TRAITÉ COMPLET DE L'ANATOMIE DE L'HOMME
ANATOMIE CHIRURGICALE
ET
MÉDECINE OPÉRATOIRE
AVEC
TRAITÉS COMPLEMENTAIRES
de
SCLEROTOMIE, OPHTHALMOLOGIE, TÉNOTOMIE, ETC
DEUXIÈME PARTIE
TEXTES GENERAUX
L. GUÉRIN, ÉDITEUR
DÉPÔT ET VENTE A LA
LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND. PARIS, 5, RUE BONAPARTE
1866-1867
Réserve de tous droit!
OPÉRATIONS SPÉCIALES
QUI SE PRATIQUENT SUR DES ORGANES COMPLEXES
OU SPÉCIAUX.
CHIRURGIE OPÉRATOIRE
DES ORGANES SITUÉS A LA FACE.
Les opérations qui ont leur siège à la face se rapportent aux organes des sens. Renfermés à part dans autant de cavités os-seuses dont la symétrique agglomération compose le squelette de la face, ces appareils, isolés les uns des autres et de l'ensemble, comme autant de petits organismes, offrent, par leurs ouver-tures au dehors, autant de voies accessibles pour les manœuvres opératoires. La structure complexe et si variée de ces appareils, la texture et les propriétés si différentes des nombreux tissus qui les composent, toutes conditions nécessitées par les fonctions spé-ciales des organes des sens, expliquent le nombre considérable et l'extrême variété des maladies dont ils sont le siège. Comme con-séquence, ces maladies à leur tour et la haute importance des fonc-tions sensoriales, qu'elles entravent, font entrevoir la multi-plicité des indications à remplir pour leur guérison, multiplicité encore augmentée par l'imperfection des théories et, trop sou-vent, par la stérile abondance des moyens que l'art met en usage. Il en résulte que la thérapeutique des organes des sens forme une fraction considérable de la chirurgie opératoire. Vu le nombre immense des détails, sous le double aspect historique et dogma-tique, elle offre d'uncoup-d'œil, dans un cadre restreint, tout l'intérêt philosophique qui peut ressortir de la partie opératoire de la chirurgie. Scientifiquement, il n'est pas seulement curieux, il est aussi fort utile de parcourir à travers les âges la série des ten-tatives dont l'indication était fondée sur les doctrines physiolo-giques dominantes à chaque époque. On y suit, dans ses phases, l'art de guérir; on y apprend à dégager la théorie de la routine, à discerner le vrai du faux, à saisir, dans un essai mal compris, le germe d'une application plus heureuse; enfin on n'est point exposé à reproduire de nouveau et à prôner comme infaillible un moyen qu'une expérience suffisante a déjà condamné. Au point de vue pratique, c'est à juger la valeur de l'indication elle-même que l'on doit s'attacher. On en déduit alors avec facilíteles pro-cédés vraiment efficaces, et il ne s'agit plus que de choisir entre ces procédés celui qui, d'après les résultats statistiques les mieux avérés, offre, pour chaque cas partiel, le plus d'avantages et le moins d'inconvéniens. C'est d'après cette méthode que nous comptons procéder.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'OEIL.
L'œil, le plus complexe des organes des sens, est par cela même sujet à un plus grand nombre de maladies, dont beaucoup exigent le secours des opérations. Les unes et les autres se rangent en quatre genres, suivant qu'elles ont pour siège : i0 l'appareil lacry-mal; 2° les organes protecteurs de l'œil; 3° le globe oculaire; 4° l'orhite osseux et l'ensemble des parties qu'il renferme.
t. vii.
ORGANES DE L'APPAREIL LACRYMAL.
anatomie opératoire ( i ).
L'appareil lacrymal se compose de toutes les parties qui con-1 Planche i, fig. i et i bis; et aussi fig. a et 3.
i
courent à la sécrétion des larmes au devant du globe oculaire, à leur circulation entre les replis de la conjonctive, et à leur ex-pulsion par l'aqueduc qui les transporte dans les fosses nasales.
Jusqu'à présent on n'avait considéré comme appartenant aux voies lacrymales, que deux genres d'organes; en haut et en de-hors la glande lacrymale, en dedans le canal d'excrétion, séparés l'un de l'autre par la surface de la conjonctive. En réalité le re-pli de la conjonctive à double surface oculo-palpéhrale ne sau-rait être séparé des voies lacrymales, puisque c'est pour lubri-fier cette surface elle-même que les larmes sont sécrétées, et que le canal d'excrétion, qui, à l'opposé de tous les autres, commence sur une surface libre, n'a d'autre objet que de prévenir le lar-moiement qui aurait nui à la vision. Quoi qu'il en soit, s'il en faut croire M. Rognetta ( Cours d'Ophthalmologie — 183o. ), les or-ganes qui appartiennent à l'appareil lacrymal seraient beaucoup plus nombreux qu'on ne l'aurait cru jusqu'à ce jour. D'après ce savant chirurgien, les larmes seraient un fluide composé dont la glande lacrymale ne fournirait qu'une portion. A l'appui de son assertion, il cite plus de vingt exemples d'extirpation de la glande lacrymale chez l'homme, pratiquées par MM. Mackensie, Mid-dlemore, Todd, O'Beirne, Travers, Lawrence, J. Cloquet, où les larmes, après guérison, auraient continué à être sécrétées en abondance. Les autres sources du fluide lacrymal seraient les glandes de Méibomius , la caroncule, la conjonctive elle-même, et surtout la cornée qui donnerait issue à l'humeur aqueuse, as-sertion inattendue et fort singulière, mais que l'auteur affirme être prouvée expérimentalement.
Ainsi généralisées, les voies lacrymales se composent de deux portions coudées à angle droit, l'une horizontale ou oculaire, l'autre verticale ou nasale.
Portion oculaire. Elle se compose des organes suivans : i°la glande lacrymale, située entre le globe de l'œil et le bord osseux de l'orbite à son angle externe et supérieur; elle verse son fluide par huit ou dix orifices sur la conjonctive; 2° les glandules de Méibomius disposées parallèlement en séries linéaires sur les car-tilages tarses, et qui versent leurs produits à la base des cils sur les bords palpébraux ; 3° la caroncule lacrymale, petit amas de follicules encastré à l'angle interne de l'œil entre les conduits la-crymaux ; 4° h double surface palpébrale et oculaire de la con-jonctive, surface muqueuse évidemment secrétaire, à laquelle s'ajouterait la cornée considérée, par hypothèse, comme surface exhalante par M. Rognetta.
Portion nasale. Formée par le canal d'excrétion, c'est celle qui offre le plus d'intérêt au point de vue de la médecine opératoire. Elle se compose de deux parties : i° les conduits lacrymaux situés à l'angle interne de l'œil dont ils continuent la direction horizon-tale ; 2° un grand conduit vertical composé de deux parties : à la région oculaire, le réservoir ou sac lacrymal dans lequel s'ouvrent presque à angle droit les conduits lacrymaux; et à la région nasale le canal du même nom qui fait suite au sac lacrymal, et qui s'ou-vre lui-même dans la fosse nasale correspondante sous le cornet inférieur.
Conduits lacrymaux. Situés à l'angle interne de l'œil, écartés en dehors, convergens en dedans de manière à renfermer dans leur écartement la caroncule lacrymale ; tous deux sont obliques, le supérieur descendant, l'inférieur ascendant, et formés par un canal fibreux que tapisse au dedans la muqueuse oculaire. Cha-mn d'eux s'ouvre par un orifice capillaire : le point lacrymal, à l'extrémité du bord palpébral correspondant, dans l'angle qui! forme avec le bord cutané de la caroncule, se dirige d'abord obli-quement, soit en haut, soit en bas, à une profondeur de deux millimètres, puis se coude à un angle d'environ cent degrés, et devient rectiligne dans une longueur d'environ huit millimètres en longeant le bord correspondant de la caroncule; tous deux viennent s'ouvrir, juxtaposés au point de convergence, au milieu de la paroi interne du sac lacrymal. Dans tout ce trajet les conduits lacrymaux sont recouverts par l'orbiculaire et la peau. Tous ces détails sont très importans pour l'injection et le cathétérisme des conduits lacrymaux.
2° Sac lacrymal. Cavité ovalaire ou oblongue de haut en bas, avec une inclinaison en dehors et un peu en arrière, for-mée dans le squelette par la gouttière lacrymale à laquelle con-courent en dedans et en arrière l'os unguis,en dedans et en avant l'apophyse montante de l'os maxillaire. Cette apophyse descendant en dehors pour former le bord osseux inférieur de l'orbite, constitue au devant et au tiers inférieur du sac lacrymal un renflement osseux, dit le tubercule lacrymal, dont le relief sert d'indice au doigt indicateur pour guider le bistouri dans la ponction du sac. Derrière le tubercule lacrymal se continue la gouttière osseuse qui se termineà la rencontre du plancher maxil-laire de l'orbite, où cette gouttière, fermée en dedans par le plan-cher et l'os unguis, avec ou sans interposition du petit os lacry-mal accidentel, change son nom en celui de canal nasal. Dans sa texture et ses rapports, le sac lacrymal est formé de deux mem-branes , muqueuse et fibreuse. Cette dernière, épaissie en dehors et en avant où elle forme le sac, se fixe au pourtour osseux sur l'apophyse montante de l'os maxillaire, et sur la crête saillante de l'os unguis. En avant, le sac lacrymal est protégé par le ten-don de l'orbiculaire qui croise perpendiculairement sa directipn et le partage en deux moitiés inégales. La supérieure logée entre la gouttière osseuse et la caroncule lacrymale, et fortifiée par l'ex-pansiondu tendon de l'orbiculaire,estplusrésistante; l'inférieure, triangulaire, limitée entre le tendon et le tubercule lacrymal, et recouverte seulement par quelques fibres charnues et la peau, se prête davantage à la distension : aussi est-ce en ce point que se développe ordinairement la tumeur lacrymale. Toutefois quand le sac est gonflé en entier, la tumeur est oblongue et bilobée par l'étranglement mitoyen que forme le tendon de l'orbiculaire.
3° Canal nasal. Il fait suite au sac lacrymal au-dessous du plancher de l'orbite, où le conduit ostéo-fibreux se transforme en un canal osseux, inextensible, formé dans la paroi externe et antérieure par l'os maxillaire supérieur, et, dans la paroi infé-rieure et interne, par une lamelle du cornet inférieur au-dessous duquel il s'ouvre dans le méat inférieur des fosses nasales. A l'in-térieur, le canal osseux est tapissé par son périoste que double la membrane muqueuse oculo-nasale.
Quant à la résistance de sa portion squelette, elle n'est consi-dérable qu'au devant du canal nasal, dans la portion formée par la branche montante de l'os maxillaire : dans le reste du trajet, les os papyracés, soit, pour le sac lacrymal, l'os unguis; soit pour le canal nasal, en dedans, la lame du cornet inférieur, et en de-hors la cloison du sinus maxillaire, se brisent avec facilité parla moindre pression, et occasionnent de fausses routes. Le seul moyen de les éviter, est de connaître minutieusement le trajet et les diamètres du conduit lacrymo-nasal.
Dans son ensemble, ce conduit est dirigé de haut en bas, mais avec une double inclinaison , sur le plan vertical, de vingt
à vingt-cinq degrés d avant en afHère, et de dix à douze degrés de dedans en dehors. Sa longueur est de trois centimètres dont le sac et le canal forment à peu près exactement chacun la moitié. Le diamètre, avec les parties molles, est, pour le sac, d'environ quatre millimètres; pour le canal, de trois millimètres à ses ex-trémités et de deux seulement à sa partie moyenne, point le plus rétréci : en sorte que le canal est comme formé de deux petits cônes adossés par leurs sommets tronqués. Incurvé sur sa longueur, sa convexité est en avant et en dehors; son orifice supérieur ou lacrymal est incliné en avant et en dedans vers le sac, et l'infé-rieur ou nasal évasé un peu en arrière. Toutes ces considérations sont d'une grande importance pour diriger l'instrument dans l'incision et le cathétérisme des voies lacrymales.
TUMEUR ET FISTULE LACRYMALES.
Historique. Aucune maladie ne prouve mieux l'opiniâtreté des efforts et l'impuissance de l'art que la tumeur et la fistule lacrymales. Après l'emploi de moyens si nombreux et si variés, encore aujourd'hui il faut bien avouer qu'aucun ne remplit le but; la maladie, quel que soit le genre de traitement, étant sujette à récidiver. Il en est toujours ainsi. L'abondance des moyens ne prouve que leur imperfection : on n'invente pas tant de métho-des quand on en possède une seule véritablement curative.
On sait que les Alexandrins s'occupaient du traitement de la fistule lacrymale ; mais on n'a aucune notion précise sur les résul-tats qu'ils en obtenaient. C'est dans Celse, au commencement de notre ère, que l'on trouve les premiers témoignages certains de la méthode ancienne, dont il a hérité, qu'il a pratiquée lui-même et transmise à Archigènes, et que l'on retrouve après plusieurs siècles dans Aétius et Paul d'Egine. Elle consiste dans l'emploi des caustiques et la perforation de l'os unguis avec le fer rouge.
Au dixième siècle, les Arabes imaginent des moyens plus doux. Rhazès traite la tumeur lacrymale par la compression et des frictions et précède Anel dans l'emploi d'injections résolu-tives ou styptiques, qu'il pratique avec une petite canule. Avi-cennes précède Méjean en introduisant par la fistule un fil porté par une sonde.
A la renaissance, Montagnana (i 565) insiste sur les guérisons qu'il obtient par un traitement général dépuratif. Dans le même temps, Vésale, mais surtout G. Fallope, éclairent, par l'anatomie, l'étiologie et le traitement de la fistule lacrymale, et ce dernier prescrit de suivre la voie naturelle. Mais son conseil n'est pas suivi par ses contemporains J. de Vigo, Franco et A. Paré, qui continuent de perforer l'os unguis.
A la fin du règne de Louis XIV, Verdier et Dionis rappellent l'usage de la compression et Stahl invente un instrument à cet effet. Bientôt Anel ( 17 i o) renouvelle et perfectionne la méthode par injection. Enfin J.-L. Petit, comme créateur de la méthode par incision et dilatation, vient faire une révolution qui sera sui-vie, jusqu'à ce jour, avec des modifications variées dans la ma-nière de dilater le canal, soit par des mèches (Méjean), des ca-nules (Foubert, Pellier) ou des tiges métalliques (Ware, Scarpa). Ici se terminent les indications originales dont les nombreux détails d'application se retrouvent plus loin sous chaque dési-gnation spéciale.
ENGOUEMENT , TUMEUR LACRYMALE.
Lorsqu'un engorgement avec ou sans tumeur empêche l'ab-sorption des larmes, les moyens d'y obvier sont: l'injection, le cathétérisme et la compression dont il sera parlé plus loin.
injections.
Procédé dJnel(p\. 4, %• 3). L'instrument usité est la serin-gue d'Anel ( pl. 2,n° 5) garnie de son ajutageà tube capillaire(b). Le malade assis en face d'une fenêtre bien éclairée, le chirur-gien s'empare de la seringue, tenue de la main droite entre le pouce et le médius appliqués sur un cercle métallique qui leur sert de point d'appui ; l'indicateur, passé dans l'anneau, dirige le piston. Les manœuvres ultérieures varient suivant que l'on agit sur l'un ou l'autre point lacrymal.
i° Injection par le point lacrymal inférieur. En précepte, le chirurgien devant être ambidextre pour toutes les opérations des yeux, la seringue doit être tenue de la main gauche pour l'œil droit et de la main droite pour l'œil gauche. Toutefois cette opération est facile à faire également sur les deux yeux et sur les deux paupières, la seringue tenue de la main droite. Le doigt indicateur de la main qui est libre déprime la peau en regard du tubercule lacrymal pour renverser et offrir en dehors le point lacrymal. Tout étant disposé, appuyer, par les deux derniers doigts, au-dessous de l'arcade sourcilière, la main qui tient la seringue, insinuer le tube capillaire dans l'orifice du point lacry-mal à une profondeur de deux millimètres, dans une direction oblique de haut en bas et un peu d'avant en arrière, puis, arrivé au fond de la coudure du canal, incliner en bas le tube de l'instru-ment pour lui faire prendre, au delà de l'angle, la direction ascen-dante du conduit lacrymal, et faire glisser encore au-delà le tube d'un millimètre, de manière à diminuer, sinon détruire, la cou-dure du conduit; injecter alors avec lenteur par l'abaissement ménagé du piston. Quelques chirurgiens prescrivent de faire glisser le tube jusque dans le sac lacrymal, ce qui revient à une longueur de neuf millimètres : manœuvre trop irritante et inutile. Le passage de l'injection dans les fosses nasales et au-delà, dans le pharynx, est la preuve de la perméabilité des voies lacrymales.
20 Injection par le point lacrymal supérieur. Relever la pau-pière supérieure avec le pouce de la main qui est. libre, les doigts appuyés sur le front. Offrir obliquement le bec du tube, la main qui opère appuyée par les deux derniers doigts au-dessous de la pommette. Insinuer le tube dans le point lacrymal supérieur et terminer comme il a été dit précédemment; mais avec une incli-naison inverse, vu la direction descendante du conduit.
L'injection par le point lacrymal inférieur est presque la seule usitée. Ce n'est que dans le cas où elle offre un obstacle que l'on a recours à l'autre.
cathétérisme.
Pratiqué sans incision préalable, il a pour objet de désobstruer les voies lacrymales. On l'opère de haut en bas par le point la-crymal inférieur (méthode d'Anel) ou de bas en haut par la na-rine et le canal nasal (méthode de Laforest).
i° Cathétérisme par le point lacrymal supérieur.
Procédé d'Anel. L'opérateur placé derrière le malade, dont la tête est renversée, déjette la paupière et insinue par le conduit lacrymal le stylet filiforme boutonné d'Anel (pl. 2, fig. 6), suit
obliquement la direction du conduit lacrymal en tendant la peau vers la racine du nez, puis parvenu dans le sac lacrymal relève le stylet pour lui donner une direction verticale et plonge avec lenteur en glissant sur la paroi interne du sac et inclinant au-tant que possible le bouton au dehors pour suivre le trajet du canal nasal, de manière à glisser avec lenteur jusque dans la fosse nasale. Cette manœuvre est longue et difficile, le bouton du sty-let tendant à s'engager dans la membrane muqueuse qu'il pousse au-devant de lui. Il est aujourd'hui inusité comme moyen de frayer la voie aux injections, motif pour lequel Anel l'avait ima-giné; mais on l'a conservé néanmoins comme manœuvre prépa-ratoire pour le procédé de Méjean.
2° Calhétérisme par le canal nasal.
Imaginé par Bianchi, indiqué par Lafaye, il constitue la mé-thode de Laforest d'après le nom du chirurgien qui a inventé le procédé et les instrumens pour le mettre en pratique. L'objet particulier de cette méthode, applicable aux diverses maladies du canal lacrymo-nasal, est de faire pénétrer les instrumens de désobstruction, sondes, algalies. etc., dans l'intérieur du conduit sans avoir recours à l'incision préalable. Remise en honneur dans ces derniers temps, cette voie de cathétérisme est aujour-d'hui employée pour satisfaire à des indications très variées.
Considérations anatomiques. Le cathétérisme de Laforest exige, au point de vue de l'anatomie, quelques explications préalables. Dans cette méthode, l'instrument, qui pénètre par la narine dans le méat inférieur des fosses nasales, doit entrer de bas en haut par l'orifice inférieur du canal, parcourir son étendue et déboucher à l'angle interne de l'œil dans le sac lacrymal. Ces préliminaires posés, sur un sujet adulte, d'avant en arrière, de la commissure postérieure de la narine au point situé au-dessous de l'orifice du canal nasal, la longueur sur le plancher du méat inférieur des fosses nasales est d'environ vingt-cinq millimètres; en ligne verticale, du fond de la gouttière muqueuse du méat à l'orifice du canal nasal, la hauteur est d'environ vingt millimè-tres. Au-dessus, le canal lui-même, long de quinze millimètres, se dirige en haut, en dehors et en avant, comme nous l'avons exprimé plus haut. Un peu dilaté à son orifice sous le cornet inférieur, il se rétrécit à sa partie moyenne pour se dilater de nouveau vers le sac lacrymal. Ainsi tout instrument dirigé par cette voie doit pénétrer d'une longueur d'environ cinq centi-mètres, et présenter une incurvation calculée pour contourner l'angle, d'environ quatre-vingts degrés, ouvert en avant, que forme l'axe du canal nasal avec le plan du méat inférieur.
¦Procédé de Laforest(pl. 3, fig. i, 2 et 2 bis ; et pl. i, fig. i, 2 et 3). L'instrument est une petite sonde en argent (pl. 2, n° 7) dont la courbe spéciale doit être très précise. Un manche en bois intro-duit dans le tube sert à le diriger. Quelques chirurgiens pres-crivent de prendre une position différente pour agir d'une seule main des deux côtés ; nous trouvons plus commode de changer de main en conservant la même position, l'habitude rendant ce cathétérisme aussi facile et aussi prompt de la main gauche que de la main droite.
Le malade assis, la tête un peu relevée et fixée par un aide, le manche de la sonde étant tenu entre le pouce et l'indicateur, le médius appuyé au-dessous de la pommette, présenter hori-zontalement le bec de la sonde à l'ouverture de la narine, sa convexité tournée vers la cloison (pl. 3, fig. 2 et 2 bis) sur laquelle on la fait glisser d'avant en arrière (n° 1 ); la sonde ayant péné-tré jusqu'au fond de sa coudure, dont la longueur équivaut à la profondeur où est le canal (25 millimètres), incliner doucement en haut le manche de l'instrument, suivant un arc de quarante-cinq degrés, en le faisant un peu basculer en avant sur la pulpe du médius, de manière à ce qu'il couvre obliquement, au point de vue du chirurgien, le milieu de l'arcade sourcilière. Par ce mouvement, le bec de la sonde, du plancher des fosses nasales a remonté le long de la gouttière externe et correspond alors sous le cornet, à l'orifice inférieur du canal nasal, le sommet de sa convexité reposant sur le contour maxillaire de lechancrure nasale (n° 2). Parvenu à ce point, le bec de l'instrument, s'il est engagé dans l'orifice, doit être libre à son sommet et contenu dans son contour; abaisser alors avec douceur le manche de l'instru-ment que l'on fait basculer sur le pouce, suivant un plan étendu de la caroncule lacrymale au bord externe de la première dent incisive du côté opposé. Si l'extrémité de la sonde est véritable-ment engagée dans le canal et que la cavité en soit libre, le bec dans ce mouvement doit remonter avec la plus grande facilité le long du canal lui-même; dès qu'il l'a franchi, la tension de la peau qu'il détermine, au-devant du sac lacrymal, au-dessous et un peu en-dedans de la caroncule, arrête le manche de l'instru-ment en regard de la première dent incisive supérieure opposée.
Si la sonde est d'une courbure convenable et le sujet bien con-formé , le cathétérisme doit se pratiquer du premier coup en sui-vant avec précision la manœuvre indiquée. La seule difficulté est dans les deux mouvemens de bascule. Dans le premier, si la sonde est trop engagée, le bec s'insinue en arrière de l'orifice sous le cornet inférieur, où il est arrêté dans un repli de la membrane muqueuse; le mieux est de recommencer la manœuvre. Toute-fois, en abaissant et reculant un peu le bec de l'instrument, on parvient quelquefois à trouver le canal. Le second mouvement de bascule n'est pas moins important. si l'inclinaison n'est pas assez forte, on pique contre la paroi du sinus maxillaire; si, au contraire, on dépasse la direction de la première incisive, il est à craindre que le bec ne perce la lamelle du cornet inférieur ou l'os unguis.
La sonde introduite, Laforest s'en servait pour pratiquer les injections , et la fixait en position par un fil passé dans le pavil-lon ; plus tard il y substituait une sonde flexible ou une algalie qu'il laissait à demeure dans le canal.
Procédé de M. Gensoul (pl. 3 , fig. 3,3 bis ). Cet habile chi-rurgien a imaginé, pour le cathétérisme nasal, un instrument dont l'usage est plus facile que celui de la sonde de Laforest. Pour en approprier l'extrémité à la forme même du canal, il la confec-tionné d'après un moule de ce conduit ; mais la difficulté reste-rait s'il ne lui avait donné une courbure, à angle d'environ cent degrés , qui facilite son introduction par le méat inférieur, par un mouvement de bascule facile et prompt.
Deux instrumens correspondent aux deux temps d'un même traitement : un cathéter (pl. 2 , fig. 8 ) destiné à frayer la voie, et une sonde flexible ( fig. 9 ) portée sur un mandrin porte-cau-stique. Cette sonde est graduée, afin de pouvoir toujours appré-cier la profondeur à laquelle a pénétré l'instrument. Cet appareil, destiné au traitement par cautérisation, peut également servir pour les injections et la dilatation.
Procédé opératoire. L'instrument tenu comme une plume à écrire (pl. 3, fig. 3, n° 1 ), par la main de l'opérateur opposée à la narine du malade, est présenté d'abord un peu obliquement, le
bec de son extrémité horizontale appuyé sur la cloison. Par un cpuart de rotation du manche, l'extrémité glisse d'arrière en avant sur la cloison et le plancher du méat inférieur. Le manche alors est presque vertical en bas, mais avec une inclinaison au devant de la dent canine inférieure (n° 1), tandis que le bec est placé dans la gouttière externe du méat sous le cornet inférieur. Élevant alors le manche en-dehors jusqu'à un arc de cercle de quatre-vingts degrés (de i en 2), le bec, qui a glissé de bas en haut sur la paroi externe, répond à l'orifice inférieur du canal nasal; alors , par un mouvement de bascule de haut en bas, de dehors en dedans et d'avant en arrière, le manche, devenu horizontal, correspond au plan de la première incisive supérieure du côté op-posé (n° 3), et le bec, qui a remonté en sens inverse la courbure du canal ,vient faire saillie sous la peau dans le sac lacrymal. Rien de si rapide que ce procédé, dont, avec un peu d'habitude, les trois mouvemens se succèdent sans hésitation.
Les autres instrumens du cathétérisme par la méthode dcLa-forest, analogues aux deux précédeus pour la manœuvre, n'exi-gent point de description spéciale : telle est la sonde avec man-drin explorateur de M. Serres d'Uzès , qui réunit les courbures de celles de Laforest et de M. Gensoul; telle aussi la sonde à dard de M. Mancc, qui n'est que celle de M. Gensoul.
FISTULE LACRYMALE.
On entend sous ce nom la perforation par ulcération de la tu-meur lacrymale trop distendue qui donne issue à l'extérieur aux larmes plus ou moins mélangées de mucosités purulentes. Cette maladie, dans le premier temps, est simple, et causée seulement par une phlegmasie des membranes du conduit lacrymo-nasal qui donne lieu à une obstruction susceptible encore de se guérir sans opération. Mais, si elle est déjà très ancienne, la phlegmasie s'accompagne d'épaississement avec induration des membranes, d'oùrésultentle rétrécissement ou même l'oblitération du conduit, et dans les cas plus graves la carie des divers os, mais plus fré-quemment de l'unguis. A ces divers états correspondent plusieurs indications comprenant elles-mêmes un plus ou moins grand nombre de procédés, qui s'emploient isolément ou se succèdent à divers temps d'un même traitement; ce sont : la compression, la dilatation , la cautérisation, la formation d'un canal artificiel.
compression.
Réservée pour les cas les plus simples, la compression est tem-poraire ou permanente. Temporaire, on peut l'exercer avec le doigt ou une petite compresse graduée sur la tumeur après en avoir fait évacuer le liquide, ou par le point lacrymal infé-rieur, ou par le canal encore perméable. Permanente, elle s'ap-plique également sur la tumeur affaissée ou sur la fistule simple à l'aide d'une compresse graduée, d'une petite pelote sur la-quelle appuie un ressort d'acier, ou, ce qui est plus simple, de la pelote qui sert à la compression des petites artères de la face. La compression a de bons effets, combinée avec les injections et les antiphlogistiques; mais, comme elle ne porte que sur le sac lacry-mal, elle n'est efficace qu'autant que l'affection du canal nasal est légère. On peut néanmoins combiner son emploi avec celui des moyens qui agissent sur le canal nasal par la méthode de La-forest.
dilatation.
L'objet de cette méthode est d'obtenir, par une compression t. vu.
permanente de dedans en dehors, le retrait des membranes tu-méfiées, sauf, suivant le cas et le procédé, à favoriser cette action par l'emploi des antiphlogistiques et des divers topiques. La dila-tation du canal s'obtient par des corps étangers ; elle présente trois modifications d'après le mode d'introduction, la nature et la durée du séjour du corps dilatant : i° corps étranger introduit par les orifices naturels; 20 corps étranger introduit par un ori-fice accidentel resté béant; 3° corps étranger laissé à demeure en faisant cicatriser l'orifice d'entrée accidentel.
i° Dilatation par les orifices naturels.
Deux voies se présentent : i° en haut, le point lacrymal supé-rieur moins éloigné que son congénère de la direction ultérieure des voies lacrymales; 20 en bas, l'orifice nasal du canal. La pre-mière méthode est celle de Méjean, la seconde est celle de La-forest.
Méthode de Méjean (pl. 4» fig- 2). Applicable seulement aux cas où la tumeur lacrymale, encore intacte, n'offre point d'orifice, elle a été imaginée par son auteur comme un perfectionnement du procédé d'Anel dont il empruntait le cathétérisme. Armé d'un stylet filiforme, percé à son extrémité d'un œillet garni d'un fil, Méjean pratiquait, comme Anel, le cathétérisme par le point lacry-mal supérieur, allait saisir dans les fosses nasales le fil du stylet, y attachait un petit séton, et, remontant le stylet en sens inverse du trajet parcouru, ramenait en haut le fil, et avec lui, dans le canal nasal, le séton garni à son extrémité inférieure d'un autre fil qui servait à le retirer à volonté par en bas, pour renouveler la mèche et en augmenter le volume. Ce procédé difficile, irri-tant surtout pour le point lacrymal, est aujourd'hui complète-ment inusité.
Modifications. Plusieurs chirurgiens ont essayé de modifier le procédé de Méjean ; mais les moyens qu'ils ont imaginés n'offrent sur ce dernier aucun avantage réel, ajoutent à ses difficultés, et n'empêchent pas ses inconvéniens.— Palucci substituait au stylet une petite canule d'or très mince dont la cavité devait donner pas-sage à une corde à boyau très déliée qui remplaçait le fil conducteur de la mèche. Ce moyen, plus compliqué, est encore moins exécu-table.— Cabanis de Genève, pour dégager le stylet de Méjean du méat inférieur, avait inventé un instrument à deux branches ter-miné par deux petites palettes criblées de trous et glissant l'une sur l'autre, entre lesquelles il essayait de retenir le stylet. Cet instru-ment incommode et trop volumineux est parfaitement inutile. — M. Care substituait au séton de Méjean une mèche de soie écrue formée de plusieurs brins. Ce procédé, qui a été mis en usage par A. Dubois, a pour but d'éviter l'excoriation du point lacrymal, objet qu'il ne remplit pas, et il est insuffisant pour la dilatation du canal.
Méthode de Laforest. — Plusieurs procédés lui sont appli-cables : Procédé et traitement de Laforest. Le cathétérisme étant effectué comme il a été dit plus haut, au lieu que pour la désob-struction Laforest se contentait de pratiquer des injections avec la sonde d'argent; pour la dilatation,il insinuait dans le canal nasal une sonde pleine qu'il laissait à demeure pour frayer la voie. La sonde devenue mobile par le retrait des parois, résultat de la sé-crétion déterminée par le corps étranger, Laforest remplaçait l'al-galie par une sonde creuse, flexible, introduite avec un mandrin qu'il fixait à demeure par un fil passé dans l'anneau de son pa-
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villon, et dont il se servait pour pratiquer les injections. C'est le mode de traitement usité par M. Vésigné. Seulement ce chirur-gien augmente graduellement le volume de la sonde de gomme élastique, qu'il parvient à porter jusqu'à deux millimètres , dia-mètre normal du canal lui-même. Pour maintenir la sonde per-manente et éviter les tatonnemens et les difficultés d'introduction d'une sonde plus grosse, M. Malgaigne propose d'insinuer dans sa cavité un mandrin sur lequel on la ferait glisser pour la retirer, et qui servirait en sens inverse de conducteur à une autre sonde.
11 est évident que, sauf les modifications à apporter au cathé-térisme, le même mode de traitement peut être employé avec le cathéter et la sonde de M. Gensoul ou la sonde de M. Serres dlhès.
2° Dilatation par un orifice accidentel resté béant.
Méthode de J.-L. Petit. Ce chirurgien est le premier qui ait rendu populaire, par sa pratique, l'idée de rétablir la voie natu-relle des larmes au lieu d'en créer une nouvelle, et c'est également lui qui a formulé , sinon conçu , le moyen d'y parvenir par incision.
Procédé et traitement de J.-L. Petit (pl. 4, fig- 0- L'incision ou ponction se rattachant au nom de J.-L. Petit, c'est ici le lieu d'en décrire le procédé mais tel qu'on le pratique perfectionné de nos jours.
Le malade est assis en face du jour la tête appuyée sur la poi-trine d'un aide dont la main, qui correspond au côté inverse de l'opération, pose sur le front, tandis que l'autre appuie par la pulpe des doigts sur le contour externe de l'orbite pour tendre les paupières en dehors et faire saillir le tendon de l'orbiculaire. Assis ou debouten face du malade, armédu petitbistouri cannelé (pl. 2, fig. 16) tenu, comme une plume à écrire, de la main droite pour l'œil gauche et vice versa, le point d'appui pris avec les deux der-niers doigts au-dessus de l'arcade orbitaire (fig. i, b.), le chirur-gienapplique la pulpe du doigt indicateur de la main qui est libre au bas de l'angle interne, pour reconnaître par le toucher, au-des-sous de la saillie visible du muscle orbiculaire, le relief formé sous la peau par le tubercule lacrymal. Entre l'ongle et le tendon, de haut en bas, en dehors de la crête lacrymale de l'apophyse mon-tante et en dedans de la paupière, se trouve inscrit un petit espace rhombordal dont l'incision doit tracer la diagonale. Ces disposi-tions prises, le chirurgien abaisse, au milieu de cet espace, la pointe de l'instrument guidé par l'ongle de l'indicateur, le dos tourné en dedans, vers le nez, et le tranchant en dehors, et plonge d'abord, presque directement d'arrière en avant et un peu de de-hors en dedans, pour la ponction de la peau et du muscle orbi-culaire, jusqu'à une profondeur d'environ trois millimètres. La pointe arrivée dans le sac lacrymal, par un mouvement rapide sur les doigts qui forment point d'appui, en traçant un arc de cercle qui élève le manche de bas en haut et de dehors en dedans, le bistouri se trouve amené au devant de la racine du sourcil suivant une ligne qui, de ce point, passe en dehors de l'aile du nez. Cette ligne, qui indique le trajet ultérieur du conduit lacrymo-nasal, est inclinée de vingt degrés d'avant en arrière; elle doit former, avec le plan vertical, un angle de dix degrés ouvert en bas et s'en-trecroiserait sur ce plan avec une pareille ligne du côté opposé, non pas, comme on l'a dit, à vingt-sept, mais environ à cinquante-quatre millimètres au-dessus de la fosse nasale. Cette position étant assurée, il ne reste plus qu'à plonger directement la lame sans changer sa double direction. Elle entre sans difficulté dans le canal et se trouve arrêtée d'elle-même. Eu tout cas, il est inutile de la faire pénétrer de plus de dix à douze millimètres.
L'incision avec ponction du canal nasal, telle que nous venons de la décrire, est le premier temps des procédés par incision. J.-L. Petit, en même temps qu'il retirait le bistouri, glissait sur sa rainure une sonde cannelée qu'il introduisait avec la pression né-cessaire jusque dans la fosse nasale, pour frayer la voie, et intro-duisait à la place une bougie conique de cire, renflée à son extré-mité, sortant par la plaie et fixée par un fil. La bougie était renouvelée comme tous les corps dilatans.
Modifications. Pouteau seul a modifié l'incision de J.-L. Petit dans le but d'éviter la petite difformité de la cicatrice cutanée. Tous les autres procédés empruntent l'incision de J.-L. Petit comme un premier temps de la méthode opératoire de Méjean.
Incision de Pouteau. Elle ne diffère que par son siège entre la caroncule lacrymale et le bord correspondant de la paupière in-férieure. Seulement, pour atteindre dans le sac, il faut tirer préa-lablement l'angle interne en dedans, la paupière en bas, et incli-ner un peu la pointe du bistouri dans la moyenne des deux directions. L'incision de Pouteau, qui transporte à l'angle interne de l'œil la difformité qu'il voulait éviter à la peau, et détermine en outre l'irritation inutile et dangereuse de la conjonctive, n'a ja-mais été accueillie.
Procédé de Lecat. Le premier il a combiné lincision de Petit avec la méthode de Méjean en se servant de la plaie pour intro-duire une corde à boyau laissée à demeure.
Procédé de Desaull. Après l'incision et la désobstruction par la sonde cannelée, introduire par la plaie dans le canal un stylet cylindrique servant de conducteur à une canule d'argent (pl. i, fig. 20); le stylet retiré, se servir de la cavité de la sonde pour faire descendre un fil, comme dans le procédé de Méjean, et se conduire pour le reste comme ce dernier auteur. — Boyer, pour guider la descente du fil dans la canule, se servait d'un petit stylet analogue à celui de Méjean.
Procédé de Pamard. Pour rendre plus facile l'extraction du fil par le nez, Pamard d'Avignon et Giraud imaginèrent d'avoir recours à un petit ressort d'acier. Pamard, dont le nom a prévalu, a un peu modifié la canule cleDesault, qu'il a légèreaient courbée pour l'adaptera la forme du canal. On lintroduit sur un mandrin (pl. 2, fig. 15). La canule en place, on fait glisser par sa cavité le stylet boutonné à une extrémité, aiguillé à l'autre pour recevoir le fil. Parvenu dans la fosse nasale, le stylet, par son ressort, vient s'offrir au dehors, où il est facile à dégager. Il est aisé alors de ramener le fil porte-mèche. Ce procédé a trouvé de nombreux adhérens; toutefois Boyer aimait autant celui deDesault, dont il se servait à la Charité, tandisque M. Roux employait celui de Pamard.
Procédé de Jurine. Il ne différait que pour la ponction prati-quée par un petit trocart en or dans le but de faire la plaie plus petite. La canule remplaçant celle de Pamard servait à guider le stylet de ce chirurgien.
Procédé de MM. Sanson et Bégin. En tant que d'employer- la méthode de Méjean et pour la simplifier,ces chirurgiens ont pro-posé avec raison de faire immédiatement descendre le fil par- la sonde cannelée dans son passage après l'incision.
Procédé de Scarpa. Le chirurgien de Pavie employait préala-idement la mèche de Méjean enduite de précipité rouge ou de nitrate d'argent pour cautériser et déterger le canal nasal; puis, comme moyen permanent de dilatation, il y substituait une tige de plomb légèrement conique (pl. 2, fîg. 25) terminée par une tête articulée qui recouvrait au dehors la plaie fistuleuse. Ce clou, retiré de temps à autre, était nettoyé et réintroduit, après une injection d'eau tiède, dans les voies lacrymales. Le traitement dure jusqu'à ce que la sécrétion purulente soit supprimée et que le cours des larmes soit rétabli entre les tiges métalliques et les parois du canal. Mais la guérison par ce procédé exige huit à dix mois et même plus. A. Dubois faisait un fréquent usage du clou en plomb, mais celui dont il se servait était recourbé et d'une seule pièce. — Le procédé de M. Ware, vanté en Angleterre et en Amérique, n'est autre que celui de Scarpa, le corps étranger étant une tige d'argent au lieu de plomb.
3° Dilatation par un corps étranger à demeure , la plaie cicatrisée.
Ce mode de dilatation consiste à introduire dans le canal na-sal par la plaie extérieure, et à l'aide d'un mandrin, une canule d'or ou d'argent qu'on abandonne ensuite dans sa position, en faisant cicatriser immédiatement la plaie extérieure. Ce mode de traitement est le plus rapide, les larmes passant immédiatement par la cavité de la canule, et la plaie, pratiquée seulement pour faire la ponction et introduire le corps étranger, étant réunie immédiatement comme celle d'une saignée. Les liquides retrou-vant une voie pour être versés dans les fosses nasales, il n'y a plus à craindre ni l'épiphora, ni une nouvelle tumeur lacrymale, et avec le temps, des semaines, des mois et même des années , la tuméfaction des membranes diminuant peu à peu par le fait de la pression permanente, la canule devient vacillante dans le canal élargi, et finit par tomber dans les fosses nasales. C'est précisément pour empêcher une chute trop prématurée, qu'ont été imaginées les diverses modifications apportées à la forme de l'instru-ment.
C'est à Foubert que Ion rapporte l'emploi de la canule à de-meure comme moyen usuel. L'instrument de Foubert, long de vingt-cinq millimètres, était conique et légèrement évasé en bec de cuillère à son extrémité supérieure. L'auteur lui avait dû un assez grand nombre de succès, et cependant ce mode de traite-ment ayant été vivement blâmé par Louis, très influent dans sa qualité de secrétaire de l'Académie de Chirurgie , était tombé en désuétude, lorsque en 1783 il fut renouvelé par Pellier, qui s'en disait l'inventeur. Longue seulement de deux centimètres , évasée en bourrelet à son extrémité supérieure, et terminée en bec de cuillère à son extrémité inférieure, la canule de Pellier présentait un renflement mitoyen destiné à la fixer dans son lieu, sans qu'elle pût ni monter ni descendre. De nombreux succès ont justifié l'emploi de cette canule. M. Distel rapporte le fait d'un malade chez lequel une canule de ferblanc est restée quarante ans : un autre en portait une d'argent depuis quinze ans. A Strasbourg, ce mode de traitement n'a jamais cessé d'être usité avec avantage; Marshall s'en servait en Angleterre , Himly et Reisinger en Allemagne, et cependant il était complètement oublié dans l'école de Paris, lorsqu'il y fut remis en honneur par Dupuytren. Aucun traitement de la fistule lacrymale ne compte peut-être des succès aussi nombreux que la canule à demeure entre les mains du grand chirurgien de l'Hôtel-Dieu. Cepen-dant sa canule (pl. 2, fig. 21), lisse, conique, légèrement incur-vée, et qui n'offre qu'un bourrelet supérieur cannelé en dedans, est sujette à remonter, devient promptement vacillante et tombe dans les fosses nasales avant le temps. C'est pour obvier à cet in-convénient, que plusieurs chirurgiens ont augmenté les inégali-tés de la canule. Ainsi M. Brachet de Lyon y ajoute un second renflement inférieur, M. Taddei, suivi par M. Malgaigne, re-vient à la canule de Pellier; enfin M. Gerdy emploie une canule conique (fig. 24 ), simulant par sa forme six petits cônes dégra-dans et emboîtés.
Procédé de Dupuytren. Pour la manœuvre opératoire, nous décrivons le procédé formulé par Dupuytren et également usité quelle que soit la forme de la canule qu'on emploie. Les instru-mens nécessaires sont : 10 la canule d'or ou d'argent longue de vingt à vingt-deux millimètres, et offrant, pour son^ diamètre, quatre millimètres à son bourrelet, trois millimètres à l'extré-mité supérieure de la tige, et un millimètre et demi à son extré-mité inférieure dont l'ouverture en biseau est placée sur la con-cavité; 20 un mandrin d'acier (fig. 17), coudé à angle de cent vingt-cinq degrés, qui sert de conducteur à la canule ; 3° le bis-touri à lame effilée ( fig. 16 ).
La ponction avec le bistouri étant pratiquée comme il a été dit plus haut, et la lame de l'instrument engagée dans le canal nasal (procédé de J.-L. Petit), s'assurer, par un léger mouvement de vacillation imprimé au manche, que l'instrument n'a pas fait fausse route; puis retirant un peu la lame en haut, et l'inclinant en arrière pour laisser un orifice à l'angle interne, de l'autre main, armée du mandrin qui porte la canule, en faire glisser le bec par l'orifice de la plaie dans la rainure du bistouri, et, sans quitter cette rainure, retirer peu à peu la lame à mesure que par une pression médiocre on enfonce le mandrin. Le bistouri retiré de la plaie, le tiers de la canule seulement étant encore au dehors, continuer de la faire descendre jusqu'à ce que le bourrelet, qui a pénétré dans le sac lacrymal, affleure l'orifice supérieur du canal nasal. La canule étant en position , presser, avec l'extrémité un-guéale du pouce de la main qui est libre, en arrière du tubercule lacrymal, afin de dégager le mandrin sans soulever la canule. On fait alors moucher le malade avec force et on lui fait chasser l'air des fosses nasales, la bouche étant fermée. L'issue de quelques gouttes de sang par la narine correspondante, ou d'un peu de sang spumeux et mêlé d'air par la plaie, indique que l'opération a réussi. Si ces phénomènes n'avaient pas lieu, c'est que l'on au-rait fait fausse route, ou que la canule serait trop enfoncée ou mal dirigée. Dans le premier cas, il faudrait recommencer l'opération ; dans le second, remonter un peu la canule ou en changer la di-rection. Enfin, l'opération étant terminée, on ferme la petite plaie avec une mouche de taffetas gommé, et le malade peut immé-diatement se livrer à ses occupations habituelles : le cours des larmes est rétabli; le malade n'éprouve, après quelques heures , aucune gêne ; la plaie est cicatrisée le lendemain.
Aucun procédé n'est plus rapide, plus facile à exécuter et ne donne d'aussi bons résultats, la guérison étant ordinairement ob-tenue en vingt-quatre heures. D'après les registres de l'Hôtel-Dieu, la moyenne, sur un nombre immense de malades opérés pendant une longue suite d'années, donnerait trois guérisons sur quatre opérations; résultat fort beau, même en défalquant la part d'exagération ordinaire dans ces sortes de comptes-rendus. Nous avons nous-mêmes été témoin d'un grand nombre de succès par ce procédé. Toutefois il faut admettre, comme dans toutes les méthodes, les cas de récidive, dont la proportion néanmoins doit être moindre avec la canule en raison de la pres-sion exacte et long-temps continuée qu'elle exerce.
Malgré les succès éclatons obtenus par Dupuytren, on a l'ait à son procédé quelques objections qu'il est bon de faire connaître. i° On ne peut s'en servir quand le canal, mal conformé, offre des coudures vicieuses. Cette objection, qui doit être prévue à l'avance par le chirurgien d'après l'inspection des parties, est commune aux divers modes de traitement où il s'agit d'intro-duire un corps étranger quelconque dans le canal nasal. 20 11 arrive parfois que la canule est mal engagée. Ce cas n'arrive que par la maladresse du chirurgien, qui aura fait avec le bis-touri une fausse route suivie par la canule. Saus parler du fait déplorable où la voie a été tracée dans les chairs en avant de l'os maxillaire, si dans la ponction du canal, soit avec le bistouri, soit avec le mandrin, on a incliné trop en dedans ou trop en arrière, on a pu rompre, dans le premier cas, l'os unguis et la lamelle du cornet inférieur, et, dans le second, la cloison du sinus maxillaire; mais alors le changement de direction et la résistance ont dû avertir de l'accident qui est survenu. Delpech cite un fait analogue, où la canule avait traversé la voûte pala-tine. Une troisième circonstance est celle où le bec de la canule s'est insinué par déchirure sous les membranes. Dans tous ces cas il convient de retirer la canule, ce que l'on opère avec le mandrin bifide de Dupuytren (pl. 2, fig. 18), ou le stylet à hameçon de M. JulesCloquet(fig. 19); et il faudrait ultérieurement recommen-cer l'opération. 3° La plaie cicatrisée, la canule devient vacillante, et, si elle ne tombe pas d'elle-même dans les fosses nasales, ou bien elle remonte vers le sac lacrymal, ou elle se place plus ou moins obliquement et barre en quelque sorte le canal sans donner issue aux fluides. Parfois aussi, comme l'a observé M. Maunoir, elle s'engoue par les mucosités ou par la poudre de tabac. Dans tous ces cas il est convenable de l'extraire. M. Darcet rapporte vingt-sept cas où cette nouvelle opération a été indispensable. La né-cessité éventuelle de l'extraction est fâcheuse sans doute, mais elle est très rare proportionnellement au nombre immense de faits où la canule est tombée d'elle-même dans les fosses nasales; et cet inconvénient, qu'il faut avouer, n'équivaut pas néanmoins à ceux des autres procédés. Au reste, si on ne peut toujours préve-nir l'introduction de substances étrangères, du moins, avant qu'elles s'épaississent jusqu'à faire obstacle, on doit essayer de dés-obstruer par les injections et le cathétérisme d'Anel. 4° Enfin, quant aux inconvéniens tirés du volume de la canule, le chirur-gien aurait dû, avant l'opération, le proportionner au dia-mètre du canal; une canule trop grosse devant tendre à re-monter, tandis qu'une trop étroite doit descendre trop tôt ou prendre une direction vicieuse. Toutefois, le déplacement pré-maturé de la canule accuse l'imperfection de la forme que lui a donnée Dupuytren. C'est pour y remédier que l'on a modifié plus récemment la canule eu y ajoutant de nouveaux renfleniens ; mais en cas d'extraction nécessaire, comme il y aurait de l'inconvé-nient à ce qu fis fussent trop multipliés, la canule de Pellier, adoptée par M. Malgaigne, nous paraît préférable aux autres. 4° Enfin plusieurs chirurgiens reprochent au procédé de Dupuy-tren d'attaquer trop brusquement les surfaces enflammées d'un canal rétréci. Ainsi M. J ules Cloquet, avant d'introduire la canule, fait usage de mèches pendant quelques jours; et M. Malgaigne , après avoir incisé la tumeur comme un simple abcès, force le rétrécissement et maintient des sondes graduées pendant trois jours après lesquels la canule est introduite et la plaie refermée.
cautérisation.
Pratiquée par les anciens et par les Arabes, seulement comme moyen général de traitement des trajets fistuleux, mais en fait inappliquée par les modernes et seulement à peine indiquée par Heister comme moyen de dilatation et de désobstruction» la cautérisation n'a été constituée qu'en t822 par M. Harvcng comme une nouvelle méthode opératoire à l'imitation du pro-cédé de Dticamp pour les rétrécissemens de l'urètre. Une fois livrée au domaine public, cette idée a atteint promptement une grande perfection, quant aux manœuvres, surtout parles tra-vaux de M. Gensoul. Toutefois, en théorie, est-ce une bonne méthode que la cautérisation qui n'agit qu'en détruisant, à une profondeur plus ou moins considérable, des tissus à l'état de phlegmasie chronique dont on peut presque toujours obtenir la résolution par d'autres moyens ? Évidemment la cautérisation ne fait qu'ajouter une nouvelle cause d'irritation , outre les lenteurs du procédé et l'embarras causé dans les voies lacry-males par les escarres et les produits de sécrétion auxquels elle donne lieu. De l'avis expérimenté de la plupart des chi-rurgiens, c'est donc par une analogie mal fondée, au point de vue pathologique, que l'on a pu assimiler en thérapeutique les voies lacrymales au canal de l'urètre , les fongosités et les produc-tions charnues de diverse nature, qui motivent généralement l'emploi de la cautérisation dans le second cas, ne se rencon-trant presque jamais dans le premier.
La cautérisation a été employée par deux voies: i° de haut en bas, par l'incision de J.-L. Petit; 20 de bas en haut, par l'orifice inférieur du canal nasal.
i° Cautérisation par la plaie.
Procédé de M. Harveng. Une petite canule conductrice intro-duite dans le canal nasal, ce chirurgien porte par sa cavité soit un stylet rougi à blanc, soit une mèche ou un fil métallique enduit de nitrate d'argent, et touche avec l'un ou l'autre cau-tère les points rétrécis du canal nasal. Les accidens inflamma-toires traités comme à l'ordinaire, l'opération est réitérée à plu-sieurs lois. — Modification de M. Deslandes. La voie dans le canal nasal étant frayée par un mandrin, introduire un instrument de même forme garni sur les faces opposées de deux rainures verticales, parallèles, emplies de nitrate d'argent fondu, et cau-tériser avec cette tige par un mouvement de torsion sur son axe.
20 Cautérisation de bas en haut.
fille s'exerce de deux manières empruntées de Méjean et de Laforest.
Procédé de M. Bermond. Le fil de Méjean amené au dehors, ayant servi préalablement à prendre avec une mèche enduite de cire l'empreinte du canal nasal, dans une seconde manœuvre M. Bermond s'en sert pour faire remonter une mèche composée de quelques brins de charpie et enduite d'une pâte caustique dairs le point qui doit correspondre a u rétrécissement. Ce procédé, d'un emploi peu sûr en lui-même, réunit en outre, aux accidens communs de la cautérisation, toutes les difficultés et les incon-véniens du procédé de Méjean.
Procédé de M. Gensoul. Les instrumens sont ceux dont nous avons parlé plus haut à propos du cathétérisme par' la méthode de Laforest: 10 le cathéter ( ¡¡1. 2, fig. 8) pour frayer la voie; et •»." la sonde graduée (fig. 9), garnie de son mandrin porte-eau-
stique. Plusieurs centaines de malades ont été opérés par ce pro-cédé, pour le plus grand nombre avec un succès plus ou moins complet ou durable; pour les autres sans aucun avantage: or, disons-le pourtant, en fait de cautérisation, là où il n'y a point d'avantage il y a toujours un inconvénient. Au reste, tout ba-lancé, d'après ses résultats en masse, le procédé de M. Gcnsoul doit être admis avec la canule de Dupuytren et la tige de plomb de Scarpa, au nombre des moyens les plus efficaces de désobstruc-tion du canal nasal. Mais, au reste, à part la cautérisation pour laquelle ils ont été inventés , même en ne tenant compte que de l'appareil instrumental, considéré au point de vue du cathété-risme pour la désobstruction, les injections et la dilatation du canal nasal par la méthode de Laforest, on devrait encore de la reconnaissance à M. Gensoul pour la facilité avec laquelle on arrive dans le canal avec ses instrumens dont l'extrémité est calquée sur un moule obtenu avec l'alliage de Darcet.
formation dun canal artificiel.
Cette méthode, la plus ancienne, était généralement usitée avant que l'anatomie eût démontré la structure des voies lacry-males. Dans l'antiquité, Archigènes perçait l'os unguis avec un foret pour tracer une voie par les fosses nasales. Celse employait dans le même but le cautère actuel. Les Arabes n'ont pas connu d'autre moyen ; mais déjà, à la fin du moyen-âge, Guillaume de Salicet et Jean de Vigo n'employaient le feu qu'autant que l'os lui-même était malade, de manière à satisfaire à la fois à une double indication. Réhabilitée par Woolhouse, cette méthode est restée dans les temps modernes comme une ressource dernière pour pratiquer un canal artificiel dans l'absence du canal naturel, ou lorsque ce dernier est oblitéré par une exostose.
Trois sous-méthodes ont été imaginées pour pratiquer une route artificielle : i0 par l'os unguis ; c'est la méthode ancienne reproduite par Woolhouse : 2° par le sinus maxillaire; moyen déjà usité et surtout fréquemment pratiqué par accident, quand l'opérateur fait fausse route dans la ponction du canal, mais converti en un procédé régulier par M. Pécot et M. Laugier : 3° sinon par le canal lui-même oblitéré, du moins clans la direc-tion qui en rapproche le plus; c'est la sous-méthode de Wathen.
i° Trajet artificiel à travers l'os unguis.
Procédé de Woolhouse. Faire au grand angle de l'œil une in-cision semi-circulaire, qui ouvre largement le sac lacrymal. Après deux ou trois jours, quand la plaie, maintenue écartée par de la charpie, n'est plus saignante, enfoncer une tige pointue de haut en bas, de dehors en dedans et d'avant en arrière, à la partie in-férieure de la gouttière lacrymale; puis y introduire une canule conique, temporaire, que l'on remplace par une canule d'or, étranglée à sa partie moyenne , sur laquelle on fait cicatriser la plaie. L'incision de Woolhouse, qui coupe le tendon de l'orbicu-laire, et la vaste plaie qui en résulte ont immédiatement été con-damnés, mais sa méthode néanmoins a trouvé des imitateurs.
Modifications : i° Saint-Yves, revenant au procédé des anciens, perforait, au travers d'une simple piqûre, l'os unguis avec le cautère actuel. 2° Lacharrière, Dionis, Wiseman, employaient le même procédé, mais en se servant d'une canule infundibuli-forme pour diriger le cautère. 3° Monro, Schobinger et Boudou perforaient l'os unguis avec un trocart, et Bavaton avec un bec de plume. Mais ces divers moyens, à part le cautère actuel, n'a-
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gissent qu'en fracturant et ne peuvent produire nettement une perte de substance par l'ablation d'un disque de l'os. C'est ce qu'avait cru obtenir Hunier à l'aide d'une canule emporte - pièce qui devait prendre son point d'appui sur une plaque de corne introduite par les fosses nasales. Mais l'embarras, le danger et même l'impossibilité de cette dernière manœuvreront fait aban-donner. 4° Scarpa et M. Bouchel ont renouvelé le procédé de Saint-Yves et de Dionis en cautérisant à travers une canule. Celle dont se servait Scarpa est la canule à manche de Roger de Parme, renouvelée par Manoury et employée aussi par Desault. 5° Enfin M. Nicod avait réuni, mais sans utilité réelle, en un seul procédé, la perforation avec le trocart et la cautérisation avec le fer chaud.
Quelle que soit la valeur de la méthode elle-même, l'objet que l'on se propose quant aux divers procédés est d'obtenir une perte de substance autant que possible sans fracture. Aucun n'y réussit complètement. La seule manière d'y parvenir serait de faire usage d'un petit trépan emporte-pièce plus fort mais sem-blable à l'ingénieux instrument imaginé par M. Fabrizj de Mo-dène pour la perforation de la mernbranedu tympan.Néanmoins, la perforation obtenue, il serait encore douteux que les végéta-tions des membranes ne vinssent pas fermer l'orifice. En dernier résultat, quel que soit le moyen dont on ait fait usage pour entre-tenir pendant un long temps l'orifice, soit une mèche, une tente ou une canule étranglée à double dilatation, telle que celles de Woolhouse, Platner et Lecat, la récidive est venue presque tou-jours rendre inutile une opération douloureuse, compliquée et qui, par la longueur du traitement, donne lieu à des cicatrices difformes. Toutefois, le cas échéant, la perforation suivant le moyen que nous proposons, au moins comme une tentative, aurait l'avantage de pouvoir être faite de suite après l'incision, que l'on refermerait immédiatement comme dans le procédé de canule à demeure de Dupuytren ; et, en enlevant un disque osseux d'une largeur suffisante,elle offrirait, pour une guérison définitive,des garanties bien, plus probables qu'aucun des procédés que nous venons d'énumérer.
2° Trajet artificiel à travers l'os maxillaire.
Procédé de M. Pécot. Guidé par un fait accidentel de perfora-tion de la cloison du sinus maxillaire par la canule portée sur son mandrin, M. Pécot a proposé. dans les cas où l'on éprouve de l'obstacle à rétablir le trajet du canal nasal, de prendre nette-ment le parti de perforer avec le mandrin la cloison externe et postérieure du canal nasal, de manière à pénétrer dans le sinus maxillaire, et de laisser la canule à demeure dans l'ouverture faite à l'os.
Procédé de M. Laugier (pl. 4, Hg- 5). Au lieu du mandrin porte-canule, M. Laugier emploie un trocart à tige coudée (pl. 2. fig. 26), le fait glisser par l'incision sur la rainure du bistouri, la pointe en bas, le sommet de la coudure en haut et en dedans, puis, dès que cette pointe a glissé dans le canal, la force à perforer la paroi du sinus maxillaire par un mouvement de bascule qui élève le manche obliquement en haut vers le milieu de la suture frontale. Avant de retirer l'instrument, il élargit la plaie de l'os par quelques mouvemens de va et vient.
La perforation du sinus maxillaire n'a encore qu'une valeur de proposition non sanctionnée par l'expérience. Rien ne prouve que les larmes pourraient couler librement et sans inconvénient par le sinus maxillaire. Cette opération, en outre, donne lieu
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à une fracture dont il est difficile de limiter l'étendue; elle exige le séjour d'une canule hors de portée, et en cas d'esquille ou de carie il serait très difficile de porter remède à une maladie située aussi profondément. Tous ces motifs militent contre cette perforation : mieux vaut certainement celle de l'os unguis, déjà longuement éprouvée dans ses effets, facile à pratiquer métho-diquement et sans fracture, surtout par l'instrument que nous avons indiqué, etdontla situation permet une nouvelle opération en cas d'insuccès.
3° Trajet artificiel dans la direction du canal naturel.
Procédé de Dupuylren. Dans un cas d'imperforation du canal nasal, Dupuytren conçut, après Wathen, l'idée de percer, au tra-vers des os, un conduit artificiel suivant la direction connue du canal nasal. Un foret, introduit à travers l'incision cutanée, lui servit à pratiquer l'opération. Le canal obtenu, il y introduisit, comme à l'ordinaire, sa canule, sur laquelle il fit cicatriser la plaie. Aucun accident n'est survenu. — Pour un cas qui lui a paru semblable, M. Malgaigne a pratiqué la perforation avec le mandrin porte-canule et, retirant l'instrument,s'en est servi pour introduire la canule de Pellier. L'opération a réussi; seulement, en raison du peu de résistance de l'instrument perforateur, on se demande s'il y avait bien oblitération osseuse.
oblitération des conduits lacrymaux.
Elle est quelquefois congéniale, mais plus fréquemment ac-quise par suite d'une inflammation long-temps prolongée des bords palpébraux. Elle est complète ou incomplète, suivant que l'oblitération intéresse le canal lacrymal en son entier ou seule-ment l'orifice du point lacrymal.
i° L'on'perforation des points lacrymaux par une pellicule est ordinairement congéniale. Il suffit, à l'exemple de Heister, de percer la pellicule avec une aiguille, et d'empêcher la réunion par le séjour d'un fil métallique ou végétal. Au besoin, s'il se présente quelques fongosités, on les déprimerait avec une tige fine enduite de nitrate d'argent.
2° L'oblitération des deux conduits lacrymaux est ordinaire-ment congéniale; celle qui est acquise n'affecte ordinairement que le conduit lacrymal inférieur. Divers procédés ont été mis en usage pour y remédier. Dans un cas d'oblitération double J.-L. Petit a rétabli par l'introduction d'un fil d'or très mince le trajet du conduit lacrymal inférieur, et a laissé le fil à demeure jusqu'à ce que le trajet lui ait paru assuré. Le malade a guéri sans larmoiement, quoique le conduit lacrymal supérieur fût resté oblitéré. — Plusieurs praticiens ont proposé, si l'on ne retrouve pas le trajet du conduit, de pratiquer un canal artificiel du bord palpébral au sac lacrymal. Pellier employait ce moyen en perfo-rant de dehors en dedans, du bord palpébral vers le sac, et réussit à obtenir la perméabilité du nouveau canal à l'aide de simples injections. Monro a proposé d'inciser le sac et de perforer les tissus avec une aiguille de dedans en dehors, ou de l'intérieur du sac vers le bord palpébral. Cette incision et l'irritation du sac, à laquelle elle donne lieu, sont complètement inutiles. M. Malgaigne pro-pose, dans la même intention, de se servir de la sonde nasale à dard, inventée par M. Manec pour faciliter le passage du séton. Ce moyen, qui évite l'incision , est plus rationnel que celui de Monro; seulement il resterait le doute qu'avec un dard élastique porté au loin dans l'épaisseur des parties, à l'extrémité d'une sonde, le chirurgien fût parfaitement sûr de tracer un trajet suivant la direction convenable. Le procédé de Pellier, qui agit de dehors en dedans, nous paraît donc encore le meilleur.
Appréciation.
En récapitulant, au point de vue des indications à remplir , les nombreux procédés imaginés pour le traitement de la tumeur et de la fistule lacrymales, il est important de déterminer par l'expérience quel est le meilleur moyen à employer pour chaque cas déterminé, i ° Pour la tumeur lacrymale avec simple engoue-ment du canal nasal, il suffit des injections aidées au besoin du cathétérisme par la méthode de Laforest. Sous ce rapport le ca-théter et la sonde de M. Gensoul nous paraissent les meilleurs et ceux dont l'emploi est le plus facile. 2° Pour la fistule lacrymale, le traitement doit varier suivant les complications. S'il n'y a qu'obstruction et rétrécissement du canal nasal, trois méthodes de dilatation se présentent. Les mèches, tentes, etc., empruntées du procédé de Méjean, causent l'ulcération des points et des con-duits lacrymaux. Si l'on opère après incision , le traitement s'as-simile au clou de Scarpa et au stylet de Ware: ces derniers sem-blent préférables par l'expérience, ils rétablissent mieux la voie ; mais l'une et l'autre forme de traitement exigent un temps con-sidérable , des mois, une année et plus; ils nécessitent une fistule permanente, donnent lieu à des fongosités, et produisent toujours une cicatrice plus ou moins difforme. La canule à demeure, de préférence celle de Pellier, par le procédé de Dupuytren, j ustifiée par un nombre de succès au moins égal à ceux du traitement par la mèche ou le clou de plomb, leur est évidemment préférable par l'instantanéité de la guérison. A la vérité, cette canule n'est pas sans inconvéniens. Nous avons vu qu'on est parfois obligé de l'extraire, ou qu'elle tombe prématurément; en outre on lui re-proche d'être sujette à récidive, et M. Sichel, en particulier, a ras-semblé nombre de faits de cette nature. Cette objection est fon-dée, sans doute, mais on peut l'adresser également aux autres procédés qui n'ont pas les mêmes avantages, la récidive étant l'inconvénient commun de tous les modes de traitement par di-latation des orifices ou des canaux naturels obstrués ou oblitérés. Enfin quanta la formation d'un canal artificiel, le procédé de Dupuytren, suivant le trajet normal, est préférable aux autres; mais dans le cas où il paraîtrait inapplicable, la perforation de l'os unguis perfectionnée nous paraît devoir rester dans la science.
ORGANES PROTECTEURS DE L'OEIL.
Les paupières, dans les diverses couches qui les composent, la peau, les cartilages tarses et la conjonctive, sont le siège d'un grand nombre de maladies que l'on traite par des opérations très variées. De ces maladies les unes affectent la paupière en totalité, les autres sont bornées à la conjonctive.
opérations qui se pratiquent sur les paupières.
Les maladies des paupières qui donnent lieu à des opérations sont : Vectropion, la blépharoplose, Yentropion, le trichiasis, les adhérences vicieuses des paupières, et les tumeurs de diverse nature.
ectropion.
L'ectropion ou renversement des paupières en dehors est pro-
duit par deux causes inverses: i° la tuméfaction chronique par hypertrophie vasculaire de la conjonctive; c'est le cas le plus or-dinaire ou l'ectropion proprement dit, lepaississcment de la con-jonctive devant produire nécessairement le renversement de la paupière en dehors : 2° le raccourcissement de la peau par une cicatrice vicieuse ; cas plus rare , mais où la perte de substance rend la guérison plus difficile.
Ectropion par tuméfaction de la conjonctive.
Le plus ordinairement borné à la paupière inférieure, mais quelquefois envahissant l'une et l'autre paupière, il force l'œil à rester entrouvert ( lagophthalmieou œil de lièvre), et cause par cela même une irritation habituelle de la conjonctive oculaire qui participe à l'état anévrismatique. Des moyens nombreux ont été employés pour y remédier. Quand la maladie n'est pas très ancienne, elle peut guérir par l'usage de divers topiques, les col-lyres secs et résolutifs , le calomel, les oxides de zinc et de bis-muth porphyrisés, à parties égales, avec le sucre candi, dont on instille matin et soir une pincée sur la conjonctive. Saint-Yves, B. Bell, Scarpa ont employé avec succès la cautérisation avec le nitrate d'argent. Le cautère actuel lui-même, recommandé , au moyen âge, par G. de Salicet, a été employé une fois avec succès par M. J. Cloquet. Toutefois la cautérisation ne convientque lors-que la maladie est bornée à une portion delà conjonctive; l'o-pération au contraire est préférable quand la membrane est affectée dans toute son étendue.
Indication. Son objet est de diminuer le volume exubérant de la conjonctive à l'état d'hypertrophie vasculaire , et alors divers procédés ont été imaginés suivant que la conjonctive seule est tuméfiée ou que, par le progrès de la maladie, la peau et même le cartilage tarse ont subi un allongement. Dans le premier cas, on emploie l'excision simple de la conjonctive; dans le second, l'ex-cision d'un lambeau de paupière, et d'une portion ou de la tota-lité du cartilage tarse.
Méthode ancienne.—Excision de la conjonctive. Indiquée par Hippocrate, décrite dans Aétius, rien de plus simple que cette opération. Le malade assis, la tête inclinée en arrière, la paupière fortement élevée ou abaissée suivant que l'on agit sur la supé-rieure ou l'inférieure, saisir , avec de bonnes pinces plates , un repli de la conjonctive suffisant pour ramener les cils à leur di-rection, sansen prendre unlambeau trop épais qui amèneraitleur introversion ou renversement en dedans; puis, procédant de l'angle externe vers l'interne pour l'œil gauche, (pl. 5,fig. 2) ou en sens inverse pour l'œil droit, avec des ciseaux courbes sur le plat, exciser, dans toute la largeur de la paupière, un lambeau elliptique parallèle à son bord libre. L'opération terminée , pour le traitement consécutif se conduire comme dans l'ophthalmie or-dinaire ou traumatique.
MÉTHODE DE M. DlEFFENBACH--Excision de la conjonctive
au travers de la peau. Applicable à l'une et l'autre paupière , ce procédé a pour objet, après l'excision de la conjonctive, de la fixer à la peau par une cicatrice commune , de manière à s'opposer à un nouvel allongement. En voici la manœuvre. Avec un bistouri droit, à lame étroite , faire aux tégumens, à quatre ou cinq mil-limètres du bord palpébral supérieur ou inférieur, une incision qui lui est parallèle et dont la longueur envahit les deux tiers de la paupière ; l'incision doit se faire également de la main droite sur l'une ou l'autre paupière, ou l'un et l'autre œil, en procédant indifféremment de l'angle externe vers l'interne ou en sens inverse. La peau étant incisée , isoler un peu son bord palpé-bral , puis diviser le muscle orbiculaire et la conjonctive en re-gard , dans l'étendue de l'incision cutanée; saisir avec des pin-ces le bord palpébral de la conjonctive avec le cartilage tarse qui y adhère, attirer la membrane à l'extérieur, au travers de la plaie, en exciser une portion suffisante pour faire cesser le renver-sement, puis rapprocher les lèvres de la plaie avec interposition de la conjonctive et du bord du cartilage, et réunir le tout par de petites épingles maintenues par la suture entortillée. Les épin-gles, tordues en dehors, sont coupées près des fils. On les enlève du troisième au sixièmejour. L'opération se pratique de la même manière sur l'une ou l'autre paupière ( pl. 5, fig. 6 et 7 ). Après la guérison, la plaie ne donne lieu qu'à une cicatrice linéaire.
Excision partielle du cartilage tarse (procédé de Weller:pl. 5, fig. 3 ). Ayant remarqué que, dans l'ectropion ancien, le carti-lage tarse éprouve un allongement, Weller, après l'excision de la conjonctive, enlève avec le bistouri ou les ciseaux, dans une étendue de quatre millimètres, la portion médiane du cartilage tarse, en ayant soin de ménager le bord palpébral. C'est ce pro-cédé, où le cartilage tarse et la conjonctive sont intéressés, la peau étant intacte, qui nous paraît ressembler le plus à celui des anciens décrit dans Aétius et revendiqué en faveur d'Antylns.
Excision partielle de la paupière inférieure (pl. 5 , fig. 4 et 5 ). (Procédé de M. Adams.) Publié en 1813 par cet oculiste anglais , suivant M. Martin il avait été imaginé par MM. Physick de Phi-ladelphie et Bouchet de Lyon. Il consiste à rétrécir en masse la paupière inférieure en enlevant un lambeau triangulaire dont la base, de cinq à sept ou huit millimètres, correspond au bord pal-pébral et le sommet vers le globe oculaire, un peu au delà du bord inférieur du cartilage tarse; la longueur des côtés ayant de dix à douze millimètres. Il est préférable de pratiquer ce lambeau en dehors, à un demi-centimètre environ de l'angle externe. La paupière saisie avec une pince plate, la double incision se fait avec le bistouri; ou mieux, à chaque fois, d'un seul coup avec des ciseaux, comme l'a pratiqué M. Velpeau. Ce procédé a donné de bons résultats à ce chirurgien, à Béclard et à M. Roux.
Ectropion par rétrécissement de la peau (cicatrice vicieuse).
Blépharoptastique (pl. 6, fig. 1, 2, 3, 4 )• Lorsqu'une cicatrice vicieuse a déformé la paupière par rétrécissement de la peau , de manière que l'œil est maintenu irrégulièrement entrouvert, il n'y a d'autre moyeu, pour y remédier, que la blépharoplasti-que comme la pratique M. Grœfe. Ordinairement, l'irritation chronique de la conjonctive au contact de l'air fournit d'autres indications; mais ce n'est que de la blépharoplastique elle-même que nous avons à nous occuper ici.
Le malade étant placé en position convenable, et le chirurgien en face de l'œil qu'il opère, circonscrire la cicatrice entre deux incisions que l'on prolonge un peu en ellipse, pour rendre la plaie plus régulière. Autant que possible, quelle que soit la paupière, supérieure ou inférieure, faire en sorte que l'incision la plus rap-prochée du bord palpébral lui soit parallèle ; disséquer la cica-trice de l'angle interne vers l'externe, c'est-à-dire du sommet vers la base du lambeau, puis, le lambeau cutané enlevé, écarter largement les lèvres de la plaie, de manière à rendre à la pau-pière la largeur convenable. La plaie étant disposée,procéder à la
taille du lambeau. 11 est convenable pour les paupières de suivre le procédé de M. Lallemnnd , c'est-à-dire qu'un des bords de la pl a ie d u lambeau arrive sur celle de la paupière, tandis que l'autre bord est amené jusqu'à son niveau, le pédicule étant entre les deux. Pour la paupière supérieure (fig. i et 2), le lambeau est taillé en dehors sur la région fronto-temporalc ; comme il passe sur l'arcade sourcilière, il convient d'arracher les cils qui se pro-duiraient sur la paupière nouvelle. Pour la paupière inférieure ( fig. 3 et 4 ), le lambeau est taillé sur la région malaire. En thèse générale, l'angle le moins obtus entre la ligne médiane des deux plaies est le plus favorable; la torsion du pédicule étant d'autant moindre que les plaies sont moins éloignées du parallélisme. Le lambeau étant disséqué plus large et plus long que la plaie de deux à trois millimètres, on le fait glisser par une légère torsion de son pédicule sur la plaie qu'il doit recouvrir ; c'est le bord interne libre qui s'adapte au bord palpébral pour l'une ou l'autre paupière.
Le lambeau mis en place, étancher le sang avec une éponge imbibée d'eau froide et réunir par des points de suture en-tortillée le sommet d'abord , puis le bord palpébral, et le bord opposé en dernier lieu. Les sutures sont faites avec de très pe-tites épingles dont on redresse et on coupe au besoin les extré-mités après leur application. Elles doivent être en assez grand nombre pour n'être écartées l'une de l'autre que de cinq à six millimètres. Il convient même d'en mettre un peu plus sur le bord périphérique ou le plus éloigné de la fente palpébrale, vu l'épaisseur croissante du muscle orbiculaire qui rend le tiraille-ment plus à craindre. Après deux jours enlever les sutures, que l'on remplace par des bandelettes agglutinatives ; le lambeau adhère dans la huitaine, et la guérison est obtenue après quinze ou dix-huit jours.
L'cctropion guéri, la conjonctive, à l'état d'induration , mo-tive fréquemment une excision partielle qui constitue ultérieu-rement une autre opération.
blépharoptose (pl. 5, fig. 9, 10, ii, 12).
La chute de la paupière supérieure, déterminant l'occlusion forcée de l'œil, constitue une maladie très fâcheuse en ce qu'elle a les mêmes effets que la cécité , quoique le globe oculaire soit intact. Suivant ses causes, elle est traitée avec plus ou moins de succès par le secours de la chirurgie : imparfaite-ment guérissable dans le cas où elle dépend d'une paralysie complète du muscle élévateur de la paupière supérieure; elle est curable, au contraire, lorsqu'elle tient à un allongement considé-rable des tégumens de la paupière, quoique alors même il y ait diminution de la contractilité du muscle élévateur. Dans ce der-nier cas, divers moyens sont employés suivant le degré de la ma-ladie. Si elle est peu prononcée, on peut essayer d'abord d'obte-nir le resserrement de la peau par l'emploi des astringens et des caustiques. Mais si l'œil est entièrement recouvert par une peau tombante, flasque et ridée , il vaut mieux avoir immédiatement recours à l'excision.
Procédé ordinaire (fig. 11 et 12). Saisir entre le médius et le pouce de la main gauche, ou mieux entre les mors d'une pince plate, un pli cutané parallèle au bord palpébral, et assez large pour que l'œil soit bien ouvert, et enlever ce pli d'un seul coup par la section faite avec des ciseaux droits. Pour plus de sûreté il vaut mieux, dans tous les cas, enlever un peu plus des tégumens qu'un peu moins. La section faite, absterger la plaie et attendre un peu, pour calmer l'hémorragie, puis réunir les lèvres de la plaie avec deux petites épingles fixées par la suture entortillée. M. Langenbeck enlève la suture après douze heures, M. Wcller après dix-huit heures. On ne doit pas la laisser plus long-temps, pour éviter l'œdème phlegmoneux qui s'opposerait à la réunion. Scarpa n'appliquait aucune suture; M. Malgaigne se range à cette pratique, dont il a expérimenté les bons effets, et se contente de maintenir, abaissé sur la plaie, le muscle orbiculaire, parla pres-sion de haut en bas, sur l'arcade sourcilière, d'une compresse gra-duée fixée par un tour de bande circulaire.
Procédé de M. Hunt (fig. 9 et 10). Dans le cas de paralysie de l'élévateur de la paupière supérieure, Morand et Anel avaient eu l'ingénieuse idée de faire suppléer ce muscle par l'attache sour-cilière de l'occipito-frontal, en y fixant artificiellement la peau de la paupière elle-même. C'est la réalisation pratique de cette idée qui constitue le procédé de M. Hunt de Manchester.
lie sourcil rasé, avec le bistouri tenu en troisième position pratiquer, en regard de l'arcade sourcilière, une incision curvi-ligne de même forme, égale en étendue à la fente palpébrale entre ses deux commissures. Cette première incision étant faite, en décrire,aux dépens des tégumens delà paupière,une seconde, à concavité supérieure, dont la courbe se prolonge d'autant plus inférieurement que la peau est plus surabondante. Les deux in-cisions réunies par leurs angles, enlever le lambeau cutané inter-médiaire; puis absterger le sang, rapprocher les deux bords de la division et les maintenir accolés par trois points de suture en-tortillée. L'élévation forcée de la paupière entraîne une ouverture de l'œil proportionnée à la perte de substance et, après la cicatrice, la peau de la paupière elle-même adhérant à l'extrémité inférieure de l'occipito-frontal, la paupière se trouve relevée à volonté par l'action de ce muscle, en même temps qu'elle peu t s'abaisser comme à l'ordinaire par la contraction de l'orbiculaire. On ne peut qu'ap-plaudir à cette ingénieuse opération, qui, pour une maladie au-paravant réputée incurable, amène, presque sans aucune diffor-mité, une guérison plus ou moins complète.
entropion.
L'entropion,ou renversement de la paupière en dedans, a pour effet l'irritation permanente de la conjonctive par les cils. Delà deux indications : ramener le bord palpébral en dehors dans sa direction naturelle, ou détruire les bulbes ciliaires.
Retour de la paupière à sa direction.
Divers moyens sont employés suivant que la maladie est plus ou moins grave ou légère. Ce sont, dans l'ordre de leur compli-cation , les bandelettes agglutinatives, les cathérétiques ou les caustiques; l'excision de la peau seule, ou accompagnée de la ré-section du cartilage tarse.
Bandelettes agglutinatives (pl. 5, fig. 8). Ce moyen ne convient que pour les cas les plus légers, où l'entropion, encore récent et accidentel, reconnaît pour cause la laxité de la peau qui succède à un œdème de la paupière. Rien de plus simple que ce procédé. Le sourcil étant rasé, relever la paupière supérieure et la mainte-nir en cet état par l'application de trois bandelettes agglutinatives divergentes qui remontent du bord palpébral sur le front; une quatrième bandelette, appliquée en travers sur la région sour-cilière, maintient les trois premières. L'œil doit être ainsi main-tenu ouvert artificiellement pendant l'espace de quinze à vingt
jours, pour donner à la peau le temps de reprendre sa tonicité. On y aide même au besoin par quelques topiques astringens. De-mours a guéri, avec ce procédé, un assez grand nombre de ma-lades ; et M. Velpeau, à son exemple, s'en est également servi avec avantage.
Cathérétiques et caustiques (procédé de QuaJri). Nettoyer exac-tement la paupière et appliquer longitudinalement, sur !a fente palpébrale, une bandelette agglutinative bien collante, pour em-pêcher tout liquide de s'insinuer entre les bords palpébraux; puis avec un petit pinceau en bois ou en filasse imbibé d'acide sulfurique ne faire que mouiller la peau dans une largeur de quatre à cinq millimètres au-dessus du bord palpébral, dans toute l'étendue des cils inclinés en dedans. Après huit à dix se-condes de contact, essuyer la paupière avec soin et s'assurer de l'effet produit. Si la rétraction de la peau paraît suffisante pour corriger l'introversion delà paupière, l'effet désirable est obtenu. Dans le cas contraire, procéder à une nouvelle application en étendant la gouttelette un peu plus loin et un peu plus haut,pour intéresser une surface plus étendue de la peau, et nettoyer éga-lement après quelques secondes. On peut ainsi recommencer à trois ou quatre fois. Par prudence, il vaut mieux mettre plus de temps à intéresser une surface plus considérable et employer un acide moins concentré. Dès que la rétraction de la peau est suffi-sante, laver et essuyer, puis enlever la bandelette agglutinative. Les cils se trouvant redressés, les rassembler en cinq ou six petits faisceaux noués au sommet par des fils de soie et fixer ces fils sur le front par une bandelette agglutinative transversale. Quant à cette dernière manoeuvre, comme il arrive souvent, ainsi que l'a remarqué Weller, que les cils abandonnent les fils au moindre clignotement, M. Malgaigne conseille plutôt de les col-ler par renversement sur la paupière elle-même avec un peu de glu. La bandelette agglutinative, appliquant les cils sur la pau-pière elle-même, l'emplirait le même effet.
Dans les cas les plus légers, les cathérétiques peuvent remplacer l'acide sulfurique ou les caustiques. Le cautère objectif, comme l'a employé Ware, peut avoir des effets trop graves pour que nous en recommandions l'emploi.
Excision de la peau. C'est la même opération que nous avons décrite plus haut, à propos de la blépharoptose; nous n'y revien-drons pas.
Excision du cartilage tarse (procédé deSaunders; pl. 7, fig. 2, 3). Introduire sous la paupière, entre elle et le globe de l'œil, la plaque de l'élévatoire en écaille; soulever la paupière,pour l'isoler de l'œil, et la faire tendre par un aide qui saisit le bord palpébral avec des pinces larges et plates. Inciser avec le bistouri un peu au-dessus des bulbes ciliaires, et parallèlement au bord palpé-bral, jusque sur le cartilage tarse. Disséquer, de bas en haut, en isolant le cartilage jusqu'à son bord sourcilier; le détacher en coupant l'attache de l'élévateur et de la conjonctive et, après l'a-voir isolé à son bord supérieur et à ses extrémités, en faire la résection avec le bistouri ou des ciseaux, en prenant garde de ne point intéresser les bulbes ciliaires et surtout le conduit lacrymal.
L'intention de ce procédé est de diminuer la hauteur de la paupière en lui enlevant son point d'appui. L'auteur suppose qu'il n'y a point à craindre la paralysie de l'élévateur qui conti-nuera de soulever la peau et la conjonctive. Mais, en supposant qu'il en soit ainsi, le procédé en lui-même doit-il être appliqué à une maladie aussi légère et amène-t-il un résultat proportionné
t. vii.
aux désordres qu'il nécessite, nous ne le pensons pas, et du reste, la figure qu'il a donnée lui-même d'un œil prétendu guéri, beaucoup plus difforme que celui affecté d'un simple entropion, est peu faite pour encourager à faire usage de ce procédé.
Procédé de M. Gulhrie (pl. 7, fig. 4 et 5), Avec le bistouri, ou mieux avec des ciseaux droits à pointes mousses, faire, à cinq millimètres de l'angle externe, une section perpendiculaire, de toute l'épaisseur de la paupière, à partir du bord palpébral, dans une longueur de dix à douze millimètres. Pratiquer ensuite une pareille incision vers l'angle interne de l'œil, un peu en dehors du point lacrymal. Entre ces deux incisions se trouve compris le cartilage tarse que l'objet de l'opérateur est de soustraire à l'action du muscle orbiculaire. L'opération amenée à ce point, s'assurer, en relevant la paupière, ou plutôt, le lambeau moyen, qu'il n'y a plus d'adhérences ou, s'il en existe, en faire la section. Laissant ensuite retomber le lambeau sur l'œil, examiner s'il reste encore une introversion du bord palpébral et, dans le cas où ce phéno-mène persiste, pratiquer une excision transversale intéressant la peau et le cartilage vers la base du lambeau. L'opération étant terminée, le bord palpébral du lambeau se trouve plus élevé que les extrémités adhérentes aux deux angles et ne fait plus suite avec elles. C'est dans ces rapports vicieux que sont réunies les par-ties par quatre anses de fil dont les bouts sont ramenés et fixés sur le front par des bandelettes agglutina ti ves.
La même observation, que nous avons faite au procédé précé-dent, s'applique à celui-ci. Le désordre est trop considérable et il semble même inutile. Comme en définitive, après les sections la-térales perpendiculaires, il faut encore avoir recours à l'excision transversale, n'est-il pas clair qu'on peut se borner à cette exci-sion comme pour la blépharoptose : l'effet produit est le même, la difformité est à peine visible et le bord palpébral est conservé intact?
trichiasis et disticiiiasis (pl. 7, fig. 4 et 5).
Destruction des bulbes ciliaires.
Le trichiasis consiste dans l'introversion partielle d'une petite étendue du bord palpébral, ou, sans introversion, dans la direc-tion vicieuse en dedans d'un certain nombre de cils. Le disti-chiasis, ordinairement le résultat d'une disposition congéniale, consiste dans une multiplication accidentelle des cils formant une seconde ou une troisième rangée disposées plus ou moins ir-régulièrement derrière la rangée normale du bord palpébral. Quelle que soit la cause de la direction vicieuse des cils et qu'il y ait ou non introversion du bord palpébral, l'indication de dé-truire les cils est la même. On y procède de la manière suivante.
Arrachement et cautérisation (procédé de M. Champesme). Arracher un à un les cils déviés avec des pinces épilatoires; ren-verser en dehors la paupière et l'isoler du globe de l'œil en la soulevant avec l'élévatoire en écaille, puis cautériser chaque bulbe en particulier avec un petit cautère à boule dont l'extré-mité est filiforme.
Arrachement après incision (pl. 7, fig. G). La paupière soule-vée par l'élévatoire en écaille, comprendre la portion du bord palpébral qui renferme les cils déviés entre deux incisions verti-cales parallèles, de trois millimètres de longueur, qui n'intéressent que la peau. Réunir ces deux incisions par une autre transversale
h
sur le bord même de lu paupière et disséquer de bas en haut le petit lambeau cutané rectangulaire. Les bulbes des cils se trou-vant ainsi mis à nu, les arracher isolément ou, s'il reste du doute, emporter par excision la gangue cellulcusc qui les ren-ferme. Enfin, comme une dernière précaution, dans la suppo-sition de germes qui pourraient se développer, toucher avec un petit pinceau imbibé d'acide nitrique. Cette manœuvre, du reste, a l'inconvénient d'éloigner la cicatrisation.
Excision du bord palpébral (Schregcr). Saisir et renverser avec des pinces la portion malade du bord palpébral et l'enlever d'un seul coup, dans une section demi-elliptique, avec des ciseaux courbes. Ce procédé, qui offre l'inconvénient d'une perte de substance du bord cutané palpébral, convient moins que le pré-cédent.
Pour le distichiasis en particulier, comme il y a peu à craindre une nouvelle reproduction des cils développés accidentellement à travers la conjonctive, il suffit, pour qu'ils ne se reproduisent plus, d'en faire avec soin l'arrachement un à un.
adhérence des paupières (ankyloblépharon).
L'adhérence des paupières présente plusieurs variétés : i° l'u-nion simple des deux paupières est ordinairement congénialc et constitue l'imperforation de la fente palpébrale. Dans ce cas les parties sont accolées par une membrane mince qui laisse une ligne interciliaire indiquant le trajet suivant lequel doit se faire la division. Les paupières étant saisies et soulevées, pour les isoler du globe de l'œil, pratiquer une ponction dans l'angle qui doit former la commissure externe, puis glisser sous les paupières, à travers la piqûre, une sonde cannelée, recourbée suivant la con-vexité de l'œil, pour tendre en avant le voile membraneux. Dans la cannelure de la sonde on insinue la pointe d'un bistouri droit, à lame étroite, qui achève la section suivant la ligne interci-liaire (pl. 6, fig. 5). L'opération terminée, pour empêcher une nouvelle adhérence de se former il faut maintenir l'écartement du bord palpébral. Le moyen le plus simple, et aussi le plus sûr, est de maintenir soulevée la paupière supérieure par des bande-lettes agglutinatives, comme il a été dit plus haut à propos de l'en-tropion.
2° L'union des surfaces de la conjonctive à laquelle participe ou non une portion de la fente palpébrale est ordinairement ac-quise et le résultat d'une inflammation. Rien de plus simple que d'isoler par dissection les deux surfaces palpébrale et oculaire; mais il est presque impossible d'empêcher une nouvelle adhé-rence de se produire, l'art ne possédant aucun moyen de main-tenir isolées les surfaces, et la sensibilité des parties ne permet-tant pas l'interposition d'un corps étranger.
tumeurs des paupières.
En pathologie chirurgicale, les tumeurs des paupières se distin-gueraient suivant leur nature et le tissu qu'elles affectent ou dans lequel elles se développent; et l'on en formerait ainsi plusieurs genres qui donneraient lieu à des considérations spéciales. Mais, au point de vue de la médecine opératoire, il faut considérer, sous la distinction commune de tumeurs palpébraies, toutes celles qui ont leur siège aux paupières, quels que soient leur nature et leur siège entre la peau et la conjonctive.
Les tumeurs palpébrales qui donnent lieu à des opérations sont de trois genres : enkystées, cellulaires et cancéreuses. Les deux premiers se rapportent plus particulièrement à la peau et au tissu cellulaire sous-jacent; l'autre intéresse ordinairement toute l'épaisseur des paupières, même sans en excepter la conjonc-tive.
Tumeurs enkystées. Les kystes de diverse nature sont trai-tés par l'excision ou l'incision aidée de la cautérisation.
Excision (pl. 6, fig. 9 et 1 o). Suivant la profondeur du kyste, on l'attaque ou par la surface de la peau, ou par celle de la conjonc-tive. Le dernier procédé est préférable, autant qu'on le peut, pour éviter une cicatrice.
i° Excision par la peau (pl. 6, fig. 9). Armé d'un bistouri convexe très fin, pratiquer une incision transversale plus longue d'un tiers que le grand diamètre du kyste, en évitant avec soin d'entamer sa surface, puis procéder à sa dissection ou à son énucléation, de manière à n'avoir plus qu'à le séparer en ar-rière. Le kyste enlevé en totalité, réunir par première inten-tion.
20 Excision par la conjonctive (pl. f, fig. 10). Renverser sur le doigt la paupière, dont le bord est saisi par les cils, ou, s'il est très mince, la faire maintenir renversée sur une sonde offerte parallèlement au bord palpébral; diviser la conjonctive par une incision transversale, saisir le kyste avec une pince ou une érigne, ledisséquer et l'enlever en entier avec le bistouri en pre-nant garde de l'ouvrir.
Incision avec cautérisation (procédédeDupuytien). La pau-pière renversée sur le doigt, de manière à faire saillir le kyste sous la conjonctive, diviser l'un et l'autre d'un seul coup de bis-touri, évacuer les matières contenues dans l'intérieur du kyste et cautériser toute la surface de sa cavité avec un crayon de nitrate d'argent. La suppuration entraîne ultérieurement les débris du kyste, et la plaie guérit d'elle-même après la chute des escarres.
Tumeurs cellulaires. Sous ce nom sont compris de petits noyaux indurés qui semblent le résultat d'une hypertrophie cel-luleuse, provoquée par diverses causes dont la plus commune, d'après M. Lisfranc, serait un orgeolet non suppuré. Ces bourre-lets celluleux donnent lieu à une irritation chronique de la pau-pière et souvent à un petit abcès fistuleux qui s'ouvre à la surface de la conjonctive sur l'un des bords du cartilage tarse. Divers moyens ont été employés pour en obtenir la résolution : les em-plâtres fondans, [acupuncture (Demours), le séton pratiqué avec une aiguille qui traverse de part en part la tumeur et en pro-voque la suppuration (Jacquemin), enfin la cautérisation avec le nitrate d'argent (Lisfranc, Caron du Villars).
Procédé de M. Caron du Villars. La paupière étant renversée, sonder le trajet fistuleux avec le stylet de Méjean; si l'orifice est capillaire,l'élargir par une piqûre, puis introduire dans la fistule une sonde cannelée très fine, dont la gouttière est chargée de ni-trate d'argent fondu. Cautériser pendant une minute le trajet fis-tuleux et la tumeur, retirer le porte-caustique et laver à l'eau froide. La suppuration et la séparation des escarres déter-minent la fonte de la tumeur et la cicatrisation du trajet fistu-leux; néanmoins si une première cautérisation avait été incom-plète, on devrait en pratiquer une seconde.
Tumeurs cancéreuses. On ne peut considérer ici, par rap-port aux paupières, que les boutons cancroïdes commençans et de peu d'étendue, le cancer, une fois qu'il a envahi en surface et en profondeur, réclamant l'extirpation de l'œil en entier. La vive sensibilité de l'œil ne permettant pas d'employer la pâte arseni-cale, les boutons cancroïdes des paupières ne peuvent être enlevés que par l'excision. Si la maladie, de quelques millimètres d'éten-due , est tout-à-fait superficielle et bornée à la peau, on peut la soulever dans un pli et l'enlever d'un seul coup, par excision, avec le bistouri ou les ciseaux courbes sur le plat, sauf, par pru-dence, à cautériser légèrement la surface de la plaie. Mais si le cancer paraît avoir envahi dans l'épaisseur de la paupière, il faut le cerner dans un lambeau de paupière enlevé en totalité soit, au milieu de la paupière, par une double incision elliptique, soit, sur le bord palpébral, par une incision simple de même forme ou une double incision en V : les deux bords de l'incision double seront réunis par la suture entortillée.
opérations qui se pratiquent sur la conjonctive.
Les maladies de la conjonctive qui réclament le secours des opérations sont les hypertrophies vascuiaires et les diverses ex-croissances fongueuses ou érectiles, le pinguécula, l'encanthis, le pannus et le ptérygion, qui toutes donnent lieu à des excisions.
Excroissances, encanthis, pinguécula.
Les excroissances qui se présentent sur divers points de la con-jonctive oculaire ou palpébrale ont pour premier élément le dé-veloppement anévrismatique de petits vaisseaux sanguins. C'est le nom générique donné à des tumeurs de diverse nature, lors-qu'elles n'ont encore atteint qu'un petit volume. On en pratique l'excision, qui doit être suivie de la cautérisation, avec une tige métallique enduite de nitrate d'argent ( pl. 6, fig. 12).
La tumeur érectile (pl. 5, fig. 1), le fongus et la tumeur méla-nique, qui se développent sur la conjonctive, ne donnent lieu à des excisions qu'autant qu'elles sont encore à l'état rudimentaire. Par leurs caractères spécifiques, ces dégénérescences, abandon-nées à elles-mêmes, sont, sur la conjonctive comme sur tout autre tissu, le germe de ces tumeurs redoutables qui envahissent l'œil en entier et la cavité de l'orbite.
Encanthis (pl. 6, fig. 11), c'est le nom générique du gonfle-ment ou de l'hypertrophie de la caroncule lacrymale. C'est dans cette acception très étendue que Wellerappelleégalement du nom d'encanthis l'inflammation et les diverses dégénérescences de la caroncule. M. Rognetta, restreignant cette dénomination à un état chronique ou d'hypernutrition, distingue l'encanthis en plusieurs variétés : Xhypertrophique simple, observé par Du-puytren et Monteggia ; le cystique, formé par un kyste; le méla-nique ( Wardrop , Riberi), le fongueux (Scarpa) et le cancéreux (Demours), également susceptibles, par leur nature, d'atteindre un volume énorme ; enfin le lithique, formé par des concrétions calcaires (Monteggia).
Le pinguécula (pl. 7, fig. i,b) est une petite tumeur jaunâtre qui se développe dans la conjonctive scléroticale, de nature in-connue et dont le nom, emprunté de sa couleur, semble indi-quer la présence de la graisse, quoiqu'elle n'en contienne pas.
Toutes ces maladies se traitent également par l'excision. Il est bien entendu que toutes celles qui peuvent acquérir un grand vo-lume ne sont considérées ici, comme il a été dit plus liant, qu'à leur naissance. Le procédé d'excision est des plus simples : il con-siste à saisir la tumeur avec des pinces et à en pratiquer soit l'ex-cision avec des ciseaux droits ou courbes sur le plat, suivant la position de la tumeur; soit la dissection avec un petit bistouri. En raison de la nature maligne de la plupart de ces maladies, le pinguécula excepté; en principe général, pour prévenir une réci-dive, le chirurgien doit porter son attention à enlever exactement tout fragment de tissu douteux et, après l'excision, cautériser la surface saignante pour être plus certain de ne laisser aucun germe qui puisse repulluler.
Ptérygion.— Pannus.
Sous les noms de ptérygion et de pannus on comprend un état variqueux constitué par la dilatation des capillaires de la con-jonctive. Comme caractère commun, l'un et l'autre sont formés par de petits vaisseaux qui, procédant de la gouttière oculo-palpébrale de la conjonctive comme base, envahissent, comme sommet, sur le centre de la cornée. Mais le ptérygion, de forme triangulaire, est borné au grand angle de l'œil, tandis que le pannus recouvre toute la surface de la conjonctive oculaire. Jus-qu'à ces derniers temps, on n'admettait, entre ces deux maladies, que ces différences fondées sur le siège et l'étendue ; mais, d'après les recherches les plus récentes des ophthalmologistes, les diffé-rences portent aussi sur la nature même de l'altération.
Ptérygion (planche 7, fig. 9). C'est une végétation membra-neuse de forme triangulaire, épaisse et d'apparence charnue, si-tuée ordinairement au grand angle de l'œil, mais parfois sur d'autres points. Sur cent cinq ptérygions opérés par M. Riberi, cent occupaient l'angle interne, quatre l'angle externe, et un seul l'hémisphère supérieur. Le ptérygion renferme un épais lacis de vaisseaux variqueux convergens de l'angle interne de l'œil vers le centre de la cornée par un sommet unique ou bifide ( Beer, Weller). Suivant M. Sichel, ces vaisseaux ne s'anastomosent pas entre eux : observation que nous avons trouvée fondée par la véri-fication faite sur le vivant au microscope. Toutefois, d'après MM. Guthrie, Travers et Middlemore, le ptérygion ne consiste pas seulement dans l'existence de ces vaisseaux et forme comme une membrane distincte par une sécrétion interstitielle dans le tissu de la conjonctive. Enfin, suivant M. Rognetta, le ptérygion, aux quatre extrémités des deux diamètres de l'œil, ne serait sou-vent autre chose que la carnification ou transformation muscu-laire du tendon aponévrotique de l'un des muscles droits de l'œil.
Trois méthodes opératoires ont été employées contre le ptéry-gion : l'excision, l'incision et la ligature ; les deux dernières sont tombées en désuétude.
Excision (pl. 7, fig. 10). Scarpa saisissait le ptérygion avec des pinces, auprès delà conjonctive, le faisait rompre en tirant des-sus légèrement, puis glissait dessous l'instrument. 11 se contentait d'enlever le ptérygion sur la cornée et l'excisait un peu au delà de la circonférence de cette membrane. Demours glissait au-des-sous, vers son milieu, une lancette à plat, le détachait de côté vers le sommet, l'excisait en dehors de la circonférence de la cornée et faisait quelques scarifications sur la base restante pour en faciliter l'atrophie. M. Riberi pince la base du triangle, qu'il fait craquer par déchirure comme Scarpa, la divise d'un coup
tic ciseau et, avec un bistouri fin, dissèque soigneusement le lambeau en entier en le relevant vers le sommet. M. Middlemore n'enlève le sommet qu'autant qu'il est très opaque; dans le cas contraire, pour ne pas irriter la cornée ou l'affaiblir, il arrête l'excision à sa circonférence.
Enfin M. Rognetla adopte un procédé mixte suivant l'étendue du ptérygion : s'il n'envahit pas encore sur la cornée, ou si le som-met sur cette membrane est encore demi-transparent, il le saisit, le fait craquer par déchirure comme Scarpa, et en excise une lar-geur avec des ciseaux courbes, comptant sur la suppuration pour l'atrophie de ce qui en reste. Au contraire, si le sommet cornéal du ptérygion est opaque; imitant avec un petit bistouri le procédé que Demourspratiquait avec la lancette, il pince le milieu du triangle, glisse la lame en dessous, la relève en coupant à trois millimètres de la circonférence de la cornée, puis dissèque exac-tement le lambeau sur le sommet de cette membrane. Si la base du ptérygion est très saillante; au lieu de l'abandonner comme Scarpa, ce qui expose à une récidive, il l'excise au contraire avec des ciseaux courbes, mais sans s'astreindre, comme M. Ribcri, à une dissection minutieuse.
Pannus (pl. 7, fig. 1 1). C'est un état général de dilatation va-riqueuse de la conjonctive qui forme comme une sorte de voile vasculairc sur toute la surface de l'œil, du pourtour de la gout-tière de réflexion de la conjonctive, comme circonférence, au sommet de la cornée comme centre; en sorte que cette membrane peut offrir tous les degrés intermédiaires entre la transparence et l'opacité, suivant le volume et l'épaisseur des vaisseaux qui la re-couvrent. Néanmoins le pannus n'est pas toujours général : War-drop et Weller en ont vu chacun un qui n'occupait que l'hémi-sphère inférieur. Une autre maladie, sans être le pannus, a les mêmes effets et peut réclamer le même traitement : c'est la vascu-larité cornérde qui succède aux kératites chroniques.
Excision (pl. 7, fig. 12). Scarpa saisissait avec des pinces les principaux troncs vasculaires, en faisait l'excision, circulairc-ment à la cornée, dans une largeur de deux à trois millimètres et comptait sur l'atrophie pour la destruction des vaisseaux, au con-tour et sur la cornée, après les avoir interrompus au milieu de leur trajet. M. Rognetta, convaincu que la maladie, dans son état le plus avancé, peut être alimentée par des vaisseaux nouveaux venus de la profondeur de la cornée, conseille de pratiquer l'ex-cision à la surface même de cette membrane, en la continuant, comme Scarpa, jusqu'à deux millimètres de la circonférence sur la conjonctive scléroticalc.
GLOBE OCULAIRE.
opérations qui se pratiquent sur les milieux réfr1ngens.
Opérations qui ont pour siège la chambre antérieure.
Elles ont pour objet d'évacuer des liquides purulens dont l'o-pacité nuit à la vision dans les cas d'iritis et d'hydato-capsulite.
i° Ponction de l'hydato-capsulite et de l'hypopion. D'après War-drop, Lawrence et Middlemore, l'inflammation de la membrane de l'humeur aqueuse peut être suivie d'une hydropisie des deux chambres, caractérisée, entre autres symptômes, parla proémi-nence exagérée et la demi-opacité de la cornée. Si l'inflammation aiguë donne lieu à un dépôt purulent, l'épanchement devient un hypopion. Ce dernier mot, dans l'état actuel de la science, est générique de tous les petits abcès qui s'ouvrent dans la cavité de la membrane séreuse oculaire, quel que soit le tissu d'où pro-vienne la suppuration.
La ponction ne doit être pratiquée qu'autant que les accidens inflammatoires ont diminué d'intensité. Rien de plus simple que le procédé : il consiste dans une piqûre à la partie inférieure de la circonférence delà cornée (pl. 8, fig. 9). Si l'on soupçonne le liquide très épais, on pique avec une lancette [Scarpa)qui donne une ouverture assez large; si le liquide est aqueux, comme dans l'hydato-capsulite, une aiguille lancéolairc suffit (Wardrop).
CATARACTE.
On appelle cataracte l'opacité soit du cristallin, soit de sa capsule ou de tous les deux à-la-fois, d'où les trois grandes es-pèces de cataractes, lenticulaire, capsulaire et capsulo-lenticulaire. Une quatrième espèce est l'opacité du liquide capsulaire ou la cataracte interstitielle. Par extension, quelques auteurs nomment cataracte hyaloidienne l'opacité de la membrane hyalotdc; d'autres, moins fondés, appliquent également la dénomination de cataracte aux diverses obturations de l'ouverture pupillaire par un dépôt accidentel de pus, de lymphe, de sang, etc., mais ces distinctions n'ont pas prévalu.
S'il est, en chirurgie, une opération qui satisfasse à-la-fois la raison du savant et l'instinct de l'artiste, la théorie et la pratique de l'art, c'est bien assurément l'opération de la cata-racte. Certes celui-là fut heureusement inspiré , qui le premier, guidé par les vagues notions d'une science encore incertaine , comprit qu'une substance opaque dans l'œil pouvait être un obstacle à la vision, osa concevoir la possibilité de l'extraire et réussit enfin à restituer la vue à jamais éteinte. Un aperçu si juste méritait bien que le succès vînt légitimer son ingénieuse har-diesse. Mais la variété des données accessoires qu'il suppose ne permet pas de croire qu'un problème aussi complexe ait pu se ré-soudre ainsi du premier jet. Comme toutes les idées vraiment fé-condes , qui appartiennent un peu à tout le monde, et sont l'expression intellectuelle d'une époque ou , en d'autres termes , le résultat du travail de l'esprit humain dans son ensemble , plutôt que de celui d'aucun homme en particulier, l'ingénieuse opération de la cataracte paraît avoir être l'un de ces produits des efforts combinés d'un grand nombre de savans , l'un de ces résultats d'application de plusieurs sciences, qui surgissent tout-à-coup lorsqu'il n'y a plus qu'à les extraire d'un ensemble de connaissances suffisamment élaborées. Aussi, à ce point de vue philosophique, corroboré par des exemples si nombreux de nos jours, apparaît-il clairement que ce sont les idées scienti-fiques les plus générales, les idées abstraites et de pure science, celles qui semblent uniquement spéculatives , et pour jamais en dehors du domaine de l'utile , ce sont néanmoins, disons-nous, ces idées-mères qui, avec le temps, deviennent les plus fécondes, et dont la dispersion entre des esprits d'instincts divers se con-vertit en une source intarissable des applications les plus variées.
Peut-être l'opération de la cataracte se perd-elle dans la nuit des temps; pour nous, du moins, c'est encore dans la célèbre école d'Alexandrie, dans ce brillant foyer des lumières de l'an-tiquité grecque, que l'on trouve les premières notions sur la cataracte. Nous ignorons quelles étaient au juste les connais-sances des Alexandrins sur la physique ; mais il est difficile de croire que la théorie de l'optique ne fût pas déjà très avancée chez un peuple qui avait porté si loin les connaissances astrono-
iniques. Quoi qu'il en soit, Galien signale à Alexandrie un certain Philoxène, qui, deux siècles avant notre ère, opérait avec succès la cataracte ; mais son procédé est resté dans l'oubli. A l'époque de Gelse, déjà les idées sont plus précises : l'auteur romain attribue la cataracte à une humeur coagulée ou à une membrane derrière la pupille. A un demi-siècle de distance, Antyllus décrit l'abaissement. Bientôt Rufus d'Éphèse distingue l'opacité du cristallin de l'humeur placée devant. Ses indications sont si positives que les modernes ont pensé qu'il avait dû faire des autopsies. Enfin Paul d'Égine , en traitant, ex professo, de l'étiologie et du pronostic de la cataracte, ferme avec éclat la carrière de l'antiquité.
Les Arabes conservent les traditions et les connaissances des auteurs grecs et romains ; mais au moyen âge, et jusqu'au i 7 e siè-cle, l'oubli des distinctions sur la nature de la cataracte en-traîne celui des méthodes opératoires : le souvenir de l'extraction est perdu ; l'abaissement, seul conservé, est à peine soumis à des règles, et livré à des empiriques. C'est de plus haut que renaîtra la lumière. En i6o4 Kepler démontre que le cristallin n'est qu'un corps réfringent, utile mais non indispensable à la vision. Descartes, quelques années après, fixe les usages de la rétine. A partir de ces deux grands hommes , les idées fondamentales sont posées. En 1660 l'opacité du cristallin est prouvée ; l'an-née 1707 voit reparaître l'extraction. Enfin par une suite de travaux partiels s'établissent les distinctions des diverses catarac-tes que précisent, vers 1750, Sharp et Z. Platner; et de ces for-mules naissent peu à peu les divers procédés usités de nos jours.
Caractères généraux'.
Les diverses cataractes se singularisent par plusieurs qualités physiques qui établissent leurs variétés et servent d'indication pour le diagnostic, la convenance de l'opération et le choix de la méthode et du procédé. — 1° Siège. Sous ce rapport on distingue quatre genres de cataracte, cristalline ou lenticulaire, capsulaire, capsulo-lenticulaire et interstitielle ou morganienne ; cette dernière produite exclusivement par l'opacité de l'humeur de Morgagni. — 2° Consistance. La cataracte est dure, molle ou liquide. La cristalline peut offrir l'un ou l'autre de ces trois caractères; la capsulaire, les deux premiers seulement: l'interstitielle est tou-jours liquide. L'extrême densité est le fait du cristallin. La cata-racte prend différens noms suivant son aspect, sa composition chimique ou son volume. Ainsi la cataracte dure est dite sili— queuse, sèche, cornée, calcaire, osseuse, hypertrophiée, atro-phiée, etc.; la cataracte molle, gélatineuse, gommeuse, crétacée; la cataracte liquide, hydatique, lactée, purulente. —3° Couleur. La cataracte affecte cinq espèces de coloration , blanche, jau-nâtre, verdâtre, noirâtre ou brune, dont chacune présente une foule de variétés suivant la nuance, l'éclat ou la matité, la trans-parence ou l'opacité. En général, les couleurs les plus claires annoncent plus d'opacité et coïncident avec une plus grande densité. Les plus sombres supposent, au contraire, plus de mol-lesse et de transparence. D'autres caractères moins importans tiennent à la présence ou à l'absence de stries, raies ou barres colorées.— 4° Profondeur. Un cercle d'ombre projeté par le bord pupillaire sur la cataracte indique que l'espace de la chambre postérieure est conservé. S'il manque, l'iris étant dans la position naturelle, c'est que l'appareil cristallinien, déplacé ou hypertro-
1 Voyez divers exemples de cas cités, pl. 8. t. vu.
phié, s'applique immédiatement derrière l'iris. — 5° Fixité. Le cristallin est immobile dans l'état normal. Par la destruction in-complète ou complète de ses adhérences, la cataracte devient ou branlante ou luxée.C'est dans ce dernier cas que peut survenir son abaissement spontané.
Circonstances qui influent sur le résultat de l'opération.
i° Age. La cataracte s'opère à tout âge, mais les chances sont plus favorables dans l'extrême jeunesse. En général la vision est d'autant plus nette, que l'opération a été faite sur un sujet plus jeune. Dès l'âge de i5 ans le succès n'est plus qu'incomplet (Saunders). Middlemore prescrit d'opérer du sixième au dix-huitième mois de la naissance; Lawrence, encore plus hardi, du premier au deuxième mois. Les chances de succès diminuent avec l'âge. Toutefois, le plus grand nombre de cataractes se ren-contrant de 5o à 70 ans, l'âge avancé n'est point en lui-même une contre-indication snffisante. — 1° Saison. Pour cette opération, qui n'est point d'urgence, il faut préférer les saisons tempérées, le printemps ou l'automne. — 3° Maturité. Les anciens ophthal-mologistes ont beaucoup subtilisé sur ce qu'ils nommaient ma-turité de la cataracte. On n'attache aujourd'hui aucun sens à ce mot. Toute cataracte est propre à être opérée lorsqu'il n'existe dans le moment aucune contre - indication. — 4° Nombre. La cataracte est simple ou double. Dans la cataracte double, toutes les circonstances, d'ailleurs, étant favorables, il y a indication formelle d'opérer. Si, au contraire, il n'y a cataracte que d'un côté, les avis se partagent. Toutefois, quoique l'art possède un certain nombre de succès dans ce cas, le plus grand nombre des chirur-giens se rangent du parti de la prudence en conseillant d'atten-dre, d'après ce précepte général de ne point pratiquer une opération qui n'est pas actuellement nécessaire. Ce conseil nous paraît devoir être suivi. Quand le malade voit encore d'un côté, pourquoi tenter une opération dont les suites peuvent être fu-nestes, même pour l'œil sain, tandis que le meilleur résultat que l'on puisse espérer est la vision inégale des deux yeux?
Conditions de succès.
Elles se résument sous plusieurs chefs : 10 état sain de la ré-tine , prouvé par la contractilité de l'iris à l'approche d'une lumière; 20 transparence de la cornée, au moins dans une éten-due suffisante en regard de l'ouverture pupillaire; 3° iris non adhérent, 4° absence de toute phlogose du globe oculaire dans les divers tissus, 5° état de santé général satisfaisant et absence de toute diathète morbifique, 6° ancienneté suffisante de la ca-taracte pour être assuré qu'elle n'est plus le siège d'un travail aigu.
On opère la cataracte par trois méthodes : ïabaissement, Yex-traction et la méthode mixte ; les deux premières renferment plusieurs procédés.
première méthode. — abaissement.
Le mot abaissement renferme aujourd'hui, sous une acception générique , les nombreux procédés qui ont pour objet de dé-placer ou de broyer avec une aiguille, dans l'intérieur de l'œil, le cristallin et sa capsule. A ces procédés se rapportent diverses ma-nœuvres qui empruntent leurs dénominations spéciales du lieu d'introduction de l'aiguille , du mode d'action exercé sur le corps étranger, et du sens dans lequel il est déplacé.
A. Introduction de l'aiguille. Trois variétés : i° par la scléro-tique , scléralonyxis ; i° par la cornée, kératonyxis; 3° par le corps vitré, hyalonyxis : cette dernière, qui indique la manière dont on attaque le cristallin en arrière par le corps vitré, n'est que le second temps d'une manœuvre où la sclérotique elle-même a été piquée. —B. Action sur la cataracte. Trois variétés : i° incision simple de la capsule; 2° morcellement ou déchirure après l'abaissement; 3° broiement du cristallin lui-même (cris-tallotriplie). — C. Sens du déplacement : i° de haut en bas (de-pression); 2° d'avant en arrière, en couchant le cristallin à plat (réclinaison ou renversement). Cette dernière n'est qu'un pre-mier temps qui doit être suivi de la dépression. — Ces nom-breuses dénominations ne jettent tant d'obscurité sur la plupart des descriptions, que pareeque, dans les livres, on les présente souvent à tort comme des procédés; tandis qu'en réalité elles ne représentent que l'ensemble de manœuvres dont l'association variée constitue les procédés et les différencie.
Historique. La première notion de la méthode par abaissement remonte à Antyllus. Les Arabes, au rapport d'Avicennes, outre l'extraction, emploient un procédé mixte de kératomie suivie d'abaissement par l'aiguille. Au moyen âge (vers 1280) G. de Salicet, croyant que la cataracte est causée par une pellicule pu-pillaire, pratique exclusivement la dépression. Sa théorie et son procédé sont suivis par G. de Chaulieu et successivement par tous les chirurgiens de la renaissance. Toutefois, peu-à-peu de nou-velles observations s'ajoutent aux anciennes. Déjà A. Paré possède des notions plus précises et constate que la cataracte durcit avec l'âge. Franco se plaint que souvent la cataracte abaissée remonte. Mais ce n'est qu'un siècle et demi plus tard, après la réhabilita-tion de l'extraction, que Didier (1722) décrit positivement la cataracte secondaire. En 17 10 Pourfour du Petit propose d'atta-quer le cristallin en arrière. Suivant le témoignage de Ferrein, ce procédé, qui, de nos jours, est devenu la hyalonyxis, est pra-tiqué avec succès à Montpellier dès 1720. En 1722, Saint-Yves signale l'abaissement spontané du cristallin devenu opaque. Vers la même époque Rhaétus reconnaît que le cristallin peut rester transparent malgré une cataracte capsulaire,etMolyneux constate l'absorption du cristallin abaissé. Dans le cours du siècle dernier l'abaissement se formule dans ses manœuvres. En 1785 Wilburg imagine le renversement, auquel il attribue l'avantage de dimi-nuer les chances de réascension du cristallin. Enfin Warner, par l'invention du broiement, complète l'ensemble des sous-pro-cédés qui se rapportent à la méthode par abaissement.
Appareil. Il se compose des objets suivans : un serre-tête ou un bonnet, une bande roulée pour le fixer ou simplement un mouchoir de soie plié en triangle ; un bandeau binocle en toile doublée d'un taffetas noir; une petite compresse fenêtréeen linge fin , qui doit isoler les yeux après l'opération ; un plumasseau de charpie fine, ou du coton cardé, pour intercepter la lumière. Au lieu de ces bandages , M. Quadri préfère laisser l'œil libre et maintient seulement les paupières rapprochées par quelques petites bandelettes de taffetas d'Angleterre qui passent de l'une à l'autre.
Instrumens ( pl. 2 ). On a beaucoup varié dans ces derniers temps la forme de l'aiguille à cataracte. Les plus usitées en France sont les aiguilles de Dupuytren et de Scarpa. L'aiguille de Scarpa, plus généralement préférée , est une tige fine d'acier , longue de trente-cinq à quarante millimètres , très légèrement conique, épaisse seulement d'un demi-millimètre dans la moitié de sa longueur vers la pointe. Celle-ci forme un petit dard ou fer de lance incurvé sur le plat à angle de cent degrés, plane sur la face convexe, et formant sur la face concave une arête légère qui lui donne de la prise et de la solidité. Cette arête constitue la différence avec l'aiguille de Dupuytren , qui est plane sur les deux faces et par cela même un peu faible. La tige est fixée dans un manche en ivoire ; un point noir, sur la face qui correspond à la convexité, guide le chirurgien pour les manœuvres de la pointe. La chirurgie possède encore un grand nombre d'ai-guilles à cataracte, celles de M. Bretonneau et de Waller peu différentes de celle de Scarpa ; les aiguilles droites de Beer pour la kératonyxis, de Hey pour le broiement, et enfin diverses ai-guilles de MM. Grœfe, Lanqenbeck, Himly et Schmidt, modifiées pour divers usages. Une description de ces instrumens serait fas-tidieuse et inutile, le succès dépendant plutôt de l'habileté de l'opérateur que de l'aiguille dont il fait usage.
Pour la dépression les instrumens ont également varié. Lafaye employait à cet effet la curette de Daviel, et son exemple est suivi par MM. Gensoul et Roux; mais cette manœuvre exige préalablement une légère ouverture de la sclérotique avec le couteau à cataracte dans l'endroit où l'on plonge l'aiguille. Enfin Giorgi abaissait la cataracte avec le petit couteau de Cheselden pour la pupille artificielle.
Position du chirurgien et des aides. Le malade est assis ou cou-ché; s'il est assis il vaut mieux que le chirurgien le soit égale-ment, placé vis-à-vis le malade dont il contient les genoux serrés entre les siens. Le mieux est que le malade soit couché, le tronc et la tête relevés par un plan incliné. Cette position, qui évite des cléplacemens ultérieurs et donne moins à craindre l'issue de l'humeur aqueuse, est aussi plus commode pour le chirurgien , qui domine son malade et trouve mieux à appuyer le coude de la main qui agit. Cette position face à face de son malade est commune à toutes les opérations sur l'œil, lorsque le chirurgien est ambidextre. Dans le cas contraire, et s'il opère sur l'œil droit, le chirurgien, suivant la conseil de Scarpa et de Janin, doit se placer derrière la tête du malade, où il tient la place ordinaire d'un de ses aides. M. Malgaigne, qui ne veut pas que l'on se serve de la main gauche, recommande en précepte général cette posi-tion pour opérer toujours de la main droite sur l'œil droit; mais cet avis n'est point partagé par les autres chirurgiens. Enfin deux aides sont nécessaires : l'un, dans le cas ordinaire d'am-bidextrie, placé en arrière du malade, l'autre placé de côté pour contenir les mouvemens.
Procédés opératoires.
Scléralonyxis. — Procédé ordinaire (pl. 10, fig. 5 6, 7,8 ,9). Le malade et le chirurgien sont placés dans la situation indiquée, la face légèrement inclinée de manière que l'œil sur lequel on opère s'offre en premier plan. La paupière supérieure est relevée par l'indicateur ou mieux par l'indicateur et le médius d'un aide , la paupière inférieure abaissée par les mêmes doigts d'une des mains de l'opérateur. Tout étant disposé, saisir l'ai-guille comme une plume à écrire entre le pouce et les deux premiers doigts de la main qui opère; prendre un point d'appui sur la pommette avec l'annulaire etle petit doigt, coucher l'instru-ment sur la joue et le présenter à l'œil un peu obliquement à angle de vingt-cinq à trente degrés avec le plan vertical. Dans cette position , la pointe de l'aiguille étant presque horizontale,
sa convexité en haut, sa concavité en bas , ses tranchans tournés vers les deux angles de l'œil, l'offrir sur le point de la sclérotique correspondant à un millimètre au-dessous du plan horizontal de l'œil et à trois ou quatre millimètres du bord de la cornée ( fàg. 5,8). A ce moment l'œil étant fixé par une pression in-stantanée, en accord, des doigts de l'aide et de l'opérateur, piquer nettement, mais sans brusquerie, l'épaisseur de la sclérotique.Lors-que la longueur de la courbure a pénétré, par un double mouve-ment combiné relever lentement et avec précaution, par la flexion des doigts, le manche en dehors suivant un arc d'envi-ron soixante-dix degrés, et en même temps faire exécuter à l'ai-guille, entre les doigts, un quart de rotation, de manière que sa convexité, qui était en bas, soit tournée en avant, ce dont on s'as-sure par le point noir du manche. Incliner alors un peu le man-che en arrière pour faire saillir l'iris sur la courbure , et pouvoir glisser sans risque entre cette membrane et la face antérieure du cristallin. Continuer ce mouvement en direction horizontale jusqu'à ce que la pointe vienne se montrer au devant du cris-tallin dans l'ouverture pupillaire (fig. 6). Inciser alors, par une succession de petits mouvemens de bascule, d'abord la demi - circonférence interne de la capsule, puis sa face anté-rieure par deux lignes obliques, ascendante et descendante, en V ; enfin la demi-circonférence externe en inclinant le man-che en bas suivant un arc d'environ vingt degrés, de ma-nière à remonter en sens inverse la tige dont la concavité s'ap-plique en plein sur la courbe supérieure du cristallin , la pointe entamant sa circonférence (fig. 6 bis). Enfin, par un mou-vement de bascule qui élève le manche de quarante-cinq à cin-quante degrés avec une forte inclinaison en avant et en dedans, et abaisse la pointe du même angle et sous la même inclinai-son en sens inverse , le cristallin est descendu suivant une courbe en bas en dehors et en arrière au - dessous du corps vitré (fig. 7 et 9). L'opération à ce point, maintenir le cristallin fixé par l'aiguille pendant vingt à trente secondes pour donner au corps vitré le temps de se mouler alentour et l'empêcher de remonter ; puis dégager l'aiguille avec douceur et ménagement, sans secousses, par de légers mouvemens de rotation en sens inverse , et la relever avec lenteur par l'inclinaison du manche en bas et en arrière jusqu'à la direction horizontale ; faire glisser l'instrument en dehors, la courbure en avant sur l'iris , pour ra-mener la pointe à la plaie de la sclérotique ; redescendre le man-che à l'obliquité qu'il avait à son entrée, et enfin dégager en avant la courbure de l'aiguille de la plaie.
D'après ce qui précède, l'opération se divise en cinq temps : i° ponction de l'aiguille, la convexité en haut; 20 glissement horizontal au devant du cristallin, la convexité en avant; 3° di-vision de la capsule cristalline par un mouvement circulaire ; 4° détachement du cristallin et descension de cette lentille sous le corps vitré , c'est cette manœuvre opératoire qui constitue la dépression; 5° retraite de l'instrument en sens inverse du pre-mier trajet parcouru.
C'est dans la succession régulière de ces cinq temps opéra-toires que consiste le procédé ordinaire et régulier tel que nous venons de le décrire. Toutefois les accidens, prévus ou imprévus, qui se présentent dans la marche de l'opération, entraînent de nombreuses modifications.
Ponction de l'aiguille. Les opinions s'accordent volontiers sur le point, déjà indiqué, où l'on doit piquer la sclérotique dans les divers procédés. Plus près de la cornée on pourrait blesser l'iris, plus loin on aurait peine à tourner la face antérieure du cristallin.
Cette dernière modification n'offre d'avantages qu'autant qu'on veut attaquer ce corps par sa face postérieure, différence en quoi consistent les procédés de M. Bretonueau et de M. Malgaigne. Enfin plus bas on aurait de la peine à atteindre le contour supé-rieur du cristallin, et on risquerait de l'enfoncer directement en arrière dans le corps vitré. Plus haut on serait gêné, au contraire, pour porter assez bas la dépression.
Division de la capsule. Quelques chirurgiens négligent ce temps opératoire, et c'est à tort; la capsule intacte opposant une résistance que l'on a quelquefois de la peine à vaincre, et l'ab-sorption du cristallin, entièrement enveloppé de la membrane, étant toujours plus longue et plus difficile. Mais, en outre, divers accidens peuvent se présenter. i° Si la cataracte est molle ou li-quide, condition qui doit avoir été prévue par le diagnostic, mais qui, du reste, est toujours facile à reconnaître au moment de la division, l'opération se trouve nécessairement modifiée : il n'y a plus lieu de songer à la dépression; c'est le cas de pratiquer le broiement en dispersant les fragmens de la cataracte et en les amenant dans la chambre antérieure, où on les confie au travail ultérieur de résorption. 20 Si la cataracte est capsulaire, l'objet essentiel, pour mettre la surface du cristallin en contact avec les liquides, est de diviser autant que possible la capsule par petits fragmens dont les uns, isolés, s'atrophient, et les autres, adhé-rens au contour, se recroquevillent en dégageant l'ouverture pupillaire. S'il existe des adhérences de la capsule à l'iris, on essaie de les détruire circulairement avec la pointe de l'instru-ment, toujours en démasquant l'ouverture de la pupille. Il se peut que, dans la manœuvre, le cristallin, franchissant cet ori-fice, tombe dans la chambre antérieure, circonstance qui met dans la nécessité de choisir entre trois partis à prendre : i° à l'exemple de Dupuytren et de M. Lusardi, poursuivre avec l'ai-guille le cristallin à travers la pupille, piquer dedans et le rame-ner dans la chambre postérieure, si c'est possible; 20 en cas con-traire, lehacher enfragmens dans sa nouvelle position : manœuvre difficile et dangereuse en ce qu'elle expose à contondre ou blesser l'iris et la cornée ; ou, ce qui est préférable , inciser la cornée et pratiquer l'extraction du cristallin; 3° enfin si le toucher de l'ai-guille annonce que le cristallin est dur et ossifié, c'est-à-dire impropre à l'absorption, c'est le cas impérieux de changer l'opé-ration commencée de l'abaissement en celle de l'extraction.
Descension du cristallin. Cette manœuvre n'est pas toujours opérée par dépression; nous avons vu que quelques chirurgiens y substituent la inclinaison ou le renversement. Toutefois cette modification n'est nettement motivée par aucune circonstance spéciale. Le cristallin étant abaissé dans son lieu, si, en retirant l'aiguille, on le voit remonter, il faut le saisir de nouveau, le replonger plus profondément sous le corps vitré, l'y maintenir fixé pendant quelques secondes de plus que la première fois, et redoubler de précaution dans le retrait de l'aiguille, pour ne point causer d'ébranlement. Enfin si, le cristallin abaissé, l'ou-verture pupillaire est traversée par des lambeaux un peu consi-dérables de la capsule opaque, on prescrit de les percer à leur base avec l'aiguille, de les enrouler autour, les déchirer, et les faire passer clans la chambre antérieure.
Procédés secondaires.
Un grand nombre de modifications au procédé principal ont été imaginées pour répondre à diverses idées théoriques. 10 Dans
[hypothèse que la capsule n'est jamais le siège de l'opacité, Petit le médecin imagina de pratiquer l'abaissement de la lentille cris-talline revêtue du feuillet postérieur de la capsule, en laissant en place le feuillet antérieur dont il supposait que la convexité pouvait faire l'office de la lentille elle-même. Cette modification, reproduite après quelques années par Ferrein à titre d'inven-teur , puis défendue par Henkel, Gunz, Gentil , Walbom , était retombée dans l'oubli; mais réhabilitée dans ces derniers temps par un oculiste ambulant, M. Bowen, pour les cas de cataracte purement capsulaire, elle forme la base de son procédé et de celui nouvellement publié par M. Malgaigne. i° Dans la crainte de blesser la rétine par la dépression ordinaire, M. Bre-tonneau a songé à ouvrir largement les cellules hyaloïdiennes pour y enchâsser le cristallin ; procédé qui doit partager avec celui de M. Bowen le nom de hyalonyxis. 3° M. Gensoul s'est proposé de pratiquer l'abaissement au travers d'une section de la sclérotique, procédé qui a reçu le nom de scléroticotomie. 4° Pott, Willburg, Schifferli ont prescrit, au lieu de la dépression sim-ple , d'opérer le renversement du cristallin, procédé qui a reçu le nom de réclinaison. 5° Appuyé sur le fait de la prompte absorp-tion du cristallin dégagé de sa capsule, Warner, et d'après lui Pott, avaient pensé que la dépression, ou l'abaissement propre-ment dit, manœuvre la plus délicate de l'opération , pouvait être évitée dans la plupart des cas, et qu'il suffisait, pour provoquer l'absorption du cristallin, de le morceler en fragmens ou même simplement de diviser sa membrane. Ce procédé constitue le broiement. MM. Adams et Parmi, renchérissant sur leurs devan-ciers, veulent qu'il soit applicable à tous les cas; mais ce pré-cepte est rejeté avec raison par les chirurgiens. Le broiement, qui a pour objet d'éviter la lésion de la rétine, entraîne presque toujours celle de l'iris; et si l'absorption du cristallin tarde trop à se produire ou reste incomplète, il est toujours plus sûr que cette lentille soit placée en dehors de Taxe de la vision. 6° Enfin une dernière modification, qui n'est qu'une manœuvre accidentelle et non un procédé, est l'enlèvement du cristallin passé dans la chambre antérieure.
Procédé de Petit. L'aiguille insinuée dans l'œil, la faire glisser derrière le cristallin, et, par un mouvement de rotation, incliner le tranchant supérieur en arrière et en bas pour tracer une voie dans le corps vitré ; ramener l'aiguille à la partie externe, infé-rieure et postérieure du cristallin; inciser la capsule, accrocher avec la pointe la lentille cristalline et l'abaisser en arrière et en bas dans le corps vitré.
Procédé de M. Bowen (hyalonyxis). Percer la sclérotique à neuf millimètres de la cornée, glisser l'aiguille en arrière et seule-ment jusqu'au contour externe et inférieur de la capsule, déchi-rer cette membrane, accrocher le cristallin et l'enfoncer en arrière, en bas et en dehors dans les cellules du corps vitré, l'in-strument agissant à-la-fois comme un crochet et un levier. Dans aucun temps de cette opération le chirurgien ne doit voir la pointe de l'aiguille par la pupille.
Procédé de M. Malgaigne. Piquer la sclérotique dans le lieu ordinaire, mais la concavité de la pointe tournée en haut, et cette pointe elle-même dirigée de telle sorte qu'elle pénètre dans la partie postérieure et inférieure du cristallin; glisser légère-ment l'aiguille en arrière afin de diviser la capsule qui donne la sensation très nette d'une résistance vaincue; puis, jaar un demi-tour de cercle exécuté dans l'humeur vitrée, ramener l'aiguille en haut, au-dessus du cristallin, de sorte que sa concavité regarde cette fois en bas. Suivant l'auteur il suffirait alors d'un simple mouvement de pression pour faire descendre le cristallin seul, par l'écartcment des deux feuillets de la capsule qui s'accoleraient immédiatement dans leur lieu et s'opposeraient à la réascension.
Procédé de M. Bretonneau. L'aiguille insinuée dans l'œil, la faire glisser dans la direction de la face postérieure du cristallin ; parvenu à un centimètre de profondeur, incliner la pointe en bas, en arrière et en dehors pour ouvrir largement les cellules hyaloïdiennes antérieures, ramener la convexité de l'aiguille en avant et en bas vers l'iris, puis, par un petit mouvement de rota-tion en bas, contourner le bord inférieur du cristallin pour ame-ner la pointe au devant de la capsule, où elle apparaît dans l'ouverture pupillaire. Diviser le feuillet antérieur de cette mem-brane, embrasser le cristallin par la concavité de l'instrument, et le pousser par un mouvement de bascule régulier, en arrière, en bas et en dehors.
Procédé de M. Gensoul (scléroticotomie). Nous ne faisons que mentionner ce procédé éprouvé par MM. Gensoul et Roux, mais bientôt abandonné de l'un et de l'autre pour ses mauvais résultats.
Pratiquer une petite incision derrière l'iris à l'union de la sclérotique et de la cornée, introduire par la plaie une curette et la faire glisser au devant du cristallin que l'on abaisse ou déprime. En quelques mots, l'évacuation des humeurs de l'œil, la lésion du corps ciliaire, la non-division préalable de la cap-sule et l'abaissement incomplet, rendent raison de l'insuccès de ce procédé.
Réclinaison. L'opération commencée comme à l'ordinaire, après la division de la capsule antérieure appliquer l'aiguille près du bord supérieur du cristallin et presser légèrement d'a-vant en arrière, de manière à renverser cette lentille par un mou-vement de bascule, d'où il résulte que sa face antérieure devient supérieure, et son bord inférieur antérieur (pl. io, fig. i o). Cette manœuvre opérée, la cataracte continuerait à masquer l'ouver-ture pupillaire par son petit diamètre : aussi le dernier temps de l'opération consiste à l'abaisser en masse au-dessous du bord pupillaire. Mais comme, dans cette position, elle remonte inévi-tablement, Beer et Weller prescrivent de l'enfoncer dans l'épais-seur ou au-dessous du corps vitré. Ce précepte est sage; mais il en résulte que la réclinaison n'est qu'une manœuvre opératoire inutile, puisqu'elle doit être suivie de la dépression : outre que c'est le plus mauvais moyen d'opérer cette dernière que de faire cheminer la cataracte par son plus grand diamètre.
Discision ou broiement. Toute aiguille à cataracte peut servir; néanmoins, le cas prévu à l'avance, celles qui ressemblent le plus à un petit couteau, telles que les aiguilles de Hey ou de M. Lu-sardi, sont préférables. On peut attaquer la cataracte par ses deux faces antérieure ou postérieure ; mais il est préférable d'agir en avant, où la profondeur est moindre et où le chirurgien voit ce qu'il fait. L'aiguille parvenue au centre de l'ouverture pupillaire, inciser par compartimens la capsule antérieure, puis, avec la pointe et l'un des tranchans, diviser d'abord le cristallin dans toute l'étendue de son diamètre ; partager ensuite chacune des moitiés, et enfin attaquer chaque fragment en particulier pour les broyer, autant que possible, jusqu'à l'état de la plus extrême division. Enfin amener, avec l'aiguille, les noyaux qui restent dans la chambre antérieure.
Le broiement convient de préférence pour les cataractes molles, surtout chez les enfans. On ne le pratique guère par sclérato-nyxis qu'accidentellement, quand la nature de la cataracte n'a pas été reconnue à l'avance. Dans le cas contraire, l'indication est d'opérer par kératonyxis.
kératonyxis.
Le mot kératonyxis désigne cette variété de la méthode par abaissement, où l'on fait pénétrer l'aiguille par une piqûre de la cornée. La kératonyxis proprement dite n'exprime donc que la première manœuvre ou le premier temps opératoire; mais, par une extension motivée, cette dénomination s'applique à toute l'opération, le mode d'introduction de l'aiguille modifiant néces-sairement les manœuvres ultérieures. La ponction pratiquée, ces manœuvres sont les mêmes que pour la sclératonyxis : le broie-ment, la réclinaison ou la dépression.
Indications. La kératonyxis s'applique exclusivement à tous les cas de cataracte molle, où il est impossible de songer à la dé-pression par sclératonyxis ou à l'extraction. Elle convient donc particulièrement chez les très jeunes enfans, où la cataracte est ordinairement diffluente. Son objet principal alors est le broie-ment, la dépression ne pouvant que disperser en arrière de l'iris l'humeur opaque dont l'absorption se fait plus promptement par la chambre antérieure; et l'extraction, qui ne serait en quelque sorte, dans ce cas, qu'une évacuation, exposant, sous la pression nécessaire, à vider l'œil, comme l'ont démontré Scarpa, Ware, Saunders, Gibson et M. Lusarcli. Si l'œil est saillant, le sujet do-cile et peu irritable, il importe peu d'opérer le broiement, objet spécial de l'opération, par sclératonyxis ou kératonyxis. Mais si l'œil est enfoncé, très mobile et le sujet irritable, la kératonyxis est préférable. Enfin c'est dans les mêmes conditions et lorsqu'il est presque impossible de fixer l'œil immobile, que l'on peut choisir la kératonyxis pour l'abaissement de la cataracte lenticu-laire.
Historique. Ce n'est que par erreur que les modernes se sont attribué l'invention de la kératonyxis, déjà connue des Arabes et dont on suit la trace à travers les âges jusqu'à nos jours. Avi-cennes cite les chirurgiens de son temps qui abaissaient le cristal-lin avec une aiguille au travers d'une piqûre de la cornée ; Abul-casis dit avoir suivi cette méthode. Après plusieurs siècles d'oubli une tradition populaire réveille cette opération, et, au rapport de Manget, une femme anglaise l'emploie avec succès. Dans le cours du dix-huitième siècle, les faits se multiplient : Col de Villars, dans une thèse, vante beaucoup cette opération; Smith et bientôt après Taylor et Richter en font usage. En 1785 Beer l'a déjà pra-tiquée vingt-neuf fois. Enfin, livrée l'année suivante à la discus-sion publique par Gleize et Conradi,Demours la pratique en 18o3, Reil lui donne le nom qu'elle porte, et, pendant une période de trente ans, elle est définitivement constituée comme une opéra-tion régulière par les efforts de Buchorn, Langenbeck, Walter, Wernecke, etc.
Lieu de la piqûre. I^es manœuvres opératoires se pratiquant au travers de l'ouverture pupillaire, il importe encore plus dans la kératonyxis que dans tout autre procédé d'obtenir, par l'instilla-tion préalable de la belladone, la dilatation de la pupille la plus considérable que possible. Encore, malgré cette précaution, est-il presque inévitable, dans les manœuvres, de contondre et de ti-
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railler avec l'aiguille le bord pupillaire. Le lieu de la piqûre n'est pas indifférent. En principe général, la plaie devant être suivie d'une cicatrice, constituant un point opaque, il convient de ne point piquer en regard de l'ouverture pupillaire. Le précepte est dépiquer par la périphérie de la cornée; mais seulement à trois millimètres de la sclérotique, pour que la pointe de l'aiguille n'aille pas blesser l'iris. Si la cornée est entièrement transparente, on doit préférer le segment inférieur ou inférieur et externe, l'ai-guille, sur cet arc, en même temps qu'elle agit sur la cataracte, servant à fixer l'œil, outre que la cicatrice ultérieure ne peut nuire à la vision. Si la cornée est opaque dans une portion de son étendue; autant que les manœuvres n'en seraient pas trop gênées, c'est sur ce point que l'on appliquerait l'aiguille. Enfin, quelques chirurgiens attaquent la cornée par son centre : cette piqûre cen-trale facilite beaucoup les opérations ultérieures; mais l'opacité qu'elle détermine, au centre de l'axe visuel, doit la faire rejeter.
Instrumens. Les ophthalmologistes allemands ont préconisé différentes formes spéciales d'aiguilles droites, courbes, à pointes variées, plates ou pyramidales, avec ou sans crochet latéral (voy. pl. 2), propres, suivant leurs auteurs, à agir de diverses manières sur le cristallin. En France on a proscrit immédiatement toute aiguille droite, qui expose davantage à contondre le bord de l'iris, et on se contente de l'aiguille courbe ordinaire, surtout celle de Scarpa dont la courbure et les tranchans se prêtent à toutes les manœuvres.
Procédé opératoire. Les positions relatives du malade, du chi-rurgien et des aides étant prises comme il a été dit pour la sclé-ratonyxis, avec la main droite, pour l'un ou l'autre œil, saisir l'aiguille, tenue comme une plume à écrire et sa tige soutenue par le doigt indicateur de la main gauche ; en offrir la pointe perpendiculairement à la cornée, la concavité tournée vers l'axe delouverture pupillaire quel que soit le point de la circonférence sur lequel on agit. Piquer alors la cornée, comme il a été dit, à trois millimètres de la sclérotique; dès que la pointe a traversé, incliner l'instrument, la concavité vers la cornée, la convexité vers l'iris, pour éviter de blesser cette membrane, et faire glisser la tige au travers de la chambre antérieure vers le centre de l'ou-verture pupillaire. Arrivé au milieu de la capsule cristalline, la manœuvre diffère suivant que l'on doit pratiquer le broiement ou la dépression.
i° Broiement. lies préceptes sont les mêmes que par la scléra-tonyxis; les chirurgiens varient beaucoup les manœuvres pour la division. Au lieu de la section par diamètres décrite plus haut, d'autres conseillent la division par lignes verticales entrecoupées par des sections horizontales; d'autres encore une piqûre au centre suivie de mouvemens circulaires ou en spirale pour réduire l'organe en une pâte en s'avaneant vers la circonférence. Cette dernière manœuvre convient si la cataracte est molle, et les autres lorsqu'elle offre un peu de consistance. Au reste, comme le fait observer avec raison M. Rognetta, chacun agit suivant le cas, et comme il peut. L'essentiel est de parvenir à réduire le cristallin en une pâte que l'on disperse dans la chambre antérieure, et à y faire passer les derniers fragmens que l'on déprime au-dessous du bord pupillaire.
20 Dépression. Si le cristallin est trouvé trop dur pour être di-visé, c'est le cas de pratiquer l'abaissement. L'aiguille étant re-tournée, par un mouvement de demi-rotation, sa convexité vers la cornée, sa concavité vers la cataracte, diviser la capsule comme à l'ordinaire; la manœuvre ultérieure varie d'après le point sur
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lequel on a piqué la cornée. i° Piqûre en Aa*. Remonter la pointe à la partie supérieure du cristallin, l'embrasser, et, portant le manche en dedans et autant qu'on le peut en haut, l'amener en sens inverse, par un mouvement de bascule, en dehors et en bas; mais il est évident, par le lieu de la piqûre, que c'est plutôt en dehors que peut être logé le cristallin. — 2° Piqûre en dehors. La dépression est ici la même que pour la scieratonyxis. — 3° Pi-qûre en haut et en dedans. On conçoit que, dans cette situation, rien n'est plus facile que de diriger le cristallin d'abord en bas et en arrière; puis,à volonté, en dehors ou en dedans.
deuxième méthode. — extraction.
On appelle extraction l'opération par laquelle on fait sortir au dehors le cristallin, et sa capsule opaque, au travers d'une plaie Faite soit à la cornée soit à la sclérotique. La première se nomme kératomie, et la seconde scléroticotomie.ha kératomie,presque uni-quement usitée, prend, suivant le lieu de la section cornéale, les désignations de kératomie inférieure, supérieure ou oblique, con-stituant autant de procédés. Mais, en outre, les manœuvres exer-cées sur la cataracte pour diviser la capsule, la saisir, extraire le cristallin, l'expulser en masse ou le morceler et l'extraire par lambeaux, etc., compliquent, suivant les cas, dans la pratique, la marche de l'opération, et, en théorie, donnent lieu à un grand nombre de modifications qui entremêlent les procédés généraux et jettent de l'obscurité sur les descriptions par la multiplicité des détails accidentels.
Historique. Il est supposable que l'extraction, comme l'abaisse-ment, remonte pour le moins à l'école d'Alexandrie, où l'on sait que l'on opérait la cataracte avec succès. Si, au commencement du premier siècle, Celse décrit méthodiquement l'abaissement sans parler de l'extraction, rien ne prouve cependant que cette méthode n'existât pas encore, puisqu'à la fin du même siècle An-tyllus décrit,avec les plus grands détails, l'extraction comme une chose du domaine public et bien connue. Son procédé consiste à inciser la cornée et à attirer au dehors la cataracte avec une ai-guille fine. Cette méthode se maintient pendant plusieurs siècles. Rhazès la prescrit d'après un Grec inconnu nommé Lathyrion. Ali-Abbas, en parlant des deux méthodes, établit déjà les cas dans lesquels ou doit préférer l'une à l'autre. La théorie erronée de G. deSalicet ayant fait prévaloir l'abaissement, il faut franchir tout l'intervalle du moyen-âge et de la renaissance et arriver jus-qu'au milieu du dix-septième siècle pour retrouver l'extraction en honneur. Une tradition incertaine rapporte, vers 166o,à R. Las-nier, d'après Gassendi, ou à F. Quarré, suivant Rolfink, d'avoir assigné pour cause de la cataracte l'opacité du cristallin.Quoi qu'il en soit, c'est Rolfink lui-même et P. Borelli qui publièrent cette opinion que Brisseau et maître Jean ne tardèrent pas à prouver par l'autopsie cadavérique. En 16g4, Freytag démontre également l'opacité de la membrane cristalline extraite avec une aiguille; enfin Pourfour du Petit, en 1707, et, dans la même année Saint-Yves pratiquent décidémentla cataracte par incision de la cornée.
Mais la divergence dans les opinions théoriques maintient encore l'opinion en suspens, et c'est aux nombreux succès obte-nus par Daviel que l'on doit d'avoir fixé définitivement la cata-racte par extraction. Dans son Mémoire approuvé par l'Académie des Sciences, de 1745 à 1748, il témoigne de cent quatre-vingt-deux succès sur deux cent six cas d'opération. Toutefois l'appa-reil de Daviel, trop compliqué, allongeait inutilement les man-œuvres. Un fer de lance pour ouvrir la cornée, une aiguille tranchante ou des ciseaux pour agrandir la plaie, une spatule d'or pour en écarter les lèvres, une aiguille de même métal pour ouvrir la capsule, et enfin une curette pour l'extraction du cris-tallin et de sa capsule, composaient tout un appareil qui devait être simplifié. C'est à ce but, qui ne diminue en rien la gloire de Daviel, que se rapportent en général les efforts des chirurgiens subséquens, parmi lesquels se distinguent Lafaye, Poyet et Bé-langer. Enfin Richter (1770), en proscrivant tous les instrumens et les manœuvres inutiles, et imaginant le couteau si commode qui porte son nom, a réduit l'opération au manuel indis-pensable, et formulé nettement le procédé suivi de nos jours. Peut-être même, pour être juste, faut-il dire que, sauf quelques modifications utiles dues à Wenzel, Beer, Scarpa, et à plu-sieurs ophthalmologistes de nos jours, en général les tenta-tives ultérieures, si nombreuses, des divers chirurgiens en Europe depuis soixante ans, n'ont plus fait que compliquer de nouveau un manuel opératoire que Richter avait convenablement sim-plifié.
Indications. L'extraction convient particulièrement pour toutes les variétés de cataracte dure, siliqueuse, cornée ou ossifiée, quel qu'en soit le siège, c'est-à-dire dans les conditions où il est supposable que l'absorption ne peut s'en faire. C'est surtout par cette considération de densité qu'elle est généralement préfé-rable chez les vieillards. Les conditions qui en rendent le succès probable sont que la chambre antérieure soit large, l'œil parfai-tement sain et parconséquent peu irritable.
Instrumens. La chirurgie a rejeté depuis long-temps tous les moyens mécaniques de fixer l'œil ; les ophthalmostats de diffé-rentes formes n'ont pour ainsi dire jamais été employés. Il en est de même de la plupart des instrumens destinés à écarter, élever ou abaisser les paupières. Toutefois le cas échéant où les doigts ne suffiraient pas pour écarter les paupières, trois instru-mens peuvent servir à cet effet : l'élévatoire annulaire de Bell (pl. 2, fig. 2 ), le trèfle de Pamard, ou, ce qui est préférable pareequ'il est plus simple, l'élévatoire en fil d'argent de Pellier ( pl. 2, fig. 1 ). Prévenons toutefois que l'usage de ces instrumens est peu sûr, pareequ'ils ne peuvent que maintenir les paupières écartées; et que si l'on veut presser au point de fixer l'œil, on peut contondre et blesser sans être jamais certain de contenir cet organe comme avec le toucher mou et intelligent de l'extré-mité des doigts.
Les instrumens essentiels sont : 10 le couteau, pour la section de la cornée ou kératome; 20 Xaiguille, dard ou serpette, pour la division de la capsule ou kystitome : ce dernier instrument n'est pas si essentiel qu'il ne puisse être suppléé par le précédent; 3° la curette, qui ordinairement appliquée à l'extrémité du kysti-tome ne forme avec lui qu'un même instrument; 4° comme pré-voyance pour les cas exceptionnels, une pince fixe pour saisir les débris de la capsule, soit la pince-érigne double deReisinger (pl. 2, fig. 54), soit toute autre plus simple et de forme ordi-naire (pl. 2, fig. 34-37). Il existe un grand nombre de ces in-strumens variables de formes et de dimensions; chaque chirur-gien a eu, pour ainsi dire, son couteau et son kystitome pour l'extraction , comme son aiguille pour l'abaissement. Tels sont les couteaux en forme de lancette, de Lafaye et Boyer; triangu-laires, de Richter et de Beer; elliptiques, de Palucci, Wenzel, Siegerist; lancéolaires, de Beer; à double tranchant, de Jae-ger, etc. Telles sont aussi les diverses formes de kystitomes : en
forme de serpette, de Boyer, ou en aiguille lancéolaire, de Beer, Hey, etc., qui reviennent à des aiguilles à cataracte. La plupart de ces instrumens sont inusités, les autres seront mentionnés en leur lieu avec le procédé auquel ils appartiennent.
Procédés opératoires.
La kératomie inférieure est la section ordinaire générale-ment usitée comme répondant à presque tous les cas.
kératomie inférieure (planche 9).
L'ouverture de la pupille étant préalablement dilatée autant que possible par la belladone, les positions respectives du ma-lade, de l'opérateur et des aides comme il a été dit plus haut, l'opération se compose de trois temps : section de la cornée, division de la capsule, expulsion du cristallin et de sa capsule.
i° Section du lambeau cornéal. Saisir le couteau de Richter entre les trois premiers doigts de la main qui opère, et tenu horizontalement comme une plume à écrire, le tranchant en bas. Prendre, comme pour l'abaissement, un point d'appui en dehors de l'os de la pommette avec l'annulaire et le petit doigt. Présenter d'abord la pointe perpendiculairement à la surface courbe de la cornée à un ou deux millimètres en dedans de sa circonférence et au-dessus de sou diamètre transversal. Piquer et traverser dans cette direction l'épaisseur de la membrane, et s'arrêter brusquement, pour ne pas piquer l'iris, dès que la pointe du couteau parvient dans la chambre antérieure. A ce moment coucher avec lenteur l'instrument en le rappelant sui-vant un arc de quarante à cinquante degrés en arrière et en dehors, jusqu'au parallélisme avec le plan de la cornée; puis, par un mouvement continu et gradué d'extension des doigts flé-chis, faire glisser horizontalement la lame, parallèle à l'iris, au travers de la chambre antérieure, j usqu'au point diamétralement opposé de la cornée, ou, en d'autres termes, à deux millimètres de la circonférence, à l'extrémité du diamètre. Arrivé à ce point, par un petit mouvement de rotation sur les articulations pha-langiennes des doigts qui font point d'appui, incliner oblique-ment le manche en arrière vers la tempe. Par ce mouvement de bascule faire saillir la pointe en avant, piquer et traverser de nouveau la cornée, mais d'arrière en avant. La pointe ressortant au dehors (fig. 1), continuer avec lenteur et ménagement le même mouvement horizontal qui la porte vers l'angle interne de l'œil. A mesure que le couteau chemine, le tranchant en biseau taille de lui-même la cornée suivant deux arcs de cercle qui vont à la rencontre l'un de l'autre, mais dont l'externe vers le talon est toujours plus grand que l'interne vers la pointe. Si le mouve-ment est bien conduit,avec fermeté et sans secousses, et que l'œil reste immobile, le lambeau doit se tailler lui-même en un hémi-cycle régulier, concentrique à la circonférence de la cornée et partout à une distance de deux millimètres comme les piqûres d'entrée et de sortie. Lorsque le lambeau est presque entière-ment taillé, préserver l'angle interne de l'œil de la piqûre de la pointe avec l'ongle de l'indicateur, et au besoin incliner un peu le manche en arrière, mais sans tirer et tendre en avant la cor-née, pour ne point faire sortir toute l'humeur aqueuse; enfin pour terminer la section sans ralentir le glissement du couteau, incliner un peu son tranchant en avant (fig. 2) pour obtenir une section plus directe. La section terminée, l'humeur aqueuse, qui déjà s'était écoulée en partie le long de la lame, achève de s'évacuer en entier.Laisser retomber aloisia paupière supérieure et faire reposer pendant quelques instans l'œil, recouvert de ses paupières et au besoin d'une compresse molle et humide.
20 Division de la capsule. Après quelques secondes, qui ont pour objet de faire cesser l'état d eréthisme de l'organe et l'émo-tion du malade, faire relever avec beaucoup de douceur la pau-pière supérieure, ou mieux la relever soi-même de la main qui est libre, soit avec le pouce seul, soit avec deux doigts agissant sur l'une et l'autre paupière, le pouce en bas, l'indicateur en haut. Saisir alors de la main qui opère le kystitome tenu comme une plume à écrire (fig. 3 ), l'insinuer avec douceur par son clos présenté obliquement avec un léger mouvement de rotation sous le lambeau de la cornée, ramener l'instrument en bas et faire glisser la lame à plat en remontant jusqu'au haut de l'ouverture pupillaire. Arrivé à ce point, par deux mouvemens latéraux et demi-circulaires de la pointe, le tranchant tourné en bas, à droite ou à gauche, inciser les deux demi-circonférences delà capsule cristalline, mais en touchant à peine, avec beaucoup de délicatesse, pour ne point refouler le cristallin,et en évitant aussi de piquer l'iris. Quelques opérateurs se bornent à cette incision circulaire de la capsule; mais comme elle peut être incomplète et faire obstacle à l'extraction, le plus grand nombre, à l'exemple de Demours, divisent aussi la capsule antérieure en fragmens multipliés par des incisions verticales ou obliques entrecroi-sées.
3° Expulsion de la cataracte. La capsule détachée et divisée, il arrive souvent que, par le retrait des membranes d'enveloppe, le cristallin se présente de lui-même au dehors ou au moins passe dans la chambre antérieure ; mais le plus souvent il faut y aider par une double compression qui s'exécute de la manière sui-vante : avec le manche du couteau ou la tige de la curette ap-puyant horizontalement à plat, opérer par de légers mouvemens de rotation de l'instrument une pression lente et bien graduée sur la paupière supérieure, en arrière du plan auquel corres-pond le cristallin (fig. 4 et 5). En même temps, avec le doigt indicateur de l'autre main, presser légèrement sur la paupière inférieure, comme si le doigt devait s'insinuer entre l'œil et le plancher orbitaire. Sous la pression de haut en bas le cristallin s'incline sur son axe, son bord inférieur en avant, puis, la pres-sion de bas en haut venant au secours, le bord inférieur du cris-tallin franchit le bord pupillaire de l'iris qui fuit en arrière (fig. 4),etla lentille elle-même tombe dans la chambre antérieure. Ordinairement une légère secousse indique que le cristallin franchit l'ouverture pupillaire. Les choses à ce point, la pression étant maintenue sur la paupière inférieure, et la tige de l'instru-ment glissant un peu en bas sur la paupière supérieure, la des-censión du cristallin continuant suivant une ligne courbe, cet organe soulève le lambeau cornéal par son bord antérieur: une nouvelle secousse plus forte que la première accompagne son expulsion ; et il vient tomber en dehors sur la paupière infé-rieure, ou sur l'ongle du doigt du chirurgien. S'il reste engagé entre les lèvres de la plaie, on l'enlève avec l'aiguille ou la cu-rette; et alors si la pupille est nette, l'opération est terminée. Mais souvent, au contraire, il reste dans l'aire de l'ouverture pu-pillaire, ou des fragmens du cristallin ou des lambeaux déchirés delà capsule soit libres et flottans, soit adhérens au contour. Les débris flottans doivent être amenés au dehors avec la curette et les lambeaux adhérens saisis et enlevés avec des pinces fines (fig. 6).
Précautions et manœuvres complétives ou accidentelles. Diverses considérations se rattachent à l'ensemble des manœuvres pen-dant les trois temps de l'opération.
i° Le choix du couteau doit être calculé suivant la forme et les dimensions de l'œil. Le couteau de Richter modifié par Béer est en général le meilleur. Ses dimensions précises sont de for-mer un angle de vingt degrés, le tranchant ayant une longueur de trois centimètres pour un centimètre.de largeur, et un milli-mètre d'épaisseur au talon Dans cette forme il coupe régulière-ment la cornée en glissant. En thèse générale il est toujours préfé-rable que le couteau soit plutôt trop large que trop étroit, trop court que trop long. La blessure de l'angle interne de l'œil,la di-vision inégale delà cornée, et même la lésion de l'iris, sont presque inévitables avec un couteau étroit et très aigu.
2° Le lambeau cornéal doit être plutôt large que trop étroit, mais il ne doit pas dépasser les cinq huitièmes de la circonférence de la cornée; sous un arc plus grand la cornée reste long-temps flasque, la réunion est difficile, et quelquefois même le lambeau se mortifie (Maunoir). Il vaut mieux aussi que la piqûre d'entrée soit un peu au-dessus du diamètre transverse, le lambeau en étant plus grand et moins sujet à être soulevé par la paupière in-férieure. Dans la section du lambeau il importe de se maintenir toujours à deux millimètres de la circonférence de la cornée : plus près de cette circonférence on risque de blesser l'iris; plus rap-proché du centre, au contraire, l'ouverture de la plaie est sou-vent trop étroite.
3° Dans le passage du couteau devant l'iris, glisser rapidement au parallélisme de cette membrane, sans incliner le couteau, de manière à ce que son épaisseur croissante remplisse toujours la plaie, pour ne point laisser évacuer l'humeur aqueuse dont le refoulement empêche l'iris de se porter en avant. Toutefois si l'iris flottant se présente entre la cornée et le tranchant du cou-teau, arrêter brusquement la lame, mais sans reculer, et par une friction très douce, avec la pulpe de l'indicateur ou le dos de la curette, essayer de dégager la membrane qui ordinairement obéit et glisse en arrière.
4° Wenzel opérait la division de la capsule dans le même temps que l'incision, en portant pour un instant en arrière la pointe du couteau arrivée dans la chambre antérieure. Cette manœuvre, facile à pratiquer sur le cadavre, est inutilement dangereuse sur le vivant ; elle a pu réussir fréquemment sous la main exercée de son auteur; mais, loin de faire règle, elle est considérée par les chirurgiens comme une vaniteuse imprudence qui expose mal-à-propos à l'évacuation prématurée de l'humeur aqueuse et à la lésion de l'iris , sans autre avantage que de sup-primer le temps opératoire de la division de la capsule très in-offensif après la section de la cornée.
5° Pendant que la pointe du couteau se dirige vers le côté interne de la cornée, il arrive souvent que l'œil, fuyant l'action de l'instrument, s'enfonce en dedans et en haut ou en bas : il faut alors suspendre immédiatement, sans reculer l'instru-ment; prescrire au malade de regarder en sens contraire, at-tendre un instant, fixer l'œil de nouveau par une pression un peu plus forte de l'indicateur vers l'angle interne, et tâcher de pratiquer rapidement, par surprise, la seconde ponction de la cornée.
6° Dès que la pointe a pénétré du côté opposé , l'œil, étant fixé par le couteau, peut être moins comprimé par les doigts. Il importe de ne couper qu'en sciant, par la progression natu-relle du tranchant, sans presser de haut en bas, de manière à achever la section sans secousses, cet accident pouvant faire brusquement vider l'œil. Si des mouvemens convulsifs de l'œil empêchent d'achever sans danger la section, suspendre quelques instans ; et si le calme ne se rétablit pas, retirer le couteau, sub-stituer à la kératomie le broiement du cristallin par la plaie d'entrée, et donner issue aux fragmens par la plaie de sortie, si on le peut, ou au moins les amener au devant de l'iris dans la chambre antérieure.
7° Si au moment où s'achève la section de la cornée une por-tion de l'humeur vitrée s'échappe au dehors sans le cristallin , abaisser rapidement la paupière supérieure, pour fermer la plaie, et laisser reposer l'œil quelques instans; puis relever doucement la paupière, et, comme la moindre pression pourrait faire vider l'œil, il vaut mieux aller saisir le cristallin, pour l'extraire, avec une érigne ou une pince fine, s'il est visible dans l'ouverture pupillaire, l'abandonner s'il est tombé com-plètement derrière l'iris ou l'y enfoncer davantage si son con-tour déborde l'ouverture pupillaire.
8° Parfois , malgré la pression convenable, le cristallin n'est point expulsé. Il s'agit de s'assurer de l'obstacle, qui peut tenir à plusieurs causes. Si la cataracte est encore en place, c'est que les adhérences de la capsule persisteraient; il faut les diviser de nouveau. Si l'organe est engagé dans l'ouverture pupillaire, c'est que cette dernière est trop étroite ; il faut alors saisir le cristallin avec des pinces , dût-on même le diviser, et l'amener au dehors. S'il reste étranglé dans la section de la cornée trop étroite , accident assez commun dans les cas de section impar-faite , où elle a été taillée en un long biseau, il faut ou extraire le cristallin avec la curette ou les pinces , ou prolonger un peu la section de la cornée soit avec le couteau, le kystitome ou tout autre instrument tranchant de petite dimension.
9° Quant à l'humeur vitrée; si une petite portion s'en échappe en même temps que chemine le cristallin, c'est une raison pour modérer mais non encore pour abandonner absolument la pression qui doit expulser cette lentille. Toutefois l'opérateur doit agir alors avec beaucoup de ménagemens , tout prêt à pra-tiquer mécaniquement l'extraction plutôt que de risquer une évacuation trop considérable de l'humeur vitrée. A la vérité on connaît des cas nombreux où la sortie d'une certaine quantité de ce liquide a paru concourir plutôt que nuire au succès de l'opération. Chez beaucoup de malades la soustraction d'un quart, d'un tiers ou même d'une moitié de sa masse n'a eu également aucune suite fâcheuse, soit qu'il se reproduise, ou qu'il soit suppléé par l'humeur aqueuse; mais ces faits ne doivent diminuer en rien la circonspection du chirurgien, qui, dans les manœuvres,a toujours à craindre l'évacuation complète du corps vitré, inévitablement suivie de la perte de l'œil.Enfin, dans les cas rares où l'œil, à l'état turgide, semble indiquer une hypersécrétion de l'humeur vitrée ; si rien ne s'en est écoulé, on conseille d'en faire échapper une petite portion en piquant avec une aiguille portée au travers de la pupille.
io° Reste le cas, très rare, où le cristallin extrait laisse voir une opacité persistante de l'ouverture pupillaire due non à un glaucome, mais au feuillet postérieur de la capsule cristalline. Morenheim et Beer conseillent d'en pratiquer la déchirure et l'extraction avec l'érigne fine : il serait bon, dans ce cas, de ren-verser la tête en arrière, pour éviter, par la direction de l'œil en haut, l'évacuation du corps vitré.
Kératomie oblique. —Procédé de Wenzel(p\. 9, fig. 9).
Ce procédé ne diffère du précédent que par l'inclinaison de la section cornéale et l'incision de la capsule dans le même temps.
Armé du couteau elliptique de Wenzel, tenu entre les trois premiers doigts mais incliné obliquement eu haut à angle de qua-rante-cinq degrés avec le plan horizontal de l'œil, présenter per-pendiculairement la pointe à la surface de la cornée au milieu de son quart de cercle externe et supérieur; piquer et glisser le cou-teau comme à l'ordinaire, mais dans une direction diagonale vers le milieu du quart interne et inférieur. Dès que la pointe ar-rive en regard du centre de l'ouverture pupillaire, l'incliner en arrière pour inciser la capsule; manœuvre, comme nous l'avons dit plus haut, difficile dans tous les procédés, l'instrument ne pouvant, sans élargir la plaie cornéale, parcourir que le quart de la circonférence capsulaire au-devant et au-dessous de la pointe. Quoi qu'il en soit, cette division pratiquée, continuer à faire glisser l'instrument,faire sortir,par la manœuvre ordinaire, la pointe en bas et en dedans, et achever la section par le glisse-ment du couteau. Cette section, demi-circulaire comme la précé-dente, n'en diffère que par sa direction en diagonale au lieu d'être horizontale. Pour tout le reste, agir comme il a été dit à propos de la kératomie inférieure.
Kératomie supérieure (pl. 9, fig. 7 et 8).
La kératomie supérieure est la section du demi-cercle supérieur de la cornée. Pratiquée pour la première fois par Santarelli en 1785,puis par Wenzel, Rich ter, B. Bell, et successivement, comme un procédé exceptionnel, par MM. Lawrence, Green, Forlenza, Duptiytren, elle est adoptée comme méthode usuelle par M. Alexandre, de Londres, et par M. Jœger qui a inventé, pour cette opération, le kératotome à double tranchant auquel il a donné son nom.
Indications et avantages. Employée d'abord dans les cas d'opa-cité du demi-cercle inférieur de la cornée, condition désavanta-geuse pour la section et la cicatrisation ultérieures, elle est con-seillée par Wenzel lorsque cette membrane, d'un très petit dia-mètre, oblige à une section qui dépasse la demi-circonférence. On la recommande aussi lorsquela cornée est très saillante et le corps vitré soupçonné de synchisis et enfin dans le cas d'ectropion sé-nile.En outre, applicable en elle-même à tous les cas de kérato-mie , son adoption comme procédé général par MM. Alexandre et Jœger est motivée par plusieurs avantages qui lui sont propres : diminuer la chance d'évacuation de l'humeur aqueuse, empêcher celle du corps vitré, enfin rendre impossible l'écartement du lambeau par l'action de la paupière.
Dispositions. Lappareil est le même que pour les procédés précédens. M. Jœger, seul, se sert à cet effet de son couteau spécial ( pl. 2, fig. 4o). Cette kératomie peut être pratiquée dans la po-sition ordinaire, l'opérateur placé vis-à-vis de son malade, l'in-strument tenu le tranchant en haut, delà main droite pour l'œil gauche et vice versa. Toutefois la plupart des chirurgiens pré-fèrent la position inverse. L'opérateur est placé derrière la tête du malade, soulevant avec les doigts de la main qui est libre la pau-pière supérieure, tandis qu'un aide, placé au devant de l'opéré , abaisse la paupière inférieure. L'instrument est tenu de la main droite pour l'œil droit, et vice versa, le tranchant en haut, le point d'appui pris avec les deux derniers doigts sur la tempe au-dessus de l'arcade zygomatique.
Procédé opératoire. Le malade et l'opérateur placés relative-ment comme il vient d'être dit, le kératotome offert le tran-
t, vii.
chant en haut, taire pénétrer la pointe du couteau perpen-diculairement à l'axe de la cornée, un peu au-dessous de son diamètre transversal et à un ou deux millimètres de son in-sertion à la sclérotique; incliner aussitôt le manche du couteau en arrière, pour que sa pointe soit ramenée horizontalement et ne blesse pas l'iris. Dans cette direction, traverser, avec fermeté et sans secousses, la chambre antérieure, de manière à ressortir dans un point diamétralement opposé de la cornée en la perçant de l'intérieur à l'extérieur. Enfin, par la continuité de la marche du couteau, diviser un demi-segment supérieur de la cornée distant d'un à deux millimètres de la circonférence de la sclé-rotique. Ce premier temps étant achevé, on procède à la divi-sion de la capsule et à l'expulsion du cristallin comme dans les autres procédés de kératomie. Seulement pour l'exécution de ce temps dernier on exerce des pressions douces et modérées sur la paupière inférieure, qu'on abandonne à elle-même, tandis qu'on relève fortement la paupière supérieure pour qu elle ne s'oppose pas à la sortie du cristallin.
La kératomie supérieure est indiquée lorsque la moitié infé-rieure de la cornée est opaque ou altérée d'une manière quel-conque. Dans les autres cas, par ce procédé on a l'avantage de moins exposer à l'issue de l'humeur vitrée, et de rendre la cicatrice de la cornée plus prompte, moins visible et moins gê-nante pour la vision (B. Bell). On n'a pas à craindre le frotte-ment du bord palpébral, ni des cils; les larmes coulent plus facilement et ne viennent pas irriter la plaie, qui se cicatrise très promptement et prévient la procidence de l'iris (Jœger). Toutefois la kératomie supérieure a des inconvéniens réels dans son exécution. La contraction convulsive des muscles, entraînant, l'œil en haut et en dedans sous la paupière superieure, rend sou-vent la section de la cornée très difficile et même dangereuse. Cette grande difficulté de l'incision cornéale rend cette opéra-tion inapplicable dans un grand nombre de cas, et doit la faire accepter seulement comme une méthode exceptionnelle.
Kératomie latérale (pl. 10, fig. 3, |).
Kératomie- kyslotritie, de M. Furnari.
L'opération de M. Furnari, encore toute nouvelle, a besoin d'être expérimentée dans ses résultats par divers chirurgiens avant de pouvoir être considérée comme définitivement acquise à la pratique.
Les instrumens nécessaires sont: i° Le kératotome à double lance de M. Furnari (pl. 10, fig. 1), qui consiste en une lance or-dinaire terminée par une autre petite lance, de la forme d'une ai-guille à cataracte, légèrement courbe et qui sert à inciser la cap-sule du cristallin, tandis que la grande lance incise la cornée ; 20 le kystotriteur ( pl. 10, fig. 2) formé d'une pince à double bascule montée sur un manche légèrement aplati dans lequel sont renfermés les deux points d'appui qui servent mutuelle-ment à fermer la pince. Chacune des branches de la pince est terminée par une cuillère légèrement convexe et dentelée sur ses bords; ces deux cuillères servent à saisir le cristallin et sa capsule, à les écraser et à en extraire les fragmens : on a vu, dans l'explica-tion de planche, que nous conseillions de remplacer le kystotri-teur par une pince d'un usage plus commode.
Procédé opératoire. Le malade étant disposé comme pour les au-tres procédés de kératomie, faire relever la paupière supérieu re pa r un aide tandis qu'on abaisse l'inférieure avec les doigts de la main
qui reste libre; saisir de l'autre main le kératotome à double lance comme une plume à écrire ou, en d'autres termes, comme les autres couteaux à cataracte: en présenter verticalement et à plat la lance la plus petite formant le sommet de la lame à la cornée, au niveau de son diamètre transversal, à environ deux milli-mètres de sou insertion à la sclérotique. Plonger l'instrument dans ce point et le faire glisser horizontalement dans la cham-bre antérieure, jusqu'à ce que l'extrémité de la petite lance soit arrivée au niveau du centre de la pupille. Alors l'incision pratiquée sur la cornée par la grande lance est assez étendue; il ne reste plus qu'a incliner la pointe de la petite lance en arrière pour attaquer la face antérieure du cristallin, en y pra-tiquant une incision en zigzag. Enfin, retirant le kératotome dans la même direction que celle qu'il a suivie en entrant, le premier temps de l'opération se trouve achevé. Introduire alors, par l'ouverture de la cornée, le kystotriteur fermé, ou la pince qui le remplace, et faire arriver l'instrument jusqu'au cristal-lin; parvenu dans ce point, le laisser ouvrir, saisir le corps opaque, et l'attirer par de légères tractions. Si la cataracte est molle, ou eu extrait ce que l'on peut; le reste est broyé sur place par la pression que l'on communique aux mors de la pince. Si le cristallin est. dur, très volumineux, et qu'il ne puisse pas sortir par l'ouverture de la cornée, on le réduit par l'écra-sement eu plusieurs parcelles qu'on extrait isolément. S'il res-tait quelques petits fragmens, l'action absorbante de l'humeur aqueuse les détruirait en peu de temps.
Par ce procédé, suivant M. Furnari, on obtient une inci-sion de la cornée toujours uniforme et d'une largeur toujours égale, parce qu'elle est faite par la ponction d'un instrument qui ne débride ni à droite ni à gauche. En outre, la petite éten-due de la plaie cornéale prévient les procidences de l'iris, la perte de l'humeur vitrée, et l'introduction du bord palpébral dans la solution de continuité. Mais si une incision d'un petit diamètre a des avantages, elle a, suivant nous, le grave inconvé-nient de gêner les manœuvres du kystotriteur et de rendre im-possible l'extraction du cristallin dans son entier. Le kératotome plus large que nous proposons (pl. 10, fig. i bis) a pour but de faire à la cornée une incision assez grande pour permettre l'issue facile du cristallin. Si cependant, dans certains cas exceptionnels, on devait en venir à broyer le corps opaque, le kystotriteur de M. Furnari nous paraîtrait trop faible; nous avons dû le rem-placer par des pinces (pl. 10, fig. 4) dont les branches sont plus fortes, et qui, avec tous les avantages du kystotriteur, plus de puissance et un mécanisme beaucoup plus simple, offrent en outre la facilité de prendre un point d'appui.
Méthode mixte de M. Qcadki.
C'est une combinaison de l'abaissement avec la kératonyxis.
On procède à l'abaissement du cristallin comme à l'ordinaire, puis on fait pénétrer par la cornée une autre aiguille à laquelle sont jointes les petites pinces qui sont destinées à saisir les lam-beaux de capsule, pour les détruire, ou à les attirer au dehors à travers la petite plaie de la cornée.
Appréciation des méthodes d'opérer (a cataracte.
A l'occasion de chaque méthode, nous en avons posé les indi-cations en appréciant les avantages et les inconvéniens qui lui sont propres; nous n'y reviendrons pas. De cet examen alter-nativement spécial et comparatif des diverses méthodes, il est résulte; qu'aucune d elles ue saurait exclure toutes les autres. Ce-pendant, à cause de la facilité et de la rapidité de son exécution, I abaissement, doit être préféré comme méthode générale.
PUPILLE ARTIFICIELLE.
L'opération de la pupille artificielle consiste à créer, au travers de l'iris, une voie nouvelle aux rayons lumineux, lorsque leur émergence sur la rétine est interceptée soit par une oblitération de l'iris, soit par une opacité de la cornée, ou par des lésions combinées de ces deux parties.
Cette opération, toujours très délicate en elle-même, est, en outre, subordonnée à des lésions anatomico-pathologiques varia-bles, et celles-ci peuvent coïncider avec d'autres affections acci-dentelles des tissus plus profonds (cristallin, corps vitré, rétine), d'abord inaperçues et souvent très complexes, qui empêchent de pouvoir calculer précisément les résultats de l'opération, et en rendent les chances fort incertaines.
Historique. L'origine de la pu pille artificielle est toute moderne. Grecs, Latins, Arabes, chirurgiens de la renaissance, personne n'en fait mention. 11 y a lieu de s'étonner, pourtant, que les an-ciens , qui avaient pu reconnaître assez exactement la nature et les effets de la cataracte et en imaginer les deux principales méthodes opératoires, n'aient pas eu l'idée, beaucoup plus simple, de per-forer l'iris dans les cas d'oblitération congénialc de l'ouverture pupillaire. Quoi qu'il en soit, cette ingénieuse idée était réservée à l'Anglais Cheselden qui le premier conçut la possibilité d'é-tablir la vision chez un aveugle-né par Xincision de l'iris, opéra-tion qu'il exécuta avec succès, en 1728, sur un jeune garçon de i4 ans, aux applaudissemens unanimes de l'Europe savante. Dès-lors une nouvelle impulsion est donnée à l'ophthalmologie opératoire. L opération de Cheselden est répétée avec succès. Des recherches nombreuses sont faites sur l'anatomie de l'œil et en particulier de l'iris considéré dans sa structure contractile, dans ses rapports avec le cristallin et la cornée, et dans ses usages relativement à la vision. De ces nouvelles connaissances naît la méthode de Y excision entre les mains de Wenzel en 1780. L'excision de l'iris obtient bientôt et garde la prédominance sur l'incision jusqu'en 1801, où Scarpa, considérant la fragilité des adhérences du contour de l'iris avec le cercle ciliaire, en fait la base d'une troisième méthode par décollement. Enfin une qua-trième méthode est Y extension de la pupille naturelle, imaginée naguère par M. Langcnbeck. Tous les travaux ultérieurs n'ont plus fait que perfectionner ou combiner, suivant les cas, ces méthodes fondamentales , d'où dérivent tous les procédés actuel-lement en usage.
cas d'indication.
A. Relativement à l'iris : 1° l'absence congénialc de la pupille par persistance de la membrane pupillaire de Wackendorf ; 20 l'occlusion accidentelle de la pupille, pouvant être le résultat de certaines productions anormales plastiques: telles que du pus, du sang, une lymphe coagulable, qui se déposent dans les cham-bres de l'œil à la suite d'ophthalinies internes violentes; 3° Je pro-lapsus périphérique de l'iris ou l'atrésie considérable de la pupille avec déformation, conséquence très fréquente de l'iritis syphi-litique (Weller). Dans tous ces cas la cornée peut conserver toute sa transparence, la cause de la cécité existant dans l'iris même.
B. Relativement à la contée : i° le ptérygion; 2u les taies di-verses de la cornée , depuis le leucomc simple jusqu'au leucome crétacé. Ces taies, tantôt petites et centrales, d'autres fois enva-hissant la moitié ou les deux tiers de la cornée, précisent le lieu d'élection, comme il sera indiqué plus loin, le chirurgien devant toujours faire coïncider la section de la cornée dans un lieu opaque avec celle de l'iris en regard d'un point où la cornée est transparente. Dans ce deuxième ordre de lésions l'obstacle à la vision siège sur la cornée au-devant de la pupille, qui peut con-server toute son intégrité.
C. Relativement à l'iris et à la cornée. Enfin les diverses altéra-tions précitées peuvent non seulement se trouver réunies plu-sieurs à la fois sur un même individu, mais en outre offrir di-verses complications : i° l'effacement plus ou moins complet des chambres de l'oeil, résultat d'adhérences de l'iris (synécliie anté-rieure ou postérieure); 2" l'aplatissement de la cornée, qui dimi-nue proportionnellement la profondeur de la chambre anté-rieure; 3° la présence, souvent difficile à apprécier, d'une cataracte, qui, bien qu'elle ne soit pas une contre-indication, exigera néanmoins une double opération.
conditions de succès.
Tous les ophthalmologistes regardent comme indispensables les cinq conditions suivantes :
i° Que l'œil ne soit le siège d'aucune inflammation ni d'au-cune altération organique profonde, telle que l'atrophie du globe oculaire, lhydrophtbalniie ou un état variqueux général;
2" Que la cornée soit diaphane, au moins dans une partie de son étendue : qu'elle ne présente pas de staphylome ni des ci-catrices ou des déformations trop considérables, et que les mi-lieux de la chambre antérieure, liquide et membranes, aient conservé leur transparence;
3° Surtout que la rétine ait conservé sa sensibilité, et que le malade distingue la nuit du jour et perçoive les gradations de la lumière;
4°Que les deux yeux soient inserviables, parce que, du côté opéré, la nouvelle pupille serait en clésharmonie avec celle de l'œil opposé, et, quant à ce dernier, on exposerait le malade à perdre le peu de vue qui lui reste;
5° Enfin, que le malade jouisse d'une constitution saine et qu'il ne soit sous l'influence d'aucun vice dyscrasique.
Outre ces indications essentielles, il est d'autres considéra-tions importantes auxquelles il faut avoir égard.
circonstances qui influent sur le résultat de l'opération.
Elles sont relatives à l'âge, à la saison, à l'état de simplicité on de complication que présente la maladie.
i° Age. Weller recommande de ne pas opérer les très jeunes enfants; un âge avancé est également une condition défavorable, bien tpie chez les vieillards les inflammations consécutives de l'œil soient plus rares. C'est chez l'adulte que la pupille artificielle a réussi le plus souvent. — 20 Saison. 11 faut, comme en gé-néral pour toutes les opérations sur les yeux, choisir une saison tempérée, le printemps ou l'automne. — 3" Cas simples, lieu d'élection d'une nouvelle pupille, son étendue. Lorsque la cornée est transparente dans tous les points, qu'elle n'est pas déformée, et que l'iris, exempt d'adhérences, laisse à l'opérateur le choix du lieu de la nouvelle pupille, il faut préférer le centre de l'iris.
Mais si une tache centrale de la cornée s'y oppose, autant que le permettrait l'étendue de l'opacité on devrait choisir le lieu de l'opération dans l'ordre suivant : i° l'hémisphère inférieur de l'iris, l'œil étant à peine recouvert, par la paupière en ce sens; 2" l'angle interne de l'œil, qui entraîne moins de strabisme que l'angle externe; 3° l'hémisphère supérieur de l'iris , déjà moins avantageux vu la quantité de rayons lumineux perdus pour la vision; 4° enfin le lieu le moins favorable est l'angle externe de l'œil, qui conduit inévitablement au strabisme. Dans tous ces cas il faut, pour être serviable, que la nouvelle pupille offre au moins environ cinq à six millimètres d'étendue; au-dessous de cette largeur la vision est faible, au-dessus elle est confuse. — 5° Cas compliqués. Quand la cornée est opaque dans une grande partie de sa surface, c'est sur la partie opaque elle-même qu'il faut pratiquer la section; la cicatrisation y étant aussi prompte, outre que l'on évite de causer une nouvelle opacité. Pour l'iris , c'est le contraire: il faut, autant que possible, pratiquer l'ouver-ture pupillaire sur un point de cette membrane exempt d'alté-ration (Weller). La synéebie antérieure ou postérieure, l'opacité du cristallin, ne sont pas des contre-indications; mais seulement, comme nous le verrons, elles influent d'une manière importante sur le choix de la méthode ou du procédé opératoire.
On distingue quatre méthodes pour former la pupille artifi-cielle : l'incision, l'excision, le décollement et l'extension de la pupille naturelle.
première méthode. — incision.
Coreclomie (de xéon , pupille ; et TEf^veiv, couper), iridotomie (de îotç et retiveiv).
Imaginée par Cheselden, cette méthode a été surtout adoptée par Sharp , Adams , et modifiée successivement par .Tanin , Guérin, Beer, Maunoir, Jurine, Sprœgel, Meiners, Odhélius, Langenbeck, et M. Velpeau.
Procédés opératoires.
1" Procédé de Cheselden (pl. 11, fig. 1 ). L'instrument de Cheselden est une petite lame de couteau très mince, très aiguë, tranchante d'un seul côté, que supporterait l'extrémité d'une aiguille à cataracte.
Le malade disposé convenablement, le chirurgien et les aides placés comme pour l'abaissement du cristallin, l'opération se divise en trois temps.
Premier temps. Le couteau tenu comme une plume à écrire, le tranchant tourné en bas, prendre un point d'appui sur la pommette avec l'annulaire et le petit doigt, présenter oblique-ment la pointe de l'instrument et la plonger dans la sclérotique à deux millimètres en arrière de l'insertion de la cornée transpa-rente. Deuxième temps. Glisser horizontalement le couteau à travers la chambre postérieure et parallèlement à l'iris jusqu'aux deux tiers postérieurs de cette membrane, où il faut s'arrêter. Troisième temps. Tourner le tranchant du couteau en avant, contre l'iris; par un léger mouvement de bascule faire pénétrer sa pointe dans la chambre antérieure, et, par le même mouve-ment d'arrière en avant, achever, en retirant l'instrument, l'in-cision transversale de l'iris, qui doit avoir de cinq à sept milli-mètres de longueur et offre, pour dernier résultat, une pupille oblongue placée en travers de l'iris.
2u Procédé de Sharp et W. Adams (pl. 1 i, fig. 2). Ce procédé est exactement le même que celui de Cheselden, excepté qu'on incise l'iris de la chambre antérieure vers la chambre posté-rieure. Pour cela le tranchant du couteau dirigé en arrière , on l'insinue immédiatement à travers l'iris, dans la chambre anté-rieure, jusqu'à ce que la pointe soit arrivée à la réunion du tiers interne de cette cloison avec ses deux tiers externes; alors incliner l'instrument vers la chambre postérieure et achever, en le reti-rant, l'incision de l'iris d'avant en arrière.
3" Procédé de.) anus (pl. 11, fig. 3). Deux modifications prin-cipales caractérisent ce procédé : 1" ouvrir la pupille artificielle en pénétrant dans la chambre antérieure par une ouverture préalable de la cornée; 1" inciser verticalement l'iris. L'incision sur la cornée n'appartient pas à .Tanin; Mauchart, avant lui, l'avait indiquée : Ileuerma, qui l'adopta, la pratiquait avec une lancette ordinaire. Quoi qu'il en soit, le procédé de .Tanin se com-pose de deux temps distincts :
(a) Incision de la cornée. Elle se pratique, comme pour l'extrac-tion du cristallin , à l'aide du couteau de Wenzel. L'auteur intéressait les deux tiers de la cornée. On l'a réduite, avec raison , à l'étendue nécessaire pour l'introduction des ciseaux, (h) Section de [iris. Introduire à plat dans la chambre antérieure de petits ciseaux à pupille légèrement courbes et très fins, les ouvrir ensuite doucement, percer, à sa partie la plus déclive, l'iris avec la branche inférieure, qui est tranchante et pointue; 1 insinuer, en remontant, derrière la face postérieure de cette membrane jusqu'à ce que la branche antérieure, qui est boutonnée, soit parvenue au niveau de l'insertion de la cornée à la sclérotique, puis enfin opérer d'un seul coup la section verticale de l'iris dans toute son étendue. Kortun, au lieu des ciseaux de .Tanin, préfère se servir du kératotome; il donne, du reste, la même direction à l'incision.
1 " Procédé de Maukoir (pl. 11 ,fig. 4)- Ce procédé n'est qu'un perfectionnement du précédent : au lieu de se bornera une seule incision de l'iris, on en pratique une seconde, divergente avec la première, de façon que les deux sections représentent la forme d'un V dont le sommet correspond au centre de l'iris. Par cette double incision les fibres rayonnantes de l'iris, admises par M. Maunoir, sont divisées deux fois, et il en résulte une pupille ovalaire qui a peu de tendance à s'oblitérer. Pour éviter l'inci-sion de la cornée, M. Montait!, dans ces cas, a proposé ses ci-seaux-aiguilles, qui n'ont pas un avantage bien reconnu.
Lorsqu'une tache centrale de la cornée empêche la vision, Pellier avait proposé un procédé qui se rapproche beaucoup de celui de M. Maunoir : il consiste tout simplement à agrandir la pupille naturelle en la prenant pour point de départ d'une double incision divergente qu'il pratiquait sur la partie inférieure de l'iris jusqu'au ligament ciliaire.
Procédé de M. Velpeau (pl. 11, fig. 5 ). Ce n'estautrequele premier temps du procédé de Wenzel. Au moyen d'un petit couteau à double tranchant très aigu , analogue à une lancette à langue de serpent, pénétrer dans la cornée comme pour l'extrac-tion : lorsque le couteau est arrivé dans la chambre antérieure, diriger avec précaution sa pointe en arrière, lui faire traverser l'iris, puis la ramener dans la chambre antérieure à travers la même membrane après un trajet de cinq à six millimètres. En continuant de glisser le couteau transversalement on achève l'o-pération en divisant du même coup l'iris et la cornée.
Toutes les modifications des procédés que nous venons de dé-crire ont pour but d'empêcher le resserrement ou l'oblitération de la nouvelle pupille par le recollement des lambeaux flottans de l'iris. W. Adams, en introduisant des parcelles de cristallin dans la plaie de l'iris, n'a pas été plus heureux dans ses résultats. C'est pour faire disparaître ce grave inconvénient de l'incision qu'on a proposé la méthode de l'excision.
seconde méthode. — excision.
Corectomie (de ko on, pupille; ex, de; et Ttfxvfiv), irideclomie.
Depuis Wenzel, regardé comme l'inventeu r del'excision (1780), Beer, Deniours, Sabatier, Forlenza, Benedict et Gibson ont sur-tout cherché à perfectionner cette méthode.
t° Procédé de Wenzel (pl. 11, fig. (')). Ce procédé se compose de deux temps : l'incision de la cornée et de l'iris, puis l'excision du lambeau de l'iris.
i° Incision de la cornée et de l'iris. Ce premier temps, emprunte par M. Velpeau, nous est déjà connu. 20 Excision du lambeau de l'iris. A l'aide de petits ciseaux dont les deux pointes sont bou-tonnées, et qu'il introduit dans la chambre antérieure, Wenzel résèque vers sa base le lambeau de l'iris, dont il maintient fixé le sommet avec des pinces oculaires. On a pour résultat une ouver-ture avec perte de substance, qui offre toutes les chances possibles de ne pas se refermer.
Procédé de Guérin (pl. 1 1, fig. 7). D'après quelques auteurs Guérin aurait pratiqué son procédé antérieurement à Wenzel, auquel cas ce serait à lui qu'appartiendrait l'invention de la mé-thode. La cornée étant incisée comme à l'ordinaire, à l'aide du kératotome pratiquer deux sections sur l'iris, lune verticale, l'autre transversale complétant une incision cruciale. Le troi-sième temps consiste, au moyen des ciseaux genouillés de Mau-noir, à exciser les angles des quatre lambeaux.
3° Procédé de Gibson (pl. 1 1, fig. 8). Après l'incision préalable de la cornée et l'écoulement de l'humeur aqueuse, lorsque l'iris est libre d'adhérences elle se présente naturellement à l'ouver-ture de la cornée. M. Gibson alors exerce une légère pression sur l'œil, pour faire saillir cette membrane entre les lèvres de la plaie, et, avec de petits ciseaux très fins, courbes sur le plat et bien évidés, il excise tout ce qui dépasse en dehors de la cornée. Si des adhérences empêchent le prolapsus irien, M. Gibson attire, pour l'exciser, l'iris au dehors au moyen de la petite airigne de Beer. — Le procédé de Beer ne diffère de celui-ci que par l'ouverture de la cornée, à laquelle il ne donne que cinq millimètres d'éten-due : il s'en sert pour attirer avec son petit crochet l'iris au dehors, et l'exciser dans une étendue suffisante.
Le procédé de M. ffaltlier est intermédiaire de celui de Gibson à celui de Beer. L'auteur fait à la cornée une incision de sept millimètres et, à l'aide du crochet de Beer, il attire au dehors une portion de l'iris, qu'il excise.
troisieme méthode. — décollement.
Corédialyse ( cTlGCAUCftç, séparation), iridodialysis.
La corédialyse était connue avant Scarpa; au rapport d'Assa-lini, Buzzi de Milan la pratiquait en 1788. Néanmoins c'est aux
travaux ticScarpa qu ou doit (lavoir généralisé cette opération et d'en avoir fait une méthode.
i° Procédé de Scarpa (pl. 11, fig. 9). Armé de l'aiguille à ca-taracte de Scarpa, la plonger par la sclérotique dans la chambre postérieure comme pour l'abaissement du cristallin; la diriger vers la partie supérieure et interne de la circonférence de l'iris, en tourner la concavité en avant, puis lui faire traverser l'iris, mais de manière que sa pointe ne fasse qu'apparaître dans la chambre antérieure pour ne pas léser la cornée : l'iris étant ac-crochée, peser légèrement sur cette membrane, de haut en bas et de dedans en dehors, de façon à détruire les adhérences au cercle ctliaire dans l'étendue d'environ six millimètres.
Par le procédé de Scarpa, il est très difficile de pratiquer le décollement de l'iris vers l'angle externe de l'œil; c'est pour ob-vier à cet inconvénient que Flajani, Himly, Beer et Buchorn ont recours à la modification suivante : ils introduisent l'aiguille par la chambre antérieure de l'œil en piquant la cornée; alors, suivant eux, il devient tout aussi facile de pratiquer la nouvelle pupille en dehors qu'en dedans, et en outre on n'est pas exposé à blesser le cristallin et à produire une cataracte consécutive.
20 Procédé de Donegana (pl. 1 1, fig. 10). Ce procédé réunit l'iridodialysis à l'iridotomie. Premier temps : avec une aiguille tranchante sur sa concavité, pratiquer le décollement à la ma-nière de Scarpa. Second temps : inciser l'iris, après l'avoir décollé, de sa grande vers sa petite circonférence dans une étendue de quatre à cinq millimètres. L'intention de l'auteur est de pré-venir ainsi le recollement de l'iris et l'oblitération de la nouvelle pupille, un des plus grands inconvéniens du procédé de Scarpa. Mais il nous paraît également douteux que le recollement puisse être évité et que l'incision de l'iris décollé soit elle-même, dans tous les cas, facilement pratiquée sans que la pression nécessaire augmente la déchirure.
3° Procédé d'Assalini. Pratiquer une incision à l'angle externe de la cornée; introduire dans la chambre antérieure des pinces fines et recourbées à l'aide desquelles on saisit l'iris à peu de di-stance de son bord ciliaire, puis en opérer le décollement par une traction modérée. Au lieu de pinces, Bonzel se sert d'un petit crochet analogue à celui de Beer.
4° Procédé de Langenbeck (pl. 11, fig. i3). Une très petite incision étant faite à la cornée, M. Langenbeck, au moyen d'un mince crochet renfermé clans une canule d'or, perce un des points de la circonférence de l'iris , décolle tout doucement cette membrane clans une étendue convenable, attire le sommet du lambeau et l'engage dans la plaie de la cornée où les adhérences qu'il ne tarde pas à contracter empêchent la nouvelle pupille de se refermer. M. Lusardi, pour obtenir le même résultat, emploie un crochet-aiguille qui suffit aux diverses manœuvres de l'opé-ration.
Au reste, sans aller jusqu'à masquer par une nouvelle opacité l'orifice de la pupille artificielle, l'incision de la cornée doit être néanmoins assez rapprochée du lieu du décollement pour qu'on puisse y engager le lambeau de l'iris sans s'exposera une traction trop forte qui entraînerait une déchirure.
méthode mixte. — excision et décollement.
Pour prévenir le recollement de l'iris, l'incision de la cornée
t. vii.
étant faite préalablement dans une longueur suffisante, on peut. à l'aide de ciseaux fins introduits par l'ouverture de cette mem-brane, exciser une portion du lambeau décollé (pl. 1 1 , fig. 2). C'est pour opérer d'un seul temps le décollement et. l'excision qu'ont été imaginés, dans ces derniers temps, divers dards-érignesd'un mécanisme pinson moins ingénieux (pl. 1 1, fig. 16, et pl. 2, fig. 55-59).
quatrième méthode. — extension de la PUPILLE NATURELLE
(pl. 11, fig. i4).
Créé par M. Langenbeck pour un cas où la pupille normale; était interceptée par une tache centrale de la cornée, cette mé-thode n'est rien autre chose qu'une application au bord pupil-laire du procédé qu'il avait ajouté au décollement. Elle consiste à amener par tiraillement, dans une petite ouverture faite à la cornée, un des points de la circonférence pupillaire de l'iris. Par ce moyen on obtient une extension ou un déplacement de la pupille natut^elle, la traction changeant la forme de son orifice de circulaire en ellipsoïde. Le bord pincé de la pupille, retenu d'abord par étranglement, ne tarde pas à être fixé définitivement par de solides adhérences.
appréciation.
Nul procédé pris à part n'a une prédominance absolue sur tous les autres; chacun d'eux possède une valeur relative à cer-tains cas déterminés. Leur appréciation ne saurait donc se sépa-rer des indications qu'ils sont destinés à remplir.
A. Incision. Méthode généralement abandonnée : la propriété contractile de l'iris qui lui sert de base est improuvée par les faits. Que l'incision soit simple ou complexe; au lieu de se rétrac-ter vers leur base, les lambeaux tendent au contraire à se rap-procher et à oblitérer peu à peu la nouvelle pupille. Lorsque le diaphragme oculaire présente des altérations de tissu (ce qu'on reconnaît à une décoloration du grand cercle de l'iris), l'incision est formellement contre-indiquée (Weller).
B. Excision. Préférable dans tous les cas simples. Mais si la cornée n'est transparente que dans une petite étendue, ou si l'iris a été le siège de phlegmasies prolongées, cette méthode réussit moins bien. L'inflammation tendant à se développer avec plus de violence sur ces tissus altérés, il peut en résulter l'opacité du reste de la cornée ou l'exudation trop abondante d'une lymphe plastique qui tend à oblitérer l'ouverture artificielle pratiquée à l'iris (Weller). De tous les procédés, celui de Gibson serait le plus rationnel si, par la traction forcée qu'il entraîne, il n'ex-posait trop fréquemment à la déchirure de l'iris. Le procédé de Wenzel, mais en diminuant l'incision de la cornée suivant la modification de M. Walther, nous paraît devoir être préféré.
C. Décollement. Exposant moins aux inflammations consécu-tives, cette méthode est spécialement indiquée toutes les fois que la cornée n'est transparente qu'en un point de sa circonférence ou lorsque l'iris est altéré (Weller). Le procédé de Scarpa est le plus avantageux lorsqu'il existe une opacité du cristallin, parce; qu'il permet d'en opérer l'abaissement avec facilité. Dans les autres cas le procédé de M. Langenbeck mérite la préférence, enayant soin, toutefois, de faire pénétrer le crochet sur un point opaque de la cornée (pl. 1 1, fig. 1 1 ).
y
D. Extension de la pupille naturelle. opération très rationnelles elle trouve sou application exclusive dans les cas tic taches cen-trales de la cornée avec intégrité de l'iris.
E. Méthodes mixtes (pl. i i, fig. 12). L'excision alliée au dé-eolleuicut offre des avantages incontestables; elle prévient le re-collement de l'iris et les cataractes consécutives, auxquels expose le procédé de Scarpa. En supposant même que le cristallin mt altéré, il devient très facile de l'extraire par la nouvelle ouverture pupillaire (pl. 1 1, fig. i5).
MALADIES QUI AFFECTENT TOUTE LA MASSE OCULAIRE.
En général, quel que soit le tissu primitivement affecté, elles se résument dans le cancer on les fongus qui envahissent bien-tôt, toutes les parties situées dans l'orbite et en nécessitent l'ex-tirpation en masse.
extirpation de l oeil.
Cette opération, dont on trouve la première description dans Bartisch, se pratique le plus ordinairement pour des cancers de l'œil ou de l'orbite.
