ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
AIICIWVh;S
DE ri.
NEUROLOGIE
tiEVUE MENSUELLE
DES MALADIES NEUVEUSES ET MENTALES
FONDÉE PAR J.-111. CIIAltCO'1
PU13LIÉE SOUS LA DIIIECTION DE 1)1.
A. JOFFROY I
Professeur de clinique z
des
maladies mentales .
a là Faculté de médecine
de Paris.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Ste-Aillie).
F. RAYMOND
Pioïeascur de clinique
lies m.il.uiicb
du système nerveux
de Paris.
COLLABORATEURS PRINCIPAUX
\I1. A7.OLLAY, 15AHINSIU, BALLET, BAUDOUIN (M.), BLANCHARD ? ), BLIN (E.),
BLOCQ, BONNTIS, BOUCUEREAU, BIIIANO (M.). 11111SSAUD (E.), IiIt0UA1tUE1 (P.),
r.AHL'SL : T,CATSAHAS. CHAMËRT. CHARPENTIER, CII1UST1AN,
CULLEItItE, Z DENY, DEVAY, 1)1 CAMP, OUTIL, UI1VAL(1<Irmns),
1-'Elill[Elt, FI1ANCOTTE, GAHNILR (S ), GILLES DE LA TOUIIETFE, COMUAULT,
GRASSET, KLHAVAL (P.), KLIPPEL, 1,A)IY,lANI)OIMY, MARIE,
MIEIIZEJEWSKY,,%IUSGIIAVE-CLAY,NOII, PiE)tHET.PiT)OES,POPOt'F.RÉntS,
ITEGNAIII) (P.), IUCUER (P.), 110111sIN0Y1TC11, IIOTII (SV.), SÉGLAS,
SEItfEALIX, SEGUIN (E.-C.), SÉRIEUX, SOLLIEII, SOUQUES, SOURYfJ.),
TATY, TE1NTURIEU (E.), T11UL1É (H.), TOULOUSE (E.),
VOISIN (J.), P. YVON.
Rédacteur en chef : BOUItNEYILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-B. C ! ! ARCOT et G. GUINON
Dessinateur : LEUBA
Tome XXVIII. 1894.
Avec 20 liglires d,Ltis le texte.
PARIS
BUREAUX DU P; ! OG/ ! A' MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1894
Vol. XXVIII. Juillet 1894. N° 89
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
A NOS LECTEURS
En 1880, nous avons fait appel' à l'amitié de notre
illustre Maître, J.-M. Charcot, pour la' fondation des
Archives de Neurologie. Il en avait accepté la direc-
tion scientifique et cette direction a toujours été effec-
tive. Non seulement il nous remettait régulièrement
les travaux qu'il faisait rédiger, pour les Archives, par
ses élèves, français et étrangers, mais encore c'est
avec lui que nous fixions l'ordre d'apparition des
mémoires originaux de toute provenance, la mise en
page de chaque numéro. Il nous a semblé de haute
convenance et de toute justice de continuer à faire
figurer son nom sur le frontispice des Archives afin de
perpétuer le souvenir de sou active et constante parti-
cipation à l'oeuvre commune.
D'accord aussi avec notre Conseil de surveillance, à
la direction, autrefois unique, de M. Charcot nous
avons substitué un Comité de direction, composé de
trois de ses élèves, nos amis, qui tous ont marqué
leur place dans la Neurologie et la Psychiatrie, et
rendu d'éminents services à la science et à l'enseigne-
ment : MM. A. JOFFROY, V. Magnan et F. Raymond. 11
Archives, t. XXVIII. 1
.8rS3L3G3A`CL1NIQUEL MENTALE'. ·L-tL2 a'r05î
ne nous appartient" pas de' faireeur'etoseMaisno'us
pouvons dire que tous, les trois, 9 ? 115'C51 `1
pouvons dire que tous. les trois, dtrectement.et.par
OUtHCf ? U dm9 ? o f LLW o( u Z8e1 Ot ? t.<; Oti c8 P
leurs,élèves; pT ! nç ! fqj2t,une@p ? ré-ulièrejeta.desplus
actives1 la-.rédaction'et@ à))a'directioQdès'lA'cM ? ? ? , .7 ° 9 ï nr S`L, a5 n.^Ly In ortrr-ft ' . nLL41 t
VcM ? 'o/oc<e; quiis nous z perfectionner
' ' .' 4'jilgU 114t -'<ni M' Updot
et à les rendre de plus en plus dignes de la confiance
, ? ),i') ? rn4r . : D.u nimbe Jas 31 ! muOLr.'nB Xia-9jnalj ...J
tuLpubliçjonédiç Ir1L1s9b'sa7 Lb JsaiüJuss;,BpUNr.VLLE ? 92 r4
.K.90B A js(,03 les ;,zessase5 ncss's·Cs59S-sb JnisJJs m : z ialil Jas
., .1lU-.Llin1 jif1 8M i)qf;fuu';i if e1 ta iiiiibnaq : uais silosnssstn eb Jm9JJl : D : aa-tuad 9Jpp-J6niv ah JEoK)<t'te3
mu J8 aigris ! j ! [ sb 29b Jn9msldmsnJ ,911piiooalB aaiito'h
x.ussnu3 si(sb sb r[i iJe , ' ,9' ,n3 sl ab zsloznm
.«««vmrYlna nn. M ? vL ? J ? AL'jiU3u)fBffMV(-
cn 2-s7qa a'idoJao 16 ai 91ovnsr 9L 9L Je .9ldslosqqu 97slsb ansa 9la.a
NOTE SUR UN CAS DE FOLIE URLViIQUEiCOVSI;CUTIFI1'UV
J2nil· j ? - (1 nl nyt·w l (1
J . 3 RÉTRÉCISSEMENT TRAUMATIQUE DE L'URETHRE ?
- Bji3le D pgei*ia eau n jatu* , miauiau ..iujiiiju oj .iiu>jj.« » . indO"1
K ,Inszao3n4`I iup 20 PariU ie'D"'A;'CULLERRE9"I9) 3nsbn9q nou
riL9Dai 91Jn Viédecin-directeui' dé l'A'sile' d'alieaés`dé I : a`lRoctîe=sûr=1'ôu`pm fla
91StS5003 91y201B1)1 91 .OB9`I 911 aup ud b'h ti .9Up110091fi 23Q7t-
Jï ? », F* icOiî'isp ttr ! > ? « 4r'h'v`r v' 19 '9nm ? ? ol 2'N'fwr.n or;,
'Si j'emploie,'en tête de.cette note,, expression de folie, \ire- ? MeQet 'noncel ! eje/b ! e,6)'t< ? Me,.quisemMe,aYpir)le
r q. nu 1. m..
même sens, quej'ai moi-même employée dans une : .communi-
cation au dernier. Gongrèsi des médecins aliénistes ? et qui'a le
mérite d'ètreacceptéeraujourd'hui par tous z
l'existence d'une1 relation'' entre lp-'délire,9 la-folie --et 'les'aS'ec-
tions des reins' 'elstl'q-tiel,l s"il 's'a-à-'lt7 d' - "ë'a's 'dè'foli cause par
l'empoisonnement' urinaire''cet'ëmp61sonnemcnrésulte"d'une
.t f.- ? ., ? o ? ... , ."< , , )uui euuu urm91 us
toute autre cause que dune lésion rénale....
je, e111 ,` qrut tt.- 'Oks.41l M) w ,'sa >n5r nt> : i - a,innhb
effet, du
L'urémie, en etiet, que 1 on considère, depuis les.travaux du
.professeurj Bouchard comme, une, auto-intoxication due à 1 ac-
cumulation d,a,n-s'-i'e san-ide.tou. iles- principes de, 1 ? urine indis-
tinctement, njestpas seulement la-conséquence : d'unel maladie
des, reins' eux-mêmes;. elle,peutiètrelé7aùsée pârj tout 'obstacle
qui s'oppose à la libre excrétion" de' l'urine'et' la' science a enre-
Qistrë`quelqués-observations oùI'apparitI6'n''dés'âccIJënts ùré-
- 14xii-ioxi, ii £ ,éijd li tati3 -.db ii Il li ,9^L,^m no ? sb eqff))J e'ilillo'l(i
fl" ! A.' Cullerre. -4 Quelques observations de folie briglalique (Compte
rendu du congrès des médecins, aliénistes de, la Rochelle, 1893). ,>i,r
NOTE SUR UV fCS DEaI'OLIE"URI : JI1QUE. 3
rriques , al,été laconséquence .d'un, rétrécissement^ du canal de
I'uï, ' - - - 1 -t, - - . - - - 1 - 1. , - i z
lureinre. o t ™,,jk ? ;,v^i sel gront Rrf ? h i 1) -à ' «
' Mais je ne sache pas que parmi ces accidents uremiques
consécutifs à'la sténose uréthrale; le'délire~et,la folie'aient été
notés. ;Aussi l'observation [que, ! je. vaisrrapporterprésentera-
t-elle au moins cet intérêt d'être, si je ne, me trompe ? unique
1usqu'ici-'da' 'ns"'so'no ? e'nre - ,
a3"sft(ioo ci et) pulq na Piliq ah aiMe'" a-il si J)
C... trente-six ans, journalier, est admis pour la première fois le
27 septembre 1893. 1 Èe certificat du médecin qui l'a'soigné au dehors
est ainsi conçu : « atteint Aedelirium tremens; est sujet à des accès
pendant lesquels il s'échappe de sa maison. »
Certificat de vingt-quatre heures : c Atteint de mélancolie aiguë
d'origine alcoolique, tremblement des mains, de la langue et des
muscles de la face; dépression entrecoupée d'accès de délire furieux
avec hall uciiiatio 'n's-iloldbi([6u"es : àan#-éu ? ptirson entourage. »
Absent au moment de l'admission. de ce malade, je le retrouve
à mon retour dans un état de calme avec légère dépression men-
tale sans délire appréciable, et je le renvoie le 31 octobre après un
mois de séjourà l'asile ? lll;TflU 31JO'3 HO 2A0 ;,U W ' TO/"
On le ramène le 21 novembre suivant, avec, un, certificat ainsi
conçu : « Atteint de délirium tremens ; sujet a des crises d'excita-
tion pendant lesquelles il est dangereux pour, ceux qui l'entourent. »
En même temps j'apprends qu'ils n'a fait depuis sa sortie aucun
excès alcoolique. 11 n'a bu que de l'eau. Le diagnostic alcoolisme
me parait dès lors suspect et je rédige ainsi mon, certificat de vingt-
qùatrêhéuresr : ei' ? ateiut pour la seconde fois (de' mélancolie aiguë
avec hallucinations terrifiantes crisës'panopnbbiques et impulsions
dangereuses.1 ! » PfiiRh s'solqrns smbm-iom is'lsup .arias sriiSm
T C ? est un homme ,'de taille' moyenne/à ! )a figure fotement-àsy-
jmétriqtie, le côtéj droit, étant rbeaucoupmoinstdéveloppé que le
gauche. 11 ne présente 5 aucun autre, sti mate apparent de dégéné-
Irescence. Attitude stupide, regard jet immobilité presque catalep-
tiques ; sorte de pétrification dans nue atlitu e,e rayee ? 10(1 £ IIA
Sa. femme nous' fournit' lés renseignements" suivants sur(ses anté-
cédents : son père est mort' le neuvième ouy,d;uné fèvrèavec
'délire continu', marié trois fois, tous les enfants qu'il a eus'de ses
' deux premières femmes'sont'morts ; 'dé'la'1 dernière ? il'a eu notre
maladefet deux1 filles bien'portalites. l'as d'hérédité vésanique dans
t li famille,1, mais onry,meurt'subitement; : oucle, mort d'apoplexie,
cousin mort également d'apoplexie. Sa mère,. vivante, est en bonne
.santé, mais extrêmement.emportée.axa gidit Li É 9(iuqii 1 : E P
.^,C...l1esthabhué de longue date aux,excès, alcooliques., Dans les
premiers temps de son mariage, il y a dix ans, il buvait énormé-
'. ment; il était presque toujours pris de boisson'et on le'i,a7pportait
parfois chez lui 'ivre-mort ; mais depuis quelques àniés, ses éxèè : ,
StpLle21eTJ ';ufn- t.T ·no vrrr y ? 'U ? 'rOY1
4 CLINIQUE MENTALE.
9G .tmt^ tfi fi`lrf" aFr gp^ t^v , nnn` .rr( , n' m .rr·,· nf, nli, )'l r
sans cesser cependant, étaient beaucoup moindres. En dernier lieu
il lui arrivait encore de rester plusieurs' jours de ' 'suite'en ait6
Ses boissons préférées sont l'eau-de-vie et le vin". Bonne santé habi-
ttïelle ? pa's"de"'m' aladie"'9'r'a'v'>è."Il"y a un an, est tombé sur la'tête
du hâut d'un wàgün chargé"depâille"et resta' un'' instant' étourdi
t' ? . . ? iil,s ? m( "ir ',^im...,i| i.rr,i ? i(', tu * ? .* ` '
sur le coup. Ces temps derniers, il a travaille au delà de ses forces
`Sür p ? Ces Leips derniers, il a tiavaillé au 'delà si es
'et s'est surmené. " ''' * JUnuUf ? â°"m^™^f ?
Le nouvel accès de folie s'est manifesté quelques1 jours 'après1 sa
sortie de l'ààile'sàâà'qà'ilàit fàit le moindre excès alcoolique ? il a
été 'repris ; de' ses crises panophobiques'avec fugues "au dehors^actes
de violence envers ceux'qui cherchaient à le'retenir et'accès d'hé-
bâtiiïerit cataieptiforme.' Daris'ses rcrisés'3'd'agitation on, né-pou-
vait1 le'mâintenirTâuPlit ! .ilsét lévâit.,r'boûsculail toutUe monde et
s'é'n' fu'y'ait e'n"cli«e'*m' is,eài trâ*vërs)ié-1v, illa' 1-e IP 8ôï'IJi «oq Je Jaauoatia
om...rebd in ,MttKr'< Hua )t)OJ -) ? '"<t lo'ttp - r,aai ? ^ ? l no 1,i
25 novembre. Stupeur , panopliobtque; ntrès hébété, regard
effrayé ; immobilité, inertie '; on ne peut lui arracher un mot ; pas
d'accès d'agitation.' Il' se nourrit bien'1'état'g'enéral'est'Bon', mais
a ll.lPUil.i'li'i'i 4, ->" ° lr->51,j-t 1( ,'r.n ?
il présente,, souvent par. intervalles de la rou-eur'de la race ; les
*pupilles sont contractées; pas de fièvre. Il urine dans son pantalon.
r ,,... ïl ^, , g , , . U,.e. jc, i-^ftoo 30 aiuweoqo'i
15 5 décembre ? Le gardien nous informe qu'il, pi,éseiite .une yive
`inflammation du prépuce. Nous faisons coucher, le malade,et nous
constatons,.aussitôt non seulement une irritation inflammatoireide
l'orifice préputial causée par l'urine; mais encore^ un^oedènie blanc
très marqué des jambestet,des cuisses, et un développement anor-
mal du globe vésical. Une sonde introduite, dansjjurèthre s'arrête
. à mi-chemin devant un obstacle et, ne pénètre pas dans la vessie.
Je ne suis pas plus heureux avec des bougies fines ? ?
Sa femme mandée aussitôt nous apprend qu il y a,neuf ans,
dans un'cabaret, il, est tombé à, cheval- sur. l'angle, d'une table ;
)qu'il il en est resuite une lésion intérieure qui s'est traduite immédia-
ment par une'hémorrhagie du canal, et plus tard,"par une diffi-
.éûlté·d'uriner : Il ne le'faisaitysûrtüùt'dâns lès`dêmièrs'têmps·qü'à
'force d'efforts et enruettant un certain temps ? Pendant' une' de ses
périodeVd'instruction' le'médecin' mititaire avait'diagnostiquê'un
,per e aire avait diagnostique uti
rétrécissement et avait voulu l'opérer,' mais il s'y'étaitrëfusé.'Tout
,, s`éâpliqûë dès lors;'nous ayons affaire à ûri iétt'éëisséiiïéilt'tëaüriïa-
s s'explique dès lofs'j'nous ayons affaire à rétrecissé'meht'traurrla-
tiqûéUdè`l'ûrètliré'dy ânt'ëntrainé` niié`rétèntionld'uri)ie3d'abord
partielle, puis totale;' et les' troubles intellectuels sont causés selon
toute' probabilité par une auto-intoxicatioh'uriuaire." Un traitement
est institué en conséquence ! 1 L'urine'examinée ne contient ni albu-
mine ,. ,rto 1 otr o< ;,JS ? sl .ft.QBL .m T - - .9r.;l,m : r4 Ew £
j.tjt.tttu ? 91v 11 `/1 ? '1r ? r- '1f7 '^ h-'f n,ao^ C.` «i n ? t),
j - 10 décembre. si Le malade urine de temps en, temps spontane-
^1 ? .....^ ? ? I ,;iJi ., , ,j . Jlt n.;tj ? t ? f)<; a (|l ,ri h
,,ment, mais sans .vider sa vessie môme à moitié. Le reste du temps
il urine par regorgement. Sûbâgitatitin ; délire bizarre,' s'imagine
que son bain est plein de microbes, qu'on adultère ses aliments ;
NOTE SUR UN CAS DE FOLIE URÉMIQUE. t)
4, 6l 0' tu ai 91 kl ? ,y
,que l',huile,de ;ricin quon lui donne n'est pas de l'huile de ricin. Se
lève la nuit se met nu, ' dlt qù'il ? trôP`chaud : "Egaré, air hébété,
püpilles ôntaçés. v `t j,t ? 9 ? n ? 1 ? ™a j,«,jt>s hj» if
2 l,décembre ? ,Depuis hier la rétention est presque^absolue.
,Calhé,térismeiimpossiblë;,lawessie"dépâssel'ëmbilic. Langue'sale
sû céntre,yrongé sur·lés bords ; soif intense ? fièvre; il maigrit : prend
un teint jaune et refuse les aliments ! " T. s. 38,8. - Lâit, laxatifs,
.4tl .u Jazz ,I
onctions.belladonées ? 1 ? "'8 . , ? ? '^ J8f* t J*
1 122 décembre. rT., m ,38°,l.,Hier. : la pur-ation a bien fait ;'il a
uriné ; la' vessie avaiti sensiblement diminué devolume le soir. Ce
, ) . Ï 1u ... '< ! t1 ? H( ? ) ,.
.matin"il,aluriné environ 200,Çrammèsdune urine rouge, sedi-
menteuse, mais la vessie n'en arrive pas moins à l'ombilic. Pâle,
calme. ,,un peu.moins abruti, dit qu'il a de grands frissons^ qui le
secouent et puis après qu'une chateur le, brûle, partout; demande
.qu'on le. guérisse; qu'on", fasse tout son possible; né semblé'pas
trop mal Lait, scâillmonee. T. s. 39°,4.' `l - '"«'«""V 6s
c.t,n rî»'ni iv- it>,lyr'"i4. Mi' ' ,'l fin % *ili9,i, : lit ? ,1^", ' t.
,Jt 23 décembre. r.(m. 39,1 ? Langue épaisse, blanche; vessie
, pJeiné.·On réûssll. passer une boigie filiforme.^ ,, ,<... ''
Aussitôt après 11 bésbihetvidê le quart 'de' sa' vessie ;°éhsûite
"t·Aûssit8taàprèl.albésôin`etvidé le'qliai't`de sâvessie; ensuite
impossible de passer. Il s est agité cette nuit; il veut s'en aller, veut
qu on retourne . 1 une des manches de sa chemise'sans'savoir pour-
qûoi;`Illüss,taliôn;Jie comprend pas pourquoi' on'lui met le ther-
'"momètré,1 etc ! 1 Urine rouge, épaisse,' odeur ammoniacale, sans albu-
"mineT ? sf3T',8.<'n&.i'6fn .M"1"^ 19'f76nttJU(jyy .oHik f
"^°24 décembre]' 'T.' m. 37°,5 ? Langue meilleure, ! nuit calme,
urine un peu avec ne rands efforts. t : ...,at ? f<b) J (..<.'
2ôdécémbhre. - Hiéï solr, vJOlent accès de fiè'vrè. T. 40°,7 : Pas de
délire. Ce matin,T ! J 370,8 De -m'a-ide à"1 manger ? Langue bonne.
1 ° " t i)J ? 1H41 : 'tsou Jnoaut dSxuLm ;,r,d,po sr
' T ? s., 37 ,5" W»,Igw -Itra ? ...r" , ..rf ? m ? . a a, y '
26 cdécémbre. - T. m. 38,2 , Langue bonne, calme.' T. s. 38°,5.
2 2'7j décembre. - T. m. 38°,4. Il a vbnii/ce1 matin ? Ponction càpil-
claire de la, vessie avec l'appareil Dieulafoy. On'i,etii'540 grammes
d'urine ;"à ce* moment le malade se 'débat tellement qu'il faut sus-
,,pendre l'opération'. Il sou re, crie; dit'q;z'tiü veut lui faire du mal.
j 11 ne"sait où'il^est, veut'descendre, mais sans savoir où aller.1 Obtu-
,sion mentale profonde : T. s.' 38°,4,Jèülë, décide a' tenter l'opéra-
Lion del'ùréihrotômle intelyie Aet pour, préparer le malade je lui
olpré'seris 1 fat lâ do se de 0,75 ? "" " - ?
tr9,28,décembre., ,T.,m.37°,2.`luitcalme; il urine, mais la vessie'
-t est toujours distendue. Sulfate^de quinine, 0,75. T. s. 38 ? 1 t
29 décembre. T. m. 36°,9. Persistance de l'ohtusion mentale ;
; dit qu'on ne^lui donneras manger alors qu'il vient de prendre
^des aliments à d'autres moments, les refuse.' T. s. 37" .'Depuis la
. ponctionna vessie a repris'' un peu, de son1 élasticité' et il urine
mieux c r'1 ">>'<' m"' -il ut· 'i.K'- .viip1 ynarnç' ? 91 ThfJ 91 ,Tw Il
. ,... ? ii ps* : naJ(Dfv av nv aJuTtun vh ai'q )e- ? un» iji-j
6 mentale SUS NTOU
v30 décembre]^ Tq m. 36,9 ? A°trûisheures'dû soir'l'opératîon°deb
l'uréthrotomié intérne^èst faite 'avec succès ? Le malade-' se'montre ' l
inqûiét;usé demande" ce'qû'bn^eûtFfaire ?
. demeure qu'on lui'passe^'il'fait'des réflexions bizarres. 'c Je'neveux'
pas rester avèc un''rôbiïet` comme3çai * Le éollodiorf destiné&à'Ué'f
fixer lui rappelle 'des1 souvenirs"; ï'ee'qûe vdûs'me mettez là^c'est'
comme ce qu'on m'avait 'donné 'pour mes verrues. » -">Pas d'albu-P
mine dans' l'urine ? 8Do3 J6 sf no np .on3us au`6 altiuo asl lul
3t décembre. Hier soir, T. 39°,3 : `Âedélü;é d'ûné'fâgotli`ï icôiri=is
préhênsiBle ? Ce : matiîiT1T. 37°;4"Caline ? toujoursf déprim é ? refùse
de' prendre 'des'Falimetits f" ditpqu'il' sera'cmortJ demaiii|fqu'ilxest"
bouché par tous lès' b'oùts'.6'( éïnt bon' Pas;dë1nèvré : i-T.r `s ? 37°,3 ! c91 b'\
1er janvier 1894. T. m ? 37° ? 'ti''adéfiré'usqu'a''dMx'heures'dùP
matin ; ïnussitâtiëriT3 On enlève lâf sondes' à'derliéilrë. -I1 'rëfusé la
nourritûrë'Tcihcf minutes' après il 'demande T'iTEst-ce^qu'on ne va'1 ?
pas me donnera manger bientôt ? » Pouls petit, serré à 400;Iroù=f
geurs foncées à la face. T. s. 37°. '
2 Janvzer. -T. m. 36 ,9. Bien ; moins déliéant. 9USno1 9»8rJ r
i.n-7 r(nre Tf ? ffn ? r ? rr<r nr ofrt. a (r ? ( nb
3 jvnvier. - Les urines sont épaisses, ammoniacales, mantes;"
cystite.' T : 'iî : q37°;49 Térpiné,vl`'gr miriè TFSx3 ? 3 tzoqzcb9Tq t)b
4yâzzvzet r Uriiies plus c'lairës. Le malade urine au ht la1 nuit ! 1*
Mange mieux ? iJ3S9Tgoiq tm881 ? rm'b JzsqSb ab Jaioq
5janviér ? ? Unpeu der' fièvre'' hier soir/'T : ac38°,6 Ce^matin ? *»
T. 'm; 38 ? Sutfatetdef'quininePPas dé'délire^trèsifcalme.f.UrinesO a
très claires..Tu s : 37°.3w B3 insm9Sslqrrloo isba 71ovt'oq gulq an
5 janvier. ;T : m : 36°,7.3Mang'emieux,.9J9 sI Tua 9ltjda ectt îicl
7 junroier ? = T : es : 3 ? cT.3m : i36°,B.uMieux,ztoutLàifait°calme;v
retient son urine, nedélirepas. A'.trs.bien.ma.nge.j gab ;xu8VT9n
8janvie·. T.îm.l37°,2. ? gqs t1eid ; aeJngbàaàicr xus isJiioifi'e
9jcLnvietyt ? T. .13î;,5.T.;p.33,7p,2.lObtusiongde;laimémoiçè.rl
Cae,,nonj,drant,unpeu.oMus.9 [s3nsm, olduoz,i sI , ,9léiqmoa
15 ,janvier : ;nTlrn. J37,5u.,Des essais, de ; dilatation, sont sus- ,,
pendus à cause, du -retour, de la fièvre,,et des urines purulentes.
ft -i<jL* ; ? âj ? t L m.rJ4,.C· ? r, ,st , v.v. i a, fI117q
5 février. \ Légère amélioratiqnmentale ; moins hébété s'oc-
cupe un peu du ménage, , mais^ persistance^de, la cystite. Lavages ;
avec eau boriquee... r, in
-«m'usai 'it)i<f ? utf .hf9<r fïô 2s([Amxrr s ? ,n."fi'> ."w.Twri a<>{T
26 février ? .Depuis r quelques, ours,3,1'ame o ation,s aceentueul
nettement : ' le malade a l'air plus éveillé ! parle. dé sa famille, s'irf- zou ? tt ? < ) ? f"x''t r<. ? r'fT f ? tpT)f 'rf'i' ? fT
quiète de ce que deviennent sa femme et son fils. IT s occupe un"
peuîairménàge'"1ét aide rihfirmiéFqûi''est malade. Lés" urines ne'11
sonsplds purulêntes'J'ni1 filahtés ? 0Depuis trois' jours on ajsùsp'enduiS
les'lavages d'eau b`oriqûée.9ctü'b ua9V9b Jifii'» ,zio3enJus Tijavd
27-févrie7 ? 'Uri'exàmén·trèsattentifdéel'état' mental f'rêvètee
encore quelques idées de persécution et quelques hallucinations si
NOTE SUR UN.jCAS^DE^ FOLIEIURÉMIQUE. 7 ?
de l'ouje, Après^avpirjqnguement parte de sa maladie, .disant que
la.boisson n'y,,était pour,rien, parce qu^à sonjdéejl ne.faisaitjpasj
d'excès., ^que tT8me.depuisqueIquetemp§,i)aaitundegqût pour^
Jeyin, que, ça l'avait pristout.d'un,coupjaprès deux ( nui ils et^trois^
jours d'un .voyage^qu'il avait le ventre gonfléJ,et,'1neLmangeait.pas1-
il se met àjiqus dire que ce, qu'on lui, donne ici n'est3 pasl du,viu,3
que, çasna pas le goût de raisin uqu'on, lui 1reprocl]eûd/tavoir,ichez,>
lui les outils d'un autre, qu'on le dit de tous c6tés,f él ? Urines ,
a^Bl^at^'.^^ T,-n,v ia.H ? n.lAws9b `
10 mars...-milieux,, plus, éveillé, 'maisrn'a qu'un souvenir confus™
desa,maladie,etest,dis{)oséj croire^ que loutre,, qu'on ^lui^a.fait^,
l'a renduo'plus ma]adeqavant;pjpMendurujerjnoins loién d
qu,'avant,,et61déeswa=esAde,perséeutonu ? pRl ·csrcs' · ,9 !
,i<=,6[u ? ? rr. Depuis, troj^s semaines ilg vâ au délire^
reste néanmoins chez hjijun certain degré de paresse inte)n
lectuelle. p ,; 911s·r31JsqaluoQa E,i6Jnstd lagrfBm blsaao6·sw stq
é '" w<>\ û 2J99;'t6 é7Jd
Cette longue obs3rvation.,peut ? en définitye, se résumer
de la façon suivante" : un individu robuste,, mais non exempt
de prédisposition aux 5accidenJ,s^nprve^ cérébraux,. tqmbe,.p
sur, l'angle, d'une. table ? et se faitunerupture de l'urèthre,
a
point de départ d'un rétrécissement progressif..Neuf -,ans ! /f
après ,-iCeti homme qui,,estladonné,auxT excès j alcooliques-,
commencera subirles3conséquencestde son rétrécissement 1
ne plus pouvoir vider complètement sa vessie; entre temps il M
fait une chute sur la tête qui, : bien qu'elle n'ait eu aucune gra-
vité,chirurgicalement;taupu produire'un'certain ébranlement
nerveux; des causesidéprimantes'dordre)physiquewiennent3
s'ajouter aux précédentes ; bref, après ^quelques1 jours » de
malàise^un'déîire;violént éclate ;'la"*rétention d'urine' devient
complète; le trouble mental et : rétat'généralfs'aggravent jus'-5^
qu'à'ce'que l'opération de'1'uréth'rotomie interne* vienne' sup-
priméi3l'ôbstâclé qûi '"s'opposait^à''1 l'excrétion0 de1' l'urine1.' ''A'1*
partir'dé ce 'moment 1 émpoisonnëment cëssê, le délirê s'at-
r ? i|V^ I 01rT ? r^ f) c"> - ntar o cve .nl ? ^ ! "I, ,' , 1 ntt 'in.
tenue progressivement et le malade revient lentement a la santé.
r.. ° ,, .,nni'io-,>T". *>a^r
Des diverses causes auxquelles on peut attribuer légitime : ; "
ment la ! , production1 de" cette maladie"mentale^,deûx prédomi-
' li t' i .*>llrlll>i e m 9 ttim ? Ut ? 1,.i),fiii l,,l il'. ? J9C
nent sans contestation possible : 1 alcoolisme et 1 empoisonne ?
.il1 J4y'JU .. 11 "u nu J on '<atjoejuEtu.ta)*9 ,'i*m.lj i , , ''Up
mentsurinaire. JVlaisl alcoolisme,, ne, .vient lui-mêmenqu en , q
seconde ligne,, .caçf c]est aiiqmoment5 où,, le... malade,, .grande
buveur autrefois, était devenu d'une sobriété trelative,4 quetsi
sous l'influence diunifacteurinouveau, l'urémie,lafolie éclate
aveci intensité : 9t)p)aup'J9 noiJuoaa'i9q ab ah5bi suplsup ·s7ooas
8 3ri,M3flCLINIQUEtIIENTALE.Lie 3TO
' ( Màis"r'âvant';f d'allér^plùs'1 loin dans" les considérations'' qui
d ,e'oÜlent],de,ée"cds7,c]iiqu 1 l)'+, -6; ' que' 1, nous -1 1 Il qu 'àlifion's,de,folie
urémique ? il faut démontrer l'existence de l'urémie elle-même.
epremier . el acces 1, Id e délire"1 avant" été incomplètement'observé,
n "-lui' '- 1 0 f là 'cet égard; mais -le secod,
ne nous^fournit aucune, preuve égard; mais -le second,
qui 1n'a ? 'd'ailleussrétéI séparé^du' p'remier'quepar'quelques
jours d'un calme trompeur et 'd'une" lucidité imparfaite;' puis-
,q'ü'ilsîlbsistâit ? ûne'certâine`hébétude mentale-àt-la sortie du
malade, nous' en fournit plusieurs d'irréfutables : dès'le ! début,
un oedème des,, membres '' inférieurs^ remontant''jusqu'à ) 1 l'ab-
do dans' le' cours * de l'accès ? les troubles' gastriques
permanentset' caractéristiquesIe' teint'spécial; lés vomisse-
iëfitàe6t la nëvre* Les rèins"ont-ils été touchés ? Cela est,pos-
sible ? 'CépeiTdant'l'albumine ' a constamment* fait'défaut dans
l'urine examinée à £ de'nombreuses,'reprises; maistëeT signe
manque souvent dans le cours des néphrites, ce qui nous laisse
dans* le"dqute'' au'1 sujet' de l'existence' de' cette'complication ?
"j llâintënânt,pôûrquôi le diagnostic de folie urémique et;non
celui 9dè' folie'alcooli que( porté avant l'admission durnalade à
l'asile ? Voici les raisons qui nous font pencher pourtlapre-
riè'r'ë'àliê'r'n'ativ'é7 if *>* ltj(u9b slfiue« sj, suo 3Bq JP,,9'U aD ? Dans1 sa1' première^ phase,- la/maladie'1 revêt, 1 a. 1 for ' m et dés
'délires' toxiques ;fç'estr' la confusions mentale avec^hallucina-
tib s a 0 110 1 uesl.,Le màladeisembleplongé'dans un càu-
chemar qui tantôt'le pousse 'aux fugues automatiques ? tantôt
le`'pétrifiet dails une sorte' d'immobilités i cataleptiforme.1110n
pourrait peut-être contester qu^à"ce moment L'urémie soit bien
réellement en cause,' le malade'étaht en outre alcoolique,' et le
délire" 'alcoolique' étant' précisément tiej type des délires toxi-
qu'es ? Mais" Id pliysionimie duadélire n'est pas.tout à,faitcelle
qu'onsbbserve habitilelleinènt°· : dans` l'aIcoolismefuL présente
quelques0 nuances/quelques -touches; : qui l'en) distinguent c en
une certaine mesure ;- par exemple, ces phases cataleptifordes,
"déjàx, obs1ervéesfdansla folieurémique·pâW MMaBrissaudrét
Lamy';let par moi-méme<dans'une communication au Con-
grès' de' La "Rochelle; LI ces- rcmitten ces,et 1 ces) exarcerbation s
^pâràissant'érï1 rapport avec les irrégularités de la fon'etioniuri-
nàirë ? et'en6n cette hébétude'absolùmentqspéciale"beaucoup
plus profonde que celle de l'alcoolique, même'en état de stupidité.
'"* ' Brissaud et Lamy : l«ayMesM<ah'uM chez un &r : A< ! Mc'<<c7t-
rani (Gazette hebd. deniéd. et de'chir. ? 3 3 août, 1890)1 ni) ? bn5as,r ,li
NOTE SUR UN, CAS, DE, FOLIE. URÉMIQUE. V)
tLtEtsiJje,reviens de, nouveau,sur cette hébétude à propos de
1 quelle ,j'ail déjà,insisté dans macommüüicàtiônprécédénte,
e est, qu'elle - est un des, signes 1 s,ply sconst ,- "1.11 ? Ur le 1.
un de, ceux que les,anciens', auteurs, se plaisaient plus particu-
lièrement admettre, en relief, et' à, laquelle les.modernes qui
t l, ï 1 1 .> ! >, u iliijui UUU " 1»
.ont,fait,une,étude spéciale de la,.folie rénale ne semblent pas
attacherjtunei importance" suffisante, 8 à1 mon avis. t «(11 est(irn-
.possible, .dit Lasègue, de, méconnaître un ensemble e e carac-
tèresproprestaux,,albuminuriques et qui se manifestent déjà à
par,l'expression du.visaoe,-Iadém " ? " d " ' »'
par, l'expression du.visage.^a^démarchejirabsencejde.préocçaj-
pations,,et 'szt2,lout,de 7éactions, intellectuelles Et le même
-auteur, étudiant,,les : accidents cérébraux, du, mal de.,Bright,
met en premièret;ligne4des,variétés,de ces troubles, l'attaque
plus ou.'moins soudaine,de,stupeur qui} peutàè,trepasâgère,
intermittente, et>qui; dans,ce, dernier, cas, âe«termône parla
mort.;aon tfrp 93 R9.trTlfvff 2y1) «f/na ,l a&b'a9V172 9 ! TIL. iy
Un] autre. )argument)en faveur) du l diagnostic, de folie uré-
tmique, ciest la-rechute survenue : peu .de ,temps après ^sortie
jet sans ]que ila-malade ait;fait, le;,moindreuabûs nonéa4 Je
boisson.ueq Tgdatllq taol p taJp 1 aHIJ , ? Ju
botsson.tjoq Tariomq taot s cran lap moatB'i »ai a'"V( ? s'(
Ce n'est pas que je veuille dénier tout rôle j à l'alcoolisme
dans la; pathogénie de ce délire, bien,au contraire^ L'urémie
n'apparaît d pas -fatalementicomme,,résultated',uné,afFéton
rénale' oue d'unicobstàcletdesb voies urinaires ; ? il lui, faut, ^en
général;àlcôtécde la-' causée principale, .une causet,occasiôn
nelle ; ·et;3danss,le,cas actuel,lil me,se'mble'dii ? d ? é.vidèn'ce
que sans,l'intoxication alcoolique qui a altéré, progressivement
la 'nutrition) et sapé) peu à peu- la résistance du système, ner-
veux,- la gêne des fonctions urinaires eût pu se, prolonger, long-
temps encore sans entraîner des complications urémiquesCes
dernières proviennent, d'une' rétentions d'urine prolongée,, due
,non,pastantlau'rétrécissement,aquin;était,pas, infrancbisf-
sable ? qu'aw spasme dû col de la vessie et de, la ! portion ^ merci -
braneuse del 1'urèthre,zi phénomènes essentiellement nerveux
dans la genèse : desquels» l'intoxication alcoolique a jpué,âqps
. doute ! {le)'principal, rôle ? Mais c une fois la, rétention^d'urine
constituée, ! c'estàl'empoisonnement urineux qu'il.convient,
sa mon sens;; d'imputer les nouveauxgaccidénts, nerveüx pro-
duits;,c'est-à-diré· la· folie.strptluool6'lsb sïi 3s sup buo'oq ulq
111, Lasèguer Des accidents cérébraux qui surviennent daas; le,coiers
de la maladie de Bright (Etudes médicales,at. 11) ? a9A a»5r»TM ln»i
10 î 3lISitlM.f. YCf.SIIQUEDiRl1'ALE.lY)O.IOh0YE9 Zizi
Ce ttel interprétation 4es faits est d>' ailleurs* conforme àl'ex=6
périence.8 Onea1 observé°querlïapparitiondes àceidents,uré-p
miques était)parfois imputable à l'administrationintempëstive3
d'une substance médicamenteuse, c'est-à-dire d'un poison ; il este
donc admissible quei'1'alcool'ait une actiontdece.genre : rTouta Li
ce·quiraugmenteslatoxicité du : sang augmente,·par.tlà`même;ir
la toxicité des urinés; -or,- l'alcool estium poison ettde plus parn
son' action ? délétère -sur -le foie; ? il entrave -et supprime même a
les fonctions' dépuratives : delcetorgane. Ne -,s'est-on) pasade--e
mandé,cïd'ailleurs;sile délire'alcoolique n'était pastoul siiii ? i
plement un- délire urémique)1- ? ! en neii j8 Icirigm auv gb rnrioq
Sans aller ! aussi'loin; on peut, encore admettre, sil'on.veut;s
que l'alcoolisme a pu concurremment avec l'urémie contribuera
à faire éclore le délire..On.serait.ainsi en présence d'un cas
mixte, d'une folie alcoolito-urémique. En 1852, Lasègue invo-
quait déjà l'alcool comme cause possible des troubles psy-
chiques dans l'urémie;et; si1 eettei,opinion n'est pas justifiée
d'une manière absolue, elle n'en comporte pas moins, dans
certains cas, une certaine pîrt-d-E-vérité. Cependant cette in-
terprétation éclectique me semble moins satisfaisante que la
premièriJOI113le ? m .ll ? Pl;IIGItl;l9l ·IhtO,IOHJiC2q AJ
.Nous voyons tous les jours l'alcoolisme produire.deux ordres ,
de troubles mentaux : ceux, qui relèvent exclusivement de l'in-
toxication, et ceux qui sont le résultat d'une prédisposition
vésanique mise en mouvement parfcdestdoses d'alcool trop
faibles pour,, provoquerq les accidents, spécifiques. D'une part,
on a le delirium tremens et ses variétés, de l'autre des formes
quelconques d'aliénation née9.à{l'occasion)d'excesalcqoliques.
Pareille distinction est admise^ poulies trouble5'jmentauxJa"Jo-fij
rigine,urémique. Iljeiste,,qs as de délire Itirémiquee
des,as de folieilla tout gAe,elq,qliez des prédisposé^ àiprq-og
pos.de 1.'urémie Mais la clinique ne,
de ces ,distinction s,. d'aille u rsl,l égitim es,Len, tji qrie ? t,,q peut j\
voirruneofolié urémique 'de forme £ banate,,se.compliq9F.e,,
délire toxique3 on j un. délire urémique ? pur3 se transformer peuy
à peu-en vésanie.) 9b pvcstl'saca Sno'snjoc(c·csilrct'1 iotof, ! sa
C'est unapeuçe;gui s'st.passé çhezwotre malade.L'a,ffec,
tio.p MRtA.1f,nels'est,pas bornée à. un. acces, pCssp-qriApdél'
plus ou moins aigu ;,elle a ? olué, nettement dan.losens)y ? q
confusion mentale à forme mélancolique avec idées délirantes
*,r 'iB)<<M'<'M.M mçoSoiWvjî^ ah t't ? n\<''<« ? tA .{«ghEV ih .H '
1 Spigaglia. De la folie* urémique ou /'oe.7'c'Ha<e (Genève, "1891). \K'<y\
LA PSYCHOLOGIE, EXPÉRIMENTALE .EN AMÉRIQUE. 1'Lt l
d'hypocondrieEetdepersécution.tLa suppression de l'obstacle
quh entretenait l'empoisonnelriéntuurémiqué n'a pas. suffi-àr
faire disparaîtreole,'délire; et bieniqueil'uréthrotomie ait été.'
suivie d'une amélioration, presque imi-fiédiate;le, malade '-1 trois i,
moisTaprès;7présentaitiJ encore quelques. traces de la^maladie;1
unipeuid'hébétude et de tendance aux idéeside persécution : Et -i
même au moment où jei rédige cette'note; il ne ipeut être con-.t
sidéré comme «absolument guéripsiipar guérison 1 il faut exclu-' é
sivèment entendre un retourcompletàl'étatantérieur°àla
maladie;car : le 'malade me<parait''manifestement diminuétaun
point de vue mental, et rien ne prouve^qu'il reprenne jamaisq
complètement,l'éneraie primitiveo,deo sesfacultésintellec-
tuelles-trtoo eim9TU'1 a9vj6 Sasmmsnuonoo uq 8 smaïfoo(u'I aup
'.69 nij'b sangabiq rr.q ? ? <-- ^n ,9111911 Jl atoloa 91 1 i
-ovni 91r§Ô86J ,S88r n3 .9upimàiu-oiloools gifol safl'6 "qjxifr
- yeq zsldffolà zs6 gldiaaoq gauso srnrnos Ioosls'1 L-4b Jiuiip
9sïli,tzuzsg J88'a PSYCHOLOGIE9"119 ? 0 ' acirb aanpirf : .
si 9up 9fIÛ2tli121.tR2 2(IIUfII 91(fnI9Z ohm 9upita9laa lioijn1biqlst
LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AIiGRIQUG,GIm9z,s
LE I : ,1BORATOIRE ET LES COURS DELCLARB : UNIVERSITY
fil' ab JfIgfII9Vt2lIiaX9 ta ? '"5 ? irr vrrg·0 y,U&fR3fII 291ttJ0lJ 9 ? 1 AiWORCester; .
1101,120(12(9T(i 9(IIJ'il c.Ai(LcÿRCÿST juve iup xuao 19 CIOIBOI$U
qoz3 100,916*b 292opa5nai'èei BAUDOUIV;n n9 921m eupinc23n
Jl.gq ! Cha't'gê do"miss on'aux itat3-Uirlis etta l'Exposition de Chieago.Oq 291t1ffil
29tI1' ! UÎ asb 9't,iü6'1 et) .29f91T6V aga ta 2tC9SCt9'C1 ttClSS'1f59J 91 8 fi(
hI ! tH ! ldê'arignv vient de pulier'dans 1. là*Re've ;cientifique ? P
la déscriptionrdu5lâboratoire rde-psycllôlogie expériméntale-de
l'Uni ? rsité'de'Madiso411 ne Fa'pas'visité'sur p)ace7 a'Madi ?
son1,1 (Wiscbnsin)V,'vinè 'situéêtaugnoi·dTde3Chicââôétdâns'l'
laquelle' no'usln'avôns pas>cruf devoir1 nous a'rÏter 1 nus ? Màaie q
(l'Université3 de 1\Yisconsin,|n'ayànt,'qu'unef école 'préparatoire'1 1,
aux1 études^médicales^et' la9 ville ne possédant pas' d'autre ?
facultés de médecine); et s'est contenté de'décrire'l'exposition'de'' l'
ce laboratoire à Y Anthropoloqical 13uildzizg de la'PFo'M's Fair. '"
Aÿântreûl ôccastond'étûdteî'-sur les lieux)mèmesà Wor-
cester;eritr : é' : Bôston'éta New-I'orh'; ûn 1 autré ·labot : atoires de it
cester]fentrë>'Bôstonï'et3New-Yûrk7cunIautre3laboratoire'IdeIJ
psvbhologiê'ex'périméntale>1dont M1/- H ? de-Varigny cite à peiner
aiamzsb a9Mbt osvs 9upilooaslêm smio3 9tsznqm noleu3ao
' H. de Vari.-II3,. Le laboratoire de psychologie expérimentale de
l'Université de 3ladison : · in'7 ! eu..S'C ! 'e ! ii., l9,mai189É. n 1
! 2 .U5rtT1JId6 'rT8 g,1 PSYÇLIOLO(31E1 jJf,0J(llw,.n Ad
le nom,celaide, Clark liniuersily, je crois utile,- en .raison, de
1 importance qu désormais acquise cet institut et de la grande
renommée de^son,chef, d'enldonner un bref aperçu. Je, m em- 1
presse d'ajouter que je souscris d'ailleurs àj'avance,, à1, toutes
les remarques,de,mon éminent confrère et que, loin de vouloir
icritiquer lesjréflexions,3qii accompagnent, son intéressante
description, je n'ai qu'un but, celui de la compléter; en faisant
- tajn 3u ? irW L, « 4v'iaE tas JnMAi anl=i<1-ttcl, .'ëhij ? t ?
connaître ce que j'ai vu dans une jeune université, presque
complètement ignorée dans notre ''pays jusqu'à ces derniers
temps ? ' , ' - ? ? ; ` J* .
Il y a quelques années, Clark University n'existait pas ; et
déjà la : voilà florissante ? C'est 'que les, universités, en'Amé-
rique, naissent et croissent comme des villes 2 : ... ; . . ;
- - Clark Universily est un établissement3 qui par ses tendances,
.représente assez bien, une université, telle que nous la com-
prenons en France; mais il n'y a, pour l'instant, que deux
facultés : celle des sciences et celle des lettres., En réalité, elle
comprend- aujourd'hui,cinq,départements,tcomme on dit en
;" "h F. it y i . - 1# , 1, e CI 4tm,4n(j9'7'^ A i), ( 4 , ,4 1,is . rtn v t . 1
',Comme I. de Variny, j'ai vu Har,,vard University et comme
lui, je n'ai pas eu l'occasion de visiter le laboratoire de psychologie
expérimentale'4dé dirige M.'le D' Hugo Mùnsterberg. Je le crois un peu
plus important que celui de Clark University., i ni u gin1 ,,ialr3 ,i
,1 Une seule preuve : quatre de(ces, institutions,- et, des,plus impor-
tantes, viennent d'être fondées en cinq ans : Clark à Worcester, l'Uni-
versité catholique à Washington, l'Université Stanford à San Francisco,
une merveille, et enfin celle de Chicago, toujours' en voie' de construction.
' Naturellement, c'est une institution absolument privée; elle, a été
ndé"par 31. Jonasa. Clark. ;q,f. ? ? , 1 - l 2f,p ? .>, lit
Fig. ].-Plan des bâtiments, actuellement construits, de Clark University
44 ? "TV'aJ- ! à .Worcester. ! ^jfy ? 4&^ "'^,{
I, Laboraloire de psychologie* expérimentale; 2, Laboratoire'de chimie.
'' '' ' £ ? " f " ... -- , î'i ' î z
LA. PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE. 13
merique . 10 mathématiques; 2° physique; 3° chimie; 4°bib-
logie; ! 5"hs-clïlcigie ? (Ilîi'ÿ'â actûellémentrnP'facultéide
théologie, 'ni*' faculté* de' droit1 nir faculté ou°école^de méde-
cirié0el'de', pharmacie.) ? 11^h ? ^iam S[ anp tJu /; b 32a y
^Elci ? èâiapûs' dè°l'univer'sitéést3à` une'certaineldistance;sà à
environ un mille demi' dû éintê"'dê -17cité, au; nord
de Main* Stréet(g ? 1). Deux "grands bâtiments sont désormais
construits, dont le plus récent est réservé à un institut chi-
mique de'premier'ordre ? L'autre; quücomprendles'spartles
rattribüées'à' l'administratinn ? rénferme les' ! magnifiquesi instal-
lations du laboratoire de psveliologie physiologique du pro-
fésséur'G ? S',tânléy, Hâll. 0û y,' trôûve âûssi des laboratoires de
....n ., c r, 1 ? J 1 î. v 1 ' W ., '1,1(1 j 1 s ] ? n mi
'physique et de, biologie,, d,une importance, moindre (fig^ ? ) ?
Il faut, lors d'un voyage) scientifique aux Etats-Unis, 1 abso-
lument consacrer-un jour/uniquement pour-îles, départements
de çhjmie'Jet surtout' de- psychologie' expérimentale1 de Clark
;,Ùniâéysilÿ ? Ce' qu'on peut y apprendre, causant ave 0 M ! 'G.
, .-....K ? l ? }( ? J ? <........ttu.<J,.<tf)39n ! L'f)f.
'Les armes de cette université sont'constituées par* un. livre -ouvert,
au-dessus duquel rayonne un soleil, avec ces mots : Fiat l2cxa ?
-1 t ? ?
- " 2.1, ' - Le ? P ? " e ye e*éxîériinéii*tli àClali Uiiie -sity
«XLi" J-ageagf t de Psychologie expérimentale a'Clark University.
Il t sraBJ8ff' l WrpE ,t 1- ( ie 8 ACfT 9,lirSfii 4 1 c ,7û()ffnll 1
14 3tlUliittll )''a H.IPSYUOLOG1E. lUO,lOH r12" AI
Stanley Hall; président de l'université et professeur'de psycho-
logie,*fort au courant'des travaux- français;1 et y'voir,€eh,Epdr
courant ces immenses salles," déjà;luxueusement aménagéesen
appareils de précision'pour l'étudè"'déà'ëèntre3 'nerveux, vaut
rr ? io..n t p.,H. ', , 1e iw r ? Mt ? Y ? i , >»i'i)n
certainement la peine d un arrêt entre ew- aven et Boston.
, ay le rr : y rrrrr, 1·s rW <It, à ...
C'est évidemment la un centre de haut enseignement en voie
.. r ? HMI ? . -III - ? > ? -. -, " ? ? lO .l«l'IH\',ltl/-t ^*
dèfôrmâtiôn;'ët`i1J peut nourrir. 1 espoir d'atteindre un. jour
Ht a'11 ? n.ttja ,tt'L ? ( ? 3 .'... ? ....n ? Jj).
les hauteurs les, plus, élevées ? dé` la soienlele, iq a .gjnoe ? ) l
sont; les.cours, e psyçlioloâiëet le laboratoire* de
psychologie expérimentale, que je. veux étudier ici ? Aussi bien le
savant serait-il frappé de la richesse'et de l'installation' du labo-
ratoire de 11. `Hall, de la7 naturealdes travâuxoriginaûx' qili'v
ont été faits, des idées qui y ont cours. C'est certainement-un
des modèles dut;enre `·Il serait à souhaiterque'notre labbra-
toir'e'de psychologie physiologique de la Sorbonriel; qui'dépend
de l'École pratique des Îia-iitês'Et'ûdes ? fût--dûs-s'i'àb6lidà'm'iï;en'nt
Villen'appareils variés`'et enrinuvëns°d'étüdê`âûssi`perfec- ? f. ? ) jb 9D 9mat(t(nq et gqloag no)JHMuB,)u ? t.jujuat
tl0nnés9d ? Jb sb 9m9ldoiq 91 ^iloaa'aao noiJBemB*v)o ,.i1J0ju91>i
4tr'tif1'1Ua) ,CI aiuaaaaloil .(an ! B')h9mA %9' tnc ! aanoizzsq <up)
Le Department of Psyrhology de Cla It'Uriivé)`sitÿ ? dalé `de
1889 et comprend l'anthropologie, la neurologie et l'éduca-
tioi7^'Lerchef deL7cet'»énsei-neient'est M ? Hal),'ancien élève
'd'Haîwàrd·Universityiett ancien profésséur"dévpsÿchôlôgië 'à
Johns'Hopkins ,Uriiversityrà,BaUimofe'êt à l'Université7 de Mi-
'chigan àAnn`Arbôr. Il* isU'à's ? tél'par S 1. plusieuryprofesseurs
suppléants',1' qui ! seepartagPnt`·lesconrs : 9les' uns-sont' assis-
tants les àutres'Jéllows,1 instructôrs, dôcents, oû schôlers, etc.
%l Voici1 d'ailleurs' le programme des co rs e psye ologie de
cet institut 'pour 1893 : ° 0 glrjga j,l osq jsan ,a^"H°*^MS
- atrr,tav4do'h J9tU3 qmrnoo 3bslctrr
, ,1 flntomieét physiologie du sqsteme nerveux, (cerveau,, moelle
'etorpanes des sens). (Exercices de laboratoire .dans.une sallespé-
'ciale.)'Professeur" : M' 1 le le ` Hôd,;è,'âssistant. . Ï ., iltt 141 4
e. '^Professeur' : M.1 le D1' HÔdgV'assb^
*i -2° - Psljcholbgié^'jphysiolbgiqùP'eb^ eîpiïnmewta/e/'cbmpréhant1 les
'réflexes,'le' sommeil,'1 l'hypnotisme}' l'aùtomotismeles témpérà-
ments, etc. (Laboratoire particulier pourtl'étude'desipliéuomènesde
la mémoire et de l'attention). -- Professeur . 31. Sanfoéd, assisLa7nt 2. ? < «onlo ? vrlii 311 »<* 9rmntRMt t"3 a'9 ? tTB y'iRVBtl eb '"loi
' Cf. A. Binet.7)t'onc< ! OMa h la Psychologie expérimentale. Alcan,
189r ? Je'posst·,de, en1 outî-ëf* qu'elqùes documents' sur les 'installations ! de New-l'orl,' '4 New-Ilaven,lthaca, etc. "peut-être lestferai-je connaître
un jour, puisque, de l'aveu de M. Binet,lui-mêmel(1y16),,onl`l'a rien
publié en France sur ces laboratoires ? *' ' ? ,
>.>,, ...., it \ ni. ? » TJrt^ii 3,>ni*f ! 'V ail
' Un cours de psychologie' animale et comparée va être organisé sous
LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE, do ? 3°Psyçhologie morbide et anormale- : le mondeides nerveux,' les pro-
d-es; les génies, le monde des, dégénérés/, les idiots, îles criminels,
1 eàveu l.es - ? ourds -muets; les. aliénés, (les. hystériques, ales
épileptiques. les. neurasthéniques,- etc.; les, maladies de la, persoii-
nalite, etc. (Etudes cliniques à Ï hôpital, par M. üal)1 rPi ôfûsi eûr
..1..rv ' ù I", Tt ' , ? K ? ,'«» -ri- 1) aill^u i JjttHti * l
MM. Donaldson et Hodge, assistants ? ? , .....
3 4 - -Pii.1 ") re11g10nS,carts Jff.fn'y.q dû
4° Psychologie anthropologique : religions, arts primitifs, études du
développement des fonctions cérébrales chez les enfants'et les ado-
lescents, des et1c.' (Lab'o'r"atO*Lrë ,spe(,ial ? )
"4' Profeseurs : MAI : ChariZbéi'laiîi'; léètéür'; ët`I3ôas;'docênt : inv
el 5° Esthétique' et psychologie de) 1 musique,0 de la pein-
tuée' dé la littérature,* dès' phénomènes et des lois delà motilité et
de·lavolonté ? Professeurs ? IIAi : I : 41acDoûald,'docent; et Gilman,
instructeur; cj183 jg3'0 aiuoa ino y iup aaèbi agb züsi sJ9 J0"
61lldstoire de la\Psychologie et4de, Ialhilosophie, Edes,théoriez,;
scientifiques et^médicales, des, religions,, de réthique,,del'éduca-
Lion. (Cours fond.àrélital.) ? TiPr*ofesseur \IvGiStanIeyHalh·l nh
114 ."111 Vlbl"IUI» I Iûl'IJU 11' 'Î^U-.Ji.» OJ^l»..l. CV.AI Jt't ? J J.«uJ Jtt
;t4 .lit jbl-lut, , jj. Il ? pédapogie, P ? el
^^° Applications^de la Psychologie : pédagogie, liy-iène,,morale et
méntâle, oéjanisaVon des"éëoles, le problème de'la coéducation
15l tl-
(qui passionne tant les Américains). Professeurs : D'' Burnliaiti,
instructeur, etM. Hall 0\j sb ? ojopy \o)sK<\'q9 sA
-fianb.»'1 t9 aipofotuaa bt "9molortomilnF'I feii9'jomoo tf l'I3n"
q,7 ii. dHallu"çomprend lsonrrrôle,deiprofesseurl;de,Ipsyçhologie
^d'une fâçon,vraiment digne d'attention..1cné-se,'contente pas
dë fâirë,en`seignér ses élevés l'anatomie,et la physiologie, du
système, nerveux ? (. 1lescoizdu t, toiîs les dimaazches âl'la8pital
des aliénés delà ville, montre,des malades et, leur faititou-
cherdu, doigt, surle"yivant,rlesr,différéntesaffectionst de la
.mémoire,- de, la-volonté, etc..L'école de AI : Ribot;'de la Revue
philosophique, n'est pas la seule, Il on1ple ? voit ? 1à- prendre le
malade comme sujet d'observations psychologiques.....
Jil l ^' 1l "i t ? i"\t'<'" " )n'< ? Mt ? ,
Sanford, le clief de laboratoire d expériences psychofo-
-«.1- ilitx. u 'iin . -iiu'' ;i»iw ' 'in ? ', "C'^iitn. r '.<-'T ? ) '
giques, est de même. très connu en A'Ini'ériq"'ute4,' 'o ? ui)ses articles
.sur4eJF)'t<<H .J7W o f Lâiircï `l3oidgincïiz, , publiés,, en./1886-188' ? i
dans"l'Oveylzd Mozthly,iont été., très remarqués. On, lui-doit
,un nouveau' ehronoseope.nnq 'îjïU$;M)v>fli 9'tt0lA'f0(f 11 aJa ? <n<t'
s J Leineurologiste, M.'Donaldsôn; médecin'distingué; est-l'au-
teur de travaux appréciés sur l'anatomie et la physiologie des
cellules neryeuses'des"ganglipns'spinaux, sur'l'ahatomiedu
cellules^neryeuses*l'des>'gangHpnsiV'spinaux,' sur,'ranatbmie. : du
.cerveau,-etc.; il a étudié aussi le cerveau de Laura Bridgman ? la
lfameuse''soûrde=rriuette=âvèùgle,; le, sens dé .là", température,
les sensations motrices de la peau,,etc. sj, â1ri0;. nu * ? L pliipart'dé's autres professeurs sont des hommes dont. la
16 - PSYCHOLOGIE.
réputation, malgré leur jeune âge, est déjà faite de l'autre
côté de l'Atlantique. D'ailleurs, M. Stanley Hall, le grand
chef, a apporté un soin des plus judicieux au choix de ce per-
sonnel d'élite, qui le seconde de la façon la plus remarquable.' ''
On le voit ici, une fois de plus : Point n'est besoin du con-
cours sur épreuves pour assurer à une jeune Université une
phalange de maîtres du plus brillant avenir scientifique.
Le Laboratoire de Psychologie expérimentale comprend
quatre sections : 1° le laboratoire de neurologie (2 chambres);
2° le laboratoire d'anthropologie (2 chambres) ; 3° le musée
pédagogique, annexe des cours d'été, destinés aux professeurs
d'autres écoles, qui viennent à l'université travailler pendant
leurs vacances; 4° le laboratoire de psychologie expérimen-
tale proprement dit. '
Ce dernier laboratoire, le plus important, comprend quatre
chambres, situées au second étage du grand bâtiment cen-
tral de Clark University (fig. 2) : l'une d'elles est vaste; les
autres sont de dimensions plus restreintes. La grande salle sert
de laboratoire général et de salle de dépôt pour les instru-
ments. L'une des petites est réservée aux expériences chrono-
métriques; une autre sert d'atelier; la troisième constitue le
laboratoire particulier de M. Sanford. Au troisième étage du
même bâtiment, se trouve une seconde salle assez grande,
utilisée plus spécialement par les expériences publiques et
pour les gros instruments.
Parmi les appareils que nous avons pu reconnaître dans ces
appartements, au cours de notre rapide visite, nous citerons le
kinésimetre de MM. Hall et Donaldson, une création de la mai-
son ; le dynamomètre bilatéral et celui de Galton; le thermo- .
esthésiomètre ; la table de rotation d'Aubert pour l'étude du sens
de la rotation ; l'olfactomètre de Zwaademaker; le chronoscope
deHipp; le sonomètre ; le chromatoskiomètre d'Holmgren; l'oph-
talmomètre; le phacomètre de Snellen; le pseudoscope ;,l'ho-
ropteroscope de Donders ; un télestéréoscope ; l'antirhéoscope
de Hall et Bowditch, instrument américain; l'appareil d'Hering,
pour les contrastes simultanés; le neuromoebimètre de Bow-
ditch(d'HarvardUniversity); des laryngoscopes, kymographes,
métronomes, etc., etc.; sans compter de nombreux instruments
du ressort de l'anthropologie. On nous a soumis surtout des
appareils grossiers, mais ingénieux, construits sur place par les
LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉPIQUE. 17
expérimentateurs qui travaillent dans ces laboratoires, et qui
ont été imaginés dans le seul but d'élucider un point particu-
lier de leurs recherches. On m'a montré là les pièces qui ont
servi à une étude histologique des plus délicates, les transforma-
tions subies par les cellules des centres nerveux sous l'influence
de causes diverses, et je n'ai pu qu'admirer la patience et l'ha-
bileté technique du jeune assistant qui a mené à bien un tra-
vail aussi complexe.
La bibliothèque psychologique de cet Institut est aussi
digne de mention. On y trouve des collections rares, au moins
en Europe : celles de The Jloizist, International Journal of
E, thies, Journal of the Society for psycltical Researclt, Journal
of comparative 11'eurology, etc., etc.
Parmi les travaux les plus importants sortis de ces laboratoires
depuis 'quelques années, je mentionnerai en particulier : The
psychology of lime, de M. Herbert Nichols, un des fellows de
psychologie de l'université ; On the developpment of voluntary
iiotorability, de M. W"* L. Bryan ; The study of childei-n at the
state normal school at Worcester, parHarlowRussnell; A micros-
copicalstudy of changes due to fu2zetionalactivity in nerve celles
(1892), de M. C. F. Hodge, dont je citai à l'instant les belles
préparations ; An lal oratory course in physiological Psycho-
logy, séries d'articles de M. IeD''Sanford, parus dans l'Am.
Journ. Psych. (vol. IV et V) ; et, du même auteur, A new visual
illusion, in Science, 17 fév.1893; Illusions of memory, in
Scribner's Magazin, 1892, de M. Burnhads; de M. J. H.
Leuba : An instrument for demonstrating Weber's law in star
magnitudes, in Am. Journ. Psych.; On facial vision and the
pressure sensé of the drunz of the ear, de M. Fletcher B.
Dressler (idem, 1892), etc., etc.
Il s'agit donc là d'un véritable Institut de Psychologie expéri-
mentale, qu'on pourrait comparer à notre Ecole d'Anthropo-
logie de Paris, qu'une université aurait incorporée. C'est d'ail-
leurs Clark University qui publie la revue, très appréciée des
hommes compétents, l'Anzericazz Journal of Psychology, dont t
M. Hall est le fondateur (1887) et le rédacteur en chef, et qu'a
signalée M. H. de Varigny. M. Hall dirige encore The Pedago-
gical Seminary , importante revue consacrée aux questions
pédagogiques depuis 1891.
Les élèves, suivant ces cours de hautes études, étaient en
1892 au nombre de 18 seulement; ils les fréquentent trois ans
Archives, t. XXVIII. 2
18 HISTOIRE ET CRITIQUE.
et deviennent ultérieurement des, professeurs spécialisés, très
recherchés par les divers collèges.
Je suis convaincu que ces quelques remarques sur Clark
Universily, sur ses cours et ses laboratoires de psychologie,
suffiront à montrer quelle impulsion un professeur de talent
peut donner à une institution', quels résultats un homme de
grande énergie peut atteindre, quand, soutenu par des dona-
teurs généreux, il est simplement guidé dans son entreprise
par l'amour de la science et des idées personnelles, toujours
originales. N'est-il pas regrettable que de tels hommes ne
puissent jamais dans notre pays faire ainsi preuve de leur
vigueur morale, de leurs qualités d'organisateurs ? Mais quel
est le système qui n'a pas ses défauts... et il faut reconnaitre
que celui des Américains est loin d'en être dépourvu. L'idéal
serait peut-être de concilier les deux procédés, celui de l'An-
cien et du Nouveau Monde; mais je doute fort qu'on y par-
vienne jamais chez nous.
histoire ET critique
BARBE BUVEE
EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRETENDUE
POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1658-1663).
(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque
nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)
Par le De Samuel GARNIER,
Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon.
V. L'Information du commissaire Legoux fut absolument
étendue et complète, puisqu'il entendit jusqu'à soixante-dix-
sept témoins. Son objectif était de dégager la vérité de ce
' La première réunion de l'American Psychologicâl Association a eu
lieu à Claik University, de même que, en 1892, la réunion annuelle de
1 ! Association des directeurs d'asiles d'aliénés.
BARBE BUVÉE. 19
qu'il soupçonnait, et, pour cela, il s'enquit soigneusement de
tout ce qui concernait Barbe Buvée . Ses investigations
s'étendirent à tout ce qui avait pu donner crédit à l'accusation
de magie, de sortilège et d'infanticide. Il n'eut garde d'ou-
blier que l'éloignement du monastère du prêtre Nouvelet
avait été causé par les tentations charnelles qu'éprouvaient .
pour lui huit religieuses, et en scrutant la conduite de cet
ecclésiastique avec ces ' religieuses, afin de découvrir si les
tentations précitées n'avaient pas eu de suites fâcheuses, il
fut aussi appelé à examiner la conduite des autres exorcistes.
Il arriva ainsi à établir les preuves testimoniales d'un com-
plot fait pour perdre Barbe Buvée, de la supposition cer-
taine contre elle des crimes d'infanticide, de magie et de
sortilège, et du mensonge de la possession des religieuses.
La conduite des exorcistes ressortait dé tout cela d'autant
plus suspecte qu'il découvrit en outre des indices de la gros-
sesse de soeur Marguerite Jamain et des présomptions contre
d'autres.
Les déclarations des religieuses prétendues possédées et
des autres concernant la magie, le sortilège, les actes lubri-
ques et les prétendus accouchements imputés à soeur Buvée,
soigneusement recueillies par le commissaire déjà muni des
procès-verbaus de l'official à cet égard, furent trop impor-
tantes pour qu'il ne soit pas indispensable d'en donner dès
maintenant une analyse aussi courte que possible, tout en
étant complète. En montrant en outre, à l'aide de faits tirés
de la procédure de AI. Legoux, combien il y eut de superche-
rie et de mensonge, du côté des prétendues possédées et des
exorcistes, nous justifierons ainsi amplement les convictions
qui inspirèrent au Parlement la sentence rendue dans cette
affaire, et les conclusions médicales elles-mêmes de cette
époque.
La première déposition fut celle de Marie Borthon, qui se
crut possédée dès 1658. Elle raconta que soeur Buvée devait
avoir commerce avec les démons puisqu'elle avait reconnu à
ses yeux qu'elle-même était possédée. Puis elle ajouta que ' 1
« les baisers reçus de la soeur Buvée lui causèrent « de
grandes tentations contre la pureté pour Nouvelet » et qu'elle
lui avait fait « des attouchements par dessus les jupes », ce
1 Fonds français. Manuscrit « Preuves qui résultent, etc. N° 18696, folio 147,
Bibliothèque nationale.
20 HISTOIRE ET CRITIQUE.
qui lui persuada que ces pratiques avaient fait rentrer dans
son corps les démons qui en étaient sortis. 1 1
Pierrette Boillaut déclara qu'ayant coupé des manches
dans une vieille tunique de soeur Buvée pour remplacer les
siennes, elle souffrit, après avoir mis ce vêtement ainsi réparé,
de grandes tentations de la chair.
Marie de Laramisse déposa que soeur Buvée étant venue
assez souvent, dans sa chambre, allumer sa lumière, elle fut
persuadée que les maux de tête et de ventre dont elle eut à
souffrir ensuite provenaient de l'influence mauvaise de cette
soeur; et elle le crut d'autant mieux qu'elle ne pouvait lire
son office dans son livre quand soeur Buvée avait eu occasion
de s'en servir. ,
Gabrielle Jamain, novice, se plaignit de douleurs d'estomac
et de coliques provenant de ce que la même soeur lui avait
soufflé dans la bouche et mis la main sur la gorge. Elle
raconta ensuite avoir vu, par une fente de la muraille, dans
la pièce où soeur Buvée était détenue, celle-ci en compagnie
d'un bénédictin appelé dom Claude; mais ne put décrire le
vêtement de ce dernier, à l'exception de son scapulaire gris
brun.
Charlotte Joly, professe depuis une dizaine d'années,
déclara que, depuis cette époque, elle était tourmentée de
visions' « de spectres, de lions, de bestes affreuses qui avoient
de longues queues », et que, depuis la même date, il lui
venait des pensées de désespoir contre la religion, le Saint-
Sacrement ; elle dit aussi qu'en 166o, étant en compagnie des
soeurs Borthon et de Malo, vers six heures du soir, elle vit la
soeur Buvée en même temps dans deux endroits différents, et
dans l'un, le diable Asmodée en forme de singe en feu (cette
déposition ne fut pas confirmée par les deux autres témoins
qu'elle citait). Elle ajouta qu'elle avait aperçu soeur Buvée et
soeur Gabrielle de Malo 1 « se baiser la langue à la bouche »
et mentionna, devant l'official qui leva tous ses scrupules,
qu'elle les vit, la main sous leur jupe, se faisant des attou-
chements réciproques; que du reste la soeur Buvée voulut
la baiser et lui mettre la main sous la guimpe ; qu'enfin deux
prêtres apostats de Genève heurtèrent un jour la fenêtre de
cette soeur et décrivit le costume de l'un d'eux.
' Manuscrit n' 18696, loc. cit., folio 148.
2 Id., loc. cit., folio 149.
BARBE BUVÉE. 21
Soeur Marguerite Jamain imputa à soeur Buvée les tentations
d'impureté, de désespoir et d'impiété dont elle se disait assié-
gée, et prétendit avoir souffert plus de cinquante fois' * les
accouplements des démons et des sorciers; qu'ils se sont
servis, pour la violer, de bâtons, de linge >, et qu'en ayant
trouvé dans son lit, elle les a jetés au feu. Elle affirma que
soeur Buvée lui avait fait de sales attouchements, l'avait solli-
citée de se faire sorcière, en lui disant que, bien qu'elle'fût elle,
même la reine du sabbat, elle se soumettrait à elle; que le
diable Asmodée prit une fois, dans le choeur, la forme de soeur
Sainte-Colombe, et que celle-ci l'obligea d'appeler Asmodée
en ces termes : « Viens, mon coeur; viens, mon amour; tu es
ce que j'aime le mieux . Elle dit en outre' qu'étant au choeur,
elle avait vu une fois la même soeur Colombe qui communiait
retirer de sa bouche l'hostie pour la mettre dans son mou-
choir ; que l'ayant suivie, quand elle fut rentrée dans sa
chambre, elle l'entendit raconter à un homme qu'elle venait
de prendre le Saint-Sacrement pour causer des peines d'impu-
reté dans le couvent, et enfin que, dans la nuit qui suivit,
soeur Buvée lui apparut 3, « tenant d'une main l'hostie » déro-
bée le matin « sur laquelle il lui sembla voir d'un côté la
partye honteuse d'un homme », et de l'autre un crucifix dont
le Christ portait « un des bastons desquels les sorciers et les
démons se servoient pour commettre sur elle des actions
impures », ce qui lui fit pousser d'horribles blasphèmes. Elle
ajouta que, lorsqu'elle communiait elle-même, ayant en sapes-
session des images pieuses ayant appartenu à soeur Buvée, elle
s'imaginait que Notre-Seigneur prenait la forme d'un homme*
« pour commettre sur elle des actions impures et qu'à l'ins-
tant elle les ressentait D : que les deux prêtres apostats qui
apparaissaient dans le couvent' luy ont mis des hosties
consacrées dans les partyes » et s'accusa elle-même d'avoir
brûlé des crucifix, des images et proféré des blasphèmes
contre Dieu et la Vierge.
Sur les observations de M. Legoux, qui s'était d'abord
refusé à insérer tout ce qu'elle avait dit, en l'invitant à l'écrire
' Manuscrit n° 18696, loc. cit., folio 149. '
2 Id., loc. cit., folio 15 o.
' Id., loc. cit., folio 1 50.
* ld., loc. cit., folio i 15 o.
Id., loc. cit., folio 1 50.
22 HISTOIRE ET CRITIQUE.
elle-même, soeur Jamain répliqua avec colère qu'il fallait
rédiger toutes ses déclarations, qu'elle ferait ses plaintes, s'il
en était autrement, de ce qu'il avait cherché à l'intimider, car
il était nécessaire que tout cela fût connu.
Soeur Françoise Borthon, dite de la Trinité, professe,
déposa qu'ayant dérobé quelques images de piété à soeur
Buvée. elle ressentit aussitôt des tentations violentes contre
la foi et la religion et se mit à proférer des blasphèmes. Elle
raconta également qu'un jour, dont elle ne put préciser la
date, le diable Asmodée lui apparut sous forme d'un homme
de cour, aux cheveux blonds et bouclés, vêtu de drap noir de
Hollande, qui la viola sous la galerie, et dit en riant qu'on
peut vérifier qu'elle est déflorée. Puis elle continua sa dépo-
sition en assurant qu'une nuit, dont la date lui échappait,
soeur Buvée s'était montrée à elle accompagnée de deux prê-
tres apostats, César Auguste et Macaire, et lui avait dit : « Tu
es enceinte, il faut te délivrer pour sauver ton honneur ; »
qu'aussitôt la même soeur lui avait mis « la main dans les
partyes, les lui ouvroit de force et luy fit rendre quantité de
sang clair et en caillotz ». Elle déclara en outre, que souvent
elle sentait quelque chose qu'on lui mettait « dans les partyes
comme un fer chaud » ; que dans les agitations de l'exorcisme
les boyaux lui sortaient du ventre « par les partyes », mais
que son exorciste duquel elle expérimentait « tous les jours
les secours, les rétablissait en un moment » ; qu'elle n'a fait
ses plaintes qu'au sieur Bretin, son exorciste, e de ce que la
soeur Buvée lui avoit déchiré les partyes honteuses, et ne les
avoit faict voir ny au chirurgien, ny à l'apothicaire, parce
qu'elle a creu que son mal provenoit d'une cause extraordi-
naire, l'exorciste seul pouvant le guérir @,; qu'enfin la soeur
Colombe la fit asseoir une fois sur ses genoux et lui mit "-
« son doigt dans les partyes comme un homme aurait faict D .
Humberte Borthon, dite de Saint-François, soeur de la
précédente et encore novice, raconta qu'un jour, dans une
chambre de la communauté, un sorcier nommé Poitrin se
présenta à elle et que, sur un signe fait à ce sorcier par soeur
Buvée qui était présente, elle tomba « comme pasmée »
pour demeurer en cet état depuis dix heures jusqu'à mi-
1 Manuscrit ne 18696, loc. cit., folio li2.
' Id., loc. cit., folio 152.
' Id., 'ce. cit., folio 152. ,
BARBE BUVÉE. 23
nuit; » que pendant ce temps, il lui sembla c avoir esté trans-
portée en enfer » où elle vit tourmenter des âmes par des 's
choses affreuses « des lions, des ours, des chiens et autres
semblables ». Elle dit également que les démons « l'avaient
violée avec des boyaux a ; que soeur Buvée lui avait mis « un
serpent dans les partyes >, lui avait déchiré « la matrice i, ce
dont son exorciste Denizot l'avait guérie et qu'elle l'avait
« baisée » et s'était mise sur elle comme un homme sur
une femme. Elle déclara qu'elle souffrait lorsqu'elle avait des
images appartenant à soeur Buvée, des tentations d'impureté
pour cette soeur; que celle-ci lui ayant touché la mâchoire,
attacha ainsi à sa personne le démon Herpha de la compa-
gnie de Mélifa; que dom Claude, bénédictin, lui mit la main
sur la langue pour l'empêcher de faire des plaintes à la supé-
rieure ; que soeur Buvée lui proposa un jour le mariage avec
un prêtre apostat, et que, sur son refus, la même soeur lui fit
des menaces à la suite desquelles elles ressentit à l'estomac,
où les diables s'étaient sans doute retirés sur l'ordre de soeur
Buvée, des douleurs vives que son exorciste Bretin réussit à
calmer en y mettant la main.
Soeur Gabrielle de Malo rapporta de son côté avoir
entendu heurter aux fenêtres de soeur Buvée pendant la nuit
et celle-ci répondre : « passez par la cheminée, » mais qu'elle
ne vit personne; que cette soeur la sollicita un jour de se
faire sorcière et empêcha une fois, en lui touchant les lèvres,
l'effet d'une médecine, jusqu'à ce que son exorciste appelé
eût détruit ce maléfice. Elle confessa avoir eu des tentations
de'désespoir, avoir brûlé des images, voulu se jeter dans un
puits, et avoir souffert. du fait des sorciers et des démons,
des choses que la pudeur lui empêchait de spécifier, comme
par exemple d'avoir vu, lorsqu'elle communiait des repré-
sentations déshonnêtes.
Soeur Jeanne de Malo raconta à son tour que soeur Buvée
lui avait soufflé dans la bouche pour lui faire des incanta-
tions ; qu'après être rentrée en possession d'un reliquaire
prêté à la même soeur, elle fut tentée de se faire sorcière;
que les démons lui ont dévoilé qu'en 1635, soeur Buvée s'était
fait recevoir sorcière à un sabbat où Asmodée tenait la place
de Lucifer, que la réalité du Saint-Sacrement n'était qu'un
conte, et que soeur Buvée ne tomberait pas sous le bras
' Manuscrit 18696 B.N, lor. cil.
24 HISTOIRE ET CRITIQUE.
séculier. Elle reconnut avoir eu des pensées d'impureté,
comne par exemple que la Vierge n'était qu'une femme qui
avait fait un enfant qu'elle aurait ensuite étouffé. Elle affirma
aussi que les démons s'étaient servi de boyaux pour com-
mettre sur elle des actions impures, lui ' avaient fait des
attouchements et souffrir des' choses que la pudeur lui
empêche de dire; que lorsqu'elle communiait à proximité de
soeur Buvée, elle ne pouvait consommer les saintes espèces
ou croyait voir « ' un spectre impur d'homme et un de femme
qui commettoient des actions déshonnêtes » ; qu'enfin elle a
vu soeur Buvée faire sur elle « des regards et des attouche-
ments impurs », sans pouvoir en indiquer la date; que le
père Macaire a été envoyé pour lui causer des peines d'im-
pureté et des doutes qu'elle ne peut exprimer, contre la foi
et le Saint-Sacrement.
Anne Piron déclara que les démons lui avaient suggéré
que soeur Buvée était la cause des maux du monastère, que
les mêmes démons et les sorciers lui avaient fait souffrir des
choses que la pudeur l'empêche de dévoiler; que soeur Buvée
a voulu la baiser et mettre la main sous sa guimpe.
Lazare Arnier fit au sujet de Barbe Buvée les mêmes décla-
tions, puis elle ajouta que trois jours avant la procession, le
jour de Saint-Simon et de Saint-Jude, elle savait que soeur
Buvée serait accusé de magie et de sortilège. Elle se reconnut
de plus coupable d'avoir proféré des blasphèmes contre
Dieu, d'avoir, chanté des chansons contre la Passion, dit que
saint Joseph n'était qu'un charpentier, que la sainte Vierge
était une femme comme une autre ayant eu deux enfants,
dont l'un, celui qui avait été crucifié, n'était pas le fils de
Dieu, afin, disait-elle, de décharger sa conscience, ajoutant
qu'elle avait aussi brûlé des images de la Vierge, l'ayant
crue sorcière, et prenant Jésus-Christ son fils pour le grand
sorcier du Sabbat.
Soeur Jeanne Jurain déposa que soeur Buvée, depuis son
retour de Flavigny, n'était plus la même, répondant avec peu
de respect aux supérieurs, et plusieurs religieuses affirmèrent
qu'elle ne faisait pas les génuflexions imposées par la règle,
qu'elle s'abstenait souvent de chanter au choeur, et, qu'aux
récréations elle pinçait ses compagnes par-dessus la jupe.
1 Manuscrit n" 18696, loc. cit., folio 154. Bibliothèque nationale.
BARBE BUVEE. -là
Henriette Cousin se plaignit qu'en déchargeant un jour du
foin, soeur Buvée la fit tomber, la baisa et qu'elle sentit sa
main proche de son genou. Elle prétendit en outre qu'un jour
où elle était alitée à l'infirmerie, la même soeur lui mit la
main sur la gorge et la baisa; que protestant contre un tel
acte, soeur Buvée répondit alors qu'elle croyait baiser une
image.
D'autres religieuses firent grief à Barbe Buvée, devant le
commissaire, de ne pas employer un temps suffisant pour sa
préparation à la communion ou pour ses actions de grâces.
et d'avoir été communier après avoir dit un mensonge. Elles
racontèrent que soeur Buvée avait avoué que son ange
gardien était Trigory, tandis que c'est un diable qui possède
soeur Piron.
Un témoin déposa avoir entendu dire que soeur Buvée avait
écrit au curé Borthon, avec du jus d'oignon, des vers remplis
de termes d'amour. Un autre déclara que Barbe Buvée avait
donné une cédule au diable, signée de son sang; une autre
enfin avoir entendu dire à soeur Colombe que les sorciers
prenaient les hosties consaciées dans les ciboires, et les por-
taient au sabbat. Soeur Marguerite Jeannel, supérieure,
raconta avoir reçu des plaintes de baisers et autres actions
impures commises par soeur Buvée sur d'autres religieuses,
mais répondit au commissaire qui lui demandait si elle avait
informé les supérieurs de la maison, ou si elle avait infligé
des pénitences à cette soeur, qu'elle n'avait pas cru devoir le
faire parce que tout s'était passé en secret. ,
Bien que les accusations d'infanticide eussent été, comme
nous l'avons vu, désavouées à la plaidoirie de la cause par
Seuguenot, avocat du promoteur de Salin, les informations
du Commissaire portèrent néanmoins sur les prétendues
grossesses de Barbe Buvée; en effet les religieuses persis-
taient à dire qu'elle avait eu, des accouplements des sorciers
et des magiciens, deux enfants qu'elle avait fait disparaître.
Or, il n'y eut aucune preuve des crimes d'infanticide-, ni de
signes de grossesse antérieure. Du reste, on ne put jamais
dire en quelle année, ni en quel mois, Barbe Buvée était
accouchée. Tout se borna à des propos malveillants, émanés
de servantes ou de religieuses racontant avoir entendu dire
qu'elle avait fait un enfant à Flavigny, lui avoir vu le ventre
et les seins volumineux, mais à des dates qui variaient entre
2(j HISTOIRE ET CRITIQUE.
elles de un à quatre ans. L'une disait que voyant soeur
Buvée demander des potages au lait. elle crut que c'était une
envie de femme enceinte ; l'autre expliqua. de son côté, qu'elle
l'avait supposée enceinte, en la voyant vomir le matin avec
effort. Une troisième déclara qu'ayant frictionné les jambes
de soeur Buvée, elle eut l'idée qu'elle voulait ainsi se procurer
« l'abord' ». Une quatrième fit remarquer que soeur Buvée
avait demandé du linge plus souvent qu'à l'ordinaire, qu'elle
marchait plus difficilement à un moment donné, que sa pos-
ture au choeur était celle d'une personne qui a le ventre gros ;
tous motifs pour elle de la croire enceinte, d'autant plus,
qu'après une médecine, son ventre parut diminué. Une soeur
infirmière raconta bien que soeur Buvée fut saignée et resta
à l'infirmerie pendant quelques jours, sans pouvoir affirmer
si elle eut une perte de sang ; mais le chirurgien ordinaire
des Ursulines, Pierre Borthon, déposa qu'il ne l'avait saignée
que cinq fois pendant les neuf dernières années, et toujours
avec des intervalles de sept à huit mois.
Deux autres religieuses parurent citer des faits plus signi-
ficatifs en apparence : la première, Gabrielle de Malo, en
déclarant avoir vu soeur Buvée tenir à la main un vase "
« dans lequel il y avait du sang », alors qu'elle sortait de sa
chambre, vers onze heures du matin ; .la seconde, Marguerite
Jamain, en racontant qu'en hiver, à quatre heures du matin,
étant allée à l'oraison et se promenant dans le jardin pour
prendre l'air, elle avait aperçu du parterre où elle était, soeur
Buvée ouvrir la fenêtre de sa chambre et verser un vase'
« rempli de sang dans lequel il y avait une peau qui s'attacha à
la muraille ». Mais outre que ces deux dépositions n'avaient
point de conformité entre elles, l'une parlant de onze heures,
l'autre de quatre heures, et soeur Buvée sortant ici de sa
chambre le vase à la main, tandis que là elle le versait par
la fenêtre, on s'expliqua difficilement comment soeur Colombe
pouvait se trouver dans sa chambre et non pas à l'oraison
puisqu'elle n'était pas malade, et en outre, la possibilité de
distinguer du sang à quatre heures du matin en hiver, à la
distance indiquée.
La même Marguerite Jamain répéta devant le. Commissaire
1 Synonyme d'avortement.
* Manuscrit 18696, loc. cit., folio 14. ,
1 Id., loc. cil , folio 14;.
, BARBE BUVÉE. 2T
le récit qu'elle avait fait devant l'official, de l'accouchement
de soeur Colombe auquel elle disait avoir assisté pendant le
carême de 1660, alors qu'elle couchait dans une chambre de
communauté avec quatre autres soeurs, sous la surveillance
de soeur Julienne Surmain. Elle avait déclaré à l'official avoir
vu soeur Buvée descendre par la cheminée avec deux prêtres
apostats vêtus, l'un d'une soutane de camelot de Hollande,
l'autre d'un surplis et d'un bonnet carré, et quelques femmes
qui l'accompagnaient, puis s'asseoir près du feu de la che-
minée pour y accoucher d'un enfant qui fut reçu par l'un des
prêtres. Elle avait prétendu que l'autre prêtre, s'étant
approché de son propre lit, avoir voulu l'obliger à recevoir
ce nouveau-né, ce qu'elle avait refusé de peur qu'on ne crût
qu'il était à elle ; qu'alors soeur Colombe l'avait menacée de
l'en faire repentir et de lui'faire souffrir les douleurs de l'en-
fantement ; qu'aussitôt elle avait été prise de coliques et
d'une perte sanguine de trois quarts d'heure; que s'étant
levée, elle avait trouvé dans son lit une pièce de chair ou de
sang caillé, gros comme le poing, qu'elle avait jeté dans le
feu, sans le faire voir à ses compagnes, et en l'absence de
soeur Surmain qui s'était rendue à matines. '
Dans sa version devant le Commissaire, Marguerite Jamain
introduisit des variantes très suggestives. Au prêtre apostat
du premier récit, elle substitua un dom Claude, bénédictin,
par un ressentiment évident de ce que le P. Joseph, béné-
dictin, qui l'avait exorcisée, avait déclaré à son sujet, qu'elle
n'avait donné aucun signe de possession. Au lieu du prêtre-
qui avait accouché Barbe Buvée, elle déclara au Commis-
saire que ce fut une villageoise. Devant l'official, l'accouche-
ment avait eu lieu près de la cheminée; devant le commissaire
ce fut sur un matelas apporté à cette intention. Même con-
tradiction pour la perte de sang, qui, de'trois quarts d'heure
devant l'official, eut une durée d'une heure et demie devant le
Commissaire. Marguerite Jamain avait ensuite affirmé à l'of-
ficial avoir trouvé, dans son lit, une peau de chair ou de sang
caillé ; de peur qu'on ne pût en tirer des présomptions à son
désavantage, elle dit au Commissaire l'avoir trouvée près du
feu, à l'endroit où Barbe Buvée était soi-disant accouchée.
D'autre part elle lui déclara, sans en avoir parlé à l'official,
que soeur Colombe, lui ayant apparu une nuit, l'avait me-
nacée, si elle déposait qu'elle lui avait vu faire un enfant dans
28 HISTOIRE ET CRITIQUE.
sa chambre, de dévoiler à son tour qu'elle en avait eu un de
Pelletier, son exorciste. Or, comme depuis sa déposition
devant l'official, elle fut avisée que plusieurs religieuses avaient
déposé sur des remèdes employés contre une prétendue
hydropisie dont elle aurait été jadis malade, on put en inférer
que cette adjonction lui fut conseillée dans le but de détour-
ner les soupçons, et par surcroit, y voir une preuve indirecte
qu'elle imputait, dans ce cas, à soeur Buvée, ce qu'elle-même
avait fait. Les remèdes employés contre la dureté de foie et
l'hydropisie que trois religieuses prétendaient avoir été' la
maladie de Marguerite Jamain, donnèrent aussi matière à
réflexion. Par les dépositions des chirurgiens Borthon et Des-
moulins, on établit qu'elle avait été saignée cinq fois (dont
trois fois en octobre-novembre), la première datant de juin, ses
époques étant arrêtées depuis la même date, et qu'à la der-
nière saignée, les règles parurent (ce dont Marguerite Jamain
témoigna grande joie), accompagnées, comme elle le déclara
elle-même, d'un sang clair et en caillots. Le livre de la phar-
macie ne mentionna, en fait de remèdes délivrés à cette soeur
que de l'eau minérale sur la composition de laquelle ni
l'apothicaire, ni la soeur de la pharmacie ne purent donner
les mêmes détails, si bien qu'il sembla évident que l'on ait
voulu cacher les véritables remèdes dont on se servit pourla
guérison de cette prétendue hydropisie.
Quoi qu'il en soit de la vérité sur ce qui concernait soeur
Jamain, comme celle-ci fixait l'accouchement attribué plus
haut par elle à soeur Buvée, au carême de ;66o, son allégation
fut reconnue, en dehors d'autres preuves, d'autant plus men-
songères que plusieurs religieuses affirmèrent de leur côté
avoir vu, dans l'été de la même année, le ventre et les seins
de soeur Colombe plus gros qu'à l'ordinaire, de sorte qu'a-
près son accouchement, son ventre serait ainsi encore resté
enflé.
Il importe de faire remarquer que, devant l'official
d'Auxonne, aucune des soi-disant possédées n'avait introduit
des obscénités comparables à celles dont elles remplirent
leurs dépositions devant le Commissaire. Mais comme elles
ne s'en avisèrent qu'aussitôt après que le P. Godin eut
déclaré que ces choses horribles provenaient de l'obsession,
il y eut grand sujet de croire qu'elles mirent à profit cette
imprudente remarque. Non contentes d'imputer à Barbe
BARBE BUVÉE. "" 29
Buvée les pensées d'impureté qui les assiégeaient et les actes
lubriques qui émaillent leurs dépositions, nos prétendues
possédées lui attribuèrent encore leurs coliques, leurs fiè-
vres, leurs indispositions de toute nature. Plusieurs se
plaignirent que son haleine leur avait causé des maux de
tête dont la disparition coïncida avec son départ pour Dijon.
Une prétendit que soeur, Buvée avait empêché par son
regard, la soeur Saint-Michel de se confesser à l'article de
la mort, tandis qu'une autre, affirmait avoir ressenti des
chaleurs très grandes après avoir bu de l'eau, sur laquelle la
même soeur Buvée avait fait des bénédictions. Enfin, dans les
exorcismes les prétendus démons qui parlaient par la bouche
des possédées, assurèrent que le curé Borthon était mort
pour avoir pris également des mains de soeur Buvée, entrée
dans sa chambre un jour qu'il avait laissé la fenêtre ouverte.
une poudre composée d'os d'enfant de sorcier et d'autres
ingrédients, ce qui lui avait donné un mal de gorge mortel,
tandis que le chirurgien Borthon avait affirmé qu'il était mort,
comme nous l'avons vu, d'une hernie qui fut traitée par le
chirurgien Guibaudet. i
Les exorcistes de leur côté prétendaient démontrer la réa-
lité de la possession par tous les signes déjà donnés plus
haut, et lorsqu'ils étaient priés par le Commissaire d'indiquer
comment ils avaient pu connaître l'existence de corps étran-
gers dans les parties honteuses de ces religieuses possédées,
ils répondaient que le diable le leur révélait pendant l'exor-
,cisme. Ils ajoutaient, à l'appui de leur démonstration de la
possession, « que ces religieuses tomboient dans les exor-
cismes comme pasmées et qu'elles n'avoient pas les membres
flexibles' 1 » ; qu'elles avaient rendu des sorts, savoir : deux
petits serpents de cire entrelacés avec de petits cordons de
cheveux, des coquilles, des papiers, des morceaux de par-
chemin, des canevas où il y avait des lettres écrites, des
cailloux, des noisettes, et que sous des carreaux elles avaient
trouvé « des sorts consistant en de petits gâteaux de terre et
de graisse ». Mais il fut acquis par des témoignages et des
expertises que ces prétendus sorts étaient composés de ma-
tières identiques à celles trouvées dans les poches d'une des
religieuses ; que les fameuses lettres écrites et trouvées dans
les coquilles, étaient de la main d'un exorciste ; ce qui prouva
' Manuscrit 18696, loc. cit., folio iS6, Bibliothèque nationale.
30 HISTOIRE ET CRITIQUE.
surabondamment son entente avec l'exorcisée. Il fut de même
établi, à rencontre de ce qui était avancé au sujet des préten-
dues possédées, que leurs forces ne dépassaient point celles
de la nature, qu'elles furent impuissantes à déclarer, soit les
choses passées, soit les choses présentes. Ainsi à un nommé
Poitrin, sur lequel elles s'acharnèrent plus tard, elles ne
purent désigner « ce qu'il avoit pris le premier jour de
l'année qui estoit un oignon, ni déclarer de quel bois estoit
le chappelet de Villemerle. procureur, et le contenu d'un
papier qu'il présenta ' ».
Enfin il fut reconnu qu'elles s'exorcisaient entre elles, le
greffier lui-même les ayant surprises, et on trouva, entre
leurs mains, l'histoire de la possession de Louviers et de
Loudun, dont on peut, sous plus d'un rapport, faire le rap-
prochement avec celle d'Auxonne. Toutes ces choses-là et
une infinité d'autres que le temps ne permet pas de rapporter,
furent des preuves « que l'on a tenu que ces filles estoient
possédées pour entretenir quelque mauvais commerce dans
la maison 2 ».
L'attachement des soi-disant possédées pour le prêtre Nou-
velet et ses acolytes, l'aversion contre leur confesseur ordi-
naire Terrestre, depuis qu'il avait nié la possession, furent, à
cet égard, des indices d'une haute valeur; et, en songeant de
plus que les exorcismes se faisaient tout bas, à l'oreille et
dans le lit, on ne put conclure si c'étaient là des exorcismes
ou des entretiens secrets.. z
« Dans les exorcismes secrets aucune d'elles disait qu'elle
n'étoit point agitée, que le diable obéissoit au commande-
ment de l'exorciste de ne pas les tourmenter, mais qu'en
public il les agitoit parce qu'il estoit important de faire con-
noistre la vérité au public 3».
De plus il fut prouvé « 6 que l'on vit, avant que la nécessité
des exorcismes eust ouvert la porte à toutes les heures, sur
le couvert qui respondoit à la cellule de la soeur Jamain, des
pas d'hommes qu'elles disoient (les possédées) estre des sor-
ciers, et la soeur Jamain dit qu'ils entroient en sa chambre ».
Il fut présumable d'après cela c que l'entrée par le couvert
1 Manuscrit 18696, loc. cit., folio 159.
2 Id., loc. cil., folio 160.
3 Id., même folio.
Id., loc. cil., folio 161. ·
BARBE BUVÉE. e3'1
étant plus difficile que celle de la porte, que l'exorcisme
tenoit à toutes les heures du jour et de la nuit ouverte »,
les exorcistes renoncèrent à y pénétrer de la première
manière, et les déclarations des possédées « d'avoir esté vio-
lées par les sorciers et les démons » donna encore des soup-
çons qu'elles imputèrent aux démons ce qui pourrait être
« attribué à d'autres ».
On ne put s'arrêter à des conjectures plus vraisemblables.
quand on se fut rendu compte, de visu, que de la rue on pou-
vait entrer dans la chambre du parloir de la communauté,
dont la fenêtre était dépourvue de barreaux, que depuis cette
chambre, il était facile de pénétrer dans une cour appelée la
cour des dortoirs, dont les couverts étaient si bas et si plats.
qu'après expérience faite, il était commode d'y accéder sans
échelle, et entrer ensuite dans la cellule, soit de la soeur de
Malo, soit de la soeur Jamain. La- première cellule était en
effet, privée de barreaux, et la seconde en avait de si récem-
ment scellés dans du plâtre qu'on pouvait facilement les
enlever. Ainsi s'expliquèrent aisément et sans intervention
démoniaque : i° les faits rapportés par la soeur Marie de
Laramisse qui déclara avoir entendu siffler des hommes, sur
les couverts, heurter à sa fenêtre qui était la seconde après'
celle de soeur Jamain et l'avoir trouvée un jour ouverte; 2° les
déclarations d'un témoin racontant qu'une certaine nuit.
comme on se mettait en devoir d'ouvrir la cellule de la soeur
Jamain, elle mit ses ciseaux sur le loquet pour en empêcher;
et 3° les constatations des murs dégradés, dont les faîtières
avaient été récemment abattues, vraisemblablement en pas-
sant sur elles. La facilité enfin avec laquelle toutes les reli-
gieuses se .découvrirent aux exorcistes « de toutes leurs
maladies plutôt qu'à leurs supérieurs et infirmières D et l'instan-
tanéité des guérisons obtenues, par l'exorcisme, apportèrent
leur contingent « de violentes présomptions de quelque mau-
vais commerce » de toutes ces possédées avec leurs exorcistes.
La moralité des exorcistes eux-mêmes fut trouvée sujette
caution, en dehors de leurs agissements au monastère même;
et, pour ne parler que de Nouvelet plus compromis, sa liaison
avec Claudine Bourgeot dont il se servit pour faire publier
l'existence de la possession des Ursulines, fut de notoriété
publique des plus scandaleuses. En voici plusieurs épisodes
tiré Î,u manuscrit de M. Legoux :
32 , HISTOIRE(ET CRITIQUE.
' ' L'attachement de Nouvelet pour Claudine Bourgeot est
prouvé par ses propresconfessions ; qu'il a conduit et défrayé,
la ditte.Bourgeot et sa^mère au village de Tanay, à Sainte
Jean-de-Losne;,dë Sâint-Jeân-de-Losné, à L.aperrière; .qu'ils ,
furent surpris de la pluie ; qu'estant arrivez. au logis au dit
lieu de Lapérière, on leur alluma du feu. Que la dite Bourgeot
étant proche du dit, inouvelet, lui' passoit les mains sur les
cuisses et sur les. .genoux, qu'il touchoit la teste à la, ditte
Bourgeot; qu'il l'appela dans une chambre séparée, prit un
livre, fist sur elle des bénédictions et sur un petit garçon. Ils
couchèrent en ce lieu de Lâperrière en des, chambres sépa ?
rées. Le dit Nouvelet la faisant manger à table, assise proche
de" luy. Le curé de' Laperrière dit qu'il alla' voir Nouvelet ?
qu'il l'invita à dîner, qu'il y fust invité de la part' d'un jeune
homme qui s'estoit marié, qu'il refusa d'y aller."» 'l .1 1
ai Ce mesme curé dit que sur l'advis qui luy fust donné que
Claudine Bourgeot faisoit scandale il ' obligea Nouvelet de
s'esloigner. De Laperrière ils allèrent à Pagny où la'ditte''
Bourgeot demeure d'accord que le dit Nouvelet coucha dans `
la même chambre dans des litz séparez, savoir : le dit Nou-
velet seul; elle, sa mère et le petit, clerc du dit Nouvelet,' âgé "r
de dix à douze ans, dans une autre.' De là ils allèrent à Char-
nay 2, de Charnay à Châlon, où elle demeura'aussy d'accord
d'avoir logé chez une pauvre femme et d'avoir'couché dans la '
mesme chambre dans des litz' séparez avec le'dit Nouvelet; '
elle ditqu'elle'`fist"deà, prières pendant' neuf jours devant
l'imagé miraculeuse de la Vierge, et qu'un carme nommé'
P. Prosper l'exorcisa' daiisune`maisontreligieusè.'De'Châlôn'
ils prirent résolution d'aller à Dôle. Le père du dit Nouvelet,' ' `
sur l'advis qu'il èn'reçéut et sur les mauvais bruits que l'on ?
faisoit courir de sa conduite avec cette fil 1 ;e' "es crivit à sont
fils de la quitter et de'retourner à Auxonne. Il demeuré d'ac-
cord d'avoir reçu la lettre. Il dit qu'il préféroit la délivrance
de cette fille à tous les faux bruits qu'on faisoit courir de luy ; t
qu'à Chalon il prit conseil de la conduire à Saint-Claude;s
qu'ils passèrent par. Dôle ou estant, son père vint pour l'obli-
ger à quitter la ditte Bourgeot; qu'ayant' tesmoigné à'sbn"
père qu'il nevouloitpas s'en séparer, son père alla trouver les '
magistrats de Dôle pour les prier de faire fermer les portes
' ? ? "3 ' 1 J . I j 1 I 'i >>,( |
1 Manuscrit 18696, loc. cit., folios 167-168. - ' ' ,t ' - in ? ,,
' Charnay-les-Chaions, canton de Verdun sur le Uoubs (Sadue-et-Loire). i, ,
,1W F j r.. .1*
BARBE BUVÉE. 33
et d'empescher son fils de sortir avec cette fille ou bien de
faire arrester par les prestres, le dit Nouvelet, son fils, que le
sieur de Salin, eschevin de la ville d'Auxonne, fut envoyé par
les magistrats à Dôle pour ordonner audit Nouvelet de se
séparer de la dite fille, ce qu'il ne voulut faire. »
« Il est vray que par la déposition du sieur de Salin, il dit
qu'estant par occasion à Dôle, il fut prié par le père de Nou-
velet d'interposer son autorité pour obliger son fils de retour,
ner à Auxonne, qu'il luy ordonna de la part de la chambre
de ville, mais qu'il ne voulut obéyr. »
c Que le sieur Thomas, official, fust député de la part des
prêtres d'Auxonne pour aller à Dôle et ordonna au dit Nou-
velet de retourner à Auxonne, à quictter la ditte Bourgeot
mais qu'il ne voulut pas obéyr; que le père du dit Nouvelet
dit au sieur Thomas que son fils alloit se perdre avec la ditte
Bourgeot. Les raisons pour lesquelles le dit Nouvelet s'excuse
de n'avoir quictté cette fille sont que comme elle apprit le
voyage de son père, du sieur Thomas, official, et du sieur de
Salin, elle entra en des grandes agittations, qu'elle monta sur
un toict, qu'il fist l'exorcisme dans lequel il commanda aux
diables qui la possédoient de la descendre; qu'elle descendit
dans une chambre ou estoit le sieur Thomas, official; que la
ditte Bourgeot se jetta sur luy, luy deschira son collet, ses
gants, luy disant qu'elle avoit pouvoir de faire mourir; que
l'official alla consulter le P. Planchette, jésuite, qui donna con-
seil délaisser continuer le voyage au dit Nouvelet jusqu'à Salin,
ce quiaurait obligéle ditsieur Thomasde luypermettre, et que
pour cela il luy donna des lectres testimonialles de ses vies
et moeurs. Le commissaire lui ordonna de représenter ces lec-
tres, il y a satisfait, elles se trouvent datées d'Auxonne. On luy
demanda pourquoi il impose, il dit que l'official les datte
d'Auxonne parce qu'il n'avoit point de juridiction dans Dôle.
Il est vrai pour les choses qui despendent de la contentieuse,
mais non pas de la volontaire. Mais il est facile de juger qu'il
prétendoit se servir de ces lettres pour faire croire qu'il
avoit continué son voyage à Salins avec le consentement du
sieur Thomas, official. »
Il faut remarquer que dans le mesme procès-verbal il
dit que la ditte Bourgeot pendant ce voyage entroit en des
agittations extraordinaires qui la faisoit courir dans les bois
où il estoit obligé de la suyvre, crainte qu'elle se précipitât.
Archives, t. XXVIII. 3
34 ' 'HISTOIRE ET CRITIQUE. 2-
De Dôle ils allèrent à Salins ou les magistrats de la ville
d'Auxonne donnèrent ordre de faire'arrêter la' fille Bourgeot
, et sa mère. La mère fust. constituée prisonnière, sa fille se
sauva et fuyant t6mba, pasmée sur le pavé. Le, vicaire ide
Salins empescha d'exorciser la ditte Bourgeot parce qu'il luy
dit qu'elle n'avait aucune marque de possession. On empescha
le dit Nouvelet à Salins pendant trois jours de dire sa messe.
Les prestres d'Auxonne et les officiers du bailliage écrivirent
à Nouvelet de retourner, comme sa mère estoit prisonnière,
il retourna après qu'elle fust élargie- des prisons. z
' ' «On laissa entrer dans Auxonne la mère de la ditte Bour-
geot,' mais pour elle on ne voulut pas' la recevoir. Nouvelet
la logea dans une grange qui appartenait à son père ou estant
couchée sur un lit, il la confessa, elle se leva et jeta' un gril
aux assistants. Quelque témoing dépose qu'un nommé Car-
pet, adverty que', la ditte Bourgeot estoit logée en' la' ditte
grange ou il avoit un enfant à nourrir; il y alla pour l'obliger
de la faire sortir,' que la ditte Bourgeot tenoit un.crucifix à la
main, et que ledit Carpet la pressoit de sortir, -de l'autre
main elle se jeta sur le dit Carpet, qu'elle le saisit par les
partyes honteuses qu'elle luy tira de telle sorte que le
témoing dit que pour les faire quitter, il fust obligé de
donner un coup de baston à la ditte Bourgeot. »
« Que le lendemain les magistrats obligèrent la'mère.de la
ditte Bourgeot et sa fille de sortir, qu'ils les firent conduire à à
Fauverney que pour l'y obliger, il fallut mander Nouvelet.
Comme elle l'aperçut elle se jeta à terre et s'adressant à luy
dit : Saulve la mère et 'garde son enfant, que ? Nouvelet lui
mit les pieds sur la teste et luy fit des prières ; qu'elle prit un
gril qu'elle jeta aux jambes des assistans. Que'les magistrats
la. firent conduire sur un chariot appartenant,au père dudit
Nouvelet au lieu de Fauverney avec sa mère. ? i
= Il'est aussy prouvé que la ditte Bourgeot appela .le dit
Nouvelet son papa et que le dit Nouvelet luy appella ma
fille. *<'»% '' r ? t
,' « Au mois de novembre de l'année mil. six'cent soixante,
la dite Bourgeot retourna à Auxonne. Sur l'avis "donné aux
magistrats, ils la fisrent chercher. Le soir elle ne fust pas
trouvée, le lendemain elle se trouva dans la maison de Nou-
velet, cachée sous le four de la maison de son père. »..1 ,
« Un témoing dit que les -sieurs Boisleau et Semel esche-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ,35
vins, donnèrent ordre de faire sortir la ditte Bourgeot, .qu'il
'la rencontra dans la chambre de Nouvelet, qu'il'la fist sortir,
que le soir on ne la put trouver, que la mèrei de Nouveleti la-
.conduisit hors les portes et luy donna; du gasteau. e , '
; *'Nouvelet dit que les magistrats l'avoit obligé de la rece-
voir le soir,' ce qui n'est pas, parce qu'ils-ne l'auroient pas
faict chercher, et si elle avoit esté par leur ordre logée dans
sa maison elle ne seseroit pas cachée sous le four. » ,ir , '
9 Les preuves recueillies qui rendaient la conduite des prêtres
d'Auxonne suspecte,, furent -donc irréfutables.. Celles d'un
complot fait pour perdre soeur Buvée ne se trouvèrent pas
moins solidement établies. D'autre part,, en réfléchissant que
la certitude^de l'existence tde la prétendue^, possession ! ne
reposait en réalité que sur une hypothèse, à savoir que soeur
Buvée étant magicienne, elle aurait eu le pouvoir de faire en-
- trer le démon dans le corpsde quinze religieuses, on ne put
faireautrement,que déduire la fausseté même d'une posses-
sion,,du fait reconnu quesoeur'Colombe n'était ni* sorcière
ni magicienne. ^i, ? ><, 1, 1 r. rti« ^ **< ? t*> Kf
., .. , /4 suivre.) ')
"REVUE DE" PATHOLOGIE1 NERVEUSE.
e , tee, If 3 1 Il 1 et .->< - -" ·S' . . , ? 1 . ,t
^I l r ? Jt 1 "T '. " '9. ,ri· ? f)r ? ,llfw ..1
L SUR U.1CAS. DE LOCALISATION ERRONÉE DES IMPRESSIONS TACTILES
ou allachoestésie ; par GRAINGER Stewart, (d'Edimbourg). (British ? médical journal, janvier 1894, no l'i23.) z, ? j ? , ,;·
Il L'oliservation rde 11.' Grainger rappelle les cas auxquels Obers-
teiner a proposé de donner le nom d'allocliiriè, dans-lesquels une
impressiou donnée'au membre supérieur droit par exemple, est
attribuée par 'Le, malade à une sensation ressentie du côté symé-
triquement opposé. ' -ji- r z
5 L'allocbirie observée, par Ferrier, Fischer, Hammond, Browu-
Séquard, Leyden, Féré, Ge.116, Ga et Weiss peut s'étendre, à la
sensibilité des muqueuses et' tous' les 'appareils' sen'sitifs"senso-
riels ltyr ? ? .' ' ")r "P ' J" W* >I '- 'TJb'T-- <",<ri
'D'après Horsiëy ces transpositions de sensation" seraient liées àL
, une lésion de la zone rolandique. ' t ·1 >'#<* ? v v 1,
iDans le cas auquel Grain.er,propose de/donner leinotn-d'alla-
36 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
choestésie, l'impression est localisée du même côté, mais rapportée
à un point plus éloigné; par exemple une piqûre d'épingle au poi-
gnet droit est prisé pour une piqûre à la pulpe du pouce droit. '
- -it. -. A M\RIE 1
ji.ii.4li '<c ? 4 ? a ? ub)"ap''i.n "NIfln.4C L. *« n 'ir'i«iW,'> .
T- ».i rf>"^ un s' In «3 ? ^m -^ -n wrl. - I , ' i - T .* 1 .y- i.- .3- - 1 T
ll., CASLDjACROlÉG.IL1E ;, par( DRESCHFELD, (de' Manchester). (British
u^l. L ,l ? L..wlodicccl joLcrnal, janvier189, n f 73 ) si,l : -a ?
*' L'observation rapportée est un type de la maladie' de Marie avec
photographie démonstrative"pour les1 déformations' physiques des
extrémités'des membres et de la tête. Comme troubles fonction-
nets le malade présentait l'atrophie des papilles ? ' symptôme rare,
et une dyspnée' intense. Ces deux symptômes liés apparemment à
l'hypertrophie des glandes pituitaires dans le premier cas et thymus
dans le deuxième ? ? "-«« -" aJjflr = 1 ' "v le 71l lot'&" 0
.Comme dans le cas d'Henrot le- corps thyroïde , était lésé mais
formant tumeur, indépendante de celle rétrosternale. Vraisembla-
blement l'auteur attribue ces, dégénérations glandulaires^ une
prolifération de même; nature que le lymphosarcome comme Vir-
chow et-IosterAl'ont soutenu. '0 t n ? ? r' r'
L'auteur rappelle les autopsies confirmatives de cette façon de
voir, entre autres celles de GauthierHoIsti,' Duçhesneau,.cei)es
de Marie et Marinesco où le sympathique était en outre atteint) de
dégénérescence ganglionnaire scléreuse; de Burg, où le chiasma et
la base du cerveau étaient atteints de gliomatose, comme dans le
cas' d'HolshewnikoQ' où'la ·tumeur3gliomateuse-siégeait·dans la
moeiie d'où les symptômes concomitants de syringomyélie. Le trai-
tement·par l'arsenic fit disparaître' le symptôme dyspnée ? pour
lequel'le malade était entré à'l'hOpital,'d'où'i1L'sortit après'trois
semaines. A. Marie. 9' le
' Kj.tati* tiuu i ? a ? i. in;. '-i , <.m · InrL.op : ocaL,s :
IIIP : 1RALYSIE faciale BIL%TÉRALE DUE a l application DU forceps;
par DGEM'DR'rl i' (de' 13-is toi) ? (British* 14edié-al jôiciwàl,vjânvier
"^ 1804 'iî^ 17''3 ) ? s.i'11 ? 'iOtn Si tt.r Rtii'i"1^ ii> u .' jii->*i
.y,a ? wyjr '4t; 6 XD`Jl 9,U' ' Uy » W'tb ,Mle.n ·1 1. IJ 1 1f ? flt '
- o C'est une .paralysie double ? permanente après,, sept, ans, avec
physionomie inexpres-ive (2 photographies), troubles de la parole
par difficulté de prononciation des labiales, altération de la peau
de la face par,épzisrisement dû à l'absenceldes mouvements. des
muscles sous-jaceuls ; épiphorapar instants., é, r., ,.4p A. Marie. t )-<t-
,san4're-asfduur f ? U' ? 1 -.i uà e ? fm ? 9 ? i9, ' B*iU "'n'rç
1V ? t H UIT ' C.1S 1 UE f 1 1CI11 : 1Lli\I\GITE RÉ6LORnH : IGIQOE ; ! par t BONUURANT
h ! 9naa''q ? iffou\aurtï''i<4/ (d'Alabama).ic Midimm -,4 iip .1, f r
Sur ces huit cas, l'un est( une hémorragie suhdurale simple;
quatre sont 'des foyers liémôrrhâgiquès récents, ;mâis'a`vé fausses
membranes, è'n 'voie dé'formation ' : ' les deux , dernières présentent
Jt.J ut.d u,, rIp01111 J I,AS' : 'fit'14y ? 1 ..
v-'i ·v 4m·O·h t) 41C ".Ilji,lijb-10 ! ? ><« " u lu .8b'(1 Jtu>».' >
*. .1 ', , , ! 1 ? ' ,r k ? ! : a·. ? 3c 7
l'-iaqfiis-» ïh< REVUE.DE,PATHOLOGIE NERVEUSE.Et ? ! i ,' ? 37 1
.- »- -f"r t-" »> -...> -I - .r · ·f7 .10 .e .e . il - 1, ? Si -1 n .
la pseudo-membrane sans trace apparente d hemorrhagte. Dans un
cas, il y avait épanchement sanguin dans l'espace subarachhoïdien.
Dans tous il y avait atrophie marquée du cerveau, lésion évidente
de la,pie-mère et endartérile chronique diffuse plus ou moins pro-
noncée. Dans un'cas seulement;' la' dure-mère paraissait-atteinte,
encore celte lésion pouvait-elle n'être que secondaire. L'auteur
passe, en revue^les principales théories^ émises et.se ralliera la
théorie de l'bémorrhagie,primilive par, athéromc artériel..11 pro-
pose pour ces sortes de méningite hémorrhagique le nom,dé lepto-
méningite-hémorrbagique chronique. (The Alienist cLndNetoolorit,
XIV,93, n ? I.,) £ L^--[ fn'& ? tfr 'sesh ? = .·. A·,iIaRIE. ,.·o
- 3 ? d, t" >>"»0'i'ii i(J ' ' hn,'31·,1·... ? C- '«'" ? ) ? <-.q t7ri
V. Atrophie musculaire progressive; par ZENNER (d8, CIIIC : IIIIalI).
Huit observations'avec considérations générales sur les condi-
tions-ordinaires"'d'âge; de sexe; d'hérédité des malades,' l'évolution
de l'affection et son traitement-par l'électricité, le massage et les
injections' hypodermiques 'de'strychnine. (The Alienist and'Neuro-
logist, XIV, 93,,n° t, p. 60.) ' - A. Marie." ' >-
i I : ` LÈl'RE'SYSTÉU.1TI5ÉEF NERVEUSE ' A'* forme SYR1NG031YÉL1QUE par
' Mli.`le Drs PITRESf·et·.J. SABRizÈs. (NouvJ lconâgïi de1 la Salpé-
`9 trière,`r1893' Il ? 3.) °l" w <"*>> ik m,. -t ju, ',) · , ? · ·I,.ri3"9t
î", ..(lit» SiiJii y 9·.r·y ! "·c ! 11'f W yirla5 £ ir. -w1 .e, q m .W 4 11 ,
,,1 Le diagnostic.entre lâf lèpre et la syringomyélie est,.dans cer-
tains cas,, très, difficile. Exemple.,d'un, lépreux pris pendant plu-
sieurs mois pgtir ,un sy rin,,omyélique; c c'est l'examen bactériolo-
gique, d'un fragment de, nerf de l'avant-bras qui fit reconnaître la
lèpre Il ' - ?
Homme de quarante-six ans, non diathésique, non héréditaire
neuropathe, ayant habité la Martinique pendant dix ans, de vingt-
six à trente-cinq ans. A l'âge de vingt-neuf ans, apparition d'une
plaqué d'anesthésie sur le mollet gauche, et peu après plaque
symétrique sur le mollet droit. A quarante-deux ans, apparition
de troubles'trophiques variés : maux' perforants plantaires, exco-
riations ! des mains;'bulles pemphiaoïdes aux jambes et aux avant-
bras, j ûlcérations mutilantes des doigts, des orteils. Cicatrisation
lente eti récidives multiples jusqu'à quarante-six ans. Dissociation
très nette de la sensibilité sur les membres inférieurs, les' parties
génitales et diverses autres régions. En outre, troubles anormaux
de la céneslhésie, comme par exemple la sensation bizarre, couché
au lit, que les membres et le tronc s'hypertrophient et prennent
des dimensions démesurées. ^ t ,
On 'recherché1 le "bacille de* Hanse, sans succès, dans le sang,
dans'1 la' sérosité d'un vésicatoire, dans le' pus des ulcères. On se
décide à exciser un centimètre d'un rameau du musculo-cutane de
l'avant-bras, et, par les procédés ordinaires, on le trouve infiltré
38. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de'bacilles'de Hanseu. 11 existe aussi une névrite parenchyma--
teuseet interstitielle en même temps, de sorte que le nerf est à peu 1
près réduit à'un simple cordon conjonctif. * ? 0, "' ^ ? i-y
Quelque tempsapîès,ialôrë que' le diagnostic était établi par la
découverte des bacilles; des plaques érythémateuses se développè-
rent au niveau de'plusieurs des endroits anesthésiés. Ces plaques
sont caractéristiques delà lèpre^ à 'elles seules elles eussent'fixé
le diagnostic, si elles s'étaient montrées plus tôt. ''' ' ' *%'
On connaît deux autres`faits analogues à celui-ci, et la compa-
raison de ces trois avec les observations de syringomyélie franche
suscite les remarques suivantes : Les malades ont toujours séjourné
dans des pays où la lèpre est endémique ? L'affection n'a jamais
débuté avant l'âge adulte. -' IL existe toujours des 1 symptômes
céphaliques, ce qui prouve que des nerfs bulbaires sont intéressés.'
Il n'existe pas de déviation du rachis et les nerfs cubitaux sont
hypertrophiés. Mais, en somme, l'examen bactériolugique : 'rigou=
reusement conduit, ' reste le principal, sinon le seul élément de
diagnostic." ., .` ' ,.r . . ' ' , ' ' t s 4 i .. , - : ,r . r 1 C. '. . ·.1 ? t eJJ `L c
'VU. Note sur' UN cas d'hyperthiucosf. DE la partie inférieure DU
corps chez un épileptique ; par M. FÉRÉ. (Nouv. /COMO ? ? C<6 la
Salpétrière, 1893, iio 3.)
Un homme de' vingt-huit ans,- épileptique depuis l'enfance, por-
teur de quelques stigmates assez légers de dégénérescence, mais
ne présentant aucun symptôme d'une affection médullaire quel-
conque, offre cette particularité, : alors que la partie supérieure du
tronc et les membres supérieurs sont -labres, les membres infé-
rieurs, les fesses, le pourtour du bassin sont couverts de longs( et
abondants poils noirs. Les, poils sont limités par "üüé iignëtrâny
versale passant par la seconde vertèbre lombaire ? , , ? J)
L'hyperthricose localisée est un trouble trophique en rapport avec
une( affection des nerfs, celle qui est localisée aux membres infé-
rieurs, et, admet-on, sous, la dépendance de lésions médullaires,' on
l'observe parfois dans la myélite chronique, lapâchÿméuingite; la
paraplégie traumatique. On voit qu'il y a des exceptions à cette pro-
position, et que l'hyperthricose systématiquement limitée peut être
un stigmate de dégénérescence, la conséquence d'un trouble d'évo-
lution congénitale de nature inconnue. ., N.u, ? u, C.*^ ?
1 1 ' t H,J ? Pa 'Uni" , 1- , i, V 1 ' .),. *fl)'ll
VIII. Sur un cas d'artiiropathie tabétique DES deux hanches ; par
M. LoNDE, interne de, la clinique des maladies du système ner-
veux. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, 1893, na 3.)"u ") ? T."
Un homme de quarante et un'ans, a"tare'héréditaire' très peu
marquée, avec'syphilitique, ayant eu des rhumatismes articulaires
aigus dans'son enfance, devient ataxique, il y a sept ou huit ans.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 39
Entre autres symptômes tabéliques, il présente des crises gas-
triques. « . 1 , , .
Quatre ans après le début de l'affection, arthropathie de la hanche
gauche, et ensuite arthropathie de la hanche droite; actuellement
on reconnaît facilement l'existence d'une luxation coxo-fémorale
double, sans réaction locale. Le sujet peut marcher un peu avec
desibâtons, mais de chaque côté son fémur se déboite avec la plus
grande facilité, surtout, quand il s'incline en avant. Dans le décubitus
dorsal, on imprime aux membres inférieurs, les mouvements les
plus anormaux. Cette luxation double a produit une diminution
très sensible de, la taille, avec élargissement du , bassin,, lequel
bassin se rapproche de celui, de la femme, et enfin'une.incii-,
naison marquée du pli, fessier. La ligne bitrochantérienne passe à
z centimètres au-dessus, des épines iliaques supérieures.
..Annoter, principalement, dans cette observation, la coïncidence
des crises gastriques . et des deux luxations, spontanées de la.
hanche. Du reste, cette coïncidence des crises gastriques et des
arthropathies a déjà été signalée, on l'a même expliquée par la
présence d'une lésion, dont dépendraient les deux phénomènes,
située au bulbe dans le voisinage du noyau d'origine du pneumo-
gastriques vr .... | . ,
... f , 11,^1 z
T.. ÿ li. De la névrose dite TRAUMATiQUE; par Harold Mater (
.nii,w, " (de Chicago).. . '(i, ? , , ,
' L'auteur fait la'critique de la terminologie si variée jusqu'ici,
âppliquéë,^âua phénomènes pathologiques qu'il étudie. Hystéro-
traumatisnie,"railway-spiiie, spinal concussion (Clevenger), com-
motiôn' Iilédullaire (Erichsen) shock spinal sont autant de mots
qui sont loin de répondre à un syndrome clinique caractéristique.
Indépendamment des anamnestiques, comment en effet distinguer
la neurasthénie spinale simple' de la névrose traumatique ? Bien
dés traumatisés sont loin de présenter l'ensemble' des symptômes
décrits; et tous ceux qui' les présentent sont loin d'avoir été victimes
d'un traumatisïne'L'auteür cherche à préciser la symptomatologie
insuffisante.' 11 repousse l'électro-diagnostic. Il pense que tous les
troubles périphériques de l'innervation sont organiques et non
fonctionnels.' '' ? ' ' ' ' 4
Quant aux désordres des centres nerveux, moelle ou cerveau, il
admet qu'ils peuvent être fonctionnels, au simple ébranlement cor-
respondant une pseudo-neurasthénie avec mouvements et pression
douloureuse, sensation de faiblesse des membres, etc. Puis viennent
les altérations 'systématiques des différents cordons médullaires,
; enfin les désordres consécutifs aux ruptures, fractures et disloca-
tions de la, colonne,vertébrale. (The Alienist and Neurolôgist, XIV,
93, n b.) ? .en ï ,' ? A.Marie.
40 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
1· HÉ\fIANOPSIE ET NEURASTHÉNIE, ACCIDENTS DE CHEMIN DE' FER J
. par le Dr BADAL. (&a ? /ie6d.det sc. néd : de Bordeaux,' 1893, p ? 130
et 137.)
. ;r,-fFT.^r,^u m1'.t3Y 4 1 k ? IV -M. "unau ami .Ÿla
Si les troubles oculaires présentés par le malade qui fait le sujet
de cette observation sont comparables, sous beaucoup de rapports,
à ceux observés,très fréquemment dans la neuro-psychose trauma-
tique, l'hémianopsie semble indiquer ici quelque chose det plus, et
porte à admettre qu'au moment de l'accident, il s'est produit du
côté des centres' nerveux' des désordres' relativement' graves ren-
dant le pronostic très réservée" -" ? fl', 9nnstf A' elkhr. trJO·> "
. l.(r·i L. «>- ' o*> 'TSett)f1t) nl tt,gciyt°9 dl ? °lûTft19 : 1 ? 2'e.'foud`t aax,
T ' RO UBLF visuels dans les IIliuIPLÉGIES,tpar,Ie'D4fROmAGET.
' i . - '(Ga ? hebd. des se. . ,, méd. v dc Bordecux, ...... 4893,p : · n. 490.) · `trr,et ^,
- «lii,, ? f<1t.u tu > 'au- j 'tt5aux i ' ! i.i'i ? r> r· w ItrVV[`HJ
Deux cas'd'hémiplégie transitoire avec troubles persistants de la
vue,' se rapprochant de ceux'de Guglino; Boucheron; Féré (Ai,ch.,
de Neurologie, 1885). Les troubles visuels consistaient ici en'hémia-
nopsie latérale homonyme du côté paralysé, amblyopie croisée et
troubles de la vision des couleurs. L'auteur conclut qu'en accumu->
lant des faits analogues et'en les complétant par des nécropsies.on
arrivera à élucider le trajet encore en partie inconnu des fibres
optiques. q ! t Il ? fjoro'- ai^a..^ '< ? 'kjo t JP.tiE. I;.7 i') V
- 'fi eS.1.1't9,I. ft : ? >"' ? V' S `sfŸ.. ,Drt.I' zLl nt 9&(¢
XII. Les données DE la psychopathologie, essai critique ; par
DupRAT.,(Gsz. hebd. des sc.,méd.de Bordeaux, 4893,ap : 14k4,
474, 487t 604.) ? g -t , w«i>y,vt}St « s n.n 93 11 E. R.
. XIII. APH.151E,TRANSITOIREiNEURASTHÉNIQUE; par le 1), E ? RËGIS.'V
OH i, (Jctcrlz. de nzéd. de Bordeaux, n, 32.) *8 ") Q
Jeune homme.de dix-huit ans, offrant les stigmates physiques et
mentaux'jde'ta neurasthénie pubérale,r en partie ulier,,Ies -crises i
émotives, les obsessions anxieuses, l'aproseaie; etc., qui a éprouvé ?
unei dizaine de ! fois, en- quelque temps; des phénomènes curieux - r
d'aphasie, transitoire, rapportés tout d'abord à une tumeur céré--
brale; sansrtrouble psychique ou somatique; concomitant. Passant-
en revue les divers états morbides dans lesquels peut se rencontrer *
ce phénomène, notamment les lésionsorganiques·duFCerveau, les 1
intoxications, surtout l'épilepsie et l'hystérie, l'auteur. conclut, enrr
se basant à la fois sur la prédominance marquée des stigmates
neurasthéniques chez le isujetf et sur les caractères de sesi crises '>
d'aphasie transitoire,,essentiellementsémotives dans leurs allures,
que cette aphasie transitoire n'est elle-même qu'une manifestation
de la, neurasthénie, probablement due à un spasme`circonscrit et/
passager des vaisseaux de l'encéphale. Il importe.de connaître ces
REVUE'DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41
faits et de savoir les distinguer pour éviter, comme ici, d'impor-
tantes erreurs de diagnostic et de pronostic.,ire ,yt,. 1 ,,f '
tantes erreurs de/ti.agnostic et de pronostic. a<\ in7 y -<- y tr .
. 1 ............. - .. i
XIV. Les localisations cérébrales dans la région CAPSULO-STRIÉE :
I°A PROPOS'D'UN CAS DE 91UNOPLÉGIE1'ERSISTaNTE DU MEMBRE INFERIEUR
GAUCHE CAUSÉE PAR ' UNE* LÉSION TRÈS LIMITEE DE LA CAPSULE INTERNE
iDROITE;"Iparvle DA : PiTRES.'(Arch ? clin : de'Bordécitï ? i893,
I : n° : 1,) 3b szoru supl ip '' . 1 u- 'i(-m3 .1lonEà- ? ♦ blet.
' irt`t071 '' - h1 1 Shf`JJl ! i. · 9 : (i2(r1` rtvg'"I , ! mrlt 1... J' ,
Après avoir rappelé brièvement les principales opinions qui ont
eu cours dans la science relativement à la physiologie pathologique
des masses centrales du cerveau, le professeur consacre sa leçon à
l'exposé anatomo-clinique d'un cas tendant à démontrer, ^1°^ que
les lésions'de'struetives limitées à la substance grise des corps striés
peuvent ne déterminer aucune espèce de paralysie; 2° que les
lésions, destructives très circonscrites, siégeant dans l'aire du tiers
moyen de la capsule interne, peuvent donner lieu à des monoplégies
persistantes ? yA3tbt.,ï ? ..<^tv i i.i ? ► ' E.,R. , < </
t9 sàsioio t.i'{'>\ldm --7'tîiwi 't u' -it' ? dn Jk'tt ", 1 ,
LV.(SUR(,U1' C.%SJDEleSYPIIILIS cérébrale; par Je'D'' Etllile BiT01'.
io 11, Il (Arelt. clin., de Bordeaux, 1893, n° 2.) ? i' . >" <
>-4'citt d : 319 llil'OJtIt i·i9l : q o - q,l n, T4La ' ' "t," .·1..5"' "
XVI. C.1S DE GUÉRISON D'UNE paraplégie alcoolique par l'électricité;
par le Dr MASsY. (Journ. de méd. de Bordeaux, n° 17.)
ifiq , "Uyl" .« '' ,3,.1'UOi / il ? . . · " '
SdfU.-4 cas d'athétose double; par le Dr A ? AIOUSSOUS.
- (Jovrn, de méd. de Borcievux, n° 18.) ? K,' t
XVIII. : À Un S cas -d'automatisme 'ambulatoire ' hystérique S par le
Dr E. RÉGIS. (Journ. de méd. de Bordeaux, nos 8 et 26.)
.Cass d'automatisme, ambulatoire accompli par une' femme de
cinquante-deux ans dans un état de somnambulisme,' terminé par
des attaques d'hystérie. Le souvenir de la fugue et de la journée
précédente (amnésie rétrograde), àpeu près complètement perdu
à l'état de veille, sauf quelques incidents surnageants; reparaissait,
de la façon la plus nette dans t l'état hypnotique. A propos de ce '
fait; M., Pitres et li : Régis- résument les caractères différentiels de -
la fugue morbides dans la folie, dans l'épilepsie, dans l'hystérie;
dans la neurasthénie, s .1 1 ? ,d I .'. -1p a'" tr ? tn .DU.t ? r-·t^`
'9J1SU1 '['e "r'\ bhufïE' 1 l-l.t'Up-n\ . ,x ! -ru cf \ v A JG.^.. ? '
XIX : TREIIBLE31ENT hystérique; par le D 1 : : DELx.S. (JOII ? '11 ! d'7néd.-
L a' de Bordeaux,, nos g ? rp; 43; 44 45, 46,' 1 4-1.) "Ri"J, h
ioiJiJ.-9Îin8111 9< ! u'up ain'.fti ,»< tas 9'IAQ.J.'t5G7' tte- t'oa 9 ? t 9 >r
XX ! MÉN1NG0-ENC1.PHALITE SYPHILITIQUE chez un" enfant DE 'cinq* ans 1
,'Par le, Dr A1. llfoossUS ? (Jùurn.demécl : de Bordcctttx; n° 28.) 1
42 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE ?
XXI. Sur un cas d'ostéite déformante DE PAGET; par MM. Gilles des
la TOURETTE. (Nouv. Iconogr. de la Satpétrière, 1894, no 1.)-' - ! 9 ? '' , " ' ' '' ' 1' r .. t." « T't
Observation détaillée d'un cas de cette maladie étrange et assez
rare, puisqu'on n'en connaît qu'un -petit nombre d'observations
aussi bien en France qu'à l'étranger, et qui est caractérisée par un
ostéite déformante généralisée à presque tous les os du squelette.
Voici ses principaux caractères d'après M. Thibierge : Déformation
et augmentation de volume (hyperostose diffuse) d'un grand nom-
bre d'os, ses localisations plus les caractéristiques occupent les os du
crâne, le radius, le tibia (diaphyse et extrémité' supérieure) et les
clavicules. Elle respecte au contraire d'une manière absolue les'os
des mains et des pieds, les os de la face, sauf parfois )e maxillaire
inférieur dont les lésions sont toujours peu considérables, elle at-
teint constamment les os symétriques, mais les lésions prédomi-,
nent toujours sur l'un d'eux. ... ? , , ' 1 1.
. L'observation de M. Gilles de la Tourette trait à un homme de 'è
quarante-neuf ans, dont la maladie remonte à huit ans. Les pre-
miers symptômes furent un raccourcissement des jambes qui en 'i
même temps se courbèrent en dedans. On note tous les caractères
ordinaires de la maladie de Pagel, mais le cas diffère en certains
points des cas typiques dont le tableau clinique est esquissé plus,
haut. C'est ainsi que les os de la face sont atteints à un haut degré
Il y a saillie considérable des os malaires et par^suite élargissement
considérable de la face. Le maxillaire inférieur est épaissi et dé-
formé aussi bien dans sa branche horizontale que dans sa branche
montante. En outre, les deuxième et troisième métacarpiens.de
la main droite sont très volumineux et les parties molles défor-
mées à leur niveau. Il y a aussi hypertrophie des,os'*du tarse à
droite.. ' .. r, ? , ? , , ...
Cette observation est suivie de deux notes relatives aussi à la
maladie de Paget. La première est de i\l., Albert Robin, elle est
relative à un nouveau cas de cette maladie. Il s'agit d'un homme
de soixante-quatre ans qui est. atteint depuis quatorze ans ; il a
commencé, par se courber en avant et progressivement tous les
signes de,.l'ostéite ..déformante généralisée se,sont manifestés.
Les points les plus importants doucette note sont les. analyses
chimiques des, os malades et de l'urine du sujet. La, seconde
note est de M. H. Meunier,' interne des hôpitaux. M. Meunier
relate, lui aussi, une observation d'ostéite déformante' de Paget,
prise dans le service de M. Gombault. Le, malade qui en est
le sujet est un homme de soixante-huit ans, il s'éloigne du type
commun par plusieurs points, les os du visage, sont atteints, la
face dans son ensemble se rapproche du faciès de la leo7etiasiib*ssea
de Virchow. Les mains ne sont pas épargnées par l'ostéite et cer-
tains métatarsiens (des deux pieds participent à' l'hypertrophie
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43 ii -1
osseuse généralisée. Une autre particularité notcble à signaler
est une fragilité exceptionnelle du squelette, ainsi le malade se
fracture le fémur en tombant de sa hauteur, et on lui a brisé les
péroné en lui essayant un bas élastique. Cela tient probablement
à la disparition de la matière organique et à l'augmentation des
sels. " i i- i i n. ' ) ) > ,G.
i'" f i f m , ' .. z , - z - '.
XXII. Les POSSDliSt,DES dieux DAN l'art .antique; par M. Henry
i ,'i MEtGE. (Nouv. Iconogr. de la Scc7Nétricre, 1894, n° i.)
l'a grande préoccupation des artistes, dans tous les temps et
dans tous' les pays, a toujours été de reproduire exactement la
nature, et c'est ainsi que des monuments figurés anciens repré-
sentent des difformités humaines, copies exactes des sujets que
leurs auteurs avaient devant les yeux. On sait que'Charcot et
11. Richet ont'récûeilli un' grand nombre de ces oeuvres d'autrefois
et ont fait voir que, dans maintes scènes d'exorcisme ou de posses-
sion, des personnages présentaient des signes incontestables de
l'hystérie. L'antiquité 'ne' leur a pas fourni des matériaux de ce
genre, les anciens, disait très judicieusement Charcot, étaient trop
amoureux dé l'harmonie des formes pour peindre l'expression de
la' maladie*. Cependant cette règle n'est pas sans exception, et les
Grecs eux-mêmes, comme les artistes du moyen âge et de la renais-
sance, mais bien moins souvent qu'eux, ont représenté les convul-
sions et''les contractures de la grande névrose. M. Henry Meige,
dans ce savant et intéressant travail d'exégèse, étudie, à ce point
d e vue, deux bas-reliefs grecs qui existent l'un au musée des Offices
a Florence, l'autre dans la collection Jatttr in Ravo. '
Il ne s'agit naturellement pas de scènes d'exorcisme ou de pos-
session diabolique, les temps n'étaient pas à cette métaphysique
sombre. Il s'agit cependant quand même de possession, mais de
possession divine. Les femmes de ces bas-reliefs antiques sont des
côryhantes cu ménades et elles sacrifient au dieu Dionysos; dont
l'esprit les anime et les possède, de sorte que l'une prophétise' avec
de grands gestes et que d'autres sont renversées en convulsions.-
.Même en négligeant les documents~écrits qui les concernent et sont
venus jusqu'à nous, et'en s'en tenant seulement aux'seules repré-
sentations des 'scènes' où elles figurent,'que le ciseau des artistes
d'autrefois nous a'conservées, et qui sont si parfaitement repro-
duites dans lal Nouvelle Iconographie, il reste évident que les cory-
, hautes grecques' sont, comme les possédées du moyen âgé, lés
vraies soeurs des hystériques de la Salpêtrière' CAMUSET. ?
J i .u Ot9 s - ^ . t il, 1 - . À il, ·
XXHI. CAS DE névrites multiples; par le Dr W ? L. VORCESTER. ''
. ? o ? j.j.ir.- m ? ? 1.. , > 1.. 0- ? 1,
.-Pendant sa pratique de l'aliénation mentale, l'auteur a observé
quatre cas de névrites multiples, en excluant quelques cas de para-
. ,fT ftdf 3 €' . ·' ï :
44 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
- ! ? ; r*»" - ". =>-4V ' . ? ®yF.4-aC' .âY. '1
.sie diphtéritique. L'un est dû à un empoisonnement, par l'arsenic,
les trois autres sont de cause inconnue.. Bien que tels cas ne soient
pas d'une grande rareté, ils ne sont étudiés que depuis peu d'an-
nées et ils sont souvent' confondus avec' d'autres' affections -moins
curables. · r zw u 3r
Cas 1.=Lé premier'cas anis
qui, ayant trouvé dnrpaquelpd'arsênic,vëni ! prit^deux'cuillerées1 à
café. U fut pris3 aussitôt de V'Oâiiîse'm"ént*i"ioleti'et' 4li atre jours
après se déclarait un engourdissement dans les mains et les pieds,
engourdissement qui le' faisait trébucher en "marchant.111 aj ? ~'K'' 5,
Un mois'après l'accident, la' paralysie' avait' envahi les quatre
membres et le malade se levait de son siège avec une extrême diffi-
culté., Les mains serraient faiblement' Les muscles paralysés étaient
très atrophiés et la sensibilité au froid et'au chaud très imparfaite.'
Deux mois après ? il -,marchait' dans' sa chambre ? ses'mains'lui
permettaient - les * mouvements normaux et'- la" sensibilité 'était
revenue. : ·- '3 q, '' i inrm `t eéwiyri9; '"t)dt)0';f aii -eq ' -tmlrlq6Jq
, ' ,1- ^lr,f.- ~tth {9^Q-î^1 »<*1t" î- ' -J'IfVI1 y,411··luf
Ca : IL-Un'mélancolique;ressent,en juillet 1889 une sensation
de re froid'ise'me'iit* d'ans 1, les pieds ? d'éo«rnpa ? né'de*'do'tile'ùr>s"*ni üs"èü-'
laires. A cette époque, le malade jouissait d'une santé robuste "et
était' fortement musclé.' Peu à peu il .éprouve de. la, difficulté à
monter les escaliers)' les muscles deviennent sensibles à la pression
et spontanément dou)ou'rèux ? Pasd'àtaxie.Pas de diminution
de la sensibilité. ? ? » "' "" ? 3C ? t*11'" 'Mtf «"«f» ""
1 · -1 ? ,, .i,tù,n^, nmbo^m^ *»<2"l>.
En septembre, attaque.de. dysenterie qui,fait.faire à,la paralysie
de rapides progrès. Réflexe rotulien aboli, réflexe plantaire affaibli. !
En novembre, le malade, peut remuer les pieds. Retour dé l'excita .
bilité qui avàit disparu. Guérison complète,én,décembré.,nh smalt
111.5 1 l-, - Soli comp ,
, Cas JIf ? Un épileptique commence à se plaindre de douleurs
dans les jambes le 1er octobre 1889. C'était un homme d'une bonne
santé à. part son épilepsie.1 : Réflexe rotulien .normal.- La paralysie
survient lentement ! et le force à.'prendre le lit* aul mois de no-
vembre. Sensibilité.; tactile.) amoindrie ? pas ! d'analgésie. t Réflexe
rotulien aboli. - Le malade ne recommença à marchernqu'en
décembre. erio·Lf2laT f ,
Cas IV. Une femme,'qui avait plusieurs fois refusé'du'manger,
est prise- en octobre'd'âne telle faiblesse qu'elle'ne 'pouvait se' tenir
sur ses jambes, bien LI s1on 1- aliment.atiotil fût' e' ! Réflexe, et
rotulien aboli.' Réaction-' électrique nulle dans les'éxtrémités s il
rieures. Muscles douloureux à la pression. En' décembre' 1891 deux
mois après le début, àtrophié'très'rn'àr'quéé dês'fmusclès'ï0Arhélio-
ration progressive eri'jàilvier," sans'chan.ereiit'de' l'état mental.
(Amenicun journal of itisanity, 1893.) ^ ''9°rr m· eLlü Ecyr ? t y
- ,sh1'r·, y', ilél k ··al : v ? r d L ? y ? ll&$d ? · J.lllEr r . z
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 15
XXIV. Deux observations POUR SERVIR au diagnostic DES paraplégies
syphilitiques; pârrMUIa' GILLES 'DE LA'ToURETTE et HuDELO.
f (Nouiellé Iconoyraplaie de la Salpêtrièrl·;' 1893, n° 1.) ? "
ni, fl. "90 8f1 6HL$t w 37Dul Jn·2 ? I : : - ' ' - ... »
.Ces deux observations sont .prises à,Saitit-Louis, dans le service
de M. le Dr Fournier. - i,
1.e o,bse)-vation ? Homme, vingt-trois, ans,.syphilitique depuis
moins de, deux ans, pris subitement des phénomènes d'une para-
piégie spasmddique incoïnplète. Pâsde siçne, dé 13omberg. Pas de
plégié'spàsmôdique incomplète. Pas de signe, de Z5 Pas de
tr6ub)ësde)a .sensibittté. Pas,'d'atrophie(-des muscles. r Réflexes
rotuliens très* exagérés," trépidation , spinale, crampes -dans. les
mollets. Troubles urinaires. peu, prononcés., Le traitement spéci-
rqùë' estsâns aucune action. ', , n « n-u z
, ^.observation. Femme,] trente-neuf ans" II3'stérique,· syphili-
tique, elle, présente-, une .éruption papulo-squanieuse assez .abon-
daute.r Paralysie,. flasque incomplète.des quatre membres, mais
prononcée^surtout aux membres inférieurs. , Pas de phénomène
pupillaire ; pas de troubles sensitifs, absence complète des réflexes
rotuliens; troubles urinaires légers,,diminution de, l'excitation
électrique des muscles sans réaction de 'dégénérescence. Le traite-
ment spécifique est efficace........ ,
Les auteurs discutent ces deux observations et établissent, dans
' 1 es s deux 'cas,6 Je' diagnostic d " - ' ' " 1 ' ' " ' h *Iitiqii ? P ui - ils
exposent lésquelquès considérations eliiiiqu4e siv-alites '" `
'* La1 myélite syphilitique se caractérise le plus souvent'par ta para-
piégie spasmodique incomplète (tre observation), mais celle-ci est
ordinairement tardive/en outre elle est précédée de prodromes.
Ces" 'deux"1 caractères- f6nt"défa'ùt''chez' let' premier ' malade . -
Cés"pfodromes' sont' constitués5 par des" fdrmilj*er'ne'at' s, 'd' es 1 d i ou-
leurs dans le s,jaiiibes«,'Ieé'tt-ouble7s"oêulairei ne sont pas' rares,
U'; y ia< parfois desf do uieurslancinantest qui feraient penser' au
tabès,'mais l'exagération, des réflexes i éclaire le . diagnostic. Le
traitement-, échoue, parce, que, z sans f doute;4, les lésions 4 sont' de
nature, sclérotique, ù mais ! pendant - lai période' prodromique il
réussirait 'peut-être Du \ reste ! cette» paraplégie syphilitique^ qui
est typiqueipeut s'éterniser et même s'arrêter spontanément dans
sa marche. 9 ? -.
La syphilis, provoque, aussi, tmais moins souvent, des paralysies
,11s-ques, comme dans3 là seconde observation. . Ces , paralysies
flasques ont des allures cliniques, très variables. Certaines d'entre
elles se généralisent en quelques jours, gagnent le bulbe, s'accom-
pagnent d'eschares, dejphénomènes douloureux, de i relâchement
deslsplinclërs,-èt èllés entraînent rapidement la mort.) Malgré leur
gravité réelle, ce sont des I)e'auicoup plus souvent
et' beaucoup plus sûrement, par le^ traitement , spécifique, ..que les
myélites spasmodiques à marche lente'et insidieuse. -
46 - REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXV. Deux cas de myopathie progressive du TYPE Landouzy-
DLrenrrr$; par M. Guinon. (Nouv. Icon. de la Salpéÿrièty, 1893,ri n° 1.') ? ? t) L , ICI
Ces deux observations confirment ce que nous disait Charcot en
1885, à propos des différents types de, myopathie, à savoir que les
trois types, connus sous les noms de : paralysie, pseudo-hyperlro-
phique, forme juvénile de l'atrophie musculaire deErb, atrophie
myopathique de Landouzy-Déjerine, ne sont, en réalité que trois
formes différentes d'unei seule, et même- affection, la 'myopathie
progressive. , gd j,, - j3 -, i £ -.i i-t
Erb lui-même avait reconnu que sa forme juvénile se confondait
avec la paralysie pseudo-hypertrophique, et l'on sait maintenant
que la forme de Erb se confond également avec le type Landouzy-
Déjerine. , * " " "" ; ;. ;; ''
Mais M. Guinon, dans cet article, démontre directement et parla
clinique, que ce - type 1 Landouzy-Déjeritie (atrophie myopathique à
forme facio-scapulo-humérale) est de nature identique'avec celle de
laparalysie pseudc,-hypertrophique.En effet, dans les deux cas qu'il
relate on voit qu'il y a coexistence de l'atrophie et' de laipseudo-
hypertrophie, celle-ci entraînant comme celle-là l'impotence mus-
culaire. Dans certains muscles, l'affection a évolué dans'le sens de
l'atrophie; dans d'autres dans-le sens- de l'hypertrophie. 1 1l .-arrive
même que l'alrophie et l'hypertrophie se manifestent chacune iso-
lément sur un même muscle. Dans tous ces types divers, il s'agit
donc toujours d'un même processus morbide, d'une même entité
nosologique : la myopathie pro,ressi-e.,9,1 ti'lqcr'Ui'.i K<jq ,"9rp"i
Observation 1. - Homme, quarante-deux ' ans."L'aS'ection a
débuté à dix-huit ans par de la difficulté de la marche,' puis elle a
progressivement' évolué 'jusqu'au 'moment actuel ? La' face ' est
envahie^' mais ' sans 'le 'signe ' de ' Landouzy (impossibilité- de clore
complètement les paupières) ? Atrophie de'tous lès muscles'pris
ordinairement dans la' forme' Landouzy-Déjerine, et en ^ même
temps pseudo-hypertrophie de plusieurs' muscles de la face, du del-
toïde'et surtout des muscles du mollet. Les mouvements sont très
limités^ certains sont impossibles;' par suite' d'impotence' muscu-
laire. Réaction de dégénérescence sur certains muscles.' La sensi-
bilité est conservée' dans toutes ses formes. Parfois légères contrac-
tions fibrillaires'des muscles à la suite d'un effort." ''> ? '')') ?
Cette"obsérvationiest concluante,' on y voit la coexistence'de
l'atrophie et'de la pseudo-hypertrophie, d'où'résulte parfois''un
aspect étrange des membres,' ainsi l'atrophie du'bras très pro-
iioâeée' tranche avec l'hypertrophie du"'deltoïde : Il s'agit' bien 'de
pseudo-hypertrophies'et non''de'* cas de muscles1' conservés 1 et
échappés à l'atrophie; on a vu ? dans le service, les pseudo-hyper-
trophies" s'établir petit'à' petit,' et'du reste les''muscles hypertro-
phiés ont perdu foute'leur force. '' " ? a ? 0't) ? )t.t
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. , 47
A noter deux symptômes exceptionnels dans les myopathies : le
frémissement vermiculaire et la réaction de dégénérescence. Les
exceptions sont données comme caractéristiques des myélopathies,
mais ce n'est pas une règle générale et on a. exagéré ce caractère.
'310bservation 2. ' Analogue à la précédente. Homme de vingt-
cinq ans chez lequel l'affection a débuté à l'âge' de sept) ans.
Myopathie' progressive de la forme facio-scapulo-liuriiérale. 0 Faciès
myopathiquë typique avec le' signe des' paupières. Pseudo-hyper-
trophie de certains muscles et surtout du deltoïde droit et du triceps
crural gauche. , »" ,
tPhCr'11 ? i nlj·· n ,-rI'l.1 4.ü - v. '
XXVtTB.OS cas d'arthropathies 9SYÉLOPaTHIQUES ; par les Drs L.
Rsvü.Llôti étH. AUDÉOUD. (Nouv.'Icoizogi-. tiell(tSalpêtrière ? 1893,
Zl tst n° 2.) i ' i 'r ? 1-t' ; n«vii" , i, i - . , 4 , 1 , '
iii(f
i le, cas. Femme, cinquante-neuf ans, intelligence peu dévelop-
pée, tare héréditaire peu lourde, pas de syphilis.- Le tabès est an-
cien, il est difficile d'en marquer le début exact. Actuellement : les
membres supérieurs ont perdu de leur force. On ne peut savoir si
la marchel est ataxique, des lésions articulaires ne permettant pas
à la malade de faire. un seul pas ? Le. signe de Romberg est très
accusé ? Les réflexes, patellaires sont abolis. Dpuleurs, fulgurantes
danstles quatre membres. Sensibilité tactile intacte partout. Aux
jambes, la'sensibilité à la douleur a disparu et la. sensibilité ther-
mique est pervertie. La vue est diminuée, les pupilles ; sont puncti-
formes, pas d'atrophie papillaire. - ,'i»,i(, 4V) -0 . .
Troubles. trophiques. .Les dents ont toutes tombé, à trente-
quatre ans. Arthrite sèche et indolore du genou droit,,lequel est
énorme, il mesure 44 centimètres de circonférence. La synoviale
est épaissie,(les cartilages sont érodés.- Craquements pendant'.les
mouvements. Mouvements anormaux. Atrophie du fémur. et hy-
pertrophie du tibia - Arthrite de, l'articulation tibio-tarsienne
droite, sans rougeur ni chaleur, ni douleur. L'articulation est tumé-
fiée, .pas de craquements ni de mouvements anormaux.- Arthrite
également indolore, et sans réaction de l'articulation tibio-tarsienne
gauche. Il y, a un gonflement et une déformation .considérable,
fracture (spontanée et ancienne) du tibia et mouvements anormaux
étendus. Le traitement par suspension ne produisit aucun effet. ,
. ! 2e cas.' Homme de cinquante et un ans, syphilitique, tabès
ancien avec les symptômes ordinaires, marche ataxique. Troubles
urinairesl etoculaires. Crises apoplectiformes. Arthropathie du
genou, gauche. L'arthrite s'est développée depuis peu, sans que
le malade s'en soit, aperçu. L'articulation est tuméfiée, 38 centi-
. mètres 1/2, l'autre genou ne mesure que 33 centimètres. Pas d'hy-
darthrose, pas de douleur, pas de rougeur. Les mouvements passifs
sont accompagnés de froissements. Dans la station debout, le genou
48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
est en récurvation, c'est-à-dire convexe en arrière et concave en
avant. Pas d'autre arthropathie, ni de troubles trophiques.
3e cas. Il s'agit d'un cas fruste de maladie de Friedreich.
Jeune garçon, seize ans, crâne petit, front étroit, intelligence peu
développée, attitude voûtée, mais pas de scoliose. Papilles réagis-
sant bien, strabisme léger, ni nystagmus, ni rétrécissement du
champ visuel. La marche et même la station sont impossibles, il
y a paraplégie complète; cependant, couché, quelques mouvements
restreints de flexion et d'extension, sont encore possibles. Réflexe
patellaire complètement aboli, sensibilité normale. 1 1
Déformation particulière des pieds, lesquels sont raccourcis, la
voûte plantaire très accentuée,' le tarse faisant saillie en haut, les
orteils difformes et relevés. 11 n'y a ni ankylose, ni douleur, ni
rougeur. Ce cas est fruste, le diagnostic un peu hasardé, car on
ne peut savoir si la marche est ataxique. Mais noter qu'une soeur du
malade a une déformation semblable d'un pied et que,, chez elle,
les réflexes patellaires sont abolis. -L -i
' ... .. i in f ";
XXVII. DE la MÉNIXGO-MYËHTE syphilitique. Étude clinique ET ANA-
T0310-PATHOLOGIQUE ; par M. Lamy. (jyottv. 1(.onogi ? de la Salpe-
trière, 1893, nos 2, 3, 4 et 5.) . ' ' '
' - ' i a
. Cette étude date de 1892, depuis cette époque, des recherches
dans le même sens, poursuivies par d'autres auteurs, ont confirmé
plusieurs données cliniques et surtout anatomiques, avancées par
M. Lamy. > ? !
1° Anatomie pathologiques Elle est basée sur l'examen de trois
cas d'origine certainement syphilitique, avec autopsie. - ' ,
Ire observation. Homme, cinquante ans, syphilis un an avant
l'apparition desfaeeidentst médullaires. Paraplégie flasque à début
subit et sans douleur,1 participation des sphincters. Mort subite dix-
neuf jours après le début de la paraplégie. A l'autopsie : pas de
lésion visible à l'aeil nu. Au microscope, les méninges pie-mère et
arachnoïde sont, dans toute la hauteur de la moelle, infiltrées de
cellules, à' gros noyaux se colorant' vivement, cellules embryon-
naires.'Ces cellules sont surtout abondantes autour des capillaires
et dans- les parois des veines,' les artères de- calibre en sont dépour-
vues ! - En certains points des méninges et des parois vasculaires,
elles'forment des nodules par leur agglomération, et au centre, il
n'est pas rare- de trouver une- cellule géante polynucléaire. Dans
beaucoup de veinules; l'infiltration embryonnaire a amené l'oblité-
ration du vaisseau. ""f @-1,1 I ? ? & se hiim,, , ;1, .. ;,1. -
' La moelle, elle, n'est atteinte qu'à la région dorsale. L'infiltra-
tion embryonnaire s'est manifestée par places; comprimant et dé-
truisant les. éléments nobles. Ceci concorde avec le principe
généralement admis, à savoir que les néoformations syphilitiques ont
REVUE 'DE- PATHOLOGIE NERVEUSE. " 49
leur origine dans le tissu conjonctif ou dans ses équivalents, les élé-
ments nobles des tissus's'atrophiant consécutivement ? '. " t ..
2e observation. Homme, vingt-six ans; alors que la syphilis est *
ancienne dej un an,' paraplégie complète qui se développe en sept
jours, flasque d'abord, elle s'accompagne de. contracture au bout
de trois mois. Rétention d'urinë."Eschare,sacrée,infectionseptique
et mort un'an et demi, après, le début de la paraplégie"- ,{>' z
Autopsie. Lepto-méningitesclérense diffuse. Ala moelle, sclé-
roseinévrosique' avancée, -disposée. en îlots autour» des -petits vais-
seaux, ou en bandelettes, contre les travées conjonctives.' Dans les
méninges et dans la moelle, péri-artérites et péri-phlébites. Latdis-
position des îlots scléreux de la moelle démontre l'origine vasculaire
de ceux-ci ? Toutlporte àicroire que ces lésions sont) des lésions
identiques trouvées dans la première observation, mais arrivées à
une période plus avancée de leur processus évolutif. En effet; chez
le premier sujet, 'la mort a interrompu le processus presque.au
début de celui-ci. >'> " ' ? z ? F ? . t· ? z
3e observation. Il s'agit d'une syphilis qui date de huit ans et
qui s'est toujours accompagnée de céphalée vive, de rachialgie et
d'ictus apoplectiques ? La paraplégie est apparue, en même temps
que quelques troubles céphaliques comme le strabisme qui, eux,
furent transitoires. Exagération des réflexes tendineux et mort par
maladie intercurrente, érysipèle. L'autopsie montre des lésions
autres que celles notées' chez' les deux sujets précédents.' Il y a un
effet''pachy-méningite; avec épaississement ou adhérence intime
des trois enveloppes de la moelle, en arrière et aux régionssupé-
rieures du rachis.'La moelle' est également envahie par la sclérose
aux mêmes endroits;, et ? sur les coupes.- on constate que la moitié
postérieure est fortement sclérosée et atrophiée. ».«»' >-- -f z
Ces trois autopsies font voir'que dans lesmyélopathies, il existe
toujours une méninge-myélite diffuse avec altérationi constante des
vaisseaux nourriciers delà moelle, et que le processus anatomique
débute toujours par les vaisseaux ? » nt . .» , -3 idj- un.
On peut établir deux grandes classes de ces méningo-myélites :
dans l'une^.la pie-mère et l'arachnoïde, sont seules atteintes/ dans
l'autre,. les trois méninges' sont prises simultanément. A noter
qu'il Y a souvent participation à l'affection des méninges de la base
du cerveau; ce que la clinique fait,, du reste, prévoir. (exemple, la
2° observation). ? Au. cerveau, on décrit : une méningite et une
artérite syphilitiques, on ne peut établir cette même indépendance
pour, la moelle. Dans la myélitesyptilitique; il a.-toujours co-
existence de la méningite et de l'artérite, mais ces deux- éléments
morbides peuvent se- manifester avec une importance réciproque
très inégale; A remarquer enfin que les lésions veineuses appa-
raissent les premières'et qu'elles restent ordinairement, dans-la
suite, toujours plus prononcées que les lésions artérielles.f i-«.r --,
Archives, t. XXVIII. 4
OU REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
-Comme conclusion : 'On ne peut pas encore, au point de vue des
lésions,' différencier d'une façon précise les méninge-myélites
syphilitiques des mêmes affections vulgaires, mais on peut regarder
comme acquis qu'il existe dans les premières des caractères spéci-
fiques assez tranchés, communs à 'la vérité .à 'la syphilis, et,à la
tuberculose ainsi- les- granulations embryonnaires) avec cellule
géante» centrale, ainsi les foyers gommeux microscopiques des
méninges et des'vaisseaux (exemple,- la 1 observation).
II. Clinique : - Des trois observations inédites'et détaillées qui
précèdent/ainsi que d'autres observations assez nombreuses et suc-
cessivement relatées; l'auteur tire les données cliniques suivantes -.
Les formes les mieux caractérisées de méningo-myélites syphili-
tiques présentent deux périodes. La première qui correspond à la
localisation de la., syphilis sur les méninges seules, c'est la période
prodromique, est caractérisée par des;troubles de la sensibilité, la
rachialgie syphilitique de Charcot, et par des accidents cérébraux
moins constants, comme la céphalée, les paralysies oculaires.'1La
seconde période, celle 'des-lésions, médullaires,' est' constituée par
des paralysies à formes diverses. La; plus "commune est la' para-
plégie spasmodique généralisée incomplète; avec participation des
sphincters.- Une, telle paraplégie répond ! cliniquement' à la myé-
lite transverse. On l'en distingue jusqu'à'un certain point,' non par
les symptômes du' moment,' mais par ceux de' la1 période 'prodro-
mique, c'est-à-dire, que," quand' la période Prodomiquela existé, il
y a forte présomption en faveur de l'origine syphilitique de l'affec-
tion. 'Il existe une autre forme de méningo-myélite syphilitique
très grave et rapidement mortelle, elle survient en général dans les
premiers temps de la syphilis,- elle' est caractérisée par'une courte
et vague période prodromique et par lés symptômes ; de' la myélite
centrale aii;uë ? nf ? eu ? vi<"-1 Y ? 1 .'f. ' rhr ' ll, 'J ? uni ïï,
. '' ? . : -.1 «....1. ? t< ,..... ".r.
1 ?
- Rv;VUC ? p.Ef·111É^DECIrErL i'GLL ? v· ? ? .[.' ? r4 n ? : r -Il§, i L ? ) J'')"<")t ? ) ? tt)n
' - - - "' ' ,- . Il ? 1 Il . 1. s 1 . , .TV-3 i \rf
I. Examen DE seize crânes DE femmes, dont DOUZE criminelles ET
une SUICIDÉE; par P. 1VQ : CHE : "(Archiv f ? Psÿclaiat ? lXV,;l.) ·,
1 Il i - , 1.. " . ^ 1
Il est probable, dit l'auteur,' que les femmes normales, compa-
rées aux femmes aliénées et criminelles,- avaient une capacité
moyenne du crâne supérieur. Anomalies osseuses correspon-
'dantes, permettant de conclure que les cerveaux contenus dans les
boites en question n'étaient point normaux, et que bonne partie
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 51
de ces criminelles présentaient très probablement des anomalies
psychiques,, ce qui exclut d'ores et déjà le type du reste impossible
à établir d'après la variété. des irrégularités constatées/ Ce sont,
en somme, crânes d'aliénées. Si l'on serre de près l'examen des
crânes des douze criminelles, on note une série de troubles patho-
logiques indiquant, une vie .cérébrale morbide : Quant aux signes
de l'atavisme, il faut se montrer très prudent. (Widersheim, Rauke.)
D'ailleurs, la plupart des criminels et des criminelles sont des pro-
létaires ayant subi, plus que toute autre classe sociale, toute sorte
de troubles de,nutrition et l'action des excès de mille,espèces; pei-
nant depuis l'enfance, ils ont essuyé les,, éléments,, nocifs que l'on
sait ? ^d1' n,-OwtYlf, jb j- jj i ! ->m m P. K. - <
i b111 ) -«11 ? -j.. rm- 1,' i mi h «i /. )i- ? Éli 'A.-
lI : CONTRIHUTIOI'A t L'ÉTUOE' MÉDICO-LÉG.1LE de' la' pyromanie; par le
71 il Jt) ...ul.r· t Dr CAiUSET. ? >»' ' " " ♦->J*, * lln-v
*> ! ...(,, is-'i ni ifluiij . p'Ui f.hq ·3 ib ujiiu.' 18 : ;pfttj.u) .)j)t ! 'j.' z
-, ..Discussion intéressante*à propos'd'un cas de médecine légale
sur lequel l'auteur a eut faire un [rapport. Il s'agit d'un hérédi-
taire vésanique,, non t névrosé, mais d'un , tempérament nerveux,
faible -d'intelligence, émotif, orgueilleux ? haineux, hypocrite et
malfaisant dès son enfance. A seize ans, , il se met à allumer des
incendies sous l'influence de colères, toujourslpeu justifiées. A
propos de rien,, devient furieux, mais il se contient et dissimule
son ressentiment., Seulement) l'idée de'se venger surgit dans son
esprit et, immédiatement, il la met à exécution, il incendie la pro-
priété de son ennemi,, puis, comme font toujours ces sortes d'in-
cendiaires, iliappelle au- secours, il aide àuarr8ter,le feu et il s'ar-
range de façon à écarter tous les soupçons. 61 u. e ? 'idan ? L'identité est-complète, dit M. Camuset, entre,un tel individu et
un fou moral ou criminel. Ces individus anormaux, dégénérés,
déséquilibrés, instinctifs, étant considérés comme n'ayant qu'une
responsabilité limitée, on leur applique, en général, une pénalité
atténuée ; ce qui parait à l'auteur un usage illogique.
On admet que dans cette lutte, dont on admet la réalité du moi,
contre les instincts mauvais, la crainte du-châtiment est, chez ces
individus, le facteur le plus puissant dans le sens du bien. Les
autres mobiles qui agissent dans le même sens chez les sujets nor-
maux (sentiment du devoir, crainte du déshonneur, etc.) manquent
chez eux ou sont rudimentaires. 11 faut donc accroître le plus pos-
sible chez les'dégénérés criminels la crainte du châtiment qui est,
à peu près, le seul élément au moyen duquel on'peut agir sur leur
détermination, «et pour, ce faire, au lieui de leur appliquer une
pénalité atténuée, sous prétexte que leur responsabilité est par-
tielle, il faudrait, au contraire, en bonne logique, accroître pour
eux la pénalité ordinaire.- (Annales illédico-Psychologiques, dé-
cembre 4893.) .. , E. B.
S2 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
III. Alcoolisme reconnu EN justice comme cause d'irresponsabilité;
" ? ; . " * Jt.S W fpal' lr'ORAtAN 11ERR. 1 · ? - "' ~s", ' ·
d'à Rn3-ji ? « -î .j......'. 14 J' ' ^1t· , .
L'auteur rapporte plusieurs cas de procès récents pour homicide,
infanticide et délits moindres commis sous l'empire du délire alcoo-
lique, et où les-juges anglais acquittèrent'l'auteur comme ayant
agi sous l'empire du délire alcoolique. Dans ces cas, on sait que le
prévenu peut 'être interné duriiig her blajestys' pleasure," dont. il
n'existe pas chez nous d'équivalent. (The Alienist and Neurologist,
X1V,` 93, n ? "'» 9^5f.' u.r -* y Dji rlrfy 9rr; f A. lAIIIE. 1"A
. ft ? 9 ? c')rf : ur ? h' k fr9(u ? rw lç6S a' up .iY o`) j. ,'f.i0l
'ct7·9 ? 91n )·rvr rtl rr,i,l· -. rff· 'i' .^·h 1rr't4 .rNVn : .r i 1
JV. ALLEGATIONS DE FOLIE DANS LES AFFAIRES CRIMINELLES; r''
- wnn . par Spuingtiiorpe et Dür-LR . u : f '"1l'»>i ? i
On, a longtemps professé la théorie qu'un'criminel ne pouvait
être excusé pour cause de folié ? si'ce n'est'que 'lorsque cette folie
le faisait ressembler à une bête ! Les progrès de* la' médecine alié-
niste ont avancé'aujourd'hui la question ? 1--01 '4 ''f >ax->'>0 £ z' ".
Parmi les décisions prisés à propos* de l'affairé de ltac Naughteu,
la plus importante était celle-ci : un homme sujet'à'des hallucina-
tions, mais autrement' sain d'esprit, doit être- traité comme1' si ces
hallucinations étaient des faits réels et sa conduite jugée en'con-
séquence. C'est-à-dire que si un homme croit qu'on lui doit cinq
francs," on'l'excusera d'essayer par, tous les; moyens rationnels et
légaux de rentrer en possession' de son argent. Q V roi,
C'est une grave erreur : comment un homme'qui est fou pour
certaines choses, jouirait-il pour toutes les autres d'une raison par-
faite ? 9 "' '' 1r9.a· 4 1 .. 3 FrodJcWry 1 f Irat3t'IC'lüdfl 9 ! - lK0f*w\31t-}U
Une autre erreur'fut'commise'par les 'juges- dans; ce" cas"1 de
Mâc'Naughtéil ? ilsétablü'entqec'estl'action qui prouvera' folie.
Nori; une action' folle'en' apparence' peut être commise^sous-l'in-
il'ueni6'in'omentané'd'uie passion alors que la personne est'par-
faitement saine esr ' s'-hmuiI,. uot "a-1j Bob ai ?
- 'A ? " l d 1 " ? ion' : Là loi'dérinit la folies'« ufè 'ma-
"Aspect"lega)'de'Ia'question : Là loi définit la folie1'* une ma-
nière de s-"«c,'oiidù e i è'),"et 1 "non '« une maladie'du'corps' ou-'de
l'esprit ». La loi punit les actes, hbn'lès causes des actes; la société
se protège, et son seul moyen de protection est de punir les actes
qui lui' portent préjudice. Comment déterminerr si le criminel a
obéi à une impulsion irrésistible ou à une impulsion à laquelle il
n'a pu résister ? Le jury doil, dans ce cas, décider sur'le rapport
dès médëèins9°Pôurrce qui' concerne» l'alcoolisme" ou' l'ivresse,
l'homme qui^yôlonlairernen'*1 s'est mis dans' une état'où il peut; à
soio'insü; commettre''des"crimes, doit être considéré comme res-
ponsable., '" u 0f> '3"Jf* l~'1l ? >* ""don airrn f' (3sssilalr'^<9V <
Aspect médical de la question : Il est"1 faut "de"1 juger' la' folie
d'après la conduite, comme le fait la loi. Il est faux de dire : un
b 1 , i - "e 4b ? e ",k [ : v
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 53
i" ' il» . f (( ? » . ? Il , 1 1. 1 "1 '"» ? ) -
homme sain d'esprit agit de telle façon, l'accusé a agi de cette
façon, donc il est sain d'esprit. Il faut d'autres moyens pour juger
un homme fou ou raisonnable. * - ? n'- l.vn ? l ? . tu
-En somme,, on ne peut pas établir a priori de, moyens de recon-
naître la folie et par suite la responsabilité. Il est absurde, injuste,
d'établir une législation qui prévoit les cas où l'accusé sera. déclaré
responsable» ou «irresponsable : c'est au- médecin» seul,, se pro-
nU(lCCr ? 9 t,3..f·· ? ^5.\fe w1a .t3 1,, me T - k, r ? ,{^;, ,,(, ? , . .
Procédure légale : Pour que le témoignage du médecin ait du
poids, il faut que le médecin-expert soit reconnu compétent. Le
meilleur .moyen serait d'avoir un certain nombre de médecins
assermentés, assesseurs des juges et prononçant dans* tous les cas.
Conclusion : La folié doit 'être considérée par la loi, non pas
comme le résultat de la conduite, mais comme une maladie du cer-
veau. C'est au jury.de décider d'après le témoignage du médecin.
., On poserait au jury, les deux questions : z ", ? ?
1° L'accusé a-t-il la maladie du cerveau qui est la folie ? 4p ? 1 ",
20 Le.crime est-il le résultat de' cette maladie ? y; w
,.Les, questions sont simples; les difficultés naîtraient seulement
des .complications, particulières à chaque cas. iou ? ,i2al
of insanit, 1893.)r,ilv F , sy t ,, 'f\ ,' ,. , ^ ` -" E. B. It'
^013 JlOt IIj1 rtl ut. I J' il- ' f. ? "t ? j .t .& . .
V Rapport médico-légal SUR l'état morbide DU mécanicien DE LOCO-
motive W. B. mis1 hors DE service; par H. Oppenheim. (Archiv f.
luKpsychial.;( YV,` 1 : ) , 1 1< - , -, 1, î'l n . 1 ? SI fA'1 ? ,ib·'I YC1L1 b I : 7'y;h ,,9 ''M ? 1Ll. i l-p«n.- i -- i L- . 1 ,
Conclusions. Le mécanicien en question est atteint d'une affec- : tion du système. nerveux entièrement imputable, à l'accident de
décembre 1886. 11 y a eu, selon toutes probabilités, lésion des racines
spinales de- la queue-, du-, cheval ? cette lésion, déjà améliorée en
décembre 1888, a< terminé son évolution,, mais ellëa ? laissé après
elle des troubles fonctionnels. Les symptômes nerveux, généraux
ont été produits, directement ou indirectement parleniêrilé acci-
dent. Ilti'y.a, ni actuellement ni antérieurement, dans le cours de
ia maladie, ni simulation ni exagération. , 1 «n , P. K ? t
. ra , ., 4tiset (Ui &3.' c ·f "a.y. t
,9J01 Mi TIrrUq sb lie nct ? i'.tu q 91 ". r,n ? I 1u9 v3vr$,t , ^ilmu f"
- ' -VI7 Contributions- casuistiques A la psychiatrie tÉDICO·L1 : GALE;
lt 1"ul'1 par E.`SIEeIERLINC. (Aî,chiv f. Psyehiat.,4 X.XV, 2.), , t ?
'noous-i si lit ? T9171`,78 .rB't d". Enrh uo« n. < t ni c ;( . ? OBSERV.1T10NrI. Tentative de -meurtre., Folie systématique chro-
. nique. C'est bien actuellement du délire de persécution (paranoïa
chronique) c'est-à-dire d'une des. formes de la folie systématique
(Yerrùc6theit) ', mais à début anormal parce qu'il 's'est développé
, chez un dégénéré alcoolique. 0 1jSJ . ; .. . ? M
lui 'ï f ,1 «. '* .. '
1 Voir Archives de Neurologie. Terminologie.
84 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
Observation II. Meurtre. Obtusion mentale d'origine épileptique ;
Impudicité, hallucinations ? violences. ' '` P. K. i-"
- - 31. > '» .'
il : "t " ' .-] . 1. ' j vY1 .. - ' - S ' h
VU. Note 31l : DICO-LGALE A propos d'un incendiaire, par le Dr Dérobe.
s ,. ? Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belg., juin'1893.)1 ' )
L'étude des facultés mentales de certains incendiaires et la'déter-
mination de leur 'degré' de ' responsabilité constituent l'un des
problèmes les plus difficiles delà médecine légale des aliénés. Il
n'est pas rare de voir certains idiots ou imbéciles allumer des
incendies par suite d'un. entraînement instinctif dont il est impos-
sible de se rendre compte. Cette impulsion, morbide des imbéciles
et des idiots est bien- différente du délire partiel'monomaniaque.
