'établir successivement sur de

sérieux documents les points suivants : 1° la composition

moyenne de l'urine dans chacune des trois périodes de la pa-

ralysie générale ; 2 °la variation de cette constitution moyenne

avec la forme clinique de la paralysie générale ; 3° la variation

de l'urine chez un même individu dans une même période de

la maladie, suivant les phases épisodiques de cette maladie.

Pour le moment nous nous occuperons seulement du premier

point, et encore ne considérerons-nous l'urine de paraly-

tique général que durant la seconde période. Nous n'avons pas,

en effet, eu l'occasion d'étudier à l'asile Clinique (et il en est

ainsi dans tous les asiles d'aliénés) des paralytiques généraux

' Marro. Giornale délia I. Accad. di Aiedic. di Torino, 1889.

Lailler. An7t. médic.-psych., mars 1892.

3 Régis. Ann. médic.-psych., 1879.

Archives, t. XXVIII. 24

370 O CHIMIE PATHOLOGIQUE.

dans la première période, et quanta ceux qui sont entrés dans

la troisième, ils gâtent et il est bien difficile de recueillir inté-

gralement toute leur urine.

Nous espérons, du reste, pouvoir dans peu de temps, non

seulement compléter le premier point de l'étude que nous

avons entrepris, mais encore les deux suivants. Nous pouvons

donc intituler les résultats que nous allons exposer : Constitu-

tion moyenne de L'urine dans la seconde période de la paralysie

générale.

Pour y arriver nous avons pris les urines d'un certain nombre

de paralytiques quelconques sans aucune distinction de forme

ou d'évolution de la maladie et nous avons toujours basé les

données qui vont suivre sur les dosages effectués sur l'urine des

vingt-quatre heures. Avec des aliénés tels que les paralytiques

généraux, il est très difficile de recueillir exactement les urines

d'une journée entière, néanmoins nous croyons avoir réussi

grâce à la bonne volonté du personnel de l'asile Sainte-Anne

(clinique de la Faculté).

Peut-être dans quelques cas, heureusement fort rares,

croyons-nous, y a-t-il eu un peu d'urine perdue ; mais nous

le répétons ces faits constituent l'exception, car nous avons

impitoyablement rejeté l'urine chaque fois qu'il nous sem-

blait y avoir un doute sur l'exactitude du volume des vingt-

quatre heures.

Dans tous les cas, même s'il s'est glissé quelque erreur à

notre insu, le nombre que nous avons trouvé représentera, il

faudra bien y prendre garde, un minimum, puisqu'il ne peut

y avoir eu comme cause perburbatrice qu'une perte d'urine

qui, nous aimons à le répéter, a été tout à la fois très rare et

certainement très petite.

i Constitution moyenne DE L'URINE dans la SECONDE

PÉRIODE DE la paralysie générale.

A. Caractères GÉNERAUX. - 1° Quantité. En consultant les

tableaux I (Urines des hommes) et II (Urines des femmes), on

voit que vingt hommes sur trente, soit les deux tiers, et que six

femmes sur treize, soit environ la moitié ontune quantité d'urine

supérieure à la moyenne (1,200 cent. cubes pour les hommes

et 1,100 pour les femmes, d'après Yvon et Berlioz : Manuel

d'Analyse d' Urines. Paris, 1894) et dans un nombre assez notable e

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 371

de cas cette polyurie est assez intense. Elle est assez forte par

exemple pour que, en additionnant en bloc non point toutes

les analyses puisqu'il peut y en avoir plusieurs d'entre elles se

rapportant au même individu, mais une seule analyse moyenne

pour un même malade, on ait un résultat nettement supérieur

à la normale. Et encore, ici surtout, faudrait-il pouvoir tenir

compte de l'urine qui a pu être perdue. Il y a donc, comme

Rabon l'avait annoncé, une augmentation de la quantité d'urine.

En un mot, s'il est vrai qu'il y ait parfois mais rarement

oligurie, dans le plus grand nombre de cas, il y a une légère

polyurie pouvant devenir parfois très notable.

Couleur. Les urines des paralytiques généraux sont géné-

ralement colorées assez faiblement, le plus souvent on les

trouve jaune citrin, le jaune ambré léger y est déjà plus rare,

et le jaune ambré foncé est presque une exception. Lesrnatières

colorantes sont donc un peu diminuées ou normales, et il en

est de même des chromogènes de l'urine, comme on peut s'en

assurer par l'action de l'acide azotique à froid. Ajoutons

immédiatement, pour ne plus y revenir, que l'indican s'y

trouve souvent en proportion notable; nous chercherons à

expliquer ce fait dans un autre travail.

Aspect. Il est bien rare que l'urine soit transparente;

elle est presque toujours au moins louche, quelquefois trouble,

et ne s'éclaircit pas complètement même après un repos pro-

longé.

Dépôt. Mais après ce repos on a quelquefois un dépôt

assez faible d'urates ou de phosphates suivant les cas; il n'y a

pas de règle bien précise à cet égard. De plus, dans tous les

cas à peu près, on trouve du mucus en quantité toujours très

appréciable, souvent très notable ; l'urine des paralytiques

généraux présente donc une véritable mucinurie.

Consistance. C'est grâce à ce fait et à la présence fré-

quente de l'albumine, comme nous le verrons par la suite, que

cette urine mousse toujours bien facilement, et que la mousse

est assez persistante.

Odeur. Quant à l'odeur, elle est en général normale, mais

plus forte que celle d'une urine ordinaire ; quelquefois on peut

noter qu'elle est ammoniacale, mais cela est rare, même

lorsque la réaction est alcaline.

Réaction. La réaction est en effet fort variable : tantôt,

372 CHIMIE PATHOLOGIQUE.

le plus souvent elle est acide, mais toujours alors faiblement

acide, tantôt elle est neutre et enfin tantôt alcaline. D'après la

statistique que nous avons établie, la réaction est faiblement

acide dans les deux tiers des cas ; elle est neutre à peu près

dans un sixième dès cas, et alcaline dans le dernier sixième.

Les urines neutres ou alcalines se rencontrent donc aisément

dans la paralysie générale et cela sans troubles de la miction et

sans rétention prolongée d'urine à l'intérieur de la vessie.

(Nous n'avons pas examiné ces cas.)

Densité. M. Lailler nous indiquait la densité de l'urine

des paralytiques comme plus forte que la densité normale

(v. plus haut). Nous voyons (t. I et II) que cette densité peut

être, il est vrai, normale dans quelques cas, que quelquefois

elle peut même être augmentée, comme le dit M. Lailler, mais

qu'au contraire, dans le plus grand nombre de cas, elle est

diminuée, souvent même assez diminuée.

Dosage DES éléments NORMAUX. - 1° Urée. Pour la plupart

des auteurs, Merson, Rabon et M. Lailler, la quantité d'urée

est augmentée, tandis qu'Addison déclare qu'elle est diminuée.

Nos analyses (tableau I et II) montrent que très généralement

c'est cette seconde opinion qui est réalisée, la diminution de

l'urée est la règle, et cette urée peut être même assez forte-

ment diminuée ; la conservation du chiffre normal est rare,

et son augmentation est l'exception '.

2° Acide urique. Il n'en est malheureusement pas de

même pour l'acide urique pour lequel nous avons employé le

procédé classique qui consiste à le précipiter par l'acide chlorhy-

drique. Comme on l'a montré récemment ce procédé donne des

inexactitudes qui peuvent être souvent tout à fait notables.

Aussi, sans citer nos chiffres qui peuvent être entachés d'erreurs

et cela dans des proportions que nous ne pouvons pas évaluer,

nous contenterons-nous de signaler que l'excrétion de l'acide

urique est très variable ; quelquefois augmenté, il est souvent

diminué, mais alors il est moins diminué que l'urée, et le

rapport de l'acide urique à l'urée est toujours augmenté.

Dans la paralysie générale non seulement par conséquent

1 Nous avons toujours dosé ce corps au moyen de sa décomposition

par l'hypobromite de soude récemment préparé et en déterminant sur de

l'urée les corrections nécessaires; nous nous sommes donc mis, autant

que faire se peut, à l'abri de toute cause d'erreur.

ÉTUDE DE l'urine dans la paralysie générale. 373

HOMMES

374 CHIMIE PATHOLOGIQUE.

Acide phosphorique. L'opinion des auteurs est encore

ici très différente, puisque Sutherland et Beale, ainsi que

M. Lailler le croient excrété en quantité supérieure à la nor-

male, tandis que Addison, Merson, le notent comme diminué.

Nos analyses ' (tableau I et II) en montrent partout l'excré-

FEMMES

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 375

TABLEAU III. Rapport de l'acide phosphorique à l'urée.

376 CHIMIE PATHOLOGIQUE.

chlorures se trouvent diminués ou normaux ; presque toujours

ils sont considérablement augmentés.

Tableau IV. Excrétion des phosphates.

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 377

celle de l'urée ou des phosphates l'action due aux fluctuations

du volume d'urine émis dans les vingt-quatre heures.

Tableau V. Élimination des chlorures en dehors de

la paralysie générale.

378 ' CHIMIE PATHOLOGIQUE.

quantité. Il n'y en a jamais eu plus de 2 à 3 décigrammes par

litre. L'albuminurie est donc relativement fréquente ; nous

l'avons trouvée, il est vrai, moins souvent que Rabenau, mais

néanmoins dans une proportion fort respectable.

Cette albuminurie est-elle due à une lésion rénale légère

ou à une action bulbaire ? On ne peut guère trancher la ques-

tion, bien que pourtant la légère polyurie des paralytiques, la

faible densité de l'urine et les lésions rénales constatées par

M. A. Voisin et par l'un de nous, puissent faire pencher vers

une lésion rénale peu développée.

Peptones. Nous avons recherché les peptones' seulement

cinq fois ; nous en avons trouvé trois fois et deux fois le résul-

tat a été négatif. Comme nous n'avons pas examiné une

seconde fois les urines où nous n'avions point trouvé de

peptones, il nous est au moins pour le moment, vu le peu de

documents que nous possédons sur la question, impossible

d'essayer de nous faire une opinion raisonnée sur la pepto-

nurie chez les paralytiques.

Acétone. Nous avons aussi mis en évidence l'acétone' et

nous l'avons trouvé neuf fois sur dix. Comparativement nous

avons fait la même recherche sur des urines normales et les

résultats positifs ont été seulement de 4 sur 6. Ces nombres

sont bien faibles, il est vrai, mais nous croyons qu'ils suffisent à

montrer qu'on doit considérer avec M. Lailler la présence de

l'acétone comme chose de peu d'importance dans la paralysie

générale. Tout au plus peut-on dire qu'on la rencontre un peu

plus fréquemment que dans l'urine normale.

Résumé ET conclusions. En résumé, nous basant sur les

résultats personnels que nous avons développés au cours de

cette étude, nous sommes convaincus que pour le moment on

ne possède point de critérium permettant de dire immédiate-

ment : Voici une urine de paralytique ou permettant de faire

un diagnostic différentiel.

1 Par le procédé de Wassermann : précipitation des albuminoïdes par

le ferrocyanure de potassium puis filtration, destruction de l'excès de

ferrocyanure par l'acétate de cuivre, de l'excès de cuivre par l'hydrogène

sulfuré; enfin après neutralisation parla potasse et recherche des pep-

tones par le biurel.

e Par le procédé de Chautard : au moyen d'une solution de fuchsine

décolorée par l'acide sulfureux et qui vire au violet en présence de

l'acétone.

ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 379

De plus, nous avons vu que les urines des paralytiques

étaient essentiellement variables comme volumes excrétés en

vingt-quatre heures, quantité d'urée, de phosphates, de chlo-

rures..., présence d'albumine et qu'on ne peut absolument pas

poser de règle absolue pour aucune de ces données puisque les

variations sont possibles dans tous les sens.

Néanmoins nous avons constaté que s'il n'y avait aucun ca-

ractère essentiel, et que si l'on ne trouvait aucune variation

d'un élément absolument constant, il n'en est pas moins vrai

que les variations se font toujours pour une substance donnée

d'une façon très évidente dans la grande majorité des analyses

dans un sens déterminé.

On peut donc, en laissant volontairement de côté les diffé-

rences individuelles que nous chercherons à expliquer plus

tard, donner les caractères généraux de l'excrétion urinaire

moyenne dans la seconde période de la paralysie générale,

comme suit :

// y a polyurie dans la seconde période de la paralysie géné-

rale ; les urines ont une faible densité et sont de coloration

claire, légèrement troubles, avec un dépôt muqueux assez abon-

dant. L'excrétion de l'urée est diminuée d'une façon sensible

et l'excrétion des phosphates est encore plus réduite, tandis

que les chlorures se trouvent au contraire en quantité très

grande. Il y a souvent de l'albumine en très petite quan-

tité, très fréquemment des peptones et presque toujours de

l'acétone.

Encore une fois nous faisons toutes nos restrictions sur la

peptonurie ainsi que sur tout ce qui touche les urines de la

paralysie générale en dehors de la seconde période de la mala-

die, ainsi que les variations dues aux formes et aux épisodes

de cette affection.

PSYCHOLOGIE

LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN r1t11ÉRIQUE

LES LABORATOIRES ET LES COURS A YALE, HARVARD, CORNELL, PENSYL-

VANIA, MICHIGAN, JOHN IIOPH1NS LELAND STANFORD UNIVERSITY, ETC.

Par 111nnceL BAUDOUIN,

Chargé de Mission aux États-Unis.

*

En dehors de ce qui concerne Clark University à Worcester,

comme nous l'avons déjàdit ', nous possédons quelques données

sur un certain nombre d'universités américainesoùexistentdes

laboratoires et des cours de psychologie expérimentale. Mal-

gré l'importance très restreinte de nos documents et renseigne-

ments, nous n'hésitons, pas à les résumer ici, puisque, de

l'aveu même de M. Binet 2, les descriptions sur ce sujet font

tout à fait défaut dans notre pays.

1° YALE UNIVERSITY. A Yale University, à New-Haven 3,

depuis quelques années, on a installé un petit laboratoire de

psychologie expérimentale, placé, en 1893, lors de notre voyage

aux Etats-Unis, sous la direction de M. le docteur en philoso-

phie Edward W. Scripture, instructor in expérimental psy-

chology, et auteur de plusieurs travaux remarqués.

Ce laboratoire n'est ouvert qu'aux étudiants gradués et est Une

dépendance de ce qu'on appelle là-bas les course of graduate

Instruction, c'est-à-dire de la partie de l'Université qui cor-

respond à nos facultés des lettres et délivre les diplômes de

docteur en philosophie 4. Les aspirants à ce titre doivent y

' Baudouin (Marcel). La Psychologie expérimentale en Amérique;

in Archives de Neurologie, 11° 89, p. 11.

2 Binet,. Loc. cil., p. 16.

3 Ville située entre New-Yoilç et Boston.

4 Ces cours sont destinés aux aspirants au titre de Docteurs en philo-

sophie, de Maîtres ès arts, et aux élèves qui veulent devenir Ingénieurs

civils.

PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE EN AMÉRIQUE. 381

suivre deux cours, qui sont faits par M. Scripture. L'un est

intitulé : Laboalorycou2,sein expe-ime2ztalpsychologyet com-'

prend l'exposé des méthodes de la psychologie expérimentale,

des exercices de laboratoire, des leçons sur la construction et-

l'entretien des appareils, des conseils sur la façon d'organiser

et de gérer les laboratoires de cette espèce. Ce sont évidem-

ment là des leçons destinées aux futurs professeurs et aux fu-

turs directeurs de laboratoires. Dans le second cours, qui,

en 1892, avait pour titre : Special p2,oblems in psychology, le

maître avait un autre but, plus didactique cette fois.

En dehors de ce cours aux élèves les plus avancés, au Yale

Collège (Academical Department) 1, M. Scripture fait aussi

des leçons destinées aux futurs gradués; mais il s'agit exclusi-

vement ici de l'exposé de ce que l'on sait aujourd'hui en psy-

chologie physiologique, et particulièrement en ce qui concerne

la physiologie cérébrale 2.

La bibliothèque générale de l'Université renferme la plupart

des travaux qui ont été publiés sur la psychologie expérimen-

tale.

2° HARVARD UNIVERSITY. Le laboratoire de psychologie

expérimentale de Harvard University à Cambridge, près Bos-

ton, est très probablement le plus important des Etats-Unis.

En tout cas, son directeur est l'un des expérimentateurs les

plus connus en Europe.

C'est M. le professeur Hugo Munsterberg, docteur en philo-

sophie et docteur en médecine, professeur de psychologie

expérimentale, élève de l'école allemande. Ce laboratoire est

vaste et renferme un grand nombre d'appareils. Comme d'or-

dinaire, c'est un laboratoire d'enseignement, autant que de

recherches ; il se trouve d'ailleurs dans la plus vieille des univer-

sités d'Amérique.

M. Miinsterberg fait un cours aux élèves gradués; mais il

dirige surtout des exercices de laboratoire à l'usage des étu-

diants avancés, et le cours qu'il professe plus personnellement

est un cours de recherches (courses of research). Son labora-

toire est si bien pourvu qu'il y a des instruments pour tous

1 Ceci correspond à peu près 1 la division supérieure de nos lycées.

2 M. le D' Ladd, professeur de philosophie à Yale University, est l'au-

teur d'un Psychologie philosophique; c'est le livre classique des jeunes

étudiants qui portent si crânement, sur leur jersey de lartie, le grand Y,

dont ils sont si fiers.

382 PSYCHOLOGIE.

les jeunes gens qui y travaillent. Mais il y a aussi à cette uni-

versité un cours de psychologie physiologique, destiné à des

étudiants plus jeunes. Ce dernier est fait par le D'' Herbert

Nichols, docteur en philosophie, instructor in psychology.

M. Nieliols dirige aussi des exercices de laboratoire, et explique

les principaux chapitres du Traité du professeur Ladd, de Yale

University. Il initie en outre les élèves à l'art de se servir des

instruments; ceux-ci opèrent ensemble et souvent se prennent

comme sujets d'expériences. Nous reviendrons ultérieurement,

dans un 'article spécial, sur ce centre, très connu désormais,

d'enseignement de la psychologie expérimentale.

3° Cornell UNIVERSITY. A Cornell University, à Itliaca

(N.Y.), même organisation qu'à Cambridge. Les élèves de

l'Académie Yeaî- ont deux cours de psychologie expérimentale.

L'un est intitulé : « Introduction à la psychologie expérimen-

tale » ; l'autre comprend l'étude de cette science avec expé-

riences à l'appui. Tous deux sont faits par M. le professeur

Edward Bradford Titchener, docteur en philosophie, assistant

professor of psychology. Le même professeur fait deux autres

cours pour les étudiants plus avancés (Teachers and advanced

students) ; le second comprend des expériences de laboratoire '

sur la méthode psychophysiologique.

Le laboratoire de psychologie renferme un grand nombre

d'appareils venus d'Allemagne et chaque année il s'enrichit

par de nouveaux achats. 11 possède une bibliothèque philoso-

phique contenant la plupart des journaux spéciaux. Il y a, dans

la grande Library, récemment construite, grâce aux dons ma-

gnifiques de M. Page, un local spécial pour les élèves en phi-

losophie. C'est dans cette université qu'a d'ailleurs été fondée

The philosophical Review. L'école de philosophie de Cornell

est aujourd'hui bien connue en Amérique, sous le nom de The

Pusan Linn Page School of Philosophy 2.

4° PENSYLVANIA University. A l'Université de Pensylvanie,

à Philadelphie, il y a aussi un enseignement de la psychologie

expérimentale, analogue aux précédents et organisé sur un plan

tout à fait identique. Le professeur est M. Lightner Witmer,

' M. Nichols, quoique encore jeune, est l'auteur de travaux très appréciés.

2 C'est M. Sage, que nous avons eu l'occasion de voir à Cornell, qui a

doté cette école, en 1886, pour perpétuer la mémoire de sa femme. Il a

donné pour cela 200,000 dollars, soit un million de francs.

PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE. 383

docteur en philosophie, lecturer on expérimental psychology.

1° Cours du College Department (1892-93). a) Physiologie

du système nerveux. Des sensations (cours professé au Biolo-

gical Building (1 trimestre); b) Psychologie de la perception

(2° trimestre).

2° Cours du Department of Philosop3a. a) Psychologie

expérimentale : Leçons et exercices de laboratoire (trois heures

par semaine); b) Esthétique psychologique. Leçons, démons-

trations et expériences (deux heures par semaine).

5° COLUMBIA COLLEGE.- Au Columbia Collège, de New-York,

la Faculté de philosophie a eu, cette année (1893-1894), plu-

sieurs cours de psychologie expérimentale. En voici la liste :

a) Les psychologistes contemporains : Wundt, Volkmann,

Mùnsterberg, Ribot, James; b) Psychologie physiologique :

exercices au laboratoire et cours (1er et 2e cours); c) Patho-

logie mentale, hypnotisme, psychologie anormale; d) Psycho-

logie expérimentale : leçons et recherches au laboratoire.

Le professeur, pour la partie expérimentale, est M. James

Me Keen Cattell, docteur en philosophie, un des directeurs de

la PsychologicalRevz'ew.

6° Collège OF NEW-JERSEY. Au Collège de New-Jersey,

à Princeton, M. le professeur Scott a fait en 1892-1893 un

cours de psychologie physiologique ; il a traité de l'anatomie et

de la physiologie du système nerveux dans leurs rapports avec

les problèmes psychologiques.

L'ouvrage qu'il recommande à ses élèves est le traité clas-

sique de Ladd. -

7° UNIVERSITY or MICHIGAN. A l'Université de Miehigan,

à Ann Arbor, le programme des cours pour 1892-1893 com-

prenait trois séries de leçons professées par M. George H.Mead,

instructeur en philosophie, pour les élèves du department of

literature, science and the arts. 1° Fondements des problèmes

psychologiques, avec expériences à l'appui; 2° phénomènes

psychiques des organismes vivants (recherches de labora-

toire) ; 3° psychologie pathologique, dans les asiles et dans les

hôpitaux..

8° JOHNS HOPIiINS UNIVERSITY. A la célèbre Université de

Baltimore, fondée par J. Hopkins, la psychologie est de même

384 PSYCHOLOGIE.

enseignée d'après les méthodes nouvelles ; et c'est encore le

traité du professeur Ladd qui est le livre de chevet des étu-

diants. Mais nous ne pensons pas qu'il.y ait actuellement

un laboratoire organisé pour l'enseignement pratique de cette

science.

9° LELAND STANFORD JUNIORUNIVERSITY. -Leland Stanford

Junior University, à Palo Alto, près San Francisco (Californie),

ne date que de quelques mois et déjà possède des cours de

psychologie expérimentale. Leprofesseur est M.Frank Angell,

gradué de l'université de Vermont, docteur en philosophie,

reçu à Leipzig en 1891, ancien étudiant de l'université de

Wurzbourg (1885) et de Leipzig (1889-91), ancien professeur

«assistant depsychologieàCornell University (1891-1892). A Palo o

Alto, il a fait, en 1893-1893, un cours d'une heure par semaine

pendant toute l'année, et s'est occupé de psychologie expéri-

mentale proprement dite.

Il y a à l'université un laboratoire pour les exercices pra-

tiques. En dehors de ces conférences techniques, M. Angell a

fait deux autres cours de psychologie, en ayant surtout pour

guides, ce qui se conçoit, étant donné le pays où il a

étudié -, les auteurs allemands; mais il s'adressait alors aux

jeunes élèves. ,

Nous avons tenu à citer tout particulièrement ce dernier

laboratoire, parce qu'il est- de création toute récente et qu'il

n'a pas été cité par MM. Binet et de Varigny'.

Quelques mots encore sous forme de conclusions.

On remarquera que la plupart de ces professeurs de psy-

chologie expérimentale sont si jeunes qu'à l'exception de quel-

ques-uns d'entre eux, 11M.-Hall,·MÜnsterberg; Jackowslci (de

Madison), presque tous ne sont que de simples assistants et

même que des instructeurs. D'un autre côté beaucoup sont

élèves des universités allemandes, comme M. Mtinsterberg,

d'ailleurs.

Faut-il s'en étonner ? Nous ne le croyons pas. La psycho-

logie expérimentale est née en Allemagne, y a pris son

1 Il y a encore, au dire de M. Binet, des laboratoires de psychologie à

Providence (Khode Island) et Chicago; mais nous ne possédons sur ces

universités aucuns documents. A citer encore, mais cette fois au Ca-

nada, l'enseignement de l'Université de Toronto; et, au dire de M. de

Varigny, à Brown University et à Wellplpv. *

mobilier ET INSTRUMENTS DE travail. 385

essor, et y a acquis ses titres de grande naturalisation. Et,

si les Américains n'ont pas étudié chez nous, c'est donc une

conséquence de ce qui s'est passé en France, où ces études,

à leur début, ont été tenues en suspicion par les autorités

constituées. Il a fallu toute l'énergie de M. Beaunis pour

triompher des obstacles. Mais, grâce aux travaux sortis du

laboratoire de la Sorbonne, grâce aux efforts de M. Ribot

au Collège de France, et de ses collaborateurs à la Revue

philosophique, nous osons espérer que les étudiants améri-

cains s'arrêteront désormais au moins quelques jours à Paris,

à leur retour des centres allemands, avant de regagner leur

pays, la véritable patrie, à l'heure actuelle, de la psychologie

expérimentale. Comme l'a dit M. de Varigny, il y a aujourd'hui

aux Etats-Unis une école de psychologie, jeune encore, qui

prend chaque jour une importance de plus en plus marquée,

et dont il serait ridicule de nier le bel avenir. Quel exemple à

méditer ! Et de l'autre côté de l'Océan, il n'a pas fallu dix ans

pour atteindre un si merveilleux résultat.

ASILES D'ALIÉNÉS.

LE MOBILIER ET LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL

DES ALIÉNÉS PAUVRES ET CURABLES

1 Par)eD'IATY'.

Au Congrès d'Assistance publique qui a eu lieu tout récem-

ment à Lyon, M. le professeur Pierret a soulevé une question

qui lui a semblé devoir être, de nouveau et à plus juste titre

encore, traitée devant vous et qu'il a bien voulu me charger

de soumettre à votre bienveillante attention.

' Communication au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes

de Clermont-Ferrand (6-11 août 1894).

ARCHIVES, t. XXVIII. 25

386 asiles d'aliénés.

Il existe dans tous les asiles publics une classe fort intéres-

sante et malheureusement trop étendue, de malades des deux

sexes recrutés parmi les petits ouvriers en chambre ou les

gens isolés, sans famille, souvent sans amis, qui vivent dans

un pauvre galetas et n'ont pour toute fortune qu'un mince

mobilier, quelques outils, quelques vêtements de travail, le

tout d'une valeur minime, acquis bien souvent pourtant au prix

de dures privations. Lorsque, frappés par la maladie, les mal-

heureux possesseurs de ces humbles débris entrent à l'asile, ils

se trouvent rapidement et fatalement dépouillés de ces res-

sources, qui leur seraient cependant d'un si grand secours

après leur guérison et lors de leur rentrée dans la société, par

le procédé que voici :

Le propriétaire de la maison, en général, ou, plus exacte-

ment, dans notre région du moins, le régisseur d'immeubles,

agent forcément expéditif, rouage par métier peu accessible à

l'émotion, n'a qu'un désir et qu'une hâte : voir disparaître

tous ces impedimenta qui l'encombrent et l'empêchent d'uti-

liser le logement vacant par suite de la maladie d'un locataire

qui ne paie plus et ne paiera peut-être plus jamais. Il hésite

toutefois devant les frais d'un jugement qui l'autoriserait à

vendre et il intervient d'abord auprès de la tutelle des aliénés

pour qu'on en termine à l'amiable.

La tutelle, il faut lui rendre toute justice en cette occur-

rence, emploie pour obvier au dépouillement de ses pupilles

tous les moyens dont elle peut disposer. Elle fait démarches

sur démarches, courses sur courses, propositions sur proposi-

tions ; elle s'informe d'abord auprès du médecin traitant si

l'aliéné est ou non curable, puis, dans l'affirmative, elle met

en charge les meubles en question chez des parents, qui s'y

refusent trop souvent, chez des patrons, des amis, où elle

peut. Mais, d'autres fois, elle est repoussée. Elle a bien obtenu

du propriétaire, sous la condition de vider les locaux au plus

vite, l'abandon de sa créance locative et sa renonciation à

l'exercice de son droit de gage, mais voilà qu'ayant sauvé ce

mobilier, elle ne sait plus qu'en faire et ne peut dès lors

recourir qu'à une vente volontaire aux meilleures conditions

possibles. Les fourrières ? Il n'y faut point songer. La plupart,

celles de Lyon notamment, exigent un prix trop élevé qui peut

aller à cinquante centimes par jour. La mise en charge à

prix d'argent chez des particuliers ? Cela coûterait presque

mobilier ET INSTRUMENTS DE travail. 387

aussi cher et, à ce compte, toutes les ressources seraient vite

épuisées. Vendre, il n'y a pas d'autre solution.

La. vente a donc lieu, généralement à l'amiable, par coma

missaire-priseur, sur place ou à l'hôtel des ventes, si les choses

valent le transport. C'est toujours une vente dérisoire dont

les associations connues sous le nom de bandes noires tirent le

plus clair des profits. Les frais montent à 20, à 25 francs. Le

reliquat, toujours insignifiant, est versé, comme le veut l'ar-

ticle 31 de la loi du 30 juin 1848, dans la caisse de l'établisse-

ment et tout est dit.

Je m'arrête intentionnellement à ces faits. Je ne veux point

toucher encore à la question de la vente et de la location des

biens immobiliers, ni me demander jusqu'à quel point le

département, créancier de l'aliéné, peut intervenir pour, retenir

ces reliquats en utilisant le petit paragraphe suivant de l'ar-

ticle 31 déjà cité : « Les sommes provenant soit de la vente,

soit des autres recouvrements... seront employées, s'il y a

lieu, au profit de la personne placée dans l'établissement.-»

Je ne veux pas non plus envisager le cas où le propriétaire

poursuivrait la vente judiciairement, cas assez rare, il faut le

dire. La tutelle est alors impuissante; elle ne peut même pas,

faute de place, faire bénéficier le malade des réserves chari-

tables des articles 592 et 593 du Code de procédure civile res-

trictifs des saisies-exécutions. Le procureur de la République,

protecteur légal des aliénés, est dans la même situation, et il

le regrette souvent'. Mais; pour résister, il lui faudrait un

texte de loi qui n'existe pas. D'ailleurs, en fût-il armé, qu'il

se heurterait à la même difficulté que le tuteur : que faire du

mobilier sauvegardé ? Et il en serait de cette loi comme

d'autres mesures légales bien connues en matière de défense

contre les maladies infectieuses, mesures excellentes à la con-

dition de les renforcer d'un système corrélatif de désinfection

pratique, obligatoire et... gratuit.

Je limite donc mon sujet aux ventes mobilières et je cons-

tate que, dans l'état actuel des choses, les plus pauvres de nos

malades sont, comme toujours, les plus lésés. S'ils sont incu-

rables, il n'y a rien à dire; mais s'ils guérissent ? Les voilà

donc privés à tout jamais de ces ressources qui leur seraient

' Nous avons soumis la difficulté à des magistrats qui ont eu a s'oc-

cuper de la question au point de vue pratique et qui nous ont exprimé le

regret de ne pouvoir intervenir. ' -

388 asiles d'aliénés.

d'un si grand secours pour recommencer la lutte pour l'exis-

tence, ressources que ne remplacera jamais le reliquat en

argent, produit de la vente, quand il en existera un et quand

ils le toucheront. "

Dans ces conditions, n'y a-t-il pas quelque chose à tenter ? 7

Ne peut-on chercher à conserver aux malades curables les

parties les plus importantes de leur mobilier pour les leur

restituer intactes à leur sortie ? La solution se présente immé-

diatement à l'esprit sous deux formes pratiques.

La première, la plus simple, la meilleure si elle pouvait

s'appliquer partout, consisterait à faire appel aux sociétés de

patronage ou de secours aux aliénés, dans les villes où elles

existent, et à leur signaler le bien à faire dans cette voie. Ces

sociétés, investies de pouvoirs réguliers, disposant de res-

sources pécuniaires, pourraient organiser des sortes de four-

rières gratuites où elles recevraient en dépôt'les mobiliers des

malades et le leur rendraient sans frais aucuns à leur guéri-

son ; et il serait facile, pour les indemniser un peu de leurs

dépenses, de leur accorder le bénéfice des successions vacantes

ou abandonnées.

. La deuxième solution serait d'obtenir des autorités compé-

tentes l'affectation au même but d'un local quelconque, gre-

nier ou hangar, appartenant aux asiles. Je dis appartenant

aux asiles, car là seulement on pourrait faire les choses sans

frais, grâce aux bras et aux moyens de transport dont on y

dispose généralement.

Cependant on se heurte, en ce cas, à des difficultés d'un

ordre particulier, qu'il faut mentionner pour les aplanir de

suite. Si l'on excepte d'une vente mobilière tous les objets

ayant une valeur appréciable, il s'ensuit nécessairement que

la vente du reste devient inutile et même onéreuse, car les

frais en dépasseraient le produit. On se trouve donc forcément

conduit à tout garder sans distinction, à moins de traiter à

l'amiable avec quelque industriel qui débarrasserait à vil

prix de tous les débris, loques et hardes sans valeur.

' De plus, ces mobiliers, par suite de la maladie de leurs pro-

priétaires, sont toujours dans un état de malpropreté révol-

tante et lorsque nous avons parlé de nos désirs, nous avons

pu surprendre, chez nos interlocuteurs, des grimaces signifi-

catives à la pensée d'introduire dans l'asile des régiments de

ces ennemis intimes dont on n'y a nul besoin.

MOBILIER ET INSTRUMENTS DE TRAVAIL. 389

Je ne m'arrête point à ces difficultés. Le- volume des mobi-

liers en question, même au complet, n'est jamais considérable,

voilà pour, la première ; pour la deuxième, quelques kilos de

poudre de pyrèthre et surtout la mise en marche d'une étuve

à désinfection repousseraient victorieusement à la fois et l'ob-

jection et les ennemis'. L'étuve à désinfection, tout élevé qu'en

soit le prix, devrait à l'époque actuelle fonctionner dans chaque

asile ; elle y rendrait bien des services et l'introduction de nos

mobiliers n'eût-elle pour effet que d'obliger à cette acquisition

que ce serait déjà cela de gagné.

Le résultat pratique immédiat de la création de ces garde-

meubles serait de dispenser le médecin de l'obligation

d'émettre un avis précipité sur le degré de curabilité des alié-

nés et ensuite de faire bénéficier les malades, même dans le

cas de poursuites de la part du propriétaire, des articles 592 et

593 et de leur conserver au moins ce lit que la loi réserve au

plus misérable.

Mais, en outre, il ne peut y avoir doute sur le caractère

généreux de l'oeuvre que nous indiquons. Peut-être nous

dira-t-on que les cas sont rares où notre action sera vraiment

efficace. Cela est vrai et ce nous est une raison de plus d'in-

sister puisqu'il nous faudra moins de place et moins de

dépenses et qu'il vaut mieux rendre service à une seule per-

sonne par année que ne rien faire du tout. Voici cependant

quelques chiffres : dans une période de deux ans, à l'asile de

Bron, trente ventes mobilières ont été demandées, presque

toutes à la requête des propriétaires ou régisseurs. La tutelle,

dignement représentée par M. le juge d'instruction Chantreuil

et son secrétaire, M. Berthelier, grâce à des démarches multi-

pliées, à des courses répétées et fatigantes, à un dévouement

dont on ne saurait trop la remercier, a pu obtenir vingt fois

la mise en charge du mobilier chez des particuliers; mais dix

fois la vente a dû se faire et, en ces dix cas, quelques-uns sont

des plus intéressants, notamment celui d'une femme sortie

guérie, privée par la vente d'une machine à coudre qu'elle

n'avait même pas fini de payer et grevée ainsi dès ses premiers

pas au dehors d'une dette en pure perte.

Venir en aide à de pareilles misères, quand cela est si facile,

n'est-ce pas répondre dans notre sphère aux aspirations géné-

reuses de l'époque actuelle ? A la fin de ce qu'on a voulu nom-

mer le crépuscule des peuples, à l'aurore, dirais-je plutôt, du

390 . asiles d'aliénés.

siècle qui, se lève, lorsque les théories scientifiques, mais

décourageantes des dégénérescences héréditaires fatales parais-

sent perdre de leur rigueur ou du moins reprendre leur rang

au chapitre physiologie pathologique, quand on entrevoit,

vaguement encore, le moyen de sauver des chutes sans

remède, sinon toujours, l'être isolé, mais tout au moins l'espèce,

lorsque, surtout, en regard de la thèse de l'irresponsabilité

individuelle se dresse le grave problème de la responsabilité

sociale, ne faut-il pas utiliser tous les moyens de dégager cette

responsabilité, si infimes qu'ils nous paraissent ? Pour ceux que

toucheraient peu les considérations sentimentales ou philoso-

phiques, pour ceux qui pensent que l'argent est la capitalis et

même 1'uliiina ratio des choses nous réservons un argument

qui les convaincra peut-être.

Depuis plusieurs années et dans maintes circonstances, à la

Société d'économie politique, au Congrès des médecins alié-

nistes de Lyon, dans la presse médicale, M. le professeur

Pierret a constamment et énergiquement plaidé la cause de

l'internement précoce des aliénés, mesure la meilleure pour

obtenir des guérisons rapides et prévenir les séjours intermi-

nables dans les asiles, d'aliénés dont l'incurabilité, suite trop

fréquente d'un internement tardif, constitue une lourde charge

pécuniaire pour les départements. Cette persévérance a porté

ses fruits ; M. Pierret a eu la satisfaction de voir les interne-

ments se faire plus faciles et plus rapides et s'élever par suite

son coefficient de curabilité.

Mais il ne suffit pas de guérir plus vite et mieux les malades;

il faut encore, autant que possible, leur éviter les rechutes.

Or qui donc y est plus fatalement voué que l'aliéné qui rentre

guéri, mais désarmé, dans la vie commune ? La mesure que

nous proposons, eh lui réservant quelques armes défensives

est un des moyens de le protéger; le département qui l'appli-

querait, n'évitât-il avec son aide qu'une seule rechute par an,

regagnerait largement les quelques frais dépensés dans ce but

et il ferait ainsi une de ces charités bien ordonnées qui com-

mencent par soi-même.

Nous n'avons pas la prétention d'inventer quelque chose de

nouveau. Depuis longtemps le système fonctionne dans le

département de la Seine. M. le r Bourneville, dont il faut

prononcer le nom toutes les fois qu'il s'agit d'assistance et que

nous prions d'agréer ici nos vifs remerciements, a bien voulu

MOBILIER ET INSTRUMENTS DE TRAVAIL. 391

s'intéresser à notre communication et nous donner les rensei-

gnements que voici sur la manière dont la Seine procède au

sauvetage du mobilier de ses aliénés.

Tous les mobiliers des aliénés internés dans les asiles de la

Seine sont déposés, lors de leur enlèvement au garde-meuble

de l'Asile clinique. Voici comment on procède relativement à

ces enlèvements : tout aliéné entrant dans les asiles de la

Seine donne lieu aussitôt à une enquête. Si de cette enquête

il résulte que le malade possède un mobilier qu'il y a lieu de

sauvegarder, le service des aliénés demande au médecin trai-

tant un certificat de situation en vue de l'enlèvement de ce

mobilier. Si du certificat délivré il ressort que le malade est

susceptible d'une prochaine guérison, le mobilier est conservé

dans le logement à moins toutefois que le propriétaire ou le

malade lui-même n'ait donné congé. Si, au contraire, le méde-

cin déclare que la maladie sera longue ou qu'elle sera incu-

rable, il est procédé par les agents de l'administration à l'en-

lèvement. On évite ainsi aux intéressés le paiement de termes

ultérieurs. Les - mobiliers enlevés dans ces conditions sont

déposés au garde-meuble de l'Asile clinique. Pour le trans-

port de ces mobiliers l'administration a passé par voie d'adju-

dication un contrat avec un entrepreneur de déménagements.

Aucun mobilier n'est enlevé sans que le commissaire de police

ou son représentant n'assiste l'employé du service et n'ait

dressé au préalable un inventaire détaillé.

Au bout d'environ un an, si le malade n'est pas guéri, un

nouveau certificat de situation, pour vente de mobilier, est

alors demandé au médecin traitant. Le médecin est prié dans

cette demande, de faire connaître s'il considère le malade

comme incurable ou s'il existe encore un espoir de guérison.

Si le médecin déclare qu'il y a incurabilité ou que la guérison

sera très longue, le service des aliénés fait procéder à la vente,

après toutefois avoir obtenu une ordonnance conforme du pré-

sident du tribunal civil de la Seine. Cette vente a lieu à l'asile

clinique par les soins d'un commissaire-priseur. Si le certificat

est douteux ou conclut à la guérison, il est sursis à la vente.

Le mobilier est rendu à son propriétaire lorsque celui-ci sort

guéri et que le propriétaire a été désintéressé des termes qui

lui restaient dus.'

Voilà donc ce qui se fait dans la Seine. Peut-être ailleurs

a-t-on pensé aussi à ce mode d'assistance. Nous accueillerons

392 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

avec une vive reconnaissance toutes les indications qu'on ' vou-

drait bien nous donner à ce sujet et qui nous permettraient

d'arriver au meilleur procédé pratique. Notre but c'est de géné-

raliser une excellente mesure. Faire accepter des pouvoirs

publics le principe de la sauvegarde du mobilier des aliénés

pauvres et incurables, en obtenir si possible des moyens d'exé-

cution, tel est notre désir aujourd'hui, désir pour lequel nous

vous demandons vos bienveillants conseils et l'appui de votre

haute autorité. Toute humble que soit notre oeuvre, ne nous

opposez pas l'axiome : de minimis non curât jo ? 'oe<or; en écono-

mie sociale, pas plus qu'en mathématiques, les minima ne

sont jamais des quantités négligeables '. ,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

L. OS'rL0-POROSE DE la voûte crânienne ; par Gorges SHERRY.

Observation d'un vieillard avec arthrites déformantes des membres

inférieurs et ostéophytes du genou, dont la boite crânienne atteignit

une épaisseur telle que la circonférence crânienne augmenta de

trois quarts de pouce, sans lésions cérébrales ni mentales appré-

ciables. (British Oled. Journ., 2 juin 1894.) A. Marie.

LI. VERTIGE auriculaire ; par MM. STEPIIEN-MACKENSIE, WILLIAM-

DALBY et Olivier Withers. (British. Med. Journ., mai S et 12, et

2 juin 1894.)

' La cause la plus fréquente relevée est l'irritation des rameaux

nerveux terminaux du vestibule par lesquels l'excitation réflexe est

transmiseaux centres cérébelleux coordinateurs de l'équilibre, et aux

centres perceptifs de la circonvolution temporo-sphénoïdale d'où

les vertiges et tintorius. Le traitement préconisé pour l'attaque

consista en bromure de lithium, colchique et salicylate de soude

' A la suite de cette communication, le Congrès a émis le voeu que des

mesures soient prises dans tous les asiles pour sauvegarder le mobiliei

et les instruments de travail des aliénés pauvres et curables et pour les

restituer à ces malades après guérison.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 393

avec purgatifs (calomel). Dans l'intervalle des attaques paroxys-

tiques la quinine et la pilocarpine. A. Marie.

LII. CONTRIBUTION A la CLINIQUE DE la syringomyélie ;

par H. Scelesinger. (Neurolog. Centralbl., 1893.)

L'auteur étudie plus particulièrement les paralysies des muscles

des yeux, les lésions laryngées, les altérations du sens de la pression.

Les paralysies des muscles des yeux revêtent, dit-il, une allure

semblable à celles qu'elles ont dans le tabes, sans compter qu'elles

se compliquent parfois aussi passagèrement de paralysies d'autres

nerfs crâniens (Schultze).

Le larynx est assez souvent atteint, mais ses altérations passent

inaperçues parce que généralement elles ne donnent lieu à aucun

symptôme. A l'aide de 17 observations, M. Schlesinger décrit le

chatouillement et la paresthésie laryngés, la diminution des

réflexes, de la sensation de contact, de la sensibilité douloureuse

de cet organe qui ne perçoit plus le froid et le chaud, les troubles

de la phonation, et, plus rarement, de la respiration; la paralysie

plus ou moins complète de l'aryténoïdien postérieur; la para-

lysie unilatérale complète du récurrent. Ce sont là des accidents

lents et insidieux dus à l'ascension du processus gliomateux dans

la région du récurrent.

Le sens de la pression est surtout dissocié; il y a disparition de

la sensation de la pression exercée sur la peau seule, alors que le

sens du tact est parfaitement conservé et que la pression profonde

exercée comme d'ordinaire subsiste. P. K.

LUI. DE la SENSIBILITÉ colorée; par le Dr LE DANTEC.

(Journ. de méd. de Bordeaux, no 28.)

M. Le Dantec expose ses recherches sur un phénomène qu'il a

découvert chez les hystériques anesthésiques : la sensibilité colorée.

La couleur du spectre varie non seulement suivant le genre d'exci-

tation, mais encore suivant les individus. Ainsi, le pincement de la

peau, rouge pour beaucoup de sujets, est vert pour d'autres.

Le spectre sera d'autant plus coloré que l'excitation sera plus

forte. Il est, en général, plus intense dans l'aeil correspondant au

côté excité; de sorte qu'une malade anesthésique peut dire, les yeux

fermés,- de quel côté porte l'excitation. Le signe de la sensibilité

ou signe du spectre est caractéristique d'une anesthésie essentielle,

sine maiei-ia, comme cela a lieu dans l'hystérie anesthésique.

La constatation de ce signe permettra de poser un diagnostic précis

entre une lésion organique et une lésion essentielle. Certains phé-

nomènes pathologiques, comme les auras sensorielles de l'épilepsie

partielle (visions colorées, phosphènes), comme la vision colorée

scintillante de la migraine ophtalmique, rentrent probablement

394 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans la catégorie des phénomènes de la sensibilité colorée. Le phé-

nomène du spectre peut s'expliquer par la transmission de l'exci-

tation périphérique au centre de la sensibilité générale d'abord,

puis par irradiation au centre de la vision qui doit être dans le

voisinage. Il sera curieux d'étudier ce phénomène .dans la surdité

hystérique, car. l'audition colorée n'est qu'un chapitre de la sensi-

bilité colorée. E. R.

LIT. NOTE sur UN nouveau procédé DE RËSECTIONTEMPORAtRE DU crâne.

CRANIECTOMIE BfLINËAIREAVEC TRAVÉE .1UTOPLAaTIQUE INfBIlul : DIAIRE

par le Dr A. CBIP.1ULT.

Les procédés autoplasliques, c'est-à-dire à l'aide de pièces ayant

conservé une connexion vasculaire avec les environs de la perle de

substance, sont les seuls auxquels on puisse avoir recours avec

sécurité pour la réparation des pertes de substance crânienne. ·

Le procédé indiqué par l'auteur a l'avantage, après le rabatte-

ment du lambeau ostéo-périostéo-cutané, de conserver, à droite et

à gauche de ce lambeau, deux orifices crâniens longitudinaux

permettant la décompression persistante du cerveau sans qu'on

ait à craindre les hernies ou les autres accidents des larges ouver-

tures crâniennes. (Revue neurologique, 1893.) E. B.

LV. Coïncidence DU tabès ET DE la maladie de BASEDOW. Autopsie;

par les Drs P. Marie et Marinesco.

Il n'est pas extrêmement rare de voir coïncider chez un même

individu la maladie de Basedow et le tabes.

L'intérêt du cas présenté par MM. P. Marie et hiarinesco réside

dans les particularités présentées par l'autopsie. Le système du

grand sympathique, les nerfs périphériques, les deux pneumogas-

triques du cou sont normaux. Les lésions de la moelle épinière,

très nettement prononcées, appartiennent incontestablement au

tabès incipiens.

Quant aux lésions bulbaires, sur lesquelles les auteurs appellent

l'attention, elles consistent dans l'atrophie du faisceau solitaire et

dans l'atrophie très prononcée de la racine ascendante du Lriju-

meau. Quelle est la signification pathologique de ces lésions ana-

tomiques ? appartiennent-elles purement et simplement au tabès

ou ont-elles quelques relations avec la maladie de Basedow.

Bien qu'on puisse conclure 'des divers cas observés que l'altéra-

tion des faisceaux solitaires n'est pas la raison suffisante des phé-

nomènes morbides, cependant on n'a pas le droit de refuser à

celle-ci tout rôle dans le mécanisme de certains phénomènes delà

maladie de Basedow, étant données les connexions anatomiques

de ces faisceaux avec le pneumogastrique ou bien avec le sympa-

thique : la théorie de l'origine bulbaire de la maladie de Basedow

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 395

est celle qui paraît actuellement s'appuyer sur les raisons les plus

vraisemblables et dans l'examen du bulbe, lors des autopsies de

cette affection, on devra apporter un soin tout particulier à cons-

tater l'état du faisceau solitaire, du corps restiforme et des noyaux

du pneumogastrique. (Revue neurologique, 1893.) E. BLIN.

LVI. Archives cliniques. (l3ritislv médical journal, janvier, no 1726.)

Nous relevons parmi les observations, un cas de crétinisme spo-

radique de vingt-quatre ans semblable à celui du Dr Bramwell pré-

cité (Dr Coutto); un cas de maladie de Raynaud chez un enfant

de dix-neuf mois (Dr Deck) et un cas de crampe professionnelle

chez un tailleur de pierres (D'' Hamburry).. A. Marie.

LVII. Paralysie DU grand DENTELÉ avec atrophie DES muscles DE

l'épaule. Deux cas DE déformation crânienne CHEZ l'enfant;

par les Drs Mooriiouse et WHEATON. (British médical journal,

janvier 1894, ji» 1725.)

Dans les nos 1725 et 1720 suivant, observatioli de paralysie du

grand dentelé avec atrophie des muscles de l'épaule. Guérison par

massage, injections de strychnine et électrisation par courants

interrompus (D' Moorhouse).

Deux cas de déformation crânienne chez l'enfant (D' Wheatoi»,

aplatissement dans le diamètre antéro-postérieur ; syndactilie

hérédo-syphilis probable. A. Marie.

LVIII. Raideur et incurvation DE la COLONNE vertébrale considérées

comme modalité morbide spéciale; parw. DE BECHEREW. (Neurolo-

gisches Cetztralbl., 1894.)

A l'aide de cinq observations, l'auteur essaie de constituer le

complexus clinique caractérisé par les phénomènes suivants :

4° Immobilité plus ou moins grande, ou mobilité insuffisante de

tout ou partie de la colonne vertébrale, non douloureuse à la per-

cussion ni à la flexion ; 20 convexité postérieure des arcs vertébraux,

surtout dans la région thoracique supérieure, la tête du malade

étant dirigée en avant et affaissée ; 3° parésie des muscles du corps,

du cou, des extrémités, avec légère atrophie des muscles du dos et

du scapulum; 4° diminution de la sensibilité, surtout dans la

région où se divisent les rameaux cutanés des nerfs dorsaux et

cervicaux inférieurs, et parfois aussi des nerfs lombaires; 5°pares-

thésie des mômes branches, avec hyperesthésie douloureuse locale

des régions dorsales et cervicales, des extrémilés, et le long de la

colonne vertébrale, surtout quand le malade demeure longtemps

assis. Quelquefois, par moments, phénomènes d'excitation des

nerfs moteurs, tels que : crampes dans les pieds et les mains', pré-

396 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cédés de sensations de chatouillement dans le coude et le genou

ou contractures des extrémités supérieures et inférieures. ,

Etiologie. Tare héréditaire et lésions traumatiques du dos.

Pathogénie. La maladie débute par de la lourdeur céphalique,

de l'impossibilité de tenir le corps droit; dès lors, la colonne se

courbe en avant. De très bonne heure apparaissent des phéno-

mènes d'excitation des nerfs cervicaux et dorsaux qui, progressive-

ment, entraînent'de la parésie avec atrophie légère des muscles

correspondants. Simultanément se produisent la raideur et l'immobi-

lité de la colonne. Par conséquent, le même processus pathologique

affecte, en même temps, les parties de la colonne qui concourent à

sa mobilitéet les racines dorso-cervicales. Par suite, il est probable

qu'il y a inflammation chronique diffuse du tissu conjonctif épidure-

mérien ou spondylite déformante qui, faisant adhérer les vertèbres,

comprime les racines. Ainsi se produisent l'immobilité et la raideur

vertébrales, l'irritation des racines, la parésie des muscles dorso-

cervicaux, leur atrophie et, parfois également, la parésie des extré-

mités supérieures. Avec le temps, par compression, se produisent

des lésions de la moelle (Obs. III).

Evolution lente, mais progressive. La terminaison ultérieure

probable sera la parésie, la paralysie, et même parfois la contrac-

ture (Obs. III et V).

Thérapeutique. Thermocautère Paquelin contre les sensations

douloureuses subjectives et peut-être la suspension. P. KERAVAL.

LIX. PERTE DE la sensation DE fatigue CHEZ UN TABÉTIQUE; par

, FRENKEL. (Neurolog. Cent·al6l., 1893.)

Il s'agit d'un homme de trente-huit ans qui peut tenir les bras

horizontalement tendus pendant vingt-cinq minutes sans inconvé-

nient, les yeux ouverts ; quand les yeux sont fermés, le bras gauche

seul s'abaisse lentement. Il n'accuse pendant cette opération qu'une

légère sensibilité dans le bras droit; cette sensation disparait bien-

tôt, puis revient, mais sans le gêner. Pas de fatigue. Il pourrait

continuer plus longtemps, et est capable de recommencer l'exer-

cice plusieurs fois par jour.