Bartisch vidait l'orbite avec une espèce de cuillère tranchante, Fabrice detiilden se servait d'un large bistouri à double tranchant et courbe sur le plat. Heister rejeta ces instrumens comme in-utiles et peu commodes, et, à son exemple, on pratique encore aujourd'hui l'extirpation de l'œil avec un bistouri droit ordi-naire, une érigne simple ou double pour fixer la tumeur, et. des ciseaux courbes sur le plat pour couper son pédicule.
Procédé ordinaire. Le malade assis sur une chaise ou, mieux encore, couché dans son lit et ayant la tête très élevée, le chi-rurgien se place en face et du côté de l'œil affecté.
Premier temps. Avec les pinces de Museux ou une érigne simple, saisir solidement la tumeur dans le point où elle pré-sente le plus de résistance; confier alors l'érigne à un aide pour prendre le bistouri, et diviser, d'un seul coup, l'angle palpébral externe jusqu'au niveau de l'arcade orbi taire externe du frontal : puis renverser chaque paupière en dehors, et la disséquer par sa lace interne.
Second temps. Le bistouri tenu comme une plume à écrire, le plonger un peu au-dessus de l'angle interne de l'œil, afin de divi-ser d'abord les insertions des grand et petit obliques, puis faire parcourir à l'instrument la demi-circonférence inférieure de l'orbite en rasant aussi exactement que possible les os jusqu'aux environs du trou optique. Arrivé vers l'angle externe, reporter le bistouri vers l'angle interne, faire relever la paupière supé-rieure, et. parcourir la demi-circonférence orbitaire supérieure en ayant soin d'enlever en même temps la glande lacrymale.
Troisième temps. L'œil ainsi détaché n'est plus supporté q ne par un mince pédicule formé par les tendons des quatre muscles droits et le nerf optique. Pour l'excision de ce pédicule, qu'on peut prati-quer indifféremment avec le bistouri ou des ciseaux courbes, les auteurs recommandent généralement de diriger l'instrument le long de la paroi interne de l'orbite, crainte de léser l'etbmoïde. Cependant Desault préférait arriver sur le pédicule par la paroi externe de l'orbite, qui est plus courte, plus oblique, plus com-mode et n'expose pas à pénétrer dans les fentes sphéno-maxil-laire et sphénoïdale.
Pansement. On recherche avec soin, en introduisant le doigt, s'il n'est pas resté quelques parties altérées. Si la glande lacrymale n'a pas été enlevée, on la saisit aussitôt avec une érigne, ou une pince, et on en fait l'extraction. Pour arrêter l'hémorragie, la ligature de l'artère ophthalmique serait presque toujours impossible; et la cautérisation est dangereuse: heureusement l'enceinte formée par la cavité osseuse conique permet une compression efficace; il suffit donc de remplir l'orbite avec des boulettes de charpie saupoudrées de colophane. On recouvre le tout avec des plumasseaux de charpie : une compresse longuette, maintenue par le bandage monocle, complète l'appareil.
Si les paupières participaient à l'altération du globe oculaire, à l'exemple de Guérin on les circonscrirait préalablement pat-deux incisions semi-lunaires, et on les enlèverait du même coup avec la masse oculaire.
OPERATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'APPAREIL
DE L'AUDITION.
Contenu dans lépaisseur de l'os temporal qui le protège, l'ap-pareil de l'ouïe se compose de trois portions distinctes qui sont, de l'intérieur à l'extérieur et. dans l'ordre de leur importance,
1" L'oreille interne ou labyrinthe,
2° [/oreille moyenne ou tympan ,
3° L'oreille externe.
T^es maladies du labyrinthe sont plus particulièrement du ressort de la médecine : l'oreille externe et l'oreille moyenne sont setdes accessibles à la chirurgie opératoire.
anatomie opératoire (pl. i3,fig. 1, 2,3,4). 1 " Oreille externe.
Pavillon. Espèce de cornet acoustique cartilagineux situé à l'extérieur, percé à son centre par l'orifice du conduit auricu-laire; terminé inférieurement par le lobule dont la texture vasculaire favorise le développement de tumeurs érectiles. Sa grande souplesse eu prévient les fractures, et son peu d'épais-seur en rend la suture très facile dans les plaies du pavillon. La peau qui le recouvre, line, glabre, très adhérente à sa face ex-terne, est lâche et, mobile eu arrière, où elle est doublée par un tissu cellulaire fin et lamelleux dans lequel rampent des vais-seaux et des nerfs nombreux : circonstance important»; pour la dissection des lambeaux dans l'otoplastiquc.
Conduit auriculaire. Long de vingt à vingt-cinq millimètres, ellipsoïde à grand diamètre vertical. Rapports : en avant avec l'ar-ticulation de la mâchoire, dont les mouvements lui impriment des changeniens de forme (Richerand ! ; en bas avec la glande
protide. Direction: incurvé suivant une double courbure en S, dont les sinuosités sont séparées par des éperons alternes. Cette courbure, qui intéresse toute la longueur du canal, se redresse, lorsqu'on tire le pavillon en haut et en avant, suffisamment pour permettre d'apercevoir la membrane du tympan dans le fond du conduit, condition favorable aux manœuvres opéra-toires. Calibre. D'un centimètre ou un peu plus à son extrémité externe; diminue progressivement jusqu'à cinq ou six milli-mètres à son extrémité interne, quiestcoupcebrusquementpar la membrane du tympan: cette membrane est tendue obliquement de baut en bas et de dehors en dedans, disposition qui donne une plus grande longueur à la paroi inférieure qu'à la supé-rieure. Circonscrit par l'os temporal, et inflexible dans sa partie profonde, ce conduit est fibro-cartilagineux clans sa moitié ex-terne, qui est susceptible de se laisser considérablement dilater par la présence de polypes, de corps étrangers, ou au moyen d'instrumens dirigés par l'art. La membrane qui le tapisse, fine, sensible, est douée d'une grande vascularité qui explique la fréquence de ses hémorragies et la prédispose aux inflammations ainsi qu'à toutes les altérations qui en dépendent. Elle renferme en outre une grande quantité de follicules cérumineux.
Oreille moyenne. Cavité intermédiaire de l'oreille interne au conduit auriculaire constitué par la caisse du tympan et sa mem-brane, la trompe d'Eustache et les cellules mastoïdiennes.
i° Caisse du tympan. Cavité ellipsoïde, verticale, aplatie de dehors en dedans. Elle présente en avant l'orifice de la trompe d'Eustache, qui la fait communiquer directement avec le pharynx ; en dehors, la membrane du tympan, qui la sépare de l'oreille ex-terne, met obstacle à l'introduction des corps étrangers venus par le conduit auriculaire, et limite les maladies de l'oreille moyenne dont les produits de sécrétion ont plus de tendance à s'écou-ler dans le pharynx. Ce n'est que lorsque cette cloison a été dé-truite ou ulcérée, que le pus ou les osselets de l'ouïe peuvent trou-ver une issue par le conduit auriculaire.
2° Trompe d'Eustache. Conduit inflexe, long d'environ cin-quante-cinq millimètres, communiquant de la caisse du tympan à la partie supéreure et latérale du pharynx, suivant une direction oblique en bas, en dedans et en avant. Infundibuliforme, large de deux millimètres à ses deux extrémités, réduit à un seul mil-limètre dans sa partie moyenne, sa cavité est elliptique en tra-vers. Son orifice pharyngien évasé, regardant en bas et en avant, répond à la face interne de i'apophyse ptérygoïde, à cinq ou six millimètres en arrière du méat moyen des fosses nasales. Cet orifice, distant de sept à huit centimètres de l'ouverture anté-rieure des narines, tombe sur la ligne nasale antéro-postérieure, de manière que cette ligne forme avec l'axe de la trompe un angle de 135 degrés un peu oblique en haut: double circonstance qui détermine la longueur et la coudure à donner aux cathéters de la trompe d'Eustache. Osseuse dans la moitié qui répond à la caisse, fibro-cartilagineuse dans la moitié pharyngienne, la trompe est de plus tapissée par une membrane muqueuse dont la turgescence inflammatoire est une cause fréquente d'obstruc-tion de ce canal.
3° Cellules mastoïdiennes. Contenues dans le diploé de la por-tion mastoïdienne de l'os temporal, ces cellules forment une espèce de diverticulum à la cavité du tympan. Elles ne se déve-loppent pas avant trente ans ; leur nombre va en augmentant avec làge. C'est sur leur communication avec la caisse qu est fondée • l'opération assez hasardeuse qui consiste à perforer ces cellules.
OPERATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR l'ORElLLE EXTERNE
1° perforation du lobule de loreille (pl. 22, fig. 9).
Cette opération se pratique avec un emporte-pièce ou une espèce de trocart. Dans les deux cas, on commence par engourdir la sensibilité du lobule par de légères pressions entre le pouce et l'indicateur ; puis on applique contre sa face postérieure un bou-chon de liège, d'une résistance médiocre, destiné à faire opposi-tion à la pression déterminée par l'instrument: on opère à droite de la main droite, et vice versa, en tenant le bouchon de l'autre main. L'emporte-pièce est une tige d'acier d'un millimètre et demi de diamètre reçue à l'une de ses extrémités dans un manche, et terminée à l'autre par un bord circulaire tranchant, avec un trou au centre, comme dans les clefs perforées. L'aiguille qui sert de trocart est d'or ou de platine et durcie par la trempe. Elle est également contenue dans un manche à l'une de ses extré-mités. L'autre se termine en une pointe de forme conique. Jus-qu'à deux lignes de cette pointe, elle est reçue dans une petite canule.
L'opération consiste, en présentant perpendiculairement sur la face antérieure du lobule l'extrémité libre de l'un ou l'autre instrument, à presser d'un coup sec comme dans toutes les ponctions. La force imprimée doit être assez grande pour que, l'épaisseur des parties étant immédiatement traversée, sa tige s'enfonce encore de l'autre côté dans l'épaisseur du bouchon. On abandonne alors ce dernier, puis, si l'on s'est servi de l'cmporte-pièce, on retire avec une aiguille la petite portion de chair sé-parée par l'action du bord tranchant et contenue dans le trou dont la tige est perforée. On introduit dans ce trou l'extrémité d'un fil de plomb, et, retirant l'instrument en appuyant sur le fil pour qu'il n'abandonne pas son conducteur, on l'amène ainsi de l'autre côté. Si l'on a employé l'aiguille conique, la perforation des chairs étant terminée, on saisit en avant la ca-nule et on retire la tige. La canule restant libre, on insinue le fil de plomb dans sa cavité, et on l'extrait lorsque le fil est par-venu de l'autre côté. Enfin, de quelque manière que l'on ait opéré, lorsque le fil est en place, on en contourne les extrémités pour empêcher qu'il ne se détache. Cette sorte de séton métal-lique, en supposant à la cicatrisation de la fistule, donne lieu à une légère suppuration, qui se supprime après quelque temps. A la longue un tissu cutané accidentel tapissant le court trajet fistuleux , l'ouverture demeure ensuite à jamais permanente.
¦2" Excision du lobule.
Au rapport de M. Campbell, il se développe endémiquement dans l'Inde de petites tumeurs éléphantiasiques qui ont leu r siège dans le lobule de l'oreille. Dans nos climats, les tumeurs les plus communes sont de nature fibreuse et surtout érectile. On en pratique l'ablation en les circonscrivant, au moyen de ci-seaux, par deux incisions en V dont l'écartement est d'autant plus considérable que la tumeur a plus de volume. Si on a pour but de remédier à un simple vice de conformation du lobule, à l'exemple de Boyer on marque d'une ligue d'encre la limite de ce qu'on veut enlever, puis, à l'aide de ciseaux, on en pra-tique l'excision.
I" OtOPLaSTIQUE.
M. Dieffcnbach a imaginé de réparer les pertes de substance du pavillon de l'oreille en empruntant des lambeaux de peau aux parties voisines.
Procédé de M. Dieffenbach. Tenté par lui avec succès dans un cas de perte de substance, siégeant à la partie postérieure du pavillon.
Le bord de l'oreille qui doit recevoir le lambeau ayant été régularisé et rafraîchi préalablement avec des ciseaux, armé du bistouri droit tailler le lambeau de peau en arrière vers l'apo-physe mastoïde, le disséquer et par de simples tractions, sans tor-dre son pédicule, rapprocher son bord libre du bord saignant de l'oreille, de façon que la face cutanée du lambeau réponde à la face externe du pavillon, et que la surface saignante se trouve posté-rieure: alors procéder à la réunion au moyen d'une suture en-trecoupée dont les points embrassent toute l'épaisseur de l'oreille ainsi que celle du lambeau. Pendant la cicatrisation il faut avoir soin de passer une bandelette de linge enduite de cérat au-des-sous du lambeau pour empêcher ses adhérences aux parties voisines. Au bout de cinq ou six jours on enlève les fds, mais ce n'est qu'après quinze ou vingt jours qu'on peut, sans s'exposer à la gangrène, séparer le lambeau du crâne. On lui donne la forme convenable en lui conservant une largeur deux fois plus considérable que la perte de substance. Peu à peu ce lambeau se rétracte, se durcit et prend la forme d'un bourrelet dont la teinte est plus foncée que celle du pavillon.
Ti'otoplastiquc, qui, à part le danger commun à toutes les opérations sur la peau du crâne, ne remédie à une simple dif-formité qu'en en produisant deux autres, ne nous paraît, ni par son but ni par ses résultats, devoir être admise au nombre des opérations dont la pratique se justifie suffisamment; d'autant que, à notre sens, une portion d'oreille artificielle peut remplir le même objet tout aussi bien, pour ne pas dire mieux, et sans le moindre inconvénient.
4° Difformités du conduit auriculaire.
Les unes proviennent des os et sont incurables, les autres affectent les parties molles et peuvent résulter d'un resserrement des parois du canal ou de la présence d'une membrane qui en intercepte le calibre à la manière d'un diaphragme.
Quand l'imperfection de l'oreille est congéniale, il peut y avoir absence du conduit auditif; on s'en assure en plongeant la pointe d'un bistouri jusqu'à la profondeur de cinq ou six millimètres. Si on rencontre le canal on agrandit l'incision, que l'on maintient béante en y plaçant une canule ou tout autre corps dilatant. Après la cicatrisation, les parois de ce nouveau conduit conser-vent toujours de la tendance à revenir sur elles-mêmes. Pour obvier à cet inconvénient, on doit continuer pendant long-temps l'emploi des sondes ; ou même laisser une canule à de-meure, comme le propose Boyer.
Mais le plus communément l'oreille externe est fermée par un diaphragme membraneux. Si la membrane est peu profonde, on l'incise crucialement avec un bistouri pointu garni de linge jus-qu'à deux millimètres de son extrémité; puis, avec des ciseaux fins, on résèque les lambeaux, que l'on soulève avec un petit cro-chet. Quelques auteurs proposent de perforer avec un trocart, et de déterminer la destruction des lambeaux avec les caustiques ou des corps dilatans; mais cette méthode ne vaut pas la pre-mière. Si la membrane est profondément située, F. d'Aquapen-dente repousse l'incision,ou la ponction, qui, suivant lui, exposent à pénétrer dans l'oreille moyenne, et a recours aux caustiques, dont le meilleur est sans contredit le nitrate d'argent employé par Lcscheviu. Dans tous ces cas on devra également avoir re-cours à l'emploi des corps dilatans long-temps prolongé.
5" Corps étrangers dans l'op.eii.i.e.
Ce sont, tics insectes vivans ou des corps inertes d'un petit volume, de consistance et de nature variables.
A. Insectes vivans. Essayer d'abord de les saisir avec des pinces et de les extraire. Si l'on n'y parvient pas, introduire dans l'oreille de la laine ou du coton pour les enchevêtrer et les reti-rer; ou bien les engluer avec des stylets trempés dans la téré-benthine, la glu ou la poix : enfin essayer de les attirer à l'ex-térieur en les alléchant, par du lait si c'est un perce-oreille; ou par de la viande, si ce sont des vers. Ce dernier moyen a réussi une fois dans les mains de M. H. Bérard. Si toutes ces tentatives ont été infructueuses, se résoudre à les tuer en versant dans le conduit auditif une décoction de fleurs de pêcher (Rhazès), de l'eau chaude, de l'huile d'amandes amères (Hameck); ou mieux encore, de l'essence de térébenthine.
B. Corps inertes. Les uns sont mous, comme du coton, du pa-pier, des insectes morts, etc. On les extrait avec un petit cro-chet , ou un cure-oreille ( pl. 13 , fig. 6 ), que l'on insinue entre le corps étranger et les parois du canal. Quand ou est arrivé au delà, on en opère l'extraction en relevant le manche de la curette et en la faisant agir comme un levier du premier genre. S'ils ont un trop grand volume on les divise avec un instrument étroit et peu tranchant, pour en extraire les morceaux isolément. Les corps durs sont déjà divisés en deux classes par Paul d'Éginc : les uns hygrométriques, susceptibles de se gonfler dans le ca-nal ; les autres imperméables. Pour les extraire on fait incliner l'oreille au malade, et à l'aide de pinces on essaie de les saisir ou de les ébranler et, en quelque sorte, de les déchatonner du lieu qu'ils occupent, rien ensuite n'étant plus facile que d'en déterminer la sortie. Si cette première manœuvre ne suffit pas, on a recours à d'autres procédés.
i° Procédé ordinaire (pl. i3, fig. i i ). L'oreille seulement, lubrifiée avec de l'huile, maintenir solidement la tête du ma-lade sur les genoux du chirurgien, et la renverser de manière à faire tomber la lumière dans le conduit auditif. Alors attirer le pavillon en haut et en arrière avec la main gauche, saisir de la main droite une curette (pl. i3, fig. 6), la glisser le long de-là paroi inférieure du canal jusqu'au delà du corps étranger, puis abaisser le manche de la curette tandis que l'extrémité de sa tige, agissant comme un levier du premier genre, repousse le corps en haut et en dehors, et le chasse à l'extérieur. M. Mal-gaigne préfère suivre la paroi supérieure du conduit auditif, parce que, représentant le sommet d'une ellipse, elle laisse un intervalle pour le passage de la curette, surtout lorsqu'on a af-faire à des corps durs et arrondis. Chez l'enfant, le grand dia-mètre du canal étant transversal, ce serait sur la paroi anté-rieure qu'il faudrait glisser la curette ou tout autre instrument-Lorsque le corps étranger est fragile, comme une fausse perle, il faut manœuvrer avec beaucoup de délicatesse, parce qu'en le brisant on pourrait blesser la membrane du tympan et pro-duire de graves aceidens (Boyer).
a" Procédé de Paul d'Egine. Lorsque le corps étranger s'est considérablement gonflé et que les tentatives pour l'extraire ont. été sans succès, pratiquer derrière la conque une incision semi-lunaire afin de dilater le conduit et d'agir facilement sur le corps à extraire.
3" Procédé de M. Mayor. A l'aide d'une seringue ordinaire, pousser avec force des injections d'eau tiède dans le conduit au-ditif. Le liquide pénètre derrière le corps étranger et, s'acen-mulant entre lui et la membrane du tympan , il tend à en pro-voquer l'expulsion au dehors. Ce procédé est utile toutes les fois que le corps étranger a pénétré profondément, et qu'il n'offre pas un grand volume.
IiOrsqu'on a affaire à du cérumen endurci, on le ramollit préalablement à l'aide d'injections avec del'huile, de l'eau salée, ou de l'eau tiède; puis au moyen de la curette on extrait ce qui n'a pas été entraîné.
6° Polypes du conduit auditif.
On traite par la cautérisation, la ligature et l'excision les polypes peu éloignés de la conque, et par l'arrachement ceux qui siègent à une grande profondeur.
A. Ligature (pl. 12, fig. 8, g). Procédé ordinaire. A l'aide de pinces ou d'un stylet, faire glisser un nœud coulant, ou l'anse d'un lien, jusque sur la racine du polype; lorsque le fil est con-venablement placé, passer les deux bouts dans un serre-nœud et opérer la constriction.
ProcédédeM. Fabrizj deModène (pl. 1 a, fig. 3,8,9). L'appareil se compose de deux ou, au besoin, de trois canules en argent dont chacune contient un fil de métal qui fait anse en sortant d'une de ses extrémités et qui dépasse l'autre de quinze à vingt centi-mètres. Le malade étant disposé comme dans tous les autres pro-cédés où l'on agit sur le conduit auditif, au moyen de l'une de ces canules introduire une première anse dans le conduit auditif, la faire glisser avec un stylet sur le polype, le plus près possible de son pédicule ; en opérer la constriction en tirant les deux extrémités libres du fil, sur lesquelles on fait glisser la sonde, et en fixer les deux bouts au bouton qui termine le pavillon de l'instrument : tordre ensuite le pédicule de la tumeur en tournant la canule en même temps qu'on l'attire à soi. Cette première opération achevée, faire glisser sur cette canule à demeure l'anse de fil d'une seconde canule qu'on peut ainsi faire avancer plus près de la base du polype en tirant sur la première. Alors enlever celle qui est devenue inutile et continuer les torsions avec la seconde. Si la tumeur résiste et ne se laisse pas détacher, porter une troi-sième anse qui, destinée à rester en place, est formée avec du chanvre et portée dans une petite canule en plomb de deux mil-limètres d'épaisseur. Lorsque l'anse parvient à être placée sur la partie du pédicule la plus rapprochée des parois du conduit retirer la seconde canule d'argent et serrer fortement le fil de chanvre en poussant la canule de plomb; puis, avec une forte pince, aplatir celle-ci sur le fil dans quelques millimètres de son étendue, en dedans du conduit auditif, pour maintenir ainsi cette dernière ligature : enfin couper la canule de plomb au niveau du méal auditif, et même, au besoin, pratiquer la section de la portion proéminente du polype , si elle est très considérable.
Ce procédé, plus parfait que tous les autres, a déplus le double avantage de rendre possible la ligature des polypes situés profon-
t. vii.
dément, etdc multiplier la Ligature elle-même à différens temps.
B. Excision. Le polype étant accroché avec une érigne, l'atti-rer au dehors et pratiquer la section de son pédicule; le plus loin possible au moyen de ciseaux légèrement recourbés (pl. 13, fig. .0).
C. Cautérisation. Applicable aux très petits polypes, elle doit le plus souvent être combinée avec l'excision. Le nitrate d'argent et le beurre d'antimoine sont préférables au ter rouge, qui ne serait pas sans danger.
D. Arrachement. Armé des tenettes de Dupuytren (pl. 1 3, fig. 8 ), les ouvrir modérément ; engager leurs mors entre le po-lype et les parois du canal, en les insinuant aussi loin que pos-sible: alors saisir solidement la tumeur, la faire tourner sur sou axe, et en opérer l'arrachement moitié en tordant, moitié en ti-rant. L'hémorragie qui en résulte est très abondante ; mais, comme elle a son siège dans un canal inextensible, elle cède faci-lement à la compression exercée de dedans en dehors par un bourdonnet ou unetentede charpie enduite de cérat. On arrache dans une seconde opération ce qui n'aurait pas été enlevé une première fois.
Opérations sur l'oreille moyenne.
i° Perforation de la membrane du tympan.
Mentionnée depuis fort long-temps, Sir A. Cooper est le pre-mier qui l'ait tentée avec succès pour remédier à la surdité ( 1800, 180a ).
On la pratique par la ponction, la trépanation ou la cautéri-sation.
1 "Ponction. Procédé de Sir À. Cooper. Le malade étantdisposé convenablement pour apercevoir autant que possible le fond du conduit auditif, saisir de la main droite un petit trocart courbe dont la pointe ne dépasse la canule que de trois millimètres ; le tenir comme une plume à écrire, sa pointe tout-à-fait rentrée dans la canule : alors le diriger vers la partie antérieure et infé-rieure de la membrane tympanique, dans le but d'éviter le manche du marteau situé en arrière et en haut. Quand l'extré-mité de la canule est en contact avec le tympan, pousser d'un coup sec la pointe du trocart et traverser ainsi cette membrane. L'ouverture qui en résulte suffit pour rendre immédiatement, dans le cas de succès, l'ouïe au malade, mais elle tend bientôt à s'oblitérer.
Procédé de M. Buchanan. Armé d'un trocart dont la pointe quadrangulaire demeure préalablement cachée dans sa canule, faire arriver l'extrémité de celle-ci en contact avec la partie anté-rieure et inférieure du tympan, comme dans le procédé d'A. Coo-per, puis, par un coup brusque, faire pénétrer la pointe du trocart d'environ deux millimètres en même temps qu'on imprime à la tige des mouvemens de rotation en sens opposés. Le but de l'au-teur est d'écarter ainsi les lèvres de la plaie pour la transformer en une ouverture permanente. Mais il est évidentqu'aucune perte réelle de substance n'étant produite, rien ne s'oppose à la cica-trisation.
2" Trépanation. Imaginée par ïiimly, elle se pratique au
moyen d'un emporte-pièce modifié par M. Deleau et, plus ré-cemment, pàrM. Fabrizj deModène,qui l'a porté à la perfection.
Procédé de M. Deleau (pl. i a, fig. io). Porter l'extrémité per-forante de la tige tic l'instrument sur la membrane du tympan, puis, par un demi-tour de rotation communiqué au levier, faire pénétrer le cône perforateur dans le tympan, qui se trouve ainsi .accroché. Alors, ajoutant un autre demi-tour de rotation, la dé-lente d'un ressort caché fait rentrer brusquement la tige en entraînant contre le tranchant de la canule la membrane tympa-nique, dont on doit enlever un disque de deux millimètres d'éten-due. Au reste, nous avons dit, dans l'explication de planche, le peu de confiance qu'on doit avoir dans le mécanisme de cet instru-ment.
Procécé de M. Fabrizj de Modène (pl. ta, fig. i4)- Nous connaissons déjà la structure et le mécanisme de l'ingénieux tré-pan auriculaire de M. Fabrizj (pl. 19, fig. 11, 12, i3). Voici la description de son procédé.
Saisir l'instrument avec la main droite, comme une plume à écrire, la pointedela spirale dirigée en haut; le faire glisser oblique-ment en avant, le long de la paroi inférieure du conduit auditif, de manière à arriver vers la partie antérieure et inférieure du tym-pan, à environ un millimètre de sa circonférence : dès qu'on sent cette membrane, pousser légèrement jusqu'à ce que la résistance opposée aux canaux de la spirale avertisse que la pointe a tra-versé. Imprimer alors à tout l'instrument un mouvement de rota-tion d'un tour et demi, ce dont on est averti par la position des points tracés sur le manche. Fixer ensuite avec les doigts de la main gauche le manche, auquel fait suite la tige, et, avec les doigts de la main droite, faire exécuter à la canule seule un mouvement de rotation en sens inverse des tours que l'instru-ment dans son entier avait fait exécuter au fil spiroïde: ce fil, qui fixe le tympan, offre le point d'appui nécessaire; et la ca-nule, dont le tranchant est très acéré, surmonte avec facilité la résistance que lui oppose celte membrane, de manière qu'il eu reste, dans le fil spiral, un disque parfaitement circulaire de deux millimètres de diamètre.
Cette opération ainsi pratiquée offre une supériorité incon-testable sur toutes les autres.
3" Cautérisation. Procédé de M. liieherand. Il consiste à dé-truire un point de la membrane tympanique à l'aide d'un crayon de nitrate d'argent : cette méthode est tombée dans l'oubli.
2" Catiietéiusme de la trompe d'Eustache.
L'idée de désobstruer la trompe d'Eustache par le cathété-risme, ou en y poussant des injections, remonte à une époque fort éloignée. Très rarement usitée, cette opération a été remise en honneur par M. Deleau dans ces derniers temps.
On y parvient par trois voies : 10 la bouche ; 20 la narine correspondante, 3° la narine opposée.
A. Première méthode. Due à Guyot, maître de postes à Ver-sailles ( 1724), elle est généralement abandonnée à cause de ses difficultés.
B. Deuxième méthode. Imaginée par Cléland en 1741, adoptée par Ant.Petit, Douglas et Wathen, elle a reçu plusieurs perfectionneniens de nos jours.
Procède ordinaire. Le chirurgien est placé devant le malade assis sur une chaise, et dont la tête est légèrement renversée et maintenue en arrière par des aides. Tout étant disposé, saisir de la main droite la sonde, huilée préalablement et tenue comme une; plume à écrire, sa concavité tournée en bas et en dehors et sa convexité en [haut et en dedans ; l'introduire dans la na-rine correspondante, et la faire glisser rapidenicntsurle plancher des fosses nasales jusqu'à cinq ou six centimètres de profondeur. Des mouvemens involontaires de déglutition de la part d u malade indiquent que l'on est arrivé sur le voile du palais. Relever aussi-tôt le bec de la sonde en dehors et en haut en imprimant un quart de rotation à la tige. Enfin insinuer, sans effort, l'instrument dans cette direction, sans abandonner la paroi externe de la fosse nasale, jusqu'à ce qu'on sente au toucher que le bec de la sonde s'engage dans le pavillon de la trompe.
Procédé de M. Deleau. Au lieu d'une sonde en argent, en prendre une en gomme élastique, de même forme, et soutenue par une mandrin en argent ( pl. 12, fig. 4, 5 ). Tout étant disposé comme dans le procédé ordinaire, faire pénétrer le bec de la sonde jusqu'au pavillon de la trompe. Dès qu'il y est arrivé, pousser le mandrin, dont l'extrémité dépasse celle de la sonde, et l'intro-duire seul dans la partie la plus rétrécie du canal. Lorsqu'on j uge le mandrin suffisamment avancé, on pousse la sonde sur lui pour la faire pénétrer à son tour dans la trompe. Alors on retire le man-drin et on place à l'extrémité externe de la sonde un pavillon en argent que l'on fixe à l'aile du nez par un fil métallique disposé en forme de pince (pl. 12, fig. 6 ).
Procédé de M. Gairal. Faire parvenir le bec de la sonde jus-qu'à la base du voile du palais, comme dans le procédé ordinaire; puis, par un léger mouvement de rotation en haut et en dehors, remonter l'extrémité d'un quart de cercle, ce dont on est averti par des chiffres gravés sur les différentes faces du pavillon de la sonde: enfin le bec de l'instrument étant arrivé sur l'orifice de la trompe, le faire pénétrer avec douceur, en continuant d'incliner l'extrémité libre de la sonde en bas et en dedans pour insinuer l'autre extrémité en haut et en dehors, dans l'intérieur de la trompe.
Troisième méthode. Son invention toute moderne appartient à M. Deleau. Elle est spécialement indiquée toutes les fois que la narine correspondant à l'oreille malade est déformée ou oblité-rée par une tumeur ou par une déviation de la cloison nasale.
La sonde dont on fait usage dans ce cas offre une courbure plus considérable que celle du cathéter ordinaire, et de plus son bec est légèrement recourbé du côté de sa convexité.
Tenue comme une plume à écrire, sa concavité tournée en bas et en dedans, on l'introduit par la narine opposée, en la faisant glisser le long du bord inférieur de la cloison nasale jusqu'à sa partie postérieure; alors on imprime un mouvement de rotation à l'instrument pour relever son extrémité derrière le vomer. Continuant à pousser la sonde dans cette direction, on parvient ainsi dans le pavillon de la trompe.
Quel que soit le procédé qu'on ait mis en usage ; lorsqu'on a pénétré dans le conduit d'Eustache on y maintient la sonde, dont on se sert pour diriger des injections dans l'oreille moyenne. Les liquides médicamenteux sont injectés par le pavillon de la sonde à l'aide d'une seringuejordinaire. M. Deleau préfère les in-jections d'air; dans ce but, au lieu d'une seringue, il adapte à son instrument une bouteille de caoutchouc cl, par une près-
sion lente, il en exprime l'air, qui passe clans la cavité tympa-nique. Alors, appliquant son oreille sur celle du malade, il assure reconnaître si l'air pénètre clans la caisse, et en ressort à mesure, par un courant continu entre la sonde et les parois de la trompe.
cautérisation.
Guidé par l'analogie avec les autres canaux muqueux, M. Vei-peau propose la cautérisation avec le nitrate d'argent dans les cas d'obstruction de la trompe par un engorgement phlegmatique de sa membrane muqueuse. Mais cette opération n'a pas encore reçu la sanction de l'expérience.
perforation des cellules mastoïdiennes.
Cette opération a été tentée clans les abcès de l'oreille moyenne avec épanchement de pus supposé dans les cellules mastoïdiennes. Mais, dans ce cas, si le pus ne peut être évacué par la trompe d'Eu-stache, la perforation du tympan est évidemment préférable à celle des cellules. Si cependant il existait des complications de carie ou de nécrose, on pourrait être autorisé à tenter la trépa-nation des cellules mastoïdiennes; clans tout autre cas elle doit être rejetée. Le lieu où correspondent les cellules les plus déve-loppées se trouve un peu en avant de l'apophyse mastoïde, à qua-torze ou dix-huit millimètres de son sommet. L'opération con-siste à pratiquer en ce point une incision cruciale ou en T, mettre à nu l'apophyse mastoïde et la perforer à l'aide d'un petit trépan. Lorsqu'on a pénétré dans les cellules auditives on évacue le li-quide qu'elles contiennent, et on y pousse avec ménagement des injections qui doivent être répétées chaque jour jusqu'à gué-rison.
appréciation génékale des opérations sur l'oreille moyenne.
Différentes causes peuvent rendre l'oreille moyenne impropre à transmettre les vibrations sonores jusqu'au bulbe auditif.
A. ^oblitération de la trompe dEustache, qui met obstacle à l'accès de l'air clans la caisse, empêche l'écoulement des sécré-tions normales et s'oppose à l'expulsion, hors de cette cavité, de tous les produits morbides, solides ou liquides, qu'on y ren-contre, tels que des épanchemens séreux ou purulens (Val-salva), du sang coagulé (Morgagni), du mucus épaissi semblable à de la substance caséeuse (Itard), etc.
B. Les lésions qui font perdre à la cloison tympanique sa pro-priété de vibrer. i° L'épaississement congenial ou accidentel de cette membrane (Bartbolin, Hoffman), 2° son ossification (Lce-secke et Pohl); 3° la luxation ou la carie des osselets de l'ouïe, 4° la paralysie de leurs'muscles (Wibes, Chaussier, Wagner et Saissy ) : toutes circonstances qui, en détruisant le mécanisme des osselets, rendent impossible la tension du tympan et sa vi-bration aux ondes sonores.
Les cas qui réclament l'emploi des manœuvres opératoires sur l'oreille moyenne étant définis; pour convertir leur mode d'ac-tion en théorie et apprécier la valeur des moyens employés par l'art, il suffit de comparer l'oreille moyenne avec les autres cavités ou canaux muqueux et, spécialement, avec le canal nasal, où les analogies sont les plus saillantes. Deux intentions curatives prin-cipales se présentent : i° Rétablir les voies naturelles. Vu l'occlusion du canal auriculaire externe par la membrane du tympan, le conduit normal de l'oreille moyenne est la trompe d'Eustacbc qui établit la communication de la caisse du tympan avec le pha-rynx. 2° Établir une voie artificielle. C'est à cette indication que répondent la trépanation de la membrane du tympan et la per-foration des cellules mastoïdiennes.
Rétablissement des voies naturelles. De même que pour le canal nasal, il comprend le cathétérisme, la dilatation, les injec-tions et la cautérisation.
Cathétérisme. Au premier degré, s'il ne s'agit que de désob-struer la trompe d'Eustacbc, il suffit du simple stylet coudé à angle de i35° (pl. i , fig. 2). Sa forme nous paraît plus conve-nable que celle donnée aux autres cathéters. En général le ca-thétérisme par la narine qui correspond à la trompe sur laquelle on opère doit être préféré. S'il y a resserrement ou oblitéra-tion de la fosse nasale, il faut, comme M. Delcau, pratiquer le ca-thétérisme par la narine opposée; mais alors la partie courbe du cathéter devrait être allongée proportionnellement, c'est-à-dire d'environ trois à quatre centimètres. Enfin, si cette manœuvre offrait trop de difficulté, c'est selon nous avec raison que M. Mal-gaigne donne le conseil d'avoir recours au procédé de Gttyot, eu guidant avec l'index le bec de l'instrument dans la bouche et. reconnaissant avec l'extrémité du doigt le bourrelet formé par l'orifice dans lequel on fait glisser le bec de l'instrument tenu de l'autre main.
Dilatation. On l'opère par le séjour à demeure des sondes ou des bougies. Il faut distinguer les rétrécissemens placés dans la portion osseuse du conduit d'Eustache, d'avec ceux qui siègent dans la portion cartilagineuse. On n'obtient seulement que la dilatation de ce dernier.
Le procédé de M. Del eau doit être préféré, en ce qu'il offre l'avantage de pouvoir se servir du mandrin, qu'on laisse à de-meure , comme d'un conducteur pour introduire des sondes dont on augmente graduellement le calibre.
Injections. Quelle que soit leur nature, c'est un moyen tout-à-fait inefficace dans les rétrécissemens; et quelquefois la source d'acciclens les plus graves, dont les principaux sont : la douleur excessivement vive, susceptible de produire assez souvent le dé-lire (Fabrizj); la compression de toutes les parties de l'oreille interne ; enfin parfois même la rupture des membranes de la fenêtre ovale et de la fenêtre ronde, accident d'où résulte une surdité incurable. Du reste, même avec l'instrument de M. De-leau, qui est le plus parfait, il est très difficile de faire parvenir la substance injectée jusque dans le tympan. La muqueuse du conduit, se refoulant, forme un bourrelet obturateur au-devant du bec de la sonde. C'est donc par une illusion que quelques auteurs ont préconisé ce traitement comme inoffensif et très efficace, et qu'ils ont ainsi attribué à l'injection des effets qui n'étaient dus qu'à un simple cathétérisme.
Cautérisation. A priori, on conçoit que cette méthode combi-née avec la dilatation puisse être employée avec succès contre les rétrécissemens dus à des indurations chroniques de la muqueuse. Reste à l'expérience de le prouver.
Formation des voies artificielles. La perforation des cellules mastoïdiennes ne donne lieu qu'à une ouverture temporaire pra-
tiquée dans un but spécial. Reste donc la trépanation de la mem-brane du tympan. Les divers procédés qui n'ont d'autre effet que de donner lieu à une perforation sont iiisiguifians, la cicatrisa-lion ayant, après quelques jours, annulé' le bénéfice de l'opéra-tion ; il faut de toute nécessité enlever, comme avec un emporté-pièce, un disque de la membrane. Le procédé de M. Deleau a bien pour but. ce résultat, mais il ne l'obtient que très imparfai-tement. Celui de M. Fabrizj, au contraire, donne un résultat com-plet et ne laisse rien à désirer, d'autant que, comme il opère net-tement sur une très petite surlace, si, par exception, l'orifice pratiqué venait à se refermer, on peut toujours en former un nouveau.
OPÉRATIONS QTJI SE PRATIQUENT SUR L'APPAREIL
DE L'OLFACTION.
Beaucoup moins complexe que l'œil ou 1 oreille, l'appareil olfactif se compose principalement des fosses nasales, s'ouvrantà l'extérieur par le nez, espèce de pavillon à double orifice.
Les maladies suivent cette division anatomique; et elles ré-clament des opérations différentes, suivantqu'elles siègent au nez proprement dit ou dans l'intérieur des fosses nasales.
Anatomif. OPÉRATOIIUî.
i° Nez.
Les deux os nasaux forment le squelette de la racine du nez; ils répondent de chaque côté aux apophyses montantes des os maxillaires supérieurs,etappuientcnarrière sur la lame perpen-diculaire de l'ethmoide. Il en résulte que dans les fractures ou les enfoncemens des os du nez le choc se transmet directement aux gouttières ethmoïdales, qui peuvent elles-mêmes se briser et amener des accidens graves du côté du cerveau ou du côté des nerfs olfactifs. Si la fracture s'étend aux apophyses montantes, il se produira de même des désord res dans le canal nasal et par suite dans l'excrétion des larmes. La moitié inférieure du nez, qui est plus évasée, se compose de deux cartilages latéraux séparés par un troisième qui forme la cloison nasale : la souplesse et l'élasti-cité de ces cartilages préviennent le rapprochement ou l'occlu-sion des narines, un des plus grands inconvéniens des nez arti-ficiels, comme nous le verrons plus tard. La peau assez épaisse et mobile en haut, mince et adhérente en bas, surtout sur les ailes du nez, ne présente jamais de graisse dans son tissu cellulaire et est comme criblée par des follicules sébacés, surtout inférieu-rement. Le réseau capillaire y est très développé, aussi très sou-vent y remarque-t-on différentes espèces de tumeurs érectiles : la grande vitalité de cette peau rend la cicatrisation très facile après les diverses opérations qu'on y pratique, et elle explique comment l'extrémité du nez, complètement séparée, a pu être réappliquée et se réunir très bien (Garengeot).
2° Fosses nasales.
Situées au-dessus delà bouche et séparées par une cloison ver-ticale, les fosses nasales sont formées par des parois solides, non susceptibles de s'affaisser. Chacune d'elles représente donc une ca-vité béante s'ouvrantà l'extérieur par la narine antérieure, et communiquant avec le pharynx parla narine postérieure.
Narines antérieures. Orifices extérieurs du nez, ouverts en bas, longs de douze à quinze millimètres d'avant en arrière, larges de cinq à huit millimètres en travers; en raison de leur texture car-tilagineuse, dilatables, extensibles, et pouvant être encore élar-gis au besoin par la section de l'aile du nez. La limite de leur extensibilité est déterminée par l'orifice osseux vertical quelles masquent et dont la largeur n'est, que d'un centimètre entre la cloison et l'apophyse montante de l'os maxillaire, sauf le cas d'inclinaison anormale ou de destruction morbide ou artifi-cielle de la cloison qui double l'aire de l'orifice. Chaque narine est circonscrite : en dehors par l'aile du nez, en dedans par la sous-cloison, en arrière par l'origine de la lèvre supérieure, et en avant par le lobe nasal. Il faut remarquer que la racine de la lèvre remonte plus haut que le plancher des fosses nasales, tan-dis que le lobe du nez se prolonge en avant et au-dessous; don résulte la direction de la narine en bas et un peu en dehors. Si par cette voie on veut porter des instrumens sur le plancher des fosses nasales, on devra donc les diriger d'abord en haut; puis, par un mouvement de bascule, on les ramènera au plan hori-zontal en relevant fortement le lobe du nez et en déprimant la racine de la lèvre supérieure.
Narines postériewes. Plus vastes que les narines antérieures, elles s'ouvrent, en arrière et un peu obliquement en bas, dans la partie supérieure du pharynx. Hautes dedetix centimètres,larges de dix à douze millimètres, limitées entre la cloison du vomer et les apophyses ptérygoïdes, et par conséquent inextensibles, les narines postérieures représentent un parallélogramme à angles arrondis : leur forme et leurs diamètres doivent être pris en considération, dans les manœuvres chirurgicales, soit pour le tamponnement dans les hémorragies, soit pour la ligature ou l'arrachement des polypes.
Fosses nasales. Leur cavité plus élargie en bas, dans la di-rection des orifices, se rétrécit supérieurement. Elles offrent quatre parois : l'inférieure ou le plancher, la supérieure ou la voûte, l'interne ou la cloison, et enfin l'externe. La paroi infé-rieure représente une sorte de gouttière légèrement inclinée en arrière, longue d'environ six centimètres, et supportant par son bord postérieur le voile du palais, espèce de plancher mobile, qui, en se relevant, s oppose à l'introduction des instrumens de la bouche dans les fosses nasales. Dans cette région la muqueuse est résistante, fibreuse, peu vasculaire, et douée d'une sensibilité très faible, circonstances qui rendent l'ulcération ou les polypes très rares. La cloison, en partie osseuse, en partie cartilagineuse, est quelquefois dejetée à droite ou à gauche, de manière à in-tercepter plus ou inoins complètement la fosse nasale correspon-dante et à en imposer pour des tumeurs polypeuses ou d'autre nature. La grande sensibilité et la densité de la muqueuse qui re-couvre cette région favorisent le développement des ulcérations syphilitiques et des polypes fibreux qui ont leur siège presque exclusif sur la cloison. La paroi supérieure ou la voûte, qui n'a
pas plus de quatre à cinq millimètres de largeur, est dirigée obliquement en avant, où la voûte est formée par les os du nez. Dans sa partie moyenne elle est horizontale et répond aux gouttières ethmoïdales et à la lame criblée, dont la fragilité per-mettrait facilement à des instrumens mal dirigés de pénétrer dans le cerveau. Les polypes vésiculeux ont presque constamment leur siège dans cette partie, à cause de la finesse de la muqueuse qui la tapisse. En arrière la voûte s'incline en bas et aboutît di-rectement à l'orifice des sinus sphénoïdaux. La paroi externe des fosses nasales, anfractueuse et beaucoup plus compliquée que les autres, est occupée par les trois cornets et les trois méats. Le méat inférieur, compris entre le plancher et le cornet inférieur, présente l'orifice du canal nasal, à la réunion de son tiers antérieur avec ses deux tiers postérieurs, à environ deux centimètres et demi de profondeur. Le méat moyen reçoit, en avant, l'orifice des cellules ethmoïdales antérieures et des sinus frontaux, et, un peu plus en arrière, l'orifice rétréci du sinus maxillaire distant de quatre centimètres de la narine antérieure. Le méat supérieur, plus profondément situé que les deux précédens, reçoitles cellules ethmoïdales postérieures et les sinus sphénoïdaux ; de plus il pré-sente, sur le squeleite, le trou sphéno-palatin par où les polypes volumineux peuvent s'insinuer et venir saillir dans la fosse pté-jygo-maxillaire, au-dessous du masseter. Toutes ces parties sont revêtues par la muqueuse plus rouge, molle, très vasculaire à la région supérieure, où elle devient plus spécialement, à cause de sa grande vitalité, le siège du coriza, des hémorragies, et des polypes saignans.
RHINOPL ASTI QUE ( Anaplastie du nez, Velpeau).
Le nez peut être détruit soit par des mutilations, soit par certains accidens imprévus, tels que la variole, la syphilis, le cancer, la congélation, les brûlures, etc. Il en résulte toujours pour le malade une difformité repoussante que la rhinoplastiquc a pour but d'effacer en faisant un autre nez.
Historique. L'usage, très ancien dans l'Inde, de couper le nez à certains criminels, fit naître, chez ce peuple, l'idée de refaire le nez pour soustraire les malheureux coupables à une note d in-famie qui les suivait partout. Les Indiens de la tribu des Koomas donnent la première méthode de rhinoplastiquc , qui consiste à former sur les tégumens voisins un 1 ami eau convenable pour réparer la perte de substance de l'organe mutilé. Toutefois cette opération n'est pas connue des Latins. Galien et Celse parlent assez vaguement de l'art de raccoutrer le nez. Ce n'est que vers le quinzième siècle que la rhinoplastiquc est remise en honneur dans l'Italie, où Sixte-Quint fait revivre le châtiment des Indiens. La méthode des Italiens dérive manifestement de la méthode in-dienne, et elle n'en diffère que parce que le lambeau est taillé sur une région plus ou moins éloignée de celle qu'on a pour but de restaurer. Successivement perfectionnée par Franco, Bojano, Benedetti, Tagliacozzi, la rhinoplastique se range dès ce moment au nombre des opérations régulières : Vésale, Fallope, Read, Gourmehn, en font mention dans leurs ouvrages; Cortésius, Garengeot, Fioraventi, Prennaut, font connaître des observa-tions de succès.
Enfin MM. Lynn, Carpue et Hutchison (i816) à Londres, fixent de nouveau l'attention sur la rhinoplastique et sur les avan-tages que la chirurgie peut en retirer. Bientôt MM. Gnefe, Beck, Dieffenbacb , en Allemagne ; Delpech , Dupuytren, MM. Tho-niassin, Lisfranc, Blandin, en Fiance; Travers, Liston, Green,
t. vii.
en Angleterre, publient successivement les résultats de leurs tentatives et perfectionnent cette branche de 1 autoplastique. Eclairée au foyer de cette large expérience, la rhinoplastique s'est, enrichie d'une troisième méthode, dite méthode française, qui n est qu'une application de la méthode indienne aux mutilations partielles du nez. La chirurgie a également abandonné sans retour les procédés de transplantation d'un nez ou d'un lambeau étranger, qui ne restent plus que connue un témoignage histo-rique de la barbarie du peuple qui les mettait en usage.
rhinoplastique par transposition.
i° Méthode italienne.
Procédé de Tagliacozzi (pl. i|, fig. 7). Ce procédé com-pose réellement deux opérations distincies. La première consiste à tailler sur la peau du bras un lambeau triangulaire dont on a mesuré la largeur et calculé la position en conduisant la face an-térieure du bras au-devant des narines. Le lambeau étant dissé-qué de haut en bas, c'est-à-dire de sa pointe vers la base qui doit rester adhérente, on l'abandonne à la cicatrisation, et on passe au-dessous de lui une bandelette de linge destinée à rapprocher les lèvres de la plaie et à prévenir le recollement du lambeau. Au bout de quelque temps on en vient à la seconde opération qui consiste à rafraîchir les bords du nez mutilé ainsi que ceux de la pièce tégumentaire du bras. Les bords saignans sont rap-prochés au moyen de la suture entrecoupée, et on maintient le membre thoracique au-devant de la face à l'aide d'un bandage approprié. Lorsque la réunion s'est opérée, on sépare la base du lambeau; on la régularise pour simuler l'ouverture antérieure des narines, qu'on maintient soulevées avec de petits bourdon-nets de charpie. Une antre variété de ce procédé consiste à pra-tiquer à l'avant-bras une incision dans laquelle on fixe les bords avivés du nez mutilé, pour les faire adhérer avec les bords de section de la peau ; il ne s'agit plus alors que de former un lam-beau triangulaire de chaque côté, pour les rapprocher sur la ligne médiane de manière à former le dos du nez.
Procédé de M. Gr^efe (pl. (4-, fig. 7)- C'est celui de Ta-gliacozzi modifié et réduit à un seul temps. Lorsqu'au moyen d'un bandage convenable le malade a contracté l'habitude de soutenir sans trop de fatigue le bras élevé au devant de la face, on prend sur le nez, à l'aide d'un patron de cuir ou de carton, la mesure du lambeau, qu'on taille sur la partie interne du bras, absolument comme dans le procédé de Tagliacozzi. Seu-lement M. Graefe lui donne, à cause de la rétraction, seize cen-timètres (six pouces) de longueur sur onze centimètres (quatre pouces) de largeur. Le lambeau disséqué jusqu'à sa base, et les contours du nez rafraîchis, on réunit leurs bords saignans par la suture entrecoupée, et on prévient l'affaissement du lambeau en introduisant des bourdonnets de charpie dans les narines. Au bout d'un temps qui varie de quatre à trente jours, la réunion doit être opérée. On enlève le bandage et on sépare le lambeau vers sa base, en l'abaissant vers la sous-cloison nasale ; alors on le perce de deux ouvertures qui simulent l'orifice des narines et qu'on maintient béantes en y introduisant des bouts de sonde en gomme élastique jusqu'à guérison parfaite.
20 Méthode indienne.
Procédé ordinaire, avec la peau du front (pl. 1/1, fig. 1,2,
10
3 ). On commence par simuler le nez qu'on veut remplacer avec du papier ou de la cire; on renverse ensuite ce patron en l'éta-lantsur le front, de manière à ce que sa pointe soit dirigée en bas. On marque la forme et la grandeur du lambeau avec de l'encre ou du nitrate d'argent, en ayant le soin de lui donner cinq milli-mètres de plus que le patron, sur tous les points de sa circonfé-rence, afin d'éviter les inconvéniens de la rétraction. Après ces préparatifs il s'agit d'aviver les bords du nez et de tailler le lam-beau sur le front, en le disséquant avec soin jusqu'à la racine du nez. Alors renverser de haut en bas le lambeau en tordant son pédicule, pour que la lace cutanée se trouve en dehors; réunir par la suture les bords saignans du lambeau au contour du nez, puis maintenir l'ouverture des narines par de petits bourdon-nets de charpie ou de petites compresses roulées en cylindre. Quand la cicatrisation est complète, les points de suture sont enlevés; et on divise le pédicule du lambeau avec un bistouri, en passant au-dessous de lui une sonde cannelée.
Procédé de Delpech. Les modifications qui caractérisent ce procédé sont les suivantes. i° Tailler la base du lambeau frontal à trois pointes; afin d'obtenir sur le front trois plaies en A, plus faciles à rapprocher et à cicatriser qu'une large plaie à bords arrondis : le lambeau ensuite renversé comme dans le procédé ordinaire, on en découpe à volonté les trois pointes destinées à former les deux ailes et la cloison du nez. 2° Rejeter tous les agglutinatifs proposés par quelques auteurs et se servir exclusivement de la suture entortillée.
Procédé de M. Lisfranc Le lambeau est taillé comme à l'or-dinaire avec cette différence qu'on prolonge, sur la racine du nez, l'incision à gauche, cinq millimètres plus bas qu'à droite. Cette modification , en permettant d'abaisser le lambeau avec fa-cilité, sans torsion ni froncement, a pour but d'en prévenir la gangrène par gêne de la circulation dans son pédicule, et dis-pense plus tard d'en faire la section. Une seconde modification consiste à faire sur le bord basique du lambeau, autour des ailes ( I u nez et de la sons-cloison, une espèce d'ourlet rentré en dedans, large de deux à trois millimètres, et qui est fixé à l'aide de quel-ques points de suture. Par ce moyen le contour des narines est plus épais, plus résistant, et formé par un bord cutané moins disposé à s'irriter et à s'ulcérer que dans le procédé ordinaire, où il est constitué par un tissu de cicatrice. Enfin le nez est sou-tenu par des bourdonuets de charpie, et le reste de l'opération se pratique comme clans les autres procédés.
Procédé de M. Blamdin. Au lieu de faire simplement la sec-tion du pédicule, on enlève la peau delà racine du nez, qui se trouve au-dessous de lui, pour la détordre et l'appliquer sur les os propres du nez, quand toutefois ils existent. Dans tous les autres points ce procédé est entièrement conforme à celui des Indiens.
Procédé de M. Velpeau. Avoir le soin, dans le renversement du lambeau frontal par le procédé ordinaire, de ne pas trop l'attirer en bas, afin de ne tordre que légèrement son pédicule. Lorsqu'ensuite l'agglutination est complète, couper très haut ce même pédicule, le redresser, le tailler en triangle à pointe supé-rieure, et lui creuser une échancrure dans la peau du front, où on le fixe à l'aide de quelques nouveaux points de suture. L'auteur veut obtenir ainsi une plus grande régularité de la racine du nez et prévenir en même temps la gêne delà circulation , qui résulte de la trop grande torsion du pédicule du lambeau.
Méthode française ou méthode, de Celse.
Cette méthode a bien plutôt pour but de raccoutrer un ne/, mutilé que d'en former un nouveau. Or deux cas peuvent se présenter: tantôt il y a une perte de substance réelle, compre-nant toute l'épaisseur des parois du nez; tantôt, à la suite de ma-ladies syphilitiques ou scrofuleuses, les os seulcmcntsont détruits et ont déterminé l'aplatissement du nez. De là deux procédés distincts dans la méthode française.
i0 Rhinoplastique par simple décollement de tissus. Lorsque le nez est considérablement aplati, il convient, à l'exemple de M. Dieffenbach, de pratiquer sur ses parties latérales deux inci-sions verticales pénétrant jusqu'aux os et suivant les contours de la forme nasale. Il en résulte ainsi une bande de peau isolée ne tenant aux tégumens qu'en haut et en bas. Alors une troisième incision verticale, pratiquée sur la ligne moyenne, divise en deux cette portion cutanée médiane. Ce premier temps achevé, on procède à la dissection des deux lambeaux. Afin de pouvoir les soulever en avant, on détache également des os les parties limi-trophes de la joue dans l'étendue de cinq ou six millimètres. Il ne s'agit plus epic de rapprocher, à l'aide de la suture entrecou-pée, ces différens lambeaux, qu'on maintient soulevés par des bourdonnets de charpie huilée placés dans les fosses nasales.
S'il existait sur un des côtés du nez une perte de substance très peu étendue, on pourrait encore, par le simple décollement, obtenir un lambeau suffisant pour en faire la restauration.
2° Rhinoplastique par décollement composé. Si avec la dissection simple des tissus, comme précédemment, on combine la section des lambeaux pour les déplacer avec plus de facilité, on obtient une méthode applicable à une foule de difformités.
Restauration de la sous-cloison du nez. A l'aide d'un bistouri à lame étroite, aviver ce qui reste de la sous-cloison; puis, suivant le procédé de M. Liston, tailler un lambeau convenable verti-calement sur le milieu de la lèvre supérieure en n'intéressant que la moitié de son épaisseur. Procéder à la dissection du lam-beau, et, pour rendre sa torsion de gauche à droite plus facile, faire remonter l'incision latérale du côté gauche un peu plus haut que celle du côté droit. Enfin mettre en contact avec le bord saignant de l'ancienne sous-cloison la face profonde du lam-beau, dont on fixe l'extrémité à la pointe du nez au moyen de deux aiguilles. La plaie de la lèvre est ensuite réunie comme s'il s'agissait d'un simple bec de lièvre, et on maintient les narines ouvertes à l'aide de deux tampons de charpie.
Restauration de l'aile du nez. Lorsque l'aile du nez est entière-ment détruite, on peut la réparer en empruntant un lambeau à la joue ou à la lèvre supérieure. Mais quand la perte de sub-stance est très peu étendue et ne constitue pour ainsi dire qu'une légère échancrure sur l'aile du nez, M. Dieffenbach préfère ré-gulariser simplement le contour des narines et masquer ainsi la difformité en opérant une nouvelle perte de substance au lieu de réparer l'ancienne.
valeur relative des diverses méthodes de RIIINOPLAST1QUE.
La méthode italienne, moins douloureuse, offrant surtout l'avantage de ne laisser sur le front aucune cicatrice, est supé-rieure à toutes les autres, et doit être préférée toutes les fois que-son application est possible.
Cependant, à cause de sa facilité d'exécution , la méthode indienne a généralement prévalu, et est aujourd'hui le plus sou-vent employée. Elle est indiquée quand les os du nez manquent, et quand la peau du front est saine (Grœfe).
La méthode de Celse convient surtout, comme nous l'avons vu, pour les raccoutremens du nez, et n'est applicable qu'aux déper-ditions de substance peu considérables.
Toutefois les circonstances qui réclament la rhinoplastique sont si différentes les unes des autres qu'on ne peut tracer aucun pré-cepte exclusif, et qu'il devient souvent nécessaire de combiner les méthodes entre elles et d'improviser des modifications pour répondre aux différens cas qui se présentent.
tumeurs du nez.
Les tumeurs du nez qui réclament les secours de la médecine opératoire sont les tannes, les cancers, les éléphantiasiques, et les tumeurs érectiles. Relativement au procédé cle leur extirpa-tion, on doit distinguer ces tumeurs suivant qu'elles siègent sur le nez proprement dit ou dans l'épaisseur de la cloison.
Lorsqu'il s'agit d'une tumeur siégeant sur le nez, son ablation s'exécute de même que sur les autres parties du corps. Seulement il faut avoir soin, pendant la dissection des parties, d'introduire un doigt dans la narine, afin de diriger l'action du bistouri et d'éviter une perforation qui se transformerait plus tard, avec la plus grande facilité, en une fistule incurable.
Si la tumeur, primitivement développée dans la cloison, a écarté les cartilages des ailes du nez et est venue saillir sous la peau, on met en usage le procédé de M. Rigal, qui consiste à cerner la partie malade par deux incisions latérales, réunies en avant mais écartées en arrière et en dehors, en forme d'Y ren-versé. La dissection de la peau étant faite, il ne s'agit plus que de séparer avec précaution les deux cartilages nasaux pour arriver sur la cloison et pratiquer l'énucléation du reste de la tumeur.
occlusion ou resserrement des narines.
Les maladies susceptibles d'altérer la forme du nez peuvent oblitérer les narines, ou les rétrécir au point de gêner plus ou moins la respiration. Comme toutes les autres occlusions, on les traite par la dilatation,5l'incision ou l'excision. Il faut remarquer seulement que rarement une seule de ces méthodes suffit, et qu'il convient le plus souvent de les combiner entre elles.
Pour les cas de simple resserrement, pratiquer, à l'aide du bistouri, plusieurs petites incisions en rayonnant sur le contour des narines. Si l'occlusion est complète, plonger un bistouri droit dans le lieu de la narine, former ainsi une fente antéro-postérieure, et en exciser les bords si on le juge convenable. Dans tous les cas maintenir les ouvertures béantes, jusqu'à par-faite cicatrisation, au moyen d'un bourdonnet de charpie, dune canule ou d'une lame de plomb roulée en anneau aplati.
FOSSES NASALES. Les opérations qui ont leur siège dans les fosses nasales ont
pour objet l'extraction des corps étrangers, la suppression de l'hémorragie nasale et la cure des polypes.
extraction des corps étrangers.
Les fosses nasales, tapissées par de larges surlaces muqueuses inégales, remplies d'anfractuosités, et communiquant à l'exté-rieur par de larges ouvertures, contiennent fréquemment des corps étrangers, quelques-uns développés à l'intérieur, mais le plus grand nombre introduits accidentellement par les orifices naturels.
Les auteurs sont remplis de faits variés de l'une et l'autre nature. Parmi les corps étrangers naturels figurent des calculs, soit concrétions inorganiques, soit exostoses, mais sur la nature chimique et le développement desquels on n'a pas eu toujours des renseignemens suffisans. Wepfer a vu un calcul nasal dont une dent, la seule qui restât dans la bouche, formait la racine. Khern parle d'un calcul de la grosseur d'une noix. M. Graefe en a rencontré un chez un goutteux, et en a vu un autre qui s'était développé autour d'un noyau de cerise. Des corps étrangers d'un petit volume ont parfois aussi donné lieu à des excroissances polypeuses, soit un morceau de bois (Meckren) ou un pois (Renard-Dumousticr). Il n'est pas rare que de petites pierres soient introduites dans le nez par des enfans, soit accidentelle-ment soit pour simuler une maladie; Deschamps cite un cas de cette nature, et nous en avons vu de semblables aux cliniques d'Ant. Dubois et cle Dupuytren. ;Enfin il est arrivé qu'une sangsue a pénétré dans les fosses nasales et que, s'y étant fixée, elle a donné lieu à des hémorragies pendant trois semaines, avant que l'on soit parvenu à l'expulser : tel est le cas du phar-macien Lalouette, et tel un autre rapporté par Th. Etbrun. Dans ce dernier on ne parvint à débarrasser le malade que par une forte aspiration d'eau salée. Ce moyen, ou l'injection saline, et au besoin le bain de la fosse nasale, en bouchant préalablement par un tampon son orifice pharyngien, nous paraissent ce qu'il y a de plus convenable.
Pour l'extraction des corps étrangers d'un petit volume, M. Champion a employé un crochet en fil de fer dont les branches, à leur extrémité libre, étaient fixées dans un bouchon de liège. M. Velpeau est parvenu à extraire un petit caillou lisse, de la forme et du volume d'une amande, avec un stylet ordinaire, dont l'extrémité boutonnée était recourbée en crochet. Ce moyen simple pourrait suffire pour l'enlèvement cle tout corps analogue, un pois, un haricot, un noyau de fruit, etc. Pour l'extraction d'un corps de plus grand volume, surtout s'il était inégal et an-guleux, on se servirait cle pinces à polypes, en prenant garde d'agir avec ménagement pour ne pas causer de fractures. Il suffit souvent cle changer, par un simple déplacement, l'axe du grand diamètre du corps étranger, et de le faire corres-pondre à celui des méats, pour que l'extraction, jusque-là impossible, devienne tout à coup très facile. Enfin pour des insectes vivans il faudrait avoir recours à des injections cle divers liquides, mais préférablement d'huile d'olive.
tamponnement des fosses nasales (pl. l, fig. 2).
L'hémorragie nasale, soit qu'elle ait pour cause une lésion trauniatique ou une congestion sanguine, survient parfois avec tant d'abondance, et est sujette à des récidives si fréquentes, que l'on ne saurait trop se hâter de la faire cesser. Le moyen le plus efficace et le plus prompt est le tamponnement. En
considérant son mode d'action, on voit que ce n'est pas au moyen d'une compression directe qu'il arrête les hémorragies ; mais bien par l'obstruction des issues d'une cavité dans laquelle le sang, se trouvant renfermé, se coagule et s'oppose ainsi à une nouvelle' (''mission du liquide.
Pour pratiquer ce tamponnement, on passe par la narine d'où vient. Je sang soit une sonde de Bellocq, soit une sonde de gomme élastique ou même une baleine. Si l'on a em-ployé la sonde de Bellocq, on en lait sortir le bouton dans la bouche; et pour les autres instrumens, on va chercher avec les doigts leur extrémité au delà du voile du palais et orr la ramène dans la bouche. Dans les deux cas on attache à l'extré-mité buccale de l'instrument un gros fil ciré double, qui, par I autre extrémité, est noué autour d'un fort bourdonnet de charpie; tirant ensuite sur l'extrémité de la sonde placée en dehors de la narine, on rappelle le fil jusqu'au point d'appliquer fortement le bourdonnet contre l'ouverture postérieure de la fosse nasale : séparant ensuite les deux fils sortis au dehors, on place dans leur écartcnient un bourdonnet. semblable au pre-mier; et l'on noue les fils par-dessus, de manière à boucher l'ou-verture nasale antérieure comme on a déjà fait de l'autre. Si, ce qui est rare, le sang venait par les deux narines, on pratiquerait le tamponnement douhle. Enfin, dans les cas où, les tampons étant trop volumineux, le malade éprouverait de la difficulté a respirer par la bouche, on passerait les doigts dans le pharynx, et, repoussant en haut ces tampons, de manière à les aplatir contre l'ouverture nasale postérieure, on donnerait facilement à l'air un passage suffisant à travers l'isthme du gosier.
POLYPES.
On distingue les polypes du nez en : vésiculaires, fibreux, charnus et fongueux. Ces différences de texture entraînent, comme nous le verrons, certaines particularités pour le traite-ment de chacun d'eux.
Historique. Si on remonte à l'origine des moyens de traite-ment des polypes des fosses nasales, on peut se convaincre (pa-les anciens non seulement connaissaient toutes les méthodes usitées de nos jours mais distinguaient encore avec précision les cas dans lesquels tel ou tel procédé mérite d'être préfère. Hippocrate trace le premier la distinction des polypes mous et des polypes durs; il décrit la ligature et la cautérisation pour les premiers, et détruit les seconds au moyen d'un 1er rouge. L'école d'Alexandrie perfectionne ces deux méthodes; elle insiste prin-cipalement sur la cautérisation, et invente une fini le de compo-sitions caustiques et d'autres dessiccatives: d'où naît le traitement par exsiccation du polype. Plus tard le nombre des caustiques se multiplie encore, et la cautérisation est presque exclusive-ment mise en usage par Archigènes, Galien, Aétius, Alexandre de Tralles, et Jean Actuarius, qui vantent chacun une foule de remèdes cathérétiques. Cependant, à une époque un peu anté-rieure, Celse dit, incidemment, que le polype nasal peut être guéri, par Xexcision, au moyen de l'instrument tranchant. En-fin Paul d'Égine invente un instrument particulier, cijtaôtov JtOAUTtiOV, muni, à l'une de ses extrémités, d'un ciseau destiné à exciser les polypes durs; car cet au teur réserve la cautérisation pour les polypes de mauvais caractère, et il décrit, du reste, la ligature comme elle est dans les livres hippocratiques. Les Arabes ajoutent peu à ce que les Grecs avaient enseigné, seulementRha-zès pratique X arrachement du polype en passant une anse de fil autour de sa base : plus tard ce même chirurgien propose de scier le polype avec un fil garni de nœuds. Presque tous les écrivains du moyen âge se contentent de répéter ce qui se trouve dans les Grecs. Ce n'est qu'au seizième siècle «pie commence l'époque du perfectionnement. Aranzi invente une pince à longue branche pour l'arrachement. Fallope, à son tour, modifie heureusement la ligature; il imagine le serre-nœud et substitue un fil métallique aux fils de lin d'Hippocrate. Plus tard Brtuius et Gechlin vantent les effets du selon et des exutoires, qui avaient déjà été conseillés parles Arabes et les anciens. Manne, chirurgien d'Avignon, pro-pose de fendre le voile du palais, dans le cas où le polype est si-tué tellement en arrière qu'on ne peut l'atteindre ni par le nez ni par la bouche. Telles sont, à cette époque, toutes les mé-thodes de traitement des polypes introduites dans Je domaine de la chirurgie, où quelques-unes seulement ont prévalu; car, si nous suivons leurs progrès jusqu'à nos jours, nous voyons Heister, Garengeot, Ledran, Sharp, Levret, Desault, Flajani, etc., perfectionner successivement la cautérisation, la torsion, Xarra-chement et la ligature, à l'exclusion presque entière de Xexsic-cation, du selon et de la compression, qui sont aujourd'hui com-plètement abandonnés.
CAUTÉRISATION. Les deux formes sous lesquelles on l'opère ont partagé, à divers temps, l'assentiment des chirurgiens. Après Hippocrate, qui se servait du cautère actuel, les médecins qui lui ont succédé dans l'antiquité paraissent avoir toujours préféré les caustiques. Philoxènc avait recours à l'arsenic et aux acétate et sulfate de cuivre, Antipater au cinabre, Archigènes aux oxides de plomb, à la chaux vive et à la potasse. Au moyen âge, les Arabes reprennent le fer rouge, qu'ils appliquent fort mal à propos sur le front, croyant ainsi guérir les polypes; mais Roland de Parme, mieux inspiré, le porte sur le mal au travers d'une canule. A la renaissance, A. Paré fait usage des acides nitrique et sulfurique. Plus tard D. Sacchi et P. de Marchettis reviennent au cautère actuel, et, dans un cas, ce dernier en réitère l'appli-cation pendant vingt jours consécutifs. Dans le siècle dernier, Purmann, Richter et Acrel cautérisent avec un fil de fer rougi à blanc, introduit par une canule conductrice, garnie elle-même d'un linge mouillé. Dun autre côté Garengeot fait un fréquent usage de beurre d'antimoine, déjà anciennement connu. Avant de s'en servir il étale un emplâtre sur la surface correspondante de la fosse nasale, pour en empêcher l'érosion. Enfin, de nos jours, outre le chlorure d'antimoine et les acides concentrés, on a mis eu usage les nitrates d'argent et de mercure.
Procédés opéra loir es.
i" Caustiques et cathérétiques. Pour toucher le polype ou sa racine avec les caustiques liquides, en iinhiber une mèche ou tente de charpie en forme de pinceau, ou mieux un pinceau même, que l'on présente à l'extrémité d'un tube conducteur, afin de n'agir «pue sur la surface voulue. Après l'action opérée, laver et absterger, pour éteindre la substance corrosive, et l'em-pêcher de se répandre sur les parties saines au voisinage du polype. Cette application, qui doit être réitérée à plusieurs reprises, et, dans certains cas, l'a été chaque jour, pendant plusieurs semaines, montre tout le vice d'une méthode où l'irritation produite appelle l'inflammation sur les parties voisines, et tend, le plus souvent, à activer le développement du polype avec une intensité supérieure à la destruction opérée par le caustique.
Procédé de Jensch. Il a été publié, en 1827, par M. Wagner, qui est parvenu à l'arrachera son auteur, un obscur médicastrc allemand, et assure en avoir retiré les effets les plus heureux et les plus prompts. Le caustique, évidemment très énergique, à en juger par sa coni position, est formé d'un mélange de chlorure d'antimoine et de nitrate d'argent imbibé d'acide sulfurique. Pour s'en servir, le chirurgien armé d'une épingle longue et forte, dont la tête doit offrir le volume d'un gros pois, charge cette boule métallique de pâte caustique, et la porte immédiate-ment sur la partie saillante du polype. Une injection alumincuse a du être faite une heure avant l'opération, et une autre injection semblable est faite une heure après. La cautérisation doit être récidivée après vingt-quatre heures d'intervalle. L'application est répétée ainsi deux fois au moins et cinq fois au plus, suivant le volume et la nature du polype. Lorsqu'il ne reste plus que quelques débris du pédicule, on se contente de les toucher avec le nitrate d'argent fondu. Après la destruction de la tumeur, les injections néanmoins seront continuées pendant deux mois; et, ajoute le narrateur, pour rendre au malade l'odorat dans son intégrité, on lui prescrit de faire usage, en guise de tabac, de la poudre de napeta (teucrium verum). Tel est le traitement de Jensch, que l'on recommande dans les ouvrages les plus mo-dernes, d'après le témoignage de M. Wagner. Rien ne répugne à croire à son efficacité; toutefois, il n'est pas à notre connaissance que l'essai en ait encore été fait par les chirurgiens français.
20 Cautère actuel. Pour agir dans les fosses nasales, comme dans toutes les cavités profondes, afin de limiter l'action du calo-rique à la partie malade, on se sert d'un cautère droit, terminé par un long renflement olivaire, que l'on introduit au travers d'une canule non-conductrice de bois, ou mieux encore de carton imprégné de poussière de charbon, et environnée elle-même d'un linge mouillé. Mais, comme l'ouverture de la narine, natu-rellement très étroite, ne permet que difficilement l'exploration du polype et l'introduction des instrumens, il convient, préala-blement, pour éviter une incision de l'aile du nez, d'élargir cet orifice, plusieurs jours avant l'opération, par l'emploi de corps dilatans; et lorsqu'on a obtenu un écartement désirable, de s'assurer, avec le spéculum nasi, du volume, du siège et de la profondeur du polype, et de la possibilité d'y atteindre. Ces préliminaires, dans tous les cas, sont toujours indispensables, puisqu'ils servent à asseoir le diagnostic, et font juger si l'opéra-tion est praticable, ou, dans le cas contraire, de la méthode et du procédé opératoires qui doivent lui être préférés. Quant à la cautérisation par la bouche, pour les polypes saillans dans Iarrière-gorge, outre que leur situation permet plus facilement l'emploi des moyens mécaniques, on a renoncé à y appliquer le feu, à cause des accidens nerveux généraux auxquels donne lieu son application, d'après le témoignage de Sabatier corroboré par celui de plusieurs chirurgiens.
Excision. Instrumens. Nous avons vu que les anciens se ser-vaient d'instrumens de section particuliers, en forme de spatule ou de ciseau. J. Fabrice employait une sorte de pince terminée par une double cuiller tranchante. Cet instrument, modifié par Glandorp, Horn et Solingen, a reçu l'approbation de Dionis, Percy et B. Bell, qui le croient utile lorsque le polype faisant saillie dans le pharynx, son pédicule peut être cerné sans trop de difficulté. Dans ces derniers temps, M. Wathely a réhabi-lité à cet usage le bistouri engaîné ou syringotome. Néanmoins, à l'exemple deSacchi, Leciran, Manne et Levret, les chirurgiens
t. VII.
de nos jours, dans les cas rares où ils Croient devoir traiter le polype par excision, se servent ou de ciseaux courbes sur le plat, à longues branches, ou du bistouri ordinaire boutonné, garni de linge jusqu'auprès de sa pointe, et, quant à la forme, droit, concave ou convexe, suivant la direction dans laquelle s'offre le polype, et la forme du trajet par lequel on peut y atteindre.
Procédé opératoire. Aller à la recherche du polype, le disposer préalablement, avec une sonde ou un stylet, de la manière la plus favorable pour en faciliter la préhension, puis le saisir aussi avant que l'on peut entre les mors de la tenette, ou avec une pinec-érigne, et l'amener à portée de la vue pour en faciliter la section avec l'instrument tranchant. Si l'opération se fait par l'une des narines, c'est le cas de pratiquer l'excision avec un bistouri boutonné à lame étroite. Si, au contraire, on agit par la bouche, les longs ciseaux courbes sont préférables.
Procédé de M. Wathely. Ayant à opérer un polype très volu-mineux, dont la base offrait cinq centimètres et demi dans un sens, sur trois centimètres et demi dans l'autre, ce chirurgien glissa d'abord alentour une ligature dont il ramena les deux bouts au dehors; puis confiant l'un des bouts à un aide, il en-gagea l'autre dans une petite virole ajustée à l'extrémité d'un syringotome, et se servit de ce fil comme d'un conducteur pour faire glisser le tranchant engaîné jusque sur le pédicule de la tumeur, dont il put pratiquer l'excision en plusieurs fois.
Torsion. Cette manœuvre est employée seule ou combinée avec l'arrachement dont elle peut être considérée, en théorie, comme un mode, l'une et l'autre ayant pour objet la destruction du polype par rupture. Pour l'opérer, le malade étant assis, en face du jour, la tête renversée en arrière et soutenue par un aide, le chirurgien , avec le pouce et l'indicateur de la main gauche, écarte la narine, et insinue par l'orifice les mors fer-més des tenettes droites. Parvenu sur la tumeur, il ouvre l'in-strument pour y engager le polype et, s'en servant comme d'un conducteur, sans le lâcher, fait glisser les mors sur ses côtés, pour arriver au plus près du pédicule. Puis, fermant les tenettes avec une force proportionnée à la résistance du polype, il leur imprime, d'abord sans traction, un mouvement uniforme de tension, qui roule le pédicule en spirale. Tirant alors à soi, il amène au dehors la portion saisie de la tumeur déchirée à-la-ibis par le double effet de la torsion et de l'arrachement. 11 est rare que l'opération amène d'une première fois la totalité du polype. On recommence alors, autant de fois qu'il est nécessaire pour compléter l'extraction par fragmens.
Arrachement (pl. i5, fig. 1 et 2). Cette méthode, qui a également pour objet d'obtenir la destruction du polype par rupture, se confond très souvent avec la précédente : car, dans la pratique, quand une tumeur est saisie et que le chirurgien fait tous ses efforts pour l'extraire, toute manœuvre qui concourt à l'effet qu'il veut obtenir est raisonnable et légitime; et c'est moins son choix arbitraire que le volume et la résistance du polype, et le plus ou moins de liberté que doune l'espace pour agir, qui décide du nombre, de la combinaison et de la suc-cession des divers monvemeus de lorsionou d'arrachement.
Historique, instrumens. L'arrachement, celle des méthodes qui est la plus employée, est aussi l'une des plus anciennes. Les fils d'Hippocrate, Thessalus et Dracou, le pratiquaient a l'aide
I I
d'un lien préalablement fixé sur le pédicule par une ligature, ïîhazès, parmi les Arabes, a eu recours au même moyen. Au moyeu-âge G. de Salicet employait déjà les pinces ou lenettes, A. Paré et F. d'Aquapendente se servaient de tenettes tran-chantes; mais c'est à une époque beaucoup plus récente;, à Dionis (pie l'on doit d'avoir précisé la forme et l'usage de ces instrumens. Néanmoins, pendant le cours du dernier siècle et jusqu'à nos jours, les chirurgiens ont beaucoup modifié le mé-canisme des tenettes. Sharp démontra, par sa pratique, l'avan-tage des mors courbes; B. Bell, pour augmenter la force de pré-hension du polype, imagina de les percer d'une fente longitu-dinale propre à retenir le tissu qui s'y engage; enfin Richter, pour faciliter l'introduction des branches, les isola, en conver-tissant la tenette en forceps.
L'arrachement peut avoir lieu par trois procédés, à l'aide d'une ligature, avec les doigts, ou avec les tenettes. On le pratique par la narine antérieure, par la narine postérieure, ou par toutes les deux à-la-fois.
i" Avec une ligature (procédé de Théden). Ce n'est autre que le procédé des anciens. Voici en quoi il consiste : porter avec la pince à double anneau de Théden, ou de toute autre manière, autour de la tumeur, une forte ligature avec un cordonnet de soie, fixer la ligature par un serre-nœud ou autrement, amener le lien au dehors et s'en servir pour exercer des tractions sur le polype. Ce procédé, qui ne peut avoir de succès que sur les po-lypes durs, à pédicules étroits, a réussi à Vogcl. Sir. A. Cooper en a fait également usage dans le but de prévenir l'hémorragie, mais il y a renoncé pour les tenettes.
2" Avec les doigts (procédé de Morand). D'une application exceptionnelle, ce procédé suppose également un polype dense à pédicule mince et d'un volume qui n'excède pas celui d'une noix. Pour le pratiquer, introduire le doigt indicateur de chaque main , l'un par la narine antérieure, l'autre par la narine postérieure, et par un mouvement combiné de va-et-vient des deux doigts, qui se chassent l'un à l'autre le polype d'avant en arrière et d'arrière en avant, ébranler, fatiguer et déchirer peu-à-peu son pédicule jusqu'à ce qu'il se rompe; puis l'extraire par l'une ou l'autre ouverture, suivant qu'il offre plus de facilité dans un sens que dans l'autre.
La manœuvre de l'introduction d'un doigt reçoit une appli-cation plus générale en la combinant, comme l'a souvent fait Dupuytren, avec l'emploi des tenettes, pour faciliter le charge-ment du polype et aider à la rupture de son pédicule par la pression du doigt en arrière de l'instrument.
3° Par les tenettes (procédé ordinaire).
Dispositions préparatoires. Si l'on doit opérer par la narine antérieure, pour faciliter les manœuvres et l'introduction des instrumens il est bon, quelques jours avant l'opération, de commencer par dilater la narine par l'emploi de corps dilatans, l'éponge, la racine de gentiane, etc.— Instrumens et appareils. Les instrumens les plus ordinaires sont les tenettes ou pinces à polypes, dont on doit disposer plusieurs paires pour tout cas échéant, à mors plats, denticulés ou fenêtres, à branches fixes ou en forceps; les droites propres à opérer par la narine anté-rieure, et les courbes par la narine postérieure (pl. 19, fig. 1 à 10). En outre on doit avoir une érigne ( fig. 28, 3 1), des pinces de Museux (fig. 37-39), des bistouris droits et boutonnés, des ciseaux plats et courbes; en outre, pour le cas d'hémorragie, un porte-caustique (fig. 12), de la charpie et des bourdonnets saupoudrés de colophane, et, en un mot, tout l'appareil pour le tamponnement des fosses nasales : enfin, pour les lavages, des serviettes, des altv.es, des cuvettes, de l'eau froide et chaude, etc.
Manuel opératoire, () Par la narine antérieure (pl. i5, fig. 1). Le malade estassis en face d'une fenêtre, la tête fixée sur la poitrine d'un aide, les mains contenues par un autre aide, qui les aban-donne de temps à autre pour permettre au patient de se garga-riser : l'opérateur est placé debout devant son malade. Tout étant disposé, écarter les narines avec le pouce et l'indicateur de la main gauche et y introduire les tenettes fermées; puis reconnaître par le toucher de l'instrument le siège, le volume et la direction du polype, ouvrir les pinces et saisir la tumeur le plus près possible de son pédicule. Attirer alors le polype à soi par un mouvement de traction combiné avec une demi-rotation, en procédant avec une lenteur graduée et une force proportionnée à la résistance que l'on éprouve. Si cette résistance est considérable, aider à la traction de l'instrument en le faisant basculer sur l'indicateur gauche à la manière d'un levier du premier genre. Dès que le polype, en s allongeant, vient sortir au dehors de la narine, sans lâcher la première pince en glisser eu dessous une seconde, pour saisir plus loin son pédicule, et, au besoin, faire succéder une troisième pince à la seconde. On parvient ainsi peu-à-peu à rompre la racine du polype ou à l'attirer à l'orifice de la narine, où on peut l'exciser si elle avait résisté, par son allongement, à tous les efforts de traction.
Si, dans ces manœuvres, le frottement déterminé par le vo-lume trop considérable du polype cause une forte résistance, de telle sorte que la tumeur soit comme enclavée, deux manoeuvres peuvent être employées : on aide à la force de traction en fixant près de leur articulation, avec les doigts de la main gauche, les branches tenues par les doigts de la main droite, mode opé-ratoire qui est surtout utile pour augmenter la fixité de l'instru-ment dans les mouvemens de torsion ; ou bien c'est le cas de porter par la bouche ou de faire porter par un aide le doigt in-dicateur par la narine postérieure, pour aider, autant qu'on peut y atteindre, à chasser le polype en avant. S'il se déchire par l'effet des manœuvres, il faut réitérer l'introduction des tenettes pour tâcher d'enlever toute la tumeur par fragiuens. Dans le cas où l'étroitesse de la narine apporte un double ob-stacle et à l'introduction des tenettes et à la sortie d'un polype dur et très volumineux on se sert de la pince en forceps, dont les mors sont glissés lun après l'autre; et, quant à l'autre point, sans lâcher les tenettes, que l'on fait tenir momentanément par un aide, on augmente l'écartement de la narine en pratiquant une incision, en dehors, clans le sillon labial de l'aile du nez, comme l'a fait Dupuytren dont l'exemple a été suivi avec succès par MM. Serre et Velpeau.
(b) Par la narine postérieure (pl. i5,fig. 2). Lorsqu'un po-lype situé en arrière fait saillie derrière le voile du palais, dans le pharynx , sa position rend plus facile l'extraction par la bouche. On emploie à cet effet des tenettes courbes dont les mors ont une longueur proportionnée à celle de la tumeur à saisir. L'instrument tenu de la main droite, le doigt indicateur gauche sert à-la-fois de guide et de point d'appui pour at-teindre et saisir ce polype. Dans ce mode opératoire l'effort se réduit à une traction, la courbure des tenettes sur le côté ou sur le plat, ne permettant pas d'exercer la torsion. Si le
polype est assez volumineux pour brider le voile du palais, rétrécir l'isthme du pharynx et gêner la manœuvré opératoire, ou s'il s'implante assez avant dans les fosses nasales pour qu'il soit impossible d'en atteindre la racine avec les mors de la pince, on doit sans hésiter fendre le voile du palais à quelques millimètres de la luette, où les artères ont le moindre volume. Cette section facile à pratiquer, soit avec des ciseaux courbes, soit avec le bistouri boutonné droit ou concave, offre le double avantage de dégager le polype et de permettre de remonter beaucoup plus loin sur sa racine. Signalée par Ilippocrate,pres-crite par G. deCbaulieu etGarengeot, employée par Loyseau et Petit, c'est à tort qu'on l'attribue à Manne. Huermànn, Morand, et tout récemment M. Velpeau, y ont eu recours également avec succès. Le débridement opéré, il est facile de saisir et d'arracher le polype, soit en entier, soit par fragmens, avec les pinces ou les doigts, ou de l'exciser avec les ciseaux, le bistouri ou les tenailles tranchantes de M. A. Severin.
(c) Par les deux narines, nasale et pharyngée. Enfin il se rencontre des circonstances où le jaolype, remplissant la fosse nasale et se moulant sur ses anfractuosités, pénètre , par des prolongeuiens, soit dans le sinus maxillaire (Velpeau), dans la fosse zygomatique et «à travers le trou sphéno-palatin (Blandin, Cazenave), soit dans toutes les issues à-la-fois (Dupuytren), et même, par érosion et refoulement des os, se crée des voies nouvelles dans la fosse ptérygo-maxillaire (DelGiseco), à la voûte palatine (Janson), dans l'intérieur de l'orbite et du crâne (Hoffmann), et en général dans toutes les directions. Pour ces cas embarrassans, et afin d'éviter la résection même de l'os maxil-laire, comme dans le polype sarcomateux du sinus de cet os, vu l'impossibilité de saisir et d'ébranler une masse sertie ou, en quelque sorte, articulée dans la fosse nasale, on peut, à l'exemple de Dupuytren, auquel je l'ai vu pratiquer une fois, enlever préalablement par excision la portion moyenne du polype. A l'aide du vide obtenu il devient possible d'introduire les tenettes et d'extraire la tumeur par fragmens alternativement par Tune et l'autre narine. Dans un cas semblable, M. Chaumet de Bor-deaux est parvenu également à extraire en entier un énorme po-lype en partie par la narine antérieure et en partie par la narine postérieure. En résumé, c'est en pareille circonstance que le chi-rurgien, s'inspirant de lui-même, est légitimé à emprunter un peu à chaque procédé, suivant l'objet à remplir, et à faire usage de tous les moyens.
Au reste, quel que soit le procédé d'arrachement auquel on ait recours , il est utile, pendant la durée des manœuvres , d'en suspendre le cours par intervalle, lorsque le malade est fatigué, pour absterger et laver la cavité nasale et la bouche, et donner le temps au malade de respirer et reprendre un peu de calme. En cas d'hémorragie, toute manœuvre doit être interrompue jusqu'à ce qu'on se soit rendu maître du cours du sang par tous les moyens. Cet accident et la syncope forcent même quelquefois à remettre la fin de l'opération à un autre jour.
Ligature. Cette méthode, aussi fréquemment employée que la précédente, a pour objet de déterminer la chute du polype par la striction circulaire d'un fil soit végétal soit métallique. La li-gature est décrite dès la plus haute antiquité; mais elle ne figure encore chez les Grecs et les Arabes que comme un moyen auxi-liaire de l'excision et de l'arrachement. A la renaissance, G. Fal-lope la pratiquait avec un fil de fer dont il portait, autour de la tumeur, l'anse dont les extrémités étaient renfermées dans une canule. Glandorp se servait d une aiguille courbe percée d'un chas qu'il introduisait garnie d'un cordonnet de soie. Mais c'est à partir du siècle dernier que se sont multipliés les procédés de ligature; et cet élan s'est continué jusqu'à nos jours avec une telle complication dans le détail des manœuvres et sur-tout dans le nombre et l'emploi des instruinens qui en constituent les diffé-rences, qu'il est très difficile d'en offrir une exposition claire et méthodique.
Les manœuvres qui ont pour objet la ligature se composent de deux temps : mettre la ligature en place, et déterminer la constriction permanente du fil. La première se pratique avec les porte-ligatures, la seconde avec les serre-nœuds; quelques in-struinens, par leur conformation, tels que les canules doubles empruntées de celle de Fallope, remplissent à-la-fois ces deux in-dications. Quoique ces deux temps classent pour ainsi dire les manœuvres en deux groupes analogues ou différons par le dé-tail, nous les réunirons néanmoins à chaque procédé pour évi-ter ou les oublis ou les répétitions.
Procédés de Levret. — Premier procède. L'anse d'un fil d'argent est glissée préalablement avec une sonde autour du polype, puis ses deux chefs sont passés au travers et fixés à l'extrémité d'un instrument composé de deux tubes parallèles soudés entre eux. C'est en réalité le procédé de Fallope, seulement avec une canule double. Ultérieurement Levret et Palucci ont employé une ca-nule simple dont le bec était divisé en deux par une goupille. — Second procédé. Pour atteindre les polypes situés profondément. Levret avait recours à un porte-ligature semblable à celui de Théden, c'est-à-dire formé par une pince dont les branches se terminent par deux anneaux qui reçoivent le fil (pl. 19, fig.
Procédé de Brasdor. Faire glisser dans la fosse nasale un fil d'argent recuit, ployé en double, de manière à offrir une anse libre en arrière dans le pharynx. Attacher à cette anse, par la bouche, un fil végétal, puis ramener les chefs du fil d'argent par la narine, et, avec l'indicateur glissé de bas en haut par la bouche, tâcher de gouverner l'anse métallique pour lui faire em-brasser la racine du polype. Si la manœuvre manque son objet, rappeler l'anse métallique en arrière, en tirant sur le fil végétal laissé pendant au dehors de la bouche, et recommencer ainsi jusqu'à ce que le polype soit embrassé par l'anse. Dès qu'on y a réussi, glisser les chefs du fil d'argent dans un serre-nœud, les fixer à son extrémité et les tordre de manière à étrangler le pédi-cule du polype. Ce procédé, qui facilitait la préhension du po-lype par le jeu facile d'une anse rigide et inflexible, est très su-périeur à ceux de Levret, et n'a été que très peu modifié par Dcsault et Ant, Dubois.
Sous-procédés imités de Brasdor. —Sous-procédé de Desault. Ce grand chirurgien a varié le procédé de Brasdor de plusieurs ma-nières , dont voici la meilleure. Porter avec une bougie, ou mieux avec une sonde flexible, de la narine dans l'arrière-gorge, l'anse d'un fil dont les chefs enroulés autour du conducteur, si c'est une tige pleine, ou, ce qui est préférable, renfermés dans la cavité, si c'est un tube, appendent au dehors du nez. Dès que l'anse est visible sous le voile du palais, la saisir avec le doigt ou un crochet, l'amener à l'extérieur par la bouche, et y attacher, comme le faisait Brasdor, un fil destiné à la rappeler vers le pha-rynx à chaque tentative manquée. Tirer ensuite d'une main les chefs de la ligature restés dans les fosses nasales et, en suivant l'ascension de l'anse avec deux doigts de l'autre main portés dans
Il OPÉRATIONS
la bouche, la maintenir écartée et la conduire, en doublant le voile du palais, aussi loin que l'on peut sur la racine du polype. Si cette manœuvre ne réussit pas, rappeler l'anse dans le pha-rynx, en tirant sur le fil resté dans la bouche, et recommencer jusqu'à ce que la racine du polype soit embrassée par la ligature. Dès qu'on y est parvenu, engager les deux extrémités libres de la ligature dans Panneau serre-nœud (pl. 19, fig- 14)s faire glis-ser celui-ci sur le pédicule du polype en tirant sur la ligature de manière à l'étrangler circulairemcnt, fixer les fils tendus clans la fente de la plaque restée au dehors et maintenir cette dernière immobile en l'attachant par un lien au bonnet du malade. A mesure que la section s'opère, on en suit les progrès en augmen-tant chaque jour la striction ; huit à dix jours suffisent ordinai-rement, pour déterminer la chute du polype.
L'inconvénient du fil employé par Desault était de ne fournir qu'une anse molle et lâche, très difficile à guider et à maintenir écartée. Boyer y suppléait imparfaitement en employant au lieu de fil une corde à boyau. C'est surtout dans la modification ap-portée à cette partie de l'appareil que consiste le procédé suivant.
Sous-procédé d'Ant. Dubois (pl. t5 fig. 3). D après ce qui pré-cède, nous voyons que la principale difficulté de la ligature con-siste à embrasser avec le lien le pédicule du polype. Le procédé d'Ant. Dubois, emprunté de ceux de Brasdor et Desault, pré-sente, sous ce rapport, une légère amélioration, mais il est néanmoins bien loin do pouvoir rivaliser avec les porte-ligatu-res imaginés plus récemment. Toutefois, par cela même qu'il n'exige aucun instrument particulier et qu'on peut trouver par-tout les objets propres à le pratiquer, il est bon de le connaître en détail.
Un gros fil de chanvre fort et résistant ou un cordonnet de soie pour la ligature, deux autres fils dont l'un coloré, une sonde et un bout de sonde long de deux à huit centimètres, tels sont, avec le porte-nœud, les objets nécessaires.
Le bout de sonde flexible, destiné à maintenir écartée l'anse de ligature, est glissé au milieu du fil qui doit y servir; le fil de cou-leur est attaché à l'une de ses extrémités et l'autre fil au milieu, comme dans le procédé de Brasdor. Tout étant disposé, glisser la sonde par la narine dans la fosse nasale et aller en saisir l'ex-trémité sous le voile du palais pour l'amener dans la bouche; y attacher les deux chefs de la ligature et celui du fil coloré : en retirant à soi, on ramène de la bouche clans la fosse na-sale, et par la narine, la sonde avec les trois fils qu'elle entraîne, puis on détache ces fils et on dépose le tube devenu inutile. Les trois fils pendant au dehors, en tirant dessus d'une main on remonte l'anse qu'ils forment à l'autre bout, avec son bout de sonde ou sa canule protectrice, de la bouche vers le voile du pa-lais. A mesure que ce mouvement s'effectue, il s'agit, avec le doigt indicateur de l'autre main, de guider en arrière et au-dessus du voile du palais l'anse ouverte, pour lui faire embrasser le pédi-cule du polype. Dans cette manœuvre, le chef du fil coloré, au dehors de la narine, sert, coïncidemmentavec le doigt en arrière, à faire glisser au besoin, clans un sens ou dans l'autre, la canule qui forme l'anse. Si l'on franchit le pédicule sans l'avoir em-brassé, comme nous le savons déjà on rappelle l'anse vers le pharynx en tirant sur le fil attaché au milieu de la canule et dont le chef pend au-dessous par la bouche. Lorsqu'enfin, par la réitération des manœuvres, le polype se trouve embrassé, on coupe le chef de fil buccal, et, en tirant sur le fil coloré, on amène à l'extérieur, par la narine, en glissant sur l'un des chefs de la ligature, comme conducteur, la canule avec le fragment
GÉNÉRALES.
de fil buccal qu'elle entraîne. Enfin la ligature qui embrasse le * polype restant seule en place, il ne s'agit plus que de glisser et fixer le serre-nœud comme nous l'avons indiqué précédemment.
Procédé de M. Biqaud. La manière de cerner le polype avec l'anse delà ligature, dans le procédé de Brasdor, laissait encore beaucoup à désirer; la sonde conductrice de Desault n'offre qu'une manœuvre difficile et incertaine, et la canule d'Ant. Dubois obéit mal et se déplace facilement, dans un sens ou dans l'autre : M. Bigaud, en imaginant le premier, en 1829, un porte-ligature, a établi un progrès remarquable, et son exemple a été suivi avec empressement par tous les jeunes chirurgiens. L'in-strument de M. Bigaud, qu'il appelle polypodornc, se compose de trois tiges d'acier renfermées dans une canule, courbées en arc à leur bout libre, et susceptibles de s'avancer ou de reculer ensemble ou isolément. Leur extrémité est percée d'un petit an-neau, dit œil-d'oiseau, formé de deux segmens élastiques séparés par une petite fente. Dans ces anneaux est passée à demeure l'anse de la ligature qu'ils déterminent par leur écartement. A l'aide d'une soncle de Bellocq glissée dans la fosse nasale comme pour le tamponnement, on va chercher les chefs de la ligature dans la bouche; dès qu'ils sont amenés au dehors de la narine, à me-sure qu'on tire dessus on suit le mouvement avec le porte-liga-ture qui contourne le voile du palais et vient s'appliquer der-rière la racine du polype. Parvenu à ce point; en tirant plus fort sur les chefs, le fil contenu clans les anneaux s'échappe par les fentes et vient embrasser circulairemcnt le pédicule du polype. Rien de plus simple que ce mécanisme, qui manque rarement son effet.
Sous-procédés imités de M. Ricjaud. Ce ne sont plus que des modifications fondées sur la conformation et le mécanisme d'in-strumens au fond peu différens. Tous réunissent les mêmes conditions, sont courbés, terminés en disque et garnis de cro-chets ou de trous pour retenir au fond la ligature. M. Félix Hatin (t83o) est le premier en date (pl. 1 5, fig. 4)- Son instrument se compose de trois lames d'acier dont les deux latérales sont mo-biles par un pas de vis sur la portion médiane, de manière que le porte-ligature peut être à volonté ouvert (pl. 19, fig. 20 bis) ou fermé (fig. 20). Cet instrumenta en sa laveur d'avoir été employé un grand nombre de fois par des chirurgiens distingués; mais il est évident aussi (pie les autres réussiraient également : l'avantage dans cette question étant dû à l'invention même d'un porte-liga-ture. Cet instrument, du reste, nous paraît offrir l'inconvénient d'être trop large à son extrémité, même étant fermé; de sorte qu'il ne peut franchir, au besoin, l'ouverture naso-pbaryngée pour pénétrer dans la fosse nasale. Nous en dirons autant du disque du porte-ligature de M. Leroy d'Etiolles (fig. 23 et 2 3 bis). Celui de M. Blandin, dont les trois branches s'écartent et se rappro-chent à volonté, nous paraît préférable sous ce rapport, l'instru-ment pouvant, ouvert, offrir toute la dilatation désirable (fig. 21), ou se réduire étant fermé (20 bis) à une étroitesse qui en permet partout l'introduction.
Une ibis la ligature en place, le choix du serre-nœud n'est point à négliger. Il existe une grande variété de ces instruinens (fig. 14 à 1 g); mais le plus commode, sans contredit, est le serre-nœud en chapelet de Roclerick ou de M. Mayor (fig. 17), que sa flexi-bilité rend susceptible de se prêter à toutes les combinaisons au travers de trajets irréguliers.
PnÉCAUTIONS DERNIÈRES. Quelle (pie soit la méthode a laquelle
on ait eu recours, torsion, arrachement ou ligature, après l'abla-tion ou la chute du polype on doit s'assurer du résultat obtenu. Si, bouchant la narine du côté sain, et faisant renifler le malade parla narine du côté malade, l'air paraît traverser avec facilité la fosse nasale, c'est un indice que l'opération a réussi à enlever la presque totalité de la racine, le seul résultat auquel on puisse prétendre; car il est impossible qu'il n'en reste pas quelques fragmens. Cette condition désavantageuse doit rendre le chirur-gien circonspect à prédire une guérison définitive dont l'obten-tion est si rare, mais elle ne doit pas le décourager d'opérer; car si la répullulation est d'autant plus à craindre et d'autant plus prompte que les fragmens abandonnés sont plus considérables, on ne peut cependant se dissimuler que dans le cas même où il serait possible de ne laisser aucun rudiment du polype sa repro-duction devrait encore être prévue sous l'action de la cause, presque toujours inconnue, qui en a primitivement amené le développement.
Appréciation des méthodes curatives des polypes des fosses nasales.
La cautérisation, dont les phases ont été si diverses, aurait besoin d'être encore expérimentée de nos jours, pour que l'on pût être à même d'en porter un jugement définitif. Ses diffi-cultés la restreindront toujours aux points dont l'accès est le plus facile; mais, dans les cas où elle serait applicable, il semble, surtout si les résultats de M. Wagner se confirment, que, comme moyen auxiliaire, elle devrait servir mieux que tout autre moyen à détruire les racines du polype après l'emploi des autres mé-thodes. La torsion simple convient spécialement pour les polypes muqueux, très mous, qui se déchirent facilement en laissant leur racine, la partie la plus résistante. Vexcision en elle-même est, en théorie, une méthode excellente, et, suivie de la cauté-risation, elle serait la seule que l'on pût considérer comme véri-tablement curative; mais son emploi est borné aux cas où la racine du polype est accessible à la vue et au toucher par l'une ou l'autre narine, antérieure ou postérieure. L'arrachement et la ligature sont le plus généralement employés, en ce qu'ils s'appli-quent à peu près à tous les cas : le premier pour les polypes voisins de la narine nasale, et la seconde pour ceux qui font saillie par la narine pharyngée. Ces deux méthodes, auxquelles il faut ajouter l'excision, s'appliquent aux polypes durs; mais, nous le répétons, pour que leur emploi pût être réellement cu-ratif il serait à désirer que l'on y adjoignît la cautérisation.
Cathétérisme et perforation des sinus.
Anatomie opératoire des sinus frontal et maxillaire.
Annexés à chacune des fosses nasales, le sinus maxillaire et le sinus frontal correspondant sont ouverts par deux orifices béants, contigus et distincts, dans le méat moyen, au-dessous du cornet de ce nom, à quatre centimètres et demi (un pouce et demi) de l'ouverture antérieure des narines. Le voisinage de ces deux ori-fices nous explique comment un polype ou une autre tumeur développés dans ce point peuvent les comprimer et amener à la fois l'oblitération des deux sinus. L'orifice du sinus frontal regarde obliquement en haut et en avant, et se continue dans cette direction avec une espèce de canal infundibuliforme qui traverse les cellules ethmoïdales antérieures et qui peut-être se-rait susceptible du cathétérisme si l'occasion s en présentait. L'o-rifice du sinus maxillaire regarde directement en dehors, et t. vu.
s'ouvre immédiatement dans la cavité du sinus; le contour de cette ouverture est constitué par la membrane muqueuse, qui rétrécit considérablement la vaste échancrure qu'on remarque sur le squelette. Tapissés par une continuation de la muqueuse pituitaire, nous concevons que les sinus frontaux et maxillaires puissent participer aux maladies des fosses nasales et réciproque-ment.
Sinus frontaux. D'autant plus développés que le sujet est plus avancé en âge, les sinus frontaux sont creusés dans l'apophyse orhitaire interne du frontal; ils se prolongent quelquefois assez loin dans le diploé de cet os, au point d'arriver, dans certains cas, jusqu'à l'apophyse orhitaire externe. Une cloison médiane, as-sez irrégulière et souvent incomplète, sépare les deux sinus. Ils sont accessibles pardeux parois : maisl'antérieure ou frontale, que recouvre la racine du sourcil, offre trop d'épaisseur; tandis que l'inférieure ou orhitaire permettrait, en raison de sa fragilité, de pénétrer facilement dans la cavité du sinus, si l'on n'avait à craindre la lésion de la branche frontale du nerf ophthalmique de Willis et du rameau artériel qui viennent se dégager par le trou sus-orbitaire.
Sinus maxillaire. Situé dans la mâchoire supérieure, le sinus maxillaire suit, dans son développement, les mêmes lois que les autres cavités olfactives. Au point de vue opératoire, on peut lui considérer quatre parois. i° La paroi interne ou nasale, con-stituée par la face externe des fosses nasales, ne commence qu'à treize millimètres (six lignes) en arrière du rebord osseux de l'o-rifice nasal antérieur, au delà du canal nasal et de l'apophyse montante. Cette paroi, remarquable par son peu d'épaisseur, est divisée par le cornet inférieur en deux portions : l'une au-dessous, qui constitue le méat inférieur; l'autre au-dessus, qui forme le méatmoyenau sommetduquel, comme nous l'avons vu, se rencon-tre l'ouverture du sinus maxillaire qui est comme cachée sous le cornet ethmoïdal. 2° La paroi supérieure ou orbitaire constitue; le plancher de l'orbite ; elle offre peu de résistance, surtout en arrière, et est parcourue par les vaisseaux et nerfs sous-orbitaires. 3° La paroi externe ou génienne est plus étendue et offre une plus grande épaisseur que les deux précédentes; elle est divisée en deux portions par la racine de l'apophyse malaire : au-devant d'elle se trouve la fosse canine, qui correspond au point le plus aminci de la paroi, à treize millimètres environ (six lignes) au-dessus des deux petites molaires. 4° La paroi inférieure ou al-véolaire est très rétrécie et répond au bord alvéolaire de l'os; les deux alvéoles de la première et de la seconde grosses molai-res, situées au point le plus déclive dusinus, pénètrent assez sou-vent dans sa cavité, dont la muqueuse seule les sépare.
Lorsque le sinus maxillaire est distendu par une tumeur ou par un kyste, les parois orbitaire et nasale se dévient les pre-mières comme étant les plus minces : cette dernière peut aller j usqu'à repousser la cloison nasale de l'autre côté. Mais bientôt la paroi antérieure faisant saillie sous la joue, et la paroi infé-rieure envahissant la voûte palatine, participent également à la dilatation générale des sinus.
Perforation des sinus frontaux (pl. 16, fig. 5). Les abcès des si-nus frontaux s'ouvrent facilement dans le nez; les polypes qui s'y développent quelquefois tendent naturellement à se porter dans les fosses nasales, où il devient alors possible de les saisir et de les extraire (Heister) : c'est donc seulement dans les cas où le sinus ne communique plus avec les narines, qu'il convient
d'en pratiquer la perforation à l'aide d'une petite couronne de trépan ou d'un perforatif.
Lorsqu'il n'existe rien à l'extérieur qui indique d'ouvrir le si-nus dans un point plutôt que dans un antre, il convient, sui-vant le conseil de M. Velpeau, de découvrir l'os au-dessous du sourcil, entre l'échancrure sus-orbitaire et la racine du nez, c'est dans ce point qu'on perforerait le frontal en dirigeant la petite couronne de trépan ou le perforatif de Desault en arrière, en haut et en dedans. Ce procédé, qu'on pourrait appeler pro-cédé d'élection, nous paraît réunir tous les avantages : i° on at-taque le sinus par sa paroi la plus milice, et on obtient, une ou-verture; placée au point le plus déclive de sa cavité ; 2° on n'a pas à craindre la lésion des vaisseaux et nerfs sus-orbitaircs.
Mais souvent il existedéjà des ouvertures fistuleuses qu'il suffit d'agrandir pour diriger des injections dans les sinus ou pour en extraire les corps étrangers qui s'y trouveraient retenus. C'est ainsi que, tout récemment, M. Bégin a opéré au Val-de-Grâce, chez un malade qui depuis long-temps portait une fistule de ce genre à la partie supérieure et interne de l'orbite.
Les ouvertures résultant de la perforation des sinus frontaux se transforment en fistules regardées comme incurables par beaucoup d'auteurs, à cause du passage de l'air du sinus dans les narines; cependant aujourd'hui un assez bon nombre de faits permettent d'espérer la cicatrisation de ces fistules à l'aide îles procédés généraux dautoplastique. 11 est nécessaire toutefois, avant d'en venir là, de rétablir la communication entre le sinus et le nez, que nous avons supposé ne plus exister.
Calnélérisme du sinus maxillaire.
Cette opération est indiquée toutes les fois que le sinus maxil-laire est distendu par une accumulation de liquide; c'est pour un fait de ce genre que Jourdain l'a pratiquée sur une femme chez laquelle avaient échoué plusieurs tentatives de perforation, à cause des vives douleurs qu'elles excitaient. A cet effet Jour-dain employa une sonde creuse du calibre de celles qui servent à sonder le canal nasal, mais plus longue de cinq à six centimè-tres (deux pouces) et moins recourbée.
Procédé de Jourdain, La malade assise dans un fauteuil, et la tête maintenue renversée en arrière: l'opérateur introduisit la sonde dans la narine correspondant au côté affecté , porta la partie la plus déliée au-dessous du cornet moyen ; et ayant senti dans ce point une espèce de repli formé par la membrane pi-tuitaire, il éleva un peu le poignet en appuyant sur la paroi du sinus par laquelle il pénétra.
L'orifice naturel était en effet oblitéré comme cela arrive dans les cas de rétention. La sonde une fois introduite fut maintenue à demeure jusqu'au lendemain, et servit à faire écouler ce que contenait le sinus et en même temps à y diriger des injections ap-propriées. Alors le chirurgien l'enleva et fit moucher la malade, qui expulsa une grande quantité de mucus. On réitéra le calhc-térisme et. les injections jusqu'à la guérison, qui fut complète au bout de six semaines.
M. Matgaigne, se Luisant sur l'anatomie, propose un procédé plus régulier, qui consiste à diriger la soude obliquement en haut, en arrière et au-dessous du cornet moyen, de manière à pénétrera quatre centimètres et demi (un pouce et demi) envi-ron de profondeur, et au niveau du pli supérieur de lailc du nez. En glissant alors doucement le bec de la sonde sous le cor-net moyen on arrive naturellement à l'orifice, et un mouve-ment de rotation achève de faire pénétrer la sonde dans le sinus. Mais remarquons (pie dans les cas de distension du sinus maxil-laire son orifice est le plus souventoblitéré, ou que la déviation de ses parois a détruit les rapports normaux des parties. 11 est alors beaucoup plus simple et sans aucun inconvénient de pratiquer artificiellement une ouverture en poussant avec force le bce.de la sonde à travers la muqueuse ou même à travers la lame os-seuse peu résistante qui forme la paroi interne du sinus. Ce dernier cas rentre, comme nous le verrons, dans les procèdes de perforation. Cependant s'il était possible de distinguer la présence de vers ou d'insectes clans l'antre d'I lyglunore, on pour-rait tenter de les expulser ou de les dissoudre par des injections; et alors le procédé de M. Malgaignc trouverait une heureuse application.
Perforation du sinus maxillaire.
Les hydropisies, les abcès, les fongus, les tumeurs fibreuses ou carcinomateuses, les polypes, la nécrose et la carie, telles sont les maladies qui réclament le plus ordinairement la perforation du sinus maxillaire. On peut l'attaquer par ses quatre parois, et on y parvient par la bouche, par le nez ou par la joue.
Par la bouche.
i0 Perforation des alvéoles (méthode de Meïbomius) (pl. 16, fig. 6). Attribuée à tort à Meïbomi us, puisque long-temps avant lui Zwin-ger l'avait mise en pratique pour guérir une carie de l'os maxillaire; cette méthode a depuis été perfectionnée par Huermànn, Richter et Desault. L'opération consiste à extraire une ou plusieurs dents, et à pénétrer clans le sinus à travers l'alvéole à l'aide du trocart de Richter ou du trépan perforatif de Desault. Dans le cas d'ou-verture insuffisante, Zwinger a dilaté l'alvéole avec l'éponge pré-parée. Vanuessen ne parvint à extraire un polype qu'après avoir agrandi plusieurs alvéoles à l'aide du fer rouge. Si l'on veut em-pêcher l'ouverture de se fermer, afin de réitérer les injections dans le sinus, B. Bell place clans l'alvéole un bouchon de bois pour prévenir l'introduction de parcelles d'alimens; Huermànn veut, au contraire, qu'on y place une petite canule à demeure.
Les auteurs varient beaucoup sur le choix de la dent à extraire. Juncker conseille d'arracher la première ou la deuxième molaire; Cheseldcn préfère la troisième ou la quatrième : Bordenavc, remarquant que toutes les molaires, à l'exception de la première, correspondent au sinus, en conclut que lorsqu'il y a une dent molaire cariée, c'est celle-là qu'il faut arracher; et que si elles sont toutes également saines, c'est la troisième qu'il convient d'extraire. M. Malgaigne choisit la seconde petite molaire comme plus près du sinus que la première et servant moins à la masti-cation que les deux autres. Pour les quatre dernières molaires on doit faire agir le perforateur directement de bas en haut, tandis qu'il sera nécessaire de l'incliner un peu en haut et en arrière pour la première.
La méthode de Meïbomi us, offrant l'avantage de pratiquer l'ouverture sur la paroi la plus déclive du sinus, doit être pré-férée clans les cas d'hydropisie ou d'abcès, et lorsque le sinus n'est pas trop déformé.
2° Perforation de la paroi externe (méthode Lamorier) (pl. 16, fig. 7). 11 s'agit de pénétrer dans le sinus maxillaire immédiate-ment au-dessous de l'apophyse jugale, entre la pommette et la troisième dent molaire. Four cela, un aide tire l'angle labial en
arrière et en haut au moyen d'un crochet mousse où \aù\ sim-plement avec le doigt. Il suffit alors d'inciser la membrane fibro-muqueuse qui recouvre la mâchoire au fond de la rainure maxillo-labiale; avec une tréphine ou un fort scalpel à pointe solide on perfore l'os, dont on agrandit ensuite l'ouverture autant qu'on le juge convenable.
Desault préfère attaquer le sinus par la fosse canine, ou la paroi est plus mince. Au lieu du trocart, du perforatif ou de la tré-phine, il est plus simple, comme dans le cas précédent, de se servir d'un fort scalpel fixé sur son manche. L'opérateur, ayant dénudé l'os par une incision préalable au-dessus de la gencive, fait pénétrer son scalpel en le tournant quatre ou cinq fois sur son axe, pour donnera l'ouverture une étendue suffisante. On termine alors en y plaçant une tente de charpie.
Lorsque les dents sont saines, ce procédé peut remplacer avec avantage la perforation des alvéoles ; mais il lui devient incon-testablement préférable si l'on a affaire à des polypes ou à des fongus qui ont fortement distendu le sinus maxillaire. En effet, on a la possibilité de faire une large ouverture, dirigée d'avant en arrière, avec perte de substance. Si cette échancrure ne suf-fisait pas pour extraire la tumeur, Dupuytren conseille d'y join-dre une autre incision verticale étendue jusque vers la base de l'orbite en longeant l'apophyse montante de l'os maxillaire. Du reste, dans ces cas on s'inspirerait principalement des conditions anatomico-pathologiques qui se rencontreraient.
3° Perforation de la voûte palatine (méthode de Callisen). Cette méthode ne convient que lorsqu'on reconnaît la fluctuation à la voûte palatine; elle serait en effet sans résultat si le sinus avait conservé ses rapports normaux. Il suffit, à l'aide d'un bistouri, de pratiquer une ouverture dans le point le plus saillant de la tumeur.
Mais le plus souvent il existe une fistule buccale qu'il suffira d'agrandir. C'est dans un cas semblable que Ruffel eut l'idée d'introduire par l'orifice fistuleux un trocart qu'il fit sortir au-dessus de la gencive, afin de pouvoir passer un séton par cette double ouverture.
Weinhold emploie également la méthode du séton; mais son procédé diffère en ce qu'il ouvre d'abord le sinus par la fosse canine, puis, dirigeant son instrument obliquement en bas et en dehors, il le pousse dans cette direction à travers la voûte pala-tine qu'il traverse ainsi de haut en bas. Il ne reste plus alors qu'à passer une mèche dans ces deux ouvertures, à l'aide d'une aiguille courbe.
Par la narine.
Gooch imagina de perforer le sinus maxillaire par sa face na-sale chez une malade qui n'avait plus de dents molaires. Un heureux succès couronna sa tentative. Cette méthode peut être employée comme exceptionnelle dans certains cas d'oblitération simple, sans distension du sinus; mais, hors ces cas, la difficulté qu'on éprouve d'agir dans une fosse nasale rétrécie doit la faire abandonner.
Par la joue.
Molinetti pénétra dans l'antre d'Hyghmore, qui était le siège d'un abcès, en pratiquant une incision cruciale à la joue. Le succès qu'il obtint a engagé depuis quelques chirurgiens à suivre son exemple. Néanmoins on comprend qu'une pareille méthode doive être complètement rejetée, puisqu'on peut toujours la remplacer par une autre plus simple et qui ne laissera pas des cicatrices indélébiles sur le visage. Tout au plus pourrait-on recourir au procédé de Molinetti s'il existait à la joue une ou-verture fistulcuse qui communiquât avec le sinus maxillaire.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES
DE LA GUSTATION.
L'appareil complexe de la gustation, constitué par la bouche et ses annexes, est formé par des organes si nombreux, de structure si différente, et dont, par cela même, les maladies et les opé-rations qu'elles nécessitent sont si variées, qu'en médecine opé-ratoire, comme en physiologie, il se décompose naturellement en quatre sous-divisions : les appareils labio-génien et salivaire, la langue et le voile du palais.
APPAREIL LABIO-GÉNIEN.
hypertrophie des levres.
Cette affection, considérée comme une simple augmentation de volume, sans altération de texture, n'est point une maladie mais seulement un vice de conformation parfois gênant et tou-jours difforme, ou au moins d'un effet désagréable. Elle se présente à plusieurs degrés qui entraînent des modifications dans le procédé opératoire commun, l'excision.
i° Bourrelet muqueux. Sorte de bosselure ou de tubercule rougeâtre, simple, bifide ou trifide; d'autres fois, par la réunion des lobes, sous forme d'une saillie transversale qui se retourne en avant et dans le rire se tend, par lecartement des commis-sures, sur la saillie des dents incisives. Presque toujours congé-nial, situé sur le plan moyen vertical où il semble accuser un excès de nutrition dans la suture des deux moitiés latérales; susceptible néanmoins de se développer accidentellement sous l'action d'une cause mécanique habituelle , comtiie chez les per-sonnes qui donnent du cor. Son siège le plus ordinaire est la lèvre supérieure; parfois il affecte aussi les deux lèvres à-la-fois, et plus rarement l'inférieure seule. L'excision de ce bourrelet pra-tiquée d'abord par Boyer, M. Roux et Dupuytren, l'a été depuis par un grand nombre de chirurgiens.
Procédé opératoire. La tête est maintenue soulevée par un aide placé en arrière du malade et qui, saisissant la commissure, retourne la lèvre, la muqueuse en avant, en l'élevant pour la supérieure et l'abaissant pour l'inférieure. Le chirurgien,debout en face, saisit, dans la plus grande surface que possible, le bour-relet avec des pinces larges ou entre les doigts et, agissant clans le sens de son plus grand diamètre, soit vertical, soit horizontal, en pratique l'excision d'un seul coup avec le bistouri droit ou
mieux avec des ciseaux courbes sur le plat. Ordinairement la plaie se cicatrise d'elle-même en quelques jours.
Modification de M. Velpeau. Témoin de retards de trois se-maines à un mois apportés dans certains cas à la cicatrisation, suivant son opinion par la présence des glandules hypertro-phiées qui tendent à suppurer, M. Velpeau propose de forcer à la réunion immédiate: après avoir saisi le bourrelet muqueux, il en traverse la base avec trois ou quatre fils, pratique l'excision et fait la ligature des fils , qu'il n'enlève que le second ou le troi-sième jour.
2" Gonflement de la lèvre supérieure. Cette espèce d'hy-pertrophie , signe ordinaire d'une disposition scrofuleuse , ac-quiert quelquefois un volume considérable. Anatomiquement cette altération est causée par l'épaississement d'un tissu cellu-laire séreux, l'amincissement des muscles et le gonflement des glandules et de la muqueuse labiale. L'excision de la lèvre supé-rieure, imaginée en 1826 par M. Paillard qui l'a pratiquée trois fois avec succès, a réussi également à MM. Marjolin, Belmas, et à divers chirurgiens.
Procède opératoire. "L'excision peut être pratiquée avec clés positions relatives différentes du malade, du chirurgien et de l'aide.
iu Dans le procédé de M. Paillard le malade est assis sur une chaise basse, la tête appuyée sur la poitrine du chirurgien de-bout derrière lui ; un aide saisit entre le pouce et l'indicateur la commissure labiale droite, qu'il soulève et tire en avant tandis que le chirurgien, saisissant de la main gauche la commissure correspondante, commence son excision de gauche à droite.
i° Dans le procédé décrit par M. Velpeau le chirurgien est debout devant le malade, dont la tête est maintenue renversée en arrière sur la poitrine d'un aide; ce dernier contient la com-missure gauche, tandis que l'opérateur, saisissant la commissure droite, se dispose à opérer de droite à gauche.
Au reste quelque soit le pointde départ résultant des positions prises, l'incision devant régner parallèlement au bord labial à distance d'un centimètre et demi, il s'agit de l'étendre de l'une à l'autre commissure, puis de disséquer le lambeau en arrière, vers la gouttière labio-gingivale, clans une étendue proportionnée à la perte de substance nécessaire pour rétablir une conformation dési-rable; enfin, de couper horizontalement la base du lambeau avec le bistouri ou les ciseaux. Dans le premier moment, l'hémorragie est très abondante; mais, comme elle ne se produit qu'en nappe par de très petits vaisseaux, elle ne tarde pas à s'arrêter d'elle-même par la rétraction des chairs coupées. Il n'y a lieu à aucun pansement : la plaie, lubrifiée par la salive, se déterge d'elle-même; et la cicatrisation, en rappelant la lèvre en bas et en dedans, ne tarde pas à la constituer clans ses dimensions natu-relles.
Atrésie et rétrécissement de l'orifice buccal.— i° Atrésie. L'i m perforation congéniale de la bouche est un vice de confor-mation très rare, mais dont on cite néanmoins des exemples : Haller et Schenkius en citent plusieurs; Desgenettes en a vu un sur un fœtus de sept mois. En outre cette infirmité peut être le résultat d'une réunion anormale des lèvres après des ulcérations, surtout pour cause de brûlure : tel est le cas d'un meunier, rap-porté par Horstius; tels sont également ceux des malades opérés avec succès par Buchner et l'ercy.
Procédé opératoire. Armé d'un bistouri aigu, ponctionner avec précaution au milieu de la ligne qui correspond au trajet de la fente naturelle de la bouche fermée. Dès que la pointe a pénétré, substituer au bistouri et glisser par la piqûre l'une des lames de ciseaux droits, forts et bien évidés; puis, par deux incisions faites carrément, de l'un et de l'autre côté de l'orifice, pratiquer une fente buccale d'une longueur convenable. Dans les cas d'atrésie congéniale il est supposable que , la réunion n'ayant lieu que par la peau, rien ne serait plus facile que cette incision, en ayant soin de reconnaître préalablement la ligne de jonction des deux lèvres.
20 Coarctation. Dans cette affection, comme, en général, dans toutes les cicatrices vicieuses, on observe une tendance opiniâtre de la réunion à s'opérer de nouveau malgré tous les efforts du chirurgien. Cet accident s'est renouvelé trois fois chez le malade de Horstius, et celui dont l'observation est rapportée par Bondi n'a pas été plus heureux. A la vérité Dé-marque cite des cas où l'orifice buccal artificiel s'est conservé. Toutefois, dans la crainte d'un insuccès, le chirurgien, au lieu d'une simple incision, fera mieux d'opérer une perte de sub-stance. Le procédé de M. Dieffenbach satisfait à cette indication et y ajoute une nouvelle condition avantageuse en recouvrant la surface saignante avec la muqueuse, qui donne toute sécurité contre une réunion anormale. Nous allons décrire ce procédé qui pourrait être appliqué avec avantage à l'oblitération com-plète , même lorsqu'elle est congéniale.
Procédé de M. Dieffenbach. Les positions relatives du malade, du chirurgien et de son aide, étant les mêmes que nous avons indicjuées ci-dessus, introduire le doigt indicateur gauche dans la bouche, puis soulever et tendre avec ce doigt la joue droite; si l'orifice était trop étroit pour permettre l'introduction du doigt, on y substituerait un gorgeret : alors la main droite armée d'une paire de ciseaux plats et très aigus, en insinuer, d'ar-rière en avant, l'une des pointes un peu au-dessus de la com-missure anormale et faire glisser la lame à plat entre la mu-queuse et la couche musculaire jusqu'au point où l'on doit transporter la commissure, retourner le tranchant de la lame en avant et diviser tout ce qui se trouve compris entre les mors de l'instrument. Cette première section pratiquée, en opérer par-allèlement une seconde, un peu au-dessous du niveau de la lèvre inférieure, de manière à circonscrire un étroit lambeau horizon-tal qui doit former la perte de substance, et que l'on détache par une incision curviligne qui formera une nouvelle commissure. Dès que ce premier temps est effectué du côté droit, pratiquer éga-lement une double section avec enlèvement de lambeau du côté gauche. Ces lambeaux rectangulaires ne doivent avoir qu'une largeur de six à huit millimètres. L'opération étant amenée à ce point, la fente buccale est formée, au milieu, par l'ancien orifice et, sur les côtés, par la perte de substance qui a succédé à l'en-lèvement des deux petit lambeaux dermo-musculaires en forme de bandelettes. L'abaissement de la mâchoire inférieure devenu possible produit l'ouverture de cet orifice buccal artificiel avec écartement des deux plaies latérales, dont l'intervalle est fermé toutefois par la membrane muqueuse, fortement tendue, que l'on a laissée intacte. Isoler alors cette membrane sur les bords des incisions, clans l'étendue de cinq millimètres, pour en rendre
l'extension plus facile, et ta fendre horizontalement de chaque côté jusqu'à pareille distance de l'angle de la plaie qui doit for-mer la nouvelle commissure.
L'opération terminée, les plaies soigneusement abstcrgées, il s'agit de se servir de la membrane muqueuse, isolée, pour en revêtir de chaque côté les surfaces saignantes, de manière à re-composer deux lèvres et une commissure, comme dans l'état naturel. Saisissant alors l'un des quatre lambeaux on attire la portion de muqueuse correspondante dont les rapports ne changent point, la surface buccale, devenue labiale, continuant de rester extérieure ou tégumentaire, et, après avoir enveloppé la surface de section du lambeau , on l'affronte avec la peau et on l'y maintient fixée par un nombre suffisant de petites sutures entrecoupées ou entortillées. On continue ainsi sur le bord adja-cent, puis sur la commissure intermédiaire; et on répète la même manœuvre du côté opposé.
Intérieurement, pour combattre le gonflement inflammatoire, M. Dieffenbach a recours aux applications froides. La réunion s'opère par première intention : les fils et les aiguilles peuvent être enlevés du deuxième au quatrième jour.
Modifications. M. Campbell, qui a fait usage de ce procédé, a employé, au lieu de ciseaux, un bistouri aigu, à lame étroite, qu'il glisse à part sous la muqueuse et dont il retourne le tran-chant en avant pour faire ressortir la pointe la première. — M. Serres de Montpellier divise en regard l'une de l'autre la membrane muqueuse et la peau; mais il nous semble qu'en agissant ainsi il perd le principal avantage du procédé original, c'est-à-dire d'éviter la difformité en recomposant des lèvres re-vêtues par une membrane muqueuse.
BEC-DE-LIÈVRE (pl. 18).
veilhier ont trouvé que les lèvres, dès quelles commencent i poindre, paraissent entières, et qu'à aucun âge fœtal elles ai sont formées de deux, trois ou quatre pièces. Il en résulte d'après ces anatomistes, que le bec-de-lièvre doit être considère comme une maladie fœtale, opinion qui rendrait compte de la forme et de la direction irréguliere du tubercule incisif et de la manière bizarre dont les dents s'y trouvent fréquemment implantées.
bec-de-LlÈVRE simple (fig. 8, 9, 10).
Historique. Avivement. Quoique cette difformité ait été hier connue des anciens, et que rien n'autorise à penser qu'elle ai été moins commune de leur temps que de nos jours, il ne parai pas cependant qu'ils aient attaché une grande importance à U guérir. Celse n'en parle que succinctement, mais assez néan-moins pour en fixer la théorie. Déjà on le voit préoccupé d'ob-tenir la réunion des parties divisées par l'avivement de leur: bords avec l'instrument tranchant. Abdul-Kasem y procède pai la cautérisation avec le fer chaud; mais Rhazès, qui se montre ici le successeur des Latins, a recours à l'excision. A travers le moyen âge aucune amélioration n'est introduite, et ce n'est qui la renaissance eiue l'opération élu bec-de-lièvre est régularisée par Franco et A. Paré. A partir du seizième siècle la cautérisa tion et l'excision continuent d'être pratiquées. Différens caus-tiques ont été employés pour aviver les deux lèvres. Thévenii employait le beurre d'antimoine, et Hunter le nitrate d'argent On conçoit que la destruction causée par les caustiques devai donner lieu à des cicatrices difformes qui en ont fait abandon ner l'usage. Plus récemment, comme dernier essai de cette mé thode, Chopart produisait l'inflammation des deux bords ad-jacens avec des bandelettes épispastiques; mais aujourd'hui ce; divers moyens sont complètement abanelonnés.
On appelle de ce nom la division de part en part de lune des lèvres à partir de son bord libre. Cette difformité est congé-niale ou acquise. Celle qui survient accidentellement après la naissance s'offre indifféremment à lune ou l'autre lèvre; le bec-de-lièvre congenial, au contraire, occupe invariablement la lèvre supérieure, et c'est de l'aspect qu'il présente qu'il a em-prunté son nom. Tantôt cette maladie n'intéresse que l'épaisseur même de la lèvre soit d'un seul côté en dehors du phittrum ou sillon médian sous-nasal, c'est le bec-de-lièvre simple, ou des deux côtés, c'est le bec-de-lièvre double; tantôt à la division dermo-niusculaire se joint celle de la portion correspondante du sque-lette : c'est le bec-de-lièvre compliqué qui se rencontre soit avec l'écartement simple des os maxillaires (fig. 9) ou avec l'inter-position médiane d'un tubercule osseux sous-uasal qui supporte les dents incisives et même canines. En théorie Blumembach, Meckel et Béclard ont pensé que le bec-de-lièvi e devait être con-sidéré comme un arrêt de développement. Selon eux, à l'état embryonnaire dans l'homme comme à l'état permanent dans la plupart des mammifères il existe deux os incisifs et parcon-séquent dans le squelette une fente médiane et deux latérales. C'est ce mode de division persistant après la naissance, soit seu-lement dans l'épaisseur de la lèvre, soit dans le squelette avec écartement de la voûte palatine, qui constituerait le bec-de-lièvre. Déjà on sent que cette théorie ne rend pas raison de la forme du tubercule sous-nasal toujours unique et qui devrait cependant se trouver fréquemment divisé en deux; mais en outre, à l'examen de l'état embryonnaire, M. Velpeau et M. Cru-ï. vu.
L'excision, seule méthode en usage, se pratieme avec deux sortes d'instruinens : le bistouri et les ciseaux. L'usage du bis-touri est plus ancien; adopté par Séverin, il a été préconisé dans le siècle dernier par Louis, et plus récemment par Percy. Ses partisans affirmaient qu'il produit avec moins de douleur une section plus nette et moins disposée à suppurer. Par opposition ils reprochaient aux ciseaux d'agir plutôt en pressant qu'en sciant, et par cela même de confondre les tissus et de donner lieu à une plaie en dos d âne, ou à double plan oblique, peu fa-vorable à la réunion immédiate. Cette objection a été résolue par Bell, qui, en opérant d'une manière différente les deux côtés d'un bec-de-lièvre double, a prouvé que la douleur était moin-dre et la réunion linéaire plus parfaite en employant les ciseaux. Au reste, dans le siècle dernier la plupart des chirurgiens opé-raient indifféremment de l'une et l'autre manière; mais, grâce aux efforts de Van Horne, de Lombard et surtout de Desault, les ciseaux, qui offrent l'avantage de produire d'un seul coup une section nette sans avoir besoin de point d'appui, ont géné-ralement prévalu. Desault avait fait fabriquer à cet usage de forts ciseaux à longues branches et à lames courtes ejui portent mal à propos le nom de A. Dubois (fig. 1 1).
Réunion. L'objet de l'opération étant de guérir une simple difformité, tous les efforts du chirurgien ont tendu à obtenir la cicatrice la moins visible et l'aspect des parties le moins désagréa-ble après l'opération ; ausji pour y parvenir a-t-on eu recours à tous les moyens de contention : bandages, agglutinatifs, agrafes,
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pinces, sutures, etc., employés seuls ou combinés clans leurs effets cm si grand nombre et avec des complications si multi-pliées que l'historique détaillé en serait interminable. Et comme il arrive généralement, lorsque l'esprit s'est épuisé à la recherche de moyens complexes, on arrive dans la pratique à obtenir les meilleurs résultats par le moyen le plus simple, qui se trouve presque toujours aussi le plus anciennement connu.
1" Suture. On sait que Celse cousait la plaie; mais on ignore comment la suture était pratiquée. Les Arabes paraissent avoir employé celle du pelletier. Heuerinann, Ollenroth, Dros ont em-ployé la suture entrecoupée; Eassus également en a fait usage pour ne pas laisser, dit-il, de tige inflexible dans la plaie : mais on sait par expérience combien cette appréhension est peu fondée. A di-verses époques on a fait usage de la suture enchevillée, et le procédé nouveau de M. Mayor n'a en réalité pas d'autre objet. Ea suture entortillée, la plus rationnelle et la plus efficace, est à peu près au-jourd'hui le seul moyen de réunion usité. A. Paré est le premier qui en donne une description précise; son procédé, qui consiste à introduire d'une lèvre dans l'autre des aiguilles qu'il fixe avec un fil contourné en huit de chiffre, est encore celui mis actuel-lement en usage. La forme et la nature des aiguilles ont beau-coup varié. Paré employait des aiguilles d'acier triangulaires, Fabrice d'Aquapendente des aiguilles rondes flexibles dont il recourbait les extrémités en avant pour ne point tirailler les chairs. C'est dans le même but queDionis a fait usage d'aiguilles courbes. Heister, pour diminuer le volume du corps étranger, a de même employé des aiguilles très fines qu'il introduisait avec un autre instrument. J.-L. Petit, pour éviter l'oxidation, a re-cours à des aiguilles d'argent, et Ledran à des aiguilles d'or; mais, comme ces métaux manquent de la rigidité nécessaire pour traverser, Sharp et Desault font adapter à l'aiguille d'argent un dard en acier pour en faciliter le passage. C'est cette dernière forme qui a prévalu; toutefois, à l'exemple de La Faye, qui se servait de fortes épingles en laiton, beaucoup de chirurgiens aujourd'hui ont recours à cet instrument très simple et dont la pointe pénètre facilement avec la précaution préalablede l'aplatir et d'en évider les bords en fer de lance.
2° Agglutinatifs. C'est, après la suture, le moyen le plus usité. Sylvius l'employait seul ; Purmann et Wedel le combinaient avec le bandage. Louis insiste sur l'usage de ces moyens dans l'opinion erronée qu'il professait que la division étant toujours sans perte de substance, les parties molles étaient aussi toujours assez abon-dantes pour permettre le rapprochement sans suture. Evers a pu obtenir quelques succès avec les agglutinatifs seuls; toutefois la plupart des chirurgiens, précisément clans le cas de perte de substance, ont senti la nécessité d'avoir recours à un moyen plus direct d'application.
3° Bandages. Franco se servait de petites bandelettes croisées sous le nezet qu'il maintenait par un bandage contentif. Enaux a composé un bandage particulier destiné à fixer deux pelotes géniennes qui repoussent les deux moitiés de la lèvre l'une vers l'autre et sont réunies au-devant de la plaie par deux lanières d'entrecroisement. Toutefois le bandage seul n'a jamais réuni l'assentiment des chirurgiens. Dionis, Heister , Quesnay l'asso-ciaient aux agglutinatifs, méthode qu'a renouvelée M. Roux. Mais aujourd'hui on ne l'emploie que comme auxiliaire de la su-ture; et encore ce n'est guère que clans le cas où la perte de sub-stance ayant été considérable occasionne une traction très forte, qui pourrait foire craindre la section des chairs par les aiguilles : la fronde alors est généralement usitée.
4" Ce n'est que pour les mentionner que nous rappelons ici divers moyens mécaniques : l'agrafe de Valentin et celle de MM. Dudan et Montain; sortes de doubles pinces plates qui saisis-sent les deux lèvres de la plaie et sont rapprochées par une pièce transversale. Ces instrumens, d'un usage incommode et peu sur, sont complètement abandonnés.
manuel opératoire.
Age auquel il convient d'opérer. Cette question a été un point de litige entre les chirurgiens. Dionis, Lassus, Sabaticr et M. Roux ont préféré attendre pour opérer que l'enfant eût atteint au moins sa troisième ou quatrième année, vu l'impossibilité avant cet âge d'empêcher le petit malade de crier et de déchirer les sutures. Sharp, Ledran et Heister ont conseillé au contraire d'opérer le plus tôt possible, c'est-à-dire sur des enfans âgés seulement de quelques jours ou de quelques semaines, avant que le petit ma-lade ait déjà contracté l'habitude d'un mode vicieux de succion. Roonhuysen, Ledran, Bayle, Busch et M. Bonfils ont cité des cas où l'opération avait parfaitement réussi sur des nouveau-nés ; et trois autres ont été publiés par M. Delmas. M. Velpeau, dans cette discussion, prend un parti mixte : coït vaincu de l'extrême indo-cilité des jeunes enfans de deux à huit ans, il conseille d'opérer dans les six premiers mois; ou, si l'enfant est âgé déjà de plusieurs années, d'attendre qu'il ait atteint l'âge de raison, c'est-à-dire de dix à quinze ans.
Appareil. Voici de quoi il se compose : une paire de ciseaux à bec-de-lièvre, un bistouri droit, une airigne, une pince à dissé-quer, trois à six aiguilles ou fortes épingles, deux fils cirés très forts ou doubles, deux petits cylindres de diachilon pour pla-cer sous les aiguilles, un mince plumasseau de charpie, et, si l'on croit devoir se servir d'un bandage, de bandelettes agglutina-tives, de compresses pliées en six ou huit pour être appliquées sur les joues, d'une fronde et une bande de trois à quatre mètres de long à deux globes.
i° Section avec les ciseaux. Le malade est assis en face du jour, la tête appuyée en arrière contre la poitrine d'un aide dont les mains embrassent les deux côtés de la mâchoire de manière à pouvoir comprimer sous la branche de la mâchoire les artères maxillaires externes avec les doigts tandis que les pouces refou-lent les joues vers le plan moyen ; le chirurgien est placé debout devant le malade.
Tout étant disposé : premier temps. Si le frein de la lèvre supé-rieure est trop court et descend trop bas, il est utile de com-mencer par l'inciser avec le bistouri. On glisse après au-dessous une carte aussi haut que possible entre les lèvres et le tissu gin-gival. Pour la section de la lèvre, saisir l'angle inférieur gauche de la division soit avec des pinces à dents (Velpeau), uneairigne ( Roux), ou simplement avec le pouce et l'indicateur de la main gauche. Ce procédé vaut mieux que l'anse de fil passée au tra-vers des chairs comme l'a conseillé Kœnig. Le bord labial étant saisi : la main droite armée de fort ciseaux à bec-de-lièvre, enga-ger entre les mors tout le rebord rougeâtre en remontant jusqu'à quatre ou cinq millimètres plus haut que l'angle supérieur delà fente et diviser nettement les chairs d'un seul coup; de manière
à avoir une section droite formant un plan régulier. Cette pre-mière section opérée: pour le côté droit, saisir et tendre la lèvre entre le pouce et l'indicateur gauche placés en dehors du bord à réséquer; puis, en faisant agir les ciseaux comme il a été dit ci-dessus, inciser de façon à terminer la section un peu au-des-sous de la première, pour obtenir un angiede divisionnet et sans machine. D'autres chirurgiens prescrivent défaire la seconde in-cision un peu plus haut que la première, pour être plus certain de tout couper du premier coup ; mais alors on risque de dépasser la première ligne. L'essentiel est de bien combiner tout d'abord la direction et l'étendue des incisions avec la force et la portée de l'instrument, de manière à tomber au plus juste sans s'y repren-dre pour avancer ou reculer les ciseaux. Toutefois s'il restait un pédicule, il faudrait le couper immédiatement d'un troisième coup. La double section en V renversé étant faite, on absterge la plaie avec un peu d'eau froide pour arrêter ou du moins di-minuer beaucoup l'hémorragie qui se supprime naturellement d'elle-même après l'affrontement.
Deuxième temps. Pour faire la suture : saisir de nouveau l'angle gauche de la division avec le pouce et l'indicateur de la main gauche, et de la droite porter la pointe d'une première aiguille sur la peau, à six millimètres (trois lignes) en dehors de la plaie et un millimètre (une demi-ligne) au-dessus du bord rosé de la lèvre, et l'enfoncer d'avant en arrière et un peu obli-quement de bas en haut sur la surface saignante, à l'union de ses deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur; puis saisir l'autre lambeau de la lèvre et le rapprocher du premier de fa-çon que leurs contours se trouvent exactement en rapport, chair contre chair, membrane muqueuse contre membrane muqueuse, sans que l'une des lèvres dépasse l'autre sur aucun point, et traverser alors le lambeau droit de la surface saignante vers la peau, d'arrière en avant et un peu obliquement de haut en bas, c'est-à-dire en sens inverse du premier trajet parcouru, de sorte que le point de sortie soit également situé à six milli-mètres du bord saignant et à un millimètre du bord rosé. Ainsi la première aiguille placée parcourt à travers les tissus une lé-gère courbe dont la convexité est tournée en arrière et un peu en haut. Les extrémités de l'aiguille sont aussitôt embras-sées par l'anse de fil simple que l'on confie à un aide chargé de tendre la lèvre. L'affrontement étant opéré, le chirurgien déter-mine, suivant la longueur de la division, le nombre d'aiguilles qu'il doit placer. S'il n'y en a qu'une seconde, elle sera posée dans l'espace moyen entre la première et l'angle de la division. Quand les aiguilles sont très fines, on en pose jusqu'à quatre ou cinq; mais ordinairement trois suffisent. Pour toute aiguille ultérieure, il n'est pas nécessaire de lui faire parcourir une courbe dans les chairs ni de lui faire traverser les deux lam-beaux séparément. Il suffit de la pousser transversalement avec les doigts de la main droite pendant que ceux de la main gauche maintiennent les deux bords de la plaie affrontés, en ayant soin toutefois que les points d'entrée et de sortie soient à la même distance du bord saignant que pour la première aiguille. Quand on doit poser plusieurs aiguilles, pour éviter toute difformité il est convenable de placer la seconde aiguille au-dessous de l'angle supérieur afin que l'un des lambeaux ne fasse pas bourrelet sur l'autre; la troisième aiguille serait placée au-dessus de la première; la quatrième et la cinquième, s'il y a lieu, seront posées les dernières en remontant vers celles de 1 angle, mais en calculant les espaces de manière que toutes les aiguilles soient à intervalles égaux.
Troisième temps. Pour poser le fil à demeure, en offrir l'anse à l'aiguille inférieure, croiser les chefs par-dessus, contourner la seconde aiguille, puis la troisième, etc., en remontant, et successivement parcourir de haut en bas et de bas en haut la série des aiguilles par une chaîne de tours en huit de chiffre, jusqu'à épuisement des chefs du fil, et les arrêter par quelques tours sous les extrémités de l'aiguille supérieure. Dès que les sutures entortillées sont fixées on coupe les chefs du premier fil tenseur devenu inutile, et on glisse, sous les extrémités des aiguilles, les petits cylindres de diachilon qui doivent protéger les tégumens. Le plumasseau de charpie est appliqué sur le tout. Quand le chirurgien croit devoir employer les agglutinatifs, les bandelettes sont posées avant le plumasseau; mais cette pré-caution est bien inutile si les sutures sont convenablement faites : reste l'application du bandage pour les cas où la tension des lambeaux serait trop forte.
2° Section avec te bistouri. La section avec le bistouri est beau-coup moins facile que celle avec les ciseaux; après avoir coupé le frein de la lèvre et glissé dessous une carte pour ne pas bles-ser la gencive, le mode de section le plus net consiste à offrir le bistouri en troisième position, le dos tourné vers la peau et le tranchant vers soi, et à faire agir l'instrument en piquant d'a-bord, puis en sciant de haut en bas de l'angle supérieur de la plaie vers le bord libre par une section franche et continue. Dans la difficulté de tendre convenablement les chairs qui ne sont pas contenues comme avec les ciseaux, cette opération exige beaucoup de dextérité pour suivre exactement au plus près le bord rosé de la scissure anormale sans produire de rnâ-chures.
BEC-DE-LlÈVR li DOUBLE.
L'indication à remplir est différente suivant que le tubercule dermo-musculaire sous-nasal est étroit de moins d'un centimètre par exemple, et peu saillant, ou que sa largeur est considérable. Dans le premier cas on peut l'exciser en entier, ou du moins ne conserver que sa base; dans le second il suffit d'en rafraîchir les bords. L'opération est la même que pour le bec-de-lièvre simple. En voici les temps opératoires. i° Se faciliter l'allongement et la mobilité des trois fragmens labiaux par la section préalable dans le sillon de la muqueuse, s'il y a des freins qui descendent trop bas. Cette précaution n'est pas obligée pour le tubercule mé-dian quand il est un peu large, parce que ordinairement les scissures latérales remontent jusque vers les narines. Mais elle estpresque toujours nécessaire pour les demi-lèvres latérales que la bride trop courte, formée par le pli muqueux labio-gingival, empêcherait de pouvoir s'étendre vers le tubercule médian. 2° Tailler d'abord les côtés du tubercule sous-nasal, la forme qu'il doit avoir après l'opération devant influer sur la section des demi-lèvres latérales qui doivent s'y adapter. Si ce tubercule est assez long, il est bon de le faire traverser au milieu par une anse defil, pour le tendre, et de conserver sa partie médiane pour servir de tubercule moyen de la lèvre supérieure. On taille en-suite de chaque côté le bord des deux demi-lèvres. 3° Les quatre sections étant pratiquées avec l'attention de n'enlever de chairs que ce qui est indispensable et de combiner les sections de la manière la plus avantageuse pour imiter après la réunion la forme normale de la lèvre supérieure, reste à appliquer les ai-guilles à suture que l'on insinue comme il a été dit précédemment en leur faisant traverser les trois fragmens à la fois. Les lignes de
réunion prennent a lois une forme différente suivant la confi-guration des parties avant l'opération. Si le tubercule médian était très large à sa base, et les scissures très latérales, les deux lignes de réunion ou convergent en haut vers les narines (fig. 7) ou sont parallèles. Dans le cas, au contraire, où le tubercule est étroit ou bien il arrive jusqu'au bord labial dont il peut ou non former le tubercule moyen, et les deux lignes prennent la forme d'un V (fig. 4); ou ce tubercule n'occupe qu'une portion de la hauteur de la lèvre et souvent donne aux lignes de réunion la forme d'un Y.
IÎEC-IE-LlÈVIlE COMPLIQUÉ.
La coïncidence de l'écartement de la voûte palatine avec la scissure de la lèvre est très commune surtout dans le bec-de-lièvre double. Les différences dans le manuel opératoire sont fondées sur celles du vice de conformation. Ou la scissure palatine occupe tout le plancher osseux d'avant en arrière, et forme une seule lente d'écartement latérale ou médiane; ou bien le tubercule incisif, isolé de chaque côté des deux os maxil-laires, forme une saillie sous-nasale très proéminente, et dont le bord alvéolaire irrégulier offre les dents implantées dans des di-rections vicieuses (fig. 6). Si la fente palatine est simple, circon-stance qui se rencontre avec la scissure latérale, on se contente de pratiquer l'opération sur les parties molles, l'expérience ayant appris qu'une fois la continuité de la lèvre rétablie la fente pa-latine tend à diminuer de jour en jour et finit même quelquefois par disparaître complètement comme il résulte des faits rappor-tés parRoonhuysen, Sharp, La Faye, Levret, Richter, B. Bell, Lapeyronie, Desault et A. Dubois. Dans un cas rapporté par Gérard, cette fente, qui avait un travers de doigt de largeur, était fermée au bout de deux ans. M. Roux en a vu un moins considérable disparaître après cinq mois chez un enfant de trois ans, et Desault signale un pareil résultat survenu en quelques semaines. Pour hâter ce mode heureux de terminaison, Jourdain, Levret et Leblanc ont conseillé l'emploi de bandages compres-sifs appliqués au-dessous des pommettes sur les joues. Pour agir avec plus d'efficacité, M. Velpeau a employé avec succès en 1825 la compression sur les arcades alvéole-dentaires.
Dans le cas le plus ordinaire, où existe un tubercule osseux incisif, l'opération est plus compliquée : à cette disposition se rapportent trois procédés opératoires particuliers. Mais dans toute opération de ce genre il faut songer préalablement aux dents proéminentes. Gérard et nombre de chirurgiens prescri-vent d'arracher les dents qui font saillie et blesseraient les lèvres après l'opération. Aujourd'hui on s'accorde à recommander d'es-sayer, par une compression permanente avec des fils métalli-ques sur une plaque ou même par une demi-luxation, de re-dresser ces dents, surtout chez les jeunes sujets, et de n'enlever tout au plus qu'une dent dont la situation et la direction trop vicieuse n'offrirait aucune chance de pouvoir la conserver sans un inconvénient plus grave que son ablation.
1" Procédé ancien. Avec de forts ciseaux ou des pinces à résec-tion on emportait le tu hercule osseux en entier, ou au moins toute sa portion proéminente, et, soit immédiatement, soit quelques jours après, on procédait à l'opération sur la lèvre. L'inconvé-nient de ce procédé, signalé par Desault, est des plus graves. Dès l'abord le malade est privé de sesdents incisives, mais en outre, les os maxillaires venant par la suiteà se rapprocher, la diminu-tion de largeur des os maxillaires fait que l'arcade dentaire supé-rieure, devenue plus étroite que l'inférieure, au lieu de s'y appli-quer pour le broiement, tend à s'y emboîter, comme chez les vieil-lards, circonstance qui rend presque impossible la mastication. Gcst cette considération qui a engagé Desault à conserver le tu-bercule incisif.
2" Procédé de Desault. L'intention de ce chirurgien était de rappeler sur le niveau du bord alvéolaire le tubercule incisif presque toujours proéminent en haut et en avant. A cet effet il avait recours à une simple bande ou lanière fixée en arrière ou sur les côtés, niais fortement tendue au-devant de la portion osseuse proéminente. Cette compression, exercée à demeure pendant dix-huit, jours, suffit dans un cas pour ramener le tubercule in-cisif de niveau avec les os maxillaires. L'avivcmcnt et la réunion des parties molles furent ensuite pratiqués. Le même procédé a été employé plusieurs fois avec succès, encore par Desault et par Verdier. Mais on conçoit qu'un pareil résultat ne puisse pas être obtenu dans tous les cas, lors même que l'on y emploierait quelque moyen de pression mécanique, une pelote à vis, un bandage à ressort, etc.
3" Procédé de Dupuytren. Le but que s'est proposé ce chirur-gien, applicable aux cas assez ordinaires où le tubercule labial est fortement relevé en haut et le tubercule incisif proéminent, a été de se servir du premier pour former la sous-cloison nasale et de détruire la proéminence du second en enlevant par exci-sion tout ce qui dépasse le niveau des os maxillaires. A cet effet : diviser avec le bistouri le repli inuqueux intermédiaire entre les deux tubercules, et, avec des pinces incisives bien tranchantes., pratiquer l'excision de la portion osseuse; rafraîchir avec le bis-touri les bords et le sommet du tubercule cutané, opérer avec les ciseaux la rescision des fragmens latéraux, les réunir par des sutures ; enfin retourner le tubercule médian, sa face cutanée en bas, l'appliquer contre la cloison muqueuse nasale avivée, et l'y fixer par deux points de suture. Nous ne faisons qu'indiquer sommairement ce procédé moins avancé par son intention que celui qui va suivre, mais auquel pourtant on peut emprunter le parti que Dupuytren a su tirer du tubercule labial.
4° Procédé de M. Gensoul. Chez une jeune personne de treize ans, après avoir disséqué et renversé vers le nez le lambeau des parties molles, puis arraché les dents incisives, M. Gensoul saisit avec une forte pince le tubercule incisif saillant (fig. 3), parvint à l'amener avec lenteur à la direction perpendiculaire, abaissa de la même manière la dent canine droitedéviée en avant, pratiqua l'opération sur les parties molles comme à l'ordinaire, avivenient et sutures, et maintint, le tout par un bandage. La consolidation s'est effectuée en peu de temps. Dans un autre cas M. Champion a eu recours au même moyen, et il a pu avec le même succès re-dresser et faire consolider le tubercule osseux et les dents incisives qu'il s'était borné à redresser.
Soins consécutifs. Quel que soit le cas, l'opération terminée, le malade doit être laissé dans un repos parfait. Dans les premières heures il faut toujours se défier de l'hémorragie par la face buc-cale des plaies inoins bien affrontée que celle de la peau. Cet accident est surtout à craindre chez les jeunes enfans, qui, sui-vant la remarque de Platner, sucent et avalent le sang dans une quantité qui, dans des cas rapportés par J.-L. Petit et Bichat, a été assez considérable pour causer la mort. Du reste, le malade ne doit ni parler ni essayer aucun mouvement des mâchoires
pendant les quatre premiers jours. La seule alimentation per-mise, pour éviter la mastication, doit être de potages très liquides introduits dans la bouche avec un vase à bec, en abais-sant la lèvre inférieure. Dès le troisième jour on peut enlever l'aiguille supérieure et l'une des médianes, s'il y en a quatre ou plus. Le quatrième, ou le cinquième jour, les autres aiguilles peuvent être enlevées. Mais, pour toute ablation de ce genre, quelques soins préalables doivent être pris; et d'abord les fils, agglutinés par des liquides sèches, doivent être humectés lente-ment avec de l'eau tiède, de manière à se décoller sans effort. On les déroule alors avec précaution en sens inverse des tours en huit de chiffre que l'on a parcourus pour leur apposition. Si, en dé-couvrant des plans plus profonds, les fils sont encore secs, on les humecte de nouveau avec les croûtes séro-sanguinolentes, de manière à pouvoir enlever le tout et nettoyer la peau sans causer le moindre ébranlement. On procède ensuite à l'extraction des aiguilles en les décollant d'abord dans le trajet de la plaie par un petit mouvement de rotation. Si un point de la cicatrice ne pa-raissait pas encore assez solide, il vaudrait mieux y laisser une aiguille avec un tour de fil. Enfin dès que les aiguilles sont enle-vées on achève de nettoyer la surface avec douceur, et, pour les premiers jours, il est prudent de soutenir les cicatrices encore récentes par des bandelettes agglutinatives.
CANCER DES LÈVRES (génioplastique et chéiloplastique).
Les boutons cancroïdes et les dégénérescences sont très com-muns au pourtour de la bouche, et principalement à la lèvre inférieure. Si l'altération n'intéresse que la peau ou l'épaisseur de la lèvre, on peut la guérir par la cautérisation ou l'excision; mais si l'os maxillaire inférieur est intéressé, il faut avoir re-cours à la résection dont les procédés nous sont déjà connus (voy. tome vi, page 226-228 et pl. 65).
Cautérisation. On la pratique avec les divers caustiques, la pâte arsenicale de frère Cosme, d'A. Dubois ou de Dupuytren, la pâte de Cancoin, etc. Le mode d'application des caustiques nous est déjà connu; mais pour en assurer l'effet il convient d'exciser préalablement la tumeur cancroïde, et de ne les appli-quer que sur une surface avivée après la cessation de l'hémor-ragie. Les caustiques, employés avec succès à toute époque, ont été recommandés tout nouvellement par A. Dubois, MM. Fleury, Patrix, Haime, Chélius, Heyfelder. Leur usage convient lorsque la maladie n'intéresse au plus que l'épaisseur de la peau ; si elle est plus profonde, il faut avoir recours à l'excision.
excision (pl. 16 et 17).
C'est particulièrement au point de vue du cancer labial, qui, par sa nature, envahit irrégulièrement une portion de l'une ou des deux lèvres et la commissure intermédiaire, avec une étendue variable des parties molles de la joue, que se rapportent les di-verses formes d'excision, avec des lambeaux variés pour corriger les difformités, qui constituent les procédés de génioplastique et de chéiloplastique.
i° Excision simple. Dans les petites tumeurs où il n'est point nécessaire de tailler un lambeau, on peut les opérer par deux procédés. — (a) Procédé d'A. Paré. Passer une anse de fil au tra-vers de la tumeur pour la saisir et la soulever, ou mieux la saisir au milieu avec une pince à dents et l'enlever d'un seul coup avec
T. VII.
des ciseaux courbes sur le plat. Disons tout de suite que ce pro-cédé est mauvais, la peau adhérente des lèvres ne pouvant pas être assez attirée en saillie, et les ciseaux ne devant opérer qu'une section de la peau mâchée et très oblique, trop large et pas assez profonde. — (b) Incisions elliptiques. Si, contre l'ordi-naire, la tumeur existe en dehors du bord labial, de manière que celui-ci puisse être conservé : la saisir avec une airigne de Mu-seux et la circonscrire en entier par deux incisions elliptiques qui enlèvent un peu plus en profondeur que l'épaisseur des par-ties intéressées, et réunir par première intention.
20 Excision à lambeaux. C'est à cette dernière que s'appliquent les noms de génioplastique, chéiloplastique et génio-chéiloplastique, suivant que l'une ou les deux lèvres et la joue sont intéressées à part ou simultanément. Mais pour mettre un peu d'ordre dans l'exposition des procédés, nous allons les exposer avec les variétés de siège de l'affection cancéreuse qui en nécessitent l'emploi.
(a) Cancer de la commissure. — Incisions elliptiques. Procédé de Celse (pl. 16, fig. 3). Cerner verticalement ou obliquement le cancer par une première incision externe, plus ou moins verti-cale ou oblique, suivant la direction de la maladie; isoler la partie malade par une seconde incision interne partagée au milieu par la fente labiale; détacher un peu avec le bistouri, près du bord de la plaie, les adhérences labio-gingivalcs pour aug-menter, s'il est besoin, la mobilité des lèvres; puis, toute la por-tion malade étant enlevée, rapprocher les trois lambeaux en une seule plaie linéaire fixée par autant de points de suture en-tortillée que l'exige la longueur de la plaie.
(b) Cancer de la portion externe et inférieure de la lèvre inférieure, — Lambeaux cutanés pris aux dépens du cou. Procédé de M. Lal-lemand (pl. 16, fig. 1 et 2). Après avoir circonscrit entre trois incisions une perte de substance obligée qui, dans ce cas, se trouva de forme quadrilatère, et disséqué un peu la lèvre in-férieure dont un tiers se trouva être enlevé, l'opérateur traça sur le côté du cou au-devant du sterno-mastoïdien un lambeau de forme appropriée qu'il tailla en réservant un large pédicule en haut et en dehors, et, après l'avoir disséqué, le releva par glis-sement et sans torsion de pédicule, et l'appliqua à la perte de substance en tendant la lèvre inférieure pour reformer la bouche. Les trois lignes de réunion mentonnières et la perte de sub-stance cervicale furent réunies par des sutures, et la malade, qui était une jeune fille, guérit presque sans difformité.
(c) Cancer de la portion moyenne de la lèvre inférieure et de la i^égion mentonnière. — Incision en V. Procédé ancien (pl. 17, fig. 1 et 2). A partir des commissures, circonscrire la portion malade entre deux incisions obliques descendantes qui se réu-nissent en bas au-dessous de l'os hyoïde; disséquer de haut en bas le lambeau qui en résulte. La maladie étant enlevée, prati-quer de l'angle de la commissure, à deux centimètres et demi de chaque côté vers la joue, une incision horizontale et détacher avec le bistouri, sur la mâchoire inférieure, fes lambeaux latéraux qui en résultent, afin de leur donner de la mobilité et d'en per-mettre l'allongement. Puis ramener par traction ces deux lam-beaux l'un au-devant de l'autre sur la ligne médiane, les réunir par un premier point de suture entortillée, et successivement fixer les deux lambeaux sur la ligne médiane jusqu'en bas par autant de points de suture qu'il est nécessaire. Restent les deux incisions géniennes que l'on rapproche en remontant les lani-
beaux latéraux, et que l'on fixe de chaque côté par un nouveau point de suture qui donne une commissure artificielle. Dans ce cas la surface tic la lèvre inférieure, dépourvue forcément de membrane muqueuse, est formée d'abord par la surface sai-gnante des muscles de la joue, qui plus tard se transforment en un tissu inodulaire. C'est tout ce que l'on puisse exiger de l'art en pareil cas.
(d) Cancer de la lèvre inférieure avec prolongement vers la joue. — Lambeaux quadrilatères. Procédé de Chopart (pl. 17, fig. 3 et4). C'est la maladie précédente, mais moins étendue en bas et avec un prolongement latéral. Le tracé des incisions étant préalable-ment effectué à l'encre: i° pratiquer d'abord dans toute l'épais-seur de la joue une double incision en V qui limite le cancer en dehors, et continuer cette incision verticalement, mais seule-ment jusqu'au tissu cellulaire sous-cutané, sous la mâchoire et sur le cou, jusqu'au-dessous de l'os hyoïde; 20 abaisser une inci-sion externe verticale à travers toute l'épaisseur des chairs sur la mâchoire, et seulement dans la peau au-dessous, parallèlement et au niveau delà précédente: disséquer sur la mâchoire le lam-beau qui renferme le cancer, puis le couper carrément au-des-sous; enfin reste entre cette incision transversale au menton et les deux incisions longitudinales un lambeau quadrilatère que l'on détache jusqu'à sa partie inférieure pour le remonter par tiraillement jusqu'au niveau de la bouche (fig. 4)5 dont il doit servir à former la lèvre inférieure : en dehors le lambeau génien est également disséqué sur le masseter pour pouvoir être aussi remonté vers la commissure correspondante; les deux lambeaux quadrilatère médian et triangulaire latéral étant affrontés au contact, restent trois lignes de réunion, une oblique génienne et deux verticales parallèles, mentonnière et sus-hyoïdienne, qu'il ne s'agit plus que de fixer par des sutures en commençant par la ligne génienne, puis la ligne verticale externe, l'interne où les parties ont été le plus tiraillées étant moins difficile à réunir après l'affrontement des deux autres.
(e) Cancer de la commissure et de la portion externe de la lèvre inférieure (pl. 17, fig. 5,6,7). — 1 ° ablation par un lambeau semi-elliptique (fig. 5). Dans ce procédé de M. Roux de Saint-Maximin, le mal, comme il est représenté sur la figure, est cerné entre deux incisions, l'une semi-elliptique sur la lèvre inférieure et l'autre rectiligne sur la joue. Ce mode opératoire semble offrir l'avantage de ménager autant que possible les parties saines; mais il a le grand inconvénient de ne permettre qu'une réunion imparfaite, avec une perte de substance considérable de la lèvre dont la portion conservée reste pendante et entraîne, outre la dif-formité, un écoulement involontaire de salive. C'est pour y ob-vier que sont proposés les procédés suivans.
20 Procédés de M. Lisfranc et de l'auteur ( fig. 6 et 7 ). Pour rendre la réunion plus facile, M. Lisfranc partage lelambeau in-férieur par une incision verticale; mais comme alors l'un des lambeaux inférieurs est encore trop long, soit le lambeau men-tonnier si on veut former la commissure avec le bord allongé de la portion de lèvre conservée, soit au contraire le lambeau mas-sétérin si, ce qui est moins favorable, c'était lui que l'on voulût amener en avant, nous proposons, après les deux incisions de M. Roux de Saint-Maximin pratiquées, de diviser verticalement le lambeau inférieur pour le partager en deux latéraux, de dissé-quer un peu sur la mâchoire les deux lambeaux massétérin et surtout mentonnier, puis d'emporter une portion de ce dernier (fig. 6.) qui transforme l'incision verticale eu une incision en V, de manière à ramener le bord de la lèvre vers la commissure pour n'avoir qu'une double ligne de réunion à angle obtus dont le sommet est réuni d'abord par une suture entortillée triple, le lambeau massétérin étant traversé par une anse de fil qui ressort par l'angle des deux lambeaux labiaux pour se tortiller autour de l'épingle. D'autres sutures en nombre convenable, sur l'étendue de la plaie, achèvent de compléter la réunion.
(f) Cancer dune portion de la lèvre inférieure qui s'étend en de-hors sur la région génienne. — Procédé de M. Serres de Montpellier (fig. 8 et 9). Rien n'est mieux combiné que la manière de ré-parer la perte de substance d'une grande partie de la légion buc-cale imaginée parce chirurgien, entaillant trois lambeaux, deux verticaux et un transversal, qui sont amenés l'un au-devant de l'autre pour reconstituer la joue et la moitié correspondante de la lèvre inférieure. Le malade étant assis , la tête appuyée sur la poitrine d'un aide debout derrière lui et dont un doigt com-prime l'artère faciale à son passage sous la mâchoire : de quelque manière que l'on fasse succéder les incisions, le tracé du moins en est facile à saisir. Soit, par exemple, une première incision ho-rizontale au menton qui limite le mal inférieurement, et part de très loin de l'autre côté pour former plus tard un lambeau la-bial. Une deuxième incision verticale au-devant du masseter, et qui descend jusque sur le cou en n'intéressant que la peau au-dessous de la mâchoire, limite la maladie en dehors. Ces deux incisions intéressant toute l'épaisseur des parties molles, il est nécessaire de faire immédiatement la ligature de l'artère faciale qui a été coupée deux fois ; mais plus bas dans la seconde inci-sion. Une troisième incision verticale interne , parallèle à la pré-cédente, et d'autant plus en dedans que la maladie envahirait davantage vers la lèvre supérieure, intéresse également toute l'é-paisseur des chairs sur les deux mâchoires et se prolonge au travers de la peau sur la mâchoire comme l'incision externe, de manière que de ces deux incisions verticales résulte déjà un lam-beau inférieur : une quatrième incision horizontale, au-dessus de la maladie, formera la base d'un autre lambeau vertical supérieur en regard. Enfin une dernière incision verticale sur la lèvre infé-rieure achève d'enlever les parties altérées. Les incisions étant terminées, et la maladie enlevée en entier, reste une large perte de substance de forme quadrilatère. Il ne s'agit plus que de dissé-quer en dessous les trois lambeaux, un peu seulement le vertical supérieur pour éviter les vaisseaux et les nerfs dans la fosse canine;mais dans toute sa hauteur le lambeau vertical inférieur que l'on peut descendre sur le cou autant qu'il est nécessaire pour obtenir l'allongement voulu : enfin on dissèque égale-ment sur la mâchoire le lambeau inférieur horizontal formé par la portion conservée de la lèvre inférieure et la joue opposée. L'opération à ce point, il s'agit d'abord de se rendre maître de l'hémorragie fournie par les artères coronaires, mentonnières et sous-maxillaires; puis, amenant l'un au-devant de l'autre les deux lambeaux verticaux presque entièrement par l'allonge-ment du lambeau inférieur, on arrive à les faire rejoindre sur le prolongement de la fente buccale : alors l'allongement en tra-vers du lambeau horizontal permet de constituer d'abord, par l'adossement des angles des trois lambeaux, une commissure ar-tificielle que l'on fixe par deux points de suture entortillée dispo-sés en croix de Saint-André, une épingle unissant le lambeau vertical supérieur avec la lèvre inférieure, tandis que l'autre unit la lèvre supérieure avec le lambeau vertical inférieur. Un même fil, doublement entrecroisé, fixe cette quadruple suture,
point d'appui fondamental tlo la réunion.,Deux sutures triples sont posées en dehors à la jonction des lambeaux verticaux, et en bas à l'angle inférieur du lambeau horizontal. Enfin on termine, sur le trajet des quatre lignes de réunion, par autant de sutures simples qu'il convient d'en placer.
Soins consécutifs. Après les diverses opérations si variées dont nous venons de tracer rénumération on n'a pu rétablir un orifice buccal artificiel sans causer de grands désordres ni intervertir les rapports naturels des parties. Des bords de lèvres formés par des plans de section saignans, des lambeaux disséqués en dessous, des lèvres constituées avec des fragmens de muscles séparés de leurs insertions, privés d'une partie de leurs nerfs et de leurs vaisseaux naturels, et placés dans des directions plus ou moins arbitraires; des chairs tiraillées, en un mot tout ce désordre ar-tificiel ne peut s'opérer sans qu'il en résulte des perturbations physiologiques. Dans les premières semaines il s'agit d'empê-cher au dedans les surfaces saignantes d'adhérer, pour conserver la liberté de l'orifice buccal et des portions de lèvres artificielles. On y procède par l'interposition de corps étrangers entre les sur-faces : de la charpie molle, des linges fenêtres, etc. On nourrit le malade avec des alimens liquides, qui peuvent être portés dans la bouche par un vase à bec recourbé; et on attend qu'un tissu in-odulaire s'organise, en ayant soin de détruire à mesure les adhé-rences et les brides qui tendraient à s'organiser. Quant aux mouvemens, dans la plupart des cas la portion conservée des lèvres suffit pour conserver une prononciation assez distincte. Mais, au reste, on ne peut tout exiger de l'art; c'est déjà beaucoup de parvenir, dans la plupart des cas, à guérir une maladie mor-telle sans trop de difficultés, en conservant, avec les mouvemens de la mastication, une mobilité suffisante encore pour une pro-nonciation plus ou moins intelligible.
IMMOBILITÉ DE LA MACHOIRE INFÉRIEURE.
Cette infirmité reconnaît plusieurs causes. Ou bien il existe une véritable ankylose temporo-maxillaire; mais à mesure que cette affection se déclare, et bien avant qu'elle soit confirmée, la nécessité d'alimenter le malade force à employer le seul moyen au pouvoir de l'art, c'est-à-dire l'ablation de quelques dents s'il n'existe pas déjà un orifice formé par la chute naturelle des in-cisives. Dans d'autres cas l'affection n'est encore qu'une striction ou une raideur qui rend très difficile l'écartement des arcades dentaires; phénomène dont la cause peut tenir ou à l'endurcis-sement des tissus fibreux articulaires, ou à l'induration des par-ties molles de l'isthme du gosier, à la suite de longues flegmasies et de destructions syphilitiques. Un dernier cas, qui est plus ac-cessible aux secours de la chirurgie, est constitué par les adhé-rences et les cicatrices vicieuses. Divers moyens ont été employés pour obtenir l'écartement des mâchoires.
i0 Coins dilatans. Tenon, dans un cas où les mâchoires pou-vaient à peine s'écarter de deux lignes, eut recours à l'emploi de morceaux de liège coniques. L'épaississement du corps ligneux par l'humidité permit d'augmenter graduellement l'épaisseur des coins de manière à obtenir un écartement facile de neuf li-gnes. M. Toirac a renouvelé avec succès l'emploi de ce moyen, en employant des coins de bois dont il augmentait graduellement le volume. Disons, toutefois, que, dans la plupart des cas, ce mode d'écartement mécanique ne produit qu'une action temporaire, et que le faible résultat obtenu ne tarde pas à disparaître après la cessation des moyens qui l'avaient fait obtenir.
2° Section des adhérences contre nature. L'objet de cette opéra-tion est de diviser avec l'instrument tranchant, conduit sur le doigt ou une sonde cannelée, entre la joue et les mâchoires, de haut en bas pourla mâchoire inférieure, et de bas en haut pour la mâchoire supérieure, les brides et adhérences anormales dans toute leur longueur et dans une profondeur suffisante pour at-teindre les tissus souples et non altérés. Le malade assis sur une chaise, la tête fixée en arrière sur la poitrine d'un aide, on s'ef-force d'abord d'écarter les mâchoires autant que possible avec un spéculum à cric (pl. 19, fig. 25); écartant alors la commissure du côté malade avec le pouce et l'indicateur, l'opérateur glissela lame du bistouri entre les arcades dentaires, jusqu'au voisinage de l'apophyse coronoïde, puis, en contournant le bord den-taire, il retourne le tranchant soit en haut, soit en bas, vers le sillon génio-gingival, et incise à grands traits, parallèlement au bord alvéolaire, toute l'épaisseur de la couche indurée.
3° Incision de la joue. Pour éviter le retour de la maladie, presque toujours inévitable et souvent même avec une striction encore plus forte après la formation de la nouvelle cicatrice, Tenon avait imaginé de fendre la commissure vers la joue ; l'écar-tement de la mâchoire, par un levier ou un étau, devenant alors plus facile. M. V. Mott a eu recours au même procédé en lais-sant d'abord cicatriser isolément chacun des bords de la plaie, pour les reprendre ultérieurement, les aviver et les réunir par suture comme dans l'opération du bec-de-lièvre, après que l'on serait parvenu à assouplir et rendre plus mobile la mâchoire parles moyens d'écartement. Mais, quoique l'on cite plusieurs succès obtenus dans les premiers temps avec ce procédé par MM. Mott et Mighels, il paraît néanmoins que l'on n'a pu tou-jours éviter les récidives, comme il est arrivé à M. Velpeau. Il y a donc bien peu d'illusion à se faire en prolongeant l'incision de la joue jusque sur le masseter, comme on l'a proposé nouvelle-ment. Le mieux serait de s'en tenir aux sections des brides in-odulaires en faisant cicatriser les mâchoires écartées par un étau, avec interposition, dans les gouttières génio-gingivales, d'une plaque de plomb qui s'oppose à la formation de nouvelles adhérences, et en ayant recours à de fréquentes cautérisations avec le nitrate d'argent pour déprimer les fongosités exubé-rantes , comme M. Gensoul l'a pratiqué une fois avec un plein succès.
APPAREIL SALIVAIRE.
FISTULES SALIVAIRES (pl. 20) '.
On distingue deux espèces de fistules salivaires, celles du canal excréteur de la parotide, ou conduit de Sténon, et celles de la parotide elle-même.
FISTULES DU CONDUIT DE STÉNON.
Anatomie (fig. 1). Le conduit de Sténon, épais, blanchâtre, formé de deux membranes de quatre millimètres de hauteur verticale sur deux millimètres d'épaisseur de dehors en dedans, sort de la glande parotide à peu près sur le niveau de la ligne
• Voyez tome vi, Anatomie cliirurt/icale, régions paroiidienne et sus-kyoïdienne, pages 33 et 3/|.
horizontale qui s'étend de l'ouverture de la narine à l'extrémité du lobule de l'oreille, aux deux cinquièmes supérieurs du masse-ter, et côtoie en travers ce muscle accompagné à distance par des rameaux du nerf facial. Flexueux et légèrement incliné en bas, il contourne le bord du masse ter et la veine faciale, puis s'incurve dans la boule graisseuse bucco-génienne directement en dedans et un peu en bas, traverse le muscle buccinateur à six milli-mètres du masseter et s'ouvre par un petit orifice non valvulaire sur la membrane muqueuse buccale, en regard de la seconde dent grosse molaire, à un centimètre au-dessous de la gouttière de réflexion de la muqueuse gcnio-giugivale.
Au point de vue opératoire les fistules du conduit de Sténon offrent de nombreuses variétés selon que l'orifice cutané acci-dentel est ancien ou récent et par conséquent qu'il est ou non or-ganisé, que la peau en est molle et saine ou qu'elle est calleuse, (pie son siège existe en avant ou en arrière du bord antérieur du masseter, et enfin que le canal naturel au delà persiste ou est oblitéré.
Divers procédés opératoires se rangent sous quatre mé-thodes qui ont pour objet : i" de faire cicatriser l'ouverture fis-tuleuse; 2° de dilater le conduit naturel : 3° d'établir un nouvel orifice ou même une portion de canal; /\° de faire atrophier la glande parotide.
i° Cicatrisation de l'orifice fistuleux.
Cette méthode suppose que la fistule, soit récente, soit an-cienne, n'a été produite que par une cause temporaire, et que le canal est demeuré sain entre la plaie et l'orifice buccal.
(a) Suture entortillée. Si l'orifice fistuleux est une plaie récente, arrivée pendant le cours d'une opération sur la région paroti-dienne, la suture doit être pratiquée immédiatement comme l'ont opérée, avec succès dans trois cas semblables, MM. Delaserve, P. Portai et Bégin; mais si la maladie est ancienne, les bords de l'orifice doivent être avivés : la suture est ensuite pratiquée avec une seule aiguille dirigée verticalement plutôt qu'en travers, comme elle a réussi à Percy, MM. Flajani et Zang.
(b) Cautérisation. Pratiquée avec le fer rouge ou les caustiques la cautérisation produit immédiatement une escarre sous la-quelle le cours de la salive se rétablit par le conduit naturel, de sorte que lacicatricede la fistule est déjà imperméable lorsque l'es-carre vient à tomber. Si l'on en croit les récits des auteurs, la cau-térisation compterait de nombreux succès. Aidée de la compres-sion, Louis en aurait obtenu la guérison d'une fistule existant de puis dix-neuf ans; Munnicls,Imbert, Jourdain, M.Langenbeck et tant d'autres n'auraient pas été moins heureux : mais tout récem-ment M. Gensoul vient de mettre en doute ce résultat, et croit que les cas de succès rapportés aux fistules du conduit de Sté-non n'étaient autres que des fistules de la glande parotide elle-même.
(c) Compression. Maisonneuve , dans un cas de plaie récente par un coup de sabre à la joue, imagina, pour empêcher une fis-tule de se former, d'établir une compression entre la glande et la fistule. Quoique son malade fût guéri après vingt jours, Louis et d'après lui tous les chirurgiens ont repoussé ce mode de trai-tement qui devrait presque toujours avoir pour conséquence le gonflement inflammatoire de la glande parotide et souvent, par suite, l'oblitération de la portion de canal comprimée.
2" DJlatation du canal naturel.
(a) Selon. Procédé de Morand (fig. 3). C'est à ce chirurgien (pie l'on doit la méthode de dilatation. Voici en quoi elle con-siste. Placé debout en face du malade, saisir l'angle labial entre les doigts de la main gauche pour le côté gauche, et vice versa, le tendre et le renverser en dehors, puis de la main restée libre introduire par la fistule le stylet boutonné d'Anel garni d'un fil à son extrémité et l'insinuer lentement dans la portion anté-rieure du canal pour le faire ressortir dans la bouche; le saisir et l'amener vers soi pour engager dans le canal le fil, qui entraîne un petit séton formé de trois ou quatre brins. Lorsque le séton est amené au dehors, nouer sur la joue l'extrémité qui sort de la bouche avec celle qui est restée à l'extérieur de la fistule. Pour faciliter le glissement du séton, et empêcher le canal de se fron-cer, Louis conseille d'y exercer des pressions douces avec les doigts, et de tendre les tégumens au-dessus et au-dessous pen-dant qu'il chemine. Il serait bon aussi d'enduire d'un corps gras la portion qui doit traverser le canal. Lorsque le cours de la salive est rétabli et que l'ulcération commence à se rétracter sur la mèche, on coupe cette dernière au niveau de l'orifice; et on l'en dégage en tirant un peu sur son extrémité buccale, pour la faire entrer en entier dans le canal. Il ne reste plus qu'à faire cicatriser la fistule en l'avivant par de légères cautérisations avec le nitrate d'argent et la couvrant d'une bandelette agglutinative.
3" Formation d'un conduit artificiel.
Cette méthode n'est applicable rigoureusement que dans les cas où la portion antérieure du canal naturel est oblitérée.
De nombreux procédés ont été imaginés pour pratiquer le canal artificiel et pour l'empêcher de se cicatriser, (a) Au rapport de Saviard la méthode elle-même aurait été inventée par Deroy. Ce chirurgien perça la joue de part en part avec une tige de fer en ignition, et parvint à guérir son malade. Après cette tentative originale divers sous-procédés ont été mis en usage, qui ont conservé les noms de leurs auteurs.
(/) Duphénix. Armé d'un bistouri à lame longue, étroite et très affilée, l'insinuer par l'orifice de la fistule de haut en bas et d'avant en arrière, en faire pénétrer la pointe dans la bouche et, par un mouvement de rotation du manche entre les doigts, arrondir en cylindre le trajet de l'instrument au travers des chairs ; retirer le bistouri et introduire à sa place une canule mé-tallique évidée en bec de plume vers l'orifice fistuleux. Aviver les bords de l'ulcération et fermer la plaie par un point de suture entortillée. La canule, laissée à demeure par Duphénix, tomba dans la bouche le seizième jour ; le malade fut guéri.
(c) Monro. Avec une alêne de cordonnier traverser oblique-ment la joue dans la direction normale du canal, trajet auquel se prête la forme de l'instrument. Monro introduisit dans le nouveau canal un fil et guérit son malade; la canule de Duphé-nix, un fil de plomb ou un séton seraient préférables.
(d) Tessard et après lui Flajani se sont contentés d'introduire avec une aiguille, le premier, un simple fil, le second un double cordonnet de soie.
(e) Desault traversa la joue avec un trocartà hydrocèle et se servit de la canule pour glisser un fil servant de conducteur à la
rnèche fie Morand, dont il augmenta graduellement le volume pendant quelques jours avant de faire cicatriser la fistule au de-hors. Bilguer, qui opérait comme Desault, laissait à demeure une canule de plomb.
(f) Richter portait dans la bouche, sur le doigt, un morceau de liège faisant opposition , et sur lequel était reçue la pointe d'un trocart dont il se servait pour perforer la joue; par la canule il introduisait la mèche de Morand. Quant au reste, il cautérisait le canal, à plusieurs reprises, à mesure que des fongosités se for-maient dans le canal artificiel. Dans les cas où le rétrécissement tendait à s'effectuer, il laissait à demeure, pendant un long temps, dans le trajet fistuleux, une canule inoxidable d'or ou d'argent, et attendait que le conduit naturel fût convenable-ment organisé pour aviver et faire cicatriser l'orifice cutané.
(g) M. Atti, à la mèche introduite par la canule du trocart, substitue une tente de plomb fixée à l'extérieur par un fil qui la retient dans la plaie, et divisée à son extrémité buccale, dans une longueur de deux millimètres, en trois fils qu'il renverse sur la membrane muqueuse pour empêcher la tente de remon-ter. Dès que le trajet est suffisamment organisé, il le cautérise avec la pierre infernale, enlève le fil extérieur, coupe un bout de la tente de plomb pour la faire rentrer en entier dans le canal où il la laisse à demeure, et fait cicatriser dessus la fistule cutanée.
Jusque-là tous les procédés, dans le but commun d'établir un canal artificiel par un corps étranger à demeure, en laissent une extrémité au dehors, et l'on continue à entretenir l'orifice cutané pendant que s'organise le trajet fistuleux. Ceux qui sui-vent diffèrent des premiers, en ce qu'ils ont d'abord pour objet la guérison immédiate de la fistule, après la perforation, sur le corps étranger abandonné au dedans.
11 serait fastidieux de recommencer à décrire, dans leurs dif-férentes circonstances, de petits procédés qui ne diffèrent que par la matière employée. Ainsi Percy employait une sonde de plomb. M. Latta se sert d'une corde à boyau; après qu'elle est introduite dans un trajet effectué préalablement au travers de la joue, il s'efforce d'en insinuer le bout extérieur dans la por-tion parotidienne ou supérieure du canal. M. Zancj a recours à la même substance, mais il forme le trajet avec un trocart et glisse avec plus de sûreté la corde à boyau par la canule. L'opé-ration terminée, ils avivent tout de suite la fistule et en réunis-sent les bords par une suture.
Procède de M. Déguise (fig. 3). Ce procédé se caractérise par une idée nouvelle qui est de former dans la bouche deux ori-fices, de manière que la nouvelle voie salivaire forme un Y avec le bout supérieur du canal qu'elle continue. Voici en quoi il consiste. Porter un petit trocart au fond de la fistule, et en diriger la pointe obliquement en arrière autant que possible, dans le canal naturel lui-même, en remontant vers le masseter. Pendant que manœuvre la main qui tient l'instrument, la main droite pour le côté gauche ou la main gauche pour le côté droit, on guide la pointe du trocart avec deux doigts de l'autre main introduits dans la bouche, et entre lesquels cette pointe doit ressortir. Dès qu'un premier trajet est effectué, retirer la tige, puis glisser par la canule un fil de plomb qu'on saisit entre les doigts dans la bouche, et retirer la canule ; de sorte qu'on a un premier trajet dirigé en arrière, et rempli par un fil dont une extrémité est dans la bouche et l'autre au dehors. L'opération à ce point, reporterie trocart dans la fistule, mais en lui donnant
T. Vil.
une direction opposée, c'est-à-dire d'arrière en avant et de dehors en dedans; la tige enlevée, introduire par la canule un fil ciré double, retirer la canule, lier le fil ciré sur l'extrémité du fil de plomb restée au dehors, et s'en servir pour amener cette dernière dans la bouche. On a donc profondément une anse qui embrasse les parties molles au fond de la fistule , dont le sommet correspond au canal, et dont les côtés forment deux nouveaux trajets. Il ne s'agit plus que de recourber ou de réunir les deux extrémités du fil de plomb. La fistule extérieure est ensuite avivée et réunie par un point de suture entortillée. Lors-que les deux trajets fistuleux internes sont cicatrisés, on retire par la bouche le fil de plomb ou, si les deux orifices sont très rapprochés l'un de l'autre, on peut attendre que le fil tombe de lui-même après la section du petit pont charnu dont l'effet est de réunir les deux ouvertures en une seule.
Au fil de plomb de M. Déguise, M. Vernîtessubstitue un fil d'or dont il noue et tord les deux extrémités pour effectuer la section des chairs. Mais son procédé se caractérise par une diffé-rence bien plus importante que ne peut l'être la nature du corps étranger. Au lieu de tracer les deux trajets accidentels en travers, il les dirige de haut en bas; modification qui nous paraît avan-tageuse, le peu d'éloignement du muscle masseter de la termi-naison buccale du conduit de Sténon et la proximité de la veine faciale rendant impossible et dangereuse la perforation comme elle est indiquée, en arrière, vers la glande, tandis que dans le sens vertical, sauf une obliquité en avant, l'opération est des plus faciles.
Une autre modification a trait à la nature du fil. Toujours dans le but de rendre la section plus facile, M. Mirault d'Angers et M. Roux emploient un cordonnet de soie dont le premier de ces chirurgiens augmente la striction avec un serre-nœud.
Quant au mode de perforation, deux modifications récentes l'ont rendu plus facile. Au petit trocart ordinaire à hydrocèle M. Grosserio a substitué un trocart très délié ( fig. 3 ), dont le bouton terminal de pression se dévisse de manière que l'instru-ment tout entier peut être retiré par la bouche et servir à con-duire le fil. Enfin M. Malgaigne, complétant l'idée de Flajani de traverser la joue avec une aiguille, propose d'armer les extré-mités d'un même fil ou cordonnet de soie de deux aiguilles qui, introduites l'une après l'autre par l'orifice fistuleux, rendent l'opération aussi prompte que facile. Il ne s'agit plus, pour la compléter, que de nouer les fils au dedans, et de fermer au dehors la fistule par une suture (pl. 20, fig. 6).
4" Oblitération du conduit naturel.
La dernière intention chirurgicale imaginée pour guérir la fistule salivaire a été de déterminer l'atrophie de la glande pa-rotide. Avant d'aller plus loin nous ne pouvons nous empêcher de blâmer un prétendu moyen thérapeutique qui, pour guérir une maladie peu grave de sa nature et susceptible d'une guérison spontanée, comme Nuck , Ferrand, A. Dubois, etc.,. en citent des exemples, ne conçoit rien de mieux que la destruction d'un organe important, sans s'inquiéter des accidens graves qui peu-vent en résulter, vu la structure anatomique de la glande, et de l'impossibilité souvent absolue d'obtenir le résultat que l'on se propose. Les moyens imaginés pour déterminer l'atrophie sont la compression et la ligature.
(a) Compression. Maisonneuve réussit, parla compression per-manente établie entre la fistule et la glande, à guérir en vingt
jours un malade chez lequel un coup de sabre a la joue avait divísele conduit de Sténon. Malgré le succès qu'il obtint, Louis et d'après lui les chirurgiens modernes ont. rejeté ce procédé comme dangereux pour la glande, Rien ne prouve en effet que dans le cas de Maisonneuve la giiérison n'ait pas été obtenue tout simplement, par cicatrisation de la fistule, la sécrétion de la ¡fiando et la perméabilité du canal étant conservées.
(h) Ligature. Wiborg le premier, pour éviter d'avoir recours a la compression, imagina d'appliquer une ligature sur le con-duit de Sténon, entre la fistule et la glande. Pour la pratiquer, il indique de faire sur le trajet du canal une incision, d'isoler le conduit de Sténon des branches de nerfs qui le côtoient, et de le lier comme on ferait d'une artère. Essayé sur des che-vaux sans accidens consécutifs, ce moyen, conseillé par Zang, est resté à l'état de théorie, aucun chirurgien ne l'ayant mis en pratique. Ajoutons que, malgré le résultat expérimental sur lequel on s'appuie, il ne paraît nullement probable que la liga-ture , bien plus encore que la compression, du conduit excréteur d'une glande aussi volumineuse que la parotide ne dût pas donner lieu à un gonflement inflammatoire qui, vu l'encastre-ment de la glande et le nombre considérable de vaisseaux et de nerfs qu'elle renferme, devrait amener les accidens les plus redoutables.
FISTULES DE LA GLANDE PAROTIDE.
Les fistules de la glande parotide sont de deux sortes : les unes, peu abondantes, ne sont produites que par quelques petits ca-naux salivaires; les autres, plus graves, ont pour siège les ra-cines du canal de Sténon oti ce canal lui-même dans le point où il se dégage de la glande. Divers moyens ont été tentés pour ob-tenir la guérison de ces sortes de fistules.
(a) Cautérisation. Exercée soit avec le fer chaud, soit avec les caustiques, c'est la méthode la plus anciennement connue. Em-ployée dans l'antiquité avec succès par Galien pour une fistule à la suite de parotide critique, on la retrouve dans le rnoyen-âge usitée chez les Arabes et pratiquée sous diverses formes à la re-naissance par Franco et A. Paré. Ce dernier chirurgien se servait de l'acide nitrique. Depuis, Diemerbroeck, Jourdain et autres ont employé le cautère actuel, M, Iliggimbottom l'acide sulfu-rique, Boyer, Dubois et la plupart des chirurgiens de nos jours le nitrate d'argent liquide ou solide. C'est ce dernier moyen qui a prévalu. Toutefois M. Velpeau. en 1831, s'est servi avec suc-cès d'un trochisque de minium.
(b) Injections irritantes. Proposé par Louis, ce moyen a pour objet de déterminer l'oblitération par inflammation du trajet fistuleux. Les cathérétiques et les diverses substances irritantes peuvent y servir. C'est, quanta son objet, un moyen analogue à la cautérisation, mais d'un résultat moins sûr.
(c) Vésicaloire. Encore un moyen d'un effet analogue au pré-cédent, mais plus actif. D'après ce qu'il en raconte, M. Velpeau a réussi à l'aide de vésicatoires volans appliqués sur la fistule à gué-rir deux malades dont l'affection datait de plusieurs mois.
(d) Compression. C'est Desault le premier qui eut l'idée de comprimer la parotide pour en déterminer l'atrophie. La fistule se cicatrisa rapidement, et le malade a guéri. Boyer, en rappor-ta rit ce fait, émet le soupçon que la glande ait reprisses fonctions, et cette opinion est partagée par la plupart des chirurgiens. Ajoutons, pour la corroborer, qu'encastrée profondément comme elle l'est la glande parotide ne peut être véritablement compri-mée qu'à sa surface cutanée, à moins d'exercer une pression si forte qu'il en résulterait des accidens. Mais, du moins, il ressorti-rait du fait de Desault, interprété par Boyer, que la compression de la glande seule ou combinée avec les autres moyens pût être raisonnablement essayée.
(e) Excision. Ce moyen, proposé par M. Velpeau, n'a pas en-core été essayé, mais paraît assez rationnel. Son auteur indique de comprendre l'ulcère entre deux incisions elliptiques, et de réu-nir immédiatement au moyen de bandelettes agglutinatives ou de la suture entortillée. C'est en fait l'un des procédés de guérison de la fistule du canal transporté à celle de la parotide, mais qui semble avoir autant de chances de succès dans le second lieu que dans le premier.
(f) Enfin, pour ne rien omettre, citons, comme une tentative à essayer, la proposition faite par M. Malgaigne d'appliquer sur la fistule une mince feuille d'or fixée par une mouche de poix de Bourgogne. Il ne paraît pas déraisonnable de penser que ce moyen, très simple, en empêchant mécaniquement le passage de la salive ne pût favoriser la cicatrisation de la fistule, eu ayant soin préalablement d'en aviver les bords.
Nous ne croyons point devoir parler de l'extirpation de la glande parotide, moyen extrême qui n'est cité par tous les au-teurs que pour le rejeter.
Appréciation. En résumé on voit que les procédés curatifs de la fistule salivaire sont très nombreux, et (pie plusieurs sont assez efficaces pour l'objet qu'ils ont à remplir suivant le cas. La suture entortillée réussit très bien si le canal est perméable. Si l'on est dans la nécessité de créer Un canal artificiel, il faut pré-férer la modification où un corps étranger est laissé à demeure dans les chairs en faisant tout de suite cicatriser la fistule. Enfin, pour les fistules parotidiennes, le vésicatoirc, comme étant le plus simple, nous paraîtrait devoir être essayé d'abord; et s'il était sans effet, nous croirions devoir conseiller la Cautérisation avec le nitrate d'argent aidée de la compression.
EXTIRPATION DE LA GLANDE PAROTIDE.
Anatomie. Pour comprendre toute la gravité que présente l'extirpation de la parotide, il est bon de tracer en quelques mots les particularités anatomiques qui concernent cette glande. Si-tuée dans la région ternporo-maxillaire, la parotide se présente chirurgicalement comme formée de deux portions : l'une exté-rieure superficielle plate et en quelque sorte étalée sous la peau, et qui se prolonge en appendice granuleux sur la circonférence de la glande; c'est cette portion, siège des fistules, qui peut être comprimée efficacement. La partie profonde, continue avec la première, est encastrée latéralement entre le bord postérieur de-là branche maxillaire en avant, l'apophyse mastoïde et le muscle sterno-mastoïdien en arrière, et prend naturellement la forme rectangulaire de l'espace qui la renferme. Toutefois le bord maxillaire, reçu dans l'épaisseur de la glande, y forme un étran-glement vertical, et au delà de ce bord elle se dilate de nouveau et s'enfonce en avant sous le ptérygoïdien interne appliquée en de-dans sur le ventre mastoïdien du digastrique, les muscles styliens
et les tendons traehéliens des muscles du eou. Il résulte de cet aperçu que l'extirpation complète de la parotide en elle-même est presque impossible, puisque la glande envoie profondément dans diverses directions des prolongemens dont, en cas de dégé-nérescence, il est à craindre que l'abandon dans la plaie n'entraîne souvent la récidive delà maladie. Mais aux difficultés mécaniques de l'opération se joignent encore des dangers bien piltis graves au simple point de vue de la structure anatomique. Dans son épais-seur, la portion profonde de la glande parotide est traversée : t° dans son grand diamètre vertical par l'artère carotide et la veine jugulaire externes qui fournissent dans cette étendue les vaisseaux maxillaires internes et auriculaires postérieurs, outre de nombreux vaisseaux parotidiens; 2° dans le diamètre hori-zontal, par le tronc du nerf facial qui s'y divise en ses principales branches sans compter d'autres rameaux nerveux de moindre importance.
Ifislori(jite. D'après ce qui précède, il semble que l'extirpa-tion de la parotide, considérée d'une manière générale, dût être une opération téméraire et dont la réalisation complète serait à peu près impossible: opinion qui est celle dcBoyer et de la plupart des grands chirurgiens. Cependant en parcourant les faits cités parles auteurs on est surpris du nombre d'opérations de ce genre qui ont été pratiquées avec des résultats variés, ainsi que du vo-lume et du poids énorme des tumeurs qui ont été enlevées. Sui-vant l'observation de Richter, nombre de ces prétendues extir-pations de la parotide n'auraient eu pour objet que des tumeurs lymphatiques. Telles sontles observations rapportées par Heister, Scultet, Verdier, Palfin, Van-Swieten, Garengeot, où l'opéra-tion a pu se faire presque sans écoulement de sang. Telles sont aussi ces tumeurs de trois à quatre livres enlevées par Acrel, Burgraw, Alix, où il a suffi pour arrêter l'hémorragie d'un sim-ple tamponnement. Des faits plus récens justifient ces doutes. De ce nombre sont les kystes séreux et salivaires de MM. Henry et Krimer; la tumeur enlevée par M. Goyrand (t 83g), qui avait le volume d'une orange, jugée par ce chirurgien de nature lym-phatique, mais qu'il s'est assuré n'être pas la glande parotide. Dans un autre cas, où le malade a guéri, il n'y avait eu d'enlevée que la superficie des glandes sous-maxillaire et parotide.
Mais d'autres faits en grand nombre infirment les précédens.
C'est àSiébold, en 1781, puis en 1796, que l'on rapporte le premier cas d'extirpation réputée complète de la parotide. De-puis les faits se sont singulièrement multipliés. En 1818 cette opération est pratiquée avec succès par M. Carmichael, puis successivement par MM. Klein (1820), Idrac, Prieger, Nœgèle, Moulinié, Heyfelder ( 1825), Gensoul (1826), Clellan, Cordes, Fonthein (1828), Astley Cooper et M. Ilendriks auquel on doit cinq faits de guérison. Mais les cas d'insuccès sont survenus à des chirurgiens non moins habiles : MM. Moulinié, Béclard (1823), Gensoul (1825), Lisfranc (1826), V. Mott et plusieurs autres. En résumé, sur environ quarante cas rassemblés par M. Velpcau et dont il a consigné les principaux résultats, on compte de vingt à vingt-cinq guérisons et de dix à quinze morts, sauf peut-être quelques cas douteux de récidive. En masse, ces résultats ne semblent pas aussi funestes qu'on pourrait le juger à priori. Quelques doutes que l'on élève sur l'ablation plus ou moins complète, toujours est-il que, dans le plus grand nombre des cas avérés, au dire des assistans elle a porté très profondément dans le creux temporo-maxillaire au travers de la glande et par conséquent des vaisseaux et des nerfs. Et cependant il ne s'est présenté que deux faits d'hémorragie foudroyante; cet accident n'étant encore arrivé qu'à Heister, et plus récemment à M. La-coste. Quelques chirurgiens seulement, MM. Mott, Eulembert, Awll, Eckstrum , Widmcr, ont pris la précaution de lier préala-blement l'artère carotide externe; les autres ont pris seulement le soin de l'éviter en opérant, et au plus grand nombre il a suffi pour arrêter l'hémorragie de faire un tamponnement favo-risé, il est vrai, par la situation de la plaie dans un encastrement osseux. L'accident le plus commun a été la paralysie du côté correspondant de la face, déterminée par la section du nerf facial : cette paralysie a persisté sur des malades opérés par Béclard, MM. Carmichael, Gensoul, Magri, Ilendriks, Warren; mais elle s'est dissipée à la longue chez ceux opérés par MM. Heyfelder et Fonthein.
Procédé opératoire.