La pyromânie est une 'forme de' la' folie impulsive." L'existence de
ce délire 'instinctif, de'cette attraction unique et°irrésistible dans
une intelligence d'ailleurs saine,' si elle existe,' est un fait excessi-
vement rare. ? ,9J- ? t9 ? ' ? "' ? ? s'-fs Mi' n( ? t 1 y
Plus souvent;' il s'agit d'épileptiques ou d'alcooliques. Sans pro-
1vocation'e sans aucun'motif de haine, on voit ceux-ci allumer des
incendies comme on les voit se livrer sur le premier passant venu
à des actes de"1 brutalité ou de violence 'dont ils' n'ont pas cons-
cience. » 'A
Il peut arriver aussi que l'incendiaire ait agi sous l'influence de
conceptions fausses, d'un délire plus ou moins systématisé..Mais à
côté des incendiaires qui agissent sous l'influence d'un délire
défini ou'de ceux qui,, obéissant' à une' impulsion irrésistible' et
i inexplicable; * "' d'- sans motif ni'raison il 1 existe une, caté-
inexplicable, incendient' sans motif ni raison ? il' existe une1 caté-
gorie d'individus qui allument' des incendies 'pour un' motif très
futile,'mais*' suffisant' néanmoins-pour expliquer leur rmauvaise
action.' Les auteurs s'accordent'généralement à ranger ces incen-
diaires dans la grande classe des dégénérés, des héréditaires vésa-
niques. "wn ' ,ca4· ? 1; f,j, . j« > it> > ff
Ces préliminaires posés, M. Derode relate l'observation d'un
dégénéré qui tenta ? sans'motif sérieux,' de mettre le feu à'la mai-
son de son oncle,'et eu faveur duquel il' rédigea un rapport médico-
légal dont' l'accusé à bénéficié, car il n'a été condamné qu'à une
peine très légère : ' T"' ? r,, 1% >," »1 1- ',p ' G. 4D ? i
VIII. Du RESTRAINT mécanique dans LE traitement DES aliénés;
'> a* -t ? par" Clark' Bell ? ? ? lh
C'est une vaste enquête entreprise au ! sujet des arguments' pour
ou contre le restraint' ainsi' que sur ses principaux partisans eu
Amérique et Grande-Bretagne, avec en' regard leslrésultats'obte-
nus dans les asiles, d'une part ceux où on applique le no-reslraint,
de l'autre ceux dont les médecins en sont adversaires.
revue, DE médecine légale. 55
Hâtons-nous d'ajouter qu'en dépit de plaidoyers fort habiles,
entre autres celui du Dr Yellowlees, l'avantage reste aux partisans
du no-restraint; signalons entre autres un exposé du Dl' Robertson
d'Edimbourg et une lettre de 111m Alice Bennett, médecin-direc-
trice de l'asile public de Norriston, enfin celles des Drs Brice et
William Orange^qui n'admettent le restraint que dans certains
cas d'interventions chirurgicales, ou d'appareils, et pour certains
cas de tendances.au suicide et aux mutilations. (Medico-legal
Journal, v. X, n°i.) z . T , , A ^
PL . ."aC'1 ! 1f Y^ 'inr , . iw.h . ; a · . , ? , ^,
'nqirn IX. Du''SECRET professionnel;' par Albert Bach. '
,-4)t'o i)k r, |ii« gt 4 ? tu. j ' - ? ' t ., ,
.-Étude d'actualité en Angleterre comme 'en France à cause des
récentes prescriptions, relatives aux déclarations de maladies épi-
démiques, obligation nécessitée par l'intérêt général, mais difficile
à concilier avec l'intérêt personnel du client..) j s ( , <, '
La question des assurances sur la vie et du secret professionnel
du médecin,% vis- à -vis des compagnies est. également^ abordé.
L'auteur.. considère que le principe du secret professionnel doit
prévaloir ? , et que , l'intérêt du, client doit l'emporter pour le
praticien sur. l'intérêt commun. (bTedico-lcgal-Journal, v. X, n° 1.)
t\IARIE.1, "Q
-.h t)9,t9 ? 0l'' ' f), ·'o il nitf V i, . , ? ryt j ... ,.».. - -f,
X : J11ALADlES du ! langage et localisations; par.Will. Struthers.
°rld4 b b g^4 )lrtn 9 ? t, t, ? ? k; -. - , 1
i., L'auteur, admettant la .dualité fonctionnelle, des hémisphères,
développe l'hypothèse du rôle de l'hémisphère droit comme siège
des mémoires,de,tous ordres, enregistrées par région selon les
combinaisons d'images correspondantes aux localisations symé-
triques. (Medico-legâl Journal, v. X, no,l) r f ,-A. 114AnIE., ? 9 at· . ·r,e A f., ? ? .1. 1 ? ? ' , ,
XI. L'affaire YARROw; par Wood RENTON.
' ')' ùr ? f' ! a.' . , --b ? » y , .- . ,- , t. ,.
,. Cas d'une femme adultère.leontre laquelle une demande en
divorce fut faite et qui était aliénée au moment de l'acte ^incri-
miné. Le divorce fut admis, par suite, la femme reconnue res-
ponsabletbien qu'aliénée. (Aiedico-legal Joua·zal,.X, n 1 : )
A. Marie.
, * ; : à,.i* Il ." V l, z·, au 1 - j .1l ·. , - , . k,
, XII. L'affaire IInnsenY; par \'Vood REnTON.
Procès en sévice et adultère, contre le. mari pour lequel fut
invoquée la folie circulaire, mais le jugement' repoussa l'argument
« le terme étant inconnu aux juges, et aux jurés et leur paraissant
inventé pour la circonstance,» ! (Medico-legal Journal, X, n" 2.) ', ? 1.. ? s. T * "À. 'Marie.
56 REVUE DE médecine LÉGALE.
-, ' t t.. ri -t L
. XIII. L'affaire par Clark BLL. , , t
Rappel du procès de meurtre par un persécuté de ce nom qui
poursuivait Robert Peel, en 1843. Ce procès fit époque en Grande--
Bretagne en ce qu'il aboutit à un" acquittement tellement reten-
tissant que la Chambre des Lords fit une sorte' d'appel à tous les
juges du royaume pour savoir's'il n'y avait pas'lieu de rendre la
loi pénale applicable dans ces cas de crime causé par la folie.
(Medico-legal Journal, X, 3.) A. Marie.
1 ii.T , 0 , , .-1,i f fj.,^1 Jl .,§ 1) - ? 3,j 1]V' t
XIV. Du témoignage DES mourants;1 par Clark BELL.
L'auteur s'occupe dérces, désignations in extremis de l'auteur
d'un meurtre par exemple. Il' signalé les réservés expresses qu'il y
a lieu dé faire sur ce point'et les hypothèses variées que la loi peut
avoir à 'examiner (foli6"de*'I'a,u.te ur'de- la dénonciation, erreurs,
perversion). (edM;o-6gVo : n'M( ? Y n 3.)aw"'i" ''A.'MARIE ? * '
XV. 11-1LPRACTICE; par Clark BELI.
De la responsabilité du médecin ou chirurgien traitant, relative-
ment aux dommages pouvant résulter d'un traitement intempestif
ou mal dirigé par, négligence ou ignorance. L'auteur admet cette
responsabilité même'pourries incapacités de"travail, les pertes
de temps et d'argent résultant d'un traitement eontre-indiqué,
bien entendu en dehors des imprudences ou négligences possibles
du malade lui-même. (J)7eMO-a Journal, X, 4.) A. Marie.
- , : .0 "J l 1 & ? t Lb, f li# ? 1$1 eo (, . -, 1 .
XVI. Exkmrr4,MICRO-CIIIMlQUE Du s,% ? G;, par Joseph JONES.
Dans un cas de meurtre, l'expert eut à examiner les taches d'un
couteau et -celles d'ûnrlivèé'c Il cônclut'à' l'origine humaine du
sang examiné.
Dans le' numéro précédent, deux 'études sur la question; l'une
de Marshall EWELL, Etude micrométrique des globules sanguins ci
l'état de" santé où de maladie.^ " ^v-A 1 'z < ™- * .4,. * ? i
L'autre de Clark Ir BELL, Recherche "dîr'san'g en -médecine légale.
Cette 'dernière très "documentée 'avéc"'tableaux"1'ettfigures" nom-
breuses : '(àfe dico-legal Jozcrnal," v X,t3 : )y'=" 'e Qç 'AT'-Marie.' `' - "
11 h M z ' >U <-w n H' ! 1ty(Y. l · I.wb4tn 9b 45L k, rvi.i.
v-irTT T ? ' "' "">-" i'" ! " Wi n .. c* a > " "' v..., ? 1
'XVII. L`EVOLU71ON de la jurisprudence pour la responsabilité des
. ;* ? alcooliques ; pâI lé`D'' Clal·li"BELL : '1 ? "'
1 : 1 y o ? t, > ..)".)t ? ? >4r . ? natj-q .l,I' 9.iy IfII n
'Après avoir tout d'abord considéré l'état d'alcoolisme au moment
du crime comme une aggravation, on l'a envisagé comme cause
d'atténuation de responsabilité, puis on l'a graduellement' iden-
,f SOCIÉTÉS SAVANTES. 87
tifié à une psychose. 11 en résulte des inconvénients en ce que
l'alcoolisme invétéré appelle des mesures -'différentes de celles
appliquées à l'aliénation simple. L'assistance devrait être doublée
pour eux de mesures restrictives spéciales rappelant le régime des
% aliénés criminels] anglais. (Medico-legal 1.)- Dans le
même sens l'Aliéné criminel, parGRAHAM (Mëe ! }eo-a< Journal, X, 2),
conclut au minimum d'internement de dix ans pour l'aliéné alcoo-
lique homicide.' ' " , ', ? ', "" ' ? A". 'Marie. -
XVIII. Responsabilité CRIMINELLE DES paralytiques généraux au
s, '^ ? ' DBUT; par, Franlz P-iRso ? s. ,- ,
appelle l'attention , sur, la fréquence des délits commis
dans la période préparalytiqte ti, 4 dynamie fonctionnelle. Ces
cas bien que, topiques, trop souvent méconnus par les juges, appel-
leraient un, sursis.au jugement et .un examen médical ou même
une observation préalable, spéciale. (Jlecdico-legal Juür»cel, X, n. 3.)
.. ° . z A. Marie. -
1 va ? J'W Ji i' e S : 'Icr·r.y u.er r . ,-v 7FI U` ' ! ·1' ? W il i
''P°3Lt 9.ifl' r-iam*ti»i' nu h f-j.f;u-r » Iua-' < ir, ? .9^Pii.Ci ih v . . ? c'rTnpt7'c ? c'At7'\rï ? c ? . '
.9, a, 3 , ,ai.,SOGIL'ÉS, SÂV1NTES ? 7 ? ?
XXIV CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIENATES.
't'·ol tDEL'ALLEVIAGV1 : 17U SUD-OUEST " ? 9ft0t)tt'mi ? t ? j'9f.r.) i l'ifytm · f °, i
' -iiu-sdl'"1 » i .t y, SESSION, DE KARLSRUHE., a4 ? , ,
. -ni . » ri.
-i ' Séance, du 5 novembre 4S9 ? ? PnèslnrvcE de hl., LUDN1G : '
i vtin, <non< , Vis<V)Jc ' n> >' , iiV.,«o'u> t « >» 1 1 « 'li, ' ' .
De l'importance et de l'emploi de l'hydrothérapie chez les agités. Rap-
porteurs : MM. FUErtSTNER-,et,4FEDB.USCII. Voici les conclusions
proposées par les; deux ^rapporteurs qui sont à peu près d'accord
sur l'ensemble : 1° la valeur.de l'hydrothérapie scientifique sous la
surveillance de médecins compétents est incontestable dans le trai-
tement des aliénés; 2° mais, il faut qu'au préalable on ait soi-
gneusement examiné rieurs organes; 3° on a également à'tenir
compte de particularités quant au mode de réaction individuelle
,de,-rand, nombre d'entreeux;4°'tandis que il'eau chaude con-
- lipQy *** -» ? t *l "i - i, ir-.it. -j- '.< f ? f
,si Le retard de cette publication est dû ;\ la mort de M. Schoenthal.
58 sociétés savantes.
vient exclusivement sous la forme de grands bains, l'eau froide peut
être utilisée en frictions, enveloppements, airtisiotisilouelies, bai iis
partiels ou bains, généraux; 50 l'eau chaude sera employée en
grands bains de 26,; 28, 30° de 10, 15, 20 minutes, de durée,ou en
bains prolongés suivant le cas. On n'emploiera qu'à titre exception-
nel des bains plus chauds ou plus prolongés ;,car les résultats obte-
nus par leur emploi- ne sont pas en rapport avec les difficultés
qu'entraîne leur administration; 6° l'action du grand bain chaud
est triple ; il calme, appelle le .sommeil,' active les échanges
nutritifs. 11 contribue à l'entretien de la peau et à l'hygiène, no-
tamment chez les gâteux, les agités,ou les malades 'atteints de
lésions organiques; 7 ? le {grand bain, chaud est indiqué, dans
toutes les psychoses fonctionnelles, aiguës; il;, agit. favorablement
dans les psychopathies dépressives, surtout quand les.malades pré-
sentent en même temps de la déchéance somatique. Le bain chaud
rend également de grands services dans les psychoses d'origine or-
ganique, et, au premier chef,' dans, la paralysie générale; l'action
congestive qu'il peut exercer sera efficacement combattue par l'ap-
plication simultanée de compresses froides sur la,tête du malade;
8° on s'abstiendra de prescrire le bain chaud chez les malades qui
montrent pour lui une répulsion opiniâtre, extrême-et;continue,
qui se raidissent contre son administration;. on n'insistera pas non
plus quand (ce qui d'ailleurs est exceptionnel) l'aliéné qui. sort du
bain est plus anxieux, ou, plus agité qu'avant; 9°, l'hydrothérapie
froide agit le, plus,souvent d'une façon' défavorable dans les psy-
chopathies dépressives, surtout à la, période aiguë de., celles-ci,, et
tout particulièrement chez les malades dont lanutrition1estvicieuse.
Si l'on prescrit l'eau froide sans tenir compte de l'état général des
organes, si, par engoûment ou par, système, pour obéir à la mode
empirique, on soumet en masse, les. malades à l'entraînement de
KNEIPP, on nuit plutôt à l'évolution de la maladie.mëulate dont on
risque, pour le moins, de prolonger la durée de beaucoup. On est
alors d'autant plus nuisible que la prescription en a'lieu au stade e
initial de la psychopatie, et qu'en outre, parées pratiques, "on ré-
duit l'apport, nutritif ;. 10 ? il faut être particulièrement circons-
pect quand, on se propose de traiter.à l'eau froide les paralytiques
généraux. On leur évitera les affusions, et les douches, surtout sur
la tête; ce traitement exagère l'excitabilité' et' la tendance à l'agi-
tation et parait favoriser les" attaques' congestives; 11° on obtient
souvent de grands avantages de l'enveloppement du corps entier
dàns« le drap humide et froid pour traiter l'agitation,11 par exemple,
chez les maniaques, chez les malades'vigoureux et jeunes' qui sont
affectés de psychopathies postépileptiques, et d'une façon générale
dans les formes morbides^qui procèdent, par» de( l'hyperthermie^
12° les frictions froides, les affusions sur le corps, sans y comprendre
la, tête, sont à leur place- dans les stades avancés des psychoses
sociétés savantes. 59
fonctionnelles, notamment quand l'évolution delà maladie prend un
caractère traînant; ces procédés sont surtout indiqués lorsqu'on a
affaire à un état d'affaiblissement imminent du système nerveux
central; ils relèvent'la'force de résistance' des malades ; on les
emploiera notamment dans la neurasthénie, l'hypocondrie, chez
quelques convalescents, ou encore, à titre prophylactique, chez les
sujets "'à' hérédité vicieuse; 13° l'enveloppement.' partiel à l'eau
froide rend fréquemment de bons services lorsqu'on veut combattre
les sensations anormales, surtout celles qui sont circonscrites ; la
serviette froide appliquée sur le thorax convient, par exemple, dans
l'angoisse : Les bains froids partiels et'en particulier les bains de
pieds diminuent les sensations anormales de la tête, notamment la
sensation' de compression, céphalique; 14° les affusions et les
douches amélioreront'certains gâteux; mais c'est au médecin seul
qu'appartient la prescription et l'application de ce moyen de trai-
tement : L'eau froide aidera également à combattre la masturba-
tion ; 150 les' bains froids généraux, les bains froids de rivières et
de mer sont indiqués pourrenforcer le système nerveux central. La
réaction des'individus' est" d'ailleurstrès variable'et'échappe à
toute ^prévision ; 'aussi conseillera-t-one de commencer' par des
bains très courts ? ^ ? t c·;y » "j'^n Iiiir ' - o . ' - '' ,
- Discussion : M. KnOEPEUN ? Les bains chauds prolongés, de plu-
sieurs heures, chez les agités et dans les psychoses aiguës n'ont au-
cun désavantage pourvu que, par : précaution, l'on'administre de
petites'doses d'alcool' avant et après les bains^ On obtient fréquem-
ment ainsi un calme de plusieurs heures ! M. Stark préfère un bain
chaud' d'une demi-heure au maximum;' en' le répétant,' au besoin,
deux'fois par jour ? .t 7.y ' `t4j t.« ' '<>* v- - » z
t' M.' FUERS'1NER. - II est'difficilede maintenir si longtemps dans
le bain des 'agités, la' surveillance du médecin est, en tout cas, de
rigueur.' Ceux qu'on peut le mieux soumettre à ce' régime, ce sont
les mélancoliques anxieux et les malades affaiblis'par une maladie
physique aitérieure2 ,' ? P ,1, '" * ;"»* / ! ' / -
MM. Sioli et Schuele prolongent f aussi la durée* du bain chaud
pendant une| heure.' '^-' M. 'KROEPEUK se passe de bains quand il a
affairé à dès' malades tout à fait récalcitrants. Il s'abstient et l'on
doit absolument s'abstenir des baignoires' a couvercles. ` ' ',
1,, Conclusion 6. M. KROEPELIN regrette que les rapporteurs n'aient
pas fait mention des bains permanents chauds pour le traitement
.des* accidents gangreneux du décubitus' - M. DrrTMAR ? Les grands
bains chauds ne font pas. dormir. -,..., , , . m
·' Conclusiori 9 : ' -`M. FoERSTNERsur le désir de M. Schuele,
.-explique que sous le nom 'd'hydrothérapie froide (Kallwassei-proce
du ? -en).il entend parler des moyens d'administrer l'eau de source
froide : 3' -' ' " ' , " ' ,
60 SOCIÉTÉS savantes. ? .. - . a - ' -.1 1t.. -t" 'Mil'
111. SCHUELE. Et l'emploi de l'eau à la température moyenne
de 22° ? Faut- il le proscrire ? ay y ? « . ,, · ? y; r,y,,4
M. FUERSTQER. L'eau à 22° n'est pas de l'eau froide. > ^>.o " «c
MM. KREUSER, VVILDERIUTH, Stark et Kirn confirment la condam-
nation prononcée par I : Fuerstner contre le. système : de Kneipp
dans le traitement de l'aliénation mentale, surtout au'début, -et
dans celui de la neurasthénie. Adoption unanime ^'de la conclu-
sion 10..1, jt. (, , jyf(Jir - ). ! (" ? t 1 , "» it ? .il
. Conclusion J J . , 11L Schuele pratique, l'enveloppement à l'eau
froide dans là, manie et. dans la folie- systématique aiguë, quand
la fièvre est peu élevée; il en obtient de bons résultats.,t ^itnB'
Conclusion 13. - M. r BIrrsN.INGER combat avec succès les; sensa-
tions anormales en appliquant'sur l'abdomen des compresses de
Priessnitz; c'est un moyen qui a encore l'avantage de provoquer le
sommeil, mais.il il augmente l'angoisse. \ ,4"t,r"3niaJen e,fa.mNè'J
. Conclusion 45.-VI : BrNSwAi\GER recommande' les bains'des lacs
intérieurs; dans le lac de Constance on baigne beaucoup de malades
y compris les paralytiques généraux, sans que, jusqu'à ce jour,ion
en ait relaté d'inconvénients. Mais quand il s'agit de bains de mer,
il faut se montrer très, prudent. M. Fuerstner.^ Les' grands
asiles pourraient au besoin, construire des écoles de natation.
M. Stark. ? A Stephansfeid on utilise depuis neuf ans ^un ; bain ici
froid libre. ' , i W ,, tu
- Le congrès msistesur la nécessité d'être très circonspect à l'égard
des bains'de'mer'chëz les neurasthéniques ;le séjour, au bord de la
mer" est bien plus* utile pour' 'eux ? ' " " ? : " a- ait
' trio.. ,Ji ilj -iJATifif
M. Fuerstner. En somme, nous sommes tous à,peu'de chose
près d'accord sur les' indications de l'hydrothérapie et de labalnéo-
thérapie en pathologie mentale. Mais il est évident que' la précision
nous' fait à tous défaut* Les renseignements bibliographiques sont
ce sujet épars' et "rares ; et encore' ne'les trouve-t-on' pas dans
les recueils de psychiatrie. Il faut espérer, que l'avenir améliorera
cet état.
1. 1 '«.tiunn nuv .fit"" "ui"- <»; <i->iJi,'i.-i it 'Ti; -ç 11f1 E 41..
M. Rieger. t Lu psychiatrie , et l'étude de ,la médecine. f L'ora-
tp r E' La, 1.. - et - l'étiide on a de.,la inétlecine., i ' L'ora-
teur propose d'adresser, une,pétition aux, Etats qui ont déjà fait
tant de'sacrifices pour renseignement de la psychiatrie, c'est-à-dire
à la l3âvière ·; àu2 Wurtémberg; au duché de Bade; à la liesse et à
1 ? Alsace-Lorraine; afintde les prier d'agir dans le conseil fédéral et
auprès du ministre, dans le but de faire introduire les matières de
la médecine mentale, au nombre des épreuves, d'examen
Adopté. ^ . I .t.,... ? (tuM ? ( ? )<5Bt ul'B'-i x,
M. ICRPEL1N. Délimitation de la .paranoïa.^ ? L'orateur,; pro-
pose de n'appeler de ce nom que les cas dans lesquels il y a forma-
tion d'un délire systématique chronique, incurable, stable, implanté
sur une assise constitutionnelle. On en exclura par conséquent le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 61
délire systématique que beaucoup d'auteurs qualifient de IVahii-
sinn ou de WaA ? MMM aigu ou encore de paranoïa aiguë curable. On
en exclura aussi les observations dans lesquelles il y'a délire plus
ou moins cohérent, à début aigu ou'subaigu, délire qui témoigne
simplement d'une profonde débilité mentale préexistante ainsi que
le montrent le décousu et l'incohérence des conceptions délirantes ;
ces cas et.d'autres modalités plus ou moins semblables devront être
rangés dans l'hébéphrénie. - .<> i'<'<" ? r . '- -
Discussion : M. FUERSTNER. Jamais on n'a eu l'intention de
ranger dans la' paranoïa l'amentia. Mais qu'est-ce que signifie le
termede constitutionnel ? CommentM : KROEpELiNappeHera-t-iHapa-
ranoïa hallucinatoire aiguë des alcooliques ? " 418 - " s, - '
'M.KpOEpELiN. " On' désigne aujourd'hui encore fréquemment
l'amentia du nom de paranoïa-hallucinatoire aiguë. Quant aux mot
dalités hallucinatoires aiguës de Fuorstner,'ce sont du Wahnsinn.
L'épithète constitutionnel désigne un processus pathologique exis-
tant -à l'état latent chez l'individu et se -développant, «sans, coup
férir, lorsque les facultés mentales se développent.».. u t '
"M ? Kirn. 11' y, a ? des' cas de paranoïa1 aiguë- qui deviennent
chrôniques'et réssemblent'1exa"ctement àcéux qui "sont' chroniques
d'embléë ? 1 ? KRPELIN. Généralement la paranoïa à début
aigu ou subai-ù --àét-it 6ù' se1 termine'par la 'démence" niais 'ne
devient pas chronique ? 1 ' ? ftj Il ? n=-a;bJ' f, " `
Tul"'
M. ,VORSTER. Etat du poids spécifique, du, sang chez les, aliénés.
L'auteur a étudié la densité d'après lé, procédé, du pyknomètre
capillaire de'Schmalz '-^"et l'hémoglobine à" l'aide' de l'hémato-
tomètre de Fleiscbl. 1 ? 'l-4 .
' Il examiné 116 aliènes (103 hommes et 11 femmes) à l'âge
moyen de la vie. Dans la mélancolie,' la'manie périodique, le délire
sÿsténiâtiqilê'aiâüyôïicôïîstate;`à la pério'de* d'acmé de la maladie,'
une diminution de, la densité," et''de 'l'hémoglobine.' Celles-ci se
relèvent àvec ler' pôids du' corps, ' iquând ? ômmenee E la guérison.
Chez un malade «attei'nt' de "deli ? "itim" ti'èl,e;2,s, 1 oil* constata, à la
suite^'une période d'agitation de quatre jours, que pendant vingt
jours, le poids spécifique remonta de 1,052 à 1,061' et l'hémoglobine
de 85 àt 95'p." 400; tandis"que ler pôids''dû corps regagnait neuf
livres ? Mais il'faut réserver une' place à part 'aux 'mélancoliques ;
car au début on constate souvent une' ascension considérable des
dëux'elémènts du sang '(densité ? hémoglobine); la dépression', lors-
qu'elle* est grâve ? àrrêt'e là'circulatibh. '' ! ,1'B'" ? '' "
Chez'les paralytiques généraux,' tandis que "progresse la dé-
chéance, la densité et l'hémoglobine baissent. Chez une paralytique
générale'à marche'aiguë, la densité s'abaissa à 1,046, l'hémoglo-
bine à 63 p. 100 : 1 Une' attaque''congestive fit remonter la densité
de' 1,057- à'i4,06 ? et' l'hémoglobine de 85 ùz 95 p. 100; en deux
'' '9t)' ? U ? jLt ? ? t r t . -t' ' '. r 7 . `
'62 SOCIÉTÉS SAVANTES.
jours on redescendit aux chiffres qui étaient notés avant l'attaque
congestive. r Wt > » ! '* ' - ; - 1 1 il z
A la suite d'attaques d'épilepsie grave, il'y a d'ordinaire augmen-
tation évidente de la densité et de l'hémoglobine. Les épileptiques'
à l'âge moyen de la vie, qui ont pendant des années pris du bro-
mure, ont une densité supérieure à/celle des épileptiques qui n'en
prennent point ou n'en prennent que depuis peu.Voici un exemple :
un épileptique" prenant depuis onze ans du bromure, a, une demi-
heure avant `une attaque graver un poids spécifique de 1,067
une proportion d'hémoglobine de 110 p : 100 un- nombre> d'hé-
maties de 8,360,000. ? t »' i. : k ? ,loar - -1" ' ? ni- ? 14jet i
Voici, par contraste; une démente de. trente-neuf ans; atteinte de
maladie de Basedow : le poids spécifique est de 1,031 la; propor-
tion d'hémoglobine de 22 p. é 100 - le nombre 'des hématies de
i,8rI,000. Il est vrai que ce sont les chiffres lesiplus faibles qu'on
ait relevés. . -r - . 4L Il mwnMx'*
Discussion : M. SOMMER ? Quelles' sont les formes'de mélan-
colie où l'on ait constaté les chiffres les plus élevés ? -2 M.1 Vorster :
- La mélancolie stupide. 'O'1»^ n cr' t'3y ? »<» «..fi tiu ;^ oip.
La mélancolie La physiologie expérimentale a-t-elle, par l'exer-
cice exagéré, par exemple, pu réaliser des phénomènes'°serü-
1)1a111eS ? * ' ? vw·t ,·,i1 »n y v1 41 ''ü- ', ?
M. Vorster ! Non. D'autant plus 'qu'il'me paraît difficile que
l'on puisse dépenser une énergie' aussi vive et aussi continue'' que
les'aliénés en dépensent pendant une période ' d'agitation.n (Allg :
Zeitsch. f. Psyçhiatrie' L. ·, ,i. .,1 ? ? ? : tflJ 9 I . KER.1VAL. . ? >
- . ii, H'1' : : t .nui» )«' )11 ( ? tJ`t`'·9 Xrl' Yuflu ltl.t
,i.. , -r. ·w ? r ·t irr rr.i rf rrrr Cj itrr53 vyJv bz'erqd rHjr rrr,
- l ,r .r r ! . ·f7,tri.,· -1 Ir3 r ? V·rtia : ,,r 3. UjiU ;,t Br ! 6 ) '7AtrU'1.1 cru
Séance du 6 raovembre : 189. , Présidence de M.' rUEnsTEa.-u ,
' .· t , -119 Y 5t,i41 IlL ? ^n·.3·n '1 : sQfriC 2lri . yrrF3'ir : G tr^-ilil'
Le Congrès se réunira l'an procliain,(1893). à Ialrsruhe. On. y
traitera officiellement les questions suivantes : 1° Des quartiers de
surveillance continue. Rapporteurs : 111L IItPELIN et SIOLI ; 20 des
visites des parents dans les asiles d'aliénés. Rapporteurs : MM.'ScuuELE
et DITT31AE ? ·y r.,n,,F(mflt'. 1 ·Dri..v,n a.lEi' 81tlrJlJ 3..Î .{ i.i ^ 4
Du nombre des cellules nécessaires hLns lesasiles.publics de trai-
tenaent et d'hospitalisation d'aliénés ; de leur mode de : construction et
d'installation le plus convenable. Rapporteurs : MM. LUDwiG et Kreu-
sEn. Voici les conclusions proposées : o. 1 ? lue .=9 »-,i-, r.Sio
1° Un asile public du genre choisi pour la question proposée,^ dois
avoir une proportion de 10 p. 100 de' chambres bu de locaux prot
près à isoler les malades. Mais si l'asile a plus de 500 malades, on
peut lui en donner moins, bien que ce soient ces constructions qui
en réalité permettent de recevoir rapidement de nombreux en-
trants; 2° la moitié à peu près de ces locaux d'isolement serasoli-
, SOCIÉTÉS SAVANTES. 6t>
dément établie et groupée en un quartier spécial. Le reste sera de
construction légère et disséminé dans les autres quartiers de l'éta-
plissement; 3° chaque local de cette espèce aura une superficie de
12 à15;- mètres carrés, et cubera 50 à GO mètres; 4° nécessité de
la ventilation artificielle; 5° le chauffage central est à souhai-
ter ; 6° on les pourvoira de^ larges, fenêtres dont le quart ou le
tiers mobiles; 7°' il est indispensable qu'on dispose d'appareils
propres à éclairer ces toeauxi du, dehors pendant) la nuit; 8° on
installera un système de portes solides, s'ouvrant au dehors, rapi-
dement et sûrement, à plusieurs serrures. Il sera bon d'avoir de
doubles portes; 9° on n'oubliera pas le guichet ou toute autre baie
d'observation; 10°, Les parois devront êtres résistantes, faciles à la-
ver,ou,à désinfecter; 11° la planche sera en bois dur; 12° utilité
des sièges fixes des latrines dans les cellules ; 13- un-mobilier fixe
est tout à fait inutile.' aW1 u .4 'u. ? »,t» ii v « , .... ·
Discussion : Il résulte de cette discussion à laquelle prennent
part lf3LFuerslner, Stark, Kroepelin, Kreuseret Rieger qu'il est
impossible de tomber d'accord sur un-type de, cellules, pas plus
que sur un nombre centésimal régulier, parce que c'est une ques-
tion dans laquelle interviennent des facteurs d'une extrême variété
/Fuerstner) : " ,. ? 4 ? ) h .» ? ,ïqi. r4 ^ .,
M. 1. Hocxe. De la méningite ce ! 'ë6 ! 'o-pt ? ! a<e; présentation de pré-
paratOM. , li s'agit d'une femme grosse de trente-quatre ans,
arrivée au sixième mois de sa grossesse ; il existe chez elle tous les
accidents, de l'éclampsie, comprit unea albuminurie colossale.
L'autopsie montre une méningite suppurée diffuse.de tout le, sys-
tème nerveux central; l'organisme ne contient cependant aucun
foyer qui puisse être tenu pour le point de départ de l'infection.
On trouve dans le liquide cérébro-spinal le diplococcus de la pneu-
monie de Froe-nk'el.'Pas de microorganismes dans les vaisseaux ar-
tériels ; quelques-uns dans les veines; diplococcus sans nombre
dans' les espaces, lymphatiques delà pie-mère'et de l'arachnoïde.
C'est donc un cas sporadique de méningite ~épidémique, mais dont on
ne connaît pas le mode de'contamination. le -- v ., ...
"M. G : ILDERG. Le délire systématique hallucinatoire d'origine toxique
(Kroepelin). Le délire systématique hallucinatoire (%Vahnsinn) est
une maladie caractérisée par des hallucinations sensorielles et des
idées délirantes' sans trouble profond' de la connaissance, à évo-
lution, ! aiguë ou subaiguë,' qui, tantôt guérit complètement soit
après récidives, soif après avoir duré pendant quelques années,
tantôt aboutit à un affaiblissement secondaire des facultés intellec-
tuelles. Il faut le distinguer de la confusion mentale ou désordre dans
les idées , hallucinatoires, car les malades ne sont pas désorientés,
ils reconnaissent les personnes, ruminent tout un chapelet inter-
minable de conceptions délirantes cohérentes,- sont hantés de
perpétuelles hallucinations sensorielles et d'idées délirantes dé-
64 SOCIÉTÉS SAVANTES.
taillées, restent bien ordonnés et savent ce qu'ils veulent ; parfois
ils ont conscience de leur maladie et en conservent le souvenir. Le
délire systématique hallucinatoire aigu se distingue du délire sys-
lématique chronique (paranoïa) par la différence de la marche, de
la terminaison, du début (élude de Kroepelin de 1886). " '
11 en existe des formes dues à des intoxications.
Le délire systématique hallucinatoire alcoolique est la principale.
Il a pour facteurs les hallucinations de l'ouïe, et les idées de per-
sécution. 11 débute deux jours après l'ingestion de doses plus par-
ticulièrement exagérées d'alcool et éclate comme la foudre. Il
dure trois semaines au plus dans les cas aigus - cessation brusque
dès la première semaine conscience de la maladie du cinquièmp
au douzième jour, guérison absolue à la fin de la deuxième
semaine. La forme subaiguë : les accidents aigus persistent une à
six semaines- dès lors marche traînante, cessation graduelle des
hallucinations, réforme des idées délirantes = tout est terminé en
un mois et demi ou six mois. Le passage à la démence secondaire
s'annonce par des troubles de la mémoire et du jugement, une
conscience imparfaite de la maladie, une appréciation imparfaite
ou exagérée ou égoïste de la personnalité; réapparition des hallu-
cinations au bout de quelques années. C'est dans les formes subai-
guës qu'interviennent les prédispositions héréditaires ; les candi-
tions vicieuses de la nutrition ; des incidents constituant autant
d'éléments nuisibles individuels. On voit alors survenir des halluci-
nations multiples, des idées de culpabilité. -
Le délire systématique hallucinatoire morphiaococaïniq21c a pour
symptômes : des illusions et des hallucinations de l'ouïe, de la vue,
de la sensibilité générale, des idées de persécution hypocondria-
ques simples et complexes. Les hallucinations et les idées'déli-
rantes sont plus fréquentes et plus pernicieuses que dans le délire
alcoolique génital et obscène. Les malades ont des idées de jalousie
qui les minent; ils accusent de leurs persécutions des agents phy-
siques tels que l'électricité, l'optique, la photographie, le magné-
tisme, l'hypnotisme. Humeur tantôt colérique et excitée, tantôt
déprimée, défiante, hypocondriaque. Tendance à la dissimulation.
Idées délirantes cristallisées persistant pendant toute la maladie.
Grande agitation ; çà et là confusion mentale au moment de la
surémotivité. Désordre des actes, souvent dangereux en rapport
avec. cet état mental. Accidents somatiques multiples; lassitude;
amaigrissement, vertiges, dyspnée, accélération du pouls, exagé-
ration des réflexes, tremblements musculaires, etc. La durée des
accidents aigus dépend de la persistance avec laquelle le malade
se pique à partir du moment où il a éprouvé la première halluci-
nation. L'accès de délire est du reste curable. Mais le pronostic de
la.morphinomanie est mauvais.
AI. Schoeffer. Contribution à la connaissance de l'action du : <//0-
SOCIÉTÉS savantes. 6o
iitil. L'auteur a constaté dans l'urine des aliénés prenant du
sulfonal de l'hématoporphyrine (hématine exempte de fer). En
second lieu le sulfonal, surtout quand on en prolonge, l'adminis-
tration longtemps, tend à constiper, et cela d'une façon opiniâtre.
C'est aussi l'avis de M. Fuerstner. r , , ? ê> , *& ,
M. SIOLI présente des coupes du cerveau dans un cas de lésion du
lobe occipital. 11 y avait complète amaurose d'origine centrale ;
la réaction pupillaire était conservée ; il n'y avait pas d'atrophie
des nerfs optiques. Comme il n'y, avait pas de symptômes impu-
tables à la base ni au trajet de la bandelette optique, on dut penser ..
à une lésion des deux lobes occipitaux et, étant donné l'ancienneté
des symptômes et; l'ââe de soixante ans de la, malade, à un ra-
mollissement de ces organes. Il y avait lieu de croire que toute
la sphère visuelle- du lobe occipital, gauche était détruite et que,
dans le lobe' droit, une. partie seulement. de cette. sphère, était
altérée.. ? ... , .1 .) ...' 1 , 9 1
Les choses en étaient là, "quand on s'aperçut que la malade était
incapable de reconnaître par le toucher les objets d'un usage jour-
nalier ; elle énonçait nettement leur nom quand on lui disait à quoi
ils servaient,] ou quand elle -pouvait en apprécier 'rôdeur, ou le
goût. D'après les expériences de Munk, on dut pensera la destruc-
tion d'une zone du lobe pariétal immédiatement contiguë au lobe
occipital et plus particulièrement dans l'hémisphère droit qui pré-
side de préférence aux fonctions de sensibilité. C'était une sorte de
cécité corticale d2c tuct... ? ^.t-i-v,i\i 0'- .v
,L'autopsie .révéla : , la- destruction complète du-* lobe .occipital
gauche,.par-,un .ramollissement, y compris le coin, le.lobule lin-
gual et le lobule fusiforme ; le reste de l'hémisphère gauche était
intact. Dans l'hémisphère droit, il y avait un t ramollissement 'qui
commençait, immédiatement en arrière de l'extrémité postérieure
de la scissure de Sylvius, détruisait le pli,courbe et se continuait
dans le, lobe occipital...) , ( . ,.} ' v s ni' ' ? ► t ' <
t Lé trajet réel du ramollissement constaté dans l'hémisphère droit
était le suivant. Dans. la profondeur du. sillon occipital supérieur
commençait l'altération, elle gagnait la profondeur de la substance
blanche, et dissociait en partie la partie postérieure du stratum
sagittale interne et, externe ? la destruction portaitiencore sur le
pli courbe, pénétrait profondément, dissociait les fibres compactes
de la couche sagittale interne et la moitié supérieure du forceps
pour, entraîner la dégénérescence secondaire déjà couche optique.
La substance blanche. du lobule pariétal inférieur et du lobule pa-
riétal supérieur était, considérablement lésée. Intégrité des ascen-
dantes. (Allg. Zeitscls. f. Psychicitr. L. 5.) , .. P. Keraval.
Archives, t. XXVIII. 5
66 sociétés savantes.
SOCIÉTÉ : 11ÉUICO ? SYCHOLOC : 1QU1 ?
Séance du 28 mai 1894. Présidence DE M. A. Voisin.
Bustes de Baillarger et J. Falret. M. Vallon, au nom de la
commission du buste Baillai-ge ? ,, informe la Société que ce buste,
oeuvre du sculpteur Malherbe, est, dores et déjà, installé dans la
cour delà Salpêtrière. La commission, après entente avec l'Ad-
ministration de l'assistance publique, propose d'en faire l'inau-
guration solennelle, le 7 juillet prochain, à 4 heures du soir. Ou il
pourrait, en même temps, inaugurer le buste de Jean-Pierre Falret
(par Ludovic Durand), qui, à la fin du mois de juin, sera trans-
porté, du salon des Champs-Elysées où il se trouve actuellement, à
la Salpêtrière.
La Société adopte les propositions de la Commission, à laquelle
elle donne pleins pouvoirs pour organiser une cérémonie digne des
deux illustres aliénistes dont elle veut honorer la mémoire.
M. JOFFROY propose de voter un crédit illimité pour les frais
d'inauguration. La proposition est acceptée.
Attentat à la pudeur commis par un épileptique. M. Vallon
rapporte l'observation d'un individu ayant commis un attentat à la
pudeur dans les circonstances suivantes : -
X..., est un homme de quarante-trois ans, ne présentant, au point
de vue physique, d'autre particularité qu'un léger degré d'asy-
métrite faciale. Il n'a pas d'antécédents héréditaires ; mais à six
ans, il a fait une chute grave, et de plus il est sujet à des étour-
dissements. Un dimanche soir, il descend à la cave avec sa fille
aînée ; il était occupé à tirer du vin, quand tout à coup, il se relève
brusquement, déboutonne son pantalon, sort sa verge et s'avance
vers sa fille en lui disant : « Prends-la, prends-la. » L'enfant effrayée
se met à crier. La mère, qui était au rez-de-chaussée, accourt et
voit son mari debout la verge à la main, l'air hébété, répétant ces
mots : c Prends-la, prends-la. s
Interrogé sur ces faits, X... me répond, avec toutes les apparences
de la sincérité : « J'étais en train de tirer du vin, j'ai été pris d'un
vif besoin d'uriner, je me suis levé. A ce moment j'ai eu un étour-
dissement comme j'en ai quelquefois; que s'est-il passé alors ? Je
n'en sais rien ou plutôt je ne le sais que par le récit qu'on m'en a
fait. » 11 ajoute que ce jour-là il avait bu un peu et que c'est la
boisson qui lui a fait perdre un instant la tête.
SOCIÉTÉS savantes. 67
11 donne sur ces étourdissements les explications suivantes : Tout
d'un coup lui apparaît une scène de son enfance ; ilvoit son village
natal, il croit y être, enfant il joue comme autrefois avec ses cama-
rades, puis Usent des lancements dans les tempes. Il ne perd pas
positivement connaissance, mais s'il marche, il est obligé de s'ar-
rêter, s'il parle, il lui faut se taire et ne se rappelle plus après ce
qu'il a entendu; s'il tient un objet à la main, il est obligé de le
serrer fortement pour ne pas le laisser tomber. Ces troubles.ne
durent habituellement que quelques instants. Ensuite il a la tête
lourde; cette céphalalgie se maintient pendant quelques heures,
quelquefois pendant un ou deux jours. Ces renseignements sont
confirmés par l'entourage de X..., qui a toujours été bon époux et
bon père, jusqu'à l'attentat commis sur sa fille. Il boit cependant
de temps en temps. Les rapports de police sont favorables à l'in-
culpé ; son casier judiciaire est vierge de toute condamnation.
En somme, on peut dire que l'acte dont X... s'est rendu coupable
jure avec son passé. Homme d'un tempérament froid, père affec-
tueux, toujours convenable dans sa tenue et dans son langage en
présence de ses enfants, il s'est montré érotique, pour un moment,
et n'a pas craint d'attenter à la pudeur de sa fille. Pour expliquer
sa conduite insolite, X... prétend qu'il a perdu un instant la con-
science de ses actes, sous l'influence de quelques excès de boisson à
la suite d'un de ces étourdissements auxquels il serait sujet. La ques-
tion qui se pose est donc de savoir si X...a réellement par inter-
valles des troubles cérébraux, de déterminer la nature de ceux-ci
et de voir s'ils sont capables de faire disparaître la liberté morale
et par suite d'entraîner l'irresponsabilité. Enfin 11f ? X... déclare,
elle aussi, que son mari avait des faiblesses.
Pour M.VALLON,X... parait atteint de la forme d'épilepsie connue
sous le nom de petit mal. Mais il ne suffit pas qu'un individu soit
épileptique pour qu'on doive considérer comme entachés d'incon-
science tous les crimes et délits qu'il peut commettre ; il faut, au
contraire, examiner chaque fait en particulier et voir s'il présente
ou non les caractères d'une manifestation comitiale. Or l'acte com-
mis par X... a bien les caractères de ceux qu'on observe à la suite
d'un ictus épileptique. Les impulsions érotiques sont fréquentes
dans les heures qui suivent un paroxysme comitial et Lasègue a
montré que parmi. les aliénés qui exhibent leurs organes génitaux,
un bon nombre sont des épileptiques qui se livrent à ces actes à
la suite de vertiges ou d'absences.
X... n'a d'ailleurs conservé qu'un souvenir très incomplet de ce
qui s'est passé, il se rappelle qu'il s'est levé, poussé par le besoin
d'uriner, il a eu un étourdissement, le reste de l'histoire lui échappe
jusqu'au moment où sa femme est arrivée. La perte ou l'incer-
titude des souvenirs est la règle dans le cas d'impulsions épiiep-
tiques.
68 sociétés savantes.
De tout ce qui précède, M. Vallon tire les conclusions suivantes :
1°X... est atteint d'épilepsie (petit mal); 20 très vraisemblablement
il a-commis l'acte dont il est inculpé sous l'influence d'une impul-
sion épileptique, c'est-à-dire inconsciemment, il ne saurait donc en
être rendu responsable.
M. Falret a observé aussi plusieurs cas d'aura visuelle précédant
une attaque d'épilepsie. Un malade, qui avait eu sa première
attaque à la suite de la morsure d'un chien, voyait ce même chien
au moment de la manifestation comitiale.
M. Vallon. L'hallucination de mon malade était banale et
n'avait aucun rapport avec la frayeur.
M. JORFROY. Pendant l'attaque il a parlé à sa fille; on ne peut
donc considérer le mutisme comme pathognomonique de l'attaque
d'épilepsie. Quelques-uns ne peuvent répondre pendant leurs
absences, mais entendent très bien ce qu'on leur dit.
M. FALRET. Quelques auteurs admettent que l'aura panoramique
a son point de départ dans le nerf optique. i, '
M. Charpentier. Ce qui me paraît bizarre dans l'observation, c'est
que, comme toujours, l'attentat s'est produit' dans un endroit
obscur, en l'absence de témoins. Il y a là une fâcheuse coïnci-
dence. En tout cas, qu'il y ait ou non simulation, l'individu'n'a
été ni condamné, ni placé dans un asile. C'est regrettable. J'ad-
mets difficilement qu'on puisse perdre la conscience au' point
d'oublier des actes paraissant réfléchis. J'ai aussi observé un épi-
leptique qui, bien qu'il ait été mordu par un chien, n'avait point
l'hallucination visuelle du chien. ·
M. Vallon. L'acte de mon malade n'était nullement compliqué.
Pour ce qui est simulation, je n'y crois pas. Mes conclusions ne
sont d'ailleurs nullement affirmatives.
M. CHRISTIAN. Un jeune homme, ancien trappiste puis sous-offi-
cier, avait puni injustement un soldat qui, pour se venger, lui
appliqua un jour le canon de son fusil chargé sur la tête et pressa
la détente. Par un miraculeux hasard, le coup rata ; mais le len-
demain le sous-officier avait une première attaque d'épilepsie. Les
auras qu'il eut, par la suite, reflétèrent souvent la vue de son
ancien couvent ; mais jamais du fusil, et cependant le malade
m'avoua avoir éprouvé en face du soldat un sentiment épouvan-
table de frayeur.
M. SLGLAS. Je crois, comme M. Vallon, que son malade était
inconscient, au moment de l'acte incriminé. Ce matin même, j'ai
observé -un vertigineux qui dernièrement a donné, pendant une
absence, des coups de parapluie à un passant. Il ne se souvient de
rien. ,
M. 13RIA14D a observé un épileptique qui, à trois reprises diffé-
rentes, avait, au cours de vertiges, tenté d'arracher ou arraché vio-
sociétés savantes. 69
lemment les montres de passants, inconnus de [lui, pour les jeter
en l'air. Arrêté et conduit au poste, il ne se souvenait de rien, pas
plus qu'il ne se rappelait les coups de couteau inconscients que
plusieurs fois il s'est donné dans la région' du coeur dans des cir-
constances analogues. Une fois, la pointe du couteau a pénétré
assez profondément entre deux côtes pour amener la mort.
Alcoolisme et délire de persécution avec auto-accusation. M. Rou-
binovitch rapporte deux cas de délire de persécution avec auto-
accusation. La première observation est relative à un homme de
trente-huit ans, d'une bonne intelligence moyenne, sans stigmates
physiques ou psychiques de dégénérescence, sans antécédents héré-
ditaires névropathiques. A la suite d'un chagrin de famille, ,il se
mit à boire et bientôt un accès de délire se déclara avec le cortège
,habituel d'hallucinations et d'illusions d'origine toxique; au bout
de trois jours, il devint un peu plus calme et en l'interrogeant on
constata un, véritable délire de persécution avec auto-accusation.
Au bout de six semaines il est sorti guéri ; son délire a totalement
disparu en même temps que les différentes hallucinations.
Dans la seconde , observation, il s'agit d'une femme âgée de
quarante-sept ans, concierge qui depuis neuf ans environ se livre
à des excès alcooliques. Il y a trois ans, elle a eu un premier accès
de délire alcoolique et, peu de temps après, un second. On l'interna
en 1891 et, depuis cette époque, elle est hantée par des halluci-
nations de toutes sortes. Chez cette malade, il n'existe non plus aucun
stigmate de dégénérescence physique ou psychique.
M. Roubinovitch compare ensuite ses persécutés auto-accusateurs
alcooliques avec les persécutés auto-accusateurs dégénérés de
M. Ballet et fait ressortir la place considérable qu'occupent les
hallucinations chez les premiers malades. Il appelle ensuite l'at-
tention sur l'intérêt médico-légal de semblables cas. Très souvent
en effet, dit-il, les persécutés auto-accusateurs s'accusent de faits
réels. Il peut arriver qu'un malade de cette catégorie s'accuse d'un
délit quelconque, d'un vol par exemple, qui, après une enquête
faite judiciairement, sera reconnu comme ayant été réellement
commis. Quel sera le degré de responsabilité d'un pareil malade ?
Pourra-t-on lui intenter un procès, et dans ce cas quelle sera l'at-
titude de l'expert chargé d'examiner l'inculpé ? En supposant
que l'individu était sain d'esprit au moment de l'exécution de son
délit, pourra-t-on lui appliquer une pénalité quelconque dans son
état actuel de maladie ?
M. Charpentier. , Dans ma communication de 1886 sur les
variétés du délire, de persécution, j'ai décrit le groupe des auto-
accusateurs et j'ai fait remarquer qu'ils refusaient souvent les ali-
ments. J'en ai observé depuis un, qui s'accuse d'avoir commis un
attentat à la pudeur et demande à être condamné. Or le crime est
réel. Son'délire repose donc sur un fait exact.
70 BIBLIOGRAPHIE.
M. SÙGLAS. Depuis la communication de M. Ballet au Congrès
de Blois, sur les auto-accusateurs, j'ai cherché à établir si les idées
d'auto-accusation étaient pathognomoniques d'une forme mentale
particulière et j'ai constaté qu'elles s'observaient dans toutes les
formes. On fait, à tort, entrer ces maladies dans le groupe des
mélancoliques ; ce sont plutôt des délirants d'emblée des poli-
morphes, comme on dit en France. La formule d'auto-accusation
ne suffit pas pour les détacher du groupe des persécutés ordi-
naires. Quelques auteurs allemands en font une classe intermé-
diaire entre les mélancoliques et les persécutés systématiques.
L'auto-accusation fournit quelquefois l'explication de l'idée de per-
sécution, comme le fait l'idée de grandeur. D'auto-accusateur on
peut devenir persécuté très actif et ambitieux.
M. ROUBINOVlTC11faiL ressortir que l'intérêt de sa communication
réside dans le mélange de l'appoint alcoolique avec l'auto-accusa-
tion. 1
Appareil d'alimentation forcée. M. Lvoop présente pour l'alimen-
tation des aliénés une modification heureuse de la sonde habituelle.
Son appareil se compose d'une sonde en caoutchouc mou un peu
longue et muni d'un entonnoir au-dessous duquel se trouve une
poire aspirante et foulante qui prend le liquide nourricier dans
l'entonnoir et l'injecte par la sonde dans l'estomac'
M. Motet se trouve très bien des sondes molles qu'il emploie
concurremment à l'aide d'un injecteur.
M. LEGRAiNfait ressortir l'avantage de l'appareil de M. Lvoof, qui
supprime l'emploi de l'irrigateur. , MARcEL BRIAND.
r-
BIBLIOGRAPHIE.
I. Traité des maladies mentales; par le Dr H. DAGONET, avec la
collaboration de MM. J. DAGONET et G. Duhamel. (Baillière, édit.
Paris, 1894.) 1 .
En 1862, M. le docteur H. Dagonet publiait un traité des mala-
dies mentales constituant l'oeuvre la plus complète de ce genre qui
existât en France et qui par ce fait est devenu rapidement classique.
C'est une seconde édition de ce traité que le même auteur pré-
sente aujourd'hui au public médical. Par de nombreuses additions
ou modifications, c'est presque en réalité une oeuvre nouvelle. C'est
ainsi que la symptomatologie générale a reçu un développement
BIBLIOGRAPHIE. 71
plus considérable ; certains symptômes, notamment les troubles de
la personnalité y sont étudiés, qui ne figuraient pas dans l'édition
première. De même de nouveaux chapitres sont consacrés à la des-
cription des délires systématisés chroniques, de la dégénérescence
et de la folie des dégénérés. D'autres, comme celui de la paralysie
générale, ont été complètement refaits dans certaines de leurs
parties. Un volume de ce genre ne se prête guère à l'analyse et le
meilleur moyen de le présenter à nos lecteurs, c'est pensons-nous,
d'en décrire rapidement la placed'ensemble,laclassification adoptée
par l'auteur. Ce Traité des maladies mentales comprend d'abord trois
parties distinctes. 1
La première partie est consacrée à l'étude de la pathologie géné-
rale'et se subdivise en différents chapitres où nous trouvons succes-
sivement étudiés l'historique, la physiologie pathologique, la
symplomatologie générale, l'étiologie, la marche, l'anatomie
pathologique et le traitement.
l.a seconde partie a trait tout entière à la pathologie spéciale.
La classification adoptée par l'auteur se rapproche beaucoup de
celle qui a été proposée par le Congrès international de Paris
en 1889.
Une première classe comprend les vésanies ou folies proprement
dites (formes primitives). C'est d'abord la manie aiguë (forme
typique) avec ses variétés, furieuse, gaie, tranquille, ambitieuse,
sensorielle, transitoire; la manie subaiguë, chronique, le délire
aigu, les états maniaques symptomatiques. Puis la mélancolie
typique, sans délire, nostalgique, anxieuse, avec agitation, avec
stupeur, hypochondriaque, religieuse. Vient ensuite la slupidité
psychoasthénique, cataleptiforme et les états de stupidité sympto-
matiques. Enfin sont étudiés les délires systématisés chroniques,
tels que le délire des persécutions dans ses formes typique, méga-
lomaniaque, maniaque dans la paralysie générale, l'alcoolisme, etc.,
la mégalomanie simple, religieuse, érotomaniaque, et les délires
systématisés secondaires. Un dernier groupe comprend les folies
périodiques.
Une seconde classe est formée par la dégénérescence mentale et
les folies dégénératives : débilité mentale, débilité morale, psy-
choses dégénératives telles que folie du doute, agoraphobie, psy-
choses anormales. L'auteur fait remarquer à ce propos que plusieurs
de ces formes d'aliénation mentale peuvent se développer dans
beaucoup de cas en dehors de toute dégénérescence et de toute
prédisposition héréditaire et que l'extension donnée au terme folie
des dégénérés lui parait par suite excessive. La folie morale et
la folie impulsive forment une classe distincte et sont étudiées
à part.
La quatrième classe est constituée par les formes secondaires. Ce
sont les folies nervosiques, infectieuses, toxiques, parmi lesquels
72 BIBLIOGRAPHIE. 1
l'alcoolisme est étudié dans un' chapitre" à part, eu égard à son
importance.
La sixième^ classe comprend la paralysie générale ; la septième
les démences primitive, secondaire, sénile ; la huitième les états
congénitaux, imbécillité) idiotie; crétinisme.
Enfin la troisième partie du Traité ! renferme des considérations
sur la médecine légale des aliénés et une étude extrêmement com-
plète sur l'organisation des asiles d'aliénés, les sociétés de patro-
nage et l'administration des asiles.
Tel est succinctement le plan de cette nouvelle édition à laquelle
s'appliquerait plus justement encore ce que disait'le Dr Rousseau,
de la première « que c'est un véritable inventaire de la Science
psychiatrique dont il constate les richesses au même temps qu'il en
signale les imperfections ». z ·
C'est en effet un des grands'mérites de' cet ouvrage, d'être pro-
profondément sincère. Médecin érudit;' praticien consommé,
M. H. Dagonet ne cherche pas en face des difficultés à substituer
une description schématique, fût-elle lumineuse, à la constatation
exacte de faits souvent obscurs et confus par eux-mêmes. Il a trop
vu sans doute se succéder de théories au cours de sa longue car-
rière. Aussi son Traité, résumé d'une expérience de plus deiq'a-
rante années passées. la tête des services d'aliénés,'est-d'à à
méditer. A notre époque de production surchauffée, où il est passé
pour ainsi dire en' habitude qu'un médecin se destinant à une
spécialité commence par écrire un traité sur 'la matière pour
affirmer ses intentions, c'est une rare bonne fortune de se trouver
en face d'un livre vécu. ' ' ,L : , J : Séglas. i ,'
m .. " ?
t ' .- · ,» ' il : ' ** / '< ? > ! ' i.1 .' x
II. Etude sur la physionomie et la physiognomonie. (. Etude de psy-
chologie physiologique; par le D1' AUDIBERT. (Thèse de Bordeaux.
»° 26.) ? ,lV - , ,, iA ...,v ?
L'observation du visage au repos, quelles 'que'soient la' science
et la perspicacité de l'observateur,' ne permet pas de'porter un
jugement formel sur le caractère et les qualités intimes d'une pet--
sonne. Seule l'étude approfondie de la physionomie normale en'
action peut permettre de les apprécier d'une façon sérieuse. 'Mais,
pour bien comprendre ce langage naturel et spontané, il est néces-
saire de connaître les mouvements musculaires d'expression les
plus essentiels. . , "1 '" r.·;r E. R." '*
Il SOUSCRIPTION
POUR LE MONUMENT J. M. CHARCOT.
, 74 SOUSCRII'TION CUARCOT.
DIX-HUITIÈME LISTE.
Nous avons reçu, de M. le Pr Mierziéjewshy, de Saint-Péters-
bourg, une lettre dont nous extrayons les passages suivants :
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous envoyer dans cette lettre 229 rou-
bles qui ont été souscrits par la Société psychiatrique de Saint-
Pétersbodrg pour l'érection d'un monument à J.-M. Charcot.
Voici les noms des personnes qui ont pris part à la souscription.
Société psychiatrique de Saint-Pétersbourg.
VARIA.
Congrès annuel DES médecins aliénistes ET neurologistes
, de France ET DES pays DE langue française
Session à Clermont-Ferrand en 1894. - Le congrès annuel des mé-
decins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue
française se réunira à Clermont-Ferrand, en 1894, du lundi 6 août
au samedi 11. Le Congrès discutera spécialement les questions sui-
vantes :
1° Pathologie mentale : Des rapports de l'hystérie et de la folie.
Rapporteur : M. Gilbert Ballet, professeur agrégé de la Faculté de
médecine de Paris; 2° Pathologie nerveuse : Des névrites péri-
plaériques.Rapporteur : M. P. Marie, professeur agrégé de la Fa-
culté de médecine de Paris; 3° Législation ET administration :
De l'assistance et de la législation relative aux alcooliques. Rappor-
teur : M. L.\DA31E, privat-docent, de l'Université de Genève (Suisse).
Les rapports, sur ces questions, seront adressés en temps utile aux
adhérents. '
Des séances spéciales seront réservées aux communications par-
ticulières. Les personnes qui se proposent de participer aux tra-
vaux du Congrès de Clermont-Ferrand sont priées d'adresser leur
adhésion et leur cotisation à M.' le D'' P. Hospital, médecin en chef
de l'établissement d'aliénés de Sainte-Marie-de-1'Assomption, sis
à Clermont-Ferrand, avenue de l'Observatoire, 6 et 10, ou rue
Sainte-Claire, 54, et de vouloir bien faire connaître, le plus tôt
possible, le titre de leurs communications, ou leur intention de
prendre part à la discussion des questions générales indiquées ci-
dessus. Le montant de la cotisation est de 20 francs.
Une récente exorcisation EN BAVIÈRE. (Nouv. Iconogr. de la
Salpëtrière, 4893, n 4.)
Article à lire. - Le sujet était un jeune hystéro-épileptique dont
l'affection avait été diagnostiquée. Il avait dix diables dans le
corps, le P. Auréliau parvint, après des efforts inouïs, à les ren-
voyer dans l'enfer.
Tant que les exorcistes ne sont que grotesques, ils inspirent seu-
76 G varia.
t
lement la pitié, la bêtise humaine est infinie. Mais quand ils sont
à la fois grotesques et méchants, ce sont d'autres sentiments qu'ils
inspirent, et ce Père Aurélian apparaît," en réalité, comme une
bête foncièrement dangereuse. En effet, il affirme que le diable a
été mis dans le corps du sujet par une protestante, une voisine de
la famille de. celui-ci, et il insinue que les protestants, très bien avec
Satan, emploient volontiers les sortilèges pour faire du mal aux
catholiques. 11 est des contrées, même en France, où il ne fau-
drait pas prêcher bien longtemps des doctrines semblables pour
faire assassiner les protestants par les catholiques, et récipro-
quement. . -* " ' ly u *' ' ' " ' " ' ;j
, ' >-' *
, ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE , , r, ? -
z " <>
CONCOURS DE LILLE, DE NANCY, DE PARIS, DE LYON, DE BORDEAUX, ( z
DE MONTPELLIER ET DE TOULOUSE, POUR LES PLACES DE MÉDECINS-ADJOINTS
Concours de Lille. Le jury était composé de MM. les D15Droui-
neau, inspecteur-général, président, Combemale, professeur, à la
Faculté, Cortyl (Bailleur, Taguet (Armentières), Sizaret (Clermonl).
Deux candidats se sont présentés : MM. les Drs Maupate, interne : a
Vannes, Chocreux, interne à Bailleul. Les questions traitées^ ont
été pour la composition écrite : Nerf facial, anatomie, et physiolo-
gie ; pour la composition orale : Péritonite, diagnostic et étiolo-
gie ; - Fracture du radius, diagnostic et traitement. Les questions
restées dans l'urne ont été pour l'épreuve clinique : Localisations
corticales des centres moteurs du. cerveau, 'anatomie et physiologie ;
Cordons postérieurs de' la moelle j origine, trajet, terminaison,
fonctions ; pour l'épreuve orale : Insuffisance fforMue, diagnostic,
pronostic et traitement; Luxations de l'épaule. ''diagnostic "et traite-
ment; Hernie étranglée, diagnostic et traitement'; - Ictère. Les deux
candidats ont été déclarés admissibles aux emplois' de médecins-
adjoints, le premier, M. le D' i·Iaupale avec 80 points, efle second,
M. le Dr Chocreaux avec 52 points. M. Maupate a reçu les félicita-
tions du jury pour son brillant concours.- -< : 1, i$à ' 't.
Concours de Nancy. "Le 'jury était' composé de' MM. les
Drs Drouineau, Scllmidt, professeur à la Faculté; Langtois'(Mare-
ville), Paris (Maréville), Gallopain (Pains,' Meuse).- Quatre candi-
dats étaient inscrits, trois se sont présentés : MM. les DIS Paris
(interne à Marseille), Hamel (ancien interne de Charenton), Charuel
(ancien interne de Pains (Meuse). Les questions Liréès au sort, ont
été, pour l'épreuve écrite : Lobe frontal, anatomie et physiologie ;
pour l'épreuve orale : Broncho-pneumonie ; Hématurie au point
de vue chirurgical. Les questions restées dans l'urne étaient pour
l'épreuve écrite : Quatrième ventricule, anatomie et physiologie :
Nerf optique, anatomie et physiologie ; pour" l'épreuve orale f
VARIA. 77 7
Erysipèle ; Symptômes généraux des fractures ; Cirrhose atro-
chique du foie; Anthrax. Les trois candidats ont été déclarés
admissibles dans l'ordre suivant : 1° 11 : le Dr Hamel avec 71 points; ? 111. le Dr Charuel avec 60 points; 3° M. le Dr Paris avec 56 points.
Concours de Paris. - Jury : Drs H. Napias, inspecteur général,
président ; Joffroy, professeur à la Faculté de Paris ; Giraud,
Briand, Cayès, médecins en chef; Deny, médecin de Bicêtre,
suppléant. e 1 . , , i . 1
- Epreuve écrite. La question tirée au sort a été : Anatomie et
physiologie du lobe frontal. Deux autres questions avaient été mises
dans l'urne : Pneumogastrique, cellules nerveuses. » "
Epreuve orale. La question traitée a été : La mort dans le dia-
bète. Les deux questions restées dans l'urne étaient : Mal de Pott
dorsal, symptômes et traitement, diagnostic différentiel de fièvres
éruptives. Les candidats ont été classés dans l'ordre suivant :
10 Péebarman ; 20 Berbez ; 3° Trenel ; 4° Croustel.
'< Concours de'Lyon. --Jury : D1S H. Napias, inspecteur général,
président ; Mayet, professeur à la Faculté de Lyon ; Pierret, profes-
seur,' à la même Faculté, Gamin,' Bellut, médecins en chef;
Brun, médecin en chef, suppléant. '"
Epreuve' écrite . 'La question tirée au sort a été : Anatomie et
physiologie du cervelet.` Deux autres questions avaient été mises
dans l'urne : Capsule interne, sinus cérébraux.
Epreuve orale. La, question, tirée au, sort a été : Diagnostic
différentiel des méningites. Les deux questions restées dans l'urne
étaient : Indications et' contre-indications de la trépanation, étio-
logie et prophylaxie de la fièvre typhoïde. ,
^,Les candidats ont été admis dans l'ordre suivant : 1° Bourdin,
2° Viallon ; 3°Alombert.. " , .
lu- ' '
- Concours de Bordeaux, Montpellier et Touloupe. " Jury :
\i. Albert Regnard, inspecteur général -des services administratifs
nous envoie le résultat des, concours qu'il a eu l'honneur de prési-
der, les 1 ? 4 et 7 juin derniers, pour l'admission à l'emploi de
médecin-adjoint des asiles d'aliénés, successivement à Bordeaux, à
Toulouse et a Montpellier.. , , f .
,Dans ces trois Facultés, le président a soumis aux différents
jurys, qui l'ont acceptée, une proposition préalable, tendant à ce
que le candidat (il n'y en avait qu'un dans chaque région), ne fut
pas admis, s'il ne réunissait pas au moins la moitié du maximum
des points, soit 45 sur 90. Les trois candidats ont été reçus. Deux
ont dépassé les deux tiers du maximum.
a Les questions écrites ont été : à Bordeaux : Circonvolutions céré-
brales; à Toulouse : Structure et fonctions du cervelet; à Mont-
pellier : Circonvolutions frontales et pariétales.
78 faits DIVERS.
Restées dans l'urne : Substance blanche de la moelle épinière,
nerf facial, nerf pneumogastrique, circulation artérielle du cer-
veau, nerf trijumeau. ,
Les candidats ont eu à traiter comme question de pathologie : à
Bordeaux : Signes et prophylaxie de la fièvre typhoïde; à Toulouse :
Fractures de côtes; à Montpellier : Signes et diagnostic de la
pleurésie. - · ·
Parmi les questions restées dans l'urne se trouvaient : Etiologie
et prophylaxie du goitre, luxations de l'épaule, des pleurésies puru-
lentes. Les candidats admis sont MM. les Drs DUBOURDIEU (Bordeaux),
FENAYRou (Toulouse), Monertio (Montpellier).
Sur la demande d'un caractère simplement officieux du prési-
dent, un seul des candidats a déclaré se mettre à la disposition de,
l'administration pour être nommé de suite où l'on voudrait. Lus
deux autres désirent expressément rester dans la région. -
Cela, entre autres choses, donne raison à M. l'inspecteur géné-
ral Regnard qui fit le premier rapport sur le concours et conclut à
ce qu'il fut institué par régions 1. Dans ce rapport, Paris et les
deux ou trois asiles les plus voisins de la Seine constituaient une
région. M. Regnard pense que l'on devrait supprimer la close rela-
tive au stage d'un an dans un asile. On écarte ainsi des internes
des hôpitaux de Paris qui seraient d'excellentes recrues, et d'autre
part, il est trop certain que ce stage, en province surtout, n'est'
souvent qu'une garantie illusoire. Quand on voit la commission
des hospices mettre à la tête de leurs quartiers d'aliénés,'de 6 et
700 malades, quelquefois de jeunes'praticiens n'ayant jamais étu-
diés spécialement les maladies mentales, on n'a pas à se montrer
si sévère. Au surplus, le jeune médecin admis au concours où il
aura fait preuve d'intelligence et de qualités laborieuses, se mettra
vite au courant,' sous la direction du médecin en chef, et sachant,
dès lors qu'il doit aspirer aie devenir lui-même. La limite d'âge
devrait aussi être reculée à trente-cinq ans.
FAITS DIVERS.
LES Médecins DES asiles d'Aliénés devant LE Conseil D'LTAT. Le
Conseil d'État, statuant au contentieux, vient de trancher un diflé-
rend qui s'était élevé entre le préfet d'Indre-et-Loire et la com-
1 C'est également la thèse que nous avons soutenue dans notre Rap-
port au ministre de l'Intérieur. (B.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE . 7U
mission administrative de l'hospice de Tours au sujet de la nomi-
nation du médecin du quartier spécial d'aliénés annexé à l'hospice.
L'administration avait soutenu que, dans les cas semblables, les
quartiers spéciaux d'aliénés devaient être assimilés aux asiles
publics, ce qui aurait eu pour conséquence de permettre au préfet
d'en nommer les médecins. La haute assemblée n'a pas admis cette
thèse. Il résulte de sa décision qu'il faut distinguer entre les asiles
publics dont l'administration nomme le médecin et les hospices
pourvus de quartiers spéciaux affectés aux aliénés. Dans ce dernier
cas, la seule obligation de la commission administrative, être col-
lectif à qui la loi n'a pas voulu laisser les responsabilités incom-
bant aux directeurs d'asiles,consiste à désigner un préposé spécial
qui sera investi de ces responsabilités ; mais, cette obligation satis-
faite, les pouvoirs d'administration de la commission restent
entiers, et il lui appartient de nommer le médecin. En consé-
quence, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté préfectoral qui avait
-nommé le médecin de l'asile d'aliénés de Tours. Il est à souhaiter
que la future loi sur les aliénés règle cette question et que dans les
quartiers d'hospices comme dans les asiles les internes soient
nommés par le même concours. 1
Asile d'aliénés DE DURY-LÈS-A111ENS, Demande d'interne.
Uue place d'interne en médecine va être vacante très prochainement
dans cet asile. Conditions : être Français; 12 inscriptions docto-
rat. Traitement : 800 francs argent ; nourriture, logement,
chauffage, éclairage. Produire un certificat de scolarité et un
certificat de chef de service comme références.- Il y a à l'asile
deux internes en médecine et un en pharmacie.
Asile départemental DE IO.NTREUIL-SOus-LAoN (Aisne). Un
poste d'interne en médecine est vacant dans cet hospice. Traite-
ment : 400 à 500 francs.
I;IANCIII (Fr.). Dos casos de miopatia progressiva primitiva. Bro-
chure in-8° de 27 pages, avec 3 photographies. Buenos-Aires, 1891.
hnprentadeM.Biedma.
BOISSIER (Fr.). Essai sur la Neurasthénie et la Mélancolie, dépres-
sions considérées dans leurs' rapports réciproques. - Volume iu-8° de
95 pages. Paris, 1894. Librairie J. Steinheil.
Bombarda (M.). Conlribuçao para o esludo dos nficroceplialos.
Volume in-4° de 196 pages, avec 11 planches hors texte. Lisboa, 1894.
Tipografia de Academia Real das Sciencias.
Chocreaux. Emploi du chloralose ezaliénatiozmenlale.-I3rochure
in-8° de 72 pages. Lille, 1894. Imprimerie Le Bigot.
DAGONET (H.). Traité des maladies mentales, avec la collaboration
de DAGONET (J.) et Duhamel (G.). Volume in-8" de 856 pages, avec
42 photo-gravures en couleur, et une carte des Asiles d'aliénés.
Prix : 20 fr. Paris,- 1894. Librairie J.-B. Baillière et fils.
80 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
GLATZ (P.). Réflexions sur l'empirisme en médecine à propos d'hy-
drothérapie. Brochure in-8° de 38 pages. Genève, 1891. Librairie
H. Georg.
JOFFROY (A.). Nature et traitement du goitre exophtalmique. -
Leçons faites en décembre 1891. Brochure in-8° de 62 pages.
Prix : 1 fr. 50; pour nos abonnés, 1 fr. Paris, 1894. Bureaux du
Progrès Médical.
Magnan et Sérieux. La Paralysie générale. Volume in-12 de
194 pages. Prix : broché, 3 fr. 50; cartonné, 3 fr. Paris, 1894.
Librairie G. Masson.
111onax (V.). Recherches bactériologiques sur l'étiologie des conjonc-
livites aiguës et sur l'asepsie dans la chirurgie oculaire.- Volume in-8"
de 143 pages, avec une planche hors texte. Société d'éditions scienti-
fiques.
Oppeinheim (H.). Lehrbuch der Nervenkrankheiten sur arzle uild
sludirezde.-Vo1 ume in-8° de 870 pages, avec 220 ngures.Prix : 2 fr. 50.
Berlin, 1894. Verlay von S. Karger.
Semelaigne (R.) ? Les grands Aliénistes français. (Tome Premier : Ph.
Pinel, Esquirol, Ferrus, J.-P. Falret, F. Voisin et Georget.) Volume
in-8° de 414 pages. Paris, 1894. G. Steinlieil.
Stewart (D.-D.). Furlher renaarks on the occurrence of a /07' ? of
non- album inous nephritis and other lypical fibroid /c ? 6y. Biochure
in-8° de 27 pages. Plitladelphia, 1894. Tlie Médical news.
Stewart (D.-D.). A serious fallacy attending the emplacement of
certain délicate teests for </ ! 6 détection of sérum albumin in the urine,
especially the trichlor-acelic acid lest. Brochure in-12 de 19 pages.
l'hiladelphia, 1894. The Médical news.
AVIS A NOS ABONNÉS. ? ecAetce du 1 ? JUILLET
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement a cessé
à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 0/0 prélevés par
la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du prix
de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée à partir
du 25 juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer de
suite leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la bande de leur journal.
Le redaeleur-géranl, OUIi\13VILLE.
Evrcux, Ch. HEHiBSR, imp. - 101
Vol. XXVIII. Août 1894. ? 90.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE 'i
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
DES LÉSIONS IIISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE
ÉTUDIÉES D'APRÈS LA MÉTHODE DE GOLGI
Par les Dr' KLIPPEL et AZOULAY.
Travail du laboratoire du Professeur JOFFROY (clinique des maladies mentales).
La méthode histologique de Golgi, onle sait, a, dans ces der-
niers temps, donné des résultats nombreux, nouveaux, et des
plus importants en ce qui concerne la structure normale du
système nerveux. Les travaux de Ramon y Cajal, pour l'encé-
phale, et de van Gehucten, pour la moelle et les ganglions -
pour ne citer que les principales applications à l'anatomie
normale de la méthode nouvelle, ont permis de comprendre
la morphologie et les connections des éléments nerveux, à tel
point que l'on peut, aujourd'hui, considérer nos connaissances
sur la structure des centres nerveux comme aussi parfaites
que celles qui concernent le foie, le poumon ou le rein. Nous
savons, à l'heure actuelle, comment se terminent dans l'écorce
les cylindres d'axe, quels rapports existent entre eux et les
prolongements des cellules nerveuses, quelle est la structure
et les particularités qu'offrent ces derniers, comment se com-
portent les fibres naissant des cellules calleuses des circonvo-
lutions de l'un des hémisphères et comment elles se terminent
dans la substance corticale de l'hémisphère du côté opposé;
nous connaissons dans la moelle les cellules donnant naissance
à des fibres qui vont se mêler à celles qui forment les cordons
latéraux ou postérieurs de la moelle ; nous avons appris quelles
sont les connexions, si longtemps discutées, entre les pro-
Archives, t. XXVIII. 6
82 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
longements cellulaires et les terminaisons des tubes nerveux.
S'il nous était permis d'insister ici sur les résultats fournis
par cette même méthode dans l'étude des nerfs périphériques
viscéraux, nous pourrions longuement décrire les plexus ner-
veux de l'intestin et ceux du rein chez l'homme, description
qui a fait, dans ces derniers temps, l'objet de plusieurs
communications de l'un de nous 1.
Une méthode nouvelle et susceptible de donner de pareils
résultats au point de vue des plus fins détails de l'histologie
normale, a semblé d'abord presque stérile, lorsqu'on cherchait
à la transporter dans le domaine de l'anatomie pathologique.
La raison en est que les recherches auxquelles nous venons
de faire allusion ont spécialement porté, en anatomie nor-
male, sur l'embryon des animaux en général et accessoirement
sur le foetus humain.
La méthode, en effet, s'applique aux cylindres d'axe, avant
le développement et la constitution de l'enveloppe de myéline
qui, à une certaine phase de développement, entoure ces élé-
ments.
Une fois cette gaine formée, c'est-à-dire après développe-
ment complet des centres nerveux, les imprégnations par le
sel d'argent ne se font que très difficilement. Presque tous
les résultats énoncés plus haut ont donc été obtenus chez des
embryons. Cependant, ne désespérant pas d'obtenir quelques
résultats en traitant par cette méthode les cerveaux adultes et
pathologiques, nous avons entrepris des recherches dont les
conclusions ont déjà été formulées par nous à la Société de
biologie 2.
Ces recherches ont porté d'abord sur le système nerveux des
paralytiques généraux. Nous décrirons en quelques lignes les
altérations que nous avons pu rencontrer, nous réservant de
revenir ultérieurement sur ces recherches, dans la mélancolie
et les autres maladies mentales. Ce n'est pas la première fois
que la méthode de Golgi aura été appliquée en dehors de l'a-
natomie normale. Tout récemment, Golgi lui-même3 a décrit
les altérations des cellules de l'écorce cérébrale, qu'il a pu
observer dans la rage expérimentale. Nous reviendrons plus
' Azoulay. - Soc. anal., mai 91.
2 Soc. de Biologie, 12 mai 1891.
3 Berl. Klin. Wochens, 1894.
LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 83
loin sur ces faits, qui semblent bien justifier les tentatives de
la méthode appliquée à l'anatomie pathologique chez l'adulte.
Nous avons pu recueillir, dans des circonstances favorables,
deux cerveaux de paralytiques généraux quelques heures après
la mort. Il semble que cette condition soit presque nécessaire
pour mener à bonne fin les recherches qui ont tant de fois
échoué dans d'autres conditions. Nous ne dirons rien autre
chose sur la méthode que nous avons suivie, renvoyant aux
descriptions classiques de la technique et ajoutant simplement,
pour ceux qui voudraient contrôler nos recherches, que nos
résultats n'ont été obtenus qu'après de longs tâtonnements et
un apprentissage longuement poursuivi de la méthode.
A titre de document, et afin de pouvoir comparer les lésions
obtenues par la méthode de Golgi avec les résultats que
donnent les autres méthodes histologiques employées jusqu'ici
pour l'étude de la paralysie générale, nous donnons d'abord,
résumée, l'observation suivante, avec l'examen microscopique
des zones corticales pratiqué à l'aide du picro-carmin et de
l'acide osmique.
Observation. Paralysie générale progressive à évolution lente, à
forme démente avec lésions destructives, épaississeaneut des mé-
ninges, érosions corticales.
Le nommé M. J..., valet de chambre, âgé de trente-trois ans,
entré à l'asile clinique (Sainte-Anne) le 8 octobre 1892. Décédé le
5 avril 1894.
Les certificats d'entrée sont les suivants : Paralysie générale pro-
gressive ayant débuté par des symptômes d'ataxie locomotrice.
Tremblement fibrillaire de la langue et des muscles. Inégalité pu-
pillaire. Grand embarras de la parole. Affaiblissement des facultés
et notamment de la mémoire. Incapacité de se diriger. Excitation
par intervalles. Signé : Dr Rouillard.
10 octobre 1803. Affaiblissement des facultés mentales. Em-
barras de la parole. Tremblement. Paralysie générale.
Signé : Dr PACTET.
Antécédents héréditaires. Côté paternel : grand-père, pas de
renseignements : grand'mère, pas de renseignements. Côté ma-
ternel : grand-père, pas de renseignements; grand'mère, pas de
renseignements.
Père, mère, tantes et oncles : père mort à soixante-cinq ans,
d'une angine de poitrine. Un oncle mort subitement. Mère morte
hydropique. Frères et soeurs : trois frères et trois soeurs du même
84 ANATOMIE pathologique.
lit. Un frère buveur serait comme lui. Une soeur de père premier
lit, bien portante, obésité et quatre frères ou soeurs morts du croup
(du même lit). Une soeur de père (troisième lit), sur laquelle on n'a
pas de renseignements. Enfants : Une fille de neuf ans, bien por-
tante. Pas de fausse couche.
Antécédents personnels. Hérédité : oui ; syphilis : non ; alcoo-
lisme : oui; excès vénériens : oui; causes morales : non. Interro-
geant les parents du malade en octobre 1892, nous avons pu-obte-
nir les renseignements suivants : Est malade depuis deux ans. Il a
recommencé à se plaindre de douleurs dans les reins.
Il y a dix-huit mois, il paraît avoir une attaque épileptiforme
sans perte de connaissance (mouvements dans le côté gauche de la
face et dans le bras du même côté), l'attaque a duré environ dix
minutes et presque aussitôt après il s'est remis à travailler.
Pendant quelques jours il a eu la parole embarrassée. (Il y a six
mois, au mois de mai), nouvelle attaque épileptiforme (côté gauche),
sur le boulevard Haussmann pas de perte de connaissance. Engour-
dissement du bras gauche pendant un jour ou deux. ZD
Sa femme a remarqué qu'il avait de l'embarras de la parole
depuis le mois de février 1892, cet état est intermittent.
Il y a dix-huit mois, il est allé un jour attendre son patron à la
gare du Nord pour le ramener en voiture, il est revenu ayant ou-
blié le patron, n'ayant pu attendre l'arrivée du. train. Vers la
même époque, on l'envoie toucher un chèque de 2,000 francs et de
son propre gré il va porter 500 francs chez un fournisseur à qui
devait son patron. Affaiblissement musculaire depuis six mois.
On n'a pas remarqué chez lui d'idées de grandeur ou de ri-
chesse.
Perle de la mémoire surtout marquée depuis six mois, sa femme
était constamment obligée de lui rappeler ce qu'il avait à faire.
Pas de symptômes d'ataxie. Jamais de douleurs fulgurantes. Pas de
troubles de la marche.
Garçon de café de seize à vingt-trois ans, a fait beaucoup
d'excès de femmes et de boisson. Malade depuis trois ans, pour
une maladie de la moelle. A pris des douches et du bromure, a
toujours été calme. Le malade nie absolument la syphilis. Il recon-
naît avoir eu 4 ou 5 blennorrhagies, mais il déclare n'avoir
jamais été affecté de chancre ou d'ulcération de la verge. (Pas de
constatation de cicatrices, ni d'adénite.) Pas de symptômes de sy-
philis héréditaire. A eu un rhumatisme articulaire aigu à dix-sept
ans.
Période de début ou prodromique.-Il est malade depuis le 15 juil-
let 1889. Il se plaignait à ce moment de fatigues très grandes et
de douleurs de rein. Il maigrissait énormément sans tousser.
Il transpirait beaucoup la nuit et paraissait avoir de la fièvre. Sa
peau était brûlante. Pas d'herpès. Cetle fièvre a duré un mois et
lésions histologiques de la paralysie générale. 85
le D''L.M... le traita par des vins toniques et lui conseilla l'air de la
campagne. Il y alla comme valet de chambre et s'en trouva très
bien. Mais déjà à cette époque son maître se plaignait beaucoup
de ses absences de mémoire. Son caractère qui habituellement était
très emporté s'adoucit un peu plus tard.
En 1889. Première attaque caractérisée par des contractions
spasmodiques des muscles du visage, aphasie, parésie du bras
gauche ayant duré un quart d'heure. Deuxième attaque en 1890;
de la même nature. Troisième attaque en 1891 ; commencement.
Quatrième attaque en mai 1892. Jamais de troubles digestifs
ni d'urination, jamais de maux de tête ni de douleurs fulgu-
rantes.
Symptômes actuels. 1° Affaiblissement des facultés; 2° pas
d'inégalité pupillaire. Pas de signe de Robertson ; 3° tremblement
de la langue. Troubles de la parole caractéristiques. Tremblement
de.s mains; 4° pas de signe de Romberg. Pas d'incoordination dans
la marche, se tient bien à cloche-pied. Croise bien les jambes; 5° Exa-
gération considérable des deux réflexes rotuliens. Le choc du ten-
don détermine non seulement une secousse plus violente, mais dé-
termine plusieurs secousses; 6° Douleurs (à réserver jusqu'aux
renseignements de sa femme).
Marche de la maladie. 23 octobre 1892. Cette nuit le malade
a eu une attaque épileptiforme sans morsure de la langue, ni mic-
tion involontaire avec légère épistaxis ; l'infirmier l'a trouvé inerte
dans son lit.
21 avril 1893. Affaiblissement musculaire progressif. Le ma-
lade tombe à chaque instant. Il a de la peine à marcher et à se
tenir sur ses jambes. Affaiblissement psychique sans délire.-
26 avril 1893. Troubles de la marche. Station debout peu so-
lide ; Tremblement des jambes. Pas d'ataxie proprement dite, mais
hésitation dans la marche ; surtout quand il tourne sur lui-même.
Tremblement des membres supérieurs.
25 octobre 1893. Exagération de tous les réflexes tendineux.
Trépidation du pied. Impossibilité pour le malade de se tenir de-
bout. Il perd constamment l'équilibre. Les mouvements des jambes
ne sont cependant pas abolis, mais seulement affaiblis. Gâtisme.
Tremblement à larges oscillations irrégulières de tous les muscles.
Conservation du réflexe plantaire. Le malade est arrivé à cet état
graduellement sans attaques congestives ni épileptiformes dans ces
derniers temps. Réflexes pupillaires à l'accommodation et à la
lumière diminués, mais non complètement abolis. Pupilles dilatées,
la gauche un peu plus grande que la droite. '
. 16 janvier 1894. Escarres sacrées assez prononcées. Escarre
trochantérienne gauche très profonde avec croûtes noirâtres et
épaisses. Escarre fessière gauche assez accusée. Escarre trochan-
8G anatomie pathologique.
rienne droite très superficielle. Mort le 5 avril 1894 dans le ma-
rasme. - - -
Autopsie (6 avril 1894). Encéphale. Les artères de la base ne
sont pas athéromateuses.
LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 87
Les éléments cellulaires offrent aussi des lésions. Les cellules cé-
rébrales dans les différentes zones de Meynert ont subi l'atro-
phie de leur protoplasma avec diminution de volume de leurs
prolongements. Même pour beaucoup de cellules ceux-ci sont invi-
sibles et le corps de la cellule semble réduit à un protoplasma de
forme arrondie ou ovalaire sans les angles tels qu'on les observe
au niveau des grandes cellules pyramidales dans l'état normal et
au niveau de certaines cellules polygonales de l'écorce. Les espaces
lymphatiques qui entourent les éléments atrophiés sont élargis.
Les noyaux eux-mêmes ont des contours irréguliers et sont
granuleux. Enfin le protoplasma est chargé en dépôts pigmen-
taires. 1
Les cellules rondes de l'écorce sont plutôt en voie d'atrophie
qu'en état de prolifération. Il serait difficile de dire que leur nom-
bre est très notablement augmenté; il parait plutôt dépasser la
normale.
Dans la substance blanche, les vaisseaux offrent les mêmes lésions
que dans la substance grise; peut-être sont-elles un peu moins
accusées ici. Les gaines sont très épaissies et scléreuses et par
place contiennent des dépôts ocreux. Lesnoyauxsont augmentés de
volnme.
2° Par l'acide osmique. On voit dans les cellules et dans les
vaisseaux de l'écorce, au niveau de la zone sous-méningée, de
nombreuses granulations isolées ou en amas. Les tubes nerveux
sont très diminuées dans l'écorce; au niveau de la zone sous- mé-
ningée, il est impossible de les mettre en évidence. Au-dessous les
fins réseaux qu'ils forment sont moins fournis qu'à l'état normal et
les tubes qu'ils forment paraissent très grêles.
Dans la substance blanche et au niveau de la limite inférieure
delà zone des cellules polymorphes, on constate des atrophies dégé-
nératives des tubes nerveux, de l'atrophie simple et çà et là des
boules hyalines dont l'origine paraît être l'altération des gaines
de myéline.
3° Par la méthode de Golgi. On constate d'abord des altéra-
tions portant sur le panache périphérique de la tige protoplas-
mique, puis sur la tige elle-même et sur ses expansions latérales
et les expansions protoplasmiques basilaires; enfin sur le corps de
la cellule.
Remarquons en passant que ces altérations sont centripètes,
fait qui semble confirmer la théorie de la fonction centripète des
prolongements protoplasmiques. Peut-être encore la marche de
ces lésions s'expliquerait-elle aussi par le fait que le corps de la
cellule est le centre trophique de tous les, éléments qui en éma-
nent.
Les altérations qu'on voit sur les préparations consistent comme
premier stade dans une abrasion graduelle des épines couvrant
88 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
les expansions protoplasmiques, puis en l'agglutination de plu-
sieurs épines formant de petites bandes irrégulières de proto-
plasma, puis, en troisième lieu, dans la coalescence de ces boules
pour en former de plus grosses rendant ainsi difformes les
expansions et la tige protoplasmiques; en quatrième lieu, en la
disproportion du corps cellulaire devenu globuleux ou piriforme
du fait de houles irrégulières de protoplasma; enfin, en l'atrophie
plus ou moins avancée du panache de la tige, des expansions
protoplasmiques et du corps cellulaire demeurant souvent mécon-
naissables avec de rares moignons d'expansions protoplasmiques.
Toutes ces altérations sont à différents degrés sur les diverses
cellules de l'écorce, mais elles semblent en général suivre la
marche que nous venons d'indiquer. Ce sont surtout les grandes
cellules pyramidales qui sont atteintes; les polymorphes et les
petites cellules pyramidales le sont beaucoup moins. Peut-être
cette moindre fréquence des lésions des petites pyramides vient de
ce qu'elles s'imprègnent plus rarement. Quant aux cellules spé-
ciales de Cajal, comme leur imprégnation est très difficile, nous
ne pouvons rien préciser. Les cellules à cylindre d'axe ascen-,
dant de Martinotti paraissent également lésées.
Dans la même coupe et dans une même couche on rencontre
y. 3. Cellules pyramidales altérées dans l'écorce cérébrale d'un
paralytique général et d'une mélancolique.
A, B, C, D. Cellules pyramidales de l'écorce d'un paralytique général, montrant les
divers degrés de la dégénérescence cellulaire; abrasion des épines, des prolongements
protoplasmiques; globules protoplasmiques irréguliers sur ces derniers et sur le corps
cellulaire; atrophie du panache périphérique, des expansions protoplasmiques latérales
et basilaires et du corps cellulaire devenu globuleux ou piriforme. e
E, F. Cellules pyramidales de l'écorce temporale d'un mélancolique. Mêmes lésions
qu'en A, B, C, D, mais à un moindre degré.
LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 89.
parfois côte à côte plusieurs cellules altérées, mais d'ordinaire les
cellules malades sont mêlées aux éléments sains. Les cellules
du cervelet présentent des altérations analogues. En comparant
ces lésions à celles que montre la figure ci-jointe dans la mélan-
colie on verra qu'il s'agit, pour cette dernière maladie, d'un pro-
cessus analogue mais à un moindre degré.
On vient de voir quelles sont les lésions obtenues par la
méthode de Golgi. Si nous les comparons à celles révélées
par les procédés habituels, nous constatons des traits com-
muns, à savoir l'atrophie des protoplasmas cellulaires, les
changements de forme de la cellule nerveuse qui, de triangu-
laire qu'elle est à l'état normal, devient ronde ou ovale en
perdant ses angles. Mais ce que donne en plus l'application du
procédé de Golgi, ce sont des altérations portant sur les pro-
longements et ramifications des éléments cellulaires, dont les
moindres détails normaux ou pathologiques sont mis en relief
par ce procédé appliqué d'abord à l'étude de la cellule normale
et sans lequel nous ne connaîtrions encore rien d'une altéra-
tion si intéressante. 1
Mais en présence de ces lésions, une double question se
pose : S'agit-il d'altérations caractérisant la paralysie géné-
rale elle-même, d'altérations permettant de reconnaître histo-
logiquement cette maladie ? et, en second lieu, quel rapport
existe entre les lésions et les symptômes observés pendant la
vie ?
En premier lieu, il ne s'agit pas ici de lésions purement
cadavériques, puisque sur des sujets morts de différentes affec-
tions on ne les retrouve pas dans les mêmes conditions d'au-
topsie et de technique. En second lieu, il nous est permis d'af-
firmer que ces altérations consistent dans un processus d'atro-
phie et de dégénérescence n'ayant en lui-même pas de carac-
tère pathognomonique.
Ce qu'on constate, c'est la destruction de certaines parties
invisibles par les autres procédés de cet élément si complexe
dans sa structure, la cellule de l'écorce cérébrale.
Les éléments anatomiques n'ont pas tant de façon de s'alté-
rer qu'une altération spéciale puisse correspondre à chacune
des affections différentes qui peut frapper le même territoire
anatomique. Les altérations que montre la méthode de
Golgi sont profondes, diffuses comme celles qu'on observe à
l'aide des autres procédés. Cette méthode ne permet pas d'as-
90 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
signer à la destruction de la cellule cérébrale un processus
que l'on puisse qualifier de spécifique. Ce qu'elle montre, ce
sont les détails de cette destruction, qui sont restés jusqu'ici
invisibles par toutes les autres méthodes. C'est cet état moni-
liforme des prolongements protoplasmiques, cette atrophie et
cette rareté des expansions du corps de la cellule, cette atro-
phie de saillies épineuses qui à l'état normal hérissent les
prolongements cellulaires, cette atrophie du panache périphé-
rique et, en un mot, l'ensemble des lésions citées plus haut.
En établissant la présence de ces altérations nouvelles, elle
vient confirmer ce fait déjà connu que la cellule cérébrale est
touchée par la maladie qui nous occupe ; mais, de plus, elle
nous fait voir cette lésion avec un ensemble complexe de par-
ticularités non reconnues jusqu'ici ; elle nous fait apparaître
cette dégénérescence possible et même probable dans des
observations où jusqu'ici les autres méthodes permettaient de
croire à l'intégrité de l'élément nerveux ; en nous montrant,
frappé dans les moindres détails de sa structure, l'élément
nerveux, elle donne un appui nouveau à la théorie parenchy-
mateuse de la paralysie générale, à l'opinion défendue à plu-
sieurs' reprises par le professeur Joffroy et par d'autres
auteurs, à savoir que dans cette maladie, c'est d'abord, et
avant tout, l'élément cellulaire lui-même qui est troublé dans
sa nutrition, les tubes nerveux, les vaisseaux et la névroglie
ne devenant malades que secondairement et en quelque sorte
dans une seconde étape du processus morbide.
Si en dehors de la paralysie générale, si dans la mélancolie
ainsi que nous l'avons observé, si dans la rage, ainsi que l'a
vu Golgi lui-même, on rencontre des lésions analogues, cela
n'ôte rien à ce fait que dans la paralysie générale la cellule
nerveuse s'amoindrit, s'étiole et s'atrophie.
Il nous a semblé que dans cette maladie, les lésions déli-
cates que nous venons de mentionner sont plus manifestes
et plus intenses que dans maintes affections, que la méthode de
Golgi peut nous permettre d'affirmer des modifications dans
les détails de la structure des éléments nobles de l'écorce et
que dans aucune autre maladie ces modifications n'appa-
raissent plus nettement que dans la paralysie générale.
Ce qu'elle nous montre surtout d'intéressant et de nouveau,
c'est l'atrophie et la disparition des nombreuses épines, des
saillies innombrables qui, à l'état normal, recouvrent les
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 91
branches ramifiées du protoplasma et la même atrophie des
organes de terminaison de ces prolongements.
Or, on se rappelle que le rôle de ces saillies si multipliées
est précisément d'établir des rapports fonctionnels entre les
cellules nerveuses et les prolongements terminaux des cy-
lindres d'axe venant se terminer à leur voisinage dans l'écorce.
De là on peut vraisemblablement conclure que dans tout
processus destructif aboutissant à l'atrophie de ces organes
terminaux, il doit nécessairement se produire des modifica-
tions dans les transmissions des impressions nerveuses d'élé-
ment à élément, c'est-à-dire un retard, un trouble ou une
perversion dans la marche de l'influx nerveux, quel que soit
sa nature.
Ce n'est là qu'une hypothèse, sans doute, mais qui peut-
être, dans la suite, pourra, jusqu'à un certain point, éclairer
la pathogénie de ces troubles si nombreux de l'innervation, qui
constituent la symptomatologie de la paralysie générale.
PATHOLOGIE NERVEUSE
NEURASTHENIE PALUSTRE
Par le D' TRIANTAPHYLLIDÉS (Batoum)
Le paludisme joue en général un double rôle dans la genèse
de différentes affections, soit d'une cause occasionnelle, soit
d'une cause spécifique; dans le premier cas, l'affection reste
indépendante du paludisme, dans le second, elle n'est qu'une
manifestation du paludisme, le paludisme lui-même sous sa
forme larvée. Ce double rôle étiologique s'exerce aussi dans la
neurasthénie. Mais d'autres fois la neurasthénie n'est qu'une
manifestation larvée du paludisme, et c'est cette neurasthénie
palustre que nous voulons étudier, telle que nous l'avons
observée au Caucase, d'autant plus que d'après notre connais-
sance elle ne fut pas encore le sujet d'une étude spéciale. Le
paludisme larvé est très fréquent au Caucase, et la neurasthénie
t3a ? s formes variables qu'il revêt. Cette neurasthénie
perif être unique, et est souvent la nrimitive manifestation de
l'impaludisme larvé.
Depuis que ma conviction fut arrêtée sur la nature simple-
ment palustre de cette neurasthénie, dans l'espace de plus
quatre ans et demi, j'ai pu rassembler une cinquantaine d'ob-
servations, dont j'ai étudié un bon nombre pendant plusieurs
années. C'est, basé sur ces cinquante cas, que je tâcherai de
donner un court aperçu symptomatique de celte forme spéciale
de l'impaludisme larvé. On rencontre la neurasthénie palustre
à des degrés différents, qui ne sont du reste que des transi-
tions insensibles du degré le plus faible qu'on pourrait nommer
névropathie palustre, au degré le plus avancé, qui est la neuras-
thénie confirmée typique avec ses stigmates.
La plus légère expression de cet impaludisme larvé et la plus
commune qui n'a épargné personne, consiste en un ,état
apathique, en un malaise psychique. On se sent ennuyé,
énervé et de mauvaise humeur, on a le spleen des Anglais.
Parfois on a la tête et les mains plus chaudes que d'habitude.
Cet état reconnaît souvent pour cause l'impaludisme larvé.
J'ai pu m'en convaincre par des recherches microscopiques
du sang, surtout chez les capitaines qui voyagent entre
Batoum et les pays chauds, et qui, après un séjour à
Batoum plus ou moins court, éprouvent ces effets du climat,
qui sont, affirment-ils, tout différents de ceux qu'on ressent
dans les pays chauds. Ces troubles peuvent passer et reparaître
avec ou sans périodicité, s'accentuer graduellement et s'appro-
cher de la neurasthénie palustre. '
La neurasthénie palustre consiste : a) en des troubles psy-
chiques ; b) en des troubles amyosthéniques; c) en des troubles
vaso-moteurs; d) et en d'autres troubles qui sont loin de jouer
le même rôle et d'avoir la même constance que dans la neuras-
thénie commune.
a) Troubles psychiques. Ils affectent la sphère intellec-
tuelle et la sphère morale.
Les malades ont le dégoût pour tout travail cérébral, ils
éprouvent depuis une paresse intellectuelle jusqu'à l'impotence
cérébrale complète, et à l'impossiblité absolue de penser et de
concentrer leurs idées. Ils perdent en même temps leur énergie,
leur volonté faiblit, ils deviennent indécis et hésitants, parfois
ils ont le sentiment d'un vide dans leur cerveau.
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 93
Dans quelques cas (3 fois sur 50) cette torpeur intellectuelle
est interrompue par une agitation morbide, qui arrive par
accès plus ou moins périodiques, surtout nocturnes. Alors des
idées absurdes, et sans aucune suite, viennent comme un tour-
billon passer par la tête, avec une rapidité extrême, l'une
interrompant l'autre. A un de mes malades, cet accès arrivait
régulièrement entre trois et quatre heures du matin et durait
une heure entière.
La torpeur intellectuelle est plus accusée au repos. C'est une
fatigue du repos. Si le malade, par un effort sur lui-même, en
se forçant de travailler, parvient à réveiller son cerveau,
celui-ci reprend ses fonctions plus ou moins normales. Dans
les cas avancés, la mémoire peut aussi faiblir.
Les troubles de la sphère morale consistent en un découra-
gement général, en une tristesse sans motif. Le malade est
mécontent de tout, et de lui-même ; il a du dégoût pour tout,
rien ne l'intéresse plus, il devient pessimiste, une inquiétude
vague le tourmente, comme s'il s'attendait à un grand mal-
heur, ou il a un sentiment de terreur comme s'il avait commis
un crime.
Une malade avait des accès de terreur périodiques, et une
autre des accès de phobie (pour l'incendie). (Voir observ.)
Le malade a, en même temps, l'humeur changeante et
capricieuse; il devient parfois soupçonneux et méfiant. Son
caractère devient toujours irascible, et son impressionnabilité
parfois exagérée : il pleure sans cause. Le malade a toujours
pleine conscience de son état morbide.
b) Amyosthénie. Elle accompagne en général l'état psy-
chique. Son intensité est variable et elle est plus accentuée au
repos. Elle survient parfois par accès, subitement, et dure de
quelques secondes à quelques minutes, accompagnée d'une
anxiété avec tremblement général ou partiel. Cette amyos-
thénie est due à un épuisement rapide, à une défaillance de
l'impulsion motrice cérébrale, et un effort de la volonté peut
le faire disparaître, et au dynamomètre ces amyosthéniques
présentent sensiblement la même force qu'à l'état normal.
c) Troubles vaso-moteurs. Ces troubles, à eux seuls, peu-
vent être l'unique expression du paludisme larvé et se pré-
senter sous forme de névroses, dont il ne sera pas question
ici. Je me borne à mentionner les troubles vaso-moteurs qu'on
rencontre habituellement dans la neurasthénie palustre.
94 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les malades ont habituellement le visage pâle, et, d'après
cette pâleur, on les aurait facilement pris pour des anémiques.
L'anémie n'y est pour rien. La quantité de l'hémoglobine et
le nombre des hématies de leur sang sont normaux ou à peu
près. Parfois, ils ont le visage injecté et les mains chaudes.
Ils sentent parfois des frissons qui leur parcourent le corps et
des bouffées de chaleur, comme si on leur versait de l'eau
tiède sur le corps, des battements artériels, etc. Dans les cas
anciens, ces troubles acquièrent une localisation plus ou moins
fixe en tel ou tel point du corps, parfois unilatérale, le plus
souvent bilatérale, accompagnés de sensation, de picotements
ou de fourmillement et de sécrétion sudorale plus ou moins
abondante. Ces troubles vaso-moteurs sont souvent périodiques
et toujours tenaces. Ils peuvent acquérir un caractère assez
étendu pour troubler la pression sanguine générale et donner
lieu à un état demi-syncopal, par abaissement de la pression
sanguine, ou bien à des accès d'angine de poitrine plus ou
moins accusée. Un de mes malades avait chaque jour, vers
onze heures du matin, des frissons généralisés, des refroidis-
sements des membres avec légers accès anginiformes, ren-
forcement du second ton aortique et élévation de la pression
sanguine à 0,26 au sphygmomanomètre de Potain. En dehors
des accès, la pression sanguine oscillait entre 0,021 et 0,023.
C'est sur ces trois ordres de troubles, et surtout sur l'état
psychique, que la neurasthénie palustre est basée.
d) Les autres symptômes, avons-nous dit, ou manquent
complètement ou sont si peu saillants qu'on doit les cher-
cher pour les constater. Ce sont :
Les troubles du sommeil, qui manquent dans plus de la
moitié des cas, et consistent, soit en une somnolence cons-
tante, soit, plus rarement, en une insomnie ou sommeil agité.
Les troubles digestifs, très peu accusés, qui consistent en
une légère anorexie ou une dyspepsie. Deux fois, sur mes cin-
quante observations, il y avait une amyosthénie complète de
tout le tube digestif avec dilatation de l'estomac, tympanisme
et constipation opiniâtre, ectopie rénale et accès névralgi-
formes du grand sympathique abdominal. Mais il faut noter
que des cas analogues s'observent en dehors de la neurasthénie,
et comme une variété du paludisme larvé.
La céphalée ou lourdeur de la tête existe dans plus de la
moitié des cas. Le casque céphalique est beaucoup plus rare, on
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 95
le rencontre dans les cas invétérés, et il est frontal et tempo-
ral, plus rarement occipital.
La plaque spinale (existe trente-cinq fois sur cinquante) est
peu accusée, rarement spontanée. Son siège de prédilection
est les apophyses épineuses des deux dernières vertèbres
cervicales et des deux premières dorsales ; par la pression,
on remarque que cet endroit de l'épine dorsale est plus sen-
sible et parfois douloureux. Rarement toute l'épine dorsale
est douloureuse, soit à la pression, soit spontanément. Cet
état coïncidait toujours avec une névralgie générale.
Une plaque qui manque rarement, c'est la plaque ombilicale
(quarante-trois fois sur cinquante). En comprimant profondé-
ment la région ombilicale un peu à gauche, on provoque une
douleur assez vive. Parfois, cette douleur est spontanée, avec
des irradiations réflexes. L'origine de cette douleur doit être le
plexus solaire, qui présente une susceptibilité particulière pour
le paludisme.
En dehors de ces symptômes, on en rencontre d'autres plus
inconstants, comme les douleurs erratiques, les diverses
névralgies disséminées, unilatérales ou bilatérales, le plus sou-
vent constantes et peu accusées : intercostales, lombaires,
lombo-sacrées (plexus et troncs), névralgies générales, du
grand sympathique abdominal, articulaires. Les douleurs
spontanées constrictives ou fulgurantes, ressenties surtout au
repos, analogues aux douleurs tabétiques d'origine centrale et
indépendantes de mouvement et de pression.
Les courbatures générales, les fourmillements, le tremble-
ment, les palpitations, les oppressions, les vertiges, les troubles
de sécrétion et, deux fois, il y avait une légère asthénopie et
trois fois une frigidité relative. Mais nous répétons que nombre
de ces symptômes, qui sont loin d'être constants, se rencon-
trent en dehors de la neurasthénie et sont dus à l'impaludisme
larvé.
Marche de la maladie. L'invasion de la neurasthénie
palustre est rarement brusque. Elle est presque toujours pré-
cédée de plusieurs périodes névropathiques que le malade
attribue à des causes banales. La neurasthénie, une J'ois décla-
rée, ne suit pas une marche régulière; elle s'atténue ou même
disparaît au bout de quelques jours ou de quelques semaines,
pour reparaître plus tard. Il y a, parmi mes observations, des
malades qui, dans l'espace de trois ans, n'ont eu que de
96 PATHOLOGIE NERVEUSE.
une à trois périodes neurasthéniques, sans aucun autre signe
de paludisme, guéries promptement par les injections hypo-
dermiques de quinine. Mais en général les récidives sont la
règle qui, à la longue, dans leurs intervalles, laissent le malade
définitivement, et déjà indépendamment du paludisme, névro-
pathe ou même neurasthénique, et les récidives alors se mani-
festent par une aggravation de leur état; ou, d'autres fois,
quelques troubles isolés peuvent survivre au paludisme et per-
sister indéfiniment. Mais il faut toujours se rappeler qu'une
personne, une fois impaludée, peut traîner .son paludisme
larvé pendant de longues années, et même dans les pays
salubres, sans pouvoir se débarrasser de ses troubles protéi-
formes, si leur nature reste méconnue.
Etiologie. -Les causes qui, dans la neurasthénie commune,
jouent un rôle capital, n'ont nullement la même importance
dans la neurasthénie palustre. Il suffit du germe palustre pour
créer de toutes pièces la neurasthénie; et il suffit de vivre ou
d'avoir vécu dans un pays à malaria, pour avoir le germe du
paludisme dans le sang, germe qui peut rester silencieux, sans
causer aucun trouble appréciable, mais toujours en éveil, prêt
à éclater de lui-même ou par l'effet d'une perturbation quel-
conque de l'organisme. Sous ce rapport, le paludisme ressemble
à la syphilis.
Comme dans les pays de malaria, on observe parfois des
intoxications palustres qui se manifestent uniquement par des
troubles fonctionnels, comme par exemple : les diverses
névralgies, les céphalées, le spasme delà glotte, l'asthme
palustre, etc. ; il y a aussi une intoxication palustre qui se
manifeste uniquement par l'ensemble de troubles que nous
venons de décrire sous le nom de neurasthénie palustre.
Pour admettre la nature palustre de ces troubles, on a,
croyons-nous, tort de s'attacher trop à la recherche soit des
accès de fièvre dans les antécédents, soit des altérations splé-
niques ou hépatiques.
De mes 50 malades, 23 n'ont jamais eu le paludisme
dans les antécédents, et de 27 avec antécédents palustres, la
plupart depuis plusieurs années n'ont plus eu d'accès fébriles..
Des 23 cas sans aucun antécédent palustre, 13 ne présen-
taient aucune altération appréciable, ni du foie ni de la rate et
10 avaient le foie ou la rate ou les deux organes légèrement
engorgés.
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 97
Les 27 cas avec antécédents palustres sont ainsi partagés :
8 cas sans aucune altération ni splénique, ni hépatique, étaient sur-
tout ces malades qui depuis longtemps n'ont plus eu d'accès de fièvre;
`7 cas avec engorgement hépatique;
6 cas avec engorgement hépatique et splénique;
4 cas avec engorgement splénique ;
et 2 cas douteux.
Pour admettre l'origine purement palustre de cette neuras-
thénie, nous passerons en revue les principales causes qui
pourraient être incriminées '.
Les climats tropicaux par la chaleur et l'humidité ont une
certaine influence sur le système nerveux. Mais leurs effets
sont loin de ressembler, à notre neurasthénie, excepté ceux
observés au Panama par Nicolas et qui présentent une cer-
taine analogie avec notre neurasthénie. On est à se demander
si cette particularité des effets du climat du Panama, sur
laquelle l'auteur insiste , ne tenait pas à l'impaludisme
latent. (Sem. méd.)
Batoum, du reste, est loin de se trouver dans les conditions
de climats tropicaux et l'hiver et le printemps, par une tempé-
rature de 8 à 14° et une humidité de 0,60 à 0,70, m'ont fourni
d'aussi nombreux cas de neurasthénie que l'été.
L'état constitutionnel des malades ne joue qu'un rôle
secondaire. Nous avons déjà dit que l'anémie n'y était presque
pour rien ; et d'autre part les vrais cachectiques palustres
deviennent rarement neurasthéniques. Il est vrai que l'impa-
ludisme larvé aggrave une neurasthénie préexistante et un
névropathe est plus prédisposé à contracter la neurasthénie
palustre.
Toutes les classes sociales figurent dans ma petite statis-
tique. La classe intelligente prédomine, mais un simple
ouvrier ou un paysan ne vient pas réclamer l'assistance médi-
cale pour des troubles qui ne l'empêchent pas de travailler.
Le surmenage et les préoccupations jouent parfois un cer-
tain rôle. Mais souvent c'est quand on est impaludé qu'on
devient susceptible à ressentir les effets fâcheux de ces causes.
Il y avait même des neurasthéniques qui se portaient bien
quand leurs occupations les entraînaient dans une suractivité
somatique ou intellectuelle.
Les altérations organiques doivent être éloignées de l'étio-
logie. Une bonne partie de mes malades n'en présentaient
t Archives, t. XXVIII. 7
98 PATHOLOGIE NERVEUSE.
aucune. La plupart avaient le foie engorgé. Mais au Caucase il
n'y a rien de plus commun que les congestions chroniques du
foie, qui habituellement sont dues à l'impaludisme franc ou
larvé. Au Caucase, le paludisme aime à se localiser aussi
bien au foie qu'à la rate. Mais ces engorgés du foie ne sont pas
nécessairement neurasthéniques. Et d'ailleurs, est-ce que les
affections hépatiques d'origine non palustre sont accompa-
gnées de troubles neurasthéniques ? Poncel, dans son ouvrage
« De l'influence de la congestion chronique du foie sur la
genèse des maladies », rattache les troubles neurasthéniques
au mauvais fonctionnement du foie. Dans ces congestions
hépatiques de Poncel, avec neurasthénie, la recherche des
plasmodies sans pigment et des effets curatifs des injections
hypodermiques de quinine à hautes doses serait d'un grand
intérêt; car il y a des pays réputés indemnes de paludisme,
et où le paludisme sévit pourtant, sous ses formes larvées.
Les troubles digestifs manquent dans la moitié des cas, ou
ils sont trop peu accusés pour donner lieu à la neurasthénie
gastro-intestinale de Bouchard. Nous avons fait mention de
deux seuls cas de dilatation de l'estomac avec neurasthénie,
sans autre manifestation du paludisme et qui, après avoir
résisté pendant plusieurs mois à tous les traitements ration-
nels, ont promptement guéri après six injections hypodermiques
de quinine à la dose de 1 gramme à 1 ? r0 en une fois. Il est
évident qu'ici neurasthénie et dilatation étaient dues au palu-
disme larvé que la quinine a promptement guéri. Le sexe ne
' joue aucun rôle et au point de vue de l'âge ma plus jeune
malade avait quatorze ans. Chez les enfants on ne remarque
que la pâleur, la perte d'appétit et le changement de ca-
ractère.
La présence presque constante des plasmodies dans le sang Z)
et les effets promptement curatifs de la quinine nous autori-
sent, pensons-nous, à rattacher notre neurasthénie au palu-
disme et à éliminer de son étiologie toute autre cause.
Sur mes 50 cas, 41 présentaient constamment les plasmo-
dies dans le sang. Je dois ces recherches microscopiques,
faites surtout sur le sang frais, à l'obligeante assistance de M. le
docteur Triantaphyllidès-Kotliarewsky. Ces plasmodies sont
incluses dans les hématies. Elles sont rosâtres à contours nets
et de formes variables, le plus souvent sphériques, parfois
munies de un à trois petits prolongements en guise de queues
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 99
courtes ; elles ont les mouvements amiboïdes et souvent elles
changent lentement leur forme, de sphériques elles prennent
la forme d'un biscuit ou autre; elles se colorent par l'éosine et
le bleu de méthylène, mais ces préparations ne réussissent pas
aussi communément que dans les préparations de plasmodies
pigmentées. Le nombre de ces plasmodies est variable, en
général on trouve sur chaque préparation de' 1 à 5 ou 6 plas-
modies, mais d'autres fois ce n'est qu'après des recherches lon-
gues et répétées qu'on parvient à en trouver une à deux, ce qui
n'a pas pu être fait chez tous mes malades. Sur ces 41 cas, où
nous avons pu constater la présence des plasmodies dans le
sang, chez 39 il y avait toujours des plasmodies non pigmen-
tées, et chez 2 malades seulement nous avons rencontré aussi
des plasmodies pigmentées.
Vu cette particularité intéressante que presque tous ces
malades ne présentaient dans le sang que des plasmodies non
pigmentées, et les mêmes malades en même temps avaient
une certaine immunité pour le paludisme franc ; et d'un autre
côté, vu la différence clinique qui sépare notre neurasthénie
et le paludisme franc ; et la quinine, qui fait vite disparaître
du sang les plasmodies pigmentées, est loin d'avoir la même
efficacité contre les plasmodies saris pigment. Toutes ces rai-
sons, au début de mes recherches, m'ont inspiré quelques
doutes sur l'origine palustre de cette neurasthénie. Mais ces
mêmes plasmodies, dont la biologie reste encore assez obscure,
servent à rattacher notre neurasthénie à une des formes si
variées du paludisme; car les plasmodies non pigmentées
existent souvent ensemble avec les plasmodies pigmentées
dans le sang des paludiques à accès francs, et on rencontre en
prédominance les pigmentées après l'accès.
A l'appui de l'identité de nature de ces diverses plasmodies,
vient encore l'observation d'une malade atteinte de neuras-
thénie palustre et ayant des plasmodies non pigmentées dans
le sang. Un jour cette malade, pour provoquer ses règles
retardées, a pris en une fois 2 grammes de quinine muriatique.
Elle a eu quelques symptômes d'empoisonnement quinique et
quelques heures après un fort accès de fièvre, qui a duré
quarante-huit heures. A l'examen du sang pendant l'accès on
ne voyait que des plasmodies pigmentées, le troisième jour on
en trouvait aussi et de non pigmentées, et le cinquième jour
seulement les pigmentées ont complètement disparu et les
100 PATHOLOGIE NERVEUSE.
non pigmentées ont pris leur place. Cette dame fut quand
même traitée par la quinine.
Le diagnostic de la neurasthénie palustrene peut être sérieu-
sement basé que sur la belle découverte de Laveran, la pré-
sence des plasmodies dans le sang; car cette neurasthénie
peut parfaitement ressembler à la neurasthénie commune.
Toutefois il faut noter que la marche de la neurasthénie
palustre diffère, au début du moins, de celle de la neurasthénie
commune. En dehors de ça, il arrive souvent que quelques
symptômes présentent une certaine périodicité, et une bonne
partie des symptômes capitaux, des stigmates de la neuras-
thénie commune, dans la neurasthénie palustre peuvent com-
plètement manquer ou être très atténués ; il faut ajouter
encore les antécédents du malade, s'il a vécu dans des pays
palustres, les altérations concomitantes malariques, qui peu-
vent du reste manquer, et les effets curatifs prompts des
injections de quinine à haute dose et au début. -
Le traitement, dans les cas récents, est souvent très efficace
et très prompt. Une à quatre injections sous-cutanées de
quinine bimuriatique à la dose de 0,60 à 1 gramme à la fois
donnent généralement les effets désirés.
Les récidives exigent un nombre plus grand d'injections
hypodermiques, et les cas invétérés se montrent plus ou moins
rebelles aux sels de quinine. On dirait que les plasmodies
s'accoutument à la quinine. Il m'est arrivé d'observer la per-
sistance de ces plasmodies dans le sang après la dixième injec-
tion de 0,80 à 1,20 de quinine bimuriatique.
Dans ces cas rebelles, le sulfate de cinchonine, soit par la
bouche, soit par la voie hypodermique et le sulfate de cinchoni-
dine, m'avaient parfois donné des résultats très favorables. Le
drap mouillé, la suspension, mais surtout les bains de mer, sem-
blent dans les cas anciens des adjuvantsutiles. Un changement de
climat, au début, est très efficace ; maisplus tard il doit être accom-
pagné d'un traitement antimalarique et antineurasthénique.
Les engorgements hépatiques exigent un traitement appro-
prié. Dans la plupart de ces cas, ces mêmes injections de
quinine ont réduit le volume du foie avec une rapidité vrai-
ment merveilleuse.
Nous insérons quelques observations des malades dont les
quatre premières sont prises parmi les cas les plus communs,
et les trois autres parmi les plus compliqués.
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 101
I. Sch..., négociant, trente-sept ans, habite Batoum huit ans.
Sans aucun antécédent morbide, il n'a jamais souffert de palu-
disme. '
Depuis neuf mois, me dit-il, il se sentait de temps en temps
nerveux et sujet à des mauvaises humeurs; mais cet état passait vite.
Il y a quinze jours qu'il commença à sentir de nouveaux troubles,
mais celte fois beaucoup plus accentués et progressivement s'ag-
gravant, ce qui l'avait forcé à venir me consulter.
Etat actuel. Santé physique excellente, faciès triste et un peu
pâle. Le malade ne peut plus s'occuper de ses affaires. Il ne peut
pas penser, et depuis trois jours il a suspendu toute sa correspon-
dance. Il a une impotence cérébrale presque complète. Mélan-
colie sans raison. Emotivité excessive, il commence à sangloter en
me racontant son histoire, ne sachant lui-même pourquoi il pleure.
Caractère irascible. Je deviens, me dit-il, insupportable, mais je ne
puis pas me retenir. Son caractère était toujours doux. Insomnie.
Légère céphalée. Diminution de l'appétit. Aucun autre trouble du
côté des voies digestives. Pas d'amyosthénie. Pas de troubles vaso-
moteurs, aucun trouble de la sensibilité générale, ni des sens.
Apophyses épineuses des deuxième et troisième vertèbres dorsales
un peu douloureuses à la pression. Foie, rate normaux. Sang :
hémoglobine 100. Plasmodies non pigmentées, urine normale.
Traitement. Injection hypodermique de 0,80 de quinine bimu-
riatique. Le lendemain, amélioration brusque. Le malade est gai
et content, et il se sent capable de reprendre ses occupations.
Deuxième injection de quinine de 0,60, et changement de climat
pour dix jours. Revenu bien portant, pas de récidives pendant
un an.
II. Mmo B..., quarante ans. Toujours bien portante, habite
Batoum depuis six ans. Jamais de fièvre. Aucune névrose dans ses
antécédents.
Depuis vingt jours, sans aucune cause appréciable, elle coin--
mença à devenir apathique, triste sans raison, émotive; elle pleure
- sans savoir pourquoi, est très irritable de caractère. Elle sent une
faiblesse musculaire, qui parfois s'accentue subitement. Par mo-
ment, elle a des palpitations et de légères oppressions (manque
d'air). Sommeil normal, fonctions digestives régulières. Pas de.
plaque spinale, ni de céphalée. Aucun trouble vaso-moteur. Aucun
igne d'hystérie. Foie et rate normaux.
Examen du sang. ,- Plasmodies sans pigment. Hémoglobine,
.0,070. Hématies, 4,200,000.
Traitement. Sulfate de cinchonine, 0,090 par jour. Après cinq
jours de traitement, guérison complète et pas de récidive depuis
deux ans. -
102 PATHOLOGIE NERVEUSE.
III. Mme Eu..., trente-quatre ans, paysanne, habite Batoum
depuis deux ans. Aucun antécédent ni malarique, ni nerveux, d'une
constitution forte. Depuis un an et demi, elle est sujette à des maux
de tête périodiques, accompagnés des nausées. Depuis deux mois, la
céphalée est presque constante, et, en même temps, elle a souvent
une tristesse sans motif; elle se sent fatiguée surtout après le
repos; elle a des douleurs erratiques partout, des sensations de
frissons et de bouffées de chaleur, qui lui parcourent le corps, des
palpitations fréquentes, des anxiétés et des terreurs, inappétence,
légère constipation.
Plaque cervicale et ombilicale.
Foie et rate normaux. Pâleur de la face, pâleur spécifique qui
porte un certain cachet de paludisme.
Plasmodies sans pigments dans le sang, hémoglobine 0,95;
hématies 4,400,0000. ,
Traitement. Injection hypodermique de 0,80 de quininebimu-
natique. Le lendemain,, la malade se sent beaucoup mieux, et,
après la troisième injection, elle se sent complètement guérie. A
la pression, la plaque ombilicale et cervicale persiste sensible-
ment.
Après trois mois, récidive et guérison prompte après quatre
injections de quinine. Dans l'espace de deux ans, elle a eu quatre
récidives guéries par les injections hypodermiques de quinine.
IV. MlleD..., vingt-sept ans, habite Batoum depuis quatre ans.
Elle n'a jamais souffert d'accès de fièvre. Aucune névrose, ni autre
maladie dans ses antécédents. Elle me raconte que depuis long-
temps elle se sentait souvent abattue, triste et irascible sans qu'il y
ait aucune cause, tandis que d'autres fois elle se sent très bien.
Depuis deux semaines ces troubles ont reparu plus accentués, ce
qui l'engagea à venir me consulter. -
La malade, un peu faible de constitution, a le faciès pâle,
l'expression' triste; elle pleure sans savoir pourquoi; elle a du
dégoût pour tout. ce qu'il l'intéressait avant avec passion, comme
la musique, par exemple; elle a laissé toute lecture, parce qu'elle
ne peut rien comprendre, son cerveau, dit-elle, est engourdi. En n
même temps, son caractère est devenu emporté. Elle se met en
rage pour un rien, et elle en a honte.
Elle se sent très faible et elle veut toujours dormir. Elle a parfois
des éblouissements, des vertiges, des palpitations, des malaises et
des brisements des membres, comme si elle était soumise à de
grandes fatigues physiques. L'appétit'est diminué.
A l'examen, je constate : langue un peu chargée, légère dila-
tation de l'estomac avec constipation. Foie et rate engorgés.
Plaques cervico-dorsale et ombilicale réveillées par la pression.
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 103
Légère asthénopie. Aucun stigmate hystérique. Plasmodies sans
pigment dans le sang, hémoglobine 0,85.
Je lui prescris la quinine par 0,36 trois fois par jour pour trois
jours sans résultats. Elle consent à subir les injections hypoder-
miques de quinine à la dose de 0,60. Après la troisième injection,
elle se sent tout à fait normale; tous ses troubles psychiques ont
disparus. L'appétit est revenu, l'amyosthénie a disparu. Son foie
déborde à peine le rebord costal, et l'examen du sang donne des
résultats négatifs.
Cette guérison a duré deux mois, au bout desquels les mêmes
troubles recommencent, et la malade vient elle-même réclamer
les injections de quinine, qui lui causent toujours des douleurs
fortes et durables.
Dans l'espace de deux ans, cinq fois la malade est venue se faire
traiter pour des troubles identiques et par la même médication qui
donnait toujours les mêmes prompts résultats.
Mme P... habite Batoum depuis dix ans. Elle n'a jamais eu la
fièvre franche, mais elle a de temps en temps des troubles ana-
logues à ceux de l'observation précédente.
Depuis deux jours ses troubles psychiques ont reparu avec
une intensité inaccoutumée et, effrayée, elle vient me consulter.
A l'examen je constate plusieurs stigmates neurasthéniques, et des
plasmodies dans le sang sans altération hépatique ni splénique. Le
soir même, avant qu'elle commence le traitement par la quinine
que je lui ai prescrit, un fort accès de fièvre éclata qui fut vite
guéri, avec les troubles neurasthésiques, par deux injections de
quinine.
V. 1er janvier 1892. -111m Br..., vingt-huit ans, habite Batoum
depuis douze ans. Elle n'a jamais souffert du paludisme. Toujours
bien portante, et sans aucune névrose, ni état névropathique anté-
cédent. Un mois avant elle a eu ses couches normales et elle nourrit
son enfant. '
Elle me raconte que depuis trois mois, elle éprouvait de temps
en temps des troubles moraux analogues à ceux des observa-
tions précédentes, qu'elle attribuait à sa grossesse. Mais après sa
délivrance ces troubles au lieu de s'amender, se sont accentués
et en même temps, elle sent des céphalées en casque, une amyos-
thénie générale, qui parfois la surprend subitement à un tel degré
qu'une fois elle a laissé tomber son enfant de ses bras; des four-
millements, des frissons erratiques avec des bouffées de chaleur.
Mais en dehors de ces troubles qu'on rencontre dans les autres
observations, la malade à des accès de terreur, d'abord .plusieurs
par jour sans heure fixe et d'une intensité moyenne, et plus tard
un accès chaque nuit, d'une intensité violente et lui arrivant entre
minuit et deux heures du matin. La malade saute subitement et
104 PATHOLOGIE NERVEUSE.
presque inconsciemment de son lit, dans une anxiété et une terreur
extrêmes, avec un sentiment d'étouffement et couverte de sueurs
qui continuent après l'accès. L'accès dure de dix à quinze minutes,
puis tout se calme, et la malade garde un souvenir vague de son
accès, qui commence, dit-elle, par une terreur, comme si quelque .
chose de terrible devait arriver, ne concernant pas du tout sa
santé, mais comme si elle assistait à une catastrophe, à un nau- .
frage, à la fin du monde.
L'examen de la malade, excepté la présence des plasmodies sans
pigment, donne des résultats négatifs.
Je lui prescris le bromure de potassium associé avec la quinine
et au bout de trois jours, la malade se sentait mieux; ses accès de
terreur ont perdu de leur intensité, et les troubles neurasthé-
niques se sont atténués. Comme traitement consécutif, je lui prescris
la quinine à prendre de temps en temps à des doses suffisantes.
20 février. La malade s'est trouvée tout ce temps-là assez
bien. Parfois elle avait ses troubles neurasthésiques avec des
inquiétudes vagues, mais alors, dit-elle, elle prenait quelque doses
fortes de quinine et elle se trouvait bien pour quelque temps.
Depuis hier elle a eu un frisson fort suivi d'élévation de tempé-
rature due à un érysipèle de la face, et la nuit un fort accès de ces -
terreurs qu'elle avait il y a un mois et demi. Elle m'affirme en
même temps qu'elle a perdu toute l'affection, presque passionnée,
qu'elle avait pour son unique enfant, et qu'elle ne peut plus le
supporter. Elle présente en outre au comble tous les troubles psy-
chiques de la neurasthénie. Je lui. fais une injection de quinine
bimuriatique à la dose de 0,60. *-
21. Le lendemain de l'injection, malgré la température élevée
(40°) et les douleurs physiques de l'érysipèle, la malade se sent si
bien qu'elle me prie de lui répéter les injections hypodermiques
de quinine. L'accès de terreur n'a plus eu lieu.
J'ai continué les injections pendant quatre jours. La malade fut
rétablie de son érysipèle vers le huitième jour, et elle se leva du
lit bien portante, ne gardant de, ses troubles neurasthéniques
qu'une indifférence pour son enfant, et des sueurs profuses loca-
lisées à la tête et au cou.
4 mars. - De nouveau, tristesse, inquiétude vague, caractère
irascible, amyosthénie, etc., etc. '
Examen de tous les organes négatif.
Présence de plasmodies sans pigment dans le sang, pas de . ·
plaques vertébrales, céphalée en casque, sommeil un peu agité.
Traitement. Injections hypodermiques de quinine à 0,80.
5. La malade se sent à merveille, elle m'affirme aussi que
l'affection pour son enfant est revenue. 1
7. Je lui ai fait encore deux injections. Après un an, la
malade n'a plus de récidives Elle se porte très bien.
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 105
Rarement elle se sent un peu nerveuse ; elle prend alors un
peu de quinine et ça passe.
VI. llne Par..., vingt-cinq ans. Elle n'a jamais eu le paludisme
franc pendant les huit ans qu'elle a demeuré à Batoum.
il y a un an, elle a eu la neurasthésie palustre pour laquelle je
lui ai fait deux injections de quinine et conseillé de changer de
climat. Depuis ce temps, dit-elle, elle se sentait souvent énervée,
apathique, triste, faible, avec des troubles vaso-moteurs divers, des
troubles digestifs, etc., mais tous ces troubles passaient vite, et
la malade gardait sa répugnance à se soumettre à un traitement
régulier.
Mais depuis une semaine à ces désordres psychiques, il s'en est
joint d'autres, qui l'avaient décidée à me consulter.
Chaque jour la malade, vers huit heures du matin et pendant
deux heures, a coup sur coup plusieurs accès qu'elle décrit comme il
suit : La malade commence à bâiller, puis une frayeur, une anxiété
de la mort la saisit avec la sensation d'un choc dans le cerveau, des
battements artériels, des palpitations, et le sentiment que son coeur
va s'arrêter. La malade fait des inspirations profondes, sa vue
s'obscurcit, elle tombe dans un état vertigineux, la tête tourne,
Elle a des alternatives de congestion et de pâleur de la face. En
même temps elle sent des douleurs partout, des frissons et bouffées
,de chaleurs erratiques, des picotements, des fourmillements qui lui
parcourent le corps, et un léger tremblement des membres. Du
- côté de l'abdomen elle a des borborygmes forts avec envie d'aller à
la selle sans résultat. Chez une autre malade sujette à des accès
-analogues, ces accès débutaient par des borborygmes intestinaux
douloureux.
Dans les intervalles des accès, le tremblement persiste, la malade
se sent très faible, et elle a la paresthésie comme si ses membres
.et son visage ne lui appartenaient pas... Elle ne perd jamais con-
naissance. L'apparition des sueurs termine la scène et la malade
tombe dans un sommeil profond.
Examen de la malade.- Elle présente tous les troubles de la neu-
rasthénie palustre, à savoir : état psychique, amyosthénie, troubles
'vaso-moteurs. Outre cela, troubles digestifs langue unpeu chargée,
anorexie légère, constipation, léger trouble de sommeil. Céphalée
parfois en casque, plaque spinale, et surtout ombilicale. Aucun
-autre trouble, ni du côté des sens, ni de la sensibilité générale. Foie
légèrement engorgé. Rate normale. Sang : plasmodies sans pig-
ment, hémoglobine 0,70, urines et règles normales.
Après la première injection de 0,75 de quinine-bimuriatique, l'ac-
cès s'est très atténué comme force et comme durée, et après la seconde
injection complètement supprimé. La malade est émerveillée, elle
-se sent très bien, l'appétit manque encore.
106 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Après six jours, les accès ont reparu à la même heure, mais
cette fois ils consistaient en une faiblesse générale, en un état lipo-
, thymique avec battements artériels et tremblement général. J'ai
repris les injections et après la cinquième, les accès, beaucoup atté-
nués, persistaient quand même, ainsi que les troubles neurasthé-
niques, et je lui ai conseilléde changer de climat, en lui prescrivant
par la bouche la quinine arséniée et le bromure.
VII. 1890. Mme G..., quarante-cinq ans. Antécédents nuls,
excepté quelques migraines et une anémie constitutionnelle. Au-
cune hérédité morbide, habite Poti et Batoum depuis douze ans
(depuis 1878).
Dès son arrivée à Poti, elle fut atteinte d'accès de fièvre qui ont
duré deux ans avec des interruptions, et étaient accompagnés de
maux de reins et de douleurs névralgiformes parfois assez intenses
pour nécessiter l'emploi hypodermique de la morphine. Plus tard
la malaria est devenue atypique et se manifestait par des courba-
tures, des malaises et des douleurs partout, surtout lombaires. A cette
époque, la malade présenta quelques symptômes hystériques
à savoir : la boule hystérique, des accès de rire et de pleurs quand
elle entendait de la musique, et pendant un an la phobie suivante :
effrayée une nuit d'un incendie, qui a eu lieu près de sa maison,
chaque nuit, après s'être couchée, elle était prise d'une phobie d'in-
cendie : pour dissiper ses craintes, qu'elle reconnaissait du reste
absurdes, elle devait parcourir son appartement et se rassurer.
Si, par un effort sur elle-même, elle tâchait de ne pas faire cette
visitation absurde, elle était prise d'une anxiété puis d'un frisson
suivi de bouffées de chaleur. Après cette psychose, elle fut atteinte
d'un vaginisme qui a duré plusieurs mois.
La cinquième année de son séjour à Poti elle est partie pour la
France. Le lendemain de son départ, dit-elle, elle a eu les pieds
enflés, et ces oedèmes persistèrent pendant trois mois, tout le temps
que la malade resta loin de son foyer d'impaludisme, et ils ne
disparurent qu'immédiatement après son retour à Poti. Ses fonc-
tions digestives étaient tout le temps excellentes.
En 1884, installée à Batoum, elle fut atteinte d'une diarrhée
séreuse abondante et tenace (jusqu'à quarante selles par jour) qui
a duré quinze jours, et un mois plus tard elle fut affectée d'une
névrose de l'estomac périodique, la malade devait chaque soir,
presque fatalement, rendre son souper, même le plus léger, avec
une facilité extrême. Le repas de midi, même le plus indigeste,
était parfaitement toléré. Cet état dura à peu près quatre ans. Les
troubles subjectifs de malaria larvée avec des douleurs diverses
existaient toujours chez elle. Mais depuis plusieurs années elle n'a
plus d'accès de fièvre.
Depuis un an elle se plaint de troubles pour lesquels elle me
NEURASTHÉNIE PALUSTRE. 107
consulte pour la première fois, troubles qui périodiquem ent s'ag-
gravent à un degré fort accusé .
Etat actuel (janvier 1890). La malade a une constitution forte, f
passablement obèse, avec le faciès excessivement pâle, elle présente
presque tous les symptômes d'une neurasthénie très accusée, à
savoir : impotence cérébrale, la malade ne peut pas faire une
simple addition du compte que le cuisinier lui présente, et chaque
effort de penser lui provoque des tiraillements douloureux intra-
craniens ; troubles du moral, dégoût pour tout, tristesse, irritabi-
lité du caractère, etc. - Amyôsthénie.
Troubles vaso-moteurs; pâleur habituelle presque cadavérique de-
la face et parfois injections ; frissons erratiques et bouffées de cha-
leur, qui présentent une certaine périodicité et sont accompagnés
de sensations de fatigue, et de brisement des os; céphalée en
casque occipitale et pariétale; insomnie; .palpitations subjectives
sans que les battements du coeur soient accélérés, parfois doulou-
reuses avec sensation d'oppression ou de serrement cardiaque;
colonne vertébrale douloureuse à la pression avec des plaques dou-
- loureuses spontanées, surtout lombaires, dont les douleurs sponta-
nées nocturnes enlèvent tout repos à la malade. En même temps
la malade a une névralgie générale. Tous les troncs nerveux sans-
exception présentent les points douloureux de Valleix et tout le
corps est endolori. Celte névralgie générale, plus accusée à gauche,
se réveille surtout la nuit, au repos du lit, où chaque mouvement
excite la douleur et le corps ne peut pas supporter le contact de la
couverture. Cette névralgie s'étend aussi aux articulations, surtout
du cou-de-pied où la malade a la sensation d'un étau qui le com-
primerait violemment, et des phalanges dont quelques-unes sont
même un peu tuméfiées. Au réveil du matin les premiers mou-
vements font pousser des cris à la malade. Et pourtant celle-ci nie
le rhumatisme dans ses antécédents et dans son hérédité.
Examen du sang.- Hématies 3.100.000; hémoglobine 0,80; plas-
modies non pignentées; fonctions digestives excellentes; foie et
rate normaux ; rien de particulier du côté des autres organes. Aucun
stigmate d'hystérie. La malade tout le temps s'est traitée réguliè-
rement par la quinine, l'arsenic, etc.
Je lui ai institué le traitement exclusif par les injections de qui-
nine, dont les effets furent prompts ; après la troisième injection
hypodermique toutes les douleurs ont presque disparu et les trou-
bles neurasthéniques se sont tellement amendés que la malade se
croyait guérie, en m'affirmant que depuis de longues années elle
ne s'est jamais sentie aussi bien; la colonne vertébrale restait sen-
sible seulement à la pression, ainsi que tous les troncs nerveux
sur leurs points de Valleix. L'état psychique s'est complètement
transformé.
Celte amélioration oa guérison dura deux mois, puis une réci-
108 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 1
dive commença graduellement et le sixième jour, quand tous les
troubles précédents se sont considérablement aggravés, j'ai recom-
tmencé les injections hypodermiques de quinine à la dose de 0,60
à 0,80. La guérison fut de nouveau obtenue après la quatrième
injection. '
Cette malade, dans l'espace de trois ans, a eu plus de huit réci-
dives et elle a subi soixante-huit injections hypodermiques de qui-
nine de 0,50 à 1,20 en une fois. -
Ces récidives étaient toujours identiques. Mêmes douleurs iiévral-
giques et articulaires, même neurasthénie. Les plasmodies n'ont
jamais manqué dans son sang, même après les injections de qui-
nine et après un séjour en France de quatre mois. Elle n'a jamais
eu d'accès de fièvre, ni d'élévation de température. Le foie, la
rate et les fonctions digestives élaient toujours normaux. Les effets
des injections de quinine au début étaient prompts, mais avec le
.nombre de récidives, elles perdaient de leur efficacité, ce qui
m'engageait à forcer la dose et le nombre des injections hypoder-
miques.
Les six derniers mois de son séjour à Batoum, elle était défi-
nitivement neurasthénique, et la seule médication qui calmait
provisoirement ses souffrances, c'étaient encore les injections hypo-
dermiques de quinine. Toute autre médication restait sans
résultat.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES MANI-
FESTATIONS NERVEUSES DE L'ARSÉNICISME CHRONIQUE,
Par LUCIEN BECO, chef de clinique médicale
de l'Université de Liège.
(Laboratoire de M. le professeur Francotte.) .
Les paralysies par intoxication arsenicale sont actuellement
bien connues et la plupart des auteurs les rattachent à une
névrite multiple toxique (Ilirt 1).
Cependant, tout récemment, 13enschen 2 a publié un cas où
' Hirt. Pathologie du système nerveux. (Edit. franc., 1891.) -
2 Henschen. On arsenical paralysis. (Neterolog. Ceittralb., 15 fé-
vrier 1894.)
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES MANIFESTATIONS NERVEUSES. 109
il a constaté des lésions médullaires primitives, très nettes et
très étendues. Le syndrome clinique avait du reste fait
admettre la participation de la moelle au processus morbide. '
Les paralysies arsenicales ont été moins étudiées expéri-
mentalement. Dans un travail déjà ancien, Scolosubofi' 1
concluait à la myélite arsenicale ; mais, ainsi que le démontre
Brissaud 2, les expériences sur lesquelles il s'appuie sont
loin d'être suffisantes.
Sur 50 lapins intoxiqués, Alexander 3 a observé six fois
des paralysies et dans trois cas, il a pu constater de l'atrophie
dégénérative des nerfs et des muscles. Schaffer a décrit der-
nièrement chez des animaux intoxiqués par l'arsenic, le plomb
et l'antimoine, des altérations de structure des cellules gan-
glionnaires, analogues à celles qu'on observe dans beaucoup
de nécroses.
Nos expériences ont porté sur 7 animaux : cobayes, 3 la-
pins, 2 chiens. Nous leur avons donné de la liqueur deFowler
diluée, en injections sous-cutanées, en espaçant les injections
de manière à produire une intoxication lente et progressive.
Les 2 cobayes ont vécu respectivement huit jours et
quinze jours. Les 3 lapins ont résisté un mois, un mois et
demi, et deux mois. Les 2 chiens deux mois et trois mois.
Les phénomènes observés ont été les mêmes, mais avec des
variations d'intensité, chez les divers animaux. Notons princi-
palement ;' de la conjonctivite ; des lésions tro'pho-cutanées
remarquables, consistant en une chute rapide des poils, se
présentant habituellement sous forme de plaques arrondies,
complètement glabres ; le fond de ces plaques était constitué
par de la peau saine, d'autres fois, par de la peau nécrosée,
s'éliminant par la suite et mettent à nu le plan musculaire
superficiel ; une dénutrition croissante. Jamais nous n'avons
observé l'augmentation de poids signalée, chez les chiens, par
Scolosuboff 1. Delà diarrhée et des hémorragies intestinales.
1 ScolosubofT. Paralysie arsenicale. (Compte rendu de Biol., 1875
et 1884.)
2 Brissaud. Les paralysies toxiques, 1886.
1 Alexander. Klinische und experimentelle Beitrkge zur Kennlniss
der Lühmungen Koc/t..4rM ? ? t ? <u. (Thèse de Breslau, 1889.)
Seliaffer. Ueber Verdnderungen der Nervengelleit bei expert ? te21-
tellen chronisches Blei. 4)'M ? : -MKt ! Antimonvergiftungen. (Neurolog.
Ce ? zli-abl., 15 février 1894.) ,
5 Scolosuboil. Loco citalo.
110 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Les animaux refusaient rapidement la nourriture et finissaient
par mourir dans un état cachectique avancé.
Nous les avons suivis de près. Jamais nous n'avons pu
constater chez eux, même dans les derniers jours, un symp-
tôme quelconque de parésie musculaire. Les réflexes tendi-
neux ont toujours été conservés ; la réaction électrique n'a
présenté aucune modification qualitative, ni quantitative.
L'autopsie révélait de la stéatose des organes viscéraux et du
catarrhe intestinal hémorragique. ,
La moelle, les troncs nerveux principaux et, dans la. plupart
des cas, de fines ramifications nerveuses musculaires et cuta-
nées, ont été enlevés. La moelle et les troncs nerveux ont été
durcis par le bichromate de potasse. Après passage dans
l'alcool, l'éther et la photoxyline nous débitions au microtome.
Les coupes étaient colorées par le picrocarmin ou par la
méthode de Weigert. Nous n'y avons découvert aucune alté-
ration de structure, notamment pas de foyer hémorragique
ancien ou récent, pas d'infiltration, pas de sclérose, ni de dégé-
nérescence.
Enfin nous avons pratiqué de nombreuses dissociations des
nerfs, après action de l'acide osmique.
La seule particularité que nous avons observée, c'est que la
myéline, au lieu d'avoir le reflet bleuâtre que lui donne habi-
tuellement l'acide osmique, avait une teinte gris noirâtre.
Ce fait se produirait également dans les névrites amenées par
l'alcool et l'éther, ainsi que l'ont signalé Pitres et Vaillard 1.
Au cours de ce travail, nous avons pris, comme moyen de
comparaison d'une part, les nerfs d'un chien normal et,
d'autre part, ceux d'un diabétique atteint de polynévrite
interstitielle chronique.
Nos recherches confirment donc cette conclusion d'Alexan-
der 1 : qu'il est difficile de déterminer, chez les animaux par
une intoxication arsenicale chronique, l'apparition d'une
polynévrite ou d'une myélite.
Il semble qu'il n'en est pas de même chez l'homme.
Mais il ne faut pas perdre de vue que l'étiologie de l'arseni-
cisme est souvent très complexe (Richardière 3) . A côté de
' Pitre et Vaillard. (C. R. Soc. Biol., 1887.)
1 Alexander. Loc. cil., p. 75 et 76.
9 Traité de Médecine, t. II, p. 601.
BARBE BUVÉE. d[l
l'arsenic d'autres facteurs peuvent intervenir : tels, le froid,
l'infection, d'autres toxinoses (plomb alcool surtout, etc.).
On doit également tenir compte de la coexistence possible de
certaines affections, spécialement la tuberculose.
HISTOIRE ET CRITIQUE
.1. BARBE BUVÉE
EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE
POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1638-1663).
(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque
nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)
Par le Dr SA111UEL GARNIER,
Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon.
VI. Cependant l'élargissement de soeur Buvée de la pri-
son de Dijon et les autres conséquences de l'arrêt du parle-
ment, en date du 18 mars 1661, redoublèrent l'appréhension
qu'avaient déjà causé le principal arrêt du 6 janvier précédent
et ceux qui suivirent. D'après la tournure, favorable à l'accusée,
qu'avaient prises les enquêtes du Commissaire, les exorcismes
faits sur l'ordre de l'Archevêque de Besançon et les constata-
tions médicales dont ils étaient instruits, ils redoutèrent fort
de voir la version de la possession ne trouver aucun crédit,
devant le Parlement, et l'accusée sortir victorieuse du complot
qui devait la perdre. Aussi mirent-ils tout en oeuvre pour
empêcher ce double résultat, ne reculant devant aucune dé-
marche dans ce but. Comme leur requête pour obtenir que
la cause fut évoquée devant le Conseil du Roi et enlevée à la
connaissance du Parlement, n'avait pas encore reçu de solu-
tion conforme à leurs espérances, les abbés Pelletier et Bre-
tin se rendirent à Paris, pour plaider, eux-mêmes, la cause
11 9 HISTOIRE ET CRITIQUE.
de l'évocation. -Pendant leur absence, tous les moyens de
procédure devaient, d'un autre côté, être successivement
employés pour retarder l'exécution d'un arrêt qui, était en
quelque sorte, déjà la préface de la condamnation de leurs
agissements.
Malgré le zèle déployé, nos deux exorcistes ne purent
obtenir l'évocation dû procès. Sentant la partie perdue de ce
côté, ils représentèrent alors que les exorcismes avaient été
mal faits, et émirent des doutes sur l'impartialité du Commis-
saire et des exorcistes choisis par le Parlement, en sorte qu'ils
obtinrent des lettres de cachet adressées à l'évêque de Cha-
lon-sur-Saône pour procéder à de nouveaux exorcismes.
C'était presque un succès.
Pendant ces actives démarches, l'official, les exorcistes et
les possédées, jugeant que leur meilleur expédient était de
discréditer autant que possible le Commissaire, le médecin,
les exorcistes désignés par le Parlement ainsi que tous ceux
qui s'étaient montrés hostiles à la croyance de la possession,'
s'y appliquèrent de tout leur pouvoir.
La supérieure qui avait d'abord dit que, par principe de
conscience et par respect de l'ordre, elle avait voulu taire jus-
qu'à présent la qualité de Claude, le magicien, déclara que
c'était un P. bénédictin de Flavigny, qui levait des perles sur
les ornements d'église, pour les donner à Barbe Buvée, afin
de noircir encore celle-ci et de jeter en outre une suspicion de
partialité sur le bénédictin désigné pour vaquer aux exor-
cismes ordonnés par le Parlement. Or, il n'y eut jamais de
dom Claude à Flavigny, et encore moins de perles sur les
ornements d'église de l'Abbaye. Un nommé Poitrin et son
fils, charpentiers à Auxonne, ayant déposé très ouvertement
contre la possession et les exorcistes, furent dénoncés aus-
sitôt par les religieuses comme étant des magiciens qui
venaient les tourmenter dans leurs chambres.
Le médecin Rapin ayant été gravement malade, après les
exorcismes, elles avancèrent que cette maladie n'était que la
punition de ses fautes. Enfin il n'est pas jusqu'aux questions
des exorcistes aux possédées qui ne furent posées avec l'in-
tention de détruire le prestige du commissaire Legoux, en
. faisant dire contre lui tout ce qui avait, sans doute, été com-
ploté entre eux auparavant, de concert avec elles.
Voici un dialogue qui s'établit entre l'exorciste et la possé-
BARBE BUVÉE. 113
dée le 25 septembre 1661 ; la supercherie et la malice de tous
.deux s'y refléta avec une telle évidence que tous ceux qui,
comme le déclare le Commissaire lui-même', auraient pu
croire à la possession, eussent été obligés « de ne plus y
croire et d'imputer tout à folie, à maladie ou méchanceté ».
D. N'y a-t-il point de charmes pour M. le Commissaire ?
R. C'est assez quand il n'aurait que les papiers de la
Colombe, sa vue et ses entretiens.
D. N'y a-t-il rien de plus ?
R. Il y a enchantement, ligatures les plus fortes qui se
soient jamais faites, et un sort dans la chambre où il couche.
D. En quel lieu est-il ?
R. Je ne le dirai pas, ce sont des secrets de la Colombe
et d'Asmodée. Il y en a pour tous les juges; il y en a dans la
chambre où président les juges sous le siège du président.
D. Je te commande au nom de Jésus-Christ la vérité
essentielle et première que tu nous dises sans fallace et men-
songe si M. Legoux est charmé ?
R. Je t'ai dit qu'il avait des charmes qui lui ont été don-
nés par la vue de la Colombe et par son souffle en communi-
quant avec elle je le dis de rechef qu'il a des papiers enchan-
tés touchant les affaires de cette communauté affligée, pour
lui donner de l'amour pour la Colombe et l'intéresser dans
ses affaires, pour lui donner aussi plusieurs opinions dans
l'esprit touchant ces exorcistes et ces filles.
D. Je te conjure de parler sincèrement et de nous dire les
moyens pour détruire ces enchantements ?
R. Tu ne saurais les détruire parce qu'il faudrait faire
les choses nécessaires sur la personne même, quand tu lui
aurais dit cent fois, il n'en ferait rien.
D. Arrive ce qu'il plaira à Dieu, je te demande et te
commande au nom de Jésus-Christ de me dire ce qu'il fau-
drait faire pour rompre tous ces charmes ?
R. Il faut qu'il brûle tous ses papiers et tout ce qu'il a de
la Colombe, qu'on bénisse ses habits, qu'on détruise par le z
pouvoir de l'Eglise tous les regards et souffles faits par elle,
il faut souffler par-dessus lui tout à l'entoura
1 Manuscrit fonds français, n° 186g;, toi. 23 et suivants. Bibliothèque nationale.
Ide ? n,loc. cit.
3 Manuscrit fonds français. r Raisons tirées, etc. Signé L'gou'i * n° iS691,
fol. 24. B. N.
AacBmES, t. XXVIII. 8
114 HISTOIRE ET CRITIQUE.
Dans un autre exorcisme de la même époque, on trouva le
même but de dénigrement dans les questions posées.
L'exorciste demanda au démon Verrine quelle était la
langue des créatures quand elles déposaient devant le Com-
missaire, de choses si horribles; et l'exorcisée répondit : Il
n'y en a point, mais c'est que le Commissaire est injuste, ce
n'est pas la première fois qu'il a trompé ! il a ajouté plusieurs
choses à leur déposition, par exemple : il a mis qu'une fille
avait été déflorée par les sorciers, cela est faux, elle ne l'a
jamais dit. Il a trop suivi les ordres de la magicienne; il est
vrai qu'il y a des sorts, mais jamais ils n'ont été assez forts
pour contraindre la liberté. Dieu sauva bien les hommes en
son temps, aussi bien que les autres coupables, témoin : l'in-
juste Rapin dont le châtiment est encore manifeste aujour-
d'hui. '
Et plus loin :
D. Que faut-il faire pour le décharmer ?
R. Qu'il recoure à la Vierge, la priant d'intercéder pour
lui envers son fils, à ce qu'il plaise rompre, dissoudre, annuler
tous ces charmes. La principale chose qu'il doit faire est de
se séquestrer de la Colombe, j'entends de tout ce qui la con-
cerne : s'il le fait, il en ressentira si sensiblement les effets
qu'il se trouvera changé absolument, mais qu'il ne le fasse
pas à demi; s'il veut le faire, qu'il le fasse tout à fait. Autre-
ment il n'y a rien à faire, qu'il fasse enfin ce qu'il pourra,
Dieu fera le reste.
Pour le sort d'Asmodée qui est dans la chambre où il cou-
che, il n'y a rien faire pour le lever. Suspens-en les effets par
le pouvoir de l'Église, parce qu'il faudrait que ce fût le démon
qui le levât, puisque c'est lui-même qui l'a mis en ce lieu. Je le
jure par cet adorable sacrement qui repose sur cet autel,
,que j'ai été contrainte de vous dire toutes ces choses, non
de moi mais par la puissance de ce Dieu, que nous soumet-
tant à son Église, nous le sommes par conséquent envers les
ministres d'icelle lesquels m'ayant commandé de dire de la
part de leur maître tout ce qu'il m'intimait touchant cela,
je l'ai fait fidèlement, et n'ai rien dit que selon ses ordres et
sa volonté; que la justice de Dieu s'appesantisse sur mon
être se faisant ressentir dans l'étendue de ses rigueurs, si j'ai
menti ou fallacié. m
Tels étaient les discours préparés à l'avance et récités par
BARBE BUVÉE. 115
les exorcisées, pour récuser l'impartialité, le zèle à rechercher
la vérité, de tous ceux que le Parlement avait employés dans
cette affaire. Aussi ce fut avec la conviction la plus légitime
que M. Legoux, auquel nous empruntons les détails qui pré-
cèdent, put dire : « 4 Sur tout cela, j'appelle tout ce qu'il y a
d'hommes au monde pour nous dire si ces folies doivent être
prises pour des marques de possession, si Dijon est criminel,
devant Dieu pour ne pas le croire sur ces extravagances, si
ce ne sont pas là les vrais caractères de la vengeance et de la
ruse d'un esprit qui veut sauver son honneur et celui de ses
filles aux dépens du Commissaire et de ceux qui ont tra-
vaillé avee lui à la recherche de la vérité, en disant qu'on a
ajouté à leurs dépositions qu'elles ont signées, après en avoir
entendu lecture dans les formes de la justice. Interpelle
tous les théologiens de nous dire si cet exorciste procède
dans l'ordre de l'Eglise, et tout ce qu'il y a d'esprits raison-
nables, si la collusion ne paraît pas tout entière en faisant
causer une fille sur des sujets de cette nature, et tant plus
leur vengeance se manifestera, tant mieux on verra leur
esprit féminin qui ne s'est jamais plaint des autres prêtres, ni
de leurs exorcistes, au contraire qui ont été loués par ces
démons, justifiés par eux, rappelés au monastère duquel ils
avaient été sagement exclus par leurs supérieurs, et qu'il a
été impossible jusqu'à présent de séparer d'eux parce qu'ils
les aiment plus qu'ils ne les craignent et qu'ils s'accommodent
fort bien avec eux. »
Après cette habile mise en scène dont les dialogues que nous
venons de rapporter, étaient destinés à frapper l'esprit des
assistants et à préparer dans l'opinion publique un revirement
en faveur de la possession, la commission chargée par le roi
de porter un jugement sur cette affaire d'Auxonne pouvait
maintenant fonctionner. Tout était prêt pour qu'il fût favorable.
Cette commission se composait de l'archevêque de Tou-
louse, des évêques de Rennes, de Rodez, de Chalon-sur-
Saône,-de quatre docteurs de Sorbonne et de Morel, ancien .
médecin de la ville de Chalon « connu par sa doctrine et son
expérience= 9. Après avoir obtenu les pouvoirs nécessaires
1 Manuscrit 18695, folio ;6 et 37. Bibliothèque nationale, loc. cit.
' Jugement de nosseigneurs, etc., à Chalon-sur-Saône chez Philippe Tan,
imprimeur de la ville, 1662, page i. Cet imprimé se trouve aussi à la Biblio-
thèque nationale, manuscrit fonds français, n° 20973, fOl. 252.
116 6 HISTOIRE ET CRITIQUE.
de l'Archevêque de Besançon pour procéder aux exorcismes,
elle se rendit à Auxonne dans le mois de décembre 1661, alors
que le Commissaire Legoux s'y trouvait encore pour l'in-
formation prescrite par l'arrêt du 18 mars. Instruit de
son arrivée, M. Legoux alla trouver l'évêque de Châlon,
se mettant à'sa disposition pour assister aux exorcismes et
lui fournir tous les éclaircissements que sa longue procé-
dure lui avait permis d'acquérir en pareille matière; mais
l'évêque déclina entièrement ces offres obligeantes, de sorte
que le Parlement n'eut aucune connaissance officielle de tout
ce qui eut ainsi lieu en dehors de sa participation. Après
avoir vaqué pendant quatorze jours, tant à des visites qu'à
des exorcismes dans le couvent d'Auxonne, la commission
royale rédigea le 12 janvier 1662, à Paris, un rapport intitulé :
« Jugement de messeigneurs les archevêque, évesques, docteurs
de Sorbonne, et autres sçavans, députés par le roy, sur la pré-
tendue possession des filles d'Auxonne », dont les conclusions
furent en contradiction absolue avec ce qui était acquis
par la procédure parlementaire. Il est toutefois remarquable
que cette pièce ne fit aucune allusion à Barbe Buvée, ni
aux déclarations antérieures des soi-disant possédées, rela-
tives aux maléfices dont elles prétendaient que cette reli-
gieuse était l'auteur. Bien que ce rapport ait été imprimé, il
était trop important pour ne pas figurer dans notre étude; le
lecteur trouvera tout profit à lire la description des exor-
cismes, dans lesquels les crises de grande hystérie qui s'y
produisirent, ne présentèrent aucune différence appréciable
avec celle notée dans les exorcismes publics précédents. Au
surplus, il comprendra quelle portée pouvait avoir, tant par
la qualité de ses signataires que par l'esprit dans lequel il
était rédigé, un document contenant l'apologie de la posses-
sion et des exorcistes, quand le Parlement s'y montrait réso-
lument hostile. 1
« * Nous, souz-signés, ayans entendu le récit qui nous a
esté fait par Monseigneur l'évêque de Chalon-sur-Saône de ce
qui s'est passé etc., ont convenu dans le même sentiment
après que ledit Seigneur Evesque nous a rapporté.
i. Que toutes lesdites filles qui sont au nombre de dix-huit,
tant séculières que régulières et sans en excepter une luy ont
' Voir la note précédente.
BARBE BUVÉE. z lui
paru avoir le don de l'intelligence des langues, en ce qu'elles
ont tousiours respondu fidèllement au latin qui leur estoit pro-
noncé par les exorcistes, qui n'estoit point emprunté du rituel,
et encores moins concerté avec eux, souvent mesme se sont
expliquées en latin quelquefois par des périodes entières,
quelquefois avec des discours achevés qu'une d'entre elles,
nommée Anne l'Escossois dite de la Purification, l'un des
exorcistes luy parlant en Hirlandois a témoigné l'entendre fort
bien, et le luy a expliqué en langue françoise par plusieurs
fois.
2. Que toutes ou presque toutes ont témoigné avoir con-
noissance de l'intérieur et du secret de la pensée, quand elle
leur a esté adressée, ce qui a paru particulièrement dans les
commendements intérieurs, qui leur ont esté fait très souvent
par les exorcistes en divers occasions, ausquelles elles ont
obéy très particulièrement pour l'ordinaire, sans que les
commendemens fussent exprimés, n'y par paroles, n'y par
aucun signe extérieur, dont ledit Seigneur Evesque a fait plu-
sieurs expériences, entre autres en la personne de Denise
Parizot servante du Lieutenant Général d'Auxonne, laquelle
ayant fait commandement dans le fond de sa pensée de venir
le trouver, pour estre exorcisée, elle y est venue incontinent
quoy que demeurante en un quartier de la Ville assez esloigné
disant audit Seigneur Evesque qu'elle avoit esté commandée
par luy de venir, ce qu'elle a fait plusieurs fois : Et encore en
la personne de la soeur Marguerite Iamin dite de l'Enfant
Iésus, novice, en sortant de l'exorcisme, luy dit le comman-
dement intérieur, qu'il avoit fait au démon pendant l'exor-
cisme : et en la personne d'Humberte Borthon dite de Saint-
François, à laquelle ayant commandé mentalement, au plus
fort de ses agitations, de venir se pi osterner devant le Saint-
Sacrement le ventre contre terre, et les bras estendus, elle
exécuta le commandement au même instant qu'il eust esté
formé, avec une promptitude et une précipitation toute
extraordinaire; les autres ecclésiastiques, qui avoient l'hon-
neur d'assister le dit Seigneur Evesque, selon qu'il nous l'a
rapporté, en ayant tiré des preuves semblables tous les iours
par plusieurs fois ; cette expérience estant fort commune chez
eux, et cette pratique ordinaire pour les faire obéyr. »
3. Qu'elles ont prédit en diverses occasions les choses qui
dévoient arriver, particulièrement touchant les maléfices et
118 HISTOIRE ET CRITIQUE.
les sorts, qui se dévoient trouver, non seulement en divers
lieux du monastère, où ils ont esté trouvez par effet, mais
encores dans les corps des autres filles, auxquelles elles
n'avoient pas parlé, qui les ont rendu et vomy à l'heure
précisément, que les premières avoient marqué (les démons
selon qu'il paroist, se déstruisans ainsi les uns les autres à
leur confusion). Quelquefois elles ont découvert au dit Sei-
gneur Evesque et à quelques-uns des ecclésiastiques, des par-
ticularitez fort secrètes touchant ses affaires domestiques, et
le temps du voyage qu'il estoit obligé de faire à Paris, que
luy mesme ne connaissoit pas encores, et ce qui s'est trouvé
très véritable par l'avènement, quoy que l'un et l'autre ne
deut être connu par soupçon ny par conjecture.
4. Qu'elles ont presque toutes universellement témoigné,
surtout dans la chaleur de leurs agitations une grande aver-
sion des choses sainctes, particulièrement dans les Sacre-
mens de Pénitence, et de la très saincte Eucharistie, estant
nécessaire souvent d'y employer plusieurs heures pour en
confesser une, à cause des résistances extrêmes et des cris,
dont leurs confessions sont interrompues, ce qu'on ne sur-
monte qu'à force d'imprécations et de commandemens au
démon; et dans la Communion, les convulsions et les mouve-
mens involontaires apparemment, dont elles estoient saisies,
auparavant de recevoir la dite Hostie, et du moment qu'elle
estoit reçue, les cris et les hurlemens effroyables qu'elles
faisoient, se roulant par terre, la saincte Hostie demeurant
toujours sur la pointe de la langue qu'elles advançoient et
retiroient horriblement au commandement de l'Exorciste,
sans faire néant-moins aucune injure ou irrévérence au Sacre-
ment, quelquefois l'espace d'une demie heure plus ou moins,
tant que les espèces estant avallées, la fille demeuroit tran-
quille en un moment, et sans mémoire de tout ce qui s'estoit
passé; qu'elles ont témoigné des répugnances et des fureurs
extraordinaires à l'approche des Reliques des Saincts, qu'elles
ont souvent reconnu, et nommé tout haut, sans les avoir
apperceu, et sans avoir rien appris : que presque toutes
(Monseigneur ayant quelquefois imposé les mains secrète-
ment, et sans qu'elles peussent le connoistre) ont témoigné
le sentir en criant que cette main leur estoit insupportable,
et qu'elle estoit pesante, et qu'elles en estoient brûlées, que
dans la chaleur des exorcismes, et surtout pendant la saincte
. · BARBE BUVÉE. 119
Messe elles ont souvent vomy des blasphèmes, et des exécra-
tions si horribles, et si fréquentes contre Dieu et sa sainte
Mère, qu'il estoit impossible de les ouyr sans frayeur, et qui
ne peuvent sortir vray semblablement que de la bouche du
démon. , ·
5. Qu'estant pressées de donner des marques surnaturelles,
pour iustifier la présence du démon, elles semblent y avoir
obéy, entre autres une nommée Denise Parizot servante, "
commandée par Monseigneur de'faire cesser le pouls entiè-
rement au bras droict, pendant qu'il battoit au gauche, et puis
transférer le battement du bras gauche au droict, pendant
qu'il cesseroit au gauche, elle l'a exécuté punctuellement en
présence du médecin qui l'a reconnu et déposé, et de plusieurs
ecclésiastiques; que la soeur de la Purification a faict la
mêsme chose deux ou trois fois, l'une et l'autre pleine de
santé, agissant et parlant à son ordinaire, le faisant battre et
cesser, selon qu'il luy estoit commandé par l'exorciste, que
la soeur Marguerite Iamin dite de l'enfant Iésus a faict la
m esme chose, et au commandement de l'exorciste, ayant fait
enfler la poictrine d'une grosseur monstrueuse au seul com-
mandement, accompagné du signe de la croix, elle désenfla
au même instant, et cela par trois fois, avec un effect sur-
prenant, et aussi prompt que la parole, que la soeur Lazare
Arivey dicte delà Résurrection vint à l'un des ecclésiastiques,
portant dans sa main vn assez long-temps, vn charbon de
feu tout allumé, sans en témoigner aucun sentiment, et plu-
sieurs autres effects de pareille nature quil seroit difficile de
rapporter.
6. Qu'au simple commandement de l'exorciste elles ont
paru quelquefois dans une insensibilité prodigieuse, et entre
autres la nommée Denise, Monseigneur ayant faict comman-
dement au démon de suspendre les sens de la fille, en sorte
qu'elle ne sentit aucune douleur, et ayant déclaré qu'elle
estoit en cet estât un' espingle luy estant enfoncée par le
Médecin présent, dans le doigt, au lieu ou il s'attache en
haut de l'ongle, ou il disoit estre le plus sensible, elle témoi-
gna n'en rien sentir du tout, estant commendée d'arrester le
sang, l'espingle fut retirée de la playe sans tirer du sang.
estant commandée de le laisser couler, il coula aussi-tost
avec abondance, et après que le commandement luy eut esté
faict encores de s'arrester, il cessa de couler, l'ayant encore
120 HISTOIRE ET CRITIQUE.
faict quelques iours après, en la personne de la soeur de la
Purification, la peau du bras luy ayant esté percée de part
en part par vn' esguille enfoncée iusques à la teste dans les
doigts, sans qu'il y parust ny de douleur, ny de sang, sans
que la fille parust ny malade, ny assoupie, mais parlant et
pressant les assistants d'y employer le fer et le feu, protes-
tant de n'en rien sentir absolument, quelques unes d'entre
elles, particulièrement la soeur de la Purification, ayant esté
empêchée de sortir du monastère une nuict qu'elle devoit
estre enlevée au sabat, selon que les autres avoient asseuré
dans l'exorcisme les iours précédents, dans le mesme de
cette assemblée prétendue estoit tombée tout d'un coup dans
un' espèce d'assoupissement et d'insensibilité mérueilleuse
qui auoit duré cinq quarts d'heure ou plus, aliénée de tous
les sens, sans mouvement, sans parole, sans connoissance,
les bras croisés sur la poictrine et si roides, qu'il fut impos-
sible de les ouvrir, et les yeux fermés, et puis ouverts, mais
fixes et arrestés, et sans rien veoir, selon qu'il parroissoit,
en ce que passant les mains, elle ne silloit point les paupières
telle qu'une personne morte, ou privée de l'vsage de tous les
sens, qu'estant revenue de cette extase, elle disoit avoir esté
transportée au sabat en esprit et disoit tout ce qu'elle y avoit
veu.
7. Qu'elles ont paru ietter souvent du fonds de l'estomac,
après plusieurs heures de coniurations et d'exorcismes, de
certains corps étrangers qu'ils appellent des sorts et malé-
fices de différente espèce, des morceaux de cire, des osse-
ments, des cheveus, des cailloux d'une grosseur et d'vne
taille qu'il est malaisé de croire, qu'ils puissent passer par la
gorge naturellement, comme-nous l'avons iugé, nous ayant
esté représentés, tel se trouvant plus large, et beaucoup plus
espais qu'un escu blanc, que la nommée Denise entre autres
après trois heures d'exorcismes et de violence exraordinaire,
avoit ietté par la bouche vne grenouille ou crapaut vivant de la
largeur de la palme de la main, qui fut brûlé au mesme temps.
8. Que les démons, dont les filles se disoient possédées,
pressés de sortir par la voye des exorcismes en la présence
du Saint-Sacrement ont paru donner des signes surnaturels
et convainquants, que la nommée Denise, les démons ayants
receue commandement de sortir, et pour signe de casser
une vitre qui leur fust monstrée du doict par mon dit Seigneur
- BARBE BUVÉE. 121 I
la fille fut délivrée, et la vitre cassée par effect, que la soeur
Humberte Borthon dicte de Saint-François se trouva abso-
lument et entièrement guérie du jour de la Présentation de
la Vierge 1661, pour marque de sa délivrance jetta par la
bouche un taffetas plié, dans lequel paroist escript en lettre
rouge le nom de Marie, et quatre autre capitales, qui mar-
quent le nom de saint Hubert, et du Bien-heureux François
de Sales, que la soeur dicte de la Purification avoit esté déli-
vrée de plusieurs démons le iour de saint Grégoire le Tauma-
turge, pour signe de' cette grâce rendit par la bouche un
morceau de drap dans vn cercle de cvivre, dans lequel estoit
escript le nom de Grégorius, que le mesme iour de la Pré-
sentation, la soeur de la Purification pour marque d'vn' autre
délivrance de plusieurs démons chassés de son corps dans le
commencement de l'exorcisme, fit paroistre en un instant
escript sur son bandeau en gros charactères, comme de
sang, IESUS, MARIE, IOSEPH, ce bandeau ayant esté veu
tout blanc par les exorcistes un moment auparavant.
9. Que parmy les mouvements et les postures violentes,
dont elles sont agitées pendant l'exorcisme, quelques unes
ont paru si extraordinaires qu'elles ont esté iugées passer,
non seulement le pouvoir d'une fille, mais encore les forces
de la nature ; que la soeur Borthon dicte de Saint-François
commandée d'adorer le Saint-Sacrement s'est prosternée tou-
chant la terre de la poincte de l'estomac, la teste, les pieds,
les mains, aussi bien que le reste du corps portés en l'air;
que la soeur de la Résurrection a faict la mesme chose, elle y
a paru quelquefois prosternée tout le corps plié comme un
cercle, en sorte que la plante de ses pieds venoit lui toucher
au front; que les nommées Constance et Denise ont esté
veuës quelquefois renversées contre terre, qu'elles touchoient
seulement du sommet de la teste et de la plante des pieds,
tout le reste du corps en l'air, et marcher en cet estât ; que
toutes ou presque toutes demeurant à genoùil, et les bras
croisez sur l'estomac se sont courbées en arrières, de sorte -
que le haut de la teste alloit joindre la plante des pieds, la
bouche venoit baiser la terre, et former de la langue un
signe de croix sur le pavé; quelques unes entre elles, entre
autres la soeur Catherine dans l'exorcisme avoit paru la teste
renversée, les yeux ouverts, en sorte que la prunelle s'estant
retirée absolument sous la paupière supérieure, on ne vit que,
t f
122 HISTOIRE ET CRITIQUE.
le blanc des yeux, perdant apparemment l'usage de la veuë
dans ce moment, ce qui estoit effroyable à voir; que la
nommée Denise qui paroit ieune et infirme, estant agitée a
pris avec deux doigts un vase d'vn espèce de marbre rempli
d'eau béniste, si pesant que deux personnes des plus robustes
auroient peine de souslever, et tiré de son pied d'estail et la
renversé par terre, avec autant de facilité qu elle auroit eu
pour vn morceau de pierre : ce qui leur est arrivé souvent
aux vnes et aux autres, dans la chaleur de leur transport est
de frapper la teste contre la muraille, ou sur le pavé, plusieurs
fois par des coups si violents et si rudes, qu'apparemment
elles en dévoient estre offencées avec effusion de sang, sans
qu'il ayt paru n'y meurtrissure, n'y contusion, n'y marque.
Que toutes ces filles sont de différente condition, il y en a
de séculières, des novices, des postulantes, et des professes,
il y en a des jeunes, il y en a qui sont aagées, quelques vnes
sont de la ville, les autres n'en sont pas. quelques vnes qui
sont de bonne condition, d'autres de basse naissance, quel-
qu'vnes qui sont riches, et d'autres qui sont pauvres, et de
moindre condition : qu'il y a dix ans ou plus que cette afflic-
tion est commencée dans ce monastère, qu'il est malaisé que
depuis un si long-temps vn dessein de fourbe et de frippon-
nerieput conserver le secret parmy des filles en si grand
nombre, de condition etd'interest si différentes, qu'après une
recherche et une enqueste la plus exacte, le dit seigneur
Evesque n'a trouvé personne, soit dans le monastère, soit
dans la ville, qui ne luy ayt parlé advantageusement de l'in-
nocence, et de la régularité, tant des filles que des ecclésias-
tiques, qui ont travaillé deuant luy aux exorcismes, et qu'il
témoigne auoir reconnu de sa part en leur déportemens pour
des personnes d'exemple, de mérite, et de probité, témoi-
gnage qu'il peut deuoir à la iustice et à la vérité. » ,
« loinct à ce que dessus le certificat à nous présenté du sieur
Morel médecin présent à tout, qui asseure que toutes ces choses
passent les termes de la nature, et ne peuvent partir que de l'ou-
vrage du démon. »
« Le tout bien considéré, nous estimons que toutes ces actions
extraordinaires en des filles, excèdent les forces de la nature
humaine, et ne peuvent partir que de l'opération du démon, pos-
sédant et obsédant ces corps, c'est notre sentiment. Fait à Paris,
ce 20 janvier 1662. »
1 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 123
« Signé : Marc, archevesque de Toulouse, Nicolas, evesque de
Rennes, Henry, evesque de Rodes, Iean, evesque de Chalon sur
Saône, François Annat, Morel, N. Cornet, M. Grandin, frère
Philippe Le Roy. »
(A suivre.)
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. Documents RELATIFS A l'usage de l'opium aux Indes, d'après
le corps médical de l'armée des Indes.
Intéressante enquête entreprise par le British médical journal
auprès de 100 médecins militaires anglais. Il en ressortirait que
l'usage de l'opium est très répandu même parmi les Européens,
que son usage modéré n'est pas si nocif qu'on pourrait le croire;
objet de luxe dans la classe riche, objet de nécessité pour le pauvre
qui trouve dans cet excitant un complément de son alimentation,
l'opium est en Orient ce qu'est l'alcool en Grande-Bretagne; il
serait même moins nocif puisque la criminalité due à l'alcoolisme
semble considérable tandis que celle relevant de l'opium serait
nulle.
Les médecins ayant fourni ces renseignements, disent qu'ils
prennent indifféremment des serviteurs fumeurs d'opium ou non
tandis que tous les buveurs d'alcool sont Soigneusement éliminés
autant que faire se peut. Enfin sur la quantité d'autopsies d'indi-
gènes qu'ils ont faites, ils ne trouvent aucune lésion organique im-
putable à l'opium, différenciant ceux qui en feraient usage, alors
qu'il en est tout autrement de l'alcoolisme. C'est presque un plai-
doyer en faveur de l'usage de l'opium, les médecins qui ont fourni
les renseignements pourraient bien être en majorité des fumeurs
d'opium, ils paraissent avoir plaidé leur propre cause.
Dr A. Marie.
II. Thérapeutique par l'extrait DU corps thyroïde; par les
Drs WEST, RAVEN, SQUIRE BALMANNO et GORDON. (British médical
journal, janvier 1894, nos 1723, 1726.)
Dans le même numéro citons encore plusieurs applications des
tabloïdes d'extrait thyroïdien, l'une dans le traitement du psoriasis,
trois cas , l'autre dans deux cas de myxoedème datant de vingt ans
il-)4 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
chez un homme et une femme âgés. Quatre photographies : dis-
parition de l'hébétude, de l'infiltration des paupières et des extré-
mités, de la tuméfaction des lèvres de la langue et de l'oedème
des cordes vocales, disparition des troubles respiratoires et phoné-
tiques. A. Marie.'
III. Observation d'hydrocéphalie chronique traitée par le
drainage; par les Drs BASKETT et OxoRs.
C'est un hérédo-syphilitique hydrocéphale auquel les auteurs ont
ponctionné la fontanelle antérieure.