Rien de semblable pour les extrémités inférieures; ici l'exagé-

ration et la persistance de la motilité produisent une très vive exci-

tation recto-vésicale; il ne peut, à cause de cela, marcher plus

d'une demi-heure.

Ce n'est pas au trouble de la sensibilité qu'il faut attribuer ce

tour de force, l'examen du malade le prouve, comme aussi l'étude

d'un autre tabétique, qui ne peut pas plus exécuter cette ma-

noeuvre qu'un homme sain.

Il doit y avoir diminution de cette sensibilité douloureuse du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 397

muscle qui se montre normalement à la suite de la fatigue, pour

une raison anatomique à chercher. P. K.

LX. Neurasthénie ET SYPHILIS; par Kowalewsky. (Centralbl. f. Ner-

venheil4 ? NF. IV, 1893.)

Deux premiers grands groupes de neurasthénie syphilitique s'im-

posent : 1° Neurasthénie due à la syphilis des parents, neurastlsé-

nie syphilitique héréditaire; 2° Neurasthénie due à la syphilis

acquise, neurasthénie syphilitique acquise ; La neurasthénie sy-

philitique se décompose à son tour en deux espèces : 10 Celle qui

est due à l'influence débilitante du traitement mercuriel; 2°Celle

qui est due à la dépression morale du sypilitique craintif, à la

syphilidophobie.

Enfin une cinquième classe se compose des neurasthénies con-

génitales ou acquises ordinaires qui se compliquent de syphilis,

sans que celle-ci ait rien à voir avec la neurasthénie.

Six observations à l'appui.

La neurasthénie syphilitique héréditaire demande l'ingestion

permanente des altérants et des toniques. La neurasthénie syphi-

litique acquise exige les antisyphilitiques sans perdre de vue les

toniques. La neurasthénie syphilitique mercurielle nécessite la sup-

pression des antisyphilitiques que l'on remplace par des toniques.

La neurasthénie syphilitique des syphiliophobes nécessite un trahi-

tement psychique, et tonique de concert avec le traitement anti-

syphilitique. Le cinquième groupe est justiciable de l'association

intelligente des deux traitements tonique et syphilitique. P. K.

LXI. Du scotome SINTILLANT; par MANZ. (Neurolog. Centralbl., 1893.)

Il s'agit de la teichopsie ou scotome absolu ou relatif qui com-

mence près du point de fixation et s'étend de là dans telle ou telle

direction sous forme d'un voile plus ou moins épais, limité en

dehors par un zigzag en flammes d'or, et disparaît, après avoir

atteint les limites du champ visuel en dehors, en haut, en bas,

laissant après lui un nuage qui disparait à son tour.

Cette maladie dont est atteint l'auteur, il a pu en interrompre à

son gré les accès en comprimant l'oeil atteint; modifiant par cette

manoeuvre la forme de l'arc, et des flammes scintillantes du sco-

tome, les segmentant, les réduisant en macules lumineuses informes

qui se rapetissent et finalement s'en vont. Ce qui prouverait qu'ici

le scotome était périphérique, théorie qui n'a rien d'excessif puis-

qu'il s'agissait surtout du scotome scintillant ayant l'éblouissement

pour cause occasionnelle. P. K.

LXII. Contracture réflexe DE la langue, DES LÈVRES et- DU pharynx

OCCASIONNÉE PAR LA PERMANENCE D'UN CORPS ÉTRANGER DANS LE

398 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nerf occipital D'ARNOLD; par G. GALLERANI ET G. PACI\OTTI. Netl-

rol. Centralbl., 1893.) . '

Fragment de porcelaine enkysté au point d'émergence du nerf

occipital dans la région où il s'anastomose avec les autres filets

cervicaux (tissu fibreux ayant altéré les fibres nerveuses) ; contrac-

ture des muscles de la nuque à gauche (tête étendue et tournée à

gauche); alalie, anarthrie, contracture des lèvres, trismus, troubles

de la déglutition et de la mastication; impossibilité de chanter à

voix haute. Bien que l'accident date de douze ans, il n'y a ni atro-

phie de la langue, ni des lèvres, ni de la face, ni altération des

muscles du voile du palais, du pharynx ou du larynx. L'ablation au

bistouri de la cicatrice et du corps du délit supprime les accidents;

guérison graduelle complète. ' P. K.

LXIII. UN cas d'hémiplégie DIPHTÉRITIQUE; par J. DONATH. (Neurol.

Cc ? : <)'6 ? 1893.)

Observation de paralysie diphtéritique chez un jeune garçon de

huit ans, causée par une hémorrhagie cérébrale; hémiplégie

droite avec contracture persistant encore après cinq mois d'exis-

tence. P. K.

LXIV. Contribution A la localisation DES réflexes cutanés SPI-

NAUX DES extrémités inférieures; par E. IlE31Ali. (Neurol. Ce ? : -

tralbl., 1893.) ,

A propos d'un enfant de quatre ans atteint de myélite dorsale

transverse au niveau de la septième dorsale (paralysie complète

des muscles abdominaux), l'auteur essaie de formuler une loi rela-

tive à la localisation périphérique des zones réflexes.

Il dit en substance qu'une zone limitée en haut par le pli inguinal, en

dedans par le droit interne, en bas par le milieu de la cuisse, soumise

à l'excitation que détermine la rayure d'une tête d'épingle ou d'un verre

froid, provoque la flexion plantaire des trois premiers orteils; puis le

pied s'étend par contraction du jambier postérieur et du tendon

d'Achille; si alors on effleure le bord médian du droit interne, on voit

la jambe s'étendre par contraction du triceps crural.

Ce réflexe fémoral n'a lieu que sous l'influence d'excitants

faibles et les extrémités inférieures étant au repos. Il ne se produit

pas quand on a préalablement excité la plante du pied ou le côté

interne de la jambe, c'est-à-dire quand on provoque le réflexe

plantaire maximum par intervention du psoas. Mais, inversement,

quand après avoir effleuré la zone fémorale en question, on excite,

subsidiairement la plante du pied ou le côté interne de la jambe

on obtient d'abord le mouvement d'extension puis le mouvement

de flexion coordonnés de la jambe. '

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 399

La régularité avec laquelle les zones excitées provoquent les divers

mouvements réflexes prouve qu'il y a des carrefours réflexes qui

servent de moteurs, et que par leur intermédiaire, l'excitation de

certains départements cutanés produit toujours les mêmes ré-

flexes locaux. Ces phénomènes ne sont pas dus simplement dans

l'espèce, à l'hyperexcitabilité réflexe pathologique de la moelle

lombaire. P. K. '

LXV. Des formes de diplégie cérébrale héréditaire; par S. FREUD.

(Neurolog. Centralbl., 48ru3).

L'auteur essaye de mettre de l'ordre dans le chaos des névropa-

thies du système moteur de l'enfance. La diplégie cérébrale est

constituée, suivant lui, par : 1° l'atrophie des nerfs optiques avec

nystagmus horizontal et strabisme convergent à la fixation ; 2° la

bradylalie, une monotonie de la voix; 3° les troubles spasmodiques

des mouvements des extrémités.

' Il y en a quatre formes cliniques : 1° raideur généralisée (para-

lysie spinale spasmodique congénitale) ; 2° raideur paraplégique

(paralysie spasmodique spinale de l'enfance); 3° hémiplégie bila-

térale ; 4° chorée congénitale et héiniatliétose. Ce sont là des affec-

tions cérébrales; on y peut joindre les complexus moteurs sans

débilité mentale et la paralysie avec idiotie.

Deux observations personnelles et six observations empruntées à

la bibliographie (Pelizoens; Sachs; Schultze; de Krairt-Ebing;

lliassalongo; Unverriclit). P. K.

LXVI. Hémichorée sénile ; par E. Remak. (Neurol. Centralbl., 1893.)

i , 1

. Femme de soixante ans. Hémichorée qui se distingue des clio-

rées ordinaires de l'enfance, du jeune âge et des femmes grosses .

par ceci, que les mouvements clioréiques ne sont ni occasionnés ni

accrus par les mouvements intentionnels; bien loin de là, ils

cessent à l'occasion de ces derniers. Ce n'est pas une chorée pro-

gressive, car il n'y a ni démence, ni altérations psychiques, car la

tête et le visage n'y participent pas; il y a monotonie rythmique.

Ce n'est pas une chorée hystérique, la malade étant à la ménopause

et n'ayant eu antérieurement ni n'ayant actuellement de symp-

tômes hystériques. Ce n'est pas non plus une chorée progressive;

de plus il y a sensibilité à la pression du sciatique st du plexus sus-

claviculaire qui est le restant de douleurs nerveuses antérieures.

Action favorable de la galvanisation. P. K.

1,XVII. Les troubles unilatéraux DE la vision centrale ET leurs

rapports avec l'hystérie ; par M. UNIES. (Neurolog. Cen-

tralbl., 1893.)

Cette monographie établit que les troubles de la vision d'origine

400 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

hystérique sont, pour la plupart, unilatéraux et que, ce qui les dis-

tingue des autres troubles visuels centraux, c'est qu'ils ne sont pas

hémianopsiques. Ils ont pour caractères :

1° La diminution de l'acuité à tous les degrés; rareté de la cécité

complète; .

2° Peu de modifications de la réaction pupillaire, qui peut sub-

sister malgré la cécité complète;

3° Le rétrécissement concentrique du champ visuel, à tous les

degrés, qui ne correspond pas toujours au degré du trouble de,

la vue ; -

4° La dyschromatopsie typique, qui rappelle le mode de percep-

tion des couleurs de l'oeil normal par la périphérie de la rétine et

par la fovea centralis lorsqu'on diminue l'éclairage. Comparable à

celle de l'amblyopie toxique, elle résulte d'un défaut de conducti-

bilité. Au périmètre, il y a diminution du champ visuel pour le

rouge et le vert; moindre pour le jaune et le bleu. Elle n'est pas

toujours en rapport avec le degré du rétrécissement concentrique

et de la diminution de l'acuité centrale.

. L'origine en est cérébrale. Ils apparaissent de concert avec d'autres

symptômes hystériques, notamment avec des troubles de la sensi-

bilité de la cornée, de la conjonctive, de la peau de la face, évi-

demment centraux. On peut les suggérer; aussi rapides dans leur

apparition que dans leur disparition, ils disparaissent par l'appli-

cation des lames métalliques, suivent les phases de l'attention,

s'évanouissent par la contemplation d'un verre plan, ne gênent

pas l'orientation du sujet. Le fond de l'oeil reste normal,

. Evidemment ils émanent d'un trouble de l'innervation des vais-

seaux du cerveau. Tout indique d'ailleurs que l'hystérie est elle-

même due à cette pathogénie (innervation des vaso-moteurs céré-

braux et peut-être spinaux) et que la prédisposition immanente

pourrait bien provenir d'une pauvreté congénitale en fibres ner-

veuses à myéline (arrêt de développement histologique). On conce-

vrait parfaitement que les lacunes de l'innervation vasculaire,

ainsi produites, engendrent des troubles dans la conductibilité des

nerfs qui passent par les conduits osseux de la base. Ainsi s'expli-

queraient encore les conditions du sommeil naturel et artificiel de

l'hypnose, de la suggestion. (Voyez Beziehungen des Sehorganes u.

seincr Erkrankungen zu den ùbrigen Krankheiten des Koerpers u. sei-

ner Organe, Wesbaden, 1893.) P. KMAVAL

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XVIII. Recherches sur LE crétinisme; par WAGNER. .Illlt1'IJtICIt. f.

' Psychiat., XII, 1 et 2.)

En treize tableaux, l'auteur essaye d'établir le nombre des cré-

tins, des sourds-muets et des aliénés en Cisleithanie, en Styrie, à

Salzbourg, en Carinthie, de 1873 à 1890 ; il montre les lacunes

des indications officielles qu'il a pu colliger, et conclut ainsi, pour

arriver à dresser une statistique exacte : 0

1° Conformément à l'arrêté du statthalter, du 9 septembre 1874,

il faut, dans les communes, tenir un registre des crétins, aliénés et

sourds-muets, dont on puisse dresser et suivre l'état civil et médi-

cal, de façon à assurer un diagnostic précis; 2° ces registres seront

contrôlés et soumis à l'examen annuel des médecins de district

chargés de la statistique; 3° ces registres contiendront, outre les

renseignements nécessaires aux statisticiens, la date de la naissance,

le nom, l'habitation précise, la date et le motif du départ. En cas

d'émigration, la fiche de l'individu le suivra dans le nouveau lieu de

séjour ; 4° à cette statistique concourra l'instituteur, qui fournira des

notes précises au point de vue intellectuel et moral. Et c'est ainsi

qu'en vingt ou trente ans et non en un an ou deux on obtiendra

un étiquetage soigné et justifié ; 5° pour les sourds-muets, on indi-

quera s'il y a surdi-mutité avec ou sans débilité intellectuelle, afin

de ne pas, au hasard, englober dans les sourds-muets crétins et idiots;

6° pour l'exactitude des diagnostics, surtout en ce qui a trait aux

crétins, l'intervention des spécialistes est indispensable. Inspections

ad hoc des médecins de districts stylés à cet égard; 7° pour tous

les troubles intellectuels acquis, les magistrats devront envoyer

aux communes les'copies des actes d'interdiction ou de tutelle, afin

qu'on les fasse figurer sur les livres en question.

De cette façon, on aura une statistique complète et utilisable des

vices intellectuels, indispensable au double point de vue scienti-

fique et médico-légal. On suivra de la sorte la marche des maladies

et les migrations des malades : on saura où les trouver quand on

voudra surveiller l'assistance privée. P. KERAVAL.

P. Keraval.

Archives, t. XXVIII. 20

402 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIX. Contribution A IA 'MÉTHODOLOGIE d'une anthropologie crimi-

NELLE scientifique; par Noecke. (Centralbl. f. Il'crvenlaeillc. . F.

IV, 1893.) 1

Il n'y a pas de criminel inné, pas de type criminel. Le criminel

est un type de dégénéré. L'anthropologie criminelle est donc celle

de la dégénérescence. C'est celle-ci qui transforme des individus

qui, sans cela, seraient normaux, en aliénés, idiots, épileptiques et

criminels. Le crime en soi, c'est un accident social. Le criminel

est, de par sa prédisposition individuelle universellement reconnue,

surtout le produit des conditions extérieures du milieu, ce milieu

entrant lui-même en ligne de compte pour expliquer le facteur

individuel. P. K.

XX. Observation d'obnubilation POST-ÉPILEPT1QUECHEZ un enfant;

par NAGV. (Centralbl. f. Nervenlceillc., N. F. IV, 1893.)

Enfant de quatre ans, héréditaire (père macrocéphale, oncle épi-

leptique). Il y a dix-huit mois, convulsions épileptiformes. Depuis

cette époque crâne volumineux, sommeil lourd, absences. Peu

accessible aux sollicitations du monde extérieur, ayant perdu par-

tie de sa spontanéité, il n'a guère d'affectivité, etc. Echolalie. Il

n'assimile plus (sorte de surdité corticale), ne fixe guère, éprouve

de la difficulté à se servir des objets, ne sait plus raconter ce qu'il

savait en regardant ses images (assonance incohérente), n'a plus

peur du danger, est indifférent aux émotions. Actes peu pondérés

(disparition des sensations réflexes communes) semble vivre en

rêve quoique éveillé. P. K.

XXI. Troubles mentaux dans la syphilis; par P. IOIVALI,NSIil'.

(Allg. Zeitsch. f. Psycitiat., L. 1 et 2.)

Il y a des psychoses syphilitiques chroniques qui durent très long-

temps et présentent une grande tendance à la démence à la fois

primitive (de par l'affaiblissement cérébral préalable) et secon-

daire (de par la psychose même). Ce sont : l'hypochondrie, la

mélancolie, la manie, la démence primitive et consécutive, la

paralysie générale, la folie systématique (plus rare), la démence

aiguë (amentia), l'idiotie (par syphilis héréditaire). Observations.

Etiologie syphilitique de la paralysie générale. - A. Ou bien la

syphilis n'y est qu'une complication accidentelle. B. Ou la syphilis

participe activement à la genèse de la paralysie générale.

Pseudo-paralysie générale syphilitique. Elle se diagnostique

d'après les traces de la syphilis antérieure, par les aveux du ma-

lade, par la découverte de l'évolution antérieure de la syphilis.

C'est une paralysie générale atypique. ,

REVUE DE pathologie mentale. 403

Enfin l'auteur établit l'existence de la syphilis héréditaire du

système nerveux et de la syphilis nerveusejnalimie précoce.

P. K.

XXII. De la réaction des pupilles ET DE quelques autres PIICENO-

mènes qui surviennent dans la paralysie générale, dans leurs

rapports avec L question DE la syphilis; par (CEKE. (Allg.

Zeitsch. ? Psychiat., L. 1 et 2.) .

Sur 100 paralytiques généraux, 47 n'avaient pas eu la syphilis

antérieurement, 43 seulement ont été examinés. Sur ces 43, 9

avaient des pupilles égales, 34 présentaient de l'anisocorie (12

avaient la pupille droite plus grande, 22 la pupille gauche).

Sur 93 paralytiques il y avait :

404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

mobilité pupillaire bilatérale, sont, comparées aux troubles unila-

téraux, plus fréquentes chez les syphilitiques. Chez ces malades

aussi prédominent les troubles des muscles des yeux ; quant aux

formes morbides, ces derniers sont plus souvent mélancoliques et

déments. Chez eux aussi, durée plus longue de la maladie, rareté

plus grande des attaques congestives, explosion plus précoce de la

maladie. Leur maladie est due non seulement à l'infection syphili-

tique, mais aussi à l'hérédité, aux fatigues, aux excès sexuels, tan-

dis que chez les paralytiques généraux non syphilitiques, le rôle

principal est dû au surmenage psychique et aux émotions morales.

P.K.

XXIII. Communication statistique ET casuistique relative A la

CONNAISSANCE DE LA PARALYSIE PROGRESSIVE ; par E. KuNDT. (rlllg.

Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)

De 1869 à 1890 inclus, il a été admis pour la première fois :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 405

Forme de la maladie :

406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

gauche (48 p. 100) surtout au moment des émotions, le tremble-

ment des mains et de la langue.

Observation de 125 hystériques se décomposant en :

45 femmes hystériques.

76 hystéro-épileptiques.

- 4 hommes hystéro-épileptiques.

125

Moyenne de l'âge, quinze à vingt-cinq ans. Prédominance des

jeunes filles. Hérédité chez 96 femmes et 2 hommes. Suicide chez

33 femmes et 1 homme (= 34 cas, soit 27 p. 100). Criminalité

(délits) de 19 femmes.

Forme mentale. Psychopathie, surtout aiguë et passagère, soit

par les accès de Charcot, soit par un délire transitoire, mélanco-

lique ou maniaque, stupide, systématique ou pseudo-systématique,

dans lequel les hallucinations jouent un rôle prédominant avec les

obsessions. Il n'est pas rare d'y observer une demi-conscience ou

l'intégrité relative de la connaissance, à raison de la suggestivité

des malades, de la possibilité de détourner leur attention.

Parfois encore on a affaire à des symptômes de paralysie géné-

rale progressive dont le pronostic est favorable, ce qui n'empêche

que l'hystérie ne puisse être indépendante et que la périencéphalite

chronique progressive ne se développe chez des hystériques.

P. K.

XXVI. CONTRIBUTION A la question de la 'paranoïa; par SCHULE.

(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)

Le type de ce délire syslématique dont les synonymes sont en

réalité Wahnsinn et Ven'McAMt, c'est le délire systématique de

persécutions et de grandeurs caractérisé par un délire fixe, dépres-

sif ou expansif, coordonné, successif ou concomitant quant au texte

du délire, et produisant des modifications de l'humeur en relation

avec ce texte et des actes en rapport avec lui, tantôt avec, tantôt

sans hallucinations sensorielles ou du moins ces hallucinations

peuvent n'être qu'esquissées. Chronique s'il en fut, primitif et ori-

ginel. Il ne est une autre forme également chronique mais acquis,

dans lequel les hallucinatiens nombreuses, importantes, sont pour

ainsi dire individualisées; marche lente et régressive. Enfin la

troisième forme, semblable aux deux précédentes, est secondaire;

surtout'mélancolique, elle représente la phase ultime de la pre-

mière etsse distingue de celle-ci par le substratum de la faiblesse

intellectuelle et l'importance extrême des hallucinations.

Dans ces trois groupes, en dehors des épisodes aigus intercalaires,

la conscience n'est pas troublée, le jugement et la faculté de conclure

sont exacts mais se déterminent d'après le délire dont ils dépen-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. li 07

dent. La démence ne se produit que lorsque de nouvelles lésions

cérébrales interviennent (sénilité, athérome).

Le délire syslématique aigu a les caractères cliniques du délire

chronique, mais c'est une paranoïa abrégée durant quelques mois,

quelques semaines ou quelques années, à poussées souvent succes-

sives, qui prend naissance dans un cerveau préalablement atteint, et

finit par aboutir à un accès incurable. Il en impose souvent pour

une mélancolie ou une manie.

L'auteur examine alors l'épisode maniaque qui pour lui fait par-

tie de la paranoïa aiguë et les hallucinations,

Le délire systématique hallucinatoire aigu est une folie aiguë à

hallucinations dont la teneur et le groupement par rapport au

moi persécuté ou grandi (expansif) impliquent la nature réelle du

délire, c'est-à-dire de la perversion intellectuelle. Dans ce groupe

il faut ranger la folie puerpérale, phtisique, infectieuse à idées de

persécution ou de grandeurs. C'est un mélange polymorphe d'épi-

sodes à évolution variable englobant plusieurs éléments morbides.

Il y en a même une variété avec lucidité, notamment au moment

de la menstruation, et une variété périodique abortive.

Il n'y faut pas faire rentrer la confusion mentale parce qu'ici

l'incohérence domine la scène. Ce qui n'empêche cependant que

la paranoïa, surtout à sa phase d'invasion brusque, ne puisse en

imposer par l'exagération de l'activité mentale et des hallucinations

pour une confusion mentale véritable. L'évolution juge le cas. La

paranoïa hallucinatoire aiguë entre en convalescence par la dé-

croissance des hallucinations et des illusions; la confusion mentale,

au contraire, surtout dans sa forme maniaque, se juge parmi affai-

blissement des facultés intellectuelles.

Le mémoire se termine par une analyse délicate et peu démons-

trative de la mélancolie et de la manie, dans leurs rapports avec la

paranoïa de la paranoïa mélancolique de la paranoïa ma-

niaque - des épisodes mélancoliques et maniaques de la paranoïa

qui du reste s'enchevêtrent fréquemment comme le dit M. Schucle.

P. KERAVAL.

XXVII. Essai d'une nouvelle psychologie fondée sur les sciences

naturelles; par E. BLEULER. (Allg. Zcitsch. f. Psych., L. i et 2.)

Un ensemble de fonctions physiques peut produire ou expliquer

tous les phénomènes psychiques, y compris la conscience.

Toutes les activités organiques tendent nonseulementa la percep-

tion, mais à la combinaison des détails dont elles forment un décor.

Sans cet assemblage simultané, il n'y aurait que des éléments dis-

parales, confus, emmagasinés sans ordre, non aperçus, non per-

sonnifiés ni personnalisés : Je ne me conçois pas seul, sans mes

habitudes, sans les raisons et les conséquences de ces habitudes, sans

408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

mes sensations et le décor qu'elles entraînent, décor synchrone à

leurs impressions. Je ne me conçois fonctionnaire que par mon bu-

reau et ses objets, mes relations avec le personnel inférieur, avec

mes malades, avec l'autorité supérieure. Voilà l'ensemble fonction-

nel synchrone qui aboutit à la construction intra-cérébrale de cette

perception résultante aperçue.

Nous avons conscience d'un moi, mais non d'un moi échappant

à un décor intra-cérébral. Ce que nous observons en nous, ce sont

des processus intimes qui oscillent, des courants nerveux qui vont

et viennent pour provoquer ce complexus : moi. Il y a perception

personnelle de l'activité propre, intime, comme il y a perception

de toute autre chose. II n'y a aucune différence entre la perception

interne et la perception externe, entre l'observation du monde

et de sa propre personne. Les objets ne sont perçus que par leur

décor; il y a, dans la perception de l'objet, mille perceptions

distinctes associées (couleur, espèce, forme, temps). L'impulsion

volontaire est perçue par le même motif, puisque la volonté

est la résultante' de l'innervation de plusieurs groupes muscu-

laires dont nous avons appris à apprécier l'origine, la modalité, le

but.

La mémoire est la propriété de la substance nerveuse d'être mo-

difiée par l'excitant de telle sorte que celui-ci y laisse des traces

dynamiques de son passage qui sont les images commémora-

tives. Le souvenir, c'est la conscience de la persistance des images

commémoratives. La mémoire consciente, c'est l'association de ces

images, qui reviennent et sont toujours actuelles, avec le com-

plexus du moi. D'où le souvenir de la volonté. La pensée cons-

ciente est volontaire.

L'attention est la concentration de la volonté sur un processus

déterminé et la revivification d'une foule de perceptions enregis-

trées malgré nous à tout instant.

La faculté de conclure résulte du rajeunissement des conceptions

dans l'ordre où elles ont été enchaînées par la perception au mo-

ment de leurs relations avec l'extérieur. Le jugement provient

aussi de la revivification de la sériation des associations d'idées et

des perceptions.

Sensation de ce qui est agréable et désagréable, affectivité ou

sensibilité morale, sont également la monnaie du décor des sen-

sations, c'est-à-dire qu'elles représentent l'influence exercée sur le

réflexe cérébro-psychique et sur la direction centrifuge par les

perceptions aperçues. Suivant le décor et la nature de ce réflexe le

mouvement consécutif à la sensation organique sera un mouve-

ment de préhension, de rapprochement de l'objet ou du concept

aperçus ou un mouvement de rejet des mêmes agents, car malgré

vous ces agents provoquent des effets sur le coeur, la respiration,

etc.. Ces mouvements sont en rapport immédiat avec l'impression

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409

centripète et la manière dont celle-ci trouble l'activité organique.

C'est toujours un complexus d'association.

Le moi est donc bien l'effet du décor qui résulte de la synergie

de toutes les fonctions du système nerveux et les propriétés du

moi c'est l'habitude de ce décor. S'il est inséparable de la bête

qui le sent en soi, il n'y a aucune raison d'en constituer une

âme métaphysique associée à l'âme physiologique. P. KERAVAL.

XXVIII. DES CONDITIONS DE la contagion mentale morbide ;

par le Dr Marandon DE MGNTYEL.

Deux conditions sont essentielles pour la contagion mentale mor-

bide : une prédisposition psychopathique et une impression vésani-

que. '

La prédisposition psychopathique peut ne pas être héréditaire ;

elle s'acquiert aussi et se rencontre presque toujours chez les débi-

lités à la suite d'excès, de fatigues ou de misère.

La deuxième condition, l'impression morbide est tout aussi

indispensable à la communication de la folie. M. Pronier a divisé

les impressions vésaniques en deux groupes que M. Marandon de

Montyel croit devoir conserver : d'une part se placent les manies

et les lypémanies, c'est-à-dire les folies qui frappent vivement

l'imagination, les folies impressionnantes qui forment un tableau

saisissant, et profondément émotif pour les assistants ; de l'autre,

se rangent les délires en apparence partiels, que rien ne trahit au

premier abord et qui laissent à l'aliéné toute sa tranquillité et

toutes ses facultés syllogistiques.

Pendant longtemps on a nié la possibilité de la contagion de la

manie et de la lypémanie. On croyait toujours avec Delasiauve et

Lunier que les faits de folie à deux n'appartenaient qu'au délire

partiel systématisé, et c'est à Narre que revient le mérite d'avoir

combattu cette erreur : la folie générale est d'autant plus conta-

gieuse qu'elle est plus impressionnante. Une autre conclusion tirée

des observations de M. Marandon de Moutyel, c'est que la trans-

mission se fait surtout avec les impressions tristes, celles qui

appellent les larmes et remuent jusqu'au fond des entrailles.

Dans les folies systématisées, il y a, on le sait, deux espèces de

conceptions délirantes très différentes ; les unes lypémaniaques, les

autres mégalomaniaques.

Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces deux variétés d'impres-

sions, elles ont ce caractère commun de n'être parfois que par-

tiellement communiquées, le contaminé opérant un choix parmi

elles, selon ses dispositions particulières ; et il peut alors arriver,

ainsi que l'a constaté M. Marandon de Montyel, que le sujet passif,

se basant sur les phénomènes auxquels il ne participe pas, voit un

aliéné dans son codélirant actif.

410 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Après avoir bien nettement établi la nécessité de ces deux con-

ditions; : prédisposition vésanique et impression morbide directe

pour la contagion de la folie, l'auteur recherche le temps de conta-

gion, c'est-à-dire la durée que devra avoir l'impression pour engen-

drer l'aliénation chez un sujet sain. D'une manière générale, la

contagion des folies générales est assez rapide et surtout beaucoup

plus rapide que celles des folies partielles ; alors que pour celles-là

quelques semaines, souvent quelques jours et même quelques

heures suffisent, il faut pour celles-ci plusieurs mois.

A côté de ces deux conditions essentielles pour la contagion de

la folie : la prédisposition .psychopathique et l'impression morbide

directe, il est toute une série d'autres conditions secondaires dont

l'auteur discute successivement la valeur. 1° L't ! f/e.' les enfants et

les vieillards représentent pour la majorité des auteurs les sujets les

plus contaminés, mais d'après les statistiques de M. Marandon de

Montyel, les enfants n'apportent qu'un contingent très faible, et

c'est surtout de vingt à trente ans que la contagion mentale fait

sentir son influence. Ce sont surtout les délires généraux qui

semblent les plus propres à se propager dans le jeune âge et les

délires partiels sont plutôt imposés que communiqués.

2° Le sexe : les femmes sont de beaucoup plus sensibles que les

hommes à la contagion mentale et il résulte des observations de

M. Marandon, que celle-ci s'opère surtout de femme à femme et

de femme à homme et très exceptionnellement de homme à femme

et de femme à homme.

3° La nécessité d'une longue vie commune aussi intime que possible

avec un aliéné n'est pas une condition aussi importante qu'on le

dit généralement pour la contagion de la folie surtout s'il s'agit de

délires généraux qui agissent en impressionnant vivement et se

transmettent par un choc émotif.

4° La vraisemblance du délire ne peut avoir d'influence que s'il

s'agit de folies systématiques, car elle est plutôt nuisible avec les

folies générales qui sont d'autant plus contagieuses qu'elles sont

plus impressionnantes et d'autant plus impressionnantes qu'elles

sont plus échevelées.

5° L'appât d'un intérêt personnel que certains auteurs regardent

comme indispensable à la propagation de la folie, peut bien faci-

liter grandement le phénomène, quand il existe, mais il ne faut

pas exagérer son importance et dire avec Lasè-ue et Faire que

l'on ne cède à la pression de la folie que si elle vous fait entrevoir

la réalisation d'un rêve caressé.

6° Le milieu familial auquel les auteurs n'ont pas' donné assez

d'importance d'après M. Marandon est une condition bien autrement

favorable, car de tous les contaminés connus les seuls qui n'étaient

pas des parents des malades, se trouvaient être à leur service, et

comme tels, faisaient partie de la maison.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411

7° La misère, et il faut prendre ce mot dans son sens le plus

large, est encore un élément dont faut savoir reconnaître l'impor-

tance au point de vue de la contagion de la folie.

8° A côté de la misère et agissant de la môme manière il faut

placer toutes les causes d'épuisement de l'organisme : maladies,

excès, vices débilitants, intoxications, et les états d'origine psy-

chique si fréquents chez la femme. (Annales i ? zédico-psychologiqzies,

1894.) E. B.

XXIX. NOTE sur une amnésie consécutive DES idées obsédantes ;

par le D1' FÉRÉ.

Il n'est pas rare de voir des individus atteints de tics coordonnés

être incapables, en dehors de leur accès, de reproduire les mouve-

ments qu'ils répètent des centaines de fois par jour ; le même fait

peut s'observer dans le cas d'exclamations spasmodiques, l'inté-

ressante observation citée par l'auteur montre qu'on peut observer,

à la suite des.idées obsédantes, un phénomène analogue. Il s'agit

d'un malade chez qui les idées obsédantes qui l'avaient le plus

tourmenté disparaissaient pour un temps de sa mémoire : il ne

s'en souvenait jamais que comme d'un rêve. (Revue neurologique,

déc. 4893.) E. B.

XXX. Impulsions homicides consécutives A la lecture d'un roman

passionnel chez un dégénéré ; par le D'' Daguillon.

Intéressante observation d'un dégénéré à antécédents héréditaires

assez chargés.

Enfance accidentée, pénible. A seize ans, à la suite d'un cha-

grin d'amour, accès de mélancolie avec idées de suicide.

Le malade a maintenant quarante-trois ans et est horloger. Il

entreprit, il y a quelque temps la lecture du livre de Zola la Bête

humaine; chaque épisode du roman lui remémore son état et lui

fait faire des comparaisons entre l'impulsif de Zola et lui et par

degrés s'implante en lui l'idée que lui aussi pourrait avoir une

impulsion analogue.

Si bien qu'un beau jour, à son réveil, l'impulsion homicide se

saisit brusquement dé lui et la vue de sa femme et de ses enfants,

concomitante de celle de ses outils pointus, exagérant encore

l'impression, il sent qu'il lui faut tuer sa femme et ses enfants pour

obéir à une force intérieure qui le lui ordonne et qu'il ne peut

maîtriser. Après avoir lutté deux jours pendant lesquels il s'était

fait surveiller par des amis, il craint que ses forces ne le trahissent,

qu'il ne succombe à son impulsion et se fait conduire à Sainte-

Anne. (Annales médico-psyc)cologiq2ces, juin 1894.)

41 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE .MENTALE.

XXXI. Névrose paresthésique chez une dégénérée héréditaire;

par le D'' RUBENS Hirschberg.

11 s'agit d'une dégénérée héréditaire chez laquelle existent dans

le dos des paresthésies extraordinaires. Il lui semble que des gre-

nouilles se promènent le long de son dos ; des langues d'animaux

dégoûtants les lèchent ; des roues se promènent le long de son

dos; des vers, des intestins pourris, descendent sur son dos ; son

dos se décompose, etc.

La malade se rend compte de son état : elle est persuadée de

l'ineptie de ses paresthésies, mais elle en souffre beaucoup. Aucun

traitement n'a amené de soulagement.

Cette observation, qui montre qu'un état délirant n'est pas une

condition sinequa non pour l'existence des hallucinations tactiles,

est rangée par l'auteur dans la névrose décrite récemment par

Collins, de New-York, sous le nom de névrose paresthésique.

(Revue neurologique, 1894.) ' E. BLIN.

XXXII. Note sur une paralysie nocturne provoquée par le . : chloralose ; par le Dr Féré.

Vingt centigrammes de chloralose donnés à une hystérique ont

déterminé d'abord le sommeil, puis, vers le milieu de la nuit un

réveil accompagné d'une sensation d'angoisse précordiale très

pénible et d'une incapacité absolue de remuer les membres et la

tête. Ces troubles ont duré jusqu'au matin et tout s'est peu à peu

dissipé. (Revue neurologique, 1894.) E. B.

XXXIII. HS'PERTIiICiI0Sl, faciale chez les femmes aliénées ; '

' par Harris Liston.

Les photographies de femmes barbues chez laquelle la produc-

tion pileuse anormale coïncida avec le passage à l'état chronique

de la psychose. (Bi-ilish JIccl. Joziriz., 2 juin 1894.) A. Marie.

XXXIV. SUR UN cas d'hallucinations motrices verbales chez UNE

paralytique générale ; par le Dr P. Sérieux. (112111. de la Soc. de

mccl. ment, debelgiqzie, juin 1894.) @

Observation d'une femme atteinte de paralysie générale qui,

au cours d'une période de rémission, présenta des hallucinations

motrices verbales. Ces hallucinations, qui durèrent pendant plus

d'une année, coïncidèrent toujours avec des spasmes des muscles

masticateurs et devinrent le point de départ d'un véritable délire

de persécution, mais sans systématisation. Plus tard survinrent des

hallucinations visuelles, auditives, gustatives, etc.

A l'autopsie on trouva des lésions de niéningo-ëncéphalite/dis ?

REVUE DE pathologie mentale. 413

persées symétriquement dans les deux hémisphères mais n'intéres-

sant que le pied de la troisième frontale (centre moteur verbal)

et l'extrémité inférieure de la frontale ascendante (centre mastic

cateur).

L'auteur signale en terminant la variété extrême des accès déli-

rants que l'on peut rencontrer dans la paralysie générale : les uns

greffés sur la démence paralytique (accès maniaques, mélanC07

liques, idées de grandeur et hypocondriaques), les autres provo-

qués par les hallucinations motrices verbales (délire de persécu-

tion), ou par l'ensemble confus d'hallucinations de tous les sens

(état de confusion ayant quelque analogie avec le délire hallucina-

toire aigu). G. DENY.

XXXV. LE czar Jean LE Terrible DE RUSSIE ET son état mental; par

le Dr P. Kowalewsky. (liull. de la Soc. deméd. ment, de Belgique,

mars etjuin 1894.)

De cette étude biographique l'auteur croit pouvoir conclure que

le czar Jean le Terrible, dont le règne ne fut marqué que par des

actes de férocité et d'immoralité, était un héréditaire atteint de

paranoïa avec prédominance d'idées de persécution.

G. DENY.

XXXVI. UN cas DE sensations auditives ET VISUELLES subjectives,

auto-observation ; par Fn. FucHs. (Nezzrol. ( : elzti·al6l., 1893.)

Hallucinations hypnagogiques ainsi décrites par l'auteur qui est

aussi le patient. L'oreille gauche entend tout à coup un son com-

parable à celui que fait le claquement du maxillaire inférieur

contre le maxillaire supérieur. Puis apparait un éclair lumineux

qui envahit tout le champ visuel; finalement amaurose ou obs-

curcissement de la vue.

Pour provoquer ce syndrome artificiellement, M. Fuchs n'a qu'à

déplacer vivement le maxillaire inférieur. Et les trois halluci-

nations apparaissent dans l'ordre indiqué pourvu qu'il y ait la

demi-irritation cérébrale intermédiaire au sommeil et à la veille.

Pathogénie : Excitation du faisceau cérébral moteur du triju-

meau ; secousse du tenseur du tympan; activité du tympan; exci-

tation des extrémités du nerf auditif dans la membrane basilaire.

Irradiation dans le cerveau qui se répercute sur la partie sensitive -

du cerveau présidant au centre visuel.. , P. K. 1.

XXXVII. Les horreurs du paupérisme. (British Sied. Jozt7,i2.1 : , 31 mai 1894.) ' '

Echo d'une enquête qui nous dévoile des abus semblables à ceux 'i

qui, il y a quarante ans, provoquèrent un mouvement d'opinion

4 [4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pour la réforme des workhouses. Sévices et brutalités, malpropreté

sordide sont les moindres griefs que relève l'article, dans une

Poorhouse du Devonshire. En Grande-Bretagne comme chez nous,

à côté des établissements modèles qu'on montre volontiers aux

curieux et aux étrangers, il existe des établissements rappelant

les errements d'un autre âge et qu'on s'étonne de voir encore per-

pétuer de nos jours. A. Marie.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXV CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

SESSION DE KARLSRUHE.

Séance du 11 novembre 1893. Présidence DE M. KIR,-4.

Le premier curateur, M. ScnuELE, ouvre la séance en faisant

l'histoire des travaux de la Société arrivée au vingt-cinquième anni-

versaire de sa fondation.. ' '

Trois d'entre nous ont vu les origines de la Société et en ont

suivi les progrès. CesontLudwig, Kirn et moi. C'est le 26 mars 1867

qu'elle a tenu sa première séance, ici même à Karlsruhe, dans la

petite salle du Muséum. Organisée par Roller, elle a été honorée

de la présence de beaucoup de nos collègues de Karlsruhe et en

outre d'un fonctionnaire du ministère du duché de Bade et de

Wurtemberg, le directeur actuel Frey, qui vient de prendre sa

retraite comme inspecteur général des établissements publics après

vingt-huit ans de services éminent=, ainsi que du conseiller de

Schoenlein (de Stuttgard). Etaient présents : les spécialistes Bro-

sius, Groeser, Hoffmann, Ludwig, Dick, Loechner, Fischer aîné,

Otto, Breuzinger, Mueller, Zeller aîné, Biilile, Roller, Reich, Krafft-

Hifing, Kirn, Schuele, Brenner. On y traita : le délire aigu (rappor-

teur : Schuele), et l'assistance des aliénés (rapporteur : Roller).

Tous les membres présents se rangèrent sous la bannière de l'Allg.

Zeitschr. f. Psychiatrie, et communiquèrent cette décision au rédac-

teur en chef Loehr.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 415

La séance qui suivit eut lieu au printemps de l'année 1SG9 à

Heidelberg. Nous y vîmes Cramer, un des premiers apôtres du no-

restraiut, et Graeser. Nous y traitâmes des questions anatomiques,

cliniques, statistiques. Nouvelle réunion pendant l'automne de la

même année, à Stuttgart; Zeller ouvrit le congrès; la folie raison-

nante et la diminution de la responsabilité étaient à l'ordre du

jour.

L'année 1870 nous retrouve au printemps à Bade-les-Bains. Les

conditions d'admission des malades dans les asiles d'aliénés, les

thèmes empruntés à la médecine légale, ce que l'on sait du mode

d'action des narcotiques constituent les sujets traités. La guerre ne

nous permet pas d'avoir de seconde réunion cette année-là. La

guerre terminée, nous voilà à Karlsruhe (1871). Rapports de la

psychiatrie avec les autres branches de la médecine, sociétés de

patronage pour les aliénés mis en liberté, syphilis cérébrale et

démence paralytique, injections hypodermiques, tels sont les sujets

dont nous nous occupâmes.

En 1872, nous nous réunissons à Strasbourg, où nous voyons

Samt pour la dernière fois. En 1873, à Heidelberg, nous nous occu-

pons des criminels aliénés et du traitement de l'épileps'e. En 1874,

la Société est devenue très nombreuse; nous sommes à Heppen-

licini ; des professeurs de clinique et de neurologie d'Heidelberb

ainsi que le physiologiste Eckard (de Giessen) accourent à l'appel

de Ludwig. Celui-ci propose de transformer le congrès psychiatri-

que du Sud de l'Allemagne (c'était son nom alors) en Congrès des

neurologistes et aliénistes de l'Allemagne du Sud, en y admettant

les professeurs des écoles supérieures, afin de rayonner sur la neu-

ropathologie. Cette motion fut adoptée en principe au congrès sui-

vant (1875) d'Ileppenheim ; mais il fut décidé de réserver chaque

année une séance d'automne aux psychiatres seuls, dans laquelle

seront traitées spécialement les questions psychopathologiques.

En mai 1886 a lieu le premier congrès des neurologues et alié-

nistes de l'Allemagne du Sud-Ouest (et non de l'Allemagne du Sud)

à Bade-les-Bains, dans lequel on décide une réunion annuelle.

Nous y voyons pour la seule et dernière fois (hélas ! ) l'anatomiste

Ecker ; il nous présente les traits principaux de sa topographie des

circonvolutions et fait une intéressante communication anatomo-

pathologique sur les centres cérébraux d'Hitzig chez une femme

amputée dès l'enfance.

En octobre 1886, le Congrès spécial des aliénistes se réunit à

Karlsruhe. Quelques semaines après, dans la même ville, à l'appel

de Ludwig et Dick, on organise définitivement le congrès psychia-

trique d'automne de l'Allemagne du Sud-Ouest rajeuni, le congrès

des neurologues s'en détachant pour tenir ses séances spéciales en

mai ou au commencement de juin. Ce dernier congrès est donc un

enfant de notre Société. Ces deux congrès ont fleuri et prospéré

416 SOCIÉTÉS SAVANTES.

côte à côte et ont, de concert, travaillé aux progrès de la neuro-

pathologie et de la psychiatrie. C'est là un vivant témoignage de la

filiation étroite de ces deux ordres de connaissances.

L'organisation définitive de notre congrès coïncide avec l'année

4878. Nous nous sommes réunis alors pour la douzième fois. Pen-

dant les quinze ans qui suivirent, il n'y a plus eu de modifications

dans le fonctionnement ni dans le genre des sujets traités par notre

Société. Si pendant trois années, au cours de cette période, nous

n'avons pas tenu séance, c'est que le congrès des naturalistes alle-

mands siégeait près de nous à Bade, Fribourg, Strasbourg. Chaque

automne, nous nous sommes réunis à Karlsruhe. Tout ce que nous

avons fait, soit en théorie, soit en pratique, se rattache à l'évolu-

tion même de la psychiatrie de ces quinze dernières années. Ques-

tions d'administration, de clinique, d'anatomie, de psychologie, de

médecine légale ont été continuellement agitées par nous et ont

servi d'assises au développement de notre science. A cette oeuvre,

jeunes et vieux ont collaboré. Plusieurs ne sont plus, d'autres ont

quitté la région ; ceux qui restent continuent et continueront les

traditions de travail et d'honneur des vieux maîtres ; que la devise

de notre Société soit un voeu de prospérité que je formulerai en ces

termes : Vivat floreat crescat in mteltos aiznos !

Les visites des parents dans les asiles d'aliénés, MM. DITTMAR et

SCHUELE, rapporteurs. M. DfTTMAR traite de quelques aperçus

généraux se rattachant aux visites faites aux aliénés dans les asiles.

Ces visites doivent avoir pour but la guérison du malade ; il ne

faut pas perdre de vue, en effet, qu'elles exercent un intérêt salu-

taire sur l'aliéné, qu'elles réconfortent également ses parents,

qu'elles agissent aussi sur le moral du personnel lui-même. On peut

donc autoriser toutes celles des personnes qui prennent au malade

et à son rétablissement un intérêt rationnel autant que loyal. Ceci

étant résolu, il faut tenir compte de l'effet qu'exerce la visite sur

l'aliéné ; cet effet dépend-il de la nature des visiteurs, de leur atti-

tude, de leur qualité ? A ce dernier égard, il faut se montrer très

circonspect quand il s'agit d'admettre des enfants comme visiteurs.

Il convient encore de savoir si les visites de tels ou tels font plaisir

ou non aux malades.

Mais on admettra sans réserve les parents auprès des aliénés qui

touchent aux dernières limites de la vie, des moribonds, des dé-

ments réduits à l'existence végétative, de ceux qui jouissent d'une

pleine liberté en dehors de l'établissement.

Paraissent encore indiquées les visites auprès des convalescents,

à moins qu'elles aient déjà paru suspectes ; elles sont au contraire

contre-indiquées dans le cas de nostalgie, celle-ci par exemple

survenant si souvent ou s'aggravant chez les femmes auprès des-

quelles on laisse arriver leurs enfants, chez les agités ou ceux qui

tendent à devenir violents, aggressifs, chez ceux pour lesquels la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 417

visite est un objet de haine naturelle ou pathologique, chez ceux

pour lesquels on suppose qu'il y aura, à l'occasion de cette visite,

scènes ou discussions funestes, chez ceux enfin qui refusent toute

visite. C'est d'ailleurs le médecin qui doit en chaque cas autoriser

ou supprimer lu visite, il n'est pas inutile de provoquer sur l'éven-

tualité des visites une correspondance entre le requérant et l'aliéné,

correspondance qui naturellement passe par les mains du médecin

et le guide soit pour la première autorisation, soit pour l'opportu-

nité de la répétition des visites; il détermine également le nombre

des visiteurs qui peuvent venir ensemble voir le malade, la néces-

. site ou non que les visites aient des témoins, enfin il renseignera

préalablement les visiteurs sur la nature et les particularités de la-

maladie en même temps qu'il leur apprendra comment ils doi-

vent se comporter pour aider par leur manière d'être au traite-

ment de l'aliéné .

M. SCHUELE traite des indications et contre-indications spéciales

des visites dans les diverses formes des maladies mentales. Il éta-

blit les conclusions suivantes : ,

1° Dans les cas récents de mélancolie, pas de visites, du moins

pendant les périodes d'augment et d'acmé de la maladie. L'angoisse

avec ou sans obsessions contre-indique suivant sa violence les

visites. Quand la maladie décroit on peut les autoriser. Il n'est pas

rare qu'on doive alors faire appel aux visites pour aider le malade

à récupérer ses facultés d'orientation, même quand il y a nostalgie

naturelle. Quand le malade refuse la nourriture, assez souvent une

invitation rationnelle de ses parents le ramène à de meilleurs sen-

timents, au moins temporairement ; - 2° dans la manie, quand la

forme en est grave, on proscrira toute visite. Il vaut mieux aussi les

défendre dans les cas légers et récents, que l'excitation qu'elles

provoquent émane soit d'une nostalgie opiniâtre, soit de considé-

rations d'intérêts ou de personnes et se montre chiche de conversa-

tions avec les parents. De graves événements domestiques pendant

le séjour des malades contre-indiquent les visites autant que pos-

sible jusqu'à leur sortie; 3° la folie systématique aiguë, suivant,

qu'elle revêt une forme dépressive ou exaltée, impose l'obligation

d'en' agir en matière de visites comme dans les cas de mélancolie

simple ou de manie et d'être peut-être encore plus prudent en pareil

cas. Il faut ici peser la forme des hallucinations sensorielles, sur-'

tout quand elles visent certaines personnes dont il faut alors inter-

dire les visites. Cette dernière considération bat tout naturellement

son plein quand on a affaire aux épisodes aigus du délire systéma-

tique chronique; 4° la stupeur contre-indique les visites autant

que possible jusqu'à la convalescence parfaitement établie; 5° il

en sera de même pour la démence aiguë; on sera, dans l'espèce,

encore plus avare de permissions, on s'y montrera plus difficile ;

6° il est impossible de tracer des règles dans la folie systématique

Archives, t. XXVIII. 27

418 SOCIÉTÉS SAVANTES.

chronique. On se déterminera d'après l'humeur du malade, l'état

de sa connaissance, le degré de confiance qu'on peut avoir en lui

ou en ses parents. Pas de visites non plus quand le délirant se croit

épié ou en butte à des actions physiques, en dehors des rémissions.

Les formes expansives permettent plus de libéralisme dans les per-

missions, car il n'est pas rare de voir une visite opportune corriger

le délire. Mais il n'en faut tenter l'essai que lorsque les autres

signes cliniques parlent en faveur d'un début d'amélioration ;

7° dans la démence chronique, on permettra plus fréquemment

de visiter les malades ; c'est un moyen temporaire de les calmer,

de les égayer, de les faire patienter. On se guidera d'après les indi-

cations tirées du public ; 8° la démence paralytique au début ou

pondant les stades d'agitation exclut les visites ; on les autorisera

aux périodes plus avancées; 9° dans la folie alcoolique, on choi-

sira avec un soin extrême les visiteurs ; si l'on ne peut se fier à eux,

on exigera l'intervention de témoins ; 10° dans la folie hysté-

rique et constitutionnelle, pas de visites, surtout dans la folie du

caractère ou folie morale, à moins que les visiteurs ne méritent'

toute confiance et qu'on n'ait fait préalablement leur éducation. Il

faut être prudent quand il s'agit d'épileptiques et requérir Tinter-'

vention de témoins à cause de leurs impulsions violentes possibles.

Discussion. M. Kr.epelin. Quelle différence a-t-il entre la nos-

talgie naturelle et la nostalgie pathologique ? M. Schuele. Il n'y

a pas de signes différentiels. C'est affaire de sentiment.

M. DtTTMAR. Quand, à la suite de la visite désirée des parents,

la nostalgie a disparu définitivement, c'est qu'elle n'était pas-patlio-

logique. Malheureusement l'expérience nous apprend qu'il n'est

pas rare de voir la nostalgie naturelle elle-même reparaitre plus

vive que jamais à la suite de la séparation.

M. Kreuser. On pourrait juger la nature de la nostalgie d'a-

près le temps pendaut lequel elle cesse et le rapport de cette ces-

sation avec l'espacement des visites. L'espoir d'une prochaine visite

et les lettres que les malades reçoivent de chez eux agissent-ils ou

non sur la nostalgie ? C'est encore un moyen de détermination.

M. KMPEUN. Sans doute il est bon de supprimer les visites à

la période d'acmé de la démence aiguë, mais pendant la convales-

cence, elles exercent une certaine action très salutaire par l'activité

qu'elles provoquent. , .

M. Kirn a également observé cela. M. Schuele. Cela dépend

des parents. Le congrès se rallie aux conclusions précédentes.

Mais sur le fond même de la question générale, MM. NissLE,KtOEu-

sra, l3evn, Kariier, Dittmar engagent une discussion qui peut se

résumer ainsi : Plus la ville est à proximité, plus les malades sont

visités, et plus ils savent que les voyages sont faciles, plus ils sont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 419

avides de visites et peinés de leur absence. Mais quand il s'agit de

manies ou de mélancolies récentes, il convient de les interdire; on

les interdira aussi et inversement on les autorisera quand l'expérience

montrera que la première visite est nuisible ou réussit à l'aliéné.

Un parloir est chose utile, mais la visite peutse faire dans les quar-

tiers quand la situation du malade s'oppose à son déplacement.

Quand l'asile est éloigné de la ville, on peut également se montrer

libéral quant à la durée de la visite ; il n'est, de plus, pas rare de

voir la visite qui, à l'arrivée, avait agité le malade, le calmer par

sa durée même. L'assistance des infirmiers aux visites n'est obliga-

toire que pour les gens mariés de crainte d'une grossesse éven-

tuelle. Il est aisé de se convaincre de l'identité des visiteurs par l'inter-

rogation même des malades, et il est malaisé de limiter une visite à

une simple entrevue. Assimiler l'asile à un hôpital dont l'entrée est

à peu près libre constitue une excellente mesure dont médecins et

public n'ont qu'à se louer; il peut arriver qu'une femme mariée

essaie de'se rapprocher de son mari aliéné pour justifier dans

l'avenir une grossesse illégitime; mais cela est rare et peut être

évité par la présence d'un témoin. Il serait fréquent de voir des

visites prolongées exercer une action défavorable sur le malade;

l'infirmier peut se rendre compte de cet effet et en prévenir le mé-

decin qui décide de la continuation ou de la suspension de la visite.

en question. Il est indispensable de noter la date de chaque visite

et la qualité des visiteurs. Quand ceux-ci sont admis à pénétrer

dans les salles, il faut veiller à ce qu'ils ne puissent prendre contact

avec les autres malades.