Peut-être, comme l'ont pratiqué plusieurs chirurgiens, la pre-mière précaution à prendre est-elle de lier dans une première opération l'artère carotide externe, ou au inoins de la mettre à dé-couvert et de l'environner d'une anse de fil pour être en mesure de la lier dans le cas où une hémorragie foudroyante surviendrait pendant l'opération. Si le chirurgien croit pouvoir passer outre il est indispensable qu'un aide intelligent se tienne prêt à com-primer, le cas échéant. Le malade est couché sur un plan incliné, la tête renversée sur le côté sain, et fixé dans cette position par d'autres aides. La préparation de l'appareil est des plus simples : des bistouris, des pinces, des fils à ligature et, outre les linges de l'appareil, les divers objets qui concernent l'hémostatique. On y joindra l'un des divers ostéotomes, des pinces incisives et autres insti'iimcns de résection pour un cas de cancer où l'on craindrait que la maladie n'eût attaqué l'une des parties osseuses au con-tour.
Tout étant disposé, la forme de l'incision cutanée est détermi-née par la forme et le volume de la tumeur. L'incision en T ou l'incision cruciale, qui donnent la facilité de mettre les parties largement à découvert, doivent être préférées, en prolongeant davantage la branche verticale parallèle au plus grand axe de la tumeur. Les lambeaux cutanés étant disséqués et relevés, et l'o-reille avec son lobule attirée en arrière et en haut, en ménageant en avant le cartilage de la conque, attaquer la masse indurée, d'abord par son contour supérieur, puis postérieur, où elle est mieux limitée, en l'isolant avec soin du conduit auditif et des tissus fibreux de l'articulation temporo-maxillaire, puis en contournant l'apophyse mastoïde on évite ainsi de blesser d'abord le conduit de l'oreille et l'artère carotide située plus en dedans. Dès que le bistouri est parvenu un peu profondément, il convient de substituer, autant qu'on le peut, à sa lame, l'extré-mité amincie d'un manche de scalpel avec laquelle on déchire les adhérences celluleuscs sans craindre de couper les vaisseaux et les nerfs. Parvenu derrière la branche de la mâchoire, il faut re-doubler de précautions pour ne point blesser l'artère carotide ou ses deux grosses divisions. Quant aux artérioles, on doit les lier au fur et à mesure qu'elles sont coupées. Dans cette dissec-tion laborieuse , c'est sur les grosses artères et sur le nerf facial que doit toujours porter l'attention du chirurgien. D'après l'ex-périence des faits connus, déjà nombreux, on voit que l'on s'est moins préoccupé ou que l'on a trouvé plus difficile d'éviter le nerf que les artères, puisque la paralysie est survenue plus fréquemment que l'hémorragie. A la vérité quelques chirurgiens n'hésitent pas à couper le nerf en travers ; et on a été, dans des ouvrages modernes, jusqu'à poser cette section en principe, ap-puyé sur cet argument : qu'il est peu important de conserver un
nerf qui traverse une niasse cancéreuse. Un pareil raisonnement est loin de nous convaincre : nous ne voyons pas pourquoi on couperait, un gros nerf dans les cas où il n'existe pas de paralysie complète avant l'opération; c'est bien assez de celle des branches divergentes nombreuses que l'on ne peut éviter. Enfin il ne pa-raît pas que ce précepte ait été suivi généralement par les opé-rateurs, puisque la paralysie n'est survenue que chez quelques malades. Au'restc, pour ces cas irréguliers il est presque impossible d'établir des préceptes rigoureux; mais, nous en tenant au prin-cipe île ne pas sacrifier sans nécessité absolue des organes im-portans, comme la situation profonde des vaisseaux et des nerfs s'oppose à ce qu'ils puissent être déplacés de beaucoup de leur situation naturelle, il importe d'avoir toujours présentes à la mémoire les lignes qu'ils occupent, sauf les quelques milli-mètres de déviation qu'ils peuvent offrir : le tronc principal du nerf dirigé obliquement du sillon antérieur de l'apophyse mas-foïde vers l'angle de la mâchoire ; l'artère, et la veine montant parallèlement à cette branche, à un centimètre et demi de pro-fondeur. Du reste, à mesure que l'on détache la tumeur de haut en bas, le chirurgien a soin de s'assurer, au toucher du doigt, de la nature des tissus sur lesquels il opère; et c'est par cette précau-tion que l'on se rend compte du petit nombre d'hémorragies formidables qui sont survenues, les grosses artères étant sen-sibles à leurs hattemens. Par prudence encore, si l'on voit que des appendices pénètrent trop profondément, et qu'on ne puisse facilement ou sûrement les détacher, mieux vaut les étreindre par une ligature, en coupant en-deçà ou vers soi avec le bistouri ou les ciseaux; sauf même à y revenir par un dernier examen après l'ablation de la masse principale. En procédant ainsi avec lenteur et ménagement, on parvient peu à peu à renverser la masse de la tumeur sur le cou ; et on achève de la détacher soit par déchirement, soit par excision : si elle paraissait tenir encore par quelque prolongement vasculaire, à l'exemple de Hezel on en ferait la ligature avant de les séparer. D'après M. Velpeau, l'absence de cette précaution , dans un cas survenu à M. Bégin, aurait eu pour conséquence une hémorragie d'autantplus redou-table que le vaisseau rétracté ne put être lié et mit le chirurgien dans la nécessité de pratiquer un fort tamponnement.
Les artères qui, à part le tronc de la carotide, peuvent être lésées dans le cours de l'opération, et dont il faut faire la ligature, peu-vent se trouver en grand nombre : la transverse de la face, la temporale, l'auriculaire postérieure, les branches mastoïdiennes, la maxillaire interne, la pharyngienne inférieure, l'occipitale et même, dans quelques cas où l'on descend très bas, la faciale et la linguale. C'est ce danger de blesser un si grand nombre d'ar-tères qui rend prudente la ligature du tronc carotidien. Après (pie l'hémorragie artérielle est supprimée, le sang coule en-core quelque temps en nappe par les veines; mais le tamponne-ment suffit pour l'arrêter. L'opération terminée, comme dans tous les cas d'extirpation de tumeurs avec dégénérescence il faut revenir sur les appendices que l'on n'aurait pu séparer d'abord après ligature; puis s'assurer, par un examen du fond de la plaie, s'il en existe d'autres pouvant entraîner récidive, et dont il faudrait faire l'excision avec toutes les précautions convenables. La surface de la plaie offre une excavation en profondeur consi-dérable, mais qui, en raison de la saillie des os, ne donne point lieu par la suite à une difformité proportionnelle. Si la plaie n'a que peu d'étendue, on peut en réunir immédiatement les lam-beaux par la suture et les agglutinatifs; mais si la surface en est très large on prescrit de ne la fermer qu'imparfaitement, en ména-geant une issue aux liquides le long des fils à ligature, pour éviter qu'il ne se forme des foyers purnlens qui pourraient occasionner de graves accidens, comme il est arrivé à plusieurs chirurgiens et en particulier à Béclard. Après la cicatrisation, le malade reste ordinairement infirme; il a pu arriver que l'on ait emporté une portion des muscles styliens, d'où résulte une gêne ou une imperfection dans les mouvemens du pharynx* larynx etde la langue: mais surtout nous avons vu (pie l'accident le plus commun est la paralysie d'une moitié de la face dans le cas où l'on n'a pu éviter la section du nerf facial.
Lirjalure. M. May or, généralisant son procédé de ligature, en a conseillé l'application à la parotide. Pour cela, après avoir mis la glande à nu et en avoir isolé toute la portion saillante à l'exté-rieur il indique de la traverser profondément à l'aide d'une ai-guille, avec un ou plusieurs fils, pour la séparer en plusieurs por-tions dont la ligature se fait ensuite séparément; ou bien d'attirer et, en quelque sorte, de soulever autant que possible la tumeur en dehors avec une airigne de Museux, de l'isoler un peu sur les côtés et de glisser à sa base une ligature unique dont la striction est également commandée par un serre-nœud. Aucun lieu ne se prête moins à l'emploi de ce procédé que le creux temporo-maxil-laire, surtout vu la forme irrégulière de la glande parotide. C'est donc avec une double raison que M. Velpeau rejette ce pro-cédé employé seul, mais qu il l'adopte comme tous les chirur-giens, combiné avec a"cxcision, pour la ligature partielle des appendices ou des racines, pendant le cours de l'extirpation de la masse principale, comme nous l'avons dit. plus haut.
EXTIRPATION DE LA GLANDE SOUS-MAXILLAIRE.
Oblongueen travers et placée dans l'espace triangulaire sous-maxillaire entre les tégumens et le peaucier, le bord de la mâ-choire près de son angle, et le plan du muscle mylo-hyoïdien ; circonscrite entre les vaisseaux faciaux à son bord supérieur, et ceux de la langue à son bord inférieur, cette glande, en cas de dé-générescence, fai t souvent une tumeur commune avec la parotide : mais si elle est seule malade, cas dans lequel elle se trouve ordi-nairement englobée dans une tumeur lymphatique, rien de plus simple que son extirpation partielle.
Procédé opératoire. Pratiquer le long du bord delà mâchoire une première incision sur laquelle, à partir de l'angle maxillaire, on en abaisse une autre proportionnée au volume de la tumeur; ren-verser en bas le lambeau formé par la peau et le peaucier. La glande sous-maxi llaire se trouvant mise à découvert avec les gan-glions lymphatiques plus ou moins dégénérés qui l'environnent, la saisir avec une pince de Museux, puis l'isoler par excision et déchirure, en prenant garde d'intéresser les vaisseaux voisins, et achever de la séparer en quelque sorte par énueléation ; rien ne s'oppose ici à ce qu'on réunisse par première intention.
GRENOUILLETTE.
La grenouillettc ou ranule est une tumeur située latérale-ment sous la langue, entre cet organe,qu'elle soulève, l'os maxil-laire et le plancher formé par les muscles sus-hyoïdiens. Quoique cette affection soit peu grave, la tumeur néanmoins gêne par son volume ; elle embarrasse ou empêehcles mouvemensde la langue, et dans certains cas elle peut aller jusqu'à gêner la respiration (F. de Hilden, Marchettis), empêcher le malade de manger (Tail-lardant), et même jusqu'à produire la suffocation (Alix, Burns).
Des opinions très différentes ont régné sur la nature de la gre-nouillette. Déjà Celse en faisait une tumeur enkystée; Aranzi n'y voyait qu'un simple abcès; Louis semblait avoir prouvé, pour ses contemporains, que c'était toujours un kyste salivaire ou déve-loppé dans la glande sous-maxillaire, ou causé par la dilatation du canal de Wartbon. MM. P. Dubois et Stoltz l'ont rencontrée chez des nouveau-nés où elle occupait la glande sub-linguale. En parcourant les faits rapportés par les auteurs, on voit qu'on a décrit sous le nom de ranule, des affections de nature très différente: les uns ont trouvé dans le kyste, un liquide visqueux qu'ils ont cru être de la salive épaissie; d'autres une matière muqueuse ou purulente, des calculs, etc ; mais comme le siège delà maladie paraît peu varier, il en résulterait que, dans la plupart des cas, le kyste appartiendrait aux voies salivaires et aurait pour première cause une obstruction de leurs canaux; tandis que, dans d'autres circonstances, ce ne serait, comme le pensait Dupuytren , qu'un kyste séreux ou séro-muqueux, déve-loppé sous la membrane muqueuse buccale, et qui n'aurait, avec les voies salivaires proprement dites, qu'un rapport de voisinage. Il ressort de l'ensemble de ces faits, que la nature et l'étiologie de la grenouillette, demanderaient de nouvelles observations d'anatomie pathologique.
Divers moyens ont été imaginés pour guérir la grenouillette. En fait, rien n'est plus simple que de faire disparaître la tumeur : une incision ou une simple ponction suffisent ; mais l'expérience a appris que l'évacuation de la poche est promptement suivie d'une récidive, et c'est pour cette dernière qu'on a imaginé des moyens plus énergiques : les injections, les corps étrangers à demeure, la cautérisation et l'excision.
i° Incision. Connue des anciens, Hippocrate recommande de la faire avec une lancette ; Celse et Aétius en parlent, mais déjà ne la regardent pas comme curative ; Aranzi l'emploie à la renaissance et, dans le siècle dernier, Jourdain croit que l'incision suffit, pourvu qu'on ouvre toute l'étendue du sac; mais cette opinion est aujourd'hui absolument rejetée.
a" Injections irritantes. Le kyste ouvert, Paracelse et après lui Purmann y introduisaient des substances détersives. Ce moyen, qui provoque une inflammation adhésive, a compté des succès. Un chirurgien de Salzbourg a réussi avec de simples injections d'eau-de-vie camphrée ; le vin ou l'eau salée ont suffi à quelques chirurgiens.
3° Cautérisation. Les caustiques sont déjà recommandés par Aétius, mais au moyen-âge, l'emploi du fer chaud est préféré. A. Paré cautérisait avec une espèce de trocart chauffé à blanc, qu'il introduisait au travers d'une plaque protectrice. Louis, dans le siècle dernier, préfère aussi le cautère actuel à l'instru-ment tranchant ; de nos jours, MM. Larrey et Pl. Portai sont les seuls qui aient recours à ce procédé. Mais la cautérisation , par les caustiques, a trouvé un plus grand nombre de partisans. Dionis employait un mélange d'acide sulfurique et de miel ; Camper touchait la surface interne du kyste avec la pierre infer-nale ; Acrel et Callisen cautérisaient avec une boulette de charpie imbibée d'un acide concentré. En résumé la cautérisation qui détruit la surface du kyste, et donne lieu à des eschares dont la chute est suivie d'une cicatrisation, est une méthode véritable-ment curative, mais c'est un moyen douloureux et trop long.
T. VII.
4° Corps étrangers a demeure. Deux sortes de corps ont été laissés à demeure, le séton et la canule. Le but absolument inverse des chirurgiens qui ont créé ces deux moyens, en appa-rence d'une même méthode, témoignent clairement du vague qui reste sur l'étiologie de la grenouillette; la présence du séton , ayant pour objet d'obtenir l'inflammation adhésive des parois de la cavité, qui dans ce cas ne serait considérée cpie comme un kyste non salivaire, tandis que la canule a pour but d'offrir temporairement un orifice métallique, à l'écoulement de la salive, en attendant qu'il se forme par la cicatrisation sur le corps étranger une fistule ou un orifice artificiel permanent.
A. Séton. Purmann, le premier, employa le séton pour obte-nir l'adhésion d'un kyste réputé salivaire. M. Physick a fait avec succès usage de ce moyen, et M. Laugier a fait connaître un certain nombre de cas du même genre. L'application du séton ne diffère pas ici de ce qu'elle est sur les autres trajets muqueux. Il suffit, après avoir fait la ponction de la tumeur, d'introduire par l'orifice une petite mèche nouée sur un fil laissé au-dehors. Quand l'inflammation est établie, il importe de retirer la mèche en en-tier, l'abandon d'un simple fil pouvant donner lieu à des accidens consécutifs, comme il résulte, de quelques observations, sur les corps étrangers d'un petit volume, rapportées dans divers jour-naux de médecine, soit une arête de poisson (Revue Méd.), un fétu de paille (Gaz. Méd.) , ou une soie employée par les cordon-niers. (M. Robert).
B. Canule et bouton à demeure. C'est aussi au travers de la piqûre que sont introduits ces petits instrumens autour des-quels doit se faire la cicatrisation. Lecut guérit un malade avec une courte canule étranglée au milieu, et terminée à ses extrémi-tés , d'un côté par une petite pomme d'arrosoir en saillie dans la bouche, et de l'autre par une petite plaque, élargie en pavillon , logée à l'intérieur de la cavité. Sabatier, moins bien inspiré, a fait usage d'une canule , longue de trois centimètres, qu'il insi-nuait dans le kyste, et dont une extrémité seulement offrait un élargissement, de sorte que cette canule tendait toujours à tomber dans la bouche. Dupuytren, dans le procédé auquel il a donné son nom , est revenu à l'idée de Lecat, mais avec une modification. Son instrument se compose de deux petites plaques métalliques, d'un centimètre de diamètre, réunies par un étroit pédicule de quatre millimètres de longueur. Le procédé de son application est des plus simples ; la bouche largement ouverte, la pointe de la langue écartée en haut et du côté opposé, le chirurgien soulève avec des pinces, la membrane qui revêt la tumeur au plus près du repli sous-lingual, et y fait une piqûre pour la vider. On aide à l'évacuation, par une double pression combinée au dedans de la bouche et au dessous de la mâchoire. Lorsque le kyste est affaissé, saisissant avec des pinces l'une des plaques de l'instrument, on insinue l'autre plaque au dedans delà cavité, la première restant au dehors, de manière que les lèvres de la petite incision se rapprochent sur le pédicule intermédiaire. La salive s'écoule à mesure, entre la tige et les bords de la plaie, qui se transforme en un orifice circulaire. L'instrument une fois en place, Dupuytren l'y abandonnait pour toujours. L'expérience apprend qu'au bout d'un certain temps, il ne cause plus aucune incommodité. Beaucoup de malades ont été guéris par ce procédé ; pourtant, nous n'avons jamais compris pourquoi, en tant que de laisser ce bouton à demeure, l'auteur n'avait pas préféré transformer le pédicule en une canule creuse, qui donnerait
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issue aux fluides, et que l'on pourrait toujours désobstruer, si elle venait à s'engorger, tandis que si pareil accident a lieu au pourtour de l'orifice, par des concrétions calcaires ou autres, comme il arrive si fréquemment dans les voies salivaires , il n'y aurait plus d'autre ressource, que d'extraire le bouton lui-même, par une nouvelle incision.
5" Extirpation. Cette méthode est très ancienne. On sait que dans l'antiquité, elle était pratiquée par Celse; à la renaissance, Mercurialis prescrit très positivement d'exciser le kyste en entier, pour éviter qu'il se reproduise. Plusieurs autres chirurgiens se contentaient d'en enlever une portion, procédé qui rentre dans l'excision. Aujourd'hui c'est l'excision qui est généralement pré-férée, la nécessité de l'extirpation n'étant admise que pour les cas où l'on a affaire à une tumeur lymphatique ou autre. On le voit, c'est toujours ce même vague dans le diagnostic qui met dans l'impossibilité de déterminer historiquement la valeur relative des méthodes.
6° Excision. Comme on l'a vu , jusqu'au dix-huitième siècle, l'excision se confondait plus ou moins avec l'extirpation. Déjà pourtant F. d'Aquapendente se contentait d'enlever un lambeau du kyste avec la pince et le rasoir; mais c'est à J.-L. Petit que Ton doit le précepte de se borner à exciser un lambeau, cette légère opération suffisant pour que la maladie ne se reproduise pas. La même pratique a été suivie par Richter et Desault, puis à leur exemple, par Boyer qui l'a fait généralement adopter.
Le procédé opératoire est des plus simples : une portion de la tumeur étant soulevée à l'aide d'une pince à disséquer ou d'une airigne, avec la pointe d'un bistouri droit, inciser les membranes de revêtement, dans les trois quarts de la circonférence de la tu-meur, en arrière, en dehors et en avant, en suivant au plus près le sillon bucco-gingival. Puis soulevant le lambeau avec des pinces, achever de le détacher en dedans, avec des ciseaux courbes, de sorte que le liquide étant évacué, le fond du kyste forme im-médiatement paroi de la cavité buccale. A peine s'il s'écoule quelques gouttes de sang; aucun pansement n'est nécessaire, et la maladie guérit d'elle-même, par la simple cicatrisation du plan de section membraneux.
Appréciation. De tout ce qui précède, il résulte que la gre-nouillette, quand elle consiste en un kyste séreux ou salivaire, peut guérir par tous les procédés dont nous avons offert le détail, mais avec des chances diverses. La cautérisation est trop longue, trop douloureuse, et peut inutilement donner lieu à des acci-dens ; la simple ponction , l'injection et le séton exposent à des récidives; les canules et boutons à demeure sont une incommo-dité inutile ; reste donc l'excision, le procédé le plus prompt et le plus simple, puisqu'il est immédiatement suivi de la guérison, quand la maladie n'est qu'un kyste: mais, quand il y a tumeur lymphatique ou transformation de tissus, l'extirpation est néces-saire.
kystes de la bouche.
On appelle du nom de tumeur salivaire, des kystes remplis d'un liquide albumineux et incolore, qui se rencontrent sur des points très différais, et dont il est présumable que quelques-uns sont effectivement des tumeurs salivaires, tandis que d'autres ne seraient que des kystes séreux ou hydatiques. Ainsi, parmi les différens observateurs qui ont vu et opéré de ces tumeurs, M. Gra-fe en a trouvé dans l'épaisseur des lèvres ; MM. Velpeau et A. Bérard , entre les gencives et la joue , et entre les gencives et la langue; MM. Latour et Ricord, clans l'épaisseur même de la joue; enfin Wilmer, Dupuytren, Runge et M. Roux, en ont ren-contré dans l'épaisseur des os maxillaires. Les procédés opéra-toires convenables sont l'excision ou l'extirpation simples ou aidées de la cautérisation avec un pinceau trempé dans un liquide caustique.
Une autre variété de tumeur, bien plus certainement formée par une collection de salive, est celle qui survient à la suite de blessures des glandes ou des conduits salivaires. MM. Lasserve et Verhnes ont fait connaître deux cas de ce genre. M. Verhnes guérit son malade par une ponction , avec un petit trocart entraî-nant un double fil d'or, qu'il laissa séjourner dans la cavité du kyste, pour en déterminer l'inflammation. On conçoit du reste que l'excision , l'extirpation ou la cautérisation auraient produit le même résultat.
LANGUE.
section du filet.
Le frein de la langue, repli fibro-muqueux, qui termine en avant la saillie des muscles génio-glosses, se prolonge quelquefois trop en avant, vers la pointe; cette disposition, qui gène chez l'enfant nouveau-né la succion du lait, et plus tard nuit à la prononciation, est connue sous le nom dejï/et; la section du filet doit être pratiquée, mais sans pénétrer trop profondément, pour ne pas blesser les veines ranines. On est assuré que le filet existe, et qu'il y a lieu à une opération, lorsque le petit doigt introduit dans la bouche, n'est pas fortement serré contre le pa-lais par la pointe de la langue rétractée en bas, et qu'en saisissant avec les doigts l'extrémité de l'organe, on éprouve de la difficulté à l'amener entre les lèvres. L'examen direct du frein montre alors qu'il se prolonge quelquefois jusqu'auprès de la pointe de la langue sous forme d'un mince repli muqueux que l'on peut inciser inpunément dans toute la portion où il est évident qu'il ne se compose que du dédoublement de la membrane muqueuse buccale. Au toucher, en le pinçant entre les doigts, on sent à sa base, où il s'élargit, les vaisseaux compris dans son épaisseur et au devant desquels doit s'arrêter la section.
Cette opération est décrite par Celse, qui connaît déjà le danger de l'hémorrhagie, et avertit d'éviter les vaisseaux. Cette crainte préoccupe après lui les chirurgiens. Avicenne opère le filet par ligature , et Lanfranc le coupe avec un bistouri rougi à blanc. A la renaissance , les chirurgiens sont moins timorés ; quelques-uns emploient des ciseaux ; F. deHilden, opère avec un instrument qui réunit une petite fourche, pour soulever la langue, et des ciseaux pour couper le filet. C'est la même idée qui est reproduite parScultet, Solingen, M. Montain, etc. On connaît encore l'in-strumenta ressort de J.-L. Petit, et tant d'autres imaginés à di-verses époques, et que l'on rejette tous également aujourd'hui, pour s'en tenir aux ciseaux mousses, recommandés par Ledran , mais en se servant, en guise de fourche, de la plaque fendue de la sonde cannelée ordinaire.
Procédé opératoire. L'enfant assis sur les genoux d'une per-sonne qui lui tient la tête renversée sur sa poitrine , et lui pince les narines pour le forcer à ouvrir la bouche, le chirurgien sou-lève la langue entre le pouce et l'indicateur de la main gauche ,
la paume de la main tournée en haut : et alors, si l'enfant est docile, le frein de la langue se trouvant bien tendu, avec la main droite armée de ciseaux mousses, courbes sur le plat, on coupe le filet d'un seul coup, en dirigeant en bas l'extrémité des mors, pour s'écarter des veines ranines. Si au contraire, les mouvemens im-primés à la langue empêchent qu'elle ne puisse être bien fixée entre les doigts, pour éviter tle la blesser avec les ciseaux, il vaut mieux les soulever avec le pavillon de la sonde cannelée, dont la fente reçoit le frein et sert d'un guide assuré pour les ciseaux.
Deux accidens peuvent survenir après la section du filet : i° le renversement de la langue vers le pharynx qui a été vu trois fois par J.-L. Petit. Sur deux de ses malades, il réussit à ramener avec l'indicateur la langue en avant dans sa position ; le troisième en-fant mourut de suffocation, et le renversement de la langue, bouchant l'isthme du gosier, fut vérifié par l'autopsie. i° Le deuxième accident est l'hémorrhagie, d'autant plus à craindre, aprèsla lésion des veines ranines, que l'enfantsuce le sang etl'avale à mesure. On cite plusieurs cas, où des enfans seraient ainsi morts d'hémorrhagie, si le chirurgien n'y avait remédié à temps. Roonhuysen, en pareille circonstance, eut recours au vitriol et Maurain au cautère actuel. J.-L. Petit qui a rencontré deux faits du même genre, pour empêcher l'enfant de téter la plaie, employa après la cautérisation , un petit appareil, propre à fixer la langue , qui se composait d'une tige fourchue, garnie de linge, appuyée en arc-boutant de la symphyse du menton vers la plaie, de manière à maintenir la langue appliquée contre le palais ; le tout fixé par une bande , en travers de la bouche, ramenée vers la nuque, puis croisée en fronde , du dessous de la mâchoire, vers le synciput. Il suffisait pour empêcher, à coup sûr, la langue de se mouvoir, de remplir l'espace sublingual de charpie, contenue dans un linge troué, en arrêtant l'ouverture de la bouche par une menton-nière. En résumé, on voit que, pour si mince que soit cette opération, encore exige-t-elle certaines précautions, pour ne couper ni trop ni trop peu.
adhérences de la langue.
A la langue, comme dans les divers points des cavités muqueu-ses , les adhérences sont congéniales ou acquises. Les adhérences congéniales ne sont ordinairement que de simples brides qu'il suffit de diviser avec des ciseaux. Celles qui sont acquises, pro-duites par les phlegmasies de la bouche, se présentent quelquefois épaisses, fibro-celluleuses, et occupant une grande étendue. Leur siège le plus ordinaire est le long des bords de la langue qu'elles unissent avec la paroi gingivale ou celle de la joue. On ne peut les enlever alors que par une dissection soignée, dont voici le manuel opératoire. Le malade assis sur une chaise ou couché sur un plan incliné, la tête renversée sur le côté sain , la bouche lar-gement ouverte et fixée dans cette position par un spéculum ou par l'interposition d'un corps étranger entre les arcades dentaires du côté sain, le chirurgien placé debout en arrière et un peu à droite du malade, comme pour l'extraction des dents delà mâ-choire supérieure, commence par écarter à l'aide du doigt indi-cateur, d'une spatule ou de tout autre instrument, la portion libre de la langue, du point de la bouche où elle adhère, et avec un bistouri droit porté en dédolant, divise peu-à-peu les brides et les lamelles qui constituent l'adhérence, en ayant soin d'incliner le tranchant de l'instrument en dehors , vers la gencive ou la joue, pour éviter de blesser le tissu de la langue. A mesure que l'on avance dans l'opération, on suspend de temps à autre, pour éponger le sang et permettre au malade de respirer et de se garga-riser avec des liquides astringens; s'il survient une hémorrhagie, on l'arrête immédiatement par la cautérisation avec le fer chaud. En procédant avec ménagement on arrive peu-à-peu à détruire toutes les adhérences, et on s'assure que la langue est libre en en parcourant le contour avec le doigt. L'opération terminée, on n'a point à s'occuper de la cicatrisation des plaies, qui tend d'elle-même à s'effectuer rapidement, dans un laps de temps de quelques jours à plusieurs semaines suivant les cas; mais la difficulté con-siste à empêcher de nouvelles adhérences de se produire. On prescrit à cet effet des gargarismes ; on recommande aux malades de mouvoir fréquemment la langue et de glisser le doigt entre les surfaces divisées. Nous ne voyons pas pourquoi, on ne laisserait pas à demeure dans la bouche, un petit linge enveloppant le bord de la langue, et dont l'interposition rendrait toute nouvelle adhé-rence impossible.
ablation de la langue. (Pl. ai.)
Diverses maladies, jugées incurables, la gangrène, certaines indurationsde mauvaise nature, les tumeurs fongueuses, érectiles, squirrheuses et cancéreuses, réclament l'ablation d'une portion plus ou moins étendue ou même, dans les cas les plus graves, de la totalité de la langue. D'autres altérations, situées dans l'épais-seur de l'organe, n'exigent qu'une simple excision. Quoique des lésions accidentelles, et chez certains peuples, des supplices aient pu faire voir dès la plus haute antiquité, la possibilité de la perte de la langue sans entraîner la mort, néanmoins ce n'est que tout récemment que cette ablation a été convertie en une opération régulière. Déjà Lange avait pratiqué plusieurs fois avec succès cette opération , que Louis, pour la justifier, se croyait encore obligé d'arguer du grand nombre d'individus qui en sont privés accidentellement.
Les maladies de la langue sè présentent sous diverses formes, qui modifient le procédé opératoire. On les opère de deux ma-nières, par l'instrument tranchant ou la ligature. La première méthode, plus certaine, plus prompte et moins douloureuse, renferme Y incision, la dissection et Y excision.
i ° Ablation par l'instrument tranchant.
i° Incision. Elle convient pour les tumeurs pédiculées et en-kystées. La première espèce de tumeur est enlevée immédiate-ment, par la section du pédicule, avec le bistouri ou les ciseaux. Dans la crainte de récidive, il est prudent de modifier la surface de fa plaie par la cautérisation. La même forme de maladie se prête également bien à l'emploi de la ligature, mais on sait que cette méthode par ses lenteurs et les douleurs qu'elle cause, donne lieu de craindre la repullulation.
2° Incision et dissection. Ce procédé convient dans plusieurs cas. (a) Si la maladie est une tumeur enkystée, comprise dans l'épaisseur de la langue, mais sans faire corps avec son tissu, il suffit d'inciser, longitudinalement, jusque sur le siège du kyste, de l'isoler dans ses adhérences celluleuses, et de l'extraire par énucléation. (b) Quand la dégénérescence n'occupe que superfi-ciellement le bord de l'organe, on l'enlève par une incision courbe, au travers du tissu sain, en tant que l'altération fait corps avec lui, ou par une dissection soignée, si elle s'en isole, (c) Enfin
si le mal, situé à la surface de la langue, forme une traînée en longueur sans profondeur, on saisit la portion malade, avec une airigne de Museux, et on la cerne entre deux incisions ellipti-ques. Ces deux derniers modes opératoires ne sont en réalité qu'une excision.
3" Excision. Cette opération se pratique, ou avec le bistouri, ou avec de forts ciseaux droits analogues à ceux du bec de lièvre, mais qu'il conviendrait, pour un organe aussi épais que la langue, de faire fabriquer encore plus longs et plus solides. C'est par la nature de l'instrument employé, et par le siège de la maladie, que se distinguent les opérations pratiquées par divers chirurgiens, qui ne sont que des cas spéciaux, dans un même procédé.
Manuel opératoire. Le malade est assis sur une chaise, la tète appuyée sur la poitrine d'un aide; la bouche est largement ou-verte, et maintenue dans cet état par l'interposition d'un bouchon de liège ou les mors d'un spéculum entre les arcades dentaires du côté sain. Ces dispositions communes aux divers modes opératoires étant prises, voici les diverses modifications du procédé commun.
i° Cancer de la pointe ou de. l'un des bords de la langue, (a) Excision avec le bistouri. L'extrémité malade étant saisie entre les doigts, ou mieux avec une airigne de Museux , et la langue attirée au-dehors de la bouche, Louis pratiquait d'un seul coup, avec un grand bistouri, la section nette en travers. Mais, comme cette forme de plaie est en elle-même la moins propre à la réu-nion , et que le cancer n'affecte jamais une configuration si régulière, qu'il se limite sur une ligne horizontale, et, au con-traire, forme toujours, en arrière, un prolongement courbe, mé-dian ou latéral, nous conseillons, tout en employant le bistouri, de circonscrire la maladie entre deux incisions rectilignes réunies par un sommet anguleux ou en "V (fig. 2), de manière à obtenir, pour la réunion, une extrémité de langue régulière, si le cancer était médian (fig. 3), ou au moins irrégulière, s'il était latéral.
(b) Excision avec les ciseaux (Procédé de Bqyef) (fig. 1). Le côté sain de la langue étant saisi entre le pouce et l'indicateur de la main gauche, le poignet abaissé, si la langue est tenue par son bord droit; mais, au contraire, lavant-bras élevé en arc pour agir au-dessous, si l'on tient le bord gauche, afin de pou-voir toujours pratiquer la section de la main droite : par une première section nette, diviser longitudinalement la langue jus-qu'au-delà de la tumeur, autant que possible, d'un seul coup, ou en deux si l'incision était trop profonde, en prolongeant la section assez en arrière au-delà du mal, pour que la seconde in-cision fasse un angle avec la première. Les choses en cet état, laisser un peu cracher le malade; puis, tendant la portion ma-lade de la langue avec l'airigne ou les doigts, par une seconde section latérale en arrière du mal, rejoindre augulairement la première, de manière à emporter tout le cancer dans un lam-beau triangulaire. L'opération terminée, il reste une perte de substance en V, à deux côtés de longueur inégale. Les deux sur-faces saignantes étant bien absrergées, on les affronte aussi exac-tement que le permet l'extensibilité du bord le plus court, et on réunit les deux sections en une plaie linéaire par des points de suture entrecoupée. L'affrontement des surfaces saignantes suffit pour arrêter l'hémorrhagie ; la cicatrisation, dans ce tissu très vasculaire, s'opère du sixième au dixième jour.
1" Cancer de la partie postérieure de la langue, (a) Cancer latéral. Dans un cas où un ulcère cancéreux partiel était situé sur le côté droit de la langue et envahissait le pilier antérieur du voile du palais, M. Lis franc, après avoir fait tirer fortement la langue au-dehors, saisit la partie malade avec les pinces de Mu-seux, entama le bord de la langue, avec de forts ciseaux droits , et parvint à cerner le mal et à compléter une incision semi-ellip-tique avec des ciseaux courbes. La perte de substance, très con-sidérable au moment de l'opération , se réduisit extrêmement après la rétraction de la langue; le même phénomène supprima l'hémorrhagie fournie par deux artères que l'on avait cherchées impunément sans pouvoir les lier : l'écoulement du sang ne re-parut plus , et la plaie guérit d'elle-même.
(b) Cancer médian. L'ablation complète de la langue n'a pas encore été effectuée. Pour un cancer qui occuperait la por-tion moyenne et presque toute l'étendue de la langue , l'opéra-tion, si on croyait devoir la pratiquer, serait des plus graves. Si on pouvait se permettre d'établir des préceptes pour un cas sem-blable, une première incision pratiquée en dessous de la langue, au travers des génio-glosses, aurait pour objet d'isoler l'organe. La langue fortement attirée en avant serait traversée, au plus près de sa base, par un ruban composé de plusieurs fils cirés, de ma-nière à pouvoir toujours rappeler cette base en avant, et la section devrait être faite soit transversale , comme l'indique Louis, soit curviligne ou angulaire , en tant que le permettrait l'intégrité des bords dans une petite étendue. Resterait à se ren-dre maître du cours du-sang , qui offrirait, il faut l'avouer, les plus grandes difficultés. Par prudence, nous croyons que l'opé-ration devrait être commencée par la ligature de l'artère linguale de chaque côté. Avec cette mesure de sûreté, n'ayant plus à craindre que l'hémorrhagie des artérioles musculaires , le cautère à blanc permettrait de s'en rendre maître. Nous ne donnons, au reste, cette indication que comme complément et sauf toute ré-serve, sentant bien que, pour ces cas exceptionnels, c'est à la prudence du chirurgien à décider de ce qu'il peut faire.
20 Ablation et atrophie par ligature.
La ligature pour isoler une portion malade de la langue a été pratiquée dans deux intentions qui correspondent à des altéra-tions variées, ou au moins à des degrés différens d'une même affection : i° Si l'on juge la maladie absolument incurable, la striction est portée jusqu'à déterminer le sphacèle, ce qui re-vient à une ablation par la ligature en guise de l'instrument tranchant, cas auxquels se rapportent les procédés de MM. Mayor et J. Cloquet; si, au contraire, on juge que la maladie, par sa nature ou son peu d'ancienneté, peut être arrêtée dans son déve-loppement, la striction n'est portée que jusqu'au point néces-saire pour déterminer l'atrophie, c'est l'objet des procédés de MM. Mirault d'Angers, etMaingault. IL est utile de faire observer que les procédés diffèrent en eux-mêmes, indépendamment de l'objet que s'étaient proposé leurs auteurs, l'effet produit étant le résultat du degré auquel on a porté la striction, et non de la manière de la pratiquer.
Procédé de M. Major. Il n'est que l'application à la langue du procédé général de ligature que nous avons déjà décrit. La langue amenée au-dehors à l'aide d'une airigne, d'un coup de bis-touri, introduiten ponctionnant du frein vers la racine de l'organe,
M. Mayor divisa préalablement la langue par une incision longi-tudinale en deux moitiés, dont celle du côté malade fut cernée en arrière par une ligature serrée avec le tourniquet à cabestan. Ce procédé, tel qu'il a été employé, est mixte, puisqu'il se compose à-la-fois de l'incision et de la ligature. En tant que d'avoir recours à l'incision , il semble qu'il n'en coûterait pas davantage de sépa-rer la tumeur en arrière par le même moyen.
Procédé de M. ./. Cloquet (fig. 5). Celui-ci se compose uni-quement de la ligature. Pour détruire une moitié latérale de la langue , M. Cloquet pratiqua une petite incision au-dessus de l'os hyoïde, et plongea, par cette ouverture, une aiguille courbe por-tée à l'extrémité d'un manche et percée d'un chas près de sa pointe. L'instrument, dirigé convenablement, vint ressortir au milieu de la base de la langue; deux fds furent passés dans le chas, et l'aiguille retirée suivant le premier trajet parcouru, ra-menant les fils, dont une extrémité sortait par la plaie et l'autre par la bouche. L'aiguille, introduite de nouveau par la plaie, ressortit vers le frein , et ramena les deux extrémités des fils pen-dantes au-dehors. Les quatre chefs étant amenés à l'extérieur, une anse externe circonscrivit la tumeur en arrière et sur le côté, tan-dis qu'une anse antéro-postérieure, engagée dans une petite inci-sion que fit l'opérateur pour lui tracer une voie, détermina la striction longitudinale.
Procédé de M. Mirault d'Angers. Pratiquer préalablement sur la ligne médiane une incision étendue de deux centimètres en ar-rière du menton jusqu'à l'os hyoïde, en pénétrant jusqu'à l'inter-valle celluleux des muscles génio-hyoïdiens; puis, avec une pince garnie d'agaric, faisant tirer fortement la langue hors de la bou-che , introduire au travers delà plaie une grande aiguille courbe, garnie d'un fil qui vient traverser la base de la langue sur la ligne médiane, faire sortir l'aiguille par la bouche, et s'en servir pour pointer en arrière du mal sur l'un des bords de la langue, et res-sortir par la plaie sous-hyoïdienne , où les deux chefs sont serrés à l'aide d'un serre-nœud. Pratiqué de cette manière, en ne for-mant qu'une anse postérieure qui interrompt seulement la circu-lation directe par les ramifications vasculaires longitudinales , le procédé de M. Mirault a permis à son auteur d'obtenir l'atrophie sans sphacèle d'une portion malade de la langue, la portion étreinte continuant de vivre par les anastomoses avec la moitié saine. Mais, dans un cas où toute la partie antérieure de la langue était malade et nécessitait une ablation , il a pu déterminer d'a-bord le sphacèle de la moitié gauche, et, neuf jours après, la section des chairs ayant déterminé la chute de cette première ligature, recommencer l'opération avec le même succès sur la moitié droite.
Reste à indiquer le procédé proposé par M. Maingault, et qui nous paraît fort rationnel. Pour éviter de pratiquer une plaie ex-térieure, l'auteur indique de passer l'aiguille au travers de la bouche (fig. 4)- Si l'on voulait déterminer le sphacèle, une seule ponction permettrait de faire au besoin deux ligatures en garnis-sant l'aiguille d'un double fil. Nous n'insisterons pas sur cette opération , qui est suffisamment détaillée dans l'explication de la planche 23.
Appréciation. En résumé, de deux choses l'une : ou la mala-die de la langue peut se guérir par l'atrophie, et alors on doit préférer la ligature par le procédé de M. Mirault, ou mieux celui de M. Maingault, s'il est praticable; ou la maladie de la langue, r. vn.
absolument incurable, nécessite une ablation , et, dans ce cas , puisque, par expérience, l'hémorrhagie est peu redoutée, l'exci-sion beaucoup plus prompte, moins douloureuse , et qui donne une plaie saignante, dont la cicatrisation est rapide , est de beau-coup préférable à la ligature.
division du voile du palais.
Anatomie chirurgicale. La division anormale du voile du palais, est presque toujours congéniale et rarement acquise. Celle-ci, résultat d'une lésion traumatique avec ou sans perte de substance , peut offrir toute espèce de variétés quant à sa forme ou à son siège ; mais la d ivision congéniale, provenant de l'absence de réunion, à l'état embryonnaire, affecte une disposition régu-lière; elle se présente sous trois formes, i. Divison simple ou dermo-musculaire. Dans cette variété qui n'occupe que le voile du palais, et où la voûte osseuse palatine n'est point intéressée, la scissure ordinairement médiane, et sans perte de substance, gène les mouvemens de déglutition et l'articulation de la parole, qui prend un timbre nasal. A l'examen, elle se présente sous la forme d'une fente verticale en ogive, i. Division incomplète de la voûte palatine. Dans celle-ci, à la division du voile du palais, s'ajoute l'écartement du squelette, soit qu'il se borne au plancher des os palatins, soit qu'il envahisse plus ou moins sur la portion des os maxillaires, où il se termine par un angle mousse. 3. Divi-sion complète de la voûte palatine. Dans ce dernier cas, la scissure des os et des parties molles, est complète d'arrière en avant dans toute la longueur de la voûte palatine. Ordinairement même elle s'étend aussi à la lèvre supérieure, en sorte qu'un même cas peut réclamer deux opérations différentes, en avant le bec-de-lièvre, en arrière la staphyloraphie, qui se transforme en staphyloplasti-que et uranoplastique dans le cas de perte de substance.
STAPHYLORAPHIE. (Pl. 22.)
Historique. Quoique la division de la voûte palatine ait été connue de tout temps, ce n'est pourtant qu'à une époque toute récente que l'on s'est occupé sérieusement de la guérir, par une opération. Au rapport de Robert dans ses mémoires (1764), Le Monnier, dentiste français, aurait opéré un enfant qui avait le palais fendu, depuis le voile jusqu'aux dents incisives, et, pour réunir les deux bords de la fente, il y aurait pratiqué plusieurs points de suture, et les aurait rafraîchis avec l'instrument tran-chant; sauf un abcès qui survint, le petit malade guérit parfai-tement. Toutefois cette première tentative paraît être restée com-plètement dans l'oubli. Il en est de même d'un essai tenté sur le cadavre, par M. Colombe en 1813, et qui ne fut point appliqué sur le vivant. M. Grsefe (1817) est le premier qui ait publié un fait d'opération, mais sans réussite. C'est donc à M. Roux, qu'ap-partient en réalité, l'honneur d'une application qui équivaut à une découverte. Son premier opéré (1819) fut un jeune médecin anglais, M. Stephenson, qui a donné lui-même, quatre ans après, dans une thèse soutenue à Londres, la relation de l'opération qu'il avait subie, et de la parfaiteguérison qui s'en était suivie. Depuis, la staphyloraphie a été pratiquée, avec un égal succès, par un grand nombre de chirurgiens. En Angleterre M. Alcock, en Allemagne MM. Dieffenbach, Hruby, Ebel, Schwerdt, etc. ; en Amérique MM. Smith, Hosack, Stevens, Warren, etc.; en France MM. Caillot de Strasbourg, J. Cloquet, Morisseau, Rou-
fils, A. Bérard, A. Thierry, Velpeau et principalement M. Roux lui-même, qui compte près de cent cas d'opérations.
Considérée en elle-même, la staphyloraphie est une opération plutôt délicate que difficile pour le chirurgien, plus fatigante que douloureuse pour le malade, longue et laborieuse pour tous les deux. En raison de la situation, des usages et de la vive sensibilité «lu voile du palais, les manœuvres sont souvent interrompues par les spasmes, l'envie de vomir, le besoin de respirer ou de cracher, etc., toutes circonstances inévitables, qui exigent la plus grande docilité delà part du malade, et ont fait établir le précepte de n'opérer qu'à l'âge de raison.
Dans les efforts tentés par les divers chirurgiens, des modifica-tions nombreuses ont été apportées à la méthode originale, et dans le mode opératoire, et dans l'appareil instrumental. (Pl. 22 bis.)
Généralités de Vopération. L'objet, de la staphyloraphie, est de guérir la division anormale en faisant cicatriser ses bords rendus saignans, et réunis par des sutures. L'opération se compose de trois temps : l'avivement des bords, les ponctions pour le passage des fils, et la ligature.
i° A vivement. On a essayé, en Allemagne, d'obtenir l'avive-ment par la cautérisation avec les acides concentrés, ou la potasse caustique (Grœfe); la teinture de cantharides, le nitrate d'argent ou le cautère actuel (Ebel, Wernecke, Donigès); il est inutile de dire que ces tentatives n'ont eu qu'un médiocre succès. La cau-térisation, très longue, douloureuse, inégale et peu sûre dans son action, est complètement rejetée. L'excision, qui lui est bien préférable, a prévalu. La manière de pratiquer l'excision varie beaucoup dans les divers procédés. Quelques chirurgiens saisis-sent le bord avec des instrumens particuliers, tels que : le téna-culum de M. Hruby, les pinces de M. Gra?feet de M. Lisfranc, etc. ; la pince à anneaux ou la pince à dents de souris sont plus usitées. La section se pratique, soit avec des ciseaux coudés (M. Roux), soit avec le bistouri droit boutonné (M. Roux), ou le bistouri simple (M. Bérard).
a" Ponction pour le passage des fils. Suivant l'étendue de la division, on pose de une à quatre ou cinq ligatures; le nombre trois est le plus ordinaire. Ce temps de l'opération est celui qui offre le plus de difficultés, et par conséquent celui pour lequel on a imaginé le plus de moyens. Ou bien l'instrument principal est une petite aiguille courbe portée à l'extrémité d'un manche (MM. Roux, Graefe, Dieffenbach, etc., voy. pl. 11 bis), ou bien, par divers mécanismes, la pointe de l'aiguille s'adapte à l'extrémité d'une pince (nos 11 à 18, pl. 11 bis); quelques instrumens, en particulier celui de M. de Pierris, pratiquent la perforation d'un seul coup. Enfin , M. Leroy d'Étiolles a inventé un instrument qui opère d'un setd coup les trois ponctions, et pratique l'avive-ment avec un couteau qui fait partie de son mécanisme.
3" Ligature. L'action de serrer le nœud dans la ligature est pratiquée tout simplement avec les doigts par plusieurs chirurgiens (fig. G), de même que pour la ligature des artères; mais comme cette manœuvre, à la profondeur du voile du palais, n'est pas sans quelque difficulté, pour agir avec certitude en voyant ce que l'on fait, il n'est pas surprenant que nombre de chirurgiens aient mul-tiplié les instrumens dans cet objet. Nous renvoyons à la planche ¿2 bis pour prendre connaissance des différens serre-nœuds, dont le plus simple est incontestablement celui de M. Loudot.
MANUFI, OPÉRATOIRE.
Procédé df. M. Roux. (fig. 1 , 1, 3). Appareil. Il se com-pose des objets suivans : i° trois rubans à ligature formés de deux à trois fils cirés; 20 six petites aiguilles courbes que l'on enfile avec les ligatures à chaque extrémité; 3" le porte-aiguille; 4° les pinces à pansement; 5° un bistouri droit boutonné, et 6" les ciseaux coudés de M. Roux.
Ie* temps. Pose des ligatures. Le malade assis en face du jour, la tète renversée en arrière sur la poitrine d'un aide, la bouche largement ouverte, de manière à bien éclairer la voûte palatine, et fixée dans cette position par un morceau de liège ou un spéculum oris, si l'on a à craindre l'indocilité du malade. Le chirurgien placé en face saisit, avec la pince à anneaux tenue de la main gauche, la lèvre droite de la division, et de la main droite qui tient le porte-aiguille tout armé, introduit dans la cavité du pha-rynx , derrière la pince à anneaux, la pointe de l'aiguille adaptée à gauche du manche , et dont la concavité est antérieure. L'instru-ment étant en présence, l'opérateur attend un peu que le spasme déterminé par la manœuvre soit calmé ; puis, saisissant un moment de tranquillité, il traverse le voile du palais d'arrière en avant, à six ou huit millimètres de distance du bord libre postérieur et de celui de la division. Lorsque l'aiguille est engagée jusqu'à son talon, il la saisit avec les pinces à anneaux , la fait lâcher par le porte-aiguille, et l'amène dans l'intérieur tle la bouche avec l'ex-trémité de la ligature dont elle est enfilée. La première perforation effectuée, on laisse quelques instans de repos au malade pour lui permettre de respirer à l'aise, de fermer la bouche et de cracher. Puis on recommence la même manœuvre sur la lèvre gauche de la division, la seconde aiguille étant prise par les mors à droite de la tige. La seconde perforation effectuée à travers le côté gauche du voile du palais, on amène en dehors les deux chefs de la ligature qu'on laisse pendre provisoirement sur les commissures labiales. Après avoir mis en place la ligature postérieure, qui doit toujours être posée la première, vu que c'est elle qui détermine la conti-nuité du bord libre du voile du palais, on place ensuite pour se-conde ligature,la plus antérieure, celle du milieu devant être posée la dernière.
2e temps. Excision. Avant d'y procéder, il convient d'écar-ter en bas et en arrière, dans le pharynx, avec le doigt ou la pince à anneaux, les trois anses de ligatures pour éviter de les couper. Cette précaution prise, on saisit de nouveau et on tend avec la pince à anneaux le bord gauche de la division ; on en com-mence l'avivement avec les ciseaux coudés; puis avec le bistouri droit boutonné, agissant en dehors des pinces, en quatrième posi-tion , le tranchant en haut et contre soi, on termine la section en sciant de bas en haut et d'arrière en avant, de manière à n'enlever qu'un à deux millimètres du bord libre, et on prolonge la sec-tion jusqu'à trois ou quatre millimètres en avant de l'angle de la division. La même manœuvre, recommencée du côté droit, a pour résultat de donner deux bords saignans, réunis en avant à angle très aigu.
3e temps. Striction du nœud ( fig. 6 ). M. Roux pratique ce temps opératoire avec les doigts. La ligature postérieure est serrée la première. Quand le premier nœud est formé, avant de lâcher, il le fait saisir par un aide avec les pinces à anneaux pour empê-cher qu'il ne se desserre en attendant que le second nœud soit
formé. La ligature antérieure, puis la médiane, sont pratiquées de la même manière, en ayant soin, pour les trois, de les serrer un peu plus qu'il n'est nécessaire pour l'affrontement régulier, afin (pie,dans leur intervalle,les bords soient suffisamment en contact. Il ne reste plus qu'à couper l'extrémité des fils près des nœuds.
L'opération terminée, il n'y aucun pansement à faire, seule-ment le malade doit rester tranquille, la bouche fermée, garder le silence le plus absolu, ne prendre aucun aliment solide et à peine des boissons aderares intervalles; éviter de rire, tousser, éternuer, cracher, en un mot prévenir tout mouvement quelconque du voile du palais, même pour avaler sa salive, qu'il doit seulement con-duire avec la langue pour la recevoir sur un linge entre les dents. Du troisième au quatrième jour, on peut enlever les deux liga-tures antérieures en coupant le nœud et retirant les fils avec beau-coup de précautions. H est prudent de laisser en place la ligature postérieure, un, deux ou trois jours de plus. Après la section du nœud, si l'anse du fil ne glisse pas aisément d'elle-même , il vaut mieux attendre au lendemain que de causer une traction qui ferait rompre la cicatrice encore sans résistance. Il n'est pas rare, sur-tout quand la scissure intéresse la voûte palatine, que l'angle anté-rieur reste béant et prenne un aspect fongueux. Pour en hâter la cicatrisation, on a recours à la cautérisation, soit avec la pierre infernale (M. Roux) ou avec le nitrate acide de mercure (M. J. Cloquet).
Tel est en détail le procédé original de staphyloraphie, celui de tous qui, dans les mains de son auteur, a été le plus employé. Toutefois, malgré les succès qu'en a obtenus M. Roux, on lui reproche certaines imperfections qui ne sont dissimulées que par l'habileté de l'opérateur : i° Quant à la pose des ligatures, pour que le rapprochement des deux lèvres soit régulier dans toute la longueur des deux lèvres de la division, il est essentiel que les deux perforations d'une même suture soient placées exactement sur le même plan, et que les intervalles des sutures soient à-peu-près égaux. Il n'est pas moins important que les distances des bords libres ne soient ni trop grandes, ce qui rendrait le rappro-chement difficile, ni trop petites, ce qui pourrait être suivi de la section des chairs. Mais on conçoit que ces conditions impé-rieuses ne puissent pas être habituellement remplies par tout opérateur avec un procédé où le chirurgien ne peut voir la pointe de l'aiguille, la perforation se pratiquant d'arrière en avant. 1° En ce qui concerne l'avivement des bords de la divi-sion , il est difficile de tendre régulièrement la lèvre mobile et d'en pratiquer, aussi près du bord, la section nette dans toute sa longueur, surtout en agissant d'arrière en avant. C'est à remé-dier plus ou moins à ces inconvéniens que tendent les autres procédés.
Procédé de M. A. Bérard (fig. 2 et 5). L'appareil diffère en ce que l'auteur fixe le voile du palais avec la pince à dents de sou-ris, et se sertde la pince à pansemensen guise de porte-aiguille. Les aiguilles elles-mêmes, longues de douze à quinze millimètres sur deux millimètres de largeur, n'ont qu'une courbure peu pronon-cée; leur talon, percé d'un chas, est épais d'un demi-millimètre, pour en rendre la fixation plus solide entre les mors de la pince. Enfin , la section se pratique avec le bistouri droit.
Deux modifications principales caractérisent le procédé de M. Bérard : i° La perforation du voile musculo-membraneux se fait d'avant en arrière ou de la cavité de la bouche vers celle du pharynx , ce qui permet au chirurgien de voir et de choisir à vo-lonté le point sur lequel il présente la pointe de l'aiguille;
l'avivement pratiqué avec le bistouri doit s'opérer d'avant en arrière, ou, si l'on veut, de l'angle de la division vers le bord libre du voile du palais. Pour la manœuvre, le bord gauche de la division étant saisi de la main gauche avec la pince denticulée, de la main droite, il porte la pince à pansemens , armée de son aiguille, dont la concavité regarde le bord libre de la division. La perforation pratiquée, avec la pince qui fixait le bord membra-neux, il va saisir en arrière et en dedans la pointe de l'aiguille que la courbure fait apercevoir au travers de la fente palatine. Cette aiguille, étant amenée au dehors avec le fil qu'elle entraîne, les deux chefs sont laissés provisoirement pendans sur la lèvre infé-rieure. La même manœuvre est recommencée de l'autre côté en regard ; cette seconde aiguille entraîne une anse de fil qui va re-cevoir un usage particulier. Dès que l'aiguille en est détachée, on passe dans cette anse le chef postérieur ou pharyngien de la liga-ture; puis, en tirant sur l'anse de fil pour la rappeler dans la bouche, elle entraîne avec elle le chef auquel elle fait franchir la petite plaie d'arrière en avant. La première ligature mise en place, les autres sont posées de la même manière.
L'avivement constitue aussi une autre manœuvre; le bord membraneux étant saisi de nouveau avec la pince à dents de souris soit de la main gauche soit de la main droite, l'emploi du bistouri exigeant que le chirurgien soit ambidextre, suivant le côté sur lequel il opère, l'instrument tranchant tenu comme une plume à écrire, est porté dans la bouche le dos tourné vers la voûte palatine, et plongé, en piquant, à deux ou trois millimètres en avant de l'angle de la division. La section se continue par une pression légère en sciant obliquement de manière à diviser d'un seul coup les parties molles; pour l'autre côté, l'avivement est commencé par une nouvelle ponction au voisinage de la première, de sorte que, quand cette seconde section est pratiquée, les deux petites cordelettes charnues qui constituent les lambeaux adhè-rent encore l'une à l'autre en avant. Il ne reste plus qu'à opérer nettementavec le bistouri la section angulaire elle-même, en fixant les deux lambeaux entre les mors de la pince pour qu'ils ne tom-bent pas dans le pharynx.
Le Procédé de M. Velpeau, décrit par son auteur, ne diffère sensiblement de celui que nous venons de décrire que par le ren-versement des deux premiers temps opératoires, l'auteur préfé-rant commencer par l'avivement avant de poser les ligatures.
Modifications apportées par les instrumens aux divers modes opératoires. Nous avons vu qu'en raison de la difficulté d'agir dans la cavité de la bouche à six ou huit centimètres de profon-deur, malgré tous les obstacles que présentent les mouvemens inconsidérés du malade, les contractions spasmodiques du voile du palais, la présence de divers liquides, les efforts d'expuition, de déglutition, de toux ou de vomissemens, etc., nombre de chi-rurgiens ont imaginé des instrumens très variés pour faciliter les divers temps opératoires. Tout en reconnaissant le principe chi-rurgical si sage de n'agir, autant qu'on le peut, qu'avec la main , on doit reconnaître néanmoins qu'il est des cas où l'action des instrumens est indispensable; et, pour la staphyloraphie en par-ticulier, puisque cette nécessité est admise, on ne nous saura pas mauvais gré de faire connaître un certain nombre de mécanismes très ingénieux, dont quelques-uns ont déjà reçu leur application avec succès, et dont plusieurs autres, encore tous récens , présen-tent assez de probabilité de réussite pour mériter d'être essayés.
Dans la plupart des instrumens imaginés pour le passage des
(ils, les auteurs ont suivi la première impulsion donnée pat IYT. Houx, c'est-à-dire que la perforation se fait d'arrière en avant. Telles sont les aiguilles de MM. Donigès, Schwerdt et Guyot. Telle est aussi l'aiguille à pointe mobile de M. Bourgougnon. Les pinces aiguilles sont construites de manière à pouvoir servir également dans les deux sens, mais préférablement d'avant en arrière, que d'arrière en avant. Sous ce rapport, ce genre d'instrument très simple, en particulier celui de M. Sotteau, où la pointe mobile de l'aiguille s'échange", après la perforation, d'une branche à l'autre, est assurément l'un des mécanismes les plus prompts el les plus sûrs dans leur effet. M. Bourgougnon , en imaginant une aiguille qui saisit le voile membraneux, perfore et amène le fil d'un seul coup, a rendu un véritable service. Perfectionnée par M. dePierris, cette aiguille (pl. 22 bis, fig. 20) et celle de M. Fau-raytier, sont incontestablement les meilleurs des instrumens, et aussi des moyens de perforation , et peuvent recevoir dans tous les cas analogues d'heureuses applications. Enfin, M. Leroy d'É-tiolles, en combinant un mécanisme qui pratique d'un seul coup les trois perforations d'après le système de M. de Pierris, et opère l'avivement d'un second coup, a paru d'abord vouloir trop exiger d'un instrument; déjà pourtant les deux modèles que nous avons figuré (pl. 22 bis, fig. 21 et 22) remplissaient assez convenable-ment leur destination; mais depuis, il nous en a montré un troi-sième qui nous semble ne rien laisser à désirer.
Quant à la striction, les serre-nœuds de MM- Grafe, Colomba! et Donigès ne nous paraissent pas apporter un secours assez effi-cace pour qu'on ne soit autorisé à leur préférer les doigts. Celui de M. Guyot (pl. 22 bis, fig. 29), qui saisit le nœud et aide à le serrer, mérite une mention particulière. Il se compose, i° d'une canule creuse terminée à une extrémité par deux ailerons creusés de gouttières latérales pour faire glisser les fils, et offrant à l'autre extrémité un piston que l'on fait mouvoir avec le pouce; 2° d'une tige renfermée dans la canule, dont le piston la chasse à son extré-mité libre. Cette tige forme deux mors, dont un petit, mobile, s'applique sur l'autre, et saisit le nœud en se dégageant de la ca-nule. Pour se servir de l'instrument dès qu'un premier nœud est fait, on le saisit entre les pinces de la tige, et dégageant cette der-nière, on serre le nœud en faisant glisser les fils sur les ailerons de la canule. On fait ensuite au dehors le second nœud que l'on serre delà même manière. Enfin, l'instrument le plus simple et le plus expéditif est celui de M. Loudot (pl. 22 bis, fig 3o). Ce n'est autre qu'un serre-nœud aiguillé que l'on glisse sur l'un des chefs du fil, après avoir fait un nœud lâche qui se trouve serré de lui-même par l'approche du stylet.
Appréciation. La staphyloraphie est une des conquêtes chi-rurgicales les plus importantes de notre époque. Opérée dans de bonnes conditions, c'est-à-dire sur des tissus sains et chez des su-jets de quinze à cpiarante ans, dociles et qui la réclament, en gé-néral elle réussit très bien. Toutefois, il faut avouer qu'elle offre parfois des dangers sans cpte l'on puisse toujours prévoir dans quelles circonstances elle échouera. Plusieurs malades, même de ceux de M. Roux, en sont morts. Chez un certain nombre, et le même accident est arrivé à plusieurs chirurgiens, la réunion n'a pas eu lieu. M. Velpeau cite, en particulier, un malade de l'Hôtel-Dieu qui l'a subi cinq fois sans succès. C'est assez dire que le chi-rurgien doit être circonspect pour opérer des sujets doués d'une vive irritabilité ou atteints de quelque vice dyscrasique. Quant au choix du procédé opératoire, comme la précision et la régularité de l'avivement et des points de suture sont des conditions impor-tantes au succès, dans une opération aussi nouvelle, et qui n'a point encore essayé toutes ses chances, il nous paraît tout-à-fait convenable de préférer les procédés, même tout récens, qui simplifient la manœuvre, et donnent les meilleurs résultats. Ainsi, nous conseillons d'aviver préférablement d'avant en ar-rière, et de perforer toujours de la cavité de la bouche vers le pharynx , ce qui revient à conseiller l'emploi des aiguilles de MM. de Pierris et Fauraytier. Quant à la striction du nœud, quoi-qu'elle se lasse très bien avec les doigts, nous trouvons plus expé-ditif et plus sûr de la pratiquer avec l'un des serre-nœuds donl nous avons parlé plus haut.
STRAPTIYLOPLASTIQUE.
Dans le cas où une perte de substance trop considérable rend impossible le rapprochement des deux bords, il est indispensable de trouverun moyen quelconque d'allongementdesparties molles. C'est à cette indication que répondent trois procédés, 1° M. Roux, pour obtenir un allongement, se contente de remírele voile mem-braneux plus mobile par une section transversale de chaque côté le long du bord postérieur des os palatins. 2° M. Bonfds, appli-quant la méthode indienne, taille de chaque côté sous la voûte palatine un lambeau d'une forme et d'une étendue convenables, qu'il dissèque d'avant en arrière, et renverse sur son pédicule pour l'appliquer sur la solution de continuité dont il avive les bords, et où il le fixe par la suture. 3° Mieux inspiré M. Dief-fenbach (pl. 23, fig. 1 1), imitant la méthode de Celse, prati-que parallèlement et de chaque côté de la division, à huit ou dix millimètres de ses bords, une incision longitudinale, étendue suivant une longueur en rapport avec celle de la perte de sub-stance de la voûte palatine, jusque sur le voile du palais, dissèque au besoin, en dessous, sur le côté interne de l'incision, pour rendre rallongement plus facile, avive les bords delà division, et pouvant alors les affronter, les fixe, comme à l'ordinaire, par des sutures. Ce procédé,qui répond à tous les cas, estpréférable aux deuxautres, enceque,sans changer les rapports des partis, il permet la réunion, lors même que la fente palatine se prolonge assez loin en avant.
URANO-PLASTIQUE.
Pour remédier à l'écartement de la voûte palatine, deux pro-cédés ont été mis en usage : i° dans le procédé de M. Roux, qui est la contre-partie de celui de Dieffenbach, indiqué ci-dessus, les bords étant avivés et les ligatures posées, leurs chefs pendans au dehors, avec deux petits couteaux à lames recourbées, un pour chaque côté, qui peuvent être remplacés par l'uranotome à deux tranchans de M. Dieffenbach (pl. 23, fig. 2), l'opérateur détache en dessous la membrane palatine de la surface osseuse, de ma-nière à pouvoir rapprocher les bords par l'allongement des tissus. 2° Dans un autre cas M. Krimer aurait taillé de chaque côté, paral-lèlement aux lèvres de la division, un petit lambeau rectangulaire à trois côtés, puis les isolant par dissection jusqu'auprès du bord libre, il les aurait renversés l'un vers l'autre pour les réunir sur le plan moyen par des sutures, et la guérison s'en serait suivie.
TUMEURS DE LA VOUTE PALATINE.
Des tumeurs de diverse nature peuvent se rencontrer à la voûte du palais. En raison de l'adhérence intime du tissu vasculaire sous-muqueux avec le périoste, et de la pression continuelle de la
langue contre la voûte palatine, les abcès s'ouvrent ordinairement d'eux-mêmes avant d'avoir opéré un décollement un peu étendu. En tout cas, il suffit d'une légère piqûre pour en procurer l'éva-cuation. On a vu quelquefois ces abcès renfermer des concrétions calcaires. Rruger dit avoir extrait l'un de ces corps étrangers. Quant aux dégénérescences qui se rencontrent à la voûte palatine, il s'en trouve de diverses sortes. M. Guyot a enlevé dans cette ré-gion des tumeurs cancéreuses, et M. Velpeau des tumeurs fibreu-ses adhérentes aux os. Il n'est pas rare aussi d'y observer de petits fongus. La proximité de la surface osseuse rend le procédé d'extir-pation très facile. La bouche étant ouverte et la langue déprimée avec un abaisseur ou une spatule, la tumeur est saisie avec une airigne ou une pince de Museux, et dissécpiée avec soin sur le périoste. L'ablation terminée, pour arrêter l'hémorrhagie, et plu-tôt encore dans la crainte de récidive, il est prudent de cautériser les racines avec le fer chaud.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LA LUETTE.
L'accroissement de volume de la luette, soit par œdème chro-nique, hypertrophie ou dégénérescence, est une affection assez commune et tellement gênante pour la déglutition et la respira-tion, qu'elle rend indispensable le secours de la médecine opéra-toire. Ces divers états se traitent par la cautérisation, la ligature et l'excision.
Cautérisation. On a renoncé avec raison, depuis long-temps, à l'emploi des caustiques usités chez les anciens, et dont l'application, en pareil lieu, aurait les plusgrands dangers. Lesas-tringenset lesstyptiques, employés par les Arabes,outre ladifficulté d'en faire usage, seraient sans efficacité; le seul moyen de ce genre conservé, est la cautérisation avec le nitrate d'argent dans les inflammations de mauvaise nature avec flaccidité des tissus. MM. Velpeau et Toirac l'ont employée avec avantage. Mais, pour s'en servir sans que le nitrate d'argent porte ailleurs son action, nous conseillerions de saisir d'abord la luette, de l'amener dans la bouche, et, après avoir fait agir le caustique, délaver et abs-terger la partie malade avant de la laisser revenir en son lieu
Ligature. Fréquemment usitée à la renaissance et pendan-le dix-septième siècle, la ligature se pratiquait avec un fil métal-lique, à l'aide de divers instrumens. Vivement blâmée par Dionis, cette méthode, depuis plus d'un siècle, est complètement aban-donnée en faveur de l'excision, beaucoup plus prompte et plus sûre.
Excision. Cette opération est l'une des plus anciennement connues. Hippocrate la décrit, Celse, Galien et tous les chirur-giens romains en font usage. Déjà même à cette époque, Paul d'E-gine fait mention de plusieurs instrumens particuliers à cet objet. Depuis, chez les Arabes et au moyen âge, les chirurgiens mettent à inventer, pour cette légère opération, une prétention pué-rile portée si loin, qu'il en est à peine un petit nombre qui n'aient, à cet effet, un appareil qui lui soit propre. Guy deChauliac, le premier, revient à un procédé raisonnable en n'employant, pour saisir la luette, que des pinces ou une airigne, et, pour la couper, que le bistouri et les ciseaux. Ce dernier instrument a prévalu gé-néralement, mais sa forme a été singulièrement modifiée. De tant de variétés, il ne reste que les ciseaux à pointes mousses de Richter, et les ciseaux de Percy, dont une branche, terminée par
T. VU.
un petit prolongement coudé à angle droit, empêche que la luette, une fois saisie, ne puisse s'échapper avant la section. Enfin, ce n'est que pour les mentionner que nous nommons les staphylo-tomes encore tout récemment imaginés par MM. Rousseau et Ren-nati. Du choix de tous les chirurgiens, l'appareil instrumental ne se compose que d'une pince pour saisir, soit la pince à anneaux, celle à dents de souris, ou une petite airigine de Museux, et. de ciseaux courbes sur le plat pour opérer la section.
Procède opératoire (pl. 23, fig. 6). Le malade étant assis en face du jour, la tête renversée sur la poitrine d'un aide, les arcades dentaires écartées ou non par les mors d'un spéculum, ou avec un morceau de liège, suivant que la tenue du malade peut faire juger cette précaution nécessaire ou inutile : saisirla luette malade, sui-vant son volume, avec la pince à polype ou à dents de souris, l'at-tirer en avant dans la bouche, de manière à la tendre pour l'écarter de la paroi du pharynx; puis, l'engageant entre les mors des ciseaux courbes, offerts la convexité en haut, l'exciser d'un seul coup en élevant le poignet pour pratiquer une section régulière, en prenant garde d'entamer à gauche le voile du palais. Nous ne croyons pas devoir insister sur l'inclinaison à donner à la luette ; à droite, suivant les uns, à gauche, suivant les autres, pour faciliter la section, la forme et le volume de la petite tumeur pouvant exiger, suivant le cas, certaines modifications. L'essentiel est que les mors des ciseaux se présentent sur un plan bien horizontal. L'opération terminée, il n'y aucun pansement à faire. C'est par erreur que Braun accuse l'excision de la luette de causer la mutité, et que Wedel regarde sa soustraction comme facilitant le passage des ali-mens et des boissons dans les fosses nasales; l'expérience journa-lière dément ces assertions.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES AMYGDALES.
Deux genres d'opérations se pratiquent sur les amygdales : l'in-cision pour les abcès, et l'excision ou l'ablation dans les cas d'hy-pertrophie ou de dégénérescence.
abcès des amygdales.
La collection purulente dans l'épaisseur de l'amygdale est une des terminaisons communes de l'angine tonsillaire. Ici, comme dans tant d'autres cas, la chirurgie a inventé bien mal-à-propos, pour donner issue au pus, un grandnombred'instrumens complè-tement inutiles. Hippocrate avait recours à une longue tige acérée qui a subi diverses transformations, parmi lesquelles sont le bis-touri de Lanfranc, celui en bec d'oiseau de J. de Vigo, la sagit-telle d'Herculanus, la lancette de Roger de Parme, les pharyngo-tomes de J.-L. Petit et de Jourdain, etc. Aujourd'hui, on se contente, avec raison, d'un bistouri droit garni de linge jusqu'à un centimètre de sa pointe. La bouche étant ouverte, comme il a été dit précédemment, on s'assure, en tâtant avec le sommet de l'indicateur gauche, du point où la fluctuation se fait sentir, et on y enfonce la pointe du bistouri, à laquelle l'ongle du doigt sert de guide. Aucun soin n'est exigé après l'évacuation du pus.
hypertrophie et degenébescence des amygdales.
L'hypertrophie simple de l'amygdale survient fréquemment à la suite des inflammations chroniques, et se présente alors sous la forme d'une tumeur oblongue de plusieurs centimètres d'étendue
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dans ses différons diamètres, qui tend do pinson plus chaque jour à obstruer l'isthme du gosier et la cavité du pharynx, et gêne extrê-mement la respiration et la déglutition. Le cancer, en ce point, est une affection moins commune, mais qui se rencontre néan-moins, malgré l'assertion contraire de M. Bayle. M. Velpeau déclare que tous ceux qu'il a rencontrés étaient de nature encé-phaloïde; mais cette altération n'est pas la seule, et le tissu hypertrophié, toujours très vasculaire, prend souvent le caractère d'un tissu fongueux etérectile.
Divers moyens ont été employés contre ces maladies : les scari-fications, la cautérisation , la ligature, l'excision et l'extirpation.
Scarifications. Employées dès la plus haute antiquité, on les trouve vantées par Asclépiade, Celse et Paul d'Égine, et par la plupart des chirurgiens du moyen âge. Considéré en lui-même, ce moyen n'est que palliatif, et ne convient que pour produire un dégorgement dans certains cas où on peut croire qu'il n'existe qu'une turgescence causée par les fluides, sans altération de tissus. C'est dans ce sens que l'on s'explique les succès qu'en auraient obtenu Heister et Maurain, et qu'elles ont été recommandées tout récemment par quelques chirurgiens.
Cautérisation. L'idée de faire servir ce moyen à la destruc-tion de l'amygdale n'a pu venir qu'à une époque peu avancée, où la chirurgie redoutait encore l'application, dans les cavités, de l'instrument tranchant. L'Arabe Mésué, le premier, porta le cau-tère actuel sur les ronsilles, et son exemple a été suivi par Mer-catus, Marc-Aurèle Séverin, et divers autres qui, dans de fausses idées théoriques, variaient le métal dont était formé le cautère. Wiseman substitua au cautère l'emploi des escarrotiques ; mais le peu d'efficacité de ces substances, qui, sans détruire, ne font qu'a-jouter une nouvelle cause d'irritation , en a fait abandonner l'em-ploi. On s'est servi également de divers caustiques; le nitrate d'ar-gent est le seul dont on fasse encore usage, mais non plus pour désorganiser. Dans le siècle dernier, Morand s'en était servi en guise de cathérétique dans les cas d'induration commençante. Dans ces derniers temps, MM. Perroneaux, Roger, F. Tlatin, Bre-lonneau, Toirac et Velpeau l'ont employé avec succès dans les angines aiguës de mauvais caractère.
Ligature (pl. 23, fig. 5). Ce procédé paraît avoir été leplusgé-néralement adopté au moyen âge, à une époqueoù laprincipale pré-occupation duchirurgien étaitd'éviter l'hémorrhagie. Guillemeau, leprem ter, nous a légué une pince serre-nœud, très ingénieuse, ima-ginée à cet effet. Fabrice deHilden, dans le même but, employait un anneau cannelé servant de porte-ligature, qui a été reproduit par M. Smith. Cheselden, partisan de la ligature, l'appliquait simple-ment avec une sonde, si la tumeur étaitpédiculée; mais, dans le cas oùelle avait une large base, il la traversait préalablement au milieu avec une aiguille courbe garnie d'un double fil, de manière à pou-voir en lier ensuite séparément les deux moitiés. Cette idée, dont la reproduction récente forme la base de la méthode générale de M. Mayor de Lausanne, a été suivie avec succès clans le siècle der-nier par Sharp, Levret, et en particulier Lecat, qui se servait de fils de couleurs différentes, île manière à ne pas pouvoir se tromper dans l'emploi des chefs en liant. Depuis, la ligature a continué d'être pratiquée. B. Bell employait une canule introduite par la fosse nasale correspondante, et portant à son extrémité l'anse d'un fil d'argent ou d'une corde à boyau, dans laquelle il engageait la tumeur par la bouche, se servant ensuite delà canule comme d'un serre-nœud. Desault opérait par la bouche en saisissant la tumeur avec une airigne double qui servait de conducteur à Panse d'un fil de chanvre. Tous ces moyens, et tant d'autres qu'il serait trop long d'énumérer, remplissent également bien l'indication. La diffi-culté, ici, n'est pas de savoir comment pratiquer la ligature qui se fait, au contraire, assez aisément, mais bien de juger la valeur du procédé en lui-même. Malgré le grand nombre de chirurgiens dis-tingués qui l'ont employée, et les éloges (pieu ont laits encore récemment MM. Physick et C. Bell, on s'accorde généralement aujourd'hui à rejeter cette opération dans un point où la coïnci-dence du siège anatoinique, avec l'extrême sensibilité des tissus, peut déterminer, pendant un long temps, des accidens nerveux , des efforts de vomissemens ou des menaces de suffocation.
Excision. Historique, appareil instrumental. L'excision par-tielle était déjà pratiquée par les anciens. Aétius établit en pré-cepte de n'enlever cpie la partie proéminente, et blâme l'extir-pation totale, qui pourtant avait déjà été pratiquée avant lui. Rhasès et les autres chirurgiens arabes, toujours timides dans les opérations sanglantes, se rangent au précepte des excisions par-tielles. Déjà , dans ces temps reculés, divers instrumens sont em-ployés; les anciens possédaient un ancylotome dont les méca-nismes les plus récens ne sont qu'une imitation perfectionnée. Mésué, simplifiant le procédé, se servait d'une airigne double et d'un bistouri courbe. Wiseman pratiquait d'abord une ligature, et se servait du fil pour attirer la tumeur qu'il excisait avec des ciseaux. Dans le siècle dernier, l'appareil instrumental s'est com-posé des airignes simple, double, ou de celle inventée spécia-lement pour cette opération par Museux, et des instrumens de section- Pour ces derniers, les chirurgiens ont varié entre l'emploi du bistouri et des ciseaux. Parmi les bistouris sont : l'ordinaire (Louis), le bistouri courbe boutonné (Lecat), le kyotomede De-sault et le bistouri boutonné droit employé par beaucoup de chirur-giens , et en particulier par Boyer. Quant aux ciseaux, les courbes sur le plat, recommandés par Maurain et Levret, n'ont pas cessé d'être en usage.
Aujourd'hui, après une longue expérience acquise, les instru-mens propres à pratiquer l'excision des amygdales sont encore en si grand nombre, que l'on peut dire que la chirurgie en est encombrée. Ils se distinguent en trois classes (pl. ig) : i° des spéculums de la bouche, parmi lesquels se distingue sur l'instrument de M. Char-rière(n° 25), celui de M. Saint-Yves (n° 26), l'abaisseur de la langue de M. Colombat (n° 27), etc., imités d'une foule d'instrumens plus anciens du même genre. Ces instrumens sont utiles pour déprimer la langue ou maintenir écartées les mâchoires chez les sujets indo-ciles , dont les inouvemens inconsidérés feraient obstacle à l'opéra-tion ; 2° des airignes et pinces pour saisir et fixer les amygdales ; nous renvoyons pour ces détails à la planche 29, fig. 28 à 39, où l'on peut juger du mode d'action de ces divers instrumens, depuis la simple airigne droite à double crochet (28), jusqu'aux airignes de Museux, à courbure variée (37, 38, 3g), imaginées dans ces derniers temps; 3° des instrumens de section; parmi ceux-ci se rangent les bistouris à excision (4oà 43), les ciseaux (44), et enfin le tonsillitome de Fabnestock, modifié par M. Vel-peau (45) et M. Ricord (46). En résumé, de tout ce matériel in-strumental, il n'y a vraiment d'essentiel qu'un petit nombre : un spéculum et un abaissent- de la langue, auxquels on supplée très bien par un morceau de liège ou une cuillère ; et, avec une airigne, les ciseaux courbes et le bistouri droit boutonné. Les autres instru-mens peuventservir, mais ils ne sont pas indispensables; el, quant
au tonsillitome, s'il offre cet avantage de rendre en apparence l'opé-ration plus facile, pour une main inexpérimentée, il à, comme tous les mécanismes substitués à la main, l'inconvénient de n'agir que d'une manière déterminée dans tous les cas, et ne permet pas de poursuivre un prolongement dans les tissus, comme on le fait avec le bistouri et les ciseaux, pour aller chercher tout ce qui est malade.
Manuel opératoire. Procédé ordinaire (pl. -¿3, fig. 3). Le ma-lade est assis en face du jour, la tête appuyée sur la poitrine d'un aide, la bouche est largement ouverte ; on ne se confie au ma-lade pour la maintenir telle, qu'autant que, l'on peut compter po-sitivement sur lui. Dans le cas contraire, on a recours à l'un des moyens indiqués; et, par précaution, il est toujours bon de les avoir à sa disposition. Tout étant disposé, et des cautères préparés pour le casd'bémorrhagie, le chirurgien abaisse la langue avec un instrument quelconque, qu'il confie à un aide, ou tout simple-ment la déprime lui-même avec le doigt indicateur gauche, puis de la main droite, armée de l'airigne double de Museux (Dupuy-tren), ou de l'airigne simple à doubles crochets (Velpeau), il ac-croche l'amygdale par sa partie postérieure, et, par un mouve-ment de traction graduelle, s'efforce de la dégager d'entre les piliers pour l'amener diagonalement en avant dans la cavité de la bouche. Cette traction de l'amygdale est une condition importante pour éloigner la tumeur de l'artère carotide. L'airigne, passant ensuite dans la main gauche, de la droite le chirurgien saisit le bistouri boutonné droit, dont il est bon qu'une moitié de la lame soit envi-ronnée d'une bandelette de dyachilon ; puis, se servant de la tige de l'airigne comme d'un conducteur, fait glisser dessus, entre cette tige et la langue, la lame, le dos en bas, jusque sous la face posté-rieure de l'amygdale. Tournant alors le tranchant en haut, en avant et en dehors, il coupe en sciant, parallèlement à la paroi externe de la bouche, de manière à enlever sans désemparer toute la masse de la tumeur. Dans les cas de simple hypertrophie, il suffit, pour le résultat de l'opération, d'enlever toute la portion de tissu proéminente; mais si l'on a affaire à une dégénérescence de mau-vaise nature, il faut, sans trop se hâter, tâcher d'enlever d'un seul coup tout ce qui est malade. L'opération terminée, si l'hémorrhagie est peu abondante, il suffit pour la faire cesser d'un gargarisme acidulé ou de quelque application styptique; quand l'écoulement de sang est plus considérable, mais seulement en nappe, on a pu l'arrêter avec la poudre d'alun calciné porté avec des pinces sur une boulette de charpie; mais le plus sûr de ces cas, comme dans les hémorrhagies saccadées produites par les petites artères, est d'appliquer immédiatement le cautère rougi à blanc, en ayant recours à tous les moyens mécaniques et aux précautions en usage pour ne pas blesser la langue et les parois de la bouche. Reste le cas malheureux où un chirurgien inexpérimenté ou inattentif au-rait blessé l'artère carotide, comme on en a vu des cas cités par Tenon, Burn, Béclard et Barclay. L'hémorrhagie foudroyante obli-gerait à faire comprimer de suite par un aide avec les doigts, en tant qu'on le pourrait sans causer la suffocation, et à pratiquer immédiatement la ligature de la carotide primitive. On cite un cas semblable survenu chez une femme que M. Champion, appelé pour la visiter, trouva morte à son arrivée.
Le procédé quenousvenons dedécrire,leplusgénéralementusité, offre quelque variété dans le mode d'excision. La section de bas en haut était surtout conseillée par Louis pour éviter la chute de l'a-mygdale dans le pharynx. Aujourd'hui, avec les pinces airignes doubles, cet accident n'est point à redouter; mais ce mode de sec-tion offre encore le petit avantage de mieux voir ce que l'on fait et d'être moins gêné par l'hémorrhagie. Quelques chirurgiens, au contraire, dans la crainte de blesser le voile du palais, préfèrent inciser de haut en bas. Richter, pour éviter plus sûrement la lésion, ou du voile membraneux ou de la langue, incisait par tiers, d'abord de haut en bas, puis de bas en haut, et terminait par la partie moyenne. On ne saurait mettre aucune importance à ces diverses modifications, qui se neutralisent par le fait même du mérite de ceux qui les ont préconisées. Ce qu'on peut dire à cet égard de plus général et de plus vrai, c'est que c'est bien plutôt la forme et les rapports de la tumeur qui doit décider de la manière dont il convient de l'attaquer.
Excision avec le tonsillitome. Nous avons eu déjà l'occasion de signaler cet instrument, imitation graduellement perfectionnée de sécateurs très anciens, et du kyotome de Desault. Il existe un assez grand nombre de ces instrumens dus à MM. Physick, War-ren, Fahnestock. Ce dernier, un peu modifié par MM. Ricord (pl. ig, fig. 46) et Velpeau (fig 45) ? paraît prévaloir en France. C'est la combinaison des deux, le mécanisme d'arrière en avant de l'anneau sécateur de M. Velpeau, avec la fourchette de pré-hension de M. Ricord, qui nous paraîtrait devoir constituer le meilleur instrument.
Procédé de M. Velpeau. L'instrument est tenu de la main droite par son manche, tandis que trois doigts de la main gauche, l'indicateur et le médius passés dans les anneaux, et le pouce ap-pliqué sur la fourchette, concourent au mécanisme. Le double anneau du tonsillitome s'applique à plat sur la tumeur qui se trouve faire saillie dans le cercle qu'il inscrit. Faisant glisser alors, avec le pouce gauche, la pique ou la fourchette, elle plonge dans l'amygdale, puis, par un mouvement de pression du pouce, qui fait faire bascule à son manche sur la tige commune, la tumeur, fortement attirée vers la bouche, vient offrir elle-même sa base à l'action de l'anneau sécateur mobile, qui glisse dans l'épaisseur de l'anneau immobile, et par son mouvement d'arrière en avant, coupe nettement la base de l'amygdale à la rencontre des deux anses tranchantes. C'est ce mécanisme qui nous paraît le plus convenable, parce que la branche mobile vient se loger dans la bouche, tandis que, pour l'autre instrument, elle va se loger dans le pharynx, où elle peut contondre la paroi posté-rieure de cette cavité, outre que la rencontre de cette paroi pour-rait empêcher la section de s'achever
OPÉRATIONS OUI SE PRATIQUENT SUR LE COU.
Les maladies chirurgicales situées au cou et qui peuvent récla-mer les secours de la médecine opératoire, sont en grand nombre et se divisent pour nous en deux séries. Les unes, abcès ou tu-meurs de diverse nature, qui intéressent la peau, le tissu cellulaire inter-organique ou les divers organes de l'appareil locomoteur sont des affections générales que nous avons traitées en leur lieu
cl qui n'offrent ici, rien de particulier; les autres qui appar-tiennent spécialement au cou, sont de deux ordres, les maladies du corps thyroïde et celles des voies aériennes.
CORPS THYROÏDE.
Le corps thyroïde, sous l'action de causes très diverses, se tu-méfie lentement et acquiert peu-à-peu un volume considérable au point d'envahir parfois toute la surface du cou. A mesure qu'il se développe, il distend outre mesure la peau et les muscles, et, par sa pression en profondeur, gène de plus en plus chaque jour la respiration et la déglutition. C'est dans cet état qu'on réclame le secours de la médecine opératoire. Le gonflement chronique du corps thyroïde a pris indistinctement le nom de goitre ou broncliocèle. D'après le travail de M. Sacchi, des altérations très différentes sont comprises sous cette vague dénomination. Outre F hypertrophie du tissu thyroïdien, cas le plus ordinaire et le plus simple, le goitre peut être formé par des altérations de di-verse nature. Des tumeurs érectiles, fongueuses, tuberculeuses, fibreuses, calcaires, encéphaloïdes, etc., des kystes séreux, san-guins, purulens, etc., dont le diagnostic est importantàdéterminer pour le choix des moyens thérapeutiques à employer. Dans les affections encore peu anciennes du corps thyroïde, l'usage des préparations résolutives d'iode est indiqué. A un état plus avancé si l'on a reconnu que la tumeur doit la plus grande partie de son volume, à une collection séreuse ou purulente, l'indication est de la vider par ponction, mais dans tous les cas où le tissu en est solide, il faut avoir recours à d'autres moyens. Six méthodes sont mises en usage dont le choix se motive d'après la nature présumée de la maladie. Ce sont : la cautérisation, le séton, la ligature, l'oblitération des artères, les incisions et l'extirpation.
Cautérisation. L'emploi de cette méthode est fort ancien; mais, comme la cautérisation ne convient que pour certaines al-térations, et ne saurait être employée raisonnablement lorsque le goitre a acquis un grand volume, on y a entièrement renoncé de-puis long-temps. Ce n'est donc que comme moyen complémen-taire qu'on peut encore y avoir recours après l'extirpation ou la ligature, pour détruire quelque reste de tissu de mauvaise nature. Divers caustiques peuvent alors être employés, mais préférable-ment la potasse caustique. Le procédé d'application nous est déjà connu; toutefois, appelons l'attention du chirurgien sur le danger que présentent de tous côtés les organes environnans, les nerfs et les gros vaisseaux du cou, la trachée-artère et l'œsophage. La proximité d'organes aussi importans doit rendre le chirurgien très circonspect dans l'emploi d'un agent brutal comme le sont les caustiques. Mieux vaut assurément l'excision ou la dissection des racines qu'une première opération n'aurait pu enlever.
Sétons. L'usage de ce moyen paraît remonter à la renais-sance, mais sans avoir beaucoup fixé l'attention. Rogier, qui le décrit comme une méthode d'application usuelle, indique de placer deuxsétons qui s'entrecroisent perpendiculairement. Monro l'ancien , d'après Burns, en a réhabilité l'usage. Dans ces derniers temps, on l'a fréquemment employé, et on a pu déterminer les cas dans lesquels il est applicable. Le séton, en théorie, n'étant qu'un corps étranger dont la présence donne lieu à une suppuration, on conçoit qu'on puisse en obtenir de bons effets, quand la tumeur est formée par des matières liquides ou diffluentes. Dans les trois cas de guérison obtenus par Addisson, la maladie était un kyste.
On ne sait pas aussi exactement quelle était la nature de l'affec-tion chez un certain nombre de sujets opérés par divers chirur-giens; trois par M. O'Beirn, six par M. Klein, deux par chacun de MM. Hutchinson et Hauslentner. Maison conçoit que cette mé-thode pourrait avoir les plus grands dangers dans les cas de dégé-nérescence cancéreuse ou fongueuse, malgré l'opinion contraire exprimée, pour ce dernier cas, par M. Quadri. Tout au plus pour-rait-on en essayer, si, ce qui n'est pas facile, on pouvait avoir la certitude que la maladie n'est qu'une simple hypertrophie. Quant au procédé opératoire, M. Quadri pose ordinairement le séton, suivant le plan vertical, de haut en bas, avec une aiguille semblable à celle de Boyer, et ne l'insinue qu'à un centimètre ou un centi-mètre et demi de profondeur pour éviter de blesser de fortes branches artérielles. Lorsque la tumeur est d'un volume déjà considérable, il pose deux, trois ou même un plus grand nombre de sétons entrecroisés méthodiquement dans diverses directions, et dirigés suivant le plus grand axe des lobes dont se compose la masse principale. Le séton, essayé par divers chirurgiens en Eu-rope, peut être considéré aujourd'hui comme acquis à la médecine opératoire. Outre les chirurgiens cités plus haut, plusieurs autres d'une grande autorité, en particulier MM. Flajani, en Ralie, Maunoir, à Genève, Gérard etDupuytren, en France, en ont vanté les bons résultats. Après quelques jours de son application, à me-sure que la suppuration s'établit, la tumeur se ride et s'affaisse. On a proposé dans ces derniers temps, pour hâter la résolution , d'enduire la mèche avec des pommades iodurées. Après un certain temps, quand une diminution graduelle et très apparente de la tumeur s'est déjà effectuée, on retire la mèche, et on se contente de maintenir à l'extérieur des topiques résolutifs, l'expérience ap-prenant de jour en jour que l'atrophie continue à s'opérer pendant l'adhésion des trajets fistuleux, et même long-temps encore après leur entière cicatrisation.
Ligature des artères thyroïdiennes. W. Blizard , au rapport de Burns, aurait eu le premier l'idée de déterminer l'atrophie du goitre par la ligature des artères du corps thyroïde. Les hémor-rhagies réitérées et la pourriture d'hôpital emportèrent son malade. Renouvelée en i8i4par M. Walther, cette tentative eut un plein succès. Cinq autres faits de même nature sont dus à M. Carlisle, Coates, Earle, Green, Chelius. Encore plus heureux M. Boileau, en i8a5, forcé de lier une carotide primitive pour une lésion traumatique, obtint du même coup la guérison d'un goitre ancien ; mais par contre, M. Brodie a lié en même temps, deux vaisseaux thyroïdiens, sans obtenir aucune diminution de la tumeur, et M. Langenbeck, obligé pour cause d'hémorrhagie, de lier successivement les deux carotides, a perdu son malade. D'après l'ensemble de ces faits, M.Velpeau pense, avec raison, que dans les cas de simple hypertrophie, de fongus hématodes et de tumeurs érectiles, où la gêne causée par la tumeur, met dans la nécessité d'opérer, le chirurgien est en droit d'essayer de la liga-ture des artères thyroïdiennes, mais en liant pour plus de sécu-rité, les deux artères de chaque côté. Nous ne pouvons que nous rangera cet avis, la ligature des artères étant une chance der-nière pour éviter l'extirpation, toujours beaucoup plus grave, surtout dans les cas de dégénérescence vasculaire.
Ligature en masse. Moreau le premier, en 1779, appliqua la ligature à la guérison du goître; de deux malades qu'il soumit à l'opération, l'un dont la tumeurétaitde nature graisseuse, guérit,et l'autre qui portail un cancer, n'éprouva aucune amél ioration. Dans
les deux cas la ligature fut pratiquée, d'après la formule générali-sée, depuis, par M. Mayor de Lausanne, la tumeur étant traversée à la base, avec un double lien qui permit d'en étrangler chaque moitié séparément. Desaulten 1791 n'osant pas terminer une extir-pation, se servit, comme moyen complétai, de la ligature pour étreindre la portion restée adhérente. Bruninghausen en i8o5, guérit par la ligature seule un malade dont la tumeur avait le volume d'un œuf. Mais M. Mayor, parle nombre de succès qu'il a obtenus dans des cas très graves, et par la manière dont il a formulé l'opération de la ligature des grosses tumeurs, mérite que cette opération se rattache à son nom. Un premier malade, jeune garçon de douze ans, opéré en 1821 et qui guérit au bout d'un mois, fut délivré d'une tumeur du volume d'une orange. Un second cas qui s'est présenté chez un jeune homme de vingt-et-un ans, est encore plus extraordinaire. La tumeur s'étendait des angles maxillaires et des régions parotidiennes, à la ligne sterno-claviculaire, et des trois lobes qui la composaient, le médian avait le volume de la tète d'un fœtus. Le malade néanmoins, après plusieurs opérations en divers temps, guérit complètement en moins de deux mois. D'autres succès moins extraordinaires sont dus encore au même chirurgien, mais d'un autre côté deux de ses malades ont succombé.
Procédé de M. Mayor (Pl. 25, fig. 4)- La tumeur étant mise à découvert par une double incision elliptique, l'isoler ensuite des parties sous-jacentes en détruisant ses adhérences avec le doigt, le bec d'une sonde cannelée ou le manche d'un scalpel, et continuer ainsi à la détacher le plus loin que l'on peut dans son contour, en évitant l'instrument tranchant et agissant avec beau-coup de précaution, pour ne pas blesser les vaisseaux et les nerfs. Quand on se trouve arrêté, et qu'il n'est plus possible de con-tinuer sans pratiquer une extirpation, c'est le moment de poser les ligatures. En précepte général, il s'agit alors, prenant pour guide les divisions lobulaires de la tumeur que. l'on a sous les yeux, de la fractionner par la pensée en plusieurs parties, ordi-nairement trois qui donneront lieu à autant de ligatures partielles. Il suffit de la traverser longitudinalement sur deux lignes pa-rallèles, chaque fois avec un double fd, pour obtenir trois anses de ligature dont les chefs sont serrés par des serre-nœuds; pour plus de certitude, mieux vaut encore passer d'abord trois fils de manière à compléter les trois ligatures horizontales par deux autres verticales, en sorte que les trois fractions se trouvent iso-lées entre elles, comme elles sont séparées par étranglement des tissus voisins à leur base.
En résumé, l'opération de la ligature a suffi à elle seule pour obtenir des guérisons dans des cas où il semblait que l'extirpation seule pût être applicable, mais ce moyen est lent et douloureux. Il donne lieu à des angoisses, à une dyspnée portée quelquefois jusqu'à la menace de suffocation et parfois même à des accidens nerveux, et à une fièvre de mauvais caractère. Si donc on croit devoir l'employer seule, c'est avec raison que M. Velpeau con-seille de détacher d'abord les parties le plus loin qu' il est possible, de manière à n'avoir plus qu'un étroit pédicule, au lieu d'une large base à étrangler, et enfin d'exciser promptement le goitre jus-qu'auprès de la ligature, pour ne pas laisser la masse de la tumeur se putréfier dans la plaie. Ajoutons en dernier mot, que comme ressource complétive de l'extirpation, quand il ne reste qu'un pédicule fourni de gros vaisseaux, dont la section pourrait avoir des dangers, la ligature, qui permet d'achever l'ablation sur son nœud, est un moyen précieux auquel rien ne peut suppléer. t. vu.
Lncisions. Ce procédé, encore nouveau, a compté néanmoins un assez grand nombre de succès pour figurer désormais dans la médecine opératoire. Ses cas d'indication sont tous ceux où l'on peut employer le séton, c'est-à-dire, toutes les fois que la maladie n'est point une tumeur sanguine ou cancéreuse. Dans le fait de guérison rapporté par Sellié, la tumeur était formée par des concrétions calcaires. Les collections purulentes, enkystées ou disséminées, constituaient la maladie dans plusieurs cas sui-vis de guérison, obtenus par MM. Rey et Laugier, chacun sur un sujet, sur quatre autres par M. Pétrali, et sur deux par M. Velpeau. Un troisième malade, opéré par ce chirurgien, est mort. Formulant le procédé d'incisions multiples, M. Velpeau incise la tumeur sur quatre ou six points, suivant son volume, dans une longueur de trois à quatre centimètres pour chaque incision; puis glissant le doigt dans les plaies, il vide et nettoie le kyste ou les foyers purulens, et y passe une mèche de séton qu'il laisse à demeure pendant quatre ou cinq jours, jusqu'à ce que la suppuration soit bien établie; arrfvé à ce point, il retire la mèche et traite la maladie comme un simple abcès. Ce pro-cédé suppose que le chirurgien a une parfaite certitude de la nature de la tumeur, quelquefois variable dans les divers points de son étendue. Dans un cas vague, de ce genre, opéré par M. Bégin, une première incision ayant donné lieu à une hémor-rbagie difficile à arrêter, ce chirurgien s'aperçut qu'il était tombé sur une tumeur très vasculaire, reposant sur la trachée artère, et se vit contraint de renoncer à l'extirpation, qui lui parut impossible sans un danger imminent.
Extirpation. Appliquée au corps thyroïde comme dans tous les cas analogues, à l'orbite, à la glande parotide, aux os maxil-laires, etc., cette opération est toujours très grave par les mêmes motifs, la nature maligne de la cause première, et le nombre considérable d'organes des plus importans et des plus déliés qui environnent la tumeur. En effet, ici comme dans tous les cas graves d'extirpation, dont nous avons eu à nous occuper, lorsque pour s'éclairer sur la probabilité du succès, on consulte les archives de l'art, dans leurs documens les plus authentiques, on trouve presque toujours, que si les cas de succès et de revers semblent à-peu-près se contre-balancer, c'est que les chirurgiens ont mis bien plus d'empressement à relater les premiers cpie les seconds, et qu'en outre il existe un nombre considérable de faits douteux, cpii, sous diverses formes de terminaison, soit continua-tion de la maladie, complication ou récidive, rentrent pour la plus grande proportion dans les cas malheureux. C'est ce vague, inévitable dans l'appréciation consciencieuse de la valeur thé-rapeutique d'un grand nombre d'opérations, qui fait que la plu-part de celles cpii offrent des dangers sans grande probabilité de guérir, se perpétuent et se lèguent d'une génération à l'autre, sans que, dans l'évaluation de faits contradictoires dont il est im-possible d'évaluer les principales circonstances évanouies, on puisse jamais porter un jugement précis pour approuver ou con-damner telle ou telle opération.
Appliquant ces réflexions générales à l'extirpation du corps thyroïde, en particulier, on voit que cette opération remonte à un temps très ancien, puisque déjà il y en a un fait consigné dans Albucasis; le malade est mort d'hémorrhagie. Pareil résul-tat est survenu dans des cas cités par Palfin, Percy, Gooch et chez un malade de Dupuytren. D'autres, opérés par MM. Klein, Grsefe, Boux, ont succombé à diverses causes. D'un autre côté si l'on consulte les cas heureux, Peckel, Ravaton, Vogel auraient compté
plusieurs succès. Récemment MM. Warren, Voisin, Gubian ont également vu guérir leurs malades; mais le premier aurait été obligé de lier la carotide. Enfin on relaterait parmi les cas dou-teux, ceux rapportés parTbeden, Freytag, Desault, Giraudi, Fodéré; un seul chirurgien, Bell, avoue un fait de récidive, ter-minaison qui, en réalité, est cependant la plus fréquente, après les opérations de ce genre, sur des tumeurs cancéreuses ou vasculaircs.
Procédé opératoire. Le malade est couché sur le dos, la tète lé-gèrement renversée sur un oreiller pourétendre le cou, etfixée dans cette position par des aides; le chirurgien est placé à droite du malade. L'appareil, outre les bistouris, pinces, fils à ligature, etc., doit contenir les divers objets propres à l'hémostatique. Tout étant disposé, pratiquer à travers l'épaisseur de la peau et des muscles sous-hyoïdiens, une incision médiane verticale qui commence un peu au dessus, et finit un peu au dessous de la tumeur, couper au milieu crucialement cette première incision par une autre horizontale, disséquer et renverser des lambeaux s'ils sont sains pour mettre à découvert la tumeur. Dans le cas où les tégumens et les muscles superficiels sont altérés dans une portion de leur étendue, au point de ne pouvoir être conservés, on commence par en cerner la portion malade, entre deux incisions elliptiques, que l'on coupe en travers par la section horizontale. La tumeur mise à nu, la détacher peu-à-peu à son contour, comme nous l'avons dit à propos de la ligature, avec un instrument mousse, le doigt, le bec d'une sonde cannelée ou le manche d'un scalpel, en commençant par son bord supérieur, et gagnant en profondeur alternativement sur l'un et l'autre bord. De chaque côté, mais plutôt en arrière, si la tumeur est d'un grand volume, se trouvent les gros vaisseaux du cou, et les nerfs pneumogastriques, grands sympathiques et cardiaques, qu'il faut prendre garde de ne pas léser. Il est impossible d'éviter également nombre de filets du plexus cervical superficiel. Dès que les origines des artères thy-roïdiennes peuvent être reconnues, il faut en faire la ligature. Il en est de même des branches veineuses d'anastomoses, sou-vent énormément accrues de volume, et qu'il pourrait être dange-reux de couper sans les avoir liées. Enfin il se présente, surtout en arrière, quelques arterioles qu'on lie également. En procédant, ainsi avec lenteur et méthode, on arrive à isoler peu-à-peu la tu-meur jusqu'à la face postérieure, que l'on détache avec précaution de haut en bas sur le larynx et la trachée-artère. Parvenu sur son bord inférieur, d'où sort le plexus veineux, on lie en masse ce plexus qui parfois renferme l'artère thyroïdienne de Neubauér, et on achève l'ablation de la masse, en coupant en-deçà de la ligature. Dans la succession de ces manœuvres, le chirurgien est obligé d'interrompre par intervalles l'opération, pour laisser un peu reposer le malade, et lui donner le temps de respirer, mais il doit toujours soidever la tumeur, pour éviter toute compression sur la trachée, la moindre gêne dans l'inspiration étant immédia-tement suivie d'un refoulement du sang veineux, qui vient par-tout pleuvoir à la surface de la plaie.
L'opération terminée, c'est encore l'hémorrhagie qui réclame les premiers soins. 11 faut lier toute artériole qui ne l'aurait pas été d'abord, et par crainte de l'introduction de l'air, les veines coupées qui auraient un certain volume; quant à l'écoulement du sang provenant des veinules, il s'arrête de lui-même par de longues inspirations. Si l'ablation est complète, on réunit par première intention avec des bandelettes agglutinatives ou des sutu-res, et on recouvre la plaie avec un peu de charpie mollette et une compresse fine et lâche pour ne point déterminer de compression.
Extirpation combinée avec la ligature. Ce procédé mixte, convient particulièrement pour l'ablation des tumeurs cancéreu-ses et vasculaires. Nous avons vu que M. Mayor en a fait usage avec succès; il en est de même de M. Ilédénus qui compte déjà plusieurs cas deguérison. lia méthode de ce chirurgien diffère de la précédente, en ce qu'il a pour but actuel une ablation coin plète, et que, détachant de prime abord la tumeur jusqu'à sa face postérieure, c'est alors qu'il place ses ligatures partielles pour obli-térer les vaisseaux, et pouvoir immédiatement séparer la tumeur, sans avoir à redouter l'hémorrhagie.
Appréciation. En résumé, le séton et les incisions employés seuls ou combinés, pour les goitres à demi liquides, les incisions seules pour l'hypertrophie, la ligature des artères thyroïdiennes dans l'hypertrophie et les tumeurs sanguines, la ligature dans les mêmes cas et enfin dans les circonstances les plus graves, la liga-ture combinée avec l'extirpation, tels sont les procédés opéra-toires, les plus rationnels pour la guérison chirurgicale du goitre, dans les divers états qui le constituent.
VOIES AÉRIENNES.
cati1étérisme des voies aériennes (Pl. ll\ , fig. l).
L'objet de cette opération est de pratiquer l'insufflation ou la respiration artificielle, à l'aide d'une sonde introduite parle la-rynx, dans les cas d'obturation de la glotte, pour cause d'œdème ou d'angine inflammatoire chez les asphyxiés. On introduit la sonde par le nez ou par la bouche.
Introduction par le nez.—Procédé de Desault. Armé d'une sonde de gomme élastique très flexible et du plus gros calibre, l'introduire par une narine et la faire glisser parla fosse nasale, jusque dans le pharynx; faisant alors ouvrir largement la bouche et maintenir les arcades dentaires écartées, pendant que d'une main on insinue doucement et on fait descendre la sonde, le doigt indicateur de l'autre main, introduit par la bouche, applique le bec de l'instrument contre la base de la langue, pour le faire entrer dans l'ouverture de la glotte. Plusieurs signes avertissent que la sonde a pénétré dans le larynx : i0 la sensation d'un obstacle franchi ; i° l'inclinaison de l'instrument dont la courbure revient en avant; 3° mais surtout les violens efforts de toux du malade, et les sou-lèvemens spasmodiques du larynx ; 4° enfin, et ce caractère est le plus essentiel, la sortie de l'air dans l'expiration par l'orifice extérieur de la sonde, phénomène que l'on rend plus évident en y offrant la flamme d'une bougie. Si ces indices manquent et que cependant la sonde continue de descendre librement, c'est une preuve assurée qu'elle est dans l'œsophage, cas auquel il faut la remonter et recommencer une nouvelle tentative.
insufflation.
Introduction par la bouche. — Procédé de Chaussicr. Ce médecin employait pour l'opération un instrument particulier (Pl. fig. i et i bis), dit tube laryngien, offrant une gouttière garnie d'une petite éponge servant à le fixer à l'ouverture de la glotte. La bouche largement ouverte et la base de la langue étant déprimée avec l'indicateur gauche qui dirige en outre le bec de l'instrument, on introduit la sonde de la main droite, et, dès qu'elle est parvenue dans le larynx, on la fait descendre avec lenteur jusqu'à ce que le disque se trouve arrêté à son orifice
Chaussier commençait par aspirer les mucosités qui engorgeaient les bronches en se servant d'un soufflet ou d'une pipette; il pra-tiquait ensuite l'insufflation artificielle à l'aide d'un soufflet de quatre à cinq litres de capacité. Cette dernière manœuvre opéra-toire, quoique très simple, exige néanmoins une certaine adresse et beaucoup de prudence. Le sujet étant couché sur un plan in-cliné, les bras écartés du corps et aucun lien ni vêtement ne pres-sant sur le thorax, de manière à ce qu'il puisse se dilater libre-ment , le bec du soufflet est introduit dans l'extrémité de la sonde, et comme luté par la pression des doigts ou par un linge mouillé. C'est le chirurgien lui-même qui doit presser sur le soufflet pour faire entrer l'air dans les poumons. Il est très important d'agir avec lenteur, surtout dans la première insufflation, pour donner à l'organe le temps de se développer également sur tous les points. Si au contraire on procédait avec brusquerie, on courrait risque de déterminer de larges déchirures emphysémateuses. Si un côté se dilate moins que l'autre, ce qui peut tenir à quelque engorgement ou chronique ou actuel, il faut bien se garder néanmoins de forcer par la pression au passage de l'air. L'essentiel au reste n'est pas d'injecter du premier coup une grande masse de gaz, mais, au contraire, de rétablir peu-à-peu la perméabilité des conduits aé-riens. Dès que le poumon étant suffisamment rempli d'air, l'in-spiration artificielle peut être considérée comme assez complète ou comme suffisante, on ôte le soufflet pour permettre l'expiration qui s'effectue en partie d'elle-même par l'élasticité des parois tho-raciques, et on aide à la rendre plus complète par une pression méthodique exercée à-la-fois, avec les deux mains aplat, de chaque côté du thorax. La première respiration étant effectuée, on conti-nue de la même manière en augmentant graduellement la quantité d'air que le poumon peut recevoir, et s'efforçant d'imiter dans les manœuvres la succession régulière des deux temps respiratoires. En cas d'asphyxie, il s'y joint, pour rétablir la circulation vei-neuse, des frictions générales des extrémités vers le centre, sur les membres et sur le tronc, avec des linges imbibés de liquides exci-tans et de température variée, suivant la cause de l'asphyxie. Nous abandonnons ces détails et les autres moyens auxiliaires en pareil cas, comme n'étant plus de notre sujet.
Telles sont les manœuvres dont l'ensemble constitue l'insuffla-tion artificielle. Mais dans la pratique, cette opération n'est pas si simple que nous venons de l'exprimer. Sur l'asphyxié, avec l'ex-piration affluent des mucosités spumeuses qui reviennent par la sonde, et contraignent à la nettoyer fréquemment pour ne pas les chasser de nouveau dans le poumon. Chez le sujet en pleine con-naissance, outre ces mucosités, l'opération est fréquemment en-travée par des quintes de toux, à mesure que l'air s'insinue dans les poumons ; il faut donc suspendre de temps à autre, le danger de suffocation étant du reste d'autant moindre que les quintes de toux, plus violentes, prouvent en même temps qu'une plus grande quantité d'air circule dans les poumons.
Dans les cas d'angine et d'œdème de la glotte, tout danger cesse du moment que la sonde ayant franchi l'orifice du larynx, le ma-lade peut respirer de lui-même. Mais alors il est essentiel de laisser la sonde à demeure. Un instrument en gomme élastique, qui pré-sente un orifice direct à son extrémité, est bien préférable au tube laryngien de Chaussier, trop étroit à son extrémité pour le volume d'air qui doit y passer, et dont les orifices latéraux, encore plus étroits, peuvent en outre se trouver bouchés en s'appliquant laté-ralement sur les parois. Disons enfin, comme dernier mot, que dans ces cas aussi la bronchotomie est bien préférable au simple cathétérismedu larynx.
BRONCIIOTOMIE (Pl. a5ï
La bronchotomie est une opération par laquelle on pratique sur le trajet des voies aériennes une ouverture artificielle, dans le but ou d'extraire un corps étranger qui s'y est introduit accidentelle-ment, ou de donner à l'air atmosphérique un passage artificiel quand il existe, à la partie supérieure du tube aérifère, quelque obstacle mécanique à la respiration.
D'après l'acception étymologique du mot bronchotomie, il semblerait qu'il devrait indiquer une section des bronches, signi-fication trop absurde pour qu'il soit besoin de la réfuter. Les par-ties sur lesquelles on incise sont : la trachée-artère, ou trachéoto-mie, le larynx ou laryngotomie , et les extrémités contiguës du larynx et de la trachée ou laryngo-trachéotomie; en somme, trois opérations distinctes, sur des lieux différens, que, dans l'absence d'un mot plus convenable, et par respect pour une dénomination anciennement consacrée, on réunit sous le nom générique, quoi-que très impropre, de bronchotomie.
Historique. La bronchotomie est du nombre des opérations dont on s'est le plus exagéré, de tout temps, les difficultés et les dangers. A quelle époque a-t-elle paru dans l'antiquité ? On l'i-gnore. Asclépiade paraît être le premier qui en ait fait usage. C. Aurélianus, Arétée la condamnent comme téméraire; pourtant il paraît qu'elle s'est soutenue chez les Romains, car Antylus et Paul d'Égine la décrivent. Leur procédé est simple et consiste à diviser en travers les parties molles , et à ouvrir la trachée entre les troisième et quatrième cartilages. Chez les Arabes, on signale à ce sujet, comme dans toutes les opérations graves , un besoin d'agir refoulé par cette timidité invincible qu'imposaient la reli-gion et les mœurs. Albucasis essaie de prouver, par des résultats d'accidens traumatiques, que les plaies des cartilages de la tran-chée peuvent se ressouder. Avenzoar fait dans le même but des ex-périences sur des chèvres. Rhazès va jusqu'à conseiller l'opération dans le cas de mort imminente, mais aucun d'eux n'ose la prati-quer. Dans le moyen-âge les discussions continuent; mais il faut arriver à la brillante époque de la renaissance, en i543, pour voir enfin l'opération réinstituée chez les modernes par Brassa-voie, et encore n'est-ce qu'un peu plus tard que F. d'Aquapen-dente parvient à en faire admettre la nécessité dans les cas les plus urgens.
Indications. La bronebotomie est applicable dans tous les cas où un malade est menacé d'asphyxie par un obstacle mécanique quelconque à la respiration. Les cas dans lesquels on en a fait usage sont des plus variés.
i° Corps étrangers dans les voies aériennes. C'est à-la-fois l'in-dication la plus positive, le cas d'application le plus ordinaire et celui pour lequel on a, le plus souvent, pratiqué la bronchotomie. Les corps étrangers sont de nature très variée. Comme il est naturel de le penser, le plus grand nombre appartient aux substances alimentaires : de petits os, des arêtes de poisson, des fragmens de fruits ou de légumes, des noyaux, des pépins, un haricot, un grain de raisin, etc. D'autres corps de petit volume sont introduits par suite d'imprudence ou de quelque jeu puéril : tels sont une ave-line, un caillou, une bille, une pièce de monnaie, une épingle, une aiguille, un petit morceau de bois ou de métal, etc. Dans d'autres cas, le corps étranger est le produit d'un accident traumatique , soit une balle, un fragment d'étoffe, des caillots de sang, etc. On
cite même un fait d'extraction d'une sangsue (Lacretelle). Dans ces derniers temps, on a pratiqué la broncliotomie pour des excisions de diverses productions dans les voies aériennes; tumeurs fibreuses {Archiv. de méd.), enkystées (Albert), fongueuses (Tortual), lym-phatiques (Wurtzer), cartilagineuses (Macilwain ), des polypes (Swinger, Desault, Albers, Gérardin), des bydatides (Aubertin , Delonnes, Harless); enfin cette opération est, aujourd'hui, généra-lement en usage pour extraire les concrétions membraniformes dans le croup.
9.« Croup. L'emploi de la bronchotomie dans la diphthérite laryngo-trachéale remonte au dix-septième siècle où M. A. Se-verin et G. Bartholin assurent l'avoir pratiquée avec succès. De-puis, quelques chirurgiens, à de longs intervalles, ont suivi leur exemple. Toutefois les avantages de cette opération dans ce cas, étaient restésun sujet de doute jusqu'en 18a5 qu'elle a été remiseen honneur par M. Bretonneau. Malgré les contestations élevées sur la cause de mort dans le croup, attribuée suivant une opinion suran-née, par quelques praticiens, à l'inflammation et au spasme du la-rynx, M. Bretonneau, par l'extraction des concrétions membrani-forrnes, su i vie de guérison, sur pi usieurs enfans menacés d'asphyxie, a prouvé à-la-fois et la réalité de cette cause de mort signalée depuis un demi-siècle par tous les auteurs, et l'efficacité de l'opération. Il pose en théorie, et l'on convient généralement, d'après lui, que la trachéotomie est impérieusement commandée toutes les fois que, la maladie étant descendue dans les premières divisions bronchiques, on ne peut raisonnablement espérer d'y remédier par les topiques, et surtout lorsque le sujet étant menacé de suf-focation, tout retard met sa vie en danger. La trachée étant large-ment ouverte, M. Bretonneau enlève immédiatement, par l'ou-verture de la plaie, les concrétions membraniformes accessibles aux instrumens, laisse, pour la respiration, une canule à de-meure, et, par une observation attentive et des soins continuels, pendant plusieurs jours, pour faire détacher de nouvelles concré-tions, insuffle dans la trachée du calomel en poudre, ou, si ce sel ne peut être supporté à l'état solide, l'instille en solution, et parvient ainsi à extraire à différentes fois des masses de tubes membraniformes et à guérir ses malades. Dans plusieurs cas, vers la fin du traitement, il a pu employer avec succès une solu-tion très faible de nitrate d'argent. A l'exemple du célèbre chi-rurgien de Tours, nombre de praticiens distingués ont eu re-cours à la trachéotomie dans le croup. De ce nombre sont MM. Scoutetten , les deux Gendron, J. Cooper, Lawrence , An-drée , Crozat, Gerdy, Trousseau , Velpeau , et tout récemment (Gaz. méd., juin 184' ) M. Maslieurat, cjui vient de publier deux cas de guérison. Si l'on consulte les résultats, M. Breton-neau a guéri six malades sur une vingtaine d'opérés, et M. Trous-seau , vingt sur environ soixante. C'est, dans les deux cas, une guérison sur trois opérations. Ce chiffre statistique, quoiqu'il ne soit pas moins favorable que celui de plusieurs grandes opérations réputées légitimes par leur nécessité, ce chiffre néanmoins peut paraître faible. Toutefois, on y trouvera un résultat encoura-geant , si l'on considère que tous les malades seraient morts; que chez ceux qui ont succombé , l'opération, si elle n'a pas réussi, du moins n'a pas contribué à la perte du malade; et enfin, comme M. Maingault en a fait la remarque à l'hôpital des en-fans, que, si l'opération n'a pas réussi plus souvent, c'est que presque toujours on la pratique trop tard. En résumé, d'après ces faits bien positifs, et en considérant que l'opération en elle-même , quand elle est bien laite, n'ajoute pas au danger, on est autorisé à conseiller la trachéotomie dans le croup, lorsque la maladie paraît grave; l'essentiel est de ne pas perdre de temps, ou, en d'autres termes, de ne pas s'obstiner dans l'emploi de moyens insuffisans, lorsque la gravité croissante de la maladie en démontre l'inefficacité : pareillement, l'état désespéré du malade ne nous semble pas une contre-indication. La plupart de ceux qui ont guéri étaient dans ce cas. Ainsi donc, sans se laisser décourager parla situation apparentedu malade, etsans se perdre dans des dis-cussions théoriques sur l'incurabilité, au moins fort contestable , de l'affection , lorsqu'elle a envahi les divisions bronchiques, nous croyons que le devoir du chirurgien est d'agir, puisque, d'après l'expérience, il peut sauver un malade qui serait perdu sans l'opé-ration.
3° Angines. L'emploi de la trachéotomie dans l'angine aiguë, tonsillaire ou laryngée, est déjà conseillé par Avicenne, lors-que le gonflement inflammatoire est tel, que le malade est me-nacé de suffocation. Cette opinion, soutenue à diverses épo-ques, d'abord parP. d'Albano, puis par Gherli deModène, Méad et Louis, a été combattue par Cheyne, et reproduite naguère par Baillie et Fare. Jusqu'à présent, Flajani est le seul qui ait osé pra-tiquer l'opération pour un gonflement aigu des amygdales ; mais cette tentative n'a pas reçu la sanction des chirurgiens : de simples scarifications suffiraient dans ce cas pour livrer un passage suffi-sant à l'air.
D'après les observations de Delamalle, quelques incisions lon-gitudinales profondes, sur la face dorsale de la langue, suffisent également pour en obtenir l'affaissement dans les cas de brusque turgescence inflammatoire , portée jusqu'au point de boucher l'isthme du gosier; circonstance dans laquelle Richter et B. Bell croyaient la trachéotomie nécessaire : autant pourrait-on en dire du gonflement du voile du palais, où l'opération a été pratiquée par M. Burgess dans un cas de brûlure.
Vangine œdémateuse est au nombre des maladies où la bron-chotomie trouve son application la plus rationnelle. L'avantage de pouvoir établir immédiatement une respiration artificielle et de l'entretenir impunément par une canule à demeure dans la trachée, pendant tout le temps nécessaire à la résolution lente de l'engorgement séreux des lèvres de la glotte, rend ce moyen très supérieur à l'emploi des scarifications et de la sonde laryngée. Bayle qui, le premier, a proposé cette opération, a trouvé beau-coup de contradicteurs. Toutefois, son opinion, vivement sou-tenue par M. Lawrence, a obtenu aujourd'hui la sanction des faits. Un premier malade, opéré par M. Kapeler (1828), a suc-combé, mais c'est le seul. L'opération a réussi une fois à MM. Pur-don et C. Broussais, et dans un cas cité dans le journal complé-mentaire; deux fois à chacun de MM. Fournet, A. Robert et Vel-peau; deux fois à M. Regnoli, et une à M. Senn, clans des cas d'épaississement de la membrane muqueuse du larynx : en somme, douze malades guéris pour un mort. Il faut en convenir, parmi les opérations graves, on n'en citerait peut-être pas une autre dont jusqu'à présent, les résultats fussent aussi heureux. Mais ce fait, déjà très remarquable quant au traitement de l'angine œdé-mateuse , prend un nouvel intérêt eu égard à l'opération , dont il semble prouver l'innocuité considérée en elle-même, c'est-à-dire abstraction faite de la cause pour laquelle on la pratique, et doit enhardir les chirurgiens à en tenter l'emploi dans tous les cas où elle est indiquée.
4° Maladies du larynx. Les affections du larynx, quand elles ont pour effet de produire la suffocation, ont été traitées avec suc-cès par labroncbotomie. Habicot a guéri par cette opération un jeune homme affecté de plaie, du larynx, et M. Clouet de Verdun, une femme ayant une fistule. Dans ces derniers temps, on a appli-qué l'opération à laphthisie laryngée, et au rétrécissement de la glotte consécutif des laryngites chroniques. Le siège et la nature de la maladie décident du lieu de l'incision, de manière à pouvoir, par une même ouverture, entretenir une respiration artificielle, et porter sur le lieu affecté divers topiques ou même, au besoin, y pratiquer des excisions jugées nécessaires. C'est ainsi que deux malades, affectés d'ulcères syphilitiques au larynx, ont été guéris par M. Purdon (i83o) et M. Velpeau (i838). D'un autre côté, MM. Bulliard (1824) et Goclève (1825) ont guéri, par la laryngo-tomie, deux malades affectés d'ulcères au larynx de nature indé-terminée; M. Porter (i838), un sujet affecté de gangrène de l'épi-glotte; et nous avons déjà signalé les cas de rétrécissement traités avec succès par MM. Senn et Regnoli. Enfin, MM. Trousseau et Amussat, dans les essais qu'ils ont tentés dans des cas de phthisie laryngée tuberculeuse, s'ils n'ont pas guéri leurs malades, du moins ont réussi, chez plusieurs d'entre eux, à prolonger leur existence.
5° Corps étrangers dans Vœsophage. Cette cause de suffocation n'est pas très rare. Habicot a pratiqué une fois la bronchotomie avec succès chez un jeune homme qui avait avalé plusieurs pièces d'or en un paquet. Récemment, M. L. Sanson a été aussi heureux sur un étudiant en médecine menacé de suffocation, par suite des accidens auxquels avait donné lieu le séjour, dans l'oesophage, d'un fragment d'os rugueux, du volume d'une noix.
6° Tumeurs au voisinage des voies aériennes. L'hypertrophie de la glande thyroïde, une tumeur lymphatique, un anévrysme de la carotide, un polype, et en un mot une tumeur quelconque peut comprimer le larynx ou la trachée et devenir peu-à-peu, à mesure qu'augmente son volume, une cause de suffocation qui nécessite la bronchotomie. Des cas de ce genre n'ont besoin que d'être indiqués.
MÉTHODES OPÉRATOIRES.
La bronchotomie comprend cinq opérations différentes qui se suivent à-peu-près dans un ordre chronologique de la partie infé-rieure vers l'extrémité supérieure du canal aérifère ; ce sont : la trachéotomie, la crico-trachéotomie, la méningo-cricotomie, la thyrotomie et la méningo-thyrotomie.
ie trachéotomie.
Considérations anatomiques (1). La trachée-artère, dans sa portion cervicale, offre, suivant la taille du sujet, une hauteur de cinq à sept centimètres. Les parties qui la recouvrent sont : 1" la peau et l'aponévrose cervicale; 20 les deux plans superposés des muscles sterno-hyoïdiens et sterno-thyroïdiens, tantôt accolés sur la ligne médiane, tantôt séparés par un intervalle celluleux de quelques millimètres ; 3° l'isthme de la glande thyroïde, de hau-teur inégale, appliqué ordinairement sur les quatre premiers ar-
(1) Voyez, première partie, tome VI, Anatomie chirurgicale, région sous-hyoïdienne, page 35 et planche 2.
t. vu.
ceaux de la trachée, mais parfois s'étendant un peu plus en haut sur le cartilage cricoïde , et en bas sur le cinquième arceau tra-chéal. La surface de l'isthme est parcourue par des veines assez considérables et le tissu glandulaire est lui-même très vasculaire. Au-dessous de la glande s'offre le confluent en réseau des fortes veines thyroïdiennes inférieures et l'artère thyroïdienne de Neu-bauer, quand elle existe. La présence de ces vaisseaux cause, au point de vue anatomique, la plus grande difficulté de la trachéo-tomie. Enfin , il faut se rappeler qu'à partir de la glande thyroïde, la trachée , à mesure qu'elle descend, s'éloigne davantage de la surface cutanée. Sa profondeur est d'un centimètre en haut et de deux cm bas.
Procédés opératoires.
Procédés anciens. Antylus divisait les tégumens et les chairs par une incision horizontale, et ouvrait la trachée en regard dans l'intervalle du troisième au quatrième anneau cartilagineux. J. Fa-brice, le premier, a posé le précepte de faire verticalement l'inci-sion extérieure; mais il pénétrait aussi dans la trachée par une plaie horizontale clans la membrane, les deux plans de section se croisant à angle droit. L'opération terminée , il laissait pour la respiration artificielle une petite canule clans la plaie. Depuis, quand l'opération n'avait d'autre objet que de prévenir l'as-phyxie , on avait cru simplifier les manoeuvres et se mettre à l'abri de l'hémorrhagie en pénétrant du premier coup dans la trachée avec la canule portée sur une tige ou mandrin faisant office de trocart. Ce principe, qui avait guidé Sanctorius, a été suivi par Dekkers, et adonné lieu au trocart de Bauchot, si célèbre dans le dernier siècle, et que Richter a courbé en arc pour empêcher la canule à demeure de blesser la paroi postérieure de la trachée. Plus tard , l'idée de la ponction a été encore reprise par B. Bell ; mais , de nos jours, M. Collineau est le seul qui s'en soit déclaré le partisan : tous les autres chirurgiens, au contraire, la rejettent complètement, par le triple motif de la manière aveugle et bru-tale dont elle s'opère, de la mauvaise direction et de l'étendue in suffisante de l'orifice trachéal qui en résulte; enfin , de l'hémor-rhagie qu'elle peut causer, et qui nécessiterait une dissection dont la lenteur compromettrait l'existence du malade.
Procédé ordinaire. Appareil. Il se compose des objets sui-vans : un bistouri droit ou convexe, un bistouri boutonné, des pinces à disséquer, des érignes à trachéotomie de M. Bretonneau, ou des érignes ordinaires un peu mousses, une pince à anneaux ou la pince à écartement de M. Trousseau , plusieurs canules gar-nies de rubans; des fils à ligatures; des pinces à polype, s'il s'agit d'extraire un corps étranger ; enfin , le linge et le matériel ordi-naire des opérations.
L'opération se compose de deux temps , la trachéotomie pro-prement dite ou la section trachéale, et les manœuvres termi-nales, qui sont différentes suivant l'indication à remplir.
Section tr-achéale. Le malade est couché sur le dos, la poi-trine soulevée, la tête droite, un peu renversée en arrière pour tendre le cou sans gêner la respiration , et fixée dans cette posi-tion par des aides latéraux qui contiennent en outre les mouve-mens des épaules. Le chirurgien est placé à droite du malade, pour pouvoir inciser de haut en bas et non de bas en haut, comme il serait forcé de le faire s'il était placé à gauche, agissant de la main droite. Tout étant disposé, le larynx embrassé avec les doigts
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de la main gauche qui le contiennent sans le comprimer, armé du bistouri droit ou convexe, tenu de la main droite en première position, pratiquer sur la ligne médiane une incision étendue de-puis le cartilage cricoïde jusqu'à la fossette du sternum , qui n'in-téresse d'abord que la peau et l'aponévrose cervicale. Par un second trait, diviser le sillon celluleux plus ou moins large qui sépare les muscles sous-hyoïdiens; puis écarter ces muscles, et diviser, dans ses trois quarts inférieurs ou en totalité, l'isthme de la glande thyroïde. Par cette dernière section, il est inévitable de couper les grosses veines thyroïdiennes superficielles qui don-nent lieu à une hémorrhagie en nappe assez abondante. Dans cet état, si la situation du malade laisse tout le temps d'agir, plu-sieurs auteurs de médecine opératoire prescrivent de faire exécuter à l'opéré de larges inspirations , et d'attendre pendant quelques instans, avant d'ouvrir la trachée , qu'elles aient fait cesser ou du moins beaucoup diminuer l'écoulement du sang. J'avoue que, dans un point si près des troncs veineux brachio-céphaliques et du cœur, la crainte de l'aspiration- de l'air dans les veines m'em-pêche de donner ce conseil, et je crois que le plus prudent est de lier rapidement les vaisseaux divisés. La plaie étant immédiate-ment abstergée, il ne s'agit plus que d'ouvrir la trachée-artère qui en fait le fond, en piquant avec le bistouri droit, tenu comme une plume à écrire, le tranchant en haut. Cette ponction effec-tuée , quelques chirurgiens veulent que, par précaution, on se serve, pour agrandir l'incision, de ciseaux mousses ou du bis-touri boutonné ; mais cette manœuvre nous paraît une perte de temps inutile, l'inclinaison du bistouri et la plus légère attention suffisant pour ne pas blesser la paroi opposée d'un canal d'un aussi grand diamètre. Mieux vaut donc prolonger immédiatement l'incision avec le bistouri. Quel que soit le motif de l'opération , on doit inciser au moins trois cartilages, et, si on prévoit que les recherches ultérieures l'exigent, on peut en intéresser quatre ou cinq. M. Velpeau choisit les cpiatrième, cinquième et sixième, et, au besoin, le troisième et le septième. M. Malgaigne, pat-crainte de léser de nouveau les lacis veineux en agissant sur un point plus bas et par conséquent plus profond, conseille de remon-ter jusqu'au premier anneau trachéal, ce qui limite l'ouverture en bas au troisième, quatrième ou cinquième. Ce lieu d'élection, qui rend l'hémorrhagie moins à craindre et la plaie plus superfi-cielle , nous paraît devoir être préféré.
Telle est, en substance, l'opération de la trachéotomie. Ana-tomiquement, on voit que rien n'est plus simple ; cependant, il est deux circonstances qui la rendent toujours délicate et sou-vent très difficile , l'arrêt de l'hémorrhagie et l'écartement de la plaie.
i" Arrêt de F hémorrhagie. Nous avons dit qu'en principe, il faut lier les veines et artères coupées avant l'incision de la tra-chée. Les nombreuses anastomoses font que l'on est souvent obligé de faire six à huit ligatures. Le conseil que nous avons critiqué plus haut d'ordonner, quand les accidens pressent, de larges inspirations pour faire cesser l'hémorrhagie veineuse, nous paraît d'autant moins raisonnable que , si l'on est pressé d'agir, c'est-à-dire si l'asphyxie est imminente, l'inspiration profonde est impossible , et que, si la respiration est encore assez facile, on a tout le temps de lier les vaisseaux. Ce parti nous paraît donc le meilleur et le plus sûr. Toutefois, après la section de la trachée , il peut arriver que le sang coule et soit aspiré dans ce canal, soit qu'il provienne d'un vaisseau préalablement divisé que l'on n'au-rait pas reconnu, ou d'une nouvelle lésion pendant la section tra-chéale elle-même, surtout si elle est prolongée un peu bas. On connaît les accidens de ce genre arrivés à Vigili, à Ferand et à M. Roux. La belle conduite de ce dernier chirurgien doit servir d'exemple en pareil cas. Voyant son malade menacé d'asphyxie, M. Roux eut l'heureuse inspiration d'appliquer sa bouche sur la plaie trachéale et d'aspirer le sang contenu dans la trachée et les bronches. Il sauva son malade, et l'avait bien mérité. La succion avec la bouche, dont les lèvres s'appliquent sur tout l'orifice tra-chéal , nous paraît bien supérieure à l'introduction d'une sonde , qui, laissant pénétrer l'air entre elle et les lèvres de l'incision, ne produit qu'une aspiration imparfaite.
2° Êcartement de. la plaie trachéale. En raison de leur élas-ticité et de leur encastrement dans une membrane fibreuse com-mune , les arceaux de la trachée restent accolés après leur divi-sion. On écarte la plaie avec une pince à anneaux ou la pince à êcartement de M. Trousseau ; mais, pour la maintenir en cet état, on fait usage de crochets ou d'érignes fixées par des aides. M. Malgaigne, pour diminuer la tendance des cartilages à se rap-procher, conseille de diviser de chaque côté, aux extrémités de la plaie, le tissu fibreux inter-cartilagineux. Du reste, une fois l'écartement opéré, il est important qu'il soit bien maintenu par les aides pendant tout le temps nécessaire pour les manœuvres ultérieures.
Manoeuvres terminales. Elles ont pour objet ou l'extrac-tion d'un corps étranger ou l'introduction d'une canule pour la respiration.
i" Extraction d'un corps étranger (Pl. 25, fig. 2). Si le corps étranger est arrondi et d'un médiocre volume , ou si, étant plus petit, il est susceptible de se gonfler par l'humidité, de ma-nière à ne pouvoir s'engager facilement dans les bronches, ordi-nairement il monte et descend dans la trachée-artère avec l'entrée et la sortie de l'air, en produisant un bruit de va-et-vient percep-tible à l'extérieur, suivant l'observation de M. Namara. Dans ce cas , il vient s'offrir de lui-même dans la plaie par le mouvement de l'expiration. Si le corps étranger est arrêté à une profondeur accessible aux instrumens, il faut l'aller saisir avec de petites pinces à polypes , mais en procédant avec douceur et précaution, et en tâchant de glisser au-dessous une petite curette cpti le sou-tienne, pour ne pas risquer de le dégager ou de l'enfoncer plus avant. Mais dans le cas où le corps étranger est engagé si profon-dément qu'on ne peut y atteindre, et que du reste la respiration s'effectue assez bien , on conseille d'en abandonner la recherche et de panser à plat en maintenant la plaie ouverte, dans l'espoir fondé qu'il pourra être chassé par l'expiration, et se retrouver le lendemain à la surface de l'appareil, comme il est arrivé à divers chirurgiens pour des corps de nature variée : une fève (Desault), un noyau de fruit (Pelletan), une pièce de monnaie (Dupuytren), une aiguille (M. Blandin).
2° Respiration par Torifice artificiel. On l'opère à l'aide d'une canule en argent qu'on introduit par la plaie dans l'inté-rieur de la trachée, et qu'on y laisse à demeure pendant tout le temps nécessaire. Cette canule doit être recourbée en dedans pour ne pas blesser la paroi postérieure ; au-dehors, elle s'élar-git en pavillon par un rebord circulaire derrière lequel s'appli-quent les cartilages, et, sur les côtés, elle est garnie de deux pe-tites anses qui permettent de la fixer par un ruban. Dans les pro-
cédés où l'on n'incisait qu'un espace intercartilagineux, la canule était elliptique en travers; mais, dans la section verticale, on a pensé qu'il serait convenable, pour empêcher la tension et l'en-trebâillement de la trachée, de pratiquer, comme le font les vé-térinaires , un orifice avec perte de substance, pour encastrer la canule, en excisant de chaque côté un hémicycle cartilagineux. Andrée paraît avoir employé ce moyen , qui a été recommandé par MM. Lawrence et Porter. Toutefois, dans la crainte d'un rétrécissement auquel plus tard pourrait donner lieu la cicatrice fibreuse, les chirurgiens s'accordent à négliger cette précaution, d'autant que, par expérience , la respiration est facile, et la ca-nule se maintient très bien chez tous les malades où l'on s'est contenté de l'interposer dans la fente trachéale. Une autre con-sidération bien plus importante a rapport au calibre de la canule qui doit être assez considérable pour permettre l'introduction d'une quantité d'air suffisante. C'est pour avoir fait usage de canules trop petites, et par exemple celle de Bauchot, que tant d'opérations de bronchotomie ont été infructueuses. Cette obser-vation si essentielle et pourtant si simple est due à M. Bretonneau. Cet habile praticien, opérant sur un cheval, a démontré qu'avec une canule de treize millimètres de diamètre (un demi-pouce), l'animal restait faible et. haletant ; mais qu'en remplaçant cette canule, par une autre double en diamètre, le cheval respirait libre-ment et reprenait toute sa vigueur. Le même fait, reproduit par M. Bretonneau, avec des canules proportionnées, sur des enfans opérés, puis confirmé par MM. Bulliard, Senn, Trousseau, W. Cul-len, Yelpeau, etc., a donné les mêmes résultats ; en sorte qu'il n'en est pas aujourd'hui de mieux prouvé. En théorie, pour que la respiration soit facile , il est évident qu'il faut, pour chaque âge, que l'aire de la canule soit égale à celle de l'orifice de la glotte, ce qui donne un cercle de douze millimètres environ de diamètre dans l'homme et de huit dans l'enfant. Du reste, sans s'astreindre à un calcul rigoureux dont tant de conditions personnelles infir-meraient l'évaluation ou la rendraient impossible, à la pratique il suffit d'essayer, parmi les canules de volume approprié, l'exa-men attentif du mode respiratoire suffisant pour apprécier celle dont le volume est convenable.
M. Bretonneau a fait fabriquer différentes sortes de canules simples ou à deux pièces qui s'introduisent séparément. D'autres patriciens se sont également ingénié à varier la forme et le mé-canisme de ces instrumens : tels sont MM. Bulliard, Gendron, Lawrence, Trousseau, L. Sanson, etc. L'essentiel est que la canule que l'on emploie réunisse les conditions convenables ; avant tout la dimension, puis la courbure, et les moyens de la fixer au-dehors.
Quant à la pose de la canule , on écarte la plaie trachéale, comme il a été dit plus haut, on y introduit la canule, son bec en bas ; puis, abandonnant les bords de la plaie, les cartilages, par leur élasticité, se referment sur l'instrument. Pour le fixer, des rubans passés dans les anses latérales vont se nouer sur la nuque. La canule étant placée, il faut avoir le soin de la nettoyer fré-quemment et de la débarrasser des mucosités qui pourraient l'obstruer ; un stylet flexible, portant une petite éponge, est des-tiné à cet objet. Une fois l'instrument à demeure) la respiration continue d'elle-même par cet orifice; mais il est bien essentiel qu'aucun corps étranger ne puisse s'y introduire. C'est dans ce but que, dans le siècle dernier, quelques chirurgiens faisaient recouvrir l'orifice d'une plaque métallique trouée, et Garengeot, d'une mousseline : ces corps sont trop opaques; mais aujour-d'hui que l'on possède des toiles métalliques, un écran de cette sorte devrait recouvrir l'orifice de toutes les canules pour la tra-chéotomie , sauf à élargir la surface en proportion de la déper-dition d'espace causée par ces fils. Si la respiration artificielle doit être maintenue un long temps, on fait cicatriser la plaie au-dessus et au-dessous de la canule. Dans les premiers jours, la présence de l'instrument irrite la trachée; mais peu-à-peu la membrane muqueuse s'y habitue. Après la cicatrisation de la plaie autour de la canule, il faut arranger d'une manière convenable les linges devêtemens pour qu'ils ne puissent boucher l'ouverture. Les ma-lades s'habituent à ces précautions, et continuent de respirer librement par l'orifice artificiel pendant tout le temps nécessaire à la guérison de la maladie qui a nécessité l'opération. On cite des malades qui ont ainsi porté des canules pendant six mois (M. Godève) ; dix ou onze mois (MM. Senn et Regnoli) ; quinze mois (M. Bulliard) ; Price en a porté une dix ans, et une malade de M. Clouet, douze ans.
a0 LARYNGO-TRACHÉOTOMiE ou Crico-trachèotomie.
Imaginée par Boyer, cette opération a été pratiquée avec succès par son auteur et par M. Duchâteau. Son objet étant de faire pénétrer à-la-fois dans le larynx et dans la trachée, la section du tube aérifère comprend le cartilage cricoïde et les premiers an-neaux de la trachée. Quant aux parties molles, on les divise comme il a été dit plus haut, et particulièrement l'isthme du corps thyroïde, sans toutefois prolonger l'incision aussi bas que pour la trachéotomie, et par conséquent avec des sections moins nombreuses des veines du plexus thyroïdien.
Procédé opératoire. Le malade et le chirurgien étant placés comme pour la trachéotomie, faire partir l'incision cutanée du bord inférieur du cartilage thyroïde, et l'abaisser au-devant de la trachée dans une longueur de quatre centimètres (un pouce et demi); écarter les muscles, diviser le corps thyroïde; puis, la membrane crico-thyroïdienne étant mise à découvert, recon-naître au toucher, avec la pulpe de l'indicateur gauche, l'artère du même nom, la refouler en haut avec l'ongle, et plonger au-dessous la pointe du bistouri droit, le tranchant en bas ; enfin , en se servant du même doigt pour guider la lame en pressant sur son dos, diviser verticalement de haut en bas le cartilage cri-coïde et les trois ou quatre premiers anneaux de la trachée. L'ap-plication d'une canule, dans cette méthode, ne peut se faire que par la plaie trachéale, l'élasticité, la résistance et l'étendue en arrière du cartilage cricoïde s'opposant à ce qu'on puisse le main-tenir à l'état d'écartement.
3° meningo-cricotomie.
C'est à Vicq-d'Azyr que l'on doit cette opération , qui consiste dans la section isolée de la membrane crico-thyroïdienne en tra-vers. La méningo-cricotomie ou larjngotomie-cricoïdienne n'est pour ainsi dire que le premier temps de l'opération précédente, avec cette différence que, pour la ponction, le bistouri est offert en travers, de manière à prolonger la section horizontalement sur la membrane seule, parallèlement au bord supérieur du car-tilage cricoïde. Nous ne faisons que mentionner cette opéra-tion, que le nom de son auteur a pu seul faire adopter à sa naissance, mais qui est aujourd'hui complètement abandon-née, l'étroite ouverture qu'elle produit étant insuffisante pour le but que l'on se propose.
4° laryngotomie thyroïdtenne ou Thyrolomie (Pl. a5, fig. l).
Desault est l'inventeur de cette opération, dont, la nécessité, pour agir dans la partie supérieure du tube aérien , est aussi évi-dente que celle de la trachéotomie pour la partie inférieure. En effet, la section médiane du cartilage thyroïde avec êcartement des deux moitiés fait pénétrer en plein dans la cavité du larynx , et rend accessibles les ventricules et l'orifice de la glotte où s'en-gagent ordinairement les corps étrangers. Il est alors facile de saisir ce corps avec des pinces, et, s'il échappe, comme on agit à tergo, de bas en haut, il ne peut que tomber dans le pharynx ou être chassé par la plaie, car il suffit de la moindre atten-tion pour empêcher sa chute dans la trachée. Rien de plus simple que l'opération, le cartilage étant superficiel. La seule objection que l'on ait faite à cette laryngotomie est l'inconvénient, pour la voix, de la lésion, à l'angle rentrant thyroïdien, des insertions des muscles thyro-arythénoïdiens et des cordes vocales. Pour l'éviter, M. Fouilhoux a conseillé de couper le cartilage sur le côté de la ligne médiane; mais cette modification n'empêchant pas la lésion en travers des cordes vocales du côté de l'incision, ne nous paraît pas offrir d'avantage réel. Du reste , cette objection opposée à Desault était purement théorique; le temps en a fait justice, et elle doit être aujourd'hui considérée comme sans objet, puisque, d'après l'expérience, chez les malades opérés par la section thy-roïdienne, la voix n'a souffert aucune altération.
Procédé opératoire. Les dispositions préparatoires étant prises comme pour la trachéotomie, pratiquer une incision à plat depuis la saillie de l'os hyoïde jusqu'à celle du cartilage cri-coïde, sans intéresser l'isthme de la glande thyroïde , et, au be-soin , en refoulant cet isthme en bas s'il gênaît pour découvrir la membrane crico-thyroïdienne; puis, écarter l'aponévrose et les muscles sous-hyoïdiens. La membrane intercartilagineuse étant mise à nu, s'assurer au toucher, avec l'indicateur gauche, de la situation de l'artère crico-thyroïdienne, et la refouler avec l'on-gle en bas vers le cartilage cricoïde ; ouvrir alors la membrane au-dessus avec la pointe du bistouri droit, puis changer cet in-strument pour le bistouri boutonné ou les ciseaux mousses, pour diviser le cartilage thyroïde. Le bistouri, plus facile à gouverner avec précision sur la ligne médiane , est préférable. L'instrument étant conduit de la main droite , couché un peu obliquement, le tranchant en haut, si, comme il arrive fréquemment dans l'a-dulte, le cartilage très dur offre trop de résistance, on aide à la section en poussant le dos de la lame avec le pouce gauche. Dans le vieillard, où ce cartilage est osseux, le mieux serait de le scier d'abord jusqu'à la table interne avec l'ostéotome de M. Heyne, pour reprendre ensuite l'opération par le dedans avec le bistouri. L'instrument, dans son trajet, traverse la glotte et divise ainsi le cartilage jusqu'à la membrane hyo-thyroïdienne. L'essentiel est que la section soit maintenue bien exactement médiane, de ma-nière à séparer les deux muscles thyro-arythénoïdiens et les cordes vocales , en laissant, de chaque côté des insertions.
La section étant opérée , on fait écarter latéralement, avec des crochets mousses, les deux moitiés du cartilage, et il en résulte une large ouverture losangique qui montre à découvert l'intérieur du larynx. Si le corps étranger apparaît immédiatement fiché dans son lieu, il ne s'agit plus que de l'en extraire avec des pin-ces ; mais, soit par son encastrement dans l'un des ventricules , par l'effet du gonflement inflammatoire , ou par toute autre cause , il arrive souvent aussi que l'on est obligé d'aller à sa re-cherche. Cette manoeuvre est des plus délicates pour ne pas ris-quer de le faire tomber dans la trachée-artère. Le mieux est d'y procéder avec le petit doigt. Dès qu'on a senti ce corps, laissant le doigt appliqué dessus , on s'en sert comme d'un conducteur pour glisser de l'autre main les pinces qui doivent le saisir. L'o-pération terminée, si du reste la respiration n'est pas entravée, on ferme la plaie , que l'on réunit immédiatement par des agglu-tinatifs. MM. Delpech, Serre, Herhold et Wilmer, conseillent d'a-voir recours à la suture ; les deux derniers l'ont employée, mais le malade de M. Wilmer a succombé le cinquième jour. M. Vel-peau rejette ce moyen, qu'il regarde comme une cause d'irrita-tion inutile , les deux moitiés du cartilage tendant à se rappro-cher d'elles-mêmes, et les chairs étant suffisamment maintenues par les bandelettes agglutinatfves. Enfin , reste le cas où l'on n'a pu découvrir le corps étranger; le précepte alors est le même que pour la trachéotomie. Il faut poser un appareil léger, propre à maintenir les cartilages écartés, avec une gaze très claire sur la plaie , pour éviter l'introduction de toute portion de linge, et attendre quelques heures , où , quand l'état de la respiration le permet, jusqu'au lendemain, pour faire un nouvelle tentative, si le corps étranger ne se trouve pas de lui-même à la surface de l'ap-pareil.
5° laryngotomie hyo-thyroïdienne ou Sus-hyoïdienne.
Dans cette opération, proposée par MM. Malgaigne et Vidal, mais qui n'a point encore été pratiquée sur le vivant, il s'agit de pénétrer dans le larynx à travers la membrane hyo-thyroïdienne et la base de l'épiglotte. Les parties qu'il importe d'éviter sont les vaisseaux et le nerf laryngés supérieurs situés le long du bord supérieur du cartilage thyroïde. Voici le détail du procédé opé-ratoire d'après M. Malgaigne qui l'a essayé sur des animaux :
Pratiquer une incision cutanée transversale de quatre à six centimètres (un pouce et demi à deux pouces) au-dessous de l'os hyoïde dont elle doit longer le bord inférieur. D'un second coup, diviser le peaucier et la moitié interne de l'un et ¥ autre sterno-hyoïdien ; puis, tournant le tranchant du bistouri en arrière et en haut, inciser au-dessus des vaisseaux laryngés, dans la même direction transversale , la membrane hyo-thyroïdienne et celles de ses fibres qui vont à l'épiglotte. Parvenu sur la membrane muqueuse que chaque expiration fait saillir à l'extérieur, la saisir avec les pinces, et la diviser à son tour avec le bistouri ou les ciseaux, en ayant soin de faire écarter avec des pinces ou une érigne l'épiglotte qui tend à être relevée vers la plaie par l'expi-ration. Au travers de cette plaie transversale, que l'on peut élar-gir à volonté , la vue plonge dans l'intérieur du larynx, où l'on peut agir avec le doigt et les instrumens.
valeur comparative des diverses methodes operatoires.
En résumé, la bronchotomie a pour objet de pénétrer ou dans le larynx ou clans la trachée avec le moins de chance d'hémorrha-gie et le plus de facilité de maintenir la respiration par une ca-nule à demeure. L'énoncé de ces indications suffit pour indiquer dans chaque cas le choix de la méthode à suivre. Pour agir dans le larynx, la méningo-cricotomie est évidemment insuffisante. La crico-trachéotomie fournit une assez large ouverture ; mais, placée sur les limites du larynx et de la trachée, elle n'atteint bien pré-cisément ni dans l'un ni dans l'autre, et elle réunit les inconvé-niens des deux méthodes dont elle est l'intermédiaire : le danger
de l'hémorrhagie, comme la trachéotomie, et la difficulté de fixer une canule, comme la thyrotomie. La laryngotomie sus-hyoïdienne n'ayant pas encore été tentée sur le vivant ne peut être jugée. Sans doute l'opération en elle-même est aussi facile à pratiquer que l'annonce son auteur; mais, quant aux suites, nous avons peine à croire qu'une section un peu large à la base de l'épiglotte ne dût pas avoir pour conséquence la chute dans le larynx des boissons et des substances alimentaires, au moins pendant tout le temps nécessaire à la cicatrisation. Restent donc les deux vraies méthodes dont l'expérience a démontré l'effica-cité : la thyrotomie pour le larynx et la trachéotomie pour la trachée. La thyrotomie a réussi àDesault, et d'après lui, à divers chirurgiens en Allemagne, en Amérique, en Angleterre, et ré-cemment à Paris, à M. Blandin. Cette opération ne donne nulle crainte d'hémorrhagie, et présente une large ouverture, soit pour extraire un corps étranger, soit pour exciser un polype, cautériser une ulcération, etc. Le danger pour la voix de la sec-tion des cordes vocales peut être évité, si toutefois il n'est pas chimérique, et nous avons répondu à la prétendue impossibilité de couper le cartilage osseux chez le vieillard. Enfin, la trachéo-tomie , par la fréquence de ses indications, les ressources nom-breuses qu'elle offre pour agir sur les deux extrémités du tube aérifère, et l'avantage de maintenir, pendant des années, la res-piration par une canule à demeure, sera toujours la plus em-ployée, et justifie, par ses nombreux succès, la préférence qu'on lui accorde sur les autres méthodes dans tous les cas où l'on peut choisir.
BRONCIIOPL ASTIQUE (Pl. 26, fig. i, a, 3).
Par suite d'ulcération des cartilages ou d'accidens de diverses sortes, il peut se rencontrer des fistules aériennes de la trachée ou du larynx. Les plus communes, et celles dont on est le plus fondé à espérer la guérison par le secours de la médecine opéra-toire , résultent de simples lésions traumatiques dans l'espace hyo-thyroïdien : le moyen d'y remédier consiste dans l'applica-tion des procédés d'autoplastique.
Pour une fistule de ce genre, Dupujtren en aviva le contour en forme d'une incision longitudinale, dont il réunit les bords par quatre points de suture entortillée : la fistule se reproduisit. On a attribué le mauvais succès de cette tentative à la direction de la plaie contraire à celle des plis de flexion du cou. Dans un autre cas, M. Felpeau eut recours au procédé de Jameson, qu'il imita de cette manière : Ayant taillé sur le devant du larynx un lam-beau allongé , il le renversa de bas en haut sur son pédicule, en refoula le centre dans l'orifice de la fistule et en fixa les bords , par la suture entortillée , avec ceux de cet orifice préalablement avivés. La cicatrisation effectuée , une petite fente fistuleuse s'é-tait reproduite, qui disparut par un nouveau point de suture. En pareil cas , pour se conformer au précepte que les bords de la plaie ne contrarient pas les plis de flexion , nous conseillerions, après avoir rafraîchi les bords de la fistule , de tailler, suivant le procédé de M. Lallemand, un lambeau horizontal ou oblique qui recouvrirait toute la plaie. Nous ne faisons que mentionner cette indication, qui se trouve suffisamment détaillée dans la plan-che 26 et son explication.
T. vu.
ŒSOPHAGE.
Long canal musculeux , intermédiaire du pharynx à l'estomac, l'œsophage aplati d'avant en arrière, large de trois centimètres , mais susceptible d'une grande dilatation accidentelle à toute hauteur, est appliqué d'abord sur le milieu, puis un peu à gau-che de la face antérieure du rachis, derrière la trachée-artère dans son tiers supérieur, puis au-devant de l'aorte. Pour diriger les instrumens que l'on y introduit, il faut se rappeler que ce canal, légèrement incliné à gauche clans toute sa longueur, offre dans l'état de vie deux points où, indépendamment de toute cause organique de rétrécissement, les contractions spasmodi-ques peuvent faire obstacle : à son orifice pharyngien, en regard du cartilage cricoïde, et à son orifice gastrique ou cardiaque. Une autre observation importante, dans le cas où une sonde doit pénétrer jusque clans l'estomac, est la nouvelle inclinaison brus-que en arc, du côté gauche, de l'extrémité inférieure du canal clans une longueur de six à huit centimètres, de l'ouverture de passage du diaphragme au même orifice cardiaque.
D'après sa configuration, sa texture, sa situation et ses usages, l'œsophage est le siège d'un assez grand nombre d'opérations qui ont pour objet de rétablir le passage s'il est obstrué, de le dilater s'il est rétréci, d'en déloger ou d'en extraire un corps étranger, ou enfin de pénétrer dans l'estomac
CATHÉTÉRISME (Pl. 24, fig. 2, 3).
Cette opération , la plus commune et la plus simple, se pra-tique pour elle-même, et fait en outre partie de toutes les autres pour explorer les voies, pénétrer dans l'estomac, et agir d'une manière quelconque dans la longueur de l'œsophage. Le cathé-térisme s'effectue par les narines ou par la bouche, à l'aide de divers instrumens, parfois des sondes métalliques, mais plutôt des tiges flexibles de baleine ou de diverses substances, et sur-tout la grande sonde de gomme élastique, longue de sept à huit décimètres (environ 2 pieds et demi), et d'un centimètre et demi (6 lignes) de diamètre, dite sonde œsophagienne, seule ou gar-nie de son mandrin. Mais comme les différences que présente l'opération consistent dans la manière de parcourir le trajet sus-œsophagien, nous la diviserons en deux temps.
Trajet sus-oesophagien. i° Par- les narines. Le malade étant assis, la tête renversée en arrière, saisir dans la main , comme une plume à écrire, l'extrémité de la sonde que l'on introduit par l'une des narines, et que l'on fait glisser avec lenteur par les fosses nasales jusque dans l'arrière - bouche. Prenant alors la sonde de la main gauche et faisant largement ouvrir la bouche au malade, le doigt indicateur droit, plongeant dans le pha-rynx, dégage le bec de l'instrument, qui tend à s'arcbouter dans la paroi postérieure et le dirige en bas, pendant que la main gau-che, à l'extérieur, continue de faire filer la sonde. Comme cette manœuvre occasionne fréquemment des efforts de vomissemens et des mouvemens convulsifs des mâchoires, et que le besoin de tousser et de cracher empêche d'écarter mécaniquement les arcades dentaires, si l'on ne peut contenir le malade, au lieu du doigt, qui pourrait être mordu violemment dans ce cas, on dirige l'instru-ment avec un fort stylet ou une sonde cannelée recourbés. Dès que le bec a franchi l'arrière-bouche , il faut redoubler de pré-caution pour le bien gouverner vers le centre du canal, en évi-tant à-la-fois soit de labourer les parois postérieure et latérales,
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qui pourraient être lésées on mémo traversées par l instrument, comme il est arrivé à un chirurgien, au rapport de Ch. Bell; soit de porter sur la paroi antérieure où la sonde pourrait pénétrer dans le larynx , accident encore plus commun , et dont un exem-ple a été vu par M. Worbe : la toux, l'anhélation, le passage de l'air par la sonde, et l'arrêt de l'instrument à la hauteur des bron-ches, indiqueraient aussitôt que l'on s'est fourvoyé. Mais, après que le bec est descendu au-dessous de la glotte, on éprouve quel-quefois à le faire pénétrer dans l'œsophage une résistance cpù est due à la contraction spasmodique de l'anneau pharyngien de ce canal. Il suffit alors d'attendre un peu que le spasme soit calmé, pour que l'instrument pénètre de lui-même.
Tel est, quant à l'introduction par les narines, le procédé généralement suivi de nos jours pour faire arriver la sonde dans l'œsophage. Dans le procédé original, Desault, pour pénétrer du premier coup dans le milieu du pharynx, armait la sonde d'un mandrin ou stylet dont l'extrémité était recourbée suivant la forme du trajet à parcourir, et retirait ensuite ce mandrin pour continuer l'introduction comme il a été dit plus haut. On a re-noncé à ce moyen qui complique l'opération et remplit mal son objet, et même on préfère à l'introduction de la sonde par la narine celle par la bouche, sauf, dans les cas où il est nécessaire de laisser l'instrument à demeure, d'en rappeler le bout supé-rieur par la narine dans un second temps, suivant le procédé de Boyer, que nous décrirons plus loin.
1° Parla bouche. La bouche étant largement ouverte, avec l'indicateur qu'il porte, autant que possible, jusqu'à l'épiglotte, le chirurgien déprime modérément la langue jusqu'à sa base ; puis, se servant de ce doigt comme d'un conducteur, insinue de la main droite l'extrémité de la sonde qui glisse d'elle-même jus-qu'à l'orifice du pharynx. Ce mode opératoire, beaucoup plus facile, doit être préféré clans tous les cas; il est même le seul qui permette l'introduction des sondes métalliques.
Trajet oesophagien. Que l'on ait opéré d'abord par la narine ou par la bouche, dès que la sonde est clans l'œsophage, il ne s'agit plus que de l'y faire descendre. Procédant avec lenteur et ménagement, on avance peu-à-peu, s'arrêtant dès que l'on éprouve le moindre obstacle, retirant un peu l'instrument, et, par de légers mouvemens de torsion ou d'inclinaison en divers sens, variant sa direction de manière à le faire cheminer sans éprouver de résistance. S'il est besoin de l'insinuer très bas et même jusque dans l'estomac, ordinairement après quelques cen-timètres au-dessous de l'orifice pharyngien, la sonde, qui se trouve clans un canal à-peu-près rectiligne, s'enfonce assez rapi-dement jusqu'au niveau de l'obstacle, et, s'il n'y en a pas , jus-qu'à l'ouverture œsophagienne. Si l'instrument s'arrête en ce point, le chirurgien, prévenu à l'avance de l'incurvation du canal à gauche et de la résistance de l'orifice cardiaque, a recours aux mêmes précautions que plus haut, et ne tarde pas à faire pénétrer la sonde dans l'estomac.
Procédé de Boyer (fig. 3). Le chirurgien commence par intro-duire clans l'une des fosses nasales la sonde de Bellocq. Un fil ciré double est attaché au ressort clans la bouche; puis l'instrument étant rappelé au dehors, amène avec lui le fil qui reste à demeure, les deux extrémités pendante, F une par le nez, l'autre par labouche. Cette disposition étant prise, on introduit, comme ci-dessus, dans l'œsophage, la grande sonde, dont l'extrémité libre doit avoir été préalablement percée d'un trou. La sonde en place, on engage par ce trou et on noue sur le bord libre le chef du iil laissé dans la bouche; puis, en tirant d'une main sur le chef nasal, retour-nant en arrière et guidant de l'autre main le bout libre de la sonde, on lui fait franchir de bas en haut, le voile du palais, parcourir la fosse nasale, et on l'amène par la narine au-de-hors, où le fil dédoublé est fixé au bonnet du malade. Cette modification très simple, cpii permet de pratiquer le cathété-risme par la bouche et de laisser la sonde à demeure par le nez, réunit les avantages des deux autres procédés en évitant leurs inconvéniens.
Telles sont les manœuvres du cathétérisme avec la sonde œso-phagienne. Parmi les autres instrumens, ceux cpii sont flexibles pénètrent en général par le même mécanisme. La tige préhensive en baleine de Dupuytren glisse assez librement en raison de son élasticité; mais il n'en est pas de même des sondes prébensives analogues au litholabe de MM. Missoux, Blondeau etGama. Tou-tefois , en raison de la courbure donnée à ces instrumens, le cathétérisme praticpié par la bouche en est assez facile.
Manoeuvres consécutives du cathétérisme. L'instrument étant introduit dans l'œsophage ou clans l'estomac , les ma-nœuvres ultérieures varient suivant le motif qui a nécessité l'opération. Les autres cas devant se présenter plus loin , il ne s'agit ici que du cathétérisme par la grande sonde œsopha-gienne , soit pour suppléer à la déglutition , soit pour évacuer artificiellement l'estomac dans les cas d'empoisonnement ou d'in-digestion , lorsque le malade ne peut vomir.
i° Déglutition artificielle. Dans les cas de rétrécissement orga-nique de l'œsophage, ou après l'œsophagotomie, il est utile de laisser la sonde à demeure au-dessous soit de l'obstacle soit de la plaie, pour ingérer clans l'estomac des substances alimentaires liquides ou demi liquides. Il suffit alors de les verser avec un entonnoir par le bout supérieur de la sonde.
2° Évacuation de Vestomac. Elle se compose de deux temps , l'ingestion et l'aspiration. L'ingestion a pour objet de remplir l'estomac d'eau tiède ou de solutions aqueuses appropriées pour étendre la pâte chymeuse et diviser ou dissoudre les substances vénéneuses en cas d'empoisonnement. C'est une simple dégluti-tion artificielle par la sonde, comme il a été dit plus haut. L'aspi-ration des substances contenues dans l'estomac exige une pompe ou seringue d'une capacité d'au moins un litre , et qui, étant adaptée à la sonde, se remplit par la succion du piston des sub-stances liquides ou pâteuses contenues dans l'estomac. Pour cet usage, le bout extérieur libre de la sonde doit être garni d'un ajutage conique dans lequel celui de la pompe entre à frottement. Ce procédé très simple permet de vicier l'estomac et de le nettoyer par des lavages.
opérations pour cause de rétrécissement.
On a appliqué au rétrécissement de l'œsophage les divers modes de traitement usités en pareil cas pour les autres canaux muqueux : le cathétérisme, comme nous l'avons dit ci-dessus, puis la dilatation et la cautérisation dont le cathétérisme est en-core le moyen ou le premier temps.
Dilatation. On l'opère avec des instrumens analogues à ceux
employés pour les rétrécissemens de l'urèthre, du vagin et du rectum : des bougies soit élastiques, soit emplastiques, mais le plus souvent des sondes creuses laissées à demeure, d'un volume proportionné à celui du rétrécissement, et que l'on augmente graduellement à mesure que la dilatation s'en obtient. M. Flet-cher a essayé d'un dilatateur métallique à trois brandies, dont une boule métallique mise en jeu par une tige centrale produit l'écartement; mais cette pression par trois points n'a eu que peu de succès. Enfin, on a conseillé, mais non encore employé, di-vers instrumens usités pour les coarctations du rectum, le dila-tateur à air de M. Arnott, le porte-mèche à chemise de M. Cos-talat, etc.
La dilatation de l'œsophage est d'une application encore trop nouvelle pour que l'on puisse en porter un jugement. Toutefois, d'après les premières tentatives, il est permis d'espérer que l'on pourra en obtenir de bons résultats; car le procédé opératoire, cpii n'est autre que le cathétérisme, est simple et inoffensif, s'il est exercé avec les précautions convenables. Pratiqué d'abord, en 1797, par Boyer, qui n'en obtint aucun résultat, puis par MM. Carrier et L. Sanson, dont les malades, après un premier mois de traitement, en avaient éprouvé beaucoup d'améliora-tion, il paraît que, continué pendant tout le temps convenable, il a procuré des guérisons complètes à MM. Migliavacca, E. Home, Earle, Macilwain et Denis. Le succès, au reste, dépend de la nature de la maladie, suivant qu'elle est plus ou moins curable. Les cas simples de coarctation ou de rétrécissement local sont ceux où la dilatation offre le plus de chance de guérison. M. Gendron a fait plus en guérissant par une sonde dilatante , saupoudrée d'alun , un malade chez lequel un abcès avait été suivi d'un rétrécisse-ment accompagné d'une fistule œsophago-trachéale. Enfin, même quand il existe des altérations organiques, la dilatation peut en-core, sinon guérir le malade, du moins lui procurer du soula-gement.
Cautérisation. Voici un autre moyen encore plus énergique ou plutôt téméraire , et dont pourtant quelques chirurgiens assu-rent avoir fait usage avec succès. Paletta n'avait pas craint de por-ter dans l'œsophage une tige flexible terminée par une boulette de linge imbibée d'un liquide caustique. Le malade, dit-on, éprouva d'abord un peu de soulagement par le fait de l'opéra-tion. Mieux inspiré, E. Home a fait usage de nitrate d'argent solide : sur sept malades , quatre guérirent; les trois autres suc-combèrent, après un temps plus ou moins long, par le fait de la maladie. MM. Andrews, C. Bell et Macilwain, avec le même caustique, ont réitéré quelques tentatives suivies de résultats va-riés. D'après ces faits, il paraît que la cautérisation avec un causti-que solide, et surtout le nitrate d'argent, peut être appliqué avec succès aux rétrécissemens de l'œsophage. Mais dans quels cas? D'après le bon sens d'accord avec le témoignage des auteurs qui l'ont pratiquée, lorsque le rétrécissement a pour cause une sim-ple phlegmasie chronique ou une induration. Reste la difficulté d'établir nettement le diagnostic, l'opération étant contre-indi-quée dans tous les cas de dégénérescence où l'on doit se borner à essayer de la dilatation et encore avec tous les ménagemens que doit inspirer la crainte de causer des déchiremens.
expulsion ou extraction des corps étrangers.
Des corps étrangers de toute sorte peuvent se trouver arrêtés dans l'œsophage. Les accidens auxquels donne lieu leur présence et les indications thérapeutiques qui s'en déduisent sont différens suivant qu'ils sont ou non alimentaires. Excepté les cas où l'œso-phage lui-même est malade ou comprimé par quelque tumeur voisine, les corps étrangers ne s'arrêtent dans un point de son étendue qu'autant qu'ils forment un bol ou un bloc trop volu-mineux, ou que le canal lui-même n'est point dans le moment suffisamment lubrifié ou se trouve accidentellement dans un état spasmodique. Mais, dans ces cas, le corps, par sa nature digestive, s'amollit un peu à la surface, et les contractions de l'œsophage y aidant, finit ordinairement par tomber dans l'es-tomac. Si néanmoins il reste en place un temps trop long, et que sa présence donne lieu à quelques accidens, il suffit du moins d'introduire une sonde pour le déloger ou le diviser, et en opérer immédiatement la chute dans la cavité stomacale. Mais il n'en est pas de même des corps étrangers insolubles et non digestifs, un os, un morceau de bois, une pièce de monnaie, un morceau de métal, etc., si variables de forme et de volume, fichés ou encastrés dans l'œsophage , et dont, outre la gêne de la respi-ration et la difficulté ou l'impossibilité de la déglutition, la pré-sence donne lieu aux effets les plus graves : des douleurs atro-ces , des accidens nerveux, et consécutivement des abcès et des perforations de l'œsophage et des organes voisins. Outre les cas très nombreux d'accidens divers, rapportés par les auteurs (Hévin, Sue, MM. Corby, Murât, etc.), et l'histoire de ce malade étran-glé après un mois par une pièce de 5 fr. (Routier), on signale les variétés de perforations les plus dangereuses, et, par exemple , de la trachée (Dupuytren), de l'aorte (Laurencin, Léger), de l'artère pulmonaire (Bernest), de la carotide primitive (Dupuy-tren).
Indépendamment du traitement médical propre à remédier aux accidens généraux, en ce qui concerne l'expulsion du corps étranger en lui-même, la médecine opératoire a recours à trois moyens : la propulsion dans l'estomac, l'extraction par la bou-che , et, en dernier lieu, l'œsophagotomie.
Propulsion. Toutes les fois que le corps est de nature alimen-taire, un tendon, une bouchée de viande, un fruit, un œuf dur, etc., ou si le corps étranger, non alimentaire, est d'un petit volume, surtout dans les deux ou trois premiers jours après l'in-gestion, le précepte est de tâcher de le chasser dans l'estomac. Il existe quelques moyens simples, mais qui n'ont d'effet qu'à l'in-stant même de l'accident ; tels sont : la déglutition de liquides visqueux, huiles douces ou mucilages, ou celle de substances épaisses et onctueuses, comme une figue grasse; de légers coups portésdansledos, des efforts devomissemens,etc. Quand ces essais sont infructueux, on procède au cathétérisme. Pour ce cas spé-cial , Albucasis employait un mandrin de plomb, et Mesnier une tige flexible terminée par une boule de plomb ; mais l'instrument le meilleur par son volume, sa flexibilité, la douceur de son frot-tement, et sa mollesse qui permet au corps étranger de s'y en-gager, c'est encore la tige de poireau , recommandée par A. Paré, et, d'après lui, par tous les chirurgiens jusqu'à nos jours.
Extraction. L'objet de cette opération est de saisir le corps étranger et de l'amener au dehors. Si ce corps est arrêté dans le pharynx ou à l'entrée de l'œsophage, les doigts ou de longues pinces courbes peuvent suffire pour l'extraire. Mais, s'il est engagé profondément dans l'œsophage, pour y atteindre, on a imaginé un nombre considérable d'instrumens qui, par leur mode d'action, se rangent en deux classes. Les uns se résument
en une boule de substances diverses portée à l'extrémité d'une tige flexible qui doit ramener, par refoulement de bas en haut, le corps étranger, comme le ferait le piston d'une pompe pour la partie du canal située au-dessus. Ces instrumens, par le fait, ne sont que des conducteurs. Les autres ont pour but de saisir directement le corps étranger; ils se composent de pinces ren-trantes dans des canules à la manière des instrumens de lithotri-tie. Le manuel opératoire n'étant autre que le cathétérisme ordi-naire , si, comme on peut le présumer, la nature et la forme du corps étranger décident du genre d'instrument dont on doit se servir, une fois ce choix établi, les différences dans les manoeu-vres dépendent bien plus du mécanisme de cet instrumenten lui-même que de l'espèce du corps étranger.
i° Instrumens conducteurs. La première condition est que la tige soit flexible : c'est dans ce but que tant de chirurgiens ont fait usage de la tige de baleine. Willis l'a employé l'un des pre-miers. Pour saisir le corps étranger, Petit l'avait terminé par un bouquet de petits anneaux et La Faye par une mèche ou un tampon de filasse. Mais l'éponge a été la substance la plus em-ployée. Pour empêcher qu'elle ne se gonfle par imbibition avant qu'elle n'ait franchi le corps étranger, Hévin l'avait environnée d'une bourse ou petite poche de soie, et Bonfils l'introduisait comprimée ou allongée à l'extrémité d'un mandrin dans une sonde flexible, et ne la faisait dégager qu'au-delà du corps étran-ger. Heister et Wedel formaient l'extrémité de la tige de baleine avec une houppe de soie de porc. C'est cette houppe, composée de poils, de brins de fils ou de petits rubans, portée par une tige flexible en baleine , en fil d'archal ou en laiton, qui consti-tue aujourd'hui le provendor des chirurgiens anglais. L'éponge a servi également à Ollenroth , qui employait, comme tige flexible, un chapelet de boules d'étain. L'instrument de ce genre le moins bon est celui de Brouillard, où l'éponge , introduite au bout d'une sonde de plomb , était gouvernée par deux fils , l'un en dedans, l'autre en dehors de la sonde. Aujourd'hui l'instru-ment le plus usité en France est la simple tige de baleine garnie d'une éponge qui forme l'une des extrémités de la sonde préhen-sive de Dupuytren (Pl. 24, fig- 2 bis). En récapitulant, on voit que l'indication à remplir serait de porter à l'état sec, et sous le plus petit volume, une boule d'éponge au-delà du corps étranger, et de l'y laisser se gonfler par l'absorption des liquides; de sorte qu'en la retirant, lorsque, par son volume, elle rempli-rait le canal, elle amènerait le corps étranger comme on extrait un bouchon d'une bouteille avec une corde à nœud. Les pré-ceptes pour cette manœuvre sont très simples. Dès que l'arrêt indique que l'on est parvenu sur le corps étranger, il s'agit de tâcher, par de légers mouvemens de rotation, de trouver un passage entre ce corps et la paroi du canal, de manière à faire glisser l'éponge au-dessous. Voilà pour la théorie ; mais à la pra-tique il n'en est pas ainsi. L'instrument de Bonfils est le setd qui soit construit pour l'indication, si tant est qu'on puisse réunir la double condition d'une sonde assez mince pour franchir le corps étranger, et cependant assez épaisse pour renfermer une éponge sèche d'un -volume convenable. Un autre mécanisme, dont l'in-tention est la même, est celui de M. Oury, qui porte à l'extrémité d'une sonde une vessie qu'il insuffle au-delà du corps étranger. Dans tous les autres instrumens, l'éponge, en contact immédiat avec l'œsophage, se gonfle tout d'abord , et pèse plutôt dans le sens de la proptdsion vers l'estomac que dans celle de l'extrac-tion vers la bouche. En somme, il faut le dire, on agit comme 1 on peut; 1 essentiel est de déloger le corps étranger de sa posi-tion dans l'œsophage et de le chasser de ce canal. Si l'on ne peut y parvenir, c'est le cas d'employer les instrumens préhen-seurs.
2" Instrumens préhenseurs. Diverses tentatives ont été faites pour extraire le corps étranger avec des instrumens que l'on in-troduit fermés dans l'œsophage, et qui s'ouvrent dans sa cavité par l'écartement de plusieurs branches articulées, à la manière d'un parapluie ; de sorte qu'en remontant un peu l'instrument et refermant ses branches, on a la chance de saisir et d'amener le corps étranger. C'est dans le même but qu'ont été imaginés, dans ces derniers temps, un certain nombre d'instrumens dont l'idée première est empruntée de ceux de la lithotritie. Tels sont la lan-guette dilatante de M. Doussault ; la pince en bec de grue, renfer-mée dans une canule de M. Gendron, avec laquelle ce chirurgien est parvenu à extraire un fragment de côtelette; le géranorhynque de M. Missoux, et les instrumens plus ou moins analogues de MM. Blondeau et Gama (Pl. 24, fig. 4)- Leur mécanisme est facile à comprendre. L'instrument étant introduit fermé, dès que le toucher indique que l'on est parvenu sur l'obstacle, on re-monte la canule pour dégager la tige qui porte les pinces, et permettre à celles-ci de s'écarter. On essaie ensuite de reconnaître la position et à-peu-près le volume du corps à extraire, et l'on di-rige la tige de manière à le renfermer entre les mors. Repoussant alors la canule pour fermer les pinces, le corps étranger se trouve saisi par l'instrument qui l'amène au dehors. Telle est la manœu-vre; mais on conçoit qu'elle ne réussit guère que par tâtonne-ment , et qu'il est souvent besoin de la recommencer à plusieurs fois avant de réussir. Au reste, ce procédé est assez satisfaisant quand le corps à extraire est un peu mou, qu'il est à-peu-près arrondi ou n'offre pas trop d'aspérités; mais, s'il est rugueux ou dentelé, comme un éclat d'os, on conçoit qu'en remontant, il doit labourer et blesser les parois de l'œsophage et du pharynx. C'est en partie pour remédier à cet inconvénient que l'instrument de M. Gama présente dans une double canule une seconde pince qui enveloppe et contient plus exactement le corps étranger, outre que, par son volume, elle dilate successivement la voie au-dessus. Toutefois, convenons que cet avantage est bien contre-balancé par la complication du mécanisme, et que l'on n'a aucune certitude de prévenir des lésions que la forme, le volume, la résistance et la direction du corps à extraire rendent souvent iné-vitables.
OESOPHAGOTOMIE (Planche 26).
Deux circonstances principales réclament cette opération : i° la présence dans l'œsophage d'un corps étranger que l'on n'a pu ni extraire ni faire tomber dans l'estomac, et dont le séjour prolongé pourrait compromettre la vie du malade; 20 la nécessité de faire pénétrer par une ingestion artificielle des substances ali-mentaires dans l'estomac, afin de prolonger la vie des malades chez lesquels une coarctation ou une obstruction organique de l'œsophage rend la déglutition impossible.
L'œsopbagotomie ne compte guère encore qu'un siècle d'exi-stence. La nature avait en quelque sorte indiqué d'elle-même cette opération comme une imitation du travail morbide par lequel l'organisme parvient quelquefois à se débarrasser des corps étrangers encastrés dans l'œsophage. On savait que cette cause pouvait donner lieu à des abcès dont Arculanus et Z. Platner
avaient extrait des portions d'os; Iloullier et Glandorp des arêtes de poisson. Verdier proposa de prévenir tout d'abord les accidens par l'œsophagotomie; Guattani en donna les préceptes, et Goursault l'exécuta le premier en 1738.
Lieu de l'incision. Guattani incise du côté gauche , sur un pli transversal à la peau, depuis le sternum jusqu'à la hauteur du cartilage cricoïde ; écarte en arrière avec des crochets les muscles sous-hyoïdiens; refoule en avant la trachée-artère, et pénètre ainsi sur l'œsophage; mais cette plaie est un peu trop antérieure. Echoldt conseillait, d'inciser entre les deux attaches du sterno-cléido-mastoïdien. Ce mode de division, suivi par M. Séclillot pour la ligature de la carotide primitive , fait tomber assez pré-cisément sur la gaine des gros vaisseaux : on les écarte en arrière, et l'œsophage se trouve facilement au-devant. Mais cette plaie, suffisante pour la ligature de la carotide, est insuffisante pour l'œsophagotomie , outre que les manœuvres peuvent être gênées par la tension du faisceau sternal du muscle. Boyer veut que l'in-cision pénètre entre le sterno-mastoïdien et les sterno-hyoïdien et thyroïdien; c'est le mode de section qui a prévalu. En tous cas, l'incision des chairs ne doit pas s'étendre plus bas que deux à trois centimètres au-dessus du sternum pour éviter de blesser l'ar-tère thyroïdienne inférieure, ni remonter plus haut que l'hyoïde, où le nerf laryngé supérieur et les artères linguale et faciale pour-raient être lésés. Quant à l'incision de l'œsophage, B. Bell et après lui, Richerand et Boyer prescrivent de la pratiquer sur la saillie du corps étranger , précepte très rationnel, mais auquel Riche-rand donne trop d'extension , lorsqu'il fait de cette saillie le guide obligé de l'incision extérieure, n'admettant la nécessité de l'opération , qu'autant que le corps étranger est d'un volume as-sez considérable pour faire proéminer au-debors les parties qui le recouvrent.
Appareil instrumental. Outre les objets communs à toutes les opérations , l'instrument essentiel est une sonde pour faire sail-lir le côté de l'œsophage et en faciliter la section. Une sonde œsophagienne ordinaire ou une forte algalie peut suffire; mais on y emploie préférablement la sonde à dard ou l'instrument de Vacca (Fig. 5, 6, 7) dont le mandrin cannelé, se détachant en une saillie convexe, de la fenêtre latérale de la sonde, écarte en dehors, vers l'opérateur, le côté de l'œsophage, et permet d'inciser avec sécurité dans sa cannelure.
Procédé opératoire. Le malade étant couché sur un lit étroit, disposé en plan incliné, la poitrine et le cou légèrement soulevés, la tête un peu renversée en arrière et à droite, l'opérateur placé à gauche du malade et l'aide principal lui faisant face de l'autre côté : armé d'un bistouri convexe, pratiquer parallèlement à la trachée, en regard du sillon intermédiaire du sterno-mastoïdien au sterno-thyroïdien, une incision de sept à neuf centimètres (deux pouces et demi à trois pouces), à partir de deux travers de doigt au-dessous du sternum en remontant vers l'os hyoïde. Pour éviter toute erreur, diviser successivement, par couches régu-lières, dans toute l'étendue delà plaie, la peau, le muscle peau-cier, l'aponévrose cervicale. Arrivé sur le sillon intermédiaire aux muscles, l'inciser légèrement avec le bistouri, puis le diviser et l'écarter avec la sonde cannelée, le doigt indicateur ou le manche d'un scalpel, et, en même temps que l'on déprime vers soi le bord antérieur du sterno-mastoïdien qui recouvre obliquement la plaie, faire refouler en sens inverse, par les doigts de l'aide de face, toute
T. VII.
la masse laryngo-trachéale, mais en pressant avec une douceur graduée sur toute la surface pour ne pas gêner la respiration. Dans la série de ces manœuvres, le muscle scapulo-hyoïdien se présente , traversant la plaie en diagonale. Le mieux est de l'écar-ter en dehors avec le sterno-mastoïdien , comme le conseille Boyer. S'il gêne trop, néanmoins, on peut, à l'exemple de M. Bé-gin , le diviser sur une sonde cannelée. Rien alors ne s'opposant plus à l'écartement de la plaie, on arrive au fond du sillon cel-luleux. C'est à ce point qu'il faut redoubler d'attention : en ar-rière se trouve la gaîne des gros vaisseaux, l'artère carotide et la veine jugulaire interne, que l'on abaisse médiatement avec les muscles sur la lèvre gauche de la plaie ; en avant, ou du côté de la lèvre droite, se distinguent le bord de la trachée et de la glande thyroïde, et, au-dessous de ces parties, le bord de l'œsophage reconnaissable à la légère saillie plate et arrondie qu'il forme, à sa direction verticale, à son aspect charnu, à ses mouvemens, à la tension et à la dureté qu'il acquiert en faisant exécuter au ma-lade des mouvemens de déglutition. Au reste, ces signes particu-liers de la présence de l'œsophage, peuvent être modifiés par l'existence du corps étranger dans le lieu de l'incision. Le canal œsophagien viendra faire saillie de lui-même dans la plaie, si le corps étranger est mou et d'un grand volume ; il peut au contraire se rétracter sur lui-même et nécessiter un isolement plus soigné, si ce corps, étroit et anguleux, irrite violemment les parois du canal ; c'est dans ce cas, surtout, que la présence d'une sonde à l'inté-rieur facilite singulièrement les recherches.
L'œsophage étant mis à découvert dans une longueur de quelques centimètres, si le corps étranger est placé au-dessous de la plaie ou qu'étant au-dessus ou en regard il laisse néanmoins passer une sonde, le plus facile est de s'en servir pour l'incision de l'œsophage. Avec une sonde simple, on fait la ponction sur la saillie de son bec, sauf à augmenter ultérieurement l'incision. Avec la sonde à dard de frère Côme, on en saisit le bec au travers de l'œsophage entre le pouce et l'index, puis faisant presser par un aide sur le bouton de la tige, la pointe vient sortir au dehors et on agrandit l'incision en glissant le bistouri dans la cannelure; enfin, avec la sonde de Vacca, on incise sur la saillie de son man-drin dont la cannelure permet de prolonger la section. Si l'on ne peut se servir d'un conducteur ou que l'œsophage se présente assez favorablement pour cpie l'on n'en ait pas besoin, on plonge la pointe d'un bistouri droit sur le bord de ce canal parallèlement à son axe; une plaie de quelques millimètres étant opérée, la sortie des mucosités indique cpie l'on est dans la cavité; on retire le bis-touri droit pour en substituer un boutonné ou des ciseaux, avec lesquels on prolonge l'incision longitudinale en haut et en bas, dans une longueur suffisante pour permettre l'introduction du doigt et des instrumens, pinces ou tenettes, et la sortie du corps étranger.
L'exploration puis l'extraction du corps étranger, ne peuvent donner lieu qu'à des préceptes généraux, le siège, le volume, la dureté, la forme de ce corps variant dans presque tous les cas. S'il est éloigné de la plaie, on essaie de le reconnaître avec une sonde pour aller ensuite le retirer avec des pinces à polypes droites ou courbes. Les corps mous et volumineux sont faciles à extraire, mais s'il s'agit d'un corps dur et anguleux, un fragment d'os ou de bois fiché par l'une de ses extrémités dans la paroi de l'œsophage, il faut essayer de repousser le bout le moins engagé, afin de replacer le grand axe du corps étranger dans le sens de celui de l'œsophage. Le bout qui blesse tendant, par cette ma-nœuvre, à se détacher de lui-même, on le charge ensuite avec les pinces et on l'amène au dehors.
L'opération terminée, on se contente de rapprocher les lèvres de la plaie, et l'on fait par-dessus un léger pansement à plat. Le précepte général est de ne pas réunir immédiatement par pre-mière intention, à cause de l'inflammation avec suppuration à la-cpielle on doit s'attendre, de la gangrène possible de la portion d'œsophage qui a été lésée par le corps étranger, ou de la con-striction spasmodiqueou inflammatoire qui peut survenir dans les premiers instans. La réunion définitive est pratiquée le lendemain ou le jour d'après quand il ne survient pas d'accidens. Pour facili-ter la déglutition et prévenir le passage des liquides alimentaires et des boissons par la plaie, on introduit, jusque dans l'estomac, une sonde qu'on laisse à demeure pendant les quatre à six premiers jours, c'est-à-dire jusqu'à l'époque ou l'agglutination de la plaie est assez avancée pour qu'il n'y ait pas à craindre de fistule.
OPERATIONS OUI SE PRATIQUENT SUR LE THORAX.
Outre les opérations générales sur les divers tissus, ouvertures d'abcès, résections des côtes, etc., qui ont trouvé place en leur lieu, les opérations spéciales sur le thorax comprennent : l'ablation du sein, l'arrêt de l'hémorrhagie produite par une artère intercos-tale , les ponctions des épanchemens dans les cavités des plèvres et du péricarde, et l'extraction des corps étrangers qui ont pénétré dans le thorax.
EXTIRPATION DU SEIN (Pl. a7).
C'est presque toujours pour cause de cancer que Ton a recours à l'extirpation du sein. De tout temps les avis se sont partagés entre les chirurgiens pour adopter ou proscrire cette opération. Déjà chez les Romains Celse la rejette parce que le cancer revient toujours. Albucasisdit n'avoir jamais vu un cas de guérison sou-tenu, ce qui prouve néanmoins que les chirurgiens arabes, si ti-mides dans des cas moins graves, pratiquaient volontiers cette opération. A la renaissance, et depuis, même incertitude.
Enfin , de nos jours, Monro n'a vu que quatre guérisons sur soixante cas d'extirpations; Boyer qu'un petit nombre sur cent; M. M'Farlane sur pareil nombre, pas un succès réel, etc. D'un autre côté, M. North, sur cent aussi, n'accuse qu'un petit nombre de revers, et avant lui, Hill n'en compte que douze sur quatre-vingt-huit cas. Que prouvent ces allégations contradictoires expri-mées pour la plupart, en nombre ronds, c'est-à-dire comme le résumé à vue de mémoire d'une longue pratique, plutôt que comme la somme de faits réels? Un seul résultat qui, pour tout praticiens, n'a pas besoin de discussion : que l'extirpation du sein cancéreux guérit quelquefois ; mais que, dans le plus grand nombre des cas, il y a récidive. C'est ce que tout le monde sait, ce que l'observation d'un petit nombre de faits suffit pour ap-prendre. Certes il n'y a rien là de suffisant pour proscrire l'opé-ration. Facile à pratiquer, très prompte et par conséquent peu douloureuse, ce n'est pas d'elle que vient le danger, mais de la maladie elle-même. L'essentiel est d'enlever le cancer assez à temps, lorsqu'il est encore local et forme une tumeur mobile et bien circonscrite. Les chances seront bien moins favorables si déjà le cancer envahit profondément, s'il envoie des prolonge-mens dans les tissus ou adhère aux côtes, et quand il existe des engorgemens axillaires coïncidans avec le teint jaune paille et les autres signes généraux de la diathèse cancéreuse. C'est par ces motifs que l'on s'explique les guérisons nombreuses obtenues par Schmucker qui opérait dès le début, et par opposition, les insuc-cès continuels d'autres chirurgiens, qui, par choix ou hasard de rencontre, n'ont guère opéré que des malades dans les plus mau-vaises conditions. Le problème essentiel, mais souvent difficile à résoudre, est de déterminer dans quels cas l'opération est justi-fiable et dans quels autres elle doit être rejetée, double question qui se résume par la dernière. Car on ne peut considérer avec Del-pech, le cancer comme étant toujours symptomatique ; d'où il implique que l'opération est formellement indiquée, quand il paraît être le produit local d'une cause accidentelle. L'engorge-ment des glandes de l'aisselle et du cou du côté correspondant, n'est point une contre-indication suffisante, si du reste l'état gé-néral est satisfaisant , puisque nombre d'auteurs , Bartholin , Assalini, Desault, A. Dubois, M. Roux, etc., ont vu ces engorge-mens disparaître spontanément après l'opération. Le développe-ment considérable de la tumeur, sa fixité , la largeur de sa base, l'ulcération même ne paraissent pas suffire encore pour s'abstenir d'opérer, si du reste la santé générale n'est pas trop gravement al-térée, puisque dans ces cas, des guérisons confirmées pendant une suite d'années, ont été obtenues par Sabatier, A. Dubois, Riche-raud, Dupuytren, MM. Roux, Gouraud, J. Cloquet, L. Sanson, Velpeau, et il faudrait dire par presque tous les chirurgiens exis-tans. Le cas de récidive même, après plusieurs années, peut en quelque sorte être considéré comme une sorte de guérison à temps, pour une affection si redoutable et qui aurait emporté les malades bien avant le terme où elle s'est reproduite. Les seuls cas où l'opération doit sagement être proscrite, sont ceux où le cancer, adhérant profondément aux côtes dans une grande étendue, la malade manifeste déjà les signes de la diathèse cancéreuse, et ceux où cette diathèse préexiste, surtout si le cancer, succédant à une tumeur de même nature préalablement opérée sur un autre point, il est évident que la maladie actuelle, n'est que le produit d'une affection générale, qu'une nouvelle opération ne guérira point.
Ainsi donc, en proposition générale, dès qu'il existe au sein une tumeur squirrheuse qui a résisté à tous les traitemens rationnels et menace d'envahir, le parti le plus sage est de l'enlever. Dans ces derniers temps, pour éviter aux personnes timorées une opération sanglante, on a essayé de guérir le cancer par la compression. Mise en usage depuis 1800, pendant plusieurs années par Yonge; con-damnée en 1817 par M. C. Rell, au nom d'une commission de mé-decins , la compression a été tentée, depuis cette époque, un grand nombre de fois, par M. Récamier qui en a obtenu de bons effets. Mais comme ce moyen, pour être efficace, demande à être con-tinué pendant un ou plusieurs mois, et représente, en réalité, une somme de douleurs plus grande que l'opération; comme il n'em-pêche pas directement les progrès de l'infection cancéreuse, et qu'en outre, il n'y a pas de preuve qu'il ait guéri un véritable cancer, les chirurgiens s'accordent généralement à lui préférer l'ablation dont l'action primitive est immédiatement décisive, du moins quant au siège du mal.
Procédé opératoire. La malade doit être couchée sur un plan incliné, la tête et la poitrine légèrement soulevées pour faire sail-lir le sein, le bras du côté malade écarté du tronc et maintenu dans cette position par un aide; le visage tourné en sens inverse. Le chirurgien est placé du côté du sein malade. Un aide, placé vers la tête, est chargé de la compression de l'artère sous-clavière entre les scalènes. A la rigueur, le même, s'il est habile, peut suf-fire pour comprimer d'une main, réservant l'autre pour appliquer les doigts sur les vaisseaux coupés, si la compression du tronc principal n'est pas suffisante; toutefois il est plus sûr que ces deux fonctions soient remplies par des aides différens. L'appareil instrumental est des plus simples : des bistouris droit et con-vexe, des pinces à ligature, des fils cirés, les divers objets propres à l'hémostatique et l'appareil à pansement : enfin des rugines, des tenailles incisives, des scies en crête de coq et à chaîne, en un mot, les instrumens propres aux résections, dans les cas où il est pro-bable que les côtes sont altérées.
Incision cutanée. La forme de ces incisions a beaucoup varié. Les anciens et à leur exemple, Dionis, employaient l'incision cir-culaire, la plus vicieuse de toutes. Heister et Palfin, se servaient de l'incision cruciale; Acrel et Chopart, de l'incision en T, qui peut convenir lorsque la tumeur est oblongue et que les tégumens ne sont point malades. Néanmoins la double incision elliptique déjà mise en usage par Paul d'Egine, et recommandée à différens âges parles plus grands chirurgiens, Paré, Cheselden, Louis, etc., est la plus généralement adoptée, vu l'avantage qu'elle offre d'enlever, du premier coup, une portion de tégumens malade ou trop exubérante pour la réunion après l'enlèvement de la tu-meur. La meilleure forme de l'incision étant déterminée, sa direc-tion n'est pas moins importante. Elle doit être telle, que la plaie donne un libre écoulement aux liquides; ce n'est donc que par erreur, que quelques chirurgiens l'ont faite transversale. Gahrliep et M. Ch. Bell, la faisaient verticale; mais aujourd'hui tous les chirurgiens s'accordent à la pratiquer, suivant le conseil de Pim-pernelle, oblique de haut en bas et de dehors en dedans, direc-tion commune avec celle du plus grand diamètre de la glande et du bord libre des deux muscles pectoraux, qui permet au besoin, pendant l'opération, de remonter vers l'aisselle, le long des con-duits vasculaires, pour extraire des glandes lymphatiques en-gorgées, et donne, après le pansement, une inclinaison convenable pour la sortie des liquides.
Pour pratiquer la section cutanée, tout étant disposé , le chi-rurgien, de la main gauche, soulève le sein, tend la peau sous la tumeur, et commence, avec le bistouri convexe, une première in-cision semi-elliptique oblique et à concavité supérieure, en pro-cédant de haut en bas et de dehors en dedans pour le côté droit, de bas en haut et de dedans en dehors pour le côté gauche ; renver-sant alors le sein, il pratique de la même manière l'incision semi-elliptique supérieure, d'un angle à l'autre de la première, par une section nette et sans queue. Cette double incision doit être pratiquée au-delà des limites de la maladie, sur de la peau saine, la portion renfermée dans l'ellipse, devant circonscrire toute celle qui est malade ou même qui serait superflue pour la réunion après l'opération.
Saisissant alors la tumeur de la main gauche, et au besoin, si elle est d'un trop grand volume, se faisant aider pour la soulever, on commence à la détacher de bas en haut pour éviter d'être gêné par le sang, si on procédait en sens contraire; on l'enlève rapide-ment, à grands coups de bistouri tenu en sixième position, le tran-chant tourné vers les tissus sains dont, par prudence, il faut tou-jours enlever une couche.
Si la tumeur est d'un grand volume, quelques chirurgiens recommandent de commencer et de finir la dissection de haut en bas, c'est-à-dire de passer successivement d'une incision à l'autre, de manière à enlever graduellement la tumeur, du contour vers la ligne du grand axe postérieur, le précepte d'isoler d'abord pro-fondément par le segment inférieur, pouvant offrir l'inconvénient que le bistouri s'égare sous le bord axillaire du grand pectoral.
A mesure que l'opération avance, des branches nombreuses, des artères thoraciques sont coupées. Il est rare que la compression puisse être assez efficace pour ne pas causer une hémorrhagie qui gênerait les manœuvres et affaiblirait inutilement la malade par son abondance, vu l'augmentation de calibre souvent considérable des moindres rameaux qui se rendaient à la tumeur. C'était pour obvier à cet inconvénient, que dans l'ancienne chirurgie on avait recours à tant de moyens cruels; l'application du feu à chaque coup de bistouri (Léonidas); la section avec une lame rougie à blanc ou trempée dans un liquide caustique (J. Fabrice); l'ablation d'un seul coup immédiatement suivie de l'application du fer rouge (Scultet) ou d'une couche épaisse des caustiques les plus énergiques. Aujourd'hui, la crainte de l'hémorrhagie n'entrave nullement l'o-pération; un aide intelligent surveille la marche du bistouri. Ame-sure qu'un vaisseau est coupé il y applique un doigt, éparpillant ainsi ses cinq doigts sur le contour externe et supérieur ou axillaire de la plaie, d'où proviennent les vaisseaux, en même temps qu'un autre aide, concourant au besoin d'une main à soulever et gouverner la tumeur, de l'autre , absterge soigneusement avec une éponge, derrière le bistouri, pour découvrir les sources d'où provient le sang. Toutes les manœuvres du chirurgien et des aides, s'opèrent simultanément sans confusion, et s'harmonient sans embarras, lenteur, ni précipitation et sans entraver la marche régulière de l'opération.