Suspension momentanée des accidents convulsifs, bientôt repa-
rus puis suivis de mort en dépit de l'écoulement permanent du
liquide céphalo-rachidien.
L'enfant de deux mois et demi a vécu trois mois après l'opération.
L'autopsie montre des lésions inflammatoires au niveau de la plaie
opératoire; néanmoins l'auteur se croit en droit de conclure à
l'opportunité d'une telle intervention dans des cas analogues « de
même dit-il, que la morphinisation est indiquée comme palliatif
dans le cancer ;). Voilà un aveu dépourvu d'artifices, les crâniecto-
mistes ne pourraient dire mieux. A. Marie.
IV. Elongation ET résection du nerf médian dans deux cas DE
névrite traumatique ; par le Dr Le Dentu. (Nouv. Icoitogr. de
la Salpétrière, n° 2.)
Conférence sur deux cas de névrite traumatique du médian. Les
névrites traumatiques provoquent dans les régions innervées par
les nerfs malades la triade : paralysie, anesthésie, troubles tro-
phiques, sans compter la douleur inconstante, mais parfois excessi-
vement violente, causée par la lésion nerveuse elle-même. C'est en
réalité le tableau clinique, sauf la douleur de certaines myélopathies
comme la syringomyélite par exemple. Le diagnostic différentiel
est parfois difficile quand le trauma n'a pas laissé de trace, ou
bien quand il est constitué par une contusion chronique, comme
dans les cas d'atrophie avec parésie des membres supérieurs, à la
suite de l'usage prolongé des béquilles. Se rappeler alors que les
myélopathies se traduisent, dans certains cas, par la dissociation
de la sensibilité et non par de l'anesthésie totale; se rappeler aussi
que les paralysies et anesthésies à cause centrale sont plutôt seg-
mentaires, alors que les mêmes phénomènes, dus à des névriles,
se localisent dans les territoires innervés par les nerfs malades
et leurs branches.
Comme moyen thérapeutique contre les accidents des névrites
traumatiques, on ne connaissait autrefois que l'amputation, quand
la douleur était violente et tenace. Aujourd'hui l'intervention chi-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 125
rurgicale comprend la simple élongation du nerf, quand celui-ci
n'est pas profondément lésé, ou l'excision du nerf, quand celui-ci
est au contraire très altéré, sectionné partiellement ou très adhérent
aux tissus voisins. La guérison, dans. les deux cas relatés par M. le'
D1' Le Dentu, fut obtenue dans un cas, par l'élongation, dans
l'autre, par l'excision. Chez les deux malades, progressivement et
en peu de jours, la paralysie et l'anesthésie se dissipèrent, les
troubles trophiques disparurent, et l'organe impotent, la main,
récupéra sa force et son habileté anciennes. -
V. Le traitement des psychoses dégénératives ; parle Dr J. Morel.
Le traitement de tous les individus ayant une tare mentale et
conséquemment leur 'préservation des maux qui les menacent,
doit commencer dès leur plus tendre enfance. Les résultats obtenus
par l'éducation physique et mentale dans les asiles spéciaux sont
assez bons pour qu'on n'ait pas à désespérer a priori de l'avenir
d'un enfant, à moins qu'il ne rentre dans la catégorie des' idiots
inférieurs. En ce qui regarde le pronostic, l'auteur estime que trop
souvent on fait entrer l'hérédité en ligne de compte pour assom-
brir le pronostic; à son avis l'hérédité, lorsqu'elle n'est pas trop
chargée, n'est pas incompatible avec l'espoir d'une guérison.
Il faut se rappeler que le surmenage est nuisible aux dégénérés
et, par conséquent, c'est avec régularité et modération que leur
jugement et leur esprit doivent être éduqués. Il en est de même
pour les exercices du corps, pour le développement de leur intelli-
gence et de leur sensibilité : c'est par la pondération, par l'effort
lent et continu qu'on arrivera à des résultats ; aussi cette éducation
demande-t-elle une attention de tous les instants.
L'auteur a visité tous les asiles de France, d'Allemagne, d'Au-
triche et d'Angleterre : il a été surpris dans beaucoup d'entre eux,
de voir négligée l'éducation des jeunes malades.
M. Morel vante beaucoup les maisons de réforme pour les jeunes
criminels. L'éducateur doit s'efforcer de découvrir les dispositions
naturelles des enfants afin de les utiliser dans le choix d'une pro-
fession : le point important pour l'éducateur est d'obtenir la con-
fiance du jeune malade. La conclusion est un voeu demandant la
création de maisons spéciales pour les enfants arriérés. (Anzerican
journal of insanity, 1893.) E. B.
VI. De la morphologie des contractures- réflexes intrahypnotiques
et de l'action de la suggestion sur ces contractures ; par M. Chartes
Schaffer. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière. 1893, n° fi, et 1894,
no 1.)
Expériences faites sur une hystérique qui présente d'une façon
très nette et invariable les phénomènes de la contracture muscu-
126 REVUE DE thérapeutique. '
laire réflexe, c'est-à-dire qu'une excitation quelconque de la sensi-
bilité produit chez elle une contracture musculaire toujours la
même, quand les conditions expérimentales sont identiques. Soit
qu'on excite la sensibilité cutanée par des frictions, le sens de l'ouïe
par le diapason, le sens du goût par du sel pulvérisé placé sur la
langue, la rétine enfin par la présence devant l'oeil d'un objet blanc,
le résultat est le même : il y a contracture de tous les muscles du
corps du côté opposé à celui sur lequel l'excitation a agi. Si l'exci-
tation porte sur les deux côtés du corps, la contracture est bilaté-
rale, généralisée; même résultat si l'excitation porte sur la partie
médiane du corps. Mais c'est l'excitation delà rétine qui donne des
résultats plus compliqués : si l'excitation porte sur la macule jaune,
ou sur un point de la perpendiculaire passant par la macule jaune,
il y a contracture généralisée; si la rétine est impressionnée par-
tiellement dans sa partie nasale droite, par exemple, il y a contrac-
ture du côté droit; si elle est impressionnée dans sa partie tem-
porale, il y a contrature du côté opposé, c'est-à-dire contracture
gauche. Ce phénomène est sous la dépendance de l'entre-croisement
partiel des nerfs optiques. En plus, si on provoque chez ce sujet,
par la suggestion, des anesthésies diverses, ce qui revient à susciter
chez lui des hallucinations négatives, les excitations ne produisent
plus les mêmes réactions que précédemment.
En discutant et interprétant les résultats de celles des expériences
qui ont trait aux excitations rétiniennes, l'auteur est amené à pré-
senter cette proposition : le faisceau non croisé du nerf optique
droit fournit à la moitié temporale de la rétine droite des filets
nerveux éveillant des sentiments de lumière et en même temps des
mouvements des réflexes; la moitié nasale de la rétine possède
seulement des fils donnant des réflexes. Le follicule non croisé du
nerf optique s'étend à la moitié nasale de la rétine de l'oeil droit
par des filets nerveux conduisant des sensations de lumière et des
réflexes, à la moitié temporale avec des filets nerveux donnant
seulement des mouvements réflexes.
Enfin, la conclusion générale de toutes les expériences et de tous
les phénomènes observés est celle-ci : 10 les réflexes intrahypnoti-
ques suivent un trajet cortical; 2° l'hallucination positive est
une excitation presque analogue à une excitation périphérique
réelle, parce que le résultat, avec les deux procédés, est le même,
c'est-à-dire une contracture; 3° une hallucination négative ne
reste pas limitée à un lieu circonscrit, mais se transmet aux centres
' sensoriels d'un même hémisphère avec une intensité plus ou moins
grande. Camuses.
VII. Trois cas DE crétinisme sporadique traités par L'INGESTION
de glande thyroïde; par TELr01tD, S11TH et RAILTON.
La glande thyroïde du veau, comme principal aliment, a été
REVUE DE thérapeutique. 127
employée pendant près d'un an. Les résultats seraient excellents,
à en juger par les photographies, en ce qui concerne l'état phy-
sique du moins. Quant à l'état mental, ajoute M. Railton, on ne sau-
rait prétendre que cette thérapeutique puisse aller sans un traite-
ment pédagogique spécial; l'expérience ultérieure permettra de
juger si cette thérapeutique préalable rend plus facile l'éducation
des sujets traités. (British med. Journ., juin 1894.) A. Marie.
VIII. Extrait DE CORPS THYROÏDE dans LE traitement DU psoriasis;
par BYR051 BRAMWELL.
Observation très intéressante de jeune fille traitée et guérie par
les tabloïdes d'extrait thyroïdien.
Photographies à l'appui. Dans les cas de dermoneuroses ana-
logues, l'emploi de ce mode de traitement parait indiqué.
Le numéro suivant du 14 avril contient deux observations de
lupus traité et guéri par la même méthode du même auteur (huit
photographies). (British med Journ., 24 mars 1894.) A. Marie.
IX. Importance DE la SUSPENSION dans QUELQUES maladies DE la
moelle; par W. DE BECHTERFW. (kete ? -olog. Cen<)'6[<6/aM., 1893.)
L'appareil de Sprimon (figures) lui a donné d'excellents résultats
dans le tabes dorsal et surtout dans la compression de la moelle,
la myélite par compression, les cas anciens de syphilis médullaire,
quelques cas de myélite transverse. Amélioration de la moelle, aug-
mentation de la force des extrémités inférieures, suppression des
paresthésies, diminution ou disparition de la douleur et de l'hy-
peresthésie, suppression plus ou moins complète des troubles fonc-
tionnels vésico-rectaux, atténuation de l'hyperexcitabilité réflexe
des membres inférieurs. Si l'on joint à la suspension les cautérisa-
tions le long de la colonne vertébrale, on obtient mieux encore.
Mais il faut s'abstenir de la suspension quand il y a complications
inflammatoires des méninges (hyperesthésie des régions vertébrales
et douleurs spinales). P. K.
X. Note SUR deux cas DE CHIRURGIE CÉRÉBRALE;
par le Dr CHIPAULT.
Le premier cas est relatif à un enfoncement du pariétal gauche
chez une fillette de neuf ans. Ce traumatisme fut suivi d'une para-
lysie faciale du côté droit. L'intervention opératoire destinée à
réduire cet enfoncement du pariétal, fut suivie d'aphasie motrice
et d'agraphie. Huit jours après l'opération, la paralysie faciale,
l'agraphie et l'aphasie avaient complètement disparu.
Le second cas a trait à un gliome sous-cortical, du volume d'une
128 REVUE DE thérapeutique.
cerise, sans relief extérieur, placé à 1 demi-centimètre de profon-
deur dans la deuxième frontale, à 3 centimètres environ de son
origine sur la frontale ascendante. Les troubles présentés par le
malade consistaient en crises 'épilepsie jacksonienne à auras
variables, et datant de neuf années.
L'aura primitif était une rotation du cou vers la gauche, bientôt
suivie de convulsions du bras et de la jambe gauches. Plus tard,
l'aura ne partait plus du cou comme autrefois, mais de la main ou
du pied. Peu à peu, le bras et la jambe gauches s'affaiblissent, et
depuis 1891, le bras est complètement paralysé. Cette paralysie du
bras gauche dirige l'intervention opératoire vers le milieu de la
ligne rolandique. L'exploration de la surface cérébrale sur une
ouverture de 6 centimètres de diamètre, ne donne aucun résultat.
La plaie se réunit très bien, sans élévation delà température, mais
la paralysie persiste et le malade s'affaisse rapidement et meurt
dans le gâtisme vingt jours après.
Cette observation est intéressante, car la tumeur siégeait en un
point noté d'ordinaire comme appartenant au centre de la face et
des paupières : il semble donc que la tumeur, sans avoir d'action
sur les éléments nerveux dont elle occupait le siège, ait surtout agi
périphériquement, en haut sur le centre de rotation de la tête et
du cou, en arrière sur le centre du bras. La mort rapide du malade
montre aussi que les grands traumatismes chirurgicaux du cerveau
et du crâne ne sont pas sans danger en dehors de toute infection.
(Revue neurologique, 1893.) E. BLIN.
XI. Contribution A la question de la paralysie générale PRO-
GRESSIVE DES aliénés ET A SON traitement chez LES syphilitiques;
parJ.-J. PLATÔNOW. (Centrul6l. f. iyei,venheilli. N. F. iv, 1893.)
Quatre observations dont une très complète.
Conclusion. 1° Le rapport étiologique entre la syphilis et la
paralysie générale est encore vague; -2° il n'y a pas plus de rai-
sons pour repousser ce facteur paralytique que pour l'accepter posi-
tivement. Il y a des paralytiques généraux non syphilitiques et il y
a des paralysies générales issues de la syphilis; 3° la cause pro-
chaine et essentielle de la paralysie générale émane, en chaque
cas particulier, des éléments probants de la clinique; 4° si, en
un cas donné,» il est très probable qu'il y a un rapport entre la para-
lysie générale et la syphilis, il vaut mieux employer le traitement
antisyphilitique que le repousser; 5° traiter la syphilis, c'est
élémentaire, mais il' faut aussi joindre au traitement antiseptique
des bains chauds, des bains de vapeur, une alimentation bonne et
régulière. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 129
XII. Injections hypodermiques d'extraits DE substance cérébrale
dans l'aliénation MENTALE; par RYAU (de Norfolk).
La cérébrine, dite alpha, fut injectée au bras, pendant quinze
jours, à six malades. Accidents signalés : fièvre, syncope, érythème.
Un cas de guérison (mélancolie avec idées de persécution). Les
autres cas sans amélioration se décomposaient en mélancolie chro-
nique, deux; amnésie primaire, deux; manie aiguë, une. (British
med. journ., 3 février 1891.) A. Marie.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. Le tonus PALATINUS CHEZ les ALIÉNÉS. par le Dr FERRAril.-(RiU.
sp. di fren., t. XIX, fasc. 4, 1893.)
Sur un total de 1,121 crâues d'aliénés (hommes 493, femmes 628),
l'auteur a trouvé un torus mamelonnaire, 251 fois (107 hommes,
244 femmes); un torus en dos d'âne 232 (103 hommes, 129 femmes).
Le torus était complet seulement dans 340 cas (105 hommes,
235 femmes) et partiel dans 217 (88 hommes, 119 femmes). La
présence d'un éperon, représentant comme un torus rudimentaire
a été constatée 10 fois antérieurement (8 hommes, 2 femmes) et
128 fois postérieurement en proportions égales dans les deux
sexes. La présence du torus sur le vivant a été constatée 49,58 p. 100
chez la femme et 39,17 p. 100 chez l'homme. J. SÉGLAS.
II. DES auto-intoxications dans LES maladies mentales, faits
d'ordre chimique et expérimental ; par E. Régis et Chevalier-
LAVAURE. (Arch. clin. de Bordeaux, 1893, nos 10 et 11.)
III. UN cas DE folie systématisée RELIGIEUSE avec hallucinations
PSYCHO-MOTRICES, orales ET graphiques ; par le De E. Régis..
(Journ. de méd. de Bordeaux, n° 4.) ,
IV. Des rapports de l'oeil avec l'épilepsie; par le Dr Georges
MARTIN. (Jour2. de méd. de Bordeaux, nos 13 et 14.)
L'astigmatisme, pas plus que l'hypermétropie, ne peut être
accusée d'être un facteur agissant fréquemment pour engendrer
Archives, t. XXVIII.. 9
130 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
l'épilepsie. Entre les mains de l'auteur, cette maladie n'a été
modifiée en aucune façon par l'usage des verres correcteurs, soit
de l'astigmatisme, soit de l'hypermétropie. Quelques faits relatés
par Stevens montrant la possibilité de remédier, dans certains cas,
à cette maladie par les moyens optiques, il convient cependant, en
présence d'un épileptique dont rien n'explique la maladie, de
penser à l'état oculaire. E. Régis.
V. Cas de folie consécutive A une OVA110-S ? LPI,,GECTOMIE; par le
Dr E. RÉGrs. (Jou ? ,n. de méd. de Bordeaux, n° 37.)
VI. AUTOMATIC tvriting. (Brilish médical journal, janvier 1894,
n°s 1724, 1725.)
Amusante polémique, un télépathe raille la médecine de s'être
d'abord moqué de l'écriture médianimique dont elle s'occupe
maintenant sous un autre nom. Le Dr James Rorie fait justice de
toute interprétation mystique en rappelant les grandes lois de
l'automatisme psychique et l'indépendance relative des centres
nerveux dont l'agrégat complet forme le substratum du moi-
conscient.
VII. Crétixisme sporadique; par BYROM Bramwell (d'Edimbourg).
(BI·itish medical jo2crnnl, janvier 1894, n° 1723.)
C'est un cas de myxoedème chez une petite fille de seize ans et
demi; six photographies nous montrent une enfant sans goitre
apparent, à faciès rappelant la face du boule-dogue, lèvres ouvertes
et pendantes, langue tuméfiée; beaucoup d'analogie avec le feu
Pacha et les autres idiots myxoedémateux du service de M. Bour-
neville à Bicêtre et avec le cas actuellement à Sainte-Anne dans le
service de M. Magnan. Par l'extrait de glande thyroïde, l'auteur dit
avoir obtenu une augmentation de la température rapprochée de
la normale, la souplesse plus grande de la peau avec fonctions
des glandes sudoripares et développement des follicules pileux,
augmentation des forces musculaires permettant la station assise
en équilibre et un éveil relatif des fonctions cérébrales en six mois.
A. Marie.
VIII. Des indices PflYSIONOMIQUES de la démence apathique; par
J. SIEOirshr. (Nouv. Icoi2ogr. de la Salpêtrière, 1893, n° 4.)
Cette étude est rendue claire et compréhensible surtout par les
excellentes photographies qui accompagnent le texte et qui repro-
duisenttoutes les délicates modifications de la mimique, auxquelles
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 131
l'auteur attribue ajuste titre uue grande importance diagnostique.
{\ La démence apathique, caractérisée surtout par l'affaiblissement
ou la perte de la mémoire et par un état général d'indifférence, et
qui est due à un affaiblissement notable, pouvant aller jusqu'à la
disparition totale des fonctions psychiques, est produite par l'atro-
phie de l'écorce cérébrale. Elle imprime à la physionomie des carac-
tères spéciaux qui ne manquent jamais, mais qui se montrent à
des degrés divers. Ce sont : 1° l'affaiblissement du muscle orbi-
taire inférieur qui est le premier indice de la démence; 2° l'af-
faiblissement de l'élévateur de la paupière supérieure; 3° l'affai-
blissement total des muscles innervés par le nerf inférieur de la
face, d'où un contraste marqué entre l'hyperkinésie du frontal
et l'akinésie des muscles inférieurs 'de la face; 4° l'ophtalmo-
plé-ie interne (l'auteur désigne ainsi l'ensemble des troubles
moteurs de l'intérieur de l'oeil, inégalité et déformation des pu-
pilles, troubles des réflexes dans les muscles ciliaires, dans l'iris);
5° transformation spéciale de la mimique et de la physionomie,
que les cliniciens cherchent à déterminer en disant que le visage
est devenu bestial, qu'il a pris la forme d'un masque.
Ces différents caractères de la mimique s'expliquent par ce fait
que l'innervation des muscles peauciers de la face est sous la
dépendance de l'écorce cérébrale. La parésie de ces muscles dans
la démence provient des troubles qui affectent, dans cette affec-
tion, la substance grise périphérique du cerveau. On peut donc
admettre, en résumé, que la démence apathique, dont les carac-
tères cliniques sont l'affaiblissement et la privation des fonctions
psychiques, est caractérisée anatomiquement par l'atrophie systéma-
tisée de l'écorce cérébrale, et rnimiqvemelzt par l'affaiblissement ou
la privation totale de la mimique. CAMUSE.
1 X. LE juif-errant DE la S.4LPI : TRIÈRE, ÉTUDE SUR certains NÉVRO-
PATHES voyageurs; par M. Henry Meige. (Nouu. Iconogr. de la
Salpètrière, 1893, n°,5 4, 5 et 6.)
Ce travail a été analysé par M. J.-B. Charcot dans le tome XXVI,
p. 343, des Archives de Neurologie.
X. OSTLO-ARTHROPOTHIE AIGUË CHEZ UNE ALIÉNÉE; par M. PoTOVSKI.
(Nouv. Iconogr. de la S«)<M)'t6)-c, 1893, n° 6.)
Femme quarante ans, l'aliénation mentale débute quelque temps
après une fausse couche. D'abord état maniaque, ensuite état
dépressif avec délire. Puis les deux états d'expansion et de dépres-
sion se remplacent et s'entremêlent, mais petit à petit un cycle
régulier s'établit, et en même temps la démence apparaît et se
prononce déplus en plus. A mesure que cette vésanie évolue, des
d32 . REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
maladies somatiques apparaissent et se succèdent : périostite de la
clavicule à droite, du fémur à gauche, arthropathie du membre
supérieur gauche, phlemon à l'avant-bras gauche, oedème, taches
violacées de la peau dans le voisinage des arthrites. La malade
n'est atteinte d'aucune diathèse, il s'agit de troubles trophiques
sous la dépendance de la maladie mentale. Il est probable que les
troubles trophiques de ce genre doivent se rapporter plus spécia-
lement à certaines formes phychopathiques, mais la question n'est
encore guère étudiée. CAMUSE.
XI. Épilepsie PARASYPAILITIQUE, par le professeur Fournier.
On voit parfois se produire au cours de la syphilis une épilepsie
très différente à divers titres de ce qu'on a appelé l'épilepsie syphi-
litique ou mieux la forme épileptique de la syphilis cérébrale.
Cette épilepsie présente les caractères suivants :
1° Elle débute en pleine santé, sans le moindre prodrome, sans
la moindre cause de nature à la motiver. Généralement, elle a
pour début un grand accès comitial;
2° Au delà, la maladie est constituée par un mélange d'accès de
grand mal et d'accès de petit mal. Elle subsiste en tant qu'épi-
lepsie pure et simple, sans association d'autres phénomènes mor-
bides (troubles congestifs, intellectuels, moteurs) ;
3° Elle est durable, et longuement durable;
4° Elle ne subit des remèdes antisyphilitiques aucune action , ni
curative, ni même temporairement suspensive ;
5° Elle n'a paru jusqu'ici être influencée que par la médication
bromurée qui la modère ;
' 6° Elle appartient à l'époque tertiaire de la syphilis et paraît
même n'en constituer qu'une manifestation tardive par excellence.
A tous égards, cette affection se rapproche de ces curieuses affec-
tions auxquelles on a appliqué, dans ces derniers temps, le qua-
lificatif d'affections parasyphilitiques. Elle s'en rapproche en effet,
à un triple point de vue : 1° en ce qu'étiologiquement elle procède
d'une origine syphilitique ; 2° en ce que, quant à ces symptômes,
elle ne présente rien qui appartienne en propre à la syphilis;
3° en ce qu'elle n'est pas influencée par le traitement antisyphi-
litique. Elle est à la syphilis ce qu'est à cette même maladie la
syphilide pigmentaire, ce que lui est le tabes ou la paralysie géné-
rale ; c'est-à-dire qu'elle dérive de la syphilis comme origine, sans
avoir la nature, l'essence d'une manifestation syphilitique. (Reçue
neurologique, 1893). E. BLIN.
XII. Contribution A l'étude DES actes purement automatiques CHEZ
les aliénés, par le professeur M. Bombarda.
Les faits d'observation qui font le sujet principal de cette élude
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133
démontrent que les régions psychomotrices peuvent être directe-
ment excitées à produire, non des mouvements brusques, désor-
donnés comme ceux d'une épilepsie, mais des mouvements ayant
tout le caractère d'actes volontaires et intentionnels, c'est-à-dire
que l'automatisme des régions psychomotrices peut se manifester,
non seulement par la mise en action des centres qu'elles contien-
nent et anatomiquement disposés dans le même groupe, dans la
même masse, mais encore par le fonctionnement simultané de cen-
tres dispersés anatomiquement et intimement liés entre eux par les
communications que la répétition physiologique des mêmes actes
a établies depuis longtemps. (Revue neurologique, 1893.) E. B.
XIII. NOTE SUR DES vergetures transversales DE la région LOMBO-
sacrée fréquentes chez les épileptiques; par les docteurs FRg
et SCHMID. -
Les vergetures sont le plus souvent en rapport avec un change-
ment de volume rapide des parties sur lesquelles on les voit se
développer. Quelquefois cependant, les vergetures ont paru n'avoir
aucun rapport avec une distension excessive et rapide et mériter
le nom d'atrophie cutanée progressive. Dans deux cas observés
à la Salpêtrière, la cause des vergetures restait douteuse et on
pouvait se demander s'il ne s'agissait pas de troubles trophiques :
chez ces malades, il existait des vergetures transversales de la
région lombaire. Cette même disposition est fréquente chez les
épileptiques et les auteurs l'ont rencontrée chez 26 sujets sur 72,
soit une proportion de 15, 11 p. 100. Ces vergetures transversales
sont groupées à la région lombo-sacrée.
D'après les recherches et les mensurations faites par les auteurs,
la grande longueur du tronc par rapport à la taille constitue une
des conditions étiologiques de ces vergetures lombo-sacrées. Il n'y
a pas là trouble trophique, mais développement disproportionné
du rachis par rapport aux membres inférieurs, d'où résultent un
tiraillement de la peau à la limite des deux régions et les verge-
tures lombaires. (Revue neurologique, 1893.) E. B.
XIV. NOTE SUR LES anomalies DU TESTICULE CHEZ LES DÉGÉNÉRÉS ET EN
particulier sur les inversions DE L'ÉPIDIDYUE; par les D's FÉRL et
Batigne.
Les anomalies du testicule chez les dégénérés ont été étudiées
dans ces dernières années, mais les anomalies qu'on a encore en
vue sont surtout les anomalies grossières, la microrchidie, la cryp-
torchidie, etc.. ; c'est à peine si l'on trouve une mention de l'in-
version du testicule. Dans un examen ayant porté sur 17 ! épilep-
tiques, l'auteur a rencontré la Inicrorchidie chez 9,35 p. 100. Les
134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
inversions du testicule se sont montrées sous plusieurs formes
l'inversion antérieure est la plus fréquente et s'est présentée chez
11,11 p. 100. On a trouvé, en résumé, 34 anomalies de position
de l'épididyme sur 171 épileptiques, c'est-à-dire 19, 87 p. 100. La
sensibilité morbide du testicule n'est pas très rare chez les épilep-
tiques ; on l'a constatée 16 fois sur 171 malades et 8 fois sur 16,
c'est-à-dire 50 fois sur 100, la douleur coïncidait avec une ano-
malie. (Revue neurologique, 1893.) "
XV. De la paralysie générale chez la femme; par le Dr ID ? Now.
Etude très documentée sur les conditions étiologiques et sur la
clinique de la paralysie générale chez la femme. Les conclusions
soi.t les suivantes :
1° La paralysie s'observe chez la femme bien plus souvent que
ne le croyaient les anciens auteurs ; d'après l'analyse de 104.000
aliénés pris dans les divers hôpitaux de huit Etats européens, on
trouve, en moyenne, 3 paralytiques femmes pour 10 paralytiques
hommes.
2° Ce désaccord avec les anciens auteurs tient en partie à ce que
la paralysie générale devient de plus en plus fréquente, surtout
pour les femmes.
3° L'étiologie de la paralysie générale ne présente, dans ses
traits principaux, aucune différence bien sensible chez la femme
et chez l'homme. Dans les deux sexes, un fait est caractéristique,
c'est la nécessité, pour qu'il y ait paralysie générale, de trois élé-
ments étiologiques simultanés (excès chagrins, hérédité, syphilis,
etc ? ) parmi lesquels la syphilis joue pour les deux sexes, un rôle
également prédominant et important. ,
Chez les femmes, la syphilis se rencontre dans la proportion de
68 p. 100 sur le nombre total de paralytiques générales ;
4° L'âge le plus favorable est de trente à quarante ans.
5° 11 n'existe pas de formes différentes dans l'évolution clinique
de la maladie, dans l'un ou l'autre sexes, et il parait superflu de
considérer une forme spéciale de la paralysie générale, dite forme
féminine.
6° Le rôle de la syphilis dans la paralysie générale est double.
Le plus souvent elle ne fait que préparer le terrain sur lequel, à
l'aide d'autres facteurs étiologiques qui sommeillent, puis agissent
simultanément, se développe la paralysie générale classique. Dans
d'autres cas, beaucoup plus rares, la syphilis, agit d'une façon
directe, immédiate, car en produisant des altérations au niveau de
certaines régions cérébrales elle peut provoquer le tableau clinique
qui ressemble à la paralysie générale ; c'est la pseudo-paralysie
générale d'origine syphilitique.
7° Le diagnostic différentiel de la pseudo-paralysie générale est
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 135
-très difficile à établir le plus souvent. Parmi les signes diagnos-
tiques, le plus fidèle, jusqu'à présent est la terminaison de la ma-
ladie par guérison, sous l'influence du traitement spécifique. De là
résulte cette dernière conclusion dans tous les cas de paralysie gé-
nérale, on doit' employer un traitement modéré antisyphilitique
notamment dans ceux où la syphilis a été notée dans les antécé-
dents du malade et dans les cas où les accidents antérieurs de la
syphilis ont été traités de façon négligée. (Annales médico-psycholo-
giques, mai 1894.) E. Bnx.
1VI. De l'hypothermie chez les aliénés; par le dOCteUr.L-B. Bouchaud.
En aliénation mentale, on n'observe habituellemei.t ni élévation
ni abaissement de la température. On peut cependant observer
l'une et l'autre. Et M. Bouchaud qui a pu observer plusieurs cas
d'algidité vient de faire paraître un travail où il étudie la question
del'hypotermie chez les aliénés. Après un historique où il rappelle
tous les travaux antérieurs parus sur le'sujet, travaux surtout nom-
breux à l'étranger, l'auteur entre tout de suite dans le récit de ses
observations personnelles. '
Le premier cas qu'il a observé date du 15 décembre 1879 et le
dernier du 22 janvier 1892, ce qui porte le temps d'observation à
treize ans environ. Pendant cette longue période, trente malades
ont été atteintes d'hypothermie et sur ces trente, trois l'ont été
deux fois, ce qui porte en réalité à trente-trois le chiffre des cas
d'hypothermie, c'est-à-dire 2, 5 en moyenne par an. Pendant le
même laps de temps, il y a eu à l'Asile 916 décès et 29 des
30 malades observés figurent dans ce nombre. Il y a donc eu un
décès sur3l, 6 qui s'est accompagné d'un abaissement de tempéra-
ture inférieure à 35 degrés. Tous ces chiffres un peu arides, -sont le
résumé de tableaux fort complets annexés au mémoire. Ils mon-
trent combien est grande, en somme, la proportion des cas
d'hypothermie chez les aliénés si l'on songe que dans les hôpi-
taux, où l'on reçoit des malades atteints d'affections si variées,
mais d'une autre nature, on voit rarement la température des-
cendre au-dessous de 36°, 5 et presque jamais au-dessous de
35 degrés.
Sous quelles influences se montrent chez les aliénés un abaisse-
ment de la température ? Une des causes les plus importantes est
le froid extérieur. Mais le froid ne suffit pas, il faut de plus que les
malades soient prédisposés et le froid est surtout préjudiciable aux
débilités et aux malades âgés. Presque tous les malades de M. Bou-
chaud étaient dans la section des aliénés débiles, c'est-à-dire de
ceux qui sont déments et calmes et presque tous étaient des indi-
gents. D'autres étaient affaiblis par des troubles morbides variés ;
vomissements avec diarrhée ; épuisement avec marasme dans deux
136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
observations ; alimentation insuffisante et état de stupeur avec
refus de nourriture chez deux mélancoliques, etc. De sorte que
pour conclure, on peut dire que si parfois la folie est la seule cause
de l'hypothermie, bien souvent aussi l'abaissement de la tempéra-
ture est provoqué par des accidents seconda ires qui en sont la
cause déterminante. -
M. Bouchaud cite ensuite, pour les discuter, quelques-unes de s
théories émises pour expliquer la prédisposition créée par l'alién a-
tion mentale. Il s'agit pour lui d'un trouble de la nutrition et on
peut considérer l'hypothermie chez les aliénés comme un état
d'inhibition diffuse provoquée par des causes de nature dépressive
chez des sujets dont le système nerveux est profondément débilité.
Vient ensuite une étude clinique 'des symptômes : hypothermie
qui rappelle beaucoup le coma et pourrait ainsi en imposer au
point de vue du diagnostic, avec le coma urémique et le collapsu s
diabétique.
Quant au traitement, M. Bouchaud insiste beaucoup sur les bons
résultats fournis par la chaleur. Comme traitement préventif,
d'abord, il faudra veiller à ce que les malades ne se dévêtissent pas
et soient le plus possible maintenant à l'abri du froid. Comme
traitement curatif, la chaleur au lit. Et jamais, dit M. Bouchaud,
en terminant, il ne faudra désespérer, malgré le peu d'espoir qu'on
ait d'obtenir la guérison. (Annales Médico-psychologiqztes, mars-
avril 1894.) ' . E. B.
XVII. DÉMENCE PROGRESSIVE ET INCOORDINATION DES MOUVEMENTS DANS LES
' QUATRE MEMBRES, CHEZ DEUX ENFANTS LE FRÈRE ET LA SOEUR ; par le
Dr BOUCHAUD.
Deux observations très complètes empruntant un intérêt tout
particulier à ce fait qu'elles apportent un nouvel élément à l'étude
des affections familiales du système nerveux. Dans l'un et l'autre
cas, la maladie se déclare vers l'âge de six à sept ans. On constate
dès le début, un affaiblissement de l'intelligence et l'incoordination
motrice dans les quatre membres, une démarche tabéto-cérébel-
leuse, sans paralysie, sans nystagmus, la diminution ou l'absence
du réflexe rotulien, la persistance des réflexes cutanés, une parole
lente, mais bien articulée, un air de satisfaction. Puis la maladie
s'aggrave ; la démence devient complète et la marche impossible :
la parole se réduit à quelques mots peu intelligibles ; la bouche
reste béante, la mastication et la déglutition s'opèrent lentement,
l'incontinence d'urine et des matières fécales apparaît, sans para-
lysie, la tonicité , musculaire augmente sans exagération des
réflexes tendineux, une scoliose se produit ; enfin un amaigrisse-
ment sans contractions fibrillaires se manifeste, une eschare se
développe au sacrum et la mort survient-en l'espace de quatre o u
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137
cinq ans. A l'autopsie, on trouve une sclérose bilatérale du fais-
ceau pyramidal croisé et du faisceau limitant. (Revue neurologique,
janvier 1894.) ·
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 25 juin 1894. Présidence de M. A. Voisin.
M. J. Ballet. La séquestration des déséquilibrés malfaisants.
Dernièrement, notre collègue M. Garnier envoyait à Bicêtre,
comme irresponsable, un individu impliqué dans une affaire cri-
minelle. Après quelques jours d'observation, M. Charpentier, ne
le considérant pas comme aliéné, dans le sens propre du mot, de-
mandait sa mise en liberté. Je fus, à mon tour, chargé de l'exami-
ner, et je suis arrivé à cette conclusion que nos deux collègues
avaient raison. M. Garnier pensant qu'il n'était pas possible de
condamner comme criminel un imbécile portant des tares géné-
ratives très accusées : mais, comme d'autre part, on ne pouvait pas
davantage le laisser en liberté, il avait conclu à la séquestration.
M. Charpentier, au contraire, estimant qu'un semblable individu
n'était amendable par aucune thérapeutique, voulait qu'on en
débarrassât son service, où il causait du désordre. Il était aussi
dans le vrai.
Si MM. Garnier et Charpentier avaient l'un et l'autre raison,
à leur point de vue c'est donc qu'il existe une lacune dans notre
législation.
Comme les tarés de cette espèce sont nombreux, on devrait
créer pour eux des asiles spéciaux où ils seraient tenus à un travail l
forcé ; malheureusement, la législation actuelle ne permet pas cette
création.
M. CHRISTIAN. La question soulevée par M. Ballet est de celles
qui préoccupent le plus les médecins aliénistes. Nous sommes una-
nimes à reconnaître que ces déséquilibrés sont insupportables dans
les services d'aliénés et que, cependant, on ne peut les laisser en
liberté. Pour que les asiles spéciaux aient une efficacité réelle, il
faudrait qu'on ne pût en sortir. Vous n'obtiendrez jamais une sem-
138 SOCIÉTÉS SAVANTES.
blable législation. M. Ballet voudrait les voir obligés au travail;
c'est trop juste ; mais de quel oeil seraient vus les médecins de ces
établissements, à une époque où les aliénistes ne sont déjà pas en
odeur de sainteté dans le public et dans une certaine presse.
M. J. Ballet. En somme, la société est désarmée contre ces
gens-là, qui ne craignent rien et qui se moquent du procureur de
la République comme de l'asile et de la prison.
M. BniAND. Le nouveau texte de loi, soumis à la Chambre, sur
le régime des aliénés et qui contient quelques bonnes choses (je ne
parle pas de l'intervention de la magistrature) prévoit la création
d'asiles spéciaux répondant au voeu exprimé par M. Ballet. Ils rece-
vront les aliénés criminels reconnus irresponsables et les condam-
nés devenus plus tard aliénés pendant la durée de leur peine.
Les criminels reconnus irresponsables n'en sortiront qu'après
guérison constatée, par le médecin traitant qui devra, en outre,
déclarer qu'ils ne paraissent pas susceptibles de rechutes. La sortie
ne sera, d'ailleurs, accordée que par le tribunal jugeant en chambre
de conseil.
M. Vallon. Cette solution aura au moins l'avantage de nous
débarrasser d'individus dont la présence à l'asile compromet si
gravement la guérison des véritables aliénés. A force d'accumuler
les faits, nous finirons par convaincre les pouvoirs publics de la
nécessité de cette création.
M. BRIAND. Il n'existe contre le projet qu'une seule objection
sérieuse en dehors des arguments budgétaires, c'est l'éloignement
de la famille. Quoique très nombreux, ces êtres maladifs et malfai-
sants ne sont pas en assez grand nombre pour qu'on pense à leur
édifier un établissement dans chaque département. Or, beaucoup
seraient séparés de leurs parents par d'assez grandes distances. On
avait bien proposé d'adjoindre à chaque asile départemental un
quartier spécial; mais c'eût été là une idée irréalisable. Il aurait
fallu construire tout un petit asile à côté du grand. De plus, le
voisinage des criminels aurait jeté sur l'asile de traitement, qu'on
tend de plus en plus à rapprocher de l'hôpital ordinaire, une
déconsidération facile à comprendre.
Je crois qu'en choisissant, comme emplacement, les points de
convergence des grandes lignes des chemins de fer, on donnera
satisfaction à tout le monde.
M. CHASLIN. On peut dire au point de vue théorique que tous
les criminels sont des anormaux. Dans la pratique, on distingue
ceux qui sont susceptibles de s'amender et les incorrigibles. Les
médecins devront abandonner à la prison tout déséquilibré qui,
par la répétition des mêmes actes, aurait donné la preuve qu'il il
n'est susceptible d'aucune amélioration.
M. Ballet. Le médecin sort de son rôle s'il se place au point
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 139
de vue purement théorique. Il doit, au contraire, rester dans le
domaine de la pratique, examiner chaque cas particulier sans trop
généraliser.
M. CHASLIN. Les médecins ne devraient intervenir qu'après un
jugement ayant déclaré l'individu nuisible.
M. CHRISTIAN. Nous sommes tous d'avis qu'une certaine popu-
lation de nos asiles serait mieux placée ailleurs, mais je ne crois
pas que la construction d'asiles spéciaux offre une solution heu-
reuse, à moins d'y enfermer à perpétuité ceux qui ont donné par
leurs actes la preuve de perversions instinctives invétérées.
M. Vallon. - Je ne vois pas pourquoi vous n'enfermeriez pas
perpétuellement les êtres nuisibles. Quand vous placez un idiot
dans un asile vous le séquestrez bien à perpétuité, puisqu'il n'est
pas guérissable. Souvent il n'est dangereux que pour lui. Pourquoi
avoir des scrupules pour ceux qui se sont montrés dangereux pour
autrui ? ,
M. JOFFROY. La question à se poser en face de chacun de ces
tarés est celle-ci : Est-il corrigible ? Pour la résoudre, il faut du
temps. 11 en existe beaucoup faisant le mal pour le mal, qui répon-
dent aux observations : « Moi, je suis irresponsable, j'ai le droit
d'agir à ma guise et de suivre mes instincts; vous n'avez rien à
me reprocher, puisque je ne puis me retenir. » Je ne verrais,
pour ma part, aucun inconvénient à enfermer dans des conditions
spéciales ces êtres vicieux, jusqu'à ce qu'ils tiennent un autre
langage.
Leur attitude vient surtout de ce qu'ils nous savent désarmés
contre eux. Martel BMAND.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.
SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME SÉANCE.
Séance du 10 décembre 1893. Présidence de M. Loehr aîné.
Délimitation de laparanoia. Rapporteurs, MM. Cramer etBOEDEKER.
M. Cramer présente les conclusions suivantes : 1. La confusion
mentale (amerxtia), le Wahnsinn et la Verrùcktheit ont une série
d'importants symptômes qui leur sont communs au point de vue
clinique et au point de vue pathogénique.
a. Les symptômes fondamentaux hallucinations sensorielles
140 " SOCIÉTÉS SAVANTES.
idées délirantes el incohérence sont, au point de vue de la
genèse, proches parents. 6. Le symptôme prédominant de la con-
fusion mentale et de la systématisation (Wahnsinn et Verrùcktheit)
résulte d'un trouble morbide de l'activité intellectuelle c. Dans
la confusion mentale, le Wahnsinn et la Verrùcktheit, l'affectivité
(sensibilité morale) ne joue qu'un rôle secondaire. d. Il peut y
avoir confusion mentale (amentia), qui joue le rôle de symptôme soi t
dans la forme de délire systématique connu sous le nom de Wahn-
sinn, soit dans celle qui est connue sous le nom de Verrûcktheit.
2° Les éléments du diagnostic différentiel entre la confusion
mentale, le Wahnsinn et la Verrûcktheit ne peuvent supprimer le
substratum commun à ces trois tableaux pathologiques, mais ils
sont tout à fait indiqués pour distinguer ces trois tableaux morbides
sur le fonds commun de la paranoïa.
3° Le groupe des psychoses fonctionnelles, simples non compli-
quées, par contraste avec les anomalies de l'humeur et les troubles
de la sensibilité morale, représente, sous le titre de forme princi-
pale de de la paranoïa, les affections de l'intelligence.
4° La p<M'6[MOMt se sépare ainsi nettement des anomalies de l'hu-
meur et des psychoses complexes. 1
5° La définition de la paranoia est par conséquent la suivante.
La paranoïa est une psychose fonctionnelle simple. Elle est carac-
térisée par une altération morbide de l'activité intellectuelle dans
laquelle la sensibilité morale ne joue qu'un rôle secondaire.
Sous le titre d'activité intellectuelle, il faut comprendre la faculté
à action nerveuse centripète, qu'a notre esprit de former des con-
ceptions représentatives en percevant les rapports des choses du
monde extérieur, de les associer aux provisions intellectuelles
préalablement emmagasinées dans les centres et de transformer
ces acquisitions en une activité productive.
M. BOEDEKER étudie les divisions de la paranoia, ne se sentant point
compétent pour formuler une proposition ferme. Peut-on accepter la
notion si large au point de vue psychologique que vient d'émettre
M. Cramer ? faut-il comprendre ainsi la paranoïa ? S'il n'en est
pas ainsi, il faut, pour diviser et définir la paranoïa, s'adresser à
d'autres guides, à d'autres manières de voir.
M. ,TASTROWITZ demande que l'on ne passe à la discussion que
lorsque les deux rapports seront imprimés. Adopté. i
M. le président demande que dans la prochaine séance on s'oc-
cupe parallèlement d'une question de science et d'une question
d'organisation générale. Par exemple, de la question du personnel
des infirmiers. Cette vieille question est toujours nouvelle. La nou-
velle loi lui donne un regain d'actualité. Dans ces dix dernières
années l'assistance des aliénés et le recrutement du personnel ont
progressé. N'a-t-on pas tout récemment, à propos de la psychiatrie
1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 141
et de l'assistance spirituelle, recommandé les infirmiers religieux ? 2
Il se déclare prêt, si personne ne le demande, à se charger du
rapport. Adopté.
M. MENDEL.-La question scientifique que l'on pourrait simultané-
ment traiter est celle qui a trait à la paranoïa en discutant juste-
ment les deux rapports d'aujourd'hui. Adopté. (Allg. Zeilsch. f.
Psych., L, 5.) P. KERAV.4L.
LIIe CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
DE LA PROVINCE DU RHIN.
SESSION DE BONN.
Séance du Il novembre 1893. Présidence de M. PELMAN.
Le président consacre àla mémoire de MM. Cramer, HOESTERMANN
et Charcot des paroles pleines d'émotion et de chaleureux éloges.
M. Kocas. Etude des phénomènes de l'hypnose chez une hystérique.
Il s'agit d'une malade à l'aide de laquelle M. Effertz organise des
expériences au laboratoire de physiologie animale de l'académie
de Poppelsdorf, expériences qui doivent montrer que l'individu en
état d'hypnose peut pendant longtemps, voire une demi-heure,
maintenir, sous l'influence de la catalepsie, son bras étendu sans
qu'il survienne d'accidents convulsifs. Cette malade est une russe
de trente-trois ans, de bonne famille, sans hérédité névropathique,
qui à l'âge de seize ans, à la suite d'une chute sans importance
et d'une émotion morale (perte de sa fortune), fut prise d'hystérie
avec contractures de divers membres.
Le traitement actif institué alors (K Br -- massage électrisa-
tion galvanique, faradique, statique, balnéothérapie hyp-
notisme) demeure sans grands résultats. Il y a cinq ans, à Londres,
abus de thé, café et tabac. Il y a trois ans séjour à Vienne, traite-
ment de Benedikt : des pointes de feu dans le dos font disparaître
la contracture pour deux mois. Par la suggestion, de Krafft-Ebing
obtient que, libre de toutes contractures, elle puisse revenir à
Londres. 11 y a quelques mois une émotion (sa soeur est écrasée
par un cab) ramène les contractures.
Il y a quatre semaines, nous la retrouvons à Bonn totalement
anesthésique (cornée comprise); aucun réflexe pharyngien, ni
selérotical. Champ visuel réduit à la vision centrale la plus res-
142 SOCIÉTÉS SAVANTES. ^
treinte; achromatopsie complète à droite, cécité du violetàgauche;
surdité, ageusie et perte de l'olfaction du côté gauche. Quand on lui
ferme les yeux elle ne perçoit plus la situation de ses membres
et ne peut exécuter aucun mouvement. Sensibilité spontanée et à la
pression de la colonne lombaire. Pas d'ovarie. A côté de cela la
malade perçoit les démangeaisons de . plaques d'eczéma qu'elle
porte aux mains ; elle accuse le contact d'une mpuche sur sa
peau. Le courant galvanique et faradique n'est senti que par l'in-
termédiaire des contractions musculaires provoquées et non sous la
forme douloureuse. Il existe une contracture permanente de huit
doigts ainsi qu'une forte tension de tous les autres muscles spon-
tanément mobiles qui, sous l'action de la plus faible excitation,
peuvent être contractures. Toutes les contractures artificielles
durent de dix à vingt minutes. Les excitations fortes engendrent de
grandes attaques d'hystérie, mais on les suspend en frottant légè-
rement les globes oculaires. A la suite de l'attaque, il y a mutisme
hystérique de quelques secondes, mais la malade peut alors manger
et boire. Une bonne alimentation jointe à la suppression du thé, du
café et du tabac l'a délivrée de tous les autres accidents.
On fait venir le sujet. La fixation du regard provoque l'hypnose
en quelques secondes. En tambourinantsur la table près de laquelle
elle est assise on voit les doigts s'ouvrir et tambouriner à leur tour
dans le rythme adopté par l'expérimentateur. La suggestion
verbale suspend pour quelque temps la reprise de la contracture.
M. Effertz montre la contracture latente, les contractures musculaires
provoquées par le chatouillement cutané, le massage léger de chaque
muscle, la pression sur le nerf correspondant, le heurt des tendons
et la disparition des contractures par l'action exercée sur les mus-
cles antagonistes; en suspendant l'activité des extenseurs des doigts
et du tibial antérieur il produit la contracture et en particulier la
contracture paradoxale de Westplial.
Il commande à la malade d'ouvrir les yeux ; la voilà dans l'état
somnambulique; activité psychique très intense, réponses très
nettes; hallucinations spontanées ou par suggestion (scènes de toute
nature fabriquées de toutes pièces) ; cet état est prolongé pendant
près de deux heures et, durant tout ce temps, persistance continue
d'un strabisme interne très actif. La malade semble fixer un point
idéal qui parait être à peu près à 5 centimètres delà cornée. Ces
constatations physiques mettent à njant la crainte d'une comédie.
Quelle est en effet la comédienne qui présenterait pendant tout ce
temps un strabisme permanent aussi intense ? On ne parvient
du reste à la réveiller qu'après lui avoir à plusieurs reprises, éner-
giquement suggéré verbalement d'avoir à sortir de cet état.
M. Scautz communique l'histoire de deux faits semblables dans
lesquels la suggestion eut, au point de vue thérapeutique, un résultat
surprenant.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 -Il 3.
M. PETERS présente un malade atteint d'adénome du nerf optique.
Affection bilatérale sans autres lésions du fond de l'oeil. On cons-
tate, dans la papille, des bourgeons tubéreux, sphériques, qui en cer-
tains points sont irréguliers, par suite de la prolifération de ces
masses. Voici d'ailleurs comparativement l'étude microscopique
de production de ce genre grâce aux préparations envoyées par
M. Hirschberg.
M. Pelman rend compte du congrès de la société pénitentiaire du
Rhin et de la Westphalie tenu récemment à Dusseldorf et traite la
question examinée par ce congrès relative à la culpabilité dans l'état
d'ivresse. Sur la proposition de lt.OEuEeE cette question sera pour la
prochaine séance rapportée par MM. Pelman et F1N6L13URG.
M. BARTELS. Deux cas remarquables de folie systématique (para-
noïa). La première observation est remarquable par sa genèse ;
la seconde par son évolution. On sait en effet que la théorie de
Zeller et de Griesinger avait fait accepter comme un dogme que
la vésanie qui se manifeste par des conceptions délirantes, cristal-
lisées et systématisées (idées de persécution et de grandeurs) pro-
cède d'un stade préparatoire primitif revêtant la forme de mélan-
colie ou de manie.
Snell l'attaque et montre qu'il existe une paranoïa primitive,
qu'on l'appelle d'ailleurs Wahnsinn ou Verrucktheit, peu importe le
nom qui, comme l'a montré M. Werner, ne paraît point fixer exac-
tement la modalité pathologique (Congrès des aliénistes allemands,
session de léna). Mais il existe concurremment une folie systéma-
tique secondaire (secundoere Verrûcktheit) caractérisée par ce fait
qu'elle prend racine chez des individus qui, à la suite d'un accès de
mélancolie accompagnée d'idées de persécution conservent de l'affai-
blissement intellectuel; l'affaiblissement intellectuel persistant, les
idées de persécution ne peuvent plus être redressées par le juge-
ment et subsistent malgré la disparition delà mélancolie affective.
Sans doute, comme l'a montré Kroepelin, les idées délirantes sont
loin d'être aussi systématiquement cohérentes que dans la Vert'McA-
theit primitive; sans ordre, elles sont fréquemment contradictoires
et ne sont plus méditées, remaniées par l'intelligence du patient.
C'est ce que dit aussi de Krafft-Ebing.
Voici maintenant une observation qui s'est d'abord présentée
sous l'aspect de la mélancolie puis qui a tourné à la folie systéma-
tique, il ne s'agit plus ici des conceptions délirantes de la mélancolie
transformées en idées de persécutions stables et permanentes, il
s'agit d'idées délirantes fixes mais complètement nouvelles qui
dans leur premier état étaient des idées de persécution puis se sont
transformées eu idées présomptueuses et finalement ont.été systé-
matisées, et restent telles, par la malade. En 1885 apparaît la folie
mélancolique qui ne guérit point ; en 1892, commence à se déve-
lopper la paranoïa secondaire ; les idées délirantes naissent, se sys-
144 , SOCIÉTÉS SAVANTES.
tématisent, elles provoquent la genèse de toute une série de con-
ceptions qui se coordonnent, sont raisonnées et interprétées par
l'intelligence absolument comme dans la paranoïa primaire.
L'autre observation a pour cachet, sa terminaison extraordinai-
rement favorable. C'est un délire chronique systématique, progres-
sif, incurable, qui, après avoir duré près de cinq ans, guérit en un
temps relativement court. Il s'agit encore d'une femme. Et qu'on
n'aille pas croire qu'il y a eu simple atténuation des.conceptions
délirantes, disparition de leur caractère impérieux, par suite, par
exemple, de l'affaiblissement intellectuel. Nullement. Les idées déli-
rantes, ont totalement disparu ; la malade a repris ses habitudes
antérieures, sa pleine lucidité, son activité normale. Il y a main-
tenant neuf mois qu'elle est retournée chez elle ; les personnes qui
vivent avec elle et qui connaissaient par le menu son système de
délire, n'en ont pas vu reparaître la moindre trace. Elle est
d'ailleurs revenue nous voir à l'asile sans la moindre crainte, sans
avoir cette horreur de l'établissement qu'une malade réticente ou
dissimulatrice aurait certainement conservée, et cela de son plein
gré comme toute malade ordinaire reconnaissante des soins donnés
dans un hôpital quelconque va retrouver son médecin. Et d'ailleurs
depuis qu'elle est sortie, elle a récupéré progressivement sa liberté
d'esprit, sagaité, a repris graduellement ses habitudes antérieures,
ses relations. Elle parle sans gêne de sa maladie.
M. Finrelnbourg. Des premiers résultats fournis par la statistique
des aliénés de la province du Rhin. Il s'agit de la statistique de
1880-1889.-Les admissions des aliénés de la province du Rhin dans
les asiles d'aliénés ont présenté une progression bien plus forte que
le chiffre de la population. En 1880 il y a eu pour une population
de 4.074.000 habitants, 1168 admissions = 2,86 pour 10.000 habi-
tants. En 1889 pour une population de 4.636.700 habitants, il y a
eu 1874 admissions, soit 4.04 pour 10.000 habitants. Cette progres-
sion a été de 5 p. 100 plus active pour les femmes que pour les
hommes et cependant ceux-ci ont été bien plus atteints que
celles-là. Les admissions ont été surtout actives dans les districts
industriels ou urbains de Cologne et Dusseldorf, à populations
denses.
Les admissions d'enfants jusqu'à l'âge de quinze ans méritent une
mention spéciale, En 1880 on en plaçait 39 ; ce chiffre a atteint le
nombre de 89 en 1889. C'est le district industriel de Dusseldorf
dans lequel la folie infantile le plus progressé (de 15 il a atteint
58). Faut-il accuser l'accroissement des tares héréditaires ? Faut-il
s'en prendre à des influences sociales ou à des modifications dues
à l'éducation ?
La paralysie générale a subi une pression ascendante remar-
quable. En 1880 on relevait 88 admissions; progressivement elles
atteignirent 219 en 1889. Les populations denses et industrielles
SOCIÉTÉS SAVANTES. 145
d'abord de Dusseldorf, et Aix la-Chapelle, puis de Cologne, sont
celles qui fournissent l'ascension la plus vive. Le district d'Aix-la-
Chapelle a ceci de marquant que, chez la femme, il y a une propor-
tion croissante de paralytiques; en 1880 on en admettait 40 ; en
1889, 119. Il est à signaler que la grande industrie d'Aix-la-Cha-
pelle occupe une telle proportion de femmes que le chiffre que
celle-ci représente vient immédiatement après celui de Berlin.
Voici maintenant des chiffres qui représentent le chiffre d'ad-
mission rapporté à celui de la population et à la moyenne annuelle
pour chaque district. Ainsi pour 10,000 habitants, on a admis, dans
les asiles d'aliénés pour cause d'aliénation mentale, et par an
(moyenne calculée pendant dix années) :
146 BIBLIOGRAPHIE.
Il n'y a à cela aucune explication. Cette particularité coïncida
avec l'augmentation notable et également passagère du nombre
des admissions tant dans les asiles d'aliénés que dans les hôpitaux.
Les admissions des aliénés, quiétaientde 1,465 en 1885, atteignaient
1,747 en 1886, et 1,959 en 1887. Les admissions des malades dans
les hôpitaux, qui étaient de 1,498 en 1885, atteignaient les chiffres
de 1,564 et 2,237 en 1886 et 1887.
Les hommes ont fourni un bien plus fort appoint quortes femmes
à l'augmentatiou de la fréquence des admissions, qu'elle soit con-
sidérée dans son ensemble ou par chacune des dix années, et cela
dans chacun des districts; mais bientôt, à la fin de cette période
décennale, comme on admettait d'année en année une proportion
de plus en plus forte de femmes aliénées par rapport aux admis-
sions masculines, la différence constatée diminuait. Ainsi, pour
10,000 habitants, le rapport annuel moyen des admissions était
pour Aix-la-Chapelle de 12,36 hommes, et de 9,27 femmes, pour
Elberfeld, 10,26 hommes ; 7,87 femmes. Ce qui prouve que les cercles
urbains et ceux des grandes villes industrielles provoquent le
surplus des admissions hommes, surtout à cause des excès alcoo-
liques, mais que les mêmes raisons engendrent la progression de
lafolie chez la femme.
L'étude statistique de l'influence psychopathique des professions
sera l'objet d'un travail exact et ultérieur. Les cercles les moins
nuisibles sont ceux où il y a une population agricole; il en faut
rapprocher ceux dans lesquels prédomine l'industrie minière
et celle du travail du fer. Moins favorables sont ceux à industries
textiles, surtout quand il y a en même temps des villes manufactu-
rières. 'Linfluence la plus défavorable paraît être exercée par les
hôtelleries et les cabarets qui se développent dans les popula-
tions ouvrières. (Alleg. Zeitsch. f. Psych., L. 5.) P. KËHAVAL.
BIBLIOGRAPHIE.
III. Contribution à l'étude de la folie héréditaire. Folies concomi-
tantes; par M. Louis Pain. (Thèse de Nancy, 1894.)
L'auteur ayant eu l'occasion d'observer un certain nombre de
cas de folies à deux, trois, etc., a remarqué que, contrairement a
l'opinion généralement admise, des frères ou soeurs peuvent pré-
senter simultanément ou presque simultanément un même délire,
les mêmes troubles, alors que cependant ils ne vivent pas dans
une constante intimité, qu'ils sont même parfois assez éloignés les
SOUSCRIPTION C11ARC0'1·. 147
uns des autrea ou vivent en mauvaise intelligence. Il se base sur
des faits de ce genre et sur les observations de folie à deux déjà
publiées pour faire ressortir la faible influence du contact intime
des malades, eu égard à l'importance capitale de l'hérédité dans la
genèse des folies familiales et il croit que créer une subdivision de
la folie héréditaire pour la folie à deux, c'est compliquer sans justi-
fication suffisante l'étude de la pathologie mentale déjà bien encom-
brée de formes d'aliénation mentale non encore nettement définies.
M. Pain a réuni quelques documents intéressants à l'appui de ses
conclusions; on peut regretter cependant qu'il ne leur ait pas
donné plus de développement et qu'il n'en ait pas tiré un parti
plus étendu. Il a montré toutefois les ressources que l'on doit cher-
cher dans une connaissance complète des antécédents familiaux
des malades avant d'émettre une opinion aussi absolue que l'est
celle qui fait de la vie en commun une condition sine (lua non dans
la pathogénie de la folie à deux. Paris.
IV. Vade Piecuin du médecin-expert; par le professeur LaCASS.1GNG.
(Storck et Masson, Paris, 1894.)
« Ce livre s'adresse aux médecins et aux magistrats. Pour les
uns ce sera un aide-mémoire, pour les autres un contrôle. »
Toi est le but que s'est proposé l'auteur qui paraît l'avoir
atteint. Après avoir exposé des renseignements généraux qui peu-
vent être appliqués dans toute expertise, l'auteur passe en revue les
différents cas qui se présentent en médecine légale et donne pour
chacun d'eux un plan à suivre pour l'examen médico-légal et pour
l'autopsie s'il y a lieu, avec un modèle de conclusions contenant
les questions auxquelles l'expert doit répondre. La façon très pra-
tique dont cet ouvrage est comprise, son format et ses dimensions
en font bien réellement un vade mecum qui rendra de grands ser-
vices à tous les médecins appelés à ne faire que rarement, comme
c'est le cas en province, des examens médico-légaux. Us y trouve-
ront également un chapitre non moins utile sur les droits et obli-
gations du médecin devant la société et devant la justice. P. S.
SOUSCRIPTION
POUR LE MONUMENT J.-M. CHARCOT.
On a institué à Paris, dit le Galieiz, un Comité pour recueillir
des souscriptions, afin d'élever un monument au grand neuropa-
148 SOUSCRIPTION CUAUCOT.
thologiste CHARCOT. Les médecins soussignés se sont réunis'pour
former un Comité local en Grèce. Nous appelons, disent-ils, tous
les confrères des pays grecs, les amis, les admirateurs et en géné-
ral tous ceux qui apprécient la mémoire de ce grand homme qui,
par son enseignement et ses oeuvres, plus que personne autre, a été
le bienfaiteur de l'humanité souffrante. Nous les prions, s'ils le
veulent, d'envoyer à l'un d'entre nous leur souscription : Cons-
tantin Delyanis ; Georges Carainitzon -Michel Chatzimichalis ;
Jules Galvani ; George Caryofilis.
dix-neuvième liste du Progrès médical.
M. le Dr Lubimoff nous a versé au nom de M-e la princesse
VARIA. 149
à nos lecteurs pour qu'ils veuillent bien nous adresser leur sous-
cription, quelque modeste qu'elle soit. Ce serait un honneur pour
les médecins français si, tous participaient, même par les souscrip-
tions les plus modestes, à rendre hommage a l'un des plus illustres
Maîtres de la Science médicale française.
VARIA.
- Inauguration DES bustes DE Baillarger ET DE FALRET
A LA SALPTTRIÈRE
La Société médico-psychologigue a procédé le 7 juillet
dans l'après-midi, à la Salpêtrière, à l'inauguration des bustes
de Baillarger et de J.-P. Falret. Les bustes sont placés en face
l'un de l'autre, au milieu de la première cour de la Salpêtrière ;
tous deux sont en marbre. Celui de Baillarger est l'û3uvre d'un
jeune statuaire, M. Malherbe; il porte l'inscription suivante :
« A Baillarger, 1809-1890, la Société médico-psychologique,
ses amis, ses élèves. » L'autre, celui de Falret, est dû au ciseau
de Ludovic Durand ; on y lit cette simple mention : a J.-P. Fal-
ret, 1794-1870. »
Sous une vaste tente avaient pris place : M. Poubelle, préfet
de la Seine, MM. Félix Voisin, vice-président du conseil de
surveillance, Derouin, secrétaire général de l'Assistance
publique, Le Roux, directeur des affaires départementales,
MM. les D's Jules Falret, Vallon, Lnys, Raymond, Goujon,
Magnan. Dans une petite tribune, MM. Jules Falret, président
du comité des bustes et fils de J.-P. Falret, Ritti, secrétaire
général de la Société médico-psychologique, Magnan, repré-
sentant l'Académie de Médecine, Mottet et Bouchereau ont
pris la parole pour rappeler les découvertes et les améliorations
dues à ces deux illustrations de la médecine mentale. La Fan-
fare des Enfants de Bicêtre prêtait son concours à cette solen-
nité qui s'est terminée par un banquet. -
Voici le discours de M. Jules FALRET, :
Messieurs,
En ma qualité de président du Comité de la souscription Bail-
larger, je viens aujourd'hui, au nom de la Société médico-psycho-
150 VARIA.
logique et en mon nom personnel, offrir à l'administration de
l'Assistance publique et à l'hospice delà Salpêtrière lès bustes du
D'' Baillarger et de mon père, le De Jean-Pierre Falret, dus à
deux artistes distingués, MM. Malherbe et Ludovic Durand, dont
l'Administration a autorisé l'érection dans la première cour de la
Salpêtrière et dont la Société médico-psychologique a décidé
l'inauguration solennelle, devant M. le préfet de la Seine et M. le
directeur de l'Assistance publique, qui,ont bien voulu accepter
notre invitation et rehausser par leur présence l'éclat de cette céré-
monie. C'est pour nous un grand honneur, Messieurs, de voir ici
réunie une affluence aussi considérable de représentants de l'auto-
rité administrative, du Conseil général de la Seine et de la profes-
sion médicale, pour honorer la mémoire de deux médecins émi-
nents, qui ont laissé dans l'hospice de la Salpêtrière des souvenirs
si vivaces et dans notre science spéciale des traces si durables, des-
tinées à perpétuer leurs noms.
Nous adressons donc nos plus vifs remerciements à tous ceux qui
ont bien voulu honorer cette réunion de leur présence et rendre
ainsi hommage à notre famille aliéniste dans la personne.de deux
de ses plus illustres représentants.
La vie de ces deux maîtres de la pathologie mentale, malgré les
profondes différences de caractère et de tendances scientifiques
qui les ont séparés pendant le cours de leur existence, a présenté
néanmoins de nombreux points de contact qui les rapprocheront
aux yeux de la postérité et qui justifient pleinement l'inauguration
simultanée de leurs bustes que nous célébrons aujourd'hui. Tous
deux, élèves directs de Pinel et d'Esquirol, ils ont adopté, sauf des
modifications secondaires, et propagé les doctrines scientifiques et
philanthropiques de leurs illustres maîtres, pour lesquels ils ont
toujours professé la plus grande vénération. -
Tous deux, médecins de la Salpêtrière, ils ont eu l'insigne hon-
neur d'inaugurer, en même temps, dans cet hospice où leurs maîtres
avaient déjà fait école, l'enseignement clinique et public des mala-
dies mentales, à une époque où cet enseignement n'avait pas
de représentant officiel. Tous deux, ils ont, pendant près de trente
ans, poursuivi avec zèle et persévérance le but élevé d'initier à la
science, si dédaignée encore, qu'ils cultivaient avec tant de succès,
de nombreux élèves qui ont puisé, dans ce double enseignement,
toutes les notions qu'ils ont pu acquérir sur la science des maladies
mentales et qui se sont répandus ensuite en France et à l'étran-
ger, pour propager leurs doctrines et devenir médecins et direc-
teurs des asiles d'aliénés, publics et privés, dans toute l'Europe.
Tous deux, animés du même zèle humanitaire, qui caractérisait
leurs devanciers, ils ont mené de front la philanthropie et la science
et ils ont fondé, l'un la Société de patronage des aliénés convales-
cents, qui, depuis plus de cinquante ans n'a pas cessé de fonc-
VARIA. 151
tionner avec succès et de rendre les plus grands services aux
aliénés sortis guéris des Asiles publics du département de la
Seine, et l'autre, les Annales métlico-psycleologiques, mine iné-
puisable de documents précieux pour les travailleurs de l'avenir;
la Société médico-psychologique, qui, depuis 1852, a servi si
puissamment au développament de notre science spéciale, et enfin
l'Association mutuelle des médecins aliénistes, qui a fait tant de
bien aux veuves et aux enfants de nos confrères aliénistes morts
sans fortune !
Tous deux, enfin, médecins de la Salpêtrière et membres de
l'Académie de médecine, ils ont laissé dans la science des décou-
vertes durables que la postérité conservera. L'un a démontré la
non-existence de la monomanie telle que la concevait Esquirol,
c'est-à-dire comme délire partiel exclusivement limité à un seul
sujet; il a découvert la folie circulaire et la folie du doute, qui est
devenue le point de départ des études ultérieures sur la folie avec
conscience elles obsessions; il a décrit, le premier, les trois périodes
successives de l'évolution des délires partiels jusqu'au délire stéréo-
typé, description appliquée depuis lors au seul délire de persécu-
tion ; enfin il a proclamé la nécessité de créer désormais, par
l'observation clinique, des espèces naturelles de maladies men-
tales, reposant à la fois sur l'ensemble des symptômes physiques
et moraux et sur la marche de ces affections. L'autre, Baillarger,
a publié de nombreuses études cliniques sur la mélancolie avec
stupeur, sur les hallucinations psychiques et psycho-sensorielles,
sur la folie à double forme et surtout sur la paralysie générale, tra-
vaux qui suffiraient pour immortaliser son nom, et qui, basés sur
une observation sérieuse et persévérante, défieront les atteintes du
temps, sans parler de toutes ses recherches anatomiques et physio-
logiques qui ont complété son oeuvre.
Comme fils, il ne m'appartient pas, Messieurs, de faire ici l'éloge
d'un père pour lequel j'ai conservé la vénération la plus filiale, car
il m'a donné doublement la vie comme père et comme maître en
aliénation mentale.
Je laisserai ce soin à mes excellents collègues qui prendront la
parole après moi. Mais je ne puis terminer ce discours sans rendre
un dernier hommage à la mémoire de ces deux maîtres de la
médecine mentale, dont les bustes sont aujourd'hui posés sur leur
piédestal, à l'entrée même de cet hospice de la Salpêtrière, où ils
ont rendu, pendant de longues années, tant de services aux aliénés
et à la science.
Tous deux nous ont laissé un salutaire exemple et des enseigne-
ments précieux. Leur vie, consacrée tout entière au travail, aux
progrès de la science et au bien-être des aliénés, est pour nous un
vrai modèle à suivre. Comme leurs maîtres Pinel et Esquirol, ils
ont été dirigés, pendant tout le cours de leur existence, par deux
"'182 VARIA. ? mobiles supérieurs, l'amour des aliénés et le désir constant de
' - * faire progresser la science spéciale, encore si incomplète, à laquelle
ils avaient consacré leur vie, et tous deux nous ont légué, comme
testament scientifique, ce même et suprême enseignement : La
clinique doit être la véritable base de la pathologie mentale. L'ana-
tomie pathologique et la psychologie normale, sciences auxiliaires
indispensables, doivent lui servir d'appuis, mais non la dominer, et
la clinique seule peut contribuer à son avancement et à ses progrès !
M. le D Magnan s'est exprimé en ces termes :
Mesdames, Messieurs,
Je viens, au nom de l'Académie de médecine, rendre hommage
à la mémoire de deux de ses membres les plus éminents, Baillar-
ger et Falret, tous deux maîtres illustres, dont les échos de la Sal-
pêtrière rappellent encore le brillant et fécond enseignement.
J'ai été d'autant plus touché de la pieuse mission qui m'a, été
confiée, que j'ai eu le bonheur d'être l'interne de l'un et de l'autre,
conséquemment j'ai eu l'immense avantage dans les causeries
intimes de tous les jours, où le maître s'abandonne tout entier, de
puiser, à pleines mains, dans les trésors infinis de leur érudition,
de leur savoir et de leur vaste expérience. Qu'il me soit permis
d'exprimer ici le témoignage de ma respectueuse reconnaissance.
Dignes continuateurs de Pinel et d'Esquirol, ils ont marqué la
seconde étape dans la marche progressive de la psychiatrie, et ce
n'est pas trop des efforts de tous, aujourd'ui, pour soutenir la puis-
sante impulsion qu'ils lui ont imprimée.
Vous allez entendre dans quelques instants d'éloquents panégy-
riques, mais je dois, pour ma part, me borner à rappeler ce qu'ont
été les deux académiciens.
Le Dr Jean-Pierre Falret fut élu le 3 juin 1823, membre adjoint
résident de l'Académie de médecine, il n'avait pas encore trente ans,
mais il était déjà connu, et son traité de l'Hypochondrie et du Siii-
cide ne tardait pas à être traduit en plusieurs langues. Un peu
plus tard, ses travaux statistiques sur les aliénés, les suicides et les
morts subites furent, deux années consécutives, couronnés par
l'Institut.
Le 20 janvier 1835, lors de la réorganisation de l'Académie de
médecine, il devint membre titulaire dans la section de pathologie
médicale. Deux ans après, il prenait une part active à côté d'Es-
quirol et de Ferrus à la confection de la loi du 30 juin 1838, sur
les aliénés. Cette loi, inspirée par une pensée essentiellement
médicale, toute à l'avantage du malade et de la sécurité publique,
étonne et surprend ceux-là même qui, après l'avoir violemment
critiquée, sont appelés à l'examiner et à indiquer les modifications
qu'elle doit subir; à mesure qu'ils l'étudient et qu'ils l'approfon-
· varia. 153
'dissent,' ils sont forcés de convenir qu'elle est simple, pratique,
protectrice et bienfaisante, et que la plupart des réformes pro-
jetées sont, pour le moins, d'une utilité contestable.
En 1840, M. Falret qui, depuis neuf ans, était [chargé du servica
des aliénés chroniques de la Salpêtrière, passa dans la section de
Rambuteau,' réservée, à cette époque, aux aliénés en traitement.
Dès le début, il se consacra tout entier à cet enseignement si
renommé, essentiellement pratique, révélateur quotidien du clini-
cien hors de pair. Possédant au plus haut degré cet art si délicat
d'interroger l'aliéné, il ne tardait pas à rendre confiants et com-
municatifs les malades les plus taciturnes et les plus réservés ; il
parvenait ainsi à faire passer devant les auditeurs les pages
vivantes et les plus émouvantes de la clinique mentale; et comme
le disait Lasègue qui se plaisait à se déclarer son élève, cet ensei-
gnement familier était conforme à la destination de toute clinique,
dont le programme vrai est d'être, plutôt que de paraître.
Tel se montrait M. Falret, quand M. Baillarger, à la suite d'un
concours où il fut nommé le premier, prit possession d'un des
services de la Salpêtrière, et ne tarda pas à son tour à inaugurer
ses leçons, à la fois dogmatiques et cliniques, qui eurent plus tard
tant de retentissement.
Le 15 juin 1847, il était élu, à l'Académie de médecine, à cette
période difficile où les portes ne s'ouvraient pour chaque nouveau
titulaire, qu'après trois extinctions; il entra dans la section d'ana-
tomie et de physiologie, succédant a MM. Ribes, Olivier (d'Angers)
et Breschet.
Quoique jeune encore il avait à peine trente-huit ans il
avait donné la mesure de son vaste savoir,1 il s'était déjà fait
remarquer par l'originalité et l'importance de ses travaux et de
ses découvertes.
Observateur rigoureux et sagace, il apportait dans ses recherches
une telle netteté, une telle pénétration que les questions les plus
ardues, les plus complexes, devenaient par lui simples et faciles.
Il avait déterminé très nettement le siège précis de quelques
hémorrhagies dans la cavité arachnoïdienne.
Sans le secours du microscope, à une époque où l'histologie
était encore dans l'enfance, mettant à profit la propriété que
possède la substance grise de se laisser pénétrer par les rayons
lumineux, il donna de la structure de la couche corticale des cir-
convolutions, une description restée classique, que les progrès de
l'histologie moderne ont complétée sans rien changer à ce qu'elle
avait de fondamental. Dans le même ordre de recherches, son
mémoire sur le mode de formation du cerveau et sa communica-
tion à l'Académie, sur les rapports entre l'étendue de la surface
dn cerveau et le développement de l'intelligence avaient une haute
importance morphologique et physiologique.
154 varia.
Que dire de son remarquable mémoire sur les hallucinations,
auquel l'Académie de médecine accorda le prix Civrieux, si ce
n'est qu'il a servi de base à tout ce qui a été publié depuis sur ce
sujet et que psychologues, physiologistes et cliniciens le consultent
encore avec profit et y puisent chaque jour des éléments utiles à
leurs recherches.
Les autres travaux sur les hallucinations sont aussi remarqua-
bles, notamment son étude si pénétrante, si judicieuse du fonc-
tionnement cérébral dans cette période intercalaire à la- veille et
au sommeil, dans laquelle les centres supérieurs cessant d'inter-
venir, les hallucinations hypnagogiques deviennent le point de
départ du délire, mettant en évidence l'une des modalités les plus
curieuses du mécanisme cérébral, l'automatisme.
C'est là un vrai trait de génie à ce moment où les notions sur
la physiologie de l'écorce étaient si rudimentaires, à ce moment
où l'on n'avait pas encore mis à profit l'incomparable champ
d'exploitation qu'a fourni l'hystérie, à ce moment enfin où toute
cette mine si riche en phénomènes obsédants et impulsifs de la,
dégénérescence, était à peine explorée,
M. Baillarger avait eu l'intuition des grandes découvertes qui
ont suivi ces études.
Les hallucinations psychiques, les hallucinations psychosenso-
rielles, le mode de production des hallucinations hypnagogiques,
l'automatisme cérébral, étaient la révélation de l'existence des
centres supérieurs exerçant une action modératrice sur toute cette
région située en arrière de la pariétale ascendante, sur tout ce
domaine des appétits et des instincts. Cette partie de l'écorce céré-
brale, véritable substratum de nos souvenirs, renferme les ditré-
rents centres perceptifs encéphaliques qui recueillent les images
mnémoniques de toutes nos impressions sensorielles, et c'est là
que les centres d'idéation viennent puiser les matériaux néces-
saires à l'élaboration intellectuelle, à la formation des idées; ces
images passant en avant dans la région frontale, deviennent les
schémas, les signes représentatifs de la pensée et fournissent les
éléments de nos déterminations. Tous ces faits, aujourd'hui clas-
siques, on les trouve en germe dans les beaux travaux de M. Baillar-
ger. Tels sont les titres qui avaient assuré ses succès.
M. Baillarger a fait de nombreuses communications à l'Aca-
démie de médecine, toujours bien accueillies, car elles portaient
toutes la marque de son esprit de méthode et de précision. Il était
aussi bien écouté quand il parlait des stigmates physiques des
dégénérescences chez les Aztèques, dans la mierocéphalie, qu'en
exposant ses considérations sur,le goitre et le crétinisme ou qu'en
intervenant d'une façon active dans les questions à l'ordre du jour,
notamment dans la discussion sur l'aphasie.
En 1854, l'Académie assista à un véritable tournoi, les deux
VARIA. 155
géants se mesurèrent prenant pour devise, Falret la folie circu-
laire, Baillarger la folie à double forme. Cette question toute nou-
velle, quoique peu familière, on peut bien le dire, à beaucoup
d'académiciens, n'en captiva pas moins l'attention de tous, et les
deux grandes séances consacrées à la discussion furent trop courtes
au gré des auditeurs.
Cette lutte scientifique entre deux adversaires animés du même
amour de la vérité eut les conséquences qu'elle devait avoir, la cons-
titution définitive d'une nouvelle forme mentale. Vous pouvez être
satisfaits, chers maîtres, vous avez été tous les deux victorieux, vous
avez solidement posé les premières assises et c'est, désormais, sur
le roc que pourront bâtir tous ceux qui exploreront le terrain cli-
nique de l'intermittence et de la périodicité. C'est vers cette
époque, en l'absence de l'enseignement officiel que, grâce aux
deux maîtres que nous honorons aujourd'hui, brille de tout son
éclat l'École de la Salpêtrière.
M. Falret, dans le livre sur les maladies mentales et les asiles
d'aliénés, publié en 186, s'est appliqué à développer les principes
qui doivent guider dans l'examen du malade et dans l'élude cli-
nique de la folie; sa symptomatologie générale est un modèle du
genre, et ses considérations générales sur les asiles trouvent encore
chaque jour leur application.
De son côté, M. Baillarger a eu l'heureuse idée de réunir en
volumes, sous le. titre de Recherches sur les maladies mentales, la
plupart de ses travaux ; il les a groupés par séries distinctes, met-
tant à leur distribution le soin qui caractérise toutes ses oeuvres ;
des sommaires d'une extrême clarté, placés à la fin des deux
volumes, donnent une idée d'ensemble de chaque mémoire, si
bien 'que les questions les plus ardues deviennent accessibles à
ceux même qui n'ont pas l'habitude de ces études spéciales.
On comprend, à la lecture de ce magnifique recueil, tout ce dont
sont redevables à cet infatigable travailleur, l'anatomie et la phy-
siologie des centres nerveux, la physiologie, la pathologie et la
clinique mentales, la thérapeutique et la médecine légale des alié-
nés, sans oublier son sujet d'étude de prédilection, la paralysie
générale. D'autre part, on vous dira bientôt ce que lui doivent la
Société médico-psychologique et les Annales, son organe de vul-
garisation.
En 1878, il fut l'objet de la plus flatteuse distinction de la part
de ses collègues de l'Académie, qui l'élurent président; et, à son
tour, il apporta dans la direction de leurs travaux et de leurs
débats tout le poids de son autorité et toute l'aménité de son
caractère.
Ces deux hommes d'élite, MM. Baillarger et Falret, émules dans
le travail et la science, restent émules dans la charité et la bien-
faisance.
156 VARIA.
Tous les deux s'étaient émus du sort qui attend parfois certains
aliénés guéris ou convalescents à leur sortie de l'asile et, simulta-
nément, ils avaient créé une oeuvre de patronage dont la mission
était de recueillir ces anciens malades, de les encourager, de les
protéger, et les aider à trouver un travail rémunérateur, de les
suivre ensuite dans les différentes positions pour écarter ou amor-
tir les causes de rechutes,et intervenir si c'était encore nécessaire.
Les deux sociétés se développèrent parallèlement, mais plus tard
elles se fusionnèrent en une seule dont M. Falret resta le président,
y consacrant tout son amour du bien et son activité. A sa mort,
son fils, notre cher collègue, héritier des hautes qualités de son
coeur et de son esprit, a pris la direction de cette oeuvre de charité
qui continue à rendre les plus grands services.
De son côté, M. Baillarger, dont la digne compagne, heureuse
aujourd'hui de son triomphe, pourrait seule nous dire l'étendue
de l'ineffable bonté, préoccupé des infortunes imméritées de quel-
ques-uns de nos confrères, fonda l'Association mutuelle des méde-
cins aliénistes de France dont il devint le président d'honneur et
l'un des agents les plus actifs. ;
On ne s'arrêterait point si l'on voulait énumérer tout ce que la
science et l'humanité doivent à ces maîtres vénérés, au souvenir
desquels devra désormais s'associer dans cette enceinte le pieux
souvenir de ceux qui les ont guidés.
Qu'il nous soit donc permis en ce moment d'unir dans notre
hommage respectueux et de saluer, avec fierté, les noms glorieux
de Pinel, d'Esquirol, de Baillarger, de Falret qui personnifient la
florissante école de la Salpêtrière, ce berceau, ce foyer de la psy-
chiatrie dont le lumineux rayonnement s'est répandu dans le
monde entier.
Congrès des aliénistes ET des neurologistes de langue française.
Session de Clermont-Ferrand des 6 et 11 Août 1894.
Nous publions la circulaire suivante que nous venons de rece-
voir :
« Nous prions les personnes qui se proposent de faire partie de
ce Congrès : médecins, aliénistes, neurologistes, juristes, juris-
consultes, de vouloir bien se hâter de nous adresser leur adhésion,
et, autant que possible, leur cotisation (20 francs), afin que nous
puissions régler, en temps utile, le programme de la session. Nous
prenons la liberté d'attirer leur attention sur les avantages et
attractions suivants : -.
prendre la parole s'il le juge utile pour la science; il aura égale-
ment droit aux réceptions offertes par les autorités et les asiles
visités, aux distractions qu'on organisera pour recevoir le mieux
' varia. 157 Î
possible le Congrès, enfin il recevra un livre contenant les travaux
du Congrès ;
« 2° Des locaux, chambres, pensions, seront arrêtés à l'avance, à
des prix modérés, pour les Congressistes ; 3° le Congrès sera
ouvert sous la présidence de M. le préfet du Puy-de-Dôme ;
« 4° Les travaux du Congrès seront dirigés sous la présidence de
M. le Dr Pierret, l'éminent aliéniste, médecin en chef de l'établis-
sement départemental d'aliénés de Bron, à Lyon ; 5° outre les trois
grandes questions qui doivent être traitées par de savants alié-
nistes, plusieurs autres sujets intéressant l'aliénation mentale
seront exposés par leurs auteurs, qui se sont déjà fait inscrire, ce
qui donnera à notre Congrès un intérêt scientifique extrême ;
« 6° Les séances auront lieu dans la grande salle des fêtes de
l'hôtel de ville, gracieusement mise à notre disposition par
M. Lécuellé, maire de Clermont-Ferrand, qui se propose de rece-
voir les congressistes; 7° le Congrès s'est déjà acquis la bienveil-
lante sollicitude de toutes les autorités et de la presse locale;
8° sur la demande du Dr Hospital, organisateur du Congrès, le
Conseil général du Puy-de-Dôme a voté, à l'unanimité, une somme
de 600 francs destinée à rendre agréable, par quelques distractions,
le séjour des congressistes à Clermout-Ferrand ; 9° les dames qui
voudront bien accompagner leurs maris recevront à Clermont un
accueil des plus sympathiques, de la part des religieuses de l'éta-
blissement de Sainte-Marie et d'un comité de dames ;
« 10° Les établissements de Sainte-Marie, à Clermont, et de
La Cellette, dans la Corrèze, auront l'honneur de recevoir MM. les
congressistes ; 11° les moyens de transport sont multiples et peu
onéreux : MM. les congressistes pourront utiliser, pour se rendre à
Clermont, soit un billet circulaire, soit un billet d'aller et retour
pouvant se proroger avec un léger supplément, et dont les prix
actuels sont peu supérieurs à l'ancien demi-tarif; 12° la Compa-
gnie des eaux thermales de Royat, interviewée par nous, s'est
empressée de nous répondre, par son aimable directeur, qu'elle
mettrait à la disposition des congressistes son établissement et' son
casino; des cartes personnelles leur seront adressées.
« Clermont-Ferrand, le 3 juin 1894.
De HOSPITAL,
Médecin en chef de l'établissement Sainte-Marie.
Nous recevons la communication suivante, dit le Puy-
de-Dôme du z juillet :
Quelques semaines à peine nous séparent de l'ouverture de ce
Congrès, qui aura lieu à Clermont, du 6 au Il août; il nous faut
tout ce temps pour en préparer le fonctionnement; nous faisons
donc uu dernier appel aux retardataires et aux hésitants; qu'ils
15 FAITS DIVERS.
nous permettent d'attirer spécialement leur attention sur les points
suivants :
1° Une carte personnelle va être adressée à chaque adhérent,
ainsi qu'aux invités ; 2° quelques jours avant l'ouverture, les uns et
les autres recevront le programme détaillé des travaux et récréa-
tions de l'assemblée (séances où seront traités, les sujets proposés ;
visites aux asile, hôpitaux, école, Facultés, curiosités locales,
Royat, musées; séances avec adjonction d'images, projections oxhy-
driques, réceptions parles autorités, et asile Sainte-Marie; grande
excursion au Puy-de-Dôme, etc., etc.); 3° outre les trois grands
sujets traités par les trois rapporteurs du Congrès, MM. Ladame,
privat-docent à l'université de Genève ; Gilbert Ballet, professeur
agrégé de la Faculté de médecine de Paris, et P. Marie, également
professeur agrégé à la même Faculté, se sont fait [inscrire pour
prendre la parole sur divers sujets : MM. Maurice de Fleury, de
Paris; Charles Vallon, médecin en chef de l'asile de Villejuif;
docteur llfendelssohn, de Saint-Pétersbourg; Auguste Brachet,
lauréat de l'Institut; docteur Rouby, de Dôle; docteur Levillain,
de Royat, et d'autres encore.
Nous prions donc les médecins qui se proposent de se joindre à
nous, de se dépêcher. Première séance le 6 août, à huit heures du
matin, dans la grande salle de l'Hôtel de Ville. D'' IIOSI'IT1L.
FAITS DIVERS.
AS1LL : 5 d'aliénés. Promotions : M. le Dr Vallon, médecin en
chef de l'asile de Villejuif, est promu à la classe exceptionnelle;
M. le Dr Dubuisson, médecin en chef à l'asile clinique (Sainte-
Anne) est promu à la ire classe; - M. le Dr DuBuissoN, médecin
en chef de l'asile de Braqueville, est promu à la 2e classe (arrêté
du 1er juillet); M. le Dr G. CORTYL, médecin de l'asile de Saint-
Venant, est promu à la classe exceptionnelle (4°r juillet).
Faculté de médecine de paris. Clinicat : Nos collaborateurs,
MM. les Des Roubinowitcii et TOULOUSI, ont été nommés ex-xquo et
dans l'ordre alphabétique, chefs de clinique de la chaire de clinique
mentale à l'Asile clinique (Sainte-Anne). Nous adressons à tous
deux nos félicitations sincères.
Nécrologie. La Revue médicale de l'Est nous apporte la triste
nouvelle de la mort prématurée du Dr Auguste LANGLOIS. Il était né
FAITS DIVERS. 1S9
le 33 mai 1839 à Avranches. Successivement interne à l'Asile de
Saint-Dizier, médecin-adjoint des Asiles de Dijon et de Vaucluse,
médecin en chef de l'Asile de Afaréville; Langtoisn'a laissé partout
que des amis toujours heureux de ses joies, de ses succès, toujours
tristement émus lorsqu'ils découvraient le moindre nuage sur cette
physionomie qu'ils aimaient à voir gaiement animée. Parmi ses
travaux, nous noterons : sa thèse de doctorat sur les Maladies inci-
dentes chez les aliénés, Paris, 1893; une Étude physiologique sur le
sommeil; la Question de survie des fonctions et des organes chez les
premiers-nés; des Rapports de médecine légale; Folie simulée et aliénés
dits criminels, 1889. Depuis le premier novembre 1879, il était chargé
du cours annexe de clinique des maladies mentales à la Faculté de
médecine de Nancy. « Préoccupé, avant tout, a dit le Dr Heinden-
reich, sur sa tombe, d'inculquer aux élèves des connaissances pra-
tiques, il faisait passer sous les yeux les divers types d'aliénés,
causant avec les malades, les amenant à étaler eux-mêmes sous les
yeux des assistants la déviation et la défaillance de leur intelligence
et de leur volonté. Il apportait dans cet enseignement une verve,
qui rendait ses leçons agréables, en même temps qu'instructives, »
Maison nationale de CHARENTON. Concours pour l'Internat.
Ouverture du concours, le mardi, 20 juin 1894. Conditions. Sont
autorisés à concourir, les étudiants en médecine de nationalité fran-
çaise, âgés de moins de trente ans, et pourvus de douze inscrip-
tions. Les candidats qui voudront concourir devront se présenter
au secrétariat de la Maison Nationale pour obtenir leur inscription
en y déposant les pièces ci-dessous indiquées : 1° acte de naissance ;
2° certificat de scolarité ; 3° certificat de bonnes vie et moeurs. La
liste des candidats sera close le 18 juin 1894. Les épreuves du con-
cours seront les suivantes : 1° une composition écrite de trois heures
sur un sujet d'anatomie et de physiologie du système nerveux. Il
sera accordé 30 points pour cette épreuve ; 2° une épreuve orale de
quinze minutes sur un sujet de pathologie interne et de pathologie
externe, après quinze minutes de préparation. 11 sera attribué
20 points à cette épreuve. Nota. La durée de l'internat est fixée
à trois ans. L'allocation accordée aux internes de la Maison Natio-
nale de Charenton est : pour la Ire année, de 1.500 francs; pour la
2° année, de 1.600 francs ; pour la 3° année, de 1.700 francs. En
dehors de l'interne de garde, qui est nourri et logé, les internes ont
droit au déjeuner.
Ce concours s'est ouvert le 26 juin devant un jury présidé par
M. l'inspecteur général Regnard, et dont faisait partie, outre les
médecins et le chirurgien de Charenton, M. le Dr Labrurthe, méde-
cin du ministère de l'intérieur. Sur 11 candidats inscrits, 9 ont fait
la composition écrite ; 7 seulement ont subi toutes les épreuves.
Question écrite : Cordons postérieurs de la moelle (anatomie et
160 FAITS DIVERS.
physiologie). -Etaient restées dans l'urne : Nerf facial, anatomie
et physiologie ; 4° ventricule. Questions orales : Colique hépa-
tique ; Etranglement herniaire, signes et diagnostic. Restées dans
l'urne : Fièvre typhoïde; Fracture du rocher, signes et diagnostic ;
Erysipèle de la face; Rétrécissement de l'urètre, signes et diagnostic.
Sur les 7 candidats, 5 ont été déclarés admissibles dans l'ordre
suivant : MM. Poussin, Thibaud, Seulecq, Poitou et Monod.
Faculté de BUDA-PESTIi. M. le D'' Donath a été nommé
privat-docent de neuropathologie.
Asile d'aliénés D'ARMENTIÈRES (Nord). Demande d'interne. z
Une place d'interne en médecine est vacante à l'asile d'Armen-
tières, située à 25 minutes des Facultés de Lille. Conditions :
12 inscriptions de doctorat. Les internes sont nourris, logés, chauffés,
éclairés, et reçoivent pour la première année un traitement de
600 francs. Adresser les demandes au directeur, médecin en chef.
Asile d'aliénés de DURY-LÈS-AMIENS. Demande d'interne.
Une place d'interne en médecine va être vacante très prochainement
dans cet asile. Conditions : être Français; 12 inscriptions docto-
rat. Traitement : 800 francs argent; nourriture, logement,
chauffage, éclairage. Produire un certificat de scolarité et un
certificat de chef de service comme références. Il y a à l'asile
deux internes en médecine et un en pharmacie.
Un aliéné sur la voie du chemin de FER P.-L.-M. Dans la nuit
de dimanche à lundi, un individu qui se trouvait sur la voie du
chemin de fer P.-L.-M., entre Gien et Briare, apercevant le train
qui arrive à Gien à 4 h. 22, faisait des signes en agitant un pan-
talon rouge. Le conducteur fit arrêter le train et fit monter cet
individu et le mita la disposition du gendarme de service à la gare
de Gien. Cet individu, qui n'a pu prononcer aucune parole, était
porteur d'un livret d'ouvrier et d'un livret militaire au nom de
Vrinat. Il résulte des recherches faites que cet individu est le
nommé Vrinat (Jean), âgé de trente-deux ans, domicilié à Briare,
chez ses parents. Cet aliéné s'est levé vers quatre heures du matin
et s'est sauvé avec ses effets de soldat. Le père est venu chercher
son fils et a déclaré qu'il était atteint d'aliénation mentale depuis
quelques jours. La famille va faire le nécessaire en vue du rétablis-
sement du sieur Vrinat. (Le Républicain Orléanais du 7 juin.)
Mercier (A.). Les Coupes du système nerveux centra ! . Volume
in-18 de xn 2y8 pages. - Paris, 189. - Librairie Rueff et Cte.
Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE.
Evreux, Ch. Hémssby, imp. - 794
Vol. XXVIII. Septembre 1894. N° 91.
. t...
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
NOUVELLE MÉTHODE GRAPHIQUE PERMETTANT D'ENREGIS-
TRER TOUS LES TREMBLEMENTS; EN PARTICULIER LE
TREMBLEMENT DE LA LANGUE ET DE CERTAINS MUSCLES
COMME L'ORBICULAIRE DES LÈVRES;
Par M. LE FILLIATRE, 1
Interne en médecine des asiles de la Seine ; ex-préparateur à la Faculté de médecine.
Le tremblement des membres et du corps dans les diffé-
rentes maladies nerveuses était jusqu'à ce jour enregistré cli-
niquement par des appareils donnant pour la plupart le gra-
phique du tremblement relatif et non du tremblement
absolu; quant au tremblement de la langue ou de certains
muscles superficiels comme l'orbiculaire des lèvres, par
exemple, il n'avait pas encore été permis d'en obtenir le gra-
phique sur le cylindre enregistreur. '
Passons rapidement en revue les différents procédés em-
ployés jusqu'à ce jour.
L'appareil dont s'est servi M. le D1' Fernet (catalogue de
Ch. Verdin, novembre 1890, fig. 136), dans son Elude sur les
tremblements (Thèse d'agrégation, Paris, 1872), et. dont se
sert l'Ecole de la Salpétrière, se compose d'un tambour à réac-
tion de Marey muni d'une tige métallique permettant au ma-
lade de le tenir a la main. La paroi mobile du tambour, porte
à son centre une tige sur laquelle on visse une masse métalr
lique. , , ,
Les oscillations de la main tenant le tambour se transmettent,
Archives, t. XXVIII. il
162 PHYSIOLOGIE pathologique.
par l'intermédiaire d'un tube en caoutchouc, au tambour en-
registreur dont le style se meut sur le cylindre noirci. On
comprend facilement qu'avec cette technique on n'enregistre
que le tremblement relatif de la main tenant le tambour
(c'est-à-dire en état de contraction musculaire). Je dis que le
tremblement ainsi obtenu est relatif, car il faut une secousse
musculaire assez forte pour mettre en mouvement la masse
pesante que supporte la membrane de caoutchouc; par suite
des secousses musculaires, assez faibles pour ne pas déplacer
· (Vitesse lente).
la masse pesante, ne se trouveront pas enregistrées. Quant au
tremblement à l'état de repos il n'est pas permis d'en avoir le
graphique.
M. le D'' Dutil, danssonetude clinique des Tremblements hys-
tériques (Thèse de doctorat. Paris, 1891), se sert d'un pro-
cédé presque analogue, mais plus précis. Le tambour au lieu
d'être tenu à la main « est monté sur une plaque en métal
que l'on fixe solidement sur la surface dont on se propose
rig. 4. Tremblement de la main chez un Pailiiiisoii.
ENREGISTREMENT DES TREMBLEMENTS. 163
d'enregistrer les oscillations ». Avec ce procédé on obtient le
raphique du tremblement sans que le malade ait à faire le
moindre effort. Néanmoins c'est toujours le tremblement RE-
LATIF qui est enregistré et non le tremblement absolu ; une
certaine partie du travail étant employée à déplacer la masse
métallique fixée sur la membrane de caoutchouc.
M. le Dr Dutil, pour des oscillations trop violentes, explore
« directement les muscles en appliquant un tambour myogra-
phique soit sur la face postérieure de l'avant-bras, soit sur la
région antérieure delà cuisse ».
Avec cette technique on enregistre la contraction mus-
culaire du muscle sur lequel porte le tambour myographique
et non le tremblement du membre dans sa totalité.
Fubini (Novo metodo pe scrioere il tre ? îzo2,e, Ann. u7ziv. de
med. e clair., Milano, 1886, col. XXVII, 391-339) décrit un ap-
pareil permettant d'enregistrer le tremblement absolu de la
main ET DE L'AVANT-BRAS seulement, et ne pouvant s'em-
ployer que pour des oscillations ne dépassant pas une certaine
amplitude.
Le procédé photographique plus précis que les précédents,
comme le fait remarquer M. le Dr Dutil, c pourvu qu'on ait
soin de se placer dans des conditions invariables (même ob-
jectif, mise au point exacte, etc.) a, de plus, l'avantage de four-
nir des tracés qui indiquent la direction des oscillations et
dans le sens vertical et dans le sens transversal. Mais il, le
défautd'exiger un dispositif plus compliqué, d'être d'unmanie-
ment plus délicat que le procédé graphique ordinaire >; ce
n'est donc pas un procédé pratique en clinique.
Tous ces procédés ne permettent pas d'enregistrer le TREM-
BLEIfE\T DE LA LANGUE ET DE CERTAINS MUSCLES COMME L'09BI-
CULAIRE DES LÈVRES.
M. le Dr Féré, cherchant à enregistrer les mouvements
ataxiques de la langue, avait fait construire un appareil (cata-
logue C. Verdin, octobre 1830, fig. 137) se composant d'un
tambour de Marey portant un petit index fixé au centre de la
membrane de caoutchouc. Le tambour se termine par un tube
en métal, auquel s'adapte un tube en caoutchouc qui le met
ainsi en communication avec un deuxième tambour enregis-
treur. Le tube en métal glisse à frottement dans un support,
ce qui permet de rapprocher plus ou moins l'index de la
bouche du malade. Faisant tirer la langue au malade le style-
'164 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
remue chaque fois que la langue touche l'index. Cherchant,
au moyen de cet appareil, à enregistrer les mouvements de
la langue chez les paralytiques généraux et les alcooliques ai-
o-us, nous avons remarqué qu'il est très difficile d'obtenir des
malades de diriger exactement leur langue sur l'index et par
` (Vitesse lente).
suitede venirle toucher; tantôt le malade porte sa langue soit
au-dessus, soit au-dessous, tantôt il la retire en arrière et enfin
jamais il ne touche l'index d'une façon continue. D'un autre
côté, il est impossible d'enregistrer avec cet appareil les mou-
vements de la langue lorsqu'elle reposesur le plancher buccal ;
quant au tremblement fibrillaire, au tremblement VERMI-
culaire, il n'est pas possible d'en obtenir le graphique.
Après avoir cherché longtemps à enregistrer les tremble-
MENTS absolus des membres, de certains muscles, comme l'or-
biculaire des lèvres, de la langue maintenue hors de la bouche
Fig. 5. tremblement de la langue hors de la bouche
dans l'alcoolisme aigu.
ENREGISTREMENT DES TREMBLEMENTS. 165
ou dans la cavité buccale, nous avons été assez heureux pour
trouver un appareil donnant A. lui seul les graphiques de
ces différents tremblements.
Notre appareil se compose (fig. 6) de deux tambours de
de Marey, l'un* enregistreur M, l'autre N, à réaction, chargé
de transmettre au tambour M, au moyen d'un tube en caout-
chouc AB, les vibrations communiquées à la membrane
élastique ef par un crin de cheval CD, lequel est fixé à la mu-
queuse linguale ou à la peau d'une région quelconque du
corps au moyen d'un hameçon spécial L. La difficulté était
de tendre le fil de crin CD, de façon que dans toutes les posi-
tions de la langue ou des membres, la transmission puisse
se faire instantanément.
Le but eût été facile à atteindre si la langue ou les membres
du malade fournissaient des oscillations passant toujours par
un même point d'un axe, autour duquel se produiraient les
tremblements de la langue ou des membres; et encore, dans
ce cas, pour toutes les expériences, le fil CD n'aurait pas la
même tension, car on le tendrait en déplaçant avec la main
le tambour N ; on n'aurait par suite qu'une tension approxima-
tive et jamais la même pour toutes les expériences. Cette dis-
tance CD varie avec chaque déplacement de la langue, soit
que celle-ci change de volume, par suite de dimension, soit
que l'on fasse tirer plus ou moins la langue au malade.
,, 'l- Fig- 6-
166 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Nous avons cherché à obtenir une tension toujours cons-
tante dans le fil CD, pour les différentes positions que peuvent
occuper la langue ou les membres des sujets observés.
La solution nous l'avons trouvée en faisant glisser le fil CD
dans la gorge d'une poulie, P, excessivement légère, laquelle
est fixée au moyen d'une monture spéciale à une tige T très
mince, excessivement légère et pouvant monter et descendre
sans frottement dans un tube, E F fixé solidement sur un sup-
port H.
A l'extrémité du tube EF est adapté un petit ressort R qui
permet de fixer avec le pouce instantanément la tige T dans
un point quelconque de sa course dans le tube EF. Ainsi donc,
si ayant accroché l'hameçon à la langue, par exemple et
ayant placé la poulie P à cheval sur le fil CD, ce fil sera
tendu par le propre poids de la poulie et de sa tige, et, au
moment où nous voudrons enregistrer le tremblement, il nous
suffira d'appuyer sur le ressort R pour fixer la tige T, supprimer
ainsi LE poids de la poulie ET de sa tige, et permettre, par
suite, à la transmission des mouvements ou des vibrations de
la langue de se faire aisément par le fil CD actuellement tendu.
Remarquons que tant que l'on ne fixera pas la tige T au
moyen du ressort R, les mouvements de la langue ou des
membres ne se transmettent pas au style, mais seulement à la
tige T mobile dans le tube EF.
L'appareil enregistreur se compose d'un cylindre enregis-
treur mis en mouvement au moyen d'un système d'horlogerie
avec régulateur de Foucault. '
Technique. 1° POUR LE tremblement DE la langue et
DE L'ORBICULAIRE DES LÈVRES : agir comme il est indiqué précé-
demment (fig. 6), en ayant soin de fixer au préalable la tête du
Fig. 7. Tremblement de l'orbiculaire des lèvres
dans la paralysie générale.
AMNÉSIE rétro-antérograde. 167
malade assis à un support, afin de ne pas enregistrer en même
temps les mouvements du corps ou de la tête. Exemple : fig. 5,
fig. 6 et fig. 7. ( Vitesse lente.)
2° Pour LE tremblement des membres : accrocher l'ha-
meçon à la pulpe d'un doigt ou à un point quelconque du
membre. Si le tremblement se fait plutôt dans le sens verti-
cal, disposer l'appareil comme dans la figure 4 ; si au con-
traire le tremblement s'exécute surtout dans le plan horizon-
tal, disposer l'appareil comme dans la figure 3.
> 3° Pour LE tremblement du corps : le malade étant cou-
ché ou assis, se servir de l'appareil comme pour l'enregistre-
ment du tremblement de la langue (fig. 3).
> Tous les graphiques ci-dessus, obtenus avec notre appareil,
sont pris avec le même style et à la vitesse lente du cylindre
enregistreur, à régulateur de Foucault. '
CLINIQUE NERVEUSE
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE A TYPE CONTINU
ET PROGRESSIF PAR CHOC MORAL;
Par EDOUARD TOULOUSE, médecin de l'asile Saint-Yon.
Les observations circonstanciées d'amnésie ne sont pas encore
très nombreuses. Parmi elles, celles qui se rapportent à des
troubles de la mémoire, consécutives à des émotions morales
sont en très petit nombre. Lunier', M. Ribot 2, M. Rouillàrd3,
1 Lunier. De l'influence des grandes commot. polit. et sociales sur
le développement des mal. ment. A ? in. méd.-psycla., 1874, t. XI, p. 350.
' Ribot. Les maladies de la mémoire, 8e édition, 1893, p. 69.
' Rouillai d. Essai sur les amnésies, 1885, p. 84.
Fig. 8. Tremblement vermiculaire de la langue dans la
- paralysie générale.
168 CLINIQUE NERVEUSE.
M. Arnozan ? Charcot et M. Féré en ont cité quelques cas.
Encore la plupart de ces observations sembleraient devoir
être rapportées à l'hystérie. C'est l'opinion plus ou moins
explicitement exprimée par M. Solfier1 et par M. Souques$ 5
dans deux''travaux récents. Les malades ont présenté presque
toujours une tendance à la guérison rapide, et certains phé-
nomènes pathognomoniques, tels que la reproduction, dans
des états hypnotiques, des souvenirs disparus. Il m'a donc
paru intéressant de publier l'histoire d'une malade atteinte, à
la suite d'une émotion, d'une amnésie rétro-antérograde très
étendue, à marche progressive, et où la névrose hystérique ne
semble pas devoir être incriminée ni dans l'étiologie ni dans
le mécanisme. -
Voici l'observation de ce cas :
Le 6 septembre 1891 était amenée à l'asile Saint-Yon une femme
qui y était envoyée par les soins de l'administration de l'Hôtel-
Dieu de Rouen où. elle se trouvait en traitement. On n'avait pas
voulu la conserver dans cet hôpital parce que la nuit elle se levait
quelquefois et troublait le repos de ses camarades de salle, et
qu'elle ne paraissait pas avoir toute sa raison, car' elle ne recon-
naissait pas toujours son lit. On ajoutait, peut-être pour donner
de plus sérieux prétextes à sa séquestration, qu'elle avait manifesté
le désir de se tuer et qu'elle voyait aussi des êtres imaginaires.
A l'asile, on constata que cette femme était incapable de donner
aucun renseignement sur elle-même, son passé, son entrée à
l'hôpital, son genre de vie antérieure et les divers événements
auxquels elle avait été mêlée dans ces dernières années. Outre
cette amnésie, très étendue, et probablement à cause de cette
faiblesse de la mémoire, dont elle avait conscience et dont elle
souffrait, elle présentait un état général de dépression et de tris-
tesse qui en faisait, pour le certificat de vingt-quatre heures, une
mélancolique simple sans hallucinations. On fut obligé de recourir
aux renseignements que la mairie et le commissariat de police font
prendre, dans tous les cas de séquestration d'office, par diverses
personnes, et notamment par un médecin, et qui sont transmis à
l'asile. On apprit alors que cette femme s'appelait B..., qu'elle
1 Arnoza'n. 4n ! K. rétrograde à la suite d'émotion morale. (Bull.
Soc. méd. clin., Bordeaux, 1887, p. 588.)
' Charcot. Sur un cas d'amnésie rétro-antérograde probablement
d'origine hystérique. ( Rev. de méd., février 1892).
' Féré. La pathologie des émotions, 1892, p. 325.
* Sollier. Les troubles de la mémoire, p. 188 et suiv.
Souques. - Essai sur l'amnésie rétro-antérograde... (Rev. c ! 6Me-
decine, 1892, p. 367 et 867.)
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 169
avait cinquante-quatre ans, étant née le 25 février 1837, qu'elle
était célibataire, sans parents, et avait exercé jadis le métier
de lingère. Elle était devenue malade à la suite de l'incendie de
la maison qu'elle habitait rue de la R..., 9, et qui avait éclaté
quelques années avant. Dans ces derniers temps, elle était domi-
ciliée rue Saint-H..., 126, où elle demeurait depuis le mois de jan-
vier dernier. On l'avait trouvée quelques jours auparavant errante
dans les rues de Rouen et n'ayant pas mangé depuis trois jours.
Je me suis livré aune enquête qui m'a permis de préciser et de
compléter ces renseignements ; mais je n'en ai recueilli aucun
sur les antécédents-héréditaires de cette malade. Il y a quelques
années, Mme B... vivait rue de la R... 9, à Rouen, dans une petite
maison attenant à un moulin. Elle sous-louait ses appartements
meublés et menait une vie très régulière, ne se livrant à aucun
excès alcoolique ou autre. Quelque temps auparavant elle avait été
abandonnée par son amant, ce qui l'avait beaucoup affectée. Elle
était d'ordinaire triste et peu communicative et manquait d'éner-
gie ; cependant elle ne paraissait atteinte d'aucun trouble nerveux
ni mental apparent... .
L'incendie de la maison où elle habitait eut lieu dans les pre-
miers mois de 1887. Mm0 B... putsauverses bijoux et quelques-uns
de ses meubles. Malheureusement elle avait négligé de payer la
dernière annuité de ses assurances et, malgré un procès qu'elle
intenta ultérieurement à la Compagnie en cause, ne fut pas dé-
dommagée de ses pertes. Le lendemain de l'accident, 111 ? B...
élait installée dans un petit logement d'une maison voisine; ses
amies la trouvèrent dès ce moment complètement changée. Elle
paraissait perdue, ne sachant pas trop ce qu'elle faisait, gémissant
sur sa situation et incapable d'agir pour se tirer d'affaire. Durant
les quelques mois qu'elle passa dans ce logement, elle ne rangea pas
ses meubles, qui restèrent tout le temps à la place où on les avait
mis primitivement. Mme B... sortait peu, ou, quand elle quittait
son domicile, c'était pour rester parfois jusqu'à huit jours dehors,
- Que faisait-elle dans ses longues sorties ? Se perdait-elle dans les
rues ? Je n'ai pu le savoir. Ce qui est soir c'est qu'elle ne pouvait se
livrer à aucun travail nécessaire à son existence. Elle se désolait,
reconnaissait son impuissance et manifestait des idées de suicide.
Mais ce qui est important à relever, c'est que sa mémoire était
manifestement diminuée; elle en paraissait tout hébétée. Cependant
elle pouvait encore se conduire tant bien que mal et vivait en utili-
sant ses dernières ressources et en vendant peu à peu ses meubles et
ses bijoux.
Elle changea plusieurs fois de domicile parce que, disait-elle à
une de ses amies, on la traitait de folle, bien qu'elle n'émît à aucun
moment d'idées délirantes. Dix-huit mois environ après l'incendie,
elle trouva une place de concierge, et ce fut le seul travail auquel
170 CLINIQUE NERVEUSE.
elle se livra avant d'entrer à l'asile. Mais elle ne put rester que
très peu de temps dans sa loge ; elle ne pouvait faire aucun service
sérieux et les locataires la traitaient encore de folle, d'imbécile.
Enfin, après quelques. pérégrinations à travers des logements de
plus en plus misérables et après avoir épuisé ses dernières res-
sources, on la ramassa un jour errant dans les rues de la ville
n'ayant pas mangé depuis quelque temps et ne sachant donner sur
elle-même aucune indication précise. '
Un point semble établi, c'est que l'incendie a provoqué cet état
d'amnésie et d'aboulie que l'on constate encore aujourd'hui chez
Alme B... et qui la faisait ressembler à une aliénée. Mais le choc
moral de l'incendie ne paraît. pas avoir agi à la façon des chocs
traumatiques ; il ne semble pas qu'il y ait eu de la stupeur suivie de
dysmnésie. L'affaiblissement de la mémoire a dû, bien que consé-
cutif à l'accident, se développer peu à peu et suivre une marche
progressive, car la malade a pu pendant un certain temps encore
vivre de la vie commune, quoique bien difficilement. Cela permet-
il de penser que le terrain était prédisposé de longue date à cette
évolution particulière ? Quoiqu'il en soit, le choc de l'incendie a été
aidé dans sa puissance étiologique par les émotions de la perte du
procès et les fatigues morales et physiques qui escortent d'ordinaire
la misère. Ajoutons que la malade ne présente pas de traces de
syphilis ni, comme on le verra, de stigmates hystériques, ni de
signes de maladies organiques de l'encéphale, et qu'en fin de
compte son amnésie doit être rattachée à une émotion morale qui
a joué là le rôle de cause plus ou moins efficiente.
Au moment de son entrée, le trouble mental principal que
présentait Mme B... était donc une amnésie qui paraissait
causée par l'émotion de l'incendie de sa maison, et qui s'éten-
dait sur la période de sa vie consécutive à cet accident et
remontait même plus ou moins loin dans le passé de la malade.
En outre il existait une incapacité profonde de fixer de nou-
veaux souvenirs ». En d'autres termes, Je diagnostic de ces
troubles de la mémoire pouvait se formuler de cette manière :
Amnésie rétrograde et antérograde de reproduction et de conser-
vation. Il n'existait pas d'idées délirantes bien caractérisées
ni d'hallucinations. La malade était assez docile et aidait le
personnel du quartier dans de menues besognes, où cepen-
dant on était obligé de la guider en quelque sorte à la main;
car elle oubliait aussitôt les ordres qu'on lui donnait.
' M. Solfier (ouvr. cité) a eu raison d'insister sur cette division de
l'amnésie antérograde, qui peut porter sur la conservation ou sur la
reproduction des souvenirs.
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 171
· Je n'ai pu voir cette femme qu'une année environ après son
entrée à l'asile. Je l'ai trouvée telle que les certificats et les
notes laissées sur elle au début de son internement la décri-
' vaient. Je l'ai interrogée à diverses reprises depuis mon pre-
mier examen, et enfin tout récemment je l'ai encore revue
avec soin. Je n'ai jamais constaté de changement notable dans
l'état de sa mémoire, si ce n'est qu'elle paraît s'affaiblir pro-
gressivement plutôt que tendre à se restaurer. Aussi, pour
éviter des redites, je décrirai les phénomènes morbides actuels
que présente cette malade, en indiquant parfois les change-
ments que j'ai pu noter dans leur évolution.
Examei2 somatique. - Mme B... est une femme de cinquante-sept
ans, grande, sèche, assez bien musclée. La peau, surtout au vi-
sage, est blafarde, de teinte terreuse ; les cheveux sont presque
blancs. Ni la tête ni le corps ne présentent de vices de conforma-
tion accusés.
La physionomie exprime la tristesse ; les yeux sont, quand elle
est assise, fixés à terre et le regard est vague; les traits de la figure
tombent. La voix est plutôt basse, faible, sans timbre; la parole est
monotone et lente. La force n'est pas grande, malgré des muscles
assez volumineux. Leur contraction n'est pas brusque et donne,
au dynamomètre, une indication moyenne de 23° pour la main
droite et de 19° pour la main gauche. Cette faiblesse de la pression
dynamométrique, qui est un acte au plus haut point volontaire
dont la principale condition est une conscience nette de l'effort
à produire est, dans ce cas, très compréhensible. Ce fait concorde
avec les résultats que j'ai obtenus chez les aliénés», où la force de
pression dynamométrique n'est point tant en rapport avec le
développement de la musculature qu'avec l'état de lucidité
et de conscience du malade. Mme B... étant dépourvue d'atten-
tion et se représentant mal, par suite de son amnésie, le mou-
vement à exécuter, ne peut avoir une pression dynamométrique
élevée. Il faut encore noter que, chez elle, la force de cette pres-
sion est assez variable et augmente d'une façon très évidente lors-
qu'on parvient à attirer l'attention du sujet et qu'on l'y maintient
quelque temps sur l'acte commandé.
La sensibilité ne présente pas de troubles notables. Elle sent sur
.tous les points de son corps, au contact et à la pression, et localise
assez facilement les sensations. Il n'a pas été possible de détermi-
ner bien exactement la distance minima à laquelle sont perçues les
. ' Recherches dynamométriques chez les aliénés, comm. à la Société de
biologie (3 juin 1893). De la dynamométrie chez les aliénés. (Bull.
de la Soc. méd. ment, de Belgique, 1893, p. 161.) ,
172 G), CLINIQUE NERVEUSE.
deux pointes de l'aesthésiométre, car la malade, dont le cerveau se
fatigue vite, ce qui occasionne une douleur de tête, se prête mal à
ces investigations minutieuses. Elle paraît sentir avec un léger
retard apparent, ce qui tient sans doute à une certaine paresse
psychique générale. Elle peut enfin dire assez nettement quels
dessins élémentaires, de lettres ou d'autres objets, on trace sur sa
peau avec une épingle pendant qu'elle a les yeux bandés.
La sensibilité à la douleur est conservée, bien qu'un peu obtuse.
De même pour la sensibilité à la chaleur. La malade différencie les
corps chauds des corps froids, et se dérobe lorsque la température
d'un objet est trop élevée, dépasse par exemple 50°.
Le sens musculaire ne paraît pas troublé. 1-1 B... indique
la position de ses membres. D'autre part, elle exécute assez faci-
lement, quoique lentement et les yeux bandés, certains mouve-
ment, tels que ceux de porter un de ses doigts dans son oreille ou
sur le nez ou sur un objet qu'elle vient de voir sur une table voi-
sine. 11 faut cependant noter ce sur quoi je reviendrai plus
loin que l'écriture est plus incorrecte lorsque le sens de la
vue ne peut s'exercer. Elle marche et se tient en équilibre assez
facilement quand ses yeux sont voilés.
Les réflexes sont tous conservés et d'intensité normale. Parmi
les tendineux, je citerai notamment le réflexe patellaire, qui est
très apparent. Les autres, les réflexes antibrachiaux et du poignet
sont à peine sensibles. L'excitation de la conjonctive, de la mu-
queuse du pharynx, de celle du nez produit du clignement et des
mouvements de déglutition et des narines.
Les pupilles sont moyennement dilatées, sensibles à la lumière
et à l'accommodation aux distances. L'acuité visuelle est faible;
mais cela doit tenir au défaut de transparence des 'cristallins, qui
sont légèrement nuageux. Le champ visuel parait rétréci; je n'ai
pu le circonscrire exactement, car Mme B... se fatigue vite et ne
se soumet pas aux explorations de quelque durée sur ses sens;
elle ne répond plus alors aux questions posées. La malade trie
des laines appartenant aux principales couleurs du prisme et me
les nomme ; elle reconnaît parfois des nuances qu'elle ne peut me
désigner. Les images des couleurs paraissent mieux conservées
que les images verbales correspondantes. '
L'acuité auditive est quelque peu diminuée. Les sensations de
l'ouïe sont extériorisées et assez bien situées dans l'espace.
Elle semble reconnaître certaines odeurs familières, telles que la
menthe, la fleur d'oranger, mais ne les nomme pas; toutefois,
quand je dis leurs noms, elle se les rappelle. Enfin, elle désigne
facilement les saveurs sucrées, salées et amères (quinine) ; l'acide
acétique lui paraît salé.
En somme, il n'existe pas de troubles bien nets de la sensibilité,
ou tout au moins le mode usuel de nos explorations ne permet
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 173
pas de les metlre en lumière. Mais il n'y a pas d'anesthésies, d'hy-
peresthésies, d'achromatopsies, telles qu'elles se manifestent d'or-
dinaire dans certaines névroses, dans l'hystérie. Ce qu'on peut
dire, c'est que, d'une façon générale, les sensations., sont perçues
lentement, faiblement, et déterminent une réaction, notamment de
douleur, très légère; ceci est probablement en rapport avec l'état
d'asthénie psychique. ,
Pour terminer avec cet examen somatique, je dirai que la ma-
lade n'est plus réglée, que ses fonctions digestives, quoiqu'un
peu paresseuses, s'exécutent bien. L'appétit est satisfaisant; il n'y
a pas de troubles gastriques ni intestinaux. Mm0 B... n'oublie pas
d'uriner. L'auscultation du coeur ne décèle qu'un certain éclat du
deuxième bruit à la base ; les pulsations sont en général lentes.
On ne constate pas d'athérome appréciable sur les artères que
l'on peut explorer. La respiration est superficielle et de rythme
assez lent. La glande thyroïde ne présente rien d'anormal.
Examen psychique. Ce qui frappe tout d'abord, ce qui est de
beaucoup le plus important parmi les phénomènes intellectuels
morbides de Mmo B..., c'est l'amnésie.
L'étude de la mémoire de \Ie 13... doit comprendre trois parties :
état des souvenirs de la période de temps contemporaine du choc
moral, de celle qui l'a précédé et de celle qui l'a suivi.
De l'incendie, Alme B... ne se rappelle pas grand'chose ; et les
renseignements qu'elle donne sur ce point sont assez contradic-
toires. Elle dit se souvenir qu'elle habitait rue de la R..., 9, au
deuxième, lorsque l'incendie éclata, une nuit. Elle était couchée;
elle entendit des craquements, des cris : Au feu ! et des coups vio-
lemment frappés à sa porte. Elle se sauva dans l'escalier aidée par
des voisins et elle vit des flammes très hautes. On la conduisit alors
chez une voisine qui demeurait dans une maison située en face la
sienne. Or, de tous ses souvenirs, il n'y a de certain que celui de
sa demeure, rue de la R..., 9. Les autres n'ont pas été contrôlés,
ils sont d'ailleurs si banals et si peu circonstanciés qu'ils peuvent
très bien être des réminiscences de conversations qu'elle a dû avoir
ultérieurement avec d'autres personnessur cesujet. Rien ne prouve
même qu'ils ne représentent pas une création de son esprit, bro-
dant sur ce souvenir vague d'incendie, et qu'elle ne raconte en
somme les choses comme il est probable qu'elles ont dû se passer
et non comme elles sont arrivées exactement. D'ailleurs elle se
contredit dans les détails et dit tantôt qu'elle a fini la nuit chez
une demoiselle de ses amies et tantôt chez ses parents. D'autre
part il lui est impossible de dire la date, même très approximative,
de l'accident, ni combien de temps il s'est écoulé depuis, ni com-
ment elle était vêtue quand elle s'est sauvée de chez elle, ni le nom
des personnes qui sont venues la prévenir, ni ce qu'elle a fait dans
174 CLINIQUE NERVEUSE. -
les heures qui ont suivi, ni enfin aucune particularité qui pourrait
donner plus de vraisemblance à ses'souvenirs.
Un fait semble l'avoir frappée, ce sont les flammes. Elle dit
qu'elle les revoit toujours en pensée, et que le soir, lorsqu'elle
ferme les yeux, elle les a encore devant elle, très hautes et très
lumineuses. Ceci cadre assez avec ce fait que les images visuelles
paraissent chez elle avoir été mieux conservées dans sa mémoire
que les résidus des autres sensations. Mais cette idée de flammes
peut aussi être venue après coup et même ne pas correspondre du
tout avec la réalité; il ne serait pas extraordinaire, en effet, qu'elle
se soit sauvée sans voir le feu. "
Ainsi les souvenirs correspondant à l'accident ne sont pas
nombreux et ne semblent.pas être tous exacts. Il m'a' donc été
impossible d'établir avec certitude si le dernier qu'elle se rappelle
est visuel ou auditif, lié à un état émotif ou autre, attendu surtout
qu'il n'y a pas eu de scission nette dans la mémoire de -M"10 B...
L'exploration du champ de la mémoire postérieure à l'acci-
dent est vite faite, car elle est peu près négative. On ne trouve
que quelques rares et vagues réminiscences.' Tantôt Mme B... dit
qu'après l'incendie elle est'restée chez ses parents, tantôt qu'elle
vécut seule et travailla pour des maisons de lingerie. - " Il '
La vérité est qu'elle est incapable de se rappeler avec une cer-
taine lucidité quoi que ce soit de ce qui lui est arrivé dans ces
dernières années. Elle a oublié qu'elle a été concierge quelque
temps et elle proteste énergiquement quand je le lui apprends;
elle a oublié qu'elle a été à l'hôpital de Rouen et montre la même
ardeur à nier cet épisode de sa vie. De sa séquestration elle dit se
rappeler qu'une personne de sa connaissance, un nommé D ?
qu'elle traite d'escroc, lui aurait proposé de faire une promenade
en voiture et l'aurait ainsi emmenée à Saint-1'on; mais elle nepeut
fournir aucun autre renseignement plus circonstancié. Elle se sou-
vient êlre allée, il y a quatre ou cinq mois (or il y en a trente
qu'elle est à l'asile) chez son frère, à Paris, rue de la Chapelle. Elle
dit aussi se souvenir d'une certaine fête du 14 juillet, à laquelle
elle aurait pris part; mais elle n'est pas sûre que ce soit un 14 juil-
let antérieur ou postérieur à l'incendie. De même elle prétend un
jour que son père et sa mère sont morts l'un avant et l'autre après
l'accident; et d'autres fois elle établit une chronologie différente.
Cependant elle affirme se rappeler certains détails, par exemple
les adieux de sa mère et que son père toussait avant de mourir ;
elle se souviendrait très nettement de leurs figures sur leurs lits
de mort. * ' '
Pour ce qui est des événements les plus récents, elle ne peut
me dire depuis combien de temps elle est à l'asile, le nom de son
quartier, ceux des médecins qu'elle voit tous les matins. Cependant
elle se rappelle que je l'ai examinée plusieurs fois. Quelques im-
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 1-15
pressions, bien que très peu nombreuses, restent dans certaines
conditions dans sa mémoire ; je reviendrai d'ailleurs là-dessus.
Mais, en résumé, les souvenirs de la période qui a suivi l'accident
sont à peu près nuls; il y a dans sa mémoire une lacune énorme
qui s'agrandit tous les jours. Un va voir que la lacune qui précède
l'accident n'est pas moins considérable. ,
D'abord elle ne se rappelle aucun fait qui a précédé immédiate-
ment l'incendie. Les souvenirs de la période antérieure à l'émotion
du feu sont plus nombreux et disséminés'. Interrogée sur son âge,
elle répond tantôt qu'elle a trente-huit ans, et tantôt cinquante-
trois ans (elle en a cinquante-sept), et qu'elle est née en 1830,
alors qu'elle est venue au monde en 1837, dans le département de
la Somme et quelquefois à Rouen. On a lu plus haut qu'elle ne
sait pas exactement quand son père et sa mère sont morts. Parfois
elle dit que ses parents étaient cabaretiers, parfois qu'ils vendaient
de la toile à sac, et d'autres fo is encore qu'ils étaient cultivateurs
Où étaient leurs propriétés ? Rue R..., 9, répond-elle. Cette
adresse est donnée par elle chaque fois qu'on lui en demande
une, celle de ses amies, de l'église dans laquelle elle a fait sa
première communion, ou de l'école qu'elle a fréquentée étant
enfant. On se rappelle que cette rue et ce numéro sont ceux de la
maison qu'elle habitait lors de l'incendie.
,Elle affirme un jour qu'ils étaient neuf enfants, et une autre fois
sept seulement. Elle est cependant d'accord avec elle-même sur son
frère aîné, qui habiterait Paris, et sur un autre frère qui aurait
disparu en- 1870. Encore parait-elle dédoubler quelquefois ce frère
en un que l'on n'aurait plus retrouvé après la guerre et en un
autre qui aurait été tué durant ces événements. Il semble aussi
qu'il est vrai qu'elle a eu quatre soeurs. Mais que sont-elles deve-
nues ? Vivent-elles encore ? Elle ne peut le dire.
Elle prétend se souvenir qu'elle a fait sa première communion ;
mais où ? quand ? Elle l'ignore. Quels parents, quels amis, étaient
à la fête, qu'elle prétend avoir eu lieu ? Elle ne sait pas. Parmi
ses amis, elle cite deux ou trois noms, avec leurs professions, mais
ne connaît plus leurs adresses. Voilà en somme tout ou à peu près
tout ce qu'elle se rappelle des événements de sa vie antérieure à
l'accident. Mais il lui reste d'autres souvenirs. D'abord la plus
grande partie de ce qu'on est convenu d'appeler la mémoire orga-
nique n'est pas abolie, puisque la malade peut marcher, manger,
balayer, se coucher, enfin se livrer aux mille actes de la vie auto-
matique. Des acquisitions relativement au langage, à la parole, à
l'écriture, et à quelques connaissances apprises à l'école, sont
demeurées dans son esprit à l'état de souvenirs, parce que, d'un
usage plus fréquent, ils se sont plus profondément fixés dans sa
mémoire. Etudier ce reliquat c'est circonscrire exactement l'éten-
due de l'amnésie.
176 CLINIQUE NERVEUSE
La malade peut me citer sans erreur toutes les lettres de l'al-
phabet ; de même elle les reconnaît facilement quand elles les
voit écrites. Mais il lui est plus difficile de les écrire elle-même
dans l'ordre alphabétique, exercice auquel elle n'est pas habituée.
Ainsi hésite-t-elle pour f, h, i, j, k, l, p, y et z, qu'elle ne peut
arriver à former. Or si je lui dicte des mots qui contiennent
une de ces lettres; comme : gira/e, jardin, lendemain, aujour-
d«hui, eeL...,-elle les écrit sans tâtonner. Lorsque les lettres en
question commencent un mut, elle hésite davantage, comme dans
Aonneur. Tous ces faits s'expliquent facilement d'eux-mêmes : dans
l'amnésie, ce sont les souvenirs les moins stables, ceux qui repré-
sentent des faits moins usuels qui tendent surtout à di'paraitre.
Mme R... lit assez couramment, bien mieux qu'elle n'écrit.
Je lui dicte divers mots et phrases, par exemple ceci : « Je suis
à l'asile, il fait beau aujourd'hui, nous sommes allés nous promener
hier, f irai demain ci la campagne. » Son écriture est hésitante ; on
sent qu'elle n'a jamais été beaucoup exercée. Cependant malgré
une instruction rudimentaire, beaucoup de mots sont correctement
écrits et quelques règles de grammaire sont appliquées, mais on
constate que des mots et des lettres sont oubliés ; ainsi elle écrira
jtli ? z pour jardin, nous aller pour nous sommes allés. J'essaye de
déterminer à quel genre de type verbal ma malade peut appar-
tenir. Il est probable que les images auditives doivent, étant
donné son peu d'instruction, avoir chez elle un rôle important.
Cependant les images visuelles semblent tenir une place considé-
rable dans sa mémoire des signes du langage. Cela cadre d'ailleurs
avec ce fait que ma malade se rappelle surtout des souvenirs
visuels. Lorsque je lui fais écrire les yeux fermés, des lettres ou des
mots, elle éprouve une difficulté extrême et n'arrive le plus sou-
vent qu'à tracer des caractères informes ou incomplets; en outre
elle est rarement capable de me dire la lettre qu'elle est en train
de tracer au moment où je l'arrête. Ou conçoit d'ailleurs que, vu
la faiblesse de toutes ces images et surtout des graphiques, si peu
répétées jadis, elle soit très embarrassée pour exécuter cet exer-
cice. D'une façon générale les mots évoquent les objets et rare-
ment leurs images verbales.
Je l'interroge sur le calcul et lui pose diverses questions qu'elle
résout ainsi :
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 177
table de Pythagore que sur les additions; c'est que la première est
généralement apprise par coeur et que sa récitation devient en
quelque sorte automatique.
Après le langage et le calcul, les autres connaissances sont encore
moins solides, parce qu'elles servent moins. Ma malade sait très
peu de choses en histoire. La mort de Napoléon le, évoque en elle
l'idée du premier empire, Louis XIV celle d'un roi de France ;
comme je lui demande ce qu'était Colbert, elle me répond que
c'est un personnage de l'histoire de France. En revanche elle ne
peut me dire qui est président de la République aujourd'hui et ce
qu'était Mac-Mahon. Elle est de même incapable de me citer le nom
du dernier maire de Rouen qu'elle a connu. C'est d'ailleurs un fait
que je constate souvent dans des états de confusion mentale, où il
existe une certaine forme d'amnésie. Les malades me citent parfois
les rois de la première dynastie et ne savent pas ce qu'était Gam-
betta, Thiers ou Ferry. C'est que les faits d'histoire appris à l'école
par coeur et dans l'enfance se fixent solidement dans nos celluies.
Ainsi ma malade, qui ne peut me dire pour quelles maisons elle
travaillait à Rouen, sait que Bordeaux est une grande ville du sud et
un port de commerce, que l'Italie est un beau pays, dont la capi-
tale est Rome, que l'Afrique est une contrée très lointaine où se
trouve l'Algérie. '
La musique a laissé chez elle des impressions plus fortes. Elle
l'aimait beaucoup d'ailleurs et elle se rappelle que quand elle était -
jeune elle fréquentait le théâtre des Arts et chantait des airs
d'opéra.
Je l'interroge là-dessus. Je lui fredonne des airs des Huguenots,
du Prophète et de Mignon ; elle en reconnaît plusieurs. Elle me
chante, sur ma prière, les premières notes de Dieu que ma voix
implore (du Trouvère), de Ange si pur que dans un songe et de
Leonor, mon amour brave (de la Favorite), de Toi que l'oiseau ne
suivrait pas (de Guillaume Tell), et de L'amour est enfant de Bohème
(de Carmen).
J'ai dit plus haut que la mémoire organique était en partie con-
servée. Ainsi elle marche, elle mange en se servant avec une cer-
taine adresse des ustensiles de table, elle coud, bien que des choses
faciles, de gros ourlets pour les draps. Je la fais danser et elle se
rappelle certains pas qu'elle exécute.
En résumé, si elle n'a presque aucun souvenir de son existence
concernant les événements qui lui sont arrivés, les gens qu'elle a
connus et les lieux qu'elle a habités, elle possède encore dans sa
mémoire une foule de faits, notamment touchant le langage et les
gestes de la vie automatique, qui lui suffisent pour jouer encore
son rôle dans l'existence. Elle cause, elle comprend ce qu'on lui
dit, elle discute, elle a des émotions, elle fait quelques petits tra-
vaux, elle vit enfin d'une vie psychique qui, bien qu'étroite, a encore
Archives, t. XXVIII. 12
178 CLINIQUE, NERVEUSE.
un certain horizon. Et c'est en cela qu'elle est curieuse à étudier et
qu'elle se différencie d'une démente, malgré les lacunes énormes de
sa mémoire et malgré surtout son incapacité radicale, absolue de
fixer de nouveaux souvenirs. Car c'est là un des points intéressants
à étudier de cette amnésie.. t ' Jz r
M™eB... est incapable d'une attention quelque peu prolongée
Elle est tout de suite distraite, et, si on la maintient de force sur
un sujet, elle accuse un mal de tête très pénible. Elle ne peut
retenir qu'avec la plus grande difficulté une sensation nouvelle ?
On a vu qu'elle ne sait pas le nom des médecins, ni celui de son
quartier; si on lui donne un ordre, il faut le lui diviser dans toutes
ses parties, sans quoi elle ne l'exécutera qu'à demi. Si on lui dit de
laver les verres, elle le fera, mais ne les essuiera que si on lui met
la serviette entre les mains.. . , ,
..Pour lui faire approprier une petite salle, il .faut lui indiquer,
détail par détail, toute sa besogne, balayer le parquet, ranger les
chaises, essuyer une table. Lorsqu'on l'envoie en course dans un
quartier voisin, elle se perd souvent en route ; le soir il lui est
arrivé de ne pas reconnaître son lit. Le matin elle ne pensejamais
à vider son vase, si on ne le lui dit pas. t, , , n
J'ai essayé de. déterminer Ja persistance des diverses images sen-
sorielles. Je lui montre divers objets, un crayon, un livre, et des
laines de toutes les couleurs. Cinq minutes environ après, je lui
demande ce que je lui ai fait voir, elle ne se rappelle pas; cepen-
dant quand je lui remontre les objets, elle semble les reconnaître,
et, parmi les laines par exemple, me cite les vertes et les brunes.
, J'expérimente alors l'état de la mémoire verbale. Je lui cite des
mots familiers tels que maison, jour, table ; après lui avoir parlé
d'autre chose pour détourner quelque peu son attention, et une
minute seulement après, je l'interroge. Elle se rappelle le mot
maison, mais a oublié les autres, qu'elle ne reconnaît pas,, même
quand je les lui répète. Je lui dicte d'autres mots, tels que chaise,
jardin, plante ; une minute après, elle ne se souvient de rien. Je lui
mets la plume entre les mains et la prie de les écrire ; mais elle ne
peut pas. Elle lit des mots que j'écris pour elle ; et deux minutes
après elle ne se les rappelle pas et ne les reconnaît pas.
On voit donc que les trois groupes de sensations verbales, audi-
tives, visuelles et graphiques laissent des souvenirs à peu, près nuls.
Je n'ai pu expérimenter sur les sensations verbales motrices d'arti-
culation.
-,Les sensations tactiles sont aussi impuissantes à réveiller des
souvenirs exacts ; mais cependant elle se les rappelle quelquefois
vaguement. Ainsi je lui pique le front et la main gauche en attirant z
son attention là-dessus. Dix minutes après, interrogée, elle répond
qu'elle a été piquée, mais elle a oublié la piqûre du front et croit
que l'autre a porté sur la main droite. Je trace sur sa peau avec une
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 179
épingle des dessins, par exemple une circonférence, une croix,* une
M.' Elle les perçoit^' les yeux fixés -ailleurs, mais deux minutes s'é-
taient écoulés qu'elle était incapable de me dire ce que je' lui avais
dessiné sur la peau. Il en est de même pour les odeurs et pour les
saveurs. Toutefois, deux minutes après l'expérience elle peut me
citer la'quinine, mais il est' probable qu'elle en a encore le goût ,
amer dans la bouche. '* ' '- ? < ! ' ' ' . 1 J
Cette amnésie a des conséquences sur ses jugements. Ainsi elle
ne sait jamais exactement la saison ni l'heure actuelle. Elle se fie
en général sur l'état du ciel. " * 'li- .' ' -
^Le 3 février à 10 heures du matin, elle me dit que nous sommes
en automne et' dans *'l'après-midi : Comme je lui manifeste mon
élonnement, et que je lui demande sur quoi elle s'est basée pour
admettre ce fait, elle me répond que ce n'est pas la plus mauvaise
saison, 'mais que ce n'est pas la plus belle, et qu'il commence à faire
nuit : En effet, il ne fait ni très chaud, ni très froid, le ciel est cou-
vert et le jour est petit. Or, comme elle ne se rappelle pas que
l'hiver est passé ni qu'elle n'a pas déjeuné, elle en'conclut que *
nous sommes en automne et l'après-midi. ' ' ' > ·
De même elle ne sait pas apprécier le temps, qu'elle raccourcit
généralement, ayant toujours trop peu de faits pour le' remplir.
Ainsi elle dit être allée chez son frère il y a trois mois, qu'elle ne me
connaît'que depuis quatre ou cinq mois et qu'elle acinquante ans.
L'incendie delà rue de laR..., serait survenu, il y a deux oit trois ans.
Elle' manifeste quelques idées délirantes : qui sont certainement
aussi la conséquence de son amnésie. C'est ainsi qu'il lui arrive de
dire'que certains chapeaux ou manteaux qu'elle voit"mettre par
d'autres malades sont à elle et qu'ils lui ont'été volés. Elle sait en
effet qu'elle avait un petit mobilier et quelques effets; et comme
elle ignore comment elle les a perdus, elle en conclut qu'on les lui
a volés. Elle' accuse même le sieur D... qui'l'a accompagnée à
Saint-Yon de s'être emparé de ses affaires. l
Comme on le voit, son délire se réduit à quelques idées fausses,
au nombre de deux ou trois, nullement tenaces, et qui sont des
- tentatives d'explication de certains faits dont elle a oublié les inter-
médiaires. Elle est très apathique. Elle n'a jamais manifesté
d'autres conceptions délirantes, ni des idées de suicide, et elle n'a
jamais été excitée durant son séjour à l'asile. Elle a d'ailleurs par-
faitement conscience de sa situation mentale, et sait qu'elle a perdu
la mémoire, ce qui la chagrine beaucoup. Sa susceptibilité sur ce
point est même très grande. Ainsi lorsqu'elle a mal fait une chose,
on ne' le lui dit pas, car autrement elle bouderait de longues
heures. C'est pour cela, à cause de mes questions qui mettent en
lumière sa faiblesse de mémoire dont elle souffre, qu'elle se sou-
met difficilement à mes examens et qu'elle se les rappelle, non
180 ' CLINIQUE NERVEUSE.
pas dans les détails, mais dans l'état émotif désagréable qui les
accompagne et les suit. C'est ainsi que j'ai pu expliquer comment
durant les deux mois qui suivirent mon premier examen, au cours
duquel je lui avais soulevé la robe pour explorer ses réflexes du
genou,' elle refusa de revenir causer,avec moi, parlant vague-
ment de vilaines choses que je lui avais faites..11 me paraissait
extraordinaire que cette amnésique se, rappelât si longtemps un
détail d'examen. Or, j'ai cru me rendre compteque ce qui avait
persisté chez elle c'était non pas le souvenir précis de la manoeuvre
qui l'avait choquée, mais bien le souvenir de l'émotion désagréable
qui l'avait accompagnée*. ' ` 'CM1 ? . - . · « '> .-'.>-> ,» '
Malgré son incapacité à' fixer des souvenirs récents et une mé-
moires ! restreinte, aMme B ? 1 n'est pas une démente : ' Elle' parait
raisonnable et apprécie assez justement la plupart des choses qui se
passent autour d'elle. , La démence ne consiste donc pas simple-
ment ± dans l'affaiblissement de la mémoire et demande (d'au-
tres conditions psychologiques, surtout une incapacité de comparer
entre elles des sensations ou des images, d'établir des jugements.
Je connais des paralytiques généraux , et' des séniles .qui font
bien plus de souvenirs immédiats et anciens que Mme B...; et qui
cependant n'ont pas sa raison ! Chez eux, il'ÿ'a en plus du trouble,
de la confusion' dans les idées. Quoi qu'il en soit, il est curieux de
constater qu'avec un effondrement si complet de la mémoire et une
faiblesse si grande du pouvoir de la réviviscence des images, une
malade peut ne pas avoir la physionomie psychique d'une démente.
La. marche de cette amnésie générale. parait progressive., Loin
de tendre à s'améliorer comme il arrive souvent dans les cas de ce
genre quisurviennentchez des hystériques, la perte de la mémoire
semble être définitive chez M018 B... et devenir de jour en jour plus
complète. ' ' ' ' ` '
J'ai essayé divers moyens thérapeutiques'. D'abord, j'ai voulu
rechercher s'il y avait persistance des souvenirs dans une autre per-
sonnalité coexistant avec la principale. J'ai mis en pratique le pro-
cédé de l'écriture automatique, procédé qui consiste à' mettre un
crayon ou une plume dans la main du sujet, et, tout en le distrayant,
à lui poser des questions qui s'adressent à une autre personnalité.
Je n'ai pas réussi, non plus qu'avec, l'hypnotisme. ^ ? ,
J'ai eu l'idée aussi de faire à cette malade des injections de
liquide orchitique; mais, à la quatrième séance, elle se refusait de
recevoir de nouvelles piqûres. Durant les trois premiers'jours, je
n'avais d'ailleurs constaté aucune amélioration sensible. ' ' '- '"
Enfin, j'avais pensé à expérimenter le traitement qu'ont imaginé,
pour un cas d'amnésie post-puerpérale, MM. Sé-las et Sollier', et
1 Séglas et Sollier. Fièvre puerpéral», amnésie, ataxie et abasie.
(Arch. de 11'eurol. 1890, n" 60, p. 386.)
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE 181
qui consiste à donner,' par divers procédés'artificiels, une plus
grande intensité aux impressions, par exemple en en associant
plusieurs ensemble, et aussi à rendre leurs souvenirs plus durables
par leur répétition ou en essayant de fixer l'attention tous les jours
davantage. Malheureusement' ma malade ne voulut pas, étant
donné sa susceptibilité particulière et son indocilité' pour tout ce
qui est examen médical, se' soumettre à ce traitement. ' '
Je me suis assez étendu sur chacun des points intéressants
de cette observation pour n'avoir pas à les discuter de nouveau.
De l'étude des faits,, il ressort très- nettement que ma malade
présente les symptômes d'une amnésie très étendue, portant
sur la période de temps contemporaine de l'accident, sur celle
qui l'a précédé (amnésie rétrograde) et celle qui l'a suivi (amné-
sie antérograde) et se manifestant aussi par une incapacité
absolue de fixer de nouveaux souvenirs. Ses caractères sont de
respecter la mémoire organique et certaines connaissances rela-
tives 'au langage et à des faits appris' durant' l'enfance* et très
souvent répétés depuis. A part ces notions plus ou moins bien
conservées, tout le reste des souvenirs acquis durant une exis-
tence assez longue a disparu, si bien que la division en amnésie
rétrograde et antérograde est quelque peu artificielle ; il s'agit
en somme, ici, d'une amnésie portant sur toute l'existence. La
malade n'a de son passé 'que des réminiscences, sans recon-
naissance précise, sans situation dans le temps ni dans l'espace.
Les souvenirs sont-ils complètement disparus ou peuvent-ils
. revenir un jour, c'est-à-dire existent-ils encore à l'état latent
dans une mémoire inconsciente ? Cette dernière hypothèse n'est
pas probable; dans aucun des états, de distraction, il n'a été
possible de ranimer un groupe de souvenirs effacés, et les ten-
tatives d'hypnose ont échoué. D'autre part, le champ de l'am-
nésie ne varie guère dans les multiples examens auxquels j'ai
soumis la malade, et l'on ne voit pas réapparaître un jour des 's
souvenirs qui étaient inconscients'à un autre moment. Les
réminiscences constatées 'sont presque toujours les mêmes;
leurs détails seuls diffèrent, mais elles portent 'toujours sur les
mêmes faits. ? .
Cette invariabilité du champ de l'amnésie, sa chronicité et son
allure progressive diffèrent beaucoup de ce que d'autres obser-
vateurs ont remarqué dans des cas analogues où les troubles
de la mémoire, ordinairement transitoires et disparaissant à de
certains moments, avaient une physionomie nettement fonc-
182 CLINIQUE NERVEUSE. '' "'
tionnelle. Faut-il pour cela admettre que les- souvenirs'sont
complètement perdus chez ma malade et qu'ils ne* pourront,
jamais revenir ? On ne sait pas encore 'assez comment les sen-
sations f s'emrriâgâsinent à l'état de résidus dansées- cellules
nerveuses^' quelles modifications elles'y4 déterminent et dans
quelles conditions elles peuvent disparaître et reparaître; pour
affirmer une pareille proposition. D'ailleurs, certains souve-
nirs ? notammÏnt"ce'ux- portant sur les signes du'langage ne
sont qu'éclipsés, puisqu'ils réapparaissent avec un effort d'atten-
tion ou par le moyen de quelque artifice d'association;. dans
ces cas comme dans bien d'autres, les faits, avant de sortir'de
la conscience, s'effacent temporairement. 'Il ' est probable
qu'entre lé champ de l'amnésie et celui de-la mémoire, il doit
exister une zone où les images sont de moins en moins éclai-
rées et de plus en plus irrégulièrement. 'Aussi doit-on seu-
lement, sans hasarder d'affirmation aventurée, faire remarquer
les différences qui semblent séparer cette vieille amnésie con-
tinue et progressive d'avec les autres décrites.' -1- 4,ï
L'incapacité de fixer de nouveaux souvenirs' est, chez
Mme B ? assez semblable à ce qu'on observe ailleurs. L'atten-
tion est nulle et les sensations disparaissent à mesure qu'elles
sont perçues. Cependant celles liées à un état émotif paraissent
être susceptibles d'une plus longue durée. 9' fp ?
Qu'y a-t-il sous cette faiblesse des cellules nerveuses à rete-
nir les sensations qui les ont irritées ? Un état d'épuisement
chronique comme le pense M. Féré ? Dans l'amnésie consécu-
tive à un choc moral ou à un traumatisme physique, comme
aussi dans des états de fatigue, la perception deviendrait'moins
intense, les excitations arriveraient à' la conscience plus' lente-
ment et plus faiblement, et il en résulterait en définitive une
diminution de la iétentivité de ces sensations *. Il y a certaine-
ment une condition particulière des cellules qui doit être'une
sorte d'épuisement, de fatigue chronique; mais quelles modifi-
cations anatomiques ou physiologiques suppose-t-elle ? L'étude
de la nutrition des malades de ce genre ' pourrait donner
quelques renseignements sur cette question, si les recherches
en cette matière étaient moins hérissées de difficultés. L'examen'
de l'urine de M-11 B..., fait par M. Lailler, le distingué phar-
macien de l'asile, a indiqué une diminution notable des phos-
phates terreux (0,25 centigrammes pour un litre). r ,1 j
1 Féré. Ouvr. cité, p. 325 et suiv. -
AMNÉSIE RÉTRO-ANTÉROGRADE. 183
Quant à la cause objective de ce trouble delà mémoire, il faut,
vraisemblablement, la voir dans une émotion. Par quel méca-
nisme a-t-elle agi sur-le cerveau en déterminant une amnésie ?
On ne peut que. faire à. ce sujet des. hypothèses invérifiables.
Les effets pathologiques. des émotions sont, en effet, des plus
nombreux et des. plus divers. haut-il ? dire que cette femme
était prédisposée à devenir amnésique à la-suite, d'un choc
moral ? .,Bien qu'aucun de ses antécédents connus ne- légitime
entièrement cette. opinion, on- peut,l'admettre par compa-
raison avec des^ faits analogues] la prédisposition est une des
conditions .métaphysiques; de, la maladie et, on la. suppose
volontiers partout. ? ij .ç : ? 3- v,JV j. ? ça
tf Enfin,- un dernier point reste à examiner. Dans, quelle classe
d'amnésies faut-il ranger ce cas ? Cette question n'est autre, en
'résumé, que celle du mécanisme psychologique de ces troubles
morbides. , , 9 ri ? ·'( 1 -'t i, 1 1
.Ilty a une tendance) actuelle à faire des amnésies trauma-
tiques et par choc moral les unes et les, autres se ressem-
blent -3 des manifestations hystériques. Il est certain que
dans la plupart des observations publiées jusqu'à ce jour, cette
névrose paraissait en cause, puisque les,malades présentaient
des stigmates plus ou moins nombreux ou plus ou moins carac-
téristiques de cette maladie., Mais faut-il aller plus'loin et
admettre avec,M.,Sollier ? appliquant des idées générales de
M.; Paul JaneL1 sur l'hystérie, que certaines amnésies, et
notamment les traumatiques.rétro-antérogrades,, sont réssor-
tissables.à cette névrose, même en dehors de tout antécédent
névropathique c'est-à-dire ont un processus pathogénique par-
ticulier qui suffit à les grouper. Certes il n'y a pas grand incon-
vénient à ce qu'on admette une classe d'amnésies caractérisées
parleur mode déformation, dont le type se rencontrerait chez
les hystériques. Les caractéristiques de leur pathogénie psy-
chologique, seraient le défaut de synthèse et la tendance au
dédoublement de la personnalité. En, d'autres termes, les élé-
ments de la mémoire existeraient puisqu'on pourrait, par
l'hypnotisme par exemple ou par la simple distraction, déter-
miner la constitution d'une nouvelle personnalité, c'est-à-dire
d'un' nouveau groupement de faits de conscience, où les sou-
venirs effacés réapparaîtraient. Ce mécanisme parait exister
' Paul Janet. Voir Etal mental des hystériques, 2 vol. in Collec-
tion Charcot-Debove.
184 asiles d'aliénés.,
dans bien des cas; mais le rencontre-t-on toujours dans l'am-
nésie traumatique et rétro-antérograde ? - Pour l'affirmer dans
chaque- observation/ il est nécessaire" de montrer <par ides
artifices quelconques que les souvenirs effacés ne le sont que
provisoirement et font partie' d'un autre Moi, or la chose n'est'
pas toujours commode à établir. ' ^ ? ? · 1. ? ? " 3UP'1 `
Dans le cas dont j'vien; de(faire la-1 relation,1 je crois qu'il
est difficile d'accepter^ cette pathogénie. Car rien n'autorise à
admettre chez bi ? 8... un dédoublement de la personnalité,,
c'est-à-dire'de la mémoire, qui permettrait aux' souvenirs
échappant actuellement à la synthèse du- Moi, principal, de -
revenir dans un autre groupement psychique ? L'ancienneté de
1'.am'nésiê, 'qui, daté' de plusieurs années,' sa marche progrès-'
sive et l'âge avancé'de la' malade font'craindre au contraire
que ces' souvenirs ne'réapparaitront plus. 11 ne peut donc être
question^ ici d'amnésie par mode dit hystérique;^ je'ne pense
pas non plus, qu'on soit autorisé à voir chez cette malade une
hystérique au sens pathologique du mot, puisqu'elle ne pré-
sente aucun des stigmates de la névrose...,- , -,... ? s^i t-
Force est donc de ranger ce cas en dehors de cette maladie, i
en attendant que des études plus complètes sur les amnésies
aient permis d'établir un groupement plus vaste qui puisse le
contenir. ' ' · ' s " ' ' -' c - ' s r '" i
" ASILES D'ALIÉNÉS.' " ?
' 'Cjf.J ,i ? , -, ... j J
NOTICE SUR L'ASILE DÉPARTEMENTAL 'D'ALIÉNÉS ' 1
DE BONNEVAL (EURE-ET-LOIR) ;'
™ ,M ' ' » . parIeU'CAMUSET. · `
' r . 9 » . . -e .
I. Le département d'Eure-et-Loir, qui jusqu'alors avait envoyé
ses aliénés au quartierspécial de l'hospice d'Orléans, résolut en 1861,
de les hospitaliser à l'avenir dans un asile lui appartenant ! Déjà,
en 1842, peu après la promulgation de la loi sur les aliénés, le
projet de créer un asile départemental avait été discuté au Conseil
général, mais il fut rejeté pour cette raison bizarre, devant laquelle
s'inclinèrent tous les membres du Conseil, qu'il n'était pas conve-
ASILE DE BONNEVAL. 185
nable de laisser les aliénés près de leurs familles, et que le mieux
était de les envoyer au loin.. <, t . ,, » : En i 4861· donc, on résolut d'installer 'un aqile départemental
d'aliénés, et e.i janvier 1862, cet établissement fonctionnait. Cette
rapidité .d'exécution paraît absolument anormale, mais'elle s'ei-
plique naturellement par ce fait qu'on ne construisit rien du tout,
et qu'on se contenta d'approprier à sa destination nouvelle, une
vieille abbaye de moines Bénédictins, située à Bonneval, et qui ser-
vait depuis douze ans de Colonie agricole pour les enfants trouvés
et pour les jeunes orphelins pauvres. - ' '
Ainsi, la vieille abbaye de Bonneval, qui abrita des moines pen-
dant près de mille ans; car elle fut fondée, parait-il, vers l'an 800,
finit par donner asile à des enfants trouvés et ensuite à des aliénés.
Elle eut son temps de splendeur au moyen âge, cette abbaye, alors
que ses abbés étaient de très grands seigneurs, et qu'elle possédait
tout le pays d'alentour. Elle eut aussi des calamités à supporter.
Les Normands et plus tard les Anglais pendant la guerre de Cent
Ans, ta saccagèrent à plusieurs reprises, ils la brûlèrent même trois
fois; dit-on. Mais après chaque désastre, les moines se mettaient à
l'oeuvre, les paysans corvéables aussi, sans doute, et bientôt les
murailles étaient reconsolidées, le palais de l'abbé était réparé, et
les cloîtres étaient reconstruits. t. -
En outre des transformations qu'elle subit par suite des malheurs
des temps, l'abbaye fut plusieurs fois presque - complètement
rebâtie. Mais' jamais on ne fit réellement table rase au préalable,
et à chaque transformation nouvelle, il subsistait plus ou moins
des constructions anciennes. En sorte que, lorsqu'à la Révolution,
elle fut vendue comme bien national, elle constituait un assem-
blagedes styles les plus divers, roman, gothique, renaissance, etc.1. 1.
Elle était bien déchue alors de son antique splendeur, elle ne
comptait plus qu : une douzaine de moines, et elle n'avait. plus
que quelques fermes, dans un pays qui lui avait appartenu presque
entièrement avant Rabelais. Mais la chose importe peu au point de
la destination qu'elle allait avoir. Elle constituait encore une ma-
gnifique propriété aux portes d'une petite ville et dans un des plus
1 Le D' Bigot, un des anciens médecins-directeurs de l'Asile, a occupé
ses loisirs à mettre en ordre et à publier trois vieux manuscrits, de
dates différentes, traitant tous trois de l'histoire de l'abbaye de Bonneval.
Il a fait précéder cette publication d'une très longue préface contenant
des commentaires sur les manuscrits et aussi des appréciations person-
nelles sur le rôle civilisateur des moines d'Occident pendant le moyen
âge, lesquelles se confondent avec les appréciations bien connues de
Montalembert sur le même sujet. Les amateurs d'histoires locales trou»
veront l'oeuvre du D' Bigot dans un volume imprimé à Châteaudun,
en 1876, chez H. Lecesne, imprimeur, et dont le titre est : Histoire
abrégée de l'Abbaye de Saint-Florentin de Boniieval.
186 asiles d'aliénés.
charmants endroits de'la vallée du Loir. Les moines, jadis, avaient'
bien choisi'leur place ? pour y bâtir leur demeure. «e . p ? «,ar,'H
L'abbaye et' les terrains'qui' l'entourent, complètement séparés
de la ville et des cultures voisines, par un mur d'enceinte continu ?
furent donc vendus pendant la Révolution, et un industriel y installa
une filature, je crois.- Cette propriété passa ensuite en plusieurs
mains, et en peu de temps, et elle finit par appartenir au marquis
d'Aligre1 qui," en' mourant : en fit don au département d'Eure-et-
Loir.' La'condition de la donation était que le département donne-'
rait'a'la propriété une' « destination^charitable », et qu'elle servi- ,
rait d'asile à des' vieillards, a'des orphelins ou à des aliénés. Comme-
je l'ai dit, on y installa d'abord une colonie agricole d'enfants
trouvés/ et en 1862; celle-ci fut transformée en asile départemental
d'aliénés>- H ? '- tilr ' nrc, ,,) ° r ' <1 - 1 tt -t=c if -. 3
Le' nouvel asile ne contenait, au début, que t4S malades. Il avait
bien été 'aménagé^ dans ]a'prévision; d'une augmentation; dersa'
population, mais on n'avait pas pensé que cette augmentation put)
jamais devenir très considérable. Aujourd'hui cependant, - l'asile i
compte 525 malades; il a donc-fallu nécessairement' agrandir les.-
bâtiments anciens et 'construire même à' nouveau., · e 4 ?
Mais je suis heureux' de le constater ici, agrandissement des'3
locaux anciens, 'installation de quartiers nouveaux, édification des.
services divers,' tout a'été conçu et exécuté de façon à ne rien}
enlever de son cachet-artistique, à la vieille propriété des moines.'
Quand il est devenu nécessaire de refaire une- aile délabrée- des
anciens cloîtres', par exemple, on a reconstruit dans un style appro-'
prié à celui des bâliments. Quand il a fallu faire disparaître une ,
autre portion de ces mêmes ' cloîtres, n on 'a conservé, encastrées :
dans les murs nouveaux, toutes les pièces anciennes intéressantes
des murailles détruites. C'est ainsi que se trouvent conservées ! cer-
tainès fenêtres à plein cintre et- colonnettes à chapiteaux golhi-
ques, devant lesquelles se délectent les archéologues'qui'voient là'
un spécimen très rare, disent-ils,' d'un moment de transition. Les : )
profanes, dont je suis, sentent seulement que- tout est harmonieux 4
et leur vue n'est blessée par aucun anachronisme grossier. Et c'est'
déjà beaucoup, quand on compare à ce qui se rencontre ailleurs.
Ainsi, je me souviens'avoir vu, à Saint-Alichel-en- : ller; la splendide
église gothique, édifiée au sommet du rocher," ornée d'un triom-r Y
phant portait relativement moderne et de pur style Louis XIV. Tout il
profane qu'on soit, si l'on n'est pas le dernier des philistins, on en
veut au barbare qui fut l'auteur,de'cet assemblage grotesque ? Or,
rien de pareil à Boniieval. Il faut, du reste, dire que les restaurations^
importantes y ont été dirigées par les Beaux-Arts. , . o ? « .
On a su également, quand il s'est agi d'élever des quartiers neufs ,
ou de bâtir des locaux pour les services généraux, choisir desem-° `
placements tels que les grands murs blancs modernes, et les toi- ^
asile DE BONNEVAL.. 187
tures régulières en tuiles rouges ne, font aucun tort, aux anciens
édifices qui, eux, ont reçu la patine du temps ; et que les .vieilles
et vastes cours restent toujours aussi boisées, aussi fleuries et aussi
riantes. Cela, on ne le doit plus à l'administration des Beaux-Arts,,
mais. on le doit simplement au.bon.goût,des.différents,médecins
directeurs de l'asile, mes prédécesseurs, et à celui de la commission
de surveillance.-) , 41, n ,nf ., ? h - .1- . ',
- On comprend maintenant. pourquoi l'asile de Bonneval, par son
aspect général, se trouve être sans- contredit, le plus riant et le'
plus pittoresque des asiles de France. Mais est-ce que son intérieur»
répond à son extérieur et n'a-t-on pas parfois, sacrifié Futile, à
l'aâréable ? 3os ? >.u... - -r ,* t i* a , ' t- ? ? ,,
'A ces questions ? je répondrai en toute sincérité on a conservé
à l'établissement son cachet spécial, parce que la chose était facile
et peu onéreuse, mais on n'a jamais; rien sacrifié aux considéra-
tions d'ordre artistique très secondaire dans l'espèce. Dans tout ce .
qui a été fait a. l'asile depuis sa création, on a eu en vue exclusive-
ment l'aliéné, son hygiène, son bien-être et son traitement. Cepen-
dant, il faut le reconnaître, si l'établissement remplit entièrement
les principales des conditions qu'on exige à notre époque, d'un,
établissement destiné au traitement de l'aliénation mentale, il lui
manque encore bien des choses pour,, être j un asile modèle. Il est
probable qu'avec le temps on le perfectionnera encore, mais quoi
qu'on fasse/ on ne parviendra pas à faire disparaître tous les desi-
derata dont certains subsisteront toujours., En effet, avec de vieux
bâtiments, on nepourra jamais faire un asile irréprochable. Un
asile doit être conçu et construit en vue de, sa destination spéciale.
A Bonneval surtout, comment modifier à son gré les anciens loge-
ments des moines/agrandir des salies,, en installer d'autres, alors
que certains murs d'intérieur ont plus de 2 mètres d'épaisseur ? On
est trop souvent réduit à faire ce qu'il est possible de faire et non ,
ce qu'il eût fallu faire 1. Du reste, je vais donner le, plus, clairement ,
qu'il me sera possible, la description de l'établissement, dans son
entier, --asile, pensionnat, ferme,. dépendances,, etc., et je noterai
ensuite les points qui sont défectueux. q,. ' ? >« ! 3,3 ( v ·
.f->Hûl'r' ' j ' j,1 ? le' ." . jT.(in>n fir jr-> .. .o-t 'f p r
Il., - L'asile de Bonneval est situé à l'extrémité de la petite ville
de 3,000 habitants dont il a emprunté le nom,, assez loin du chef-
lieu du département, Chartres, mais à 26 lieues seulement de Paris.
,.Il s'agissait, il y a quelques mois, de réunir en une seule salle deux
petites salles voisines situées au rez-de-chaussée de l'Asile ! Le'sondage
f3t'connaftré l'épaisseur "exacte du 'mur', de séparation, qui était de'
2 m. 80. Comment se décider à enlever une telle masse de maçonnerie au
rez-de-chaussée d'un bâtiment lourd et élevé ? C'eût été compromettre
peut-être t la. solidité de tout l'édifice. On se contenta, de percer une
porte de communication, laquelle, dans le fait, constitue une sorte de '
petite voûte. -' ' ' ' ' >-»" . , 1 , ' 1 .
188 asiles d'aliénés.
Il a 42 hectares de superficie, -parc et terrains de culture compris,
et cette propriété de 42 hectares est complètement isolée de la ville
et de la campagne par un mur de clôture continu et interrompu
seulement pour le passage du Loir. Le Loir, en" effet; traverse
l'asile ; il forme' deux-bras à son -entrée dans l'enceinte, mais ces
deux bras ne tardent pas à se réunir, dessinant ainsi une presqu'île
-- et la rivière, réduite alors à un unique cours d'eau parcourt en ser-
pentant la propriété dans sa plus" grande longueur, et du nord au
sud. =. o, ? ? - v,v ' ; ? ?
- - L'asile est donc divisé en deux parties par le Loir, la partie située
, " sur la rive gauche" et qui comprend la presqu'île précitée, elle forme
Zuà coteau boisé ;-et la partie située sur la rive droite qui est tout à
' ,fait -plate.-C*est sur.lapartie gauche et dans la presqu'île, que sont
- installés tous les~bâtiments, /quartiers des malades, services gêné- ,
raux, pensionnat; etc ? La [partie droite est occupée exclusivement *"x
' par la ferme et les cultures, Il faut noter, comme point de repère ? ^ ,. '
que la-ville et la porte d'entrée de 'l'asile sont entament de la °
rivière. Ces détails préliminaires sont nécessaires pour aider'à com-
prendre la disposition sans symétrie aucune et tout'à fait irrégû ? t
lière de l'établissement, 1 ? i* "J'l|V/[ ^ 'Ç j , -
A l'entrée, on' trouve l'Abbatiale, c'est ce qui reste de l'ancien
palais des abbés, dont une grande partie a disparu. L'Abbatiale a
- été complètement restaurée par les Beaux-Arts, > il y a douze ans,
dans son style -primitif des premiers- temps- dé la Renaissance.
.Classée comme monument* historique, elle a de remarquable ses
trois tours et surtout son portail gothique, bien plus ancien que le
reste de l'édifice. Elle est utilisée pour loger les bureaux de l'admi-
nistration et le médecin directeur. , . -
Le portail franchi, on arrive dans la cour d'honneur, qui est
plutôt un grand jardin anglais avec des massifs d'arbres, des
pelouses et des corbeilles de fleurs. On a devant soi les cloîtres qui
constituent l'asile proprement dit, tous les quartiers de malades,
sauf les quartiers d'agités, y sont installés. A droite est le Loir, tra-
versé par un pont en pierre-qui mène à la ferme ? Sur la rivière
se trouve une machine hydraulique qui envoie de l'eau dans toutes
les parties de l'établissement ; sur ses bords, un atelier de serru-
rerie et une petite maison où est logé l'interne. ,»
A gauche de la cour d'honneur, sont divers ateliers et la boulan-
gerie" Cès bâtiments sont disposés sans ordre, au milieu de massifs
et de jardins potagers. Derrière eux enfin et appuyés au mur d'en-
ceinte; se trouvent les quartiers' dès agités; hommes et femmes, qui
sont ainsi assez éloignés des autres quartiers de tranquilles.
Si maintenant on laisse la cour d'honneur pour passer derrière
l'asile (les cloîtres), on arrive à la jonction des deux bras du Loir,
et le terrain triangulaire existant entre l'asile d'une part et les'
deux bras de la rivière, d'autre part, est occupé par la cuisine,'
asile DE BONNEVAL. 189
l'hydrothépapie et la buanderie. Ces différents services ne datent
que de quinze ans. Il y a aussi en cet endroit et tout à fait au bord
de l'eau, un amphithéâtre grand, clair, bien disposé et également
de date récente. ? .. ? j,. ' . '. . u
.-«Tous les bâtiments que je viens, d'énumérer sont, on le voit, dis-
posés un peu pêle-mêle dans une sorte de presqu'île. Le pension- !
nat, lui, est situé à 250 mètres environ de l'asile, en haut de la e
colline déjà signalée sur la rive gauche du Loir, et au milieu d'un 1
parc ou plutôt d'un petit bois de 7 hectares. Il faut, pour y arriver, k
h'ig. 9. Plan d'ensemble de l'Asile et de ses dépendances, f
A, Asile (ancien cloître); B, Abbatiale (Bureaux et logement dut médecin direc-
teur ; C, C', Quartiers d'agités des hommes et des femmes; -D, Cuisine et hydrothé-
rapie ; E, Pensionnat; - F, Atelier de serrurerie; G, Ateliers de menuiserie et de
cordonnerie; H, Atelier de peinture; I, Boulangerie; K, Buanderie;-L, Mai- l
son, logement de l'interne; M, Ferme; - N, Abattoir; 0, Machine hydraulique; '
'l P, P, P", Trois ponts allant, l'un a la ferme, l'autre au potager et le troisième au :
t pensionnat. '
190 asiles 'd'aliénés. '
passer sur un pont en fer situé derrière l'hydrothérapie et qui'ira ?
verse un des bras de4 laf rivière ; on grimpe ensuite un chemin'
beaucoup trop raide' qui, ' à travers le parc, conduit 'aû` pén-
sionnat. '" . , , , .. . r p
Après ce coup d'oeil d'ensemble jeté sur tout l'établissement^ il il
faut examiner avec quelques détails, les quartiers de malades et les
principaux services. ' ' t n `
Asile proprement dit. Les anciens cloîtres, on l'a vu, ont été
aménagés pour recevoir des aliénés. Ces cloîtres sont un très vaste
bâtiment à deux étages très élevés,' de la formé'd'un quadrilatère
régulier, avec une cour centrale, laquelle est entourée d'un large'
promenoir, sorte de galerie couverte et soutenue par de massives'
colonnes carrées en pierre. Ce grand bâtiment est, en somme,' un
assemblage de quatre corps de bâtiments semblables, parallèles
deux à deux et circonscrivant une cour centrale. On a divisé cet t
grand bâtiment par une ligne médiane, en deux parties égales ;
toute la partie droite est occupée par la division des femmes' et
toute la partie gauche par celle des hommes. Cependant, le corps.
de bâtiment antérieur qui donne sur la cour d'honneur, très irré-j
gulier et bien moins élevé que les autres, ne renferme pas de,
quartier de malades; on l'a utilisé en y installant la lingerie,- la
pharmacie, les parloirs, le logement du receveur-économe, et
celui des soeurs.. , .< » : 1 1,
En conséquence de cette distribution, les deux divisions, celle des
hommes et celle des femmes, sont exactement semblables au point»
de vue du nombre, des dimensions et de l'arrangement des locaux.
Chacune d'elles renferme quatre quartiers : quartiers de tranquilles, r
d'épileptiques, de gâteux et infirmerie. Chaque quartier comprend ?
une salle de réunion au rez-de-chaussée et un ou plusieurs dortoirs,
au premier et au second étage. La salle de réunion, qui sert en
même temps de salle à manger, donne d'une part sur une cour ou
préau spécial, chaque quartier a le sien, et d'autre part sur la galerie
couverte que nous avons vue régner tout autour de la cour intév
rieure. 1 « 41- . z
». Le cubage d'air moyen de tous ces locaux est plus que suffisant, .
par rapport au nombre total des malades. Mais si l'on considère '
chaque local en particulier, on constate que, pour quelques-uns
d'entre eux, le cubage, d'air est trop faible, relativement au ?
nombre des malades qui les habitent. Il semblerait très facile
d'obvier à cet inconvénient puisque le cubage moyen est plus que
suffisant, et cependant la chose est irréalisable, pour les raisons
' sur lesquelles j'ai insisté plus haut. On ne peut enlever des murs
- de séparation qui ont 2 et 3 mètres d'épaisseur. Mais si j'insiste sur
ces défectuosités en réalité légères,'c'est que je tiens à être scrupu-
leusement exact, et comme j'ai aussi la prétention d'être impartial,'
asile DE BONNEVAL. 191
j'ajouterai que ces susdites défectuosités. ne peuvent pas avoir de
conséquences fâcheuses au point de vue de l'hygiène des malades'.
Si deux salles de jour sont un peu trop petites, il faut remarquer
qu'elles ne renferment leur population d'aliénés au complet que
quelques heures seulement dans la journée, une grande partie des
malades allant travailler à la ferme, ou aux ateliers. Si deux ou
trois dortoirs sont trop petits aussi, en revanche ils sont très large-
ment aérés parce qu'ils possèdent plusieurs grandes fenêtres dis-
posées en face les unes des autres. , ,. ,.
,En vérité, il n'existe que trois défectuosités graves dans la dispo-
sition de nos quartiers d'aliénés, et c'est déjà beaucoup, car, mal-
heureusement, il n'est pas possible de remédier aune seule d'entre
elles : s- ,. J "T 1 . ,
1" Aucun quartier ne possède de salle à manger particulière, h s
malades doivent prendre leur repas dans la salle de réunion, ce
qui n'a pas grand inconvénient dans le quartier des tranquilles,
mais ce qui est très regrettable dans le quartier des gâteux.
i 2° Les infirmeries ordinaires sont au second étage et il faut fran-
chir un nombre considérable de marches pour y arriver. Elles
sont par suite dénuées de préau. Inutile d'insister sur les inconvé-
nients qui en résultent. - . ' '
t3° Il n'y a pas de quartier particulier pour les jeunes idiots.
Ceux-ci sont soignés avec les adultes. Je suis amené ici à faire une
courte digression, et à exposer quelques considérations person-
nelles sur l'hospitalisation des jeunes imbéciles et idiots en pro-
vince'. k '
A Bonneval, nous n'avons qu'un nombre très restreint d'enfants
idiots.- En général, dans nos contrées, et il en est sans doute de
même dans toutes les contrées agricoles, on n'hospitalise les idiots
que lorsqu'ils ont donné' des- preuves tangibles de leur nuisance,
en incendiant, en tuant ou en violant; jusqu'à ce moment, on les
laisse errer librement dans la campagne. Mais, eussions-nous un
nombre important de ces jeunes malades, tout ce qu'on pourrait
faire pour eux, si la disposition des locaux le permettait,' ce qui
n'est pas, ce serait de les réunir tous dans un quartier spécial. 11
est certain que ce serait déjà quelque chose, mais ce serait encore
bien peu en comparaison de tout ce qu'on devrait faire.
'Beaucoup de ces enfants sont susceptibles d'un certain degré
d'instruction et d'éducation. Mais pour arrivera ce résultat, il faut
une installation spéciale, des pédagogues spéciaux, des ateliers, des
gymnases spéciaux. Tout cela a été réalisé à Bicétre par M. Bour-
neville, mais au prix de grands sacrifices que notre Maître a su
.,r , : , .
'.A noter encore une défectuosité importante mais non irrémédiable;
l'Asile ne possède pas de pavillons d'isolement pour les aliénés atteints
de maladies contagieuses.
liy.10.- Plan de l'Asile. La division des hommes est à gauche,
celle des femmes à droite.
1, Quartier des faibles hommes ; - 2, Quartier des épileptiques, hommes Quar-
tier des tranquilles, hommes; - 4, Quartier des épileptiques, femme ? 5, Quartier des
tranquilles, femmes; 6, 6', 6". Quartier et dortoir des faible ? , femmes; A. Cour
carrée intérieure avec un faîte au centre; B, B, B, Galerie couverte qui circonscrit
' les cours (cloîtres); C et F, Quartier des hommes et dortoir des femmes;
D, Logement des soeurs : E, Logement du receveur-économe; G, Pharmacie;
H, Château d'eau; I, Chapelle; - K, Cuisine; LL', Galeries couvertes allant à la
cuisine; M, ! Si', Salle de bains des hommes et salle de bains des femmes;
N, Salle d'hydrothérapie; 0. Puits; P P P P, P', P', P', 1", Préaux devant les différents
quartiers ; R, Chaudière des bains; Lingerie.
ASILE DE BONNEVAL. 193
obtenir du département de la Seine, mais que bien peu de dépar-
tements consentiraient à faire, dans l'état de nos moeurs rou-
tinières. e
Ce qu'un seul département ne voudrait, ne pourrait même pas
faire, plusieurs départements consentiraient peut-être à l'exécuter
en commun, parce que les frais deviendraient ainsi moins élevés
pour chacun d'eux. Aussi, je proposerai pour les enfants imbéciles
et idiots, l'établissement d'asiles régionaux qui ne seraient plus de
simples garderies, mais qui seraient des établissements à la fois
pédagogiques et médicaux, en harmonie avec l'état de la science
actuelle.