M. Kirs. De l'anthropologie criminelle. Ce mémoire a paru ili

extenso dans l'Allg. Zeitsch.1. Il conclut à ceci : que l'anthropologie

criminelle est un simple chapitre de la dégénérescence.

Discussion. M. Wilser. Cette question a un rapport étroit avec

la théorie de l'hérédité. La légion des dégénérés donne naissance à

laplupartdesaliénés ainsiqu'à la plupart des criminels. Les ancêtres

qui produisent des dégénérés sontceux qui ont détruit leur système

nerveux par le surmenage, les excès alcooliques, lesmaladies exté-

nuantes ; ils transmettent à leur postérité cette faiblesse acquise

du système nerveux. Le dégénéré ainsi produit devient un criminel

quand, en raison de cette débilité intellectuelle et morale, il devient

incapable de réprimer ses instincts bestiaux. Il peut encore arriver

que, par suite de certaines habitudes exclusives, les ancêtres trans-

mettent à leur postérité des instincts dangereux pour la sécurité

générale ou une dégénérescence complète ; telle est par exemple la

propension au vol ou à la violence. Lombroso, tout en exagérant,

n'a donc pas tout à fait tort d'admettre le criminel-né.

1 Voy. Archives de Neurologie Revues, analytiques.

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

' M. Ittnrt. La tendance à la criminalité n'est pas innée ; ce qui

est congénital, c'est l'infériorité psychique.

M. WILSER croit devoir admettre la transmission des instincts.

M. FRIEDMANN.-I)e la folie menstruelle primordiale. L'orateur

communique deux observations. Il s'agit de jeunes filles de qua-

torze et seize ans, atteintes d'accès périodiques de dépression mé-

lancolique profonde avec troubles de la conscience tout à fait sem-

blables aux folies menstruelles typiques; ces accès durent de trois

à quatre semaines, ils coïncident avec l'absence ou l'interruption

du flux menstruel et disparaissent, guérissent, quand celui-ci prend

son cours normal. Cela les distingue de ce qu'on a appelé la folie

menstruelle typique; ce qui les distingue encore, c'est l'existence

d'une très minime prédisposition aux psychopathies et même l'al)-

sence totale de prédisposition de ce genre. Les courts symdromes

de folie transitoire intense qui se produisent chez certaines femmes

à l'époque de la menstruation et qui n'ont lieu qu'une seule fois,

peuvent être rapprochés de ces exemples, car là aussi il peut n'y

avoir ni tare héréditaire ni terrain névropathique. Il est donc natu-

rel de regarder ces manifestations comme des folies menstruelles

en rapport avec le développement organique ; leur pronostic

étant favorable, les voilà définitivement séparées de toute la classe

des psychoses périodiques typiques. M. Friedmann commu-

nique encore une observation démonstrative et rare de l'action

favorable exercée par le développement menstruel sur l'épilepsie.

(Voy. 311lnchene2- med. Woclaensclarit.) .

Discussion : M. ICInrr a aussi observé des psychoses à l'époque de

la puberté, mais pas sous ce type.

M. Wildermuth voit avec plaisir ces observations d'épilepsie qui

n'a pas empiré à l'époque des règles, celles-ci paraissant au con-

traire avoir exercé une influence heureuse sur celle-là.

M. Kroepelin. Ces améliorations se voient aussi chez l'homme.

Quand on voit l'épilepsie s'améliorer, on est eh droit de se demander

si l'on n'est pas en présence de symptômes hystériques.

- M. FiIIEDrANN. Dans l'exemple que j'ai cité, on a vu se produire

un accès d'épilepsie caractérisé en plein sommeil, ce qui n'a pas

lieu dans l'hystérie.

M. ScHOENTHAL rappelle que les observations de folie menstruelle

qu'il a antérieurement décrite (Archiv. f. Psycleiat., XXIII) datent

aujourd'hui de trois ans; la guérison s'est maintenue. ,

M. Hoecker. Des accès anxieux larvés et abortifs dans la neuras-

thénie. Ces accès jouent un rôle beaucoup plus grand dans la

neurasthénie qu'on ne l'a admis jusqu'alors. Dans un grandnombre

de cas ce n'est pas sous la forme d'angoisse que l'accès parvient à

la conscience, il revêt la forme d'asthme, de vertiges, de passion.

Tel ce monsieur d'un certain âge qui, pendant une saison qu'il

SOCIÉTÉS SAVANTES. 421

faisait à Marienbad, qui d'ailleurs ne lui réussissait pas, se lia

d'amitié avec une dame âgée. Il lui fallut partir parce qu'il éprou-

vait une agitation nerveuse croissante. En route, il fut assailli d'une

ardeur si vive de se rapprocher de cette dame qu'il lui fallut

retourner à Marienbad. Il repart de nouveau et quelques jours

après un autre accès violent de passion l'étreint, devient chronique

et revêt les caractères d'un sentiment obsédant. Eclairé sur la

nature spéciale de cet état mental, il redevient plus calme et finit

par être délivré de son cas de conscience qui le rend confus. Mais

il éprouve en outre quelques accès d'angoisse pure qui, graduel-

lement, guérissent tout à l'ait.

A côté de ces angoisses larvées il faut placer les angoisses abor-

tives encore plus remarquables. Il s'agit dans l'espèce des phéno-

mènes suivants. Tout accès d'anxiété, chez l'homme sain aussi,

s'accompagne d'une série de manifestations somatiques très

précises. Ce sont : l'angoisse avec agitation précordiale; les bat-

tements de coeur, l'accélération de la respiration, les troubles

de l'innervation, les tremblements musculaires, les vertiges,

des troubles circulatoires avec paresthésies, des sueurs, con-

traction tumultueuse des replis intestinaux avec incontinence

ano-vésicale, contractures et étreintes pharyngo-oesophagiennes,

insomnies. Eh bien ! chacun de ces phénomènes peut se mon-

trer isolément à l'état d'accès fruste chez les neurasthéniques,

ou à l'état de symptôme chronique, sans qu'il se produise aucune

trace d'angoisse psychique, et ce sont justement là les symptômes

cardinaux les plus importants de la neurasthénie. M. HfECKEU les

passe en revue un à un; il insiste sur la contracture pharyngo-

oesophagienne à l'appui de deux observations. Ces angoisses abor-

tives ou incomplètes nous permettent de mieux comprendre les

éléments les plus importants de la neurasthénie.

On en peut rapprocher un autre trouble de la sensibilité morale,

la terreur des hystériques. La terreur joue dans l'hystérie un rôle

pathogénétique important et c'est un symptôme souvent observé

dans cette maladie. La terreur a aussi ses attributs physiques.

Comme dans l'angoisse, on observe avec elle des symptômes car-

diaques, circulatoires respiratoires et desétreintes pharyngiennes. Ce

sont exactement les mêmes symptômes qui sont communs à l'hys-

térie et à la neurasténie; à côté de cela, un groupe d'autres symp-

tômes que la terreur revendique à l'angoisse sont tout à fait les

mêmes que ceux qui distinguent l'hystérie de la neurasthénie :

telles la paraplégie (la terreur paralyse les jambes), la tendance à

la stupidité (la terreur vous stupéfie), la convulsibilité, les troubles

de la sensibilité et d'autres nerfs sensoriels (cécité, surdité, insen-

sibilité de la crainte), la paralysie de la voix (mutisme de la ter-

reur). Que de points communs et trop tranchés pour pouvoir être

considérés comme accidentels. -

422 CORRESPONDANCE.

En tout cas, l'angoisse a une importance fondamentale dans la

neurasthénie. Dans la théorie chimique de Kowalewski, la neuras-

thénie résulte d'une intoxication encéphalique par des produits de

décomposition émanés de la surexcitation et de] fatigue; ceci cadre

avec les recherches de Mariot sur l'angoisse. Le goût de la viande

d'un animal abattu est modifié quand avant de l'abattre on l'a

fatigué et angoissé; l'angoisse a provoqué dans le cerveau la forma-

tion de produits de décomposition tout particuliers qui pénètrent

et empoisonnent tous les tissus, déterminant ainsi les symptômes

physiques de l'anxiété. (Voyez Ce ? zti,albl. f. Nei,veniteilL., 1893.)

Discussion : M. Wildermuth. Sans doute l'angoisse est un des

symptômes les plus habituels de la neurasthénie. Quant à la sen-

sation de fatigue, c'est souvent une angoisse larvée. (Allg. Zeitsch.

Psychiat., LI, 1.) P. 11ERAVAL.

CORRESPONDANCE.

A PROPOS DU CONGRES D HYGIENE DE BUDA-PESTH.

« Buda-Posth, 15 septembre 1894.

ci Mon cher rédacteur en chef,

« Après les lettres documentées de M. le Dol Régnier au Progrès

médical, il ne reste que peu de choses à dire de la physionomie gé-

nérale du Congrès international d'hygiène et de démographie de

]3uda-l>csLh. J'ai cependant pensé qu'il pouvait être intéressant

d'ajouter quelques renseignements pour les Archives de Neurologie,

en ce qui concerne les questions spéciales abordées dans quelques

sections. C'est ainsi que, pour la partie démographique, les sec-

tions IV et VII ont entendu diverses études relatives les unes, à l'édu-

cation des enfants arriérés, sourds-muets, épileptiques et aveugles

(Ranyer et Fletcher, Londres ; Solfier, Paris ; Uchermann et Lemke,

Suède; Egmontet Sigmond, Hongrie). Lesautres relatives à l'alcoo-

lisme, à ses causes et facteurs sociaux, particulièrement en Hongrie

(Ambrus, Bêla et Gynla, Hongrie).

« Enfin Causes et facteurs sociologiques de la Paralysie générale pro-

CORRESPONDANCE. 423

grcssive (I. Ebing, Iiru, ICowalesl : i, \Vagner,Ritler,131um et Olal). Ce

dernier point le plus discuté a mis en présence les partisans de

l'étiologie constamment spécifique et ceux de la pluralité de causes

héréditaires et sociologiques ; le surmenage, les intoxications, les

traumalismes, etc., les influences diverses de milieu, ont été à nou-

veau invoquées à coup de statistiques dont aucune conclusion ne

saurait encore être tirée. Les mesures à prendre contre l'alcoo-

lisme, asiles spéciaux, monopole, sociétés de tempérance, ont été

successivement prônées comme au récent congrès de Clermont; la

Hongrie ne possède d'ailleurs pas d'asile public spécial, pas plus

que les autres pays d'Europe.

« Pour l'éducation des enfants arriérés, il existe un établissement

privé à Buda-Pesth pour une cinquantaine d'enfants que les con-

gressistes ont pu visiter et où sont mises en pratique quelques-

unes des méthodes pédagogiques usitées à Bicêtre.

Dans les sections d'hygiène, en dehors de la conférence an-

noncée de Lombroso sur l'homme criminel (section XIV), la ques-

tion des aliénés criminels et criminels aliénés a fait l'objet de

plusieurs rapports imprimés de MM. Kirn, Mendel (Allemagne),

Moravcsi (Hongrie) et Orange (Londres).

a A signaler aussi une étude autbropologique sur les femmes py-

romanes (Buben, Laszlo, de Maria-Nostra) et une autre sur la

géographie médicale de crétinisme et son traitement (Kraler et

Beno). Enfin MM. Paetz, d'Altzcherbitz et Peters de Gheel ont pré-

senté deux rapports sur les différents systèmes d'assistance des

aliénés et l'application simultanée des asiles fermés et des colonies

selon les milieux urbains ou ruraux ; ce sont deux plaidoyers en

faveur des colonies ouvertes, colonies agricoles et familiales en

particulier, dont les auteurs sont les organisateurs les plus autorisés

en Allemagne et en Belgique.

«M. Salgo, de Budapest, a présenté une étude dans le même sens.

M. Jakab Salgo est médecin chef à l'asile public deLipot-Metzo avec

M. Bolg5, sous la direction de M. le Dr Niedeman. Ces messieurs

nous ont fait les honneurs de leurs services que nous avons pu

visiter en compagnie de M. le D'' Hamel deDôle; nous croyons être

les seuls Français qui aient vu l'asile à l'occasion du congrès.

« C'est un établissement datant d'une vingtaine d'années situé à

quelques kilomètres de Bude sur la rive gauche du Danube. On en

a une vue panoramique entière du haut de Széchenyi-Hegy, la

pittoresque montagne qui domine Pest et la vallée du Danube à

plusieurs lieues à la ronde.

« Construit d'après les principes anciens du bloc rectangulaire,

l'asile supporte encore fort bien la comparaison avec d'autres

établissements plus récents, construction moins compacte, services

généraux médians et divisions symétriques d'hommes et de

femmes au nombre de 4 à 500 environ pour chaque. Des cours

424 CORRESPONDANCE.

assez vastes sont annexées aux sections, mais des murailles trop

hautes empêchent de jouir de la vue du bois auquel s'adosse

l'asile, inconvénient que des sauts de loup éviteraient. Les ma-

lades d'ailleurs jouissent de ce bois où on les mène souvent en

promenade et une ferme avec verger et potager suffisants assurent

l'exploitation agricole pour les travailleurs avec les ateliers in-

dustriels qui paraissent bien organisés puisque la plupart des

fournitures sont confectionnées par les aliénés : chaussure, couture

vêture, tissage des toiles, menuiserie, serrurerie, etc.

« De l'agglomération trop grande résultent les quartiers superpo-

sés en étages mais intérieurement les sections sont bien disposées ;

une cloison médiane limite d'un côté les dortoirs, de l'autre les

salles de réunion communes où les malades sont passés après le

leveretprennenl les repas. Les cellules sontboisées, non capitonnées,

sans tinettes, et le personnel paraît en nombre suffisant et bien

éduqué, puisque le non-restraint est appliqué intégralement.

Éclairage au gaz. Literie autrichienne avec petit lit de plume

dans lequel on s'enroule (très incommode pour qui n'est pas habi-

tué) sommiers en toile métallique, bains insuffisants, tout à l'égout

cabinets à chasse périodique automatique.

t Un gardien spécial est affecté aux lieux d'aisance qu'il surveille

exclusivement et ouvre aux malades qui le désirent ; salle d'obser-

vation commune pour les nouveaux et les mélancoliques à idées de

suicide ; là se monte une garde continue de jour. et de nuit, con-

trôlée ainsi que les rondes générales par des boites disséminées,

reliées électriquementau poste central dusurveillant général. - Un

mouvement d'horlogerie spécial signale à toute heure du jour ou

de la nuit l'oubli de pointage d'une tournée. Ce système excel-

lent a le seul désavantage d'être trop complexe et sujet à de fré-

quents dérangements. Les distractions ne paraissent pas man-

quer ; les pianos sont assez nombreux aux femmes, et le théâtre

fonctionne quelquefois.

« Tous nos remerciments aux confrères hongrois dont nous avons

pu apprécier l'amabilité et qui connaissaient d'ailleurs nos princi-

paux établissements de Villejuif, Asile clinique, Ville-Evrard, Rouen,

Charenton, etc. Ils nous ont appris qu'il existe en Hongrie deux

autres établissements publics analogues ainsi que quelques quar-

tiers d'hospice et des établissements privés tenus par les frères de

la miséricode. A.Lippot-Metzo le service desfemmes est surveillé

par des religieuses ainsi que dans les deux autres établissements

publics. Telles sont les quelques notes qui pourront peut-être inté-

resser quelques lecteurs.

« Croyez-moi toujours votre tout dévoué collaborateur.

. - Dr A. Marie. » ·

BIBLIOGRAPHIE.

Il. De la nécessité de la création d'asiles spéciaux pour les aliénés

dits criminels (Thèse de Lyon, 1894) ; par le D Tnocaort, ancien

interne de l'asile de Saint-Robert (Isère).

M. le Dr Truchon a été conduit à traiter ce sujet dans sa thèse

inaugurale à la suite d'une observation quotidienne à l'asile de

Saint-Robert et d'une excursion en Angleterre, en Hollande et aux

États-Unis. Dans ces divers pays il a constaté l'existence d'asiles

spéciaux pour les aliénés dits criminels. 11 se demande pourquoi

en France rien de semblable n'existe malgré la nécessité absoluo

reconnue par une foule de médecins aliénistes. La création d'un ou

de plusieurs asiles spéciaux s'impose pour les raisons suivantes :

1° Les aliénés criminels diffèrent, en général, des autres aliénés

par les-crimes mêmes qu'ils ont commis. Ne s'en éloignent-ils pas

aussi par les stigmates physiques;

' 2° Leur conduite dans les asiles ordinaires est toute spéciale et

donne lieu à une série d'incidents : réclamations, voies de faits, etc. ;

3° Ils obtiennent trop facilement leur sortie des asiles ordinaires

et, à peine au dehors, la rechute se produit. Alors de nouvelles

menaces, de nouvelles violences, de nouveaux actes appelés cri-

minels ;

4° Les asiles ordinaires, tels qu'ils sont construits, n'offrent pas

des garanties suffisantes contre les évasions;

5° Il existe un certain nombre d'individus qui passent leur vie

entre l'asile et la prison. Leur place n'est ni dans l'un ni dans l'autre,

mais dans un établissement intermédiaire qui serait « l'asile spécial ».

Ce travail est basé sur un grand nombre d'observations person-

nelles. En agissant ainsi, M. le D'' Truchon a fait preuve d'un grand

talent d'observateur en même temps que de philanthropie ; car

c'est être philanthrope que d'élever la voix pour débarrasser la

société deces êtres irresponsables mais dangereux, de ces aveugles

moraux, à rétine psychique atrophiée '. G. DEYAY.

1 Avec beaucoup de médecins, nous croyons inutile la création d'un

asile spécial pour cette catégorie de malades, d'ailleurs eu petit nombre.

Dans un asile bien tenu, possédant un quartier de cellules bien organisé,

les évasions ne sont pas à craindre. La Sicreté de l31cétre, dont nous avons

demandé la suppression, est là pour montrer que les murs de prison ne

s'opposent pas aux évasions. (B.) . - . - -

426 VARIA.

111. Contribution ci l'étude de l'automatisme ambulatoire du vaga-

bondage impulsif; par le Dr Géhin. (Thèse de Bordeaux, n° 28.)

Cette thèse, très intéressante, faite sous l'inspiration de M. le

professeur Pitres, est une étude à la fois clinique et psychologique

des fugues morbides dans les trois principaux états où on les ob-

serve en dehors de la folie proprement dite : l'épilepsie, l'hystérie,

la neurasthénie. L'auteur établit nettement les principaux carac-

tères qui distinguent les fugues dans ces diverses neuropathies et

qui permettent en pratique de les reconnaître. A la fugue épilep-

tique, appartiennent la soudaineté, l'automatisme, les impulsions

aveugles, l'inconscience, l'absence début, l'amnésie complète; à la

fugue hystérique, le déterminisme inconscient, mais reflétant une

idée antérieure, la cohérence, la logique des actes et la fixité du

but dans la course malgré l'automatisme apparent, enfin l'amnésie

habituelle, moins absolue que dans l'épilepsie, mais, en tout cas,

susceptible de disparaître sous l'influence de l'hypnotisation ; à la

fugue neurasthénique, dont M. Géhin s'occupe plus particulière-

ment et dont il relate plusieurs observations intéressantes, appar-

tiennent la conscience complète de l'idée, de la mise en marche,

de la fugue et le souvenir complet de tous ses détails.

Le travail se termine par quelques considérations médico-légales

concluant à l'irresponsabilité de tous ces individus, durant leurs

fugues, à quelque classe morbide qu'ils appartiennent.

Dr H. Régis.

VARIA,

ASILES D ALIENES.

Concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en inéde-

cine, vacantes au 1 ? janvier 1895, dans les Asiles publies d'aliénés

du département de la Seine : Asile clinique, Asiles de Vaueluse,

Ville-Evrard et Villejuif cl l'Infirmerie spéciale des aliénés à la

Préfecture de Police.

Le samedi le, décembre 1894, à midi précis, il sera ouvert à la

Préfecture de Police, annexe de l'Hôtel de Ville, rue Lobau, n° 2,

à Paris, un concours pour la nomination aux places d'interne titu-

laire en médecine qui seront vacantes dans lesdits établissements

VARIA. 427 7

au 1 ? janvier 1895. Les candidats qui désirent prendre part à ce

concours devront se faire inscrire à la Préfecture de la Seine, ser-

vice des aliénés, annexe de l'Hôtel de Ville, 2, rue Lohau, lous

les jours, les dimanches et fêtes exceptés, de midi à cinq heures,

depuis le lundi 29 octobre jusqu'au samedi 10 novembre 1891 inclu-

sivement.

Conditions DE l'admission au concours ET formalités A remplir.

Pourront prendre part à ce concours, les étudiants en médecine

pourvus de huit inscriptions au moins, prises dans les Facultés de

l'État et âgés de moins de trente ans révolus, le jour de l'ouverturo

du concours.

Chaque candidat, pour être inscrit au concours, doit produire

les pièces ci-après : 1° une expédition d'acte de naissance; 2° un

extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de vaccination ; 4° un

certificat constatant qu'il est pourvu de huit inscriptions on

médecine; 5° un certificat de bonne vie et moeurs délivré par le

maire de sa commune ou le commissaire de- police de son quartier.

Toute demande d'inscription faite après l'époque fixée par les

affiches pour la clôture des listes, ou qui no seraitpas accompagnée

de toutes les pièces ci-dessus désignées ne sera pas accueillie. Les

épreuves du concours aux places d'interne eu médecine sont réglées'

connue il suit :

Epreuve d'admissibilité. 1" Une épreuve écrite de 3 heures

sur un sujet d'anatomie et de physiologie du système nerveux.

Cette épreuve pourra être éliminatoire si le nombre des concur-

rents dépasse le triple des places vacantes.

Epreuve définitive. 21 Une épreuve orale de quinze minutes

sur un sujet de pathologie interne et de pathologie externe, après

un quart d'heure de préparation. Le maximum des points à

accorder pour chacune de ces épreuves est fixé ainsi qu'il suit : Pour

l'épreuve écrite, 30 points; pour l'épreuve orale, 20 points. Le

sujet de l'épreuve écrite est le même pour tous les candidats. Il est

tiré au sort entre trois .questions qui sont rédigées et arrêtées avant

l'ouverture de la séance parle Jury.

Pour les épreuves orales, la question sortie est la même pour

ceux des candidats qui sont appelés dans la même séance. Elle est

tirée au sort entre trois questions qui sont rédigées et arrêtées par

le Jury avant l'ouverture de chaque séance. L'épreuve orale peut

être faite eu plusieurs jours si le nombre des candidats ne permet

pas de la faire subir à tous dans la môme séance. Les noms des

candidats qui doivent subir l'épreuve orale sont tirés au sort à l'ou-

verture de chaque séance.

Le jugement définitif porte sur l'ensemble des deux épreuves

(écrite et orale) et les nominations sont faites dans l'ordre de clas-

sement établi par le Jury d'examen. ,

428 VARIA.

La durée des fonctions des internes titulaires est de trois ans

Les internes titulaires des asiles de la Seine reçoivent, outre le

logement, le chauffage, l'éclairage et la nourriture, dans les pro-

portions déterminées par les règlements, un traitement annuel

fixe de 800 francs à l'asile Clinique et de 1,100 francs aux

asiles de Vaucluse, de Ville-Evrard et de Villejuif. Ceux de l'In-

firmerie spéciale des aliénés à la Préfecture de Police recevront un

traitement de 1,000 francs. Ils auront droit, en outre, au logement,

au chauffage, à l'éclairage et à l'indemnité de nourriture, dans les

proportions fixées par la Préfecture de Police.

La répartition des internes dans les divers services d'aliénés se

fait dans l'ordre de classement établi par le Jury d'examen, le

1er février seulement de chaque année. Ce mode de répartition

assure à presque tous les internes des asiles d'aliénés du départe-

ment de la Seine un séjour d'au moins une année sur trois dans

un des services de l'asile Clinique, situé dans l'enceinte de Paris,

ou de Villejuif situé à proximité de l'enceinte.

Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans le même ser-

vice. Tout interne titulaire est autorisé à soutenir sa thèse de doc-

torat aussitôt après sa nomination. Il sera pourvu, à la suite du

concours et dans l'ordre de mérite, à la nomination d'internes pio-

visoires chargés de remplacer les internes titulaires en cas d'absence

ou d'empêchement. '

La durée des fonctions d'interne provisoire est limitée à une

année, à partir du 4 fév·ie· 1895. Les internes provisoires pour-

ront se représenter au concours pour les places d'interne titulaire.

L'interne provisoire qui soutient sa thèse renonce implicitement à

se représenter, mais il peut rester en fonctions jusqu'à l'expiration

de l'année commencée. L'interne provisoire reçoit le traitement

et les avantages en nature de l'interne titulaire, chaque fois qu'il

est appelé à le remplacer.

Concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en phar-

macie, vacantes au le, janvier 1895, dans les Asiles publics d'alié-

nés du département de la Seine : Asile clinique, Asiles de

Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif. ' `

Le lundi 12 novembre 1894, à une heure précise, il sera ouvertà à

l'Asile clinique, rue Cabanis, no 1, Paris, un concours pour la no-

mination aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes au

1' janvier 1895 dans lesdits établissements. Les candidats qui

désirent prendre part à ce concours devront se faire inscrire à la

Préfecture de la Seine, service des aliénés, annexe de l'Hôtel de

Ville, 2, rue Lobau,'tous les jours, dimanches et fêtes exceptés, de

midi à cinq heures, Le registre d'inscription sera ouvert du lundi

15 au samedi 27 octobre 1894 inclusivement. ' '

1 VARIA. 429

CONDITIONS DE l'admission au concours ET formalités A remplir.

Tout aspirant qui veut se présenter au concours ouvert pour les

places d'interne en pharmacie doit être âgé de vingt ans au moins

et de vingt-sept ans au plus. Il doit produire : 1° une expédition

d'acte de naissance; 20 un extrait du casier judiciaire; 3° un

certificat de revaccination ; 4° un certificat de bonne vie et

moeurs, délivré par le maire de sa commune ou le commissaire de

police de son quartier ; 5° des certificats constatant trois années

d'exercice dans les pharmacies, dont une année dans la même

maison..

Ces certificats devront, sous peine de nullité, indiquer quelle a

été la conduite de l'élève pendant son séjour dans les pharmacies.

Ils devront aussi, sous peine de nullité, être visés, à Paris, par les

maires des arrondissements ou les commissaires de police des

quartiers où sont situées les pharmacies. Ceux qui s'appliqueront à

un stage fait dans les pharmacies hors de Paris devront égale-

ment, sous peine de nullité, être visés par les maires des com-

munes où elles sont situées. Les candidats de Paris justifieront, en

outre, de leur inscription à l'Ecole de Pharmacie. Toute demande

d'inscription faite après l'époque fixée par les affiches pour la clô-

ture des listes, ou qui ne serait pas accompagnée de toutes, les.

pièces ci-dessus désignées, ne sera point accueillie.

Les épreuves du concours aux places d'interne en pharmacie

sont réglées commesuit : Epreuves d'admissibilité. Une épreuve

de cinq minutes pour la reconnaissance de vingt plantes et subs-

tances appartenant à l'histoire naturelle et à la chimie pharma-

ceutique ; 2° une épreuve de dix minutes consistant dans la recon-

naissance de dix préparations pharmaceutiques proprement dites,

et dans la description du mode par lequel on doit obtenir une ou

plusieurs préparations qui seront désignées par le Jury.

Epreuves définitives. 1° Une épreuve verbale de dix minutes

portant sur la pharmacie proprement dite et la chimie; 2° une

épreuve écrite de trois heures embrassant la pharmacie, la chimie

et l'histoire naturelle. Le maximum des points à attribuer pour

chacune de ces épreuves est fixé comme suit :

Epreuves d'admissibilité. Reconnaissance des plantes et des

substances, 20 points ; reconnaissance des préparations pharma-

ceutiques, 20 points.

Epreuves définitives. Epreuve verbale, 20 points; épreuve écrite,

30 points.

Les plantes et substances à reconnaître seront communes à tous

les candidats qui subiront les épreuves dans la même séance; elles

seront choisies par le Jury avant d'entrer en séance..

Pour les épreuves orales, les questions seront rédigées par le

Jury, chaque jour d'épreuve, au nombre de trois, avant d'entrer

430 VARIA.

en séance. La question tirée au sort est la même pour tous les can-

didats qui sont appelés dans la séance.

Le sujet de la composition écrite est le même pour tous les

candidats; il est tiré au sort entre trois questions qui seront rédi-

gées et arrêtées par le Jury avant l'ouverture de la séance.

A l'ouverture du concours, le 12 novembre, à une heure, le pré-

sident du Jury tirera immédiatement au sort les noms des élèves

qui devront subir dans cette séance l'épreuve de la reconnais-

sance des plantes, si le nombre des candidats ne permet pas de la

faire subir à tous dans la môme séance. La durée des fonctions

d'interne titulaire est de trois ans. La répartition des internes dans

les divers services d'aliénés se fait dans l'ordre de classement

établi par le jury d'examen, le 1 ? février seulement de chaque

année. Ce mode de répartition assure à presque tous les internes

au moins une année sur trois dans un des services de l'Asile

Clinique, situé dans l'enceinte de Paris. '

Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans le même

service. Les internes titulaires en pharmacie des Asiles publics

d'Aliénésdu département de la Seine reçoivent, outre le logement,

le chauffage, l'éclairage et la nourriture, dans les proportions

déterminées par les règlements, un traitement annuel fixe de

800 francs à l'Asile Clinique, de 1,100 francs aux Asiles de Vau-

cluse , de Ville-Evrard' et de Villejuif. Il sera pourvu à la suite

dudit concours, et dans l'ordre de mérite, à la nomination d'in-

ternes provisoires chargés de remplacer les internes titulaires en cas

d'absence ou d'empêchement.

' La durée des fonctions d'interne provisoire est limitée à une

année, à partir du 1er février 1895. L'interne provisoire pourra se

représenter au concours pour les places d'interne titulaire. L'in-

terne provisoire qui obtiendra son diplôme de pharmacien renonce

implicitement à se représenter au concours, mais il peut rester en

fonctions jusqu'à l'expiration de l'année commencée. L'interne

provisoire reçoit le battement et les avantages en nature de l'in-

terne titulaire chaque fois qu'il est appelé à le remplacer.

Nous avons reproduit encore une fois les conditions des con-

cours dans la Seine, non seulement pour renseigner les candidats,

mais encore parce que ces documents peuvent servir de guide aux

départements qui voudraient organiser le concours.

' Société évangélique DE DIACONNESSL ? S; par II. Loehr.

Article fait pour combattre la mauvaise impression produite par

le congrès de Francfort, dans lequel les spécialistes se sont ratta-

chés à la laïcisation. 11' exalte les avantages de la communauté

religieuse, qui exerce un contrôle sévère sur les infirmières qu'elle

envoie. 11 ajoute qu'avant de les charger de donner des soins aux

VARIA. 431

malades on leur fait suivre un cours d'une année au séminaire même

et- qu'on leur fait passer des examens qu'elles doivent subir avec

succès. (Allg. Zeitsch. f. Psch., LI, 1.) P. li.

Asile DE HANOVRE.

La diète provinciale vient de décider d'élever à l'asile de Gmtlirt-

gen deux nouvelles constructions pour les malades du quartier cli-

nique, dans les jardins de l'établissement. Elle a également conclu

à la transformation et à l'agrandissement des quartiers cliniques

actuels, ainsi qu'à ceux des habitations de malades de première et

deuxième classe à la transformation du logement de l'inspecteur

en locaux administratifs celle de l'appartement du directeur qui

occupe le bâtiment administratif en un logement pour l'inspec-

teur et en deux logements pour le second et le troisième médecin

adjoint - l'édification d'une maison pour le directeur, dans le

jardin de l'établissement, qu'on lui cédera. 131,800 marcs sont

proposés pour l'ensemble des dépenses (164,750 francs).

Un contre-projet consiste à construire un quartier d'aliénés

auprès de l'établissement correctionnel et le dépôt de mendicité de

lvtiîtsloi-f, qu'il s'agit aussi de transformer. Le quartier en ques-

tion serait édifié pour atiénésindigentssortis des asiles provinciaux,

mais ne pouvant être abandonnés sans soins. Le comité provincial

a, dans ce but, fait don d'un terrain voisin de cet établissement,

qu'il a acheté 9,500 marcs (11,875 francs); on y- édifiera un pavillon

pour 80 malades, on agrandira les locaux administratifs de l'éta-

blissement; on construira un édifice destiné à l'installation de

bureaux et à l'habitation d'un surveillant en chef. 10'r,000 marcs

(130,000 francs) sont demandés. C'est adopté. (Allg. Zeilseh f.

Psych., LI, 1.) P. K.

Nouvel asile DE Saxe.

Le nouvel asile d'aliénés régional de Zschadras, près de Colditz,

qui a coûté 1 million et demi de marcs (1,875,000 francs), touche

à sa fin. Le 1 ? juillet, il formerait un établissement séparé et rece-

vrait dans les 10 pavillons, construits comme autant de villas en

briquetage, 400 aliénés environ. Eclairage électrique, jardins, c'est

un asile modèle. (Allg. Zeitschr. f. Psych., LI, 1.) P. K.

Nouvel asile DE la province du RIIIN.

Assistance en liberté des aliénés. Nou\et établissement près de

Luttringitausen. Propriété de H4 arpents, avec belle forêt de

chênes et de pins. Les constructions coûteront 500,000 marcs

(025,000 francs). On y placera d'abord 200 malades des deux sexes,

à partir du 1 ? avril 1890. C'est une tentative qui reste entre les

mains du directeur régional, avec l'assistance d'un conseil d'indus-

triels et de commerçants, du moinspourdévclopperles élémenlsde

432 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

cette fondation. L'exploitation sera confiée à la Société évangélique

des missions intérieures. (Allg. Zeitschr. f. Psych., LI, 1.) P. K.

- ASILES D'AUTBICIIE.'

L'encombrement de l'asile des aliénés de Niedernhrsta engagé

le comité régional àconstruire un asile agricole (21 novembre 1893).

On achèterait le château de Gschwendt, pour50,000 florins (425,000 f.)

avec le terrain convenable. On aura certainement à drainer, aussi

vaudrait-il mieux faire une nouvelle construction pour 150 malades.

Malgré cela, l'assemblée décide d'acheter le château. (Allg. Zeitsch.

Psychiat., LI, 1.) z P. K.

GUÉRISON PRÉTENDUE MIRACULEUSE.

Nous lisons le passage suivant dans les Notes pour servir à l'his-

toire de Guéraude (1894) :

« Dans le courant de l'année 1654, une religieuse paralytique

désespérait de sa guérison lorsqu'elle eut l'idée, pour l'obtenir, de.

s'adresser au vénérable frère Jeau de Saint-Samson, carme breton.

Aussitôt après l'application d'une parcelle de la tunique du Saint,

elle se leva subitement guérie. Toutes les circonstances de ce

notable événement furent consignés dans un acte authentique

dressé le 5 septembre de ladite année »

1 Albert de Morlaix. Vie de Saint-Samson.

BECÜTERER', (\V.). -Die Bedeulung der I%renkcl'shen lsetlaode bei der

Behandlung von Tabes doi,salis. -Feuillet in-8° de 2 pages. Leipzig,

189f. = Vet et Comp. '

BEC))TERE\v et IIOLZINGER. Die sensibles Bahnem im 7 ! t<eAemM'e/{.

Feuillet m-8° de 2 pages. Leipzig, 1894. Veit et Comp.

BECHTEREW. Gur rrage M&0' den Einfluss der Himrinde und der

Schlügel'auf die Scliluckbewegungen. Brochure in-8° de 2 pages.

Leipzig, 1894. Veit et Comp.

13GC11'l'ERE1V et OSTANKO1V. Ueber e ! 6r'J ? : ' ? )/ ! MSS der Grosslxirwinde

auf den Schluckact und die Alhmung. Feuillet in-8" de 4 pages.

Leipzig, 1894. Veit etcomp.

FRII ? D3fANN (M.). Ueber den Wahn eine 7 ? M ! XC/t-Fst/cAotSC/te

untersuchung. Nibst einer darstellung der normales intelligenzxor,gtixg.

Volume in-8° de 196 pages, avec 6 ligures. Wiesbaden, 1894.

Librairie Bergmann. ,

Grasset. Etiologie infectieuse de l'hystérie. Leçons recueillies et

publiées par Galavielle. Brochure in-8° de 33 pages. Montpellier,

1894. Typographie Ch. Boehm. '

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

Evreux, Ch. IlÉnissKy, imp. 1094

Vol. XXVIII. Décembre 1894. ? 94

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE

ASILE CLINIQUE (SAINTE-ANNE). M. AIAGNAN.

DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES DIVERSES

PSYCHOSES '.

DEUXIÈME LEÇON.

LE DÉLIRE CHRONIQUE A ÉVOLUTION SYSTÉMATIQUE*.

Sommaire. Délire chronique, type achevé de systématisation

délirante. Conception du délire chronique basée : 1° sur

l'état mental primordial ; 2° sur l'évolution de l'affection

tout entière. Etat mental antérieur des délirants chroni-

ques. Genèse du délire : première période ou période d'in-

quiétude : Indécision, soupçons. Interprétations délirantes.

Illusions.

Deuxième période : Hallucinations de l'ouïe ; sa progres-

sion croissante : monologue, dialogue, écho de la pensée,

hallucination psychomotrice. Hallucinations du goût , de

l'odorat, de la vue. Troubles de la sensibilité générale.

Systématisation du délire plus étroite et modes de réaction.

Observation I. Délire chronique à la deuxième période :

Hallucinations de l'ouïe : c'est le Parisien qui la poursuit.

Réactions : déménagements, tentative de suicide, menaces de

mort.

Observation IL -Délire chronique à la deuxième période :

Développement croissant de l'hallucination de l'ouïe : mono-

1 Voir Archives de Neurologie, n° 92.

5 Leçon recueillie par M. le D' Pecharman.

Archives, t. XXVIII. 28

434 CLINIQUE MENTALE.

logue, dialogue, écho de la pensée. Systématisation pro-

gressive du délire : on, ils, comité des ouvriers de la Belle-

Jardinière, concierges. Néologismes. Troubles de la

sensibilité générale : électricité, magnétisme'.

Troubles de la personnalité. Diminution de la résis-

tance cérébrale.

. Troisième période : Période des grandeurs. Mécanisme

des transformations. Couleur du délire suivant le milieu

social. Détire non surajouté, mais effaçant peu à peu le

délire des persécutions.

Observation III. Délire chronique au début de la troi-

sième période : Modifications dans l'attitude, allusions à des

richesses.

Observation IV. Délire chronique à la troisième pé-

riode : Hallucinations. Idées ambitieuses systématisées.

Quatrième période : Démence, Durée.

Messieurs,

Dans la précédente leçon, nous avons posé la question des

délires systématisés dans les psychoses; nous avons indiqué

leur participation, au seul titre d'éléments symptomatiques,

à des espèces nosologiques différentes bien définies. Or, le

délire chronique est formé d'une succession de délires parfaite-

ment systématisés ; il rapproche, en sa lente et fatale évolution,

toute une série d'états psychopathiques, considérés jusqu'ici

comme des maladies distinctes, des monomanies (démonopa-

thie, délire des persécutions, mégalomanie, théomanie, etc.),

et qui ne sont en réalité que des événements épisodiques d'une

maladie plus profonde. Type achevé de systématisation vésa-

nique, le délire chronique doit comme tel, occuper la première

place dans une étude d'ensemble des délires systématisés.

Entrevu déjà par Kant, Pinel, Esquirol, Guislain, le délire

des persécutions fut dégagé par Lasègue, en 1852, des autres

formes mentales. Mais, je vous l'ai dit, le caractère du délire

ne saurait à lui seul servir de base à la création de groupes

cliniques homogènes. Il faut connaître à la fois, pour fixer un

type morbide, l'évolution de la maladie tout entière et l'état

mental sur lequel elle est née. Ces deux éléments fondamen-

taux, délaissés par Lasègue, sont précisément ceux qui nous

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 438

ont conduit à la conception du délire chronique à évolution

systématique.

Lorsque le délire chronique apparaît, à l'âge mûr, de trente-

cinq à quarante-cinq ans, le plus souvent à la suite de cha-

grins et de soucis, l'équilibre psycho-moral s'est jusque-là

montré parfait chez les sujets atteints. Ce sont d'honnêtes

mères de famille, dont la vie s'est écoulée régulière au milieu

des soins du ménage ; ce sont des hommes bien pondérés,

sobres, intelligents, parfois instruits. Quelques-uns sans doute

peuvent avoir des antécédents héréditaires; ils sont certaine-

ment des prédisposés ; mais tout leur passé intellectuel et

moral proteste en général, contre l'épithète de dégénérés qu'on

voudrait leur appliquer. Arrivés jusqu'à la quarantaine sans

que rien ait pu déceler, aux yeux de leurs proches, de trouble

mental, ils n'entrent pas d'emblée dans la folie : une assez

longue période les y prépare.

Le délire chronique débute, en effet, d'une manière insi-

dieuse. La première période, période d'inquiétude, d'incuba-

lion, ne s'offre pas avec des caractères bien tranchés. Le sujet,

peu à peu envahi par un malaise qu'il ne peut définir, devient

soupçonneux, inquiet, préoccupé ; il dort mal, perd l'appétit,

montre moins d'aptitude pour ses travaux accoutumés; à cette

phase de la maladie il pourrait être pris pour un hypochon-

driaque, si, loin de se croire malade, il n'était déjà prêt à

accuser autrui de ses vagues souffrances. Il flotte, au milieu

des idées qui l'assaillent, il hésite, il doute; il accepte les con-

jectures vagues où il se perd, les repousse, puis les admet

encore. Constamment obsédé par ses préoccupations pénibles,

sans cesse aux écoutes, il adapte d'abord les sensations audi-

tives normales à ses tendances maladives; tantôt il surprend

dans une conversation une phrase qu'il s'attribue : c'est Yin-

terprélation délirante; tantôt. il se trouve blessé par tel mot

insignifiant, mais dont le son présente quelque analogie avec

une injure grossière et qu'il confond avec celle-ci; c'est l'illu-

sion. Dès lors, il observe tout, il épie tout. Une personne qui

oublie de le saluer, un geste qu'il surprend, un voisin qui

tousse ou qui crache, une porte qui s'ouvre ou se ferme, un

regard, un sourire, les chants des gamins, les cris des oiseaux,

mille riens lui servent de prétexte pour lancer son imagina-

tion exaltée à travers une série embrouillée d'interprétations

maladives. Mais cette pensée tenace, continue, toujours la

436 CLINIQUE MENTALE.

même, cette pensée qui écoute toujours, irrite à la longue le

centre auditif cortical. Quand l'éréthisme de ce centre est suf-

fisant', la décharge a lieu; l'image tonale surgit, comme si

elle était provoquée par une impression périphérique; et cette

image, fruit de l'éducation des lobes temporaux par le lobe

frontal, réagit à son tour sur les régions psychiques supé-

rieures avec tous les caractères des sensations normales.

Le patient, constamment sur le qui-vive, s'est donc élevé

par une genèse insensible de l'interprétation délirante et de

l'illusion à l'hallucination de l'ouïe; et avec celle-ci, il est

entré dans la deuxième période du délire chronique, celle des

hallucinations multiples de nature pénible, des troubles de la

sensibilité générale et du délire de persécution.

. Le trouble sensoriel auditif ne se traduit au début que par

des bruits indécis, des chuchotements, des « voix basses », des

rires étouffés; puis il se précise, il s'affirme par l'audition du

mot, de l'injure isolée, mais nette, indéniable; ce mot en

appelle d'autres, et, par une complexité croissante, la phrase

tout entière se constitue. Le centre auditif cortical devient

plus excitable à mesure que progresse l'affection : il s'empare

alors de tous les bruits extérieurs, et les rejette aussitôt à l'état

d'images tonales, qui empruntent au délire naissant leur carac-

tère injurieux. Les bruits rythmés ou continus, le tic tac de

la pendule, les battements du coeur, le bruit des roues des

wagons scandent des phrases agressives ou moqueuses. Les

voix peuvent aussi se produire sans excitation sensorielle

d'aucune sorte; le patient les entend aussi bien dans l'obscu-

rité, dans la nuit, au milieu du silence le plus absolu. Elles

viennent de tous côtés : du sol, du mur, du plafond; elles

suivent l'halluciné en tous lieux; elles l'insultent dans la rue,

comme chez lui, et, s'il se retourne, il ne voit personne. Ce

sont bien là < ces voix hypnotiques » comme il les appelle,

pour les distinguer des voix naturelles, ces « invisibles » si

nombreux, qui ne lui laissent aucun repos.

Des mots, des phrases, des monologues, ne tardent pas à se

produire en dehors du courant des idées du sujet; si bien que

celui-ci, pensant à autre chose, est interpellé par ses ennemis.

Il répond, et alors s'établit un dialogue entre le patient repré-

senté par le lobe frontal, et l'interlocuteur cantonné dans le

1 Tamburini. Revue scientifique, janvier 1881. - lllaânan. Leçons cli-

niques, p. 241.

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 437

centre auditif temporal. Puis, ce centre sensoriel s'émancipe

de plus en plus ; il fonctionne en quelque sorte automatique-

ment, et le sujet assiste en auditeur étranger à des conversa-

tions interminables dont il fait lui-même tous les frais.

Toujours suivi, harcelé, provoqué par une foule d'ennemis

invisibles, le malheureux n'a bientôt plus rien en lui qui soit

caché pour eux; il s'aperçoit un jour avec étonnement que ses

intimes pensées sont répétées, commentées, malignement

jugées; et non seulement ses pensées, mais encore tout ce

qu'il dit, lit ou écrit. C'est autour de lui comme un écho pro-

longé et continuel de sa pensée, de ses lectures, de ses écrits.

Une malade que vous verrez aujourd'hui présente des phéno-

mènes de cet ordre : « Si, dit-elle, je lis des yeux, j'entends

aussitôt répéter ce que je lis ; j'entends même la phrase entière

avant que j'aie fini d'en comprendre le sens. » A ce moment

le centre auditif cortical est dans un état d'éréthisme tel qu'à

chaque vibration de l'écorce cérébrale, aussi faible et localisée

soit-elle, il peut entrer en jeu : une excitation vient à peine

frapper un centre sensoriel, visuel, gustatif, olfactif, etc., que

l'image tonale appropriée aussitôt naît immédiatement dans le

centre auditif et en sort, avant que le lobe frontal ait pu

exercer son contrôle investigateur. La malade que je viens de

vous citer entendait ainsi des phrases entières de ses lectures

« avant même qu'elle ait fini d'en comprendre le sens ».

L'idée qui, à l'état physiologique accompagne l'acte, suffit

de même pour éveiller, dans ce centre irrité, l'image auditive

correspondante : les moindres actes du malade, surtout ceux

qui ont rapport à sa toilette intime, sont épiés et aussitôt

énoncés à haute voix par ses ennemis, comme l'ont été ses

lectures, ses écrits, ses pensées.

En résumé, l'hallucination de l'ouïe, trouble sensoriel secon-

daire, né sous l'influence d'un trouble intellectuel primitif,

s'est progressivement étendue : d'abord élémentaire, elle est

devenue plus complexe, et par le mot, la phrase, le monologue,

elle a atteint le dialogue et l'écho de la pensée. Cette hallucina-

tion, qui affecte habituellement les deux moitiés symétriques

du sens de l'ouïe, peut parfois être unilatérale : le malade n'en-

tend ses persécuteurs que par une oreille; l'excitation n'a

frappé dans ce cas qu'un seul hémisphère. Parfois encore

l'hallucination est bien bilatérale, mais elle se montre avec des

caractères différents suivant le côté affecté ; les hallucinations

438 CLINIQUE MENTALE.

pénibles cantonnées d'abord dans une oreille que l'on pourrait

appeler persécutée, tendent à diminuer à mesure que le délire

se transformeet que se développent dans l'oreille opposée des

hallucinations agréables. Ici chaque hémisphère agit séparé-

ment pour son propre compte.

A côté de ces modalités de l'hallucination de l'ouïe, prennent

place des troubles spéciaux, moins sensoriels que psycho-

moteurs, les hallucinations psychiques ou motrices verbales :

c des voix intérieures parlent silencieusement dans l'estomac,

dans la gorge ; ce sont des voix qui ne sont pas des voix, qui

ne résonnent pas aux oreilles. » Ces faits s'expliquent par la

propagation au centre moteur du langage de l'excitation du

centre auditif cortical (Baillarger, Séglas, Ribot).

Si les hallucinations auditives ne font jamais défaut dans le

délire chronique, si elles en sont un des éléments symptoma-

tiques les plus importants, elles ne sont pas exclusives des

autres troubles sensoriels. Assez souvent, en effet, se montrent

des hallucinations du goût, de l'odorat : les malades se plai-

gnent des saveurs désagréables qu'ils trouvent à leurs aliments,

des narcotiques qu'on verse dans leurs boissons, des odeurs

empestées qu'on leur envoie. Les hallucinations de la vue sont

rares en dehors de toute complication (intoxication, névroses,

maladies organiques); les malades ne voient presque jamais

leurs ennemis; mais ceux-ci n'en manifestent pas moins leur

haineuse animosité.

Les troubles de la sensibilité générale sont, en effet, très

fréquents; tantôt apparus en même temps que les hallucina-

tions, tantôt les précédant, ces phénomènes jouent un rôle

réactionnel des plus marqués. « Piqués par des jets de vitriol »,

c pilés par l'action magnétique >, « dévorés en dedans par des

rongeurs et des vampires», les malheureux cherchent à se

soustraire à ces tortures et adoptent, dans ce but, les positions

les plus bizarres. Tel s'enveloppe la tête de fichus et de châles,

se voile la figure, se bouche les narines, se frotte le nez et les

yeux, se remplit la bouche de papier; tel autre, le corps plié

en deux, applique énergiquement sa main sur le sommet de la

tête pour entraver l'action « du rouleau qui est impliqué sur

le crâne ».

Précautions superflues, car loin de diminuer, le champ des

persécutions s'étend; aux troubles de la sensibilité générale

s'allient, surtout chez les femmes, des hallucinations génitales.

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 439

Les malades se plaignent qu'on les viole, qu'on leur introduit

toutes sortes de corps dans le vagin, dans le rectum, qu'on

prostitue leur bouche,' qu'on coud leur anus, etc. Elles essayent

de protéger leurs organes contre ces tentatives : une malade

s'emmaillote tous les soirs; une autre se couche sur le côté,

plaçant tout le bassin dans une marmite.

Arrivé à ce point de son affection, las de ces incessantes

tortures, le patient n'est pas éloigné d'entrer dans la période

des réactions dangereuses. Depuis longtemps, en effet, le doute

a cessé pour lui; plus il a souffert et plus le délire de persécu-

tion s'est coordonné, s'est profondément implanté dans son

esprit.

Illusions, interprétations délirantes, hallucinations de l'ouïe,

troubles de la sensibilité générale, toute une accumulation de

preuves sans cesse renouvelées sont venues lui affirmer clai-

rement qu'une trame ténébreuse s'ourdissait autour de lui.

Mais s'il est persécuté, il veut savoir quels sont ceux qui le

persécutent ainsi, par quelles pratiques ils agissent sur lui et

quel but ils poursuivent en le torturant. Sur ces nouveaux

thèmes offerts à son imagination délirante son système d'idées

de persécutions va chaque jour se précisant et se limitant da-

vantage.

Au début, il désignait ses persécuteurs par des termes vagues

et indéfinis. c Ils m'en veulent, on me poursuit, disait-il. »

Puis, devant le nombre et la qualité des moyens de torture,

son ignorance s'efface. Si ses ennemis mettent en oeuvre pour

lui nuire tout l'arsenal des découvertes modernes : physique,

électricité, magnétisme, téléphones, microbes, etc., ou dans

un autre ordre d'idées toute l'occulte puissance de la magie,

de la sorcellerie, de l'enfer, il faut bien qu'ils aient en main

de terribles pouvoirs. Il dénonce alors un groupe d'individus,

une association quelconque, une société à laquelle son imagi-

nation attribue une influence sociale redoutable : francs-

maçons, agents de police, jésuites, internationale, médecins,

etc., etc. La jalousie, l'envie, la rancune, le besoin d'argent

sont les mobiles ordinaires qu'invoque le malade pour expli-

quer cette poursuite acharnée. Il ne trouve plus dans la langue

vulgaire des expressions applicables aux tracasseries qu'il subit ;

il en invente, il crée des néologismes : on l'émétise, on le pesti-

fère, on le naturalise; il est la victime des locustins, des opti-

mistes ; il accuse la déçaticullation, la subjugalion. Chaque jour

il pefte4rc"plus avant dans ce monde de sensations étranges,

et chaque jour il s'efforce de percer ce mystère qui l'enveloppe.

Bientôt il n'hésite plus, la lumière est faite. Il sait quel per-

sonnage déterminé est responsable de ses souffrances. Et si

pendant longtemps il a fui ou s'est contenté de se défendre,

dès maintenant il se lève, prêt à l'attaque.