Dès que la tumeur est enlevée, on lie les artères coupées, puis on procède à l'examen de la surface de la plaie. Trois circon-stances peuvent se rencontrer qui prolongent et compliquent l'o-pération. i° S'il existe sur divers points entre les muscles, des prolongemens de tissus altérés ou de nature douteuse, il faut en faire profondément l'excision partielle sur autant de points qu'il s'en présente, toujours en enlevant au-delà dans les tissus sains. i" S'il existe sur le trajet des vaisseaux des glandes lymphatiques altérées, on les enlève en prolongeant dans leur sens l'angle externe et supérieur de l'incision. Ces chapelets glandulaires affectent les deux directions des vaisseaux thoraciques : en bas sur le grand dentelé, dans le triangle intermédiaire du grand pectoral au grand dorsal, en haut sous le petit pectoral. Avant de les séparer, il est bon de lier préalablement en masse les vaisseaux au-dessus. Quant aux glandes axillaires, trop éloignées de la plaie pour qu'on puisse y atteindre, si l'espace intermédiaire est sain, on va les découvrir par une nouvelle incision qui constitue en fait, une se-conde opération. Comme elles sont situées en amas dans le creux axillaire, sur le grand dentelé, les gros vaisseaux et le plexus branchial dont elles ne sont séparées que par une aponévrose et du tissu adipeux toujours altéré lui-même (i), leur isolement exige les plus grandes précautions. On élève fortement le bras en haut et en dehors, pour écarter les vaisseaux et les nerfs, et on détache les adhérences celluleuses avec les doigts ou le manche d'un scalpel; c'est ici surtout qu'il importe, avant l'ablation
(i) Voyez Anat. chirurgicale, pl. *•
définitive , de lier en niasses au-dessus, les vaisseaux thoraciques longs, dont on fait la section sous la ligature, à l'exemple de J.-L. Petit, Desault et Dupuytren. 3° Enfin , si les côtes en re-gard sont altérées, suivant la profondeur à laquelle atteint la ma-ladie, il faut les ruginer, en enlever une partie avec la scie à crête de coq ou la tenaille incisive, ou enfin, en réséquer la portion ma-lade.
L'opération terminée, on procède au pansement. Si l'on a quel-ques doutes qu'il soit resté dans la plaie des portions de tissus altérées, on ne réunit pas la plaie, tout d'abord, pour être à même d'enlever des végétations qui se formeraient. Dans le cas con-traire, on réunit par première intention, mais, si le cancer avait des racines profondes, en se tenant toujours dans l'attente de la reproduction de nouveaux bourgeons cancéreux, que l'on doit enlever immédiatement à mesure qu'il s'en présente, soit par l'an-cienne plaie, soit par une nouvelle. Quelques praticiens em-ploient de préférence, dans ce cas, les caustiques ; le plus prudent est peut-être d'user de l'un et de l'autre : l'excision d'abord , puis la cautérisation, pour achever de détruire les derniers prolonge-mens qui échappent à l'œil et au toucher dans les tissus.
C'est donc en particulier dans les cas simples, où la maladie est bien circonscrite, que l'on doit réunir par première inten-tion. La plupart des chirurgiens n'y emploient que des bande-lettes agglutinatives croisant la plaie à angle droit, et très lon-gues, pour amener de loin les tégumens quand la déperdition en est telle que l'on a peine à recouvrir la plaie. Si cependant la perte de substance est trop considérable pour permettre de rapprocher les deux bords, M. Lisfranc conseille d'en isoler la peau en dessous par dissection, dans une longueur de quelques pouces, de manière à obtenir deux lambeaux cutanés que l'on amène l'un vers l'autre par traction. Toutefois, si cet allonge-ment forcé excédait les limites raisonnables, mieux A-audrait, à l'exemple de M. Martinet (de la Creuse), suppléer à la perte de substance en excès par la méthode autoplastique, en empruntant un lambeau cutané aux parties voisines. Enfin, dans ces derniers temps, en guise de bandelettes emplastiques, on a renouvelé l'ap-plication des sutures, usitée dans le siècle dernier par Cheselden et Garengeot. A l'exemple de M. Serre, M. Chaumet (de Bor-deaux) s'en est servi sans inconvénient sur trois malades. Néan-moins, si ce moyen , qui n'agit que sur le bord de la plaie, peut être utile cpiand la peau est abondante, il est évident que, dans le cas contraire, les bandelettes lui sont bien préférables.
HÉMORRHAGIE D'UNE ARTÈRE INTERCOSTALE.
La lésion d'une artère intercostale dans les plaies pénétrantes de poitrine ou dans l'opération de l'empyème semble devoir être un accident assez commun. Le danger de cette hémorrhagie, qui donne souvent lieu à un épanchement dans la cavité de la poitrine, a vivement préoccupé les auteurs ; aussi les moyens proposés pour la combattre n'ont-ils pas manqué. Mais, par une contra-diction singulière, soit que les chirurgiens aient négligé de men-tionner les faits à leur connaissance, ou, ce qui est probable, que beaucoup de ces faits aient été méconnus, le nombre n'en est pas aussi considérable que celui des moyens imaginés pour y remé-dier, ce qui réduit la plupart de ces derniers à une simple valeur théorique. Les cas de lésion d'une artère intercostale les mieux constatés sont ceux rapportés par Gérard, Goulard , Bilguer, Richter, Desault, Hebeinstreit, et celui encore tout récent publié par M.Thierry (Biblioth. méd., 1838), où l'hémorrhagie causa la mort. Cet accident se reconnaît à ses signes généraux , la dyspnée, le ballonnement du thorax coïncidant avec la pâleur, les syncopes, etc. La difficulté du diagnostic consiste à distin-guer cette hémorrhagie de celle produite par une plaie du pou-mon. La sortie de l'air avec le sang par la plaie prouve bien que le poumon est lésé, mais non pas que l'artère intercostale soit intacte; et, d'un autre côté, l'absence du même signe ne suffit pas pour prouver la lésion de l'artère intercostale et l'intégrité du poumon. Les autres moyens proposés, l'introduction dans la plaie du doigt ou d'une carte ployée en gouttière ne sont pas moins insignifians ; les seuls indices certains , mais qui, par cela même qu'ils se rencontrent, constituent les cas les moins graves, sont le jet saccadé du sang au dehors et la vue directe de la lésion artérielle au fond de la plaie quand elle est assez large.
Les moyens imaginés pour arrêter cette hémorrhagie sont, avons-nous dit, entres grand nombre, témoignage presque as-suré de leur peu de valeur. Gérard, avec une aiguille à manche courbe garnie de son fil, introduite par la plaie et ressortant au-dessus de la côte, insinuait une tente au-dessous de l'artère qu'il s'efforçait de comprimer en étranglant le contour de la côte avec l'anse de fil nouée sur une compresse au dehors. Huermann ne modifiait ce procédé qu'en essayant de ramener l'aiguille entre la côte et les muscles , de manière à faire ressortir le fil par l'u-nique plaie d'entrée, et nouait ensuite ses deux extrémités sur la côte ; il évitait ainsi une nouvelle plaie, mais la compression était moins efficace. Leber, revenant au procédé de Gérard , substituait au fil un ruban qu'il introduisait avec une sonde flexible et plate, et faisait ressortir au-dessus, par une autre plaie préalablement pratiquée. Beich, au lieu dénouer les fils au de-hors, en passait les extrémités dans une sonde de gomme élas-tique en guise de serre-nœud. Toutes ces modifications, comme le procédé original de Gérard dont elles émanent, n'exercent qu'une compression insignifiante. La double plaque de Lottery, le jeton de Quesnay, sont dans le même cas, et offrent en outre l'inconvénient île léser le poumon par le contact d'un corps dur. On ne peut que citer les noms de Theden et de Lœjfler, la section complète de l'artère, suivie du tamponnement qu'ils proposent ne méritant pas d'être rappelée. Reste deux moyens véritablement effi-caces : la compression de dedans en dehors et laligature. Avant d'y avoir recours, il convient de faire évacuer, autant que possible, tout le sang qui peut être accumulé dans la cavité de la plèvre.
1° Compression de dedans en dehors. Bilguer insinuait au travers de la plaie une tente de charpie étranglée à son milieu par un gros fil, la dirigeait verticalement dans la cavité de la plaie, puis , tirant sur le fil, l'appliquait fortement sur l'espace inter-costal et les deux côtés correspondantes , et le fixait au dehors. Richter, Desault et Sabatier ont beaucoup vanté ce moyen ; mais comme il offre l'inconvénient délaisser au dedans deux extrémi-tés de tente érigées comme des pinceaux de brosse, on lui préfère la modification de Desault lui-même, employée avec succès par ce grand chirurgien et par Zang. Elle consiste à insinuer au travers de la plaie le milieu d'une compresse fine , en forme de sac , que l'on remplit d'une quantité suffisante de charpie ou d'étoupe. Tirant alors peu-à-peu sur les bords du linge au dehors, on rap-pelle le tampon intérieur, qui vient de lui-même se mouler dans l'espace intercostal, où il établit la compression, en ne laissant à l'intérieur qu'une surface lisse, inoins irritante pour les plèvres que tous les autres corps étrangers. On fixe cette pelote interne , et on maintient la compression en formant au dehors une antre
pelote externe, sur laquelle on noue et serre fortement les ex-trémités du linge. Après quelques jours, pour enlever l'appareil, on repousse un peu avec une sonde le sac interne , et on le vide en enlevant la charpie brin à brin, de manière à n'avoir plus qu'à retirer le linge d'enveloppe.
2" Ligature. Ce moyen, de tous incomparablement le plus efficace, est néanmoins celui auquel on a le moins songé. Un pa-reil oubli a été justifiable, tant que la ligature de toute artère quelconque a été considérée comme une opération grave et très difficile; mais aujourd'hui que les procédés de ligature des artè-res dans leurs détails les plus délicats sont devenus familiers à tous les chirurgiens, nous ne voyons pas pourquoi la même ré-serve devrait être maintenue. Le vrai danger qu'on peut alléguer est de donner, par une incision un peu large, entrée à l'air dans la cavité des plèvres. Or, si la complication existe déjà par le fait de l'accident, rien de mieux à faire, à ce qu'il nous semble, que de pratiquer la ligature. Voilà déjà pour un cas. Si la plaie est large, et que, par une exception peu probable, l'artère étant lésée, la plèvre pariétale néanmoins ne le soit pas, la liga-ture, qui ne laisse dans la plaie qu'un fil délié, n'est-elle pas moins offensante pour la plèvre que le séjour d'un tampon volumineux et les manœuvres nécessaires pour l'établir et le reti-rer? De là à proposer la ligature comme méthode générale, et au besoin l'élargissement de la plaie pour la pratiquer, il n'y a qu'un pas. Pourquoi hésiterait-on aie franchir? L'opération ne présente pas de très graves difficultés : élargir la plaie au dehors, en faisant, si l'on veut, glisser et tendre les tégumens et les muscles, comme jadis pour l'empyème, de manière à cecpie le parallélisme des couches, dans le trajet nouveau, se détruise de lui-même par le retour des parties dans leur situation naturelle ; inciser avec précaution les muscles intercostaux, dans l'étendue de quelques millimètres, sur une sonde cannelée, glissée entre eux et la plèvre pariétale, en s'assurant, au toucher avec le doigt sur la sonde, qu'il n'existe pas sur le trajet de l'instrument de rameau artériel considérable ; faire comprimer aussitôt avec un crochet mousse et plat, garni de linge, pour suspendre de suite l'hémorrhagie ; décoller la plèvre avec le bec d'une sonde mousse, dans l'étendue nécessaire, pour qu'elle ne soit pas blessée; aller ensuite dans le point lésé, ou un peu au-dessus, à la recherche de l'artère, dans sa gouttière, sous le bord inférieur de la côte; si on éprouve de la difficulté à l'isoler, amener avec un crochet mousse, ou le bec recourbé d'une sonde cannelée, le faisceau vasculaire en masse, et lier au besoin la veine avec l'artère, en se contentant d'écarter le nerf : telles sont les manœuvres cpi'il nous paraîtrait convenable d'employer, et qui sont celles dont naturellement ont dû faire usage les chirurgiens en petit nombre qui ont pratiqué cette opération. Nous insistons sur cette liga-ture; mais ici nous ne conseillerions pas, comme on l'a fait, la torsion , qui, vu la difficulté d'isoler l'artère, ne nous paraîtrait pas devoir offrir une assez grande sécurité.
EMPYÈME.
Quoique dans son acception étymologique , le mot empyème (de £v, dans, et ™ov , pus) n'exprime d'une manière générale qu'une collection de pus, déjà chez les Grecs, la signification s'en était restreinte aux épanchemens purulens dans la cavité des plèvres. Mais, par suite, cette signification s'étant de plus en plus détournée de son origine, aujourd'hui le mot empyème s'ap-t. vu.
plique à l'opération dont l'objet est d'évacuer un liquide de la cavité pectorale, non moins qu'au liquide lui-même, et s'étend indistinctement à toute collection fluide, le pus, la sérosité, le sang, et même les fluides élastiques, l'air atmosphérique et les gaz.
Historique. Si ce n'est en elle-même, du moins par la nature des maladies qui en indiquent l'emploi, aucune opération n'est plus grave que l'empyème, et pourtant aucune n'est plus ancienne. Les Grecs, avides de spécifier l'origine de toutes choses, et trop habituellement prodigues du merveilleux pour se refuser le simple extraordinaire, rapportent, au dire de Pline, l'origine accidentelle de cette opération à l'aventure d'un certain Phalère qui, dégoûté de la vie qu'un empyème lui rendait insupportable, et cherchant la mort dans les combats, fut délivré de sa maladie par un coup de lance qu'il reçutdans la poitrine.Dans les premiers temps, suivant Galien, la perforation de la poitrine se pratiquait avec un fer rouge ; mais déjà , vers l'époque d'Hippocrate, l'art s'était bien perfectionné : on savait reconnaître l'existence de la collection , et on lui donnait issue avec l'instrument tranchant au travers de l'un des derniers espaces intercostaux. On avait même reconnu l'avantage des ponctions graduées, pour lesquelles on perforait avec un trépan la quatrième côte, et, suivant le besoin , on fer-mait ou on découvrait à volonté l'orifice avec un bouchon. Chez les Romains, les mêmes procédés continuèrent à être suivis; mais il paraît que les résultats de l'incision n'étaient pas favo-rables , puisque Paul d'Égine conseille de préférence la cautéri-sation depuis long-temps abandonnée par les Grecs ses inventeurs. Chez les Arabes, le même découragement se manifeste, les chi-rurgiens passant d'une méthode à l'autre, et attribuant tour-à-tour aux vices des procédés des revers qui, alors comme aujour-d'hui, dépendaient de la gravité de la maladie elle-même. Au moyen âge, G. de Salicet et Guy de Chauliac ne parlent de l'em-pyème qu'avec réserve. A la renaissance, Benedetti, Baillou, J. de Vigo , A. Paré, J. Fabrice, à l'aide de quelques faits heureux, parviennent à la tirer de l'oubli. Dans les deux der-niers siècles, Diemerbrœck, Dionis, Boerhaave, puis Ledran, Foubert, Pouteau, et surtout Morand, s'efforcent de la faire accepter, malgré l'opposition presque unanime des médecins. Enfin, de nos jours, nous allons voir les mêmes efforts se repro-duire, et, suivant qu'il survient une série de faits heureux ou malheureux , les mêmes espérances et les mêmes craintes repa-raître tour-à-tour, sans que les cas dans lesquels l'opération doit être admise ou rejetée soient bien nettement déterminés.
Anatomie chirurgicale et pathologique. Dans l'état phy-siologique, les poumons et les plèvres étant sains, chaque moi-tié de la poitrine forme une grande cavité entièrement remplie, excepté à la circonférence abdominale, où le bord circulaire du poumon ne descend que jusqu'à six ou huit centimètres (deux pouces ou deux pouces et demi) des attaches chondrocostales du diaphragme. Toutefois, cet espace qui n'a lieu que parce que le poumon ne s'amincit pas assez pour descendre plus bas, cet espace , disons-nous, n'est que fictif et n'existe pas réellement, le diaphragme dans toute sa circonférence, s'appliquant plèvre à plèvre sur toute l'enceinte des côtes. Dans l'état pathologique cette disposition change. Dès qu'un épanchement se forme, il s'interpose dans la cavité des plèvres et refoule le poumon vers ses racines. Tant cpie répanchement est nouveau, rien ne faisant obstacle au déplacement du liquide, il gagne les points déclives,
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et, suivant la loi de gravité, forme une couche horizontale, à la circonférence abdominale, entre le diaphragme et les côtes, dans la station verticale, et dans la gouttière costale pour la station ho-rizontale. A mesure qu'il s'accumule, il remonte et remplit toute la cavité de la plèvre, en refoulant peu-à-peu le poumon sur le ra-chis, jusqu'à le réduire à son propre tissu, et en le repoussant avec le médiaslin vers l'autre côté de la poitrine. Telle est la théorie de l'épanchement qui se forme rapidement et avec abondance. Mais s'il se forme peu-à-peu ou avec le temps, si une portion s'en ré-sorbe, et surtout quand le liquide épanché , du sang, du pus , est plastique et irritant, des zones d'adhérences s'établissent et circonscrivent le liquide en un ou plusieurs foyers. Les anciens, pour poser le diagnostic dans ces cas , n'avaient d'autres indices que les signes généraux et la succussion; aujourd'hui après les travaux sur l'auscultation du thorax, de Corvisart, Laennec , MM. Lallemand, Piorry et tant d'autres qui ont éclairé cette partie du diagnostic, on peut préciser avec la plus grande exac-titude le siège, la circonférence et, en quelque sorte, la capacité du moindre épanchement dans toute l'étendue costale des plè-vres. C'est de l'ensemble de ces données que se déduit le point sur lequel le chirurgien doit opérer; d'où les dénominations de lieu d'élection si la cavité pleurale, étant partout libre d'adhéren-ces, le chirurgien peut choisir, et au contraire, lieu de néces-sité, quand l'épanchement circonscrit, limite l'étendue où l'on peut pratiquer la ponction.
Variétés d'épanchement. i° Épanchement de sang. Quelle que soit la nature de l'accident, lésion traumatique ou dé-chirure spontanée, la situation profonde ou superficielle du vaisseau, artère ou veine, qui a donné lieu à l'hémorrhagie interne, suivant M. Velpeau, le précepte rigoureusement admis d'après Sharp et Valentin , est, au lieu de lui donner issue d'a-bord , de le laisser renfermé dans la cavité de la plèvre où la pression qu'il exerce tend à en modérer ou en tarir la source. On y aide du reste par un traitement général, et s'il est possi-ble, par une situation convenable, en faisant coucher le malade sur le côté lésé de manière à produire l'application des surfaces par le poids du corps et des organes eux-mêmes, et à favoriser, pour la respiration, le développement du poumon du côté op-posé. Ainsi donc, dans les plaies pénétrantes de la poitrine, si la respiration n'est pas trop gênée, le premier soin comme l'ont prescrit A. Petit et M. Larrey, doit être de fermer immé-diatement l'ouverture. La pratique contraire de quelques chi-rurgiens qui ont prescrit, en tout état de cause, de laisser éva-cuer la cavité de la plèvre et d'y aider même par une aspiration artificielle, avec une pompe ou une ventouse, est évidemment un contresens dont l'effet serait de causer la mort par hémor-rhagie, la cavité qui en est le siège, dégagée de toute pression, se remplissant de nouveau, au fur et à mesure que le sang s'écoule au dehors. Ce n'est qu'après un certain nombre de jours, lorsqu'il s'est écoulé un temps suffisant pour donner lieu à l'oblitération des vaisseaux et seulement aussi, dit M. Vel-peau, dans les cas où le sang non résorbé, devenu putride, menace de donner lieu à des accidens généraux , que l'on peut essayer de les prévenir en pratiquant une contre-ouverture.
Toutefois M. Sédillot(i) établit contre la rigueur de ces pré-ceptes une restriction raisonnable. 11 pose en principe : r de
(i) De l'opérai ion 'le l'empyème. Thèse de concours pour la chaire de méd. opérât. -Paris 1841.
donner sur-le-champ issue au sang épanché, lorsque par sa pré-sence il menace d'une suffocation immédiate; a" de différer l'opération si les accidens ne sont pas urgens, et d'attendre que rhémorrhagie soit arrêtée et la résorption reconnue insuffisante. Dans les quatre cas de guérison qu'il rapporle, la ponction fut pratiquée à des époques différentes : le jour même (Delamotte); le lendemain (Reybard) , le sixième jour (Valentin), et le trei-zième (Roux).
a° Épancftement de pus. S'il a pour cause une altération chronique de l'un des organes chroniques, toute opération cpù pourrait mettre le malade en danger sans chance de le guérir, serait contre-indiquée, quoique l'on connaisse un certain nombre de faits où la nature a pu donner issue à une vomique par une ulcération (Bayle, Laennec, Jaymes, Roc, Davies, Velpeau). Mais l'opération est justifiable dans les cas d'épan-chemens purulens à la suite de phlegmasie aiguë et même chro-nique du poumon ou de la plèvre. On connaît un grand nom-bre de succès de ce genre (Billeret, Lefaucheux, Fréteau, Ol-lenroth, Audouard, M. Couraud). Sur trente-et-une opérations de pyothorax rapportées par M. Sédillot, d'après un nombre presque égal de chirurgiens, et en particulier MM. Delpech, Heyfelder, Reybard, Cruveilhier, etc., vingt-six malades ont guéri, et cinq seulement sont morts.
3° Épanchement de sérosité. C'est le plus commun , celui pour lequel l'opération a été pratiquée, le plus grand nombre de fois, et qui cependant laisse le plus d'incertitude parmi les chirurgiens pour l'adoption ou le rejet de cette opération, et les circonstances dans lesquelles on doit la tenter. Ce que l'on peut dire à ce sujet de plus rationnel, c'est que la ponction ne doit être pratiquée ni trop tôt dans les pblegmasies aiguës, sous le coup de l'inflammation, lorsque la maladie n'est encore limitée par aucune adhérence, et que l'épanchement offre les deux chances contraires d'une résorption spontanée ou d'une reproduction également rapide ; ni trop tard dans les pbleg-masies chroniques, lorsqu'il existe des altérations organiques, et que le poumon refoulé depuis long-temps ne permet guère de compter sur le retour de sa perméabilité. La circonstance où l'opération est le mieux indiquée est à la suite d'une pleurésie aiguë , lorsque les symptômes inflammatoires étant beaucoup di-minués, il existe un épanchement qui menace de suffocation. Sur neuf faits de ponction d'bydrothorax consignés par M. Sé-dillot d'après Duvernay, Sénac, Morand, Boyer, MM. Roux, Reybard, Bégin, etc., six malades ont guéri, trois sont morts.
4° Épanchement de gaz. Ce n'est que pour le mentionner que l'on peut citer l'épanchement d'air ou d'autres gaz dans la cavité des plèvres, en général la résorption s'en opérant d'elle-même si la cause en est légère, et l'opération étant contre-indi-quée si cette cause est grave.
Toutefois il est des cas où la ponction pourrait être nécessaire, comme l'a pensé Monro. Riolan, de Combalusier, B. Gooch et Kellie citent chacun un fait d'hydrothorax où la ponction révéla que la suffocation était due non pas tant au liquide qu'à des gaz qui sortirent avec violence au dehors.
Résultats généraux de l'opération. Le danger de l'empyème ré-sultant de la nature de la maladie et de l'importance des organes et non du fait même de l'opération, on conçoit que le chiffre
des succès et des revers dépend de la valeur du diagnostic et du pronostic pour chaque cas déterminé. Cette observation expli-que les jugemens contradictoires que l'on a portés à diverses épo-ques , et comment la même opération réussissait à tels chirurgiens et non à d'autres. Aujourd'hui, d'après la dispersion générale de connaissances plus positives, il semble que l'opération de l'empyème doive reprendre faveur, et déjà cette tendance se signale par le grand nombre de faits et la proportion assez considérable de succès qui ont été obtenus dans ces derniers temps. Négligeant donc les cas de succès rapportés par Bâillon, Marchettis, Diemer-broeck, Boerhaave, Ledran, Fonbert et même Morand, le dé-fenseur de l'opération le mieux fondé par ses œuvres dans le dernier siècle, et supposant ces faits non acquis, puisque la proportion contradictoire des revers ne nous est pas connue ; voici quant aux faits de nos contemporains, qui se sont pour ainsi dire passés sous nos yeux, le chiffre avoué des résultats obtenus. Offrant d'abord ceux recueillis par MM. Bullier etVel-peau : parmi les cas de guérison, Lefaucheux, Billeret, Au-douard , Fréteau en comptent plusieurs; MM. Tuson, Gouraud , Norfini, chacun un ; Martin, Roux, Larrey et MM. Guérard, deux, et les cas de ces derniers sont fort singuliers, les deux succès ayant été obtenus à vingt-deux ans d'intervalle par deux chirurgiens père et fds sur un même malade ; MM. Herpin, Roque , Dieffen-bach, Reybard, chacun trois ; Caffort, quatre; Faure, six,Davies, huit, etc., outre un certain nombre de faits d'un résultat dou-teux qu'il serait trop long d'énumérer, et plusieurs nouvelles guérisons opérées par M. Reybard. Les cas d'insuccès se répar-tissent de la manière suivante: MM. Dieffenbach, un; Rey, Davies, Faure, Roque, Cafford, chacun deux; M. Bégin, quatre; M. Velpeau en signale douze extraits de sa pratique et de celle de divers chirurgiens dans les hôpitaux : à cette liste, ajoutez celle de cinquante faits contenus dans la thèse de M. Sédillot, qui, en retranchant dix cas de double emploi se réduisent à quarante dont trente-et-un guéris et neuf morts. En masse sur une somme de cent vingt-deux faits d'opération d'empyème, dans des cas variés, nous constatons quatre-vingt-six guérisons temporaires ou définitives et trente-six morts : cinq succès pour deux insuccès. Enfin à l'extrême rigueur en tenant compte de cinq cas d'insuccès rapportés par M. Gimelle et de l'assertion assez vague de Dupuy-tren que sur environ cinquante opérés d'empyème il n'avait vu que deux guérisons, on aurait pour dernier chiffre cent soixante-dix-sept opérés dont quatre-vingt-huit guéris et quatre-vingt-neuf morts : un succès contre un revers. Mais comme l'affirmation de Dupuytren, dans la pénible circonstance où il l'a émise, ne sau-rait être prise au sérieux, on peut dire que, vu l'extrême gravité de la maladie, le résultat général est consolant, et donnerait encore assez de latitude pour approuver hautement l'opération de l'empyème , lors même que des recherches sévères prouveraient que le chiffre des revers est proportionnellement un peu plus considérable que celui ci-dessus mentionné, de deux morts sur sept opérés.
Choix de la méthode opératoire. La convenance de l'opéra-ration étant établie , une autre question se présente : convient-il d'évacuer tout l'épanchement en une seule fois, ou vaut-il mieux, au contraire, procéder par ponctions graduées? On sait tous les débats théoriques auxquels a donné lieu cette question. Morand conseille la ponction réitérée à plusieurs temps, c'est la méthode hippocratique , à laquelle se rattache aujourd'hui le procédé de M. Baudens. Par opposition, MM. Audouard et Bullier préfèrent l'évacuation complète en une seule fois, sans s'inquiéter de l'effet brusque qui en résulte pour le poumon. A l'appui de cette opi-nion, M. Bullier cite des faits de guérison où le poumon est presque aussitôt revenu sur lui-même, ce qui se conçoit dans les épancbemens récens : la pratique de M. Wooley de Brompton qui a réussi deux fois par une ponction totale, justifie cette doc-trine, à laquelle d'ailleurs n'est pas loin de se ranger M. Sédillot, et qu'il appuie d'excellens argumens. Mais M. Rullier l'étend aux épancbemens chroniques et cite des faits où il resta sans incon-véniens, pendant des mois et des années, un intervalle considé-rable entre le poumon affaissé et la paroi pectorale : de plusieurs pouces (Billeret, Audouard) ; cinq pouces (Morand) ; neuf pouces (Fréteau). Sans récuser la réalité de ces faits, comme ils sont an-térieurs aux derniers progrès de l'auscultation , et qu'on ne voit pas sur quoi s'en était établi le diagnostic, il serait à désirer, avant d'en faire la base d'une méthode opératoire, qu'ils fussent soumis à un nouvel examen. En attendant que cette question soit jugée, l'évacuation graduelle et successive le long d'une mèche, après une ponction incomplète , ou celle par ponctions réitérées à de courts intervalles, qui permettent la dilatation lente du poumon refoulé, semblent la méthode la plus rationnelle; aussi est-ce celle qui a prévalu. Adoptée par la plupart des chirurgiens, Sabatier, Richerand, Boyer, Dupuytren, MM. Sanson, Velpeau, etc., aujourd'hui, l'invention du procédé de M. Reybard, qui s'y rap-porte , en a tellement amélioré les résultats que presque tous les malades opérés par ce chirurgien ont guéri.
Lieu de l'opération. i° Lieu d'élection. 11 est remarquable que les questions qui ont le moins d'intérêt sont presque tou-jours les plus agitées, et celles sur lesquelles on est le moins d'ac-cord. Ici la divergence est si complète, qu'à part les trois pre-miers espaces intercostaux comptés de haut en bas, où l'opération serait absurde, tous les autres ont eu leurs partisans à des époques très différentes l'une de l'autre. Walther choisit pour opérer le quatrième espace intercostal; Léonidas et F. d'Aquapendente, le cinquième; Sharp et B. Bell, le sixième; Heers, le septième; G. de Salicet, Lanfranc, le huitième ; Paré à la renaissance, et de nos jours, Sabatier, Pelletan et Richerand le neuvième; seu-lement les trois derniers indiquent le neuvième à droite et le dixième à gauche; Lusitanus, Solingen et tout naguère, Cho-part, Desault et Boyer indiquent le neuvième à droite et le dixième à gauche ; enfin Vésale et Warner considèrent le on-zième ou dernier, le point le plus déclive, comme le plus favo-rable. A quoi s'arrêter entre des avis si différens? Heureusement que la question en litige à peu d'importance. Si vraiment il n'existe point d'adhérences, condition essentielle pour que l'on puisse choisir le lieu de la ponction, à la rigueur, elle peut se faire avec succès sur un point quelconque. Toutefois, comme la dypsnée, en cas d'épanchement, exige comme plus habituelle la position verticale, c'est vers le bas de la poitrine qu'il faut de préférence pratiquer l'ouverture. Pour éviter de blesser le dia-phragme, il est bon de ne pas prendre les deux derniers espaces intercostaux. H y a donc de l'avantage à choisir comme on fait en France, le neuvième ou le dixième espace. Quant à piquer d'un espace plus haut à droite qu'à gauche à cause du foie, cette considération est de peu de valeur, le diaphragme et le foie se trouvant déprimés par l'épanchement. Pour trouver le point que l'on recherche, sur les sujets maigres on compte les côtes de bas en haut, les neuvième et dixième espaces dans l'autre sens deve-nant les quatrième et troisième. Chez les sujets gras ou infiltrés
sur lesquels on ne peut palper facilement les cotes au dehors, ou indique pour la hauteur convenable à la ponction, soit cinq travers de doigt au-dessous de l'angle inférieur de l'omoplate, soit trois travers de doigt au-dessus du rebord cartilagineux des cô-tes. Ces indices sont assez vagues, niais il n'est pas besoin à ce sujet d'une grande précision ; l'essentiel est de tomber sur un espace intercostal, les troisième, quatrième, cinquième et sixième pou-vant servir à-peu-près avec le même avantage. Quant au point le plus convenable delà zone costale, comme il importe d'attein-dre un lieu plus déclive, c'est-à-dire situé plus en arrière, et qu'en même temps il faut éviter une trop grande épaisseur de muscles, on prescrit de ponctionner à l'union du tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs de la circonférence du thorax, au-devant du grand dorsal, autant cpie possible entre ses attaches costales et celles du grand oblique,
1° Lieu de nécessité. L'étendue de l'épanchement circonscrit étant déterminée par l'auscultation , il n'y a dans ce cas, d'autre observation à faire, pour la ponction, que de la pratiquer plutôt vers le centre que vers le contour, dans la crainte de tomber dans les adhérences ou en dehors de l'épanchement.
méthodes opératoires.
Appareil instrumental. La ponction se pratique avec deux sortes d'instrumens, le bistouri et le trocart. L'emploi du bis-touri est de toute époque. Le trocart, employé d'abord par A.. Paré pour perforer une côte, a été recommandé par Nuck, Heister et Morand. L'opération, par son moyen , est plus expé-ditive, et aussi simple que la paracentèse de l'abdomen ; mais il ne convient que pour les épanebemens séreux ou séro-sangui-nolens très liquides, et n'offre pas une issue assez facile quand le liquide est épais, grumeleux ou floconneux comme le pus, ou en caillots comme le sang. Outre l'instrument de ponction, l'ap-pareil contient des vases, des linges, une mèche effilée, des pinces et des fils à ligature en cas de lésion d'une artère.
Méthode par incision.
Procédé ordinaire. Le malade est assis, ou mieux, couché sur un plan incliné, le corps légèrement tourné sur le côté sain, le bras relevé dans l'adduction, de manière à tendre le côté de la poitrine sur lequel on opère. Placé en arrière du malade , le chi-rurgien reconnaît, en palpant avec les doigts des deux mains , l'espace intercostal et le point sur lequel il doit agir; puis, ten-dant la peau avec le pouce , l'indicateur et le médius de la main gauche, de la droite, armé d'un bistouri ordinaire en première position, il incise la peau dans une longueur de trois à quatre centimètres (un pouce à dix-huit lignes), parallèlement à la di-rection de l'espace intercostal, en se tenant plus près de la côte inférieure que de la supérieure; relevant un peu la lèvre supé-rieure, d'un second coup il divise le panniçule adipeux. Plon-geant alors dans la plaie l'extrémité de l'indicateur gauche pour reconnaître les bords des deux côtés, il incise les muscles à petits coups, en touchant auparavant à chaque fois pour s'assurer qu' il n'existe pas d'artère d'un certain volume sur le trajet de l'instru-ment. A mesure que l'incision devient plus profonde, naguère encore on prescrivait de diviser moins largement, de manière à former une plaie triangulaire, dont le sommet tronqué fût en dedans; mais ce précepte n'a plus la même valeur aujourd'hui que l'on néglige l'obliquité du trajet. La plèvre étant mise à dé-couvert, si elle forme une saillie bombée avec fluctuation évi-dente, indice certain que le liquide est derrière, il ne s'agit plus cpie d'y faire une ponction avec la pointe du bistouri, présentée obliquement, le tranchant vers soi. Mais si cette membrane est plate, opaque et dense au toucher, comme il devient assuré qu'elle est doublée de couches pseudo-membraneuses qui peu-vent avoir une épaisseur de quelques millimètres à un centimètre et plus , il faut continuer d'inciser, mais avec beaucoup de pré-caution, par couches très minces, en touchant à chaque fois pour tâcher de distinguer une fluctuation, et sondant oblique-ment en haut vers le foyer principal pour tâcher d'y pénétrer. Si l'on y parvient, il ne s'agit que d'élargir au besoin l'ouver-ture. Dans le cas contraire, on divise encore plus profondément, mais en redoublant d'attention pour ne pas atteindre le tissu du poumon. Parvenu à quelques millimètres de la surface pleu-rale sans rien trouver, le mieux est d'insinuer l'indicateur dans la plaie, et, se faisant une voie à travers les productions pseudo-membraneuses, d'aller en haut, en arrière et en avant, à la re-cherche du foyer. Si ce dernier examen est sans résultat, comme il est évident qu'il existe en ce lieu une adhérence intime des surfaces sur une large étendue, il faut refermer la plaie, puis en pratiquer une autre en s'assurant, par une auscultation très soignée, du lieu où l'on peut pénétrer dans la cavité de l'épan-chement.
Au moment d'ouvrir le foyer, une dernière question se pré-sente , qui a beaucoup occupé les chirurgiens à toutes les épo-ques : c'est celle de l'étendue qu'il convient de donner à l'ou-verture. Portée tout récemment à l'Académie, il a été conclu, d'après un certain nombre de faits rapportés en séance , que les ouvertures les plus larges étaient celles qui avaient donné les meilleurs résultats. Cette doctrine inverse de celle précédem-ment admise peut surprendre, et en tout cas nous paraît admet-tre une restriction. La conséquence inévitable d'une large ouver-ture étant l'évacuation complète du foyer, comme le voulaient MM. Audouard et Rullier, si la collection séreuse ou séro-san-guinolente, est encore toute récente, ou si le poumon est, bien per-méable, on conçoit que, l'organe remplissant la cavité à mesure que le liquide s'écoule, l'évacuation complète et brusque puisse avoir de bons effets. D'un autre côté, les faits cités plus haut semblent prouver que la présence de l'air dans le foyer d'un ancien épanchement séreux, lorsque le poumon reste rétracté , peut encore s'accorder avec la vie. Mais si l'épanchement est purulent ou sanguin, trop de faits dans la science prouvent les fâcheux effets de la putrescibilité de ces liquides en contact avec l'air, pour que, même avec la ressource des injections déter-sives, l'on ose donner à ce gaz une large entrée clans le foyer. Peut-être un jour cette pratique sera-t-elle justifiée par ses suc-cès; mais, jusqu'à présent, nous ne croyons pas qu'elle doive être enseignée.
Revenant donc au procédé ordinaire , lorsqu'enfin le foyer est ouvert, on laisse pendant quelque temps écouler le liquide, en surveillant avec attention l'état du pouls et de la respiration. Si l'épanchement est de formation récente, de même que dans la paracentèse abdominale, mais à un degré moindre, en raison de la plus grande densité du poumon ordinairement engorgé, le retour brusque du sang dans l'organe peut néanmoins causer une syncope. Dès cpie cet accident menace, il faut immédiate-ment boucher l'ouverture ; mais, en tout cas, il convient de n'é-vacuer approximativement que la moitié du liquide , en aidant , s'il esl besoin, à sa sortie, par une pression légère, détachant
avec des pinces ou les doigts, les flocons ou les grumeaux, s'il s'en présente qui bouchent l'ouverture. On introduit ensuite dans la cavité pleurale une mèche ou un ruban de fil qu'on laisse à demeure pour servir de conducteur au liquide, et favoriser l'évacuation lente du foyer dans les linges de l'appareil.
Soins consécutifs. Dans les premiers jours qui suivent la ponction , le liquide continue de suinter le long du ruban con-ducteur et imbibe l'appareil. S'il existe encore une collection fluide, soit qu'elle ne se soit point évacuée en entier ou qu'elle se reforme avec rapidité, on écarte un peu la plaie pour donner lieu à son écoulement, et on recommence les jours suivans, conduite qui infirme le précepte ancien de former pour l'empyème un trajet oblique, de manière à ce que, la ponction opérée, ce trajet s'efface avec la perte du parallélisme des couches divisées. Mais un précepte très important, pendant toute cette période d'évacuation , est de surveiller l'état général du malade et les ebangemens que subit le liquide à différens temps. Si la santé générale s'améliore, la respiration étant plus facile, et que le pus, déplus en plus rare, devienne aussi plus épais et ino-dore , c'est un indice de la guérison : dans le cas, au contraire, où le liquide s'altère, devient fétide, et que les symptômes lo-caux et généraux s'aggravent, indépendamment du traitement médical, c'est le cas, pour la plaie, d'avoir recours aux injec-tions pour déterger les surfaces pleurétiques, dissoudre et em-porter les liquides viciés dont la résorption serait promptement funeste. Employées pendant une longue suite de siècles, les injections, on ne sait pourquoi, étaient tombées en désuétude. Grâce à M. Billeret, qui les a remises en honneur, M. Récamier, à son exemple, s'est servi avec avantage d'injections soit d'eau tiède ou de solutions mucilagineuses dans l'épanchement séreux, soit de liquides légèrement astringens ou antiseptiques dans les épanebemens sanguins et purulens lorsque la matière en devient fétide. Lorsque enfin l'état du malade s'améliore , on en est averti par les changemens de qualité du liquide qui diminue d'abondance et devient de meilleure nature. Dans tous les cas, dès que la mèche est établie à demeure, il faut attendre, pour fermer la plaie , que l'ensemble des signes promette une guérison assurée, l'occlusion prématurée de la fistule pouvant causer une collection nouvelle qui nécessiterait une seconde opération.
Tel est dans ses détails, le procédé général de l'opération de l'empyème, décrit dans les traités de chirurgie et de médecine opératoire, et comme s'il était également applicable à tous les cas sans distinction de la nature de l'épanchement, de sa durée, de l'état des plèvres, des complications et des circonstances propres à chaque malade, toutes conditions pourtant qui ont une in-fluence si grande sur le diagnostic et le pronostic , sur la conve-nance et les résultats de l'opération. Nous verrons plus loin quel-les modifications entraînent ces diverses considérations et com-ment , dans les cas particuliers, il peut être utile d'emprunter à divers procédés pour une même opération.
Ponction.
i° Par la lancette. Purmann et M. Cruveilhieront ouvert avec la lancette, des empyèmes purulens cpii formaient au-dehors une tumeur fluctuante et rentrant par la pression dans la cavité delà plèvre. Dans le cas de M. Cruveilbier, la tumeur se fit jour dans le cinquième espace intercostal. La ponction par la lan-
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cette n'étant applicable qu'autant cpie la collection arrive sous la peau, n'exige aucune description.
%" Parle bistouri. Procédé de M. Velpeau. Ce chirurgien pour abréger l'opération , propose de traverser subitement et sans hésiter, l'espace intercostal par ponction avec le bistouri droit, tenu en quatrième position , c'est à dire comme pour l'ouverture de dedans en dehors des abcès ordinaires. L'auteur croit réunir ainsi les avantages de la ponction et ceux de l'incision. Il espère ne pasblesser le poumon s'il est libre, sur la supposition qu'aussi-tôtla plèvre percée, cet organe est refoulé par la pression atmosphé-rique; et si le poumon est adhérent, la piqûre ne lui en paraît pas grave. Nous n'oserions pas, nous l'avouons, conseiller l'emploi de ce procédé, quoique l'auteur dise l'avoir pratiqué cinq fois et M. Caf-ford plusieurs fois à son exemple, apparemment sans accident.
3° Par le trocart. Procédé ordinaire. L'espace intercostal étant reconnu dansle lieu d'élection ou de nécessité où il convient de pratiquer la ponction, le chirurgien tendant les tégumens avec force de la main gauche, entre le pouce d'une part, et de l'au-tre l'indicateur et le médius, enfonce brusquement le trocart tenu de la main droite, en affleurant la côte inférieure, pour éviter l'ar-tère intercostale, et dirigeant la pointe de l'instrument vers le foyer. La profondeur à laquelle il faut pénétrer, qui représente l'é-paisseur de la paroi, d'environ deux centimètres et demi dans l'état ordinaire, et que l'on peut porter à trois centimètres (un pouce)vu l'obliquité du trajet, peut se trouver augmentée extérieurement par l'abondance de la graisse, par l'œdème ou l'emphysème, pro-portion facile à déterminer ; intérieurement par la pseudo-mem-brane costale, épaisse de quelques millimètres à un ou deux centi-mètres, et dont la consistance est proportionnée à l'ancienneté de l'épanchement. Guidé par ces données, le chirurgien pique d'a-bord brusquement jusqu'à la profondeur de trois centimètres, puis essaie d'enfoncer doucement le trocart. La sensation d'un vide, la facilité avec laquelle la pointe joue au-dedans et surtout l'apparition d'une goutte deliquide indiquent que l'on a pénétré dans le foyer. Si, au contraire, ces signes manquent et que l'in-strument, engagé par la pointe, n'obéisse à aucun déplacement, comme il est probable qu'on se trouve au milieu des adhérences, il faut continuer de l'insinuer obliquement dans la direction du foyer, et non directement vers le poumon qui pourrait être lésé; mais si, après un court trajet, cette dernière manœuvre est sans résultat, plutôt que de risquer des désordres, il vaut mieux re-commencer la ponction sur un autre point.
Dès qu'on est parvenu dans la cavité du foyer, on retire la tigedutrocartetonlaisseécouler le liquide par la canule, en ayant soin de la déboucher avec un stylet ou des pinces, à mesure que des flocons viennent l'obstruer. Lorsque le liquide est évacué, on laisse la canule dans la plaie pour pouvoir renouveler la ponction et on la ferme provisoirement avec un bouchon.
Procédé de M. Baudens. Cet habile chirurgien se sert de l'instru-ment de diverses dimensions qu'il a imaginé pour la ponction des cavités séreuses. Unecanule courbe percée à son centre d'un trou , s'accompagne de deux mandrins, dont l'un à dard sert à prati-quer la ponction, tandis que l'autre, qui remplit la capacité de la canule, fait office de bouchon. La canule étant armée de sa tige a dard, M. Raudens l'insinue d'avant en arrière, clans l'épaisseur des chairs du onzième espace intercostal dont il a fait son lieu d'élection entre l'extrémité des onzième et douzième côtes, à-peu-
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près à l'union «lu tiers moyen avec le tiers postérieur du tronc. Faisant cheminer obliquement son trocart, de la surface vers la profondeur et parallèlement aux côtes, il entre dans la cavité du foyer, puis relevant l'instrument, toujours dans la même direction , il traverse de nouveau l'espace intercostal de dedans en dehors pour ressortir à six ou huit centimètres (deux pouces un quart à trois pouces) du point de son entrée. Retirant alors la tige à dard , le liquide sort par la canule dont le trou moyen est dans le foyer. L'évacuation terminée, il bouche la canule en y glissant son mandrin. L'instrument de M. Baudens fonc-tionne bien ; on en gradue à l'avance le calibre, suivant la na-ture présumée du liquide épanché. Enfin la courbure du trocart est avantageuse pour faciliter son trajet à la sortie et son séjour au travers des tissus, sans les tendre et les déprimer au milieu, comme le ferait une canule droite. L'auteur assure que plusieurs ponctions pratiquées dans le onzième espace lui ont permis d'é-vacuer en entier des épancbemens séreux, sanguins et purulens, sans causer la lésion du diaphragme, comme ce fait est arrivé à Richerand et à plusieurs autres.
On a fait contre l'emploi du trocart, en général, l'objection que la canule, assez large pour donner issue à la sérosité lim-pide et citrine, est ordinairement trop étroite pour laisser sor-tir les flocons albumineux, les grumeaux purulens et les caillots sanguins. Mais cette observation est moins un reproche qu'un avertissement, car rien n'est plus simple que d'augmenter le dia-mètre du trocart. Un reproche plus fondé, dont l'instrument de M. Baudens est seul exempt, est de ne point offrir après la ponc-tion assez de garantie contre l'introduction de l'air par la canule ; c'est pour y obvier que plusieurs instrumens ont été imaginés.
4' Instrumens à ponction et aspiration du liquide par la ca-nule. M. ÏFalsch de Worcester, voulant retirer l'air qui s'était introduit après une ponction, l'aspira avec une seringue adaptée à la canule, et parvint à ramener le poumon au contact de la pa-roi thoracique. Déjà B. Bell avait proposé de ponctionner avec une bouteille de caoutchouc ajustée à la canule, en l'offrant apla-tie, pour qu'elle pût aspirer par son ressort. Dans ces derniers temps , divers appareils pour ponctionner et aspirer le liquide , ont été imaginés par MM. Bouvier, Récamier, Maissiat, Guérin, Stans/ii. Dans tous, la ponction se fait par un trocart à la canule, duquel s'adapte un corps de pompe. L'instrument de M. Stanski est le plus parfait: 1» en ce que. la canule à robinet est munie d'une plaque curseur qui s'applique à la plaie pour limiter la profon-deur à laquelle on pénètre , et empêcher l'introduction de l'air; •i" en ce qu'il existe pour recevoir le liquide un récipient garni de robinets d'entrée et de sortie, de manière à constituer un appa-reil pneumatique. Mais si cet ingénieux instrument permet ri-goureusement d'aspirer le liquide intérieur, sans laisser intro-duire directement aucune bulle d'air par lui-même, il est impossible néanmoins d'empêcher qu'il ne s'en glisse extérieure-ment,éntrela canule etles lèvres de la plaie qui lui donne passage. Il n'y a pour répondre à cette objection que le procédé suivant.
Térèbration d'une côte.
C'est à M. Reybard de Lyon qu'appartient l'honneur d'avoir réhabilité cette ancienne méthode des Grecs consignée dans Hippocrate, mais avec des modifications tellement ingénieuses qu'il se l'est acquise à bon droit, et l'a rendue, en réalité, le pro-cédé le plus parfait pour l'opération de l'empyème.
Une incision étant faite pour mettre la côte à nu dans le point où l'on doit opérer : avec un foret, le perforateur de Dupuytren, ou mieux, une petite couronne de trépan, on pratique à l'os, une ouverture d'un diamètre assez considérable pour donne] passage au liquide le plus épais. Le disque d'os étant enlevé la plèvre se présente derrière encore intacte. Avant de l'inciser , on offre à l'orifice une canule de même diamètre que l'on fait entrer à force en pas de vis. Toute canule de métal, de bois ou d'i-voire, peut servir. Un tuyau de plume que l'on a indiqué, ne nous paraît pas convenir; son calibre est trop petit et il s'amol-lit à l'humidité. Dès cpie la canule est disposée, on la retire pour ponctionner la plèvre et on la fixe en place immédiatement. Jus-que-là, si le liquide étant écoulé, on se contentait de fermer la ca-nule avec un bouchon, ce ne serait encore qu'une réapparition du procédé de térèbration anciennement connu. Mais comme il s'agissait d'obtenir une évacuation permanente, sans crainte de l'introduction de l'air, M. Reybard y a pourvu par deux moyens : r sur l'extrémité libre de la canule, est ficelée une vessie de baudruche s'ouvrant par l'autre extrémité. Cette vessie appli-quée vide et mouillée, après en avoir bien exprimée l'air, s'em-plit du liquide de l'empyème et peut être vidée au fur et à me-sure, en la pinçant entre les doigts vers la canule, l'ouvrant à son extrémité puis la refermant après l'avoir pressée. Pour obte-nir un appareil plus hermétiquement fermée, il serait facile d'a-voir une vessie à deux robinets s'adaptant à un ajutage égale-ment à robinet, flexible, en gomme élastique, qui serait fixé à la canule métallique; mais telle qu'elle a été employée, la vessie de baudruche suffit; 2° Le second moyen de M. Reybard est encore plus simple (Pl. 28, fig. 3). Sur la canule est ficelé un bout d'intestin de chat, mouillé pour en former un tube flexible et dont la paroi circulaire s'accole avec elle-même. Lorsque le li-quide de l'épanchement se présente à la canule par son poids ou durant un effort, il soulève et déplisse l'intestin et se fait jour an dehors. Mais si l'air au contraire, vient à s'introduire, le tube mouillé s'aplatit, s'accole sur lui-même, et fait ainsi l'office de soupape. L'essentiel est que l'intestin soit assez long, de quelques pouces par exemple, pour que cet effet soit assuré. Que si néan-moins l'air tendait à s'introduire, il suffirait, pour l'en empêcher, de rouler plusieurs fois sur lui-même le tube en spirale. Rien de plus simple et de mieux combiné que cette petite manœuvre qui permet d'obtenir également une évacuation permanente ou des ponctions successives à des intervalles voulus.
application des méthodes et procédés aux variétés de l'empyème.
Nous empruntons à l'excellente thèse de M. Sédillot, cettemanière d'apprécier les secours opératoires eu égard aux variétés de l'é-panchement, qui formera comme le résumé de tout cecpii précède.
i° Hémothorax. Si la respiration n'est pas trop gênée, fer-merde suite la plaie; si au contraire, il y a menace d'asphyxie, laisser écouler une petite quantité de liquide, et dès cpie la res-piration devient plus libre, fermer la plaie avec un linge et des boulettes de charpie introduite entre ses lèvres , sauf à donner de nouveau issue au sang, avec ménagement, si la suffocation l'exige. Tâcher d'arriver ainsi jusqu'au dixième ou quinzième jour, où tout danger cf hémorrhagie ayant cessé on peut achever d'éva-cuer le foyer sanguin et le déterger par des injections, si le li-quide est devenu fétide.
2" Pyothorax. Evacuer d'abord la plus grande partie, sinon la totalité du pus, ou si l'on adopte les ponctions successives, les pratiquer à de courts intervalles , et, en tout cas, faire suc-céder à la ponction l'évacuation permanente, de manière à rap-peler la perméabilité du poumon , et mettre promptement en rapport les deux surfaces du sac pseudo-pleural. Employer à cet effet le procédé par incision, ou mieux la méthode de M. Rey-bard. Pour obtenir une plus large ouverture, on pourrait prati-quer à la côte un orifice ellipsoïde avec une canule appropriée. Afin de déterger les surfaces et d'empêcher ou de détruire la fé-tidité du pus , et prévenir sa résorption , avoir recours aux injec-tions par la canule. On peut varier au besoin la nature des in-jections, eau tiède, orge miellé, infusions aromatiques, décoction de quinquina, en les laissant un peu séjourner à demeure, comme l'a fait avec avantage M. Récamier. M. Sédillot conseille, dans le cas où l'expansibilitédu poumon se fait attendre, d'évacuer néan-moins le pus, et pour remplir l'espace, d'y suppléer plutôt parle liquide moins offensif de l'injection, qu'on laisserait séjourner , et cpie l'on changerait à volonté. Lorsque le pus est de trop mauvaise nature, il pense cpie l'on pourrait employer une solution très faible de nitrate d'argent.
3° Hydrothorax. Comme l'épanchement purement séreux est presque toujours symptomatique d'une affection chronique, soit de la plèvre, soit du coeur ou des poumons, la ponction n'est qu'un moyen palliatif, et peut être pratiquée avec le trocart. Si elle se reproduit avec rapidité , le procédé de M. Reybard peut encore trouver son application.
4° Enfin, pour toute espèce d'épanchement existant des deux côtés à-la-fois, le mieux est, suivant l'ancien précepte de Bene-detti, de n'ouvrir les plèvres qu'à quelques jours d'intervalle, et par ponctions successives, suivies de l'écoulement permanent, de manière à favoriser à-la-fois l'expansibilité des deux poumons et à en empêcher le refoulement.
PARACENTÈSE DU PÉRICARDE.
Est-il bien nécessaire de parler de la ponction du péricarde, et le temps est-il venu d'en tracer les préceptes, ou plutôt, peut-on décorer de ce nom quelques vagues données analogiques emprun-tées des autres séreuses, mais que l'expérience, applicpiéeà la sé-reuse du cœur, n'a point sanctionnées? Voyons quel est à cet égard l'état de la science.
Riolan , après plusieurs autres , avait pensé que l'on pouvait ponctionner le péricarde par un orifice pratiqué au sternum, à un ponce au-dessus de l'appendice xyphoïde. Un fait rapporté à Sé-nac , par Sprengel, est considéré comme n'ayant eu pour objet qu'un hydrothorax. C'est un kyste séreux du médiastin qu'avait ouvert Desault, en croyant ponctionner le péricarde. Un second fait de même nature est attribué à M. Larrey. On ne sait ce qu'il faut penser de deux cas anciens rapportés par Van-Swieten et Welse, et de trois observations récentes de M. Romero. Le même doute plane sur l'opération pratiquée par M Jowet ( 1827) ; enfin M. Velpeau ne fait exception que pour un fait qui lui a été com-muniqué par M. Warren. Que résulte-t-il de tout cela? Que de-puis deux siècles, les chirurgiens se sont transmis cette opération comme un vœu traditionnel plutôt que comme un fait constitué. Encore aujourd'hui pour justifier la paracentèse du péricarde on en est réduit à invoquer sa nécessité, les faits d'accidens trauma-tiques rapportés dans la thèse de M. A. Sansón, qui prouvent que la lésion du péricarde, et même celle de la substance du cœur, ne sont pas nécessairement mortelles, les analogies tirées de la para-centèse des autres membranes séreuses et particulièrement delà plèvre, et enfin l'opinion favorable à cette opération de Laennec et delà plupart des médecins et chirurgiens qui tous l'admettent en théorie, quoique aucun d'eux ne l'ait pratiquée. Cette dernière observation mène à une conclusion : c'est qu'il faudrait distin-guer positivement, comme nous l'avons vu plus haut pour l'em-pyème, les cas dans lesquels l'opération doit être pratiquée. Au-jourd'hui, avec la perfection où l'on a pórtele diagnostic des épanchemens dans la cavité du thorax , il serait à désirer qu'une bonne monographie fixant les incertitudes à ce sujet, pût servir de guide, pour appeler la chirurgie au secours de la médecine.
Quant à la médecine opératoire , deux méthodes ont été propo-sées : la perforation du sternum et celle d'un espace intercostal. Mais avant d'en offrir la description, quelques considérations anatomiques sont nécessaires.
Anatomie. A l'état normal (1), le cœur situé obliquement au milieu et à gauche de la cavité du thorax, est recouvert médiate-ment par le bord du sternum , les cartilages et les articulations cbondro-costales des cinquième, quatrième, et troisième côtes et parles espaces intercostaux correspondans. Son sommet dans le péricarde, correspond au cinquième espace intercostal, entre les cinquième et sixième côtes, à sept ou huit centimètres agauche du plan moyen. La paroi thoracique en regard renferme : la peau et le pannicule adipeux, les attaches sterno-costales du grand pec-toral et, sur la cinquième côte, les faisceaux opposés d'inser-tions , en haut du petit pectoral, en bas du grand oblique et du sterno-pubien. Les artères qui s'y trouvent sont : i° verticale-ment à un centimètre du bord du sternum, la mammaire interne entre ses deux veines ; 2" une branche externe qui en naît dans chaque espace intercostal et s'anastomose avec l'un des rameaux de terminaison des artères intercostales. A l'intérieur de la cavité thoracique, le cœur, renfermé dans l'écartement des deux pou-mons, est comme encastré par sa masse ventriculaire dans un re-trait du poumon gauche, dont le bord antérieur le recouvre, son sommet correspondant à l'angle rentrant de l'extrémité de la grande scissure qui en sepáreles deux lobes. Le péricarde, incom-plètement tapissé par les plèvres s'insère sur l'aponévrose du dia-phragme. Il sert d'appui verticalement sur chacune de ses faces latérales, aux vaisseaux diaphragmatiques supérieurs; des arté-rioles fournies parles dernières intercostales remontent sur ses in-sertions diaphragmatiques.
A l'état d'épanchement péricardique, l'enveloppe du cœur, dis-tendue, refoule les poumons dans tous les sens, et le diaphragme en bas, mais s'étend surtout plus à droite où l'intervalle adipeux des médiastins offre d'abord moins de résistance. Le sommet du cœur en général est donc un peu plus bas et moins éloigné du bord du sternum. Si le poumon gauche et la plèvre viscérale sont sains et libres d'adhérence, des lobes entre eux etavec le péricarde, ces lobes peuvent se trouver écartés en dehors, le péricarde s'of-frant derrière les côtes, dans une plus grande surface qu'à l'ordi-naire. Mais pour peu que l'affection soit ancienne, il est plus habituel que de larges adhérences unissent en commun les lobes du poumon entre eux et avec les plèvres médiastines, de telle
(1) Voyez Anatomie, lome IV, planches 1 et 4 , et lome V planche 3.
sorte qu'ils forment, au-devant du péricarde , une sorte de coiffe plus ou moins prolongée vers le médiastin antérieur; circonstance qui pourrait, dans la ponction , donner lieu à la lésion du lobe pulmonaire aminci en auricule, comme il paraît être arrivé à Desault. Ces conditions pathologiques, qu'il n'est pas toujours facile de reconnaître p.nr le diagnostic, influent sur la valeur re-lative des procédés opératoires.
1° Trépanation du sternum. Cette méthode, la plus ancien-nement proposée, est celle qui présente le plus de garantie. Une incision cruciale étant faite à la peau, en regard de l'extré-mité inférieure gauche du sternum , et l'attache fasciculaire du grand pectoral en ce point étant disséquée, puis écartée en de-hors, Riolan, et, après lui BojeretM. Skielderup, conseillent d'appliquer une large couronne de trépan sur le sternum, un peu au-dessous de l'articulation du cinquième cartilage costal ; la ré-sistance offerte par la forte aponévrose postérieure du sternum , indiquerait quel' instrument y est parvenu. Enlevant alors le disque osseux, et divisant l'aponévrose avec beaucoup de ménagement, le doigt indicateur introduit par l'orifice, irait reconnaître, comme l'a fait Desault, la fluctuation du péricarde; puis, faisant pencher le malade en avant pour que le sac péricardique s'y ap-plique, on en ferait la ponction avec un bistouri étroit, guidé par la pulpe du doigt. Les avantages de cette méthode sont de n'offrir aucun danger quant au lieu sur lequel on opère, de four-nir une large ouverture béante par laquelle il est facile de distin-guer les tissus et de transporter l'opération dans l'espace le plus large du médiastin antérieur.
%" Perforation cTun espace intercostal. Sénac conseillait de pratiquer la ponction avec un trocart, dans le cinquième espace intercostal, en regard du sommet du coeur, en dirigeant oblique-ment en haut et à droite la pointe de l'instrument. Desault prati-qua une incision entre les cartilages des sixième et septième côtes, et introduisit le doigt pour reconnaître la fluctuation et servir de guide au bistouri. Le malade ayant succombé, l'autopsie prouva que le sac séreux était un kyste, et que le bord du poumon avait été lésé. Ce procédé ne nous paraît pas convenable. Le lieu de la piqûre est trop déclive et trop externe ; il expose à blesser le dia-phragme sans entrer dans le péricarde. Enfin, M. Larrey veut que l'on traverse de bas en haut l'intervalle triangulaire compris entre le bord gauche de l'appendice xyphoïde et le cartilage de la septième côte. Nous avouons ne rien comprendre à ce procédé, qui expose à blesser l'artère mammaire interne et les attaches chondro-xyphoïdiennes du diaphragme, sans aucune garantie de pénétrer dans le péricarde et de ne point léser le cœur.
L'opération terminée, on se conduirait comme pour l'em-pyème. Quant aux injections pour faciliter l'adhésion des feuil-lets du péricarde, proposées par Riclierand, mais blâmées par presque tous les chirurgiens, ce que l'on peut dire de mieux, dans un sujet aussi grave, c'est de s'abstenir de toute témérité là où l'on n'est encore guidé par aucun fait spontané, ni même par aucune expérience directe sur les animaux.
CORPS ÉTRANGERS DANS LA CAVITÉ DE LA POITRINE.
Les corps étrangers ou proviennent de l'œsophage ou sont le produit d'une lésion traumatique. Les corps introduits acciden-tellement dans l'œsophage, qui se sont frayés une voie au travers de la plèvre et des poumons , des épingles, des aiguilles (Dupuy-tren), un épi de blé (A. Paré), un morceau de bois, etc., creu-sant eux-mêmes leur trajet par une suite d'abcès et d'ulcérations, viennent se faire jour au dehors, et réclament à peine, en dernier lieu , une incision à la peau. Les corps ou vulnérans ou chassés par ces derniers sont de nature très variée : divers projectiles, balles, chevrotines, biscaïens, des lances rompues, des éclats de bois, des fragmens de vêtemens, des esquilles de côtes, etc., qu'il s'agit d'enlever au plus vite, suivant les préceptes géné-raux d'extraction des corps étrangers , mais avec toutes les pré-cautions et les réserves que réclament ici les lésions du cœur et des poumons , la crainte des hémorrhagies internes, la difficulté d'atteindre jusqu'au corps étranger, et souvent aussi l'ignorance du dernier lieu où il s'est placé, soit par l'épuisement de sa force première d'impulsion, soit par les mouvemens des viscères ou des parois de la poitrine. Les annales de l'art, et en particulier les fastes de la chirurgie militaire, sont remplis de faits où des projectiles ont été trouvés dans des points diamétralement op-posés à leur orifice d'entrée, sans avoir traversé les viscères, ou sont tombés dans la gouttière pleurale de la ceinture formée par les attaches du diaphragme. D'un autre côté, les faits ne sont pas moins nombreux de corps étrangers qui, après les premiers accidens , sont restés pendant un temps considérable , et même toute la vie , dans les poumons, ou encastrés dans les vertèbres : soit un fleuret traversant le poumon, et fiché de part en part entre une côte et une vertèbre, chez un forçat, qui a vécu ainsi quinze ans (M. Guillon); des balles qui sont res-tées enkystées dans les poumons, et n'ont été retrouvées , après quinze et vingt ans, qu'à la mort, amenée par toute autre cause (Broussais, Larrey), etc. Ces faits, joints aux difficultés du diag-nostic, expliquent la divergence d'opinion entre les chirurgiens, dont les uns veulent qu'on enlève immédiatement le corps étran-ger, en tout état de cause, dès qu'on peut le saisir (M. Velpeau), et dont les autres préfèrent temporiser, ou même conseillent d'a-bandonner ce corps dans sa position , lorsque son extraction peut donner des craintes (M. Larrey). Nous examinerons plus loin ces deux opinions, et les raisons qui, d'une manière générale, paraissent militer plutôt en faveur de la première. Quant à la mé-decine opératoire , si les manœuvres peuvent être des plus com-plexes, les préceptes généraux du moins sont assez simples. Pour les corps introduits par l'œsophage et cheminant au travers du poumon et des plèvres avec leurs adhérences, la temporisation est forcée, le chirurgien étant réduit au traitement médical jus-qu'à ce que la formation d'un empâtement dans quelque espace intercostal, indiquant que le corps étranger vient se faire jour au dehors par un abcès, réclame une incision pour lui donner issue. Pour les corps vulnérans qui ont donné lieu à une plaie pénétrante de poitrine, la conduite est différente suivant l'es-pèce, le volume et la forme de ce corps; suivant aussi qu'il est perdu à l'intérieur ou accessible au dehors, mobile ou fixe dans son lieu ; enfin, d'après les signes locaux et généraux qui se manifestent, et le temps qui s'est écoulé depuis la lésion trauma-tique. — i° Corps encastré dans les parois et les viscères. Une balle encastrée dans une côte ou entre deux côtes dans un espace intercostal, doit être extraite sur-le-champ avec les esquilles osseu-ses qui l'entourent, soit que la plaie par où le corps étranger est accessible ou peut être senti, soit celle de son entrée ou celle de sa sortie (Bagieu, Desport, Terrin). Dans le pi-emier cas, on rélargit la plaie s'il est besoin ; dans le second, on incise sur le corps étranger pour l'extraire, mais, dans l'un et dans l'autre, eu prenant toutes les précautions pour ne pas laisser tomber ce
corps dans la cavité des plèvres. Chez un malade où une balle était encastrée entre deux côtes, Briot glissa derrière le bec d'une spatule et attendit pour peser sur la balle que le poumon s'ap-pliquât à la plaie dans une forte inspiration. Si le corps étranger est une lame fichée dans une côte, la manœuvre diffère suivant que ce corps offre ou non de la prise à l'extérieur; quand il y a une prise suffisante,on peut employer pour l'extraire de fortes pinces, des tire-fonds, ou un nouvel instrument de cette sorte, imaginé par M. Charrière, au moyen duquel le corps étranger, fortement saisi, est retiré par une vis de rappel. Si au contraire il n'y a au-cune prise, les préceptes sont différons : dans un cas où une lame de couteau , brisée près de sa pointe, ne pénétrait cpie de quelques lignes en dedans, Gérard, introduisant par l'espace intercostal le doigt armé d'un dé, parvint à la rechasser à l'exté-rieur par une pression directe de dedans en dehors; mais si la lame s'enfonce profondément, le moyen le meilleur à employer est la résection entre deux traits de scie à chaîne, de la portion de côte qui renferme le corps étranger, de manière, en détachant la plèvre , à pouvoir saisir la lame sur l'autre face. Toutefois si l'extraction d'une lame cpii traverse les viscères thoraciques n'offre aucune difficulté, quant à la pratique opératoire, il n'en est pas de même en théorie chirurgicale de la convenance de cette extraction. Les avis, à cet égard, se trouvent partagés entre les chirurgiens, ceux-ci redoutent plus l'hémorrhagie in-terne par la voie du corps étranger après son enlèvement, et ceux-là les accidens cpie ce corps doit occasionner par la prolongation de son séjour. La question étant ainsi nettement posée, la solu-tion s'en présente d'elle-même. Comme les accidens causés parle corps étranger sont certains, tandis que l'hémorrhagie, après son extraction, est incertaine, et que d'un autre côté celte hémor-rhagie peut également survenir et survient même, plus ou moins, le corps étranger étant laissé à demeure, il nous semble cpie l'ex-traction immédiate peut être établie en précepte, sauf à com-battre , par tous les moyens appropriés, les accidens locaux et généraux qui se présenteraient, ce que, du reste, il aurait tou-jours fallu faire dans tous les cas. Mais, au moins, après l'extrac-tion , la question simplifiée se trouve ramenée à celle d'une simple plaie pénétrante de poitrine, sans corps étranger au de-dans, et par conséquent au traitement d'un hémo-thorax trauma-tique, dont la guérison , si elle a lieu , ne laisse plus d'autres craintes pour l'avenir. — 20 Corps encastré dans les poumons. Ordinairement le corps perdu dans la profondeur de la poitrine est un projectile, chevrotine, balle ou biscaïen, ayant chassé de-vant lui des portions de vêtemens. Souvent ces corps étrangers secondaires sont arrêtés clans les chairs ou ne pénètrent que peu profondément. Il faut s'empresser de les extraire avec des pinces. Quant au projectile en lui-même, soit une balle, si son trajet dans le poumon est direct, sa situation superficielle, et qu'en sondant avec tous les ménagemens convenables on puisse y at-teindre facilement, peut-être le mieux à faire est-il d'essayer avec précaution de la déplacer et de l'extraire. Mais si la balle est en-castrée profondément, plutôt que de causer des accidens et des dégâts, en allant à sa recherche, il est préférable de l'abandonner en son lieu , clans l'espoir, fondé sur un grand nombre de faits , qu'elle tombera clans la cavité des plèvres et pourra être extraite sur la gouttière des attaches du diaphragme , ou , qu'en restant dans le poumon , elle finira par s'y encastrer sans trop gêner la respiration.
OPERATIONS OUI SE PRATIQUENT SUR L'ARDOMEN.
Les maladies de l'abdomen , dont le traitement donne lieu à des opérations, forment trois séries : i° Les épanchemens , les kystes, dont nous séparons à dessein ceux des ovaires, comme annexes des organes génitaux, les corps étrangers, les tumeurs abdominales; 2° les plaies intestinales; 3° les hernies, les anus ac-cidentels et la rétention des matières fécales qui nécessitent les anus artificiels.
PARACENTÈSE ET AUTRES OPÉRATIONS POUR LA GUÉRISON DE L'ASCITE.
Tous les moyens chirurgicaux proposés contre l'ascite ont pour but, ou d'évacuer le liquide contenu dans la cavité péritonéale, ou d'obtenir sa résorption.
La résorption d'une ascite considérable est une terminaison si rare qu'on doit être bien réservé dans le degré de confiance à accorder aux procédés qui tendent à la provoquer.
La compression , malgré les avantages que disent en avoir ob-tenus MM. Godèle, Speranza et Bricheteau, doit être rejetée comme méthode générale, et elle ne convient guère cpie dans les cas où l'épanchement peu considérable existe chez des jeunes sujets.
Les vésicatoires uolans, principalement recommandés par
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M. Trouvé, n'ont, suivant M. Velpeau, qu'un succès très dou-teux.
L'acupuncture , employée pour la première fois dans l'ascite par M. King, a été de nouveau essayée en France par M. Vel-peau. Le procédé consiste à enfoncer des longues aiguilles sur cinq à six points du ventre, en répétant cette manœuvre trois ou quatre fois dans l'espace de quinze jours. On obtient quelquefois, par ce moyen, une diminution du liquide, mais ce résultat n'est que passager, et de l'aveu même des auteurs, il est insuffisant pour motiver l'emploi de l'acupuncture.
Du reste, on ne doit tenter d'obtenir la résolution de l'épanche-ment du péritoine que lorsqu'il est bien démontré que l'ascite est idiopafhique et n'est accompagnée d'aucune altération organique des viscères abdominaux. Lorsqu'au contraire l'hydropisie péri-tonéale est liée à une maladie incurable d'un ou de plusieurs or-ganes du ventre, il faut nécessairement en venir à l'évacuation par la ponction qui n'est plus alors qu'un moyen palliatif pour soulager le malade. Duverney et Bertrand ont établi et tous les chirurgiens admettent qu'il n'y a qu'un seul traitement dans tous les cas d'ascite, l'évacuation du liquide. Si l'hydropisie est idio-pathicpie, l'issue de la sérosilé ne pourra avoir qu'un heureux ré-sultat et favorisera l'action des autres moyens de traitement. Dans ce premier cas, on devra faire la ponction aussitôt que la collection de liquide est bien formée et qu'on s'aperçoit qu'elle
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reste stationnaire. S'il s'agit d'une hydropisie symptomatique, ¡1 faudra au contraire évacuer le liquide le plus tard possible, et seulement pour empêcher les angoisses et la suffocation de l'as-citique.
La ponction de l'ascite remonte aux premiers âges de la chi-rurgie ; avant J. L. Petit, à qui nous devons le trocart tel que nous le connaissons , les chirurgiens, pour faire cette opération , se servaient d'instrumens tranchans. Mais depuis, tous les divers procédés de ce genre ont été abandonnés ; à plus forte raison, on ne mentionne plus que comme historique le fer rouge, les caus-tiques et les sétons, employés par les Arabes et au moyen âge.
Le trocart est un instrument formé d'une tige métallique ronde portée à l'extrémité d'un manche. La pointe en est formée par la rencontre de trois facettes à bords tranchans. La tige du trocart est renfermée dans une gaine ou Canule en argent, rétrécie à son extrémité, de manière à faire ressort sur la pointe de la tige , et que l'on éprouve un peu de difficulté à retirer cette dernière de la gaine. L'extrémité de la canule adossée au manche s'élargit en un pavillon terminé latéralement par un bec de cuiller qui sert à faciliter l'écoulement des liquides. Il y a des trocarts de plusieurs dimensions , suivant l'espèce de ponction que l'on veut pratiquer. C'est ainsi cpie l'on distingue le trocart à paracentèse de celui pour l'hydrocèle, etc.
Depuis J. L. Petit on a modifié son instrument; il existe des trocarts plats de Wilson et André, des trocarts brisés, à langues de serpent, etc. Toutes ces innovations sont à peu-près abandon-nées, et en France, au moins, le trocart ordinaire est à-peu-près le seul mis en usage.
Malgré la simplicité de l'instrument de J. L. Petit, qui réduit la paracentèse à une simple ponction , quelques chirurgiens mo-dernes semblent vouloir revenir à l'incision. MM. Physick, Dorsev et Calaway donnent la préférence à ce dernier procédé, sous pré-texte, que l'opération est moins douloureuse. Nous ne compre-nons pas qu'un si faible avantage, si toutefois il existe, puisse faire adopter l'incision qui présente tant d'inconvéniens relati-vement à la ponction.
Lieu de Vopération. Le point des parois abdominales où l'on praticpie la paracentèse est tantôt choisi par le chirurgien et tantôt indicpié par des circonstances particulières de la maladie. Lorsque l'ascite est simple et qu'il n'existe pas de tumeur volumineuse dans le ventre, on peut choisir, sur toutes les parois molles de l'ab-domen, le lieu le plus convenable pour donner issue à la sérosité péritonéale. Dans la zone sus-ombilicale on n'a pas de gros vais-seaux à craindre, mais la présence du foie, de la rate, de l'estomac et de l'arc transverse du colon, doivent faire exclure cette région quand on peut faire autrement. Dans la zone sous-ombilicale, on a encore à éviter, sur la ligne médiane et en bas, la vessie ; à gauche , l'S iliacpie du colon ; à droite le ccecum et de plus les artères épigastriques. Ainsi, par voie d'exclusion , le lieu plus convenable, ou lieu d'élection, pour la paracentèse, se trouve renfermé clans un espace, limité en haut par l'ombilic, en bas par la vessie et latéralement par les artères épigastriques. Cepen-dant il faut choisir la partie la plus déclive. Les chirurgiens fran-çais, depuis Sabatier, adoptent en général le milieu d'une ligne tracée de l'épine iliaque antérieure et supérieure gauche à l'om-bilic. On évite ainsi la vessie et l'utérus , l'artère épigastrique qui est en dedans, l'artère iliaque antérieure et le colon qui sont en dehors.
La crainte de la lésion de l'artère épigastrique fait préférer la ligne blanche par la plupart des chirurgiens anglais; cependant plusieurs exemples cités par M. Manec et S. Cooper prouvent qu'il existe quelquefois anormalement, suivant la direction delà ligne blanche, une grosse veine sous-péritonéale , qui peut être ouverte, surtout quand on fait la ponction à l'aide de la lancette ou du bistouri. On a encore proposé comme lieu d'élection de pé-nétrer , chez la femme , par la partie postérieure et supérieure du vagin, pour arriver clans le cul-de-sac péritonéal qui existe entre la matrice et le rectum. La ponction faite clans ce point serait très convenable à cause de sa position déclive, si des changemens de rapports possibles des organes ne rendaient cette opération quel-quefois dangereuse et par conséquent exceptionnelle clans son application.
L'ascite peut être compliquée, i° par un état de grossesse; 2" par un kyste de l'ovaire; 3" par des cloisons divisant la cavité du péritoine et constituant l'hydropisie enkystée; 4" par une hy-drocèle congéniale. Chez les femmes enceintes, la préoccupation du chirurgien doit être d'éviter la lésion de l'utérus. Scarpa pro-pose de faire la ponction dans l'hypochondre gauche, un peu au dessous delà troisième fausse-côte. M. Ollivier et M. Bigot, d'An-gers, préfèrent l'ombilic. M. Velpeau, s'appuyant sur des obser-vations qui lui sont propres et sur d'autres qu'il emprunte à M. Emery, dit qu'on peut, sans danger, praticpier la paracentèse dans toute l'étendue du flanc gauche. Lorsqu'il existe en même temps que l'ascite, une bydrocèle congéniale, Morand et Ledran conseillent de ponctionner l'hydrocèle qui forme le point le plus déclive de l'épanchement. Quand on s'est assuré qu'il existe une hydropisie enkystée de même cpie clans les cas douteux, nous partageons l'avis de M. Malgaigne qui conseille de choisir le point où le liquide fait le plus de saillie et où la fluctuation se fait le mieux sentir.
ponction de l'ascite ou paracentèse.
Procédé ordinaire. Les objets nécessaires pour pratiquer la paracentèse sont : i° un trocart; 20 deux vases, l'un de peu de capacité, dans lequel est reçu le liquide, et l'autre beaucoup plus grand, dans lequel on vide le premier à chaque fois qu'il se rem-plit ; 3" quelques compresses pour recouvrir la plaie , et un ban-dage de corps pour envelopper le bas-ventre après l'opération. Le lieu de la ponction étant déterminé, le malade couché clans son lit sur un plan déclive, et le corps légèrement arqué de manière à présenter le flanc tendu en sens inverse, un ou deux aides, placés du côté opposé au chirurgien, refoulent l'abdomen du plat des deux mains pour augmenter la tension du liquide dans le point où l'on veut opérer. Le chirurgien s'arme du tro-cart; il tient le manche appuyé par son extrémité contre la paume delà main droite, tandis que le pouce et les trois derniers doigts le maintiennent latéralement L'indicateur est étendu le long de la tige, à une distance de la pointe, qui n'excède que de quelques lignes l'épaisseur présumée des parois abdominales. 11 plonge alors, par un petit coup sec, la pointe de l'instrument à travers les tégumens fortement tendus; le doigt indicateur limite la pro-fondeur à laquelle elle doit pénétrer. Il est important, dans cette opération, que le trocart soit présenté bien perpendiculairement; sans cette précaution, au lieu de pénétrer clans la cavité périto-néale, il pourrait glisser et se loger entre les muscles abdominaux. Comme dans toutes les ponctions, au milieu d'une cavité remplie par un liquide , le défaut de résistance et la mobilité de l'extré-mité de l'instrument indiquent qu'elle nage clans le liquide. L'opé-
rateur alors, saisissant la canule entre le pouce et l'indicateur de la main droite, retire le manclie avec les mêmes doigts de l'autre main; la sérosité s'écoule immédiatement.
Lorsque la quantité de liquide à évacuer est considérable, l'é-coulement a lieu pendant long-temps avant qu'il soit nécessaire de comprimer soigneusement pour le faciliter. Il se supprime ce-pendant quelquefois tout-à-coup. Cet accident est dù le plus ha-bituellement, soit à la présence des flocons albumineux ou de fausses membranes qui bouchent la canule, soit à ce qu'une portion d'épiploon ou une anse d'intestin viennent se placer au devant de son orifice abdominal. Dans la nécessité de rétablir le jet du liquide, on a recours à l'introduction d'un stylet mousse, pour extraire, dans le premier cas, les corps flottans qui font ob-stacle, et, dans le second , pour repousser les viscères au dedans. On empêche ce dernier accident de se reproduire en inclinant la canule dans divers sens. A mesure que se prononce l'affaisse-ment du ventre, qui suit l'évacuation, on comprime plus exacte-ment en amenant le liquide des divers points du bas-ventre vers l'orifice de la canule, et l'on continue ainsi jusqu'à ce cpie toute la sérosité soit écoulée.
L'opération terminée, le chirurgien, pour retirer la canule, la saisit par son pavillon avec le pouce et l'indicateur de la main gauche; des mêmes doigts de l'autre main, il appuie légèrement pour faire opposition des deux côtés de la plaie : tirant alors avec douceur sur l'instrument, il le dégage sans peine et l'amène au dehors.
Pour le pansement on applique, sur la petite plaie , des com-presses trempées dans une solution excitante, et on pose le ban-dage de corps, que l'on maintient un peu serré. La compression a pour effet de soutenir les parois abdominales et d'augmenter leur résistance. Sous ce dernier rapport, en raison de l'obstacle qu'elle oppose au retour de l'hydropisie, elle doit être maintenue d'une manière continue jusqu'à ce que la gêne produite par une nouvelle accumulation de liquide force d'en suspendre l'usage.
Divers accidens peuvent entraver le cours de l'opération de la paracentèse , les principaux sont la syncope et l'hémor-rhagie.
On a donné plusieurs explications de la cause de la syncope après la paracentèse. Nous regardons, comme la plus probable, l'accumulation du sang qui se fait clans les vaisseaux abdomi-naux, devenus libres tout-à-coup, tandis qu'ils ont été long-temps affaissés sous la pression d'une force graduellement croissante. On fait cesser habituellement cette syncope par 1 ^inspiration de vapeurs excitantes. L'emploi de ces moyens est certainement utile comme stimulans du système nerveux. Nous regardons cependant, comme plus efficace, la compression du bas-ventre faite le plus tôt possible avec un bandage un peu serré.
L'hémoirhagie, à moins que l'on ait opéré imprudemment dans le voisinage des artères, est ordinairement causée par des veines. Il arrive quelquefois que cet accident est produit par la lésion de quelqu'une des veines sous-cutanées, dont le volume est beaucoup augmenté. On doit avant l'opération essayer de recon-naître le trajet de ces vaisseaux pour les éviter. Néanmoins lors-que la ponction étant faite, du sang s'écoule en certaine abon-dance, on tâchera de s'assurer s'il est artériel ou veineux et s'il dépend delà lésion d'un vaisseau des parois du ventre. Dans ce dernier cas, Petit-Radel conseille un moyen employé avec succès par M. Cruveilhier, et qui consiste à pincer dans un pli des par-ties molles le trajet du trocart en le comprimant avec les doigts jusqu'à ce que riiémorrhagie ait cessé. Bellocq se servait d'un bouchon de cire ou d'une bougie de gomme élastique, dont il rem-plissait exactement la plaie. M. Velpeau propose un bouchon d'é-ponge préparée qui, en s'imbibant de liquide au fond de la plaie, exercerait une compression excentrique très avantageuse. De crainte que cette éponge ne se brisât en la retirant, on pour-rait préalablement la nouer avec un fil qui servirait plus tard à l'extraire avec facilité.
Modification de M. Fleury. Elle consiste à introduire, par la canule du trocart, supposée d'une assez grande dimension , un fragment de sonde de gomme élastique cpie l'on fait glisser jus-qu'à la profondeur convenable dans la cavité de l'abdomen. On retire ensuite la canule, et le liquide s'écoule parla sonde. L'objet de cette modification est de n'opérer qu'avec lenteur la sortie du liquide, la sonde laissée à demeure pendant plusieurs heures, permettant, à l'aide d'un bouchon que l'on enlève ou que l'on replace à volonté, de pratiquer plusieurs évacuations de manière à faciliter le retrait des parois abdominales et à prévenir la syn-cope cpii survient fréquemment lorsque l'évacuation totale est pratiquée brusquement et d'une seule fois. Cet avantage du pro-cédé de M. Fleury l'avait fait beaucoup louer par quelques chi-rurgiens ; mais nous allons voir qu'il le cède beaucoup au pro-cédé suivant bien mieux calculé pour obtenir les mêmes effets.
Procédé de M. Baudens. L'observation d'un cas fortuit a fourni à M. Haudens l'idée première de ce procédé cpii se trouve être l'imitation de ce que lui avait offert la nature. Il s'agissait d'un malade affecté d'ascite chez lequel l'anneau ombilical dis-tendu par la collection liquide avait fini par former une petite ul-cération par laquelle s'était préalablement évacuée la collection liquide, puis une fistule avait continué de donner lentement issue à la sérosité, de sorte que le chirurgien n'eut plus qu'à faire cicatriser cette fistule pour confirmer la guérison dont la nature seule avait fait les frais.
En imitation de ce résultat accidentel, M. Baudens a imaginé de pratiquer la ponction avec une canule qu'on laisserait à demeure et qui permettrait d'obtenir peu-à-peu le retrait des parois abdo-minales par une série de ponctions graduées pratiquées à divers temps, au fur et à mesure cpie la collection se reforme. Voici en quoi consiste son procédé :
L'instrument estime canule en argent, courbe, d'une longueur de 12 à i5 centimètres, de 2 à 3 millimètres de calibre, et environ de 2 centim. de flèche, percée au milieu de sa courbure, cpii baigne dans le foyer, d'un trou ovalaire par lequel le liquide s'introduit dans la canule. Pour s'en servir, l'instrument se trouve converti en trocart par une tige d'acier servant de mandrin, et dont l'extrémité qui ressort de la canule, est terminée par une pointeprismatique à trois facettes. Larégion ombilicale est, autant que possible, le lieu d'élection choisi parle chirurgien. Le malade étant placé dans la situation ordinaire, l'opérateur, avec ses deux mains et en se faisant aider par un aide, rassemble, autant que le lui permet la distension de la paroi abdominale, les tégumens et les muscles en un pli vertical et légèrement oblique, dont il main-tient de la main gauche l'extrémité supérieure, tandis cpie l'infé-rieure est fixée par l'aide; puis de sa main droite armée du trocart courbe, dont l'indicateur dirige la convexité, il présente un peu obliquement la pointe de l'instrument, perfore la paroi par un coup sec, s'assure par le jeu libre de la pointe en dedans qu'elle est réellement dans la cavité abdominale, puis en continuant le
mouvement dans la même direction, fait ressortir la pointe à l'ex-térieur par une nouvelle ponction de la paroi pratiquée de dedans en dehors. Lâchant alors le pli dermo-musculaire, les parties molles, en reprenant leur position, viennent s'étendre à droite et à gauche le long de la canule de l'instrument. Il ne s'agit plus que de retirer la tige pour donner issue au liquide épanché. Du reste, les préceptes ultérieurs sont les mêmes que dans toute es-pèce de ponction.
La possibilité qu'offre ce procédé de faire évacuer le liquide à tout moment quelconque, a permis à M. Baudens de ne pas pro-duire, dès la première fois, l'évacuation complète , pour éviter les syncopes. Il préfère ne donner d'abord issue qu'à la moitié de la collection liquide; tin petit couvercle qui s'adapte à l'extrémité supérieure de la canule, et un bouchon en boisa l'autre extrémité, interrompent de suite l'écoulement. Après six ou douze heures, on procède à de nouvelles évacuations , mais encore plus modé-rées, en laissant exprès une portion de liquide ; rien de plus simple que cette opération nouvelle et toutes celles qui la suivent, puis-qu'il ne s'agit plus que d'ôter le bouchon. La même manœuvre est répétée matin et soir le lendemain et les jours suivans, et c'est le malade lui-même qui donne issue au liquide. Il suffit pour qu'on se confie en lui qu'il soit assez intelligent pour s'arrêter à temps avant cpie le malaise se fasse sentir.
Tel est en sommaire le procédé de M. Baudens, qui compte jus-qu'à ce moment trois cas d'application, dont deux suivis de succès. Ce chirurgien m'a fait voir deux de ses malades, un, en particulier, était un ancien militaire cpii au moment de l'opération était affecté d'une énorme ascite avec un œdème considérable des membres et de la partie inférieure du tronc, et menace perpétuelle de suf-focation. Il y avait neuf jours que la première opération avait été pratiquée. Non-seulement le ventre était souple et indolent, mais les membres et le tronc étaient si complètement évacués qu'à la tuméfaction première avait succédé la maigreur et la sécheresse de tissus habituelles au sujet. Les urines étaient devenues très abondantes, et les digestions se faisaient bien. Depuis plusieurs jours, ce malade évacuait lui-même, à trois ou quatre heures d'in-tervalle , la sérosité qui devenait de moins en moins abondante, et qui, de citrine qu'elle était d'abord, commençait à prendre un aspect lactescent. J'ai su que depuis ce malade avait succombé à une nouvelle invasion d'une ancienne affection arthritique.
Ce procédé de ponction graduée de l'ascite au moyen d'une canule à demeure, a servi de base à une méthode générale qu'em-ploie aujourd'hui M. Baudens, et qu'il applique avec succès à l'en pyème, à l'hydrocèle, et en général à toutes les collections séreuses.
TUMEURS HUMORALES DU FOIE.
Le foie est assez fréquemment le siège de diverses collections liquides, du pus , de la sérosité , des hydatides dont l'accumula-tion entraîne la destruction de l'organe et la mort du malade, si la nature ou l'art ne parviennent à donner issue au liquide ou aux matières organiques épanchées. Les exemples sontnombreux dans les auteurs, de collections du foie ou de la vésicule biliaire cpii se sont fait jour naturellement, soit par le tube intestinal, soit par les poumons, soit enfin à la peau par une ulcération, ou un trajet fistuleux. Ce résultat,obtenu par la nature,aurait pu servir d'exem-ple aux chirurgiens pour l'imiter, s'ils avaient pu en reconnaître le mécanisme. Mais malheureusement l'ignorance de la théorie a fait obstacle aux tentatives de ce genre. Jean-Louis Petit est le seul cpii ait osé proposer l'issue d'une collection de la vésicule biliaire. Aujourd'hui on sait que c'est parle moyen des adhé-rences péritonéales entre les feuillets adjacens que peut se former un trajet accidentel sans crainte d'épanchement dans la cavité même du péritoine. C'est par suite de ces adhérences que les tu-meurs du foie ont pu se vider dans le tube intestinal , et c'est par un trajet de même nature au travers des fibres du diaphragme, que continuait plus haut une semblable adhérence des plèvres, et la formation d'un canal muqueux accidentel dans le tissu du poumon , que les collections liquides du foie ont. pu être éva-cuées par la trachée-artere. Ainsi donc aujourd'hui, en théorie, la condition essentielle à la formation d'un trajet fistuleux vers la surface cutanée, étant l'adhérence préparatoire du feuillet pé-ritonéal du foie avec le feuillet viscéral, le diagnostic nécessai-rement vague et obscur consiste à déterminer s'il est probable que ces adhérences existent, et dans le cas contraire, le premier objet de Fart est d'en provoquer la formation. Il faut le dire, cette précaution préliminaire est toujours le plus sûr. Une nou-velle irritation des surfaces n'ayant, aucun inconvénient, si déjà les adhérences existent, et l'absence de ce moyen préparatoire pouvant donner lieu immédiatement à une péritonite par épan-chement, si les adhérences n'existaient pas ou si la surface n'en était pas assez étendue.
Nous avons dit plus haut que le diagnostic des adhérences est toujours vague et obscur , nous aurions pu ajouter qu'il en est de même des tumeurs humorales du foie quand il s'agit d'en pré-ciser la nature.
Or, pour le chirurgien appelé à exercer une action décisive, il importe de bien se pénétrer de ces vérités. Quels sont en effet les signes diagnostiques d'une tumeur humorale du foie? La saillie de l'hypochonclre, une fluctuation plus ou moins douteuse, un empâtement des tégumens en regard ; le tout coïncidant avec quelques signes particuliers de troubles dans les organes de la di-gestion qui existent depuis un temps plus ou moins long. Voilà ce qu'il y a de positif pour tout le monde; tout le reste n'offre qu'incertitude. Sans cloute il est arrivé que des praticiens , et en particulier M. Récamier, aient diagnostiqué nettement une espèce de tumeur, et cpie la ponction ait justifié leur attente; mais cette précision de diagnostic, qui tient à un instinct particulier et à un tact excpiis, ne peut pas servir de règle dans la pratique oû l'on a besoin de signes positifs et certains, qui aient la même valeur pour tout le monde. Ainsi donc, un cas étant donné d'une tu-meur du foie, dont, après consultation, il paraît nécessaire d'ob-tenir l'évacuation, à notre avis, la première condition est de dé-terminer l'adhérence. Trois procédés sont fondés sur cette doc-trine. Dans tous, le lieu d'élection indiqué par la nature elle-même, est le point où l'organe faisant saillie sous le rebord des côtes, a déjà donné lieu à un empâtement des tégumens.
Procédé de M. Graves. La première proposition en remonte à 1827. L'auteur incise couche par couche les tissus avec le bis-touri, jusqu'à 2 ou 3 millimètres de la couche d'adhérences ou au moins du feuillet péritonéal de la paroi abdominale, en ayant soin que son incision atteigne à une égale profondeur d'un angle à l'autre comme on le pratique pour la ligature des artères. Il remplit alors la plaie de charpie, pour déterminer au fond de la plaie une inflammation dont l'effet est de donner lieu à des ad-hérences, s'il n'y en avait pas encore de formées, puis consécuti-vement de déterminer la rupture ou l'ulcération des tissus deve-nus sécables, l'ouverture du foyer se trouvant ainsi le résultat de tout mouvement un peu fort imprimé aux parois abdominales.
Modification de M. Bégin. Le procédé de ce chirurgien n'est autre que le précédent; seulement au troisième jour de l'o-pération , lorsqu'il est probable que les adhérences sont assez étendues pour ne pas craindre un épanchement, au lieu d'at-tendre l'ouverture spontanée du foyer, M. Bégin l'ouvre par une ponction avec le bistouri. Cette manière d'agir qui semble plus hardie, est peut-être cependant plus sûre que l'autre, le chirur-gien choisissant le lieu le plus convenable et pouvant à volonté limiter la ponction , tandis que l'ouverture accidentelle du foyer peut s'étendre par déchirure plus loin que la surface d'adhérence.
Procédé de M. Rècamier (Pl. 20, fig. 3). Ce médecin ouvre le foyer au moyen de la potasse caustique. Si la tumeur présente à l'extérieur un sommet et qu'il semble déjà que la paroi abdo-minale soit ulcérée en dessous, M. Récamier se contente d'appli-quer au milieu de la saillie un morceau un peu épais de potasse caustique, pour obtenir une eschare d'une largeur et d'une pro-fondeur suffisantes. Si au contraire la paroi abdominale paraît encore intacte, il applique en forme de couronne, autour du sommet, plusieurs morceaux de potasse caustique qui, par la somme de leurs effets, doivent produire une seule eschare d'une grande étendue. Dès que l'action est produite, il fend avec le bis-touri cette première eschare superficielle pour mettre à décou-vert une nouvelle couche de tissus, au centre de laquelle il ap-plique de nouveau la potasse, et s'il en est besoin il continue ainsi par une série de cautérisations à entamer des couches de plus en plus profondes, dont la dernière, au voisinage du foyer, doit avoir pour effet de déterminer les adhérences qu'il s'agit de produire. Après deux ou trois jours de la dernière application du caustique et lorsque le sommet du doigt introduit dans la plaie perçoit distinctement la fluctuation dans le foyer, M. Récamier l'ouvre enfin par ponction avec le bistouri ou un trocart. Après que la masse du liquide a été évacuée, l'auteur facilite l'expulsion par quelques pressions doucement ménagées et déterge la surface du foyer par des injections médicamenteuses qu'il laisse séjourner dans sa cavité, dans l'intervalle d'un pansement à l'autre. En quelques jours la cavité intérieure se rétrécit, et M. Récamier a pu obtenir ainsi, contre tout espoir, des guérisons que le temps a confirmées.
On a proposé dans ces derniers temps d'avoir recours au même procédé pour obtenir l'extraction des calculs de la vésicule bi-liaire , suivant le conseil donné autrefois par Jean-Louis Petit, pour les tumeurs diverses qui ont leur siège dans cette cavité. Mais jusqu'à présent aucune opération de ce genre n'a encore été pratiquée.
Enfin, c'est parles mêmes moyens qu'il convient d'ouvrir toutes les tumeurs enkystées de la cavité abdominale; seulement pour la simple hydropisie enkystée ou le kyste hydatique , il suffit de la ponction suivie d'injections, sans qu'il soit besoin d'avoir re-cours aux caustiques, l'étendue restreinte de la tumeur tenant lieu des adhérences que, dans les autres circonstances, il est né-cessaire de provoquer.
CORPS ÉTRANGERS DANS LE TUBE DIGESTIF.
gastrotomie.
Il arrive fréquemment que des projectiles, balles, chevro-tines, etc., lancés par des armes àfeu, pénètrent dans l'abdomen. L'expérience en pareil cas prouve que ces corps étrangers, ou t. vu.
sont amenés au dehors par les seules forces de la nature, ou s'en-kystent d'eux-mêmes dans quelque point déclive et y demeurent inoffensifs. On a vu ainsi, à toute époque, guérir sans aucune opération un grand nombre de malades, chez lesquels des vis-cères, le foie, l'intestin, la vessie, le rectum, etc., avaient été traversés de part en part, comme on en trouve de nombreuses observations dans Theden, Larrey, Dupuytren, et comme, en gé-néral, les fastes de la chirurgie militaire en sont remplis. Aussi le précepte est-il bien établi, dans les plaies de cette nature, si lecorps étranger n'a pu être extrait tout d'abord, d'attendre, pour agir, et de surveiller les phénomènes quise présenteront. D'un autre côté, il est assez commun , par suite d'étourclerie, de maladresse, ou par quelque plaisanterie insensée , que des corps étrangers, même de très grand volume, soient avalés et s'arrêtent dans quelque partie du tube digestif, soit l'estomac ou un point quelconque du tube intestinal, où leur présence donne lieu à des accidens telle-ment graves qu'une opération soit jugée nécessaire. De là deux genres de sections, celle de l'estomac et celle de l'intestin, com-prises mal-à-propos, sous la dénomination commune de gastro-nomie. Mais, pour adopter des opérations aussi hardies, encore faut-il voir si elles sont justifiées par les faits. Or, en consultant les annales de l'art, on voit que ce qui arrive pour les projectiles survient également pour les corps étrangers introduits dans les voies digestives. Tout le monde connaît ces histoires consignées dans les cas rares où des épis d'orge , des lames de canif ou de couteau, des aiguilles en grand nombre, ont été expulsés par des abcès aux parois du tronc, et surtout à la région inguinale. On a même vu sortir ainsi des corps d'un très grand volume. A. Paré raconte, d'après Cabrolle, le fait d'un couteau qui fut extrait de l'aine après six mois; A.Dubois a extrait une lame de couteau d'un abcès à la fosse iliaque , et M. Otto, une cuillère à café d'une tu-meur semblable , à l'épigastre. Enfin , un extravagant, nommé Pierre Yvers, dont Blégny a rapporté l'histoire, a donné lieu par forfanterie à trois faits de ce genre. Il a pu avaler, puis expulser successivement après plusieurs mois, avec un bonheur dont il n'était pas digne, la première fois un affiloir de charcutier sorti par l'hypochondre droit, la seconde, un pied de marmite, éliminé par l'hypochondre gauche ; la troisième un couteau depochequise fit jour par les lombes. Enfin il y a des chances pour cpie des corps étrangers soient rendus naturellement par l'anus après avoir par-couru toute la longueur du tube digestif. Ce fait se voit journel-lement pour des corps d'un petit volume : des noyaux de fruits , des pièces de monnaie , etc. ; mais on a vu sortir également par cette voie des corps d'un volume , ou au moins , d'une longueur considérable. Le cas de ce genre le plus extraordinaire est celui rapporté par Legendre (Bibliot. de Planque, t. III, p. 56o), où le corps étranger n'était rien moins qu'une fourchette, dont la forme semble si peu se prêter à une expulsion régulière.
Tant de faits semblent corroborer le précepte d'attendre. Pour-tant c'est dans les cas de ce genre qu'a été pratiquée la gastroto-mie. Sans parler des faits anciens rapportés par A. Paré, Graeger ( [613), Frisac, Beckher, on possède les cas plus récens rapportés par Cayroche (Bul. de la fac.) et de Valentin (1807), où les ma-lades ont guéri après l'extraction de la cavité de l'estomac, d'une fourchette clans le premier cas, et d'une cuiller dans le second. Ces observations sans doute sont les meilleurs argumens en fa-veur de la section de la paroi abdominale. Toutefois, à l'applica-tion, comme nous le verrons plus loin, il n'en reste pas moins douteux de savoir dans cpiel cas, ou plutôt s'il est des cas où cette opération est suffisamment motivée.
Section de l'estomac. Si le corps*étranger d'un volume ou d'une longueur considérable et placé en arc-boutant, dans un point quelconque de la cavité de l'estomac, fait saillie à l'exté-rieur, et surtout s'il a déjà donné lieu à la formation d'un abcès, comme il est presque certain que déjà un cercle d'adhérences est formé, il est évident que c'est sur la saillie même du corps étran-ger qu'il convient d'inciser pour l'extraire. Si au contraire la présence de ce corps n'est indiquée par aucun signe extérieur, de telle sorte que le lieu de son gisement soit ignoré, c'est le cas de pratiquer l'opération sur le lieu d'élection, c'est-à-dire sur la ligne blanche où l'on ne trouve sur le trajet de l'instrument que des tissus fibreux et des vaisseaux de très petit volume.
Procédé opératoire. Le malade étant couché sur le dos, le thorax légèrement fléchi sur l'abdomen, à partir de deux centi-mètres au-dessous de l'appendice xiphoïde , abaisser sur la ligne médiane, dans une longueur de 8 à 9 centimètres, une incision à plat que l'on continue régulièrement couche par couche, d'un angle à l'autre de la division, dans l'épaisseur de la ligne blanche jusqu'au voisinage du péritoine. Dès qu'on est arrivé sur cette membrane, y faire avec précaution une simple piqûre par la-quelle on fait glisser une sonde cannelée, élargir l'orifice avec le bistouri porté dans la cannelure; mais seulement clans l'étendue nécessaire pour introduire l'indicateur gauche que l'on insinue, enduit avec de l'huile d'olives, dans la cavité abdominale. Se ser-vant alors de ce doigt en guise de crochet pour soulever la paroi abdominale et, en même temps, écarter les viscères digestifs et principalement les intestins, souvent remplis de gaz, qui tendent à faire hernie au dehors, le chirurgien glisse à plat, sur le doigt, un bistouri boutonné dont il relève le tranchant pour agrandir l'incision de l'un à l'autre angle de la plaie. La cavité abdomi-nale étant mise à découvert, on refoule en bas avec beaucoup de précaution le grand épiploon, et l'arc transverse du colon, pour découvrir la face antérieure de l'estomac. L'opération amenée à ce point, on a discuté dans ces derniers temps s'il convenait d'es-sayer d'obtenir l'adhérence péritonéale de l'estomac avec la paroi abdominale avant d'ouvrir ce viscère. Mais cette question ne nous paraît même pas raisonnable. Les cas où il est indispensable de pratiquer la gastrotomie sont heureusement très rares, si même il y a véritablement des cas de nécessité autres que ceux où la vie du malade est en danger actuel ; c'est presque dire les cas où il existe déjà une péritonite qui rend fort incertain le succès de l'opération. Toutefois, en nous bornant à prendre le fait même de l'opération commencée, comme c'est dans la lésion du péri-toine avec introduction de l'air dans sa cavité que consiste le danger principal, et cpie de mettre l'air en contact avec la mu-queuse gastrique, c'est-à-dire avec une surface cutanée, n'est presque en comparaison qu'un fait inoffensif, en tant que d'avoir osé ouvrir la cavité abdominale, le chirurgien doit n'avoir rien de plus pressé que d'inciser immédiatement l'estomac pour ex-traire le corps étranger. Le lieu de l'incision, au reste, n'est pas indifférent. C'est dans l'espace où les vaisseaux sont le moins volumineux, qu'il convient d'ouvrir ce viscère, c'est-à-dire sui-vant la ligne longitudinale intermédiaire de la grande à la petite courbure et sur le milieu même de la longueur de l'estomac, en évitant de trop se rapprocher de la portion splénique où les artères d'anastomose de l'un à l'autre bord sont volumineuses et en grand nombre. Une autre observation qui a de l'importance , c'est avant d'ouvrir la paroi de l'estomac, de l'amener à la sur-face de la plaie, et de la faire saillir au dehors, pour recevoir et faire évacuer au dehors les liquides et les matières quelconques renfer-més dans la cavité du viscère , et dont la moindre portion épan-chée dans la cavité péritonéale aurait les conséquences les plus funestes. En voilà du reste bien assez sur une opération qui , bien qu'ayant été pratiquée, ne figure en réalité dans les livres d'enseignement que pour mémoire, les cas dans lesquels il con-viendrait d'y avoir recours n'étant définis nulle part. En effet, quel que soit l'état général du malade, s'il n'y a point encore gas-tro-péritonite, la conduite du chirurgien serait à peine justifiable de pratiquer une opération si grave pour l'extraction d'un corps étranger cpii peut, par le seid fait de la nature, se faire jour au dehors, comme le prouvent tant défaits consignés clans les an-nales de la science; et si au contraire il existe une gastro-péri-tonite, personne ne songerait à pratiquer une semblable opéra-tion clans des circonstances aussi graves.
Soins consécutifs. L'opération terminée, il s'agirait de recoudre la plaie de l'estomac et de faire cicatriser l'incision opérée au bas-ventre. Les moyens d'y parvenir appartiennent aux procédés gé-néraux d'entéroraphie sur lesquels nous reviendrons plus loin.
Section de lintestin. C'est sous ce nom que nous désignons une opération à laquelle conviendrait proprement la dénomi-nation d'entérotomie, si nous ne devions respecter l'usage établi de l'appliquer spécialement, quoique avec beaucoup moins de raison, aux sections partielles des éperons membraneux dans les anus contre nature. Si déjà la section de l'estomac , pour extrac-tion de corps étrangers, nous a paru une opération à peine pro-posable par impossibilité de fixer les cas où elle pourrait être rigoureusement nécessaire, à plus forte raison faut-il condamner la section de l'intestin, vu l'ignorance où l'on est presque tou-jours de la situation réelle du corps étranger. Cette cause d'o-pération , du reste, n'est pas la seule cpii pourrait motiver une semblable opération : l'étranglement interne, le volvulus et l'in-vagination en offrent des cas d'application beaucoup plus communs.
C'est donc plus particulièrement à propos de l'étranglement interne cpie se présentera l'occasion de décrire la section de l'in-testin.
PLAIES DE L'ABDOMEN.
En médecine opératoire comme en chirurgie, les plaies de l'ab-domen se distinguent en plaies simples et en plaies pénétrantes. Les premières dont il s'agit uniquement d'obtenir la réunion n'offrent rien de particulier; c'est des secondes que nous avons spécialement à nous occuper.
Les plaies qui pénètrent dans la cavité abdominale peuvent avoir intéressé seulement le péritoine ou avoir lésé quelqu'un des viscères abdominaux, d'où résultent des indications diffé-rentes.
plaies pénétrantes simples.
Dans toute lésion un peu étendue de la paroi abdominale, dès qu'elle dépasse quelques centimètres, il se fait une hernie des organes les plus mobiles, l'intestin et l'épiploon. Si du reste ces organes n'ont pas été atteints , le chirurgien n'a autre chose à faire que de nettoyer soigneusement les viscères hernies avec de l'eau tiède ou une solution mucilagineuse, et de réduire aussitôt
ces viscères au dedans. Si la niasse d'intestins au dehors était trop considérable ou cpie l'augmentation de son volume, par des ma-tières fécales ou de gaz, en rendît le taxis trop difficile et dange-reux, sans qu'il y eût pourtant étranglement, il vaudrait mieux, comme dans ce dernier cas, débrider la plaie en prolongeant un peu l'incision, comme il sera dit plus loin.
Le procédé de taxis est le même que pour les hernies, c'est-à-dire cpi'avec les doigts enduits d'huile d'olives ou d'une solution mucilagineuse, pendant que d'une main le chirurgien abaisse la masse viscérale pour dégager l'orifice de la plaie, avec les trois premiers doigts de l'autre main il essaie de faire rentrer peu-à-peu les anses intestinales par le côté de la plaie où la striction est la moins forte, en comprimant légèrement à mesure qu'une por-tion est réduite pour l'empêcher de sortir de nouveau, tandis que les doigts de l'autre main recommencent la même manoeuvre pour réd uire une nouvelle portion d'intestin , et ainsi de suite jus-qu'à ce que la masse entière soit rentrée dans l'abdomen.
Lorsque le taxis est opéré , il ne s'agit plus que de réunir les bords de la plaie à la paroi abdominale. On y parvient par la position demi fléchie, l'emploi de la suture entrecoupée ou en-chevillée et même au besoin les bandelettes agglutinatives, le tout fixé par un bandage de corps.
plates avec étranglement des viscères hernies.
Lorsque le volume des viscères sortis au dehors est considé-rable et l'orifice de la plaie très étroit, et surtout s'il s'est déjà écoulé un temps assez considérable depuis le moment de l'acci-dent, de telle sorte que des matières fécales ou des gaz se soient accumulés dans l'intestin , et que toutes les parties herniées se soient gonflées par l'afflux des liquides dans leurs vaisseaux , il arrive fréquemment qu'une portion ou la totalité des viscères au dehors soit étranglée et se présente à divers états d'altération morbide , depuis la simple fluxion jusqu'à la congestion inflam-matoire et à la gangrène. La conduite du chirurgien varie sui-vant la nature des viscères hernies, intestin ou épiploon, ou tous les deux réunis, et d'après la nature et le degré d'intensité des désordres qui sont déjà produits.
Etranglement de F épiploon isolé.
i° Etranglement simple. Si la plaie, étant très petite, n'a donné issue qu'à un petit fragment d'épiploon, et que du reste le ma-lade n'éprouve ni douleur ni malaise dans les différentes atti-tudes du corps, incliné sur le côté ou renversé en arrière, on prescrit généralement dans le cas où cette portion d'épiploon ne peut pas être réduite, de la laisser dans sa position où elle bouche la plaie, après toutefois s'être assuré en la déplissant qu'elle ne renferme pas quelque petit pli d'intestin qui se trouverait pincé. Cette recherche est souvent assez difficile, mais ordinairement quand cet accident existe, il se trahit de lui-même par une dou-leur locale et quelques signes de troubles dans les organes diges-tifs. Si au contraire la portion d'épiploon hernie est d'un grand volume , de telle sorte qu'elle force le malade à rester le tronc fléchi, et surtout s'il se manifeste quelques signes d'étranglement, il est indispensable de débrider pour opérer la réduction. Saba-tier, dans ce cas, conseille de pratiquer le débridement de préfé-rence vers l'angle inférieur de la plaie pour ne pas blesser l'épi-ploon tendu entre la partie supérieure de la plaie et les atta-ches gastro-coliques.
2" Etranglement avec gangrené. Dans le siècle dernier, on avait admis en précepte, dans le cas de gangrène, de faire la liga-ture de la portion berniée de l'épiploon jusqu'à l'orifice de la plaie. Mais les acciclens auxquels a donné lieu la striction y ont fait renoncer. L'excision de la portion berniée est plus simple , mais on lui a reproché de pouvoir causer des hémorrhagies in-ternes après la réduction. Aujourd'hui pourtant, avec les nou-veaux procédés de mâchure et de torsion des artères , il semble qu'on pourrait, sans trop de danger, pratiquer cette opération. Toutefois, nous n'oserions pas conseiller positivement cette ma-nière de procéder, qui n'a pas encore reçu la sanction de l'expé-rience. Un troisième parti à prendre est d'abandonner l'épiploon au dehors, en attendant, pour fermer la plaie, que la mortification ait fait détacher la portion berniée. C'est le précepte auquel se tiennent le plus grand nombre des chirurgiens.
Etranglement de l'intestin isolé.
i" Etranglement simple par la paroi abdominale. Dans le cas de l'étranglement de l'intestin à l'orifice de la plaie, deux indications se présentent : diminuer le volume de l'intestin ou élargir l'ouverture des parties molles. La diminution du volume de l'intestin ne peut offrir de chances raisonnables qu'autant cpie l'organe lui-même n'est point très épaissi par la congestion in-flammatoire, et que le grand volume des circonvolutions n'est dû qu'à des gaz ou à des matières très fluides. C'est dans un pareil cas de gonflement gazeux qu'Ambroise Paré a pu évacuer l'in-testin par de simples piqûres d'aiguilles , et c'est dans le même but qu'on a conseillé , dans ces derniers temps , de petites ponc-tions avec des tubes de très petit volume adaptés à une pompe faisant aspiration. Mais le moyen, par excellence, est le débride-ment. Les règles générales de cette opération , dont nous avons déjà vu plus haut l'une des indications particulières, sont i°de ne donner à l'incision que l'étendue absolument nécessaire pour la réduction , afin de diminuer les chances d'une hernie ventrale consécutive ;
2° Autant que possible, de débrider vers l'angle supérieur de la plaie, la pression des viscères abdominaux s'exerçant avec d'autant plus de force que les points sont plus déclives;
3° D'éviter les trajets connus des vaisseaux et des nerfs.
Appareil instrumental. Il est le même que pour les étrangle-mens herniaires, l'indication étant d'inciser les chairs dans l'un des angles de la plaie , sans blesser les viscères mobiles qui dé-bordent au dehors et, dans leur glissement, tendent à s'offrir sur le trajet de l'instrument tranchant. La première condition est de réunir et d'écarter, avec les doigts rassemblés, le paquet intestinal, et de se servir pour le débridement d'instrumens protecteurs. On a rejeté depuis long-temps la plaque ailée de Méry, les bistouris herniaires de Bienaise, Ledran et Morand. Les instrumens dont on se sert sont la sonde cannelée, ou la spatule cannelée de M. Vidal, les bistouris droits, simples ou boutonnés, ou le bis-touri courbe boutonné de Pott.
Trois procédés sont mis en usage, mais qui, dans le fait, ne sont que des modifications d'un procédé unique.
Manuel opératoire. Le malade étant couché sur le dos, la par-lie supérieure du tronc soulevée , le thorax et les cuisses légère-ment fléchis sur l'abdomen, le chirurgien, connue nous l'avons dit plus haut, abaisse avec les doigts de la main gauche, vers
l'angle inférieur de la plaie, la portion d'intestin herniée. Sa con-duite ultérieure varie suivant que l'étranglement est plus ou moins prononcé.
Premier sous-procédé. Si la striction de l'orifice n'est pas très forte, de telle sorte qu'il reste encore un peu de passage dans l'o-rifice supérieur de la plaie, delà main droite, armée d'une sonde cannelée, l'opérateur introduit d'abord perpendiculairement le bec de l'instrument jusque dans la cavité abdominale, puis fait glisser à plat la sonde sous le péritoine pariétal. Saisissant alors la tige de l'instrument, entre le pouce et l'indicateur de la main gauche, dont les trois derniers doigts continuent de déprimer en bas l'in-testin hernie, la main droite armée du bistouri en fait glisser la pointe obliquement, le tranchant en haut dans la cannelure de la sonde, en relevant promptement la lame pour limiter l'incision à l'étendue nécessaire. L'essentiel, dans cette manœuvre, c'est que l'intestin, tant à l'extérieur qu'au dedans de la cavité abdo-minale, soit assez exactement fixé pour qu'il ne vienne point se faire blesser en glissant sur les côtés de la lame. L'incision termi-née, sans lâcher encore l'intestin, on retire d'un même coup le bistouri et la sonde, sans changer leurs rapports de manière que la sortie de la lame s'effectue sans accident.
Deuxième sous-procédé. Il consiste à débrider sur l'extrémité de l'index servant de conducteur, dans les cas où la striction est trop forte pour permettre l'introduction de la sonde, l'intestin hernie étant abaissé, comme nous l'avons dit, vers l'angle infé-rieur de la plaie, de manière à démasquer l'angle supérieur; l'ex-trémité huilée du doigt indicateur est glissée sous l'angle inférieur, la pulpe du doigt en dessus, et, en dessous, l'ongle qui doit être assez court pour ne pas blesser l'intestin avec lequel il est en contact. Si le paquet d'intestin hernie est d'un certain volume, il pourra être nécessaire, pour cette manœuvre, de le faire conte-nir par un aide avec l'extrémité de ses doigts portés à plat, ou mieux en recouvrant préalablement le paquet intestinal avec un linge usé, imbibé d'une solution mucilagineuse. Toutes les pré-cautions étant prises pour ne point blesser l'intestin , et l'extré-mité de l'indicateur servant à le protéger dans le cercle même de l'étranglement, le chirurgien glisse à plat sur le doigt la pointe d'un bistouri, et incise successivement par couches la peau et les muscles jusqu'au voisinage du péritoine. Parvenu sur cette mem-brane, on peut ou la diviser sur la sonde cannelée, ou la déchi-rer dans une petite étendue en pressant de dedans en dehors avec le doigt. Le mieux , si elle se présente à découvert sur le doigt, est de prolonger la section avec des ciseaux. Sabatier pense que l'on doit se dispenser de l'ouvrir davantage, sa laxité empêchant, dit-il, qu'elle ne puisse entretenir l'étranglement. Trop de faits prouvent le contraire pour que nous nous rangions à cet avis; rien, en effet, n'étant plus commun après la réduction de hernies, que de voir persister un étranglement interne qu'à l'autopsie on reconnaît produit par une déchirure du péritoine, une adhé-rence, ou même une simple bride épiploïque souvent elle-même très peu résistante.
Enfin , reste comme une troisième modification la substitu-tion au bistouri ordinaire du bistouri courbe à tranchant concave, conseillée par MM. Sanson et. Bégin. Du reste, l'emploi de cet in-strument, s'il est assez simple, exige du moins qu'il y ait encore un peu de passage, puisqu'il doit agir de dedans en dehors. On le fait glisser à plat sur l'extrémité du doigt jusque sur le péritoine et on relève ensuite le tranchant, l'index qui sert de conducteur, appuyant sur le dos delà lame pour faciliter la section. L'incision terminée, par un accord de deux mains, on retire en même temps le bistouri et l'indicateur gauche qui, jusqu'au dernier moment, préserve les viscères sous-jacens du contact de la lame.
a0 Etranglement par Vépiploon. C'est un cas assez rare que l'étranglement isolé de l'intestin au travers d'une déchirure de l'épiploon (pl. 3o, fig. 4) sans que le paquet hernie en masse soit lui-même étranglé à l'orifice de la plaie abdominale. Pourtant ce cas a été signalé par Scarpa. Il est clair que la réduction de l'in-testin par débridement de l'épiploon devrait être pratiquée avant d'opérer la réduction en masse.
Etranglement avec gangrène de l'intestin.
Cette circonstance fâcheuse ne se rencontre guère que lors-que un laps de temps assez considérable, soit par exemple de un ou deux jours, s'est écoulé depuis l'accident. Ce cas alors pouvant être assimilé à l'étranglement gangreneux dans les her-nies sous-cutanées, avec la condition encore plus funeste de la présence des viscères à l'air libre, l'indication est la même que dans toutes les gangrènes intestinales, c'est-à-dire l'établissement d'un anus artificiel, préférablement par la méthode de Scarpa , que la nature tend à établir d'elle-même.
En d'autres termes, le résultat de l'inflammation devant être de déterminer un cercle d'adhérences péritonéales à l'orifice in-terne de la plaie, pour l'élimination de la ponction gangrenée, et la transformation du canal dermo-musculaire de la plaie en un anus accidentel, la conduite du chirurgien doit être de surveiller l'état général de son malade et les accidens locaux qui peuvent se présenter. Le danger consiste dans une péritonite avec épanche-ment des matières contenues dans l'intestin. Si le chirurgien met trop de précipitation à enlever la portion d'intestin gangrenée, il peut arriver que le cercle d'adhérences, rudiment de l'enton-noir membraneux de Scarpa, n'étant pas encore formé ou n'ayant pas assez de consistance , un épanchement dans la cavité du pé-ritoine ait lieu immédiatement. Si au contraire le chirurgien at-tend trop long-temps, et que l'orifice étant fort resserré, l'intestin ne s'ouvre pas de lui-même au dehors, il est à craindre, par l'ac-cumulation des matières et des gaz, que l'épanchement au de-dans ne soit le résultat d'une rupture. C'est donc entre ces deux extrêmes que doit se tenir un praticien éclairé. Si deux ou trois jours se sont écoulés, comme il est probable que déjà des adhérences légères se sont établies , il convient d'ouvrir à l'exté-rieur l'intestin pour le vider des matières infectes qu'il renferme. Si, ce qui est rare, il n'y a aucun signe de péritonite, et que le ventre ne soit point tuméfié , la prudence est d'attendre, mais en se tenant prêt à combattre tout accident qui peut survenir. Si au contraire ce qui est le cas ordinaire, il existe des signes d'ir-ritation péritonéale, il faut procéder immédiatement à une opé-ration , c'est-à-dire enlever au dehors la portion d'intestin gan-grenée, puis dilater ou même élargir par incision la plaie avec toutes les précautions convenables pour ne point détruire les ad-hérences déjà formées, et aller saisir l'intestin pour le fixer au dehors et déterminer la formation d'un anus accidentel, comme il sera spécifié plus loin.
PLAIES DE L'INTESTIN (Pl. 3o et 3i).
Dans les plaies pénétrantes de l'abdomen, c'est souvent un point de diagnostic très difficile à éclaircir que de savoir s'il y a ou non une plaie de l'un des viscères abdominaux, et principa-
lement des organes flasques el mobiles, tels que les anses du tube intestinal qui, dans certains cas, fuient et se déplacent au devant du corps vulnérant sans être lésés, et dans d'autres, circonstances se trouveront blessés sur plusieurs points. Si la plaie est trop étroite pour s'assurer immédiatement du désordre produit, comme par exemple un coup d'épée, comme il est probable que les plaies intérieures ne sont elles-mêmes que de très peu d'étendue, et que leur gravité, si elle existe , peut dépendre de toute autre lésion que celle de l'intestin, l'indication est de s'en tenir à un traite-ment général. Il ne peut donc être question ici que des plaies pé-nétrantes assez larges pour donner issue aux viscères ou per-mettre, jusqu'à un certain point, l'examen des anses intestinales en regard. Dans ce cas, si la plaie intestinale n'a qu'une étendue de 3 à 5 ou 6 millimètres, de sorte que ce ne soit qu'une simple perforation de l'intestin , on peut encore abandonner la plaie à elle-même, sans qu'il y ait trop lieu de craindre un épanchement. MM. Velpeau et Vidal ont publié récemment des faits de cette nature. Il est probable que, dans ce cas, le froncement des fibres transversales de la membrane musculaire et le boursouflement des lèvres de la plaie et de la membrane muqueuse, suffisent pour fermer la plaie, et peut-être aussi se forme-t-il, dans la plu-part des cas, des adhérences entre la surface séreuse de la plaie et un point quelconque du péritoine viscéral ou pariétal dans le voisinage. Si la plaie a une étendue de 5 à 8 ou 9 millimètres , déjà il est prudent d'avoir recours à une suture; dans les petites plaies de ce genre à l'estomac et au tube intestinal, A. Cooper a eu recours plusieurs fois à une suture en masse formée par un noeud circulaire, ou si l'on veut à une sorte de ligature semblable à celle des artères. Cependant, comme ce procédé embrasse une surface de tissu assez étendue, il pourrait être dangereux pour le tube intestinal, en donnant lieu à un rétrécissement; le mieux, assurément, serait d'avoir recours à la petite suture, à anse simple, de Palfyn. Enfin, dans tous les cas, il est prudent, comme le con-seille M. Boyer, de maintenir en vue la plaie de l'intestin, en l'a-menant en regard de celle de la paroi abdominale, et l'y fixant par un fil passé dans le mésentère , dont les deux chefs, qui font le tour de l'intestin, sont maintenus au dehors.
Au-delà de 8 à 10 millimètres d'étendue, tous les chirurgiens conviennent que les plaies intestinales nécessitent l'emploi de la suture , sauf l'examen de la méthode et du procédé le plus con-venable pour chaque cas particulier. L'emploi des divers procédés diffère d'une manière générale, suivant que la plaie est longitu-dinale, transversale on oblique, et pour ces dernières d'après l'é-tendue de la section, limitée dans certains cas à un segment de l'intestin, et dans d'autres absolument complète. Cen'est,en quel-que sorte, que de nos jours qu'on a pu fixer le traitement des so-lutions de continuité de l'intestin en totalité.
Les plaies des intestins se traitent par un grand nombre de pro-cédés. Les uns ont pour but d'établir un anus artificiel, et seront décrits à propos de cet accident; les autres ont pour objet une guérison immédiate, sans interruption dans la continuité du tube intestinal, et réclament l'emploi de la suture. Seulement, chacun des nombreux procédés de ce genre est plus particulière-ment indiqué, suivant la direction de la plaie intestinale.
Plaies longitudinales de l'intestin (Fig. 2, 3, 4 5, 6, pl. 3o). On y emploie les divers genres de sutures à anse, du Pelletier, en-trecoupée et à points passés.
1" Suture a anse. Procède de Palfyn. Dans le double but d'ac-t. vit.
coler les lèvres de la plaie et d'en faciliter l'adhérence avec une surface péritonéale voisine, Palfin passait d'un côté à l'autre, au milieu de la plaie, une anse de fil qui lui servait à faire appli-quer l'intestin vers l'orifice de la plaie extérieure, et fixait les chefs du fil au dehors par des emplâtres agglutinarifs. Le résultat possible de ce procédé , soit avantage dans certains cas , soit in-convénient dans d'autres , est de pouvoir donner lieu à un anus accidentel.
Procédé de Ledran (Fig. 3). Fa longueur de la plaie étant déter-minée , le chirurgien apprête un certain nombre de fils armés chacun d'une aiguille, puis faisant tendre l'intestin longitudinale-ment de manière à accoler les lèvres de la plaie, il traverse l'in-testin de part en part, en disposant les fils par intervalles de 5 à G millimètres. Enlevant alors les aiguilles, il rassemble les chefs de fils, de chaque côté, et les tord longitudinalement de manière à les retenir en un seul faisceau , et en fait autant des faisceaux des deux côtés, qui se trouvent réunis comme en une seule corde. Le résultatde cette manœuvre est de rapprocher l'intestin transversa-lement, puis de le froncer longitudinalement, en ayant soin de ne pas porter la torsion jusqu'au point de rendre sinueuse la ligne longitudinale de la plaie. Le faisceau de fils est ensuite fixé au de-hors. Le but de l'auteur était d'obtenir, par le froncement de l'intestin, la cicatrice de la plaie, tout en conservant, à l'anse in-testinale, sa mobilité dans la cavité de l'abdomen. Mais il est évi-dent qu'avec l'interposition du corps étranger, ce procédé n'est applicable avec succès qu'autant qu'on se décide à faire adhérer l'anse intestinale avec le péritoine pariétal, et alors la simple su-ture de Palfyn est préférable à celle-ci.
Procédé de M. Reybard (Fig. 6). L'objet de ce chirurgien a été de faciliter l'adhésion du péritoine intestinal au péritoine pa-riétal, dans une surface assez étendue, dont la plaie forme le grand axe, par une compression exercée de dedans en dehors. Le moyen dont il s'est servi est assez ingénieux. Il a eu recours à une petite plaque ovale de bois de sapin, rendu lisse et poli, d'une longueur de 3 à 4 centimètres sur une largeur de 2 ; peut-être au lieu d'une plaque de bois, dont le contact est toujours un peu dur , pourrait-on faire usage de carton , trempé dans une huile siccative, cpii durerait assez long-temps pour donner lieu à une adhérence, et qui, venant ensuite à s'amollir et à se convertir en une pâte, serait bien plus facilement expulsé parles selles. Quoi qu'il en soit, M. Reybard ayant percé cette plaque de deux trous en travers (fig. 6), y passa une anse de fil. Armant ensuite, l'un et l'autre chef d'une aiguille, la plaque présentant son plus petit diamètre suivant la longueur de la plaie, fut introduite dans la cavité de l'intestin , et chaque côté delà plaque intestinale fut traversé par l'aiguille correspondante, en regard du trou de la plaque, de manière que les deux côtés de l'intestin vinssent s'ap-pliquer exactement sur cette dernière, la plaie, par la juxtapo-sition de ses bords, ne se trouvant plus que linéaire et correspon-dant au grand diamètre de la plaque. Enlevant alors les aiguilles droites, le chirurgien passa les deux chefs du fil dans une aiguille courbe, et introduisant la pointe de cette dernière par la plaie ab-dominale, il s'en servit pour perforer cette paroi de dedans en de-hors, à 1 centimètre de l'un de ses bords. Confiant alors à un aide le double fil, M. Raybard réduisit la portion d'intestin hernie, puis tirant de la main gauche sur le double fil, il s'assura en tou-chant au dedans avec l'indicateur droit, que l'application de l'in-testin contre la paroi abdominale était bien exacte, et termina l'o-
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pération en nouant les deux chefs extérieurs du fil sur un petit rouleau de linge, disposé parallèlement à la direction delà plaie.
Deux jours après l'opération, le chirurgien coupa le nœud au dehors et fit l'extraction du fil ; le lendemain même de cette manœuvre, la petite plaque de bois fut expulsée au dehors avec les selles.
On ne peut qu'applaudir à ce procédé dont le résultat a été fa-vorable. Pourtant, comme nous l'avons dit plus haut, c'est un in-convénient assez grave que la plaque soit formée d'une substance non altérable, car il serait possible qu'en parcourant la longueur du bout inférieur de l'intestin, elle allât faire obstacle et donner lieu à un étranglement interne dans un point quelconque de son trajet.
Suture entrecoupée (fig. 5). Procédé de M. Jobert. Après avoir lavé les bords de la plaie avec de l'eau simple ou une solution mucilagineuse de température convenable , le chirurgien, armé d'une aiguille garnie de son fil, affronte entre le pouce et l'indi-cateur de la main gauche, les bords de la plaie, et delà main droite renverse avec l'aiguille les deux lèvres en dedans de manière à les affronter par leur surface séreuse. Il traverse ensuite les deux bords perpendiculairement à la longueur de la plaie et dispose ainsi un certain nombre de sutures, à quelques millimètres de distance l'une de l'autre, de manière que les anses soient assez rapprochées pour que les bords de la plaie ne puissent pas se ren-verser entre elles, et que leurs tuniques péritonéales restent bien en contact. Dans ce procédé, on peut faire chaque suture avec un fil distinct garni d'une aiguille; mais il est plus expéditif de n'avoir qu'une aiguille avec un long fil, de manière à pratiquer à la suite l'une de l'autre toutes les sutures, en laissant à chaque fois une anse de fil assez longue, que l'on coupe pour faire autant de fils séparés. Les choses étant amenées à ce point, on peut terminer l'o-pération de trois manières : i" convertir le procédé en une suture à anses multiples, en rassemblant les fils et les ramenant au de-hors , comme dans le procédé de Ledran ; i" Nouer séparément les deux chefs de fils, dont l'un est coupé sur le nœud, tandis que l'autre est ramené au dehors, en rassemblant ainsi tous les chefs en un seul. Dans ces deux manières d'agir, les fils sont extraits à l'extérieur du quatrième au cinquième jour : c'est le moyen le plus sûr, le chirurgien étant certain de ce qu'il fait; 3° Enfin , on peut encore, après chaque ligature faite, couper les deux chefs sur le nœud, et fermer immédiatement la plaie extérieure en con-fiant à la nature l'expulsion des anses de fils dans la cavité de l'intestin. Si l'on était toujours certain du succès, ce procédé se-rait assurément le meilleur, puisqu'il permet la réunion immé-diate de la plaie et la réduction de l'anse intestinale lésée, sans nécessiter une adhérence avec le péritoine pariétal ; mais il faut convenir que si ce résultat est possible, le chirurgien n'en a point la preuve, et peut-être y aurait-il de sa part quelque impru-dence de se fier ainsi à un mode de guérison qu'il ne peut plus diriger.
Suture du Pelletier (Pl. 3o, fig. a). Procédé ordinaire. Rien de plus simple que la suture à surget, surtout appliquée au tube intestinal, dont la paroi mince et molle ne se prête en quelque sorte que trop bien à ce mode de suture, dans ce sens qu'il est à redouter que le fil ne s'applique assez exactement pour étrangler et couper trop tôt les tissus. C'est donc un avertissement en pra-tiquant ce mode de réunion d'avoir soin de laisser les anses de fil un peu lâches et de les coucher obliquement, de manière à ne point trop rapprocher les points de perforation. Quant à la ma-nœuvre, il est à peine nécessaire de l'expliquer en quelques mois. Le chirurgien ayant affronté les lèvres de la plaie, en fait tenir une extrémité par un aide, puis saisissant entre le pouce et l'indi-cateur gauche l'autre extrémité, avec une aiguille ordinaire garnie d'un fil ciré, il perce obliquement les deux bords de l'intestin, en commençant à a ou 3 millimètres plus loin que l'angle de la plaie, et continue à traverser successivement toute la longueur de la plaie, à a millimètres de ses bords, par une série de perforations obliques, à 3 ou 4 millimètres de distance l'une de l'autre, en ti-rant à chaque fois avec modération sur le fil pour ne former qu'une anse assez lâche. En commençant, le chirurgien a dû laisser un chef de fil de 2 décimètres environ de longueur, et il doit en laisser un pareil en terminant sa dernière suture, au-delà du second angle de la plaie. L'opération terminée, le chirurgien confie à un aide les deux chefs de fil et procède à la réduction de l'intestin, puis reprenant les deux chefs, il tire légèrement des-sus pour accoler la plaie intestinale à celle de la paroi abdomi-nale, et procède à la réunion de cette dernière. Ce n'est qu'après un intervalle de cinq à six jours que l'on peut, avec sécurité, re-tirer le fil. Coupant l'un de ses chefs à la surface de la peau, d'une main on tire doucement et avec lenteur sur l'autre chef, pendant qu'avec les doigts de l'autre main on presse légèrement sur la paroi abdominale pour soutenir l'effort en ne causant que le moins d'ébranlement possible. Disons-le, toutefois, la suture en surget qui déjà offre plus que les autres , la crainte de l'é-tranglement ou delà section prématurée des tuniques de l'intes-tin, est aussi par la multiplicité des anses qu'elle occasionne, celle qui se prête le moins bien à l'extraction du fil.
Procédé de M. Reybard. L'intention de ce procédé est d'éviter la nécessité de retirer le fil, et par conséquent de pouvoir ré-duire complètement l'intestin et fermer immédiatement la plaie extérieure, après avoir pratiqué la suture. C'est comme nous l'a-vons vu , l'une des trois indications remplies par le procédé de suture entrecoupée de M. Jobert.
M. Reybard se sert d'une aiguille ordinaire, garnie d'un fil double à l'extrémité duquel, en guise de nœud, se trouve un petit cylindre de linge de quelques centimètres de longueur. Le fil est graissé d'huile pour en rendre le glissement plus facile. Après avoir tendu la plaie intestinale, le chirurgien introduit l'aiguille au dedans de la cavité et perce la paroi de dedans en dehors, de. manière à renfermer d'abord dans l'intestin le nouet de linge qui sert à arrêter le fil. La suture est continuée ensuite, comme clans le procédé ordinaire, jusqu'à l'autre angle de la plaie, en serrant et rapprochant les points de suture un peu plus qu'on ne le fait habituellement. Parvenu à l'autre extrémité de la plaie, à l'avant-dernier point de suture, le chirurgien dédouble le fil, en laisse un chef pendant, transperce une dernière fois l'intestin avec le second chef, puis les noue tous les deux en serrant, et les coupe au ras de la plaie. L'intestin est ensuite réduit entièrement et la plaie extérieure réunie ; l'expulsion du fil qui doit se faire par les selles, est abandonnée à la nature. C'est pour faciliter au de-dans l'action de l'intestin que M. Reybard y laisse lepetit cylindre de linge qui offre aux contractions plus de résistance qui ne le ferait un simple nœud.
Suture a points passés. Cette méthode est en quelque sorte surannée en ce qu'elle s'oppose à la réunion immédiate, l'intestin devant être laissé en vue jusqu'à cicatrisation de la plaie.
Procédé de Bertrandi. Les lèvres de la plaie étant affrontées comme à l'ordinaire et maintenues accolées, par conséquent la surface muqueuse en contact avec elle-même, le chirurgien, armé d'une aiguille garnie d'un iil ciré, glisse l'aiguille à plat, par une série de points suivant la longueur de la plaie, comme on le pratique dans toutes les coutures, dans ce que l'on nomme l'action de faufiler. L'opération terminée, on réduit l'intestin en maintenant les deux chefs du fil au dehors. Après quelques jours on coupe l'un des fils à la surface de la peau et l'on tire avec pré-caution sur l'autre chef pour dégager ce fil de l'intestin. Mais il est évident que cette manœuvre peut offrir l'inconvénient grave d'opérer quelque déchirure dans les adhérences encore légères.
Procédé de Bêclard. Son objet est de remédier à l'inconvénient cpie nous venons de signaler. Pour y parvenir, au lieu d'un seul fil, le chirurgien en faufile avec la même aiguille deux de couleur différente, dont un seul chef est conservé au dehors, à chaque extrémité. Après le temps convenable pour la cicatrisation de la plaie intestinale, pour extraire ces fils, et c'est là l'avantage du procédé, saisissant les deux bouts qui appartiennent à des fils différens, la traction s'exerce d'une manière régulière sur toute la longueur sans déterminer de froncement; il y a alors bien moins à craindre de donner lieu à une déchirure.
Dans cette méthode de suture à points passés, on peut, après la réduction de l'intestin, fermer la plaie extérieure en ne laissant de passage que pour les fils, mais il est évident que quand il s'a-git de les retirer, il y aurait un risque à courir dans le cas où il surviendrait quelque déchirure, le chirurgien ne voyant plus la surface de l'intestin, et enfin il y a peu à se fier à une méthode qui met en contact les surfaces muqueuses, dont le boursoufle-ment peut empêcher dans quelques points l'adhérence périto-néale qui doit être le point de départ, et en quelque sorte l'en-veloppe protectrice de la cicatrice des autres tuniques entre elles.
Vappréciation de la valeur relative des différens procédés ne peut être empruntée que de ce que l'on sait du mode de réunion des plaies intestinales. D'après les expériences faites sur les ani-maux par MM. Jobert et Reybard, qui ne sont au reste que la confirmation de ce que de nombreuses autopsies sur l'homme avaient appris à beaucoup de chirurgiens, on sait que c'est par les adhérences de la tunique séreuse avec les surfaces péritonéales voisines, que se trouve d'abord fermée la plaie de l'intestin. Ce n'est qu'au bout d'un certain temps que les deux lèvres de la tu-nique musculaire arrivent à faire partie de la cicatrice par l'inter-médiaire d'un tissu cellulo-fibreux, et enfin, suivant M. Reybard, il reste un écartement entre les lèvres de la tunique muqueuse, qui ne font ultérieurement partie de la cicatrice que par leurs adhérences avec la membrane musculaire. Sans mettre aucune-ment en doute la réalité de ces résultats , nous croyons pourtant qu'il faut bien se garder de généraliser en théorie l'absence de ci-catrisation directe des lèvres des membranes muqueuses, rien n'é-tant si commun aux diverses membranes de la face et des orifices cutanés que la réunion par inosculation directe des lèvres des membranes muqueuses divisées.
Conformément à ce qui précède, le fait essentiel, dans la réunion des plaies intestinales, est de mettre en rapport les deux bords de la séreuse. Les meilleurs procédés sont ceux qui multiplient le inoins les points de suture, qui produisent la striction la plus légère et qui permettent de retirer les fils avec le moins de difficulté. Sous ces divers rapports les sutures à anse de Palfy n et de M. Reybard l'em-portent sur toutes les autres. Au reste, comme les adhérences péri-tonéales avec les parties voisines ne sont point empêchées par la présence des fils, et recouvrent d'elles-mêmes leurs anses, de telle sorte que le fil tend à tomber dans l'intestin. La suture entrecoupée de M. Jobert peut être employée avec avantage, surtout lorsque les solutions de continuité de l'intestin ont une grande étendue.
plaies transversales de l'intestin.
Si la plupart des procédés décrits dans le chapitre précédent s'adressent sinon exclusivement, du moins plus particulièrement aux plaies longitudinales, les méthodes et les procédés qui suivent, conviennent d'une manière encore plus précise aux plaies obliques et transversales, soit d'un segment considérable, soit delà totalité de l'intestin. Plusieurs même de ces procédés supposent ou que la section a été primitivement complète ou que le chirurgien l'a rendue telle pour régulariser et simplifier l'emploi du procédé.
La méthode la plus ancienne est celle dite des Quatre-Maitres. C'est sous cette dénomination que s'est conservé le souvenir de quatre chirurgiens , qui opéraient en commun , à Paris , vers la fin diixin" siècle. Leur procédé consistait à introduire une trachée-artère d'animal dans l'un et l'autre bout de l'intestin complètement divisé, puisa réunir, par quelques points de suture, les deux bouts rapprochés au contact. Evidemment, c'est dans cette méthode qu'est l'idée mère des sutures, avec ou sans invagination, que l'on pratique sur un corps étranger placé dans l'intérieur de l'in-testin. Pourtant il ne paraît pas que le procédé des quatre-maîtres ait obtenu la sanction entière des chirurgiens contemporains; car Guillaume de Salicet et Guy de Chauliac, cpii en parlent, blâ-ment cette méthode et lui préfèrent la suture du Pelletier.
Pourtant c'est cette même méthode des quatre-maîtres qui a été reproduite avec faveur au commencement du siècle dernier par Dtiverger, et cpti s'est conservée sous le nom de réunion directe.
Rhamdor est l'auteur d'une seconde méthode, dans laquelle un bout de l'intestin est invaginé dans l'autre.
Enfin la méthode originale la plus nouvelle a pour but de mettre en contact les surfaces séreuses des deux bouts de l'intes-tin. A cette dernière se rapportent plusieurs procédés renfermés sous deux groupes, suivant que la suture se fait avec ou sans le support d'un corps étranger.
i ° Suture sur un corps étranger.
Méthode de Duverger. — Réunion directe. i° Procédé de Du-verger. Ce n'est autre, comme nous l'avons dit, cpie celui des quatre-maîtres.
L'auteur s'est servi d'une portion d'environ 2 centimètres de longueur, d'une trachée de veau desséchée, garnie à distances égales de trois anses de fil, munie chacune d'une petite aiguille courbe. Après avoir trempé cette trachée dans un vernis huileux, il l'introduisit en travers dans l'intestin , de manière qu'elle, en maintint le calibre, et à l'aide des aiguilles courbes il pratiqua, de dedans en dehors, trois anses de suture entrecoupée. L'intestin fut ensuite réduit et une boisson laxative donnée au malade. Dans deux ou trois cas, ce procédé de Duverger a obtenu un succès complet, le corps étranger ayant été évacué par les selles.
Cette première méthode, en raison des succès qu'il avait déjà obtenu à diverses époques, a beaucoup exercé la sagacité des chi-rurgiens du dernier siècle, et l'on peut même dire que cette préoccupation s'est continuée jusqu'à nos jours, puisqu'un grand
nombre de procédés que nous allons passer en revue, n'en sont que les applications modifiées. La guérison s'étant obtenue sans épancbement, c'est à faciliter l'expulsion du corps étranger for-mant un anneau intérieur que l'on a le plus songé. Pour qu'il pût s'amollir et se convertir en pâte, on a eu l'idée de le com-poser avec une matière altérable. C'est ainsi que Watson a pro-posé une canule de colle de poisson, Scarpa un cylindre de suif, Sabatier, Desault et Chopart, un tube formé d'une carte roulée imbibé préalablement d'huile d'Hypericum, pour empêcher qu'il ne s'amollisse trop tôt. Cette modification est importante en elle-même, mais elle n'a plus la même valeur aujourd'hui que le pro-cédé textuel est inusité.
Procédé de M. Jobert. Celui-ci ne convient que pour un cas particulier. C'est lorsque l'épiploon se présente au devant de l'in-testin lésé. Dans une circonstance semblable , sans détacher le bord de l'épiploon de son feuillet, M. Jobert en a interposé un pli entre les lèvres rapprochées de l'intestin, et a réuni le tout par la suture de Ledran, dont il a fixé le faisceau de fils au dehors. Le résultat d'ensemble de ce procédé a bien pu être de boucher par des adhérences péritonéales plutôt que de cicatriser vérita-blement la plaie de l'intestin avec saillie dans sa cavité d'un repli de tissu séreux. Nous ignorons absolument quelles devraient être les conséquences ultérieures d'une semblable condition anato-mique, et nous n'oserions conseiller comme un exemple à suivre l'emploi de ce procédé, tandis qu'il en existe d'autres plus ra-tionnels.
2° Suture avec invagination.
Procédé de Rhamdor. Dans un cas où une solution complète, en travers de l'intestin, venait d'être effectuée sur un militaire, Rhamdor conçut l'idée d'introduire le bout supérieur de l'intestin dans le bout inférieur, et de les fixer l'un à l'autre par deux points de suture. L'opération terminée, il réduisit l'intestin qu'il aban-donna dans la cavité abdominale et réunit la plaie extérieure. La guérison fut rapide et complète. Le malade étant venu à mourir, quelques années après, d'une autre affection, Rhamdor put s'as-surer de l'état des parties, et envoya la pièce à un chirurgien qui la montra à Heister. A partir de cette époque, l'opération de Rhamdor, vantée par Louis, n'a été pratiquée qu'un petit nombre de fois avec des succès divers. Sans parler des chirurgiens du siècle dernier, Ricberand et Boyer l'ont essayée, chacun sans succès; MM. Lavielle, Chemery-Havé, Schmidt, au contraire, ont rapporté chacun un cas de guérison. Enfin c'est à cette méthode qu'il faut rapporter une modification récente, tentée par M. Amussat, et dont nous parlerons plus loin.
Quant à la manœuvre opératoire, elle présente deux diffi-cultés principales qui, parfois, peuvent rendre impossible l'opé-ration. La première est de distinguer l'un de l'autre les deux bouts supérieur et inférieur. Jusqu'à présent l'unique moyen, conseillé par Louis, est de maintenir les deux bouts au dehors pendant quelques heures, et d'administrer au malade une po-tion laxative pour voir par lequel des deux bouts viendront les matières. Si la plaie existait au gros intestin, la vérification serait beaucoup plus prompte en ayant recours à un clystère, dont la sortie au dehors signalerait le bout inférieur. La seconde diffi-culté a rapport à l'invagination elle-même. D'une part, le mésen-tère qui arrive jusque sur la plaie du bout supérieur s'oppose à ce qu'il puisse être introduit dans l'autre. On y remédie en inci-sant le mésentère dans une étendue suffisante, comme Louis l'a pratiqué le premier. D'autre part il estasse/, ordinaire que le bout inférieur se fronce et se resserre, son orifice se renversant sur lui-même, la membrane muqueuse tournée en dehors. Ce caractère, s'il était constant et qu'il ne pût pas également s'offrir au bout supérieur, serait un indice pour les distinguer l'un de l'autre , mais on ne peut lui donner aucune valeur diagnostique, puisque parfois il se présente également sur les deux bouts. Quoi qu'il en soit, la difficulté de dilater l'orifice inférieur est assez grande pour que l'on ait pu établir, à cet égard, des préceptes. Dansun cas, M. Smith ne put opérer l'invagination, quoiqu'il eût mis dans le bout supérieur une chandelle en guise de mandrin. M. Velpeau conseille de saisir le bout inférieur avec quatre pinces disposées en carré; mais un moyen meilleur, qui a été perfectionné par M. Reybard, est celui de Chopart et Desault, qui consiste à intro-duire d'abord dans le bout supérieur une carte roulée en cylindre, puis à faufiler à plat l'intestin sur la carte, et à se servir des chefs du fil pour attirer le bout supérieur dans le bout inférieur cpie l'on perfore ensuite de dedans en dehors.
Enfin une objection théorique d'une importance réelle que l'on oppose au procédé de M. Rhamdor, a pour objet l'inconvé-nient, ou plutôt le vice de doctrine qui consiste à mettre en rap-port deux surfaces de nature différente, la membrane séreuse du bout supérieur avec la membrane muqueuse du bout inférieur; objection d'autant mieux fondée qu'évidemment la guérison ne peut avoir lieu, comme à l'ordinaire, que par l'adhérence des sé-reuses , mais avec l'inconvénient du renversement annulaire d'une portion du bout inférieur, flottante dans la cavité de l'intestin.
Procédé de M. Reybard. C'est, commme nous avons dit, une imitation du moyen d'invagination employé par Chopart et De-sault. L'auteur incise d'abord le mésentère dans l'étendue de quelques millimètres sur le bout supérieur, puisa chaque extré-mité du diamètre infra-supérieur, il passe dans le bout supérieur une anse de fil, dont un chef ressort par la face interne et l'autre par la face externe. Armant alors d'aiguilles les deux chefs, il amène l'une vers l'autre les deux extrémités de l'intestin , et cha-que aiguille traverse le bout inférieur de dedans en dehors, dans le point correspondant à la piqûre de l'autre bout. La même manœuvre est répétée pour la seconde anse de fil; enfin les deux fils pendant au dehors de la surface externe du bout inférieur, le chirurgien, aidé par un aide, les saisit d'une main, tandis que de l'autre il dirige le bout supérieur attiré parles anses de fil pour l'invaginer dans l'inférieur, dispose les parties dans les rapports convenables et termine enfin par nouer les deux fils de chaque suture. Le moyen imaginé par M. Reybard est ingénieux, mais il ne paraît pas que l'application en ait encore été faite à l'homme.
Procédé de M. Amussat. C'est à la méthode de Rhamdor que doit être rapporté ce procédé qui a recours aussi à l'invagination, disposant préalablement un anneau de liège avec un collet circu-laire au milieu, de manière que les deux bords fassent renflement, le chirurgien, sans s'occuper d'établir la distinction entre les deux bouts supérieur et inférieur, introduit le fragment de liège clans l'un et invagine ce bout clans l'autre, de manière que le bord de revêtement dépasse de quelques millimètres le plan moyen du corps étranger. Alors, avec un gros fil, le chirurgien environne l'intestin dans une anse qu'il serre fortement dans la rainure de l'anneau de liège, de manière à produire l'étranglement des deux
bouts d'intestin compris entre la ligature et le corps étranger. Enfin, il coupe circulairement, avec des ciseaux, toute la portion du bout extérieur qui déborde le fil. Ce procédé n'a encore été qu'expérimenté sur des chiens ; l'anneau de liège et le fil ont été rendus par l'anus, et en ouvrant l'animal on a reconnu que les adhérences péritonéales s'étaient établies par dessus l'anse de fil qui a pu tomber ainsi dans l'intestin. Toutefois, malgré le succès expérimental obtenu par M. Amussat, on ne peut considérer son procédé comme acquis à la chirurgie, puisqu'il n'a point en-core été pratiqué sur l'homme. La prudence à cet égard doit être d'autant plus recommandée que ce moyen en lui-même est hardi et qu'il reste à la surface péritonéale de l'intestin en de-hors de l'anse de fil, un bord circulaire que les ciseaux n'ont pu enlever et dont on ne peut comprendre comment s'opère l'éli-mination.
3° Suture avec application des surfaces séreuses.
Bichat avait démontré que, tandis que les membranes séreuses se réunissent et adhèrent promptement par des brides celluleuses, qui ne sont qu'un même élément avec le tissu séreux, les mem-branes muqueuses sont impropres à ce mode de réunion, leur cicatrisation ne pouvant se faire que par un tissu cellulo-fibreux dans un temps beaucoup plus long, mais surtout ne pouvant s'o-pérer directement avec une membrane séreuse. Déjà Richerand, dans sa nosographie, s'appuyant sur ces faits , avait émis l'idée de faire adhérer les séreuses au contact. D'un autre côté, Schmidt, Thomson et Travers avaient prouvé qu'une ligature étant faite autour d'une petite plaie intestinale, le fil disparaissait bientôt sous une adhérence séreuse et tombait dans l'intestin avec la portion étranglée. Enfin, les procédés de Dupuytren, pour l'anus contre nature, avaient également démontré, quoique d'une autre manière, ce même mode de réunion parl'adossement des surfaces séreuses, en étranglant par l'intérieur de la cavité les deux bouts accolés de l'intestin. Les choses en étaient là, lorsqu'en 1824, M. Jobert transforma en précepte , et ce qui est plus important, démontra expérimentalement l'idée précédemment émise , mais non encore appliquée, de mettre en contact les surfaces séreuses pour la réunion des plaies intestinales. Toutefois des réclamations s'élevèrent à ce sujet ; M. Faure prétendit avoir proposé ce moyen dès 1820; M. Denans, dont nous allons voir plus loin l'ingé-nieux procédé, réclama sa part dans l'idée originale , les expé-riences ayant été commencées en i823; mais le résultat n'en fut livré au public qu'en mars 1824, et celui de M. Jobert datait du mois de janvier précédent. Enfin M. Lembert affirme que c'est sans connaissance de ces débats qu'il a conçu son procédé en 1825. Il serait bien difficile et heureusement il est peu nécessaire de savoir à qui appartient la priorité d'application, d'autant que l'idée originale, sur laquelle se fonde la méthode, était déjà en quelque sorte du domaine public.
Procédé de M. Jobert. (Fig. 1 et 2.) Outre les instrumens néces-saires à toute opération, les objets indispensables sont deux fils de 2 décimètres de longueur, garnis chacun d'une aiguille à chaque bout. Le malade étant couché sur le dos, les muscles de l'abdo-men mis dans le relâchement par la demi-flexion du thorax et des cuisses sur le ventre, le chirurgien commence par reconnaître les deux bouts de l'intestin, puis il incise sur chaque bout le mésen-tère dans l'étendue d'un centimètre. L'auteur laisse saigner les petites plaies, mais si l'hémorrhagie est trop abondante, il l'arrête
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par des ligatures temporaires qui devront être enlevées après l'o-pération. Il est clair qu'aujourd'hui mieux vaudrait avoir recours aux mâchures et à la torsion des vaisseaux lésés.
Les choses étant à ce point, de la main gauche le chirurgiei saisit le bout supérieur, et de la droite prend l'aiguille de l'un de; fils et traverse la paroi intestinale de dedans en dehors, à G milli mètres de la division; les deux bouts de fil dont l'anse travers* l'intestin sont rassemblés et confiés à un aide. Le second fil es passé de la même manière sur la paroi postérieure à l'autre extré mité du diamètre, puis confié au même aide. S'emparant alors di bout inférieur avec les doigts, ou mieux à l'aide d'une pino plate, il en renverse les bords en dedans de l'intestin , de ma nière à offrir à l'extérieur la surface séreuse. Cette manœuvr est souvent assez difficile, l'intestin dans ses contractions ten dant à se dédoubler de lui-même. S'il en est besoin, le chirurgiei se fait aider par un assistant. Dès que le renversement existe , 1 doigt indicateur gauche est introduit dans l'intestin, de manière ; contenir le rebord avec le pouce sur l'autre face, puis le premie doigt sert à glisser l'aiguille correspondante au chef interne d l'une des anses de fil, pour percer de dedans en dehors la paro intestinale. La même manœuvre est répétée sur le bord oppos pour passer la seconde anse de fil.
Parvenu à ce point, les deux bouts sont traversés à chaque e trémité par les deux anses de fil, dont les chefs pendent au dehors c'est-à-dire par la surface péritonéale. Rapprochant alors douct ment l'un de l'autre les deux bouts de l'intestin, tout en conti nuant de maintenir le bord renversé du bout inférieur , on essai d'y invaginer méthodiquement l'extrémité du bout supérieur. O termine enfin, soit par une suture, soit en nouant les fils, soit e tordant les deux chefs en un seul; on réduit l'intestin, puis o amène à l'angle déclive de la plaie les fils que l'on fixe à la pea par une mouche d'emplâtre adhésif.
Tel est le procédé de M. Jobert qui a obtenu quelque célébrité quoiqu'il n'ait encore été expérimenté que sur des animaux, qu'il lui manque la garantie d'avoir été employé avec succès.su l'homme vivant.
Procédé de M. Denans. (Fig. 5, G, 7, 8.) Voici assurément l'u des procédés les plus ingénieux qui aient été imaginés pour la si ture des plaies transversales de l'intestin. L'auteur se sert de tro viroles en métal, l'une de 2 centimètres environ de longueur su autant de diamètre, et deux autres qui n'ont que la moitié de 1 largeur de la première, mais d'un diamètre d'environ 2 mil! mètres en plus, de manière que la grande virole entre dans h deux autres, en laissant encore un intervalle d'environ 1 milli mètre, qui doit être rempli par la paroi de l'intestin. Deux fils avec leurs aiguilles, complètent les objets indispensablement né cessaires.
Le mésentère étant incisé, comme il a été dit précédemment sur la petite courbure de l'intestin, sans qu'il soit besoin de dis cerner l'un de l'autre les deux bouts, les deux viroles étroites et dont le diamètre est le plus grand, sont introduites isolémen chacune dans l'un des bouts de l'intestin, dont elles doivent avoi le calibre; ces deux viroles étant disposées parallèlement l'une l'autre et suivant l'axe de l'intestin (fig. 5), on les recouvre cir culairement avec le bord libre de chaque bout, qui doit rentre en dedans d'une longueur de 3 à 4 millimètres; puis immédiate ment, pour empêcher les bords de se redresser, on insinue la vi rôle la plus longue, d'abord d'un côté (fig 6), puis de l'autre, e en repoussant les viroles extérieures l'une contre l'autre, les deux
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bouts de l'intestin se trouvent adossés circulairement par leurs surfaces séreuses dans toute la circonférence.
Sila description a été bien comprise, les bouts de l'intestin étant affrontés , les parties superposées sont : i° à l'intérieur, la longue virole; en seconde couche, les deux bords renversés de l'intestin, situés entre cette virole et les deux plus étroites ; i" les deux viroles étroites séparées par les anses des bords de l'intestin qu'elles étranglent parleur rapprochement: or, c'est précisément l'effet qu'il s'agit d'obtenir.
Restait dans le procédé original à combiner une suture, de ma-nière à réunir ensemble les trois viroles pour qu'elles ne pussent se séparer. Car l'incertitude de la continuation des rapports entre les parties aurait suffi pour annuler le bénéfice du procédé, dont l'objet est de pouvoir impunément abandonner l'intestin dans l'in-térieur de l'abdomen après l'affrontement de ses deux bouts.
Or voici, quant au mode d'introduction des fils, un moyen qui n'est pas moins ingénieux que l'idée de l'engaînement des trois viroles.
M. Denans prend un fil, dont chaque bout est armé d'une ai-guille. Avec l'une il pique l'intestin sur l'un des bords des vi-roles, contourne ce bord au dedans, suit parallèlement la face interne de la grande virole et vient sortir à l'autre bout, de sorte cpie tout d'abord les trois viroles se trouvent maintenues dans une même anse de fil (fig. 7). Mais jusque-là, si l'on faisait im-médiatement la suture, on étranglerait les deux bouts de l'intes-tin lui-même ; il s'agit donc de faire rentrer les fils sous la paroi intestinale, de manière à ce qu'il n'y ait que les trois viroles com-prises dans l'anse. Reprenant alors la même aiguille, il repasse une seconde fois par le dernier trou qu'elle a fait, la glisse entre la paroi intestinale et la virole externe de son côté, et vient res-sortir au milieu dans le sillon d'adossement des deux bouts de l'intestin. D'autre part, avec la seconde aiguille qui n'a pas encore servi, il repasse également par la première piqûre de la première aiguille qu'il glisse de même entre la paroi intestinale et la virole externe de ce côté, puis vient ressortir dans le sillon intermé-diaire, aux deux bouts en regard de l'autre extrémité du fil. Il ne reste plus qu'à nouer les deux chefs et à faire rentrer le nœud au dedans. De ce qui précède, il résulte que la ligature tout entière, moins le nœud , est complètement renfermée dans l'intérieur du tube intestinal; le nœud seul, entraîné par le poids des viroles , devra se créer un petit orifice entre les points de passage des deux fils. Quant aux piqûres, elles guériront d'elles-mêmes sans qu'il y ait à s'en occuper.
C'est pour obvier à l'inconvénient du passage de ce nœud que M. Denans a fait une modification au mode d'introduction du fil. Ainsi, après le passage de la première aiguille au-dessous de la grande virole, 1 ieri de plus simple, avec la seconde aiguille, que de repiquer de l'un à l'autre trou, mais cette fois en passant entre l'anse intestinale et les deux viroles externes. De cette ma-nière, dès l'abord, les trois viroles sont renfermées dans une même anse au point de départ. Reste donc à la piqûre de sortie les deux chefs dont on fait la ligature avec un nœud serré, que l'on rentre au dedans de l'intestin par la piqûre, de sorte qu'il ne reste exac-tement plus rien au dehors.
Tel est en détail le procédé remarquable de M. Denans. Son résultat est de déterminer la section par gangrène des deux bords renversés , dont les surfaces séreuses adhèrent entre les deux vi-roles externes et à la surface peritoneale : de sorte que les trois viroles avec les bords gangrenés des deux bouts de l'intestin, tombent dans la cavité et sont entraînés par les selles, et que, après leur chute, le calibre de l'intestin est rétabli en entier. Nous le répétons, à notre senson n'a rien imaginé d'aussi ingénieux pour la réunion des plaies de l'intestin en travers, et il nous semble même que les autres chirurgiens qui ont décrit ce procédé, n'en font pas toute l'estime qu'il mérite. A l'expérience, entre les mains de son auteur, il a eu sur deux chiens tout le succès désirable; et depuis, M. P. Guersent en a confirmé les bons résultats en mon-trant, à la suite d'une opération sur le vivant, les deux bouts d'un intestin parfaitement cicatrisés, sans aucun rétrécissement dans le lieu delà réunion. S'il est un léger reproche, cpie nous adres-serions à ce procédé , ce serait concernant la matière des viroles que l'auteur a employées métalliques, en argent ou enétain. Dans la prévision de la difficulté que pourraient rencontrer à chemi-ner dans toute la longueur de l'intestin, les trois viroles réunies, et les obstacles qui suivraient leur arrêt dans un point, nous pen-sons qu'il conviendrait mieux de les fabriquer avec une substance assez solide pour rester en place tout le temps convenable pour causer les adhérences péritonéales et l'étranglement des bouts de l'intestin, et d'un autre côté, assez altérable et hygrométrique pour se déformer et même se convertir en une pâte que l'intestin expulserait en toute facilité. Des viroles en gélatine, affermies au besoin en les trempant dans des huiles siccatives, nous paraîtraient réunir toutes les conditions désirables.
Procédé de M. Lembert. (Fig. 3, 4-) L'auteur, sans employer aucun corps étranger, se propose de mettre en contact les sur-faces séreuses des deux bouts de l'intestin par un froncement et un renversement de leurs bords, qui résultent de la manière dont est passé le fil. Voici comment se fait une suture de ce genre. On enfonce obliquement une aiguille à 8 ou 10 centimètres du bord de l'intestin, en s'arrêtant à-peu-près à la membrane muqueuse , puis on fait glisser la pointe entre les membranes de la paroi in-testinale, jusqu'à 1 ou 3 millimètres du bord, où on la fait res-sortir au dehors. Il en résulte donc une anse qui glisse entre les membranes sans pénétrer au dedans de l'intestin. Les choses à ce point, on recommence la même opération avec le même fil sur l'autre bout de l'intestin; mais cette fois en piquant d'abord au-près de la division, et ressortant à quelques millimètres plus loin. L'anse de fil alors comprenant les deux bouts, en les fronçant et les faisant glisser sur le fil pour les rapprocher l'un de l'autre, il est clair qu'on force les deux bords à se renverser en dedans, et que les surfaces séreuses se trouvent en contact. Il ne s'agit plus que de nouer les deux extrémités du fil pour empêcher les deux bouts de se disjoindre. Telle est la manière dont M. Lembert pra-tique la suture. On peut appliquer ainsi trois ou quatre sutures au pourtour de l'intestin; les fils sont coupés sur les nœuds, et on réduit l'intestin dans l'abdomen. Ce procédé a été employé par M. J. Cloquet sur l'homme, après une lésion de l'intestin dans une hernie étranglée.
Appréciation. En résumé, l'art n'est pas encore fixé sur la question principale de savoir si, dans un procédé quelconque, on est assez certain qu'il ne surviendra point d'épanchement pour oser abandonner l'anse blessée dans le ventre, et fermer immé-diatement la plaie de l'abdomen. Quant aux procédés, en eux-mêmes, les meilleurs certainement sont ceux qui satisferont le moins incomplètement aux conditions suivantes : r mettre les surfaces le plus exactement en contact dans toute l'étendue de la division; 1" diminuer le moins possible le diamètre de l'intestin, et n'y laisser que peu ou point de bord ou d'éperon en saillie ;
3° offrir assez de facilité dans les manœuvres et de simplicité dans l'exécution, de manière que la chute des fils, au dehors ou au dedans, ne soit point une nouvelle cause de solution de conti-nuité.
En soumettant les divers procédés à l'épreuve de ces trois con-ditions, celui deRhamdorne présente aucune chance certaine, et il embarrasse l'intérieur de l'intestin par un rebord circulaire flottant. Les procédés empruntés delà méthode de Duverger ne ré-pondent réellement à aucune des conditions que nous avons posées plus haut. Restent les trois procédés de MM. Jobert, Lembert et Denans. A notre avis, les deux premiers n'offrent pas assez de ga-rantie contre l'épanchement, rien n'empêchant l'écartement des bords de l'intestin entre les sutures, et la chute régulière des fils n'est pas assez certaine. Le procédé de M. Denans nous paraît supérieur sous tous les rapports. Les bouts d'intestin sont exac-tement affrontés dans tout le contour, leur chute, avec celle des viroles, doit nécessairement s'accomplir, pourvu que la striction des fils ait été suffisante ; enfin ce procédé , quoiqu'il paraisse complexe, est cependant le seul dont la manœuvre soit fa-cile et puisse s'exécuter du premier coup, sans tâtonnement. Son seul inconvénient serait, comme nous l'avons dit, dans la nature des viroles que l'on a employées; mais il réunirait toutes les condi-tions, si les viroles que nous avons proposées, ou d'autres ayant les qualités physiques désirables, permettaient également la gangrène circulaire après les adhérences. S'ensuit-il que, même en em-ployant ce procédé, on pût sans imprudence abandonner l'intes-tin dans l'abdomen et réunir immédiatement la plaie extérieure ? Non certainement, une semblable pratique , qu'il serait si dési-rable d'obtenir, ne peut être justifiée que lorsqu'un grand nom-bre de faits en auront démontré l'innocuité.
OPERATIONS CURATIVES DES HERNIES DE L'ABDOMEN.
« H y a peu de maladies qui soient aussi communes, aussi di-« versifiées dans leurs espèces et leurs suites, aussi dangereuses « sous une apparence de bénignité, que les hernies. Aucun âge, « aucun sexe n'en est à l'abri. Aucune autre maladie n'offre un « champ plus vaste à la charlatanerie, et dans aucune, les prê-te jugés n'ont été aussi nombreux et aussi funestes. La variété des « circonstances qu'offrent les hernies, et celle de la conduite que « le chirurgien doit tenir dans leur traitement, sont si grandes, « que très peu d'affections exigent du praticien autant de saga-tí cité, d'expérience, d'attention et d'adresse. » Ces paroles pla-cées, par Gottlieb Richter, en tête de son traité des hernies, font pressentir la haute importance qui s'attache à ce point de chi-rurgie, et combien doivent être grandes et nombreuses les dif-ficultés de la médecine opératoire appliquée à ce sujet.
On nommait autrefois hargne, rupture, descente, et on nomme aujourd'hui hernie, une tumeur formée par un organe sorti, en partie ou en totalité de son lieu naturel, à travers une ouverture naturelle ou accidentelle, creusée dans l'épaisseur des parois de la cavité qui est destinée à loger l'organe. Cette définition géné-rale, applicable à toutes les hernies que l'on observe dans le do-maine de la pathologie, convient spécialement aux hernies de l'abdomen, les plus fréquentes de toutes, et celles qui doivent ici nous occuper. Nous dirons donc qu'il y a hernie, lorsque l'une quelconque des parties qui sont contenues dans le ventre s'est échappée à travers un des points de la paroi abdominale. Or, en tenant compte de la structure et de la composition des parois de l'abdomen, ainsi que des causes prédisposantes et occasionnelles dont l'action est capable de donner naissance à une hernie, il est facile, même à priori, de déterminer en quels lieux de préférence devront se montrer ces hernies, et en même temps d'établir leurs classes principales. En effet, dans les efforts, les viscères du ventre sont puissamment poussés, soit vers la moitié inférieure de la paroi abdominale antérieure, soit vers le périnée; ensuite, il existe normalement, dans le premier de ces points, des ouver-tures qui, bien que capables de résister chez le plus grand nom-bre des individus, sont prêtes à céder si la force d'impulsion est supérieure à la résistance qu'elles opposent. Ces ouvertures, dé-signées sous les noms de canal inguinal et d'anneau crural, se-ront donc des voies naturelles par où pourront s'échapper les organes du ventre. D'ailleurs, il est possible aussi que les viscères se fraient brusquement, ou bien à la longue, un passage pure-ment accidentel, soit en trouant des lames aponévrotiques, soit en agrandissant de petites éraillures existantes. Enfin, il peut ar-river que le déplacement des organes soit la conséquence d'un développement imparfait de la région. On voit par là combien seront nombreuses et variées les espèces de la hernie de l'abdo-men. En prenant pour base de classification le siège du dépla-cement, on admet des hernies inguinales, crurales, ombilicales, abdominales, antérieures ou ventrales, périnéales, etc. En tenant compte de l'époque d'apparition de la hernie, ou mieux, s'ap-puyant sur certaines dispositions organiques, congeniales ou ac-quises, on dit que telle hernie est congeniale ou accidentelle. En désignant l'organe déplacé, on dit que la hernie est intestinale, épiploïque, stomacale, etc. Nous aurons nécessairement à reve-nir sur ces diverses classifications, et à l'occasion de l'anatomie pathologique, et à l'occasion du mode opératoire.
HISTORIQUE.
L'étude du mécanisme suivant lequel se font les hernies, des dispositions anatomiques que l'on rencontre, tant dans les enve-loppes que dans la partie herniée, et par suite des moyens de trai-tement qui sont méthodiquement applicables à cette grave af-fection chirurgicale , cette étude si complexe, qui a exigé les ef-forts de la chirurgie moderne, avait été laissée bien imparfaite, par l'antiquité privée des ressources de l'anatomie normale et pathologique. C'est à peine si l'on trouve dans les livres hippo-cratiques un passage qui soit relatif aux ruptures de la partie in-férieure du ventre, ou de la région ombilicale. Au rapport de Cœlius Aurelianus, Praxagoras aurait recommandé, dans certains cas de passion iliaque, d'ouvrir le ventre pour désobstruer l'in-testin. 11 est possible qu'il soit ici question des accidens qu'occa-sionne la hernie étranglée; mais ce n'est réellement que dans les écrits de Celse qu'on trouve des détails un peu clairs sur la maladie qui nous occupe. Celse décrit deux sortes de hernies, celle de l'ombilic et celle du scrotum; il admet que l'intestin ou l'épiploon passent à travers une rupture du péritoine, et expose les diverses opérations qui étaient en usage à son époque. Après avoir
fait rentrer dans le ventre les parties herniées, on cherchait à dé-truire la peau et à obtenir la réunion du sac, soit par la ligature, soit par la cautérisation, soit par une compression exercée au moyen de deux clavettes de bois. Chez les enfans, on se conten-tait quelquefois d'employer une sorte de brayer qui comprimait sur le lieu de la tumeur. Pour la hernie scrotale des adultes, on emportait la maladie, retranchant le testicule avec la tumeur, lorsque cet organe était adhérent ou malade. Il est remarquable, au reste, que ces divers moyens ne s'adressaient qu'aux hernies simples, dans le but d'obtenir une cure radicale, et quant à l'é-tranglement, on n'ensavaitnila théorie, ni le traitement chirurgi-cal. Après Celse, Galien ne marqua aucun progrès; mais Leó-nides, d'Alexandrie, dont quelques fragmens nous ont été con-servés par Aétius, émit des opinions judicieuses. Il crut pouvoir admettre que la hernie n'est point toujours formée par la rup-ture du péritoine, et il distingue des tumeurs avec déchirure et d'autres avec extension de cette membrane. Aétius connut l'étran-glement et ses effets ; il décrivit même le taxis à employer alors, et le moyen de l'exécuter, et il recommanda, après la réduction, de faire continuellement porter au malade un bandage contentif. « Ut ne recidat œger, asservandi gratia, perpetuis ligamentis « utatur. » (Aétius, cap. a/j.) Enfin, Paul d'Egine, qui clôt l'his-toire de la chirurgie, dans les écoles grecques et romaines, fit un mélange des doctrines de Celse et d'Aétius.
Les chirurgiens arabes, éloignés des études anatomiques, co-pièrent servilement leurs devanciers, et à travers l'époque stérile du moyen-âge jusqu'au xvi° siècle, on ne trouve que des inci-seurs ambulans qui infligent des opérations barbares aux her-nieux. Ces empiriques cautérisent, lient ou excisent les tumeurs herniaires, et toujours emportent le testicule , au point qu'un cer-tain Horace de Norsia, qui avait eu, dit-il, le bonheur de châtrer en-viron deux cents individus en peu d'années, se plaint de n'avoir plus ensuite appliqué son art qu'à une vingtaine de malades. En vain Paré s'éleva-t-il avec énergie contre la prétendue méthode généralement usitée de son temps, de retrancher les testicules tant aux enfans qu'aux adultes, cette pratique barbare n'en de-meura pas moins long-temps encore le privilège des barbiers des campagnes. Croirait-on même queDionis regarde cette mutilation comme excusable sur la personne d'un religieux, sous le prétexte que les testicules doivent lui être inutiles; et que J.-L. Petit, homme si sage pourtant, se laissa aller deux fois à pratiquer l'ex-cision du sac et du testicule, pour obtenir la guérison radicale de la hernie.
Au xvi" siècle, Franco, simple inciseur, mais qui avait plus de génie chirurgical que tous les docteurs de son temps, parla d'une opération de la hernie étranglée. Sans rechercher ici s'il fut réel-lement l'inventeur de cette opération, ou si plutôt, il ne fit que raconter ce qu'il avait vu faire à d'autres, nous signalerons cette nouveauté comme un progrès manifeste dans l'histoire delà her-nie. A. Paré, contemporain de Franco, adopta l'opération contre l'étranglement, et Pigray, élève de Paré, ayant démontré les suites fâcheuses qui résultent de la cautérisation et du point doré, on commença enfin à avoir quelques idées saines sur la manière de traiter les hernies. Toutefois, il a fallu une longue suite d'obser-vations pour que l'on parvînt à s'éclairer sur leur étiologie, et par exemple, ce ne fut qu'après les recherches anatomiques de Fabrice de Hilden, de Ruysch, de Valsalva et de Méry, vers la fin du xvne siècle, qu'il fut bien établi que le péritoine forme un sac au devant des organes déplacés. On continua long-temps encore à diriger une attention principale vers la cure définitive des her-nies, au lieu de perfectionner les bandages, qui sont le moyen le plus efficace pour prévenir les accidens qu'elles occasionnent. Parmi les emplâtres et les onguens de toutes sortes, employés contra rupturam, le remède du prieur de Cabrières eut une telle fortune, que Louis XIV, ne pouvant s'affranchir du secret qu'il avait promis de garder à son inventeur, et ne voulant point ce-pendant priver ses sujets d'un médicament si merveilleux, con-descendit à préparer lui-même le remède, de ses mains royales, pour le délivrer aux malades de Paris. Il arriva sans doute à ce médicament et à d'autres, de faire disparaître certaines tumeurs que la chirurgie ne savait pas alors distinguer des véritables her-nies ; mais, néanmoins, comme on eut fréquemment occasion de pratiquer l'opération de l'étranglement, et que d'ailleurs les con-naissances anatomiques s'étaient beaucoup perfectionnées, on ne tarda pas à faire justice de tous les prétendus remèdes herniaires, et à jeter de vives lumières sur toute cette étude si embrouillée. Les recherches de J.-L. Petit, Arnaud, Ledran, Lafaye, Garen-geot, Pott, et de plusieurs autres chirurgiens du xvm" siècle, firent connaître presque toutes les variétés de siège des hernies, et le mécanisme de leur formation ; les adhérences , l'étrangle-ment et ses suites furent mieux décrits. Les rapports des vais-seaux avec le collet du sac furent étudiés, et en conséquence on sut dans quels cas il fallait opérer pour remédier aux accidens, et comment on devait pratiquer le débridement de la hernie. Les traités de Richter et de Scarpa résumèrent les faits et les doc-trines , et parurent avoir fixé la science pour un certain temps. Mais notre époque, déjà enrichie des précieux travaux de Du-puytren, de Boyer, d'A. Cooper, de Lawrence et de M. J. Cloquet, s'est mise à revoir avec scrupule plusieurs questions spéciales ; elle a beaucoup discuté sur la manière d'éviter la blessure des vaisseaux pendant l'opération du débridement, et sur l'agent di-rect de l'étranglement; elle a aussi, par un retour vers une pra-tique abandonnée, essayé d'obtenir la cure radicale des hernies simples et réductibles. Au reste, nous ne faisons qu'indiquer ces points. Dans les historiques particuliers qui trouveront plus loin leur place, et dans l'exposition qui va suivre, nous aurons occa-sion de compléter l'historique général et de réparer les omissions de détails que nous avons pu commettre.
ÉTUDE GÉNÉRALE DES HERNIES.
Avant de faire l'histoire des différens moyens employés par l'art pour combattre la hernie, il est nécessaire, afin de faire mieux comprendre l'application de ces moyens, de présenter quelques-unes des particularités qui distinguent ce genre d'af-fection .
La hernie de l'abdomen s'annonce par une tumeur de volume variable, molle, ordinairement indolente, et sans changement de couleur à la peau qui la recouvre. Son caractère essentiel est de pouvoir disparaître sous l'effort d'une légère pression, ou bien même par le seul effet d'une position favorable prise par le ma-lade, et alors les organes déplacés qui constituaient la hernie rentrent dans le ventre qui est leur lieu naturel. Nous dirons ce-pendant que par suite de certaines circonstances il est des hernies qui ne peuvent pas ainsi rentrer dans l'abdomen. Dans l'origine la tumeur est peu volumineuse, mais à la longue, si elle n'est point contenue, elle s'accroît considérablement par l'arrivée de nouveaux organes, et on la voit quelquefois renfermer presque toute la masse intestinale avec le grand épiploon. Sa forme , généralement arrondie, et pouvant varier en raison de la masse
des viscères, présente une partie plus étroite cpii se confond avec la paroi abdominale, et une base plus ou moins évasée. A sa sur-face sont quelquefois marquées des bosselures qui répondent à autant de circonvolutions intestinales, et, dans certains cas de hernies anciennes et volumineuses, on aperçoit à travers les en-veloppes les mouvemens péristaltiques de la portion d'intestin contenue à l'intérieur.
Les hernies se distinguent par leur siège, et la considération du lieu par lequel elles s'échappent a été la principale base de leur classification. Nous avons remarqué que l'on avait reconnu de bonne heure les hernies qui se font par le canal inguinal et par l'ombilic; celle qui s'échappe par l'anneau crural n'a été indiquée que beaucoup plus tard , et Verheyen est un des pre-miers qui l'ait mentionnée d'une manière positive, en 1693 (Anatomia, tract. II, cap. vu). J. L. Petit, Garengeot, Arnaud, Hoin décrivirent ensuite des hernies de la ligne blanche , du pé-rinée , du trou ovalaire, etc., et presque toutes celles que l'on connaît aujourd'hui. On admet donc autant de genres dans cette maladie qu'il y a de lieux distincts où elle se montre. Mais, en outre, l'usage et aussi quelquefois l'utilité ont fait admettre des sous-divisions qui constituent des espèces dans chaque genre. Ainsi la hernie inguinale, comprend le bubonocèle, Yoschéocèle, ou hernie scrotale, la hernie intra-inguinale, l'inguinale ex-terne, l'inguinale interne (Hesselbach) , et la hernie congèniale, ou pour mieux dire celle qui est contenue dans la tunique vagi-nale. Nous nous bornons à énumérer ici les autres genres ; ce sont : Y ischiatique, Y ovalaire, la vaginale, la périnéale, la cliaphragmatique, et enfin celles de la ligne blanche, con-nues sous le nom d'exomphales. Toutes ces dénominations sont, comme on le voit, empruntées au siège de la hernie, mais dans chaque genre et dans chaque espèce, il y a des variétés suivant que les organes déplacés sont différens. Ainsi suivant qu'une hernie contient Vépiploon, l'intestin, la vessie, l'uté-rus , etc,, on dit qu'elle est une épiplocèle , une entérocèle, une cystocèle, une hystèrocèle, etc. ; puis, ajoutant le nom du genre et de l'espèce, on peut donner ainsi tous les caractères d'un cas déterminé. Par exemple, dans une hernie de l'intestin à travers le trajet oblique du canal inguinal, on dit qu'il y a entérocèle inguinale externe. En voilà assez sur ces détails préliminaires, car nous ne devons entrer dans la pathologie qu'autant que cela est nécessaire pour l'intelligence de notre sujet.
Anatomie de la hernie en général.
Deux choses sont à considérer dans l'étude anatomique de la hernie : A. les parties contenues, B. les enveloppes.
A. On peut prévoir que parmi les organes contenus dans l'ab-domen, ceux qui sont le plus libres et le plus mobiles devront être plus exposés que les autres à s'échapper de leur lieu natu-rel; et, en effet, l'épiploon et l'intestin grêle composent, à eux seuls, la plupart des hernies abdominales. Les diverses portions du gros intestin peuvent, néanmoins , se présenter dans ces tu-meurs; et si l'on songe qu'on y a vu également l'estomac, la vessie, les ovaires, une partie du foie , une partie de la rate , le rein et même l'utérus, il est permis de dire, d'une manière géné-rale , que de tous les organes contenus dans le ventre, il n'en est aucun, à part peut-être le duodénum , qui ne puisse se ren-contrer dans la hernie. Toutefois, et on le conçoit facilement, le déplacement de quelques-unes de ces dernières parties con-
t. vii.
stitue des espèces rares, observées seulement un petit nombre de fois, tandis que, presque toujours, la hernie est formée par l'épiploon et l'intestin grêle , soit ensemble , soit séparément.
La science aime à citer les faits extraordinaires, et lorsqu'elle trouve l'exemple d'un fœtus développé dans un utérus qui était sorti à travers l'anneau crural, la gestation ayant néanmoins con-tinué , et l'accouchement ayant pu avoir lieu par la voie natu-relle (Buysch. Advers. anatom. decas secunda , pag. a3 ; Opéra omnia, tome 1), elle enregistre cette observation comme cu-rieuse et remarquable, mais elle ne saurait en tirer parti pour l'histoire générale des hernies. Il faut remarquer seulement que les viscères se déplacent de préférence dans les régions qui les avoisinent : ainsi le foie a été surtout trouvé dans la hernie om-bilicale congèniale , l'estomac a plus de tendance à s'échapper à travers une ouverture de la ligne blanche; la vessie, les ovaires et les organes logés dans le petit bassin , ont plus de facilité à sortir par les ouvertures qui sont situées à la partie inférieure de l'abdomen. Il faut remarquer aussi que la hernie contient tantôt un seul organe , tantôt plusieurs ; qu'une hernie simple peut, à la longue, devenir une hernie composée, par l'arrivée secon-daire et successive d'un grand nombre de parties, ainsi qu'on le voit dans ces énormes descentes qui ont fini par accaparer la majeure partie des viscères du bas-ventre.
Il y aurait à parler ici de la manière dont se comportent dans la tumeur les organes déplacés, mais ce point de l'anatomie des hernies trouvera mieux sa place un peu plus loin.
B. L'étude des enveloppes de la hernie est d'une telle impor-tance qu'on peut affirmer qu'elle sert de base à l'histoire entière de la maladie. Avec elle, le chirurgien se rend compte des acci-dens nombreux qui surviennent trop souvent ; il explique les procédés employés par la nature pour rendre le mal stationnaire, pour le guérir parfois d'une manière simple, ou pour le guérir encore après que se sont déclarés les accidens les plus graves. Avec elle, l'opérateur comprend le rôle qu'il a à remplir, et soit qu'il use de moyens palliatifs pour prévenir les accidens, soit qu'il s'arme du bistouri pour combattre ceux-ci, soit qu'en désespoir de cause, il lutte contre une infirmité achetée avec de grands risques par le malade , c'est en général des diverses conditions appartenant aux enveloppes qu'il tire la raison de sa conduite. Autrement, et afin de parler un langage plus clair, la théorie de l'étranglement et de l'opération qu'il nécessite, la théorie de la cure radicale, spontanée ou avec opération, la théorie de Eanus contre nature et de son traitement reposent sur la con-naissance des enveloppes de la hernie. Or, de ces enveloppes, la plus intéressante est l'enveloppe péritonéale, c'est-à-dire le sac ; car le sac est une partie commune à presque toutes les her-nies, sinon à toutes, tandis que les autres enveloppes varient sui-vant le lieu où siège la maladie.
Il est facile de se rendre compte de la présence du péritoine dans les hernies. Les organes du ventre chassés à travers une ou-verture normale ou accidentelle, rencontrent le feuillet périto-néal qui tapisse la face interne de la paroi abdominale, et la poussent au-devant d'eux pour s'en couvrir comme d'une coiffe. H n'y a point rupture du péritoine comme le croyaient les anciens chirurgiens ; cette membrane souple et extensible se laisse dis-tendre sous la pression du viscère pour constituer un sac qui se moule sur le volume et sur la forme des parties déplacées. Toutes les fois que l'organe hernie rencontre le péritoine sur son che-min, il le déplace donc avec lui, et ces cas sont incontestable-ment les plus nombreux ; mais il est quelques-uns des viscères
abdominaux qui peuvent sortir sans s'envelopper ainsi. Par exem-ple , le cœcum sur l'une de ses faces n'est point recouvert par le péritoine; que celle face se présente à l'anneau crural ou ingui-nal , l'organe pourra s'échapper en soulevant la séreuse , en glis-sant sous elle et sans la pousser à travers l'anneau. De même, la vessie peut remonter entre le pubis et la paroi abdominale et sortir par un des anneaux, sans rencontrer le péritoine préala-blement écarté. L'anatomie indique ces faits et l'expérience les a plusieurs fois démontrés. Lorsqu'une hernie, même de l'intes-tin , survient après une blessure qui a divisé la paroi abdomi-nale, en comprenant le péritoine, celui-ci ne forme plus une enveloppe à l'organe déplacé, et il n'existe par conséquent point encore de sac. Mais, au reste, à part ces divers cas exception-nels , il y a toujours un sac à la hernie.
Le sac a des dimensions qui sont en rapport avec le volume des organes hernies. Exactement moulé sur les parties déplacées et n'étant qu'un prolongement de la grande poche péritonéale, avec laquelle il communique librement, il offre, i° un orifice di-rigé du coté du ventre ; a0 un point rétréci correspondant au pédicule de la hernie ; 3" un renflement ou évasement qui constitue le fond de la poche et est dirigé vers les tégumens. Le point rétréci, qui est en quelque sorte le goulot de l'infundibu-lum représenté par le sac, se nomme col ou collet, l'une des parties les plus importantes à considérer. C'est lui en effet qui donne issue dans le sac, et cpii permet à l'organe déplacé de rentrer denouveau clansle ventre.Suivant qu'il sera assez large, ou qu'il sera relativement trop étroit, pour laisser passer librement l'intestin et les matières contenues dans son intérieur, il n'exer-cera point de constriction sur la partie herniée, ou bien il amè-nera cet état particulier décrit sous le nom d'étranglement. Au reste, le collet est susceptible de plusieurs altérations, savoir, les adhérences et l'épaississement, que nous examinerons à l'occasion delà hernie étranglée. Bornons-nous à dire ici qu'il varie dans les cas divers cpii se présentent, non-seulement sous le rapport de l'é-troitesse et de l'étendue en hauteur, mais encore quant au nom-bre. Bien que le plus souvent on ne rencontre dans un sac her-niaire qu'un seul collet, il n'est pas sans exemple cependant d'en voir plusieurs. Alors la cavité du sac offre deux ou même trois rétrécissemens étages les uns au-dessous des autres, avec autant d'évasemens intermédiaires, soit que cet effet tienne à des brides développées à la face interne du sac par un travail lent d'inflam-mation , soit qu'il résulte d'autant de propulsions successives d'une nouvelle quantité d'intestins qui n'ont pu distendre le collet primitif, une nouvelle hernie venant réclamer sa place dans le même sac.
Le sac, formé comme nous l'avons dit par un prolongement du péritoine abdominal, est lisse et poli à sa face interne, ou viscérale, et, par sa face externe, il est en rapport avec les tissus au milieu desquels il est venu se loger. Cette face externe, d'abord assez lâchement unie aux parties environnantes pour permettre à la poche de rentrer facilement dans le ventre avec les organes qu'elle contient, peut à la longue contracter des ad-hérences qui s'opposent ensuite à sa réductibilité. D'ailleurs sa forme, son amplitude et son épaisseur varient en raison du vo-lume des parties contenues et de l'ancienneté delà hernie. A son intérieur, il existe assez souvent une certaine quantité de liquide analogue à celui que l'on trouve dans la cavité des membranes séreuses , mais dont cependant la quantité et la qualité varient. Ce liquide, ordinairement clair et transparent, est quelquefois trouble et mêlé de sang; il est plus abondant et sa présence est surtout plus constante dans la hernie étranglée. Des chirurgiens ont affirmé que le sac renfermait toujours du liquide dans la hernie étranglée, et se sont appuyés de cette circonstance pour recommander un procédé particulier dans l'opération de l'étran-glement.
Nous devons, après cet exposé succinct sur les parties consti-tuantes de la hernie, mentionner les états différais sous lesquels peuvent se présenter ces parties. On peut les ranger sous les quatre chefs suivans : Hernies réductibles, — hernies irréduc-tibles, — hernies étranglées avec ou sans adhérences.
La hernie est réductible lorsque les organes déplacés rentrent avec facilité dans la cavité abdominale. Alors la maladie est la plus simple possible : quels que soient son siège , son volume et l'organe déplacé , elle se trouve dans les conditions anatomiques cpie nous avons indiquées comme servant de type, c'est-à-dire que le collet est assez large pour permettre le passage libre des organes , et qu'aucune adhérence n'existe entre ceux-ci et le sac.
Par opposition , la hernie est dite irréductible, lorsque le dé-cubitus horizontal et la pression méthodiquement exercée sur la tumeur ne parviennent point à la faire rentrer. Cet état, peu grave en soi, puisqu'il est compatible avec une bonne santé, et qu'il n'expose pointa des accidens immédiats, est occasionné plai-des adhérences établies entre le sac et les organes contenus. Des brides anciennes et résistantes se portent d'un despoints du sac sur l'intestin ou suiTépiploon, et les unissent étroitement entre eux, ou bien des adhérences se forment entre les diverses parties qui sont contenues à l'intérieur du sac. Mais, au reste, il faut distin-guer les cas dans lesquels l'irréductibilité est ou n'est pas par-tagée par le sac. Quelquefois, en effet, il arrive que le sac ren-tre avec l'intestin ; mais plus souvent il reste au dehors, après la réduction , parce que des adhérences le fixent aux autres en-veloppes plus extérieures. L'irréductibilité se rencontre princi-palement dans les hernies anciennes, chez les individus qui ont fait usage de bandages mal conformés et mal placés. On a dit aussi que dans quelques cas le volume énorme de la hernie s'op-posait à sa réductibilité; que la capacité abdominale, rétrécie par suite du séjour habituel au dehors d'une grande partie de ses viscères, n'étant plus assez large pour recevoir les parties dé-placées , celles-ci avaient en quelque sorte perdu leur droit de domicile dans le ventre. Nous ferons remarquer que, dans ces cas, il y a toujours quelques adhérences qui s'opposent aussi à la réduction des viscères.
La hernie étranglée a ce double caractère qu'elle est à-la-fois irréductible et resserrée à son col par une constriction qui donne lieu à plusieurs effets consécutifs, tels que rinflainmation, l'adhé-rence et la gangrène.On ne doit pas confondre l'étranglement avec l'engouement. Dans celui-ci, il y a simplement amas de matières dans l'intestin hernie, et par suite irréductibilité, douleurs, dif-ficulté ou impossibilité d'aller à la selle. Mais l'étranglement peut se faire aussi bien sur l'épiploon , la vessie ou tout autre organe que sur l'intestin ; il peut même exister sur un intestin vide de matières amassées, cas dans lequel il résulte d'une constric-tion qui resserre à son pédicule la partie herniée. Deux causes différentes amènent cette constriction. Tantôt l'ouverture à tra-vers laquelle passe la hernie, est primitivement trop étroite, ainsi que cela arrive lorsqu'une hernie s'étrangle aussitôt qu'elle paraît ; tantôt l'ouverture devient relativement trop étroite, parce cpie le volume de la hernie s'est brusquement augmenté à l'occa-sion d'un effort, et dans ce cas l'étroitesse de l'orifice du sac est
en quelque sorte secondaire. Dans l'étranglement, il y a tou-jours inflammation de la partie herniée, et cette inflammation, qui reconnaît pour cause la constriction , devient à son tour une cause de constriction plus grande.
Eu égard au siège de l'étranglement, on a long-temps cru que l'ouverture aponévrotique qui donne passage à la hernie était elle-même le lien constricteur. Cette opinion a régné surtout à une époque où l'attention des chirurgiens n'avait été que médio-crement fixée sur le sac, son collet, et les changemens qui peu-vent y survenir; or, on conçoit que la disposition et la texture fibreuse des anneaux inguinal et crural et des ouvertures natu-relles ou accidentelles de la ligne blanche, étaient bien propres à donner gain de cause à cette doctrine. Vers le milieu du xvin0 siècle, quelques observateurs, et entre autres Ledran et Arnaud, admirent que le collet du sac pouvait être aussi, dans un petit nombre de cas, la cause de striction ; et un peu plus tard, Richter crut avoir démontré la possibilité d'un étranglement actif ou spasmodique par le moyen des fibres musculaires, en particu-lier dans la hernie inguinale. Ces trois modes de constriction fu-rent acceptés à-peu-près sans discussion jusqu'à Scarpa qui le premier essaya d'éclairer par une critique habile ce point délicat de l'histoire des hernies. Le chirurgien de Pavie mit d'abord en doute le resserrement spasmodique signalé par Richter, et com-parant l'anneau inguinal externe à l'orifice qui donne passage à la veine cave inférieure à travers le diaphragme , il nia la possi-bilité d'une constriction active dans cet anneau. Ensuite, tout en continuant à admettre l'étranglement par le contour des an-neaux aponévrotiques , il donna au collet du sac, comme cause de constriction, une part beaucoup plus grande qu'on ne l'avait fait avant lui. Il expliqua avec précision et clarté comment le collet s'épaissit dans les hernies qui ont été long-temps mainte-nues réduites avec l'aide d'un bandage, et comment ainsi il de-vient une occasion prédisposante à l'étranglement, si l'anse intes-tinale contenue dans le sac vient à augmenter tout-à-coup de volume. Dupuytren fut aussi frappé du grand nombre de cas dans lesquels la constriction a lieu par le collet du sac, et il regarda ce collet comme la cause de beaucoup la plus fréquente de la constriction.
La question en était là tout récemment encore, et sans cesser de croire que l'étranglement pût être produit par l'anneau apo-névrotique dans certaines hernies peu anciennes et en particu-lier dans la hernie crurale , on admettait seulement que le collet du sac était le siège le plus fréquent de cet accident, lorsqu'un chirurgien de nos jours s'est efforcé de modifier cette opinion. M. Malgaigne, allant plus loin qu'on ne l'avait fait avant lui, n'a pas craint d'affirmer que toute hernie inguinale, et crurale s'é-tranglait par le collet, que l'étranglement par l'anneau aponé-vrotique était un fait admis gratuitement et sans preuve, et, pour tout dire, un fait sans exemple. Pour soutenir cette opinion , il montra combien souvent le collet est le lien constricteur, et il chercha en vain, assure-t-il, tant par lui-même que dans les auteurs , un exemple d'étranglement par les fibres aponévro-tiques. A la suite de cette proposition, on a vu s'élever une controverse qui, en fin de compte, a prouvé qu'il y avait exa-gération dans la thèse soutenue par M. Malgaigne. Malgré la verve de son talent et la perspicacité de sa critique, cet habile chirur-gien a été victorieusement réfuté, à notre avis , par des observa-teurs jaloux de le combattre sur Je terrain même de l'observa-tion. Ainsi donc, malgré tout l'éclat jeté sur ce sujet, aujour-d'hui encore en litige peut-être, pour certains esprits, la ques-tion, néanmoins, doit être maintenue à-peu-près dans les ternies où elle se trouvait auparavant, c'est-à-dire que les anneaux apo-névrotiques doivent être considérés aussi comme une cause de l'étranglement herniaire : cependant, et en ceci la discussion n'aura pas été entièrement stérile, il faut reconnaître que l'é-tranglement parle collet du sac est plus fréquent encore qu'on ne l'avait admis jusqu'à nos jours.
Mais, outre ces deux sièges privilégiés de la constriction étran-glante, le collet et l'ouverture aponévrotique , il y a d'autres par-ties qui peuvent jouer le rôle de lien constricteur. Cela est facile à concevoir. Dans l'intérieur du sac , tout ce qui forme une bride sur l'intestin peut intercepter le cours des matières, gêner la cir-culation, et conséquemment amener un véritable étranglement. Ainsi, tantôt lorsque les deux bouts d'une anse intestinale her-niée sont entortillés l'un autour de l'autre, ils se compriment mutuellement si l'intestin vient à être distendu par des matières, par des gaz ou par des corps étrangers. Tantôt l'épiploon, fixé par des adhérences à deux points opposés du sac, passe comme une bride autour de l'intestin ou au-devant de lui et devient une corde capable d'étrangler l'anse intestinale, pour peu que celle-ci se remplisse de gaz ou de matières : ou bien l'épiploon, perforé dans un point de son étendue, reçoit l'intestin qu'il embrasse à la manière d'un anneau. Il est encore d'autres variétés de bri-des que peut former l'épiploon et qui toutes deviennent causes d'étranglement. Il en est de même de l'appendice iléo-ccecal des-cendu dans la hernie avec une portion du ccecum ou de l'i-léon, et des appendices épiploïques du colon. Enfin il est pos-sible que l'intestin soit étranglé parles bords d'une déchirure survenue dans le sac, ou par un rétrécissement siégeant dans le corps du sac herniaire , ainsi qu'on en voit dans ce que l'on nomme les sacs à plusieurs collets.
En définitive, l'étranglement peut avoir lieu de plusieurs ma-nières différentes. Mais il consiste toujours en un resserrement de la partie herniée, soit à l'orifice du sac, soit à l'intérieur de celui-ci, soit par le collet, soit par l'ouverture aponévrotique, soit par une bride de l'épiploon ou tout autre lien mécanique.
La constriction amène toujours à sa suite une inflammation qui s'empare du sac et des organes qui composent la hernie. Cette inflammation a pour résultat d'augmenter la quantité de liquide que contient souvent le sac d'une hernie un peu ancienne, et d'établir quelques adhérences aiguës. On voit surtout ces ad-hérences au niveau du collet, c'est-à-dire là où la constriction se fait le plus vivement sentir, et, pendant l'opération, on peut les distinguer des adhérences anciennes, parce que celles-ci sont plus solides et plus résistantes que les premières. 11 arrive assez souvent, lorsqu'on opère une hernie étranglée, de ren-contrer une portion d'épiploon solidement fixée au sac , et en même temps des adhérences molles et faciles à détruire entre le collet et la face externe de l'intestin ; quelquefois même une lé-gère couche de lymphe plastique recouvre les deux bouts de l'anse intestinale et les agglutine entre eux ou avec l'épiploon : ce sont ces dernières adhérences, nommées gélatineuses par Scarpa, qui se forment durant la période inflammatoire de l'étranglement.