Mais tant que les choses resteront ce qu'elles sont dans la plu-
part, sinon dans tous les asiles départementaux, il sera toujours
bon de mettre les jeunes idiots dans des services à part, parce que
la présence d'enfants au milieu d'aliénés adultes a les inconvé-
nients que l'on sait, mais au point de vue purement médical, il
n'importera guère, dans le fond, que ces jeunes idiots aient ou
n'aient pas de quartiers spéciaux.' ° `
Quartier des agités. On a vu qu'ils étaient assez éloignés des
autres quartiers. Ils ont été complètement reconstruits, il y a qua-
torze ans, et dans les meilleures conditions. Ils sont adjacents l'un
à l'autre, le quartier des hommes et celui des femmes n'étant sépa-
rés que par un petit chemin.
Chacun d'eux renferme un préau, une chambre de réunion, un
réfectoire, trois cellules installées selon les données modernes,
plusieurs chambres d'isolement et un dortoir au premier étage.
En outre, chacun possède une petite salle de bains de quatre bai-
gnoires, ce qui permet de donner les bains prolongés au quartier
même et non aux' grands bains de l'asile.
Cette section d'agités est très bien comprise et elle ne présente
' pas de défectuosité, mais elle est trop petite pour la population de
l'asile; elle ne comporte, en effet, que 60 places pour S25 aliénés,
30 places pour les hommes et 30 places pour les femmes. Aussi, ai-
je facilement obtenu la création d'un nouveau quartier qui sera
destiné aux agités hommes; les deux quartiers actuels seront
réunis en un quai lier unique pour les agitées femmes. D'après le
projet de construction qui sera exécuté cette année, la section des
agités comprendra 140 places pour les deux sexes.
Pensionnat. Il n'a été ouvert qu'en 1889. Très éloigné de
l'asile et tout à fait indépendant de lui, il a été construit dans la
prévision de 80 malades des deux sexes. C'est un grand bâtiment
très élevé, fort bien situé et d'où la vue est magnifique. On a peut-
être trop cherché à lui donner un aspect monumental et pas assez
songé à sa destination réelle, ce qui en a rendu, ce qui en rend
encore parfois l'aménagement intérieur assez difficile.
Ahcmves, t. XXVI11. 13
194 . asiles d'aliénés.
. Services généraux. Ateliers. Ferme. On sait que derrière l'asile
se trouvent la cuisine, l'hydrothérapie et la buanderie. Ces diffé-
rents services sont très bien compris. Ils ont été établis il y a une
quinzaine d'années, époque à laquelle on a complété et amélioré
d'une façon générale l'établissement dans son entier. 1
La cuisine, très grande et très élevée, est reliée àl'asile par deux
longues galeries couvertes qui vont, l'une à la division des hommes,
l'autre à celle des femmes. On comprend les avantages qui résul-
tent de cette disposition pour le service des repas.
Derrière la cuisine se trouve l'hydrothérapie. Il y a deux salles
de bains, une pour chaque sexe, contenant 10 baignoires chacune.
. Entre les deux salles de bains, est la salle d'hydrothérapie qui sert
aux hommes et aux femmes. Elle possède tous les appareils hydro-
thérapiques employés dans le traitement de l'aliénation mentale,
on y voit même une grande piscine dont l'utilité me semble pro-
blématique.
La buanderie est installée sur le Loir même.
Les divers ateliers sont, on lésait, disposés sans symétrie autour
de l'asile. Ils suffisent à occuper tous les malades capables d'un
travail quelconque, et au point de vue budgétaire, ils constituent
une ressource importante. En effet, on achète la matière première
et on la fait ouvrer, avec l'aide et sous la surveillance des maîtres
ouvriers, par les malades dans les différents ateliers de couture,
de cordonnerie, de menuiserie, de serrurerie, de peinture. Des
malades, guidés par un mallre maçon, s'occupent des réparations
et des modifications que nécessitent sans cesse des bâtiments et
des murs de clôture anciens.
- Mais c'est surtout à la culture que travaillent nos malades, la
plupart d'entre eux sont des cultivateurs. La ferme placée sur la
rive droite du Loir, au milieu des terrains de culture, est, parait-
il, convenablement agencée, au dire des cultivateurs de la contrée.
Elle contient une quinzaine de vaches, une grande porcherie, une
basse-cour, etc.. Ce qui est certain, c'est qu'elle donne des pro-
duits importants, à défaut desquels la dépense en argent pour
chaque malade se trouverait sensiblement augmentée. Les chiffres
suivants indiquent la distribution des 42 hectares de terrain que
possède l'asile :
ASILE DE BONNEVAL. 1U5
Dans les asiles, la culture potagère est, sous tous les rapports,
principalement sous le rapport médical, préférable à la grande
culture. Pour faire cette dernière, c'est-à-dire pour labourer,
semer, faucher, etc., il faut de véritables ouvriers des champs-
lesquels sont rares dans certaines contrées. En outre, il suffit de
peu d'ouvriers pour cultiver un grand espace de terrain. Tout le
monde, au contraire , peut s'occuper de jardinage, et il est possible
de faire travailler dans des jardins, pourvu qu'ils aient une certaine
étendue, un nombre presque illimité de malades. Or, on sait com,
bien ce travail en plein air est précieux dans le traitement des
maladies mentales. En les faisant surveiller attentivement, on peut
envoyer aux jardins la plus grande partie des déprimés et même
des suicidistes. Au point de vue budgétaire, la grande culture n'est
guère rémunératrice, la culture potagère l'est, au contraire, beau-
coup. Enfin, l'abondance des légumes frais dans le régime de
malades est chose très importante.
A plusieurs reprises, j'ai noté que tel quartier, tel service... était
de construction récente : en effet, l'asile n'est arrivé que progres-
sivement à être tel qu'il est aujourd'hui. A mesure que les res-
sources le permettaient, on se hâtait de réaliser quelques amélio-
rations. Une phrase du rapport du préfet au Conseil général, pour
l'année 1862, fait soupçonner ce que devait être l'asile à son début :
c Tout ce que la loi prescrit a été effectué, les améliorations autres,
principalement le pensionnat, s'effectueront au moyen des écono-
mies de l'établissement. »
Ce fut le Dr Dagrou, dont les hautes capacités d'administrateur
étaient justement appréciées, qui fut chargé d'installer l'asile. Il
l'ouvrit en janvier 1862 avec 145 malades. Mais les locaux le per-
mettant, il demanda bientôt des malades au département de la
Seine, qui se trouve toujours obligé de recourir aux asiles de pro-
vince pour hospitaliser la totalité de ses aliénés. Depuis, on n'a pas
cessé d'avoir à Bonneval des malades de la Seine, des femmes
surtout, aujourd'hui encore, on en compte près de 80. L'augmen-
tation de population obtenue par ce moyen a certainement été
chose avantageuse pour l'asile, mais jamais, on peut le dire, on
n'a abusé de l'embarras du département de la Seine, en exigeant
de lui un prix supérieur à celui d'Eure-et-Loir. Pour les aliénés
indigents d'Eure-et-Loir, le prix de journée est de 1 fr. 20 pour les
deux sexes, les aliénés de la Seine sont reçus moyennant un prix
de journée de 1 fr. 20 pour les femmes et de 1 fr. 25 pour les
hommes, et on n'a jamais hospitalisé que très peu d'aliénés hommes
de la Seine.
(A suivre.)
HISTOIRE ET CRITIQUE
BARBE BUVÉE
EN RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE
POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (r658-1663)-
(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque
nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)
Par le D1' SAMUEL GARNIER,
Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon 1.
VII. Mais depuis le mois de novembre 1661, la sceur
Buvée avait introduit diverses requêtes au procureur général
pour « le faire forclore de plus amplement informé ». D'un
autre côté, le Commissaire Legoux ayant totalement achevé
son information, dont nous avons déjà donné les principaux
éléments qui allaient permettre au parlement de statuer, il
devenait de plus en plus évident que, malgré ce fameux juge-
ment du 20 janvier 1662. la cause de la réalité de la possession
n'avait gagné aucun terrain, et que le monde parlementaire
allait conclure contre elle. Devant l'imminence d'une décision
du parlement, défavorable à leur cause, les craintes des prê-
tres d'Auxonne augmentèrent de plus belle et deux d'entre eux
jugèrent à propos de faire un second voyage à Paris. Là, ils
se servirent de tous les moyens imaginables pour obtenir
l'évocation, vainement sollicitée jusque-là. Leurs emporte-
ments contre les juges et tous ceux qui avaient été chargés
de cette affaire furent si vifs, leurs insinuations si menson-
gères, que le parlement en fut officiellement avisé. Leurs récri-
minations passionnées et leurs insistances répétées, ne purent
toutefois arracher au chancelier autre chose qu'un ordre au
parlement, de lui envoyer un état sommaire des preuves.
En même temps qu'ils intriguaient ainsi à Paris, en s'ap-
puyant sur le jugement de la commission royale, en date du
' Voir les trois précédents numéros.
BARBE BUVÉE. 197
20 janvier, les mêmes prêtres faisaient multiplier les exor-
cismes à Auxonne, autant pour frapper de plus en plus
l'imagination populaire, dans le sens de la réalité de la pos-
session, en imposant cette dernière à la crédulité publique,
que pour avoir de nouveaux exorcismes probants à opposer
à ceux de la commission du parlement. Aussi bien le camp
des croyants était le plus nombreux, sinon le mieux à même
de juger en connaissance de cause, et le clergé lui-même était
très divisé sur la question de la possession : l'immense majo-
rité l'acceptait comme démontrée. Nous trouvons dans la
lettre d'un Religieux Chartreux au Général de son Ordre,
lettre imprimée et portant la date du 12 juillet 1662, non seu-
lement la preuve de cette croyance inébranlable et de bonne
foi à une véritable possession, mais celle de la multiplicité
continue des exorcismes sur les religieuses. En voici les
passages principaux relatifs à divers exorcismes et à leurs
résultats notoires au point de vue de la thèse de l'hystérie
convulsive et délirante.
« Comme j'en ay desjà envoyé d'autres relations à V. R.,
je diray seulement icy ce que j'y ay veu de nouveau. J'en
ay veu une laquelle montant jusqu'au second degré d'une
balustre, disant des paroles arrogantes et insolantes, l'exor-
ciste lui commanda de descendre et de s'humilier. Après
beaucoup de résistance, estant toute droite, elle se renversa
en arrière, ses pieds demeurant toujours sur le second degré
et vint tomber sans secousse, demeurant quelque temps en
l'air, avec agitation sur le pavé, au-dessous des deux degrés;
les assistans jugèrent qu'il n'y avoit point de forces humaines
qui puissent faire ce renversement à moins que de tomber
tout d'un coup. Nous en vismes une autre estant à genoux,,
entre le premier degré de l'autel, et le balustre en la grande
église, le diable parroissant, renversa le corps en arrière, de
telle sorte, que la teste panchait et touchoit le pavé au bas du
degré ou est posé le balustre, le reste du corps demeurant
en arcade sans lever les genoux de terre, qui estoient aussi
bien que les pieds, plus haut que la teste de tout le degré,
qui est pour le moins de huit pouces, et soustenoient ainsi
tout le poids du corps, en laquelle posture l'énergumènc
1 Lettre d'un religieux chartreux au R. P. Général de son Ordre portant
relation des choses arrivées pendant les exorcismes des Religieuses d'Auxonne.
Pierre Paillot, imprimeur du Roy, 1663. (Archives départementales, n° 12.)
198 HISTOIRE ET CRITIQUE. ,
demeura plus d'un gros quart d'heure, eslevant souvent la
teste, et la tournant de tous costés, tantost la posant sur le
pavé, et le plus souvent à fleur de terre, pendant quoy l'éner-
gumène parloit toujours, et respondoit auz interrogats latins
précisément, quoy que ce ne soit qu'à une simple fille, qui à
peine scay lire. Elle se releva par après, sans aucune ayde des
mains. »
a Nous vismes en deux autres mouvemens si furieux qui
mestoient ces corps en tant de postures différentes, et si vio-
lantes à la nature, que chacun de ces mouvemens foisoit
une marque assés évidante d'un esprit estranger qui agit
au-dessus des forces de la nature, mais cela ne se peut expli-
quer : et ce que j'y trouve encore de merveilleux, c'est qu'à
la fin de tout, ces créatures, non seulement n'en demeuroient
point ésmües, mais encore sont plus fraisches, et tranquilles
que devant l'exorcisme ; et encore que cela arrive à toutes,
je le remarquay principalement, a une assez puissante fille,
qui sortit de l'exorcisme sans sueur ni rougeur, après plus
d'une heure de furieuses agitations. »
« Nous en vismes une autre qui ne fut point agitée dans
tout l'exorcisme, quoy qu'elle l'ayt esté des plus, autrefois,
après avoir escouté les prières, avec l'assemblée, voici le
P. Janon, jésuite, qui entre doucement sans que l'énergu-
mène l'ait pu apercevoir, et donna un petit sachet de Reliques
à l'exorciste, lesquelles estant mises sur la teste de l'énergu-
mène, commença à luy faire sentir une chaleur intérieure,
dire plusieurs fois, qu'elle avoit un Jésuite dans la teste qui
luy foisoit peine (c'étoit des Reliques de saint Ignace) la fille
demeura toujours dans tout l'exorcisme présente de l'esprit.
%mais pour luy faire passer sa chaleur intérieure, produitte
sans doute par le démon, on s'avisa de luy faire avaller de
l'eau béniste, dans laquelle notre Procureur mit une pous-
sière d'une saincte Relique, mais on trouva qu'elle avoit les
dents si serrés, qu'on ne luy put faire ouvrir qu'après plusieurs
.commandemens. Ayant donc la liberté d'ouvrir la bouche,
elle prit elle-mesme la tasse, et tascha d'avaller l'eau, qui
luy demeura longtemps dans la bouche, le diable fermant le
passage. Enfin après plusieurs commandemens, l'eau passa,
mais demeura dans le gosier, le long du col, ou elle foisoit
un grand mouvemen qui se voyoit au dehors, et s'entén-
'doit par toute la chapelle, ce qui fut fort surprenant ; veu
BARBE BUVÉE. 199
qu'il n'y a point la de faculté retentive au gré de la personne;
cependant ce mouvement d'eau demeura visiblement et
intelligiblement le long du col plus de l'espace d'un bon
Miserere jusqu'après plusieurs commandemens, l'eau descen-
dit en l'estomac, et la fille demeura libre. »
« Je vis dans un autre exorcisme fait, en la grande Eglise,
après plusieurs agitations violantes, après plusieurs sottises
commises par l'énergumène, courant sans respect par l'Eglise
et montant jusques au dessus du grand autel, comme elle
vint à passer devant moy déplaisant de voir tant d'insolance,
je l'arrestay par la robe et luy dis en latin qu'elle eust à se
mettre dans le respect devant la Majesté Souveraine, elle
s'arresta tout court, et me regardant, elle se mit à terre
devant moy sans rien dire, et puis continuant au mesme lieu
ses badineries et railleries, elle dit qu'elle n'estoit qu'une
fille et qu'elle n'estoit pas possédée, l'exorcisme luy vint
commander de faire paroistre comme il estoit diable, et que
pour réparer l'injure faite à Dieu par ses insolances, et à la
fille par son mensonge, qu'il eust à souffrir la piqûre d'une
esguille, et la flamme d'un cierge allumé pour marque de sa
présence, et punition de son insolance sans lésion de la créa-
ture, et si telle estoit la volonté de Dieu, qu'il se mit en
devoir, et fist beaucoup de résistance, et esteignant le cierge
plusieurs fois en riant, et disant que cela estoit bon à ces
Religieux de se mortifier, parlant à moy, je luy respondis en
latin, que c'estoit luy qui méritoit punition pour son arro-
gance, que pour nous, nous estions dans le respect et humi-
liés devant la Majesté de Dieu, mais luy qui y commettoit
des insolances, il en devoit souffrir la peine, si tel estoit
le bon plaisir de Dieu, et devoit obéyr au commandemen.
Quelque temps après l'énergumène fist une petite plainte, et
abaissant la teste comme par assoupissement, et pour tesmoi-
gner que Dieu vouloit qu'il donna ce signe laissa les bras
libres et sans mouvemens et les présenta à l'exorciste qui en
prenant l'un, y fischa une grosse espingle jusqu'à la teste
qu'y demeura toute cachée sans sentimen, et l'ayant retirée,
il n'en sortit point de sang, sinon la grosseur d'une petite
espingle, et puis prenant l'autre bras, le brûla à la flamme
d'un cierge allumé pendant l'espace d'un Pater et d'un Ave
en sorte que la bruslure très notable, estant déjà de la lar-
geur d'un doigt, et de la longueur de trois, on jugea à propos
200 HISTOIRE ET CRITIQUE.
de n'en pas faire davantage, car on aurait bruslé jusqu'àl'os,
pendant lequel temps, l'énergumène ne tesmoigna aucun
mouvement en ses yeux, en son visage, ny en tout son corps :
après le commandemen estant fait au démon, de relever le
corps de la créature et de la laisser entièrement libre, ce
qu'estant exécuté, on demanda à la fille si elle ne sentoit
point de douleur, elle dit que non, on luy dit de montrer son
bras, elle monstra premièrement celuy ou estoit la pi-
qûre qu'elle n'avoit point senty; on luy dit de monstrer
encore son autre bras, elle parut être surprise d'y voir la
marque notable du feu, on luy demanda que c'estoit, elle dit
qu'elle n'en sçavoit rien, on luy demanda si elle sentoit de la
douleur, elle commença à pincer et à masnier elle-mesme la
bruslure, et dit qu'elle n'y sentoit aucune douleur. »
c Le lendemain comme on procédoit à l'exorcisme sur la
mesme, arriva que le démon renversa le corps de la créature
qui estoit à genoux sur un degré de l'autel, en sorte que la
teste s'abaissa jusques sur le pavé, un degré plus bas que
ses pieds, estant en cette posture violante, sans violance pour-
tant, car estant occupée d'un démon follatre, elle ne foisoit
que badiner. L'exorciste dit aux assistans que si quelqu'un
vouloit toucher le poulx de cette fille, qu'on le trouveroit réglé,
nonobstant cette posture contraire : un estranger qui disoit
estre du métier, en voulut faire l'essay, il n'y trouva point du
tout de poulx : un chirurgien qui estoit présent, s'approcha,
et toucha le poulx sans apercevoir aucun battement ; un
honneste Bourgeois du Lion, nommé Mr Jobert, en vou-
lust connoistre la vérité en touchant le poulx à l'un et à
l'autre bras, avoua qu'il n'y en avoit non plus que dedans un
corps mort; plusieurs des assistans en voulurent faire l'expé-
rience et recogneurent tous la cessation du poulx. Après quoy
l'exorciste commanda au démon de rendre le poulx, après
plusieurs commandemens, le poulx commença à parroistrc au
bras droit, ne parroissant point au gauche; quelque temps
après il parut au gauche, et cessa d'estre au droit, et il
repassa du gauche au droit, et parut alternativement tantost
à l'un, tantost à l'autre, près d'un quart d'heure, après avoir
cessé en tous les deux environ un autre quart d'heure, don-
nant ainsi le temps à tous les assistans de tous essayer et
considérer à loisir. Après tout cela le commandement estant
fait au démon de relever le corps de la créature, et de resta-
. BARBE BUVÉE. 201
blir le poulx dans son entier règlement, ce qu'il exécuta, en
sorte qu'on luy trouva un poulx naturel et régie partout. »
« J'ay communiqué ceci aux plus célèbres et mieux em-
ployés médecins de Dijon que V. R..connoit qui sont Mes-
sieurs Guibaudet, père et fils, Monsieur Henrion, et aussi à
des Messieurs chirurgiens qui tous ont avoué que la plupart
des choses susdites sont évidemment extraordinaires et au-
dessus de la nature. Cependant il y en a qui demandent
encore un signe univoque, et voila qu'en deux jours j'en ai
veu neuf ou dix qui sont hors de controverses, et qu'il est
impossible de toute impossibilité morale et phisicque, qu'il y
puisse avoir de complots secrets comme quelqu'uns semblent
les en vouloir soupçonner. »
VIII. Nonobstant tous ces exorcismes officieux, le Com-
missaire Legoux chargé de satisfaire à l'ordre du chancelier,
de lui envoyer un état sommaire des preuves de la procé-
dure, s'était empressé de s'y conformer. Il avait joint à son
extrait, un récit de ce qui s'était passé, en sa présence, aux
exorcismes officiels et quelques motifs tirés de la procédure,
établissant qu'il n'y avait, dans cette affaire d'Auxonnc, rien
de surnaturel, et que tout au contraire y était très humain.
Après plusieurs délais successifs d'ajournement le parle-
ment rendit enfin le 4 août 1662, l'arrêt suivant, dont la lec-
ture expliquera amplement les phases diverses de toute cette
longue procédure.
« ' Vu l'arrêt du cinquième janvier mil six cent soixante et
un donné entre soeur Barbe Buvée, religieuse professe au
couvent des Ursulines de la ville d'Auxonne, appelante
comme d'abus de toute la procédure contre elle foite par
l'Official de la dite ville, sur l'accusation de magie, de sorti-
lège et infanticide, contre M. Claude Salin, prestre promot-
teur en la dite officialité inthimé par lequel la cour, partyes
ouïes, et Nicolas, pour le Procureur Général du Roy auroit
dit qu'il avoit été bien appelé, mal nullement et abusivement
informé, décrété et procédé, tout ce qui avoit été fait par
ledit official cassé, révoqué et annulé, le dict Salin condamne
en l'amende de l'abus modéré à ioo sols, moitié au Roy et a
partyes et es dépens; ordonné que par commissaire il seroit
1 Manuscrit fonds français, n° 18696, folio 79. Bibliothèque national ? arrêt
de la Tournelle du Parlement.
202 HISTOIRE ET CRITIQUE.
informé des crimes desquels la ditte Buvée estoit accusée à
requeste du dict Procureur Général, à cet effect il estoit en-
joint au dict Promotteur de luy remettre entre les mains les
mémoires et, autres preuves qu'il pouvoit avoir; autre arrest
du quatriesme de février suivant donné, sur les conclu-
sions du dit Procureur Général portant que par le dict corn*
missaire estant sur les lieux, il seroit informé conformément
à celuy cy dessus et procédé à l'instruction du procès nonobs-
tant touttes -oppositions ou appellations ; austre arrest du
onziesme du dict mois de février, donné sur les conclusions
du dict Procureur Général contenant qu'il seroit informé des
fréquentations et familiarités de quelques personnes dans le
dict couvent des Ursulles d'Auxonne, à cet effect, monitoire
octroyé à la forme des édicts et arrest, informations faites
tant sur les dittes accusations que sur le complot prétendu
fait pour former icelle contre la dite Buvée, procès-verbaux
dressés par le dict commissaire de l'état du dict couvent et
des personnes des religieuses prétendues possédées par les
démons; autres procès-verbaux du dict commissaire de ce qui
s'est passé en sa présence aux exorcismes faicts aux dittes
religieuses par les exorcistes choisis et nommés par le vicaire
général de l'Archevêché de Besançon; autre procès-verbal
du dict commissaire contenant le rapport du médecin Rapin,
par luy nommé d'office de ce qu'il avoit recogneu es per-
sonnes des dittes religieuses; arrest du dix-huitiesme mars
mil six cent soixante-un, donné sur les procédures cy-dessus et
les conclusions du dict Procureur Général par lequel il auroit
esté ordonné qu'à sa diligence il seroit plus amplement
informé dans quinze jours des crimes desquels la ditte Buvée
estoit accusée, pour la ditte information représentée pour y
estre pourvu : Cependant icelle Buvée estoit élargie des prisons
icelles es quelles elle estoit détenue à sa caution juratoire de se
représenter à toutes assignations qui lui seroient baillées,
pour cet effect, élection de domicile en cette ville de Dijon et
les soumissions au greffe criminel, a laquelle seroient resti-
tuées les linges et habits trouvés en sa cellule lorsqu'elle fust
arrestée à requeste du dict promotteur avec injonctions aux
supérieurs, religieuses ou autres qu'en estoient saisis de faire
la ditte restitution incontinent après signification, à peine de
tout dépens et dommages interests; en ce qui concernoit la
provision demandée par la ditte Buvée, il y seroit faict droit
en procédant au jugement de l'incident formé entre elle et
BARBE BUVÉE. 203
les dittes supérieures et religieuses, ordonné aussi que Clau-
dine Bourgeot, détenue en la Conciergerie du palais, accusée
d'avoir contrefaict la possédée seroit ouye et répétée sur les
charges contre elle résultantes de la ditte information et
que Marguerite Jamain, Gabrielle deMalo, Anne Piron, Elisa-
beth Nicolas, Anne Lecossois. Charlotte Joly, Humberte et
Françoise Borthon, religieuses et novices au dict couvent
seroient à la diligence du dict Procureur Général, amenées
en cette ville et mises séparément es maisons de telles per-
sonnes qui seroient jugées à propos, pour après estre faict
droit ainsi qu'il appartiendroit; acte de prononciation du
dict arrest faict à la ditte Buvée de dix neuviesme du dict
mois de mars contenant son élection de domicile en la mai-
son de Mr Louis Gilles, son procureur et les soumissions par
le dict arrest, exploit de signification d'y celuy du dict Procu-
reur Général; autre arrest du vingt et unième du dict mois de
mars portant que par les trois experts nommés d'ofice, il
. seroit procédé à la recognoissance de quelques lettres capi-
tales en rouge sur un petit billet de papier prétendu rendu
par l'une des dittes religieuses 'pour marque de délivrance
des démons dont on disoit qu'elles estoient possédées et ceux
par conférence à des écriptures estant au prône de Mr Pierre
Denizot prestre au dict Auxonne, rapport des dicts experts
affirmés par devant le dict commissaire; arrest du neuvième
avril suivant donné sur la requeste de la ditte Buvée et les
conclusions du dict Procureur Général par lequel il auroit
esté ordonné au dict Salin de prouver incessamment sur
mémoire et nommer les tesmoins qu'il entendroit faire ouyr
pour estre ensuite procédé à l'instruction du procès avec
injonction à soeur Marguerite Jannel, Supérieure du dict cou-
vent des Ursulines d'Auxonne et aux prestres ayant procédé
aux exorcismes des religieuses d'y celuy, prétendues possédées
par les démons, de remettre au greffe de la ditte cour les
procès-verbaux qui y auroient esté dressés;-interrogatoire,
reponces de la ditte Bourgeot du vingt-cinquiesme du dict
mois d'avril, requeste de la ditte Buvée du onziesme de juil-
let et sizième août suivant, contenant injonction à la ditte
supérieure de satisfaire au dict arrest du dix-huitiesme mars
et suivant inclus remettre à la ditte Buvée, les dits linges et
habits, exploits et signification des arrests et autre requeste
présentée par la soeur Buvée, le dix-neuviesme septembre au
dict an mil six cent soixante et un, à ce que le dict Procureur
204 HISTOIRE ET CRITIQUE.
Général fut déclaré for clos, de faire procéder àl'ampliation et
l'instruction dû procès, à faute d'y avoir satisfait suivant le
dict arrest du dix huitiesme mars ; autre requeste de la ditte
Buvée du vingt sixiesme du dict mois de septembre à mêmes
fins que celles cy-dessus et à'ce qu'elle fut renvoyée de l'ac-
cusation formée contre elle, sauf à se pourvoir pour obtenir
réparation et adjudication de ses dommages et intérêts ains
qu'elle verroit estre à faire ; les dittes requestes communiquées
au Procureur Général du Roy, conclusions d'y celuy; procès-
verbal du sixiesme novembre dernier dressé par le dict com-
missaire en la ville d'Auxonne où il se seroit acheminé, con-
tenant l'invittation faicte à soeurMargueriteJannel, supérieure
du dict couvent de déclarer s'il y avoit quelques précieuses
nouvelles venant à sa cognoissance, afin de procéder à la
continuation de l'information et sa déclaration tant sur ce
sujet que sur la sortie des religieuses du dict couvent pré-
tendues possédées par les démons pour aller résider en des
maisons particulières à la ville; autre procès-verbal du dict
commissaire du dit jour sixiesme novembre de la recog-
noissance de la longueur, largeur et état de choeur du coup
vent des dittes religieuses ; autre procès-verbal de ce com-
missaire du dict jour sixiesme novembre, des déclarations de
soeur Marguerite Jamain ayant déposé en l'information sur
quelques circonstances de la ditte déposition ; autre procès-
verbal du dict jour sixiesme novembre de l'invittation faicte
à Al. Jean Devenet prestre, supérieur du dict couvent, à ce
qu'il ait à représenter les escriptures de la ditte Buvée que
l'on prétendoit servir pour la preuve des crismes dont elle
estoit accusée, et les déclarations du dict Devenet sur le faict
et les marques de délivrance des démons prétendus rendus
par les dittes religieuses ; autre procès-verbal du septiesme
du dict mois de novembre des déclarations de soeur Marie
Borthon que tant, elle que les soeurs Humberte et Françoise
Borthon furent tirées du dict couvent le lendemain de la
Notre-Dame de mars précédente par l'ordre du grand vicaire
du R. Archevesque de Besançon et conduites en une maison
des prestres d'Auxonne ou elles avoient demeuré; depuis
cinq autres procès-verbaux du dict jour septiesme novembre
des déclarations de Mr Claude Nouvelet, prestre au dict
Auxonne, dû dict Mr Pierre Denisot, de soeur Jacqueline
Jobert, de la soeur Janon et de la ditte Jannel, supérieure;
requeste de la ditte Buvée du deuxiesmc may dernier a ce
BARBE BUVÉE. 1205
qu'ayant égard au misérable estât où elle estoit réduitte, il
pleut à la cour octroyer la forclusion par elle précédemment
requise contre le dict Procureur Général et ordonné que pour
estre faict droit au principal, les parties mettroient leurs pièces
civiles par devant le greffe; signification de la ditte requeste
et la responce faicte à icelle par 111' Jacques Cugnois, procu-
reur du dict Salin, promotteur, que inutilement la ditte signi-
fication lui estoit faicte puisqu'il n'est plus partie au procès
qui se faisoit de l'autorité de la cour à requeste du dict Pro-
cureur Général, en ayant le dit Salin esté deschargé et mis
hors de cour par arrest du cinquiesme janvier mil six cent
soixante et un; arrest donné sur la ditte requeste le seiziesme
du mois de mai par lequel attendu les conclusions du dict
procureur général et sa déclaration qu'il n'avoit austre tesmoi-
gnage à faire ouyr que ceux découverts en la procédure, il
auroit esté ordonné que la ditte procédure seroit communi-
quée au dict procureur général pour donner ses conclusions
définitives à l'égard de la ditte Buvée, à cet effect icelle remet-
troit par devant le greffe criminel touttes pièces que bon lui
sembleroit dans trois jours; requeste de la ditte Buvée du
huictiesme du dict mois de may à ce qu'ayant égard que
les religieuses du dit Couvent d'Auxonne jouissoient de sa
dotte il pleut à la cour lui adjuger provision de la somme
de quatre cens livres pour subvenir à sa nourriture et entre-
tènement et frais nécessaires pour sa défense ; signification
de la ditte requeste et la responce faite à icelle par 1\11 IIum-
bert Lucot, procureur des dittes religieuses Ursulles ; austres
requestes des onze et douzième du dict mois de may à mesmes
fins que la précédente, production de la ditte Buvée par l'in-
ventaire de laquelle elle auroit conclu à son renvoy des dittes
accusations avec réparation de la calomnie, et adjudication
d'interests et dépens contre les partyes secrètes et dénoncia-
teurs et encore à la restitution de la somme de trois mille livres
de sa dot et autres choses rapportées en son contract d'en-
trée au dict couvent du quinziesme avril mil six cent vingt-six,
avec intérêt depuis vingt années qu'elle avoit demeuré au
couvent de Flavigny et autres eschus à compter du jour qu'elle
estoit sortie du dict couvent, pour estre le tout porté par elle
au monastère qui les recevroit. »
Conclusions du procureur général du Roy.
206 HISTOIRE ET CRITIQUE..
« La cour a renvoyé et renvoie la ditte Buvée des accusa-
tions contre elles formées, ordonne que l'information con-
cernant le complot prétendu faict contre la ditte Buvée sera
continué et procédé par le Commissaire à l'entière instruction
du dict procès contre ceux qui s'en trouveront prévenus; à
cet effect le dict arrest du dix huitiesme mars mil six cent
soixante et un sera exécuté pour après la ditte instruction,
estre pourvu sur la réparation demandée par la ditte Buvée,
adjudication de ces dommages et interest, ensemble sur la
peine de la calomnie ainsi qu'il appartiendra ; ordonne aussi
que la ditte Buvée sera transférée en un autre monastère du
mesme Ordre ; à cet effect se pourvoira à ses supérieurs, et
pour faire droit sur la restitution de sa dot, les partyes feront
ouyr par devant le dict Commissaire et cependant adjugé et
adjuge à la ditte Buvée pension annuelle de ioo livres qui lui
sera payée par les dittes religieuses du dict Couvent d'Auxonne,
à faute de quoy elles y seroient contrainctes, ordonne en
outre que le procès sera faict et parfaict à la dicte Bourgeot
en prison fermé. ' ,
« Faict à la Tournelle de Dijon, le quatriesme août mil six
cent soixante deux,
« PELLETIER, greffier. »
Cet arrêt protecteur réhabilitait entièrement Barbe Buvée
en mettant à néant les imputations dirigées contre elle. Il
renversait également, en ruinant indirectement la théorie de
la possession démoniaque, tout l'échafaudage habilement
dressé par les exorcistes, pour dissimuler leurs agissements
suspects du début. La partie semblait perdue pour eux et tout
autre se fût déclaré vaincu. Il n'en fut rien cependant. L'échec
retentissant, que leur infligeait l'arrêt en question, ne fit
qu'accroître leur ténacité à le battre en brèche, par tous les
moyens possibles et en obtenir la cassation.
' Le hasard vint les servir à souhait en leur fournissant, au
moyen de l'affaire Moroge, l'occasion inespérée d'intervenir
de nouveau à Paris et de revenir à la charge.
{La fin prochainement.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXVIII. AMBLYOPIE TOXIQUE DUE A L'ABSORPTION DE VAPEURS DE Dl-
NITRO-BENZOL DANS LES MANUFACTURES D'EXPLOSIFS ; par Shnéon
SNELL.
L'auteur rapporte six observations d'ouvriers ou ouvrières des
manufactures de l'Etat où se fabriquent les explosifs, roburites
sichérites, etc., dans des locaux insuffisamment aérés où les vapeurs
de ces substances manipulées s'absorbent par les voies respiratoires.
C'est un rétrécissement concentrique, irrégulier, symétrique du
champ visuel que l'on observe le plus souvent. Les autres symp-
tômes de l'empoisonnement consistent en tremblements et anai-
blissements des extrémités, ataxie, modification des divers réflexes,
palpitations et troubles vaso-moteurs(cyanosesetaspliyxieslocales).
(Bi,ilish Med. Jozi2,7z., 3 mars 1894.) . A. Marie.
XXIX. ËNCEPHALOCÈLE {ablation et hydrocéphalie consécutive suivie
de mort)'; par W. Mackie. (Brilish AM. Joum., -10 mars 1894.)
L'enfant à la naissance présentait une tumeur occipitale du
volume d'une orange, contenant de la substance cérébrale comme le
montra l'opération. Après la fermeture de la fistule consécutive par
' laquelle coulait du liquide céphalo-rachidien, l'hydrocéphalie se dé-
veloppa et entraîna la mort au soixantième jour. A. Marie.
XXX. Un- cas DE paralysie consécutive A la varicelle; par William
GAY.
La paralysie atteignit les membres inférieurs dont la paraplégie
coïncida brusquement avec la chute des croûtes de l'éruption de
.'varicelle chez l'enfant. {Brilish Ne(l. Joit7@ii., 31 mars 1894.)
A. Marie.
XXXI. Aphasie SENSORIELLE avec agraphie, cécité, surdité verbale ;
par HARDING TOMEINS.
C'est l'observation d'un malade atteint d'liémorrlia"ie d'une des
branches postérieures terminales de la cérébrale moyenne corres-
pondant aux circonvolutions marginales. (Bnitislc lllcd. Jou· : z.,
28 avril 1894.) A.MARIE.
208 REVUE DE pathologie nerveuse.
À ,' . '
XXXII. Myélite diffuse aiguë'; par 1. DRESCHFELD (British 3[ed. JOtll' ? 2.,
2 juin 1894.) ..
Revue de la question à propos d'une observation détaillée avec
préparations microscopiques à l'appui. Les préparations de moelle
' sont des types de dégénération secondaire par foyers scléreux dis-
séminés. Les nerfs périphériques, en particulier le nerf optique,
sont proportionnellement plus lésés. L'auteur cite également le ré-
sumé d'un cas répondant à l'ataxie aiguë de Leyden. A. Marie.
XXXIII. Epilepsie SÉNILE; par Mausel Sympson. ,
Deux observations d'épilepsie idiopathique sans lésion microsco-
pique appréciable à l'autopsie. Ni paralysie ni troubles des sens spé-
ciaux.Les malades eurent leurs premières attaques après la soixante-
treizième année. (British Aled. Joz ? 'n., 19 mai 1894.) A. 111ARIE. "
XXXIV. Chlorose ET aménorrhée avec troubles cérébraux,
par CRAWFORD THOMSON.
Observation d'une jeune fille de vingt-trois ans ayant présenté "
une névrite optique double avec diplopie et symptômes de ménin- '
gite basilaire coïncidant avec un état cblorolique et disparaissant
avec luisanstraitementspécifiquc. (B ? ,ilish31ed. Jou ? nz., 18 mai 1994.)'`
A. Marie. z
XXXV. Cinq cas DE paralysie PSEUDO-IIYPERTROPHIQUE dans UNE même'
famille ; par Frédéric CoLEY. (British. Med. Joura., 24 fé-
vrier 1894.)
Quatre photographies nous montrent les deux principaux ma-
lades de cette famille, deux frères de onze et dix-huit ans. Tous les
membres delà famille paraissaient quelque peu retardés dans leur
développement physique et semblaient plus jeunes que leur âge.
L'intelligence était d'une bonne moyenne. Les garçons étaient
plus atteints que les filles (non seulement les membres inférieurs,
mais les épaules et les troncs étaient atteints de pseudo-hypertro-
phie musculaire). A. Marie. '
XXXVI. Monoplécjie brachiale DROITE ET dysesthésies consécutives A
UN traumatisme DE la ZONE antérieure frontale gauche DE la COR-
TICALITE; par LYNN Thomas. (British. Med. Joui-îz., 21 février 1894.)
Le malade est un mécanicien blessé dans un accident de chemin
de fer par une tige métallique ayant pénétré à travers la paroi
crânienne gauche. Deux ans et demi après l'accident une partie des
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 209
mouvements est revenue, mais il persiste certaines parésies parti-
culièrement pour les interosseux (modification de l'écriture consé-
cutive) ; en outre il y a perte de la sensibilité tactile à la douleur
dans la main et l'avant-bras et perte de la sensibilité thermique
dans la main ; altération trophique des ongles et hyperidrose
correspondante (figures à l'appui). A. MARIE.
XXXVII. Tabès ET diabète; par le Dr P. BLOCQ.
Intéressante observation de tabes vrai coexistant chez le même
sujet avec un diabète vrai, ayant produit une paraplégie du groupe
de celles que l'auteur a proposé d'appeler toxiques, à type de flexion
plutôt que pseudo-tabès. D'une part, l'ataxie locomotrice est af-
firmée chez le sujet par les signes caractéristiques de la série
tabétique, tels que : douleurs fulgurantes typiques, douleurs en
ceinture, diplopie transitoire, signe d'Argyll Robertson, parésie
vésicale, abolition complète des réflexes tendineux. D'autre part,
le diabète est démontré également chez le malade par ses signes
ordinaires : polydypsie, polyphagie, abondance et permanence de
la glycosurie (48 grammes de sucre par litre). Le diagnostic
ne laissait pas que d'être assez délicat, eu égard à la nature de la
paralysie. La localisation nette des troubles aux extenseurs de la
jambe, la bilatéralité des lésions, l'absence des douleurs caractéris-
tiques et la présence du sucre dans les urines permit de porter le
diagnotic de tabès avec diabète et paraplégie diabétique et de poser,
au sujet de la paraplégie, un pronostic plus favorable que si elle
était de nature tabétique; l'événement a heureusement justifié ce
pronostic, et le malade a, tout au moins temporairement, recouvré
l'usage de ses membres. {Revue neurologique, 1894.) E. BLIN.
XXVIII. ARTIIROPATIIIE SYTINGOMYËLÎQUE ET DISSOCIATION
DE LA SENSIBILITÉ par M. J.-B. CHARCOT.
Intéressante observation d'une malade syringomyélique avérée,
chez qui, à la suite d'un traumatisme léger, s'est produite une luxa-
tion et arthropathie de l'épaule, avec apparition sur la surface,
cutanée de cette région d'une zone de dissociation de la sensibilité
du type syringomyélique, alors qu'auparavant la sensibilité était
normale à ce niveau. La coïncidence de cette anesthésie particu-
lière au niveau même de l'articulation malade est la règle dans les
différents cas d'arthropathie signalés et la présente observation,
plus qu'aucune autre, est démontrative de ce fait (Revue neurolo-
gique, 1894). , E. B.
XXXIX. SUR UN cas d'encéphalite corticale ET DE poliomyélite
antérieure associées; par le Dr H. Lame.
Il s'agit d'un malade de quarante-trois ans, qui présentait une para
Archives, t. XX V1H. 14
10 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
lysie atrophique du membre inférieur droit, remontant à la pre-
mière enfance. 11 avait eu, d'autre part, à cette époque de sa vie,
de nombreuses convulsions; l'intelligence s'était peu développée. Ce
malade succomba aux progrès rapides d'un cancer de l'intestin.
L'autopsie fit découvrir des lésions anciannes d'encéphalite dissé-
minées à la surface de l'hémisphère gauche. D'autre part, la
moelle était absolument saine dans toute la hauteur des régions
cervicale et dorsale ; mais, à partir de la région lombaire inférieure
et dans toute l'étendue de la région sacrée, la corne antérieure
du côté droit présentait une atrophie considérable.
Tout l'intérêt de l'observation se résume dans la présence simul-
tanée d'une altération ancienne du cerveau, qui n'eût pas manqué
de produire une hémiplégie infantile si elle eût été plus étendue,
et d'une lésion médullaire localisée, contemporaine de celle-ci,
ayant eu pour conséquence une paralysie atrophique du membre
inférieur ; et dans la conclusion qui s'en dégage légitimement, à
savoir que les deux lésions ont dû se développer sous l'influence
d'une même cause morbide, quelle qu'elle soit. {Revue neuro-
logique, 1894.) E. 13Lm.
XL. De la ST\TION sur les talons chez les 11'oP,ITIIIQUf· : S; par les
Drs Richer et Meige.
Les myopalhiques présentent, au point de vue de leur confor-
mation extérieure, de leurs attitudes, de leurs différents mouve-
ments, des irrégularités intéressantes qui précisent le diagnostic et
complètent les renseignements fournis par l'examen clinique.
Dans le présent mémoire l'auteur attire l'attention sur un mode
de station particulière, rarement utilisé, il est vrai, dans la vie
ordinaire et dont la recherche chez les myopathiques peut être la
source de signes diagnostiques intéressants. Tout d'abord un fait
à constater, c'est la possibilité pour un individu normal de se tenir
et de marcher sur les talons sans que la plante du pied repose sur
le sol.
Si l'on commande à un myopathique d'exécuter ce mouvement,
si facile à réaliser pour l'homme normal, on voit qu'il est absolu-
ment impossible au malade de détacher du sol la pointe de ses
pieds. Ce signe a une réelle importance, car, alors même que l'a-
trophie ne se révèle par aucune modification appréciable des formes
extérieures, il permet d'affirmer à coup sûr l'envahissement fibreux
des masses musculaires des gastrocnémiens, partant de confirmer
le diagnostic de myopathie. L'incapacité fonctionnelle, de relever
la pointe du pied n'est pas imputable à la faiblesse des muscles de
la région antéro-externe de la jambe, car on éprouve une résis-
tance invincible lorsqu'on cherche avec la main à plier le pied sur
la jambe. Dans la station sur les talons, en effet, à l'état normal,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 211 ? les muscles gastrocnémiens sont distendus ; or, chez les myopa-
-tiques, ces muscles de la région postérieure de la jambe ont subi
~ une transformation fibreuse et opposent à la distension une résis-
tance considérable que les muscles de la région antéro-externe ne
"'peuvent vaincre, quelque normaux qu'ils puissent être.
Une autre conséquence de ce raccourcissement des muscles gas-
trocnémiens consiste en ce fait que les malades, lorsqu'ils marchent,
- n'appuient pas leur talon sur le so ! aussi complètement que le
'' font les individus sains. Il leur est également impossible de s'ac-
croupir, ce mouvement nécessitant encore la flexion en avant de
la jambe sur le pied. (Revue neurologique, 1894.) E. BLIN.
SCTRROSE en plaques infantile d'origine grippale;
par les Drs 1)1.%SS.LO.I;Go et Silvestri.
Il s'agit d'une sclérose eu plaques disséminées infantile, sur-
venue chez une enfant de six ans, au cours d'une atteinte d'in-
iluenza. Le diagnostic de sclérose en plaques a été établi sur
l'existence d'un tremblement intentionnel, la parole nettement
scandée, l'exagération des réflexes tendineux, la démarche spas-
- modique légèrement ataxique, sur l'examen ophtalmoscopique, etc.
De la discussion faite à propos de ce cas, les conclusions sont les
suivantes : 1° importance étiologique des maladies infectieuses, dans
-la genèse de la sclérose en plaques disséminées; 2° aussi bien que
- 'les autres maladies infectieuses, l'influenza peut provoquer le déve-
loppement de la sclérose en plaques disséminées; 3° mieux que la
théorie des loxines produites par les micro-organismes pathogènes,
- celle de la migration de ces mêmes microbes à travers les parois vas-
culaires malades (d'artérite infectieuse), a de la valeur pour l'inter-
" prétation de la pathogénese des plaques de sclérose disséminées dans
le système nerveux central. (Revue neurologique. 1893.) E. B.
XDL A propos D'UN cas d'agraphie sensorielle ;
par le 0'' Souques.
Il s'agit d'un nouvel exemple d'agraphie par cécité verbale, en
tous points comparable aux cas récents de MM. Déjérine, Berckan
et Sérieux. A l'autopsie, les lésions sont localisées dans l'hémisphère
cérébral gauche. Elles consistent en une tumeur volumineuse,
d'apparence gliomateuse.
' Cette tumeur fait saillie à la surface des circonvolutions, sur la
face externe au niveau du pli courbe qu'elle détruit, et sur la face
' interne au niveau de la partie inférieure du lobule quadrilatère.
L'intégrité de la deuxième frontale range forcément l'agraphie
dans la catégorie des agraphies sensorielles par cécité verbale.
Les rapports qui existent entre le centre visuel et le centre era-
12 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
phique sont soumis aux mêmes lois que les relations des centres
auditif et d'articulation. Il y a des gens peu éduqués, tels la plupart
des malades des hôpitaux, qui restent à l'état infantile, en ce sens
qu'ils ne peuvent écrire sans se représenter mentalement l'image
visuelle, comme aux premiers jours. On conçoit que si ces gens-là
sont frappés de cécité verbale, l'agraphie s'ensuive nécessairement
et dans ces cas l'agraphie aura existé sans qu'à l'autopsie on ren-
contre une lésion du centre moteur graphique. Mais chez certains
adultes, à centre graphique émancipé, la cécité verbale ne devra
pas s'accompagner d'agraphie. Dans cet ordre d'idées, le malade
qui fait le sujet de l'observation, traçait facilement, correctement
et d'un seul trait, ses nom et prénom. Le mécanisme de l'écriture
était donc conservé pour ces deux mots. Il existait donc chez ce
malade un centre graphique automatique, indépendant du centre
visuel verbal, pour sa signature. Il est logique d'admettre que, si
cet homme eût été plus lettré et aussi habitué à écrire les mots
vulgaires que son nom et son prénom, il aurait également créé
pour ces mots vulgaires un centre graphique automatique, qu'il
aurait émancipé du centre de la vision des mots et que, dans ces
conditions, la cécité verbale n'aurait pas entraîné chez lui l'agraphie.
Cette observation semble donc plaider indirectement pour
l'existence indépendante d'un centre moteur graphique automa-
tique. {Revue neurologique, 1894.) . E. B.
XLIII. NOTE SUR QUELQUES phénomènes DE COMPRESSION DU NERF CUBI-
TAL, produits par l'apophyse SUS-ÉPITROCHLÉENNF; par MM. les
Drs Ferlé et BATIGNE.
L'apophyse sus-épitrochléenne a surtout été étudiée au point de
vue de l'anatomie comparée. Cette anomalie, tantôt unilatérale,
tantôt bilatérale, varie considérablement de fréquence suivant les
auteurs : de 1 à 7 p. 100. On l'aurait trouvée plus fréquemment
chez les aliénés.
L'auteur, ayant examiné les humérus de plus de 200 épilep-
tiques, n'en a trouvé que l'exemple qu'il rapporte. Dans ce dernier
cas, dans certains mouvements brusques d'extension du membre
supérieur se produisait une douleur suivie de fourmillements dans
le domaine du cubital, ce nerf venant alors s'archouter et se
tendre immédiatement sur la saillie osseuse. (Revue neurolo-
gique, 1894.) E. B.
XHV. D'UN symptôme QUI fréquemment accompagne L'LIIZURÈSE NOCTURNE
des enfants; par S. Freud. (Nettrolog. Ceizt2,albl., 1893.)
La moitié de ces enfants ont une exagération de la tonicité des
extrémités inférieures; quand on veut, en les saisissant par les
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 213
pieds, leur écarter les jambes, on se heurte à une résistance des
adducteurs. Le triceps crural résiste également; il est difficile de
leur fléchir la jambe étendue sur la cuisse. Les réflexes tendineux
sont exagérés et les masses musculaires tendues. Ceci indique une
irritation spinale et permet de concevoir le mécanisme de l'incon-
tinence par surexcitation du muscle qui vide la vessie (d6()' : Mor
vesiex). P. KERAVAL.
XLV. Observation DE tabès A symptômes bulbaires ;
par F. Chvostek. (Nezarolog. Centralbl., 1893.)
Observation, sans autopsie, de tabes avec une paralysie de
presque tous les nerfs crâniens et troubles respiratoires (dyspnée,
crises laryngées, dysphagie). Les accidents prennent une intensité
toute particulière au moment où, les phénomènes paralytiques de
la branche motrice du trijumeau du côté droit ayant progressé, le
masticateur du côté droit présente un état de parésie marqué; le
facial droit est atteint, moins la branche frontale. C'est alors que,
sans qu'il y ait d'affection pulmonaire ou pleurale, la dyspnée
revêt une acuité toute particulière; il y a même apnée du côté
gauche. P. K. -
XLVI. DES allures du réflexe Y.1TELL<11RE dans LE diabète sucré;
par K. GRUBE. (Neurolog. Ccnt·albl., 4893.)
Ce réflexe faisait défaut chez 10 malades sur 131, soit 7,6 p. 100
dont neuf cas de diabète léger. Il avait diminué chez 4 malades
atteints de diabète grave dont un avec névrite double et troubles
trophiques. P. K.
XLVII. Du tabès chez la femme; par P.-J. 11BICIS. (C6n<)'a<6<. f. Ncr-
,venheiIA-. N. F., IV, 1893.)
Suite au mémoire paru dans le même journal en 1881 (t. Vil),
prouvant que le tabes est bien syphilitique. Observations XIX à
XXXIX. Chez la plupart des femmes tabétiques, les commémo-
ratifs décèlent la syphilis, chez presque toutes il existe des condi-
tions rendant probable l'infection antérieure ; ce mémoire permet
même de dire chez toutes. Sans doute la preuve directe est souvent
impossible, surtout chez les femmes mariées. Mais il n'y a pas un
seul cas dans lequel la syphilis soit improbable. Age moyen. :
trente-quatre ans et demi. Intervalle moyen entre la syphilis et le
tabès : huit ans.. P. K.
XLVI11. DES accès d'angoisse larvée ET abortive dans la NEURASTHÉ-
NIE ; par E. Hecker. (Ceiit ? ,albl. f. Nervenheilk. N. F., IV, 1893.)
Les neurasthéniques sont, dans des proportions considérables,
hantés par des angoisses à forme somatique qui remplacent des
214 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
accès d'angoisse complets. Il est rare qu'ils aient des accès carac-
térisés. En tous cas, les accès ne sont pas accompagnés de la sen-
sation psychique d'angoisse, ce sont : de l'agitation cardiaque
(battements de coeur); de l'accélération de la respiration, superfi-
cielle, comme tremblée; de l'incertitude de la démarche avec ver-
tige; des sensations de froid, d'engourdissement, d'horripilation,
avec sueur dans les membres (troubles circulatoires) ; de l'insuffi-
sance des sphincters; des épreintes; de la contracture pharyngo-
oesophagienne; de l'insomnie. Observation. En'pareils cas, c'est le'
trouble somatique préalable qui produit l'émotion morale par sa
perception même, l'angoisse est un effet non une cause. Voir la
théorie chimique de Kowaleswky. (Cettralbl. f. iYei,v., 1890.) P. K.
.\LIX. Sur un cas D'IIËRÉDO-ATAXOE cérébelleuse ; par les
D1'* Brissaud et LoNDE.
M. P. Marie a désigné sous le nom d'hérédo-ataxie cérébelleuse
une affection familiale très proche de la maladie de Friedreich
mais se développant à une époque plus tardive(après la vingtième
année) et ne présentant en général ni troubles trophiques, ni pied
bot, en même temps que les réflexes rotuliens sont conservés ou
exagérés et que se présentent des troubles visuels qui consistent eu
rétrécissement du champ visuel, dyschromatopsie et diminution de
l'acuité visuelle.. , ". 1,
Entre l'hérédo-ataxie cérébelleuse et la maladie de Friedreich
existent des formes de transition. L'intéressante observation rap-
portée parles auteurs parait appartenir à ce dernier, groupe :
toutefois étant donné qu'il fallait le déterminer, ce cas rentre
plutôt dans le type tardif de M. Marie.
Cette observation se résume ainsi qu'il suit : perte de l'équilibre,
du moins incomplète, se traduisant par la titubation, mouvements
choréiformes; déviation scoliotique de la colonne vertébrale; nys-
tagmus, sans autre trouble visuel; parfois du tremblement de la
tête; embarras de la parole consistant surtout dans l'irrégularité
et l'inégalité de la voix, exagération des réflexes : début après vingt-
deux ans par l'incertitude des membres inférieurs. Pas de douleurs,
pas de troubles sphinctériens, pas de troubles de la sensibilité, mais
tristesse et irritabilité; antécédents nerveux indiquant une ten-
dance à la dégénérescence; tare rhumatismale acquise. Enfin, fait
capital, existence de la même maladie chez une soeur cadette.
{Revue neurologique, 1891..) E. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRES DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
. DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.
SESSION DE clermont-ferrand.
` (uu (i uzc l1 aoît iS9'r.)
,* Après Rouen (1890), Lyon (1891), Blois (159), la Rochelle
l'an dernier, vient cette année la réunion de Clermont-Ferrand.
Le congrès s'est ouvert le lundi 6 août, à huit heures du matin,
à l'hôtel de ville, dans la salle du conseil municipal, mis gra-
cieusement àla disposition des congressites. Après les souhaits
de bienvenue de M. Bardon, préfet du Puy-de-Dôme, et ;M. Lc-
cuellé, maire de Clermont-Ferrand, le bureau a été constitué
ainsi qu'il suit : président, M. le professeur P1ERRET, médecin
en chef de l'asile de Bron, désigné au Congrès de la Rochelle ;
vice-présidents, CHAIIPENTIER, médecin de Bicêtre, et Ritti,
médecin de Charenton ; secrétaires des séances, MM. Klippel
(de Paris), DEVAY (de Lyon). Le secrétaire général était
- NI. le D'' Hospital, médecin de l'asile Sainte-Marie, qui avait
accepté la difficile mission d'organiser le Congrès. Ont été
nommés : présidents d'honneur : MM. BARoox, BoucHARD,
J. Falret, LADAME et Monod. Ensuite, M. PIERRET a pro-
noncé un excellent discours que nous croyons utile de repro-
duire in exte ? iso :
Messieurs,
Dans la cité qui vit naître Pascal, les phrases creuses, les longues
périodes, les vains discours sont moins qu'ailleurs à redouter. Si
je ne sais pas être concis, je serai bref, tout au moins. Avant tout,
je dois remercier tous ceux de mes confrères qui, à mon insu, ont
bien voulu me choisir pour présider le Congrès où, pour la pre-
mière fois, les aliénistes de langue française donnent la main à leurs
frères les neuropathologistes. Je les remercie du fond du coeur. Ce
2 ! 6 6 sociétés savantes.
devoir accompli, ils me permettront, j'en suis sur, d'adresser un
triste et reconnaissant souvenir au maître qui m'a fait digne d'être >
leur élu. C'est à M. CHARCOT que va ma pensée; c'est lui qui
devrait être ici. 1 . , ',1 ^ , or
Je voudrais être encore à cette heureuse période de la vie, où
l'imagination se plaît à nous faire accroire que, par des liens mys-'
térieux, les morts restent unis à ceux qui les ont aimés. J'évoque-'
rais alors deux grandes ombres : Pascal, Charcot, et j'aimerais à
penser que, pour toute la durée de nos travaux, ils seront 'au
milieu de nous pour inspirer à tous les saines critiques et les appré-
ciations désintéressées. Il 1 1
Les circonstances sont graves : la psychiatrie, longtemps retenue
dans les dédales de la philosophie, vient, sans renier son passé, ' °
briser des liens trop serrés, faire son profit des admirables décoli-
vertes qui ont élucidé la texture et défini le rôle du cerveau de'
telle façon que Gall lui-même est dépassé. Dans ces hémisphères, <
en apparence très compliqués, il n'est pas aujourd'hui de gan-
glion si reculé qui n'ait son nom et sa fonction probable. La
mémoire, disséquée, se résout en mémoires partielles dont chat >
cune a son habitat. On sait, à n'en plus pouvoir douter, quels sont,
les points limités du cortex dont la destruction organique ou l'in-
suffisance fonctionnelle engendrent la surdité ou la cécité ver-
bales, de même que l'on décrit avec précision le lieu anatomique-
de l'aphasie motrice et de l'agraphie. On sait dans quels groupe-
ments ganglionnaires arrivent à s'emmagasiner, sous une forme*
variée du mouvement, les images auditives ou optiques. C'est dire
que le siège central des hallucinations de la vue et de l'ouïe est (
désormais connu. Ces notions capitales sont le résultat des efforts ' `
convergents des neuropathologistes et des aliénistes.
Charcot, Messieurs, était l'un et l'autre, et j'imagine que si la
mort l'avait épargné, il aurait lui-même tiré de l'hystérie quelque
belle et grande étude de psychologie morbide. Laissez-moi vous
parler un instant de ce Maître dont je fus l'ami. - ,
L'énorme influence qu'il a exercée sur les sciences médicales, je
l'attribue, sans hésiter, à ce fait qu'il s'est spécialisé très tard. Les
impressions reçues près de ses premiers maîtres l'entraînaient, en .
effet, vers la médecine générale. C'est alors qu'il étudie la goutte,'
le rhumatisme, les maladies rénales et les processus séniles. Les
recherches sur les maladies du système nerveux étaient d'abord z
plutôt concentrées dans les mains de Vulpian, cet autre maître z
qui tirait son originalité de travaux d'anatomie et de physiologie -
comparée, poursuivis dans les laboratoires du Muséum. Mais bientôt
Vulpian, pourvu de la chaire d'anatomie pathologique à la Faculté,
tourne pour un temps son activité dans un autre sens, et Charcot. -
reste seul pour parachever des recherches dont beaucoup avaient - ·
.été commencées par les deux amis. - , , . ?
SOCIÉTÉS ' SAVANTES . 217 Î
-L'analyse des scléroses médullaires d'abord entamée par Bou-.
chard,sous l'impulsion directe et puissante de Charcot, est reprise
par de nombreux élèves dont je ne puis vous faire l'éloge, parce
qu'ils sont ici presque tous. Dans un laboratoire étroit, mal éclairé,
mal outillé, par la seule initiative du maître et des élèves, et le
plus souvent, aux frais des travailleurs eux-mêmes, on voit s'éta-
blir un véritable atelier de neuropathologie. On y était pauvre
d'argent, riche d'ardeur - et quelquefois d'un peu d'ambition. Que
de difficultés au début ! J'ai connu ce temps et, sur ce point, mon
collègue et ami, le professeur Joffroy, ne me démentira pas ce
temps où, pour savoir avec certitude où se trouvaient les origines
réelles de l'hypoglosse, Duchenne (de Boulogne) dut négocier avec
Lockhart-Clarke l'envoi d'une préparation normale qui, pour plus
de sûreté, fut littéralement copiée par moi à la chambre claire.
Le résultat de cet effort collectif ne fut rien moins que la consta-
tation définitive de la disparition des cellules nerveuses motrices
dans le bulbe et la moelle d'une malade atteinte d'atrophie mus-
culaire et de sclérose latérale. Plus tard, cette observation devint
point de départ pour la description d'une maladie nouvelle : la
sclérose latérale aimjolrophique.
Charcot, Vulpian, Duchenne (de Boulogne), tels furent les trois
maîtres qui surent créer et faire vivre à la Salpêtrière une école
dont il ne sied pas de dire trop de bien. La méthode employée fut
la méthode anatomo-clinique à l'exclusion de toute autre, et l'avenir
prouvera que telle était la vraie manière de Charcot, celle qui cor-
respondait le mieux à son goût si vif pour l'isolement de types
nouveaux et pour les descriptions dont les lignes sont tellement
bien arrêtées qu'elles sembleraient un peu schématiques. C'est à
l'emploi de cette méthode que sont dues tant de données originales
sur les localisations spinales et bulbaires, les myélites systématiques ;
enfin sur les localisations cérébrales.
A l'étranger, comme en France, on a l'habitude, injuste à mon
sens, de dire que tout cet ensemble de faits élucidés, tous ces tra-
vaux et toutes ces activités groupées autour d'un maître, constituent
l'oeuvre de l'École de la Salpêtrière. Mais, messieurs, une école de
la Salpêtrière existait avant Charcot, avant nous. L'objet de ses
études était-il donc si différent du nôtre ? Y a-t-il deux Salpêtrières ?
Celle des Pinel, des Esquirol, des Voisin, des Delasiauve,, des
Trélat, des Moreau, des Baillarger, et celle de Charcot ? A vrai dire,
les deux écoles, avec des points de départ différents, tendaient au
même but et sont destinés à se. confondre.
Oser se dire ncuropathologiste et ignorer les rapports établis
par Baillarger entre la sclérose postérieure et la paralysie générale,
serait aussi présomptueux que de prétendre connaître à fond cette
terrible maladie sans en avoir étudié les localisations médullaires.
A-t-on le secret de tous les malaises dus à l'alcoolisme, si l'on
218 SOCIÉTÉS SAVANTES. -
oublie les névrites qu'il engendre si souvent, et ne voyons-nous'
pas à l'étranger des aliénistes très convaincus décrire avec détails ! t
ce qu'ils appellent la psychose polynévritique ? '
Tout n'est pas terminé cependant, et les deux branches de'
l'École de la Salpêtrière ont encore quelque distance à parcourir
avant de s'unir comme les affluents d'un grand fleuve. Le pas qui'
reste à faire, c'est l'étude des auto-intoxications qui le rendra facile,
et le terrain sur lequel la jonction s'opérera n'est autre que celui'
de la médecine générale elle-même. Sans doule, il est beau d'avoir
étudié un par un tous les désordres de la pensée et d'avoir orné
chacun d'eux de dénominations suggestives. Les Jussieu de la psy-
chiatrie sont à bout de classifications. '
Sans doute, il est excellent d'avoirmontré que de minimes lésions'
suffisent à mutiler les facultés mentales réputées jusqu'alors unes
et indivisibles, il faut encore aller plus loin, plus haut et savoir
quelle est l'essence de ces phénomènes fugitifs que, dans notre
ignorance, nous qualifions de fonctionnels et que nous osons
regarder comme indépendants de toute lésion matérielle. Il faut,' à
nos yeux myopes, de très grosses lésions, et nous nous glorifions
quand une cicatrice, un foyer de sclérose ou un rétrécissement
vasculaire s'est offert de lui-même à notre observation superficielle.
Pourtant, nombre de cas négatifs nous embarrassent et apparaissent
contradictoires. Beaucoup les oublient, d'autres s'en emparent pour
invoquer des actions à distance que la physiologie reconnaît possi-
bles, ou des actions dynamiques que, seule, la chimie sait expliquer. '
Le dynamisme cellulaire, considéré comme la somme des actes
biologiques dont la cellule est le siège, est-il donc pour toujours
hors de la portée de notre observation directe ? A vrai dire, je' ne
le crois pas, mais pour étudier les délicates modifications physico-
chimiques qui suffisent, cela est sûr, pour modifier en plus ou en
moins les activités cellulaires, il faut d'autres techniques que les
nôtres; il faut s'inspirer des procédés qui ont permis aux cyta-
logues de définir le rôle énorme que jouent, dans la cellule, le
noyau et les plastidules; il faut, avec le professeur Gauthier, épier
et surprendre les actions et les réactions de la cellule vivante.
Ce travail, si difficile à première vue, il est, vous le qavez, com-
mencé.
On peut faire quelques inductions bur une opération chimique
quand on en connaît les résidus. Nous pouvons donc, par l'examen
des urines, acquérir des idées très vraisemblables sur la composi-
tion des urines qui baignent les éléments anatomiqucs d'un sujet
donné. Aussi, ne voyez-vous pas que la génération médicale est en
quête de la formule chimique propre aux différents nerveux. L'un
montre combien les délires actifs modifient la constitution des
urines, tandis que la démence les rend pauvres en éléments de
désassimilation. Tel autre poursuit la recherche de la formule uri-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 219
naire de ces multiples syndromes qui sont l'hystérie. Qui donc a
démontré qu'en nombre de cas la maladie sacrée, l'épilepsie, n'est
qu'une urémie, le crétinisme, un empoisonnement. De tous côtés
surgissent des travaux qui, mettant, en évidence la toxicité des
humeurs, rapportent au conflit de certains poisons, avec les sub-
stances albuminoïdes de la cellule, les déviations les plus variées
de l'intelligence. Que dis-je ? nous savons, depuis les travaux de
Bouellard, que la cellule fatiguée s'empoisonne elle-même et peut
mourir, tuée par ses propres produits, si les opérations de voirie
cérébrale sont entravées de quelque façon. Réunissez les noms de
tous ceux qui, dans le cours de ces dernières années, ont produit
dans ce sens les meilleurs travaux et vous vous convaincrez qu'avant
peu, d'années, la chimie et l'histochimie biologiques auront pour
toujours uni les aliénistes, les neuropathologistes, les physiologistes
et les médecins., >é - .
Après ce discours, qui a été accueilli par de justes et una-
nimes applaudissements, le Congrès aborde la discussion de la
première question générale. - -
' -' , ' ? RAPPORTS DE L HYSTERIE ET DE I.A 1·'OLII : .
- w i' -
.M. Gilbert Ballet (de Paris), rapporteur. « L'hystérie, a dit
Esquirol, dégénère et passe souvent à la folie et, dans beaucoup de
cas, elle n'en est que le premier degré. » Cette proposition qui, dans
sa forme vague, est susceptible de plus d'une critique, semble avoir
trouvé crédit auprès des aliénistes à une époque où les notions
régnantes sur les symptômes et les caractères de l'hystérie man-
quaient plus que toutes autres de précision. Si l'on parcourt, eu effet,
les entêtes d'observation ou les certificats d'admission tels qu'on les
rédigeait encore il y a vingt ans à peine, on y voit l'hystérie fréquem-
ment mentionnée bien qu'il nous soit souvent difficile de l'y recon-
naître aujourd'hui, au moins sous les traits caractéristiques qu'ac-
tuellement on lui attribue. Les idées depuis lors se sont notablement
modifiées et l'étiquette folie hystérique, qui fut naguère courante,
n'est plus que rarement appliquée sous nos yeux dans les asiles.
Ce n'est pas que la pathologie se soit transformée; et il suffît de
parcourir au hasard les services hospitaliers pour s'assurer que
l'hystérie n'y est pas moins commune qu'autrefois. On l'y retrouve
chaque pas et on la reconnaît chez des malades qui étaient jadis
arbitrairement classés sous d'autres vocables. Ainsi, tandis que
l'hystérie devenait moins commune dans les asiles, elle augmentait
singulièrement de fréquence dans les hôpitaux ordinaires : c'est
qu'il fut un temps où on la voyait là où elle n'était pas, tandis
qu'on la méconnaissait souvent où elle était.
'MO SOCIÉTÉS SAVANTES
La tendance de la psychiatrie est aujourd'hui de mieux délimiter
les espèces morbides : de symptomatique elle vise à devenir noso-
logique. Etudier les rapports de l'hystérie et de la folie ne saurait
plus consister à énumérer simplement les troubles mentaux variés
qui se peuvent observer chez une hystérique avérée, mais à préciser
l'affection mentale caractérisée par ses causes, son évolution aussi
bien que par ses symptômes à laquelle se rattachent les désordres
cérébraux relevés chez les hystériques. ?
Pour remplir cette tâche il est nécessaire de bien déterminer au
préalable ce que l'on doit entendre par ces deux termes hystérie et
folie, l'un s'appliquant à une maladie psychique dont il ne me
paraît pas impossible de donner aujourd'hui une définition à peu
près précise, l'autre à un ensemble de troubles fort vagues à la
vérité; fort variables de physionomie, d'aspect et d'évolution comme
les espèces morbides dont ils sont la traduction clinique.
Le mot folie a été pris tour à tour dans un sens étendu ou res-
treint. On l'a considéré quelquefois comme synonyme du délire
(vésanique) et plus spécialement de délire intellectuel. L'expression
pour Georget devait servir à désigner les idées, les passions, les
déterminations différentes de celles du commun; pour Foville,
l'état de toutes les personnes qui ne jouissent pas de l'intégrité de
leurs facultés intellectuelles, morales et affectives. C'est dans ce
sens étendu que nous croyons devoir la prendre.
Définir l'hystéi-ic n'est pas chose aisée. Tout le monde est d'ac-
cord pour en faire une maladie mentale. Qu'on continue à la
classer parmi les névroses ou qu'on en fasse décidément une psy-
chose, peu importe : c'est un fait avéré que les troubles qui la
constituent sont d'ordre psychique. Personne ne songe plus à con-
sidérer ses manifestations comme des désordres réactionnels consé-
cutifs à des troubles de l'utérus ou de ses annexes.
Mais cette notion, quelque bien établie qu'elle paraisse, ne lève
pas la difficulté qu'on éprouve a donner de la maladie une défini-
nition exacte et précise. Ni l'étiologie, ni la symptomatologie, ni
le trouble psychologique fondamental qui, tout constant qu'il soit,
ne parait pas absolument spécial à l'hystérie, ne nous fournissent,
à proprement parler, l'élément de cette définition, au moins d'une
définition rigoureuse. Est-ce à dire que l'hystérie ne constitue pas
une espèce morbide nettement distincte ayant sa symptomatologie
spéciale et sa physionomie propre ? En aucune façon.
L'observation clinique, même tout empirique, suffit déjà sinon
à circonscrire avec précision le domaine de l'hystérie, du moins à
nous montrer les principaux des troubles qui la constituent. En
clinique, en effet, on ne se trompe plus sur la valeur et la signi-
fication de certains symptômes qui, rares, fréquents ou habituels,
révèlent leur commune origine et leur identité de nature en se
combinant et s'associant les uns aux autres de telle façon qu'ils
SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 1
forment les éléments constitutifs d'un tout nosographique : les
troubles de la sensibilité générale et spéciale (je rappelle sans
décrire), anesthésies ou plaques hyperesthésiques, les désordres
moteurs, paralysies, contractures, tics et mouvements choréiques,
tremblements, certaines amnésies et aboulies, les attaques, les
crises de somnambulisme, les troubles vasculaires et trophiques,
pour ne citer que les principaux constituent un ensemble dont les
divers éléments par leur coïncidence fréquente, leur alternance
possible, les fantaisies apparentes de leur évolution accusent l'étroite
parenté. Si l'on est embarrassé pour dire où l'hystérie commence
et où elle finit, on ne l'est pas pour affirmer la nature hystérique
des diverses manifestations que nous venons de rappeler.
D'ailleurs ces manifestations (la plupart d'entre elles au moins)
ont un lien commun qui les rattache les unes aux autres et permet
d'affirmer leur communauté d'origine : elles dérivent d'un même
trouble du mécanisme cérébral qui parait être la caractéristique
palhogënique de la maladie.
Dans ces dernières années, différents auteurs ont mis en relief ce
fait que les troubles de nature hystérique tiennent à un état mala-
dif de l'esprit; ils auraient pour point de départ certaines repré-
sentations mentales trop fortes ou des associations d'idées trop
faciles et trop actives. C'était déjà un progrès considérable d'avoir
mis en relief le rôle de Vidée dans la genèse des manifestations de
l'hystérie, mais c'était un progrès insufflant. Il restait à montrer
que l'idée, qui intervient en pareil cas, diffère de nos idées et de nos
représentations ordinaires, qu'elle est une idée subconsciente. C'est
à cette démonstration qu'ont contribué les recherches de MM. Binet,
Myers, Laurent, Breuer et Freud, d'autres encore. Au premier rang
de ces travaux il convient de citer ceux de M. Pierre Janet.
C'est un fait qui paraît aujourd'hui avéré et établi que le trouble
mental élémentaire de l'hystérie, celui auquel tous les autres.sont
subordonnés, est un rétrécissement du champ de la conscience avec
conservation des phénomènes subconscients et automatiques. Ceci
demande quelques explications.
La conscience est un phénomène dont le sens intime nous donne
une idée plus juste que ne saurait le faire une définition quel-
conque. Quand nous sentons, nous nous souvenons, pensons, quand
nous voulons ou exécutons un mouvement, nous nous rendons
compte que la sensation a lieu, que le souvenir nous rappelle des
impressions passées; notre esprit assiste en spectateur aux associa-
tions d'idées qu'il forme, aux volitions qu'il élabore et à l'exécution
de ces volitions. Mais il faut savoir que la conscience de la sensa-
tion, du souvenir ou de la volition n'est pas une condition indis-
pensable à l'accomplissement de ces opérations. Nous pouvons
percevoir des impressions, les emmagasiner dans notre mémoire,
vouloir des actes sans que l'esprit ait la notion consciente des
222 SOCIÉTÉS SAVANTES.
phénomènes dont il est le théâtre, et cependant l'observation ulté-
rieure montrera que nous avons conservé-le souvenir,' que nous
'avons commandé le mouvement. Pour se convaincre de ce'que
nous avançons, il suffit d'observer ce qui se passe à l'état physio-
. logique quand notre intelligence vivement sollicitée par une idée
, semble momentanément étrangère à tout ce qui ne se rapporte pas
à cette idée. L'absorption de notre esprit, qui est une des formes
de la distraction, réduit au minimum la somme des phénomènes
.conscients. A côté de la sensation, de la mémoire, de la volition
conscientes, il y a donc des sensations, des souvenirs, des volitions
inconscients. A la vérité, dans les conditions normales, le domaine
de l'inconscient par rapport à celui du conscient est singulière-
, ment réduit. Mais il n'en est pas de même dans l'hystérie. ""
Chez les personnes affectées de'cette maladie mentale, l'oire de
la conscience (Spencer) se rétrécit d'une façon plus ou moins accusée.
Un petit nombre seulement des phénomènes psychiques qu'elle
dirige chez les gens bien portants, arrive jusqu'à elle. Elle devient
incapable de réunir, de grouper, de synthétiser le même ensemble
de notions qu'à l'état physiologique; elle laisse hors de son do-
marine beaucoup de celles qui y sont d'ordinaire comprises ? 1 Une
hystérique sent, se souvient, veut comme une personne normale :
les expériences et l'observation le démontrent ; mais elle a perdu
la conscience d'un certain nombre de ses sensations, de ses sou-
venirs, de ses volitions : delà des anesthésies, des amnésies,'des
aboulies, qui ne sont en réalité que de fausses anesthésies; des
aboulies apparentes. Les anesthésies sont des esthésies incon-
scientes, les amnésies des souvenirs inconscients, les aboulies' des
impuissances de la volonté consciente, mais qui cessent quand les
déterminations relèvent de l'activité inconsciente et automatique.
11 résulte de ce qui précède que la sensation et les images qui
restent en dehors du champ de la conscience n'en existent pas
moins. "
Aussi arrive-t-il qu'elles se coordonnent et se groupent de façons
t, différentes pour faire leur oeuvre : ce sont elles qui vont présider
aux actes automatiques dont le rôle est si important dans la pa-
thologie de l'hystérie. A vrai dire, chez l'hystérique deux per-
sonnalités sont toujours en présence, l'une constituée par' les
agrégats de phénomènes subconscients, l'autre la personnalité
consciente qui recevra le contre-coup de ce qui se passe chez la
première, que d'ailleurs elle ignore. Cette désagrégation du moi
qui met en présence deux activités différentes, l'une consciente,
l'autre automatique, nous donne la clef de la plupart des accidents
mentaux de l'hystérie. Qu'on ait affaire à un spasme, à une idée
fixe, à l'attaque ou au délire, tous ces troubles paraissent résulter
,non d'une simple représentation mentale telle qu'on en observe
dans la vie psychique normale, mais d'idées, souvenirs ou images,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 228
.qui, à l'insu du malade, surgissent du fond de l'inconscient.
, Il y a plus : ces souvenirs et ces images, négligés par la con-
science, peuvent se grouper et s'organiser de façon à constituer par
, leur ensemble des agrégats psychologiques nouveaux qui entrent
en lutte avec la personnalité consciente et dans certains cas la ter-
rasse et l'annihile momentanément. Ainsi sont constitués les états
de condition seconde ou de somnambulisme sur lesquels il ne sera
pas superflu de nous arrêter quelque peu.
Les notions qui précèdent résument, si nous ne nous abusons,
l'état actuel de nos connaissances sur la nature de l'hystérie. C'est
à la lumière de ces notions cliniques ou psychologiques qu'il de-
vient possible de démêler dans l'ensemble des troubles mentaux
complexes qu'on a, à tort ou à raison, rattachés à l'hystérie, ceux
qui relèvent véritablement de cette névrose ou ressortissent à
d'autres maladies psychiques. `'
, ' La raison principale qui explique la fréquence relative de ces
associations, c'est que les maladies qui se juxtaposent à l'hystérie
ont, comme l'hystérie, pour facteur étiologique principal, la pré-
disposition héréditaire. Elles fout partie à des titres divers de la
famille névropathique, dont les membres constitutifs représentent
' les diverses formes de déviation qu'imprime aux organismes, de
génération en génération, une hérédité défectueuse, hérédité ner-
veuse ou vésanique dans la plupart des cas, hérédité simplement
arthritique dans d'autres.
L'observation démontre que la prédisposition fâcheuse qu'apporte
' sa naissance le produit d'une génération viciée se manifeste par
les formes les plus diverses d'affections nerveuses ou mentales. On
r conçoit dès lors aisément que plusieurs de ces affections puissent
à un moment donné se trouver réunies chez le même sujet.
mais l'hérédité morbide ne se traduit pas seulement par des
"prédispositions : elle se manifeste dans d'autres cas, on lésait, par
un état durable et permanent, par une déviation indélébile du
type physiologique à laquelle on a donné le nom de dégénérescence,
état caractérisé par des malformations physiques, par de la débi-
lité ou de la déséquilibration mentale avec perversions habituelles
des instincts, instabilité de l'esprit qui est porté au doute, aux
hésitations, aux craintes morbides, aux impulsions, enfin par une
tendance à certaines formes de délire transitoires ou durables.
' Or, c'est chose commune de voir l'hystérie se développer sur un
fond de dégénérescence. D'ailleurs, cette association relativement
fréquente des troubles hystériques et dégénératifs ne semble pas
purement fortuite. Il y a une grande ressemblance et une étroite
parenté entre eux. Néanmoins il y a des différences, et si la dégé-
nérescence et l'hystérie constituent deux états très voisins, ils n'en
sont pas moins distincts,
..Il nous faut maintenant étudier l'état mental des hystériques et
224 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les déviations qu'il présente afin de nous rendre compte des rap-
ports qui existent entre l'hystérie et la folie.
Les auteurs anciens attribuaient à l'hystérie toutes sortes de per-
versions (mensonge, duplicité, esprit de simulation, etc.). M. Charcot
a tenté, à juste titre, de « réhabiliter les hystériques » ; il a montré,
avec ses élèves, que l'erreur commise dans l'appréciation du carac-
tère des hystériques tenait à ce qu'on avait négligé de faire la dis-
tinction entre les troubles qui relèvent de l'hystérie et ceux qui
dépendent de la dégénérescence mentale.
Ce qui caractérise l'état mental des hystériques, c'est, dans
l'ordre intellectuel, l'amnésie et l'aboulie avec les erreurs, les indé-
cisions, les impuissances que ces troubles entraînent, c'est la diffi-
culté de concentrer consciemment et volontairement l'attention,
par suite c'est la mobilité et souvent la contradiction dans les idées,
c'est dans l'ordre affectif et moral un sentiment habituel d'impuis-
sance mentale qui porte souvent à la tristesse; une suggestibilité
très grande, une émotivité plutôt diminuée avec prépondérance
cependant de certaines émotions automatiques.
Mais à côté de ces troubles qui relèvent directement de l'hystérie,
il en est d'autres qui dépendent de la dégénérescence mentale.
M. Falret a décrit chez les hystériques une folie morale ou raison-
nante. Quand on parcourt les observations sur lesquelles il s'est
appuyé, on voit que l'hystérie est à l'arrière-plan et la dégénéres-
cence mentale au premier.
De même les impulsions' que l'on a attribuées aux hystériques
n'appartiennent pas toujours à l'hystérie, mais souvent à la dégé-
nérescence mentale. Il est vrai que nous manquons d'un critérium
sûr pour distinguer dans la pratique celles des impulsions qu'on
doit attribuer à la dégénérescence et celles qu'il faut rattacher à
l'hystérie.
Ces considérations sur l'état des hystériques montrent qu'on
avait été trop loin quand on a voulu faire de l'hystérie une folie.
La r réhabilitation des hystériques » a été un effort louable, mais
dans cette tentative il ne faudrait pas aujourd'hui dépasser le but.
On ne peut, en effet, dénier à l'hystérique une certaine tendance
à la simulation. Telle affectée d'anurie, boit plus tard ses urines
afin de les vomir et d'ajouter à l'intérêt du symptôme qu'elle a
présenté; telle autre, polyurique, exagère son symptôme à l'aide du
pot de tisane; celle-ci cherche à induire le médecin en erreur en
comprimant avec le bras la cuvette du thermomètre, etc.
Ces quelques exemples montrent que l'état mental des hysté-
riques est susceptible de déviations qui expliquent la tendance
qu'on a eue à faire de l'hystérie une folie. On trouve d'ailleurs
dans l'attaque d'hystérie des troubles délirants qui appartiennent
exclusivement à l'hystérie et qu'il convient d'étudier pour arriver à
fixer les rapports de la folie et de l'hystérie.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 225
C'est dans la grande attaque que les troubles délirants se mani-
festent avec le plus de netteté. On les trouve à la phase prodro-
mique, pendant la troisième et la quatrième période de la crise.
Les troubles psycbiques,de la phase prodromique consistent en
modifications du caractère, des sentiments affectifs, de l'activité et .
des habitudes. Les hystériques paraissent inquiètes, jalouses, soup-
çonneuses, tristes. Elles sont prises d'une agitation déréglée et
maladive. Elles présentent des hallucinations de la vue, de l'ouïe,
de la sensibilité générale. Ces phénomènes prennent fin pendant
la seconde période ou période épileptoïde. Il y a perte de connais-
sance et absence au moins apparente de délire. Il n'en est plus de
même dans la période des contorsions, des attitudes illogiques et des
grands mouvements. A la phase des attitudes passionnelles, on est en r
plein délire. La malade est en proie à des hallucinations qui la
ravissent et la transportent dans un monde imaginaire.
La quatrième et dernière période de l'attaque porte le nom de
période de délire. C'est assez indiquer que les conceptions déli-
rantes sont le phénomène capital.
A côté de la grande attaque avec toutes ses phases, il existe des
formes incomplètes, frustes. Parmi ces dernières, il en est qui
sont, au point de vue spécial qui nous occupe, particulièrement inté-
ressantes : ce sont celles où les phénomènes moteurs s'accentuent
ou s'effacent pour céder la place aux manifestations délirantes qui,
en s'isolant ou se prolongeant, prennent dans le tableau clinique
une part exclusive ou au moins prépondérante. C'est dans ces
formes frustes que l'on rencontrera des délires simulant des délires
d'autre nature.
Le délire de l'attaque d'hystérie est généralement passager; il
supprime ce qui reste de conscience au malade dans l'intervalle
des attaques. Mais cet anéantissement de la conscience ne s'observe
que dans les formes vraiment accusées de délire. On a expliqué le
délire de l'attaque en l'envisageant comme un rêve qui se repro-
duit de temps en temps et se rattache à une idée fixe, c'est-à-dire
au souvenir subconscient d'un événement qui a naguère plus ou
moins impressionné la malade. Lorsque ce rêve a lieu (au moment
de l'attaque) il absorbe à son profit toute l'activité cérébrale et sup-
prime la conscience. Il n'en est pas de même de toutes les idées .
fixes : quelques-unes d'entre elles peuvent provoquer l'éclosion de
certaines idées fausses ou délirantes qui pénètrent dans le champ
de la conscience, la troublent dans une certaine mesure, mais ne
la suppriment pas. ·
Pour comprendre ce qui précède, il est nécessaire de rappeler
brièvement ce que sont les idées fixes dans l'hystérie. Nous avons ,
montré que les divers phénomènes psychologiques, sensations, i
souvenirs, idées, se répartissent chez l'hystérique en deux groupes :
les conscients et les inconscients, ces derniers n'étant pas agrégés
Archives, t. XXVIII. 15
226 SOCIÉTÉS savantes.
à la personnalité. Qu'une idée naisse, soit par suggestion, soit
spontanément dans l'esprit du malade, sans arriver jusqu'à la
conscience (et les idées de ce genre sont communes dans l'hystérie),
elle constituera une idée subconsciente, c'est-à-dire que le sujet en
ignorera l'existence. Mais cette idée ne sera pas moins susceptible
de se traduire en acte à un moment donné. Nous suggérons à une
hystérique de venir à une heure indiquée prendre sur la table tel
objet qui y est déposé, un encrier par exemple ; elle oublie la sug-
gestion, mais néanmoins, à l'heure dite, elle vient s'emparer de
l'encrier. Elle le fait automatiquement, poussée par une contrainte
dont elle ignore l'origine. Or, cette contrainte résulte de l'ordre
que nous avons donné et qui s'était emmagasiné dans la mémoire
de la subconsciente. La subconscience est ainsi un réceptacle d'idées
plus ou moins nombreuses, spontanées ou provoquées, dont quel-
que -unes surgissent à un instant donné et déterminent des manifes-
tations de différente nature. Divers troubles somatiques, les hyperes-
thésies, les paralysies, les contractures résultent de pareilles idées.
11 en est de même de certains tics, de certaines hémorragies.
C'est aussi de cette façon que peut s'expliquer l'anorexie : elle se
rattache, en effet, à certaines préventions, à certaines défenses ou
à des idées fausses dont les malades n'ont plus conscience, mais
dont ils conservent néanmoins le souvenir inconscient. Le refus
d'aliment est une conséquence qui se présente en clinique isolée
des antécédents qui l'expliquent. Par différents procédés qu'il serait
oiseux de décrire ici (somnambulisme, écriture automatique, etc.),
on arrive à reconstituer les diverses scènes dont l'anorexie est sim-
plement l'épilogue.
Ce qui a eu lieu pour l'hyperesthésie, pour les tics, pour l'ano-
rexie hystérique, a lieu aussi pour certains délires plus ou moins
complexes, plus ou moins bien systématisés, plus souvent passa-
sagers que durables.
L'étude de ces délires hystériques est à peine ébauchée. M. Janet
en a étudié quelques-uns; il a montré que ces délires se rattachent
à des idées fixes subconscientes, qu'ils ont des caractères très spé-
ciaux qui ont été précisément observés dans tous les accidents hys-
tériques. Ces délires sont produits par le même mécanisme qui
amène chez d'autres malades des paralysies, des contractures ou
des attaques. Pour en finir avec les troubles mentaux qui ressor-
tissent en propre à l'hystérie, il convient de dire quelques mots du
somnambulisme et des délires somnambuliques.
Les somnambulismes peuvent être divisés en somnambulisme
provoqué et somnambulisme spontané, le dernier se subdivisant
lui-même en noctambulisme et vigilambulisme. Le uoctambunsme
ou somnambulisme nocturne s'observe spécialement chez les
enfants. On tend de jour en jour à l'envisager comme une mani-
festation de l'hystérie ; mais comme il est assez spécial et n'a été
SOCIÉTÉS savantes. 227
jusqu'à présent qu'insuffisamment étudié, nous le laisserons de
côté dans cette esquisse. Cette réserve admise, tous les états som-
nambuliques (exception faite pour l'automatisme ambulatoire des
épileptiques qui constituent une variété bien à part), qu'ils soient
provoqués ou spontanés, paraissent se rattacher à l'hystérie. Pour
l'établir il est nécessaire d'envisager les cas dans lesquels le som-
nambulisme revêt sa forme la plus complète. Il constitue alors un
état second au cours duquel l'individu présente les apparences d'un
sujet normal ; il voit, entend, marche, parle, raisonne, se souvient,
combine et exécute des actes. Mais au réveil où, si l'on préfère,
après le retour à l'état habituel, le souvenir de toutes les pensées,
de tous les actes qui ont eu lieu pendant cette condition seconde,
s'efface et disparaît. L'individu a donc en réalité deux vies séparées
et indépendantes, deux personnalités alternantes, qui s'ignorent
l'une l'autre.
Comment peut-on s'expliquer ces vies en partie double, ces
dédoublements de la personnalité ? Nous savons que ce qui caracté-
rise l'hystérie c'est l'insuffisance de la perception personnelle, le
rétrécissement du champ de la conscience. Il y a chez l'hystérique
en dehors de ce champ de conscience rétréci une foule de notions,
d'idées, de souvenirs qui restent dans le domaine de la subcons-
cience. Ces notions, ces idées peuvent se coordonner en un sys-
tème qui, sous diverses influences, se substitue aux notions et aux
idées conscientes ; elles apparaissent alors au grand jour quand la
conscience a été momentanément terrassée par ce système nou-
veau. Mais il ne faut pas perdre de vue que les phénomènes sub-
conscients peuvent s'agréger en groupes multiples de telle sorte
qu'on assistera à l'alternance non plus seulement de deux, mais
quelquefois de trois et quatre personnalités différentes. Aussi le
mot dédoublement de la personnalité appliqué aux états dont il
s'agit n'est-il pas parfaitement exact. M. Binet le remarque avec
raison, il peut y avoir simple dédoublement mais aussi morcelle-
ment du moi en plusieurs individualités successives et temporaires.
La connaissance de ces faits est indispensable si l'on veut saisir
la caractéristique de certains états mentaux observés au cours de
l'hystérie et s'expliquer les dissociations de la personnalité qu'on
y observe si communément.
Chez les hystériques, à côté des troubles mentaux qui relèvent
directement de l'hystérie, il n'est pas rare d'en observer d'autres
qui n'ont pas de relation, au moins directe et immédiate, avec la
névrose. Nous avons insisté précédemment d'une part sur le rôle
important que joue l'hérédité dans la genèse de l'hystérie et,
d'autre part, sur l'association fréquente aux stigmates hystériques
des tares dégénératives. On conçoit dès lors qu'il ne soit pas sur-
prenant de voir chez les hystériques se juxtaposer aux troubles
qu'elles présentent d'habitude, les divers délires que l'hérédité
228 sociétés savantes.
névropathique et vésanique et la dégénérescence peuvent faire
éclore. Aussi bien, lorsqu'on fait le bilan des délires qui ont été
plus ou moins arbitrairement confondus dans le groupe confus de
la folie hystérique, y trouve-t-on, conformément aux idées de
Krafft-Ebing, des psycho-névroses (première crise ou mélancolie)
et des délires qui portent l'empreinte de la dégénérescence.
Ces variétés de folie ne sauraient être plus longtemps confon-
dues avec les manifestations propres de la névrose. C'est pour
n'avoir pas su les mettre à leur véritable place dans le cadre noso-
logique que jusqu'à ces derniers temps les auteurs ont étendu outre
mesure le domaine de la folie hystérique et surchargé étrangement
sa description. C'est qu'en effet il n'est pas une seule des formes de
la folie qui ne puisse s'associer à l'hystérie. Parmi ces associa-
tions, il en est quelques-unes que nous ne ferons qu'indiquer.
On sait combien il est fréquent de voir l'hystérie se juxtaposer
à l'épilepsie *. On sait d'autre part combien chez les hystériques les
intoxications sont communes. On y observe couramment l'alcoo-
lisme, le morphinisme, le cocaïnisme. Qu'elles soient antérieures
ou consécutives à l'apparition de la névrose, elles combinent leurs
manifestations mentales avec celles de cette dernière affection. Au
cours de l'hystérie, on peut voir se développer des accès de manie
ou de mélancolie, dont on a fait des manies et une mélancolie hys-
tériques. Cette dénomination est-elle justifiée ? c'est ce qu'il s'agit
d'examiner. Il n'est pas douteux que le délire hystérique puisse,
dans quelques cas, revêtir une physionomie qui le rapproche de la
manie. Chez les enfants particulièrement, les réactions provoquées
par le rêve qui représente la phase délirante de l'attaque, sont
assez accusées pour qu'au premier abord on puisse penser qu'on
est en présence d'un état maniaque d'autre nature. Mais dans ces
cas, la prédominance des hallucinations visuelles, les caractères du
délire qui est surtout un délire de mémoire, sa courte durée, la
constatation de quelques-uns des phénomènes moteurs qui se mon-
trent d'habitude dans les crises hystériques complètes, permet--
tront de reconnaître à quoi l'on a affaire.
Il n'en est pas toujours ainsi et en dehors des accès maniaques
transitoires que leur brève durée, sans parler des autres carac-
tères, autorise à considérer comme des équivalents de l'attaque
hystérique, on en voit d'autres d'une durée de plusieurs semaines
ou même de plusieurs mois. Telle la manie hystérique qui, suivant
M. Sollier, se manifeste par un besoin incessant de mouvement,
non par une agitation incoordonnée, comme celle de la manie
vraie, mais par des accès d'automatisme ambulatoire et des dépla-
cements continuels. Les malades sentent souvent que leur accès va
les prendre et en préviennent l'entourage. Les malades se livrent
' Il nous semble prudent de faire des réserves à cet égard. (B.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. M9 9
à des actes extravagants, ayant un caractère de malice, comme
s'ils le faisaient exprès, et répètent aussitôt ce qu'on leur défend
de faire ou de dire. Ils sont la contradiction perpétuelle. Souvent
violents, quand ils ont des caprices qu'on ne veut pas satisfaire,
ils frappent, déchirent, menacent. Ils sont exigeants, ont des accès
de colère et paraissent toujours conserver la conscience de leurs
actes. Cette persistance apparente de la conscience est un carac-
tère très important. Mais en réalité ils n'ont qu'une conscience très
vague de ce qu'ils font, car ils n'en conservent guère le souvenir une
fois guéris. Ils aiment à se rouler par terre, à se cacher sous les
meubles, à faire toutes les niches possibles à leur entourage. Leur
délire est surtout un délire d'acte. Quant aux discours, ils ne sont
que rarement incohérents et traduisent seulement une grande
mobilité dans les idées et les volitions.
Les faits de cet ordre sont jusqu'à présent difficiles à classer.
Les rattacher sans autre forme de procès à la dégénérescence
mentale, comme le propose M. Colin, c'est aller vite. Il serait utile
de recueillir un certain nombre des observations qui s'y rappor-
tent, d'en noter avec soin les détails et peut-être alors pourrait-on
se faire sur leur nature une opinion précise dont jusqu'à présent les
éléments nous font défaut.
Les idées mélancoliques ne sont pas rares chez '.les hystériques.
En dehors de l'état d'habituelle tristesse, dont nous avons déjà
parlé et qui constitue le trait le plus saillant du caractère de
certaines de ces malades, on constate chez elles des délires lypé-
maniaques transitoires qui se relient étroitement soit aux concep-
tions délirantes de l'attaque, soit à des idées fixes ou à des rêves.
Mais indépendamment de ces derniers, on voit quelquefois la mé-
lancolie franche se développer sur un fond d'hystérie.
Suivant Schùle,la ! He<a : HCoMeA ! /6<ënMe aurait certains caractères
spéciaux : la prédominance de l'élément névralgique, les hallu-
cinations, l'apparition fréquente de la sensation de constriction
pharyngée, la permanence par delà le délire du tempérament
hystérique tel qu'on le concevait naguère ; avec la tendance aux
exagérations, aux doléances excessives. Ce sont là des caractères
très vagues.
M. JoprRoy. La question que nous avons à discuter aurait tout
aussi bien pu se poser ainsi : c Des rapports de l'hystérie .et de la
dégénérescence mentale. » M. Ballet, d'ailleurs, semble s'être placé
sur ce terrain dans son rapport.
C'est qu'en effet il est très fréquent d'observer l'association de
l'hystérie et des nombreuses formes de la dégénérescence mentale.
On peut dire que l'hystérie se développe habituellement sur un
terrain dégénéré. On peut même aller plus loin et se demander
si l'hystérie n'est pas une des modalités de la dégénérescence.
230 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Tout d'abord il est certain que les limites de l'hystérie sont dif-
ficiles à préciser et les états qui lui confinent sont précisément des
manifestations variées de la dégénérescence. La coexistence de ces
accidents de dégénérescence et de l'hystérie ne prouve pas que
cette dernière soit elle-même de la dégénérescence; 'cest tout au plus
une présomption en faveur de la nature dégénérative de l'hystérie.
Un motif d'une plus grande valeur se trouve dans ce fait que les
syndromes de dégénérescence et l'hystérie ont tous pour facteur
étiologique principal la prédisposition héréditaire. Et de la com-
munauté d'origine on est presque porté à conclure à la commu-
nauté de nature.
Je sais bien que M. Ballet établit une distinction entre la prédis-
position héréditaire et la dégénérescence, mais cette distinction
me paraît bien subtile. « L'hérédité, dit-il, ne se manifesterait pas
seulement par des prédispositions, dans d'autres cas elle se mani-
festerait « par un état durable et permanent, par une déviation
c indélébile du type physiologique ». Ce serait là ladégénérescence
Et plus loin : « la dégénérescence s'entend actuellement d'un état
caractérisé par des malformations physiques, par de la débilité ou
de la déséquilibration mentale avec perversions habituelles des ins-
tincts, instabilité de l'esprit qui est porté au doute, aux hésitations,
aux craintes morbides, aux impulsions, enfin par une tendance à
certaines formes de délire transitoires ou durables ». J'avoue que
je ne vois pas nettement la limite qui sépare la prédisposition hé-
réditaire et la dégénérescence et le sujet qui a * une tendance à
certaines formes de délires transitoires ou durables*'me semble
pouvoir être classé aussi bien parmi les prédisposés que parmi les
dégénérés.
Il y a cependant une certaine différence entre ces deux termes :
dégénérescence et prédisposition ; c'est que la dégénérescence s'est
déjà traduite par des symptômes plus ou moins frappants, plus ou
moins nombreux, tandis que la prédisposition peut être restée
silencieuse, l'occasion ne s'étant pas encore présentée. La prédispo-
sition, en un mot, c'est la dégénérescence à l'état latent. Et dire
que le facteur étiologique principal de l'hystérie est la prédisposi-
tion héréditaire, cela revient à dire que l'hystérie est une des mo-
dalités de la dégénérescence.
En résumé on peut dire : 1° l'hystérie et les manifestations indis-
cutables de la dégénérescence mentale se rencontrent fréquem-
ment chez le même malade ; 2° l'hystérie et la dégénérescence
mentale ont le même facteur étiologique principal : l'hérédité;
3° l'hystérie et les principales manifestations de la dégénérescence
mentale sont régies par des altérations identiques du mécanisme
mental.
Ne sont-ce pas là des motifs suffisants pour regarder tous ces phé-
nomènes comme étant de même nature et conclure que l'hystérie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 231
est une des nombreusesmodalités de la dégénérescence mentale.
Cela n'empêche pas l'hystérie d'avoir son individualité clinique,
mais cela lui fixe une place dans nos classifications nosologiques.
La maladie de Morvan n'est bien qu'une modalité;de la syringomyé-
lie et cela n'empêche pas que le malade affecté de la maladie de
Morvan doit être distingué cliniquement du syringomyélique qui
présente l'ensemble symptomatique de la sclérose latérale. De
même l'hystérie doit être séparée des autres formes de la dégéné-
rescence. 'w
Ces considérations me permettent de poser les conclusions sui-
vantes :
1° L'hystérie est une des formes de la dégénérescence mentale ;
2" Sur ses confins, l'hystérie se confond avec certaines manifes-
tations dégénératives, sans qu'il soit conforme aux faits de placer
entre elles une limite précise ;
3° Il y a lieu en clinique de conserver à l'hystérie son individua-
lité et de la distinguer autant que possible des autres modalités de
la dégénérescence ;
4° Pour cela il convient de n'accorder la dénomination d'hysté-
rique qu'aux accidents qui se rattachent ou dérivent directement
de l'attaque d'hystérie complète ou fruste ou d'une autre manifes-
tation indubitablement hystérique telle que le somnambulisme
spontané.
M. Pitres. J'ai eu cette année 'dans mon service à l'hôpital
Saint-André, de Bordeaux, une malade dont l'étude clinique m'a
permis d'étudier, dans des conditions très favorables, le rôle de
l'inconscient dans la pathogénie et le traitement de certains acci-
dents psychiques de l'hystérie. Voici le fait :
Louise Cr., âgée de trente-sept ans, marchande de quatre sai-
sons, a eu en '1887 une série d'accidents hystériques dont elle gué-
rit rapidement. Le 20 décembre 1893, elle fut soumise à un choc
émotionnel violent. Elle conduisait sa voiture ayant à ses côtés un
de ses enfants âgé de trois ans, quand tout d'un coup le cheval
effrayé s'emballa. Dans un heurt du véhicule contre le trottoir,
l'enfant fut projeté en avant et précipité sous les pieds du cheval.
Quelques mètres plus loin la mère tombe à son tour. Elle se relève
et se précipite chez un pharmacien où son enfant avait été conduit.
En ouvrant la porte de l'officine elle s'évanouit. Quand elle reprit
ses sens elle demanda son enfant, et comme on tardait à lui mon-
trer, elle crut qu'il était mort. Mais on le lui rapporta bientôt vivant.
Trois jours après elle eut une grande attaque d'hystérie convul-
sive suivie d'une scène de délire bruyant dans laquelle elle revécut
les principaux épisodes de la scène du 20 décembre.
Le 20 février, Louise Cr... étant entrée à l'hôpital, j'assistai à
diverses reprises à ce délire de reviviscence. A l'état de veille aussi
232 SOCIÉTÉS SAVANTES.
bien qu'à l'état d'hypnose provoquée, la malade se souvenait de
tous les détails de l'accident et parfois le souvenir de la scène
déterminait une grande attaque d'hystérie suivie d'un délire tou-
jours identique dans lequel la malade voyait son enfant écrasé et
se lamentant de sa mort tragique.
Je suggérai à la malade que désormais, quand elle penserait à
l'accident dont son fils avait failli être victime, elle songerait aussi-
tôt à son peu de gravité et que son fils lui apparaîtrait sain et sauf,
souriant et bien portant. L'effet fut des plus heureux. Les attaques
convulsives et délirantes disparurent très rapidement, et, s'il y en
avait encore, elles furent très légères. La malade voyait bien le
cheval emporté, son enfant tombant, mais elle s'écriait aussitôt :
c Ah ! quelle chance, tu n'es pas blessé ; tu l'as échappé belle ! 1 »
Débarrassée de ses attaques, la 'malade conservait un certain
nombre d'accidents qui la retenaient à l'hôpital. Elle se plaignait
de céphalées, de palpitations; elle avait une arthralgie sans
lésions appréciables du genou gauche. J'essayai de faire passer ces
accidents par suggestion; je n'y réussis pas. Cette malade se plai-
gnait toutes les nuits, elle avait des rêves désagréables. Je lui sug-
gérai d'avoir des rêves agréables. Cela réussit à merveille. Son
caractère se modifia avantageusement.
Me souvenant du rôle curateur joué par les rêves dans les
temples d'Esculape et dans les observations de quelques hysté-
riques anciennes, notamment dans celle de soeur Marie-des-Anges
qui guérit d'une pleurésie après que saint Joseph lui eut, dans un
rêve, frictionné le côté, j'essayai d'employer ce moyen pour débar-
rasser notre malade de ses souffrances.
Je lui dis un jour, après l'avoir hypnotisée, que l'interne du ser-
vice viendrait la voir cette nuit et la guérirait de ses maux de tête
en lui frictionnant les tempes avec un baume qu'il possède et
qu'elle serait guérie. Le lendemain elle ne souffrait plus de la tête.
L'arthralgie, les palpitations disparurent successivement par le
même procédé. D'où je conclus que certains accidents hystériques,
inaccessibles à la suggestion directe, sont accessibles à la sugges-
tion par le rêve.
M. Régis. M. Ballet a cherché, suivant l'expression de Char-
cot, à réhabiliter les hystériques. Il ne va pas jusqu'à nier que les
hystériques aient des perversions du caractère et des instincts, mais
pour lui ces perversions, moins communes qu'on ne l'a dit, n'ap-
partiennent pas à l'hystérie, elles relèvent de la dégénérescence
qui coexiste souvent avec elle. 11 y a là, à mon sens, une exagéra-
tion évidente. Tout d'abord, est-il vrai que les perversions soient
rares chez les hystériques ? Je ne le crois pas, car tous les jours on
en rencontre des exemples significatifs. En voici un qui me parait
topique :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 233
J'ai vu récemment à l'hôpital Saint-André, de Bordeaux, une
malade qu'on supposait être atteinte de méningite et qui présen-
tait depuis plusieurs semaines ce phénomène singulier d'une tem-
pérature au-dessus de 41°. Devant la persistance de cet état qui
résistait à tous les traitements, on commençait à se demander
déjà s'il ne serait pas utile de recourir à une trépanation.
Quand je vis la malade pour la première fois, la visite venait de
finir. Nous restâmes auprès d'elle après lui avoir placé le thermo-
mètre dans l'aisselle. Pendant que nous attendions la montée du
thermomètre, la malade était inquiète, souffrante, répondait d'un
air maussade à nos questions. Nous retirâmes le thermomètre au
moment voulu ; il était monté seulement à 38°; alors que quelques
instants auparavant il avait marqué 410. Placé dans le vagin, mal-
gré l'impatience de la malade qui s'agitait visiblement, le ther-
momètre se maintint aux environs de la normale. Les soupçons
étant éveillés, l'interne de service constata le soir même la super-
cherie et la malade vexée ne tarda pas à quitter l'hôpital. J'appris
alors qu'elle avait été précédemment dans un autre service pour
hystérie.
Voilà un fait qui, ce me semble, ne peut laisser place au doute.
On en pourrait citer d'autres qui prouveraient une fois de plus
que la perversité des hystériques existe. Mais cette perversité
appartient-elle à l'hystérie ou relève-t-elle de la dégénérescence ?
C'est cette dernière opinion que soutient M. Ballet en admettant
que la dégénérescence coexiste fréquemment avec l'hystérie.
Il est possible que l'idée de M. Ballet réponde à une réalité noso-
logique, mais où sont les preuves ? On a dit qu'un très grand
nombre d'hystériques n'ont jamais présenté de perversions tandis
qu'on les rencontre, au contraire, journellement chez les dégéné-
rés simples qui ne montrent aucun stigmate d'hystérie. Gela est vrai,
mais ce qui est plus vrai encore, c'est que les perversions des hys-
tériques affectent un caractère spécial et qui leur est propre. Je le
demande à M. Ballet lui-même; lorsqu'on lui apprend qu'une
malade fait ce qu'on me permettra d'appeler « le coup du thermo-
mètre » dans les conditions que j'indiquais tout à l'heure, se borne-
t-il à déclarer qu'il s'agit d'une dégénérée ? Lorsqu'une femme
aura inventé des histoires romanesques, compliquées bien que
toujours vraisemblables, où jouent surtout un rôle les mystères de
naissance, les secrets de grande famille, etc. (cas publiés), dira-t-il
encore que cette femme est une simple dégénérée ? Je n'ose le
croire, mais, pour ma part, je n'hésiterais pas, non à affirmer,
mais tout au moins à soupçonner l'hystérie.
On peut donc soutenir qu'il y a une perversité fréquente et sou-
vent typique dans l'hystérie et que cette perversité dépend ou de
l'hystérie elle-même ou du caractère spécial que l'hystérie imprime
à la dégénérescence concomitante.
234 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Un autre point du rapport de M. Ballet que je ' tiens à relever,
mais alors pour l'approuver, c'est celui qui a trait à l'analogie du
rêve avec certains états hystériques. Je crois, pour ma part, que
le rêve joue un grand rôle dans les phénomènes hystériques, sur-
tout dans les phénomènes mentaux. Mais les hystériques n'ont pas
la spécialité de ces délires qui paraissent dépendre de rêves. Le
délire des alcooliques, comme le disait Lasègue, n'est pas un
délire, mais un rêve.
On trouve des délires analogues dans les auto-intoxications. Je
poursuis depuis longtemps l'étude clinique du délire dit fébrile ou
infectieux et j'ai été frappé de ce fait que ce délire est une sorte
de rêve allant depuis le rêve immobile et muet jusqu'au rêve
d'action en passant par le rêve simplement parlé. Comme le
rêveur hypnagogique, le malade, si gravement atteint qu'il soit,
fait entrer la réalité ambiante dans sa conception hallucinatoire,
et si vous le secouez ou si vous lui adressez une brusque interpel-
lation, il revient à lui, vous répond correctement, Ipuis retombe
aussitôt dans sa fantasmagorie, absolument comme le rêveur
qu'on arrache à son sommeil ou l'alcoolique à son délire.
Tous ces états sont des empoisonnements par des voies dîne-
rentes de l'organisme; il semble que le délire du rêve soit comme
la caractéristique des intoxications et que, par ce côté-là, encore,
l'hystérie peut être considérée comme une intoxication ainsi que
certains auteurs l'ont soutenu.
Tels sont les deux points du rapport de M. Ballet à propos des-
quels je désirerais présenter quelques réflexions. Je parlerai à
peine de la folie hystérique. Je crois, pour ma part, que les hysté-
riques sont susceptibles d'être atteintes d'une folie véritable, peut-
être moins fréquemment qu'on ne pense et que cette folie peut
revêtir chez elles, par suite du terrain sur lequel elle se greffe, cer-
tains caractères plus ou moins spéciaux dont les principaux sont
peut-être la persistance au milieu de la perturbation psychique la
plus désordonnée en apparence, de la conscience, de la lucidité,
du retour brusquement possible à l'état normal, qui paraissent ne
jamais se perdre, pour ainsi dire, dans l'hystérie.
M. FALMT. Je ne veux discuter du rapport de M. Gilbert Bal-
let que le point relatif à la folie hystérique. Tout d'abord M. Ballet
a voulu, suivant l'expression de Charcot, réhabiliter les hystériques.
Je ne crois pas qu'il y soit arrivé. Les caractères généraux qu'on
a attribués à l'hystérie sont basés sur des recherches cliniques; ils
sont vrais, ils doivent être conservés. Le type de l'hystérique men-
teuse, coquette, etc.. restera toujours l'expression de la vérité.
M. Ballet ne croit pas à la folie hystérique; suivant lui, quand
la folie s'observe chez une hystérique, c'est que celle-ci est enta-
chée de dégénérescence. Voilà un mot bien vague. Dire d'une
SOCIÉTÉS SAVANTES. 235
folie que c'est une dégénérescence c'est remplacer un mot par un
autre, ce n'est pas définir.
Je crois, pour ma part, à la folie hystérique. Certes, la manie
hystérique, décrite par Morel, n'a pas des caractères absolument
déterminés, mais une étude clinique attentive et prolongée per-
met d'affirmer que l'hystérie imprime à la maladie mentale un
cachet particulier et l'on trouve à la manie, à la mélancolie hysté-
riques, quelques caractères spéciaux.
A coup sûr ces caractères ne sont pas aussi nettement détermi-
nés que ceux de la manie épileptique, mais on arrivera, sans
aucun doute, à les préciser en se plaçant sur le terrain de la cli-
nique, en laissant de côté les considérations psychologiques intéres-
santes sans doute,' mais dont on abuse aujourd'hui.
J'ai eu dans mon service plusieurs malades atteintes de manie
hystérique. Ce qui me paraît caractériser cette affection et ce qui
la différencie de la manie ordinaire, c'est que dans la première on
constate une incohérence beaucoup moins marquée dans le lan-
gage qui est moins haché et plus brillant. Un caractère encore de
la folie hystérique c'est l'idée fixe.
De plus, la manie hystérique s'observe chez des sujets jeunes;
elle guérit vite, mais elle est sujette à des rechutes. Et l'on voit
fréquemment, après plusieurs attaques de manie aiguë rémittente,
l'affection passer à l'état chronique. Dans la manie habituelle la
guérison est moins rapide, elle se fait graduellement; les rechutes
sont moins marquées. En somme, on peut dire que l'hystérie
aggrave le pronostic des manies et leur donne un cachet particulier.
M. Vallon. Je crois, pour ma part, qu'il existe une manie hys-
térique ainsi que l'avait établi Lasègue. C'est dans le langage que
l'on trouve le meilleur caractère différentiel entre la manie hysté-
rique et la manie habituelle. Le maniaque hystérique a un lan-
gage moins télégrammatique. Ses gestes sont moins désordonnés;
ils ont quelque chose de théâtral. Il semble que l'on retrouve chez
l'hystérique, le comédien qu'il est toujours.
M. CULLÈRE. - Renaudin avait signalé l'existence d'un phéno-
mène intéressant chez les maniaques jeunes et probablement hys-
tériques. C'était la présence d'une anesthésie qui disparaissait
après l'attaque, j'ai eu l'occasion d'observer des cas semblables.
M. Gilbert Ballet. M. Joffroy pense que l'hystérie, est une
maladie de dégénérescence. Il ne voit pas la différence qui existe
entre la prédisposition et la dégénérescence. Cette différence existe
cependant. Appellera-t-on dégénérée cette jeune femme qui, nor-
male jusque-là, qui toujours intacte au point de vue intellectuel,
devient tout à coup une hystérique à la suite d'ue profond cha-
grin, d'une émotion violente ? Je ne crois pas que la chose soit
possible. Un dégénéré est un être qui, quelle que soit la cause qui
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'ait conduit à la folie, a toujours différé des autres, qui a toujours
présenté une~instabilité mentale. Il ne faut pas ôter ce sens au mot
de dégénérescence; autrement il sera impossible de s'entendre.
Que l'hystérie et la dégénérescence soient deux états voisins, d'ac-
cord, mais affirmer que c'est la même chose est une erreur.
J'accorde à M. Falret que ce sont les enseignements de la clini-
que qui doivent appuyer les classifications que nous essayons de
faire, mais je ne vois pas en quoi les données de psycho-physio-
logie peuvent nuire à la clinique. Si je me suis appuyé sur les
enseignements de la psycho-physiologie, c'est que j'estime qu'il
n'est pas possible de faire autrement quand on traite d'un sujet
comme l'hystérie. La séance est levée. -
Le soir, M. Lécuellé, maire de Clermont, a offert le vin d'honneur
aux membres du Congrès, dans la salle de la Société lyrique,
place du Poids-de-l'Hôtel-de-Ville. La réception a été des plus cor-
diales. Toutefois, en raison de ce fait qu'un certain nombre de
congressistes avaient choisi Royat comme lieu de séjour, l'assis-
tance s'est trouvée quelque peu diminuée. En pareille circons-
tance il serait à désirer que tous soient présents.
Séance du 7 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. PIEI1RET.
SUITE DE LA DISCUSSION SUR LES RAPPORTS DE L'HYSTÉRIE
ET DE LA FOLIE.
M. Mendelsohn (de Moscou) prend la défense de la psychologie expé-
rimentale appliquée à la clinique psychiatrique ; il montre à ce sujet
la- possibilité de mensurations psychométriques intéressantes, et
développe la théorie d'après laquelle la folie hystérique pourrait
être considérée comme un équivalent psychique des accidents con-
vulsifs moteurs.
M. JOFFROY. M. Ballet ne veut pas admettre que l'hystérie ne
soit qu'une modalité de la dégénérescence; l'hystérie, selon lui,
peut exister chez des sujets indemnes de tout stigmate dégénératif.
Ce n'est pas là, je crois, une raison suffisante pour rejeter l'existence
de la dégénérescence. Comme la prédisposition, celle-ci peut exis-
ter à l'état latent. En effet, lorsque sur vingt femmes qui sont sou-
mises à la même émotion, j'en vois une seule devenir hystérique,
il me faut nécessairement admettre, même en l'absence de toute
tare névropathique constatable, que cette femme était différente
des autres, en un mot que c'était une prédisposée chez laquelle la
dégénérescence mentale existait à l'état latent.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237
M. BRISSAUD(deParis).-Ladivergencedesopinionssoutenuespar
MM. Joliroy et Ballet tient àce que tous les auteurs ne donnentpas au
mot dégénérescencela même signification, les unslui accordant une
valeur symptomatique, les autres une valeur étiologique. M. Joffroy
confond, je crois, deux choses absolument différentes : la prédispo-
sition et la dégénérescence. On peut admettre à la rigueur l'exis-
tence d'une prédisposition latente, lorsqu'à la suite d'un trauma-
tisme, par exemple, on voit un sujet jusque-là bien portant présenter
des manifestations hystériques. Mais un état dégénératif dont la
connaissance est fondée sur un ensemble de caractères somati-
ques appréciables ne peut être latent ; s'il est latent, c'est qu'il
n'existe pas.
111. JoFr.isoY. Si M. Brissaud veut se donner la peine de parcou-
rir les observations d'hystéro-traumatisme qui ont été publiées, il
verra que presque toujours on a noté chez ces malades l'existence
d'un ou de plusieurs stigmates de dégénérescence ; je suis donc
autorisé à affirmer qu'il n'y a guère que les dégénérés qui, sous
l'influence d'un traumatisme, soient susceptibles de présenter des
accidents hystériques.
M. Pitres. Il n'est pas douteux que les sujets qui deviennent
hystériques au moment de leur puberté ont presque tous présenté
dès leur plus tendre enfance un certain nombre d'accidents ner-
veux : crises et hoquets, quintes de toux, attaques syncopales, etc.;
mais ces accidents n'autorisent pas à considérer ces sujets comme
des dégénérés. Cette remarque s'applique à plus forte raison aux
individus qui sont atteints de paralysies ou de contractures hystéri-
ques à la suite de fortes commotions physiques ou morales. Je crois
donc avec M. Ballet qu'on peut devenir hystérique sans être un
dégénéré.
M. PIERRET (de Lyon). Au cours de cette discussion, je crois
qu'on s'est un peu trop occupé des facteurs étiologiques de l'hys-
térie et pas assez de ses rapports avec la folie : c'est pour ce motif
que je vous demande la permission de vous présenter quelques
remarques sur la folie hystérique proprement dite, que je n'hésite
pas à élever au rang d'entité morbide. Les arguments que j'invo-
querai pour défendre cette conception ne sont pas nombreux,
mais ils me paraissent devoir emporter la conviction. Personne ne
conteste aujourd'hui que certaines attaques d'hystérie ne puissent
être remplacées par des crises de manie qui constituent une forme
fruste de l'attaque. Il s'agit seulement de savoir si les accès de manie
hystérique sont assez caractéristiques pour pouvoir être différenciés
des autres variétés de manie; je n'hésite pas à répondre par l'affir-
mative. On peut faire ce diagnostic en s'appuyant : 1° sur la pré-
pondérance des troubles psycho-sensoriels, ainsi que cela s'observe
dans les délires toxiques; 20 sur l'état de semi-conscience des sujets
^««"interpellation brusque suffit à les sortir de leur rêve et à les
ramener temporairement à la vie réelle); 3° par la parfaite concor-
. dance qui existe entre les différentes formes de l'expression mimi-
que et les conceptions délirantes. Quand je trouve ces caractères
réunis chez une maniaque, je n'hésite pas à diagnostiquer l'hysté-
rie et cela en l'absence de tout renseignement anamnestique, aussi
bien qu'en l'absence de toute tare névropathique, de tout stigmate
de dégénérescence.
La dégénérescence n'est pas une doctrine médicale, je me ferais
un crime de l'enseigner à mes élèves ; en agissant autrement, j'en
ferais peut-être de mauvais anthropologistes, mais à coup sûr ils
ne deviendraient jamais des médecins.
La discussion du premier rapport, dû à M. Ballet, a été des
plus intéressantes et montré combien était justifiée la réunion
des neurologistes aux aliénistes, ainsi que les Archives et le
Progrès Médical, dès l'origine l'ont demandée.
DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES.
Le Congrès a passé ensuite à la discussion du second rap-
port, dû à M. le Dr P. Marie (de Paris). Toutefois, en raison
de l'absence de l'auteur, motivée par une indisposition, la
discussion a porté principalement sur la communication de
M. BARBINSKI. Toutefois nous croyons utile d'extraire du rap-
port de M. Marie les conclusions suivantes :
Un certain nombre de doctrines opposées partagent actuellement
les médecins sur la nature des névrites périphériques. Pour les uns,
Leyden, Déjerine, Pitres et Vaillard, etc., les polynévrites seraient
dues à l'altération directe produite par l'agent morbide sur les fins
ramuscules nerveux, l'expression c névrite périphérique exprime-
rait donc d'une façon tout à fait exacte le procédé par lequel se
font les lésions dans cette affection. Pour quelques-uns (Joffroy et
Achard), les névrites périphériques ou tout au moins celles d'entre
elles qui se voient au cours d'une affection des centres nerveux
(tabes, sclérose latérale amyotrophique) ne seraient qu'une lésion
surajoutée, secondaire, due indirectement à l'altération des centres
nerveux par suite du trouble diffus delà nutrition qui est la consé-
quence de cette altération. Pour d'autres auteurs (Leyden, Strüm-
pel, Vierordt, F. Raymond, Minkowki, etc.), l'agent morbide agi-
rait bien d'une façon directe sur les nerfs phériphériques, mais
il pourrait en outre provoquer en même temps d'une façon égale-
ment directe l'altération d'autres organes, tels que la moelle et
les muscles.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
Enfin, d'après une autre doctrine (Erb, Remak, Eisenlohr,
Stieglitz, etc., pour la névrite saturnine, Babinski), les altéra-
tions des nerfs périphériques seraient sous la dépendance des
lésions qu'a provoquées dans les centres nerveux l'agent morbide.
Tout d'abord, au seul point de vue de la clinique, un certain
nombre de faits donnent sinon la preuve, du moins l'impression
qu'on a affaire à une altération d'origine centrale. Comment, en
effet, dans l'hypothèse d'une origine périphérique, expliquer la
symétrie à peu près constante et complète aussi bien des troubles
moteurs que des troubles sensitifs; comment expliquer aussi l'in-
congruence de la localisation de ces différents troubles avec le trajet
des troncs nerveux ? Anesthésie par segments; conservation de
certains muscles (long supinateur, etc.), alors que les autres muscles
innervés par un même nerf sont paralysés ; résultats divers
fournis par l'électrisation sur les muscles appartenant à un territoire
nerveux unique. Enfin le fait que la paralysie atrophique de la poly-
névrite ne présente en réalité aucun caractère différentiel par rap-
port à la paralysie atrophique consécutive à la poliomyélite est bien
de nature à faire supposer que toutes deux ont la même origine.
Quanta l'anatomie pathologique, s'il est vrai qu'elle nous montre
les lésions des nerfs périphériques comme ayant une intensité
toute particulière, il ne s'ensuit* pas qu'elle permette d'affirmer
l'indemnité absolue des centres nerveux. En effet, nous savons que
dans la polynévrite le cerveau est souvent atteint, ainsi qu'en
témoigneut les troubles psychiques dont il a été question plus haut.
Nous connaissons aussi des cas dans lesquels ont été constatées
des lésions du nerf optique qui est en somme une portion de l'encé-
phale. Pour ce qui est de la moelle qu'un certain nombre d'auteurs
ont déclarée indemne, plus les travaux se multiplient, plus les
méthodes d'examen se perfectionnent, plus aussi on trouve les
cellules de la substance grise altérées ; à tel point que la tendance
générale est aujourd'hui de considérer les lésions de la moelle
comme concomitantes à celles des nerfs périphériques. Il faut, en
outre^ne pas perdre de vue, ainsi que l'a fait remarquer Babinski,
que la substance grise médullaire n'est pas le seul centre trophique
des nerfs périphériques et qu'à cet égard les ganglions spinaux
jouent un rôle important. Nous ne savons encore rien ou à peu près
rien de la manière dont ils se comportent dans la polynévrite et si
nous ne sommes autorisés à affirmer qu'ils sont altérés, nous ne le
sommes pas davantage à déclarer qu'ils sont indemnes.
Quant à ce qui est des lésions des nerfs périphériques eux-
mêmes, quelque intenses qu'elles paraissent, elles ne présentent
peut-être pas toute l'importance qu'on a voulu leur attribuer. En
tous cas, on ne peut prétendre qu'elles soient proportionnelles aux
symptômes présentés par les malades. En effet, il est de connais-
sance vulgaire aujourd'hui que dans bien des cas de maladies
240 SOCIÉTÉS SAVANTES.
graves, de cachexie d'origines diverses, et même simplement chez
les vieillards, on observe des lésions des nerfs périphériques tout
à fait analogues, aussi bien comme aspect que comme intensité, à
celles qui caractériseraient la polynévrite, sans que cependant les
malades aient présenté aucun des troubles moteurs ou sensitifs
propres à la polynévrite. C'est cet état que les nombreux auteurs
qui s'en sont occupés (Oppenheim et Siemerling, Gombault, etc..)
ont décrit sous le nom de névrites latentes. Un argument auquel les
partisans de l'origine périphérique de la polynévrite attachent
une grande importance, est celui tiré de l'intégrité des racines
antérieures. Comment, disent ces auteurs, pourrait-on admettre
que l'altération des nerfs périphériques puisse être due à des
lésions de la substance grise médullaire alors que dans les racines
antérieures on ne constate, même dans des cas de longue durée,
aucune trace de dégénération ? Je crois avoir montré que
cette intégrité des racines était loin de présenter l'importance
qu'on lui a prêtée, car il m'a été donné, dans plusieurs cas d'alté-
rations diverses de la substance grise bien caractérisées, englobant
les fibres radiculaires intra-médullaires, de constater cette inté-
grité des racines antérieures. Cet argument n'a donc, à mon avis,
nullement la valeur qui lui a été attribuée. D'ailleurs, pour com-
battre cet argument avant que fût faite la démonstration que je
viens de rappeler, les partisans de l'origine centrale de la polyné-
vrite avaient invoqué cette hypothèse que dans les lésions des
centres les parties qui dégénèrent les premières sont les parties
périphériques, celles qui sont les plus voisines des centres (notam-
ment les racines antérieures) restant en apparence intactes, pen-
dant un temps plus ou moins long. C'est là, en effet, si cette hypo-
thèse est exacte, une manière très plausible d'expliquer l'intégrité
des racines antérieures et des troncs nerveux dans la polynévrite,
tout en admettant l'origine centrale de celle-ci. Mais si l'origine
centrale de la polynévrite typique me semble devoir être admise,
il ne s'ensuit pas que dans tous les cas de polynévrites l'origine
périphérique doive être rejetée a priori. La névrite lépreuse, par
exemple, et certains cas de névrite vasculaire peuvent fort bien
reconnaître ce mode de production. Il y aurait donc lieu, parmi
les névrites périphériques, de distinguer celles qui sont de cause
centrale et celles qui sont réellement de cause périphérique. En
résumé, l'un des points les plus intéressants de l'étude de la poly-
névrite est incontestablement celui de la pathogénie ; en présence
des opinions diamétralement opposées émises à cet égard, il serait
indiqué d'en faire l'objet d'une discussion approfondie. C'est dans
l'espoir de provoquer cette discusion que j'ai cru devoir, dans mon
rapport, insister tout particulièrement sur ce point.
Des névrites périphériques. M. Babinski. L'histoire des névrites
périphériques constitue un sujet fort complexe auquel se rattachent
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241
de nombreuses questions théoriques et pratiques. Mais c'est là une
tâche trop lourde pour être accomplie dans le court espace de
temps que nous pouvons consacrer à cette étude, et nous devons
nous contenter d'envisager seulement quelques-uns des côtés de cet
important sujet. ,
Sous le nom de névrites périphériques, de polynévrite, on désigne
des altérations nerveuses indépendantes d'une lésion des. centres
nerveux ! On en distingue deux grandes catégories, suivant qu'elles
sont d'origine externe ou de cause interne. Les premières sont le
résultat d'un traumatisme, d'une compression ; je ne m'en occupe-
rai pas. Les secondes sont provoquées le plus souvent par un agent
toxique ou sont le résultat d'une altération dyscrasique du sang :
c'est de cette seconde classe des névrites que je m'occuperai exclu-
sivement. Mais avant d'aller plus loin, je dois faire remarquer qu'il
n'est peut-être pas une seule variété de névrite de cause interne
sauf la névrite lépreuse dont on puisse affirmer qu'elle a une ori-
gine véritablement périphérique et qu'elle est absolument indé-
pendante de toute modification du système nerveux central.
Il existe, en revanche, un très grand nombre de névrites, en-
apparence périphériques qui dépendent en réalité d'une altération
légère ou même d'une modification purement dynamique des cen-
tres nerveux. Le fait a été démontré par Erb et Remak pour la
névrite saturnine; si la même démonstration n'a pas encore été
faite pour les autres espèces, on peut cependant invoquer en sa,
faveur plusieurs arguments. -
Il ne faut pas perdre de vue, dans l'étude de cette question, que
le cylindre-axe, partie essentielle du nerf, n'est autre chose qu'un
prolongement d'une cellule nerveuse dont il dépend étroitement.
Le corps de la cellule et ses prolongements constituent les diffé-
rentes parties d'un même élément cellulaire, et rien n'empêche
d'admettre qu'une perturbation de la partie centrale de la cellule,,
s'y traduisant par des altérations morphologiques très légères ou,
même imperceptibles, se manifeste exclusivement par des lésions
de ses portions périphériques; cela me parait d'autant plus accep-
table que les parties d'une cellule les plus éloignées de leur centre
trophique, c'est-à-dire du noyau ou des régions qui avoisinent le
noyau, doivent, selon toute vraisemblance, être les plus fragiles.
A côté de cette hypothèse, il en est une autre que nous devons
aussi exposer. Au lieu de subordonner la lésion du cylindre-axe à,
une modification dynamique de la cellule d'où dépend celui-ci, on
peut admettre que certains agents pathogènes impressionnent à la,
fois ces deux portions de l'élément cellulaire, mais que la portion,
périphérique, qui est plus vulnérable, traduit seule sa souffrance
par des altérations histologiques.
Ces deux hypothèses présentent ce caractère commun, à savoir
que toutes deux impliquent l'idée qu'il ne s'agit pas de troubles
Archives, t. XXVIII. 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
exclusivement périphériques, mais que les centres nerveux ont
eux-mêmes subi une perturbation. Si on les rejette, bien des faits
relatifs à l'histoire des névrites périphériques deviennent inexpli-
cables ; elles sont donc utiles, presque nécessaires. Sans l'une ou
l'autre de ces deux hypothèses, est difficile de comprendre le mode
de localisation et la nature systématique de certaines espèces de
névrites.
Ce qui vient encore à l'appui de cette manière de voir, c'est que
l'on trouve parfois, dans la moelle des sujetsayantprésenté pendant
la vie des troubles nerveux qu'on a l'habitude de rattacher à des
névrites périphériques, des lésions plus ou moins marquées; c'est
ainsi que dans quelques observations de paralysie saturnine on a
noté l'existence d'altérations des cellules des cornes antérieures de
la moelle. Il faut reconnaître toutefois que ce dernier argument
n'est pas absolument décisif. On sait, en effet, qu'à la suite de
lésions expérimentales des nerfs, dont l'origine périphérique est
incontestable, il se développe parfois, dans les cellules des centres
nerveux dont proviennent ces nerfs, des altérations plus ou moins
prononcées. Ainsi donc, quand on trouve à l'autopsie d'un sujet
qui a présenté pendant la vie des troubles nerveux, de grosses
lésions de la périphérie des nerfs et des lésions moins marquées
dans les centres trophiques, on peut être fort embarrassé au point
de vue de l'interprétation des faits, et il est encore permis de dis-
cuter sur la valeur relative des lésions des nerfs et des altérations
spinales.
Voici donc, selon moi, comment on doit comprendre l'affection
à laquelle on donne la dénomination de névrite périphérique. Ce
terme, névrite périphérique, ne doit pas impliquer l'idée que les
lésions des nerfs sont primitives, qu'elles sont l'origine de tous les
troubles symptomatiques qu'on observe et que le système nerveux
central ne présente aucune modification. Il signifie simplement que
les altérations anatomiques du système nerveux, perceptibles par
nos moyens d'investigation, sont exclusivement localisées dans les
nerfs ou y sont bien plus accusées que dans le système nerveux cen-
tral. Il y a tout lieu d'admettre, et ce n'est pas là, du reste, une
simple hypothèse, que bien des agents qui déterminent des névrites
provoquent à la fois une perturbation du système nerveux central
et du système nerveux périphérique ; que parfois même ils exercent
en même temps, d'une façon directe, leur action pathogène sur
d'autres systèmes anatomiques; que les troubles fonctionnels qu'ils
occasionnent sont causés non seulement par des lésions histologi-
quement perceptibles, mais aussi par des modifications de nature
dynamique, et qu'en définitive les lésions des nerfs ne peuvent être
considérées que comme constituant tout le substratum anatomique
de l'affection en question; elles en représentent seulement les alté-
rations les plus apparentes.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
M. RENAUT (de Lyon). Il semble ressortir du rapport de M. Ba.
binsky que l'ancienne notion de la dépendance absolue du cylindre-
axe par rapport à la cellule et cela en quelque point que ce soit
de son parcours - soit sur le point de reprendre pied, à l'encontre
des faits nouveaux mis en lumière par Joffroy, Pierret, Pitres et
Vaillard, M. et ntme Déjerine, etc. Cette conception m'oblige à pré-
senter quelques considérations anatomiques. Un cylindre-axe,
encore bien qu'il soit manifestement le prolongement d'une cel-
lule ganglionnaire, doit être considéré, en anatomie générale
pathologique, plutôt comme un membre de celle-ci (c'est-à-dire
comme une portion très différenciée) que comme une simple expan-'
sion absolument dépendante du conditionnement nutritif et consé-
quemment du trophisme du corps cellulaire qui l'a fourni. Dans
cette conception (largement corroborée par la structure complexe
du filament nerveux, si on le compare au filament de Deiters initial),
on peut, on doit même admettre qu'un cordon nerveux est tout à
fait disposé pour effectuer des processus réactionnels autonomes,
dans nombre de circonstances, alors qu'il est l'objet de certaines
actions pathogènes sur un point de son parcours, et surtout au voi-
sinage de ses terminaisons, c'est-à-dire là où son dispositif anato-
mique spécial varie parfois d'une façon très large.
Si, en effet, au lieu d'étudier la variation subie par le filament
de Deiters alors qu'il devient un cordon nerveux chez les animaux,
supérieurs, on choisit les gros nerfs amyéliniques des cyclostomes,
on voit que, dès que le filament axile devient un nerf au sortir du
névraxe, il quintuple brusquement de volume pour le moins. Entre
ses fibrilles, prend place un abondantprotoplasma granuleux. C'est'
l'agent actif de la nutrition locale à laquelle concourent aussi les
cellules conjonctives de la gaine de Henle. Si, chez les animaux
supérieurs, l'établissement de ces conditions de nutrition et
secondairement de réaction autonome - n'est pas aussi évident, il'
n'en est pas moins effectué, ne fût-ce que parle dispositif des seg-
ments interannulaires et des anneaux des nerfs, lesquels consti-
tuent des voies de nutrition d'un mode nouveau, parfaitement indi-
viduel. `
Je ne suis donc pas de ceux qui, pour expliquer la réaction locale
des cordons nerveux à l'encontre des actions pathogènes, se croient
forcés d'invoquer fatalement l'action à distance de la cellule gan-
glionnaire, dont le cylindre-axe dépend en tant qu'il y a pris son,' ·
origine première. Je suis encore moins de ceux qui, comme tout à
l'heure M. Babinski, font entrevoir une différence possible de cons-
titution entre le cylindre-axe émané d'une cellule sensitive et celui
issu d'une cellule motrice ou d'une sensorielle. '
.La structure des cylindres-axes est une et uniforme, la constitu-
tion intime des cellules ganglionnaires l'est aussi. Voilà ce que nous
apprend l'anatomie générale par la convergence de toutes ses mé-
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
thodes. En neurologie, il faut s'en tenir à cela, laissant le reste à la
philosophie biologique, c'est-à-dire à l'hypothèse.
Encore est-il qu'en prenant la question de cette façon, on arrive
à conclure que toute cellule motrice ganglionnaire est en somme
toujours aussi sensitive ; car sans cela elle ne recevrait aucun signal
pour mettre son activité excito-motrice en jeu. De même, toute cel-
lule dite sensitive est en quelque chose motrice. Elle l'est du mouve-
ment nerveux qui va exciter la cellule motrice, laquelle est l'instru-
ment de la réaction de l'être vivant déterminée par ses sensations.
Je suis amené à conclure des faits observés que, dans nombre
de cas, la réaction du nerf, à rencontre des actions pathogènes
qu'il reçoit à sa terminaison ou dans sa continuité, est ou demeure
toute locale, parfaitement individuelle aussi. Et sans nier l'influence
grande de la cellule ganglionnaire sur un nerf dans tout son par-
cours, j'estime qu'au point lésé le cordon nerveux peut et doit réa-
gir. Il possède un dispositif tout prêt pour cela et le met en jeu de
suite, dès qu'il y est suffisamment sollicité. C'est dire que le pro-
cessus réactionnel et local du nerf, la névrite périphérique, doit
conserver son individualité et sa place en neurologie. Seulement
il convient que cette individualité soit bien définie et que cette
place soit exactement marquée en pathologie nerveuse. Or, il faut
avouer qu'il n'en' pas été tout à fait ainsi jusqu'à présent.
D'une part, la névrite parenchymateuse avec dégénération du
segment périphérique, d'autre part, la névrite segmentaire de
Gombault, sont bien connues. Il reste à déterminer la part exacte
du tube conjonctif intrafasciculaire et à bien décrire ce qu'il faut
désigner par névrite interstitielle. Il faut aussi déterminer la part
prise, dans les procesus qualifiés de névrite, par la gaine lamel-
leuse et la cavité vaginale : établir et décrire exactement la péri-
névrite. Les auteurs qui, tandis que lesvrais neurologistes travaillaient
à établir l'existence des névrites périphériques, se sont précipités
sur le mot et ont fait des névrites du plexus cardiaque, par exemple
dans J'angor pectoris, sans songer qu'une inflammation n'est pas à
retours et qu'une névrite cardiaque vraie tuerait le sujet en quel-
ques heures, ces auteurs, dis-je, ont fait à la question des névrites
un grand tort qu'il faut maintenant réparer. On y arrivera en
reprenant pas à pas et avec soin et rigueur les lésions périphériques
des nerfs,'en étudiant notamment les lésions périiiévritiques
celles de la gaine lamelleuse et de la cavité vaginale des cordons
nerveux. Déjà, M. Vanlair', dans un travail très intéressant, vient
d'appeler l'attention sur la valeur qu'il faut accorder aux forma-
tions hyalines de la gaine des nerfs, que j'ai décrites en 1881.
Comme moi-même, il remarque que toujours les nerfs qui renfler-
ment des nodules fibro-hyalins renferment des fibres dégénérées.
* Voir le t. XXVII des Archives.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
C'est en eux aussi que j'ai vu pour la première fois' des fibres à
myéline se régénérant dans la continuité, par le mécanisme de la
production des segments courts intercalaires. Il semble donc bien
qu'il y aurait une périnévrite spéciale, à formations hyalines. Chez
les vieux animaux, chez ceux dont les nerfs ont beaucoup travaillé
et ont pendant longtemps subi l'action des grands muscles qu'ils
traversent. Vanlair a vu, de plus, que de telles lésions peuvent être
aussi suscitées par la dyscrasiestrumiprive. Il y a donc lieu de voir
si les dystrophies séniles ne sont pas, à un degré quelconque, déve-
loppées sous l'influence de lésions analogues et locales des nerfs.
Bref, je conclus en affirmant que la question des névrites péri-
phériques ne mérite pas d'être ramenée à un cas particulier de
trophisme émané des centres, et que le moment est au contraire
venu d'en mettre l'étude de plus en plus à l'ordre du jour. C'est
pour faciliter cette étude que j'indiquerai, vendredi prochain, une
nouvelle méthode de fixation interstitielle des nerfs et de leurs
gaines. J'espère qu'elle constituera, entre les mains des neurolo-
gistes, un puissant moyen d'investigation scientifique. 1
M. Pitres. Les nombreuses recherches que j'ai faites avec
M. Vaillard ont contribué à établir d'une façon indiscutable l'exis-
tence des névrites périphériques. Je ne crois pas utile de relater à
nouveau ici ces recherches qui ont été déjà l'objet de plusieurs
publications; je me bornerai aujourd'hui à vous présenter la syn-
thèse de ces recherches dans l'essai de classification suivant :
On peut distinguer trois grandes catégories d'altérations péri-
phériques des nerfs. Dans la première, je rangerai les névrites de
cause locale; dans la seconde, les névrites de cause générale, toxi-
que ou infectieuse; et, dans la troisième, les névrites de cause cen-
trale. Ces trois grandes classes de névrites comprennent chacune
un assez grand nombre de variétés. ,
A la classe des névrites de cause locale appartiennent : Io la
névrite a frigore; 2° la névrite qui. succède à une compression
interne ou externe d'un nerf (traumatisme, tumeur, etc.), et enfin
3° les névrites qui sont la conséquence de l'habitat d'un élément
organique vivant dans un nerf. Le type de cette variété de névrite
est celle qui s'observe au cours de la lèpre. Les névrites de
cause générale comprennent deux variétés : 1° les névrites toxiques
(plomb, alcool, mercure, arsenic, etc.) et 2° les névrites infec-
tieuses (diphtérie, typhus, tuberculose, fièvres éruptives, grippe,
etc., etc.).-Enfin, les névrites d'origine centrale reconnaissent
également deux variétés suivant que la lésion préexistante des
centres nerveux siège au niveau de la moelle (polymyélite, tabes,
etc.) ou du cerveau (hémiplégie, paralysie générale, etc.).
En terminant, je n'ai pas besoin de faire remarquer que le mé-
canisme intime de la production de ces différentes espèces de
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
névrites est variable. Celles du premier et du second groupe sont
dues à l'altération produite directement par l'agent morbide sur
les fins ramuscules nerveux : ce sont de véritables névrites périphé-
riques primitives, au moins dans un très grand nombre de cas.
Celles' du troisième groupe sont, au contraire, des névrites secon-
daires, puisqu'elles sont sous la dépendance d'une affection du sys-
tème nerveux central.
La discussion n'étant pas épuisée et la séance du soir devant
être consacrée à l'examen du rapport de M. LADAME (de Genève),
la suite de la discussion est remise au jeudi 8 août, h..1/Z.
Séance du 7 août (soir). PnËS)DEKCE nE 111. Pierret.
DEUXIÈME QUESTION
DE L'ASSISTANCE ET DE LA LÉGISLATION RELATIVES AUX ALCOOLIQUES
M. LADAME (de Genève). Depuis que Benjamin Rush (de Phi-
ladelphie) a poussé le premier cri d'alarme vers la fin du dernier
siècle, l'alcoolisme n'a cessé de s'étendre dans les pays- civilisés, et
ses ravages ont augmenté à tel point que les sociétés modernes
sont menacées aujourd'hui d'une- dégénérescence rapide si elles
ne luttent pas avec énergie contre ce fléau. Pour combattre l'al-
eoolisme, ou plutôt pour le prévenir, on a cherché à l'atteindre
dans ses causes et l'on a eu recours aux moyens prophylactiques
les plus variés; voici les plus importants :
Éducation de l'enfance. Les mesures législatives aussi bien que
les effets de l'initiative privée pour protéger et secourir l'enfance
abandounée comptent parmi les moyens préventifs de l'alcoolisme
les plus recommandables, à condition qu'il ne perdent pas de vue
l'éducation spéciale que réclament la plupart de ces enfants. Les
enfants des buveurs forment, en effet, un des plus forts contin-
gents de l'enfance moralement et matériellement abandonnée. Ils
sont sous l'inflnence de l'hérédité alcoolique et pour écarter le
danger qui les menace de tomber dans l'ivrognerie comme leurs
parents, on doit les élever dans l'abstinence absolue de l'alcool.
Il faut leur enseigner de bonne heure les suites fatales que ces bois-
sons auraient pour leur santé physique et morale, et leur appren-
dre qu'ils doivent s'en abstenir pendant leur vie tout entière. On
comprend combien il importe, à ce point de vue avec soin et dis-
cernement la famille ou l'institution dans laquelle doit être faite
l'éducation de l'enfant abandonné. Toutes les conditions favorables
d'un bon placement étant remplies, on donnera toujours pour ce
motif la préférence aux familles d'abstinents. Nous savons que cer-1
taines sociétés de bienfaisance, à Genève, agissent, suivant ces
principes, et non sans succès, lorsqu'il s'agit de placer des enfants
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 I
d'ivrognes. Cette éducation de l'eufance abandonnée pourrait deve-
nir efficace comme moyen prophylactique contre l'extension de
l'alcoolisme. `
Dans certains pays, en Amérique et en Angleterre par exemple,
on a fondé de nombreuses sociétés d'enfants abstinents, que l'on
enrôle dès l'âge de sept ans dans la croisade contre l'alcoolisme.
On y enseigne aux enfants les avantages de l'abstinence totale.
Amélioration des logements. L'habitation est une des choses
les plus importantes de la vie du pauvre et de l'ouvrier. Si celte
habitation est un taudis où l'air est infect et la malpropreté révol-
tante, l'ouvrier fuira son triste domicile et fréquentera le cabaret.
Les sociétés qui se fondent partout pour l'amélioration des loge-
ments ont donc un rôle important à jouer dans la prévention de
l'alcoolisme.
Parmi les cités ouvrières aucune peut être comparable à la Pull-
man City, que le célèbre constructeur de wagons a fait élever à
quelques milles au sud de Chicago, pour y placer ses ateliers et y
loger une partie de ses ouvriers. M. Pullman, dans sa cité, a voulu
éviter à tout prix les effets pernicieux des cabarets et il a refusé
systématiquement de louer aux aubergistes. Il renvoie de même
tout locataire qui tenterait de faire le commerce des boissons alcoo-
liques. C'est ainsi que Pullman City est devenue la ville tempérante
par excellence. Mais il ne suffit pas de supprimer les cabarets, il
faut les remplacer. M. Pullman a fondé une bibliothèque publique,
des écoles, des églises, un théâtre. 11 existe dans la ville de grands
espaces libres pour le jeu national du base bail et une foule d'autres
récréations analogues. Toutes ces institutions (sauf la bibliothèque
publique qui est une libéralité personnelle du fondateur) sont
fondées sur ce principe que chacun doit contribuer à une dépense
dont il profite, et les ouvriers acceptent volontiers ces contribu-
tions.
L'initiative privée est impuissante cependant pour remédier à
elle seule aux conséquences sociales des logements insalubres. L'in-
tervention de l'Etat est nécessaire pour assurer l'efficacité des efforts
faits par les sociétés.
Alimentation populaire. Un autre facteur dont l'influence est
non moins effective sur le développement de l'alcoolisme c'est le
mode d'alimentation des classes ouvrières. La consommation crois-
sante de l'eau-de-vie marche de pair avec la mauvaise qualité de
la nourriture. Il cst'reconnu que les difficultés qui s'opposent à la
préparation d'aliments convenables favorisent grandement la con-
sommation de l'eau-de-vie. On se plaint généralement aussi, dans
les milieux ouvriers, de ce que les jeunes filles qui ont toujours
travaillé dans les fabriques n'ont jamais appris à faire la cuisine,
et que leur ignorance en cette matière chasse le mari au cabaret
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
où il devient peu à peu un buveur d'eau-de-vie. Pour remédier à
ce mal, on a institué des écoles de cuisine; on a fait des lois sur le
travail dans les fabriques; on a créé des cantines économiques et
des cuisines populaires 'qui rendent 'de bons services aux classes
ouvrières. Les grandes Sociétés'de consommation, bien dirigées,
peuvent aussi améliorer beaucoup l'alimentation de ces classes en
fournissant à leurs membres des marchandises de première qualité
et d'un prix peu élevé.
Cafés de tempérance. Dans le même ordre d'idées, nous devons
- mentionner les cafés de tempérance. Pour diminuer la consomma-
.tion des boissons alcooliques, il ne suffit pas d'en interdire l'usage,
il faut les remplacer par des boissons saines à bon marché. Les
expériences qui ont été faites de divers côtés ont démontré que les
cafés de tempérance, bien organisés, bien dirigés et convenable-
ment situés, sont les meilleurs antidotes contre l'abus des boissons
alcooliques. Ils doivent répondre aux besoins de sociabilité des
classes ouvrières, et il faut les adapter aux moeurs et coutumes des
divers pays. C'est à Melbourne que l'on trouve le plus grand café
de tempérance du monde, sous la forme d'un hôtel de premier
rang; mais c'est à Liverpool que ces cafés sont les plus nombreux
et les plus importants. Ces fondations sont soumises du reste aux
mêmes conditions de réussite que toutes les entreprises de ce
genre; lorsqu'elles sont faites avec prudence et intelligence, elles
donnent d'heureux résultats et même de beaux bénéfices, mais la
ruine de beaucoup d'entre elles est un sérieux garde-à-vous pour
tous ceux qui s'imagineraient pouvoir créer facilement partout des
cafés de tempérance.
Sociétés de tempérance. Aucune mesure n'est capable de com-
battre avec efficacité l'alcoolisme si elle n'est soutenue par l'opi-
hion publique. Voilà pourquoi les Sociétés de tempérance jouent
toujours le rôle le plus important dans cette lutte. Car ce sont elles
qui forment et qui éclairent l'opinion publique et qui veillent avec
ardeur à ce que les prescriptions légales qu'elles ont provoquées
ne restent pas lettre morte. Les seuls pays qui aient fait des lois
sérieuses contre l'alcoolisme sont ceux où ces Sociétés les ont pro-
voquées et préparées. Mais il faut bien savoir que ces sociétés ne
donnent un résultat que si elles sont basées sur l'abstineiice
totale.
, Après cette étude sommaire des moyens prophylactiques em-
ployés pour la guérison de l'alcoolisme, nous pouvons étudier
l'organisation de l'assistance des alcooliques et la législation qu'il
conviendrait de leur appliquer. - ,
, Législation pénale. La question de la législation pénale de
l'ivresse a été l'objet d'une étude approfondie au Congrès péniten-
tiaire-international qui-s'est tenu, en 1890, à. Saint-Pétersbourg.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 249
De tous les rapports présentés le plus intéressant, à coup sûr, est
celui de M. Motet. En voici les conclusions :
« L'ivresse est punissable aussi bien que les délits ou les crimes
commis sous son influence, lorsqu'elle est simple et qu'il était ma-
nifestement, au pouvoir du délinquant de l'éviter. L'ivresse est
punissable, avec aggravation de la peine, lorsque l'excitation alcoo-
lique a été recherchée pour fournir l'appoint de détermination
nécessaire pour commettre un crime ou un délit.
« L'ivresse est punissable, mais avec un degré d'atténuation qu'il
appartient aux magistrats de déterminer, chez des individus faibles
d'intelligence -dont la tolérance pour les boissons alcooliques est
diminuée par les conditions d'infériorité de leur organisation céré-
brale. Elle ne saurait être excusable lorsque ces individus savent
qu'ils ne peuvent pas boire sans danger, et ce cas est plus fréquent
qu'on ne le suppose.
. c Les délits et les crimes ne peuvent pas être punis lorsqu'ils ont
été commis pendant la période délirante, aiguë ou subaiguë d'un
accès d'alcoolisme. Il en est de même pour l'alcoolisme chronique,
à l'heure où les lésions cérébrales définitives ont compromis l'in-
tégrité de l'organe et déterminé le trouble durable de ses fonc-
tions. »
. Si on nous demande maintenant quels bons effets on peut espé-
rer de l'intervention des mesures pénales contre l'extension de
l'alcoolisme, nous devons répondre que malheureusement ses effets
sont bien minimes et que toutes les pénalités du monde n'ont
jamais pu enrayer la propagation de l'alcoolisme. D'un côté les
amendes et les courtes peines d'emprisonnement n'atteignent pas
leur but et sont souvent directement nuisibles; de l'autre, les peines
plus sévères et les lois draconiennes ne sont pas appliquées et man-
quent par conséquent aussi leur but. On ne saurait blâmer les tri-
bunaux qui hésitent à condamner un ivrogne à une détention pro-
longée, quand ils savent que cette' mesure est inefficace et même
injuste, car tout conspire dans l'organisation actuelle de l'État et
de la société pour faire tomber le malheureux, incapable de résister
aux tentations qui l'entourent. C'est que la guérison et la préven-
tion de l'ivrognerie ne sont pas dans les mesures pénales de la
législation; le remède est ailleurs et voilà pourquoi les juriscon-
sultes les plus compétents se rallient aujourd'hui aux médecins qui
demandent la création d'asiles spéciaux pour le traitement des
ivrognes. L'ivrognerie, en effet, n'est pas' punissable comme
l'ivresse, car, aux yeux des médecins, l'ivrognerie est une maladie.
Législation civile. La déchéance de la puissance paternelle,
temporaire ou définitive, dont on peut frapper l'ivrogne d'habitude
dans certaines circonstances, est un moyen propre à sauvegarder
les intérêts, la santé et la moralité de ses enfants. Chacun com-
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
prendra l'urgence d'une loi semblable lorsqu'il saura que l'alcoo-
lisme est la-plus fréquente de toutes les causes de l'abandon moral
et matériel de l'enfance. On risque cependant de faire fausse route
- dans cette direction, et de perdre de vue le vrai but à atteindre, si
l'on poursuit, l'interdiction du buveur avant de s'occuper de sa
guérison.
Tant que l'on peut espérer la guérison d'un alcoolique, il n'y a pas
lieu de l'interdire, et ceux qui ont fait de l'interdiction une néces-
sité préalable du placement de l'ivrogne dans un asile pour buveurs
ont compromis d'emblée l'efficacité de cette mesure. En tout cas,
jamais l'interdiction d'un ivrogne ne devrait avoir lieu sans le rapport
motivé d'un ou de plusieurs experts médicaux, et il nous parait
nécessaire aussi de faire intervenir l'expert médical lorsqu'il s'agit
de lever l'interdiction. Celle-ci doit pouvoir être levée, en effet.
aussitôt que les motifs qui l'avaient fait prononcer n'existent plus.
Législation spéciale contre l'alcoolisme. Tous les peuples civi-
lisés ont cherché à réprimer le fléau de l'ivrognerie par des lois
spéciales. Dans notre siècle, on a expérimenté les systèmes les
plus divers, qui peuvent se ramener en définitive à cinq types
principaux :
A. Taxes et impôts. Parmi les mesures législatives qui ont été
prises pour réduire la consommation de l'eau-de-vie, aucune n'est
plus généralisée que l'impôt. Mais cette mesure n'atteint son but
que si la perception de cet impôt est entourée de garanties suffi-
santes pour assurer le paiement réel de la taxe et si la législation
a pris soin de dégrever parallèlement les autres boissons (vin, bière,
thé, café, etc.), d'autant plus qu'elles contiendront moins d'alcool.
Il est évident que si l'eau-de-vie, grâce à l'imposition des autres
boissons, reste la consommation la meilleure marché, on la boira
toujours de préférence aux autres, ce qui rend illusoire la réduc-
tion de l'alcoolisme par l'impôt.
Mais il faut bien le dire, les expériences les plus probantes faites
dans les divers pays et dans le détail desquels nous ne pouvons
entrer ici, ont eu pour résultat de démontrer clairement que
l'impôt sur les boissons alcooliques est impuissant, à lui seul, contre
le fléau de l'alcoolisme. D'un autre côté, les autres.mesures légis-
latives sont stériles lorsqu'elles ne s'accompagnent pas d'une taxe
élevée sur l'eau-de-vie, avec un dégrèvement correspondant des
boissons hygiéniques. ,
Réduction du nombre des débits. Comme la consommation de
l'alcool marche parallèlement au n'ombre des débits, il parait suf-
fisant de réduire le nombre des débits pour diminuer d'autant
celui des buveurs. Dans plusieurs pays, les lois sur les auberges se
sont inspirées de cette théorie et ont limité le chiffre des cabarets
suivant le système du nombre normal de la population..
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251 1
Mais l'enquête du Conseil fédéral suisse a montré que le paral-
lèle entre la consommation des boissons alcooliques et le nombre
des débits n'était point une règle générale comme on le croyait.
Résultat étrange et bien paradoxal. L'enquête fit voir que les can-
tons ayant le plus de débits de boissons sont précisément ceux qui
ont le moins à souffrir des abus de l'eau-de-vie et de leurs effets,
tandis que les cantons qui ont le moins d'auberges, à l'exception
du Valais, sont particulièrement infestés.
Ce phénomène s'explique naturellement lorsqu'on se rend compte,
d'une part, que le nombre des cabarets n'est qu'un des facteurs en
cause dans la question de l'alcoolisme, et de l'autre que, dans les
pays susnommés, la consommation de l'eau-de-vie est entrée dans
l'alimentation populaire et se fait surtout à domicile d'une façon
régulière, tout particulièrement pernicieuse.
Pour que la réduction du nombre des cabarets ait réellement
l'influence qu'on en attend, il faut qu'elle soit poussée à l'extrême,
comme en Norwëge,'en Suède et en Finlande, et dans plusieurs
États de l'Union américaine, et il est nécessaire qu'on l'accom-
pagne, en outre, d'autres mesures législatives sur la fabrication et
le commerce des spiritueux. Quant aux auberges, il va sans dire
que l'État devrait être très sévère sur les conditions hygiéniques
des locaux et la moralité des tenanciers, aussi bien que sur les
mesures de police, le droit de patente et toutes les autres prescrip-
tions législatives capables d'améliorer et d'assainir cette indus-
trie.
C. Système de licence de 6os<eo)'g' et de Bergen. Les systèmes
de licence de Goeteborg et de Bergen, en Suède et en Norwège,
ont donné quelques bons résultats, mais ils sont difficilement ap-
plicables dans les grands centres et dans les pays où le nombre
des cabarets est illimité. Ce système repose sur la création de so-
ciétés par actions qui achètent à l'encan, dans un but philanthro-
pique, les patentes de la vente au détail de l'eau-de-vie et cherchent
par ce moyen à réduire le nombre des débits et à protéger les
villes contre la spéculation des cabaretiers. Elle cherche à créer,
en dehors de tout désir de lucre, un monopole de la vente de l'al-
cool.' Elle ne confie la vente au détail qu'à des personnes qui n'ont
aucun intérêt personnel à ce commerce; elle verse le bénéfice
réalisé dans les caisses communales qui l'emploient en oeuvres de
bienfaisance, spécialement au développement et à la moralisation
de la classe ouvrière.
D. Le monopole de l'Etat ou le système suisse. Le monopole de
l'Etat a donné jusqu'ici de bons résultats en Suisse, en diminuant
de 25 p. 100 la consommation de l'eau-de-vie et en assurant la pu-
rification des alcools. Ce système ne pourrait cependant pas être
adopté partout avec les mêmes avantages, car les .circonstances
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
politiques et économiques dans lesquelles se trouvent les divers
pays influent grandement sur les résultats.
Le monopole peut être établi sous trois formes distinctes qui
peuvent être combinées entre elles : monopole de fabrication ;
monopole de rectification; monopole de vente. Suivant les cas on
pourra adopter l'un ou l'autre de ces monopoles ou les combiner
deux à deux ou les trois ensemble. Mais, il faut bien le dire, jamais
ils ne suffiront à eux seuls à la répression de l'alcoolisme.
E. La prohibition absolue locale ou nationale ou système américain.
Quand on lit les travaux et les statistiques publiés par les mé-
decins américains, on voit que le système de la prohibition absolue
de l'alcool a donné de bons résultats. Cette même influence heu-
reuse a été exercée parfois dans certaines localités de la Hollande
et des pays scandinaves. Dans les pays européens les moeurs ne
rendent pas possible l'application de ce système, qui porte une
atteinte trop marquée à la liberté individuelle. Il n'y a donc aucune
chance pour qu'il y soit appliqué. Un dernier' point qu'il convient
maintenant d'étudier, c'est l'assistance des alcooliques.
Les hôpitaux, les asiles d'aliénés, les prisons, les maisons de tra-
vail et de correction, les hospices d'incurables sont encombrés
d'alcooliques. L'alcoolisme, suivant ses effets, mène fatalement à
l'une ou à l'autre de ces institutions sociales, et cependant les
hommes compétents dans tous les pays réclament de plus en plus
énergiquement des asiles spéciaux pour les buveurs, en nombre
considérable, qui n'appartiennent ni à l'un ni à l'autre de ces éta-
blissemeuts, et qui sont un danger permanent pour leurs familles
et pour la société. Nous ne nous occuperons ici que de cette der-
nière catégorie d'alcooliques qui exigent une assistance spéciale.
Les Américains qui ont fait tant d'efforts pratiques pour extirper
l'ivrognerie sont arrivés les premiers à la conclusion que les bu-
veurs sont des malades et qu'ils doivent être traités dans des asiles
spéciaux.
En 1846, le Dr J.-E. Turner, du Maine, simple médecin-praticien,
désirant sauver de l'ivrognerie un vieil ami, reconnut la nature
morbide de ce mal et commença une agitation enthousiaste pour
la cause du traitement de l'ivrognerie dans les hôpitaux spéciaux.
Après huit années d'efforts persévérants, luttant sans relâche contre
une opposition formidable, il réussit à former une sociélé pour la
cosntruction, à Binghmanton, d'un «hôpital pour les ivrognes»,
dont le chirurgien Valentine Mottétait le président. On fit une loi
qui donna à la direction 'de l'hôpital le pouvoir de retenir contre
leur gré les internés de la maison.
- La construction de l'asile ne fut terminée qu'après dix-huit ans et
l'établissement ne put être ouvert aux malades qu'en 1864. Il fut
fondé sur les principes suivants : l'asile de Bin-hmanton n'accepte
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253 3
des malades que pour une durée minimum de une année. On ne
demande à l'entrée ni voeu ni promesse. Chaque cas est considéré
comme folie suicide, exigeant un long traitement médical et la
séquestration (restraint).
Cependant les ivrognes protestèrent contre leur internement
forcé. Ils cherchaient journellement à faire rompre par leurs amis
les engagements qui avaient été pris pour leur traitement. Grâce
à des hommes influents, les fondateurs de l'asile furent bientôt en
butte à une opposition acharnée. L'asile ne tarda pas à dispa-
raître. Mais la preuve était faite et la disparition de Binghmanton
marqua la naissance d'un grand nombre d'asiles similaires dont
quelques-uns ont accompli de grandes choses. Ils ont prouvé clai-
rement et définitivement que l'ivrognerie était une véritable ma-
ladie et, actuellement, qu'on pouvait la guérir par des soins con-
venables. On a créé plus de cinquante asiles pour buveurs aux
États-Unis, dont plus de quarante sont aujourd'hui en plein succès.
Les principes scientifiques sur lesquels sont fondés les asiles mé-
dicaux pour la cure des ivrognes peuvent se résumer en peu de
mots. L'admission d'un buveur a lieu pour trois à six mois au mi-
nimum. A l'entrée un examen médical soigneux avec l'observation
écrite de ses résultats : bains, hydrothérapie, médication et remèdes
suivant les indications. Occupation, travail, récréation. Change-
ment de régime et régularité de la vie. Les ivrognes sont traités
comme des malades du cerveau auxquels on évite toutes les causes
d'excitation ou d'irritation : abstinence totale des boissons alcoo-
liques, discipline, traitement méthodique et préventif des pa-
roxysmes périodiques. Il faut parfois de longues années pour se
guérir de l'état neurasthénique que produit l'alcoolisme. Crothers
compare le traitement des ivrognes dans l'asile aux quarantaines
faites par les malades atteints d'affections contagieuses. On isole
les victimes de la boisson de toute cause excitante ou provocatrice
et on les place dans les meilleures conditions possibles pour qu'ils
puissent recouvrer pleinement leur santé. On pense que plus tard
encore on obtiendra de meilleurs résultats à mesure que l'on per-
fectionnera les moyens rationnels de traitement. , .
Après avoir passé en revue les différents asiles des buveurs qui
ont été fondés en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, M. Ladame
termine par les conclusions suivantes :
1. Dans la lutte contre l'alcoolisme il faut mettre en oeuvre tous
les moyens prophylactiques, répressifs et curatifs que fournissent
l'initiative privée, la législation et l'assistance par l'Etat.
2. Parmi les moyens prophylactiques, on devra donner tous ses
soins à l'éducation de l'enfance, spécialement de l'enfance mora-
lement et matériellement abandonnée, à l'amélioration du loge-
ment des ouvriers et à l'alimentation populaire, ainsi qu'à toutes'
les institutions destinées au développement matériel, moral et
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
intellectuel des classes ouvrières (salles de lecture et de confé-
rences, cuisines et cantines populaires, caisses d'épargne, cafés de
tempérance, etc.).
3. Il faut s'efforcer de propager partout la fondation de sociétés
de tempérance sans lesquelles les meilleures lois demeurent lettre
morte. Ces sociétés n'agissent pas seulement comme moyen pré-
ventif pour relever les buveurs et empêcher leurs rechutes, mais
elles préparent l'opinion publique et rendent efficaces les mesures
législatives dont elles prennent souvent l'initiative.
4. La législation pénale s'est montrée impuissante contre l'alcoo-
lisme et jamais les pénalités, même les plus cruelles, n'ont pu.
guérir un ivrogne. L'accumulation des courtes peines, qu'il est de
mode d'appliquer aujourd'hui contre l'ivrognerie dans certains
pays, est particulièrement fâcheuse. D'autre part l'impunité, trop
facilement admise pour les délinquants et les criminels alcooliques,
est un grand danger social et une véritable prime pour la perpé-
tration de nouveaux crimes.
La législation peut collaborer efficacement à la lutte contre
l'alcoolisme : eil frappant la vente des spiritueux falsifiés et impurs ;
2° en punissant les aubergistes et les débitants qui favorisent
l'ivresse de leurs clients et qui donnent des spiritueux à boire à
des mineurs. Tout individu qui a sciemment enivré une autre per-
sonne devrait être puni parla loi; 3° en punissant l'ivresse pu-
blique. Mais cette punition ne s'est montrée efficace que dans les
pays où des mesures énergiques de prévention la rendent rare et
condamnable par l'opinion ; 4° en punissant plus sévèrement non
seulement les récidives, mais surtout l'ivresse qui se produit en
certains lieux (tribunal, églises, assemblées publiques, etc.) ou
pendant certaines occupations qui constituent un danger pour
autrui; 5° l'irresponsabilité médico-légale des délirants alcooliques
doit entraîner leur internement d'office dans des établissements
spéciaux dont ils ne pourront sortir qu'après guérison complète et
lorsque toute crainte de rechute sera écartée. Ils y seront réinté-
grés à la première menace de récidive.
5. La déchéance de la puissance paternelle, l'interdiction des
buveurs et leur mise sous curatelle sont des mesures efficaces et
nécessaires, mais qui ne doivent généralement pas être prises
avant le placement des ivrognes dans un asile destiné à leur trai-
tement et à leur guérison.
6. La non-reconnaissance des dettes de cabaret est une mesure
législative qui peut avoir une certaine efficacité, de même que
l'interdiction de fréquenter les auberges (dans les campagnes et
les petites villes).
7. Les taxes, impôts et accises sur les boissons n'ont par elles-
mêmes aucune action sur la consommation des spiritueux. Elles
ne deviennent utiles dans la lutte contre l'alcoolisme que si elles
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S5
sont accompagnées d'autres mesures législatives appropriées et
d'un dégrèvement correspondant des boissons dites hygiéniques
(café, thé, chocolat, sucre, etc.). Le dégrèvement du vin et de la,
bière n'a aucun effet sur la fréquence de l'alcoolisme.
8. Le nombre dés auberges ne peut être pris comme critérium
de la consommation alcoolique dans un pays, et la réduction du
nombre des débits n'a pas pour effet de diminuer parallèlement
la consommation de l'eau-de-vie.
Toutefois la réduction du nombre des cabarets est une mesure
qui s'impose, mais elle n'est efficace que si elle est poussée très
loin et si elle est accompagnée d'autres mesures législatives res-
trictives sur la fabrication et le commerce des spiritueux et, enfin,
si l'opinion publique se prononce énergiquement en faveur de la
tempérance.
9. Les systèmes de licence de Gcetebor- et de Bergen qui ont eu
d'excellents effets dans les pays scandinaves ne rencontreraient
pas toujours ailleurs les circonstances favorables qui en ont assuré
le succès. Ces systèmes n'agissent qu'indirectement sur la diminu-
tion de l'alcoolisme qui ne peut être obtenue que par d'autres
mesures restrictives concomitantes.
10. Le monopole de l'Etat a donné jusqu'ici de bons résultats en
Suisse, en diminuant de 25 p. 100 la consommation de l'eau-de-vie
et en assurant la purification des alcools. Ce système ne pourrait
cependant pas être adopté partout avec les mêmes avantages, car-
les circonstances politiques et économiques dans lesquelles se trou-
vent les divers pays influent grandement sur ses résultats. Le mo-
nopole peut être établi sous trois formes distinctes qui peuvent
être combinées entre elles : monopole de fabrication; monopole
'de rectification; monopole de vente. Suivant les cas, on pourra
adopter l'un ou l'autre de ces monopoles ou les combiner deux à
deux ou les trois ensemble. Jamais ils ne suffiront à eux seuls à la
répression de l'alcoolisme.
11. Le système de la prohibition totale, nationale ou locale,
d'origine américaine, a exercé parfois une heureuse influence dans
plusieurs Etats de l'Union américaine, dans certaines localités de
l'Angleterre, de la Hollande et , des pays scandinaves. Les moeurs-
actuelles de la plupart des pays européens rendent impossible chez
eux l'application de ce système.
42. L'assistance des alcooliques réclame avant tout la fondation.
d'asiles pour la guérison des buveurs. Ces asiles doivent remplacer
les prisons et les maisons de correction qui aggravent l'état phy-
sique et moral des ivrognes qui y sont placés et contribuent à les
rendre incurables..
13. Ces asiles doivent être organisés et dirigés d'après les prin-.
cipes de la science médicale. On y recevra les cas récents et cura-
bles. La loi devra accorder à ces asiles un droit de détention sur.
256 SOCIÉTÉS^SAVANTES.
les buveurs qui y seraient internés, moyennant une déclaration
médicale, pour une durée minima de six mois et maxima de deux
ans. ' ' ....
14. L'abstinence totale des boissons alcooliques, le travail et la
discipline sont les principes fondamentaux du traitement moral
dans les asiles pour buveurs. Le personnel et les employés doivent
s'y conformer aussi bien que les pensionnaires. 1
15. A sa sortie de l'asile l'ivrogne guéri doit être placé dans un
milieu abstinent, sous le patronage des sociétés de tempérance.
A la moindre menace de récidive, il doit pouvoir être immédiate-
ment réintégré dans l'asile.
16. Les buveurs aliénés, épileptiques et délinquants ne doivent
pas être admis dans les asiles pour la guérison des ivrognes.
17. Il faut fonder des établissements spéciaux pour l'internement,
la détention et le traitement des buveurs aliénés, épileptiques, dé-
linquants ou moralement pervertis.
18. La fondation d'hospices spéciaux serait désirable pour le pla-
cement des ivrognes incurables qui sont par leur dissipation, leur
immoralité et leur violence, un danger permanent pour leur
famille et pour la société.
M. Vallon (de Paris). Je suis très partisan de la création
d'asiles spéciaux pour les alcooliques. L'organisation de nos asiles
est, en effet, défectueuse pour le traitement de ces malades. Ceux
qu'on nous envoie-ils nous viennent du Dépôt ou del'Asile clinique
après avoir été ramassés sur la voie publique sont très rapide-
ment guéris. Au bout de quelques jours leur délire a disparu; ils
n'en ont même plus, le plus souvent, quand ils arrivent à l'asile de
Villejuif. Je les envoie travailler dans les différents chantiers;
on leur donne à porter du bois, du charbon, etc.. aux divers fonc-
tionnaires. Ceux-ci les récompensent en leur donnant un verre de
vin. Les alcooliques s'arrangent pour servir le même jour plusieurs
fonctionnaires. lien résulte qu'ils se grisent et jamais ils n'arrivent
à se guérir de leur alcoolisme.
Ces alcooliques encombrent nos services, prennent la place de
véritables aliénés. Pourquoi ne pas les renvoyer, dira-t-on, une
fois leur accès de délire passé ? La raison est bien simple. Il m'est
arrivé souvent de demander la sortie de semblables alcooliques.
Ils me sont revenus au bout de six à huit jours. De Villejuif à
Paris ils s'arrêtent dans tous les cabarets; ils arrivent à Paris ivres
et délirants. On les mène au Dépôt; comme il n'y a pas de place,
on les envoie à l'Asile clinique et de là à Villejuif. J'ai dans mon
service un alcoolique qui y est entré vingt-sept fois, toujours dans,
les conditions que je viens de rapporter.
Je demande qu'un individu de cette sorte qui a démontré qu'il
est incapable de vivre dans la société, qu'il est un danger pour
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 2S7
elle, je demande à ce qu'on l'enferme dans un asile spécial où la
loi permettra de le garder (car actuellement aucune loi n'autorise
à le séquestrer une fois le délire passé).
Un asile spécial pour alcooliques s'impose, on le voit. Mais il ne
devra renfermer que des alcooliques qui seront soumis à un ré-
gime spécial, à l'abstinence absolue de l'alcool. Au Conseil général
de la Seine on a voté la création d'un asile dans lequel cinq cents
lits seront réservés aux alcooliques. Dans cet asile les services gé-
néraux seront communs. C'est absolument comme si l'on ne faisait
rien. Ces alcooliques continueront à boire et leur guérison ne sera
jamais obtenue.
Encore une fois, ce qu'il faut, c'est un asile pour les seuls alcoo-
liques. Quand cet établissement sera créé, nous ne recevrons plus
dans nos asiles les ivrognes qu'on arrête tous les jours et qu'on
nous envoie parce qu'on ne sait pas où les mettre.
M. Legrain (de Paris). La création d'asiles spéciaux pour les
buveurs est une question neuve en France. En 1889, le Congrès de
médecine mentale de Paris s'en est occupé pour la première fois
en émettant un voeu tendant à cette création. En 1892 le Conseil
supérieur de l'Assistance publique a mis la question à l'étude. Dans
l'ordre pratique le Conseil général de la Seine vient de décider la
création d'un asile nouveau dans lequel 500 places seront réser-
vées aux alcooliques. Mais l'asile qu'on va créer pourra-t-il être
l'instrument tant désiré de traitement pour cette catégorie de
malades ? Il est permis d'en douter. ,
Pour tirer tout le parti désirable au point de vue curatif et pro-
phylactique d'un établissement pour alcooliques, il est de toute né-
cessité que cet établissement ne renferme que des alcooliques.
C'est à cette seule condition qu'on pourra, entre autres choses,
prescrire le régime abstinent dans toute sa rigueur, régime qui est
l'une des conditions les plus rationnelles du traitement. Or, l'éta-
blissement qu'on va créer sera un asile mixte. Dans ces conditions
le traitement des alcooliques, suivant les méthodes préconisées
dans les établissements spéciaux, sera une chimère.
Il est un autre point sur lequel je désire attirer l'attention du
Congrès. Le voici : l'alcoolique guérit vite des troubles morbides
qui ont nécessité son internement. Une fois guéri, il récupère ses
droits à la liberté et, de fait, rien ne peut le retenir à.l'asile. Il
sort, ne tarde pas à recommencer ses excès. Quelque temps après,
il est de nouveau interné, non sans avoir fait courir quelque
risque ou causé quelque dommage à la société. A l'étranger, les
lois autorisent l'internement prolongé de ces êtres dangereux.
Notre législation ne nous le permet pas. Il y aurait, en consé-
quence, utilité à demander la création de dispositions légales
analogues à celles qui sont en usage à l'étranger. Permettre au
Archives, t. XXV1U. 17
1258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
récidiviste de l'ivrognerie de retourner dans la société dans les
conditions où il peut y retourner actuellement, c'est vouloir stéri-
liser avant la lettre l'oeuvre de progrès que doivent réaliser les
asiles spéciaux pour alcooliques.