Les modes de réaction varient, en effet, avec les périodes de

son délire de persécution. Au début, il ne paraît songer qu'à

éviter ses ennemis. Un malade déménage, quitte son atelier,

ou son bureau, change de nom; un autre entreprend de loin-

tains voyages (aliénés migrateurs de roville) ; un troisième,

craignant d'être empoisonné, fait lui-même sa cuisine, prend

des soins extrêmes pour l'achat de ses aliments. Je vous ai

parlé des singuliers procédés qu'ils emploient pour se sous-

traire à leurs tortures; mais celles-ci ne diminuent pas plus

que les insultes; et à la phase de passivité succède la phase de

défense active. Le malade s'adresse aux autorités, aux person-

nages en vue; il essaye par ses écrits, ses proclamations, de

soulever l'indignation publique. On en voit qui portent leurs

boissons, leurs déjections au laboratoire municipal, pour les

faire analyser; d'autres se barricadent chez eux, tapissent les

murs de journaux, doublent leurs portes de barres de fer, etc. ;

d'autres, mais en très petit nombre, lassés de soutenir une

lutte inégale, ne voient plus de refuge que dans la mort.

Excédé enfin par ces continuels outrages, le délirant chro-

nique attaque à son tour : dans la rue il frappe un passant

qu'il accuse de l'avoir injurié ; chez lui, il guette ses ennemis

le revolver au poing, il les épie, les surprend, les provoque,

s'acharne après eux, les frappe ou les tue...

Telle est cette deuxième phase du délire chronique, pendant

laquelle l'agitation intérieure, sourdement créée à la première

période, n'a fait que grandir. L'idée délirante de persécution,

seul horizon de cette conscience tourmentée, a pris corps ;

elle est maintenant solidement fixée dans sa forme; mais

dans un instant, nous la verrons dissipée devant une forme

nouvelle : l'idée de grandeur.

L'histoire des deux malades suivantes peut servir en quelque

sorte d'illustration à l'exposé pathologique que je viens de

vous faire. Vous y verrez sur quel terrain s'est élevée la psy-

chose ; vous y trouverez tous les détails de ses deux premières

périodes. -

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 441 1

Observation I. M... femme R..., quarante-trois ans, sans alztécé-

dents héréditaires ; début à trente-deux ans; première période d'une

durée de trois ans; deuxième période : hallucinations de l'ouïe,

systématisation rapide; c'est le parisien qui la poursuit. Réactions^

déménagements; tentative de suicide, menaces de mort.

M... (Marie), femme R..., quarante-trois ans, est née de parents

qui n'ont jamais rien présenté d'anormal. Petits cultivateurs dont

la vie avait été toute d'ordre et de travail, ils sont morts, le père à

soixante-treize ans, la mère à quatre-vingt-deux ans. Les trois frères

sont en excellente santé physique et cérébrale.

Elle-même a toujours paru bien équilibrée, et si elle manque

d'instruction, ses parents ne l'ayant pas envoyée à l'école, elle

n'est pas dépourvue d'intelligence. Réglée sans difficulté à quinze

ans, elle n'a jamais présenté de signes de nervosisme. Son adoles-

cence s'est écoulée, comme son enfance, sans accidents : à vingt

ans, elle a contracté une bronchite tenace; elle maigrit beaucoup,

mais se rétablit au bout de huit mois, et il ne resta pas de traces

de la maladie. Mariée à vingt-cinq ans (en 1876) avec un ouvrier

mécanicien, elle loue une petite ferme qu'elle gère, tandis que son

mari gagne régulièrement sa journée dans une scierie. La bonne

harmonie règne dans le ménage, la vie est facile à cause du travail

régulier des deux époux.

Cette heureuse existence durait depuis sept ans, quand en 1883,

à trente-deux ans, elle croit s'apercevoir qu'on « monte la tête à

son mari)), qu'on lui fait des reproches sans nuls motifs; elle

insiste pour qu'il quitte son jusine, le pays même et vienne avec

elle à Paris. Elle finit par décider son mari à partir, et, dès ce

moment, elle se figure que le patron de celui-ci, mécontent, leur

suscite des ennemis. Arrivée à Paris en 1886 (35 ans), elle paraît

jouir pendant deux mois d'une certain repos; puis elle se plaint

que les gens sourient sur son passage, crachent dans sa direction,

lui tournent le dos quand elle entre dans un magasin, affectent de

ne pas la regarder.

Bientôt (toujours en 1886) on murmure, on ricane en la dévisa-

geant. Dans l'hôtel qu'elle gère, au Point-du-Jour, elle ne tarde

pas à entendre des voix d'hommes et de femmes qui disent :

« Vache, salope, putain. » Dans la rue les mêmes injures sont pro-

férées par des passants inconnus. Huit mois après, le on, le ils

indéterminés disparaissent. C'est la bonne d'en face qui l'épie et

qui dit dès qu'un homme entre dans l'hôtel : c Encore un amou-

reux ! » La malade reconnaît très bien sa voix, dans le concert des

voix insultantes. Aussi l'interpelle-t-elle, mais la bonne feint l'éton-

nement, puis la traite de folle. Elle s'adresse alors à plusieurs

reprises au commissaire de police : « il faut des témoins », répond

celui-ci ; c des témoins ! mais on m'empêche d'en trouver ! » s'écrie-

442 CLINIQUE MENTALE.

t-elle. Les voix continuent de se faire entendre de plus belle : «Je

t'y ai fait entrer, je t'en ferai sortir, » dit la voix de la personne

qui lui a procuré la gérance de son hôtel. De guerre lasse, crai-

gnant d'être renvoyée comme une «voleuse », comme une femme

de moeurs légères », car on dit à son mari « maquereau, 'cocu, etc. »,

elle quitte cette gérance, position cependant très avantageuse pour

elle, et va habiter dans une autre rue. Les injures continuent; elle

déménage de nouveau, précaution inutile, car les persécuteurs la

suivent partout, et les commissaires de police auxquels elle s'adresse,

ne la protègent point.

Depuis environ dix-huit mois, elle sait que son principal per-

sécuteur est « le Parisien». C'est un rentier, qui habite la même

rue. Il est âgé d'environ quarante-deux ans; il est châtain, assez

grand, tout rasé, ce qui lui permet de s'affubler d'une fausse

barbe et d'une perruque. Malgré ce travesti, elle le reconnaît (illu-

sions). Le Parisien la fait insulter par des ouvriers, par des mar-

chands, en les menaçant de les priver de travail. 11 parle tantôt

d'une voix forte, tantôt d'une voix faible. A l'aide d'une glace il

voit tout ce qu'elle fait. Son but est de la détourner de ses devoirs

conjugaux : c Je veux t'enlever, je te ferai insulter jusqu'à ce que

tu viennes, » dit-il. Et, en etfet, au début de 1893 les injures redou-

blent. Alors, harcelée, n'y tenant plus, ne pouvant se faire rendre

justice, désespérée de l'indifférence de son mari qui ne l'écoute pas,

elle se jette à la Seine (mars 1893); le Parisien, qui la suit partout,

la suppliait de ne pas se tuer, et c'est lui qui, immédiatement, la

fait retirer par un agent de police. Il lui avait dit d'ailleurs, répon

dant à ses menaces de suicide : Tu ne pourras pas te noyer, je te

ferai retirer vivante ! »

Après cet incident, les injures ne cessent plus. Un jour, au mois

d'octobre, elle se plaint qu'une voisine, la femme d'un pilote,

l'insulte en secouant des tapis à sa fenêtre : « Tu es une amou-

reuse, une vieille sorcière ! » Furieuse, elle braque sur elle un

revolver chargé, et, arrêtée pour ce fait, elle est amenée à l'infir-

merie du Dépôt.

A l'asile, les hallucinations persistent; le Parisien lui parle sans

cesse, lui conseillant toujours d'abandonner son mari. Elle se

demande si les autres malades ne sont pas payées pour lui dire

des sottises. D'ailleurs, réticente, elle a une attitude réservée : c Je

n'ai rien à dire, puisque vous ne me croyez pas. »

Observation II. 0... veuve F..., cinquante ans. Père déséquilibré,

mère bien portante. Bonne santé jusqu'à quarante-trois ans. Pre-

mière période de trois ans. Deuxième période : développement

croissant de l'hallucination de l'ouïe; monologues, dialogue, écho de

la pensée. Systématisation progressive du délire; on; ils; Comité

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 443

des ouvriers de la Belle-Jardinière ; concierges. Néologisme. Troubles

de la sensibilité générale : électricité, magnétisme.

0... (Henriette),' veuve F..., est âgée de cinquante ans. Son

père, né dans l'aisance, épousa à dix-neuf ans une cuisinière âgée

de trente-deux ans; joueur, ivrogne et débauché, il ne tarda pas à

gaspiller sa fortune; de chute en chute, il en fut bientôt réduit à

venir à Paris s'embaucher comme manoeuvre; puis, las de cette

vie de travail forcé, il partit pour la Californie, allant à la recher-

de l'or, et disparut. Sa mère, au contraire, était une femme de

sens et de caractère; elle ne fut pas abattue par l'abandon de son

mari, et se consacra tout entière aux cinq enfants qu'il lui lais-

sait ; économe, ordonnée et sage, elle put élever sa petite famille

et mourut à soixante-douze ans de congestion pulmonaire. Deux

des soeurs de la malade, et un de ses frères étaient alcooliques ; ce

dernier, d'un naturel violent et impulsif, s'était engagé dans

l'armée carliste, à la suite d'une discussion avec sa famille. Un

deuxième frère, encore vivant, est travailleur, mais enclin à boire,

et souvent en ébriété.

Notre malade parait avoir été la forte têle de la famille; à treize

ans elle quitta l'école où elle s'était montrée intelligente et stu-

dieuse, et entra en apprentissage comme ouvrière culottière. Elle

arrive rapidement à gagner sa vie, et peut venir en aide à sa

mère. A vingt-trois ans, elle épouse un ouvrier serrurier. L'accord

est dans le ménage, l'aisance y rentre presque, mais l'homme est

tuberculeux, et meurt au bout de trois ans. Il avait donné à sa

femme trois enfants qui moururent eux-mêmes en bas âge d'affec-

tions bacillaires. Douloureusement attristée, Henriette ne perd pas

courage; elle revient auprès de sa mère et se remet au travail.

Ouvrière régulière et rangée, elle ne change que très rarement

d'atelier, et elle demeure pendant six ans au service de la Belle-

Jardinière. Femme d'ordre et d'humeur égale, elle vit heureuse et

tranquille jusqu'en 1886. Son développement physique n'avait été

troublé, de l'enfance à l'âge mûr, par aucun accident; la seule

affection à noter, durant cette longue période, est une pneumonie

qu'elle contracta en 1873, à vingt-neuf ans, mais qui ne fut suivie

d'aucun trouble intellectuel.

En 1886, à quarante-trois ans, elle s'installe auprès d'un de ses

beaux-frères, veuf depuis peu; elle pensait pouvoir lui être utile

dans la surveillance de sa maison et la gérance de son commerce.

Mais bientôt elle s'aperçoit que les gens du quartier rient quand

elle passe, et crachent dans sa direction. Ce sont là des « moque-

ries », des cancaueries » dont elle ne se croit d'abord pas l'objet,

et si elle voit les sourires, elle n'en comprend pas encore la signi-

fication. Cependant les ennuis continuent. Les ouvriers la dévisa-

gent au sortir de leurs ateliers; ils ne parlent pas, ils ne font que

444 CLINIQUE MENTALE.

chuchoter sur son passage, « rigoler, se moquer ». Un jour, une

femme entre dans sa boutique, et lui demande l'adresse d'une

garde-malade. Henriette y voit tout de suite une allusion à son

beau-frère, qu'on veut ainsi lui désigner comme un malade,

comme un imbécile. C'est donc à sa situation équivoque auprès de

celui-ci que sont dues toutes ses misères. Elle abandonne aussitôt

la place et s'enfuit aux Batignolles; mais là encore on monte des

cabales contre elle, on l'empêche de trouver du travail. Elle pense

que peut-être les concierges sont les coupables. Elle va s'en plaindre

au commissaire. Rien n'y fait, et elle se voit contrainte une

seconde fois de quitter un logement qui lui plaît (1888). A la place

Malesherbes, où elle habite ensuite, ce sont les mêmes sourires

moqueurs, les mêmes chuchotements, les mêmes crachements en

sa présence. De nouveau elle déménage, et va demeurer rue du

Mail.

Henriette a alors quarante-cinq ans; il y a bien près de trois ans

que la période d'inquiétude a commencé. Maintenant les persécu-

teurs ne se contentent plus de faire des signes; ils commencent à

parler sur son passage. Ce ne sont d'abord que des mots murmurés

sourdement, puis, peu à peu, ces mots s'accentuent, et ne tardent

pas à prendre la forme des plus grossières injures : a Vache, salope,

putain. » Devenant ensuite plus audacieux, ses interlocuteurs l'in-

terpellent avec violence et longuement; elle répond sur le même

ton, et elle a des disputes fréquentes avec le concierge, les voisins,

les passants qu'elle a pris pour ses insulteurs. Ceux-ci n'ont bientôt

plus aucune retenue, et, la nuit même, ils fout des allusions bles-

santes à sa vie passée, et émaillent leurs conversations de termes

grossiers, à elle adressés, dit-elle, c sur un ton d'imbécillité ». Elle

court alors par deux fois chez le commissaire qui lui répond d'un

air narquois : c Il n'y a pas de délit ! » c Pas de délit, s'écrie-

t-elle, indignée, quand on m'insulte sans cesse, mais c'est de l'es-

croquerie, du chantage ! » A cette époque elle travaille rue du

Croissant. Jusque-là elle n'avait pu dire avec précision quels étaient

ses accusateurs. On l'injuriait, ils se moquaient. Il se fait alors un

début de révélation : ce sont les typographes de la France qui,

toute la journée, montent des cabales contre elle. Tout à l'heure

nous la verrons préciser davantage encore. Malgré tout, elle veut

résister; elle est décidée à ne plus changer de logement; mais le

propriétaire, devant ses continuelles excentricités, la renvoie par

exploit d'huissier.

, Elle se réfugie rue de Savoie. Nous sommes en 1889. La malade

a quarante-six ans. Les troubles de la sensibilité générale font leur

apparition. L'électricité, le magnétisme, le téléphone lui font

presque éclater la tête. Par le magnétisme on l'empêche de laver

sa vaisselle, on la lui fait tomber des mains et casser, on l'endort,

les fenêtres ouvertes. L'électricité part de la tour Eiffel, et, grâce à

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 445

des fils conducteurs, peut l'atteindre en tous lieux et en tous points

du corps; on lui rôtit ainsi l'estomac, le dos, les bras, etc. Ce n'est

pas seulement par l'électricité qu'on essaye de lui nuire; un jour

qu'ello venait de donner du lait à son chat, elle voit celui-ci sauter,

courir, bondir à travers la chambre, après avoir bu : le lait n'était

certainement pas naturel et elle le jette. L'interprétation délirante

marchait de pair, comme on voit, avec les troubles sensoriels. Un

jour, au mont-de-piété, elle sent tout d'un coup comme une brû-

lure à la tête, elle se retourne vivement et voit le tuyau par lequel

passe le téléphone. Dès lors elle comprend, c'est par le téléphone

qu'on la tracasse et qu'on l'injurie. Elle reconnaît la voix de ses

insulteurs. c Tiens, se dit-elle parfois, c'est un tel. » c On dirait la

voix de la mécanicienne Marie. » Puis'c'est le comité des ouvriers

et locataires de la Belle-Jardinière qui se fait entendre. Les voix

lui disent : « Achète-toi un fumigore. » Le fumigore est le téléphone

de poche, grâce auquel on peut communiquer de tous côtés. Elle

court au bazar Napoléon, mais les vendeurs « tous électriciens » lui

en demandent un prix exorbitant, pour l'empêcher d'en posséder

un ; elle sait cependant que le fumigore ne vaut pas plus de 2 fr. 215.

Les plaintes aux commissariats s'accumulent, et les persécutions

ne diminuent pas. Elle change encore une fois de logement (1892)

à la suite d'une violente altercation avec son concierge, qu'elle

accusait d'être entré dans le complot. Rue Guénégaud, où elle va

loger, elle reconnaît bien vite que ses persécuteurs l'on suivie; le ,

comité de la Belle-Jardinière est là qui lui envoie de l'électricité et

l'injurie; mais ici encore le concierge est le plus acharné. A la suite

de nouvelles plaintes qu'elle adresse à la police, elle est conduite à

l'infirmerie du Dépôt, et elle entre à Sainte-Anne le 6 novem-

bre 1892, à quarante-neuf ans.

A l'asile, ni les hallucinations, ni les troubles -de la sensibilité

générale ne s'atténuent. Les malades la chinent, lui font la scie, la

jardinent, l'appellent pourrie. Tout le catéchisme poissard y passe.

Les voix sont parfois si nombreuses qu'elle n'entend qu'un

c brouhaha » ; c'est, dit-elle, de l'anonyme. Toutes les infirmières

ont des téléphones dans leurs poches; l'on entend partout des voix

s'entre- croiser dans l'espace : le téléphone de la préfecture n'est

pas étranger à leur propagation. Interrogée à plusieurs reprises

sur la véracité de ses hallucinations, elle répond un jour : «J'aurais

le cou sous la guillotine, que je ne céderais point, j'entends très

bien tout cela »; et une autre fois : « Ces voix, vous les entendez

aussi bien que moi. » Elle a très nettement l'écho de la pensée; elle

entend répéter ce qu'elle pense, ce qu'elle dit, ce qu'elle écrit;

« on reproduit en phrases sa façon de penser. » Si elle pense à son

beau-frère elle entend aussitôt une voix dire. : c Il est fou. » Et elle

conclut : «Ne serait-on pas revenu au temps des sorciers ? » Si elle

lit des yeux, elle entend aussitôt ce qu'elle lit; elle entend même

446 CLINIQUE MENTALE.

la phrase entière avant qu'elle ait fini d'en comprendre le sens.

Parallèlement à ces troubles hallucinatoires, les troubles de la

sensibilité générale vont leur train, l'électricité la tracasse nuit et

jour; l'eau-qu'elle boit, la flanelle qu'elle porte sont électrisées.

Un matin elle demande une purgation pour la délivrer de cette

électricité qui est en elle; une autre fois elle se plaint d'avoir

senti (mais non vu) la tour Eillel flamber sur sa tête.

Elle réagit, comme au dehors, contre ces tortures; elle essaye

de se défendre contre l'électricité en s'enveloppant la nuit dans

des couvertures; elle écrit fréquemment pour réclamer sa sortie,

car elle est fatiguée de vivre dans la roulerie. Par moments elle

devient réticente et refuse de répondre, car elle est persuadée que

les médecins ont intérêt à la retenir et à la persécuter. c N'êtes-

vous pas honteux, nous dit-elle, de charcuter les gens comme cela ? i

Elle commence enfin à se demander pourquoi on l'a ainsi per-

sécutée; mais elle ne peut répondre. Il se pourrait, toutefois, que

la jalousie en fût le mobile, et elle se dit : « Est-ce parce qu'un

riche bienfaiteur payait mon loyer ? »

A cette phase de l'affection, le malade est souvent pâle,

anémié ; il souffre de névralgies, se sent plus faible. L'ina-

nition, l'insomnie, toutes les épreuves douloureuses auxquelles

sa sensibilité morale est sans cesse soumise, cette manière de

surmenage de ses centres sensoriels ont eu leur contre-coup

sur l'état général.

Malgré tout, la mémoire persiste, l'intelligence est le plus

souvent intacte ; le malade parle encore et écrit avec les appa-

rences de la raison. Et cependant, à mesure que son délire

s'est coordonné et stéréotypé (période de cristallisation de

Falret), sa personnalité a parfois commencé à subir des altéra-

tions profondes. Ces lésions de la personnalité sont dues,

moins aux troubles sensoriels hallucinatoires qu'aux troubles

de la cénesthésie, des sensations organiques, « de ces incita-

tions obscures qui, des profondeurs de l'organisme, arrivent

aux centres nerveux » (Ribot). L'apparition dans la conscience

d'un faisceau de sensations internes insolites, sans rapport

avec les éléments constitutifs du moi normal, tend à réaliser

une personnalité nouvelle qui coexiste avec l'ancienne. Le ma-

lade se plaint qu'on lui a changé sa peau, sa chair, son goût,

ses yeux, qu'on soutire sa cervelle, qu'on lui enlève son carac-

tère, qu'on fait entrer des têtes malades dans la sienne, que

deux individualités coexistent en lui-même. Une malade est

persuadée qu'une autre femme habite en elle, et se substitue à

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 447

elle dans ses relations conjugales; un homme croit que sa

fiancée s'est glissée en lui par la région temporale, en le tem-

poralisant, et que tous les points de ce corps de femme sont

exactement superposés à son corps d'homme, etc., etc.

C'est que déjà l'intelligence fléchit, la résistance cérébrale

diminue sous la double poussée de l'âge (athérome) et de la

longue concentration délirante. A ce moment même, le délire

des grandeurs va succéder au délire des persécutions.

Pinel, Spielmann, Renaudin, Morel avaient déjà remarqué

que certains persécutés devenaient un jour ambitieux. Foville,

en 1871, confirma ce fait et le précisa cliniquement; mais, à

côté des malades qui se transforment, il plaça, sans les en dis-

tinguer, des sujets qui sont d'emblée ambitieux et persécutés

ou simplement ambitieux. Il ne vit pas que les sujets seuls qui

ont progressivement évolué de l'idée de .persécution à l'idée

de grandeur, sont précisément ceux qui ont versé dans la folie

sur le tard, après une existence normale, qui, longtemps

inquiets, soupçonneux, n'ont toutefois accepté qu'en luttant

l'idée délirante, et l'ont amenée avec lenteur et méthode à sa

pleine inactivité.

Je ne referai pas aujourd'hui l'histoire de cette troisième

phase de l'affection : nous la trouverons ailleurs'. Que l'idée

de grandeur surgisse à la suite d'une déduction logique

(Foville), qu'elle soit le produit d'un accident fortuit ou d'une

hallucination révélatrice; qu'elle soit plutôt l'extériorisation,

au moment le plus favorable, quand le cerveau commence à

faiblir, d'une pensée latente (Camuset, Garnier), il n'en reste

pas moins ce fait clinique absolu qu'à une certaine époque

de sa maladie, le délirant chronique devient de persécuté, am-

bitieux. Le paria, la victime est maintenant un personnage

illustre, un chef d'Etat; il se dit fils de Napoléon, de Louis-

Philippe, etc. ; il exige les millions qui lui sont dus, se pro-

clame de « race infaillible et triplement royale », etc. Ce délire

ambitieux, comme le délire des persécutions qui l'a précédé,

emprunte ses couleurs au milieu social dans lequel vit le ma-

lade, à ses croyances, à son instruction. -Possédés, incubes,

succubes, démonopathes devenaient jadis théomanes,- pro-

phètes, antéchrist; les électrisés, les hypnotisés, les persécutés

de nos jours font place aux empereurs, aux présidents de

' Magnan. Leçons cliniques, 278.

448 8 CLINIQUE MENTALE.

République, aux inventeurs, etc. Certains malades même,

associant les superstitions du passé aux découvertes scienti-

fiques modernes, montrent d'une façon très nette leur double

éducation dans deux milieux différents. Mais sous quelque

couleur que se présente le délire, il n'y a là qu'un fait acces-

soire qui ne doit pas en imposer au clinicien; le fait capital

consiste uniquement dans la transformation des idées de

persécution en idées de grandeur; et ce qu'il faut considérer,

c'est, non pas la couleur du délire, mais son évolution.

Et dans ce délire des grandeurs qui vient donner à la ma-

ladie une caractéristique nouvelle, il y a plus qu'un délire

surajouté (Falret). Une personnalité toute différente s'est fait

jour, car dès ce moment les idées de persécution s'effacent et

disparaissent devant les idées de grandeur. Celles-ci ne sont

pas toujours très accentuées; elles ne se manifestent parfois

(Marandon de Montyel, Camuset) que par un optimisme exa-

géré du malade, par la conviction qu'il a de posséder un pou-

voir surnaturel. Souvent elles sont dissimulées (Falret, Dou-

trebente, Briand), mais, ces réserves faites, on peut dire

qu'elles se manifestent maintes fois au dehors par des allures

caractéristiques. Le malade cesse de se plaindre, il se compose

une attitude pleine d'ironie et de dédain. Il s'accoutre d'orne-

ments étranges, indices de sa dignité et de son rang; il parle

avec hauteur ou garde un silence plein de mépris ; s'il entend

encore des voix, c'est à des distances prodigieuses et parce qu'il

est doué d'une ouïe exceptionnelle; s'il a encore des ennemis,

il peut les « broyer d'un coup de mâchoire », etc.

(A suivre.)

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU ROLE DES IDÉES FIXES

DANS LA PATHOGÉNIE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE;

Par A. SOUQUES,

Chef de clinique des maladies nerveuses, à la Salpètrière.

Il y a trois ans, MM. Debove, Ballet, Babinski et Mathieu

communiquaient à la Société médicale des hôpitaux1 une série

' Soc. mécl. des laûpit. de Paris, 1891, p. 421, 5G8 et 582.

. ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 449

d'observations de polyurie hystérique, pour attirer l'attention

sur sa fréquence et ses caractères propres. Cette question a été

reprise l'an dernier par M. Mathieu' et surtout par Elirliardt '.

qui en a fait une étude d'ensemble très remarquable. Il est

certain qu'avant 1891 plusieurs observations de même ordre

avaient été mentionnées, mais il est non moins certain que la

plupart de ces faits, déjà anciens, laissent un doute dans l'es-

prit. Assurément l'hystérie y est indubitable, mais il faut

avouer que la nature hystérique de la polyurie n'en- ressort

pas avec la même certitude. Il manque à tous ces faits le cri-

térium signalé par M. Babinski. Faire varier la polyurie par

suggestion, la faire disparaître et réapparaître, tel est ce crité-

rium qui enlève tous les doutes et établit la nature hystérique

du syndrome, même quand les stigmates habituels de la né-

vrose font défaut.

Nous avons eu l'occasion d'observer un cas de polyurie dont

nous allons rapporter les détails. Il nous servira de témoignage

pour avancer que la plupart des observations de polyurie ner-

veuse, sine materia, relèvent de l'hystérie, et que l'origine

de la polyurie hystérique doit être recherchée dans une idée

fixe.

Auguste Drug., trente-sept ans, bijoutier, entre le 12 mai f89r, à

la Salpêtrière, dans le service de M. Brissaud.

Ses antécédents héréditaires sont intéressants à souligner. Du

côté maternel, on trouve le rhumatisme déformant chez la mère,

la goutte chez le grand-père et chez un oncle, l'hystérie convul-

sive chez une tante. Du côté paternel, par contre, aucune tare

névropathique ou autre à signaler. Le malade est le seul enfant de

sa famille; il avait un frère qui est mort de fièvre typhoïde. Jamais

il n'a entendu parler de polyurie dans sa famille.

Drug. a eu, à l'âge de trois ans, des convulsions suivies demono-

plégie brachiale droite. Il reste aujourd'hui des vestiges indubi-

tables de cette ancienne paralysie spinale infantile, qui l'ont fait

exempter du service militaire. De cinq à dix ans il a eu la scar-

latine, la rougeole et une fluxion de poitrine. A l'âge de quinze

ans, il est entré comme apprenti dans une grande maison de bijou-

terie où il est resté une vingtaine d'années. (Depuis deux ans seu-

lement il travaille à son compte.) Il avait acquis dans son métier

une habileté d'artiste; il gagnait facilement Va fanes par jour

et dépensait sans compter. Son instruction, quoique primaire,

4 A. Mathieu. La polyurie hystérique. (Revue aaeurolog., 1893, p. 522.)

2 Elrhardt. - De la polyurie hystérique. Thèse de Paris, 1893.

Archives, t. XXVIII. 29

450 CLINIQUE MENTALE.

était assez étendue. 11 dessinait bien et jouait de divers instruments

de musique en mélomane.

Il a fait de larges excès d'alcool. Depuis douze ans, au moins, il

boit en moyenne cinq litres de vin par jour, un petit verre de

cognac à chaque repas et environ quatre absinthes par semaine.

En outre de cette ration habituelle, il se livrait assez souvent à

de copieuses libations. Il avait remarqué qu'à la suite de ces

c bordées >, il était obligé d'uriner souvent pendant le jour qui

suivait. Cette pollakiurie transitoire, éliminatrice des boissons ainsi

ingérées, avait frappé son attention. Malgré cette intoxication

chronique, traversée par de fréquents excès aigus, le malade ne

présente pas les symptômes classiques de l'alcoolisme.

A l'âge de vingt-huit ans, il a eu un violent rhumatisme articu-

laire aigu qui a nécessité six mois de lit et trois mois de conva-

lescence. En 1889, il s'endort un jour sur son bras et se réveille

avec une paralysie radiale gauche, qui guérit au bout de trois

semaines.

Pas de syphilis. Trois ou quatre blennorrhagies, la dernière, il

y a une dizaine d'années.

Le début de la maladie actuelle remonterait au 4 novembre 1893.

Il rentrait, dit-il, chez lui un soir, lorsqu'il a été assailli, avenue

Parmentier, vers minuit, par deux malfaiteurs. Il a entendu trotter

derrière lui et sans avoir le temps de se retourner, a reçu des coups

de casse-tête sur le crâne, qui l'ontjeté à terre sans connaisance.

Lorsque le lendemain, vers cinq heures du matin, il a repris ses

sens, il s'est trouvé à l'hospice Saint-Louis, dans le service de

M. Lucas-Ghampionnière. On lui avait volé sa montre et son porte-

monnaie. Il a été très étonné, en revenant à lui, de voir sa tête

enveloppée d'un pansement. Ce retour à la connaissance a été de

courte durée. Deux heures après, en effet, le malade était pris

d'un délire qui aurait duré trois à quatre jours, accompagné de

fièvre et d'hallucinations visuelles en rapport avec son agression

nocturne. Sorti du délire, il n'a pas tardé à s'apercevoir qu'il avait

une grande soif et de fréquentes envies d'uriner. Durant ses trois

semaines d'hôpital, il a été tourmenté par des besoins impérieux de

boire et de pisser, et s'est ingénié pour les satisfaire à l'insu du

personnel. Il se levait la nuit pour uriner et pour boire au robinet;

il souffrait cruellement de voir verser à boire à ses voisins; le

simple bruit de l'eau le torturait. Jamais avant son agression il

n'avait éprouvé chose semblable; il buvait et urinait comme tout

le monde. Dix jours après l'accident, alors qu'il était encore à

Saint-Louis, il aurait eu une attaque de nerfs, caractérisée par du

tremblement et de la congestion du visage, précédés d'aura épi-

gastrique et de strangulation et suivis de perte de connaissance.

Depuis sa sortie, il aurait eu deux crises analogues.

Il est en effet sorti de l'hôpital au bout de trois semaines. La z

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 451

plaie du cuir chevelu, qu'on avait suturée, était complètement

guérie. Rentré chez lui, il mesure ses urines (15 litres en vingt-

quatre heures) et en fait faire l'analyse. On n'aurait trouvé ni

albumine, ni sucre, mais simplement un peu d'urée en excès.

Nous n'avons pas eu sous les yeux le résultat de cette analyse.

Depuis lors la polyurie et la polydipsie ont persisté sans modifica-

tion, malgré divers traitements. Le taux des urines de vingt-

quatre heures s'élevait à une vingtaine de litres, en moyenne.

Quelques jours après sa sortie, il a été pris de douleurs atroces

dans la tête et dans l'oreille droite. Un écoulement purulent est

survenu qui a duré trois semaines et qui a entraîné une surdité

unilatérale. Cette. surdité relève, d'après une note qu'a bien voulu

nous remettre M. Gellé, d'une otite suppurée cicatrisée. '

Etat actuel (mai 1894.) D... est un homme d'apparence

vigoureuse. Son crâne, très large dans le sens transversal, est

aplati dans la région occipitale. On voit, au niveau de la région

pariétale gauche, deux cicatrices linéaires, longues l'une de 3

et l'autre de 5 centimètres. La première commence à quatre

travers de doigt au-dessus de l'oreille gauche, sur le plan biauri-

culaire ; la seconde est située à 3 centimètres en arrière de la

précédente. Ce sont les vestiges des coups de casse-tête. La peau

est mobile à leur niveau et la voûte osseuse sous-jacente lisse et

régulière. On aperçoit dans la régio.n occipitale droite une cica-

trice analogue, conséquence d'une chute faite vers l'âge de

dix ans.

Le visage est symétrique, les cheveux et les dents bien im-

plantés, la voûte palatine normale, l'oreille régulière.

Au membre supérieur droit se retrouvent les traces de la para-

lysie infantile. L'épaule est notablement atrophiée, au niveau du

deltoïde et des sus et sous-épineux ? Le trapèze et les pectoraux

semblent respectés. Le membre n'est pas diminué de largeur mais

il est atrophié dans son ensemble. Le bras mesure S centi-

mètres de moins que celui du côté opposé; il y a 2 centimètres de

différence à l'avant-bras.

Du côté du tronc et des autres membres, on ne constate rien

d'anormal.

Comme troubles sensitifs, on trouve une hémianesthésie gauche

très nette pour les différents modes de la sensibilité et une zone

pseudo-ovarienne douloureuse du même côté. Cette zone ne

réveille pas les phénomènes de l'aura, quand ou la comprime. Les-

sens sont intéressés : l'odorat et le goût sont très obnubilés du

côté gauche; l'ouïe abolie à droite (otite suppurée) est normale à

gauche. Le champ visuel est rétréci bilatéralement (70° à gauche

et 80° à droite). Les pupilles égales réagissent normalement. Pas

de paralysie oculaire, pas de lésions du fond de l'oeil. Acuité

452 CLINIQUE MENTALE.

visuelle normale. Le malade se plaint parfois de voir trouble mais

exclusivement à la suite de fatigues visuelles occasionnées par son

métier de bijoutier. Enfin, il se plaint sans cesse d'une sensation

de froid généralisé.

Mais ce dont il se plaint le plus c'est du besoin incessant de

boire et d'uriner, la nuit comme le jour. Il a toujours soif, les

lèvres toujours sèches, la bouche c comme un copeau D. Il faut

qu'il boive à tout prix de l'eau fraîche et glacée de préférence. S'il

essaie de se retenir, il éprouve un malaise général inexprimable.

c Si je me retenais deux heures de boire, déclare-t-il, je crois que

je deviendrais fou. » Il fait tous les soirs sa provision d'eau pour la

nuit. L'hiver dernier, une nuit son eau s'est gelée, il est descendu

vers trois heures du matin à la fontaine de la cour qui était égale-

ment gelée. Alors, le voilà parti vers les Halles où il arrive au

bout d'une demi-heure, en suçant des morceaux de glace qu'il cas-

sait dans le ruisseau pour tromper sa soif. Il se précipite chez un

marchand de vin et avale coup sur coup deux carafes d'eau. Cette

soif inextinguible, en outre du supplice de Tantale qu'elle lui

inflige, le gêne considérablement dans ses occupations et dans ses

relations. Il a bien soin, quand il part en course, de boire avant

son départ; il est néanmoins obligé de s'arrêter chez les mar-

chands de vin. Pour éviter la curiosité qu'il éveille autour de lui et

les ennuis qui en résultent, il ne s'arrête que chez des gens qui

le connaissent et qui savent son infirmité. Lorsqu'il monte en

omnibus, d'est obligé- de descendre, après un assez court trajet,

pour satisfaire son besoin. S'il prendLomnibus deMadeleine- I

Bastille, il est forcé de descendre en face du Gymnas.e. Le besoin J

de boire es ? lui, tellemenfimpeneux qu'il lui est arrivé deux

ou trois fois, faute d'eau, de boire son urine. Il n'est jamais plus

heureux que lorsqu'il peut boire à son aise, à plein seau, jusqu'à

plus soif. Le besoin satisfait, il éprouve un soulagement très

agréable, mais très court.

C'est surtout la nuit que le besoin de boire devient intolérable.

Il est réveillé toutes les heures par la soif. S'il lui arrive de rester

endormi une heure et demie, il éprouve une vive céphalalgie qui

d'ailleurs disparaît, aussitôt le besoin satisfait. Il en résulte une

insomnie très pénible. Les quelques instants de sommeil qu'il peut

avoir sont traversés par des cauchemars : il rêve tout le temps (il

ne rêvait pas, dit-il, avant son agression), de rixes, de coups, de

blessures, de chutes dans des précipices sans fond. Après de telles

nuits, les journées sont mauvaises : il travaille avec peine et a sans

cesse des envies de dormir qu'il réprime, afin de se réserver pour

la nuit.

La miction est tout aussi impérieuse que la soif; elle est précédée

de pesanteurs dans le périnée et la face interne des cuisses qui dis-

paraissent dès que la vessie est vidée. Il est souvent obligé d'at-

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 483

tendre quelques secondes, avantde pouvoiruriuer. Quelquefois cette

attente se prolonge outre mesure et le met dans un état de surexcita-

tion extrême : Le 29 mai, malgré des besoins pressants et des essais

répétés, il est resté une heure sans pouvoir pisser et a été pris de-

vomissements, d'étouffements avec tremblement, d'une véritable

attaque de nerfs. Il urine souvent un litre par miction.

Voici quelques détails sur la quantité et la qualité de ses urines.

Toute supercherie a été évitée ; nous avons plusieurs fois fait

uriner le malade devant nous ; l'urine encore dans ces conditions

était physiquement et chimiquement analogue à celle des autres

mictions. D'autre part, le malade a été étroitement surveillé par le

personnel. De ce côté, on ne peut avoir aucune espèce de doute..

L'analyse chimique des urines a été faite, pendant quinze jours

consécutifs, par M. Yvon, que nous remercions de son obligeance.

Les urines émises, les boissons absorbées dans les vingt-quatre

heures ont été ponctuellement mesurées ; les aliments et les excré-

ment rigoureusement pesés. '

Pendant un mois D... est resté en observation. Durant ce temps,

le taux des urines de vingt-quatre heures a oscillé do 1G à 19 litres.

Deux fois seulement il est descendu (au-dessous de 10), à 15,500 et

4 rI,500. La quantité d'eau ingérée a été un peu inférieure au taux des

urines, mais en tenant compte du vin, du café et de l'eau contenue

dans les aliments solides, ce taux est atteint et même dépassé. Du

reste, le malade n'a pas sensiblement maigri. Le 9 mai, il pesait;

dit-il, 81 kilogrammes ; son poids était, le 8 juin, de 80 kilo-

grammes. Il est vrai que le régime de l'hôpital, différent du régime

alimentaire qu'il suivait chez lui, peut parfaitement expliquer cette

diminution de poids.

Un petit extrait du tableau, dressé par M. Yvon, donnera des

renseignements suffisants sur la composition chimique des urines

des vingt-quatre heures. L'urine est pâle à reuetverdàtre, à peine

acide et de densité très faible. Elle ne renferme ni albumine, ni

sucre.

454 CLINIQUE MENTALE.

phaturie. Les chlorures seuls sont augmentés et encore assez peu,

puisque dans l'urinenormale des vingt-quatres heures, on en trouve

13 à 14 grammes. Sauf cette hyperchlorurie relative, qui a été signa-

lée par Ehrhard et qui semble à peu près constante dans la polyu-

rie hystérique, cette polyurie ne diffère par aucun caractère physique

ou chimique des polyuries de toute autre nature. ·

Comme comparaison des ingesta et des excréta, le tableau ci-

dessous suffira :

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 4S5

Les réflexes sont normaux. Pas de troubles sphinctériens. Les

désirs et les aptitudes génésiques n'ont pas faibli.

L'état général est satisfaisant. Le malade est pâle ; il a un peu

maigri et ses forces physiques, dit-il, ont baissé. Cependant il

presse des deux mains le dynamomètre vigoureusement, et plus

même qu'un homme du même âge. Il a, en outre, été un jour

de sortie de Belleville à Sainl-Sulpice, aller et retour, sans éprou-

ver aucune fatigue.

A partir du 13 juin 1894, D... est hypnotisé. Nous lui suggérons

d'uriner moins. Dans le somnambulisme, nous avons su qu'il avait

remarqué, qu'après un excès alcoolique aigu, il urinait beaucoup

et souvent durant la journée suivante. Chaque fois qu'il faisait de

fortes libations la chose était fréquente la même polyurie [et

pollakiurie transitoire attirait son attention. Peu à peu son idée

s'était fixée sur ce fait.

Jusqu'au 14 juillet, le malade est hypnotisé et suggéré treize fois

en tout. Du 13 au 16 juin, il a été hypnotisé chaque jour et le taux

de l'urine a baissé quotidiennement d'un litre. Le 22 juin, après sept

séances de suggestion, il n'urine plus que 7 litres. Du 22 au 30 juin

quatre séances; le taux oscille entre 6 et 8 litres. Le 1 ? juillet,

douzième hypnotisation; l'urination tombe à 5 litres le 2 juillet

et à 3 litres et demi le 3. Enfin, le 4 juillet, le taux de l'urine

atteignait 3 litres 200. Chaque suggestion a amené, le jour suivant,

un abaissement du chiffre urinaire ; deux séances seulement ont

été suivies d'une légère augmentation transitoire.

Du 10 juillet au 2 septembre, le malade n'a reçu aucune sugges-

tion hypnotique; ses urines ont été régulièrement mesurées et leur

taux quotidien a oscillé entre 4 et 3 litres. Durant ce laps de temps,

l'urination s'est élevée quatre fois à 5 litres (9, 18, 22 juillet et

20 août).

Progressivement, au sur et à mesure que la polyurie diminuait,

la soif ardente, l'insomnie, les sensations de froid disparaissaient et

les sécrétions nasale, salivaire se rétablissaient. En trois,semaines,

tout était à peu près rentré dans l'ordre.

Dès que le malade s'est senti amélioré et guéri, il est devenu

ndocile. Se sentant capable de reprendre son travail, il a voulu

quitter la Salpêtrière, le 2 septembre 1894. Il était aussi contrarié

de ce que, pendant les vacances, on ne s'était pas occupé de

lui. Nous n'avons pu, de ce fait, faire la contre-épreuve, c'est-à-

.dire lui suggérer d'uriner davantage et faire réaugmenter la

polyurie. -

Le malade dont nous venons de rapporter l'histoire est in-

contestablement un hystérisque. Ses attaques, son hémianes-

thésie, etc., nous dispenseront d'insister sur ce diagnostic.

456 CLINIQUE MENTALE.

Mais sa polyurie est-elle aussi de nature hystérique ? Un argu-

ment péremptoire, la guérison par suggestion, permet de

répondre par l'affirmative, sans qu'il soit besoin d'invoquer

d'autres raisons.

Etant donné le traumatisme crânien originel, la première

idée qui devait venir à l'esprit était celle d'un cas de polyurie

traumatique. C'est, en effet, l'idée que nous avons tout d'abord

partagée, faute d'un interrogatoire et d'un examen suffisants.

Il est vrai que notre erreur n'a pas été de longue durée.

Une pareille erreur d'interprétation a été vraisemblablement

commise plusieurs fois et maintenue indéfiniment. Il est tou-

tefois difficile de faire la preuve d'une telle supposition, car

les éléments indispensables à la critique font défaut dans la

plupart des observations anciennes. Récemment M. le profes-

seur Potain \ parlant d'un sujet polyurique qui avait reçu une

blessure à la tête, et peu de temps après éprouvé un refroidis-

sement subit suivi de polyurie, s'exprimait en ces termes :

t II est probable que, si on analysait bien les faits de ce genre,

on retrouverait fréquemment l'hystérie comme intermédiaire

entre le traumatisme et la polyurie. » De même il s'agit, dans

un cas de M. A. Mathieu2, d'un sujet qui, ayant reçu des

coups sur la tête, se mit à uriner abondamment (20 à 25 lit.

dans les vingt-quatre heures). Et l'auteur ajoute : « Ce malade

était hypnotisable, et j'ai pu faire baisser momentanément la

polyurie par la suggestion pendant le sommeil provoqué. »

Les faits de ce genre, que l'avenir multipliera sans doute,

comportent par eux-mêmes un précieux enseignement. Ils

permettent, en outre, de considérer comme discutable l'origine

de certaines hyperdiurèses traumatiques, et de se demander si

leur origine n'est pas hystérique, d'autant plus que l'hystérie

mâle et l'hystérie traumatique sont restées méconnues jus-

qu'à ces dernières années, et que la polyurie peut être la seule

manifestation actuelle de la grande névrose 3.

' Potain. De l'llydru71e. (Semaine méd., 1894, p. 29.)

* Mathieu. - La Polyurie hystérique. (Revue neurologique, 1893,

p. 524.)

1 Loin de nons la pensée de suspecter l'existence et même la fréquence '

de la polyurie traumatique. Les recherches anatomo-patliologiques et-

expérimentales concordent pour en affirmer la réalité et l'authenticité.

Grâce à ces recherches, nous sommes à peu près fixés sur le siège que

doivent occuper les lésions pour produire l'hypersécrétion rénale. Depuis

déjà longtemps, Trélat et Mniard avaient mentionné la fréquence des

hémorrhagies de la base chez les animaux assommés. Vulpian, Brown- ,

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 457

Les mêmes réserves s'adressent à la plupart des cas de

polyurie alcoolique publiés jusqu'ici. Comment ne pas faire

d'expresses réserves, à cet égard, quand on voit que presque

tous les hystériques d'Ehrhardt « ont été des alcooliques avant

d'être des polyuriques ». Plusieurs cas de polyurie simple,

attribués par M. Lancereaux à l'intoxication par des essences

d'absinthe, d'anis, de badiane, a doivent prendre place, dit

M. A. Mathieu 1, dans les polyuries hystériques». Du reste,

M. Lancereaux qui a contribué plus que personne, en France,

Séquard, Lepine, Westphal avaient signalé la fréquence de foyers hémor-

rhagiques, bulbaires, consécutivement à des coups appliqués sur la tête

de cobayes. Consécutivement à des chocs répétés sur les parties anté-

rieure et bregmatique du crâne, Duret ne trouva pas à l'autopsie des

lésions au siège du traumatisme, mais des foyers hémorrhagiques dans

le plancher du quatrième ventricule. Mais ce sont surtout les recherches

de Kahler qui ont élucidé la question. Reprenant l'expérience fameuse

de Claude Bernard qui n'avait obtenu qu'une polyurie transitoire, Kahler

eut le mérite de produire une polyurie durable. Il s'était rendu compte,

après de nombreux essais, qu'un lapin exclusivement nourri avec de

l'avoine sèche, excrète en vingt-quatre heures une quantité constante

(10 à 45 centimètres cubes) d'une urine acide, trouble, dont la densité

varie entre 1,030 et 1,050. En possession de cet important terme de com-

paraison, il injecte dans le bulbe d'une cinquantaine de lapins, ainsi

nourris, une petite quantité de nitrate d'argent en solution, l'union

immédiate de cette substanee avec l'albumine des tissus devant empêcher

l'action du caustique au delà du point directement atteint. Il réussit il

provoquer ainsi, chez cinq lapins, une polyurie durable, caractérisée par

une urine pâle, d'une densité moyenne de 1,006, dont le taux des vingt-

quatre heures oscillait entre 500 et 200 centimètres cubes. Cette hyper-

diurèse s'accompagnait d'une polydipsie considérable, puisque les lapins

buvaient quatre à cinq écuelles d'eau, au lieu de se contenter d'une

seule, comme avant l'injection. En outre, les animaux étaient en parfait

état de santé et augmentaient même de poids. Il est, croyons-nous, im-

possible de mieux réaliser expérimentalement une polyurie traumatique

analogue à celle de l'homme. En sacrifiant ces lapins, Kahler remarqua

que c'étaient les lésions atteignant la partie caudale du pont et la partie

ouverte de la moelle allongée, surtout celles situées tout près du corps

restifurme, qui avaient provoqué l'hyperunnation.

En dehors de ces données expérimentales, il importe de faire observer

que plusieurs auteurs ont trouvé, à l'autopsie de sujets polyuriques, des

tumeurs, des hémorrhagies et des ramollissements situés dans le bulbe

ou dans son voisinage.

Il esl certain, d'autre part, que des recherches expérimentales et ana-

tomo-pathologiques ont montré, dans des cas de polyurie, l'intégrité du

bulbe et l'existence de lésions traumatiques ou spontanées dans les

hémisphères cérébraux, dans la moelle ou dans les nerfs périphériques.

Si on place le centre de la polyurie dans le bulbe, ces faits en apparence

contradictoires peuvent s'expliquer en admettant qu'un réflexe, parti de

ces régions extra-bulbaires, vient. aboutir au bulbe et détermine ainsi

l'hypersécrétion rénale.

4 Mathieu. Revue ize ? trolog., 1893, p. 522.

2 Lancereaux. De la Polyurie (diabète insipide). Th. d'Agrég., 1869.

Leçons de clinique médicale. Paris, 1892, p. 467. ZD

458 . CLINIQUE MENTALE.

à faire connaître la polyurie dite essentielle, met l'hystérie en

bonne place étiologique. Ainsi, dans sa thèse d'agrégation, la

grande névrose est incriminée sept fois, sur 51 cas de cause

connue, comme origine de l'hyperurination. Dans ses der-

nières leçons, il publie quatre nouveaux cas de polyurie alcoo-

lique. Il fait expressément remarquer que trois de ces malades

ont des attaques convulsives, hystériques, tout au moins chez

l'un d'eux.. Tout dernièrement encore, M. Déjerine 1 relatait

une observation de polyurie hystérique chez un homme de

vingt-neuf ans, grand alcoolique depuis l'âge de quatorze ans.

Nous ferons remarquer ici que notre malade est depuis long-

temps un grand buveur et qu'il se livrait fréquemment à de

copieuses libations. C'est à la suite des excès aigus qu'il a re-

marqué que, pendant plusieurs heures, il urinait souvent etbeau-

coup. Il a eu plusieurs fois par mois, l'occasion de faire cette

remarque. Peu à peu son attention s'est trouvée attirée sur

cette pollakiurie transitoire et éliminatrice. A l'état de veille, il

n'en était pas trop ému, mais il déclare dans l'hypnose que ce

fait l'avait assez vivement frappé. Il en est peu à peu résulté

une idée fixe, subconsciente tout au moins. Le jour où, à la

faveur d'une forte émotion, il est devenu franchement hysté-

rique, cette idée s'est développée, a grandi, est devenue enva-

hissante et a été l'origine d'une grande polyurie permanente.

La formation de cette idée fixe et son évolution ne sont pas

douteuses chez cet homme. Il est légitime de supposer que la

polyurie des hystériques, antérieurement alcooliques, reconnaît

une origine analogue.

C'est plutôt, à notre avis, dans les excès alcooliques aigus

que dans l'alcoolisme chronique qu'il faut rechercher cette

origine. Voici pourquoi. On sait que les boissons éthyliques,

prises à dose modérée, activent la sécrétion urinaire. Cette

sécrétion est très exagérée dans l'intoxication alcoolique aiguë.

Il est reconnu, au contraire, que le taux de l'urination baisse

dans l'intoxication chronique. Pour appuyer notre manière de

voir, nous ferons remarquer que M. A. Mathieu a explicite-

ment noté l'influence des excès alcooliques aigus dans cinq cas

de polyurie hystérique : « Ces malades, dit-il, après une bordée

plus ou moins prolongée, sont étonnés de voir qu'ils conti-

nuent à uriner en quantité excessive, alors qu'ont pris fin les

1 Déjerine. De la Polyurie nerveuse. (Médecine mod., 1893, p. 650.

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 4S9

excès passagers de boisson auxquels ils se sont livrés. » Quoi

qu'il en soit, c'est là un point qu'il serait intéressant de re-

chercher à l'avenir.

Nous avons tenu à insister sur la fréquence des excès alcoo-

liques, dans les antécédents des polyuriques authentiquement

hystériques.

Il serait logique de faire appel aux mêmes arguments, pour

montrer qu'un certain nombre d'hyperdiurèses nerveuses, attri-

buées aux émotions, aux refroidissements, aux maladies aiguës,

relèvent vraisemblablement de l'hystérie. Mais ici encore, plus

que ci-dessus, les bases d'une critique rigoureuse font défaut.

Nous ne voulons pas dire que tous les cas de polyurie sans

lésions dépendent de la grande névrose. Il y a, au moins, deux

variétés de polyurie nerveuse qui restent irréductibles. Ce sont

la polyurie héréditaire et celle des dégénérés 1, qu'on pourrait

peut-être confondre en une seule espèce. Les observations n'en

sont pas rares et nous ne rappellerons que celle de Weil. Il

s'agit d'une famille composée, dans quatre générations, de

92 membres. L'auteur put obtenir des renseignements expli-

cites sur 18 d'entre eux. Or, 23 de ces membres étaient polyu-

riques. Et les garçons qui n'avaient pas d'hyperdiurèse, pré-

sentaient tous un doigt-surnuméraire. On pourrait faire observer

que la plupart des hystériques, sinon tous, sont des dégénérés,

et que nosographiquement la polyurie des hystériques et celle

des dégénérés ne doivent faire qu'une. Mais cette déduction est

très critiquable. Dans tous les cas, l'assimilation au point de

vue clinique nous semble impossible.

En somme, il ressort de ces considérations que le domaine

de la polyurie hystérique s'est singulièrement accru, aux dé-

pens des polyuries alcoolique, émotive, traumatique, etc. En

deux ans, on a observé 22 cas dans les hôpitaux de Paris. Sa

rareté autrefois tenait simplement à notre ignorance de 1'liys-

térie masculine et des agents provocateurs primordiaux de la

névrose, tels que les émotions, l'alcoolisme, les traumatismes.

Dans l'ignorance où on était de l'hystérie mâle, on n'en re-

cherchait pas les stigmates chez l'homme. Or, presque tous

les cas de polyurie hystérique récents et authentiques con-

' Consulter : Ballet. Iib Thèse de Taboureau. Paris, 1888, et Soc. nzdd.

des /top., 1891. - Louis Guinon. De quelques troubles urinaires de

l'enfance. Thèse de Paris, 1889. Debost. De la Polyurie chez les

dégénérés. Tit. de Paris, 1892.