Une autre suite beaucoup plus grave de l'étranglement et de l'inflammation qui l'accompagne est la gangrène des parties con-tenues dans le sac. Après la réaction inflammatoire qui résulte de la compression des vaisseaux sanguins dans l'intestin ou dans l'épiploon , arrive la mortification de ces parties par le double effet et de l'inflammation et de la stagnation du sang dans les ca-pillaires. Il importe au chirurgien de connaître quels sont les ca-
ractères des différens états que présente l'intestin , depuis le mo-ment où il est étranglé jusqu'à la période de mortification. Or l'intestin est d'abord tendu, lisse à sa surface, et il offre une teinte violacée qui est la conséquence d'une gène dans sa circula-tion ; puis sa couleur devient de plus en plus foncée; et lorsque la gangrène s'en empare, il prend une teinte cendrée, ses parois au lieu de rester lisses et tendues, comme auparavant, deviennent ternes et flasques. Dans l'épiploon les caractères de la gangrène ne sont ni aussi marqués ni aussi faciles à saisir ; on peut re-marquer cependant cpie cette partie est alors fortement engorgée, molle et très friable. Au reste, la gangrène de l'épiploon est beau-coup moins prompte à se déclarer et par conséquent plus rare que celle de l'intestin.
Le plus souvent la mortification de l'intestin est limitée à un point de son étendue. Tantôt elle se présente sous forme de pla-que sur la partie renflée de l'organe, et cela arrive dans les cas assez nombreux où des tentatives immodérées de taxis ont con-tribué à l'établissement de la gangrène. Tantôt elle se montre au niveau même du collet, circonscrite en un ou plusieurs points, distans les uns des autres. Elle peut aussi envahir la presque to-talité de l'anse intestinale. Quelquefois elle est précédée d'un petit abcès développé dans l'épaisseur des tuniques, et alors en vou-lant détacher les adhérences qui unissent ce point au collet du sac, en levant l'étranglement, ou en voulant attirer au dehors une portion de l'intestin , afin de constater son état après le dé-bridement, on voit l'intestin se déchirer et donner issue aux ma-tières qu'il renferme.
Nous n'avons point ici à faire l'histoire détaillée des suites de la gangrène dans les hernies, car ce serait sortir du cadre que nous nous sommes tracé; mais devant traiter de l'opération qui con-vient à l'anus contre nature , nous allons étudier l'anatomie de cette affection qui est une des conséquences de la gangrène de l'intestin.
ANATOMIE DE l'aNUS CONTRE NATURE.
Il y a anus contre nature lorsque les matières de l'intestin au lieu de parcourir leur trajet accoutumé jusqu'à l'anus naturel, s'échappent au dehors à travers une ouverture accidentelle pra-tiquée sur un point quelconque de la longueur de l'intestin. Quelle que soit la cause déterminante qui lui donne lieu, il faut toujours qu'il y ait eu solution de l'intestin et des parties molles qui le recouvrent, à l'occasion, soit d'une plaie du ventre, soit d'une hernie gangrenée, soit d'une opération de hernie exécutée avec maladresse ou dans des conditions malheureuses. Nous nous occuperons surtout de l'anus anormal qui succède à une hernie , parce que c'est spécialement dans ce cas que la chirurgie opératoire offre des moyens pour combattre l'infirmité.
Etat de l'intestin. — Dans un anus contre nature établi, les deux bouts de l'intestin n'offrent point toujours entre eux le même rapport. Rapprochés l'un de l'autre vers le point de la paroi abdominale où existe l'ouverture , leur angle d'inclinaison varie en raison de l'étendue de perte de substance qu'a subie le tube intestinal; ainsi qu'une anse intestinale ait été simplement pincée dans une hernie, de manière que la gangrène n'ait pu at-taquer qu'une petite portion du calibre de l'intestin , les deux bouts de celui-ci se rencontreront presque bouche à bouche, avec une très petite inclinaison , et l'angle situé derrière leur réunion sera très ouvert. Supposons, au contraire, que l'intestin ait été détruit par la gangrène , dans une notable partie de son calibre , alors les deux bouts seront obligés de se rapprocher à angle aigu derrière la fistule, et déjà même ils s'adosseront l'un à l'autre dans une certaine étendue. Admettez enfin qu'une anse intesti-nale entière ait été détruite, les deux bouts du canal marcheront parallèlement et seront complètement juxtaposés comme deux canons de fusil jusqu'à la plaie extérieure. De ces particularités, il résulte une circonstance anatomique digne du plus haut intérêt, et cpie voici : c'est que, clans les deux derniers cas, les parois contiguè's des deux tubes de l'intestin formeront vers l'extérieur une saillie anguleuse, laquelle sera d'autant plus marquée et plus étendue en profondeur, que la rencontre des tubes sera plus pa-rallèle; et que par opposition , dans le cas de continuité, cet angle saillant sera à peine marqué. C'est cette saillie formée par les pa-rois adossées des deux bouts de l'intestin que l'on désigne , depuis les travaux de Scarpa , sous le nom d'éperon , et qui joue un si grand rôle dans la cure chirurgicale de l'anus contre nature, ainsi que nous le dirons plus loin.
Nous passons sur d'autres détails relatifs à la superposition des deux bouts de l'intestin , et à leur croisement ou entortille-ment , ces faits devant revenir à l'occasion du manuel opératoire, et nous omettons également tout ce qui concerne l'influence de la maladie sur la portion inférieure du tube digestif, et sur l'état des digestions : notre but est de n'entrer dans la pathologie qu'au-tant que cela est nécessaire à l'intelligence des opérations.
Entonnoir membraneux.— On a long-temps cru que les deux bouts de l'intestin contractaient des adhérences avec les lèvres de la plaie extérieure , et pour explicpier la guérison spontanée qui survient quelquefois, on avait admis que les deux orifices de l'in-testin se rapprochaient graduellement et finissaient par se souder entre eux. Scarpa a substitué des faits réels à cette hypothèse. Les orifices de l'intestin ne s'unissent point aux lèvres de la plaie, mais bien au contour du sac herniaire, qui lui-même est très ra-rement frappé de gangrène. Ainsi fixés, ils laissent entre eux et l'ouverture cutanée un espace tout entier tapissé par le sac, dont la base répond à l'intestin, et dont le sommet aboutit à la fistule extérieure.
Cet espace, nommé entonnoir membraneux , est étroit lorsque l'anus contre nature commence à s'établir, mais il s'agrandit gra-duellement surtout à sa base, et remplit en quelque sorte le rôle d'un réservoir dans lequel les matières intestinales sont versées par le bout supérieur. De là elles sortent par la plaie extérieure, ou passent dans le bout inférieur de l'intestin, et le partage se fait inégalement entre ces deux voies , suivant que l'éperon s'op-pose plus ou moins à l'entrée de ces matières d'un orifice de l'in-testin dans l'autre orifice. On devine aisément que plus l'éperon est saillant au fond de l'entonnoir, plus les matières éprouveront d'obstacle à le franchir pour suivre le trajet naturel de l'intestin, et qu'à mesure qu'il s'efface, le cours naturel tend à se rétablir ; on devine aussi par conséquent que la fistule extérieure s'entre-tient en raison directe de la saillie de l'éperon et de l'étroitesse de l'entonnoir.
Nous avons dit que l'entonnoir tend à s'élargir graduellement : on a recherché quelle était la cause de ce phénomène qui est une des conditions les plus favorables à la cure spontanée de l'anus contre nature. Scarpa, auteur de la plupart des remar-ques que nous venons de consigner, avait pensé que c'était 1 é-lasticité de la couche celluleuse placée entre le col du sac her-
niaire et la paroi abdominale, qui était le principal agent de l'é-largissement de l'entonnoir, parce que le péritoine, qui constitue la poche même de cet entonnoir, pouvait ainsi glisser derrière l'anneau. Il est incontestable, en effet, que l'élasticité en ques-tion est nécessaire au déplacement du sac ; mais il existe une autre cause plus directement utile au retrait de ce sac derrière la paroi abdominale. Cette cause est l'action du mésentère qui ti-raille incessamment les deux bouts de l'intestin fixés au fond de l'entonnoir, et qui, d'une manière continue, tend à les écarter de l'orifice externe ou cutané, et, en outre, le mouvement pé-ristaltique de l'intestin qui concourt au même résultat. Ainsi, le sac membraneux nommé entonnoir est lâchement uni au pour-tour de la paroi abdominale, et il est sans cesse tiraillé du côté du ventre; voilà la cause combinée de l'élargissement de ce sac, de l'effacement de l'éperon, et du rétrécissement graduel et spon-tané de la fistule extérieure.
Au reste , quelque merveilleux que soit cet artifice employé par la nature pour amener la cure de l'anus anormal, n'oublions pas que l'entonnoir membraneux reste toujours un sac inerte , incapable de réagir sur les matières que le bout supérieur de l'intestin y dépose. Et alors il est facile de prévoir qu'aussitôt que ces matières deviennent un peu trop abondantes, trop fermes, ou chargées de corps étrangers, elles ne peuvent contourner l'éperon pour gagner le bout inférieur, ce qui occasionne une dis-tension de l'entonnoir, une irruption stercorale à travers la fis-tule , et pour celle-ci un obstacle à la cicatrisation.
Nous mentionnerons, sans aucun détail, certaines complica-tions que l'on observe dans l'anus contre nature. Quelquefois, surtout si les deux bouts de l'intestin forment en arrière un angle très ouvert, une anse libre d'intestin peut s'engager entre eux et pousser au-devant d'elle l'éperon et les deux orifices béans de l'anus anormal, qui est alors traversé par une hernie. Dans d'autres cas, l'un des bouts de l'intestin, ou même tous les deux, peuvent se renverser au dehors à travers la fistule et constituer une hernie, assez semblable par sa nature à ce que l'on nomme chute ou renversement du rectum. D'autres fois, l'entonnoir, plein et distendu par les matières, ne pouvant se vider ni par la fistule externe ni par le bout inférieur de l'intestin , il y a tous les accidens que l'on observe dans un engouement herniaire, et l'on a à redouter presque tous les dangers d'un véritable étranglement, ou encore la rupture des adhérences du sac membraneux avec le pourtour de l'intestin. Enfin il est possible que les matières con-tenues dans l'entonnoir occasionnent autour de l'anus anormal ce que l'on voit autour de l'anus naturel, dans les cas de fistule, c'est-à-dire qu'elles donnent lieu à des abcès sous-cutanés, à des clapiers, et par suite à des fistules secondaires plus ou moins nombreuses.
TRAITEMENT DE LA HERNIE.
Le traitement de la hernie a pour but de satisfaire à l'une de ces trois conditions : i° Prévenir les accidens, en maintenant la tumeur réduite dans le ventre ; a° combattre les accidens décla-rés, en particulier l'étranglement; 3° faire disparaître complè-tement la maladie. On peut donc séparer les moyens chirurgi-caux que nous possédons à cet égard en deux groupes distincts, suivant que l'on a en vue une cure palliative ou une cure radi-cale, car les bandages employés pour maintenir la hernie ré-duite, et ce que l'on nomme l'opération de la hernie étranglée, ne parviennent le plus ordinairement qu'à prévenir ou à faire
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disparaître les accidens, sans guérir radicalement l'affection. Nous examinerons successivement les procédés de réduction ou le taxis, les bandages, l'opération de la hernie étranglée et les opé-rations proposées pour obtenir la cure radicale ; mais il est utile avant tout de tracer l'anatomie opératoire de chacune des régions de l'abdomen où se présentent les hernies, cette connaissance anatomique étant absolument indispensable pour comprendre les méthodes et les procédés que nous aurons à décrire.
anatomie opératoire de la hernie inguino-scrotale.
Cette hernie se faisant par le canal inguinal, nous avons à considérer ce canal d'abord en lui-même, c'est-à-dire tel qu'il existe normalement, puis nous examinerons les particularités qu'il présente dans le cas de hernie.
Canal inguinal chez l'homme. Ce canal, qui a une lon-gueur de quatre et demi à six centimètres (dix-huit lignes à deux pouces) environ chez l'adulte, est creusé dans l'épaisseur de la paroi abdominale antérieure et se dirige obliquement d'arrière en avant, de haut en bas et de dehors en dedans. Limité en haut et en arrière, au niveau de la cavité du péritoine et par cette membrane, il aboutit, en bas et en avant, au corps du pubis sous les tégumens. On y distingue deux orifices, dont l'un est supérieur et l'autre inférieur, et en outre des parois limitant sa cavité. La forme du canal est assez régulièrement cylindroïde, mais pour le décrire, on le divise en quatre parois ou faces.
Afin de faire bien saisir la disposition de ces parois, nous rappellerons que le plus superficiel des trois muscles larges qui constituent la paroi abdominale antérieure, c'est-à-dire le grand oblique, est entièrement aponévrotique dans sa partie inférieure : les bandelettes fibreuses de ce muscle, fixées à l'épine antéro-supérieure de l'os iliaque, descendent obliquement en dedans jusqu'à l'épine et à la symphyse du pubis , en constituant dans leur trajet un repli, le ligament de Fallope, ou de Poupart, ap-pelé aussi l'arcade crurale, étendu entre l'épine antéro-supé-rieure de l'os des îles et le pubis; l'aponévrose du grand oblique, non interrompue, se réfléchit, et sous le nom de fascia trans-versal'^ remonte dans la paroi abdominale. Or, entre ces deux portions d'une même aponévrose , dont l'une est superficielle et descendante, dont l'autre est profonde et ascendante, existe un intervalle ou espace qui n'est autre chose que le canal inguinal lui-même. Cet espace a donc pour paroi ou limite antérieure, la portion directe ou descendante de l'aponévrose, et pour paroi postérieure, la portion réfléchie ou ascendante, tandis qu'en bas il est limité par la gouttière que forment les deux portions de l'aponévrose en se réunissant sur le ligament de Fallope. Il ne reste plus que la paroi supérieure du canal. Celle-ci, moins net-tement limitée, est représentée par le bord inférieur flottant des deux muscles petit oblique et transverse de l'abdomen.
L orifice supérieur interne oupéritonèal du canal, ou l'anneau interne, est dirigé en haut, en dehors et en arrière à un plan plus profond que l'autre orifice de l'épaisseur de la paroi musculaire. Il est situé vers le milieu d'une ligne conduite de l'épine iliaque antéro-supérieure à l'angle du pubis. Sa forme est semi-lunaire ; le côté interne de sa circonférence est concave, plus ferme que le côté externe ; c'est sur lui qu'appuie le canal déférent en entrant dans le canal. Ce bord, concave contre lequel s'étrangle la her-nie inguinale dans certains cas, et qui a été nommé pilier in-
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terne de l'anneau supérieur, est formé par \efascia transversalis. L'orifice supérieur , enfin , est fermé par le péritoine qui, chez l'adulte, n'offre aucune ouverture en ce point, et il ne s'ouvre que clans le tissu cellulaire extérieur au péritoine pour donner entrée aux élémens du cordon spermatique.
\J orifice inférieur externe et sous-cutané, ou Vanneau inguinal externe , est formé par l'aponévrose du grand oblique. Au mo-ment où cette aponévrose gagne le pubis, ses fibres s'écartent de manière à laisser entre elles un intervalle elliptique dont les bords nommés piliers limitent l'anneau. Celui de ces piliers qui est in-terne est plus large est moins épais que l'autre, et se fixe au-devant delà symphyse pubienne en s'entrecroisant avec celui du côté opposé. L'externe, appelé aussi inférieur, parce qu'il des-cend un peu plus bas que le précédent, s'attache sur l'épine du pubis , et ainsi cpie nous le verrons à l'occasion de la région cru-rale , on doit regarder comme lui appartenant un repli particu-lier désigné sous le nom de ligament de Gimbernat. L'espace circonscrit par ces piliers a une forme ovalaire, et son grand diamètre est dirigé de haut en bas et de dehors en dedans ; son extrémité inférieure répond au bord supérieur de l'os pubis, et l'autre, qui est supérieure et externe, est émoussée par des fi-bres transversales dont les courbes viennent brider l'angle d'où les piliers s'écartent en divergeant. L'incidence de ces fibres trans-verses sur les fibres obliques des piliers, est assez variable, et il en résulte des dimensions variables aussi pour l'anneau.
Si maintenant nous examinons les parties qui doublent ou avoisinent le canal inguinal, nous trouvons : i" que ce canal est recouvert en avant par la peau, la couche graisseuse et les deux lames du fascia superficialis; i° qu'il est séparé du péritoine, en arrière, par une couche celluleuse interposée entre le péri-toine et le fascia transversalis ; 3° qu'il est avoisiné par des vais-seaux, savoir l'artère épigastrique et l'ombilicale oblitérée chez l'adulte. Ces deux vaisseaux rampent, en bas et en arrière du canal, entre le fascia transversalis et le péritoine, et de leur disposition résulte ce qu'on nomme les fossettes inguinales. Pour voir ces fossettes, il faut, après avoir ouvert l'abdomen , regar-der la paroi abdominale du côté du ventre. On aperçoit alors trois fossettes distinctes: l'une, la plus externe, répond préci-sément à l'orifice supérieur du canal, et est limitée en dedans par la saillie de l'artère épigastrique; c'est par elle que s'enga-gent les organes dans la hernie inguinale oblique ou externe; une autre, moyenne, est bornée en dehors par l'artère épigas-trique, en dedans par le cordon de l'artère ombilicale; elle donne entrée aux viscères dans la hernie interne ; la troisième, ou interne, est comprise entre l'artère ombilicale et le bord ex-terne du muscle droit de l'abdomen; peut-être des organes peu-vent-ils s'échapper par cette troisième fossette, et on pourrait alors, avec M. Velpeau, nommer la hernie sus-pubienne. — Ajoutons que ces trois fossettes sont tapissées par le péritoine qui est déprimé à leur niveau.
Le canal inguinal, chez l'homme , contient à son intérieur di-verses parties. On y trouve le cordon testiculaire avec ses élé-mens, c'est-à-dire le canal déférent, l'artère et les veines sper-matiques, des vaisseaux lymphatiques et des filets nerveux ; le tout entremêlé d'un tissu cellulaire lâche et enveloppé de plu-sieurs tuniques. Ces tuniques sont de l'extérieur à l'intérieur, les fibres les plus élevées du muscle crémaster, la tunique fibreuse commune et la tunique propre au cordon. En outre, le même canal contient encore un rameau envoyé par l'artère épigastrique au cordon , un autre fourni par 1 liypogastnque , et un rameau nerveux provenant du plexus lombaire et qui passe constam-ment entre les fibres charnues du petit oblique et l'aponévrose du grand oblique. Quelquefois enfin on y rencontre des flocons adipeux.
Canal inguinal chez le fœtus.
Il y a, entre le canal inguinal de l'adulte et celui du fœtus, des différences causées par le changement qui survient chez ce dernier dans la position du testicule. Durant la vie intra-utérine, le testicule est logé dans l'abdomen au-dessous du rein, et pen-dant cette période de temps le canal inguinal ne contient que le gubernaculum testis. A sept mois environ, le testicule franchit le canal, poussant devant lui le péritoine dont une portion des-cend avec l'organe sécréteur du sperme dans le scrotum, et alors le canal inguinal renferme comme chez l'adulte les élémens du cordon, et de plus un prolongement cylindroïde de la membrane séreuse abdominale; puis ce prolongement péritonéal s'oblitère peu-à-peu, de façon qu'au moment de la naissance il n'existe plus ordinairement. Chez le fœtus, le canal très court est moins oblique que chez l'adulte, perce presque directement la paroi abdominale d'arrière en avant; ce n'est qu'à l'époque du déve-loppement du bassin que son extrémité supérieure est entraînée en dehors par l'écartement des os des îles.
Canal inguinal chez la femme. Il ne contient que le liga-ment rond de l'utérus et quelques ramuscules vasculaires. Ses dimensions sont beaucoup moins considérables que chez l'homme ; son orifice supérieur est, pour ainsi dire, réduit à une simple fente, et son orifice inférieur est aussi plus étroit que dans l'autre sexe.
Variétés par disposition naturelle. Nous avons dit que le testicule, primitivement placé dans la région lombaire, en-traîne avec lui, en traversant le canal inguinal, une portion de péritoine dont le prolongement s'oblitère ensuite. Mais il est pos-sible que cet étui péritonéal persiste dans toute sa longueur, même après la naissance, et alors la tunique vaginale commu-nique par un canal libre avec la grande cavité séreuse de l'ab-domen. Si par suite de cette circonstance une hernie inguinale s'établit, et on conçoit que les viscères doivent avoir de la faci-lité à parcourir un trajet tracé d'avance, les parties composantes de la hernie se trouveront en contact avec le testicule. On nomme congéniale cette variété particulière de hernie, non pas qu'elle existe toujours dès le moment de la naissance, mais parce qu'elle se forme en vertu d'une disposition qui elle-même est congé-niale.
modifications apportées dans le canal inguinal par les hernies.
Nous placerons dans ce paragraphe les rapports de la hernie inguinale. Dans la hernie externe et récente le canal conserve sa longueur naturelle, mais dans la hernie ancienne la pression continue des viscères a pour effet de redresser le trajet oblique du canal, et de le raccourcir en rapprochant son orifice supé-rieur de l'inférieur. Ainsi, à la longue le canal perd de sa lon-gueur et ses deux extrémités sont ramenées à-peu-près sur le même niveau. Cette circonstance n'est pas sans intérêt, puisqu'il
en résulte qu'on ne peut plus s'aider de la direction dans laquelle se trouve le pédicule de la hernie pour savoir si une hernie in-guinale très ancienne s'est échappée par la fossette externe ou par la fossette moyenne, c'est-à-dire pour savoir si cette hernie est externe ou interne. Cependant une telle connaissance est utile pour assigner le rapport de l'artère épigastrique avec le collet du sac ; on sait, en effet, que dans la hernie externe cette ar-tère est placée sur le côté interne du col de la hernie, et que dans la hernie interne, au contraire, elle est située sur le côté externe. On voit, par conséquent, pourquoi les changemens survenus dans le canal inguinal, par le fait d'une hernie an-cienne, sont capables de jeter de l'embarras dans l'esprit du chi-rurgien qui cherche, avant l'opération, à déterminer la position de l'artère relativement au collet.
Si l'on envisage les enveloppes de la hernie inguinale, on trouve qu'elle est recouverte dans le canal inguinal même par toutes les couches qui constituent la paroi abdominale anté-rieure. Une fois descendue dans le scrotum, on rencontre, par plans superposés, la peau, le fascia sous-cutané superficiel, le dartos, le feuillet profond du fascia sous-cutané, une lamelle cellulo-fibreuse qui se détache de l'aponévrose du grand oblique, le crémaster, le prolongement inférieur du fascia transversalis, et enfin la lamelle celluleuse interposée entre ce dernier fascia et le péritoine et que quelques anatomistes nomment fascia pro-pria. Ces diverses couches sont loin de se présenter toujours d'une manière distincte. Soit à la suite d'un travail local d'in-flammation, soit par le fait de la distension des enveloppes, ou de la pression exercée sur elles par les bandages, ces lamelles peuvent s'épaissir, se confondre, ou encore il peut se déposer entre elles des quantités variables de graisse et de sérosité.Tantôt les fibres du muscle crémaster sont hypertrophiées , tantôt elles sont devenues plus minces, transparentes, et paraissent avoir changé de nature. En certains cas, on trouve de la sérosité amas-sée dans un kyste placé entre le sac et la peau, et d'autres fois ce sont des flocons adipeux plus ou moins considérables qui peu-vent en imposer pour une portion de l'épiploon. Ces pacpiets graisseux ont été décrits sous le nom de hernies graisseuses.
Les rapports du cordon avec la hernie ne méritent pas moins d'attirer l'attention du chirurgien. En général, dans la hernie inguinale externe le cordon est placé en dedans et en arrière de la tumeur, mais il peut aussi se rencontrer en avant d'elle, ainsi que Ledran rapporte en avoir vu un exemple. Dans la hernie in-terne , celle qui s'échappe par la fossette inguinale moyenne, le cordon, communément situé en arrière et en dehors , peut aussi être contourné par la tumeur et se trouver en dedans comme cela a lieu ordinairement dans la hernie externe. D'une autre part, dans l'une ou l'autre de ces deux variétés de hernies, le cordon ne reste pas toujours plein et entier. Comprimé et aplati, tant par la tumeur elle-même que par les bandages, il s'épar-pille assez souvent, et ses élémens séparés affectent des rapports différens avec la hernie. Cela explique pourquoi on a pu voir le canal déférent seul contourner le sac à la manière d'une spirale, et comment, dans une circonstance bien plus curieuse encore , le cordon a pu se laisser traverser par la hernie qui se trouvait par conséquent en avant et en arrière de lui, à deux hauteurs différentes.
anatomie opératoire de la hernie crurale.
Les viscères s'échappent par l'anneau crural. Etudions d'abord cet anneau à l'état normal, puis nous parlerons de la manière dont les hernies se comportent par rapport à lui.
Anneau crural. — Situé entre l'abdomen et la base du mem-bre inférieur, il est circonscrit par le ligament de Fallope et le bord antérieur de l'os coxal ; mais on en aurait une mauvaise idée en examinant l'intervalle compris entre ces deux parties sur le squelette. Cet intervalle est séparé en deux portions par une lame aponévrotique continue avec le fascia lata, qui descend du ligament de. Fallope sur l'éminence iléo-pectinée : celle de ces deux portions qui est externe étant remplie par les muscles psoas et iliaque réunis, il ne reste plus, pour constituer l'anneau cru-ral, que l'intervalle compris entre l'éminence iléo-pectinée et l'épine du pubis. C'est en effet par cette unique et dernière voie que les viscères s'échappent dans la hernie crurale.
Ainsi limité , l'anneau crural a la forme d'un triangle à bords arrondis. Sa base qui regarde en avant répond au bord posté-rieur du ligament de Fallope, et son sommet dirigé en arrière appuie sur l'éminence iléo-pectinée. Son bord interne suit la di-rection de la branche horizontale du pubis et s'arrête un peu avant la rencontre de l'épine pubienne ; son bord externe répond au psoas-iliaque ou plutôt à l'aponévrose fascia iliaca qui recou-vre ce muscle. L'angle interne en est occupé par une lame fi-breuse importante, le ligament de Gimbernat, et dans l'angle externe se trouvent les vaisseaux fémoraux. On remarque que l'anneau crural est plus grand chez la femme que chez l'homme, sans doute à cause des dimensions plus grandes du bassin chez elle, et en particulier de l'os iliaque, et on comprend ainsi pour-quoi les hernies, par cette ouverture, doivent être moins fré-quentes chez l'homme.
L'anneau crural, tel que nous venons de le limiter, constitue, pour certains anatomistes, l'orifice supérieur d'un canal acci-dentel, connu sous le nom de canal crural, et dans lequel ils ad-mettent que se font les hernies de même nom. Ce canal, qui vien-drait s'ouvrir en bas par l'ouverture à travers laquelle passe la veine saphène interne, pour se jeter dans la fémorale, aurait à-peu-près la forme d'un Z ; mais un tel canal n'existe point en réa-lité. Les hernies se font dans une poche dont l'ouverture dirigée en haut est l'anneau crural lui-même, et dont le fond, qui est in-férieur, est formé par la réunion de deux feuillets superficiel et profond du fascia lata. Ce sont ces deux feuillets du fascia lata qui, en s'écartant, lui donnent naissance ; l'un des deux feuillets, le profond, restant accolé sur le muscle pectine, et le superfi-ciel recouvrant la tumeur. Ce feuillet superficiel n'offre point une lame fibreuse partout continue ; mais il est criblé d'un grand nombre de petites ouvertures, qui ont valu à la membrane le nom de fascia cribrosa; et comme ces éraillures sont surtout marquées en dedans et en haut, c'est surtout par ici que s'é-chappe la hernie. Rarement l'entonnoir descend pour se conti-nuer jusqu'à l'orifice destiné au passage de la veine saphène, et aussi il est rare de voir la hernie sortir par cet orifice. Du reste, cette ouverture, par laquelle la saphène va se jeter dans la fémo-rale, est circonscrite par un repli fibreux très résistant (le repli falciforme), dont la concavité est tournée en haut, et qui se ter-mine par deux cornes ou extrémités ( i).
(I) Le canal artificiel dans lequel s'engage la hernie crurale a été envisagé de manières bien différentes par les anatomistes. Parmi ceux qui l'ont étudié attentivement dans ces derniers temps, sont Thomson et M. Demeaux. Ce dernier admet que la hernie s'engage dans un entonnoir formé d'une mem-brane propre, facilement séparable du feuillet antérieur du fascia lata ou
Nous avons dit que le ligament de Gimbernat, qui occupe l'angle interne de l'anneau crural, pouvait être considéré comme une dépendance du pilier externe de l'anneau inguinal. En effet, il se détache de la face postérieure de ce pilier, dont il est en quel-que sorte une réflexion, et se place dans l'angle rentrant, formé par l'insertion du ligament de Fallope sur l'épine du pubis. Ce n'est qu'un troisième pilier ou une attache pubienne de l'a-ponévrose. Dirigé presque transversalement et de forme triangu-laire, il a son bord antérieur confondu avec le ligament de Fal-lope, et son bord postérieur inséré sur la partie la plus interne de la crête du pubis ; son sommet répond à l'épine du pubis, et sa base, qui est dirigée en dehors, s'avance dans l'aire de l'arcade crural en formant le bord interne de l'anneau. Son épaisseur et sa consistance, qui en général sont très prononcées, varient ainsi que son étendue. Quelquefois on le trouve mince et percé d'une ou de plusieurs éraillures qui, dans certains cas, comme nous le verrons, peuvent se dilater et donner passage à une hernie. Sa base, qui est toujours concave, s'avance plus ou moins loin en dehors, et diminue proportionnellement la largeur de l'anneau crural ; elle s'amincit aussi et se continue avec la partie interne et supérieure de ce que nous avons décrit sous le nom d'entonnoir.
L'angle externe de l'anneau contient l'artère et la veine fémo-rales , la première en dehors et la seconde en dedans. Ces deux vaisseaux sont enveloppés d'une gaine qui est un dédoublement du fascia iliaca, et si l'on voulait à toute force trouver un canal dans la région, ce serait cette gaine, par laquelle les vaisseaux fé-moraux sont conduits du bassin à la cuisse, qu'il faudrait ainsi désigner.
Les rapports des vaisseaux avec le pourtour de l'anneau cru-ral doivent être étudiés avec soin. Nous avons déjà vu que l'artère et la veine fémorales sont situées dans son angle externe, séparés du muscle psoas-iliaque par le fascia iliaca. La veine, qui est pla-cée en dedans de l'artère, limite en dehors l'ouverture par la-quelle se font les hernies; le collet du sac appuie sur elle , et si par conséquent, pour débrider l'étranglement, on incisait en dehors, en portant le bistouri légèrement en arrière, on diviserait infailli-blement ce vaisseau. L'artère épigastrique côtoie de bas en haut la partie externe de l'anneau, et envoie un petit rameau qui longe la branche horizontale du pubis, pour descendre derrière le liga-ment de Gimbernat. Chez l'homme, l'artère testiculaire croise obliquement l'épigastrique à une certaine distance au-dessus de l'anneau, puis, se logeant en dedans et en bas dans la gouttière formée par l'aponévrose du grand oblique, elle contourne le côté supérieur et interne de l'anneau. H résulte donc de ces rapports qu'on trouve des vaisseaux sur presque tous les points du pour-tour de l'anneau crural ; chez la femme, l'absence de l'artère tes-ticulaire fait que l'on pourrait débrider en haut et en dedans sans courir le risque de causer une hémorrhagie, mais chez l'homme cette ressource n'existe plus. Le seul point où nous n'ayons pas si-gnalé la présence de vaisseaux importans, est le côté interne, vers le ligament de Gimbernat, et en effet, ce côté est libre dans le cas d'une distribution normale des vaisseaux; mais il n'est pas rare de voir l'artère obturatrice, née de l'épigastrique, se porter dans cette direction. Lorsque l'obturatrice provient ainsi de l'épigas-trique, au lieu de sortir du tronc hypogastrique, tantôt elle se
autrement du fascia cribrosa qui lui est antérieur, et qui elle-même se con-tinue au-dessus du ligamenL de Fallope avec le fascia transrcrsalis. Alors le fascia traitsversalis ne serait plus simplement le feuillet réfléchi de l'aponé-vrose du grand oblique, comme nous l'avons dit, mais il serait une lamelle indépendante du grand oblique.
contourne de suite derrière le pubis pour gagner le trou sous-pubien, et tantôt naissant un peu plus haut, elle se porte en bas et en dedans jusque derrière le ligament de Gimbernat ; alors la circonférence presque entière de l'anneau est entourée d'un cercle artériel, puisque sa portion postérieure, c'est-à-dire celle qui appuie sur le pubis et le pectine, en est seule dépourvue. Or, des recherches dirigées dans le but de constaterla fréquence d'une telle anomalie, ont montré qu'elle est assez fréquente, eu égard à la disposition normale. Sans vouloir vérifier les chiffres qui ont été donnés à cet égard par MM. J. Cloquet, Velpeau, Manec, etc., nous pouvons dire que, sur six cadavres, il en est au moins un dans lequel l'obturatrice est fournie par l'épigastrique, soit des deux côtés, soit d'un seul.
L'anneau crural contient quelquefois à son intérieur un gan-glion lymphatique. Il est fermé du côté du ventre par une toile cellulo-fibreuse, nommée septum crurale par M. Jules Cloquet, et qui est le fascia propria d'A. Cooper.
Connexions de la hernie crurale.
Une fois que la hernie a traversé l'espace étroit compris entre la veine iliaque et le ligament de Gimbernat, poussant devant elle le péritoine et le fascia propria qui, à la vérité, est quelquefois rompu, elle soulève la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, des flocons de graisse et le fascia superficialis qui la recouvrent. D'a-bord globuleuse et petite, elle est cachée derrière le ligament de Fallope, puis elle devient plus saillante , se renfle à sa base et se tord sur son pédicule de manière à se renverser en dehors le long du ligament de Poupart. Cette torsion de la tumeur sur son pédi-cule et sa déviation, en dehors, est causée en partie par la rési-stance que lui oppose le fond de l'entonnoir membraneux, où elle est logée, et en partie aussi par les mouvemens de la cuisse sur le bassin.
M. Laugier a rapporté l'histoire intéressante d'une hernie fé-morale qui s'était échappée par une éraillure du ligament de Gimbernat ; et M. Demeaux a montré à la société anatomique de Paris une pièce qui avait quelque rapport avec un cas semblable. Cette forme particulière de la hernie fémorale se comporte d'ail-leurs, quant aux enveloppes, comme celles qui traversent l'an-neau ; mais portée plus en dedans vers le pubis, elle s'éloigne un peu plus de la veine fémorale.
anatomie opératoire de la hernie ombilicale.
La hernie ombilicale [omphalocele ou exomphale) s'échappe, tantôt par l'anneau ombilical et tantôt par une ouverture située à quelque distance de cet anneau, sur un des points de la ligne blanche, ce qui a fait donner le nom de hernie de la ligne blanche à cette dernière variété. Nous avons donc à considérer anatomi-quement l'anneau ombilical et les ouvertures accidentelles qui, situées à son voisinage, peuvent donner issue aux viscères de l'abdomen.
Chez le fœtus, au moment de la naissance, l'anneau ombilical forme une ouverture à-peu-près circulaire, à travers laquelle pas-senties trois gros troncs sanguins, la veine et les deux artères epii servent de communication entre le fœtus et la mère. Cette ouver-ture, vue par la face interne de la paroi abdominale, offre un cul-rie -sac dans lequel le péritoine est légèrement enfoncé, et si l'on tire un peu le cordon au dehors, ce cul-de-sac devient plus pro-fond et prend la forme d'un entonnoir dont la base répond à Fin-
térieur du ventre, tandis que son sommet s'engage dans l'épais-seur du cordon. Du côté du ventre, le péritoine qui entoure l'an-neau est lâchement uni au moyen d'un tissu cellulaire extensible;, et par conséquent cette membrane peut glisser facilement et s'en-foncer dans l'ouverture pour faire saillie à l'extérieur. La circon-férence de l'anneau, quoique fibreuse, est plus mince et plus souple que le reste de la ligne blanche. Supposant que, dans de telles conditions, une portion d'intestin s'engage dans le cul-de-sac-formé par le péritoine , l'enfant apportera , en venant au monde, une hernie qui sera logée dans la base du cordon : c'est là la véritable omplialocèle congeniale.
Chez Xenfant nouveau-né, après la ligature et la chute du cor-don, les débris de celui-ci, c'est-à-dire les trois vaisseaux ombi-licaux entourés de tissu cellulaire, se cicatrisent avec la peau, et forment ainsi l'ouverture ou anneau ombilical. Le cul-de-sac pé-ritonéal, situé derrière la cicatrice, diminue de profondeur, et rentre graduellement dans le ventre; le pourtour aponévrotique revient sur lui-même et se rétrécit peu-à-peu. En un mot, l'an-neau tend à se boucher d'une manière complète; mais pour de-venir ferme et solide, la cicatrice exige un certain temps que l'on fixe ordinairement à deux mois. Durant cet intervalle, l'adhé-rence n'est point encore intime entre les élémens du cordon, le pourtour aponévrotique et la peau, et conséquemment, au moin-dre effort, les viscères du ventre tendront à rompre la cicatrice; le péritoine encore extensible, et poussé par les viscères, tendra à s'engager dans l'ouverture, et on verra se former une seconde es-pèce de hernie ombilicale. Il ne faut pas donner à cette seconde forme le nom de hernie congeniale, puisque le petit malade ne l'apporte point en naissant, mais pour la bien caractériser, il faut l'appeler hernie ombilicale des jeunes enfans. On conçoit du reste que l'époque la plus reculée de son apparition n'est pas toujours fixée à deux mois; ce dernier terme est seulement ap-proximatif.
Chez l'enfant âgé de plusieurs mois, et à plus forte raison chez Xadulte, l'anneau ombilical est complètement fermé. Les débris du cordon se sont condensés en un petit noyau fibreux qui, d'une part, est attaché à la face externe du péritoine, et qui, d'autre part, est confondu au-debors avec la peau. L'ouverture aponévrotique elle-même s'est considérablement rétrécie ; elle n'offre guère plus de diamètre qu'une plume d'oie, et le noyau que nous venons d'indiquer la remplit et la bouche. Du côté du ventre, les ligamens fibreux qui résultent de l'oblitération des trois vaisseaux du cordon, adhèrent fortement tant au péritoine qu'à la face postérieure de la ligne blanche, en sorte que le péri-toine ne peut plus se déplacer facilement. Au lieu de former un cul-de-sac au niveau de l'anneau, le péritoine est plutôt un peu refoulé en dedans par le noyau qui remplit cet anneau. Tel est l'état des parties lorsque la cicatrice ombilicale a achevé de par-courir son travail. Plus tard, à mesure que les parois abdomi-nales augmentent d'épaisseur par l'interposition de graisse entre la peau et la couche musculaire, au pourtour de la cicatrice, il se forme une dépression extérieure au niveau de l'ombilic.
Les choses étant dans cet état, on comprend que les hernies ont peu de tendance à sortir par l'anneau ombilical chez l'adulte. On pense même en général, depuis les travaux de Richter et de Scarpa, que la hernie ombilicale accidentelle se fait toujours à travers une éraillure de la ligne blanche. Mais à cet égard il est besoin de s'entendre, d'autant plus que A. Cooper continue à croire que l'anneau ombilical résiste moins à la sortie des viscères que les autres points de la ligne blanche. Ainsi que l'ont judi-
t. vii.
cieusement fait remarquer MM. Velpeau et Bérard aîné, il faut distinguer à l'ombilic deux points, la cicatrice et Panneau aponé-vrotique. La cicatrice est trop solide pour être éparpillée et éta-lée au devant d'une hernie ; si donc on ne veut admettre comme hernie ombilicale véritable que celle qui supporte sur son som-met le noyau de la cicatrice, en réalité, il n'y a peut-être point de hernie ombilicale chez l'adulte. Mais si, adoptant une meil-leure définition, on consent à appeler ainsi une tumeur sortie à travers l'anneau, le doute n'est plus permis, et il existe des her-nies ombilicales accidentelles, même dans un âge avancé. Quoique résistant en effet, cet anneau peut se laisser distendre par les ti-raillemens exercés sur les fibres aponévrotiques de la ligne blanche, ou par la pression des viscères intérieurs, et, comme après tout, le noyau de cicatrice n'adhère pas assez fortement au contour fibreux, pour ne pouvoir en être séparé, les intestins pourront s'échapper par l'ouverture, déplaceront la cicatrice en niasse, et la laisseront de côté sur sa base, en sortant au-debors. On peut ajouter même que la cicatrice peut se trouver étalée sur la tumeur, dans certains cas exceptionnels, lorsque, en particu-lier, le ventre a été lentement et largement distendu par une hy-dropisie. Il n'est pas rare de voir dans l'ascite l'anneau considéra-blement élargi et la cicatrice décomposée soulevée par le liquide. Plus tard une hernie ombilicale pourra donc arriver de cette ma-nière.
Si maintenant nous considérons les rapports et les enveloppes de la hernie ombilicale, nous voyons qu'il existe quelques légères différences sur ce point, dans les trois variétés admises.
On a soutenu que la hernie ombilicale était privée de sac, et long-temps après que le sac eût été admis pour la hernie inguinale ou crurale, on a cru encore que celle de l'ombilic n'était pas en-veloppée de péritoine, et qu'elle se faisait par rupture. Plusieurs causes ont contribué à maintenir cette opinion. D'abord, se fai-sant une fausse idée des rapports du péritoine avec le cordon om-bilical, on avait pensé que les viscères, pour s'engager dans la base du cordon, chez l'enfant, passaient par une ouverture natu-relle du péritoine. Ensuite, on supposa cpie le péritoine était trop étroitement uni au pourtour de l'anneau, après la naissance, pour pouvoir se déplacer sous forme de sac, et qu'il était obligé de se déchirer, de se rompre, dans le cas de hernie. Ce qui confirmait cette manière de voir, c'est qu'en opérant ou disséquant une her-nie ombilicale, on arrive presque tout de suite sur l'intestin, et que nombre de fois, en pareil cas, le sac a échappé à la recherche de l'observateur. — M. Bérard aîné {Hernies de l'ombilic, Dic-tionn. de rnéd. ou répert. génér. des se. mèdic., vol. 22e, p. 5y) a démontré le peu de solidité de ces raisons. Les vaisseaux ombi-licaux, à leur sortie du ventre pour entrer dans le cordon, sont situés en dehors du péritoine, et celui-ci est clos et fermé au ni-veau de l'ombilic aussi bien qu'au niveau du canal inguinal ou de l'anneau crural. L'intestin trouve donc toujours la séreuse au-devant de lui pour s'engager clans la base du cordon, ou pour franchir l'ombilic après la formation de la cicatrice. Le seul cas où la chose n'arrive pas ainsi est celui où la hernie est formée par un organe situé en dehors du péritoine, par la vessie par exemple; mais, d'une autre part, comme la séreuse est en effet fort adhé-rente derrière l'ombilic, elle ne peut se déplacer beaucoup, et alors le sac se forme plutôt par distension cpie par déplacement, d'où il résulte qu'il est plus mince que dans les autres espèces de hernies. Il arrive même que la cicatrice qui lui adhère par sa face externe, se confond avec lui, et plus tard, lorsque la pression des viscères ou des bandages s'est fait long-temps sentir, le péri-
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toine est difficilement séparable de la peau; le sac est à peine vi-sible, ce qui a fait nier sa présence. De tout cela il faut conclure que le sac. existe dans la hernie ombilicale, mais que, vu sa min-ceur et son peu de distance des tégumens, il y a plus un grand dan-ger qu'ailleurs d'ouvrir l'intestin dans l'opération.
Les autres enveloppes de la hernie sont aussi très peu épaisses. Le fascia superficialis et la peau seids les constituent chez l'a-dulte et chez l'enfant. Dans la hernie congéniale la peau manque sur le sommet de la tumeur, où elle est remplacée par la mem-brane externe du cordon.
Les vaisseaux ombilicaux sont ordinairement étalés autour du pédicule dans la hernie de naissance, entre le sac et le tégument, la veine située en haut et à gauche, les deux artères sur les côtés et en bas; quelquefois disposés régulièrement ils donnent à la tu-meur la forme trilobée; d'autres fois les deux artères ombilicales sont réunies d'un même côté, et la veine est isolée sur un autre point. Dans la hernie accidentelle, soit des jeunes enfans, soit de l'adulte, les mêmes vaisseaux, réduits à de simples tractus fi-breux, n'existent que vers la base delà tumeur; leurs extrémités se confondent avec le sac, sur le sommet duquel on n'en trouve plus aucune trace.
D'après l'avis de la plupart des chirurgiens, la hernie ombili-cale est moins sujette à s'étrangler que celle qui a son siège à l'an-neau crural ou au canal inguinal. Lorsque cet accident arrive, quela gangrène soit plus tardive, ainsi que le pensent Pott et Rich-ter, ou plus prompte au contraire, comme le dit Scarpa, que dans les autres régions, il n'en est pas moins certain qu'ici l'é-tranglement est le plus souvent produit par l'anneau fibreux, tandis que le collet du sac en est l'agent principal dans les her-nies inguinale et crurale.
Après les détails dans lesquels nous venons d'entrer, il serait inutile d'exposer longuement l'anatomie opératoire de la hernie de la ligne blanche. Ses rapports sont à-peu-près les mêmes que ceux de la hernie ombilicale accidentelle ; elle siège plus ou moins près de l'ombilic, et dans certains cas la cicatrice ombilicale se trouve très voisine de sa base. Notons seulement que l'ouverture aponévrotique qui lui donne passage n'est point circulaire, mais qu'elle est formée de deux lignes courbes, de manière à représen-ter une ellipse plus ou moins allongée.
Quant à l'anatomie des autres régions, par lesquelles peuvent encore sortir des hernies, tels que le trou ovale, le périnée, l'échan-crure ischiatique, l'intervalle compris entre les deux muscles grand dorsal et oblique externe, nous ne nous y arrêterons pas non plus : d'abord, parce que les hernies qui se font par ces différais points sont très rares; et ensuite, parce que les règles générales que nous allons exposer relativement au traitement sont applicables à ces espèces particulières de hernies, aussi bien qu'à celles qui, beaucoup plus communes, doivent nous occuper de préférence.
manoeuvre préliminaire au traitement palliatif ou curatif, ou réouction DE la hernie.
Soit que l'on veuille user des bandages comme moyen pallia-tif contre la hernie, soit que l'on ait à remédier aux accidens d'une hernie étranglée, ou à employer une méthode curative, le chirur-gien doit toujours s'occuper de réduire, c'est-à-dire de faire ren-trer la hernie dans le ventre. On obtient la réduction par plu-sieurs moyens isolés ou réunis, ce sont : le taxis, la position donnée au malade, la compression lente sur la tumeur, la réfri-gération, et plusieurs autres moyens auxiliaires.
i° Taxis (Pl." 3^, fig. 1 et a). Il "consiste en une compression méthodique exercée par la main du chirurgien sur la tumeur. Avant d'y être soumis, le malade doit être placé clans une position propre à favoriser le résultat de la manœuvre. Il faut faire en sorte que les muscles de l'abdomen soient relâchés et le point où siège la hernie légèrement élevé. Dans ce but, le malade sera couché sur le dos, le bassin soulevé par un oreiller, la tète et la poitrine sou-levées aussi ; il restera immobile sans faire aucun effort ni pour se mouvoir, ni pour se soutenir, ni pour retenir son haleine ou crier. Richter conseille d'incliner le corps du côté opposé à celui où est la hernie, afin que le poids des viscères entraîne plus facilement la tumeur vers le ventre. Les deux cuisses seront fléchies sur le bassin, d'une part pour mieux relâcher les muscles de l'abdomen, d'une autre part pour détendre les orifices par où sort la hernie. On atteindra mieux encore ce dernier but en portant dans l'ad-duction celui des membres abdominaux qui répond à la hernie, car si le genou était écarté en dehors, l'aponévrose fascia lata exercerait une tension sur le ligament de Fallope, et par suite sur l'anneau inguinal externe. Ces conditions une fois remplies, le chirurgien placé à la droite du malade, dans une position assez commode pour s'y maintenir un certain temps, applique les deux mains sur la tumeur, et se conduit de la manière suivante : d'une main il embrasse la base de la tumeur, et lui imprime quelques légers mouvemens de totalité , afin de répartir d'une manière égale les gaz et les matières qui y sont contenues ; de l'autre main il saisit le pédicule de la hernie, afin d'aider et de régler la pres-sion qui va être exercée sur la base, puis rappelant à son esprit le trajet qu'a suivie la tumeur pour sortir du ventre, il allonge un peu celle-ci en la tirant légèrement, suivant l'axe de l'ouver-ture herniaire, et la presse ensuite doucement de la base vers le pédicule. Dans ce dernier temps, la main appliquée sur la racine de la hernie empêche les parties refoulées de venir se présenter en trop grande quantité à-la-fois à l'ouverture ; elle aide à la pro-pulsion des organes en la graduant, et il faut agir en sorte que les parties rentrent dans l'ordre inverse de celui suivant lequel elles sont sorties, c'est-à-dire d'abord celles qui sont au voisinage de l'ouverture, et ensuite celles qui répondent à la peau. Si la manœuvre est couronnée de succès, on sent la tumeur diminuer de volume et se vider dans le ventre en partie ou en totalité. Quelquefois la tumeur échappe tout-à-coup et fuit d'entre les doigts avec un bruit de gargouillement ; c'est qu'alors elle était formée par une anse d'intestin. D'autres fois elle rentre, progres-sivement et sans bruit, ce qui arrive quand la hernie est une épiplocèle. Enfin, elle rentre assez souvent en deux temps, l'in-testin d'abord, et ensuite l'épiploon, lorsqu'il y a entéro-épi-plocèle.
Le précepte de diriger les pressions suivant le trajet parcouru par la hernie , indique que le chirurgien devra s'accommoder à la région qui est le siège de la hernie, ainsi qu'au volume de. la tumeur. Pour une hernie crurale peu volumineuse, il poussera presque directement en haut et en arrière; pour une hernie crurale plus forte et couchée horizontalement sous le ligament de Fallope, il abaissera d'abord la base de la tumeur en la poussant en dedans, et ne pressera en haut et en arrière qu'a-près avoir redressé la tumeur sur son pédicule. Il faut encore ajouter que l'orifice du sac répondant à la partie interne de l'anneau, on devra diriger les viscères légèrement en dehors, au moment où ils seront sur le point de franchir cet orifice. Dans une hernie inguinale , la manœuvre est un peu plus facile à exécuter ; il suffit de pousser en haut et en dehors pour ren-
contrer l'anneau inguinal externe et le canal qui suit la même direction.
Lorsque la hernie a trop de volume pour pouvoir être embras-sée par une des mains du chirurgien , celui-ci applique ses deux mains à la racine et confie à un aide le soin de déplacer le fond de la tumeur, d'y disséminer les gaz, de l'allonger, et enfin de la vider dans le ventre en la comprimant également de tous côtés.
Tels sont les préceptes généraux pour l'exécution du taxis. Lorsque l'on a affaire à une hernie exempte de tout accident, cette petite opération est simple et exige même si peu d'habileté, que plusieurs malades sont eux-mêmes dans l'habitude de faire rentrer leur tumeur ; mais si la hernie est compliquée d'étrangle-ment, le taxis devient une des opérations les plus délicates de la chirurgie, à cause des accidens dont il peut être la source s'il est employé sans mesure ou sans méthode. Une pression brusque, trop forte ou mal dirigée peut confondre les viscères qui com-posent la hernie, y faire naître une inflammation qui, plus tard, après la réduction, s'étendra à toute cavité abdominale, ou bien rompre l'intestin , et laisser ensuite le malade en proie à toutes les chances fâcheuses d'un anus contre nature. Sachant la possi-bilité de ces dangers, le chirurgien ne doit pas oublier qu'il doit toujours procéder avec ménagement et avec mesure; qu'il vaut mieux agir d'une manière prolongée et lente que brusquement; qu'il est bon de laisser quelquefois reposer un instant le malade pour recourir à une nouvelle tentative; cpie la patience est ici un moyen efficace et sûr. Il n'est pas très rare cpie l'on parvienne à faire rentrer tout-à-coup une hernie qui avait long-temps résisté aux manœuvres les mieux entendues de réduction. Dans les cas difficiles, enfin, il faudra s'aider de quelques-uns des moyens dont il nous reste à parler.
20 Position donnée au malade. Au lieu de placer le malade dans la position cpie nous venons d'indiquer tout-à-l'heure, comme étant convenable à toute manœuvre du taxis avec les mains, on a eu quelquefois recours à d'autres positions qui, à elles seules , ont suffi à faire rentrer la hernie. Ainsi, un homme fort soulève le patient par les jarrets, tandis que la tête et les épaules reposent sur le bord du lit, et lui imprime quelques légè-res secousses, de manière que les viscères, refoulés par leur poids vers le diaphragme, entraînent avec eux, dans le ventre qui est déclive et relâché, la portion qui en était sortie. Louis rapporte un cas de réussite obtenue par cette manœuvre, et Richter dit que le chirurgien est blâmable de se décider à opérer l'étrangle-ment avant d'y avoir eu recours. Winslow conseille de placer le malade à genoux, appuyé sur les coudes et la tête abaissée. Un chirurgien de Chinon, M. Linacier, imagina en 1819 un lit à bascule dont la tête peut s'élever et se baisser à volonté, et pro-pose de soumettre le malade couché sur ce lit à des secousses successives.
3° Compression lente exercée sur la tumeur. On a conseillé de maintenir pendant quelque temps sur la tumeur un corps pe-sant, tel qu'un morceau de plomb ou une vessie remplie de mercure, moyen irrationnel qu'il n'est pas besoin de blâmer.
4° Réfrigération. L'application des réfrigérans sur la hernie a pour effet de diminuer l'afflux des liquides, de condenser les vapeurs de l'intestin et de solliciter l'action péristaltique du tube digestif; on comprend par conséquent qu'elle puisse contribuer à la réduction de la tumeur. A. Cooper qui, d'après sa propre expérience , accorde une grande confiance à l'usage de la glace appliquée sur la hernie étranglée, dit qu'il en résulte aussitôt, une diminution de la douleur et une suspension dans la marche des accidens inflammatoires. Toutefois, il serait imprudent de trop prolonger l'action du froid, et si après trois ou quatre heures les symptômes conservent encore toute leur violence, si la tumeur ne cède point en partie sous l'effort d'une nouvelle tenta-tive de taxis, il faut abandonner l'usage de la glace, car son contact prolongé pourrait amener la congélation et la gangrène, ainsi qu'on en voit un exemple rapporté par A. Cooper lui-même, et emprunté à MM. Sharp et Cline. L'irrigation avec de l'eau froide a quelques-uns des avantages de la glace, outre qu'elle agit un peu par compression sur la tumeur, mais elle expose le malade aux chances d'une péritonite générale. L'on ne peut guère rappeler que comme un fait curieux celui de ce jeune o mme, dont parle J.-L. Petit, qui fut débarrassé de sa hernie étranglée par l'immersion brusque d'un sceau d'eau fraîche sur le bassin.
5° Que dire de l'électro-puncture essayée sur des animaux par M. Leroy d'Étiolles, si ce n'est qu'elle serait une pratique vaine sans doute pour faire rentrer une hernie étranglée , la seule qui soit embarrassante? Personne encore ne l'a essayée sur l'homme, et nous ne sommes pas assez ami des nouveautés pour oser la conseiller ici.
6° Moyens adjuvans. Parmi eux, nous rangeons les bains généraux prolongés de manière à affaiblir le malade , la saignée générale employée dans le même but, l'application de sangsues sur la tumeur pour y soustraire une certaine quantité de sang, les purgatifs , les lavemens de tabac et autres; enfin, divers topi-ques appliqués sur la tumeur herniaire. Plusieurs de ces moyens ont une influence réelle sur la réduction de la hernie, soit en pro-duisant l'affaiblissement général ou local du malade, soit en pro-voquant des mouvemens dans le tube digestif. Le chirurgien se-rait donc blâmable de les négliger complètement, mais il ne doit pas cependant s'abuser à leur égard et perdre, à les employer , un temps toujours précieux lorsqu'il s'agit d'une hernie étran-glée.
Appréciation. Le taxis est sans contredit la voie la plus prompte et la plus sûre pour réduire une hernie, et il suffit toujours dans une hernie exempte d'accidens. S'il s'agit d'une hernie étranglée, c'est encore à lui qu'il faut avoir recours de prime abord, mais il peut être nécessaire de lui associer les autres moyens. On usera des bains généraux, de quelques saignées générales ou locales , des cataplasmes émolliens maintenus sur la tumeur, et même des applications de glace. L'infusion ou la fumée de tabac dans le rectum, sans mériter les éloges que lui ont adressés Heister, Pott, Hey et Lawrence, pourra encore être administrée; et on ne peut même pas beaucoup blâmer les chirurgiens qui ont confiance dans les topiques narcotiques, dans l'introduction d'une sonde enduite de jusquiame ou de belladone dans l'urètre, puisqu'on invoque des cas de succès pour soutenir ces diverses pratiques. Le plus souvent aucun motif réel ne parle en faveur de l'un de ces moyens adjuvans, plutôt qu'en faveur d'un autre, la règle par conséquent est de les employer concurremment autant que possi-ble. Telle méthode a réussi une ou plusieurs fois, qui échoue ensuite chez un grand nombre d'individus. Avec le désir d'éviter l'opération de la hernie, toujours grave en elle-même, il semble
que l'on soit autorisé à appeler à son aide toutes les ressources de la thérapeutique. Cependant, hâtons-nous de le dire, il est une règle aussi cpii doit toujours guider le chirurgien. L'étran-glement est un accident dont la marche rapide et la gravité s'ac-commodent peu des retards. A moins donc que l'on n'ait affaire à un simple engouement, ou à une épiplocèle simple, il faut se hâter et ne point perdre son temps dans l'attente de moyens le plus souvent illusoires. Ajoutez que plusieurs de ces moyens sont non-seulement inutiles, mais dangereux par eux-mêmes s'ils ne sont point maniés avec prudence, par exemple la glace et les narcotiques, et vous arriverez à ce résultat, qu'après tout, le taxis exécuté avec méthode et persévérance est encore ce qu'il y a de mieux et de préférable. Enfin, si l'on considère que le taxis lui-même a ses dangers; qu'employé au-delà de certaines bornes, et dans des cas qu'il est souvent très difficile au chirurgien de déterminer à l'avance, il devient la source de désordres assez graves pour rendre inutiles les bons effets de l'opération , et en définitive il faudra en conclure que le traitement de la hernie étranglée est un des points les plus délicats de la chirurgie. A l'occasion des opérations, nous reviendrons sur l'opportunité d'un taxis prolongé ou forcé.
tr aitement palliatif ayant pour but de maintenir la
hernie réduite (Bandages ou Brayers, Pl. 60).
Nous n'oublions point que les brayers peuvent procurer la cure radicale des hernies, et nous reviendrons sur leur action lors-que nous exposerons les procédés de la cure radicale, mais l'on sait aussi que les bandages ont pour premier, et le plus souvent pour unique but, de contenir les parties réduites. On peut donc très bien placer ici leur histoire.
Historique. L'antiquité ne nous offre qu'un seul auteur qui ait fait mention du bandage herniaire. Cet auteur est Celse, cpii décrit un appareil composé d'une bande enroulée autour du corps, portant à son extrémité une pelote de linge avec laquelle on comprimait l'ouverture qui donnait issue aux intestins. Les chirurgiens arabes paraissent ne s'être pas occupés de la manière de contenir les hernies, et pendant l'époque du moyen âge, l'art du bandagiste fut exclusivement confié à des artisans ignorans et gros-siers. Dionis recommande le spica de l'aine, et dit qu'il suffit chez les enfans ; mais pour les personnes plus âgées, il conseille, soit le bandage à champignon dont on trouve déjà la figure dans A. Paré (Œuvre compl., tom. 11, p. 798 , édit. Malgaigne), soit un véri-table brayer composé d'un cercle d'acier flexible, et muni d'une pelote en forme d'écusson. Blegny (167G), clerc delà compagnie de Saint-Côme , modifia la ceinture du brayer et la rendit plus flexible, en même temps qu'il adapta à l'écusson un ressort à boudin au moyen duquel le coussin de la pelote peut suivre le mouvement de la paroi abdominale. Arnaud , en voulant rendre l'arc métallique trop flexible, lui enleva une partie de son utilité, et retomba dans les inconvéniens que l'on attribue avec raison aux bandages mous. Fauvel, Le Chandelier, Blackey et Heritz, s'occupèrent d'améliorer la pelote du brayer, les deux premiers en proposant d'y placer un bouton d'ivoire ou de noyer, le troi-sième en y adaptant une vessie remplie d'air, le quatrième en la composant avec de la gomme élastique. Camper donna de bons principes sur la composition et l'application du bandage herniaire; il ne fut dépassé que par Juville et Richter, et enfin à notre épo-que , sans apporter des modifications bien importantes à cette partie de l'art du bandagiste, on a du moins perfectionné certains détails de l'instrument.
Description des bandages. Nous ne chercherons pas à faire connaître les modifications sans nombre que l'on a fait subir aux brayers, car il s'en faut que toutes méritent l'importance que leur ont attribuée leurs auteurs, intéressés pour la plupart, par l'appât du gain, à faire adopter exclusivement le bandage qui est sorti de leurs mains. On peut les diviser en deux classes : bandages non élastiques qui comprennent ceux qui sont mous et composés de cuir, de futaine, de toile ou de toute autre substance non métal-lique, ainsi que ceux qui, durs ou inflexibles , sont composés de bois ou de fer; bandages élastiques façonnés en acier flexible et pouvant s'accommoder à la forme et aux mouvemens des parties qu'ils embrassent et qu'ils pressent. Depuis long-temps on ne se sert plus cpie de brayers de cette dernière espèce, et on les désigne généralement sous le nom de bandages élastiques ou ci ressort. Deux parties importantes entrent dans leur composition : le res-sort, qui est l'élément principal de la ceinture, et Vécusson cpii supporte la pelote.
Le ressort consiste en une lame métallique, étroite et très flexi-ble, courbée en demi-cercle, et percée d'une ouverture à chaque
xtrémité pour recevoir l'écusson en avant et en arrière la cour-roie qui complète la ceinture. Son épaisseur doit être égale par-tout de un et demi à 1 millimètres environ , sur une largeur de 16 à 18 millimètres. On le garnit de bourse, de crin, de coton ou
de toute autre substance molle et élastique, et on recouvre le tout de peau de chamois ou de maroquin. La courroie qui se fixe à l'extrémité postérieure du ressort est destiné à embrasser le côté sain du corps , de manière à former avec la tige métallique un cercle complet. Elle est percée de trous, faits à l'emporte-pièce, qui servent à l'arrêter en avant sur l'écusson. En général, la lon-gueur et la courbure du ressort doivent varier suivant la largeur et la forme des hanches du malade ; mais absolument parlant, on a proposé, dans un bandage simple, de lui faire parcourir la moi-tié ou les deux tiers de la circonférence du bassin ou même da-vantage. Camper a insisté dans un mémoire judicieux, inséré parmi ceux de l'Académie royale de chirurgie (tom. v, pag. 4'3, édit. in-8), sur la nécessité de donner au ressort plus de la moitié de la circonférence du bassin, si l'on veut avoir en arrière un point fixe parfaitement immobile. Richter soutient qu'un demi-cercle qui porte en arrière sur la colonne vertébrale est préfé-rable , et malgré l'autorité de Scarpa, beaucoup de chirurgiens ont abandonné le principe de Camper qui veut prendre un point d'appui en arrière, près le bord antérieur de l'os coxal opposé au côté malade. Au reste , il importe surtout que la cour-bure du ressort soit accommodée à la forme de la hanche du sujet, car trop faible ou trop grande , elle rend insuffisante ou douloureuse la compression exercée par la pelote en avant. Il faut aussi que l'extrémité postérieure de la lame d'acier regarde légèrement en bas, afin d'être dirigée en sens opposé de l'écusson qui doit être un peu tourné en haut.
L'écusson est une plaque d'acier comme le ressort, de forme elliptique, ovale ou arrondie, cpti se fixe au ressort au moyen d'une charnière, d'un écrou, etc., et qui supporte la pelote. L'inclinaison de l'écusson, la forme et le volume de la pelote ont été l'objet de beaucoup de modifications. Camper veutque l'écus-son termine le ressort en ligne droite, et il pense que son incli-
naison sur la tige contribue à le faire remonter plus facilement au-dessus de l'anneau. Mais, suivant la remarque de Richter, le ressort devant passer à égale distance de la crête iliaque et du grand trochanter, la pelote se trouvera placée trop haut si elle ne fait pas un léger coude avec la tige. Aussi on adopte au-jourd'hui les écussons fixes et inclinés sur le ressort, ou bien les écussons mobiles au moyen d'un mécanisme quelconque. Tantôt l'articulation de l'écusson mobile est obtenue à l'aide d'une charnière angulaire, tantôt à l'aide d'une charnière sphé-rique qui a l'avantage de mieux permettre à la pelote de suivre tous les mouvemens du bassin et de la paroi abdominale. Les fi-gures 3 et 4 de la planche 37 représentent des modèles bien exé-cutés d'écussons mobiles en tous les sens : l'écusson de la figure 5 ne diffère du précédent que par sa forme qui est plus convenable pour une hernie inguinale externe. Ce mode d'articulation dis-pense d'imprimer une torsion à l'extrémité antérieure du ressort, dans le but de diriger la pelote perpendiculairement sur le con-tour de l'anneau aponévrotique ; mais dans un bandage à écusson fixe, il faut légèrement tordre celui-ci de manière à ce que toute sa surface repose également sur l'ouverture de l'anneau.
L'écusson supporte la pelote, qui doit être d'une forme, à* un volume et d'une consistance déterminés ; les pelotes les plus simples sont faites avec un morceau de liège convexe que l'on ma-telasse avec du crin ou du coton, et que l'on recouvre de peau de chamois. ITeritz avait imaginé, en 1771, de remplacer le crin par une vessie pleine d'air, mais il est impossible d'avoir une com-pression suffisante avec ce moyen ; on a proposé aussi d'y intro-duire des substances astringentes , dans le but d'obtenir l'oblité-ration du sac de la hernie. Il est inutile d'insister sur ces particu-larités; une pelote a toutes les qualités désirables lorsqu'elle recouvre exactement l'ouverture herniaire, et qu'elle la comprime également sur tous ses points. Une surface presque plane est pré-férée par Richter, qui reproche à une surface conique de refouler en dedans les bords de l'ouverture, de relâcher ces bords, de s'op-poser à l'oblitération de l'anneau , et enfin de presser inégale-ment si l'écusson vient à changer de place. Il faut avouer cepen-dant que, chez certains sujets, l'usage d'une pelote convexe et presque conique est nécessaire, en particulier chez les individus chargés d'embonpoint, parce qu'alors l'anneau est enfoncé comme un entonnoir derrière la couche de graisse. Ceci nous montre qu'on devra toujours adapter la forme de la pelote à la conve-nance de la hernie et du malade.Pour une hernie irréductible, au lieu d'être simplement plane, sa surface doit être concave, afin de loger les viscères sans les comprimer; cette variété de bandage a reçu le nom de broyer à cuiller. En outre, il est des cas où la surface de la pelote doit être plus étendue que dans d'autres; ainsi pour une hernie inguinale, il faut comprimer, non-seule-ment l'anneau, mais aussi le canal inguinal, tandis que dans la hernie crurale la compression n'a besoin de s'exercer que sur un point plus circonscrit.
On peut façonner des bandages doubles pour deux hernies in-guinales ou deux hernies crurales. La figure 3 de la planche 37 , représente im de ces brayers muni d'une troisième pelote qui prend son point d'appui sur la colonne vertébrale.
Application du broyer. Avant tout, il faut choisir un bandage approprié à la hernie et à la stature du malade; il faut que le brayer exerce une pression douce, uniforme et constante sur l'ou-verture aponévrotique par laquelle s'étaient échappés les viscères, sans incommoder le malade et sans être sujet à se déranger. Le
t.. vii.
meilleur moyen pour atteindre ce but est de prendre la mesure du brayer sur le malade même, et de donner au ressort un degré de trempe et d'élasticité proportionné au volume de la hernie, et à la force nécessaire pour la contenir. Scarpa recommande que celui qui doit fabriquer le bandage ou le chirurgien lui-même prennent la mesure avec une lame de métal mince et flexible, larges de i3 millimètres (6 lignes), terminée par une plaque semblable à celle qui doit soutenir la pelote ; ayant bien soin que cette lame appuie sur toute la circonférence du bassin , à partir de l'anneau, de manière qu'elle porte bien à plat sur toutes les parties et qu'elle les embrasse avec une précision parfaite, en se moulant sur tous les contours : ensuite on courbera la plaque ou l'écusson, en lui donnant le degré d'inclinaison convenable pour qu'il s'adapte exactement à l'angle formé par le pubis et le bord inférieur du ventre; cette lame servira de modèle pour la fabri-cation du ressort, qui lui-même doit être essayé sur le malade avant d'être soumis à la trempe. La force du ressort doit varier suivant les cas, il sera plus fort si l'on veut retenir une hernie épiploïque que pour une entérocèle, plus fort chez un individu robuste obligé de se livrer à des exercices violens, que chez des enfans ou des personnes sédentaires.
Pour appliquer le brayer, ordinairement après l'avoir passe autour du bassin , on fait coucher le malade : on opère par le taxis la réduction de toutes les parties déplacées ; puis , mettant une main sur l'anneau aponévrotique, on amène la pelote sur ce point, où on la fixe solidement en bouclant la courroie de la ceinture sur le crochet qui est à la face externe de l'écusson. On peut aussi très bien maintenir le malade debout, ce qui n'empêche point de pratiquer letaxis et de poser la pelote régulièrement. Il faut toujours, au reste, examiner ensuite l'instrument dans toutes ses parties, s'assurer que le ressort passe au-dessus du grand tro-chanter de manière à n'être point déplacé par les mouvemens de la hanche, qu'il appuie exactement sur le contour du bassin, que la pelote ferme bien l'anneau, enfin que ni la pelote, ni la cein-ture, ni la courroie n'occasionnent de douleur en tiraillant ou en comprimant la peau ; il suffira de faire lever le malade en lui re-commandant de tousser, de le faire marcher, s'asseoir et exercer même quelques efforts, pour acquérir la certitude que le bandage est appliqué sans gêne et d'une manière convenable.
L'application de la pelote exige les plus grandes précautions, car c'est d'elle que doit résulter tout le bénéfice du bandage ; avec les brayers non élastiques tels qu'on les faisait autrefois, il arri-vait presque toujours que la compression était exercée d'une manière trop faible ou trop forte sur l'anneau , et alors, ou la hernie glissait sous le bandage, pour être étranglée par lui, ou la peau et les parties sous-jacentes, continuellement contuses, finis-saient par s'enflammer et s'ulcérer. Richter dit avoir vu plusieurs fois le bandage inflexible porté pour une hernie inguinale, donner lieu au gonflement du testicule, à l'hydrocèle et au circocèle; une fois même il arriva une inflammation violente dans la partie qui se termina par suppuration, et qui heureusement devint cause d'une cure radicale de la hernie. Mais même avec les brayers élastiques, il est encore de grandes précautions à prendre ; malgré l'avantage des pelotes mobiles et à charnière, il faut en surveiller attentivement l'action , éviter que les viscères ne glissent entre elles et l'anneau, et surtout, dans la hernie inguinale, préserver le cordon testiculaire de la compression ; il est quelquefois néces-saire, pour échapper à ce dernier accident, d'échancrer le bord inférieur et interne de la pelote en forme de queue d'aronde ou de fer à cheval.
Dans la hernie crurale, la pelote doit porter immédiatement au-dessous du ligamentde Fallope, dans l'angle rentrant que forme ce ligament avec l'épine du pubis. Relativement à la hernie ingui-nale, les chirurgiens s'entendent assez peu sur le lieu précis où doit reposer la pelote. Les bandagistes de France l'appliquent en général d'une mauvaise façon. Appuiera-t-elle en plein sur l'an-neau inguinal externe? A cela il y a deux inconvénient : d'abord il est impossible qu'alors le cordon tesliculaire ne soit pas com-primé en même temps cpie l'anneau, et ensuite, dans beaucoup de hernies inguinales, l'action ne sera pas suffisante pour main-tenir une réduction complète. Si, en effet, la hernie est oblique et récente, elle sera simplement refoulée dans le canal inguinal et toute la portion des viscères, comprise dans le canal lui-même, échappera au bandage. A. Cooper, qui a parfaitement senti ce vice dans la position de la pelote, indique la nécessité de faire agir la compression sur l'orifice supérieur du canal, et M. Mal-gaigne , adoptant la même doctrine , recommande que la pelote appuie sur cet orifice et sur tout le canal sans toucher au pubis. Cependant s'il s'agit d'une hernie ancienne cpii a fait disparaître la longueur du canal, ou d'une hernie directe, la pelote doit porter en plein sur l'anneau inguinal externe, et je ne comprends pas comment A. Cooper veut alors l'empêcher de toucher au pu-bis (QEuv. compl., pag. 229, traduct. de MM. Chassaignac et Richelot). M. Malgaigne convient que dans un tel cas elle doit appuyer sur cet os, à moins, dit-il, qu'on ne se serve d'une pe-lote particulière qu'il a proposée, et sur laquelle l'expérience n'a pas encore piononcé (Man. de méd. opérât., p. 54'3, 20édit.). Ce sera donc pour cette espèce de hernie qu' il sera nécessaire d'échan-crer la pelote, afin de loger le cordon spermatique, sans le com-primer, recommandation qui avait encore été faite par Scarpa.
Comme il est essentiel que le bandage reste fixe une fois cpi'il est bien applicpié, on est dans l'habitude cle l'assujettir au moyen d'un ruban que l'on nomme sous-cuisse, et qui, attaché en ar-rière sur la ceinture, vers l'extrémité du ressort, vient se boucler en avant sur un des deux crochets qui sont à la face externe de l'écusson. Ce lien, passant sous la cuisse du côté où est la hernie, est surtout avantageux chez les sujets maigres dont le ventre est plat ou enfoncé, parce qu'il empêche la pelote de se déplacerai haut dans les mouvemens du bassin, mais il n'est pas non plus sans occasionner une certaine géne au malade, et on peut, en gé-néral, s'en passer avec le bandage à pelote mobile. Une bretelle passant par-dessus l'épaule, ou un scapulaire, est aussi fré-quemment employée chez les individus dont le ventre, fort dé-veloppé, tend à faire descendre l'écusson du brayer. Son usage est encore moins indispensable que celui du sous-cuisse; mais néanmoins chez plusieurs personnes le brayer, même le mieux fait, étant fort difficile à maintenir en bonne position , il faut sa-voir tirer parti de ces moyens adjuvans qu'on aurait tort d'aban-donner d'une manière générale; on doit être attentif à ce que les diverses pièces de vêtement ne dérangent pas la ceinture ou la pelote. Camper remarque que, chez les soldats d'infanterie de son temps, la ceinture de la culotte abaissait le cercle du brayer, ce qui faisait remonter l'écusson et permettait à la hernie de sor-tir sous la pelote, et Richter a confirmé la même observation; on aura donc soin que la ceinture du pantalon ne soit pas trop serrée et ne tire pas en bas le bandage, quand l'on fait des mou-vemens pour s'asseoir, poursauter ou pour d'autres exercices.
Le bandage devant se porter continuellement, et pour beaucoup de sujets toute la vie , il est difficile qu'il n'amène pas fréquem-ment des excoriations et de la douleur, sur les points de la peau qui sont comprimés par lui ; d'autant plus que l'humidité et la transpiration finissent toujours par altérer le cuir qui recouvre l'instrument, par agir sur la bourre et même par rouiller la lame du ressort : pour éviter ces inconvéniens, il faut avoir soin de placer une compresse de linge fin, et plié en doubles entre la pe-lote et la peau. Un bandagiste moderne, M. Lasserre, est parvenu à recouvrir les bandages d'un enduit imperméable, qui rend leur nettoyage facile, avantage précieux chez les enfans et même chez l'adulte; car ainsi leur usage devient moins dispendieux et plus commode. Pour garantir la peau contre toute irritation , limiter recouvrait la pelote d'une peau derenard brun, le poil en dehors, et Camper, cpii se loue d'avoir usé du même moyen chez les dames délicates, remarque que la sueur ne fait point tomber les poils de cette peau, tandis qu'ils tombent de suite, si l'on emploie la peau d'un renard blanc.
Le bandage de la hernie crurale ne diffère de celui de la her-nie inguinale cpie par la brièveté un peu plus grande de son col, par la forme toujours ovale et l'étroitesse de haut en bas de sa pelote.
Le bandage contre la hernie ombilicale et ventrale est con-struit d'après les mêmes principes que ceux des autres régions , mais on comprend que le siège de la tumeur et son volume, parfois considérable, ont dù nécessiter quelques changemens dans la pelote et dans la ceinture. C'est ici que Ton est surtout obligé de s'accommoder au volume de la masse herniaire quand elle est irréductible.
Chez les jeunes enfans il suffit de placer sur l'ouverture her-niaire une petite boule hémisphérique et un peu solide , et d'en-tourer le ventre d'une ceinture en toile écrite. La demi-noix mus-cade employée par Richter est préférable à la boule de cire re-commandée par Platner, car celle-ci fondrait au contact de la peau, mais on peut très bien remplacer l'une et l'autre par un bouchon de caoutchouc proportionné à l'ouverture de l'ombilic. Il est à peine besoin que la ceinture soit élastique, pourvu qu'elle s'applique bien sur la paroi abdominale , et d'ailleurs l'appareil doit être souvent renouvelé à cause de la malpropreté inévitable du jeune âge. Chez les adultes, lorsque la hernie est peu volumi-neuse, on peut se contenter encore de fermer l'ouverture avec un bouchon en caoutchouc, fixé dans une pelote supportée elle-même par une plaque longue de 80 millim. (3 pouces) environ, large de /|5 à 65 millm. (20 à 3o lig.,) et recourbée pour s'adapter àla convexité du ventre. Cette plaque métallique, convenablement matelassée, doit être maintenue à l'aide d'une ceinture qui s'attache à chacune de ses extrémités; et afin depermettre au bandage des'ac-commoder aux mouvemens de l'abdomen, cette ceinture sera ren-due élastique par des fils de cuivre en spirale, semblables à ceux qui entrent dans la composition des bretelles. On pourrait d'ail-leurs rendre la pelote élastique en y renfermant un ressort à boudin souple et léger, comme l'a indiqué Scarpa, mais un cylindre ou un tampon de caoutchouc peut y suppléer efficacement. Lorsque la hernie est volumineuse et cpie le malade est obligé de se livrer à de violens et continuels efforts, un tel bandage n'est plus suffi-sant. On doit le remplacer par un brayer muni d'un ressort d'a-cier, comme il y en a dans le bandage inguinal ou crural, et ce brayer, semblable à celui des deux autres régions, ne diffère plus que par la largeur de sa pelote qui fait suite en ligne droite au ressort, et par la longueur de sa courroie qui, après avoir entouré l'abdomen, vient se boucler en avant sur la plaque de l'écusson. (La figure 9 de la planche 3^ représente un de ces brayers.) Rien n'est variable, au reste, comme la largeur et la forme que l'on
est. obligé de donner à la pelote. Fréquemment l'exomphale est irréductible, au moins en partie, et alors il faut creuser la pelote en gouttière pour contenir, sans les confondre, les viscères de la tumeur. Dans ces cas aussi il est avantageux de lixer tout l'appa-reil à l'aide de scapulaires et de sous-cuisses.
Dans la hernie qui s'échappe par la partie supérieure de la ligne blanche , et que l'on appelle hernie de Vestomac, le braver à ressort est difficilement supporté par le malade , parce qu'il gène le mouvement respiratoire. Scarpa propose d'employer alors un simple corset de forte toile, embrassant la base du thorax et le haut de l'abdomen, et fixé par deux bretelles qui montent sur les épaules, et reviennent obliquement en avant par-dessous les aisselles. Sous ce corset, on place une petite pelote qui appuie sur l'ouverture herniaire , on assujettit cette pelote avec une compresse maintenue au moyen de bandelettes agglutinatives, et, le tout étant bien en place , on serre le corset à l'aide de deux pattes qui s'entrecroisent à la manière des chefs d'un bandage unissant.
Enfin , il est des cas où, sans suivre aucune règle fixe, le chi-rurgien est obligé d'imaginer un bandage adapté à la forme, au volume et au siège de quelques hernies ventrales irréductibles. C'est pour un cas de ce genre que Fabrice de Hilden fit construire une sorte de suspensoir qui, prenant son point d'appui sur la base du thorax, recevait dans un sac le fond de la tumeur herniaire.
TRAITEMENT AYANT POUR BUT DE REMÉDIER AUX ACCIDENS DE LA HERNIE.
En résumant à trois les accidens de la hernie, savoir : irréduc-tibilité, engouement, étranglement, on trouve que le traitement à leur opposer consiste à soutenir et à protéger par un brayer con-venable la hernie irréductible, à réduire la hernie engouée, à ré-duire encore la hernie étranglée, ou, si cela est impossible, à lever l'étranglement. Nous ne revenons point sur l'emploi des bandages contre la hernie irréductible; ajoutons seulement qu'on peut parvenir à la longue et avec une compression méthodique à faire rentrer, en tout ou en partie, un assez grand nombre de ces her-nies. Nous dirons relativement à la hernie engouée , qu'elle cède presque toujours à l'usage adroitement combiné du taxis, des purgatifs et des relâchans administrés d'une manière générale et locale sur la tumeur. Il n'y a donc de réellement important que la hernie étranglée; mais ici l'accident est d'une telle gravité qu'il compromet au plus haut degré la vie du malade, et le rôle du chirurgien est si difficile, que c'est en quelque sorte une preuve de haut savoir chirurgical que de se comporter sans reproche vis-à-vis de la maladie.
Si la hernie étranglée ne peut pas être réduite sans opération, il faut pratiquer l'opération de l'étranglement : tout le monde avoue ce précepte ; mais on se divise aussitôt que l'on veut éta-blirle moment précis auquel il est convenable d'opérer. Opère-t-on de bonne heure, sans doute on affranchit le malade des dan-gers mêmes de l'étranglement, mais on l'expose aux suites d'une opération dont la gravité ne saurait être méconnue. Opère-t-on tardivement et après l'essai préliminaire de toutes les méthodes de réduction, la marche rapide des accidens inflammatoires me-nace le chirurgien de voir survenir la gangrène dans la hernie ; de part et d'autre il y a des dangers à craindre, des avantages à espérer, et la conduite de l'opérateur est toujours délicate, soit qu'il agisse, soit qu'il attende. Si, pour sortir de l'embarras où il se trouve, un jeune chirurgien consulte la pratique des maîtres de l'art sur ce sujet, il hésite entre l'opinion de Pott, de Richter, de Desault, qui veulent que l'on opère quelques heures tout au plus après l'étranglement, et celle de plusieurs chirurgiens modernes qui recommandent, au contraire, d'épuiser toutes les ressources du taxis. En un mot, la science n'enseigne point d'une manière nette et claire le moment qu'il faut choisir pour opérer l'étran glement.
Au reste, en examinant avec soin cette question importante, on acquiert la certitude que l'on ne peut y donner une réponse absolue. Les cas de hernie étranglée, tels qu'ils s'offrent au prati-cien, sont variables, et la conduite à leur égard ne saurait être toujours la même. Essayons d'établir quelques règles utiles par des exemples.—Lorsqu'une hernie est étranglée tout récemment, le chirurgien doit d'abord pratiquer le taxis simple; puis, s'il échoue, recourir à un bain prolongé, à une saignée générale pour peu que le sujet soit un peu fort, revenir au taxis et y insister en variant la position du malade. Tout cela étant employé sans suc-cès , il peut songer à l'usage de la fumée de tabac, à l'application d'une vessie de glace sur la tumeur; mais déjà il doit tenir compte avec soin du temps écoulé depuis le moment de l'étranglement, de l'intensité des symptômes et de leur marche, de la tension qui existe dans la tumeur, et de la douleur qu'y fait, naître le toucher. Si, l'individu étant robuste, l'étranglement est survenu tout-à-coup sans signes d'engouement antérieur, si l'on a lieu de croire que l'intestin est dans la hernie, et si enfin les symptômes persis-tent avec une acuité croissante, malgré l'administration des relâ-chans généraux, il faut craindre et de perdre du temps, et d'oc-casionner quelques désordres dans la hernie par une manœuvre de taxis trop prolongée. A plus forte raison doit-on avoir cette réserve lorsque le malade a passé entre les mains de. plusieurs mé-decins peu habitués aux opérations chirurgicales, parce qu'il est trop fréquent de les voir, pour se faire honneur d'un succès, précipiter inconsidérément des tentatives de réduction. « Que de « fois, dit J.-L. Petit, on a vu des malades périr le jour même où « la réduction a été faite ! aux uns, on a trouvé le boyau gangrené; « aux autres, il était crevé, et les matières fécales répandues dans « le ventre.» Sans même causer un résultat aussi funeste, ces ma-nipulations opiniâtres ou mal dirigées peuvent amener une inflam-mation vive dans l'intestin, l'épiploon et le sac, et plus tard, après l'opération, la mort devient inévitable par péritonite. Dupuytren et Sanson n'essayaient qu'avec beaucoup de prudence le taxis chez les pauvres malades qui arrivaient à l'hôpital, après avoir été. soumis à des manœuvres en ville ; et déjà Saviard avait remarqué que de son temps, à l'Hôtel-Dieu, l'opération delà hernie était fréquemment malheureuse par suite de taxis mal conduit hors de l'hôpital.—Au contraire, si les signes de l'étranglement ont marché avec lenteur, si la tumeur est indolente au toucher, si le malade est quelquefois sujet à de F engouement dans sa hernie,comme cela est fréquent pour la hernie inguinale, si l'on a lieu de croire que l'épiploon est seul contenu dans le sac, il est permis d'attendre, de revenir plusieurs fois sur les manœuvres de réduction, et même jusqu'à un certain point de pratiquer ce que l'on appelle au-jourd'hui le taxis forcé. Rien ne pressant, on peut reculer une opération qui n'est pas innocente en elle-même. Mais encore faut-il être sur ses gardes et ne point se laisser abuser par les récits du malade et des assistans. Surtout, il ne faut point prendre une hernie, dans laquelle la résolution des symptômes annonce un commencement de gangrène, pour un cas d'étranglement indolent.
En résumé, ce point de pratique est fort difficile. En accumulant de part et d'autre des cas de succès obtenus par un usage heureux
du taxis prolongé, et des cas devenus malheureux par abus du taxis, on n'avancerait pas beaucoup la question, car on ne sau-rait en faire sortir aucune règle certaine et absolue. La sagacité du chirurgien doit ici suppléer aux préceptes : mais néanmoins, à une époque où on paraît être enclin à beaucoup compter sur les avantages d'un taxis long-temps prolongé, et sur plusieurs moyens de réduction que le hasard sans doute a fait réussir quelquefois, tels que l'introduction , dans l'urèthre, d'une bougie enduite de belladone, l'introduction de belladone ou de jusquiame dans le rectum, il est utile, de rappeler que les plus habiles des chirur-giens qui nous ont précédés opéraient de bonne heure l'étran-glement.
Historique de l'opération. Avant Franco, toutes les tenta-tives de la chirurgie herniaire avaient eu en vue la cure radicale de lahernie, et c'est vers le milieu du xvie siècle seulement, qu'il est fait mention d'une opération spéciale contre l'étranglement. Soit cpte Franco fût lui-même l'inventeur de cette précieuse dé-couverte, soit que déjà l'opération de la hernie étranglée eût été pratiquée par d'autres chirurgiens de son temps, il conserve l'honneur de l'avoir décrite le premier et de l'avoir conseillée, dans son livre imprimé à Lyon en 1556 , et plus tard en i56i. Il recommande, pour opérer le débridement, de se servir d'un petit baston de la grosseur d'une plume d'oie, ou un peu plus gros, rond, et qui soit plat d'un coté et demy rond. Sur ce bâton, introduit par une petite ouverture, on guidait le bistouri. D'a-bord on essayait de réduire sans inciser le sac, mais, s'il en était besoin, on ouvrait le sac, on le soulevait par des crochets, et on débridait, au moyen du bistouri conduit sur le bâton, puis on faisait rentrer les intestins en repoussant d'abord les parties qui étaient les plus voisines du ventre ; une suture était faite ensuite. Ambroise Paré adopta l'opération de Franco, et remplaça le bâ-ton de bois par une sonde cannelée, moyen plus commode et plus sûr pour conduire le bistouri. Pigray, élève de Paré, décri-vit une méthode qui consiste à faire une ouverture à la paroi abdominale et au péritoine, au-dessus de la tumeur, et à tirer en dedans, par cette ouverture, l'intestin déplacé, méthode qui, d'a-près le travail historique de l'auteur de l'article Hernie, du Ré-pertoire général des Sciences médicales, est probablement la même que celle indiquée par Rotisset (i58i) et que celle attri-buée beaucoup plus tarda Cheselden. Covillard (1640) pratiqua l'opération de Franco dans un cas de hernie étranglée frappée de gangrène. En Italie, Fabrizio d'Acquapendente (i 565) ne propo-sait, contre l'étranglement, cpte les moyens ordinaires de réduc-tion , et il donne le précepte cle placer le malade la tête en bas , et de le secouer par les pieds pour faire rentrer les viscères. Genga (16-7'!) s'éleva contre l'opération de l'étran-glement.
Auxvme siècle, l'opération de Franco fut admisesans contesta-tion, bien que pourtant l'on n'eût pas abandonné diverses mé-thodes bizarres ou nuisibles pour obtenir la cure radicale. Dio-nis décrivit avec précision tous les détails de l'opération du dé-bridement, et, à partir de cette époque, cette partie importante de la chirurgie herniaire s'est perfectionnée successivement jus-qu'à nos jours. La description qui va suivre nous dispense d'in-diquer ici les travaux ultérieurs.
Nous allons maintenant décrire l'opération de la hernie telle qu'on la pratique pour les cas d'étranglement simple ; nous di-rons ensuite ce qu'il faut faire lorsqu'il se présente des compli-cations.
OPÉRATION DE LA HERNIE ÉTRANGLÉE OU KÉTÉTOMIE.
Appareil instrumental et de pansement. Position du malade et des aides. Le chirurgien doit avoir à sa disposition un bistouri droit ordinaire, un bistouri convexe, un bistouri droit boutonné, et, s'il le juge convenable, le bistouri herniaire de Pott, ou celui d'A. Cooper; deux paires de pinces fortes, une paire de ciseaux mousses et une sonde cannelée : ces instrumens suffisent pour l'opération. Certains chirurgiens en ont employé de particuliers, tels que la sonde ailée, le bistouri de Morand, celui de Ledran, le dilatateur de Leblanc. On aura des éponges, de l'eau tiède et de l'eau froide, un linge troué enduit de cérat, des boulettes et des gâteaux cle charpie, des fils à ligature, au be-soin des aiguilles à suture munies de leur fil, des bandelettes ag-gltitinatives, des compresses longues et carrées, une bande très longue ou un bandage triangulaire. —Le malade sera placé ho-rizontalement sur un lit, les muscles de l'abdomen relâchés, la région où est la hernie nettoyée et rasée si elle est couverte de poils. Des aides surveilleront les mouvemens du malade, qui doit être immobile ; un autre se tiendra en face du chirurgien pour tendre la peau, éponger la plaie et aider l'opérateur; un dernier se chargera de donner les instrumens. L'opérateur, placé à la droite du malade, debout, assis, ou à genoux, suivant sa convenance, commence l'opération.
Premier temps. Incision des tègumens. L'incision doit être dirigée suivant le grand diamètre de la tumeur, remonter à un centimètre et demi au-dessus de l'anneau, et descendre jusqu'au bas de la tumeur. Tantôt on peut la faire à la manière ordinaire avec un bistouri droit tenu en troisième position ; tantôt il vaut mieux inciser sur le milieu d'un pli fait à la peau, pli dont l'aide tient une extrémité et l'opérateur l'autre ; l'épaisseur plus ou moins grande des tégumens décide en faveur de l'un ou l'autre mode. Ce qui doit guider surtout le chirurgien, c'est le soin d'aller peu pro-fondément, dans la crainte de rencontrer l'intestin, qui n'est quelquefois séparé de la peau que par des couches très minces. Ce précepte est si important qu'il ne faut pas chercher à faire une incision nette et régulière; la coquetterie qui consiste à évi-ter ce que l'on appelle des queues, est ici déplacée, mieux vaut compléter ensuite son incision sur la sonde cannelée. Une seule incision ne suffisant pas pour mettre la tumeur à découvert, on en pratiquera une seconde, de manière à avoir un T, ou même une croix ; ceci au reste n'est nécessaire que pour la hernie cru-rale ou ombilicale.
Deuxième temps. Incision des enveloppes sous-cutanées du sac. Après l'incision des tégumens, et avant d'aller plus loin, on est quelquefois incommodé par une petite hémorrhagie prove-nant cle la section d'artérioles superficielles ; la pression exercée par le doigt d'un aide, la torsion avec les mors d'une pince suffi-sent pour suspendre l'écoulement de sang. Le chirurgien divise donc toutes les lames qui recouvrent le sac herniaire.—Ce temps demande beaucoup de précautions; on soulèvera avec une pince fine chacune des lamelles situées au-devant du sac, et après une section faite au ras de la pince avec un bistouri tenu horizontale-ment en dédolant, on glisse sous chaque feuillet une sonde can-nelée, on divise ce feuillet sur la sonde, d'abord en haut, puis en bas, le plus loin possible, de manière à dégager la tumeur, et on recommence ainsi jusqu'à ce que l'on reconnaisse le sac au fond de la plaie. Le nombre de couches à diviser, varie suivant le siège
de la hernie et son ancienneté. Quelle que soit son expérience" acquise, le chirurgien ne peut pas au juste le calculer à l'avance, d'autant plus que parfois des pelotons de graisse, des couches anormales de tissu cellulaire ou des kystes séreux se rencontrent entre le sac et la peau. La recherche du sac est donc ordinaire-ment assez embarrassante ; on le reconnaît à sa surface lisse et polie, à sa forme spbérique, au Iremblottement qu'on y éprouve à la pression, par la présence presque constante d'une certaine quantité de liquide dans son intérieur; quelquefois à sa teinte légè-rement livide qui accuse un liquide brunâtre sous-jacent. Mais par-fois un ou plusieurs de ces signes manquent et aucun d'eux n'est certain ; on est exposé à prendre un peloton adipeux pour l'épi-ploon, ou un kyste séreux pour le véritable sac. 11 n'est peut-être pas un seul chirurgien qui n'ait rencontré le sac plus tôt ou plus tard qu'il ne s'y était attendu ; de pareilles incertitudes enjoignent rigoureusement de procéder avec réflexion et une certaine lenteur. Ajoutons enfin qu'il y a des cas dans lesquels on trouve au-devant du sac des ganglions lymphatiques abeédés, un sac herniaire, an-cien, oblitéré et épaissi ou plein de liquide, ou encore les divers élémens du cordon spermatique et le canal déférent séparés.
3e Temps. Ouverture du sac. Dans le plus grand nombre des cas, une fois le sac mis à nu, il est facile de l'ouvrir sans aucun danger. D'une part, en effet, il existe presque toujours une cer-taine quantité de liquide à son intérieur, et alors l'intestin est protégé contre l'instrument tranchant; d'une autre part, lorsque le sac ne contient point de liquide, que la hernie est sèche comme on dit, il n'arrive presque jamais que l'intestin soit exactement appliqué à toute la face interne de la poche , et l'on peut trou-ver un point au-dessous d'une circonvolution ou entre deux cir-convolutions , où avec une pince on peut soulever le sac pour l'ouvrir ensuite. Dans les deux cas, on soulève donc la mem-brane pincée délicatement et d'un coup de bistouri tenu à plat, on divise au ras de la pince de manière à faire un petit trou à la poche. Alorson glisse unesonde cannelée mousse dans cette ouver-ture, et on incise sur elle, soit avec un bistouri boutonné, soit, ce qui est préférable, avec des ciseaux àpointes mousses. Après avoir ainsi agrandi l'ouverture par en haut, on répète la même manœu-vre par en bas, et les organes propres de la hernie sont mis à nu. Mais avant de prolonger l'incision , il faut bien s'assurer que l'on est effectivement parvenu dans l'intérieur du sac. L'évacuation du liquide de la poche ouverte en quantité variable est le signe le plus caractéristique ; toutefois il en est d'autres que l'on ne doit pas négliger. Portant le doigt ou une sonde mousse dans l'intérieur de la poche, on en parcourt la cavité dans tous les sens, on ar-rive en haut à une partie étroite, et on s'assure que ce point ré-pond à la cavité abdominale et au pédicule de la hernie; tout cela bien entendu, si le sac est libre d'adhérences avec les viscères, car nous avons supposé qu'il s'agit d'une hernie exempte de com-plications. Enfin, examinant avec attention ce qui est contenu à l'intérieur de la poche , le chirurgien reconnaît l'intestin à sa forme arrondie, à sa surface lisse et parfois aux fibres charnues qui s'aperçoivent à travers la tunique séreuse ; à l'aide de tous ces signes, il est rare que l'on ne puisse arriver à la certitude.
Acôtéde ces conditions, qui, à la vérité, sont les plus fréquentes, il faut placer des circonstances capables de jeter du doute dans l'esprit de l'opérateur. Nous avons déjà parlé de la présence de plaques graisseuses et de kystes pleins de liquides au-devant du sac. Le kyste une fois ouvert, si on l'a pris un instant pour le sac lui-même, on ne tarde pas à voir qu'il est clos de toutes parts, et
T. VII.
que, ne renfermant que du liquide, il ne contient ni intestin ni épiploon. Supposez que des flocons de graisse en imposent pour l'épiploon , on reconnaîtra l'erreur en ce que le paquet graisseux peut, être isolé de tous côtés, tandis qu'au contraire, l'épiploon adhère en haut au pédicule de la hernie. Mais voici une autre circonstance plus embarrassante: il est, ainsi que nous l'avons dit, un petit nombre de hernies qui n'ont point de sac , ou bien qui n'en possèdent qu'un incomplet, la hernie du cœcum, par exemple. Tous les signes que nous avons donnés comme annon-çant la présence du sac, et que l'on est arrivé dans son intérieur n'existant plus, il faut en conséquence procéder avec une grande circonspection dans la crainte de tomber d'emblée sur l'intestin. Au reste, dans le petit nombre de cas où cette particularité s'est présentée, il paraît qu'on a pu reconnaître l'intestin à sa tunique charnue qui, privée de péritoine, n'est plus recouverte que par un tissu cellulaire tomenteux.
4" Temps. Ablation de la cause d'étranglement et réduction des parties. Après avoir ouvert le sac dans une assez grande étendue pour pouvoir examiner à l'aise les viscères qui composent la hernie, le chirurgien , s'il ne rencontre ni adhérences ni gan-grène, doit procéder à la réduction des parties. Trois manœuvres sont nécessaires pour y parvenir : i° attirer au dehors, si c'est possible, une plus grande quantité d'organes qu'il n'en existait dans le sac; i° lever l'étranglement, soit avec l'instrument tran-chant, soit par simple dilatation ; 3° opérer la réduction. Voyons ces trois points.
Attirer au dehors une partie des organes du ventre a pour avantage : i° de disséminer les gaz et les matières de l'intestin dans un plus long canal ; i" de permettre de voir si l'intestin est parfai-tement sain au niveau du collet ; 3° enfin de constater aussi, en at-tirant le sac, si l'étranglement est produit par son collet ou par l'anneau aponévrotique. Si l'intestin cède à la traction, en ame-nant avec lui le collet, il est clair que ces deux parties jouent li-brement dans l'anneau aponévrotique, et que par conséquent ce n'est point celui-ci qui étrangle. Remarquons au reste que cette manœuvre doit être exécutée avec ménagement. Il faut ne tirailler que très légèrement l'intestin; pour peu qu'on éprouve de la rési-stance, comme c'est un indice que la constriction est forte, on doit passer aussitôt au moyen de la faire cesser.
A. Dilatation. On a proposé de lever l'étranglement par la dilatation de l'anneau aponévrotique. Cette méthode a dû être accueillie avec faveur, puisqu'elle n'expose point le chirurgien à la blessure des vaisseaux que peut rencontrer l'instrument tran-chant. Le crochet d'Arnaud et surtout le dilatateur de Leblanc ont joui d'une grande vogue à leur époque. Avec le crochet on soulève le ligament de Fallope, dans le cas d'une hernie crurale; et si l'on veut, employer le dilatateur, on en glisse l'extrémité fermée entre le col de la hernie et le lien constricteur ; puis, dit Leblanc, ouvrant l'instrument de manière que la face convexe des deux branches soit tournée en haut et la face concave en bas, afin de protéger l'intestin, on agrandit par degrés l'ou-verture suffisamment, pour y faire rentrer les parties sorties. Leblanc et Hoin rapportent un grand nombre de cas où l'usage du dilatateur a été couronné de succès : Scarpa lui-même l'ap-prouve lorsqu'il s'agit d'une hernie crurale chez l'homme, parce que, ici, la difficulté d'éviter les vaisseaux est plus marquée que partout ailleurs. Cependant il faut convenir que la dilatation doit être rarement un moyen capable de lever l'étranglement, car
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celui-ci est causé beaucoup plus souvent par le collet du sac que par l'anneau aponévrotique; et quoi qu'en ait dit Hoin, et même après lui Scarpa, il n'est point facile de dilater ce collet à l'aide des deux branches écartées du dilatateur. Sans compter les cas où la constriction est telle qu'on ne peut glisser l'instrument entre l'intestin et le collet, ni ceux où il existe des adhérences qui s'op-posent également à cette introduction, il en est encore d'autres où l'étranglement siège trop haut pour pouvoir être atteint de cette manière, par exemple, dans certaines hernies inguinales; on voit, en conséquence que la dilatation conviendrait uniquement pour quelques hernies crurales, et, en vérité, on a peine à comprendre les nombreux cas de succès annoncés par Leblanc et le praticien de Dijon son imitateur. Reconnaissons du reste que si l'on conti-nuait à préférer quelquefois la dilatation, l'instrument de Leblanc est celui qui est le mieux fait pour satisfaire aux conditions de-mandées.
B. Incision. Cette seconde méthode, applicable dans tous les cas et préférable à la première, consiste à faire la section du lien constricteur; elle se pratique de deux manières, ou bien en coupant, avec le bistouri, ou bien en divisant avec les ciseaux. Voici comment on doit débrider avec les ciseaux. Le chirurgien saisit avec une pince forte chacune des lèvres du sac aussi près que possible du siège de l'étranglement, et confie les deux pinces à deux aides placés de côté. Les aides alors tirent ensemble sur le sac et l'abaissent graduellement jusqu'à ce cpie l'on aperçoive le cercle étroit qui représente le collet, et l'opérateur, armé des ciseaux légèrement courbes sur le plat et mousses à leur extré-mité, coupe la bride ainsi abaissée. Quelquefois on n'atteint pas du premier coup le véritable cercle constricteur, parce qu'il se cache derrière l'anneau aponévrotique, mais il est rare qu'on ne parvienne pas à le diviser par une section portée un peu plus haut, après que les aides ont de nouveau saisi les lèvres du sac sur un lieu plus élevé. D'ailleurs , on peut toujours diviser ainsi devant soi, sans aucune espèce de risque à courir, tant cpie l'on n'agit cpie sur des parties visibles. L'index gauche du chirurgien sera conduit au-devant de l'intestin d'une part pour protéger cet or-gane , et d'autre part pour servir de support et de guide aux ciseaux.
Cette manière d'opérer et simple, facile est sûre quand on peut l'employer, c'est-à-dire toutes les fois que l'étranglement est causé par le collet du sac, et cpie ce collet, libre d'adhérences, ne re-monte pas trop haut derrière l'anneau aponévrotique. L'abaisse-mentdu sac, par le moyen desaides, contribue beaucoup à rendre facile ce temps toujours délicat de l'opération , et comme on est guidé par le doigt porté derrière le collet, et que l'on agit à vue libre en quelque sorte , en procédant avec mesure, il n'y a pres-qu'aucun danger à redouter.
Mais ce mode de débridement ne suffit point toujours ; soit que le sac adhère par sa face externe à sa racine, et ne puisse être abaissé, soit quel'étranglement soit produit par l'anneau aponé-vrotique, ou qu'il ait pour siège le collet, situé accidentellement très haut, il est préférable de se servir d'abord du bistouri, ou bien de n'y avoir recours qu' après avoi r essayé en vain de débrider avec les ciseaux.
Le choix du bistouri n'est pas une chose indifférente. Le droit ordinaire ou le convexe doivent être rejetés, en général, comme exposant à la blessure des parties. Le bistouri boutonné peut être manié avec plus de sûreté; niais pour être encore parfaitement commode, il faut qu'il soit courbeet étroit, de manière à pouvoir s'adapter au trajet oblique ou sinueux que parcourt le pédicule de la hernie. Sous ce rapport, le bistouri concave de Pott est très avantageux ; aussi est-ce celui dont on se sert le plus générale-ment. Dupuytren l'a modifié en plaçant son tranchant sur la con-vexité, et il pense qu'on divise ainsi plus facilement les tissus d'arrière en avant et du centre à la circonférence. Sans blâmer précisément cette modification , nous lui préférons celle d'A. Cooper qui, sur le bistouri de Pott, a réduit le tranchant à une petite étendue, 6 ou 8 lignes (i3 ou 17 millimètres), à quelque distance de l'extrémité boutonnée. Du reste, si l'on veut se servir en même temps d'une sonde cannelée, celle cpie l'on connaît or-dinairement est suffisante, et il n'est besoin ni de la sonde ailée de Méry, ni de toute autre munie de plaques latérales et plus ou moins compliquée.
Pour agir avec le bistouri, on commence par porter l'ongle de l'indicateur gauche entre l'intestin et le collet du sac, puis retour-nant le doigt de manière à diriger sa pulpe en avant, on glisse sur elle le bistouri à plat, et lorsque son extrémité est entrée dans le ventre, on le retourne sur lui-même pour diriger le tran-chant vers le bord à diviser. Pendant cette manoeuvre le chirur-gien, avec le doigt qui sert de guide à l'instrument, protège les parties contenues dans la hernie et surtout l'intestin, et pour plus de sûreté encore, un aide attire doucement les viscères vers le point opposé, tandis qu'un autre aide écarte les lèvres de la plaie afin de laisser à l'opérateur une entière liberté d'agir. Les choses arrivées à ce point, et le bistouri étant introduit entre les viscères et le collet du sac, le chirurgien, combinant le mouve-ment cle sa main droite cpii tient le manche de l'instrument avec le mouvement de l'index gauche qui en soutient le dos, presse, en sciant, sur l'anneau constricteur et le divise en retirant le bistouri : un craquement annonce ordinairement la section des fibres aponévrotiques. De suite, l'index gauche, cpii ne doit pas abandonner sa place, est porté clans l'ouverture et apprécie quelle est l'étendue du débridement. Si le doigt ne peut point pénétrer plus facilement qu'avant la section, il faut recom-mencer, en suivant exactement les mêmes temps, jusqu'à ce que la bride cède et soit décidément coupée. Alors il ne reste plus qu'à réduire les parties.
Lorsque, pour conduire le bistouri, on veut se servir cle la sonde cannelée, on doit avoir une sonde d'argent munie d'un cul-de-sac; on courbe la sonde, et on la glisse entre le collet et l'intestin, la gouttière dirigée en avant et le pavillon un peu abaissé, afin que le bouton s'applique contre la face postérieure de la paroi abdominale; puis, portant le clos du bistouri dans la cannelure, on divise la bride comme précédemment.
On a cherché à déterminer rigoureusement quelle étendue devait avoir le débridement, et on a recommandé cle ne pas faire une incision de plus de 2 ou 3 lignes (4 à 6 millimètres); mais il est impossible de donner, à cet égard, une règle abso-lue. En principe, il faut que la section cle la bride soit suffi-sante pour faire cesser l'étranglement : en pratique, on se conduit suivant les cas, et on se guide, pour l'étendue relative à donner à la section, sur le voisinage de vaisseaux artériels qu'il est impor-tant de ménager. La crainte d'exposer le malade à une récidive de la hernie, en rendant trop large l'anneau aponévrotique, est une raison de médiocre valeur; mais le précepte de s'éloigner des vaisseaux dont la lésion est capable de causer une hémorrhagie, oblige parfois à pratiquer plusieurs incisions peu étendues en différens points, plutôt que d'en faire une seule qui pourrait être dangereuse. Nous verrons, en parlant de l'opération, appliquée
aux diverses espèces de hernies, dans quels cas on doit avoir recours au dèbridement multiple.
C. Réduction. Aussitôt après avoir levé l'étranglement, on doit s'occuper de faire rentrer les viscères ; bien entendu qu'il s'agit toujours ici de la hernie exempte de complications. On attire hors du ventre une portion d'intestin, et cela est facile puis-qu'aucun lien ne s'y oppose; on dissémine ainsi les gaz et les matières, et on exécute un taxis véritable, les parties étant sous les yeux. Il est commode au chirurgien, pendant qu'il fait glisser l'organe entre ses doigts, de faire tendre le sac, afin que l'intestin trouve sur lui un plan lisse et incliné. Si la hernie contient à-la-fois une anse intestinale et une portion d'épiploon, on doit tou-jours faire rentrer l'intestin d'abord. L'épiploon est, en général, plus difficile à réduire ; quelquefois (qu'on nous passe cette expression, impropre mais énergique) il faut piétiner sur son pédicule et le faire avancer graduellement et par portions suc-cessives. Il va sans dire que l'abdomen du malade devra être parfaitement relâché. Lorsque tout est rentré, le chirurgien porte son doigt à travers l'anneau, afin de se bien assurer que les parties sont véritablement rentrées dans le ventre, et non dans l'épaisseur delà paroi abdominale, et qu'elles sont libres de toute bride ou adhérence.
Quant au sac, on a proposé plusieurs manières de se com-porter à son égard. Les uns ont dit de le réduire toujours, d'au-tres de le lier et de l'étrangler à son col, afin d'avoir plus tard un bouchon cpii fermât l'ouverture herniaire; d'autres enfin de le laisser en place, l'abandonnant à la suppuration qui doit s'em-parer de la plaie. Comme il est rare qu'il n'adhère pas à sa face externe avec les parties sous-jacentes, on ne pourrait en général exécuter les deux premiers résultats, sans détruire préalablement les adhérences, ce qui, souvent, ne s'obtiendrait qu'à l'aide d'une dissection cpii pourrait n'être pas sans danger. Si, néanmoins, le sac était libre, il n'y a en effet nul inconvénient à le réduire, après les viscères. Mais autrement, il vaut mieux l'abandonner dans la plaie, après en avoir retranché ce qui peut l'être sans inconvénient, car ainsi on diminue d'autant la suppuration qui doit suivre.
PANSEMENT ET SOINS CONSÉCUTIFS.
Le pansement de la plaie consécutive à l'opération est des plus simples. La plupart des chirurgiens recouvrent la surface sai-gnante d'un linge percé de trous et enduit de cérat. On applique par-dessus des boulettes de charpie de manière à remplir la plaie, puis un ou deux gâteaux de charpie et des compresses, et on assujettit le tout au moyen d'un bandage triangulaire ou avec le bandage connu sous le nom de spica de l'aine. On renouvelle l'appareil au bout de trois ou quatre jours, lorsque la suppu-ration est établie, et ensuite on panse une fois chaque jour jusqu'à ce que la cicatrisation soit obtenue. Au lieu de recou-vrir la plaie d'un linge gras, quelques chirurgiens sont dans l'habitude d'appliquer immédiatement les boulettes de charpie sèche ; mais ici, comme ailleurs, cette manière de faire a l'incon-vénient de rendre le second pansement plus douloureux. Il y a aussi des opérateurs qui, dans le but d'obtenir une réunion primi-tive ou immédiate, affrontent les lèvres de la plaie à l'aide de ban-delettes agglutinatives ou même au moyen d'un ou deux points de suture. Cette conduite, avantageuse dans les cas où l'opération a été simple et promptement terminée, ou en d'autres termes, lorsque le fond de la plaie n'a pas été, en quelque sorte, tour-menté, expose parfois le malade à une suppuration profonde, à un abcès qui peut devenir la source d'accidens. D'ailleurs l'im-portance, dans une opération aussi grave, n'est pas de hâter de quelques jours la marche de la cicatrisation : peut-être même est-il utile de laisser se développer, du fond à la surface, un travail de cicatrisation un peu lent, afin d'avoir ensuite plus de chances en laveur de la cure radicale de la hernie. Dans tous les cas, pendant tout le temps que met à se faire la réunion, qu'elle soit primitive ou secondaire, on doit tenir le malade immobile au lit, lui recommandant bien d'éviter les mouvemens qui pour-raient contribuer à faire sortir de nouveau les viscères, et l'habi-tuant à soutenir la plaie avec la main appliquée sur le bandage, toutes les fois qu'il est obligé de se mouvoir ou de tousser, etc.
Si, quelques heures après l'opération, les selles ne se rétablis-sent pas spontanément, il est sage d'administrer un lavement simple, puis un autre un peu laxatif dans le cas où le premier n'aurait pas agi. Néanmoins cette précaution ne suffit pas tou-jours, et fréquemment, après l'opération, soit paresse del'intestin ou commencement d'inflammation, les selles n'ont pas encore reparu au bout de vingt-quatre heures ; alors il est indiqué de faire prendre par la bouche un purgatif léger que l'on donnera dans une petite quantité de véhicule.
Enfin, après la guérison, le malade doit porter un bandage herniaire, s'il ne veut point être exposé à une récidive de la maladie pour laquelle il a subi une aussi grave opération.
CONDUITE A TENIR DANS LES CAS DE COMPLICATIONS.
Adhérences de l'intestin. Lorsque des adhérences existent entre l'intestin et le collet du sac, on conçoit cpie le temps opé-ratoire cpii consiste à lever l'étranglement est. rendu difficile. Si ces adhérences sont molles et récentes, on peut les détruire et faire glisser ensuite une sonde cannelée ou le bistouri pour débrider à la manière ordinaire : si les adhérences sont anciennes et résistantes, comme il est rare qu'elles existent à tout le pour-tour du collet, on porte le dèbridement sur un lieu où il ne s'en trouve pas, et, au besoin, on pratique plusieurs petites incisions, en différens points, afin de suppléer par le nombre à l'étendue de la section. C'est donc un cas où le dèbridement multiple est sou-vent obligatoire. L'étranglement étant levé, il serait imprudent de réduire en bloc l'intestin encore adhérent au collet, avec le sac lui-même, à supposer que celui-ci pût être refoulé dans le ventre : on doit se contenter de laisser les parties au dehors, et insensible-ment l'intestin, tiraillé par les mouvemens du tube digestif, finira par rentrer dans l'abdomen. Mais il peut arriver que des adhé-rences anciennes existent à tout le pourtour du collet, et qu'il y ait impossibilité à passer le bouton du bistouri sans blesser l'intestin. Alors, dit L. Sanson, il faut imiter la conduite d'Ar-naud , ouvrir l'intestin, quelque sain qu'il soit, au-dessous du collet, introduire le bistouri par cette ouverture, et débrider de dedans en dehors. Cette pratique est fâcheuse sans doute, mais, avant tout, il faut faire cesser l'étranglement, et mieux vaut encore ouvrir l'intestin dans le sac que s'exposer à l'ouvrir dans le ventre en faisant passer de force le bistouri entre lui et le collet.
Gangrène de l'intestin. Lorsque l'intestin offre une couleur rouge foncée, ou noirâtre ou ardoisée, que la sérosité du sac est brune et fétide, que l'anse intestinale est flasque, molle, sans
rénitence, exhalant l'odeur propre à la gangrène, le chirurgien, reconnaissant ce funeste accident à ses signes caractéristiques, ne doit pas tenter la réduction, età plus forte raison le doit-il encore moins si l'intestin est ulcéré en quelque point, et si déjà un épanchement stercoral s'est fait dans la cavité du sac. Dans une telle circonstance il faut d'abord fendre l'intestin sur sa convexité, ce qui rend inévitable la formation d'un anus contre nature. Ensuite, on introduira dans le bout supérieur du tube digestif une sonde de femme afin de permettre l'écoulement des matières, et si la sonde ne pouvait point passer à cause de l'étroi-tesse au niveau du collet, il faudrait, suivant la méthode d'Ar-naud, débrider par l'intérieur de l'intestin, mais on se trouve rarement dans cette nécessité. Au cas enfin où l'intestin serait libre dans l'ouverture, on devrait le fixer au dehors en l'embras-sant avec une anse de fil. Quant à l'anse intestinale gangrenée, il est inutile de la retrancher avec l'instrument tranchant; en con-fiant à la nature le soin d'éliminer tout ce cpii est frappé de gan-grène, on met les parties dans de meilleures conditions pour l'établissement d'un anus anormal, qui ensuite pourra guérir de lui-même ou être traité avec succès. Une anse intestinale tout entière est-elle ainsi gangrenée, on a proposé de procéder immédiatement à la réunion des deux bouts du tube digestif (Voy. Suture des intestins) ; mais en général il est préférable de n'employer que l'opération secondaire qui consiste à combattre l'anus anormal.
Adhérences et altération de Vepiploon. L'épiploon peut offrir des adhérences avec le sac, former à l'intestin une gaine cpii le serre ou qui l'étrangle et être altéré de diverses manières. Si les adhérences sont faibles et molles, on les détruira facile-ment, puis on réduira l'épiploon. Si celui-ci embrasse ou étrangle l'intestin, on en dégagera adroitement ce dernier, soit avec les doigts, soit en coupant la bride. Si l'épiploon est gangrené, ou uni au sac par des adhérences très solides, ou s'il est trop volu-mineux pour être replacé dans le ventre, à moins d'un dèbride-ment trop étendu, on ne doit pas songer à le réduire. Mais faut-il l'abandonner dans la plaie, ou bien le retrancher par rescision? L'une et l'autre de ces deux conduites ont été suivies et défendues par les praticiens. En laissant l'épiploon dans la plaie, il peut arriver qu'il contracte des adhérences avec l'ouverture herniaire et devienne ainsi un bouchon capable de prévenir la récidive de la hernie; mais il est possible aussi que, par suite d'une inflam-mation trop vive, il donne lieu à un abcès profond qui a de la tendance à s'étendre du côté du ventre, et on doit craindre dans des cas semblables des péritonites mortelles. Au contraire, on évite ces accidens en retranchant toute la partie de l'épiploon qui est irréductible, et, pour arriver à ce but, on a à choisir entre la ligature et la rescision avec l'instrument tranchant. La ligature de l'épiploon près de l'anneau, quoique conseillée encore par Scarpa et M. Hey, a le grave inconvénient de placer le malade dans la position de celui qui a une hernie épiploïque étranglée; aussi préfère-t-on en général avoir recours à l'autre moyen. Mais en retranchant l'épiploon, il faut se mettre en garde contre l'hémorrhagie qui pourrait résulter de l'ouverture des artères cpii se rendent à cette partie. Sans doute il n'est pas tou-jours besoin de lier ces vaisseaux, et le sang qu'ils peuvent fournir n'est pas toujours assez abondant pour être la source d'accidens. Fréquemment on a pu se dispenser de faire aucune ligature. Mais pour peu que des artérioles soient aperçues, on doit cependant les lier. Pour cela il ne faut pas porter une liga-ture en masse sur le pédicule de l'épiploon, car on tomberait dans l'inconvénient que nous recommandions tout-à-l'heure d'éviter, celui dedonner lieu à un étranglement épiploïque ; mais il faut déplisser et étaler l'épiploon, le couper d'un bord à l'autre, et à mesure qu'on aperçoit des vaisseaux les lier isolé-ment. Enfin, on peut se demander si l'on doit laisser le pédicule dans la plaie ou s'il est préférable de le réduire dans le ventre. A ceux qui prétendent qu'il vaut mieux le réduire, afin d'éviter que le malade porte une bride, adhérente d'une part à la plaie, et de l'autre aux viscères, ce qui gênerait l'action de ceux-ci, on peut répondre que, même en réduisant, le pédicule de l'épiploon contracte des adhérences avec le péritoine qui est au pourtour de l'anneau, qu'en second lieu cette bride ne deviendra une source de gêne que si on a été obligé d'emporter une grande partie de l'épiploon, et enfin qu'en laissant séjourner le pédicule dans la plaie, on a l'avantage de fermer l'ouverture herniaire par un bouchon solide.
Autres difficultés provenant du siège de l'étranglement, du nombre des collets, etc. Dans certaines hernies il y a plus d'un étranglement, et dans d'autres l'étranglement siège en unpointtrès élevé, à l'orifice supérieur de l'anneau inguinal, par exemple. Le chirurgien reconnaît qu'il existe un second cercle constricteur, lorsqu'après avoir fait la section d'une première bride, il touche avec son doigt, porté dans l'ouverture, un autre obstacle, ou encore lorsqu'il ne peut attirer au dehors une nouvelle cpiantité d'intestin ou d'épiploon. Alors il faut aller à la recherche du second collet et le débrider, en observant toutes les règles que nous avons indiquées précédemment. Quelquefois on est obligé d'inciser successivement un ou deux collets du sac herniaire, l'anneau aponévroticpie inférieur du canal inguinal, et le trajet inguinal lui-même dans toute son étendue. Enfin, l'étranglement peut siéger à l'orifice supérieur du canal et ce cas est un des plus embarrassans qui puissent se présenter. Alors en effet, après un premier dèbridement au niveau de l'anneau inguinal externe, l'opérateur, croyant avoir achevé l'opération, essaie de réduire, et, portant son doigt derrière les viscères qui viennent de ren-trer, il trouve une cavité assez large qu'il prend pour la cavité abdominale; mais bientôt les organes ressortent d'eux-mêmes. L'attention une fois éveillée par cet obstacle insolite à la réduc-tion, il faut explorer avec attention le trajet parcouru par le doigt, la direction du pédicule de la hernie, tenir compte de la marche de l'étranglement, et surveiller la succession ultérieure des accidens; car il arrive souvent que le chirurgien, n'étant pas assez bien renseigné pour oser prendre un parti, est contraint de laisser le malade et les choses dans cet état jusqu'au lendemain. Si, à cette époque, les signes de l'étranglement n'ont point cessé, si la hernie ne peut rester dans le ventre, malgré l'immobilité du malade, il y a lieu de croire que les organes n'ont été refoulés que dans le canal inguinal, et que la bride siège plus haut. Quel-quefois on sera assez heureux pour reconnaître, avec le doigt, l'obstacle placé à l'orifice supérieur du canal, mais si même on ne peut y parvenir il faut néanmoins se décider à ouvrir le trajet inguinal en avant, dans toute son étendue. Mais cette manœuvre ne doit être pratiquée qu'avec une extrême précaution, en portant le bistouri boutonné sur la face palmaire de l'indicateur gauche, après avoir ramené au dehors toutes les parties qui formaient la hernie. On arrive ainsi jusqu'au point le plus élevé du canal et on débride le rétrécissement qui siège à ce niveau. Dupuytren et Sanson ont plusieurs fois suivi, avec bonheur, cette conduite
hardie et difficile, sans laquelle le malade périt victime de l'es-pèce d'étranglement appelé intra-pariètal.
Il n'est pas impossible que deux hernies s'échappent en même temps par la même ouverture, ou, du moins, qu'elles ne soient séparées l'une de l'autre à leur racine que par une bride mince et étroite. Supposons que, dans cette circonstance, on soit obligé de pratiquer l'opération du débridement, le chirurgien, après avoir réduit une première hernie, sera exposé à ne pas soupçonner la présence d'une autre placée immédiatement en arrière, et cependant il se peut que ce soit cette seconde tumeur qui cause les accidens de l'étranglement. On voit de suite ce qu'il y a de fâcheux dans une telle disposition, dont les exemples, à la vérité, sont fort rares. Massalin opéra, le troisième jour de l'étranglement, un homme de soixante-trois ans qui portait une hernie inguinale depuis son enfance. Il réduisit, après débridement, une première tumeur qui contenait une anse de l'iléon, une partie du cœcum, et une masse considérable d'épiploon. Après cette réduction, il vit avec étonnement une autre tumeur aussi grosse que la pre-mière et placée derrière la hernie opérée. Soupçonnant, après hésitation, que ce pouvait être un second sac herniaire, il ouvrit la poche et trouva de l'épiploon adhérant au pourtour de l'an-neau, retrancha cet épiploon sans faire de ligature, et le malade fut rétabli au bout de sept semaines par les soins ordinaires [Trait, des hernies de Richter, pag. 3oo, addit. du traduct.). Dans tous les cas, si l'on rencontrait ainsi deux hernies situées l'une au-devant de l'autre, on essaierait de réduire chacune d'elles avant de lever l'étranglement, et si on ne pouvait les réduire, on opérerait un débridement successif sur les deux.
Enfin une hernie étranglée peut avoir été réduite en masse parle taxis, et néanmoins que l'étranglement continuant à être exercé par le collet du sac sur l'intestin, le chirurgien soit appelé à faire cesser les accidens. La première chose à faire en pareil cas, est d'engager le malade à se lever, à marcher et à tousser, afin de ramener la hernie au dehors, ce qui ordinairement est possible, parce qu'alors, en général, l'anneau aponévrotique est assez large, et le sac libre d'adhérence avec les parties voisines. Ensuite on opérera comme dans une hernie ordinaire. Mais si la tumeur ne reparaît point à l'extérieur, le chirurgien, après s'être entouré de toutes les circonstances capables de fixer son diagnos-tic, doit se comporter comme dans le cas d'un étranglement situé à l'orifice supérieur du canal inguinal. Une tumeur existe derrière l'anneau : on incise les tégumens, on va à la recherche du sac, et quand on l'a trouvé on se comporte comme cela est prescrit dans l'opération ordinaire, si ce n'est qu'il ne faut pas oublier qu'on est voisin de la cavité du péritoine, et que par con-séquent les plus minutieuses précautions sont de rigueur.
accidens qui peuvent survenir pendant l'opération.
Ces accidens sont principalement la blessure de l'intestin et celle d'un vaisseau qui peut donner lieu à une hémorrhagie. On est exposé à blesser l'intestin dans deux momens de l'opération, ou bien en divisant les enveloppes de la hernie, si l'on arrive sur l'intestin en croyant n'ouvrir que le sac; ou bien en débridant, lorsque le tranchant du bistouri rencontre l'intestin qui n'a pas été suffisamment écarté ou protégé. Une fois l'intestin ouvert, il faut s'attendre à un anus contre nature. On laissera les parties au dehors sans pratiquer la réduction, à moins qu'on ne préfère employer un des moyens nombreux proposés contre les plaies des intestins. — La blessure d'une artère est un accident qui,
t. vii.
aujourd'hui, est devenu rare, grâce à une étude anatomique attentive de chacune des régions dans lesquelles se forment les hernies. Nous donnerons les règles à suivre pour éviter la bles-sure des vaisseaux, en décrivant l'opération pour les diverses espèces de hernies.
Dans cet exposé général de l'opération de la hernie étranglée, nous n'avons point parlé de certaines méthodes opératoires qui sont à-peu-près complètement abandonnées. Ainsi, au lieu d'in-ciser successivement toutes les couches qui sont comprises entre le sac et la peau, Louis propose cle pénétrer, du premier coup, jusqu'au sac, et d'ouvrir celui-ci d'un second coup cle bistouri, ce qui abrégerait de beaucoup l'opération, mais aussi exposerait au danger cle blesser les organes contenus dans la hernie. Cette pratique, au reste, n'a trouvé quepeu de défenseurs; mais il n'en est pas de même d'une autre méthode proposée par J.-L. Petit. Ce chirurgien a insisté sur les avantages cpie l'on obtiendrait en débridant sans ouvrir le sac, et à notre époque, A. Cooper, M. Rey, M. Diday se montrent partisans de cette manière d'o-pérer. Pour agir ainsi, il suffirait de pratiquer une incision longue de 3 à 6 centimètres (i pouce ou a) an niveau del an-neau aponévrotique, cle glisser une sonde entre le sac et l'anneau fibreux, puis, conduisant un bistouri boutonné sur la cannelure de la sonde, de débrider l'anneau aponévrotique sans ouvrir le sac. De cette façon, on aurait moins à craindre l'inflammation du péritoine, et si, par malheur, une artère était ouverte, le sang versé au dehors, ou tout au plus clans le tissu cellulaire du bassin, ne pourrait se répandre clans la cavité péritonéale. Avec des avantages aussi nombreux, il semble que cette méthode devrait, être prise en sérieuse considération, mais il n'est pas besoin cle réfléchir beaucoup pour voir qu'un tel mode opératoire est défec-tueux pour plusieurs motifs. D'abord clans une hernie étranglée, il est de précepte rigoureux cle ne réduire les parties qui sont dans la tumeur que si elles sont en bon état; or, si on n'ouvre point le sac, comment savoir si l'intestin est ou n'est point altéré, comment savoir s'il n'est point enveloppé et étranglé par l'épi-ploon ou par une bride développée dans le sac? Ensuite, et on le sait aujourd'hui, l'étranglement étant le plus souvent produit par le collet du sac, qui ne voit qu'en se bornant à débrider l'an-neau fibreux, on ne fera cesser que dans un très petit nombre cle cas la cause de l'étranglement?
S'il en était besoin, quelques-uns de ces motifs pourraient être employés à combattre une autre méthode opératoire qui s'an-nonce, de nos jours, comme voulant appliquer le débridement sous-cutané à la hernie étranglée. De deux choses l'une, ou par ce débridement sous-cutané, fait au moyen d'une simple ponction à la peau, on ne débride que l'anneau fibreux aponévrotique, et alors le plus souvent on ne lève point l'étranglement; ou, si l'on veut aussi débrider le collet du sac, on s'expose à coup sûr à diviser l'intestin, outre cpie l'on se prive cle la vue des organes pour savoir s'il est convenable de les réduire ou cle les laisser dans le sac au dehors.
opération de l'étranglement appliquée aux hernies spéciales.
Hernie inguinale. Dans cette espèce cle hernie , on a à se tenir en garde contre la présence du canal déférent ou des élémens du cordon qui se trouvent quelquefois placés au-devant du sac. Mais le principal soin du chirurgien consiste à éviter l'artère épigastri-
M
que, et c'est surtout ce précepte qui sert de base aux modifications spéciales qui caractérisent, ici l'opération. En se rappelant que l'artère en question est tantôt placée sur le côté interne du pé-dicule de la hernie, et tantôt sur le côté externe , on comprend que si l'on débride , indistinctement et toujours , en dedans ou en dehors, on devra s'exposer à ouvrir ce vaisseau et à causer ainsi une grave hémorrhagie. Plusieurs auteurs ont, en effet, cité des exemples de cet accident, devenu ordinairement mortel, parla difficulté où l'on se trouve de reconnaître d'abord la compli-cation , et même quand on en a la certitude , de mettre un terme à l'écoulement du sang. Gunz, Bertrandi, Richter, A. Cooper, Scarpa, Lawrence, Hey et Boyer ont rapporté des cas d'hémor-rhagie due à la blessure de cette artère. Avertis déjà de ce danger, les chirurgiens du dernier siècle ont essayé de donner une règle absolue pour la direction dans laquelle on devait porter le dé-bridement. Mais n'ayant aucune idée fixe sur les rapports nor-maux de l'artère avec le col de la hernie, ils n'ont pu raisonner que d'après le succès plus ou moins heureux de leur pratique, et aussi voit-on les plus célèbres d'entre eux se contredire sur ce point : Garengeot et Heister recommandent de débrider en de-dans, et Sharp, Lafaye, Pott en dehors, tandis que J.-L. Petit, et d'autres préfèrent porter le bistouri directement en haut. De nos jours, l'étude attentive de l'anatomie opératoire des hernies, ayant appris que , dans la hernie inguinale oblique ou externe, l'artère se trouve en dedans , et qu'elle est au contraire en dehors dans la hernie directe ou interne, on a fait un précepte général pour le premier cas, de débrider toujours en dehors, et pour le second de débrider toujours en dedans. Mais on s'est bientôt aperçu qu'un tel précepte, bon en théorie, n'était pas toujours applicable sur le malade; car pour peu que la hernie soit ancienne et volumineuse, le canal inguinal se trouve modifié dans son étendue et dans sa di-rection, ainsi que nous l'avonsvu, et alors il devient difficile, même pendant l'opération, de savoir si telle hernie inguinale est bien réellement externe ou interne. En conséquence, des opérateurs ont cru résoudre plus avantageusement ce point délicat de mé-decine opératoire, en conseillant de diriger toujours le tranchant du bistouri en haut ; car, en agissant ainsi , que l'artère soit placée en dedans ou en dehors, ou même que par anomalie ce vaisseau soit double, on débride parallèlement à sa direction en portant le bistouri directement en haut : Scarpa, A. Cooper, Dupuytren débridaient dans ce dernier sens, et la plupart des chi-rurgiens se sont rangés, avec raison, à leur avis. Ne nous dissimu-lons pas cependant qu'il peut se rencontrer des cas où l'artère épi-gastrique, offrant une anomalie dans sa direction ou dansle volume de quelques-uns de ses rameaux, de celui en particulier qui longe la branche horizontale du pubis, forme un cercle presque com-plet au pédicule de la hernie, de telle sorte qu'il sera presque im-possible de l'éviter, en quelque direction cpie l'on fasse agir le bistouri. M. Velpeau ditavoir vu, et nous avons nous-même ren-contré sur le cadavre des cas où existait cette fâcheuse disposition.
Au reste, comme le dit encore M. Velpeau, il faut, dans cette question épineuse, considérer les choses comme elles se présen-tent dans la pratique. Or, si l'on doit agir sur un débridement qui siège dansle scrotum, il n'y a point à se préoccuper de l'artère épigastrique. Si la constriction est causée par l'anneau inguinal externe, l'artère étant située plus haut et en arrière, on peut, sans rien craindre, diviser le pilier externe ou le pilier interne, pourvu toutefois que l'on ne porte point l'instrument à plus de 2 à 5 mil-limètres (1 ou 2 lignes) au-dessus de l'anneau. S'agit-il d'un étranglement produit parle collet, au niveau de l'anneau infé-rieur, on pourra encore, en abaissant le sac, être assez éloigné de l'artère pour que celle-ci soit préservée.
Le seul cas réellement difficile est donc celui où la constriction siège derrière l'anneau inférieur ou externe, et alors on doit dé-brider directement en haut, à l'exemple de Scarpa, Cooper et Dupuytren. Si enfin l'étranglement avait lieu dans le trajet in-guinal ou à l'orifice supérieur du canal, comme évidemment la hernie serait oblique, il serait, par là même, prescrit de débrider en dehors. D'ailleurs, toutes les fois que le chirurgien conserve des doutes sur la position de l'artère , il doit éviter de faire une seule incision étendue, et s'en tenir à plusieurs petites incisions sur la circonférence de la bride. Avant d'avoir été érigé en mé-thode générale, le débridement multiple a dû être mis en pra-tique dans certaines circonstances par tous les chirurgiens prudens.
Hernie crurale. L'opérateur doit se rappeler que les enve-loppes sont ici moins nombreuses que dans la hernie inguinale ; on ne trouve, en effet, que le tégument, le fascia superficialis, le j"asciapropria et le sac, ce qui oblige à de grandes précautions pour arriver au sac lui-même sans l'ouvrir du premiercoup.il faut faire l'incision parallèlement au ligament de Fallope, et quel-quefois on est obligé, à cause du volume et de la forme arrondie de la tumeur, de pratiquer une incision en T ou en -j-. Il y a avantage aussi, plus qu'à la région inguinale, à commencer l'in-cision sur un pli fait à la peau. C'est surtout au-devant de la her-nie crurale que l'on rencontre des ganglions lymphatiques hy-pertrophiés ou abcédés , et des pelotons de graisse que l'on est tenté de prendre pour l'épiploon ; de ces diverses circonstances , il résulte que la recherche du sac herniaire est un peu plus diffi-cile dans la hernie crurale que dans l'inguinale ordinaire.
Le débridement exposant à la blessure de plusieurs artères, on a beaucoup discuté sur la direction à donner au bistouri. Remarquons d'abord que, dans cette espèce de hernie, le collet du sac est moins souvent le siège de l'étranglement que cela n'a lieu dans la hernie inguinale. Il en résulte d'une part que l'é-tranglement, causé plus fréquemment parles parties fibreuses, marche avec plus d'acuité , et d'autre part que l'on est presque toujours obligé de préférer le bistouri aux ciseaux pour faire ces-ser la constriction. Les artères à éviter sont en dehors et en haut, l'épigastrique, directement en dehors, les vaisseaux iliaques, en haut et en dedans chez l'homme, l'artère testiculaire. On com-prend par conséquent pourquoi la méthode de débridement par dilatation ou bien par plusieurs petites incisions a été surtout imaginée contre la hernie crurale.
Sharp opérait le débridement en haut et en dehors, et Du-puytren, qui adopte à-peu-près la même direction, fait agir son bistouri tranchant sur la convexité, au-dessous du ligament de Fallope, en divisant les tissus de l'intérieur à l'extérieur. La ra-cine de l'artère épigastrique est assez profonde pour qu'il n'y ait aucun risque de l'atteindre, à moins qu'on ne fasse une incision trop étendue. Scarpa a surtout insisté sur le danger du débride-ment en haut chez l'homme, et, rappelant un cas dont Arnaud fut témoin et où la mort arriva par suite d'une hémorrhagie cau-sée par la blessure de l'artère testiculaire , il fit voir qu'il est fort difficile de diviser en haut et en dedans sans couper cette artère. Néanmoins A. Cooper croit possible d'écarter le cordon avec une sonde cannelée, après avoir fait une petite incision parallèle au ligament de Fallope, et au-dessus de son bord libre ; après quoi on peut diviser sans crainte le bord de l'anneau qui est au-dessous.
Le débridement de Gimbernat, chirurgien espagnol, a réuni le suffrage de la plupart des opérateurs ; il consiste à porter le bis-touri en dedans de l'anneau , sur le côté supérieur de la demi-circonférence interne, et à le diriger ensuite obliquement en dedans et en bas, comme pour arriver au pubis en suivant le pilier externe de l'anneau inguinal : on divise ainsi la bandelette aponévrotique, désignée depuis sous le nom de ligament de Gim-bernat; il est certain qu'on évite sûrement parce procédé le tronc de l'artère épigastrique et la testiculaire , et s'il existe une distri-bution normale des vaisseaux de la région, on ne court aucun dan-ger d'hémorrhagie. Mais malheureusement l'artère obturatrice, qui, comme nous l'avons dit, est assez souvent fournie par l'épigastrique, peut se rapprocher beaucoup du ligament de Gim-bernat, et se trouver exposée au tranchant du bistouri ; et il serait possible aussi de blesser une petite branche artérielle, née tantôt de l'obturatrice, tantôt de l'épigastrique, et qui se rend transver-salement sur la symphyse pubienne en croisant le même liga-ment. Après tout, cependant, bien que la théorie indique encore ces craintes relativement au débridement proposé par Gimbernat, il faut noter que, sur le grand nombre d'opérations faites suivant ce procédé par Scarpa, Boyer, M. Roux et par d'autres, on n'a pas encore eu à regretter de l'avoir mis en pratique.
Au reste, il importe de remarquer que le débridementdela her-nie crurale n'est réellement embarrassant que chez l'homme, car chez la femme on peut toujours diriger le bistouri en haut à cause de l'absence du cordon testiculaire. Or, chez l'homme, soit que l'on débride en dedans sur le ligament de Gimbernat, soit que l'on débride en dehors, comme le pratiquait Dupuytren, soit que l'on coupe le ligament de Fallope en haut, mais en faisant la section de haut en bas, suivant la conduite d'A. Cooper, il faut toujours avoir grand soin de ne pratiquer qu'une médiocre inci-sion. C'est ici qu'il est surtout avantageux de mettre en usage le débridement multiple. Une incision trop profonde peut avoir un fâcheux résultat dans les mains du chirurgien le plus habile : M. Laugier a vu un malade opéré par Dupuytren, périr d'hé-morrhagie; Hey cite un cas où la vessie fut ouverte pendant le débridement à la manière de Gimbernat. Ce n'est, au reste, que par inadvertance que peut arriver ce dernier accident, car on doit toujours faire uriner le malade avant de le soumettre au taxis ou à l'opération.
Hernie ombilicale et ventrale. Les trois premiers temps de l'opération exigent de grandes précautions, à cause du peu d'é-paisseur des enveloppes, et surtout parce que le sac contient très peu, ou même point de liquide. Il est souvent nécessaire d'avoir recours à une incision en -f- ou en T. Une fois le sac ouvert, on fera porter le débridement en haut et à gauche, afin d'éviter les débris des vaisseaux ombilicaux, et de l'ouraque qui sont situés en sens inverse. Si l'on trouvait une grosse veine superficielle traversant l'ombilic, comme cela a été vu par MM. Menière et Manec , il faudrait l'éviter. Plusieurs petites incisions seront en-core préférables à une incision unique et trop étendue; on a pro-posé de débrider l'anneau fibreux sans entamer le sac; cette pra-tique aurait ici l'avantage de prévenir l'inflammation du sac et celle du péritoine qui est souvent consécutive à la première, après l'opération de la hernie ombilicale. A. Cooper, Key, et avant eux Scarpa, ont insisté sur la nécessité de ne diviser que l'anneau fibreux. Il est certain que le collet du sac étrangle très rarement dans l'omphalocèle, et, en conséquence, on peut lever la bride sans toucher au sac. Mais néanmoins, comme aussi il y a avantage à voir à nu les viscères, afin de reconnaître leur état sain ou malade, il faudra, en général, ne suivre le précepte de Key et de Scarpa que pour les hernies volumineuses , les seules après tout où l'inflammation du sac serait redoutable , et encore doit-on être sûr, à l'avance, qu'il n'y a pas d'intestin gangrené dans la tumeur.
Hernie obturatrice ou sous-pubienne. Cette hernie, observée par Arnaud , Duverney, Garengeot, Verdier, A. Cooper, Hessel-bach, M. J. Cloquet et par quelques autres chirurgiens, paraît avoir été opérée par Garengeot et plus récemment par un chi-rurgien allemand. Mais en considérant sa situation profonde, et en étudiant ses rapports, on acquiert la double certitude : d'a-bord , qu'il doit être extrêmement difficile de la reconnaître sur le vivant, ce que confirme d'ailleurs l'examen des faits ob-servés jusqu'ici, et en outre , en supposant même que l'on par-vînt à la diagnostiquer d'une manière positive, qu'il n'est pas prudent d'en tenter l'opération. Pour découvrir le sac, il fau-drait, en effet, l'aller chercher, au-dessous du pubis, derrière les muscles pectine, petit et moyen adducteurs, qui tous les trois re-couvrent la tumeur ; et, une fois le sac mis à nu, il faudrait faire porter le débridement entre le pédicule de la hernie et le pour-tour du canal sous-pubien, entouré de toutes parts d'organes dont la blessure est dangereuse. Outre la vessie qui est pres-qu'accolée derrière l'orifice postérieur du canal sous-pubien, on aurait à éviter les nerfs et les vaisseaux obturateurs. Or, il a été reconnu, d'après une pièce présentée par M. Demeaux à la So-ciété anatomique (année i/f, i83g, pag. 20), que l'artère, la veine et le nerf obturateur, contournent le collet du sac herniaire à la manière d'une spirale , et qu'il serait impossible d'introduire un bistouri sur le bord du ligament sous-pubien sans diviser l'ar-tère, avant ou après son entrée dans le canal par lequel s'échappe la hernie.
Les hernies ischiatique, périnéale, vulvaire, vaginale ou lom-baire, n'offrent aucunes modifications spéciales auxquelles le chirurgien ne soit à même de remédier, d'après ce que nous avons dit de l'opération appliquée aux autres hernies.
TRAITEMENT AYANT POUR BUT DE PROCURER UNE CURE RADICALE DE LA HERNIE.
Historique.
L'étude de l'art nous offre ici un curieux spectacle. On voit d'abord la chirurgie ignorante et grossière employer indistincte-ment contre toute hernie des moyens barbares que le succès couronne quelquefois au prix d'une mutilation ; puis, arrêtée par les dangers cle l'opération même et par les exhortations de quelques hommes qui réclament la conservation d'organes impor-tans plus encore au nom du roi qu'au nom cle l'humanité, tantôt elle place sa confiance en la vertu d'emplâtres etd'onguens de toutes sortes; tantôt, mieux inspirée, elle commence à pres-sentir les avantages que l'on peut tirer d'une compression per-manente et méthodique. Après les affreuses mutilations opérées par Norsia et tant d'autres barbiers voyageurs, après tant défaits monstrueux, et, entre autres l'histoire à peine croyable rapportée par Dionis, de ce charlatan qui nourrissait son chien avec les testi-cules des gens qu'il opérait de la hernie, les chirurgiens, plus éclairés, prirent le parti de conserver l'organe de la génération, et pour cela, mettant à nu le sac herniaire et l'entourant d'un fil d'or (point doré), on exerçait une constriction qui le plus sou-
vent comprimait aussi le cordon testiculaire, et par conséquent entraînait la perte du testicide. Ce ne fut qu'un peu plus tard qu'on isola le sac de manière à l'étreindre sans le cordon, et la méthode prit le nom de suture royale, bien plutôt en raison de la noblesse imaginaire de la matière employée que de celle de l'organe qu'il s'agissait de conserver. Vers le milieu du xvui'siècle cependant, on convint des périls de toutes ces tentatives, et malgré l'exemple de J.-L. Petit qui eut la faiblesse de céder aux sollicitations de trois malades, Dionis avait déjà annoncé aux jeunes chirurgiens qu'il ne leur faisait connaître ces opérations que comme de mauvaises choses qu'il fallait éviter. On revint aux idées de Fabrice de Hilden qui avait montré les ressources d'une compression permanente aidée du repos, et laissant également de côté la cautérisation, les topiques, l'incision, ettouteslesanciennes pratiques, on se mit à perfectionner les bandages herniaires. Tel a été l'état de la question jusqu'à nos jours, mais les choses n'en devaient point rester là. Séduits sans doute par l'avantage qu'il y aurait à faire disparaître une affection qui tient continuellement le malade dans l'imminence d'un grand danger ; se croyant forts de connaissances anatomiques positives, et poussés, peut-être, par cette ardeur de recherches qui agite toute notre génération, les chirurgiens, nos contemporains, ont voulu revoir cette ques-tion délaissée de la cure radicale de la hernie. Procédant, du reste, avec réflexion et prudence, ils ont en quelque sorte plutôt essayé le sujet qu'ils ne l'ont définitivement fixé : ainsi, pour l'appréciation des méthodes nouvelles, le jugement serait encore un peu prématuré. L'industrie chirurgicale a fait preuve, à cet égard, de grandes ressources, mais on hésite à dire si l'humanité en retirera un avantage réel.
Dans l'exposé qui va suivre , nous ne parlerons que de quel-ques-unes des méthodes nouvelles, et de la compression, la setdedes méthodes anciennes, qui mérite d'être conservée.
COMPRESSION.
La compression, exercée d'une manière méthodique et pro-longée sur l'ouverture herniaire, empêchant les viscères de des-cendre à chaque instant dans le sac, et pressant celui-ci de façon à appliquer ses parois l'une contre l'autre, amène à la longue un resserrement, une condensation des tissus, soit par simple irritation, soit à l'aide d'une légère inflammation , de telle sorte que le sac peut se rétrécir, se fermer même assez solidement pour résister définitivement à la pression des organes du ventre. Ce moyen d'obtenir la cure radicale , le plus rationnel de tous , est aussi le plus ancien; déjà Celse l'avait recommandé pour la cure delà hernie ombilicale des enfans; plus tard , À. Paré l'ajoutait comme accessoire à l'application des topiques médicamenteux, et par la suite la confection des bandages venant à être mieux entendue, on en obtint successivement des efforts décisifs et con-cluans. Toutefois on remarquera sans peine qu'un tel moyen ne saurait agir que sur des hernies encore récentes et de médiocre volume , et que surtout une condition indispensable de sa réus-site est la souplesse des tissus et la tendance naturelle et organi-que au resserrement dans les ouvertures herniaires; aussi a-t-on noté de tous les temps que, quelquefois suffisante chez les en-fans, la compression est rarement efficace chez les adultes, et, à plus forte raison, chez les vieillards.
Cette compression s'exerce au moyen des brayers ; mais pour qu'elle soit efficace, il faut réunir toutes les conditions d'appli-cation et de structure sur lesquelles nous avons insisté en décri-vant ces instrumens ; il est essentiel que la pelote, presse exacte-ment et également l'orifice herniaire sans l'enfoncer, sans y dé-primer la peau ; mais par-dessus tout, il est indispensable que son action soit de longue durée. L'histoire des perfectionneinens de cette méthode, liée intimement avec les perfectionneinens que l'on a fait subir aux brayers, n'a pas besoin d'être développée ici. Qu'il nous suffise de dire que les bandages élastiques modernes, et en particulier ceux de fabrique anglaise dont la pelote est mo-bile, sont de nature à donner les meilleurs résultats et que leur long usage , surveillé par un chirurgien attentif, peut promettre la cure radicale dans un petit nombre de cas.
La position immobile du malade sera un puissant auxiliaire de la compression; et on comprend cpie si un malade veut se rési-gner à garder le lit, pendant des mois entiers, avec un bandage bienfait et bien appliqué, fût-il même un adulte, il peut parve-nir à une guérison complète. Déjà Fabrice de Hilden, Reneaume, Arnaud avaient publié des observations favorables à cette prati-que ; et M. Ravin, cle nos jours, a montré l'avantage cle ce trai-tement, où l'action mécanique a plus d'influence que les topiques que l'on y a quelquefois associés. Mais , avouons-le aussi, la gêne extrême nécessitée par cette méthode et l'incertitude du succès permettent rarement d'y avoir recours.
Opérations ayant pour but la cure radicale des hernies.
Procédé de M. Belmas. Ce chirurgien est le premier en France ( 1829) qui ait songé sérieusement, à notre époque, à obtenir la cure radicale par une opération. Son but a été d'oblitérer l'ouverture herniaire en produisant l'inflammation des parois du sac à l'aide d'un corps étranger introduit dans sa cavité. Quoi-que fort différente dans son application, cette méthode, quant à son intention chirurgicale, se rapproche de celle cle Garen-geot, qui recommande de refouler et de pelotonner le sac dans l'anneau aponévrotique, en le pinçant à travers les tégumens intacts , ou encore cle celle racontée par Moïnichen , et qui con-siste à inciser le scrotum , à refouler le testicule jusqu'à l'anneau et à l'y maintenir par une sorte de point doré. C'est encore sur le même principe que fut exécutée par Jameson de Baltimore, une opération chez une dame affectée de hernie crurale : ce chi-rurgien , ayant mis l'anneau crural à découvert tailla dans la peau voisine un petit lambeau en forme cle lame cle lancette, l'in-troduisit dans l'anneau et l'y fixa en réunissant la plaie par su-ture; il y eut guérison. Mais les procédés de M. Belmas diffèrent notablement de tous ces essais, comme on va le voir. Il emploie pour l'opération une aiguille très compliquée, sorte de tige-ca-nule (planche 40 , fig. 2), brisée au milieu en deux pièces (b, b) dont l'extrémité mobile en 1/4 cle cercle (d, d) fait corps avec l'instrument et sert de crochet quand on le décompose. La lame ou fer de lance (e), peut s'enlever à part. Après avoir vidé le sac par la réduction des viscères qu'il contenait, on soulève sa paroi antérieure dans un pli fait à la peau, et on pousse l'aiguille à travers le sac en la faisant entrer dans la partie la plus éloi-gnée de son col, et la faisant sortir près du col et de l'ouverture aponévrotique (pl. 4» fig- 2)- Ensuite , l'opérateur saisit trans-versalement l'aiguille sous les tégumens et le sac (planche 4o , fig. 3) et la dévisse pour en écarter les deux moitiés. La figure 4 montre ce qui se passe alors : les tiges intérieures étant retirées les deux portions de la canule font crochet pour tirer le sac en sens inverse et l'ouvrir, et par conséquent on peut y déposer le corps étranger dont on a fait choix. D'abord M. Belmas logeait
dans la cavité du sac une petite poche en baudruche, poche qu'il introduisait fermée par la canule montée, puisqu'il disten-dait avec de l'air en soufflant par le tube (fig. 4). Cette vessie remplissant exactement le sac y déterminait, par sa présence, une inflammation adhésive qui était la condition organique de l'oblitération. Plus tard, l'auteur crut voir que de simples ban-delettes de substance animale étaient suffisantes pour arriver au même but, et afin de diminuer les chances d'inflammation, il substitua à la vessie de baudruche des fils de gélatine qu'il laisse à demeure dans le sac pour y être absorbés. On introduit ces fils par la canule f, et, en les chassant, ils s'éparpillent dans le sac comme le représente la figure. Cette modification de M. Belmas est ce qui constitue son second procédé.
On connaît le résultat de cinq essais faits par M. Belmas sur l'homme. Le premier, pratiqué sur un homme de 74 ans, pour une hernie inguinale ancienne , a été le plus heureux de tous ; il y a eu guérison sans accidens. Chez le second malade, jeune homme de i4 ans, affecté d'une hernie inguinale congéniale, l'opération, quoiqu'à-peu-près heureuse en définitive, a failli en-traîner la mort. Chez un troisième, fille de 28 ans, portant une hernie ombilicale, il y a eu récidive de la hernie. Le quatrième malade n'avait qu'une hydrosarcocèle, et la guérison de son hy-drocèle ne prouve rien. Le cinquième malade, opéré en présence de M. Velpeau, est mort des suites d'un érysipèle phlegmoneux. — Ces chiffres peuvent donc servir de résumé sur la valeur du premier procédé de M. Belmas (vessie de baudruche). On a de-puis annoncé qu'avec son second procédé (fils de gélatine) , il avait obtenu de plus beaux résultats, exempts d'accidens. (Thèse de M. Thierry, pour une chaire de médecine opératoire, 1841.)
MÉTHODE ET PROCÉDÉS DE M. GEHUY.
Cette opération n'est applicable qu'à la hernie inguinale. M. Gerdy refoule la peau du scrotum comme un doigt de gant dans l'anneau et le canal inguinal, et l'assujettit dans cette place avec des points de suture, formant ainsi un bouchon solide qui remplit le trajet herniaire. Dans le principe, ce chirurgien faisait les sutures avec des aiguilles courbes ordinaires; une d'abord était placée au fond du ctd-de-sac, puis d'autres à l'entrée de l'infundibulum formé par la peau. En outre, tantôt il avivait l'orifice de l'infundibulum, tantôt il le cautérisait avec de l'am-moniaque, afin de s'opposer à la descente du manchon invaginé. Mais actuellement M. Gerdy se contente d'un seul point de su-ture; il a abandonné l'avivement et la cautérisation de l'enton-noir, et il se sert pour la suture d'une aiguille portée sur un long manche. Voici comment il pratique maintenant cette opé-ration.
Premier temps. Après avoir rasé et nettoyé la région, le chirur-gien réduit la hernie; il soulève la peau du scrotum sur un ou deux des doigts de sa main gauche, la refoule en haut et en dehors et la porte dans le canal inguinal, le plus haut possible, au moyen de l'indicateur gauche qui en est coiffé. Deuxième temps. Saisis-sant alors le porte-aiguille de la main droite (pl. 4° fig-1), l'opé-rateur en glisse la convexité sur la pulpe tournée en avant du doigt indicateur qui n'a pas abandonné le trajet inguinal, et en pousse l'extrémité jusqu'au fond du cul-de-sac, en tenant le manche presque perpendiculaire à l'axe du corps du malade, à cause de la courbure de la tige. Troisième temps. Après s'être assuré qu'aucun vaisseau n'existe sur le point qui va être per-
t. vji.
foré, on abaisse le manche de l'instrument; la pointe mousse du porte-aiguille se relève par ce mouvement de bascule et sou-lève la peau de l'abdomen au niveau du cul-de-sac dans le fond du canal ; alors chassant avec le pouce le curseur qui pousse l'aiguille, celle-ci traverse les parties, de la couche profonde à la surface, d'abord la lame antérieure du cul-de-sac de peau in-vaginé, puis toute la paroi antérieure du canal inguinal. Ce mou-vement de sortie de l'aiguille est un temps délicat de l'opération , et le doigt indicateur gauche ne doit jamais abandonner l'aiguille pour être bien sûr qu'elle ne se fourvoie pas dans l'épaisseur des parties; un aide soutenant à l'extérieur le bouton de peau sou-levé, facilitera la sortie de la pointe. On dégage un des chefs du fil du chas de l'aiguille, on le laisse pendre au dehors, on ra-mène l'autre chef avec l'aiguille que l'on fait sortir par le che-min qu'elle a suivi en entrant; on arme de nouveau le second chef, on reporte l'aiguille comme la première fois dans le trajet inguinal, et on fait un second point, au fond du cul-de-sac , à quelque distance du premier. Ainsi, on a deux chefs au-dehors sur la paroi abdominale, tandis que l'anse de fil embrasse le cul-de-sac du doigt de gant invaginé, dans la partie la plus élevée du canal. Il ne reste plus qu'à fixer chacun des chefs , qui lui-même est composé de deux fils, sur un petit rouleau de gomme élastique, comme dans toute suture enchevillée (pl. 4° fig- 1? lett. c); on serre suffisamment, au point de causer une légère douleur, mais pas assez cependant pour amener la gangrène des portions de peau comprises entre les fils. On reporte le malade au lit; on applique sur la région opérée des compresses imbibées d'eau froide, et on soutient la partie avec un simple bandage en T. Un purgatif aura été administré avant l'opération , et on maintient le malade à une diète sévère pendant les premiers jours.
Avant d'être arrivé à ce procédé simple, M. Gerdy fermait l'entrée de l'infundibulum avec deux ou trois points de suture, comme on le voit (fig. 1, lett. c.)
On peut avoir à craindre dans cette opération de léser l'artère épigastrique , de comprendre le cordon dans l'anse de fil, et de traverser le péritoine. Les deux premiers de ces accidens sont, au reste, faciles à éviter, puisque d'une part le cordon est situé derrière le doigt indicateur placée dans l'anneau , etque, d'autre part, l'artère épigastrique est aussi placée profondément au-devant du péritoine. La piqûre du péritoine est plus difficile à éviter, et c'est vraiment là un des écueils de la manœuvre opératoire ; mais en ayant soin d'écarter le péritoine et de le refouler en haut avec le bout du doigt enfoncé dans le canal, on parvient en gé-néral à l'éloigner des points où doit passer l'aiguille. L'opération de M. Gerdy paraît avoir été pratiquée déjà une soixantaine de fois; M. Thierry a donné les résultats obtenus sur trente-et-im malades de tout âge, opérés par M. Gerdy lui-même. On voit dans la thèse de M. Thierry que la mort a eu lieu six fois sur soixante et quelques opérés; chez un tiers des malades environ, on a eu à combattre des accidens sérieux, et en particulier des abcès développés dans l'épaisseur delà paroi abdominale; chez plusieurs la guérison ne s'étant pas maintenue on a été obligé de pratiquer deux fois l'opération ; enfin chez un assez bon nom-bre la cure a paru définitive, même plusieurs mois après l'opé-ration.
MÉTHODE ET PROCÉDÉS DE M. RONNET, DE LYON.
Celte méthode consiste à oblitérer le sac au moyen d'épingles
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passées à travers ses parois, et maintenues on place pendant quel-ques jours : on retrouve une opération , moins parfaite mais assez semblable, dans les écrits d'Alex. Benedetti, chirurgien duxvi° siècle (Malgaigne, introducta à Amb. Paré, pag. io3).
La hernie réduite, l'opérateur saisit la racine des bourses aussi près cpie possible de l'anneau, et tient le cordon isolé entre l'indi-cateur et le pouce cle la main gauche. Ensuite il enfonce au-devant des ongles de ces deux doigts une épingle cpti passe en arrière des enveloppes de la hernie, et près du ligament suspenseur de la verge. Cette épingle elle-même est passée au travers d'un petit bou-chon de liège cpti touche à sa tète, et une fois cpie sa pointe est sortie, on la loge aussi dans un autre petit, bouchon semblable, puis on rapproche les deux bouchons l'un de l'autre, de manière, tout, d'une fois, à serrer les tissus embrassés par l'épingle et à pro-tegerla peau contre les extrémités de la tige; il est bon de tordre la pointe sur le second bouchon , afin qu'elle soit solidement maintenue. — Cette épingle étant posée, on en place une se-conde à i et demi ou 2 centimètres (G ou 8 lignes) plus en de-hors et. parallèle à la première, en observant les mêmes précau-tions , et faisant en sorte cpie le cordon se trouve placé entre les deux. Ordinairement deux aiguilles suffisent; cependant si la hernie était ancienne et le sac considérable, on pourrait en passer un plus grand nombre. Alors il faudrait commencer par celle qui doit traverser le sac dans son milieu et disposer ensuite celles qui doivent être sur les côtés. On attachera un fil à chaque mor-ceau de liège, pour que, le gonflement cle la peau survenant autour de lui , on puisse le retirer facilement (Pl. t\o, fig. 1).
De la douleur et de l'inflammation se développent vers le quatrième jour ; du sixième au douzième on retire les épingles en ayant la précaution de couper une de leurs extrémités avec de forts ciseaux. L'ouverture herniaire doit être oblitérée en trois semaines ou un mois. —Sur neuf malades opérés par M. Bonnet, dont un vieillard , un enfant et sept adultes , on trouve quatre guérisons, trois insuccès et deux morts.
methode f.t procédés de m. velpeau.
M. Velpeau a employé deux méthodes différentes, l'injection et les scarifications. Il a pensé qu'on pourrait se comporter à l'égard d'un sac herniaire comme 011 le lait pour la tunique vaginale dans l'hydrocèle, et en conséquence , il a injecté une petite quantité d'iode dans cette poche. Le scrotum ayant été incisé, et le sac mis à nu , on a fait une petite ponction à celui-ci avec la pointe d'un bistouri, et tandis qu'un aide comprimait au niveau de Panneau inguinal externe afin d'empêcher la liqueur dépasser clans le ventre, on poussait la solution d'iode avec une petite seringue dont le canon était fixé sur l'ouverture du sac. Deux tentatives ont été faites par ce procédé. Chez l'un des malades , homme adulte, aucun accident n'avait paru jusqu'au vingt-cin-quième jour et tout était terminé du côté de l'opération , lorsque survint tout-à-coup une affection rhumatismale compliquée de péricardite. La mort eut lieu six mois après l'opération; 011 vit à l'autopsie cpie le sac n'avait subi aucun travail d'oblitération , ce cpii fit penser cpie probablement le liquide n'avait pas été porté clans sa cavité. Le second malade , âgé de 5o à 60 ans, eut de nombreux abcès au scrotum et dans le trajet du canal ingui-nal. On parvint à dissiper tous les accidens, mais la hernie ne fut point guérie.
Ajoutons que Walter a conseillé d'injecter du sang dans la cavité du sac.
Une seconde méthode de M. Velpeau consiste à scarifier l'inté-rieur du sac. Pour cela il invagine la peau du scrotum et en soutient le cul-de-sac, non avec le doigt, niais avec un gorgeret plat. Sur celui-ci il glisse une aiguille longue portée sur un man-che et terminée en 1er cle lance; puis, la conduisant obliquement à travers la peau , il pénètre dans l'intérieur du sac et au pourtour du collet, faisant à ces deux parties de petites scarifications (pl. /|o, fig. 6). Exécutées de celte manière, les scarifications ont été faites le même jour sur les deux hernies inguinales d'un homme de 2G ans. Une mouche de taffetas gommé sur la ponction cutanée et une compression légère aidée de topiques résolutifs , sur la région , ont été les seuls soins consécutifs : aucun accident n'est survenu , mais les deux hernies se sont reproduites comme avant l'opération.
Appréciation générale. En résumé, voilà cle nouveaux efforts tentés en vue de la cure radicale des hernies. Malgré quelque parenté reconnaissable avec plusieurs des méthodes des siècles passés , il est clair qu'ici l'on a agi avec une prudence éclairée , pour écarter les principales causes de danger. Fortifiés par les con-naissances d'anatomie chirurgicale et l'adresse opératoire, si remarquables à notre époque, les chirurgiens sont parvenus à respecter le cordon, le testicule, les vaisseaux et même le péri-toine. Mais à quoi sert toute cette science chirurgicale , si les accidens consécutifs peuvent compromettre le bénéfice cle l'opé-ration et rendre la situation du malade plus périlleuse qu'elle ne l'était avant?
Au-dessus cle l'art manuel, il y a toujours la question d'uti-lité réelle, d'avantage positif, qui se présente à l'esprit du chirur-gien consciencieux. On veut savoir si les chances sont égales entre l'avantage obtenu et les dangers qui, malgré nos prévisions les plus justes, peuvent venir compliquer toute opération, même simple, et, à plus forte raison, une opération faite au voisinage de la grande cavité péritonéale. Si l'on a obtenu dans quelques cas la cure définitive, combien aussi cle malades, infirmes comme avant, combien ont traversé des périls sérieux ! La mort même chez quelques-uns est venue tromper le courage du patient, et l'habileté, pourtant si attentive et si prévoyante, du chirurgien. Aussi ne nous étonnons pas si des hommes sages se refusent en-core à tenter la cure radicale d'une maladie aussi rebelle. Il est triste sans doute d'assujettir à jamais un malade à un traitement palliatif, dont l'oubli momentané ou l'action défectueuse expose à l'étranglement de la hernie et à ses suites; il est louable, en con-séquence, de rechercher un remède contre un mal cpii, s'il est souvent léger, peut d'un moment à l'autre devenir grave et fu-neste ; mais que faire aujourd'hui, sinon attendre encore ? Disons-le nettement, dans la hernie indolente, comme il n'y a pas de danger actuel, il n'y a pas non plus nécessité d'agir, et par conséquent le chirurgien doit s'abstenir cle toute opération , puisque la plus simple peut compromettre la santé ou même la vie du malade.Ainsi donc, d'après l'expérience acquise, entre tous les moyens dont on a fait l'essai, la compression par le braver est encore celui que l'on doit préférer, car elle est inoffensive lors-qu'elle est faite avec un peu d'intelligence, et si elle ne guérit cpie rarement la maladie, du moins elle en prévient toujours les acci-dens , sans être elle-même une nouvelle cause cle danger.
OPÉRATIONS OUI ONT RAPPORT A L'ANUS ANORMAL.
On appelle anus anormal ou contre-nature, un orifice aux parois abdomino-pelviennes, et à un point quelconque du tube digestif, qui donne issue aux matières storcorales, soit en coïnci-dence avec l'anus naturel, soit à l'exclusion de cette ouverture lorsqu'à existe quelque obstacle au trajet des matières dans la partie inférieure du gros intestin. Ces deux cas représentent deux genres de maladies toutes différentes par leur étiologie, leur nature et les indications qu'elles fournissent. La première, causée par une plaie, une gangrène ou toute solution de continuité de l'intestin, constitue Y anus accidentel qui ne donne aux fèces qu'un passage temporaire et où l'indication est précisément de rétablir leur cours et de faire cicatriser l'orifice. Dans la seconde, au contraire, où la maladie consiste dans une rétention des ma-tières fécales, dépendant de toute cause quelconque dont l'effet est de déterminer l'obstruction ou le rétrécissement de l'intestin, c'est le chirurgien qui, de son libre choix, pratique aux parois adjacentes de l'abdomen et de l'intestin, un orifice pour suppléer l'anus, et donner à l'avenir issue aux matières. Cette indication, toute différente de la première, nous paraît devoir être plus con-venablement désignée sous le nom S anus artificiel.
anus accidentel.
Nous avons tracé à l'avance, à propos des hernies abdomi-nales, le mode de formation et l'anatomie pathologique de l'anus accidentel, avec les conditions dans lesquelles il se présente le plus habituellement quand il succède aux hernies. Mais, d'une part, l'anus accidentel peut être le résultat d'une affection toute autre qu'une hernie, et, d'autre part, l'état anatomique des parties offre, suivant les cas, de nombreuses modifications qui infliipnt sur le traitement et le manuel opératoire.
L'anus accidentel se distingue en deux variétés principales sui-vant le mode d'application de l'intestin sur la paroi abdomi-nale au pourtour de la fistule. 1" Si l'intestin étant coudé angu-lairement, les deux bouts, plus ou moins parallèles ou obliques, convergent également vers l'ouverture fistuleuse, il en résulte, ([liant aux deux bords de l'intestin, un double phénomène ca-ractéristique. D'une part à l'angle mésentérique, les deux bouts s'adossant l'un à l'autre, le repli forme à l'intérieur de la cavité la saillie en croissant, dite Y éperon, qui s'interpose comme une cloison incomplète entre les bouts supérieur et inférieur de l'in-testin. D'autre part, sur le bord libre au pourtour de l'ulcéra-tion , il se forme avec le collet du sac une ceinture d'adhérences péritonéales, dilatable en un sac infundibuliforme, et s'ouvrant au dehors par la fistule, ce cpii constitue Y entonnoir membra-neux de Scarpa. Ces deux conditions anatomiques, l'éperon et l'entonnoir, susceptibles de nombreuses modifications, et dont la dernière peut ne pas exister, établissent, comme nous l'avons dit plus haut, un premier genre d'anus accidentel qui succède habituellement aux hernies étranglées.
2" Si une anse intestinale est seulement appliquée contre la paroi abdominale soit parallèlement, soit eu formant une cou-dure régulière, quoique, en résultat de la cause qui a donné lieu à un anus contre nature, il puisse y avoir un rétrécissement de l'intestin, du moins sur le bord mésentérique, il n'existe point en réalité d'éperon. Quant au bord convexe de l'intestin les choses peuvent se présenter de deux manières : si une portion du calibre de l'intestin est conservée, le cercle d'adhérences pé-ritonéales au pourtour de la fistule reste ferme et serré, les matières passent directement de l'intestin au travers du trajet fistuleux de la paroi abdominale, et il n'existe point d'entonnoir membraneux. Dans le cas, au contraire, où il existe un obstacle complet ou une grande difficulté à la circulation des fèces du bout supérieur dans l'inférieur, le cercle d'adhérences, tiraillé, s'allonge et se dilate sous la pression, et il se forme, entre l'in-testin et la fistule, un canal dilatable qui ne diffère essentielle-ment que par l'absence d'éperon de l'entonnoir membraneux. Ce genre d'anus accidentel, qui n'est pas rare à la suite des hernies, succède le plus ordinairement aux plaies de l'intestin et aux ulcérations de cet organe soit spontanées, soit produites par un corps étranger.
Nous avons esquissé d'une manière générale les caractères différentiels de l'anus accidentel, fondés sur l'existence ou l'ab-sence de l'éperon et de l'entonnoir membraneux. C'est tout ce qu'il importe d'en spécifier pour servir de base aux diverses méthodes opératoires.
Les moyens employés pour la cure palliative ou la cure radi-cale cle l'anus accidentel sont : la suture, la compression, la di-latation, l'anaplastie et l'entérotomie. Il faut y joindre en outre les moyens particuliers qui s'adressent aux complications-
Traitement palliatif. Dilatation. C'est la seule indication que présente l'anus accidentel constitué cpù donne habituelle-ment passage aux matières dans les cas où il y a rétention par resserrement de l'orifice avec ballonnement du ventre, sans au-cune chance cpie les fèces puissent trouver leur cours par le bout inférieur, resserré ou en partie oblitéré, comme clans le cas observé parDelpech, ou complètement oblitérée, comme un vieillard en o oftèvi mi exemple au Val-de-Gràce.
La véritable indication à remplir alors est cle dilater l'orifice et l'extrémité inférieure cle l'intestin qui s'y abouche avec des tentes de charpie, la racine de gentiane , l'éponge préparée , etc. Au besoin on pourrait se servir d'un instrument dilatateur ou même agrandir l'orifice par de petites incisions ménagées dans son contour, comme on les pratique pour le débridement de l'anneau crural, en prenant bien garde cle n'agir cpie sur l'épais-seur cle la paroi abdominale, et. cle ne point intéresser au-delà l'm test m. , d'autant que, outre la crainte d'un épanchement, il est toujours facile d'en obtenir isolément la dilatation.
Dans l'état ordinaire, et tant qu'il fonctionne bien, l'anus accidentel n'exige que des soins cle propreté, outre l'attention exigée pour donner journellement, en temps convenable, issue aux matières. Pour satisfaire à cette double nécessité on garnit l'orifice d'une canule à large orifice, garnie d'un pavillon qui s'étale au dehors et sert à la fixer. Quelques praticiens ont ima-giné d'adapter à l'orifice une boîte destinée à recevoir les fèces. Nous n'entrerons pas dans le détail cle ces divers appareils qui varient suivant le lieu de leur application et le degré cle suscep-
tibilité des malados. Quelque soin que l'on y apporte l'anus accidentel n'est qu'un demi-moyen , une nécessité fâcheuse im-posée par la nature et que l'on doit s'attacher à prévenir ou à guérir si on le peut; car, outre qu'il constitue par lui-même une affreuse et dégoûtante infirmité, c'est aussi connue une menace perpétuelle d'accidens funestes, quoique l'on cite quelques ma-lades qui aient pu vivre ainsi un laps de temps très long, dix, quinze, vingt, ans et même beaucoup plus, témoin le vieillard cité plus haut et qui portait cette infirmité depuis quarante ans.
Traitement curatif. Complications. Le premier soin du chi-rurgien doit être de combattre et de faire disparaître les compli-cations qui s'opposent à l'occlusion de l'anus accidentel.
Un accident ordinaire est. l'invagination de l'intestin qui forme tumeur au dehors (Pl. 33, fig. i).
Les observations d'un grand nombre de chirurgiens, F. de Tlilden, Albinus, Lecat, Schmucker, Sabatier, Desault, Scarpa, TTowship, Arronshon , etc., montrent les dangers qui résultent de l'étranglement de ces sortes de tumeurs.
Nous avons décrit la manœuvre nécessaire pour en obtenir la réduction et pratiquer le débridement si l'étroitesse de l'ori-fice y oblige. Mais il peut se faire que la réduction soit rendue impossible par des adhérences péritonéales entre les surfaces de la portion invaginée ou au pourtour de l'orifice. Cette circon-stance est grave, mais ne doit pas faire renoncer à l'usage de la compression qui, employée d'une manière permanente, a réussi à Desault et à Sabatier. Les autres complications qui peuvent s'offrir appartiennent à tous les genres de fistule. Tantôt il existe des trajets sinueux, des clapiers purulens, des fistules stercorales simples ou multiples et en arrosoir, avec de vastes décollemens. On y obvie par des incisions appropriées pour réu-nir, comme dans tous les genres de fistules, les divers trajets on un seul. Tantôt l'orifice est garni de végétations ou de fongo-sités exubérantes dont il importede faire préalablement l'excision. C'est ainsi cpie chez un malade affecté de hernie étranglée qui n'avait point été opérée, la maladie étant livrée à elle-même, M. Velpeau a eu d'abord à s'occuper de la cure de 5 à 6 orifices et à enlever une tumeur du volume du poing, qui s'était développée au-devant de l'anneau. Enfin il peut se rencontrer encore diverses complications : le phlegmon, l'érysipèlc, la gangrène de lam-beaux cutanés, etc., qui réclament les moyens appropriés de traitement général et local. Ce n'est qu'après ces premiers soins, cpii peuvent exiger un temps considérable, plusieurs semaines ou même plusieurs mois, et constituent comme une première phase du traitement, que l'on peut s'occuper de la cure défini-tive par l'un des moyens dont le détail suit.
Compression. Desault procédait d'abord à la dilatation des deux bouts de l'intestin, l'inférieur surtout et d'abord, puis le supérieur à l'aide de lentes de charpie, de volume gradué, nouées sur le milieu par un fil qui servait à les fixer et les rappeler au dehors. Colle disposition préparatoire exigeait une ou deux se-maines. Lorsque le calibre de l'intestin lui paraissait suffisam-ment augmenté pour donner un libre passage aux matières, un tampon conique, appliqué à l'extérieur, lui servait à refouler le canal fistuleux et, de la manière dont on le comprend aujour-d'hui, à déprimer l'éperon intestinal. Il paraît pourtant, comme ce nous semble, que ce dernier effet n'était, pas facilement obtenu; car si, par ce mode de traitement, Desault a obtenu quelques bons résultats, plus souvent, des coliques et le ballonnement du ventre, déterminés par la rétention des matières dans le bout supérieur de l'intestin, l'ont forcé de rétablir la fistule. Dans les cas où il a réussi, la cicatrisation a pu être obtenue par le seul effet de la compression, assez exactement opérée pour empêcher tout suintement stercoral, à mesure que le cours des matières s'opérait plus librement d'un bout de l'intestin dans l'autre, à travers le sac membraneux.
Suture. Lecat, le premier en, 1739, eut l'idée de guérir l'anus accidentel en réunissant par la suture les bords, préalablement avivés, de la fistule. Pour que cet expédient soit applicable, il faut que la nature ait déjà disposé les choses en voie de guérison, c'est-à-dire que les fèces puissent passer assez librement du bout supérieur dans l'inférieur, de telle sorte que la fistule, devenant inutile , tendrait aussi bien à se guérir d'elle-même, comme on en a vu de nombreux exemples. Car de supposer, cpiel que soit l'état anatomique des parties, que l'on forcera les matières à reprendre leur cours par cela seul qu'on leur fermerait une issue au dehors, c'est une idée qui ne viendrait à aucun homme rai-sonnable. Quoi qu'il en soit, le projet de Lecat ne reçut, point son exécution. Mais depuis, le même procédé a été tenté de nou-veau par trois chirurgiens. Lebrun, après avoir avivé un anus accidentel avec des caustiques , en fit la réunion par une suture ; les accidens de rétention dos matières fc-cales le contraignirent, de rouvrir la fistule. M. Judey, plus heureux, aurait réussi à guérir par ce moyen un anus qui datait do, quatre mois. Enfin M. Blan-din a échoué dans une troisième tentative du même genre. A notre avis ces résultats confirment ce que nous avons avancé , que la suture est un moyen non-seulement inutile , mais même dangereux, toutes les fois qu'il existe un obstacle quelconque à la continuité du canal intestinal. Sa véritable application doit donc se restreindre aux cas où la circulation des fèces n'ayant pas été interrompue ou étant rétablie, il ne s'agit que de fermer l'orifice fistuleux, c'est-à-dire , en d'autres termes, cpie la suture ne convient qu'autant que la fistule est sans éperon, ou obstacle de toute sorte, ou après la destruction de l'éperon; en un mot, dans les cas où la maladie est en voie de guérison spontanée.
Anaplastie. L'état ordinaire d'inflammation chronique avec induration, fongosités, ou gangrène dos téigumens au voisinage de la fistule, rendant presque toujours impraticable l'emploi de la suture, c'était une idée toute naturelle d'y appliquer dans ces cas la méthode de l'anaplastie. M. Collier, le premier, tenta de fermer une fistule opiniâtre avec un lambeau de tégument détaché des parties voisines, et fixé par des sutures sur les bords avivés de l'orifice accidentel. Le succès fut rapide et complet. Depuis, la même opération a été pratiquée par plusieurs chirur-giens avec des résultats variés. M. Velpeau, dans trois cas de ce genre, a procédé par autant de manières différentes. Chez le premier malade, après avoir avivé les bords de la fistule, le chi-rurgien ne fit que disséquer les tégumens pour en former des lambeaux susceptibles d'allongement et qu'il réunit par des su-tures. Les matières stercorales s'infiltrèrent au-dessous; il fallut enlever les fils, et l'ulcération demeura plus grande qu'elle n'était auparavant. Chez un second sujet un lambeau détaché au-dessus fut renversé et fixé sur la fistule. Au deuxième jour il se fit un suintement de matières et de gaz, et la gangrène s'empara du lambeau. Malgré cet insuccès, un malade, opéré selon ce procédé par M. Blandin, a guéri. Sur le troisième sujet, M. Velpeau appliquant le procédé qu'il a employé pour les fistules du larynx,
emprunta au flanc le lambeau qu'il renversa et fit entrer en guise de bouchon entre les bords avivés de l'orifice. Cette der-nière tentative n'eut pas un meilleur résultat que les précédentes. En somme, sur cinq faits voici trois revers pour deux succès. Ce résultat pourtant ne doit pas décourager; mais il prouve que Fanaplastie comme la suture, dont elle n'est qu'une modifica-tion , ne doit être employée qu'autant que les selles sont rede-venues libres , et que les matières ont peu de tendance à passer par la fistule. Par conséquent c'est, après un avivement conve-nable des bords du canal fistulenx, le véritable moyen à em-ployer dans les fistules très anciennes, qui s'accompagnent à peine de suintement stercoral, et. qui ne persistent qu'en raison de la transformation de leurs parois en un canal muqueux et cutané accidentel.
ENTÉnoTOMiF.. Par cette dénomination se trouve désignée par-fois la section partielle de l'intestin, comme il résulte du sens étymologique, mais plus particulièrement la section de l'éperon, signalé par Scarpa comme formant une cloison entre les deux bouts adossés de l'intestin.
Scbmalkalden, en 1798 , est le premier cpii en ait conçu l'idée. La méthode dont il attendait la réussite était la ligature. Saisis-sant le bord flottant du croissant membraneux, ou de l'éperon, il proposait d'en traverser la base avec une aiguille courbe armée d'un fil et de lier la portion renfermée dans l'anse, de la base au bord libre, de manière à partager l'éperon au milieu de sa lon-gueur. Cette proposition n'eut point d'abord d'autres suites et ne suffit pas pour appeler l'attention. Néanmoins, suivant le témoi-gnage de Dorsey, onze ans après (1809), Physick, soit qu'il y eût été amené de lui-même ou qu'il eût eu connaissance de la thèse du chirurgien allemand, essaya de cette même opération qui eut un plein succès. C'est donc à Scbmalkalden qu'appartient l'idée originale de la section de l'éperon ; mais, quant à son pi-océdé, quoique justifié par la réussite dans le premier cas de son appli-cation, on peut dire qu'il laissait encore beaucoup à désirer. C'est à détruire dans toute son étendue le croissant membraneux nommé l'éperon, et non pas seulement à le diviser suivant sa longueur, que doivent tendre les efforts du chirurgien ; car il est à craindre que les lambeaux ne continuent à faire obstacle, et que la fente qui les sépare ne soit trop étroite pour livrer passage aux fèces. Ea série des tentatives ultérieures faites par les chirurgiens, va nous montrer un progrès. A la fente isolée de l'éperon obtenue par la ligature, Dupuytren va substituer une fente beaucoup plus longue des parois adossées des deux bouts de l'intestin, à l'aide d'une pince entérotome ; et, plus récemment, MM. Liotard et Delpech, pour éviter la nécessité d'une adhésion sur une aussi grande surface et faciliter la continuité rectiligne de l'intestin, es-saieront de pratiquer circulairement, avec une pince appropriée, la section isolée de toute la base de l'éperon.
Procédé de Dupuytren. Il consiste à saisir entre les mors d'un instrument particulier la cloison membraneuse formée par les deux bouts adossés et réunis de l'intestin, et à exercer dessus une, compression graduelle qui en détermine la mortification et la sé-paration.
L'instrument employé par Dupuytren dans ce but est appelé entérotome. Il est constitué par deux branches : l'une, dite mâle, qui entre dans l'autre appelée femelle ; la branche femelle porte à cet effet une gouttière dont le fond , au lieu d'être uni, présente une série d'enfoncemens et de saillies alternatifs appelés ondula-T. vu.
tions, correspondant à des ondulations semblables du bord de la branche mâle qui doit y pénétrer. Ces deux branches, séparées l'une de l'autre, peuvent être réunies à volonté à l'aide d'un pivot mobile porté par la branche femelle, et d'une mortaise située sur la branche mâle et destinée à le recevoir. Chacune d'elles se ter-mine enfin par un manche d'inégale longueur ; c'est celui de la branche mâle qui est le plus long ; il est terminé par une grande mortaise; l'un et l'autre sont traversés par une vis de pression qui sert à les rapprocher ; en un mot, les branches de cet instru-ment s'articulent à la manière de celles du forceps. Sa longueur totale est de 20 centimètres, et celle des parties qui doivent pincer l'intestin est de 10 à 12 centimètres (Pl. /j3, fig. 6).
Pour appliquer l'entérotome, il faut faire placer le malade sur le dos, comme pour l'opération de la hernie étranglée, puis aller à la recherche des deux bouts de l'intestin. Lorsque le trajet de l'anus anormal à travers les parois abdominales n'est pas très sinueux , que l'éperon est assez saillant, il est facile de les recon-naître à l'aide du doigt indicateur seul ; mais dans les cas oû il n'en est pas ainsi, le doigt insuffisant peut devenir un directeur infidèle, et l'on est obligé d'y substituer deux sondes de femme, qu'on introduit, l'une dans le bout supérieur et l'autre dans le bout inférieur. On est sûr qu'elles sont bien placées, lorsqu'en cherchant à les faire tourner l'une autour de l'autre, on ne peut y parvenir. Cela prouve, en effet, que l'éperon est interposé entre elles, et si l'on veut insister, les tiraillemens qu'il éprouve causent de la douleur au malade.
Lorsqu'on a bien la conscience de la position des deux bouts de l'intestin, on saisit une des branches de l'instrument avec la main droite; on la fait glisser sur le doigt ou sur la sonde de femme dans l'un des bouts de l'intestin, le supérieur par exemple; on l'y fait pénétrer, suivant le besoin, jusqu'à 6, 8 ou 10 centi-mètres, et on la donne à tenir à un aide; puis on procède de la même façon à l'introduction de l'autre branche dans le bout in-férieur, de manière qu'elle croise la première et arrive à la même profondeur; on articule les deux branches de l'instrument, et l'on s'assure de nouveau qu'elles ne peuvent pas tourner l'une sur l'autre; autrement il faudrait en recommencer l'application. Alors on les rapproche graduellement à l'aide de la vis de pression, en ayant l'attention de ne comprendre en arrière aucune anse intesti-nale entre leurs mors. Dupuytren lui-même recommande de porter rapidement, dès le premier jour, la pression qu'ils exercent, jus-qu'au point d'éteindre la vie dans les parties qu'ils embrassent, comme étant le plus sûr moyen de prévenir l'inflammation et tous les accidens qu'elle entraîne à sa suite, et de rendre la douleur moins longue. Lorsque l'instrument est bien solidement attaché aux parois de l'intestin, on le fixe au moyen de fils et de bandes pour l'empêcher de vaciller , et chaque jour on augmente la pression , de manière qu'en sept à huit jours il se détache de lui-même. Pendant cpie l'instrument est en place, lessurfaces périto-néales des deux bouts étant en contact s'enflamment aux environs de la partie comprimée, et contractent des adhérences qui empê-chent la communication du ventre et de l'intestin, après la chute de la partie mortifiée. Lorsque l'instrument est détaché, on trouve entre ses mors, dans le fond de la gouttière, une bande d'intes-tin desséchée, aplatie et affaissée, large de quelques millimètres, et d'une longueur double de la partie de l'éperon qu'ils embras-saient, puis, à la place de cet éperon, une communication entre les deux bouts de l'intestin d'une étendue proportionnée à la perte de substance qu'il a subie. Il est facile, en introduisant le doigt par l'orifice de l'anus anormal, de sentir les lèvres de la solution
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de continuité établie par l'entérotoine, et d'en apprécier la lon-gueur et la largeur.
M. Liotarda proposé de substituer à l'entérotome do Dupuy-tren un autre entérotome, dont les mors sont terminés par deux plaques elliptiques ayant f\ centimètres de long sur i de large : l'une de ces plaques présente sur sa (ace interne, près de ses bords, une rainure ovalaire, destinée à recevoir une saillie de mémo forme et de mémo grandeur , placée à la face interne do l'autre plaque. Elles ne se touchent que par cotte courbe, et sont destinées à saisir les parois adossées de l'intestin en arrière do l'éperon qui doit rester intact, et à y produire une ouverture semblable à elles, à travers laquelle devront désormais passer les matières fécales.
Delpocli a imaginé un instrument, qui no diffère de celui do M. Liotard que parce que la surlace externe dos plaques qui en terminent les mors est bombée comme dos coquilles de noix, au lieu d'être plate; du reste, il agit absolument delà mémo manière.
Procédé de M. Jobert. Ce chirurgien a proposé, sans que cela ait encore été exécuté, d'appliquer l'entérotome, non plus pour obtenir la mortification du lambeau saisi, mais simplement pour faire établir dos adhérences entre les doux parois adossées dos bouts do l'intestin. Il pense qu'au bout de quarante-huit heures ces adhérences seraient assez solides pour qu'on put retirer l'in-strument sans crainte; on laisserait encore passer quarante-huit heures pour leur permettre de se fortifier davantage, et alors on pourrait employer des ciseaux droits gradués pour diviser la cloi-son suivant une ligne droite, ou bien pour en emporter Un seg-ment en V.
Quelle que soit l'espèce d'entérotomo dont on se serve, de Du-puytren, de MM. Raybard, Liotard ou Delpech, il est important, pondant la durée de son application, de faire garder au malade le repos le plus complet, de le soumettre à un régime sévère, aux boissons délayantes, aux fomentations émollientes appliquées sur l'abdomen, et de lui administrer souvent des lavemens émolliens. Tant qu'il n'y a cpie quelques colicpies, un peu de chaleur à la peau et une légère accélération du pouls, il y a peu cle craintes à concevoir; mais s'il survenait des nausées, des hoquets, des vo-missomens, il faudrait leur appliquer le traitement de la périto-nite commençante.
Appréciation. Ainsi qu'on a pu le voir par leur description , tous ces procédés opératoires ont un but commun , celui de dé-truire l'éperon ou cle neutraliser l'obstacle qu'il apporte au cours des matières fécales , du bout supérieur cle l'intestin dans le bout inférieur. Celui cle Dupuytren a déjà pour lui la sanction de l'ex-périence, et son instrument est plus facile à appliquer cpie celui de M. Liotard, dont les plaques doivent se trouver fréquemment trop larges pour être facilement introduites à travers un anus contre nature quel qu'il soit, et surtout à travers le bout inférieur de l'intestin lui-même, qui est d'autant plus rétréci, qu'il donne passage à une moins grande quantité de matières fécales. De plus, l'instrument cle M. Liotard agissant beaucoup plus profondément cpie celui cle Dupuytren, doit exposer davantage à comprendre entre ses plaques une anse intestinale saine cpii serait venue se placer entre les deux bouts adossés cle l'intestin. Quant au pro-cédé indiqué par M. Jobert, on ne peut pas encore le juger; on ne peut y voir qu'une bonne idée chirurgicale, susceptible d'ap-plications utiles.
Ce n est pas (pion donnant la préférence au procède de Du-puytren, clans la courte appréciation cpie nous venons de faire, nous le considérions comme le nec plus ultra de ce qu'il est possible défaire pour la guérison clos anus anormaux; loin do là, car ayant seulement pour but de détruire l'éperon, et d'a-grandir la communication entre les deux bouts de l'intestin, il ne peut être appliqué à ceux qui n'en présentent pas; en second lieu, il n'est pas exempt de tout danger, ainsi qu'on pourrait le croire d'après les éloges pompeux qu'on en a faits, car, quelques-unes des personnes opérées soit par Dupuytren lui-même, soil par MM. Hey, Lallemand, Delpech, Velpeau, etc., ont succombé à une péritonite consécutive. On doit convenir néanmoins que cela arrive très rarement; on général les accidens qu'éprouvent les opérés se bornent à des coliques, et parfois à des symptômes plus ou moins graves d'entérite et de péritonite ; mais le plus souvent ils souffrent fort peu.
D'un autre côté, bien cpie l'obstacle principal au passage dos matières soit complètement détruit, et que les deux bouts do l'intestin communiquent par une ouverture très large , bien que l'ouverture des parois abdominales se resserre considérablement, il n'en est pas moins vrai que dans quelques cas elle persiste et ne peut se fermer complètement, quels que soient les moyens cle traitement qu'on emploie. Dupuytren lui-même s'en plaignait amèrement ; voici ce qu'il en dit : «Après la chute de l'entérotome, et lorsque la voie qu'il a ouverte outre les deux bouts de l'in-testin remplit sa destination, l'ouverture extérieure cle l'anus abdominal diminue rapidement d'étendue; il no reste plus, pour achever la guérison, qu'à en déterminer la cicatrisation entière Cette partie de la tâche du chirurgien est la plus longue et la plus laborieuse. Huit à dix jours suffisent pour que l'entérotome produise son effet. Les selles sont ordinairement régularisées en un temps égal, et des semaines ou même plusieurs mois sont fréquemment nécessaires pour obtenir l'oblitération complète de l'anus anormal; quelquefois même il a été impossible de l'obtenir entièrement, bien que réduite aux plus faillies dimen-sions, elle fût devenue inutile, et pût être tenue fermée pendant long-temps sans inconvénient, et sans donner issue à la moindre quantité cle matières stercoralcs. A cette persistance opiniâtre d'une ouverture que rien ne semble entretenir, nous avons opposé successivement, et il faut le dire, sans cle grands résul-tats , la colophane en poudre portée clans sa cavité, la cautéri-sation cle ses bords avec le nitrate d'argent, leur rapproche-ment opéré et maintenu à l'aide cle bandelettes agglutinatives , enfin l'excision cle ces mêmes bords formés par la peau et la membrane muqueuse, et leur exacte réunion parla suture en-chevillée. Nous avons même imaginé, afin de maintenir appliqués l'un à l'autre les bords de l'anus anormal, de les rapprocher au moyen de deux pelotes oblongues, fixées à une ceinture et unies entre elles au moyen de deux vis de rappel; mais cet ap-pareil n'a pas mieux réussi que les procédés dont il vient d'être question (Dict. de méd. et cle ch. prat. t. 3, p. 157). »
Ce serait là, ce nous semble, le moment favorable pour prati-quer l'anaplastie ou les incisions latérales, afin d'obliger les lèvres de la plaie à se tenir en contact. Enfin, si tous ces moyens échouaient, on devrait se borner à la compression opérée à l'aide d'un brayer , ou de tout autre bandage herniaire approprié à la situation de la maladie, sous la pelote duquel seraient placées quelques compresses pliées en plusieurs douilles, et attendre des efforts de la nature l'oblitération complète.
ANUS ARTIFICIEL.
Nous avons déjà dit au commencement de cet article que nous enleixlions par anus artificiel, un orifice pratiqué aux parois adjacentes de l'abdomen et de l'intestin, pour suppléer l'anus naturel et. donner à l'avenir issue aux matières.
Indications. Ce n'est que depuis quelques années que ces in-dications ont. été posées d'une manière nette et précise par M. Amussat. Les maladies qui exigent l'établissement de l'anus artificiel sont, dit-il, les suivantes, dans un mémoire intitulé : De la possibilité d'établir un anus artificiel dans la région lom-baire , sans pénétrer dans le péritoine. Paris, 1839.
1" La tympanite stercorale déterminée par l'obstruction du rectum ou d'une autre partie du gros intestin.
Que l'étranglement soit produit par une maladie particulière de l'intestin ou des organes voisins, dès qu'on ne peut vaincre l'obstacle par en bas et que la vie est en danger, il faut établit un anus artificiel.
2" La simple rétention prolongée des matières fécales, qui dé-termine une tympanite qu'on ne peut faire cesser, et qui met en danger la vie du malade.
Si les boules de matières fécales occupaient tout le gros in-testin , et qu'il fût impossible de les broyer et de les faire sortir , il serait peut-être préférable d'opérer à droite.
3° Les affections squirrbeuses du rectum et du gros intestin, dès qu'elles apportent une grande gêne dans la défécation.
L'établissement de l'anus artificiel est le seul moyen de retarder la marche de la maladie, et de prolonger la vie autant que si une affection cancéreuse occupait un organe moins essentiel à la con-servation de l'individu.
Zi" Enfin, l'imperforation du rectum, ou plutôt l'absence d'une portion de cet intestin , lorsqu'on ne peut rétablir la voie par en bas.
Historique. Avant que M. Amussat se fût occupé d'une manière toute particulière des cas qui nécessitent la création d'un anus artificiel, il n'existait sur ce sujet que des documens épars qu'il a soigneusement rassemblés dans son mémoire publié en 1839. Ainsi, Littre ayant trouvé, chez un enfant mort à six jours, le rectum oblitéré par suite d'une rupture qu'il avait subie pendant la vie intra-utérine, imagina et proposa, pour rendre son ob-servation utile dans des cas semblables, une opération chirurgi-cale qui consiste à ouvrir le ventre dans la région de l'S iliaque du colon, à inciser cet intestin, et à maintenir son ouverture en rapport avec celle des parois abdominales par quelques points de suture, afin de suppléer ainsi à l'absence de l'anus naturel (His-toire de l'Académie des Sciences, 1710). Pillore de Rouen a eu l'occasion de mettre en pratique le procédé de Littre, en 1776, sur un maître de poste des environs; seulement il a opéré sur le ccecum, au lieu d'agir sur l'S iliaque. Dans son observation, qui n'a été communiquée que dernièrement par son fils au monde chirurgical, il est dit que son malade, après avoir donné les plus grandes espérances de guérison , mourut le vingt-huitième jour après l'opération. Ce qui fut attribué au séjour dans les petits in-testins d'un kilogramme de vif-argent qu'il avait avalé environ deux mois auparavant et qui n'avait jamais été rendu. L'autopsie le fit découvrir, et les intestins étaient gangrenés dans le lieu qu'il occupait. A. Dubois opéra aussi, en 1783, par ce procédé, un en-tant né sans apparence d'anus, et qui ne vécut que dix jours après l'opération (Recueilpèriod. de la Soc. de méd. de Paris, I. ID, p. 126). En 1793, Duret de Brest eut le bonheur de l'appli-quer avec succès sur un enfant nouveau-né du sexe masculin, sans anus, qui vécut ensuite de longues années (Id., t. IV, p. 45). C'est le premier cas de succès de longue durée. En 179^1, Desault fit celte opération pour un cas semblable à celui de Duret; mais l'enfant ne vécut; que quatre jours après (Journ. de chir., t. IV, p. 248). Un fait important, et jusqu'alors inconnu, nous a été commu-niqué par M. Dufresse-Chassaigne, qui en a lui-même recueilli les détails de la bouche du fils de l'opéré. Il a trait au nommé Ver-guin, habitant du village d'Houme, commune de Fouquebrune, arrondissement d'Angoulême, lequel, à l'âge de 57 ans, tomba sur un pieu qui pénétra dans le ventre. Cette blessure nécessita la création d'un anus artificiel par la méthode de Littre; il fut établi par Daguesceau , docteur en chirurgie, demeurant au bourg de Chadurie, en l'année 1795, au mois de juillet. L'opéré se rétablit très bien, et vécut encore, vingt-quatre ans après; il n'est mort qu'en 1819. C'est la seconde observation dans laquelle le malade a vécu long-temps après l'opération.