Il s'agirait donc de priver temporairement de leur liberté des
individus qui ont montré qu'ils étaient dangereux pour la sécurité
publique. Il me semble que c'est à la justice qu'il appartient de
prononcer la prolongation du traitement. Cette responsabilité, qui
n'a rien de médical, ne doit pas être confiée au médecin. Si l'in-
tervention de la magistrature doit être repoussée, au nom même
de notre dignité professionnelle, dans le placement des aliénés,
on n'en peut dire autant de son intervention à propos de leur
sortie et surtout de la sortie des ivrognes séquestrés dans les asiles
spéciaux.
M. Deschamps, conseiller général de la Seine, demande au Con-
grès un programme à suivre pour l'édification prochaine de l'asile
spécial, dont il a fait voter le principe et les fonds d'établissement
sur le vaste domaine de Ville-Evrard. On peut ramener à cinq les
questions qu'il pose : 1° doit-on construire un asile d'alcooliques
dans le département de la Seine ? 2° si l'édification de cet asile
doit être différente de celle des autres asiles d'aliénés, est-il pos-
sible au Congrès de soumettre un programme dont s'inspireront
les architectes décidés à concourir ? 3° les services généraux
peuvent-ils convenir à la fois à un asile d'aliénées (femmes) et à un
asile spécial d'alcooliques (hommes) ? 4° quelle est la catégorie
d'aliénés qu'il conviendrait d'interner dans cet asile spécial ?
5° croit-on qu'il sera facile au département d'utiliser les cinq cents
places de l'asile d'alcooliques ?
M. A. Voisin (de Paris) distingue les ivrognes occasionnels et les
ivrognes de profession. Suivant lui, c'est à ceux-ci qu'on devrait
réserver l'asile spécial qui serait doté d'un quartier de cellules pour
les ivrognes qui auraient un accès de délire. Il y aurait des quar-
tiers de plus en plus grands pour les malades tranquilles. Le
travail à air libre ne serait permis qu'aux alcooliques à peu près
guéris.
M. BOURNEVILLE.- Tout de suite je dois déclarer, pour qu'il n'y
ait pas de doute sur mon opinion, que je voterai les conclusions
qui terminent le remarquable rapport de notre collègue, l. Ladame,
concernant la création d'asiles spéciaux pour le traitement de l'ivro-
gnerie. Ceci dit, j'aborde les questions soulevées par M. Deschamps.
.Ma tâche se trouve d'ailleurs singulièrement facilitée par les obser-
vations présentées par MM. Vallon, Legrain et A, Voisin. M. Des-
champs a fait allusion au programme que j'ai été chargé d'élaborer
pour être discuté par la Commission de surveillance des asiles de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
la Seine et relatif à la construction d'un cinquième asile d'aliénés.
On ne croyait pas, a-t-il dit, qu'il fallait un programme spécial
pour la construction d'un asile d'alcooliques. On pensait que c'était
la même chose qu'un asile d'aliénés. Cette erreur, un peu étrange,
a été partagée par l'Administration. En effet, àlaséancedu 19 juil-
let de la Commission de surveillance des asiles de la Seine, l'Ad-
ministration, après avoir rappelé le vote du Conseil. général sur la
création et la mise au concours d'un asile d'alcooliques, annonçait
qu'elle avait décidé de remettre aux architectes concurrents la
partie adoptée de mon rapport sur le cinquième asile d'aliénés.
Nous avons fait remarquer que ce rapport avait trait à un asile
d'aliénés et non à un établissement d'alcooliques sur lequel la
Commission n'avait pas été consultée. Du reste, n'ayant pas étudié
la question de l'organisation d'un établissement pour les alcooliques
- et qu'entend-on par là ? - je ne me sentais pas en mesure, quant
à présent, de tracer un programme quelconque. Notre rapport,
ajoutions-nous, ne peut être donné qu'à titre de renseignement.
La discussion s'est terminée par un vote déclarant que la Commis-
sion de surveillance dégageait sa responsabilité relativement à la
cration d'un asile d'alcooliques.
. En l'absence d'un programme administratif, et du titre que
portent les affiches : construction d'un asile d'aliénés, les architectes
se trouvent dans un grand embarras. M. Deschamps, qui les y a
mis, vient nous demander de les en tirer, en traçant ici, séance
tenante, le programme, que n'ont donné ni lui, ni le Conseil géné-
ral, ni l'Administration, d'un asile d'alcooliques. Déjà, les précé-
dents orateurs ont démontré les inconvénients de l'adjonction d'un
.asile d'ivrognes à côté d'un asile d'aliénés. Il s'agit là, en effet, d'un
établissement hybride.
M. Deschamps a cru aussi utile de demander au Congrès ce qu'il
faut entendre par alcooliques. C'est là une question qui aurait dû
, être préalablement tranchée. Nous l'avons déjà posée à l'Admi-
nistration, qui n'a pas répondu, et pour cause.
. Selon nous, les alcooliques pourraient être ainsi classés : Il y a :
1° les ivrognes, les uns accidentellement, les autres de profession ;
- 2° ensuite les alcooliques délirants (aliénés) à l'état subaigu, aigu
ou suraigu;-3° enfin les aliénés dont les diverses formes mentales
ont pu être occasionnées par des excès alcooliques.
. Est-ce à toutes ces catégories qu'est destiné le futur asile, ou
n'est-ce qu'aux ivrognes ? Le programme est tout à fait différent
suivant les cas. * c
Vous demandez si vos deux asiles celui des hommes alcooliques[1)
et celui des femmes aliénées peuvent avoir des services généraux com-
- muns. On vous a dit qu'un asile d'ivrognes devait avoir une disci-
pline toute particulière; qu'une surveillance constante devait s'op-
'. poser à l'introduction des boissons alcooliques. Or, avec des services
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
généraux communs à chaque instant vous, courrez le risque de voir
la surveillance déjouée et votre traitement compromis. D'où la né-
cessité d'avoir un asile distinct pour vos alcooliques ou vos ivrognes.
Et puis la contiguïté de votre asile de femmes aliénées avec un
hôpital d'hommes ivrognes ne constitue-t-elle pas, au point de vue
moral, une situation pénible pour vos malades aliénées et pour
leurs familles ? Votre conception ne constitue pas un progrès.
Vous avez réclamé, dites-vous, une enquête auprès des médecins
pour savoir quelle était la proportion des malades qu'on pourrait
retirer des anciens asiles pour les mettre dans l'asile des alcoo-
liques. M. Deny vous a répondu cinq, M. Charpentier soixante-
quinze. Leurs services étant semblables, la divergence des réponses
tient à ce que l'un vous a donné le chiffre des ivrognes profession-
nels qui, de temps en temps, ont des accidents d'alcoolisme qui
les font interner comme aliénés, tandis que l'autre a compris dans
sa statistique les aliénés chez lesquels l'alcoolisme a joué un rôle
dans la production de l'aliénation mentale. Or, à notre avis, les
délirants alcooliques constituent un groupe de malades aliénés dont
la place est dans les asiles ordinaires. A plus forte raison en est-il
de même des autres aliénés à excès alcooliques. Si vous les placez
dans votre futur asile, il devient alors un véritable asile d'aliénés.
Nous estimons que les malades aliénés doivent passer avant les
ivrognes. Que c'est à faire face à ces besoins du service des aliénés
qu'il faut d'abord consacrer les ressources disponibles. Or, sur vos
12 à 13,000 aliénés, 6,000 seulement à peine sont hospitalisés dans
les asiles de la Seine. Les autres sont exilés, loin de leurs parents,
loin de leurs amis ce qui est inhumain - dans les asiles des
départements, où ils prennent la place des malades de ces dépar-
tements, qu'on transforme en incurables, ' qu'on n'hospitalise pas
parce qu'ils coûtent, tandis que les nôtres rapportent. Ce qu'il faut,
en premier lieu, c'est réaliser, en le mettant à la hauteur des
besoins nouveaux, le programme indiqué il y a une trentaine
d'années.
En ce qui concerne les ivrognes, espèce particulière de
malades, vous n'avez pas le droit de les interner; ils ne rentrent
pas dans les formes habituelles, classiques de l'aliénation mentale.
Il vous faut donc, avant de créer un asile pour eux, obtenir une
loi qui vous permette de les hospitaliser, de les interner, de les
traiter, de les maintenir malgré eux. C'est par là qu'il faut com-
mencer. Vous verrez ensuite à manifester pour eux vos bonnes in-
tentions et à leur construire des asiles spéciaux.
M. JoFFROY. Je suis d'avis qu'il y a utilité à créer un asile
spécial pour les alcooliques, et cela pour plusieurs raisons.dont je
ne citerai qu'une seule.
- Comment traite-t-on les malades intoxiqués par la morphine ? 2
SOCIÉTÉS SAVANTES. '26l
Par la suppression du poison. Eh bien ! les alcooliques sont des
intoxiqués au même titre que les morphinomanes; il convientdonc
de procéder à leur égard comme on le fait avec ces derniers, c'est-
à-dire de leur supprimer l'alcool.
Or, pour débarrasser un morphinomane de ses habitudes mor-
phiniques, il faut recourir à l'internement dans un asile : le même
procédé doit être mis en usage pour les alcooliques. Ainsi se trouve
justifiée la création d'un asile spécial.
Maintenant quels sont les alcooliques qu'on devra placer dans cet
asile spécial ? Nous savons qu'il y a une quantité d'individus qui sont
des sujets prédisposés, chez qui l'alcool joue le rôle de cause occa-
sionnelle pour déterminer l'apparition de troubles mentaux passa-
gers. C'est surtout pour les malades de cette catégorie que l'asile
spécial me semble présenter une grande utilité.
Un second point sur lequel je désire m'arrêter un instant est
relatif à la construction et à l'organisation intérieure de l'asile. On'
dit que l'asile d'alcooliques comprendra un quartier réservé exclusi-
vement à ces derniers et un autre quartier où seront traités des
aliénés ordinaires. De plus il y aura des services généraux communs
aux deux sections. A cette organisation, je vois de sérieux inconvé-
nients. Que se passera-t-il en effet ? Ce qui arrive dans beaucoup
d'asiles et en particulier à l'Asile clinique où j'ai mon service. Le
médecin prescrit l'abstinence aux alcooliques ; mais au bout de
quelques jours ils sont employés à différents travaux dans l'inté-
rieur de l'établissement et la récompense que l'administration accorde
aux travailleurs consiste précisément dans une ration supplémen-
taire de vin ; d'autre part, les travailleurs se trouvent en contact
dans les ateliers avec des ouvriers du dehors qui procurent les bois-
sons alcooliques les plus variées à leurs compagnons de travail
quand ce n'est pas le chef d'atelier lui-même qui se charge de les
approvisionner d'alcool.
Je crois donc qu'il y a intérêt à ne pas établir de services géné-
raux communs au quartier d'alcooliques et au quartier affecté aux
aliénés ordinaire', pour ne pas voir survenir dans l'asile spécial les
faits qui se produisent actuellement dans nos asiles et qui sont un
obstacle sérieux au traitement des alcooliques.
En troisième lieu, je dirai quelques mots au sujet de la progres-
sion constante de l'alcoolisme en France. A quoi tient cette pro-
gression ? Tout d'abord à ce qu'on boit maintenant plus d'alcool
qu'autrefois et cela dans des proportions extraordinaires. Pours'en
convaincre, il suffit de consulter les statistiques dressées par l'ad-
ministration et relatives, à la consommation de l'alcool. Celles-ci
démontrent que la progression est constante et va s'accentuant de
jour en jour. Laissez-moi, à ce propos, vous citer quelques chiffres.
A Paris, la consommation moyenne d'alcool absolu par habitant,
pendant l'année 1893, a été de 7 litres environ. A Caen et à Rouen,
262 SOCIÉTÉS SAVANTES..
elle est d'un peu plus de 15 litres et à Cherbourg elleatteint 18 litres
Il s'agit là d'alcool absolu et pour avoir la quantité d'alcool con-
sommé par chaque habitant sous forme d'eau-de-vie, il convient de
doubler au moins les chiffres précédents. En outre, il ne faut pas
oublier que cette statistique, basée sur des chiffres relatifs à la
consommation de l'alcool soumis aux droits, ne tient pas compte
de l'alcool introduit en fraude, lequel entre cependant pour une
large part dans la consommation.
Parallèlement à l'accroissement de la consommation de l'alcool,
se manifeste une augmentation dans le nombre des cas de folie
alcoolique, et la fraude n'est pas étrangère à la recrudescence de
l'alcoolisme. Nous savons que l'alcool exerce sur l'organisme une
action d'autant plus délétère qu'il est moins pur et c'est surtout
sur la qualité de l'alcool que s'exerce lafraude.De ce fait, le danger
se trouve donc encore accru.
Que pourrait-on faire en face de cette situation, pour parer, dans
une certaine mesure, aux dangers qu'elle présente ? Demander aux
buveurs de restreindre leurs excès de boisson, c'est une éventua-
lité sur laquelle il n'est'pas permis de fonder de sérieuses espé-
rances. Il n'est pas possible non plus de leur demander de ne boire
que des alcools de bonne qualité, en raison du prix élevé de ceux-ci.
Mais un voeu qu'on peut formuler, c'est de demander à l'État de
surveiller la fabrication des alcools et de n'autoriser la vente que
d'alcools complètement rectifiés. Pour réaliser ce desideratum, il
conviendrait d'établir le monopole de l'alcool, l'État pourra ainsi
exercer un contrôle plus effectif sur sa fabrication. Par conséquent,
création du monopole de l'alcool et surveillance de sa rectification,
voilà des réformes que, dans un intérêt social, nous avons le devoir
de réclamer. '
M. DENY (de Paris) fait remarquer que si, conformément à l'opi-
nion exprimée par M. Joffroy, on place dans l'asile d'alcooliques
tous les prédisposés qui présentent des troubles mentaux, à la
suite d'excès de boisson, cet asile spécial sera rapidement envahi
par des aliénés ordinaires et ne répondra plus à sa véritable desti-
nation.
M. JoFFRoy réplique que son intention n'a jamais été de con'-
" ondre les délirants systématisés avec accidents alcooliques sur-
ajoutés, par exemple, avec les prédisposés qui font un délire
relevant manifestement de l'intoxication par l'alcool et susceptible
de guérir par la suppression de l'agent toxique.
M. Doutrebente (de Blois) manifeste quelques craintes au sujet
de la qualité de l'alcool qui serait livré à la consommation si l'État
en monopolisait la fabrication. -, ,
. M. JoFFROY répond qu'on n'a qu'à,se reporter aux expériences
réalisées à l'étranger et qui ont.été exposées .dans le rapport de
· SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
M. Alglave. Celles-ci paraissent avoir donné en Suisse, par exemple,
d'excellents résultats, et l'on peut espérer qu'en France il en serait'
de même.
M. GIRAUD s'attache ensuite à faire ressortir l'importance du
caractère confessionnel des sociétés de tempérance à l'étranger. Là
seulement où elles ont eu ce caractère, elles ont pu donner quelque'
résultat; aussi estime-t-il qu'il n'y a pas à compter sur ce moyen'
de réformer les moeurs d'une partie de ra population en France;
il se rallie à la proposition de M. Joffroy concernant la monopo-
lisation par l'Etat. '
M. Roui3y lit sur ['alcoolisme en Algérie un mémoire dans lequel
il établit que l'ivrognerie fait beaucoup plus de ravages parmi les
colons que parmi les Arabes. ' ,
La séance est levée.
Le congrès charge MM. LADAME, et LEGRAIN, de lui sou-
mettre les conclusions définitives au début de la prochaine
séance, fixée au lendemain mercredi à 2 h. 1/2. La séance
est levée à 5 heures et rendez-vous est donné pour le lende-
main à 9 heures à l'asile privé de Sainte-Marie.
Séance du 8 août (soir). Présidence DE M. PIERRET. ,
ASSISTANCE ET LÉGISLATION RELATIVES AUX ALCOOLIQUES.
Après lecture du procès-verbal, M. Ladame propose au Congrès
d'émettre les voeux ci-après : 1° Que des asiles spéciaux soient
fondés pour le traitement des buveurs; 2° Que des mesures spéciales
soient prises à l'égard des buveurs d'habitude qui constituent un
véritable danger pour la société.
MM. Giraud, Charpentier prennent la parole sur le sujet ainsi
que le Dr Bourneville qui propose de voter d'abord sur la question
de principe de séquestration et de la nécessité d'une loi. Sans une
loi qui autorise l'internement des ivrognes, il est parfaitement
inutile de créer un asile pour eux.
L'ordre est interverti, la première question passe au deuxième
rang. La discussion d'hier recommence et 1111. LcnaIN, Vallon et
Charpentier présentent des observations sur les mots ivrognerie et
alcoolique.
M. Bourneville dit qu'il s'agit des buveurs incorrigibles, dits
ivrognes de profession, dangereux pour l'ordre public, qui sont
d'abord l'objet principal du rapport de M. Ladame, ce qu'on semble
oublier; c'est de l'assistance des ivrognes qu'il s'agit et non de
celle des alcooliques, aliénés ou des aliénés par-alcoolisme. ,
264 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. DESCHAMps qui se rend compte de la faute commise par le Con-
seil général demande au Congrès d'émettre le voeu qu'une commis-
sion administrative spéciale soit nommée pour étudier le pro-
gramme d'un asile d'alcooliques.
La discussion semble s'égarer. M. Vallon reprend la parole pour
demander simplement le désencombrement de son service, il vou-
drait un violon, une garderie pour les ivrognes qu'on arrête et qui,
le lendemain, sont guéris.
M. Deschamps. Si vous attendez une loi, vous attendrez
bien dix ans; je viens vous offrir l'application de vos désirs, le
moyen de désencombrer vos asiles. Au Conseil général de la Seine,
nous demandons des conseils, tout en vous offrant 500 places nou-
velles pour des alcooliques. Dans notre zèle, nous avons peut-être
le tort de marcher trop vite; mais cependant il y a lieu de prendre
une décision. '
M. BOURNEVILLE fait observer que le moment n'est guère propice
à la nomination d'une commission non par le Congrès mais par
l'administration de la Seine ; que l'élaboration du'programme
demandé exigera des recherches et du temps; que les architectes
concurrents sont à l'oeuvre et doivent remettre leurs projets, quels
qu'ils soient, à la fin de novembre; que le Congrès n'a pas à s'im-
miscer dans les questions particulières ce qui aurait assurément
de graves inconvénients, mais à traiter des questions générales
intéressant tous les pays.
M. Brissaud trouve dangereux d'engager la responsabilité du
Congrès. M. JoFFROY propose un troisième voeu, devant lequel
M. Deschamps retire le sien. Ce voeu est ainsi conçu : que les
médecins aliénistes soient consultés pour la construction d'un asile
pour les alcooliques. Ce voeu est adopté.
SUITE DE LA DISCUSSION SUR LES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES.
M. BABINSKI expose les relations qui existent, d'après certains
auteurs, entre le tabès et les névrites périphériques. Il rappelle les
lésions de l'ataxie locomotrice : sclérose des cordons postérieurs,
dégénérescence des racines postérieures, altérations de la subs-
tance grise de la moelle ou du bulbe, atrophie des nerfs optiques
et enfin des névrites (Pierret, Déjerine). La plupart des patholo-
gistes s'accordent à reconnaître que les lésions des racines posté-
rieures sont secondaires et celles des cordons postérieurs primitives.
Toutefois certains auteurs prétendent que la sclérose des cordons
postérieurs résulte d'une dégénérescence secondaire consécutive à
l'altération des racines postérieures. Cette manière de voir ne me
parait pas exacte; en effet, d'une part, il n'est pas prouvé que le
processus anatomique de la sclérose tabétique soit identique à
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265"
celui de la dégénération secondaire, et, d'autre part, il est établi
que la sclérose des cordons postérieurs peut exister sans que les
racines postérieures soient nettement altérées.
Ce que l'on peut dire, c'est que les fibres des cordons postérieurs
qui dégénèrent dans le tabes appartiennent principalement au
système des fibres radiculaires. Mais quel est le point de départ
de l'altération de ces fibres ? Il était tout .naturel de le chercher
dans les centres trophiques des fibres en question, dans les gan-
glions cérébro-spinaux. Cependant les résultats des investigations
anatomiques, sauf dans quelques cas exceptionnels, ont été néga-
tifs. Si l'on veut, néanmoins, continuer à soutenir que des altéra-
tions ganglionnaires sont l'origine de la dégénérescence des fibres
radiculaires, il faut invoquer l'existence de lésions dynamiques,
ce qui n'est jusqu'à présent qu'une pure hypothèse.
Passons maintenant aux altérations (du système moteur. Leur
point de départ peut être localisé, à titre d'hypothèse, comme
celui des lésions du système sensitif, dans les cellules nerveuses.
Les altérations périphériques des fibres motrices peuvent être
attribuées à une modification dynamique des cellules ,dont ces
fibres dérivent, c'est-à-dire des cellules motrices de la moelle et
du bulbe. Dans certains cas les modifications cellulaires sont plus
profondes et de dynamiques elles deviennent organiques.
Cette hypothèse établit une relation étroite entre les altérations
périphériques et les altérations centrales du système moteur.
D'après cette conception, l'agent du tabes exercerait d'abord son
action pathogène sur certains centres cellulaires en y produisant
des modifications organiques dont les altérations des fibres des
nerfs et de la moelle ne seraient que la conséquence.
Enfin, la dégénération' des fibres du nerf optique serait aussi
sous la dépendance de quelques modifications plus ou moins appré-
ciables de leur centre trophique.
Une opinion toute différente a été émise. On a supposé que les
altérations des nerfs étaient primitives et que les lésions cellulaires
qu'on observe parfois n'en étaient que la conséquence et se déve-
loppaient par le mécanisme de la névrite ascendante. Le tabes, dit
M. Déjerine, apparaît de plus en plus comme une maladie des'
nerfs périphériques, sensitifs, sensoriels ou moteurs.
Je rappellerai cependant qu'il n'existe pas encore une seule
observation de névrite d'origine externe ayant donné naissance à
des lésions spinales comparables à celles qui appartiennent au
tabes. Je ferai observer ensuite que les polynévrites alcoolique,
saturnine ou diphtéritique ne paraissent pas capables de donner
naissance à la maladie de Duchenne.
M. Pierret. Depuis près de vingt-cinq ans j'ai publié un grand
nombre de travaux sur le tabes; je n'y reviendrai pas, je désire
266 SOCIÉTÉS SAVANTES. '
seulement consigner aujourd'hui les principaux résultats qui décou-
lent de mes recherches. J'ai montré en premier lieu que le tabes
dorsalis vrai était une maladie systématisée et j'en ai fourni la
preuve en établissant qu'à côté des lésions de l'axe médullaire il
existait dans cette affection des altérations du cerveau et des nerfs.
Le premier, j'ai décrit l'existence fréquente, au cours du tabes, de
névrites cutanées. Toutes les parties du système nerveux sont donc
altérées, à des degrés divers, dans le tabès et il serait tout aussi
inexact de le considérer comme une affection du système nerveux
central que d'en faire une maladie exclusivement périphérique.
' Mais il y a un second point que je désire mettre en relief, parce
qu'il prouve une fois de plus les nombreux liens qui unissent la
pathologie mentale à la neurologie. Quelle doit être la dominante
symptomatique d'une affection qui porte son action sur l'ensemble
du système nerveux ? Elle se traduira surtout par des phénomènes
douloureux, sensitifs ou sensoriels extrêmement pénibles. Or ces
phénomènes, contrairement à l'opinion commune, retentissent
fréquemment sur l'intelligence et finissent par déterminer l'appa-
rition, chez les vieux tabétiques, de véritables délires à forme
lypémaniaque ou à forme de délire de persécution. J'en ai rapporté
plusieurs exemples. On peut observer également dans les mêmes
conditions les différentes variétés de délire qui caractérisent la para-
lysie générale progressive, lorsque l'extension des lésions tabé-
tiques du cortex a donné naissance à une véritable méningo-encé-
phalite secondaire.
Des psychoses dans les polynévrites. M. Régis (de Bordeaux).
Plusieurs auteurs, surtout étrangers, ont décrit, comme on sait,
des troubles mentaux de la polynévrite. Ces troubles mentaux
peuvent se présenter avec des manifestations délirantes et halluci-
natoires variées, mais leur symptôme fondamental est l'obtusion,
la confusion mentale, pour employer l'expression maintenant cou-
rante. Cette confusion mentale se traduit essentiellement, comme
tous les auteurs l'ont fait remarquer, et en particulier Charcot
pour la polynévrite alcoolique, par une perte de la mémoire mas-
sive, écrasante, portant plus spécialement sur les faits récents et
actuels, si intense parfois que les malades, lorsqu'on leur pose une
question, l'oublient immédiatement, comme ils perdent le souve-
nir des premiers mots d'une phrase qu'ils commencent, du repas
qu'ils viennent de faire, etc., etc ·
Si l'on est tout à fait d'accord sur les caractères symptoma-
tiques de l'état mental dans la polynévrite périphérique, en
revanche on ne l'est point sur sa pathogénie. Certains auteurs,
comme Korsakoff, font de cet état mental une manifestation spé-
ciale à la polynévrite, d'où le nom de cérébropathie totémique ou
psychose polynévritique, qu'ils lui ont attribué. D'autres, tout en
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267.
reconnaissant qu'on le rencontre assez fréquemment dans la poly-
névrite, n'admettent pas qu'il lui soit spécial, encore moins subor-
donné, et considèrent que trouble mental et polynévrite sont deux
conséquences possibles d'une même cause, l'intoxication ou l'in-
fection. 1
Certains faits dans lesquels le même trouble mental s'est observé
à la suite d'une maladie infectieuse sans coexistence de polynévrite,
joints aux nombreux faits que l'on connaît de polynévrite sans le
moindre désordre intellectuel, sont très probants à cet égard. En
voici un, du même ordre, que je viens d'observer tout récemment.
Un jeune homme, à la suite d'une angine diphtéritique grave,
présenta une obtusion mentale des plus manifestes. A peine ren-
tré au corps, au mois d'avril 1894, il fut atteint d'une nouvelle
maladie infectieuse, la rougeole, qui, dès la période d'incubation,
aggrava notablement son état psychique en y ajoutant un élément
mélancolique accompagné de tendance au suicide. A la fin du mois
de mai, ce jeune homme, de nouveau en convalescence, revint
chez lui et comme il ne s'améliorait pas au point de vue cérébral,
on me l'amena le 10 juillet. Il est hébété; on lui parle, il n'a pas
l'air de comprendre et fait répéter la question. Avant d'y ré pondre,
il a l'air de réfléchir, puis il parle lentement, en mots coupés,
hachés, espacés les uns des autres par de courts silences, comme
s'il cherchait dans l'intervalle ce qu'il va dire. Il a oublié bien des
choses, notamment les détails de ses deux infections, sur lesquelles
il ne donne que des renseignements très vagues ; il ne sait ce
qu'il a fait la veille et dans la journée; il ignore s'il a mangé. II
se rappelle beaucoup mieux les souvenirs anciens, notamment les
leçons d'école et l'écriture sténographique apprise autrefois, mais
il serait fort embarrassé, dit-il, pour expliquer les installations
électriques dont il s'occupait un peu avant son tirage au sort. La
mémoire, du reste, n'est pas seulement atteinte; il y a chez lui
adynamie psychique générale intense, car la moindre opération
delà pensée nécessite un effort et un temps relativement considé-
rables. L'équation personnelle, mesurée à ce point de vue par
M. Rivière, a donné un retard double de la normale. A côté de
cette obtusion, on trouve encore chez le malade un certain degré
de dépression mélancolique sans délire, conscient, presque logi-
que, qui lui fait désirer la mort plutôt que de rester indéfiniment
dans cet état d'infériorité mentale.
Tel est, depuis près de huit mois, l'état psychique du malade,
ce qui prouve combien sont profonds et durables les retentisse-
ments des maladies infectieuses sur le système nerveux.
Or, ce malade, dont l'état mental est manifestement l'état men-
tal caractéristique de la psychose polynEv9·itiqùe, n'a jamais eu de
polynévrite, ou plutôt il n'en avait jamais eu jusqu'ici, lorsque le
- 34 juillet, à la suite d'un refroidissement léger, il se présente à
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nous avec un peu d'arthrite de l'épaule gauche, de vives douleurs
spontanées du bras de ce côté, exagérées par le moindre mouve-
ment, enfin une hyperaigesie au toucher du nerf cubital tout le
long de son trajet. La plupart des nerfs des membres sont doulou-
reux, en particulier les nerfs cubitaux, les nerfs circonflexes, les
cruraux. Certains points des masses musculaires sont également
douloureux. 11 y a aussi quelques troubles de la sensibilité, notam-
ment de l'hypo-esthésie symétrique au niveau des épaules.
Je laisse aux neurologistes le soin de décider si, dans ce cas, on
peut suppposer que ces manifestations d'ailleurs incomplètes et
peu intenses de polynévrite sont imputables à l'infection déjà
ancienne et de nous dire s'il existe des précédents de ce genre.
A priori, cela peut être et il me semble qu'étant donné la persis-
tance si longue des troubles post-infectieux, on peut admettre que
l'infection laisse après elle et pour longtemps une disposition
éminemment favorable aux polynévrites, sous l'influence de la
moindre cause occasionnelle. Quoi qu'il en soit et s'il y a réelle-
ment ici un début de polynévrite, je tiens à faire remarquer que
cette polynévrite n'est survenue que près de huit mois après l'ap-
parition de l'obtusion mentale et que, par conséquent, on ne peut
la considérer comme véritablement liée au trouble mental.
Ce fait vient donc à l'appui de cette opinion que la psychose dite
polynévritique est tout simplement une psychose infectieuse, et je
suis de ceux qui pensent, par conséquent, que polynévrite et psy-
chose sont deux manifestations différentes de la même cause, l'in-
toxication ou l'infection, susceptibles de se présenter suivant les
cas, soit isolées, soit associées.
La séance est levée. (A suivre.)
La journée du jeudi août a été consaciée aux excursions au
Puy de Dôme. Le soir un banquet réunissait la plupart des con-
gressistes. Parmi les invités nous signalerons M. le préfet Bardon,
M. Lécuellé, maire, M. Bleynie, vice-président de la commission des
hôpitaux et hospices de Clermont-Ferrand, etc. Des toasts ont été
portés par M. Pierret, président, par le préfet, par M. le Dr Ladame,
M. le maire, nos amis Bousquet, Joffroy, Brissaud, A. Marie, Dou-
trebente. B.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 30 juillet 1894. Présidence DE M. A. Voisin.
àl.'RIST. Sur un pseudo-attentat anarchiste. Il s'agit d'un fait-
divers dont les journaux ont entretenu leurs lecteurs, il y a envi*
SOCIÉTÉS SAVANTES. 369
ron trois mois. Un jeune homme, afin d'obtenir de l'avancement
dans une administration dont il était employé, prétendit avoir
sauvé le bâtiment où il travaillait et ses habitants des dangers d'une
explosion, et, pour appuyer son dire, apporta une bombe chargée
dont il prétendit avoir éteint la mèche en temps opportun. ZD
Cette supercherie avait été combinée d'une façon si grossière
que l'intégrité des facilitées mentales du délinquant fut mise en
doute. J'eus l'occasion de l'observer deux fois dans sa prison et je
constatai que j'avais affaire à un déséquilibré que l'on pourrait
même taxer de demi-imbécile. Je suis convaincu que les idées de
crimes anarchistes hantaient depuis longtemps l'esprit de M. X...
et que ce n'est que par timidité et par un reste de conscience qu'il
a transformé un vrai crime en une innocente supercherie.
A cette occasion, j'appellerai l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait
à publier dans les journaux spéciaux le plus grand nombre possible
de cas analogues (cas fréquents dans les prisons), afin d'en former
un faisceau de faits imposants qui permettraient d'étudier avec
fruit l'histoire de ces sujets éminemment suggestibles.
Les renseignements fournis par la famille ne permettent pas de
considérer M. X... comme un héréditaire. Dans ses antécédents
personnels, on relève anciennement quelques idées vagues de per-
sécution, depuis longtemps dissipées. Etant donné les motifs d'in-
térêt (avancement) qui ont poussé M. X... à simuler un pseudo-at-
tentat anarchiste, étant donné surtout son degré d'éducation, les
bons exemples qu'il avait sans cesse sous les yeux dans le milieu où
il vivait, j'ai conclu à sa responsabilité, mais à sa responsabilité
atténuée, en raison de sa demi-imbécillité. X... a été condamné à
un an de prison. '
Après quelques observations de MM. Vallon et Charpentier,
M. CHRISTI1N demande à M. RIST si on ne se trouve pas là en pré-
sence d'un acte analogue à ceux commis si fréquemment par les
hystériques, dans le but d'attirer l'attention sur eux..
M. RIST. - 7'ai recherché vainement chez l'individu dont je parle
les stigmates hystériques.
M. Colin. Sur le fonctionnement et Inorganisation de la colonie des
aliénés criminels de Gaillon. Gaillon est l'infirmerie des aliénés
des prisons, on y détient non pas des aliénés devenus criminels,
mais des criminels devenus aliénés dans le cours de leur détention.
Au point de vue numérique, le service de surveillance y est très bien
organisé. Les surveillants (des gardiens de prison) y sont répartis
dans la proportion de 3 pour 10 ou 12 malades ; ces gardiens sont
doublés par des auxiliaires ; on arrive ainsi à une surveillance
exercée par une personne pour deux malades. Il est regrettable
que les auxiliaires soient des condamnés en cours de peine, comme
270 BIBLIOGRAPHIE.
cela existe du reste à l'infirmerie du Dépôt de la Préfecture de
police, avec les mêmes inconvénients. ,
Le régime alimentaire est excellent et, à ce point de vue comme
à celui de la surveillance, l'organisation de Gaillon est bien supé-
rieure à. celle de la majorité des asiles de province.
Il est fâcheux que les aliénésne travaillent pas, carlamoiliédeces
aliénés étant épileptiques et inoccupés, le temps se passait pour
eux en tentatives de rixe, provocations, échanges de propos gros-
siers. J'ai commencé à organiser le travail. La tâche m'a été relati-
vement facile, carie travail est bien rémunéré. Le prix de la journée
de travail est à Gaillon de 1 fr. 25 par jour; cette rémunération
est considérable, comparée au pécule journalier de la Seine,
soit 0 fr. 30 à 0 fr. 40, et surtout à celui des aliénés de province,
soit 0 fr. 20 à 0 fr. 10. C'est là un vif encouragement au travail, car
cela permet à ces malades de s'offrir à la cantine des douceurs
qu'ils ignoraient jusqu'ici. Malgré tous ces avantages, on ne ren-
contre que bien rarement des simulateurs. L'immense majorité des
pensionnaires de Gaillon provient des prisons de province ; peu
viennent de Paris ; la raison en est qu'à Paris les prévenus sont,
bien plus facilement qu'en province, l'objet d'expertises médico-lé-
gales. Guéri au point de vue mental, l'aliéné ne sort de Gaillon
qu'à l'expiration de sa peine; si, à cette même époque, il est encore
un irresponsable, il doit être transféré dans un asile public; mais
on rencontre alors des difficultés- considérables pour placer ces
malades, car en province c'est à qui leur refusera l'entrée de l'asile.
Par conséquent, que le malade s'améliore ou non, l'état de choses
actuel est pour lui déplorable et la responsabilité du médecin me
semble gravement engagée dans les deux cas.
M. Charpentier pense que, même avec la nouvelle loi, la direc-
tion des aliénés criminels sera toujours une source d'embarras
considérables pour le médecin traitant.
M. Motet. La prochaine loi remédiera à ces multiples incon-
vénients, car il y est dit d'une part que tout aliéné criminel sera
maintenu tant qu'il sera susceptible de rechute, et d'autre part
l'intervention de la magistrature dégagera la responsabilité du mé-
decin. Marcel Briand.
BIBLIOGRAPHIE.
V. Du traitement électrique du tabès. Recherches cliniques;
par le Dr Simon LABORDE.' (Thèse de Bordeaux, iio 79.)
Les résultats obtenus à la clinique du professeur Bergonié démon-
BIBLIOGRAPHIE. 271
trent que de toutes les méthodes d'électricité, la plus efficace dans
le traitement du tabes est celle par les courants continus suivant le
procédé d'Onimus modifié sur un point, la direction du courant.
On emploie à la clinique électrothérapique de Bordeaux des cou-
rants continus dirigés sur la colonne vertébrale indifféremment
ascendants ou descendants et non pas exclusivement ascendants,
comme l'indique Onimus. On applique à la région cervicale et à la
région lombaire chacune des deux électrodes mesurant 150 centi-
mètres carrés, préalablement trempées dans l'eau ordinaire, et on
fait passer pendant dix minutes ou un quart d'heure un courant
constant de 12 à 20 milliampères. Il importe de régler cette inten-
sité suivant la sensation éprouvée, qui doit être intermédiaire
entre le picotement et la brûlure légère, sans jamais atteindre
celle-ci. On obtient par ce traitement non pas la guérison du tabes,
mais dans certains cas une amélioration qui peut porter sur les
douleurs, les troubles oculaires, la faiblesse des membres.
, E. Régis
VL Des états seconds; variations pathologiques du champ de la
conscience; par le Dr Louis-Henri-Charles Laurent (Thèse de Bor-
deaux, n° 13.)-
Intéressant et important travail de 180 pages, fait sous l'inspira-
tion de M. le professeur Pitres et où sont passées en revue, dans
une étude critique d'ensemble, les diverses théories relatives à la
psychologie des états seconds. En voici les conclusions :
. Il existe une série d'états psychiques, désignés sous le nom d'états
seconds, caractérisés, dans les cas les plus nets, par une véritable
altération de la personnalité, le sujet étant autre qu'à l'état de
veille et perdant, lors de son retour à l'état normal, le souvenir de
tout ce qui s'est passé pendant la période pathologique. Ces états
ne doivent pas être étudiés séparément, mais bien groupés en un
seul faisceau, car il n'y a entre eux qu'une différence de forme,
déterminée par leur cause occasionnelle. Le phénomène psycholo-
gique est, au fond, toujours le même,- fait bien prouvé par la faci-
lité avec laquelle ces états peuvent se transformer l'un dans
l'autre et la persistance presque constante de la mémoire des actes
accomplis, pendant l'un, dans l'autre.
A ces cas bien tranchés (altération de la personnalité, somnam-
bulisme naturel ou provoqué, automatisme ambulatoire, sommeil
produit par l'éther ou le chloroforme, dernière période de la
grande attaque), il faut joindre un certain nombre d'états frustes,
caractérisés par la prédominance des phénomènes subconscients
et le souvenir partiel et souvent vague au moment du retour à
' l'état normal; ce sont : les états frustes de Bernheim, de distraction
de P. Janet, de fascination de Brémaud, le sommeil naturel et le
rêve, l'ivresse, etc.
2'il) FAITS DIVERS. : Cette prédominance des actions inconscientes et subconscientes
peut même se rencontrer pendant la veille chez une classe parti-
culière d individus, les hystériques. L'étude clinique de ces malades
permet de constater chez eux un stigmate mental constant, le ré-
trécissement du champ de la conscience, phénomène qui, mieux
que tout autre, permet d'expliquer les troubles de leur état men-
tal et certains de leurs stigmates physiques, bien qu'il reste encore
à trouver la raison de la systématisation des anesthésies que la dis-
traction seule ne suffit pas à expliquer.
Le rétrécissement du champ de la conscience permet chez ces
malades l'organisation d'un personnage inconscient ou subcons-
cient toujours prêt à se manifester, ce qui permet de comprendre
que le somnambulisme naturel ne se produit que chez les hysté-
riques, que le somnambulisme provoqué ne peut être nettement et
facilement produit que chez eux et que, chez l'homme physiologi-
quement sain, à conscience large, on ne pourra jamais déterminer
que des états frustes d'hypnose.
. Cet état particulier de débilité mentale, qui peut coïncider pour-
tant dans l'hystérie avec un certain brillant de l'intelligence, se
produit également chez l'homme sain sous diverses influences dont
l'effet général est d'affaiblir la puissance mentale et la répétition
peut amener la production artificielle d'un état mental analogue
à celui de l'hystérique. E. Régis.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés : Mutations et nominations. A la suite du
dernier concours de médecins adjoints, ont été nommés :
MM. Vigoureux, à l'asile d'Évreux; ANGLADE, à l'asile de Bracque-
ville; 1VIAUPATI, à l'asile d'Armentières; VIALLON, à l'asile de Dijon ;
CHARRUEL, à l'asile de Fains; BOURDIN, à l'asile de Bassens; Hamel,
à l'asile de Dôle; Bernez, à Saint-Meen; PÉTHARMAN, à l'asile de
Lafond (arrêté du fer août).
M. le DDEmcQ, médecin adjoint à l'asile de Prémontré, est nommé
-directeur, médecin à l'asile d'Alençon, en remplacement de
.M. PAGES, décédé (Iûjuillet);M. le D'' LwpFF, médecin adjointà l'asile
d'Aux erre,, est nommé médecin adjoint à Prémontré (1e'' août;;
M. le Dr ALLAMAN, médecin adjoint à l'asile de Bailleul, est nommé
médecin adjoint à l'asile d'Auxerre (3 août).
, Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE. ·
Fvreux, Ch. IlÊni9snY, imp. 991
Vol. XXVIII. Octobre 1894. N° 92.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE
ASILE CLINIQUE (SAINTE-ANI4F). - M. MAGNAN.
DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES DIVERSES
PSYCHOSES.
PREMIÈRE LEÇON.
SÉMÉIOLOGIE GÉNÉRALE'.
Sommaire. De la méthode en pathologie mentale. - 9onoma-
nie et délire partiel. La teneur du délire ne fournit au
diagnostic aucune indication précise. Il faut étudier : 1° sa
genèse; 2° son évolution.
Folie diathésique et folie sympathique : Hérédité et folie,
graduation de l'influence héréditaire dans les diverses psy-
choses. Délires systématisés dans les états maniaques et
. mélancoliques, dans la folie intermittente, le délire chronique
. et la dégénérescence mentale.
Différences dans la genèse des délires. Différences dans
leur évolution.-La prédisposition et l'étal mental sous-jacent
rendent compte de ces différences.
La même influence se fait sentir dans les états mixtes tenant
a à la fois de la pathologie et de la psychiatrie. Délires dans
l'alcoolisme, les névroses, la paralysie générale.-Conclusion.
MESSIEURS,
Deux méthodes sont en présence pour l'étude de la folie.
L'une fragmente le grand complexus symptomatique par
' Leçon faite à la Clinique, recueillie par le D Pécharman, médecin
adjoint des asiles de la circonscription de Paris. - .
Archives, t. XXVIII. 18
274 CLINIQUE MENTALE.
lequel se traduisent les maladies de l'intelligence ; elle détache
successivement les principaux symptômes et les élève à la
dignité d'entités pathologiques. Ainsi sont nées les monoma-
nies : délire des persécutions, démonopathie, agoraphobie,
folie du doute, etc.
L'autre méthode donne à chaque phénomène le rang qui lui
revient, non pas seulement d'après sa forme, mais encore et
surtout d'après 'son évolution. Elle ne décrit plus comme
espèces distinctes les diverses phases d'une maladie ; mais elle
essaye d'embrasser tout son ensemble, de reconstituer son
passé et de prévoir son avenir; elle rétablit l'accord de toutes
ses parties, soude tous ses chaînons, depuis la cause jusqu'au
pronostic.
L'étude des délires systématisés ne peut être faite qu'à la
lueur de cette dernière méthode.
Vous voyez un malade atteint d'idées de persécution, très
étroitement liées ; il a des hallucinations de l'ouïe, des troubles
de la sensibilité générale. D'invisibles ennemis le traquent de
tous côtés, l'accablent d'insultes, agissent sur lui à l'aide de
mystérieux engins. « C'est un persécuté, dites-vous ? Etc'est
tout. Pas un mot de pronostic. Réduits aux seules ressources
de l'observation actuelle, vous êtes impuissants à le donner.
Mais dix, quinze, vingt ans plus tard vous revoyez ce même
malade. Il n'a pas cessé de délirer, et cependant vous le recon-
naissez avec peine. Paré d'une personnalité nouvelle, le paria a
oublié ses misères ; il est prince, roi ; il dispose d'immenses
richesses. Le persécuté d'autrefois a fait place au mégalomane.
Que sont devenues les monomanies en face de cette évolu-
tion ? '
Mais voici un deuxième sujet. Celui-là, il est ambitieux, il
n'a jamais été qu'ambitieux ; il est empereur, il est pape, il
est Christ, il va bouleverser l'ordre social, réformer l'Église. Il
paraît bien, en effet, le représentant du délire partiel; il a pu
en être donné comme le type parfait. Mais scrutez son passé,
interrogez son dossier héréditaire, vous pourrez voir alors que
ce malade, aliéné, dit-on, sur un seul point, son raisonne-
ment étant sain sur tout autre objet, c'est ainsi que l'on
entend le délire partiel. Vous pourrez voir, dis-je, que ce
malade a épuisé dans sa vie la somme des irrégularités ou des
extravagances, que son enfance a été traversée d'accidents
nerveux ou psychiques, que ses ascendants étaient des désé-
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 275
quilibrés, des alcooliques, des névropathes, des psychopathes.
Si bien que ce délire partiel ne vous semblera plus que l'effet
d'un état général.
- En somme, la teneur du délire ne fournit au diagnostic que
de bien vagues indications. Elle est incapable de nous per-
mettre un diagnostic complet, c'est-à-dire un diagnostic com-
portant du même coup le pronostic.
Interrogeons d'autres éléments, et voyons par exemple si la
genèse et l'évolution du délire ne nous donneront pas la solu-
tion du problème.
Les lésions de l'organisme sont capables de réagir sur les
fonctions du cerveau et de les troubler ; mais il ne faudrait pas,
au point de vue de la genèse vésanique, exagérer l'influence de
certains états diathésiques et décrire avec Berthier des névroses
diathésiques, ou avec Bail des folies diathésiques : folie tubercu-
leuse, goutteuse, rhumatismale, cancéreuse, brigthique, syphi-
litique, etc.
Ces descriptions, qu'une saine clinique repousse, sont sédui-
santes par leur simplicité et font si bien leur chemin, que des
esprits fort intelligents, n'envisageant qu'un côté de la ques-
tion, n'ayant pas toujours l'occasion de contrôler par l'étude
comparative des faits toutes ces données théoriques, finissent
par croire que le tubercule, la goutte, le rhumatisme, la syphi-
lis, etc. peuvent de toute pièce engendrer la folie, qui, par
elle-même, a pourtant des caractères spécifiques si éminem-
ment personnels. Ils ont bien sous les yeux un tuberculeux,
un syphilitique, un cancéreux qui délire, mais ils négligent de
se demander pourquoi ce tuberculeux au milieu de mille
autres tuberculeux, ce syphilitique au milieu d'une infinité de
syphilitiques, ce cancéreux délirent, et pourquoi tous les
autres tuberculeux, syphilitiques, cancéreux ne délirent pas.
Il y a à cela une raison majeure, c'est que ces sujets diathé-
siques ont à délirer des titres qu'ils puisent ailleurs que dans
leur diathèse. Ils sont cancéreux, c'est vrai, mais ils sont aussi
prédisposés à la folie, et l'on retrouve dans cette prédisposi-
tion, dans les antécédents héréditaires, la véritable cause du
délire. Ils ont la folie en puissance et les manifestations can-
céreuses, rhumatismales, syphilitiques, etc., peuvent agir
comme cause déterminante, ainsi qu'ont droit de le faire le
froid, le chaud, les fatigues, les émotions morales, etc. ; mais
c'est tout ; aller au delà, c'est consacrer une erreur.
276 CLINIQUE MENTALE.
Un exemple va vous faire mieux comprendre ce que j'en-
tends dire.
Il y a quelques années, entrait dans mon service une jeune
maniaque de vingt-deux ans, atteinte d'une syphilide papu-
leuse. Dès le lendemain, un de mes amis, syphiliographe très
expérimenté, accourt pour me parler de cette superbe manie
syphilitique. L'exemple était bien choisi pour démontrer qu'il
n'y avait rien de syphilitique dans cette manifestation de la
folie, que les secousses morales endurées par la jeune fille
avaient comme cause déterminante une influence tout aussi
grande que la syphilis et que ses antécédents expliquaient la
prédisposition qui faisait le fonds même de l'état maladif et en
était la véritable cause efficiente.
Cette malade présentait un accès maniaque simple ; elle était
d'une volubilité extrême ; loquace, hallucinée, elle criait,
chantait, sautait, dansait, se roulait à terre, et, laissée libre
comme les autres malades du service, elle donnait large car-
rière à son besoin de mouvement.
J'affirmais à mon distingué confrère qu'il n'y avait chez cette
malade que les caractères habituels de la manie vulgaire, que
rien chez elle ne pouvait faire supposer une maladie différente :
J'ajoutais que très probablement dans six semaines à deux
mois, l'accès maniaque toucherait à sa fin ; que s'il n'y voyait
pas d'inconvénients, on ne ferait pas immédiatement le trai-
tement spécifique, de manière à bien établir la guérison de
l'accès sans iodure et sans mercure. Or, si l'accès venait à
guérir, la syphilis restant la même, il faudrait bien admettre
l'absence de corrélation entre l'une et l'autre, et, par suite,
que l'adage post hoc, ergo propter hoc si souvent invoqué en
matière de syphilis, démontrerait que la manie et la syphilis
étaient ici deux états coexistants, avec une étiologie différente,
et non pas autre chose.
D'un commun accord, nous instituâmes le traitement : des
toniques et du fer, la malade étant chloro-anémique ; du bro-
mure, des bains et du chloral à trois ou quatre reprises.
Au bout de quinze jours, cette jeune maniaque commença'
à dormir la nuit, mais elle restait fort agitée- le jour;-deux'
semaines après, se produisirent, dans la journée, des moments»
de répit, d'abord très courts, puis de plus en plus longs, et
finalement, au bout du second mois, la malade. était guérie de
son accès maniaque. Elle s'occupait d'une façon régulière, se
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 277
tenait convenablement, dormait bien, mais présentait encore
les mêmes accidents syphilitiques, peut-être un peu plus accu-
sés, pour lesquels je priai mon confrère de vouloir bien insti-
tuer un traitement.
Eh bien ! ne croyez-vous pas qu'envisagé par un esprit
prévenu, ce cas devenait la pierre angulaire d'une nouvelle
manie, la manie syphilitique ? La manie eût guéri malgré le
traitement spécifique, peut-être après une durée un peu plus
longue, mais enfin eût guéri, et la spécificité du traitement
eût entraîné la spécificité de la maladie.
C'est encore en exagérant l'influence étiologique de certaines
fonctions que l'on arrive, ainsi que l'a fait le D Skae, à
admettre comme autant d'espèces particulières la folie amé-
norrhéique, la folie post-connubiale, la folie de la grossesse,
la folie puerpérale, la folie de la lactation, de la ménopause,
la folie utérine qu'il désigne du nom de ovario-mania, utéro-
mania, sans compter la folie de la masturbation. Il suffit
d'énumérer ces espèces pour montrer à quelles exagérations
peut conduire la logique d'une théorie trop absolue.
Voilà une méthode naturellement féconde en nombreuses
espèces pathologiques, mais, derrière cette abondance, se
cache une véritable stérilité et, au milieu de cette mosaïque
symptomatique, le clinicien, désorienté, ne peut se retrouver,
car il perd de vue l'importance relative et l'ordre hiérarchique
des différents syndromes.
Un délire ne se développe donc pas au hasard. Il faut, pour
le faire naître, une certaine forme cérébrale qui est presque
toujours donnée par l'hérédité. Mais cette hérédité qui plane
sur toute la pathologie mentale, n'a pas également marqué
ceux qu'elle entache.
Il en est qu'elle a complètement tarés ; viciés dès le début,
profondément modifiés dans les manifestations de leur activité
psychique, ils sont des infirmes moraux, des difformes intel-
lectuels ; et chez eux s'allient souvent à la faiblesse mentale
des malformations physiques. Il y a déviation du type, rétro-
cession dégénérative, et, en vertu de la similitude de leurs
caractères, création d'une espèce toute particulière de malades :
les héréditaires dégénérés. Ceux-ci ont toujours un pied dans
la folie; d'un brusque écart, sous l'action des causes les plus
futiles, ils peuvent courir du calme au délire et retomber les
jours d'après dans une relative tranquillité.
278 Ô CLINIQUE MENTALE.
A l'autre extrémité de la pathologie mentale se rangent les
sujets que l'hérédité n'a presque pas atteints; faiblement pré-
disposés, ils peuvent, s'ils se trouvent soumis à des agents
puissants de débilitation (excès, veilles, fatigues, émotions,
marches prolongées, etc.) présenter un accès de manie ou de
mélancolie simple : chez eux la folie est fortuite, passagère et
en général ne reparaît pas.
Dans un autre groupe, les délirants chroniques, à prédispo-
sition plus accusée, mais dont l'équilibre mental reste intact
jusqu'au jour où se développe la maladie, le délire marche
sans trêve ni arrêt, suivant systématiquement toujours la
même évolution.
Entre ces derniers et les héréditaires dégénérés, sur l'éche-
lon intermédiaire, prennent place les fous intermittents. Chez
eux, la prédisposition native, latente pendant longtemps,
n'en fait pas moins sentir plus tard son intervention énergique
et soudaine : elle suscite ainsi le développement et la repro-
duction d'accès maniaques ou mélancoliques, isolés ou combi-
nés de diverses manières. Ces malades ont l'intelligence intacte
avant le premier accès, ils retrouvent de même, pendant les
périodes intercalaires, la plénitude de leurs facultés.
Manie et mélancolie simples, délire chronique, folie inter-
mittente, dégénérescence mentale sont des synthèses cliniques
à caractères fixes, des psychoses nettement définies qui réu-
nissent et classent le plus grand nombre de faits. Sur les
limites se montrent les cas hybrides, comme en présente la
clinique dans toutes les maladies, mais ces faits exceptionnels
ne font que confirmer la réalité, de ces espèces pathologiques.
C'est donc dans ces groupes que nous devons étudier les
délires systématisés. Ce sont les caractères nettement définis
de ces types morbides qui nous donneront les caractères évo-
lutifs des délires.
On a décrit des délires systématisés consécutifs à des accès
de manie ou de mélancolie. Mais, dans la plupart des cas signa-
lés, le nouveau complexus psychique avait pris racine dans
l'accès lui-même, les conceptions délirantes ne s'étaient pas
déployées en une marche progressive, souvent des idées hypo-
chondriaques se mêlaient aux idées de persécution ou de
grandeur ; c'étaient donc, en général, des accès maniaques ou
mélancoliques chez des dégénérés.
Les accès de folie intermittente se traduisent ordinairement
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 279 i)
par des phases mélancoliques ou maniaques, par des délires le
plus souvent diffus. Dans des cas plus rares, ces accès sont
constitués par de véritables délires systématisés (ambitieux,
mystique, de persécution), mais courts et limités à un petit
nombre d'idées. Le diagnostic devient d'ailleurs facile si l'on
tient compte de la marche et de la périodicité des accès, de
l'intégrité de l'état mental dans la période intercalaire, de l'ap-
parition du premier accès chez un sujet de vingt-cinq à trente-
cinq ans jusque-là sain d'esprit (ce qui exclut les héréditaires),
du développement brusque, sans cause déterminante énergique,
sans période prémonitoire (ce qui écarte les mélancoliques et
les maniaques simples).
Restent le délire chronique et la dégénérescence mentale,
c'est-à-dire la psychose des sujets préalablement normaux,
et le vaste complexus où viennent se ranger tous les déséqui-
librés du cerveau.
Le fond sur lequel va s'élever le délire diffère donc essentiel-
lement dans ces deux types opposés. La genèse et l'évolution
de leurs délires, ces deux éléments significatifs que nous
cherchons, seront également opposés. '
Je vous disais, il y a un instant, qu'une conception délirante
ne s'implante solidement que lorsque le terrain est prêt à la
recevoir. Or chez le dégénéré'que se passe-t-il ? L'hérédité en
a fait comme un terroir de la folie. Bien avant la floraison
délirante, des anomalies de l'intelligence, des irrégularités
morales et affectives en étaient sorties. A son tour, le délire
jaillit violemment, avec l'instantanéité d'une inspiration, armé
pour ainsi dire de toutes pièces, enveloppé dès sa naissance
de son ornement de troubles sensoriels. Le malade est-il per-
sécuté ? -Tout de suite il entend ses ennemis ; tout de suite, il
se plaint de leurs ténébreuses machinations, et il ne reste pas
longtemps à les connaître. C'est chez lui une systématisation
d'emblée, sans contrôle, sans gestation; le délirant dégénéré
ne réfléchit pour ainsi dire pas; il objectiveaussitôt les bizarres
constructions de son subjectivisme morbide.
Chez le délirant chronique, rien de pareil. C'est au sommet
d'une vie de travail que sourdement se modifie un état men-
tal jusque-là parfait. A ce moment la lutte pour la vie est à
son apogée; les heurts quotidiens de l'existence, les chagrins,
les échecs ruinent-ils insidieusement cette intelligence, ren-
dent-ils ce cerveau jusque-là valide apte à l'éclosion'de la
280 , CLINIQUE MENTALE.
folie ? Quoiqu'il soit, au moment précis où le délire se formule,
il y a déjà longtemps que la fermentation est créée; pénible-,
ment impressionné par une série de circonstances fâcheuses,
le futur délirant chronique se replie sur lui-même : il se con-
centre, il médite. Cette sorte de rumination psychologique
l'aigrit davantage encore. Il appréhendait; à présent, il soup-
çonne ; demain, il accusera. Le germe délirant est né, et il ne
fera que grandir, fécondé par la réflexion et le raisonnement.
Car si le dégénéré accepte, s'il s'assujettit tout de suite au
joug de la folie, le délirant chronique proteste et se défend. Il
examine, il cherche, il veut savoir et ce n'est qu'après un
siège de plusieurs années qu'il fait sa reddition au délire.
Ainsi, la genèse du délire est très différente dans ces deux
ordres de psychoses ; l'évolution ne l'est pas moins.
. Chez les dégénérés tout est aventure et désordre : ces délires
que nous avons vu s'installer avec tant de rapidité, achevés
.dès leur apparition, ont souvent une étrange complexité. Les
idées de persécution coudoient les idées de grandeur; à elles se
superposent des idées mystiques, des conceptions hypochon-
driaques, et tout ce mélange incohérent et enchevêtré, dispa-
raît souvent comme il est né. Ce n'est pas à dire que certains
délires des dégénérés ne se limitent, ne se cantonnent dans
une sphère plus étroite, en apparence bien systématisée. Mais,
dans ce cas, je vous l'ai dit, il n'y a pas de préface au délire :
complet dès le 'début, il n'évolue pas davantage; il piétine sur
place, il marque le pas, sans progresser ni s'accroître, tour-
nant dans un cercle fermé. D'ailleurs ces délires qui se pro-
longent dans le temps, mais restent fixes dans leur forme, ne
sont le plus souvent que la traduction d'un côté de l'état men-
tal que nous apprendrons à connaître : l'obsession. Et ici
encore, pareils à cette obsession, ils peuvent s'amender, dispa-
raître, reparaître, cesser pour toujours ou durer indéfiniment.
Le délire du dégénéré peut donc guérir ; il ne devient incu-
rable qu'au moment où le niveau intellectuel s'affaisse.
Le délirant chronique, au contraire, ne guérit pas; dès
qu'il a franchi les premières hésitations, dès qu'il est installé
dans la conviction de ses erreurs, il lui est impossible de
rétrograder. Chaque jour s'étend davantage ce champ des illu-
sions auxquelles il s'attache; et chaque jour il y pénètre plus
avant. Sa certitude vient de sa logique ; il croit parce qu'il rai-
sonne. Mais il est inébranlable, il évolue malgré lui, et lorsque
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 281
sa résistance cérébrale commence à diminuer, sa personnalité
exagérée revêt une forme nouvelle. Aux idées de persécution
succèdent les idées de grandeur. Le dégénéré, être originelle-
ment taré, peut entrer d'emblée dans le délire ambitieux; cette
manifestion des cerveaux affaiblis. Le délirant chronique n'y
vient qu'au moment où son intelligence fléchit : alors, sous la
violente poussée du travail syllogistique, le délire ambitieux
affleure à la surface.
En somme, délire chronique et dégénérescence s'opposent
l'un à l'autre en totalité. Qui dit délire chronique exclut par
ce fait même la dégénérescence.
L'étude des maladies de l'esprit n'est pas réduite aux psy-
choses ; elle comprend aussi les états mixtes tenant à la fois de
la pathologie et de la psychiatrie. Nous avons vu le rôle que
joue la prédisposition dans l'apparition des psychoses. Ce rôle
n'est pas moindre dans la genèse des troubles intellectuels
survenus dans ces états mixtes.
Passons rapidement en revue ces nouvelles espèces patholo-
giques : alcoolisme, névroses, lésions circonscrites et diffuses
des centres nerveux.
Un accès aigu ou subaigu d'alcoolisme éclate chez un sujet
pour la première fois; son délire actif, souvent violent, est fait
d'hallucinations multiples, mobiles, terrifiantes, se rapportant
à ses habituelles occupations. Puis l'orage se calme; les der-
nières conceptions délirantes fuient avec les dernières vapeurs
d'alcool, et l'alcoolisé reconnaît sans peine l'inanité de ses
constructions maladives. Ce malade est l'alcoolique simple,
non prédisposé; chez lui, le délire est comme un rêve qui ne
résiste pas aux réalités du réveil. Mais que ce malade soit au
contraire un prédisposé, et il peut projeter son délire au delà
du temps d'action du toxique. L'excitation corticale ne s'apaise
pas complètement chez lui, les troubles sensoriels se limitent
au sens de l'ouïe, le délire se circonscrit en une série de con-
ceptions pénibles, en quelques idées de persécution qui peu-
vent subsister pendant des mois entiers. D'autre part,. si l'alcoo-
lique non prédisposé secoue rapidement les terreurs qui
l'assiègent, il revient le plus souvent à sa faute, il récidive, et,
à chaque rechute, nouvelle, il crée en lui une prédisposition
qu'il n'avait pas au début, il prépare aux idées délirantes le
sol où elles pourront s'élever, après chaque accès, plus vigou-
reuses et plus tenaces. L'alcoolique chronique, dépourvu au
282 CLINIQUE MENTALE.
début de prédisposition, peut donc avoir lui aussi, à la suite
d'un accès subaigu, des idées de persécution avec hallucina-
tions auditives, quelquefois des idées de grandeur, c'est-à-dire
des délires systématisés.
Comme les intoxications, les névroses ont leurs délires.
L'épilepsie, cette grande névrose à paroxysmes, peut accoler
à l'attaque, en dehors des accès maniaques ou mélancoliques
qui lui sont habituels, de véritables délires systématisés, plus
rares, courts en général, mais pouvant s'étendre et durer par-
fois jusqu'à trois semaines. Dans ces circonstances, il ne faut
pas l'oublier, même si le malade parait lucide et répond assez
exactement aux questions, l'inconscience est la règle. Mais chez
un épileptique, à côté de l'hérédité qui l'a doté de la névrose,
il peut y avoir une hérédité collatérale, distincte de la précé-
dente, une hérédité vésanique. Le sujet devient alors un être
hybride, il peut se montrer à la fois délirant inconscient, du
fait de ses antécédents épileptiques, et dégénéré à délire systé-
matisé, s'il se rattache à des ascendants aliénés. Supposons,
au contraire, cet épileptique avec des tares vésaniques moins
graves, et rien ne s'oppose à ce qu'il construise un délire chro-
nique. On comprend enfin que, s'il s'alcoolise, il puisse délirer
encore sous cette influence nouvelle. De telle sorte, qu'avec le
délire systématisé épileptique pourront coexister chez lui des
délires systématisés d'un tout autre ordre et d'un pronostic
différent.
Des considérations analogues s'appliquent aux délires systé-
matisés de l'hystérie, délires en général assez courts et de dia-
gnostic facile.
Des délires systématisés peuvent aussi surgir à l'occasion
des lésions circonscrites du cerveau. Je dis à l'occasion, car ce
serait une erreur de croire que le délire en dépend. On sait
combien de malades à lésions encéphaliques circonscrites
encombrent nos salles d'hôpitaux, et cependant on n'en
remarque qu'un petit nombre qui délire. Tout se réduit, chez
la plupart, à l'affaiblissement de la mémoire, à la dissociation
des idées; si le délire se surajoute à cette déchéance de la
fonction, actif quand la lésion est faible ou débute, effacé
quand cette lésion est étendue ou progresse, on peut dire que
le sujet atteint est- un prédisposé. Dans son étude sur les
« troubles intellectuels liés aux lésions circonscrites du cer-
veau » (1890), M. Lwoff a publié plusieurs observations de
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES.. 283
délire systématisé chez des sujets atteints de lésions circons-
crites. Dans sa thèse sur « les psychoses de la vieillesse »
(1893), M. Pécharman a relevé plusieurs cas fort intéressants de
délire systématisé chez les vieillards, c'est-à-dire chez des
sujets dont le cerveau est en voie de régression athéromateuse.
Or, dans tous ces faits, la prédisposition joue le rôle le plus
important ; la lésion cérébrale n'a été que la cause détermi-
nante du délire.
L'activité des délires dans les lésions circonscrites du cerveau
est en raison inverse de l'intensité de la lésion. Que dire alors
de ces délires, dont je me propose de faire avec vous l'étude et
dont l'énoncé constitue presque un paradoxe clinique : les
délires systématisés dans la paralysie générale ? Ces deux
termes sont-ils donc ennemis, contradictoires ? Qu'est-ce, en
somme, que la paralysie générale ? Une sclérose interstitielle
diffuse qui frappe aussi bien les centres de perceptions que
leurs faisceaux de communication : de la sorte les images
sont obscurcies et mobilisées, les moyens de transmission
faussés, les associations des idées d'abord ralenties, puis
impossibles. Comment comprendre, dès lors, la mise en jeu
de ces associations d'idées qui créent la systématisation dans
les délires ? Certes, cela est impossible chez le paralytique
général dément, chez celui où tout mécanisme cérébral est
rompu, où, en face de la lésion maxima, il n'y a plus qu'anar-
chie complète des fonctions. Mais quand cette lésion ne fait
que débuter, quand elle tàte, pour ainsi dire, le terrain, quand
il n'y a encore que des faux pas dans le fonctionnement intel-
lectuel, pourquoi le délire systématisé ne serait-il pas possible ?
Pourquoi ne le serait-il pas aussi pendant ces périodes de
rémission qui interrompent la marche de la paralysie générale
à la première période ? Je n'en veux pour preuve que ce para-
lytique généra], actuellement dans le service, et que je vous
présenterai dans une des prochaines leçons. Au moment de
son arrivée à l'asile, au-dessus de l'affaiblissement mental,
escorté des troubles somatiques classiques, ce malade n'avait
qu'un délire confus, : incohérent, un vrai délire de dément.
Puis des modifications heureuses sont survenues, les facultés
se sont améliorées, la mémoire s'est affirmée plus nette, l'as-
sociation des idées moins fruste; il y a eu, en un mot, rémis-
sion. Et, à mesure que s'effectuaient ces modifications, le
délire incohérent du début faisait place à des idées de perséçu-
284 , asiles d'aliénés.
tion coordonnées.' Si bien qu'en l'absence des accrocs de la
parole, de l'inégalité pupillaire, de quelques lacunes du souve-
nir, on eût pu croire à un délire systématisé pur de tout
mélange.
Mais voici qu'un ictus frappe le malade, et aussitôt les idées
délirantes s'enfuient, le paralytique obtus reparaît. Deux fois,
semblable accident est venu couper la rémission, et, chaque
fois, le délire systématisé s'est effacé pour se montrer de nou-
veau, dès que l'amélioration s'affirmait. Ici encore, dans le
développement, de ce délire systématisé, la prédisposition a
presque tout fait; l'encéphalite n'a été que l'occasion.
Les considérations générales dans lesquelles je viens d'en-
trer tendent à prouver que la prédisposition et l'état mental
sont les deux jalons directeurs dans l'étude des psychoses;
c'est eux qui expliquent les différences dans la genèse et dans
l'évolution des délires. C'est eux que nous aurons toujours en
vue dans l'étude que nous allons faire des délires systématisés
dans les diverses psychoses.
ASILES D'ALIÉNÉS.
NOTICE SUR L'ASILE DÉPARTEMENTAL D'ALIÉNÉS
DE BONNEVAL (EURE-ET-LOIR);
Par le D' CAMUSET.
(suite)'. '. ,
Personnel. Avant d'exposer les conditions générales d'hygiène
de l'établissement, il est nécessaire de donner des renseignements
sur son personnel. Dans les asiles d'aliénés, le personnel médical et
le personnel administratif se confondent en très grande partie, il
existe cependant un certain nombre d'employés d'ordre exclusive-
ment administratif. Ici, le nombre de ces derniers, quoique réduit
au minimum, est suffisant. L'asile étant dirigé par un médecin-
1 Voir le dernier numéro, p. 181.
ASILE DE BONNEVAL. 285
directeur, le service purement administratif est assuré par un éco-
nome, qui est en même temps receveur, un commis d'économat et
un secrétaire de la direction; tous les autres fonctionnaires ou
employés de rétablissement sont plus ou moins chargés de diriger
les malades, de les surveiller et de les soigner, si l'on en excepte
trois ou quatre agents subalternes comme le concierge et les com-
missionnaires. Voici le détail de tout ce personnel :
Service médical : Un médecin-directeur et un interne en médecine.
Service administratif : Un receveur-économe, un comtois d'éco-
nomat, un secrétaire de la direction, un concierge, deux commis-
sionnaires.
Tout le reste du personnel est continuellement en contact avec
les malades : '
286 . asiles d'aliénés.
.conditions hygiéniques sont très bonnes. La contrée est réputée
salubre, les épidémies y sont rares. On a vu plus haut ce qu'il en
était de l'aération et du cubage d'air des différents locaux.
Eau. Les terrains d'assise sont sablonneux et argileux, et il
existe plusieurs puits dans l'enceinte de l'établissement. Ces puits
sont anciens et datent des moines, on ne les utilise plus.
Un d'eux cependant est réputé pour la pureté de son eau, on y
.puise l'eau- que l'on sert aux repas. Mais cette eau n'est pas plus
pure que celle du Loir, elle est seulement plus froide qu'elle et
c'est l'unique raison de sa réputation. En réalité, tous les puits de
l'asile, aussi bien que ceux de la Ville, s'alimentent à la même
couche d'eau souterraine, laquelle communique largement avec le
Loir; on en a des preuves nombreuses et tangibles. C'est là une
chose regrettable et qui, en temps d'épidémie, pourrait avoir des
conséquences fâcheuses. Combien de villes, de grandes villes
même, se trouvent malheureusement dans des conditions aussi
défectueuses au point de vue de leur eau potable !
A l'asile, l'eau est distribuée partout et avec profusion ; on trouve
des robinets dans toutes les parties de l'établissement. On a établi,
il y a quatorze ans, une canalisation qui part d'un château d'eau, z
lequel est accolé à l'asile, ou plutôt se confond avec un angle du
bâtiment, et qui envoie des branches partout, même dans les jar-
dins potagers, pour l'arrosage. L'eau est amenée au réservoir du
château d'eau, au moyen d'une forte machine hydraulique installée
sur le Loir. On a ainsi utilisé une chute d'eau qui, autrefois, fai-
sait mouvoir un moulin et, par suite, on a évité les frais qu'eût
nécessité le fonctionnement d'une machine à vapeur. Quand le
pensionnat a été ouvert, on a placé, dans les combles, un second
réservoir que l'on a mis en communication avec la machine hydrau-
lique, ce qui fait que cette annexe de l'Asile est aussi abondam-
damment pourvue d'eau que l'asile lui-même.
Eaux vannes, vidanges. Les eaux vannes vont directement au
Loir. Partout, sauf au pensionnat, on a établi des tinettes mobiles
qui sont vidées et nettoyées tous les jours. Les déjections sont uti-
lisées, après préparation, comme engrais dans l'établissement.
Au pensionnat, on a employé un autre système de vidange, et
c'est regrettable. Un gros tuyau, sorte d'égout collecteur, reçoit les
- eaux vannes et les déjections de l'établissement et conduit directe-
ment le tout au Loir. C'est donc, en réalité, le tout à l'égout sans
champ d'épandage, et par suite la contamination préméditée de la
rivière en cas d'épidémie. l est à peine utile de noter ici que pen-
dant l'épidémie cholérique de 1892, le pensionnat ayant été trans-
formé en lazaret, le premier soin a été de condamner, en les clouant.
les portes de tous les cabinets d'aisances, et d'arrêter le fonctionne-
ment de l'égout collecteur. ' `
ASILE DE BONNEVAL. 287
' Régime alimentaire. Il est satisfaisant. Au risque de paraître
trop minutieux, je dois entrer dans quelques détails; les personnes
qui s'occupent de médecine mentale au point de vue pratique
savent bien de quelle importance est le régime dans l'hospitalisa-
tion des aliénés. Et si, depuis quelques années, on a amélioré en
général ce régime dans les asiles départementaux, c'est grâce aux
efforts des médecins de ces établissements. Ici, à Bonneval, les
malades sont certainement mieux nourris aujourd'hui qu'ils ne
l'étaient il y a quinze ans. Le pain blanc et de première qualité
n'est pas rationné. Sur les quatorze repas de la semaine, dix com-
portent un plat de viande. La boisson est l'eau rougie, la ration
journalière de vin est, en réalité, peu considérable, mais on l'ac-
croît en donnant assez largement un peu de vin pur comme sup-
plément aux travailleurs et aux faibles. Quant aux légumes frais,
les grandes cultures potagères de l'établissement' permettent de
les donner à profusion.
Il serait superflu de passer en revue tous les détails des services
et d'entrer dans des considérations sur la vêture, la literie, etc..
Par ce qui précède on voit, en résumé, que d'une façon générale
les conditions hygiéniques de l'asile sont satisfaisantes.
Quant à la possibilité du fonctionnement de l'établissement tel
qu'il vient d'être exposé, avec le prix de journée de 1 fr. 20 fixé
pour les pensionnaires des départements, on l'explique par les
quatre considérations suivantes : 1° Il existe à l'asile, en même
temps que des malades au compte des départements d'Eure-et-Loir
et de la Seine, un nombre assez important de pensionnaires de
différentes classes dont les pensions plus ou moins élevées accrois- '
sent les ressources pécuniaires de l'établissement; 2° les objets
nécessaires à l'entretien des malades sont presque tous confection-
nés dans les ateliers, et on n'achète guère que les matières premières;
3° la ferme, la basse-cour, les potagers produisent d'importants
revenus en nature. Les animaux de boucherie sont achetés de gré
à gré dans les marchés de la contrée et tués à l'asile même, ce qui
constitue une économie plus sérieuse qu'on ne pourrait le supposer;
4° le personnel médico-administratif est réduit au strict néces-
saire.
III. Pour compléter cette notice, il reste à donner un aperçu
de la constitution médicale de l'établissement, au point de vue de
la pathologie ordinaire et à celui de la pathologie mentale.
La constitution médicale est ordinairement bonne. Les maladies
ordinaires intercurrentes sont, en général, peu nombreuses. A
aucune époque, on n'a constaté ces entéro-c0litesclironiques,endé-
miques autrefois dans les asiles d'aliénés, et qu'on observe encore
parfois de nos jours dans certains de ces établissements, par inter-
valle au moins. Ces diarrhées chroniques, qui aboutissent à la
288 . asiles d'aliénés.
mort dans le marasme, sont dues à l'encombrement et à un régime
alimentaire défectueux, ces deux conditions étiologiques n'existent
pas ici. En revanche, on a vu se développer dans l'asile, depuis sa
fondation, plusieurs véritables épidémies qui se sont, du reste,
rapidement éteintes.
En 1871, une épidémie de variole a fait monter la mortalité à
18,13 p. 100 de 10 à li p. 100, pourcentage moyen des années
antérieures. On sait que pendant cette année néfaste, la variole a
régné sur presque toute la France; elle a sévi dans nos contrées
avec une intensité extrême. Parmi les habitants des campagnes,
aucun n'était revacciné, beaucoup même n'étaient pas vaccinés du
tout. ,
En 1878, une épidémie de dysenterie enleva vingt malades et la
mortalité monta à 15,52 p. 100. Le médecin-directeur obtint à la
suite de cette épidémie, de pouvoir améliorer d'une façon notable
le régime alimentaire des malades. Depuis cette année 1878, on
n'a plus observé à l'asile que quelques cas très rares et très espacés
de dysenterie.
En 1888, nouvelle épidémie de variole, avec une vingtaine de
cas mortels. La mortalité ne monta pourtant qu'à 11,65 p. 100.
L'affection avait été importée à l'asile par un malade venant de
Châteaudun où la variole régnait. Depuis cette époque, on a ins-
tallé un service régulier de vaccination et de revaccination.
En 1892 enfin, une épidémie grave de choléra importée, croit-
on, par une femme qui venait de Saint-Denis, près Paris, et qui
séjourna quelques jours à Bonneval dans le voisinage de l'asile,
avant d'aller mourir à Auneau. L'histoire de cette épidémie qui, en
quelques jours, fit un nombre relativement considérable de vic-
times, a été exposée à l'Académie de médecine par M. le professeur
Brouardel. Il est inutile de la reproduire ici. Rappelons seulement
qu'il a été possible, par des moyens prophylactiques très rigoureux
et scrupuleusement exécutés, d'éteindre assez rapidement l'affec-
tion sur place, et de protéger d'une façon absolue la ville de Bon-
neval.
En dehors de ces épidémies qui ont fait époque, on n'a jamais
eu à traiter chaque année, dans les infirmeries, qu'un nombre très
restreint de maladies internes ordinaires. Dans la majorité des cas,
la mort survient dans le marasme, auquel aboutit la démence
vésanique souvent, et auquel aboutissent la démence sénile et orga-
nique et la paralysie générale, toujours.
Les statistiques des maladies intercurrentes qu'on établit tous les
ans ne ditrèreiilque très peu les unes des autres, et la liste suivante,-
qui est celle des maladies internes de l'année dernière, suffit pour
faire connaître la nature et le nombre des maladies qu'on observe
chaque année dans notre population de 525 aliénés.
Hémorrhagies et congestions cérébrales, 6 cas; bronchites
asile DE BONNEVAL. 289
diverses, broncho-pneumonie, 12 cas; pneumonie, 3 cas; phtisie
-pulmonaire, 4 cas; affections organiques du coeur, 5 cas; dysen-
terie, 2 cas; néoplasmes de l'estomac, 3 cas; lithiase biliaire, 1 cas;
rhumatismes articulaires aigus, 3 cas ; fièvres typhoïdes, 3 cas.
Veut-on savoir à quelles affections ont succombé les 50 aliénés
morts pendant la même année : marasme à la suite de démence-
vésanique et de démence sénile et organique, 20 ^hémorragie'
cérébrale, 2; paralysie générale, 13; broncho-pneumonie, 3; affec-
tion organique du coeur, 3; phtisie pulmonaire, 4; fièvre typhoïde,
1; attaques subintrantes d'épilepsie, 3; cancer de l'utérus, 1.
On remarque que les décès par paralysie générale sont assez
nombreux. On verra plus loin que la paralysie générale n'est pas
très rare en Eure-et-Loir, qui est cependant un département agri-
cole par excellence. Il faut aussi tenir compte de ce fait que l'asile
a toujours reçu des malades de la Seine et qu'il y a ordinairement,
parmi ceux-ci, une assez forte proportion de paralytiquos géné-
raux.
C'est à ce nombre de paralytiques généraux, insolite, peut-on
dire, dans une région agricole et dépourvue de grands centres popu-
leux, qu'il faut attribuer le pourcentage assez élevé de la mortalité
de l'asile. La mortalité moyenne, dans lefait, ne correspond pas à la
constitution médicale de l'établissement. Une autre cause qui élève
aussi la mortalité, c'est la présence de beaucoup de déments séniles
et apoplectiques qui seraient mieux à leur place dans des quartiers
d'hospice. Mais ce n'est pas là une particularité spéciale à l'Eure-
et-Loir ; dans de nombreux départements il en est de même.
En somme, la moyenne de la mortalité annuelle, depuis la
création de l'asile, c'est-u-dire depuis trente-deux ans, est de
10,53 p. 100, avec des différences annuelles peu considérables en'
général, sauf pour les années d'épidémie... . ' ' ". : ' ! l
Au point de vue delà pathologie mentale, maintenant, quelques'
particularités doivent être notées. ' - - ' '
Il est reconnu que les asiles d'aliénés n'ont pas nu aspet-géné-
ral uniforme dans toutes les régions de la France, et il semble que
l'homme conserve, dans l'aliénation mentale, plus ou moins du
caractère ordinaire de sa race. Par exemple, vus dans leur ensemble
les aliénés des asiles de Bretagne et ceux des asiles du Midi ne
donnent pas une même impression. Les premiers diffèrent des
seconds par des allures plus calmes, une physionomie moins tour-
mentée, surtout une loquacité moins grande. Eh bien, sous ce
rapport, on peut dire que les aliénés de Bonneval tiennent un rang-
intermédiaire entre les aliénés du Nord-Ouest et ceux du Midi.
Il ne faut pas oublier que le cinquième environ de nos aliénés
est constitué aujourd'hui par des Parisiens, et que la proportion de
ceux-ci était encore plus élevée ces temps passés. Les considérations
psychiatriques qui suivent ne se rapportent qu'aux seuls malades
Archives, t. XXVI II. 19
l\ ? i i ASILES D'ALIÉNÉS. z
du département d'Eure-ef-Loir. La question la plus importante est si
d'abord celle-ci : le nombre des aliénés augmente-t-il en Eure-et- \ ,
Loir, et dans quelle proportion; et quel est le rapport qui existe
entre, le nombre de ces maiades et la population de ce départe- 1 =
ment ?
., , On ne peut répondre que par les chiffres des statistiques de l'asile,
4 mais ces chiffres n'expriment pas exactement les quantités aux- (
( quelles ils correspondent. En effet, s'il est facile d'éliminer des
statistiques tous les malades qui proviennent des départements Î
^ étrangers, il est impossible d'y faire entrer les malades soignés,.
à soit dans des asiles publics des autres départements, soit dans des
maisons de santé particulières. Mais la principale et aussi la plus
grande cause d'erreur tient à ce qu'une partie seulement des alié-
, nés du département est hospitalisée, les autres vivent en liberté.
Dans quelle proportion sont-ils ? Aucun document n'est capable de; 1
* l'indiquer, et je n'oserai pas avancer un chiffre qui ne représente- -
rait qu'une appréciation personnelle. Par exemple, ce que je puis
dire hardiment, c'est qu'un très grand nombre d'aliénés qui, dans t
leur intérêt propre et dans l'intérêt de leur entourage, devraient
être traités à l'asile, sont laissés chez eux et ne reçoivent pas les *
soins qu'exigerait leur état. .
D'abord, pour les idiots et les imbéciles, les municipalités ne se x
décident le plus souvent à provoquer un arrêté préfectoral d'ad-4
mission à l'asile en leur faveur, que lorsqu'une catastrophe, pré-
vue pourtant, est venue démontrer que ces malades étaient réelle-
ment dangereux. Les municipalités reculent tant qu'elles peuvent
devant la dépense que nécessite la pension des malades, dépenser
bien faible cependant, puisque le département en acquitte la plus -
grande partie. Je me hâte d'ajouter que cette remarque s'api
plique, non aux villes, mais seulement aux petites communes
rurales du flépartement.
Quant' aux vésaniques, on les laisse ordinairement arriver à la*
chronicité avant de songer à les isoler, et on n'en arrive trop sou-
vent à ce dernier parti que lorsqu'il est impossible d'en prendre
un autre. Cela tient à des raisons diverses, et surtout à la raison*
d'économie, dans nos petites communes.
Ce mal que je signale était certainement plus grand autrefois, il t
diminue tous les jours et on. peut espérer qu'il finira par dispa-
raître. Mais jamais les choses, dans nos départements agricoles, t
n'en arriveront à être sous ce rapport ce qu'elles sont aujourd'hui r
à Paris et dans les grands centres.
En somme, les chiffres qui suivent, et qui sont ceux des aliénés - '-
traités chaque année à l'asile, ne répondent que très approxima-
tivement aux chiffres réels de tous les aliénés du département
pendant les mêmes années. (Voir la courbe de la population des
malades pendant les trente-deux dernières années.) "
Il. Conrhe fie ta progression croissante du nombre des.aliénés provenant du département d'Eure-et-Loir. à Tinnnpval..
292 asiles d'aliénés.
Cette courbe indique quel a été, chaque année, le chiffre moyen
de la population des malades d'Eure-et-Loir traités à l'asile, depuis
la fondation de l'établissemeut. En 1862, année de l'ouverture des
services, Ja population moyenne a été de 445 malades. En 1893,
elle a été de 445 soit une augmentation de près de 300 en trente-
deux ans. La proportion a été régulière, sauf en 1871. Pendant
cette année, il y a eu au contraire rétrogradation, ce qui était dû
à une grande mortalité, et non à une diminution des entrées.
Un accroisssement aussi considérable et aussi rapide du nombre
des aliénés d'Eure-et Loir à l'asile serait réellement effrayant, s'il
s'expliquait uniquement par un accroissement proportionnel des
cas de folie en Eure-et-Loir. Mais il n'en n'est rien, et même, pour
ma part, je suis porté à croire que la folie ne sévit pas aujourd'hui,
dans le département, beaucoup plus qu'elle n'y sévissait il y a
trente ans. Si notre courbe monte si haut et si vite, c'est que, et je
viens d'insister sur ce point, l'on prend de plus en plus, dans la
contrée, l'habitude de placer les aliénés à l'asile. Il faut aussi
tenir compte de ce fait que l'asile n'est pas très ancien, et que
beaucoup de malades chroniques y séjournent depuis les premières
années de son fonctionnement, leur présence fait monter les
moyennes annuelles, lesquelles sont ainsi loin d'être proportion-
nelles aux chiffres des entrées.
La recherche de la proportion des aliénés, par rapport à la popu-
lation du département, au moyen des seuls éléments dont on puisse
disposer, c'est-à-dire au moyen des seules statistiques de l'asile,
devient, on le comprend par toutes les considérations qui pré-
cèdent, peu intéressante. Les chiffres obtenus ne peuvent fournir
que des résultats très approximatifs et, par le fait, que des rapports.
Aussi, n'en donnerai-je que quelques-uns.
Le Dr Hildenbrand, un ancien médecin directeur de l'asile, en-
trait volontiers dans de nombreux détails dans les statistiques de
ce genre, voici les résultats auxquels il est arrivé pour les années
1882 et 1883.
En 1882, 1 aliéné par 701 habitants pour tout le département, mais
les différents arrondissements fournissaient des résultats différents.
Ainsi, dans l'arrondissement de Chartres, on trouvait 1 aliéné
pour G05 habitants; dans celui de Châteaudun, 1 par 695; dans
celui de Dreux, 1 par 744, et dans celui de Plogent-le-Rotrou, 1 par
1,025 habitants.
En 1883, les proportions étaient presque les mêmes; il y avait,
pour tout le département, 1 aliéné pour 691 habitants. Il me
parait inutile de multiplier les chiffres. Aujourd'hui, c'est-à-dire en
1893, il y a 1 aliéné par 646 habitants, pour tout le département.
Le nombre relatif des aliénés aurait donc sensiblement augmenté,
dans le département, pendant les dix dernières années. Encore
une fois, je crois qu'il n'en n'est rien, et que si l'augmentation est
ASILE DE BONNEVAL. 293
réelle, elle est en tous cas des plus minimes. De tous les arrondis-
sements du département, c'est l'arrondissement de Chartres qui a
toujours fourni et qui fournit encore la plus forte proportion rela-
tive d'aliénés, ce qui tient à ce que Chartres est la seule grande
ville du département; elle possède 23,000 habitants.
Le département d'Eure-et-Loir est constitué par les immenses
plaines dénudées et dépourvues d'eau de la Beauce, et par des
régions boisées et vallonnées, comme le Perche, par exemple. Les
habitants de la Beauce, les Beaucerons, diffèrent des autres habi-
tants du département parles habitudes et même aussi un peu par
le caractère. La Beauce a été, et est encore, dit-on, plus riche que
le Perche, et cependant les Percherons, j'entends les ouvriers des
champs et les petits cultivateurs, s'accordent plus de bien-être que
les Beaucerons. Tous, Percherons et Beaucerons, aiment la terre
avec passion, comme tous les paysans, du reste, mais les premiers
montrent moins d'âpreté que les seconds dans la poursuite de sa
possession.
Ces différences facilement appréciables ne semblent pas avoir
une influence très grande sur la fréquence relative de l'aliénation
mentale, chez les uns ou chez les autres. Cependant, les cantons
du Perche donnent, presque tous les ans, un nombre relatif d'en-
trées à l'asile moins grand que celui qui est fourni par les cantons
de la Beauce. Quant aux formes habituelles de l'aliénation, elles
sont les mêmes quelle que soit la provenance des malades. J'ai,
depuis six ans, recherché avec soin s'il existait, sous ce rapport,
quelque particularité intéressante, j'ai compulsé, dans ce même
but, les rapports médicaux de tous mes prédécesseurs, je n'ai pu
en constater aucune. .
Pour donner l'idée de la fréquence relative des diverses formes
psychopathiques chez les aliénés d'Eure-et-Loir, je note dans le
tableau suivant le nombre des aliénés de ce département entrés à
l'asile depuis dix ans, c'est-à-dire depuis 1883, ainsi que les psy-
choses dont ils étaient atteints. Il n'est tenu compte, dans cette sta-
tistique, que des malades nouveaux, c'est-à-dire des malades qui
n'avaient encore été traités dans aucun établissement spécial jus-
qu'au moment de leur admission à l'asile.
Pendant les dix dernières années, la moyenne annuelle des
entrées pour les malades nouveaux, non encore traités dans un
asile, est de 67,6, et d'une année à l'autre, l'écart entre le nombre
de ces entrées n'est jamais considérable, sauf une fois en 1892.
Si l'on divise cette période décennale en deux périodes quin-
quennales, on voit que la moyenne annuelle des entrées pour la
seconde période quinquennale n'est pour ainsi dire pas plus élevée
que la moyenne annuelle des entrées pour la première. Si donc le
nombre des aliénés augmente en Eure-et-Loir, il n'augmente,
comme il a été dit plus haut, que très peu et très lentement.
ASILE DE BONNEVAL. 39S
-Le nombre des entrées pour les femmes est un peu plus élevé
que ce même nombre pour les hommes, mais il en est de même
dans la plupart des asiles départementaux. Mais ce qui est à noter,
c'est la proportion minime des délires partiels. Les vésauies essen-
tielles sont dans la très grande majorité des cas représentées par
leurs formes élémentaires, manie et mélancolie. Ainsi, sur 391 cas
de folies simples, nous n'avons que 53 cas de délires partiels. Ce
n'est pas dans cette courte notice qu'il convient de discuter cette
question, je dirai seulement qu'il existe, sous ce rapport, entre
nos malades d'Eure-et-Loir et nos malades de la Seine, des diffé-
rences notables, et que les conceptions délirantes des seconds,
quelles que soient les maladies mentales dans lesquelles elles'
, entrent comme éléments, sont, d'une façon générale, bien plus
compliquées, bien plus intellectuelles, si on veut bien me passer
l'expression, que les conceptions délirantes des premiers.
Notre tableau démontre aussi le bien fondé de plusieurs
remarques faites journellement sur l'ensemble de nos malades.
Ainsi, il fait voir, d'une façon irréfutable, que les formes expan-
sives et dépressives de la folie, la manie et la mélancolie, se pré-
sentent en proportions à peu près égales, et que la manie essen-
tielle est fréquente chez les hommes. Elle est relativement rare
chez eux à Paris et dans les grands centres. Il fait voir également
qu'on observe souvent les diverses formes de la mélancolie, surtout
chez les femmes. Et à ce sujet, je noterai que certaines conceptions
délirantes sont très communes chez nos mélancoliques. Beaucoup
de ces malades refusent de manger et il faut les nourrir à la sonde.
On parvient encore assez souvent à les alimenter par le procédé
suivant : on dispose dans les coins, et à côté des ordures, des ali-
ments, ils s'en emparent subrepticement et les dévorent en
cachette. Us sont ruinés ou bien ils ont peur de se ruiner. C'est là;
en réalité, l'exagération morbide d'un sentiment d'avarice malheu-
reusement commun chez les paysans.
Quelques mots encore, en finissant, sur deux affections dont
l'importance est extrême en géographie médicale, l'intoxication
alcoolique et la paralysie générale.
' A s'en tenir scrupuleusement au tableau, les cas de folie alcoo-
lique seraient rares, et l'alcool ne ferait guère de ravages en Eure-
et-Loir. Ce serait se faire une grande illusion que de conclure de
la sorte. Oui, il arrive rarement à l'asile des malades atteints de
folie alcoolique typique avec son délire et ses hallucinations carac-
téristiques. En dix ans, on n'a reçu que vingt de ces malades,
mais la cause en est dans ce fait que la folie alcoolique typique se
dissipe souvent très vite, et que les sujets qui en sont atteints sont
soignés chez eux ou dans les hôpitaux du département. On n'en-.
.voie pas à l'asile les malades atteints de delirium tremens.
IL n'est que trop certain qu'on consomme en Eure-et-Loir, qui
296 HISTOIRE ET CRITIQUE.
n'est pas un département viticole, beaucoup de boissons alcooliques
de toutes sortes, qu'une boisson très appréciée dans le Perche est
le cidre de poires, le poiré, qui est particulièrement nuisible, et
que l'alcoolisme, en somme, est très répandu dans la région,
l'alcoolisme chronique surtout. Il est certain également, et tous les
médecins de l'asile l'ont noté, que l'intoxication alcoolique entre
comme appoint sérieux dans l'étiologie de quantité de cas de manie
et de mélancolie, aussi bien chez les femmes que chez les hommes.
Quant à la paralysie générale, on a soigné en dix ans, à l'asile,
76 sujets provenant du département atteints de cette affection,
64 hommes et 12 femmes. Si en plus on considère que dans les
pays agricoles, la forme démentielle de la paralysie générale est
de beaucoup plus fréquente que dans les centres populeux, et que
la paralysie générale à forme démentielle est soignée, non à l'asile,
mais dans les hôpitaux et les familles, on voit que la paralysie
générale est loin d'être rare dans le département. Quelle est la
cause de la fréquence relative, dans nos contrées, de cette affection
qui, prétend-on, était presque inconnue autrefois dans les cam-
pagnes ? il est impossible de le dire.
HISTOIRE ET CRITIQUE
. BARBE BUVÉE
EN. RELIGION, SOEUR DE SAINTE-COLOMBE ET LA PRÉTENDUE
POSSESSION DES URSULINES D'AUXONNE (1658-1663)-
(Étude historique et médicale, d'après des manuscrits de la Bibliothèque
nationale et des Archives de l'ancienne province de Bourgogne.)
Par le D'' SAMUEL GARNIER,
Médecin en chef, Directeur de l'Asile de Dijon t.
(Suite et fin.)
Le 14 août 1662, dix jours après l'arrêt du Parlement rap-
porté plus haut, une jeune fille de vingt-deux ans, nommée
Moroge, servante de l'abbé Jannon, curé d'Auxonne, et qu'on
'.Voir les quatre précédents numéros.
BARBE BUVÉE. 297
disait possédée, vint à mourir presque subitement. Le Parle-
ment ayant eu avis qu'elle était morte empoisonnée, ordonna
par un arrêt du 23, l'exhumation du corps et commit un mé-
decin et un chirurgien pour en faire l'autopsie. On découvrit
alors que le corps de cette fille avait étéouvert antérieurement,
ce qui empêcha de reconnaître avec certitude les traces du poi-
son supposé. Un premier rapport des chirurgiens commis,
par le maire d'Auxonne, portait bien que la fille Moroge était
morte d'un abcès à l'estomac et qu'elle était vierge; mais le
rapport du médecin et du chirurgien commis par le Parle-
ment déclarait qu'elle était déflorée et que, selon toute appa-
rence, elle avait dû accoucher depuis quelques mois. Il résulta
de l'information que cette fille s'étant rendue un jour chez un
épicier nommé Terrestre, lui acheta pour « six blancs d'arse-
nic p, pour empoisonner, disait-elle, les rats du curé. Quoi-
qu'on n'ait pu éclaircir, si elle prit ce poison ou si on le lui fit
avaler, les symptômes observés pendant sa maladie, tels que
soif inextinguible, vomissements continuels, langue et dents
noirâtres, démontraient un empoisonnement arsenical. On
sut, d'autre part, qu'avant de mourir elle avait déclaré quelque
chose au Maire, et que celui-ci avait jugé à propos de faire
pratiquer l'autopsie. Les deux chirurgiens désignés par lui
avaient déjà commencé cette opération et fait une incision
cruciale, quand le curé Jannon fit irruption dans la salle en
disant s'opposer formellement à cette autopsie, que la fille
Moroge n'était point morte, mais seulement assoupie par le
diable et qu'il fallait l'exorciser, ce qu'il fit aussitôt avec
quelques autres ecclésiastiques. L'exorcisme dura assez long-
temps, mais après, la mère de la fille Moroge insista pour que
l'autopsie fût terminée, disant au Maire qu'elle porterait
plainte au Parlement, si elle n'obtenait point satisfaction, ce
qui lui fut accordé. Néanmoins, le Parlement ayant été saisi de
cette nouvelle affaire, le sieur Jannon crut opportun d'aller
lui-même à Paris pour en prévenir les conséquences. Bien
qu'étant resté étranger aux exorcismes des Religieuses, il
profita de ce voyage, pour solliciter de nouveau « avec beau-
coup de chaleur et d'emportement contre les juges » l'évoca-
tion de l'affaire de la possession des Ursulines. On lui refusa
encore ce qu'il demandait, mais, par ordre du roi, une com-
mission fut chargée d'examiner à nouveau les faits de pos-
session sur lesquels le Parlement s'était prononcé. ,
298 HISTOIRE ET CRITIQUE.
Elle fut composée de MM. Claude Bouchu, intendant de
justice, police et finances en Bourgogne, Chamillard, Blond,
Guyard, Piqué, docteurs de Sorbonne, et Bachet, médecin. ;
Pour faciliter la mission dont ils étaient chargés, il fut dé-
livré pouvoir à M. Bouchu de faire recevoir, dans les maisons
des habitants des villes de Bourgogne, lesdites prétendues
possédées ou possédées et les y contraindre, par tous les
moyens, en vertu des ordonnances expédiées sur l'avis de
deux docteurs, et signées d'eux. En même temps une lettre de
- cachet était envoyée à l'Archevêque de Besançon, afin d'obte-
nir pouvoir d'exorciser et d'appeler ceux qu'ils jugeraient
nécessaires. Une seconde lettre était envoyée tant à l'hôtel
de ville d'Auxonne qu'à M. le marquis du Plessis-Besançon,
gouverneur de la ville, pour assister de son autorité les
commissaires délégués et faire exécuter les volontés royales
au cas où il en serait besoin et requis. z
Nous n'avons aucun détail sur les opérations de cette com-
mission nouvelle, mais il est certain que ses sentiments sur
la possession furent particulièrement concordants avec ceux
de la commission dont faisait partie le P. Séguin. Et en effet,
le médecin Bachet écrivait, le 15 juin 1662, au chancelier en
son hôtel à Paris la lettre probante à cet égard que voici ' : r
« Monseigneur,
« Puisque vous avez eu la bonté de jeter les yeux sur moy
pour estre un des juges de la prétendue possession des filles
d'Auxonne : j'ai vu qu'il estoit de mon debvoir de vous rendre
compte de tout ce qu'il s'y estoit passé depuis que nous y
sommés.
« Premièrement, monseigneur, nous avons jugé à propos
de faire faire les exorcismes par des prêtres non suspects et
qui eussent piété et lumière. Pour cet effect, nous avons
choisi dans le diocèse de Besançon et de Langres quatre
ecclésiastiques des plus considérables par leurs noms et par
leurs doctrines pour se joindre aux sieurs Blond et Chamil-
lard, sans admettre aucun des prêtres de la ville d'Auxonne,
ny sans leur donner aucune participation de tout ce qui se
passeroit. Dans cette disposition, nous avons commencé les
exorcismes, dans l'église des Pères Capucins, par celles qui
passoient au jugement de tout le monde pour les plus agit-
» Manuscrit fonds français, n° 18696, fol. i. Bibliothèque nationale.
BARBE BUVÉE. - S299
lées qui sont au nombre de huict. Nous les avons fait exorci-
ser chacune séparément deux jours de suite, matin et soir, de
trois heures à chaque fois, en la présence seulement de
M. l'intendant, son greffier, des six exorcistes et de moy mé-
decin. J'ose vous dire, monseigneur, qu'on ne peut pas ap-
porter, ce me semble, plus de soing, plus de défiance, plus
de précautions ny plus de présence d'esprit, pour découvrir
une vérité de cette nature que nous en avons tesmoigné.
Enfin, après une très exacte recherche et une très curieuse et
très fidèle observation de tout ce qui s'est passé en ces filles
pendant les exorcismes, je puis assurer Votre Grandeur, que
dans toutes leurs actions soit du corps, soit de l'esprit, elles
n'ont fait voir aucune marque légitime et convainquante de
vraye possession, ny dans l'intelligence des langues, ny dans
la cognoissance ou révélation des secrets, ni dans les dis-
cours relevés, ny dans les élévations du corps en l'air, ny
dans les transports d'un lieu en un autre, ny dans les mouve-
ments extraordinaires au point qu'ils surpassassent les forces
de la nature. Bref, il ne s'est rien passé en elles qui ne soit
fort humain et naturel et qui peut être rapporté à un principe
étranger. Je ne pense pas que dans les six autres qui restent
à exorciser, la possession s'y trouve plus établie. Voilà, mon-
seigneur, le fonds de mon coeur que je n'ay encore découvert
à personne, réservant à vous dire les autres particularités.
quand j'auray l'honneur de vous aller rendre mes respects et
mes soumissions en qualité de votre très humble, etc.
« BACIIET. »
Le résultat des exorcismes n'ayant pas été conforme à leur
attente, les prêtres d'Auxonne, bien que le Parlement, par
déférence pour les ordres du roi, eût jugé convenable de
cesser toute procédure, furent en proie à de nouvelles appré-
hensions. Le curé Jannon prit alors le parti de retourner une
seconde fois à Paris, et, profitant avec habileté de l'antago-
nisme tout au moins latent des pouvoirs de l'intendant royal
avec ceux du Parlement, obtint enfin, par lettres patentes du
3 août 1663, que M. Claude Bouchu fût chargé d'informer du
maléfice prétendu jeté sur les religieuses Ursulines d'Auxonne.
Le succès de sa démarche, quoique relatif, avait néanmoins
une portée considérable, car il pouvait être interprété
comme une preuve de défiance envers le rôle antérieur du
300 HISTOIRE ET CRITIQUE.
Commissaire du Parlement dans cette affaire, et semblait
élever, par l'intervention tout à fait insolite d'un intendant
royal, autel contre autel. ni. Bouchu informa depuis le 17 août
jusqu'au 23, dressant procès-verbaux des déclarations des
religieuses soi-disant possédées et des autres, des déposi-
tions des abbés Bretin et Pelletier, les plus intéressés à la
démonstration de la possession. Ces procès-verbaux, qui
n'étaient qu'une reproduction amplifiée de tous les faits,
même controversés, déjà expliqués furent ensuite adressés
par lui à Paris.
M. Bouchu dressa, en outre, une sorte de mémoire réca-
pitulatif, en faisant état de toutes les affirmations des reli-
gieuses. Il exposait que de ses informations touchant le
maléfice jeté sur les Ursulines de la ville d'Auxonne et par la
déposition de vingt-neuf religieuses tant professes, novices
que converses, il résultait qu'il y avait du maléfice jeté sur
plusieurs desdites religieuses dont la plupart, affirmait-il,
étaient guéries par suite des exorcismes qui avaient été faits.
Pour arriver aux conclusions qu'il formulait, l'intendant
non seulement accepta comme démontrées toutes les affir-
mations des religieuses et des exorcistes, mais pour véridi-
ques les rétractations partielles de la soeur Marguerite Jamain,
de Pierrette Boillaut et de Nouvelet, qui se plaignirent de la
partialité du Commissaire du Parlement.
La première déclara que M. Legoux l'avait intimidée en la
menaçant delà mettre en prison, ce qui l'empêcha de prendre
garde à la lecture de sa déposition ; qu'on avait inséré qu'elle
avait eu des accouplements avec des démons et des sorciers,
ce qui était faux. La seconde prétendit que le Commissaire
avait à tort inscrit qu'elle avait des peines contre Nouvelet et
qu'elle était tentée d'impureté avec lui, cet aveu lui ayant été
arraché.
Nouvelet enfin y affirma que ce qu'il avait dit devant
M. Legoux n'était que des réponses faites aux demandes que
celui-ci prenait sur des mémoires écrits de la main de soeur
Buvée.
Malgré toutes ces insinuations perfides, tendant à démon-
trer la connivence et l'accord intime de M. Legoux et de soeur
Buvée, par lettres patentes, du 16 octobre suivant, il intervint
une ordonnance royale de renvoi au Parlement avec injonc-
tion d'en conférer avec M. le Premier Président Brulart. Cet
BARBE BUVÉE. 301
arrêt fut porté à la Tournelle par l'avocat général Nicolas,
dès la rentrée du Parlement ; et. par délibération de la
chambre, un des commis-greffiers s'en fut réclamer à
Al. l'intendant Bouchu les procès-verbaux dressés par lui et
qui lui avaient été retournés.
Absent une première fois, M. Bouchu fit répondre le lende-
main au commis-greffier que, d'après les ordres qu'il avait
reçus, il devait remettre la procédure au Procureur Général
ou à l'un de ses substituts. '
Le substitut Jannin se présenta trois fois pour en obtenir
remise, et, la troisième fois seulement, M. Bouchu répondit
qu'il l'avait donnée à AL Jannon, un autre substitut. Mais
comme ce dernier était l'oncle du curé d'Auxonne, Jannon,
qui, on ne l'a pas oublié, avait fait plusieurs voyages à Paris
dans le but d'obtenir que l'affaire fût enlevée à la connaissance
du Parlement, et que ce même curé était aussi l'oncle des
trois Ursulines de Malo du Bousquet, du nombre des reli-
gieuses possédées, on peut en inférer que cette procédure
fut d'abord communiquée aux exorcistes. Au surplus, le subs-
titut Jannon, l'ayant gardée plusieurs jours, n'en fit le dépôt
au greffe que le 25 novembre, pour être remise le 26 au con-
seiller Legoux.
Conformément aux ordres reçus de la Chancellerie, on
réclama en outre à AL Bouchu l'extrait du procès-verbal
dressé par MM. Chamillard et Blond; mais, quoique cette
pièce fût une des plus importantes pour l'instruction et le
jugement de l'affaire, il refusa absolument de s'en dessaisir.
La probabilité de l'indiscrétion commise par le substitut
Jannon, en communiquant les pièces qu'il avait entre les
mains, ainsi que nous venons de le faire entrevoir, ne tarda
pas à se changer en certitude. On apprit bientôt, en effet,
que son neveu Jannon avait obtenu, le 29 du même mois de
novembre, un arrêt pa,r lequel l'intendant Bouchu était de
nouveau chargé de continuer la procédure qu'il avait com-
mencée, et, qu'à cet effet, il était enjoint au Parlement de
s'en dessaisir, avec défense d'en connaître ultérieurement.
Cet arrêt royal causa une profonde émotion au Parlement.
Il établissait, en effet, un précédent qui dépouillait d'une façon
cavalière, au profit d'un pouvoir de création relativement
récente et dont les tendances à étendre le cercle mal défini
de ses attributions premières n'étaient que trop manifestes,
302 1.) HISTOIRE ET CRITIQUE.
un Corps dont les prérogatives juridiques étaient aussi an-
ciennes qu'incontestables en pareille matière.
Une protestation très digne fut adressée par le Procureur
Général Languet sous formes de Remontrances faites à Sa
Majesté pour protester contre l'arrêt en question. Elle se
terminait après un exposé très succinct des phases de cette
longue procédure, par les considérations suivantes ' :
* C'est cet arrest qui nous donne sujet de remonstrer à à
Vostre Majesté que le crime de magie et de sortilège estant
de la juridiction ordinaire et se punissant de mort, l'official
n'avoit pas du en prendre cognoissance et le Parlement a
eu raison de casser la procédure qu'il avoit faicte et d'en
retenir la cognoissance et d'empescher cette entreprise du
juge d'église sur la juridiction royale; et la qualité de ces
crimes obscurs mérite d'estre traitée dans vos Cours Souve-
raines qui par la longue expérience qu'ils se sont acquise et
le grand nombre de procès de cette qualité jugés depuis
vingt ans en celui de Dijon, peut mieux que nul autre péné-
trer la vérité. Les soins qu'ils ont apportés pour décou-
vrir celle de l'affaire d'Auxonne ont reçu l'approbation de
Mgr le chancelier et leurs sentiments se sont trouvés con-
formes à ceux de MAI. les docteurs de Sorbonme que Votre
Majesté a commis. »
« L'arrest du quatrième août 1662 a esté donné avec tout
l'examen que méritoit le sujet des accusations formées contre
la soeur Buvée. Il seroit bien injurieux à votre Parlement que
sur le faux exposé des prestres, cet arrêt souffrit quelque
atteinte par une nouvelle procédure et s'il échoit d'en faire,
ce seroit au Parlement. »
« Toutes les choses qui se font pour parvenir à la révision
des arrest ont toujours estes citées par les Parlements et les
lettres expédiées aux grandes chancelleries leur en ont esté
adressées.
« Ce qui seroit d'autant plus juste d'observer en ce sujet
que le Parlement a pris des cognoissances que le sieur inten-
dant ne peut avoir; en effect s'il avoit su que les sieurs Bretin,
Pelletier et autres s'étoient rendus solliciteurs de l'évocation;
que les arrests et les commissions avoient esté obtenus et
apportés par eux, il n'auroit pas faict des ordonnances par
1 Manuscrit fonds français, n° 18695, fol. 142. Bibliothèque nationale a Re-
montrances que le Procureur Général du roy fait à Sa Majesté, etc. »
BARBE BUVÉE. 303
lesquelles il leur enjoint de déposer par devant luy et s'il
avoit cognoissance des choses cy-dessus, il ne les auroit pas
reçus comme tesmoins, non plus que les religieuses qui ont
prétendu estre possédées et qui ne sont ny malades, ny occu-
pées des démons. »
* « Cette nouvelle procédure n'a este sollicitée que par ces
prestres que pour diminuer de leurs dépositions et de celles
des religieuses les choses qui pouvoient donner des lumières
à la vérité ou y en adjouter pour l'obscurcir. Le Parlement
n'a eu aucune affectation de cognoistre cette affaire. Il a exé-
cuté ponctuellement les ordres qui sont venus de Votre Ma-
jesté, il a suivi la procédure et il n'a jamais eu d'objet que
d'arrester le désordre et le scandale qui continue et qui aug-
mentera de j our à autre dans la province ; et si la cognoissance
leur en est ostée, il est à craindre que dans d'autres monas-
tères pareilles choses n'arrivent; si le Parlement est privé de
la juridiction qui lui est nécessaire pour les empescher et
pour procurer la santé à vos subjets dont la vie est exposée
par de semblables accusations de sortilèges faictes par de
fausses possédées; c'est ce que nous avons esté obligé de
remonstrer à Vostre Majesté pour l'honneur de vostre justice
souveraine que vous avez déposée à vos Parlements et pour
le bien de vos subjets de cette province, ce qui nous faict
espérer que sans s'arrester à l'arrest du 24 novembre, vous
ordonnerez qu'il sera passé outre par le Parlement à l'ins-
truction et jugement de ce qui reste à faire en exécution de
l'arrest du quatrième août 1662 et cela estant, nous avons
sujet d'espérer de faire cognoistre la vérité à Vostre Majesté
de telle sorte qu'il ne restera aucun doute. »
c Si le temps nous avoit permis, nous aurions icy joint les
différences des dépositions des mesmes témoins dans l'infor-
mation faicte par l'official, dans celle du Commissaire du
Parlement et dans celle du sieur Bouchu pour faire cognoistre
les variations de ces prestres et des religieuses, les omissions
et les adjonctions qui en ont esté faictes à dessein de cou-
vrir la vérité, à quoy nous satisferons si Votre Majesté nous
en donne les ordres, et ensuite nous luy ferons cognoistre
les choses qui seroient nécessaires pour restablir la régula-
rité et la piété dans cette maison religieuse et faire cesser le
scandale avec la charité qui est nécessaire '. »
1 Manuscrit, n° 18695, fol. 142, lot. Cit.
304 HISTOIRE ET CRITIQUE.
D'un autre côté AI. Legoux terminait un mémoire sur la
possession par ces mots : . ,
« Par toutes ces raisons et une infinité d'autres qui se pré-
sentent à l'esprit de ceux qui ont veu les exorcismes, et prit
garde à toutes les circonstances du dedans et du dehors, il
paraît que non seulement l'on n'aperçoit aucune marque suf-
fisante et univoque de vraye possession dans ces Religieuses,
mais que leur génie, leur raison, leur liberté se descouvre
suffisamment pour croire que tout vient d'elles, et que leurs.
volontés et leurs imaginations ou quelque maladie faict en
elle le principe de tout ce que nous y,voyons '. »
Il paraît à peu près établi, attendu qu'aucun acte de nou-
velle procédure ne fut exécuté par l'intendant Bouchu, puisque
nulle part on n'en trouve trace, que la protestation du Pro-
cureur Général impressionna favorablement le conseil de
Louis XIV et que l'arrêt mettant Barbe Buvée hors de cause
eut son plein effet. Du moment que l'accusation était recon-
nue fausse, la réalité de la possession devenait plus que pro-
blématique et l'épidémie ne tarda pas à s'éteindre par la
dispersion des religieuses elles-mêmes dans d'autres cou-
vents, ainsi que par la cessation des exorcismes qui n'avaient
plus de raison apparente de légitimité.
Peu à peu le silence se fit autour de cette affaire, les exor-
cistes eux-mêmes ayant tout à y gagner. Un siècle plus tard.
Courtépée 2 faisant allusion à cette possession, portait sur
elle le jugement suivant : « La prétendue possession de plu-
sieurs religieuses Ursulines qui fit tant de bruit dans le der-
nier siècle, fruit du fanatisme et de l'ignorance, peut aug-
menter le chapitre des égarements de l'esprit humain. »
Nous ne saurions mieux dire aujourd'hui; peut-être pour-
rions-nous ajouter, qu'elle ne fut pas seulement le fruit de
l'ignorance et du fanatisme, mais aussi des coupables ma-
noeuvres des exorcistes auxonnais.
IX. S'il n'est pas douteux que l'enquête, prescrite par le
Parlement de Bourgogne, sur la possession des Ursulines
d'Auxonne, ait démontré à la fois l'indignité des premiers
exorcistes, leurs manoeuvres louches et la fausseté de l'accu-
i Manuscrit fonds français, n° x86g6, loc. cit. B. N., fol, 52 et 55. La vérité
recognue, etc. Signé Legoux.
2 Description du duché de Bourgogne, t. III, page 232, (Dijon, 1778, Causse.).
BARBE BUVÉE. , , 305
sation intentionnellement provoquée par eux contre Barbe
Buvée, afin de masquer leurs agissements, il n'en est pas
moins prouvé que les médecins qui eurent la charge de
l'examen de cette affaire côtoyèrent, déjà à cette époque, la
vérité scientifique capable de jeter la lumière complète sur ces
faits et de les expliquer. Leur formule saisissante de conci -
sion : « Nihil a demone, pauca a morbo, multa ficta », serait
encore à peu près rigoureusement exacte aujourd'hui, avec
quelques réserves, et on ne peut qu'être frappé de sa har-
diesse, à une époque où la croyance à la possession dominait
les intelligences les mieux douées. Il est regrettable que pour
nous éclairer totalement sur la justesse de leurs appréciations,
en face des données cliniques actuelles, nous n'ayons pu nous
procurer le rapport médical annexé à la procédure du Par-
lement : ce document doit avoir disparu. Toutefois à l'aide
des passages qui lui furent certainement empruntés par
M. Legoux dans ses manuscrits, on peut s'apercevoir que
les remarques d'ordre médical ne manquèrent pas de valeur.
Ainsi le rapport avait certainement mentionné 1 que parm3^
les 15 qui se prétendoient possédées, ilr en avoit plusieurs qui
estoient dans une grande simplicité d'esprit, savoir : Pierrette
Boileau, Anne Mol, Marie de Laramisse, Elisabeth Nicolas qui
étoit en oultre « mélancolique f ; Lazare Arnier qui avait « des
iutervalles de démence a ; Gabrielle de nlalo qui était à l'époque
c une fille aagée de quinze ans, pensionnaire depuis huit ans de
la maison, dans la dernière simplicité » : que Marie de Malo
et Charlotte Joly étaient « de tempérament mélancolique, que
les accidens qui arrivèrent à la première, eurent quelques rip-
port à ceux que les épileptiques souffrent ou à ceux que les pas-
sions hystériques causent t ; que ce qui se passa en la soeur
Joly pouvait « estre un effect de la mélancolie cause de quelque
déplaisir, quelques personnes de la rrresme famille en ayant esté
atteintes »; que Marguerite Jamain, Humberte Borthon,
Françoise Borthon, Gabrielle de Malo, Jeanne de Malo avaient
5 beaucoup d'esprit, Aiiiie Pirorr, esprit et jugement » et étaient
toutes « saines de corps i,.
. Il avait de même noté que toutes les religieuses » nonobstant
leur possession estoient en parfaite santé et en fort bonpoinct » ; que
la pensée de leur possession les affligeait peu, que tous les
spectres qui leur passaient devant les yeux n'empêchaient
1 Manuscrit fonds français, n° ils695, fol. 14S. Preuves qui résultent, etc.
Archives, t. XXVIII. ' 20
306 HISTOIRE ET CRITIQUE.
point « leur sommeil, leurs entretiens, /e ! ;r ? M< ! 0)M]'. Il avait «
fait la constatation que « les prétendues possessions depuis trente
ans n'arrivoient que che des religieuses du 17zesj;ze ordre, Lou-
dun, Louviers, Auxonne »; que les possédées étaient toujours
les plus jeunes du couvent, « les plus anciennes se trouvant
exemptes » de la possession; que toutes les visions, tous les
spectres, tous les troubles de conscience étaient pour les
quinze dernières ; que les anciennes )o ! 'e avec elles, cou-
choient dans leurs chambres, assistaient aux exorcismes sans rien
ressentir, si ce n'est à force d'entendre parler s'imaginèrent par-
fois entendre du brztict » ; qu'enfin les communications des pos-
sédées entr'elles « estoient perpétuelles, qu'elles se rapportoient
les unes aux autres ce qu'elles avaient dict ou faict dans l'exor-
cisme », et avaient connu tout ce qui s'était fait à Loudun et
Louviers dont c on avait trouvé les livres dans le couvent ».
Mais toutes ces remarques ne permirent point de remonter
à la cause morbide, efficiente, exacte, ! l'imagination exaltée
des plus intelligentes ayant été seule mise en cause quand on
se fut aperçu que celles qui étaient simples et qui ne croyaient
être possédées c que parce que la supérieure leur avoit dict
qu'il le falloil croire et que les exorcistes l'avoient dict aussy >,
ne déposaient « d'aucune impiété ny rien quifeusse à charge de
la soezir Buvée. »
Enfin l'interprétation de toutes les descriptions érotiques des
possédées se fit par une maladie appelée furor uterinus dans
laquelle » 2 parit prinuan affecta est utérus sedes libidinis maxime
vero follnm ejus et osculum quod sinunz pitdoris vocant, quibus
tantus aidor, in-est czini pruritu et inextinguibili verreris appe-
tentia ut ftanrma quaqua effusa, cerebrum tipsum una-cunz dia-
phragmate in consensus rapiatur, qui nzorbus junioribus tantum
accidit quarum amentia tota versatur, in venere nihil que aliud
imaginantur vel loquuntur ».
Telle fut la doctrine médicale d'après laquelle, à l'époque
des faits d'Auxonne, certains phénomènes observés chez plu-
sieurs possédées trouvèrent leur interprétation dans une
maladie se rapprochant de la nymphomanie, tandis que tout
le reste était mis sur le compte de l'imagination, sans admis-
sion d'aucune intervention démoniaque. Ajoutons cependant
' Contrairement aux affirmations du jugement ecclésiastique de 1662. Biblio-
thèque nationale.
' Manuscrit fonds français, n° [8695, fol. 23 à 36, fol. 28. Raisons tirées, etc.
Signé Legoux. Bibliothèque nationale, loc. cit.
BARBE BUVÉE. 307 I
'que, pour au moins une des possédées, les mots d'épilepsie et
'de passion hystérique furent employés pour expliquer les
accidents qu'elle présenta.
Quoique les faits du même ordre aient déjà été lumineuse-
ment éclaircis, il nous reste à montrer rapidement que l'épi-
démie d'Auxonne rentre tout à fait dans le cadre de l'hys-
térie convulsive et délirante, dont la réalité, à l'état épidé-
mique, a été scientifiquement établie depuis longtemps. Notre
démonstration sera facile à l'aide des nombreux documents
qui ont passé sous les yeux du lecteur, et qui montrent clai-
rement, en laissant de côté tout jugement sur le rôle des
exorcistes locaux, que les religieuses ursulines parcoururent
la gamme entière de l'hystérie depuis la forme la plus atté-
nuée jusqu'à la plus sévère.
L'imitation et la contagion morale apparaissent d'abord
comme ayant joué un rôle, sinon décisif, du moins très con-
sidérable, dans l'explosion et la propagation ultérieure de la
maladie en question. Ce fait important n'avait pas échappé
à la sagacité des médecins experts, et ils avaient fort bien vu
une corrélation étroite entre ce qu'ils observaient à Auxonne
et ce qui s'était passé à Loudun et Louviers, dont la relation
écrite fut trouvée dans le couvent d'Auxonne. Il est prouvé,
d'autre part, qu'une contagion morale directe ne pouvait
manquer de se produire chez des religieuses répétant entre
elles, comme on l'a vu, les exorcismes et tout ce qui s'y fai-
sait, et l'on ne peut qu'être frappé de la similitude des phé-
nomènes délirants qu'elles offrirent, le fond restant à peu
près invariable.
Dès le début de l'épidémie, alors que les exorcismes se
faisaient pour ainsi dire à huis clos, il est certain que plu-
sieurs religieuses débutèrent déjà dans la maladie, par des
attaques plus ou moins complètes, s'accompagnant de vomis-
sements de corps étrangers, qui furent pris pour des marques
de délivrance ou des sorts, et qui n'étaient en réalité que des
objets avalés par les religieuses elles-mêmes, sous l'influence
d'une dépravation du goût assez commune chez les hysté-
riques. Si on ajoute à cette dépravation, comme mobile, le
besoin de mystification ancré chez toute hystérique, on s'ex-
pliquera facilement la cause véritablement morbide de ces
vomissements qui semblaient étranges.
Déjà, à cette phase de l'épidémie, on avait noté dans l'at-
308 HISTOIRE ET CRITIQUE.
taque la période des contorsions; le corps de la religieuse
étant courbé la plupart du temps en arrière. A ce moment
aussi, le délire hallucinatoire qui en résultait, puisant ses
éléments dans les idées courantes de possession, et com-
pliqué d'hallucinations du sens génital (l'association du délire
religieux et érotique est très fréquente), fit son apparition avec
les caractères que l'on sait ; ce qui explique parfaitement les
premières descriptions érotiques et libidineuses, déjà si pré-
cises, dont les possédées faisaient remonter la cause à l'ac-
tion des démons et des sorciers.
Ajoutons également que l'imagination des plus intelli-
gentes, déjà fortement surexcitée, s'exaltait encore aux récits
faits, par les prétendues victimes, deleurs tortures impudiques z
que celles qui étaient faibles d'esprit ne pouvaient manquer de
tenir docilement pour vraies, comme dans le délire à deux,
les interprétations délirantes et les hallucinations des pre-
mières. Ainsi, peu à peu, la folie hystérique se propagea, en se
développant successivement chez quinze religieuses ; ce qui
montre bien l'inconvénient majeur de la cohabitation continue
et étroite des possédées, avec celles restées encore saines.
Dès que l'épidémie eut acquis son plein développement, les
phénomènes s'accentuèrent avec la plus grande netteté, et ici
encore, il est de toute évidence que la suggestion et l'auto-
suggestion, dont l'empire s'exerce si facilement chez les névro-
pathes, eurent beau jeu d'influencer dés natures aussi acces-
sibles à leur action. Les exorcismes officiels ne pouvaient
manquer, maintenant, de faire surgir tous les symptômes cli-
niques de la maladie, et c'est en effet ce qui arriva.
La soeur de Saint-Alexis, par exemple, s'étendait à la ren-
verse, « ne touchant la terre que de la plante des pieds » (opis-
thotonos) ; une autre « se courboit en devant d'une manière que la
teste estoit comme entièrement cachée sous la poictrine » (empros-
thotonos), touchant presque la terre de la nuque du col, puis
toutes les deux revenaient à elles en se redressant elles-mêmes,
comme si rien ne se fut passé ». On vit de même la soezir de la
Résurrection ayant le corps plié comme un cercle, de sorte que la
plante de ses pieds venait lui toucher le front ; la soeur Borthon,
dite de Saint-François, touchant la terre « de la poincte de
l'estomac tandis que la tête, les pieds, les mains et le reste
du corps étaient en l'air. ?
Ces différentes attitudes illogiques variaient plus ou moins,
, BARBE BUVÉE. 509
suivant les sujets. Les attaques avec perte de connaissance,
parfois accompagnées de cris et de hurlements, précédaient
ordinairement une période de délire proprement dit, où les
possédées entraient très bien en communication avec le
monde extérieur, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par
les dialogues qui s'échangeaient entre la possédée et son
exorciste, mais ne laissaient pas non plus que de se répandre,'
spontanément, en imprécations et en blasphèmes, d'où l'on
tirait une preuve nouvelle de la possession. C'est à cette
période aussi qu'on observait ce besoin de mouvement, for-
çant les religieuses atteintes à grimper, à marcher et à com-
mettre toutes sortes d'excentricités.
D'autres fois les attaques prenaient le caractère léthargique,
comme chez la soeur de la Purification, qui, une nuit, resta
plus de cinq quarts d'heure dans une espèce d'assoupisse-
ment, sans parole, sans connaissance, les bras contracturés
sur la poitrine, les yeux tantôt fermés, tantôt ouverts, avec
une fixité et une sensibilité telles que tout réflexe palpébral
était aboli; puis racontant qu'elle avait été transportée au
sabbat, décrivait ce qu'elle avait cru voir. Charlotte Joly avait
aussi des visions terrifiantes, caractéristiques de l'hystérie,
quand elle affirmait voir des lions, des bêtes affreuses, etc.
Le délire zoopsique se compliqua chez d'autres de visions
obscènes, de la réalité desquelles elles ne doutèrent pas à
l'état de veille, et dont elles racontèrent les moindres détails
devant un auditoire souvent aussi borné que crédule.
Il nous paraît oiseux d'insister longuement sur tous ces
phénomènes auxquels se rattache certainement en partie la
description du fameux accouchement de soeur Buvée qui,
d'après soeur Jamain, était descendue une nuit, dans sa propre
chambre, avec un matelas, plusieurs prêtres et une villageoise,
en passant par une cheminée des plus étroites.
L'anesthésie, un des caractères les plus probants autrefois
de la réalité de la possession, fut chez les possédées d'Auxonne
des plus nettes et des moins contestables comme stigmate de
la névrose hystérique; elle se compliqua même de thermo-
anesthésie. C'est à la faveur de ce double stigmate que chez la
religieuse citée par le chartreux, dans la relation des exorcismes
auxquels il assista, on put enfoncer jusqu'à la tête une grosse
épingle dans son bras et le brûler ensuite à la flamme d'un
cierge allumé, pendant l'espace « d'un pater et d'un ave =, sans
310 HISTOIRE ET CRITIQUE. - *
que cette religieuse eut témoigné ensuite la moindre douleur ?
puisqu'elle pinçait et meurtrissait la brûlure impunément.
Nous avons, en ce moment, dans notre service, une hysté-
rique à grandes crises chez laquelle nous avons pu produire,*
de même (en vue de l'expertise dont elle devait être [l'objet),1
à l'extrémité d'une phalange, une brûlure dont elle ne s'a-
perçut pas sur le moment, et dont le lendemain elle me mon-'
trait, avec étonnement, le résultat consistant en une ampoule
très étendue. Il n'est pas jusqu'à la cessation du pouls qui ne
puisse s'expliquer aisément, par la suggestion qui s'accom-
plissait à l'injonction de l'exorciste, quand celui-ci comman-
dait au démon de faire cesser les pulsations alternativement
au bras droit, puis au bras gauche, à la grande stupéfaction
des assistants. -
Les contractures diverses qui accompagnent l'attaque hys-
térique et persistent même parfois, en dehors des attaques,
donnent également l'explication scientifique de l'impossibilité ' `
momentanée dans laquelle une religieuse, citée également
dans la relation du chartreux, se trouva d'avaler le contenu
d'une tasse de liquide, par suite d'abord d'une contracture
des mâchoires, puis d'une contracture pharyngienne qui s'y
opposèrent ; de la difficulté passagère qu'on eut également à
pouvoir ouvrir les yeux à une autre, par suite du spasme des
paupières. Ce fut également un bel exemple de tympanisme
hystérique que présenta soeur Marguerite Jamain et qui fut
pris par l'exorciste pour une grosseur monstrueuse dont le
« dégonflement » se produisit à son commandement.
On peut interpréter par une perturbation de l'innervation
vaso-motrice les faits multiples signalés d'absence d'écoule-
ment de sang, aux piqûres faites à lapeau des possédées.Tous
ces symptômes sont devenus d'une banalité telle que nous ne
jugeons guère à propos de nous étendre davantage sur eux.
Mais on se ferait une très fausse idée de l'épidémie d'Auxonne
si l'on pouvait penser, qu'en dehors des grandes crises et des
crises hystéroïdes qui laissaient auxpossédées, pendant l'exor-
cisme où ces phénomènes se produisaient, une connaissance
parfois assez complète, leur état mental ne fut pas profondé-
ment troublé, car c'est là le côté le plus intéressant de leur
commune folie. -
La raison de la physionomie spéciale que prit chez elles le
délire érotique, dont nous avons vu l'étendue et la fixité chez-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311
plusieurs religieuses, fut due, selon toute apparence, aux pré-
occupations générales de l'époque sur l'intervention des sor-
ciers et des démons, jointes aux émotions nées de la connais-
sance de ce qui s'était passé dans d'autres couvents, ainsi
qu'à l'extrême mysticisme du temps. Comme il n'est pas de
règle que les idées érotiques occupent une place aussi impor-
tante dans le délire hystérique, puisqu'elles peuvent même
faire complètement défaut ; il se pourrait aussi qu'en raison
de leur intensité, l'hystérie des ursulines ait été compliquée
de nymphomanie. Mais le caractère commun de leur état
mental, intercalaire aux crises, fut sans conteste de les rendre
pleines d'aversion pour les pratiques religieuses, les sacre-
ments et la confession, et impulsives à proférer des blas-
phèmes et des injures contre tout ce qui devait être sacré à
leurs yeux. Maintenant, à côté des troubles positifs auxquels
se rattachaient évidemment les descriptions de leurs cauche-
mars, de leurs hallucinations, de leurs visions obscènes, de
leurs troubles viscéraux, soit diurnes, soit nocturnes, il ne
faut pas oublier qu'il y en eut aussi d'imaginaires. Le lecteur
a dû suffisamment s'en rendre compte. Toutefois encore, ces
malheureuses religieuses, sous ce rapport, obéissaient à la
névrose qui pousse, celles qui en sont victimes à créer, parfois,
de toutes pièces, les aventures les plus extraordinaires, par
suite d'un besoin morbide de mystification à outrance. Plu-
sieurs procès célèbres et récents, où figuraient des hystériques,
démontrent jusqu'à quel point d'audace mensongère elles
peuvent atteindre dans leurs dénonciations.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. MESURE DE la force musculaire brute; par DE FOLLER.
(Neurolog. Centralbl., 1893.)
Étude de la force des muscles qui, pendant la flexion du corps
sur lui-même (mollet, fessiers, biceps, semi-membraneux, semi-
312 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
tendineux, triceps) sont chargés de faire équilibre au poids du-
corps. Elle est représentée par la formule :
Q = 2 P. cotang.
dans laquelle P représente le poids du corps,
a l'angle de flexion du genou mesuré à l'aide d'un
appareil spécial. i
Quand les malades peuvent fléchir à angle droit ou à angle aigu,
il faut modifier cette formule ainsi :
Q = (2 P + p). cotang.
dans laquelle p représente le poids dont on est obligé de charger
les malades pour les empêcher de fléchir le corps au-dessous d'un
angle de 110°. P. K. '
Il. La QUESTION du ruban DE REIL dans l'écorce ; par Hoesel.
(Nezt ? -olog. CentralGl., 1893.) Contribution A la QUESTION du
ruban DE REIL cortical. RÉPLIQUE; par MAHAIM. (Ibid.)
Contre la description de Mahaim dans les Archiv f. Psychiat.
XXV, 2', Ai. HoesEL maintient que, le ruban de Reil cortical va
tout entier se réunir aux ascendantes et qu'il ne fait que traverser
la couche optique, qu'il a une marche directe, ininterrompue
depuis les noyaux opposés des cordons postérieurs jusqu'aux ascen-
dants en traversant la couche optique. Ce à quoi M. MAIIAIM réplique
que ce qu'il a décrit est l'éclatante confirmation des expériences
de Monakow la plus grande partie du ruban de Reil dans
l'écorce se termine provisoirement dans la portion ventrale de la
couche optique en s'y résolvant en de petits rameaux terminaux.
P. KERAVAL.
III. Observation DE tumeur DE la couche OPTIQUE; par PH. ZEKKER.
(Neurologisches Centnalbl., 1893.)
Observation avec autopsie, sans examen microscopique. Jeune
homme de dix-huit ans. Paralysie faciale droite, surtout apparente
quand le malade rit; parésie droite des extrémités supérieures et
inférieures; céphalalgie occipitale; paralysie de l'oculo-moteur
externe droit; cécité de l'oeil gauche; diminution de l'odorat à
gauche; diminution de l'ouïe à droite; papille étranglée à droite.
Finalement cécité complète; marasme sans convulsion. Gliome
implanté dans la partie postérieure et la base de la couche optique
gauche. P. K.
* Voir Archives de Neurologie, Revues analytiques.
REVUE,D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 313
IV. Abus DE la THÉORIE DES localisations EN psychiatrie ET en
anthropologie; par P. NOEcrE. (Neiii,olog. (;eiiti-albl., 1893.)
Mémoire résumant les diverses écoles à localisations et essayant
de les mettre en contradiction avec l'unité de la théorie et son
application universelle. L'auteur oublie de dire qu'il y a plusieurs
sortes de localisations et de localisateurs ; qu'il ne faut pas con-
fondre la phrénologie avec la pathologie expérimentale, ni celle-ci
pas plus que la première avec la théorie des localisations basée
sur la méthode anatomo-clinique. En science, l'interprétation ne
vaut que par le déterminisme, les phénomènes ne peuvent être
sûrement formulés en une loi acceptable les coordonnant que
lorsque les conditions dans lesquelles ils se produisent invariable-
ment sont nettement et mathématiquement déterminées. Pour
juger d'une doctrine ou d'une loi scientifique il faut se renfermer
dans l'analyse et l'étude critique des conditions sur lesquelles se
sont appuyés les auteurs pour conclure. Il faut donc juger des uni-
tés en se renfermant dans la critique des groupes individuels, et
non comparer entre elles des choses qui ne sont pas comparables.
P. K.
V. DÉGÉNÉRESCENCES secondaires consécutives A la SECTION TRANS-
VERSE du corps calleux; parWL. DIURATON. (Neurolog. Centralbl.,
1893.)
. Ces expériences, comparées aux dégénérescenses consécutives à
l'extirpation des zones corticales motrices, permettent d'établir les
données suivantes :
z` Les fibres longitudinales du corps calleux (fascictiltis subcallosus)
et le tapetum représentent un seul et même système constitué par
de longues fibres qui unissent entre eux divers endroits de l'écorce
d'un seul et même hémisphère (fibres d'association de Meynert);
ces fibres ont la même fonction physiologique, mais les endroits
où elles se terminent dans l'écorce sont différents.
Les fibres transverses ou fibres du corps calleux proprement dit,
unissent n'importe quel segment de l'écorce, du moins des lobes
frontaux d'un hémisphère, avec toutes les circonvolutions des lobes
frontaux.de l'autre hémisphère. Il y a donc des fibres unissant
entre eux des endroits identiques de l'écorce, fibres qui ont leur
centre trophique dans l'écorce ; ces fibres, pour la base du corps
calleux du moins, sont disposées par plans transverses presque
parallèles.
La section transversale du corps calleux n'entraîne pas la dégéné-
rescense de la capsule interne; cette dégénérescense dépend exclu-'
sivement de la lésion du territoire moteur.
Le corps calleux est donc surtout une commissure constituée par
des fibres arciformes unissant entre eux les deux hémisphères,
314 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
fibres transverses directes dans la base du corps calleux, à direction
inféro-antérieure au niveau de l'extrémité antérieure du lobe fron-
tal, à direction inféro-postérieure au niveau de l'extrémité posté-
rieure du Jobe occipital. P. KERAVAL.
VI. Note SUR on ostéotome crânien ; par le Dr Chipault.
Ce modèle d'ostéotome crânien est destiné à supprimer les
chances de lésion du cerveau et à faciliter la section oblique au
ciseau et au maillet, du sommet et de la base du lambeau osseux
dans la résection temporaire du crâne, décrit par l'auteur dans la
Revue neurologique de mai 1894. (Revue neurologique, 1894.) E. B.
VII. SUR LE RÔLE du nerf facial dans la sécrétion DES larmes ; '
par le professeur Jendrassik.
Quelques observations de M. Goldzieher ont amené cet auteur à
la conclusion que la glande lacrymale est innervée non point,
comme on l'a cru jusqu'à présent, par le nerf trijumeau, mais par
le nerf facial.
Les observations recueillies par M. Jendrassik lui ont permis
d'éclairer quelques détails de cette question et de dresser avec
beaucoup de probabilité la voie de l'innervation de la glande lacry-
male de la façon suivante :
Les fibres du nerf facial se séparent à la hauteur du ganglion
géniculé et passent en partie, à travers le grand nerf pétreux super-
ficiel, dans le glanglion nasal. De là, les unes pénètrent dans le
voile du palais, comme nerfs palatins ; les autres, traversant la
seconde branche du nerf trijumeau, entrent dans le nerf orbital
qui prend naissance juste en face de leur entrée. Celui-ci, décrivant
une courbe régulière, va rejoindre le nerf lacrymal, et, à leur
réunion, émanent les fibres nerveuses qui entrent dans la glande
lacrymale.
Selon cette manière de voir, le nerf sécrétoire ne serait donc pas
le nerf lacrymal, sortant de la première branche du nerf trijumeau,
comme cela semble être adopté actuellement, mais bien le nerf
orbital. (Revue neurologique, 1894.). E. BLIN.
- VIII. Vacuolisation DU NUCLEUS DES CELLULES NERVEUSES
corticales; par Fred de LaRBERT.
.L'auteur reprenant la méthode de Beevan-Lewis, par l'étude du
cerveau des épileptiques a procédé à l'examen de 70 cerveaux, sans
distinction; sur 56 il a rencontré l'altération précitée avec dégéné-
rescence graisseuse. Il conclut à l'action en quelque sorte dépura-
trice du nucleus par rapport au trop-plein d'éléments nutritifs
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 315
apportés par la circulation cérébrale dans les cas d'hypertension
vasculaire correspondant à une hyperactivité fonctionnelle connue
dans la paralysie générale, la manie et d'une façon générale tous
les processus congestifs. (British. Med. Journ., 19 mai 1894.) -
A. Marie. z
Il. TOPOGIIAPHIE DE l'étage supérieur DU pédoncule;
par le Dr HABEL
Dans une intéressante série de six coupes vertico-transversales de
l'hémisphère cérébral, l'auteur étudie l'importante région de la
calotte. Le but de M. Habel n'est pas de revenir sur l'anatomie
topographique de chacune de ces coupes, anatomie déjà étudiée
par M. Brissaud, mais simplement d'indiquer la place de chacune
des parties de la calotle, envisagée séparérnen t, qu'on retrouve
successivement sur les six coupes qu'il préconise. (Revue neurolo-
gique, déc. 1893.) E. B.
X. Myélite expérimentale par toxine diphtérique ;
- par les Drs Enriquez et Hallion.
Dans ses recherches sur les lésions du système nerveux par le
poison diphtérique, Stcherback n'a trouvé dans la moelle, en de-
hors des petites hémorragies, que des altérations minimes de la
substance grise et une légère inflammation des méninges.
Les auteurs ont soumis à l'examen histologique le bulbe et la
moelle de trois chiens, qui avaient reçu, en injection sous-cutanée,
1,5 à 2 centimètres cubes par kilogramme d'animal de bouillon
diphtérique filtré; ces animaux avaient succombé au bout d'une
dizaine de jours.
MM. Enriquez et Hallion ont trouvé, dans un certain nombre
de segments médullaires, des lésions intéressantes de la moelle
ainsi que des racines.
Les lésions radiculaires rentrent dans la catégorie des névrites
périphériques.
Les lésions médullaires, très accentuées, ont consisté en con-
gestions, hémorragies, et, dans deux cas sur trois, en foyers de
myélite, localisés surtout dans la substance blanche. En ce qui
concerne ces derniers, il s'agissait d'une, sclérose névroglique au
premier stade de son évolution, avec destruction des fibres ner-
veuses.
Chez un singe, dont la santé générale s'est bien rétablie, à la
suite d'injection de toxine diphtéritique, il persiste des symptômes
paralytiques et du tremblement qui semblent indiquer des lésions
nerveuses centrales. (Revue neurologique , mai 1894.) E. B.
pi
316 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
XI. DES lésions DU système NERVEUX par LE poison diphtérique ?
' par le Dr STCHERBAA.
L'accord est loin d'être fait sur l'origine des paralysies diphté-
riques : sont-elles d'origine centrale ou périphérique ou bien en-
core d'origine myopathique ? *
D'après les expériences de l'auteur, ces paralysies proviennent
d'un processus inflammatoire (parenchymateux ou interstitiel) des
nerfs phériphériques, et toutes les autres lésions n'ont qu'une si-
gnification secondaire.
D'une façon générale, ce qui domine dans la moelle épinière, ce
sont les altérations des vaisseaux, tandis que l'atrophie des cellules
nerveuses apparaît tardivement et constitue un phénomène secon-
daire.
Les lésions des muscles ont un caractère variable, mais dans au-
cun cas la myosite n'était assez accusée pour expliquer à elle seule
les phénomènes parétiques.
Il en est tout autrement de la névrite : dans tous les cas de pa-
ralysie, l'auteur a trouvé dans les nerfs correspondants des lésions
en rapport avec l'intensité et la localisation des phénomènes paré-
tiques. Ces lésions frappent surtout les ramifications nerveuses arri-
vaut aux muscles et débutent dans les cylindres-axes (tuméfaction)
et les noyaux de la gaine de Schwanu (prolifération des noyaux
et tuméfaction du protoplasma). Plus tard la myéline participe à
son tour au processus (segmentation) : les cylindres-axes dispa-
raissent et on a le tableau classique de la dégénérescence wallé-
rienne.
L'intensité de la névrite et sa marche ultérieure paraissent dé-
pendre, entre autres choses, de la dose du poison. (Revue neuro-
logique, 1893.) E. B. -
XII. COURTE remarque sur la différenciation morphologique DU
CYLINDRE-AXE DANS SES RAPPORTS AVEC LES PROLONGEMENTS PRO-
toplasmiques dans la coloration DE 1VISSL; par K. SCHAFFER.
(Neurolog. Cent ? ,albl., 1893.)
L'auteur, après examen détaillé, croit que les prolongements
protoplasmiques contiennent de longs filaments de chromatine
tandis que le cylindre-axe, privé de ces derniers, apparaitcomme un
prolongement tout à fait homogène très peu coloré et à coloration
diffuse qui, par conséquent, même avec la méthode de Nissl, se dif-
férencie nettement quant à la forme. P. K.
XIII. Contribution A la pathologie DU noyau lenticulaire ET de
la capsule INTERNE ; par Sommer. (Celztwvlbl. f. Nervealceilk.,1V. F.
IV, 1893.)
Contracture post-hémiptégique plus accentuée dans le domaine
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317 Î
à
du cubital que du radial, ce qui donne l'illusion d'une parésie radiale
périphérique. A l'autopsie, on trouve un petit foyer qui, occu-
pant le segment externe du noyau lenticulaire, n'a touché qu'un
millimètre de long de la capsule interne sans la détruire. L'auteur
"en conclut qu'en cet endroit, tout contre l'angle supéro-interne du
putamen passent, dans la capsule interne, les fibres qui, à la péri-
phérie, se réunissent dans le cubital pour animer les interosseux.
Il semblerait donc qu'il y ait dans la capsule interne une place pour
les fibres cubitales des interosseux et une autre place pour les
fibres radiales des fléchisseurs. P. K.
XIV. DE l'asymétrie DES moitiés DE la moelle, consécutive A UNE
anomalie DE STRUCTURE du BULBE : par A. PicK. (Allg. Zet'tSC/t. f.
Psychint., L. 1 et 2.)
- Classification des asymétries de la moelle.
1° Asymétrie delà substance blanche par agénésie ou hypoplasie
des pyramides consécutive à une anomalie de développement d'un
ou des deux hémisphères; 2° même asymétrie consécutive aune
dégénérescence secondaire prématurée par foyers cérébraux ;
3° même asymétrie accompagnée d'asymétrie de la substance grise
d'un des renflements de la moelle avec arrêt du développement ou
absence de l'extrémité correspondante; 4° même asymétrie limitée
à un petit segment de la moelle par arrêt de formation local
ou excès de substance grise; 5° asymétrie des cordons antéro-laté-
raux par entre-croisement pyramidal disparate; 6° asymétrie de la
moelle par anomalie de structure du bulbe et, par suite, atteinte des
pyramides. C'est un exemple de cette dernière espèce que donne
l'auteur avec figures, seules capables de bien faire comprendre le
cas. P. K.
XV. CONTRIBUTION A l'étude DE l'arrêt DES PROCESSUS psychiques ;
par Sommer. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)
Observation de stupeur dans laquelle on arriva à mesurer le ra-
lentissement du décours des conceptions, le temps que mettait le
malade à multiplier, additionner, soustraire, diviser, à répondre à
une question simple : qu'est-ce que cet objet ? où est cet objet ?
Étude analytique de ces phénomènes. Le ralentissement de
l'équation personnelle relative aux objets (conceptions représenta,
tives) tenait à ce que les sollicitations des éléments nerveux partie-
du centre optique ne parvenaient que tardivement aux tractus con-
duisant au centre des mots. Ce retard venait de la diminution de la
conscience, des impressions dues aux excitations externes. Le cer-
veau fonctionnait bien dans son mécanisme, bien que le travail
intellectuel fût, dans l'espèce, extrêmement affaibli. P. K.
318 REVUE D'ANATOMIE,ET,DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XVI. NOTE$UR l'eximen bactériologique DE la moelle et des
NERFS DANS LA SYRING0511ÉLIE; par A. PITRES et J. SABRAZÈS. (Arch.
elin. de l3ordecrle, 1893, n 3.) @-
Les résultats de l'examen bactériologique dans trois cas de syrin-
gomyélie, pratiqués uue fois sur un filet nerveux et les deux autres
fois sur la moelle, ont démontré aux auteurs l'absence complète
du bacille de Hansen, d'où leur conclusion que la syringomyélie
parait être une maladie réellement distincte de la lèpre. E. R.
XVII. Du RÔLE DU LIQUIDE CÊPHALO-RACHIDIhN DANS LA CIRCULATION
cérébrale; par le De .IOL7"ET. (Gaz. /teM. des se. méd. de Bor-
cteaux, 1893, p. 339 et 386.)
La première partie de ce travail, fait de critique et d'expérimen-
tations personnelles, aboutit aux conclusions suivantes : 1° un
examen même superficiel des propriétés physiques et des fonctions
physiologiques du système nerveux et du cerveau en particulier,
suffit à montrer les nombreuses impossibilités des expansions
rythmées de ce tissu, en rapport avec celles de ses artères; 20 physi-
quement, l'expansion pulsatile des artères encéphaliques néces-
saires au mouvement régulier du sang dans le cerveau et au fonc-
tionnement de cet organe (de même que toutes les autres variations
du volume des vaisseaux) peut se faire sans qu'elle soit accompagnée
d'un changement correspondant du volume de l'encéphale; 3° de
toutes les expériences invoquées en faveur des mouvements : du cer-
veau, aucune ne démontre l'existence de ces mouvements; 4° une
de ces expériences, logiquement interprétée, démontre au contraire
l'absence de ces mouvements. E. Régis.
XVIII. UNE NOUVELLE méthode de coloration DE l'ensemble DU SYS-
TÈME NERVEUX AVEC REMARQUES SUR LES CELLULES NERVEUSES ET LES
CELLULES DE la névroglie; par H. ROSIN. (Neurolog. Ceitir., 1893.)
Voici les réactifs usités par l'auteur :
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319
violette), et basophiles (vert bleu), sont à lire dans le mémoire.
De l'interprétation savante des substances colorées dans les élé-
ments histologiques, il résulterait que les cellules de la névroglie
sont, par rapport à la névroglie même, un vrai tissu conjonctif, le
protoplasma de ces cellules rappelant l'assemblage des fibres fines
du tissu névroglique. Les cellules-araignées et celles de Deiters de
la substance blanche semblent être restées à un état de développe-
ment antérieur; les cellules-araignées notamment correspondent
aux cellules du tissu conjonctif réticulaire.
Les cellules nerveuses possèdent dans leur protoplasma une subs-
tance basophile. Ou plutôt deux substances composent ce proto-
plasma : une substance basophile à gros grains et une substance
acidophile à fibres fines. Le noyau de ces cellules présente dans les
préparations à l'alcool cette particularité : noyau et nucléole sont
noirs comme de l'encre, par suite probablement du mélange des
trois matières colorantes (rouge, vert, orange). La substance du
noyau est donc absolument neutrophile. P. K.
T
XIX. LES réflexes DE la rétine pendant l'hypnose; par K. SCUAFFER.
(Neurolog. Centwlbl., 1893.)
Nouvelle étude des contractures réflexes dans l'hysléro-épilepsie
sous l'influence d'une excitation sensorielle ou sensitive (oeil, oreille,
larynx, épiderme) pendant l'état hypnotique :
« 1° Quand on excite le plan vertical du fond de l'oeil qui passe par
la tache jaune; ou quand on agit à peu de distance de ce plan d'un
côté ou de l'autre, on obtient toujours une contracture bilatérale.
2° Quand on agit sur la rétine, on constate l'existence de deux
champs nettement séparés dont l'excitation provoque de l'hémi-
contracture. La moitié nasale périphérique de l'oeil droit et la moi-
tié temporale périphérique de l'oeil gauche engendrent une hémi-
contracture du côté droit exclusivement. L'excitation de la moitié
temporale périphérique de l'oeii droit ou de la partie nasale de
l'oeil gauche provoque une hémi-contracture, toujours à gauche.
Cette dissociation physiologique indique la semi-décussation du
nerf optique qui se distribue ainsi à la rétine.
1° Le faisceau non entre-croisé du nerf optique droit envoie la
majorité de ses fibres à la moitié temporale de la rétine de l'oeil
droit jusqu'au bord rétinien, une petite partie de ses fibres empiète
sur la moitié nasale de la rétine, mais ne s'étend que jusqu'à la
moitié centrale de celle-ci.
2° Le faisceau croisé du nerf optique droit comprend parla plupart
de ses fibres la moitié nasale delà rétinede l'oeil droit jusqu'au bord
de la rétine; une petite partie de ces fibres empiète sur la moitié
temporale de la rétine, mais ne s'élend que jusqu'à la moitié cen-
trale de celle-ci.
320 SOCIÉTÉS SAVANTES.
. 3° L'empiétement alternatif et compensateur des deux faisceaux
croisés et non entre-croisés du nerf optique droit a lieu dans le
plan qui passe verticalement par la tache jaune.
Il en résulte que le faisceau non entre-croisé du nerf optiqne droit
envoie à la moitié temporale de la rétine de l'oeil droit les fibres
chargées de la sensation lumineuse et simultanément des actions
réflexes. Il n'envoie à la moitié nasale que des fibres chargées des
actions réflexes. Le faisceau entre-croisé du nerf optique droit en-
voie à la moitié nasale de la rétine de l'oeil droit des fibres char-
gées de la sensation lumineuse et des fonctions réflexes; il n'envoie
à la moitié temporale que des fibres chargées de l'action réflexe.
Le faisceau non entre-croisé du nerf optique gauche envoie à la
moitié temporale de la rétine de l'oeil gauche des fibres chargées
et de la sensation lumineuse et de l'action réflexe; il n'envoie à la
moitié nasale que des fibres chargées de la fonction réflexe. Le
faisceau entre-croisé du nerf optique gauche envoie à la moitié
nasale de la rétine de l'oeil gauche des fibres chargées de la sensa-
tion lumineuse et du mouvement réflexe; il n'envoie à la moitié
temporale que des fibres chargées de la fonction réflexe.
L'étude de la suggestion sur les réflexes ainsi provoqués est éga-
lement pleine d'intérêt. Elle montre par exemple que la suggestion
de la surdité à gauche supprime la contracture réflexe gauche,
c'est-à-dire que par la modification dynamique provoquée sur le
champ de l'écorce auditif droit, il y a suppression de l'action optico-
réflexe du champ visuel central droit. Evidemment les réflexes
rétiniens sont en rapport avec le lobe occipital droit, c'est-à-dire
que les réflexes obtenus par les moitiés rétinienne temporale de;
l'oeil droit et rétinienne nasale de l'eeil gauche sont en rapport-
avec le lobe occipital droit. Le corollaire, c'est que la suggestion
de la surdité bilatérale supprime tous les réflexes rétiniens. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
' SESSION DE CLERMONT-FERRAND.
Séance du 10 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. Rith.
La RÉDACTION DE L'ARTICLE 44 DU PROJET DE REVISION DE LA LOI
DE 1838, PROPOSÉE PAR M. E. LAFONT, rapporteur DE LA COMMIS-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 321
SION LÉGISLATIVE ACTUELLE, ET LES RETRAITES DU CORPS MEDICAL
ALIÉNISTE.
M. le Dr Samuel Garnier, médecin en chef directeur de l'asile
de Dijon. Je viens encore une fois, dussé-je vous paraître en
proie à une idée fixe, vous convier à quitter les sereines hauteurs
de la science, dont ce congrès est la manifestation continue et
puissante, pour aborder le terrain trop négligé de nos intérêts
matériels. '
Je me suis déjà fait auprès de vous le champion de cette idée
que si nos traitements d'activité et nos pensions étaient centralisés
entre les mains de l'Etat, selon les dispositions favorables à la spé-
cialité d'un article 45 du projet de revision de la loi sur les aliénés,
voté jadis par le Sénat, il fallait nécessairement remanier en con-
séquence les traitements fixés par les décrets des 6 juin 1863 et
4 février 1870, et créer une classe exceptionnelle de 9,000 francs.
Un voeu dans ce sens a été déposé d'abord à votre première session
de Rouen, puis après l'avoir complété, à celle de Blois. Je ne puis
que vous renvoyer à mes communications de l'époque pour vous
convaincre à nouveau du bien fondé de mes propositions d'alors,
et de la parfaite équité de leurs dispositions. Mais il parait qu'il y
a loin de la coupe aux lèvres et si, nous appuyant sur le vote du
Sénat, nous pouvions espérer voir enfin notre situation à tous, au
point de vue des retraites, améliorée et nettement consolidée,
voici que les dispositions de l'article 44 du nouveau projet de la
commission législative actuelle remettent tout en question en vou-
lant nous ramener au statu quu dont nos devanciers ont eu à souf-
frir dans le passé et dont nous continuerions à pâtir dans l'avenir.
Avant que le projet de loi ne vienne en discussion à la Chambre,
il est bon de faire entendre nos justes doléances, et un congrès
étant une occasion impersonnelle de leur donner une force indis-
cutable, je devais revenir sur une question capitale pour nous.
Je vous rappellerai très brièvement que la nouvelle rédaction
proposée à la sanction de la Chambre par le rapporteur de la
commission spéciale, modifie du tout au tout le texte voté par le
Sénat, qui faisait payer par l'Etat les traitements et les pensions
de retraite des médecins. Les dispositions essentielles du futur
article 44 mettent au contraire t la charge des départements, en
leur donnant un caractère d'obligation incompatible avec les pou-
voirs légaux des conseils généraux eu matière de finances, les trai-
tements des médecins' fonctionnaires, et les associent corrélative-
ment pour leurs pensions de retraite aux charges et bénéfices des
caisses de retraites départementales. '
Or, là est toute l'erreur qui raye d'un trait de plume les disposi-
tions bienveillantes de l'ancien article 45 du texte sénatorial. Ce
dernier nous permettait d'espérer de plus une modification, désir
Archives, t. XXVIII. 21
322 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rable à tous les points de vue, de l'instabilité de nos retraites et le
relèvement du taux alloué par la loi de 1853 sur les pensions
civiles. Nous devons donc revendiquer le maintien en son entier
du texte du Sénat puisqu'il supprime le statu quo désastreux de
notre situation présente, et d'après lequel, ici, nous n'avons pas
droit à une retraite (Orne, Côte-d'Or), là nous lui voyons subir des
différences considérables, qui tiennent aux faveurs plus ou moins
grandes de telle ou telle caisse départementale, tantôt enfin nos
veuves sont obligées de lutter contre le mauvais vouloir d'un con-
seil général qui, au sur et à mesure d'une demande de liquidation
de leurs droits à une pension, cherche ou à s'exonérer de cette
charge ou même à la réduire pour l'avenir.
J'ai du reste à vous citer à cet égard un fait tout récent et très
topique. Lors du décès de notre regretté collègue Rousseau
(d'Auxerre), à soixante ans d'âge et à vingt-neuf ans de services, sa
veuve a dû pendant deux ans revendiquer ses droits à une pension
devant la juridiction du Conseil d'Etat qui a fini heureusement par
lui donner gain de cause en obligeant le conseil général de l'Yonne,
qui voulait s'y soustraire, à lui servir enfin sa pension. Cet exemple,
qui n'est malheureusement pas isolé, vous montre combien notre
situation à tous est précaire, et s'il convient d'y porter remède. Le
texte du Sénat, outre qu'il nous apportait la consécration légale de
nos droits à une retraite, nous affranchissait encore de l'obligation
souvent difficile, sinon impossible à remplir, de passer consécuti-
vement dix, quinze et même vingt ans, suivant les statuts variables
des caisses de retraites départementales, dans le dernier poste
pour obtenir le droit à la liquidation d'une retraite. L'article 44 du
projet de la commission de la Chambre nous prive de ces disposi-
tions favorables. En conséquence, j'ai l'honneur de déposer le pro-
jet de résolution suivant :
« Les médecins aliénistes et neurologistes réunis en congrès à
Clermont-Ferrand émettent le voeu que la Chambre des députés
dans la rédaction définitive de l'article 44 du projet de revision de
la loi sur les aliénés, présenté par la commission, adopte le texte
entier du paragraphe 3 de l'article 15 du projet déjà voté par le
Sénat, qui met notamment à la charge de l'Etat les traitements et
pensions de retraite des médecins en chef, médecins-directeurs et
adjoints des asiles publics et comme conséquence de ce rattache-
ment futur, ils expriment le désir d'un relèvement des traitements
qui correspondent aux classes fixées par les décrets des 0 juin 1863
et 4 février 1876. t Adopté.
Le mobilier ET LES instruments DE travail DES aliénés pauvres
ET CURABLES. t
M. TATY. (Cette communication sera publiée dans notre pro-
chain numéro.)
sociétés savantes. 32 3
- < ' z
Hallucinations oniriques DES dégénérés.
- M. Régis. La rareté des hallucinations chez les dégénérés
héréditaires, notamment chez les persécuteurs, est un fait bien
connu; il existe cependant des dégénérés, se rapprochant par bien
des points des persécuteurs, qui sont assez sujets à des hallucina-
' tiens : je veux parler des dégénérés mystiques. Voici les principaux
caractères de leurs hallucinations.
Ce qui ressort tout d'abord de leur examen, c'est que le plus
souvent ces hallucinations ont lieu la nuit et durant le sommeil.
' On peut cependant les observer le jour dans des conditions parti-
culières telles que l'extrême fatigue, la méditation, les longues
prières, l'extase, etc., c'est-à-dire dans les états comparables au
rêve : c'est pour cette raison que je les ai appelées hallucinations
oniriques ou hallucinations du rêve.
Le second caractère des hallucinations mystiques, c'est d'être
intermittentes, de ne se renouveler qu'à des intervalles de plusieurs
jours, de plusieurs semaines, quelquefois même de plusieurs
années.
En quoi consiste l'hallucination onirique ? C'est un ensemble
" d'hallucinations, une sorte de scène hallucinatoire suivie, cohérente,
complète, à type toujours uniforme. Une apparition surgit aux yeux
du malade, le plus souvent animée et céleste, mais toujours envi-
' ronnée d'une clarté plus ou moins brillante. Presque toujours une
e voix s'élève et dicte au malade dans la langue mystique ce que le
" ciel attend de lui, en un mot elle lui révèle sa mission. D'habitude
"le mystique recueille avec ferveur ces paroles qui lui serviront
désormais de guide; il s'enhardit parfois jusqu'à entrer en conver-
- sation avec l'apparition. Dans certains cas, surtout chez les hysté-
riques, le rapprochement entre la créature et l'être surnaturel
' devient plus étroit; il y a possession, incarnation, etc.
Ainsi, les diverses hallucinations de la vue, de l'ouïe, du tou-
cher, du goût, de l'odorat sont susceptibles de survenir et de se
- succéder dans la vision mystique.
Cette participation de tous les sens indique assez que les hallu-
' cinations oniriques sont des hallucinations psycho-sensorielles et
non de pures représentations mentales. Il n'est pas nécessaire de
dire que les hallucinations oniriques ne sont pas exclusives aux
dégénérés. Elles peuvent, en effet, se rencontrer chez tous les alié-
- nés à délire mystique,' notamment chez ceux qui sont atteints de
folie systématisée religieuse, mais ici elles occupent pour ainsi dire
l'arrière-plan, dominées qu'elles sont par le délire et les halluci-
nations diurnes habituelles. On les rencontre encore dans l'alcoo-
lisme, dans les psychoses infectieuses et, d'une façon générale, dans
tous les délires toxiques. '
M. S. Garnier lui objecte que des inculpés de ce genre peuvent
324 SOCIÉTÉS SAVANTES.
s'appuyer sur l'existence d'hallucinations simulées de ce genre,
dans l'espérance d'être déclarés irresponsables. 11 réclame de
M. Régis un critérium autre que les renseignements rétrospectifs et
la description du malade, présumée impossible à contrôler.
Confusion mentale, amnésie continue ET anesthésie généralisée
chez UNE hystérique; résultats DE l'expérience DE STRUMPELL.. ? lI. SÉGLAS. (Cette communication sera publiée prochainement.)
Paralysie générale A forme tabétique.
M. Joffroy. Dans le courant de l'année 1890 je fus consulté
par un malade qui présentait tous les symptômes du tabes : crises
douloureuses, troubles urinaires, signes de Romberg et d'Argyll
Robertson, etc., etc., aucun trouble cérébral.
L'année suivantej'envoyai ce malade à Lamalou, et, à son arrivée,
on remarqua qu'il présentait quelques troubles cérébraux survenus
inopinément pendant le voyage : peut-être avait-il eu à ce moment
une petite attaque apoplectiforme. Amélioré, il retourne à Lama-
lou deux ans plus tard, et l'on constate alors des troubles de la
parole, de la mémoire et de l'intelligence qui ne laissent aucun
doute sur l'existence d'une paralysie générale. Enfin, cette année,
le malade entra dans mon service avec un accès maniaque violent,
à la suite duquel il succomba. Fait remarquable, il présentait une
amélioration très marquée de la marche et la disparition du signe
de Romberg. L'examen histologique de la moelle a donné les
résultats suivants :
Sur une coupe au niveau du fiers moyen de la région cervicale
delà moelle épinière, on trouve les racines saines; les méninges
sont épaissies. Les cordons de Goll sont pris dans leur totalité et
leur lésion s'étend en se réfléchissant à la façon d'une bordure au
niveau de la commissure postérieure. Dans le faisceau pyramidal
croisé et la zone de Gowers les vaisseaux présentent des gaines
épaissies et les capillaires sont entourés d'un tissu interstitiel plus
abondant que d'habitude. Les faisceaux latéraux postérieurs sont
sains. ,
Au niveau de la région cervicale inférieure les modifications sont
profondes. Il existe de la méningite, et dans les cordons de Goll et
la zone voisine de la commissure postérieure on observe les mêmes
lésions que sur la coupe précédente. Au niveau des racines posté-
rieures on constate des lésions, mais légères. De plus, on trouve
ici la lésion dans la zone latérale dés cordons postérieurs.
Sur une coupe de la région dorsale moyenne on voit : l'épaissis-
sement des méninges avec périartérite, dans les cordons posté-
rieurs les mêmes lésions que sur la coupe précédente, et au niveau
SOCIÉTÉS SAVANTES. 325
des postérieures des lésions qui, sans être profondes, le sont plus
que sur la coupe précédente. -
Dans les cordons latéraux (faisceau pyramidal croisé) on n'a
plus la lésion constatée plus haut, mais seulement un très léger
épaississement des vaisseaux de cette région.
Dans la région dorso-lombaire on note l'épaississement des mé-
ninges et de leurs vaisseaux, la sclérose de l'ensemble des cordons
postérieurs, l'atrophie des cellules de la corne antérieure et de la
colonne de Clarke. La lésion des racines est loin d'atteindre ce
qu'on voit dans le tabès.
Sur des coupes de la région lombaire il y a de la méningite
spinale, pas de lésions dans les cordons antéro-latéraux, et une
lésion totale des cordons postérieurs s'avançant jusqu'à environ
un quart de la distance de la commissure postérieure à la péri-
phérie.
Si nous jetons un coup d'oeil sur l'ensemble des lésions rencon-
trées sur ces différentes coupes, nous voyons qu'elles diffèrent de
celles du tabès par plusieurs points de détail : d'abord par les
lésions des cornes antérieures qui s'observent rarement à un si
haut degré dans le tabes, mais surtout par l'état des racines dont
les altérations sont minimes sur une grande étendue de la moelle
et beaucoup moins accusées que dans le tabès classique. C'est en
réalité à une paralysie générale spinale ayant simulé le tabès aussi
bien au point de vue clinique qu'au point de vue anatomo-patholo-
gique que j'ai eu affaire dans ce cas. Au point de vue clinique, il
faut remarquer l'amélioration si remarquable des symptômes
moteurs et ladisparitiou du signe de Romberg. '
Ces faits ne sont pas absolument isolés; j'ai déjà publié l'obser-
vation de deux malades analogues. Pendant dix ans l'on observa
chez l'un d'eux les symptômes du tabès au complet; puis survin-
rent les signes de la paralysie générale avec disparition des sym-
tômes d'incoordination et du signe de Romberg. En résumé, mal-
gré des analogies considérables, il y a dans ces faits des différences,
tant au point de vue des symptômes qu'à celui des lésions.
Un cas DE neurasthénie (TYPE Beard-Charcot) ; trépanation ;
guérison.
M. Levillain (de Nice) communique une observation de neuras-
thénie (type Beard-Charcot) ayant débuté à l'âge de douze ans
chez un jeune élève à la suite de maux de tête violents et persis-
tants, accompagnés et paraissant provoqués par une dépression
crânienne de 8 millimètres de profondeur sur 5 centimètres de
largeur et 9 centimètres de longueur, siégeant sur la moitié in-
terne du pariétal gauche, près de la suture médiane. Ce malade
souffrait depuis trois ans de maux de tête presque continus, mais
326 6 SOCIÉTÉS savantes.
exagérés par le travail, et qui aboutirent à la formule neurasthé-
nique type, caractérisée par les symptômes suivants : céphalée
constante, impossibilité absolue de travail, vertiges, insomnie,
amyosthénie matutinale, troubles dyspeptiques, constipation, etc.
La plupart de ces accidents s'amendèrent sous l'influence du
traitement, mais les maux de tête, qui ne cédèrent jamais com-
plètement, s'exagéraient au moindre effort de travail. En outre,
quelques accidents se développèrent qui firent songer à la possibi-'
lité d'une compression cérébrale par la dépression crânienne
existante ; c'est alors que M. le docteur Duret (de Lille), consulté)
proposa et pratiqua la trépanation. L'opération décela un amin-
cissement considérable du pariétal sur toute l'étendue de la dé-
pression, mais aucune lésion méningée, ni corticale ; le chirurgien
se contenta de relever la région osseuse enfoncée; les suites
furent heureuses : le malade guérit en quinze jours, et depuis lors
les maux de tête ont disparu, ainsi que l'état neurasthénique.
M. Duret pense que la trépanation a pu faire disparaître les
maux de tête et, par suite, permettre une amélioration de l'étal
général et même la guérison ; mais l'orateur estime qu'il faut
faire des réserves à cet égard.
M. Ballet ne croit pas non plus que l'intervention chirur-icalé
ait été chez le malade de M. Duret la véritable cause de la guéri-
son : certains neurasthéniques, en effet, guérissent, au même titre
que les hystériques, par une opération, qui n'agit pas en tant
qu'opération, mais simplement par l'ébranlement nerveux qui en
est la conséquence.
M. Régis observe que, de même que pour l'hystéro-traumatisme, il
y a lieu de distinguer une neurasthénie traumatique distincte de la
neurasthénie type de Beard; il appelle en même temps l'attention
du Congrès sur d'autres formes dites pseudo-neurasthénies et neu-
rasthénies préparalytiques, prémonitoires de certaines affections
cérébrales organiques, telles que la paralysie générale par exemple.
MM. LANNOis et Doutrebentk reconnaissent l'importance de cette
dernière distinction, au point de vue de l'intervention thérapeu-
tique intempestive, mortelle même dans le cas où le paralytique,
au début, est méconnu et traité comme neurasthénique simple par
l'hydrothérapie froide par exemple.
M. Ballet répond que c'est un exemple de ces cas fréquents où
un choc moral ou opératoire faitdisparaitre destrouhtosnévrosthé-
niques ; de même ces causes les peuvent faire naître. Il cile un
exemple analogue où un diagnostic erroné de rein flottant condui-
sit à une opération inutile au point de vue du but chirurgical,
mais curative au point de vue médical, en ce qu'elle suffit à faire
disparaître tous les troubles nerveux simulant l'aspect clinique du
rein flottant douloureux.
sociétés savantes. 327
*"A ' SUR deux cas D'HÊRÉDO-ATAXIE CÉRÉBELLEUSE.
M. P. LONDE (de Paris). Les deux malades dont il s'agit, observés
dans le service de M. le D'' A. Robin, sont frère et soeur. Ils ont été
pris exactement au même âge, à vingt-six ans, d'incoordination
musculaire dans les membres inférieurs etsupérieurs avec troubles
de la parole et symptômes neurasthéniques. Le frère, plus jeune
que sa soeur de dix ans, offre de l'exagération des réflexes rotu-
hens, du tremblement intentionnel, un léger degré de scoliose, de
la titubation, etc. La soeur ne peut plus marcher sans aide; elle se
tient à peine debout ; mais au début c elle marchait de travers *.
Elle a donc parcouru la période que représente aujourd'hui l'état
de son frère. Ces observations diffèrent, pourtant, par l'absence de
troubles visuels du type morbide décrit par M. Marie : il en est de
même d'un autre malade observé par MM. Brissaud et Londe. Par
ce caractère, ces faits se rapprochent de ceux qui appartiennent à
la maladie de Friedreich et plaident en faveur de la théorie céré-
belleuse de cette maladie émise par Menzel et défendue par Senator.
D'autre part, ils ressemblent d'une façon frappante à certains cas de
sclérose en plaques d'avec lesquels le diagnostic est très difficile à
établir en dehors du caractère familial. 'On sait, d'ailleurs, que
celui-ci aurait été rencontré dans cette maladie, tout à fait excep-
tionnellement, il est vrai, d'après les observations de Dreschfeld.
Origine OTIQUE D'UN certain NOMBRE DE cas DE paralysie faciale
r. c A FRIGORE t.
M. LANNOis (de Lyon). L'étiologie de la paralysie faciale a
frigore reste fréquemment obscure et il y a lieu d'attirer l'atten-
tion sur une cause, non pas inconnue, mais trop fréquemment
négligée de cette affection. C'est l'otite moyenne légère atteignant
surtout la paroi interne de la caisse et déterminant le gonflement
du névrilème du facial, surtout dans les cas où le canal de Fallope
présente une fissure, ce qui paraît fréquent. J'ai observé plusieurs
cas démonstratifs de cette variété de paralysie faciale; l'origine de
cette affection rend compte d'une série de symptômes difficile-
ment explicables en dehors d'elle, comme la fièvre, les symptômes
généraux, les douleurs d'oreilles qui existent dans la moitié des
cas, les troubles de l'ouie, elc.
Il y a donc intérêt à examiner l'oreille dans tous les cas de para-
lysie faciale périphérique, car le pronostic de la paralysie d'ori-
gine auriculaire est plutôt favorable, surtout si l'on dirige contre
sa cause un traitement approprié.
DES URINES A la SECONDE PÉRIODE DE la paralysie générale
,, ltii. 11LIPPEL et Sérieux (de Paris). Il résulte de nos recher-
ches que les urines des paralytiques généraux sont essentiellement
328 SOCIÉTÉS savantes.
variables comme composition et comme quantité. Nous pouvons
cependant donner les caractères généraux de l'excrétion urinaire
moyenne à la seconde période de la paralysie générale. Il existe
alors une polyurie incontestable ; les urines ont une faible densité
et sont de coloration claire avec un dépôt muqueux assez abon-
dant. L'excrétion de l'urée est diminuée d'un façon sensible ainsi
que celle des phosphates, tandis que la quantité des chlorures est
au contraire notablement augmentée. Il y a souvent de l'albumine
en très petite quantité, très fréquemment des peptones et presque
toujours de l'acétone.
Classification DES dégénérés.
M. Vallon. La doctrine de la dégénérescence inventée par
Morel a été, à mon avis, exagérée depuis par M. Magnan et ses
élèves, et, à en juger par des travaux récents, sans excepter quel-
ques-unes des communications qui ont été faites à ce Congrès, le
mot de dégénérescence tend à devenir synonyme d'aliénation
mentale. Eh bien, la théorie de la dégénérescence, très vraie au
point de vue de l'anthropologie générale, comme le disait hier mon
maître et ami M. Falret, ne saurait servir de base à la classifica-
tion des maladies mentales ; il faut substituer à ce mot, désignant
une famille anthropologique, des termes caractérisant des groupes
établis sur des distinctions cliniques. '
Dans l'état actuel de la science, je crois que l'on pourrait, dès à
présent, admettre trois groupes, distincts symptomatiquement,
tout en ayant une base commune : l'hérédité.
SOCIÉTÉS savantes. 329 ? PREl'ARATIONSETDESSIXSinSTOLOGIQUES.
M. A. Voisin (de Paris) montre un certain nombre de prépara-
tions histologiques et de dessins représentant des altérations de
cellules cérébrales, médullaires et du grand sympathique dans la
paralysie générale et les différentes formes de folies vésaniques
(lypémanie, hypocondrie, etc.). D'après l'orateur, l'existence de ces
lésions serait une preuve de la tendance de ces maladies à l'incu-
rabilité et à la démence.
Au cours de la séance, M. le professeur JOFPROY (de Paris) a été
élu président du Congrès de 1895. Avant de se séparer, l'assemblée
décide, en outre, que le prochain Congrès aura lieu à Bordeaux.
La séance est levée à 11 heures et demie.
Séance du 10 août (soir). PRÉSIDENCE DE M. Charpentier.
Nouvelle méthode DE DXATION ET d'imprégnation interstitielle
DES nerfs A myéline
M. RENAUT (de Lyon).-L'obstacle principal à l'étude des lésions
des nerfs à myéline consiste dans les altérations spontanées qu'ils
subissent entre le moment de la mort et celui de l'autopsie. Quand
il s'agit de ramifications nerveuses engagées dans la peau, dans
une muqueuse ou dans un organe accessible à une injection
interstitielle à travers les tissus, je veux démontrer qu'on peut
tourner la difficulté et mettre en évidence les fibres nerveuses avec
tout leur dispositif conservé, y compris les formations endotlié-
liales de leur gaine de Henle ou de leur gaine lamelleuse.