460 CLINIQUE MENTALE.

cernent des hommes. D'ailleurs, la présence de stigmates

actuels n'est pas indispensable. M. le professeur Debove' a

insisté sur l'existence d'une polyurie hystérique monosympto-

matique et en a communiqué deux exemples. Le fait rappelé

par M. A. Mathieu2 est très instructif à cet égard : un jeune

homme de vingt-cinq ans, ne présentant aucun stigmate d'hys-

térie, urine de 20 à 28 litres par jour. La thérapeutique habi-

tuelle n'amène aucun résultat. Un matin, Thiroloix lui fait

administrer, à l'insu de tous, des cachets de sel marin en le

persuadant de l'efficacité merveilleuse du médicament. Le taux

de l'urine tombe à 3 litres. Donc, les observations anciennes

de polyurie nerveuse simple, où la recherche des stigmates n'a

pas été faite [et où, en leur absence, la suggestion directe ou

indirecte n'a pas été tentée, ne valent plus et restent sujettes

à caution.

Nous arrivons maintenant à l'étude d'un point de la polyu-

rie hystérique, sur lequel l'attention n'a pas encore été appelée,

du moins à notre connaissance. Il s'agit du rôle pathogénique

des idées fixes et de la manière de l'interpréter. Ehrhardt a

bien relevé dans les antécédents de ses polyuriques les excès

d'alcool et l'incontinence nocturne d'urine, mais il ne les a

pas interprétés. « Dans les antécédents des malades, dit-il',

nous notons presque toujours dans leur enfance de l'inconti-

nence nocturne d'urine, qui se prolonge souvent assez tard,

mais n'est pour rien dans l'éclosion de la polyurie qui ne débute

que bien des années après. Ce trouble urinaire n'indique dans

l'enfance qu'un état névropathique précurseur de l'hystérie,

mais sans aucune influence directe sur la production d'une

polyurie dans l'avenir. 1

a Il est à remarquer que presque tous nos malades ont été des

alcooliques bien avant d'être des polyuriques. Il est évident

que l'alcool a pu préparer le terrain pour le développement

de la névrose et qu'il a joué le rôle d'agent provocateur de

l'hystérie. »

Nous pensons, au contraire, que l'incontinence nocturne

d'urine et les excès éthyliques sont pour beaucoup et ont une

' Debove. - Soc. méd. des larip., 1891, p. 571.

' Mathieu. Soc. méd. des ? 11 mars 1892.

3 Ehrhardt, loc. cit., p. 28. Sur 17 cas, en effet, rapportés par l'auteur,

l'incontinence nocturne est signalée 8 fois et l'alcoolisme 1G fois dans

les antécédents.

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 1161

influence directe dans le développement de la polyurie du-

rable des hystériques. Il est évident qu'un enfant, qu'un ado-

lescent qui pisse au lit, a l'attention attirée, l'idée fixée sur sa

triste infirmité. Les moqueries et les réprimandes d'une part,

et d'autre part les désagréments, les ennuis et les inconvénients

de cette incontinence, lui rappellent sans cesse le désagréable

souvenir de ce trouble urinaire. Point n'est besoin d'insister

sur ce chapitre. Que ce sujet devienne plus tard hystérique,

cette idée fixe consciente ou subconsciente, pourra grandir,

envahir l'esprit et devenir naturellement l'origine d'une hyper-

sécrétion urinaire. Cette réaction s'impose presque chez un tel

sujet, étant donnée l'existence d'une idée fixée depuis longtemps

sur une anomalie de l'urination. La filiation, toute logique, est

facile à concevoir. Les incontinents nocturnes urinent sinon

plus, du moins plus souvent que les sujets normaux. Presque

toujours, ils ont des besoins fréquents et impérieux pendant

le jour. Or, uriner souvent ou uriner beaucoup sont deux

choses que l'usage confond ensemble. L'enfant qui a de l'in-

continence nocturne, qui a des mictions fréquentes et impé-

rieuses diurnes, croit en réalité qu'il urine plus que normale-

ment. L'enchaînement logique des choses doit le conduire plus

tard à la polyurie. C'est du reste aujourd'hui un fait banal

dans l'interprétation des accidents hystériques. Il est de règle

que les hystériques aillent chercher, dans un souvenir frappant

de leur passé, l'origine d'une manifestation actuelle. Or, on ne

saurait dénier à l'incontinence nocturne d'être un fait saillant

dans la vie et de laisser dans l'esprit un souvenir marquant.

Un raisonnement analogue peut être invoqué pour expliquer

le rôle des excès alcooliques dans la production de la polyurie

hystérique. Qui boit beaucoup urine plus et plus souvent

qu'un sujet sobre. Il est logique de croire que cette hyperdiu-

rèse, consécutive aux grandes libations, peut et doit devenir

l'origine d'une idée fixe. La filiation des phénomènes est aisée

à comprendre. Le cas que nous avons étudié ne laisse aucun

doute sur ce point. S'il n'en était pas ainsi, comment pour-

rait-on expliquer la grande fréquence des antécédents alcoo-

liques chez les hystériques polyuriques ? -

Il est rationnel de supposer que les rares observations d'hy-

perdiurèse hystérique, sans incontinence nocturne ou sans

alcoolisme antécédent, relèvent également d'une idée fixe

d'origine génito-urinaire. Sur une seule des dix-sept observa-

462 CLINIQUE MENTALE.

tions étudiées par Ehrhardt, les antécédents d'alcoolisme ou

d'incontinence font défaut. Or, il est dit que cet homme, de

trente-cinq ans, avait eu plusieurs blennorrhagies, «une entre

autres, l'année dernière, compliquée de cystite et soignée à

l'hôpital du Midi. Envies très fréquentes d'uriner et urines san-

guinolentes. Instillation de nitrate d'argent. » Ces détails, pris

sans idée préconçue, sont très instructifs. N'est-il pas très

naturel qu'une idée fixe, d'ordre urinaire, .prenne origine au

milieu de tels accidents ?

C'est donc psychologiquement qu'il faut concevoir la polyu-

rie hystérique. Cette interprétation est conforme, d'ailleurs,

aux données générales que nous possédons actuellement sur

la grande névrose. C'est là un point qui mérite d'attirer l'at-

tention. Jusqu'ici, en effet, l'origine psychique des manifesta-

tions urinaires de l'hystérie n'a pas été explicitement démon-

trée. Il est vrai que, dans l'espèce, la recherche de l'idée fixe

présente quelques difficultés. Raison de plus pour ouvrir le

chapitre de l'hystérie waso-motrice, au point de vue du méca-

nisme psychologique.

Mais comment une idée fixe d'ordre urinaire parvient-elle à

réaliser cette polyurie ? Qu'une anomalie de la sécrétion ou de

l'excrétion urinaire attire et fixe l'idée d'un sujet, cela se

conçoit aisément. Il est moins aisé de comprendre le méca-

nisme intime par lequel cette idée fixe aboutit à la polyurie

durable. 11 est logique de supposer qu'elle [le fait en détermi-

nant un trouble vaso-moteur du côté des reins. Si ce trouble

vaso-moteur se localise sur les reins, c'est parce que ces

organes sont, pour ainsi dire, désignés d'avance par une ano-

malie urinaire antérieure, telle que l'incontinence nocturne,

l'hyperdiurèse transitoire des excès alcooliques, etc. L'inter-

médiaire obligé entre l'idée fixe et le syndrome urinaire semble

donc être un trouble vaso-moteur localisé aux reins. Certains

exemples de troubles vaso-moteurs localisés dans l'hystérie,

provoqués par une idée, sont indiscutables. L'oedème, produit

par suggestion, nous servira de témoignage et nous dispensera

de plus longs commentaires, car ici le trouble vaso-moteur est

visible, indiscutable et se fait, si on peut dire, sous les yeux de

l'observateur qui a suggéré l'idée d'un gonflement oedémateux.

Si le trouble vaso-moteur rénal, déterminé par l'idée d'un

ancien trouble quantitatif de la miction, ne peut être constaté

par les yeux, on peut du moins le juger par ses conséquences,

ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 463

c'est-à-dire par la polyurie. Ce qui prouve, au surplus, l'exis-

tence et le mécanisme d'un tel trouble, c'est, comme l'ont

montré M. Babinski d'abord', et puis MM. Debove 2 et Ehrhardt3

la possibilité de faire disparaître ou reparaître la polyurie à

volonté, par suggestion hypnotique. L'observation de Thiro-

loix, rappelée plus haut, montre que la suggestion indirecte

peut arriver aux mêmes résultats. N'est-ce pas là, entre paren-

thèses, la meilleure preuve qu'on puisse fournir du rôle des

idées fixes dans la détermination de l'hyperdiurèse hystérique

et de la thèse que nous défendons ici ? Qu'est-ce que suggérer

sinon fixer une idée sur un point donné ?

Mais s'agit-il d'une action inhibitrice sur les centres vaso-

moteurs bulbo-médullaires d'où partent les nerfs vaso-moteurs

du rein ? Cette inhibition va amener la vaso-dilatation du sys-

tème vasculaire rénal, augmenter l'élévation de la pression

sanguine locale et produire l'hyperdiurèse. Ne s'agit-il pas

d'une action dynamogénique sur les centres sécrétoires du

rein ? Mais l'existence des nerfs sécrétoires du rein, et par con-

séquent de leurs centres, n'est rien moins que démontrée. Il

est donc beaucoup plus rationnel d'admettre la première

hypothèse qui est conforme à l'état actuel de nos connais-

sances anatomiques et physiologiques, et qui est justifiée par

ce que nous savons sur l'oedème hystérique.

Les résultats que nous avons rappelés, en parlant de la po-

lyurie traumatique, font supposer que la lésion qui la produit

doit siéger dans le bulbe. Les faits de polyurie organique par

lésions, siégeant en d'autres points du système nerveux central

et périphérique, s'expliquent dans cette hypothèse par un ré-

flexe partant du point lésé pour aboutir au bulbe. Or, c'est

précisément dans le bulbe que les physiologistes placent les

centres vaso-moteurs. De quelle manière l'idée fixe, dans la

polyurie hystérique, influence-t-elle ces centres ? On peut sup-

poser que l'idée fixe est le point de départ d'un réflexe cortical

qui vient aboutir aux centres vaso-moteurs bulbaires du rein

et les inhiber. La polyurie par suggestion légitime cette hypo-

thèse, sans qu'il soit besoin de supposer un centre vaso-

moteur rénal, situé dans l'écorce cérébrale. Donc, en pensant

1 Babinski. Polyurie hystérique. Influence de la suggestion sur

l'évolution de ce syndrome. (Soc. med. des hôp., 1891, p. 568.)

s Debove. Soc. 12zéd. des hôp., 1891, p. 581.

3 Ehrhardt, loc. cit.

464 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

anatomiquement et physiologiquement d'une part, en tenant

compte des analogies d'autre part, on est autorisé à admettre

une action inhibitrice psychique sur les centres vaso-moteurs

rénaux, qui entraine la vaso-dilatation, l'augmentation de la

pression sanguine du rein et par suite la polyurie.

En résumé, si la pathogénie par idée fixe de la polyurie

hystérique semble indiscutable, sa physiologie pathologique

est, au contraire, tout hypothétique. Il ne peut en être autre-

ment, puisque la physiologie de la sécrétion urinaire normale

est encore sujette à discussions. Quoi qu'il en soit, on peut

dégager des considérations précédentes ces deux conclusions :

1° La polyurie hystérique durable est beaucoup plus fré-

quente qu'on n'a cru. Plusieurs des anciennes observations de

polyurie alcoolique, émotive, traumatique, etc., doivent au-

jourd'hui rentrer dans son cadre. Elle ne saurait cependant

englober tous les cas de polyurie sine materia. La polyurie

héréditaire des dégénérés, tout au moins, forme une catégorie

distincte et irréductible ;

2° La polyurie hystérique est la conséquence d'une idée

fixe d'ordre urinaire. Cette idée fixe a son origine dans l'exis-

tence antérieure, chez le sujet, d'un trouble urinaire polla-

kiurique ou hypersécrétoire (excès alcooliques aigus, inconti-

nence nocturne d'urine, etc.). L'idée inhibe probablement

les centres vaso-moteurs du rein, ce qui entraîne une vaso-

dilatation rénale, c'est-à-dire la polyurie.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS MÉDUL-

LAIRES DE LA SYPHILIS ET EN PARTICULIER DE LA

MÉN1NGO-MYÉLITE SYPHILITIQUE ;

Par H. LA111Y 1

HISTORIQUE. Etat actuel DE la QUESTION. La syphilis

médullaire n'a été l'objet que d'un nombre assez restreint de

1 Note présentée' a l'Académie de Médecine par M. le D' François

Franck (séance du 10 octobre 1891).

LA 111ENINGO-1111LLITE SYPHILITIQUE. 46S

recherches, comparativement à la grande quantité de docu-

ments que nous possédons sur la syphilis cérébrale. Cette

pénurie relative s'explique par des raisons multiples.

Outre leur fréquence moindre que celle des localisations

cérébrales, les accidents spinaux sont beaucoup moins variés

cliniquement que ceux-ci. La moelle n'a pas mille façons de

réagir comme le cerveau; les myélites syphilitiques ont de

grandes ressemblances avec d'autres myélopathies aiguës ou

chroniques, et elles n'en ont pas toujours été distinguées.

La rareté des autopsies, pratiquées dans des conditions favo-

rables d'observation, fait comprendre comment l'histoire ana-

tomo-pathologique de ces myélites s'est constituée si lente-

ment. Les formes graves rapidement fatales sont l'exception ;

et les examens anatomiques ont été surtout pratiqués à l'occa-

sion de lésions déjà anciennes, ayant plus ou moins perdu

leurs caractères spécifiques du début.

Enfin il faut incriminer, jusqu'à ces dernières années, l'in-

suffisance de moyens d'investigation. On sait positivement

aujourd'hui que des lésions considérables de la moelle peu-

vent passer inaperçues à l'oeil nu. Dans la première moitié de

ce siècle, on ne concevait comme détermination 'médullaire

possible de la vérule, que les tumeurs gommeuses intra-rachi-

diennes, ou les exostoses vertébrales agissant par compression

(Vidai de Cassis). De myélite syphilitique, il n'était pas

question ; et lorsque dans une autopsie de paraplégie syphili-

tique, par exemple, on ne trouvait aucune lésion grossière de

ce genre, on déclarait simplement que la paraplégie était de

nature fonctionnelle.

Si bien qu'il y a vingt ans, on possédait au total quatre ou

cinq faits de syphilis médullaire authentique, publiés avec au-

topsie. Mais la période contemporaine semble avoir pris à

tâche de combler cette lacune. En France et en Allemagne

surtout, les publications deviennent chaque année plus nom-

breuses, jusqu'à l'emporter sur celles qui concernent la syphilis

cérébrale actuellement mieux connue.

Les examens microscopiques démontrèrent que, à l'autopsie

des syphilitiques qui succombent avec des accidents spinaux,

l'infiltration plus ou moins diffuse de la moelle.se rencontrait

beaucoup plus fréquemment que les lésions spécifiques gros-

sières (Heubner, Homolle, Julliard, etc.). Le processus de la

lésion était d'ailleurs bien conforme à celui des néoformations

Archives, t. XXVIII. 30

466 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

. syphilitiques en général. Il existait donc des « myélites syphi-

litiques ». Ce diagnostic que Ricord n'avait jamais osé formu-

ler, même en présence de cas qui l'embarrassaient singulière-

ment, fut couramment porté dans la pratique médicale.

L'étude attentive de ces myélites conduisit à faire une part

importante aux altérations des vaisseaux nourriciers de la

moelle (Greiff, Rumpf, Moeller, Lancereaux, etc.). On admit,

dès lors, une arlérite médullaire syphilitique comme il y aune

artérite cérébrale. En 1889, Gilbert et Lion réunissaient dans

un important mémoire tous les faits connus jusque-là de syphi-

lis médullaire précoce, et proposaient une classification ration-

nelle des diverses formes anatomiques observées.

En résumé, on admet généralement aujourd'hui que la

syphilis peut engendrer directement des myélites (aiguës ou

chroniques) non systématiques. La dégénération systématisée

primitive des éléments nerveux, si elle a lieu chez les syphili-

tiques (ceux qui deviennent tabétiques par exemple) ne serait

que le résultat d'une action directe et encore mal connue du

virus syphilitique (maladies parasyphilitiques de Fournier).

Tout n'a pas été dit, tant s'en faut, sur les myélites syphili-

tiques ; et les faits anatomiques surtout, minutieusement

observés, sont encore accueillis avec empressement par tous

ceux qui s'intéressent à ce sujet. A-t-on même répondu victo-

rieusement à cette objection formulée encore actuellement

par quelques bons esprits portés au doute par la prudence :

à savoir que la syphilis peut très bien n'avoir ici qu'une

influence prédisposante et ne pas agir par lésion directe ? 2

La solution définitive que la bactériologie pourra fournir

un jour à cette question, empreinte sans doute d'un scepti-

cisme exagéré, nous n'oserions affirmer que l'anatomie patho-

logique et la clinique l'aient encore donnée. Nous nous

sommes efforcés d'y contribuer par nos recherches person-

nelles.

RECHERCHES PERSONNELLES. Elles ont porté sur la partie

clinique et analomo-pathologique du sujet. Enfin nous avons

cherché à déterminer expérimentalement quelle pouvait être

la part des lésions vasculaires dans les myélopathies syphiliti-

ques.

I. Étude clinique. La division suivante nous parait la

plus conforme aux faits :

LA MÉNINGO-MTÉLITE SYPHILITIQUE. 467

A. Méningite syphilitique spinale.

l3. - Méninge-myélite. ,

C. Myélite.

A. La méningite syphilitique spinale pure sans participation

de la moelle est extrêmement rare. Nous en avons rapporté

deux cas |bien nets'. Dans les deux cas elle était associée à

la méningite cérébrale de la base, et elle était compliquée de

névrites radiculaires au niveau du renflement cervical.

Nous avions insisté sur la signification de la rachialgie Moc-

turne dans cette forme, en tout point comparable à la céphalée

nocturne des syphilitiques. La méningite est la plus favorable,

au point de vue pronostique, de toutes les variétés de syphilis

spinale, la plus accessible au traitement. Dans une de nos

observations, la guérison fut obtenue complètement en l'es-

pace de quelques semaines, malgré un commencement d'atro-

phie dans les membres supérieurs.

B. La ? K6H ! 'nyo- ? ? ! yë/<<e présente deux phases distinctes dans

son évolution clinique :

a. La période prodromique ou méningitique répond au

tableau clinique de la méningite spinale. Dans certains cas,

elle est caractérisée par des accidents cérébro-spinaux. Les

phénomènes cérébraux sont alors généralement les premiers

en date. Ce sont des céphalées, des troubles de la vision, et

des paralysies dans le domaine des nerfs crâniens, indiquant

une localisation méningée vers la base de l'encéphale. Puis

l'envahissement des enveloppes médullaires se traduit à son

tour par la rachialgie (souvent à paroxysmes nocturnes), les

élancements douloureux, la rigidité du rachis.

Dans une troisième étape la moelle est atteinte à son tour

elles paralysies spinales se produisent. Cette évolution, cette

marche descendante de la méningite syphilitique du cerveau

vers la moelle est tout à fait typique. Il est à remarquer que

c'est presque toujours la méningite cérébrale de la base qui

inaugure cette série d'accidents.

b. A la période des paralysies, l'ensemble symptomatique

st beaucoup moins caractéristique. On a sous les yeux le plus

souvent une myélite transverse dorsale, sous forme de para-

1 L'une dans notre thèse sur la ]Ié)iingo-myélile syphilitique (Paris,

1893), l'autre dans l'Iconographie de la Salpétrière (1894).

468 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

plégie avec participation des réservoirs. Ou bien c'est une

hémipai,aplégie,çpinale avec syndrome de Brown-Séquard.

Désormais, l'évolution du mal a beaucoup moins de chances

d'être modifiée par le traitement, qui agit si efficacement sur

les déterminations méningées.

Les éléments les plus précieux du diagnostic sont fournis ici,

non par les symptômes spinaux à proprement parler, mais par

les caractères de la phase prémonitoire et la coexistence des

accidents cérébraux mentionnés plus haut.

C. Myélite. Dans un assez grand nombre de cas, la

moelle parait atteinte primitivement, en ce sens que les phé-

nomènes d'irritation méningée, observés dans la variété pré-

cédente, font défaut ou sont insignifiants.

Les formes cliniques les plus communes, de beaucoup ont

une marche chronique. On est encore le plus souvent en pré-

sence du syndrome bien connu de la myélite transverse. Rien,

au point de vue symptomatique, ne semble spécial à la syphi-

lis. Ajoutons cependant qu'il n'est pas rare de rencontrer des

cas qui présentent comme une ébauche du type précédent : un

vestige de paralysie oculaire, une atrophie papillaire, des cé-

phalées nocturnes à l'origine, etc...

Les formes aiguës, bien que plus rares, ne sont cependant

pas exceptionnelles. Elles consistent généralement en para-

plégies à début rapide, parfois soudain, beaucoup plus accen-

tuées que dans les variétés qui précèdent, accompagnées de

paralysie absolue des sphincters, de troubles profonds de la

sensibilité et surtout compliqués de troubles trophiques graves

(eschares à extension rapide).

Ces formes aiguës sont des plus redoutables parmi les com-

plications nerveuses de la vérole. Elles peuvent amener la

mort en un mois, deux semaines, quelques jours. On peut

reconnaître dans leurs manifestations cliniques l'ensemble des

phénomènes que l'on considère généralement comme liés à la

destruction de colonne grise centrale médullaire, et qui carac-

térisent les myélites centrales aiguës. Elles semblent plus parti-

culièrement liées aux lésions des vaisseaux nourriciers impor-

tants de la moelle. Le traitement ne paraît avoir aucune action

sur elles.

Remarque sur le pronostic de la syphilis médullaire en

général. - Il nous paraît bien établi que les accidents médul-

LA 11Z&NINGO-11ZYLITE` SYPHILITIQUE. 469

laires de la vérole sont loin d'avoir donné à la thérapeutique

d'aussi beaux succès que les phénomènes cérébraux. Sans doute

les complications mortelles sont rares en ce qui concerne la

moelle ; mais il faut reconnaître que les guérisons radicales

des lésions médullaires parvenues à la période des paralysies

sont rares. Les myélites aiguës ou chroniques, une fois consti-

tuées, parcourent leur évolution suivant le mode des affections

similaires indépendantes de la syphilis.

Nous savons, au contraire, combien les symptômes ménin-

gés cèdent facilement, d'où l'indication d'intervenir d'une

façon énergique dès qu'apparaissent les prodromes que nous

avons étudiés.

II. Étude anatomo-pathologique. La méningite spi-

nale guérit ou bien elle se propage à la moelle. Les examens

anatomiques qu'il nous a été donné de faire se rapportent au

type de la méningo-myélite. C'est à cette forme anatomique

que les accidents précédemment étudiés semblent ressortir le

plus souvent. Nous avons rencontré la pachyméningite avec

envahissement secondaire de la moelle, et la leptomyélite.

A. La pachyméningite propagée à la moelle correspond aux

formes cliniques dans lesquelles les prodromes méningés ont

été très marqués. Elle a tendance à envahir surtout la demi-

circonférence postérieure de la moelle. L'envahissement des

cordons postérieurs rend compte des phénomènes pseudo-

tabétiques observés dans certains cas (rg. 12). La pachymé-

ningite spinale syphilitique parait avoir une prédilection mar-

quée pour la région cervicale. Souvent elle est associée à des

- Fig. 12. Fachvmeningite spinale sypnniuque avec unvamssemem z

secondaire de la moelle (région cervicale).

470 ANATOMIE PATHOLOGIQUE,

lésions méningées du côté de la base du cerveau, des nerfs

cérébraux, du chiasma en particulier.

B. La leptomyélite syphilitique ne donne souvent lieu clini-

quement à aucun signe d'irritation méningée. Elle correspond

donc aux formes dans lesquelles la moelle parait touchée pri-

mitivement (fig. '13).

Le point de départ des lésions médullaires est dans la pie-

mère et l'espace sous-arachnoïdien. Dans les lésions de date

récente, on y constate une infiltration néocellulaire compacte

se propageant dans la moelle le long des travées conjonctives

de la pie-mère.

Fait de la plus grande importance, les vaisseaux nourriciers

(artères et veines spinales) sont altérés d'une façon constante

dans cette variété de leptomyélite (fig. 14).

Les éléments nobles de la moelle sont donc exposés à deux

causes de destruction : l'infiltration cellulaire intense (tissu de

Fig. 13. Leptoméningte syphilitique avec intégrité de la moelle.

Fig. 14. Périartérite ancienne dans un cas de lel)toin3,lito$-pliili-

tique (artère spinale antérieure).

LA. MÉNINGO-MYELITE SYPHILITIQUE. 471 l'

granulations de Virchow) qui les refoule, les comprime

(fig. 15) - et l'ischémie par oblitération des vaisseaux nourri-

ciers spinaux.

C'est principalement la colonne grise centrale qui parait

souffrir de l'insuffisance de l'irrigation sanguine. Et ce fait

cadre assez bien avec la prédominance des lésions vasculaires

dans les formes qui rappellent, aussi bien au point de vue

clinique (fig. 16) qu'au point de vue anatomique, les myélites

centrales aiguës.

Caractères spécifiques des mé21121go-myéli«tes syphilitiques.

On ne saurait guère les rechercher que dans les lésions

récentes. Ayant eu précisément l'occasion d'examiner la moelle

d'un individu qui avait succombé dans le cours de la troisième

semaine à une paralysie syphilitique grave, nous avons pu

constater au microscope : 1° une infiltration diffuse de la

moelle sur une hauteur limitée de la région dorsale. Cette

infiltration prenait par endroits l'apparence du tissu de 92,anit-

lations, et on pouvait constater sur les coupes l'existence de

véritables petits foyers gommeux miliaires, avec nécrose par-

tielle (flg. 15). ,, }

2° La pie-mère, point de départ de l'infiltration cellulaire en

question, présentait par endroits de véritables granulations

embryonnaires dont quelques-unes étaient pourvues de cellules

géantes. ' z

. 3° Les altérations des vaisseaux nourriciers de la moelle

- Fig. 15. Foyer de ? ? ? t0-m ?

smp. scptum médium postérieur, iiifiliré de cellules rondes; vp, veinule de la pic-

mere oblitérée;pm, pie-mère épaissie et infiltrée; fy, foer gommeux intra-médullatrc.

(D'après une photographie microscopique. Coloration par la méthode de Pal

et le micro-carmin.)

472 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

offraient comme particularités : de débuter nettement par la

tunique externe, conformément à l'opinion de MM. Lancereaux

et Baumgarten au sujet de l'artérite syphilitique, d'être

infiniment plus accentuées dans les veines que dans les artères

(fait déjà constaté dans la syphilis médullaire par Siemerling,

Godflam, etc.), enfin, d'aboutir dans quelques vaisseaux

à la formation de foyers gommeux intra-pariétaux (fig. 17).

Fig. 16. - Ao- ? ? /6e syphilitique (forme aitié).

Coupe transversale de la région dorsale supérieure.

A, A', Exsudais colloïdes de la substanre grise (occupant en A), la gaine d'un vais-

seau, la substance grise parait raréfiée; B, (3' foyers de tubes neveux dégénérés, ils

sont tous orientés dans le sens des travées de la Les lésions sont analogues à

celles des myélites centrales aiguës.

Fig. 17. Phlébite spinale syphilitique.

Coupe transversale de Tarière et de la veine spinales antérieures.

A, artère absolument saine; B, veine dont les parois sont considérablement infiltrées et

la lumière réduite à une fente; en C, foyer de nécrose intra-pariétale.

LA MÉNINGO-1lYLITE SYPHILITIQUE. 473

Remarque. Il convient d'ajouter que, parmi les maladies

infectieuses communes, la tuberculose seule parait capable de

créer des lésions anatomiquement identiques aux précédentes.

La distinction sera toujours possible dans la pratique.

La conclusion la plus importante qui se dégage de nos re-

cherches anatomiques est la suivante. Les myélites des syphili-

tiques présentent, sinon toujours, au moins dans certains cas,

des caractères anatomiques assez particuliers pour permettre

d'affirmer qu'il existe des myélites syphilitiques légitimes, et

entre autres des myélites aiguës.

III. Etude expérimentale. Elle a été entreprise dans

le but de déterminer la part exacte qui revient à l'oblitération

des artères spinales dans le mécanisme des lésions précédentes.

Nous avons adopté, en le modifiant, le procédé imaginé par

Flourens et usité ensuite par Panum et Vulpian pour pro-

duire des embolies capillaires dans les artérioles médullaires.

Comme ces auteurs, nous avons employé à cet effet la poudre

de lycopode en suspension dans un liquide.

Ces expériences, commencées en 1891 dans le laboratoire de

M. François-Franck, nous nous proposons de les poursuivre et

d'en tirer tous les renseignements qu'elles sont susceptibles

de donner sur les troubles vasculaires de la moelle.

Actuellement déjà les résultats auxquels nous sommes arri-

vés 'ne manquent pas d'intérêt. En opérant sur des chiens,

nous nous sommes efforcés : 1° de ne pas produire de grands

désordres anatomiques dans la moelle; 2° d'éviter les embolies

dans les membres inférieurs; 3° de ne pas amener la mort

immédiate de l'animal.

Nous y sommes parvenus dans plusieurs cas. La moelle pa-

raissait saine à l'oeil nu, et le microscope a montré que les

grains de lycopode avaient parfaitement pénétré dans les ar-

térioles, en suivant principalement le trajet de l'artère spinale

antérieure, mais non exclusivement. On peut retrouver les

granulations jusque dans les ramuscules qui pénètrent dans

les cornes et ceux qui cheminent verticalement de part et

d'autre du canal de l'épendyme'. Or, dans tous les cas, nous

avons retrouvé la même lésion, consistant en foyers de 2,a ? nol-

' Ces derniers sont généralement considérés comme des veines; c'est

une erreur. La poudre de lycopode ne traverse pas les capillaires; et

injectée par la voie artérielle, elle pénètre dans les vaisseaux paraépen-

dymaires. Adamkiewicz a déjà relevé cette erreur anatomique.

474 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

lissement hémorragique exclusivement situés dans la substance

grise. Il nous a paru que le lieu d'élection de ces petits foyers

était au voisinage du canal de l'épendyme.

Les fibres nerveuses de la substance blanche présentent au

bout de plusieurs jours seulement des lésions dégénératives.

Sans aucun doute, cette systématisation n'est qu'affaire de

degré dans l'étendue de l'oblitération vasculaire. Une quantité

plus considérable de substance pulvérulente injectée eût amené

des embolies telles que la moelle entière eût offert l'aspect du

ramollissement rouge. Mais le fait mérite d'être noté, car il dé-

montre que, dans le cas d' oblitérations artérielles uniformément

réparties dans un segment de moelle, c'est la substance grise qui

subit la première les effets de l'insuffisance circulatoire. C'est

ce qui ressort des expériences d'Ehrlich et Brieger, de Spranck

sur l'ischémie de la moelle par la compression de l'aorte. Il y

a là, ce nous semble, un rapprochement à établir entre les

résultats de ces embolies médullaires et ce qui se passe dans

les myélites centrales aiguës, ou dans les myélites à marche

rapide des syphilitiques. N'avons-nous pas vu que celles-ci

étaient caractérisées par la prédominance des altérations vas-

culaires ? Ajoutons que le système circulatoire dans la moelle

lombaire du chien étant le même que dans la moelle de

l'homme, le rapprochement n'a rien de forcé.

Dans une publication ultérieure, nous nous proposons de

faire connaitre en détail le mode expérimental que nous

avons suivi et les lésions consécutives que nous avons cons-

tatées. Nul doute que les applications de ces données expéri-

mentales ne s'étendent d'ailleurs au delà du domaine de la

syphilis médullaire.

1 La technique expérimentale que nous avons suivie et les lésions

anatomiques immédiates que nous avons pu produire seront l'objet

d'une note dans le prochain numéro des Archives de physiologie.

PATHOLOGIE MENTALE.

LES DELIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS

SOUS LE NOM DE PARANOÏA ;

, \

Par le D' P. KERAVAL,

Médecin en chef des asiles de la Seine.

Les nombreux travaux écrits sur les délires dans lesquels

il existe des idées de grandeur et des idées de persécutions,

vagues ou précisées, coordonnées ou non, associées ou disso-

ciées, plus ou moins organisées, cohérentes, systématisées,

justifient, croyons-nous, une étude d'ensemble, ne fût-ce que

pour fixer le vocabulaire international et rendre accessible à

tous la lecture de mémoires ou d'observations toujours intéres-

sants mais incompris, le dictionnaire ne fournissant nullement

l'explication technique des termes qne nous allons avoir à ana-

lyser.

Les fameuses discussions delaSociété médico-psychologique

et les récents travaux de la Société psychiatrique de Berlin

(1893-1894) n'ont pas davantage établi pareille synthèse d'au-

tant plus nécessaire que, comme on va le voir à l'instant, la

terminologie scientifique est loin d'être une entre les savants

d'un même pays.

L'historique de la question, tracé par Cramer', rend

compte de l'indécision dans laquelle a plané l'esprit des

meilleurs psychiatres. Il montre, en même temps, la signifi-

cation des termes successivement employés par les créateurs

des entités morbides, dont nous aurons à nous occuper ici et

permet de classer les théories que ces termes désignent. Nous

croyons devoir l'emprunter presque en entier au mémoire de

' AGg·eazactg mad Di/Jérenlial-cliagtose cler Paranoïa, (Allg. Zeilseh

f. l'srchial., LI. 2.) .

476 PATHOLOGIE MENTALE.

M. Cramer. Puisqu'il s'agit de vocabulaire, il est légitime de

procéder par citations.

Cet historique montre aussi d'emblée que les délires en

question ont été appelés paranoïa, Wahnsinn, VerrMC/te,

Veruurrtheit, amentia, délire asthénique, et qu'ils n'ont rien à

voir, ce que nous admettrons volontiers, avec la manie et la

mélancolie pures. Soit dit, en attendant la définition qui natu-

rellement ne peut résulter que de l'examen des sens attribués

par les auteurs aux mots ou expressions dont ils ont été les

inventeurs en les détournant de leur sens ordinaire le plus

souvent.

Voici donc ce que dit M. Cramer. Ses- interprétations ont,

on nous l'accordera volontiers, la plus grande valeur, puisqu'il

apprécie et explique les termes et doctrines des aliénistes de

son pays.

I. HISTORIQUE.

La Veîi,üe4htlieit d'Hoffmann (1862) est une maladie men-

tale, prenant naissance à la suite d'hallucinations sensorielles,

d'interprétations et d'impulsions morbides (chimères) qui agis-

sent sur le jugement, les sentiments et les actes, et peuvent

devenir la base d'un système de conceptions organisées. Cet

auteur distingue : une Ve2,rücktheil mélancolique une

Verrùcktheit exaltée une Ve2,riiekthei*t hallucinatoire

une Veî-7,iiektheit instinctive.

De l'aveu de tous, Snell, en l8Gâ, sous le nom de mono-

manie, décrit la forme chronique de la Paranoïa, dans la genèse

de laquelle les hallucinations jouent le premier rôle, bien que,

comme il le dit lui-même, en quelques cas rares, les idées déli-

rantes s'organisent en l'absence d'hallucinations sensorielles,

et envahissent à ce point la personnalité du malade que ce

mode de falsification primitive de l'idéogénèse pervertie ou

dérangée (verrùckt) doive être tenu pour tout à fait analogue

à l'hallucination sensorielle, et considéré comme un élément

tout aussi important que l'élément hallucinatoire. Cette idée

du délire organisé primitif (/) ? ' : Mïoe ? 'e Ve ? ' ? 'MC/Ae) finit par

être acceptée par Griesinger ('1867) qui inspire en 1868, le tra-

vail de Sander sur ce qu'il appelle la Ven'McAe originoere;

malheureusement, ainsi que le fait remarquer Neisser, il existe

des contradictions entre la description nosographique du texte

et les observations présentées.

DE LA PARANOÏA. 477

En 1876, Westphal insiste sur l'anomalie du travail con-

ceptuel qui, indépendamment des éléments anormaux pro-

duits par les hallucinations, parfois absentes du reste, fabri-

que de toutes pièces les conceptions morbides qui, s'emparant

de la personnalité, en jouent à leur guise; celle-ci présente,

secondairement, des sentiments conformes aux idées qui lui sont

imposées par l'idéo"énèse vicieuse. Ce délire organisé (Verrùck-

theil) pourrait, d'après Westphal, succéder à l'hypochon-

drie par le mécanisme des idées de persécution d'origine

primitive, engendrant à leur tour des idées de grandeur, mais

il pourrait aussi survenir d'emblée, sans stade hypochon-

driaque préalable, par la création spontanée d'idées délirantes

indélébiles. Il y a bien, dans l'espèce, dislocation (Veî-î-ücklheit)

dans la forme de la pensée, mais non dans la liaison des idées,

car les allures du malade se ressentent de ce qu'il pense. Il

peut aussi se produire non de la déviation dans la forme de la

pensée, mais une dislocation de l'enchaînement des idées qui

peut aller à la confusion ( Veî,ivii,î,ttng), et dans ce cas il existe

des troubles moteurs correspondants. Enfin la même maladie

peut commencer par une brusque poussée d'hallucinations,

principalement de l'ouïe. Quoi qu'il en soit de ces trois modes

de développement delà Ve·rziclctheit, Westphal refuse toute

valeur à la débilité mentale, que l'on rencontre parfois, entant

que caractère de la maladie en question, débilité, suivant lui,

préalable et non consécutive à l'affection mentale. S'il est, à

côté de cela, le premier qui ait parlé du développement et de

la marche aiguë de la Verrùcktheit, il n'a pas caractérisé cette

forme en termes plus précis. Il reconnaît en revanche l'exis-

tence de l'entité de Sander, refuse à la catatonie de Kahlbaum

le droit de cité comme modalité morbide, et construit une

Verrùckhteit abortive due à des obsessions.

Schoefer a continué la Fen'MC/Ae ! '< de Westphal, mais il l'a

appelée Wahnsinn. Elle consiste en ceci que des idées, en soi

probables ou soutenables, ou au contraire immotivées, pren-

nent corps, comme si elles étaient des réalités, et fussent-elles

extravagantes, elles entrent dans le cercle des préoccupations

de l'activité cérébrale et en constituent l'aliment ordinaire, de

sorte que l'individu est convaincu de leur importance et accepte

ces chimères comme vraies. En même temps les hallucinations

sensorielles, qui ne sont dans aucune psychopathie aussi fré-

quentes que dans celle-ci, viennent alimenter le délire ; elles

478 PATHOLOGIE MENTALE.

ne font d'ordinaire point défaut pendant la période de créa-

tion des idées délirantes, au moment des exacerbations de

la maladie, à la période de transition d'une phase à une autre,

comme par'exemple, des idées de persécution aux idées de

grandeur. La continuité des excitations sensorielles, sans cesse

renouvelées, entraîne l'idéation aux mêmes conclusions déli-

rantes, annihile ou chasse de l'entendement les conceptions

restées saines, et supprime le sens [critique. Ainsi s'organise

un nouveau monde de conceptions qui alimente la personnalité,

modifie ses anciennes manières de voir, ou les accommode aux

conceptions délirantes ; l'activité corticale doit être au reste

transformée par la modification de la sensibilité sensorielle ;

l'altération primitive du territoire sensoriel constitue en somme

une force pathologique. Ce mécanisme épouvantable de la

folie systématique justifie, ajouterons-nous à notre tour, le

choix de l'expression Wahnsinn qui se compose des deux mots

allemands Wahn (délire) et Sinn (sens). Mais Schoefer en

admet : une forme simple une forme hypocondriaque z

qui peuventêtrel'uneet l'autre aiguës ou chroniques. Les types

aigus auraient pour facteur principal les hallucinations. Il y

rattache aussi la forme originelle de Sander.

Merklin, reprenant le terme de Verrüclctheit adopté par

Westphal, décrit la Ve2,2,iiektheit chronique simple avec son

sous-groupe délire de chicane ou des persécutés persécuteurs

(Quoerulantenwahnn) et la Verrücktheit aiguë ; dans un autre

travail, il sépare la confusion mentale ( )'<6W<Ae) de la

Verrücktheit.

Buch confirme les travaux de Westphal sur ce sujet.

Qu'on nous permette d'arrêter un instant cet historique si

précis de Cramer, pour poser quelques jalons terminologiques et

doctrinaux. Nous voyons jusqu'ici qu'en ce qui concerne le délire

cohérent, systématique, organisé, cristallisé, primitif, il ne saurait

y avoir qu'unanimité. L'interprétation ne peut varier. A son état de

parfait développement c'est une dislocation, une perversion du tra-

vail cérébral qui engendre de toutes pièces.des conceptions fausses,

délirantes, et qui mérite le nom de Verrüchllaeit chronique vu la

signification de ce terme, ou de Wahnsinn chronique si l'on veut faire

la part extrêmement importante et juxtaposée du délire (Wahn) et

des hallucinations sensorielles (Sinn). Mais il faut ajouter chronique.

Où l'embarras survient, c'est quand les auteurs prétendent appré-

cier lerôle des poussées hallucinatoires, du désordre intellectuel avec

subagitation, des obsessions de l'affaiblissement des facultés, et de

DE LA PANAROIA. 479

l'état du sentiment (dépression, excitation), qu'ils ont réellement

observés, mais à des degrés divers, et qu'ils entendent diversement

interpréter. On voit alors le même terme, parfaitement approprié

à la désignation irréductible et logique du caractère indéniable

d'un type morbide (systématisation), être appliqué à une forme

toute différente dans son dessin pathologique. On voit ce terme

associé à une épithète qui consacre à juste titre cette différence,

mais jure à cûté du terme même. La traduction complète devient

impossible dans une langue autre que la langue allemande, et

l'interprétation du la nouvelle expression impressionne pénible-

ment les Allemands eux-mêmes, qui ne sont pas plus capables que

les étrangers d'y retrouver la maladie que cette expression a pré-

tendu consacrer. En effet, si les expressions : Chronische Verrilek-

theit, chronischer Wahnsinn, Chronica paranoïa doivent se traduire

par l'expression correspondante de folie systématique chronique

qu'elles signifient réellement dans le fonds et la forme, d'après

les six observateurs que nous venons d'analyser, comment veut-on

qu'on trouve l'équivalent vrai de : Verruektheit ballucinatorische,

melancolische, instinctive, abortive, acute, Wahnsinn acuter, etc.

Que venons-nous d'observer en réalité ? 10 LaVerrhûcktheit

d'Hoffmann désigne trois espèces : mélancolique, hallucina-

toire, - instinctive.

Evidemment, il s'agit ici à la fois de la folie systématique chro-

nique à phases et surtout à nuances variables que les successeurs

d'Hoffmann ont minutieusement décrite, et de délires plus ou

moins cohérents rangés au gré des observateurs sous les noms de :

mélancolie délirante , folie instinctive, mélancolie avec idées de

persécutions, délire général hallucinatoire avec idées de gran-

deurs et de persécutions mal liées, etc...

2° La monomanie de Snell désigne très expressément la combi-

naison ou la non-coordination des idées délirantes et des halluci-

nations de la folie systématique chronique (paranoïa chronica.)

3° Le délire organisé primitif de Griesinger désigné sous le nom

de Yerrucktheit primoere est bien une folie systématique chro-

nique, mais Sander préfère l'appeler folie systématique originelle

(originoere Yerrüchtheit); seulement, comme le fait remarquer

M. Cramer, après M. Neisser, il y a déjà des contradictions entre

le texte nosographique de l'auteur et les observations qu'il donne.

4° Avec Westphal, apparaît la netteté du délire systématisé

chronique; le rôle des hallucinations et des idées délirantes de

grandeur et de persécutions ressort des plus caractérisés dans le

délire systématique chronique primitif et primitif originel (Sander)

Qu'il puisse se produire par obsessions, et que, celles-ci n'étant que

des idées délirantes imparfaites, la Verrùcktiaeit mérite la qualifi-

cation d'abontive, cela importe peu et ne trouble en rien l'interpré-

tation du niotverrücktheit et de la maladie qu'il couvre. Qu'il y ait

480 PATHOLOGIE MENTALE.

aussi un délire systématique avec désordre dans les idées et les actes,

ou confusion mentale (Ve ? -wii@i-u71g), cela est admissible, en certains

cas au moins et dans des conditions qui se préciseront ultérieure-

ment. On peut encore admettre un délire systématique mélanco-

lique et hypochondriaque.

Mais que dire de la Ve ? ,7,ùcklheit aiguë créée par Westphal et non

précisée par lui, dans laquelle, d'après Schoefer et Mercklin, il y

aurait les mêmes éléments morbides que dans la folie systématique

chronique, mais non plus amalgamés et enchaînés comme dans

cette dernière ; tout au contraire, ils sont en état de perpétuelle

mobilité et ne peuvent, par suite, se constituer en système de dé-

lire. Il est donc bien difficile de traduire ou d'expliquer en Fran-

çais ou en allemand, le Wahnsinn acuter ou la Ve ? ')'MeA</[e ! < actile,

par l'expression de folie systématique aiguë. Folie aiguë ne ren-

drait pas le sens de Verrûchlheit; délire aigu à tendances systéma-

tiques, encore peu cohérent, conviendrait mieux. M. Schoefer d'ail-

leurs, n'y regarde pas de si près, car, après avoir décrit le Wahnsinn

type, dont l'essence est en réalité chronique, il en admet une forme

simple, et une forme hypochondriaque, pouvant à leur tour être

chacune aiguë ou chronique. Il croit cependant que les hallucina-

tions engendrent surtout les formes aiguës, ce qui est bien vague,

puisque les hallucinations, quand elles arrivent par poussées, pro-

voquent le complexus morbide de la confusion mentale (Yerwirr-

theil), ainsi que le fait voir Mercklin. Il est vrai que c'est la raison

pour laquelle on a identifié à cet état deconfusioii mentale déjà mis

en relief par Westphaije Wahnsinn acuter ou la Verrûcktheit acute.

5° En tout cas, dans la folie systématique chronique rentrent dès

maintenant, d'après les auteurs, le délire de chicane ou des persé-

cutés persécuteurs processifs (Queruluztezwahn).

De cette première partie de l'historique nous sommes en droit

de tirer un premier argument. -

Les délires, ayant pour éléments la conception délirante de gran-

deur ou de persécntion, et les hallucinations, sont plus ou moins

cohérents. On les exprime par les mots Vernicktheit Wahnsinn

P(M'aKO<a, auxquels on joint une épithète qui malheureusement

peut détruire, surtout quand il s'agit de l'épithète aiguë, la valeur

du terme lui-même ou plutôt du type vésanique que ce terme pré-

tend caractériser, car au fond ces trois mots sont l'équivalent du

délire systématique, chronique, coordonné, cristallisé, d'après

les observations présentées par les auteurs dans leurs mémoires.

Ils ne devraient jamais être employés qu'accompagnés de l'épithète

chronique, plus ou moins complétée par une seconde telle que

primaire, originelle.

Poursuivons maintenant notre étude historique, empruntée,

pour plus de sécurité, à M. Cramer. (A suivre.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XX. MÉTHODE DE GOLGI MODIFIÉE, POUR L'ÉTUDE DU CERVEAU HUMAIN ;

par LEOYD Andriezem. (B ! '(<tsAJ7ed. Journ., 28 avril 1894.)

La méthode de Golgi, excellente pour l'étude des cervaux d'em-

bryons animaux, l'est moins pour la substance cérébrale humaine

adulte. L'auteur propose l'emploi du bichromate de potasse à

2 p. 100. 95 centimètres cubes, auxquels il ajoute après un quart

d'heure 5 centimètres cubes d'acide osmique à 1 p. 100. Après

vingt-quatre heures, il change la solution contre 90 centi-

mètres cubes bichromate à 2 1/2 p. 100 avec 10 centimètres

cubes d'acide osmique à 1 p. 100 - pendant deux jours enfin bain

final de 80 centimètres cubes bichromate à 3 p. 100 avec 20 centi-

mètres cubes acide osmique à 1 p. 100.

Dès le quatrième jour on peut étudier la préparation dont les

éléments sont différenciés. A. Marie.

XXI. SUR un cas DE kyste du cervelet ; par HUGHLING9 JACKSON

et RISIEN RUSSELL.

Dès longtemps le premier de ces deux auteurs avait soutenu que

la lésion destructive du lobe moyen du cervelet produit une vraie

paralysie motrice, affectant plus particulièrement les muscles du

tronc puis ceux des extrémités inférieures et supérieures mais

d'une façon moins nette. Niemeyer parlant de certaines tumeurs

cérébelleuses notait des phénomènes analogues. Dans l'étude cli-

nique présente où l'autopsie démontre l'existence d'une dégéné-

rescence kystique dans le lobe cérébelleux moyen, le malade avait

présenté une ensellure marquée. Cela tenait apparemment à une

parésie des muscles spinaux particulièrement des fléchisseurs.

Les auteurs discutent l'hypothèse d'une parésie par compression

à distance, car dans ce cas les membres inférieurs eussent été éga-

lement paralysés tandis qu'ils l'étaient à peine et moins atteints

que les muscles du tronc; d'ailleurs les expérimentations sur le

singe et le chien (Horsley) ont démontré que la section du lobe

cérébelleux médian s'accompagne de troubles semblables qui ne

peuvent alors s'expliquer par une compression. ' *

Archives, t. XXVIII. 31

48'-) REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Horsley a d'ailleurs fait la contre-expérience et déterminé expé-

rimentalement les phénomènes cliniques produits par la compres-

sion ; il emploie un petit ballon de caoutchouc qu'on insuffle à

volonté après l'avoir mis en contact avec le cervelet portion médiane;

on observe alors des troubles circulatoires et respiratoires marqués,

sans paralysie. Le malade précité présentait l'un et l'autre de ces

troubles (parésie et troubles respiratoires); il mourut même dans

un accès de suffocation, non sans rapport avec l'état de paralysie

des muscles inspirateurs. (Britisla tlled. Journal, '24 février 1894.)

A. Marie.

XXII. SUR un cas DE tumeur DE la dure-mère spinale; par William

RAUSON et Joseph ÏHOMSON. (British 1lled. Journal, 24 février 1894.)

.Les heureux résultats obtenus par l'intervention chirurgicale

dans les cas analogues sont fréquents depuis les premiers cas publiés

par Horsley et Gowers. L'auteur rapporte deux insuccès opéra-

toires qui n'en sont pas moins intéressants, étantdonnés la délica-

tesse du diagnostic et de l'intervention dans les cas analogues. Dans

un cas,unéchinocoqueextradural échappa à l'investigation chirurgi-

cale et fut trouvé à l'autopsie dans la lame vertébrale immédiate-

ment susjacente à celle réséquée. Dans l'autre cas rapporté en

détail, l'insuccès fut dû à la récidive de la lésion sarcomateuse

comme le confirma l'examen microscopique. A. Marie.

XXIII. Altération des cordons postérieurs D\NS LE diabète;

par Williamson. (British Oled. Jo2l)' ? a., 24 février 1894.)

Comme celles de Saudmeyer Leyden et Tooth, ces deux autop-

sies, avec préparation microscopique montrent l'altération systé-

matique des cordons de Goll. (Perte correspondante des réflexes

patellaires, pouvant dans d'autres cas relever d'altérations ner-

veuses périphériques cas d'Eiellorst.) A. Marie.

XXIV. CONTRIBUTION A la méthode de l'olfactosiétrie clinique; par

ZwaARDEMAEER. (Neurolog. Centrcclbl., 1893,)

Etude critique des méthodes Vaieiitiii-Passy; Froehlich; Aroi)ssohii;

Henry; Saveliew.

Au point de vue clinique, il faut : 1° commencer par les plus

faibles excitants et graduellement arriver aux plus forts; 2o opé-

rer très vite. Aussi la méthode actuelle serait-elle la meilleure.

Un cylindre de porcelaine poreux, imprégné du liquide odorant -

(eau de laurier-cerise à 1 p. 100) est poussé dans un tube de verre

au-dessus duquel sont les narines. La sollicitation olfactive est pro-

portionnelle à la longueur de la surface interne du cylindre qui

dépasse le tube de verre. On gradue ainsi le courant d'aspiration

et la surface sentie. P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483

XXV. Morphologie, origine ET ÉVOLUTION DE la FONCTION DU corps

pituitaire; par LEOYD Andriezem (de Londres). British médical

Journal, janvier 1894, n° 1724.) '

De l'étude histologique des embryons animaux, des acidies, des

salpes, de l'amphioxus jusqu'aux organismes vertébrés plus com-

plexes, l'auteur déduit par comparaison l'étude de la glande pitui-

taire qui pour lui est un organe triple, glandulaire, nerveux et

circulatoire. Chez les organismes inférieurs son rôle prépondérant,

par son épithélium vibratile consiste à entretenir un courant liquide

assurant le renouvellement de l'oxygène contenu dans l'eau qui

passe par le neuropore dorsal des acraniens. Il sert donc ainsi à

la nutrition du tissu nerveux par oxygénation et à l'élimination

des produits de combustion chez les types parvenant à une phase

d'évolution plus avancée, lorsque le canal neurentérique se ferme,

cette fonction de la glande devient une sécrétion interne absorbée

parles lymphatiques qui en entraînent le produit dans le courant

sanguin. Ce produit est nécessaire au complet développement et

fonctionnement des centres nerveux comme le montrent les trou-

bles résultant de l'ablation de l'organe ou de sa dégénération. De

même que pour le corps thyroïde et le thymus avec lesquels le

corps pituitaire semble en rapports de suppléance physiologique

dans certains cas d'ablations, la fonction se peut ramener en der-

nière analyse à : 1° une action métabolique facilitant l'assimilation

de l'oxygène par certains tissus (système nerveux'en particulier pour

la pituitaire, poumons et tissus en général pour le thymus et le thy-

roïde) ; 2° une action désassimilatrice pour l'élimination de certains

produits d'oxydation correspondants. La pathologie confirmerait

cette théorie qui expliquerait les troubles circulatoires : hypothermie,

oedèmes, cyanoses, les troubles vaso-trophiques et les troubles des

fonctions cérébrales et respiratoires dans le myxoedème et les cas

analogues (crétinisme sporadique, acromégalie, etc.). A. Marie.