En 1797, Dumas, professeur à l'Ecole de santé de Montpellier, publia un mémoire, intitulé : Observations et réflexions sur une imperforation de Tanus, qui se trouve dans le recueil périodique de la Société de médecine de Paris, t. 3, p. 46. En 1797, Alian in-séra dans le même recueil, t. 23, p. 123, un rapportsur le mémoire précédent. M. Pierre Fine, chirurgien en chef de l'hôpital de Genève, a publié deux mémoires, dont l'un contient une obser-vation d'opération d'anus artificiel, par la méthode de Littre; la femme, Agée de 03 ans, vécut trois mois et demi; enfin depuis cette époque, Desgranges de Lyon, Voisin, chirurgien de l'hos-pice civil de Versailles. Le même Duret de Brest, dont nous avons déjà parlé; MM. Legris, chirurgien de la marine, Serraud, chi-rurgien de l'hôpital civil de Brest; Freer, de Londres; Miriel, père, de Brest; Pring, de Londres; Ouvrard, d'Angers; Martland, Bizet, Dupuytren, Roux et Velpeau, ont également pratiqué une ou plusieurs fois l'opération de l'anus artificiel, par le pro-cédé de Littre avec des succès variés.
Méthode de Littre (perfectionnée par Duret). Procédé opé-ratoire (Pl. 43 , fig. 3). Ainsi que nous l'avons dit, Littre n'a fait que proposer d'ouvrir les parois du ventre pour y attirer l'in-testin et l'y fixer. Depuis cette opération a été régularisée, et voici comment on y procède. Après avoir préparé des bistouris droits et convexes, des ciseaux, des pinces à ligatures, des fils cirés, des aiguilles à suture, des éponges fines, de l'eau et des vases propres à recevoir les excrémens', on fait coucher le malade sur le dos, et l'on pratique,en regard delafosse iliaque gauche,une incision qui doit commencer au niveau et un peu au-devant de l'épine iliaque antérieure et supérieure, et se terminer à 6 ou 8 centimètres au-dessous, en se dirigeant parallèlement au ligament de Fallope. On divise successivement, et couche par couche, sur la sonde can-nelée, toutes les parties qui constituent la paroi abdominale en ce point, afin de ne pas s'exposer à blesser quelque portion d'in-testin grêle qui pourrait se trouver placée au-devant du colon. Arrivé au péritoine, on l'ouvre et l'on va à la recherche de l'S iliaque qui se trouve immédiatement derrière. On ne la con-fondra pas avec un intestin grêle dont la couleur foncée pour-rait prêter à une méprise, en se rappelant que le gros intestin présente des bosselures et des bandes longitudinales, tandis que les petits n'en ont pas et sont tenus par le mésentère, qui vient du côté droit L'S du colon étant reconnue, on l'attire au dehors, on
nasse un fil derrière lui pour le fixer dans l'ouverture, et l'on y pratique une incision longitudinale d'une étendue suffisante pour donner passage aux matières cpii s'échappent ordinairement en abondance. On aide d'ailleurs à leur sortie par des injections d'eau tiède dans le bout supérieur et dans le bout inférieur. Après quelques jours, lorsque l'intestin est solidement uni aux lèvres de la plaie extérieure, on retire le fil et l'on fait en sorte que le nouvel anus ne se rétrécisse pas trop, comme il a de la tendance à le faire, en y maintenant des mèches ou des cylindres de charpie qu'on ôte toutes les fois que le malade sent le besoin d'aller à la garde-robe. Les soins consécutifs se bornent à des soins de propreté, et à maintenir le bouchon à l'aide de compresses et d'un bandage approprié.
Au lieu de passer un fil derrière l'intestin, on a proposé de réunir les lèvres de sa plaie avec celles de la plaie extérieure, ce qui peut être fait sans inconvénient, mais aussi sans beaucoup d'avantages; on a aussi proposé d'inciser la paroi abdominale, seulement jusqu'au péritoine, et d'attendre, avant d'ouvrircette membrane, qu'elle ait contracté des adhérences avec l'intestin; sans doute cette précaution diminuerait les dangers del'opération, mais il suffit de remarquer que le plus souventcela est impossible, parce qu'on attend au dernier moment pour pratiquer l'opération.
Enfin on a proposé de décoller le péritoine de la fosse iliaque comme pour la ligature de l'artère iliaque, afin d'inciser l'in-testin hors du péritoine, mais cette modification n'a pas été adoptée.
Méthode de Callisen. Le procédé proposé par Callisen, chi-rurgien de Copenhague, avait pour but d'aller chercher la partie gauche du colon clans son trajet le long cle la région lombaire, où il pensait qu'elle était en dehors du péritoine, et par consé-quent cle faire une incision longitudinale dans cette région, entre la dernière côte et la crête de l'os des îles. Ayant essayé deux fois sur le cadavre d'enfans morts et jamais sur le vivant, la première fois, sur un enfant imperforé, l'auteur ne prit pas assez bien ses dimensions, de sorte qu'il ouvrit le péritoine et pénétra clans le ventre. La seconde fois, il incisa plus en arrière, et parvint au colon sans ouvrir la séreuse, ainsi qu'il l'avait pro-posée. Conçu de cette façon , avec l'incision longitudinale, ce procédé n'est pas sûr, aussi a-t-il été rejeté par tous les auteurs qui en ont parlé : Sabatier , Boyer, Dupuytren, M. "Velpeau, etc.; mais il n'était pas dit qu'avec des modifica-tions convenables, on ne pût pas le rendre plus sûr. Partant de cette idée, M. Amussat est le premier qui, malgré cette répro-bation générale, ait osé l'étudier de nouveau , et s'en déclarer partisan. En i83o,, il présenta à l'Académie un mémoire dont nous avons déjà parlé, qui contient deux observations d'opéra-tions de ce genre faites avec succès; en 184» , il hit à ce corps savant un autre mémoire, contenant deux nouvelles obser-vations d'opérations d'anus artificiel, faites par le même procédé. Depuis cette époque, ce même chirurgien a eu l'occasion de pratiquer plusieurs fois la méthode de Callisen sur des enfans nés avec une imperforation de l'anus , et a réussi dans une partie des cas; il est donc parvenu, par ses modifications et ses succès, à s'approprier le procédé, et à l'introduire définitivement dans la médecine opératoire.
Procède de M. Amussat. Anatomie opératoire. C'est à l'étude de la partie postérieure du flanc, dans les limites cle laquelle on opère, et à celle de l'intestin colon avec le péritoine qui l'accole à cette partie, cpie nous devons nous borner. Nous em-pruntons , en la modifiant, une partie de cette description au mémoire de M. Amussat, cpii l'a surtout étudiée sous le rapport pratique (Voy. t. V, pl. 5, 6, 7, 8).
La partie postérieure du flanc est un espace quadrilatère circon-scrit en haut par la dernière fausse côte, en bas par la crête de l'os des îles, en arrière par la masse commune; au sacro-lombaire et au long dorsal, et en avant par une ligne perpendiculaire tombant sur le milieu cle la crête cle l'os iliacpie. Les organes qui constituent cette paroi sont, en procédant cle l'extérieur à l'intérieur, la peau, le tissu cellulaire, la graisse, le muscle grand dorsal, le grand oblique, le petit oblique et le transverse, qui se trouve recouvert en avant par les deux précédens, tandis cpie son aponévrose, qui se continue en arrière avec celles qui passent derrière et devant la masse commune et devant le carré des lombes, ne l'est pas; viennent ensuite le carré des lombes, puis des vaisseaux et des nerfs; enfin, plus profondément encore, le feuillet fibreux sous-péritonéal, le péritoine et l'intestin colon. Ce qu'il y a d'impor-tant à étudier, surtout clans cette région, c'est la disposition du colon lombaire, ses rapports avec le péritoine et avec la paroi abdominale correspondante.
Après avoir détaché couche par couche tous les tissus qui re-couvrent le colon lombaire, on voit, en examinant avec soin, cpie l'intestin est dépourvu de péritoine clans le tiers postérieur au moins de sa circonférence, comme la face antérieure de la ves-sie. Le feuillet fibreux qui double et fortifie la lame externe de la membrane séreuse, adhère à la tunique musculaire parmi tissu lâche dans cet endroit. Cette disposition donne un caractère tout particulier aux colons lombaires , et les fait différer com-plètement des autres intestins. Ainsi attachés aux parois cle l'ab-domen , ils concourent à former cette paroi, et on peut pénétrer clans leur cavité sans ouvrir le péritoine.
En haut l'intestin est en rapport avec le rein, dont il n'est sé-paré que par de la graisse; au milieu , il n'est séparé que par le feuillet fibreux et des pelotons graisseux de la face interne de l'aponévrose, qui, passant devant le carré des lombes, vient se terminer au bord postérieur du transverse; en bas, il est en rap-port avec la crête cle l'os des îles qui lui sert cle limite. Ainsi il n'est accessible aux instrumens qu'entre le rein et la crête ilia-que, et il répond en général à la rainure aponévrotique qui sé-pare le carré lombaire du transverse, rainure dont la direction est assez bien indicpiée par celle cle la masse commune au sacro-lombaire et au long dorsal, qu'on trouve aisément chez les su-jets qui ne sont pas très gras. Toutefois, on le rencontre assez souvent un peu plus en dedans, au-devant du muscle carré lom-baire : c'est donc là qu'il faudra le chercher. Nous savons que clans l'intérieur cle l'abdomen sa face péritonéale est recouverte par les intestins grêles. Le péritoine, en se réfléchissant en de-hors et en dedans, forme un angle plus ou moins saillant.
La couleur du colon lombaire a quelquefois un caractère tout particulier qu'il est fort utile de noter. En général, c'est une cou-leur verdâtre plus ou moins prononcée qui se dessine longitudi-nalement, tandis que celle des intestins grêles est d'un jaune on-dulé. Ces caractères sont fort importans pour l'opération. Cette couleur du gros intestin doit être attribuée à l'imbibition , dans ses parois, des matières qu'il contient.
Que le colon soit complètement vide ou plein , les rapports du péritoine sont les mêmes avec l'intestin; seulement ils sont en proportion du volume de ce conduit.
Quelquefois l'intervalle des deux replis péritonéatix est très petit , c'est lorsque l'intestin est fort contracté; mais cette con-traction n'a presque jamais lieu dans le cas de rétention des ma-tières fécales. Pour juger si le colon est dépourvu de mésentère, c'est toujours en arrière qu'il faut l'examiner sans ouvrir le pé-ritoine.
En insufflant le gros intestin , on voit à l'instant le colon se gonfler; le repli du péritoine et les intestins grêles sont refoulés; l'espace celluleux s'agrandit en proportion du volume de l'intes-tin. —-L'injection d'une ou deux seringues d'eau réussit beaucoup mieux que l'insufflation à distendre l'intestin.
Après la distension, le toucher en long et en travers donne la facilité de mesurer l'étendue de la dilatation. Si l'on ouvre le colon lombaire dans le point où il est dépourvu de péritoine, l'air s'é-chappe brusquement, l'intestin se vide, mais il ne s'affaisse point sur lui-même comme les autres intestins, parce qu'il forme un canal lié aux parois de l'abdomen comme une artère à sa gaîne. Si, après avoir ouvert le colon, on attire les bords de son ouver-ture au dehors, il ne vient pas tout entier comme une anse intesti. nale ; sa paroi postérieure seule cède, et le doigt, introduit dans sa cavité, n'y rencontre qu'un éperon très peu saillant.
L'espace dépourvu de péritoine est justement situé entre les bandelettes musculaires longitudinales interne et externe, ce qui nous prive d'un moyen de diagnostic important. Le colon lombaire gauche n'a que deux ou trois pouces de longueur sui-vant les sujets, le droit est beaucoup plus court à cause duccecum et du foie. La distance qui sépare le colon lombaire gauche du rectum, ou l'S iliaque, est plus longue qu'on ne le croit commu-nément; cette remarque est importante en ce sens, qu'elle dé-montre l'impossibilité d'attaquer la maladie du rectum par l'ou-verture du colon, et la garantie qu'offre cette disposition contre la crainte de la propagation de la maladie du rectum.
Il est inutile de faire remarquer que le coecum n'est pas acces-sible par le flanc comme les colons, parce qu'il est situé plus bas dans la fosse iliaque, et souvent même jusque dans le bassin; presque toujours dans ces cas, il est enveloppé en arrière par le péritoine (Amussat).
A l'exception des branches nerveuses génito-crurale et inguino-cutanée, il n'existe dans cette région aucun vaisseau et aucun nerf important qu'on doive craindre de couper.
Manuel opératoire (Pl. 42)- On fait coucher le malade sur le ventre, un peu incliné adroite, et l'on place sous l'abdomen deux coussins liés ensemble. Souvent alors l'intestin vient faire saillir la partie postérieure du flanc. On fait à la peau une incision trans-versale et un peu oblique en bas, à deux travers de doigts au-dessus de la crête de l'os des îles, ou mieux au milieu de l'espace com-pris entre la dernière fausse côte et la crête iliaque ; elle com-mence un peu en dedans du bord externe de la masse com-mune et s'étend jusqu'à la ligne latérale moyenne du corps à quatre ou cinq travers de doigts de son point d'origine. Après avoir divisé la peau et les couches sous-cutanées, on coupe d'a-bord dans la même direction le grand dorsal qui n'occupe que le tiers postérieur de l'incision cutanée, le grand oblique qui en occupe les deux tiers antérieurs, puis le petit oblique, le transverse et son aponévrose. Ensuite on incise verticalement, cette couche profonde. L'incision cruciale des couches profondes donne la facilité de mieux découvrir l'intestin ; on peut même soulever avec facilité le carré lombaire, et inciser son bord externe si cela est nécessaire; on devrait de même inciser la peau crucialeinent
t. VII.
si le sujet avait beaucoup d'embonpoint. Lorsqu'on a divisé toutes les couches précédentes, on est arrivé sur le tissu cellulaire graisseux et adipeux qui enveloppe le colon; il faut l'enlever avec beaucoup de précaution. Le point le plus délicat de l'opération , c'est de se décider à percer l'intestin; avant de l'ouvrir il faut le mettre bien à découvert des deux côtés sans se presser. On le re-connaît sur le cadavre à sa couleur verdâtre. Ce signe existe aussi souvent sur le vivant, car il tient à la présence des ma-tières fécales. La pression avec le doigt et la percussion sont les meilleurs moyens pour s'assurer qu'on est sur un intestin quel-conque. Le colon résistant davantage à la pression , le défaut de résistance en dehors est un signe fort important. Si l'intestin était contracté on le chercherait tout-à-fait en arrière; dans ce cas même , il se cache entièrement sous le carré des lombes , qu'il faut diviser en travers si on ne l'a déjà fait. On ne doit jamais se presser à diviser l'intestin; au contraire il est bon de lui donner le temps de se gonfler et de s'engager dans la plaie extérieure. Somme toute, on est souvent fort embarrassé surtout chez les en-fans ; nous avons vu M. Amussat lui-même hésiter long-temps, toucher à plusieurs reprises la partie découverte, engager les assistans à en faire autant et leur demander leur avis avant que de se décider : on ne saurait blâmer cet excès de prudence.
L'intestin étant bien reconnu, on passe à travers ses parois avec des aiguilles, deux anses de fil, séparées par l'espace de 2 centimètres ; puis les donnant à tenir à un aide, on fait entre elles une ponction avec le trois-quarts : on est averti qu'on a pénétré dans la cavité de l'intestin, par la sortie des gaz et de quelques matières liquides; alors on agrandit la petite ouverture faite par le trois-quarts, au moyen d'une incision cruciale avec le bistouri herniaire, qu'on fait filer le long de la canule. L'ouverture ainsi élargie , donne issue à beaucoup de gaz et à un flot de matières délayées, qui seraient quelquefois projetées avec violence sur l'opérateur s'il n'y prenait garde.
Une fois le premier jet terminé, on aide l'expulsion du reste par une ou deux injections d'eau tiède dans le bout supérieur et dans le bout inférieur. Lorsque le ventre est bien débarrassé, et. qu'on n'a plus à craindre une irruption abondante et soudaine de matières, on attire l'ouverture de l'intestin vers soi, à l'aide de trois pinces à torsion, et on la fixe à la peau par quatre points de suture entrecoupée, en renversant en dehors la membrane muqueuse , en appliquant les points de suture. Chez la première opérée, M. Amussat a remarqué que le premier point, passé avec une aiguille courbe ordinaire, a causé plus de douleur que les autres, faits avec une aiguille à acupuncture en platine. — Enfin, pour diminuer l'étendue de la solution de continuité, on rap-proche l'angle postérieur des tégumens de la plaie avec un point de suture entrecoupée.
Dans un cas d'opération de cette nature, pratiquée par M. Malgaigne, ce chirurgien n'a pas trouvé qu'il fût nécessaire de diviser crucialement les couches musculeuses , qui se rétrac-tèrent assez pour laisser voir le fond de la plaie; et, dans la crainte de léser le péritoine, il se borna à inciser l'intestin de haut en bas, en élargissant cette première incision par une petite sec-tion horizontale en dedans. Son malade succomba au bout de huit jours, plutôt aux suites du cancer du rectum qu'à celles de l'opération, qui avait été des plus bénignes. Il craint que l'opération ne se trouve ainsi plus d'une fois compromise, parce qu'on aura attendu pour la faire aux dernières extrémités.
Procédé de M. Baudens. Ce chirurgien a proposé un procédé
mixte, c'est-à-dire qui tient le milieu entre ceux de Callisen et de M. Amussat. 11 préfère une incision oblique à l'incision per-pendiculaire du premier, et à l'incision transversale du second: elle doit commencer à 3 centim. au-dessous de la douzième côte, et immédiatement en dehors de la masse du muscle sacro-spinal, et venir se terminer près de la crête iliaque, à 4 centim. environ de la masse des muscles précités.
Après avoir divisé la peau et le tissu graisseux , il glisse une spatule plate, dite anglaise, sous le premier plan musculaire à tra-vers une petite ouverture, pour le diviser sur elle, dans toute l'étendue de la section cutanée; il agit de même pour les autres plans musculaires et. aponévrotiques, et pour le bord externe du carré des lombes; il ne lui reste plus qu'à exciser le tissu cellu-laire et des pelotons graisseux, et le gros intestin est à nu; il termine comme dans le procédé de M. Amussat.
M. Baudens attribue à cette incision oblique les avantages suivans : elle permet de découvrir l'intestin dans une grande étendue de son diamètre vertical, et il est possible de le diviser à un pouce et demi de hauteur (5 centimètres), sans être obligé de couper crucialement les tissus profonds, avantage que ne permet pas l'incision transverse de M. Amussat; et l'on peut pla-cer l'anus aussi en avant que par l'incision transverse.
D'un autre côté, M. Baudens propose d'opérer toujours sur le coté droit. Ce n'est pas, dit-il, parce que le coecuin est une sorte de réservoir, comme l'a fait observer Pillore, mais bien parce que l'absorption du chyle se faisant dans l'intestin grêle, il importe assez peu au point de vue de la nutrition que le gros intestin conserve un peu plus ou un peu moins de longueur ; outre que la formation des gaz ayant lieu uniquement dans les gros intestins, s'ils s'échappent involontairement, ils rendent le malade un objet de dégoût, et si l'anus est hermétiquement fermé, leur accumulation provoque des douleurs vives et inces-santes.
Appréciation. Dans la méthode de Callisen l'intestin étant ouvert en dehors du péritoine, il y a réellement moins de dan-ger à l'employer que celle de Littre, aussi doit-elle être adoptée comme méthode générale. C'est là une opinion qui prend tous les jours plus de crédit; il est vrai qu'on lui reproche de placer l'anus sur le côté et en arrière, où l'on dit qu'il est plus gênant qu'en avant, mais l'anus naturel estlui-même en arrière, et d'une autre part, dans cette position, il est sous beaucoup de rapports moins gênant et moins dégoûtant. Mais le procédé de Callisen proprement dit, c'est-à-dire la division verticale doit être rejetée. C'est à elle qu'on doit attribuer la réprobation générale dont a été frappée la méthode pendant près de l\o ans. Maintenant reste à choisir entre le procédé de M. Amussat et celui de M. Baudens. Que l'incision se rapproche plus ou moins de l'horizontale , pourvu qu'elle ne fasse pas avec elle un angle dè plus de 5o degrés; nous pensons que sa direction a peu d'importance. Quant aux raisons invoquées par M. Baudens pour placer l'anus artificiel plutôt à droite qu'à gauche, elles nous paraissent fondées, mais avant de se prononcer, il nous semble prudent d'attendre la sanc-tion de l'expérience.
Soins consécutifs. Dans les premiers jours de l'opération, il faut maintenir le malade à un régime sévère, pour éviter d'aug-menter l'inflammation à laquelle les intestins et le péritoine sont très disposés. A moins d'indications particulières, on doit pour ainsi dire agir de la même façon que pour l'anus anormal qui s'est établi à la suite d'une hernie étranglée, provoquer quelques selles par de petits laveinens d'eau tiède, et diminuer la tendance de la plaie à l'érysipèle par des cataplasmes émolliens, des frictions mercurielles et une extrême propreté. Au bout de quelques jours, lorsque les lèvres de la plaie intestinale se sont agglutinées avec celles de la plaie extérieure, il faut enlever les points de suture. S'il n'y a point de fièvre, s'il n'est rien survenu du côté des voies digestives et du péritoine, et si la maladie principale n'a pas été exaspérée par le fait de l'opération, on doit avoir recours à un régime plus nourrissant; toutefois, les alimens doivent toujours cire choisis parmi les plus faciles à digérer. Alors des soins de propreté et des petits lavemens pour aider l'expulsion des ma-tières suffisent. Dans les premiers jours, les selles sont d'abord liquides et glaireuses, bientôt elles prennent de la consistance, et finissent enfin par se régulariser et se mouler. De cinq ou six et plus qui ont lieu dans les vingt-quatre heures, elles se réduisent à qua-tre, trois, deux, et puis à une. C'est ce qui est arrivé aux deux premiers malades opérés par M. Amussat. Le dernier surtout, M. T... de Rouen, pouvait même jouir des plaisirs du monde sans la crainte d'être pris d'un besoin subit d'aller à la garderobe.
Plus tard , le malade se borne à boucher l'orifice de son anus artificiel par un-bouchon de charpie, maintenu par un bandage de corps, ou tout autre bandage approprié.
On a remarqué que les anus artificiels ont beaucoup de ten-dance à se rétrécir. Fine en a parlé dans son mémoire. Le second malade de M. Amussat, trois semaines après l'opération, avait son anus artificiel tellement rétréci, que le petit doigt avait beau-coup de peine à y pénétrer. On fut obligé de le dilater au moyen d'épongés, de canules en gomme élastique et de bougies de cire recourbées. Une fois guéri, le malade continua toujours à porter un instrument dilatant. En l'examinant pour la dernière fois, M. Amussat constata en haut, et fit constater aux assistans, un resserrement circulaire de l'intestin, formant comme un sphincter interne. Tant que la maladie qui a nécessité l'établissement d'un anus artificiel n'est pas guérie, il faut bien prendre garde à ce que la nouvelle ouverture ne se rétrécisse pas trop pour pouvoir donner passage à la totalité des matières fécales, chez les enfans imperiorés surtout, où elle doit durer autant que la vie. Mais si, par suite de la cessation de l'irritation qui était entretenue sur le rectum par le passage des matières fécales, l'affection qui avait nécessité la création d'un anus artificiel venait à se modifier au point de ne plus former un obstacle au passage des fèces et de n'en ressentir aucune influence fâcheuse, non-seulement il n'y aurait pas d'inconvénient à laisser rétrécir celui-ci, mais encore on pourrait tenter son oblitération, et ici elle présenterait moins de difficulté que si l'on avait affaire à un intestin grêle, parce que l'éperon est très peu saillant.
Terminons enfin en nous demandant pourquoi on reculerait plus long-temps devant cette opération lorsqu'elle est indiquée, lorsqu'elle est le seul moyen de sauver le malade. Nous dira-t-on qu'elle est dangereuse, surtout par la méthode de Littre? nous en conviendrons; mais l'opération césarienne est-elle moins dange-reuse? N'ouvre-t-on pas le péritoine et l'utérus pour la pratiquer? On n'hésite pourtant pas lorsque l'indication est précise. N'ouvre-t-on pas un viscère contenu dans l'abdomen dans l'opération de la taille? Et si l'on nous objecte que, dans ce cas, on ne pénètre pas dans le péritoine, ne pourrons-nous pas répondre qu'on ne l'ouvre pas non plus en allant chercher l'intestin par les procédés de MM. Amussat et Baudens. Et cependant lorsqu'on pratique la taille l'opération n'estpas aussi urgente que celle de l'entérotomie.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE RECTUM ET L'ANUS.
Un nombre considérable d'opérations se pratiquent sur l'anus et le rectum dans les deux sexes. Mais comme les maladies et les accidens qui en déterminent l'emploi ne s'unissent par aucun lien logique , nous commencerons par les vices de conformation, cause forcée d'opérations, et nous présenterons les autres dans l'ordre de leur fréquence relative en passant des plus simples aux plus complexes.
VICES DE CONFORMATION.
La disposition vicieuse congéniale se présente sous trois for-mes chez les nouveau-nés : l'imperforation de l'anus , l'anus anormal et l'absence d'une portion plus ou moins considérable du rectum.
l" IMPERFORATION DE e'aNUS.
L'oblitération se présente ou à la surface des tégumens ou à une hauteur de quelques centimètres dans le rectum.
L'imperforation superficielle formée par la peau , doublée ou non par une couche celluleuse et aussi par la membrane mu-queuse formant cul-de-sac, mais qui, dans tous les cas, n'excède pas quelques millimètres d'épaisseur, se reconnaît ordinairement de première vue à plusieurs caractères : la couleur violacée de la peau, la saillie qu'elle forme pendant les cris de l'enfant dans le lieu où devrait être l'orifice et souvent aussi une fluctuation profonde au toucher du doigt, avec sensation du resserrement au contour déterminé par les sphincters.
Levret conseillait d'emporter la peau par une incision circu-laire; mais au lieu de cette opération , qui ne donne que des limites incertaines, étant pratiquée par la circonférence, on pré-fère aujourd'hui, avec raison, agir par le centre , en plongeant perpendiculairement la pointe d'un bistouri droit au milieu de l'espace que l'on présume correspondre à l'extrémité inférieure de l'intestin. Or, pour remplir cette condition , même dans l'ab-sence de tout signe local, il suffit de piquer sur le plan moyen ou le raphé, à i centimètre et demi au-devant de la saillie sous-cutanée de la pointe du coccyx. Le flot du méconium cpii se projette au-dehors prouve que l'on a pénétré dans le rectum. Alors avec la pointe du même bistouri, ou mieux avec un bis-touri boutonné pour éviter une lésion plus profonde, on fend en croix la cloison membraneuse en prolongeant un peu plus que l'autre l'incision antéro-postérieure, puis on saisit succes-sivement chaque lambeau avec une pince, et on fait l'excision. L'opération terminée, on introduit dans le rectum et on y laisse à demeure, jusqu'à cicatrisation , une mèche de charpie roulée du volume de l'extrémité du petit doigt pour maintenir l'orifice et en empêcher le rétrécissement.
V imperforation profonde est caractérisée parla présence d'une cloison membraneuse complète qui intercepte le rectum à une profondeur variable, de sorte que, sur les deux faces de la cloi-son, l'intestin de bas en haut comme de haut en bas se termine également en cul-de-sac. L'opération par l'anus n'est praticable qu'autant que la hauteur cle la cloison n'excède pas 5 oti 6 centi mètres. A partir cle cette profondeur et à mesure que l'oblitéra tion remonte à un point plus élevé du gros intestin, ou que le: signes propres à en déterminer le siège manquent de plus ei plus cle certitudes , l'opération par l'anus en devient moins pra ticable , et il n'y a plus d'autre ressource cpie clans l'établissemen d'un anus artificiel.
On juge qu'il existe une imperforation profonde du rectun chez un enfant nouveau-né, par l'absence cle défécation, le bal lonnement du ventre et l'ensemble des signes propres à tous le cas cle rétention des matières stercorales; enfin le plus certain d tous est l'introduction de la sonde qui rencontre à une profon deur quelconque le cul-de-sac formé par la cloison ; dès qu cette certitude est acquise , l'opération est réclamée.
Les auteurs sont remplis de faits où la section de la cloisoi rectale anormale a été suivie d'une parfaite guérison. Depui J. L. Petit, l'un des premiers qui en aient formulé les préceptes elle a été pratiquée avec succès par Pistor ( 1764), Moncelot, Lo\ seau, etc., et par un grand nombre de nos contemporains MM. Phélys, Laracine, Wolf, Hutchinson, Forget, Salmon, etc Le nombre des revers est proportionnellement peu considérable L'essentiel est cpie la cause cle la rétention du méconium soi reconnue à temps. Aussi le chirurgien doit-il de bonne hem sonder tout enfant nouveau-né qui est dans ce cas, les chance de l'opération étant d'autant plus favorables que l'on y a e recours plus tôt. Un laps cle temps écoulé, un peu considérable comme aussi un appareil cle symptômes sinistres, ne sont poui tant pas des motfis de ne point opérer un enfant qui n'a pas d'aï tre chance de salut, car on cite un cas de guérison où cependai l'imperforation n'avait été reconnue qu'au douzième jour.
Quant à l'opération, elle n'offre aucune difficulté jusqu'à 111 profondeur de 3 à 4 centimètres; tout au plus, pour faciliter 1 manœuvres, peut-on avoir recours à la dilatation de l'anus p; un petit spéculum comme nous l'avons figuré (pl. 46, fig. 3)? L'o pratique la ponction avec un bistouri garni de liège jusqu'aupri cle sa pointe, et rien ne s'oppose encore à ce cpie l'on fas: l'excision des lambeaux. Mais si la cloison est située à 5 ou 6 cei timètres et plus, jusqu'au terme où elle devient inaccessible , c raison même cle la profondeur, de la courbure et de l'obliquii du rectum, un bistouri droit, même à lame étroite, ne peut pli servir. C'est pour ces cas que J. L. Petit avait conseillé l'empli d'un trois-quarts et que M. Martin a proposé récemment celle cl pharyngotome ; mais à notre avis, on ne saurait compter sur un guérison définitive après l'emploi de ces instrumens qui ne pre (luisent qu'une simple ponction, tandis qu'il ne faut pas moii que l'excision de toute la cloison pour assurer le calibre du cana Il ne faut pas oublier que dans un cas semblable, les récidive se produisant toujours M. Miller usant cle toutes les ressource a élé obligé de réitérer onze fois l'opération.
Ainsi donc, et quoique le conseil n'en soit pas nettement dont par les auteurs les plus modernes, clans tous les cas de ce genre en tant cpie la cloison rectale, quelle qu'en soit la hauteur, 0: accessible, nous croyons que, sauf à s'aider du spéculum peu
dilater l'orifice et le canal, il faut aller perforer la cloison, et du moment cpie la sortie du méconium indique que l'on ne s'est pas fourvoyé, nous ne voyons pas pourquoi on n'irait pas saisir avec des pinces l'un des lambeaux pour l'attirer plus bas et faciliter la section circulaire de toute la membrane qui interceptait le canal.
anus anormal congéniai..
L'orifice anormal de l'anus se présente chez les nouveau-nés sur les surfaces cutanées les plus différentes, au pourtour de l'abdomen, du bassin et des organes génitaux : à l'hypogastre (Littre), à l'ombilic (Méry, Hartman), aux lombes (Fristo); chez l'enfant mâle, sur le dos du pénis (Fristo), ou sous le scrotum (Meckel) ; chez la petite fille, à la vulve (Olinet), dans le vagin 'Bonne, Desgranges, Dieffenbach); chez les deux sexes dans l'urètre (Bonnet, Willaume, Bravais, Delasalle, Velpeau); ou dans la vessie (Desault, Velpeau); enfin au travers du sacrum, soit en coïncidence avec l'ouverture naturelle (Lafaye, MM. Ribes, La-coste, Ricord), ou avec absence de cet orifice (Cnoeffélius, Fristo). Si l'anus anormal, s'ouvrant à la peau, dans un point éloigné, est assez large et donne une issue libre aux matières , il n'y a rien à faire, l'absence du rectum étant probable et le vice de conformation lui-même rentrant dans les mêmes conditions que les anus artificiels. Si au contraire l'orifice s'ouvre sur la membrane muqueuse génito-urinaire ou à la peau de la région ano-génitale , comme il est évident que le rectum existe, c'est les cas de tenter une opération pour rétablir l'orifice dans son lieu naturel.
Le Manuel opératoire diffère suivant le cas; en général, le point de vue chirurgical est le même qui domine le traitement de toutes les fistules, mais en retournant les termes de la proposi-tion , c'est-à-dire qu'au lieu que, dans les cas ordinaires defistules ouvrant dans un canal naturel, l'objet du chirurgien, en réunis-sant les deux conduits par une incision commune, est de faire cicatriser le trajet accidentel en conservant le canal naturel ; ici au contraire il s'agit, après l'incision, de faire cicatriser le canal naturel anormal et d'obtenir la perméabilité du canal artificiel dans le lieu où il aurait dû être.
Ainsi donc, suivant le conseil donné par Vicq-d'Azyr, dans les anus recto-vaginaux, chez les nouveau-nés du sexe féminin, une sonde cannelée étant introduite par le vagin et l'orifice fistuleux jusque dans le rectum , un bistouri droit glissé dans la cannelure, le tranchant en bas, serait ramené d'arrière en avant sur le plan moyen, en divisant les parties jusqu'à i centi-mètre du coccyx. Une canule de calibre et de longueur convena-bles serait introduite jusqu'un peu au-delà de la plaie , dans le rectum, et y serait fixée à demeure, de manière à donner issue aux matières stercorales , et à permettre la cicatrisation de la paroi postérieure du vagin et la formation d'une cloison recto-vaginale. Pour faciliter la réunion, M. Martin de Lyon a pro-posé de réunir sur la sonde les deux bords de la section par des sutures. M. Velpeau rejette cette dernière manœuvre dont l'uti-lité ne lui paraît compensée par les difficultés d'exécution qu'elle présente. Le même chirurgien propose, pour les cas où la fistule n'est pas située très profondément, un autre procédé qui consis-terait à introduire, par la fistule, un mandrin ou une sonde can-nelée, recourbée en crochet. On s'en servirait pour attirer en bas vers le périnée, en regard du lieu ordinaire de l'anus, l'ex-trémité en cul-de-sac de l'intestin , de manière à rendre sensible, au travers des tissus, la pointe de l'instrument sur laquelle on inciserait pour arriver dans le rectum. Cette manœuvre est simple et facile, mais il resterait une fistule recto-vaginale dont il n'est pas certain qu'on pût obtenir la cicatrisation.
arsence de la partie inférieure du rectum.
Un seul moyen se présente de remédier à ce genre d'imperfo-ralion, c'est de créer un anus par une opération. Mais il y a deux manières bien différentes d'y procéder. Si on a pu reconnaître à quelques indices que le cul-de-sac du rectum n'est pas situé très haut, l'indication est d'établir, par incision, l'anus dans son lieu naturel, ce qui revient seulement à imiter la nature en replaçant, autant que possible, les parties dans la disposition et les rapports qu'elles auraient dû offrir. Si au contraire le rectum manque en entier, c'est le cas de pratiquer un anus artificiel sur quelque point des parois abdominales, circonstance bien différente de l'autre où il ne s'agit, que de rétablir, par l'art, un anus en quel-que sorte naturel. C'est seulement de cette dernière opération que nous allons avoir à nous occuper, l'autre ayant été traitée dans un chapitre spécial.
L'indication de constituer l'anus dans son lieu naturel dans les cas d'imperforation de la partie inférieure du rectum chez les nouveau-nés, est assurément l'une des plus difficiles à établir par le diagnostic. Si les signes essentiels, la fluctuation profonde, mais évidente, la tension de la région ano-génitale, la couleur violacée de la peau, etc., manquent complètement, et surtout si le raphé, dans le lieu ordinaire de l'anus, est lisse et n'offre point un enfoncement circonscrit par le léger bourrelet circulaire qui doit indiquer l'existence du sphincter anal, comme il est probable que ce sphincter manque, et qu'il existe une cicatrice solide au-dessous du rectum, il est probable aussi que cet intestin manque également, et alors le chirurgien, perdu dans le vague, ne sait plus même s'il doit pratiquer un anus accidentel, rien ne prouvant que l'imperforation n'a pas son siège sur un point plus ou moins élevé du tube intestinal.
Il faut donc l'avouer, dans les cas obscurs , ce n'est qu'en tâtonnant et comme une chance extrême de guérir un vice de conformation, qui aussi bien entraîne la perte du nouveau-né, que l'on se décide à créer un anus par incision.
Au reste les faits consignés dans les auteurs prouvent que, eu égard à son indispensable nécessité et à la faiblesse des sujets sur lesquels on la pratique, l'opération, quoique souvent très grave en elle-même, fournit encore des résultats comparativement assez heureux. F. de Hilden , Roonhuysen et Lamotte, la jugent comme inutile, parce que, disent-ils, les enfans qui l'ont subie à leur con-naissance, ont fini par succomber après un intervalle plus ou moins long, de quelques mois à un ou deux ans ; mais déjà de ce témoignage, quoique improbateur, il résulte quel'opération avait réussi, du moins momentanément. Un opéré de M. Jodin est mort. M. Velpeau en a perdu quatre sur six, mais les deux au-tres ont guéri. Un pareil succès a été obtenu par M. Wagler, ainsi que dans les deux cas rapportés par M. Lépine et M. Miller. La condition importante pour la guérison , mais qui est toute éventuelle, c'est que le cul-de-sac du rectum ne soit pas situé à une trop grande hauteur. Si d'après les signes on a lieu de sup-poser la chance moins heureuse, le cas devient embarrassant pour le chirurgien qui ne sait à laquelle des deux opérations il doit avoir recours, de l'anus périnéal ou de l'anus abdominal. Le se-
cond paraît bien le plus sûr, mais peut-on, à cet âge, appeler gué-rison la création d'un anus nécessairement sans sphincter. En tant que d'opérer sur un nouveau-né, il nous.semblerait toujours plus rationnel d'inciser au périnée. Ici le sphincter existe, car les cas où il manque absolument sont bien rares; on a toujours la chance de trouver l'intestin moins haut que l'on ne s'y serait attendu; parfois aussi il se termine par une extrémité rétrécie dont la dila-tation ultérieure est possible ; ou bien il s'est replié sur lui-même et présente assez de longueur après l'incision pour pouvoir être amené , sans une traction Irop forte, à la surface de la plaie. Il est bon de se rappeler que M. Fristo a guéri un enfant sur lequel il a dû, pour trouver le rectum, pénétrer jusqu'à une profondeur de plus de 3 pouces (9 centimètres).
Procède opératoire. L'enfant étant placé sur une table garnie, ou assis sur les genoux d'un aide, les membres abdominaux écartés et fléchis, comme pour l'opération de la taille périnéale , les tégumens du périnée tendus avec les deux doigts indicateurs de l'aide dont les autres doigts maintiennent les genoux (pl. 4b, fig. 4), le chirurgien, placé en face et à genoux, reconnaît à la vue et au toucher le point où doit être l'anus, ou si ce point n'est accusé par aucun indice, il en fixe le centre à 1 centimètre, et demi au-devant de la saillie sous-cutanée du coccyx et incise la peau en regard, sur le plan moyen, dans une longueur de 2 centi-mètres (8 lignes). Puis il divise successivement, et couche par couche, les tissus qui se présentent, mais plutôt en décollant qu'en coupant, au travers des adhérences qui unissent le bas-fond de la vessie ou le vagin, avec la surface antérieure du sa-crum; et il a soin , avant chaque nouvelle incision, de sonder les parties avec l'extrémité de l'indicateur gauche qui doit lui servir de guide pendant toute la durée de l'opération. L'objet de cette exploration est de reconnaître à la fluctuation la poche formée par l'extrémité de l'intestin et de ne pas prendre pour telle le bas-fond de la vessie. Pour éviter cette erreur il est bon d'évacuer préalablement la vessie avec une sonde qu'on laisse à demeure, tenue par un aide, pour être toujours à même de déter-miner la position de cet organe. Une autre précaution à prendre, c'est, à mesure que l'incision devient plus profonde, d'en incli-ner graduellement le trajet en arrière et un peu à gauche, dans la direction normale du rectum. En procédant avec lenteur et méthode, l'indicateur ne tarde pas à reconnaître le cul-de-sac intestinal. Dans le procédé ordinaire, l'ouverture s'en pratique par une ponction. Au lieu du trois-quarts dont l'emploi n'est pas sûr, il vaut mieux se servir de la pointe du bistouri guidé par l'indicateur qui écarte en haut la vessie ou le vagin. La ponction terminée, on convertit la plaie du rectum en deux incisions cru-ciales. Le méconium s'écoule au travers de la plaie. Il ne s'agit plus que de faire cicatriser l'orifice et le canal artificiel sur des toiles de linge de grosseur convenable, pour en maintenir le cali-bre jusqu'à parfaite cicatrisation.
Tel est le procédé ancien le plus généralement suivi ; mais il faut bien l'avouer, il offre de graves inconvéniens. Le passage des matières dans la plaie est, dans les premiers temps, une cause per-manente d'irritation, et plus tard, la guérison ne pouvant s'obtenir que par un trajet muqueux accidentel dépourvu de paroi mus-culaire, ce canal, suivant la remarque de B. Bell, tend toujours à se rétrécir et à s'oblitérer, malgré l'emploi continué des corps dilatans. Il est donc bien préférable, à notre avis, en tant que le cul-de-sac n'est pas situé à une trop grande hauteur et qu'il est t. vu.
possible d'attirer l'intestin en bas sans exercer une traction trop violente, d'imiter à cet égard la conduite de M. Amussat.
Procédé de M. Amussat (Pl. 46, fig- 4 et 5). Le sujet de l'opé-ration était une petite fille. Avec un bistouri convexe, à lame très courte, le chirurgien pratiqua en arrière de l'orifice vaginal une incision horizontale de 2 centimètres, qu'il convertit en T en abaissant une seconde incision médiane antéro-postérieure, diri-gée vers le coccyx. L'indicateur introduit entre les lambeaux renversés servit de guide pour couper et déchirer les adhérences du vagin avec le coccyx et le sacrum. Le cul-de-sac du rectum fut rencontré à 6 centimètres (2 pouces) de hauteur. Le chirur-gien accrocha la poche avec une érigne double et s'en servit pour attirer à soi l'intestin et décoller avec précaution, à l'aide du bistouri, les adhérences qui la fixaient dans sa position. Passant alors dans la poche intestinale l'aiguille courbe garnie d'un fil dou-ble, en tirant à-la-fois sur l'érigne et les extrémités du fil, l'in-testin put être descendu jusqu'au niveau de la peau. Une inci-sion cruciale , pratiquée entre l'anse de fil et l'érigne , permit d'évacuer le méconium et les gaz intestinaux ; puis, avec des pinces plates, les bords de la plaie intestinale furent accolées à la peau et réunis avec elles par des sutures. L'opération eut un plein succès.
Des chirurgiens dont l'autorité est d'un grand poids, ont con-damné ce procédé à cause des dangers qui peuvent résulter delà traction. Mais outre que ce danger n'est peut-être pas aussi grand qu'on se l'est imaginé, l'intestin souvent ne faisant que se dé-plisser et offrant en réalité une longueur suffisante , dans les cas mêmes où il n'en serait pas ainsi, une fois l'opération commencée, il n'y a encore rien de mieux à faire. Au reste, à notre avis , dans ce premier âge et pour- un vice de conformation qui rendrait le nouveau-né non viable , puisqu'il y a nécessité de pratiquer une opération toujours très grave à quelque méthode que l'on ait recours , il est bien préférable d'opérer au périnée où il existe un sphincter et tout un plan musculaire disposé pour l'acte de la dé-fécation , plutôt que de transposer l'opération sur un point de la paroi abdominale où ces conditions anatomiques n'existant pas, on ne peut considérer comme une guérison définitive, c'est-à-dire, comme une fonction réelle et permanente, une infirmité dégoû-tante qui menace chaque jour la vie du malade et doit amener sa perte à un terme plus ou moins prochain.
FJSSURLS A L'ANUS.
La fissure ou crevasse de l'anus, analogue aux crevasses de la peau, est un petit ulcère plus ou moins linéaire, c'est-à-dire étroit et allongé, situé dans le fond de l'un des plis rayonnes del'o-rificede l'anus. Longue de quelques millimètres à 1 centimètre et demi, au plus, elle commence sur le bord de la peau qui avoisine l'anus et remonte plus ou moins sur la muqueuse de cet orifice vers le rectum ; tantôt elle n'est située que sur la muqueuse, perpendiculairement au bourrelet formé par le sphincter anal ou même un peu au-dessus de ce muscle. Ordinairement il n'existe qu'une seule fissure, mais chez quelques malades aussi on en trouve deux, trois ou même un plus grand nombre placées sur divers points du contour.
La fissure à l'anus est l'une des affections dont Pétiologie est le moins connue, et il y a lieu d'en être surpris. Sans être préci-sément très commune, cette maladie pourtant n'est pas rare, puis-que Boyer l'a rencontrée sur une centaine de malades et M. Vel-
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peau sur une quarantaine au moins, outre qu'il n'est pas de chirurgien qui n'en observe de temps à autre. Il est probable même qu'elle est encore beaucoup plus fréquente qu'on ne le croit généralement, les malades n'étant portés à s'en plaindre qu'autant que la douleur et les accidens qu'elle occasionne sont intolérables.
En parcourant les auteurs, malgré le vague de leurs descrip-tions qui rend quelquefois douteuse l'espèce de maladie dont ils s'occupent, on reconnaît néanmoins la fissure à l'anus et on voit qu'ils l'attribuent à des causes très variées : les hémorrhoïdes ou 'a constriction du sphincter de l'anus (Aétius) ; la constipation habituelle (Albucasis); la fistule à l'anus, la syphilis, signalées par divers auteurs ; les affectations squirrheuses de la vessie ou de la prostate (E. Home). En général, la plupart des chirurgiens confondent la fissure avec les rhagades et les diverses ulcéra-tions superficielles de l'anus (G. deChauliac, A. Paré, Dionis). Confusion qui s'explique d'autant mieux qu'elle accompagne et complique fréquemment ces diverses maladies.
Il paraît donc bien que la connaissance de la fissure est, comme elle devait être, fort ancienne. Néanmoins ce n'est que tout récemment qu'elle a été nettement distinguée comme une ma-ladie particulière par Boyer, et encore son étiologie et son traite-ment laissent-ils beaucoup à désirer. La constriction du sphincter est le phénomène concomitant qui a le plus frappé les patho-logistes. D'après Boyer, la fissure n'existant jamais sans la cons-triction du sphincter, et la section de ce muscle ayant presque toujours pour effet de la guérir, c'est cette constriction qu'il regarde comme la cause première de la fissure. M. Velpeau, au contraire, paraît croire que, dans cette concomitance des deux affections, c'est la fissure qui précède et dont l'irritation, détermi-née par le contact des matières fécales ^ produit la constriction du sphincter. Il nous paraît bien clair que ces deux opinions sont également vraies, chacune des deux affections, l'une par rapport à l'autre, pouvant être alternativement cause ou effet ; toutefois, d'après un certain nombre d'observations qui nous sont person-nelles, nous pensons avec Boyer que la préexistence de la con-striction est le cas le plus ordinaire, la fissure étant le plus sou-vent le résultat de petites déchirures produites par les efforts journaliers pour aller à la garde-robe, chez les sujets affectés de constipation habituelle, surtout lorsqu'il existe des hémorrhoïdes ou toute autre affection qui a pour effet d'entretenir une irrita-tion ou une pression au pourtour de l'anus.
La fissure anale, en raison de son siège , est une affection plus sérieuse qu'il ne semblerait devoir résulter des légers désordres anatomiques qu'elle entraîne. Outre qu'elle ne guérit presque jamais spontanément, si elle ne met pas précisément la vie en danger, chez certains sujets elle rend l'existence insupportable par les douleurs atroces qu'elle occasionne pendant l'acte de la déféca-tion et un ou deux jours après, tellement que les malades redou-tant d'accomplir cette fonction , qui n'est praticable qu'à l'aide de lavemens ou de purgatifs, mangent le moins possible et s'habi-tuent à n'aller à la garde-robe qu'après cinq, six jours et même plus; d'où une nouvelle source d'accidens et de maladies. Aussi est-il important de guérir le plus tôt possible cette affection; mais aucune autre n'est plus rebelle, les efforts d'expulsion tendent toujours à la reproduire, outre que, dans les cas de complica-tion, pour assurer la cicatrisation, il faut guérir d'un même coup les maladies qui accompagnent la fissure et dont elle n'est souvent que l'effet.
Tkmtement. Les moyens proposés sont : les topiques, la di-latation , la cautérisation, l'excision et l'incision du sphinc-ter anal.
Topiques. Diverses pommades narcotiques, astringentes et siccatives ont été recommandées par les auteurs. Boyer employait le saindoux, l'huile d'olives, les sucs de rhubarbe et demorelle mé-langés à parties égales. Dupuytren a mis en usage avec succès l'axonge, l'eau miellée et l'extrait de belladone, également dans les mêmes proportions. M. Velpeau a réussi deux ou trois fois avec une pommade composée d'une partie de calomélas pour huit parties d'axonge. Enfin, pour la fissure comme pour les hémorrhoïdes, les végétations et les diverses ulcérations à l'anus, tout le monde a essayé avec plus ou moins de succès des divers médicamens applicables en pareil cas, les émolliens, le cerfeuil pilé ou en décoction, le cérat opiacé, etc. Mais, il faut le dire, le grand nombre de ces moyens ne prouve que leur insignifiance. La plupart réussissent effectivement à calmer les douleurs lors-qu'elles sont très vives, mais ne réussissent pas à guérir la ma-ladie.
Dilatation. Les mèches de charpie graduellement croissantes de volume , introduites dans le but de vaincre la résistance du sphincter anal, ont procuré quelques guérisons (Copeland, Bé-clard, MM. Marjolin, Nacquart, Gendrin et Velpeau). La diffi-culté est de vaincre la répugnance du malade qui redoute au plus haut degré l'introduction de la mèche, fort douloureuse pour la première fois. Au reste, comme la souffrance est à-peu-près la même que la mèche soit tin peu plus grosse ou plus petite, il vaut mieux la porter de suite au plus grand volume possible, en lui donnant une forme conique pour en faciliter la pénétration et le glissement, l'objet que l'on doit se proposer étant de dilater ou de tendre immédiatement toute la circonférence de l'orifice anal pour forcer la fissure, ordinairement enfoncée, de venir s'offrir en premier plan. Cette condition a pour effet de tendre les bords de la fissure et d'en permettre le nettoyage, en étalant le pli muqueux dont elle constitue le fond, et dans lequel se mêlaient et séjour-naient les liquides stercoraux et ceux sécrétés par l'ulcération elle-même. Enfin, un autre avantage de la dilatation, et qui est considérable, c'est en offrant la fissure à découvert, d'en rendre facile la cautérisation sans que les bords puissent fuir et s'enfoncer après cette opération pratiquée. La manoeuvre d'introduction est facile: la mèche enduite de cérat ou d'huile d'olives, étant dis-posée à l'extrémité d'une tige métallique ou d'un gorgeret, sui-vant son volume, le chirurgien faisant écarter les bords de l'anus par un aide, insinue la mèche de la main droite et la guide avec l'indicateur gauche. Pour faciliter l'introduction, tout en poussant sur l'instrument, il est bon de lui communiquer de légers mou-vemensde rotation dans un sens ou dans l'autre, suivant le degré de résistance qu'il éprouve sur les divers points. Presque tou-jours l'effort nécessaire pour triompher de la striction cause des douleurs atroces; néanmoins il faut continuer sans lenteur ni précipitation, car un nouvel essai de dilatation serait encore plus douloureux et plus difficile que le premier. La mèche doit être insinuée jusqu'à une profondeur de 6 à 8 centimètres (i pouces à i pouces 1/2), de manière à ne pouvoir être expulsée par les sphincters. L'opération terminée, l'essentiel est d'obtenir du malade qu'il supporte la douleur, d'abord très vive pendant les premières heures. Peu à-peu elle s'amortit, et enfin s'éteint tout-à-fait. La première mèche dont le volume doit être celui du petit
doigt, sera laissée en place au moins pendant deux ou trois jours. Le chirurgien l'enlèvera lui-même pour faire prendre au malade un lavement émollient et provoquer une évacuation alvine après laquelle il introduira une mèche un peu plus grosse que la pre-mière. La douleur est moins vive à la seconde introduction et diminue graduellement pour les autres. Ordinairement après quinze jours de traitement et l'emploi de quatre ou cinq mèches, dont la dernière excède le volume du pouce, les deux sphincters anal et rectal ont perdu leur rigidité ; le rectum, s'il n'existe pas d'autre maladie, a repris sa souplesse; la guérison est obtenue par le seul fait de la dilatation, s'il ne s'est agi cpie d'une con-striction spasmodicpie des sphincters, comme clans les cas rap-portés par Copeland ; ou même s'il a existé des fissures légères, elles peuvent être guéries par l'effet de la distension et des soins de propreté comme clans les trois faits publiés par M. Mondière. Mais s'il existait une ou plusieurs fissures profondes, il aurait fallu associer la cautérisation à la dilatation comme Béclard et M. Velpeau l'ont pratiqué avec succès dans la plupart des cas.
Cautérisation. Le caustique le plus employé est le nitrate d'argent solide. On taille le crayon en pointe, puis écartant avec soin le pli muqueux pour mettre la fissure à découvert, on en touche profondément le fond et les bords pour modifier les surfaces et en changer les conditions de vitalité. M. J. Cloquet a mis plusieurs fois en usage le nitrate de mercure appliqué avec un pinceau, et l'on sait cpie Guérin en a guéri un certain nombre par le cautère actuel. Toutefois il serait dangereux de toucher trop fort avec le fer rouge, comme aussi de se servir de caustiques susceptibles de désorganiser profondément. La ma-ladie étant superficielle, il suffit de produire une eschare très mince, sauf à renouveler la cautérisation à quelques jours d'in-tervalle. Le moindre inconvénient, comme il arrive souvent, est qu'il soit nécessaire d'y revenir à plusieurs fois.
Excision. Appliquée par Mothe et par Guérin, l'excision a été fréquemment mise en usage par plusieurs de nos chirurgiens et en particulier par M. Velpeau. Le malade étant situé en position convenable (Pl. 45, fig. i, 2, 3, 4) le chirurgien fait écarter par les doigts d'un aide les bords de la fissure et en accroche le milieu avec une érigne, puis il l'enlève d'un bord à l'autre d'un coup de bistouri porté à plat, oud'un angle à l'autre avec des ciseaux. Une forte mèche est introduite dans l'anus pour en maintenir l'orifice dilaté pendant le temps nécessaire pour la cicatrisation. Ce pro-cédé ne convient qu'autant que la fissure n'est point produite par la contriction du sphincter. Il peut donc être employé avec succès comme auxiliaire d'un traitement spécifique dans tous les cas où la crevasse est causée par une affection dartreuse, syphi-litique ou autre. Mais si elle est produite par la constriction permanente du sphincter, à quelque maladie que se rapporte cette dernière, il est évident qu'après l'excision il y aura récidive, les efforts de défécation devant faire naître de nouvelles crevasses par excoriations ou déchirures, dans le même point ou dans d'autres, comme il est arrivé à deux malades de M. Velpeau, contre quatre autres dont la guérison s'est maintenue.
Incision du sphincter anal. Pour que cette opération soit in-diquée, il faut supposer que les fissures à l'anus, comme aussi tous les autres accidens concomitans, le ténesme, la douleur et la difficulté d'aller à la selle, sont produits par une même cause, la constriction permanente du sphincter anal, résultat de la constipation habituelle, mais qui, par réaction, tend à l'augmen-ter à son tour, de sorte que ces deux effets s'accroissent mu-tuellement l'un par l'autre, et avec eux les accidens qui en sont la suite, et dont fait partie la fissure à l'anus. C'est à ce point de vue théorique que s'était placé Boyer, lorsqu'il songea à guérir la fissure anale par la section du sphincter, et il paraît bien que cette opinion était fondée en fait, puisque des succès nom-breux sont venus justifier ses prévisions.
Pour préparer le malade à l'opération , il est convenable, deux ou trois jours à l'avance, de faire évacuer le gros intestin par des lavemens émolliens ou même de légers purgatifs, de sorte cpie le sujet puisse rester plusieurs jours sans aller à la selle; comme aussi pour assouplir les parties, il est bon cle faire pren-dre au patient quelques bains cle siège émolliens. Les objets in-dispensables à l'opération sont des plus simples : deux bistouris droits à lames très étroites, l'un pointu, l'autre boutonné; une forte mèche enduite de cérat, cle la charpie, des compresses, et un bandage en T , outre les objets propres à arrêter l'hémorrha-gie , s'il y a lieu.
Le malade étant couché sur le côté, vers le bord d'un lit, placé obliquement sur le ventre, la cuisse de dessous fléchie, l'autre étendue, les deux fesses maintenues fortement écartées par des aides, le chirurgien insinue avec lenteur le doigt indicateur gau-che enduit de cérat, dans le rectum jusqu'au-delà de son sphinc-ter, et fait glisser à plat, sur ce doigt, le bistouri droit, ou mieux boutonné, aune profondeur de quatre à cinq centimètres; puis retournant le tranchant vers la fissure, d'un seul coup, en reti-rant l'instrument, il divise la muqueuse , le tissu sous-muqueux, le sphincter dans toute son épaisseur, etprolongeun peu l'incision sur la peau. De cette section résulte , comme dans l'opération de la fistule, une plaie triangulaire dont le sommet est à l'intestin et la base à la peau. Deux vices peuvent, se présenter clans cette in-cision : ou bien à l'angle supérieur l'intestin aura fui sous le tran-chant et le tissu cellulaire se trouve divisé au-dessous de l'intes-tin ; on y remédie en coupant l'intestin en regard avec la pointe du bistouri; ou bien c'est à la base la peau qui n'est pas divisée assez loin et ferait cul-de-sac; le précepte est d'y obvier aussitôt en prolongeant convenablement la section.
Enfin plusieurs précautions sont à prendre pendant l'incision. Boyer incisait sur la partie moyenne du sphincter, sans s'oc-cuper de la fissure, qu'il considérait comme devant guérir d'elle-même par le seul fait du débridement opéré. Il est évident au contraire, et tous les chirurgiens aujourd'hui sont de cet avis, que la fissure elle-même doit être incisée, ne serait-ce que pour en changer les conditions et, la convertir en une plaie récente. D'après cette idée, plusieurs chirurgiens conseillent cle faire l'incision au travers de la fissure elle-même. Toutefois ce précepte nous semble devoir être modifié. Comme, l'incision moyenne du sphinc-ter offre des avantages réels pour la dilatation régulière de l'orifice anal, il nous semble que ce lieu de section devrait être conservé ; mais alors il conviendrait de rendre la fissure saignante par une scarification avec le bistouri. Conséquemment, s'il existait plusieurs fissures on les scarifierait toutes également et on n'au-rait point à se préoccuper des petites opérations secondaires que pourraient nécessiter ces gerçures, si on les avait abandonnées à elles-mêmes. Le conseil d'inciser au milieu trouve encore mieux son application, lorsque la fente existe en avant sur le plan moyen, cas dans lequel les partisans cle l'incision sur l'ulcération con-viennent eux-mêmes de la nécessité d'inciser ailleurs, dans la crainte cle léser l'urètre ou quelqu'une de ses annexes.
Si les bords des gerçures sont calleux, ou présentent quelques fongosités, il faut en faire immédiatement l'excision. Enfin, dans les cas où la constriction est tellement forte que, même après l'incision d'une moitié du sphincter, l'autre moitié reste tendue comme une corde , on prescrit de pratiquer également la section de ce côté.
L'opération terminée, on met dans la plaie ou dans chacune des plaies, une forte mèche de charpie qui remonte un peu au-delà dans le rectum. On tamponne avec des boulettes de charpie, et on contient le tout avec des compresses soutenues par un bandage en T.
Le premier appareil n'est levé qu'après deux ou trois jours. On en profite pour faire évacuer le rectum. Du reste, les soins consécutifs sont les mêmes que pour l'opération de la fistule à l'anus. La cicatrisation a lieu quelquefois après la seconde ou la troisième semaine ; mais ordinairement elle en exige cinq à six.
Tel est le procédé de l'incision, celui qui offre les chances de guérison les plus certaines. Toutefois il n'est pas exact que cette opération guérisse toujours la fissure comme Boyer l'affirmait d'après les résultats de sa pratique personnelle. L'incision a échoué entre les mains de Béclard, Richerand, Lagneau et M. Roux. En outre, on cite deux malades, une jeune femme et un homme dans la force de l'âge, tous deux forts et bien consti-tués, qui, après avoir subi cette opération , ont succombé à des péritonites avec infiltration purulente dans le tissu cellulaire des organes pelviens. Il n'est pas besoin de dire combien de pareils exemples doivent rendre circonspect sur l'emploi d'une méthode opératoire qui peut amener des résultats aussi funestes à propos d'une maladie plus incommode que grave et que l'on peut trai-ter par d'autres moyens.
Appréciation. En résumé, s'il est vrai que la fissure à l'anus ne guérisse presque jamais d'elle-même, du moins l'art ne man-que-t-il pas de ressources pour y remédier. L'essentiel est d'en savoir choisir et graduer à propos les moyens. Dans tous les cas où la maladie est consécutive à une affection générale dartreuse, syphilitique, etc., et par conséquent symptomatique, quant à sa cause, il est bien clair qu'un traitement approprié doit précéder le traitement local, et c'est surtout le cas où ce dernier peut se borner à l'emploi de pommades médicamenteuses. Lorsqu'il n'existe aucune cause de cette nature on doit essayer de la cauté-risation et de l'excision. Mais dans ces cas, comme dans ceux qui précèdent, il convient toujours de combiner avec les autres moyens l'emploi de la dilatation par les mèches, auxiliaire le. plus utile pour faciliter la cicatrisation et prévenir la récidive en ren-dant ultérieurement la défécation plus facile. Ce moyen même est encore celui auquel il faut avoir recours s'il survenait de nouveau, après quelque temps, une constriction du sphincter qui ne tarderait pas à occasionner une nouvelle fissure. Enfin l'in-cision du sphincter est assurément le moyen le plus efficace; mais comme elle offre des dangers réels et qu'elle peut être suivie d'infirmités, à notre avis, un chirurgien prudent ne doit la met-tre en usage que comme ressource dernière et lorsque les autres moyens ont échoué.
FISTULES A L'ANUS.
Définition, variétés. La fistule anale consiste dans un canal accidentel ou un clapier, situé dans le tissu cellulaire qui envi-ronne l'extrémité inférieure du rectum, sous-jacent aux mem-branes de l'intestin ou plus ordinairement à sa tunique muqueuse et consécutif à un abcès du tissu cellulaire ambiant ou à une ul-cération du rectum. On distingue deux sortes de fistules, com-plète et incomplète. La fistule complète qui a deux orifices, s'ou-vre par un bout dans l'intestin et par l'autre à la surface de la peau. La fistule incomplète ou fistule borgne n'a qu'un orifice sur l'une des surfaces tégumentaires et se termine en cul-de-sac à l'autre extrémité. On en dislingue deux espèces : la fistule bor-gne externe qui s'ouvre sur la peau et ne communique point dans l'intestin, et la fistule borgne interne qui s'ouvre au contraire dans le rectum et forme cul-de-sac dans le tissu cellulaire sous-cutané.
De ces trois sortes de fistules, aujourd'hui incontestées, une seule, la fistule complète, facile à reconnaître à ses caractères et à la nature des liquides qui en exsudent, a toujours été reconnue par les chirurgiens; mais c'est à tort que l'on a nié les fistules bor-gnes ou que l'on a voulu les considérer comme des phases de la fistule complète, tandis qu'elles existent si bien par elles-mêmes que le plus souvent elles sont produites par des causes diffé-rentes.
Ainsi Foubert et Sabatier prétendaient que la fistule borgne ex-terne n'est due qu'à l'erreur de diagnostic du chirurgien qui ne sait pas toujours rencontrer avec la sonde l'orifice rectal; mais leurs adversaires à leur tour, retournant cette accusation de ma-ladresse contre ses auteurs, interprétaient leur habileté à trouver l'orifice interne à la persistance de leurs efforts, dont le résultat aurait été qu'ils perforaient eux-mêmes la membrane muqueuse intestinale avec le bec de la sonde.
D'un autre côté, plusieurs chirurgiens du dernier siècle niaient également la fistule borgne interne, ou, du moins, ne la considé-raient que comme un état intermédiaire de la fistule complète en voie de formation et procédant de l'intestin vers la peau. Foubert, en particulier, ne croyait pas que le pus qui s'amasse dans le foyer put s'évacuer si complètement dans l'intérieur de l'intestin, qu'au bout de quelques jours il ne dût causer une ulcération à la peau. L'expérience pourtant infirme cette théorie; la fistule interne, d'après l'observation de tous les chirurgiens, peut per-sister des mois entiers sans que la peau soit altérée. A. Dubois , Boyer, Dupuytren, L. Sanson, tous les chirurgiens, en un mot, ont fréquemment rencontré des cas de cette nature, et M. Vel-peau dit en avoir observé au moins douze.
En réalité, les trois espèces de fistules peuvent être également produites par un abcès de cause quelconque développé à la marge de l'anus ; ce que l'on peut dire de plus général à ce sujet, c'est que les abcès symptomatiques produiront plutôt une fistule externe, les ulcérations du rectum sans corps étrangers, une fis-tule interne, et celles qui sont déterminées par le contact d'un petit corps dur et irritant, comme un petit fragment d'os ou tout autre, fiché dans la muqueuse du rectum, amèneront plutôt une fistule complète.
Configuration. Toute fistule à l'anus se compose d'un foyer de forme irrégulière, avec un pertuis d'ulcération qui ouvre sur les surfaces cutanée ou muqueuse. Dans les fistules très anciennes, le foyer se cicatrise plus ou moins et le trajet de la fistule est formé par un canal muqueux accidentel, de largeur inégale sur divers points, et dont les orifices sont étroits. Dans cet état la fistule est dite simple, mais ces cas sont des plus rares. Ordinairement, sui-vant le sens dans lequel a porté la destruction purulente, des clapiers ont fusé dans diverses directions, soit en remontant au-
tour du rectum, soit en s'étalant vers le sacrum ou la peau de la marge de l'anus, et alors il se produit des variétés plus ou moins complexes, soit un trajet sinueux autour de l'extrémité inférieure du rectum et qui fait, que les deux orifices d'une fistule complète ne se correspondent pas; soit des embranchemens rayonnes cpii, d'un seul orifice interne, arrivent à un foyer commun ou à plu-sieurs orifices externes ; soit plusieurs foyers qui s'unissent par des prolongemens et environnent dans un vaste abcès l'extrémité inférieure du rectum.
Situation des orifices. Avec la moindre attention , les ulcéra-tions cutanées sont toujours faciles à reconnaître. Ordinairement situées à quelques millimètres du bord de la peau, il est rare qu'elles s'en écartent de plus d'un centimètre. Le seul cas où elles n'apparaissent pas au premier coup-d'œil, c'est lorsqu'elles sont situées à la racine ou au collet d'une tumeur hémorrhoï-dale qui les recouvre. Le siège de l'orifice interne est plus diffi-cile à déterminer , et a donné lieu, dans ces derniers temps, à des controverses entre les chirurgiens. Jusqu'à la fin du dernier siècle, les chirurgiens avaient déclaré unanimement que l'orifice interne de la fistule à l'anus pouvait s'effectuer dans une grande étendue, de telle sorte qu'on le rencontrait également très près de l'orifice anal ou à une hauteur considérable dans le rectum. Brunei, médecin d'Avignon, soutient le premier, en 1783, que cet orifice est presque toujours situé au-dessus du sphincter ex-terne. Mais cette opinion n'avait pas obtenu un grand crédit, puisque Desault et ses élèves, A.Dubois et Boyer, ont continué de penser à cet égard comme les anciens chirurgiens et l'Acadé-mie de chirurgie. Toutefois, l'assertion de Brunei a été reprise par M. Ribes et par Larrey qui l'attribuent à Sabatier, quoique ce dernier n'en dise rien dans sa médecine opératoire. Au reste, une opinion émise ou reproduite par M. Ribes, et appuyée par un grand nombre de dissections soignées, méritait bien d'être examinée. C'est ce qu'a fait M. Velpeau. Suivant ce dernier chi-rurgien, sur trente-cinq cas de fistules complètes qu'il a observées, en 1 833, soit sur le vivant, soit sur le cadavre, dans le but de constater le siège de l'ulcération rectale, chez quatre sujets elle s'est trouvée à quatre centimètres (un pouce et demi), six centi-mètres (deux pouces), sept centimètres (deux pouces et demi); chez un cinquième, elle était remontée à neuf centimètres (trois pouces), mais il existait un long trajet de décollement entre la membrane muqueuse et les autres tuniques de l'intestin. Chez les trente autres sujets, l'orifice se trouvait à quelques lignes de l'a-nus, comme l'indique M. Ribes, ou même encore plus bas, à l'entrée de l'anus. Enfin, M. Velpeau ajoute que, ayant depuis continué ses observations, il en pourrait citer aujourd'hui cent du même genre et où les situations relatives de l'orifice rectal s'offriraient sensiblement dans les mêmes rapports arithmétiques.
Signes caractéristiques et différentiels. i° Fistule complète et fistule externe. Un malade a été précédemment affecté d'hé-morrhoïdes ou d'un abcès au pourtour de l'anus. Il y éprouve un prurit ou une douleur habituelle. Sa chemise est toujours sa-lie par une exsudation d'un liquide rougeâtre et sanguinolent ou par un pus grisâtre et séreux exhalant une odeur stercorale. Ces signes généraux font déjà présumer l'existence d'une fistule ex-terne. Mais si, outre ces caractères, il s'en exhale des gaz fétides et surtout un liquide muqueux plus ou moins mélangé de ma-tières stercorales, des vers ou des débris de substances réfractaires à la digestion et qui, naturellement ne peuvent provenir que de t. vu.
l'intestin, et si l'orifice anal est habituellement resserré de telle sorte qu'on ne puisse supposer que c'est par cet orifice que ces matières se sont dégagées, avant tout examen, il est évident; qu'il y a non-seulement une fistule à l'anus, mais que cette fistule est complète. En nettoyant et examinant la marge de l'anus, ou bien on voit immédiatement à la surface de la peau une ulcération or-dinairement assez étroite, circulaire, ou bien cette ulcération existe au sommet d'un petit tubercule fongueux : quand il y a des tumeurs hémorrhoïdales, c'est souvent à leur collet qu'elle se ren-contre; enfin, si aucun de ces caractères ne se présente, c'est que l'ulcère est situé au fond de quelque pli cutané, ce dont on s'as-sure en tendant la peau avec les doigts. La sortie d'un peu de liquide et bientôt l'apparition de l'orifice lui-même, achèvent de lever toute incertitude.
Voilà bien, quant à l'ulcération, les caractères généraux d'une fistule à l'anus, ouvrant sur la peau. Mais s'il n'est pas sorti de matières intestinales, il s'agit de déterminer si la fistule est com-plète ou seulement borgne externe, et dans tous les cas il faut re-connaître la forme et l'étendue du trajet fistuleux. Trois moyens d'exploration sont mis en usage à cet effet : le toucher par le rectum, le sondage à l'extérieur avec un stylet d'argent boutonné et l'injection par l'orifice cutané d'un liquide coloré, inerte, du lait, ou une solution de tournesol, d'épinard, de safran, d'orca-nette, etc. Les deux premiers moyens s'emploient toujours con-curremment; le troisième n'est qu'un procédé de vérification dans les cas douteux.
i° Toucher. lie malade étant couché comme pour opérer sur l'anus, le chirurgien introduit dans le rectum le doigt indicateur gauche huilé, pour aller d'abord par le dedans à la recherche de l'ulcère interne. Souvent alors il le reconnaît directement à la sensation du vide si l'orifice est très large ou, comme le dit Pelle-tan, à la rencontre d'une petite saillie en cul-de-poule. Si ces si-gnes manquent, l'impression d'une douleur assez vive au tou-cher sur un point, est encore un indice dont on doit tenir compte, mais seulement pour guider vers ce point le bouton du stylet, dont la sortie dans le rectum sera le seul signe caractéristique. Dans le cas où une première recherche serait infructueuse, il faut néanmoins continuer à explorer la surface de la membrane mu-queuse, dans tout le contour de l'intestin, et en remontant au plus haut que le doigt puisse atteindre, car, en raison des flexuosités des trajet sfistuleux, on doit toujours se défier que l'ulcération interne se trouve dans un point très éloigné du trajet direct.
20 Manœuvre pour sonder. Le stylet boutonné dont on se sert doit être fin est très flexible. Si le chirurgien a pu reconnaître au toucher un orifice interne et que le trajet de la fistule ne soit pas très sinueux, la conduite du stylet de l'un à l'autre orifice est très facile. Mais si une ulcération interne n'a pu être reconnue, c'est d'en déterminer ou non l'existence par le sondage qu'il s'agit. Pour y procéder, l'opérateur fait glisser lentement et sans effort le stylet par l'orifice cutané. Le premier objet est de recon-naître, chemin faisant, l'étendue et la direction des divers clapiers purulens que l'on suit dans toutes leurs sinuosités en se bornant à incliner dans diverses directions l'instrument, en quelque sorte, abandonné à son propre poids. Cette première exploration étant effectuée, on amène le bouton vers l'intestin et on en suit tout le contour en portant la sonde dans tous les pents enfoncemens dé-terminés par les brides cellulaires et les vaisseaux, et harmoniant les mouvemensdu stylet avec ceux du doigt indicateur gauche,
3.0
resté dans l'anus. Souvent, par cette double manœuvre, la saillie du doigt offre l'orifice au bouton du stylet qui s'y engage, et l'existence de la fistule complète est prouvée. Dans le cas con-traire, avant de renoncer, comme il est possible que la saillie du doigt efface l'orifice en tendant ses bords, il convient de retirer l'indicateur et de s'en servir pour tendre la paroi de l'intestin dans des directions variées , pour donner la chance de dilater un orifice s'il en existe, en même temps que le bouton du stylet se promène sur la surface. Si néanmoins toutes ces recherches sont sans résultat, comme la non-réussite ne prouve rien , c'est le cas d'avoir recours à une injection colorée par l'orifice cutané. L'ar-rivée du liquide dans le rectum indique que la fistule est com-plète et facilite la recherche de l'orifice interne. Si, au contraire, tout le liquide ressort par l'orifice cutané, il est presque certain que l'on n'a affaire qu'à une fistule borgne externe.
a0 Fistule borgne interne. A un phlegmon sous-cutané au pour-tour de l'anus, a succédé l'issue d'une matière purulente avec les selles, et le malade continue d'en rendre un peu au premier effort de défécation. Dans une certaine étendue, auprès de l'ori-fice anal, la peau est plus ou moins violacée avec ou sans amin-cissement. La pression y donne la sensation d'un vide et déter-mine l'écoulement du pus dans l'intestin. Le doigt introduit reconnaît la perforation de l'intestin, ou même, si l'anus n'est pas trop resserré, on peut la voir directement avec un spéculum.
Pronostic. La fistule à l'anus, plutôt incommode que doulou-reuse, ne présente guère de danger que dans les cas de vastes dé-collemens , c'est-à-dire précisément dans les conditions où l'opé-ration est presque contre-indiquée. Abandonnée à elle-même, elle guérit quelquefois spontanément. Cette terminaison heu-reuse, dont il est peu de chirurgiens qui n'aient rencontré des exemples pour les fistules borgnes, se rencontre même pour les fistules complètes avec issue au dehors des détritus stercoraux. A. Dubois et Dupuytren, contrairement à l'opinion de Boyer, rapportaient dans leurs cliniques des faits semblables qu'ils avaient observés, et MM. Ribes et Velpeau en ont aussi rencon-tré chacun deux. Toutefois il faut reconnaître que la guérison spontanée est un fait très rare et tout exceptionnel. En général, la fistule à l'anus une fois produite, persiste indéfiniment et con-stitue une infirmité dégoûtante, outre qu'à la longue elle peut déterminer des désordres incurables et entraîner des suites fu-nestes. Ce sont ces considérations qui motivent les moyens de guérison par lesquels on y remédie. Enfin , il est même certains sujets chez lesquelles la fistule se guérit et se reproduit d'elle-même après des intervalles plus ou moins longs. Chacun sait que, suivant une ancienne opinion, ces individus sont ceux qui ont une prédisposition àlaphthisie pulmonaire, et que la fistule étant considérée comme un effort critique ou une sorte d'exu-toire naturel, les médecins de tout temps ont prescrit] sagement de ne point essayer de la guérir. Ainsi donc, dans les moyens de traitement à employer, il faut mettre à part la fistule symptoma-tique qui n'exige que des soins de propreté. Il en est de même des fistules idiopathiques très anciennes, lorsque les foyers pu-rulens ayant fusé lentement à travers le plancher des releveurs de l'anus et de l'aponévrose pelvienne, la maladie a produit des dégâts si considérables, et s'étend si loin, que les diverses opéra-tions qu'on y applique seraient sans succès.
Traitement. Dans la fistule à l'anus, comme dans toutes les autres, la maladie consistant dans des clapiers que traversent et où séjournent des matières irritantes, l'indication à remplir est de modifier les parois des trajets fistuleux pour en obtenir le re-collement. Il est remarquable que les moyens assez nombreux imaginés pour y remédier ont été connus dès la plus haute anti-quité, ce qui prouve que les hommes de l'art ont eu de bonne heure des idées saines sur la nature même de la maladie. Mais, quant aux méthodes curatives, il est curieux de voir dans la suc-cession des âges, les mêmes moyens pris, oubliés et repris à di-verses époques, comme si, parcourant des cercles sans fin, il n'é-tait point donné à l'art de pouvoir se fixer.
Historique. Suivant ce que nous venons de dire, Ilippocrate a traité la fistule à l'anus par les divers procédés encore aujour-d'hui en usage. Tantôt il employait les caustiques, tantôt il avait recours à la ligature en formant de cinq brins de fil en-tourés en spiral avec un crin de cheval, un cordonnet qu'il fai-sait passer avec un stylet du trajet fistuleux dans le rectum, et dont il nouait l'anse au dehors. Enfin il a si bien connu l'inci-sion et ses effets qu'il la proclame, comme nous le faisons nous-mêmes, le moyen de guérison le plus efficace. Celse alliait les caustiques à la ligature en se servant pour la faire d'un cordon enduit, de substances escharotiques; mais en outre il avait hérité, de l'école d'Alexandrie le procépéde l'excision, et enlevait toutes les parties décollées entre deux incisions. Galien employait en pommades des caustiques variés, et pratiquait l'incision avec le bistouri en faucille qui a gardé depuis le nom de sjringotome. — Léonidas en terminant cet instrument par un long stylet flexi-ble que l'on retirait par l'anus et qui servait à couper d'un seul coup les parties comprises dans l'anse dont le tranchant occu-pait le fond, perfectionnait par cette simple modification un pro-cédé qui s'est transmis jusqu'à nous par Spigel, Félix, Bass et M. Larrey. Enfin Paul d'Egine qui soulevait sur une anse de fil la paroi décollée, puis l'enlevait avec le bistouri ou des ciseaux, ferme par ce procédé d'excision la carrière de l'antiquité.
Avec les Arabes, toujours si craintifs au sujet des opérations sanglantes, disparaissent toutes les méthodes de section. Les caustiques et la ligature sont seuls conservés. Avicennes, pour lier, se sert d'un cordonnet de crin tordu. Mais comme dans toutes les branches de la chirurgie, le moyen-âge se montrera plus hardi. Si G. de Salicet, n'emploie encore que la ligature, du moins il l'a rend déjà plus offensive ne se servant, pour la faire, d'un cordonnet à nœuds. Mais Guy de Chauliac montre un progrès en reproduisant la méthode par incision et prouve son bon sens chirurgical en la pratiquant sur une sonde cannelée ; seulement par une timidité bien légitime à son époque, par crainte de l'hé-morrhagie, il se sert, pour la section, d'un bistouri chauffé à blanc. A partir de ce grand chirurgien, l'incision commence à prévaloir sur les caustiques et la ligature, employés par J. de Vigo et Hugues de Lucques. Vers la renaissance, F. d'Aquapendente, dont le nom rappelle le progrès dans toutes les directions, opère avec la sonde cannelée sur laquelle il conduit un bistouri boutonné concave. Spigel réhabilite le syringotome, mais en compliquant la manœuvre et l'instrument. Wisemann, au contraire, la sim-plifie beaucoup, et n'emploie pour la section que des ciseaux; mais ce procédé ne saurait être appliqué que pour les fistules simples et peu profondes. Enfin Marchettis, en imaginant legor-geret dont la cannelure doit recevoir, dans le rectum, la pointe du bistouri ou de la sonde, pour prévenir la lésion de l'intestin , achève de compléter l'ensemble des moyens adoptés de nos jours.
Dans le cours des deux derniers siècles, on revient à l'emploi des substances détersives esebarotiques et caustiques sous toutes les formes, liqueurs, pâtes, pommades, onguens et troebisques. Au rapport de Dionis un nommé Lemoyne avait acquis une grande fortune par l'usage du vermillon renouvelé de J. de Vigo, et qui s'est perpétué, suivant Sabatier, entre les mains des opé-rateurs ambulans. Purmann employait l'eau de chaux, le caló-me], l'alun et l'orpiment; Evers, la gomme ammoniaque; Pallas, se bornant à faire usage de bourdonnets de charpie, aidés par dos injections détersives et un régime convenable, créait pour ainsi dire, au sujet de la fistule à l'anus, le procédé de dilatation employé aujourd'hui pour le traitement de la fissure. Quant à l'incision, Félix, pour opérer Louis XIV, exhumait le bistouri à stylet de Leónidas, et le coiffant d'une chape, dans le but irréali-sable d'en rendre l'introduction moins douloureuse, comme pour témoigner qu'aucun sujet n'était exclu de la flatterie insé-parable de tout ce qui se rattachait au grand roi, le décorait du nom fastueux de bistouri rojal, pour consacrer l'honneur que cette mascarade d'instrument avait eu de toucher à son illustre malade. J.-L. Petit, mieux inspiré, revient au procédé de F. d'A-quapendente, et Ronge, en y ajoutant le gorgeret, déjà oublié, de Marchettis a reconstitué l'opération telle qu'on la pratique de nos jours. D'un autre côté Joubert revient à la ligature prati-quée avec tin fil de plomb qu'il passait avec un stylet à pointe tranchante, et son exemple fut suivi avec quelques modifications par plusieurs de ses contemporains. A partir de cette époque, comme on ne s'arrête jamais dans le désir et l'illusion d'innover, on a fait encore de nombreux changemens dans les diverses mé-thodes, mais sans rien ajouter à ce que l'on savait, la plupart do ces moyens n'ayant pas survécu à leurs auteurs. Pour la ligature, Camper remiten usage les fils de lin et de soie. Desault, parti-san du fil de plomb, revint au procédé de A. Paré, en l'intro-duisant par le trajet fistuleux dans le rectum, au travers d'une canule dirigée préalablement elle-même par une sonde conduc-trice. Enfin, Flajani simplifiant de nouveau tout cet appareil, s'en tenait à un fil de chanvre ciré. Comme on le voit, dans tout cela il n'y a rien de nouveau, et si aujourd'hui la ligature dont les inconvéniens excèdent de beaucoup les avantages, est néanmoins encore conservée comme moyen facultatif par les praticiens ti-mides, dumoins peut-on dire qu'elle est à-peu-près inutile. Quant aux procédés de section, il suffit de donner rémunération des variantes dont il a été l'objet. Huermann était revenu à Y excision qu'il pratiquait avec des ciseaux courbes. Boyer en a fait un pro-cédé régulier qui trouve son cas d'application lorsque la peau amincie est trop complètement décollée pour que l'on puisse en espérer la cicatrisation. Pour Yincision, Percy opérait avec un long bistouri, droit et a substitué le gorgeret en bois à celui en métal de Marchettis. Mais c'est sur la forme et le mode d'action qu'ont porté presque toutes les modifications. Au nombre de ces instrumens se trouvent : le bistouri caché, reproduit mal-à-pro-pos par Z. Platner; le bistouri courbe et boutonné qui suffisait à Pott; celui de Sabatier, imité du précédent, mais avec addition d'une lame mobile qui sert pour la ponction. C'est cette même idée d'une lame sortante et rentrante à volonté qui est repro-duite dans les bistouris de T. Wathely et Dorset. Tous ces instru-mens, à part celui de Pott, sont restés sans emploi. D'un autre côté, le bistouri de Leónidas, remis en honneur par IL Basset Brunei, puis adopté et modifié par Larrey qui en a fait un simple bis-touri droit, terminé par une longue tige flexible, reste dans la pra-tique , en ce qu'il est le moyen d'un procédé d'une exécution fa-cile. Enfin il resterait à signaler le bistouri de M. Charrière, garni d'une profonde cannelure dorsale dont l'objet est de le faire glisser immédiatement sur le stylet, explorateur. C'est à l'ex-périence de déterminer si cet instrument devra être conservé.
Pour terminer, ajoutons que deux autres moyens ont été ten-tés dans cesderniers temps. La cautérisation, sous ses deux formes principales, a repris faveur en Allemagne. A l'exemple, de Saba-tier, le caustique est porté sur une tente ou un bourdonnet. Les substances employées de préférence sont en grand nombre, le sublimé, la litharge, le sulfate de cuivre calciné, les troebisques de minium, le nitrate d'argent en poudre, diverses pâtes arseni-cales, etc., et même le cautère actuel employé avec succès par MM. Fingefhuth et Dieffenbach. Enfin on a essayé en France de l'emploi d'une compression méthodiquement exercée. C'est la seule intention nouvelle qui se soit produite depuis les anciens ; mais avant de s'en féliciter comme d'un progrès, il convient d'at-tendre que les succès en soient mieux avérés.
méthodes opératoires.
Cautérisation. Cette méthode ne saurait convenir que pour les fistules simples et qui ne s'étendent pas trop haut ; encore faut-il convenir qu'elle peut toujours offrir des dangers plus graves que l'opération. Une crainte extrême du malade qui se refuserait absolument à l'emploi de tout autre moyen, est à-peu-près le seul cas qui pourrait aujourd'hui en justifier l'emploi. Le procédé le plus rationnel est celui de Sabatier qui enduisait lon-gitudinalement avec le caustique un côté d'un bourdonnet de charpie de volume convenable, et l'introduisait de manière à le mettre en contact avec la bride de tégumens décollés et la portion d'intestins que le bistouri divise dans l'incision. En même temps que s'opère la destruction des chairs une vive inflammation s'em-pare du foyer et en détermine l'adhésion. Mais il n'est pas be-soin de faire observer que ce moyen thérapeutique est long, très douloureux et peu sûr, car il n'est pas assez au pouvoir des chi-rurgiens de limiter l'étendue de la destruction chimique et sur-tout d'empêcher les filtrations purulentes dans le tissu cellu-laire des organes du bassin.
Ligature. On peut la pratiquer également avec un cordonnet de chanvre ou de soie, un fil de plomb ou d'argent de coupelle. Dans le premier cas, le cordonnet est introduit avec un stylet aiguillé que l'on glisse par la fistule et dont on va saisir le bou-ton dans le rectum avec l'indicateur gauche pour le ramener au dehors. Dans le second cas, le fil métallique est introduit dans une canule; une fois le bec du tube engagé dans le rectum, on fait glisser une petite longueur de fil pour pouvoir le saisir, on l'amène au dehors de l'anus et on retire la canide par le trajet fistuleux. Les deux chefs du fil étant amenés à l'extérieur il ne s'agit plus cpie de lier sur les chairs à diviser. On peut lier direc-tement sur la peau, mais ce moyen est peu sûr parce qu'il faudrait délier le noeud les jours suivans pour augmenter la striction. Le mieux, par conséquent est d'engager les chefs de la ligature dans une canule ou un serre-nœud , comme on le fait pour les divers polypes.
Ainsi, comme on le voit, rien de plus simple, de plus prompt et de moins douloureux que la ligature de la fistule à l'anus, quant à sa manœuvre. Mais c'est tout le contraire, quanta sesef-fets. Il ne faut pas moins de deux à cinq ou six semainespour obte-nir la section des chairs; pendant ce laps de temps si long, les
douleurs ne cessent point d'être très vives etsont atroces à chaque fois qu'il faut augmenter la striction, à mesure que la ligature de-vient plus lâche, c'est-à-dire tous les deux ou trois jours. On conçoit quel sont les accidens et les dangers de toute sorte qui peuvent résulter d'une pareille situation un peu prolongée. Ordi-nairement la division de la peau se faisant trop attendre, le chi-rurgien, pour en finir, est obligé d'en pratiquer la section avec le bistouri , ou s'il est survenu des fongosités, d'en faire l'excision , ce qui revient, après de longues souffrances, à finir par où l'on aurait dû commencer. Ainsi dónela ligature, en apparence inof-fensive au moment de l'opération , est, par le fait, le moyen le plus cruel et le plus périlleux. Triste effet de la pusillanimité du malade ou du chirurgien, car c'est à cette seule cause que ce pro-cédé opératoire a dû de s'être conservé. Disons pourtant qu'il est aujourd'hui à-peu-près complètement abandonné.
Compression excentrique. Il y a quelques années, M. Bermond, et après lui, M. Colombe, ont conçu l'idée de guérir la fistule à l'anus par une compression exercée du centre du rectum vers les organes du bassin, dont le double effet serait de faciliter la cicatri-sation de l'orifice rectal de la fistule en empêchant les matières et les liquides stercoraux d'y pénétrer, et de produire l'adhésion des parois du foyer en les maintenant en contact et s'opposant à ce que les liquides puissent y séjourner. Pour obtenir ce mode de compression, les moyens que l'on a essayés sont les mêmes qui ont pour objet d'arrêter les hémorrhagies hemorroidales dans l'intérieur du rectum. M. Bermond a fait usage de sa double ca-nule à chemise; M. Colombe, d'un tube creux en ébène que l'on dispose de la même manière (Pl. 46, fig. i), et M. Piedagnel d'un simple sac de toile que l'on remplit dans le rectum en le bour-rant de charpie. Chacun de ces chirurgiens prétend avoir obtenu quelque succès de l'emploi de ces moyens. A la vérité, chez une malade de M. Colombe, la paroi de l'intestin s'invagina dans l'o-rifice supérieur du tube; mais on conçoit qu'il serait facile d'évi-ter cet inconvénient en fermant l'orifice comme on le fait pour certains spéculum, avec un large bouton supporté par une tige centrale. Enfin , M. Montain assure également avoir obtenu de bons résultats d'un autre instrument à-peu-près semblable , en aidant à l'effet de la compression par la cautérisation. Au point où en sont les choses, on ne peut encore ni approuver, ni im-prouver cette méthode. Il faut attendre des faits nouveaux en plus grand nombre , plus concluans et suffisamment authen-tiques, avant de prononcer un jugement, qui, jusque-là, serait prématuré.
Incision. Soins préparatoires. Lorsque l'opération a été dé-cidée, il est bon, conformément au précepte donné par les au-teurs , de faire évacuer, autant que possible, le gros intestin par un purgatif administré la veille et un lavement donné le matin même, avant l'opération , afin que le malade soit en mesure de s'abstenir pendant plusieurs jours d'aller à la garde-robe. Il est convenable aussi de faire uriner le malade pour que le bas-fond de la vessie ne presse pas en bas sur le rectum.
Appareil. Les objets essentiels sont plusieurs bistouris droits ordinaires, et un bistouri concave de Pott, une sonde cannelée en argent recuit de manière à ce qu'elle soit très flexible, une autre sonde en acier, sans cul-de-sac et à bec pointu pour pouvoir au besoin perforer l'intestin; un gorgereten bois de buis ou d'ébène, légèrement incurvé suivant sa longueur, arrondi et creusé en demi-gouttière et terminé en cul-de-sac, de fortes pinces à dissé-quer, des ciseaux droits et courbes sur le plat; un porte-mèche et plusieurs mèches épaisses et longues; enfin, comme dans toutes les opérations où des hémorrhagies profondes sont à craindre, on doit avoir des boulettes de charpie , des aiguilles et des fils à ligatures et faire disposer et tenir prêts plusieurs cautères. Les objets propres au pansement, des plumasseaux, plusieurs com-presses carrées et longuettes et un bandage en T, complètent l'ap-pareil.
Situation du malade. On fait coucher le malade près du bord de son lit, en position demi fléchie, sur le côté du corps qui cor-respond à la fistule, mais de préférence sur le côté gauche si elle est en avant ou en arrière de l'anus, aussi bien que si elle est à gauche. Le ventre est appuyé sur un traversin qui soulève un peu le bassin; la cuisse de dessus est fléchie, celle de dessous étendue. Un aide fixe les membres thoraciques et la tête un peu déclive et demi fléchie sur la poitrine. Un second aide, placé devant l'o-pérateur, écarte les fesses et fixe le bassin ; un troisième contient les mouvemens des jambes , et un quatrième est chargé de l'ap-pareil instrumental.
Manuel opératoire.
Il existe deux procédés opératoires un peu différens qui trou-vent chacun son application suivant que le trajet et l'orifice in-terne de la fistule s'éloignent peu de l'orifice de l'anus ou, au contraire, qu'ils remontent profondément. Cette distinction sup-pose que la forme et l'étendue des clapiers fistuleux ont déjà été reconnus avec le stylet, suivant les préceptes que nous avons éta-blis plus haut, et qu'il ne reste plus qu'à opérer.
i° Fistule complète sous-cutanée (Pl. 44 fig- 2). Dès que le bouton du stylet, ayant rencontré l'orifice rectal delà fistule, a été reçu par la pulpe du doigt indicateur demeuré dans le rec-tum, il faut substituer immédiatement au stylet la sonde canne-lée en argent. Mais dans cette manœuvre, au lieu de retirer d'a-bord le stylet pour introduire ensuite la sonde, ce qui occasion-nerait des lenteurs pour rentrer dans le trajet fistuleux et expose-rait à faire fausse route, le chirurgien n'ayant que la main droite de libre, fera mieux de confier à un aide le stylet dont le bouton ne doit point quitter au-dedans son doigt indicateur, et côtoie la tige du stylet comme un conducteur pour insinuer la sonde. Dès que le doigt l'a sentie dans le rectum, il en accroche le bec, le courbe en bas vers l'anus et, en même temps, la main droite continuant à faire glisser la tige de l'instrument, l'index gauche en fait sortir l'extrémité au dehors de l'anus. Saisissant alors le pavillon de la sonde avec la main gauche, le bistouri, tenu de la main droite, est glissé dans la cannelure de l'instrument, le tran-chant en dehors, et opère d'un seul coup la section des parties contenues dans l'anse de la soude, la peau, l'intestin et le bord musculaire de l'anus.
2° Fistule complète profonde (Pl. 44 fig- 3). Quand l'orifice rectal de la fistule est situé assez haut pour que l'indicateur ne puisse facilement ramener le bec de la sonde, la manœuvre et les instrumens s'en trouvent modifiés. Au doigt indicateur, il faut substituer le gorgeret en bois (Pl. 44, n° 3), et à la sonde d'ar-gent flexible, celle en acier plus forte et à bec pointu , employée par Boyer et M. Roux. Le gorgeret huilé étant introduit dans le
rectum à la profondeur convenable, sa cannelure tournée vers la fistule, et la sonde étant glissée jusqu'à la partie supérieure du foyer : on met en rapport les deux instrumens; le bec de la sonde lors même qu'il ne correspond pas précisément à l'orifice de l'in-testin, par un léger mouvement de pression en va et vient, tra-verse sa paroi et se loge dans la gouttière dugorgeret. Le chirur-gien, saisissant les deux instrumens, s'assure d'abord, en les faisant jouer l'un sur l'autre, qu'ils sont bien réellement au contact. Cette précaution prise, confiant le gorgeret à un aide qui le tient ferme et l'incline vers la fesse opposée, l'opérateur avec la main gauche s'empare du pavillon de la sonde qu'il écarte en sens op-posé, pour tendre les chairs à inciser, en ouvrant, l'angle compris entre les deux inslrumens; puis de la main droite il fait glisser dans la cannelure de la sonde un long bistouri droit à pointe fortequ'il offre d'abord couché parallèlement avec la tige conductrice et qu'il insinue du premier coup jusqu'au gorgeret. Relevant alors le bistouri pour couper plus tôt en sciant qu^en pressant, en même temps qu'il le retire, il divise toute l'épaisseur des chairs com-prises entre les deux instrumens, de manière à convertir en une seule cavité le trajet fistuleux et le rectum. Pour s'assurer que l'on n'a laissé aucune bride charnue dans la plaie, on retire ensemble la sonde et le gorgeret appuyant l'un sur l'autre et maintenus dans leurs rapports; si quelque pont charnu fait obstacle, on l'in-cise de nouveau. Quand la fistule est très profonde il arrive aussi que l'on est forcé de reporter deux ou trois fois le bistouri dans la plaie. Enfin la sortie au dehors delà sonde et du gorgeret, qui n'ont pas cessé d'arcbouter l'un contre l'autre, prouve qu'il ne reste plus rien à inciser sur le trajet qu'ils ont parcouru.
L'incision principale étant effectuée, l'opération, néanmoins, n'est pas encore terminée. D'abord, en tout état de cause, il faut aviver le bord opposé de l'orifice Cutané, et pour cela, inciser ou du moins scarifier légèrement le trajet en dehors dans toute sa longueur en prolongeant l'incision de la peau sur la fesse de 2 à 3 centimètres au-delà de l'orifice cutané de la fistule. Si les tégumens sont décollés, amincis et violacés dans une cer-taine étendue, comme il serait douteux qu'on pût en obtenir la cicatrisation et que, en tout cas, ils donneraient lieu à de longues suppurations qui épuiseraient inutilement le malade et pourraient devenir une nouvelle cause de fistule, mieux vaut les fendre par des incisions en croix ou enT, suivant la forme et l'étendue de la portion décollée, et en exciser les lambeaux de la surface vers la profondeur. Enfin, reste encore, pour assurer laguérison, à pratiquer l'avivement des clapiers et des embranchemens fistu-leux devenus accessibles au travers de la vaste embouchure de la plaie. Faisant donc écarter ses bords , le chirurgien sonde avec l'indicateur gauche les clapiers purulens, et le bistouri glisse sur çe doigt seul, ou mieux sur un bistouri boutonné dont il se sert pour diviser les brides et les colonnes charnues et scarifier les culs-de-sacs. Il est prudent aussi de revoir l'angle supérieur de la plaie et de s'assurer s'il n'existe pas encore au-dessus un dé-collement de l'intestin ou si l'on ne rencontrerait pas à quelque distance l'orifice rectal de la fistule, dans le cas où ils ne l'au-rait pas reconnu d'abord, un autre orifice qui prolongerait la fistule. Dans l'un et l'autre cas, il faut avec le bistouri à pointe ou avec des ciseaux droits, prolonger l'incision un peu au-delà du décollement ou de l'ulcération intestinale. Enfin s'il existe des fongosités sur les parois des foyers purulens, on doit en pratiquer l'excision avec le bistouri ou les ciseaux courbes sur le plat.
Telle est dans son ensemble l'opération de la fistule à l'anus
t. vii.
réputée simple, pourvu qu'il n'existe qu'une seule fistule, malgré ses complications et la réitération des manœuvres opératoires qu'elle nécessite quand son trajet offre plusieurs embranche-mens. S'il existe deux fistules, la conduite à tenir est différente suivant cpie leurs trajets s'avoisinent ou qu'ils se maintiennent à-peu-près sur deux côtés opposés de l'intestin. Dans le premier cas , on peut, à l'exemple de M. Jobert, réunir en une seule les deux fistules en pratiquant l'incision principale suivant le trajet de celle qui est la plus considérable et y faisant rejoindre l'autre par la section de la cloison qui les sépare , mais avec le soin d'en scarifier les orifices. Dans le cas au contraire où les fistules trop éloignées ne peuvent être confondues en une seule plaie, il y a lieu de pratiquer deux opérations.
Enfin une dernière observation a rapport aux fistules anté-rieures ou situées sur le plan moyen, en avant de l'orifice anal. Il faut prendre garde ici d'inciser trop profondément, dans la crainte de blesser la prostate ou Ja vessie. H est dangereux aussi de remonter trop haut, à cause des filtrations de pus ou de liqui-des stercoraux, dans le tissu celluleuxet vasculaire, intermédiaire du rectum à la vessie ou au vagin ; quand une issue est ouverte dans le plancher musculo-fibreux du périnée, les mêmes motifs imposent également d'être très circonspect à exciser.
3° Fistules incomplètes. A. Fistule borgne externe. Nous avons vu déjà que la certitude de cette variété de fistule sur un trajet donné n'était pas suffisamment prouvée par cela seul que l'on n'aurait pas réussi à trouver un orifice rectal qui peut exister néanmoins et avoir échappé aux recherches du chirurgien. Mais après avoir admis que, par erreur de diagnostic, on a pu traiter fréquemment en qualité de fistules borgnes externes des fistules évritablement complètes, disons, toutefois, que cette erreur n'a pas, en général, à la pratique, une importance aussi grande qu'on le croyait du temps de l'Académie de chirurgie. Sans doute il n'est pas aussi indifférent que le professe M. Roux, que l'orifice interne fasse partie de l'incision, et, autant qu'on le peut il faut tâcher de reconnaître cet orifice pour diriger dessus l'in-cision , puisque dans quelques cas l'observation de cette règle a suffi pour amener la récidive de la fistule, comme MM. Velpeau et Jacquier en ont cité des exemples. Mais ces cas sont rares; et si, enfin , on ne peut trouver d'orifice interne, lors même que les symptômes caractéristiques prouveraient qu'il en existe un , le précepte est de passer outre et d'opérer , puisque , aussi bien , dans la plupart des cas de ce genre, l'opération a été suivie de succès pourvu que l'on ait eu le soin , après l'incision principale, de diviser dans toute sa hauteur la portion d'intestin décollée.
Quant au manuel opératoire de la fistule borgne externe ou supposée telle, il ne diffère de celui de la précédente qu'en ce que la sonde ne pouvant pénétrer dans l'intestin ; il faut en traverser la paroi avec la sonde d'acier ou le bistouri dont la pointe est reçue dans la cannelure dugorgeret. Passé cela, l'opération est la même.
IL Fistule borgne interne. Cette variété est assez rare, la fis-tule qui a commencé par le rectum tendant en général à se frayer un orifice à la peau et par conséquent à se transformer en fistule complète. Pour l'opérer, son orifice interne étant reconnu, on y engage le bec d'une sonde d'argent , recourbé en crochet, et faisant basculer l'instrument , on s'assure au toucher à quel point de la marge de l'anus doit arriver l'in-cision cutanée. Un bistouri droit ou concave étant introduit
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dans la cannelure de la sonde, permet de pratiquer la section dans l'étendue que l'on juge convenable. A moins que le foyer n'ait déjà aminci et décollé la peau, on peut se dispenser d'inciser en totalité le sphincter anal.
Jlèmorrliagie. Il est rare que cet accident soit assez grave pour inspirer des craintes après l'opération delà fistule à l'anus. Si une petite artère a été lésée on peut toujours ou la lier ou la tordre, ou il suffit d'y appliquer quelques boulettes de charpie imbibées d'une solution styptique pour suspendre le cours du sang, qui, du reste, tend à s'arrêter delui-même. Mais ce sont les hémorrha-gies veineuses qui sont le plus à craindre lorsque l'incision a porté au travers d'un peloton de veines variqueuses chez les su-jets affectés d'hémorrhoïdes. Les moyens d'y remédier sont le tamponnement et le cautère actuel dont il sera parlé à propos des tumeurs hémorrhoïdales.
Pansement. De tout temps la majorité des chirurgiens fran-çais ont pensé que, pour que la guérison soit assurée, il faut que la cicatrisation procède régulièrement du fond de la plaie vers le rectum. C'est pour se conformer à cette règle que l'usage s'est établi de maintenir écartées les lèvres de la plaie par l'interposi-tion d'une toile de charpie, comme on l'a pratiqué depuis après l'opération de la fissure à l'anus. Dans le siècle dernier , Pouteau avait réclamé contre cette pratique , affirmant, d'après son expé-rience personnelle, que la plaie guérit mieux et plus vite aban-donnée à elle-même qu'avec l'intermédiaire d'un corps étranger qui cause une irritation nuisible. Sabatier, d'abord , puis Boyer, ont rappelé la question à son principe en prouvant par des faits que si les bords de la division ne sont pas maintenus écartés, il peut arriver que la cicatrisation commence par la peau, auquel cas la fistule se reproduit, l'agglutination étant plus lente à s'o-pérer par le fond qui a besoin de quelques jours pour se déterger. Les chirurgiens anglais, en théorie, se sont rangés unanimement à l'opinion de Pouteau; toutefois ils s'en écartent à la pratique, puisqu'ils interposent entre les bords de la plaie un linge effilé ou un mince plumasseau de charpie. Cette concession tranche la dif-ficulté. Sans doute il n'est pas bon de loger entre les lèvres delà plaie une énorme tente de charpie qui en contond les bords, mais il convient aussi de les empêcher de se recoller immédiatement de la surface vers la profondeur. Les chirurgiens français s'accor-dent donc aujourd'hui à placer entre les bords de la plaie une tente de volume médiocre, et quelques-uns même une simple bandelette ou mieux un linge fenêtre qui remonte dans le rectum un peu au-dessus de l'incision. Pour le premier appareil, on re-couvre la plaie d'une masse de charpie brute destinée d'abord à absorber les liquides. On applique par-dessus des plumasseaux maintenus par des compresses, et on fixe le tout par un bandage en T. Après les premiers jours on panse à plat. La tente est main-tenue à demeure pendant les dix à quinze premiers jours en l'en-fonçant de moins en moins à mesure que le fond de la plaie se dé-terge, et enfin on la retire tout-à-fait lorsque l'adhérence des pa-rois des anciens foyers paraissant assez avancée, rien ne s'oppose plus à ce qu'on laisse la plaie se fermer entièrement vers la surface muqueuse et cutanée.
CORPS ÉTRANGERS.
Les corps étrangers que l'on peut être appelé à extraire du rectum sont si variables de nature, de forme et de volume, qu'il est impossible de tracera cet égard aucune règle fixe, le chirur-gien, d'après les conditions qui se présentent, devant s'inspirer lui-même pour la conduite à tenir dans chaque cas particulier.
Il est rare, en effet, qu'un corps étranger se trouve logé dans le rectum par l'effet d'un simple accident. Les seuls corps de ce genre, et qui n'offrent jamais un très grand volume , ne peuvent être que des calculs stercoraux ou biliaires, des égagropiles, des masses de détritus végétaux, noyaux, pépins deraisin, enveloppes non digestibles de différens fruits ou légumes arrondis en boule et liés par du mucus desséché, ou enfin des matières fécales durcies après une longue constipation. Enfin, à moins d'accident trau-matique, une canule échappée de sa seringue est à-peu-près le seul corps qui puisse naturellement être introduit du dehors.
Maisà côté de ces faits qui sont dans l'ordrenaturel des choses, les annales de l'art fourmillent défaits tous différens, ou par suite de violences criminelles de la part d'autrui ou d'une inconceva-ble aberration d'esprit de la part du patient, des corps étrangers de la nature la plus extraordinaire se sont trouvés logés dans le rectum : un pot à confiture (Desault), une tasse à café (Buzzoni, Manunta), un pilon (M. Dor), une fourche en bois (M. Thiaudière).
Les moyens employés par tous les chirurgiens pour l'extrac-tion des corps étrangers du rectum, sont, en général, ceux qui se présenteraient à l'esprit de tout homme sensé dans chaque cas déterminé. Les doigts et le pouce, quand on peut les introduire et que le corps étranger n'est pas d'un trop grand volume, sont assurément le moyen le plus sûr. A défaut de la main du chirur-gien, toujours trop volumineuse , on a conseillé de recourir à la main d'une sage-femme, et Nollet rapporte un fait où une fiole introduite au-dessus du sphincter, fut retirée par la main d'un jeune enfant, apparemment très intelligent. Mais les cas de cette nature où l'on peut se faire suppléer sans crainte de timidité ou de maladresse, sont et doivent demeurer exceptionnels. En géné-ral, le chirurgien ne doit compter que sur lui-même. Ainsi donc où les doigts font défaut il doit se servir d'instrumens. Si le corps étranger n'est pas très volumineux ou d'une forme trop irrégu-lière, on peut ordinairement l'extraire avec une vrille , un tire-fonds, de fortes pinces ou des tenettes que l'on guide avec les doigts comme pour charger un calcul dans la vessie. Si, au con-traire, le corps est d'un volume considérable et très irrégulier, et surtout s'il est enclavé ou fiché de manière à faire craindre de blesser l'intestin en exerçant dessus des tractions, mieux vaut essayer de le diviser d'une manière quelconque suivant sa nature : en le coupant avec une scie étroite, s'il en est bois*, avec la lime ou la cisaille s'il est en métal ; en le brisant par un choc avec une tige de fer ou le broyant avec un lithotribe, s'il est fragile comme un petit vase de porcelaine ou de faïence; mais nous n'oserions pas donner le même conseil pour un vase de verre dont les nom-breux fragmens anguleux pourraient occasionner des lésions graves.
Au reste, les faits consignés dans la science viennent ici confir-mer les préceptes que nous en avons empruntés. Des calculs in-testinaux ont été retirés du rectum en entier avec un petitforceps, par Schmuclœr, et après les avoir brisés avec des pinces, par Chambon et M. Miller. Un forceps aussi à servi à M. Cumano pour enlever une fiole, et à M. Dor pour un pilon dans le cas que nous avons cité plus haut. Le même chirurgien a pu extraire une autre fiole avec la pince de Hunter, C'est en ore à l'aide de deux fortes pinces que Desault est parvenu à dégager le pot à con-fitures, mais il nous semble que de le briser aurait rendu l'extrac-tion plus facile. D'un autre côté, M. Manunta a broyé une tasse
à café .avec un instrument lithotriteur. Enfin, il esl tel cas bizarre où le chirurgien n'a de ressources que dans sa présence d'esprit. Sous ce rapport, l'histoire a gardé le souvenir de cette queue de cochon à poils ras, introduite par la grosse extrémité dans le rectum d'une courtisane, et que Marcheltis eut l'heureuse idée de retirer avec une corde qu'il y avait fixée d'abord au travers d'une canule de roseau, puis faisant remonter cette canule en sens inverse pour rabattre en haut les poils qui, auparavant, se fichaient dans la muqueuse de l'intestin.
Si en dernier lieu tous les moyens échouent par le fait de l'étroitesse de l'anus, c'est le cas d'avoir recours aux débride-mensdes sphincters avec le bistouri porté au travers d'un spécu-lum pour le sphincter rectal. Mais nous ne croyons pas devoir con-seiller le débridement sur l'intestin lui-même. Une fois la surface du corps étranger devenue accessible, il nous semble toujours possible d'agir sur ce corps lui-même, qu'il devient alors facile de morceler,
RÉTRÉCISSEMENT DE L'ANUS ET DU RECTUM.
Le rétrécissement de l'anus et du rectum est congénial ou acquis. Le premier est un vice de conformation consistant dans une cloison de nature fibro-muqueuse tendue en travers , ordi-nairement à la hauteur ou un peu au-dessus du sphincter rectal, comme l'a signalé le premier M. Houston. C'est en un mot la même affection que l'imperforation membraneuse de l'anus, mais seulement incomplète et s'offrant à des degrés différens , tantôt sous la forme d'un diaphragme percé à son centre d'un trou plus ou moins large, tantôt en croissant ou en lame de faux sur l'un des côtés de l'intestin. L'excision ici est indiquée comme pour l'imperforation complète, et nous n'avons point à y revenir.
Le rétrécissement acquis succède aux hémorrhoïdes , aux reç-ûtes, aux indurations et en général à toutes les maladies chroni-ques du rectum et aux cicatrices des opérations qui ont eu pour objet de les guérir; et ses conséquences sont de rendre de jour en jour plus difficile et à la fin impossible l'acte de la déféca-tion. Par ce seul fait et en raison de l'irritation journalière et presque continuelle qu'il entraîne, aucune maladie n'est plus fâcheuse, et, il faut l'avouer, ne présente moins de chance de guérison assurée. Les coarctations du rectum sont traitées par quatre méthodes opératoires , la dilatation, la cautérisation , l'incision et l'excision que l'on emploie, suivant les cas, seules ou combinées les unes avec les autres.
Dilatation. C'est le moyen le plus simple, le plus sûr et le moins offensif. C'est aussi le plus efficace; mais les effets n'en sont cpie temporaires. La dilatation peut s'employer comme moyen eu rat if dans les affections de tout genre, et comme moyen palliatif pour les plus graves, même le squirrhe et le can-cer. Avec des ménagemens et à l'aide de divers mécanismes, on est parvenu dans ces derniers temps à en étendre avec plus ou moins de succès les effets à toute la hauteur du rectum.
Quand la coarctation ne remonte pas au-delà de 3 à 6 ou 8 centimètres, il suffit des moyens de dilatation, les plus simples , des tentes de charpie introduites avec un porte-mè-che , des chemises de linge que l'on convertit en un tampon en les remplissant de charpie, ou mieux encore d'une chemise sem-blable nouée à l'extrémité d'une canule d'un gros volume qui peut donner passage aux matières fécales amollies par des lave-mens et telles en un mot qu'on les emploie pour la compression excentrique dans les cas d'hémorrhagie intérieure (pl. /iG, fig. i). Mais lorsque le rétrécissement s'étend ou qu'il est situé à une grande hauteur, il est indispensable d'avoir recours à divers moyens mécaniques imaginés dans ces derniers temps et qui constituent autant de procédés.
Procédé de M. Bermond. L'instrument se compose de deux canules engaînées l'une dans l'autre et longues d'environ 18 à 20 centimètres (6 à 7 pouces) pour pouvoir être insinuées assez haut dans le rectum.
La canule interne lisse est terminée en cul-de-sac à son extré-mité rectale et s'engrène par un éperon avec la canule externe. Celle-ci, ouverte à ses deux extrémités, de 12 a 16 millimètres ( 6 à 7 lignes ) de calibre, est creusée au dehors, à diverses hau-teurs, de gouttières circulaires destinées à y nouer le bord ren-trant d'un linge ou d'une chemise. L'appareil étant introduit en entier dans le rectum, avec de longues pinces ou un porte-mèche, on charge de petites boulettes de charpie , et on dilate la chemise en un tampon au niveau du cercle de rétrécissement, en augmentant le volume en regard des points qu'il s'agit de dé-primer. Pour faire aller le malade à la selle, on enlève la canule interne; l'externe fixée à l'extérieur sert de passage à l'injec-tion, d'abord, puis aux matières fécales, après avoir laissé le liquide séjourner un temps assez long pour qu'elles puissent être délayées, au moins en majeure partie. La canule interne, qui sert de bouchon, est successivement enlevée et remise en place à deux fois , suivant qu'il s'agit d'ouvrir ou de fermer le passage par la canule externe.
Tel qu'il est, le procédé de M. Bermond, comme tous ceux du même genre qui ont pour effet de déterminer une compression excentrique, est également applicable et à la dilatation et aux bémorrbagies dans l'intérieur du rectum. Son inconvénient est, pour la défécation, le volume trop petit de la canule de dégage-ment. Il est évident que les matières arrondies ne pourront y passer, et qu'après quelques jours il faudra pour les chasser et les atténuer suffisamment, avoir recours à un léger purgatif ou même enlever provisoirement l'appareil si le progrès de la dilata-tion le permet.
Procédé de M. Costaltat. La base de son instrument est en-core une chemise ou un sac introduit avec un stylet boutonné et que l'on guide avec une sonde de gomme élastique jusque sur le lieu du rétrécissement. On en charge ensuite l'intérieur avec des fils de coton portés à l'extrémité d'un long stylet fourchu ou porte-mèche. L'auteur assure avoir employé ce moyen avec succès chez plusieurs malades. M. Velpeau a eu l'occasion de constaterla récidive de la maladie chez une femme cpii avait éprouvé une amélioration de ce mode de traitement.il n'y a aucune observation à faire à ce sujet ; il est évident que toutes les fois qu'il y a une altération quelconque des tissus, la dilatation, de quelque manière qu'on l'emploie, ne peut jamais produire qu'un effet palliatif.
Procédé de l'auteur. Ce n'est que comme mention que nous avons indiqué un autre appareil également destiné à vaincre les coarctations de la partie moyenne ou de l'extrémité supérieure du rectum. 11 est inutile d'insister sur ces détails qui sont suffi-samment exprimés dans la planche l\ (fig. 2 et 2 bis ).
Cautérisation. On ne peut non plus qu'indiquer cette mé-thode opératoire. En théorie on conçoit bien que les caustiques
aient être employés avec avantage pour déprimer et modi-fier certaines indurations du rectum, et en particulier, comme le fait observer M. Velpeau, on ne voit pas pourquoi le nitrate nt passé rapidement sur une surface, à l'extrémité d'une n'aurait pas, dans les cas d'inflammation chronique de la ma-(¡neuse rectale, les mêmes bons effets qu'on en obtient journelle-menl dans les rétrécissemens de l'urètre. Ce résultat même est d'autant plus probable , que M. Lallemand, de Montpellier, aap-pliqné avec succès, dans ces dernières années, le même mode de traitement au catarrhe chronique de la vessie. Enfin divers essais de cautérisation sur le rectum tentés par MM. Amussat , Syiue , Duplat et quelques autres, sont de nature à encourager les chirurgiens à faire de nouvelles tentatives dans cette direction. l'est donc un sujet sur lequel on n'a encore que des espéran-el qui, par conséquent, ne permet encore d'asseoir aucun jugement.
Incision, excision. L'incision des parois du rectum, affecté de rétrécissement, est l'un des moyens le plus anciennement em-Wiseman s'en est servi trois fois sur le même malade, avec Un succès temporaire à chaque fois. Ford et MM. Copeland et Duplat ont réussi, par ce moyen, à obtenir chacun une guéri-son définitive. L'incision n'est applicable qu'autant que le ré-trécissement est borné à une zone étroite, et situé assez bas pour que le doigt indicateur puisse y atteindre. Sur ce doigt on glisse à plat un bistouri droit boutonné jusque sur le point rétréci. On en tourne ensuite le tranchant vers la muqueuse et on pratique sivement, à de petites distances, une série de scarifications ou de débridemens rayonnes, superficiels, en prenant bien garde pas intéresser toute l'épaisseur de la paroi intestinale. Le «votóme de Desar.it ( pl. 44 j n° 4\ ouvert seulement à demi-seur de lame, peut remplacer avec avantage le bistouri. ¦ ion ici n'est qu'un temps secondaire, dans le cas où il idrait d'enlever quelque petite excroissance; une fois l'opé-i pratiquée, pour empêcher la coarctation de se reproduire, il faut faire cicatriser l'intestin sur un appareil delà dilatation.
HÉMORRHAGIES.
Cet accident est commun à toutes les opérations qui se prati-dans le rectum. C'est l'un des plus à redouter après les excisions de tumeurs sanguines, fongus, tumeurs érectiles, hé-morrhoïdes, etc. Deux méthodes principales y sont appliquées, le tamponnement et la cautérisation.
T \ iiPONNEMENT. Quel que soit le procédé de ce genre auquel on ait recours, comme la compression qu'il détermine sur le col de •sic, doit gêner l'éjection de l'urine , avant de commencer le tai iponnement, il est bon d'introduire préalablement et de fixer ;i demeure une sonde de gomme élastique dans la vessie.
i° Procède de M. Boyer. Façonner, avec delà charpie à longs q tampon volumineux, cylindrique et allongé, pas trop cte, circonscrit et fixé, à son extrémité supérieure ou intes-tinale, par deux fortes ligatures en croix, formées de deux rubans de fil ciré; puis nouer fortement les deux ligatures sur mité inférieure ou anale du tampon, de manière aie ra-ftle refouler un peu sur lui-même, mais pourtant sans trop l'aplatir, ce qui en rendrait l'introduction difficile s'il était trop large en travers ; enfin rouler les deux cordons de chaque
ligature en un seul, de manière à n'avoir plus que deux chefs qu'on laisse provisoirement pendre en dehors de l'anus. Cette portion essentielle de l'appareil étant disposée, on fait faire au malade quelques efforts d'expulsion pour évacuer le sang épanché dans le rectum; on enduit de cérat les bords de l'anus et de l'intestin d'une part, et de l'autre la surface du tampon, pour en faciliter le glissement; puis saisissant celui-ci avec une forte pince à anneaux, ou mieux une pince droite à polypes ou des tenettes, on le fait glisser avec douceur et ménagement le plus haut possible ou du moins jusqu'au-dessus delà surface d'où pleut le sang; ce dont au reste , il faut s'assurer en abstergeant, et, si c'est possible, par l'examen direct. Au reste, en précepte général, mieux vaut re-monter plus haut qu'il h est nécessaire, que de risquer, en restant, sur le lieu précis de l'hémorrhagie, que le sang ne puisse passer dans l'intestin au-dessus du tampon. Les choses étant en cet état, au-dessous du disque formé par le tampon d'arrêt, on remplit, entre les deux chefs de la ligature, la cavité de l'intestin, avec des bourdonnets de charpie liés , que l'on presse et que l'on re-foule de manière à dilater l'intestin et à en comprimer les parois de dedans en dehors. Appliquant alors sur l'anus un gros rouleau de. charpie quiremplit le sillon des fesses et dont on égalise la surface en y mettant un petit linge , en même temps que d'une main on presse de dehors en dedans sur cette masse, pour la refouler vers l'intestin, de l'autre main on tire fortement sur les deux chefs de la ligature de dedans en dehors ou de haut en bas de manière à resserrer tout l'appareil sur lui-même et à le dilater en largeur pour en former un disque compressif; puis on noue fortement les deux chefs de la ligature sur le linge et le rouleau de charpie extérieurs. Des compresses pliées et un bandage en T double, dont on serre fortement les deux chefs inférieurs, complètent l'appareil.
Le procédé de tamponnement de Boyer est celui qui produit la compression la plus forte, et par cela même c'est le plus sur dans les cas dangereux, mais c'est aussi le plus douloureux. Lorsque le malade n'est point encore assez affaibli pour donner des craintes sérieuses, on peut faire usage de la chemise de linge bourrée de charpie, décrite avec la fistule à l'anus, de la vessie employée de la même manière par Levret, ou mieux de l'autre procédé que nous avons figuré en détail (pl. 403, fig. i) où la chemise de linge est fixée sur une canule centrale dont l'orifice intestinal, comme dans le procédé de M. Bermond, peut donner issue aux gaz et aux matières stercorales amollies, mais surtout, ce qui est plus important en cas d'hémorrhagie, avertit s'il s'épan-che ou non, du sang dans l'intestin , après le tamponnement. L'orifice externe maintenu habituellement, fermé par un bou-chon , est garni d'un pavillon avec des trous pour le passage de rubans qui servent à le maintenir et l'attacher en dehors sur l'appareil.
L'appareil du tamponnement une fois posé doit être laissé, en place quatre ou cinq jours pour être assuré que l'hémorrhagie ne reviendra pas immédiatement lorsque son enlèvement fera cesser la compression. Mais deux genres d'accidens peuvent se présenter, qui forcent de défaire tout l'appareil. i° La continua-tion de l'hémorrhagie lorsque la compression est insuffisante ou n'a pas porté assez exactement sur le point d'où vient le sang. C'est ici que se montre la supériorité de l'appareil à canule sur le tampon plein de Boyer. Dans ce dernier cas, en effet, ce n'est que par les signes généraux, la pâleur, l'affaiblissement ou les lypothymies, le ballonnement du ventre, etc., que l'hémorrhagie peut être reconnue, c'est-à-dire, après un temps relativement
considérable, et lorsqu'un mal très grave et peut-être irréparable, l'accident même qu'il s'agissait de prévenir, est déjà accompli. Au lieu de cela, la canule permet de s'assurer à chaque instant, sans toucher en rien à l'appareil, s'il existe ou non du sang dans le rectum. Que s'il est vrai, comme on le dit, que la compres-sion n'en soit, généralement pas aussi efficace, la traction succes-sive de la chemise au dehors sur chaque point du contour, pen-dant (pie l'on refoule au dedans la charpie en regard du même point, ne pouvant équivaloir à la rétraction brusque de la masse sur elle-même produite par les ligatures dans l'autre procédé, rien n'empêche, il nous semble, d'appliquer ce moyen à la canule, c'est-à-dire, de donner au tampon de Boyer, pour noyau central et fixe, la canule dont le colle, supérieur fixerait au dedans la ligature en croix , et dont le pavillon servirait également de point fixe au dehors. Avec cette modification rien ne serait plus solide et n'offrirait plus de garantie que cet appareil pour obvier à l'un des accidens les plus formidables et les plus insi-dieux que le chirurgien ait à redouter , puisqu'il est souvent trop tard lorsqu'il le reconnaît, a0 Nécessité d'aller à la garde-robe. C'est un besoin naturel d'aller à la garde-robe , au moins après deux ou trois jours ; par le fait de la compression , ce be-soin est augmenté chez les malades au point d'être souvent into-lérable, et pourtant la sécurité du malade exige impérieusement que l'appareil ne soit point enlevé pendant plusieurs jours. Quoi de plus commode à cet égard cpie l'appareil à canule qui permet de laisser dégager les gaz, de donner de petits lavemens coup sur coup et d'attendre pour évacuer les matières qu'elles aient été converties en bouillie; enfin qui permet, par ses avantages mêmes, de laisser l'appareil en place aussi long-temps que, dans les cas de plaie, la suppuration n'en prescrit pas l'enlèvement. Tant d'avantages si précieux montrent la nécessité de modifier à cet égard, comme nous venons de l'indiquer plus haut, les pro-cédés jusqu'à présent mis en usage. Ainsi le tamponnement qui est déjà la méthode la moins offensive, est celle aussi qui devien-drait la plus efficace. Resteraient les douleurs qui à la vérité sont très vives, mais que l'on sait aussi n'appartenir qu'aux premiè-res heures et qui se calment d'elles-mêmes quand on n'est point obligé de toucher à l'appareil.
Enfin , quant aux chances possibles des accidens consécutifs les plus graves, les phlébites, les filtrations purulentes et les gan-grènes stercorales, qui rendent si graves les opérations sur le rectum, si par cette méthode on ne peut absolument les pré-venir, du moins on les rend un peu moins probables.
Cautérisation. Cette méthode successivement reprise et aban-donnée à diverses époques , a repris entre les mains de Dupuy tren une célébrité nouvelle. Redoutant les douleurs excessives, la récidive de l'hémorrhagie intérieure et les autres accidens de la compression , le chirurgien de l'Hôtel-Dieu avait érigé en mé-thode usuelle et presque unique l'application du fer rouge. Le cautère est porté rapidement sur les points des plaies qui four-nissent du sang de manière à ne faire qu'en effleurer la surface, Diverses sortes de spéculum ou de canules fenètrées servent au besoin de canules isolantes pour diriger la tige du cautère. L'o-pération terminée, une simple mèche , de volume médiocre, est laissée dans l'anus. On la retire de temps à autre et l'on étudie avec soin les signes généraux et locaux pour s'assurer qu'il ne vient plus de sang. Ainsi pratiquée, la cautérisation offre des avantages réels. Si la douleur est d'abord très vive, du inoins elle s'éteint brusquement; le rectum , la vessie , et, en général ,
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toutes les parties voisines ne sont ni tiraillées ni distendues; la réaction inflammatoire est peu intense et l'on a inoins à craindre les accidens consécutifs.
Suture. Procédé de M. Felpeau. Ce chirurgien , dans tous les cas d'excision de tumeurs sanguines, a eu l'idée, pour prévenir l'hémorrhagie, les phlébites et les autres accidens consécutifs, de réunir les plaies par première intention au moyen de la suture. La manœuvre est des plus simples et sera décrite plus loin à pro pos des excisions de tumeurs hémorrhoïdales.
HÉMORRHOIDES.
Les hémorrhoïdes, si communes parmi les personnes cpii mè-nent une vie sédentaire , sont au nombre des sujets qui ont le plus fixé l'attention des médecins et des chirurgiens de tous les temps. Dans le principe, elles ne consistent que dans un engorge-ment plus ou moins périodique du plexus veineux de la partie inférieure du rectum ou plexus hémorrhoïdal, qui apparaît vers l'âge adulte, lorsque le sujet a acquis tout son développement. Après quelques congestions qui ne causent que delà douleuret se dissipent d'elles-mêmes, elles fournissent du sang pendant les efforts que fait le malade dans l'acte de la défécation. Le même phénomène se maintient un temps plus ou moins long , puis le, sang se supprime de lui-même. Jusque-là les engorgemens hé-morrhoïdaux ne sont que salutaires et représentent comme une sorte de soupape de sûreté qui laisse dégager le trop-plein de la circulation dans le cas de pléthore. Telle est l'influence de cette bémorrhagie périodique qu'elle est presque inévitable avec un certain régime et une constitution déterminés, au point qu'elle constitue uneinfirmitéhéréditaire dans beaucoup de familles.Avec une suite d'années, les choses se compliquent; par suite del'engor-gement habituel des vaisseaux hémorrhoïdaux, des constipations qui en résultent et de la réaction de ces deux effets l'un sur l'au-tre , il se développe à la surface de la membrane muqueuse des végétations qui se transforment en tumeurs et bourrelets hémor-rhoïdaux. La structure de ces tumeurs n'est pas encore bien con-nue. La plupart des pathologistes les considèrent comme des es-pèces de tumeurs érectiles. C'est autour de cette idée que tournent toutes les opinions secondaires , soit la station du sang dans des vacuoles cellulaires après la rupture des veines anales ( Ribes) ; la transformation d'un caillot de sang en vaisseaux ( Abernethy ) ; une hypertrophie de plexus veineux admis par plusieurs autres , etc. A l'œil nu les tumeurs hémorrhoïdales semblent formées par un tissu fibreux et vasculaire plein ou renfermant une cavité remplie de sang noir. 11 serait à désirer qu'on les soumît à l'état d'injection à un examen microscopique qui lèverait tous les dou-tes sur leur structure. Au reste , d'abord limitées au pourtour de l'anus, les tumeurs hémorrhoïdales remontent peu-à-peu dans le rectum, de là leur distinction en externes et internes. Par elles-mêmes ces tumeurs et la membrane muqueuse à leur base sont la source d'hémorrhagies quotidiennes, parfois assez abon-dantes pour donner de graves inquiétudes. Mais en outre , à me-sure qu'elles se développent, ces tumeurs augmentent la constipa-tion habituelle , et font déplus obstacle au passage des matières fécales , de telle sorte que, même à l'aide de lavemens émolliens quotidiens, pris long-temps à l'avance, les malades ne peuvent aller à la selle qu'avec d'atroces douleurs et rendent des matières amollies, mêlées d'une plus ou moins grande quantité de sang. Les phénomènes, au reste, ne sont pas invariablement les nié
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mes. Certains malades arrivent jusqu'à la vieillesse avec des tu-meurs liémorrhoïdales, sauf quelques accidens passagers et périodiques qui cèdent à l'usage de diverses pommades adoucis-santes et opiacées , aux cataplasmes de cerfeuil pilé, aux lotions, aux bains et surtout aux lavemens froids, à la diète et. à l'en-semble des moyens antipblogistiques. Sous l'influence de ce régime, les tumeurs se vident, se flétrissent et les malades retrou-vent un peu de calme jusqu'à l'apparition d'un nouvel engor-gement. L'essentiel, chez ces personnes ordinairement plétho-riques, est de se soumettre à un régime sévère qui éloigne le besoin d'une nouvelle hémorrhagie. Chez d'autres, au contraire, après une série d'engorgemens les accidens augmentent jusqu'à deve-nir intolérables. Lorsqu'ils continuentpendant quelques mois, les hémorrhoïdes deviennent une infirmité cruelle et qui peut avoir des suites graves. C'est pour ce cas seulement que sont réservés les moyens chirurgicaux. Nous disons pour ces cas seulement, car il faut se rappeler que les opérations qui s'y rapprochent sont douloureuses et ont si souvent des suites funestes, même lorsque les tumeurs sont en petit nombre et peu volumineuses, que c'est toujours un grave sujet d'examen et difficile à détermi-ner, que de savoir quand il est absolument nécessaire d'opérer. Les exemples sont nombreux d'opérations légères qui ont eu des suites funestes, et M. Velpeau en cite un où l'excision d'une sim-ple petite tumeur pédiculée a suffi pour causer un érysipèle qui lui-même a entraîné la mort, tandis que, par opposition, il n'est pas rare de rencontrer des personnes qui, après avoir cruellement souffert des hémorrhoïdes pendant de longues années, à l'âge adulte et lorsque la nutrition était encore surabondante, ont fini par retrouver du calme en avançant en âge, à mesure que la san-guification devenait moins abondante; enfin, et ceci est une con-sidération sérieuse, en supposant que l'enlèvement des hémor-rhoïdes eût tout le succès désirable, c'est encore un grave sujet de méditation, de savoir s'il convient de supprimer une source d'hé-morrhagies habituelles déterminées par la nature, lorsque tant d'exemples journaliers montrent que cette suppression est si fré-quemment suivie d'apoplexies ou d'autres congestions funestes.
Quoi qu'il en soit, avant que de délivrer un malade de ses tu-meurs liémorrhoïdales, trois procédés sont mis en usage : la liga-ture, l'incision et l'excision. De ces trois méthodes, la ligature est le plus anciennement et le plus universellement employée de-puis l'antiquité, les Arabes et le moyen-âge jusqu'à nos jours; mais telle est l'incertitude de ses résultats pratiques dans différens pays et à divers temps, qu'il est impossible d'asseoir à cet égard un jugement précis. En n'invoquant pour plus de certitude que le témoignage des grands chirurgiens les plus modernes, Paré pra-tiquait la ligature avec succès , J. L. Petit l'accuse de donner lieu aux accidens les plus graves, de vives douleurs, des mouvemens convulsifs, l'inflammation du rectum et celle du péritoine, et cela par le seul effet de la striction, soit que l'on attende la chute de la tumeur ou qu'on en pratique l'excision sur le nœud après l'avoir liée. L'opinion de J. L. Petit paraît avoir entraîné celle de la plu-part des chirurgiens français. Desault et A. Dubois pratiquaient la ligature, mais lui préféraient l'excision. Boyer et Dupuytren n'avaient confiance que dans cette dernière opération, et il faut dire que cet avis est partagé par presque tous les chirurgiens français qui, en général, ne font usage de la ligature que sur les petites tumeurs à pédicule étroit et chez les sujets timides qui se refusent à l'excision. En Angleterre, au contraire, les chirurgiens les plus distingués, A. Cooper, MM. Brodie et Gibson, rejettent l'excision qu'ils accusent de donner lieu presque inévitablement à deshémorrhagies internes, malgré l'emploi judicieux des moyens hémostatiques les plus énergiques, et lui préfèrent la ligature comme peu offensive, à ce point que M. Gibson assure n'avoir perdu par cette méthode qu'un seul malade sur trois cents opérés. Des résultats si contradictoires ont une raison physiologique qu'il importe de rechercher. Cette raison nous paraît avoir sa base dans laconstitution et le climat des deux peuples ; en effet, il suffit d'a-voir pratiqué la chirurgie dans des provinces différentes de la fiance pour avoir pu observer que, dans les mêmes circonstances, les hémorrhagies sont plus à craindre dans le nord et les accidens nerveux sedéveloppentà mesure que l'on avance vers le midi. C'est, pour le dire en passant, un motif grave pour ne point appliquer immédiatement dans un pays la pratique suivie dans un autre.
Les soins préliminaires pour faire évacuer le rectum et les di-verses positions du malade étant déjà connues , il ne nous reste qu'à décrire les manœuvres opératoires.
Ligature. Rien de plus simple que la manœuvre opératoire. Si la tumeur est pédiculée on la lie au plus près de la membrane muqueuse, avec un fil ciré simple, et. on assure la striction par un double nœud. Si le lendemain ou les jours suivans la liga-ture se trouve relâchée par l'amincissement des tissus renfermés dans l'anse, on resserre avec une nouvelle ligature. Quand la base delà tumeur est large, on la traverse à l'aide d'une aiguille courbe avec deux ou trois fils que l'on noue séparément suivant les procédés généraux que nous avons décrits précédemment. Néanmoins, tout en indiquant cette manœuvre opératoire, il faut en blâmer l'application ; car si déjà la ligature simple donne si souvent lieu , chez nous, à des accidens nerveux , la ligature complexe ou multiple est encore bien plus à craindre. En prin-cipe, général, pour les tumeurs liémorrhoïdales à large base comme pour les bourrelets circulaires, on doit préférer l'excision ou s'abstenir d'opérer.
Incisions. Pour les tumeurs molles, fluctuantes et qui gênent beaucoup par leur volume, on prescrit de les vider par une in-cision avec la lancette ou le bistouri et d'en exprimer, par la pres-sion, le sang qu'elles renferment dans leur tissu et le caillot qui distend leur cavité , quand il y en a une. Evidemment cette opé-ration n'est qu'un moyen palliatif, à notre avis inutile et dange-reux dans son application; car il expose à des hémorrhagies comme l'excision sans en avoir les avantages, et finalement en ré-clame l'emploi en cas d'accident.
Excision. Procédé ordinaire. Le malade étant mis en position convenable, on lui ordonne de faire des efforts d'expulsion pour rendre les tumeurs saillantes et faire sortir celles qui bordent l'anus au dedans, puis, saisissant l'une après l'autre avec une forte pince à dissection ou une érigne double chacune de ces tu-meurs, on en divise d'un seul coup le pédicule avec le bistouri ou de forts ciseaux, au ras de la surface muqueuse. Si les tu-meurs ont de larges bases ou si elles se confondent en bourrelets hémorrhoïdaux, on commence l'excision par le segment le plus déclive du bourrelet pour n'être point embarrassé par l'hémor-rhagie pendant l'excision de l'autre moitié.
Procédéde M. Dupuytren. i° Tumeurs externes. 11 saisissaitles tumeurs liémorrhoïdales avec de fortes pinces plates, à larges mors, et les excisait avec de longs ciseaux , courbes sur le plat. Quand les tumeurs offraient un grand volume et une large base
il n'en excisait que la portion saillante au dehors, dans le but de ne point causer des plaies trop étendues qui auraient augmenté les chances d'héinorrhagies internes consécutives à l'opération et celles du rétrécissement de l'anus après la cicatrisation. L'expé-rience lui avait appris, et ce lait est important à signaler, qu'après l'excision partielle des tumeurs hémorrhoïdales, les lambeaux qui en sont conservés se dégorgent, se flétrissent et s'atrophient presque toujours pendant le travail de la cicatrisation , si bien que, après laguérison, l'extrémité inférieure de l'intestin et l'o-rifice de l'anus ont repris le calibre et la souplesse propres à l'état normal.
i° Tumeurs internes. C'est surtout dans la hardiesse de l'exci-sion des tumeurs internes et dans l'emploi du cautère actuel pour prévenir l'hémorrhagie, que se distingüele procédé de Du-puytren. Pour pouvoir agir sur les tumeurs, Dupuytren faisait prendre au malade , pendant un certain temps , un bain de siège, de vapeur ou d'eau chaude, et l'engageait à faire de violens ef-forts d'expulsion. Dès que la sortie était obtenue, le malade était immédiatement placé sur le lit en position convenable et on procédait à l'excision comme ci-dessus. En réalité par ce moyen, on ne peut obtenir cpie la hernie au dehors des tumeurs qui ne s'élèvent que de trois ou quatre centimètres dans le rectum. S'il y en avait de situées plus haut, il ne serait guère possible d'en obtenir ainsi l'invagination , et même les efforts pour y parvenir pourraient avoir de graves dangers en cas d'hémorrhagie. Le mieux, en pareil cas, est d'exciser d'abord les tumeurs accessi-bles et de remettre à un autre temps à poursuivre l'opération sur celles qui sont le plus élevées ; mais alors il serait bon, pour y atteindre plus facilement, de pratiquer préalablement l'incision du sphincter, comme il sera dit plus loin.
Procédé de Boyer (Pl. 44» fig- 6)- Ees tumeurs étant ame-nées au dehors, ou au moins accessibles au doigt du chirur-gien, armé d'une aiguille courbe , le chirurgien passe dans cha-cune d'elles une anse de fil dont il donne successivement les chefs à garder à un aide. Quand les tumeurs sont multiples sur une large base commune, on en traverse par intervalle les som-mités, avec plusieurs anses suivant l'étendue du bourrelet hé-morrhoïdal. Le même aide s'empare de tous les chefs et maintient au dehors les tumeurs qui ne peuvent plus rentrer dans les con-tractions convulsives des sphincters et des muscles du périnée causées par les douleurs d'excision. Ces précautions étant prises, le chirurgien procède successivement à l'excision des végétations hémorrhoïdales , attirant à chaque fois la tumeur et la détachant de la surface par la traction exercée sur les chefs de l'anse qui la traverse et la coupant à la racine avec des ciseaux courbes ou le bistouri porté en dédolant le dos de sa lame tournée vers l'intes-tin. De cette manière l'opération , assurée par ses dispositions préliminaires, marche régulièrement avec méthode et sans con-fusion. L'extrémité de l'intestin se trouvant fixée tant qu'il existe deux anses de fil , si l'une des plaies semblait devoir donner lieu à une forte hémorrhagie , rien ne serait plus facile que d'y appli-quer immédiatement le cautère avant de procéder à l'enlèvement «les dernières tumeurs. Par prudence, chez les sujets habitués à un flux hémorrhoïdal périodique , Boyer s'abstenait d'enlever les deux dernières tumeurs. Enfin pour prévenir le rétrécissement de l'anus, outre l'usage des mèches dilatantes, on a conseillé de terminer l'opération par la section du sphincter anal en con-duisant à plat, sur l'index introduit dans le rectum jusqu'à une profondeur de quatre ou cinq centimètres ( i pouce et demi ) , la lame d'un bistouri droit boutonné, dont on tourne ensuite le tranchant vers les chairs et que l'on retire en incisant la mu-queuse , le sphincter, le tissu cellulaire et la peau à une profon-deur d'environ un centimètre et demi (6 lignes), comme dans l'opération de la fissure à l'anus.
Assurément ce conseil de dilater, ou plutôt d'élargir l'orifice anal, pour en empêcher la constriction, et par suite la récidive des tumeurs hémorrhoïdales sous l'influence des efforts d'expul-sion, ce conseil, disons-nous, est sage. Seulement au lieu d'in-ciser le sphincter avant l'excision, il vaudrait beaucoup mieux commencer par là, puisque l'excision au travers d'un orifice beau-coup plus large en serait singulièrement facilitée. C'est cette mo-dification qui constitue le procédé suivant.
Procédé de M. Chaumet, de Bordeaux. Toutes les dispositions préparatoires étant prises, et le malade placé en position conve-nable, le chirurgien débute par l'incision de l'orifice anal. Mais au lieu de diviser sur l'un des côtés dans l'épaisseur du sphincter, ce qui entraîne une cicatrice irrégulière, un orifice plus ou moins difforme, et laisse le malade exposé à l'inconvénient d'une fil-tration habituelle de mucus ou de liquides stercoraux , M. Chau-met pratique son incision sur le plan moyen en arrière, vers le coccyx, c'est-à-dire seulement dans l'écartement des deux demi-sphincters, de sorte qu'il n'y a d'incisé que la peau, la mem-brane muqueuse, le tissu cellulaire et tout au plus, si la division porte un peu haut, l'extrémité inférieure du sphincter rectal. Au reste, le procédé de section ne diffère pas de celui que nous avons indiqué ci-dessus, le bistouri droit boutonné, porté sur le doigt indicateur. Cette première incision pratiquée, le chirurgien, libre d'agir au travers d'un large orifice devenu, en outre de, son étendue réelle, facilement dilatable, peut atteindre assez haut dans le rectum, pour exciser et cautériser au besoin les di-verses tumeurs hémorrhoïdales, sans avoir recours à ces efforts d'expulsion, fâcheux en pareille circonstance, et par les douleurs qu'ils occasionnent et comme cause d'hémorrhagie. Enfin, dans la plupart des cas, il permet d'atteindre les tumeurs situées en haut et cpii, clans les anciens procédés, devaient être abandonnées ou devenaient une nouvelle cause d'une opération ultérieure.
A l'époque ( février 1842) où M. Chaumet me racontait cette modification qu'il avait apportée dans la méthode d'excision des tumeurs hémorrhoïdales, déjà il avait opéré un certain nombre de sujets, six entre autres chez lesquels les tumeurs remontaient aune certaine hauteur dans le rectum; chez tous, l'opération, simplifiée dans sa manœuvre, avait été beaucoup moins longue et douloureuse qu'elle ne l'est à l'ordinaire; tous avaient guéri rapidement, et chez aucun il n'était survenu d'accidens.
Hémorrhagie. C'est de toutes les complications la plus com-mune , et par cela même la plus grave. Nous renvoyons pour les différentes manières de pratiquer le tamponnement, à ce qui a été dit plus haut. Quant à la cautérisation à la manière de Du-puytren, voici en quoi elle consiste: l'opération terminée, soit que l'on ait été ou non dans l'obligation de cautériser, une mèche de charpie est laissée dans l'anus , et un aide expérimenté est chargé de surveiller le malade. Dès quel'hémorrhagie se manifeste on fait prendre au malade un lavement d'eau très froide, et par de violens efforts d'expulsion, en même temps qu'on fait rendre au malade, avec l'eau d'injection, le sang amassé dans l'intestin, les plaies redeviennent saillantes au dehors, ou plutôt c'est là
('objet que l'on se propose, mais dont la réussite n'est pas certaine. Si effectivement les plaies sont en vue, le chirurgien cautérise immédiatement les points d'où vient le sang avec le cautère en roseau chauffé à blanc.
A notre avis, si toutes les plaies ne venaient pas s'offrir à l'opé-rateur , ce qui arrive souvent, ce serait le cas de pratiquer, si déjà on ne l'avait fait, l'incision de M. Chaumet, qui permettrait de porter sur le point voulu le cautère au travers du spéculum fenêtre.
II ne nous reste plus qu'à faire connaître le procédé imaginé par M. Velpeau pour amener la réunion par première intention après l'excision des tumeurs et des bourrelets hémorrhoïdaux. L'auteur fixe au dehors avec une érigne chacune des tumeurs à enlever, puis il en traverse profondément la base avec un nombre d'anses de fd proportionné à leur étendue. Jusque-là ce procédé n'est autre que celui de Boyer. Mais voici la différence : Boyer ne passait un fil au travers des tumeurs que pour les fixer pen-dant l'excision, et coupait derrière l'anse. M. Velpeau, au con-traire, a soin de placer l'anse au plus près de la racine de la tumeur et fait l'excision au-devant, puis, rassemblant les chefs des fils, il les noue par autant de sutures séparées. Il paraît que ce procédé a été fréquemment mis en usage et avec succès par son auteur , car, ajoute-t-il, « les mèches , les tamponnemens , sont alors inutiles, et la guérison est souvent complète du dixième au quinzième jour. »
Nous ne savons quelles chances l'avenir réserve à ce procédé, mais il pourrait se faire qu'en le combinant avec l'incision préa-lable de M. Chaumet, il en ressortît enfin une méthode opéra-toire plus avantageuse qu'aucune de celles jusqu'à présent mises en usage. Assurément l'excision des hémorrhoïdes, facilitée dans ses manœuvres, débarrassée de la crainte des hémorrhagies in-ternes et des accidens consécutifs qui appartiennent aux plaies du rectum, et, au lieu de cela, suivie d'une réunion par première intention, sans coarctation ultérieure de l'anus; une opération aussi grave, disons-nous, ramenée à des conditions aussi simples, et qui en rendrait fréquent l'emploi aujourd'hui si rare, serait l'une des plus belles conquêtes de la chirurgie moderne. Nous espérons qu'en appelant, sur cette grave question, l'attention des chirurgiens, l'expérience ne tardera pas à réaliser nos vœux et, jusqu'à un certain point, nos prévisions à cet égard.
CHUTE DU RECTUM.
On appelle chute du rectum, l'issue au dehors, par l'anus, d'une portion de l'intestin. Cette maladie a pour cause le relâ-chement de la partie inférieure du rectum et des parties molles de l'orifice de l'anus, et survient par le moindre effort du malade dans l'acte de la défécation. Elle se présente à deux degrés diffé-rens : dans l'un, qui est de beaucoup le plus commun, la pro-cidence n'affecte que la membrane muqueuse du rectum, étendue dans ses dimensions, épaissie, boursouflée et dont le tissu cellu-laire amolli, qui l'unit à la membrane musculaire, a subi une élongation qui permet des mouvemens très étendus. Depuis l'rédérici qui, dans le dernier siècle, en a reconnu la nature et signalé les caractères, les praticiens ont eu journellement l'occa-sion de la reconnaître. C'est à la procidence de la muqueuse rec-tale que s'adressent la plupart des procédés opératoires. La se-conde variété, relativement assez rare, consiste dans une inva-gination de l'extrémité inférieure de l'intestin dans toute son épaisseur. C'est le même accident qui complique si fréquemment l'anus contre nature (Ri. 33, fig. a) et dont la chute de l'utérus et du vagin offre l'analogue chez la femme.
Les méthodes opératoires en usage pour remédiera la proci-dence du rectum sont la réduction simple ou avec débridement ; l'excision de la peau à l'en tour de l'anus , l'excision de la tumeur et la cautérisation.
Réduction. La première condition est que le malade soit cou-ché sur un plan déclive, de telle sorte que l'anus soit plus élevé que l'abdomen dont les muscles qui concourent à la défécation doivent être dans le relâchement, par la flexion du thorax et des cuisses. Ainsi, parmi les chirurgiens , les uns couchent leur ma-lade sur le clos , les autres le couchent sur le ventre ; mais, dans l'un ou l'autre cas, il est essentiel que le bassin soit soulevé avec des oreillers. Ensuite on lave et nettoie la tumeur, d'abord avec de l'eau tiède, puis avec un mélange d'huile et de vin pour donner aux tissus un peu de tonicité; enfin on l'enveloppe dans toute sa longueur d'un linge fin mouillé. Ces dispositions prépa-ratoires étant prises, on procède à la réduction. Saisissant avec-la main gauche la tumeur à sa base et l'environnant dans toute sa hauteur , le chirurgien la comprime d'abord circulairement avec une lenteur ménagée pour en diminuer le volume, tandis que, au sommet, la portion la plus nouvellement sortie, il insinue , dans l'intestin invaginé , l'extrémité de l'indicateur droit qui re-foule en dedans la membrane en même temps que le pouce et les autresdoigts contribuent à l'entoura faire rentrer lebourrelet mem-braneux , sur lui-même. Pendant cette manœuvre la main gauche aide à contenir les parties invaginées à mesure qu'elles rentrent, et peu-à-peu les doigts de la main droite se rassemblent en cône pour refouler la masse vers l'anus à mesure que la rentrée de portions nouvelles en diminue le volume. Si malgré la succession méthodique des manœuvres, la tumeur paraît irréductible, soit en totalité , soit dans une portion considérable de sa masse , on essaie de nouveau de l'amoindrir par l'effet de lotions astrin-gentes et en la comprimant, sous l'enveloppe qui la renferme, avec un bandage roulé. Enfin reste le cas d'irréductibilité absolue où, comme dans la hernie étranglée, il faut avoir recours au dé-bridement. Toutefois, pour employer cette dernière ressource, il faut que le cas l'exige impérieusement et que la tumeur menace aussi de s'étrangler. Si, quoiqu'on n'ait pu réussir à la réduire , elle reste molle et peu turgescente, il faut attendre et avoir re-cours pendant un certain temps aux lotions et aux bains de siège émolliens et astringens, sauf à reprendre les manœuvres après quelques heures ou le lendemain. Mais au contraire, si la tumeur se gonfle et paraît disposée à s'enflammer, c'est le cas de pratiquer le débridement. Les principes généraux en chirurgie et tous les faits particuliers militent également en faveur de cette doctrine. Les auteurs sont remplis de faits où cet étranglement a eu des suites funestes. Ce n'est que dans quelques cas exceptionnels, toujours bien rares , que la nature est parvenue à se suffire à elle-même en opérant la guérison après la chute delà tumeur par gangrène, comme il y en a des exemples rapportés par Sau-veur et M. Velpeau.
Débridement. C'est la même opération que celle de la coarcta-tion du rectum, modifiée à la manière de celle de l'étranglement dans les hernies. Il s'agit d'inciser sur un point de la circonfé-rence de l'anus le sphincter, pour élargir l'ouverture. Saisissant la tumeur de la main gauche, on la renverse avec ménagement de manière à découvrir le côté opposé sur lequel on fait agir le bis-
touri. Pour éviter de blesser l'intestin , il faut inciser de son bord on du contour de l'orifice vers la profondeur du sphincter; mais alors pour introduire la lame de l'instrument, le mieux est, tout en gouvernant la tumeur avec le pouce et les trois derniers doigts de la main gauche, de glisser dans l'orifice l'extrémité de l'indicateur dont la pulpe sert de guide au bistouri droit bou-tonné, ou, si la striction étant trop forte, ne permet pas de se servir du doigt, d'avoir recours à la sonde cannelée dans laquelle on fait, glisser le bistouri ordinaire. Avec ces moyens le débride-ment est toujours facile, dût-on procéder en plusieurs fois de la surface vers la profondeur, si la constriction était tellement forte qu'on eût peine à faire pénétrer tout d'abord , la lame à la pro-fondeur convenable pour faire d'un seul coup la section. Enfin , en tant que d'élargir l'orifice rectal, si l'on peut choisir le lieu de l'incision, il nous paraît convenable, pour les suites, de préférer la section ano-coccygienne pratiquée par M. Chaumet.
Le débridement pour la réduction dans les chutes du rec-tum estime opération simple, facile et dont on doit conseiller l'emploi. Il est fâcheux qu'elle n'ait pas été plus fréquemment pratiquée, puisque l'on n'en cite encore qu'un petit nombre d'exemples, dont en particulier celui de Delpech qui a eu un succès complet; tandis que beaucoup d'auteurs F. d'Aquapen-dente , Saviard , Sabatier, MM. Martin Solon , Hagen , Castara et tant d'autres rapportent des faits nombreux où la chute de la muqueuse rectale ou de l'intestin clans son entier, non suivie de réduction, a entraîné la gangrène et la perte du malade.
Appareil contentif. Dès cpie la réduction entière de la tumeur a été obtenue, il s'agit de la contenir. La plupart des moyens imaginés à cet égard n'agissent que d'une manière mécanique et font office de bouchon; tels sont : une grosse mèche de char-pie, la chemise bourrée employée pour le tamponnement, la vessie insufflée de Blégny et de Levret, les boules en bois, en ivoire et supportées par un manche , le morceau d'éponge fixé à une sonde d'argent de Callisen , un pessaire dans le vagin chez la femme, etc. Mais il est évident que les corps étrangers n'ont d'effet que pendant leur application et même, en raison de leur volume, facilitent le retour de la maladie, l'intestin aussitôt qu'on les enlève , tendant à sortir encore plus facilement par un orifice élargi. C'est donc dans l'emploi des suppositoires astringens, ai-dés, s'il y a lieu, d'un traitement général, que l'on doit chercher d'abord le remède à la récidive de la maladie. Sous ce rapport la chemise montée sur une canule , et chargée de charpie imbibée de liquides astringens, pourrait avoir de bons effets. Mais si ces moyens sont insuffisans , il reste l'emploi, bien plus efficace, des procédés qui suivent.
Excision des plis cutanés de l'anus. Sous cette désignation se trouvent comprises deux opérations très différentes, quoique l'intention chirurgicale soit la même. Hey, le premier, en 1788, avait remarqué , chez un malade affecté de procidence de l'anus, qu'après la réduction il restait au dehors un pli cutané circu-laire, mince et pendant, long de un à deux centimètres, et garni de tubercules mous et violacés. D'après l'état des parties, l'idée lui vint cpie la maladie tenait à un relâchement des parties mol-les et en particulier du sphincter, et qu'en excisant le repli mu-queux et cutané , la cicatrisation pourrait resserrer l'orifice anal trop dilaté. L'opération pratiquée en 1789 eut un plein succès, et le même chirurgien ne fut pas moins heureux clans deux autres cas, à quelques années de distance ( 1791 , 1799). Ainsi donc,
T. VII.
c'est bien à Hey qu'appartient la priorité de l'idée originale; mais comme son opération, qui n'a eu cpie peu de retentisse-ment en Angleterre , était demeurée complètement ignorée en France, il serait injuste de ne pas accorder à Dupuytren de partager l'honneur d'une invention cpii , de son côté, était nouvelle , d'autant qu'il l'a érigée du premier coup en une doctrine générale, et cpie son procédé, d'une application plus féconde, répond bien plus complètement à l'indication de resserreiTorifice de l'anus. Le mérite du chirurgien anglaisa été de reconnaître la cause delà maladie, mais son procédé est resté limité à l'altération accidentelle qui l'avait inspiré. Celui de Du-puytren est fondé sur la comparaison de l'état normal avec l'état pathologique, et par cela même s'applique aux diverses alté-rations qui peuvent se présenter. En effet, dans l'état sain, l'anus est entouré de plis cutanés en saillie, d'un tissu ferme, convergeant de la circonférence vers le centre, et qui sont d'au-tant plus rapprochés et plus nombreux, que l'anus est plus res-serré , au point qu'ils se présentent froncés comme les plis d'un sac à coulisse chez les sujets affectés de coarctation de l'anus. Au contraire dans les cas de chute du rectum , où cet orifice est amolli, et dilaté, les plis cutanés se relâchent et s'effacent, et la peau de la marge de l'anus est distendue , flasque et frippée pai-lles plis irréguliers. L'objet du procédé de Dupuytren a été, en enlevant des segmens rayonnes de cette peau trop étendue, de déterminer, par le froncement résultant de la cicatrisation, la striction de l'orifice de l'anus.
Procédé de Dupuytren (Pl. 45, fig. 2). Le malade étant couché sur le ventre, le bassin soulevé par des oreillers, le tronc en situa-tion déclive et les cuisses maintenues écartées, l'opérateur fait écarter largement les fesses par un aide pour mettre en saillie la tumeur. Le premier soin est d'en praticpier la réduction si déjà elle n'a été effectuée; cette disposition prise , le chirurgien saisit successivement avec une pince à dissécpier, à larges mors, afin de faire éprouver moins de douleur au malade, quatre, cinq , six ou un plus grand nombre de plis rayonnans du pourtour de l'anus, et les excise les uns après les autres, avec des ciseaux courbes sur le plat. L'excision de ces plis doit commencer à un centimètre au moins de l'anus, s'étendre jusqu'à l'orifice infé-rieur du rectum, et même pénétrer de quelques millimètres dans son intérieur, suivant l'état de relâchement plus ou moins considérable de la muqueuse et du sphincter.
M. Malgaigne a introduit quelques modifications dans le pro-cédé; il substitue aux pinces à disséquer ordinaires , une pince à griffes, et la tumeur étant sortie, il excise quelques plis de la mu-queuse immédiatement au-dessus du sphincter et n'a point ainsi de suppuration à l'extérieur.
Après l'opération , Dupuytren abandonnait à la nature, la ci-catrisation des petites plaies résultant de l'excision , sans rien ap-pliquer dessus; elles se réunissaient par première intention, et après leur guérison , l'anus se trouvait rétréci, au point de ne plus permettre au rectum de faire hernie au-dehors. M. Velpeau préfère introduire une mèche du volume du doigt dans l'intestin, en engager les faisceaux entre les lèvres des petites plaies , et les maintenir séparés avec de la charpie, des compresses et un ban-dage en T, afin d'en empêcher la réunion immédiate et de les obliger à suppurer, pour obtenir une cicatrice modulaire plus élastique et plus ferme. Mais qu'on fasse un pansement ou qu'on n'en fasse pas, on arrive toujours au même but, c'est-à-dire au succès. Quelquefois la procidence de la muqueuse se manifeste
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encore après l'opération, avec les premières selles, mais on doit peu s'en étonner : bientôt la tumeur rentre d'elle-même et cesse de reparaître aprèsles quatre à cinq premiers jours, pour peu qu'on ait le soin d'éviter les efforts dans l'acte de la défécation , par des lavemens donnés lorsque le besoin d'aller à la selle com-mence à se faire sentir.
Il est peu d'opérations chirurgicales qui réussissent aussi bien, et aussi souvent que celle-ci ; Dupuytren comptait à peine un insuccès parmi ses nombreux opérés , et tous les chirurgiens qui ont eu occasion de l'imiter, Velpeau, Dieffenbach, Ainmon, CocL, Giorgi, et une foule d'autres ont obtenu des résultats aussi concluons. Aussi, malgré quelques récidives qui survien-nent chez certaines personnes guéries déjà depuis un temps plus ou moins long, récidives qu'on peut, au reste , annuler en re-commençant l'opération , si l'on compare les résultats fournis par cette méthode avec ceux qu'on obtenait par les moyens qu'on employait avant qu'elle fût généralement connue, on doit la con-sidérer comme une précieuse conquête; d'autant plus que, dans ses limites ordinaires, elle n'est jamais accompagnée d'hémorrha-gie, ni suivie d'aucun autre accident, et que les cas où elle peut être appliquée sont assez nombreux. Tels sont ceux où la proci-dence est due au relâchement des tégumens, de la muqueuse des sphincters, et où elle est indépendante d'une désorganisation du rectum ou des autres parties contenues dans le bassin et dans son voisinage.
Excision du sphincter anal. M. Robert a pratiqué dans un cas cette opération avec succès. Son malade étant placé comme pour l'excision des plis radiés de l'anus, la tumeur étant réduite et les fesses fortement écartées, il met le sphincter à nu par l'inci-sion de la muqueuse, et en excise une partie plus ou moins large, suivant le. besoin , puis il réunit les lèvres de la plaie à l'aide de la suture enchevillée.
Cautérisation de l'anus. Anciennement cette méthode était beaucoup employée, Marc-Aurèle Séverin en était très partisan , et Sabatierla conseillait volontiers; Ansiaux, Rluyskens médecin belge, M. Rurgrœve l'ayant appliquée avec succès, l'ont beau-coup vantée.
Procédé ordinaire. Le malade étant placé comme précédem-ment et la tumeur étant réduite , on lui recommande de pousser afin de rendre l'anus saillant ; puis saisissant un cautère cul-tellaire rougi à blanc, on applique son bord tranchant sur le pourtour du fondement à diverses reprises, en faisant, attention de ne pas cautériser toute l'épaisseur de la peau. Le nombre de raies qu'on doit faire n'a rien de fixe. On attribue à cette méthode la faculté de resserrer les tissus et de favoriser la formation du tissu inodulaire.
Procédé de M. Bégin. Ce chirurgien fait placer le malade sur le côté droit, la cuisse droite fléchie, et la gauche, étendue, et porte un cautère en roseau rougi à blanc, dans l'ouverture cen-trale de la tumeur non réduite , à la profondeur d'un centimètre environ. Lorsqu'il est éteint, il prend un cautère à plaque encore rougi à blanc , et le, promène rapidement sur la tumeur; enfin , avec un petit cautère en olive, il touche toute la circonférence de la partie du bourrelet qui adhère à la peau.
Appliquée de cette manière, la cautérisation est justement abandonnée quoiqu'elle puisse procurer de bons résultats, car elle est très douloureuse, occasionne une violente inflammation, une suppuration prolongée, et expose les sujets, surtout ceux qui sont vicieusement constitués, à des dégénérescences ulté-rieures. Toutefois il y a des cas où l'on est obligé de choisir entre la cautérisation et l'excision.
Excision de la tumeur. Cette ressource dernière qu'on était réduit à employer lorsque tous les autres moyens avaient échoué, avant qu'on connût la méthode par l'excision des plis de l'anus, est actuellement réservée pour les cas où la membrane mu-queuse, altérée ou désorganisée, ne pourrait être réduite sans dangers et sans de vives douleurs. Conseillée par Percy, faite avec succès par Sabatier, Boyer, Cowper, Pasquier, elle a éga-lement réussi entre les mains dePhelys, de M. Ricord et de plu-sieurs autres chirurgiens.
Procédé de Boyer. Ce chirurgien accrochait avec une érigne les deux côtés du bourrelet, ou les tirait à lui à l'aide d'une anse de fil passée, dansleur épaisseur avec une aiguille, puis les excisait l'un après l'autre avec un bistouri ou des ciseaux courbes sur le plat; Sabatier n'enlevait que la partie la plus saillante. Henstis soulève tout le bourrelet avec le pouce et l'index gauche et le coupe en travers. On arrête l'hémorrhagie assez abondante qui d'ordinaire accompagne cette opération, en tamponnant comme on le fait après l'extirpation des hémorrhoïdes.
Procédé de M. Ricord. (PL 45, fig-3). Apresavoirtraverse.de chaque côté la base de la tumeur avec une anse de fil qu'il fait tirer en dehors par un aide, il saisit son bord en un point avec une pince à disséquer, et en pratique la section circulaire avec un bistouri convexe , seulement il ne fait pas la section tout d'un trait, mais s'arrête chaque fois qu'il rencontre une artère pour la lier. De cette façon, il ne coupe rien qu'après avoir arrêté le sang , et n'a point à redouter l'hémorrhagie.
Appréciation des méthodes. La réduction suffit quelquefois pour obtenir une cure définitive, surtout chez les enfans. La plu-part de ceux qui en sont atteints en bas âge , en guérissent spon-tanément à mesure que leur corps et leurs fibres musculaires prennent de la force et du développement. Chez eux il ne faut donc pas se presser de pratiquer une opération sanglante. Chez les personnes âgées, au contraire, chez celles qui ont été gras-ses et qui ont beaucoup maigri, et, en général, chez les sujets très affaiblis, la réduction ne procure qu'une cure palliative, la chute du rectum récidive à chaque garde-robe, la maladie devient chro-nique , plus difficile à guérir, et l'intestin finirait par dégénérer, si l'on n'avait recours à l'un des moyens curatifs que nous avons mentionnés. Toutes les fois que l'intestin sera sain, l'excision des plis rayonnes del'anus méritera la préférence,mais lorsque l'intes-tin sera très flasque, que sa procidence sera considérable, et qu'il sera le siège d'une exsudation assez abondante, comme l'excision de la peau ne peut que retenir l'intestin sans lui rendre sa toni-cité et sa contractilité, on fera bien de joindre à l'excision des plis rayonnes de l'anus, une cautérisation légère de la surface mu-queuse, qu'on pratiquera après la réduction et lorsque l'orifice anal aura repris la tonicité qu'il avait perdue. Enfin, lorsque l'intestin sera malade, dégénéré, ulcéré , saignant, l'extirpation sera le remède le plus convenable; l'essentiel est de ne pas pren-dre son engorgement et la couleur violacée qui résultent de son étranglement par le sphincter, pour une affection plus grave.
POLYPES DU RECTUM.
La structure des polypes du rectum n'est pas tout-à-lait la même que celle des polypes des autres organes. On n'y en a point observé de durs ou purement fibreux, mais seulement de vésicu-leux ; et une autre espèce surtout cpii, par son plus ou moins de vascularilé, prend un aspect spongieux ou fongueux. Les polypes mous, pourvus d'une quantité de vaisseaux plus ou moins consi-dérables, sont les plus fréquens; condition anatomique qui s'ex-plique par la grande vascularilé de l'organe dans lequel ils se dé-veloppent.
Ces corps peuvent se rencontrer chez les adultes, comme chez les enfans; c'est surtout dans ces derniers temps que l'attention des praticiens a été attirée sur les polypes du rectum chez les en-fans, par M. Stolz de Strasbourg.
Les polypes fongueux et spongieux peuvent donner lieu à des hémorrhagies excessivement graves, hémorrhagies qui se répè-tent tous les jours et compromettent les jours du sujet, si la na-ture ou la thérapeutique n'y mettent un terme. Chez les enfans sur-tout, ces hémorrhagies sont plus fréquentes que chez les adultes.
Traitement. On voit assez souvent ces polypes se détacher spontanément, et la guérison s'opérer naturellement. Les doc-teurs Brun et Gigou d'Angoulème ont observé chacun une fois cette terminaison heureuse. Chez le sujet observé par M. Gigou, la tumeur avait l'aspect d'une cerise, lorsqu'elle était sortie; lorsqu'elle fut détachée, elle se trouva flétrie et beaucoup dimi-nuée de volume. Quoi qu'il en soit, on doit peu compter sur cette terminaison favorable, et chercher à débarrasser le malade de sa tumeur, par des moyens chirurgicaux. Ces moyens consis-tent dans la ligature, les caustiques et l'excision ; mais ils ne sont appliquables que dans les cas où le polype n'est pas situé trop haut et au-delà de leur portée , comme cela arrive quelquefois.
Ligature. (Pl. 45, fig. i). Avant de pratiquer cette opération, on donne un quart de lavement au malade , et lorsqu'il le rend , on lui recommande de pousser fortement, afin de faire sortir la tu-meur; lorsque celle-ci est au-dehors, on l'accroche avec une érigne ou des pinces à griffes, on recommande au malade de faire saillir son siège, soit en le plaçant sur un lit comme pour l'opération de la fistule , soit en appuyant sa tète sur une chaise; on tire sur le polype et l'on étreint fortement son pédicule dans une ligature , en ayant soin de comprendre avec un peu de muqueuse pour évi-ter qu'il ne repullule après sa chute. Enfin on excise la tumeur au-dessous de la ligature pour empêcher qu'elle ne s'échappe , et qu'il ne survienne une hémorrhagie. Le pédicule rentre en en-traînant après lui la ligature, qui tombe au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Après la rentrée du pédicule, malgré la présence de la ligature , il survient quelquefois une hé-morrhagie assez abondante ; on y remédie par des lavemens froids et astringens, ou parle tamponnement.
Si le polype était situé trop haut pour pouvoir être chassé au-dehors sous l'influence des efforts de la défécation, mais pas assez haut pour être hors de l'atteinte des instrumens, on pour-rait, si l'on voulait, imiter la conduite de Desault, qui porta une ligature sur le pédicule d'un polype situé à i fi centimètres de hauteur, avec les instrumens dont il se servait pour la liga-ture des polypes de l'utérus. Au bout de huit jours, la tumeur qui avait le volume d'un oeuf de poule, se détacha, et le malade fut guéri.
Pour plus de sécurité, il vaudrait mieux dans un cas pareil , introduire dans le rectum le spéculum de M. Charrière dont les parois sont à claire-voie (pl. 45, fig. i), il serait plus facile d'ac-crocher le polype, de voir son mode d'insertion à la muqueuse et d'étreindre son pédicule dans une ligature, que de le faire à travers le sphincter qui gène l'introduction et l'action des instru-mens. Lorsque la ligature serait faite ,il faudrait la maintenir au moyen d'un serre-noeud et en augmenter chaque jour la constriction jusqu'au moment de sa chute.
Caustiques. Ils ont été employés une fois avec succès par Loeffer, mais leur usage est si incertain , expose tellement la ma-ladie à dégénérer et est si au-dessous des autres moyens, que personne ne s'en sert.
Excision. Si l'on voulait la pratiquer on pourrait faire sortir le polype par des efforts d'expulsion , comme le faisait Dupuytren, le saisir avec une pince à polypes , etl'emporter avec des ciseaux; ou bien s'il était situé trop haut, on pourrait glisser le doigt in-dicateur dans le rectum jusqu'au pédicule, et s'en servir comme d'un guide pour conduire les ciseaux dessus et l'exciser. Le spé-culum à claire-voie de M. Charrière serait aussi très propre à cet usage. RI. Meulewaeter, médecin belge, ayant.opéré par excision, un polype dont l'origine remontait au colon lombaire gauche, le malade mourut d'hémorrhagie, et l'on put constater à l'autop-sie le véritable état des choses.
Appréciation. En résumé, l'on voit cpie la ligature est la mé-thode qu'on doit préférer, car elle est appliquable dans tous les cas où le sont les autres méthodes, n'est suivie d'aucun danger, et guérit constamment; tandis cpie les caustiques guérissent rarement, sont très douloureux et occasionnent des accidens graves, tels que inflammation , suppuration, gangrène et dégénérescence. Enfin l'excision présente, comme principal danger, l'hémorrhagie qu'il n'est pas toujours possible d'arrêter. Cependant il y a des cas où le pédicule étant fort large et où un grand nombre de végétations existant dans le rectum aux envi-rons de la tumeur, on ne pourrait tout comprendre dans une ligature; alors il est impossible de prévoir, à priori, ce qu'il se-rait le plus convenable de faire, c'est au praticien à baser son ju-gement sur les circonstances et sur les observations de ses pré-décesseurs.
CANCER DU RECTUM.
C'est surtout dans la partie inférieure du rectum que le cancer se développe le plus souvent. Il peut se présenter sous diverses formes : tantôt, c'est une tumeur à large base, couverte de vé-gétations dures et lardacées, ou bien fongueuses, saignantes et très douloureuses, surtout pendant les garde-robes ; tantôt, ce sont des plaques dures, inégales, bosselées, donnant lieu à un rétré-cissement plus ou moins considérable du calibre de l'intestin, gênant le passage des matières, et souvent, permettant à peine, ou même ne permettant pas du tout l'introduction du doigt; tantôt, la maladie affecte une des parois du rectum, la postérieure, l'an-térieure ou bien une des parois latérales ; tantôt enfin elle affecte tout son pourtour.
EXTIRPATION DU RECTOM.
Qu'une pareille affection occupe le rectum, ou toute autre
partie du corps, comme la maladie, abandonnée à elle-même, fait constamment des progrès, l'extirpation est la seule chance de salut cpii reste pour le malade; encore faut-il, pour qu'elle présente quelques probabilités de succès, que le mal ne s'étende pas trop haut et trop profondément dans le tissu cellulaire envi-ronnant. Le chirurgien qui voudra tenter cette opération, devra auparavant se rappeler parfaitement les rapports du rectum avec le péritoine, la vessie, et la prostate chez l'homme, et avec le vagin chez la femme. La paroi postérieure n'a aucun rapport important dans une étendue assez considérable; aussi, lorsque le cancer siégera sur cette paroi, pourra-t-on en extirper avec plus de facilité et avec moins de crainte une partie plus considérable qu'en avant. Sur la paroi antérieure, en effet, le cul-de-sac pé-ritonéal qui sépare le rectum du vagin, arrive jusqu'à cinq à six centimètres de l'extrémité inférieure de l'intestin chez la femme, et à sept ou huit centimètres chez l'homme. La prostate et la vessie chez ce dernier, sont unis au rectum par un tissu cellu-laire très fin , pour la dissection duquel on ne doit pas employer le bistouri, mais seulement les doigts; quant à l'urètre il s'en éloigne assez, en remontant vers l'arcade pubienne, pour qu'on n'ait pas à craindre de le blesser. Le vagin chez la femme est assez adhérent à l'intestin, surtout dans la partie inférieure, à cause des fibres musculaires des sphincters qui s'entrecroisent en ce point, et du tissu aponévrotique et érectile qui y existe; le pé-rinée a fort peu d'étendue, surtout si elle a fait des cnfans comme cela arrive le plus souvent; aussi faut-il prendre plus de pré-caution pour séparer ces organes intérieurement dans l'étendue d'un centimètre et demi environ que plus haut, où le doigt suffit pour les disséquer.
Les vaisseaux qu'on divise pendant l'opération donnent beau-coup de sang: ce sont les hémorrhoïdales inférieures, l'hémor-rhoïdale moyenne, la transversale du périnée, quelques rameaux de l'hémorrhoïdale supérieure et de la honteuse interne.
Pour quiconque a bien étudié les rapports précédens, et a essayé cette opération sur le cadavre, elle ne présente pas de grandes difficultés, et l'on est étonné qu'elle n'ait pas été pra-tiquée plus tôt. Toutefois, il faut convenir qu'il y avait eu des chirurgiens assez hardis pour la tenter : le premier qui la prati-qua avec succès fut Faget, le 9 juin 1739; il excisa en présence de Houdou et de son frère, le rectum dans toute sa circonférence, et dans l'étendue de quatre centimètres , chez un nommé Gelé. Après la guérison, malgré l'absence du sphincter, cet homme pouvait retenir les matières et même les gaz, comme avant la maladie, ce qui étonna beaucoup Faget, et lui fit penser qu'il s'était formé un nouveau sphincter. Malgré cette réussite de l'opé-ration l'académie de chirurgie la repoussa. Desault ne l'admettait que pour les cas de tumeurs de mauvaise nature, bien circon-scrites et mobiles. Boyer, avec ses idées sur le cancer, pensait que, dans tous les cas de guérison, elle n'avait réussi que parce que la maladie n'était pas un cancer. Béelard a mis un arrêt à cette réprobation générale; il disait publiquement en 1822 qu'on avait eu tort d'abandonner cette opération, et que les can-cers de l'extrémité inférieure du rectum ne devaient plus être abandonnés sans secours, et considérés comme incurables. M. Lisfranc s'est chargé de démontrer pratiquement cette pro-position. Sa première opération fut faite le i3 février 1826, et le i3 avril suivant le malade était guéri. Au mois de janvier 1828 et au mois de juillet de la même année , il réussit encore chez deux femmes. De six autres malades opérés depuis cette époque jus-qu'au mois d'août 1829, trois moururent, un obtint une guérison douteuse, et deux une guérison complète; ainsi sur neuf cas ce chirurgien a obtenu cinq guérisons, trois morts et un résultat douteux. Depuis cette époque l'opération dont il s'agit a été faite un grand nombre de fois.
Procédé de M. Lisjranc. On fait étendre le malade sur le dos, les cuisses fléchies sur le tronc et les jambes sur les cuis-ses, comme dans la taille périnéale. On place un oreiller sous le siège afin de le faire bien saillir, et l'on fait maintenir les jambes écartées par des aides. Cela posé on circonscrit l'orifice de l'in-testin entre deux incisions semi-lunaires, qui viennent se réunir en avant et en arrière. Lorsque la peau est incisée, et qu'on est arrivé sur le tissu cellulaire sous-jacent, on dissèque les parties en dirigeant le tranchant de l'instrument vers le rectum. Alors il peut se présenter plusieurs cas, i° si toute l'épaisseur des tuni-ques intestinales n'est pas malade , on poursuit la dissection jus-qu'à ce qu'on soit, arrivé à l'intestin qui se trouve isolé de toutes parts; on introduit le doigt indicateur dans sa cavité jus-qu'au dessus du mal , et on s'en sert comme d'un crochet pour l'attirer en bas et surtout pour faire saillir la muqueuse et la mettre dans un état de renversement. Puis on fait tirer le tout avec des érignes confiées à des aides, et on emporte la partie du rectum dénudée et toute la partie de la muqueuse qui forme une pro-cidence, avec de forts ciseaux courbes sur le plat, ou le bistouri. Ici le but est d'enlever plus de muqueuse que des autres mem-branes. 20 Lorsque toute l'épaisseur des tuniques intestinales est malade, ce procédé n'est plus applicable; il faut les enlever en égale quantité ; pour cela M. Lisfranc introduisant son doigt indicateur dans la cavité de l'intestin, s'en sert comme d'un con-ducteur pour diviser verticalement, avec de forts ciseaux , toute l'épaisseurde sa paroi postérieure, autant que possible jusqu'au-dessus du mal.H choisit cette paroi parce que, suivant sa direction, il n'y a rien d'important à léser. Alors il fait tirer par des aides au moyen d'érignes sur toute la circonférence de l'organe , con-tinue la dissection et l'isolement du rectum de toutes les parties environnantes, jusqu'au dessus du mal, en comprenant même dans la dissection tous les tissus qui paraissent malades. Cette dissection est longue, difficile et nécessite la plus grande at-tention (Pl. 45, fig. /j.).
Chez l'homme, pour éviter de blesser l'urètre, la prostate ou la vessie, il faut placer dans le canal de l'urètre et faire maintenir par un aide, une forte algalie qui avertit du voisi-nage de ces organes. Le doigt indicateur placé à l'intérieur et le pouce à l'extérieur du rectum servent à le tirer en sens op-posé et à guider le bistouri. Chez la femme un aide place un ou deux doigts dans le vagin, pour reconnaître la position du bis-touri et avertir l'opérateur si cela est nécessaire. D'ailleurs, dans ces parties, on se sert autant qu'on le peut des doigts pour séparer l'intestin des organes génito-urinaires, et on lie les vaisseaux à mesure qu'on les ouvre.
Lorsque la dissection est terminée , il ne reste plus qu'à sépa-rer la masse cancéreuse. M. Lisfranc porte les ciseaux courbes à l'extrémité supérieure de la fente verticale, et coupe l'intestin circulairement en se guidant avec le doigt indicateur, tandis que des aides tendent les parties à couper avec des érignes. Ce chirur-gien est ainsi parvenu à enlever six à huit centimètres de hauteur d'intestin.
Lorsque l'opération est terminée, il faut s'assurer à l'aide du doigt porté dans la plaie, s'il ne reste pas encore quelque partie
désorganisée, et s'empresser de l'enlever dans la crainte de voir repulluler le mal et de perdre le fruit de l'opération qu'on vient de taire.
Quanta l'hémorrhagie, si elle se montrait. quoiqu'on oui (ail la ligature des vaisseaux pendant la dissection à mesure qu'on les divisait, il faudrait placer dans la plaie une éponge imbibée; d'eau froide ou de liquides astringens et sfyptiques, ou même tamponner comme cola a déjà élé indiqué. A l'égard de ce dernier moyen M. Lislranc ne se bâte jamais de l'employer dans la crainte de déterminer une inflammation. Lorsqu'il est forcé d'y avoir recours, il enlève l'appareil après quelques heures, pour qu'il irrite moins.
Pansement. C'est surtout après cotte opération que se fait sen-tir l'importance d'un bon pansement. M. Lislranc a pour habi-tude de panser à plat pondant les trois ou quatre premiers jours, en ayant soin de renouveler le pansement trois fois chaque jour, pour permettre au pus de s'écouler; puis lorsqu'il n'a plus à redouter l'inflammation, il introduit une forte mèche de charpie dans le rectum, et la fait porter aux malades pendant deux ou trois mois, en la renouvelant toutes les fois que cela est nécessaire : il recommande même d'en continuer l'usage après la guérison. M. Velpeau ne veut pas qu'on néglige la mèche dès le principe; il pense qu'en n'y ayant recours qu'après quelques jours du pan-sement à plat, on se crée de véritables difficultés pour l'avenir.
Suites de l'opération. Elle peut se terminer par la mort, la récidive et la guérison; cette guérison peut être complète ou bien accompagnée de fistule recto-vaginale, ou d'incontinence des matières fécales. Le relevé suivant des résultats obtenus mettra mieux les praticiens à même de savoir ce qu'ils doivent penser de cette opération, que les meilleurs raisonnemens. Nous avons déjà dit que sur neuf opérations connues, M. Lisfranc avait eu trois morts, un résultat douteux et cinq guérisons. Le malade opéré par M. Ricord est mort; plusieurs individus opérés par M. Valentine Mott sont guéris; une malade de M. Mandt, a guéri mais a conservé une fistule recto-vaginale; un autre de M. Haime a conservé une incontinence de matières fécales; de six sujets opérés par M. Velpeau, un est mort de phlébite au bout de dix jours, un second d'épuisement le septième jour, un troisième avec une livre de sang épanché dans le haut du rectum; le qua-trième et le cinquième sont complètement guéris, et le sixième l'est aussi, mais ne peut retenir ses matières. MM. Baumes et Maurin ont réussi chacun dans un cas; M. Malgaigne dit avoir observé souvent des récidives, et une surtout, dans un cas où il avait opéré lui-même, avant que la cicatrisation fût complète.
Lorsque l'opération se termine par la guérison, ordinairement les matières fécales sont retenues comme si le sphincter n'avait pas été coupé, ainsi que l'avait remarqué Faget. Une muqueuse de nouvelle formation remplace la partie extirpée, et les fibres musculaires du rectum, d'autant plus fortes et plus nombreuses, qu'on les observe plus bas, forment un bourrelet en forme de sphincter, capable de retenir les matières fécales lorsqu'elles sont moulées.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES GÉtVITO - URINAIRES
DE L'HOMME.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE SCROTUM.
HYDROCÈLE.
Le nom d'hydrocèle ou tumeur aqueuse (deMwp, eau, et x-nlr,, tumeur) a été consacré aux collections séreuses des enveloppes des glandes séminales chez l'homme, et des grandes lèvres chez la femme. Les anciens regardaient l'hydrocèle comme une mala-die éminemment propre à l'homme, et décrivaient sous le nom de kyste des grandes lèvres l'hydrocèle de la femme.
On distingue plusieurs espèces d'hydrocèle : i° l'hydrocèle de la tunique vaginale, qui peut être acquise ou congéniale; 2° l'hydrocèle du cordon; 3" enfin, l'hydrocèle des grandes lèvres.
A. L'hydrocèle acquise delà membrane séreuse des bourses, présente deux variétés : 1° celle par épanchement dans la cavité de la tunique vaginale, hydrocèle vaginale; o." celle par infiltra-tion, qui n'est autre chose que Xœdème des bourses.
r Hydrocèle vaginale. Elle est aiguë ou chronique; si elle est aiguë, des sangsues, des topiques entoilions, puis réfringens, du repos, etc., suffisent pour la guérir. Nous ne nous étendrons pas plus sur ce sujet; l'hydrocèle chronique devant seule nous occuper.
On peut avoir pour but ou de guérir complètement l'hydro-t. vu.
cèle chronique , ou simplement de soulager pour un temps le malade qui en est affecté. Le traitement palliatif, consiste dans l'emploi continuel d'un suspensoir, ou bien de ponctions renou-velées chaque fois que l'hydrocèle a acquis un certain volume; nous décrirons plus loin, la manière de pratiquer cette ponc-tion.
Traitement curatif. Plusieurs moyens ont été préconisés de-puis Celse jusqu'à nous, pour obtenir la cure définitive de l'hydrocèle vaginale. Parmi ces moyens , les uns, mis en usage par les chirurgiens anciens et encore par quelques chirurgiens modernes , dans des circonstances données , porteront le nom de méthodes anciennes y les autres, mis au jour par des chirurgiens de notre époque , seront dits méthodes nouvelles.
méthodes anciennes.
La cautérisation, employée d'abord par Aétius, depuis long-temps abandonnée , ensuite reprise par une foule de chirurgiens, en France, en Allemagne et on Angleterre , est aujourd'hui com-plètement mise de côté. On la pratiquait à l'aide d'escharotiques, placés soit à la partie supérieure, soit à la partie inférieure de la tumeur, ou bien avec un fer incandescent. Le cautère en L était généraletnent préféré.
Les tentes, la canule, leséton, ont eu leur tour, et ont été em-ployés plus long-temps que la cautérisation.G. cleSalicet, qui pé-nétrait dans la tumeur avec une lancette, recommandait d'y mettre une tente de charpie après avoir laissé écouler une partie du li-quide ; Monro employait la canule qui lui servait après avoir pé-nétré dans la cavité du sac vaginal, et en avoir fait sortir le liquide, à gratter la surface interne de la membrane séreuse. Le séton. fut indiqué, disent les uns, par Lanfranc, les autres par /Franco;mais il paraîtrait que Galien en avait dit quelques mots. Ge procédé tour-à-tour abandonné et renouvelé a été préconisé de nou-veau par M. Mott de Philadelphie, qui chercha à le remet-tre en vigueur. 11 se servait d'une petite bande de toile effi-lée, comme pour le séton ordinaire, qu'il passait à travers les parois de la tumeur. Van Onsenoort employait une aiguille per-cée à sa pointe et passait, dans le sens de la longueur de la tu-meur, un fil double qu'il nouait serré au dehors sur la peau du scrotum. Son aiguille a été modifiée par Kerst qui en a fait un véritable trois-quarts. Enfin M. Laugier a , de nos jours , per-fectionné ce procédé; il enfonce un trois-quarts dans la tumeur dont il traverse les parois opposées , retire la tige, passe dans la canule un stylet aiguillé, garni d'un fil double, puis re-tire la canule pour laisser à demeure le fil double qu'il noue, seulement pour que les extrémités n'abandonnent pas la tumeur.
Toutes ces manières de faire ont été presque entièrement aban-données, quoiqu'elles comptassent un certain nombre de succès. Elles ont été bientôt remplacées par Vincision, méthode déjà in-diquée par Celse et qui ne manque pas encore aujourd'hui de partisans. Ainsi MM. Gaina, Dieffenbach, Chelius, Begin, etc., la regardent comme le meilleur moyen d'obtenir la cure radicale de l'hydrocèle.
Incision. — Le malade étant placé sur le dos, les cuisses légè-rement fléchies sur le ventre et les jambes sur les cuisses , le chi-rurgien , la main droite armée d'un bistouri convexe, et la main gauche placée derrière le testicule qu'il embrasse et qu'il sou-tient, fait, sur la partie inférieure du scrotum , une incision d'un pouce environ , de manière à ce qu'il puisse librement y intro-duire un doigt. S'il se sert d'un bistouri droit il opère en poin-tant, et doit remplacer son doigt parla sonde cannelée. Une inci-sion de grandeur convenable étant faite, on remplit la cavité de l'hydrocèle de boulettes de charpie. Cette méthode , malgré le suffrage des chirurgiens que nous avons cités plus haut, est ce-pendant peu usitée.
Excision. Décrite par Celse, Albucasis elFallope, l'excision, complètement oubliée pendant fort long-temps , fut de nouveau conseillée par Saviard, par Douglas qui publia en 175a les suc-cès qu'il en avait obtenus, et par beaucoup d'autres chirurgiens de nos jours, au nombre desquels nous citerons Bover, Dupuy-tren, Kynder Wood.
1" Procédé de Douglas. Le malade étant couché sur le dos , les cuisses écartées et légèrement fléchies sur l'abdomen , le chi-rurgien, la main gauche placée derrière la tumeur qu'il tient embrassée solidement, la main droite armée d'un bistouri con-vexe , fait une incision verticale d'environ huit centimètres, dis-sèque la peau d'un côté, et se servant ensuite de ciseaux courbes sur le plat, circonscrit sur la partie disséquée un lambeau de peau ovalaire , qu'il enlève. Puis, se servant alors du bistouri, il procède à la dissection de la tunique vaginale qu'il excise près de sa réflexion sur le testicule. Douglas conseillait d'inciser la peau seulement d'un premier coup de bistouri , car il s'était aperçu qu'on disséquait plus commodément le kyste plein que lorsqu'il était ouvert. Dans le principe, il incisait le kyste en même temps que la peau , et sans prendre la peine de disséquer un lambeau de peau , excisait une partie du kyste avec son lam-beau ovalaire ( Pl. 47, fig. 3 ).
Procédé de Boyer. Le malade et le chirurgien placés comme dans le procédé de Douglas , Boyer conseillait de faire seulement une incision verticale par laquelle on pénétrait dans le kyste qui se vidait; puis il disséquait la tunique vaginale et recommandait surtout de ne laisser aucune partie du kyste, car, disait-il, cela suffit pour que la maladie se reproduise, et il en avait vu plusieurs exemples. L'opération terminée, on remplissait, comme par le procédé de Douglas, le scrotum de boulettes de charpie, afin de favoriser la naissance des bourgeons celluleux, et par suite la cicatrisation de cette vaste cavité.
Cette méthode, l'excision , encore aujourd'hui employée par quelques chirurgiens , et généralement mauvaise , devient cepen-dant nécessaire, dans les cas où la tunique vaginale, épaissie et cartilagineuse, résiste aux injections irritantes.
Procédé de Dupuytren. Lorsqu'une hydrocèle était très volu-mineuse, Dupuytren suivait pour son premier temps l'exemple de Douglas : dans les cas ordinaires , il se bornait à la simple in-cision verticale de Boyer, mais sans toutefois ouvrir le sac vagi-nal, puis le premier temps exécuté de l'une ou de l'autre manière, il renversait en dehors les bords de la plaie et tournait, avec les derniers doigts placés derrière le scrotum, la tumeur d'arrière en avant avec une certaine force, pour énucléer le kyste jusqu'à l'endroit où se termine le feuillet pariétal de la tunique vaginale. Enfin, donnant issue au liquide de l'hydrocèle, il procédait à l'aide de forts ciseaux courbes sur le plat, à l'excision du kyste, le plus près possible du testicule.
Procédé de M. Kinder-IVood'. Ce chirurgien, adoptant l'idée de Pott et de quelques-uns de ses compatriotes, qui pensaient que l'oblitération complète de la tunique vaginale n'était pas néces-saire à la guérison de l'hydrocèle, imagina le procédé suivant dans lequel il se borne à ne faire qu'une excision partielle. Une incision de quelques lignes est pratiquée sur le scrotum, avec une lancette ou un bistouri ; le liquide s'écoule en partie, puis avec une pince, on cherche à saisir une partie du kyste que l'on attire hors de la plaie pour l'exciser, soit avec un bistouri, soit avec des ciseaux courbes sur le plat.
Injection. Généralement adoptée par les chirurgiens moder-nes , cette méthode fut, dit-on, imaginée par un nommé Monro et mise en usage par Lembert, de Marseille , en 1677. Les chi-rurgiens anglais qui l'expérimentèrent pendant un certain temps, ne tardèrent pas à la proscrire pour quelques insuccès qu'ils lui attribuèrent, et elle ne fut réellement impatronisée en France (|ue depuis le mémoire de Sabatier.
Pour la pratiquer, on s'est servi à certaines époques de di-vers instrumens que l'on s'est empressé d'oublier pour ne plus employer désormais qu'un petit trois-quarts ordinaire armé de sa canule (pl. 47* fig- 5, a, b, c), et d'une seringue à an-neaux (pl. 47» fig- 6)-
Les liquides qui ont été employés pour irriter la surface in-
terne du kyste ont considérablemenl varié depuis la solution de chaux chargée de sublimé corrosif, jusqu'aux différentes espè-ces de vins. On a également injecté de l'alcool, mais le vin lui est encore ajuste titre préféré. Un chirurgien dont parle Monro, se servait, d'alcool pur ou affaibli; Earle de vin de Porto; Junc/icr préférait le vin de Médoc, auquel lîoyer etDupuytren ont substitué du gros vin ordinaire, que l'on avait préalable-ment fait chauffer et dans lequel on ajoutait soit un peu d'al-cool , soit une décoction concentrée de roses de Provins, fin résumé, le vin rouge a donc prévalu sur les autres liquides; il est injecté aujourd'hui à une température d'environ 3a".
Manuel opératoire. Le malade étant disposé comme pour les méthodes précédentes, le chirurgien se place du côté droit, passe sa main gauche derrière le testicide qu'il soutient comme nous l'avons déjà dit, et saisissant de la main droite le trois-quarts armé de sa canule (pl. 47 fig- 2), il en approche la pointe auprès des té^gumens pour l'enfoncer d'un coup sec et vif, de ma-nière à pénétrer du même coup dans la cavité du sac. Confiant alors le testicule à un aide , le chirurgien de la main gauche , saisit la canule en ayant soin, de peur qu'elle ne vacille , de pincer en même temps les téguinens au voisinage de la piqûre, tandis qu'avec la main droite il retire le trois-quarts pour donner issue au liquide qui s'écoule dans un bassin préalablement placé entre les cuisses du malade. Lorsque la tunique vaginale est vide, un aide tenant la seringue , déjà remplie de vin chaud , en adapte le bec à l'orifice externe de la canule du trois-quarts, et pousse modérément son injection jusqu'à ce que les bourses soient distendues , après quoi l'on fait sortir cette première injection pour en chasser une seconde et même une troisième.
Il faut avoir le soin, avant de faire la ponction , de bien s'as-surer de la position du testicule , habituellement situé en bas, en dedans et en arrière du kyste; ce qui est assez dire qu'il ne faut enfoncer l'instrument qu'à la partie inférieure et antéro-externe du scrotum. Dans tous les cas où le testicule n'occupe-rait pas sa position habituelle , il faudrait, après s'en être positi-vement assuré , ne faire la ponction que dans le point qui lui serait diamétralement opposé , car sans cette précaution, il pour-rait se faire que l'orgae se trouvât blessé.
L'opération étant terminée et le malade couché, on est dans l'habitude d'envelopper le scrotum avec des compresses imbibées de vin chaud pendant cinq ou six jours , en un mot jusqu'à ce que l'inflammation ait atteint son summum d'intensité, pour panser ensuite avec des cataplasmes simples ou arrosés de lau-danum. Il est quelques circonstances où l'inflammation atteint ce degré dès le lendemain de l'opération , tandis cpie d'autres fois elle est très modérée : un mouvement fébrile et quelquefois une fièvre très intense avec tous les symptômes généraux de réaction l'accompagnent dans le premier cas, et dans le second cette réac-tion est à peine sensible.
Quand l'inflammation parait baisser, ce qui a lieu au bout de huit à dix jours, on doit abandonner les cataplasmes pour re-courir aux résolutifs.
Un des accidens les plus graves cpie l'on ait à redouter de la méthode par injection , c'est la gangrène du scrotum , que l'on peut éviter en suivant rigoureusement les préceptes que nous avons donnés , car elle est habituellement provoquée par une injection poussée entre le scrotum et la tunique vaginale, ou bien par une infiltration de liquide au travers de déchirures de cette membrane qui aura été trop distendue.
D'autres fois le trois-quarts blesse quelqu'une des branches fournies au scrotum parles ai tères honteuses internes et exter-nes, l'artère épigastriquc, ou enfin l'artère sper ma tique, et peut ainsi donner lieu à des hêmorrhagies.
La blessure du testicule, moins grave que les auteurs anciens ne le pensaient, fait éprouver cependant une vive douleur, et peut, dans certaines circonstances, déterminer des abcès dans cet or-gane. L'emphysème vient aussi quelquefois compliquer cette opé-ration, mais il n'en résulte habituellement rien de bien fâcheux.
métiiodf.s nouvelles.
L'acupuncture, revendiquée par MM. Travers, Cumin et enfin Velpeau qui dit en avoir eu l'idée en i83i , est une mauvaise opération généralement abandonnée. Ce n'est pas qu'elle soit douloureuse, ni qu'elle occasionne des accidens graves, mais elle ne guérit pas. Les uns veulent qu'on introduise au travers des parois de l'hydrocèle une longue aiguille à acupuncture que l'on laisse en place deux ou trois jours et plus s'il est néces-saire. D'autres prescrivent seulement que l'on fasse plusieurs ponctions à l'hydrocèle avec la même aiguille, jusqu'à ce que la sérosité sorte par les ouvertures.
La compression, imaginée en i83a , par M. Velpeau, n'a pas eu tout le succès qu'en attendait cet habile opérateur; aussi n'a-t-elle été adoptée par personne, et lui-même l'a abandonnée. Il commençait par vider l'hydrocèle à l'aide d'un trois-quarts, et exerçait ensuite la compression , avec des bandelettes de dia-chylon , comme cela se fait dans le traitement de l'orchite.
L'injection d'iode, employée pour la première fois par M. Vel-peau, en 1836, et depuis par la plupart des chirurgiens de l'épo que, est sans contredit le meilleur moyen que l'on possède encore pour obtenir la cure radicale de l'hydrocèle. En effet, l'iode agit à-la-fois comme résolutif et comme excitant ; et c'est après l'avoir vu essayer comme topique sur des hydrocèles volumineuses dont on était parvenu à obtenir en partie la résolution, que M. Velpeau eut l'idée de l'injecter dans le sac vaginal. La tein-ture d'iode a été employée par ce chirurgien , tantôt pure, tantôt mêlée avec deux tiers, la moitié ou le quart d'eau froide ou tiède, et elle a constamment réussi. Du reste, comme cette in-jection ne nécessite pas de manœuvres autres que celles de l'injec-tion vineuse, nous n'en parlerons pas plus longuement ici; seu-lement nous ajouterons qu'il est inutile d'en injecter jusqu'à distendre la tunique vaginale, et qu'une petite quantité suffit pourvu qu'on ait la précaution de malaxer le scrotum, de ma-nière à ce que le liquide passe sur tous les points delà face interne du sac vaginal. L'inflammation qu'elle cause, peu douloureuse, ne dure que quatre à cinq jours , et la cure de l'hydrocèle s'ob-tient de vingt jours à six semaines. Il est indispensable d'appliquer comme par l'injection ' vineuse, des cataplasmes sur les bourses, lorsque l'inflammation est arrivée à son summum d'intensité. M. Velpeau emploie habituellement une cuillerée de teinture al-coolique d'iode, sur trois cuillerées d'eau tiède simple, ou froide.