La méthode que je vais décrire est fondée sur ce fait que, dans
un mélange de solutions d'acide picrique, d'acide osmique et de
nitrate d'argent dans l'eau, il ne se fait aucun précipité perturba-
teur ni dans le liquide, ni dans les tissus où le mélange est injecté.
Partout où pénètre ce mélange, l'acide osmique, l'acide picrique
et le nitrate d'argent effectuent conjointement leurs réactions his-
tochimiques ordinaires qui s'additionnent purement et simplement
sans modification aucune de leurs actions respectives sur les élé-
ments anatomiques.
Pour arriver à ces résultats dans la peau ou dans une muqueuse,
on effectue d'abord le mélange suivant, que j'appelle liquide jaune
os2nio-piC2·iq2le : solution saturée d'acide picrique dans l'eau dis-
tillée, 1 volume; solution d'acide osmique à 1 p. 100 dans l'eau
distillée, 1 volume. A 4 cent, cubes du liquidejaune on ajoute lacent.
cube d'une solution de nitrate d'argent à 1 p. 100 dans l'eau dis-
tillée, puis on charge de ce nouveau mélange, qu'on peut appeler
liquide jaune argentique, une seringue de Pravaz munie d'une
canule d'or ou de platine iridié. On pratique ensuite dans le tissu
330 * SOCIÉTÉS SAVANTES.
vivant, s'il s'agit d'un fragment enlevé par biopsie ou aussitôt
après la mort, une injection interstitielle. Celle-ci une fois faite,
on peut attendre pour achever le durcissement par l'alcool : les
éléments anatomiques sont fixés, les vaisseaux sanguins et lympha-
tiques le sont aussi à l'état de déploiement; toutes les formations
épithéliales et endothéliales atteintes sont imprégnées d'argent.
S'il s'agit d'une autopsie, on remettra donc au lendemain le pré-
lèvement des points où l'on a fait des injections et qui renferment
des nerfs à explorer : leurs lésions auront été saisies telles qu'elles
sont au moment même de la mort.
Voyons maintenant dans quel état sont fixés les nerfs normaux
engagés dans les tissus. Voici des préparations faites sur la peau
et le tissu cellulaire sous-cutané de la lèvre d'un homme atteint de
cancroïde. Je ne parlerai pour le moment que des résultais de
l'injection interstitielle faite loin de la tumeur, là où la peau était
saine. Dans les limites de l'injection interstitielle, tous les cordons
nerveux sont fixés et imprégnés par l'osmium et par l'argent.
Autour des troncs et des troncules, la gaine lamelleuse, puis celle
de Henle, sont imprégnées d'argent. Pour la gaine de Henle, on
constate une série de faits intéressants : tout d'abord, c'est la diffé-
rence essentielle qui existe entre cet endothélium et celui des lym-
phatiques voisins, lequel est formé de cellules sinueuses. En second
lieu, on voit que là où les troncules nerveux traversent des plans
fibreux sériés et même tendiniformes, la gaine de Henle garde son
calibre régulier, à peine rendu un peu moniliforme par les forma-
tions élastiques ambiantes qui la font varier de distance en dis-
tance. Et à l'intérieur de la gaine elle-même, qui a été fixée
comme soufflée à l'entour et à distance des fibres nerveuses, on
peut conclure hardiment qu'il n'y a pas de lymphe, mais bien un
liquide non albumineux consistant en de l'eau plus ou moins
chargée de sels minéraux. '
- Dans l'état normal, la cavité vaginale des troncs et des troncules
nerveux renferme donc non de la lymphe, mais bien un liquide
aquiforme, protégeant les fibres nerveuses contre les actions exté-
rieures.
A l'intérieur de la gaine de Henle, on voit les fibres à moelle
avec leurs segments interannulaires et la disposition de la myéline
qui a été colorée en noir par l'acide osmique. Au niveau des
anneaux des nerfs, on peut observer, imprégnés par l'argent, la
plupart des renflements biconiques ; le renflement biconique se
montre toujours au milieu et en travers de l'anneau; c'est son
pourtour qui répond à la branche transversale de la croix d'impré-
gnation de Ranvier. La substance qui forme ce petit corps est
brillante, tandis que le cylindre-axe reste pâle. Mais dans mes
préparations, on ne voit pas la branche longitudinale de la croix
d'imprégnation de Ranvier; c'est dire qu'ici les stries de Frommann
SOCIÉTÉS SAVANTES. 331
manquent sur le cylindre-axe, entre le corps biconique et les reflets
de la myéline. ·
Ce fait, minime en apparence, prend au contraire une grande
importance quand on se rappelle que tout au contraire sur les
nerfs, par exemple, dissociés dans une solution de nitrate d'argent,
les stries de Frommann du cylindre-axe ne manquent jamais.
Or, que signifient ces stries ? Simplement, comme l'a montré
Ranvier, que le nitrate d'argent a pénétré peu à peu par l'étran-
glement annulaire jusqu'au cylindre-axe et que par analogie on
peut considérer l'anneau comme la voie que suivent les cristalloïdes
de la nutrition pour atteindre ce même cylindre-axe, mais l'obser-
vation que nous venons de faire à l'aide d'une méthode nouvelle
fait faire un pas de plus à la question. Nous venons de voir que le
corps biconique étant fixé et coagulé net par le réactif osinio-piero-
argentique, les cristalloides tels que la solution de nitrate d'argent
ne pénètrent plus jusqu'au cylindre-axe. C'est donc que le dia-
lyseur entre le plasma nourricier ambiant et le filament axile n'est
autre chose que le corps biconique lui-même et, quand il est figé
par la' coagulation brusque et rendu imperméable, la porte de la
nutrition reste en effet fermée au cylindre-axe. Les cristalloïdes
suivent donc bien la voie de ce petit corps colloïde pour pénétrer
jusqu'au filament axile dont il n'est ni une excroissance, ni un
reuflement, car le liquide jaune argentique laisse ce cylindre-axe
incolore, tandis qu'il rend le corps biconique réfringent, brillant
et qu'il teint la marge en noir pur.
Voici donc, par la nouvelle méthode que je viens d'indiquer,
deux problèmes : l'un relatif à la gaine endothéliale, l'autre à la
constitution et à la nutrition du nerf à myéline lui-même, qui se
trouvent élucidés. Il est clair qu'il en serait de même de toute
lésion de la gaine ou de la fibre nerveuse consécutive à la névrite,
à l'oedème, à la périnévrite. Je crois donc bien avoir imaginé un
moyen d'étude nouveau qui donnera de bons résultats aux ana-
tomo-pathologistes et aux neurologistes.
Contribution A L'ËHJDE DE la microcépualie ET EN particulier DU
traitement ItllsDICO-P1 : D.1GOG1QUE des IDIOTS microcéphales.
M. 130URNEVILLE. Ma communication a surtout un but clinique
et thérapeutique, à savoir la démonstration de la possibilité d'amé-
liorer même à un degré prononcé les idiots microcéphales. Avant
d'arriver à ce point spécial, je crois utile de placer sous vos yeux
un certain nombre de photographies représentant des cerveaux de
microcéphales.
I. Les premières planches sont empruntées au mémoire bien
connu de Vogt ; les dix suivantes au remarquable mémoire de
Giacommi, paru en 1890 ; les planches XV à XXI sont tirées du
332 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mémoire de M. Miquel Bombarda, qui vient de paraître. Les
microcéphales de M. Giacomini avaient un encéphale dont le poids
variait de 171 à 785. Les microcéphales dont M. Bombarda a fait
l'autopsie, au nombre de trois, avaient un encéphale dont le poids
variait de 316 à 828 grammes.
Aux photographies des cerveaux, nous avons joint; chaque fois
1 que cela nous était possible, les photographies des malades. A ces
documents nous avons ajouté, comme vous le voyez, la photogra-
phie du buste d'une idiote microcéphale de trois ans qui se trouve
dans le musée de l'hôpital de la marine à Rochefort.
Nous avons eu l'occasion de publier nous-mème déjà deux mé-
moires sur la microcéphalie au point de vue clinique et anatomo-
pathologique. Dans le premier ', nous avons rapporté l'observation
d'un microcéphale de cinquante-neuf ans, nommé Cher... et celle
d'un malade nommé Eder... âgé de vingt-six ans. L'encéphale de
Cher..., dont la taille était de 1 m. 61, pesait 770 grammes, alors
que l'encéphale de deux autres individus du même âge pesait
en moyenne 1,385 grammes. Le cerveau d'Eder... pesait
650 grammes.
Nous faisons passer sous vos yeux les photographies de Cher...
(pi. XXIV), et celle de son cerveau (pl. XXVI), ainsi que celle du
cerveau d'Eder... (pl. XXVI). '
Dans notre second mémoire sur la microcéphalie, fait en colla- '
boralion avec M. Camescasse, et qui a été communiqué au Congrès
international de médecine mentale de 1889, nous avons montré les
photographies du malade Clut... et celles de son cerveau et de
son crâne et présenté les malades Jan..., Mar... et Maz... Nous
reviendrons tout à l'heure sur les malades vivants : Jan... Mar...'
et Maz... Nous faisons passer également sous vos yeux la pho-i s
tographie du malade Dubill... et celle de son cerveau. Celle de'
l'enfant Labor... à l'âge de deux ans et de son cerveau à cinq ans
et trois mois.
SOCIÉTÉS savantes. 333
densité doit entrer aussi en ligne de compte. La microcéphalie
cependant n'est pas douteuse si l'on compare son crâne à celui
d'un garçon normal de dix ans et d'une fille normale du même
âge que nous plaçons sous vos yeux.
La comparaisondu crâne Louis avec ceux de Cher... et de Clut...
fait ressortir une différence sensible en ce sens que le frontal n'est
pas, chez lui, aussi fuyant que chez Cher... et Clut... Louis cons-
titue un type de microcéphale à part. La tête de Louis ne rappelle
pas le type simien des crânes de Cher... et Clut... En dernier lieu
et pour en finir avec ce préambule anatomo-pathologique, nous vous
présentons la photographie de Pouge... (pi. XL111 et XL1V), mort il
y a quelques jours, à l'âge de trois ans et les photographies de son
cerveau (pl.XLV à XLVIII); son encéphale pesait 365 grammes. La
moyenne du poids de l'encéphale des autres enfants du même âge
décédés dans notre service, était de 1,000 grammes.
Pour compléter les renseignements qui précèdent, nous met-
tons sous vos yeux : 1° le squelette de la tête de Cher...; 2° la
tête de Clu; 3° la calotte de Dubill..., celle de Labor... et celle de
Poug... et, en outre, comme terme de comparaison, lacalotle crânienne
d'individus du même âge. Cette comparaison meten relief les deux
points suivants : 1° la différence de volume et de conformation
des crânes microcéphales et des crânes ordinaires ; 2° l'absence de
synoslose chez ces microcéphales, sauf chez Cher...,âgé deciiiquailte-
neuf ans.
La comparaison des cerveaux montre d'une manière évidente que
la microcéphalie qui n'est pas due, nous le répétons, à la synos-
tose prématurée des os du crâne, n'est pas due non plus toujours,
à un arrêt de développement unique, mais qu'elle reconnaît aussi
pour cause des lésions pathologiques. Il semble que ce sont les
lésions anatomiques qui l'emportent. Il conviendrait donc de ras-
sembler tous les cas de microcéphalie occasionnés par un simple
arrêt de développement, de les grouper, de faire leur tableau cli-
nique et de procéder de même pour les microcéphales dont le cer-
veau a été arrêté dans son développement à la suite de lésions
pathologiques.
H. Nous arrivons maintenant au but principal de cette com-
munication, à savoir l'exposé du traitement médico-pétiagogiqzie qui
permet d'améliorer les idiots microcéphales. Nous avons pensé que
s'il était possible de faire cette démonstration, il en résulterait,
pour tous, la conviction que les autres enfants idiots, dont le cer-
veau est généralement moins atteint, sont eux aussi, et à un degré
plus considérable, susceptibles d'être améliorés ou même guéris,
suivant leur degré mental.
M. BouRNEViLLE montre les photographies qui représentent, en
groupe, dix microcéphales , d'âges différents, vus de face et de
334 SOCIÉTÉS savantes.
profil ; puis, les photographies collectives, de chacun d'entre eux,
prises chaque année durant leur séjour déjà prolongé dans sa sec-
tion (Jan..., Arno...,Mari..., Ramb..., Maz...); ces photographies
mettent en relief les progrès réalisés; les enfants invalides, c'est-
à-dire ne marchant pas et gâteux au début, sont vus ensuite.se
tenant debout, marchant et devenus propres. Parallèlement au
progrès de l'état physique on voit la physionomie s'éveiller de plus
en plus. ,
Les vingt autres photographies collectives représentent les
enfants plus jeunes auxquels on a appris successivement à se tenir
debout, à marcher et qui sont devenus propres (Ren..., Laur...,
G.Tab... et M. Tab...). Un seul, Poug..., figuré assis au premier
plan,J n'a été que légèrement amélioré, ayant succombé tout ré-
cemment.
M. B... donne des renseignements sur les procédés employés et
qui composent ce qu'il appelle le traitement médico-pédagogique : .'
10 traitement du gâtisme ; 2° éducation de la marche (barres
parallèles, chariot, etc.) ; 3° exercices et massage des jointures ;
4° exercices du saut, de la montée et de la descente des escaliers
(escabeau) ; 5° exercices de toilette (lavage de la figure et des
mains); 5° exercices de la préhension (éducation de la main);
7° exercices de la petite gymnastique (gymnastique Pichery) et, à
ce propos il fait passer sous les yeux des membres du Congrès, une'
série de photographies figurant les mouvements exécutés par ses
microcéphales (debout, assis, en avant, en arrière, etc.) ; 8° l'édu-
cation des sens (toucher, ouïe, vue, odorat) ; 9° exexcices sco-
laires. A cette occasion, M. Bourneville fait voir les cahiers
mensuels de plusieurs de ses malades).
En ce qui concerne, 9° l'éducation de la parole, l'auteur entre
dans des détails dont nous ne pouvons indiquer que les principaux.
a. Exercices des lèvres, de l'articulation temporo-maxillaire (mas-
tication), de la langue, de l'appareil vocal. C'est ainsi qu'on fait
imiter à l'enfant les mouvements du visage : ouvrir et fermer la
bouche ; rapprocher et écarter les commissures des lèvres, allonger,
rentrer, élever et abaisser la langue, la porter à gauche et à
droite, etc. Si les lèvres sont molles, lentes dans leurs mouvements,
et restent plus souvent écartées, il faut faire tenir entre les lèvres
une règle de plus en plus petite, ou faire sucer des bâtons de
réglisse de plus en plus petits. Afin d'augmenter la force du
souffle qui produira le son et pour apprendre à le guider, faire
éteindre par l'enfant une bougie qu'on éloigne déplus en plus;
le faire souffler dans un sifflet; lui faire rouler, en soufflant, une
bille plus ou moins grosse sur une planchette creusée d'une petite
goutlière. Un autre exercice aussi amusant et aussi efficace consiste
à faire gonfler une vessie en baudruche qui, en se gonflant, pro-
duit un bruit plus ou moins musical, mais qui plaît généralement
sociétés savantes. 335
à l'enfant. Si l'enfant ne prononce aucun mot, débuter par les
syllabes simples en les redoublant (pa, pa-pa, pe, pe-pe, ta, ta-ta)
pour en faciliter l'émission. Si l'enfant est assez attentif, assez
imitateur, s'il prononce quelques mots, quoique mal, l'habituer à
soutenir un son le plus longtemps possible. On peut avec cette
catégorie d'enfants commencer par les voyelles. M. B. montre une
série de tableaux comprenant des syllabes simples et des syllabes
doublées. Le maître doit dire lui-même les noms et les faire
répéter par l'élève en l'habituant à montrer, en même temps,
l'objet correspondant. Lorsque l'enfant sera arrivé à prononcer un
certain nombre de mots, il conviendra de choisir, pour les lui
faire répéter, les noms les plus usuels ; papa, maman, frère, etc ?
cuisine, cave, escalier, etc., couteau, assiette, table, etc.,
tête, front, nez, etc., chapeau, manteau, robe, bas, etc.,
boeuf, chat, chien, cheval, vache, etc. M. 130URNEVILLE rappelle en
terminant que le traitement médico-pédagogique, quand il est
appliqué de bonne heure, d'une façon méthodique et prolongée,
permet d'obtenir dans la majorité des cas des résultats tout à fait
sérieux ; tandis que, à cet égard, il n'existe plus de doute dans
l'esprit des médecins, en Angleterre, aux Etats-Unis, dans les Pays
Scandinaves, en Allemagne, etc., il n'en est pas de même en
France, où la plupart des médecins connaissant peu les maladies
nerveuses chroniques des enfants, ne croient pas encore qu'il est
possible de les améliorer et même de les guérir.
, UN cas DE MYXOEDÈME opératoire traité par L'INGESTION
DE glande THYROÏDE DE mouton.'
MM. Brissaud et Souques (de Paris). Nous avons observé
récemment une malade âgée de quarante-six ans qui, à la suite
d'une thyroïdectomie partielle pratiquée pour un goitre plongeant,
présenta d'abord des phénomènes de tétanie et, plus tard, de
myxoedème. A son entrée à la Salpêtrière, elle a les signes habituels,
mais atténués, du myxoedème, c'est-à-dire l'infiltration des tégu-
ments, la suppression des fonctions cutanées, la raréfaction des
poils, etc. Les troubles de l'intelligence sont peu accusés. La malade
se plaint surtout d'une sensation extrême de refroidissement et de
somnolences invincibles.
Le 24 juin, elle pesait 58 kilogrammes; sa température centrale
était de 360,8; son pouls battait 84 fois par minute et le taux de ses
urines oscillait entre 800 et 1,000 grammes.
Le lendemain, elle commençait le traitement en prenant un
lobe frais et cru de glande thyroïde de mouton. Les quatre pre-
miers jours, elle prit un lobe par jour, puis un lobe tous les deux
jours. Depuis quatre semaines que ce traitement est commencé, la
malade a ingéré en tout quinze lobes de corps thyroïde. Dès les
336 SOCIÉTÉS SAVANTES.
premiers jours, la température augmenta de quelques dixièmes de
degré, le pouls devint plus fréquent, la diurèse s'établit (1,500 à
1,800 grammes en vingt-quatre heures). La désinfiltration ne tarda
pas à devenir manifeste; les sensations de froid, la somnolence, la
torpeur disparurent rapidement. Les sueurs, supprimées depuis
six ans, firent leur réapparition. En somme, depuis quatre
semaines, l'amélioration est évidente. La malade a déjà perdu
3 kilogrammes de son poids. Elle est encore en cours de traitement
et il ne semble pas douteux que la guérison complète s'ensuive à
bref délai.
M. Régis demande à M. Souques s'il fait une différence entre le
myxoedème et le crétinisme. Si oui, il prie M. Souques de vouloir
bien lui indiquer les caractères de cette différence, qui lui expli-
queront peut-être pourquoi il a rangé la malade qu'il vient de
présenter dans le myxoedème et non dans le crétinisme, ce qui lui
semble plus exact.
M. BRISSAUD répond qu'entre le myxoedème congénital etle créti-
nisme, il n'y a pas de différence histologique précise et que dans le
cas en question il manquait le goitre et les déformations squelel-
tiques caractéristiques du crétin. , ,
DES LOIS PSYCIIOPIIYSIQUES EN pathologie nerveuse.
M. MENDELSSOIIN. De nombreuses recherches faites à la Salpé-
trière ont montré que les lois psychologiques de Weber et de
Fechner sont applicables aux modifications pathologiques de la
perceptibilité sensorielle, mais toutefois dans des limites plus res-
treintes qu'à l'état normal.
On pourrait croire que tout processus pathologique intéressant
un organe sensoriel eutralne fatalement une altération correspon-
dante dans sa fonction. Or, il se trouve justement que dans les
affections avec lésions destructives nous n'avons eu à enregistrer
que des troubles relativement faibles du côté de la perceptibilité
différentielle, tandis que nous observions tout le contraire dans les
amblyopies fonctionnelles des hystériques ; chez ces dernières, la
perceptibilité différentielle se trouve sensiblement diminuée.
Comme on voit, ce fait n'est pas sans importance au point de vue
du diagnostic différentiel dans les affections du système nerveux
central (hémiplégie hystérique et d'origine cérébrale).
En outre, chez tous les hystériques, à une diminution de la per-
ceptibilité différentielle correspond généralement un rétrécissement
plus ou moins prononcé du champ visuel, et plus ce dernier se
rétrécit, plus la première diminue. Chez les tabétiques, au con-
traire, il n'existe pas de rapport entre la vision périphérique et la
perceptibilité différentielle. .. i .
- SOCIÉTÉS SAVANTES. 337
Mais c'est l'étude de la perceptibilité différentielle dans ses rap-
ports avec l'acuité visuelle qui fournit les renseignements les plus
intéressants au point de vue clinique.
On sait que dans toute perception nette la perceptibilité diffé-
rentielle et l'acuité visuelle sont toujours simultanément mises en
jeu; or, dans l'oeil malade, il existe entre ces deux facteurs une
certaine divergence. La relation qui existe entre eux a une valeur
pathognomonique pour certaines affections : c'est ce que j'ai
appelé le symptôme de relation. Ce symptôme divise, au point de
vue des troubles visuels, les maladies du système nerveux en deux
grandes catégories : 1° Celles dans lesquelles l'acuité visuelle est
plus troublée que la perceptibilité différentielle (alcoolisme,
ataxie, etc.); 2° celles dans lesquelles la perceptibilité'différentielle
est plus troublée que l'acuité visuelle (hystérie).
On voit par là toute l'importance du symptôme de relation pour
la diagnostic différentiel de l'amblyopie dans l'hystérie et dans le
tabes.
Contribution A l'étude HISTOLOGIQUE DES dégénérescences spinales
Sous ce titre, M. le D1' Klippel a fait une intéressante commu-
nication qu'on trouvera dans notre prochain numéro.
DES réflexes vasomoteurs A LONG trajet dans quelques affections
NERVEUSES.
MM. Hallion et Comte (de Paris). Nous avons fait une série de
recherches sur les réflexes vasomoteurs qui se produisent à la fois
dans un grand nombre d'organes, à la suite d'une excitation sen-
sitive cutanée, sensorielle ou émotive. Dans ce but, nous avons
mesuré, comme l'ont fait chez l'homme sain divers auteurs et sur-
tout M. François-Franck et M. Mosso, les variations de volume des
extrémités : mains et pieds. Pour éviter certaines difficultés et cer-
taines causes d'erreurs importantes que comporte l'emploi des
appareils volumétriques classiques, nous avons fait subir à la tech-
nique quelques modifications. Les principaux résultats constatés
par nous chez les malades sont les suivants :
Les réflexes (vasoconstricteurs) font défaut quand on porte l'ex-
citation sur une région où la peau est anesthésiée par suite d'une
lésion nerveuse périphérique ; au contraire, ils se produisent d'une
façon entièrement normale quand on excite une région frappée
d'anesthésie hystérique : c'est là, sans contredit, un nouvel argu-
ment, et non des moindres, en faveur de la nature toute psychique
de l'anesthésie hystérique. Dans l'état hypnotique (somnambu-
lisme, léthargie), les phénomènes vasomoteurs consécutifs soit aux
excitations sensitives (même en l'absence de toute perception
Archives, t. XXVIII. 22
338 sociétés savantes.
apparente), soit aux excitations émotives (même en l'absence de
toute manifestation apparente de la conscience), gardent leur inté-
grité à la suggestion d'une sensation et agissent comme font la
sensation réelle et l'émotion. Dans iasyringomyétie, les excitations
sensitives, même lorsqu'elles sont faites sur des régions non anes-
thésiées, ont déterminé des réactions vasomotrices nulles ou très
peu marquées; divers caractères des courbes obtenues chez les
syringomyéliques semblent d'ailleurs indiquer une atteinte consi-
, dérable subie par le système vasomoteur. >
Paralysie générale avec chorée.
MM. VALLON et A. Marie. Nous avons observé récemment trois
cas de paralysie générale avec chorée. Dans deux de ces cas, la
chorée (type Sydenham) s'est présentée dans des conditions où il
est permis de se demander si elle ne représentait pas un symptôme
initial en rapport à quelque degré avec la périencéphalite ulté-
rieure, comme dans les observations, aujourd'hui nombreuses, où
l'on a signalé la coexistence de la paralysie générale avec des
symptômes de névroses diverses (hystérie, neurasthénie, maladie
de Basedow) ; il semble y avoir là plus qu'une coïncidence. C'est
comme un équivalent moteur atténué, à la période de dynamie
fonctionnelle, du processus à la fois psychique et moteur de la para-
lysie générale confirmée.
IIÉMIANOPSIE AVEC HALLUCINATIONS DANS LA PARTIE ABOLIE
DU CHAMP VISUEL.
M. IL Lamy (de Paris). J'ai eu l'occasion d'observer à la Sal-
pêtrière, en 1892, dans le service de Charcot, un cas d'hémianopsie
avec hallucinations dans la partie abolie du champ visuel chez une
femme de trente-cinq ans qui, cinq ans auparavant, avait présenté
des accidents de syphilis cérébrale extrêmement graves. Elle avait
conservé une hémianopsie latérale droite typique. En 1892, elle fut
sujette à de courtes absences fréquemment répétées, qui s'accom-
pagnaient de convulsions faciales légères, sans perte de connais-
sance complète. Pendant ces absences, la malade éprouvait une
hallucination singulière. Elle apercevait tout à coup, dans la partie
droite de son champ visuel, « une figure d'enfant, souriante, dont
les yeux la regardaient fixement ». Pendant plus d'une année,
cette vision se reproduisit à l'occasion de chaque absence. La litté-
rature renferme un petit nombre d'observations analogues à la
précédente, sinon identiques.
Si l'on veut rapprocher cette hémiopie hallucinatoire de quelque
syndrome déjà connu en neuropathologie, c'est la migraine ophtal-
mique qui se présente immédiatement à l'esprit. On sait, en effet,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 339
que certaines migraines ophtalmiques accompagnées se com-
pliquent, au moment des accès, d'une hémianopsie passagère, qui
persiste parfois dans l'intervalle de ceux-ci, et peut même devenir
permanente. D'autre part, le scotome scintillant est généralement
une hallucination hémiopique.
Dans la plupart des observations du même genre, l'hallucination
visuelle, remarquable par sa précision et par l'uniformité qu'elle
revêt chez le même malade, ne s'accompagne d'aucune hallucina-
tion concordante dans la sphère des autres fonctions sensorielles,
ni d'aucun trouble de l'intelligence. Il s'agit d'un phénomène
psychique isolé, phénomène d'excitation de la sphère visuelle occi-
pitale, comparable aux phénomènes d'excitation motrice de l'épi-
lepsie jacksonienne, et lié à la présence d'une altération corticale
localisée. L'observation que je viens de vous relater est la première,
à ma connaissance, dans laquelle l'hallucination se soit manifestée
sous la forme d'une épilepsie sensorielle surajoutée à une hémia-
nopsie permanente.
Sur LES LÉSIONS ANATOMIQUES DE LA SYÏUNGOMYÉDE.
M. Brissaud a fait, sous ce titre, - une communication dont In
résumé nous fait défaut; nous somme obligés de nous borner à
reproduire les réflexions faites à son sujet par M. le professeur
J. Renaut.
M.RENAUT(deLyon).Les faits indiqués par AI. Brissaud sont
très intéressants et aucun d'eux ne me paraît être en contradiction
avec les idées actuelles sur la névroglie. On sait qu'après beaucoup
d'hésitations et de discussions, les histologistes qui s'occupent de
l'anatomie générale du système nerveux ont fini par se ranger,
presque tous et y compris même tout dernièrement les élèves de
M. Ramon y Cajal, à cette opinion que j'ai émise le premier en
1881 : c'est à savoir que la cellule névroglique est une cellule neuro-
épithéliale. J'ajouterai pour ma part que c'est là aussi une cellule
nerveuse, dont la différenciation est demeurée rudimentaire, peut-
être en vue de certaines fondions de réserve qu'on viendra proba-
blement à envisager un jour à côté de la fonction connective, dont
pour le moment on s'est seulement occupé. Le fait de la réduction
de l'épithélium épendymaire à une ligne de cellules cubiques ou
prismatiques basses en certains points des cavités syriugomyé-
liques, est la reproduction, par l'anatomie pathologique, d'un fait
normal dans la série. La voûte du a sinus rhomboïdal », qui, chez
les cyclostomes, représente le 4° ventricule, est formée par une
lame très mince où le névraxe se réduit à l'épendyme sur les
côtés. Puis sur la voûte même (au-dessous d'une série déformations
vasculaires particulières que les morphologistes ont parfois cru
pouvoir assimiler à un cervelet), cet épendyme n'est plus re-
340 SOCIÉTÉS savantes !
présenté que par une couche de cellules plates, endothéliformes,
qu'il faut imprégner de nitrate d'argent pour la bien voir. Cette
réduction de l'épithélium épendymaire à l'étal endothéliforme se
voit, du reste, même sur le plancher du sinus rhomboïdal, là où de
gros capillaires sanguins, devenus très superficiels, pénètrent
l'épithélium cylindrique et se développent dans les intervalles de
ses cellules. J'ai signalé ce fait dès 1881. Dans les préparations de
AI. Brissaud, et probablement sous l'empire de circonstances ana-
logues amenant des pressions prédominantes sur l'une des parois
de la cavité, l'épithélium épendymaire a réalisé les mêmes flexions
morphologiques. Il est du reste probable que, si l'on avait pu
traiter les cavités par le liquide jaune argentique dont j'ai parlé il
y a un instant, on les aurait trouvées tapissées d'un revêtement
continu : ici formé de cellules épendymaires longues et typiques,
là de cellules prismatiques basses, et enfin d'un vernis épendy-
maire endothéliforme, là même où il ne semble plus y avoir du
tout d'épithélium.
Je ferai maintenant remarquer que pour expliquer certains
autres faits tels que l'existence de jeunes éléments, ayant l'appa-
rence de cellules de remplacement, entreles pieds des longues cel-
lules épendymaires et pour rapporter celles-ci à leur signification
morphologique exacte, il faut se rappeler comment prolifère l'é-
pendyme primitif pour former la masse indifférente neuro-névro-
glique. C'est la ligne épithéliale bordant le canal de l'épendyme,
qui joue surtout ici le rôle de couche régénératrice. Par des divi-
sions indirectes réitérées, elle satisfait à la fois à l'extension et à
l'accroissement en épaisseur du névraxe. Pour le premier but, la
figure de division oriente sa plaque équatoriale parallèlement à la
hauteur de la cellule épendymaire : les deux cellules filles sont
dans ce cas juxtaposées et augmentent de leurs travers les dimen-
sions en surface du revêtement neuraxial. Pour réaliser le second
but, la figure de division donne une plaque équatoriale perpendi-
culaire à la hauteur de la cellule épendymaire : les deux cellules
filles sont alors superposées et l'épaisseur de névraxe s'accroît d'au-
tant. Ainsi se forment les chaînes radiales de prolifération, dont
les grains superposés sont le produit chacun d'une division indi-
recte de ce second genre. Souvent aussi l'on peut voir des grains
devenir secondairement l'origine d'une cellule du type sensoriel,
qui primitivement profonde pousse son corps protoplasmique en
bâtonnet vers la surface de l'épendyme, l'engageant entre les cel-
lules épendymaires ordinaires, qui dès lors jouent le rôle de
cellules de soutien, tout comme dans les neuro-épithéliums péri-
phériques, édifiés d'ailleurs comme un type fondamentalement
identique à l'épendyme. Enfin je viens tout dernièrement d'ac-
quérir la conviction que non seulement la ligne épithéliale de
l'épendyme, celle qui borde le canal, est fertile; mais encore que
SOCIÉTÉS SAVANTES. 341
tout à fait dans la profondeur du névraxe épithélial, sur un point
quelconque des chaînes radiales de prolifération, les grains pro-
duits comme je viens de l'indiquer sont fertiles aussi. Ils donnent
des figures de division orientées dans n'importe quel sens, bien que
le plus fréquemment dans le sens tangentiel.
Comme, en même temps, les cellules des chaînes radiales pous-
sent des prolongements latéraux qui les rendent communicantes
et arquées, on voit se dessiner, sensiblement au-dessous de la ligne
épendymaire demeurée épithéliale, un réseau constituant la masse
neuro-névroglique primitive. Sur certains points, les mailles de ce
réseau s'allongent dans un sens prépondérant, comme l'a vu le
premier Reissner. Là, les cellules du neuro-épithélium deviennent
rares, à longs prolongements dont l'intrication forme le réseau
allongé que j'appelle 13 chemin de Reissner, parce qu'il marque
comme un précurseur la voie qui sera occupée par la végétation
des cylindres d'axe, puis, en fin de compte, par la substance
blanche. Ces cellules, qui manifestement viennent des grains issus
eux-mêmes des cellules épithéliales bordant l'épendyme, ont
d'emblée l'aspect et la signification des a cellules Araignées ». Epi-
théliales de race bien que pliées à des fonctions connectives, elles
pourront tout aussi bien reprendre une évolution épithéliale,
comme l'a vu M. Brissaud, qu'une évolution ganglionnaire ,
comme Lancereaux, moi-même ensuite et, plus récemment,
F. Raymond l'ont observé dans les gliomes que j'ai appelés neuro-
formatifs. ,
Démences vésaniques avec personnalité dissociée au COURS DE
délires systématisés anciens.
11111. IIrIMEL et Marie. Trois observations de démentes vésa-
niques avec personnalité dissociée au cours d'un délire systématisé
ancien. Dans l'une de ces observations la malade devenue méga-
lomane présentait une persistance de sa personnalilé primitive à
côté de la personnalité nouvelle correspondant à sa conception
ambitieuse. Entre ces deux éléments, il y avait opposition telle que
la malade identifiait sa persécutrice dans son ancienne personna-
lité en conflit avec la nouvelle. Elle parlait ainsi d'elle-même à la
troisième personne comme la malade de Leuret, maudissant son
nom et se plaignant amèrement de ce que'cette personnalité
désormais étrangère l'insultât (troubles psycho-moteurs probables).
A la différence du cas de Leuret il y a ici substitution d'un moi
ambitieux à l'ancien moi renié mais dont les éléments persistants
correspondent à la survivance d'idées de persécution dans la
période mégalomaniaque. Dans les deux autres observations même
dissociation de la personnalité mais sans opposition entre les deux
éléments dissociés. L'une croit avoir son fils dans l'estomac, l'autre
342 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sa mère. Toutes deux parlent tantôt en leur nom, tantôt au nom
de l'individualité imaginaire incluse, ce qui donne à leur discours
une incohérence plus apparente que réelle ; c'est la pseudo-
démence signalée par M. Christian et dont le mécanisme s'explique
très logiquement par l'automatisme moteur verbal qui existe dans
ces deux cas comme dans le précédent.
Étude SUR l'hérédité DIRECTE portant SUR quatre GROUPES
DE recherches.
MM. BRUNET et ViGouRoux. Dans le premier on étudie les
enfants nés d'aliénées internées : sur dix-sept enfants, trois sont
mort-nés, six morts à cinq mois et un à treize mois, un a été
brûlé à huit ans, un autre s'est suicidé à vingt et un ans et un der-
nier est dans une colonie pénitentiaire. Le deuxième groupe com-
prend les enfants internés nés de père ou mère internés : sur
vingt-cinq cas on trouve huit cas d'idiolie ou d'imbécillité pro-
fonde, deux cas de démence précoce, cinq cas de perversion
morale, cinq cas d'accès délirants passagers, deux cas de délire
avec tendance à la chronicité. Le troisième groupe correspond à
l'étude de quelques familles dont un grand nombre de membres
sont internés. Enfin le quatrième groupe est composé de quatorze
cas de frères et soeurs internés en même temps, et douze fois la
forme d'aliénation mentale s'est trouvée sensiblement la même
qu'eux.
M. DEVAY (de Lyon) lit un travail sur les localisations cérébrales
des convulsions chez les animaux intoxiqués. Il en conclut que chez
l'homme l'épilepsie peut être considérée dans un grand nombre de
cas (Pierret) comme due à la stase du toxique dans l'encéphale,
stase favorisée par des scléroses de nature variable.
M. Bonnet (de Saint-Robert) lit une élude sur les hallucinations
synesthéliques, ou phénomènes de sensations fausses associées (au-
dition colorée) et combinées au délire; il signale des cas d'audi-
tion colorée pure chez les dégénérés débiles des asiles.
LE FACIES DANS LES MYOPATHIES.
M. Henry àlEIGE. Les conceptions des neurologistes relative-
ment aux amyotrophies primitives ont subi des modifications telles
depuis quelques années que la révision de leurs symptômes s'im-
pose. Le faciès myopathique, considéré comme propre à la forme
facio-scapu]o-humérale, se trouve atténué ou modifié dans toutes
les formes de myopathie progressive. L'auteur signale plusieurs
faits observés par lui au sujet des physionomies des myopathiques :
l'accentuation delà fossette médiane du menton ; l'existence d'une
fossette latérale aux coins des lèvres ; des rides concentriques sur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 343
la paupière inférieure qui a perdu ses cils. Enfin l'auteur signale
des formes particulières des lèvres qui lui ont paru constantes.
DE la nature ET DE la forme DE la folie DE Charles VI.
M. Auguste BRACHET, ancien examinateur et professeur à l'École
polytechnique, lauréat de l'Institut, lit une note pour le sujet
ci- dessus.
Position de la question. L'intérêt au point de vue clinique est dans
la richesse de la cause prédisposante (unique, puisqu'il est le seul
aliéné dont nous possédions l'histoire de dix-huit ascendants
directs, documentée pathologiquement), au point de vue histo-
rique de la question capitale de la responsabilité de Charles VI
dans les rémissions de ces vingt-huit ans de folie.
L'histoire n'a point été étudiée par les aliénistes, faute d'avoir
pu recourir aux sources (les pièces des archives, les chroniques du
temps, les relations des ambassadeurs). '
Cause prédisposante. Ligne paternelle (père, Charles V, goutteux,
cardiaque; grand-père, Jean le Bon, arthritique; arrière-grand-
père, Charles de Valois, apoplectique ; trisaïeul, Philippe III, le
Hardi, inversion sexuelle). Ligne maternelle (inconnue jusqu'ici
des aliénistes et des historiens), mère, Jeanne de Bourbon, folle;
grand-père, Louis de Bourbon.
Traitement hydrothérapique DES maladies NERVEUSES.
Dans le compte rendu de la première séance nous avons omis de
mentionner une communication de M. le D'VERGER (de Paris) sur
les avantages du traitement hydrothérapique dans les maladies iici--
veuses. Il a passé en revue toutes les médications employées et,
à part l'électrothérapie qui a ses indications, mis au premier rang
l'hydrothérapie. Il a rappelé l'insistance avec laquelle M. Bourm-
ville est revenu dans ses publications relatives aux maladies ner-
veuses sur l'emploi de l'hydrothérapie, il conclut que l'hydrothéra-
pie scientifique mérite d'être plus employée qu'elle ne l'a.encore été
jusqu'ici. De même l'hydrothérapie à l'eau minérale, qui se rap-
proche par ses propriétés excitantes de l'hydrothérapie marine,
trouve son application dans quelques névropatbies asthéniques qu'il
appartient aux médecins de déterminer.
La séance est levée et la cinquième session du Congrès français
des médecins aliénistes et neurologistes déclarée close. Les Con-
gressistes se donnent rendez-vous au lendemain pour la visite à
l'asile de la Cellette.
Le soir (vendredi), les médecins de Royat avaient organisé une
soirée en l'honneur des congressistes, au théâtre du Casino muni-
cipal de Royat. Après lespectacle, les membres du Congrès et un
344 SOCIÉTÉS savantes.
essaim de joliesfcmmes », comme le disait un de nos confrères, se
sont rendus dans la magnifique salle à manger de l'hôtel Servant, où
un excellent lunch était servi. M. le D'' LAUSSEDAT, au nom des méde-
cins de Royat, a porté un toast chaleureux aux congressistes. Après
avoir regretté que leurs occupations n'aient pas permis aux méde-
cins de Royat de prendre part aux travaux du Congrès, il a exprimé
l'espoir de revoir les hôtes distingués que l'Auvergne a été heureuse
de recevoir.
Après un toast de remerciements du 'doyen des congressistes,
M. le Dr FaLRET, M. Bousquet, directeur de l'Ecole de médecine de
Clermont-Ferrand,a bu encore une fois aux congressistes. « Les mé-
decins clermontois, a-t-il dit, ont été heureux de donner avant
leur départ une nouvelle marque de sympathie à leurs hôtes. Si,
un jour, a-t-il dit, un de ces vaillants combattants pour la science
succombait dans la lutte, si ses forces le trahissaient, il serait sûr
de trouver en Auvergne des eaux exquises, un air pur et surtout
de vraies et solides amitiés. »
M. le D'JBOFFROY a clos la série des toasts en buvant aux Auver-
gnats et on s'est séparé après avoir vidé une [dernière coupe de
Champagne en l'honneur des hôtes aimables qui vont nous quitter.
Eu terminant ce compte rendu du Congrès de Clermont-Ferrand,
dont les séances ont été très intéressantes et très suivies, nous
devons dire quelques mots des visites faites à l'asile Sainte-Marie,
situé à Clermont-Ferrand et à l'asile de la Cellelte dans la Corrèze.
Le premier de ces asiles, qui reçoit les aliénés du Puy-de-Dôme, de
la Corrèze et d'une partie de la Loire, comprend un quartier
d'hommes contenant 150 malades et un grand quartier affecté aux
femmes (près de 800). Les hommes, après un séjour plus ou moins
prolongé à l'asile Sainte-Marie, sont envoyés à la Cellette. Nous
avons regretté que l'administration n'ait pas donné aux visiteurs
la statistique et le mouvement de la population, le chiffre du per-
sonnel et le régime, etc., ainsi que cela se pratique d'habitude lors
des visites de ce genre. A plus forte raison regrettons-nous l'absence
de plans et de notices ou tout au moins du compte rendu de 1893.
Nous avions visité cet asile en 1888 et il nous avait laissé une assez
pénible impression. Nous y avons constaté un certain nombre d'a-
méliorations. C'est ainsi que les bains des hommes ont été refaits
et ceux des femmes améliorés. 11 est regrettable que dans les ins-
tallations hydrothérapiques on ne se soit pas rapproché autant que
possible de l'asile de Privas, qui appartient à la même congréga-
tion. Quelques-uns des cabinets d'aisances ont été mieux aména-
gés (tout àl'égout et de là à la'l'iretaine). Les quartiers des femmes
ont subi également quelques transformations. Mais comme cet
asile a été fait en quelque sorte de pièces et de morceaux, qu'on a
construit les bâtiments au sur et a mesure des besoins, sans plan
SOCIÉTÉS SAVANTES. 345
arrêté, il en résulte que cet asile restera toujours dans des condi-
tions inférieures. On y voit des bâtiments qui ont trois étages, ce
qui est mauvais pour des aliénés. Les membres du Congrès ont été
bien accueillis et ont fait la visite sous la direction de l'abbé Saulze,
supérieur de la Congrégation et qui semble avoir la haute direction
sur les asiles qui lui appartiennent et des D5 Hospital et Fouriaux.
Les dortoirs qu'on nous a fait voir étaient en général bien tenus,
étant donné l'état des bâtiments. Mais on n'a pas conduit les con-
gressistes dans les étages supérieurs et partant ils n'ont pu se rendre
compte de leurs conditions hygiéniques et de leur degré d'encom-
brement.
Quelques points sont à relever : 1° Pour le coucher des gâteux,
on se sert de matelas en fibres de coco qui coûtent très bon mar-
elié et qui seraient presque aussi avantageux que les matelas en
laine de tourbe'; 2° le captage d'une source située dans les jardins,
qui a été fait il y a cinq ou six ans ; 3° pour rendre les malades soi-
gneux et les empêcher de cracher partout, le supérieur a fait
mettre un avis^ainsi conçu : « Les personnes bien élevées ne doi-
vent pas cracher sur le parquet de la chapelle. Les malades ont
voulu tous être bien élevés et n'ont plus craché sur le parquet, dit
le supérieur; 4° « les soeurs de la congrégation de Sainte-Marie ont
le rôle capital dans nos maisons » ; 5° les jardins ont une superficie
do trois hectares, sont bien cultivés et leurs produits suffisent à
l'alimentation de l'asile.
Après la visite de l'établissement un déjeuner a été olfert aux
membres du Congrès par la communauté. Plus de cent convives ont
pris place aulour de la table, dressée dans une des salles de l'éta-
blissement, décorée avec beaucoup dégoût. les abbés Saulze
et Gaudon en ont fait les honneurs avec une parfaite courtoisie.
M. Bardon, préfet du Puy-de-Dôme, a présidé le banquet. Parmi
les assistants : MM. Ilerbault, inspecteur d'académie ; Lécuellé,
maire de Clermont ; Bousquet, directeur de l'Ecole de médecine;
Pellet, doyen de la Faculté des sciences; Frèze, procureur de la
République; Bleynie de Châteauvieux, pasteur protestant, vice-pré-
sident do la commission administrative des hospices, et Goyet, ins-
pecteur de l'Assistance publique; quelques médecins de Clermont
et de Royat, etc., etc. Plusieurs dames aux élégantes toilettesassis-
taient également au banquet, qui a été très remarquablement
servi et auquel tous les convives ontfait honneur.
M. le Préfet a ouvert la série des toasts. Après avoir souhaité la
bienvenue aux congressistes, il a, en quelques paroles émues, rap-
pelé le triste événement qui a mis la France en deuil, puis levé son
verre en l'honneur de M. Casimir Périer, le digne successeur de
M. Carnot.
M. le professeur Pierret, président du Congrès, dans un toast
plein d'humour, a félicité l'abbé Saulze, supérieur de la commu-
346 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nauté, de la bonne tenue de l'établissement. Il a également
exprimé toute sa reconnaissance pour le bon et cordial accueil
fait aux congressistes.
M. le supérieur de la communauté, M. Fouriaux, médecin de
l'asile, M. le docteur Giraud, congressiste, et M. le docteur
Hospital, médecin en chef, ont ensuite pris la parole et porté des
toast fort applaudis.
Le samedi 11 août, à 5 heures et demie une trentaine de membres
du Congrès se sont rendus à l'asile de la Cellette (Corèze), consacré
aux aliénés du Puy-de-Dôme et où ils sont arrivés vers 10 heures.
Ils ont été reçus par M. le Dr Longy (d'Eygurande), médecin adjoint
de l'asile, conseiller général du canton, président de la commission
de surveillance de l'asile, M. le Dr Bargy, médecin en chef, l'abbé
Saulze, etc. Dans le cours de la visite, M. le sous-préfet d'Ussel et
les autres membres de la commission de surveillance sont venus se
joindre aux visiteurs.
L'asile d'aliénés de la Cellette est situé dans une petite vallée
sur la rive droite du Chavanon; il fait partie de la commune de
Monestier-Merlines, canton d'Eygurande, arrondissement d'Ussel.
Il occupe l'ancien emplacement de l'Ermitage delà Celle, fondé au
xn° siècle par un bénédictin. A une époque, l'ermitage fut aban-
donné puis réoccupé par un couvent qui, dès le début « nourrissait
opulemment douze religieux ». En 1475, le nom de la Celle fut rem-
placé par celui de la Collette.
« Les cordeliers de la Cellette ne se livraient pas seulement à la
prédication, ils donnaient aussi leurs soins à douze ou quinze
aliénés que leur confiaient les familles, et à des prêtres de mau-
vaises moeurs. » En 1793 le couvent fut vendu.
En juillet 1830, une nouvelle vente eut lieu : de cette époque
date la fondation de l'asile, qui était administré par des laïques.
En 1842, l'établissementfut vendu à Jacongrégation de Sainte-Marie
de l'Assomption. En 1869, un incendie détruisit une partie de l'asile.
L'asile actuel est adossé au flanc de la colline de Lavervialle.
On a construit successivement les bâtiments en faisant des entailles
dans la montagne, de sorte que ces bâtiments sont surexhaussés
les uns par rapport aux autres. 11 en résulte aussi que les cours
sont insuffisantes et que, par économie, on a été obligé de faire
des bâtiments de plusieurs étages, ce qui est toujours très mauvais
pour les aliénés.
Les bains, qui viennent d'être installés récemment, sont dans des
conditions convenables. Les préaux, les cellules, les cabinets d'ai-
sance, etc., sont, au contraire, dans des conditions tout à fait défec-
tueuses. Les nouveaux dortoirs sont mieux installés, mais ont l'in-
convénient de renfermer un trop grand nombre de lits.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 347
La situation de l'asile, dans une vallée très pittoresque, n'a que
des avantages pour la distraction des malades ; il est regrettable
que les installations en général ne soient pas en harmonie avec
cette situation.
Après la visite, un banquet, présidé par M. l'abbé Saulze, a été
offert aux membres du Congrès. M. le Dr Longy a porté un toast
très applaudi aux membres du Congrès et aux progrès de l'Assis-
tance des aliénés.
Nous devons remercier très vivement AI. le D1' Longy du
sympathique accueil qu'il nous a fait personnellement et nous pro-
fitons de l'occasion pour signaler sa « Nolice sur l'asile d'aliénés
de La Cellette », à laquelle nous avons emprunté la plupart des
détails historiques qui précèdent, et l'exemple excellent qu'il a
donné, et qu'on devrait imiter, en écrivant un très beau livre sur
l'histoire du canton d'Eygurande '.
Dans le cours de ces visites, M. l'abbé Saulze, en nous signalant
les améliorations qui avaient été réalisées, notamment à l'asile
Sainte-Marie depuis notre visite, ajoutait non sans une pointe
d'ironie que ces améliorations auraient été plus nombreuses si la
loi en suspens, sur la revision de la législation des aliénés, ne me-
naçait pas les asiles privés. Il savait, en effet, que c'était sur nos
instances que la première commission de la Chambre des dé-
putés avait inscrit dans le projet de loi l'obligation, pour les départe-
ments, d'avoir dans un délai de dix ans un asile public, propriété
départementale. Il est du devoir du Parlement de se prononcer
promptement et de ne pas prolonger une situation fausse dont les
inconvénients retombent, en somme, sur les malades.
Le dimanche 12 août enfin, une délégation du Congrès s'est
rendue à la colonie de Dun-sur-Auron, dont MM. Deschamps et
Roussel, du conseil général de la Seine, ont fait les honneurs à
M. le professeur Pierret et aux Congressistes qui l'accompagnaient
au nombre de douze. Le soir, après la visite de quelques place-
ments familiaux et l'inauguration de la petite infirmerie centrale,
un banquet a réuni les Congressistes, qu'un train spécial a ramenés
sur Bourges et Saincaize. B.
1 Longy. eca) : <o( ? t ? n)'att(<e (Corrèze), avec une carte du canton
et 6 gravures. Tulle, 1893.
BIBLIOGRAPHIE.
VII. Traité pratique des maladies du système nerveux; par
MM. .1 GnnssET et G. Rauzier. Montpellier, 1894 ; C. Coulet, éditeur.
Dans ces dix dernières années, le patrimoine de la neuropatho-
logic s'est singulièrement accru. De nouveaux syndromes cliniques
ont vu le jour et de nouvelles entités morbides ont été créées de
toutes pièces. On peut dire que l'ancienne pathologie nerveuse a
subi d'une manière générale des modifications profondes et de
véritables transformations sur certains points. La clinique, l'ana-
tomie normale et pathologique, l'histologie fine, l'expérimentation
ont contribué, chacune pour leur propre compte, à cette méta-
morphose. L'étude des maladies infectieuses, éclairée par les dé-
couvertes de la bactériologie, est venue, de son côté, jeter une
vive lumière sur la détermination d'un certain nombre de mala-
dies nerveuses. Aussi les anciens traités de neuropathologie ont-ils
vieilli et sont-ils vite devenus incomplets et insuffisants.
Il suffit, pour constater ces progrès, de comparer la troisième
édition du Traité des maladies du système nerveux, publiée en 1885,
par M. le professeur Grasset avec la quatrième édition qu'il vient
de faire paraître, en collaboration avec M. Rauzier. Ne pouvant,
en présence de « toutes les conquêtes accumulées en n;,uropatho-
logie dans ces huit dernières années », assumer seul cette lourde
tâche, M. Grasset a fait appel à son fidèle et ancien collaborateur,
M. Rauzier, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier, c habitué
depuis de longues années à penser avec lui ».
Et cette collaboration a été féconde; elle a donné naissance au
plus complet traité des maladies nerveuses que nous possédons.
Tout en conservant le cadre et le plan général de l'édition
précédente, MM. Grasset et Rauzier ont ouvert des chapitres entiè-
rement neufs pour l'acromégaJie, J'épilepsie, l'aphasie, la sclérose
cérébrale, l'athélose double, la chorée chronique, la porencé-
phalie, l'hydrocéphalie, la syringomyélie, la maladie de Fried-
reich, les névrites périphériques, la maladie des tics. Quant aux
autres maladies, déjà étudiées dans la dernière édition, les unes,
comme les amyotrophies, les paralysies pseudo-bulbaires et la neu-
rasthénie ont été tellement remaniées conformément aux données
récentes qu'elles sont pour ainsi dire transformées ; les autres ont,
3pdur la plupart, subi des additions considérables, nous citerons
particulièrement les chapitres : aphasies, localisation cérébrale,
tabès, sclérose en plaques, paralysie générale progressive, para-
BIBLIOGRAPHIE. 349
lysies atrophiques de l'enfance, maladie de Basedow, hypnotisme,
épilepsie, hystérie.
Mettant à profit l'élément nouveau apporté par les études bac-
tériologiques récentes, les auteurs ont explicitement souligné le
rôle des maladies infectieuses dans l'étiologie des méningites, de
la paralysie spinale infantile, de la sclérose en plaques, des encé-
phalites, etc. '
L'ouvrage nouveau de MM. Grasset et Rauzier comprend deux
forts volumes de 1,000 pages chacun. Il est divisé en six parties.
Les deux premières parties, qui constituentle premier volume ont
trait, l'une aux maladies de l'encéphale, l'autre à celles de la
moelle. Les quatre dernières parties concernent successivement
les maladies de la moelle allongée, les maladies des méninges, les
maladies des nerfs et les névroses, les manifestations nerveuses des
maladies générales. Enfin, comme appendices, deux très récentes
leçons de M. Grasset sur les vieux dogmes cliniques devant la
pathologie microbienne.
L'auteur défend ici une idée chère de pathologie générale et de
philosophie médicale, la vieille théorie vitaliste de l'école de Mont-
pellier, et déclare que les dernières recherches bactériologiques,
en rajeunissant les vieux dogmes cliniques, ont mis « de plus en
plus en lumière l'activité propre et spontanée de notre organisme
vivant ».
Il est impossible de terminer ce trop sec et trop court aperçu
sans mentionner les nombreux documents figurés (122 figures et
33 planches), qui illustrent ces deux beaux volumes. Très heureu-
sement choisies tant dans les collections personnelles de MM. Gras-
set et Rauzier, que dans divers auteurs, ces figures facilitent
singulièrement l'intelligence du texte. Un ouvrage de neuropatho-
logie ne peut actuellement se passer de ce complément icono-
graphique.
Les indications bibliographiques sont nombreuses et bien choi-
sies, encore que les auteurs déclarent expressément qu'ils veulent
être très sobres d'indications de ce genre. Les chercheurs qui con-
naissent la grande utilité de pareils renseignements et le temps
qu'il faut pour les recueillir, leur en sauront certainement gré et
les absoudront d'avoir péché par excès de modestie.
En somme, le Traité pratique des maladies du système nerveux,
de MM. Grasset et Rauzier, trouvera, nous en sommes certain,
auprès du grand public médical, le chaleureux accueil qu'il
mérite à tous égards. C'est la meilleure oeuvre et la plus com-
plète parue jusqu'ici sur la matière. Elle représente incon-'
testablement un travail assidu et continuel de plusieurs années.
Toutes les questions concernant la pathologie nerveuse y sont
traitées avec détails, d'une manière méthodique et claire, en
parfait accord avec les découvertes cliniques et pathologiques les
350 FAITS DIVERS.
plus récentes. Etudiants et médecins ne sauraient faire de lecture
plus instructive, lecture du reste très agréable, car la forme, si
souvent négligée en littérature médicale, est ici particulièrement
soignée. ,
Dans ces conditions, il est superflu d'ajouter que ce nouveau
traité a sa place marquée dans la bibliothèque de tout médecin et
surlatahfedetoutneuropathotogiste. J.-B.CHARCOT.
FAITS DIVERS.
Les aliénés en ANGLETERRE. Le nombre des fous s'accroît
d'une façon inquiétante dans le Royaume-Uni, si l'on en croit un
rapport officiel. Voici les chiffres qui montrent pour l'Angleterre,
l'Ecosse et l'Irlande réunies, les progrès faits par la folie au cours
des trente dernières années. On comptait : '
FAITS DIVERS. 351 1
LE traitement DE la morphinomanie. La Tribune de New-York
annonce que lord Randolph Churchill, l'éminent membre du Par-
lement anglais, est maintenant au Boston Sanitarium, à Chicago,
pour s'y traiter contre l'usage de l'opium. La méthode ressemblerait
à celle du traitement Keeley contre l'alcoolisme, à cela près qu'un
composé végétal remplacerait la solution d'or.
l'IIOMME-AUTRUC13E. Lorzdres : On vient de découvrir, dans un
asile d'aliénés, un homme-autruche, un fou qui passait son temps
à avaler les objets les plus divers qu'il rencontrait sur son chemin.
Le journal médical Lancet tient du médecin qui l'a soigné à Lan-
caster que le pauvre diable portait dans son estomac 192 clous de
tout genre et de toute dimension, mais ayant en moyenne 2 pouces
1/2 de longueur, plus quelques crochets, un morceau de fil de laiton,
des copeaux de bois, un bouton et une natte de cheveux, le tout
pesant une livre dix onces. L'extraction de ces différents objets,
bien que fort diffeile, a parfaitement réussi.
La folie. Horlczi ? L'auteur de la tentative de meurtre com-
mise sur un jeune garçon, dimanche soir, à Plougasniou, a été
arrêté, aujourd'hui, par la gendarmerie de Lanmeur. C'est un
garçon de ferme de Plou,jean, nommé Jean Legall. Cet individu,
atteint d'aliénation mentale, avait quitté le domicile de ses maitres
depuis huit jours environ et errait à l'aventure dans la campagne,
couchant à la belle étoile. 11 avait déjà précédemment donné des
signes manifestes de folie. C'est aux difficultés mises à l'admis-
sion des aliénés qu'est encore dû ce malheur.
Enfants épileptiques. Un arrêté de M. le Ministre del'intérieur
à la date du 3G juin 1893 prescrit à MM. les médecins des districts
du grand-duché de Bade de retirer des écoles communes les enfants
épileptiques dans l'intérêt de leur santé et de l'enseignement des
autres enfants, et de les placer à l'asile pour enfants épileptiques
de Rorlc qui fonctionne depuis le 30 novembre 1892. (Allg. zeilsch.
f. Psychiat., 4, 3, 4.) C'est également ce qui est fait en France,
en ce qui concerne l'exclusion de l'école, mais malheureusement on
n'a nul souci de secourir et d'hospitaliser ces enfants. z
Asile DE NEUTADO. - A la date du 1' octobre 1893 a été ouvert
l'asile d'hospitalisation provincial d'aliénés de Netistado dans le
Holstei2z ; cet asile destiné à huit cents malades a été installé dans
une grande fabrique de sucre adaptée à son nouvel usage. Situation
magnifique; hauteurs boisées; vue sur la Baltique. Le directeur de
l'asile du Sclilessvig a été nommé à ce poste qui le rapproche de
Kiel à l'université de laquelle il est privai docent.
Il est à espérer maintenant que cet asile deviendra bientôt un
asile de traitement en même temps qu'un asile-hospice. (Allg.
Zeitsch. f. Psychiat., L, 3, 4.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
BOTTEY (F.). Traité théorique ci pratique d'hydrothérapie médicale.
Volume in-8° de 597 pages. Prix : 10 fr. Paris, 1895. Librairie
Z ,
BOURNEVILLF. Rapport sur l'assistance des enfants idiots et dégénérés
au Congrès national d'assistance de Lyon, 1894. - Volume in-8" de 138
pages.
BOCIINGVILLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie, l'idiotie et l'hydrocéphalie. Compte rendu du service des enfants
idiots, épileptiques et arriérés de Bicètre pendant l'année 1893, avec la
collaboration de MM. Boncourt, Cornet, LEn0111, J. Nom et P. Sollier.
Tome XIV. Un beau volume in-8" de Lwv-38 pages, avec 88 figures et
un plan. Prix : 7 fr. Pour nos abonnés, 5 fr.
Fcxayrou (A.). La Folie dans l'Aveyron. Contribution à l'étude
des folies morales. Un volume in-8° de 188 pages. Toulouse, 1894.
Typographie et lithographie, A. Duclos.
GOLDSCHEIDER (A.). Ue6eo den Schmerz in physiologischer und
hlinischer Hinsicht. Brochure in-8° de G6 pages. Beriin, 1894.
Librairie A. Hirschwal.
JOrFROY (A.). Nature el traitement du goitre exophtalmique. -
Brochure in-8° de 62 pages. Prix : 1 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr.
Joffkoy (A.). De la méthode en médecine mentale.
Brochure in-8° de 23 pages. Priv : 1 fr. Pour nos abonnés, 0 fr. 70.
Magnan (V.). Leçons cliniques sur les maladies mentales faites «
l'asile clinique (Sainte-Anne). Recueillies et publiées par Biiiand (M.),
LEGnux, loummc et Sérieux. (Deuxième édition augmentée.) - Un vol.
in-8° de 435' pages, avec figures. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés, G fr.
Menard (Clr ? Des paralysies para-infectieuses, leur traitement
par les eaux de la tllalou. - Volume in-8 de 117 pages. Paris, 1894.
- Librairie 0. )Iassoii. 0
Prichard (A.). The early histonj o/' lhe Bristol médical School. -
Brochure z de 31 pages. Bristol, 1894. J. W.Arrowinsitli.
R1Y.IOND (F.). Étiologie du labes dorsal. Brochure in-8° de
20 pages. Prix : 1 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr.
BAYMOKD (F.). Contribution à l'élude des tumeurs névrogliques de
la moelle épinière (syringomyélie tt type spasmodique). Brochure in-8°
de 35 pages. Prix : 1 fr. 25. Pour nos abonnés, 0 fr. 90.
IiA)'bIOND (F.). Contribution ri l'élude des tumeurs du cerveau : un
cas de gliome neuro- formait) - Brochure in-8" de 28 pages, avec
19 figures. Prix : I fr. Pour nos abonnés, 0 fr. 70.
. Le 7,édacteti ? ,-géraitt, BOURNEVILLF,.
Evreux, Ch, Héiussey, imp. - 1094
Vol. XXVIII. Novembre 1894. ? 93
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
HYSTÉRIE. - CONFUSION MENTALE ET AMNÉSIE CONTINUE.
ANESTHÉSIE GÉNÉRALISÉE. - EXPÉRIENCE DE STRUM-
PELL. " ·
Par J. SÉGLAS, médecin suppléant à la Salpêtrière ;
et BONNUS, interne des hôpitaux '.
Mlle M..., dix-neuf ans, modiste, nous est amenée à la Salpê-
trière le 5 juin 1894 par une de ses tantes, pour des accidents intel-
lectuels survenus une dizaine de jours auparavant et dont le plus
saillant est un trouble de la mémoire, se présentant sous la forme
dite amnésie continue .
Les renseignements recueillis sur ses antécédents, bien qu'incom-
plets, nous apprennent cependant que vers l'âge de seize ans, au
moment de l'apparition des règles, elle eut deux crises de nerfs qui
furent les premières manifestations névropathiques, et des troubles
digestifs dont le caractère est assez difficile à déterminer rétrospec-
tivement. Jusqu'à il y a six mois, plus d'attaques. Depuis cette
époque, elle s'est trouvée mal seulement deux ou trois fois. Il n'y
aurait rien de particulier sur son état mental antérieur ; mais il
est au moins prudent de faire des réserves à ce propos.
Aujourd'hui cette jeune fille présente de la façon la plus nette
les stigmates classiques de l'hystérie. Les troubles de la sensibilité
sensitivo-sensorielle sont aussi développés que possible.
Anesthésie tégumentaire généralisée (peau et muqueuses). Ni le
contact, ni la douleur, ni la température ne sont perçus en aucun
point du corps ; sensibilité profonde abolie; perte absolue du sens
1 Communication faite au Congrée des aliénistes et neurologistes de
Clermont-Ferrand. (Août 1894.)
Archives, t. XXVIII. - 23
384 clinique NERVEUSE.
musculaire et articulaire, des notions de poids, de position des
membres, de direction. Chaque fois qu'on interroge la malade au
cours de ces recherches, elle fait cette réponse caractéristique :
« Comment voulez-vous que je sache tout cela, ce que deviennent
mes bras, mes jambes, puisque je ne les vois pas ? montrant qu'ha-
bituellement elle supplée par les sensations visuelles au défaut de
ses sensations kinesthésiques.
Le champ visuel des deux côtés est aussi rétréci que possible, se
réduisant presque au point de fixation. Il y a de la dyschromatop-
sie : les violets, bleus, verts paraissent uniformément tantôt bleus,
tantôt roses, suivant la teinte plus ou moins foncée.
L'ouïe des deux côtés est également très faible : une montre n'est
plus entendue à 1 ou 2 centimètres. L'odorat et le goût sont
abolis. Perte du réilexe pharyngien, de la sensibilité de l'anus et
du rectum ; la malade prenant un lavement sans sentir ni l'intro-
duction de la canule, ni la température du liquide. Elle ne sent
non plus jamais la faim. Comme zones hyperesthésiques, on ne
retrouve guère que le clou qui est très net.
D'après l'examen des troubles de la sensibilité, la malade se
présente donc à nous comme atteinte d'anesthésie généralisée. Elle
a d'autre part des attaques plus ou moins intenses, mais toujours
du même type, et caractérisées par une perle de connaissance, cris
et rires spasmodiques, convulsions toniques en extension, ébauche
d'arc de cercle, grands mouvements peu accentués, attitudes pas-
sionnelles, hallucinations et délire, sur lesquels nous reviendrons.
La malade ne garde à l'état de veille aucun souvenir de ces atta-
ques, fait assez explicable eu égard aux accidents mentaux qu'elle
présente d'autre part. Les plus saillants sont les troubles amnésiques
auxquels nous avons déjà fait allusion. Mais ils ne sont pas les
seuls.
Lorsque la malade nous fut amenée, le 5 jnin, il y avait déjà
quinze jours qu'elle était arrivée à Paris, venant de Lesparre, à la
suite d'une scène survenue le 26 mai, sur laquelle elle ne peut fournir
aucun détail. Elle ignore absolument tout : la date, ce qui s'est
passé. Elle sait seulement que son père a voulu la faire revenir
dans son pays, qu'un gendarme était venu lui en apporter l'ordre.
A partir de ce moment, elle ne se souvient plus de rien ; et ne peut
s'expliquer ni pourquoi, ni comment, ni avec qui elle est venue à
Paris.
De plus, à mesure que le temps s'avance, cette amnésie progresse
en quelque sorte; car la malade ne retient rien ou presque rien de
ce qui se passe autour d'elle. Les faits sont oubliés à mesure qu'ils
se produisent, la très grande majorité totalement, quelques-uns,
très rares, seulement dans leurs détails, restant ainsi à l'état défaits
vagues, isolés, sans signification précise.
Notre malade semble d'ailleurs parfaitement indifférente à tout
HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 355
et vit dans une sorte d'hébétement continu, passant ses journées à
faire de la dentelle d'une façon automatique, sans pensera rien,
dit-elle. De fait, par l'examen direct à l'état de veille, on ne peut
retrouver chez elle aucun délire, aucune idée fixe, et l'on ne cons-
tate qu'un état de confusion mentale assez accentué.
Depuis son entrée dans le service, elle semble n'avoir rien com-
pris et rien retenu. Elle dit bien qu'elle est à la Salpêtrière, mais
ce n'est là qu'un mot ne répondant à aucune idée précise. Elle
ignore comment et pourquoi elle y est venue, ne se rappelle même
pas être passée par le Dépôt de la Préfecture de police et l'asile
Sainte-Anne, sait seulement qu'elle était à Paris chez sa tante. De
même elle reconnaît les personnes du service plus ou moins aisé-
ment, mais toujours sans comprendre ce qu'elles font là; elle
ignore le nom de sa salle, ceux de ses voisines. Elle ne se souvient
pas d'un instant à l'autre de ce qu'elle vient de faire; et à cette ab-
sence de points de repère correspond une notion extrêmement
vague du temps. Si on la surprend au milieu d'une lecture, elle ne
peut en donner le sens. Il faut, lorsqu'on veut lui parler, fixer son
attention pour en obtenir des réponses, lentes à se formuler et très
brèves. Elle est toujours indifférente à ce qui se passe autour d'elle,
. distraite, ayant l'air de rêver, bien qu'elle déclare formellement ne
penser à rien ; ou s'absorbant par exemple dans la contemplation
d'un objet extérieur, d'un tableau pendu au mur qu'elle regarde
longuement et sans qu'elle paraisse ensuite en avoir retiré autre
chose qu'une notion très vague, à peine celle qu'un enfant pourrait
exprimer après avoir feuilleté un album d'images.
Les faits antérieurs au 26 mai ne sont pas oubliés, mais la mé-
moire ne les reproduit toutefois qu'en hésitant, avec un certain
effort ; et souvent même il faut presser la malade pour en obtenir
un renseignement, car elle répugne en général à toute espèce d'ef-
fort. Lorsqu'on lui parle des faits survenus depuis le 26 mai, quoi
qu'elle en dise, elle ne se donne guère la peine de chercher ; et sou-
vent même elle se contente de répondre que c'est ennuyeux d'en
entendre parler, puisqu'on sait bien qu'elle a tout oublié, qu'elle
ne retient rien.
Cette difficulté de l'effort ne se rencontre pas seulement dans le
domaine de l'attention, mais à l'occasion de toutes les manifesta-
tions volontaires. La malade est lente dans tous ses mouvements,
reste assise la plupart du temps à faire des travaux de crochet ; elle
est des plus dociles, se laissant facilement conduire, dans sou éter-
nelle indifférence. -
L'ensemble symptomatique que nous venons de signaler et
que l'on observe directement à l'état habituel, vient à se
modifier dans des circonstances différentes, donnant ainsi lieu
à des constatations de clinique psychologique d'une grande
3513 ? V' 5 CLINIQUE NERVEUSE.
- --importance au point de vue de la nature et du pronostic de ces
phénomènes. , ,
En face d'une malade se présentant à nous avec de l'anes-
thésie généralisée, la première idée qui devait se, présenter à
notre esprit était, avant toute chose, de tenter sur elle ce que
l'on appelle l'expérience de Strumpell.
Vous savez, en effet, Messieurs, qu'une anesthésique totale à
qui on enlève la faculté de voir et d'entendre, tombe dans un
état particulier, sur lequel les auteurs ne sont pas d'accord.
M. Raymond, qui a fait en France une étude très complète
de ces cas particuliers, pense que les malades entrent alors
dans un état de sommeil qui se rapproche du sommeil normal,
tant par son mode de production que par ses manifestations
extérieures. M. Ballet, au contraire, tout en ayant constaté les
mêmes phénomènes, leur attribue une autre interprétation et
pense qu'il s'agit là d'une forme de sommeil hypnotique. -,
Pour M. Pierre Janet, ce serait également un état somnam-
bulique ; pour M. Pronier, une manifestation purement hysté-
rique, nullement comparable au sommeil normal.
Or, si nous nous reportons à nos expériences personnelles,
voici, sous une forme résumée, ce que nous avons pu obser-
ver. L'occlusion, des oreilles seules, et lorsqu'elle n'est pas
prolongée, ne produit rien de particulier, aucune modification
dans l'état somatique ou psychique de la malade qui comprend
les signes, les gestes que l'on fait, les mots que l'on écrit devant
ses yeux, qui répond, exécute les ordres donnés. ,
Pratiquée dans les mêmes conditions, l'occlusion momen-
tanée des yeux seuls n'empêche pas M... de compter, de
répondre comme devant aux questions qu'on lui pose. Seuls
les mouvements volontaires se trouvent modifiés, ce qui n'a
rien d'étonnant puisque nous avons constaté chez elle la sup-
pléance des images kinesthétiques absentes par les images
visuelles. A la suite de l'occlusion des yeux, ou simplement
de l'interposition d'un écran, elle perd les notions de position
de ses membres, de la direction des mouvements, que tantôt
elle accomplit d'une façon incoordonnée, ou même qu'elle
croit parfois accomplir, alors que tout se borne à la simple
tentative d'un effort initial sans mouvement effectif. Ajoutons,
à ce propos, que l'interposition d'un écran, lorsque la malade
écrit, ne l'empêche pas de continuer; mais il est à remarquer,
comme nous le verrons plus tard, qu'elle présente le phéno-
HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 357
mène connu sous le nom d'écriture automatique et inconsciente.
Mais dans ces expériences, que la malade soit privée isolé-
ment de ses sensations soit optiques, soit auditives, il est à
remarquer que cela peut n'être que presque momentané (de
deux ou'trois minutes), et ensuite, lors même que l'expérience
se prolonge (occlusion des oreilles seules pendant dix minutes,
par exemple, ou des yeux seuls pendant trente minutes),
M... reste forcément en correspondance avec nous à l'aide du
sens qui reste libre, pour recevoir nos ordres et nous per-
mettre de nous assurer de son état psychique. Nous continuons
donc ainsi à fixer son attention, à entretenir et à diriger son
activité mentale.
Mais supprimons ces deux conditions, et une fois l'occlusion
faite des yeux ou des oreilles, toujours isolément, abandon-
nons la malade à elle-même et attendons. Que va-t-il se pro-
duire ? Absolument les mêmes phénomènes que détermine
chez elle l'occlusion simultanée des yeux et des oreilles, c'est-
à-dire l'expérience de Strumpell.
Voyons donc ce qui se passe dans cette expérience. Si l'on
vient à pratiquer tout à la fois l'occlusion hermétique des yeux
et des oreilles, la malade se débat d'abord un peu comme pour
essayer de se débarrasser du bandeau, puis après quelques
minutes laisse tomber sa tête sur sa poitrine. A ce moment
elle allonge les bras qui entrent en contracture, présentent
quelques petites secousses cloniques, puis des mouvements
automatiques ; la respiration s'accélère ; par instants, il se
fait des inspirations profondes et au bout de cinq minutes la
malade reste immobile. Elle présente alors des contractures
tantôt dans un membre, tantôt dans un autre, surtout aux
membres supérieurs. Il n'y a pas d'ailleurs d'hyperexcitabilité
neuro- ou cutano-musculaire ; pas trace de plasticité catalep-
tique dans les membres non contracturés.
Si on enlève les bandeaux, on constate immédiatement, et
de la façon la plus nette, un frémissement des paupières qui
persiste tant que la malade est dans cet état. Le pouls est
accéléré (108), la respiration l'est aussi, le visage un peu conges-
tionné.
Si on ouvre brusquement les paupières, on éprouve une
grande résistance. On voit alors que les yeux sont en stra-
bisme convergent supérieur ; les paupières se relerment de suite,
et tout reste dans le même état. Mais si on les maintient ouvertes
358 CLINIQUE NERVEUSE.
alors la malade tourne la tête, fait de profondes inspirations.
En même temps apparaissent des spasmes toniques dans les
membres, puis la malade fait quelques mouvements simple-
ment désordonnés, s'agite, secoue la tête, se frotte les yeux et
se réveille d'un air absolument hébété, sans avoir aucun sou-
venir de ce qui vient de se passer. Voilà pour les phénomènes
les plus apparents qui caractérisent objectivement cet état.
Sans rien préjuger de la question, ce sommeil semble déjà
se différencier beaucoup du sommeil normal. Mais approfon-
dissons davantage. La malade, quelques jours après, est placée
dans les mêmes conditions, par le môme procédé, ayant pro-
duit les mêmes phénomènes. On la débarrasse de son ban-
deau ; et au lieu de lui ouvrir les yeux, on l'interpelle. Loin de
se réveiller, elle nous répond ; on entre ainsi en conversation
avec elle, et l'on ne tarde pas à s'apercevoir qu'elle dispose
alors d'une activité intellectuelle beaucoup plus grande et
d'un champ de conscience beaucoup plus étendu qu'à l'état de
veille. 1
Si nous recherchons ce que sont devenus les stigmates phy-
siques constatés précédemment, nous les voyons profondément
modifiés. D'abord, on ne trouve plus le clou ; en outre la sen-
sibilité cutanée est revenue, de même que le sens musculaire,
bien que d'une façon encore imparfaite. Elle sent la piqûre et
a retrouvé les notions de position, de poids et même en grande
partie celles de direction.
D'un autre côté, mêmes modifications des sens spéciaux
(goût, odorat) ; le champ auditif réduit de 1 raz 2 centimètres
augmente à 12 ou 15 centimètres. Le champ visuel n'a pu être
examiné, mais il est bien vraisemblable qu'il a dû également
s'élargir. Il est à remarquer d'ailleurs que toutes ces excita-
tions sensitivo-sensorielles, même répétées, ne réveillent nul-
lement la malade, comme elles pourraient le faire chez un
simple dormeur; et sont le point de départ de réactions psy-
chiques, intelligentes, nullement comparables à l'automatisme
du rêve dans le sommeil normal. La modification des différents
symptômes anesthésiques nous indique donc déjà un élargisse-
ment du champ de la conscience permettant à M... de percevoir
les sensations actuelles. Mais tout ne se borne pas là ; il en est
de la mémoire comme de la perception extérieure, et de même
que la conscience perçoit maintenant les sensations présentes,
elle s'assimile également les images des souvenirs.
HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 359
Aussi, M... raconte-t-elle alors sans la moindre hésitation,
de la façon la plus précise, avec dates et détails à l'appui, non
seulement tous les faits qui ont suivi son départ de Lesparre,
mais encore d'autres qui l'ont précédé et qu'elle a oubliés à
l'état de veille; enfin, tous ceux qui se produisent au jour le
jour et.qu'elle semble ignorer.
De cette façon nous pouvons savoir dans quelles circons-
tances est apparue son amnésie et en déterminer les carac-
tères. Cette amnésie s'est montrée le 26 mai à la suite d'une
attaque survenue dans l'après-midi, au retour de quelques dé-
marches faites par la malade à l'occasion de l'ordre que le
gendarme lui avait apporté le matin entre sept et huit heures.
Cette visite du gendarme semble être, à l'état de veille, le
point de départ de l'amnésie qui, en réalité, présente ainsi déjà
une période rétrograde de quelques heures, comprise entre la
venue du gendarme et l'attaque. Cette période rétrograde
comprend même quelques souvenirs épars d'un passé plus
lointain, et ses limites réelles sont bien difficiles à pré-
ciser.
Quoi qu'il en soit, la malade pendant la période de Strumpell
donne tous les détails possibles sur cette période rétrograde.
Cela nous montre donc que les souvenirs de ces faits ne sont
pas totalement perdus pour elle, mais qu'ils existent en réalité
à l'état subconscient. De même, les faits qui ont suivi l'at-
taque, son voyage à Paris, ceux qui se sont passés jusqu'à son
entrée dans le service, et depuis (période antérograde), tous,
même les plus minimes, même ceux auxquels elle semble par-
faitement indifférente, ont été cependant complètement perçus
et fidèlement conservés de la même façon subconsciente. C'est
ainsi que, dans cet état, la malade donne les renseignements
les plus précis sur les péripéties de son voyage, de son séjour
à Paris, de son internement, sur ce qu'elle ressent, fait, voit
ou entend dans sa salle, sur ses voisines, sur ce qui se passe
autour d'elle, sur ses attaques et leurs particularités. Elle a
une notion et un souvenir parfaitement exacts des lieux, des
objets, des dates, de la durée; alors qu'à l'état de veille, elle
semble n'avoir rien compris et rien retenu. Elle combine par-
faitement tous ces faits les uns avec les autres, raisonne en un
mot et exprime ses idées avec plus de facilité, exécute plus
vite et d'une façon plus précise les mouvements qu'on lui
commande. -
360 CLINIQUE NERVEUSE.
Tels sont les symptômes observés à la suite de l'occlusion
simultanée .des yeux et des oreilles, et cela à différentes re-.
prises. A mesure cependant que l'on reproduit l'expérience,
les symptômes objectifs. qui l'accompagnent, tels que la con-
tracture, par exemple, s'atténuent beaucoup, mais sans dispa-
raître jamais.. - <
Nous rappellerons qu'on observe des phénomènes iden-
tiques de tous points par l'occlusion isolée des yeux, ou même
des oreilles, à condition de laisser la malade abandonnée à
elle-même. La seule différence est que cet état particulier se
produit moins rapidement que dans l'expérience de Strumpell,
surtout lorsque l'occlusion n'intéresse que les oreilles : au bout
de cinq minutes au plus dans l'occlusion simultanée des yeux
et des oreilles ; au bout de cinq à dix minutes environ dans
l'occlusion des yeux seuls; de vingt-cinq minutes dans celle
des oreilles seules. (Ces chiffres se rapportent aux premières
expériences de chaque catégorie, à mesure que les expériences
se répètent, le temps se raccourcit par une sorte d'entraîne-
meut, mais les rapports respectifs restent les mêmes.)
Interrogée sur ce qu'elle éprouve dans l'état que nous ve-
nons de décrire. M... déclare sans hésitation qu'elle se trouve
très bien, beaucoup mieux qu'à l'état de veille. Elle n'est pas
énervée, n'a pas mal à la tête. D'autre part, elle nous dit for-
mellement que cet état ne ressemble pas à son. sommeil de la
nuit, parce qu'alors elle a des cauchemars, qu'elle a mal à la
tête, tandis que maintenant elle n'a rien de tout cela. Cette
assertion de sa part n'a rien qui nous étonne, car nous l'avons
fait surveiller la nuit. Elle dort en général très peu et mal.
L'obscurité et le silence de la nuit, qui réalisent à peu près les
conditions de l'expérience de Strumpell, ne favorisent même
pas le sommeil. Pendant ce sommeil naturel, la malade rêve
souvent à haute voix; mais alors au lieu de répondre lorsqu'on
lui parle, ou bien elle continue son rêve, ou bien elle se ré-
veille. D'autre part son sommeil naturel n'est ni précédé, ni
accompagné, ni suivi d'aucuns des phénomènes objectifs que
détermine l'occlusion des yeux et des oreilles dans l'expérience
de Strumpell.
En revanche, les mêmes phénomènes se produisent dans une
autre circonstance, dans le sommeil provoqué. En effet, M...
est hypnotisable ; et quel que soit alors le procédé employé, le
plus souvent la fixation d'un objet brillant, l'on arrive en cinq
HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 361
minutes à provoquer un somnambulisme dans lequel nous
voyons non seulement se reproduire trait pour trait, les con-
tractures des membres, les petites secousses cloniques avant
et pendant le sommeil, le frémissement des paupières ; mais
ou l'on constate encore de même l'absence d'hyperexcitabilité
neuro-musculaire ou cutano-musculaire, les mêmes modifica-
tions des stigmates, le même élargissement du champ de la
conscience pour les faits de perception et de mémoire. Enfin
le réveil obtenu alors par le souffle sur les yeux ou la seule
injonction : Réveillez-vous », s'accompagne des mêmes phé-
nomènes objectifs précédemment signalés au sortir de l'état
déterminé par l'expérience de Strumpell. Et dans un cas
comme dans l'autre, une fois revenue à l'état de veille,
M..., est parfaitement inconsciente de ce qui vient de se
passer.
Nous ajouterons que la malade ne fait elle même aucune
différence entre ce sommeil provoqué et l'état qui succède à
l'expérience de Strumpell, qu'elle distingue formellement, en
revanche, de son sommeil normal. Il est à remarquer aussi
que pendant le sommeil provoqué, elle retrouve les mêmes
souvenirs spontanés ou relatifs à ce que l'on a dit ou fait pen-
dant l'expérience de Strumpell, et réciproquement.
Les considérations précédentes nous amènent donc légiti-
mement à cette conclusion que chez notre malade, le som-
meil qui succède à l'expérience de Strumpell n'est pas assimi-
lable au sommeil naturel, mais rentre dans la catégorie des
somnambulismes. Et ce fait nous parait avoir d'autant plus
de valeur que l'expérience de Strumpell n'avait jamais été
tentée chez M... avant nos recherches, qui ont débuté par ce
point et donné de suite les résultats que nous venons d'ex-
poser.
A un autre point de vue, notre observation vient à l'appui
de l'opinion qui rattache l'anesthésie et l'amnésie hystériques à
un état de désagrégation mentale particulier, de double con-
science. Cette anesthésie, cette amnésie apparentes ne sont en
réalité qu'un défaut d'assimilation des sensations d'une part,
et d'autre part, des images qui sont la base des ^souvenirs, et
qui en réalité sont enregistrées et conservées sinon dans la
conscience principale du sujet, du moins dans une conscience
secondaire, et peuvent ainsi être reproduites dans des circons-
tances spéciales : par exemple, dans le somnambulisme pro-
362 CLINIQUE NERVEUSE.
voqué par les moyens ordinaires ou par l'expérience de Strum-
pell, et aussi dans l'état de simple distraction si facile à
déterminer chez les hystériques et au cours duquel l'écriture
automatique et inconsciente nous donna déjà , bien que
moins complets, des renseignements sur nombre de faits que
notre malade paraissait ignorer.
Ces mêmes procédés nous ont permis de constater la pré-
sence d'un phénomène psychologique survenu à l'origine de
l'amnésie, de l'état aboulique, de la confusion mentale, et dont
la persistance depuis lors est sans doute pour beaucoup dans
leur continuité. C'est, comme dans bien des faits de ce genre,
en particulier dans celui qui fut étudié à divers points de vue
par MM. Charcot, Souques, P. Janet, la présence d'une idée
fixe subconsciente. En effet, alors qu'à l'état de veille l'inter-
rogatoire de la malade ne met sur la piste d'aucun délire, d'au-
cune idée fixe, dans le sommeil hypnotique, comme dans celui
qui succède à l'expérience de Strumpell, comme dans l'écri-
ture automatique, elle raconte qu'elle est perpétuellement
obsédée par l'idée ou même la vision du gendarme qui est
venu la chercher; et découvre même qu'elle y pense dans la
journée à l'état de veille, mais « sans s'en rendre compte, sans
le savoir » . 1
Elle dit également y rêver la nuit dans son sommeil natu-
rel et le revoir tout le temps à chacune de ses attaques. C'est
d'ailleurs ce que nous avons pu constater par nous-mêmes
dans ces circonstances. En effet, on l'a surprise, dans son som-
meil naturel, parlant de la scène en question, du gendarme,
du rappel de son père, de son émancipation. Et dans la
période délirante de son attaque, c'est l'hallucination visuelle
du gendarme qui forme le pivot de tout le délire dans lequel
elle cause avec des personnages imaginaires, refusant d'obéir
à l'ordre de son père, se disputant avec le gendarme, avec
son père, menaçant de tuer ce gendarme qui ne la quitte pas
un instant (sic), exprimant l'intention, qu'elle ajoute ne vou-
loir 'dire à personne (sic), de partir ensuite pour Buenos-
Ayres, etc... Ajoutons qu'à ce moment on peut se mettre en
communication et causer avec elle, mais à condition d'entrer
et de rester absolument dans le cercle restreint de son délire.
Encore ne peut-on pas le diriger et le modifier à son gré ; et
n'obtient-on que quelques réponses très brèves.
La présence constante de cette idée fixe, même pendant la
HYSTÉRIE. EXPÉRIENCE DE STRUMPELL. 363
veille, à l'état subconscient, absorbant le peu d'attention que
M... a de disponible, la maintenant dans un état de distrac-
tion perpétuelle, et par suite augmentant encore le rétrécis-
sement du champ de conscience; ne peut qu'entretenir les
troubles anesthésiques, abouliques et amnésiques par les-
quels il se manifeste à nous. Aussi est-il indiqué, au point de
vue thérapeutique, de s'attaquer à cette idée fixe. Mais il est
à remarquer, à ce propos, que M... n'est nullement suggestible
dans l'état somnambulique provoqué soit par les moyens
ordinaires, soit par l'expérience de Strumpell et se présentant
sous l'aspect que nous avons décrit, s'agit-il de suggestion
momentanée et des plus simples. La chose n'a rien d'éton-
nant, car nous savons qu'il existe, même chez les hystériques
suggestibles, des conditions de la suggestibilité. Et c'est ainsi
que la présence d'une idée fixe, un développement intellec-
.tue plus grand pendant le somnambulisme, déterminant
comme une restauration presque complète de la personnalité,
sont des obstacles à la suggestibilité. Or, nous avons vu que
notre malade réalise absolument ces deux conditions défavo-
rables. Toutefois, M... présente d'autres états, voisins du pré-
cédent, où le développement intellectuel en rapport avec la
deuxième conscience étant moins accentué, elle devrait être
plus suggestible et où elle l'est en effet. C'est ainsi que dans
l'état de distraction simple provoquée pendant l'état de veille,
et avec écriture automatique et inconsciente, on peut modi-
fier par la suggestion l'idée fixe du gendarme.
M... est également suggestible dans un autre état somnam-
bulique, intermédiaire en quelque sorte à la distraction avec
écriture inconsciente et à l'état somnambulique que nous
avons décrit chez elle, à la suite de l'expérience de Strumpell
ou de manoeuvres hypnotiques ordinaires. En effet, l'expé-
rience de Strumpell réitérée d'abord à des reprises multipliées,
nous avait toujours mis en présence de cet état dont nous
avons exposé tout à l'heure les particularités, lorsqu'un jour,
au lendemain d'une violente attaque, nous répétons cette
expérience de la même façon et après nous être assuré que la
malade était dans les mêmes conditions d'anesthésie et d'am-
nésie. Elle tombe rapidement dans un état de sommeil sem-
blable en apparence aux précédents, et toujours précédé et
accompagné des mêmes phénomènes objectifs, tels que con-
tractures,, modifications respiratoires, frémissement des pau-
364 CLINIQUE NERVEUSE.
pières... Mais, en revanche, nous constatons que cette fois,
contrairement à ce qui se passait dans les autres expériences,
M... a conservé, absolument comme à l'état de veille, son
anesthésie sensitivo-sensorielle, et ne présente, en fait de
modifications de la sensibilité, que la disparition du clou.
L'amnésie, elle, s'est modifiée dans le même sens que les
autres fois, mais cependant d'une façon moins complète, et
nombre de faits sont rappelés d'une façon beaucoup moins
précise et après quelques efforts. Il persiste même un certain
degré de confusion mentale, la notion des lieux, du temps,
des faits, est moins nette que dans les autres expériences. En
outre, lorsqu'elle vient à parler de son délire, de son idée fixe
du gendarme, elle ne la juge plus de la même façon au mo-
ment actuel. Alors que dans le somnambulisme des expé-
riences précédentes, elle jugeait la vision de son gendarme
à sa juste valeur, comme une véritable hallucination, upe idée
obsédante moins fausse, cette fois, elle déclare que si elle le
voit, c'est qu'il est bien là et qu'il s'est attaché à sa poursuite.
Malgré ces différences, il est à remarquer que dans cet état
somnambulique particulier, elle conserve la notion et le sou-
venir des somnambulismes précédents et se trouve, dit-elle, à
peu près dans le même état.
Dans ce somnambulisme, car c'est bien en fait un som-
nambulisme, mais à développement moins complet que les
autres, la malade est suggestible non seulement pour des sug-
gestions momentanées, mais aussi pour d'autres devant se
réaliser, et s'étant en effet réalisées, à échéance plus lointaine,
après le réveil.
Nous avons pu, dans les conditions précédentes, comme
dans l'état de distraction provoquée, nous attaquer à l'idée
fixe avec quelque succès, et il s'est produit dès lors une très
légère amélioration dans l'état mental, jusqu'à ce qu'une nou-
velle attaque, en rappelant le délire, vint tout remettre en
question. Ces variations de l'état somnambulique constatées
une fois dans l'expérience de Strumpell, n'ont rien qui puisse
nous surprendre, car on en rencontre de semblables dans bien
des cas de sommeil provoqué, et c'est là un argument de plus
en faveur de l'identité de l'état succédant à l'expérience de
Strumpell avec les somnambulismes. Pour être absolument
complet, il nous faudrait retrouver les mêmes variations dans
le sommeil hypnotique provoqué par les moyens ordi-
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE 365
naires 1. Nous ne doutons pas qu'on ne puisse y arriver.
Mais le temps nous a manqué pour cela, et nous ne pouvons
guère actuellement compter pour cela que sur le hasard.Nous
n'avons pu, en effet, déterminer les conditions de ces varia-
tions dans l'expérience de Strumpell. Nous avions toujours
opéré de-la même façon et l'examen de la malade, immédia-
tement avant l'expérience, ne nous avait rien présenté qui
nous eût paru différent.
Il nous semble donc résulter de notre observation en elle-
même et comparée à celles des autres auteurs, qui pour la
plupart ont avec elle de grandes analogies :
1° Que l'état particulier qui succède à l'expérience de Strum-
pell n'est nullement un sommeil naturel, mais bien un état
somnambulique.
2° Que cet état somnambulique, comme tout autre du même
genre d'ailleurs, peut varier chez le même malade suivant
des circonstances difficiles à préciser.
3° A plus forte raison qu'il peut varier suivant les malades;
et c'est sans doute à ce fait qu'il faut attribuer pour une
part les divergences des opinions exprimées par les auteurs,
l'autre part revenant aux différences qui, d'après la lecture de
leurs observations, ont certainement existé dans les conditions
de leurs expériences.
CHIMIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'URINE
DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE;
Par les D" KLIPPEL, chef de laboratoire de la Faculté de médecine;
et SERVEAUX, aide de laboratoire, licencié ès sciences.
Il est toujours d'un grand intérêt d'étudier la nutrition dans
les différents états pathologiques, mais cet intérêt croît encore
1 Ces mêmes variations ont été retrouvées depuis pour le sommeil
hypnotique provoqué par les moyens ordinaires, dans des expériences
postérieures à notre communication.
366 CHIMIE PATHOLOGIQUE.
quand il s'agit de maladies nerveuses ou mentales, car les
modifications des échanges nutritifs nous montrent quelles
sont exactement les conséquences des altérations anatomiques
et physiologiques du système nerveux sur la vie végétative.
On peut même espérer dans certains cas au moyen de la
connaissance de ces échanges nutritifs vicieux remonter à la
cause et faire ainsi dans des circonstances difficiles un diagnos-
tic douteux ou la preuve d'un diagnostic probable.
Pour bien connaître la nature et la valeur de l'évolution des
éléments de la nutrition, il faut tout d'abord étudier les excré-
tions de l'individu et surtout l'urine.
C'est ce qui nous a engagé à entreprendre, d'après le conseil
et sous la direction de notre excellent maître M. le professeur
Joffroy, ce travail sur l'urine des paralytiques généraux, qui a
pour but la détermination de la formule urinaire exacte de la
paralysie générale. Dans notre pensée cette formule servira de
préface à l'étude de la nutrition dans cette maladie, espérant
qu'on pourra peut-être arriver par la suite à un élément de
diagnostic important, d'autant plus important que le début de
la paralysie générale est plus obscur.
L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE, D'APRÈS LES AUTEURS
Nous n'avons point la prétention de faire ici un historique
complet des travaux sur l'urine des paralytiques généraux, et
nous espérons que les auteurs que nous n'aurons point cité
voudront bien nous pardonner notre omission ; nous voulons
simplement indiquer sommairement les principaux résultats
de nos prédécesseurs pour pouvoir montrer par la suite leurs
contradictions et faire voir combien des expériences de con-
trôle étaient nécessaires.
Sutherland et Beale * signalent dès 1855 que la quantité des
phosphates augmente dans le paroxysme de la manie aiguë
consécutive à la paralysie générale, et qu'elle diminue dans
son déclin.
A. Addison 2 conclut, au contraire, d'analyses d'urine de
paralytiques généraux, que dans l'excitation les quantités
d'acide phosphorique, d'urée et de chlorure de sodium sont
moindres que dans le calme.
1 Sutherland et Beale. Medico-chirurg. Transactions, 1850.
r A. Addison. Medico-chir. Review, avril 1805.
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 367 Î
De son côté, Merson 1, s'appuyant sur un grand nombre de
dosages, pense que l'urée est en général augmentée, que les
chlorures, que l'acide phosphorique sont en quantité moindre,
que celle de l'acide sulfurique est normale, que le poids spéci-
fique de l'urine varie à peine, et que le volume de vingt-quatre
heures est un peu diminué si on le compare à l'état physiolo-
gique ; mais qu'au contraire il est augmenté si on l'évalue
comparativement avec le poids du corps.
Rabow 2 considère lui aussi la quantité d'urine comme aug-
mentée ainsi que celle de l'urée, mais il constate en outre
l'augmentation des chlorures contrairement à l'opinion de
Merson. Enfin, d'après M. Lailler 3, cité par M. A. Voisin dans
son Traité de la Paralysie générale, l'urine a les caractères
de celle des fébricitants.
Aussi bien, dit M. Lailler, dans les phases d'excitation que
de dépression, la densité de l'urine est toujours plus ou moins
élevée au-dessus de la normale, et on note une augmentation
presque constante dans la somme des produits éliminés. Ces
modifications qui se produisent dès la première période sont
surtout marquées à la troisième et lorsque la maladie est tra-
versée par des crises épileptiformes.
A la troisième période, ajoute M. Voisin, l'urine est souvent
fétide et trouble et contient quelquefois de la bile ou des cris-
taux d'urate de soude, d'acide urique, parfois des globules
sanguins, des cellules rénales et de l'albumine.
On voit qu'il y a des contradictions assez nombreuses dans
ces différentes opinions ; aussi comme conclusions de ces
mémoires, M. A. Foville5 déclare-t-il qu'il lui parait ressortir
des analyses qui ont été publiées que la sécrétion urinaire ne
présente aucune altération spécifique dans la paralysie générale.
Et après lui MM. J. Christian et A. Ritti 6 pensent également
que dans cette maladie les modifications de la sécrétion uri-
naire n'offrent rien de caractéristique.
1 Merson. The Urinology of gênerai Paralysis. (West Riding lu-
natic Asyluni Reports, 1874.)
y Rabow. - Archiv. fur. Psych., 1877.
' Laitier. Ann. méclie. psych., 1876.
' A. Voisin. Traité de la paralysie génér. des aliénés. Paris, 1879.
5 A. Foville, fils. - Nouv. Dict. de méd. et de clair. prat. Articl. Pa-
ralysie générale, 1878.
a J. Christian et A. Ritti. - Dict. Encycl. des Scienc. Aléd.; Art. Pa-
raly. génér., 1884.
368 CHIMIE PATHOLOGIQUE. -
Les résultats de ces analyses des matériaux normaux de
l'urine n'ont donc rien donné de bien net, rien établi sûre-
ment ; nous allons voir que l'étude des substances anormales
n'a conduit à rien de plus certain.
Rabenan ' avait signalé la présence fréquente de l'albumine
dans la paralysie générale (20 cas sur 36, soit 55,5 p. 100),
mais M. A. Voisin' nie cette fréquence et prétend que l'albu-
mine ne se rencontre qu'exceptionnellement dans cette affection.
J. Türner' ne trouve également que 7, 6 p. 100 d'albuminu-
riques dans les paralytiques généraux.
Ici encore la question n'est point résolue vu la contradiction
absolue de M. Voisin et de Rabenau.
En 1885, Maccabruni * signala la présence des peptones chez
les aliénés, surtout à l'occasion des maladies intercurrentes, et
il l'attribua à une maladie latente ou à une altération de la
nutrition résultant de l'agitation (vu leur fréquence plus grande
chez les agités). Et nous trouvons un peu plus tard vingt-
deux analyses d'urines de paralytiques généraux publiées par
Marre dans lesquelles cet auteur a constamment trouvé des
peptones.
L'intensité de la peptonurie lui a même paru proportionnelle
à l'acuité de la maladie et à la rapidité de l'évolution. Aussi
se croit-il en droit de conclure que dans les cas de diagnostic
douteux l'absence de peptone dans l'urine permettrait d'écarter
l'hypothèse de paralysie générale.
. C'est aussi l'opinion de R. Fonda qui assure que la pepto-
nurie se rencontre chez '.ous les paralytiques; mais, ajoute-t-il,
elle n'est pas constante; aussi, apportant une certaine restric-
tion à l'opinion de Marro, l'absence de peptonurie pour lui
n'exclut la phrénose paralytique que si elle est constatée par
des examens répétés.
M. Laillerl développe beaucoup l'importance de cette res-
triction et il croit que la peptonurie ne saurait être invoquée
' Rabenau. Analyse des urines des aliénés paralytiques. (Archiv.
fur. Psych. 1874.)
A. Voisin. Loc. citât.
J. Tùrner. Brit. med. Journ., 1887.
Maccabruni. Archiv. ital. per le malatto nervose, 1885.
marra. Giornale délia R. Ac. di AM. di Torino., Janv. 1888.
R. Fonda. Arcleiv. italiennes de biologie, XVIII, 1893.
1 Lailler. Ann. médéc.-psycla., XIX, p. 17, 1894.
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 369
comme un symptôme de paralysie générale. Elle se rencontre
en effet dans des indispositions passagères et dans un grand
nombre de maladies. On l'observe, dans différentes formes
d'aliénation mentale et si elle est plus fréquente dans la para-
lysie générale, elle fait le plus souvent défaut au début de
l'affection, alors que le diagnostic est incertain. Donc là encore,
au moins d'après M. Lailler, et quoi qu'ait pu croire Marro et
Fonda, pas davantage de critérium.
L'acétonurie peut-elle davantage en donner un ? En aucune
façon. Marro' avait signalé chez les aliénés la relation de
l'acétone avec la peur, mais M. Lailler', après Boech et Slosse,
a montré que l'acétone ne fournissait aucun signe pathologique
en rapport avec l'état psychique ; il a constaté qu'on pouvait
trouver cette substance à l'état de santé comme de maladie et
qu'elle n'avait aucune valeur chez les aliénés. Enfin, parmi les
substances anormales de l'urine des paralytiques, M. Régis' a
signalé la glycose.
Que pouvons-nous et que devons-nous tirer de ces asser-
tions ? Assurément pas grand'chose et nous sommes obligés
de garder une réserve prudente puisque, à côté d'une affirma-
tion absolue, nous trouvons constamment la négation déve-
loppée par un auteur non moins digne de.foi que celui qui
affirme.
C'est en raison de ces doutes que nous avons entrepris
la petite étude qui suit et qui ne représente qu'une minime
partie de l'étude de l'urine dans la paralysie générale. Il nous
semble en effet nécessaire d'établir successivement sur de
sérieux documents les points suivants : 1° la composition
moyenne de l'urine dans chacune des trois périodes de la pa-
ralysie générale ; 2 °la variation de cette constitution moyenne
avec la forme clinique de la paralysie générale ; 3° la variation
de l'urine chez un même individu dans une même période de
la maladie, suivant les phases épisodiques de cette maladie.
Pour le moment nous nous occuperons seulement du premier
point, et encore ne considérerons-nous l'urine de paraly-
tique général que durant la seconde période. Nous n'avons pas,
en effet, eu l'occasion d'étudier à l'asile Clinique (et il en est
ainsi dans tous les asiles d'aliénés) des paralytiques généraux
' Marro. Giornale délia I. Accad. di Aiedic. di Torino, 1889.
Lailler. An7t. médic.-psych., mars 1892.
3 Régis. Ann. médic.-psych., 1879.
Archives, t. XXVIII. 24
370 O CHIMIE PATHOLOGIQUE.
dans la première période, et quanta ceux qui sont entrés dans
la troisième, ils gâtent et il est bien difficile de recueillir inté-
gralement toute leur urine.
Nous espérons, du reste, pouvoir dans peu de temps, non
seulement compléter le premier point de l'étude que nous
avons entrepris, mais encore les deux suivants. Nous pouvons
donc intituler les résultats que nous allons exposer : Constitu-
tion moyenne de L'urine dans la seconde période de la paralysie
générale.
Pour y arriver nous avons pris les urines d'un certain nombre
de paralytiques quelconques sans aucune distinction de forme
ou d'évolution de la maladie et nous avons toujours basé les
données qui vont suivre sur les dosages effectués sur l'urine des
vingt-quatre heures. Avec des aliénés tels que les paralytiques
généraux, il est très difficile de recueillir exactement les urines
d'une journée entière, néanmoins nous croyons avoir réussi
grâce à la bonne volonté du personnel de l'asile Sainte-Anne
(clinique de la Faculté).
Peut-être dans quelques cas, heureusement fort rares,
croyons-nous, y a-t-il eu un peu d'urine perdue ; mais nous
le répétons ces faits constituent l'exception, car nous avons
impitoyablement rejeté l'urine chaque fois qu'il nous sem-
blait y avoir un doute sur l'exactitude du volume des vingt-
quatre heures.
Dans tous les cas, même s'il s'est glissé quelque erreur à
notre insu, le nombre que nous avons trouvé représentera, il
faudra bien y prendre garde, un minimum, puisqu'il ne peut
y avoir eu comme cause perburbatrice qu'une perte d'urine
qui, nous aimons à le répéter, a été tout à la fois très rare et
certainement très petite.
i Constitution moyenne DE L'URINE dans la SECONDE
PÉRIODE DE la paralysie générale.
A. Caractères GÉNERAUX. - 1° Quantité. En consultant les
tableaux I (Urines des hommes) et II (Urines des femmes), on
voit que vingt hommes sur trente, soit les deux tiers, et que six
femmes sur treize, soit environ la moitié ontune quantité d'urine
supérieure à la moyenne (1,200 cent. cubes pour les hommes
et 1,100 pour les femmes, d'après Yvon et Berlioz : Manuel
d'Analyse d' Urines. Paris, 1894) et dans un nombre assez notable e
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 371
de cas cette polyurie est assez intense. Elle est assez forte par
exemple pour que, en additionnant en bloc non point toutes
les analyses puisqu'il peut y en avoir plusieurs d'entre elles se
rapportant au même individu, mais une seule analyse moyenne
pour un même malade, on ait un résultat nettement supérieur
à la normale. Et encore, ici surtout, faudrait-il pouvoir tenir
compte de l'urine qui a pu être perdue. Il y a donc, comme
Rabon l'avait annoncé, une augmentation de la quantité d'urine.
En un mot, s'il est vrai qu'il y ait parfois mais rarement
oligurie, dans le plus grand nombre de cas, il y a une légère
polyurie pouvant devenir parfois très notable.
Couleur. Les urines des paralytiques généraux sont géné-
ralement colorées assez faiblement, le plus souvent on les
trouve jaune citrin, le jaune ambré léger y est déjà plus rare,
et le jaune ambré foncé est presque une exception. Lesrnatières
colorantes sont donc un peu diminuées ou normales, et il en
est de même des chromogènes de l'urine, comme on peut s'en
assurer par l'action de l'acide azotique à froid. Ajoutons
immédiatement, pour ne plus y revenir, que l'indican s'y
trouve souvent en proportion notable; nous chercherons à
expliquer ce fait dans un autre travail.
Aspect. Il est bien rare que l'urine soit transparente;
elle est presque toujours au moins louche, quelquefois trouble,
et ne s'éclaircit pas complètement même après un repos pro-
longé.
Dépôt. Mais après ce repos on a quelquefois un dépôt
assez faible d'urates ou de phosphates suivant les cas; il n'y a
pas de règle bien précise à cet égard. De plus, dans tous les
cas à peu près, on trouve du mucus en quantité toujours très
appréciable, souvent très notable ; l'urine des paralytiques
généraux présente donc une véritable mucinurie.
Consistance. C'est grâce à ce fait et à la présence fré-
quente de l'albumine, comme nous le verrons par la suite, que
cette urine mousse toujours bien facilement, et que la mousse
est assez persistante.
Odeur. Quant à l'odeur, elle est en général normale, mais
plus forte que celle d'une urine ordinaire ; quelquefois on peut
noter qu'elle est ammoniacale, mais cela est rare, même
lorsque la réaction est alcaline.
Réaction. La réaction est en effet fort variable : tantôt,
372 CHIMIE PATHOLOGIQUE.
le plus souvent elle est acide, mais toujours alors faiblement
acide, tantôt elle est neutre et enfin tantôt alcaline. D'après la
statistique que nous avons établie, la réaction est faiblement
acide dans les deux tiers des cas ; elle est neutre à peu près
dans un sixième dès cas, et alcaline dans le dernier sixième.
Les urines neutres ou alcalines se rencontrent donc aisément
dans la paralysie générale et cela sans troubles de la miction et
sans rétention prolongée d'urine à l'intérieur de la vessie.
(Nous n'avons pas examiné ces cas.)
Densité. M. Lailler nous indiquait la densité de l'urine
des paralytiques comme plus forte que la densité normale
(v. plus haut). Nous voyons (t. I et II) que cette densité peut
être, il est vrai, normale dans quelques cas, que quelquefois
elle peut même être augmentée, comme le dit M. Lailler, mais
qu'au contraire, dans le plus grand nombre de cas, elle est
diminuée, souvent même assez diminuée.
Dosage DES éléments NORMAUX. - 1° Urée. Pour la plupart
des auteurs, Merson, Rabon et M. Lailler, la quantité d'urée
est augmentée, tandis qu'Addison déclare qu'elle est diminuée.
Nos analyses (tableau I et II) montrent que très généralement
c'est cette seconde opinion qui est réalisée, la diminution de
l'urée est la règle, et cette urée peut être même assez forte-
ment diminuée ; la conservation du chiffre normal est rare,
et son augmentation est l'exception '.
2° Acide urique. Il n'en est malheureusement pas de
même pour l'acide urique pour lequel nous avons employé le
procédé classique qui consiste à le précipiter par l'acide chlorhy-
drique. Comme on l'a montré récemment ce procédé donne des
inexactitudes qui peuvent être souvent tout à fait notables.
Aussi, sans citer nos chiffres qui peuvent être entachés d'erreurs
et cela dans des proportions que nous ne pouvons pas évaluer,
nous contenterons-nous de signaler que l'excrétion de l'acide
urique est très variable ; quelquefois augmenté, il est souvent
diminué, mais alors il est moins diminué que l'urée, et le
rapport de l'acide urique à l'urée est toujours augmenté.
Dans la paralysie générale non seulement par conséquent
1 Nous avons toujours dosé ce corps au moyen de sa décomposition
par l'hypobromite de soude récemment préparé et en déterminant sur de
l'urée les corrections nécessaires; nous nous sommes donc mis, autant
que faire se peut, à l'abri de toute cause d'erreur.
ÉTUDE DE l'urine dans la paralysie générale. 373
HOMMES
374 CHIMIE PATHOLOGIQUE.
Acide phosphorique. L'opinion des auteurs est encore
ici très différente, puisque Sutherland et Beale, ainsi que
M. Lailler le croient excrété en quantité supérieure à la nor-
male, tandis que Addison, Merson, le notent comme diminué.
Nos analyses ' (tableau I et II) en montrent partout l'excré-
FEMMES
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 375
TABLEAU III. Rapport de l'acide phosphorique à l'urée.
376 CHIMIE PATHOLOGIQUE.
chlorures se trouvent diminués ou normaux ; presque toujours
ils sont considérablement augmentés.
Tableau IV. Excrétion des phosphates.
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 377
celle de l'urée ou des phosphates l'action due aux fluctuations
du volume d'urine émis dans les vingt-quatre heures.
Tableau V. Élimination des chlorures en dehors de
la paralysie générale.
378 ' CHIMIE PATHOLOGIQUE.
quantité. Il n'y en a jamais eu plus de 2 à 3 décigrammes par
litre. L'albuminurie est donc relativement fréquente ; nous
l'avons trouvée, il est vrai, moins souvent que Rabenau, mais
néanmoins dans une proportion fort respectable.
Cette albuminurie est-elle due à une lésion rénale légère
ou à une action bulbaire ? On ne peut guère trancher la ques-
tion, bien que pourtant la légère polyurie des paralytiques, la
faible densité de l'urine et les lésions rénales constatées par
M. A. Voisin et par l'un de nous, puissent faire pencher vers
une lésion rénale peu développée.
Peptones. Nous avons recherché les peptones' seulement
cinq fois ; nous en avons trouvé trois fois et deux fois le résul-
tat a été négatif. Comme nous n'avons pas examiné une
seconde fois les urines où nous n'avions point trouvé de
peptones, il nous est au moins pour le moment, vu le peu de
documents que nous possédons sur la question, impossible
d'essayer de nous faire une opinion raisonnée sur la pepto-
nurie chez les paralytiques.
Acétone. Nous avons aussi mis en évidence l'acétone' et
nous l'avons trouvé neuf fois sur dix. Comparativement nous
avons fait la même recherche sur des urines normales et les
résultats positifs ont été seulement de 4 sur 6. Ces nombres
sont bien faibles, il est vrai, mais nous croyons qu'ils suffisent à
montrer qu'on doit considérer avec M. Lailler la présence de
l'acétone comme chose de peu d'importance dans la paralysie
générale. Tout au plus peut-on dire qu'on la rencontre un peu
plus fréquemment que dans l'urine normale.
Résumé ET conclusions. En résumé, nous basant sur les
résultats personnels que nous avons développés au cours de
cette étude, nous sommes convaincus que pour le moment on
ne possède point de critérium permettant de dire immédiate-
ment : Voici une urine de paralytique ou permettant de faire
un diagnostic différentiel.
1 Par le procédé de Wassermann : précipitation des albuminoïdes par
le ferrocyanure de potassium puis filtration, destruction de l'excès de
ferrocyanure par l'acétate de cuivre, de l'excès de cuivre par l'hydrogène
sulfuré; enfin après neutralisation parla potasse et recherche des pep-
tones par le biurel.
e Par le procédé de Chautard : au moyen d'une solution de fuchsine
décolorée par l'acide sulfureux et qui vire au violet en présence de
l'acétone.
ÉTUDE DE L'URINE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 379
De plus, nous avons vu que les urines des paralytiques
étaient essentiellement variables comme volumes excrétés en
vingt-quatre heures, quantité d'urée, de phosphates, de chlo-
rures..., présence d'albumine et qu'on ne peut absolument pas
poser de règle absolue pour aucune de ces données puisque les
variations sont possibles dans tous les sens.
Néanmoins nous avons constaté que s'il n'y avait aucun ca-
ractère essentiel, et que si l'on ne trouvait aucune variation
d'un élément absolument constant, il n'en est pas moins vrai
que les variations se font toujours pour une substance donnée
d'une façon très évidente dans la grande majorité des analyses
dans un sens déterminé.
On peut donc, en laissant volontairement de côté les diffé-
rences individuelles que nous chercherons à expliquer plus
tard, donner les caractères généraux de l'excrétion urinaire
moyenne dans la seconde période de la paralysie générale,
comme suit :
// y a polyurie dans la seconde période de la paralysie géné-
rale ; les urines ont une faible densité et sont de coloration
claire, légèrement troubles, avec un dépôt muqueux assez abon-
dant. L'excrétion de l'urée est diminuée d'une façon sensible
et l'excrétion des phosphates est encore plus réduite, tandis
que les chlorures se trouvent au contraire en quantité très
grande. Il y a souvent de l'albumine en très petite quan-
tité, très fréquemment des peptones et presque toujours de
l'acétone.
Encore une fois nous faisons toutes nos restrictions sur la
peptonurie ainsi que sur tout ce qui touche les urines de la
paralysie générale en dehors de la seconde période de la mala-
die, ainsi que les variations dues aux formes et aux épisodes
de cette affection.
PSYCHOLOGIE
LA PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN r1t11ÉRIQUE
LES LABORATOIRES ET LES COURS A YALE, HARVARD, CORNELL, PENSYL-
VANIA, MICHIGAN, JOHN IIOPH1NS LELAND STANFORD UNIVERSITY, ETC.
Par 111nnceL BAUDOUIN,
Chargé de Mission aux États-Unis.
*
En dehors de ce qui concerne Clark University à Worcester,
comme nous l'avons déjàdit ', nous possédons quelques données
sur un certain nombre d'universités américainesoùexistentdes
laboratoires et des cours de psychologie expérimentale. Mal-
gré l'importance très restreinte de nos documents et renseigne-
ments, nous n'hésitons, pas à les résumer ici, puisque, de
l'aveu même de M. Binet 2, les descriptions sur ce sujet font
tout à fait défaut dans notre pays.
1° YALE UNIVERSITY. A Yale University, à New-Haven 3,
depuis quelques années, on a installé un petit laboratoire de
psychologie expérimentale, placé, en 1893, lors de notre voyage
aux Etats-Unis, sous la direction de M. le docteur en philoso-
phie Edward W. Scripture, instructor in expérimental psy-
chology, et auteur de plusieurs travaux remarqués.
Ce laboratoire n'est ouvert qu'aux étudiants gradués et est Une
dépendance de ce qu'on appelle là-bas les course of graduate
Instruction, c'est-à-dire de la partie de l'Université qui cor-
respond à nos facultés des lettres et délivre les diplômes de
docteur en philosophie 4. Les aspirants à ce titre doivent y
' Baudouin (Marcel). La Psychologie expérimentale en Amérique;
in Archives de Neurologie, 11° 89, p. 11.
2 Binet,. Loc. cil., p. 16.
3 Ville située entre New-Yoilç et Boston.
4 Ces cours sont destinés aux aspirants au titre de Docteurs en philo-
sophie, de Maîtres ès arts, et aux élèves qui veulent devenir Ingénieurs
civils.
PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE EN AMÉRIQUE. 381
suivre deux cours, qui sont faits par M. Scripture. L'un est
intitulé : Laboalorycou2,sein expe-ime2ztalpsychologyet com-'
prend l'exposé des méthodes de la psychologie expérimentale,
des exercices de laboratoire, des leçons sur la construction et-
l'entretien des appareils, des conseils sur la façon d'organiser
et de gérer les laboratoires de cette espèce. Ce sont évidem-
ment là des leçons destinées aux futurs professeurs et aux fu-
turs directeurs de laboratoires. Dans le second cours, qui,
en 1892, avait pour titre : Special p2,oblems in psychology, le
maître avait un autre but, plus didactique cette fois.
En dehors de ce cours aux élèves les plus avancés, au Yale
Collège (Academical Department) 1, M. Scripture fait aussi
des leçons destinées aux futurs gradués; mais il s'agit exclusi-
vement ici de l'exposé de ce que l'on sait aujourd'hui en psy-
chologie physiologique, et particulièrement en ce qui concerne
la physiologie cérébrale 2.
La bibliothèque générale de l'Université renferme la plupart
des travaux qui ont été publiés sur la psychologie expérimen-
tale.
2° HARVARD UNIVERSITY. Le laboratoire de psychologie
expérimentale de Harvard University à Cambridge, près Bos-
ton, est très probablement le plus important des Etats-Unis.
En tout cas, son directeur est l'un des expérimentateurs les
plus connus en Europe.
C'est M. le professeur Hugo Munsterberg, docteur en philo-
sophie et docteur en médecine, professeur de psychologie
expérimentale, élève de l'école allemande. Ce laboratoire est
vaste et renferme un grand nombre d'appareils. Comme d'or-
dinaire, c'est un laboratoire d'enseignement, autant que de
recherches ; il se trouve d'ailleurs dans la plus vieille des univer-
sités d'Amérique.
M. Miinsterberg fait un cours aux élèves gradués; mais il
dirige surtout des exercices de laboratoire à l'usage des étu-
diants avancés, et le cours qu'il professe plus personnellement
est un cours de recherches (courses of research). Son labora-
toire est si bien pourvu qu'il y a des instruments pour tous
1 Ceci correspond à peu près 1 la division supérieure de nos lycées.
2 M. le D' Ladd, professeur de philosophie à Yale University, est l'au-
teur d'un Psychologie philosophique; c'est le livre classique des jeunes
étudiants qui portent si crânement, sur leur jersey de lartie, le grand Y,
dont ils sont si fiers.
382 PSYCHOLOGIE.
les jeunes gens qui y travaillent. Mais il y a aussi à cette uni-
versité un cours de psychologie physiologique, destiné à des
étudiants plus jeunes. Ce dernier est fait par le D'' Herbert
Nichols, docteur en philosophie, instructor in psychology.
M. Nieliols dirige aussi des exercices de laboratoire, et explique
les principaux chapitres du Traité du professeur Ladd, de Yale
University. Il initie en outre les élèves à l'art de se servir des
instruments; ceux-ci opèrent ensemble et souvent se prennent
comme sujets d'expériences. Nous reviendrons ultérieurement,
dans un 'article spécial, sur ce centre, très connu désormais,
d'enseignement de la psychologie expérimentale.
3° Cornell UNIVERSITY. A Cornell University, à Itliaca
(N.Y.), même organisation qu'à Cambridge. Les élèves de
l'Académie Yeaî- ont deux cours de psychologie expérimentale.
L'un est intitulé : « Introduction à la psychologie expérimen-
tale » ; l'autre comprend l'étude de cette science avec expé-
riences à l'appui. Tous deux sont faits par M. le professeur
Edward Bradford Titchener, docteur en philosophie, assistant
professor of psychology. Le même professeur fait deux autres
cours pour les étudiants plus avancés (Teachers and advanced
students) ; le second comprend des expériences de laboratoire '
sur la méthode psychophysiologique.
Le laboratoire de psychologie renferme un grand nombre
d'appareils venus d'Allemagne et chaque année il s'enrichit
par de nouveaux achats. 11 possède une bibliothèque philoso-
phique contenant la plupart des journaux spéciaux. Il y a, dans
la grande Library, récemment construite, grâce aux dons ma-
gnifiques de M. Page, un local spécial pour les élèves en phi-
losophie. C'est dans cette université qu'a d'ailleurs été fondée
The philosophical Review. L'école de philosophie de Cornell
est aujourd'hui bien connue en Amérique, sous le nom de The
Pusan Linn Page School of Philosophy 2.
4° PENSYLVANIA University. A l'Université de Pensylvanie,
à Philadelphie, il y a aussi un enseignement de la psychologie
expérimentale, analogue aux précédents et organisé sur un plan
tout à fait identique. Le professeur est M. Lightner Witmer,
' M. Nichols, quoique encore jeune, est l'auteur de travaux très appréciés.
2 C'est M. Sage, que nous avons eu l'occasion de voir à Cornell, qui a
doté cette école, en 1886, pour perpétuer la mémoire de sa femme. Il a
donné pour cela 200,000 dollars, soit un million de francs.
PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE EN AMÉRIQUE. 383
docteur en philosophie, lecturer on expérimental psychology.
1° Cours du College Department (1892-93). a) Physiologie
du système nerveux. Des sensations (cours professé au Biolo-
gical Building (1 trimestre); b) Psychologie de la perception
(2° trimestre).
2° Cours du Department of Philosop3a. a) Psychologie
expérimentale : Leçons et exercices de laboratoire (trois heures
par semaine); b) Esthétique psychologique. Leçons, démons-
trations et expériences (deux heures par semaine).
5° COLUMBIA COLLEGE.- Au Columbia Collège, de New-York,
la Faculté de philosophie a eu, cette année (1893-1894), plu-
sieurs cours de psychologie expérimentale. En voici la liste :
a) Les psychologistes contemporains : Wundt, Volkmann,
Mùnsterberg, Ribot, James; b) Psychologie physiologique :
exercices au laboratoire et cours (1er et 2e cours); c) Patho-
logie mentale, hypnotisme, psychologie anormale; d) Psycho-
logie expérimentale : leçons et recherches au laboratoire.
Le professeur, pour la partie expérimentale, est M. James
Me Keen Cattell, docteur en philosophie, un des directeurs de
la PsychologicalRevz'ew.
6° Collège OF NEW-JERSEY. Au Collège de New-Jersey,
à Princeton, M. le professeur Scott a fait en 1892-1893 un
cours de psychologie physiologique ; il a traité de l'anatomie et
de la physiologie du système nerveux dans leurs rapports avec
les problèmes psychologiques.
L'ouvrage qu'il recommande à ses élèves est le traité clas-
sique de Ladd. -
7° UNIVERSITY or MICHIGAN. A l'Université de Miehigan,
à Ann Arbor, le programme des cours pour 1892-1893 com-
prenait trois séries de leçons professées par M. George H.Mead,
instructeur en philosophie, pour les élèves du department of
literature, science and the arts. 1° Fondements des problèmes
psychologiques, avec expériences à l'appui; 2° phénomènes
psychiques des organismes vivants (recherches de labora-
toire) ; 3° psychologie pathologique, dans les asiles et dans les
hôpitaux..
8° JOHNS HOPIiINS UNIVERSITY. A la célèbre Université de
Baltimore, fondée par J. Hopkins, la psychologie est de même
384 PSYCHOLOGIE.
enseignée d'après les méthodes nouvelles ; et c'est encore le
traité du professeur Ladd qui est le livre de chevet des étu-
diants. Mais nous ne pensons pas qu'il.y ait actuellement
un laboratoire organisé pour l'enseignement pratique de cette
science.
9° LELAND STANFORD JUNIORUNIVERSITY. -Leland Stanford
Junior University, à Palo Alto, près San Francisco (Californie),
ne date que de quelques mois et déjà possède des cours de
psychologie expérimentale. Leprofesseur est M.Frank Angell,
gradué de l'université de Vermont, docteur en philosophie,
reçu à Leipzig en 1891, ancien étudiant de l'université de
Wurzbourg (1885) et de Leipzig (1889-91), ancien professeur
«assistant depsychologieàCornell University (1891-1892). A Palo o
Alto, il a fait, en 1893-1893, un cours d'une heure par semaine
pendant toute l'année, et s'est occupé de psychologie expéri-
mentale proprement dite.
Il y a à l'université un laboratoire pour les exercices pra-
tiques. En dehors de ces conférences techniques, M. Angell a
fait deux autres cours de psychologie, en ayant surtout pour
guides, ce qui se conçoit, étant donné le pays où il a
étudié -, les auteurs allemands; mais il s'adressait alors aux
jeunes élèves. ,
Nous avons tenu à citer tout particulièrement ce dernier
laboratoire, parce qu'il est- de création toute récente et qu'il
n'a pas été cité par MM. Binet et de Varigny'.
Quelques mots encore sous forme de conclusions.
On remarquera que la plupart de ces professeurs de psy-
chologie expérimentale sont si jeunes qu'à l'exception de quel-
ques-uns d'entre eux, 11M.-Hall,·MÜnsterberg; Jackowslci (de
Madison), presque tous ne sont que de simples assistants et
même que des instructeurs. D'un autre côté beaucoup sont
élèves des universités allemandes, comme M. Mtinsterberg,
d'ailleurs.
Faut-il s'en étonner ? Nous ne le croyons pas. La psycho-
logie expérimentale est née en Allemagne, y a pris son
1 Il y a encore, au dire de M. Binet, des laboratoires de psychologie à
Providence (Khode Island) et Chicago; mais nous ne possédons sur ces
universités aucuns documents. A citer encore, mais cette fois au Ca-
nada, l'enseignement de l'Université de Toronto; et, au dire de M. de
Varigny, à Brown University et à Wellplpv. *
mobilier ET INSTRUMENTS DE travail. 385
essor, et y a acquis ses titres de grande naturalisation. Et,
si les Américains n'ont pas étudié chez nous, c'est donc une
conséquence de ce qui s'est passé en France, où ces études,
à leur début, ont été tenues en suspicion par les autorités
constituées. Il a fallu toute l'énergie de M. Beaunis pour
triompher des obstacles. Mais, grâce aux travaux sortis du
laboratoire de la Sorbonne, grâce aux efforts de M. Ribot
au Collège de France, et de ses collaborateurs à la Revue
philosophique, nous osons espérer que les étudiants améri-
cains s'arrêteront désormais au moins quelques jours à Paris,
à leur retour des centres allemands, avant de regagner leur
pays, la véritable patrie, à l'heure actuelle, de la psychologie
expérimentale. Comme l'a dit M. de Varigny, il y a aujourd'hui
aux Etats-Unis une école de psychologie, jeune encore, qui
prend chaque jour une importance de plus en plus marquée,
et dont il serait ridicule de nier le bel avenir. Quel exemple à
méditer ! Et de l'autre côté de l'Océan, il n'a pas fallu dix ans
pour atteindre un si merveilleux résultat.
ASILES D'ALIÉNÉS.
LE MOBILIER ET LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL
DES ALIÉNÉS PAUVRES ET CURABLES
1 Par)eD'IATY'.
Au Congrès d'Assistance publique qui a eu lieu tout récem-
ment à Lyon, M. le professeur Pierret a soulevé une question
qui lui a semblé devoir être, de nouveau et à plus juste titre
encore, traitée devant vous et qu'il a bien voulu me charger
de soumettre à votre bienveillante attention.
' Communication au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes
de Clermont-Ferrand (6-11 août 1894).
ARCHIVES, t. XXVIII. 25
386 asiles d'aliénés.
Il existe dans tous les asiles publics une classe fort intéres-
sante et malheureusement trop étendue, de malades des deux
sexes recrutés parmi les petits ouvriers en chambre ou les
gens isolés, sans famille, souvent sans amis, qui vivent dans
un pauvre galetas et n'ont pour toute fortune qu'un mince
mobilier, quelques outils, quelques vêtements de travail, le
tout d'une valeur minime, acquis bien souvent pourtant au prix
de dures privations. Lorsque, frappés par la maladie, les mal-
heureux possesseurs de ces humbles débris entrent à l'asile, ils
se trouvent rapidement et fatalement dépouillés de ces res-
sources, qui leur seraient cependant d'un si grand secours
après leur guérison et lors de leur rentrée dans la société, par
le procédé que voici :
Le propriétaire de la maison, en général, ou, plus exacte-
ment, dans notre région du moins, le régisseur d'immeubles,
agent forcément expéditif, rouage par métier peu accessible à
l'émotion, n'a qu'un désir et qu'une hâte : voir disparaître
tous ces impedimenta qui l'encombrent et l'empêchent d'uti-
liser le logement vacant par suite de la maladie d'un locataire
qui ne paie plus et ne paiera peut-être plus jamais. Il hésite
toutefois devant les frais d'un jugement qui l'autoriserait à
vendre et il intervient d'abord auprès de la tutelle des aliénés
pour qu'on en termine à l'amiable.
La tutelle, il faut lui rendre toute justice en cette occur-
rence, emploie pour obvier au dépouillement de ses pupilles
tous les moyens dont elle peut disposer. Elle fait démarches
sur démarches, courses sur courses, propositions sur proposi-
tions ; elle s'informe d'abord auprès du médecin traitant si
l'aliéné est ou non curable, puis, dans l'affirmative, elle met
en charge les meubles en question chez des parents, qui s'y
refusent trop souvent, chez des patrons, des amis, où elle
peut. Mais, d'autres fois, elle est repoussée. Elle a bien obtenu
du propriétaire, sous la condition de vider les locaux au plus
vite, l'abandon de sa créance locative et sa renonciation à
l'exercice de son droit de gage, mais voilà qu'ayant sauvé ce
mobilier, elle ne sait plus qu'en faire et ne peut dès lors
recourir qu'à une vente volontaire aux meilleures conditions
possibles. Les fourrières ? Il n'y faut point songer. La plupart,
celles de Lyon notamment, exigent un prix trop élevé qui peut
aller à cinquante centimes par jour. La mise en charge à
prix d'argent chez des particuliers ? Cela coûterait presque
mobilier ET INSTRUMENTS DE travail. 387
aussi cher et, à ce compte, toutes les ressources seraient vite
épuisées. Vendre, il n'y a pas d'autre solution.
La. vente a donc lieu, généralement à l'amiable, par coma
missaire-priseur, sur place ou à l'hôtel des ventes, si les choses
valent le transport. C'est toujours une vente dérisoire dont
les associations connues sous le nom de bandes noires tirent le
plus clair des profits. Les frais montent à 20, à 25 francs. Le
reliquat, toujours insignifiant, est versé, comme le veut l'ar-
ticle 31 de la loi du 30 juin 1848, dans la caisse de l'établisse-
ment et tout est dit.
Je m'arrête intentionnellement à ces faits. Je ne veux point
toucher encore à la question de la vente et de la location des
biens immobiliers, ni me demander jusqu'à quel point le
département, créancier de l'aliéné, peut intervenir pour, retenir
ces reliquats en utilisant le petit paragraphe suivant de l'ar-
ticle 31 déjà cité : « Les sommes provenant soit de la vente,
soit des autres recouvrements... seront employées, s'il y a
lieu, au profit de la personne placée dans l'établissement.-»
Je ne veux pas non plus envisager le cas où le propriétaire
poursuivrait la vente judiciairement, cas assez rare, il faut le
dire. La tutelle est alors impuissante; elle ne peut même pas,
faute de place, faire bénéficier le malade des réserves chari-
tables des articles 592 et 593 du Code de procédure civile res-
trictifs des saisies-exécutions. Le procureur de la République,
protecteur légal des aliénés, est dans la même situation, et il
le regrette souvent'. Mais; pour résister, il lui faudrait un
texte de loi qui n'existe pas. D'ailleurs, en fût-il armé, qu'il
se heurterait à la même difficulté que le tuteur : que faire du
mobilier sauvegardé ? Et il en serait de cette loi comme
d'autres mesures légales bien connues en matière de défense
contre les maladies infectieuses, mesures excellentes à la con-
dition de les renforcer d'un système corrélatif de désinfection
pratique, obligatoire et... gratuit.
Je limite donc mon sujet aux ventes mobilières et je cons-
tate que, dans l'état actuel des choses, les plus pauvres de nos
malades sont, comme toujours, les plus lésés. S'ils sont incu-
rables, il n'y a rien à dire; mais s'ils guérissent ? Les voilà
donc privés à tout jamais de ces ressources qui leur seraient
' Nous avons soumis la difficulté à des magistrats qui ont eu a s'oc-
cuper de la question au point de vue pratique et qui nous ont exprimé le
regret de ne pouvoir intervenir. ' -
388 asiles d'aliénés.
d'un si grand secours pour recommencer la lutte pour l'exis-
tence, ressources que ne remplacera jamais le reliquat en
argent, produit de la vente, quand il en existera un et quand
ils le toucheront. "
Dans ces conditions, n'y a-t-il pas quelque chose à tenter ? 7
Ne peut-on chercher à conserver aux malades curables les
parties les plus importantes de leur mobilier pour les leur
restituer intactes à leur sortie ? La solution se présente immé-
diatement à l'esprit sous deux formes pratiques.
La première, la plus simple, la meilleure si elle pouvait
s'appliquer partout, consisterait à faire appel aux sociétés de
patronage ou de secours aux aliénés, dans les villes où elles
existent, et à leur signaler le bien à faire dans cette voie. Ces
sociétés, investies de pouvoirs réguliers, disposant de res-
sources pécuniaires, pourraient organiser des sortes de four-
rières gratuites où elles recevraient en dépôt'les mobiliers des
malades et le leur rendraient sans frais aucuns à leur guéri-
son ; et il serait facile, pour les indemniser un peu de leurs
dépenses, de leur accorder le bénéfice des successions vacantes
ou abandonnées.
. La deuxième solution serait d'obtenir des autorités compé-
tentes l'affectation au même but d'un local quelconque, gre-
nier ou hangar, appartenant aux asiles. Je dis appartenant
aux asiles, car là seulement on pourrait faire les choses sans
frais, grâce aux bras et aux moyens de transport dont on y
dispose généralement.
Cependant on se heurte, en ce cas, à des difficultés d'un
ordre particulier, qu'il faut mentionner pour les aplanir de
suite. Si l'on excepte d'une vente mobilière tous les objets
ayant une valeur appréciable, il s'ensuit nécessairement que
la vente du reste devient inutile et même onéreuse, car les
frais en dépasseraient le produit. On se trouve donc forcément
conduit à tout garder sans distinction, à moins de traiter à
l'amiable avec quelque industriel qui débarrasserait à vil
prix de tous les débris, loques et hardes sans valeur.
' De plus, ces mobiliers, par suite de la maladie de leurs pro-
priétaires, sont toujours dans un état de malpropreté révol-
tante et lorsque nous avons parlé de nos désirs, nous avons
pu surprendre, chez nos interlocuteurs, des grimaces signifi-
catives à la pensée d'introduire dans l'asile des régiments de
ces ennemis intimes dont on n'y a nul besoin.
MOBILIER ET INSTRUMENTS DE TRAVAIL. 389
Je ne m'arrête point à ces difficultés. Le- volume des mobi-
liers en question, même au complet, n'est jamais considérable,
voilà pour, la première ; pour la deuxième, quelques kilos de
poudre de pyrèthre et surtout la mise en marche d'une étuve
à désinfection repousseraient victorieusement à la fois et l'ob-
jection et les ennemis'. L'étuve à désinfection, tout élevé qu'en
soit le prix, devrait à l'époque actuelle fonctionner dans chaque
asile ; elle y rendrait bien des services et l'introduction de nos
mobiliers n'eût-elle pour effet que d'obliger à cette acquisition
que ce serait déjà cela de gagné.
Le résultat pratique immédiat de la création de ces garde-
meubles serait de dispenser le médecin de l'obligation
d'émettre un avis précipité sur le degré de curabilité des alié-
nés et ensuite de faire bénéficier les malades, même dans le
cas de poursuites de la part du propriétaire, des articles 592 et
593 et de leur conserver au moins ce lit que la loi réserve au
plus misérable.
Mais, en outre, il ne peut y avoir doute sur le caractère
généreux de l'oeuvre que nous indiquons. Peut-être nous
dira-t-on que les cas sont rares où notre action sera vraiment
efficace. Cela est vrai et ce nous est une raison de plus d'in-
sister puisqu'il nous faudra moins de place et moins de
dépenses et qu'il vaut mieux rendre service à une seule per-
sonne par année que ne rien faire du tout. Voici cependant
quelques chiffres : dans une période de deux ans, à l'asile de
Bron, trente ventes mobilières ont été demandées, presque
toutes à la requête des propriétaires ou régisseurs. La tutelle,
dignement représentée par M. le juge d'instruction Chantreuil
et son secrétaire, M. Berthelier, grâce à des démarches multi-
pliées, à des courses répétées et fatigantes, à un dévouement
dont on ne saurait trop la remercier, a pu obtenir vingt fois
la mise en charge du mobilier chez des particuliers; mais dix
fois la vente a dû se faire et, en ces dix cas, quelques-uns sont
des plus intéressants, notamment celui d'une femme sortie
guérie, privée par la vente d'une machine à coudre qu'elle
n'avait même pas fini de payer et grevée ainsi dès ses premiers
pas au dehors d'une dette en pure perte.
Venir en aide à de pareilles misères, quand cela est si facile,
n'est-ce pas répondre dans notre sphère aux aspirations géné-
reuses de l'époque actuelle ? A la fin de ce qu'on a voulu nom-
mer le crépuscule des peuples, à l'aurore, dirais-je plutôt, du
390 . asiles d'aliénés.
siècle qui, se lève, lorsque les théories scientifiques, mais
décourageantes des dégénérescences héréditaires fatales parais-
sent perdre de leur rigueur ou du moins reprendre leur rang
au chapitre physiologie pathologique, quand on entrevoit,
vaguement encore, le moyen de sauver des chutes sans
remède, sinon toujours, l'être isolé, mais tout au moins l'espèce,
lorsque, surtout, en regard de la thèse de l'irresponsabilité
individuelle se dresse le grave problème de la responsabilité
sociale, ne faut-il pas utiliser tous les moyens de dégager cette
responsabilité, si infimes qu'ils nous paraissent ? Pour ceux que
toucheraient peu les considérations sentimentales ou philoso-
phiques, pour ceux qui pensent que l'argent est la capitalis et
même 1'uliiina ratio des choses nous réservons un argument
qui les convaincra peut-être.
Depuis plusieurs années et dans maintes circonstances, à la
Société d'économie politique, au Congrès des médecins alié-
nistes de Lyon, dans la presse médicale, M. le professeur
Pierret a constamment et énergiquement plaidé la cause de
l'internement précoce des aliénés, mesure la meilleure pour
obtenir des guérisons rapides et prévenir les séjours intermi-
nables dans les asiles, d'aliénés dont l'incurabilité, suite trop
fréquente d'un internement tardif, constitue une lourde charge
pécuniaire pour les départements. Cette persévérance a porté
ses fruits ; M. Pierret a eu la satisfaction de voir les interne-
ments se faire plus faciles et plus rapides et s'élever par suite
son coefficient de curabilité.
Mais il ne suffit pas de guérir plus vite et mieux les malades;
il faut encore, autant que possible, leur éviter les rechutes.
Or qui donc y est plus fatalement voué que l'aliéné qui rentre
guéri, mais désarmé, dans la vie commune ? La mesure que
nous proposons, eh lui réservant quelques armes défensives
est un des moyens de le protéger; le département qui l'appli-
querait, n'évitât-il avec son aide qu'une seule rechute par an,
regagnerait largement les quelques frais dépensés dans ce but
et il ferait ainsi une de ces charités bien ordonnées qui com-
mencent par soi-même.
Nous n'avons pas la prétention d'inventer quelque chose de
nouveau. Depuis longtemps le système fonctionne dans le
département de la Seine. M. le r Bourneville, dont il faut
prononcer le nom toutes les fois qu'il s'agit d'assistance et que
nous prions d'agréer ici nos vifs remerciements, a bien voulu
MOBILIER ET INSTRUMENTS DE TRAVAIL. 391
s'intéresser à notre communication et nous donner les rensei-
gnements que voici sur la manière dont la Seine procède au
sauvetage du mobilier de ses aliénés.
Tous les mobiliers des aliénés internés dans les asiles de la
Seine sont déposés, lors de leur enlèvement au garde-meuble
de l'Asile clinique. Voici comment on procède relativement à
ces enlèvements : tout aliéné entrant dans les asiles de la
Seine donne lieu aussitôt à une enquête. Si de cette enquête
il résulte que le malade possède un mobilier qu'il y a lieu de
sauvegarder, le service des aliénés demande au médecin trai-
tant un certificat de situation en vue de l'enlèvement de ce
mobilier. Si du certificat délivré il ressort que le malade est
susceptible d'une prochaine guérison, le mobilier est conservé
dans le logement à moins toutefois que le propriétaire ou le
malade lui-même n'ait donné congé. Si, au contraire, le méde-
cin déclare que la maladie sera longue ou qu'elle sera incu-
rable, il est procédé par les agents de l'administration à l'en-
lèvement. On évite ainsi aux intéressés le paiement de termes
ultérieurs. Les - mobiliers enlevés dans ces conditions sont
déposés au garde-meuble de l'Asile clinique. Pour le trans-
port de ces mobiliers l'administration a passé par voie d'adju-
dication un contrat avec un entrepreneur de déménagements.
Aucun mobilier n'est enlevé sans que le commissaire de police
ou son représentant n'assiste l'employé du service et n'ait
dressé au préalable un inventaire détaillé.
Au bout d'environ un an, si le malade n'est pas guéri, un
nouveau certificat de situation, pour vente de mobilier, est
alors demandé au médecin traitant. Le médecin est prié dans
cette demande, de faire connaître s'il considère le malade
comme incurable ou s'il existe encore un espoir de guérison.
Si le médecin déclare qu'il y a incurabilité ou que la guérison
sera très longue, le service des aliénés fait procéder à la vente,
après toutefois avoir obtenu une ordonnance conforme du pré-
sident du tribunal civil de la Seine. Cette vente a lieu à l'asile
clinique par les soins d'un commissaire-priseur. Si le certificat
est douteux ou conclut à la guérison, il est sursis à la vente.
Le mobilier est rendu à son propriétaire lorsque celui-ci sort
guéri et que le propriétaire a été désintéressé des termes qui
lui restaient dus.'
Voilà donc ce qui se fait dans la Seine. Peut-être ailleurs
a-t-on pensé aussi à ce mode d'assistance. Nous accueillerons
392 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
avec une vive reconnaissance toutes les indications qu'on ' vou-
drait bien nous donner à ce sujet et qui nous permettraient
d'arriver au meilleur procédé pratique. Notre but c'est de géné-
raliser une excellente mesure. Faire accepter des pouvoirs
publics le principe de la sauvegarde du mobilier des aliénés
pauvres et incurables, en obtenir si possible des moyens d'exé-
cution, tel est notre désir aujourd'hui, désir pour lequel nous
vous demandons vos bienveillants conseils et l'appui de votre
haute autorité. Toute humble que soit notre oeuvre, ne nous
opposez pas l'axiome : de minimis non curât jo ? 'oe<or; en écono-
mie sociale, pas plus qu'en mathématiques, les minima ne
sont jamais des quantités négligeables '. ,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
L. OS'rL0-POROSE DE la voûte crânienne ; par Gorges SHERRY.
Observation d'un vieillard avec arthrites déformantes des membres
inférieurs et ostéophytes du genou, dont la boite crânienne atteignit
une épaisseur telle que la circonférence crânienne augmenta de
trois quarts de pouce, sans lésions cérébrales ni mentales appré-
ciables. (British Oled. Journ., 2 juin 1894.) A. Marie.
LI. VERTIGE auriculaire ; par MM. STEPIIEN-MACKENSIE, WILLIAM-
DALBY et Olivier Withers. (British. Med. Journ., mai S et 12, et
2 juin 1894.)
' La cause la plus fréquente relevée est l'irritation des rameaux
nerveux terminaux du vestibule par lesquels l'excitation réflexe est
transmiseaux centres cérébelleux coordinateurs de l'équilibre, et aux
centres perceptifs de la circonvolution temporo-sphénoïdale d'où
les vertiges et tintorius. Le traitement préconisé pour l'attaque
consista en bromure de lithium, colchique et salicylate de soude
' A la suite de cette communication, le Congrès a émis le voeu que des
mesures soient prises dans tous les asiles pour sauvegarder le mobiliei
et les instruments de travail des aliénés pauvres et curables et pour les
restituer à ces malades après guérison.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 393
avec purgatifs (calomel). Dans l'intervalle des attaques paroxys-
tiques la quinine et la pilocarpine. A. Marie.
LII. CONTRIBUTION A la CLINIQUE DE la syringomyélie ;
par H. Scelesinger. (Neurolog. Centralbl., 1893.)
L'auteur étudie plus particulièrement les paralysies des muscles
des yeux, les lésions laryngées, les altérations du sens de la pression.
Les paralysies des muscles des yeux revêtent, dit-il, une allure
semblable à celles qu'elles ont dans le tabes, sans compter qu'elles
se compliquent parfois aussi passagèrement de paralysies d'autres
nerfs crâniens (Schultze).
Le larynx est assez souvent atteint, mais ses altérations passent
inaperçues parce que généralement elles ne donnent lieu à aucun
symptôme. A l'aide de 17 observations, M. Schlesinger décrit le
chatouillement et la paresthésie laryngés, la diminution des
réflexes, de la sensation de contact, de la sensibilité douloureuse
de cet organe qui ne perçoit plus le froid et le chaud, les troubles
de la phonation, et, plus rarement, de la respiration; la paralysie
plus ou moins complète de l'aryténoïdien postérieur; la para-
lysie unilatérale complète du récurrent. Ce sont là des accidents
lents et insidieux dus à l'ascension du processus gliomateux dans
la région du récurrent.
Le sens de la pression est surtout dissocié; il y a disparition de
la sensation de la pression exercée sur la peau seule, alors que le
sens du tact est parfaitement conservé et que la pression profonde
exercée comme d'ordinaire subsiste. P. K.
LUI. DE la SENSIBILITÉ colorée; par le Dr LE DANTEC.
(Journ. de méd. de Bordeaux, no 28.)
M. Le Dantec expose ses recherches sur un phénomène qu'il a
découvert chez les hystériques anesthésiques : la sensibilité colorée.
La couleur du spectre varie non seulement suivant le genre d'exci-
tation, mais encore suivant les individus. Ainsi, le pincement de la
peau, rouge pour beaucoup de sujets, est vert pour d'autres.
Le spectre sera d'autant plus coloré que l'excitation sera plus
forte. Il est, en général, plus intense dans l'aeil correspondant au
côté excité; de sorte qu'une malade anesthésique peut dire, les yeux
fermés,- de quel côté porte l'excitation. Le signe de la sensibilité
ou signe du spectre est caractéristique d'une anesthésie essentielle,
sine maiei-ia, comme cela a lieu dans l'hystérie anesthésique.
La constatation de ce signe permettra de poser un diagnostic précis
entre une lésion organique et une lésion essentielle. Certains phé-
nomènes pathologiques, comme les auras sensorielles de l'épilepsie
partielle (visions colorées, phosphènes), comme la vision colorée
scintillante de la migraine ophtalmique, rentrent probablement
394 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans la catégorie des phénomènes de la sensibilité colorée. Le phé-
nomène du spectre peut s'expliquer par la transmission de l'exci-
tation périphérique au centre de la sensibilité générale d'abord,
puis par irradiation au centre de la vision qui doit être dans le
voisinage. Il sera curieux d'étudier ce phénomène .dans la surdité
hystérique, car. l'audition colorée n'est qu'un chapitre de la sensi-
bilité colorée. E. R.
LIT. NOTE sur UN nouveau procédé DE RËSECTIONTEMPORAtRE DU crâne.
CRANIECTOMIE BfLINËAIREAVEC TRAVÉE .1UTOPLAaTIQUE INfBIlul : DIAIRE
par le Dr A. CBIP.1ULT.
Les procédés autoplasliques, c'est-à-dire à l'aide de pièces ayant
conservé une connexion vasculaire avec les environs de la perle de
substance, sont les seuls auxquels on puisse avoir recours avec
sécurité pour la réparation des pertes de substance crânienne. ·
Le procédé indiqué par l'auteur a l'avantage, après le rabatte-
ment du lambeau ostéo-périostéo-cutané, de conserver, à droite et
à gauche de ce lambeau, deux orifices crâniens longitudinaux
permettant la décompression persistante du cerveau sans qu'on
ait à craindre les hernies ou les autres accidents des larges ouver-
tures crâniennes. (Revue neurologique, 1893.) E. B.
LV. Coïncidence DU tabès ET DE la maladie de BASEDOW. Autopsie;
par les Drs P. Marie et Marinesco.
Il n'est pas extrêmement rare de voir coïncider chez un même
individu la maladie de Basedow et le tabes.
L'intérêt du cas présenté par MM. P. Marie et hiarinesco réside
dans les particularités présentées par l'autopsie. Le système du
grand sympathique, les nerfs périphériques, les deux pneumogas-
triques du cou sont normaux. Les lésions de la moelle épinière,
très nettement prononcées, appartiennent incontestablement au
tabès incipiens.
Quant aux lésions bulbaires, sur lesquelles les auteurs appellent
l'attention, elles consistent dans l'atrophie du faisceau solitaire et
dans l'atrophie très prononcée de la racine ascendante du Lriju-
meau. Quelle est la signification pathologique de ces lésions ana-
tomiques ? appartiennent-elles purement et simplement au tabès
ou ont-elles quelques relations avec la maladie de Basedow.
Bien qu'on puisse conclure 'des divers cas observés que l'altéra-
tion des faisceaux solitaires n'est pas la raison suffisante des phé-
nomènes morbides, cependant on n'a pas le droit de refuser à
celle-ci tout rôle dans le mécanisme de certains phénomènes delà
maladie de Basedow, étant données les connexions anatomiques
de ces faisceaux avec le pneumogastrique ou bien avec le sympa-
thique : la théorie de l'origine bulbaire de la maladie de Basedow
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 395
est celle qui paraît actuellement s'appuyer sur les raisons les plus
vraisemblables et dans l'examen du bulbe, lors des autopsies de
cette affection, on devra apporter un soin tout particulier à cons-
tater l'état du faisceau solitaire, du corps restiforme et des noyaux
du pneumogastrique. (Revue neurologique, 1893.) E. BLIN.
LVI. Archives cliniques. (l3ritislv médical journal, janvier, no 1726.)
Nous relevons parmi les observations, un cas de crétinisme spo-
radique de vingt-quatre ans semblable à celui du Dr Bramwell pré-
cité (Dr Coutto); un cas de maladie de Raynaud chez un enfant
de dix-neuf mois (Dr Deck) et un cas de crampe professionnelle
chez un tailleur de pierres (D'' Hamburry).. A. Marie.
LVII. Paralysie DU grand DENTELÉ avec atrophie DES muscles DE
l'épaule. Deux cas DE déformation crânienne CHEZ l'enfant;
par les Drs Mooriiouse et WHEATON. (British médical journal,
janvier 1894, ji» 1725.)
Dans les nos 1725 et 1720 suivant, observatioli de paralysie du
grand dentelé avec atrophie des muscles de l'épaule. Guérison par
massage, injections de strychnine et électrisation par courants
interrompus (D' Moorhouse).
Deux cas de déformation crânienne chez l'enfant (D' Wheatoi»,
aplatissement dans le diamètre antéro-postérieur ; syndactilie
hérédo-syphilis probable. A. Marie.
LVIII. Raideur et incurvation DE la COLONNE vertébrale considérées
comme modalité morbide spéciale; parw. DE BECHEREW. (Neurolo-
gisches Cetztralbl., 1894.)
A l'aide de cinq observations, l'auteur essaie de constituer le
complexus clinique caractérisé par les phénomènes suivants :
4° Immobilité plus ou moins grande, ou mobilité insuffisante de
tout ou partie de la colonne vertébrale, non douloureuse à la per-
cussion ni à la flexion ; 20 convexité postérieure des arcs vertébraux,
surtout dans la région thoracique supérieure, la tête du malade
étant dirigée en avant et affaissée ; 3° parésie des muscles du corps,
du cou, des extrémités, avec légère atrophie des muscles du dos et
du scapulum; 4° diminution de la sensibilité, surtout dans la
région où se divisent les rameaux cutanés des nerfs dorsaux et
cervicaux inférieurs, et parfois aussi des nerfs lombaires; 5°pares-
thésie des mômes branches, avec hyperesthésie douloureuse locale
des régions dorsales et cervicales, des extrémilés, et le long de la
colonne vertébrale, surtout quand le malade demeure longtemps
assis. Quelquefois, par moments, phénomènes d'excitation des
nerfs moteurs, tels que : crampes dans les pieds et les mains', pré-
396 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
cédés de sensations de chatouillement dans le coude et le genou
ou contractures des extrémités supérieures et inférieures. ,
Etiologie. Tare héréditaire et lésions traumatiques du dos.
Pathogénie. La maladie débute par de la lourdeur céphalique,
de l'impossibilité de tenir le corps droit; dès lors, la colonne se
courbe en avant. De très bonne heure apparaissent des phéno-
mènes d'excitation des nerfs cervicaux et dorsaux qui, progressive-
ment, entraînent'de la parésie avec atrophie légère des muscles
correspondants. Simultanément se produisent la raideur et l'immobi-
lité de la colonne. Par conséquent, le même processus pathologique
affecte, en même temps, les parties de la colonne qui concourent à
sa mobilitéet les racines dorso-cervicales. Par suite, il est probable
qu'il y a inflammation chronique diffuse du tissu conjonctif épidure-
mérien ou spondylite déformante qui, faisant adhérer les vertèbres,
comprime les racines. Ainsi se produisent l'immobilité et la raideur
vertébrales, l'irritation des racines, la parésie des muscles dorso-
cervicaux, leur atrophie et, parfois également, la parésie des extré-
mités supérieures. Avec le temps, par compression, se produisent
des lésions de la moelle (Obs. III).
Evolution lente, mais progressive. La terminaison ultérieure
probable sera la parésie, la paralysie, et même parfois la contrac-
ture (Obs. III et V).
Thérapeutique. Thermocautère Paquelin contre les sensations
douloureuses subjectives et peut-être la suspension. P. KERAVAL.
LIX. PERTE DE la sensation DE fatigue CHEZ UN TABÉTIQUE; par
, FRENKEL. (Neurolog. Cent·al6l., 1893.)
Il s'agit d'un homme de trente-huit ans qui peut tenir les bras
horizontalement tendus pendant vingt-cinq minutes sans inconvé-
nient, les yeux ouverts ; quand les yeux sont fermés, le bras gauche
seul s'abaisse lentement. Il n'accuse pendant cette opération qu'une
légère sensibilité dans le bras droit; cette sensation disparait bien-
tôt, puis revient, mais sans le gêner. Pas de fatigue. Il pourrait
continuer plus longtemps, et est capable de recommencer l'exer-
cice plusieurs fois par jour.
Rien de semblable pour les extrémités inférieures; ici l'exagé-
ration et la persistance de la motilité produisent une très vive exci-
tation recto-vésicale; il ne peut, à cause de cela, marcher plus
d'une demi-heure.
Ce n'est pas au trouble de la sensibilité qu'il faut attribuer ce
tour de force, l'examen du malade le prouve, comme aussi l'étude
d'un autre tabétique, qui ne peut pas plus exécuter cette ma-
noeuvre qu'un homme sain.
Il doit y avoir diminution de cette sensibilité douloureuse du
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 397
muscle qui se montre normalement à la suite de la fatigue, pour
une raison anatomique à chercher. P. K.
LX. Neurasthénie ET SYPHILIS; par Kowalewsky. (Centralbl. f. Ner-
venheil4 ? NF. IV, 1893.)
Deux premiers grands groupes de neurasthénie syphilitique s'im-
posent : 1° Neurasthénie due à la syphilis des parents, neurastlsé-
nie syphilitique héréditaire; 2° Neurasthénie due à la syphilis
acquise, neurasthénie syphilitique acquise ; La neurasthénie sy-
philitique se décompose à son tour en deux espèces : 10 Celle qui
est due à l'influence débilitante du traitement mercuriel; 2°Celle
qui est due à la dépression morale du sypilitique craintif, à la
syphilidophobie.
Enfin une cinquième classe se compose des neurasthénies con-
génitales ou acquises ordinaires qui se compliquent de syphilis,
sans que celle-ci ait rien à voir avec la neurasthénie.
Six observations à l'appui.
La neurasthénie syphilitique héréditaire demande l'ingestion
permanente des altérants et des toniques. La neurasthénie syphi-
litique acquise exige les antisyphilitiques sans perdre de vue les
toniques. La neurasthénie syphilitique mercurielle nécessite la sup-
pression des antisyphilitiques que l'on remplace par des toniques.
La neurasthénie syphilitique des syphiliophobes nécessite un trahi-
tement psychique, et tonique de concert avec le traitement anti-
syphilitique. Le cinquième groupe est justiciable de l'association
intelligente des deux traitements tonique et syphilitique. P. K.
LXI. Du scotome SINTILLANT; par MANZ. (Neurolog. Centralbl., 1893.)
Il s'agit de la teichopsie ou scotome absolu ou relatif qui com-
mence près du point de fixation et s'étend de là dans telle ou telle
direction sous forme d'un voile plus ou moins épais, limité en
dehors par un zigzag en flammes d'or, et disparaît, après avoir
atteint les limites du champ visuel en dehors, en haut, en bas,
laissant après lui un nuage qui disparait à son tour.
Cette maladie dont est atteint l'auteur, il a pu en interrompre à
son gré les accès en comprimant l'oeil atteint; modifiant par cette
manoeuvre la forme de l'arc, et des flammes scintillantes du sco-
tome, les segmentant, les réduisant en macules lumineuses informes
qui se rapetissent et finalement s'en vont. Ce qui prouverait qu'ici
le scotome était périphérique, théorie qui n'a rien d'excessif puis-
qu'il s'agissait surtout du scotome scintillant ayant l'éblouissement
pour cause occasionnelle. P. K.
LXII. Contracture réflexe DE la langue, DES LÈVRES et- DU pharynx
OCCASIONNÉE PAR LA PERMANENCE D'UN CORPS ÉTRANGER DANS LE
398 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
nerf occipital D'ARNOLD; par G. GALLERANI ET G. PACI\OTTI. Netl-
rol. Centralbl., 1893.) . '
Fragment de porcelaine enkysté au point d'émergence du nerf
occipital dans la région où il s'anastomose avec les autres filets
cervicaux (tissu fibreux ayant altéré les fibres nerveuses) ; contrac-
ture des muscles de la nuque à gauche (tête étendue et tournée à
gauche); alalie, anarthrie, contracture des lèvres, trismus, troubles
de la déglutition et de la mastication; impossibilité de chanter à
voix haute. Bien que l'accident date de douze ans, il n'y a ni atro-
phie de la langue, ni des lèvres, ni de la face, ni altération des
muscles du voile du palais, du pharynx ou du larynx. L'ablation au
bistouri de la cicatrice et du corps du délit supprime les accidents;
guérison graduelle complète. ' P. K.
LXIII. UN cas d'hémiplégie DIPHTÉRITIQUE; par J. DONATH. (Neurol.
Cc ? : <)'6 ? 1893.)
Observation de paralysie diphtéritique chez un jeune garçon de
huit ans, causée par une hémorrhagie cérébrale; hémiplégie
droite avec contracture persistant encore après cinq mois d'exis-
tence. P. K.
LXIV. Contribution A la localisation DES réflexes cutanés SPI-
NAUX DES extrémités inférieures; par E. IlE31Ali. (Neurol. Ce ? : -
tralbl., 1893.) ,
A propos d'un enfant de quatre ans atteint de myélite dorsale
transverse au niveau de la septième dorsale (paralysie complète
des muscles abdominaux), l'auteur essaie de formuler une loi rela-
tive à la localisation périphérique des zones réflexes.
Il dit en substance qu'une zone limitée en haut par le pli inguinal, en
dedans par le droit interne, en bas par le milieu de la cuisse, soumise
à l'excitation que détermine la rayure d'une tête d'épingle ou d'un verre
froid, provoque la flexion plantaire des trois premiers orteils; puis le
pied s'étend par contraction du jambier postérieur et du tendon
d'Achille; si alors on effleure le bord médian du droit interne, on voit
la jambe s'étendre par contraction du triceps crural.
Ce réflexe fémoral n'a lieu que sous l'influence d'excitants
faibles et les extrémités inférieures étant au repos. Il ne se produit
pas quand on a préalablement excité la plante du pied ou le côté
interne de la jambe, c'est-à-dire quand on provoque le réflexe
plantaire maximum par intervention du psoas. Mais, inversement,
quand après avoir effleuré la zone fémorale en question, on excite,
subsidiairement la plante du pied ou le côté interne de la jambe
on obtient d'abord le mouvement d'extension puis le mouvement
de flexion coordonnés de la jambe. '
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 399
La régularité avec laquelle les zones excitées provoquent les divers
mouvements réflexes prouve qu'il y a des carrefours réflexes qui
servent de moteurs, et que par leur intermédiaire, l'excitation de
certains départements cutanés produit toujours les mêmes ré-
flexes locaux. Ces phénomènes ne sont pas dus simplement dans
l'espèce, à l'hyperexcitabilité réflexe pathologique de la moelle
lombaire. P. K. '
LXV. Des formes de diplégie cérébrale héréditaire; par S. FREUD.
(Neurolog. Centralbl., 48ru3).
L'auteur essaye de mettre de l'ordre dans le chaos des névropa-
thies du système moteur de l'enfance. La diplégie cérébrale est
constituée, suivant lui, par : 1° l'atrophie des nerfs optiques avec
nystagmus horizontal et strabisme convergent à la fixation ; 2° la
bradylalie, une monotonie de la voix; 3° les troubles spasmodiques
des mouvements des extrémités.
' Il y en a quatre formes cliniques : 1° raideur généralisée (para-
lysie spinale spasmodique congénitale) ; 2° raideur paraplégique
(paralysie spasmodique spinale de l'enfance); 3° hémiplégie bila-
térale ; 4° chorée congénitale et héiniatliétose. Ce sont là des affec-
tions cérébrales; on y peut joindre les complexus moteurs sans
débilité mentale et la paralysie avec idiotie.
Deux observations personnelles et six observations empruntées à
la bibliographie (Pelizoens; Sachs; Schultze; de Krairt-Ebing;
lliassalongo; Unverriclit). P. K.
LXVI. Hémichorée sénile ; par E. Remak. (Neurol. Centralbl., 1893.)
i , 1
. Femme de soixante ans. Hémichorée qui se distingue des clio-
rées ordinaires de l'enfance, du jeune âge et des femmes grosses .
par ceci, que les mouvements clioréiques ne sont ni occasionnés ni
accrus par les mouvements intentionnels; bien loin de là, ils
cessent à l'occasion de ces derniers. Ce n'est pas une chorée pro-
gressive, car il n'y a ni démence, ni altérations psychiques, car la
tête et le visage n'y participent pas; il y a monotonie rythmique.
Ce n'est pas une chorée hystérique, la malade étant à la ménopause
et n'ayant eu antérieurement ni n'ayant actuellement de symp-
tômes hystériques. Ce n'est pas non plus une chorée progressive;
de plus il y a sensibilité à la pression du sciatique st du plexus sus-
claviculaire qui est le restant de douleurs nerveuses antérieures.
Action favorable de la galvanisation. P. K.
1,XVII. Les troubles unilatéraux DE la vision centrale ET leurs
rapports avec l'hystérie ; par M. UNIES. (Neurolog. Cen-
tralbl., 1893.)
Cette monographie établit que les troubles de la vision d'origine
400 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
hystérique sont, pour la plupart, unilatéraux et que, ce qui les dis-
tingue des autres troubles visuels centraux, c'est qu'ils ne sont pas
hémianopsiques. Ils ont pour caractères :
1° La diminution de l'acuité à tous les degrés; rareté de la cécité
complète; .
2° Peu de modifications de la réaction pupillaire, qui peut sub-
sister malgré la cécité complète;
3° Le rétrécissement concentrique du champ visuel, à tous les
degrés, qui ne correspond pas toujours au degré du trouble de,
la vue ; -
4° La dyschromatopsie typique, qui rappelle le mode de percep-
tion des couleurs de l'oeil normal par la périphérie de la rétine et
par la fovea centralis lorsqu'on diminue l'éclairage. Comparable à
celle de l'amblyopie toxique, elle résulte d'un défaut de conducti-
bilité. Au périmètre, il y a diminution du champ visuel pour le
rouge et le vert; moindre pour le jaune et le bleu. Elle n'est pas
toujours en rapport avec le degré du rétrécissement concentrique
et de la diminution de l'acuité centrale.
. L'origine en est cérébrale. Ils apparaissent de concert avec d'autres
symptômes hystériques, notamment avec des troubles de la sensi-
bilité de la cornée, de la conjonctive, de la peau de la face, évi-
demment centraux. On peut les suggérer; aussi rapides dans leur
apparition que dans leur disparition, ils disparaissent par l'appli-
cation des lames métalliques, suivent les phases de l'attention,
s'évanouissent par la contemplation d'un verre plan, ne gênent
pas l'orientation du sujet. Le fond de l'oeil reste normal,
. Evidemment ils émanent d'un trouble de l'innervation des vais-
seaux du cerveau. Tout indique d'ailleurs que l'hystérie est elle-
même due à cette pathogénie (innervation des vaso-moteurs céré-
braux et peut-être spinaux) et que la prédisposition immanente
pourrait bien provenir d'une pauvreté congénitale en fibres ner-
veuses à myéline (arrêt de développement histologique). On conce-
vrait parfaitement que les lacunes de l'innervation vasculaire,
ainsi produites, engendrent des troubles dans la conductibilité des
nerfs qui passent par les conduits osseux de la base. Ainsi s'expli-
queraient encore les conditions du sommeil naturel et artificiel de
l'hypnose, de la suggestion. (Voyez Beziehungen des Sehorganes u.
seincr Erkrankungen zu den ùbrigen Krankheiten des Koerpers u. sei-
ner Organe, Wesbaden, 1893.) P. KMAVAL
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XVIII. Recherches sur LE crétinisme; par WAGNER. .Illlt1'IJtICIt. f.
' Psychiat., XII, 1 et 2.)
En treize tableaux, l'auteur essaye d'établir le nombre des cré-
tins, des sourds-muets et des aliénés en Cisleithanie, en Styrie, à
Salzbourg, en Carinthie, de 1873 à 1890 ; il montre les lacunes
des indications officielles qu'il a pu colliger, et conclut ainsi, pour
arriver à dresser une statistique exacte : 0
1° Conformément à l'arrêté du statthalter, du 9 septembre 1874,
il faut, dans les communes, tenir un registre des crétins, aliénés et
sourds-muets, dont on puisse dresser et suivre l'état civil et médi-
cal, de façon à assurer un diagnostic précis; 2° ces registres seront
contrôlés et soumis à l'examen annuel des médecins de district
chargés de la statistique; 3° ces registres contiendront, outre les
renseignements nécessaires aux statisticiens, la date de la naissance,
le nom, l'habitation précise, la date et le motif du départ. En cas
d'émigration, la fiche de l'individu le suivra dans le nouveau lieu de
séjour ; 4° à cette statistique concourra l'instituteur, qui fournira des
notes précises au point de vue intellectuel et moral. Et c'est ainsi
qu'en vingt ou trente ans et non en un an ou deux on obtiendra
un étiquetage soigné et justifié ; 5° pour les sourds-muets, on indi-
quera s'il y a surdi-mutité avec ou sans débilité intellectuelle, afin
de ne pas, au hasard, englober dans les sourds-muets crétins et idiots;
6° pour l'exactitude des diagnostics, surtout en ce qui a trait aux
crétins, l'intervention des spécialistes est indispensable. Inspections
ad hoc des médecins de districts stylés à cet égard; 7° pour tous
les troubles intellectuels acquis, les magistrats devront envoyer
aux communes les'copies des actes d'interdiction ou de tutelle, afin
qu'on les fasse figurer sur les livres en question.
De cette façon, on aura une statistique complète et utilisable des
vices intellectuels, indispensable au double point de vue scienti-
fique et médico-légal. On suivra de la sorte la marche des maladies
et les migrations des malades : on saura où les trouver quand on
voudra surveiller l'assistance privée. P. KERAVAL.
P. Keraval.
Archives, t. XXVIII. 20
402 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIX. Contribution A IA 'MÉTHODOLOGIE d'une anthropologie crimi-
NELLE scientifique; par Noecke. (Centralbl. f. Il'crvenlaeillc. . F.
IV, 1893.) 1
Il n'y a pas de criminel inné, pas de type criminel. Le criminel
est un type de dégénéré. L'anthropologie criminelle est donc celle
de la dégénérescence. C'est celle-ci qui transforme des individus
qui, sans cela, seraient normaux, en aliénés, idiots, épileptiques et
criminels. Le crime en soi, c'est un accident social. Le criminel
est, de par sa prédisposition individuelle universellement reconnue,
surtout le produit des conditions extérieures du milieu, ce milieu
entrant lui-même en ligne de compte pour expliquer le facteur
individuel. P. K.
XX. Observation d'obnubilation POST-ÉPILEPT1QUECHEZ un enfant;
par NAGV. (Centralbl. f. Nervenlceillc., N. F. IV, 1893.)
Enfant de quatre ans, héréditaire (père macrocéphale, oncle épi-
leptique). Il y a dix-huit mois, convulsions épileptiformes. Depuis
cette époque crâne volumineux, sommeil lourd, absences. Peu
accessible aux sollicitations du monde extérieur, ayant perdu par-
tie de sa spontanéité, il n'a guère d'affectivité, etc. Echolalie. Il
n'assimile plus (sorte de surdité corticale), ne fixe guère, éprouve
de la difficulté à se servir des objets, ne sait plus raconter ce qu'il
savait en regardant ses images (assonance incohérente), n'a plus
peur du danger, est indifférent aux émotions. Actes peu pondérés
(disparition des sensations réflexes communes) semble vivre en
rêve quoique éveillé. P. K.
XXI. Troubles mentaux dans la syphilis; par P. IOIVALI,NSIil'.
(Allg. Zeitsch. f. Psycitiat., L. 1 et 2.)
Il y a des psychoses syphilitiques chroniques qui durent très long-
temps et présentent une grande tendance à la démence à la fois
primitive (de par l'affaiblissement cérébral préalable) et secon-
daire (de par la psychose même). Ce sont : l'hypochondrie, la
mélancolie, la manie, la démence primitive et consécutive, la
paralysie générale, la folie systématique (plus rare), la démence
aiguë (amentia), l'idiotie (par syphilis héréditaire). Observations.
Etiologie syphilitique de la paralysie générale. - A. Ou bien la
syphilis n'y est qu'une complication accidentelle. B. Ou la syphilis
participe activement à la genèse de la paralysie générale.
Pseudo-paralysie générale syphilitique. Elle se diagnostique
d'après les traces de la syphilis antérieure, par les aveux du ma-
lade, par la découverte de l'évolution antérieure de la syphilis.
C'est une paralysie générale atypique. ,
REVUE DE pathologie mentale. 403
Enfin l'auteur établit l'existence de la syphilis héréditaire du
système nerveux et de la syphilis nerveusejnalimie précoce.
P. K.
XXII. De la réaction des pupilles ET DE quelques autres PIICENO-
mènes qui surviennent dans la paralysie générale, dans leurs
rapports avec L question DE la syphilis; par (CEKE. (Allg.
Zeitsch. ? Psychiat., L. 1 et 2.) .
Sur 100 paralytiques généraux, 47 n'avaient pas eu la syphilis
antérieurement, 43 seulement ont été examinés. Sur ces 43, 9
avaient des pupilles égales, 34 présentaient de l'anisocorie (12
avaient la pupille droite plus grande, 22 la pupille gauche).
Sur 93 paralytiques il y avait :
404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
mobilité pupillaire bilatérale, sont, comparées aux troubles unila-
téraux, plus fréquentes chez les syphilitiques. Chez ces malades
aussi prédominent les troubles des muscles des yeux ; quant aux
formes morbides, ces derniers sont plus souvent mélancoliques et
déments. Chez eux aussi, durée plus longue de la maladie, rareté
plus grande des attaques congestives, explosion plus précoce de la
maladie. Leur maladie est due non seulement à l'infection syphili-
tique, mais aussi à l'hérédité, aux fatigues, aux excès sexuels, tan-
dis que chez les paralytiques généraux non syphilitiques, le rôle
principal est dû au surmenage psychique et aux émotions morales.
P.K.
XXIII. Communication statistique ET casuistique relative A la
CONNAISSANCE DE LA PARALYSIE PROGRESSIVE ; par E. KuNDT. (rlllg.
Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)
De 1869 à 1890 inclus, il a été admis pour la première fois :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 405
Forme de la maladie :
406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
gauche (48 p. 100) surtout au moment des émotions, le tremble-
ment des mains et de la langue.
Observation de 125 hystériques se décomposant en :
45 femmes hystériques.
76 hystéro-épileptiques.
- 4 hommes hystéro-épileptiques.
125
Moyenne de l'âge, quinze à vingt-cinq ans. Prédominance des
jeunes filles. Hérédité chez 96 femmes et 2 hommes. Suicide chez
33 femmes et 1 homme (= 34 cas, soit 27 p. 100). Criminalité
(délits) de 19 femmes.
Forme mentale. Psychopathie, surtout aiguë et passagère, soit
par les accès de Charcot, soit par un délire transitoire, mélanco-
lique ou maniaque, stupide, systématique ou pseudo-systématique,
dans lequel les hallucinations jouent un rôle prédominant avec les
obsessions. Il n'est pas rare d'y observer une demi-conscience ou
l'intégrité relative de la connaissance, à raison de la suggestivité
des malades, de la possibilité de détourner leur attention.
Parfois encore on a affaire à des symptômes de paralysie géné-
rale progressive dont le pronostic est favorable, ce qui n'empêche
que l'hystérie ne puisse être indépendante et que la périencéphalite
chronique progressive ne se développe chez des hystériques.
P. K.
XXVI. CONTRIBUTION A la question de la 'paranoïa; par SCHULE.
(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)
Le type de ce délire syslématique dont les synonymes sont en
réalité Wahnsinn et Ven'McAMt, c'est le délire systématique de
persécutions et de grandeurs caractérisé par un délire fixe, dépres-
sif ou expansif, coordonné, successif ou concomitant quant au texte
du délire, et produisant des modifications de l'humeur en relation
avec ce texte et des actes en rapport avec lui, tantôt avec, tantôt
sans hallucinations sensorielles ou du moins ces hallucinations
peuvent n'être qu'esquissées. Chronique s'il en fut, primitif et ori-
ginel. Il ne est une autre forme également chronique mais acquis,
dans lequel les hallucinatiens nombreuses, importantes, sont pour
ainsi dire individualisées; marche lente et régressive. Enfin la
troisième forme, semblable aux deux précédentes, est secondaire;
surtout'mélancolique, elle représente la phase ultime de la pre-
mière etsse distingue de celle-ci par le substratum de la faiblesse
intellectuelle et l'importance extrême des hallucinations.
Dans ces trois groupes, en dehors des épisodes aigus intercalaires,
la conscience n'est pas troublée, le jugement et la faculté de conclure
sont exacts mais se déterminent d'après le délire dont ils dépen-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. li 07
dent. La démence ne se produit que lorsque de nouvelles lésions
cérébrales interviennent (sénilité, athérome).
Le délire syslématique aigu a les caractères cliniques du délire
chronique, mais c'est une paranoïa abrégée durant quelques mois,
quelques semaines ou quelques années, à poussées souvent succes-
sives, qui prend naissance dans un cerveau préalablement atteint, et
finit par aboutir à un accès incurable. Il en impose souvent pour
une mélancolie ou une manie.
L'auteur examine alors l'épisode maniaque qui pour lui fait par-
tie de la paranoïa aiguë et les hallucinations,
Le délire systématique hallucinatoire aigu est une folie aiguë à
hallucinations dont la teneur et le groupement par rapport au
moi persécuté ou grandi (expansif) impliquent la nature réelle du
délire, c'est-à-dire de la perversion intellectuelle. Dans ce groupe
il faut ranger la folie puerpérale, phtisique, infectieuse à idées de
persécution ou de grandeurs. C'est un mélange polymorphe d'épi-
sodes à évolution variable englobant plusieurs éléments morbides.