XXVI. DE la papille étranglée ; par ADA3161EVICZ.

' (Neztrolog. Ceitti-albl., 1893.)

Le terme allemand signifie à proprement parler papille par

reflux stasique (Stauungspapillé). Or. l'auteur rappelle qu'il a déjà

démontré que la diminution expérimentale de la capacité intracra-

nienne ne provoque nullement l'augmentation de la pression intra-

cranienne dans le liquide céphalorachidien, pas plus que la com-

pression des capillaires de la surface de l'encéphale, qu'on n'arrive

pas à augmenter la pression à l'intérieur du crâne parce que, si

dans l'espace intracranien on comprime artificiellement le liquide

qu'il contient, la moindre exagération de pression se transmet par

les veines du crâne et le reflux a lieu dans le coeur droit dont l'ac-

tion est arrêtée.

484 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Il ne saurait donc y avoir de papille étranglée (par reflux) en

rapport avec une exagération de la pression intracérébrale par une

tumeur qui formerait, comme l'on dit à tort, barrage et élèverait

le niveau du' liquide sous-arachnoïdien, puis le forait refluer dans

l'espace sous-vaginal du nerf optique en continuité avec l'espace

sous-arachnoïdien. Les nouvelles expériences entreprises chez des

lapins, montrent ce qui suit :

1° L'introduction dans l'espace intracranien d'un corps indifférent

en diminue la capacité, sans produire de modification appréciable

dans la circulation du fond de l'oeil. 2. La réduction graduelle

de la capacité intracranienne par un corps qui se gonfle dans la

cavité du crâne, parla laminaire, ne produit pas non plus ce résul-

tat. 3° Si dans le crâne on fait couler à une haute pression un

liquide indifférent, coloré, on voit les veines de la choroïde s'en

remplir, mais sans dépasser les limites de la papille du nerf

optique. Les vaisseaux sanguins qui irriguent l'intérieur de la pa-

pille optique, notamment les veines centrales de la rétine, ne pren-

nent aucune part à ce reflux artificiel. 4. Il n'y a pas davantage

de stase papillaire (étranglement) sous l'influence d'une encépha-

lite artificielle ou de l'ablation de diverses parties de l'encéphale.

5° Mais la compression d'un hémisphère cérébral enflamme le

globe de l'oeil du côté opposé tout entier; c'est l'ophtalmie neuro-

paralytique. La papille étranglée n'est donc pas le résultat d'une

action mécanique. 0 P. Keraval.

XXVII. LA DYSLEXIE EN TANT QUE TROUBLE FONCTIONNEL; par SOMMER.

(Arch. f. Psychiat., XXV, 3.)

La dyslexie est un trouble fonctionnel. Il y a donc intégrité ana-

tomique des parties du cerveau qui sont la condition matérielle de

la fonction psychique de la lecture. Lors donc qu'en pareil cas ou

trouve un foyer cérébral, c'est que ce foyer a agi à distance et

troublé ainsi la fonction des parties éloignées. Dans l'état actuel

de la physiologie, il est impossible de dire qu'il existe un centre

de coordination des lettres et une lésion de ce centre; la dyslexie

n'est pas due à la lésion d'un centre de coordination des lettres.

Deux observations dans lesquelles l'auteur voit la transition

de la dyslexie à l'eulexie et de la dyslexie à l'alexie lui permettent

de conclure ce qui suit :

10 Il existe un trouble complexe de la lecture caractérisé par : a.

de la dyslexie ; 6. une réaction ultérieure de l'intelligence qui

semble ressaisir les éléments pour bien lire après coup ; c. des

espèces de paraphrases composées de l'association de mots qui

étaient restés courants ; 2°il existe une dyslexie capable de se trans-

former en alexie complète dans laquelle il y a eu progression gra-

duelle de l'alexie ; 3° voici une dyslexie périodique (succession de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 48-Dà

capacités et d'incapacités de travail), sans lésion en foyer (paralysie

générale avec athéromasie); 4° quand il y a foyer cérébral, la

dyslexie en est l'effet à distance et non direct; 5° il n'y a pas de

localisation cérébrale du centre de la lecture. Chez l'homme, il est

impossible de fixer ce centre dans les parties du cerveau trouvées

lésées chez les dyslexiques; 6° la périodicité de l'intelligence des

mots, des lettres et des nombres est a noter dans les espèces de

ce mémoire. Les séries étaient composées de périodes dans cha-

cune desquelles il y avait alternative de capacité et d'incapacité

fonctionnelle. La dyslexie est donc théoriquement le chaînon ini-

tial d'une série périodique. - P. K.

XXVIII. Darwinisme ET progrès dans l'évolution des races; par

Berry 13ArcRarT.

A signaler dans cet article ce qui a trait à la police et à l'alcoo-

lisme comme cause de dégénérescence et facteurs de sélection

naturelle; la folie aboutissant d'une part par conjugaison des héré-

dités à l'idiotie stérile, l'alcoolismeatteignaut d'autre part les pré-

disposés et les atteignant d'autant plus profondément que leur

tare préalable est elle-même plus marquée.

A l'appui de ces vues d'intéressantes statistiques sur la crimina-

lité et le paupérisme dans les Etats où la consommation de l'alcool

est réglementée (Manie V. S.) ou monopolisée (Suisse) par compa-

raison avec les pays où la consommation est libre.

Mêmes différences en faveur de la réglementation de cette

consommation en ce qui concerne la proportion comparée des

enfants dans les écoles de réformes ou de correction pour ces

différents états, en Amérique. (British bled. Joum., 24 février 1894.)

Marie.

XXIX. Dilatation pupillaire; par Ch. HENRY.

M. Charles Henry, dans une note présentée à l'Académie par

M. Becquerel, expose un artifice expérimental qui lui a permis de

démontrer que la pupille se dilate, sous l'influence du cerveau, à

l'idée de distances plus ou moins grandes. Cette dilatation pupil-

laire, d'origine purement psychique, sert à préciser une donnée

jusqu'ici inaccessible : l'énergie de la vision mentale des individus.

Pour donner un exemple de l'importance de celte nouvelle quan-

tité en optique physiologique, M. Ch. Henry en déduit par ce cal-

cul, pour différents yeux, des valeurs de l'aberration de sphéricité,

dont la moyenne est rigoureusement identique à la valeur théo-

rique calculée en partant des constantes fondamentales de l'oph-

thalmologie. C'est la première fois qu'un facteur purement

psychologique sert à calculer une grandeur d'ordre physique.

486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXX. Mislavski ET S)IIRNOFF. Contribution à l'étude de la sécrétion

salivaire. NEIROLOGUITSCHESKY VESTNIK. (Messager neurologique,

t. II, F. 2. Kazan, 1894.)

Dans toutes les expériences qui ont porté sur les chiens faible-

ment curarisés, la parotide était soumise à un examen microsco-

pique, d'après la méthode de coloration d'Altmann, et dans deux

conditions physiologiques déterminées : état de repos et état

d'action.

. Dans le premier cas (V. fig. 18, a), la cellule glandulaire consiste

en un réseau de fibrilles très minces

donnant au protoplasma un aspect

spongieux ; dans les mailles de ce

réseau se trouvent des granulations

de grandeurs différentes, mais ayant

toutes une forme arrondie. Chaque

cellule est munie d'un noyau, de

forme arrondie, ovale ou irrégulière,

et chaque noyau renferme un ou

deux nucléoles, rarement davan-

tage; quelquefois, à la place des

nucléoles on trouve des granulations

ou des filaments chromatiques.

Quant aux modifications qui sur-

viennent dans la parotide en action, elles sont de plusieurs ordres :

1° Sous l'influence de l'excitation du nerf auriculo-temporal et

de la section du sympathique (ce qui provoque un grand afflux

d'eau dans la glande), les globules

glandulaires, se trouvent peu modi-

fiés au point de vue de ]eursd)men-

sions ; le nombre des granulations

diminue énormément (V. fig. 19, e);

le réseau cellulaire se dessine plus

nettement, ses mailles s'élargissent;

sur la périphérie de la cellule se

montrent des vacuoles remplies

d'une substance se colorant très

faihlement; 1es uoyaux au;mentent

de volume, deviennent plus transparents et prennent une forme

plus arrondie. z

2° Sous l'influence de l'excitation du sympathique, avec section

de l'aurieulo-Lemporal (conditions expérimentales provoquant une

diminution de l'afflux d'eau dans la glande), le tableau de la struc-

ture des cellules glandulaires change complètement. La parotide,

énucléée après cette expérience, est très compacte au toucher; ses

lobules sont plus petits, moins transparents; les cellules sont

, v rig. 1S.

Fig. 19.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487

petites, opaques, mais leurs noyaux sont augmentés de volume

et arrondis; le réseau cellulaire est ratatiné, des mailles sont à

peine perceptibles et la cellule est remplie d'un nombre considé-

rable de granulations très fines.

Mais si en excitant le sympathique, on laisse intact l'auriculo-

temporal, les cellules tout en conservant les mêmes dimensions,

la même structure et le même aspect opaque de leur contenu

présentent en plus une vacuolisation analogue à celle qu'on cons-

tate dans l'expérience de la section du sympathique avec excitation

de l'auriculo-temporal ; mais les vacuoles sont ici plus petites et

leur contenu transparent à peine coloré présente une ou plusieurs

granulations arrondies, souvent énormes :

3° En excitant l'auriculo-temporal après section du sympathique

et compression de la carotide commune, provoquant une diminu-

tion de l'afflux du sang vers la parotide, on constate que le réseau

cellulaire est nettement dessiné et que les mailles sont élargies.

Les granulations sont agglomérées vers le centre de la cellule; elles

sont notablement augmentées de volume.

4° Enfin, sous l'influence de l'excitation simultanée de l'auriculo-

temporal et du sympathique, la va-

cuolisation des cellules devient ex-

trême ; il ne reste souvent de toute

la cellule qu'un seul noyau qui, lui

aussi, devient quelquefois à peine

perceptible ; à la place de la cellule

on observe une énorme cavité

(V. fig. 20, c) qui semble dans cer-

tains cas complètement vide, et qui

dans d'autres parait remplie d'une

masse homogène, traversée par

places des débris de l'ancien réseau

cellulaire. Les noyaux, quand ils

existent, présentent une forme arrondie avec des nucléoles très

nettement dessinés.

Dans toutes ces expériences, l'excitation a été provoquée à l'aide

d'un courant de force moyenne et pendant un laps de temps à

peu près le même : une heure et demie environ.

J. RoosmomTCU.

Fig. 20.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE 13ERLIN

LXXX' SÉANCE.

Séance du 17 mars 1894. Présidence DE M. Loehr aîné.

L'ordre du jour appelle la discussion sur les rapports de

MM. Cramer et IWDE6EIi. Délimitations et divisions de la folie systé-

matique (paranoïa) ? -

M. MENDKL. L'anarchie dans laquelle est plongée la nomen-

clature psychiatrique nous impose le devoir de considérer avec la'

plus vive attention toute tentative scientifique faite pour préciser les

dénominations. Aussi ai-je salué avec une joie profonde le rapport

distingué de M. Cramer. J'appuie vivement l'appel qu'il fait aux

spécialistes de ne pas trop restreindre certains types morbides afin

d'éviter qu'on ne perde de vue l'ensemble de la pathologie mentale.

Il a également raison, à mon sens, de faire remarquer que le mot

dégénérescence (à l'exemple de maint autre cliché tel que sugges-

tion et auto-suggestion) n'explique en bien des cas rien, et obs-

curcit plus qu'il n'explique l'état des choses.

Mais je ne puis souscrire à la définition trop étendue de la

paranoïa qu'il propose. A côté de la manie, de la mélancolie, de la

folie systématique, je reconnais, comme psychoses fonctionnelles

distinctes, le délire hallucinatoire et la démence aiguë. Sous le

nom d'amentia (Meynert), folie hallucinatoire (Fuerstner), con-

1 Ce qui suit fixe très nettement les idées sur la terminologie alle-

mande et sur les opinions des savants allemands en matière de patho-

logie mentale. On pourra en s'en pénétrant bien, lire et comprendre en

parfaite connaissance de cause les ouvrages ou mémoires étrangers de

psychopathologie. Aucun des articles écrits jusqu'ici ne vaut la photo-

graphie même de la discussion qui nous occupe, a laquelle nous nous

sommes efforcé de conserver sa physionomie tout en précisant les termes

par la synonymie convenable. L'étude parachevée des types nosogra-

phiques ainsi conçus permet de se reporter à titre de documents aux

Revues analytiques de toute la collection des Archives de neurologie

depuis quinze ans. (P. KKHAVAL.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 489

fusion mentale (Wille), il faut entendre une maladie ayant pour

symptôme essentiel les hallucinations qui provoquent le délire. Il

est indubitable que ces symptômes-là se montrent à l'état passager

dans toutes les folies fonctionnelles et organiques : mais elles n'en

constituent pas le principal, tandis que dans le délire hallucinatoire

ce sont des symptômes fondamentaux et permanents pendant tout

le cours de la maladie qui, en tant que pronostic, parait être

la maladie mentale la plus favorable de toutes.

L'espèce de paralysie de ,toutes les fonctions psychiques que

nous observons, de même que le délire hallucinatoire, à la suite

notamment de maladies infectieuses, de traumatismes, tient aussi

bien à un état physique qu'à un état mental; on la désigne sous

le nom de démence aiguë : il n'est pas possible de la faire rentrer

dans le cadre de la folie systématique (paranoïa).

M. JASTROVITZ. - Je ne puis m'associer à la définition de

M. Cramer sur les psychoses fonctionnelles. Toute définition doit

s'appuyer sur des faits établis; elle doit surtout éviter d'anticiper

sur les opinions de manière à enrayer les progrès de l'avenir. Il faut,

pour certaines des formes en question, attendre la découverte de

lésions anatomiques encore absentes; ainsi, dans la folie systéma-

tique chronique, qui se prolonge pendant toute la vie et se termine

par la démence, nous trouvons assez souvent des symptômes

somatiques d'ordre nerveux tels que de l'inégalité pupillaire, de

l'affaissement des muscles de la mimique et du squelette, des

attaques épileptiformes. Or ceci n'existe pas dans leb formes de

l'amentia que l'on rapporte à des causes toxiques bien que les

perturbations se puissent rapidement dissiper. Il faut faire servir

dans l'espèce à la définition les symptômes qui se montrent dans

le cours de la maladie, en en établissant le genèse, la description,

l'analyse, la marche, la terminaison, plus encore que dans les mala-

dies mentales à lésions qui permettent de relier entre eux les phé-

nomènes cliniques. Jamais en tout cas, on ne doit asseoir de

définitions fondamentales sur la description de quelques tableaux

morbides momentanés ou d'états morbides qui se prolongent pen-

dant quelque temps; ces dénominations sont prématurées. Nous

savons tous, par exemple, que les éléments morbides tels que l'agi-

tation, l'angoisse, l'excitation, les hallucinations sensorielles, les

illusions, les obsessions, les conceptions délirantes, la confusion

mentale, la stupeur, peuvent persister seuls ou combinés entre eux

en syndromes. Dans ces conditions ils forment des tableaux

morbides, des phases nosographiques, des épisodes pathologiques

qui peuvent apparaître en des psychopathies tout à fait différentes;

c'est ce qui se produit pour les hallucinations et les idées de persé-

cution dans la mélancolie, et même dans la manie et l'amentia.

Or nous avons à délimiter non des syndromes, mais des formes

490 SOCIÉTÉS SAVANTES.

morbides. Cette préoccupation ne peut aboutir que par une vue

d'ensemble. Si l'on emploie, pour arriver à ce but, une expression

que plusieurs auteurs envisagent différemment, on établit dans la

terminologie une confusion inextricable. Prenons par exemple la

confusion mentale (Ve ! 't0t ! ')'</tet<). -

Elle s'applique à l'ameuta considérée comme forme morbide

et aussi aux états mentaux les plus différents auxquels la langue

allemande n'a guère assigné d'expressions convenables aux

délires, au désordre dans les idées (confusion des Latins) dont le

plus haut degré est la perplexité (quand il y a en même temps

légère stupeur), à la confusion accompagnée d'angoisse, qui serait

mieux désignée peut-être sous le nom de perturbation et à de

nombreux troubles mentaux qui ne sont qu'approximativement

caractérisés par toutes ces expressions. Ces troubles intellectuels ont

un caractère commun; c'est l'incapacité des malades de venir à

bout des opérations psychiques qui se passent en eux, de les mener

à bien, de les terminer correctement. Cette incapacité peut se ma-

nifester dès le début par une perception déjà imparfaite, impossible

ou falsifiée; ou bien, ils ne peuvent associer des impressions anté-

rieures qu'ils ont pour ainsi dire emmagasinées et qu'ils sont

impuissants à convertir en des pensées de leur cru, parce que les

associations d'idées sont, chez eux, inopportunes ou inexactes. Le

mécanisme de la logique n'est pas atteint, si tant est qu'il fonc-

tionne encore, parce que les lois qui président à l'enchaînement

des idées sont en rapport avec la structure anatomique du système

nerveux central et subsistent, mais l'opération terminale est faussée

par l'insuffisance de l'acte initial et la faiblesse des transmissions.

Pour sortir de ce chaos des formes morbides de l'amentia, de la folie

systématique aiguë (paranoïa acuta) et de la folie systématique chro-

nique, il nous faut,à l'exemple de Schuele, nous appuyer d'abord sur

lafoiiesystématique chronique, qui est la forme iapiusgénéralement

et la plus anciennement connue. Que faut-il désigner sous ce nom

de paranoïa chronica ou Ve ? 7,üch-tlteit ? Griesiii,,er était arrivé à identi-

fier les deux termes de Wahnsinn et de Yerrüclstlaeit; il ne se ser-

vait plus de l'expression de Wahnsinn. Morel en publiant sa théorie

des formes héréditaires avait enlevé du groupe de la folie systéma-

tique, la folie systématique (Ver)'MC/<</tC ! <) hypocondriaque qui passe

par les périodes de l'hypocondrie, du délire des persécutions et

du délire des grandeurs pour aboutir à la démence. Dans ces con-

ditions, dit Fr. Hoffmann (1862), la variété de la folie hypocon-

driaque de Morel étant rare, il faut c comprendre sous le nom de

Vernùcktlceit, invariablement, une folio primitive à signes positifs,

à la rigueur curable ». Pour cet auteur, beaucoup de folies systéma-

tiques sont congénitales, elles font partie de la personnalité de

l'individu; leur histoire remplit toute la vie. Elles procèdent par

poussées; il en existe une forme mélancolique, exaltée, hallucina-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 01

toire et instinctive; dans cette dernière il faut englober la folie

morale (moralischer Wahnsinn).

Eu 1865 parait le travail de Snell aîné, sur la genèse de la folie

systématique primitive; qu'il appelle encore monomanie ou %Vahiz-

sinn. Il y reconnaît un élément expansif, l'exaltation du moi mal-

gré les idées de persécution, et la sépare ainsi de la mélancolie;

la systématisation des idées présomptueuses lui permet de la séparer

de lamanie. Ces idées présomptueuses sont d'ordinaire, dit-il,secon-

daires, mais elles peuvent également être précédées d'idées de persé-

cution ou se développer en même temps qu'elles. Elle évolue dans la

plupart des cas, graduellement, rarement on y voit des accidents aigus

fougueux. Cette foiie systématique d'emblée est bientôt admise

sans réserve par Griesinger. W. Sander en publie des exemples d'une

forme originelle; enfin C. Westphal, en 1878, montre que la folie

systématique (V(' ? ')'MC/t</tet<) peut se développer d'emblée de l'hypo-

condrie (More)), mais qu'elle peut également se développer sans

celle-ci. Dans ce cas, les idées de persécution d'abord, puis celles de

grandeur, ou les deux espèces d'idées délirantes simultanément,

s'implantent spontanément dans le champ de la conscience sous

la fornie de conceptions délirantes, ou bien, tout à coup, en pleine

santé, gronde un torrent d'hallucinations sensorielles, de l'ouïe

notamment, qui donnent naissance au délire; enfin il en existe une

forme originelle dans laquelle le délire, latent dans la première en-

fance, se constitue pendant le développement de l'individu. West-

phal ajoute que les obsessions sont une forme de folie systéma-

tique abortive parce qu'en pareil cas, ce qui est l'essentiel, c'est

l'existence de conceptions anormales, comme dans la folie systé-

matique, les troubles de la sensibilité morale étant de nature su-

bordonnée et dépendant, dans la folio systématique, générale-

ment du texte des conceptions, du délire sensoriel. Pour lui aussi,

l'affaiblissement intellectuel ne fait pas partie des traits caractéris-

tiques de la folie systématique. Il mentionne également l'existence

d'une marche aiguë de cette maladie, indépendamment de sa

genèse aiguë; cette forme aiguë peut guérir, de sorte que la folie

systématique peut être mise au nombre des folies curables.

Cette simple mention, sans description ni délimitation, d'une

folie systématique aiguë à marche rapide est la cause, pour la plus

grande partie, de la confusion qui s'est établie dans ce territoire

de la pathologie mentale. Car au lieu de suivre les avis de Westphal

et d'en faire une étude exacte, de se demander d'abord s'il existe

une folie systématique aiguë, comment elle est constituée, on en

regarda l'existence comme certaine et d'un type achevé. On se mit

à la diagnostiquer. Si, en présenced'un malade atteint de confusion

mentale, on eût essayé de constituer Je type clinique, si on avait

tenté, d'après les traits et les signes du tableau morbide, de déter-

miner ceux qui étaient capables de servir à formuler un diagnostic

492 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et un pronostic, on diagnostiquerait aujourd'hui tous les cas de folie

systématique aiguë. Si réellement le complexus morbide n'était

que passager, le diagnostic était 'justifié, sinon la paranoïa [acuta

devenaitde la paranoïa chronique ou de la démence. Lorsque Mey-

nert sépara la confusion mentale ou amentia et en fit une forme

morbide, les auteurs en l'étudiant se demandèrent, en présence de

ce qu'il désignait sous le nom d'amentia, ce que devenait la folie

systématique aiguë et inversement, quand il posait le diagnostic de

folie systématique aiguë, ce que devenait l'amentia. C'est pourquoi i

Wille, en traitant de l'amentia : où est la folie systématique aiguë ?

dit-il. Et pour beaucoup déjeunes auteurs, l'amentia a vécu. D'après

cet exposé, il résulte que la plus grande difficulté préside à la dis-

tinction et à la délimitation de ces deux formes.

La division de M. Mendel n'a rien modifié à cette confusion. Tout

en devant la discuter et en examiner la légitimité, je m'en servirai

cependant. D'abord parce que MM. les rapporteurs l'ont adoptée

pourbase de leurs développements, puis, parce qu'il est nécessaire,

pour la clarté de la discussion, d'adopter une division quelconque,

fût-elle artificielle.

Je traiterai donc en peu de mots successivement : de la folie

systématique chronique simple (paranoïa chronica simplex) de la

folie systématique chronique hallucinatoire (paran. chron. hallit-

ci7zaloî,ia), de la folie systématique aiguë simple (paranoïa acuta

simplex), de la folie systématique aiguë hallucinatoire (para ? ne : <<.

hallucinat.).

La folie systématique chronique (paranoïa chronica) a pour carac-

tère : l'existence d'un système de délire fixe qui s'édifie lentement

sans que la conscience soit troublée, la sensibilité morale prenant

une allure expansive; ce système de délire modifie, transforme la

personnalité et en change les rapports avec le monde, extérieur; il y a

donc un déplacement de l'individu par rapport à ce qu'il était avant,

il est Verrùckt, dérangé de sa situation. La genèse de la paranoïa

est produite par une forte tare névropathique, et par le terrain sur

lequel elle se développe, terrain déjà anormal; il s'agit d'individus

déjà hypocondriaques et soupçonneux, très égoïstes et présomp-

tueux, presque mégalomanes; on peut donc dire que la maladie est

déjà épanouie à la période de la jeunesse, pendant ou après la pu-

berté. La ver ? ,ûclclheit apparaît donc comme le renforcement, l'exa-

gération des tendances naturelles, mais la paranoïa chronique

n'existe que lorsque apparaît le système de délire précis et fixe. Ce

délire évidemment ne préexiste pas à l'origine même de l'individu.

Souvent aussi le délire de persécution ou de grandeur avec ses cou-

leurs spéciales est précédé de l'autopliilie (Eigenwahn de Meynert,

relations morbides du moi de Neisser) qui résulte d'une falsification

des perceptions sensorielles,'autophilie pouvant être produite par-

fois, comme dans l'amentia, par des illusions; le malade voit mal

SOCIÉTÉS SAVANTES. 493

les gestes ou les mouvements d'une autre personne qui générale-

ment occupe une position supérieure à la sienne, il voit à tort des

physionomies menaçantes ou amicales et les interprète dans un

sens qui lui est nuisible ou favorable. Toute une série de concep-

tions en rapport avec la personne du'sujet prennent aussi un déve-

loppement morbide. Puis apparaissent des troubles intellectuels

incompatibles avec l'intégrité de l'intelligence, des conclusions

tirées d'associations d'idées saugrenues absolument étrangères

à un cerveau normal. Ces malades vous diront par exemple : « A

l'étalage, il y avait des vêtements de couleur tranchée rouge et

blanche, cela indique que je suis d'une autre race. » Ces propos ne

résultent pas seulement de faux rapports du moi, ni d'une aper-

ception erronée, ce sont purement et simplement des conclusions

saugrenues, idiotes, dues à un dérangement, à une déviation du

raisonnement.

Pour moi, à la paranoïa chronique préexiste une débilité men-

tale, une imbécillité, ou plutôt une démence congénitale indiscu-

table dont les signes apparaissent d'ailleurs dès les premiers stades

delà folie systématique chronique. A ce propos la terminologie qui

a cours dans les livres est à mon sens vicieuse. La débilité mentale

et l'imbécillité sont désignés sous le nom générique de Schwachsinn

qui désigne d'après les auteurs la faiblesse intellectuelle congéni-

tale, et la démence sous le nom de IMoedsHMt qui désigne une fai-

blesse intellectuelle acquise 1. Moi j'appelle démence (Bloedsinn) une

altération qualitative de l'activité mentale; il y a des inconséquences

entre les actes et les mobiles de ces malheureux et dans leur physio-

nomie. Le débile et l'imbécile (Schwachsiiii21g) présentent pour moi

un affaiblissement quantitatif de l'activité mentale tout entière. Ces

derniers conservent leur personnalité; leurs fonctions psychiques

affaiblies sont encore harmonisées, s'ils ne sont pas capables de ré-

flexions profondes, leurs actes sont en rapport avec les motifs qui les

ont déterminés, tout impulsifs soient-ils. Ledément, au contraire,-

(Bloedsinnig) a perdu, en partie au moins, toute personnalité;

encore capable d'opiniâtreté et d'énergie dans ses actes, il n'en peut

donner les motifs, c'est l'impulsivité la plus automatique qui soit,

les jeux de leur physionomie sont eux-mêmes étranges et dissociés.

Ce sont les originaux ou dégénérés impulsifs.

Ceci ne veut pas dire qu'il n'y ait aussi parmi les foussystéma

tiques des débiles et des imbéciles. Mais l'inconséquence en est le

caractère et cette inconséquence entre le délire partiel ou fixe et

les actes est remarquable. Ce qui ne veut pas dire non plus que ce

qui leur reste d'activité mentale soit absolument sain. D'ailleurs,

chez ces déments, ou plutôt chez ces dégénérés, les hallucinations se

1 Blmdsinn signifie aussi et désigne aussi l'idiotie dans la plupart de

traités allemands en même temps que la démence. (P. K.)

494 SOCIÉTÉS SAVANTES.

voient; or on sait qu'elles ne manquent jamais dans la folie s3·sté

matique chronique : ils sont le jouet de troubles morbides, tels que

tics, actes impulsifs, agitation maniaque avec confusion mentale,

survenant par poussées et diminuant leur intelligence. Les proces-

sifs qui présentent, comme on sait,'Ia plus longue résistance, et les

hypocondriaques persécutés finissent aussi par la démence quand

leur affection dure depuis un temps suffisamment long. Cette dé-

mence apparait de la façon la plus rapide et la plus profonde

quand elle s'implante sur le terrain d'une faiblesse mentale congé-

nitale (Schwachsinn) et quand elle frappe une [variété de paranoïa

développée à l'âge de la croissance. Qui doute de la démence en tant

que symptôme général de la paranoïa chronique, doit essayer de

trouver sur un grand nombre de malades, des fous systématiques

chroniques qui présentent une netteté intellectuelle complète en

dehors de leur délire. ,

En réalité ce sont les signes de la démence qui nous ont servi

de guides, au début du diagnostic, et ce sont encore eux qui nous

serviront de guides quand il s'agira de distinguer, en présence

d'une confusion mentale avec une agitation, si nous avons affaire à

une folie systématique chronique ou à une folie systématique

aiguë curable.

Un sérieux obstacle à la différenciation exacte de la débilité

et imbécillité (Schachsinn) et de la démence (l3loedsizn) réside dans

ce fait que, en Allemague,;l'imbécillité très marquée s'appelle aussi

Bloedsinn. Il faudrait donc, quand il s'agit de faiblesse intellec-

tuelle congénitale, employer, suivant ses degrés, les mots de :

infériorité, imbécillité, idiotie, et, lorsqu'il sagit de faiblesse

intellectuelle acquise, prendre les expressions de débilité men-

tale et infirmité mentale. Nous devons en séparer la démence

(Bloedsinn) et d'après ses phénomènes caractéristiques et d'après ses

degrés. Nous n'aurons pas de peine à reconnaître des signes de

celle-ci souvent précoce et légère chez les fous systématiques en-

core capables d'activité utile dans la vie. Il est impossible de don-

ner à ce sujet tous les développements qu'il comporte. Un exemple

entre tous suffira. On connaît ces fous systématiques qui s'attachent

avec une énergie incalculable à remuer ciel et terre pour se faire

passer pour les martyrs des asiles d'aliénés ou les victimes des

aliénistes et des tribunaux. Ils masquent avec soin leur délire et

le système qu'ils ont échafaudé, ainsi que leurs hallucinations et

leurs illusions, ou bien ils s'arrangent de façon à leur donner cou-

leur d'une certaine probabilité en trouvant des motifs apparents

à leurs allégations. Les médecins légistes s'efforcent en vain de

démasquer chez eux la débilité mentale, parce qu'ils ne savent pas

juger leur juste valeur les actes stupides, brusques et puérils

auxquelles malades ne peuvent donner aucun motif logique ; c'est

précisément là que réside le caractère de la démence.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 495

Nous arrivons maintenant à la folie systématique chronique

hallucinatoire (paranoi(t.chro7zica hallucinaloria). D'abord existe-

t-elle ? Existe-t-il une V6n'Me/f</te ! < chronique, incurable, qui, sans

agitation, se développe graduellement sous l'influence d'halluci-

nations sensorielles, et rien que sous cette influence, et atteigne

un certain degré ? Le nom qui précède est-il justifié ?

En dehors des hallucinations qui provoquent la variété hypo-

condriaque, il existe en effet une genèse semblable de la maladie

qui nous occupe, rare, que, l'on ne voit guère dans nos asiles. Dans

cette maladie, les malades, en pleine lucidité, se plaignent de

brusques hallucinations de l'ouïe auxquelles ils résistent, tout

comme les obsédés à leurs obsessions. Ces hallucinations peuvent

persister longtemps, pendant des années, elles peuvent aussi se

montrer intermittentes, si bien que l'on pourrait presque croire à

un trouble cérébral isolé, à une excitation du centre auditif.

Finalement les malades succombent, ils croient à la réalité de

leurs hallucinations et c'est alors que naît le délire fixe des persé-

cutions. On pourrait faire rentrer dans cette forme la folie systé-

matique des prisonniers, condamnés à la réclusion en cellule, qui

débute par des hallucinations isolées de l'ouïe. ,

On sait que, quand dans un complexus morbide prédominent

des hallucinations d'un sens, elles donnent le ton au délire et peu-

vent rester ainsi isolées et uniformes, que l'accumulation de plu-

sieurs hallucinations sensorielles aggrave le pronostic et préci-

pite le malade dans la démence avec confusion mentale, dans la

démence confuse, que la même chose se produit quand survien-

nent les hallucinations psychiques de Baillarger qui font croire

aux malades qu'on connaît leurs pensées, qu'on les leur impose,

qu'on` les leur soustrait. La maladie peut aussi êtie parcourue

par des accès d'agitation, procéder par poussées qui généralement

aggravent l'état mental. En revanche, s'il ne se produit pas d'ag-

gravation semblable, on peut croire à une intermittence ou une

paranoïa aiguë.

La folie systématique aiguë, simple, et hallucinatoire (paranoïa

acuta, simplex et 7eallucinvtoria ) pour laquelle on a tout

récemment essayé de réintroduire très malheureusement le

nom ancien tout à fait impropre et tombé dans l'oubli de Wahn-

sinn doit représenter la paranoïa chronique abrégée et concise.

Il s'agirait donc d'un système de délire faisant brusquement explo-

sion ou se développant sous une forme expansive assez intense,

malgré l'apparence parfois mélancolique qu'il revêt, qui, soit que

la maladie ait débuté par de l'agitation véritable, soit qu'elle soit

demeurée dans les limites de l'expansion pure, survit à ce pre-

mier épisode et persiste, alors même que le calme et le sang-

froid sont revenus, pendant quelque temps. En outre, les halluci-

nations sensorielles, soit pressées (paranoïa acuta leallucizatoria),

496 SOCIÉTÉS SAVANTES.

soit isolées ou de simples illusions (paranoïa acula simplex) servent

à la construction des idées délirantes et à leur conception, for-

mant ainsi un tout. Mais il n'y a point paranoïa lorsqu'il n'existe

que quelques idées délirantes dépourvues de lien entre elles; l'auto-

philie même ou exagération de la personnalité dont nous avons

parlé plus haut pouvant exister dans l'amentia. La marche de la

folie systématique aiguë est donc rapide; la terminaison varie.

Elle peut guérir, on l'admet sans conteste. Elle peut, ainsi qu'on

l'admet aussi sans réserve, aboutir à la confusion mentale chronique

ou désordre dans les idées chronique (chronica Verwirrtheil)

amentia chronica ou secondaire qu'il est bien difficile, on le conçoit,

de distinguer de la démence confuse (dementia coifus(z ? Peut-elle

aboutir à la folie systématique chronique ? Des auteurs recomman-

dablesen doutent. Pour moi je n'hésite pas à dire que cette trans-

formation est certaine, et que c'est ce qui prouve le mieux le lien qui

unit ces deux modalités morbides. Un médecin expérimenté qui

constate' encore, lorsque le calme est survenu, à la suite de la

paranoïa aiguë, l'adhérence assez persistante des idées délirantes

et même la création ultérieure de quelques autres conceptions de

ce genre, se demande s'il a bien devant lui un type de paranoïa

aiguë ou de paranoïa chronique; n'est-ce donc pas là un premier

signe en faveur de la possibilité de cette troisième terminaison ?

Puis, chez les débiles, on observe une première atteinte de para-

noïa aiguë pure qui passe sans laisser de traces ; plus tard, la même

affection, tout à fait semblable dans ses symptômes au premier

épisode, reparaît, et, cette fois, loin de rétrocéder, elle aboutit à la

paranoïa chronique et à la démence. C'est une évolution analogue

que nous voyons se faire chez les héréditaires névropathes. Une

première poussée brusque de délire paranoïque ou délire d'emblée

qui évolue rapidement et disparaît sans laisser de traces

seconde poussée pouvant se reproduire après un long intervalle

de plusieurs années de parfaite santé mentale et pouvant

guérir; cette seconde bouffée peut du reste ne plus se produire

jamais et le malade demeure guéri, mais si elle se produit,

sans guérir, elle passe à la chronicité et à la démence enfin il

se peut faire qu'il y ait plusieurs bouffées de délire systématique

aigu curable.

Ces exemples nous conduisent à faire grand cas des deux variétés

de paranoïa hallucinatoire aiguë décrits parM.Mendel. Au premier

stade d'excitation et même d'angoisse, succède une agitation ma-

niaque progressive ; en même temps hallucinations accompagnées

de délire suraigu dans lequel on distingue déjà un noyau d'idées

délirantes coordonnées; puis l'agitation tombe et la lucidité repa-

raît graduellement. Cette lucidité n'est cependant qu'apparente,

les conceptions délirantes prennent racine, les hallucinations

sensorielles persistant, puis elles disparaissent de concert avec la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 497

disparition de ces dernières, soit assez vite, soit à une période plus

tardive; finalement la guérison a lieu. Il peut aussi arriver que les

deux éléments morbides que nous venons d'indiquer s'implantent

dans le cerveau; la folie systématique en est la conséquence

obligée. Si le malade conserve un certain degré d'excitation, la luci-

dité apparente susindiquée n'entre pas en scène etil tombe dans la

confusion mentale chronique (chronische Vewirrlheit) sans passer

par le stade de systématisation hallucinatoire. J'ai assez souvent vu

de tels malades arrivés à un état remarquable de lucidité éprouver

peu après une rechute; agités et hallucinés, ils tombent alors dans

le désordre chronique des idées, état de dissociation intellectuel

(Verworrenheit) dont ils ne sortent plus. A côté de cela, il peut y

avoir plusieurs rechutes de cette espèce sans que tout espoir de

guérison soit perdu.

La folie systématique aiguë simple (paranoïa acuta simplex) est l'a-

panage de lafaiblesse d'esprit congénitale ou elle survient chez des

personnes qui, pour n'importe quelle cause, sont devenues des

débiles moraux ou intellectuels. A la suite d'une émotion ou

d'une maladie physique, les voilà inquiets, excités, déprimés, ils se

croient, sans motifs, persécutés et en butte à des influences perni-

cieuses pour eux, accusent une haine qui les poursuit, interprètent

mal des événements indifférents ou sans rapport avec eux qu'ils

croient dirigés contre eux; de là des manières de voir et des con-

clusions erronées qu'il leur est impossible de rectifier, leur sens

commun fonctionnant mal, et qu'ils persistent à développer grâce

à la complication d'hallucinations prises pour des réalités; ainsi se

forment des idées délirantes qui par les raccords et l'ajustement

ressemblent assez à celles qui se montrent chez les gens jouissant

de la plénitude de leur bon sens. Mais ici la fixité des conceptions

n'est pas aussi profonde, aussi quand on change ces malades de

milieu, peut-on agir favorablement. On peut, comme le dit

Fr. Hoffmann (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., 1862, t. XIX, p.' 384),

effacer le délire en changeant les sollicitations des impressions

nerveuses de ces fous systématiques. Ces malades peuvent donc

guérir. Mais ils peuvent aussi tomber dans la démence (amentia

chronica) ou dans la démence confuse (demenlia co71fitsa); il

suffit pour cela que les hallucinations sensorielles subsistent et se

développent. Enfin ils peuvent aussi faire un délire chronique sys-

tématique (paranoïa chronica). L'observation ne présente aucune

difficulté, on suit d'autant plus nettement l'enchaînement des

phénomènes qu'il s'agit en somme uniquement de l'opiniâtre im-

plantation d'idées délirantes très simples qui amènent la démence

(Dementia, Bloedsinn) sans qu'aucun élément nouveau s'ajoute aux

symptômes psychiques. Pour moi, en effet, la démence (derneittia)

appartient aux signes de la folie systématique chronique et non à

ceux de la folie systématique aiguë; son apparition signifie donc, à

Archives, t. XXVIII. 32

498\ ? <.'r ! L'3 ? SOCIÉTÉS SAVANTES.

mon sens, que la folie systématique aiguë se transforme en folie

systématique chronique et devient incurable.

S'il peut être difficile de délimiter la folie systématique aiguë,

de la distinguer de plusieurs cas de mélancolie hypocondriaque,

de mélancolie et de manie avec hallucinations sensorielles, il est

extrêmement difficile de tracer les lignes de démarcation qui la

séparent de l'amentia (confusion mentale, désordre dans les idées).

Nous n'y arriverons qu'en nous maintenant rigoureusement dans

le cadre symptomatique de la folie systématique aiguë, tel que

nous venons de le tracer, et si, avant d'admettre l'existence de

cette maladie, nous en fixons les analogies avec la folie systéma-

tique chronique. Ce faisant, nous verrons que la folie systématique

aiguë perdra de son importance, qu'elle n'aura plus cette ampleur

illégitime et presque monstrueuse que maints auteurs modernes lui

ont assignée. On semble aujourd'hui généralement sentir qu'elle

doit être considérablement limitée et qu'on doit la restreindre au

bénéfice de l'amentia.

Passons donc au désordre dans les idées, à la confusion men-

tale, désigné sous le nom d'amentia. Examinons donc les délires qui

constituent les limites les plus extrêmes des mêmes formes aiguës.

Quelle idée faut-il se faire du délire de collapsus ou toxique ou

encore d'épuisement qui se montre à la suite de l'érysipèle, de la

pneumonie, de la fièvre typhoïde, des opérations chirurgicales, du

choc traumatique, de l'insolation, de l'alcoolisme suraigu, de l'in-

gestion cocaïnique, de l'absorption de la belladone ? Qu'a-t-il à

faire avec les différentes variétés de folie systématique (paranoïa) ?

Examinons l'ensemble de la marche de ces délires; quelle en est

l'analogie avec la folie systématique chronique (paranoïa chro-

nica) ? Ces délires, ou amentioe délirantes acM<MStmoe, sont des

espèces d'angoisse rapidement passagères, sortes de songes fré-

quemment (mais il s'en faut de beaucoup que ce soit toujours) en

rapport avec de nombreuses hallucinations de plusieurs ou de tous les

sens. Quand les hallucinations sensorielles collaborent à la confusion

mentale (Ve7-wiî,rtheit), dont elles ne sont pas les seules coupables,

il y a lieu de formuler l'expression de délire hallucinatoire (delir.

hallucinatorium). Mais il ne faut point appliquer cette dernière

expression aux espèces d'amentia prolongée qui par exemple est

observée chez les vieillards, dans les lésions organiques du cerveau,

chez les diabétiques, les cardiaques, les malheureux atteints d'affec-

tions rénales, tous cas dans lesquels on observe souvent pendant

des semaines et même plus longtemps une confusion mentale, un

désordre dans les idées (Verwirrtheit) tout particulier. Chez ces

patients, il y a alternative de lucidité suffisante pendant laquelle

ils parlent sensément s'attachant simplement à certaines idées erro-

nées et à des souvenirs laissés en eux par des rêves fantasques, et de

complète désorientation. Au début parfois il apparaît des idées d'em-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ". 499

Foisonnement, de persécution ou de grandeur, non systématisées,

non coordonnées, qui disparaissent aussi brusquement qu'elles sont

venues. Les hallucinations vont et viennent de la même façon

tandis que les illusions, fréquentes dans l'espèce, persistent plus

longtemps.

Des modalités précédentes de la confusion mentale ou désordre

dans les idées(Ve·wirrtlaeit), il convient de rapprocher famcnlia stu-

porosa ou démence aiguë (dementia acuta), l'ameizlia su6c7t ! Kca qui

peut durer des mois, voire des années, dont la folie des accouchées

est un exemple entre tous, et nous en avons fini avec le désordre

danslesidées, ou confusion mentale désignée sous le nom d'amentia.

Nous en détachons à dessein la confusion mentale des épileptiques

et des hystériques. Il ne nous est pas possible de croire que les

états d'obnubilation intellectuelle, de rêvasserie, d'agitation ma-

niaque des épileptiques et les équivalents psychiques de leurs

attaques convulsives puissent être tenus pour de la confusion men-

tale surajoutée à de l'épilepsie; ces symptômes sont sans excep-

tion des manifestations faisant partie intégrante de l'épilepsie

même.

Toutes les variétés que nous venons d'énumérer de l'amentia

ont pour signes distinctifs communs : l'état de trouble de la connais-

sance qui peut aller jusqu'à la stupeur, la suppression totale ou par-

tielle de la lucidité, l'impossibilité de percevoir exactement les

impressions sensorielles, de coordonner des idées et d'aboutir à

une idéation complète lorsque la perception est demeurée cor-

recte, parce que le système nerveux central est des plus affaiblis.

De là les nombreuses illusions des malades de ce genre, illusions

souvent antérieures aux hallucinations sensorielles, et leur déso-

rientation ; incapables de se rendre compte du temps, du lieu, des

personnes, ils se meuvent sans adapter leur locomotion à un but

voulu, ils n'ont plus idée des rapports qui fixent leurs person-

nalités ou les relient aux autres, ils ont des interprétations fausses

ou ne peuvent saisir ni interpréter. Le fou systématique connaît

également l'importance et la signification de toutes choses, le

malade atteint de confusion mentale a perdu toute notion, con-

trairement à ce qui se passe dans la folie systématique aiguë, les

accidents morbides sont soumis collectivement à un continuel

changement, ils ont pour caractère de n'en avoir pas. Meynert les

a ainsi définis : oscillation perpétuelle des symptômes sans valeur

distinctive, défaut d'unité dans la pensée et dans l'humeur. On ne

lui trouve pas ce cachet expansif qui forme toujours le fond de la

folie systématique; elle va de la tristesse la plus noire à la plus riante

gaieté, à la colère la moins motivée, avec la même impétuosité. Tels

sont les symptômes de déficit : à côté d'eux, Meynert range l'agi-

tation qui constitue un symptôme d'excitation. En somme, dans la

confusion mentale ou désordre dansles idées (amentia), l'incohérence

800 SOCIÉTÉS SAVANTES.

est le cachet des manifestations psychiques, dans la folie systé-

matique (paranoïa) celles-ci sont désajustées ou déplacées (Incon-

gruoenz).

La confusion mentale se distingue donc, de par sa nature, de la

folie systématique aiguë; elle s'en distingue aussi de par son étio-

logie, puisqu'elle débute généralement soudain après l'action de

l'épuisement, de la dyscrasie hématique, de l'intoxication, du dé-

veloppement des toxines. Mais il est moins facile d'en trouver les

caractères différentiels dans sa terminaison, puisque, comme dans la

folie systématique aiguë, elle peut guérir, mais elle guérit en lais-

sant des lacunes intellectuelles. Toutes deux peuvent aboutir la

confusion mentale chronique ou désordre chronique dans les idées,

terminée elle-même par la démence confuse (dementia confusa) qui

apparaît encore plus rapide et plus forte à la suite de la confusion

mentale non guérie. Mais ce qui est certain, c'est que la confusion

mentale n'aboutit pas à la folie systématique chronique. Si la gué-

rison incomplète de l'amenda laisse une lacune intellectuelle qui

sert de terrain à l'évolution d'une folie systématique chronique

(cela est hors de doute), il ne s'agit en tout cas que d'une genèse

secondaire et non d'une transformation directe de l'amentia en

paranoïa chronique, tandis que la folie systématique aiguë (para-

noia acuta) passe directement à l'état de folie systématique chro-

nique (paranoia chronica).

Ainsi MM. Cramer et Boedeker ont fait ressortir la parenté de la

folie systématique chronique (paranoïa chronica ) , de la folie

systématique aiguë (paranoia acuta) et de la confusion mentale

(amentia) parce que ces trois complexus ont des symptômes dont

la genèse est connexe (hallucinations sensorielles-idées délirantes

incohérence) et qu'ils sont reliés entre eux par une affection

de l'activité intellectuelle. Quelque opinion que l'on ait sur cette

manière de voir, il est impossible qu'on les suive plus loin et que

l'on admette que ces trois types morbides ont pour base com-

mune la folie systématique ou paranoïa. Un delirium tremens n'a,

à mon sens, rien de commun avec la paranoïa, si ce n'est les

hallucinations et l'agitation, mais ces deux éléments morbides ne

surviennent-ils pas dans les psychoses les plus différentes ? Ce n'est

donc pas la symptomatologie qui doit servir de repère à la carac-

téristique de la maladie, et à sa dénomination, c'est l'ensemble du

tableau morbide et sa terminaison. L'étiologie même est impuis-

sante. Prenons l'alcoolisme; on y constate : du delirium tremens

qui est une <MK6K<M[ delirans acutissima qui, dans la plupart des cas

peut être désignée sous le nom de délire hallucinatoire; on y cons-

tate : les formes rapportées supra de la confusion mentale, la folie

systématique aiguë et chronique (paranoia acuta et chronica) enfin,

la paralysie générale alcoolique ; il est évident que tout cela c'est

de l'alcoolisme et cependant il produit autant de types morbides

SOCIÉTÉS SAVANTES. 501

caractérisés d'après leur marche et qui par suite doivent chacun

recevoir une dénomination particulière.

Quant au nouveau type décrit récemment par M. Mendel sous le

nom de folie systématique péi,iodique (pai,aizoiapei,iodica) il ne nous

est pas possible de l'admettre. La description précédente indique

en effet qu'il n'y a paranoïa que lorsqu'on a devant soi des symp-

tômes essentiellement analogues à ceux de la folie systématique

chronique ou des complexus symptomatiques se confondant direc-

tement avec celle-ci. Il faut effacer de la paranoïa tout ce qui ne

remplit pas ces deux conditions.

M. Jolly. Les rapports qui existent entre la confusion mentale

aiguë (acute Yerwirrtlaeit), et la folie systématique aiguë (pai,a ? zoia

acuta) acquièrent une netteté remarquable, quand on se pénètre

bien de ce qu'est l'alcoolisme aigu ; l'examen de cette forme mor-

bide permet de saisir la différence et la parenté des deux éléments

pathologiques en question. Ainsi jles malades affectés de delirium

tremens sont fréquemment en proie à des conceptions délirantes

polymorphes, ayant tout le caractère de songes, produites par des

images mouvantes, qui continuellement sont fournies par les sens;

c'est une fantasmagorie kaléidoscopique de tableaux et d'idées

n'ayant entre eux aucuns liens ou n'ayant que des relations très

lâches. Ces malades sont, au sens propre du mot, délirants, ils bat-

tent la campagne, mais ils sont aussi en plein désordre intellectuel;

c'est là le type de la confusion mentale aiguë. A côté d'eux, d'autres

alcooliques sont hantés dès le début d'une idée fixe,d'unehistoirequi

demeure invariable pendant toute la durée de la maladie et qui ne

fait que se développer sous l'influence d'autres songes morbides au

point de se systématiser de plus en plus; voilà la folie systématique

aiguë (paranoia acuta alcoolica de Speyr). Celle-ci, à l'exemple des

délirants simples du premier genre, peut en peu de jours évoluer

et disparaître, tout comme le rêve après le sommeil, les malades

peuvent aussi en conserver le souvenir pénible, mais ce souvenir

finit lui aussi par s'évanouir de la mémoire. Ou bien elle dure

quelques semaines pour guérir encore. Ou bien enfin elle se trans-

forme en folie systématique chronique (paranoia chronica alcoolica).

Entre ces deux groupes de délires alcooliques, il y a aussi des

formes mixtes dans lesquelles une histoire mythique invariable cons-

titue le noyau de la maladie autour duquel tourne un monde de

visions mobiles. Mais ces formes mixtes, comme on le voit, ne dé-

truisent pas l'existence des deux variétés (délirante et systématique)

de l'alcoolisme aigu.

Les mêmes rapports existent entre les pychoses aiguës indépen-

dantes de toute influence alcoolique. Les unes sont de la confusion

mentale aiguë (acute Verwirrtheit) ou désordre intellectuel aigu, les

autres sont de la folie systématique aiguë (paranoia acuta).

S02 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La confusion mentale aiguë ou désordre aigu dans les idées, en-

core appelée parFuerstner acute hallucinalorische Yerworrenheit (dé-

sordre dans les idées hallucinatoire aigu), par Meynert Amentia,

par 111endel délire hallucitaatoire,présente fréquemment une marche

suraiguë et favorable, quand elle est consécutive à des maladies

fébriles aiguës, de sorte que le traitement à l'asile devient inutile

(111endel). Alais, même alors, il y a quelques cas dans lesquels le dé-

lire dure bien plus longtemps et continue pendant des mois. Il y a,

par contre, des syndromes de confusion mentale aiguë, dont la genèse

est indépendante de maladies fébriles, qui néanmoins se traduisent

par les mêmes manifestations; ils sont dus soit à un épuisement

physique très profond, soit à une émotion morale extrêmement vive

ou bien éclatent sans motifs connus : les hallucinations manquent

alors rarement, souvent elles sont le symptôme prédominant,

mais elles peuvent également ne jouer qu'un rôle accessoire et,

dans ce cas, c'est l'idéation qui est primitivement et directement

troublée, l'enchaînement des idées est dissocié (Ziehen). Cette

dissociation déconcerte les malades, troublé leur aperception et

détermine le désordre des conceptions. Tout comme les délirants

alcooliques de la première série, souvent ces aliénés sortent de

leur somnialion et arrivent à percevoir certainesimpressions d'une

façon correcte et à en tirer des conclusions exactes, mais ilsretom-

bent bientôt dans la confusion mentale (Ve ? ,wi ? ,7-theit). Le polymor-

phisme des conceptions délirantes est, dans ces états, la règle ; ja-

mais en tout cas, il n'y a organisation d'un délire suivi, systéma-

tiquement coordonné, c'est le désordre, l'embrouillement des idées

et des concepts qui prédomine jusqu'à la fin du tableau morbide.