Méthodk de M. Baudens. Ce chirurgien a créé dernièrement une méthode qui compte déjà un grand nombre de succès. Elle consiste à forcer le liquide de l'hydrocèle de s'écouler, à mesure qu'il se forme, à travers un conduit fistuleux artificiel. M. Bau-dens se sert d'une canule assez mince (pl. 47? fig- /j, a, a) co-
nk[ue, ayant un pavillon à sa grosse extrémité et percée d'un trou dans la moitié de sa longueur; à son extrémité inférieure, on place un dard dont la base, de même largeur cpie cette extrémité inférieure , est surmontée d'une tige.
La canule ainsi armée de son dard, est introduite doucement dans le sac, toujours par la partie antéro-externe (pl. 4?, fig. 4)-Parvenue dans la cavité, l'opérateur, avec la pointe de cet instru-ment, explore, pour l'éviter, la surface du testicule, et la ra-menant vers les enveloppes , la fait sortir à 3 ou [\ centimètres (i pouce ou 18 lignes) de son entrée. Le scrotum est ainsi tra-versé de part en part, comme il le, serait par un séton. On relire le dard pour ne laisser en place cpie la canule , et à l'instant le li-quide contenu dans le sac, s'écoule par le trou dont est percée cette tige , à sa partie médiane. On fixe la canule, à l'aide d'un fil jeté autour d'elle, en forme de 8 de chiffre, et on la laisse ainsi six à huit jours. Pendant ce laps de temps, le liquide sécrété sort goutte à goutte; on débouche de temps en temps le canal qui tend à s'obstruer, et quand le liquide s'échappe par la circon-férence de la canule, comme on peut compter sur la durée d'une fistule, on retire l'instrument. Cette fistule persiste encore une hui-taine, de jours, et se ferme graduellement à mesure que s'opère l'adhésion des surfaces séreuses (Gazette des hop., p. 33 i, 184o).
Telles sont les différentes méthodes qui, tour-à-tour, ont été mises en usage dans le traitement de l'hydrocèle; nous nous réser-vons de les passer en revue, après avoir parlé succinctement du traitement qui convient à chaque espèce en particulier.
Hydrocèle par infiltration. Comme nous l'avons déjà dit, cette affection n'est autre chose que l'œdème idiopathique ou symptomatique des bourses. Elle est à beaucoup près moins diffi-cile et moins longue à guérir que celle de la tunique vaginale ; aussi n'a-t-on à faire, dans ce cas, que des scarifications ou des in-cisions sur la tumeur, que l'on place ensuite sur un plan déclive.
Hydrocèle compliquée. L'hydrocèle vaginale peut être com-pliquée d'une autre hydrocèle du côté opposé; il convient alors de n'opérer qu'un côté à-la-fois, et d'attendre qu'il soit guéri pour opérer l'autre. Cette manière est bonne à suivre, parce que, dans quelques circonstances, l'inflammation des deux sacs à-la-fois , portée à un trop haut point, pourrait réagir trop for-tement et entraîner des accidens graves. Toutefois, ce précepte n'a pas une valeur absolue. Si, en général, on doit se préserver de provoquer deux inflammations à-la-fois, l'expérience acquise prouve néanmoins que cette condition peut être remplie sans donner lieu à de trop graves accidens; et si les chirurgiens qui ont établi le précepte contraire ont fait preuve de prudence, du moins peut-on dire qu'ils ont un peu exagéré les dangers proba-bles d'une double opération.
Il arrive quelquefois qu'une hydrocèle d'un côté, se trouve divisée en deux par une cloison. 11 convient dans ces circonstan-ces d'opérer les deux kystes à-la-fois, et de ne point attendre que l'un soit guéri pour opérer l'autre; car ici l'opération, parfaitement semblable à celle d'une hydrocèle simple, à une-ponction près, ne saurait en traîner d'accident; tandis qu'en agis-sant autrement on ferait doublement souffrir le malade , et la durée du traitement consécutif serait inutilement prolongée.
L'hydrocèle multiloculaire, à laquelle Larrey a donné le nom impropre à'hjdatique , et qui est formée de plusieurs kystes , ne saurait être traitée par l'injection. En effet, il faudrait faire au-tant de ponctions et d'injections successives qu'il y aurait de petits kystes. On l'ait une incision dans toute la longueur du scro-tum, on ouvre les kystes, et on remplit celte vaste ravi té de boulettes de charpies.
Si le testicule, ainsi que l'épididymc, se trouve tuméfié, bos-selé , il n'y point pour cela contre-indication àia cure de l'hydro-cèle, et l'injection d'iode est celle qui convient le mieux. Il en est de même si le liquide est légèrement sanguinolent, tandis que l'on doit employer le séton, lorsque, indépendamment du li-quide, le sac contient des caillots sanguinolens volumineux; mais cette complication se rapproche trop de l'hématocèle, pour que nous nous en occupions plus longuement ici.
Il est des circonstances où l'hydrocèle étant ancienne chez un homme âgé, par exemple, la tunique vaginale se trouve épaissie et cartilagineuse, et contient quelquefois dans sa cavité, des masses fibrineuses. Alors on conçoit que les injections de même que certains autres moyens, doivent avoir peu d'action sur cette membrane ainsi épaissie; l'excision seide convient dans ces cas qui ne sont encore que trop fréquens.
L'hydrocèle compliquée de hernie scrotale, est celle qui exige le plus un examen attentif et un diagnosi ic certain, et encore est-il des cas (ceux où l'intestin se faisant jour à travers une per-foration du sac , se présente à nu dans la tunique vaginale) qu'il est impossible de diagnostiquer; on doit quand on parvient à bien distinguer les deux affections , réduire la hernie , si cela se peut, et faire une injection iodée en ayant toutefois la pré-caution de comprimer le sommet de la tumeur, pour éviter que le liquide ne pénètre dans le péritoine, par la communication qui pourrait exister.
Hydrocèle congeniale particulière aux nouveau-nés. L'hy-drocèle congeniale, bien étudiée par Figuerie le premier, persiste quelquefois jusqu'à l'âge de sept à huit ans.
Procédé de Figuerie. Ce chirurgien pensant, avec raison, que la majeure partie du liquide vaginal, à cet âge, pro-vient de l'exhalation séreuse du péritoine, conseillait de com-primer l'hydrocèle de manière à refouler toute la sérosité dans la cavité peritoneale, et d'appliquer ensuite la pelote d'un brayer sur le trajet de canal inguinal, pour empêcher ce liquide de re-descendre dans la tunique vaginale. L'enfant doit être après couché sur le dos et dans une position horizontale. Vigueriedit avoir obtenu beaucoup de succès par ce moyen.
Procédé de Desault. Desault, contrairement à l'opinion de Vi guérie , opérait l'hydrocèle congeniale comme celle acquise, prenant toutefois la précaution de faire la compression sur la branche horizontale du pubis, de manière à intercepter toute communication entre, l'abdomen et la cavité vaginale, dans la-quelle il avait préalablement le soin de faire descendre le plus de liquide possible. Desault employait le vin en injection; on se ser-virait aujourd'hui de l'iode avec d'autant plus d'avantage que ce liquide allât-il dans le péritoine , l'irriterait encore moins que le vin ; de plus, comme on injecte beaucoup moins d'iode que de vin, cet accident est aussi moins à craindre. M. Velpeau a dit avoir obtenu plusieurs succès par ce moyen.
Evidemment en comparant l'un avec l'autre les deux procédés qui précèdent, l'intention chirurgicale de, Viguerie est bien pré* férable à celle de Desault, puisque le premier obtient sans opé-ration une guérison , dont le second compromet les chances et augmente singulièrement les dangers en risquant le développe-
ment d'une péritonite, maladie bien plus grave que celle qu'il avait pour objet de guérir.
Hydrocèle du cordon. L'liydrocèle par infiltration nécessite seulement des scarifications ou des incisions; tandis que celle par épanchement qui n'est autre chose qu'un véritable kyste, étendu quelquefois depuis le sommet du cordon jusqu'à l'épidi-dyme, doit être traitée de préférence par les injections iodées ; avant l'iode on employait avec succès le vin. Chacune des mé-thodes antérieures à celles-ci ont été mises en usage.
Enfin l'hydrocèle chez la femme, qui ne doit ici nous inté-resser qu'au point de vue de la médecine opératoire, n'étant qu'un kyste séreux des grandes lèvres , a été traitée de toutes les façons. Celles qu'on doit préférer sont encore l'injection vi-neuse , et mieux l'injection iodée , ou bien la méthode de M. Bau-dens. Mais dans les cas où, comme pour l'hydrocèle chez l'homme, les parois du kyste seraient crétacées , cartilagineuses , ou seule-ment très épaissies, l'excision devrait être employée de préfé-rence. Nous aurons occasion d'y revenir dans un autre chapitre.
Appréciation. Toutes les méthodes étant exposées, avec leurs avantages et leurs inconvéniens , l'injection d'iode et la méthode de M. Baudens, nous paraissent incontestablement celles dont on doit préférer l'emploi, bien entendu comme application gé-nérale, sauf les cas exceptionnels que nous avons fait connaître. Nous ne trouvons dans les auteurs que des données statistiques incomplètes sur les méthodes cpie chacun d'eux a inventées, et cependant il nous faut motiver notre choix. Personne , en effet, n'a examiné rigoureusement cette question sur les divers rap-ports de la durée de l'opération, de la douleur, du danger, de la longueur du traitement consécutif, de ses accidens, enfin de la guérison et de la récidive. C'est en passant ainsi en revue toutes les méthodes que nous avons décrites , cpie nous croirons avoir atteint le but que l'on doit se proposer dans un traité de mé-decine opératoire.
Et d'abord, procédant des méthodes les plus usitées vers celles qui le sont le moins, nous commencerons par l'injection. Cette méthode est sans contredit celle cpii réussit le mieux et qui est le plus applicable ; l'injection vineuse n'est point une opération longue , mais elle nécessite plus d'appareil , néanmoins, que l'injection iodée; pour la première il faut un appareil de ré-chauds, de bassins, de seringue exprès; pour la seconde une seule seringue et Tin bassin suffisent. Les autres liquides étant fort peu usités, nous n'en parlerons pas. Avec le vin on est forcé de pousser immédiatement plusieurs injections , tandis que, avec l'iode, une seule dose suffit. Le vin donne lieu à des douleurs ex-trêmement vives qui suivent le trajet des cordons spermatiques et vont retentir dans les fosses iliaques et dans les lombes. L'iode fait éprouver aussi une douleur très vive, mais souvent locale et quelquefois même presque nulle. Avec le vin on a à craindre des accidens graves que nous avons déjà signalés ; ces accidens ne se déclarent jamais après l'emploi de l'iode qui, même poussé entre la tunique vaginale et les autres membranes, dans le tissu cellulaire des bourses, s'absorbe plutôt que d'occasionner une gangrène du scrotum , dont les résultats sont si affligeans. Le traitement consécutif, moins long après l'injection d'iode (l'in-flammation arrivant à son plus haut degré dans l'espace de l\ à 5 jours), nécessite après l'emploi du vin, depuis l'opération jus-qu'à l'inflammation intense , une attention de tousles instans et un pansement non interrompu avec des compresses imbibées du
t. vii.
même liquide. A partir de celte période, le traitement est à-peu-près le même dans les deux cas; mais la guérison se fait beau-coup moins attendre sous l'influence de l'iode qu'après l'injection de vin chaud, et celui-ci n'expose jamais à d'autres accidens, tan-dis que celui-là faisant naître une inflammation très intense que l'on ne peut pas toujours modérer, a occasionné, quoique ra-rement il est vrai, des abcès dans les bourses. Enfin la guérison cpii ne demande que quinze à vingt-cinq jours avec l'iodenedure pas en général moins de six semaines avec le vin, et dans beaucoup de cas, n'est pas définitive. Pour les cas particuliers nous avons dit quelles étaient les méthodes préférables, nous n'y revien-drons pas.
La méthode de M. Baudens, dont nous avons constaté les bons résultats à propos de l'empyème et de la paracentèse, offre déjà sur les autres cet avantage d'appartenir à une doc-trine générale. Mais en outre , appliquée à l'hydrocèle en parti-culier, elle est destinée à se placer au premier rang lorsque divers chirurgiens, ayant acquis la certitude de sa supériorité parleur expérience personnelle , les faits, pour la juger, seront assez nombreux. Disons à l'avance que l'opération en elle-même est courte, peu douloureuse, et qu'elle n'expose à aucun accident. Si, comme nous n'en cloutons pas, les rapides guérisons dont nous avons été le témoin se trouvent, par la suite, aussi fréquentes et sans se faire plus attendre qu'avec l'iode, on devrait nécessairement la préférer.
La compression de M. Velpeau et l'acupuncture ne sont point des opérations douloureuses ni graves; mais leurs résultats sont insignifians , comparés aux succès journaliers des méthodes pré-cédentes.
L'expression seule d'excision indicpie combien l'opération doit être lente et douloureuse pour le malade , en même temps que très laborieuse pour le chirurgien. Les suites en sont longues à cause de l'abondante suppuration qui s'établit, et peu-vent devenir graves jusqu'au point d'avoir occasionné la mort. Le seul avantage de cette méthode , mais cpii ne suffit pas pour contrebalancer ses dangers , est la certitude d'une guérison dé-finitive en raison de la solidité des adhérences. Ce que nous di-sons de la méthode , nous le disons aussi des procédés à l'excep-tion de celui de Kinder-Wood , qui , s'il n'est pas très doulou-reux, ni grave, du moins ne guérit pas.
L'incision est à-peu-près dans le même cas que l'excision, seulement elle exige moins de temps pour la pratiquer; mais le traitement consécutif a les mêmes inconvéniens, et de plus on est moins certain de la guérison que par l'excision.
Le traitement par les tentes, comparé à l'injection, est peu efficace , et retarde inutilement la guérison ; comparé à l'incision et à l'excision , il est peu douloureux , et n'entraîne pas d'acci-d en s graves. Enfin, considéré en lui-même, en théorie , il sem-ble bien que le contact delà mèche et l'introduction de l'air doi-vent avoir pour résultat l'inflammation adhésive des surfaces, condition nécessaire d'une guérison définitive; mais en réalité , si cet effet a lieu dans quelques cas, dans beaucoup d'autres il a manqué.
Pour le séton , il en est à-peu-près de même ; seulement cette méthode a des inconvéniens absolument opposés. Ainsi , in-flammation trop vive qui peut même se propager jusqu'au tes-ticule , inconvénient de deux ouvertures, douleur intense et longueur du traitement consécutif, tels sont les motifs qui doi-vent la faire rejeter. Nous en dirons autant du procédé de Van-Onsenoort; mais si l'emploi du selon était jugé indispensable, et
par exemple dans l'hydrocèle avec complication de caillots san-guins , nous préférerions le procédé de M. Laugier, comme plus expéditif et plus sûr.
Quant à la cautérisation , de quelque manière qu'on la prati-que , on conçoit du reste combien elle doit être longue, atroce-ment douloureuse, insuffisante et susceptible d'accidens graves.
En résumé, dans l'état actuel de la question , les méthodes à préférer à toutes les autres, seront l'injection et l'écoulement continu de M. Baudens.
VARICOCÈLE.
On comprend aujourd'hui sous la dénomination commune de varicocèle , la dilatation variqueuse des veines, soit du cordon, soit du testicule, soit enfin du scrotum. Bien que ces deux mots varicocèle et kirsocèle ou mieux cirsocèle, aient une même signi-fication , on en restreignait autrefois l'application à des lieux différens; ainsi le varicocèle désignait les varices du scrotum, et le cirsocèle les varices du cordon testiculaire et du testicule.
Le varicocèle n'est point une maladie grave, quoi qu'en ait dit beaucoup d'auteurs très recommandables, et l'on conçoit difficilement que Boyer ait pu y reconnaître un motif suffisant pour légitimer la castration.
Ce n'est point ici le lieu de faire de l'anatomie pathologique ni de la pathologie , nous devons seulement nous borner à étudier les moyens de traitement que l'on emploie contre cette phlébeo-tasie. Quant à sa situation, le varicocèle est beaucoup plus commun à gauche qu'à droite , et quant à l'âge, on le rencontre plus souvent de i5 à 4o ans qu'aux autres époques de la vie.
Le traitement du varicocèle peut être seulement palliatif, ou bien il peut être curatif. Le traitement palliatif consiste sim-plement dans l'emploi de topiques astringens et de réfrigérans sur le scrotum, et l'usage continuel d'un suspensoir.
traitement curatif.
La cautérisation cautère potentiel, ou cautère actuel, l'extir-pation , l'excision , la compression , la ligature et enfin la castra-tion ; toutes ces méthodes dites anciennes , qui ont en partie été mises en usage jusqu'à nous, sont en grande partie oubliées ou du moins fort peu usitées; aussi nous bornerons-nous à les énumérer pour ne nous occuper que des procédés imaginés par des chirurgiens de notre époque, procédés seuls réellement applicables, les méthodes anciennes étant pour la plupart pires que le mal lui-même, (i)
Quatre méthodes générales ont été principalement suivies par les modernes, et de ces quatre méthodes découlent huit procé-dés , qui ont été imaginés par différens chirurgiens. Le séton , l'acupuncture , la compression , et enfin la ligature médiate ou immédiate ou sous-cutanée ont été successivement préconisées.
i° Séton. Procédé de M. Frick. Au commencement de 1834 ¦ M. Frick , pensant que si l'on pouvait parvenir par un moyen quelconque, mais peu dangereux, à déterminer dans les veines la formation de caillots sanguins qui s'organiseraient et feraient, naître une inflammation adhésive de la membrane interne des veines, on obtiendrait, par cela même, la cure radicale du varico-cèle, imagina dépasser un séton à travers les veines. Il fut précédé
(î) Nous avons d'autant moins à nous en occuper que ces différentes mé-thodes ayanl été décrites au long à propos des varices et de la castration, il nous suffit d'y renvoyer pour les détails qui les concernent.
en cela, mais sans en avoir eu connaissance, par M. Velpeau, qui, en 183o, avait fait de nombreuses expériences sur des chiens dont il voulait faire oblitérer les artères. Voilà du reste comment opère M. Frick : On fait coucher le malade sur le dos, ou bien on le place, soit sur les genoux , soit debout, s'il est besoin d'aug-menter la tuméfaction des veines malades. Le chirurgien procède aussitôt à la recherche des principales veines du cordon qu'il saisit, en masse entre le pouce et l'index de la main gauche; puis la main droite armée d'une aiguille ordinaire garnie d'un fil simple, il les traverse de part en part. Si les veines sont longues et volu-mineuses, il conseille de les traverser de nouveau à courte dis-tance avec une seconde et même une troisième anse de fil, de ma-nière à obtenir l'adhésion sur une plus grande longueur. Le fil est laissé de un à trois jours, selon l'intensité de l'inflammation ; le scrotum est placé sur un coussinet et recouvert de topiques émolliens ou résolutifs. On doit surveiller l'inflammation.
¦2° Acupuncture et compression. Le procédé de M. Davat, quoique imaginé dans le même but que le séton , en diffère cependant en ce qu'on ajoute la compression à l'acupuncture, ou au séton ; il offre donc un temps de plus. Voici du reste comment on l'applique : le malade étant placé comme pour le procédé de M. Frick, et la peau du scrotum étant saisie de la même manière, on isole avec la main droite le conduit défé-rent qu'un aide tient repoussé en arrière. Le chirurgien, armé d'une épingle ou d'une aiguille, la porte sur la peau qu'il tra-verse de part en part, de manière à ce que la veine se trouve soulevée sur cette épingle; pour le second temps, il prend une autre épingle, et la plaçant perpendiculairement aux tissus, à un milli-mètre (demi-ligne) au-dessous de la première, il l'enfonce d'avant en arrière de manière à traverser les deux parois opposées de la veine malade. Le chirurgien doit s'assurer que la veine est bien traversée, en cherchant à sentir avec la pointe de la seconde épin-gle le corps de la première. Il abaisse ensuite la main pour faire basculer l'épingle, qu'il fait passer derrière la première, et vient au-dessus d'elle traverser de nouveau la veine, mais cette fois d'arrière en avant. Les deux épingles se trouvent donc ainsi pla-cées en croix. Pour le troisième temps, on passe un fil ciré double sur la première et sur la seconde épingle ; on agit comme pour la suture entortillée, et l'on opère une forte constriction sur la peau, la veine et les deux épingles.
3° Compression. A. Procédé de M. Breschet. Voulant se mettre à l'abri de tous les accidens qu'entraînaient les méthodes ancien-nes , et de plus voulant éviter la phlébite qui peut être la suite de l'acupuncture, M. Breschet imagina, en 1834 ? d'obtenir l'o-blitération des veines par la compression, et pour ce faire il in-venta une pince construite à-peu-près sur le modèle de l'entéro-tome de Dupuytren. M. Landouzy a modifié depuis cette pince d'une manière très avantageuse, si bien qu'aujourd'hui les chirurgiens qui veulent opérer le varicocèle par la compression seulement, et M. Breschet lui-même, ne se servent plus que de la pince de M. Landouzy (Pl. 4g, fig. 17 ).
le malade étant placé comme pour les procédés précédens, "le chirurgien saisit le paquet variqueux entre le pouce et l'index de la main gauche, il cherche le canal déférent avec le pouce et l'index de la main droite, l'isole complètement et le repousse vers la cloison , tandis que l'on attire le paquet veineux vers la partie externe du scrotum. L'opérateur maintient lui - même les veines dans le pli de la peau ou bien il les confie à un aide.
Les mors de la pince doivent être préalablement garnis de linge. « Une fois les veines séparées , dit M. Landouzy , un aide ou bien le chirurgien place la première pince sur la partie, trans-versalement et le plus haut possible, mais assez loin cependant delà racine de la verge, pour cpie le contact de la pince ne puisse y déterminer d'eschares. Afin de ne pas comprendre sous les mors la peau nécessaire à l'extension de la verge pendant l'érection , on fera relever préalablement le pénis contre l'abdo-men. Les branches de la pince doivent être portées aussi loin que possible vers la cloison, contre le pouce du chirurgien qui tient éloigné le canal déférent. On étend ou l'on rétrécit la partie du scrotum comprise entre les branches, selon que cela est nécessaire, pour conservera la partie externe, hors l'action des mors, un pédicule de peau d'environ deux lignes de largeur. Dès que la pince est convenablement placée on en rap-proche les branches au moyen de la vis et on serre de suite assez fortement, mais de manière à ne pas produire l'attrition des tis-sus. Une seconde pince sera placée inférieurement à deux ou trois centimètres de la première, suivant le volume de la tu-meur, c'est-à-dire le plus bas possible, mais de manière à ce que le testicule ne soit pas trop voisin de la section. »
M. Auguste Bérard a fait subir une autre modification à la pince de M. Breschet. Elle est basée sur ce que les veines étant habituellement très roulantes, pourraient bien, malgré la compres-sion un peu forte, s'échapper des mors delà pince, si le malade faisait quelques mouvemens. Il a donc fait pratiquer une ouver-ture à chacune des extrémités des deux mors de la pince, de ma-nière à pouvoir y passer une assez forte aiguille. Il applique d'abord les deux aiguilles au-dessus des veines , en traversant la peau des deux côtés à une distance égale à celle qui sépare les trous pratiqués sur l'un et l'autre mors de la pince. Il place en-suite la pince, en ayant soin de faire passer les aiguilles dans les trous dont nous venons de parler. On a fait encore d'autres pinces sur lesquelles les aiguilles sont à demeure , de sorte que l'on traverse la peau avec les aiguilles , en même temps qu'on applique la pince.
B. Procédé de Sanson. Sanson voulut obtenir l'oblitération des veines du scrotum à l'aide seulement de la compression, mais sans endommager la peau, aussi inventa-t-il un instrument qui, ci priori, paraissait remplir ces conditions, mais que la prati-que a complètement rejeté; en voici néanmoins la description. Cet instrument se compose de deux pinces d'acier coudées à la réunion de leur tiers moyen avec le tiers antérieur, dont l'ex-trémité est garnie d'une pelote ovalaire. Les surfaces convexes de ces deux pelotes se regardent quand l'instrument est mis en place. L'une des deux pièces d'acier porte dans ses deux tiers postérieurs deux montans à vis, et au milieu une vis de rap-pel , tandis que l'autre pièce est percée de trois trous. On com-prend donc que cette espèce d'agrafe étant appliquée, on peut la serrer à volonté.
Le malade étant placé comme nous l'avons dit, et les veines du cordon ramenées dans un pli extérieur de la peau, le canal déférent repoussé en arrière , on applique l'une et l'autre pe-lote de chaque côté du scrotum derrière les veines et l'on serre assez fortement la vis de rappel ainsi que les petits écrous des montans à vis , afin de rapprocher l'une et l'autre pelote.
4° Ligaturf. A. Ligature médiate. M. Beynaud, de Toulon, avait imaginé un procédé très simple d'exécution. Il passait un ruban de fil derrière les veines isolées et venait ensuite le nouer sur la peau qu'il étranglait ainsi que les veines. Ce ruban de fd devait rester en place, jusqu'à ce que la peau, les tissus sous-jacenset les veines eussent été coupés. Il est à regretter que l'é-rysipèle phlegmoneux causé par un étranglement sur une grande surface, et le laps de temps considérable qu'exige pour, s'opérer, la section des tissus , forcent à condamner ce procédé.
B. M. Velpeau est l'un des premiers qui aient mis en usage la ligature dans le traitement du varicocèle. Le procédé, qui date de i833, consiste à passer tout simplement une épingle derrière les veines comprises dans un pli antérieur du scrotum pour opé-rer ensuite la constriction avec un fil ciré très fort qu'il appli-que sur l'épingle comme dans la suture entortillée, en 8 de chiffre. Il faut attendre pour enlever l'épingle que la peau soit toute en gangrène, ce qui a lieu au bout de quinze à vingt jours environ ; alors la veine doit être oblitérée. On ne se borne pas habituellement à placer une seule épingle, on en met deux, trois, et rarement quatre. Presque toujours la gangrène se limite au cercle d'étranglement et l'on n'a pas besoin de recourir aux antiphlogistiques.
C. Ligature sous-cutanée. i° M. Velpean est également un des premiers qui ait songé à faire la ligature des veines sous la peau; cependant cette idée a été émise quoique assez vaguement en i83o, par M. Gagnebé dans sa thèse inaugurale. Voilà comment opère M. Velpeau : le malade couché ou debout, le chirurgien saisit les veines dans un pli antérieur de la peau des bourses, cherche le canal déférent qu'il repousse en arrière et passe, sur la face postérieure du paquet veineux, une épingle qu'il fait maintenir par un aide; saississant alors une aiguille enfilée d'un fil double, il la fait pénétrer par l'ouverture d'entrée de l'épingle , passe au-devant des veines, préalablement refou-lées , et vient sortir par l'autre ouverture. Il a donc à un bout une anse de fil et à l'autre les deux chefs. 11 passe l'anse libre derrière l'extrémité correspondante de l'épingle, et de l'autre côté il noue fortement les deux chefs du fil derrière l'autre extrémité de l'épingle. Les veines se trouvent ainsi étranglées isolément sous la peau restée intacte. Le fil est laissé en place jusqu'à ce qu'il tombe de lui-même.
i° Procédé du même auteur. On se sert seulement d'un fil double bien ciré ; à l'aide d'une aiguille droite on passe ce fil der-rière les veines d'abord , puis refoulant les veines sur le fil, le chirurgien fait pénétrer de nouveau son aiguille par l'ouverture de sortie , pour venir sortir par l'ouverture d'entrée après avoir conduit son fil cette fois au-devant des veines qui se trouvent ainsi embrassées dans une anse. Le chirurgien tire un peu sur les extrémités du fil, puis il fait un noeud aussi serré que possi-ble de manière à bien étrangler les veines.
3° Procédé de M. Ratier. M. Batier a apporté une modifica-tion au dernier procédé de M. Velpeau. Au lieu de nouer tout simplement les fils sur les veines, il se sert d'un petit serre-nœud de Graefe avec lequel il obtient tous les jours une constriction plus forte.
4" Procédé de M. Ricord. Ce chirurgien, guidé par la même idée de lier les veines sous la peau, mais de plus pensant que la constriction devait être augmentée de jour en jour, a imaginé
un instrument qui remplit parfaitement son but. Sa forme est celle d'un fer achevai; les deux extrémités sont creusées d'une gouttière, et les branches offrent une rainure médiane qui va se terminer à la partie moyenne du corps , où se trouve un treuil percé de deux trous.
M. Ricord passe ses fils ainsi qu'il suit: le malade étant dans l'une des positions déjà indiquées, le chirurgien, armé d'une première aiguille munie d'un fil double, traverse la peau du scrotum , passe son fil derrière le paquet veineux , et refoule les veines en arrière, sur le premier fil. Prenant alors une se-conde aiguille, également munie d'un fil double, il la fait entrer par l'ouverture de sortie de la première aiguille, passe au-devant des veines et vient sortir par l'autre orifice. Les fils ainsi placés, on a de chaque côté une anse de l'un des fils et les deux extré-mités de l'autre. Alors l'on fait passer de chaque côté les extré-mités dans chaque anse; ce qui donne un double nœud coulant que l'on serre à volonté en tirant sur les extrémités des chefs, et qui étrangle les veines dans un anneau complet. Les chefs des fils étant ensuite passés dans les gouttières des extrémités et les rainures des branches de l'instrument, sont enfin enroulés sur le treuil, de manière à ce qu'on puisse opérer sur les veines une constriction aussi grande qu'on le désire.
Appréciation. Si le varicocèle n'est pas en lui-même une ma-ladie grave, c'est du moins une affection très gênante et qu'il importe de guérir parce qu'elle tend toujours à s'aggraver et à amener des complications. Aussi conçoit-on facilement que l'on ait employé les moyens lesphisénergiques pour en débarrasser les personnes qui en sont affectées. En principe, lorsque le varico-cèle n'est ni volumineux ni ancien , et que le malade n'en souf-fre pas, qu'il n'est aucunement incommodé , il est convenable de se borner à recommander l'usage d'un suspensoir. Quant aux méthodes anciennes, elles doivent être bannies désormais de la pratique, car non-seulement elles produisent fréquemment de longues suppurations , elles sont très douloureuses, mais encore elles n'amènent que très lentement la guérison. Malheureusement, soit par les méthodes anciennes, soit par les nouvelles , il n'existe nulle part de statistique qui puisse nous faciliter l'évaluation précise de chacune d'elles.
Le procédé de M. Frick, quoique meilleur que les procédés anciens, offre néanmoins des inconvéniens réels; d'abord il peut manquer son effet, et même, quoique dans des cas rares, offrir des dangers, il peut être insuffisant, parce que quelquefois il arrivera au chirurgien, même le plus habile, de passer à côté des veines au lieu de les traverser, ou bien dans la crainte d'une inflammation trop intense delà tunique interne de la vessie, il enlèvera trop tôt le fil qui la traversera, et n'obtiendra pas par conséquent l'oblitération de son calibre; enfin il pourra arriver que le caillot n'étant pas assez bien organisé, assez dense, pourra se redissoudre, et la circulation veineuse se rétablir comme avant. Le procédé sera dangereux, parce qu'un selon passé dans une veine occasionne une phlébite , dont il sera impossible d'ar-rêter la marche rapide et de limiter les effets dans un point aussi rapproché de la cavité abdominale. Ce moyen est à cause de cela fort peu usité, et cependant M. Frick dit avoir eu un plein succès sur 38 malades qu'il a guéris. Comment, en regard de ce chiffre , ne voit-on figurer aucun revers ?
Le procédé de M. Davat partage les inconvéniens de celui de M. Frick; mais il offre sur ce dernier l'avantage, que la com-pression seule peut amener l'oblitération de la veine dans le cas où elle ne serait pas traversée par l'épingle , et M. Velpeau pense que celte compression pourrait, en outre, modérer l'extension de la phlébite.
LeprocédédeM. Breschet, bien préférable à ceux de MM. Frick et Davat, a cependant des inconvéniens graves. Il est d'abord très douloureux ; il doit rester trop long-temps appliqué, si bien qu'on ne doit l'enlever que lorsque des eschares sont bien for-més. Alors il peut bien être la cause d'érysipèles, d'abcès du scrotum ; mais on n'a pas d'exemple de phlébite. Cependant à notre connaissance un ou deux malades sont morts pendant la durée de l'application de la pince; la mort fut-elle ou non la conséquence de l'opération, c'est ce qu'il nous paraît difficile de décider. Malgré cela, cependant, nous le répétons, ce procédé est bien préférable aux autres et d'un effet presque certain. M. Landouzy, dans son mémoire, compte cent malades guéris.
Quant à la pince de Sanson, elle ne comprime que médiate-ment les veines du cordon , qui sont étroitement serrées dans le pli antérieur du scrotum. Sanson espérait par ce moyen effacer leur calibre, y déterminer la formation de caillots sanguins et arrêter ainsi la circulation. Il se forme bien en effet des caillots pendant que l'instrument est appliqué, mais ils se dissolvent en-suite et le varicocèle revient comme avant. Ce moyen, qui n'en-traîne jamais d'accidens graves ne guérit cependant pas. Il a donc été abandonné sans avoir beaucoup été mis en usage.
Nous ne nous arrêterons pas sur Je procédé de M. Reynaud , qui, quoique meilleur, a des inconvéniens trop réels. Quand aux procédés de M. Velpeau : dans la première manière d'agir, il fallait attendre, pour enlever le fil et l'épingle, que la peau liée fût tombée en gangrène; c'était déjà un vice, indépendamment de la douleur et des érysipèles qu'il pouvait déterminer. Mais les succès fréquens que M. Velpeau a obtenus de ce procédé compensaient grandement ses inconvéniens, et il serait certaine-ment le plus employé, si la méthode sous-cutanée n'était venue envahir aussi cette partie de la chirurgie. Pour les deux autres procédés de M. Velpeau (méthode sous-cutanée), ainsi que pour ceux de M. Ricord et de M. Ratier, ce qu'il faut en dire, c'est qu'ils sont peu douloureux , entraînent très rarement la forma-tion d'abcès dans le scrotum, presque jamais d'érysipèles, et que par leur emploi la guérison est la règle et la non-gué-rison l'exception. Le meilleur de tous, à notre avis, est celui de M. Velpeau, parce qu'il est le plus simple. Mais en résumé disons d'une manière générale que, quelle que soit la perfection des procédés et des iustrumens qui s'y rapportent, il arrivera toujours que, dans des circonstances données, on ne parviendra pas à oblitérer les veines malades.
HÉMATOCÈLE.
Jusqu'à ces derniers temps, la maladie connue sous le nom d'héinatocèle, ou l'épanchement de sang dans les tuniques du testicule, et principalement dans la tunique vaginale, n'avait, pour ainsi dire, été bien étudiée qu'à l'état récent ou aigu , niais on avait mal observé les transformations qu'elle subit dans son passage à l'état chronique. Mieux étudiée depuis quelques années par M. Velpeau d'abord, puis par quelques autres chirurgiens, il est maintenant reconnu que toutes les fois qu'on trouve dans le kyste une matière colorée en rouge ou en brun , et d'une cir-constance de miel, de bouillie, de chocolat, de lie de vin, etc., on est en présence d'une hématocèle ancienne. Quelquefois la matière colorante du sang se résorbe , et le liquide qui reste dans
la tumeur est d'une couleur citrine ; ce qui a très souvent fait confondre la maladie dont il s'agit avec unehydrocèle. Ici l'er-reur est d'autant plus facile que si la tunique vaginale n'a pas subi d'épaississement notable, la transparence existe dans les deux cas ; toutefois dans l'hématocèle, outre le liquide, il existe de la fibrine décolorée qui s'est précipitée sous forme de grumeaux semblables à du riz cuit; ces grumeaux sont libres ou adhérens à la tunique vaginale.
Voici les caractères différentiels indiqués par M. Velpeau. Lorsqu'une tumeur du scrotum , ayant la même forme, le même volume , la même régularité, la même insensibilité que l'hydro-cèle, offre une pesanteur plus considérable, un défaut absolu de transparence, une consistance comme fibreuse, il est permis d'af-firmer, si elle est étrangère au testicule, que c'est une hémato-cèle, soit simple, soit dénaturée. Il n'y aura plus de doute dès qu'on trouvera le testicule fixé sur un point de la périphérie de la tumeur, ordinairement en arrière comme dans l'hydrocèle.
Lorsque la maladie est récente et aigué, on peut espérer que le sang épanché dans les enveloppes du testicule, et dans la tunique vaginale elle-même, se résorbera sous l'influence d'ap-plications de remèdes résolutifs , tels que compresses imbibées d'un mélange d'eau végéto-minérale et d'eau-de-vie camphrée, ou d'une décoction de roses de Provins bouillies dans du gros vin rouge, etc. Mais lorsque lesangépanché n'a pas pu se résorber au bout d'un temps donné, six semaines ou deux mois , par exem-ple, si on l'abandonne à lui-même, il subit une des diverses transformations dont nous avons parlé, et l'on ne peut espérer d'en obtenir la guérison cpie par une opération. Au reste, le choix de l'opération étant subordonné à la nature de la maladie, comme avant de l'avoir étudiée convenablement, on en confon-dait les différentes variétés avec des tumeurs de mauvaise nature , le sarcocèle, la dégénérescence encéphaloïde, etc. ; on lui ap-pliquait les mêmes opérations qu'à ces dernières, soit l'excision d'une partie plus ou moins considérable de la tunique vaginale, soit la castration. Mais, bien que ces moyens soient quelque-fois les seuls capables de procurer la guérison , l'hématocèle est loin de les réclamer toujours, les injections et l'incision suffisant dans la plupart des cas.
Injection. Procédé de M. Velpeau. Toutes les fois que le sang contenu dans la tumeur est encore fluide et peut s'échapper par la canule d'un trois-quarts, on fait une ponction au scrotum dans le lieu d'élection comme pour l'hydrocèle ; on évacue le liquide, et quand bien même il resterait quelques grumeaux fibrineux dans la poche , on y pousse une injection de teinture d'iode éten-due d'eau ; on pourrait, comme dans l'hydrocèle, se servir d'in-jections vineuses ou de toute autre injection irritante.
Incisions. Lorsque la majeure partie des substances contenues dans la tunique sont constituées par des concrétions fibrineu-ses, il faut songer à les extraire par des incisions convenables, car les injections seraient impuissantes.
Le malade étant étendu sur le dos, le chirurgien se place à sa droite, saisit le côté gonflé du scrotum avec la main gauche en dessous, l'embrasse à pleine main, de manière à faire saillir la tu-meur et à tendre les tégumens en avant, enfonce un bistouri droit dans la poche, sur le point où se fait la ponction avec le trois-quarts , fait une incision de trois centimètres , du haut en bas, porte le doigt indicateur à travers cette ouverture, détache tous les grumeaux sanguins qu'il rencontre et vide complètement le t. vu.
kyste. Puis avant de retirer son doigt, il s'en sert comme d'un guide pour faire une contre-ouverture dans le point le plus dé-clive , soit de dedans en dehors , soit de dehors en dedans, et in-jecte de l'eau dans la tunique pour la nettoyer complètement. L'opération terminée, avec un stylel-aiguillé il introduit de l'une à l'autre incision, et laisse à demeure dans la plaie, une mè-che de linge enduite de cérat, recouvre les parties de compres-ses émollientes, et en soutient le tout avec un suspensoir, ou un mouchoir plié en cravate. Pendant cinq à six jours, il remue soir et matin le séton , pour favoriser le développement de l'inflam-mation et de la suppuration ; cet effet obtenu, il retire la mèche dont la présence n'est plus utile , et remplace les compresses par des cataplasmes émolliens, qu'il continue jusqu'à ce que les phé-nomènes inflammatoires soient en partie dissipés et que l'écou-lement du pus soit beaucoup diminué.
Si pendant le traitement on s'apercevait que du pus stagnât dans quelque partie de la poche, il faudrait lui donner issue par de nouvelles incisions. Le temps nécessaire pour obtenir la gué-rison varie entre trois et six semaines. M. Velpeau annonce avoir traité de cette façon quatorze ou quinze malades et les avoir tous guéris à l'exception d'un seul, dont le testicule était atteint de dégénérescence encéphaloïde.
ELEPHANTIASIS DU SCROTUM.
On décrit sous ce nom une affection caractérisée par un dé-veloppement hypertropbique énorme de la peau et du tissu cellu-laire sous-cutané des bourses. On lui a donné des noms différens tirés des pays et des peuples où on l'a observée le plus souvent, et des maladies qui lui ressemblent le plus. Tels sont ceux de hernie charnue (Prosper Alpin). Maladies des Barbades ( Hillary et Hendy ), sarcocèle d'Egypte ou oschèochalasie ^Larrey), hydrocèle du Malabar (Kœpfer), éléphantiasis des Arabes; ce dernier nom est le plus généralement employé, à cause de l'a-nalogie que présente la peau avec celle de l'éléphant.
Bien qu'observée déjà depuis long-temps par divers auteurs, ce n'est que depuis peu qu'elle nous est bien connue. L'observa-tion que Dionis rapporte dans son traité d'opérations , observa-tion qui fut envoyée de Pondichéry en 171 o par le père Mazaret, jésuite, a été long-temps presque la seule connue de nous; mais depuis, un assez grand nombre de faits de la même espèce ont été observés et publiés par Morgagni, Cheselden, Chopart, Méhée de la Touche, Walther, Imbert de Lormes, Larrey, Delpech, MM. Roux, Caffort , Clot , Gaètani , Chervin , Mott, Vel-peau , etc.
Ces tumeurs parviennent en général à un volume considérable. Ordinairement elles sont plus grosses en bas qu'en haut, et sont suspendues à la région pubienne par un pédicule plus ou moins épais. Leur consistance varie suivant les points où on les exa-mine; dures dans quelques parties, molles dans d'autres , elles sont indolentes, la peau qui les recouvre est considérablement hypertrophiée, rugueuse, plus ou moins dure, et se couvre quelquefois de croûtes jaunâtres et d'ulcérations superficielles. Celle dont parle Dionis était inégale, très dure et bosselée ; elle avait 43 centimètres de hauteur, et de largeur à sa partie in-férieure. Sa circonférence était de 1 mètre 17 centimètres, et elle pesait autant qu'on l'a pu juger, 3i kilog. et demi. Dans le cas de Walther elle pesait près de 20 kilogrammes : celle qui fait le sujet de l'observation de Chopart en pesait 4o, l'une de celles enlevées par M. Gaètani pesait 26 kilogrammes et l'autre 60.
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M. Chervin rapporte un cas dans lequel la tiuneur pesait 8a ki-logrammes et demi. Celle dont parle M. Caffort avait 83 centimè-tres et celle de M. Clot seulement 71.
D'après Allard ces tumeurs sont formées par l'accumula-tion lente et successive de sucs lymphatique, et albumineux dans le tissu cellulaire des bourses , tandis que suivant Gui de Fabre , elles résultent de l'altération des veines. Au reste, malgré l'état du scrotum, les cordons spermatiques sont, sains , mais seulement un peu plus gros qu'à l'état normal, et très al-longés ; ce qui tient à l'infiltration de leur tissu cellulaire par les humeurs lymphatiques et au poids delà tumeur qui tire dessus. Les testicules sont également sains, et ne deviennent quelquefois atrophiés que par suite du volume de la tumeur qui les com-prime ; on n'a point à redouter leur dégénérescence cancé-reuse; l'économie animale n'en reçoit aucune atteinte nuisible , et, en général, après l'extirpation il n'y a pas à craindre de voir survenir une récidive.
Traitement. M. Chervin rapporte que le docteur Murgrave a obtenu de bons résultats de l'administration du calomel, et que M. Soutys , chirurgien de marine , est parvenu à guérir une de ces tumeurs, déjà d'un certain volume, par le moyen du mas-sage long-temps continué. Mais lorsque la tumeur a acquis un volume considérable, il paraît bien prouvé que le seul moyen thé-rapeutique qu'on puisse lui opposer avec succès est l'opération. Or ici, par opération, on ne doit pas entendre l'extirpation du testicule, car l'anatomie pathologique a prouvé que les cordons spermatiques et les testicules étaient sains: ainsi l'extirpation ne devra porter, autant que faire se pourra, que sur la masse char-nue, et nullement sur ces organes. Toutefois, si après la dissection on les trouvait malades, il faudrait les enlever. Il n'y a point de procédé qu'on puisse employer d'une manière générale ; cha-cun peut le modifier de la manière qu'il croit la plus avanta-geuse. En cela nous ne pouvons citer que le procédé mis en usage par Delpech , procédé qui pourra, sinon servir de mo-dèle, du moins aider à se diriger dans la ligne de conduite qu'on aura à tenir.
Procédé de Delpech. Un nommé Autier portant au scrotum une tumeur du genre de celle dont nous nous occupons, du poids de 3o kilogrammes, Delpech prit sur sa racine autant de tégumens sains qu'il put en conserver, puis les divisa en plu-sieurs lambeaux qu'il tailla de façon à pouvoir en revêtir les testicules et la verge; l'un de ces lambeaux fut renversé sur l'hy-pogastre, et les deux autres sur la face interne des cuisses. Il s'oc-cupa ensuite d'isoler les cordons et les testicules, en enlevant toute la masse qui les environnait et en ne conservant que leur enveloppe immédiate. Puis, il rabattit le lambeau hypogastri-que sur la verge pour lui en former un étui, et enveloppa les tes-ticules et les cordons dans les lambeaux latéraux; le tout fut ar-rêté et maintenu par un nombre suffisant de points de suture.
C'est, à peu de chose près, le procédé que suivit Larrey en 1816, dans un cas analogue, mais où la tumeur était beaucoup moins volumineuse.
Au reste, quelle que soit la manière dont on agisse , l'essentiel est qu'il reste à la racine de la tumeur, ou dans ses environs, as-sez de tégumens sains pour former des enveloppes aux organes dénudés , puis d'enlever la totalité des tissus malades.
Une circonstance, quia paru embarrassante, a été la longueur des cordons ; mais Delpech assure qu'on doit peu s'en inquiéter, car bientôt ils se rétractent, et reprennent à-peu-près leur lon-gueur habituelle. Le malade do Delpech a succombé, mais ceux d'Tmbertde Formes, de Larrey et de plusieurs autres chirur-giens ont survécu. Eu somme, les résultats obtenus jusqu'à présent sont plus satisfaisans qu'il ne semble qu'on devrait l'attendre d'une opération, en apparence aussi formidable , ce qui tient sans aucun doute à ce que la maladie, malgré son volume, n'est qu'une simple affection de la peau sans réaction sur l'orga-nisme.
OPÉRATIONS SUR LE TESTICULE.
SARCOCÈLE. — CASTRATION (Pl. 48, fîg. 3, 4, 5).
On donne généralement le nom de castration à l'ablation d'un seul ou des deux testicules.
Historique. 11 n'existe peut-être pas d'opération chirurgicale , dont, sous divers prétextes , trop souvent immoraux ou infâmes, on ait fait un plus grand abus aux diverses époques de l'his-toire , chez les modernes comme chez les anciens, sous des con-stitutions civiles et des religions très différentes : la politique, un grossier sensualisme, l'amour de la musique, la chirurgie elle-même dans son ignorance plus à déplorer qu'à blâmer, se sont crus autorisés, par des raisons spécieuses, à priver l'homme de ses organes de reproduction.
Au rapport d'Hérodote , Sémiramis faisait châtrer tous les hommes faibles de son empire, afin que les enfans à naître ne fussent produits que par des hommes robustes et bien constitués. En Orient, depuis un temps immémorial et plus particulière-ment depuis les califes , dans tous les pays qui reconnaissent la loi de l'islamisme , on sait dans quel nombre immense , pendant une longue suite de générations, on a continué de faire des eu-nuques pour les commettre à la garde des sérails. En Italie et même à Rome , jusqu'à ces derniers temps, on a toléré cette muti-lation sur des enfans , pour que la voix douce et harmonieuse du castrat pût se conserver avec toute sa pureté dans l'âge viril. Des chirurgiens eux-mêmes , il y a moins d'un siècle , opéraient la castration comme moyen d'obtenir la cure radicale des her-nies. Déjà, à la vérité, cette affreuse pratique était blâmée par les bons chirurgiens de l'époque, et pourtant on en retrouve en-core maintenant des traces dans nos campagnes. Aujour-d'hui, enfin , cette opération n'est plus réservée légalement que pour les cas où l'homme de l'art juge qu'un testicule, par lui-même ou par ses enveloppes, dégénéré et perdu sans ressources , ne peut plus être conservé sans mettre en danger la vie du ma* lade.
Indications. Toutes les fois qu'un testicule est atteint de dégé-nérescence squirrheuse, encéphaloïde , colloïde oumélanique , il est absolument inévitable de l'enlever. L'opération est sou-vent nécessaire pour les testicules tuberculeux ; mais elle n'est pas toujours indispensable. Dans la pratique on voit assez fréquem-ment des cas où la fonte du testicule se faisant sous l'influence des seuls efforts de la nature , l'atrophie de l'organe et la guéri-son en sont la conséquence. Le broiement ou l'attrition des testi-cules, portée au point d'en produire la désorganisation complète nécessite aussi leur ablation. Il en est de même de l'épaississe-ment avec induration et dégénérescence de la portion de tunique
vaginale qui recouvre le testicule et dont l'ablation ne peut avoir lieu sans celle de l'organe lui-même. Rover rapporte deux obser-vations de cette espèce , où les testicules, examinés après l'opé-ration , étaient parfaitement sains. Du reste la castration dans ce cas, doit être fondée sur un examen sérieux et réfléchi de l'état des testicules et de leurs enveloppes. Pour peu qu'on soit dans le doute , il faut commencer par faire au scrotum une incision exploratrice , et alors si le doigt indicateur, plongé dans la cavité de l'enveloppe séreuse, indique que le feuillet testicu-laire est à-peu-près dans son étal; naturel, on se borne à dissé-quer la portion de la coque extérieure épaissie et à l'exciser. Mais si le doigt reconnaît que la partie de la tunique qui enveloppe la glande séminale, est elle-même trèsépaissîe, inégale, fongueuse, bosselée , en un mot, dans un état à ne pas pouvoir en espérer la guérison, comme il serait plus difficile et plus dangereux d'en faire la dissection et l'excision que d'emporter du même coup le testicule, on est bien forcé de prendre ce dernier parti. Toute-fois il faut bien se garder de le faire avec légèreté, après un exa-men trop superficiel. Ces cas sont de ceux où il est essentiel que le chirurgien ait un bon diagnostic et des connaissances suffi-santes en anatomie pathologique, pour discerner, parmi les alté-rations des tissus et les degrés divers où elles peuvent s'offrir, les cas où l'on peut encore en espérer la guérison par des topiques et un traitement général, de ceux où la maladie est absolument in-curable, seule considération qui suffise pour justifier l'opération.
Avant de procéder à l'ablation , il faut bien s'assurer que la maladie pour laquelle on espère n'a pas envahi des tissus qui sont hors de l'atteinte des instrumens, et que l'organisme n'est pas infecté tout entier du principe morbide , car il surviendrait nécessairement une récidive, et l'opération aurait été pratiquée en pure perte. Toutefois , comme il est possible d'aller chercher le cordon jusque dans la fosse iliaque, ainsi que l'ont fait tant de foisLedran, Desault, Ant. Dubois , Boyer, Dupuytren , Sanson, MM. Lisfranc, Velpeau, etc., quand bien même la maladie s'é-tendrait jusque dans le canal inguinal, il n'y aurait pas là une contre-indication absolue pour l'opération.
méthodes opératoires.
Autrefois, lorsqu'on voulait priver le testicule de ses fonctions, on employait soit l'écrasement entre deux palettes de bois, soit l'arrachement ou l'excision. De nos jours on a voulu tâcher d'é-viter l'extirpation et de produire l'atrophie du testicule en divi-sant ses vaisseaux artériels ou son canal déférent. Ainsi M. Mau-noir, de Genève, pense qu'en mettant le cordon spermatique à nu par une incision de quatre centimètres, faite suivant sa longueur et près du canal, puis, en isolant toutes les artères et artério-les et les coupant entre deux ligatures, on peut obtenir l'atrophie du testicule. D'un autre côté, M. Morgan, sans toucher aux vais-seaux, a eu l'idée de parvenir au même résultat en réséquant une partie du canal déférent. Ces chirurgiens prétendent également qu'en mettant leur méthode en pratique, ils ont obtenu des gué-risons, et que d'autres chirurgiens ont également réussi. Mais il esta craindre qu'on ne réussisse pas toujours, et qu'une trop grande confiance dans ces moyens entretienne l'esprit dans une fausse sécurité qui permettrait à la maladie de s'aggraver et de devenir incurable , même par l'extirpation.
Extirpation. Les instrumens nécessaires sont un bistouri droit, un bistouri convexe , des ciseaux, un ténaculum des fils, de la charpie, un linge troué enduit de cérat, quelques com-presses longuettes et un bandage en T. Après avoir bien rasé les parties, on procède à l'opération.
Procédé ordinaire. Il comprend plusieurs temps, le premier a pour objet l'incision de la peau ; le second , la dissection de la tu-meur, et le troisième, la section et la ligature du cordon.
Premier temps. Section de la peau. Le malade étant couché sur Je bord de son lit, ou sur une table comme pour.l'opération de la hernie étranglée, le chirurgien , placé à sa droite, em-s brasse la tumeur avec la main gauche, par sa partie antérieure , le pouce d'un côté et les quatre doigts de l'autre, pour tendre les tégumens. Puis de la main droite armée du bistouri, si la peau n'est pas malade, il pratique une incision oblique , qui s'étend , de quelques millimètres, au dessus de l'anneau, jusqu'au fond du scrotum, en suivant sa face antérieure. Si au contraire les té-gumens participent à la maladie, il faut absolument en enlever la partie altérée , et pour cela substituer à l'incision longitudi-nale une double incision elliptique qui doit comprendre la peau et les couches superficielles de la poche testiculaire.
Au lieu de tendre les tégumens comme nous venons de le dire, on a proposé de faire un pli transversal à la peau , d'en don-ner un côté à tenir à un aide, et de le couper en travers. Mais cette modification n'a point été adoptée. Il en existe une autre, bien préférable, en ce sens, qu'elle permet de tendre fortement les tégumens sur la tumeur, et d'agir avec aisance en voyant ce que l'on fait; c'est celle de Dupuytren. Elle consiste à saisir le scrotum en arrière à pleine main et à faire saillir le testicule en avant.
L'incision ne peut pas toujours être faite en avant, il arrive en effet quelquefois que les tégumens sont affectés en arrière ou sur le côté; c'est alors dans ces endroits qu'il faut agir. M. Aumont a proposé d'adopter, comme règle générale, de faire l'incision en arrière et en bas lorsque cela est possible, au lieu de la faire en avant. Son but était de donner à la plaie une position déclive propre à favoriser l'écoulement du pus , de rendre la cicatrisation plus facile et la cicatrice moins visible; mais l'expérience qui a été faite plusieurs fois, par M. Roux et par M. Velpeau, de ce mode opératoire, est venue prouver qu'il ne présente pas plus d'avantage que le mode ordinaire, eu égard à l'écoulement du pus, et qu'il offre en outre ce grave inconvénient, quant à la dissection du cordon , de ne pas permettre de l'isoler aussi bien jusque dans le canal inguinal. Dans un cas, M. Roux a éprouvé beaucoup de difficultés à le découvrir, tandis que cela eût été très facile en avant. Enfin, on reproche à ce procédé de rendre plus difficiles les pansemens consécutifs.
Deuxième temps. Isolement du testicule (fig. 3). L'incision étant faite, il faut isoler la tumeur et le cordon. Lorsque la couche sous-cutanée est libre d'ad hérences, en saisissant lescrotu m par derrière, comme le faisait Dupuytren, le testicule vient faire saillie de lui-même , et rien n'est alors plus facile que de le détacher à l'aide de quelques coups de bistouri, ou des doigts. Mais si le tissu cel-lulaire, sans être profondément altéré, participe à l'induration de la coque vaginale, et si la tumeur est très volumineuse, ce pro-cédé ne peut être employé, parce qu'il ne permettrait pas d'isoler les parties. Pour y parvenir plus aisément , tandis qu'un aide tire sur la tumeur avec les doigts ou avec des érignes, il faut saisir les lèvres de la plaie l'une après l'autre, d'abord
avec «les pinces, puis avec les doigts, pour tendre les parties et les disséquer soit avec le bistouri, soit avec les ciseaux , ou même avec les doigts, lorsque cela est possible. En général le bistouri convexe, qui glisse facilement autour des surfaces, est celui qu'on préfère. Lorsque le sarcocèle est isolé dans une grande étendue, on abandonne les lèvres de la plaie, qu'on donne à tenir à un aide, pour saisir soi-même la tumeur qu'on peut continuer à iso-ler avec plus de facilité; dans l'un et l'autre cas, il faut avoir soin de tourner le tranchant de l'instrument vers les parties profondes afin d'éviter de pratiquer des boutonnières à la peau , et d'inté-resser l'urètre, les corps caverneux et la cloison.
Troisième temps. Section du cordon. Lorsque le cordon est isolé jusqu'au-dessus du mal, il faut en opérer la séparation; à cet égard tous les praticiens ne procèdent pas de la même façon. Quelques-uns, suivant le procédé ordinaire, coupent le cordon en totalité avant de lier aucun de ses vaisseaux; d'autres en opèrent la ligature en masse avant de le couper; d'autres enfin lient les vaisseaux isolément à mesure qu'ils les coupent.
Dans le procédé ordinaire, on recommande à un aide de saisir le cordon près de l'anneau entre le pouce et l'index; on soulève soi-même la tumeur, on en opère la séparation avec des ciseaux, ou bien avec un bistouri près des doigts de l'aide , et l'on pro-cède à la recherche des vaisseaux qu'on lie isolément. Quelques chirurgieria préfèrent donner la tumeur à tenir à l'aide, et saisir eux-mêmes le cordon près de sa racine. Parfois le pédicule du cordon glisse des doigts, et se retire clans l'anneau. On peut évi-ter cet inconvénient en l'accrochant préalablement avec un téna-culum, qui sert à l'attirer et à le maintenir au dehors.
On reproche à ce procédé d'exposer à la rétraction du cordon et à l'hémorrhagie par suite de la difficulté qu'on éprouve alors à lier quelques-unes de ses artérioles.
Modifications au procédé de section du cordon. Anciennement on pratiquait, et de nos jours encore un grand nombre de chi-rurgiens pratiquent la ligature du cordon en masse avant d'en opérer la section. Celse est un des premiers qui en ait parlé, Paul d'Egine suivait ce précepte. Parmi ceux qui l'adoptèrent plus tard, les uns conseillèrent d'appliquer le lien aussi haut que possible, d'autres de le placer auprès de l'épidiclyme, et d'autres, enfin, sur un point intermédiaire ; l'essentiel, lors-qu'on suit cette méthode, est défaire la ligature au-dessus du mal (Pl. 48, fig. 4).
Sous-procédé dA. Paré. Il passait un fil double dans l'épaisseur du cordon, et liait séparément les deux fils qui en résultaient. De cette façon la ligature étreignait mieux les parties qu'elle embras-sait , et courait moins de risques de glisser que dans le procédé de Celse.
/. L. Petit, n'employait pas de ligature , il se contentait d'ap-pliquer une petite compresse graduée sur l'anneau. Pouteau se bornait à tenir le bout du cordon renversé sur le pubis ; enfin Runge tordait plusieurs fois le testicule sur lui-même avant de le séparer, et ne faisait point de ligature après la section. Mais au-cune de ces trois manières d'agir ne présente assez de sécurité; aussi ne sont-elles pas mises en usage.
Sous-procédé de Bichat. Bichat conseillait de chercher d'abord le canal déférent, facile à reconnaître à sa dureté; de l'isoler, de glisser entre lui et les vaisseaux un bistouri pour les couper, sans toucher au conduit spermatique, délier l'artère ou les artères faciles à reconnaître à leur jet de sang, et de terminer par la sec-tion du canal déférent.
Sous-procédé de M. Roux. Ce chirurgien coupe souvent les vais-seaux d'avant en arrière, les lie à mesure qu'il les coupe à petits coups, et n'achève la section de la dernière partie du cordon qu'après s'être assuré que cette portion, qui lui sert à retenir le tout au dehors, ne contient pas de vaisseaux importans. Lorsqu'il n'en est pas certain, il ne la coupe qu'après l'avoir serrée dans une ligature.
Sous-procédé de M.Blandin. Ce chirurgien, attribuantla rétrac-tion du cordon à ce qu'on n'a pas la précaution de le dépouiller de ses enveloppes avant de le couper, saisit avec une pince à dissé-quer la gaîne que forment autour de lui le fascia transversalis, la tunique fibreuse et le crémasler, et la coupe en dédolant. Lors-qu'il a pénétré dans son intérieur, il soulève le cordon sur une sonde cannelée, et divise, derrière ce faisceau, le reste delà gaîne. Après cette opération préliminaire, on peut couper le cordon sans appliquer sur lui de ligature préalable et sans crainte d'en voir survenir la rétraction.
Appréciation. Nous avons à examiner ici les avantages et les inconvéniens de la ligature isolée ou de la ligature en masse.
On a reproché au procédé de la ligature isolée des vaisseaux, après la séparation de la tumeur, d'exposer à laisser échapper quelque artériole, et par suite, à une hémorrhagie consécutive. Quelques personnes redoutent aussi beaucoup la rétraction du cordon; enfin , on dit que les tâtonnemens auxquels on est obligé de se livrer quelquefois, allongent inutilement le temps de l'opération. Ces reproches ne sont pas sans fondement, mais n'ont pas toute la valeur que quelques personnes veulent leur prêter. Ainsi, dans la ligature isolée, il faudrait apporter bien peu d'attention à ce que l'on fait pour oublier des artérioles, et encore cet oubli serait-il rarement préjudiciable. La rétraction des parties constituantes du cordon peut arriver lorsque la tu-meur est très volumineuse, parce que ayant exercé pendant long-temps des tiraillemens sur les vaisseaux testiculaires et le canal déférent, ceux-ci se sont trouvés allongés et attirés hors du canal inguinal par simple déplacement; or, après l'enlèvement de la tumeur, ils tendent à reprendre leur place par leur élasticité propre. Ce n'est donc pas comme on l'a cru long-temps, et comme le pense encore M. Blandin, à la rétraction de ses enveloppes qu'est dû le retrait du cordon ; et puisque cet acci-dent ne peut arriver que dans un très petit nombre de cas, il mérite à peine d'attirer l'attention et ne saurait détourner le praticien d'employer une méthode qui, en général , réussit très bien. Au reste , ce retrait est facile à prévenir, et on peut aisément y remédier lorsqu'il est arrivé. On le prévient en em-ployant le ténaculum, ou bien le procédé de Bichat, ou celui de M. Roux; et l'on y remédie en prolongeant en haut l'incision des tégumens.
Quant à la ligature en masse, on a dit qu'elle était fort doulou-reuse , que les douleurs qu'elle causait se prolongeaient jusque dans les reins, parce qu'elle comprenait des nerfs venant du plexus rénal et un rameau fourni par le nerf génito-crural : qu'elle pouvait causer des convulsions, le tétanos, comme cela est arrivé chez un malade traité de la sorte par Morand, ou bienrinflam-
mntion du tissu cellulaire de la fosse iliaque, ou de l'interstice des muscles du bas-ventre; qu'elle pouvait glisser sur les parties peu après son application ; qu'elle était longue à se détacher, et qu'à mesure qu'elle coupait les parties elle se desserrait, et pou-vait permettre au sang de s'échapper par les vaisseaux encore perméables. Mais la plupart de ces reproches sont mal fondés; ainsi les douleurs, qui sont quelquefois très fortes au moment où l'on serre la ligature , cessent promptement au bout de quelques secondes; on ne voit pas pourquoi on attribuerait plutôt le té-tanos survenu chez le malade de Morand à l'action de la ligature qu'à toute autre cause, puisque celle-ci était tombée lorsque l'accident survint. Lorsque la ligature est bien appliquée , elle ne glisse point, et l'hémorrhagie qu'on appréhende à la suite du relâchement de la ligature n'a jamais été observée. M. Velpeau dit avoir vu pratiquer la ligature en masse plus de vingt fois par M. Gouraud à l'hôpital de Tours , un grand nombre de fois par Richerand , MM. Cloquet et Bougon, et l'avoir pratiquée plus de trente fois lui-même, sansavoir jamais vu survenir d'inconvéniens qu'on puisse raisonnablement lui attribuer. Nous en pourrions dire autant d'un nombre considérable de sections pratiquées par Ant. Dubois et Dupuytren , qui n'ont jamais opéré autrement. Cependant, dit Boyer, comme il est certain que la ligature de la totalité du cordon spermatiquea donné lieu quelquefois à des accidens graves, que l'on a fait cesser dans quelques cas en relâ-chant ou en coupant la ligature, et d'un autre côté comme la liga-ture immédiate de chacpie artère du cordon n'a jamais eu de suites fâcheuses, nous concluons que la ligature doit toujours être faite de cette manière , et qu'on ne doit se déterminer à lier le cordon en totalité qu'autant que les artères qu'il renferme sont telle-ment cachées et enfoncées dans son centre qu'il est impossible de les saisir et de les tirer en dehors pour les lier séparément. Au reste , sans penser avec M. Velpeau que la ligature en masse mérite d'être généralisée et substituée à la ligature isolée; sans dire avec M. Boyer qu'elle doive être réservée pour les cas ex-ceptionnels, on voit, d'après les faits, que l'une ou l'autre peut être employée indifféremment dans la majorité des cas.
Taille des lambeaux. Dans le procédé ordinaire dont il vient d'être question , pour peu que les lambeaux aient trop de lon-gueur, il faut les réséquer pour éviter qu'ils ne s'enroulent sur eux-mêmes du côté de leur surface interne, ce qui rendrait la guérison longue et difficile. Pour éviter cet inconvénient, Rima agit de la manière suivante.
Procède de Rima. S'il s'agit du testicule gauche, le chirurgien se place de ce côté du malade qui est couché comme précédem-ment. Il saisit entre le pouce et les quatre doigts de la main gauche le cordon à travers un pli de la peau du scrotum et de l'aine, le soulève et l'isole. Un aide placé de l'autre côté em-brasse entre les pouces de ses deux mains placés en arrière, et les doigts appliqués en avant, la peau saine du scrotum au-delà de la cloison , maintient en contact la paroi antérieure et la pa-roi postérieure des bourses , et tire doucement à lui. Le testicule sain se trouve compris dans la partie du scrotum qu'il tient dans ses mains. Un autre aide placé à la gauche de l'opérateur, s'em-pare du testicule malade, le soulève et le tire par en haut de manière à tendre les tégumens et à l'écarter assez pour permettre à l'instrument de passer aisément entre lui et les doigts de l'aide de face.
Les parties étant ainsi disposées, le chirurgien enfonce hori-t. vu.
zontalement un bistouri étroit, à travers le pli delà peau scrotale qu'il tient entre ses doigts, derrière le cordon , un peu au-dessus du point où son intention est de le couper plus tard, et conduit la lame obliquement de haut en bas et de dehors en dedans vers la face interne du testicule qu'il rase et détache complètement des parties situées au-dessous de lui, de la même manière qu'on le fait pour tailler un lambeau dans les amputations de ce genre. Puis recommandant à l'aide de soutenir et de tirer un peu la tu-meur recouverte de tégumens, il reprend le cordon, le pouce en dedans et les doigts en dehors , reporte le tranchant du bistouri derrière lui, un peu au-dessous du point où il le tient, et le tran-che d'un seul coup avec la peau qui le recouvre. Le plus souvent aussitôt que la section est faite, le cordon glisse des doigts de l'o-pérateur et se retire un peu , mais jamais bien haut, parce qu'il est retenu par le tissu cellulaire d'enveloppe qui n'a pas été di-visé; pour le découvrir il suffit d'écarter un peu les lèvres de la plaie; on peut alors facilement opérer la ligature en masse ou la ligature des artères séparées. Comme on le voit par ce procédé, il n'y a aucune dissection à faire, la durée de l'opération est pres-que nulle comparativement à celle qu'elle a dans le procédé or-dinaire, et la réunion des lèvres de la plaie se fait très facilement. Mais pour qu'il soit applicable , il faut que la tumeur ne soit pas trop volumineuse, ni la peau altérée dans.une trop grande étendue.
Procède de M. Velpeau. C'est le même que le précédent, seu-lement pour rendre la réunion plus prompte et encore plus aisée, il place, avant l'opération, des fils dans les lèvres de la plaie, à la distance de 9 millimètres les uns des autres; l'un d'eux, plié en quatre, est placé sous le cordon, au-dessus des parties malades, pour le lier d'avance sur une compresse. Lorsque le sarcocèle est détaché, il ne reste plus qu'à nouer les fils. Deux malades traités de la sorte ont parfaitement guéri.
Sarcocííle du cordon et du can au inguinal. Certains sarco-cèles débutent par le cordon, soit par la partie qui est au dehors du canal inguinal, soit par celle qui est contenue dans ce canal. Boyer considère cette espèce d'affection comme étant la plus mauvaise de toutes, et comme devant presque nécessairement faire périr les malades. Quelquefois aussi c'est le testicule qui, re-tenu dans ce canal, y est devenu malade et a dû être enlevé. Boyer a rencontré deux fois cette affection et a opéré dans les deux cas avec un succès complet ; Rossi, dans un cas semblable, fut obligé d'aller couper le cordon à plus de 8 centimètres au-dessus de l'anneau, ainsi que le dit M. Puissant , dans sa thèse (1825); le malade guérit.
Lorsque de semblables circonstances se présentent, le manuel opératoire doit varier; quelquefois il suffit de commencer un peu plus haut l'incision ordinaire, mais d'autres fois aussi il faut ou-vrir le canal inguinal dans toute son étendue pour pénétrer jus-que dans la fosse iliaque ; alors on fait une incision suivant le plus grand diamètre de la tumeur et presque parallèle à l'arcade crurale. On divise la peau et lefascia superficialis, on lie l'artère tégumenteuse abdominale, si elle est coupée, et l'on incise toutes les parties de la paroi du ventre, couche par couche, sur une sonde cannelée. Lorsqu'on arrive près du péritoine, de l'artère épigastrique et des vaisseaux iliaques, il faut user de grandes précautions pour ne pas les blesser, encore ne réussit-on pas toujours à les éviter. Dans un cas semblable, M. Naegèle, malgré toute l'attention qu'il put y mettre, ouvrit le péritoine.
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M. Velpeau, cpii dit avoir été obligé d'ouvrir dans trois cas toute la paroi antérieure du canal inguinal, et d'isoler le cordon jusque dans la fosse iliaque pour en faire la ligature, n'a pas trouvé l'opération très difficile. Quoi qu'il en soit, c'est une opé-ration qu'un chirurgien prudent doit rarement tenter, parce que la maladie dont il s'agit est fréquemment accompagnée de tumeurs de même nature dans les parties internes. L'opéra-lion terminée, il faut procéder à la torsion ou mieux à la liga-ture des vaisseaux delà plaie, ce sont de petits rameaux ve-nant des honteuses externes, de l'épigastrique et de la récurrente iliaque.
Pansement. On réunit d'abord les ligatures précédentes, et on les enveloppe dans un linge pour les séparer des autres pièces de l'appareil, puis on procède généralement à la réunion par se-conde intention. On commence par appliquer un linge fin troué et enduit de cérat sur la plaie, et par dessus des boulettes de char-pie; on en met aussi entre le côté interne des cuisses et le scro-tum, pour le garantir du frottement. Des compresses lon-guettes recouvrent la charpie. Le tout est contenu par un sus-pensoir , ou un double spica de l'aine.
Quelques chirurgiens, et Delpech entre autres, ont tenté de faire revivre de nos jours la suture de la plaie, et par conséquent la réunion par première intention, qui se pratiquait ancienne-ment ; mais ils n'ont pu réussir à faire adopter cette méthode. Boyer, qui l'a tentée plusieurs fois, dit en avoir obtenu des résul-tats très variés : « Quelquefois l'extérieur de la plaie s'est réuni « complètement, mais un épanchement ou un abcès s'est formé « dans son fond, et j'ai été obligé d'inciser la cicatrice pour don-« ner issue au sang ou au pus épanché; d'autres fois une partie « de la plaie s'est réunie exactement, mais le reste a suppuré, et « la guérison complète s'est fait attendre presque aussi long-temps « que dans le cas où la plaie a été couverte de charpie. »
Lorsque toutest terminé, il faut faire transporter lemaladedans son lit et le placer sur le dos,la tète un peu relevée; on le soumet ensuite au régime et au traitement des grandes opérations.
Divers accidens consécutifs peuvent survenir. i° L'hémor-rhagie se montre parfois quelques heures après l'opération et dépend de ce qu'on a omis la ligature de petits vaisseaux divisés, qui, revenus de l'état de spasme où ils étaient plon-gés, versent du sang plus ou moins abondamment; en pareil cas, il ne faut jamais se hâter de défaire le pansement; le plus sou-vent il suffit d'en imbiber les pièces d'eau froide et astringente , telle que l'eau de Goulard, et de renouveler fréquemment ces lotions. Si cependant l'hémorrhagie durait depuis plusieurs heures, il faudrait défaire l'appareil pour s'assurer d'où elle pro-vient, et pour lier les vaisseaux qui y donnent lieu. a° On voit quelquefois survenir, une inflammation très intense du scrotum, du cordon spermatique et des parties contiguës. On oppose à cet accident les antiphlogistiques locaux et généraux ; toutefois leur emploi le mieux combiné ne suffit pas toujours pour prévenir la gangrène ou un abcès qu'il faut ouvrir avec le bistouri. 3° L'in-flammation du péritoine et le tétanos peuvent aussi se déclarer, et alors le malade périt presque constamment, mais ces deux der-niers accidens sont si rares qu'il est inutile d'appeler sur eux l'at-tention du chirurgien.
Lorsqu'il ne survient aucun accident, le premier pansement se fait du troisième au cinquième jour et doit être renouvelé en-suite tous les jours, tant que la suppuration est abondante ; les ligatures tombent du huitième au douzième, et la guérison de la plaie a lieu dansla plupart des cas de la quatrième à la cinquième semaine. Quelquefois elle se fait plus tôt, mais d'autres fois plus tard, ce qui peut dépendre d'une mauvaise disposition du malade, ou de ce que les bords delà plaie s'enroulant sur eux-mêmes, re-tardent sa cicatrisation.
En résumé, la castration est une des grandes opérations de la chirurgie dont le pronostic est le moins grave; elle réussit bien et expose peu la vie des malades.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE PÉNIS.
Les maladies de la verge qui nécessitent un manuel opératoire sont : l'imperforation du prépuce, le phimosis, le paraphimosis, l'absence du prépuce, sa division congénitale, les adhérences du prépuce au gland , la section du frein, les calculs situés en-tre le gland et le prépuce, l'étranglement de la verge, le cancer et l'amputation de cet organe.
TMPERFORVTION DU PRÉPUCE.
On la reconnaît à ce que les langes de l'enfant ne sont pas mouillés, attendu cpi'il ne rend pas d'urine; puis à ses cris, et surtout à une tumeur transparente qui devient plus grosse et plus tendue lorsque l'enfant fait des efforts pour uriner.
On remédie à cet état en ouvrant cette tumeur avec un bis-touri , une lancette ou des ciseaux, et en excisant une partie du prépuce, lorsqu'il a trop de longueur; le passage de l'urine suffit pour maintenir l'ouverture artificielle. Toutefois, pour éviter l'irritation qui résulte du contact de ce liquide avec les lèvres de la plaie, on a recours à des lotions avec l'eau de guimauve ou de sureau, et à des applications émollientes.
SECTION DU FREIN.
Cette petite opération devient nécessaire toutes les fois que le frein se prolongeant trop près du méat urinaire, il en résulte, pendant l'érection, une fluxion delà verge en arc, qui rend la co-pulation douloureuse, souvent même impossible, et l'éjacula-tion difficile ; outre que le sperme est dirigé contre les parois du vagin au lieu d'être lancé vers l'orifice de l'utérus, ce qui peut nuire à la génération.
Procédé ordinaire. Le malade étant couché sur le bord droit de son lit, le chirurgien se place à la droite, découvre le gland , et le saisit par ses côtés entre le pouce et l'index, tandis qu'un aide tend le filet en le tirant en bas et un peu en arrière ; puis il enfonce dans ce pli, de droite à gauche, un bistouri étroit dont le dos est tourné en arrière, et, en faisant agir en même temps l'in-strument de derrière en devant, il coupe toute la partie du frein comprise entre son bord libre et l'endroit où le bistouri a été en-foncé, en rasant le gland afin de n'y laisser aucune aspérité.
On pourrait aussi pratiquer cette petite opération avec des ci-seaux , niais il vaut mieux employer le bistouri, parce qu'on n'a pas à redouter que le repli membraneux fuie au-devant de la lame, ce qui oblige à recommencer la section.
Pour empêcher les bords de la plaie de se réunir, il faut inter-poser entre eux un plumasseau de charpie; quelques chirurgiens et Boyer entre autres conseillent de maintenir le prépuce derrière le gland jusqu'à ce que la cicatrisation soit achevée; mais cette
manière d'agir est inutile dès qu'on prend la précaution de faire glisser de temps en temps le prépuce sur le gland.
PHIMOSIS.
Le mot phimosis ($i(uooiç, eoç ou eoç, de yipJw, action de lier, de ser-rer) signifie, en chirurgie, resserrement de l'ouverture du prépuce au-devant du gland , de manière que celui-ci ne peut être décou-vert. On le distingue en congénial et en accidentel; dans le pre-mier cas il existe à la naissance, et dans le second, il survient après la naissance sous l'influence d'une cause, quelconque.
Indications de F opération.
i " Le phimosis congénial ne présente guère d'inconvéniens , et ne nécessite une opération immédiate que dans les cas où le prépuce est très allongé et son ouverture très étroite. En effet, l'urine ne sortant que difficilement, il en reste toujours quelques gouttes clans la cavité du gland; ce liquide s'altère et irrite les parties avec lesquelles il est en contact, alors on voit le prépuce s'engorger, s'allonger et se durcir; quelquefois même il s'ulcère à sa surface interne: les bords de son ouverture contractent des adhérences, la rétention d'urine devient complète, et l'enfant succomberait si l'on n'y remédiait en temps opportun. Choppart, dans son traité des maladies des voies urinaires, cite une obser-vation de ce genre fort remarquable. L'opération qu'on pratique en pareil cas est la circoncision.
Lorsque l'ouverture du prépuce est assez large pour permettre une libre issue à l'urine , on ne s'aperçoit de la présence du phimosis que dans les cas où la matière sébacée, sécrétée par les glandes qui sont placées sous la couronne du gland, détermine une phlogose de la surface interne du prépuce, accompagnée de l'écoulement d'un liquide analogue à celui qui sort par l'urètre dans la blennorrhagie, et dans ceux où l'enfant, devenu adulte, veut se livrer au coït; en effet alors, si le prépuce n'a pas un excès de longueur propre à satisfaire à l'accroissement de volume que prend la verge pendant l'érection, ou bien le gland ne peut passer à travers l'ouverture de la peau, et une vive dou-leur s'oppose à l'accomplissement de l'acte vénérien ; ou bien il y passe, mais alors c'est que le prépuce s'est déchiré, ou que son orifice s'est assez dilaté pour admettre la totalité du gland. Or, dans chacune de ces circonstances, et dans la dernière sur-tout, il peut survenir des accidens fâcheux : ainsi il peut se faire qu'on ne puisse ramener le prépuce à sa place, et qu'on ait un paraphimosis au lieu d'un phimosis. On pourra remédier à l'é-coulement sous-préputial par des injections et des bains de pro-preté, mais il vaudra toujours mieux avoir recours à l'opération.
a" Le phimosis accidentel peut dépendre d'une inflammation ou de chancres développés à la surface interne du prépuce; des injections, des lotions et un traitement approprié peuvent suffire pour obtenir la résolution, quoiqu'on soit assez souvent obligé de recourir à l'opération.
Mais si l'inflammation se termine d'une manière chronique et que le prépuce tout entier soit épaissi, endurci de manière à former une coque dure, inextensible, comme lardacée, èléphan-tiasique (comme dit M. Velpeau), qui emboîte et dépasse la tota-lité du gland , après la compression sur laquelle on doit fonder peu d'espérances, on ne peut réellement compter que sur l'opé-ration.
Opération. Elle se lait par incision , par excision et par circon-cision.
i" Méthode par incision.
Procédé ordinaire. Il consiste à fendre le prépuce dans sa par-tie moyenne et dorsale. Les instrumens nécessaires sont une sonde cannelée sans cul-de-sac, un bistouri pointu à lame étroite et des ciseaux. On peut opérer le malade debout, assis ou couché ; dans le premier cas, il doit être saisi par derrière, à bras le corps, par un aide vigoureux qui l'empêche de reculer; dans le second, il faut le faire asseoir sur une chaise , le dos solidement appuyé contre un meuble ou contre un mur; et enfin, dans le troisième, il doit, être étendu horizontalement sur le dos, dans le sens de la longueur du lit, près de son bord droit. Si le malade est debout ou assis , l'opérateur se place devant lui un genou en terre, et s'il est couché, c'est contre le bord droit du lit que doit se mettre le chirurgien. Alors il saisit avec le pouce et l'in-dex de la main gauche le côté droit du prépuce, pour l'attirer un peu en avant, et fait filer la sonde cannelée sous l'enveloppe du gland , jusqu'au point, de réflexion de la muqueuse. Comme la peau se laisse toujours couper plus en arrière que cette mu-queuse , il faut, pour éviter cet inconvénient, que l'aide chargé de soutenir la verge et de maintenir le bec de la sonde en rap-port avec la peau, attire un peu celle-ci en arrière, jusqu'à ce que la muqueuse apparaisse au bord du prépuce, suivant le con-seil de M. Tavernier. Alors l'opérateur saisit la sonde de la main gauche, fait glisser dans sa cannelure le bistouri à plat jusqu'à la couronne du gland, en tourne la pointe et le tranchant du côté de la peau, abaisse son manche, pousse sa pointe vers le prépuce pour le percer, et termine en ramenant avec vivacité la lame en avant. Bien qu'on ait fait tirer la peau en arrière, si cette membrane était divisée plus loin que la muqueuse, on achèverait de diviser cette dernière avec des ciseaux. (Pl, 5o, fig. \.)
Quelques chirurgiens ne se servent pas de sonde cannelée, et préfèrent, ainsi que l'enseignait Boyer, masquer la pointe du bis-touri avec une petite boule de cire trempée dans l'huile ou du blanc d'œuf, pour favoriser son glissement sous le prépuce où on l'in-troduit à plat. Dans cette modification du procédé ordinaire, lorsque la pointe est arrivée à la couronne du gland, l'opérateur abandonne le prépuce, saisit la verge entre les trois derniers doigts placés en dessous et l'indicateur en dessus , puis avec le pouce il tire la peau vers le pubis , applique ce doigt derrière le point où l'incision doit commencer, tourne le bistouri de ma-nière que son tranchant regarde le prépuce , incline fortement le manche en tendant en même temps la peau, et termine comme dans le cas précédent en poussant la pointe qui traverse la boule de cire en même temps que le prépuce.
Il vaut mieux se servir de la sonde cannelée que de la boule de cire, parce que dans ce dernier cas il faut avoir un bistouri extrêmement étroit sous peine de blesser les parties ,'tandis qu'a-vec la sonde cannelée tous les bistouris pointus sont bons. Le bistouri est aussi préférable aux ciseaux pour faire la division principale , parce que de forts ciseaux ne pourraient pas péné-trer entre le gland et le prépuce, et que de faibles mâcheraient les parties, au lieu de les couper. Si, après que la division du pré-puce est opérée, on s'apercevait que le frein s'avançât jusqu'à l'orifice de l'urètre , il faudrait le diviser d'un coup de ciseaux.
Procédé attribué à M. Jules Cloquet. Ce procédé consiste à faire
l'incision au-dessous du gland sur l'un des côtés du frein au lieu de la faire au-dessus, toujours avec le bistouri et la sonde can-nelée. C'est au reste le même procédé que suivait Guillemeau, élève de A. Paré. C'était aussi celui des anciens comme l'indique aussi clairement que possible ce passage de Celse : «Subterà summâ orâ cutis inciditur recta lined usque ad frenwn , atque ita superiùs tergus relaxatum cedere rétro potest. »
Comme dans le cas précédent, si le frein remonte trop près du méat urinaire , il faut le diviser.
Procédé de M. Coster. Dans ce procédé on substitue trois in-cisions à l'incision unique; c'est donc un débridement multiple ; elles partent toutes les trois de l'ouverture du prépuce, se prolon-gent seulement de quelques millimètres, quatre, six ou plus, sui-vant, le besoin, et sont situées sur les parties latérales et dorsales.
Procédé de M. Malapert. C'est une modification du précédent ; cette modification consiste à substituer l'incision du frein à l'inci-sion dorsale, et à faire les trois incisions plus profondes , de 9 à 12 millimètres, par exemple (Pl. 5o, fig. 2).
Appréciation des procédés de la méthode par incision. L'inci-sion dorsale présente un grave inconvénient, c'est de laisser deux lèvres lâches , pendantes, plus ou moins tuméfiées, qui se retirent et s'écartent souvent pour faire place à un bourrelet quelquefois fort gênant. On a pensé à y remédier par l'excision des angles de la division, mais cette excision n'offre qu'un remède très im-parfait. L'incision inférieure laisse bien elle aussi quelquefois un lambeau épais, mais il est toujours moins long que les lam-beaux de l'incision supérieure, attendu qu'en ce point la cou-ronne du gland se prolonge moins profondément. « J'ai souvent mis ce procédé en usage, dit M. Velpeau, et tout me porte à croire qu'on finira par le substituer à l'autre. » (Méd. opérât., tom. iv, p. 326). Il est effectivement d'une application tout aussi générale. Le procédé de Coster ne convient guère que dans les cas où un gonflement accidentel a rétréci un prépuce d'ailleurs suffisamment large. Celui de M. Malapert, tout au plus bon pour quelques cas exceptionnels, tels que ceux où il y aurait des ulcères ou des tubercules vénériens qui altéreraient profondément le prépuce dans le lieu d'élection, ne fait, dans les cas ordinaires, que compliquer inutilement l'opération, sans ap-porter un remède plus efficace à la maladie.
Méthode par excision.
Procédé ordinaire. Lorsqu'on a fait l'incision dorsale dont nous avons parlé dans la méthode par incision, on saisit successi-vement avec une pince ordinaire ou bien avec une pince à griffes les lèvres de la plaie, pour en séparer un lambeau triangulaire.
Procédé de M. Lisfranc. Ce praticien a proposé d'exciser un lambeau semi-lunaire du bord antérieur et dorsal du prépuce. Pour y parvenir il saisit la partie à couper avec des pinces, l'écarte du gland et l'enlève avec des ciseaux courbes sur le plat et bien tranchans. Si la première échancrure paraît insuffisante il en pratique plusieurs dans des points voisins (Pl. 5o, fig. 3).
Méthode par circoncision.
Procédé de M. Lisfranc. Il faut saisir le contour de l'ouverture du prépuce avec plusieurs pinces, le faire tirer en avant par des aides, puis embrasser transversalement avec les mors d'une pince à anneaux, placée au-devant du gland, la peau qui est tirée par les aides; et enfin emporter d'un seul coup tout ce qui est en avant des pinces à anneaux (Pl. 5o, fig.
Procédé de M. Ricord. Ce chirurgien commence par tirer le prépuce en avant pour tracer, avec de l'encre ou du nitrate d'ar-gent, une ligne qui doit limiter les parties qu'il veut inciser. Puis il abandonne la peau à elle-même pour savoir si la ligne tracée est située trop en arrière ou trop en avant de la couronne du gland, et pour rectifier sa position s'il y a lieu. Cela fait, il ramène de nouveau la peau du prépuce en avant, la saisit transversalement avec les mors d'une pince à pansement entre le gland et la ligne tracée , et tranche tout ce qui est au-devant. Enfin il termine en régulari-sant l'incision et en emportant la partie de membrane muqueuse en excès ; pour exécuter cette dernière section , il saisit la mem-brane avec des pinces dans sa partie dorsale, la fend d'avant en arrière jusqu'au niveau de la peau, et excise ses lambeaux la-téraux.
Procédé de M. Bégin. Il saisit le prépuce avec le pouce et l'in-dex de la main gauche, le tire à lui, introduit, par l'ouverture de la peau , une branche de ciseaux courbes sur le plat, fait une incision oblique partant delà partie la plus voisine du frein, et la conduit jusqu'au milieu de la face dorsale; puis, reportant l'instrument en ce point, il lui fait parcourir un trajet semblable de l'autre côté , et en sens opposé , jusqu'au frein qu'il comprend dans l'excision. Si la muqueuse dépasse de beaucoup la peau, on l'incise d'abord d'avant en arrière, puis on excise ses lam-beaux latéraux.
Appréciation. De ces trois procédés, les deux premiers sont indifféremment applicables, et méritent la préférence toutes les fois que le prépuce, très allongé, dépasse de beaucoup l'extrémité du gland, comme cela se rencontre fréquemment chez les enfans. Mais lorsque le prépuce est induré et peu susceptible de s'allonger sous l'influence des tractions exercées sur lui, nous pensons qu'il vaut mieux employer le procédé de M. Bégin.
Appréciation des méthodes. Sans avoir chacune leurs appli-cations bien tranchées, les trois méthodes ne conviennent ce-pendant pas indifféremment à tous les cas. Ainsi, i" lorsque le prépuce n'est que rétréci à son orifice, et qu'il ne présente pas d'induration chronique, la simple incision, soit supérieure, soit inférieure, est suffisante. Il en est encore de même lorsque le phimosis résulte d'une inflammation aiguë du prépuce; il est vrai qu'immédiatement après l'opération, les lèvres de la plaie paraissent grosses et tuméfiées ; mais après la guérison , lorsque le dégorgement a eu lieu, cette difformité diminue beaucoup; d'ailleurs rien n'empêche de combiner la méthode de l'incision avec celle de l'excision. 20 Si le prépuce est très allongé, bien qu'à la rigueur on puisse encore se contenter d'inciser son bord supérieur et d'exciser les lèvres de la plaie, il n'en est pas moins vrai que la circoncision donnera un meilleur résultat. 3° Enfin, si le phimosis résultait d'une inflammation chronique, et que le prépuce fût transformé en une coque dure, comme dans un cas observé par M. Roux où il était fibro-cartilagineux, et dans un autre cité par M. Sper (Lancette française, t. 1, p. 377 ), où il était doublé par une calotte pierreuse, évidemment il faudrait
avoir recours à une excision plus ou moins considérable des tissus morbides.
L'opération du phimosis, une fois terminée, n'exige pour tout pansement, quelle que soit la méthode qu'on ait suivie, que l'application d'un linge troué enduit de cérat sur la plaie, un plumasseau de charpie et une croix de Malte par-dessus, afin que le malade puisse uriner sans être obligé d'enlever les pièces de l'appareil ; il faut ensuite assujettir ces parties avec une bande étroite et longue de i mètre 20 cent, qu'on enroule autour delà verge. Enfin, un mouchoir plié en triangle sert à soutenir les tes-ticules et à maintenir la verge relevée contre les pubis. Ce panse-ment n'a besoin d'être renouvelé que le deuxième ou le troisième jour, puis tous les jours lorsque la suppuration est établie.
PARAPHIMOSIS.
Le paraphimosis, ou l'étranglement de la verge derrière le gland par l'ouverture du prépuce, peut être suivi d'accidens plus ou moins graves, s'il n'est traité convenablement et en temps opportun.
Pour en obtenir la cure on a proposé deux moyens : la ré-duction et le débridement.
Réduction.
Premier procédé. Le malade est assis sur une chaise, ou cou-ché sur le bord droit de son lit; dans le premier cas, le chirur-gien s'assied en face de lui, et dans le second il se tient près du bord droit du lit. Après avoir graissé le gland et le bourrelet avec de l'huile ou du cérat, pour faciliter le glissement des parties, il embrasse la verge avec l'indicateur et le médius de chaque main, les croise derrière le bourrelet, et appuie sur les côtés du gland avec les deux pouces restés libres, afin de le refouler en arrière, tandis cpie les doigts placés derrière le prépuce malade l'attirent en avant avec force, absolument comme pour en coiffer les pouces qui tendent à se loger dans son intérieur. Pour éviter que les doigts ne glissent pendant la manœuvre, il faut avoir la précau-tion d'entourer le bourrelet d'un linge fin; c'est en outre un moyen de rendre la pression moins forte et moins douloureuse. Bien qu'on recommande en général de n'avoir recours à ce procédé que dans les premières heures du paraphimosis, et lorsque la verge et le prépuce sont sains, M. Velpeau pense qu'on aurait tort de le rejeter, par cela seul que la maladie dure depuis douze ou quinze heures, et que les parties sont déjà enflammées et dou-loureuses; il dit y avoir eu recours plusieurs fois avec un plein succès, au bout de vingt-quatre heures, de trois, de cinq jours sans plus d'inconvéniens, quoique le devant de la verge fût ex-trêmement sensible, et qu'il y eût plusieurs gerçures sur les côtés du bourrelet préputial.
Procédé de M. Coster. Le gland, qui est un organe spongieux, étant gorgé de sang par suite de l'étranglement qui existe derrière sa couronne, on le comprime vigoureusement dans le creux de la main, soit seule, soit revêtue d'une compresse pendant cinq à dix minutes. Lorsqu'on pense que son volume est assez réduit pour pouvoir traverser l'anneau constricteur, on cherche à ramener le prépuce sur le gland, en comprimant celui-ci vers sa base avec le bout des doigts indicateur et annulaire de chaque main, les deux pouces faisant opposition au sommet, tandis qu'avec les deux médius on ramène le prépuce en avant (Pl. 5o, fig. 7).
Le procédé suivant, attribué à M. Desruelles, est préférable.
t. vii.
Procédé de M. Desruelles. Quel que soit le degré du paraphi-mosis et de l'œdème qui l'entretient, pourvu qu'il n'y ait pas d'in flammation trop forte, le chirurgien , commence par comprimer et masser entre les doigts le bourrelet infiltré, afin de dissémi-ner la sérosité qu'il contient, et de rendre au tissu cellulaire sa mobilité; puis il passe le doigt indicateur entre la couronne du gland et le prépuce, pour détruire les adhérences commen-çantes qui pourraient exister entre ces parties, recouvre la verge d'un linge fin, la saisit avec la main gauche, de manière que le pouce et l'index forment, derrière le prépuce, un anneau propre à l'attirer en avant; alors, avec les doigts de l'autre main il com-prime le gland, le masse et le pétrit avec force, jusqu'à ce qu'il l'ait rendu petit, ridé, comme flétri ; enfin il le repousse en arrière, tandis qu'avec la main gauche il attire fortement le prépuce en avant (Pl. 5o, fig. 8).
Bien que ce procédé soit un des meilleurs, il n'en est pas moins vrai que la manœuvre en est souvent longue, douloureuse pour le malade, et même pénible pour le chirurgien. On a vu , dans quelques cas, le gland s'excorier et même se déchirer. Il nous semble qu'il vaudrait mieux recourir au procédé suivant, indi-qué par Boyer, ou bien au débridement, que de faire endurer au malade des douleurs aussi poignantes.
Procédé de Boyer. Il arrive souvent, dit ce chirurgien, que toutes les tentatives de réduction sont inutiles, et qu'après avoir fait beaucoup souffrir le malade on n'est pas plus avancé qu'au-paravant; dans ce cas, si le mal n'est pas porté à un degré con-sidérable, et s'il n'est accompagné d'aucun accident grave, on peut espérer de le guérir en faisant un bandage compressif sur le gland, le prépuce et la verge avec une bande étroite, dont les tours seront uniformément serrés, et en pressant entre les doigts les parties infiltrées chaque fois qu'on renouvelle ce ban-dage; par ce moyen le replacement du prépuce se fait peu-à-peu et de lui-même dans l'espace de quelques jours; mais pour peu qu'il y ait d'inflammation, ce procédé ne convient point.
Emploi de la pommade de belladone Un chirurgien a pro-posé récemment d'enduire tout le pénis et même le scrotum, le pubis et le périnée , d'une couche de pommade, composée de parties égales d'extrait de belladone, de camphre et d'onguent napolitain, se fondant sur ce que ces substances ont une ac-tion remarquable sur les artères, dont elles affaissent l'éré-thisme , et sur les congestions inflammatoires, en général , qu'elles font diminuer promptement. Ce moyen n'a pas encore été employé.
En définitive, pour peu que l'inflammation soit forte, il ne faut pas insister trop long-temps sur les moyens de réduction ; il vaut mieux recourir à l'opération : « Je m'y détermine d'autant plus, ditJ. L. Petit, que, aux malades dont il s'agit ici, quand même on ferait la réduction du gland, il faudrait toujours couper le prépuce, parce qu'ils ont tous une disposition au phimosis. » Suivant Boyer, cette opération est surtout nécessaire et urgente lorsque le paraphimosis a lieu chez une personne affectée de chancres vénériens, et que les accidens de l'inflammation n'ont pas cédé aux saignées, aux boissons délayantes, aux bains, aux cataplasmes, etc.
Débridement (Pl. 5o, fig. 9).
Procédé ordinaire. Le chirurgien fait coucher le malade sur
le bord droit de son lit, et se place du même côté; saisissant la verge avec la main gauche , les quatre derniers doigts en dessous et le pouce sur le gland, après avoir mis en saillie la bride circu-laire qui étrangle le pénis, il prend de la main droite un bistouri ordinaire, ou mieux encore un bistouri à lame concave, et le tient comme pour couper de dedans en dehors et devant soi, le tran-chant tourné en haut, et le dos vers le gland; il enfonce la pointe de l'instrument sous la bride qui forme l'étranglement, et la coupe en abaissant le manche et relevant la pointe, par un mouvement de bascule. Il fait de la même manière deux, trois quatre incisions sur la même bride en d'autres endroits, suivant le degré de constriction qu'elle produit.
Procédé de Richter. Richter voulait qu'on incisât d'abord la peau en arrière de la bride, et qu'on glissât par cette ouverture un stylet cannelé pour guider le bistouri sous l'étranglement.
Procédé de M. Velpeau. Ce chirurgien veut qu'on incise le bourrelet constricteur directement par sa face externe. Faisant retirer la peau vers le pubis, pendant qu'un aide cherche à ren-verser le bourrelet morbide en avant, on parvient générale-ment à mettre en évidence le fond du cercle qui cause l'étrangle-ment. Dès-lors on porte perpendiculairement sur lui la pointe d'un bistouri droit tenu comme une plume à écrire, et l'on pratique sur un ou plusieurs points, avec cet instrument, de petites incisions auxquelles on donne toute la profondeur né-cessaire. L'auteur se loue beaucoup de l'emploi de son procédé : « Il m'a si bien réussi, dit-il, même chez un très jeune enfant dont le paraphimosis datait de trois jours, et chez tous les adultes dont je n'ai pu réduire le gland à l'aide des doigts et des pouces, que je conçois à peine quelques cas où le procédé ordinaire soit indispensable » (JlJéd. opér. t. 4, p. 33o). M. Velpeau pense que l'on rendrait encore l'opération plus simple, plus sûre et moins douloureuse, en faisant glisser d'avant en arrière sous le prépuce, et insinuant par ponction d'arrière en avant sous la bride, une aiguille à cataracte droite ou le petit ténotome de M. Bouvier.
Quel que soit le procédé qu'on emploie, on arrive au même résultat, sans rencontrer plus d'avantages ou d'inconvéniens bien marqués, c'est-à-dire que les incisions font cesser l'étranglement et les accidens inflammatoires qu'il produit, mais elles ne suf-fisent pas pour permettre la réduction du prépuce. On ne peut l'obtenir qu'après avoir procuré le dégorgement du prépuce et l'affaissement du bourrelet formé par la membrane muqueuse, en y faisant trois ou quatre scarifications qui le fendent suivant la longueur de la verge; puis en exprimant la sérosité con-tenue dans le bourrelet, avec les doigts qui le pressent fortement, et en procédant à sa réduction d'après les règles posées dans l'article précédent, sans s'inquiéter des cris du malade.
Si le paraphimosis était accompagné de chancres vénériens très enflammés, il ne faudrait pas chercher à ramener le prépuce sur le gland après l'opération, dans la crainte de causer trop de douleur et d'accroître l'inflammation. Les chancres guériront mieux à découvert que cachés, et lorsque les parties seront dé-gorgées, ou le prépuce reviendra sur le gland ou il sera facile de l'y ramener. Lorsque la réduction est faite, il faut tenir la verge relevée contre le ventre, et la bassiner plusieurs fois par jour avec de l'eau de guimauve et de sureau, pour que le gonflement du prépuce se dissipe et que les petites plaies se cicatrisent.
absence du prépuce.
Le prépuce peut être naturellement très court, ou bien avoir été détruit par la gangrène ou par la circoncision; on a tenté de le rétablir par deux opérations qui sont différentes suivant que le prépuce manque par vice de conformation , ou que la perte est le résultat de la circoncision : tous les deux sont décrits par Celse de la manière suivante.
Procédé pour le cas où le prépuce manque par vice de con-formation. On étendait la peau des environs du gland jusqu'à ce qu'elle le couvrît : puis, on assujettissait cette peau au-delà de l'extrémité du gland avec un fil; on incisait circulairement la peau vers la partie supérieure de la verge, avec la précaution de n'offenser ni l'urètre, ni les vaisseaux qui rampent sur le dos de la verge, ni les corps caverneux : cela fait, on ramenait dou-cement la peau vers la ligature, en laissant un vide circulaire à l'endroit de l'incision; on appliquait de la charpie entre les lèvres de la plaie, pour y laisser croître des chairs qui remplissent cet intervalle, et qui permissent à la peau de prêter assez pour re-couvrir le gland; on tenait ultérieurement le prépuce toujours lié jusqu'à ce que la cicatrice fût formée, observant de laisser une petite ouverture pour le passage de l'urine.
Cette opération est ajuste titre inusitée, d'abord parce qu'elle ne réussit pas, et qu'ensuite elle est inutile. On comprend en effet que l'incision circulaire, faite à la peau de la verge, en se cicatrisant, oblige celle dont on avait l'intention de faire un nou-veau prépuce, à reprendre la place qu'elle avait avant.
Procédé pour le cas où le prépuce manque par suite de l'opé-ration de la circoncision. On détachait circulairement la peau de Ja racine du gland avec le scalpel, dans l'étendue de 27 millim. on tirait cette peau en bas jusqu'à ce qu'elle vînt couvrir le gland; on faisait dessus des applications d'eau froide, puis on l'assu-jettissait avec un emplâtre. On entourait la verge d'une bande, depuis sa racine jusqu'à la couronne du gland; par ce moyen, la peau s'agglutinait au corps de la verge, et celle qui couvrait le gland se cicatrisait sans contracter d'adhérences avec lui. On maintenait le malade à la diète jusqu'à ce que l'inflamma-tion fût tombée. Cette opération , qui est inusitée parmi nous, était assez souvent pratiquée à Borne sur des Juifs qui se sou-mettaient pour s'exempter des tributs considérables qu'on leur imposait.
division congéniale du prépuce.
J. L. Petit et Boyer sont les seuls auteurs qui en parlent.
Procédé de J. L. Petit. Pour guérir cette affection, ce chirur-gien a proposé de rafraîchir les lèvres de la division comme dans le bec de lièvre, et de les maintenir en contact par quelques points de suture, afin d'en obtenir la réunion : il ne faut ni ra-fraîchir , ni réunir les lèvres de la division dans toute leur éten-due , mais seulement dans la moitié à partir de la couronne du gland, dans la crainte de voir succéder un phimosis à la réunion complète.
J. L. Petit et Fab. d'Aquapendente ont pratiqué cette opéra-tion; Boyer pense avec raison que si la disposition vicieuse du prépuce rendait l'acte de la génération difficile et doulou-reux , il vaudrait mieux enlever de chaque côté un lambeau trian-gulaire du prépuce que de pratiquer l'opération de J. L. Petit.
calculs situés entre le gland et le prépuce.
On a rencontré des calculs, situés entre le gland et le prépuce, d'un volume vraiment extraordinaire , Morand en possédait un qui avait presque le volume d'un œuf, Sabatier en avait un qui était encore plus gros. Ces calculs se développent ordinairement chez les enfans qui ont le prépuce très long et dans la cavité du-quel séjourne l'urine.
Lorsque les calculs ne sont pas très gros et que le prépuce est assez large pour permettre aux instrumens de pénétrer entre lui et le gland , il est facile de les saisir avec des pinces et de les en-traîner au dehors. S'ils sont volumineux et friables, on peut d'a-bord les briser avec une petite tenette ou des pinces à pansement et les extraire par morceaux.
Mais si le prépuce était trop étroit pour permettre aux instru-mens de passer ou si les calculs étaient trop gros et trop durs pour être brisés, il faudrait inciser le prépuce de dedans en de-hors ou de dehors en dedans, et dans une direction indiquée par la position de la pierre.
adhérences du prépuce au gland.
Lorsque ces adhérences sont peu étendues et ne donnent pas lieu à la coarctation, soit pendant l'érection, soit pendant le coït, elles finissent par s'allonger assez sous l'influence de l'ha-bitude pour ne plus causer aucune gêne, et pour ne nécessiter aucune opération; toutefois, si l'on voulait les détruire, il suffi-rait de les couper avec les ciseaux ou le bistouri, et d'interposer une bandelette de linge pour éviter la récidive. Mais lorsqu'il y a adhérence complète de toute la circonférence du prépuce au gland, depuis le voisinage du méat urinaire jusqu'à la couronne, de manière à rendre le coït impossible, il faut nécessairement tenter la destruction de ces adhérences, bien que les moyens d'y parvenir réussissent difficilement.
Procédé de M. Laugier. Ce chirurgien pense que chez les enfans où le phimosis empêche ordinairement de reconnaître les adhérences, ou tout au moins d'en apprécier la disposi-tion , l'amputation du prépuce, ou la circoncision, est ce qu'il y aurait de plus rationnel à tenter, pourvu toutefois qu'après cette excision le gland pût rester en grande partie à découvert (Arch.iv.gen. de/néd., t. 27, p. 5). Mais il n'en est pas ainsi. Dieffenbach, qui a mis la circoncision en usage, a vu que la peau attirée par le travail de la cicatrisation , recouvrait encore bientôt le tiers de cet organe, et a cherché à y remédier par le procédé suivant.
Procédé de Dieffenbach. Voici comment nous le trouvons dé-crit dans le Manuel de M. Malgaigne, p. 626, 1843.
Si le prépuce adhérent dépasse encore le gland, on commence par en amputer l'anneau le plus antérieur; si, au contraire, cet anneau est adhérent lui-même, on commence par détacher cir-culairement ces adhérences dans une étendue suffisante pour pouvoir attirer le prépuce en avant et le circonscrire comme dans le cas précédent; il faut d'ailleurs quand il est sain en exciser le moins possible, afin de garder plus de peau; mais s'il est malade ne garder absolument que la partie saine.
Ce premier temps achevé, on retire en arrière la peau de la verge, et la lame externe du prépuce qui la suit; on divise le tissu cellulaire lâche qui l'unit à la lame interne jusqu'à 9 millimètres en arrière de la couronne du gland, de manière à avoir une sorte de fourreau absolument libre par sa face interne.
On procède ensuite à l'ablation de la portion du prépuce res-tée adhérente au gland , en la fendant longitudinalement sur sa face dorsale, et en disséquant les lambeaux à l'aide de pinces fines ou de ciseaux. Quelquefois cette lame interne est tellement indu-rée qu'elle a l'épaisseur d'une mince feuille de carton.
Enfin le gland étant parfaitement découvert, on reploie en de-dans la lame externe du prépuce de telle sorte que sa face sai-gnante réponde partout à elle-même, que son bord libre soit en contact avec le tissu cellulaire de la verge en arrière de la cou-ronne du gland, et qu'enfin le gland soit enveloppé par la sur-face épidermique avec laquelle toute adhérence est impossible. On maintient les parties clans cette position au moyen de fils de coton épais, et enduits d'emplâtre agglutinatifs passés tout au-tour du nouveau prépuce et de la verge.
On fait des fomentations froides jusque vers le troisième ou le quatrième jour : alors on renouvelle l'appareil et on commence à faire toutes les heures des injections d'eau blanche entre le gland et le prépuce nouveau, pour prévenir les excoriations de sa face interne. Du douzième au quinzième jour la cicatrisation est faite; mais il faut quelques jours encore pour que le gland se recouvre d'une pellicule épidermique. Après un certain laps de temps, M. Dieffenbach a vu le prépuce nouveau allongé et exac-tement semblable à un prépuce naturel ; sa lame interne avait même perdu l'aspect cutané pour prendre le caractère d'une muqueuse ; elle était rouge et fournissait une sécrétion.
Procédé de M. Dufresse. Si l'adhérence n'existe qu'en un point, à la partie dorsale, par exemple, s'étendît-elle depuis le méat urinaire jusqu'à la couronne du gland, on circonscrit toute la partie adhérente entre deux incisions se réunissant en forme de V dont la base correspond au bord libre du prépuce et le sommet au-delà de la partie adhérente. On a ainsi trois lambeaux, dont le médian reste fixé sur le gland. S'il n'est large que de quelques millimètres, on peut réunir les deux autres par-dessus au moyen de quelques points de suture, mais seulement dans leur moitié ou leurs deux tiers postérieurs , afin d'éviter un phimosis consé-cutif; si au contraire le lambeau médian a plus de 6 millimètres de largeur, on laissera les deux lambeaux latéraux se cicatriser isolément. Lorsque la cicatrisation sera complète, on pratiquera l'extirpation du lambeau médian, qui pourra être faite sans crainte de voir les adhérences se reproduire, attendu que la sur-face saignante du gland , ou bien sera en contact avec une sur-face muqueuse, ou sera libre si l'on n'a pas réuni les deux lam-beaux latéraux par la suture. Dans ce dernier cas, le malade sera dans le même cas que s'il eût été opéré du phimosis par excision.
Si les adhérences du prépuce au gland avaient lieu dans toute la circonférence, on pourrait, suivant le même chirurgien, tenter le moyen suivant : inciser le prépuce sur sa face dorsale depuis la couronne du gland jusqu'à son orifice, séparer par la dissection ses deux lambeaux du gland, les relever sur la verge comme l'extrémité d'une manche d'habit sur le poignet, et cau-tériser assez souvent les surfaces saignantes pour entretenir con-tinuellement une petite eschare qui s'oppose à la réunion im-médiate. Ce procédé, mis en usage par M. Carron du Villards, pour guérir les adhérences des paupières au globe de l'œil, lui a procuré plusieurs succès; il est probable qu'appliqué au cas dont il est ici question , il réussirait aussi bien. Si par ce moyen on parvenait à détruire les adhérences, rien n'empêcherait de
réunir consécutivement la lèvre île l'incision dorsale par la su-ture.
ÉTRANGLEMENT PU PÉNLS PAR DES CORPS ÉTRANGERS.
On rencontre de temps en temps des individus qui par manie , par inadvertance ou même par dépravation, s'étreignent la verge avec des liens de diverse nature , tels qu'un fil, une ficelle , ou la font pénétrer dans des anneaux métalliques de fer, de cuivre, d'argentou d'or. Dans un cas observé parDupuytren, c'étaitdans une bobec.be de chandelier. Les parties réagissent bientôt sur de pareils obstacles, qui sont bientôt cachés au fond d'une rainure plus ou moins profonde et qui par suite de leur inextensibilité causent un gonflement considérable des parties, la perfora-tion de l'urètre, l'ulcération des corps caverneux, et enfin la gangrène du pénis.
Les liens qui ne sont pas métalliques peuvent toujours être coupés, soit avec la pointe d'un bistouri, soit avec des petits ci-seaux bien affilés. Si les anneaux sont de bois, de corne ou d'i-voire, il faut employer de forts ciseaux, ou des tenailles inci-sives. Lorsqu'ils sont métalliques, pour peu qtie le métal soit dur, comme le fer, on est obligé d'employer la lime ou la scie. Avant de limer ou de scier il est important de faire dégorger les parties étranglées par des mouchetures et scarifications, et de passer une plaque de carton mince ou une compresse fine entre l'anneau et les parties molles pour les préserver de l'action de la lime ou de la scie qui devraient être dirigées transversalement par rapport au grand diamètre de la verge. Enfin si l'on pouvait parvenir à saisir le corps, il est probable que par l'emploi de deux petits étaux à main qu'on ferait agir en sens contraire on parviendrait à briser le corps étranger.
AMPUTATION DU PÉNIS.
L'amputation du pénis peut être nécessitée par le cancer, la gangrène, l'anévrysme des corps caverneux et certaines plaies profondes qui intéressent ces organes. Toutefois le cancer et la gangrène peuvent n'envahir qu'une étendue plus ou moins cir-conscrite de la peau et du tissu cellulaire sans intéresser les corps caverneux et faire croire néanmoins que ces organes participent à la maladie par suite du gonflement énorme qui s'est développé dans les enveloppes cutanées et fibreuses. Beaucoup d'erreurs de ce genre ont été commises et avaient contribué à accréditer, parmi les anciens , l'opinion que la verge était de nature à se reproduire; mais en réalité, il n'en est rien. Il est donc bien important de sa-voir que les tumeurs du prépuce repoussent peu à peu-le-gland et les corps caverneux en arrière au point de paraître occuper le corps même du pénis quand il n'y a, en fait, que ses annexes de prises. M. Velpeau cite un cas de ce genre fort remarquable. Il s'agit d'un homme de quarante ans dont le pénis, énormément gonflé, se gangrena en vingt-quatre heures jusqu'à 54 millim. de sa racine. Des précautions furent prises pour ménager ce qui pouvait rester du gland ou des corps caverneux au centre de ce putrilage; maison les trouva entiers derrière le sphacèle offrant, pour toute lésion , de légères excoriations en avant.
L'observation de beaucoup de faits de ce genre a rendu les chirurgiens modernes plus circonspects ; de plus, M. Lisfranc ayant reconnu que lors même que le cancer siège sur le corps de la verge ou à sa racine, et même sur le scrotum, c'est par la peau qu'il commence d'abord, et que les membranes fibreuses qui sont au-dessous lui opposent une barrière qu'il est très long-temps à franchir; il est généralement reçu que, dans beaucoup de cas, on peut se borner à enlever les tégumens et obtenir la guérison du mal en conservant l'organe.
Excision partielle d'une tumeur adhérente au pénis.
Procédé de M. Lisfranc. Lorsqu'un cancer siège à l'extrémité delà verge, on pratique sur la face dorsale de cet organe, parallè-lement à son axe, une incision, dans toute la longueur et au-delà des limites du cancer, avec un bistouri convexe, tenu comme un archet, en allant à petits coups et avec une grande lenteur ; on absterge le sang avec une éponge, afin de ne pas arriver sur les corps caverneux à l'improviste. Lorsqu'on atteint leur enveloppe fibreuse, si elle est saine, on dissèque soigneusement le cancer, et la verge est conservée ; mais si elle présente quelques parties malades, comme cela arrive assez ordinairement dans les points qui correspondent aux ulcères cancéreux, il faut en faire l'excision avec une pince et un bistouri, qu'on conduit en dédolant, en ayant bien soin de n'enlever qu'une faible épaisseur chaque fois, dans la crainte d'arriver jusqu'aux cellules du corps caverneux; si, enfin, on y arrivait sans avoir trouvé les limites du cancer, il faudrait procéder de suite à l'amputation.
Les mêmes règles sont applicables aux cas où l'on aurait affaire aune tumeur hématique, à une tumeur lipomateuse, etc.
Avant de procéder à l'amputation , il est bon de se rappeler quelques particularités anatomiques : i° la laxité de la peau sur le corps caverneux, qui exige que celle-ci soit bien maintenue en avant et en arrière du point où l'on ampute, dans la crainte d'en emporter trop ou trop peu. 2° La nature spongieuse des corps ca-verneux eux-mêmes qui fait qu'ils s'allongent ou se rétractent suivant qu'ils sont gorgés d'une quantité de sang plus ou moins considérable. 3° La disposition des artères caverneuses renfermées dans leur intérieur et qui paraissent proéminentes à sa surface, ou enfoncées dans son épaisseur suivant qu'ils se rétractent ou s'allongent. Enfin, la structure de l'urètre dont la paroi mobile se rapproche de celle qui est fixe, de manière à rendre quel-quefois l'orifice urétral difficile à trouver après l'amputation.
Lorsqu'on ampute la verge pour un cancer, on doit en con-server le plus possible, en coupant toutefois dans les parties saines. Lorsque c'est dans un cas de gangrène, on doit coupel-le pénis dans l'endroit où la mortification s'est arrêtée. Si c'est pour une hémorrhagie, suite d'une plaie transversale, on doit achever la section dans l'endroit même de la plaie; enfin, si l'on opère pour un cas d'anévrysme ouvert imprudemment, il faut couper la verge immédiatement au-dessus de la tumeur.
Extirpation de la verge. On peut la pratiquer au moyen de la ligature ou de l'instrument tranchant.
1° Ligature.
Quelques chirurgiens, par crainte de l'hémorrhagie , ont eu l'idée de détacher le pénis en le liant fortement dans sa partie saine , avec un cordonnet de fil de soie , après avoir introduit une sonde dans la vessie : Ruysch cite un cas de cette nature opéré avec succès; Heister, Bertrandi,Graefel'ontaussi employée.
Procédé ordinaire. Si l'on voulait tenter la ligature de la verge, il faudrait commencer par placer une sonde dans la vessie pour s'opposer à l'occlusion de l'urètre par la ligature. Dans le cas où
les malades ne pourraient supporter la ligature directement sur la peau , on pourrait, ainsi que le conseillait Sabatier, inciser d'abord circulairement la couche tégumentaire.
2" Amputation avec Tinstrument tranchant.
Procédé de Boyer. Les objets à préparer sont : un fort bistouri d roit à lame un peu longue,une pince à disséquer, des fils cirés,une sonde de gomme élastique, des liens pour la fixer, des bourdon-nets, des plumasseaux, des compresses longuettes et un bandage en T. Contrairement à l'opinion delà plupart des auteurs, Boyer ne veut point que l'on fasse uriner le malade avant l'opération , parce que l'urine s'oppose à ce que la sonde qu'on introduit dans la vessie agisse contre ses parois. Le chirurgien fait coucher le malade sur le bord droit de son lit et se place du même côté; il entoure d'un linge la portion de la verge qui doit être enlevée, et l'embrasse de la main gauche avec l'attention de tirer la peau vers le gland, tandis qu'un aide saisit la verge à sa racine près du pubis et tend également la peau qui la couvre. Sans cette pré-caution lorsque la verge est coupée près de sa racine, on ris-querait d'enlever une partie de la peau des bourses, et de don-ner à la plaie une étendue beaucoup plus grande que celle qu'elle doit avoir. Les parties étant ainsi disposées, le chirurgien coupe d'un seul coup de bistouri la peau, le corps caverneux et l'urètre. Cependant, si l'on est obligé d'abattre la verge près de sa racine et si la peau n'est pas très mobile sur le corps caverneux, au lieu de couper celle-ci en même temps que le corps caverneux, il vaut mieux l'inciser d'abord circulairement à 3 ou 4 lignes (7 à 8 millimètres) au-dessus de l'endroit où l'on veut am-puter la verge et couper ensuite le corps caverneux et l'urètre au niveau de la lèvre inférieure de la plaie circulaire faite à la peau.
Lorsque la verge est amputée, il faut procéder à la ligature des vaisseaux : ce sont les artères dorsales qui rampent sur le dos de la verge et les caverneuses qui sont placées dans le tissu spongieux de ce corps ; une fois qu'elles sont liées, la moindre compression suffit pour arrêter le sang qui s'échappe du tissu spongieux. Quand il ne coule plus de sang, il faut placer une sonde en gomme élastique dans la vessie, la fixer solidement, puis appli-quer sur la plaie une croix de Malte traversée par la sonde, de la charpie fine, et deux compresses longuettes qu'on fixe au moyen d'une bande étroite, ou mieux d'un bandage en T et d'épingles. On lève l'appareil au bout de trois ou quatre jours et on panse la plaie comme toutes celles qui suppurent. On retire de temps en temps la sonde pour la nettoyer ou la changer , car il est im-portant d'en maintenir une dans l'urètre pendant tout le temps nécessaire à la guérison.
Procédé de M. Barthélémy. Ce chirurgien, pensant qu'il est quelquefois difficile de retrouver l'urètre au fond de la plaie afin d'y introduire la sonde, a proposé de la placer avant l'opération et de la couper en même temps que la verge.
Procédé de Schrœger. Il consiste à trancher la verge couche par couche du haut en bas , afin de lier les vaisseaux à mesure. L'exposé seul de ce procédé suffit pour le réfuter.
Procédé de M. Langenbeck. Ce chirurgien a proposé de passer une anse de fil au travers des corps caverneux pour en prévenir la rétraction et pouvoir ensuite lier sans crainte les vaisseaux.
T. vii.
Appréciation. La ligature est rarement usitée. Quant à l'opé-ration par instrument tranchant, le procédé de Boyer est évidem-ment le meilleur, surtout tel que l'a modifié M. Velpeau, qui veut que l'on substitue un petit couteau au bistouri, et que , dans tous lescas, on'divise préalablement la peau un peu en avant du lieu où les corps caverneux doivent être tranchés,afin de pouvoir toujours placer la section du pénis juste au niveau des tégumens rétractés. La modification proposée par M. Barthélémy, mise en pratique avec succès par quelques autres chirurgiens , n'est point généralement adoptée, attendu qu'elle ne présente réellement aucun avantage, et n'est pas sans inconvéniens; ainsi elle rend la section de la verge plus difficile, et pour peu qu'on soit obligé de la couper en un point rapproché du pubis, on a à craindre que la partie postérieure du tube ne s'échappe dans la vessie. Le procédé de Schrœger est tombé dans un juste oubli, et celui de Langenbeck ne saurait trouver d'application utile cpie dans quelques cas exceptionnels, tels que celui où l'on se-rait obligé de porter le bistouri jusque sous les pubis comme l'a fait M. Halle dans un cas [Gaz. Méd. i836, p. 748).
Quelques chirurgiens pensent que la sonde à demeure dans la vessie est inutile, attendu que l'urine s'opposera suffisamment à l'oblitération du méat ; M. Velpeau cite, à ce sujet, le cas d'un vieillard amputé de la verge qui ne voulut jamais supporter au-cune pièce de pansement, et chez lequel , néanmoins, l'urètre conserva ses dimensions. Ce chirurgien pense qu'on rendrait l'emploi de la sonde parfaitement inutile en prenant la précaution d'unir la membrane muqueuse de l'urètre à la peau , au moyen de trois points de suture.
Lorsque le gland seul est enlevé, l'impuissance n'en est pas la conséquence inévitable ainsi que le démontre une observation de Scultet. Si le moignon conservé est d'une certaine longueur les malades peuvent pousser leur urine au loin , comme dans l'état ordinaire ; mais lorsque l'amputation a été pratiquée près du pubis, l'opéré est obligé de s'accroupir comme les femmes pour uriner. A. Paré a imaginé une canule de forme conique, en buis ou en métal, destinée à diriger le cours de l'urine, en s'ap-pliquantpar sa partie la plus large sur le pubis, pour éviter que le scrotum et les cuisses soient mouillés par ce liquide.
La plupart des auteurs qui ont eu l'occasion d'amputer la verge ont observé que cette opération était fréquemment suivie de suites fâcheuses. Le plus grand nombre de malades guérissent en une quinzaine de jours; mais bientôt ils deviennent tristes, mélancoliques et sombres et beaucoup succombent à leur cha-grin ou terminent leur existence par le suicide.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'URÈTRE ET LA VESSIE.
Avant d'entrer dans aucun détail sur les maladies de l'urètre et sur les opérations que ces maladies nécessitent, il est indispen-sable de connaître exactement l'anatomie chirurgicale de cette partie importante des voies urinaires, car c'est sur cette con-naissance exacte et précise qu'est basée toute la thérapeutique opératoire.
anatomie opératoire de l'urètre (Pl. 5l et 52).
L'urètre est un canal étroit, long et sinueux sur le plan ver-tical , étendu depuis l'extrémité libre du gland jusqu'au col dé la
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vessie derrière les pubis. Examiné dans son trajet, et pendant l'état de flaccidité du pénis, il présente deux courbures très bien caractérisées : l'une postérieure et inférieure contourne l'arcade pubienne et offre par consécpient sa concavité en haut; l'autre antérieure et supérieure, à la racine de la verge a son sommet au devant des pubis et reconnaît pour cause la suspension du pé-nis à son ligament; elle forme une courbe à sa concavité in-férieure, mais qui n'existe pas d'une manière permanente, et s'efface soit par l'érection, soit par une traction oblique en haut. La courbure sous-pubienne peut aussi diminuer beaucoup et disparaître en partie lorsqu'on tire convenablement sur le pénis. Pour être certain des courbures de l'urètre, nous avons eu re-cours à plusieurs injections, les unes avec du plâtre, les autres avec l'alliage fusible de M. Darcet; ces injections ont donné les courbures telles qu'on les voit sur les planches 5 i et 52 ; les figures, et surtout la figure 2 de la planche 5i, peuvent donc donner une idée très exacte de la forme , de la longueur et de la position de ces courbures. Ainsi la courbure sous-pubienne sur-tout, qui est la plus importante, est formée parles trois portions de l'urètre qu'on appelle bulbeuse, membraneuse et prostatique. L'angle d'incurvation existe dans la partie bulbeuse près du point où elle se réunit à la membraneuse ; il est presque droit. La partie de cette courbure qui est en avant de cet angle est dirigée un peu obliquement en haut et directement en avant, tandis que l'autre partie de la même courbure, qui est en arrière de l'angle, est dirigée un peu obliquement en haut et en arrière.
La longueur moyenne de l'urètre, qui pourtant doit toujours être la même, a beaucoup varié suivant les auteurs ; autrefois on estimait cette longueur à 10 ou 12 pouces ( 27 à 32 cent.), Wha-lo]\(An improved method ofthe treating stricturein urètre, 18 i b), après l'avoir mesuré avec précision sur 48 sujets, trouva pour mesures extrêmes 9 pouces et demi et 7 pouces et demi ( 26 cent, et demi et 20 cent, un quart), ce qui donne pour moyenne 8 pouces et demi ( 23 cent.). Ducamp admit ces mesures et les re-produisit. Meckel lui donne 8 pouces environ (2 1 cent, et demi), M. Lisfranc veut qu'il n'ait pas moins de g à 10 pouces (24 cent, un quart à 27 cent.) MM. Amussat, Segalas et Lalle-mand sont arrivés à-peu-près aux mêmes résultats que Whately et Ducamp. M. Cruveilhier ne lui accorde pas moins de 8 39 pou-ces (21 cent. 6 m. à 24 cent. 3 ). Jusque-là toutes les mesures as-signées par les auteurs avaient été trop considérables. D'un autre côté MM. Velpeauet Malgaigne, après avoir mesuré l'urètre un grand nombre de fois en place et dans le relâchement sur une sonde, prétendent qu'il n'a que 5 à 6 pouces ( i3 cent. 5 mil. à
15 cent. 3 mil. ) M. Malgaigne ne l'a vu arriver que deux fois à
16 cent.C'est pour trouver le vrai parmi toutes ces contradictions causées par l'incertitude des moyens de mensuration mis en usage par les chirurgiens, que nous avons voulu fixer définitivement la forme, la longueur, les courbures et les dilatations locales de l'urètre. Les mesures de longueur données par MM. Velpeau et Malgaigne sont celles que nous avons reconnues être les plus exactes. La fig. 2 de la planche 52 représente un urètre d'a-dulte ouvert dans sa longueur sur son diamètre vertical. Mesuré ensuivant tous ses contours avec un fil, il n'a que 6 pouces et quelques lignes (environ ^centimètres); il est vrai que cette lon-gueur peut varier beaucoup suivant qu'on tiraille plus ou moins l'urètre ou qu'on le laisse dans l'état de repos, suivant qu'on relève le pénis ou qu'on l'abandonne à son propre poids, sui-vant qu'on coupe le ligament suspenseur ou qu'on le conserve, suivant qu'on détache la peau de la verge ou qu'on la laisse in-tacte, suivant qu'on enlève la verge, l'urètre el la vessie, ou qu'on les conserve en place et dans leurs rapports naturels.
C'est pour avoir mesuré l'urètre dans des situations si diffé-rentes, que les auteurs sont arrivés à des résultats si différens quant à sa longueur.
Sur le vivant l'urètre est toujours un peu plus long que sur le cadavre, sa longueur peut varier alors entre 5 et 7 pouces ( i3 cent, et demi et 19 cent.). Chez les vieillards il est aussi un peu plus long que chez les adultes, à cause du développement que prend ordinairement la prostate avec l'âge.
Des remarques précédentes, on peut tirer le corollaire suivant: en général, lorsqu'on pratique le cathétérisine sur le vivant, la sonde est arrivée dans la vessie , lorsqu'elle a pénétré de 20 cent, au plus dans l'urètre, parce que c'est là à-peu-près la longueur de ce canal, lorsque la verge est relevée. Toutefois, pour que cette conclusion soit juste, il faut que l'urètre soit sain, car s'il était affecté de rétrécissement, pour faire franchir l'obstacle à la sonde il faudrait tirailler la verge, ce qui produirait un allongement plus ou moins considérable delà partie du canal située entre le gland et le rétrécissement. Or si ce rétrécissement siégeait dans la partie prostatique, il pourrait bien se faire que la sonde fût enfoncée à plus de 16, 18 ou même 20 cent, de profondeur sans que pour cela elle fût arrivée dans la vessie. D'un autre côté, si le diamètre de la sonde dont on se sert dépasse de 1 à 2 millim. celui de l'urètre en repos, de manière que, pour l'admettre, il faille que le canal se dilate, cette dilatation pourra bien se faire un peu aux dépens de sa longueur, et alors le bec de la sonde serait arrivé dans la vessie avant que celle-ci fût enfoncée de i3 à i4 cent, dans le canal excréteur de F urine. Il ne faut donc pas attacher à la longueur connue de l'urètre une importance aussi grande que si cette longueur était absolue et invariable, ainsi que voudraient le faire entendre quelques chirurgiens modernes ; seulement il est bon de connaître le fait et d'en tenir compte dans l'occasion.
Les dimensions de l'urètre, suivant son diamètre transversal sont variables suivant les régions où on l'examine; Home lui ac-cordait 4 lignes (9 mil.), excepté à son orifice où l'on trouve une ligne de moins; mais, ainsi que nous allons le voir, cette évalua-tion n'est point exacte. Pour bien apprécier le calibre de l'urè-tre, il faut l'étudier dans ses diverses régions. On a divisé l'u-rètre en quatre parties qu'on a appelées prostatique, membra-neuse , bulbeuse et spongieuse.
i° Portion prostatique. La prostate forme presque toujours un cercle complet autour de l'urètre; quelquefois cependant ce ca-nal n'est entouré par la glande que dans les trois quarts inférieurs de sa circonférence , en sorte que le tissu de la glande manquant supérieurement, celle-ci n'est percée que d'une gouttière et non d'un conduit. La portion de prostate placée au-dessus de l'urè-tre est en général bien moins épaisse que celle qui est au-dessous, de là vient que la paroi supérieure de la partie prostatique de l'urètre est beaucoup plus extensible que sa paroi inférieure. Quelquefois, cependant, on a vu l'urètre occuper la partie infé-rieure de la prostate et n'être séparé du rectum que par une cou-che très mince de tissu glanduleux, ce qui expose à blesser le rectum dans les divers procédés de taille périnéale. Dans les cas ordinaires, l'épaisseur de la partie de la prostate située au-dessous du canal urétrala, suivant M. Senn, i5 à 18 millimètres; dans la fig. 2 delà planche 52 , nous ne lui avons donné que 1 1 à i3 millimètres, ainsi que cela doit être d'après nos recherches sur
le cadavre; mais cette dimension doit être un peti plus considé-rable avec la demi-turgescence qui existe chez l'homme vivant.
La portion prostatique de l'urètre est beaucoup moins longue tpie la prostate elle-même dont la hase s'étend en arrière sous le col de la vessie qu'elle embrasse. Toutefois cette longueur est très variable; M. Malgaigne pense qu'elle varie entre i3 et 22 milli-mètres. Dans la figure 2 de la planche f2 elle a 18 à 20 millimè-tres. La partie de l'urètre que nous examinons a les mêmes rap-ports que la prostate; elle se dirige obliquement de bas en haut et d'avant en arrière, en sorte que l'orifice vésical de l'urètre se trouve à 7 ou 8 millimètres au-dessus de l'arcade sous-pubienne et à 27 millimètres environ en arrière de la symphyse du même nom. Vue à l'intérieur, elle présente des contours variés : suc-cédant à l'évaseinent en entonnoir du col de la vessie, elle est rétrécie par le cercle du col, et forme elle-même une dilatation olivaire qui se resserre là où elle se réunit avec la partie mem-braneuse; de manière qu'on peut en quelque sorte assimiler sa forme à celle du réservoir à mercure du baromètre ordinaire. La paroi inférieure est divisée en deux parties égales par une émi-nence qui porte le nom de créte uretrale ou de veru montanum. M. Velpeau dit y avoir observé des lacunes assez amples pour re-cevoir le bec d'une sonde, et l'orifice d'un troisième uretère fort large. En avant le veru montanum se termine par un renflement plus ou moins considérable sur le milieu duquel viennent s'ou-vrir les canaux éjaculateurs. Les orifices des conduits prostati-ques sont situés sur les côtés de la crête uretrale. Dans toute l'é-tendue de la paroi inférieure de cette partie de l'urètre que nous étudions, il est facile de voir ces orifices en compri-mant la prostate, car alors ils donnent passage au fluide prostatique. M. Cruveilhier les a rencontrés remplis d'un sable brunâtre.
Il n'est pas rare de voir la saillie que forme le veru monta-num en arrière, prendre un développement assez considérable pour obturer l'urètre d'une manière plus ou moins complète et s'opposer à l'écoulement des urines; d'autres fois le veru monta-num s'épanouit et forme non plus un tubercule, mais deux replis latéraux concaves en avant et qui offrent l'apparence de deux val-vules à peine distinctes. M. Velpeau a observé trois fois des val-vules semblables naissant de la partie antérieure de la créte ure-trale; niais dans ces cas, le bord concave du repli regardait en arrière. C'est surtout chez les vieillards que la prostate prend un développement assez considérable pour refouler les deux pa-rois de l'urètre l'une contre l'autre et pour obturer complète-ment le passage ; cette obturation survient très promptement dans les cas d'inflammation aiguë de la prostate. Dans tous ces cas le bec de la sonde peut rencontrer des obstacles pour péné-trer dans la vessie, mais ces obstacles proviennent alors des organes qui l'entourent, ou de végétations nées dans son inté-rieur.
Il est important de remarquer que dans l'enfance la racine de l'urètre est plus relevée que chez l'adulte, parce que la vessie, plus rapprochée de l'ombilic, tend à l'entraîner derrière le pu-bis; la même chose a lieu lorsque, chez l'homme, le rectum se remplit de matières fécales, ou lorsque dans les rétentions d'u-rine la vessie a acquis assez de développement pour être refoulée dans le ventre par le détroit supérieur du bassin, ce qui fait que la courbure postérieure de l'urètre est plus prononcée que dans l'état ordinaire, et qu'il faut une sonde à courbure plus marquée et plus courte que dans les cas où cet état n'existe pas.
Enfin, pour terminer ce qui est relatif à celte partie de l'urè-tre, nous dirons que, du côté de la vessie, elle est assez large et assez dilatable pour qu'on puisse y introduire l'extrémité de l'indicateur sans rien rompre , de sorte que des calculs deqà i3 millimètres de diamètre puissent s'y arrêter et s'y loger.
¦à" Portion membraneuse ou musculeuse de Vurètre. Située, entre la partie prostatique et la partie bulbeuse, dirigée en haut et en avant, la partie membraneuse est placée sous l'arcade pu-bienne dont elle est séparée par un espace d'environ i5 à 20 millimètres, rempli par des veines considérables, et les artères correspondantes qui se rendent sur le dos de la verge , ainsi que par du tissu musculeux. En bas elle regarde le rectum, dont elle est séparée par un espace triangulaire, dont le sommet regarde en arrière et en haut, et la base en avant et en bas. C'est dans cet espace qu'on divise l'urètre dans la plupart des procédés de taille perineale.
La longueur de la partie membraneuse de l'urèthre varie entre 11 et 18 millimètres, suivant M. Malgaigne, et entre 18 et 22 millimètres suivant M. Velpeau: c'est de 10 à i5 millimètres que nous fixerions cette dimension. Une remarque à faire, c'est que la paroi supérieure est plus longue que l'inférieure ; cela tient à ce que le bulbe et la prostate, qui sont au-dessous, s'avancent inférieurement l'un vers l'autre. Cette partie de l'u-rètre est encore enveloppée par un prolongement de la gaîne prostatique , et surtout par deux faisceaux constricteurs , les muscles de Wilson et le pubio - prostatique que nous avons trouvé. Ces faisceaux musculeux présentent divers ordres de fi-bres qui forment une véritable tunique à l'urètre en ce point, les unes surtout naissant de la symphyse du pubis, réunies avec celles du côté opposé en haut et en bas, et seulement écartées au milieu pour laisser passer l'urètre, représentent une sorte de sphincter jeté autour de la portion membraneuse et, parleur contraction spasmodique, peuvent rétrécir le canal au point d'arrêter la sonde et de l'empêcher de pénétrer dans la vessie. C'est en ce point, correspondant aux glandes de Cowper, que l'urètre traverse l'aponévrose moyenne du périnée. Examinée à l'intérieur, la partie membraneuse ne présente rien de remar-quable, si ce n'est qu'elle est moins large que les portions pro-statique et bulbeuse.
3° Portion bulbeuse. Elle fait suite à la précédente en avant de laquelle elle est située. Dirigée d'abord un peu obliquement d'arrière en avant et de haut en bas , puis en haut et en avant, pour se continuer au-delà sans ligne de démarcation bien tran-chée , avec la portion spongieuse, elle se trouve placée immé-diatement au-dessous et à 3 centimètres de distance de l'arcade pubienne, entre les racines du corps caverneux. Sa partie infé-rieure présente un renflement considérable qui porte le. nom de bulbe : d'où le nom de partie bulbeuse; son volume varie sui-vant les individus et l'état de distension ou d'affaissement de la verge, et déborde de quelques millim. inférieurement le niveau de la portion membraneuse qu'il recouvre en partie dans ce sens. La direction du bulbe est l'un des points les plus importans à étudier pour le cathétérisme. Long de 5 à 7 centimètres ( 2 pouces) le bulbe s'incurve à angle droit, de sorte que sa moitié postérieure, un peu oblique de bas en haut, forme un canal continu avec les portions membraneuse et prostatique, tandis que la portion antérieure monte presque verticalement au-devant des pubis jusqu'à la courbure de la racine de la verge. D'où il ré-
suite que, en élevant le pénis pour le cathétérisme, la sonde suit un canal rectiligne, jusqu'au milieu ou au sommet de la courbure de la portion bulbeuse. Au-delà, l'extrémité vésicale formant une autre portion de canal rectiligne, par une certaine manoeuvre , il est possible de ramener toute la longueur de l'urètre à cette con-tinuité rectiligne , au moyen de sondes droites avec lesquelles on pénètre dans la vessie (Pl. 56, fig 5 et 6).
Le bulbe est recouvert inférieurement par les muscles bulbo-caverneuxou accélérateurs de l'urine qui le séparent de la peau; ces muscles, unis par un raphé sur la ligne médiane, sont con stitués par divers plans de fibres; celles qui sont immédiatement appliquées sur le bulbe ne sont plus disposées comme les barbes d'une plume sur leur tige, mais presque circnlairement, en sorte que dans les cas où elles se contractent spasmodiquement, elles peuvent, comme celles de la région membraneuse, s'opposer à l'introduction de la sonde. En haut la région bulbeuse est en rapport avec la racine des corps caverneux.
4° Portion spongieuse. La plus longue de toutes les parties de l'urètre, elle fait suite à la précédente, n'en est séparée par aucune ligne de démarcation bien tranchée, et se termine par une extrémité renflée appelée gland ; vu extérieurement son vo-lume paraît aller en décroissant depuis son origine jusqu'à sa terminaison : la couche de tissu érectile qui l'entoure est d'au-tant plus épaisse qu'on l'examine plus près du bulbe. La peau et la couche sous-cutanée qui se continue avec l'aponévrose su-perficielle du périnée, forment à l'urètre et à la verge un véri-table étui susceptible de se décoller au loin par l'infiltration de l'urine; quand il existe des crevasses du canal, la portion spon-gieuse de l'urètre est unie d'une manière assez serrée à la gout-tière des corps caverneux, en sorte que si l'on n'y portait une attention suffisante, on pourrait croire qu'elle est logée dans un dédoublement de la gaîne fibreuse des corps caverneux.
Examinée à l'intérieur , on ne trouve de variation bien sen-sible dans son calibre qu'au sommet de la courbure antérieure et dans l'intérieur du gland ; encore le rétrécissement qui existe au sommet de la courbure antérieure est-il plus apparent que réel, il tient à l'affaissement de la paroi supérieure sur l'in-férieure. A partir du sommet de cette courbure antérieure l'urè-tre va en se rétrécissant d'une manière peu sensible jusqu'au gland , puis brusquement dans cet organe jusqu'au tiers anté-rieur; cette dernière extrémité a été jusqu'à présent très mal comprise. Au lieu d'une prétendue fosse naviculaire que tous les auteurs ont décrite, derrière le méat urinaire, voilà ce qui existe en effet, à son extrémité cutanée, dans une longueur de 8 millimètres. L'urètre, dont la section offre jusque-là une ovoïde en travers, devient elliptique de haut en bas; de sorte que ce que l'on a cru par erreur former une dilatation , est au contraire un rétrécissement latéral ou une fente verticale longue de 8 mil-limètres, dont le méat, de même forme, est l'orifice, et qui tient lieu d'une espèce de sphincter à l'orifice cutané de l'urètre. L'in-jection solide seule pouvait bien faire connaître cette disposition, qui explique si bien la difficulté que l'on trouve si fréquemment à l'introduction du bec de la sonde dans le cathétérisme (Pl. 5a, figure i ).
La membrane muqueuse des portions bulbeuse et spongieuse de l'urèthre présente une couleur d'un rose pâle dans toute son étendue; on y remarque aussi des plis longitudinaux qu'on at-tribue à ce que le canal dilaté dans certains momens revient sur lui-même lorsqu'il est vide, par suite de son élasticité propre. On rencontre sur la paroi inférieure de petits enlonceinens connus sous le nom de sinus ou lacunes de Morgagni, dépendant, sui-vant quelques anatoinisres, de ce qu'il y a aussi des rides trans-versales qui coupent les longitudinales et limitent ainsi de petits espaces quadrilatères. Quelques-unes de ces lacunes peuvent de-venir assez considérables pour arrêter le bec de la sonde et pour être capables de faire produire une fausse route si l'on n'était pas prévenude cette possibilité. En résumé, cequ'il est très important de connaître, dans l'urètre, pour pratiquer le cathétérisme avec succès et avec sécurité, ce sont ses courbures, ses resserremens et ses dilatations. Ainsi divers obstacles existent à la paroi inférieure : dans la portion spongieuse, les lacunes de Morgagni peuvent être assez dilatées pour arrêter le bec de la sonde; dans la por-tion bulbeuse, dont la paroi inférieure est ordinairement fort di-latable, les fibres profondes du bulbo-caverneux peuvent se con-tracter spasmodiquement et donner lieu à un rétrécissement mo-mentané; les muscles de Wilson ont aussi produit le même effet dans la portion membraneuse qui est naturellement rétrécie; et enfin, dans la portion prostatique, qui présente une dilatation ma-nifeste, le veru montanum et la prostate elle-même pourront ap-porter des obstacles au cathétérisme. La paroi supérieure partout lisse et dense ne présente aucun obstacle de ce genre.
La description que nous venons de donner se rapporte tout entière, à l'urètre de l'adulte. Chez l'enfant, la verge est moins relevée, la prostate est à-peu-près plane , le tissu spongieux est peu développé et la paroi inférieure est tellement lisse que, jus-qu'à l'âge de douze à quinze ans, on ne sent pour ainsi dire pas d'arrêt dans toute la longueur du canal.
Chez les vieillards, au contraire, le tissu spongieux gorgé de sang par des érections plus ou moins fréquemment répétées , de-vient lâche , mou et se laisse facilement déprimer vers le bulbe ; enfin la prostate a le plus souvent pris de l'accroissement dans toutes ses dimensions.
De cet examen anatomique il résulte qu'en général le cathé-térisme est plus facile à pratiquer chez l'enfant que chez l'adulte, et chez l'adulte que chez le vieillard.
IMPERFORATION DU GLAND.
De même que toutes les autres oblitérations congeniales des orifices cutanés, l'imperforation du pénis, chez les nouveau-nés, se présente à différens degrés , le simple rétrécissement de l'orifice, son occlusion par une membrane plus ou moins épaisse, soit cutanée, soit muqueuse, l'oblitération de la fente ou du sphincter uretral , celle de la portion du canal qui traverse le gland ou même d'une longueur plus ou moins considérable de la portion spongieuse de l'urètre pénien. Avec cette dernière variété coïncide ordinairement, à l'extrémité de la portion perméable du canal, un orifice cutané anormal qui consti-tue, Xhypospadias ou Xépispadias , dispositions qui, en per-mettant l'expulsion de l'urine au dehors, rend le sujet via-ble, et donne tout le temps d'attendre à un âge plus avancé pour rétablir les parties dans leurs conditions naturelles. Mais quand l'oblitération est bornée à l'orifice uretral ou à son sphincter, presque toujours il n'existe point d'orifice anormal et il y a lieu immédiatement à en pratiquer un suivant le trajet normal pour donner issue à l'urine. L'un perforation du pénis s'annonce d'elle-même à la première vue. Le point où elle s'ar-rête est indiqué par la fluctuation de l'urine qui se fait égale-
ment sentir dans toute la longueur du canal en remontant du cul de-sac terminal vers la vessie.
Traitement curatif. 1" Imperforation incomplète. S'il existe un orifice trop étroit à une sorte de petit diaphragme membra-neux, avec la pointe d'un petit bistouri aigu ou d'une lancette, on divise de chaque côté la membrane, ou même on l'incise cir-culairement avec de petits ciseaux à cataracte, courbes sur le plat, et on fait cicatriser l'orifice sur un bout de sonde ou une mèche de charpie de volume convenable. Le même traitement s'applique au cas d'agglutination des deux bords d'une fente membraneuse.
i° Oblitération complète. Si l'occlusion n'intéresse que le sphincter urétral, dit la fosse naviculaire, saisissant le gland avec précaution et sans comprimer la peau en regard du frein entre le pouce et l'indicateur de la main gauche , avec la pointe d'un bis-touri à lame étroite, on fait, à partir du lieu où doit être l'ori-fice urétral, une ponction que l'on dirige pour arriver droit dans le canal. On place ensuite dans le trajet pratiqué une bou-gie à demeure dont on augmente, au besoin , le volume, et sur laquelle on fait cicatriser le canal artificiel. Aucune opération n'a encore été tentée pour le cas où l'oblitération remonte au-delà du gland.
IIYPOSPADIAS.
L'hypospadias consiste dans une ouverture anormale con-géniale, placée à la paroi inférieure de l'urètre, presque tou-jours avec absence de la partie du canal située au-devant de cette fistule. On en distingue trois variétés; dans la première, l'orifice fistuleux est situé au niveau de la fosse naviculaire, ou sphincter urétral , près de la racine du frein du prépuce; dans la seconde il existe entre la racine des bourses et la fosse navi-culaire , et dans la troisième les bourses sont séparées l'une de l'autre par une fente sur la ligne médiane, de sorte que la mala-die présente assez bien l'aspect d'une vulve au fond de laquelle on trouve l'urètre.
On ne peut remédier à cette affection que par une opération chirurgicale. Lorsque l'hypospadias existe à la racine du frein du prépuce, les malades réclament rarement les secours de la chi-rurgie, leur vice congénial, dont ils ont l'habitude, les gênant peu et ne les rendant pas impuissans. Au reste l'opération serait la même que si la fistule était située un peu plus en arrière. Dans la seconde espèce, l'expulsion de l'urine a lieu sans difficulté , mais il y a souvent impuissance. Enfin, dans fa troisième, cet accident a toujours lieu.
Si l'urètre, au lieu de se terminer à la fistule, se prolongeait au-delà , jusqu'à quelques millimètres du lieu ordinaire du méat, comme dans le cas de Marestin, où ce canal arrivait jusqu'à l'ex-trémité du gland, et n'était fermé que par une membrane épaisse comme une pièce de il\ sous, il faudrait imiter la conduite de ce chirurgien.
Procédé de Marestin. Dans le cas où il eut occasion de l'em-ployer, il s'agissait d'un soldat qui portait une perforation con-géniale au périnée, avec imperforation du gland. Après s'être assuré, à l'aide d'un stylet, que par cette ouverture on pouvait pénétrer d'une part clans la vessie, et de l'autre presque jus-qu'à l'extrémité du gland , il fit placer le malade comme pour t. vu.
l'opération de la taille, porta un stylet boutonné clans l'urètre, par l'ouverture anormale, souleva la membrane cpii fermait le gland, fit sur cette saillie une lente semblable à celle du méat, plaça une sonde à demeure dans la vessie , excisa les bords de la fistule, et les maintint en contact à l'aide de la suture entortillée ; six jours après, la guérison était complète; mais en retirant la sonde qui était en S, les incrustations dont elle était couverte déchirèrent la cicatrice. Elle se referma néanmoins assez promp-tement, niais en laissant à sa place un rétrécissement qui se dis-sipa sous l'influence des bougies.
Mais si l'urètre se termine à la fistule et. manque dans toute la partie qui est au devant, on ne peut y remédier qu'en creusant un nouveau canal dans l'épaisseur du pénis. Bublach , Dupuy-tren et M. Bégin ont pratiqué cette opération , et ont également réussi.
Procédé de Dupuytren (Pl. 49, fig- 4 et 5). Dans un des cas où Dupuytren a opéré, l'orifice anormal était très étroit, et situé à 5 cent, et demi en arrière de l'extrémité de la verge ; aucune trace du canal n'existait en avant de ce point. Un trocart de petite dimension, et construit exprès, fut enfoncé depuis la partie anté-rieure et inférieure du gland , le long du trajet que devait pré-senter l'urètre, jusqu'à l'endroit de la fistule. Tout ce trajet fut ensuite cautérisé avec un cautère en roseau fort mince. Les acci-dens inflammatoires furent violens, la gangrène menaça de dé-truire la verge, puis les accidens se calmèrent enfin, et une sonde dégomme élastique portée jusque clans la vessie, donna une libre issue à l'urine. La fistule touchée à diverses reprises avec le nitrate d'argent se cicatrisa, et le trajet nouveau servit à l'excrétion de l'urine. Il conserva néanmoins pendant long-temps encore une disposition à suppurer et à se rétrécir, que l'usage persévérant des sondes dissipa graduellement; la guérison fut complète. Le second cas était du même genre que celui-ci, et le même procédé fut suivi d'un égal succès.
Procédé de M. Bégin. Dans ses Êlémens de chirurgie, M. Bégin rapporte l'histoire d'un enfant chez lequel il est parvenu à créer la partie du canal qui manquait. Cet enfant n'urinait que par un pertuis très étroit, placé à un travers de doigt en arrière de la fosse naviculaire. Un stylet étant introduit dans le canal et dirigé vers le gland, un trocart à hydrocèle fut porté sur le point où devait exister le méat et enfoncé à la rencontre du stylet jusqu'à ce qu'ils fussent en contact; la canule fut laissée en place; le len-demain on lui substitua un conducteur de Ducamp en gomme élastique; la fistule fut cautérisée et guérit très bien.
Autre procédé du même auteur. M. Bégin pense qu'on pour-rait encore guérir l'hypospadias en avivant les bords de la gout-tière du pénis , disséquant la peau de chaque côté de dedans en dehors, et reconstruisant au canal une paroi inférieure cutanée au moyen de la peau allongée et réunie sur une sonde.
Au reste, il n'en est pas de l'hypospadias comme de l'imperfo-ration du pénis, puisqu'il existe déjà un orifice. On pourrait, si l'on voulait, conduire le trocart de la fistule vers le gland , au lieu de le diriger du gland vers la fistule.
Le procédé de M. Bégin est moins dangereux que celui de Du-puytren qui expose à la perte du pénis par la gangrène. Lors-que la fistule a son siège au périnée, les chirurgiens s'accordent à la considérer comme étant incurable. Enfin, quant au juge-ment à porter de l'opération dans les divers cas où elle s'appli-
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que, on pense généralement qu'il n'y a lieu d'y renoncer qu'au-tant qu'il y a impuissance absolue et bien constatée et que l'ex-crétion de l'urine ne s'opère pas en toute facilité. C'est dire positivement qu'on ne devrait opérer que dans l'âge adulte. Ce précepte est d'autant plus sage que, bornée à cet âge, l'opéra-tion a réussi bien plus souvent qu'elle n'a échoué.
ÉPISPADIAS (Pl. 49, fig. 2 et 3 et6, 7 ).
L'épispadias ne diffère de l'hypospadias qu'en ce que l'urètre, au lieu de s'ouvrir sur un point de la face inférieure du pénis, vint s'ouvrir en un point de la face dorsale. Il consiste dans une simple ouverture de l'urètre à la face dorsale de la verge, résultat de la non-réunion congéniale des deux moitiés de cet organe le long de la ligne médiane supérieure. Le pénis ne présente que fort peu de longueur, les corps caverneux sont sépa-rés en haut, le gland est fendu, et la portion pénienne de l'urè-tre forme une gouttière, à surface muqueuse qui s'enfonce sous la symphyse des pubis, laquelle lui constitue une paroi supérieure jusqu'à la vessie. L'urine n'est souvent retenue que d'une ma-nière incomplète, lorsqu'elle est parvenue en avant de la sym-physe ; toujours elle se répand sur les parties voisines et les vête-mens, parle défaut du canal susceptible delà conduire plusloin. Les sujets atteints d'épispadias sont impuissans, et qui plus est la chi-rurgie ne peut pour ainsi dire rien pour eux. Peut-être pourrait-on cependant, en avivant les bords de la gouttière du pénis, et détachant la peau de chaque côté, reproduire au canal une pa-roi supérieure cutanée, soit au moyen de la peau allongée et réunie sur une sonde, soit à l'aide d'un lambeau emprunté aux parties voisines et rabattu sur la verge.
RÉTRÉCISSEMENT DU MÉAT URINAIRE.
Les rétrécissemens de ce genre, à cause de leur siège, méri-tent une mention spéciale. Ils se rencontrent chez l'adulte et le vieillard, et sont le résultat d'anciennes inflammations et ulcéra-tions de la fosse naviculaire. Situés comme ils sont à la portée des instrumens, il est bien plus facile et plutôt fait de les inciser avec le bistouri que de les dilater avec la sonde ou les bougies. La cautérisation aussi peut y être portée à l'aide du crayon de nitrate d'argent, sans qu'il soit besoin des instrumens spéciaux qui servent à cautériser plus profondément. Enfin comme toute la partie de la sonde, qui serait placée dans l'urètre au-delà du rétrécissement, n'aurait aucune action sur lui et ne ferait que gêner le canal, on peut se contenter d'en placer un bout, ou bien une espèce de fausset formé avec un morceau de diachy-lum roulé en cylindre.
M. Amussat qui a eu de nombreuses occasions de traiter des rétrécissemens de ce genre obtient beaucoup de succès de l'inci-sion dirigée en bas, vers le pénis , dans une longueur de 5 à 8 millimètres. Pour la cicatrisation, il n'a point recours aux sondes et se contente de détruire avec une petite lame , intro-duite dans la plaie, les adhérences, à mesure qu'elles tendent à se former. C'est le même procédé que l'auteur a mis en usage à la langue, après la section pour le bégaiement. Avec cette pré-caution si simple, une membrane muqueuse accidentelle ne tarde pas à se former sur les deux lèvres de l'incision , et le trajet artificiel persiste de lui-même indéfiniment. L'auteur nous a fait voir plusieurs de ces opérés, à différentes époques du traitement et jusqu'à guérison définitive. Chez tous l'orifice artificiel s'était maintenu et donnait, sans douleur, un libre passage à l'urine. Il est bien entendu que, s'il existait des fongosités ou des ulcé-rations à l'orifice de l'urètre, il faudrait en obtenir la guérison par un traitement local ou général approprié.
CATITÉTÉRISME DE LA VESSIE CHEZ L'HOMME.
Le cathétérisme ( catheterismus , xa0e-njp«7fiàç action de son-der) est une opération qui consiste à introduire dans la vessie un cathéter ou une sonde , pour évacuer l'urine, pour explo-rer la cavité de ce viscère, et pour aider soit à pratiquer, soit à mener à bonne fin certaines opérations.
Suivant l'objet qu'on s'est proposé de remplir, on a distingué plusieurs espèces de cathétérismes, qu'on a appelés èvacuatif, désobstruant, dûatant, dérivatif, explorateur et conducteur ; mais peu importe le nom qu'on lui donne, car, dans tous les cas, il se pratique d'après les mêmes règles.
APPAREIL INSTRUMENTAL (Pl. 54).
Les instrumens qu'on emploie pour cette opération ont long-temps porté le nom de cathéters, ils le conservent même encore en Allemagne et en Angleterre, tandis que, en France, on le réserve exclusivement pour la sonde de fer cannelée sur la convexité, dont on se sert pour l'opération de la taille périnéale. On pré-fère se servirdesnoms de sonde ou d'algalie ; ce dernier mot, d'o-rigine arabe, s'applique surtout à des tubes creux de nature vé-gétale ; cependant M. Lallemand, de Montpellier, l'applique aussi bien aux sondes métalliques inflexibles qu'aux sondes de toute autre nature.
Les sondes peuvent être i° solides; courbes ou droites, 20 flexi-bles.
i° Sondes solides métalliques. Les métaux qu'on emploie pour fabriquer les sondes creuses sont aujourd'hui le maillechort, l'argent, l'or et le platine; autrefois on en faisaiten cuivre, mais la facilité avec laquelle s'oxide ce métal y a fait renoncer : tou-tefois maintenant qu'on a trouvé un moyen simple et écono-mique de dorer ou d'argenteries métaux, on pourra peut-être y revenir. Les sondes métalliques et surtout celles d'or ou de platine, conviennent particulièrement dans le cas où elles doivent fran-chir des obstacles considérables, parce que ces métaux inaltéra-bles, et rendus flexibles par une proportion déterminée d'alliage, permettent de leur donner un plus petit diamètre sans être obligé d'augmenter l'épaisseur de leurs parois. Les sondes de verres pro-posées par M. Zaviziano sont généralement rejetées comme trop fragiles et exposant à trop de dangers.
La longueur et la grosseur des sondes doivent être proportion-nées à l'âge du malade, à la longueur et au diamètre de l'urètre. La longueur des sondes qu'on emploie pour les adultes est de 3o à 33 centimètres (10 à 11 pouces). Si elles étaient plus courtes, elles pourraient ne pas atteindre la poche urinaire, chez quelques vieillards dont la verge est longue, la prostate volumineuse, et qui sont très gras. Mais aussi avec plus de longueur les sondes exposeraient davantage à blesser et même à perforer la vessie. Leur diamètre varie de 2 et 6 millimètres (1 à 3 lignes).
Pour sonder les enfans du premier âge, il faut avoir des sondes beaucoup plus petites, de i5 à 18 centimètres de longueur, et de 2 à 3 millimètres de diamètre. Enfin 011 en a d'une longueur et d'une grosseur intermédiaire pour les enfans plus âgés.
Chez les adultes, lorsque l'urètre est libre, il vaut mieux em-
ployer de grosses que de petites sondes ; elles pénètrent avec beaucoup plus de facilité, font moins fréquemment des fausses routes ou s'insinuent moins aisément dans celles qui existent déjà.
Toutes les sondes métalliques présentent une extrémité vé-sicale, arrondie en cul-de-sac, qui porte le nom de bec; l'autre cpii reste à l'extérieur, est appelée pavillon, parce qu'elle est évasée en entonnoir. Lorsque la sonde est en place on remarque de chaque côté du pavillon un anneau destiné à recevoir les cordons nécessaires pour la fixer; au voisinage du bec sont pratiquées deux ouvertures elliptiques , une de chaque côté, appelées les yeux de la sonde, et qui sont destinées à donner passage à l'urine. On a le soin de les placer à des hauteurs dif-férentes afin que si l'un des yeux venait à être obstrué par quel-que matière étrangère, l'autre pût continuer à fonctionner. Ces ouvertures sont arrondies et bien polies, en sorte qu'elles ne peuvent avoir aucune action sur la muqueuse de l'urètre en le traversant. Dans les sondes anciennes, c'étaient desimpies fentes qui avaient l'inconvénient de pincer et de déchirer la muqueuse, ce qui rendait leur introduction difficile et douloureuse : on a donc été obligé d'y renoncer.
On a renoncé de même à celles dont le bec se terminait par xine ouverture arrondie et bien polie, ou qui portaient à leur ex-trémité vésicale un bouton olivaire porté sur un stylet qu'il suffi-sait de pousser pour les ouvrir, et de retirer à soi pour les fermer.
Les sondes courbes n'ont qu'une seule courbure, placée du côté qui doit pénétrer dans la vessie. On n'est pas précisément d'accord sur le degré de l'incurvation et la forme qu'on doit lui donner. Les sondes anciennes avaient de grandes courbures ; cel-les dont parle Boyer sont courbées dans le tiers de leur longueur, l'incurvation s'étend jusqu'au bec inclusivement; elleest légère et égale partout, représente celle d'un cercle de 16 centim. de dia-mètre, et doit être la même dans toutes les sondes, quelle que soit leur longueur ; les plus commodes, suivant M. Velpeau, ne sont courbées que dans leur quart postérieur, de manière à former un arc dont la corde n'ait pas plus de 8 à 10 centimètres , et le rayon plus de 5 à i3. L'axe de leur bec ramené au point de croiser à angle droit le prolongement idéal de leur corps, est ce qu'il dit avoir trouvé de plus heureux dans les cas surtout où la prostate est gonflée; plus cet axe se reporte en arrière, plus il est difficile d'entrer dans la vessie et de ne pas archouter contre la paroi inférieure du canal, à partir de l'aponévrose périnéale. Mais depuis l'invention des inslrumens de lithotritie et surtout du percuteur de M. Heurteloup, les anciennes courbures, telles que celles qu'on voit sur les figures i, 2, 3, 4 et 8 de la planche 54 , sont de jour en jour moins usitées, on leur préfère les courbures plus courtes des figures 6 et 7, mieux appropriées à l'angle que forme le bulbe de l'urètre avec les portions membraneuse et pro-statique, et plus particulièrement celle du cathéter, n° 10. Ce cathéter qui est destiné à rechercher les calculs dans la vessie, et dont la figure est celle des percuteurs les plus nouveaux, a une courbure qui unit les avantages de la sonde droite à ceux de la sonde courbe ordinaire et qui est la plus favorable pour le cathé-térisme. M. Mercier a démontré qu'il n'était souvent possible de découvrir certaines affections de la prostate qu'en se servant de sondes droites brusquement recourbées à angle, à 2 ou 3 cen-timètres de leur extrémité.
Les sondes droites sont souvent très utiles pour pratiquer le cathétérisme urétral ; en les faisant rouler sur leur axe on peut franchir avec elles des obstacles que d'autres ne surmonteraient pas; mais lorsqu'il s'agit de pénétrer avec elles jusque dans la vessie, leur bec arrêté dans la courbure sous-pubienne est obligé de presser fortement sur sa paroi inférieure soit dans la partie membraneuse, soit dans la partie prostatique pour en opérer le redressement ; il la froisse, la refoule devant lui et court le risque d'y opérer défausses routes. Si ces parties profondes du canal sont irritées, le cathétérisme avec l'algalie droite devient excessi-vement douloureux, ou même ne peut être exécuté à raison des contractions spasmodiqiies qu'ils déterminent dans les muscles qui les environnent. Enfin, pour pénétrer avec l'algalie droite, il faut aussi exercer de fortes tractions sur le ligament suspenseur de la verge.
Il faudra donc s'en tenir à la courbure que nous avons indi-qué en dernier lieu.
Avant qu'on connût les sondes flexibles , il était très fatigant pour les malades de conserver à demeure une sonde métallique telle que nous venons delà décrire : elle pouvait même causer de graves accidens par la pression qu'elle exerçait sur la partie pro-statique de Eurètre, surtout si sa courbure était très grande ; car alors son bec appuyant constamment contre les parois de la vessie les irritait, y causait de l'inflammation et quelquefois même la gangrène. J.-L. Petit qui prétend avoir observé un fait de cette nature imagina, pour obvier à cet inconvénient, une sonde mé-tallique courbée en S. Cette sonde déjà connue, très usitée chez les Grecs et retrouvée par Lassus dans le muséum de Portici près de Naples, s'accommodait fort bien aux courbures du canal; mais l'invention des sondes flexibles en a fait abandonner l'u-sage.
20 Sondes flexibles. L'idée de soulager les malades et d'éviter l'accident dont parle J.-L. Petit a stimulé l'imagination des chi-rurgiens et leur a fait proposer une foule de substances pour la construction de ces sondes. YanHelmont voulait qu'elles fussent en cuir mince et enduites de colle pour les raffermir.
Les sondes en corne sont un peu plus souples que celles de mé-tal , mais elles sont encore trop raides et trop difficiles à con-struire, on ne s'en est jamais beaucoup servi. Celles en fil d'ar-gent aplati et contourné en spirale, avant d'arriver à un état de fabrication un peu supportable ont subi un grand nombre de variations. D'abord, le corps seul étaitcontourné en spirale etles extrémités ressemblaient à celles des sondes solides; elles étaient soudées au fil d'argent; comme, en voulant les introduire, il fallait les fléchir, il en résultait un écartement des spirales entre les-quelles la muqueuse urétrale était pincée , lorsqu'elles revenaient à leur position naturelle, de là résultaient des excoriations et de petits ulcères; d'un autre côtelés fils corrodés par l'urine pou-vaient se rompre , le bec de la sonde se détacher et tomber dans la vessie. On tenta d'y remédier en revêtant leurs deux surfaces avec de la baudruche, ou toute autre peau fine et lisse mainte-nue en place à l'aide d'une matière adhésive et recouverte de cire. Cherchant toujours à perfectionner, on a substitué à la peau le parchemin sur lequel on contournait en spirale de la soie non torse qu'on couvrait d'une légère couche de cire amol-lie au feu ; alors on l'unissait en la tournant entre les doigts, et on la trempait dans l'emplâtre de Nuremberg fondu dont on avait rempli un moule de fer blanc, ensuite on l'égalisait et on la rou-lait entre les mains pour rendre sa surface unie.
Ces espèces de bougies étaient d'un assez bon usage. Sabatier rapporte l'histoire d'un malade qui put se servir de la même pen-dant deux ans sans qu'elle eût subi d'altérations marquées. En perfectionnant encore, on parvint à fabriquer des sondes
en roulant autour d'un mandrin , une toile résistante ou du drap solide, qu'on enduisait ensuite de couches successives d'huile de lin, destinées adonner aux parois de l'algalie la consistance et le poli dont elles avaient besoin ; mais elles n'avaient pas la solidité convenable, surtout dans le point où étaient pratiqués les veux, qu'on perçait après leur confection avec un fer chaud. On n'avait donc pas encore atteint le but convenable , lorsqu'un nommé Bernard , orfèvre , en présenta de son invention portées à un degré de perfection qui ne laisse pour ainsi dire rien à dé-sirer.
Elles sont, formées par une tresse ou tissu de fd de lin , de soie ou de poil de chèvre très fin et très fort, fait sur un mandrin de fer ou de cuivre; les yeux ne sont pas percés à la même hauteur dans la crainte d'affaiblir trop l'instrument en ce point; le bec qui se termine en olive est un peu plus épais. Enfin le tout est enduit de plusieurs couches d'une dissolution de caoutchouc qui pénètre le canevas et s'incorpore avec lui. A chaque couche qu'on applique, on place les sondes dans une étuve pour les faire dessécher, puis on les frotte avec la pierre-ponce pour les polir, enfin lorsqu'elles ont acquis assez de solidité , on cesse d'y appliquer de la dissolution de caoutchouc.
Pour être bonnes les sondes en gomme élastique doivent être polies, brillantes, assez souples pour qu'on puisse les ployer dans tous les sens, et même les nouer sans les percer ni les rompre. Enfin elles doivent avoir des parois assez résistantes pour que leur calibre ne s'obstrue pas par leur rapprochement lors-qu'elles sont dans l'urètre ; néanmoins ces parois doivent être aussi minces que possible sans nuire à la solidité.
Lorsque les sondes en gomme élastique possèdent toutes les qualités dont nous venons de parler, elles peuvent rester dans les organes génito-urinaires du malade sans l'incommoder sensible-ment, parce qu'elles se moulent sur la forme de l'urètre et se prê-tent à tous les mouvemens. Elles ne sont point sensiblement altérées par l'urine; seulement, lorsqu'on les laisse séjourner dix à douze jours dans la vessie sans les nettoyer, elles perdent leur poli, leur surface devient raboteuse ; alors il faut les rejeter, car leur présence irriterait l'urètre, et elles s'incrusteraient de dé-pôts urineux qui déchireraient la membrane muqueuse lorsqu'on voudrait les retirer.
On a vu des sondes en gomme élastique se rompre dans la vessie, et la partie qui y était restée devenir le noyau d'un calcul qu'on n'a pu extraire que par la taille. Cela tient à la mauvaise fabrication de ces sortes d'instrumens ; lorsqu'ils sont bien con-fectionnés comme ceux que faisaient Bernard et Feburier, cela n'arrive pas.
Avant Feburier on ignorait le moyen de graduer ces sondes : il imagina le premier un instrument appelé gradomètre, propre à mesurer leur diamètre avec exactitude. Ce gradomètre présentait i3 trous, dont le premier avait i millimètres de diamètre, et les autres allaient successivement en augmentant d'un demi-millimè-tre. Depuis, cet instrument a pris le nom de filière : on le trouve chez tous les fabricans d'instrumens de chirurgie. Celui deM.Char-rière est une plaque rectangulaire présentant 3o trous placés sur deux rangées; le diamètre de ces trous va successivement en augmentant d'un tiers de millimètre; ainsi le premier à un tiers de millimètre, le deuxième deux tiers et ainsi de suite.
De cette façon on peut se procurer des sondes de tous les ca-libres; mais cela a moins d'importance qu'on ne le croyait de-puis qu'on sait que, dans le traitement des rétrécissemens de l'u-rètre, on peut se dispenser de suivre exactement tous les degrés, et qu'on est certain qu'on peut passer du troisième au cinquième, du quatrième au huitième, etc. sans inconvénient, et qu'on abrige ainsi le traitement.
Les sondes en gomme élastique portent à leur extrémité ou-verte une virole de cire creusée, à sa partie moyenne, d'une gouttière qui sert à attacher les fils destinés à maintenir la sonde; mais elle est peu utile à cet égard, parce qu'elle se brise avec la plus grande facilité; il vaudrait mieux placer un petit anneau de fil de chaque côté. La virole de cire a, dit-on , pour objet d'empêcher la sonde de tomber dans la vessie. On ne se rend pas compte comment cet accident peut arriver avec un instrument qui a 9.7 à 3i centimètres de longueur; il est cependant certain (pie M. Roux a pratiqué une fois la taille pour un fait semblable.
Les sondes de gomme élastique sont droites; presque toujours pour les introduire il faut les placer sur un mandrin qui leur donne la forme. Lorsqu'il est retiré, elles tendent à revenir à la rectitude, fatiguent l'urètre, sortent très facilement, et ne peu-vent être repoussées dans la vessie, parce que leur bec arc boute contre la paroi inférieure du canal, ce qui est un grand incon-vénient pour le malade obligé d'avoir recours au chirurgien chaque fois que cet accident lui arrive. En Angleterre, il y a des sondes en gomme élastique fabriquées sur un mandrin courbe et qui conservent leur courbure lorsqu'on a retiré le mandrin; lorsqu'elles sont introduites dans l'urètre, elles y tiennent sans moyens contentifs et n'ont aucune tendance à sortir; d'ailleurs, si elles sortaient, il serait très facile de les replacer, parce que leur bec glisse très facilement sur l'obstacle.
M. Lallemand ayant remarqué que , pour que les deux yeux de la sonde plongeassent dans la vessie, il fallait que lebec en dépassât le col deplusde 27 millimètres, ce qui expose, suivantlui, les pa-rois vésicales à être fatiguées, irritées et quelquefois ulcérées par son contact, a proposé de n'en pratiquer qu'un seul très près du bec. Dans d'autres cas la sonde courbe, au lieu de présenter des yeux, est seulement perforée à son bec. Cette sorte de sonde est employée dans les cas où , après avoir franchi un rétré-cissement avec la sonde métallique ou une bougie fine, on veut v substituer une sonde à demeure ; alors on fait filer la sonde ou-verte par ses deux bouts sur celle qui est déjà introduite comme sur un mandrin.
Les bougies à ventre sont aussi employées dans quelques cas de rétrécissemens ; elles sont fabriquées de la même ma-nière que les autres, seulement dans le point où l'on veut ob-tenir un renflement, il faut rendre le canevas un peu plus épais.
opération du CATIIÉTÉR1SME.
Il y a deux manières de l'exécuter : dans l'une, on agit par dessus le ventre, et dans l'autre, on agit par dessous. Quand on agit par dessus le ventre, on peut employer des sondes courbes ou droites.
1" Procédé opératoire ordinaire avec les sondes courbes (Pl. 56, fig. 1,2, 3, 4). Pour pratiquer le cathétérisme avec aisance, il convient de faire étendre le malade horizontalement sur le bord gauche de son lit ou d'un divan, les cuisses un peu fléchies et écartées, et la tète soutenue par un oreiller. On pour-rait également le faire tenir debout ou assis sur un fauteuil, le corps penché en avant; mais la première position est incontes-tablement la plus avantageuse pour le malade, comme pour
l'opérateur. Le chirurgien se place du même côté, si le malade est couché, ou bien entre ses jambes s'il se tient debout. Après avoir fait choix de la sonde dont il veut se servir, si c'est une sonde métallique, il commence par l'échauffer soit entre ses mains, soit en la trempant dans de l'eau tiède afin d'élever sa température au même degré que celle du corps : cette précau-tion est surtout nécessaire chez les sujets irritables, car la sensa-tion du froid resserrerait le canal, et le rendrait spasmodique-ment plus étroit; on plonge la sonde dans l'huile, le blanc d'oeuf, le cérat, ou un corps gras quelconque, on s'assure, pour une sondeen gomme, si le mandrin glisse bien dans son intérieur et on procède à son introduction. Pour cela l'opérateur découvre le gland et saisit le pénis sur ses côtés derrière sa couronne, entre le pouce, l'indicateur et le médius delà main gauche, pour ne pas comprimer l'urètre, ou bien entre l'annulaire et le médius qui tirent le prépuce en arrière, tandis qu'il pince le frein entre le pouce et l'indicateur et le tend un peu. Puis, prenant la sonde de la main droite, près de son pavillon, entre le pouce placé en haut et en dessus, et l'indicateur et le médius appliqués un peu plus bas et en dessous, du côté de sa concavité qui regarde les parois de l'abdomen, il la présente parallèlement à la ligne blanche, en introduit le bec dans le méat urinaire, dans une direction à-peu-près perpendiculaire (fig. i), la fait glisser lentement et avec dou-ceur jusqu'au-devant de la symphyse du pubis, et, en poussant dessus le pénis, arrive à la courbure sous-pubienne. Pour la franchir, il relève graduellement le pavillon, et le ramène, en lui faisant d'abord décrire un quart de cercle, à être perpendi-culaire aux parois du ventre (fig. a); il place alors l'indicateur sur l'orifice ou sur la plaque qui le bouche pour diriger le bec de l'instrument qui doit être arrivé sur le bord de la prostate. Enfin, lâchant le pénis, par un second quart de cercle, il abaisse le pavillon entre les cuisses pour lui faire franchir la portion prostatique de l'urètre, en le guidant par la pression de l'indi-cateur qui la fait pénétrer dans la vessie (fig. 3). La verge doit suivre avec un accord parfait tous les mouvemens de la sonde qui la tient toujours tendue. De cette façon le bec de l'instru-ment bascule, glisse pour ainsi dire de lui-même, et parcourt sans obstacles toute la courbure sous-pubienne de l'urètre. La sensation d'un obstacle vaincu, et la sortie de l'urine, indiquent suffisamment qu'on est arrivé dans la vessie.
Remarques. i° C'est principalement dans l'opération du ca-thétérisme qu'il importe de se rappeler parfaitement la configu-ration des parois supérieure et inférieure de l'urètre. La paroi supérieure, soutenue par les corps caverneux, dense et résistante dans toute son étendue, permet au bec de la sonde de glisser contre elle sans craindre de la déchirer et de se fourvoyer; tan-dis que, à la paroi inférieure, les lacunes qu'on observe dans les portions spongieuse et bulbeuse, celles qui sont sur les côtés du veru montanum et qui toutes présentent leur ouverture du côté du gland et leur cul-de-sac du côté de la vessie, le développe-ment plus ou moins considérable de la prostate, ses inégalités, la laxité générale de la muqueuse, qui, chez les vieillards, est parsemée de brides longitudinales et transversales, et n'est soutenue que par un tissu mou , spongieux et facile à dé-chirer; enfin l'anatomie pathologique des fausses routes faites à l'urètre pendant la vie ou après la mort, qui prouve que toutes ont lieu par la rupture de la paroi inférieure du canal ; tant d'obstacles réunis feront suffisamment sentir la nécessité de côtoyer et de sentir toujours la paroi supérieure de l'urètre avec
t. vii.
le bec de la sonde. Pendant l'opération, il faut agir avec beaucoup de douceur. M. Lallemand ne veut même pas que ce soit avec le bec de la sonde qu'on appuie contre la paroi supérieure dans la crainte de froisser les parties ; il recommande, lorsqu'on com-mence à faire basculer l'instrument, de placer sa concavité contre la convexité de l'urètre en le soulevant avec douceur vers la por-tion inférieure de la symphyse, et en le glissant dans la vessie, sans cesser d'avoir la conscience de la légère pression qu'il exerce sur la paroi du canal qui lui sert de guide. Autrefois on recom-mandait de pousser la verge sur la sonde autant que la sonde s'enfonce dans l'urètre. Ledran avait été le fauteur de cette ma-noeuvre, adoptée par beaucoup de chirurgiens ; Boyer la recom-mande encore; mais de nos jours on la considère comme plus nuisible qu'utile. Avec elle on se crée des obstacles au lieu d'en détruire, dit M. Velpeau; elle ne peut être de quelque utilité que dans la portion pénienne de l'urètre ; plus loin elle aplatit le canal, tend à l'effacer contre le bord du ligament sous-pubien , et ne fait qu'en favoriser les déchirures.
Obstacles au cathètérisme. i" Le bec de la sonde vient quel-quefois s'arrêter contre la face antérieure du ligament sous-pu-bien, ce qui peut dépendre ou de ce que l'on abaisse trop promp-tement le pavillon de la sonde, ou de ce que l'abdomen est trop proéminent, ou bien de ce que la courbure de la sonde est trop grande. On reconnaît cet obstacle à ce que la verge se coude, et que l'instrument ressort au lieu d'avancer; il est, au reste, facile d'y remédier. Le pavillon a-t-il été abaissé trop tôt, et le bec est-il trop élevé ? il faut redresser l'instrument, l'appliquer par une partie plus étendue de sa concavité contre le bas de la symphyse, et le faire cheminer ensuite de nouveau, en lui imprimant un mouvement de bascule plus régulier et plus modéré. L'abdo-men est-il trop proéminent? il faut se servir d'une sonde à très petites courbures, ou si l'on n'en a pas, tourner, ainsi qu'on le recommande, la verge de côté, et ne la redresser qu'après être arrivé sous la symphyse. Enfin, la courbure de la sonde est-elle trop grande ? il faut lui faire subir son mouvement de rotation avec plus de douceur et moins d'étendue jusqu'à ce qu'on ait franchi la symphyse, ou se servir d'une sonde moins courbe.
a0 Si, lorsqu'on est arrivé sous la symphyse, le bec de la sonde se trouve encore arrêté, au lieu de mettre de la force, de continuer à pousser, il faut suspendre afin de chercher à se rendre compte des obstacles qu'on rencontre, de leur siège et de leur nature, et surtout des rapports de l'instrument avec les diverses parties du canal. Voilà comment on y procède. Si la verge ne se coude pas, si l'instrument ne ressort pas, s'il est libre dans le canal, de ma-nière qu'on puisse le tirer et le pousser ensuite jusqu'à l'obstacle sans déterminer de douleur, il est probable qu'il est retenu en quelque point de la paroi inférieure de la courbure sous-pu-bienne de l'urètre; la longueur du trajet parcouru par la sonde fera reconnaître si c'est dans la partie membraneuse ou dans la partie prostatique, ou bien à la valvule pilorique; alors on porte la main gauche au-dessous des bourses sur le périnée, et l'on cher-che à reconnaître, avec les doigts indicateur et médius, le bec de la sonde et de quel côté il est tourné. Si on le trouve, on tâche de le soulever, et de le faire avancer en poussant doucement sur le pavillon; si l'on ne réussit pas, on retire un peu la sonde, et l'on recommence cette manoeuvre en ayant le soin d'abaisser un peu le pavillon. Si le bec était trop avancé, et qu'on ne pût pas le reconnaître à travers le périnée, il faudrait introduire l'indicateur gauche, préalablement graissé, dans le rectum, pour aller à sa re-
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cherche; avec ce doigt on peut s'assurer dans quelle direction les efforts de l'autre main s'exercent, calculer approximativement, l'épaisseur des tissus interposés , et établir ses présomptions sur l'existence ou la non-existence d'une fausse route. Il ne faut plus ici, comme dans le cas précédent, soulever le bec de l'instrument, car on soulèverait en même temps la prostate et l'on augmenterait l'obstacle au lieu de le diminuer; mais, après avoir dégagé le bec par un retrait suffisant, on doit abaisser le pavillon jusqu'à ce qu'on éprouve la sensation précise d'un contact avec la paroi su-périeure, retirer la pulpe du doigt qui est dans le rectum jusqu'au-près de l'orifice anal, la fixer sur la convexité de la sonde à quel-que distance de son extrémité, et pousser légèrement des deux mains. On voit qu'en agissant ainsi la portion du canal qui restera à traverser ne supportera aucune pression capable d'en augmenter la courbure. Si le veru montanum ou la partie vésicale de la prostate étaient assez développés pour élever la paroi postérieure du canal ; si la vessie, très distendue, était soulevée dans l'hypo-gastre par la marge du bassin à l'instar d'une matrice pleine ; s'il y avait quelque fongus vers le trigone vésical ; dans tous ces cas, il faudrait agir comme précédemment; et si cela ne suffisait pas, il faudrait recourber davantage le bec de la sonde.
4° Des obstacles d'un autre genre ont été signalés et peuvent exister réellement; nous voulons parler de la contraction spasmo-dique des fibres musculaires qui environnent les portions mem-braneuse et bulbeuse du canal ; contraction spasmodique capable de produire des obstacles réels à l'introduction de la sonde. Lorsqu'on soupçonne cette circonstance, on doit chercher à détourner l'attention du malade pendant qu'on agit. On a retiré de bons effets de la pommade de belladone introduite, dans le rec-tum , ou portée dans l'urètre avec la sonde. Mais même avec l'auxiliaire de ce moyen, les essais prolongés, la douceur et la pa-tience sont encore nécessaires pour parvenir à vaincre le spasme. Le changement d'une sonde plus petite en une sonde plus grosse, et réciproquement, en ont aussi quelquefois triomphé. Enfin, on a de même réussi en substituant une sonde en gomme à une sonde en argent avec laquelle on avait échoué auparavant. Nous trai-terons plus complètement ce genre d'obstacles à l'article rétrécis-semens.
Lorsque l'urètre est atteint d'une vive irritation, et qu'il y a douleur, il est prudent d'ajourner le cathétérisme, quel que soit le besoin d'uriner qu'éprouve les malades, car on fatiguerait inuti-lement l'urètre sans pouvoir réussir, et l'on courrait la chance d'aggraver le mal; c'est aux évacuations sanguines, locales et géné-rales, et à l'emploi des substances émollientes qu'il faut avoir recours.
Si, au lieu d'être atteint d'un état inflammatoire, l'urètre était affecté d'une irritation nerveuse, et se trouvait dans un état spas-modique, comme cela se rencontre souvent chez les sujets faibles, grêles et susceptibles, avant de procéder au cathétérisme, il fau-drait employer les narcotiques et les caïmans plutôt que les émis-sions sanguines. Dans ces cas, M. Lallemand a reconnu que l'a-cétate de morphine , soit en lavement, soit dans le canal, était plus efficace que la belladone.
Enfin le canal peut être naturellement ou par suite de maladie dévié de sa direction normale ou tordu sur lui-même. Dans ces cas, il faut le déplisser avec des sondes assez volumineuses ou faire en sorte de le ramener à sa direction ordinaire.
Signes qui annoncent que la sonde est arrivée dans la vessie. Dans la plupart des cas, ces signes sont palpables et évidens ; nous allons les rappeler brièvement : i " on éprouve la sensation d'un ob stacle vaincu; a° l'urine sort parle pavillon de la sonde lorsqu'elle est creuse; 3° la profondeur à laquelle elle pénètre est plus consi-dérable que la longueur ordinaire de l'urètre; 4° elle peut se mou-voir dans tous les sens; en haut, et alors son bec faitsaillie à l'hy-pogaslre; en bas, et sa courbure déprime le bas-fond vers le rec-tum; sur les côtés, de manière à subir des mouvemens de rota-tion. Au contraire, lorsqu'il y a une fausse route, la sonde reste immobile, à moins qu'après avoir traversé la prostate de part en part, comme cela arrive quelquefois, on ne rentre dans la vessie, d'où la sortie de l'urine, mais sans beaucoup de mobilité. Lesmou-vemenslibres delà sonde constituent donc le signe leplus certain.
Dans quelques cas cependant il arrive qu'on est dans la vessie, et bien que la sonde soit creuse, et qu'on n'ait pas fait fausse route on n'obtient que des signes négatifs, ou bien il en man-que quelques-uns de positifs, de manière à rendre le diagnostic obscur. MM. Bégin et Lallemand, à l'article cathétérisme du Dict. de Méd. et Chir. prat., citent un cas où ce diagnostic est difficile. « On sait, disent-ils, que durant les maladies aiguës, et « spécialement pendant le cours de la gastro-entérite, la rétention « d'urine et la nécessité de pratiquer le cathétérisme, ne sont pas « très rares. Dans quelques-uns de ces cas, l'algalie semble s'ar-« rêter au col de la vessie, ou du moins son pavillon ne peut être « aussi complètement que d'ordinaire abaissé entre les cuisses du « malade. Les mouvemens de rotation qu'on cherche à lui im-« primer sont bornés et difficiles, et rien ne sort par sa cavité. « Le défaut d'excrétion urinaire dépend alors non de la rétention « du liquide, mais de la suspension de sa sécrétion. La vessie est « revenue sur elle-même, sa cavité paraît presque effacée, et le « bec de l'algalie, après avoir franchi le col, trouve tout aussitôt « la paroi opposée de l'organe qui le retient. On reconnaît cet « état à l'absence de toute élévation, de toute résistance de la ré-ce gion hypogastrique , à la facilité avec laquelle on déprime la « partie inférieure de la paroi abdominale, derrière le pubis, au « défaut delà saillie, large et fluctuante, que fait ordinairement « dans le rectum, la vessie distendue et à la possibilité qu'a le « doigt introduit clans le rectum de sentir et de suivre le bec de la « sonde jusque derrière le corps prostatique, et dans la poche « rétractée que forme le réservoir de l'urine. »
Dans d'autres cas on a vu des mucosités épaisses, et des concré-tions sanguines s'opposer à l'écoulement de l'urine , par suite de leur engagement dans les yeux de la sonde, M. Berre rapporte (Archives gêner, de méd. tom. xvn, p. io5) qu'après avoir sondé un malade il ne vit rien sortir parce que la vessie était remplie de sang.
D'un autre côté on rencontre des circonstances bien propres à induire en erreur : ainsi M. Velpeau et M. Roux citent des cas dans lesquels, à la suite d'une large ulcération du plancher de l'urètre, il s'était formé une excavation ou plutôt une poche ac-cidentelle considérable au-devant du rectum dans l'épaisseur du périnée ; en arrivant dans cette poche on peut croire qu'on est arrivé dans la vessie, et cela d'autant plus facilement qu'aussitôt que la sonde y est arrivée elle donne issue à une certaine quan-tité d'urine, qui s'y accumule pendant l'expulsion de celle de la vessie.
i° Procédé par dessous le ventre, dit le tour de maître.
Pour l'exécuter il faut faire étendre le malade sur le doscomme dans l'autre procédé, mais sur le bord droit de son lit; le chirur-
gien se place du même côté, saisit la verge entre le médius et l'an-nulaire gauche, tandis qu'avec le pouce et l'index placés sur les côtés du gland il repousse le prépuce en arrière et découvre le méat urinaire; puis , prenant avec la main droite la sonde près de son pavillon, de manière que sa convexité soit tournée en haut et que sapartie rectiligne soit au-dessous du ventre entre les cuisses, le pouce en dessus et l'indicateur et le médius en dessous, il en présente le bec à l'orifice de l'urètre et l'insinue dans le canal jusqu'à ce qu'il soit arrivé au bulbe. En ce moment, par une ac-tion simultanée des deux mains il fait décrire à la sonde et à la verge de droite à gauche un demi-cercle qui les ramène à la posi-tion qu'elles occupent après l'exécution du premier temps dans l'autre procédé , c'est-à-dire dans un plan perpendiculaire à l'ab-domen. C'est dans ce mouvement de rotation que consiste le tour de maître. Le reste, pour amener le bec de la sonde dans la vessie, s'exécute exactement comme dans le cas précédent ; par consé-quent nous n'y reviendrons pas. Les anciens lithotomistes exécu-taient le second temps, qui consiste à renverser le pavillon entre les cuisses, avec tant de rapidité, qu'il semblait ne faire qu'un avec le premier et en être la suite. On pourrait également se pla-cer entre les jambes du malade; c'est ainsi que l'on fait lors-qu'on introduit le cathéter dans la vessie pour l'opération de la taille.
J. L. Petit pensait que les anciens lithotomistes employant beaucoup le tour de maître, ne le faisaient que pour masquer leur manœuvre et faire croire aux spectateurs que cette opéra-tion préliminaire de la taille et la taille elle-même étaient beau-coup plus difficiles qu'elles ne le paraissaient exécutées par des mains habiles. Mais lorsqu'on est parvenu, par l'habitude, à bien exécuter le tour de maître, il faut convenir qu'il renferme quelque chose qui facilite le cathétérisme. Le bec, en tournant sur lui-même, se dégage des plis de la muqueuse et glisse pour ainsi dire par le propre poids de la sonde dans lavessie en s'ap-puyant légèrement contre le plan incliné de la paroi supérieure de la courbure sous-pubienne. Toutefois le procédé ordinaire est plus méthodique, réellement plus facile, exige moins d'ha-bitude , et expose moins à faire fausse route.
Cathétérisme avec les sondes flexibles.
Les règles pour sonder avec les sondes en gomme élastique sont les mêmes que pour sonder avec les algalies métalliques ; on con-vient généralement qu'elles pénètrent avec moins de facilité que ces dernières. Lorsque le canal a sa forme naturelle, on place dans leur cavité un mandrin solide auquel on donne la courbure des sondes ordinaires, courbure que l'on peut augmenter ou diminuer à volonté. Le mandrin, qui est ordinairement en fil de fer simple ou en fil de fer revêtu à la filière d'une couche d'argent, ne sera pas assez volumineux pour remplir exacte-ment la sonde, car il doit glisser facilement afin qu'on puisse le retirer sans secousse et sans s'exposer à blesser l'urètre. Il doit être plus long que la sonde, et son extrémité extérieure sera terminée par un petit anneau. Quanta son introduction, parfois, lorsqu'on est arrivé dans la portion membraneuse, le bec de la sonde se trouve arrêté, et l'on ne pourrait continuer à le faire cheminer, sans s'exposer à blesser les parties; en pareil cas on se trouve bien de suivre le procédé de Hey qui conseille de tenir la sonde pres-que verticalement, de manière à loger la symphyse pubienne dans sa concavité, puis de fixer le mandrin d'une main , tandis que de l'autre on pousse la sonde qui chemine seide; par ce moyen son bec mousse et flexible évite les obstacles et file mieux dans l'urètre que s'il était conduit par le mandrin.
Quel que soit le procédé qu'on ait suivi pour pratiquer le ca-thétérisme évacuatif avec une sonde flexible, lorsqu'on est arrivé dans la vessie on ôte le mandrin et l'on aide à la sortie de l'urine au moyen d'une pression douce et soutenue sur la région hypogas-trique en tant qu'elle n'est pas douloureuse. Lorsque la vessie est vidée , s'il n'est pas nécessaire de laisser la sonde dans ce viscère, on la retire doucement et lentement en l'inclinant du côté de l'ab-domen , en un mot, en lui faisant parcourir en sens inverse le même chemin qu'elle a parcouru en entrant. Pour retirer le man-drin des sondes flexibles, on agit exactement de la même manière, seulement il faut du même temps pousser dans la vessie la sonde avec la main gauche, pour l'empêcher de suivre sa tige métallique.
Fixation de la sonde. Lorsque la sonde est destinée à rester dans la vessie, il faut la fixer, autrement elle ressortirait à-peu-près infailliblement. Bien qu'ordinairement o ne laisse pasune sonde métallique à demeure dans la vessie, il y a cependant des cas qui exigent qu'il en soit ainsi ; dans un cas de fausse route , par exemple, lorsqu'on est parvenu à enfiler le canal normal, il serait imprudent de retirer la sonde d'argent pour lui en substi-tuer une en gomme, attendu qu'on ne pourrait peut-être plus rentrer dans la vessie. Boyer conseille alors d'attacher deux ru-bans aux anneaux, de les conduire sous les cuisses et de venir les fixer sur les côtés d'un bandage du corps. Mais nous pensons qu'on doit y renoncer et que le procédé suivant convient pour toutes les sondes.
iCIProcédépourfixer la sonde. On prend deux cordons de coton à mèchelongs d'un mètre (3 pieds) environ, et on les attache l'un et l'autre par leur partie moyenne et par un double nœud près du pavillon de la sonde à i1 ou 15 centim. (4 à 5 pouces) du gland ; puis on prend ces cordons deux à deux , on les conduit sur les côtés de la verge jusque vers sa partie moyenne ; on passe ceux qui sont du même côté l'un dans l'autre comme pour faire un nœud simple ; on les enroule sur le pénis et on les arrête par une rosette. On obtient ainsi une figure qui ressemble assez à celle d'une pyramide quadrangulaire. Il arrive quelquefois que ces cor-dons fatiguent la verge et l'excorient même s'ils sont trop serrés, et qu'ils glissent et laissent sortir la sonde s'ils sont trop lâches; pour prévenir cet inconvénient, on a proposé d'envelopper préa-lablement la verge d'une compresse ou d'une bandelette de dia-chyluni,
i° Procédé. Il consiste à appliquer préalablement un bandage en T, percé d'un trou à son centre pourlaisser passer la verge, ou bien un suspensoir, puis à attacher les quatre cordons à des œil-lets pratiqués de chaque côté de l'ouverture qui donne passage au pénis. Quelques chirurgiens trouvent plus commode de fixer d'a-bord un cercle en bois ou en toute autre matière, bien matelassé, au suspensoir, et d'y fixer les cordons de la sonde.
Le premier procédé est généralement employé malgré son in-convénient de comprimer la verge.
Assez souvent, quels que soient les moyens qu'on emploie, les cordons glissent sur la sonde et celle-ci sort de la vessie. Le meil-leur moyen d'obvier à cet inconvénient consiste à nouer sur les côtés, près du pavillon, deux petites anses de fil pour y passer les cordons ; on peut aussi placer à cet effet, à l'extrémité de la sonde, un pavillon en argent, armé d'un anneau de chaque côté.
Quelquefois les malades qui portent une sonde éprouvent des érections, et comme les liens qui fixent l'instrument ne s'allon-gent pas et ne se raccourcissent pas pour s'accommoder aux di-verses dimensions de la verge, il arrive que ces liens font éprouver au pénis en érection une compression douloureuse, et que s'ils se lâchent un peu, l'allongement de la verge, pendant cet état, force la sonde à sortir de la vessie. Comme on ne peut point empê-cher les érections, pour remédier à cet inconvénient, Boyer a trouvé que le meilleur moyen était de substituer aux liens de coton des lanières en gomme élastique. « Pour cela, dit-il, on « garnit la sonde d'un pavillon d'argent; ce pavillon qui a en-« viron 10 lignes(a3 millim.)de longueur est presque cylindrique « et se visse sur la sonde; il est muni à son extrémité lapins large « de trois anneaux placés à des distances égales ; on engage dans « chacun de ces anneaux une lanière de gomme élastique, dont on « replie l'extrémité que l'on arrête au moyen d'un fil qui entoure « cette extrémité et la lanière elle-même. On couche ces lanières « sur la verge, on place circulairement, sur cet organe, près de « la racine, une autre lanière de gomme élastique, dont on forme « un anneau enjoignant ensemble les extrémités, au moyen d'un « fil ; ensuite on relève les bouts des lanières longitudinales de la « même façon qu'aux anneaux du pavillon. »
Avec cet appareil, lorsque l'érection survient l'anneau s'élargit, les bandelettes s'allongent, et lorsqu'elle cesse l'anneau se res-serre et les bandelettes se raccourcissent ; de telle sorte que les érections ne sont plus douloureuses.
Lorsque la sonde est fixée, si elle est trop longue on la coupe à la distance de 27 mili, (un pouce) du gland, et l'on bouche son extrémité avec un petit fosset de bois, d'ivoire ou de liège. Quand on a qu'un fosset de bois on peut le garnir d'un peu de coton pour empêcher l'urine de suinter; il suffit au malade delà retirer toutes les deux ou trois heures pour donner issue à l'urine qui s'est accumulée dans la vessie.
On doit retirer la sonde assez fréquemment, c'est-à-dire tous les huit ou dix jours, pour la nettoyer. Un plus long séjour dans la vessie pourrait être suivi de l'incrustation de son extrémité par les sels de l'urine, et non-seulement amener des difficultés pour la retirer, mais encore exposera déchirer le col de la vessie et l'inté-rieur de l'urètre par les aspérités du dépôt. Pour peu que l'instru-ment présente la moindre altération , il faut en employer un autre. Lorsqu'on veut remplacer la sonde qu'on a retirée, il faut attendre que la vessie soit pleine, son introduction étant alors bien plus facile pour le chirurgien et moins douloureuse pour le malade. On pourrait remplacer l'urine par une injection d'eau tiède.
Cathétérisme avec des instrumens droits et solides. (Pl. 56, fig. 5 et 6.)