Il y en a même une variété avec lucidité, notamment au moment
de la menstruation, et une variété périodique abortive.
Il n'y faut pas faire rentrer la confusion mentale parce qu'ici
l'incohérence domine la scène. Ce qui n'empêche cependant que
la paranoïa, surtout à sa phase d'invasion brusque, ne puisse en
imposer par l'exagération de l'activité mentale et des hallucinations
pour une confusion mentale véritable. L'évolution juge le cas. La
paranoïa hallucinatoire aiguë entre en convalescence par la dé-
croissance des hallucinations et des illusions; la confusion mentale,
au contraire, surtout dans sa forme maniaque, se juge parmi affai-
blissement des facultés intellectuelles.
Le mémoire se termine par une analyse délicate et peu démons-
trative de la mélancolie et de la manie, dans leurs rapports avec la
paranoïa de la paranoïa mélancolique de la paranoïa ma-
niaque - des épisodes mélancoliques et maniaques de la paranoïa
qui du reste s'enchevêtrent fréquemment comme le dit M. Schucle.
P. KERAVAL.
XXVII. Essai d'une nouvelle psychologie fondée sur les sciences
naturelles; par E. BLEULER. (Allg. Zcitsch. f. Psych., L. i et 2.)
Un ensemble de fonctions physiques peut produire ou expliquer
tous les phénomènes psychiques, y compris la conscience.
Toutes les activités organiques tendent nonseulementa la percep-
tion, mais à la combinaison des détails dont elles forment un décor.
Sans cet assemblage simultané, il n'y aurait que des éléments dis-
parales, confus, emmagasinés sans ordre, non aperçus, non per-
sonnifiés ni personnalisés : Je ne me conçois pas seul, sans mes
habitudes, sans les raisons et les conséquences de ces habitudes, sans
408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
mes sensations et le décor qu'elles entraînent, décor synchrone à
leurs impressions. Je ne me conçois fonctionnaire que par mon bu-
reau et ses objets, mes relations avec le personnel inférieur, avec
mes malades, avec l'autorité supérieure. Voilà l'ensemble fonction-
nel synchrone qui aboutit à la construction intra-cérébrale de cette
perception résultante aperçue.
Nous avons conscience d'un moi, mais non d'un moi échappant
à un décor intra-cérébral. Ce que nous observons en nous, ce sont
des processus intimes qui oscillent, des courants nerveux qui vont
et viennent pour provoquer ce complexus : moi. Il y a perception
personnelle de l'activité propre, intime, comme il y a perception
de toute autre chose. II n'y a aucune différence entre la perception
interne et la perception externe, entre l'observation du monde
et de sa propre personne. Les objets ne sont perçus que par leur
décor; il y a, dans la perception de l'objet, mille perceptions
distinctes associées (couleur, espèce, forme, temps). L'impulsion
volontaire est perçue par le même motif, puisque la volonté
est la résultante' de l'innervation de plusieurs groupes muscu-
laires dont nous avons appris à apprécier l'origine, la modalité, le
but.
La mémoire est la propriété de la substance nerveuse d'être mo-
difiée par l'excitant de telle sorte que celui-ci y laisse des traces
dynamiques de son passage qui sont les images commémora-
tives. Le souvenir, c'est la conscience de la persistance des images
commémoratives. La mémoire consciente, c'est l'association de ces
images, qui reviennent et sont toujours actuelles, avec le com-
plexus du moi. D'où le souvenir de la volonté. La pensée cons-
ciente est volontaire.
L'attention est la concentration de la volonté sur un processus
déterminé et la revivification d'une foule de perceptions enregis-
trées malgré nous à tout instant.
La faculté de conclure résulte du rajeunissement des conceptions
dans l'ordre où elles ont été enchaînées par la perception au mo-
ment de leurs relations avec l'extérieur. Le jugement provient
aussi de la revivification de la sériation des associations d'idées et
des perceptions.
Sensation de ce qui est agréable et désagréable, affectivité ou
sensibilité morale, sont également la monnaie du décor des sen-
sations, c'est-à-dire qu'elles représentent l'influence exercée sur le
réflexe cérébro-psychique et sur la direction centrifuge par les
perceptions aperçues. Suivant le décor et la nature de ce réflexe le
mouvement consécutif à la sensation organique sera un mouve-
ment de préhension, de rapprochement de l'objet ou du concept
aperçus ou un mouvement de rejet des mêmes agents, car malgré
vous ces agents provoquent des effets sur le coeur, la respiration,
etc.. Ces mouvements sont en rapport immédiat avec l'impression
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409
centripète et la manière dont celle-ci trouble l'activité organique.
C'est toujours un complexus d'association.
Le moi est donc bien l'effet du décor qui résulte de la synergie
de toutes les fonctions du système nerveux et les propriétés du
moi c'est l'habitude de ce décor. S'il est inséparable de la bête
qui le sent en soi, il n'y a aucune raison d'en constituer une
âme métaphysique associée à l'âme physiologique. P. KERAVAL.
XXVIII. DES CONDITIONS DE la contagion mentale morbide ;
par le Dr Marandon DE MGNTYEL.
Deux conditions sont essentielles pour la contagion mentale mor-
bide : une prédisposition psychopathique et une impression vésani-
que. '
La prédisposition psychopathique peut ne pas être héréditaire ;
elle s'acquiert aussi et se rencontre presque toujours chez les débi-
lités à la suite d'excès, de fatigues ou de misère.
La deuxième condition, l'impression morbide est tout aussi
indispensable à la communication de la folie. M. Pronier a divisé
les impressions vésaniques en deux groupes que M. Marandon de
Montyel croit devoir conserver : d'une part se placent les manies
et les lypémanies, c'est-à-dire les folies qui frappent vivement
l'imagination, les folies impressionnantes qui forment un tableau
saisissant, et profondément émotif pour les assistants ; de l'autre,
se rangent les délires en apparence partiels, que rien ne trahit au
premier abord et qui laissent à l'aliéné toute sa tranquillité et
toutes ses facultés syllogistiques.
Pendant longtemps on a nié la possibilité de la contagion de la
manie et de la lypémanie. On croyait toujours avec Delasiauve et
Lunier que les faits de folie à deux n'appartenaient qu'au délire
partiel systématisé, et c'est à Narre que revient le mérite d'avoir
combattu cette erreur : la folie générale est d'autant plus conta-
gieuse qu'elle est plus impressionnante. Une autre conclusion tirée
des observations de M. Marandon de Moutyel, c'est que la trans-
mission se fait surtout avec les impressions tristes, celles qui
appellent les larmes et remuent jusqu'au fond des entrailles.
Dans les folies systématisées, il y a, on le sait, deux espèces de
conceptions délirantes très différentes ; les unes lypémaniaques, les
autres mégalomaniaques.
Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces deux variétés d'impres-
sions, elles ont ce caractère commun de n'être parfois que par-
tiellement communiquées, le contaminé opérant un choix parmi
elles, selon ses dispositions particulières ; et il peut alors arriver,
ainsi que l'a constaté M. Marandon de Montyel, que le sujet passif,
se basant sur les phénomènes auxquels il ne participe pas, voit un
aliéné dans son codélirant actif.
410 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Après avoir bien nettement établi la nécessité de ces deux con-
ditions; : prédisposition vésanique et impression morbide directe
pour la contagion de la folie, l'auteur recherche le temps de conta-
gion, c'est-à-dire la durée que devra avoir l'impression pour engen-
drer l'aliénation chez un sujet sain. D'une manière générale, la
contagion des folies générales est assez rapide et surtout beaucoup
plus rapide que celles des folies partielles ; alors que pour celles-là
quelques semaines, souvent quelques jours et même quelques
heures suffisent, il faut pour celles-ci plusieurs mois.
A côté de ces deux conditions essentielles pour la contagion de
la folie : la prédisposition .psychopathique et l'impression morbide
directe, il est toute une série d'autres conditions secondaires dont
l'auteur discute successivement la valeur. 1° L't ! f/e.' les enfants et
les vieillards représentent pour la majorité des auteurs les sujets les
plus contaminés, mais d'après les statistiques de M. Marandon de
Montyel, les enfants n'apportent qu'un contingent très faible, et
c'est surtout de vingt à trente ans que la contagion mentale fait
sentir son influence. Ce sont surtout les délires généraux qui
semblent les plus propres à se propager dans le jeune âge et les
délires partiels sont plutôt imposés que communiqués.
2° Le sexe : les femmes sont de beaucoup plus sensibles que les
hommes à la contagion mentale et il résulte des observations de
M. Marandon, que celle-ci s'opère surtout de femme à femme et
de femme à homme et très exceptionnellement de homme à femme
et de femme à homme.
3° La nécessité d'une longue vie commune aussi intime que possible
avec un aliéné n'est pas une condition aussi importante qu'on le
dit généralement pour la contagion de la folie surtout s'il s'agit de
délires généraux qui agissent en impressionnant vivement et se
transmettent par un choc émotif.
4° La vraisemblance du délire ne peut avoir d'influence que s'il
s'agit de folies systématiques, car elle est plutôt nuisible avec les
folies générales qui sont d'autant plus contagieuses qu'elles sont
plus impressionnantes et d'autant plus impressionnantes qu'elles
sont plus échevelées.
5° L'appât d'un intérêt personnel que certains auteurs regardent
comme indispensable à la propagation de la folie, peut bien faci-
liter grandement le phénomène, quand il existe, mais il ne faut
pas exagérer son importance et dire avec Lasè-ue et Faire que
l'on ne cède à la pression de la folie que si elle vous fait entrevoir
la réalisation d'un rêve caressé.
6° Le milieu familial auquel les auteurs n'ont pas' donné assez
d'importance d'après M. Marandon est une condition bien autrement
favorable, car de tous les contaminés connus les seuls qui n'étaient
pas des parents des malades, se trouvaient être à leur service, et
comme tels, faisaient partie de la maison.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411
7° La misère, et il faut prendre ce mot dans son sens le plus
large, est encore un élément dont faut savoir reconnaître l'impor-
tance au point de vue de la contagion de la folie.
8° A côté de la misère et agissant de la môme manière il faut
placer toutes les causes d'épuisement de l'organisme : maladies,
excès, vices débilitants, intoxications, et les états d'origine psy-
chique si fréquents chez la femme. (Annales i ? zédico-psychologiqzies,
1894.) E. B.
XXIX. NOTE sur une amnésie consécutive DES idées obsédantes ;
par le D1' FÉRÉ.
Il n'est pas rare de voir des individus atteints de tics coordonnés
être incapables, en dehors de leur accès, de reproduire les mouve-
ments qu'ils répètent des centaines de fois par jour ; le même fait
peut s'observer dans le cas d'exclamations spasmodiques, l'inté-
ressante observation citée par l'auteur montre qu'on peut observer,
à la suite des.idées obsédantes, un phénomène analogue. Il s'agit
d'un malade chez qui les idées obsédantes qui l'avaient le plus
tourmenté disparaissaient pour un temps de sa mémoire : il ne
s'en souvenait jamais que comme d'un rêve. (Revue neurologique,
déc. 4893.) E. B.
XXX. Impulsions homicides consécutives A la lecture d'un roman
passionnel chez un dégénéré ; par le D'' Daguillon.
Intéressante observation d'un dégénéré à antécédents héréditaires
assez chargés.
Enfance accidentée, pénible. A seize ans, à la suite d'un cha-
grin d'amour, accès de mélancolie avec idées de suicide.
Le malade a maintenant quarante-trois ans et est horloger. Il
entreprit, il y a quelque temps la lecture du livre de Zola la Bête
humaine; chaque épisode du roman lui remémore son état et lui
fait faire des comparaisons entre l'impulsif de Zola et lui et par
degrés s'implante en lui l'idée que lui aussi pourrait avoir une
impulsion analogue.
Si bien qu'un beau jour, à son réveil, l'impulsion homicide se
saisit brusquement dé lui et la vue de sa femme et de ses enfants,
concomitante de celle de ses outils pointus, exagérant encore
l'impression, il sent qu'il lui faut tuer sa femme et ses enfants pour
obéir à une force intérieure qui le lui ordonne et qu'il ne peut
maîtriser. Après avoir lutté deux jours pendant lesquels il s'était
fait surveiller par des amis, il craint que ses forces ne le trahissent,
qu'il ne succombe à son impulsion et se fait conduire à Sainte-
Anne. (Annales médico-psyc)cologiq2ces, juin 1894.)
41 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE .MENTALE.
XXXI. Névrose paresthésique chez une dégénérée héréditaire;
par le D'' RUBENS Hirschberg.
11 s'agit d'une dégénérée héréditaire chez laquelle existent dans
le dos des paresthésies extraordinaires. Il lui semble que des gre-
nouilles se promènent le long de son dos ; des langues d'animaux
dégoûtants les lèchent ; des roues se promènent le long de son
dos; des vers, des intestins pourris, descendent sur son dos ; son
dos se décompose, etc.
La malade se rend compte de son état : elle est persuadée de
l'ineptie de ses paresthésies, mais elle en souffre beaucoup. Aucun
traitement n'a amené de soulagement.
Cette observation, qui montre qu'un état délirant n'est pas une
condition sinequa non pour l'existence des hallucinations tactiles,
est rangée par l'auteur dans la névrose décrite récemment par
Collins, de New-York, sous le nom de névrose paresthésique.
(Revue neurologique, 1894.) ' E. BLIN.
XXXII. Note sur une paralysie nocturne provoquée par le . : chloralose ; par le Dr Féré.
Vingt centigrammes de chloralose donnés à une hystérique ont
déterminé d'abord le sommeil, puis, vers le milieu de la nuit un
réveil accompagné d'une sensation d'angoisse précordiale très
pénible et d'une incapacité absolue de remuer les membres et la
tête. Ces troubles ont duré jusqu'au matin et tout s'est peu à peu
dissipé. (Revue neurologique, 1894.) E. B.
XXXIII. HS'PERTIiICiI0Sl, faciale chez les femmes aliénées ; '
' par Harris Liston.
Les photographies de femmes barbues chez laquelle la produc-
tion pileuse anormale coïncida avec le passage à l'état chronique
de la psychose. (Bi-ilish JIccl. Joziriz., 2 juin 1894.) A. Marie.
XXXIV. SUR UN cas d'hallucinations motrices verbales chez UNE
paralytique générale ; par le Dr P. Sérieux. (112111. de la Soc. de
mccl. ment, debelgiqzie, juin 1894.) @
Observation d'une femme atteinte de paralysie générale qui,
au cours d'une période de rémission, présenta des hallucinations
motrices verbales. Ces hallucinations, qui durèrent pendant plus
d'une année, coïncidèrent toujours avec des spasmes des muscles
masticateurs et devinrent le point de départ d'un véritable délire
de persécution, mais sans systématisation. Plus tard survinrent des
hallucinations visuelles, auditives, gustatives, etc.
A l'autopsie on trouva des lésions de niéningo-ëncéphalite/dis ?
REVUE DE pathologie mentale. 413
persées symétriquement dans les deux hémisphères mais n'intéres-
sant que le pied de la troisième frontale (centre moteur verbal)
et l'extrémité inférieure de la frontale ascendante (centre mastic
cateur).
L'auteur signale en terminant la variété extrême des accès déli-
rants que l'on peut rencontrer dans la paralysie générale : les uns
greffés sur la démence paralytique (accès maniaques, mélanC07
liques, idées de grandeur et hypocondriaques), les autres provo-
qués par les hallucinations motrices verbales (délire de persécu-
tion), ou par l'ensemble confus d'hallucinations de tous les sens
(état de confusion ayant quelque analogie avec le délire hallucina-
toire aigu). G. DENY.
XXXV. LE czar Jean LE Terrible DE RUSSIE ET son état mental; par
le Dr P. Kowalewsky. (liull. de la Soc. deméd. ment, de Belgique,
mars etjuin 1894.)
De cette étude biographique l'auteur croit pouvoir conclure que
le czar Jean le Terrible, dont le règne ne fut marqué que par des
actes de férocité et d'immoralité, était un héréditaire atteint de
paranoïa avec prédominance d'idées de persécution.
G. DENY.
XXXVI. UN cas DE sensations auditives ET VISUELLES subjectives,
auto-observation ; par Fn. FucHs. (Nezzrol. ( : elzti·al6l., 1893.)
Hallucinations hypnagogiques ainsi décrites par l'auteur qui est
aussi le patient. L'oreille gauche entend tout à coup un son com-
parable à celui que fait le claquement du maxillaire inférieur
contre le maxillaire supérieur. Puis apparait un éclair lumineux
qui envahit tout le champ visuel; finalement amaurose ou obs-
curcissement de la vue.
Pour provoquer ce syndrome artificiellement, M. Fuchs n'a qu'à
déplacer vivement le maxillaire inférieur. Et les trois halluci-
nations apparaissent dans l'ordre indiqué pourvu qu'il y ait la
demi-irritation cérébrale intermédiaire au sommeil et à la veille.
Pathogénie : Excitation du faisceau cérébral moteur du triju-
meau ; secousse du tenseur du tympan; activité du tympan; exci-
tation des extrémités du nerf auditif dans la membrane basilaire.
Irradiation dans le cerveau qui se répercute sur la partie sensitive -
du cerveau présidant au centre visuel.. , P. K. 1.
XXXVII. Les horreurs du paupérisme. (British Sied. Jozt7,i2.1 : , 31 mai 1894.) ' '
Echo d'une enquête qui nous dévoile des abus semblables à ceux 'i
qui, il y a quarante ans, provoquèrent un mouvement d'opinion
4 [4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pour la réforme des workhouses. Sévices et brutalités, malpropreté
sordide sont les moindres griefs que relève l'article, dans une
Poorhouse du Devonshire. En Grande-Bretagne comme chez nous,
à côté des établissements modèles qu'on montre volontiers aux
curieux et aux étrangers, il existe des établissements rappelant
les errements d'un autre âge et qu'on s'étonne de voir encore per-
pétuer de nos jours. A. Marie.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXV CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.
SESSION DE KARLSRUHE.
Séance du 11 novembre 1893. Présidence DE M. KIR,-4.
Le premier curateur, M. ScnuELE, ouvre la séance en faisant
l'histoire des travaux de la Société arrivée au vingt-cinquième anni-
versaire de sa fondation.. ' '
Trois d'entre nous ont vu les origines de la Société et en ont
suivi les progrès. CesontLudwig, Kirn et moi. C'est le 26 mars 1867
qu'elle a tenu sa première séance, ici même à Karlsruhe, dans la
petite salle du Muséum. Organisée par Roller, elle a été honorée
de la présence de beaucoup de nos collègues de Karlsruhe et en
outre d'un fonctionnaire du ministère du duché de Bade et de
Wurtemberg, le directeur actuel Frey, qui vient de prendre sa
retraite comme inspecteur général des établissements publics après
vingt-huit ans de services éminent=, ainsi que du conseiller de
Schoenlein (de Stuttgard). Etaient présents : les spécialistes Bro-
sius, Groeser, Hoffmann, Ludwig, Dick, Loechner, Fischer aîné,
Otto, Breuzinger, Mueller, Zeller aîné, Biilile, Roller, Reich, Krafft-
Hifing, Kirn, Schuele, Brenner. On y traita : le délire aigu (rappor-
teur : Schuele), et l'assistance des aliénés (rapporteur : Roller).
Tous les membres présents se rangèrent sous la bannière de l'Allg.
Zeitschr. f. Psychiatrie, et communiquèrent cette décision au rédac-
teur en chef Loehr.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 415
La séance qui suivit eut lieu au printemps de l'année 1SG9 à
Heidelberg. Nous y vîmes Cramer, un des premiers apôtres du no-
restraiut, et Graeser. Nous y traitâmes des questions anatomiques,
cliniques, statistiques. Nouvelle réunion pendant l'automne de la
même année, à Stuttgart; Zeller ouvrit le congrès; la folie raison-
nante et la diminution de la responsabilité étaient à l'ordre du
jour.
L'année 1870 nous retrouve au printemps à Bade-les-Bains. Les
conditions d'admission des malades dans les asiles d'aliénés, les
thèmes empruntés à la médecine légale, ce que l'on sait du mode
d'action des narcotiques constituent les sujets traités. La guerre ne
nous permet pas d'avoir de seconde réunion cette année-là. La
guerre terminée, nous voilà à Karlsruhe (1871). Rapports de la
psychiatrie avec les autres branches de la médecine, sociétés de
patronage pour les aliénés mis en liberté, syphilis cérébrale et
démence paralytique, injections hypodermiques, tels sont les sujets
dont nous nous occupâmes.
En 1872, nous nous réunissons à Strasbourg, où nous voyons
Samt pour la dernière fois. En 1873, à Heidelberg, nous nous occu-
pons des criminels aliénés et du traitement de l'épileps'e. En 1874,
la Société est devenue très nombreuse; nous sommes à Heppen-
licini ; des professeurs de clinique et de neurologie d'Heidelberb
ainsi que le physiologiste Eckard (de Giessen) accourent à l'appel
de Ludwig. Celui-ci propose de transformer le congrès psychiatri-
que du Sud de l'Allemagne (c'était son nom alors) en Congrès des
neurologistes et aliénistes de l'Allemagne du Sud, en y admettant
les professeurs des écoles supérieures, afin de rayonner sur la neu-
ropathologie. Cette motion fut adoptée en principe au congrès sui-
vant (1875) d'Ileppenheim ; mais il fut décidé de réserver chaque
année une séance d'automne aux psychiatres seuls, dans laquelle
seront traitées spécialement les questions psychopathologiques.
En mai 1886 a lieu le premier congrès des neurologues et alié-
nistes de l'Allemagne du Sud-Ouest (et non de l'Allemagne du Sud)
à Bade-les-Bains, dans lequel on décide une réunion annuelle.
Nous y voyons pour la seule et dernière fois (hélas ! ) l'anatomiste
Ecker ; il nous présente les traits principaux de sa topographie des
circonvolutions et fait une intéressante communication anatomo-
pathologique sur les centres cérébraux d'Hitzig chez une femme
amputée dès l'enfance.
En octobre 1886, le Congrès spécial des aliénistes se réunit à
Karlsruhe. Quelques semaines après, dans la même ville, à l'appel
de Ludwig et Dick, on organise définitivement le congrès psychia-
trique d'automne de l'Allemagne du Sud-Ouest rajeuni, le congrès
des neurologues s'en détachant pour tenir ses séances spéciales en
mai ou au commencement de juin. Ce dernier congrès est donc un
enfant de notre Société. Ces deux congrès ont fleuri et prospéré
416 SOCIÉTÉS SAVANTES.
côte à côte et ont, de concert, travaillé aux progrès de la neuro-
pathologie et de la psychiatrie. C'est là un vivant témoignage de la
filiation étroite de ces deux ordres de connaissances.
L'organisation définitive de notre congrès coïncide avec l'année
4878. Nous nous sommes réunis alors pour la douzième fois. Pen-
dant les quinze ans qui suivirent, il n'y a plus eu de modifications
dans le fonctionnement ni dans le genre des sujets traités par notre
Société. Si pendant trois années, au cours de cette période, nous
n'avons pas tenu séance, c'est que le congrès des naturalistes alle-
mands siégeait près de nous à Bade, Fribourg, Strasbourg. Chaque
automne, nous nous sommes réunis à Karlsruhe. Tout ce que nous
avons fait, soit en théorie, soit en pratique, se rattache à l'évolu-
tion même de la psychiatrie de ces quinze dernières années. Ques-
tions d'administration, de clinique, d'anatomie, de psychologie, de
médecine légale ont été continuellement agitées par nous et ont
servi d'assises au développement de notre science. A cette oeuvre,
jeunes et vieux ont collaboré. Plusieurs ne sont plus, d'autres ont
quitté la région ; ceux qui restent continuent et continueront les
traditions de travail et d'honneur des vieux maîtres ; que la devise
de notre Société soit un voeu de prospérité que je formulerai en ces
termes : Vivat floreat crescat in mteltos aiznos !
Les visites des parents dans les asiles d'aliénés, MM. DITTMAR et
SCHUELE, rapporteurs. M. DfTTMAR traite de quelques aperçus
généraux se rattachant aux visites faites aux aliénés dans les asiles.
Ces visites doivent avoir pour but la guérison du malade ; il ne
faut pas perdre de vue, en effet, qu'elles exercent un intérêt salu-
taire sur l'aliéné, qu'elles réconfortent également ses parents,
qu'elles agissent aussi sur le moral du personnel lui-même. On peut
donc autoriser toutes celles des personnes qui prennent au malade
et à son rétablissement un intérêt rationnel autant que loyal. Ceci
étant résolu, il faut tenir compte de l'effet qu'exerce la visite sur
l'aliéné ; cet effet dépend-il de la nature des visiteurs, de leur atti-
tude, de leur qualité ? A ce dernier égard, il faut se montrer très
circonspect quand il s'agit d'admettre des enfants comme visiteurs.
Il convient encore de savoir si les visites de tels ou tels font plaisir
ou non aux malades.
Mais on admettra sans réserve les parents auprès des aliénés qui
touchent aux dernières limites de la vie, des moribonds, des dé-
ments réduits à l'existence végétative, de ceux qui jouissent d'une
pleine liberté en dehors de l'établissement.
Paraissent encore indiquées les visites auprès des convalescents,
à moins qu'elles aient déjà paru suspectes ; elles sont au contraire
contre-indiquées dans le cas de nostalgie, celle-ci par exemple
survenant si souvent ou s'aggravant chez les femmes auprès des-
quelles on laisse arriver leurs enfants, chez les agités ou ceux qui
tendent à devenir violents, aggressifs, chez ceux pour lesquels la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 417
visite est un objet de haine naturelle ou pathologique, chez ceux
pour lesquels on suppose qu'il y aura, à l'occasion de cette visite,
scènes ou discussions funestes, chez ceux enfin qui refusent toute
visite. C'est d'ailleurs le médecin qui doit en chaque cas autoriser
ou supprimer lu visite, il n'est pas inutile de provoquer sur l'éven-
tualité des visites une correspondance entre le requérant et l'aliéné,
correspondance qui naturellement passe par les mains du médecin
et le guide soit pour la première autorisation, soit pour l'opportu-
nité de la répétition des visites; il détermine également le nombre
des visiteurs qui peuvent venir ensemble voir le malade, la néces-
. site ou non que les visites aient des témoins, enfin il renseignera
préalablement les visiteurs sur la nature et les particularités de la-
maladie en même temps qu'il leur apprendra comment ils doi-
vent se comporter pour aider par leur manière d'être au traite-
ment de l'aliéné .
M. SCHUELE traite des indications et contre-indications spéciales
des visites dans les diverses formes des maladies mentales. Il éta-
blit les conclusions suivantes : ,
1° Dans les cas récents de mélancolie, pas de visites, du moins
pendant les périodes d'augment et d'acmé de la maladie. L'angoisse
avec ou sans obsessions contre-indique suivant sa violence les
visites. Quand la maladie décroit on peut les autoriser. Il n'est pas
rare qu'on doive alors faire appel aux visites pour aider le malade
à récupérer ses facultés d'orientation, même quand il y a nostalgie
naturelle. Quand le malade refuse la nourriture, assez souvent une
invitation rationnelle de ses parents le ramène à de meilleurs sen-
timents, au moins temporairement ; - 2° dans la manie, quand la
forme en est grave, on proscrira toute visite. Il vaut mieux aussi les
défendre dans les cas légers et récents, que l'excitation qu'elles
provoquent émane soit d'une nostalgie opiniâtre, soit de considé-
rations d'intérêts ou de personnes et se montre chiche de conversa-
tions avec les parents. De graves événements domestiques pendant
le séjour des malades contre-indiquent les visites autant que pos-
sible jusqu'à leur sortie; 3° la folie systématique aiguë, suivant,
qu'elle revêt une forme dépressive ou exaltée, impose l'obligation
d'en' agir en matière de visites comme dans les cas de mélancolie
simple ou de manie et d'être peut-être encore plus prudent en pareil
cas. Il faut ici peser la forme des hallucinations sensorielles, sur-'
tout quand elles visent certaines personnes dont il faut alors inter-
dire les visites. Cette dernière considération bat tout naturellement
son plein quand on a affaire aux épisodes aigus du délire systéma-
tique chronique; 4° la stupeur contre-indique les visites autant
que possible jusqu'à la convalescence parfaitement établie; 5° il
en sera de même pour la démence aiguë; on sera, dans l'espèce,
encore plus avare de permissions, on s'y montrera plus difficile ;
6° il est impossible de tracer des règles dans la folie systématique
Archives, t. XXVIII. 27
418 SOCIÉTÉS SAVANTES.
chronique. On se déterminera d'après l'humeur du malade, l'état
de sa connaissance, le degré de confiance qu'on peut avoir en lui
ou en ses parents. Pas de visites non plus quand le délirant se croit
épié ou en butte à des actions physiques, en dehors des rémissions.
Les formes expansives permettent plus de libéralisme dans les per-
missions, car il n'est pas rare de voir une visite opportune corriger
le délire. Mais il n'en faut tenter l'essai que lorsque les autres
signes cliniques parlent en faveur d'un début d'amélioration ;
7° dans la démence chronique, on permettra plus fréquemment
de visiter les malades ; c'est un moyen temporaire de les calmer,
de les égayer, de les faire patienter. On se guidera d'après les indi-
cations tirées du public ; 8° la démence paralytique au début ou
pondant les stades d'agitation exclut les visites ; on les autorisera
aux périodes plus avancées; 9° dans la folie alcoolique, on choi-
sira avec un soin extrême les visiteurs ; si l'on ne peut se fier à eux,
on exigera l'intervention de témoins ; 10° dans la folie hysté-
rique et constitutionnelle, pas de visites, surtout dans la folie du
caractère ou folie morale, à moins que les visiteurs ne méritent'
toute confiance et qu'on n'ait fait préalablement leur éducation. Il
faut être prudent quand il s'agit d'épileptiques et requérir Tinter-'
vention de témoins à cause de leurs impulsions violentes possibles.
Discussion. M. Kr.epelin. Quelle différence a-t-il entre la nos-
talgie naturelle et la nostalgie pathologique ? M. Schuele. Il n'y
a pas de signes différentiels. C'est affaire de sentiment.
M. DtTTMAR. Quand, à la suite de la visite désirée des parents,
la nostalgie a disparu définitivement, c'est qu'elle n'était pas-patlio-
logique. Malheureusement l'expérience nous apprend qu'il n'est
pas rare de voir la nostalgie naturelle elle-même reparaitre plus
vive que jamais à la suite de la séparation.
M. Kreuser. On pourrait juger la nature de la nostalgie d'a-
près le temps pendaut lequel elle cesse et le rapport de cette ces-
sation avec l'espacement des visites. L'espoir d'une prochaine visite
et les lettres que les malades reçoivent de chez eux agissent-ils ou
non sur la nostalgie ? C'est encore un moyen de détermination.
M. KMPEUN. Sans doute il est bon de supprimer les visites à
la période d'acmé de la démence aiguë, mais pendant la convales-
cence, elles exercent une certaine action très salutaire par l'activité
qu'elles provoquent. , .
M. Kirn a également observé cela. M. Schuele. Cela dépend
des parents. Le congrès se rallie aux conclusions précédentes.
Mais sur le fond même de la question générale, MM. NissLE,KtOEu-
sra, l3evn, Kariier, Dittmar engagent une discussion qui peut se
résumer ainsi : Plus la ville est à proximité, plus les malades sont
visités, et plus ils savent que les voyages sont faciles, plus ils sont
SOCIÉTÉS SAVANTES. 419
avides de visites et peinés de leur absence. Mais quand il s'agit de
manies ou de mélancolies récentes, il convient de les interdire; on
les interdira aussi et inversement on les autorisera quand l'expérience
montrera que la première visite est nuisible ou réussit à l'aliéné.
Un parloir est chose utile, mais la visite peutse faire dans les quar-
tiers quand la situation du malade s'oppose à son déplacement.
Quand l'asile est éloigné de la ville, on peut également se montrer
libéral quant à la durée de la visite ; il n'est, de plus, pas rare de
voir la visite qui, à l'arrivée, avait agité le malade, le calmer par
sa durée même. L'assistance des infirmiers aux visites n'est obliga-
toire que pour les gens mariés de crainte d'une grossesse éven-
tuelle. Il est aisé de se convaincre de l'identité des visiteurs par l'inter-
rogation même des malades, et il est malaisé de limiter une visite à
une simple entrevue. Assimiler l'asile à un hôpital dont l'entrée est
à peu près libre constitue une excellente mesure dont médecins et
public n'ont qu'à se louer; il peut arriver qu'une femme mariée
essaie de'se rapprocher de son mari aliéné pour justifier dans
l'avenir une grossesse illégitime; mais cela est rare et peut être
évité par la présence d'un témoin. Il serait fréquent de voir des
visites prolongées exercer une action défavorable sur le malade;
l'infirmier peut se rendre compte de cet effet et en prévenir le mé-
decin qui décide de la continuation ou de la suspension de la visite.
en question. Il est indispensable de noter la date de chaque visite
et la qualité des visiteurs. Quand ceux-ci sont admis à pénétrer
dans les salles, il faut veiller à ce qu'ils ne puissent prendre contact
avec les autres malades.
M. Kirs. De l'anthropologie criminelle. Ce mémoire a paru ili
extenso dans l'Allg. Zeitsch.1. Il conclut à ceci : que l'anthropologie
criminelle est un simple chapitre de la dégénérescence.
Discussion. M. Wilser. Cette question a un rapport étroit avec
la théorie de l'hérédité. La légion des dégénérés donne naissance à
laplupartdesaliénés ainsiqu'à la plupart des criminels. Les ancêtres
qui produisent des dégénérés sontceux qui ont détruit leur système
nerveux par le surmenage, les excès alcooliques, lesmaladies exté-
nuantes ; ils transmettent à leur postérité cette faiblesse acquise
du système nerveux. Le dégénéré ainsi produit devient un criminel
quand, en raison de cette débilité intellectuelle et morale, il devient
incapable de réprimer ses instincts bestiaux. Il peut encore arriver
que, par suite de certaines habitudes exclusives, les ancêtres trans-
mettent à leur postérité des instincts dangereux pour la sécurité
générale ou une dégénérescence complète ; telle est par exemple la
propension au vol ou à la violence. Lombroso, tout en exagérant,
n'a donc pas tout à fait tort d'admettre le criminel-né.
1 Voy. Archives de Neurologie Revues, analytiques.
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
' M. Ittnrt. La tendance à la criminalité n'est pas innée ; ce qui
est congénital, c'est l'infériorité psychique.
M. WILSER croit devoir admettre la transmission des instincts.
M. FRIEDMANN.-I)e la folie menstruelle primordiale. L'orateur
communique deux observations. Il s'agit de jeunes filles de qua-
torze et seize ans, atteintes d'accès périodiques de dépression mé-
lancolique profonde avec troubles de la conscience tout à fait sem-
blables aux folies menstruelles typiques; ces accès durent de trois
à quatre semaines, ils coïncident avec l'absence ou l'interruption
du flux menstruel et disparaissent, guérissent, quand celui-ci prend
son cours normal. Cela les distingue de ce qu'on a appelé la folie
menstruelle typique; ce qui les distingue encore, c'est l'existence
d'une très minime prédisposition aux psychopathies et même l'al)-
sence totale de prédisposition de ce genre. Les courts symdromes
de folie transitoire intense qui se produisent chez certaines femmes
à l'époque de la menstruation et qui n'ont lieu qu'une seule fois,
peuvent être rapprochés de ces exemples, car là aussi il peut n'y
avoir ni tare héréditaire ni terrain névropathique. Il est donc natu-
rel de regarder ces manifestations comme des folies menstruelles
en rapport avec le développement organique ; leur pronostic
étant favorable, les voilà définitivement séparées de toute la classe
des psychoses périodiques typiques. M. Friedmann commu-
nique encore une observation démonstrative et rare de l'action
favorable exercée par le développement menstruel sur l'épilepsie.
(Voy. 311lnchene2- med. Woclaensclarit.) .
Discussion : M. ICInrr a aussi observé des psychoses à l'époque de
la puberté, mais pas sous ce type.
M. Wildermuth voit avec plaisir ces observations d'épilepsie qui
n'a pas empiré à l'époque des règles, celles-ci paraissant au con-
traire avoir exercé une influence heureuse sur celle-là.
M. Kroepelin. Ces améliorations se voient aussi chez l'homme.
Quand on voit l'épilepsie s'améliorer, on est eh droit de se demander
si l'on n'est pas en présence de symptômes hystériques.
- M. FiIIEDrANN. Dans l'exemple que j'ai cité, on a vu se produire
un accès d'épilepsie caractérisé en plein sommeil, ce qui n'a pas
lieu dans l'hystérie.
M. ScHOENTHAL rappelle que les observations de folie menstruelle
qu'il a antérieurement décrite (Archiv. f. Psycleiat., XXIII) datent
aujourd'hui de trois ans; la guérison s'est maintenue. ,
M. Hoecker. Des accès anxieux larvés et abortifs dans la neuras-
thénie. Ces accès jouent un rôle beaucoup plus grand dans la
neurasthénie qu'on ne l'a admis jusqu'alors. Dans un grandnombre
de cas ce n'est pas sous la forme d'angoisse que l'accès parvient à
la conscience, il revêt la forme d'asthme, de vertiges, de passion.
Tel ce monsieur d'un certain âge qui, pendant une saison qu'il
SOCIÉTÉS SAVANTES. 421
faisait à Marienbad, qui d'ailleurs ne lui réussissait pas, se lia
d'amitié avec une dame âgée. Il lui fallut partir parce qu'il éprou-
vait une agitation nerveuse croissante. En route, il fut assailli d'une
ardeur si vive de se rapprocher de cette dame qu'il lui fallut
retourner à Marienbad. Il repart de nouveau et quelques jours
après un autre accès violent de passion l'étreint, devient chronique
et revêt les caractères d'un sentiment obsédant. Eclairé sur la
nature spéciale de cet état mental, il redevient plus calme et finit
par être délivré de son cas de conscience qui le rend confus. Mais
il éprouve en outre quelques accès d'angoisse pure qui, graduel-
lement, guérissent tout à l'ait.
A côté de ces angoisses larvées il faut placer les angoisses abor-
tives encore plus remarquables. Il s'agit dans l'espèce des phéno-
mènes suivants. Tout accès d'anxiété, chez l'homme sain aussi,
s'accompagne d'une série de manifestations somatiques très
précises. Ce sont : l'angoisse avec agitation précordiale; les bat-
tements de coeur, l'accélération de la respiration, les troubles
de l'innervation, les tremblements musculaires, les vertiges,
des troubles circulatoires avec paresthésies, des sueurs, con-
traction tumultueuse des replis intestinaux avec incontinence
ano-vésicale, contractures et étreintes pharyngo-oesophagiennes,
insomnies. Eh bien ! chacun de ces phénomènes peut se mon-
trer isolément à l'état d'accès fruste chez les neurasthéniques,
ou à l'état de symptôme chronique, sans qu'il se produise aucune
trace d'angoisse psychique, et ce sont justement là les symptômes
cardinaux les plus importants de la neurasthénie. M. HfECKEU les
passe en revue un à un; il insiste sur la contracture pharyngo-
oesophagienne à l'appui de deux observations. Ces angoisses abor-
tives ou incomplètes nous permettent de mieux comprendre les
éléments les plus importants de la neurasthénie.
On en peut rapprocher un autre trouble de la sensibilité morale,
la terreur des hystériques. La terreur joue dans l'hystérie un rôle
pathogénétique important et c'est un symptôme souvent observé
dans cette maladie. La terreur a aussi ses attributs physiques.
Comme dans l'angoisse, on observe avec elle des symptômes car-
diaques, circulatoires respiratoires et desétreintes pharyngiennes. Ce
sont exactement les mêmes symptômes qui sont communs à l'hys-
térie et à la neurasténie; à côté de cela, un groupe d'autres symp-
tômes que la terreur revendique à l'angoisse sont tout à fait les
mêmes que ceux qui distinguent l'hystérie de la neurasthénie :
telles la paraplégie (la terreur paralyse les jambes), la tendance à
la stupidité (la terreur vous stupéfie), la convulsibilité, les troubles
de la sensibilité et d'autres nerfs sensoriels (cécité, surdité, insen-
sibilité de la crainte), la paralysie de la voix (mutisme de la ter-
reur). Que de points communs et trop tranchés pour pouvoir être
considérés comme accidentels. -
422 CORRESPONDANCE.
En tout cas, l'angoisse a une importance fondamentale dans la
neurasthénie. Dans la théorie chimique de Kowalewski, la neuras-
thénie résulte d'une intoxication encéphalique par des produits de
décomposition émanés de la surexcitation et de] fatigue; ceci cadre
avec les recherches de Mariot sur l'angoisse. Le goût de la viande
d'un animal abattu est modifié quand avant de l'abattre on l'a
fatigué et angoissé; l'angoisse a provoqué dans le cerveau la forma-
tion de produits de décomposition tout particuliers qui pénètrent
et empoisonnent tous les tissus, déterminant ainsi les symptômes
physiques de l'anxiété. (Voyez Ce ? zti,albl. f. Nei,veniteilL., 1893.)
Discussion : M. Wildermuth. Sans doute l'angoisse est un des
symptômes les plus habituels de la neurasthénie. Quant à la sen-
sation de fatigue, c'est souvent une angoisse larvée. (Allg. Zeitsch.
Psychiat., LI, 1.) P. 11ERAVAL.
CORRESPONDANCE.
A PROPOS DU CONGRES D HYGIENE DE BUDA-PESTH.
« Buda-Posth, 15 septembre 1894.
ci Mon cher rédacteur en chef,
« Après les lettres documentées de M. le Dol Régnier au Progrès
médical, il ne reste que peu de choses à dire de la physionomie gé-
nérale du Congrès international d'hygiène et de démographie de
]3uda-l>csLh. J'ai cependant pensé qu'il pouvait être intéressant
d'ajouter quelques renseignements pour les Archives de Neurologie,
en ce qui concerne les questions spéciales abordées dans quelques
sections. C'est ainsi que, pour la partie démographique, les sec-
tions IV et VII ont entendu diverses études relatives les unes, à l'édu-
cation des enfants arriérés, sourds-muets, épileptiques et aveugles
(Ranyer et Fletcher, Londres ; Solfier, Paris ; Uchermann et Lemke,
Suède; Egmontet Sigmond, Hongrie). Lesautres relatives à l'alcoo-
lisme, à ses causes et facteurs sociaux, particulièrement en Hongrie
(Ambrus, Bêla et Gynla, Hongrie).
« Enfin Causes et facteurs sociologiques de la Paralysie générale pro-
CORRESPONDANCE. 423
grcssive (I. Ebing, Iiru, ICowalesl : i, \Vagner,Ritler,131um et Olal). Ce
dernier point le plus discuté a mis en présence les partisans de
l'étiologie constamment spécifique et ceux de la pluralité de causes
héréditaires et sociologiques ; le surmenage, les intoxications, les
traumalismes, etc., les influences diverses de milieu, ont été à nou-
veau invoquées à coup de statistiques dont aucune conclusion ne
saurait encore être tirée. Les mesures à prendre contre l'alcoo-
lisme, asiles spéciaux, monopole, sociétés de tempérance, ont été
successivement prônées comme au récent congrès de Clermont; la
Hongrie ne possède d'ailleurs pas d'asile public spécial, pas plus
que les autres pays d'Europe.
« Pour l'éducation des enfants arriérés, il existe un établissement
privé à Buda-Pesth pour une cinquantaine d'enfants que les con-
gressistes ont pu visiter et où sont mises en pratique quelques-
unes des méthodes pédagogiques usitées à Bicêtre.
Dans les sections d'hygiène, en dehors de la conférence an-
noncée de Lombroso sur l'homme criminel (section XIV), la ques-
tion des aliénés criminels et criminels aliénés a fait l'objet de
plusieurs rapports imprimés de MM. Kirn, Mendel (Allemagne),
Moravcsi (Hongrie) et Orange (Londres).
a A signaler aussi une étude autbropologique sur les femmes py-
romanes (Buben, Laszlo, de Maria-Nostra) et une autre sur la
géographie médicale de crétinisme et son traitement (Kraler et
Beno). Enfin MM. Paetz, d'Altzcherbitz et Peters de Gheel ont pré-
senté deux rapports sur les différents systèmes d'assistance des
aliénés et l'application simultanée des asiles fermés et des colonies
selon les milieux urbains ou ruraux ; ce sont deux plaidoyers en
faveur des colonies ouvertes, colonies agricoles et familiales en
particulier, dont les auteurs sont les organisateurs les plus autorisés
en Allemagne et en Belgique.
«M. Salgo, de Budapest, a présenté une étude dans le même sens.
M. Jakab Salgo est médecin chef à l'asile public deLipot-Metzo avec
M. Bolg5, sous la direction de M. le Dr Niedeman. Ces messieurs
nous ont fait les honneurs de leurs services que nous avons pu
visiter en compagnie de M. le D'' Hamel deDôle; nous croyons être
les seuls Français qui aient vu l'asile à l'occasion du congrès.
« C'est un établissement datant d'une vingtaine d'années situé à
quelques kilomètres de Bude sur la rive gauche du Danube. On en
a une vue panoramique entière du haut de Széchenyi-Hegy, la
pittoresque montagne qui domine Pest et la vallée du Danube à
plusieurs lieues à la ronde.
« Construit d'après les principes anciens du bloc rectangulaire,
l'asile supporte encore fort bien la comparaison avec d'autres
établissements plus récents, construction moins compacte, services
généraux médians et divisions symétriques d'hommes et de
femmes au nombre de 4 à 500 environ pour chaque. Des cours
424 CORRESPONDANCE.
assez vastes sont annexées aux sections, mais des murailles trop
hautes empêchent de jouir de la vue du bois auquel s'adosse
l'asile, inconvénient que des sauts de loup éviteraient. Les ma-
lades d'ailleurs jouissent de ce bois où on les mène souvent en
promenade et une ferme avec verger et potager suffisants assurent
l'exploitation agricole pour les travailleurs avec les ateliers in-
dustriels qui paraissent bien organisés puisque la plupart des
fournitures sont confectionnées par les aliénés : chaussure, couture
vêture, tissage des toiles, menuiserie, serrurerie, etc.
« De l'agglomération trop grande résultent les quartiers superpo-
sés en étages mais intérieurement les sections sont bien disposées ;
une cloison médiane limite d'un côté les dortoirs, de l'autre les
salles de réunion communes où les malades sont passés après le
leveretprennenl les repas. Les cellules sontboisées, non capitonnées,
sans tinettes, et le personnel paraît en nombre suffisant et bien
éduqué, puisque le non-restraint est appliqué intégralement.
Éclairage au gaz. Literie autrichienne avec petit lit de plume
dans lequel on s'enroule (très incommode pour qui n'est pas habi-
tué) sommiers en toile métallique, bains insuffisants, tout à l'égout
cabinets à chasse périodique automatique.
t Un gardien spécial est affecté aux lieux d'aisance qu'il surveille
exclusivement et ouvre aux malades qui le désirent ; salle d'obser-
vation commune pour les nouveaux et les mélancoliques à idées de
suicide ; là se monte une garde continue de jour. et de nuit, con-
trôlée ainsi que les rondes générales par des boites disséminées,
reliées électriquementau poste central dusurveillant général. - Un
mouvement d'horlogerie spécial signale à toute heure du jour ou
de la nuit l'oubli de pointage d'une tournée. Ce système excel-
lent a le seul désavantage d'être trop complexe et sujet à de fré-
quents dérangements. Les distractions ne paraissent pas man-
quer ; les pianos sont assez nombreux aux femmes, et le théâtre
fonctionne quelquefois.
« Tous nos remerciments aux confrères hongrois dont nous avons
pu apprécier l'amabilité et qui connaissaient d'ailleurs nos princi-
paux établissements de Villejuif, Asile clinique, Ville-Evrard, Rouen,
Charenton, etc. Ils nous ont appris qu'il existe en Hongrie deux
autres établissements publics analogues ainsi que quelques quar-
tiers d'hospice et des établissements privés tenus par les frères de
la miséricode. A.Lippot-Metzo le service desfemmes est surveillé
par des religieuses ainsi que dans les deux autres établissements
publics. Telles sont les quelques notes qui pourront peut-être inté-
resser quelques lecteurs.
« Croyez-moi toujours votre tout dévoué collaborateur.
. - Dr A. Marie. » ·
BIBLIOGRAPHIE.
Il. De la nécessité de la création d'asiles spéciaux pour les aliénés
dits criminels (Thèse de Lyon, 1894) ; par le D Tnocaort, ancien
interne de l'asile de Saint-Robert (Isère).
M. le Dr Truchon a été conduit à traiter ce sujet dans sa thèse
inaugurale à la suite d'une observation quotidienne à l'asile de
Saint-Robert et d'une excursion en Angleterre, en Hollande et aux
États-Unis. Dans ces divers pays il a constaté l'existence d'asiles
spéciaux pour les aliénés dits criminels. 11 se demande pourquoi
en France rien de semblable n'existe malgré la nécessité absoluo
reconnue par une foule de médecins aliénistes. La création d'un ou
de plusieurs asiles spéciaux s'impose pour les raisons suivantes :
1° Les aliénés criminels diffèrent, en général, des autres aliénés
par les-crimes mêmes qu'ils ont commis. Ne s'en éloignent-ils pas
aussi par les stigmates physiques;
' 2° Leur conduite dans les asiles ordinaires est toute spéciale et
donne lieu à une série d'incidents : réclamations, voies de faits, etc. ;
3° Ils obtiennent trop facilement leur sortie des asiles ordinaires
et, à peine au dehors, la rechute se produit. Alors de nouvelles
menaces, de nouvelles violences, de nouveaux actes appelés cri-
minels ;
4° Les asiles ordinaires, tels qu'ils sont construits, n'offrent pas
des garanties suffisantes contre les évasions;
5° Il existe un certain nombre d'individus qui passent leur vie
entre l'asile et la prison. Leur place n'est ni dans l'un ni dans l'autre,
mais dans un établissement intermédiaire qui serait « l'asile spécial ».
Ce travail est basé sur un grand nombre d'observations person-
nelles. En agissant ainsi, M. le D'' Truchon a fait preuve d'un grand
talent d'observateur en même temps que de philanthropie ; car
c'est être philanthrope que d'élever la voix pour débarrasser la
société deces êtres irresponsables mais dangereux, de ces aveugles
moraux, à rétine psychique atrophiée '. G. DEYAY.
1 Avec beaucoup de médecins, nous croyons inutile la création d'un
asile spécial pour cette catégorie de malades, d'ailleurs eu petit nombre.
Dans un asile bien tenu, possédant un quartier de cellules bien organisé,
les évasions ne sont pas à craindre. La Sicreté de l31cétre, dont nous avons
demandé la suppression, est là pour montrer que les murs de prison ne
s'opposent pas aux évasions. (B.) . - . - -
426 VARIA.
111. Contribution ci l'étude de l'automatisme ambulatoire du vaga-
bondage impulsif; par le Dr Géhin. (Thèse de Bordeaux, n° 28.)
Cette thèse, très intéressante, faite sous l'inspiration de M. le
professeur Pitres, est une étude à la fois clinique et psychologique
des fugues morbides dans les trois principaux états où on les ob-
serve en dehors de la folie proprement dite : l'épilepsie, l'hystérie,
la neurasthénie. L'auteur établit nettement les principaux carac-
tères qui distinguent les fugues dans ces diverses neuropathies et
qui permettent en pratique de les reconnaître. A la fugue épilep-
tique, appartiennent la soudaineté, l'automatisme, les impulsions
aveugles, l'inconscience, l'absence début, l'amnésie complète; à la
fugue hystérique, le déterminisme inconscient, mais reflétant une
idée antérieure, la cohérence, la logique des actes et la fixité du
but dans la course malgré l'automatisme apparent, enfin l'amnésie
habituelle, moins absolue que dans l'épilepsie, mais, en tout cas,
susceptible de disparaître sous l'influence de l'hypnotisation ; à la
fugue neurasthénique, dont M. Géhin s'occupe plus particulière-
ment et dont il relate plusieurs observations intéressantes, appar-
tiennent la conscience complète de l'idée, de la mise en marche,
de la fugue et le souvenir complet de tous ses détails.
Le travail se termine par quelques considérations médico-légales
concluant à l'irresponsabilité de tous ces individus, durant leurs
fugues, à quelque classe morbide qu'ils appartiennent.
Dr H. Régis.
VARIA,
ASILES D ALIENES.
Concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en inéde-
cine, vacantes au 1 ? janvier 1895, dans les Asiles publies d'aliénés
du département de la Seine : Asile clinique, Asiles de Vaueluse,
Ville-Evrard et Villejuif cl l'Infirmerie spéciale des aliénés à la
Préfecture de Police.
Le samedi le, décembre 1894, à midi précis, il sera ouvert à la
Préfecture de Police, annexe de l'Hôtel de Ville, rue Lobau, n° 2,
à Paris, un concours pour la nomination aux places d'interne titu-
laire en médecine qui seront vacantes dans lesdits établissements
VARIA. 427 7
au 1 ? janvier 1895. Les candidats qui désirent prendre part à ce
concours devront se faire inscrire à la Préfecture de la Seine, ser-
vice des aliénés, annexe de l'Hôtel de Ville, 2, rue Lohau, lous
les jours, les dimanches et fêtes exceptés, de midi à cinq heures,
depuis le lundi 29 octobre jusqu'au samedi 10 novembre 1891 inclu-
sivement.
Conditions DE l'admission au concours ET formalités A remplir.
Pourront prendre part à ce concours, les étudiants en médecine
pourvus de huit inscriptions au moins, prises dans les Facultés de
l'État et âgés de moins de trente ans révolus, le jour de l'ouverturo
du concours.
Chaque candidat, pour être inscrit au concours, doit produire
les pièces ci-après : 1° une expédition d'acte de naissance; 2° un
extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de vaccination ; 4° un
certificat constatant qu'il est pourvu de huit inscriptions on
médecine; 5° un certificat de bonne vie et moeurs délivré par le
maire de sa commune ou le commissaire de- police de son quartier.
Toute demande d'inscription faite après l'époque fixée par les
affiches pour la clôture des listes, ou qui no seraitpas accompagnée
de toutes les pièces ci-dessus désignées ne sera pas accueillie. Les
épreuves du concours aux places d'interne eu médecine sont réglées'
connue il suit :
Epreuve d'admissibilité. 1" Une épreuve écrite de 3 heures
sur un sujet d'anatomie et de physiologie du système nerveux.
Cette épreuve pourra être éliminatoire si le nombre des concur-
rents dépasse le triple des places vacantes.
Epreuve définitive. 21 Une épreuve orale de quinze minutes
sur un sujet de pathologie interne et de pathologie externe, après
un quart d'heure de préparation. Le maximum des points à
accorder pour chacune de ces épreuves est fixé ainsi qu'il suit : Pour
l'épreuve écrite, 30 points; pour l'épreuve orale, 20 points. Le
sujet de l'épreuve écrite est le même pour tous les candidats. Il est
tiré au sort entre trois .questions qui sont rédigées et arrêtées avant
l'ouverture de la séance parle Jury.
Pour les épreuves orales, la question sortie est la même pour
ceux des candidats qui sont appelés dans la même séance. Elle est
tirée au sort entre trois questions qui sont rédigées et arrêtées par
le Jury avant l'ouverture de chaque séance. L'épreuve orale peut
être faite eu plusieurs jours si le nombre des candidats ne permet
pas de la faire subir à tous dans la môme séance. Les noms des
candidats qui doivent subir l'épreuve orale sont tirés au sort à l'ou-
verture de chaque séance.
Le jugement définitif porte sur l'ensemble des deux épreuves
(écrite et orale) et les nominations sont faites dans l'ordre de clas-
sement établi par le Jury d'examen. ,
428 VARIA.
La durée des fonctions des internes titulaires est de trois ans
Les internes titulaires des asiles de la Seine reçoivent, outre le
logement, le chauffage, l'éclairage et la nourriture, dans les pro-
portions déterminées par les règlements, un traitement annuel
fixe de 800 francs à l'asile Clinique et de 1,100 francs aux
asiles de Vaucluse, de Ville-Evrard et de Villejuif. Ceux de l'In-
firmerie spéciale des aliénés à la Préfecture de Police recevront un
traitement de 1,000 francs. Ils auront droit, en outre, au logement,
au chauffage, à l'éclairage et à l'indemnité de nourriture, dans les
proportions fixées par la Préfecture de Police.
La répartition des internes dans les divers services d'aliénés se
fait dans l'ordre de classement établi par le Jury d'examen, le
1er février seulement de chaque année. Ce mode de répartition
assure à presque tous les internes des asiles d'aliénés du départe-
ment de la Seine un séjour d'au moins une année sur trois dans
un des services de l'asile Clinique, situé dans l'enceinte de Paris,
ou de Villejuif situé à proximité de l'enceinte.
Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans le même ser-
vice. Tout interne titulaire est autorisé à soutenir sa thèse de doc-
torat aussitôt après sa nomination. Il sera pourvu, à la suite du
concours et dans l'ordre de mérite, à la nomination d'internes pio-
visoires chargés de remplacer les internes titulaires en cas d'absence
ou d'empêchement. '
La durée des fonctions d'interne provisoire est limitée à une
année, à partir du 4 fév·ie· 1895. Les internes provisoires pour-
ront se représenter au concours pour les places d'interne titulaire.
L'interne provisoire qui soutient sa thèse renonce implicitement à
se représenter, mais il peut rester en fonctions jusqu'à l'expiration
de l'année commencée. L'interne provisoire reçoit le traitement
et les avantages en nature de l'interne titulaire, chaque fois qu'il
est appelé à le remplacer.
Concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en phar-
macie, vacantes au le, janvier 1895, dans les Asiles publics d'alié-
nés du département de la Seine : Asile clinique, Asiles de
Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif. ' `
Le lundi 12 novembre 1894, à une heure précise, il sera ouvertà à
l'Asile clinique, rue Cabanis, no 1, Paris, un concours pour la no-
mination aux places d'interne titulaire en pharmacie vacantes au
1' janvier 1895 dans lesdits établissements. Les candidats qui
désirent prendre part à ce concours devront se faire inscrire à la
Préfecture de la Seine, service des aliénés, annexe de l'Hôtel de
Ville, 2, rue Lobau,'tous les jours, dimanches et fêtes exceptés, de
midi à cinq heures, Le registre d'inscription sera ouvert du lundi
15 au samedi 27 octobre 1894 inclusivement. ' '
1 VARIA. 429
CONDITIONS DE l'admission au concours ET formalités A remplir.
Tout aspirant qui veut se présenter au concours ouvert pour les
places d'interne en pharmacie doit être âgé de vingt ans au moins
et de vingt-sept ans au plus. Il doit produire : 1° une expédition
d'acte de naissance; 20 un extrait du casier judiciaire; 3° un
certificat de revaccination ; 4° un certificat de bonne vie et
moeurs, délivré par le maire de sa commune ou le commissaire de
police de son quartier ; 5° des certificats constatant trois années
d'exercice dans les pharmacies, dont une année dans la même
maison..
Ces certificats devront, sous peine de nullité, indiquer quelle a
été la conduite de l'élève pendant son séjour dans les pharmacies.
Ils devront aussi, sous peine de nullité, être visés, à Paris, par les
maires des arrondissements ou les commissaires de police des
quartiers où sont situées les pharmacies. Ceux qui s'appliqueront à
un stage fait dans les pharmacies hors de Paris devront égale-
ment, sous peine de nullité, être visés par les maires des com-
munes où elles sont situées. Les candidats de Paris justifieront, en
outre, de leur inscription à l'Ecole de Pharmacie. Toute demande
d'inscription faite après l'époque fixée par les affiches pour la clô-
ture des listes, ou qui ne serait pas accompagnée de toutes, les.
pièces ci-dessus désignées, ne sera point accueillie.
Les épreuves du concours aux places d'interne en pharmacie
sont réglées commesuit : Epreuves d'admissibilité. Une épreuve
de cinq minutes pour la reconnaissance de vingt plantes et subs-
tances appartenant à l'histoire naturelle et à la chimie pharma-
ceutique ; 2° une épreuve de dix minutes consistant dans la recon-
naissance de dix préparations pharmaceutiques proprement dites,
et dans la description du mode par lequel on doit obtenir une ou
plusieurs préparations qui seront désignées par le Jury.
Epreuves définitives. 1° Une épreuve verbale de dix minutes
portant sur la pharmacie proprement dite et la chimie; 2° une
épreuve écrite de trois heures embrassant la pharmacie, la chimie
et l'histoire naturelle. Le maximum des points à attribuer pour
chacune de ces épreuves est fixé comme suit :
Epreuves d'admissibilité. Reconnaissance des plantes et des
substances, 20 points ; reconnaissance des préparations pharma-
ceutiques, 20 points.
Epreuves définitives. Epreuve verbale, 20 points; épreuve écrite,
30 points.
Les plantes et substances à reconnaître seront communes à tous
les candidats qui subiront les épreuves dans la même séance; elles
seront choisies par le Jury avant d'entrer en séance..
Pour les épreuves orales, les questions seront rédigées par le
Jury, chaque jour d'épreuve, au nombre de trois, avant d'entrer
430 VARIA.
en séance. La question tirée au sort est la même pour tous les can-
didats qui sont appelés dans la séance.
Le sujet de la composition écrite est le même pour tous les
candidats; il est tiré au sort entre trois questions qui seront rédi-
gées et arrêtées par le Jury avant l'ouverture de la séance.
A l'ouverture du concours, le 12 novembre, à une heure, le pré-
sident du Jury tirera immédiatement au sort les noms des élèves
qui devront subir dans cette séance l'épreuve de la reconnais-
sance des plantes, si le nombre des candidats ne permet pas de la
faire subir à tous dans la môme séance. La durée des fonctions
d'interne titulaire est de trois ans. La répartition des internes dans
les divers services d'aliénés se fait dans l'ordre de classement
établi par le jury d'examen, le 1 ? février seulement de chaque
année. Ce mode de répartition assure à presque tous les internes
au moins une année sur trois dans un des services de l'Asile
Clinique, situé dans l'enceinte de Paris. '
Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans le même
service. Les internes titulaires en pharmacie des Asiles publics
d'Aliénésdu département de la Seine reçoivent, outre le logement,
le chauffage, l'éclairage et la nourriture, dans les proportions
déterminées par les règlements, un traitement annuel fixe de
800 francs à l'Asile Clinique, de 1,100 francs aux Asiles de Vau-
cluse , de Ville-Evrard' et de Villejuif. Il sera pourvu à la suite
dudit concours, et dans l'ordre de mérite, à la nomination d'in-
ternes provisoires chargés de remplacer les internes titulaires en cas
d'absence ou d'empêchement.
' La durée des fonctions d'interne provisoire est limitée à une
année, à partir du 1er février 1895. L'interne provisoire pourra se
représenter au concours pour les places d'interne titulaire. L'in-
terne provisoire qui obtiendra son diplôme de pharmacien renonce
implicitement à se représenter au concours, mais il peut rester en
fonctions jusqu'à l'expiration de l'année commencée. L'interne
provisoire reçoit le battement et les avantages en nature de l'in-
terne titulaire chaque fois qu'il est appelé à le remplacer.
Nous avons reproduit encore une fois les conditions des con-
cours dans la Seine, non seulement pour renseigner les candidats,
mais encore parce que ces documents peuvent servir de guide aux
départements qui voudraient organiser le concours.
' Société évangélique DE DIACONNESSL ? S; par II. Loehr.
Article fait pour combattre la mauvaise impression produite par
le congrès de Francfort, dans lequel les spécialistes se sont ratta-
chés à la laïcisation. 11' exalte les avantages de la communauté
religieuse, qui exerce un contrôle sévère sur les infirmières qu'elle
envoie. 11 ajoute qu'avant de les charger de donner des soins aux
VARIA. 431
malades on leur fait suivre un cours d'une année au séminaire même
et- qu'on leur fait passer des examens qu'elles doivent subir avec
succès. (Allg. Zeitsch. f. Psch., LI, 1.) P. li.
Asile DE HANOVRE.
La diète provinciale vient de décider d'élever à l'asile de Gmtlirt-
gen deux nouvelles constructions pour les malades du quartier cli-
nique, dans les jardins de l'établissement. Elle a également conclu
à la transformation et à l'agrandissement des quartiers cliniques
actuels, ainsi qu'à ceux des habitations de malades de première et
deuxième classe à la transformation du logement de l'inspecteur
en locaux administratifs celle de l'appartement du directeur qui
occupe le bâtiment administratif en un logement pour l'inspec-
teur et en deux logements pour le second et le troisième médecin
adjoint - l'édification d'une maison pour le directeur, dans le
jardin de l'établissement, qu'on lui cédera. 131,800 marcs sont
proposés pour l'ensemble des dépenses (164,750 francs).
Un contre-projet consiste à construire un quartier d'aliénés
auprès de l'établissement correctionnel et le dépôt de mendicité de
lvtiîtsloi-f, qu'il s'agit aussi de transformer. Le quartier en ques-
tion serait édifié pour atiénésindigentssortis des asiles provinciaux,
mais ne pouvant être abandonnés sans soins. Le comité provincial
a, dans ce but, fait don d'un terrain voisin de cet établissement,
qu'il a acheté 9,500 marcs (11,875 francs); on y- édifiera un pavillon
pour 80 malades, on agrandira les locaux administratifs de l'éta-
blissement; on construira un édifice destiné à l'installation de
bureaux et à l'habitation d'un surveillant en chef. 10'r,000 marcs
(130,000 francs) sont demandés. C'est adopté. (Allg. Zeilseh f.
Psych., LI, 1.) P. K.
Nouvel asile DE Saxe.
Le nouvel asile d'aliénés régional de Zschadras, près de Colditz,
qui a coûté 1 million et demi de marcs (1,875,000 francs), touche
à sa fin. Le 1 ? juillet, il formerait un établissement séparé et rece-
vrait dans les 10 pavillons, construits comme autant de villas en
briquetage, 400 aliénés environ. Eclairage électrique, jardins, c'est
un asile modèle. (Allg. Zeitschr. f. Psych., LI, 1.) P. K.
Nouvel asile DE la province du RIIIN.
Assistance en liberté des aliénés. Nou\et établissement près de
Luttringitausen. Propriété de H4 arpents, avec belle forêt de
chênes et de pins. Les constructions coûteront 500,000 marcs
(025,000 francs). On y placera d'abord 200 malades des deux sexes,
à partir du 1 ? avril 1890. C'est une tentative qui reste entre les
mains du directeur régional, avec l'assistance d'un conseil d'indus-
triels et de commerçants, du moinspourdévclopperles élémenlsde
432 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
cette fondation. L'exploitation sera confiée à la Société évangélique
des missions intérieures. (Allg. Zeitschr. f. Psych., LI, 1.) P. K.
- ASILES D'AUTBICIIE.'
L'encombrement de l'asile des aliénés de Niedernhrsta engagé
le comité régional àconstruire un asile agricole (21 novembre 1893).
On achèterait le château de Gschwendt, pour50,000 florins (425,000 f.)
avec le terrain convenable. On aura certainement à drainer, aussi
vaudrait-il mieux faire une nouvelle construction pour 150 malades.
Malgré cela, l'assemblée décide d'acheter le château. (Allg. Zeitsch.
Psychiat., LI, 1.) z P. K.
GUÉRISON PRÉTENDUE MIRACULEUSE.
Nous lisons le passage suivant dans les Notes pour servir à l'his-
toire de Guéraude (1894) :
« Dans le courant de l'année 1654, une religieuse paralytique
désespérait de sa guérison lorsqu'elle eut l'idée, pour l'obtenir, de.
s'adresser au vénérable frère Jeau de Saint-Samson, carme breton.
Aussitôt après l'application d'une parcelle de la tunique du Saint,
elle se leva subitement guérie. Toutes les circonstances de ce
notable événement furent consignés dans un acte authentique
dressé le 5 septembre de ladite année »
1 Albert de Morlaix. Vie de Saint-Samson.
BECÜTERER', (\V.). -Die Bedeulung der I%renkcl'shen lsetlaode bei der
Behandlung von Tabes doi,salis. -Feuillet in-8° de 2 pages. Leipzig,
189f. = Vet et Comp. '
BEC))TERE\v et IIOLZINGER. Die sensibles Bahnem im 7 ! t<eAemM'e/{.
Feuillet m-8° de 2 pages. Leipzig, 1894. Veit et Comp.
BECHTEREW. Gur rrage M&0' den Einfluss der Himrinde und der
Schlügel'auf die Scliluckbewegungen. Brochure in-8° de 2 pages.
Leipzig, 1894. Veit et Comp.
13GC11'l'ERE1V et OSTANKO1V. Ueber e ! 6r'J ? : ' ? )/ ! MSS der Grosslxirwinde
auf den Schluckact und die Alhmung. Feuillet in-8" de 4 pages.
Leipzig, 1894. Veit etcomp.
FRII ? D3fANN (M.). Ueber den Wahn eine 7 ? M ! XC/t-Fst/cAotSC/te
untersuchung. Nibst einer darstellung der normales intelligenzxor,gtixg.
Volume in-8° de 196 pages, avec 6 ligures. Wiesbaden, 1894.
Librairie Bergmann. ,
Grasset. Etiologie infectieuse de l'hystérie. Leçons recueillies et
publiées par Galavielle. Brochure in-8° de 33 pages. Montpellier,
1894. Typographie Ch. Boehm. '
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
Evreux, Ch. IlÉnissKy, imp. 1094
Vol. XXVIII. Décembre 1894. ? 94
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE
ASILE CLINIQUE (SAINTE-ANNE). M. AIAGNAN.
DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES DIVERSES
PSYCHOSES '.
DEUXIÈME LEÇON.
LE DÉLIRE CHRONIQUE A ÉVOLUTION SYSTÉMATIQUE*.
Sommaire. Délire chronique, type achevé de systématisation
délirante. Conception du délire chronique basée : 1° sur
l'état mental primordial ; 2° sur l'évolution de l'affection
tout entière. Etat mental antérieur des délirants chroni-
ques. Genèse du délire : première période ou période d'in-
quiétude : Indécision, soupçons. Interprétations délirantes.
Illusions.
Deuxième période : Hallucinations de l'ouïe ; sa progres-
sion croissante : monologue, dialogue, écho de la pensée,
hallucination psychomotrice. Hallucinations du goût , de
l'odorat, de la vue. Troubles de la sensibilité générale.
Systématisation du délire plus étroite et modes de réaction.
Observation I. Délire chronique à la deuxième période :
Hallucinations de l'ouïe : c'est le Parisien qui la poursuit.
Réactions : déménagements, tentative de suicide, menaces de
mort.
Observation IL -Délire chronique à la deuxième période :
Développement croissant de l'hallucination de l'ouïe : mono-
1 Voir Archives de Neurologie, n° 92.
5 Leçon recueillie par M. le D' Pecharman.
Archives, t. XXVIII. 28
434 CLINIQUE MENTALE.
logue, dialogue, écho de la pensée. Systématisation pro-
gressive du délire : on, ils, comité des ouvriers de la Belle-
Jardinière, concierges. Néologismes. Troubles de la
sensibilité générale : électricité, magnétisme'.
Troubles de la personnalité. Diminution de la résis-
tance cérébrale.
. Troisième période : Période des grandeurs. Mécanisme
des transformations. Couleur du délire suivant le milieu
social. Détire non surajouté, mais effaçant peu à peu le
délire des persécutions.
Observation III. Délire chronique au début de la troi-
sième période : Modifications dans l'attitude, allusions à des
richesses.
Observation IV. Délire chronique à la troisième pé-
riode : Hallucinations. Idées ambitieuses systématisées.
Quatrième période : Démence, Durée.
Messieurs,
Dans la précédente leçon, nous avons posé la question des
délires systématisés dans les psychoses; nous avons indiqué
leur participation, au seul titre d'éléments symptomatiques,
à des espèces nosologiques différentes bien définies. Or, le
délire chronique est formé d'une succession de délires parfaite-
ment systématisés ; il rapproche, en sa lente et fatale évolution,
toute une série d'états psychopathiques, considérés jusqu'ici
comme des maladies distinctes, des monomanies (démonopa-
thie, délire des persécutions, mégalomanie, théomanie, etc.),
et qui ne sont en réalité que des événements épisodiques d'une
maladie plus profonde. Type achevé de systématisation vésa-
nique, le délire chronique doit comme tel, occuper la première
place dans une étude d'ensemble des délires systématisés.
Entrevu déjà par Kant, Pinel, Esquirol, Guislain, le délire
des persécutions fut dégagé par Lasègue, en 1852, des autres
formes mentales. Mais, je vous l'ai dit, le caractère du délire
ne saurait à lui seul servir de base à la création de groupes
cliniques homogènes. Il faut connaître à la fois, pour fixer un
type morbide, l'évolution de la maladie tout entière et l'état
mental sur lequel elle est née. Ces deux éléments fondamen-
taux, délaissés par Lasègue, sont précisément ceux qui nous
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 438
ont conduit à la conception du délire chronique à évolution
systématique.
Lorsque le délire chronique apparaît, à l'âge mûr, de trente-
cinq à quarante-cinq ans, le plus souvent à la suite de cha-
grins et de soucis, l'équilibre psycho-moral s'est jusque-là
montré parfait chez les sujets atteints. Ce sont d'honnêtes
mères de famille, dont la vie s'est écoulée régulière au milieu
des soins du ménage ; ce sont des hommes bien pondérés,
sobres, intelligents, parfois instruits. Quelques-uns sans doute
peuvent avoir des antécédents héréditaires; ils sont certaine-
ment des prédisposés ; mais tout leur passé intellectuel et
moral proteste en général, contre l'épithète de dégénérés qu'on
voudrait leur appliquer. Arrivés jusqu'à la quarantaine sans
que rien ait pu déceler, aux yeux de leurs proches, de trouble
mental, ils n'entrent pas d'emblée dans la folie : une assez
longue période les y prépare.
Le délire chronique débute, en effet, d'une manière insi-
dieuse. La première période, période d'inquiétude, d'incuba-
lion, ne s'offre pas avec des caractères bien tranchés. Le sujet,
peu à peu envahi par un malaise qu'il ne peut définir, devient
soupçonneux, inquiet, préoccupé ; il dort mal, perd l'appétit,
montre moins d'aptitude pour ses travaux accoutumés; à cette
phase de la maladie il pourrait être pris pour un hypochon-
driaque, si, loin de se croire malade, il n'était déjà prêt à
accuser autrui de ses vagues souffrances. Il flotte, au milieu
des idées qui l'assaillent, il hésite, il doute; il accepte les con-
jectures vagues où il se perd, les repousse, puis les admet
encore. Constamment obsédé par ses préoccupations pénibles,
sans cesse aux écoutes, il adapte d'abord les sensations audi-
tives normales à ses tendances maladives; tantôt il surprend
dans une conversation une phrase qu'il s'attribue : c'est Yin-
terprélation délirante; tantôt. il se trouve blessé par tel mot
insignifiant, mais dont le son présente quelque analogie avec
une injure grossière et qu'il confond avec celle-ci; c'est l'illu-
sion. Dès lors, il observe tout, il épie tout. Une personne qui
oublie de le saluer, un geste qu'il surprend, un voisin qui
tousse ou qui crache, une porte qui s'ouvre ou se ferme, un
regard, un sourire, les chants des gamins, les cris des oiseaux,
mille riens lui servent de prétexte pour lancer son imagina-
tion exaltée à travers une série embrouillée d'interprétations
maladives. Mais cette pensée tenace, continue, toujours la
436 CLINIQUE MENTALE.
même, cette pensée qui écoute toujours, irrite à la longue le
centre auditif cortical. Quand l'éréthisme de ce centre est suf-
fisant', la décharge a lieu; l'image tonale surgit, comme si
elle était provoquée par une impression périphérique; et cette
image, fruit de l'éducation des lobes temporaux par le lobe
frontal, réagit à son tour sur les régions psychiques supé-
rieures avec tous les caractères des sensations normales.
Le patient, constamment sur le qui-vive, s'est donc élevé
par une genèse insensible de l'interprétation délirante et de
l'illusion à l'hallucination de l'ouïe; et avec celle-ci, il est
entré dans la deuxième période du délire chronique, celle des
hallucinations multiples de nature pénible, des troubles de la
sensibilité générale et du délire de persécution.
. Le trouble sensoriel auditif ne se traduit au début que par
des bruits indécis, des chuchotements, des « voix basses », des
rires étouffés; puis il se précise, il s'affirme par l'audition du
mot, de l'injure isolée, mais nette, indéniable; ce mot en
appelle d'autres, et, par une complexité croissante, la phrase
tout entière se constitue. Le centre auditif cortical devient
plus excitable à mesure que progresse l'affection : il s'empare
alors de tous les bruits extérieurs, et les rejette aussitôt à l'état
d'images tonales, qui empruntent au délire naissant leur carac-
tère injurieux. Les bruits rythmés ou continus, le tic tac de
la pendule, les battements du coeur, le bruit des roues des
wagons scandent des phrases agressives ou moqueuses. Les
voix peuvent aussi se produire sans excitation sensorielle
d'aucune sorte; le patient les entend aussi bien dans l'obscu-
rité, dans la nuit, au milieu du silence le plus absolu. Elles
viennent de tous côtés : du sol, du mur, du plafond; elles
suivent l'halluciné en tous lieux; elles l'insultent dans la rue,
comme chez lui, et, s'il se retourne, il ne voit personne. Ce
sont bien là < ces voix hypnotiques » comme il les appelle,
pour les distinguer des voix naturelles, ces « invisibles » si
nombreux, qui ne lui laissent aucun repos.
Des mots, des phrases, des monologues, ne tardent pas à se
produire en dehors du courant des idées du sujet; si bien que
celui-ci, pensant à autre chose, est interpellé par ses ennemis.
Il répond, et alors s'établit un dialogue entre le patient repré-
senté par le lobe frontal, et l'interlocuteur cantonné dans le
1 Tamburini. Revue scientifique, janvier 1881. - lllaânan. Leçons cli-
niques, p. 241.
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 437
centre auditif temporal. Puis, ce centre sensoriel s'émancipe
de plus en plus ; il fonctionne en quelque sorte automatique-
ment, et le sujet assiste en auditeur étranger à des conversa-
tions interminables dont il fait lui-même tous les frais.
Toujours suivi, harcelé, provoqué par une foule d'ennemis
invisibles, le malheureux n'a bientôt plus rien en lui qui soit
caché pour eux; il s'aperçoit un jour avec étonnement que ses
intimes pensées sont répétées, commentées, malignement
jugées; et non seulement ses pensées, mais encore tout ce
qu'il dit, lit ou écrit. C'est autour de lui comme un écho pro-
longé et continuel de sa pensée, de ses lectures, de ses écrits.
Une malade que vous verrez aujourd'hui présente des phéno-
mènes de cet ordre : « Si, dit-elle, je lis des yeux, j'entends
aussitôt répéter ce que je lis ; j'entends même la phrase entière
avant que j'aie fini d'en comprendre le sens. » A ce moment
le centre auditif cortical est dans un état d'éréthisme tel qu'à
chaque vibration de l'écorce cérébrale, aussi faible et localisée
soit-elle, il peut entrer en jeu : une excitation vient à peine
frapper un centre sensoriel, visuel, gustatif, olfactif, etc., que
l'image tonale appropriée aussitôt naît immédiatement dans le
centre auditif et en sort, avant que le lobe frontal ait pu
exercer son contrôle investigateur. La malade que je viens de
vous citer entendait ainsi des phrases entières de ses lectures
« avant même qu'elle ait fini d'en comprendre le sens ».
L'idée qui, à l'état physiologique accompagne l'acte, suffit
de même pour éveiller, dans ce centre irrité, l'image auditive
correspondante : les moindres actes du malade, surtout ceux
qui ont rapport à sa toilette intime, sont épiés et aussitôt
énoncés à haute voix par ses ennemis, comme l'ont été ses
lectures, ses écrits, ses pensées.
En résumé, l'hallucination de l'ouïe, trouble sensoriel secon-
daire, né sous l'influence d'un trouble intellectuel primitif,
s'est progressivement étendue : d'abord élémentaire, elle est
devenue plus complexe, et par le mot, la phrase, le monologue,
elle a atteint le dialogue et l'écho de la pensée. Cette hallucina-
tion, qui affecte habituellement les deux moitiés symétriques
du sens de l'ouïe, peut parfois être unilatérale : le malade n'en-
tend ses persécuteurs que par une oreille; l'excitation n'a
frappé dans ce cas qu'un seul hémisphère. Parfois encore
l'hallucination est bien bilatérale, mais elle se montre avec des
caractères différents suivant le côté affecté ; les hallucinations
438 CLINIQUE MENTALE.
pénibles cantonnées d'abord dans une oreille que l'on pourrait
appeler persécutée, tendent à diminuer à mesure que le délire
se transformeet que se développent dans l'oreille opposée des
hallucinations agréables. Ici chaque hémisphère agit séparé-
ment pour son propre compte.
A côté de ces modalités de l'hallucination de l'ouïe, prennent
place des troubles spéciaux, moins sensoriels que psycho-
moteurs, les hallucinations psychiques ou motrices verbales :
c des voix intérieures parlent silencieusement dans l'estomac,
dans la gorge ; ce sont des voix qui ne sont pas des voix, qui
ne résonnent pas aux oreilles. » Ces faits s'expliquent par la
propagation au centre moteur du langage de l'excitation du
centre auditif cortical (Baillarger, Séglas, Ribot).
Si les hallucinations auditives ne font jamais défaut dans le
délire chronique, si elles en sont un des éléments symptoma-
tiques les plus importants, elles ne sont pas exclusives des
autres troubles sensoriels. Assez souvent, en effet, se montrent
des hallucinations du goût, de l'odorat : les malades se plai-
gnent des saveurs désagréables qu'ils trouvent à leurs aliments,
des narcotiques qu'on verse dans leurs boissons, des odeurs
empestées qu'on leur envoie. Les hallucinations de la vue sont
rares en dehors de toute complication (intoxication, névroses,
maladies organiques); les malades ne voient presque jamais
leurs ennemis; mais ceux-ci n'en manifestent pas moins leur
haineuse animosité.
Les troubles de la sensibilité générale sont, en effet, très
fréquents; tantôt apparus en même temps que les hallucina-
tions, tantôt les précédant, ces phénomènes jouent un rôle
réactionnel des plus marqués. « Piqués par des jets de vitriol »,
c pilés par l'action magnétique >, « dévorés en dedans par des
rongeurs et des vampires», les malheureux cherchent à se
soustraire à ces tortures et adoptent, dans ce but, les positions
les plus bizarres. Tel s'enveloppe la tête de fichus et de châles,
se voile la figure, se bouche les narines, se frotte le nez et les
yeux, se remplit la bouche de papier; tel autre, le corps plié
en deux, applique énergiquement sa main sur le sommet de la
tête pour entraver l'action « du rouleau qui est impliqué sur
le crâne ».
Précautions superflues, car loin de diminuer, le champ des
persécutions s'étend; aux troubles de la sensibilité générale
s'allient, surtout chez les femmes, des hallucinations génitales.
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 439
Les malades se plaignent qu'on les viole, qu'on leur introduit
toutes sortes de corps dans le vagin, dans le rectum, qu'on
prostitue leur bouche,' qu'on coud leur anus, etc. Elles essayent
de protéger leurs organes contre ces tentatives : une malade
s'emmaillote tous les soirs; une autre se couche sur le côté,
plaçant tout le bassin dans une marmite.
Arrivé à ce point de son affection, las de ces incessantes
tortures, le patient n'est pas éloigné d'entrer dans la période
des réactions dangereuses. Depuis longtemps, en effet, le doute
a cessé pour lui; plus il a souffert et plus le délire de persécu-
tion s'est coordonné, s'est profondément implanté dans son
esprit.
Illusions, interprétations délirantes, hallucinations de l'ouïe,
troubles de la sensibilité générale, toute une accumulation de
preuves sans cesse renouvelées sont venues lui affirmer clai-
rement qu'une trame ténébreuse s'ourdissait autour de lui.
Mais s'il est persécuté, il veut savoir quels sont ceux qui le
persécutent ainsi, par quelles pratiques ils agissent sur lui et
quel but ils poursuivent en le torturant. Sur ces nouveaux
thèmes offerts à son imagination délirante son système d'idées
de persécutions va chaque jour se précisant et se limitant da-
vantage.
Au début, il désignait ses persécuteurs par des termes vagues
et indéfinis. c Ils m'en veulent, on me poursuit, disait-il. »
Puis, devant le nombre et la qualité des moyens de torture,
son ignorance s'efface. Si ses ennemis mettent en oeuvre pour
lui nuire tout l'arsenal des découvertes modernes : physique,
électricité, magnétisme, téléphones, microbes, etc., ou dans
un autre ordre d'idées toute l'occulte puissance de la magie,
de la sorcellerie, de l'enfer, il faut bien qu'ils aient en main
de terribles pouvoirs. Il dénonce alors un groupe d'individus,
une association quelconque, une société à laquelle son imagi-
nation attribue une influence sociale redoutable : francs-
maçons, agents de police, jésuites, internationale, médecins,
etc., etc. La jalousie, l'envie, la rancune, le besoin d'argent
sont les mobiles ordinaires qu'invoque le malade pour expli-
quer cette poursuite acharnée. Il ne trouve plus dans la langue
vulgaire des expressions applicables aux tracasseries qu'il subit ;
il en invente, il crée des néologismes : on l'émétise, on le pesti-
fère, on le naturalise; il est la victime des locustins, des opti-
mistes ; il accuse la déçaticullation, la subjugalion. Chaque jour
il pefte4rc"plus avant dans ce monde de sensations étranges,
et chaque jour il s'efforce de percer ce mystère qui l'enveloppe.
Bientôt il n'hésite plus, la lumière est faite. Il sait quel per-
sonnage déterminé est responsable de ses souffrances. Et si
pendant longtemps il a fui ou s'est contenté de se défendre,
dès maintenant il se lève, prêt à l'attaque.
Les modes de réaction varient, en effet, avec les périodes de
son délire de persécution. Au début, il ne paraît songer qu'à
éviter ses ennemis. Un malade déménage, quitte son atelier,
ou son bureau, change de nom; un autre entreprend de loin-
tains voyages (aliénés migrateurs de roville) ; un troisième,
craignant d'être empoisonné, fait lui-même sa cuisine, prend
des soins extrêmes pour l'achat de ses aliments. Je vous ai
parlé des singuliers procédés qu'ils emploient pour se sous-
traire à leurs tortures; mais celles-ci ne diminuent pas plus
que les insultes; et à la phase de passivité succède la phase de
défense active. Le malade s'adresse aux autorités, aux person-
nages en vue; il essaye par ses écrits, ses proclamations, de
soulever l'indignation publique. On en voit qui portent leurs
boissons, leurs déjections au laboratoire municipal, pour les
faire analyser; d'autres se barricadent chez eux, tapissent les
murs de journaux, doublent leurs portes de barres de fer, etc. ;
d'autres, mais en très petit nombre, lassés de soutenir une
lutte inégale, ne voient plus de refuge que dans la mort.
Excédé enfin par ces continuels outrages, le délirant chro-
nique attaque à son tour : dans la rue il frappe un passant
qu'il accuse de l'avoir injurié ; chez lui, il guette ses ennemis
le revolver au poing, il les épie, les surprend, les provoque,
s'acharne après eux, les frappe ou les tue...
Telle est cette deuxième phase du délire chronique, pendant
laquelle l'agitation intérieure, sourdement créée à la première
période, n'a fait que grandir. L'idée délirante de persécution,
seul horizon de cette conscience tourmentée, a pris corps ;
elle est maintenant solidement fixée dans sa forme; mais
dans un instant, nous la verrons dissipée devant une forme
nouvelle : l'idée de grandeur.
L'histoire des deux malades suivantes peut servir en quelque
sorte d'illustration à l'exposé pathologique que je viens de
vous faire. Vous y verrez sur quel terrain s'est élevée la psy-
chose ; vous y trouverez tous les détails de ses deux premières
périodes. -
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 441 1
Observation I. M... femme R..., quarante-trois ans, sans alztécé-
dents héréditaires ; début à trente-deux ans; première période d'une
durée de trois ans; deuxième période : hallucinations de l'ouïe,
systématisation rapide; c'est le parisien qui la poursuit. Réactions^
déménagements; tentative de suicide, menaces de mort.
M... (Marie), femme R..., quarante-trois ans, est née de parents
qui n'ont jamais rien présenté d'anormal. Petits cultivateurs dont
la vie avait été toute d'ordre et de travail, ils sont morts, le père à
soixante-treize ans, la mère à quatre-vingt-deux ans. Les trois frères
sont en excellente santé physique et cérébrale.
Elle-même a toujours paru bien équilibrée, et si elle manque
d'instruction, ses parents ne l'ayant pas envoyée à l'école, elle
n'est pas dépourvue d'intelligence. Réglée sans difficulté à quinze
ans, elle n'a jamais présenté de signes de nervosisme. Son adoles-
cence s'est écoulée, comme son enfance, sans accidents : à vingt
ans, elle a contracté une bronchite tenace; elle maigrit beaucoup,
mais se rétablit au bout de huit mois, et il ne resta pas de traces
de la maladie. Mariée à vingt-cinq ans (en 1876) avec un ouvrier
mécanicien, elle loue une petite ferme qu'elle gère, tandis que son
mari gagne régulièrement sa journée dans une scierie. La bonne
harmonie règne dans le ménage, la vie est facile à cause du travail
régulier des deux époux.
Cette heureuse existence durait depuis sept ans, quand en 1883,
à trente-deux ans, elle croit s'apercevoir qu'on « monte la tête à
son mari)), qu'on lui fait des reproches sans nuls motifs; elle
insiste pour qu'il quitte son jusine, le pays même et vienne avec
elle à Paris. Elle finit par décider son mari à partir, et, dès ce
moment, elle se figure que le patron de celui-ci, mécontent, leur
suscite des ennemis. Arrivée à Paris en 1886 (35 ans), elle paraît
jouir pendant deux mois d'une certain repos; puis elle se plaint
que les gens sourient sur son passage, crachent dans sa direction,
lui tournent le dos quand elle entre dans un magasin, affectent de
ne pas la regarder.
Bientôt (toujours en 1886) on murmure, on ricane en la dévisa-
geant. Dans l'hôtel qu'elle gère, au Point-du-Jour, elle ne tarde
pas à entendre des voix d'hommes et de femmes qui disent :
« Vache, salope, putain. » Dans la rue les mêmes injures sont pro-
férées par des passants inconnus. Huit mois après, le on, le ils
indéterminés disparaissent. C'est la bonne d'en face qui l'épie et
qui dit dès qu'un homme entre dans l'hôtel : c Encore un amou-
reux ! » La malade reconnaît très bien sa voix, dans le concert des
voix insultantes. Aussi l'interpelle-t-elle, mais la bonne feint l'éton-
nement, puis la traite de folle. Elle s'adresse alors à plusieurs
reprises au commissaire de police : « il faut des témoins », répond
celui-ci ; c des témoins ! mais on m'empêche d'en trouver ! » s'écrie-
442 CLINIQUE MENTALE.
t-elle. Les voix continuent de se faire entendre de plus belle : «Je
t'y ai fait entrer, je t'en ferai sortir, » dit la voix de la personne
qui lui a procuré la gérance de son hôtel. De guerre lasse, crai-
gnant d'être renvoyée comme une «voleuse », comme une femme
de moeurs légères », car on dit à son mari « maquereau, 'cocu, etc. »,
elle quitte cette gérance, position cependant très avantageuse pour
elle, et va habiter dans une autre rue. Les injures continuent; elle
déménage de nouveau, précaution inutile, car les persécuteurs la
suivent partout, et les commissaires de police auxquels elle s'adresse,
ne la protègent point.
Depuis environ dix-huit mois, elle sait que son principal per-
sécuteur est « le Parisien». C'est un rentier, qui habite la même
rue. Il est âgé d'environ quarante-deux ans; il est châtain, assez
grand, tout rasé, ce qui lui permet de s'affubler d'une fausse
barbe et d'une perruque. Malgré ce travesti, elle le reconnaît (illu-
sions). Le Parisien la fait insulter par des ouvriers, par des mar-
chands, en les menaçant de les priver de travail. 11 parle tantôt
d'une voix forte, tantôt d'une voix faible. A l'aide d'une glace il
voit tout ce qu'elle fait. Son but est de la détourner de ses devoirs
conjugaux : c Je veux t'enlever, je te ferai insulter jusqu'à ce que
tu viennes, » dit-il. Et, en etfet, au début de 1893 les injures redou-
blent. Alors, harcelée, n'y tenant plus, ne pouvant se faire rendre
justice, désespérée de l'indifférence de son mari qui ne l'écoute pas,
elle se jette à la Seine (mars 1893); le Parisien, qui la suit partout,
la suppliait de ne pas se tuer, et c'est lui qui, immédiatement, la
fait retirer par un agent de police. Il lui avait dit d'ailleurs, répon
dant à ses menaces de suicide : Tu ne pourras pas te noyer, je te
ferai retirer vivante ! »
Après cet incident, les injures ne cessent plus. Un jour, au mois
d'octobre, elle se plaint qu'une voisine, la femme d'un pilote,
l'insulte en secouant des tapis à sa fenêtre : « Tu es une amou-
reuse, une vieille sorcière ! » Furieuse, elle braque sur elle un
revolver chargé, et, arrêtée pour ce fait, elle est amenée à l'infir-
merie du Dépôt.
A l'asile, les hallucinations persistent; le Parisien lui parle sans
cesse, lui conseillant toujours d'abandonner son mari. Elle se
demande si les autres malades ne sont pas payées pour lui dire
des sottises. D'ailleurs, réticente, elle a une attitude réservée : c Je
n'ai rien à dire, puisque vous ne me croyez pas. »
Observation II. 0... veuve F..., cinquante ans. Père déséquilibré,
mère bien portante. Bonne santé jusqu'à quarante-trois ans. Pre-
mière période de trois ans. Deuxième période : développement
croissant de l'hallucination de l'ouïe; monologues, dialogue, écho de
la pensée. Systématisation progressive du délire; on; ils; Comité
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 443
des ouvriers de la Belle-Jardinière ; concierges. Néologisme. Troubles
de la sensibilité générale : électricité, magnétisme.
0... (Henriette),' veuve F..., est âgée de cinquante ans. Son
père, né dans l'aisance, épousa à dix-neuf ans une cuisinière âgée
de trente-deux ans; joueur, ivrogne et débauché, il ne tarda pas à
gaspiller sa fortune; de chute en chute, il en fut bientôt réduit à
venir à Paris s'embaucher comme manoeuvre; puis, las de cette
vie de travail forcé, il partit pour la Californie, allant à la recher-
de l'or, et disparut. Sa mère, au contraire, était une femme de
sens et de caractère; elle ne fut pas abattue par l'abandon de son
mari, et se consacra tout entière aux cinq enfants qu'il lui lais-
sait ; économe, ordonnée et sage, elle put élever sa petite famille
et mourut à soixante-douze ans de congestion pulmonaire. Deux
des soeurs de la malade, et un de ses frères étaient alcooliques ; ce
dernier, d'un naturel violent et impulsif, s'était engagé dans
l'armée carliste, à la suite d'une discussion avec sa famille. Un
deuxième frère, encore vivant, est travailleur, mais enclin à boire,
et souvent en ébriété.
Notre malade parait avoir été la forte têle de la famille; à treize
ans elle quitta l'école où elle s'était montrée intelligente et stu-
dieuse, et entra en apprentissage comme ouvrière culottière. Elle
arrive rapidement à gagner sa vie, et peut venir en aide à sa
mère. A vingt-trois ans, elle épouse un ouvrier serrurier. L'accord
est dans le ménage, l'aisance y rentre presque, mais l'homme est
tuberculeux, et meurt au bout de trois ans. Il avait donné à sa
femme trois enfants qui moururent eux-mêmes en bas âge d'affec-
tions bacillaires. Douloureusement attristée, Henriette ne perd pas
courage; elle revient auprès de sa mère et se remet au travail.
Ouvrière régulière et rangée, elle ne change que très rarement
d'atelier, et elle demeure pendant six ans au service de la Belle-
Jardinière. Femme d'ordre et d'humeur égale, elle vit heureuse et
tranquille jusqu'en 1886. Son développement physique n'avait été
troublé, de l'enfance à l'âge mûr, par aucun accident; la seule
affection à noter, durant cette longue période, est une pneumonie
qu'elle contracta en 1873, à vingt-neuf ans, mais qui ne fut suivie
d'aucun trouble intellectuel.
En 1886, à quarante-trois ans, elle s'installe auprès d'un de ses
beaux-frères, veuf depuis peu; elle pensait pouvoir lui être utile
dans la surveillance de sa maison et la gérance de son commerce.
Mais bientôt elle s'aperçoit que les gens du quartier rient quand
elle passe, et crachent dans sa direction. Ce sont là des « moque-
ries », des cancaueries » dont elle ne se croit d'abord pas l'objet,
et si elle voit les sourires, elle n'en comprend pas encore la signi-
fication. Cependant les ennuis continuent. Les ouvriers la dévisa-
gent au sortir de leurs ateliers; ils ne parlent pas, ils ne font que
444 CLINIQUE MENTALE.
chuchoter sur son passage, « rigoler, se moquer ». Un jour, une
femme entre dans sa boutique, et lui demande l'adresse d'une
garde-malade. Henriette y voit tout de suite une allusion à son
beau-frère, qu'on veut ainsi lui désigner comme un malade,
comme un imbécile. C'est donc à sa situation équivoque auprès de
celui-ci que sont dues toutes ses misères. Elle abandonne aussitôt
la place et s'enfuit aux Batignolles; mais là encore on monte des
cabales contre elle, on l'empêche de trouver du travail. Elle pense
que peut-être les concierges sont les coupables. Elle va s'en plaindre
au commissaire. Rien n'y fait, et elle se voit contrainte une
seconde fois de quitter un logement qui lui plaît (1888). A la place
Malesherbes, où elle habite ensuite, ce sont les mêmes sourires
moqueurs, les mêmes chuchotements, les mêmes crachements en
sa présence. De nouveau elle déménage, et va demeurer rue du
Mail.
Henriette a alors quarante-cinq ans; il y a bien près de trois ans
que la période d'inquiétude a commencé. Maintenant les persécu-
teurs ne se contentent plus de faire des signes; ils commencent à
parler sur son passage. Ce ne sont d'abord que des mots murmurés
sourdement, puis, peu à peu, ces mots s'accentuent, et ne tardent
pas à prendre la forme des plus grossières injures : a Vache, salope,
putain. » Devenant ensuite plus audacieux, ses interlocuteurs l'in-
terpellent avec violence et longuement; elle répond sur le même
ton, et elle a des disputes fréquentes avec le concierge, les voisins,
les passants qu'elle a pris pour ses insulteurs. Ceux-ci n'ont bientôt
plus aucune retenue, et, la nuit même, ils fout des allusions bles-
santes à sa vie passée, et émaillent leurs conversations de termes
grossiers, à elle adressés, dit-elle, c sur un ton d'imbécillité ». Elle
court alors par deux fois chez le commissaire qui lui répond d'un
air narquois : c Il n'y a pas de délit ! » c Pas de délit, s'écrie-
t-elle, indignée, quand on m'insulte sans cesse, mais c'est de l'es-
croquerie, du chantage ! » A cette époque elle travaille rue du
Croissant. Jusque-là elle n'avait pu dire avec précision quels étaient
ses accusateurs. On l'injuriait, ils se moquaient. Il se fait alors un
début de révélation : ce sont les typographes de la France qui,
toute la journée, montent des cabales contre elle. Tout à l'heure
nous la verrons préciser davantage encore. Malgré tout, elle veut
résister; elle est décidée à ne plus changer de logement; mais le
propriétaire, devant ses continuelles excentricités, la renvoie par
exploit d'huissier.
, Elle se réfugie rue de Savoie. Nous sommes en 1889. La malade
a quarante-six ans. Les troubles de la sensibilité générale font leur
apparition. L'électricité, le magnétisme, le téléphone lui font
presque éclater la tête. Par le magnétisme on l'empêche de laver
sa vaisselle, on la lui fait tomber des mains et casser, on l'endort,
les fenêtres ouvertes. L'électricité part de la tour Eiffel, et, grâce à
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 445
des fils conducteurs, peut l'atteindre en tous lieux et en tous points
du corps; on lui rôtit ainsi l'estomac, le dos, les bras, etc. Ce n'est
pas seulement par l'électricité qu'on essaye de lui nuire; un jour
qu'ello venait de donner du lait à son chat, elle voit celui-ci sauter,
courir, bondir à travers la chambre, après avoir bu : le lait n'était
certainement pas naturel et elle le jette. L'interprétation délirante
marchait de pair, comme on voit, avec les troubles sensoriels. Un
jour, au mont-de-piété, elle sent tout d'un coup comme une brû-
lure à la tête, elle se retourne vivement et voit le tuyau par lequel
passe le téléphone. Dès lors elle comprend, c'est par le téléphone
qu'on la tracasse et qu'on l'injurie. Elle reconnaît la voix de ses
insulteurs. c Tiens, se dit-elle parfois, c'est un tel. » c On dirait la
voix de la mécanicienne Marie. » Puis'c'est le comité des ouvriers
et locataires de la Belle-Jardinière qui se fait entendre. Les voix
lui disent : « Achète-toi un fumigore. » Le fumigore est le téléphone
de poche, grâce auquel on peut communiquer de tous côtés. Elle
court au bazar Napoléon, mais les vendeurs « tous électriciens » lui
en demandent un prix exorbitant, pour l'empêcher d'en posséder
un ; elle sait cependant que le fumigore ne vaut pas plus de 2 fr. 215.
Les plaintes aux commissariats s'accumulent, et les persécutions
ne diminuent pas. Elle change encore une fois de logement (1892)
à la suite d'une violente altercation avec son concierge, qu'elle
accusait d'être entré dans le complot. Rue Guénégaud, où elle va
loger, elle reconnaît bien vite que ses persécuteurs l'on suivie; le ,
comité de la Belle-Jardinière est là qui lui envoie de l'électricité et
l'injurie; mais ici encore le concierge est le plus acharné. A la suite
de nouvelles plaintes qu'elle adresse à la police, elle est conduite à
l'infirmerie du Dépôt, et elle entre à Sainte-Anne le 6 novem-
bre 1892, à quarante-neuf ans.
A l'asile, ni les hallucinations, ni les troubles -de la sensibilité
générale ne s'atténuent. Les malades la chinent, lui font la scie, la
jardinent, l'appellent pourrie. Tout le catéchisme poissard y passe.
Les voix sont parfois si nombreuses qu'elle n'entend qu'un
c brouhaha » ; c'est, dit-elle, de l'anonyme. Toutes les infirmières
ont des téléphones dans leurs poches; l'on entend partout des voix
s'entre- croiser dans l'espace : le téléphone de la préfecture n'est
pas étranger à leur propagation. Interrogée à plusieurs reprises
sur la véracité de ses hallucinations, elle répond un jour : «J'aurais
le cou sous la guillotine, que je ne céderais point, j'entends très
bien tout cela »; et une autre fois : « Ces voix, vous les entendez
aussi bien que moi. » Elle a très nettement l'écho de la pensée; elle
entend répéter ce qu'elle pense, ce qu'elle dit, ce qu'elle écrit;
« on reproduit en phrases sa façon de penser. » Si elle pense à son
beau-frère elle entend aussitôt une voix dire. : c Il est fou. » Et elle
conclut : «Ne serait-on pas revenu au temps des sorciers ? » Si elle
lit des yeux, elle entend aussitôt ce qu'elle lit; elle entend même
446 CLINIQUE MENTALE.
la phrase entière avant qu'elle ait fini d'en comprendre le sens.
Parallèlement à ces troubles hallucinatoires, les troubles de la
sensibilité générale vont leur train, l'électricité la tracasse nuit et
jour; l'eau-qu'elle boit, la flanelle qu'elle porte sont électrisées.
Un matin elle demande une purgation pour la délivrer de cette
électricité qui est en elle; une autre fois elle se plaint d'avoir
senti (mais non vu) la tour Eillel flamber sur sa tête.
Elle réagit, comme au dehors, contre ces tortures; elle essaye
de se défendre contre l'électricité en s'enveloppant la nuit dans
des couvertures; elle écrit fréquemment pour réclamer sa sortie,
car elle est fatiguée de vivre dans la roulerie. Par moments elle
devient réticente et refuse de répondre, car elle est persuadée que
les médecins ont intérêt à la retenir et à la persécuter. c N'êtes-
vous pas honteux, nous dit-elle, de charcuter les gens comme cela ? i
Elle commence enfin à se demander pourquoi on l'a ainsi per-
sécutée; mais elle ne peut répondre. Il se pourrait, toutefois, que
la jalousie en fût le mobile, et elle se dit : « Est-ce parce qu'un
riche bienfaiteur payait mon loyer ? »
A cette phase de l'affection, le malade est souvent pâle,
anémié ; il souffre de névralgies, se sent plus faible. L'ina-
nition, l'insomnie, toutes les épreuves douloureuses auxquelles
sa sensibilité morale est sans cesse soumise, cette manière de
surmenage de ses centres sensoriels ont eu leur contre-coup
sur l'état général.
Malgré tout, la mémoire persiste, l'intelligence est le plus
souvent intacte ; le malade parle encore et écrit avec les appa-
rences de la raison. Et cependant, à mesure que son délire
s'est coordonné et stéréotypé (période de cristallisation de
Falret), sa personnalité a parfois commencé à subir des altéra-
tions profondes. Ces lésions de la personnalité sont dues,
moins aux troubles sensoriels hallucinatoires qu'aux troubles
de la cénesthésie, des sensations organiques, « de ces incita-
tions obscures qui, des profondeurs de l'organisme, arrivent
aux centres nerveux » (Ribot). L'apparition dans la conscience
d'un faisceau de sensations internes insolites, sans rapport
avec les éléments constitutifs du moi normal, tend à réaliser
une personnalité nouvelle qui coexiste avec l'ancienne. Le ma-
lade se plaint qu'on lui a changé sa peau, sa chair, son goût,
ses yeux, qu'on soutire sa cervelle, qu'on lui enlève son carac-
tère, qu'on fait entrer des têtes malades dans la sienne, que
deux individualités coexistent en lui-même. Une malade est
persuadée qu'une autre femme habite en elle, et se substitue à
DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 447
elle dans ses relations conjugales; un homme croit que sa
fiancée s'est glissée en lui par la région temporale, en le tem-
poralisant, et que tous les points de ce corps de femme sont
exactement superposés à son corps d'homme, etc., etc.
C'est que déjà l'intelligence fléchit, la résistance cérébrale
diminue sous la double poussée de l'âge (athérome) et de la
longue concentration délirante. A ce moment même, le délire
des grandeurs va succéder au délire des persécutions.
Pinel, Spielmann, Renaudin, Morel avaient déjà remarqué
que certains persécutés devenaient un jour ambitieux. Foville,
en 1871, confirma ce fait et le précisa cliniquement; mais, à
côté des malades qui se transforment, il plaça, sans les en dis-
tinguer, des sujets qui sont d'emblée ambitieux et persécutés
ou simplement ambitieux. Il ne vit pas que les sujets seuls qui
ont progressivement évolué de l'idée de .persécution à l'idée
de grandeur, sont précisément ceux qui ont versé dans la folie
sur le tard, après une existence normale, qui, longtemps
inquiets, soupçonneux, n'ont toutefois accepté qu'en luttant
l'idée délirante, et l'ont amenée avec lenteur et méthode à sa
pleine inactivité.
Je ne referai pas aujourd'hui l'histoire de cette troisième
phase de l'affection : nous la trouverons ailleurs'. Que l'idée
de grandeur surgisse à la suite d'une déduction logique
(Foville), qu'elle soit le produit d'un accident fortuit ou d'une
hallucination révélatrice; qu'elle soit plutôt l'extériorisation,
au moment le plus favorable, quand le cerveau commence à
faiblir, d'une pensée latente (Camuset, Garnier), il n'en reste
pas moins ce fait clinique absolu qu'à une certaine époque
de sa maladie, le délirant chronique devient de persécuté, am-
bitieux. Le paria, la victime est maintenant un personnage
illustre, un chef d'Etat; il se dit fils de Napoléon, de Louis-
Philippe, etc. ; il exige les millions qui lui sont dus, se pro-
clame de « race infaillible et triplement royale », etc. Ce délire
ambitieux, comme le délire des persécutions qui l'a précédé,
emprunte ses couleurs au milieu social dans lequel vit le ma-
lade, à ses croyances, à son instruction. -Possédés, incubes,
succubes, démonopathes devenaient jadis théomanes,- pro-
phètes, antéchrist; les électrisés, les hypnotisés, les persécutés
de nos jours font place aux empereurs, aux présidents de
' Magnan. Leçons cliniques, 278.
448 8 CLINIQUE MENTALE.
République, aux inventeurs, etc. Certains malades même,
associant les superstitions du passé aux découvertes scienti-
fiques modernes, montrent d'une façon très nette leur double
éducation dans deux milieux différents. Mais sous quelque
couleur que se présente le délire, il n'y a là qu'un fait acces-
soire qui ne doit pas en imposer au clinicien; le fait capital
consiste uniquement dans la transformation des idées de
persécution en idées de grandeur; et ce qu'il faut considérer,
c'est, non pas la couleur du délire, mais son évolution.
Et dans ce délire des grandeurs qui vient donner à la ma-
ladie une caractéristique nouvelle, il y a plus qu'un délire
surajouté (Falret). Une personnalité toute différente s'est fait
jour, car dès ce moment les idées de persécution s'effacent et
disparaissent devant les idées de grandeur. Celles-ci ne sont
pas toujours très accentuées; elles ne se manifestent parfois
(Marandon de Montyel, Camuset) que par un optimisme exa-
géré du malade, par la conviction qu'il a de posséder un pou-
voir surnaturel. Souvent elles sont dissimulées (Falret, Dou-
trebente, Briand), mais, ces réserves faites, on peut dire
qu'elles se manifestent maintes fois au dehors par des allures
caractéristiques. Le malade cesse de se plaindre, il se compose
une attitude pleine d'ironie et de dédain. Il s'accoutre d'orne-
ments étranges, indices de sa dignité et de son rang; il parle
avec hauteur ou garde un silence plein de mépris ; s'il entend
encore des voix, c'est à des distances prodigieuses et parce qu'il
est doué d'une ouïe exceptionnelle; s'il a encore des ennemis,
il peut les « broyer d'un coup de mâchoire », etc.
(A suivre.)
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU ROLE DES IDÉES FIXES
DANS LA PATHOGÉNIE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE;
Par A. SOUQUES,
Chef de clinique des maladies nerveuses, à la Salpètrière.
Il y a trois ans, MM. Debove, Ballet, Babinski et Mathieu
communiquaient à la Société médicale des hôpitaux1 une série
' Soc. mécl. des laûpit. de Paris, 1891, p. 421, 5G8 et 582.
. ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 449
d'observations de polyurie hystérique, pour attirer l'attention
sur sa fréquence et ses caractères propres. Cette question a été
reprise l'an dernier par M. Mathieu' et surtout par Elirliardt '.
qui en a fait une étude d'ensemble très remarquable. Il est
certain qu'avant 1891 plusieurs observations de même ordre
avaient été mentionnées, mais il est non moins certain que la
plupart de ces faits, déjà anciens, laissent un doute dans l'es-
prit. Assurément l'hystérie y est indubitable, mais il faut
avouer que la nature hystérique de la polyurie n'en- ressort
pas avec la même certitude. Il manque à tous ces faits le cri-
térium signalé par M. Babinski. Faire varier la polyurie par
suggestion, la faire disparaître et réapparaître, tel est ce crité-
rium qui enlève tous les doutes et établit la nature hystérique
du syndrome, même quand les stigmates habituels de la né-
vrose font défaut.
Nous avons eu l'occasion d'observer un cas de polyurie dont
nous allons rapporter les détails. Il nous servira de témoignage
pour avancer que la plupart des observations de polyurie ner-
veuse, sine materia, relèvent de l'hystérie, et que l'origine
de la polyurie hystérique doit être recherchée dans une idée
fixe.
Auguste Drug., trente-sept ans, bijoutier, entre le 12 mai f89r, à
la Salpêtrière, dans le service de M. Brissaud.
Ses antécédents héréditaires sont intéressants à souligner. Du
côté maternel, on trouve le rhumatisme déformant chez la mère,
la goutte chez le grand-père et chez un oncle, l'hystérie convul-
sive chez une tante. Du côté paternel, par contre, aucune tare
névropathique ou autre à signaler. Le malade est le seul enfant de
sa famille; il avait un frère qui est mort de fièvre typhoïde. Jamais
il n'a entendu parler de polyurie dans sa famille.
Drug. a eu, à l'âge de trois ans, des convulsions suivies demono-
plégie brachiale droite. Il reste aujourd'hui des vestiges indubi-
tables de cette ancienne paralysie spinale infantile, qui l'ont fait
exempter du service militaire. De cinq à dix ans il a eu la scar-
latine, la rougeole et une fluxion de poitrine. A l'âge de quinze
ans, il est entré comme apprenti dans une grande maison de bijou-
terie où il est resté une vingtaine d'années. (Depuis deux ans seu-
lement il travaille à son compte.) Il avait acquis dans son métier
une habileté d'artiste; il gagnait facilement Va fanes par jour
et dépensait sans compter. Son instruction, quoique primaire,
4 A. Mathieu. La polyurie hystérique. (Revue aaeurolog., 1893, p. 522.)
2 Elrhardt. - De la polyurie hystérique. Thèse de Paris, 1893.
Archives, t. XXVIII. 29
450 CLINIQUE MENTALE.
était assez étendue. 11 dessinait bien et jouait de divers instruments
de musique en mélomane.
Il a fait de larges excès d'alcool. Depuis douze ans, au moins, il
boit en moyenne cinq litres de vin par jour, un petit verre de
cognac à chaque repas et environ quatre absinthes par semaine.
En outre de cette ration habituelle, il se livrait assez souvent à
de copieuses libations. Il avait remarqué qu'à la suite de ces
c bordées >, il était obligé d'uriner souvent pendant le jour qui
suivait. Cette pollakiurie transitoire, éliminatrice des boissons ainsi
ingérées, avait frappé son attention. Malgré cette intoxication
chronique, traversée par de fréquents excès aigus, le malade ne
présente pas les symptômes classiques de l'alcoolisme.
A l'âge de vingt-huit ans, il a eu un violent rhumatisme articu-
laire aigu qui a nécessité six mois de lit et trois mois de conva-
lescence. En 1889, il s'endort un jour sur son bras et se réveille
avec une paralysie radiale gauche, qui guérit au bout de trois
semaines.
Pas de syphilis. Trois ou quatre blennorrhagies, la dernière, il
y a une dizaine d'années.
Le début de la maladie actuelle remonterait au 4 novembre 1893.
Il rentrait, dit-il, chez lui un soir, lorsqu'il a été assailli, avenue
Parmentier, vers minuit, par deux malfaiteurs. Il a entendu trotter
derrière lui et sans avoir le temps de se retourner, a reçu des coups
de casse-tête sur le crâne, qui l'ontjeté à terre sans connaisance.
Lorsque le lendemain, vers cinq heures du matin, il a repris ses
sens, il s'est trouvé à l'hospice Saint-Louis, dans le service de
M. Lucas-Ghampionnière. On lui avait volé sa montre et son porte-
monnaie. Il a été très étonné, en revenant à lui, de voir sa tête
enveloppée d'un pansement. Ce retour à la connaissance a été de
courte durée. Deux heures après, en effet, le malade était pris
d'un délire qui aurait duré trois à quatre jours, accompagné de
fièvre et d'hallucinations visuelles en rapport avec son agression
nocturne. Sorti du délire, il n'a pas tardé à s'apercevoir qu'il avait
une grande soif et de fréquentes envies d'uriner. Durant ses trois
semaines d'hôpital, il a été tourmenté par des besoins impérieux de
boire et de pisser, et s'est ingénié pour les satisfaire à l'insu du
personnel. Il se levait la nuit pour uriner et pour boire au robinet;
il souffrait cruellement de voir verser à boire à ses voisins; le
simple bruit de l'eau le torturait. Jamais avant son agression il
n'avait éprouvé chose semblable; il buvait et urinait comme tout
le monde. Dix jours après l'accident, alors qu'il était encore à
Saint-Louis, il aurait eu une attaque de nerfs, caractérisée par du
tremblement et de la congestion du visage, précédés d'aura épi-
gastrique et de strangulation et suivis de perte de connaissance.
Depuis sa sortie, il aurait eu deux crises analogues.
Il est en effet sorti de l'hôpital au bout de trois semaines. La z
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 451
plaie du cuir chevelu, qu'on avait suturée, était complètement
guérie. Rentré chez lui, il mesure ses urines (15 litres en vingt-
quatre heures) et en fait faire l'analyse. On n'aurait trouvé ni
albumine, ni sucre, mais simplement un peu d'urée en excès.
Nous n'avons pas eu sous les yeux le résultat de cette analyse.
Depuis lors la polyurie et la polydipsie ont persisté sans modifica-
tion, malgré divers traitements. Le taux des urines de vingt-
quatre heures s'élevait à une vingtaine de litres, en moyenne.
Quelques jours après sa sortie, il a été pris de douleurs atroces
dans la tête et dans l'oreille droite. Un écoulement purulent est
survenu qui a duré trois semaines et qui a entraîné une surdité
unilatérale. Cette. surdité relève, d'après une note qu'a bien voulu
nous remettre M. Gellé, d'une otite suppurée cicatrisée. '
Etat actuel (mai 1894.) D... est un homme d'apparence
vigoureuse. Son crâne, très large dans le sens transversal, est
aplati dans la région occipitale. On voit, au niveau de la région
pariétale gauche, deux cicatrices linéaires, longues l'une de 3
et l'autre de 5 centimètres. La première commence à quatre
travers de doigt au-dessus de l'oreille gauche, sur le plan biauri-
culaire ; la seconde est située à 3 centimètres en arrière de la
précédente. Ce sont les vestiges des coups de casse-tête. La peau
est mobile à leur niveau et la voûte osseuse sous-jacente lisse et
régulière. On aperçoit dans la régio.n occipitale droite une cica-
trice analogue, conséquence d'une chute faite vers l'âge de
dix ans.
Le visage est symétrique, les cheveux et les dents bien im-
plantés, la voûte palatine normale, l'oreille régulière.
Au membre supérieur droit se retrouvent les traces de la para-
lysie infantile. L'épaule est notablement atrophiée, au niveau du
deltoïde et des sus et sous-épineux ? Le trapèze et les pectoraux
semblent respectés. Le membre n'est pas diminué de largeur mais
il est atrophié dans son ensemble. Le bras mesure S centi-
mètres de moins que celui du côté opposé; il y a 2 centimètres de
différence à l'avant-bras.
Du côté du tronc et des autres membres, on ne constate rien
d'anormal.
Comme troubles sensitifs, on trouve une hémianesthésie gauche
très nette pour les différents modes de la sensibilité et une zone
pseudo-ovarienne douloureuse du même côté. Cette zone ne
réveille pas les phénomènes de l'aura, quand ou la comprime. Les-
sens sont intéressés : l'odorat et le goût sont très obnubilés du
côté gauche; l'ouïe abolie à droite (otite suppurée) est normale à
gauche. Le champ visuel est rétréci bilatéralement (70° à gauche
et 80° à droite). Les pupilles égales réagissent normalement. Pas
de paralysie oculaire, pas de lésions du fond de l'oeil. Acuité
452 CLINIQUE MENTALE.
visuelle normale. Le malade se plaint parfois de voir trouble mais
exclusivement à la suite de fatigues visuelles occasionnées par son
métier de bijoutier. Enfin, il se plaint sans cesse d'une sensation
de froid généralisé.
Mais ce dont il se plaint le plus c'est du besoin incessant de
boire et d'uriner, la nuit comme le jour. Il a toujours soif, les
lèvres toujours sèches, la bouche c comme un copeau D. Il faut
qu'il boive à tout prix de l'eau fraîche et glacée de préférence. S'il
essaie de se retenir, il éprouve un malaise général inexprimable.
c Si je me retenais deux heures de boire, déclare-t-il, je crois que
je deviendrais fou. » Il fait tous les soirs sa provision d'eau pour la
nuit. L'hiver dernier, une nuit son eau s'est gelée, il est descendu
vers trois heures du matin à la fontaine de la cour qui était égale-
ment gelée. Alors, le voilà parti vers les Halles où il arrive au
bout d'une demi-heure, en suçant des morceaux de glace qu'il cas-
sait dans le ruisseau pour tromper sa soif. Il se précipite chez un
marchand de vin et avale coup sur coup deux carafes d'eau. Cette
soif inextinguible, en outre du supplice de Tantale qu'elle lui
inflige, le gêne considérablement dans ses occupations et dans ses
relations. Il a bien soin, quand il part en course, de boire avant
son départ; il est néanmoins obligé de s'arrêter chez les mar-
chands de vin. Pour éviter la curiosité qu'il éveille autour de lui et
les ennuis qui en résultent, il ne s'arrête que chez des gens qui
le connaissent et qui savent son infirmité. Lorsqu'il monte en
omnibus, d'est obligé- de descendre, après un assez court trajet,
pour satisfaire son besoin. S'il prendLomnibus deMadeleine- I
Bastille, il est forcé de descendre en face du Gymnas.e. Le besoin J
de boire es ? lui, tellemenfimpeneux qu'il lui est arrivé deux
ou trois fois, faute d'eau, de boire son urine. Il n'est jamais plus
heureux que lorsqu'il peut boire à son aise, à plein seau, jusqu'à
plus soif. Le besoin satisfait, il éprouve un soulagement très
agréable, mais très court.
C'est surtout la nuit que le besoin de boire devient intolérable.
Il est réveillé toutes les heures par la soif. S'il lui arrive de rester
endormi une heure et demie, il éprouve une vive céphalalgie qui
d'ailleurs disparaît, aussitôt le besoin satisfait. Il en résulte une
insomnie très pénible. Les quelques instants de sommeil qu'il peut
avoir sont traversés par des cauchemars : il rêve tout le temps (il
ne rêvait pas, dit-il, avant son agression), de rixes, de coups, de
blessures, de chutes dans des précipices sans fond. Après de telles
nuits, les journées sont mauvaises : il travaille avec peine et a sans
cesse des envies de dormir qu'il réprime, afin de se réserver pour
la nuit.
La miction est tout aussi impérieuse que la soif; elle est précédée
de pesanteurs dans le périnée et la face interne des cuisses qui dis-
paraissent dès que la vessie est vidée. Il est souvent obligé d'at-
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 483
tendre quelques secondes, avantde pouvoiruriuer. Quelquefois cette
attente se prolonge outre mesure et le met dans un état de surexcita-
tion extrême : Le 29 mai, malgré des besoins pressants et des essais
répétés, il est resté une heure sans pouvoir pisser et a été pris de-
vomissements, d'étouffements avec tremblement, d'une véritable
attaque de nerfs. Il urine souvent un litre par miction.
Voici quelques détails sur la quantité et la qualité de ses urines.
Toute supercherie a été évitée ; nous avons plusieurs fois fait
uriner le malade devant nous ; l'urine encore dans ces conditions
était physiquement et chimiquement analogue à celle des autres
mictions. D'autre part, le malade a été étroitement surveillé par le
personnel. De ce côté, on ne peut avoir aucune espèce de doute..
L'analyse chimique des urines a été faite, pendant quinze jours
consécutifs, par M. Yvon, que nous remercions de son obligeance.
Les urines émises, les boissons absorbées dans les vingt-quatre
heures ont été ponctuellement mesurées ; les aliments et les excré-
ment rigoureusement pesés. '
Pendant un mois D... est resté en observation. Durant ce temps,
le taux des urines de vingt-quatre heures a oscillé do 1G à 19 litres.
Deux fois seulement il est descendu (au-dessous de 10), à 15,500 et
4 rI,500. La quantité d'eau ingérée a été un peu inférieure au taux des
urines, mais en tenant compte du vin, du café et de l'eau contenue
dans les aliments solides, ce taux est atteint et même dépassé. Du
reste, le malade n'a pas sensiblement maigri. Le 9 mai, il pesait;
dit-il, 81 kilogrammes ; son poids était, le 8 juin, de 80 kilo-
grammes. Il est vrai que le régime de l'hôpital, différent du régime
alimentaire qu'il suivait chez lui, peut parfaitement expliquer cette
diminution de poids.
Un petit extrait du tableau, dressé par M. Yvon, donnera des
renseignements suffisants sur la composition chimique des urines
des vingt-quatre heures. L'urine est pâle à reuetverdàtre, à peine
acide et de densité très faible. Elle ne renferme ni albumine, ni
sucre.
454 CLINIQUE MENTALE.
phaturie. Les chlorures seuls sont augmentés et encore assez peu,
puisque dans l'urinenormale des vingt-quatres heures, on en trouve
13 à 14 grammes. Sauf cette hyperchlorurie relative, qui a été signa-
lée par Ehrhard et qui semble à peu près constante dans la polyu-
rie hystérique, cette polyurie ne diffère par aucun caractère physique
ou chimique des polyuries de toute autre nature. ·
Comme comparaison des ingesta et des excréta, le tableau ci-
dessous suffira :
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 4S5
Les réflexes sont normaux. Pas de troubles sphinctériens. Les
désirs et les aptitudes génésiques n'ont pas faibli.
L'état général est satisfaisant. Le malade est pâle ; il a un peu
maigri et ses forces physiques, dit-il, ont baissé. Cependant il
presse des deux mains le dynamomètre vigoureusement, et plus
même qu'un homme du même âge. Il a, en outre, été un jour
de sortie de Belleville à Sainl-Sulpice, aller et retour, sans éprou-
ver aucune fatigue.
A partir du 13 juin 1894, D... est hypnotisé. Nous lui suggérons
d'uriner moins. Dans le somnambulisme, nous avons su qu'il avait
remarqué, qu'après un excès alcoolique aigu, il urinait beaucoup
et souvent durant la journée suivante. Chaque fois qu'il faisait de
fortes libations la chose était fréquente la même polyurie [et
pollakiurie transitoire attirait son attention. Peu à peu son idée
s'était fixée sur ce fait.
Jusqu'au 14 juillet, le malade est hypnotisé et suggéré treize fois
en tout. Du 13 au 16 juin, il a été hypnotisé chaque jour et le taux
de l'urine a baissé quotidiennement d'un litre. Le 22 juin, après sept
séances de suggestion, il n'urine plus que 7 litres. Du 22 au 30 juin
quatre séances; le taux oscille entre 6 et 8 litres. Le 1 ? juillet,
douzième hypnotisation; l'urination tombe à 5 litres le 2 juillet
et à 3 litres et demi le 3. Enfin, le 4 juillet, le taux de l'urine
atteignait 3 litres 200. Chaque suggestion a amené, le jour suivant,
un abaissement du chiffre urinaire ; deux séances seulement ont
été suivies d'une légère augmentation transitoire.
Du 10 juillet au 2 septembre, le malade n'a reçu aucune sugges-
tion hypnotique; ses urines ont été régulièrement mesurées et leur
taux quotidien a oscillé entre 4 et 3 litres. Durant ce laps de temps,
l'urination s'est élevée quatre fois à 5 litres (9, 18, 22 juillet et
20 août).
Progressivement, au sur et à mesure que la polyurie diminuait,
la soif ardente, l'insomnie, les sensations de froid disparaissaient et
les sécrétions nasale, salivaire se rétablissaient. En trois,semaines,
tout était à peu près rentré dans l'ordre.
Dès que le malade s'est senti amélioré et guéri, il est devenu
ndocile. Se sentant capable de reprendre son travail, il a voulu
quitter la Salpêtrière, le 2 septembre 1894. Il était aussi contrarié
de ce que, pendant les vacances, on ne s'était pas occupé de
lui. Nous n'avons pu, de ce fait, faire la contre-épreuve, c'est-à-
.dire lui suggérer d'uriner davantage et faire réaugmenter la
polyurie. -
Le malade dont nous venons de rapporter l'histoire est in-
contestablement un hystérisque. Ses attaques, son hémianes-
thésie, etc., nous dispenseront d'insister sur ce diagnostic.
456 CLINIQUE MENTALE.
Mais sa polyurie est-elle aussi de nature hystérique ? Un argu-
ment péremptoire, la guérison par suggestion, permet de
répondre par l'affirmative, sans qu'il soit besoin d'invoquer
d'autres raisons.
Etant donné le traumatisme crânien originel, la première
idée qui devait venir à l'esprit était celle d'un cas de polyurie
traumatique. C'est, en effet, l'idée que nous avons tout d'abord
partagée, faute d'un interrogatoire et d'un examen suffisants.
Il est vrai que notre erreur n'a pas été de longue durée.
Une pareille erreur d'interprétation a été vraisemblablement
commise plusieurs fois et maintenue indéfiniment. Il est tou-
tefois difficile de faire la preuve d'une telle supposition, car
les éléments indispensables à la critique font défaut dans la
plupart des observations anciennes. Récemment M. le profes-
seur Potain \ parlant d'un sujet polyurique qui avait reçu une
blessure à la tête, et peu de temps après éprouvé un refroidis-
sement subit suivi de polyurie, s'exprimait en ces termes :
t II est probable que, si on analysait bien les faits de ce genre,
on retrouverait fréquemment l'hystérie comme intermédiaire
entre le traumatisme et la polyurie. » De même il s'agit, dans
un cas de M. A. Mathieu2, d'un sujet qui, ayant reçu des
coups sur la tête, se mit à uriner abondamment (20 à 25 lit.
dans les vingt-quatre heures). Et l'auteur ajoute : « Ce malade
était hypnotisable, et j'ai pu faire baisser momentanément la
polyurie par la suggestion pendant le sommeil provoqué. »
Les faits de ce genre, que l'avenir multipliera sans doute,
comportent par eux-mêmes un précieux enseignement. Ils
permettent, en outre, de considérer comme discutable l'origine
de certaines hyperdiurèses traumatiques, et de se demander si
leur origine n'est pas hystérique, d'autant plus que l'hystérie
mâle et l'hystérie traumatique sont restées méconnues jus-
qu'à ces dernières années, et que la polyurie peut être la seule
manifestation actuelle de la grande névrose 3.
' Potain. De l'llydru71e. (Semaine méd., 1894, p. 29.)
* Mathieu. - La Polyurie hystérique. (Revue neurologique, 1893,
p. 524.)
1 Loin de nons la pensée de suspecter l'existence et même la fréquence '
de la polyurie traumatique. Les recherches anatomo-patliologiques et-
expérimentales concordent pour en affirmer la réalité et l'authenticité.
Grâce à ces recherches, nous sommes à peu près fixés sur le siège que
doivent occuper les lésions pour produire l'hypersécrétion rénale. Depuis
déjà longtemps, Trélat et Mniard avaient mentionné la fréquence des
hémorrhagies de la base chez les animaux assommés. Vulpian, Brown- ,
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 457
Les mêmes réserves s'adressent à la plupart des cas de
polyurie alcoolique publiés jusqu'ici. Comment ne pas faire
d'expresses réserves, à cet égard, quand on voit que presque
tous les hystériques d'Ehrhardt « ont été des alcooliques avant
d'être des polyuriques ». Plusieurs cas de polyurie simple,
attribués par M. Lancereaux à l'intoxication par des essences
d'absinthe, d'anis, de badiane, a doivent prendre place, dit
M. A. Mathieu 1, dans les polyuries hystériques». Du reste,
M. Lancereaux qui a contribué plus que personne, en France,
Séquard, Lepine, Westphal avaient signalé la fréquence de foyers hémor-
rhagiques, bulbaires, consécutivement à des coups appliqués sur la tête
de cobayes. Consécutivement à des chocs répétés sur les parties anté-
rieure et bregmatique du crâne, Duret ne trouva pas à l'autopsie des
lésions au siège du traumatisme, mais des foyers hémorrhagiques dans
le plancher du quatrième ventricule. Mais ce sont surtout les recherches
de Kahler qui ont élucidé la question. Reprenant l'expérience fameuse
de Claude Bernard qui n'avait obtenu qu'une polyurie transitoire, Kahler
eut le mérite de produire une polyurie durable. Il s'était rendu compte,
après de nombreux essais, qu'un lapin exclusivement nourri avec de
l'avoine sèche, excrète en vingt-quatre heures une quantité constante
(10 à 45 centimètres cubes) d'une urine acide, trouble, dont la densité
varie entre 1,030 et 1,050. En possession de cet important terme de com-
paraison, il injecte dans le bulbe d'une cinquantaine de lapins, ainsi
nourris, une petite quantité de nitrate d'argent en solution, l'union
immédiate de cette substanee avec l'albumine des tissus devant empêcher
l'action du caustique au delà du point directement atteint. Il réussit il
provoquer ainsi, chez cinq lapins, une polyurie durable, caractérisée par
une urine pâle, d'une densité moyenne de 1,006, dont le taux des vingt-
quatre heures oscillait entre 500 et 200 centimètres cubes. Cette hyper-
diurèse s'accompagnait d'une polydipsie considérable, puisque les lapins
buvaient quatre à cinq écuelles d'eau, au lieu de se contenter d'une
seule, comme avant l'injection. En outre, les animaux étaient en parfait
état de santé et augmentaient même de poids. Il est, croyons-nous, im-
possible de mieux réaliser expérimentalement une polyurie traumatique
analogue à celle de l'homme. En sacrifiant ces lapins, Kahler remarqua
que c'étaient les lésions atteignant la partie caudale du pont et la partie
ouverte de la moelle allongée, surtout celles situées tout près du corps
restifurme, qui avaient provoqué l'hyperunnation.
En dehors de ces données expérimentales, il importe de faire observer
que plusieurs auteurs ont trouvé, à l'autopsie de sujets polyuriques, des
tumeurs, des hémorrhagies et des ramollissements situés dans le bulbe
ou dans son voisinage.
Il esl certain, d'autre part, que des recherches expérimentales et ana-
tomo-pathologiques ont montré, dans des cas de polyurie, l'intégrité du
bulbe et l'existence de lésions traumatiques ou spontanées dans les
hémisphères cérébraux, dans la moelle ou dans les nerfs périphériques.
Si on place le centre de la polyurie dans le bulbe, ces faits en apparence
contradictoires peuvent s'expliquer en admettant qu'un réflexe, parti de
ces régions extra-bulbaires, vient. aboutir au bulbe et détermine ainsi
l'hypersécrétion rénale.
4 Mathieu. Revue ize ? trolog., 1893, p. 522.
2 Lancereaux. De la Polyurie (diabète insipide). Th. d'Agrég., 1869.
Leçons de clinique médicale. Paris, 1892, p. 467. ZD
458 . CLINIQUE MENTALE.
à faire connaître la polyurie dite essentielle, met l'hystérie en
bonne place étiologique. Ainsi, dans sa thèse d'agrégation, la
grande névrose est incriminée sept fois, sur 51 cas de cause
connue, comme origine de l'hyperurination. Dans ses der-
nières leçons, il publie quatre nouveaux cas de polyurie alcoo-
lique. Il fait expressément remarquer que trois de ces malades
ont des attaques convulsives, hystériques, tout au moins chez
l'un d'eux.. Tout dernièrement encore, M. Déjerine 1 relatait
une observation de polyurie hystérique chez un homme de
vingt-neuf ans, grand alcoolique depuis l'âge de quatorze ans.
Nous ferons remarquer ici que notre malade est depuis long-
temps un grand buveur et qu'il se livrait fréquemment à de
copieuses libations. C'est à la suite des excès aigus qu'il a re-
marqué que, pendant plusieurs heures, il urinait souvent etbeau-
coup. Il a eu plusieurs fois par mois, l'occasion de faire cette
remarque. Peu à peu son attention s'est trouvée attirée sur
cette pollakiurie transitoire et éliminatrice. A l'état de veille, il
n'en était pas trop ému, mais il déclare dans l'hypnose que ce
fait l'avait assez vivement frappé. Il en est peu à peu résulté
une idée fixe, subconsciente tout au moins. Le jour où, à la
faveur d'une forte émotion, il est devenu franchement hysté-
rique, cette idée s'est développée, a grandi, est devenue enva-
hissante et a été l'origine d'une grande polyurie permanente.
La formation de cette idée fixe et son évolution ne sont pas
douteuses chez cet homme. Il est légitime de supposer que la
polyurie des hystériques, antérieurement alcooliques, reconnaît
une origine analogue.
C'est plutôt, à notre avis, dans les excès alcooliques aigus
que dans l'alcoolisme chronique qu'il faut rechercher cette
origine. Voici pourquoi. On sait que les boissons éthyliques,
prises à dose modérée, activent la sécrétion urinaire. Cette
sécrétion est très exagérée dans l'intoxication alcoolique aiguë.
Il est reconnu, au contraire, que le taux de l'urination baisse
dans l'intoxication chronique. Pour appuyer notre manière de
voir, nous ferons remarquer que M. A. Mathieu a explicite-
ment noté l'influence des excès alcooliques aigus dans cinq cas
de polyurie hystérique : « Ces malades, dit-il, après une bordée
plus ou moins prolongée, sont étonnés de voir qu'ils conti-
nuent à uriner en quantité excessive, alors qu'ont pris fin les
1 Déjerine. De la Polyurie nerveuse. (Médecine mod., 1893, p. 650.
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 4S9
excès passagers de boisson auxquels ils se sont livrés. » Quoi
qu'il en soit, c'est là un point qu'il serait intéressant de re-
chercher à l'avenir.
Nous avons tenu à insister sur la fréquence des excès alcoo-
liques, dans les antécédents des polyuriques authentiquement
hystériques.
Il serait logique de faire appel aux mêmes arguments, pour
montrer qu'un certain nombre d'hyperdiurèses nerveuses, attri-
buées aux émotions, aux refroidissements, aux maladies aiguës,
relèvent vraisemblablement de l'hystérie. Mais ici encore, plus
que ci-dessus, les bases d'une critique rigoureuse font défaut.
Nous ne voulons pas dire que tous les cas de polyurie sans
lésions dépendent de la grande névrose. Il y a, au moins, deux
variétés de polyurie nerveuse qui restent irréductibles. Ce sont
la polyurie héréditaire et celle des dégénérés 1, qu'on pourrait
peut-être confondre en une seule espèce. Les observations n'en
sont pas rares et nous ne rappellerons que celle de Weil. Il
s'agit d'une famille composée, dans quatre générations, de
92 membres. L'auteur put obtenir des renseignements expli-
cites sur 18 d'entre eux. Or, 23 de ces membres étaient polyu-
riques. Et les garçons qui n'avaient pas d'hyperdiurèse, pré-
sentaient tous un doigt-surnuméraire. On pourrait faire observer
que la plupart des hystériques, sinon tous, sont des dégénérés,
et que nosographiquement la polyurie des hystériques et celle
des dégénérés ne doivent faire qu'une. Mais cette déduction est
très critiquable. Dans tous les cas, l'assimilation au point de
vue clinique nous semble impossible.
En somme, il ressort de ces considérations que le domaine
de la polyurie hystérique s'est singulièrement accru, aux dé-
pens des polyuries alcoolique, émotive, traumatique, etc. En
deux ans, on a observé 22 cas dans les hôpitaux de Paris. Sa
rareté autrefois tenait simplement à notre ignorance de 1'liys-
térie masculine et des agents provocateurs primordiaux de la
névrose, tels que les émotions, l'alcoolisme, les traumatismes.
Dans l'ignorance où on était de l'hystérie mâle, on n'en re-
cherchait pas les stigmates chez l'homme. Or, presque tous
les cas de polyurie hystérique récents et authentiques con-
' Consulter : Ballet. Iib Thèse de Taboureau. Paris, 1888, et Soc. nzdd.
des /top., 1891. - Louis Guinon. De quelques troubles urinaires de
l'enfance. Thèse de Paris, 1889. Debost. De la Polyurie chez les
dégénérés. Tit. de Paris, 1892.
460 CLINIQUE MENTALE.
cernent des hommes. D'ailleurs, la présence de stigmates
actuels n'est pas indispensable. M. le professeur Debove' a
insisté sur l'existence d'une polyurie hystérique monosympto-
matique et en a communiqué deux exemples. Le fait rappelé
par M. A. Mathieu2 est très instructif à cet égard : un jeune
homme de vingt-cinq ans, ne présentant aucun stigmate d'hys-
térie, urine de 20 à 28 litres par jour. La thérapeutique habi-
tuelle n'amène aucun résultat. Un matin, Thiroloix lui fait
administrer, à l'insu de tous, des cachets de sel marin en le
persuadant de l'efficacité merveilleuse du médicament. Le taux
de l'urine tombe à 3 litres. Donc, les observations anciennes
de polyurie nerveuse simple, où la recherche des stigmates n'a
pas été faite [et où, en leur absence, la suggestion directe ou
indirecte n'a pas été tentée, ne valent plus et restent sujettes
à caution.
Nous arrivons maintenant à l'étude d'un point de la polyu-
rie hystérique, sur lequel l'attention n'a pas encore été appelée,
du moins à notre connaissance. Il s'agit du rôle pathogénique
des idées fixes et de la manière de l'interpréter. Ehrhardt a
bien relevé dans les antécédents de ses polyuriques les excès
d'alcool et l'incontinence nocturne d'urine, mais il ne les a
pas interprétés. « Dans les antécédents des malades, dit-il',
nous notons presque toujours dans leur enfance de l'inconti-
nence nocturne d'urine, qui se prolonge souvent assez tard,
mais n'est pour rien dans l'éclosion de la polyurie qui ne débute
que bien des années après. Ce trouble urinaire n'indique dans
l'enfance qu'un état névropathique précurseur de l'hystérie,
mais sans aucune influence directe sur la production d'une
polyurie dans l'avenir. 1
a Il est à remarquer que presque tous nos malades ont été des
alcooliques bien avant d'être des polyuriques. Il est évident
que l'alcool a pu préparer le terrain pour le développement
de la névrose et qu'il a joué le rôle d'agent provocateur de
l'hystérie. »
Nous pensons, au contraire, que l'incontinence nocturne
d'urine et les excès éthyliques sont pour beaucoup et ont une
' Debove. - Soc. méd. des larip., 1891, p. 571.
' Mathieu. Soc. méd. des ? 11 mars 1892.
3 Ehrhardt, loc. cit., p. 28. Sur 17 cas, en effet, rapportés par l'auteur,
l'incontinence nocturne est signalée 8 fois et l'alcoolisme 1G fois dans
les antécédents.
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 1161
influence directe dans le développement de la polyurie du-
rable des hystériques. Il est évident qu'un enfant, qu'un ado-
lescent qui pisse au lit, a l'attention attirée, l'idée fixée sur sa
triste infirmité. Les moqueries et les réprimandes d'une part,
et d'autre part les désagréments, les ennuis et les inconvénients
de cette incontinence, lui rappellent sans cesse le désagréable
souvenir de ce trouble urinaire. Point n'est besoin d'insister
sur ce chapitre. Que ce sujet devienne plus tard hystérique,
cette idée fixe consciente ou subconsciente, pourra grandir,
envahir l'esprit et devenir naturellement l'origine d'une hyper-
sécrétion urinaire. Cette réaction s'impose presque chez un tel
sujet, étant donnée l'existence d'une idée fixée depuis longtemps
sur une anomalie de l'urination. La filiation, toute logique, est
facile à concevoir. Les incontinents nocturnes urinent sinon
plus, du moins plus souvent que les sujets normaux. Presque
toujours, ils ont des besoins fréquents et impérieux pendant
le jour. Or, uriner souvent ou uriner beaucoup sont deux
choses que l'usage confond ensemble. L'enfant qui a de l'in-
continence nocturne, qui a des mictions fréquentes et impé-
rieuses diurnes, croit en réalité qu'il urine plus que normale-
ment. L'enchaînement logique des choses doit le conduire plus
tard à la polyurie. C'est du reste aujourd'hui un fait banal
dans l'interprétation des accidents hystériques. Il est de règle
que les hystériques aillent chercher, dans un souvenir frappant
de leur passé, l'origine d'une manifestation actuelle. Or, on ne
saurait dénier à l'incontinence nocturne d'être un fait saillant
dans la vie et de laisser dans l'esprit un souvenir marquant.
Un raisonnement analogue peut être invoqué pour expliquer
le rôle des excès alcooliques dans la production de la polyurie
hystérique. Qui boit beaucoup urine plus et plus souvent
qu'un sujet sobre. Il est logique de croire que cette hyperdiu-
rèse, consécutive aux grandes libations, peut et doit devenir
l'origine d'une idée fixe. La filiation des phénomènes est aisée
à comprendre. Le cas que nous avons étudié ne laisse aucun
doute sur ce point. S'il n'en était pas ainsi, comment pour-
rait-on expliquer la grande fréquence des antécédents alcoo-
liques chez les hystériques polyuriques ? -
Il est rationnel de supposer que les rares observations d'hy-
perdiurèse hystérique, sans incontinence nocturne ou sans
alcoolisme antécédent, relèvent également d'une idée fixe
d'origine génito-urinaire. Sur une seule des dix-sept observa-
462 CLINIQUE MENTALE.
tions étudiées par Ehrhardt, les antécédents d'alcoolisme ou
d'incontinence font défaut. Or, il est dit que cet homme, de
trente-cinq ans, avait eu plusieurs blennorrhagies, «une entre
autres, l'année dernière, compliquée de cystite et soignée à
l'hôpital du Midi. Envies très fréquentes d'uriner et urines san-
guinolentes. Instillation de nitrate d'argent. » Ces détails, pris
sans idée préconçue, sont très instructifs. N'est-il pas très
naturel qu'une idée fixe, d'ordre urinaire, .prenne origine au
milieu de tels accidents ?
C'est donc psychologiquement qu'il faut concevoir la polyu-
rie hystérique. Cette interprétation est conforme, d'ailleurs,
aux données générales que nous possédons actuellement sur
la grande névrose. C'est là un point qui mérite d'attirer l'at-
tention. Jusqu'ici, en effet, l'origine psychique des manifesta-
tions urinaires de l'hystérie n'a pas été explicitement démon-
trée. Il est vrai que, dans l'espèce, la recherche de l'idée fixe
présente quelques difficultés. Raison de plus pour ouvrir le
chapitre de l'hystérie waso-motrice, au point de vue du méca-
nisme psychologique.
Mais comment une idée fixe d'ordre urinaire parvient-elle à
réaliser cette polyurie ? Qu'une anomalie de la sécrétion ou de
l'excrétion urinaire attire et fixe l'idée d'un sujet, cela se
conçoit aisément. Il est moins aisé de comprendre le méca-
nisme intime par lequel cette idée fixe aboutit à la polyurie
durable. 11 est logique de supposer qu'elle [le fait en détermi-
nant un trouble vaso-moteur du côté des reins. Si ce trouble
vaso-moteur se localise sur les reins, c'est parce que ces
organes sont, pour ainsi dire, désignés d'avance par une ano-
malie urinaire antérieure, telle que l'incontinence nocturne,
l'hyperdiurèse transitoire des excès alcooliques, etc. L'inter-
médiaire obligé entre l'idée fixe et le syndrome urinaire semble
donc être un trouble vaso-moteur localisé aux reins. Certains
exemples de troubles vaso-moteurs localisés dans l'hystérie,
provoqués par une idée, sont indiscutables. L'oedème, produit
par suggestion, nous servira de témoignage et nous dispensera
de plus longs commentaires, car ici le trouble vaso-moteur est
visible, indiscutable et se fait, si on peut dire, sous les yeux de
l'observateur qui a suggéré l'idée d'un gonflement oedémateux.
Si le trouble vaso-moteur rénal, déterminé par l'idée d'un
ancien trouble quantitatif de la miction, ne peut être constaté
par les yeux, on peut du moins le juger par ses conséquences,
ÉTUDE DE LA POLYURIE HYSTÉRIQUE. 463
c'est-à-dire par la polyurie. Ce qui prouve, au surplus, l'exis-
tence et le mécanisme d'un tel trouble, c'est, comme l'ont
montré M. Babinski d'abord', et puis MM. Debove 2 et Ehrhardt3
la possibilité de faire disparaître ou reparaître la polyurie à
volonté, par suggestion hypnotique. L'observation de Thiro-
loix, rappelée plus haut, montre que la suggestion indirecte
peut arriver aux mêmes résultats. N'est-ce pas là, entre paren-
thèses, la meilleure preuve qu'on puisse fournir du rôle des
idées fixes dans la détermination de l'hyperdiurèse hystérique
et de la thèse que nous défendons ici ? Qu'est-ce que suggérer
sinon fixer une idée sur un point donné ?
Mais s'agit-il d'une action inhibitrice sur les centres vaso-
moteurs bulbo-médullaires d'où partent les nerfs vaso-moteurs
du rein ? Cette inhibition va amener la vaso-dilatation du sys-
tème vasculaire rénal, augmenter l'élévation de la pression
sanguine locale et produire l'hyperdiurèse. Ne s'agit-il pas
d'une action dynamogénique sur les centres sécrétoires du
rein ? Mais l'existence des nerfs sécrétoires du rein, et par con-
séquent de leurs centres, n'est rien moins que démontrée. Il
est donc beaucoup plus rationnel d'admettre la première
hypothèse qui est conforme à l'état actuel de nos connais-
sances anatomiques et physiologiques, et qui est justifiée par
ce que nous savons sur l'oedème hystérique.
Les résultats que nous avons rappelés, en parlant de la po-
lyurie traumatique, font supposer que la lésion qui la produit
doit siéger dans le bulbe. Les faits de polyurie organique par
lésions, siégeant en d'autres points du système nerveux central
et périphérique, s'expliquent dans cette hypothèse par un ré-
flexe partant du point lésé pour aboutir au bulbe. Or, c'est
précisément dans le bulbe que les physiologistes placent les
centres vaso-moteurs. De quelle manière l'idée fixe, dans la
polyurie hystérique, influence-t-elle ces centres ? On peut sup-
poser que l'idée fixe est le point de départ d'un réflexe cortical
qui vient aboutir aux centres vaso-moteurs bulbaires du rein
et les inhiber. La polyurie par suggestion légitime cette hypo-
thèse, sans qu'il soit besoin de supposer un centre vaso-
moteur rénal, situé dans l'écorce cérébrale. Donc, en pensant
1 Babinski. Polyurie hystérique. Influence de la suggestion sur
l'évolution de ce syndrome. (Soc. med. des hôp., 1891, p. 568.)
s Debove. Soc. 12zéd. des hôp., 1891, p. 581.
3 Ehrhardt, loc. cit.
464 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
anatomiquement et physiologiquement d'une part, en tenant
compte des analogies d'autre part, on est autorisé à admettre
une action inhibitrice psychique sur les centres vaso-moteurs
rénaux, qui entraine la vaso-dilatation, l'augmentation de la
pression sanguine du rein et par suite la polyurie.
En résumé, si la pathogénie par idée fixe de la polyurie
hystérique semble indiscutable, sa physiologie pathologique
est, au contraire, tout hypothétique. Il ne peut en être autre-
ment, puisque la physiologie de la sécrétion urinaire normale
est encore sujette à discussions. Quoi qu'il en soit, on peut
dégager des considérations précédentes ces deux conclusions :
1° La polyurie hystérique durable est beaucoup plus fré-
quente qu'on n'a cru. Plusieurs des anciennes observations de
polyurie alcoolique, émotive, traumatique, etc., doivent au-
jourd'hui rentrer dans son cadre. Elle ne saurait cependant
englober tous les cas de polyurie sine materia. La polyurie
héréditaire des dégénérés, tout au moins, forme une catégorie
distincte et irréductible ;
2° La polyurie hystérique est la conséquence d'une idée
fixe d'ordre urinaire. Cette idée fixe a son origine dans l'exis-
tence antérieure, chez le sujet, d'un trouble urinaire polla-
kiurique ou hypersécrétoire (excès alcooliques aigus, inconti-
nence nocturne d'urine, etc.). L'idée inhibe probablement
les centres vaso-moteurs du rein, ce qui entraîne une vaso-
dilatation rénale, c'est-à-dire la polyurie.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS MÉDUL-
LAIRES DE LA SYPHILIS ET EN PARTICULIER DE LA
MÉN1NGO-MYÉLITE SYPHILITIQUE ;
Par H. LA111Y 1
HISTORIQUE. Etat actuel DE la QUESTION. La syphilis
médullaire n'a été l'objet que d'un nombre assez restreint de
1 Note présentée' a l'Académie de Médecine par M. le D' François
Franck (séance du 10 octobre 1891).
LA 111ENINGO-1111LLITE SYPHILITIQUE. 46S
recherches, comparativement à la grande quantité de docu-
ments que nous possédons sur la syphilis cérébrale. Cette
pénurie relative s'explique par des raisons multiples.
Outre leur fréquence moindre que celle des localisations
cérébrales, les accidents spinaux sont beaucoup moins variés
cliniquement que ceux-ci. La moelle n'a pas mille façons de
réagir comme le cerveau; les myélites syphilitiques ont de
grandes ressemblances avec d'autres myélopathies aiguës ou
chroniques, et elles n'en ont pas toujours été distinguées.
La rareté des autopsies, pratiquées dans des conditions favo-
rables d'observation, fait comprendre comment l'histoire ana-
tomo-pathologique de ces myélites s'est constituée si lente-
ment. Les formes graves rapidement fatales sont l'exception ;
et les examens anatomiques ont été surtout pratiqués à l'occa-
sion de lésions déjà anciennes, ayant plus ou moins perdu
leurs caractères spécifiques du début.
Enfin il faut incriminer, jusqu'à ces dernières années, l'in-
suffisance de moyens d'investigation. On sait positivement
aujourd'hui que des lésions considérables de la moelle peu-
vent passer inaperçues à l'oeil nu. Dans la première moitié de
ce siècle, on ne concevait comme détermination 'médullaire
possible de la vérule, que les tumeurs gommeuses intra-rachi-
diennes, ou les exostoses vertébrales agissant par compression
(Vidai de Cassis). De myélite syphilitique, il n'était pas
question ; et lorsque dans une autopsie de paraplégie syphili-
tique, par exemple, on ne trouvait aucune lésion grossière de
ce genre, on déclarait simplement que la paraplégie était de
nature fonctionnelle.
Si bien qu'il y a vingt ans, on possédait au total quatre ou
cinq faits de syphilis médullaire authentique, publiés avec au-
topsie. Mais la période contemporaine semble avoir pris à
tâche de combler cette lacune. En France et en Allemagne
surtout, les publications deviennent chaque année plus nom-
breuses, jusqu'à l'emporter sur celles qui concernent la syphilis
cérébrale actuellement mieux connue.
Les examens microscopiques démontrèrent que, à l'autopsie
des syphilitiques qui succombent avec des accidents spinaux,
l'infiltration plus ou moins diffuse de la moelle.se rencontrait
beaucoup plus fréquemment que les lésions spécifiques gros-
sières (Heubner, Homolle, Julliard, etc.). Le processus de la
lésion était d'ailleurs bien conforme à celui des néoformations
Archives, t. XXVIII. 30
466 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
. syphilitiques en général. Il existait donc des « myélites syphi-
litiques ». Ce diagnostic que Ricord n'avait jamais osé formu-
ler, même en présence de cas qui l'embarrassaient singulière-
ment, fut couramment porté dans la pratique médicale.
L'étude attentive de ces myélites conduisit à faire une part
importante aux altérations des vaisseaux nourriciers de la
moelle (Greiff, Rumpf, Moeller, Lancereaux, etc.). On admit,
dès lors, une arlérite médullaire syphilitique comme il y aune
artérite cérébrale. En 1889, Gilbert et Lion réunissaient dans
un important mémoire tous les faits connus jusque-là de syphi-
lis médullaire précoce, et proposaient une classification ration-
nelle des diverses formes anatomiques observées.
En résumé, on admet généralement aujourd'hui que la
syphilis peut engendrer directement des myélites (aiguës ou
chroniques) non systématiques. La dégénération systématisée
primitive des éléments nerveux, si elle a lieu chez les syphili-
tiques (ceux qui deviennent tabétiques par exemple) ne serait
que le résultat d'une action directe et encore mal connue du
virus syphilitique (maladies parasyphilitiques de Fournier).
Tout n'a pas été dit, tant s'en faut, sur les myélites syphili-
tiques ; et les faits anatomiques surtout, minutieusement
observés, sont encore accueillis avec empressement par tous
ceux qui s'intéressent à ce sujet. A-t-on même répondu victo-
rieusement à cette objection formulée encore actuellement
par quelques bons esprits portés au doute par la prudence :
à savoir que la syphilis peut très bien n'avoir ici qu'une
influence prédisposante et ne pas agir par lésion directe ? 2
La solution définitive que la bactériologie pourra fournir
un jour à cette question, empreinte sans doute d'un scepti-
cisme exagéré, nous n'oserions affirmer que l'anatomie patho-
logique et la clinique l'aient encore donnée. Nous nous
sommes efforcés d'y contribuer par nos recherches person-
nelles.
RECHERCHES PERSONNELLES. Elles ont porté sur la partie
clinique et analomo-pathologique du sujet. Enfin nous avons
cherché à déterminer expérimentalement quelle pouvait être
la part des lésions vasculaires dans les myélopathies syphiliti-
ques.
I. Étude clinique. La division suivante nous parait la
plus conforme aux faits :
LA MÉNINGO-MTÉLITE SYPHILITIQUE. 467
A. Méningite syphilitique spinale.
l3. - Méninge-myélite. ,
C. Myélite.
A. La méningite syphilitique spinale pure sans participation
de la moelle est extrêmement rare. Nous en avons rapporté
deux cas |bien nets'. Dans les deux cas elle était associée à
la méningite cérébrale de la base, et elle était compliquée de
névrites radiculaires au niveau du renflement cervical.
Nous avions insisté sur la signification de la rachialgie Moc-
turne dans cette forme, en tout point comparable à la céphalée
nocturne des syphilitiques. La méningite est la plus favorable,
au point de vue pronostique, de toutes les variétés de syphilis
spinale, la plus accessible au traitement. Dans une de nos
observations, la guérison fut obtenue complètement en l'es-
pace de quelques semaines, malgré un commencement d'atro-
phie dans les membres supérieurs.
B. La ? K6H ! 'nyo- ? ? ! yë/<<e présente deux phases distinctes dans
son évolution clinique :
a. La période prodromique ou méningitique répond au
tableau clinique de la méningite spinale. Dans certains cas,
elle est caractérisée par des accidents cérébro-spinaux. Les
phénomènes cérébraux sont alors généralement les premiers
en date. Ce sont des céphalées, des troubles de la vision, et
des paralysies dans le domaine des nerfs crâniens, indiquant
une localisation méningée vers la base de l'encéphale. Puis
l'envahissement des enveloppes médullaires se traduit à son
tour par la rachialgie (souvent à paroxysmes nocturnes), les
élancements douloureux, la rigidité du rachis.
Dans une troisième étape la moelle est atteinte à son tour
elles paralysies spinales se produisent. Cette évolution, cette
marche descendante de la méningite syphilitique du cerveau
vers la moelle est tout à fait typique. Il est à remarquer que
c'est presque toujours la méningite cérébrale de la base qui
inaugure cette série d'accidents.
b. A la période des paralysies, l'ensemble symptomatique
st beaucoup moins caractéristique. On a sous les yeux le plus
souvent une myélite transverse dorsale, sous forme de para-
1 L'une dans notre thèse sur la ]Ié)iingo-myélile syphilitique (Paris,
1893), l'autre dans l'Iconographie de la Salpétrière (1894).
468 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
plégie avec participation des réservoirs. Ou bien c'est une
hémipai,aplégie,çpinale avec syndrome de Brown-Séquard.
Désormais, l'évolution du mal a beaucoup moins de chances
d'être modifiée par le traitement, qui agit si efficacement sur
les déterminations méningées.
Les éléments les plus précieux du diagnostic sont fournis ici,
non par les symptômes spinaux à proprement parler, mais par
les caractères de la phase prémonitoire et la coexistence des
accidents cérébraux mentionnés plus haut.
C. Myélite. Dans un assez grand nombre de cas, la
moelle parait atteinte primitivement, en ce sens que les phé-
nomènes d'irritation méningée, observés dans la variété pré-
cédente, font défaut ou sont insignifiants.
Les formes cliniques les plus communes, de beaucoup ont
une marche chronique. On est encore le plus souvent en pré-
sence du syndrome bien connu de la myélite transverse. Rien,
au point de vue symptomatique, ne semble spécial à la syphi-
lis. Ajoutons cependant qu'il n'est pas rare de rencontrer des
cas qui présentent comme une ébauche du type précédent : un
vestige de paralysie oculaire, une atrophie papillaire, des cé-
phalées nocturnes à l'origine, etc...
Les formes aiguës, bien que plus rares, ne sont cependant
pas exceptionnelles. Elles consistent généralement en para-
plégies à début rapide, parfois soudain, beaucoup plus accen-
tuées que dans les variétés qui précèdent, accompagnées de
paralysie absolue des sphincters, de troubles profonds de la
sensibilité et surtout compliqués de troubles trophiques graves
(eschares à extension rapide).
Ces formes aiguës sont des plus redoutables parmi les com-
plications nerveuses de la vérole. Elles peuvent amener la
mort en un mois, deux semaines, quelques jours. On peut
reconnaître dans leurs manifestations cliniques l'ensemble des
phénomènes que l'on considère généralement comme liés à la
destruction de colonne grise centrale médullaire, et qui carac-
térisent les myélites centrales aiguës. Elles semblent plus parti-
culièrement liées aux lésions des vaisseaux nourriciers impor-
tants de la moelle. Le traitement ne paraît avoir aucune action
sur elles.
Remarque sur le pronostic de la syphilis médullaire en
général. - Il nous paraît bien établi que les accidents médul-
LA 11Z&NINGO-11ZYLITE` SYPHILITIQUE. 469
laires de la vérole sont loin d'avoir donné à la thérapeutique
d'aussi beaux succès que les phénomènes cérébraux. Sans doute
les complications mortelles sont rares en ce qui concerne la
moelle ; mais il faut reconnaître que les guérisons radicales
des lésions médullaires parvenues à la période des paralysies
sont rares. Les myélites aiguës ou chroniques, une fois consti-
tuées, parcourent leur évolution suivant le mode des affections
similaires indépendantes de la syphilis.
Nous savons, au contraire, combien les symptômes ménin-
gés cèdent facilement, d'où l'indication d'intervenir d'une
façon énergique dès qu'apparaissent les prodromes que nous
avons étudiés.
II. Étude anatomo-pathologique. La méningite spi-
nale guérit ou bien elle se propage à la moelle. Les examens
anatomiques qu'il nous a été donné de faire se rapportent au
type de la méningo-myélite. C'est à cette forme anatomique
que les accidents précédemment étudiés semblent ressortir le
plus souvent. Nous avons rencontré la pachyméningite avec
envahissement secondaire de la moelle, et la leptomyélite.
A. La pachyméningite propagée à la moelle correspond aux
formes cliniques dans lesquelles les prodromes méningés ont
été très marqués. Elle a tendance à envahir surtout la demi-
circonférence postérieure de la moelle. L'envahissement des
cordons postérieurs rend compte des phénomènes pseudo-
tabétiques observés dans certains cas (rg. 12). La pachymé-
ningite spinale syphilitique parait avoir une prédilection mar-
quée pour la région cervicale. Souvent elle est associée à des
- Fig. 12. Fachvmeningite spinale sypnniuque avec unvamssemem z
secondaire de la moelle (région cervicale).
470 ANATOMIE PATHOLOGIQUE,
lésions méningées du côté de la base du cerveau, des nerfs
cérébraux, du chiasma en particulier.
B. La leptomyélite syphilitique ne donne souvent lieu clini-
quement à aucun signe d'irritation méningée. Elle correspond
donc aux formes dans lesquelles la moelle parait touchée pri-
mitivement (fig. '13).
Le point de départ des lésions médullaires est dans la pie-
mère et l'espace sous-arachnoïdien. Dans les lésions de date
récente, on y constate une infiltration néocellulaire compacte
se propageant dans la moelle le long des travées conjonctives
de la pie-mère.
Fait de la plus grande importance, les vaisseaux nourriciers
(artères et veines spinales) sont altérés d'une façon constante
dans cette variété de leptomyélite (fig. 14).
Les éléments nobles de la moelle sont donc exposés à deux
causes de destruction : l'infiltration cellulaire intense (tissu de
Fig. 13. Leptoméningte syphilitique avec intégrité de la moelle.
Fig. 14. Périartérite ancienne dans un cas de lel)toin3,lito$-pliili-
tique (artère spinale antérieure).
LA. MÉNINGO-MYELITE SYPHILITIQUE. 471 l'
granulations de Virchow) qui les refoule, les comprime
(fig. 15) - et l'ischémie par oblitération des vaisseaux nourri-
ciers spinaux.
C'est principalement la colonne grise centrale qui parait
souffrir de l'insuffisance de l'irrigation sanguine. Et ce fait
cadre assez bien avec la prédominance des lésions vasculaires
dans les formes qui rappellent, aussi bien au point de vue
clinique (fig. 16) qu'au point de vue anatomique, les myélites
centrales aiguës.
Caractères spécifiques des mé21121go-myéli«tes syphilitiques.
On ne saurait guère les rechercher que dans les lésions
récentes. Ayant eu précisément l'occasion d'examiner la moelle
d'un individu qui avait succombé dans le cours de la troisième
semaine à une paralysie syphilitique grave, nous avons pu
constater au microscope : 1° une infiltration diffuse de la
moelle sur une hauteur limitée de la région dorsale. Cette
infiltration prenait par endroits l'apparence du tissu de 92,anit-
lations, et on pouvait constater sur les coupes l'existence de
véritables petits foyers gommeux miliaires, avec nécrose par-
tielle (flg. 15). ,, }
2° La pie-mère, point de départ de l'infiltration cellulaire en
question, présentait par endroits de véritables granulations
embryonnaires dont quelques-unes étaient pourvues de cellules
géantes. ' z
. 3° Les altérations des vaisseaux nourriciers de la moelle
- Fig. 15. Foyer de ? ? ? t0-m ?
smp. scptum médium postérieur, iiifiliré de cellules rondes; vp, veinule de la pic-
mere oblitérée;pm, pie-mère épaissie et infiltrée; fy, foer gommeux intra-médullatrc.
(D'après une photographie microscopique. Coloration par la méthode de Pal
et le micro-carmin.)
472 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
offraient comme particularités : de débuter nettement par la
tunique externe, conformément à l'opinion de MM. Lancereaux
et Baumgarten au sujet de l'artérite syphilitique, d'être
infiniment plus accentuées dans les veines que dans les artères
(fait déjà constaté dans la syphilis médullaire par Siemerling,
Godflam, etc.), enfin, d'aboutir dans quelques vaisseaux
à la formation de foyers gommeux intra-pariétaux (fig. 17).
Fig. 16. - Ao- ? ? /6e syphilitique (forme aitié).
Coupe transversale de la région dorsale supérieure.
A, A', Exsudais colloïdes de la substanre grise (occupant en A), la gaine d'un vais-
seau, la substance grise parait raréfiée; B, (3' foyers de tubes neveux dégénérés, ils
sont tous orientés dans le sens des travées de la Les lésions sont analogues à
celles des myélites centrales aiguës.
Fig. 17. Phlébite spinale syphilitique.
Coupe transversale de Tarière et de la veine spinales antérieures.
A, artère absolument saine; B, veine dont les parois sont considérablement infiltrées et
la lumière réduite à une fente; en C, foyer de nécrose intra-pariétale.
LA MÉNINGO-1lYLITE SYPHILITIQUE. 473
Remarque. Il convient d'ajouter que, parmi les maladies
infectieuses communes, la tuberculose seule parait capable de
créer des lésions anatomiquement identiques aux précédentes.
La distinction sera toujours possible dans la pratique.
La conclusion la plus importante qui se dégage de nos re-
cherches anatomiques est la suivante. Les myélites des syphili-
tiques présentent, sinon toujours, au moins dans certains cas,
des caractères anatomiques assez particuliers pour permettre
d'affirmer qu'il existe des myélites syphilitiques légitimes, et
entre autres des myélites aiguës.
III. Etude expérimentale. Elle a été entreprise dans
le but de déterminer la part exacte qui revient à l'oblitération
des artères spinales dans le mécanisme des lésions précédentes.
Nous avons adopté, en le modifiant, le procédé imaginé par
Flourens et usité ensuite par Panum et Vulpian pour pro-
duire des embolies capillaires dans les artérioles médullaires.
Comme ces auteurs, nous avons employé à cet effet la poudre
de lycopode en suspension dans un liquide.
Ces expériences, commencées en 1891 dans le laboratoire de
M. François-Franck, nous nous proposons de les poursuivre et
d'en tirer tous les renseignements qu'elles sont susceptibles
de donner sur les troubles vasculaires de la moelle.
Actuellement déjà les résultats auxquels nous sommes arri-
vés 'ne manquent pas d'intérêt. En opérant sur des chiens,
nous nous sommes efforcés : 1° de ne pas produire de grands
désordres anatomiques dans la moelle; 2° d'éviter les embolies
dans les membres inférieurs; 3° de ne pas amener la mort
immédiate de l'animal.
Nous y sommes parvenus dans plusieurs cas. La moelle pa-
raissait saine à l'oeil nu, et le microscope a montré que les
grains de lycopode avaient parfaitement pénétré dans les ar-
térioles, en suivant principalement le trajet de l'artère spinale
antérieure, mais non exclusivement. On peut retrouver les
granulations jusque dans les ramuscules qui pénètrent dans
les cornes et ceux qui cheminent verticalement de part et
d'autre du canal de l'épendyme'. Or, dans tous les cas, nous
avons retrouvé la même lésion, consistant en foyers de 2,a ? nol-
' Ces derniers sont généralement considérés comme des veines; c'est
une erreur. La poudre de lycopode ne traverse pas les capillaires; et
injectée par la voie artérielle, elle pénètre dans les vaisseaux paraépen-
dymaires. Adamkiewicz a déjà relevé cette erreur anatomique.
474 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
lissement hémorragique exclusivement situés dans la substance
grise. Il nous a paru que le lieu d'élection de ces petits foyers
était au voisinage du canal de l'épendyme.
Les fibres nerveuses de la substance blanche présentent au
bout de plusieurs jours seulement des lésions dégénératives.
Sans aucun doute, cette systématisation n'est qu'affaire de
degré dans l'étendue de l'oblitération vasculaire. Une quantité
plus considérable de substance pulvérulente injectée eût amené
des embolies telles que la moelle entière eût offert l'aspect du
ramollissement rouge. Mais le fait mérite d'être noté, car il dé-
montre que, dans le cas d' oblitérations artérielles uniformément
réparties dans un segment de moelle, c'est la substance grise qui
subit la première les effets de l'insuffisance circulatoire. C'est
ce qui ressort des expériences d'Ehrlich et Brieger, de Spranck
sur l'ischémie de la moelle par la compression de l'aorte. Il y
a là, ce nous semble, un rapprochement à établir entre les
résultats de ces embolies médullaires et ce qui se passe dans
les myélites centrales aiguës, ou dans les myélites à marche
rapide des syphilitiques. N'avons-nous pas vu que celles-ci
étaient caractérisées par la prédominance des altérations vas-
culaires ? Ajoutons que le système circulatoire dans la moelle
lombaire du chien étant le même que dans la moelle de
l'homme, le rapprochement n'a rien de forcé.
Dans une publication ultérieure, nous nous proposons de
faire connaitre en détail le mode expérimental que nous
avons suivi et les lésions consécutives que nous avons cons-
tatées. Nul doute que les applications de ces données expéri-
mentales ne s'étendent d'ailleurs au delà du domaine de la
syphilis médullaire.
1 La technique expérimentale que nous avons suivie et les lésions
anatomiques immédiates que nous avons pu produire seront l'objet
d'une note dans le prochain numéro des Archives de physiologie.
PATHOLOGIE MENTALE.
LES DELIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS
SOUS LE NOM DE PARANOÏA ;
, \
Par le D' P. KERAVAL,
Médecin en chef des asiles de la Seine.
Les nombreux travaux écrits sur les délires dans lesquels
il existe des idées de grandeur et des idées de persécutions,
vagues ou précisées, coordonnées ou non, associées ou disso-
ciées, plus ou moins organisées, cohérentes, systématisées,
justifient, croyons-nous, une étude d'ensemble, ne fût-ce que
pour fixer le vocabulaire international et rendre accessible à
tous la lecture de mémoires ou d'observations toujours intéres-
sants mais incompris, le dictionnaire ne fournissant nullement
l'explication technique des termes qne nous allons avoir à ana-
lyser.
Les fameuses discussions delaSociété médico-psychologique
et les récents travaux de la Société psychiatrique de Berlin
(1893-1894) n'ont pas davantage établi pareille synthèse d'au-
tant plus nécessaire que, comme on va le voir à l'instant, la
terminologie scientifique est loin d'être une entre les savants
d'un même pays.
L'historique de la question, tracé par Cramer', rend
compte de l'indécision dans laquelle a plané l'esprit des
meilleurs psychiatres. Il montre, en même temps, la signifi-
cation des termes successivement employés par les créateurs
des entités morbides, dont nous aurons à nous occuper ici et
permet de classer les théories que ces termes désignent. Nous
croyons devoir l'emprunter presque en entier au mémoire de
' AGg·eazactg mad Di/Jérenlial-cliagtose cler Paranoïa, (Allg. Zeilseh
f. l'srchial., LI. 2.) .
476 PATHOLOGIE MENTALE.
M. Cramer. Puisqu'il s'agit de vocabulaire, il est légitime de
procéder par citations.
Cet historique montre aussi d'emblée que les délires en
question ont été appelés paranoïa, Wahnsinn, VerrMC/te,
Veruurrtheit, amentia, délire asthénique, et qu'ils n'ont rien à
voir, ce que nous admettrons volontiers, avec la manie et la
mélancolie pures. Soit dit, en attendant la définition qui natu-
rellement ne peut résulter que de l'examen des sens attribués
par les auteurs aux mots ou expressions dont ils ont été les
inventeurs en les détournant de leur sens ordinaire le plus
souvent.
Voici donc ce que dit M. Cramer. Ses- interprétations ont,
on nous l'accordera volontiers, la plus grande valeur, puisqu'il
apprécie et explique les termes et doctrines des aliénistes de
son pays.
I. HISTORIQUE.
La Veîi,üe4htlieit d'Hoffmann (1862) est une maladie men-
tale, prenant naissance à la suite d'hallucinations sensorielles,
d'interprétations et d'impulsions morbides (chimères) qui agis-
sent sur le jugement, les sentiments et les actes, et peuvent
devenir la base d'un système de conceptions organisées. Cet
auteur distingue : une Ve2,rücktheil mélancolique une
Verrùcktheit exaltée une Ve2,riiekthei*t hallucinatoire
une Veî-7,iiektheit instinctive.
De l'aveu de tous, Snell, en l8Gâ, sous le nom de mono-
manie, décrit la forme chronique de la Paranoïa, dans la genèse
de laquelle les hallucinations jouent le premier rôle, bien que,
comme il le dit lui-même, en quelques cas rares, les idées déli-
rantes s'organisent en l'absence d'hallucinations sensorielles,
et envahissent à ce point la personnalité du malade que ce
mode de falsification primitive de l'idéogénèse pervertie ou
dérangée (verrùckt) doive être tenu pour tout à fait analogue
à l'hallucination sensorielle, et considéré comme un élément
tout aussi important que l'élément hallucinatoire. Cette idée
du délire organisé primitif (/) ? ' : Mïoe ? 'e Ve ? ' ? 'MC/Ae) finit par
être acceptée par Griesinger ('1867) qui inspire en 1868, le tra-
vail de Sander sur ce qu'il appelle la Ven'McAe originoere;
malheureusement, ainsi que le fait remarquer Neisser, il existe
des contradictions entre la description nosographique du texte
et les observations présentées.
DE LA PARANOÏA. 477
En 1876, Westphal insiste sur l'anomalie du travail con-
ceptuel qui, indépendamment des éléments anormaux pro-
duits par les hallucinations, parfois absentes du reste, fabri-
que de toutes pièces les conceptions morbides qui, s'emparant
de la personnalité, en jouent à leur guise; celle-ci présente,
secondairement, des sentiments conformes aux idées qui lui sont
imposées par l'idéo"énèse vicieuse. Ce délire organisé (Verrùck-
theil) pourrait, d'après Westphal, succéder à l'hypochon-
drie par le mécanisme des idées de persécution d'origine
primitive, engendrant à leur tour des idées de grandeur, mais
il pourrait aussi survenir d'emblée, sans stade hypochon-
driaque préalable, par la création spontanée d'idées délirantes
indélébiles. Il y a bien, dans l'espèce, dislocation (Veî-î-ücklheit)
dans la forme de la pensée, mais non dans la liaison des idées,
car les allures du malade se ressentent de ce qu'il pense. Il
peut aussi se produire non de la déviation dans la forme de la
pensée, mais une dislocation de l'enchaînement des idées qui
peut aller à la confusion ( Veî,ivii,î,ttng), et dans ce cas il existe
des troubles moteurs correspondants. Enfin la même maladie
peut commencer par une brusque poussée d'hallucinations,
principalement de l'ouïe. Quoi qu'il en soit de ces trois modes
de développement delà Ve·rziclctheit, Westphal refuse toute
valeur à la débilité mentale, que l'on rencontre parfois, entant
que caractère de la maladie en question, débilité, suivant lui,
préalable et non consécutive à l'affection mentale. S'il est, à
côté de cela, le premier qui ait parlé du développement et de
la marche aiguë de la Verrùcktheit, il n'a pas caractérisé cette
forme en termes plus précis. Il reconnaît en revanche l'exis-
tence de l'entité de Sander, refuse à la catatonie de Kahlbaum
le droit de cité comme modalité morbide, et construit une
Verrùckhteit abortive due à des obsessions.