Dans certaines circonstances cela peut durer longtemps, bien sou-

vent plusieurs mois, jusqu'à ce que s'effectue la guérison qui finale-

ment et le plus fréquemment arrive. En d'autres cas, il en résulte

un affaiblissement psychique permanent; quelquefois aussi, à la

suite de la confusion mentale qui cède, on voits'organiser quelques

idées délirantes systématiques, et alors on peut dire qu'il s'est agi

d'une folie systématique chronique (poranoiu chronica) ayant été

précédée d'un stade de confusion mentale (Verwirrtlaeit).

Vis-à-vis de ces exemples de délire simple susceptible parfois de

se transformer en délire systématique, mais qui le plus fréquem-

ment du commencement jusqu'à la fin restent du délire simple ou

delà confusion mentale, il y en a d'autres dans lesquels de prime

abord les idées pathologiques affectent une direction déterminée;

dès le début, il y a délires de persécution ou de grandeur qui ne

tardent pas à se mélanger. Les hallucinations jouent ici fréquem-

ment un rôle, mais pas toujours un rôle considérable. C'est de la

folie systématique aiguë (paranoïa acuta), qui mérite sans conteste

son nom. Il y en a des cas d'une durée très courte se terminant par

la guérison. Il s'agit alors généralement d'héréditaires à forte tare

SOCIÉTÉS SAVANTES. 503

qui deviennent malades sous des influences minimes et reprennent

très vite leur lucidité. Mais il est plus fréquent d'observer une plus

longue durée de la maladie; pendant plusieurs mois le délire sub- ·

siste et subit des transformations ; tantôt c'est une agitation assez

marquée, tantôt c'est une sidération quasi-stupide, enfin il peut se

produire une rémission pendant laquelle une partie des idées déli-

rantes sont corrigées ou mises en doute par le malade. La marche

finales peut être favorable, mais il n'est pas rare du tout de la voir

se transformer en folie systématique chronique (paranoia chronica) ;

il n'y a donc en principe aucun motif de séparer la paranoïa chro

nique de la paranoïa aiguë, puisqu'il n'y a de différence entre elles

que dans la variété de rapidité de l'évolution et que les signes

. fondamentaux des deux affections sont les mêmes.

Il est maintenant aisé de comprendre qu'entre la confusion men-

tale aiguë (acute Verwirrtheit) et la folie systématique aiguë (para-

noia acuta), il y a les mêmes formes de transition que celles qui

existent]entre le délire alcoolique aigu simple et le délire alcoolique

aigu systématique. Dans la folie systématique aiguë aussi on observe

des épisodes de confusion mentale passagers, soit au début de la

maladie, soit dans son cours; c'est fréquent. Dans la folie systé-

matique aiguë également la dissociation de l'idéation, la suspension

et l'accélération de l'émission des idées jouent un rôle essentiel, et

il y a des cas dans lesquels on est tout aussi autorisé à attribuer à

tel ou tel symptôme ad K<)t<u ? H l'importance prépondérante et, par

suite, à fabriquer telle ou telle terminologie.

On est donc parfaitement en droit de distinguer deux variétés de

folie intellectuelle primitive aiguë, sous les rubriques de confusion

mentale (Veriviri,theit) et paranoïa (folie systématique), mais il

faut savoir qu'il s'agit de deux formes proches parentes. Il convient

d'y ajouter une troisième, variété sous le nom d'affaiblissement psy-

chique aigu (acute Geistesschzvoeche) ou de démence aiguë, que

M. Jolly a pris l'habitude de désigner sous le nom d'anoia acuta. Il

n'en sera pas question ici.

A côté de ces formes morbides constituées par un trouble des

sources de l'idéation (Voistelliii2gssphoeie), on a coutume de consi-

dérer à part comme formant un groupe parfaitement séparé, des

troubles primitifs de la sensibilité morale ou affective (Affect.-odei-

Geficlclssttewnzgen). Et en effet il s'agit api'Mrt de quelque chose de

tout à fait différent.

Mais quand on serre de près l'étude des deux types de ce dernier

groupe, la manie et la mélancolie, en se plaçant au point de vue

que nous venons de formuler, on reconnaît tout aussitôt que la déli-

mitation en est loin d'être claire et simple.

Eu ce qui concerne la manie, M. Cramer dit : « Qui a vu un grand

c nombre de maniaques n'éprouve aucune difficulté à établir son

c diagnostic à moins qu'il ne soit un débutant ou un médecin

504 -SOCIÉTÉS SAVANTES

c praticien. » Eh bien ! ce n'est pas toujours aussi commode et le

spécialiste le plus expérimenté se tâte souvent, tout comme le dé-

butant. Les scrupules qui le hantent proviennent justement de la

question qui se rattache au délire hallucinatoire ou confusion men-

tale, dont nous venons de parler. Dans bien des cas de confusion

mentale, l'humeur des malades correspond surtout à celle de l'état

maniaque, mais, réciproquement, chez le vrai maniaque, le mania-

que type, on constate souvent un stade de confusion mentale hal-

lucinatoire caractérisé soit au début, soit dans le cours de la ma-

ladie. Sans doute on dit que dans un cas l'anomalie de l'humour

est primitive et qu'elle a entraîné la confusion mentale, tandis

que dans l'autre, les conceptions délirantes de l'état de confusion

mentale ont provoqué une cénesthésie gaie. C'est parfait en théorie.

Mais en pratique s'il y a des cas dans lesquels la succession des

phénomènes est indubitable, et en d'autres il est impossible, quel-

que attention soutenue qu'on y mette, de faire la part de la prio-

rité du trouble. On en peut dire autant pour quelques cas de folie

systématique aiguë caractérisés par un état céneslliétique mania-

que, très marqué et très persistant; là aussi il est fréquemment im-

. possible de dire si c'est l'exaltation de l'humeur qui a produit les idées

de grandeur;' ou si celles-ci ont procédé à celle-là, par suite, il est

tout arbitraire de ranger ces observations dans une dos formes

typiques. En conséquence, pour ne pas violenter les faits, on est obligé

de reconnaître qu'entre la manie d'une part et la confusion mentale et

la psranom de l'autre, il existe des formes mixtes, tout aussi bien

qu'entre ces deux dernières formes; on arrive ainsi, suivant la pré-

dominance de tel ou tel phénomène, à formuler les expressions de :

manie par anoïque ou paranoia maniaque ; de : manie avec confusion

mentale, c'est-à-dire manie délirante ; de : confusion mentale maniaque.

Il en est ainsi pour la mélancolie qui de même peut se montrer

sous la variété paranoïque et délirante, tandis que, d'autre part,

il existe des cas de paranoïa et de confusion mentale avec état

mélancolique marqué et persistant.

Il est donc établi que les formes aiguës des troubles psychiques,

dont il est question ici, envisagées au point de vue des symptômes,

permettent de reconnaître tantôt une atteinte très vive de la

sensibilité morale (mélancolie manie) tantôt une forte

participation de l'idéation (confusion mentaiedémence para-

noïa), et que ces termes ne désignent que pour une série de cas

l'ensemble symptomatique de la maladie. Pour beaucoup d'autres

observations, il faut employer des termes plus compliqués si l'on

veut rendre par une expression conforme à la vérité les symptômes

multiples qui correspondent aux processus morbides agissant sur

toutes les parties du mécanisme psychique.

M. IOELI. Dans les perturbations mentales aiguës, c'est-à-dire

SOCIÉTÉS SAVANTES. 505

celles qui débutent brusquement et qui ont une évolution rapide,

et qui procèdent surtout par création de conceptions délirantes

et d'hallucinations sensorielles, il y a des formes de transition.

Ainsi on reconnaît des cas dans lesquels les conceptions sont fort

dissociées, et où la conscience a d'emblée, ou à la suite de cette

dissociation, subi un préjudice considérable. Il en est d'autres

caractérisés par l'organisation d'un délire systématique avec con-

servation de la pleine lucidité des perceptions, de la mémoire, etc.

Il en est enfin d'intermédiaires. La construction systématique

d'un délire cohérent dont le texte est exactement délimité, sans

l'intervention de quelques idées et hallucinations diffuses, avec

appréciation nette des choses et personnes qui entourent le malade

représente la forme de beaucoup la plus rare ; la plupart de

ces cas se rattachent à l'alcoolisme.

M. Cramer dit, en ce qui concerne la sensibilité morale ou affec-

tive : « elle ne joue qu'un rôle secondaire. » Ce n'est pas tout à

fait exact. Sans doute, dans la folie systématique chronique, ce qui

est le plus remarquable, ce qui détermine l'évolution de la

maladie en plein développement, c'est le trouble de l'activité con-

ceptuelle. Mais il n'est pas du tout démontré que la sensibilité

affective de ces malades n'ait pas été du tout amoindrie au début.

On reconnaît généralement un lien entre la sensibilité, l'hu-

meur et le texte des conceptions. Dans la vie normale les senti-

ments intimes provoquent et déterminent l'appréciation que

chacun se fait des rapports de sa personne avec les autres. L'idée du

moi se forme dès le début de la vie à l'aide des sensations et des

sentiments correspondants; c'est la sensibilité morale qui, sans

conteste, règle les allures de l'enfant et les adapte au monde

extérieur; elle continue plus tard son rôle et nous fait comprendre

le décor des choses et des personnes qui nous entourent, en leur

assignant dans l'intimité de nous-mêmes leur véritable place

et par suite la nôtre. Nos conceptions ont pour origine et pour

mobiles les sensations de plaisir ou de déplaisir qui déterminent

nos sympathies,[nos antipathies physiques et morales ; sensations et

sentiments produisent, en engendrant les idées de relation entre

notre individu et les autres, notre personnalité. Or le cercle des

conceptions des fous systématiques a pour centre leur propre per-

sonne. Il est donc peu croyable que la falsification des rapports

d'un être avec le monde extérieur n'ait pas été influencée par la

sensibilité (terme générique) en général; naturellement nous

n'entendons pas parler des paresthésies hypocondriaques ou tabé-

tiques. Il est donc, en se plaçant dans le cadre de la psychophy-

siologie, plutôt à penser que, dans un grand nombre de cas, dès

le début, à la période de méfiance, on n'a pas du tout affaire

à l'idée obsédante et vivante d'une persécution. La sensibilité

intime de ces malheureux témoigne tout au contraire d'une ten-

506 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dance affective spéciale et prédominante qui plus tard imprimera

aux conceptions relatives à leur propre personne, dès qu'elles se

produiront sous une influence étrangère, leur direction morbide.

En effet, sous le nom d'hommes sensibles nous désignons les

gens qui, impressionnés par un événement extérieur, sont inca-

pables de raisonner leur émotion; l'impression morale détermine

en eux un monde de pensées auxquelles l'émotion donne un tour

unique. Pourquoi cela ne se produirait-il pas chez les fous systé-

matiques ? Évidemment la sensibilité intime entre en jeu. Tout au

moins est-ce à supposer dans la folie systématique chronique.

Quant à la confusion mentale hallucinatoire aiguë, on a, dans

quelques cas, nettement constaté, dès le début, la coparticipation

des sensations et des sentiments. Chez ces malades, on remarque

souvent pendant quelque temps une sensation d'étouffement, un

état d'agitation intérieure vague. Ils n'émettent pas de conception

morbide, ils se contentent de dire « je suis tout autre » ou c voilà

qui est drôle ». Ils n'ont pas l'idée qu'ils sont malades, ils veulent

simplement dire par ces mots qu'ils sentent en eux une modifi-

cation vague de la sensibilité. Aussi les voit-on précipités, iné-

gaux, inquiets, parfois tout à fait bouleversés. Ce n'est qu'après

qu'apparaissent quelques impressions sensorielles bizarres ; le '

monde extérieur leur semble c tout autre ». - A la fin seulement

se développent des conceptions déterminées, généralement provo-

quées par certaines perceptions : < Qu'est-ce, pourquoi pousse-t-on

cela ? cela doit signifier quelque chose ! Craintifs et incertains, sans

que pour cela leur humeur soit invariablement modifiée dans

sa totalité, ils sont tantôt enjoués, badins, tantôt anxieux et de

mauvaise humeur. Cette manière d'être a pour cause évidente

bien souvent la nature des Conceptions et (hallucinations mobiles.

Mais aussi, au début' comme plus tard, il n'en est pas toujours

ainsi; du moins ne peut-on toujours le démontrer. A une période

plus avancée on ne sait plus ce qui se passe en eux et par suite

on ne peut se faire une idée nette de chaque cas. Mais il est des

observations dans lesquelles, même à une phase ultérieure, il se

produit des modifications de l'humeur toutes primitives qui, dans

les rapports de la vie, les plaisanteries, la forme des réponses sont

autant d'éléments qui vous frappent, et ne sauraient être attribués

à la suppression secondaire de la sensibilité par la nature des

conceptions pathologiques. Il en est de même de l'extrême maus-

saderie, et de la sensiblerie qui se manifestent à l'occasion de

questions indifférentes. Ceci s'observe surtout chez la femme. Eh

bien ! en tous ces cas on n'a pas plus affaire à la maussaderie

mélancolique qu'à l'humeur maniaque, car assez souvent il n'y a

pas de continuité dans le mode de l'affectivité. Il va de soi que nous

en excluons les cas dans lesquels la dépression peut être la consé-

quence d'un événement pénible (perte accouchement souci).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 507

L'atteinte de la sphère sensible dans les affections consécutives

à une intoxication ou, ce qui est peut-être la même chose, à un

trouble de la nutrition cérébrale, à l'épuisement du cerveau, n'a

rien de frappant. Si l'organe de la vie psychique est un, il nous

est impossible de localiser en des régions distinctes l'idéation

et la sensibilité et d'en disséquer à ce point les rapports que nous

soyons en droit d'espérer de telles modifications imprimées aux con-

ditions de la vie voir surgir un trouble que l'on puisse pleinement

rattacher à l'une des fonctions psychiques fondamentales. [Quoi

qu'il en soit, les cas désignés sous les noms de Verwirrtheit et

Wahnsinn sont impropres à appuyer l'opinion qu'il s'agit exclu-

sivement, dans l'espèce, d'anomalies de l'idéation.

M. Neisser. Il me paraît important de faire observer que les

éléments cliniques sur lesquels chacun des orateurs s'appuie pour

exprimer ses opinions, s'écartent les uns des autres et ne con-

cordent pas, pour une bonne part, avec les descriptions de nos

livres classiques; chacun d'eux s'est efforcé de tracer de nouvelles

descriptions de tableaux morbides et de prendre celles-ci pour base

de ses propres développements. La psychiatrie en effet traverse

une période de développement dans laquelle la description com-

préhensive des traités n'a encore 'pu suivre les conquêtes de

l'anatomie et de la physiologie cérébrales et de la psychologie.

Or la bibliographie et les traités ne reflètent point actuellement

l'état présent de nos connaissances, aussi chaque savant psy-

chiatre de l'Allemagne s'écarte-t-il des traditions classiques. Il

nous manque avant tout un arsenal commun d'observations à

description suffisamment exacte; je serais bien embarrassé de dire

où, dans la bibliographie, on pourrait trouver un nombre suffi-

sant de cas observés avec exactitude, du commencement à la fin

de la maladie. Ceci ne s'applique pas seulement à la paranoïa,

ceci s'applique encore, à l'exception peut-être de la paralysie

progressive, à presque toutes les psychoses. Pour que les descrip-

tions concourent au progrès de la science, il faut qu'elles s'en

tiennent à la différenciation des symptômes, sous peine de faire

une peinture artificielle ou de forcer l'interprétation des faits.

Pour analyser la personnalité d'un malade, il faut pénétrer les

mobiles de ses actes et obtenir des confidences sur ce qu'il sent

et ce qu'il pense; c'est seulement par une description minutieuse

de ces phénomènes intérieurs que l'on arrive à établir la prio-

rité de tels ou tels symptômes. Malheureusement jusqu'à ce jour,

sur ce terrain, ce sont les poètes qui tiennent la corde et leurs

descriptions sont inutilisables au point de vue médical.

En ce qui concerne l'historique, Snell à mon sens avait très

étroitement circonscrit le groupe qui nous occupe puisque, à

l'origine, il ne faisait rentrer dans la folie systématique primaire

508 SOCIÉTÉS SAVANTES.

(primoerer Wahnsinn), que les cas caractérisés par des idées déli-

rantes de persécution avec exagération de la personnalité. Dans cette

exagération de la personnalité, Snell voyait le germe dont devaient

ou dont pouvaient naitre plus tard les idées délirantes de grandeur.

Évidemment Snell n'admettait pas la théorie actuelle d'après

laquelle un état mélancolique pouvait servir de base à l'édification

d'un délire fixe. Dans un mémoire ultérieur, Snell indiqua combien

de ses malades avaient créé des idées de grandeur, il y faisait remar-

quer que, quant à l'époque de leur production, ainsi quesousbeau-

coupd'autresrapports, il existe desvariétés. 11 est manifeste que Snell

s'est pleinement rendu comptede l'intimité des relations qui existe

entre les idées du délire de persécution et celles du délire de

grandeur, mais il n'a pas développé ce point de pathologie

générale; ses observations sommaires ne fournissent non plus

aucun éclaircissement sur la nature de l'ensemble des phénomènes

qui président à la formation du délire. Il s'est contenté d'esquisser

à grands traits les tableaux morbides; ses travaux sur ce sujet sont

suffisamment importants pour fournir un arsenal d'observations

capable de permettre de tenir le délire chronique de Magnan pour

artificiel.

Comme l'a parfaitement indiqué M. Jastrowitz, malgré les

travaux antérieurs de Snell et Sander, le mémoire de Westphal

est le premier qui ait constitué d'emblée le nouveau type en

quelque sorte de la folie systématique primitive (primoere Paranoia).

Pourquoi ? Sans doute l'autorité de Westphal ne fut pas étrangère

à ce résultat. Mais il y a à cela une cause plus profonde. Avant

Westphal, on savait que dans le cours de psychopathies très diverses,

des idées délirantes peuvent se développer, qu'elles peuvent être

soit dépressives, soit exaltées. On savait également que ces symp-

tômes apparaissent dans plusieurs psychopathies aiguës. Il n'y

avait donc dans l'allégation de Westphal point matière à une

nouveauté pathologique ou clinique spéciale. C'était une thèse de

pathologie générale qui prenait naissance; il était démontré en

effet que, sans préjudice de l'extraordinaire variété de la marche,

on pouvait coordonner un nombre infini de cas en les expliquant

par le mécanisme d'une anomalie dans les procédés conceptuels,

par l'intervention d'un mécanisme anormal dans le jeu des con-

ceptions intellectuelles, dans le domaine de l'idéation, par Fin.

variabilité du texte de ces conceptions morbides. Westphal savait

fort bien que cette généralité clinique ne tranchait pas l'histoire

symptomatique de chaque malade, il a en termes exprès indique

qu'assez souvent il se produit des troubles morphologiques indé-

pendants dans l'émission des conceptions, et que ces troubles

affectent l'apparence phénoménale de la confusion mentale

(Verwirrtheit). C'est ce que Ziehen a oublié de mentionner

lorsqu'il a révélé que dans la folie systématique (paranoia) il peut

SOCIÉTÉS SAVANTES. 509

se montrer de l'incohérence primitive. Westphal a donc fait oeuvre

de pathologie générale.

Pour arriver, en se tenant dans la clinique pure, à distinguer et

à grouper les maladies, itfautparvenir à assembler les cas qui con-

cordent entre eux par les traits principaux de l'ensemble de leur

évolution; on obtiendra ainsi certains exemples probants et des

types cliniques d'une exactitude permanente, à la condition que

les symptômes morbides y soient autant que possible simples, lim-

pides, univoques. Mais cela est difficile, car la clinique fourmille de

formes de transition, de formes mixtes. Pour étudier ces formes

mixtes, on est obligé de laisser de côté le guidon de la clinique

pure et de s'efforcer d'évaluer certains symptômes, d'en dégager

la dépendance réciproque; on fait ainsi de la pathologie générale.

La phase de développement que traverse actuellementla psychia-

trie impose précisément de faire de la pathologie générale. Il est

nécessaire, à mon sens, de prendre comme point de départ, la

structure du système de projection et, partant alors de la périphé-

rie pour aller vers le centre, de suivre les groupes de phénomènes

neuro-psychiques (conscience del'élat du corps de l'individu, etc.) qui

se produisent de la périphérie au centre, individuellement, dans leurs

relations mutuelles, dans leur coordination; de mettre en évidence

les troubles de l'identification (Rieger) ; de rechercher l'influence

que chacun de ces troubles exerce secondairement sur le méca-

nisme de l'association des impressions et des idées, en un mot

d'étudier systématiquement les conditions de succession des phé-

nomènes. On trouvera alors que, quels que soient les points faibles

déterminés par la maladie mentale, les excitations locales les

plus différentes peuvent, par irradiation sur la sensibilité morale,

engendrer ces complexus symptomatiques spéciaux de la psychose

sous la forme de phénomènes concomitants ou 'consécutifs. Cette

démonstration devra exercer une réaction profondesur l'intelligence

et le groupement de chacun des tableaux morbides.

Je m'en tiendrai là d'autant mieux qu'il n'y apasbien longtemps

un observateur distingué a développé les traits principaux d'une

symptomatologie psychiatrique (die Gi,uiidziige einer psychiati-ischen

Symptomenlelere) et qu'il est à espérer que Wernice ne s'en tiendra

pas à ces indications concises. Ce que j'ai voulu montrer, c'est que

les difficultés que l'on éprouve à comprendre et à faire comprendre

les questions relatives à la classification clinique, ont leur source non

pas dans les variétés séméiologiques, non plus dans la bonnevolonté

des chercheurs auxquels fait appel Werner, mais bien dans la

phase actuelle de développement de notre science.

Pour moi, la condition préliminaire à remplir pour mettre du

jour dans les questions de la psychiatrie spéciale, n'a pas jusqu'ici

été remplie, elle exige d'une part de nouvelles descriptions exactes

d'observations dans lesquelles on aura bien différencié les symp-

810 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tomes, et d'autre part l'édification en sous-oeuvre d'une bonne pa-

thologie générale.

Il me paraît, pour terminer, utile de présenter quelques courtes

remarques sur l'autophilie de Bail ou Krankhafte .Etg'e6ez ! e/MH : <;

(relations morbides du moi) de Neisser Eigenioahn de Meynert, que

j'ai désignée sous le nom de relations vicieuses du moi (fehlerhafte

EteK66z : e/t : <Mg'). M. Cramer veut bien lui reconnaître un rôle

important dans la formation du délire systématique; il prétend

que ce symptôme a une genèse compliquée et que par conséquent

il n'est pas un symptôme primitif. C'est ce que j'ai moi-même sou-

tenu et j'ai ajouté, pour exemple, que les émotions violentes

peuvent exagérer les relations de la personnalité. Je pense encore

aujourd'hui que les troubles morbides quiproduisent ce phénomène,

notamment dans la folie systématique, échappent à toute recherche

directe;l'observation immédiate du malade permet simplement d'en

constater l'existence. 11 a une importance énorme. Même lorsque

l'autophilie dérive d'un mécanisme psychologique normal, quand

elle se rattache à la sensibilité morale, ou à des troubles de l'iden-

tification ou encore à des idées délirantes déterminées, d'ordinaire,

dans le cours ultérieur de la maladie, elle revêt l'importance d'un

symptôme autonome, et, séparée des conditions pathogénétiques qui

l'ont produite, elle subsiste en tant que fonction vicieuse. Cette

indépendance d'un symptôme d'origine primitivement secondaire

joue un grand rôle en psychopathologie. Il est notamment fréquent

de voir des mouvements de la physionomie qui, à l'origine,

étaient associés à des conceptions déterminées, persister plus tard

comme symptôme autonome. Quoi qu'il en soit, l'autophilie exa-

gérée indique qu'un système de délire est en voie d'organisation.

M. MENDEL appuie l'expression de M. Cramer de psychoses fonc-

tionnelles.

N'avons-nous pas celle des névroses fonctionnelles ; ceci ne veut

pasdire qu'elles n'aient point de substratum anatomo-pathologique,

ceci signifie que nous ne possédons pas de moyens d'investigation

suffisants pour pouvoir constater une altération anatomique.

La folie systématique aiguë simple (paranoïa simplex acuta) peut

se produire non seulement chez des individus atteints préalable-

ment de faiblesse d'esprit (Schwaclcsiznige) mais aussi chez des gens

préalablement sains d'esprit.

Si M. Jolly n'attache pas au délire hallucinatoire un pronostic

aussi favorable que moi ; la raison en est que je ne range pas

sous le nom de délire hallucinatoire les cas qu'il a cités. Ceci

montre que nous ne nous entendons souvent pas jusqu'ici sur la

nomenclature dont nous nous servons.

Cette discussion sera poursuivie dans la prochaine séance. (Allg.

Zeistsch. f.Psychiat., LI, 1.) P. KLIIIVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. Contribution à l'étude des HetH'o-e<M6n<es toxiques (Psychose

polynévritique) ; parle D1' G. HAURY. (Thèse de Lyon, 1894.)

Ce travail de pure critique, inspiré par M. le professeur Pierret,

a pour but de montrer, en s'appuyant sur les données de la patho-

logie générale que la psychose polynévritique, esquissée par M. Kor-

sakow, n'est pas une entité morbide. Par une argumentation serrée,

l'auteur rend évident que les polynévrites accompagnées de troubles

psychiques ne représentent qu'une phase de syndromes variés pro-

duits par la présence de toxiques dans le système nerveux central

et périphérique.

M. Haury étudie une par une toutes les observations publiées jus-

qu'à ce jour au triple point de vue de l'étiologie, de l'anatomie

pathologique et de la symptomatologie.

Pour que la psychose polynévritique, entité morbide, ait droit à

l'existence il lui faut une étiologie constante. Remplit-elle cette

condition ? L'étiologie apparaît, très complexe si l'on ne fait pas

intervenir le seul facteur constant, l'intoxication. Des cas de psy-

chose polynévritique s'observent à la suite de nombreuses affec-

tions, de l'alcoolisme isolé ou associé à certaines maladies géné-

rales. Par un procédé didactique contestable et malgré la fréquence

des troubles cérébraux et des névrites, associés à l'alcoolisme,

M. Korsakow les laisse purement et simplement de côté. Tilling

(de Riga) avec plus de raison dans un travail basé sur sept obser-

vations reconnaît que l'alcoolisme est la cause la plus fréquente

des psychoses dites polynévritiques. D'autres auteurs l'ont suivi

(Lilienfeld, Schultz, Thomas Granger, Slewart, Thomas Buzzard,

etc.). Mais il découle de tous ces travaux que le plus souvent à

l'action de l'alcool s'ajoute celle de quelques maladies générales

(syphilis, tuberculose, hépatisme, ictère). Isolée, la tuberculose a

une influence incontestable. Les affections utérines agissent par

les intoxications, qu'elles amènent à leur suite.

Il en est de même du rhumatisme, de la fièvre typhoïde, etc.

Toutes ces affections sont, en somme, des intoxications et l'étio-

logie de la psychose polynévritique complexe en apparence devient

simple si on la rapporte à cette cause unique. Si ce syndrome

psyclionévritique est le résultat d'intoxications variées, pourquoi le

nom et l'entité ? M. Korsakow c'est là son mérite, a tenté de rap-

512 BIBLIOGRAPHIE.

procher les névrites périphériques des troubles cérébraux qui les

accompagnent, les précèdent, mais aussi qui peuvent exister isolé-

ment. Mais ni la polynévrite, ni la psychose ne se commandent.

Elles dépendent l'une et l'autre de l'infection, de l'intoxication. La

psychose polynévritique n'est donc pas une et même si l'on accepte

la terminologie de M. Korsakow il faut dire qu'il y a des psychoses

polynévritiques typhiques, septiques, tuberculeuses, alcooliques, etc.

L'anatomie pathologique de la future entité est fondée sur

six autopsies peu complètes et peu concordantes. L'étude des

observations accompagnées de guérison montre d'ailleurs que les

phénomènes paralytiques et atrophiques ne guérissent que lente-

ment. D'autre part les phénomènes psychiques mettent un temps

très long pour s'amender. 11 est donc permis de supposer l'exis-

tence de lésions graves des cellules, des tubes et des vaisseaux

cérébraux.

Dans les cas où l'autopsie a pu être faite, on a trouvé dans les uns

des lésions atteignant les nerfs périphériques, le cerveau et même

la moelle. Pour quelques-unes on n'en a pas trouvé. Les lésions

des nerfs, plus souvent recherchées, ont été qualifiées polynévrites. '

Dans un cas ce sont des lésions de névrite parachymateuses (Pierret,

Alix Joffroy), dans les autres ce sont des lésions dégénératives en

tout semblables à l'altération qui suit la section ou l'écrasement

d'un nerf (Vierordt, Th. Gr. Stewart, Korsakow,- Strumpell,

Mueller).

A côté de ces lésions ambiguës des nerfs, il en existe du côté de

l'encéphale. A ce point de vue les autopsies peuvent être divisées

en deux groupes. Dans les uns, on constate des lésions nettes

inflammatoires ; dans les autres, il n'y a pas apparence de lésions.

Dans le premier cas, les lésions doivent être rapprochées de celles

observées dans les folies liées aux maladies aiguës ; dans le second,

en dépit des résultats négatifs, à l'oeil nu, on ne peut conclure à

l'absence des lésions microscopiques.

En résumé, dans les cas nets, quand il y a inflammation des

nerfs, il y a aussi dégénérescence (toxique) des cellules en sorte

que la maladie n'est pas une psychose. Il s'agit là d'inflammations

du cerveau, à rapprocher des paralysies générales et démences

toxiques.

Au point de vue symptomatologique, les phénomènes observés

sont de deux ordres : périphérique et central. L'étude critique des

symptômes périphériques : troubles de motricité, de sensibilité et

trophiques, montre que les observations sur lesquelles on s'est

appuyé pour décrire la psychose polynévritique sont essentiellement

disparates. Certaines semblent appartenir au groupe des névrites;

beaucoup se rattachent aux intoxications avec ou sans lésions

nerveuses connues. Quelques-unes sont à rejeter parce qu'on a

attribué à des névrites hypothétiques ce qui ressortissait de ma-

BIBLIOGRAPHIE. 513

ladies absolument spéciales ; ataxie, lésions du cervelet, myélites

diffuses, en plaques, combinées ou compliquées.

Les phénomènes d'ordre cérébral sont de deux sortes : les

troubles mentaux et d'autres phénomènes d'ordinaire rattachés à

la sphère cérébrale, les vomissements, les vertiges, le nystagmus,

les troubles de la parole, etc. Tous les auteurs attribuent une

importance capitale au vomissement, qui devient une sorte de

symptôme prémonitoire (M. Devic, Th. de Strauss, Lyon 1893),

annonçant les désordres psychiques. Cependant l'examen détaillé

des observations permet à M. Haury de conclure que ce symptôme

est dû à des causes variées, souvent banales.

Les troubles mentaux sont caractérisés, d'après M. Korsakow,

d'abord par un degré élevé de faiblesse irritable de la sphère

psychique, puis par un dérangement plus ou moins profond de

l'association des idées, et finalement par les troubles de la mé-

moire, qui sont toujours sensiblement les mêmes : amnésie des

faits anciens. Malheureusement ces troubles ne sont pas spéciaux

à la psychose polynévritique. Ils se rencontrent en tout semblables

dans toutes les maladies infectieuses et toxiques qui s'accompagnent

de symptômes indiquant la réaction du cortex vis-à-vis de l'intoxi-

cation générale de l'organisme. Les troubles de la mémoire sem-

bleraient se rencontrer seulement dans la psychose polynévritique.

Mais dans les infections, en particulier, fièvre typhoïde, influenza,

on constate aussi des troubles de la mémoire, pertes partielles ou

totales avec ou sans névrites. On doit appliquer à toutes ces

démences la loi de régression de la mémoire. Les faits récents dis-

paraissent avant les faits anciens. L'amnésie des faits récents n'est

pas spéciale à la psychose polynévritique, elle est le résultat uni-

voque de l'action de la plupart des toxiques sur les cellules céré-

brales.

M. Korsakow n'est donc pas plus en droit de s'appuyer sur la

symptomatologie que sur l'anatomie pathologique et l'étiologie

pour faire de la psychose polynévritique une entité morbide. Du

reste, M. Korsakow lui-même a reconnu qu'il était peut-être allé

trop loin. c Elle n'est qu'une modalité complète ou non, obligée

ou non, d'une intoxication. » Cet aveu démontre assez que la

psychose polynévritique n'est pas une entité morbide.

Dr DEVAY.

Chef de clinique des maladies mentales.

V. Contribution à l'étude des pseudo-méningites hystériques; symp-

tomatologie et diagnostic; par le Dr BRUGÈRE. (Thèse de Bordeaux

n° 47.)

Les accidents de pseudo-méningite hystérique existent réelle-

ment, mais le petit nombre d'observations montre aussi leur ra-

Archives, t. XXVIII, 33

314 BIBLIOGRAPHIE.

reté. La symptomatologie se rapproche beaucoup de celle de la

méningite tuberculeuse. On peut cependant l'en différencier par la

fréquence, les antécédents sympathiques, le mode de début de

l'affection, l'absence de fièvre, la persistance de l'état général et

surtout par l'évolution favorable de la maladie. E. R.

VI. Nature et traitement du goitre exophtalmique, par A. Joffroy,

professeur à la Faculté de médecine. (Aux bureaux du Progrès

médicale.)

M. le professeur Joffroy dans des leçons soutient la théorie déjà

exprimée par Moebius, Renaut (de Lyon) et Chevalier (de Mont-

pellier), à savoir que la maladie de Basedow se ratache soit à un

fonctionnement vicieux, soit à des altérations plus ou moins pro-

fondes du corps thyroïde. En exposant les symptômes du goitre

exophtalmique, plusieurs remarques sont à noter. -

Le goitre purement vasculaire sans aucune altération de tissu

n'existe pas; dans les goitres en apparence les plus vasculaires, on

trouve des noyaux indurés qui prouvent que la trame est malade

et cela même dans les goitres qui se développent rapidement, en

quelques heures.

Le corps thyroïde est souvent très difficile à constater, quelque-

fois même impossible, et cependant l'autopsie a démontré qu'il

existait toujours.

A côté des contractures que l'on rencontre quelquefois parmi

les symptômes de goitre exophtalmique, il faut citer les accès de

tétanie, ce qui est important, la tétanie apparaissant fréquemment,

comme conséquence de l'ablation du corps thyroïde et dans le

myxoedème postopératoire. A côté de l'oedème cardiaque des

Basedowiens, on a signalé un oedème qui, quoique localisé et le plus

souvent passager, peut être rapproché de l'oedème généralisé du

myxoedème. L'auteur passe ensuite à la réfutation des différentes

théories proposées pour expliquer la pathogénie du goitre exophtal-

mique.

Théorie cardiaque (Graves, Stokes, Luton, Beau). Il suffit de

noter que dans- la tachycardie essentielle où le coeur rappelle

assez celui de goître exophtalmique, il n'y a aucun, 'des symptômes

de cette affection; de même, dans la tachycardie des hystériques.

De plus pourquoi alors le goître serait-il si fréquemment, de même

que l'exophtalmie, irrégulier, unilatéral ?

Théorie de compression des vaisseaux et des nerfs (Marshal, Taylor,

Piorry). Comment par cette théorie expliquer : 1° les cas ou le

corps thyroïde est atrophié ; 2° les cas ou il y a diminution du

goître sans amendement des autres symptômes ; 3° les goitres très

volumineux avec les autres symptômes très atténués; 4° un goitre

unilatéral, produisant une exophtalmie double, etc. ; 5° de plus,

. BIBLIOGRAPHIE. SiS

si un nerf devrait être comprimé de par sa situation anatomique,

c'est bien plutôt le nerf récurrent et le sympathique que le pneu-

mogastrique.

Théorie du grand sympathique. Le grand sympathique dans les

autopsies a toujours été trouvé normal. Si, par l'expérimentation

sur le grand sympathique, on a pu produire une légère saillie des

globes oculaires, celle-ci ne ressemble en rien à l'ex.ophtalmie

deshasedowiens, et tous les autres symptômes manquent.

Théorie de la névrose (Charcot). Cette théorie est la plus diffi-

cile à combattre. L'argument de l'hérédité n'est pas absolument

convaincant, car il faut remarquer que dans la grande famille

névropathique, on trouve des maladies qui ne sont point, à propre-

ment parler, des névroses ; la diabète, le rhumatisme articulaire.

Le début subit qui est un grand argument en faveur de cette

théorie, n'existe souvent qu'en apparence, la maladie presque sûre-

ment existant déjà à l'état latent.

Théories bulbaires. La théorie de la névrose bulbaire soutenue

par Vulpian et par Panas, n'explique qu'une partie de la sympto-

matologie et encore ne dit pas pourquoi le bulbe fonctionnait d'une

manière aussi anormale. A la théorie bulbaire, par lésion de cet

organe on peut répondre que les lésions bulbaires sont très rares

dans le goitre exophtalmique et encore sont-elles variables.

Théories thyroïdienne. M. Joffroy explique les phénomènes de

la maladie de Basedow, par une altération du sang produite par

le fonctionnement vicieux du corps thyroïde altéré. On a affaire

à une maladie qui prend place à côté de certaines albuminuries

et de certaines glycosuries, c'est-à-dire à une maladie par altéra-

tion du sang consécutive au mauvais fonctionnement d'un organe

altéré.

Dans les quatre autopsies personnelles du professeur Joffroy, il

y a des lésions du corps thyroïde, et il faut remarquer ainsi que

cela a déjà été faite par le professeur Renaut (de Lyon) qu'on

trouve les lésions les plus diverses.

L'hypertrophie du thymus, plus ou moins prononcée, accompa-

gnant comme fait constant la maladie de Basedow, donne à son-

ger qu'il s'agit là d'un travail de compensation. La transformation

de la maladie de Basedow en myxoedème, mais sans la surajouta-

tion des symptômes de ces deux maladies, prouve également en

faveur delà théorie thyroïdienne. Charcot a fait remarquer la fré-

quence des intlanuuations thyroïdiennes à la suite du rhumatisme,

de la fièvre typhoïde, de la variole ; dès lors, on peut admettre la

thyroïdite infectieuse quand le goitre exophtalmique se développe

à la suite du rhumatisme ou d'une fièvre typhoïde.

L'étude des relations du goitre endémique et du goitre exophtal-

mique est en faveur de la théorie thyroïdienne.

S 16 G BIBLIOGRAPHIE.

Tous les deux se rencontrent plus souvent chez la femme. Dans

le goitre exophtalmique comme dans le goitre simple, l'hérédité

directe est fréquente. Il n'est pas rare de rencontrer le goitre simple

dans une famille de basedowiens, de même que le goitre exophtal-

mique peut se rencontrer dans une famille de goitreux. C'est

une grande erreur de croire que le goitre exophtalmique n'existe

pas dans les mêmes régions géographiques que le goitre simple.

Le début du goitre exophtalmique par le goitre simple est fré-

quent.A l'argument de Bruhl qui cite des faits de maladie de

Basedow évoluant alors que précédemment le corps thyroïde avait

dû être enlevé, on peut répondre que jamais on ne peut être sûr

que le corps thyroïde a été extirpé en totalité. Enfin, lors d'une

grossesse, qu'il s'agisse d'un goitre exophtalmique ou d'un goitre

simple, il y a toujours à craindre les mêmes accidents avec une

évolution similaire.

M. le professeur Joffroy passe ensuite en revue avec beaucoup de

détails les différents procédés de traitement tant médicaux que

chirurgicaux de la maladie de Basedow. Tout en constatant les

succès fréquents de l'intervention chirurgicale qui plaident encore

en faveur de la théorie thyroïdienne, il conclut que l'opération sur

le goitre ne doit jamais être pratiquée à la légère, non seulement

par crainte des accidents subits et mortels qui se produisent par-

fois, mais encore à cause du myxoedème postopératoire, résultat

presque inévitable d'une extirpation totale du corps thyroïde.

J.-B. CIIARCOT.

VU. Recueil d'observations de neuro-pathologie. Fasc. I, 2oS p. in-8°,

avec 8 fig. interc. dans le texte. Kazan, 1894; par V. M. Bechte-

REFF.

Ce livre ne constitue ni un traité, ni un manuel des maladies

nerveuses.il a simplement la prétention de contenir quelques ob-

servations qui, sortant de l'ordinaire, ont été étudiées par M. Bech-

terëff avec un soin plus particulier.

Dans ce premier fascicule nous trouvons six cas, tous déjà com-

muniqués à la Société des Neurologistes et Aliénistes de Kazan en

1892 et 1893.

En tête du recueil figure une observation relative à l'affection

décrite par Moebius en 1891 sous le nom de « akinesia algera » et

dont le symptôme dominant consiste dans un état douloureux de

tous les organes actifs et passifs du mouvement : os, articulations,

muscles. Il en résulte pour le malade une impossibilité plus ou

moins complète de se mouvoir. Pour l'auteur russe, l'akinesia algera

constituerait une affection indépendante, autonome. Il semblerait

plutôt qu'il s'agit d'un symptôme d'origine neurasthénique ayant

pris une importance insolite, car dans la majorité des cas décrits

BIBLIOGRAPHIE. 517

jusqu'à présent sous le nom d'akinesia algera, on dénote, à côté de

l'immobilité par suite de la douleur qu'occasionnent les mouve-

ments, d'autres symptômes tels que l'insomnie, la tristesse, l'in-

capacité intellectuelle, la sensation de douleurs au dos, etc..

Vient ensuite une observation très complète et très bien étudiée

sur le rire et les pleurs irrésistibles dans les affeclions organiques

du cerveau. M. Bechterëtf arrive à cette conclusion que le rire est

dû dans ce casa une lésion des couches optiques.

Dans l'observation suivante, il s'agit d'une lésion des radicules de

la queue de cheval par prolifération d'un néoplasme de la partie

inférieure de la colonne vertébrale. Cette lésion a déterminé non

seulement de l'anesthésie des régions fessière, anale, périnéale,

pénienne, comme cela arrive habituellement : elle a provoqué en

outre une diminution de la sensibilité au niveau des plantes des

pieds, de la région postéro-externe des jambes et de la région pos-

térieure des cuisses, une hyperesthésie de la partie inférieure de

l'abdomen avec paralysie motrice des muscles dans toutes ces ré-

gions. Or, ces particularités s'expliquent par ce fait que la lésion

de la queue de cheval a eu lieu plus haut que d'habitude : au niveau

de la deuxième vertèbre lombaire.

La quatrième observation est relative à une distribution singu-

lière de la paralysie sensitive et motrice dans un cas de lésion des

parties latérales et inférieures du bulbe. Il s'agit d'un homme âgé

de trente-sept ans qui a reçu accidentellement, à une distance de

cinq ou six pas, une décharge d'un fusil de chasse sur une région

située au-dessus de l'omoplate gauche, tout près de la colonne ver-

tébrale cervicale. Consécutivement à cette blessure, le malade a

présenté les symptômes suivants : parésie motrice passagère, anes-

thésie thermique et douloureuse, diminution de la sensibilité tac-

tile et conservation du sens musculaire sur tout le côté gauche du

corps, la face exceptée ; paralysie motrice, d'abord complète, plus

tard incomplète, diminution de la sensibilité tactile et perte du

sens musculaire sur tout le côté droit du corps, la face exceptée;

anesthésie sensorielle sur le côté droit de la face, principalement

dans le territoire de deux branches supérieures du trijumeau; affai-

blissement de la vue, de l'ouïe, du goût, de l'odorat du côté

droit.

La lésion, d'après Beeliteréff, a dû porter dans ce cas sur la par-

tie inférieure de la moitié droite du bulbe, sur la région située

entre ce dernier et la moelle épinière, sur les conducteurs chargés

de transmettre la sensibilité à la douleur dans le côté gauche du

corps et sur la racine ascendante droite du trijumeau.

Un cas de tétanie chez un soldat âgé de vingt-quatre ans consti-

tue le sujet de la cinquième observation.

Enfin, dans la dernière, l'auteur, chaud partisan de la méthode

hypnothérapique, rapporte l'histoire d'une hystéro-épileptique

518 ô BIBLIOGRAPHIE.

avec accès de somnambulisme, atteinte en outre de tuberculose

pulmonaire et vertébrale. La lésion vertébrale 'ayant son siège au

niveau de la première vertèbre lombaire provoque des phénomènes

de compression médullaire. Or, par la suggestion hypnotique,

M. Bechterëff fait disparaître tous les symptômes-douloureux éprou-

vés par cette malade.

Le recueil se termine par une étude d'ensemble sur l'hypnose

et sa valeur thérapeutique. J. Roubinovitch.

VIII. Élude clinique de la mélancolie sénile chez la femme;

par E. TOULOUSE. Paris, Jouve, 1891.

Les vieillards et surtout les femmes sont sujets à une forme spé-

ciale de mélancolie. Comme la sénilité, qui n'est pas en rapport

direct avec l'âge, mais bien avec les diverses causes de dégénéres-

cence des individus, la mélancolie sénile ne s'observe pas surtout

chez les vieillards les plus âgés. L'affaiblissement intellectuel et phy-

sique, un délire léger avec tendance à l'hypocondrie, quelques hat-

lucinations, des troubles de la mémoire et des sentiments affectifs,

des impulsions, etc., sont les symptômes de cet état sénile, qui

marche lentement vers la démence. J. Noir.

IX. L'Hypnotisme en médecine légale; par Abram Il. DALLEY.

(dledieo-legal Journal, v. XI, n° 3.)

L'auteur appelle l'attention du Congrès américain de médecine

légale (août 1893) sur ces cas aujourd'hui assez nombreux où

l'hypnotisme a été invoqué comme cause d'irresponsabilité par un

criminel qui n'aurait été que l'instrument passif d'un auteur seul

vraiment responsable. licite d'autre part un procès américain où

l'on a cru pouvoir interroger l'accusé mis préalablement en état

d'hypnose pour lui faire avouer son crime et certains détails parti-

culièrement à charge contre lui. L'auteur repousse d'ailleurs ce

dernier procédé en rappelant combien peu il y a lieu de se fier aux

témoignages des hypnotisés ou somnambules pas plus qu'il ne

faut ajouter de créance aux soliloques des gens en état de rêve.

A. Marie.

X. Essai sur la neurasthénie et la mélancolie dépressives considérées

dans leurs rapports réciproques; par François BoissiER. Paris,

Steinheil, 1894.

M. Boissier défend, et non sans succès, la thèse qui porte à faire

de la neurasthénie et de la mélancolie dépressives deux formes ou

plutôt deux expressions symptomatiques delà même maladie. Dans

une première partie, il expose l'analogie des conditions étiologiques

delà neurasthénie et de la mélancolie. Ces conditions étiologiques,

BIBLIOGRAPHIE. 519

par leur puissance, leur continuité et leur fréquence, peuvent faire

évoluer la première affection vers la seconde. L'étude des rapports

des phénomènes somatiques et des phénomènes psychiques forme

deux autres chapitres, dans lesquels l'auteur démontre qu'il n'y a

qu'une différence de degré dans les symptômes de ces deux états

morbides. De nombreuses observations, minutieusement recueillies

et choisies avec soin viennent opposer un fait à toute objection que

la critique serait tentée de faire à la séduisante théorie de M. Bois-

sier, et après avoir lu l'histoire de neurasthéniques devenus mélan-

coliques, de mélancoliques restés neurasthéniques après une gué-

rison incomplète, il semble difficile de ne pas partager une opinion

si nettement exposée et si habilement défendue. J. Noir.

XI. La paralysie générale ; par MM. Magnan et Sérieux. (Encyclo-

pédie des aide-mémoire Léazité.)

Au délire chronique déjà publié, par les mêmes auteurs dans

l'encyclopédie des aide-mémoire, vient s'ajouter le volume de la

paralysie générale où se trouvent condensés et coordonnés les

multiples travaux parus sur le sujet. Il serait superflu d'insister sur

l'importance capitale de l'étude de la méningo-encéphalite diffuse,

la plus grave et la plus commune des maladies mentales. Il n'est

pas de médecin qui ne puisse à un moment donné être appelé à

intervenir dans un cas de ce genre.

La paralysie générale est en effet autant du domaine de la patho-

logie ordinaire que de la psychiatrie. Pour en vulgariser la notion, nul

n'était mieux placé que le savant médecin de l'admission dont les

recherches en France ont tant fait pour les progrès de l'étude à la

fois clinique et anatomo-pathologique de la question. Le résumé

de tant de travaux sous une forme à la fois concise et claire était

une tâche délicate que M. Sérieux a su mener à bien sans enlever

à l'enseignement du maître, sa puissance et son originalité.

A. Marie.

XII. Annual of the Universal Médical Sciences, edited by Ch.-E. Sa-

jous n. D. (Philadelphie, New-York, Chicago, 1894.)

Bien que l'Annual of the Universal Médical Sciences ne s'occupe

pas exclusivement de système nerveux, nous croyons pourtant

devoir faire une mention spéciale de ce remarquable ouvrage. Dans

les cinq volumes qui forment la publication complète, on trouve

l'analyse plus ou moins détaillée suivant les sujets des travaux

médicaux et chirurgicaux de l'année précédente. Ces analyses

faites avec grand soin, quelquefois très étendues, sont souvent

signées de noms qui assurent leur mérite. C'est ainsi que le résumé

des acquisitions de la pathologie interne des voies et organes uri-

520 VARIA.

naires, pendant le courant de l'année, est dû au professeur Lépine

de Lyon. Nous retrouvons des noms comme ceux d'Obersteiner, de

Gray, de Dujardin-Beaumetz, de Dubief, de Fumes. Les indications

bibliographiques très précises, faciles à retrouver dans un index

terminant chaque volume, sont très complètes. Il y a, dans le

courant de l'ouvrage, un grand nombre de figures et de planches

coloriées. Enfin, chose qui ne nuit jamais, les cinq volumes sont

édités avec grand soin et beaucoup de goût. C'est évidemment un

ouvrage appelé à rendre de grands services, complet et commode

à consulter.

Le deuxième volume est presque entièrement consacré au système

nerveux; les maladies de l'encéphale sont signées G2-ay,Pî-itchaid

et Shultz; les maladies de la moelle, Obersteiner; les affections des

nerfs périphériques, les dystrophies musculaires, les grandes 71é-

vroses, Sollier; les affections mentales, Rohë; l'alcoolisme, le morphi-

nisme et les intoxications similaires, Nornzan Kerr. Enfin, dans le

troisième volume, nous trouvons 75 pages sur la chirurgie crazzio-

cérébrale, rachidienne et des nerfs périphériques pendant l'année

1893 dues à Pilchei, et Lloyd. J.-B. Charcot.

VARIA.

Doléances DES assistants DES Asiles anglais.

(British médical Journal, février 1891.)

La situation des assistants en Grande-Bretagne correspond assez

exactement à celle des médecins adjoints des asiles de France. Le

British médical Journal a ouvert ses colonnes à une sorte d'enquête

sur la situation faite aux assistants, situation qui ressort d'une

série de lettres intéressantes émanant de médecins signant sous

des pseudonymes; de là une polémique entre superintendants

(médecins-directeurs) et assistants; ces derniers gardant bien en-

tendu l'incognito vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques. Les

plaintes des assistants portent principalement sur les chefs suivants :

D'abord leur situation pécuniaire de début est trop précaire et

ne répond pas à celle d'un médecin spécialisé et auquel il est im-

possible de faire une clientèle. Si encore cette situation inférieure

n'était que transitoire et le prélude d'un avancement prochain et

de l'accès à une situation plus en rapport avec l'effort et les sacri-

fices préalables de temps et d'argent; mais trop souvent les assis-

VARIA. 521

tarifs attendent de longues années un poste de superintendant au-

quel ils' ne sont appelés que lorsque l'âge leur a enlevé définitive-

ment toute la souplesse et l'énergie voulues pour entreprendre

quelque chose d'intéressant.

Pendant ce stage prolongé sans avantage matériel suffisant, la

situation morale ne serait pas plus satisfaisante. Placés sous la

tutelle de superintendants âgés, issus d'une génération scientifique

différente, ils ne peuvent la plupart du temps trouver le contact

avec leurs chefs qui les jalousent, s'ils cherchent à produire des tra-

vaux originaux ou redoutent ce qu'ils prennent pour des innova-

tions subversives dans le domaine thérapeutique.

La valeur intellectuelle et scientifique serait souvent moins pri-

sée.chez l'assistant que la force au foot-ball, la connaissance du

piano ou une voix de, ténor, titres des plus sérieux à tel ou tel poste

de province.

Plusieurs assistants se plaignent des fonctions purement machi-

nales et administratives auxquelles on les emploie à l'exclusion de

toute pratique vraiment médicale et de toute investigation clinique

sérieuse. Les superintendants étant eux-mêmes absorbés par les

écritures et la discipline intérieure, ne les emploient surtout qu'à

assurer cette partie du service, le côté médical et scientifique pas-

sant au dernier plan.

L'absence d'autonomie et de sphère d'action définie, l'effectif écra-

sant des services pour un seul superintendant oseraient les causes

d'un tel état de choses dont souffrent à la fois assistants et superin-

tendants.

C'est peut-être moins, ce nous semble, l'insuffisance de la rému-

nération pécuniaire que l'inaction et l'absence de participation

effective au service qui annihilent toute aspiration et toute bonne

volonté en laissant inutilisées des forces jeunes que cet anéantisse-

ment exaspère et révolte.

Une enquête déjà ancienne du Conseil de comté de Londres con-

cluait à la réforme des asiles dans le sens de la répartition de

services autonomes à chaque médecin sans dépasser le nombre de

malades atteints dans les services d'hôpitaux ordinaires. Nous en

sommes encore loin en Angleterre comme en France. A. Marie.

Abus DES consultations EXTERNES gratuites (polémique) ET DE

L'OPPORTUNITE DE SUBSTITUER au MOT asile LE nom d'hôpitaux

POUR LES maladies mentales ET NERVEUSES; par William REID.

C'est une campagne analogue à celle entreprise en France pour

les mêmes motifs, contre les consultations gratuites non restreintes

aux indigents reconnus et pour la réforme des asiles dans le sens

de l'assimilation aux hôpitaux proprement dits. (British ilied.

Jourla., 31 mars 1894.) A. Marie.

522 VARIA.

Établissements SUISSES POUR enfants intellectuellement

retardés.

VARIA. 53

LA COLONIE AGRICOLE D'ALIÉNÉS DE LANGENIIORN (PRÈS HAMBOURG).

Système des portes ouvertes sans surveillance ; par Scikefer,

C'est une annexe de l'asile de Friedericchsberg, à une heure de

voiture de celui-ci', qui est située dans une forêt de sapins touffue

de Si hectares. Les constructions occupent 6 hectares ; il y a un

grand terrain pour champ d'irrigations (prairie) et 13 hectares

pour la culture provisoire. La forêt était donc à l'origine de 76 hec-

tares.

Les malades habitent quatre pavillons; chacun d'eux en héberge

cinquante avec quatre gardiens. Trois sont réservés aux hommes,

un aux femmes, Les pavillons sont librement installés dans la

forêt, sans murs, ni barrières, il n'y a que l'habitation du médecin

et le bâtiment d'administration qui aient des murs d'enceinte. Dans

le bois, deux parcelles ont été défrichées pour servir de jardin.

Le médecin de la colonie a toute latitude pour agir à sa guise,

le médecin en chef responsable lui abandonnant l'autorité.

Au début, on a essayé de ne surveiller aucun des malades. Mais

on n'a pu y parvenir tout d'un coup et complètement dans la pre-

mière année à cause de l'arrivée graduelle des aliénés. Les vingt

premiers malades qui y furent jusqu'en juillet 1893 (l'établissement

a été ouvert en avril) bénéficièrent complètement du régime des

portes ouvertes. Puis il en arriva trente autres, atteints de maladies,

ne permettant pas la pratique parfaite du système. On laissa le

privilège d'entrer et de sortir dans le pavillon à ceux qui pouvaient

en bénéficier. Puis, à un autre convoi, on put rendre à tout un

pavillon la complète disposition de la porte et la lui conserver, tau-

dis que les deux autres ne jouirent de cette faveur que pour une

partie des malades qu'ils contenaient. Le développement de la colo-

nie permit, en d'autres termes, la répartition plus facile au point

de vue des portes ouvertes. Dans le pavillon des femmes, il n'en est

actuellement que quatorze sur quarante-cinq qui, en tout temps,

peuvent aller et venir. La liberté d'allures est d'ailleurs complète;

ceux et celles qui en jouissent ont le droit, non seulement de se

mouvoir à leur gré tout autour de l'établissement, mais de se pro-

mener et de pousser jusqu'à Hambourg. Jusqu'à présent, il n'y a

pas eu de conflits avec la population. Une seule fois, trois d'entre

eux se sont battues dans une ferme et ont rapporté du café et des

beurrées que les propriétaires d'ailleurs prétendaient leur avoir

donnés. Les habitants voient les malades d'un bon oeil, surtout les ,

aubergistes chez lesquels de temps à autre ils consomment des

douceurs le dimanche contre argent. Il n'y a eu qu'une évasion.

Et encore s'agit-il d'un dément présentant une sorte de modifica-

tion circulaire de l'humeur qui, la nuit, fut pris d'un accès d'agita-

524 varia.

tion avec besoin de marcher, s'en fut à Hambourg et ne revint point.

Par contre, dans les sections de malades renfermés, il y eut neuf

évasions.

La pleine liberté exerce une action remarquable surtout chez les

hallucinés. Un malade qui, depuis sept ans, à chaque visite émet-

tait les mômes allégations et les mêmes interprétations délirantes,

se trouva tout à coup débarrassé de ces propos délirants.

Les malades estiment fort la liberté, les plus valides mettent un

point d'honneur, respectant comme ils le disent la maison, à veil-

ler, à empêcher leurs compagnons de mésuser de la faveur qui leur

est accordée. L'escapade signalée plus haut les a révoltés et ils ont

été heureux que par mesure disciplinaire on ait éloigné deux des

mendiants pour un certain temps.

Quant à ceux des pavillons où il n'a pas été possible d'appliquer

intégralement le système de la pleine liberté, nous en avons cepen-

dant successivement retiré trois gardiens; un seul est demeuré

comme chef de quartier, la nuit on en fait coucher un autre pour

qu'il puisse prêter son aide, en cas d'incendie par exemple.

Les malades vont au travail en trois colonnes sans gardiens ;

chaque semaine, un des malades assume la responsabilité de la

conduite. Sept malades sont chargés de ce rôle, cinq s'occupent à

la cuisine, dans les étables, aux bâtiments administratifs. On tra-

vaille tout autant et tout aussi bien que sous la surveillance de gar-

diens.

En résumé, un pavillon avec un gardien et cinquante malades

jouit du système des portes ouvertes, les malades vont au travail

sans surveillance.

Ceux-ci se décomposent comme suit :

1° Malades chez lesquels l'examen, sans autres commémoratifs,

ne permet pas, à lui seul, de déterminer le trouble des fonctions

psychiques et à l'aide duquel on peut tout au plus le supposer. Ces

malades sont de parfaits travailleurs, ce sont eux qui conduisent

les colonnes : deux seulement travaillent à la maison;

VARIA. 525

20 Malades dont l'examen permet de reconnaître la maladie,

mais qui, tout aliénés qu'ils soient, possèdent un jugement presque

normal pour les choses de la vie de chaque jour.

2 folie systématique chronique simple*. '

2 hallucinatoire 2.

1 démence consécutive légère (pas de spontanéité, pas d'énergie).

2 imbéciles à un léger degré .

7

3° Malades atteints d'affaiblissement intellectuel très accusé et

dépourvus de spontanéité.

1 folie processive.

1 démence consécutive à la suite de stupeur aiguë (vagabond).

1 de folie hallucinatoire pendant une

détention.

1 démence consécutive à de la folie alcoolique (4° admission).

2 folie systématique hallucinatoire chronique.

6

4° Automates incapables de vivre sans une discipline, dépourvus

d'énergie, mais utilisables ici.

6 folie systématique hallucinatoire chronique.

1 folie circulaire (dont les stades durent des années, utilisable à

la colonie pendant le stade de stupeur).

1 imbécillité très marquée, illettré.

8

5° Automates en démence.

5 folie systématique chronique hallucinatoire'.

3 confusion mentale secondaire'. '

2 folie systématique chronique simple (déchéance).

3 désordre dans les idées consécutif à une folie aiguë.

3 démence sans qu'on puisse préciser la maladie du début.

2 après mélancolie.

1 consécutive à la folie de la puberté.

1 idiotie.

20 '

'L'un d'eux en est à sa troisième admission; l'autre à sa quatrième;

l'un d'eux est un buveur.

1 L'un d'eux travaille; l'autre, tenu pour dangereux, a déjà été renvoyé;

on l'a replacé.

'L'un d'eux pourrait yivre chez lui, l'autre est obsédé et ne peut se

placer nulle part.

' Deux d'entre eux sont tombés dans la démence pendant leur incar-

cération correctionnelle.

° Parmi ces malades il y a deux frères.

526 VARIA.

En conséquence, parmi ces cinquante malades, vingt-huit circu-

lent dans leur domaine comme les moutons dans leurs étables,

mais n'ont pas perdu la vision mentale autant qu'on pourrait le

croire. Treize ont besoin d'une direction. Il n'y en a que neuf sur

lesquels on puisse compter. Il n'y en a que huit qui aient pu vivre

plus ou moins longtemps au dehors.

En tout cas, le gain de quelques sous et la menace d'être réiti-

tégrés dans un établissement fermé les maintient tous dans le

devoir. "

En tout cas, il est facile de voir que ces cinquante malades ne

constituent pas une troupe d'élite. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)

P. KERAVAL.

Psychiatrie ET assistance spirituelle.

Le Bureau de la société des aliénistes allemands, à la suite de la

proposition de Francfort que nous avons publiée avec documents à

l'appui dans les Archives de Nezaologie, a recueilli toutes les indi-

cations bibliographiques qu'il a pu se procurer pour éclairer ses

lecteurs. Ce travail qui ne comporte pas moins de quatre-vingt-

treize pages en petit texte se compose des articles suivants :

1° La collaboration des pasteurs et de l'aliéniste, par le pasteur

Achtnich d'Illenau (Chi,istlich. Welt, 1 et 2, nos 19 et 20, mars

1893); 2° l'assistance spirituelle des aliénés, par Hafner d'Elber-

feld (Christlich. Welt, n° 37, sept. 1893); 3° réplique du pasteur

Achtnich d'Illenau (Christlich. Welt, n° 37, septembre 1893);

4° assistance spirituelle et psychiatrie (Thesen der Conferenz deuts-

cher evung. Irrenseelsorger, in Halle, 5 sept. 1893. Feuille spéciale) ;

5° de Bodeischwingh : contre les prétentions de la Société des

aliénistes allemands dans la session de Francfort (Toegl. Rundschau,

n° 181, août 1893); 60 psychiatrie et assistance spirituelle.

Réplique du Bureau de la Société des aliénistes allemands (Toegl.

Ruzzdschau, n° 192, août 1893); 7° la manifestation des aliénistes

allemands (Allg. evaiig. luthez·., Kircheizzeit, n° 34, novembre 1893) ;

8° explication des médecins d'asiles à l'asile de Rethel, près Biele-

feld (Deutsche medic. Wochenschrift, n° 39, sept. 1893); 9° contri-

bution au conflit qui s'est élevé entre les pasteurs et les aliénistes,

par le pasteur Pieper (warzg. gemeizzedbl. f. Rheinl. u. Westfalen,

iio 44, oct. 1893); 10° réponse du pasteur Hafner d'Elberfeld

(Evaitg. Ge ? K6M ! de&< ? Rheinl. u. Westfalen, n° 47, nov. 1893);

110 pasteur Pieper de Gerversheim. Réplique au pasteur Hafner

(Evaiig. Gemeinde6l. f. Rheinl. M. Westfulen, il' 48, 26 nov. 1893);-

12° l'excellence des religieux et diaconesses comme infirmiers et

infirmières de nos aliénés (Allg. luth. Kirchenzeit, n° 47, 1893);

13° rectification du bureau de la Société des aliénistes allemands,

au journal l'Allg. évaiig. luth. Kirchenzeil, décembre 1893)

VARIA. S27

14° contribution à l'étude de la réforme de l'assistance des aliénés

en Prusse, par H. Loehr (Norddeutsche Allgem. Zeitung, n° 4-il,

7 octobre 1893); 150 psychiatrie et assistance spirituelle, par

Forel de Zurick (Corresp. Blatt. f. Schweizer-Aerzte, n" 17, p. 597,

1893); 16° psychiatrie et assistance spirituelle, par un aliéniste

(Protestantische Kirchenz. f. d. ev. Deutschland, no' 37 et 38, 13 et

20 sept. 1893); 17° la conférence de cette année des pasteurs des

asiles d'aliénés allemands évangélistes (Protestant. Rirchenzeit. f.

d. evangel. Deutschland, n° 38, 1893); 18° qui de l'ecclésiastique

ou du médecin ? Réplique du pasteur de Bodelschwingh à la pro-

position de M. Kroemer dans la Société de médecin du district de

Dantzig (E : He<- Zeitu71g); 19° pasteur de Bodetschwingh, de

Bielefeld. Psychiatrie et assistance spirituelle (Neue. Pr.Zeit., n° 533,

nov. 1893); 20° psychiatrie et assistance spirituelle. Rectification

du Bureau de la Société des aliénistes allemands (Weser Zeitung,

n° 16 887, 4 décembre 1893. Neue Press. Zeit., 5 déc. 1893).

Le Bureau termine en relevant des inexactitudes de la quatrième

conférence de l'Association des pasteurs évangélistes allemands

qui s'occupent des aliénés (5 sept. 1893), et montre que ceux des

ecclésiastiques qui y ont fait la majorité ne tendent à rien moins

qu'à supprimer l'action du médecin en lui substituant celle des

ecclésiastiques. Voici maintenant une appréciation critique des

explications des médecins de Bielefeld.

Ces confrères qui exercent leurs fonctions à l'asile de Rethel con-

duit par le pasteur de Bodelschwinsgh déclinent toute réponse

aux assertions du pasteur dans les conférences des ecclésiastiques

ou aumôniers des aliénés, ils se rallient, disent-ils, à la Société des

aliénistes allemands et à sa manière de voir, mais sous la réserve

qu'il sera possible de développer et de faire prospérer l'assistance

des aliénés, sans s'écarter des principes établis par la science médi-

cale. Mais, leur dirons-nous, avec Sommer : l'organisme d'un asile

est-il bien portant quand les fonctionnaires médecins sont obligés

de désavouer les théories psychiatriques du chef théologien de l'éta-

blissement, et peut-on s'empêcher de les désavouer quand celui-ci

veut que ce soit l'Eglise qui construise les asiles et que l'assistance

du médecin ne soit requise que quand l'état physique de l'aliéné,

atteint d'une maladie de l'âme, exige son intervention.

En ce qui concerne le personnel secondaire, les médecins deBiele-

feld regrettent que les médecins des asiles qui ont un personnel

religieux n'aient pas donné leur avis sur lui. Mais le directeur d'un

asile doit choisir lui-même son personnel et en organiser la disci-

pline, le personnel doit être pénétré des principes des sciences

médicales, il doit obéir au médecin et non à deux maîtres1. Sur cette

1 C'est justement le principal argument à faire valoir contre la Divi-

sion des fonctions, les aliénés le disent eux-mêmes. (P. K.) .

528 faits divers.

question tout le monde est d'accord. Or le personnel religieux

échappe à l'autorité de son chef naturel, le médecin-directeur. 11

connaît avant tout la maison-mère. C'est pourquoi on a installé

des infirmiers et des infirmières laïques en Saxe (argument textuel);

c'est la même manière de voir qui a fini par prévaloir en Bavière.

Il y eut même à ce sujet un long conflit entre le Ministère laïcisa-

teur et la Diète qui vote les fonds à propros de la construction de

l'asile de Gabersee.

La laïcisation n'est donc pas le résultat d'un jugement préconçu,

ni d'un entêtement.

Il ne faut pas croire non plus que les désavantages de l'affilia-

tion du personnel religieux à sa communauté maîtresse soient

compensés par de meilleures qualités morales et par un dévoûment

supérieurs à celui du personnel laïque. C'est une question de choix

et de surveillance. Le directeur-médecin reste le maître absolu ' de

la réception et du renvoi de ses infirmiers ; il n'a aucune influence

sur le personnel religieux ; il lui faut accepter ce qu'envoie la

maison-mère et il lui est impossible de s'opposer aux mutations

fréquentes que la maison-mère y effectue par mesure de discipline

ou pour des motifs spéciaux à la communauté. De nombreux

exemples nous montrent que le personnel secondaire non-religieux

bien choisi a les mêmes qualités morales et le même dévoûment

que le personnel religieux.

Le Bureau de la société des aliénistes complète son mémoire en

le faisant suivre des indications bibliographiques antérieures aux

vingt articles précédemment envisagés (en tout quatre-vingt-cinq

documents). (Allg. Zeitsch ? f. Psychiat., L, 3, 4.) P. KERAVAL

FAITS DIVERS.

LES aliénés en liberté. Hier la dame E..., a été trouvée pen-

due à un clou dans sa chambre à coucher. Son fils ne la voyant

pas descendre à son heure habituelle et prévoyant un malheur,

alla frapper à la porte. N'obtenant pas de réponse, il entra dans

l'appartement où il vit le cadavre de sa mère.

Il coupa aussitôt la corde, mais ce fut peine perdue, la mort re-

montait à quelques heures.

1 En Allemagne. (P. K.)

' faits DIVERS. 529

Depuis longtemps, cette malheureuse dame se croyait poursuivie

par des personnes qui voulaient attenter à ses jours. (Rappel de

l'Eure, 29 septembre.) ,

Les asiles d'aliénés. M. Michelin, député de la Seine, vient,

avec plusieurs de ses collègues, déposer une proposition de résolu-

tion ayant pour objet la nomination d'une commission de 22 mem-

bres chargée de procéder à une enquête parlementaire sur le régime

des asiles d'aliénés.

Asiles de la SEINE. Concours de l'internat en médecine. Ce

concours commence le le' décembre. Le jury se compose de :

MM. B. Anger, Boudrie, Bourneville, Chantemesse, J. Falret, Féré

et A. Voisin. Les candidats inscrits sont au nombre de trente-trois.

Assistance ET asiles DES aliénés EN saxe. La diète de la

province de Saxe a admis récemment la proposition du comité

provincial de rejeter jusqu'à nouvel ordre la construction d'un

troisième asile. Le rapport fait ressortir que le nombre des aliénés

reçus dans les asiles de Nietleben et Altscherbitz n'a pas présenté

la progression que l'on était en droit de prévoir il y a deux ans,

lorsqu'on agita cette question. Ainsi au le, avril 1892, les deux

établissements (avec l'asile d'infirmes d'Altscherbitz) renfermaient

872 aliénés hommes et 686 aliénés femmes. Or, le 1 février 1894,

on y constate 844 hommes et 725 femmes. Par conséquent en près

de deux ans, l'accroissement du chiure de population a été relati-

vement faible.

Cela se comprend. Au commencement de 1893, l'asile de Nietle-

ben a perdu en un mois plus de cinquante malades du choléra ; et

pendant trois mois environ on n'y a pas reçu de nouveaux malades.

A Altscherbitz, dans le même temps on n'a admis que pour des cas

urgents. Puis, dans le courant de l'année 1893, les deux asiles ont

transféré 60 aliénés dans les asiles privés de Lienbenburg (Dr Fon-

theim) et Gardelegen (Dr Schulze) auxquels ils avaient auparavant

envoyé 140 malades. Enfin la nouvelle loi d'assistance du

11 juillet 1891 qui augmente les charges de l'hospitalisation

des indigents, et dont l'entrée en vigueur à la date du 1 ? avril 1893

faisait craindre une forte multiplication des admissions dans les

établissements d'aliénés, n'a que peu, jusqu'ici du moins, accru les

internements. On se l'explique aisément ; car avant la promulgation

et la pratique de ladite loi, on ne se bornait pas a admettre les

malades curables ou incurables dangereux pour la sécurité publique,

on étendaitl'assistance dans la mesure du possible à bien des aliénés

susceptibles d'un traitement dans un asile.

Il est d'ailleurs à espérer que, dans les années qui vont suivre, on

pourra, surtout lorsque, grâce à la résolution de la Xe Diète pro-

vinciale, on aura procédé à l'agrandissement des constructions par-

Arciiives, t. XX VIII. 34

530 J \ \ ^' 1 v ? ? r'A1TS DIVERS.

tout,\4J™fcttî\&%l>ins'ces deux asiles (asile d'infirmes compris)

1152 hommes" et 871 femmes, et que l'on n'aura guère plus d'aliénés

à y admettre que ne le comporte ce chiffre. En effet, dès que l'on

aura ouvert )'nst7s d'épileptiq2tes e<'t'(Ko ? 7(;/t<sp ! 'M : g'c, en construc-

tion, on y transférera de Nietleben et d'Altsclierbilz (ceci aura proba-

blement lieu dans le courant de cette année) à peu près lOOàl2O alié-

nés épileptiques ou idiots. Cet asile donnera satisfaction à plusieurs

malades qui, pour le moment, faute d'un établissement spé-

cial, devraient être reçus dans un des asiles d'aliénés de la pro-

vince ; on les enverra à l'avenir à Uchtspringe.

Pour arrondir le bien-fonds d'Uchtspringe, la Diète consent à

l'achat de 22 856 marks (28 570 fr.) de terrain ; à la construction

de granges, étables, clôtures, elle consacre 32 000 marks (40 000 fr.).

Enfin M. Alt de Halle est agréé comme directeur de ce nouvel asile.

L'alimentation d'eau des asiles de Nietleben et Altscherbitz occa-

sionne des difficultés sans nombre. 130 000 marks (16200 fr.) sont

votés pour pose d'une conduite spéciale, la ville de Halle sera invitée

à abaisser son prix de 12 pfennigs le centimètre cube à 8 pfennigs.

A Altscberbitz les forages n'ont pas encore donné de résultats satis-

faisants : on vote 18 000 marks (22 500 fr.) pour continuer les

essais et 80 000 marks (120 000 fr.) pour constructions. (AU. Zeitsch.

f. Psych., L, 5.) P. KERAVAL.

Interdiction. La première chambre de la Diète de la Saxe

s'occupe du placet de M. F. W. Krumbiegel. M. Birch-Hirschfeld fait

ressortir que, dans la diète précédente, examinant une pétition sem-

blable, la chambre avait décidé qu'il y avait lieu d'émettre un voeu

tendant à s'occuper des voies et moyens d'atténuer l'inconvénient

des contradictions relevées dans les rapports médico-légaux de divers

médecins spécialistes sur l'état mental des personnes examinées par

eux. L'on n'a pu aboutir, parce qu'il était impossible d'annuler le

jugement porté par les médecins consultés en premier lieu. Mais la

pétition relevait le point suivant. Une personne interdite en Saxe

pouvait se rendre à Berlin, s'y faire examiner et faire lever son

interdiction. La même pétition constatait'que l'on ne procède pas

partout à l'examen avec le même soin, en ce qui a trait aux rapports

médico-légaux des spécialistes. Les raisons de cette accusation sont

multiples. Ainsi les arguments qu'invoquent les aliénés procéduriers

sont mal interprétés par les spécialistes, qui, croyant à un réel déni

de justice ou à la réalité d'une prétention juridique établie, ne font

pas le diagnostic de persécutés persécuteurs processifs. En l'espèce,

les médecins légistes ne sont pas à la hauteur de leur tâche parce

que leur éducation psycho-légale est insuffisante. 11 faut donc insti-

tuer des examens de psychiatrie et des épreuves pratiques. Le demi-

savoir est un danger ; la théorie est nuisible. Mieux vaudrait s'en

tenir au bon sens d'un profane que de demander l'appréciation

BULLETIN bibliographique. 531

d'un spécialiste insuffisamment instruit. Voici donc ce qu'il y aurait

à faire.

Il faudrait qu'on transformât en mesures pratiques les indications

sur l'enseignement de la psychiatrie présentées par le collège

médical de la Saxe. Cela est d'autant plus aisé qu'à Leipzig il

existe une clinique mentale remarquable. Qu'on oblige donc les

candidats aux postes de médecins officiels de districts à étudier

pendant trois mois au moins les aliénés. La pétition est prise en

considération à l'unanimité. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)

P. IiEtiAVAL.

Assistance DES aliénés EN BULGARE. - L'asile de Varna a

(10 août 1892) transféré à l'asile nouveau du « Cloître Pierre et

Paul » près Tirnova 40 aliénés hommes avec 2 gardiens. Le 18 août

y sont arrivés 81 malades avec 3 gardiens. Belle région. Place

mal choisie. L'établissement est construit sur un rocher qui n'est

accessible que par un côté. Un ancien séminaire théologique repré-

sente un des bâtiments ; c'est un long corridor sur lequel s'ouvrent

neuf chambres grandes ou petites. On les utilisera comme chambres

d'isolement ou comme cellules d'aliénés criminels. Deux autres

constructions anciennes à fenêtres et portes défectueuses sont

réservées aux femmes. Absence d'eau. Un seul puits à 350 mètres

de distance, une citerne dans la cour du cloître. On a dépensé

20 000 francs en réparations sans grand résultat Dans les premiers

jours plusieurs malades se sont précipités du rocher. (Allg. Zeistch.

f. Psych., L, 5) P. KERAVAL

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Antonixi (G.). Sulla alimentazione degli aliénait sitofobi. Bro-

chure in-8» de 4pages.Torino, 1891. - 'l'ipographia f.. Roux et C ?

Association générale DES étudiants de Paris, fondée en 1884 (reconnue

d'utilité publique en 1891). Annuaire 1891-1895. Volume in-8" de

264 pages. Paris, 1894. Au Siège social : 41, rue des Ecoles.

Déjemne. Anatomie des centres nerveux, avec la collaboration de

M ? Déjerine-lilumpl : e.-1'ome I : Méthodes générales d'étude; Embryo-

génie ; Histogenèse et histologie; Anatomie du cerveau. Volume in-4°

de 816 pages, avec 401 figures dont 45 en couleurs. Prix : 32 francs.

Paris, 1894. Librairie Ruelt et Ci-.

FLEURi' (M. de). Les Transfusions hypodermiques agissent-elles pat-

suggestion ? Brochure in-8° de 8 pages. Paris, 1894. Extrait du

Bulletin de la Société de thérapeutique.

532 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Hrccsrs (11.). - A as cler Nervenablheiluug des Il'ai,schaner Israeliten-

liospitales. lfeitray zur hyslerischcu Apoplesie. - Brochure in-8° de

35 pages. Wien, 1894. Wiener filinisclae Illocheîschrifi.

Higier (H.). -- Uebeo Prixnure iend secunddre Amiotrophicen orga-

nisclrer und dynanisclrer Nalur. Brochure in-8" de 42 pages.

Leipzig, 1893. Verlag von G. Thierne.

HIGIER (H.). Ueber unilatérale Hullucinalionen. Brochure in-8°

de 32 pages. Wien, 189f. - Urban und Schwarzenberg.

Index catalogue or the LI13RARY of the surgeon-general's office United

States army (Autleors and subjects). Vol. XV : Uiiiversidad-Vzoi-ofr.

Volume m-4° relié de 8t2 pages.-WasUinnton,1891.-Government

Printing office.

Séchas (J.). Le Délire des négations. Volume in-18 de 234 pages.

Paris, 1894. G. Masson.

TEB.1LDI (A.). Napoléon. Uxca pagina istorico-psicologica del genio.

Volume in-18 de 168 pages. Padova, 1891. Librairie Draghr.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1e' JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

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des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

e.9/ )'ëdM/< à 30 francs pour la France et l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : BOUENRVILLE.

TABLE DES MATIÈRES

ACRO\II.UAL1E, cas d' , par Dresct-

feld, 36.

AFF.UHE ? Varow,par\VoodRen-

ton, 55; 1' Hanbury, par Wood

Renton, 55; 1' Mac Naghten,

par CI. Bell, 56.

Agrapiiie sensorielle, par Souques,

211.

Alcooliques, révolution de lajuris-

prudence pour la responsabilité

des -, par C. Bell, 56; de l'assis-

tance et de la législation relatives

aux -, par Ladame, 216.

Alcoolisme et délire de persécution

avec auto-accusation, par ltoubi-

nowitch, 69; - reconnu en justice

comme cause d'irresponsabilité,

par Kerr, 52.

Aliénés, mobilier et instruments de

travail des , par Taty, 385.

Alilmste, retraite du corps médical

- . 321.

Alimentation, appareil d'- forcée,

par Lvoof, 70.

.HBLI'01'IR toxique due à l'absorption

de vapeur de dinitro-benzol, par

Snell, 207.

Amnésie rétrograde, par Toulouse,

167;- consécutive à des idées

obsédantes, par Féré. Hl.

Angoisse larvée et abortive dans la

neurastténie, par lleclcer, 213.

Anthropologie criminelle scientifi-

que, par Noicke, 402; par

Kirn, 119.

Aphasie transitoire neurasthénique,

par Régis, 10 ; - sensoiielle avec

agraphie, par Tomlcins, 207.

Archives cliniques, 395.

Arsenicisme, les manifestations ner-

veuses de 1' chronique, par

Beco, 108.

Artiiropatiiies tabétiques des deux

hanches, parLonde, 38; trois cas

d'- myélopatltique, par Revilliod

et Audéoul, 47; - syringomyéli-

que, par J.-B. Charcot, 209.

Asile de Bunueval, par Camusel,

18e, 281 : spéciaux pour les al-

coolillucs criminels, par Traction,

i` ? 5; - de Hanovre, de Saxe, de

la province du llliiii, par Keraval,

431 d'Autriche, par Iveraval,

432 ; - doléances des assistants

des - d'aliénés anglais, 520.

Athétose, sur un cas d'- double,

par Moussous, il.

Atrophie musculaire progressive,

par Zenner. 37.

Attentat à la pudeur par un épilcp-

tique. par Vallon, 66; pseudo -

anarchiste, par Rist, 268.

Auro-IyTOwcnTlov dans les maladies

mentales, par Régis et Clievalier-

Lavaure, 129.

Automvtic NRITI ? G, par Roi-ie, 130.

Automatiques , actes permanents

- chez les aliénés, par Bombarda,

132.

Automatisme ambulatoire, un cas

d' hystérique, par Régis, il ;

- par Gétiu, 126.

Bains chauds prolongés, par Kroe-

pelin, 59.

Barre Buvée, histoire et critique,

par S. Garnler, 18, 111, 196, 2;10,

Basedow, coïncidence du tahcs et

de la maladie de -, par P. Marie.

et Mannesco, 391. ,

Bustes de Baillarger et de J. Falrét,

par Vallon, 66.

Capsule interne, pathologie du

noyau lenticulaire et (le la

par Sommer, 316.

Cellules, du nombre des néces-

saires dans les asiles, etc., pal

Ludwig et Kreuser, 62.

CÉI'lIALO-IiAC111D1E\,durùledu liyuide

dans la circulation cérébrale,

par Jolyet, 318.

Cervelet," sur un cas de kyste du-,

par H. Jackson et russe),48).

S34 TABLE DES MATIÈRES.

Charcot, souscription , 147.

Chirurgie, note sur deux cas de -

cérébrale, par Ciiil)atilt, 1 ? 7.

Ciiloralose, paralysie nocturne pro-

voquée par la -, par Féré, 412.

Chlorose et aménorrhée avec trou-

bles cérébraux, par Tlomson, 208.

Chorée, paralysie générale avec

par Vallon et A. Marie, 338.

Colonie de Gallon, par Colin, 269.

Coloration de l'ensemble du système

nerveux, par Rosin, 318.

Congrès de Clermont-1'errand, 156,

21t, 320; - d'hyiène de Buda-

Pesth, par A. Marie, 422.

Contagion mentale morbide, par Ma-

randon de Montyel, 409.

Contractures réflexes intraliypnoti-

queset action de lasuggestion, etc.,

par Seliafier, 1'2à; -réflexes de la

langue, etc., par Gallerani et Pa-

cinotts, 397.

Couche optique, tumeur de la ,

par Zenner, 312.

Crânes, examen de seize de fem-

mes, dont douze criminelles et une

suicidée, par Nmche, 50.

Craniectomie bilinéaire avec travée

autoplastique intermédiaire, par

A. Chipault, 394.

Crânienne, deux cas de déformation

chez l'entant, par Wheaton,

395.

Chétinisme sporadique traité par

l'ingestion de giandethvrofde,

par'l'elford, Smith et Railton, 126;

par Byrom-Bramwel, 130; recher-

ches sur le -, par Wagner, 40).

Criminel, allégation de folie dans

les affaires , par Springthorpe et

Huiler, 52; asiles spéciaux pour

les aliénés -, par 'l'ruchon, 425.

Cubital, compression du nerf ,

par Féré et Batigne, 212.

C1LI\DRE-A\E, différenciation mor-

phologique du -, par Schalfer,

316.

Czar, le Jean le Terrible et son

état mental, parKowalewsky, 413.

Dmtwwsue, liar Haycraft, 485.

Dégénérés, classification des ,

par Vallon, 328.

Dégénérescences secondaires consé-

cutives à la section transversale

du corps calleux, par Muratow,

313.

Délire, le systématique hallu-

cinatoire d'origine toxique , par

Ilberg, 63 ; alcoolisme et de

persécution , par Roubiuowitcl ,

ti9; - systématisés dans les di-

verses psychoses, par Magnan,

273, 433; - systématisés anciens ;

démence vésanique au cours de

, lrar Hamel et A. 111arie, 341.

Démence, des indices physionomi-

ques de laapathique, par Si-

korsky, 130 ; - progressive et

incoordination des mouvements

des quatre membres dans une

même famille, par Boucliaud, 136.

Dmu'sre, tabes et - par Blocq, 209;

réflexe patellaire dans le -, par

Grube, 213; altération des cor-

dons postérieurs de la moelle

dans le , par Williamson, 482.

Diphtérique, myélite expérimentale

, par Enriquez et Hallion, 315 ;

des lésions du système nerveux

par le poison -, par Stcherbach,

316 ; un cas d'hémiplégie,par

Donath, 398.

DIPLÉGIE cérébrale héréditaire, par

Freud, 399.

Dure-mère, sur un cas de tumeur

de la spinale, par Ranson et

Thomson, 482.

Dyslexie, la en tant que trouble

fonctionnel, par Sommer, 484.

Elongation du nerf médian dans

deux cas de névrite traumatique,

par L. Dentu, 124.

Ef.cËpnALiTECorticaleetpoliomyé-

lyte antérieure associées, par

Lamy, 209.

Encéphalocèle, par Mackie, 207.

Enuhèse nocturne des enfants, par

Freud, 212.

Epilepsie, rapport de l'ceil et de

Il , par G. Martin, 129; pa-

rasyphililique, par Fournier, 132;

sénile, par Sympson, 208.

Etats seconds, par Laurent, 271.

Exorcisation, une récente en Ba-

vière, 75.

Expert, vade-mecum du médecin

- , par Lacassana, 117.

Facial, sur le rôle du nerf dans

la sécrétion des larmes, par Jeu-

drassik, 314.

Folie systématisée religieuse avec

hallucinations psychomotrices, par

Régis, 120; deux cas remarqua-

bles de systématisée, par Bar-

tels, l'r3; héréditaire, par

TABLE DES MATIÈRES. 535

Pain, 146; rapports de l'hystérie

et de la -, par Gilbert Ballet, 219;

la de Charles VI, par Brachet,

343; hystérique, par Morav-

csik, 405; délimitation et division

de la systématique, par Cra-

mer et Boedecker, 488.

COÎTHE E\oPIITALSI1QUE, nature et

traitement du - par Joirt,oy, 514.

GOLGi,méthodede.modifiée,par

Andriezem, 481.

Guérison prétendue miraculeuse,

432.

Hallucinations oniriques des dégé-

nérés, par Régis, 323 ; motrices

verbales chez un paralytique gé-

néral, par Sérieux, 412.

Hémianopsie et neurasthénie, acci-

dents de chemin de fer, etc., par

Badal, 40, avec hallucinations

dans la partie abolie du champ

visuel, par Lamy, 338.

Hémichorée sénile, par E. Remak,

399.

Hémiplégie diphtérttique, par Do-

nath. 398.

Hérédité directe, par Brunet et Vi-

gouroux, 342.

HERÉDO - ataxie cérébelleuse , par

Brissaud et Londe, 214, 32 î.

H) DROCÉP11.4LIE Chl'onlq ue, traitée par

le drainage, par Baskett et Oxors,

124.

Hydrothérapie, de l'importance et

de l'emploi de l'- chez les agité»,

par Fuerstner et Fedbausch, 57.

Hydrothérapique, traitement - des

maladies nerveuses, par Verrier,

343.

HYPFRTRICHOSE, note sur un ars

d' de la partie inférieure du

corps chez un épileptiqne, 38 ; -

faciale chez les aliénés, par Lis-

ton, 412.

Hypnose, étude des phénomènes

d' chez une hystérique', par

Kocls, 111.

Hypnotisme, 1' en médecine lé-

gale, par Dalley, 518.

Hypothermie chez les aliénés, par

Bouchard, 135.

Hystérie, rapport de l' et de la

folie, par G. Ballet, 219; con-

fusion mentale, etc., par Séglas et

Connus, 353.

Hystérique, folie -, par Moravcsik,

405.

Idées fixes, rôle des - dans la

pathogénie de la polvurle hys-

tértque, par Souques, 448.

Idiots , traitement médico-pédago-

gique des microcéphales, par

Bourneville, 331.

Impressions, sur un cas de localisa-

tion erronée des - tactiles ou

allaclio,stésie, par G. Stewai,t, 35.

Impulsions homicides chez un dé-

génlré, par Dagulllon, 411.

Inauguration des bustes de Baillar-

,7er et de Falret à la Salpêtrière,

149.

Incendiaire, note médico-légales i

propos (I'tiii -, par Derocte, 54.

Juif errant, le à la Salpêtrière,

par Meige, 131.

Langage, maladies du langage et

localisations, par Struthers, 55.

Lèpre systématisée nerveuse à forme

syringomyétique, par Pitres et

Sabrazès, 37.

Localisations, les cérébrales dans

la région capsulo-striée, par Pi-

tres, il ; maladies du langage

et -, par Struthers, 55; - en

psychologie et en anthropologie,

par 1\oeche, 313 ; médullaires

de la syphilis, par Lamy, 'r6lE.

llAL1'RACTRICE, par Cl. Bell, 5G.

Médico-légal, rapport sur l'état

morbide d'un mécanicien, W. B.,

par Oppenheim, 53.

Mélancolie sénile, par Toulouse,

,i18; neurasthénie et pro-

gressives, par Boissier, 518.

Méningite, de la cérébro-spmale,

par Hoche, 63 ; contribution à

l'étude des pseudo hystériques,

par Brugère, 513.

Menstruelle, folie primordiale,

par Friedmann, 420.

Mentales, traité des maladies ,

par H. Daôonet, avec la collabora-

tion de Danuuet et Dullamel, 70.

Microcéphalie, contribution à l'é-

tude de la,- et traitement mé-

dico-pédagogique des idiots nn-

crocéphales, par Bournevillc, 331.

Moelle, asymétrie des moitiés de la

- , par Ihch, 317.

Monoplégie brachiale droite, par L.

Thomas, 208.

Musculaire, mesure de la force

brute, par de Foller, 311.

536 TABLE DES MATIÈRES.

Myélite diffuse aiguë, par Dresch- i

feld, 208; - expérimentale, par

la toxine diphtérique, par Enri-

quee et Hallion, 315.

Myopathies, deux cas de pro-

gressive du type Laudouzy-Déje-

riue, par Gulnon, 46; le faciès

dans les -, par Meige, 342.

31YOI'ATIIIQUES, station sur les talons

chez les par nicher et Meige,

210.

111vxoEnènlE opératoire, traité par

l'ingestion do glande thyroïde do

mouton, par Brlssaud et Souques,

335.

Nerfs, fixation et imprégnation des

u myéline, par ltcnaut, 329.

Neurasthénie, hémianopsie et -

accidents de chemin de fer, par

Badal, 40; palustre, par Trian-

taphittides, 91 ; trépanation, par

Levillain, 325; -et syphilis, par

liowalewsky, 33î;-accès anxieux

dans la -, par Hoecker, 420;

et mélancolie progressives, par

Boissier, 518.

1VEUR0-CCIIliHriITES toxiques, par

llaury, 511.

NEURO-PATIIOLOGIE, par Bechterew,

516.

Névrites, cas de multiples, par

Worcester, 43; périphériques,

par P.Marie, 238.

Névrose, de la dite traumatique,

par H. Mayer, 39.

Noyau lenticulaire, pathologie du-

et de la capsule interne, par Som-

mer, 316.

Or3NUUIL.ITfoN llost-épilcptique, Iar

Nagy,t02.

Occipital, coupes du cerveau dans

un cas de lésions du lobe , par

Sioli, 65.

OEil, rapports de l'-et de J'épiiel)-

sie, par G. rllartin, 129.

Olfactométhie clinique, par Zwaard-

maher, 452,

Opium, usage de l'- aux Indes, par

A. Marie, 123.

Ostéite, sur un cas d' déformante

de l'a,-et, par Gilles de la 'l'ou-

rette, 42.

0 STÉO-AlTifitûl'ATIIIE aiguë chez une

aliénée, par Potowsky, 131.

OSTÉoponosE de la voûte crânienne,

par Wherry, 392.

1).Sl'ÉOTO,IIE crânien, par Chipault, 311.

OV.1ROSAL1'INGEC'l'OIIE, cas de folie

conséoutivei\une,parRée)s,

130.

PACIIY.IÉ-,I ? (ITE, huit cas de hé-

morragique, par Bondurant, 36.

Papille, de la - étranglée, par

Adamlciewicz, 483.

Paralysie consécutive à la varicelle,

par Gay, 207; pseudohypertro-

phique, par Coley, 208; du

grand dentelé avec atrophie des

muscles de l'épaule, par Moor-

house, 395; -nocturne provoquée

par le chloralose, par Féré, 412.

Paralysie faciale bilatérale due à

l'application du forceps, par Ed-

gworth, 36; origine otique de la

a par Lannois, 327.

Paralysie générale progressive, les

lésions histologiques de la étu-

diées d'après la méthode de Golgi,

par Klippel et Azoulay, 81 ;

chez les aliénés et son traitement

chez les syphilitiques, par Plato-

now, 128 ; chez la femme, par

Idanow, 134; à forme tabétl-

que, par Joffroy. 321; urines dans

la-, par Klippel et Serveaux, 327,

327, 365 : avec chorée, par Val-

lon et A. Marie, 338 ; et syphi-

lis,, par OEbeke, 103; par Ma-

gtiati et Sérieux, 19; par

E. Kundt, 404; hallucinations mo-

trices verbales dans la -, par

Sérieux, 412.

Paralytiques, responsabilité criml-

nelle des généraux au début,

par Parsons, 57.

Paranoïa, délimitation de la -, par

Kroepeliii, 60; par Cramer et

Boedecl : er, 139;- par Schule, r06;

par Keraval, 475.

Paraplégie, cas de guérison d'une

alcoolique par l'électricité, par

llfassy, il.

Parestiiésique, névrose - chez un

dégénéré, par Hirschberg, 412.

Paupérisme, horreurs du , 413.

Pédoncule, topographie de l'étage

supérieur du -, par Habel, 315.

Physionomie, étude sur la et la

physiognomonie, par Audibert, 72.

PtT[jn'A ! RE, fonctions du corps ,

par Andriezem, 483.

Polyomyélite, encéphalite corticale

et antérieure associées , par

Lamy, 209.

Polyurie, rôle des idées fixes dans

TABLE DES MATIÈRES. S37

la pathogénie de la -- hystérique,

par Souques, 448..

Possédés des dieux dans l'art anti-

que, par Meige, 43.

PSORI451S, extrait du corps thyroïde

dans le traitement du , par By-

rom llramwel, 127.

Psychiatrie, contribution casuisti-

que à )amédico-iégate, par

Siemerlin, 53 ; la - et l'éturle rle

la médecine, par Riegei,, 60.

Psychiques, arrêt des processus-,

par Sommer, 317.

PSYCHOLOGIE,taexpérimentale en

Amérique, par Marcel Baudouin,

11, 380; la fondée sur les scien-

ces naturelles, par Bleuler, 107.

PSYCHOPATHOLOGIE, les données de

la -, par Duprat, 40.

PsYCHOPHYSiQUES, lois en patholo-

gie nerveuse, par Mendelssohn,

336.

Psychoses, traitement des dégé-

nératives, par More), 125; dans

les polynévrites, par Régis," 266.

Pupillaire, dilatation -, par Henry,

485.

Pyromanie, contribution à l'étude

médico-légale de la -, par Camu-

set, 51.

RÉFLEXE patellaire dans le diabète,

par Grube,'113; les - de la rétine

pendant l'hypnose, par Schaffer,

319 ; -vaso-moteurs à long trajet,

par Halluez et Comte, 337; locali-

sation des cutanés spinaux, par

Remak, 398.

Responsabilité criminelle des pa-

ralytiques généraux au début, par

Parsons, 57.

Restraint, du mécanique dans le

traitement des aliénés, par ] ! et),

54.

Rétine, les réllexes de la- pendant

l'hypnose, par Schaffer, 319.

Ruban de RFIL dans l'écorce, par

Hoesel et Mahaim, 312.

SALIVAIRE, étude de la sécrétion ,

par Milavsky et Smirnoff, 486.

Sang, examen microchimique du ,

par J. Joues, 55; état du poids

spécifique du sang chez les alié-

nés, par Vorster, 61.

Sclérose en plaques infantile d'ori-

gine grippale, par Massatongo et

Silvestri, 211. '

Scotome scintillant, par Manz, 397.

SEcnETpROFESS)o\\EL,du,par

Bach, 55.

Sensations visuelles et auditives sub-

jectives, par Fuchs, 413.

Sensibilité colorée, par Le Dantec,

393.

Séquestration des déséquilibrés

malfaisants, 137.

Sociétés, XXIV congrès de la

des aliénistes de l'Allemagne du

S -0., session de Karlsruhe, par

ICéraval, 57, 65, 41+; - mfdlco-

psychotogique,par Briand,66,137,

268 : psychiatrique de Berlin,

par Keravai, 139,488; psychia-

trique de la province du Rhin, par

Kéraval, 141.

Statistique des aliénés dans la pro-

vince du Rhin, par Finkelnbourg,

144.

SUBSTANCE cérébrale, injections hy-

podermiques de -, dans l'aliéna-

tion mentale, par Ryan, 129.

SULFO\.1L, COIItrIÙUt1011 .à la connais-

sance de l'action du , par Schoef-

fer, 64.

SYpHtLrn()UE,meningo-enc6pha)ite

chez un enfant de cinq ans, par

Moussons, 41 ; deux observations

pour servir au diagnostic des pa-

raplégies -, par Gilles de la Tou-

rette etHudelo,45; de la mémngo-

myélite -, par Lamy, 48.

Syphilis, sur un cas de cérébrale,

par Bitot, 41; troubles mentaux

dans la -, par Kowalewski, 402;

paralysie générale et , par

OEbecke, 403;localisation médul-

laire dans la -, par Lamy, 46'r.

Syringomyélie, examen bactériolo-

gique de la moelle et des nerfs

dans la-, par Pitres et Sabrazès,

318; les lésions anatomiques de

la -, par Renaut, 339; par

Schlesinger, 393.

SYRixGOMYÉnQUE,arthropathie,

par J.-B. Charcot, 209.

Système r,eRVEw, traité pratique

des maladies du -, par Grasset

et Rauzier, 348.

Tabès et diabète, par Blocq, 209; à

symptômes bulbaires, par Cllvos-

teck, 213; chez la femme, par

Aloebius, 213; traitement électri-

que du -, par S. Laborde, 270;

coïncidence du et de la maladie

de Basedow, par P. Marie et Mari-

nesco, 394.

538 TABLE DES MATIÈRES.

T.lnÉ1'IQUE, perte de la sensation chez

un -, par Frenkel, 39G.

Témoignage, du des mourants,

par Cl. Bell, 50.

Testicules, anomalies des chez

les dégénérés, par Ff,réeLBatigne,

133.

Thyroïde, thérapeutique par l'extrait

du corps , par West, Ravien,

Squire, Balmans et Gordon, 123;

trois cas de crétinisme sporadique

traités par l'ingestion de glande -,

par Telford, Smith et ltailton,l2G;

extrait de corps dans le trai-

tement du psoriasis, par Byrom,

Bramwell, 127.

Tonus palatinus chez les aliénés,

par Ferrari, 129.

Tremblement hystérique, par Del-

mas, 41 ; enregistrement des ,

par Lefillittre, 161.

Urémique, note sur un cas de folie

consécutif à un rétrécissement

11,-itim-iti(Itte (le Ilur('tht,e, par Cul-

lerre, 2.

Vacuolisation des nucleus dos cel-

lules nerveuses, par Larbert, 314.

Varicelle, paralysie consécutive à

la , par Gay, 207.

Vergetures transversales de la ré-

gion lombo-sacrle fréquentes chez

les épileptiques , par Féré et

Schmtd, 133.

Vertébrale, raideur et incurvation

delà colonne - considérée comme

modalité morbide spéciale, par

Bechterew, 395.

Vertige auriculaire, par Maekensie,

Dalby et Withers, 392.

Vision, troubles unilatéraux de la

centrale, par Knies, 399.

Visites dans les asiles, par Dittmar

et Schnele, 416.

VISUELS, troubles dans les hémi-

plénies, par Fromaget, 40.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Adamkiewiez, 483.

Andriezem, 481, 483.

Audeoud, 47.

Audibert, 72.

Azoulay, 81.

Bach, 55.

Badal, 40.

Batllarger, 149.

Ballet, 219.

Balmano, 123.

Bartells, 143.

Baskett, 124.

Bati1-ne, 133, 212.

Baudouin Il, 380.

Becs, 108.

Bell, 54, à6.

Bechterew, 39,i, 516.

Bitot, 41.

Bleuler, 407.

Blocq, 209.

Baedcclcer, 139, 488.

Boissier, 518.

Bombarda, 132.

lîondurant, 36.

Bonnus, 353.

Bouchaud, 133, 136.

Bourueville, 331.

Brachet, 343.

Briand, 60, 137.

Brissaud, 214, 335.

Brugère, 513.

Brunet, 342.

Byrom-Bramwell, 127,

130.

Camuset. 51, 183, 284.

Charcot J.-ni.), 117.

Gliarcot 209.

Chevalier-Lavaure, 129.

Chipault, 127, 311, 39.

Chvosteck, 213.

Cramer, 139, 488.

Coley, 208.

Colin, 269.

Comte, 337.

Cullerre, 2.

Dalley, 392, 518.

Dagonet, 70.

Daguillon, 411.

Delmas, 41.

Dcrode, 54.

Dittmar, 410.

Donatli, 398.

Dresclifeld, 36, 208.

Duhamel, 70.

Duprat, 40.

Ed ? vortli, 30.

Enriquez, 313.

Falret, 149.

Fedbatisch, 57.

Féré, 38, 133, 212, 411,

412.

Ferrari, 129.

Finkelbourg, 144.

Foller, 311.

Fournier, 132.

Frenkel, 396.

Freud, 212, 399.

Friedmann, 420.

Fromaget, 40.

Fuerstner, 57.

Fuchs, 413.

Gallerani, 397.

Garnier (S.), 18, 111,

190, 296.

Gav, 207.

Geliin, 420.

Gilles de la Tourette,

42, 45.

Gordon, 123.

Grasset, 348.

Grube, 213.

Guinon, 46.

Habel, 315.

Ha))ion,3t5,337.

Ilamel, 3r1.

Ilaury, 511.

Haycraft, 485.

Hecker, 213, f20.

Henry, 583.

Hirscilberg, 412.

Hoche, 63.

licesel, 312.

lludelo, 45.

Idanow, 131.

liber ? 63.

Jackson, 481.

Jendrassik, 314.

Joflroy, 32'r, al't.

Jolyet, 318.

Jones, 36.

Kéraval, 57, 139, 141,

414, 431, 432, 475,

4M.

Kerr, 52.

Kirn, 419.

Klippel, 81, 327, 363.

Kmes, 399.

Kochs, 111.

Kowalewski, 397, 402,

413.

Kreuser, 62.

Kroepelin, 59, 60.

Kundt, 404.

Laborde (S.), 270.

Lacassagne, 147.

Ladame, 246.

Lamy, 48, 209, 338, 404.

Lannois, 327.

Larbert, 314.

Laurent, 271.

Le Dantec, 393.

Le Dentu, 124.

Lefilliàtre, 161.

Levillain, 323.

Liston, 412. -

Londe, 38, 214, 327.

Ludwig, 62.

I.voof, 70.

lllachensie (S.), 392.

Maclcie, 207.

340 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Magnan, 273, 433, 519.

Mahaim,312.

Manz, 397.

Marandon de Montvel,

409. -

Marie (A.), 123, 338,

341,422.

Marie (P.), 238, 396.

Marmesco, 394.

Martin (G.), 129.

Massalongo, 211.

Massy, 51.

inlaver, 39.

Meige, 43, 131, 210, 342.

Mendelssobn, 330.

lilavsli, ! 186.

Mmhius, 213.

Moorhouse, 393.

Moravcsik, 405.

liorel, 12.ï..

llloussous, 41.

Muller, 52. ! lluratow, 313. ,

Nagy, 402.

Naeclce, 50, 313, 402.

OEbecke, 403.

Oppenbeim, 53.

Oxors, 124.

l'acinotti, 397.

Pain, 14G.

Parsons, 57.

Piclç, 317.

Pitres, 37, 41, 318.

Platonow, 128.

Potovshy, 131.

Railton, 126.

Ranson, 482.

Rauzier, 348.

Racen, 123.

Itegis, 40, 41, 129, 130,

233, 2GG.

Bemak, 398, 399.

lienaut, 313, 339.

Renlon, 53.

hevilliod, 47.

Richer, 210.

Rieger, 00.

Riss, 208.

Itorie, 130.

ltosin, 318.

Rouhinowtch, GS1.

tiussel, 481.

Liman, 129. ,

Sabrazès, 37, 318.

Schafler, 125, 316, 319.

Schlesinger, 393.

Sclimid, 133.

Schnele, 41G.

SchoelTer, 04.

Schule, 403.

Séglas, 353.

Sérieux, 412, 519.

Serveaux, 327, 363.

Siemerlina. 53.

Sikorskv, 130.

Silvestri, 211.

Sioli, 63.

Smirnoff, 486.

Smith, 12G.

Snell, 207.

Sommer, 31(;, 317, 484.

Souques, 211, 335, 448.

Sprinthorpe, 52.

Squire, 123.

Slcberbak. 313. "*

Stewart, 35.

Struthers, 55.

Sympson, 208.

Taty, 383.

Tellort, 126.

Thomas, 208.

1'Iomson, 208, 48` ? .

Tomkins, 207.

Touloue, lli7, : 18.

Triantaphyllidês, 91.

Truchon, 425.

Vallon, 66, 328, 338.

Verrier, 3't3. ,

Vigouroux, 342.

Vorster, 61.

Wagner, 401.

West, 123. '

Wheaton, 39.-).

Wherrv, 392.

Williamson, 482.

Withers, 392.

Worcester, 43.

Zenner, 37, 312.

Zwaardmaker, 482.

Evreux, Ch Hérissey, imp. - 1294