Schoefer a continué la Fen'MC/Ae ! '< de Westphal, mais il l'a
appelée Wahnsinn. Elle consiste en ceci que des idées, en soi
probables ou soutenables, ou au contraire immotivées, pren-
nent corps, comme si elles étaient des réalités, et fussent-elles
extravagantes, elles entrent dans le cercle des préoccupations
de l'activité cérébrale et en constituent l'aliment ordinaire, de
sorte que l'individu est convaincu de leur importance et accepte
ces chimères comme vraies. En même temps les hallucinations
sensorielles, qui ne sont dans aucune psychopathie aussi fré-
quentes que dans celle-ci, viennent alimenter le délire ; elles
478 PATHOLOGIE MENTALE.
ne font d'ordinaire point défaut pendant la période de créa-
tion des idées délirantes, au moment des exacerbations de
la maladie, à la période de transition d'une phase à une autre,
comme par'exemple, des idées de persécution aux idées de
grandeur. La continuité des excitations sensorielles, sans cesse
renouvelées, entraîne l'idéation aux mêmes conclusions déli-
rantes, annihile ou chasse de l'entendement les conceptions
restées saines, et supprime le sens [critique. Ainsi s'organise
un nouveau monde de conceptions qui alimente la personnalité,
modifie ses anciennes manières de voir, ou les accommode aux
conceptions délirantes ; l'activité corticale doit être au reste
transformée par la modification de la sensibilité sensorielle ;
l'altération primitive du territoire sensoriel constitue en somme
une force pathologique. Ce mécanisme épouvantable de la
folie systématique justifie, ajouterons-nous à notre tour, le
choix de l'expression Wahnsinn qui se compose des deux mots
allemands Wahn (délire) et Sinn (sens). Mais Schoefer en
admet : une forme simple une forme hypocondriaque z
qui peuventêtrel'uneet l'autre aiguës ou chroniques. Les types
aigus auraient pour facteur principal les hallucinations. Il y
rattache aussi la forme originelle de Sander.
Merklin, reprenant le terme de Verrüclctheit adopté par
Westphal, décrit la Ve2,2,iiektheit chronique simple avec son
sous-groupe délire de chicane ou des persécutés persécuteurs
(Quoerulantenwahnn) et la Verrücktheit aiguë ; dans un autre
travail, il sépare la confusion mentale ( )'<6W<Ae) de la
Verrücktheit.
Buch confirme les travaux de Westphal sur ce sujet.
Qu'on nous permette d'arrêter un instant cet historique si
précis de Cramer, pour poser quelques jalons terminologiques et
doctrinaux. Nous voyons jusqu'ici qu'en ce qui concerne le délire
cohérent, systématique, organisé, cristallisé, primitif, il ne saurait
y avoir qu'unanimité. L'interprétation ne peut varier. A son état de
parfait développement c'est une dislocation, une perversion du tra-
vail cérébral qui engendre de toutes pièces.des conceptions fausses,
délirantes, et qui mérite le nom de Verrüchllaeit chronique vu la
signification de ce terme, ou de Wahnsinn chronique si l'on veut faire
la part extrêmement importante et juxtaposée du délire (Wahn) et
des hallucinations sensorielles (Sinn). Mais il faut ajouter chronique.
Où l'embarras survient, c'est quand les auteurs prétendent appré-
cier lerôle des poussées hallucinatoires, du désordre intellectuel avec
subagitation, des obsessions de l'affaiblissement des facultés, et de
DE LA PANAROIA. 479
l'état du sentiment (dépression, excitation), qu'ils ont réellement
observés, mais à des degrés divers, et qu'ils entendent diversement
interpréter. On voit alors le même terme, parfaitement approprié
à la désignation irréductible et logique du caractère indéniable
d'un type morbide (systématisation), être appliqué à une forme
toute différente dans son dessin pathologique. On voit ce terme
associé à une épithète qui consacre à juste titre cette différence,
mais jure à cûté du terme même. La traduction complète devient
impossible dans une langue autre que la langue allemande, et
l'interprétation du la nouvelle expression impressionne pénible-
ment les Allemands eux-mêmes, qui ne sont pas plus capables que
les étrangers d'y retrouver la maladie que cette expression a pré-
tendu consacrer. En effet, si les expressions : Chronische Verrilek-
theit, chronischer Wahnsinn, Chronica paranoïa doivent se traduire
par l'expression correspondante de folie systématique chronique
qu'elles signifient réellement dans le fonds et la forme, d'après
les six observateurs que nous venons d'analyser, comment veut-on
qu'on trouve l'équivalent vrai de : Verruektheit ballucinatorische,
melancolische, instinctive, abortive, acute, Wahnsinn acuter, etc.
Que venons-nous d'observer en réalité ? 10 LaVerrhûcktheit
d'Hoffmann désigne trois espèces : mélancolique, hallucina-
toire, - instinctive.
Evidemment, il s'agit ici à la fois de la folie systématique chro-
nique à phases et surtout à nuances variables que les successeurs
d'Hoffmann ont minutieusement décrite, et de délires plus ou
moins cohérents rangés au gré des observateurs sous les noms de :
mélancolie délirante , folie instinctive, mélancolie avec idées de
persécutions, délire général hallucinatoire avec idées de gran-
deurs et de persécutions mal liées, etc...
2° La monomanie de Snell désigne très expressément la combi-
naison ou la non-coordination des idées délirantes et des halluci-
nations de la folie systématique chronique (paranoïa chronica.)
3° Le délire organisé primitif de Griesinger désigné sous le nom
de Yerrucktheit primoere est bien une folie systématique chro-
nique, mais Sander préfère l'appeler folie systématique originelle
(originoere Yerrüchtheit); seulement, comme le fait remarquer
M. Cramer, après M. Neisser, il y a déjà des contradictions entre
le texte nosographique de l'auteur et les observations qu'il donne.
4° Avec Westphal, apparaît la netteté du délire systématisé
chronique; le rôle des hallucinations et des idées délirantes de
grandeur et de persécutions ressort des plus caractérisés dans le
délire systématique chronique primitif et primitif originel (Sander)
Qu'il puisse se produire par obsessions, et que, celles-ci n'étant que
des idées délirantes imparfaites, la Verrùcktiaeit mérite la qualifi-
cation d'abontive, cela importe peu et ne trouble en rien l'interpré-
tation du niotverrücktheit et de la maladie qu'il couvre. Qu'il y ait
480 PATHOLOGIE MENTALE.
aussi un délire systématique avec désordre dans les idées et les actes,
ou confusion mentale (Ve ? -wii@i-u71g), cela est admissible, en certains
cas au moins et dans des conditions qui se préciseront ultérieure-
ment. On peut encore admettre un délire systématique mélanco-
lique et hypochondriaque.
Mais que dire de la Ve ? ,7,ùcklheit aiguë créée par Westphal et non
précisée par lui, dans laquelle, d'après Schoefer et Mercklin, il y
aurait les mêmes éléments morbides que dans la folie systématique
chronique, mais non plus amalgamés et enchaînés comme dans
cette dernière ; tout au contraire, ils sont en état de perpétuelle
mobilité et ne peuvent, par suite, se constituer en système de dé-
lire. Il est donc bien difficile de traduire ou d'expliquer en Fran-
çais ou en allemand, le Wahnsinn acuter ou la Ve ? ')'MeA</[e ! < actile,
par l'expression de folie systématique aiguë. Folie aiguë ne ren-
drait pas le sens de Verrûchlheit; délire aigu à tendances systéma-
tiques, encore peu cohérent, conviendrait mieux. M. Schoefer d'ail-
leurs, n'y regarde pas de si près, car, après avoir décrit le Wahnsinn
type, dont l'essence est en réalité chronique, il en admet une forme
simple, et une forme hypochondriaque, pouvant à leur tour être
chacune aiguë ou chronique. Il croit cependant que les hallucina-
tions engendrent surtout les formes aiguës, ce qui est bien vague,
puisque les hallucinations, quand elles arrivent par poussées, pro-
voquent le complexus morbide de la confusion mentale (Yerwirr-
theil), ainsi que le fait voir Mercklin. Il est vrai que c'est la raison
pour laquelle on a identifié à cet état deconfusioii mentale déjà mis
en relief par Westphaije Wahnsinn acuter ou la Verrûcktheit acute.
5° En tout cas, dans la folie systématique chronique rentrent dès
maintenant, d'après les auteurs, le délire de chicane ou des persé-
cutés persécuteurs processifs (Queruluztezwahn).
De cette première partie de l'historique nous sommes en droit
de tirer un premier argument. -
Les délires, ayant pour éléments la conception délirante de gran-
deur ou de persécntion, et les hallucinations, sont plus ou moins
cohérents. On les exprime par les mots Vernicktheit Wahnsinn
P(M'aKO<a, auxquels on joint une épithète qui malheureusement
peut détruire, surtout quand il s'agit de l'épithète aiguë, la valeur
du terme lui-même ou plutôt du type vésanique que ce terme pré-
tend caractériser, car au fond ces trois mots sont l'équivalent du
délire systématique, chronique, coordonné, cristallisé, d'après
les observations présentées par les auteurs dans leurs mémoires.
Ils ne devraient jamais être employés qu'accompagnés de l'épithète
chronique, plus ou moins complétée par une seconde telle que
primaire, originelle.
Poursuivons maintenant notre étude historique, empruntée,
pour plus de sécurité, à M. Cramer. (A suivre.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XX. MÉTHODE DE GOLGI MODIFIÉE, POUR L'ÉTUDE DU CERVEAU HUMAIN ;
par LEOYD Andriezem. (B ! '(<tsAJ7ed. Journ., 28 avril 1894.)
La méthode de Golgi, excellente pour l'étude des cervaux d'em-
bryons animaux, l'est moins pour la substance cérébrale humaine
adulte. L'auteur propose l'emploi du bichromate de potasse à
2 p. 100. 95 centimètres cubes, auxquels il ajoute après un quart
d'heure 5 centimètres cubes d'acide osmique à 1 p. 100. Après
vingt-quatre heures, il change la solution contre 90 centi-
mètres cubes bichromate à 2 1/2 p. 100 avec 10 centimètres
cubes d'acide osmique à 1 p. 100 - pendant deux jours enfin bain
final de 80 centimètres cubes bichromate à 3 p. 100 avec 20 centi-
mètres cubes acide osmique à 1 p. 100.
Dès le quatrième jour on peut étudier la préparation dont les
éléments sont différenciés. A. Marie.
XXI. SUR un cas DE kyste du cervelet ; par HUGHLING9 JACKSON
et RISIEN RUSSELL.
Dès longtemps le premier de ces deux auteurs avait soutenu que
la lésion destructive du lobe moyen du cervelet produit une vraie
paralysie motrice, affectant plus particulièrement les muscles du
tronc puis ceux des extrémités inférieures et supérieures mais
d'une façon moins nette. Niemeyer parlant de certaines tumeurs
cérébelleuses notait des phénomènes analogues. Dans l'étude cli-
nique présente où l'autopsie démontre l'existence d'une dégéné-
rescence kystique dans le lobe cérébelleux moyen, le malade avait
présenté une ensellure marquée. Cela tenait apparemment à une
parésie des muscles spinaux particulièrement des fléchisseurs.
Les auteurs discutent l'hypothèse d'une parésie par compression
à distance, car dans ce cas les membres inférieurs eussent été éga-
lement paralysés tandis qu'ils l'étaient à peine et moins atteints
que les muscles du tronc; d'ailleurs les expérimentations sur le
singe et le chien (Horsley) ont démontré que la section du lobe
cérébelleux médian s'accompagne de troubles semblables qui ne
peuvent alors s'expliquer par une compression. ' *
Archives, t. XXVIII. 31
48'-) REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Horsley a d'ailleurs fait la contre-expérience et déterminé expé-
rimentalement les phénomènes cliniques produits par la compres-
sion ; il emploie un petit ballon de caoutchouc qu'on insuffle à
volonté après l'avoir mis en contact avec le cervelet portion médiane;
on observe alors des troubles circulatoires et respiratoires marqués,
sans paralysie. Le malade précité présentait l'un et l'autre de ces
troubles (parésie et troubles respiratoires); il mourut même dans
un accès de suffocation, non sans rapport avec l'état de paralysie
des muscles inspirateurs. (Britisla tlled. Journal, '24 février 1894.)
A. Marie.
XXII. SUR un cas DE tumeur DE la dure-mère spinale; par William
RAUSON et Joseph ÏHOMSON. (British 1lled. Journal, 24 février 1894.)
.Les heureux résultats obtenus par l'intervention chirurgicale
dans les cas analogues sont fréquents depuis les premiers cas publiés
par Horsley et Gowers. L'auteur rapporte deux insuccès opéra-
toires qui n'en sont pas moins intéressants, étantdonnés la délica-
tesse du diagnostic et de l'intervention dans les cas analogues. Dans
un cas,unéchinocoqueextradural échappa à l'investigation chirurgi-
cale et fut trouvé à l'autopsie dans la lame vertébrale immédiate-
ment susjacente à celle réséquée. Dans l'autre cas rapporté en
détail, l'insuccès fut dû à la récidive de la lésion sarcomateuse
comme le confirma l'examen microscopique. A. Marie.
XXIII. Altération des cordons postérieurs D\NS LE diabète;
par Williamson. (British Oled. Jo2l)' ? a., 24 février 1894.)
Comme celles de Saudmeyer Leyden et Tooth, ces deux autop-
sies, avec préparation microscopique montrent l'altération systé-
matique des cordons de Goll. (Perte correspondante des réflexes
patellaires, pouvant dans d'autres cas relever d'altérations ner-
veuses périphériques cas d'Eiellorst.) A. Marie.
XXIV. CONTRIBUTION A la méthode de l'olfactosiétrie clinique; par
ZwaARDEMAEER. (Neurolog. Centrcclbl., 1893,)
Etude critique des méthodes Vaieiitiii-Passy; Froehlich; Aroi)ssohii;
Henry; Saveliew.
Au point de vue clinique, il faut : 1° commencer par les plus
faibles excitants et graduellement arriver aux plus forts; 2o opé-
rer très vite. Aussi la méthode actuelle serait-elle la meilleure.
Un cylindre de porcelaine poreux, imprégné du liquide odorant -
(eau de laurier-cerise à 1 p. 100) est poussé dans un tube de verre
au-dessus duquel sont les narines. La sollicitation olfactive est pro-
portionnelle à la longueur de la surface interne du cylindre qui
dépasse le tube de verre. On gradue ainsi le courant d'aspiration
et la surface sentie. P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483
XXV. Morphologie, origine ET ÉVOLUTION DE la FONCTION DU corps
pituitaire; par LEOYD Andriezem (de Londres). British médical
Journal, janvier 1894, n° 1724.) '
De l'étude histologique des embryons animaux, des acidies, des
salpes, de l'amphioxus jusqu'aux organismes vertébrés plus com-
plexes, l'auteur déduit par comparaison l'étude de la glande pitui-
taire qui pour lui est un organe triple, glandulaire, nerveux et
circulatoire. Chez les organismes inférieurs son rôle prépondérant,
par son épithélium vibratile consiste à entretenir un courant liquide
assurant le renouvellement de l'oxygène contenu dans l'eau qui
passe par le neuropore dorsal des acraniens. Il sert donc ainsi à
la nutrition du tissu nerveux par oxygénation et à l'élimination
des produits de combustion chez les types parvenant à une phase
d'évolution plus avancée, lorsque le canal neurentérique se ferme,
cette fonction de la glande devient une sécrétion interne absorbée
parles lymphatiques qui en entraînent le produit dans le courant
sanguin. Ce produit est nécessaire au complet développement et
fonctionnement des centres nerveux comme le montrent les trou-
bles résultant de l'ablation de l'organe ou de sa dégénération. De
même que pour le corps thyroïde et le thymus avec lesquels le
corps pituitaire semble en rapports de suppléance physiologique
dans certains cas d'ablations, la fonction se peut ramener en der-
nière analyse à : 1° une action métabolique facilitant l'assimilation
de l'oxygène par certains tissus (système nerveux'en particulier pour
la pituitaire, poumons et tissus en général pour le thymus et le thy-
roïde) ; 2° une action désassimilatrice pour l'élimination de certains
produits d'oxydation correspondants. La pathologie confirmerait
cette théorie qui expliquerait les troubles circulatoires : hypothermie,
oedèmes, cyanoses, les troubles vaso-trophiques et les troubles des
fonctions cérébrales et respiratoires dans le myxoedème et les cas
analogues (crétinisme sporadique, acromégalie, etc.). A. Marie.
XXVI. DE la papille étranglée ; par ADA3161EVICZ.
' (Neztrolog. Ceitti-albl., 1893.)
Le terme allemand signifie à proprement parler papille par
reflux stasique (Stauungspapillé). Or. l'auteur rappelle qu'il a déjà
démontré que la diminution expérimentale de la capacité intracra-
nienne ne provoque nullement l'augmentation de la pression intra-
cranienne dans le liquide céphalorachidien, pas plus que la com-
pression des capillaires de la surface de l'encéphale, qu'on n'arrive
pas à augmenter la pression à l'intérieur du crâne parce que, si
dans l'espace intracranien on comprime artificiellement le liquide
qu'il contient, la moindre exagération de pression se transmet par
les veines du crâne et le reflux a lieu dans le coeur droit dont l'ac-
tion est arrêtée.
484 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Il ne saurait donc y avoir de papille étranglée (par reflux) en
rapport avec une exagération de la pression intracérébrale par une
tumeur qui formerait, comme l'on dit à tort, barrage et élèverait
le niveau du' liquide sous-arachnoïdien, puis le forait refluer dans
l'espace sous-vaginal du nerf optique en continuité avec l'espace
sous-arachnoïdien. Les nouvelles expériences entreprises chez des
lapins, montrent ce qui suit :
1° L'introduction dans l'espace intracranien d'un corps indifférent
en diminue la capacité, sans produire de modification appréciable
dans la circulation du fond de l'oeil. 2. La réduction graduelle
de la capacité intracranienne par un corps qui se gonfle dans la
cavité du crâne, parla laminaire, ne produit pas non plus ce résul-
tat. 3° Si dans le crâne on fait couler à une haute pression un
liquide indifférent, coloré, on voit les veines de la choroïde s'en
remplir, mais sans dépasser les limites de la papille du nerf
optique. Les vaisseaux sanguins qui irriguent l'intérieur de la pa-
pille optique, notamment les veines centrales de la rétine, ne pren-
nent aucune part à ce reflux artificiel. 4. Il n'y a pas davantage
de stase papillaire (étranglement) sous l'influence d'une encépha-
lite artificielle ou de l'ablation de diverses parties de l'encéphale.
5° Mais la compression d'un hémisphère cérébral enflamme le
globe de l'oeil du côté opposé tout entier; c'est l'ophtalmie neuro-
paralytique. La papille étranglée n'est donc pas le résultat d'une
action mécanique. 0 P. Keraval.
XXVII. LA DYSLEXIE EN TANT QUE TROUBLE FONCTIONNEL; par SOMMER.
(Arch. f. Psychiat., XXV, 3.)
La dyslexie est un trouble fonctionnel. Il y a donc intégrité ana-
tomique des parties du cerveau qui sont la condition matérielle de
la fonction psychique de la lecture. Lors donc qu'en pareil cas ou
trouve un foyer cérébral, c'est que ce foyer a agi à distance et
troublé ainsi la fonction des parties éloignées. Dans l'état actuel
de la physiologie, il est impossible de dire qu'il existe un centre
de coordination des lettres et une lésion de ce centre; la dyslexie
n'est pas due à la lésion d'un centre de coordination des lettres.
Deux observations dans lesquelles l'auteur voit la transition
de la dyslexie à l'eulexie et de la dyslexie à l'alexie lui permettent
de conclure ce qui suit :
10 Il existe un trouble complexe de la lecture caractérisé par : a.
de la dyslexie ; 6. une réaction ultérieure de l'intelligence qui
semble ressaisir les éléments pour bien lire après coup ; c. des
espèces de paraphrases composées de l'association de mots qui
étaient restés courants ; 2°il existe une dyslexie capable de se trans-
former en alexie complète dans laquelle il y a eu progression gra-
duelle de l'alexie ; 3° voici une dyslexie périodique (succession de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 48-Dà
capacités et d'incapacités de travail), sans lésion en foyer (paralysie
générale avec athéromasie); 4° quand il y a foyer cérébral, la
dyslexie en est l'effet à distance et non direct; 5° il n'y a pas de
localisation cérébrale du centre de la lecture. Chez l'homme, il est
impossible de fixer ce centre dans les parties du cerveau trouvées
lésées chez les dyslexiques; 6° la périodicité de l'intelligence des
mots, des lettres et des nombres est a noter dans les espèces de
ce mémoire. Les séries étaient composées de périodes dans cha-
cune desquelles il y avait alternative de capacité et d'incapacité
fonctionnelle. La dyslexie est donc théoriquement le chaînon ini-
tial d'une série périodique. - P. K.
XXVIII. Darwinisme ET progrès dans l'évolution des races; par
Berry 13ArcRarT.
A signaler dans cet article ce qui a trait à la police et à l'alcoo-
lisme comme cause de dégénérescence et facteurs de sélection
naturelle; la folie aboutissant d'une part par conjugaison des héré-
dités à l'idiotie stérile, l'alcoolismeatteignaut d'autre part les pré-
disposés et les atteignant d'autant plus profondément que leur
tare préalable est elle-même plus marquée.
A l'appui de ces vues d'intéressantes statistiques sur la crimina-
lité et le paupérisme dans les Etats où la consommation de l'alcool
est réglementée (Manie V. S.) ou monopolisée (Suisse) par compa-
raison avec les pays où la consommation est libre.
Mêmes différences en faveur de la réglementation de cette
consommation en ce qui concerne la proportion comparée des
enfants dans les écoles de réformes ou de correction pour ces
différents états, en Amérique. (British bled. Joum., 24 février 1894.)
Marie.
XXIX. Dilatation pupillaire; par Ch. HENRY.
M. Charles Henry, dans une note présentée à l'Académie par
M. Becquerel, expose un artifice expérimental qui lui a permis de
démontrer que la pupille se dilate, sous l'influence du cerveau, à
l'idée de distances plus ou moins grandes. Cette dilatation pupil-
laire, d'origine purement psychique, sert à préciser une donnée
jusqu'ici inaccessible : l'énergie de la vision mentale des individus.
Pour donner un exemple de l'importance de celte nouvelle quan-
tité en optique physiologique, M. Ch. Henry en déduit par ce cal-
cul, pour différents yeux, des valeurs de l'aberration de sphéricité,
dont la moyenne est rigoureusement identique à la valeur théo-
rique calculée en partant des constantes fondamentales de l'oph-
thalmologie. C'est la première fois qu'un facteur purement
psychologique sert à calculer une grandeur d'ordre physique.
486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XXX. Mislavski ET S)IIRNOFF. Contribution à l'étude de la sécrétion
salivaire. NEIROLOGUITSCHESKY VESTNIK. (Messager neurologique,
t. II, F. 2. Kazan, 1894.)
Dans toutes les expériences qui ont porté sur les chiens faible-
ment curarisés, la parotide était soumise à un examen microsco-
pique, d'après la méthode de coloration d'Altmann, et dans deux
conditions physiologiques déterminées : état de repos et état
d'action.
. Dans le premier cas (V. fig. 18, a), la cellule glandulaire consiste
en un réseau de fibrilles très minces
donnant au protoplasma un aspect
spongieux ; dans les mailles de ce
réseau se trouvent des granulations
de grandeurs différentes, mais ayant
toutes une forme arrondie. Chaque
cellule est munie d'un noyau, de
forme arrondie, ovale ou irrégulière,
et chaque noyau renferme un ou
deux nucléoles, rarement davan-
tage; quelquefois, à la place des
nucléoles on trouve des granulations
ou des filaments chromatiques.
Quant aux modifications qui sur-
viennent dans la parotide en action, elles sont de plusieurs ordres :
1° Sous l'influence de l'excitation du nerf auriculo-temporal et
de la section du sympathique (ce qui provoque un grand afflux
d'eau dans la glande), les globules
glandulaires, se trouvent peu modi-
fiés au point de vue de ]eursd)men-
sions ; le nombre des granulations
diminue énormément (V. fig. 19, e);
le réseau cellulaire se dessine plus
nettement, ses mailles s'élargissent;
sur la périphérie de la cellule se
montrent des vacuoles remplies
d'une substance se colorant très
faihlement; 1es uoyaux au;mentent
de volume, deviennent plus transparents et prennent une forme
plus arrondie. z
2° Sous l'influence de l'excitation du sympathique, avec section
de l'aurieulo-Lemporal (conditions expérimentales provoquant une
diminution de l'afflux d'eau dans la glande), le tableau de la struc-
ture des cellules glandulaires change complètement. La parotide,
énucléée après cette expérience, est très compacte au toucher; ses
lobules sont plus petits, moins transparents; les cellules sont
, v rig. 1S.
Fig. 19.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487
petites, opaques, mais leurs noyaux sont augmentés de volume
et arrondis; le réseau cellulaire est ratatiné, des mailles sont à
peine perceptibles et la cellule est remplie d'un nombre considé-
rable de granulations très fines.
Mais si en excitant le sympathique, on laisse intact l'auriculo-
temporal, les cellules tout en conservant les mêmes dimensions,
la même structure et le même aspect opaque de leur contenu
présentent en plus une vacuolisation analogue à celle qu'on cons-
tate dans l'expérience de la section du sympathique avec excitation
de l'auriculo-temporal ; mais les vacuoles sont ici plus petites et
leur contenu transparent à peine coloré présente une ou plusieurs
granulations arrondies, souvent énormes :
3° En excitant l'auriculo-temporal après section du sympathique
et compression de la carotide commune, provoquant une diminu-
tion de l'afflux du sang vers la parotide, on constate que le réseau
cellulaire est nettement dessiné et que les mailles sont élargies.
Les granulations sont agglomérées vers le centre de la cellule; elles
sont notablement augmentées de volume.
4° Enfin, sous l'influence de l'excitation simultanée de l'auriculo-
temporal et du sympathique, la va-
cuolisation des cellules devient ex-
trême ; il ne reste souvent de toute
la cellule qu'un seul noyau qui, lui
aussi, devient quelquefois à peine
perceptible ; à la place de la cellule
on observe une énorme cavité
(V. fig. 20, c) qui semble dans cer-
tains cas complètement vide, et qui
dans d'autres parait remplie d'une
masse homogène, traversée par
places des débris de l'ancien réseau
cellulaire. Les noyaux, quand ils
existent, présentent une forme arrondie avec des nucléoles très
nettement dessinés.
Dans toutes ces expériences, l'excitation a été provoquée à l'aide
d'un courant de force moyenne et pendant un laps de temps à
peu près le même : une heure et demie environ.
J. RoosmomTCU.
Fig. 20.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE 13ERLIN
LXXX' SÉANCE.
Séance du 17 mars 1894. Présidence DE M. Loehr aîné.
L'ordre du jour appelle la discussion sur les rapports de
MM. Cramer et IWDE6EIi. Délimitations et divisions de la folie systé-
matique (paranoïa) ? -
M. MENDKL. L'anarchie dans laquelle est plongée la nomen-
clature psychiatrique nous impose le devoir de considérer avec la'
plus vive attention toute tentative scientifique faite pour préciser les
dénominations. Aussi ai-je salué avec une joie profonde le rapport
distingué de M. Cramer. J'appuie vivement l'appel qu'il fait aux
spécialistes de ne pas trop restreindre certains types morbides afin
d'éviter qu'on ne perde de vue l'ensemble de la pathologie mentale.
Il a également raison, à mon sens, de faire remarquer que le mot
dégénérescence (à l'exemple de maint autre cliché tel que sugges-
tion et auto-suggestion) n'explique en bien des cas rien, et obs-
curcit plus qu'il n'explique l'état des choses.
Mais je ne puis souscrire à la définition trop étendue de la
paranoïa qu'il propose. A côté de la manie, de la mélancolie, de la
folie systématique, je reconnais, comme psychoses fonctionnelles
distinctes, le délire hallucinatoire et la démence aiguë. Sous le
nom d'amentia (Meynert), folie hallucinatoire (Fuerstner), con-
1 Ce qui suit fixe très nettement les idées sur la terminologie alle-
mande et sur les opinions des savants allemands en matière de patho-
logie mentale. On pourra en s'en pénétrant bien, lire et comprendre en
parfaite connaissance de cause les ouvrages ou mémoires étrangers de
psychopathologie. Aucun des articles écrits jusqu'ici ne vaut la photo-
graphie même de la discussion qui nous occupe, a laquelle nous nous
sommes efforcé de conserver sa physionomie tout en précisant les termes
par la synonymie convenable. L'étude parachevée des types nosogra-
phiques ainsi conçus permet de se reporter à titre de documents aux
Revues analytiques de toute la collection des Archives de neurologie
depuis quinze ans. (P. KKHAVAL.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 489
fusion mentale (Wille), il faut entendre une maladie ayant pour
symptôme essentiel les hallucinations qui provoquent le délire. Il
est indubitable que ces symptômes-là se montrent à l'état passager
dans toutes les folies fonctionnelles et organiques : mais elles n'en
constituent pas le principal, tandis que dans le délire hallucinatoire
ce sont des symptômes fondamentaux et permanents pendant tout
le cours de la maladie qui, en tant que pronostic, parait être
la maladie mentale la plus favorable de toutes.
L'espèce de paralysie de ,toutes les fonctions psychiques que
nous observons, de même que le délire hallucinatoire, à la suite
notamment de maladies infectieuses, de traumatismes, tient aussi
bien à un état physique qu'à un état mental; on la désigne sous
le nom de démence aiguë : il n'est pas possible de la faire rentrer
dans le cadre de la folie systématique (paranoïa).
M. JASTROVITZ. - Je ne puis m'associer à la définition de
M. Cramer sur les psychoses fonctionnelles. Toute définition doit
s'appuyer sur des faits établis; elle doit surtout éviter d'anticiper
sur les opinions de manière à enrayer les progrès de l'avenir. Il faut,
pour certaines des formes en question, attendre la découverte de
lésions anatomiques encore absentes; ainsi, dans la folie systéma-
tique chronique, qui se prolonge pendant toute la vie et se termine
par la démence, nous trouvons assez souvent des symptômes
somatiques d'ordre nerveux tels que de l'inégalité pupillaire, de
l'affaissement des muscles de la mimique et du squelette, des
attaques épileptiformes. Or ceci n'existe pas dans leb formes de
l'amentia que l'on rapporte à des causes toxiques bien que les
perturbations se puissent rapidement dissiper. Il faut faire servir
dans l'espèce à la définition les symptômes qui se montrent dans
le cours de la maladie, en en établissant le genèse, la description,
l'analyse, la marche, la terminaison, plus encore que dans les mala-
dies mentales à lésions qui permettent de relier entre eux les phé-
nomènes cliniques. Jamais en tout cas, on ne doit asseoir de
définitions fondamentales sur la description de quelques tableaux
morbides momentanés ou d'états morbides qui se prolongent pen-
dant quelque temps; ces dénominations sont prématurées. Nous
savons tous, par exemple, que les éléments morbides tels que l'agi-
tation, l'angoisse, l'excitation, les hallucinations sensorielles, les
illusions, les obsessions, les conceptions délirantes, la confusion
mentale, la stupeur, peuvent persister seuls ou combinés entre eux
en syndromes. Dans ces conditions ils forment des tableaux
morbides, des phases nosographiques, des épisodes pathologiques
qui peuvent apparaître en des psychopathies tout à fait différentes;
c'est ce qui se produit pour les hallucinations et les idées de persé-
cution dans la mélancolie, et même dans la manie et l'amentia.
Or nous avons à délimiter non des syndromes, mais des formes
490 SOCIÉTÉS SAVANTES.
morbides. Cette préoccupation ne peut aboutir que par une vue
d'ensemble. Si l'on emploie, pour arriver à ce but, une expression
que plusieurs auteurs envisagent différemment, on établit dans la
terminologie une confusion inextricable. Prenons par exemple la
confusion mentale (Ve ! 't0t ! ')'</tet<). -
Elle s'applique à l'ameuta considérée comme forme morbide
et aussi aux états mentaux les plus différents auxquels la langue
allemande n'a guère assigné d'expressions convenables aux
délires, au désordre dans les idées (confusion des Latins) dont le
plus haut degré est la perplexité (quand il y a en même temps
légère stupeur), à la confusion accompagnée d'angoisse, qui serait
mieux désignée peut-être sous le nom de perturbation et à de
nombreux troubles mentaux qui ne sont qu'approximativement
caractérisés par toutes ces expressions. Ces troubles intellectuels ont
un caractère commun; c'est l'incapacité des malades de venir à
bout des opérations psychiques qui se passent en eux, de les mener
à bien, de les terminer correctement. Cette incapacité peut se ma-
nifester dès le début par une perception déjà imparfaite, impossible
ou falsifiée; ou bien, ils ne peuvent associer des impressions anté-
rieures qu'ils ont pour ainsi dire emmagasinées et qu'ils sont
impuissants à convertir en des pensées de leur cru, parce que les
associations d'idées sont, chez eux, inopportunes ou inexactes. Le
mécanisme de la logique n'est pas atteint, si tant est qu'il fonc-
tionne encore, parce que les lois qui président à l'enchaînement
des idées sont en rapport avec la structure anatomique du système
nerveux central et subsistent, mais l'opération terminale est faussée
par l'insuffisance de l'acte initial et la faiblesse des transmissions.
Pour sortir de ce chaos des formes morbides de l'amentia, de la folie
systématique aiguë (paranoïa acuta) et de la folie systématique chro-
nique, il nous faut,à l'exemple de Schuele, nous appuyer d'abord sur
lafoiiesystématique chronique, qui est la forme iapiusgénéralement
et la plus anciennement connue. Que faut-il désigner sous ce nom
de paranoïa chronica ou Ve ? 7,üch-tlteit ? Griesiii,,er était arrivé à identi-
fier les deux termes de Wahnsinn et de Yerrüclstlaeit; il ne se ser-
vait plus de l'expression de Wahnsinn. Morel en publiant sa théorie
des formes héréditaires avait enlevé du groupe de la folie systéma-
tique, la folie systématique (Ver)'MC/<</tC ! <) hypocondriaque qui passe
par les périodes de l'hypocondrie, du délire des persécutions et
du délire des grandeurs pour aboutir à la démence. Dans ces con-
ditions, dit Fr. Hoffmann (1862), la variété de la folie hypocon-
driaque de Morel étant rare, il faut c comprendre sous le nom de
Vernùcktlceit, invariablement, une folio primitive à signes positifs,
à la rigueur curable ». Pour cet auteur, beaucoup de folies systéma-
tiques sont congénitales, elles font partie de la personnalité de
l'individu; leur histoire remplit toute la vie. Elles procèdent par
poussées; il en existe une forme mélancolique, exaltée, hallucina-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 01
toire et instinctive; dans cette dernière il faut englober la folie
morale (moralischer Wahnsinn).
Eu 1865 parait le travail de Snell aîné, sur la genèse de la folie
systématique primitive; qu'il appelle encore monomanie ou %Vahiz-
sinn. Il y reconnaît un élément expansif, l'exaltation du moi mal-
gré les idées de persécution, et la sépare ainsi de la mélancolie;
la systématisation des idées présomptueuses lui permet de la séparer
de lamanie. Ces idées présomptueuses sont d'ordinaire, dit-il,secon-
daires, mais elles peuvent également être précédées d'idées de persé-
cution ou se développer en même temps qu'elles. Elle évolue dans la
plupart des cas, graduellement, rarement on y voit des accidents aigus
fougueux. Cette foiie systématique d'emblée est bientôt admise
sans réserve par Griesinger. W. Sander en publie des exemples d'une
forme originelle; enfin C. Westphal, en 1878, montre que la folie
systématique (V(' ? ')'MC/t</tet<) peut se développer d'emblée de l'hypo-
condrie (More)), mais qu'elle peut également se développer sans
celle-ci. Dans ce cas, les idées de persécution d'abord, puis celles de
grandeur, ou les deux espèces d'idées délirantes simultanément,
s'implantent spontanément dans le champ de la conscience sous
la fornie de conceptions délirantes, ou bien, tout à coup, en pleine
santé, gronde un torrent d'hallucinations sensorielles, de l'ouïe
notamment, qui donnent naissance au délire; enfin il en existe une
forme originelle dans laquelle le délire, latent dans la première en-
fance, se constitue pendant le développement de l'individu. West-
phal ajoute que les obsessions sont une forme de folie systéma-
tique abortive parce qu'en pareil cas, ce qui est l'essentiel, c'est
l'existence de conceptions anormales, comme dans la folie systé-
matique, les troubles de la sensibilité morale étant de nature su-
bordonnée et dépendant, dans la folio systématique, générale-
ment du texte des conceptions, du délire sensoriel. Pour lui aussi,
l'affaiblissement intellectuel ne fait pas partie des traits caractéris-
tiques de la folie systématique. Il mentionne également l'existence
d'une marche aiguë de cette maladie, indépendamment de sa
genèse aiguë; cette forme aiguë peut guérir, de sorte que la folie
systématique peut être mise au nombre des folies curables.
Cette simple mention, sans description ni délimitation, d'une
folie systématique aiguë à marche rapide est la cause, pour la plus
grande partie, de la confusion qui s'est établie dans ce territoire
de la pathologie mentale. Car au lieu de suivre les avis de Westphal
et d'en faire une étude exacte, de se demander d'abord s'il existe
une folie systématique aiguë, comment elle est constituée, on en
regarda l'existence comme certaine et d'un type achevé. On se mit
à la diagnostiquer. Si, en présenced'un malade atteint de confusion
mentale, on eût essayé de constituer Je type clinique, si on avait
tenté, d'après les traits et les signes du tableau morbide, de déter-
miner ceux qui étaient capables de servir à formuler un diagnostic
492 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et un pronostic, on diagnostiquerait aujourd'hui tous les cas de folie
systématique aiguë. Si réellement le complexus morbide n'était
que passager, le diagnostic était 'justifié, sinon la paranoïa [acuta
devenaitde la paranoïa chronique ou de la démence. Lorsque Mey-
nert sépara la confusion mentale ou amentia et en fit une forme
morbide, les auteurs en l'étudiant se demandèrent, en présence de
ce qu'il désignait sous le nom d'amentia, ce que devenait la folie
systématique aiguë et inversement, quand il posait le diagnostic de
folie systématique aiguë, ce que devenait l'amentia. C'est pourquoi i
Wille, en traitant de l'amentia : où est la folie systématique aiguë ?
dit-il. Et pour beaucoup déjeunes auteurs, l'amentia a vécu. D'après
cet exposé, il résulte que la plus grande difficulté préside à la dis-
tinction et à la délimitation de ces deux formes.
La division de M. Mendel n'a rien modifié à cette confusion. Tout
en devant la discuter et en examiner la légitimité, je m'en servirai
cependant. D'abord parce que MM. les rapporteurs l'ont adoptée
pourbase de leurs développements, puis, parce qu'il est nécessaire,
pour la clarté de la discussion, d'adopter une division quelconque,
fût-elle artificielle.
Je traiterai donc en peu de mots successivement : de la folie
systématique chronique simple (paranoïa chronica simplex) de la
folie systématique chronique hallucinatoire (paran. chron. hallit-
ci7zaloî,ia), de la folie systématique aiguë simple (paranoïa acuta
simplex), de la folie systématique aiguë hallucinatoire (para ? ne : <<.
hallucinat.).
La folie systématique chronique (paranoïa chronica) a pour carac-
tère : l'existence d'un système de délire fixe qui s'édifie lentement
sans que la conscience soit troublée, la sensibilité morale prenant
une allure expansive; ce système de délire modifie, transforme la
personnalité et en change les rapports avec le monde, extérieur; il y a
donc un déplacement de l'individu par rapport à ce qu'il était avant,
il est Verrùckt, dérangé de sa situation. La genèse de la paranoïa
est produite par une forte tare névropathique, et par le terrain sur
lequel elle se développe, terrain déjà anormal; il s'agit d'individus
déjà hypocondriaques et soupçonneux, très égoïstes et présomp-
tueux, presque mégalomanes; on peut donc dire que la maladie est
déjà épanouie à la période de la jeunesse, pendant ou après la pu-
berté. La ver ? ,ûclclheit apparaît donc comme le renforcement, l'exa-
gération des tendances naturelles, mais la paranoïa chronique
n'existe que lorsque apparaît le système de délire précis et fixe. Ce
délire évidemment ne préexiste pas à l'origine même de l'individu.
Souvent aussi le délire de persécution ou de grandeur avec ses cou-
leurs spéciales est précédé de l'autopliilie (Eigenwahn de Meynert,
relations morbides du moi de Neisser) qui résulte d'une falsification
des perceptions sensorielles,'autophilie pouvant être produite par-
fois, comme dans l'amentia, par des illusions; le malade voit mal
SOCIÉTÉS SAVANTES. 493
les gestes ou les mouvements d'une autre personne qui générale-
ment occupe une position supérieure à la sienne, il voit à tort des
physionomies menaçantes ou amicales et les interprète dans un
sens qui lui est nuisible ou favorable. Toute une série de concep-
tions en rapport avec la personne du'sujet prennent aussi un déve-
loppement morbide. Puis apparaissent des troubles intellectuels
incompatibles avec l'intégrité de l'intelligence, des conclusions
tirées d'associations d'idées saugrenues absolument étrangères
à un cerveau normal. Ces malades vous diront par exemple : « A
l'étalage, il y avait des vêtements de couleur tranchée rouge et
blanche, cela indique que je suis d'une autre race. » Ces propos ne
résultent pas seulement de faux rapports du moi, ni d'une aper-
ception erronée, ce sont purement et simplement des conclusions
saugrenues, idiotes, dues à un dérangement, à une déviation du
raisonnement.
Pour moi, à la paranoïa chronique préexiste une débilité men-
tale, une imbécillité, ou plutôt une démence congénitale indiscu-
table dont les signes apparaissent d'ailleurs dès les premiers stades
delà folie systématique chronique. A ce propos la terminologie qui
a cours dans les livres est à mon sens vicieuse. La débilité mentale
et l'imbécillité sont désignés sous le nom générique de Schwachsinn
qui désigne d'après les auteurs la faiblesse intellectuelle congéni-
tale, et la démence sous le nom de IMoedsHMt qui désigne une fai-
blesse intellectuelle acquise 1. Moi j'appelle démence (Bloedsinn) une
altération qualitative de l'activité mentale; il y a des inconséquences
entre les actes et les mobiles de ces malheureux et dans leur physio-
nomie. Le débile et l'imbécile (Schwachsiiii21g) présentent pour moi
un affaiblissement quantitatif de l'activité mentale tout entière. Ces
derniers conservent leur personnalité; leurs fonctions psychiques
affaiblies sont encore harmonisées, s'ils ne sont pas capables de ré-
flexions profondes, leurs actes sont en rapport avec les motifs qui les
ont déterminés, tout impulsifs soient-ils. Ledément, au contraire,-
(Bloedsinnig) a perdu, en partie au moins, toute personnalité;
encore capable d'opiniâtreté et d'énergie dans ses actes, il n'en peut
donner les motifs, c'est l'impulsivité la plus automatique qui soit,
les jeux de leur physionomie sont eux-mêmes étranges et dissociés.
Ce sont les originaux ou dégénérés impulsifs.
Ceci ne veut pas dire qu'il n'y ait aussi parmi les foussystéma
tiques des débiles et des imbéciles. Mais l'inconséquence en est le
caractère et cette inconséquence entre le délire partiel ou fixe et
les actes est remarquable. Ce qui ne veut pas dire non plus que ce
qui leur reste d'activité mentale soit absolument sain. D'ailleurs,
chez ces déments, ou plutôt chez ces dégénérés, les hallucinations se
1 Blmdsinn signifie aussi et désigne aussi l'idiotie dans la plupart de
traités allemands en même temps que la démence. (P. K.)
494 SOCIÉTÉS SAVANTES.
voient; or on sait qu'elles ne manquent jamais dans la folie s3·sté
matique chronique : ils sont le jouet de troubles morbides, tels que
tics, actes impulsifs, agitation maniaque avec confusion mentale,
survenant par poussées et diminuant leur intelligence. Les proces-
sifs qui présentent, comme on sait,'Ia plus longue résistance, et les
hypocondriaques persécutés finissent aussi par la démence quand
leur affection dure depuis un temps suffisamment long. Cette dé-
mence apparait de la façon la plus rapide et la plus profonde
quand elle s'implante sur le terrain d'une faiblesse mentale congé-
nitale (Schwachsinn) et quand elle frappe une [variété de paranoïa
développée à l'âge de la croissance. Qui doute de la démence en tant
que symptôme général de la paranoïa chronique, doit essayer de
trouver sur un grand nombre de malades, des fous systématiques
chroniques qui présentent une netteté intellectuelle complète en
dehors de leur délire. ,
En réalité ce sont les signes de la démence qui nous ont servi
de guides, au début du diagnostic, et ce sont encore eux qui nous
serviront de guides quand il s'agira de distinguer, en présence
d'une confusion mentale avec une agitation, si nous avons affaire à
une folie systématique chronique ou à une folie systématique
aiguë curable.
Un sérieux obstacle à la différenciation exacte de la débilité
et imbécillité (Schachsinn) et de la démence (l3loedsizn) réside dans
ce fait que, en Allemague,;l'imbécillité très marquée s'appelle aussi
Bloedsinn. Il faudrait donc, quand il s'agit de faiblesse intellec-
tuelle congénitale, employer, suivant ses degrés, les mots de :
infériorité, imbécillité, idiotie, et, lorsqu'il sagit de faiblesse
intellectuelle acquise, prendre les expressions de débilité men-
tale et infirmité mentale. Nous devons en séparer la démence
(Bloedsinn) et d'après ses phénomènes caractéristiques et d'après ses
degrés. Nous n'aurons pas de peine à reconnaître des signes de
celle-ci souvent précoce et légère chez les fous systématiques en-
core capables d'activité utile dans la vie. Il est impossible de don-
ner à ce sujet tous les développements qu'il comporte. Un exemple
entre tous suffira. On connaît ces fous systématiques qui s'attachent
avec une énergie incalculable à remuer ciel et terre pour se faire
passer pour les martyrs des asiles d'aliénés ou les victimes des
aliénistes et des tribunaux. Ils masquent avec soin leur délire et
le système qu'ils ont échafaudé, ainsi que leurs hallucinations et
leurs illusions, ou bien ils s'arrangent de façon à leur donner cou-
leur d'une certaine probabilité en trouvant des motifs apparents
à leurs allégations. Les médecins légistes s'efforcent en vain de
démasquer chez eux la débilité mentale, parce qu'ils ne savent pas
juger leur juste valeur les actes stupides, brusques et puérils
auxquelles malades ne peuvent donner aucun motif logique ; c'est
précisément là que réside le caractère de la démence.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 495
Nous arrivons maintenant à la folie systématique chronique
hallucinatoire (paranoi(t.chro7zica hallucinaloria). D'abord existe-
t-elle ? Existe-t-il une V6n'Me/f</te ! < chronique, incurable, qui, sans
agitation, se développe graduellement sous l'influence d'halluci-
nations sensorielles, et rien que sous cette influence, et atteigne
un certain degré ? Le nom qui précède est-il justifié ?
En dehors des hallucinations qui provoquent la variété hypo-
condriaque, il existe en effet une genèse semblable de la maladie
qui nous occupe, rare, que, l'on ne voit guère dans nos asiles. Dans
cette maladie, les malades, en pleine lucidité, se plaignent de
brusques hallucinations de l'ouïe auxquelles ils résistent, tout
comme les obsédés à leurs obsessions. Ces hallucinations peuvent
persister longtemps, pendant des années, elles peuvent aussi se
montrer intermittentes, si bien que l'on pourrait presque croire à
un trouble cérébral isolé, à une excitation du centre auditif.
Finalement les malades succombent, ils croient à la réalité de
leurs hallucinations et c'est alors que naît le délire fixe des persé-
cutions. On pourrait faire rentrer dans cette forme la folie systé-
matique des prisonniers, condamnés à la réclusion en cellule, qui
débute par des hallucinations isolées de l'ouïe. ,
On sait que, quand dans un complexus morbide prédominent
des hallucinations d'un sens, elles donnent le ton au délire et peu-
vent rester ainsi isolées et uniformes, que l'accumulation de plu-
sieurs hallucinations sensorielles aggrave le pronostic et préci-
pite le malade dans la démence avec confusion mentale, dans la
démence confuse, que la même chose se produit quand survien-
nent les hallucinations psychiques de Baillarger qui font croire
aux malades qu'on connaît leurs pensées, qu'on les leur impose,
qu'on` les leur soustrait. La maladie peut aussi êtie parcourue
par des accès d'agitation, procéder par poussées qui généralement
aggravent l'état mental. En revanche, s'il ne se produit pas d'ag-
gravation semblable, on peut croire à une intermittence ou une
paranoïa aiguë.
La folie systématique aiguë, simple, et hallucinatoire (paranoïa
acuta, simplex et 7eallucinvtoria ) pour laquelle on a tout
récemment essayé de réintroduire très malheureusement le
nom ancien tout à fait impropre et tombé dans l'oubli de Wahn-
sinn doit représenter la paranoïa chronique abrégée et concise.
Il s'agirait donc d'un système de délire faisant brusquement explo-
sion ou se développant sous une forme expansive assez intense,
malgré l'apparence parfois mélancolique qu'il revêt, qui, soit que
la maladie ait débuté par de l'agitation véritable, soit qu'elle soit
demeurée dans les limites de l'expansion pure, survit à ce pre-
mier épisode et persiste, alors même que le calme et le sang-
froid sont revenus, pendant quelque temps. En outre, les halluci-
nations sensorielles, soit pressées (paranoïa acuta leallucizatoria),
496 SOCIÉTÉS SAVANTES.
soit isolées ou de simples illusions (paranoïa acula simplex) servent
à la construction des idées délirantes et à leur conception, for-
mant ainsi un tout. Mais il n'y a point paranoïa lorsqu'il n'existe
que quelques idées délirantes dépourvues de lien entre elles; l'auto-
philie même ou exagération de la personnalité dont nous avons
parlé plus haut pouvant exister dans l'amentia. La marche de la
folie systématique aiguë est donc rapide; la terminaison varie.
Elle peut guérir, on l'admet sans conteste. Elle peut, ainsi qu'on
l'admet aussi sans réserve, aboutir à la confusion mentale chronique
ou désordre dans les idées chronique (chronica Verwirrtheil)
amentia chronica ou secondaire qu'il est bien difficile, on le conçoit,
de distinguer de la démence confuse (dementia coifus(z ? Peut-elle
aboutir à la folie systématique chronique ? Des auteurs recomman-
dablesen doutent. Pour moi je n'hésite pas à dire que cette trans-
formation est certaine, et que c'est ce qui prouve le mieux le lien qui
unit ces deux modalités morbides. Un médecin expérimenté qui
constate' encore, lorsque le calme est survenu, à la suite de la
paranoïa aiguë, l'adhérence assez persistante des idées délirantes
et même la création ultérieure de quelques autres conceptions de
ce genre, se demande s'il a bien devant lui un type de paranoïa
aiguë ou de paranoïa chronique; n'est-ce donc pas là un premier
signe en faveur de la possibilité de cette troisième terminaison ?
Puis, chez les débiles, on observe une première atteinte de para-
noïa aiguë pure qui passe sans laisser de traces ; plus tard, la même
affection, tout à fait semblable dans ses symptômes au premier
épisode, reparaît, et, cette fois, loin de rétrocéder, elle aboutit à la
paranoïa chronique et à la démence. C'est une évolution analogue
que nous voyons se faire chez les héréditaires névropathes. Une
première poussée brusque de délire paranoïque ou délire d'emblée
qui évolue rapidement et disparaît sans laisser de traces
seconde poussée pouvant se reproduire après un long intervalle
de plusieurs années de parfaite santé mentale et pouvant
guérir; cette seconde bouffée peut du reste ne plus se produire
jamais et le malade demeure guéri, mais si elle se produit,
sans guérir, elle passe à la chronicité et à la démence enfin il
se peut faire qu'il y ait plusieurs bouffées de délire systématique
aigu curable.
Ces exemples nous conduisent à faire grand cas des deux variétés
de paranoïa hallucinatoire aiguë décrits parM.Mendel. Au premier
stade d'excitation et même d'angoisse, succède une agitation ma-
niaque progressive ; en même temps hallucinations accompagnées
de délire suraigu dans lequel on distingue déjà un noyau d'idées
délirantes coordonnées; puis l'agitation tombe et la lucidité repa-
raît graduellement. Cette lucidité n'est cependant qu'apparente,
les conceptions délirantes prennent racine, les hallucinations
sensorielles persistant, puis elles disparaissent de concert avec la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 497
disparition de ces dernières, soit assez vite, soit à une période plus
tardive; finalement la guérison a lieu. Il peut aussi arriver que les
deux éléments morbides que nous venons d'indiquer s'implantent
dans le cerveau; la folie systématique en est la conséquence
obligée. Si le malade conserve un certain degré d'excitation, la luci-
dité apparente susindiquée n'entre pas en scène etil tombe dans la
confusion mentale chronique (chronische Vewirrlheit) sans passer
par le stade de systématisation hallucinatoire. J'ai assez souvent vu
de tels malades arrivés à un état remarquable de lucidité éprouver
peu après une rechute; agités et hallucinés, ils tombent alors dans
le désordre chronique des idées, état de dissociation intellectuel
(Verworrenheit) dont ils ne sortent plus. A côté de cela, il peut y
avoir plusieurs rechutes de cette espèce sans que tout espoir de
guérison soit perdu.
La folie systématique aiguë simple (paranoïa acuta simplex) est l'a-
panage de lafaiblesse d'esprit congénitale ou elle survient chez des
personnes qui, pour n'importe quelle cause, sont devenues des
débiles moraux ou intellectuels. A la suite d'une émotion ou
d'une maladie physique, les voilà inquiets, excités, déprimés, ils se
croient, sans motifs, persécutés et en butte à des influences perni-
cieuses pour eux, accusent une haine qui les poursuit, interprètent
mal des événements indifférents ou sans rapport avec eux qu'ils
croient dirigés contre eux; de là des manières de voir et des con-
clusions erronées qu'il leur est impossible de rectifier, leur sens
commun fonctionnant mal, et qu'ils persistent à développer grâce
à la complication d'hallucinations prises pour des réalités; ainsi se
forment des idées délirantes qui par les raccords et l'ajustement
ressemblent assez à celles qui se montrent chez les gens jouissant
de la plénitude de leur bon sens. Mais ici la fixité des conceptions
n'est pas aussi profonde, aussi quand on change ces malades de
milieu, peut-on agir favorablement. On peut, comme le dit
Fr. Hoffmann (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., 1862, t. XIX, p.' 384),
effacer le délire en changeant les sollicitations des impressions
nerveuses de ces fous systématiques. Ces malades peuvent donc
guérir. Mais ils peuvent aussi tomber dans la démence (amentia
chronica) ou dans la démence confuse (demenlia co71fitsa); il
suffit pour cela que les hallucinations sensorielles subsistent et se
développent. Enfin ils peuvent aussi faire un délire chronique sys-
tématique (paranoïa chronica). L'observation ne présente aucune
difficulté, on suit d'autant plus nettement l'enchaînement des
phénomènes qu'il s'agit en somme uniquement de l'opiniâtre im-
plantation d'idées délirantes très simples qui amènent la démence
(Dementia, Bloedsinn) sans qu'aucun élément nouveau s'ajoute aux
symptômes psychiques. Pour moi, en effet, la démence (derneittia)
appartient aux signes de la folie systématique chronique et non à
ceux de la folie systématique aiguë; son apparition signifie donc, à
Archives, t. XXVIII. 32
498\ ? <.'r ! L'3 ? SOCIÉTÉS SAVANTES.
mon sens, que la folie systématique aiguë se transforme en folie
systématique chronique et devient incurable.
S'il peut être difficile de délimiter la folie systématique aiguë,
de la distinguer de plusieurs cas de mélancolie hypocondriaque,
de mélancolie et de manie avec hallucinations sensorielles, il est
extrêmement difficile de tracer les lignes de démarcation qui la
séparent de l'amentia (confusion mentale, désordre dans les idées).
Nous n'y arriverons qu'en nous maintenant rigoureusement dans
le cadre symptomatique de la folie systématique aiguë, tel que
nous venons de le tracer, et si, avant d'admettre l'existence de
cette maladie, nous en fixons les analogies avec la folie systéma-
tique chronique. Ce faisant, nous verrons que la folie systématique
aiguë perdra de son importance, qu'elle n'aura plus cette ampleur
illégitime et presque monstrueuse que maints auteurs modernes lui
ont assignée. On semble aujourd'hui généralement sentir qu'elle
doit être considérablement limitée et qu'on doit la restreindre au
bénéfice de l'amentia.
Passons donc au désordre dans les idées, à la confusion men-
tale, désigné sous le nom d'amentia. Examinons donc les délires qui
constituent les limites les plus extrêmes des mêmes formes aiguës.
Quelle idée faut-il se faire du délire de collapsus ou toxique ou
encore d'épuisement qui se montre à la suite de l'érysipèle, de la
pneumonie, de la fièvre typhoïde, des opérations chirurgicales, du
choc traumatique, de l'insolation, de l'alcoolisme suraigu, de l'in-
gestion cocaïnique, de l'absorption de la belladone ? Qu'a-t-il à
faire avec les différentes variétés de folie systématique (paranoïa) ?
Examinons l'ensemble de la marche de ces délires; quelle en est
l'analogie avec la folie systématique chronique (paranoïa chro-
nica) ? Ces délires, ou amentioe délirantes acM<MStmoe, sont des
espèces d'angoisse rapidement passagères, sortes de songes fré-
quemment (mais il s'en faut de beaucoup que ce soit toujours) en
rapport avec de nombreuses hallucinations de plusieurs ou de tous les
sens. Quand les hallucinations sensorielles collaborent à la confusion
mentale (Ve7-wiî,rtheit), dont elles ne sont pas les seules coupables,
il y a lieu de formuler l'expression de délire hallucinatoire (delir.
hallucinatorium). Mais il ne faut point appliquer cette dernière
expression aux espèces d'amentia prolongée qui par exemple est
observée chez les vieillards, dans les lésions organiques du cerveau,
chez les diabétiques, les cardiaques, les malheureux atteints d'affec-
tions rénales, tous cas dans lesquels on observe souvent pendant
des semaines et même plus longtemps une confusion mentale, un
désordre dans les idées (Verwirrtheit) tout particulier. Chez ces
patients, il y a alternative de lucidité suffisante pendant laquelle
ils parlent sensément s'attachant simplement à certaines idées erro-
nées et à des souvenirs laissés en eux par des rêves fantasques, et de
complète désorientation. Au début parfois il apparaît des idées d'em-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ". 499
Foisonnement, de persécution ou de grandeur, non systématisées,
non coordonnées, qui disparaissent aussi brusquement qu'elles sont
venues. Les hallucinations vont et viennent de la même façon
tandis que les illusions, fréquentes dans l'espèce, persistent plus
longtemps.
Des modalités précédentes de la confusion mentale ou désordre
dans les idées(Ve·wirrtlaeit), il convient de rapprocher famcnlia stu-
porosa ou démence aiguë (dementia acuta), l'ameizlia su6c7t ! Kca qui
peut durer des mois, voire des années, dont la folie des accouchées
est un exemple entre tous, et nous en avons fini avec le désordre
danslesidées, ou confusion mentale désignée sous le nom d'amentia.
Nous en détachons à dessein la confusion mentale des épileptiques
et des hystériques. Il ne nous est pas possible de croire que les
états d'obnubilation intellectuelle, de rêvasserie, d'agitation ma-
niaque des épileptiques et les équivalents psychiques de leurs
attaques convulsives puissent être tenus pour de la confusion men-
tale surajoutée à de l'épilepsie; ces symptômes sont sans excep-
tion des manifestations faisant partie intégrante de l'épilepsie
même.
Toutes les variétés que nous venons d'énumérer de l'amentia
ont pour signes distinctifs communs : l'état de trouble de la connais-
sance qui peut aller jusqu'à la stupeur, la suppression totale ou par-
tielle de la lucidité, l'impossibilité de percevoir exactement les
impressions sensorielles, de coordonner des idées et d'aboutir à
une idéation complète lorsque la perception est demeurée cor-
recte, parce que le système nerveux central est des plus affaiblis.
De là les nombreuses illusions des malades de ce genre, illusions
souvent antérieures aux hallucinations sensorielles, et leur déso-
rientation ; incapables de se rendre compte du temps, du lieu, des
personnes, ils se meuvent sans adapter leur locomotion à un but
voulu, ils n'ont plus idée des rapports qui fixent leurs person-
nalités ou les relient aux autres, ils ont des interprétations fausses
ou ne peuvent saisir ni interpréter. Le fou systématique connaît
également l'importance et la signification de toutes choses, le
malade atteint de confusion mentale a perdu toute notion, con-
trairement à ce qui se passe dans la folie systématique aiguë, les
accidents morbides sont soumis collectivement à un continuel
changement, ils ont pour caractère de n'en avoir pas. Meynert les
a ainsi définis : oscillation perpétuelle des symptômes sans valeur
distinctive, défaut d'unité dans la pensée et dans l'humeur. On ne
lui trouve pas ce cachet expansif qui forme toujours le fond de la
folie systématique; elle va de la tristesse la plus noire à la plus riante
gaieté, à la colère la moins motivée, avec la même impétuosité. Tels
sont les symptômes de déficit : à côté d'eux, Meynert range l'agi-
tation qui constitue un symptôme d'excitation. En somme, dans la
confusion mentale ou désordre dansles idées (amentia), l'incohérence
800 SOCIÉTÉS SAVANTES.
est le cachet des manifestations psychiques, dans la folie systé-
matique (paranoïa) celles-ci sont désajustées ou déplacées (Incon-
gruoenz).
La confusion mentale se distingue donc, de par sa nature, de la
folie systématique aiguë; elle s'en distingue aussi de par son étio-
logie, puisqu'elle débute généralement soudain après l'action de
l'épuisement, de la dyscrasie hématique, de l'intoxication, du dé-
veloppement des toxines. Mais il est moins facile d'en trouver les
caractères différentiels dans sa terminaison, puisque, comme dans la
folie systématique aiguë, elle peut guérir, mais elle guérit en lais-
sant des lacunes intellectuelles. Toutes deux peuvent aboutir la
confusion mentale chronique ou désordre chronique dans les idées,
terminée elle-même par la démence confuse (dementia confusa) qui
apparaît encore plus rapide et plus forte à la suite de la confusion
mentale non guérie. Mais ce qui est certain, c'est que la confusion
mentale n'aboutit pas à la folie systématique chronique. Si la gué-
rison incomplète de l'amenda laisse une lacune intellectuelle qui
sert de terrain à l'évolution d'une folie systématique chronique
(cela est hors de doute), il ne s'agit en tout cas que d'une genèse
secondaire et non d'une transformation directe de l'amentia en
paranoïa chronique, tandis que la folie systématique aiguë (para-
noia acuta) passe directement à l'état de folie systématique chro-
nique (paranoia chronica).
Ainsi MM. Cramer et Boedeker ont fait ressortir la parenté de la
folie systématique chronique (paranoïa chronica ) , de la folie
systématique aiguë (paranoia acuta) et de la confusion mentale
(amentia) parce que ces trois complexus ont des symptômes dont
la genèse est connexe (hallucinations sensorielles-idées délirantes
incohérence) et qu'ils sont reliés entre eux par une affection
de l'activité intellectuelle. Quelque opinion que l'on ait sur cette
manière de voir, il est impossible qu'on les suive plus loin et que
l'on admette que ces trois types morbides ont pour base com-
mune la folie systématique ou paranoïa. Un delirium tremens n'a,
à mon sens, rien de commun avec la paranoïa, si ce n'est les
hallucinations et l'agitation, mais ces deux éléments morbides ne
surviennent-ils pas dans les psychoses les plus différentes ? Ce n'est
donc pas la symptomatologie qui doit servir de repère à la carac-
téristique de la maladie, et à sa dénomination, c'est l'ensemble du
tableau morbide et sa terminaison. L'étiologie même est impuis-
sante. Prenons l'alcoolisme; on y constate : du delirium tremens
qui est une <MK6K<M[ delirans acutissima qui, dans la plupart des cas
peut être désignée sous le nom de délire hallucinatoire; on y cons-
tate : les formes rapportées supra de la confusion mentale, la folie
systématique aiguë et chronique (paranoia acuta et chronica) enfin,
la paralysie générale alcoolique ; il est évident que tout cela c'est
de l'alcoolisme et cependant il produit autant de types morbides
SOCIÉTÉS SAVANTES. 501
caractérisés d'après leur marche et qui par suite doivent chacun
recevoir une dénomination particulière.
Quant au nouveau type décrit récemment par M. Mendel sous le
nom de folie systématique péi,iodique (pai,aizoiapei,iodica) il ne nous
est pas possible de l'admettre. La description précédente indique
en effet qu'il n'y a paranoïa que lorsqu'on a devant soi des symp-
tômes essentiellement analogues à ceux de la folie systématique
chronique ou des complexus symptomatiques se confondant direc-
tement avec celle-ci. Il faut effacer de la paranoïa tout ce qui ne
remplit pas ces deux conditions.
M. Jolly. Les rapports qui existent entre la confusion mentale
aiguë (acute Yerwirrtlaeit), et la folie systématique aiguë (pai,a ? zoia
acuta) acquièrent une netteté remarquable, quand on se pénètre
bien de ce qu'est l'alcoolisme aigu ; l'examen de cette forme mor-
bide permet de saisir la différence et la parenté des deux éléments
pathologiques en question. Ainsi jles malades affectés de delirium
tremens sont fréquemment en proie à des conceptions délirantes
polymorphes, ayant tout le caractère de songes, produites par des
images mouvantes, qui continuellement sont fournies par les sens;
c'est une fantasmagorie kaléidoscopique de tableaux et d'idées
n'ayant entre eux aucuns liens ou n'ayant que des relations très
lâches. Ces malades sont, au sens propre du mot, délirants, ils bat-
tent la campagne, mais ils sont aussi en plein désordre intellectuel;
c'est là le type de la confusion mentale aiguë. A côté d'eux, d'autres
alcooliques sont hantés dès le début d'une idée fixe,d'unehistoirequi
demeure invariable pendant toute la durée de la maladie et qui ne
fait que se développer sous l'influence d'autres songes morbides au
point de se systématiser de plus en plus; voilà la folie systématique
aiguë (paranoia acuta alcoolica de Speyr). Celle-ci, à l'exemple des
délirants simples du premier genre, peut en peu de jours évoluer
et disparaître, tout comme le rêve après le sommeil, les malades
peuvent aussi en conserver le souvenir pénible, mais ce souvenir
finit lui aussi par s'évanouir de la mémoire. Ou bien elle dure
quelques semaines pour guérir encore. Ou bien enfin elle se trans-
forme en folie systématique chronique (paranoia chronica alcoolica).
Entre ces deux groupes de délires alcooliques, il y a aussi des
formes mixtes dans lesquelles une histoire mythique invariable cons-
titue le noyau de la maladie autour duquel tourne un monde de
visions mobiles. Mais ces formes mixtes, comme on le voit, ne dé-
truisent pas l'existence des deux variétés (délirante et systématique)
de l'alcoolisme aigu.
Les mêmes rapports existent entre les pychoses aiguës indépen-
dantes de toute influence alcoolique. Les unes sont de la confusion
mentale aiguë (acute Verwirrtheit) ou désordre intellectuel aigu, les
autres sont de la folie systématique aiguë (paranoia acuta).
S02 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La confusion mentale aiguë ou désordre aigu dans les idées, en-
core appelée parFuerstner acute hallucinalorische Yerworrenheit (dé-
sordre dans les idées hallucinatoire aigu), par Meynert Amentia,
par 111endel délire hallucitaatoire,présente fréquemment une marche
suraiguë et favorable, quand elle est consécutive à des maladies
fébriles aiguës, de sorte que le traitement à l'asile devient inutile
(111endel). Alais, même alors, il y a quelques cas dans lesquels le dé-
lire dure bien plus longtemps et continue pendant des mois. Il y a,
par contre, des syndromes de confusion mentale aiguë, dont la genèse
est indépendante de maladies fébriles, qui néanmoins se traduisent
par les mêmes manifestations; ils sont dus soit à un épuisement
physique très profond, soit à une émotion morale extrêmement vive
ou bien éclatent sans motifs connus : les hallucinations manquent
alors rarement, souvent elles sont le symptôme prédominant,
mais elles peuvent également ne jouer qu'un rôle accessoire et,
dans ce cas, c'est l'idéation qui est primitivement et directement
troublée, l'enchaînement des idées est dissocié (Ziehen). Cette
dissociation déconcerte les malades, troublé leur aperception et
détermine le désordre des conceptions. Tout comme les délirants
alcooliques de la première série, souvent ces aliénés sortent de
leur somnialion et arrivent à percevoir certainesimpressions d'une
façon correcte et à en tirer des conclusions exactes, mais ilsretom-
bent bientôt dans la confusion mentale (Ve ? ,wi ? ,7-theit). Le polymor-
phisme des conceptions délirantes est, dans ces états, la règle ; ja-
mais en tout cas, il n'y a organisation d'un délire suivi, systéma-
tiquement coordonné, c'est le désordre, l'embrouillement des idées
et des concepts qui prédomine jusqu'à la fin du tableau morbide.
Dans certaines circonstances cela peut durer longtemps, bien sou-
vent plusieurs mois, jusqu'à ce que s'effectue la guérison qui finale-
ment et le plus fréquemment arrive. En d'autres cas, il en résulte
un affaiblissement psychique permanent; quelquefois aussi, à la
suite de la confusion mentale qui cède, on voits'organiser quelques
idées délirantes systématiques, et alors on peut dire qu'il s'est agi
d'une folie systématique chronique (poranoiu chronica) ayant été
précédée d'un stade de confusion mentale (Verwirrtlaeit).
Vis-à-vis de ces exemples de délire simple susceptible parfois de
se transformer en délire systématique, mais qui le plus fréquem-
ment du commencement jusqu'à la fin restent du délire simple ou
delà confusion mentale, il y en a d'autres dans lesquels de prime
abord les idées pathologiques affectent une direction déterminée;
dès le début, il y a délires de persécution ou de grandeur qui ne
tardent pas à se mélanger. Les hallucinations jouent ici fréquem-
ment un rôle, mais pas toujours un rôle considérable. C'est de la
folie systématique aiguë (paranoïa acuta), qui mérite sans conteste
son nom. Il y en a des cas d'une durée très courte se terminant par
la guérison. Il s'agit alors généralement d'héréditaires à forte tare
SOCIÉTÉS SAVANTES. 503
qui deviennent malades sous des influences minimes et reprennent
très vite leur lucidité. Mais il est plus fréquent d'observer une plus
longue durée de la maladie; pendant plusieurs mois le délire sub- ·
siste et subit des transformations ; tantôt c'est une agitation assez
marquée, tantôt c'est une sidération quasi-stupide, enfin il peut se
produire une rémission pendant laquelle une partie des idées déli-
rantes sont corrigées ou mises en doute par le malade. La marche
finales peut être favorable, mais il n'est pas rare du tout de la voir
se transformer en folie systématique chronique (paranoia chronica) ;
il n'y a donc en principe aucun motif de séparer la paranoïa chro
nique de la paranoïa aiguë, puisqu'il n'y a de différence entre elles
que dans la variété de rapidité de l'évolution et que les signes
. fondamentaux des deux affections sont les mêmes.
Il est maintenant aisé de comprendre qu'entre la confusion men-
tale aiguë (acute Verwirrtheit) et la folie systématique aiguë (para-
noia acuta), il y a les mêmes formes de transition que celles qui
existent]entre le délire alcoolique aigu simple et le délire alcoolique
aigu systématique. Dans la folie systématique aiguë aussi on observe
des épisodes de confusion mentale passagers, soit au début de la
maladie, soit dans son cours; c'est fréquent. Dans la folie systé-
matique aiguë également la dissociation de l'idéation, la suspension
et l'accélération de l'émission des idées jouent un rôle essentiel, et
il y a des cas dans lesquels on est tout aussi autorisé à attribuer à
tel ou tel symptôme ad K<)t<u ? H l'importance prépondérante et, par
suite, à fabriquer telle ou telle terminologie.
On est donc parfaitement en droit de distinguer deux variétés de
folie intellectuelle primitive aiguë, sous les rubriques de confusion
mentale (Veriviri,theit) et paranoïa (folie systématique), mais il
faut savoir qu'il s'agit de deux formes proches parentes. Il convient
d'y ajouter une troisième, variété sous le nom d'affaiblissement psy-
chique aigu (acute Geistesschzvoeche) ou de démence aiguë, que
M. Jolly a pris l'habitude de désigner sous le nom d'anoia acuta. Il
n'en sera pas question ici.
A côté de ces formes morbides constituées par un trouble des
sources de l'idéation (Voistelliii2gssphoeie), on a coutume de consi-
dérer à part comme formant un groupe parfaitement séparé, des
troubles primitifs de la sensibilité morale ou affective (Affect.-odei-
Geficlclssttewnzgen). Et en effet il s'agit api'Mrt de quelque chose de
tout à fait différent.
Mais quand on serre de près l'étude des deux types de ce dernier
groupe, la manie et la mélancolie, en se plaçant au point de vue
que nous venons de formuler, on reconnaît tout aussitôt que la déli-
mitation en est loin d'être claire et simple.
Eu ce qui concerne la manie, M. Cramer dit : « Qui a vu un grand
c nombre de maniaques n'éprouve aucune difficulté à établir son
c diagnostic à moins qu'il ne soit un débutant ou un médecin
504 -SOCIÉTÉS SAVANTES
c praticien. » Eh bien ! ce n'est pas toujours aussi commode et le
spécialiste le plus expérimenté se tâte souvent, tout comme le dé-
butant. Les scrupules qui le hantent proviennent justement de la
question qui se rattache au délire hallucinatoire ou confusion men-
tale, dont nous venons de parler. Dans bien des cas de confusion
mentale, l'humeur des malades correspond surtout à celle de l'état
maniaque, mais, réciproquement, chez le vrai maniaque, le mania-
que type, on constate souvent un stade de confusion mentale hal-
lucinatoire caractérisé soit au début, soit dans le cours de la ma-
ladie. Sans doute on dit que dans un cas l'anomalie de l'humour
est primitive et qu'elle a entraîné la confusion mentale, tandis
que dans l'autre, les conceptions délirantes de l'état de confusion
mentale ont provoqué une cénesthésie gaie. C'est parfait en théorie.
Mais en pratique s'il y a des cas dans lesquels la succession des
phénomènes est indubitable, et en d'autres il est impossible, quel-
que attention soutenue qu'on y mette, de faire la part de la prio-
rité du trouble. On en peut dire autant pour quelques cas de folie
systématique aiguë caractérisés par un état céneslliétique mania-
que, très marqué et très persistant; là aussi il est fréquemment im-
. possible de dire si c'est l'exaltation de l'humeur qui a produit les idées
de grandeur;' ou si celles-ci ont procédé à celle-là, par suite, il est
tout arbitraire de ranger ces observations dans une dos formes
typiques. En conséquence, pour ne pas violenter les faits, on est obligé
de reconnaître qu'entre la manie d'une part et la confusion mentale et
la psranom de l'autre, il existe des formes mixtes, tout aussi bien
qu'entre ces deux dernières formes; on arrive ainsi, suivant la pré-
dominance de tel ou tel phénomène, à formuler les expressions de :
manie par anoïque ou paranoia maniaque ; de : manie avec confusion
mentale, c'est-à-dire manie délirante ; de : confusion mentale maniaque.
Il en est ainsi pour la mélancolie qui de même peut se montrer
sous la variété paranoïque et délirante, tandis que, d'autre part,
il existe des cas de paranoïa et de confusion mentale avec état
mélancolique marqué et persistant.
Il est donc établi que les formes aiguës des troubles psychiques,
dont il est question ici, envisagées au point de vue des symptômes,
permettent de reconnaître tantôt une atteinte très vive de la
sensibilité morale (mélancolie manie) tantôt une forte
participation de l'idéation (confusion mentaiedémence para-
noïa), et que ces termes ne désignent que pour une série de cas
l'ensemble symptomatique de la maladie. Pour beaucoup d'autres
observations, il faut employer des termes plus compliqués si l'on
veut rendre par une expression conforme à la vérité les symptômes
multiples qui correspondent aux processus morbides agissant sur
toutes les parties du mécanisme psychique.
M. IOELI. Dans les perturbations mentales aiguës, c'est-à-dire
SOCIÉTÉS SAVANTES. 505
celles qui débutent brusquement et qui ont une évolution rapide,
et qui procèdent surtout par création de conceptions délirantes
et d'hallucinations sensorielles, il y a des formes de transition.
Ainsi on reconnaît des cas dans lesquels les conceptions sont fort
dissociées, et où la conscience a d'emblée, ou à la suite de cette
dissociation, subi un préjudice considérable. Il en est d'autres
caractérisés par l'organisation d'un délire systématique avec con-
servation de la pleine lucidité des perceptions, de la mémoire, etc.
Il en est enfin d'intermédiaires. La construction systématique
d'un délire cohérent dont le texte est exactement délimité, sans
l'intervention de quelques idées et hallucinations diffuses, avec
appréciation nette des choses et personnes qui entourent le malade
représente la forme de beaucoup la plus rare ; la plupart de
ces cas se rattachent à l'alcoolisme.
M. Cramer dit, en ce qui concerne la sensibilité morale ou affec-
tive : « elle ne joue qu'un rôle secondaire. » Ce n'est pas tout à
fait exact. Sans doute, dans la folie systématique chronique, ce qui
est le plus remarquable, ce qui détermine l'évolution de la
maladie en plein développement, c'est le trouble de l'activité con-
ceptuelle. Mais il n'est pas du tout démontré que la sensibilité
affective de ces malades n'ait pas été du tout amoindrie au début.
On reconnaît généralement un lien entre la sensibilité, l'hu-
meur et le texte des conceptions. Dans la vie normale les senti-
ments intimes provoquent et déterminent l'appréciation que
chacun se fait des rapports de sa personne avec les autres. L'idée du
moi se forme dès le début de la vie à l'aide des sensations et des
sentiments correspondants; c'est la sensibilité morale qui, sans
conteste, règle les allures de l'enfant et les adapte au monde
extérieur; elle continue plus tard son rôle et nous fait comprendre
le décor des choses et des personnes qui nous entourent, en leur
assignant dans l'intimité de nous-mêmes leur véritable place
et par suite la nôtre. Nos conceptions ont pour origine et pour
mobiles les sensations de plaisir ou de déplaisir qui déterminent
nos sympathies,[nos antipathies physiques et morales ; sensations et
sentiments produisent, en engendrant les idées de relation entre
notre individu et les autres, notre personnalité. Or le cercle des
conceptions des fous systématiques a pour centre leur propre per-
sonne. Il est donc peu croyable que la falsification des rapports
d'un être avec le monde extérieur n'ait pas été influencée par la
sensibilité (terme générique) en général; naturellement nous
n'entendons pas parler des paresthésies hypocondriaques ou tabé-
tiques. Il est donc, en se plaçant dans le cadre de la psychophy-
siologie, plutôt à penser que, dans un grand nombre de cas, dès
le début, à la période de méfiance, on n'a pas du tout affaire
à l'idée obsédante et vivante d'une persécution. La sensibilité
intime de ces malheureux témoigne tout au contraire d'une ten-
506 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dance affective spéciale et prédominante qui plus tard imprimera
aux conceptions relatives à leur propre personne, dès qu'elles se
produiront sous une influence étrangère, leur direction morbide.
En effet, sous le nom d'hommes sensibles nous désignons les
gens qui, impressionnés par un événement extérieur, sont inca-
pables de raisonner leur émotion; l'impression morale détermine
en eux un monde de pensées auxquelles l'émotion donne un tour
unique. Pourquoi cela ne se produirait-il pas chez les fous systé-
matiques ? Évidemment la sensibilité intime entre en jeu. Tout au
moins est-ce à supposer dans la folie systématique chronique.
Quant à la confusion mentale hallucinatoire aiguë, on a, dans
quelques cas, nettement constaté, dès le début, la coparticipation
des sensations et des sentiments. Chez ces malades, on remarque
souvent pendant quelque temps une sensation d'étouffement, un
état d'agitation intérieure vague. Ils n'émettent pas de conception
morbide, ils se contentent de dire « je suis tout autre » ou c voilà
qui est drôle ». Ils n'ont pas l'idée qu'ils sont malades, ils veulent
simplement dire par ces mots qu'ils sentent en eux une modifi-
cation vague de la sensibilité. Aussi les voit-on précipités, iné-
gaux, inquiets, parfois tout à fait bouleversés. Ce n'est qu'après
qu'apparaissent quelques impressions sensorielles bizarres ; le '
monde extérieur leur semble c tout autre ». - A la fin seulement
se développent des conceptions déterminées, généralement provo-
quées par certaines perceptions : < Qu'est-ce, pourquoi pousse-t-on
cela ? cela doit signifier quelque chose ! Craintifs et incertains, sans
que pour cela leur humeur soit invariablement modifiée dans
sa totalité, ils sont tantôt enjoués, badins, tantôt anxieux et de
mauvaise humeur. Cette manière d'être a pour cause évidente
bien souvent la nature des Conceptions et (hallucinations mobiles.
Mais aussi, au début' comme plus tard, il n'en est pas toujours
ainsi; du moins ne peut-on toujours le démontrer. A une période
plus avancée on ne sait plus ce qui se passe en eux et par suite
on ne peut se faire une idée nette de chaque cas. Mais il est des
observations dans lesquelles, même à une phase ultérieure, il se
produit des modifications de l'humeur toutes primitives qui, dans
les rapports de la vie, les plaisanteries, la forme des réponses sont
autant d'éléments qui vous frappent, et ne sauraient être attribués
à la suppression secondaire de la sensibilité par la nature des
conceptions pathologiques. Il en est de même de l'extrême maus-
saderie, et de la sensiblerie qui se manifestent à l'occasion de
questions indifférentes. Ceci s'observe surtout chez la femme. Eh
bien ! en tous ces cas on n'a pas plus affaire à la maussaderie
mélancolique qu'à l'humeur maniaque, car assez souvent il n'y a
pas de continuité dans le mode de l'affectivité. Il va de soi que nous
en excluons les cas dans lesquels la dépression peut être la consé-
quence d'un événement pénible (perte accouchement souci).
SOCIÉTÉS SAVANTES. 507
L'atteinte de la sphère sensible dans les affections consécutives
à une intoxication ou, ce qui est peut-être la même chose, à un
trouble de la nutrition cérébrale, à l'épuisement du cerveau, n'a
rien de frappant. Si l'organe de la vie psychique est un, il nous
est impossible de localiser en des régions distinctes l'idéation
et la sensibilité et d'en disséquer à ce point les rapports que nous
soyons en droit d'espérer de telles modifications imprimées aux con-
ditions de la vie voir surgir un trouble que l'on puisse pleinement
rattacher à l'une des fonctions psychiques fondamentales. [Quoi
qu'il en soit, les cas désignés sous les noms de Verwirrtheit et
Wahnsinn sont impropres à appuyer l'opinion qu'il s'agit exclu-
sivement, dans l'espèce, d'anomalies de l'idéation.
M. Neisser. Il me paraît important de faire observer que les
éléments cliniques sur lesquels chacun des orateurs s'appuie pour
exprimer ses opinions, s'écartent les uns des autres et ne con-
cordent pas, pour une bonne part, avec les descriptions de nos
livres classiques; chacun d'eux s'est efforcé de tracer de nouvelles
descriptions de tableaux morbides et de prendre celles-ci pour base
de ses propres développements. La psychiatrie en effet traverse
une période de développement dans laquelle la description com-
préhensive des traités n'a encore 'pu suivre les conquêtes de
l'anatomie et de la physiologie cérébrales et de la psychologie.
Or la bibliographie et les traités ne reflètent point actuellement
l'état présent de nos connaissances, aussi chaque savant psy-
chiatre de l'Allemagne s'écarte-t-il des traditions classiques. Il
nous manque avant tout un arsenal commun d'observations à
description suffisamment exacte; je serais bien embarrassé de dire
où, dans la bibliographie, on pourrait trouver un nombre suffi-
sant de cas observés avec exactitude, du commencement à la fin
de la maladie. Ceci ne s'applique pas seulement à la paranoïa,
ceci s'applique encore, à l'exception peut-être de la paralysie
progressive, à presque toutes les psychoses. Pour que les descrip-
tions concourent au progrès de la science, il faut qu'elles s'en
tiennent à la différenciation des symptômes, sous peine de faire
une peinture artificielle ou de forcer l'interprétation des faits.
Pour analyser la personnalité d'un malade, il faut pénétrer les
mobiles de ses actes et obtenir des confidences sur ce qu'il sent
et ce qu'il pense; c'est seulement par une description minutieuse
de ces phénomènes intérieurs que l'on arrive à établir la prio-
rité de tels ou tels symptômes. Malheureusement jusqu'à ce jour,
sur ce terrain, ce sont les poètes qui tiennent la corde et leurs
descriptions sont inutilisables au point de vue médical.
En ce qui concerne l'historique, Snell à mon sens avait très
étroitement circonscrit le groupe qui nous occupe puisque, à
l'origine, il ne faisait rentrer dans la folie systématique primaire
508 SOCIÉTÉS SAVANTES.
(primoerer Wahnsinn), que les cas caractérisés par des idées déli-
rantes de persécution avec exagération de la personnalité. Dans cette
exagération de la personnalité, Snell voyait le germe dont devaient
ou dont pouvaient naitre plus tard les idées délirantes de grandeur.
Évidemment Snell n'admettait pas la théorie actuelle d'après
laquelle un état mélancolique pouvait servir de base à l'édification
d'un délire fixe. Dans un mémoire ultérieur, Snell indiqua combien
de ses malades avaient créé des idées de grandeur, il y faisait remar-
quer que, quant à l'époque de leur production, ainsi quesousbeau-
coupd'autresrapports, il existe desvariétés. 11 est manifeste que Snell
s'est pleinement rendu comptede l'intimité des relations qui existe
entre les idées du délire de persécution et celles du délire de
grandeur, mais il n'a pas développé ce point de pathologie
générale; ses observations sommaires ne fournissent non plus
aucun éclaircissement sur la nature de l'ensemble des phénomènes
qui président à la formation du délire. Il s'est contenté d'esquisser
à grands traits les tableaux morbides; ses travaux sur ce sujet sont
suffisamment importants pour fournir un arsenal d'observations
capable de permettre de tenir le délire chronique de Magnan pour
artificiel.
Comme l'a parfaitement indiqué M. Jastrowitz, malgré les
travaux antérieurs de Snell et Sander, le mémoire de Westphal
est le premier qui ait constitué d'emblée le nouveau type en
quelque sorte de la folie systématique primitive (primoere Paranoia).
Pourquoi ? Sans doute l'autorité de Westphal ne fut pas étrangère
à ce résultat. Mais il y a à cela une cause plus profonde. Avant
Westphal, on savait que dans le cours de psychopathies très diverses,
des idées délirantes peuvent se développer, qu'elles peuvent être
soit dépressives, soit exaltées. On savait également que ces symp-
tômes apparaissent dans plusieurs psychopathies aiguës. Il n'y
avait donc dans l'allégation de Westphal point matière à une
nouveauté pathologique ou clinique spéciale. C'était une thèse de
pathologie générale qui prenait naissance; il était démontré en
effet que, sans préjudice de l'extraordinaire variété de la marche,
on pouvait coordonner un nombre infini de cas en les expliquant
par le mécanisme d'une anomalie dans les procédés conceptuels,
par l'intervention d'un mécanisme anormal dans le jeu des con-
ceptions intellectuelles, dans le domaine de l'idéation, par Fin.
variabilité du texte de ces conceptions morbides. Westphal savait
fort bien que cette généralité clinique ne tranchait pas l'histoire
symptomatique de chaque malade, il a en termes exprès indique
qu'assez souvent il se produit des troubles morphologiques indé-
pendants dans l'émission des conceptions, et que ces troubles
affectent l'apparence phénoménale de la confusion mentale
(Verwirrtheit). C'est ce que Ziehen a oublié de mentionner
lorsqu'il a révélé que dans la folie systématique (paranoia) il peut
SOCIÉTÉS SAVANTES. 509
se montrer de l'incohérence primitive. Westphal a donc fait oeuvre
de pathologie générale.
Pour arriver, en se tenant dans la clinique pure, à distinguer et
à grouper les maladies, itfautparvenir à assembler les cas qui con-
cordent entre eux par les traits principaux de l'ensemble de leur
évolution; on obtiendra ainsi certains exemples probants et des
types cliniques d'une exactitude permanente, à la condition que
les symptômes morbides y soient autant que possible simples, lim-
pides, univoques. Mais cela est difficile, car la clinique fourmille de
formes de transition, de formes mixtes. Pour étudier ces formes
mixtes, on est obligé de laisser de côté le guidon de la clinique
pure et de s'efforcer d'évaluer certains symptômes, d'en dégager
la dépendance réciproque; on fait ainsi de la pathologie générale.
La phase de développement que traverse actuellementla psychia-
trie impose précisément de faire de la pathologie générale. Il est
nécessaire, à mon sens, de prendre comme point de départ, la
structure du système de projection et, partant alors de la périphé-
rie pour aller vers le centre, de suivre les groupes de phénomènes
neuro-psychiques (conscience del'élat du corps de l'individu, etc.) qui
se produisent de la périphérie au centre, individuellement, dans leurs
relations mutuelles, dans leur coordination; de mettre en évidence
les troubles de l'identification (Rieger) ; de rechercher l'influence
que chacun de ces troubles exerce secondairement sur le méca-
nisme de l'association des impressions et des idées, en un mot
d'étudier systématiquement les conditions de succession des phé-
nomènes. On trouvera alors que, quels que soient les points faibles
déterminés par la maladie mentale, les excitations locales les
plus différentes peuvent, par irradiation sur la sensibilité morale,
engendrer ces complexus symptomatiques spéciaux de la psychose
sous la forme de phénomènes concomitants ou 'consécutifs. Cette
démonstration devra exercer une réaction profondesur l'intelligence
et le groupement de chacun des tableaux morbides.
Je m'en tiendrai là d'autant mieux qu'il n'y apasbien longtemps
un observateur distingué a développé les traits principaux d'une
symptomatologie psychiatrique (die Gi,uiidziige einer psychiati-ischen
Symptomenlelere) et qu'il est à espérer que Wernice ne s'en tiendra
pas à ces indications concises. Ce que j'ai voulu montrer, c'est que
les difficultés que l'on éprouve à comprendre et à faire comprendre
les questions relatives à la classification clinique, ont leur source non
pas dans les variétés séméiologiques, non plus dans la bonnevolonté
des chercheurs auxquels fait appel Werner, mais bien dans la
phase actuelle de développement de notre science.
Pour moi, la condition préliminaire à remplir pour mettre du
jour dans les questions de la psychiatrie spéciale, n'a pas jusqu'ici
été remplie, elle exige d'une part de nouvelles descriptions exactes
d'observations dans lesquelles on aura bien différencié les symp-
810 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tomes, et d'autre part l'édification en sous-oeuvre d'une bonne pa-
thologie générale.
Il me paraît, pour terminer, utile de présenter quelques courtes
remarques sur l'autophilie de Bail ou Krankhafte .Etg'e6ez ! e/MH : <;
(relations morbides du moi) de Neisser Eigenioahn de Meynert, que
j'ai désignée sous le nom de relations vicieuses du moi (fehlerhafte
EteK66z : e/t : <Mg'). M. Cramer veut bien lui reconnaître un rôle
important dans la formation du délire systématique; il prétend
que ce symptôme a une genèse compliquée et que par conséquent
il n'est pas un symptôme primitif. C'est ce que j'ai moi-même sou-
tenu et j'ai ajouté, pour exemple, que les émotions violentes
peuvent exagérer les relations de la personnalité. Je pense encore
aujourd'hui que les troubles morbides quiproduisent ce phénomène,
notamment dans la folie systématique, échappent à toute recherche
directe;l'observation immédiate du malade permet simplement d'en
constater l'existence. 11 a une importance énorme. Même lorsque
l'autophilie dérive d'un mécanisme psychologique normal, quand
elle se rattache à la sensibilité morale, ou à des troubles de l'iden-
tification ou encore à des idées délirantes déterminées, d'ordinaire,
dans le cours ultérieur de la maladie, elle revêt l'importance d'un
symptôme autonome, et, séparée des conditions pathogénétiques qui
l'ont produite, elle subsiste en tant que fonction vicieuse. Cette
indépendance d'un symptôme d'origine primitivement secondaire
joue un grand rôle en psychopathologie. Il est notamment fréquent
de voir des mouvements de la physionomie qui, à l'origine,
étaient associés à des conceptions déterminées, persister plus tard
comme symptôme autonome. Quoi qu'il en soit, l'autophilie exa-
gérée indique qu'un système de délire est en voie d'organisation.
M. MENDEL appuie l'expression de M. Cramer de psychoses fonc-
tionnelles.
N'avons-nous pas celle des névroses fonctionnelles ; ceci ne veut
pasdire qu'elles n'aient point de substratum anatomo-pathologique,
ceci signifie que nous ne possédons pas de moyens d'investigation
suffisants pour pouvoir constater une altération anatomique.
La folie systématique aiguë simple (paranoïa simplex acuta) peut
se produire non seulement chez des individus atteints préalable-
ment de faiblesse d'esprit (Schwaclcsiznige) mais aussi chez des gens
préalablement sains d'esprit.
Si M. Jolly n'attache pas au délire hallucinatoire un pronostic
aussi favorable que moi ; la raison en est que je ne range pas
sous le nom de délire hallucinatoire les cas qu'il a cités. Ceci
montre que nous ne nous entendons souvent pas jusqu'ici sur la
nomenclature dont nous nous servons.
Cette discussion sera poursuivie dans la prochaine séance. (Allg.
Zeistsch. f.Psychiat., LI, 1.) P. KLIIIVAL.
BIBLIOGRAPHIE.
IV. Contribution à l'étude des HetH'o-e<M6n<es toxiques (Psychose
polynévritique) ; parle D1' G. HAURY. (Thèse de Lyon, 1894.)
Ce travail de pure critique, inspiré par M. le professeur Pierret,
a pour but de montrer, en s'appuyant sur les données de la patho-
logie générale que la psychose polynévritique, esquissée par M. Kor-
sakow, n'est pas une entité morbide. Par une argumentation serrée,
l'auteur rend évident que les polynévrites accompagnées de troubles
psychiques ne représentent qu'une phase de syndromes variés pro-
duits par la présence de toxiques dans le système nerveux central
et périphérique.
M. Haury étudie une par une toutes les observations publiées jus-
qu'à ce jour au triple point de vue de l'étiologie, de l'anatomie
pathologique et de la symptomatologie.
Pour que la psychose polynévritique, entité morbide, ait droit à
l'existence il lui faut une étiologie constante. Remplit-elle cette
condition ? L'étiologie apparaît, très complexe si l'on ne fait pas
intervenir le seul facteur constant, l'intoxication. Des cas de psy-
chose polynévritique s'observent à la suite de nombreuses affec-
tions, de l'alcoolisme isolé ou associé à certaines maladies géné-
rales. Par un procédé didactique contestable et malgré la fréquence
des troubles cérébraux et des névrites, associés à l'alcoolisme,
M. Korsakow les laisse purement et simplement de côté. Tilling
(de Riga) avec plus de raison dans un travail basé sur sept obser-
vations reconnaît que l'alcoolisme est la cause la plus fréquente
des psychoses dites polynévritiques. D'autres auteurs l'ont suivi
(Lilienfeld, Schultz, Thomas Granger, Slewart, Thomas Buzzard,
etc.). Mais il découle de tous ces travaux que le plus souvent à
l'action de l'alcool s'ajoute celle de quelques maladies générales
(syphilis, tuberculose, hépatisme, ictère). Isolée, la tuberculose a
une influence incontestable. Les affections utérines agissent par
les intoxications, qu'elles amènent à leur suite.
Il en est de même du rhumatisme, de la fièvre typhoïde, etc.
Toutes ces affections sont, en somme, des intoxications et l'étio-
logie de la psychose polynévritique complexe en apparence devient
simple si on la rapporte à cette cause unique. Si ce syndrome
psyclionévritique est le résultat d'intoxications variées, pourquoi le
nom et l'entité ? M. Korsakow c'est là son mérite, a tenté de rap-
512 BIBLIOGRAPHIE.
procher les névrites périphériques des troubles cérébraux qui les
accompagnent, les précèdent, mais aussi qui peuvent exister isolé-
ment. Mais ni la polynévrite, ni la psychose ne se commandent.
Elles dépendent l'une et l'autre de l'infection, de l'intoxication. La
psychose polynévritique n'est donc pas une et même si l'on accepte
la terminologie de M. Korsakow il faut dire qu'il y a des psychoses
polynévritiques typhiques, septiques, tuberculeuses, alcooliques, etc.
L'anatomie pathologique de la future entité est fondée sur
six autopsies peu complètes et peu concordantes. L'étude des
observations accompagnées de guérison montre d'ailleurs que les
phénomènes paralytiques et atrophiques ne guérissent que lente-
ment. D'autre part les phénomènes psychiques mettent un temps
très long pour s'amender. 11 est donc permis de supposer l'exis-
tence de lésions graves des cellules, des tubes et des vaisseaux
cérébraux.
Dans les cas où l'autopsie a pu être faite, on a trouvé dans les uns
des lésions atteignant les nerfs périphériques, le cerveau et même
la moelle. Pour quelques-unes on n'en a pas trouvé. Les lésions
des nerfs, plus souvent recherchées, ont été qualifiées polynévrites. '
Dans un cas ce sont des lésions de névrite parachymateuses (Pierret,
Alix Joffroy), dans les autres ce sont des lésions dégénératives en
tout semblables à l'altération qui suit la section ou l'écrasement
d'un nerf (Vierordt, Th. Gr. Stewart, Korsakow,- Strumpell,
Mueller).
A côté de ces lésions ambiguës des nerfs, il en existe du côté de
l'encéphale. A ce point de vue les autopsies peuvent être divisées
en deux groupes. Dans les uns, on constate des lésions nettes
inflammatoires ; dans les autres, il n'y a pas apparence de lésions.
Dans le premier cas, les lésions doivent être rapprochées de celles
observées dans les folies liées aux maladies aiguës ; dans le second,
en dépit des résultats négatifs, à l'oeil nu, on ne peut conclure à
l'absence des lésions microscopiques.
En résumé, dans les cas nets, quand il y a inflammation des
nerfs, il y a aussi dégénérescence (toxique) des cellules en sorte
que la maladie n'est pas une psychose. Il s'agit là d'inflammations
du cerveau, à rapprocher des paralysies générales et démences
toxiques.
Au point de vue symptomatologique, les phénomènes observés
sont de deux ordres : périphérique et central. L'étude critique des
symptômes périphériques : troubles de motricité, de sensibilité et
trophiques, montre que les observations sur lesquelles on s'est
appuyé pour décrire la psychose polynévritique sont essentiellement
disparates. Certaines semblent appartenir au groupe des névrites;
beaucoup se rattachent aux intoxications avec ou sans lésions
nerveuses connues. Quelques-unes sont à rejeter parce qu'on a
attribué à des névrites hypothétiques ce qui ressortissait de ma-
BIBLIOGRAPHIE. 513
ladies absolument spéciales ; ataxie, lésions du cervelet, myélites
diffuses, en plaques, combinées ou compliquées.
Les phénomènes d'ordre cérébral sont de deux sortes : les
troubles mentaux et d'autres phénomènes d'ordinaire rattachés à
la sphère cérébrale, les vomissements, les vertiges, le nystagmus,
les troubles de la parole, etc. Tous les auteurs attribuent une
importance capitale au vomissement, qui devient une sorte de
symptôme prémonitoire (M. Devic, Th. de Strauss, Lyon 1893),
annonçant les désordres psychiques. Cependant l'examen détaillé
des observations permet à M. Haury de conclure que ce symptôme
est dû à des causes variées, souvent banales.
Les troubles mentaux sont caractérisés, d'après M. Korsakow,
d'abord par un degré élevé de faiblesse irritable de la sphère
psychique, puis par un dérangement plus ou moins profond de
l'association des idées, et finalement par les troubles de la mé-
moire, qui sont toujours sensiblement les mêmes : amnésie des
faits anciens. Malheureusement ces troubles ne sont pas spéciaux
à la psychose polynévritique. Ils se rencontrent en tout semblables
dans toutes les maladies infectieuses et toxiques qui s'accompagnent
de symptômes indiquant la réaction du cortex vis-à-vis de l'intoxi-
cation générale de l'organisme. Les troubles de la mémoire sem-
bleraient se rencontrer seulement dans la psychose polynévritique.
Mais dans les infections, en particulier, fièvre typhoïde, influenza,
on constate aussi des troubles de la mémoire, pertes partielles ou
totales avec ou sans névrites. On doit appliquer à toutes ces
démences la loi de régression de la mémoire. Les faits récents dis-
paraissent avant les faits anciens. L'amnésie des faits récents n'est
pas spéciale à la psychose polynévritique, elle est le résultat uni-
voque de l'action de la plupart des toxiques sur les cellules céré-
brales.
M. Korsakow n'est donc pas plus en droit de s'appuyer sur la
symptomatologie que sur l'anatomie pathologique et l'étiologie
pour faire de la psychose polynévritique une entité morbide. Du
reste, M. Korsakow lui-même a reconnu qu'il était peut-être allé
trop loin. c Elle n'est qu'une modalité complète ou non, obligée
ou non, d'une intoxication. » Cet aveu démontre assez que la
psychose polynévritique n'est pas une entité morbide.
Dr DEVAY.
Chef de clinique des maladies mentales.
V. Contribution à l'étude des pseudo-méningites hystériques; symp-
tomatologie et diagnostic; par le Dr BRUGÈRE. (Thèse de Bordeaux
n° 47.)
Les accidents de pseudo-méningite hystérique existent réelle-
ment, mais le petit nombre d'observations montre aussi leur ra-
Archives, t. XXVIII, 33
314 BIBLIOGRAPHIE.
reté. La symptomatologie se rapproche beaucoup de celle de la
méningite tuberculeuse. On peut cependant l'en différencier par la
fréquence, les antécédents sympathiques, le mode de début de
l'affection, l'absence de fièvre, la persistance de l'état général et
surtout par l'évolution favorable de la maladie. E. R.
VI. Nature et traitement du goitre exophtalmique, par A. Joffroy,
professeur à la Faculté de médecine. (Aux bureaux du Progrès
médicale.)
M. le professeur Joffroy dans des leçons soutient la théorie déjà
exprimée par Moebius, Renaut (de Lyon) et Chevalier (de Mont-
pellier), à savoir que la maladie de Basedow se ratache soit à un
fonctionnement vicieux, soit à des altérations plus ou moins pro-
fondes du corps thyroïde. En exposant les symptômes du goitre
exophtalmique, plusieurs remarques sont à noter. -
Le goitre purement vasculaire sans aucune altération de tissu
n'existe pas; dans les goitres en apparence les plus vasculaires, on
trouve des noyaux indurés qui prouvent que la trame est malade
et cela même dans les goitres qui se développent rapidement, en
quelques heures.
Le corps thyroïde est souvent très difficile à constater, quelque-
fois même impossible, et cependant l'autopsie a démontré qu'il
existait toujours.
A côté des contractures que l'on rencontre quelquefois parmi
les symptômes de goitre exophtalmique, il faut citer les accès de
tétanie, ce qui est important, la tétanie apparaissant fréquemment,
comme conséquence de l'ablation du corps thyroïde et dans le
myxoedème postopératoire. A côté de l'oedème cardiaque des
Basedowiens, on a signalé un oedème qui, quoique localisé et le plus
souvent passager, peut être rapproché de l'oedème généralisé du
myxoedème. L'auteur passe ensuite à la réfutation des différentes
théories proposées pour expliquer la pathogénie du goitre exophtal-
mique.
Théorie cardiaque (Graves, Stokes, Luton, Beau). Il suffit de
noter que dans- la tachycardie essentielle où le coeur rappelle
assez celui de goître exophtalmique, il n'y a aucun, 'des symptômes
de cette affection; de même, dans la tachycardie des hystériques.
De plus pourquoi alors le goître serait-il si fréquemment, de même
que l'exophtalmie, irrégulier, unilatéral ?
Théorie de compression des vaisseaux et des nerfs (Marshal, Taylor,
Piorry). Comment par cette théorie expliquer : 1° les cas ou le
corps thyroïde est atrophié ; 2° les cas ou il y a diminution du
goître sans amendement des autres symptômes ; 3° les goitres très
volumineux avec les autres symptômes très atténués; 4° un goitre
unilatéral, produisant une exophtalmie double, etc. ; 5° de plus,
. BIBLIOGRAPHIE. SiS
si un nerf devrait être comprimé de par sa situation anatomique,
c'est bien plutôt le nerf récurrent et le sympathique que le pneu-
mogastrique.
Théorie du grand sympathique. Le grand sympathique dans les
autopsies a toujours été trouvé normal. Si, par l'expérimentation
sur le grand sympathique, on a pu produire une légère saillie des
globes oculaires, celle-ci ne ressemble en rien à l'ex.ophtalmie
deshasedowiens, et tous les autres symptômes manquent.
Théorie de la névrose (Charcot). Cette théorie est la plus diffi-
cile à combattre. L'argument de l'hérédité n'est pas absolument
convaincant, car il faut remarquer que dans la grande famille
névropathique, on trouve des maladies qui ne sont point, à propre-
ment parler, des névroses ; la diabète, le rhumatisme articulaire.
Le début subit qui est un grand argument en faveur de cette
théorie, n'existe souvent qu'en apparence, la maladie presque sûre-
ment existant déjà à l'état latent.
Théories bulbaires. La théorie de la névrose bulbaire soutenue
par Vulpian et par Panas, n'explique qu'une partie de la sympto-
matologie et encore ne dit pas pourquoi le bulbe fonctionnait d'une
manière aussi anormale. A la théorie bulbaire, par lésion de cet
organe on peut répondre que les lésions bulbaires sont très rares
dans le goitre exophtalmique et encore sont-elles variables.
Théories thyroïdienne. M. Joffroy explique les phénomènes de
la maladie de Basedow, par une altération du sang produite par
le fonctionnement vicieux du corps thyroïde altéré. On a affaire
à une maladie qui prend place à côté de certaines albuminuries
et de certaines glycosuries, c'est-à-dire à une maladie par altéra-
tion du sang consécutive au mauvais fonctionnement d'un organe
altéré.
Dans les quatre autopsies personnelles du professeur Joffroy, il
y a des lésions du corps thyroïde, et il faut remarquer ainsi que
cela a déjà été faite par le professeur Renaut (de Lyon) qu'on
trouve les lésions les plus diverses.
L'hypertrophie du thymus, plus ou moins prononcée, accompa-
gnant comme fait constant la maladie de Basedow, donne à son-
ger qu'il s'agit là d'un travail de compensation. La transformation
de la maladie de Basedow en myxoedème, mais sans la surajouta-
tion des symptômes de ces deux maladies, prouve également en
faveur delà théorie thyroïdienne. Charcot a fait remarquer la fré-
quence des intlanuuations thyroïdiennes à la suite du rhumatisme,
de la fièvre typhoïde, de la variole ; dès lors, on peut admettre la
thyroïdite infectieuse quand le goitre exophtalmique se développe
à la suite du rhumatisme ou d'une fièvre typhoïde.
L'étude des relations du goitre endémique et du goitre exophtal-
mique est en faveur de la théorie thyroïdienne.
S 16 G BIBLIOGRAPHIE.
Tous les deux se rencontrent plus souvent chez la femme. Dans
le goitre exophtalmique comme dans le goitre simple, l'hérédité
directe est fréquente. Il n'est pas rare de rencontrer le goitre simple
dans une famille de basedowiens, de même que le goitre exophtal-
mique peut se rencontrer dans une famille de goitreux. C'est
une grande erreur de croire que le goitre exophtalmique n'existe
pas dans les mêmes régions géographiques que le goitre simple.
Le début du goitre exophtalmique par le goitre simple est fré-
quent.A l'argument de Bruhl qui cite des faits de maladie de
Basedow évoluant alors que précédemment le corps thyroïde avait
dû être enlevé, on peut répondre que jamais on ne peut être sûr
que le corps thyroïde a été extirpé en totalité. Enfin, lors d'une
grossesse, qu'il s'agisse d'un goitre exophtalmique ou d'un goitre
simple, il y a toujours à craindre les mêmes accidents avec une
évolution similaire.
M. le professeur Joffroy passe ensuite en revue avec beaucoup de
détails les différents procédés de traitement tant médicaux que
chirurgicaux de la maladie de Basedow. Tout en constatant les
succès fréquents de l'intervention chirurgicale qui plaident encore
en faveur de la théorie thyroïdienne, il conclut que l'opération sur
le goitre ne doit jamais être pratiquée à la légère, non seulement
par crainte des accidents subits et mortels qui se produisent par-
fois, mais encore à cause du myxoedème postopératoire, résultat
presque inévitable d'une extirpation totale du corps thyroïde.
J.-B. CIIARCOT.
VU. Recueil d'observations de neuro-pathologie. Fasc. I, 2oS p. in-8°,
avec 8 fig. interc. dans le texte. Kazan, 1894; par V. M. Bechte-
REFF.
Ce livre ne constitue ni un traité, ni un manuel des maladies
nerveuses.il a simplement la prétention de contenir quelques ob-
servations qui, sortant de l'ordinaire, ont été étudiées par M. Bech-
terëff avec un soin plus particulier.
Dans ce premier fascicule nous trouvons six cas, tous déjà com-
muniqués à la Société des Neurologistes et Aliénistes de Kazan en
1892 et 1893.
En tête du recueil figure une observation relative à l'affection
décrite par Moebius en 1891 sous le nom de « akinesia algera » et
dont le symptôme dominant consiste dans un état douloureux de
tous les organes actifs et passifs du mouvement : os, articulations,
muscles. Il en résulte pour le malade une impossibilité plus ou
moins complète de se mouvoir. Pour l'auteur russe, l'akinesia algera
constituerait une affection indépendante, autonome. Il semblerait
plutôt qu'il s'agit d'un symptôme d'origine neurasthénique ayant
pris une importance insolite, car dans la majorité des cas décrits
BIBLIOGRAPHIE. 517
jusqu'à présent sous le nom d'akinesia algera, on dénote, à côté de
l'immobilité par suite de la douleur qu'occasionnent les mouve-
ments, d'autres symptômes tels que l'insomnie, la tristesse, l'in-
capacité intellectuelle, la sensation de douleurs au dos, etc..
Vient ensuite une observation très complète et très bien étudiée
sur le rire et les pleurs irrésistibles dans les affeclions organiques
du cerveau. M. Bechterëtf arrive à cette conclusion que le rire est
dû dans ce casa une lésion des couches optiques.
Dans l'observation suivante, il s'agit d'une lésion des radicules de
la queue de cheval par prolifération d'un néoplasme de la partie
inférieure de la colonne vertébrale. Cette lésion a déterminé non
seulement de l'anesthésie des régions fessière, anale, périnéale,
pénienne, comme cela arrive habituellement : elle a provoqué en
outre une diminution de la sensibilité au niveau des plantes des
pieds, de la région postéro-externe des jambes et de la région pos-
térieure des cuisses, une hyperesthésie de la partie inférieure de
l'abdomen avec paralysie motrice des muscles dans toutes ces ré-
gions. Or, ces particularités s'expliquent par ce fait que la lésion
de la queue de cheval a eu lieu plus haut que d'habitude : au niveau
de la deuxième vertèbre lombaire.
La quatrième observation est relative à une distribution singu-
lière de la paralysie sensitive et motrice dans un cas de lésion des
parties latérales et inférieures du bulbe. Il s'agit d'un homme âgé
de trente-sept ans qui a reçu accidentellement, à une distance de
cinq ou six pas, une décharge d'un fusil de chasse sur une région
située au-dessus de l'omoplate gauche, tout près de la colonne ver-
tébrale cervicale. Consécutivement à cette blessure, le malade a
présenté les symptômes suivants : parésie motrice passagère, anes-
thésie thermique et douloureuse, diminution de la sensibilité tac-
tile et conservation du sens musculaire sur tout le côté gauche du
corps, la face exceptée ; paralysie motrice, d'abord complète, plus
tard incomplète, diminution de la sensibilité tactile et perte du
sens musculaire sur tout le côté droit du corps, la face exceptée;
anesthésie sensorielle sur le côté droit de la face, principalement
dans le territoire de deux branches supérieures du trijumeau; affai-
blissement de la vue, de l'ouïe, du goût, de l'odorat du côté
droit.
La lésion, d'après Beeliteréff, a dû porter dans ce cas sur la par-
tie inférieure de la moitié droite du bulbe, sur la région située
entre ce dernier et la moelle épinière, sur les conducteurs chargés
de transmettre la sensibilité à la douleur dans le côté gauche du
corps et sur la racine ascendante droite du trijumeau.
Un cas de tétanie chez un soldat âgé de vingt-quatre ans consti-
tue le sujet de la cinquième observation.
Enfin, dans la dernière, l'auteur, chaud partisan de la méthode
hypnothérapique, rapporte l'histoire d'une hystéro-épileptique
518 ô BIBLIOGRAPHIE.
avec accès de somnambulisme, atteinte en outre de tuberculose
pulmonaire et vertébrale. La lésion vertébrale 'ayant son siège au
niveau de la première vertèbre lombaire provoque des phénomènes
de compression médullaire. Or, par la suggestion hypnotique,
M. Bechterëff fait disparaître tous les symptômes-douloureux éprou-
vés par cette malade.
Le recueil se termine par une étude d'ensemble sur l'hypnose
et sa valeur thérapeutique. J. Roubinovitch.
VIII. Élude clinique de la mélancolie sénile chez la femme;
par E. TOULOUSE. Paris, Jouve, 1891.
Les vieillards et surtout les femmes sont sujets à une forme spé-
ciale de mélancolie. Comme la sénilité, qui n'est pas en rapport
direct avec l'âge, mais bien avec les diverses causes de dégénéres-
cence des individus, la mélancolie sénile ne s'observe pas surtout
chez les vieillards les plus âgés. L'affaiblissement intellectuel et phy-
sique, un délire léger avec tendance à l'hypocondrie, quelques hat-
lucinations, des troubles de la mémoire et des sentiments affectifs,
des impulsions, etc., sont les symptômes de cet état sénile, qui
marche lentement vers la démence. J. Noir.
IX. L'Hypnotisme en médecine légale; par Abram Il. DALLEY.
(dledieo-legal Journal, v. XI, n° 3.)
L'auteur appelle l'attention du Congrès américain de médecine
légale (août 1893) sur ces cas aujourd'hui assez nombreux où
l'hypnotisme a été invoqué comme cause d'irresponsabilité par un
criminel qui n'aurait été que l'instrument passif d'un auteur seul
vraiment responsable. licite d'autre part un procès américain où
l'on a cru pouvoir interroger l'accusé mis préalablement en état
d'hypnose pour lui faire avouer son crime et certains détails parti-
culièrement à charge contre lui. L'auteur repousse d'ailleurs ce
dernier procédé en rappelant combien peu il y a lieu de se fier aux
témoignages des hypnotisés ou somnambules pas plus qu'il ne
faut ajouter de créance aux soliloques des gens en état de rêve.
A. Marie.
X. Essai sur la neurasthénie et la mélancolie dépressives considérées
dans leurs rapports réciproques; par François BoissiER. Paris,
Steinheil, 1894.
M. Boissier défend, et non sans succès, la thèse qui porte à faire
de la neurasthénie et de la mélancolie dépressives deux formes ou
plutôt deux expressions symptomatiques delà même maladie. Dans
une première partie, il expose l'analogie des conditions étiologiques
delà neurasthénie et de la mélancolie. Ces conditions étiologiques,
BIBLIOGRAPHIE. 519
par leur puissance, leur continuité et leur fréquence, peuvent faire
évoluer la première affection vers la seconde. L'étude des rapports
des phénomènes somatiques et des phénomènes psychiques forme
deux autres chapitres, dans lesquels l'auteur démontre qu'il n'y a
qu'une différence de degré dans les symptômes de ces deux états
morbides. De nombreuses observations, minutieusement recueillies
et choisies avec soin viennent opposer un fait à toute objection que
la critique serait tentée de faire à la séduisante théorie de M. Bois-
sier, et après avoir lu l'histoire de neurasthéniques devenus mélan-
coliques, de mélancoliques restés neurasthéniques après une gué-
rison incomplète, il semble difficile de ne pas partager une opinion
si nettement exposée et si habilement défendue. J. Noir.
XI. La paralysie générale ; par MM. Magnan et Sérieux. (Encyclo-
pédie des aide-mémoire Léazité.)
Au délire chronique déjà publié, par les mêmes auteurs dans
l'encyclopédie des aide-mémoire, vient s'ajouter le volume de la
paralysie générale où se trouvent condensés et coordonnés les
multiples travaux parus sur le sujet. Il serait superflu d'insister sur
l'importance capitale de l'étude de la méningo-encéphalite diffuse,
la plus grave et la plus commune des maladies mentales. Il n'est
pas de médecin qui ne puisse à un moment donné être appelé à
intervenir dans un cas de ce genre.
La paralysie générale est en effet autant du domaine de la patho-
logie ordinaire que de la psychiatrie. Pour en vulgariser la notion, nul
n'était mieux placé que le savant médecin de l'admission dont les
recherches en France ont tant fait pour les progrès de l'étude à la
fois clinique et anatomo-pathologique de la question. Le résumé
de tant de travaux sous une forme à la fois concise et claire était
une tâche délicate que M. Sérieux a su mener à bien sans enlever
à l'enseignement du maître, sa puissance et son originalité.
A. Marie.
XII. Annual of the Universal Médical Sciences, edited by Ch.-E. Sa-
jous n. D. (Philadelphie, New-York, Chicago, 1894.)
Bien que l'Annual of the Universal Médical Sciences ne s'occupe
pas exclusivement de système nerveux, nous croyons pourtant
devoir faire une mention spéciale de ce remarquable ouvrage. Dans
les cinq volumes qui forment la publication complète, on trouve
l'analyse plus ou moins détaillée suivant les sujets des travaux
médicaux et chirurgicaux de l'année précédente. Ces analyses
faites avec grand soin, quelquefois très étendues, sont souvent
signées de noms qui assurent leur mérite. C'est ainsi que le résumé
des acquisitions de la pathologie interne des voies et organes uri-
520 VARIA.
naires, pendant le courant de l'année, est dû au professeur Lépine
de Lyon. Nous retrouvons des noms comme ceux d'Obersteiner, de
Gray, de Dujardin-Beaumetz, de Dubief, de Fumes. Les indications
bibliographiques très précises, faciles à retrouver dans un index
terminant chaque volume, sont très complètes. Il y a, dans le
courant de l'ouvrage, un grand nombre de figures et de planches
coloriées. Enfin, chose qui ne nuit jamais, les cinq volumes sont
édités avec grand soin et beaucoup de goût. C'est évidemment un
ouvrage appelé à rendre de grands services, complet et commode
à consulter.
Le deuxième volume est presque entièrement consacré au système
nerveux; les maladies de l'encéphale sont signées G2-ay,Pî-itchaid
et Shultz; les maladies de la moelle, Obersteiner; les affections des
nerfs périphériques, les dystrophies musculaires, les grandes 71é-
vroses, Sollier; les affections mentales, Rohë; l'alcoolisme, le morphi-
nisme et les intoxications similaires, Nornzan Kerr. Enfin, dans le
troisième volume, nous trouvons 75 pages sur la chirurgie crazzio-
cérébrale, rachidienne et des nerfs périphériques pendant l'année
1893 dues à Pilchei, et Lloyd. J.-B. Charcot.
VARIA.
Doléances DES assistants DES Asiles anglais.
(British médical Journal, février 1891.)
La situation des assistants en Grande-Bretagne correspond assez
exactement à celle des médecins adjoints des asiles de France. Le
British médical Journal a ouvert ses colonnes à une sorte d'enquête
sur la situation faite aux assistants, situation qui ressort d'une
série de lettres intéressantes émanant de médecins signant sous
des pseudonymes; de là une polémique entre superintendants
(médecins-directeurs) et assistants; ces derniers gardant bien en-
tendu l'incognito vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques. Les
plaintes des assistants portent principalement sur les chefs suivants :
D'abord leur situation pécuniaire de début est trop précaire et
ne répond pas à celle d'un médecin spécialisé et auquel il est im-
possible de faire une clientèle. Si encore cette situation inférieure
n'était que transitoire et le prélude d'un avancement prochain et
de l'accès à une situation plus en rapport avec l'effort et les sacri-
fices préalables de temps et d'argent; mais trop souvent les assis-
VARIA. 521
tarifs attendent de longues années un poste de superintendant au-
quel ils' ne sont appelés que lorsque l'âge leur a enlevé définitive-
ment toute la souplesse et l'énergie voulues pour entreprendre
quelque chose d'intéressant.
Pendant ce stage prolongé sans avantage matériel suffisant, la
situation morale ne serait pas plus satisfaisante. Placés sous la
tutelle de superintendants âgés, issus d'une génération scientifique
différente, ils ne peuvent la plupart du temps trouver le contact
avec leurs chefs qui les jalousent, s'ils cherchent à produire des tra-
vaux originaux ou redoutent ce qu'ils prennent pour des innova-
tions subversives dans le domaine thérapeutique.
La valeur intellectuelle et scientifique serait souvent moins pri-
sée.chez l'assistant que la force au foot-ball, la connaissance du
piano ou une voix de, ténor, titres des plus sérieux à tel ou tel poste
de province.
Plusieurs assistants se plaignent des fonctions purement machi-
nales et administratives auxquelles on les emploie à l'exclusion de
toute pratique vraiment médicale et de toute investigation clinique
sérieuse. Les superintendants étant eux-mêmes absorbés par les
écritures et la discipline intérieure, ne les emploient surtout qu'à
assurer cette partie du service, le côté médical et scientifique pas-
sant au dernier plan.
L'absence d'autonomie et de sphère d'action définie, l'effectif écra-
sant des services pour un seul superintendant oseraient les causes
d'un tel état de choses dont souffrent à la fois assistants et superin-
tendants.
C'est peut-être moins, ce nous semble, l'insuffisance de la rému-
nération pécuniaire que l'inaction et l'absence de participation
effective au service qui annihilent toute aspiration et toute bonne
volonté en laissant inutilisées des forces jeunes que cet anéantisse-
ment exaspère et révolte.
Une enquête déjà ancienne du Conseil de comté de Londres con-
cluait à la réforme des asiles dans le sens de la répartition de
services autonomes à chaque médecin sans dépasser le nombre de
malades atteints dans les services d'hôpitaux ordinaires. Nous en
sommes encore loin en Angleterre comme en France. A. Marie.
Abus DES consultations EXTERNES gratuites (polémique) ET DE
L'OPPORTUNITE DE SUBSTITUER au MOT asile LE nom d'hôpitaux
POUR LES maladies mentales ET NERVEUSES; par William REID.
C'est une campagne analogue à celle entreprise en France pour
les mêmes motifs, contre les consultations gratuites non restreintes
aux indigents reconnus et pour la réforme des asiles dans le sens
de l'assimilation aux hôpitaux proprement dits. (British ilied.
Jourla., 31 mars 1894.) A. Marie.
522 VARIA.
Établissements SUISSES POUR enfants intellectuellement
retardés.
VARIA. 53
LA COLONIE AGRICOLE D'ALIÉNÉS DE LANGENIIORN (PRÈS HAMBOURG).
Système des portes ouvertes sans surveillance ; par Scikefer,
C'est une annexe de l'asile de Friedericchsberg, à une heure de
voiture de celui-ci', qui est située dans une forêt de sapins touffue
de Si hectares. Les constructions occupent 6 hectares ; il y a un
grand terrain pour champ d'irrigations (prairie) et 13 hectares
pour la culture provisoire. La forêt était donc à l'origine de 76 hec-
tares.
Les malades habitent quatre pavillons; chacun d'eux en héberge
cinquante avec quatre gardiens. Trois sont réservés aux hommes,
un aux femmes, Les pavillons sont librement installés dans la
forêt, sans murs, ni barrières, il n'y a que l'habitation du médecin
et le bâtiment d'administration qui aient des murs d'enceinte. Dans
le bois, deux parcelles ont été défrichées pour servir de jardin.
Le médecin de la colonie a toute latitude pour agir à sa guise,
le médecin en chef responsable lui abandonnant l'autorité.
Au début, on a essayé de ne surveiller aucun des malades. Mais
on n'a pu y parvenir tout d'un coup et complètement dans la pre-
mière année à cause de l'arrivée graduelle des aliénés. Les vingt
premiers malades qui y furent jusqu'en juillet 1893 (l'établissement
a été ouvert en avril) bénéficièrent complètement du régime des
portes ouvertes. Puis il en arriva trente autres, atteints de maladies,
ne permettant pas la pratique parfaite du système. On laissa le
privilège d'entrer et de sortir dans le pavillon à ceux qui pouvaient
en bénéficier. Puis, à un autre convoi, on put rendre à tout un
pavillon la complète disposition de la porte et la lui conserver, tau-
dis que les deux autres ne jouirent de cette faveur que pour une
partie des malades qu'ils contenaient. Le développement de la colo-
nie permit, en d'autres termes, la répartition plus facile au point
de vue des portes ouvertes. Dans le pavillon des femmes, il n'en est
actuellement que quatorze sur quarante-cinq qui, en tout temps,
peuvent aller et venir. La liberté d'allures est d'ailleurs complète;
ceux et celles qui en jouissent ont le droit, non seulement de se
mouvoir à leur gré tout autour de l'établissement, mais de se pro-
mener et de pousser jusqu'à Hambourg. Jusqu'à présent, il n'y a
pas eu de conflits avec la population. Une seule fois, trois d'entre
eux se sont battues dans une ferme et ont rapporté du café et des
beurrées que les propriétaires d'ailleurs prétendaient leur avoir
donnés. Les habitants voient les malades d'un bon oeil, surtout les ,
aubergistes chez lesquels de temps à autre ils consomment des
douceurs le dimanche contre argent. Il n'y a eu qu'une évasion.
Et encore s'agit-il d'un dément présentant une sorte de modifica-
tion circulaire de l'humeur qui, la nuit, fut pris d'un accès d'agita-
524 varia.
tion avec besoin de marcher, s'en fut à Hambourg et ne revint point.
Par contre, dans les sections de malades renfermés, il y eut neuf
évasions.
La pleine liberté exerce une action remarquable surtout chez les
hallucinés. Un malade qui, depuis sept ans, à chaque visite émet-
tait les mômes allégations et les mêmes interprétations délirantes,
se trouva tout à coup débarrassé de ces propos délirants.
Les malades estiment fort la liberté, les plus valides mettent un
point d'honneur, respectant comme ils le disent la maison, à veil-
ler, à empêcher leurs compagnons de mésuser de la faveur qui leur
est accordée. L'escapade signalée plus haut les a révoltés et ils ont
été heureux que par mesure disciplinaire on ait éloigné deux des
mendiants pour un certain temps.
Quant à ceux des pavillons où il n'a pas été possible d'appliquer
intégralement le système de la pleine liberté, nous en avons cepen-
dant successivement retiré trois gardiens; un seul est demeuré
comme chef de quartier, la nuit on en fait coucher un autre pour
qu'il puisse prêter son aide, en cas d'incendie par exemple.
Les malades vont au travail en trois colonnes sans gardiens ;
chaque semaine, un des malades assume la responsabilité de la
conduite. Sept malades sont chargés de ce rôle, cinq s'occupent à
la cuisine, dans les étables, aux bâtiments administratifs. On tra-
vaille tout autant et tout aussi bien que sous la surveillance de gar-
diens.
En résumé, un pavillon avec un gardien et cinquante malades
jouit du système des portes ouvertes, les malades vont au travail
sans surveillance.
Ceux-ci se décomposent comme suit :
1° Malades chez lesquels l'examen, sans autres commémoratifs,
ne permet pas, à lui seul, de déterminer le trouble des fonctions
psychiques et à l'aide duquel on peut tout au plus le supposer. Ces
malades sont de parfaits travailleurs, ce sont eux qui conduisent
les colonnes : deux seulement travaillent à la maison;
VARIA. 525
20 Malades dont l'examen permet de reconnaître la maladie,
mais qui, tout aliénés qu'ils soient, possèdent un jugement presque
normal pour les choses de la vie de chaque jour.
2 folie systématique chronique simple*. '
2 hallucinatoire 2.
1 démence consécutive légère (pas de spontanéité, pas d'énergie).
2 imbéciles à un léger degré .
7
3° Malades atteints d'affaiblissement intellectuel très accusé et
dépourvus de spontanéité.
1 folie processive.
1 démence consécutive à la suite de stupeur aiguë (vagabond).
1 de folie hallucinatoire pendant une
détention.
1 démence consécutive à de la folie alcoolique (4° admission).
2 folie systématique hallucinatoire chronique.
6
4° Automates incapables de vivre sans une discipline, dépourvus
d'énergie, mais utilisables ici.
6 folie systématique hallucinatoire chronique.
1 folie circulaire (dont les stades durent des années, utilisable à
la colonie pendant le stade de stupeur).
1 imbécillité très marquée, illettré.
8
5° Automates en démence.
5 folie systématique chronique hallucinatoire'.
3 confusion mentale secondaire'. '
2 folie systématique chronique simple (déchéance).
3 désordre dans les idées consécutif à une folie aiguë.
3 démence sans qu'on puisse préciser la maladie du début.
2 après mélancolie.
1 consécutive à la folie de la puberté.
1 idiotie.
20 '
'L'un d'eux en est à sa troisième admission; l'autre à sa quatrième;
l'un d'eux est un buveur.
1 L'un d'eux travaille; l'autre, tenu pour dangereux, a déjà été renvoyé;
on l'a replacé.
'L'un d'eux pourrait yivre chez lui, l'autre est obsédé et ne peut se
placer nulle part.
' Deux d'entre eux sont tombés dans la démence pendant leur incar-
cération correctionnelle.
° Parmi ces malades il y a deux frères.
526 VARIA.
En conséquence, parmi ces cinquante malades, vingt-huit circu-
lent dans leur domaine comme les moutons dans leurs étables,
mais n'ont pas perdu la vision mentale autant qu'on pourrait le
croire. Treize ont besoin d'une direction. Il n'y en a que neuf sur
lesquels on puisse compter. Il n'y en a que huit qui aient pu vivre
plus ou moins longtemps au dehors.
En tout cas, le gain de quelques sous et la menace d'être réiti-
tégrés dans un établissement fermé les maintient tous dans le
devoir. "
En tout cas, il est facile de voir que ces cinquante malades ne
constituent pas une troupe d'élite. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)
P. KERAVAL.
Psychiatrie ET assistance spirituelle.
Le Bureau de la société des aliénistes allemands, à la suite de la
proposition de Francfort que nous avons publiée avec documents à
l'appui dans les Archives de Nezaologie, a recueilli toutes les indi-
cations bibliographiques qu'il a pu se procurer pour éclairer ses
lecteurs. Ce travail qui ne comporte pas moins de quatre-vingt-
treize pages en petit texte se compose des articles suivants :
1° La collaboration des pasteurs et de l'aliéniste, par le pasteur
Achtnich d'Illenau (Chi,istlich. Welt, 1 et 2, nos 19 et 20, mars
1893); 2° l'assistance spirituelle des aliénés, par Hafner d'Elber-
feld (Christlich. Welt, n° 37, sept. 1893); 3° réplique du pasteur
Achtnich d'Illenau (Christlich. Welt, n° 37, septembre 1893);
4° assistance spirituelle et psychiatrie (Thesen der Conferenz deuts-
cher evung. Irrenseelsorger, in Halle, 5 sept. 1893. Feuille spéciale) ;
5° de Bodeischwingh : contre les prétentions de la Société des
aliénistes allemands dans la session de Francfort (Toegl. Rundschau,
n° 181, août 1893); 60 psychiatrie et assistance spirituelle.
Réplique du Bureau de la Société des aliénistes allemands (Toegl.
Ruzzdschau, n° 192, août 1893); 7° la manifestation des aliénistes
allemands (Allg. evaiig. luthez·., Kircheizzeit, n° 34, novembre 1893) ;
8° explication des médecins d'asiles à l'asile de Rethel, près Biele-
feld (Deutsche medic. Wochenschrift, n° 39, sept. 1893); 9° contri-
bution au conflit qui s'est élevé entre les pasteurs et les aliénistes,
par le pasteur Pieper (warzg. gemeizzedbl. f. Rheinl. u. Westfalen,
iio 44, oct. 1893); 10° réponse du pasteur Hafner d'Elberfeld
(Evaitg. Ge ? K6M ! de&< ? Rheinl. u. Westfalen, n° 47, nov. 1893);
110 pasteur Pieper de Gerversheim. Réplique au pasteur Hafner
(Evaiig. Gemeinde6l. f. Rheinl. M. Westfulen, il' 48, 26 nov. 1893);-
12° l'excellence des religieux et diaconesses comme infirmiers et
infirmières de nos aliénés (Allg. luth. Kirchenzeit, n° 47, 1893);
13° rectification du bureau de la Société des aliénistes allemands,
au journal l'Allg. évaiig. luth. Kirchenzeil, décembre 1893)
VARIA. S27
14° contribution à l'étude de la réforme de l'assistance des aliénés
en Prusse, par H. Loehr (Norddeutsche Allgem. Zeitung, n° 4-il,
7 octobre 1893); 150 psychiatrie et assistance spirituelle, par
Forel de Zurick (Corresp. Blatt. f. Schweizer-Aerzte, n" 17, p. 597,
1893); 16° psychiatrie et assistance spirituelle, par un aliéniste
(Protestantische Kirchenz. f. d. ev. Deutschland, no' 37 et 38, 13 et
20 sept. 1893); 17° la conférence de cette année des pasteurs des
asiles d'aliénés allemands évangélistes (Protestant. Rirchenzeit. f.
d. evangel. Deutschland, n° 38, 1893); 18° qui de l'ecclésiastique
ou du médecin ? Réplique du pasteur de Bodelschwingh à la pro-
position de M. Kroemer dans la Société de médecin du district de
Dantzig (E : He<- Zeitu71g); 19° pasteur de Bodetschwingh, de
Bielefeld. Psychiatrie et assistance spirituelle (Neue. Pr.Zeit., n° 533,
nov. 1893); 20° psychiatrie et assistance spirituelle. Rectification
du Bureau de la Société des aliénistes allemands (Weser Zeitung,
n° 16 887, 4 décembre 1893. Neue Press. Zeit., 5 déc. 1893).
Le Bureau termine en relevant des inexactitudes de la quatrième
conférence de l'Association des pasteurs évangélistes allemands
qui s'occupent des aliénés (5 sept. 1893), et montre que ceux des
ecclésiastiques qui y ont fait la majorité ne tendent à rien moins
qu'à supprimer l'action du médecin en lui substituant celle des
ecclésiastiques. Voici maintenant une appréciation critique des
explications des médecins de Bielefeld.
Ces confrères qui exercent leurs fonctions à l'asile de Rethel con-
duit par le pasteur de Bodelschwinsgh déclinent toute réponse
aux assertions du pasteur dans les conférences des ecclésiastiques
ou aumôniers des aliénés, ils se rallient, disent-ils, à la Société des
aliénistes allemands et à sa manière de voir, mais sous la réserve
qu'il sera possible de développer et de faire prospérer l'assistance
des aliénés, sans s'écarter des principes établis par la science médi-
cale. Mais, leur dirons-nous, avec Sommer : l'organisme d'un asile
est-il bien portant quand les fonctionnaires médecins sont obligés
de désavouer les théories psychiatriques du chef théologien de l'éta-
blissement, et peut-on s'empêcher de les désavouer quand celui-ci
veut que ce soit l'Eglise qui construise les asiles et que l'assistance
du médecin ne soit requise que quand l'état physique de l'aliéné,
atteint d'une maladie de l'âme, exige son intervention.
En ce qui concerne le personnel secondaire, les médecins deBiele-
feld regrettent que les médecins des asiles qui ont un personnel
religieux n'aient pas donné leur avis sur lui. Mais le directeur d'un
asile doit choisir lui-même son personnel et en organiser la disci-
pline, le personnel doit être pénétré des principes des sciences
médicales, il doit obéir au médecin et non à deux maîtres1. Sur cette
1 C'est justement le principal argument à faire valoir contre la Divi-
sion des fonctions, les aliénés le disent eux-mêmes. (P. K.) .
528 faits divers.
question tout le monde est d'accord. Or le personnel religieux
échappe à l'autorité de son chef naturel, le médecin-directeur. 11
connaît avant tout la maison-mère. C'est pourquoi on a installé
des infirmiers et des infirmières laïques en Saxe (argument textuel);
c'est la même manière de voir qui a fini par prévaloir en Bavière.
Il y eut même à ce sujet un long conflit entre le Ministère laïcisa-
teur et la Diète qui vote les fonds à propros de la construction de
l'asile de Gabersee.
La laïcisation n'est donc pas le résultat d'un jugement préconçu,
ni d'un entêtement.
Il ne faut pas croire non plus que les désavantages de l'affilia-
tion du personnel religieux à sa communauté maîtresse soient
compensés par de meilleures qualités morales et par un dévoûment
supérieurs à celui du personnel laïque. C'est une question de choix
et de surveillance. Le directeur-médecin reste le maître absolu ' de
la réception et du renvoi de ses infirmiers ; il n'a aucune influence
sur le personnel religieux ; il lui faut accepter ce qu'envoie la
maison-mère et il lui est impossible de s'opposer aux mutations
fréquentes que la maison-mère y effectue par mesure de discipline
ou pour des motifs spéciaux à la communauté. De nombreux
exemples nous montrent que le personnel secondaire non-religieux
bien choisi a les mêmes qualités morales et le même dévoûment
que le personnel religieux.
Le Bureau de la société des aliénistes complète son mémoire en
le faisant suivre des indications bibliographiques antérieures aux
vingt articles précédemment envisagés (en tout quatre-vingt-cinq
documents). (Allg. Zeitsch ? f. Psychiat., L, 3, 4.) P. KERAVAL
FAITS DIVERS.
LES aliénés en liberté. Hier la dame E..., a été trouvée pen-
due à un clou dans sa chambre à coucher. Son fils ne la voyant
pas descendre à son heure habituelle et prévoyant un malheur,
alla frapper à la porte. N'obtenant pas de réponse, il entra dans
l'appartement où il vit le cadavre de sa mère.
Il coupa aussitôt la corde, mais ce fut peine perdue, la mort re-
montait à quelques heures.
1 En Allemagne. (P. K.)
' faits DIVERS. 529
Depuis longtemps, cette malheureuse dame se croyait poursuivie
par des personnes qui voulaient attenter à ses jours. (Rappel de
l'Eure, 29 septembre.) ,
Les asiles d'aliénés. M. Michelin, député de la Seine, vient,
avec plusieurs de ses collègues, déposer une proposition de résolu-
tion ayant pour objet la nomination d'une commission de 22 mem-
bres chargée de procéder à une enquête parlementaire sur le régime
des asiles d'aliénés.
Asiles de la SEINE. Concours de l'internat en médecine. Ce
concours commence le le' décembre. Le jury se compose de :
MM. B. Anger, Boudrie, Bourneville, Chantemesse, J. Falret, Féré
et A. Voisin. Les candidats inscrits sont au nombre de trente-trois.
Assistance ET asiles DES aliénés EN saxe. La diète de la
province de Saxe a admis récemment la proposition du comité
provincial de rejeter jusqu'à nouvel ordre la construction d'un
troisième asile. Le rapport fait ressortir que le nombre des aliénés
reçus dans les asiles de Nietleben et Altscherbitz n'a pas présenté
la progression que l'on était en droit de prévoir il y a deux ans,
lorsqu'on agita cette question. Ainsi au le, avril 1892, les deux
établissements (avec l'asile d'infirmes d'Altscherbitz) renfermaient
872 aliénés hommes et 686 aliénés femmes. Or, le 1 février 1894,
on y constate 844 hommes et 725 femmes. Par conséquent en près
de deux ans, l'accroissement du chiure de population a été relati-
vement faible.
Cela se comprend. Au commencement de 1893, l'asile de Nietle-
ben a perdu en un mois plus de cinquante malades du choléra ; et
pendant trois mois environ on n'y a pas reçu de nouveaux malades.
A Altscherbitz, dans le même temps on n'a admis que pour des cas
urgents. Puis, dans le courant de l'année 1893, les deux asiles ont
transféré 60 aliénés dans les asiles privés de Lienbenburg (Dr Fon-
theim) et Gardelegen (Dr Schulze) auxquels ils avaient auparavant
envoyé 140 malades. Enfin la nouvelle loi d'assistance du
11 juillet 1891 qui augmente les charges de l'hospitalisation
des indigents, et dont l'entrée en vigueur à la date du 1 ? avril 1893
faisait craindre une forte multiplication des admissions dans les
établissements d'aliénés, n'a que peu, jusqu'ici du moins, accru les
internements. On se l'explique aisément ; car avant la promulgation
et la pratique de ladite loi, on ne se bornait pas a admettre les
malades curables ou incurables dangereux pour la sécurité publique,
on étendaitl'assistance dans la mesure du possible à bien des aliénés
susceptibles d'un traitement dans un asile.
Il est d'ailleurs à espérer que, dans les années qui vont suivre, on
pourra, surtout lorsque, grâce à la résolution de la Xe Diète pro-
vinciale, on aura procédé à l'agrandissement des constructions par-
Arciiives, t. XX VIII. 34
530 J \ \ ^' 1 v ? ? r'A1TS DIVERS.
tout,\4J™fcttî\&%l>ins'ces deux asiles (asile d'infirmes compris)
1152 hommes" et 871 femmes, et que l'on n'aura guère plus d'aliénés
à y admettre que ne le comporte ce chiffre. En effet, dès que l'on
aura ouvert )'nst7s d'épileptiq2tes e<'t'(Ko ? 7(;/t<sp ! 'M : g'c, en construc-
tion, on y transférera de Nietleben et d'Altsclierbilz (ceci aura proba-
blement lieu dans le courant de cette année) à peu près lOOàl2O alié-
nés épileptiques ou idiots. Cet asile donnera satisfaction à plusieurs
malades qui, pour le moment, faute d'un établissement spé-
cial, devraient être reçus dans un des asiles d'aliénés de la pro-
vince ; on les enverra à l'avenir à Uchtspringe.
Pour arrondir le bien-fonds d'Uchtspringe, la Diète consent à
l'achat de 22 856 marks (28 570 fr.) de terrain ; à la construction
de granges, étables, clôtures, elle consacre 32 000 marks (40 000 fr.).
Enfin M. Alt de Halle est agréé comme directeur de ce nouvel asile.
L'alimentation d'eau des asiles de Nietleben et Altscherbitz occa-
sionne des difficultés sans nombre. 130 000 marks (16200 fr.) sont
votés pour pose d'une conduite spéciale, la ville de Halle sera invitée
à abaisser son prix de 12 pfennigs le centimètre cube à 8 pfennigs.
A Altscberbitz les forages n'ont pas encore donné de résultats satis-
faisants : on vote 18 000 marks (22 500 fr.) pour continuer les
essais et 80 000 marks (120 000 fr.) pour constructions. (AU. Zeitsch.
f. Psych., L, 5.) P. KERAVAL.
Interdiction. La première chambre de la Diète de la Saxe
s'occupe du placet de M. F. W. Krumbiegel. M. Birch-Hirschfeld fait
ressortir que, dans la diète précédente, examinant une pétition sem-
blable, la chambre avait décidé qu'il y avait lieu d'émettre un voeu
tendant à s'occuper des voies et moyens d'atténuer l'inconvénient
des contradictions relevées dans les rapports médico-légaux de divers
médecins spécialistes sur l'état mental des personnes examinées par
eux. L'on n'a pu aboutir, parce qu'il était impossible d'annuler le
jugement porté par les médecins consultés en premier lieu. Mais la
pétition relevait le point suivant. Une personne interdite en Saxe
pouvait se rendre à Berlin, s'y faire examiner et faire lever son
interdiction. La même pétition constatait'que l'on ne procède pas
partout à l'examen avec le même soin, en ce qui a trait aux rapports
médico-légaux des spécialistes. Les raisons de cette accusation sont
multiples. Ainsi les arguments qu'invoquent les aliénés procéduriers
sont mal interprétés par les spécialistes, qui, croyant à un réel déni
de justice ou à la réalité d'une prétention juridique établie, ne font
pas le diagnostic de persécutés persécuteurs processifs. En l'espèce,
les médecins légistes ne sont pas à la hauteur de leur tâche parce
que leur éducation psycho-légale est insuffisante. 11 faut donc insti-
tuer des examens de psychiatrie et des épreuves pratiques. Le demi-
savoir est un danger ; la théorie est nuisible. Mieux vaudrait s'en
tenir au bon sens d'un profane que de demander l'appréciation
BULLETIN bibliographique. 531
d'un spécialiste insuffisamment instruit. Voici donc ce qu'il y aurait
à faire.
Il faudrait qu'on transformât en mesures pratiques les indications
sur l'enseignement de la psychiatrie présentées par le collège
médical de la Saxe. Cela est d'autant plus aisé qu'à Leipzig il
existe une clinique mentale remarquable. Qu'on oblige donc les
candidats aux postes de médecins officiels de districts à étudier
pendant trois mois au moins les aliénés. La pétition est prise en
considération à l'unanimité. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)
P. IiEtiAVAL.
Assistance DES aliénés EN BULGARE. - L'asile de Varna a
(10 août 1892) transféré à l'asile nouveau du « Cloître Pierre et
Paul » près Tirnova 40 aliénés hommes avec 2 gardiens. Le 18 août
y sont arrivés 81 malades avec 3 gardiens. Belle région. Place
mal choisie. L'établissement est construit sur un rocher qui n'est
accessible que par un côté. Un ancien séminaire théologique repré-
sente un des bâtiments ; c'est un long corridor sur lequel s'ouvrent
neuf chambres grandes ou petites. On les utilisera comme chambres
d'isolement ou comme cellules d'aliénés criminels. Deux autres
constructions anciennes à fenêtres et portes défectueuses sont
réservées aux femmes. Absence d'eau. Un seul puits à 350 mètres
de distance, une citerne dans la cour du cloître. On a dépensé
20 000 francs en réparations sans grand résultat Dans les premiers
jours plusieurs malades se sont précipités du rocher. (Allg. Zeistch.
f. Psych., L, 5) P. KERAVAL
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Antonixi (G.). Sulla alimentazione degli aliénait sitofobi. Bro-
chure in-8» de 4pages.Torino, 1891. - 'l'ipographia f.. Roux et C ?
Association générale DES étudiants de Paris, fondée en 1884 (reconnue
d'utilité publique en 1891). Annuaire 1891-1895. Volume in-8" de
264 pages. Paris, 1894. Au Siège social : 41, rue des Ecoles.
Déjemne. Anatomie des centres nerveux, avec la collaboration de
M ? Déjerine-lilumpl : e.-1'ome I : Méthodes générales d'étude; Embryo-
génie ; Histogenèse et histologie; Anatomie du cerveau. Volume in-4°
de 816 pages, avec 401 figures dont 45 en couleurs. Prix : 32 francs.
Paris, 1894. Librairie Ruelt et Ci-.
FLEURi' (M. de). Les Transfusions hypodermiques agissent-elles pat-
suggestion ? Brochure in-8° de 8 pages. Paris, 1894. Extrait du
Bulletin de la Société de thérapeutique.
532 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Hrccsrs (11.). - A as cler Nervenablheiluug des Il'ai,schaner Israeliten-
liospitales. lfeitray zur hyslerischcu Apoplesie. - Brochure in-8° de
35 pages. Wien, 1894. Wiener filinisclae Illocheîschrifi.
Higier (H.). -- Uebeo Prixnure iend secunddre Amiotrophicen orga-
nisclrer und dynanisclrer Nalur. Brochure in-8" de 42 pages.
Leipzig, 1893. Verlag von G. Thierne.
HIGIER (H.). Ueber unilatérale Hullucinalionen. Brochure in-8°
de 32 pages. Wien, 189f. - Urban und Schwarzenberg.
Index catalogue or the LI13RARY of the surgeon-general's office United
States army (Autleors and subjects). Vol. XV : Uiiiversidad-Vzoi-ofr.
Volume m-4° relié de 8t2 pages.-WasUinnton,1891.-Government
Printing office.
Séchas (J.). Le Délire des négations. Volume in-18 de 234 pages.
Paris, 1894. G. Masson.
TEB.1LDI (A.). Napoléon. Uxca pagina istorico-psicologica del genio.
Volume in-18 de 168 pages. Padova, 1891. Librairie Draghr.
AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1e' JANVIER
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera
à celte date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée à partir
du 25 janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer de
suite leur renouvellement par un nzandat poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés z « leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la bande de leur journal.
Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif
des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
e.9/ )'ëdM/< à 30 francs pour la France et l'Etranger.
Le rédacteur-gérant : BOUENRVILLE.
TABLE DES MATIÈRES
ACRO\II.UAL1E, cas d' , par Dresct-
feld, 36.
AFF.UHE ? Varow,par\VoodRen-
ton, 55; 1' Hanbury, par Wood
Renton, 55; 1' Mac Naghten,
par CI. Bell, 56.
Agrapiiie sensorielle, par Souques,
211.
Alcooliques, révolution de lajuris-
prudence pour la responsabilité
des -, par C. Bell, 56; de l'assis-
tance et de la législation relatives
aux -, par Ladame, 216.
Alcoolisme et délire de persécution
avec auto-accusation, par ltoubi-
nowitch, 69; - reconnu en justice
comme cause d'irresponsabilité,
par Kerr, 52.
Aliénés, mobilier et instruments de
travail des , par Taty, 385.
Alilmste, retraite du corps médical
- . 321.
Alimentation, appareil d'- forcée,
par Lvoof, 70.
.HBLI'01'IR toxique due à l'absorption
de vapeur de dinitro-benzol, par
Snell, 207.
Amnésie rétrograde, par Toulouse,
167;- consécutive à des idées
obsédantes, par Féré. Hl.
Angoisse larvée et abortive dans la
neurastténie, par lleclcer, 213.
Anthropologie criminelle scientifi-
que, par Noicke, 402; par
Kirn, 119.
Aphasie transitoire neurasthénique,
par Régis, 10 ; - sensoiielle avec
agraphie, par Tomlcins, 207.
Archives cliniques, 395.
Arsenicisme, les manifestations ner-
veuses de 1' chronique, par
Beco, 108.
Artiiropatiiies tabétiques des deux
hanches, parLonde, 38; trois cas
d'- myélopatltique, par Revilliod
et Audéoul, 47; - syringomyéli-
que, par J.-B. Charcot, 209.
Asile de Bunueval, par Camusel,
18e, 281 : spéciaux pour les al-
coolillucs criminels, par Traction,
i` ? 5; - de Hanovre, de Saxe, de
la province du llliiii, par Keraval,
431 d'Autriche, par Iveraval,
432 ; - doléances des assistants
des - d'aliénés anglais, 520.
Athétose, sur un cas d'- double,
par Moussous, il.
Atrophie musculaire progressive,
par Zenner. 37.
Attentat à la pudeur par un épilcp-
tique. par Vallon, 66; pseudo -
anarchiste, par Rist, 268.
Auro-IyTOwcnTlov dans les maladies
mentales, par Régis et Clievalier-
Lavaure, 129.
Automvtic NRITI ? G, par Roi-ie, 130.
Automatiques , actes permanents
- chez les aliénés, par Bombarda,
132.
Automatisme ambulatoire, un cas
d' hystérique, par Régis, il ;
- par Gétiu, 126.
Bains chauds prolongés, par Kroe-
pelin, 59.
Barre Buvée, histoire et critique,
par S. Garnler, 18, 111, 196, 2;10,
Basedow, coïncidence du tahcs et
de la maladie de -, par P. Marie.
et Mannesco, 391. ,
Bustes de Baillarger et de J. Falrét,
par Vallon, 66.
Capsule interne, pathologie du
noyau lenticulaire et (le la
par Sommer, 316.
Cellules, du nombre des néces-
saires dans les asiles, etc., pal
Ludwig et Kreuser, 62.
CÉI'lIALO-IiAC111D1E\,durùledu liyuide
dans la circulation cérébrale,
par Jolyet, 318.
Cervelet," sur un cas de kyste du-,
par H. Jackson et russe),48).
S34 TABLE DES MATIÈRES.
Charcot, souscription , 147.
Chirurgie, note sur deux cas de -
cérébrale, par Ciiil)atilt, 1 ? 7.
Ciiloralose, paralysie nocturne pro-
voquée par la -, par Féré, 412.
Chlorose et aménorrhée avec trou-
bles cérébraux, par Tlomson, 208.
Chorée, paralysie générale avec
par Vallon et A. Marie, 338.
Colonie de Gallon, par Colin, 269.
Coloration de l'ensemble du système
nerveux, par Rosin, 318.
Congrès de Clermont-1'errand, 156,
21t, 320; - d'hyiène de Buda-
Pesth, par A. Marie, 422.
Contagion mentale morbide, par Ma-
randon de Montyel, 409.
Contractures réflexes intraliypnoti-
queset action de lasuggestion, etc.,
par Seliafier, 1'2à; -réflexes de la
langue, etc., par Gallerani et Pa-
cinotts, 397.
Couche optique, tumeur de la ,
par Zenner, 312.
Crânes, examen de seize de fem-
mes, dont douze criminelles et une
suicidée, par Nmche, 50.
Craniectomie bilinéaire avec travée
autoplastique intermédiaire, par
A. Chipault, 394.
Crânienne, deux cas de déformation
chez l'entant, par Wheaton,
395.
Chétinisme sporadique traité par
l'ingestion de giandethvrofde,
par'l'elford, Smith et Railton, 126;
par Byrom-Bramwel, 130; recher-
ches sur le -, par Wagner, 40).
Criminel, allégation de folie dans
les affaires , par Springthorpe et
Huiler, 52; asiles spéciaux pour
les aliénés -, par 'l'ruchon, 425.
Cubital, compression du nerf ,
par Féré et Batigne, 212.
C1LI\DRE-A\E, différenciation mor-
phologique du -, par Schalfer,
316.
Czar, le Jean le Terrible et son
état mental, parKowalewsky, 413.
Dmtwwsue, liar Haycraft, 485.
Dégénérés, classification des ,
par Vallon, 328.
Dégénérescences secondaires consé-
cutives à la section transversale
du corps calleux, par Muratow,
313.
Délire, le systématique hallu-
cinatoire d'origine toxique , par
Ilberg, 63 ; alcoolisme et de
persécution , par Roubiuowitcl ,
ti9; - systématisés dans les di-
verses psychoses, par Magnan,
273, 433; - systématisés anciens ;
démence vésanique au cours de
, lrar Hamel et A. 111arie, 341.
Démence, des indices physionomi-
ques de laapathique, par Si-
korsky, 130 ; - progressive et
incoordination des mouvements
des quatre membres dans une
même famille, par Boucliaud, 136.
Dmu'sre, tabes et - par Blocq, 209;
réflexe patellaire dans le -, par
Grube, 213; altération des cor-
dons postérieurs de la moelle
dans le , par Williamson, 482.
Diphtérique, myélite expérimentale
, par Enriquez et Hallion, 315 ;
des lésions du système nerveux
par le poison -, par Stcherbach,
316 ; un cas d'hémiplégie,par
Donath, 398.
DIPLÉGIE cérébrale héréditaire, par
Freud, 399.
Dure-mère, sur un cas de tumeur
de la spinale, par Ranson et
Thomson, 482.
Dyslexie, la en tant que trouble
fonctionnel, par Sommer, 484.
Elongation du nerf médian dans
deux cas de névrite traumatique,
par L. Dentu, 124.
Ef.cËpnALiTECorticaleetpoliomyé-
lyte antérieure associées, par
Lamy, 209.
Encéphalocèle, par Mackie, 207.
Enuhèse nocturne des enfants, par
Freud, 212.
Epilepsie, rapport de l'ceil et de
Il , par G. Martin, 129; pa-
rasyphililique, par Fournier, 132;
sénile, par Sympson, 208.
Etats seconds, par Laurent, 271.
Exorcisation, une récente en Ba-
vière, 75.
Expert, vade-mecum du médecin
- , par Lacassana, 117.
Facial, sur le rôle du nerf dans
la sécrétion des larmes, par Jeu-
drassik, 314.
Folie systématisée religieuse avec
hallucinations psychomotrices, par
Régis, 120; deux cas remarqua-
bles de systématisée, par Bar-
tels, l'r3; héréditaire, par
TABLE DES MATIÈRES. 535
Pain, 146; rapports de l'hystérie
et de la -, par Gilbert Ballet, 219;
la de Charles VI, par Brachet,
343; hystérique, par Morav-
csik, 405; délimitation et division
de la systématique, par Cra-
mer et Boedecker, 488.
COÎTHE E\oPIITALSI1QUE, nature et
traitement du - par Joirt,oy, 514.
GOLGi,méthodede.modifiée,par
Andriezem, 481.
Guérison prétendue miraculeuse,
432.
Hallucinations oniriques des dégé-
nérés, par Régis, 323 ; motrices
verbales chez un paralytique gé-
néral, par Sérieux, 412.
Hémianopsie et neurasthénie, acci-
dents de chemin de fer, etc., par
Badal, 40, avec hallucinations
dans la partie abolie du champ
visuel, par Lamy, 338.
Hémichorée sénile, par E. Remak,
399.
Hémiplégie diphtérttique, par Do-
nath. 398.
Hérédité directe, par Brunet et Vi-
gouroux, 342.
HERÉDO - ataxie cérébelleuse , par
Brissaud et Londe, 214, 32 î.
H) DROCÉP11.4LIE Chl'onlq ue, traitée par
le drainage, par Baskett et Oxors,
124.
Hydrothérapie, de l'importance et
de l'emploi de l'- chez les agité»,
par Fuerstner et Fedbausch, 57.
Hydrothérapique, traitement - des
maladies nerveuses, par Verrier,
343.
HYPFRTRICHOSE, note sur un ars
d' de la partie inférieure du
corps chez un épileptiqne, 38 ; -
faciale chez les aliénés, par Lis-
ton, 412.
Hypnose, étude des phénomènes
d' chez une hystérique', par
Kocls, 111.
Hypnotisme, 1' en médecine lé-
gale, par Dalley, 518.
Hypothermie chez les aliénés, par
Bouchard, 135.
Hystérie, rapport de l' et de la
folie, par G. Ballet, 219; con-
fusion mentale, etc., par Séglas et
Connus, 353.
Hystérique, folie -, par Moravcsik,
405.
Idées fixes, rôle des - dans la
pathogénie de la polvurle hys-
tértque, par Souques, 448.
Idiots , traitement médico-pédago-
gique des microcéphales, par
Bourneville, 331.
Impressions, sur un cas de localisa-
tion erronée des - tactiles ou
allaclio,stésie, par G. Stewai,t, 35.
Impulsions homicides chez un dé-
génlré, par Dagulllon, 411.
Inauguration des bustes de Baillar-
,7er et de Falret à la Salpêtrière,
149.
Incendiaire, note médico-légales i
propos (I'tiii -, par Derocte, 54.
Juif errant, le à la Salpêtrière,
par Meige, 131.
Langage, maladies du langage et
localisations, par Struthers, 55.
Lèpre systématisée nerveuse à forme
syringomyétique, par Pitres et
Sabrazès, 37.
Localisations, les cérébrales dans
la région capsulo-striée, par Pi-
tres, il ; maladies du langage
et -, par Struthers, 55; - en
psychologie et en anthropologie,
par 1\oeche, 313 ; médullaires
de la syphilis, par Lamy, 'r6lE.
llAL1'RACTRICE, par Cl. Bell, 5G.
Médico-légal, rapport sur l'état
morbide d'un mécanicien, W. B.,
par Oppenheim, 53.
Mélancolie sénile, par Toulouse,
,i18; neurasthénie et pro-
gressives, par Boissier, 518.
Méningite, de la cérébro-spmale,
par Hoche, 63 ; contribution à
l'étude des pseudo hystériques,
par Brugère, 513.
Menstruelle, folie primordiale,
par Friedmann, 420.
Mentales, traité des maladies ,
par H. Daôonet, avec la collabora-
tion de Danuuet et Dullamel, 70.
Microcéphalie, contribution à l'é-
tude de la,- et traitement mé-
dico-pédagogique des idiots nn-
crocéphales, par Bournevillc, 331.
Moelle, asymétrie des moitiés de la
- , par Ihch, 317.
Monoplégie brachiale droite, par L.
Thomas, 208.
Musculaire, mesure de la force
brute, par de Foller, 311.
536 TABLE DES MATIÈRES.
Myélite diffuse aiguë, par Dresch- i
feld, 208; - expérimentale, par
la toxine diphtérique, par Enri-
quee et Hallion, 315.
Myopathies, deux cas de pro-
gressive du type Laudouzy-Déje-
riue, par Gulnon, 46; le faciès
dans les -, par Meige, 342.
31YOI'ATIIIQUES, station sur les talons
chez les par nicher et Meige,
210.
111vxoEnènlE opératoire, traité par
l'ingestion do glande thyroïde do
mouton, par Brlssaud et Souques,
335.
Nerfs, fixation et imprégnation des
u myéline, par ltcnaut, 329.
Neurasthénie, hémianopsie et -
accidents de chemin de fer, par
Badal, 40; palustre, par Trian-
taphittides, 91 ; trépanation, par
Levillain, 325; -et syphilis, par
liowalewsky, 33î;-accès anxieux
dans la -, par Hoecker, 420;
et mélancolie progressives, par
Boissier, 518.
1VEUR0-CCIIliHriITES toxiques, par
llaury, 511.
NEURO-PATIIOLOGIE, par Bechterew,
516.
Névrites, cas de multiples, par
Worcester, 43; périphériques,
par P.Marie, 238.
Névrose, de la dite traumatique,
par H. Mayer, 39.
Noyau lenticulaire, pathologie du-
et de la capsule interne, par Som-
mer, 316.
Or3NUUIL.ITfoN llost-épilcptique, Iar
Nagy,t02.
Occipital, coupes du cerveau dans
un cas de lésions du lobe , par
Sioli, 65.
OEil, rapports de l'-et de J'épiiel)-
sie, par G. rllartin, 129.
Olfactométhie clinique, par Zwaard-
maher, 452,
Opium, usage de l'- aux Indes, par
A. Marie, 123.
Ostéite, sur un cas d' déformante
de l'a,-et, par Gilles de la 'l'ou-
rette, 42.
0 STÉO-AlTifitûl'ATIIIE aiguë chez une
aliénée, par Potowsky, 131.
OSTÉoponosE de la voûte crânienne,
par Wherry, 392.
1).Sl'ÉOTO,IIE crânien, par Chipault, 311.
OV.1ROSAL1'INGEC'l'OIIE, cas de folie
conséoutivei\une,parRée)s,
130.
PACIIY.IÉ-,I ? (ITE, huit cas de hé-
morragique, par Bondurant, 36.
Papille, de la - étranglée, par
Adamlciewicz, 483.
Paralysie consécutive à la varicelle,
par Gay, 207; pseudohypertro-
phique, par Coley, 208; du
grand dentelé avec atrophie des
muscles de l'épaule, par Moor-
house, 395; -nocturne provoquée
par le chloralose, par Féré, 412.
Paralysie faciale bilatérale due à
l'application du forceps, par Ed-
gworth, 36; origine otique de la
a par Lannois, 327.
Paralysie générale progressive, les
lésions histologiques de la étu-
diées d'après la méthode de Golgi,
par Klippel et Azoulay, 81 ;
chez les aliénés et son traitement
chez les syphilitiques, par Plato-
now, 128 ; chez la femme, par
Idanow, 134; à forme tabétl-
que, par Joffroy. 321; urines dans
la-, par Klippel et Serveaux, 327,
327, 365 : avec chorée, par Val-
lon et A. Marie, 338 ; et syphi-
lis,, par OEbeke, 103; par Ma-
gtiati et Sérieux, 19; par
E. Kundt, 404; hallucinations mo-
trices verbales dans la -, par
Sérieux, 412.
Paralytiques, responsabilité criml-
nelle des généraux au début,
par Parsons, 57.
Paranoïa, délimitation de la -, par
Kroepeliii, 60; par Cramer et
Boedecl : er, 139;- par Schule, r06;
par Keraval, 475.
Paraplégie, cas de guérison d'une
alcoolique par l'électricité, par
llfassy, il.
Parestiiésique, névrose - chez un
dégénéré, par Hirschberg, 412.
Paupérisme, horreurs du , 413.
Pédoncule, topographie de l'étage
supérieur du -, par Habel, 315.
Physionomie, étude sur la et la
physiognomonie, par Audibert, 72.
PtT[jn'A ! RE, fonctions du corps ,
par Andriezem, 483.
Polyomyélite, encéphalite corticale
et antérieure associées , par
Lamy, 209.
Polyurie, rôle des idées fixes dans
TABLE DES MATIÈRES. S37
la pathogénie de la -- hystérique,
par Souques, 448..
Possédés des dieux dans l'art anti-
que, par Meige, 43.
PSORI451S, extrait du corps thyroïde
dans le traitement du , par By-
rom llramwel, 127.
Psychiatrie, contribution casuisti-
que à )amédico-iégate, par
Siemerlin, 53 ; la - et l'éturle rle
la médecine, par Riegei,, 60.
Psychiques, arrêt des processus-,
par Sommer, 317.
PSYCHOLOGIE,taexpérimentale en
Amérique, par Marcel Baudouin,
11, 380; la fondée sur les scien-
ces naturelles, par Bleuler, 107.
PSYCHOPATHOLOGIE, les données de
la -, par Duprat, 40.
PsYCHOPHYSiQUES, lois en patholo-
gie nerveuse, par Mendelssohn,
336.
Psychoses, traitement des dégé-
nératives, par More), 125; dans
les polynévrites, par Régis," 266.
Pupillaire, dilatation -, par Henry,
485.
Pyromanie, contribution à l'étude
médico-légale de la -, par Camu-
set, 51.
RÉFLEXE patellaire dans le diabète,
par Grube,'113; les - de la rétine
pendant l'hypnose, par Schaffer,
319 ; -vaso-moteurs à long trajet,
par Halluez et Comte, 337; locali-
sation des cutanés spinaux, par
Remak, 398.
Responsabilité criminelle des pa-
ralytiques généraux au début, par
Parsons, 57.
Restraint, du mécanique dans le
traitement des aliénés, par ] ! et),
54.
Rétine, les réllexes de la- pendant
l'hypnose, par Schaffer, 319.
Ruban de RFIL dans l'écorce, par
Hoesel et Mahaim, 312.
SALIVAIRE, étude de la sécrétion ,
par Milavsky et Smirnoff, 486.
Sang, examen microchimique du ,
par J. Joues, 55; état du poids
spécifique du sang chez les alié-
nés, par Vorster, 61.
Sclérose en plaques infantile d'ori-
gine grippale, par Massatongo et
Silvestri, 211. '
Scotome scintillant, par Manz, 397.
SEcnETpROFESS)o\\EL,du,par
Bach, 55.
Sensations visuelles et auditives sub-
jectives, par Fuchs, 413.
Sensibilité colorée, par Le Dantec,
393.
Séquestration des déséquilibrés
malfaisants, 137.
Sociétés, XXIV congrès de la
des aliénistes de l'Allemagne du
S -0., session de Karlsruhe, par
ICéraval, 57, 65, 41+; - mfdlco-
psychotogique,par Briand,66,137,
268 : psychiatrique de Berlin,
par Keravai, 139,488; psychia-
trique de la province du Rhin, par
Kéraval, 141.
Statistique des aliénés dans la pro-
vince du Rhin, par Finkelnbourg,
144.
SUBSTANCE cérébrale, injections hy-
podermiques de -, dans l'aliéna-
tion mentale, par Ryan, 129.
SULFO\.1L, COIItrIÙUt1011 .à la connais-
sance de l'action du , par Schoef-
fer, 64.
SYpHtLrn()UE,meningo-enc6pha)ite
chez un enfant de cinq ans, par
Moussons, 41 ; deux observations
pour servir au diagnostic des pa-
raplégies -, par Gilles de la Tou-
rette etHudelo,45; de la mémngo-
myélite -, par Lamy, 48.
Syphilis, sur un cas de cérébrale,
par Bitot, 41; troubles mentaux
dans la -, par Kowalewski, 402;
paralysie générale et , par
OEbecke, 403;localisation médul-
laire dans la -, par Lamy, 46'r.
Syringomyélie, examen bactériolo-
gique de la moelle et des nerfs
dans la-, par Pitres et Sabrazès,
318; les lésions anatomiques de
la -, par Renaut, 339; par
Schlesinger, 393.
SYRixGOMYÉnQUE,arthropathie,
par J.-B. Charcot, 209.
Système r,eRVEw, traité pratique
des maladies du -, par Grasset
et Rauzier, 348.
Tabès et diabète, par Blocq, 209; à
symptômes bulbaires, par Cllvos-
teck, 213; chez la femme, par
Aloebius, 213; traitement électri-
que du -, par S. Laborde, 270;
coïncidence du et de la maladie
de Basedow, par P. Marie et Mari-
nesco, 394.
538 TABLE DES MATIÈRES.
T.lnÉ1'IQUE, perte de la sensation chez
un -, par Frenkel, 39G.
Témoignage, du des mourants,
par Cl. Bell, 50.
Testicules, anomalies des chez
les dégénérés, par Ff,réeLBatigne,
133.
Thyroïde, thérapeutique par l'extrait
du corps , par West, Ravien,
Squire, Balmans et Gordon, 123;
trois cas de crétinisme sporadique
traités par l'ingestion de glande -,
par Telford, Smith et ltailton,l2G;
extrait de corps dans le trai-
tement du psoriasis, par Byrom,
Bramwell, 127.
Tonus palatinus chez les aliénés,
par Ferrari, 129.
Tremblement hystérique, par Del-
mas, 41 ; enregistrement des ,
par Lefillittre, 161.
Urémique, note sur un cas de folie
consécutif à un rétrécissement
11,-itim-iti(Itte (le Ilur('tht,e, par Cul-
lerre, 2.
Vacuolisation des nucleus dos cel-
lules nerveuses, par Larbert, 314.
Varicelle, paralysie consécutive à
la , par Gay, 207.
Vergetures transversales de la ré-
gion lombo-sacrle fréquentes chez
les épileptiques , par Féré et
Schmtd, 133.
Vertébrale, raideur et incurvation
delà colonne - considérée comme
modalité morbide spéciale, par
Bechterew, 395.
Vertige auriculaire, par Maekensie,
Dalby et Withers, 392.
Vision, troubles unilatéraux de la
centrale, par Knies, 399.
Visites dans les asiles, par Dittmar
et Schnele, 416.
VISUELS, troubles dans les hémi-
plénies, par Fromaget, 40.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Adamkiewiez, 483.
Andriezem, 481, 483.
Audeoud, 47.
Audibert, 72.
Azoulay, 81.
Bach, 55.
Badal, 40.
Batllarger, 149.
Ballet, 219.
Balmano, 123.
Bartells, 143.
Baskett, 124.
Bati1-ne, 133, 212.
Baudouin Il, 380.
Becs, 108.
Bell, 54, à6.
Bechterew, 39,i, 516.
Bitot, 41.
Bleuler, 407.
Blocq, 209.
Baedcclcer, 139, 488.
Boissier, 518.
Bombarda, 132.
lîondurant, 36.
Bonnus, 353.
Bouchaud, 133, 136.
Bourueville, 331.
Brachet, 343.
Briand, 60, 137.
Brissaud, 214, 335.
Brugère, 513.
Brunet, 342.
Byrom-Bramwell, 127,
130.
Camuset. 51, 183, 284.
Charcot J.-ni.), 117.
Gliarcot 209.
Chevalier-Lavaure, 129.
Chipault, 127, 311, 39.
Chvosteck, 213.
Cramer, 139, 488.
Coley, 208.
Colin, 269.
Comte, 337.
Cullerre, 2.
Dalley, 392, 518.
Dagonet, 70.
Daguillon, 411.
Delmas, 41.
Dcrode, 54.
Dittmar, 410.
Donatli, 398.
Dresclifeld, 36, 208.
Duhamel, 70.
Duprat, 40.
Ed ? vortli, 30.
Enriquez, 313.
Falret, 149.
Fedbatisch, 57.
Féré, 38, 133, 212, 411,
412.
Ferrari, 129.
Finkelbourg, 144.
Foller, 311.
Fournier, 132.
Frenkel, 396.
Freud, 212, 399.
Friedmann, 420.
Fromaget, 40.
Fuerstner, 57.
Fuchs, 413.
Gallerani, 397.
Garnier (S.), 18, 111,
190, 296.
Gav, 207.
Geliin, 420.
Gilles de la Tourette,
42, 45.
Gordon, 123.
Grasset, 348.
Grube, 213.
Guinon, 46.
Habel, 315.
Ha))ion,3t5,337.
Ilamel, 3r1.
Ilaury, 511.
Haycraft, 485.
Hecker, 213, f20.
Henry, 583.
Hirscilberg, 412.
Hoche, 63.
licesel, 312.
lludelo, 45.
Idanow, 131.
liber ? 63.
Jackson, 481.
Jendrassik, 314.
Joflroy, 32'r, al't.
Jolyet, 318.
Jones, 36.
Kéraval, 57, 139, 141,
414, 431, 432, 475,
4M.
Kerr, 52.
Kirn, 419.
Klippel, 81, 327, 363.
Kmes, 399.
Kochs, 111.
Kowalewski, 397, 402,
413.
Kreuser, 62.
Kroepelin, 59, 60.
Kundt, 404.
Laborde (S.), 270.
Lacassagne, 147.
Ladame, 246.
Lamy, 48, 209, 338, 404.
Lannois, 327.
Larbert, 314.
Laurent, 271.
Le Dantec, 393.
Le Dentu, 124.
Lefilliàtre, 161.
Levillain, 323.
Liston, 412. -
Londe, 38, 214, 327.
Ludwig, 62.
I.voof, 70.
lllachensie (S.), 392.
Maclcie, 207.
340 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Magnan, 273, 433, 519.
Mahaim,312.
Manz, 397.
Marandon de Montvel,
409. -
Marie (A.), 123, 338,
341,422.
Marie (P.), 238, 396.
Marmesco, 394.
Martin (G.), 129.
Massalongo, 211.
Massy, 51.
inlaver, 39.
Meige, 43, 131, 210, 342.
Mendelssobn, 330.
lilavsli, ! 186.
Mmhius, 213.
Moorhouse, 393.
Moravcsik, 405.
liorel, 12.ï..
llloussous, 41.
Muller, 52. ! lluratow, 313. ,
Nagy, 402.
Naeclce, 50, 313, 402.
OEbecke, 403.
Oppenbeim, 53.
Oxors, 124.
l'acinotti, 397.
Pain, 14G.
Parsons, 57.
Piclç, 317.
Pitres, 37, 41, 318.
Platonow, 128.
Potovshy, 131.
Railton, 126.
Ranson, 482.
Rauzier, 348.
Racen, 123.
Itegis, 40, 41, 129, 130,
233, 2GG.
Bemak, 398, 399.
lienaut, 313, 339.
Renlon, 53.
hevilliod, 47.
Richer, 210.
Rieger, 00.
Riss, 208.
Itorie, 130.
ltosin, 318.
Rouhinowtch, GS1.
tiussel, 481.
Liman, 129. ,
Sabrazès, 37, 318.
Schafler, 125, 316, 319.
Schlesinger, 393.
Sclimid, 133.
Schnele, 41G.
SchoelTer, 04.
Schule, 403.
Séglas, 353.
Sérieux, 412, 519.
Serveaux, 327, 363.
Siemerlina. 53.
Sikorskv, 130.
Silvestri, 211.
Sioli, 63.
Smirnoff, 486.
Smith, 12G.
Snell, 207.
Sommer, 31(;, 317, 484.
Souques, 211, 335, 448.
Sprinthorpe, 52.
Squire, 123.
Slcberbak. 313. "*
Stewart, 35.
Struthers, 55.
Sympson, 208.
Taty, 383.
Tellort, 126.
Thomas, 208.
1'Iomson, 208, 48` ? .
Tomkins, 207.
Touloue, lli7, : 18.
Triantaphyllidês, 91.
Truchon, 425.
Vallon, 66, 328, 338.
Verrier, 3't3. ,
Vigouroux, 342.
Vorster, 61.
Wagner, 401.
West, 123. '
Wheaton, 39.-).
Wherrv, 392.
Williamson, 482.
Withers, 392.
Worcester, 43.
Zenner, 37, 312.
Zwaardmaker, 482.
Evreux, Ch Hérissey, imp. - 1294