Le cathétérisme rectiligue n'est pas une invention nouvelle comme on le croyait il y a une vingtaine d'années. Les chirur-giens de nos jours n'ont plus la prétention de l'avoir inventé, mais ils ont, avec juste raison, celle de l'avoir tiré de l'oubli où il était plongé et de l'avoir placé au rang des opérations réglées qu'il n'est plus permis aux praticiens d'ignorer, et aux écrivains de passer sous silence. Il est bien vrai qu'on ne peut refuser à Lieu-taud l'honneur d'en avoir parlé un des premiers, puisqu'on trouve sa proposition reproduite dans les Élèmens de chirurgie de Portai, publiés en 1768; il est aussi vrai que Santarelli, pro-fesseur d'accouchement à Rome, a publié en 1795, à Vienne en Autriche, un ouvrage qui a pour titre : Recherches pour faciliter l'opération du cathétérisme, dans lequel il prétend démontrer , en se fondant sur des raisons tirées de la structure et de la direc-tion de l'urètre, et sur des expériences faites sur le cadavre et sur le vivant, qu'il est non-seulement possible d'introduire une sonde droite par l'urètre jusque dans la vessie, mais encore qu'il est plus facile de sonder avec une sonde droite qu'avec une sonde courbe ordinaire. Cet ouvrage est accompagné de plusieurs plan-ches, dont l'une représente l'introduction de la sonde droite dans la vessie. On ne peut guère aussi faire autrement que d'ajouter foi au dire de Larrey et de M. Ribes, qui prétendent avoir sou-vent mis la sonde droite en usage à l'armée. Enfin, il n'est pas moins certain que M. Gruithuisen , médecin bavarois , fit imprimer en 1813 un mémoire dans la Gazette médico-chirurgicale de Saltzbourg, où il affirme que le cathétérisme avec une sonde droite est beaucoup plus facile qu'avec une sonde courbe.
Mais toutes ces tentatives n'avaient pu réussir, ainsi que nous l'avons dit, à faire adopter le cathétérisme rectiligne même comme méthode exceptionnelle. C'est à M. Amussat qu'appartient l'hon-neur de cette application. Après avoir étudié la question sous un autre point de vue, celui de la lithotritie, ce chirurgien, le premier, vint annoncer à l'Académie de médecine , au mois d'avril 1822, la possibilité d'introduire une sonde droite dans la vessie. A dater de ce moment, le cathétérisme rectiligne, considéré comme une invention nouvelle fut adopté, parce que la lithotritie, forçant à en faire des applications fréquentes, vint démontrer son utilité.
C'est ainsi que des découvertes forlutileset connues depuis long-temps, faute d'en avoir appréciéla portée et desavoir à quoi etcom-ment les appliquer, restent dans l'oubli et finissent par devenir ignorées. Mais vienne le moment favorable de les produire, etdes hommesqui savent en trouver l'emploi, ils les tirent de l'oubli, en font leur propriété, et forcent leurs contemporains à les adopter.
Procédé de M. Amussat. L'auteur pense qu'on le pratiquera avec plus de facilité, en donnant au malade une position telle que les muscles abdominaux soient dans le plus grand relâche-ment possible, et que le ligament suspenseur de la verge n'é-tant plus tendu, la première courbure de l'urètre puisse facile-ment s'effacer.
On fera donc asseoir le malade sur le bord de son lit, le tronc fléchi en avant, les cuisses fléchies sur le tronc, et les pieds ap-puyés sur deux chaises. Le chirurgien assis devant lui saisit la verge entre le pouce, l'indicateur et le médius de la main gauche, placés derrière le gland sur les côtés du corps caverneux, et la ra-mène dans une position presque perpendiculaire à l'axe du corps. Il introduit ensuite directement en avant la sonde, qu'il tient entre le pouce et l'indicateur de la main droite, ayant soin de suivre la paroi supérieure du canal, tandis qu'avec la main gauche il tire la verge vers lui; on arrive sans obstacle jusqu'à la prostate : pour franchir la portion postérieure de cette glande qui s'oppose à l'introduction de la sonde, on retire celle-ci de quelques lignes, on abaisse son pavillon en lâchant la verge, jus-qu'à ce que l'instrument soit presque parallèle à l'axe du corps. Par cette manoeuvre le bec de la sonde se trouvant élevé, il suffit alors du plus léger mouvement imprimé de bas en haut pour le faire entrer dans la vessie, puisque, par la position donnée au pénis, on a effacé la courbure que forme l'urètre au-dessous et en arrière de la symphyse pubienne.
Pour les cas ordinaires l'abaissement du pavillon de la sonde, jusqu'à ce qu'elle soit presque parallèle à l'axe du corps, est beaucoup trop fort. Pour faire comprendre l'angle suivant le-
quoi la sonde se meut dans le plan vertical, nous avons pris pour plan de départ à o degré la ligne verticale de la symphyse pu-bienne, représentant sensiblement le plan du pénil. Le premier temps d'introduction de la sonde droite qui amène son bec dans le cul-de-sac pré-prostatique, s'exerce sous un arc de Go à 80 degrés (Voyez fig. 5, pl. 56). C'est en abaissant encore de a5 à 3o degrés, ce qui nous donne sur la figure 6 un total de io4" que la sonde basculant sous le pubis relève l'orifice antérieur de la portion prostatique de l'urètre et pénètre dans la vessie. L'a-baissement de la sonde ne peut guère dépasser 1 io° sans tirailler trop fortement le ligament suspenseur.
Appréciation. On ne peut donner exclusivement la préférence aux instrumens courbes sur les instrumens droits et réciproque-ment; l'emploi des uns et des autres dépend des circonstances.
M. Amussat prétend que tout chirurgien qui aura une con-naissance parfaite de l'anatomie de l'urètre pourra pratiquer le cathétérisme avec une égale facilité, soit qu'il se serve de la sonde courbe ou de la sonde droite. Il est cependant des circonstances où l'on doit préférer la sonde courbe, c'est lorsqu'on ne peut donner au malade la position qui convient au cathétérisme rectiligne : ainsi chez les vieillards affaiblis par l'âge, chez les adultes épuisés par une maladie longue et qui sont obligés de se tenir constamment cou-chés, le cathétérisme avec la sonde courbe est préférable parce qu' il est plus facilepour l'opérateur et moins douloureux pour le malade.
Quant à nous, nous ferons remarquer cpie l'angle de la sonde droite avec le canal prostatique (fig. 5, pl. 56), est précisément le même que celui de la nouvelle sonde indiquée aux numéros 7 et iode la planche 54, et de la plupart des instrumens de lithotritie, et que c'est par cette raison que le cathétérisme est le plus facile avec ces instrumens.
RÉTRÉCISSEMENS DE L'URÈTRE.
Autrefois on comprenait parmi les causes des rétrécissemens de l'urètre toutes les maladies, quelles qu'elles fussent, qui étaient susceptibles de déterminer une diminution dans le calibre de cet organe, soit qu'elles eussent leur siège dans ses parois, ou hors de ses parois. C'est d'après cette manière de voir, que les an-ciennes classifications étaient établies. J. Wilson les avait rangées dans trois classes: il admettait des rétrécissemens spasmodiques, organiques et d'autres produits par des maladies extérieures à l'urètre. Sœmmerring rejetant toutes les affections qui n'avaient pas pour siège l'urètre lui-même, comme on a continué à le faire depuis, n'admit que des rétrécissemens spasmodiques et organi-ques. Ducamples rapporta à quatre ordres, fondés sur un pareil nombre de causes : l'inflammation, l'induration, l'existence de brides et la proéminence de carnosités dans l'urètre. Enfin, M. Amussat d'accord en cela avec les auteurs les plus modernes, les a distingués en organiques, en spasmodiques et en inflamma-toires (Leçons sur les rétentions d'urine).
Pour bien comprendre ce qui est relatif à la thérapeutique chirurgicale des rétrécissemens de l'urètre, il est nécessaire de dire quelques mots de leur anatomie pathologique et de leur siège.
ana.tomie pathologique des rétrécissemens de l'uretre.
(Pl. 53, fig. », 2, 3,4,6, 8.)
i° Rétrécissemens spasmodiques. On considère comme tels ceux qui résultent de la contraction spasmodiqne des fibres t. vu.
musculaires qui environnent la partie de l'urètre située entre le bulbe et la prostate. Quelques auteurs pensent cependant que la portion spongieuse du canal peut en être le siège. M. Lallemand dit à ce sujet: «Bien que la portion musculeuse du canal soit le plus ordinairement le siège des rétrécissemens de ce genre, ce-pendant les observateurs ont noté, et j'ai rencontré moi-même des cas dans lesquels la portion spongieuse était tellement sen-sible et irritable qu'elle se resserrait avec force sur la bougie, la saisissait en quelque sorte, l'empêchait d'avancer, ou même la repoussait au dehors dès qu'on cessait delà maintenir (Dict. mèd. etch.prat., tom. xiv, p. 296). A l'appui de ces observations M. Dufresse Chassaigne, en 1840, a publié, dans la Gazette des hôpitaux, un mémoire où il s'efforce de prouver que les fibres profondes du muscle bulbo-caverneux peuvent, par leur con-traction spasmodiqne, déterminer le rétrécissement de l'urètre, et propose, en conséquence, de couper ce muscle pour faire cesser la coarctation.
20 Les rétrécissemens inflammatoires résultent de l'afflux plus considérable du sang dans le tissu spongieux, et dans la mem-brane muqueuse de l'urètre. Cet état de turgescence, qui n'est que passager, dit M. Amussat, ne constitue pas plus à la rigueur un rétrécissement véritable du canal que la contraction spasmo-diqne dont nous avons parlé plus haut.
3" Rétrécissemens organiques. M. Amussat les a divisés en quatre espèces, savoir : les brides, les rétrécissemens valvulaires, les rétrécissemens par gonflement chronique de la muqueuse et les rétrécissemens calleux qui comprennent les duretés, les no-dosités qui se forment dans les tissus sous-muqueux et spongieux.
(a) Les brides existent particulièrement sur la paroi inférieure, et sont caractérisées par de petites lignes blanchâtres, filiformes, situées transversalement, peu ou point saillantes à l'œil nu, mais facilement percevables quand on promène l'ongle, ou une sonde sur l'urètre d'arrière en avant; aussi arrive-t-il fréquem-ment qu'elles accrochent l'instrument explorateur. On rencontre quelquefois une autre espèce de brides qui offrent plus d'épais-seur et de saillie ; elles sont le résultat d'une induration très prononcée de la muqueuse.
(b) Les rétrécissemens valvulaires ne sont autre chose que des brides qui occupent toute la circonférence de l'urètre. Elles con-stituent comme autant de petits diaphragmes traversés par une ouverture urétraleplusou moinsétroite. A l'examen anatomique, on trouve que, là où existait le rétrécissement, la muqueuse semble comme froncée par un fil qu'on aurait passé dans son épaisseur et qu'on aurait ensuite serré en réunissant, ses deux extrémités. Pour voir cet anneau valvulaire , il faut bien se gar-der d'ouvrir l'urètre clans toute son étendue par sa paroi supé-rieure, parce qu'aussitôt que cette valvule est divisée clans un de ses points et qu'on étend l'urètre pour l'examiner, si elle est un peu ancienne, elle disparaît en grande partie complètement, et l'on n'observe plus sur la muqueuse qu'une ligne blanchâtre si-tuée transversalement comme les brides. Pour les bien voir, on doit se borner à ouvrir ce canal seulement en avant et en arrière jusqu'au point affecté, de manière à laisser intact le plan qu'elles occupent. Le siège le plus fréquent et presque constant de ces deux genres de rétrécissemens est au bulbe et surtout à la réu-nion de la portion bulbeuse et de la portion membraneuse;
5ï
M. Dufresse dans son mémoire déjà cité se Tondant sur la forme et le siège des rétrécissemens de ce genre, conclut que ce que M. Amussat a appelé brides et valvules n'est déterminé que par la rétraction spasmodique permanente des fibres les plus pro-fondes du muscle bulbo-caverneux.
(c) Les rétrécissemens par gonflement chronique de la mu-queuse varient beaucoup en étendue. Il y en a qui ont plusieurs centim. de longueur, ils peuvent exister avec ou sans induration du tissu cellulaire sous-muqueux ; à l'autopsie, le point induré est plus rouge qu'ailleurs, souvent il n'est pas très sensible au toucher, mais le bec d'une sonde d'argent le découvre facilement.
(d) Les rétrécissemens calleux succèdent à l'inflammation si-multanée delà muqueuse urétrale et des tissus sous-jacens, passée à l'état chronique , d'où résultent des indurations, des callosités, des nodus de ces parties. Lorsque le canal est ouvert dans toute son étendue, il semble seulement rétréci dans le trajet affecté, mais on n'y remarque aucune saillie , aucune élévation sensible. Ce n'est qu'en poussant une sonde sur l'urètre qu'on peut sentir le point malade. Souvent la muqueuse paraît saine , et l'indura-tion a son siège dans les tissus cellulaire, sous-muqueux et fi-breux ; parfois aussi le tissu spongieux est malade ; alors les cel-lules qui le composent ont disparu , et lui-même se transforme dans un tissu blanc qui peut se confondre avec les tissus voisins et former une substance susceptible d'acquérir la dureté et la consistance du cartilage. Il peut enfin se développer dans l'urètre des végétations et des carnosités susceptibles de mettre un obsta-cle plus ou moins complet au cours de l'urine ; mais ces affec-tions sont très rares et se rencontrent plus souvent chez les fem-mes que chez les hommes. Suivant M. Amussat le siège de tous les rétrécissemens organiques est dans la région spongieuse ; jamais ils n'existent au-delà du bulbe , leur siège le plus fréquent, selon Shaw est en avant du ligament du bulbe, sous la symphyse, là même où l'on rencontre le plus souvent les fausses routes, tandis que les rétrécissemens spasmodiques paraissent affecter plus spécialement le point d'union de la portion spongieuse et de la portion musculeuse. M. Lallemand pense qu'ils peuvent affecter toutes les portions du canal, depuis le gland lui-même jusqu'au col de la vessie inclusivement, mais il reconnaît égale -ment que leur siège le plus fréquent est dans la région spon-gieuse.
Quel que soit le point où existe le rétrécissement, la portion de l'urètre qui est en avant est presque toujours à l'état normal, tandis que celle qui est en arrière s'élargit en proportion du de-gré auquel est arrivé l'obstacle et des efforts plus ou moins vio-lens que le malade est obligé de faire pour uriner ; cet état long-temps prolongé peut amener non-seulement dans le canal et la vessie, mais encore, par le refoulement à tergo, dans les uretères et les reins, des altérations de forme et de texture fort graves. Ainsi le rétrécissement faisant l'office d'un col vesical non contractile , l'urine sort constamment et involontairement ; son séjour plus prolongé dans la vessie et les uretères, et l'absorption de ses parties aqueuses qui en résulte , rendent son odeur plus ammoniacale , et sa couleur plus foncée. Avec le temps on voit survenir le ra-mollissement de la muqueuse urétrale, des ulcérations, des ab-cès urineux, la dégénérescence de la muqueuse vésicale; les uretères se dilatent considérablement, et les reins se convertis-sent en une sorte de poche mince, rouge, molle, contenant du pus, des graviers, des tubercules, etc.
Quelle que soit l'ancienneté d'un rétrécissement, son siège, sa nature et sa forme, l'urètre n'est jamais entièrement oblitéré. Le trajet en fût-il filiforme, du moins existe-t-il une communication entre les parties antérieure et postérieure à l'obstacle. Si cette communication est quelquefois interrompue, ce n'est que mo-mentanément, par suite d'une congestion sanguine ou d'un gon-flement inflammatoire, ou par un corps étranger, tel que du mucus épaissi, sécrété dans le point rétréci lui-même, ou bien enfin par un calcul qui vient s'appliquer contre son ouverture. C'est alors que survient la rétention d'urine.
S'il n'y a qu'un seul rétrécissement il siège ordinairement au bulbe; s'il y en a plusieurs, il en existe toujours un dans ce point.
procédés opératoires mis en usage pour reconnaitre les rétrécissemens de h urètre.
Lorsqu'il existe dans l'urètre un obstacle qui s'oppose plus ou inoins complètement à l'excrétion de l'urine, la première chose à faire est de reconnaître son siège, son ouverture, sa forme et son étendue. Il existe pour cela plusieurs procédés.
exploration de l'uretre.
i° Procédé de Ducamp. Four savoir à quelle distance du méat urinaire se trouvait situé le rétrécissement, Ducamp se servait d'une bougie creuse ordinaire en gomme élastique, n. 6 , sur la-quelle étaient tracées les divisions du pied en pouces et en lignes (depuis on leur a substitué celles du mètre). Il l'introduisait dans l'urètre; lorsqu'elle était arrivée à l'obstacle, il voyait de suite à quelle profondeur elle pénétrait; cette profondeur indiquait la distance du rétrécissement au méat. Pour introduire cette sonde, on fait placer le malade comme si l'on voulait pratiquer le cathé-térisme rectiligne, debout ou assis, sur le bord d'un siège, le dos appuyésurun plan solide, les jambes écartées et les pieds appuyés par terre ou sur les barreaux d'une chaise.
Le chirurgien, placé entre les jambes du malade, saisit la verge de la main gauche, la relève et lui donne en la tirant une direc-tion légèrement horizontale; puis il fait pénétrer la sonde enduite d'un corps gras et la pousse jusqu'à l'obstacle. La profondeur du rétrécissement étant connue, il s'agit d'en trouver l'orifice et de dé-terminer la longueur et la forme du trajet rétréci. Poury parvenir, on fait usage d'une sonde exploratrice. : celle de Ducamp est une bougie n» 8 à io (Pl. 54, fig- 15), portant, comme la précédente, sur sa longueur, les divisions du pied et du mètre. Le diamètre de son ouverture antérieure n'est que la moitié de celui de son ou-verture postérieure. Pour disposer la partie qui doit servir à supporter l'empreinte , on se sert d'un morceau de soie plate à tapisserie; on y fait plusieurs nœufs qu'on trempe dans de la cire fondue, et on lui donne la forme d'un bourrelet; on passe cette soie dans la sonde au moyen d'un fil qu'on fait pénétrer par son ouverture la plus large. Celle-ci est franchie par le bourrelet; mais comme ce dernier est trop gros pour traverser l'extrémité la plus étroite, la soie seule pénètre au-delà et y présente un pinceau très fin et très doux. » Ducamp le trempait dans un mélange fait avec parties égales de cire jaune, de diachylum , de poix de Bourgogne et de résine; il en mettait une quantité suffisante pour égaler le diamètre de la sonde , il le laissait refroidir, le malaxait entre ses doigts, le roulait sur un corps poli, et obtenait ainsi une bougie qu'il coupait à quelques millimètres , 5 à 6 au
plus, de l'extrémité de la canule élastique, et terminait en l'ar-rondissant comme un bout de sonde. Le mélange indiqué par Ducamp est celui qui convient le mieux, parce qu'il n'est ni trop mou ni trop dur. On introduit cette sonde exactement connue celle qui sert à déterminer la profondeur du rétrécissement, l'é-chelle graduée en dessus, du côté du ventre; on la pousse dou-cement, en la tournant légèrement entre les doigts. Lorsqu'elle s'arrête il convient de la presser lentement et d'une manière sou-tenue contre l'obstacle, comme s'il s'agissait de le franchir et on la maintient pendant une minute environ en contact avec lui, afin cpie, ramollie par la chaleur des parties, au sein desquelles elle se trouve, la cire puisse se mouler sur les inégalités du rétré-cissement et envoyer dans sa cavité un prolongement qui repré-sente exactement sa forme et sa position. Il ne faut presser ni trop, ni trop peu ; par une pression trop forte, la cire deviendrait trop molle, s'étendrait trop, perdrait sa cohésion et pourrait se casser dans le rétrécissement, tandis que, par une pression trop faible, elle ne se moulerait pas suffisamment, et ne rapporterait qu'une empreinte inexacte. Lorsqu'il s'est écoulé un temps suffisant pour avoir une empreinte convenable, on retire la sonde. Pendant le retrait, on agit avec douceur, sans secousse et sans faire exécuter à l'instrument des mouvemens de rotation, dans la crainte d'al-térer la forme de l'empreinte qu'il rapporte, de contourner sa tige, et de se trouver ainsi dans l'obligation de recommencer l'o-pération. On juge alors de la position de l'ouverture du rétré-cissement, par celle de la tige de cire. Ainsi lorsqu'elle est cen-trale ou latérale, l'orifice du rétrécissement est aussi central ou latéral, droit ou gauche, supérieur ou inférieur. Si le rétrécissement est situé au bulbe, ou au-delà, dans la courbure sous-pubienne, on se tromperait le plus souvent si l'on s'en rapportait, à l'em-preinte qu'on a obtenue en agissant comme dans le cas où le rétrécissement est peu profond ; en effet, la cire formant avec la sonde une ligne droite , au lieu de s'infléchir pour suivre la di-rection du canal vient s'arebouter contre la paroi inférieure, se tasse, se pelotonne et ne donne plus qu'une forme sur l'exactitude de laquelle on ne peut pas compter. Pour remédier à cet incon-vénient, Ducamp introduisait dans la sonde un mandrin de plomb, auquel il donnait préalablement une courbure susceptible de s'adapter à celle de l'urètre, et de permettre au pinceau de cire d'arriver au rétrécissement, sans rencontrer sur son passage d'ob-stacle capable de lui faire éprouver une déformation. M. Lalle-mandcraignant quelemandrindeplomb ne fûttrop faiblepourré-sister, sans se courber, à la pression qu'il faut exercer contre le rétrécissement, a proposé d'y substituer une bougie en gomme élastique courbe ; il pense qu'elle communique à la sonde une résistance assez considérable pour qu'on puisse obtenir des em-preintes exactes de toutes les profondeurs et de tous les degrés de courbure du canal, sans craindre ni qu'elle fléchisse trop facile-ment, ni qu'elle oppose à la courbure des parties une raideur trop prononcée. Mais les chirurgiens sont loin d'être d'accord sur la valeur de ces empreintes, qu'elles soient prises dans la partie droite ou dans la partie courbe du canal. Et même, quelques-uns, tels que MM. Velpeau et Pasquier , rejettent tout-à-fait le porte-empreinte. Ils le considèrent comme un instrument trom-peur qui ne mérite aucune confiance, parce que la cire arrivée dans l'urètre , se déprime tout aussi bien sous l'action d'un pli, d'un mouvement spasmodique, d'un aplatissement momentané du canal, que par le fait d'une coarctation véritable, et indique qu'il faut porter le caustique là où cela n'est pas nécessaire.
Reste à mesurer l'étendue du rétrécissement d'avant en arrière. On a proposé à cet effet l'emploi d'une bougie fine en gomme élastique, à laquelle on fait préalablement subir la préparation suivante : on trempe quelques brins de soie plate dans de la cire fondue, que l'on roule en spirale sur cette bougie, et on la fait, tourner entre deux corps polis, de manière à l'unir parfaitement. On peut se contenter de tremper la bougie dans la cire sans l'en-tourer de soie. On la fait pénétrer dans le canal jusqu'au-delà du rétrécissement, si c'est possible; alors, en la retirant, on trouve à son extrémité une rainure formée par la partie saillante du canal. Mais, outre qu'il est souvent difficile de pénétrer avec cette sonde dans l'ouverture de la partie rétrécie, l'empreinte qu'elle rap-porte est loin d'en indiquer la longueur exacte. En conséquence il faut recourir à un autre moyen. On prend un conducteur qui n'est autre chose qu'une sonde élastique du n° 8 ou g ouverte par les deux bouts et graduée. Si l'ouverture du rétrécissement est, centrale, ce dont on s'est préalablement assuré par la sonde ex-ploratrice, le conducteur étant uni et parfaitement cylindri-que, en le poussant jusqu'à l'obstacle, l'ouverture de son ex-trémité profonde se trouve naturellement en rapport avec celle du rétrécissement. Si au contraire l'orifice de ce dernier est laté-ral en haut, en bas, à droite, ou à gauche, il faut se servir d'un conducteur portant un renflement plus ou moins considérable sur une partie de la circonférence de l'extrémité qui doit péné-trer dans le canal, et le diriger dans le sens opposé de l'ouver-ture de l'obstacle, c'est-à-dire à droite si elle est à gauche, en haut si elle est en bas, et réciproquement. De cette manière l'ou-verture delà sonde conductrice correspondra toujours à celle du rétrécissement, et sera un guide certain pour la bougie où l'in-strument destiné à y pénétrer. Les choses étant à ce point, il s'a-git de mesurer la longueur de l'obstacle. Ducamp avait imaginé dans ce but un instrument particulier. C'était une tige ou sonde en gomme élastique du n° i, portant à son extrémité antérieure un petit cylindre en or, long de 10 à 12 millimètres. A l'extré-mité de ce cylindre étaient disposées deux ailes mobiles longues de 3 millimètres. En poussant un mandrin contenu dans la sonde, on les écartait, et en le tirant on les rapprochait du cylindre. Lorsqu'elles étaient écartées elles formaient un renflement de {\ millimètres de diamètre. Cet instrument s'introduit fermé; lors-qu'il a franchi le rétrécissement, on déploie les ailes en pous-sant le mandrin, et, en tirant à soi, on le ramène jusqu'à la partie postérieure du rétrécissement où il se trouve retenu. D'un autre côté la canule conductrice se trouve arrêtée à son extrémité an-térieure, de sorte que l'espace compris entre le petit renflement et l'extrémité de la canule représente la longueur du rétrécisse-ment, longueur qui est indiquée en chiffres sur l'instrument de Ducamp. On a pensé que cet instrument pouvait être cause d'er-reur en plus ou en moins : en plus parce qu'il pouvait ramasser des plis de la muqueuse, qui, s'ajoutant au rétrécissement, aug-mentaient artificiellement sa longueur; en moins, parce que, en pressant trop fort, sans intention, on la diminuait.
Procédé de M. Amussat. Ce chirurgien se sert d'un instru-ment de son invention , auquel il a donné le nom de sonde exploratrice. Bien qu'elle ait aussi pour but de mesurer la longueur des rétrécissemens, elle peut encore servir à recon-naître les rétrécissemens dès leur début. Elle se compose d'une canule en argent longue de 22 à'¿5 centimètres et graduée, dont la cavité n'est pas creusée dans le centre de son épaisseur. Mais sur un de ses côtés, puis d'un mandrin, dont l'extrémité vési-
cale se termine par une lentille à bords mousses qui s'adapte parfaitement à l'extrémité de la canule. Le mandrin qui est des-tiné à remplir sa cavité ne se fixe pas juste au centre de lentille, mais sur son bord. Il se termine extérieurement par un petit manche cannelé destiné à lui faire subir des rnouvemens de ro-tation qui sont les seuls qu'il puisse exécuter, car n'étant pas plus long que la canule, il ne peut ni avancer ni reculer. L'instrument fermé est droit et présente la forme d'un stylet dont l'extrémité vésicale est arrondie et lisse. Lorsqu'il est introduit dans l'urètre il suffit de tourner le mandrin pour déranger les rapports de la canule et de la lentille. Celle-ci présente la portion la plus large à la portion la plus étroite de celle-là, et forme une sorte d'onglet qui, ramené avec douceur et lentement, ne peut manquer d'accro-cher le bord postérieur du rétrécissement, si c'est pour un ob-stacle de ce genre qu'on explore, ou bien la moindre bride pour peu qu'elle fasse de saillie. En parcourant de la même manière alternativement la paroi supérieure et la paroi inférieure du ca-nal, on peut acquérir la certitude de l'existence d'un rétrécisse-ment ou d'une bride. On pourrait craindre que des replis formés accidentellement sur la muqueuse par l'instrument, ne pussent induire en erreur ; mais M. Amussat prétend que, dans les nom-breuses expériences qu'il a faites, tant sur le vivant que sur le cadavre, il a observé que l'instrument n'était point arrêté lors-que le canal était sain. Quand on veut s'en servir pour recon-naître l'étendue d'un rétrécissement, il faut l'introduire comme l'instrument de Ducamp à travers une canule conductrice. Ces deux instrumens peuvent se suppléer mutuellement. La sonde exploratrice de M. Amussat est bonne pour reconnaître les ré-trécissemens commençans et les brides, mais elle est peut-être un peu trop grosse pour pénétrer dans un rétrécissement déjà considérable, et dont l'orifice est très étroit, tandis que l'instru-ment de Ducamp convient parfaitement pour cet objet.
Procède d exploration de plusieurs rètrècissemens. On conçoit, combien ce fait est important à constater; si le premier obstacle qui se présente est trop étroit pour permettre l'introduction de l'instrument de Ducamp , de la sonde exploratice de M. Amus-sat ou de bougies de médiocre grosseur, on ne pourra pas savoir au juste s'il en existe plus profondément; mais s'il est possible de franchir le premier obstacle avec l'un des instrumens dont il vient d'être question , on arrive au second , et, si l'on franchit le second , on pourra de même apprécier le suivant. Ainsi, en in-troduisant de prime abord une bougie couverte de cire à mouler, jusqu'à la vessie, et en la laissant séjourner quelque temps dans l'urètre, puis en la retirant avec précaution, on peut juger par le nombre et la profondeur des empreintes existant à sa surface, du nombre et de la force des rètrècissemens de ce canal.
M. Lallemand pense qu'en portant dans l'urètre un stylet long de 11 à iS centimètres terminé par une extrémité arrondie, un peu plus volumineuse que la tige elle-même, et qu'en le fai-sant glisser et frotter le bouton d'avant en arrière et d'arrière en avant le long des parois de ce canal, on peut constater aisément à l'aide du ressaut qu'il éprouve ou d'un obstacle qui l'arrête, la présence du rétrécissement le plus rudimentaire. Cet instrument n'est point usité. On lui reproche que, dans les rnouvemens d'a-vant en arrière, sa tète peut tomber dans une lacune de Morgagni dont l'ouverture est dirigée en avant.
M. Ségalas a proposé un autre instrument auquel il a donné le nom de stylet urètro-cjstique, qui n'est autre chose qu'une tige d'argent cylindrique et flexible , terminée du côté de la ves-sie par une sphère de G à 8 millimètres de diamètre ; ce médecin croit qu'en promenant ce stylet dans le canal, d'avant en arrière et d'arrière en avant, il peut faire découvrir Jes moindres rètrè-cissemens et faire apprécier leur étendue par l'arrêt qu'il éprouve à leur partie antérieure, en allant vers la vessie, et par celui qu'il subit à leur partie postérieure, en revenant vers le gland ; des divi-sions établies sur la tige indiquent la distance de ces deux points d'arrêt.
L'instrument de M. Ségalas à cause du volume de sa tête court moins de risque de pénétrer dans les lacunes de Morgagni que celui de M. Lallemand; mais en raison précisément du volume de cette tête , il ne peut servir que pour apprécier les rètrècisse-mens légers , car il ne saurait pénétrer par un orifice, un peu ré-tréci. Concluons de ces faits que l'instrument de Ducamp, ou la sonde exploratrice de M. Amussat sont ce qu'il y a de mieux pour obtenir des appréciations exactes.
MÉTHODES OPÉRATOIRES MISES EN USAGE POUR GUÉRIR les RÈTRÈCISSEMENS DE l'uRÈTRE.
A l'exemple de M. Lallemand nous devons distinguer deux cas : celui où le rétrécissement ne fait que gêner la sortie de l'urine , sans s'opposer complètement à son excrétion ; et celui où il y a rétention d'urine complète causée par un rétrécissement ou toute autre cause.
Rètrècissemens incomplets. Les méthodes opératoires em-ployées dans ce cas sont la dilatation graduée, la dilatation for-cée , la cautérisation et les scarifications.
DILATATION GRADUÉE.
C'est la méthode la plus anciennement connue : on la pra-tique avec des bougies , ou bien avec des sondes flexibles, dont on augmente successivement le diamètre , jusqu'à ce que le canal ait repris son calibre naturel, et que l'urine sorte sans difficulté. On a pour but, dans cette méthode, de comprimer la partie du canal hypertrophiée et de l'obliger à s'affaisser et à disparaître sous l'influence de la compression, ou en changeant son mode d'inflammation.
Les bougies dont on se sert, sont des tiges flexibles pleines, lisses et polies, ayant une forme cylindrique ou un peu conique; leur diamètre varie depuis i jusqu'à io millimètres, et leur lon-gueur de i5 et 3o centimètres; il en existe de plus courtes pour les enfans. On a employé pour les confectionner diverses substances telles que le plomb seul ou uni avec l'étain ; mais on y a renoncé parce qu'elles étaient trop dures, trop pesantes et trop suscepti-bles de se casser, maintenant on ne fait usage que de deux espè-ces : des bougies en gomme élastique et des bougies de cire ou emplastiques. Les premières fabriquées exactement comme les sondes de même nature, doivent, comme elles, être souples, polies, se laisser plier sans se gercer ; les secondes ont pour base des bandelettes de toile emplastique, comme du diachylum gommé, roulé sur lui-même et enduit d'une couche de cire. Quelques fa-bricans aiment mieux employer une mèche centrale , composée de soie écrue ou bien un canevas plein et solide, qu'on enduit de même d'une couche de cire. M. Guillon en a fait fabriquer en baleine terminée par une extrémité cylindrique, olivaire , coni-que ou à ventre , afin qu'en leur donnant beaucoup de finesse ,
elles conservassent uneforcesultisante. Toutes ces espèces de bou -gies n'étant pas susceptibles de se gonfler par l'humidité , n'aug-mentent pas de volume, et par conséquent n'ont qu'une action , pour ainsi dire passive sur les parois du canal, aussi a-t-on songé à leur substituer des bougies qui jouissent de la propriété dont elles manquent; telles sont celles en corde à boyau, qu'on peut employer très fines et qui forment de très bonnes bougies. Beaucoup vantées par les uns et beaucoup décriées par les autres, celles faites avec de l'ivoire, que M. D'Arcet a rendu flexible en le dépouillant de ses sels calcaires, et qui sont fabriquées par M. Cbarrière, seraient aussi très bonnes, si on n'avait remarqué qu'elles ont de la tendance à se dissoudre, ce qui a empêché de les adopter dans la pratique, crainte d'accident.
Autrefois on se servait beaucoup debougies médicamenteuses, mais maintenant elles sont fort peu employées. C'est peut-être à tort, car il est des circonstances où l'on pourrait avec avantage, pour modifier l'état de la muqueuse urétrale, introduire jusque sur le rétrécissement, l'opium, la belladone, la jusquiame, le mer-cure, l'acétate de plomb, l'alun, et diverses autres substances caus-tiques, narcotiques , cathétériques , mêlées avec des corps gras.
Nous avons dit qu'on faisait des bougies cylindriques et co-niques, ou à ventre. Les bougies coniques, qui augmentent de volume à mesure qu'elles pénètrent plus profondément, présen-tent ceci d'avantageux qu'on n'est pas obligé de les changer aus-sitôt qu'elles ont produit leur effet. Mais d'un autre côté, elles ont de la tendance à s'échapper du canal, et compriment davan-tage la partie du rétrécissement qui est en contact avec leur base que celle qui est en arrière, d'où il résulte qu'elles fatiguent beaucoup l'urètre. 11 est vrai qu'on pourrait y remédier en ren-dant le cône très allongé, mais alors leur extrémité pointue ar-riverait trop vite dans la vessie pour qu'elles eussent le temps d'agir sur la coarctation. Pour éviter tous ces effets désavanta-geux, et leur conserver leur avantage, il faudrait les combiner de façon que leur extrémité vésicale, par exemple, fût conique dans l'étendue de 3 à l\ centimètres, tandis qu'elles seraient cylindri-ques dans le reste de leur étendue. Il serait inutile d'établir cette modification pour des bougies d'un trop petit calibre.
Les bougies à ventre qui présentent un renflement fusiforme dans l'étendue de 5 à 6 centimètres (2 pouces), à partir de leur ex-trémité vésicale, agissent ainsi sur le rétrécissement sans fatiguer le canal, et n'ont pas de tendance à sortir comme celles qui sont coniques dans toute leur étendue.
Les bougies creuses ne diffèrent des sondes en gomme élas-tique que parce qu'elles n'ont pas d'yeux. Elles sont moins dures que les bougies pleines, et sont souvent utiles pour traverser les rétrécissemens. Si elles étaient trop faibles, un mandrin intro-duit dans leur cavité leur donnerait la force convenable.
Comme on sait qu'un rétrécissement qui n'a pu être traversé avec telle sonde ou bougie, métallique ou flexible, peut l'être peu après au moyen d'un autre instrument, on fera bien de se mu-nir de sondes et de bougies de tonte espèce et de toute gros-seur, afin de pouvoir successivement passer de l'une à l'autre, suivant le besoin.
Manuel opératoire de l'introduction des bougies.
M. Ainussat pense qu'une position semblable à celle qu'on donne au malade pour introduire dans la vessie une sonde droite
T. VU.
facilite beaucoup l'introduction d'une bougie. Cependant on ne doit pas tenir rigoureusement à la position du malade; il faut le tenir tantôt debout, tantôt assis; dans d'autres cas le faire cou-cher horizontalement. On introduit la bougie, préalablement huilée, jusqu'à l'obstacle. Lorsqu'on la sent arrêtée par lui ou par toute autre cause, comme une ride ou une lacune de Morgagni, on la retire de quelques millimètres, on la fait tourner sur elle-même entre les doigts, et on l'incline à droite et à gauche en la poussant doucement vers le rétrécissement pour tâcher d'en in-troduire la pointe dans son orifice. Si l'on y arrive, elle ne res-sort pas lorsqu'on cesse de la pousser, et même elle résiste lors-qu'on veut la retirer; on sent, en un mot, qu'elle est retenue par quelque chose. Si au contraire elle n'y arrive pas, loin d'offrir de la résistance lorsqu'on la tire à soi, elle ressort d'elle-même aus-sitôt qu'on cesse de presser. En pareil cas veut-on forcer, la bougie se pliera si elle était trop molle, on pourra déchirer le ca-nal si elle était trop dure. Dans le cas où , après des essais assez prolongés, on sent toujours le bec de la bougie arcbouter contre l'urètre, on peut favoriser son introduction avec deux ou trois doigts placés contre le périnée ou le canal , ou bien substi-tuer une bougie moins volumineuse à celle dont on se sert; et si on ne réussissait pas encore, ce serait là le cas de l'introduire à travers le conducteur de Ducamp préalablement placé. Enfin, lorsque après des tentatives assez long-temps prolongées on ne peut parvenir à franchir l'obstacle, plutôt que de fatiguer inutilet ment l'urètre, il vaut mieux fixer la sonde dans la place qu'elle occupe,et recommencer au bout d'une demi-heure ou trois quarts d'heure : c'est ainsi qu'agissait Dupuytren. Avec cette précaution il lui est arrivé très souvent de réussir à introduire une bougie dans un rétrécissement qu'il n'avait pu franchir une heure ou un in-stant auparavant. Il est à croire cependant que,dans ce cas, le bec de la sonde se trouvait déjà un peu engagé dans l'orifice de l'ob-stacle. On réussit mieux encore en laissant la sonde à demeure après l'avoir préalablement enduite de pommade de belladone. Si le canal est très douloureux et s'il laisse écouler du sang, il faut suspendre toute manœuvre pour la reprendre quelques in-stans après, ou le lendemain s'il n'y a pas rétention complète.
Enfin, lorsque la bougie a dépassé le rétrécissement, il faut continuer à l'enfoncer seulement jusqu'à l'orifice vesical de l'u-rètre et la fixer en position. Si elle est emplastique et renflée, on peut se borner à la replier sur le gland; mais si elle est conique ou cylindrique, comme elle aurait de la tendance à sortir, pour l'en empêcher il faut, après l'avoir repliée, la coiffer avec uncon-dom, espèce de petit sac de toile fine qui enveloppe en même temps une partie de la verge. Enfin la sonde en gomme élastiq u sera fixée par l'un des procédés cjue nous avons indiqués à l'ar-ticle cathétërisme.
Le temps pendant lequel on doit laisser la première bougie dans le canal n'a rien de fixe ; si son introduction a été doulou-reuse on la retire au bout de dix minutes ou d'un quart d'heure, pour la replacer dix à douze heures plus tard. Dans les introduc-tions suivantes on prolonge la durée de son séjour ; ainsi on la laisse une, deux ou trois heures, à plusieurs reprises dans la même journée : mais si l'introduction de la première bougie se fait avec facilité, et que le contact en soit indolent, on peut de prime abord la laisser plusieurs heures, et ne la retirer que pour lui en substituer une plus grosse. Ordinairement, lorsque la bougie est introduite, l'urine sort entre elle et les parois du canal ; si ce liquide ne peut être excrété, et que cependant le malade ait besoin d'uriner, il suffit souvent de retirer un peu la bougie, surtout si
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rlle est conique, pour que l'urine s'échappe. En pareil cas M. Amussat fait une injection d'eau entre la tige et les parois du canal, et prétend en retirer des avantages. Lorsque l'urine s'est écoulée, il devient souvent facile de pousser plus profondément une bougie qu'on avait eu peine à introduire auparavant; dans quelques cas enfin il faut absolument retirer l'algalie chaque fois que le malade veut uriner.
L'époque à laquelle il convient de remplacer la première bou-gie n'a rien de fixe: aussitôt qu'elle n'est plus très serrée dans le canal, qu'elle commence à y jouer assez librement, sans causer trop de douleur, ordinairement 12 ou 24 heures après son intro-duction, il convient de la retirer, de lui en substituer immédia-tement une plus grosse, et ainsi de suite jusqu'à un certain degré de dilatation. Suivant M. Velpeau les bougies coniques présentent cet avantage qu'il suffit de les enfoncer un peu plus profondé-ment pour obtenir le même résultat qu'en leur en substituant une nouvelle. On pourrait continuer l'emploi des bougies jus-qu'à dilatation complète du canal, mais il est de règle qu'après avoir obtenu un certain degré d'élargissement, on substitue aux bougies des sondes en gomme élastique. Ce n'est pas seulement parce que c'est le moyen d'arriver plus sûrement et plus promp-tement à son but,comme le dit Boyer, mais parce qu'il y a des cir-constances où il faut nécessairement y avoir recours : comme lorsqu'il existe une fausse route plus ou moins profonde, dans laquelle il serait dangereux que l'urine séjournât, ou lorsque déjà il s'est iormé des crevasses derrière l'obstacle. Le moment défaire cette substitution est celui où l'on juge qu'une sonde du n° 3 ou 4 pourra franchir la partie de l'urètre qui est rétrécie et pénétrer dans la vessie. Lorsque cette sonde est introduite, on la laisse en place pendant cinq à six jours, ensuite on lui en substitue une autre plus volumineuse, et l'on continue de la même manière jusqu'à ce qu'on soit arrivé au n" 8 ou g. Boyer pense quelagué-rison qu'on obtient de cette façon est plus solide et plus durable que celle qu'on obtient par les bougies.
Lorsqu'un malade ne peut uriner avec une bougie, ou lorsque le cathétérisme est rendu difficile par la présence d'une fausse route, ou par toute autre cause, et que l'on craint de ne pouvoir substituer une autre sonde à celle qui est introduite, on peut se servir de la sonde conductrice de M. Amussat: c'est une sonde en argent droite ou courbe, dont le pavillon peut se dévisser ou se déplacer à volonté, et dont le mandrin peut se vissera son ex-trémité extérieure pour en doubler la longueur. Lorsqu'après des tâtonnemens plus ou moins long-temps prolongés, on est parvenu à l'introduire à travers le rétrécissement, au lieu de la retirer pour y substituer une sonde en gomme élastique ordinaire, on ôte son pavillon, on visse son mandrin, comme il a été dit, et l'on fait filer dessus une sonde élastique plus grosse et ouverte par ses deux bouts; de cette façon, il est impossible qu'elle se dévie. Enfin on retire la sonde conductrice. Lorsqu'on veut changer la sonde qui est dans le canal, on introduit d'abord par la cavité la sonde d'argent sur laquelle on fait filer comme précédemment une nou-velle sonde flexible.
La longueur du traitement des rétrécissemens par la dilatation graduée, varie suivant la dureté et la résistance de la coarctation, et suivant aussi le degré de sensibilité du canal et d'impressio-nabilité du malade; autrefois on comptait en général deux ou trois mois, quelquefois bien plus encore. Toutefois depuis quel-ques années on est parvenu à obtenir en un mois des guérisons, qui, avant, en exigeaient plusieurs, ce qui tient à ce qu'on ne s'est pas astreint, comme le voulaient Desault et les chirurgiens de son école, à substituer aux bougies et aux sondes déjà introduites, des bougies ou des sondes d'un numéro immédiatement au-des-sus : ainsi, au lieu de remplacer le n" 2 par le n°3 on le remplace par len°4, celui-ci par le n" 7, et ce dernier par le n" 9 ou 10. M. Velpeau, le principal auteur de cette nouvelle méthode, dit, qu'il a acquis la conviction, fondée sur un assez grand nombre de faits, qu'on peut arriver dans l'espace de vingt à trente jours, chez la majorité des sujets, à redonner ainsi au canal les dimen-sions naturelles, surtout à l'aide des bougies coniques, et même il a fréquemment obtenu de ces dilatations dans l'espace de six, huit, douze ou quinze jours sur des malades, dont le rétrécisse-ment datait de plusieurs années, et sur quelques autres qu'on avait déjà traités, soit par les bougies, soit par la cautérisation, mais dont la cure ne s'était pas maintenue.
Il faut seconder le traitement dilatant par des bains, des fric-tions mercurielles, des cataplasmes émolliens et narcotiques; par des évacuations sanguines locales et générales, et par un régime adoucissant.
L'action des bougies ou des sondes sur l'urètre et ses rétrécis-semens est toute mécanique; elles agissent comme un corps inerte, une sorte de coin, qui n'exerce d'influence que par ses qualités physiques de forme, de résistance et de volume ; en un mot elles agissent sur le canal par une compression excentrique, le dilatent et l'irritent. La dilatation est proportionnelle à la compression ; l'irritation vient après, et se traduit à l'extérieur par de la gêne, du malaise, de la douleur même, et quelquefois une sécrétion muqueuse, blanchâtre, analogue àcelledufluxblennorrhagique, qui disparaît au bout de quelques jours.
C'est de là que quelques pathologistes ont pris occasion de dire que les bougies et les sondes avaient en outre la propriété d'ulcé-rer le rétrécissement ; E. Home soutient encore cette doctrine, et se range au nombre de ceux qui pensent que la coarctation ne peut guérir d'une manière radicale qu'en subissant une perte de substance, tandis que si elle est simplement dilatée, elle doit né-cessairement reparaître dès qu'on cesse l'usage des instrumens di-latans. Mais c'est une erreur fort grave, et très préjudiciable à l'art, que de supposer et de chercher à faire croire qu'il faille absolument qu'un rétrécissement s'ulcère pour bien guérir, car ce serait alors précisément le contraire qui aurait lieu.
En effet, si l'ulcération succédait à l'usage des bougies ou des sondes, pour que la cicatrisation s'opérât, il faudrait qu'il se pas-sât dans l'urètre les mêmes phénomènes qu'il se passe ailleurs dans des cas semblables, c'est-à-dire une rétraction des tissus, et par suite le rétrécissement se reproduirait avec plus d'intensité qu'auparavant.
On a lait de graves reproches à la méthode que nous venons d'étudier, et, entre autres, d'être d'une application difficile, quel-quefois impraticable, presque toujours douloureuse, d'exiger beaucoup de temps, de ne produire que des guérisons douteu-ses ; de ne faire que pallier la maladie qui revient à-peu-près constamment. Enfin on a dit qu'elle n'était pas sans dangers. Ces reproches ont quelque chose de vrai, mais ils sont considérable-ment exagérés. Sans doute le cathétérisme est quelquefois diffi-cile , il cause un peu de douleur, mais il est rarement impratica-ble pour un chirurgien exercé et instruit. Quant à exiger beau-coup de temps, ce reproche pouvait être fondé à l'époque où l'on suivait strictement les préceptes de Desault, mais depuis que M. Velpeau a montré, par de nombreuses observations, qu'on pouvait sans inconvéniens franchir plusieurs intervalles , la gué-
rison est beaucoup plus prompte. Enfin, dire que la maladie revient à-peu-près constamment, n'est pas exact. Certes, si le malade recommençait à se livrer à des écarts de régime, son urètre, qui a déjà été le siège de maladies antérieures, serait plus sujet à en contracter de nouvelles, ou à offrir la récidive des an-ciennes , qu'un canal qui aurait toujours été exempt de rétrécis-sement; mais lorsque les opérés sont tempérans et continens, bien que plusieurs d'entre eux voient revenir leur maladie, on peut dire, que la plupart rentrent dans des conditions à-peu-près normales, et n'ont besoin , pour éviter les récidives, que de se passer, ou de se faire passer tous les quinze jours, tous les mois ou tous les deux mois, une sonde dans le canal, et de la garder quelques minutes. Reste donc l'imputation de dangereux attribuée à ce traitement : pour faire justice d'un pareil reproche, il suffit d'observer les nombreux malades qui y sont soumis, et de voir combien peu éprouvent des accidens graves. Il est vrai qu'on a vu quelquefois survenir un accès de fièvre, ou bien un engorgement du testicule ou du cordon qu'il faut attri-buer à ce qu'on avait l'habitude délaisser les bougies constam-ment à demeure et de les enfoncer jusque dans la vessie, où leur contact permanent, avec la muqueuse urètro-vésicale, déterminait une irritation et puis une inflammation qui se propageait à ces organes ; mais aujourd'hui qu'on use de plus de précaution , ces accidens sont rares et d'ailleurs ils n'ont rien de sérieux.
Dilatateurs. Pour éviter l'usage dessondes, qui agissent autant sur les parties saines que sur les parties malades, on a proposé di-vers instrumens auxquels on a donné lenom de dilatateurs; celui de Ducamp(V\. 54, fig- 16) est constitué par une petite poche de baudruche, cylindrique ou fusiforme, soutenue par un stylet, et portée par une canule flexible. On introduit l'appareil aplati dans le rétrécissement, et lorsqu'il y est parvenu on le dilate en y insuf-flant de l'air. Ducamp pensait que cette poche ainsi distendue n'a-vait d'action que sur la partie rétrécie du canal; mais il n'en est pas ainsi : elle se moule sur les parties et proémine au-delà et en deçà. M. Costallat pense qu'on parviendrait plus sûrement au même but au moyen d'un appareil qui se compose d'un sac très étroit, en linge, fin dont l'extrémité fermée est portée vers la vessie au moyen d'un stylet flexible ; ce sac garni d'une virole à son extré-mité externe, est destiné à recevoir des brins de charpie ou de co-ton qu'on pousse au moyen d'une petite fourche à dents mousses dans la coarctation, afin de la dilater. M. Desruelles a proposé une canule métallique longue de 3 à 5 centimètres, qu'on laisse au centre du point resserré, après l'y avoir portée au moyen d'un autre instrument, et qu'on peut retenir au-dehors à l'aide d'un fil. —Le dilatateur à quatre branches de M. Amussat (fig. 17 , pl. 54), celui à' A. Cooperk deux branches fig. 20 ) et celui de M. Charrière à trois branches (fig. 18) sont droits et placés dans une canule. Arrivé dans le rétrécissement, on pousse un mandrin qui écarte leurs branches d'autant plus qu'on le pousse davan-tage et qui produit la dilatation qu'on désire. A. Cooper en a imaginé un autre qui est courbe et à trois branches, pour dilater l'urètre dans ses parties membraneuse et prostatique ( fig. 21 ), et qui agit très bien. Mais ces derniers instrumens ayant été imaginés dans un but autre que celui de dilater les rétrécissemens de l'urètre et surtout pour préparer la voie aux calculs contenus dans la vessie ou engagés dans le canal, nous ne faisons que les mentionner ici.
Du reste quelque ingénieux cpie puissent paraître tous ces instrumens ils laissent encore beaucoup à désirer. Nous voudrions pouvoir parler d'un nouveau genre de dilatateur imaginé par M. Perreve et dont il paraît que l'auteur a obtenu de grands avan-tages. Mais nous ne saurions dire en quoi consiste le mécanisme de l'instrument, l'auteur ne l'ayant pas rendu public.
DILATATION forcée.
On ne doit pas entendre la même chose par dilatation for-cée et cathétérisme forcé. La dilatation forcée, introduite depuis peu dans la chirurgie, s'applique aux rétrécissemens quelconques et constitue une manière particulière de les traiter, tandis que le cathétérisme forcé, depuis long-temps employé, s'applique surtout aux cas où il y a rétention d'urine complète, quelle qu'en soit la cause, lorsqu'il est indispensable d'évacuer l'urine.
La dilatation forcée a été proposée en 1835 par M. Mayor de Lausanne comme une méthode nouvelle pour traiter les rétré-cissemens de l'urètre. Sortant de la route battue, mais oubliant peut-être un peu trop les préceptes de prudence consacrés par la saine pratique, M. Mayor a pensé que l'on avait tort de se servir de sondes de métal, de dilatateurs, de bougies et de sondes de caoutchouc, en augmentant graduellement leur volume. Quant à lui, disait-il, jamais il n'attaquait les rétrécissemens, quels qu'ils fussent avec des sondes d'un petit calibre; loin de là, c'est que, plus le rétrécissement était prononcé et opiniâtre, en d'autres termes, plus l'urètre offrait de difficultés au cathétérisme et à la libre excrétion des urines, plus aussi il avait soin de s'armer d'un cathéter de plus en plus volumineux. En effet, M. Mayor a fait fabriquer des sondes en étain dont le calibre varie entre 5 et 10 millimètres. Ces sondes sont courbes, et ne portent qu'un œil sur leur concavité (PL 56 bis, fig. 1). Le traitement n'est complet qu'alors qu'on est parvenu à introduire la plus grosse. Ce langage d'un homme sérieux, si nouveau pour nous et si contraire aux idées généralement reçues , ne provoqua pas seulement de l'étonnement, peu s'en fallut qu'on ne le traitât d'absurde. Cependant, avant de juger on voulut exa-miner les raisons sur lesquelles se fondait l'auteur, et sou-mettre sa méthode au creuset de l'expérience; ainsi il préten-dait: i° que son moyen était plus sûr et allait plus vite au but que la dilatation graduée. Eh bien! M. Mayor lui-même à l'Hôtel-Dieu, dans le service de Sanson, n'a pas pu péné-trer , après de longues et de violentes manœuvres, dans la ves-sie de plusieurs malades atteints de rétrécissemens moyens, et cependant l'un d'eux avait pu être sondé par Sanson avec une sonde d'argent d'un moindre volume, ainsi que le dit M. Boinet alors interne, qui a publié avec détail toutes ces observations. (Gaz. méa1.). A l'hôpital St-Louis, il a également échoué sur un canal où, après ses tentatives infructueuses, M. Jobert a pu péné-trer avec une petite bougie. 2°M. Mayor alléguait encore qu'on ris-quait moins de faire fausse route avec de grosses sondes qu'avec de petites, parce que la muqueuse se trouvant mieux déplissée, leur bec était moins exposé à se fourvoyer dans ses plis. Mais les essais malheureux de MM. Bérard jeune et Malgaigne qui, quoique fort habiles, en ont produit chacun une, en voulant tenter cette nou-velle méthode, et les désordres produits par M. Mayor lui-même, sur le canal d'un malade qui a succombé dans le service de M. Cloquet, sont venus donner un démenti à ce précepte. Que si l'on veut citer à l'encontre les malades traités dans le service de M. Devergie, on pourra répondre que tous avaient d'abord été cautérisés, et avaient été traités par des bougies ordinaires de n° i,2^3,4, 5, avant d'admettre les cathéters Mayor, qui ne
sont venus c|ue pour compléter la cure à la place île grosses son-des qu'on emploie ordinairement. Si on ajoute à ces faits que les observations fournies par M. Mayor à l'appui de sa méthode, sont incomplètes, mal choisies, et plutôt contraires que favo-rables à ses opinions, ce qu'il est facile de voir en le lisant, comme l'a démontré M. Velpeau , et surtout en lisant l'examen critique qu'en a fait M. Vidal (de Cassis), ainsi que de la méthode en général {Journal hebdomadaire n° 4? ' 835), on reconnaîtra que les raisons invoquées par M. Mayor en faveur de sa manière de voir, sont plus spécieuses que solides ; et on en conclura que sa nouvelle méthode, loin d'être susceptible de devenir générale, ne doit être considérée que comme une méthode exceptionnelle, dont les applications se restreignent dans les cas suivans :
t° Quand les rétentions d'urine ont lieu par tumeur ou mala-die de la prostate, par aplatissement ou par déviation de l'urètre, parce que, étant lourdes et d'un gros volume,ies sondes d'étain ne peuvent s'engager dans les lacunes et les orifices excréteurs de la glande, compriment efficacement le lobe gonflé, et déplissent mieux la muqueuse urétrale; a" lorsque les rétrécissemens sont peu considérables, encore récens, et surtout de nature spasmo-dique; 3" pour le cathétérisme évacuatif existant sans rétrécisse-ment; 4° dans la terminaison de la cure des rétrécissemens déjà traités par de petites sondes ou bougies, ou parla cautérisation. A ces divers titres, mais à ces titres seuls, les cathéters de M. Mayor doivent faire partie de l'arsenal du chirurgien.
cautérisation.
La cautérisation de l'urètre, comme la plupart des procédés chirurgicaux, n'était à son origine soumise à aucune règle bien fixe. Au sortir du moyen âge on la voit employée par les chirur-giens des quinzième, seizième et dix-septième siècles, dans le but de détruire des carnosités, des végétations et des fongosités du canal. A cet effet ils portaient dans son intérieur certains instru-mens, bougies, ou autres, chargés de substances caustiques dans le point qu'on supposait devoir répondre au rétrécissement. Les caustiques les plus employés étaient : le vert-de-gris, le vitriol, la sabine, l'alun, mêlés à des substances emplastiques.
Procédé dA. Paré. Partageant les idées, ou plutôt les préjugés de son époque, Paré conseille de couper les carnosités de l'u-rètre avec des stylets en forme de râpes, et de les consumer en-suite avec des caustiques (Liv. xix, ch. 27). Pour cautériser, il introduisait dans le canal une canule droite, en argent, ouverte par ses deux extrémités. Il l'enfonçait jusqu'à ce qu'elle fût en rapport avec la partie malade sur laquelle il portait, à tra-vers la cavité de la canule, un mince stylet, dont la tête était en-veloppée d'une petit morceau de linge couvert de poudre caus-tique, et en particulier la poudre de sabine incorporée dans du beurre frais.
C'est par ce moyen que Loiseau traita Henri IV, roi de France, et parvint à le guérir en cinq semaines d'un rétrécissement qui provenait de blennorrhagies.
Plus tard on substitua aux poudres et aux onguens cathéréti-ques, la pierre infernale ou le nitrate d'argent. François Ron-calli a décrit, dans un ouvrage imprimé en 1720, la manière dont il l'employait, ainsi que l'instrument dont il se servait pour le porter dans l'urètre : c'était une canule et un porte-crayon; mais soit à cause d'accidens survenus par son emploi, soit à cause de la pusillanimité des malades, sa méthode était tombée en désué-tude, lorsque Wiseinan d'abord et puis John Hunier, entrepri-rent de la remettre en honneur.
Procédé de ./. Hunter. Ce célèbre chirurgien se servait d'une canule comme celle de Paré, mais elle était fermée à l'une de ses extrémités par un bouton arrondi porté sur un stylet, pour facili-ter son introduction et empêcher qu'elle ne se remplît de mucus, qu'aurait pu dissoudre trop tôt le caustique. Lorsqu'elle était arrivée sur le rétrécissement on retirait ce stylet, et on lui substi-tuait un porte-crayon armé de nitrate d'argent, qu'on laissait environ une minute en contact avec la partie rétrécie du canal ; puis on la retirait, et on injectait aussitôt de l'eau par la même canule , pour entraîner au-dehors toutes les parties du caustique en excès qui auraient pu être dissoutes dans le canal et l'irriter. Hunter répétait l'application du nitrate d'argent tous les deux ou trois jours, j usqu'à ce que la canule pût traverser le rétrécissement. On a fait de graves reproches à ce procédé, on a dit, entre au-tres choses, avec raison , que le nitrate d'argent pouvait se briser dans la canule, tomber dans le canal, sans qu'on pût le retirer, et y causer de graves accidens.
Procédé d'E. Home. L'observation , si bien fondée, que nous venons de mentionner n'a pas empêché E. Home d'adopter avec chaleur la manière d'agir de Hunter, et même de modifier son procédé d'une manière désavantageuse. En effet, négligeant de se servir de la canule conductrice, il se contente de porter dans l'urètre une bougie de moyenne grosseur, pour frayer le passage et pour mesurer la distance du rétrécissement au méat; puis de marquer cette distance sur une mince bougie dans la pe-tite extrémité de laquelle se trouve enchâssé un morceau de ni-trate d'argent qui ne la dépasse que d'une ligne environ, et dont le bout est arrondi. Il introduit cette bougie ainsi préparée , jus-qu'au rétrécissement, et l'y maintient appliquée pendant une minute environ , en appuyant d'abord assez fortement et en di-minuant ensuite graduellement la pression.
Il serait inutile d'insister sur les inconvéniens d'un semblable procédé. On voit de suite, que non-seulement il expose plus que celui de Hunter à la fracture du caustique, mais qu'il expose surtout à cautériser, très inutilement, toutes les parties saines du canal qui sont au-devant du rétrécissement; néanmoins, malgré tous ses inconvéniens réels, malgré les dangers auxquels il expose les malades qu'on y soumet, malgré la vive réprobation que lui ont infligée plusieurs chirurgiens distingués d'Angleterre et de France ; enfin en dépit des progrès et des améliorations considéra-bles qu'on a fait subir dans ces derniers temps, en France, aux instrumens propres à pratiquer la cautérisation de l'urètre, il n'en est pas moins vrai que les procédés de Hunter et de Home sont encore suivis par la majorité des chirurgiens anglais. Cepen-dant, quelle différence dans la précision et la sécurité fournies par l'usage des instrumens imaginés par Ducamp. « La méthode de la cautérisation, dit M. Lallemand, lui est redevable de si heureux perfectionnemens, d'une sûreté si grande, d'une popu-larité si universelle, qu'on peut, sans injustice, lui en attri-buer la véritable création. »
Procédé et instrument de Ducamp. Après avoir mesuré la distance du rétrécissement au méat et reconnu sa forme, la po-sition de son ouverture et son étendue, Ducamp procédait à la cautérisation. Ayant pour but de ne jamais toucher aux parties saines, il pénétrait dans le rétrécissement afin de pouvoir cauté-
riser du centre à la circonférence, ou des parties profondes vers les parties saines; l'instrument dont il se servait était appelé porte-caustique (pl. 5/i, fig. 29, 3o) ; il était constitué par une canule en gomme élastique très flexible, du n° 7 ou 8, de 8 pou-ces de longueur (21 à 22 cent. ), garnie à son extrémité d'une douille en platine, longue de 6 lignes ( i3 millim. ) fixée sur elle à vis, et portant dans son intérieur deux rainures allant jusqu'à son extrémité. Cette douille renfermait un cylindre de même mé-tal , long de 5 lignes ( 11 millim.) et de 2 millim. de diamètre, supporté par une petite bougie en gomme élastique qui lui ser-vait de manche. Ce cylindre, dont l'extrémité était arrondie, était creusé en avant d'une cuvette profonde, longue de 2 lignes, et large de un quart de ligne, destinée à recevoir le nitrate d'ar-gent ; on ne pouvait le faire saillir au dehors de plus de 11 milli-mètres , parce que deux goupilles placées sur ses côtés glissaient dans les rainures de la douille et se trouvaient arrêtées sur son bord inférieur; il était facile de le retirer dans son intérieur, de manière qu'il fût caché pendant son introduction, et de l'y maintenir en faisant subir à la tige qu'il portait un léger mou-vement de rotation , de façon que les goupilles ne fussent plus en rapport avec les rainures de la douille, mais avec son bord supérieur qui les retenait. Pour fixer le nitrate d'argent dans la cuvette du cylindre, on y place quelques petits fragmens du caustique, on approche l'instrument de la flamme d'une bougie, le sel fond, se répand également dans toutes les parties de la cu-vette, et s'y attache solidement; il ne reste plus qu'à l'unir avec une pierre-ponce.
Cela posé, admettons, dit Ducamp, que nous ayons reconnu à 5 pouces de profondeur un rétrécissement dont l'ouverture est centrale ; le porte-caustique étant fermé et huilé, nous l'intro-duisons dans le canal, il rencontre à 5 pouces de profondeur une résistance en même temps que le n° 5 marqué sur la canule cor-respond au méat urinaire. Faisant alors décrire un quart de cer-cle à la tige intérieure, et la poussant en avant, le cylindre garni de caustique sortira de sa gaîne, et pénétrera dans l'obstacle. Comme il est utile de cautériser ce dernier dans toute sa cir-conférence, nous ferons tourner l'instrument sur son axe en le poussant légèrement, de manière à ce qu'il n'abandonne pas l'obstacle; au bout d'une minute, nous retirerons la tige in-térieure , et le caustique étant rentré dans sa gaîne nous ôterons l'instrument.
Si l'obstacle est placé au bas ou sur les côtés, il faudra diriger le cylindre vers lui, et ne faire exécuter à l'instrument que des demi-rotations. De cette façon la paroi opposée du canal sera ménagée. Si l'ouverture du rétrécissement, au lieu d'être centrale, est latérale , il faudra substituer à la douille cylindrique une douille portant une saillie à son extrémité. Cette saillie rejetant l'ouverture de la douille vers l'orifice de l'obstacle, le cylindre pourra facilement être poussé dans sa direction, et pénétrer dans la coarctation.
Après la première cautérisation, Ducamp laissait reposer son malade, pendant deux ou trois jours, suivant la nécessité, pour donner à l'eschare le temps de tomber. Au bout de ce temps, il prenait une seconde empreinte , voyait de combien l'orifice du rétrécissement s'était agrandi, et ce qu'il en restait encore à dé-truire; il appliquait pour la seconde fois le caustique dessus; au bout de trois autres jours, au moyen d'une nouvelle empreinte, il s'assurait de la largeur de l'obstacle, et il y introduisait une petite sonde. Si elle parvenait jusqu'à la vessie, c'est qu'il n'y avait pas de rétrécissement plus profondément situé. Alors il la retirait et
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cherchait à lui substituer une sonde n. 6; s'il y parvenait, il ne cautérisait plus, et achevait la cure par la dilatation. Si au con-traire il ne pouvait pénétrer, il pratiquait une troisième cauté-risation, après laquelle il parvenait ordinairement à introduire la sonde n° fi ; il était fort rare qu'il fût obligé d'y revenir une qua-trième fois.
Dans les cas où Ducamp rencontrait un second rétrécissement, il l'attaquait aussitôt qu'il pouvait facilement arriver jusqu'à lui avec ses instrumens ; il le traitait comme le premier, et s'il en exis-tait un troisième, il ne s'en occupait qu'après avoir détruit le se-cond. Ainsi Ducamp n'attaquait les rétrécissemens que les uns après les autres.
Pour les rétrécissemens situés au-delà du bulbe, Ducamp pen-sant que son porte-caustique ne pouvait être appliqué sans dan-ger, lui substituait une canule en gomme élastique, légèrement courbe à son extrémité, et portant une douille dont les rainures latérales se terminaient en pointe, dans un sillon circulaire, placé près de son extrémité, de façon qu'en faisant saillir le cylindre, on pouvait lui imprimer des mouvemensde rotation sans tourner l'instrument lui-même.
Le procédé de Ducamp pour la cautérisation de l'urètre qui paraît, au premier abord, si ingénieux et si séduisant, n'en est pas moins sujet à une foule d'inconvéniensqui lui ont attiré des reproches mérités, et ont nécessité qu'on y apportât des modifi-cations importantes.
Ces inconvéniens les voici : Le cylindre destiné à porter le ni-trate d'argent, étant chauffé, pour mettre ce sel en fusion, brûlait souvent le bout de bougie qui le supportait, et finissait par s'en séparer; il était souvent difficile d'engager les goupilles de ce cy-lindre dans les rainures de la douille, et il fallait souvent se livrer à des tâtonnemens assez longs, avant de pouvoir le faire pénétrer dans l'ouverture du rétrécissement. Alors les mucosités du canal, ou du sang qui sort quelquefois avec beaucoup de facilité, mis en contact avec le nitrate d'argent le dissolvaient; il se répandait dans l'urètre au-devant de l'obstacle, cautérisait les parties saines, et lorsque le cylindre était parvenu dans le rétrécissement, sa cuvette était vide, et il n'avait plus d'action sur ses parois. D'au-tres fois on l'a vu pénétrer dans l'épaisseur de la coarctation, et y creuser une fausse route; enfin l'inconvénient le plus grave c'est qu'avec le porte-caustique de Ducamp, on ne pouvait atta-ques les rétrécissemens que les uns après les autres, et d'avant en arrière. Or s'il arrivait que le plus profond fût le plus consi-dérable, et s'opposât plus que les autres à l'excrétion de l'urine, on se trouvait dans l'obligation de perdre un temps précieux, pour détruire ceux qui étaient avant lui, et dans l'impossibilité de satisfaire à un besoin qui d'un instant à l'autre pouvait de-venir une nécessité.
Procédé de M. Lallemand de Montpellier. M. Lallemand donne le nom de sondes à cautériser à ses porte-caustiques (Pl. 34, fig. 32, et Pl. 56 bis, fig. 6). Les unes sont droites, pour laportion du canal antérieur à la courbure, et les autres courbes, destinées à porterie caustique dans toute la courbure urétrale jusqu'auprès du col de la vessie. Les unes et les autres se composent : i° d'un tube de platine ouvert à ses deux extrémités, destiné à protéger le nitrate d'argent ; 20 d'un stylet ou mandrin de même métal, portant le caustique, de 16 millimètres (7 lignes) plus long que le tube, et bouchant exactement l'ouverture antérieure de celui-ci, à l'aide d'un renflement olivaire. 3° D'un écrou mobile vissé à l'autre extrémité du mandrin et pouvant être rapproché
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ou éloigné de la canule «le manière à limiter retendue de h eau térisalion; 4" enfin d'un curseur, armé d'une vis de pression, ap-pliqué au tube et destiné à mesurer la profondeur à laquelle pé-nètre la canule. Il faut avoir des porte-caustiques droits ou cour-bes de divers volumes gradués entre eux, depuis len. i jusqu'au n. 6. Les porte-caustiques courbes sont munis de deux mandrins dont l'un porte sa cuvette sur sa convexité et l'autre sur sa con-cavité; parce que chaque mandrin étant courbe, et par cette raison ne pouvant tourner sur lui-même ne peut cautériser cpie la paroi de l'urètre avec laquelle sa cuvette se trouve en rapport. M. Ségalas voulant remédier à cet inconvénient se sert d'un porte-caustique courbe muni de petits chaînons dans son quart profond, ce qui permet d'exécuter tous les mouvemens de rota-tion nécessaires et de tourner sa cuvette successivement vers les divers points du cercle malade. M. Velpeau remplace les chaî-nons de. M. Ségalas par un paquet de fils d'argent roulés en spi-rale pour les rendre flexibles et moins faciles à briser.
La manière générale de procéder de M. Lallemand est la sui-vante : un malade présente un rétrécissement long de i4 milli-mètres ( G lignes ), commençant, à G centimètres ( 3 pouces) de l'ouverture du gland , le porte-caustique n. i étant préparé, l'é-crou mobile que porte le mandrin à son extrémité externe , est fixé à i4 millimètres ( G lignes) de l'extrémité correspondante de la canule, et le curseur est fixé à xo centimètres (3 pouces et demi ) de son extrémité antérieure. Pour plus de sûreté on lute avec de la cire l'espace qui peut rester libre entre l'extrémité olivairedu mandrin et l'ouverture delà canule; celle-ci est. en-duite de cérat et portée comme un stylet dans le rétrécissement. Le curseur étant en contact avec le gland, il est évident que le nitrate d'argent, jusque-là resté intact, est introduit de ^mil-limètres (G lignes) dans la coarctation ; si, saisissant alors le man-drin et le maintenant immobile , on retire la canule jusqu'à l'é-crou , il est manifeste que le nitrate sera mis à découvert, et qu'en tournant le mandrin dans tous les sens , la cautérisation sera im-médiatement opérée. Après une minute environ de contact, le mandrin étant rentré dans la canule, l'instrument peut être re-tiré.
Si après la chute des eschares le rétrécissement est assez élargi pour recevoir un porte-caustique plus volumineux, celui-ci est employé de préférence jusqu'au n. G afin de remplir plus exacte-ment la coarctation, et d'opérer des cautérisations plus com-plètes.
Dès qu'une bougie porte empreinte, n. 3 ou 4, peut passer à travers ce premier rétrécissement, il convient de l'introduire, et si à i4 centimètres (4 pouces et demi) par exemple elle s'arrête, on en conclut qu'un second obstacle existe à cette distance ; une seconde bougie n. i enduite de cire étant portée dans ce rétré-cissement, indique par la présence et l'étendue de sa déforma-tion circulaire, la dimension et la direction de ce second rétrécis-sement ; en supposant qu'il ait 7 millimètres ( 3 lignes) de lon-gueur, on fait descendre l'écrou du mandrin jusqu'à ce qu'il soit à 7 millimètres ( 3 lignes) du bout extérieur de la canule, et le curseur est fixé à 11 centimètres ( L\ pouces 7 lignes ) de son au-tre bout. L'instrument fermé est, porté dans la coarctation comme un stylet, et lorsque le gland est en contact avec, le curseur, on dé-couvre le nitrate d'argent comme précédemment, et l'on cauté-rise l'obstacle; après cette cautérisation on peut immédiatement en pratiquer une seconde avec la sonde n. 3 ou 4 sur le premier rétrécissement déjà élargi.
Si l'on découvrait plus profondément un troisième rétrécisse-ment , on agirait pour lui comme pour les deux précédens, on cautériserait ensuite le second avec le porte-caustique n. 3 ou 4 et le premier avec le n. f ou 6 s'il n'était pas guéri.
Voici les avantages que M. Lallemand attribue à son procédé : in le nitrate d'argent est toujours renfermé jusqu'à l'instant où, placé en rapport avec les tissus morbides, il doit être découvert sur eux afin de les attaquer. a° On peut explorer, cautériser et traiter de front, en quelque sorte, deux ou trois rétrécissemens, ce qui diminue beaucoup la durée du traitement; 3° dans les cas de rétrécissemens latéraux , en plaçant la pointe de l'écrou du mandrin du coté de la cuvette , on est toujours sûr de diriger le caustique dans la direction de la maladie. Avec ces avantages réels, ces instrumens néanmoins présentent, comme ceux de Du -camp, l'inconvénient d'agir d'avant en arrière et sans donner la garantie positive de n'avoir d'action que sur le rétrécissement.
Procédé de M. Amassât. Ce chirurgien, voulant encore préci-ser mieux que M. Lallemand ne, l'a fait le point à cautériser et limiter la cautérisation dans la partie rétrécie, a imaginé à cet effet, deux porte-caustiques , l'un droit et l'autre courbe. Comme tous les autres porte-caustiques, ils sont constitués par une ca-nule et un mandrin avec les modifications suivantes. L'extrémité antérieure de la canule a plus d'épaisseur sur une moitié de la circonférence que partout ailleurs , l'autre extrémité est garnie d'une petite boîte à cuir destinée à empêcher que le caustique dissous parles humeurs de l'urètre ne vienne, pendant l'opé-ration, attaquer les doigts du chirurgien. Sur deux points oppo-sés de cette boîte à cuir se trouvent des marques qui servent de points de rapport entre les différentes parties de l'instrument quand on le fait agir.
Le mandrin en argent se termine par un bout de platine long de 9 à 1 1 millimètres(4 ou 5 lignes), creusé, dans le sens de la lon-gueur, d'une petite cuvette destinée à recevoir le caustique, et qui ne s'étend que jusqu'à 1 millimètre (1 demi ligne) de l'extré-mité du mandrin. Celui-ci s'implante sur un des cotés de la circonférence d'une lentille mousse dont la partie saillante doit correspondre, au caustique, et s'adapter au côté le plus épais de la canule, de manière à former un bout mousse à l'instrument quand il est fermé. A l'autre extrémité du mandrin qui dépasse la canule de 4 centimètres ( 1 pouce ou 18 lignes), se trouve un manche cannelé, fixé au moyen d'une vis; celle-ci doit toujours être placée de manière à correspondre au côté du mandrin sur lequel est. fixé le caustique, et, par conséquent, à la lentille. Ainsi c'est absolument le même système que dans les sondes exploratrices avec la boîte à cuir, la vis et la cuvette à nitrate en plus.
Pour se servir de cet instrument, on l'introduit jusqu'au-delà du point que l'on suppose malade, on imprime seulement à la canule ou au mandrin un mouvement de, rotation pour faire saillir la lentille dont on peu toujours connaître la position dans le canal, d'après celle de la vis qui fixe la tête du mandrin , ou par les points de rapport tracés sur la boîte à cuir, bientôt, en re-tirant l'instrument, il se trouve arrêté par le rétrécissement qui est accroché par la lentille, alors l'opérateur tire à lui la canule, et met ainsi à découvert le caustique qui, se trouvant nécessaire-ment en contact avec l'obstacle où s'est arrêtée la lentille, l'atta-que d'une manière très sûre. La cautérisation terminée, on ne ferme pas complètement l'instrument, de crainte de pincer la muqueuse urétrale, et on lui imprime des mouvemens de rotation pour la retirer du canal.
C'est là le plus grave inconvénient de ce» instrument, qui, du
reste, remplit parfaitement et aussi sûrement qu'aucun autre le but qu'on se propose, d'agir d'arrière en avant et juste sur le ré-trécissement.
Le porte-caustique courbe est construit sur le même plan que le droit, seulement l'instrument ne pouvant tourner dans sa canule, il en faut deux, l'un dont le mandrin porte la cuvette sur sa convexité ; et l'autre, dont le mandrin la porte sur sa con-cavité. On se sert de l'un ou de l'autre, suivant qu'on veut agir sur la paroi supérieure, ou sur la paroi inférieure. D'un autre côté, pour faire saillir la lentille, il faut pousser la tige d'un mil-limètre en avant, et ne mettre la cuvette à nu qu'après avoir ren-contré l'obstacle.
Il existe encore beaucoup d'autres instrumens destinée à por-ter le caustique dans les rétrécissemeus de l'urètre (Pl. 5A); mais soit qu'ils présentent réellement moins d'avantage que ceux que nous venons de décrire, soit que leurs auteurs aient eu moins d'occasion de les prôner, ou soit enfin qu'on les considère comme un supplément inutile dans l'arsenal de la chirurgie, il en est fort peu question. Tel est le porte-caustique fenêtre de M. Leroy (d'E-tiolles). Comme celui de M. Lallemand, il porte un bouton oli-vaire; mais au sommet delà canule, celle-ci est percée de deux trous ou fenêtres par où le mandrin vient offrir le caustique. Tel est encore celui de M. Barré, dans lequel deux petites branches s'écartant au sommet de la canule, dilatent l'urètre au-devant du rétrécissement et donnent issue au mandrin porte-caustique, on voit que, depuis Ducamp, dans tous les instrumens , soit cpie la cautérisation ait lieu par le côté, soit qu'elle ait lieu par le sommet, l'objet est le même, de cacher d'abord le caustique pour ne le dégager que sur le point malade.
Appréciation. A l'égard des instrumens qu'on emploie, soit pour déterminer l'étendue du rétrécissement, soit pour le cautériser, nous répéterons ici ce que nous avons déjà eu maintes fois occa-sion dédire, c'est que chacun préfère les siens; il est certain que, dans la pratique, les mesures tout-à-fait mathématiques on! peu de valeur, et peuvent même quelquefois induire en erreur, à cause des changemens de forme et de longueur qu'éprouvent les tissus par leur souplesse. Et il est certain aussi qu'une main ha-bile se servira avec avantage d'un instrument que tel autre trou-vera défectueux. Aussi pensons-nous qu'on pourra indifférem-ment employer les instrumens de Ducamp, de M. Lallemand , de M. Amussat ou de tout autre chirurgien. Cependant si nous avions quelque préférence à accorder, elle serait en faveur de ceux de M. Lallemand ou de M. Amussat.
Les effets de la cautérisation sont, pour l'urètre, ce qu'ils sont pour toutes les muqueuses; elle détermine d'abord un sentiment de cuisson plus ou moins douloureux, et plus ou moins long-temps prolongé, suivant la sensibilité individuelle, et suivant aussi la sensibilité des tissus sur lesquels elle agit ; il est effective-ment à noter que dans quelques cas, les tissus du rétrécissement sont tellement indurés qu'ils sont devenus presque insensibles, et que dans d'autres le caustique touchant des parties saines ou lé-gèrement excoriées, cause plus de douleurs qu'ailleurs. En second lieu survient une congestion et une tuméfaction qui peuvent être portées, quoique rarement, au point de déterminer une rétention d'urine; cette rétention résulte aussi quelquefois de l'arrêt de pellicules ou de débris d'eschares au centre du rétrécissement. Ces effets sont rarement portés au point d'exiger la saignée et les applications de sangsues au périnée. En général, le repos, un ré-gime adoucissant, des bains, des injections lièdes, des cataplasmes, et le passage d'une bougie line dans l'urètre suffisent pour les faire tomber. Au bout de deux, trois ou quatre jours, l'action du caustique est terminée et le malade expulse avec l'urine des fausses membranes; mais quelquefois cette expulsion n'a pas lieu, bien que la cautérisation ait bien agi. Aussitôt que la sensibilité est tombée, et que le malade urine sans douleur, ce qui arrive vers le troisième ou quatrième jour, le moment est venu de re-nouveler l'application du nitrate d'argent. Sous l'influence des applications successives et convenablement répétées du caustique, les tissus subissent une modification profonde, leur mode d'in-flammation est. changé , et le gonflement, chronique de la mu-queuse urétrale et des tissus sous - jacens, se trouvent dans de nouvelles conditions qui le rendent propre à disparaître sous l'influence de la dilatation.
Il ne s'agit donc plus, ainsi que le prétendait. Hunier, et comme le soutiennent encore aujourd'hui quelques chirurgiens, de dé-truire le rétrécissement en le brûlant, en le corrodant et en l'ex-nlcérant. Une pareille manière de voir donnerait nécessairement gain de cause aux ennemis de la cautérisation, qui prétendent que les rétrécissemens traités par les caustiques sont plus sujets à récidiver que ceux qu'on traite par la dilatation, et que d'ailleurs les caustiques ne sont point nécessaires, puisqu'on ne peut les employer que dans les cas où les instrumens qui les portent peu-vent traverser le rétrécissement, et par conséquent où les bougies sont applicables. En effet, en agissant ainsi, loin de guérir, ou d'aider à la cure des rétrécissemens, on ne fait que la rendre plus difficile, car la coarctation devrait se reproduire infailliblement sous l'influence de la cicatrisation, qui ne peut se faire que par la rétraction des tissus et aux dépens du calibre de l'urètre, comme dans les cas de brûlures de la peau avec perle de substance. Mais en se bornant à appliquer le caustique de manière à modifier sim-plement la vitalité des tissus en les excitant, de façon à les forcer à se dégorger soit en expulsant au dehors, soit en faisant rentrer dans le torrent général de la circulation les matières qui sont dé-posées dans leurs mailles, il sera possible, il sera même facile d'en obtenir laguérison radicale et sans crainte de récidive, là où la dilatation seule eût été sans effet. Il ne s'agit donc ni de porter la cautérisation à l'extrême, ni de la rejeter complètement, mais d'adopter un terme moyen et de la faire marcher de front avec la dilatation. L'une et l'autre s'entr'aident et se fortifient. Nous con-seillons donc d'adopter celte marche déjà tracée par M. Velpeau dans les lignes suivantes : «Dilater d'abord, ne cautériser une « première fois qu'au bout de quatre ou cinq applications « de bougies; continuer la dilatation; cautériser une deuxième « fois, puis une troisième et une quatrième à des distances va-« riables; et y revenir même une ou deux fois lorsque le canal « est porté à son diamètre suprême, pour éteindre les der-« nières traces de phlegniasie ou d'irritation morbifique qui « pourraient y être restées. »
Cautérisation d'avant en arrière. La méthode précédente n est applicable qu'autant que le rétrécissement est assez large pour admettre l'extrémité du porte-caustique; or s'il arrivait qu'un ré-trécissement donnant encore passage à une certaine quantité d'u-rine ne pût se laisser pénétrer par aucun instrument si délié et si flexible qu'il fût, faudrait-il l'attaquer directement d'avant en arrière et tenter de refaire le canal presque entièrement effacé ?
Bien que M. Lallemand, à ce qu'il rapporte, ait essayé trois (ois avec succès de cette méthode, elle nous paraît trop dange-reuse et trop susceptible de conduire à un but différent de ce-
lui qu'on se propose, par exemple aux fausses routes, aux dé-chirures de l'urètre, etc., pour oser la conseiller ou la pratiquer, attendu qu'il y a d'autres moyens plus doux et plus sûrs pour arriver au même but.
SCARIFICATION.
On donne le nom de scarifications à des incisions pratiquées dans l'urètre avec des instrumens auxquels leur destination a fait donner le nom d'urétrotomes (Pl. 54, fig. 36 à 48).
Bien que peu employées, les scarifications peuvent cependant être utiles dans quelques cas. Depuis Dorner qui, au rapport de Scemmerring, les introduisit dans la pratique, Physick, Dorsey, Gibson, Ashmead, MM. Guillon, Amussat, Tanchou, Despinay, Leroy (d'Etiolles), Dupierris, Ricord, etc., etc., les ont mises en usage et ont imaginé chacun des instrumens particuliers. Ainsi, Dorner employait une tige terminée par une lame en forme de lan-cette qu'il conduisait à travers une canule jusque sur la partie rétrécie du canal; Physick se servait d'un instrument à-peu-près semblable, dont la lame sortait en pressant sur son manche. Dorsay a représenté, dans son ouvrage, deux instrumens destinés au même usage, l'un droit pour la partie droite du canal, et l'autre légèrement recourbé vers son extrémité, à-peu-près comme une sonde de femme, pour inciser ou scarifier les rétrécissemens situés vers le bulbe et la partie membraneuse. Ces instrumens étaient ceux que préférait Gibson , et avec lesquels il réussissait, dit-on, très-bien.
M. Ashmead a imaginé une. espèce de bistouri caché dans le genre de celui de Frère Côme, dont la gaîne se prolonge en pointe mousse ou boutonnée pour franchir l'obstacle , et dont la lame n'est tranchante que dans l'étendue de 15 à 18 millimètres près de son extrémité , pour n'inciser que la partie coarctée en pressant sur une bascule située à l'extérieur. Le scarificateur de M. Tan-chou est un mandrin légèrement courbe dont la partie profonde, porte, à 4 ou 5 millimètres de sa pointe, qui est mousse et assez fine pour pénétrer dans le rétrécissement, deux petites lames semi-ovalaires, à dos opposés (fig. 3o,). Celui de M. Despinay n'est autre chose qu'un bistouri droit très étroit et boutonné; il n'en recommande l'usage que pour les cas où le rétrécissement est très prononcé, en forme de bride et situé dans la portion an-térieure de l'urètre, près de la fosse naviculaire. M. Leroy (d'E-tiolles) en a fait construire trois (Pl. 54, fig- 36, 37, 38); les deux premiers présentent à leur extrémité profonde une pointe mousse très effilée, longue de 1 centimètres environ, destinée à pénétrer dans le rétrécissement. Dans l'un (fig. 36), cette pointe est bientôt arrêtée par un renflement olivaire et conique au-devant duquel sortent deux petites lames formant ensemble une ellipse, lors-qu'on pousse un mandrin contenu dans la canule qui supporte cette pointe. Dans l'autre (fig. 37), la pointe est également ar-rêtée par un renflement olivaire derrière lequel existent deux échancrures par lesquelles sortent les tranchans scarificateurs. Dans l'un et l'autre instrument les renflemens olivaires sont là pour indiquer qu'on est arrivé dans le rétrécissement. Enfin , le troisième (fig. 47) n'a pas de pointe comme les deux précédens, mais il se compose d'une canule qui se termine simplement par un bouton olivaire derrière lequel se trouvent deux fentes ou deux yeux pour laisser sortir les lames destinées à inciser le ré-trécissement lorsqu'on pousse le mandrin dans la canule. Dans chacun de ces instrumens, c'est à peine si les lames tranchantes dépassent la circonférence du renflement d'un demi-millimètre.
La fig. 47 représente encore un autre instrument du même au-teur, qu'on appelle écopeur ; il est constitué par unecanuledroite, terminée en avant par une extrémité conique, à 5 ou 6 millimètres en arrière de laquelle existe une gouttière à bords tranchans qui a pour usage d'inciser les parois du rétrécissement par un mou-vement de rotation sur son axe. Celui que M. Raybard a inventé n'est autre chose qu'une canule conique mousse qui présente, environ à 2 centimètres de la pointe, deux fentes ou yeux pour laisser passer deux lames qui ont la forme d'ailes et qui s'écar-tent beaucoup de la canule (V. fig. 41)-
M. Dupierris en a imaginé deux, un droit (fig. L\i) et un courbe (fig. 43). La canule protectrice est cylindrique et mousse à son extrémité profonde; à 1 centimètre i/a en arrière de cette extré-mité se trouve un renflement cylindrique qui, arrêté par le rétré-cissement, annonce qu'on est arrivé dans son orifice. Un peu au-devant de ce renflement, se trouve une fente pour donner passage à la lame qui doit scarifier. Cette lame, très petite, est triangulaire comme celle d'une lancette et présente cela de particulier, qu'elle se meut en demi-cercle. L'instrument fonctionne très bien, mais il est à craindre qu'il n'agisse trop profondément.
Celui de M. Ricord ne diffère de celui de M. Dupierris que par la forme de la lame destinée à inciser, et la manière dont elle se meut. Son tranchant n'est pas tout-à-fait en demi-cercle, et il est à plan incliné. Ce chirurgien en a fait faire trois, deux droits et un courbe, pour agir dans les parties bulbeuse , membraneuse et prostatique. La construction et le mécanisme de tous les instru-mens que nous venons de passer en revue sont à-peu-près les mêmes. Ils se composent d'une canule flexible en caoutchouc, ou inflexible en argent, offrant un renflement pour loger la lame scarificatrice; celle-ci est portée à l'extrémité d'un mandrin, et, en poussant, le bouton se dégage de la gaîne pour inciser.
M. Amussat, l'un des premiers qui, en France, ait employé les scarifications de l'urètre, et l'un de ceux qui ait le plus contribué à en répandre l'usage, par les éloges qu'il leur a donnés, a suc-cessivement fait construire trois instrumens pour inciser les ré-trécissemens. Ces instrumens présentant quelque chose de particu-lier dans leur construction et leur mécanisme, nous allons en donner une description succincte et indiquer leur manuel opé-ratoire, décrit par l'auteur, d'autant qu'il formule et généralise les scarifications urétrales par les divers instrumens que l'on a mis en usage.
Le premier scarificateur, appelé urétrotome, se compose d'une canule d'argent, de longueur et de diamètre variables, terminée à son extrémité antérieure par un cylindre d'acier conique, long de 6 à 7 lignes, et qui offre à son pourtour huit petites crêtes tranchantes, d'un quart de ligne chacune. Ce cylindre peut être fixé sur la canule, ou bien y être seulement vissé afin de pouvoir être remplacé par un plus gros ou un plus petit, suivant les cas. A l'autre extrémité est placé un anneau mobile que l'on avance ou qu'on recule à volonté : il est destiné à recevoir le pouce de l'opérateur.
Ce scarificateur est introduit dans l'urètre au moyen d'un man-drin formé de deux pièces : la première, longue de 7 à 8 pouces, est toujours munie à son extrémité antérieure d'un petit bouton d'argent, et à l'autre est pratiqué un pas de vis sur lequel s'ajuste la seconde pièce.
Lorsque le rétrécissement a été suffisamment dilaté pour per-mettre l'introduction d'une petite sonde, on en opère la scarifi-cation de la manière suivante : Le malade étant dans la position
qui convient au cathétérisme avec la sonde droite, le chirurgien, placé devant lui, introduit la première pièce du mandrin jusqu'à l'obstacle qu'il cherche à franchir de quelques lignes. Quand il y est parvenu, il allonge le mandrin en ajoutant la seconde pièce; puis, remplissant de suif les intervalles situés entre les lames du scarificateur pour les empêcher de couper les parties saines, il in-troduit ce mandrin danssacanulepour lui servir de conducteur jus-qu'au rétrécissement. Lorsque l'extrémité tranchante du scarifica-teur est arrivée au méat urinaire, pour ne pas léser la partie saine du canal, pendant qu'on tient le gland de la main gauche, on imprime à l'instrument des mouvemens de vrille, et on l'introduit ainsi dans le canal jusqu'à ce qu'il soit arrêté par l'obstacle qu'on veut attaquer. Alors l'opérateur saisit l'extrémité du conducteur de la main gauche, passe le pouce de la main droite dans l'an-neau de la canule, tandis qu'il saisit la verge du malade entre le médius et l'index de la même main ; il pousse ensuite directement en avant l'instrument, et le force à franchir le rétrécissement. La résistance étant vaincue, le scarificateur est retiré comme on l'a introduit, c'est-à-dire en tournant, et le mandrin , avant d'être retiré, sert encore de conducteur à une sonde flexible, ouverte à ses deux extrémités. Quand elle est fixée, on fait une injection d'eau tiède, que l'on fait rendre au malade en bouchant la sonde, de manière que le liquide injecté, passant entre les parois de cet instrument et celles de l'urètre, chasse le sang qui résulte de l'o-pération. Deux jours après l'opération on lui en substitue une plus grosse, et l'on continue la dilatation.
Le deuxième scarificateur, appelé coupe-bride est en tout sem-blable à la sonde exploratrice, excepté qu'à l'extrémité de la ca-nule qui forme cette sonde, et qui correspond à la lentille du mandrin, est fixé un cylindre d'acier, dont le bout est tranchant circulairement.
Pour se servir de cet instrument, il faut nécessairement que le canal ait été assez dilaté pour en permettre facilement l'in-troduction au-delà de l'obstacle; quand on y est arrivé, on fait saillir la lentille et l'on retire l'instrument, jusqu'à ce que celle-ci soit arrêtée; on tire ensuite à soi la canule, de quelques lignes, de manière à laisser, entre son bord tranchant et la lentille, un es-pace dans lequel vient nécessairement se placer la saillie formée par la bride. On pousse la canule en avant comme si l'on voulait serrer son extrémité tranchante contre la lentille, et dans ce mou-vement, on coupe ce qui se trouve interposé entre les deux par-ties du scarificateur, qui agit comme un emporte-pièce. Avant de retirer l'instrument, il faut bien s'assurer, par des tractions lé-gères, que la division des parties attaquées a été complète; autre-ment si on le faisait sortir brusquement du canal , on pourrait déchirer la muqueuse.
Le troisième scarificateur imaginé par M. Amussat, est destiné à réunir les avantages des deux autres.
Ce nouvel instrument se compose d'une canule d'argent et d'un mandrin d'acier. La canule est longue de 22 centimètres et graduée; son diamètre varie depuis 2 jusqu'à 4 millimètres 1/2. Son extrémité antérieure présente, sur un de ses côtés, une fente longue de 11 à i3 millimètres, et sur l'autre côté une petite en-taille d'un i /a millimètre de profondeur. Le mandrin offre, sur un des côtés de son extrémité antérieure, une demi-lentille, qui, l'in-strument étant fermé, vient se loger dans la petite entaille de la canule dont nous avons parlé; sur l'autre côté règne une lame tranchante plus ou moins saillante. A l'autre extrémité le man-drin présente un manche, fixé par une vis qui doit toujours être placée de manière à correspondre au tranchant, pour indi-
t. vii.
quer où celui-ci se trouve quand on opère. Lorsque l'instrument est fermé, il présente, comme ceux que nous avons décrits pré-cédemment une extrémité mousse. Chaque canule peut avoir deux mandrins, dont l'un est plus fort que l'autre, mais pour cela il faut que les deux extrémités de la canule soient d'inégales grosseur; elles présentent alors toutes les deux la même dispo-sition.
Pour faire agir cet instrument, on l'insinue dans l'urètre jus-qu'à ce qu'il ait dépassé le rétrécissement; on pousse de 3 à 4 millimètres le mandrin dont la demi-lentille devient saillante, et s'arrête contre l'obstacle quand on veut retirer l'instrument; il faut alors lui faire subir un demi-mouvement de rotation pour faire correspondre le tranchant au point saillant qui a arrêté la lentille. Si l'on est bien placé, ce qu'indique la position de la vis extérieure, on pousse hors de la canule le tranchant qu'on presse sur l'obstacle ; la division opérée, on le fait rentrer dans la canule qu'on retire aisément sans blesser les parties saines.
Appréciation. L'incision des rétrécissemens de l'urètre, disent MM. Bégin et Lallemand , est une méthode ingénieuse et utile ; elle procure un prompt agrandissement des voies d'excrétion de l'urine; la saignée locale, qui résulte de son emploi, dégorge di-rectement les parties irritées et diminuel'intensitédeleurphlogose; la dilatation exercée ensuite à l'aide de la sonde, percée à ses deux extrémités, maintient écartées les lèvres des petites plaies, et la suppuration qui ne peut manquer de s'établir contribue à la fonte complète des tissus morbides en même temps que l'on prévient la formation des cicatrices trop resserrées. M. Bégin qui a sou-vent employé les scarificateurs, prétend avoir à s'en louer. Il en est de même de M. Amussat. M. Velpean, au contraire, pense que cette méthode a l'inconvénient de n'offrir que peu de chances de guérison radicale, etde rendre la coarctation plus prononcée après la cicatrisation des petites plaies qu'elle ne l'était avant l'opéra-tion. Si l'on ne dilate pas ensuite le canal, quatre jours après , c'est, dit-il, comme si l'on n'avait rien fait; que si on le dilate pour obtenir une réunion médiate, les cicatrices secondaires revien-nent invinciblement sur elles-mêmes après la suppression de la sonde, et remettent les choses dans le même état qu'avant l'opé-ration. Bien plus, il arrive souvent que l'incision n'a pas même porté sur le rétrécissement, et s'il semble céder ensuite, ce n'est que par l'effet des instrumens dilatateurs. Entre des opinions aussi opposées de la part de praticiens également distingués, la-quelle adopter ? Si nous considérons que les scarifications consti-tuent actuellement une méthode de traitement des rétrécissemens de l'urètre peu usitée, soit dans les hôpitaux , soit en ville, nous serons portés à croire de deux choses l'une : ou que la dilatation seule, ou bien la dilatation aidée de la cautérisation, suffisent dans la majorité des cas pour obtenir la guérison de la maladie, et qu'a-lors les scarifications deviennent inutiles ; ou que celles-ci ne donnent pas d'aussi bons résultats qu'on l'avait annoncé, et, par cela même, sont presque abandonnées.
Dire maintenant quel est le meilleur parmi la multitude d'in-strumens que nous avons énumérés, serait fort difficile. Il paraît néanmoins qu'en général on préfère l'urétrotome, ou premier scarificateur de M. Amussat, comme étant le plus sûr dans son action, le plus souvent applicable, et celui qui fournit les débri-demens les plus étendus et les plus complets.
La rugination qu'on a voulu substituer ou assimiler aux inci-sions vaut encore moins, la lime ou râpe cylindrique, imaginée
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par M. Desruelles, pour attaquer quelques rétréeissemens, on la conduisant à travers une canule, n'est point employée.
RÉTENTION D'URINE.
Diverses affections peuvent, intercepter complètement le cours de l'urine : les rétréeissemens de l'urètre avec les causes diverses qui les produisent; un calcul urétral ou un fragment de calcul venu de la vessie; un polype ou un gonflement d'une nature quel-conque des portions membraneuse ou prostatique ; l'hypertro-phie du lobe médian de la prostate; enfin , chez des sujets très irritables, après un écart de régime ou sous l'influence de cer-tains médicamens ou d'une cause générale d'éréthisme nerveux , la simple coarctation spasmodique du col de la vessie ou de la portion musculo-membraneuse du canal lui-même.
Les méthodes opératoires mises en usage contre la rétention de l'urine sont les injections forcées, le cathétérisme forcé, l'inci-sion de l'urètre ou la boutonnière , la division du muscle bulbo-caverneux et la ponction de la vessie.
injections forcées.
Seemmerring rapporte que, dans les cas où le rétrécissement était si fort que la bougie la plus fine ne pouvait le franchir, il injec-tait, à l'exemple de Trye, de l'huile d'olive, ou de l'huile opiacée dans l'urètre; qu'il fermait l'orifice extérieur de celui-ci, cherchait en pressant avec le doigt à faire passer le liquide plus avant, et répétait cette manœuvre jusqu'à ce cpie la bougie pût être intro-duite. Il rapporte encore que Brunninghausen guérit trois rétré-eissemens de l'urètre en comprimant avec force le canal derrière le gland au moment où le malade voulait uriner. Mais l'emploi de ce moyen est loin d'avoir la puissance des injections forcées, employées d'abord par M. Despinay de Bourg, et érigées en mé-thode par M. Amussat.
Procédé de M. Amussat. Ce chirurgien fut porté à imaginer les injections forcées d'après l'opinion qu'il s'était faite que l'u-rètre n'est jamais entièrement oblitéré, et que la rétention com-plète, chez les sujets affectés de rétréeissemens, est presque tou-jours occasionnée par un bouchon de mucosités qui s'accumulent dans l'intérieur et en arrière du trajet rétréci, dans l'espèce de cul-de-sac formé en ce point par la pression de l'urine, de ma-nière à faire obstacle un premier jet de ce liquide. Partant de cette idée, il pensa qu'un liquide injecté d'avant en arrière, s'in-sinuerait plus facilement qu'un corps solide dans le rétrécisse-ment, liquéfierait les mucosités agglomérées dans son intérieur, et le rendrait libre. Le résultat fut heureux, et depuis cette épo-que les injections forcées ont formé un procédé à part.
Manuel opératoire. Le malade étant assis sur le bord de son lit, les jambes soutenues par deux aides, ou appuyées sur deux chaises, le chirurgien placé devant lui, introduit clans l'urètre, jusqu'au rétrécissement, une sonde en gomme élastique, bien flexible, d'un petit diamètre, et ouverte à ses deux extrémités. Il adapte à cette canule une seringue ou vessie en gomme élastique qu'il a préalablement remplie d'eau tiède, et dont, avant de l'a-dapter à la canule, il chasse l'air qui peut s'y être introduit. Ee siphon de la seringue doit présenter une ouverture presque ca-pillaire. Tout étant ainsi disposé, il serre fortement l'urètre sur la sonde avec l'indicateur et le médius de la main gauche, tandis qu'avec la droite il comprime graduellement la seringue pour en chasser le liquide qu'elle contient. Celui-ci ne pouvant ressortir de l'urètre à cause de la pression exercée sur le canal, pénètre bientôt dans l'ouverture du rétrécissement qu'il désobstrue, en repoussant en arrière le bouchon de mucosités. La résistance qu'oppose l'obstacle au passage du liquide injecté est quelque-fois si grande que, la force d'une main ne suffisant pas, il faut placer la seringue entre ses deux genoux pour la comprimer plus fortement et par saccades. Engageant alors le malade à faire des efforts pour uriner, à mesure qu'on pousse l'injection, de cette double action et de la pénétration des deux liquides, l'eau et l'u-rine, en sens opposé, il résulte ordinairement, soit une désobstruc-tion de mucosités, soit un élargissement, car, après quelques ten-tatives, en retirant la seringue, l'urine coule goutte à goutte. On retire la sonde, et pour peu que le malade ait de force pour pousser, l'urine ne tarde pas à couler par un petit jet. Si la première injec-tion ne réussissait pas, comme cela arrive quelquefois chez les vieillards, il faudrait en pratiquer une seconde et même une troisième. Si, lorsque le jet d'urine a paru, il se suspendait de nouveau, il serait à présumer que le bouchon aurait repris sa place : il faudrait chercher alorsà l'expulser par une autre injection.
Suivant M. Amussat, lorsque le malade conserve toutes ses forces, les injections suffisent pour évacuer complètement la ves-sie sans qu'on ait besoin d'avoir recours au cathétérisme et aux bougies. Chez les vieillards et les individus faibles, elles font ces-ser les premiers accidens de la rétention, et rendent beaucoup plus faciles le cathétérisme et l'introduction des bougies. Au reste, ajoute l'auteur, quoique cette méthode ait été imaginée pour un cas exceptionnel, quelle que soit la cause de la rétention, les injections néanmoins sont toujours utiles puisqu'elles facilitent l'introduction des instrumens et la rendent moins douloureuse pour les malades.
M. Amussat peut bien avoir un peu exagéré les avantages de sa méthode, cependant tous les chirurgiens qui l'ont employée, lui ontréellementreconnudesavantagesmarqués. Etd'ailleurscomme l'usage de ces injections est facile et dépourvu d'inconvéniens, on ne voit pas pourquoi on se dispenserait de les mettre en pratique.
cathétérisme forcé.
Chopart rapporte queLafaye ayant voulu sonder Astruc, trou-va au col de la vessie une tumeur qui l'empêcha de parvenir dans cet organe; qu'il la traversa avec une sonde à dard et réus-sit de la sorte à frayer une route à l'urine.
Le moyen employé par Chopart consistait à opérer, de parti pris, une voie artificielle. Boyer s'est emparé de cette idée de forcer le cathétérisme, mais dans le but seulement de rétablir les voies naturelles. C'est cette méthode qui constitue le cathétérisme forcé, toujours périlleux parce qu'il expose nécessairement à pra-tiquer des fausses routes. Nous suivrons l'auteur dans sa des-cription.
Procédé de Boyer. Ce chirurgien trouvant l'emploi de la sonde à dard trop dangereux, se servait de sondes coniques presque pointues, d'un calibre moyen, à parois très épaisses etd'une cour-bure peu prononcée. Pour éviter qu'elles ne se fléchissent contre l'obstacle à surmonter, le stylet qu'elles portent doit être assez gros pour les remplir exactement. Le malade étant couché sur le bord gauche du lit, le chirurgien armé de la sonde, bien graissée d'huile, l'enfonce doucement dans l'urètre jusqu'au rétrécisse-
nient. Pour en faciliter l'introduction, en tendant le canal de l'u-rètre, de manière à rendre sa direction rectiligne, pendant que le bec de la sonde s'insinue sous la pression de la main droite qui tient le pavillon, le chirurgien fait glisser d'arrière en avant sur la tige, le gland tenu légèrement entre le pouce et l'indicateur garnis delinge. Maintenant alors avec les derniers doigtsde la main droile, les rapports du pénis et de la tige, il insinue profondé-ment, dans l'intestin rectum, le doigt indicateur de la main gauche enduit de cérat, et il essaie de faire avancer la sonde suivant la direction de l'urètre, sans l'incliner ni d'un côté ni de l'autre, avec une force proportionnée à la résistance qu'il éprouve. Le doigt indicateur de la main gauche qui sert, pour ainsi dire, dé conducteur à la sonde, fait connaître si, en avançant, elle con-serve la direction de l'urètre, ou si elle s'en écarte, et dans ce dernier cas de quel côté il faut la porter pour la ramener à cette direction. La profondeur à laquelle la sonde a pénétré, sa direction et la facilité d'en abaisser le pavillon, font présumer qu'elle est parvenue dans la vessie : alors on retire le stylet, et si l'urine s'écoule, la présomption se convertit en certitude: l'opération est terminée. Mais comme l'urine commence à sortir aussitôt que l'ouverture latérale de la sonde, qui est la plus voi-sine de son bec, a dépassé le col de la vessie, et que cet instru-ment ne s'avance au-delà de ce col que de 10 à 11 millim., il est nécessaire de la faire pénétrer un peu plus profondément dans la cavité vésicale, en prenant garde, néanmoins, de la pousser trop loin, dans la crainte de heurter contre la paroi postérieure.
On ne réussit pas toujours à faire arriver la sonde clans la vessie dès la première fois. En effet, tantôt le rétrécissement op-pose une résistance si vive qu'on ne peut le dépasser, et tan-tôt, si on parvient à le vaincre, on ne peut avancer que de quelques millimètres. Dans ces deux cas , s'il n'y a pas rétention d'urine complète, on n'insiste pas; on retire la sonde qu'on remplace par une bougie, et l'on attend. Lorsque l'irritation et la douleur causées par la première tentative sont dissipées, on en fait une seconde, puis une troisième, etc. Si l'on ne fait pas fausse route, on avance peu-à-peu vers la vessie, clans laquelle on finit par pénétrer. Boyer dit avoir vu des malades chez lesquels la sonde n'est parvenue jusque dans cet organe qu'au bout d'un mois, par des essais méthodiques et souvent répétés.
Lorsque la sonde est placée, on la fixe, comme nous l'avons indiqué à l'article cathétérisme , on la laisse à demeure deux, trois ou quatre jours, suivant la difficulté qu'on a éprouvée d'a-bord à l'introduire, et le degré de mobilité que l'on a obtenu par son séjour à travers le rétrécissement. Ce n'est guère qu'à dater du second jour qu'elle commence à devenir mobile, ce dont on est assuré par la possibilité de la faire aller et venir en la tirant et en l'enfonçant, alternativement; alors on la remplace par une sonde en gomme élastique un peu plus grosse, à laquelle on en substitue une plus grosse encore au bout de huit jours; on con-tinue ainsi à augmenter progressivement le volume des sondes jusqu'à ce qu'on soit arrivé aux n° 8 ou 9.
Boyer a remarqué cpie la plupart des malades sur lesquels il s'était servi de la sonde conique ne pouvaient guère renoncer à la sonde en gomme élastique avant trois ou quatre mois, sans s'exposer à un prompt retour de la maladie; et qu'alors même qu'ils cessaient de la porter constamment, ils étaient obligés de s'en servir la nuit pendant un très long temps, sous peine de re-tomber clans un état semblable, et peut-être même plus fâcheux encore que celui où ils étaient d'abord.
Le procédé de Boyer n'a pas trouvé beaucoup de partisans.
M. Roux en France, et Physick, de Philadelphie, sont pour ainsi dire les seuls cpii aient continué à en parler favorablement et à l'appliquer.Il est certain que son exécution est très-difficile.Pour se servir avec avantage des sondes coniques, dit Boyer lui-même, il faut une grande expérience et une longue habitude de sonder et être éclairé par les lumières clel'anatomie pour suivre exacte-ment la direction du canal urinaire, qui peut varier sous l'in-fluence de l'état pathologique des parties; car il s'agit de se créer pour ainsi dire une route artificielle dans la route même de la na-ture, et de faire une sorte de ponction de l'urètre: il est donc plus facile de déchirer le canal et de faire une fausse route que de. traverser la coarctation. Cela arrivait probablement à Boyer beaucoup plus souvent qu'il ne le pensait.
Fausses routes. C'est comme on sait une source d'accidens fort graves, tels qu'infiltrations urineuses, et abcès de même nature qui peuvent entraîner la mort du sujet, surtout lorsqu'elles ont lieu au-delà du bulbe, clans la portion membraneuse, et qu'au lieu de pénétrer clans la vessie, elles se terminent en un cul-de-sac qui plonge dans le tissu cellulaire du périnée aux environs du rectum, dans la cloison recto-vésicale, ou dans le rectum lui-même. En effet l'urine alors ne trouvant pas d'issue pour sortir ou ne trouvant qu'une route étroite et tortueuse, s'infiltre dans les tissus voisins. Le malheur ne serait pas moins grand si la fausse route se faisait parenhaut, entre la vessie et laface postérieure du pubis, car alors le tissu cellulaire pelvien serait envahi par l'u-rine. Toutefois non-seulement les choses ne se passent pas tou-jours ainsi, mais il paraît même que les accidens sont moins communs qu'on ne l'a cru. Voici le plus ordinairement ce qui arrive. Parfois le bec de l'instrument traverse de part en part la paroi proéminente du rétrécissement, et vient rentrer derrière lui dans l'urètre, le plus souvent à quelques millimètres de l'orifice de sortie, dans d'autres cas aussi à un ou plusieurs centimètres. Mais communément c'est clans l'épaisseur même de la prostate, cpie la sonde creuse le trajet de la fausse route, et, clans ce cas, son ouverture d'entrée étant situéeà l'extrémité de laportion membra-neuse de l'urètre, son orifice de sortie ouvre clans la vessie. Cet accident est presque inévitable, en particulier lorsqu'il y a hy-pertrophie du lobe médian de la prostate (Pl. 53, fig. 8 et ro). Alors il arrive ici ce qui arriva à Lafaye lorsqu'il sonda Astruc. fl se forme sous l'influence de la présence de la sonde un canal ar-tificiel qui remplace le canal naturel. Au bout de a4 ou 48 heures les parois de ce nouveau canal, habituées au contact de l'urine, ne se laissent plus imprégner et infiltrer par ce liquide, et le malade ne court plus les chances de se voir atteint d'abcès nrineux e! gangreneux. Il est probable que clans les cas où Boyer a em-ployé la sonde conique, cet accident lui est arrivé plus d'une fois, mais que ses suites ont été conjurées par la rentrée de l'instrument clans la vessie. Ainsi les fausses routes suivant qu'elle pénètrent ou ne pénètrent pas dans la vessie, se présentent sous deux points de vue très différens pour leurs résultats et les moyens d'y remé-dier. Lorsqu'elles sont complètes et vont aboutir dans l'urètre ou dans la vessie, il suffit d'y laisser l'instrument et de l'y fixer, jusqu'à cequ il devienne mobile, et qu'on puisse lui substituer une sonde en gomme élastique; ce qui arrive au plus tard au bout de deux ou trois jours; on maintient la sonde à demeure pendant une huitaine de jours, puis on la remplace par une nouvelle un peu plus grosse, et on continue ainsi jusqu'à dilatation convenable. Au contraire, lorsqu'une fausse route n'est pas complète, et qu'Oïl s'aperçoit qu'on n'est pas clans une bonne direction, il faut.
se hâter de retirer la sonde et faire tout son possible pour rentrer dans l'urètre et pénétrer jusqu'à la vessie. Si malgré tout ce qu'on aurait fait, l'urine s'infiltrait, et qu'on vît survenir les accidens qui en résultent, soit qu'on pût ou qu'on ne pût pas introduire la sonde dans la vessie, que celle-ci fût pleine ou vide, il faudrait faire une large incision sur le trajet de la déchirure et mettre l'urètre à découvert quelle que fût sa profondeur, fût-elle de 2 ou 3 cen-tim., comme cela arrive chez les gens très gras ; puis inciser le ca-nal, et pousser par cette ouverture une sonde jusque dans la ves-sie : ce serait le seul moyen d'éviter les accidens de l'infiltration.
INCISION EXTÉRIEURE DE l'uRETRE OU BOUTONNIÈRE.
(Pl. 57 bis,fig. 7.)
Cette opération qui consiste à ouvrir l'urètre de l'extérieur à l'intérieur, était beaucoup pratiquée autrefois; on poussait même la hardiesse, dans quelques cas, jusqu'à ouvrir l'urètre d'un bout à l'autre. Planque rapporte un fait de ce genre consi-gné dans la Bibliothèque médicale, et Solingen dit que c'était une pratique très usitée à Livourne. Plus tard on se borna à inciser le canal dans sa partie malade. C'est ainsi qu'agissait J. L. Petit et Lassus; maisDesault condamna cette pratique, et la boutonnière cessa d'être exécutée. Cependant depuis quelques années elle a été renouvelée avec succès en Allemagne par M. Eckstrom, en Angleterre, par M. Arnolt, en France, par M. Levanier de Cherbourg (Arch. gènèr., t. ix, p. l\i 3 ), en Amé-rique, par M. Jameson de Baltimore (Bullet. de Férussac, t. xvn, p. 352).
Manuel opératoire. Procédé de MM. Eckstrom, Arnolt, Jameson et Levanier. Une sonde ou un cathéter cannelé est porté jusqu'au devant de l'obstacle et fixé par un aide. Ue chirurgien relève les bourses , tend les parties avec la main gauche, et fait avec la main droite armée d'un bistouri, une large boutonnière sur la paroi périnéale du canal, vis-à-vis de l'instrument conduc-teur qu'il retire un peu ; s'assurant ensuite de la continuation de l'urètre au fond de la plaie, pendant que le malade fait effort pour uriner, il tâche d'y glisser, au travers du rétrécissement, un stylet ou une sonde cannelée, dont il se sert comme d'un conduc-teur pour inciser le canal et prolonger la section en arrière, à quelques lignes au-delà de l'obstacle ; faisant alors glisser la sonde à travers le trajet incisé, puis dans l'extrémité postérieure du canal jusque dans la vessie, il fixe l'instrument à demeure, et abandonne à la nature la cicatrisation qui ne tarde pas à se faire, bien qu'on n'ait pas pratiqué de point de suture.
M. Lefèvre de Joinville a obtenu par cette méthode un succès complet chez un homme dont l'urètre était malade depuis long-temps.
Procédé indiqué par M. Amussat. Ce chirurgien a proposé d'inciser le canal un peu en arrière du bulbe, d'introduire par cette ouverture une sonde pour, préalablement, vider la vessie ; puis de retirer cette sonde pour en introduire une autre par le méat urinaire jusqu'au point rétréci ; d'inciser alors le rétrécisse-ment lui-même, et de conduire la sonde jusque dans la vessie.
Procédé de M. Groniger. Lorsque le rétrécissement existe dans les parties membraneuse ou prostatique, et qu'il y a oblitération complète, ou que l'ouverture du rétrécissement est si étroite, qu'il est trop difficile de la trouver, M. Groniger recommande d'inciser au hasard jusqu'auprès de la prostate, et d'enfoncer soit un bistouri étroit, soit un trocart à travers cette glande, jus-que dans la vessie , de manière à créer un canal artificiel qu'on entretient en y portant, par le méat urinaire, une sonde à demeure sur laquelle la plaie doit se fermer.
Quoique les cas dans lesquels il convient d'inciser soient rares, attendu que les méthodes dont nous avons déjà parlé suffi-sent le plus souvent, il paraît néanmoins que l'incision avait été abandonnée trop légèrement, et qu'elle peut être nécessaire dans quelques circonstances. Ainsi, toutes les fois que le rétré-cissement aura son siège dans la région spongieuse ou dans la région bulbeuse, qu'on n'aura pu réussir à vaincre le rétrécisse-ment par les autres méthodes dont nous avons parlé, et qu'il y aura urgence d'évacuer la vessie, comme l'urètre, dans toute cette étendue, est sous-cutamé ou situé peu profondément et presque toujours fort dilaté derrière l'obstacle, il sera facile de le mettre à découvert, de l'inciser en arrière du rétrécissement, et d'agir sur celui-ci, soit d'avant en arrière, soit d'arrière en avant, pour rétablir la route naturelle.
Nous pensons que cette méthode, qui permet de reconnaître les altérations deforme amenées par la maladie, et fournit les moyens d'y remédier, doit être préférée au cathétérisme forcé avec la sonde conique et à la ponction de la vessie, dans tous les cas où l'obstacle est situé au-devant de la prostate. Mais si le rétrécis-sementavait sonsiégedans lapartie membraneuse du canal oudans sa partie prostatique, comme il serait plus difficile de découvrir l'urètre, à cause de sa profondeur, et que l'on risquerait de se four-voyer, étant ici privé du cathéter qui sertde guide dans l'opération de la taille; comme aussi l'introduction préalable d'un instrument conducteur, pour le styletou la sonde cannelée, pourrait constituer une opération aussi dangereuse que la taille, et en même temps plus difficile et plus longue à exécuter, il nous semblerait prudent et avantageux à-la-fois, pour le malade et pour le chirurgien, d'a-voir recours de préférence à la ponction de la vessie.
FISTULES URINAIRES URETRALES.
Ces espèces de fistules sont constituées par des trajets plus ou moins longs, ayant leur ouverture interne dans 1 urètre, et leur ouverture externe dans des points très variables, au périnée, sous le scrotum , le long du pénis, au pli des aines , sur les lesses et au dedans des cuisses. Ordinairement leur ouverture urétrale est unique, tandis qu'elles ont souvent plusieurs orifices cutanés. Lorsque leur trajet est voisin de la peau, il donne au toucher, dans toute son étendue, la sensation d'une corde tendue. Enfin, ces fistules peuvent être simples ou compliquées de callosités qui offrent beaucoup de résistance, et qui quelquefois confondent en une masse informe les parties qu'elles occupent, comme on l'observe fréquemment dans les fistules périnéales et scrotales.
Les fistules urinaires sont d'autant plus difficiles à guérir que la distance entre leurs orifices est plus directe et plus courte, la perte de substance subie par l'urètre plus considérable, l'âge des malades plus avancé ; que leur maigreur et la faiblesse de leur constitution sont plus grandes, et que les voies urinaires, les reins, les uretères, la vessie et la prostate sont dans un plus mauvais état.
Traitement. Les moyens chirurgicaux, à l'aide desquels on ob-tient l'oblitération des fistules urinaires et le rétrécissement nor-mal du cours de l'urine, sont la dilatation, la suture , la cautéri-sation et l'urétroplastie.
Dilatation. Presque toujours les fistules urétrales dépen-dent d'un obstacle au cours de l'urine, situé au-devant de la cre-vasse.
La première indication à remplir est donc de rendre au canal soncalibrenaturel, en plaçant une sonde à demeure dans la vessie. Il est rare qu'on ne puisse parvenir à l'introduire ; toutefois , si cela arrivait, il faudrait commencer parles bougies, mais revenir aux sondes en gomme élastique le plus tôt possible. Outre qu'elles dilatent les parois de l'urètre, elles donnent issue à l'urine au dehors, et empêchent qu'il n'en passe par la fistule; double effet qui ne peut être rempli par les bougies. A mesure que le cours naturel de l'urine se rétablit, le plus souvent les callosités de la fistule se fondent et disparaissent ; les parois du canal anormal se rapprochent et s'accolent; quelque soit le nombre des trajets fistuleux et de leurs ouvertures extérieures, aussitôt que l'urine a pris son cours par la sonde, et a cessé deles traverser, ils s'oblitè-rent presque toujours sans aucun autre soin. Quelquefois, cepen-dant, malgré l'usage de la sonde, et quoique l'obstacle au cours de l'urine soit neutralisé par sa présence, la fistule néanmoins persiste. On a pensé que cela tenait à ce qu'une petite quantité d'urine, poussée parles contractions de la vessie, s'insinuant entre la sonde et la paroi de l'urètre, continuait à passer par l'ouverture anormale, et suffisait pour l'entretenir. Pour y remédier, il a suffi, dans beaucoup de cas, de tenir la sonde constamment débouchée, de sorte que l'urine, trouvant une issue toujours libre, ne pût pas s'accumuler dans la vessie, l'irriter et en solliciter les contrac-tions. Le liquide sort continuellement par la sonde et pas une goutte ne s'échappe par la fistule, qui, pour l'ordinaire, se fermetrès piomptement. Il existe pourtant des observations dans lesquelles la fistule a persisté, bien que la sonde fût constamment tenue dé-bouchée, et que la fistule ne laissât passer aucune goutte d'urine : tel est le cas d'un jeune homme d'Abbeville , dont parle Boyer. Après avoir fait usage de la sonde ouverte pendant onze mois , ce jeune homme n'était pas encore guéri. Dans un voyage qu'il fit à Paris pour venir consulter Boyer, il ôta la sonde et, à son arrivée, la fistule était fermée. Boyer ayant trouvé la cicatrice so-lide, lui conseilla d'introduire une grosse bougie pour tenir l'u-rètre dilaté et de la retirer chaque fois qu'il voudrait uriner ; la guérison se soutint. Ce serait à tort qu'on voudrait ériger en mé-thode la manière dont agit Boyer, car elle serait plus propre à dé-truire la cicatrice qu'à la consolider. On a attribué, en pareil cas, la persistance de la fistule à la présence de la sonde, trop long-temps prolongée; en effet, pendant son séjour dans le canal, elle y entretient une irritation et une sécrétion permanentes de mucosités qui s'opposent à la cicatrisation des ouvertures anormales. Aussi Ducamp, qui s'en était aperçu et qui comparait son action à celle d'un pois dans un cautère, conseillait-il de ne conserver la sonde à demeure dans l'urètre, que pendant le temps nécessaire à la destruc-tion du rétrécissement. Suivant son observation, lorsque le canal est suffisamment élargi, la fistule se ferme naturellement. Si pour-tant il n'en était pas ainsi, il suffirait, pour amener ce résultat, d'introduire la sonde dans la vessie toutes les fois que le besoin d'uriner se ferait sentir. M. Lallemand,de Montpellier, soutientles mêmes principes et conseille cette méthode.L'observation citée par Boyer prouve la justesse des remarques de Ducamp,car après avoir porté onze mois la sonde, le canal de son malade se trouvait suf-fisamment dilaté, et ce ne fut qu'en la retirant que la fistule guérit très promptement. Un autre malade soumis inutilement à l'usage des sondes à demeure, par M. Velpeau, en i83o, à la Pitié, a définitivement guéri au bout de trois jours, dès qu'il eut pris
t. vii.
le parti de se faire sonder toutes les quatre nu six heures et d'enlever aussitôt l'instrument.
On aurait tort de cesser totalement l'usage des sondes immé-diatement après la disparition de la fistule; il est au contraire très important de continuer pendant assez long-temps encore d'en introduire dans le canal, à chaque fois qu'on veut uriner, afin d'empêcher l'urine d'agir sur la cicatrice encore faible , et. de la disposer à se déchirer.
Suture. Tentée déjà un grand nombre de fois, elle n'a donné qu'une bien petite proportion de succès. Voici comment elle se pratique. Les uns commencent par introduire une sonde dans la vessie,etne procèdent qu'après àl'avivement des lèvres de la plaie. C'est ainsi qu'agit Boyer dans le cas où il la mit en usage. Les au-tres, au contraire, veulent qu'on commence par rafraîchir les bords, et qu'on n'introduise la sonde qu'après cette opération pré-liminaire. Mais qu'on avive les bords de la fistule après ou avant l'introduction de la sonde, il faut toujours transformer l'ouverture anormale, qui est plus ou moins arrondie, en une fente un peu allongée, en empruntant plus sur la peau que sur la paroi même de l'urètre qu'il faut ménager le plus qu'on peut. Les callosités étant enlevées, on rapproche les lèvres de la plaie sur la sonde, et on les maintient en contact par quelques points de suture entor-tillée. Ces points ne doivent pas être éloignés de plus de 6 à 7 millimètres les uns des autres, sous peine de voir l'urine s'infil-trer entre eux, et s'opposer à la réunion ; lorsqu'il ne survient pas d'accidens, du troisième au quatrième jour , on enlève les aiguilles des angles, celle du milieu est encore laissée 36 ou 48 heures ; on ne retire la sonde que deux jours après la dernière aiguille, et la cicatrice est assez solide pour qu'on puisse consi-dérer le malade comme guéri. M. Jules Cloquet a obtenu par ce procédé un succès complet (Journal Hebd., t. iv, p. 45)- Lors-qu'on ne réussit pas du premier coup, on ne doit pas néanmoins désespérer d'y parvenir. Toutefois il n'arrive que trop souvent que les lèvres de la plaie se déchirent et qu'on n'obtient pour ré-sultat final qu'une ouverture plus grande que celle qui existait avant l'emploi de la suture. Boyer pense qu'on pourrait peut-être prévenir cet inconvénient en retirant la sonde après la su-ture; le moyen d'empêcher de se former le rétrécissement qui viendrait nécessairement par l'absence de la sonde, est, suivant M. Malgaigne, de sonder le malade chaque fois qu'il a envie d'uriner avec une sonde droite d'un médiocre calibre, en ap-puyant plus que jamais sur la paroi supérieure de l'urètre.
Cautérisation. A. Cooper eut recours avec succès à la cauté-risation par l'acide nitrique chez un malade qui portait, à l'union du scrotum et de la verge, une large ouverture survenue à la suite d'une gangrène, et chez lequel l'usage des sondes et la su-ture pratiquée antérieurement n'avaient produit aucun effet avan-tageux. Après quelques cautérisations faites à peu de distance les unes des autres, la plaie se couvrit de bourgeons vasculaires de bonne nature, et se ferma complètement.
Urétroplastik. Lorsque de prime abord, ou qu'après la su-ture et la cautérisation, la fistule est trop grande pour qu'on puisse espérer de la guérir en renouvelant l'emploi de ces mêmes moyens, on peut tenter encore de réparer la perte de la substance aux dépens des tissus voisins .
La méthode indienne, consistant, comme on sait, à prendre
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un lambeau de peau dans le voisinage de la partie à restaurer, soit sur le pénis, le scrotum, dans l'aine, ou à la partie interne de la cuisse, a été employée par Earle et A. Cooper avec succès, chacun dans un cas. A. Cooper a échoué dans un autre, Del-pech a également, échoué deux fois sur le même malade. Plu-sieurs autres praticiens, cpii ont voulu la tenter, n'ont pas été plus heureux. En définitive, les revers l'ont tellement emporté sur les succès qu'on y a pour ainsi dire renoncé. Tantôt en effet l'urine, venant s'interposer entre les lèvres de la plaie, s'opposait à leur adhésion; tantôt c'était le lambeau qui se gangrenait, parce que la peau qui le formait était trop mince, ou que son pédicule ne pouvait, fournir à sa nutrition.
M. Dieffenbach, app\k[uant\améthode de 6'?/.?e, pensa que, pou r faire réussir la suture ordinaire, il suffisait de faire, de chaque côté, une incision profonde et longue, qui relâcherait les lèvres de la suture pendant le gonflement, et les empêcherait d'être déchi-rées par les fils.
Procédé de M. AlUot. Ce chirurgien est parvenu à guérir une fistule rebelle, à l'aide du procédé suivant qui est fort ingénieux. Après avoir largement avivé le bord de la fistule d'un côté, puis enlevé un petit lambeau quadrilatère de sa couche tégumentaire, il circonscrivit du côté opposé, entre deux incisions parallèles, un lambeau de même largeur et plus long que le précédent, et le dis-séqua de dedans en dehors, afin de pouvoir l'attirer par voie de glissement sur la fistule, jusqu'à ce que son bord interne le dé-passât de plusieurs millimètres, et pût être adopté, par la suture, avec le bord avivé de la peau de l'autre côté. D'autres points de suture maintiennent les deux bords parallèles antérieur et pos-térieur. Ce lambeau forme donc un véritable obturateur, dont les trois bords dépassent dans tous les sens la fistule dans une cer-taine étendue ; de sorte que les lignes des sutures, étant moins éloignés du trajet de l'urine, courrent moins le risque d'en être imprégnées que dans le cas où elles sont placées juste sur ce trajet.
L' urètroplastie par décollement consistant à disséquer les deux côtés de la fistule de dedans en dehors, de manière à former deux lambeaux fixés et maintenus par une compression douce sur la ligne médiane, ainsi que le propose M. Velpeau, revient au même que le procédé de Dieffenbach, et est inférieur à celui de M. Alliot. Nous en dirons autant, par anticipation, de celui dans lequel on voudrait combler la perte de substance au moyen d'un bouchon de peau.
Mais si le procédé de M. Alliot est le meilleur, cependant il est loin de réussir toujours. De quelque manière qu'on s'y prenne, on a toujours à redouter que l'urine, liquide si pénétrant, ne s'in-filtre entre les lèvres de la plaie avant leur adhérence, et n'em-pêche leur réunion. Dans ce dernier temps M. Ségalas, dans le but d'obvier à cet inconvénient majeur, a proposé de détourner le cours de l'urine pendant tout le temps nécessaire pour que l'adhérence des lambeaux, cousus ou rapportés, se fît, et que la fistule s'oblitérât.
Dans ce but M. Ségalas a imaginé deux procédés dont le second s'adresse à un cas exceptionnel. L'inconvénient de ces procédés est précisément d'établir une fistule artificielle pour en guérir une accidentelle.
Premier procédé de M. Ségalas. Il consiste à maintenir pro-visoirement à l'état de fistule une portion de la perte de substance ou à pratiquer au besoin, au périnée, l'opération de la bouton-nière, en arrière de l'ouverture anormale; une sonde siphon est placée dans la vessie à travers l'ouverture artificielle et donne is-sue aux urines. L'auteur a réussi deux fois, par ce procédé, à ob-tenirla fermeture de fistules qui, jusque-là, avaient résisté à tous les autres moyens.
Deuxième procédé de M. Ségalas. Il s'agissait d'une absence complète des parois latérale et inférieure de l'urètre à partir du gland jusqu'au scrotum. La perte de substance avait été pro-duite par un amincissement et une mortification de l'urètre, qui avait supporté trop long-temps de grosses sondes. Ce malade ayant, heureusement un prépuce très long , voici comment M. Ségalas utilisa cette disposition au profit de son opération. H circonscri-vit la cicatrice de la verge entre trois incisions, l'une en arrière, transversale, et intéressant la partieantérieuredu scrotum; les deux autres, latérales et semi-elliptiques, s'étendant jusqu'au gland et se continuant sur les côtés avec les extrémités de la première. La ci-catrice disséquée et enlevée, la face inférieure des corps caverneux fut dénudée, et le prépuce d'un côté, le scrotum de l'autre furent ainsi coupés transversalement et se regardèrent par des bords sai-gnans. Alors, le prépuce fut fendu du côté du dos de la verge, comme s'il se fût agi de faire l'opération du phimosis. Le débride-ment permit au prépuce de glisser d'avant en arrière. A mesure que le gland se découvrait, le prépuce marchait vers les bourses, et il fut fixé à la lèvre qui y correspondait par sept points de su-ture. Une bougie fut placée dans la partie du canal opérée; elle sortait par le gland et le périnée, là sortait aussi la sonde d'abord introduite dans la vessie pour évacuer l'urine. Le succès de cette opération ne fut pas complet ; il fallut cautériser, revenir aune seconde et une troisième suture; enfin tout se remit et se conso-lida parfaitement. On dut alors penser à fermer l'ouverture du périnée. Pour cela on retira la sonde qui pénétrait dans la vessie par ce point et l'on réussit, non sans peine, à l'introduire par le gland dans ce réservoir. Peu-à-peu son diamètre fut augmenté, et quelques cautérisations avec le nitrate d'argent, finirent par guérir complètement la fistule périnéale. Le vingtième jour de l'établissement de la sonde dans l'urètre, les deux fistules furent guéries. Tout le traitement a duré quinze mois(i). Dans un autre cas où M. Ségalas opéra, il y avait aussi une fistule au périnée qu'il utilisa comme la première fois. Dès qu'on put retirer la sonde de la fistule périnéale et l'introduire dans la vessie par l'urètre nouvellement réparé, l'oblitération de l'ouverture du périnée fut très prompte ; elle ne dura pas plus de huit jours.
M. Ricord, de son côté, a mis cette méthode en pratique une fois, mais il n'a pu obtenir la guérison de son malade sans passer par une série d'accidens, tels qu'une épididymite et un abcès qui ont failli compromettre le succès de l'opération; dans le cas de M. Ricord, il n'y avait, point de fistule au périnée; elle fut créée artificiellement.
Au reste, ce n'est point là une opération nouvelle, mais seu-lement une application d'une opération déjà connue de Ledran, qui l'avait employée avec succès dans des cas de fistules du pé-rinée, compliquées de nombreux sinus, de callosités et d'un tel engorgement de l'urètre qu'il était impossible d'y faire pénétrer les bougies les plus fines.
MM. Jobert et A. Rérarcl, dans un rapport qu'ils ont fait à l'A-li) Lettre à M. Dieffenbach sur une Urétroplastie faite par un procédé nouveau, par P. E. Ségalas, 1840.
cadémie de médecine, sur l'observation de M. Ricord, concluent que le détournement des urines de la voie habituelle par l'intro-duction d'une sonde au périnée, en raison de ses inconvéniens, ne leur paraît admissible que dans trois cas, i° lorsque l'urètre est oblitéré; a" lorsqu'il n'est pas possible de pratiquer le cathé-térisme; 3° enfin, lorsqu'on aura eu recours, sans succès, aux sondes à demeure, à la suture, à la cautérisation, à l'auto-plastie, etc.
Certaines complications peuvent s'opposer à la guérison des fistules uretrales, lors même qu'elles sont traitées par les moyens les plus rationnels. Les corps étrangers, concrétions pierreuses ou autres , placés dans le trajet fistuleux ou dans son voisinage, y entretiennent un écoulement de pus. Quelquefois, malgré leur présence, l'orifice externe de la fistule se ferme, mais pour se rouvrir bientôt. Le seul moyen d'obtenir la guérison , est d'en-lever ces corps. Les procédés opératoires, à l'aide desquels on y parvient, seront décrits à l'article calculs urètraux.
Les callosités disparaissent ordinairement lorsque l'urine cesse de passer par la fistule; cependant il n'en est pas toujours ainsi, et l'on est quelquefois obligé de les inciser et d'agrandir la fis-tule pour en obtenir la résolution. Ledran et ses contemporains, considérant les callosités comme l'essence de la maladie, ne se bornaient pas toujours à les inciser, mais excisaient toutes celles qui se trouvaient dans le trajet de la fistule. On a reconnu depuis que ces excisions, non-seulement étaient inutiles, mais encore dangereuses, et on y a renoncé.
POLYPES DE L'URÈTRE.
Ils peuvent exister dans les deux sexes, mais ils ont été observés beaucoup plus fréquemment chez la femme que chez l'homme. Chaussier et madame Lachapelle en avaient parlé les premiers. Wardrop en a rencontré un cas, et M. Velpeau 8 à io depuis 1825. Chez l'une de ces malades, les excroissances, au nombre de trois, égalaient à peine le volume d'un grain d'orge.
L'excision, la cautérisation et le broiement sont les moyens à l'aide desquels on les fait disparaître.
Excision. Procédé de M. Velpeau. Sur un malade qu'il opéra en 1825 , il saisit le polype avec une érigne, l'attira un peu, et en fit sur-le-champ l'excision, sans avoir causé la moindre douleur. Dès le lendemain, la malade se trouva guérie.
Chez l'homme, leur siège est presque toujours voisin du méat urinaire; par conséquent, il est possible de les exciser ou de les broyer avec une pince ; mais lorsqu'on ne peut les apercevoir, il faut les traiter comme un rétrécissement, par la cautérisation et la dilatation. Une fois que ces polypes ont été excisés ou broyés, il est rare de les voir repulluler.
CALCULS ARRÊTÉS DANS L'URÈTRE.
Ces calculs se rencontrent dans les deux sexes, mais ils sont beaucoup plus fréquens chez l'homme dont l'urètre étroit, long et flexueux, présente comme une suite d'obstacles pour leur ex-pulsion au dehors, tandis que celui de la femme, très court, large et presque droit, leur oppose rarement des arrêts qui les obligent à séjourner dans son intérieur. Ces calculs ont diverses origines. Le plus souvent ils viennent delà vessie; quelquefois aussi, ds se forment dans le canal même, et s'agglomèrent par dépôt derrière un rétrécissement. Enfin, outre les calculs, on rencontre quelquefois dans l'urètre des corps étrangers que h1 malade lui-même y a introduits, soit par monomanie, soit par quelque ca-price de luxure déprav.ée Une cause nouvelle et fréquente de calculs urétraux tient à l'introduction de la lithotritie vésicale dans la pratique, les nombreux fragmens qui en résultent, petits et anguleux, s'accrochant avec facilité dans le canal où ils sont poussés par le jet de l'urine.
Dans les cas ordinaires, les calculs urétraux sont de simples graviers qui, en séjournant dans l'urètre, derrière un obstacle quelconque, y acquièrent peu-à-peu un volume parfois assez considérable. Ces calculs peuvent séjourner plus ou moins de. temps dans le canal sans déterminer d'accident grave et sans être reconnus. Alors ils se creusent une rigole pour laisser passer l'urine, et peuvent faire croire à l'existence d'un rétrécissement. M. Velpeau rapporte qu'un malade, souffrant depuis dix ans, qu'on avait soumis à toutes sortes de traitemens sans pouvoir ja-mais pénétrer dans la vessie, et qui n'urinait que par un jet très fin,se trouva guéri aussitôt qu'illui eut retiré, de la portion mem-braneuse de l'urètre, un calcul du volume d'un petit pois. Mais dans d'autres circonstances, leur contact ne peut être supporté impunément, et après s'être creusé une poche dans les tissus environnans, ils donnent lieu à une inflammation bientôt suivie d'une ulcération assez grande pour donner passage au corps étranger et puis à de l'urine. Dans ce cas, si l'ouverture anormale est oblique et sinueuse, elle peut s'oblitérer, tandis que, si elle est directe et très courte, elle persiste et dégénère en vraie fistule.
Les calculs qui s'introduisent dans l'urètre peuvent s'arrêter dans l'une des trois portions prostatique, membraneuse ou spon-gieuse. C'est surtout au moyen de la sonde qu'on s'assure de la présence et du lieu qu'occupe le calcul dans l'urètre.
Extraction des calculs de la portion prostatique. De deux choses l'une, ou bien le calcul ferme complètement l'urètre et interrompt le cours de l'urine, ou bien l'urètre n'est pas com-plètement oblitéré, et l'urine peut encore s'échapper. Dans l'un et l'autre cas, l'extraction, par une incision pratiquée au périnée, est le seul moyen à employer, seulement le procédé dif-fère un peu.
i° Cas d'oblitération complète de l'urètre (Pl. 5y bis, fig. 3). Le malade étant placé comme pour l'opération de la taille péri-néale, les bourses relevées par un aide, on introduit dans le canal, jusque sur le calcul , un cathéter cannelé qui sert de guide pour pratiquer une incision longitudinale dans la partie musculeusede l'urètre. Le calcul étant accessible au toucher, on introduit le doigt indicateur seul, ou mieux l'indicateur et le médius ensemble dans le rectum afin de faire saillir le corps étranger dans la plaie, qu'on agrandit alors en prolongeant vers lui l'incision; lorsqu'on juge l'ouverture assez grande pour permettre la sortie du calcul, pendant que, pour en faciliter l'énucléation, un aide écarte les lèvres de la plaie, on saisit le corps étranger, soit avec une curette, soit avec une forte pince ordinaire à disséquer, et on s'efforce de l'entraîner au dehors.
20 Cas d'oblitération incomplète. La différence consiste dans la possibilité d'introduire dans la vessie un cathéter cannelé sur lequel, on pratique, au périnée une incision oblique, comme dans la taille latéralisée; puis, se guidant sur la cannelure du cathéter, on incise la partie membraneuse et la partie prostatique de l'u-rètre dans une étendue suffisante; lorsque, au toucher, par la
plaie, on s'est assuré qu'elle est assez grande pour permettre au calcul de la traverser, on porte, ou l'on fait porter par un aide, deux doigts dans le rectum pour le pousser en avant, et l'on en fait l'extraction comme nous l'avons dit précédemment.
Extraction des calculs de la portion jviemrraneuse. On peut extraire le calcul par incision , ou bien avec des instrumens spé-ciaux. Si l'on préfère l'incision, on agit comme dans le cas où le calcul occupe la région prostatique. Cette opération , quoique assez dangereuse, doit généralement être préférée à l'extraction par le crochet, par la curette articulée, ou par les lithotriteurs, la manoeuvre de ces instrumens offrant plus de difficultés dans la partie courbe de l'urètre que dans la partie droite ou spongieuse. L'extraction est rarement suivie de fistules; toutefois, cet acci-dent peut survenir et persister long-temps. Chez un malade opéré à la Charité, en 1838, par M. Velpeau, et dont la portion bul-beuse de l'urètre n'offrait qu'un très petit calcul, la fistule per-sistait encore au bout de cinq mois.
Extraction des calculs de la portion spongieuse. Ici, comme dans les cas précédens , on peujt extraire le calcul par une incision faite aux parois du canal, mais avec les ressources que l'on possède aujourd'hui on ne voit guère dans quel cas cette opération pourrait être justifiée. Les moyens employés pour ex-traire les calculs de la portion spongieuse se rangent sous trois chefs principaux, savoir : l'extraction avec dilatation préalable du canal, l'extraction sans dilatation préalable, et enfin l'extrac-tion après broiement du calcul, ou la lithotritie urétrale.
i° Extraction avec dilatation préalable. Depuis long-temps cette méthode était connue des Égyptiens qui dilataient le canal, par l'insufflation de l'air, et opéraient ensuite la succion pour tâcher d'attirer le calcul. Les injections huileuses, les bougies en cordes à boyau, les sondes d'un gros calibre étaient usitées dans le même but de dilater le canal. En même temps qu'on retirait la sonde, on recommandait au malade de pousser son urine avec, force pour tâcher de chasser le calcul.
Éponge préparée. Thomas de Londres est le premier qui ait mis en usage ce moyen qui trouve une application avantageuse exclusivement chez la femme; A. Cooper, qui, après lui, s'en est assez fréquemment servi, prétend en avoir retiré de grands avan-tages. Dans son premier mémoire, il rapporte l'histoire d'une jeune fille de 11 ans, qui, en juin i8i5, fut soumise à la dilata-tion de l'urètre par l'éponge préparée ; au bout du troisième jour, son canal fut assez dilaté pour permettre d'introduire avec faci-lité une tenette dans la vessie, et d'en extraire un calcul dont la circonférence avait 3 pouces 3/4 ( mesure anglaise). Le même moyen pourrait être employé, si le calcul, au lieu d'être dans la vessie, était situé dans l'urètre. A ce sujet, A. Cooper pense que l'usage de l'éponge présente de grands avantages, puisqu'elle permet à l'urine de s'écouler en même temps que l'urètre est soumis à la dilatation , et prévient ainsi l'irritation qui aurait pro-bablement lieu si on avait employé toute autre substance qui se fût opposée à la sortie de l'urine. Chez l'adulte, on se contenterait délaisser l'éponge en place pendant 24 heures, et, après ce temps, on pourrait extraire un calcul volumineux sans déterminer beau-coup d'irritation; mais, chez les enfans, la dilatation doit être plus graduelle, car, en raison de la plus grande irritabilité à cet âge, elle provoque plus de douleurs. La rétention d'urine, pen-dant que l'éponge est dans le canal, détermine aussi une irritation considérable; aussi, serait-il convenable de creuser une gouttière à la partie latérale du cylindre d'épongé, afin de favoriser l'écou-lement graduel de l'urine. On pourrait craindre de voir une in-continence de ce liquide succéder à une aussi grande dilatation du canal; mais il parait, d'après l'observation de Thomas et de A. Cooper, que cet accident n'a pas lieu , et que l'urètre recou-vre complètement sa contractilité.
20 Extraction sans dilatation préalable. Le premier essai à ten-ter est d'extraire directement le calcul avec une pince qui le saisisse et l'amène au dehors. Les modifications des procédés dépendent des instrumens dont on fait usage.
Lorsque les calculs sont peu éloignés du méat urinaire, on peut les extraire avec une pince à pansement ordinaire. M. Le-roy d'Etiolles en a imaginé une, munie d'un pas de vis qui sert à en écarter les branches dans le canal. Celle de M. Civiale res-semble à une pince à polype droite à mors très étroits. A 1 cen-timètre 1/2 ou 2 centimètres de leur extrémité se trouve une vis transversale destinée à les rapprocher lorsque la pierre a été sai-sie entre eux (Pl. 54, fig. 62 et 63). Dans cette même région l'anse de fil d'archal ou de laiton proposée d'abord par Marini, puis par Sabatier, pourrait encore être utile : quelques personnes préfèrent employer un petit crochet (fig. 53), comme le fit M. Ci-viale avec succès en 1828 sur Boisseau, ou bien une petite cu-rette. Quel que soit l'instrument dont on se serve , il faut avoir soin de saisir la verge au-dessous du calcul, afin de l'empêcher de glisser plus profondément. Enfin, il pourrait arriver qu'on fût obligé d'inciser le gland sur sa face inférieure depuis le méat jusqu'au calcul ; un bistouri étroit et boutonné serait l'instrument qu'il faudrait employer.
Lorsque le calcul est situé plus profondément, les divers instru-mens dont nous venons de parler ne pouvant pas servir, on en a imaginé une foule d'autres parmi lesquels nous trouvons : i°La curette articulée de M. Bonnet et de M. Leroy (fig. 54, 55). Cet instrument est constitué par une tige droite, longue de 20 à 25 centimètres terminée à l'une de ses extrémités par une petite pièce arrondie, présentant à son centre un enfoncement hémisphérique, articulée avec elle par une charnière et susceptible de se redres-ser sur elle à angle droit, à l'aide d'une vis de rappel, de manière à former une espèce d'onglet de 4 millimètres de longueur. Lorsqu'on introduit cette curette, la petite pièce mobile affecte la même direction que la grande tige; ce n'est qu'après avoir dépassé le calcul qu'on la rend horizontale. Alors en tirant sur l'instrument, il est arrêté par la pierre, et ne peut sortir qu'en l'entraînant avec lui. Il est assez fort pour vaincre la résistance qu'elle peut lui opposer. La curette articulée est un instrument fort commode, et qui présente beaucoup de sécurité; il en existe une courbe (fig. 56), destinée, à retirer les calculs de la partie courbe de l'urètre, mais elle est moins usitée que la droite, a0 La pince de Halles, dite pince de Hunter, très connue en chirur-gie, est constituée par une tige droite contenue dans une canule d'argent. Cette tige se termine, du côté qui doit pénétrer dans 1 urètre, par deux branches, en forme de cuillère, concaves en de-dans et convexes en dehors, qui s'écartent l'une de l'autre, par leur élasticité propre, toutes les fois qu'on pousse la tige hors de la canule, et qui se rapprochent lorsqu'on la retire dedans. On in-troduit cette pince fermée dans le canal; lorsqu'elle est arrivée sur la pierre, on retire la canule; les deux branches, devenues libres, s'écartent, dilatent l'urètre, pénètrent entre ses parois et le calcul
qu'elles embrassent ; alors, en repoussant la canule, elles le serrent assez pour qu'on puisse tirer avec une certaine force dessus, sans crainte de les voir lâcher prise. Cette pince a subi dans son mécanisme diverses modifications. Une des plus impor-tantes est celle de M. Civiale (fig. S7). 11 a rendu la tige creuse dans toute sa longueur, et a placé dans sa cavité un mandrin, qui, poussé en avant, sert à acquérir la certitude que la pierre est com-prise entre les deux mors de la pince. 3" Pince de M. Leroy (fig. 5S). Elle est également constituée par une canule, une tige creuse et un mandrin droit, mais la tige se divise en trois branches légèrement recourbées en dedans, et qui se rapprochent ou s'é-cartent suivant qu'on pousse la tige hors de la canule, ou qu'on la retire dedans. 4° Pince de M. Amussat (fig. 5i). C'est encore une canule divisée à son extrémité antérieure en quatre languet-tes, et portant dans son intérieur une tige métallique terminée par un bouton arrondi.
Lorsqu'on n'a pu réussir par l'intermédiaire de ces divers in-strumens, on peut tenter le broiement.
3° Extraction après le broiement du calcul, ou lithotritie uré-trale. Ce n'est que dans ces derniers temps que les instrumens, propres à opérer la lithotritie urétrale , ont acquis tout le degré de perfectionnement qui rend leur emploi sans danger. Albu-casis employait, pour briser la pierre, un simple perforateur, qui pouvait blesser les parois uretrales. La tarière que A. Paré et Franco enfonçaient à travers une canule jusqu'au calcul, ne vaut pas mieux. Il est inutile d'insister sur beaucoup d'autres instru-mens et procédés anciens dont l'action est si peu certaine, que l'incision des parois de l'urètre devrait leur être préférée.
M. Leroy a proposé, pour le cas particulier suivant, un pro-cédé fort ingénieux. Supposons qu'un petit gravier se soit en-chatonné dans l'un des côtés du canal, en laissant une portion de son calibre assez large pour donner passage à une sonde. Ce chirurgien commence par mesurer l'espace qui sépare le méat urinaire du calcul; puis il conduit dans l'urètre, jusque sur le point où est logé le calcul, une sonde d'un diamètre proportionné à la largeur du canal et dont l'extrémité présente un œil assez grand pour que le calcul puisse y faire saillie; lorsque cet œil est arrivé au niveau du corps étranger, il cherche à l'y faire entrer. Dès qu'il y est parvenu, ce dont il est facile de s'assurer, avec un mandrin introduit dans la sonde, il recommande à un aide de comprimer le calcul contre l'ouverture de la sonde , dans laquelle il pousse un mandrin à fraise, ou bien une lime cy-lindrique qui, par des mouvemens de va et vient, use la pierre et la réduit en poussière. Si la totalité du calcul ne pouvait être détruite de la sorte, et qu'il en restât encore une petite partie dans la cellule, on chercherait à l'ébranler et à la retirer du point où elle serait enchatonnée à l'aide de la curette, du crochet et de la pression extérieure; ce qui ne présenterait pas beaucoup de difficultés.
Les instrumens dont nous allons parler sont d'une application plus générale.
(a) Pince de M. Amussat (Pl. 54 , fig. 5i). Elle est constituée par deux branches qui glissent l'une sur l'autre, de manière à en éloigner ou en rapprocher le mors à volonté. Dans son ensem-ble, cet instrument n'est autre, en plus petite dimension, que le percuteur employé pour la lithotritie vésicale. Son objet est le même, les petits mors, dont l'un est reçu dans l'autre, ayant pour objet de broyer les calculs par leur rapprochement.
T. VU.
(b) Pince de M. Ségalas (Pl. 54, fig. 5a). Elle ne diffère de la précédente que par le mécanisme suivant lequel les deux mors se rapprochent ou s'éloignent l'un de l'autre; ici, au lieu d'agir avec la main , on agit au moyen d'un écrou et d'une vis placés à l'ex-trémité externe de la branche à mortaise.
(c) Lithotriteur urétral de M. Dubowitski (pl. 54, fig- 01). Cet instrument est constitué par la curette articulée sur laquelle vient agir une fraise. Il est inutile d'insister sur plus de détails quela figure 60 (pl. 54) suffit pour faire comprendre.
Lithotriteur urétral de M. Leroy (fig. 61). Pensant que l'in-strument de M. Dubowitski ne présentait pas de garanties assez certaines contre le pincement de la muqueuse urétrale entre la fraise du mandrin et le calcul, il a placé dans la première canule une seconde canule divisée à son extrémité urétrale en trois bran-ches légèrement recourbées en dedans, et susceptibles de se rap-procher en retirant la seconde canule dans la première, et de s'é-carter en la poussant au dehors. La fraise portée par le mandrin agit sur le calcul. C'est, en un mot, le lithotriteur de la vessie diminué de dimensions. Lorsque la curette est placée, on intro-duit la canule principale; quand elle est arrivée sur le calcul, on pousse celle qui est contenue dans son intérieur ; ses branches s'écartent aussitôt, s'insinuent entre les parois de l'urètre et le calcul qu'elles embrassent; alors on peut faire agir le mandrin sur lui en toute sécurité, car il est parfaitement assujetti, et les parois de l'urètre sont à l'abri de toute atteinte.
DILATATION ANORMALE DE L'URETRE.
Cette affection est très rare. M. Hobart en a publié un cas dans la Bévue médicale de i83o (t. iv, p. 283). L'urètre de son malade offrait une dilatation considérable d'où résultait une incontinence d'urine. Pour remédiera ce grave inconvénient, M. Hobart con-çut l'idée de diminuer le calibre de l'urètre en enlevant, sur sa paroi inférieure, un ruban large de plusieurs millimètres, et de ré-unir ensuite la plaie par la suture. Ce procédé, mis à exécution, réussit parfaitement.
M. Gensoul a pratiqué la même opération chez une femme. Les bords de la plaie, maintenus en contact par la suture entor-tillée, se réunirent très bien; l'urètre reprit son calibre primitif, et l'incontinence d'urine cessa (Archives gènèr., 2e série, t. vm).
TUMEURS DE LA PROSTATE.
La prostate présente quelquefois des tumeurs plus ou moins volumineuses qui proéminent à la surface interne de la vessie, obstruent l'orifice vésical de l'urètre, et s'opposent à l'excrétion de l'urine. Naguère encore , on ne tentait contre la rétention d'u-rine causée par ce genre de maladie, quela dilatation ou l'affais-sement de la glande avec les sondes en gomme élastique, et comme ressource dernière la ponction de la vessie. Dans un cas de cette espèce cité par Sabatier,on pratiqua la ponction sus-pubienne au malade, qui porta la canule pendant un an entier. Dans le traite-ment par dilatation ou affaissement, dès qu'on cessaitl'usage des bougies ou des sondes, la difficulté d'uriner se renouvelait, parce que la prostate, n'étant plus comprimée, revenait dans son pre-mier état de tuméfaction. Ces symptômes, augmentant peu-à-peu, l'usage des sondes devenait impossible, et la rétention d'urine, complète, exigeait la ponction sus-pubienne qui n'était elle-même
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qu'une ressource temporaire, Les choses en étaient là, lorsque M.Leroy (d'Étiolles) proposa et mit à exécution un traitement qui lui procura des succès sur lesquels on ne devait pas trop compter.
Les moyens employés par M. Leroy ont pour objet d'agir sur le lobe médian pathologique, et consistent dans la dépression, la dilatation, la scarification et la ligature.
i* Dépression du lobe médian de la prostate. Dans un pre-mier procédé, M. Leroy introduisait dans la vessie une sonde en gomme élastique à l'aide d'un mandrin courbé, redressait ensuite cette sonde en substituant un mandrin droit au mandrin courbé , laissait la sonde en place pendant, un quart d'heure ou une demi-heure, et recommençait tous les jours la même manœu-vre, pendant dix à quinze jours. Etant parvenu par ce moyen, tout mécanique et tout empirique, à obtenir des guéri sons tempo-raires pour plusieurs mois, et même pour plusieurs années, de ré-tentions d'urine qui avaient résisté à tous les autres moyens, M. Leroy a cherché à déterminer pourquoi la récidive avait toujours, lieu presque aussitôt la cessation du traitement ; mais il n'a pu arriver à une bonne solution. Quoi qu'il en soit, le moyen soulage, et même il guérit, partant il est bon ; mais il pré-sente quelquefois delà difficulté dans son application. C'est dans l'introduction du mandrin droit que gît. cette difficulté, parce que le lobe engorgé de la prostate oblige la sonde à former un coude de bas en haut; et comme le mandrin droit a pour but de ramener la sonde à la rectitude en déprimant le lobe prostatique, il n'est pas toujours possible d'y parvenir sans faire des efforts qui pourraient produire des désordres dans les parties. Pour re-médier à cet inconvénient M. Ri gai, puis M. Leroy et M. Tan-chou ont eu recours à divers expédiens, dont le dernier résultat a été de combiner un mandrin articulé qui se redresse par un mécanisme dans le col de la vessie (Pl. 5/j, fig. if\ et a5).
A ce sujet M. Malgaigne observe judicieusement que toutes ces modifications sont parfaitement inutiles, car en se servant d'une sonde métallique à courbure ordinaire, dès que la courbure a pénétré dans la vessie, l'urètre est nécessairement occupé par la portion droite de l'instrument, et l'on est plus sûr encore du résultat en se servant de la sonde à courte courbure de M. Mercier.
¦2° Dilatation. Avant même que M. Mercier eût inventé sa sonde, M. Leroy avait imaginé un instrument appelé dilatateur de la prostate, propre à obtenir un résultat plus complet et plus avantageux. Cet instrument, calqué sur le lithomètre, se compose de deux branches glissant l'une sur l'autre lorsqu'il est introduit dans la vessie (Pl. 57, fig. 1 et 2); en écartant ces branches, on dé-prime le lobe médian pathologique de la prostate, ou bien on éloigne les lobes supérieur et inférieur de la prostate hypertro-phiée. Le but de ces deux opérations est de tracer un canal dans l'épaisseur deslobes de la prostate, dont l'accroissement de volume fait disparaître, par l'accollement des parois, la portion prostati-que de l'urètre, ou bouche, par le lobe médian, le col de la vessie.
:'/" Scarification. Lorsque la dépression ne suffit pas pour ob-tenir un résultat satisfaisant, M. Leroy substitue au dépresseur un scarificateur (Pl. 54, fig. 48 et 56 bis, fig. 9), construit de la même manière et portant sur la concavité et sur la convexité de l'extré-mité recourbée de sa branche à coidisse, une lame tranchante et semi-elliptique. La lame, qui est sur la convexité de l'instrument, est dissimulée pendant son introduction, et ne se montre au de-hors qu'alors qu'on est arrivé sur la partie de la prostate engorgée.
4" Ligature. Lorsque la dépression et les scarifications n'ont pu parvenir à dégorger assez la prostate pour permettre au ma-lade d'uriner sans le secours de la sonde ; que la maladie au lieu de diminuer augmente, et enfin que le lobe médian, engorgé, fait une saillie assez considérable dans la vessie , pour qu'on puisse l'embrasser dans une ligature, on doit tenter cette opération.
Procédé de M. Leroj [dEtiolles). Ce chirurgien a imaginé deux porte-ligatures (Pl. 54, fig. 65 a, b, et fig. 66 a, b, c). Le premier, fig. 65, est constitué par une canule porte-nœud, gra-duée et par un mandrin courbe à deux brandies. L'une de ces branches, qui est fixe, se termine, à son extrémité vésicale, par un bouton olivaire destiné à dissimuler l'extrémité de l'autre branche qui est mobile et s'adapte à la convexité de la première. Au repos, l'instrumenta la forme d'une sonde courbe ordinaire ; lorsqu'il est arrivé dans la vessie, on fait subir un demi-tour à sa branche mobile, dont la convexité regarde alors la convexité de l'autre branche; chacune de ces branchés, porte à son extré-mité interne un trou destiné à laisser passer un des bouts de l'anse de fil destinée à étrangler la tumeur : et enfin ces deux bouts réunis sont introduits dans la canule serre-nœud par un trou si-tué sur la face concave près de son extrémité, à laquelle on a le soin d'adapter un embout en argent. Cet instrument est fort bon, mais la sonde se trouve bouchée par le lobe lié et parle mandrin.
Le second de ces instrumens (Pl. 54, fig- 66, et Pl. 57, fig. 31 est aussi constitué par une canule porte-nœud, mais surmontée d'un embout courbe qui lui donne la forme d'une sonde ordi-naire. Près du point d'union de l'embout et de la canule porte-nœud, celle-ci présente une ouverture destinée à laisser passer une canule métallique qui ne la remplit pas entièrement, et qui contient dans son intérieur un mandrin terminé à son extrémité interne par deux ressorts qui se trouvent adossés quand le man-drin est retiré dans la canule, et s'écartent lorsqu'on la pousse au dehors. Ces deux ressorts se terminent à leur extrémité libre par un demi-bouton olivaire et présentent chacun, derrière ce bouton, un trou pour le passage des bouts de l'anse de fil, qu'on ramène dans la canule, et de là au dehors par l'œil qui laisse passer la canule métallique et son mandrin. Cet instru-ment a sur le précédent l'avantage de permettre à l'urine de sor-tir, et de pouvoir être laissé en place jusqu'à ce que la tumeur soit détachée.
Lorsqu'on veut pratiquer la ligature du lobe hypertrophié, il faut introduire l'instrument fermé, comme unesonde ordinaire, le bec en haut. Une fois arrivé dans la vessie , on l'ouvre, et l'on cherche à comprendre la tumeur entre l'anse de fil et les ressorts de l'extrémité du mandrin; quand on y est parvenu, on saisit la canule porte-nœud avec la main gauche pour la soutenir, on passe l'indicateur et le médius de la main droite dans les anneaux de la canule métallique, le pouce dans l'anneau de l'extrémité externe du mandrin; on retient avec le médius les bouts de l'anse de fil, et l'on retire le mandrin dans sa canule; la base de la tu-meur, se trouvant entourée par l'anse, il suffit, pour l'étreindre, de tirer fortement sur les extrémités du fil, delesfixer, etde tourner le mandrin sur son axe; chaque jour on augmente graduellement la constriction ; bientôt la tumeur, privée de vie, tombe en putri-lage, et se détache par morceaux qui sont entraînés avec les urines.
PONCTION DE LA VESSIE.
Lorsqu'on a essayé de tous les moyens propres à débarrasser le
passage naturel de l'urine, et qu'on n'a pu réussir, il faut créer pour ce liquide, sinon un urètre, du moins un passage artificiel, en ponctionnant la vessie. C'est le seul moyen de sauver le ma-lade.
La ponction de la vessie peut se pratiquer de quatre manières différentes, par le périnée, par le rectum, par l'hypogastre et par l'urètre.
PONCTION DE LA VESSIE PAR LE PERINEE.
La ponction périnéale, recommandée par Riolan et Thévenin et décrite par Dionis,a été pratiquée par Tolleten 1701. Dionis con-seille de faire une incision de 3 centimètres (1 pouce) sur le raphé, d'enfoncer au-devant de l'anus un long bistouri jusque dans la vessie, et de glisser dans la plaie une canule qu'on y fixe à de-meure pour servir à l'évacuation de l'urine. Dionis recommande aussi de préférence de faire l'incision extérieure oblique, comme dans la taille latérale, pour tomber en dehors de la prostate. Lapeyronie eut l'idée de substituer le trocart au bistouri, pen-sant que l'opération serait moins dangereuse. Heister et Juncker ont partagé cette opinion. Depuis lors la ponction par le trocart a été adoptée en France comme méthode générale. Voici comment on la pratique.
Procédé ordinaire. On se sert d'un trocart long de 19 à 22 cen-timètres, creusé d'une rainure profonde sur sa tige; la canule est percée près de son extrémité antérieure d'un trou qu'on met en rapport avec l'extrémité correspondante de cette rainure, de façon que l'urine pénètre dedans, sort à l'extérieur par son autre extré-mité, et annonce qu'on est arrivé dans la poche urinaire.
Le malade, couché horizontalement, les jambes et les cuisses fléchies, est fixé par des aides, comme pour l'opération de la taille. L'un d'eux comprime légèrement la vessie à la région hypo-gastrique avec une main, et relève les bourses avec l'autre main.
Le chirurgien, placé entre les cuisses du malade, applique le doigt indicateur de la main gauche sur le côté du raphé, entre l'urètre et la branche de l'ischion, de 7 à 9 millimètres ( 3 ou 4 lignes) au devant de l'anus, pour tendre le périnée, et diriger plus sûrement la pointe du trocart; ou bien il met le doigt dans le rectum pour éloigner autant que possible cet intestin du lieu oû se fait la ponction. Armant alors sa main droite du trocart, il en porte la pointe sur le milieu d'une ligne qui, partant de la tubé-rosité de l'ischion , se terminerait au raphé à 5 millimètres (2 li-gnes) au-devant de la marge de l'anus. H enfonce d'abord l'instru-ment parallèlement à l'axe du corps, et en dirige ensuite la pointe un peu en dedans, pour percer la partie du bas-fond de la vessie comprise entre la base de la prostate et l'insertion de l'urètre. La sortie de quelques gouttes d'urine, qui s'échappent par le sillon du trocart, et le défaut de résistance, indiquent qu'il est entré dans la vessie. A ce moment il saisit la canule avec la main gauche, retire le poinçon, et laisse écouler l'urine. Lorsque la vessie est vidée il bouche la canule, et la fixe aux sous-cuisses d'un bandage en T.
Si l'on exécute cette opération sur un cadavre après avoir dis-tendu la vessie avec de l'eau, et qu'on dissèque les parties en maintenant la canule en place, on trouve qu'elle a traversé la peau, une couche épaisse de tissu cellulaire graisseux, le muscle releveur de l'anus et le bas-fond de la vessie, près de son col, ou le col lui-même à travers la prostate.
Comme le trocart poussé à travers une aussi grande épaisseur de tissus, peut glisser sur la vessie au lieu de la traverser, s'il ne tombe pas dessus perpendiculairement, et peut alors aller s'éga-rer, suivant sa direction, en haut, en dehors ou en arrière, ainsi que cela est arrivé plusieurs fois à Foubert lui-même, qui en fai-sait le premier temps de son procédé de taille périnéale: Saba-tier voulut, avec raison, qu'on commençât par inciser le périnée avec un bistouri, et qu'on ne ponctionnât la vessie qu'après l'a-voir sentie au toucher distendue au fond de la plaie.
Boyer partage cette opinion, et pense en outre que cette inci-sion préliminaire aurait l'avantage de procurer un dégorgement, d'abord sanguin et ensuite purulent, qui pourrait être salutaire pour l'affection qui a déterminé la rétention d'urine. Du reste, en Angleterre, l'incision n'a jamais été abandonnée. C'est encore d'après les principes posés par Dionis que la plupart des chirur-giens de ce pays se conduisent.
Procédé d'A. Cooper. Il faisait son incision un peu à gauche du raphé, repoussait le bulbe à droite avec l'indicateur gauche, disséquait le tissu cellulaire , coupait la partie des releveurs de l'anus qui va à la prostate , repoussait cette glande du côté droit lorsqu'elle était découverte et pénétrait jusque dans la vessie par le côté gauche de son col.
Procédé de M. Velpeau. Ce chirurgien préconise aussi l'inci-sion préliminaire, et bien qu'il n'ait jamais eu, dit-il, l'occasion de ponctionner la vessie, s'il était jamais dans la nécessité d'ouvrit-une voie artificielle aux urines, il se bornerait à chercher l'urètre, et à lui faire une boutonnière entre le rétrécissement et l'anus, dût-il comprendre le sommet de la prostate dans son incision. Cette ouverture, suivant lui, aurait le double avantage d'offrir un passage à la sonde et aux canules qu'on voudrait introduire dans la poche urinaire, et de permettre immédiatement d'agir sur le canal malade, d'arrière en avant. Mais, ainsi que nous l'avons dit dans l'article précédent, si l'obstacle existait dans la région prostatique, ce procédé serait inapplicable.
PONCTION DE LA VESSIE PAR LE RECTUM (Pl. 5^, fig. 5).
Fleurant, de Lyon, est généralement regardé comme l'inven-teur de cette méthode. Ce chirurgien ayant remarqué, en por-tant le doigt dans le rectum, que, dans l'ischurie, le bas-fond de la vessie forme une tumeur bien sensible qui comprime cet in-testin jusqu'au point de s'opposer à l'évacuation des matières stercorales, imagina de percer avec un trocart le rectum et la vessie pour donner issue à l'urine, et obtint plusieurs succès.
Procédé de Fleurant. L'instrument est un trocart courbe de 13 à 15 centimètres (5 pouces à 5 pouc. 1^2); le pavillon de la canule est garni d'une plaque en bec de cuiller percée de trous. Le malade étant placé comme précédemment en travers de son lit, le chirurgien introduit le doigt indicateur de la main gauche, bien graissé d'huile, dans le rectum, le plus profondément qu'il peut, au-delà de la prostate, et jusqu'à ce qu'il touche bien dis-tinctement la tumeur formée par le bas-fond de la vessie. Sai-sissant alors, de la main droite, le trocart également enduit d'un corps gras, et dont il a eu la précaution de cacher entière-ment la pointe dans la canule, pour qu'elle ne blesse pas les par-ties, il le fait glisser, par son côté convexe, sur le doigt placé dans le rectum. Lorsque l'extrémité de la canule a dépassé le bout du doigt et se trouve en contact avec la paroi antérieure de l'intestin,
en faisant saillir la pointe du trocart hors de la canule, le chirur-gien transperce la cloison recto-vésicale à i centimètres i/i ( 1 pouce) au-dessus de la prostate, entre les vésicules séminales, puis il re-tire le doigt du rectum, et, saisissant la canule avec le pouce et l'index gauche pour l'empêcher de sortir, il retire en même temps le poinçon : l'urine sort aussitôt. A mesure qu'elle s'écoule il faut soutenir et pousser un peu la canule, dans la crainte qu'elle ne s'échappe de son ouverture pendant que la vessie revient sur elle-même.
Lorsque l'urine a cessé de couler, on fixe la canule avec des fils passés dans les ouvertures de son pavillon, et qu'on vient atta-cher en avant et en arrière à un bandage de corps. Pour mieux l'as-sujettir on l'entoure d'une compresse et d'un bandage en T double. On pourrait se dispenser déboucher la canule, car le malade étant obligé de garder le lit, il serait facile de placer entre ses jambes un vase qui recevrait le liquide; toutefois, comme ce vase serait gênant, il vaut mieux boucher la canule avec un fosset qu'on enlève chaque fois que le besoin d'uriner se fait sentir. Lorsque le malade veut aller à la garde-robe on enlève le bandage en T, on relève un peu la canuleet on la soutient pendant la sortie des ma-tières. On la maintient ainsi jusqu'à ce que les urines aient repris leur cours naturel. Alors seulement on peut l'ôter sans crainte, et l'ouverture par laquelle elle pénétrait se ferme promptement.
ponction de la vessik par lhypogastre (Pl. S'], fig-4)-
Cette opération n'est pas très ancienne , et ne paraît guère antérieure à la fin du xvii6 siècle.
Méry, dont l'opération, qui date de 170 1, a été consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences, est l'un des premiers qui l'aient pratiquée. Morand etTollet l'ont aussi exécutée vers la même époque; mais leurs succès n'avaient encore pu réussir à la faire adopter d'une manière générale, c'est à F. Côme , Paletta et Scemmerring, par les éloges qu'ils lui ont donnés que l'on doit son adoption dans la pratique. On a tout lieu de s'étonner que la ponction sus-pubienne de la vessie n'ait pas été pratiquée plus tôt, car la taille hypogastrique, qui se faisait bien long-temps aupara-vant, avait dû nécessiter, de la part des lithotomistes, des con-naissances exactes sur l'anatomie chirurgicale de cette région, et sur les rapports du péritoine avec la face antérieure de la vessie.
Dans sa première opération, Méry pratiqua sa ponction sur le bord externe et à l'extrémité inférieure du muscle droit; mais la seconde fois il ponctionna sur la ligne blanche, entre les deux muscles pyramidaux, immédiatement derrière la symphyse. C'est effectivement sur la ligne blanche à a ou 3 centimètres au-des-sus de la symphyse des os pubis qu'il convient d'opérer. On a rejeté, avec raison, le trocart droit, parce qu'il présentait deux in-convéniens capitaux : i° Si la canule était trop courte, lorsque la vessie, en se vidant, revenait sur elle-même, elle abandonnait l'instrument, et l'urine s'infiltrait dans le tissu cellulaire; ou tout au moins, si cet accident n'avait pas lieu, il fallait réintroduire la canule, c'est-à-dire, en quelque sorte, recommencer l'opération, a" Si la canule était trop longue, son extrémité allait frotter con-tre la paroi postérieure de la vessie, pouvait l'enflammer et y causer une eschare gangreneuse suivie d'épanchemens d'urine dans les tissus environnans. Le trocart courbe de F. Côme est l'instrument qu'on emploie aujourd'hui de préférence. Son poin-çon a 11 centimètres (4 pouces) de longueur, et est creusé d'un sillon, comme nous l'avons dit à l'article ponction périnéale. Sa courbure est celle d'une portion de cercle de 19 centimètres (7 pouces) de diamètre, et doit être fort exacte, afin qu'on puisse en retirer le poinçon avec facilité.
Manuel opératoire. On fait coucher le malade sur le bord droit de son lit, la tête et la poitrine un peu élevées par des oreil-lers, et les cuisses légèrement fléchies, afin de mettre les parois du ventre dans le relâchement. Placé du même côté, le chirurgien appuie l'indicateur et le pouce sur les côtés du lieu qu'il veut percer, pour tendre la peau et faciliter l'entrée de l'instrument, saisit avec la main droite le trocart enduit d'un corps gras, pré-sente sa pointe à l'abdomen de manière que sa concavité regarde la face postérieure des pubis, et l'enfonce perpendiculairement à l'axe du corps, sur la ligne blanche, à 3 centimètres de la sym-physe, jusque dans la vessie où il arrive après avoir traversé, une épaisseur de tissus qui varie suivant l'embonpoint des sujets. La sortie de quelques gouttes d'urine, qui viennent par la cannelure du trocart, et la sensation d'une résistance vaincue avertissent l'o» pérateur que l'instrument est parvenu dans la vessie. Il retire alors le poinçon, et le liquide sort par la canule; on bouche cette dernière, lorsque la vessie est vidée, puis on la fixe autour du corps avec deux rubans engagés dans les ouvertures de son pa-villon. Il faut par suite la déboucher de temps en temps lorsque le besoin d'uriner se fait sentir, en recommandant au malade de se coucher sur l'un ou l'autre côté pour faciliter la sortie du li-quide.Cette canule doit rester en place jusqu'à ce que l'urine sorte par le canal naturel, ou bien jusqu'à ce qu'on puisse pousser une sonde dans la vessie par l'urètre. Au bout de quelques jours, la légère irritation causée par la présence de la canule a déterminé des adhérences et la formation d'un canal accidentel dans toute l'épaisseur des tissus qu'elle traverse, en sorte que son trajet est pour ainsi dire devenu muqueux, et imperméable à l'infiltration des urines. On peut alors sans crainte retirer la canule pour la nettoyer, et on la replace ensuite dans son trajet fistuleux. Cer-tains malades ont été obligés de porter cette canule pendant plu-sieurs mois ; en pareil cas, il vaudrait mieux substituer à la ca-nule une sonde en gomme élastique , parce qu'elle est plus facile à introduire, et que sa présence est moins gênante. Boyer rap-porte qu'il a vu deux malades dont l'un a porté, sans accident, une sonde de gomme élastique au-dessus du pubis pendant trois mois, et l'autre pendant cinq mois.
L'incision préalable faite à la paroi hypogastrique dans la di-rection de la ligne blanche, comme la fit P. Franck sur le cadavre d'un individu très gras, mort de rétention d'urine, incision qu'A-bernethy a proposé de faire en toute circonstance, avant d'appli-quer le trocart, ne convient que dans les cas exceptionnels, et comme elle ne fait que compliquer l'opération, n'a point été adoptée. Nous en dirons autant de la gaîne dont M. Jules Clo-quet veut qu'on entoure la canule de l'instrument, afin qu'on puisse, de prime abord, laisser dans la plaie une canule flexible et non métallique. L'opération par le trocart courbe est réel-lement trop simple et trop facile, pour qu'il soit nécessaire de la modifier en quoi que ce soit.
ponction de la vessie par lurètre (Pl. ^, fig. 6, 7, 8).
Cette opération n'est guère proposable, et en devrait presque être pratiquée que dans les cas où un gonflement chronique de la prostate obstrue complètement l'urètre. Alors on pourrait par-venir dans la vessie de trois manières : i° En faisant passer la sonde au travers de la prostate (fig. 6) ; a0 en la faisant filer au-dessus
de cette glande, entre elle et la face postérieure des pubis, de ma-nière à pénétrer dans la vessie par sa face antérieure (fig. 7). 3° En la conduisant en dessous, entre la glande et le rectum, pour pé-nétrer dans la vessie par son bas-fond, immédiatement derrière la prostate , entre les canaux déférens et les vésicules séminales de chaque côté.
Si l'on voulait exécuter cette ponction, il faudrait suivre le pro-cédé de Lafaye, et seulement le modifier suivant qu'on ferait la ponction au travers, au-dessus ou au-dessous de la prostate.
Procédé de. Lafaye. Ce chirurgien se servit, dans le cas où il le pratiqua, d'une algalie légèrement courbe, ouverte à ses deux bouts, portant un mandrin d'argent terminé d'un côté par un an-neau, et de l'autre par une pointe triangulaire pouvant dépasser de 9 millimètres l'ouverture de l'algalie, dans l'intérieur de la-quelle il la tint cachée pendant son introduction dans le canal. Arrivé à l'obstacle, il porta l'index de la main gauche dans le rectum pour diriger l'instrument vers la vessie, poussa le man-drin hors de l'algalie contre l'obstacle, l'enfonça avec force dans son épaisseur en le portant dans la direction du col de la vessie, et pénétra dans ce viscère ; il retira alors le mandrin, et lorsque l'urine se fut écoulée, il assujettit l'algalie, et ne la retira qu'au bout de 15 jours, la remplaça successivement par des sondes d'un plus gros diamètre et ne cessa leur usage qu'alors qu'il fut cer-tain que la voie artificielle qu'il avait créée, pouvait donner pas-sage aux urines sans le secours des sondes.
Les modifications qui nous paraîtraient devoir être apportées à ce procédé si l'on voulait pénétrer dans la vessie au-dessus ou au-dessous delà prostate, seraient: i°De faire creuser un sillon sur la face convexe ou concave du mandrin, et un trou corres-pondant à l'origine de ce sillon à l'extrémité antérieure de l'al-galie, afin qu'on fût averti parla sortie de quelques gouttes d'u-rine, qu'on est arrivé dans la vessie. 1° Au lieu d'enfoncer le mandrin avec force, comme le fit Lafaye, de le pousser peu-à-peu dans la direction du point de la vessie qu'on veut aller percer. 3° Enfin, lorsqu'on voudrait arriver à la vessie en passant entre l'intestin et la prostate, de pousser autant le mandrin avec le doigt placé dans le rectum, sur la convexité et près de son extrémité, qu'avec l'autre main.
Chez la femme, la fonction de la vessie est une opération qu'on doit être très rarement dans l'obligation de pratiquer. Dans tous les cas, si l'on se trouvait obligé d'en venir là, on pourrait le faire par l'hypogastre ou par le vagin, exactement par les mêmes procédés que l'on suit chez l'homme.
Appréciation de l'opération elle-même.
Il est assez généralement reçu que la ponction de la vessie, quel que soitlelieu dans lequel on la pratique, est une opération assez grave, qui ne fait, le plus souvent, que compliquer la posi-tion du malade, et n'amène que très rarement de bons résultats ; aussi ne la fait-on presque jamais qu'après avoir épuisé tous les autres moyens, et en désespoir de cause. Cette opinion des chi-rurgiens, sur l'extrême gravité de l'opération, ne nous paraît pas suffisamment justifiée, car la ponction de la vessie, en elle-même, n'est après tout qu'une simple piqûre, moins dangereuse, à coup sûr, que celle qu'on fait à l'abdomen dans le cas d'ascite, puis-qu'elle ne pénètre pas dans le péritoine , et qu'elle ne donne pas à craindre l'infiltration de l'urine dans les tissus voisins, tant que la canule est dans son intérieur. Si la mort est arrivée le plus sou-
t. vii.
vent après la ponction, ce n'est pas comme on peut s'en assurer par la lecture des observations publiées sur ce sujet, à cause des accidens provoqués par la ponction , mais bien plutôt malgré la ponction qui a été faite trop tard, et qui n'a pu que vider la ves-sie, mais non arrêter les accidens déjà développés. En effet, disent MM. BéginetLallemand, quel résultat peut-on attendre d'une opé-ration pratiquéelorsque la vessie est prête àse rompre, qu'unefièvre intense est allumée, que des violences de tous les genres ont été exercées sur l'urètre, que les uretères sont distendus, les reins en-flammés , les phénomènes de la résorption urineuse développés, et souvent le système nerveux frappé de stupeur? Arrivé à ce degré avant lequel on a rarement recours à la ponction, le malade at-teint de rétention d'urine est frappé à mort ; aucun effort humain ne pourra le sauver; l'opération ne saurait être accusée d'im-puissance parce qu'elle ne l'a pas empêché de périr, et ne doit pas supporter la responsabilité de l'issue funeste du traitement.
En réalité, la ponction de la vessie, pratiquée en temps conve-nable, fait d'abord cesser les accidens delà rétention d'urine; et n'eût-elle point d'autre effet, que ce serait déjà beaucoup. Mais elle fait plus, d'abord elle donne le temps de réfléchir et de com-biner les moyens d'action. Le plus souvent, le canal n'étant plus irrité par le passage fréquemment répété de l'urine, se déterge; l'intensité de la cause qui avait donné lieu à la rétention du li-quide diminue assez pour, qu'au bout de quelques jours , il soit possible de porter une sonde ou bien une bougie dans la vessie, et de commencer le traitement par la dilatation, ou par la cauté-risation , afin de rendre à l'urine son cours naturel. N'arrivât-on à ce résultat que six semaines ou cinq mois même après la ponc-tion, comme cela est arrivé à un malade observé par Boyer; dût-on même n'y arriver jamais, qu'on devrait encore considérer l'opération dont il s'agit comme un précieux moyen de secours contre la rétention d'urine. Certes, il serait moins désagréable et aussi moins gênant d'expulser les urines par un canal artificiel, situé au-dessus des pubis, que de porter un anus anormal ou un anus artificiel. Et, d'ailleurs, quand il n'y a pas à choisir, mieux vaut cela que la mort. Une réaction favorable à la ponction de la vessie commence à s'établir dans l'esprit des chirurgiens. Boyer s'est prononcé le premier ; MM. Bégin et Lallemand se sont élevés avec force contre l'habitude et la timidité qui amènent à prati-quer cette opération trop tard. Nous nous rangeons à leur opinion, et pensons comme eux, qu'alors que la rétention d'urine, déter-minée par les rétrécissemens de l'urètre, a résisté aux antiphlo-gistiques, aux tentatives d'introduction des bougies, au séjour de ces bougies au-devant du rétrécissement et aux injections mo-dérées de l'urètre, il ne faut pas que le chirurgien persiste plus long-temps à user de ces moyens ; et, qu'au lieu d'attendre que les forces du sujet s'épuisent, que la sueur visqueuse et urinaire se manifeste, et que l'organisme ait éprouvé de trop profondes atteintes, dès que l'opération est reconnue indispensable, qu'il n'hésite plus à perforer la vessie.
appréciation des méthodes entre elles.
Chacune des ponctions de la vessie présente des avantages et des inconvéniens : 10 La ponction urétrale, soit à travers, soit au-dessus, soit au-dessous de la prostate, doit être sinon rejetée com-plètement, du moins considérée comme tout-à-fait exceptionnelle ; elle ne pourrait convenir que dans les cas de la nature de celui où Lafaye l'employa sur Astruc, et où la prostate, atteinte d'une affection incurable, est hypertrophiée au point de fermer com-
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plétoment le passage aux urines; encore ne serait-ce que pour éviter de l'aire une ponction sus-pubienne, qui devrait être per-manente. Mais si l'on considère, d'un autre côté, qu'une main habile et une connaissance parfaite de l'anatomie normale des or-ganes sont loin de suffire pour faire reconnaître les changemens survenus dans la forme et la direction des parties sous l'influence delà maladie; si l'on envisage les risques auxquels on s'expose, de se fourvoyer et d'aggraver les accidensen irritant un organe déjà si gravement affecté, et la nécessité presque inévitable de re-venir à l'opération, en supposant qu'on réussît la première fois, on ne sera guère tenté, malgré l'avantage de faire uriner le ma-lade par les voies naturelles, de suivre une méthode qui donne si peu de chances d'un résultat curatif.
a" La ponction périnèale présente l'avantage de placer l'ou-verture artiiiciellesur un point situé à la partie déclive delà vessie, de ne pas exposer aux fistules et de frayer une voie facile aux urines. Mais avant d'arriver à cet organe, il faut traverser une grande épaisseur de tissus : si la pointe de l'instrument ne tombe pas perpendiculairement sur les parois delà vessie, elle peut n'y pénétrer qu'après les avoir labourées, ou glisser dessus et aller en haut entre sa face antérieure et le pubis, ou en bas entre sa face inférieure et le rectum, et le blesser, de même que les canaux déférens, les vésicules séminales, et les plexus veineux qui entoir rent la prostate; on peut aussi, dit-on, blesser les vaisseaux et les nerfs du périnée, mais ce doit être un accident rare. Enfin, ce qui s'oppose le plus à ce qu'on choisisse cette méthode, c'est la gène que détermine une canule en ce lieu, parce que tant qu'elle reste en place le malade est obligé de garder le lit.
3° La ponction pur le rectum, en général facile à exécuter, peu douloureuse, sans danger, donnant un passage facile à l'urine, parce qu'elle existe dans la partie la plus déclive de la vessie, et, comme la précédente , n'obligeant pas le malade à rester constam-ment au lit, peut cependant, dans quelques cas, être rendue diffi-cile et presque inexécutable, par la présence de tumeurs dans les environs de l'anus, par la dégénérescence du rectum, son rétrécisse-ment, ou par l'épaisseur de la cloison recto-vésicale. Aussi recom-mande-t-on de ne choisir cette méthode, que dans les cas où l'on sent, avec le doigt porté dans le rectum, une tumeur formée par le bas-fond de la vessie : autrement on courrait le risque de ne pas pénétrer dans cet organe, comme dans l'exemple cité par Frank (de Cur. hom. morb. lib. vi, pars, i, p. 54a). Cette opé-ration expose encore aux fistules recto-vésicales, ainsi que le prouvent les observations de Palleta et d'Angeli, de même qu'à la blessure des vésicules séminales, des cordons déférens , et du plexus veineux prostatique. Somme toute , cependant, elle a donné de beaux et légitimes succès; les accidens y sont rares, et même avec du tact et une main habile, à l'exception des fistules consécutives, les autres accidens peuvent être évités : cette variété de ponction doit donc être préférée toutes les fois que quelque circonstance empêche d'opérer par l'hypogastre.
4° La ponction hypogastrique est la plus facile de toutes. Car, en général, les parties à traverser sont assez minces. Si toutefois l'épaisseur des parties était considérable, comme dans le cas cité par Frank où le pannicule charnu avait 4 pouces (u centim.) d'épaisseur, on pourrait commencer par faire une incision lon-gitudinale sur la ligne blanche, diviser toute la couche graisseuse, et ponctionner ensuite. Cette opération est la moins dangereuse, car il n'y a sur son trajet ni nerf, ni vaisseaux importans, et l'on agit en dehors du péritoine. Excepté le cas où la rétention est causée par une péritonite, des contusions et des tumeurs delà région hypogastrique, elle convient dans tous les autres, parce qu'elle se fait dans un point éloigné de la maladie principale et. ne court pas le risque de l'aggraver. On lui reproche, vu sa si-tuation dans l'un des points les plus élevés de la vessie, de ne donner issue qu'à une partie de l'urine contenue dans ce viscère et par conséquent d'exposer aux infiltrations urineuses et à re-commencer l'opération plusieurs fois, parce que, si le trocart est trop court, la vessie en se vidant se rétracte , abandonne la ca-nule, et l'urine se répand dans les tissus; et si le trocart est trop long, il appuie contre la paroi postérieure de l'organe et y cause une inflammation ulcéreuse, suivie d'un trou par lequel l'urine tombe dans le ventre ou dans le rectum. Mais peu importe que la vessie se vide complètement ou incomplètement; pourvu que son trop-plein s'écoule, c'est là l'essentiel. Quant aux infiltrations urineuses, à l'obligation de recommencer l'opération, et à la crainte de l'ulcération delà paroi postérieure de la vessie, un trocart de forme et de longueur convenables remédie à tous les inconvéniens. Concluons donc de tout ce que nous venons de dire cpie, toutes les fois qu' il n'y aura pas de contre-indication manifeste, il faudra donner la préférence à la ponction hypogastrique; après elle vient la ponction par le rectum, et enfin celle du périnée.
CALCULS URINAIRES.
S'il est en chirurgie un sujet d'opération qui, par son utilité, son importance, ses difficultés et ses dangers, se recommande fortement à la méditation de l'homme de l'art, c'est assurément celui qui a pour objet la destruction des calculs urinaires. Aussi, extraction par les plaies les plus variées, érosion ou broiement à l'intérieur par des agens mécaniques, dissolution par des mens-trues chimiques, tous les moyens ont été tentés, ou du moins entrevus et conseillés à diverses époques ; tous ont été suc-cessivement entrepris, abandonnés, repris et modifiés de mille manières. Vingt volumes ne suffiraient pas pour contenir l'his-toire des documens que l'on possède, sans tous ceux que le temps a laissé dans l'oubli. Partout on voit les générations de chirur-giens, se succédant comme un seul homme, toujours effrayés par l'incertitude ou la contradiction des résultats obtenus et toujours recommençant avec de nouveaux efforts, séduits par l'illusion que de nouveaux moyens amèneront des résultats meilleurs ou plus assurés. Partout on les voit étudier à l'envi l'un de l'autre les conditions anatomiques et pathologiques qui doivent influer sur le chiffre des succès et des revers ; combiner d'après ces re-cherches mille nuances de procédés et inventer mille sortes d'instruniens sur le mécanisme desquels ils fondent un espoir qui est toujours déçu, l'expérience montrant pour une même opéra-tion, après un certain temps, de grands succès obtenus par les uns , et par les autres de grands revers, de telle sorte qu'une certaine habileté instinctive des opérateurs semble avoir plus d'influence sur les résultats que la valeur des procédés en eux-mêmes. Enfin telle est encore l'incertitude qui règne à ce sujet dans les doctrines chirurgicales, qu'aujourd'hui même, après l'emploi d'une méthode nouvelle, dont l'application est si heu-reuse dans les cas simples, pour les cas compliqués, toujours si nombreux, on en est encore à douter que l'art soit parvenu à se fixer; du moins peut-on dire qu'il n'existe point de préceptes
fondamentaux acceptés de tous; les règles posées par les uns étant repoussées par les autres qui leur en substituent de contraires.
Trois méthodes générales sont aujourd'hui en vigueur : l'ex-traction des calculs par une opération sanglante où la Uthotomie; la destruction au-dedans des cavités, sans plaie extérieure, ou la lithotritie; et la dissolution chimique ou la lithontriptie, que j'ap-pelle lithodialysie, comprenant chacune un nombre considérable de sous-méthodes et de procédés. Mais trop souvent, il faut le dire, par l'abus même de la spécialité qui fait que le chirurgien, très éclairé sur un point, ne l'est souvent pas assez sur tous les autres , le choix dépend bien moins, chez ceux qui les pratiquent, de la certitude, par eux acquise, de la supériorité de chaque espèce d'opération pour un cas déterminé, que de la convenance per-sonnelle de l'opérateur, de l'habileté, de la réputation spéciale, et en quelque sorte, de la part de propriété qu'il s'est constitué dans chacune d'elles.
Historique général. Hérodote, parlant de l'état civil des an-ciens Égyptiens, nous a laissé ce passage remarquable. « La mé-decine est si sagement distribuée en Egypte, qu'un médecin ne se mêle que d'une espèce de maladie. Tout y est plein de médecins. Les uns sont pour les yeux, les autres pour la tête ; ceux-ci pour les dents, ceux-Jà pour les maux de ventre et des parties voisines; d'autres enfin pour les maladies internes (i). » D'un autre côté, dans la formule de réception, dite le serment d'Hip-pocrate, que l'on imposait aux récipiendaires dans l'école d'A-lexandrie, il est dit : « Je m'engage à n'opérer aucune personne atteinte de la pierre, et à abandonner cette partie de la pratique aux mercenaires qui s'y adonnent. » (2)
Ce passage du père de l'histoire, fortifié par le témoignage des Alexandrins, qui nous montre l'art de guérir dépecé, il y a a5 ou 3o siècles, par la spécialité que l'on croit inventée d'hier parmi nous, cette division de l'arbre de la science en un si grand nom-bre de branches, supposerait un tronc déjà vigoureux si l'on ne savait que l'art de guérir commence comme il finit, par la spécialité. Pendant que le trop grand nombre d'hommes véri-tablement instruits, dans les villes universitaires, les contraint à se partager la médecine par lambeaux, de tout temps, dans les campagnes, la rétive ignorance n'a eu foi que dans des médi-castres spéciaux.
Quoi qu'il en soit, il paraît certain que la lithotomie était pra-tiquée habituellement, et depuis un temps considérable, en Egypte, par une classe particulière d'opérateurs, mais qui ne jouissaient pas d'une grande considération. Il est d'observation que les premiers essais sont rarement faits par les hommes com-pétens. Le besoin de renommée, un peu de témérité, d'ignorance même, sont nécessaires pour oser risquer une première tentative. Ce qui s'est fréquemment renouvelé depuis vingt ans que les progrès de la chirurgie ont été si remarquables, est arrivé de tout temps. Les hommes sages et en haute position, prévoyant les dangers, plus certains que les succès, risquent peu d'eux-mêmes, et souvent, par une prudence dont on ne peut leur faire un re-proche, arrêtent les premiers pas des inventeurs. Il a fallu venir jusqu'à notre époque, affranchie de toute contrainte, pour voir de jeunes chirurgiens instruits, aiguillonnés par le besoin de ré-nommée, se lancer dans la carrière des innovations. Dans le passé,
(1) Hérodote. Euterp. (Livre 2), Traduction de Larcher, t. 2, p. 66. Paris.
(2) Kurt Sprengel. llist. de la Méd- Traduction de Jourdan, l. "¡- p. 209, Paris, 1816.
la plupart des opérations hardies n'ont eu pour auteurs que des médicastres obscurs. C'est l'histoire de ces premiers litholomistes égyptiens reniés par les maîtres grecs de l'école d'Alexandrie; ce sera pour la même opération, dans nos temps modernes, celle des Norcini, de Laurent Collot, du frère Jacques ; c'est celle de tant d'autres, dont les noms figurent dans l'histoire des her-nies, de la cataracte, des fractures, des luxations, etc. La nature n'enseigne rien sans tâtonnemens ; il faut des essais, hélas! et des victimes.
Celse nous a transmis le souvenir de trois de ces lithotomistes gréco-égyptiens, dont les noms, en apparence hybrides, sem-blent prouver la fusion des deux peuples et des deux langues : Ammonius, le plus ancien, Mégès et Sostrates. Leur procédé est le petit appareil, cpie la postérité a rattaché à tort au nom du grand chirurgien romain, comme il lui est arrivé si souvent d'at-tribuer les découvertes aux auteurs qui les lui ont transmises. Pendant une longue suite de siècles, à travers la domination ro-maine, les Arabes et le moyen âge, la chirurgie ne connaît encore d'autre méthode d'opérer la taille que le petit appareil. Mais déjà chez les Romains on a essayé de dissoudre les calculs dans la ves-sie, et chez les Arabes on a songé à la possibilité de les broyer. Toutefois ces premières tentatives, apparemment insuffisantes, ne laissent aucun souvenir, car la méthode égyptienne, dite de Celse, est la seule mise en usage par Guy de Chauliac dont elle emprumte de nouveau le nom, et ce n'est qu'à la fin du xve siècle que l'in-vention du grand appareil vient imprimer aux esprits un nou-vel essor. A partir de cette époque les méthodes nouvelles se mul-tiplient avec rapidité : Franco (i56i) invente le haut appareil; frère Jacques de Beaulieu (1697) la taille latéralisée ; Foubert (1731) la taille latérale. Dans le cours du xviuc siècle des pro-cédés nombreux viennent modifier ces diverses méthodes. En même temps de nouveaux essais sont tentés, les uns, à l'écart, pour broyer les calculs; d'autres avec une grande publicité pour les dissoudre. Enfin, de nos jours, d'un côté Dupuytren imagine la taille bilatérale, L. Sanson la taille recto-vésicale, et M. Vidal la taille quadrilatérale ; et d'un autre côté la lithotritie tout en-tière surgit des efforts de nos jeunes chirurgiens. Mais ce n'est pas tout encore, et les médecins reprenant la question chimique de la dissolution des calculs, semblent aujourd'hui promettre une méthode nouvelle, la moins offensive de toutes , et applicable à un nombre de cas assez variés pour appeler l'attention de tous ceux qui s'intéressent aux véritables progrès de l'art de guérir.
diagnostic des calculs vésicaux.
Le diagnostic s'établit d'après deux genres de signes : les uns spontanés, ou physiologico-pathologiques, qui témoignent des effets de la maladie, et les autres provoqués ou physiques, qui se tirent du cathétérisine.
Signes spontanés. Douleur sourde habituelle dans la vessie avec irradiations en haut vers les régions lombaires et en bas le long du canal de l'urètre, dont l'orifice est le siège d'un prurit fréquent, quelquefois très douloureux; sentiment de pression sur le fondement; augmentation delà douleur par le mouvement, et surtout par le saut, l'équitation et le cahotement dans une voiture; envies fréquentes d'uriner, et pendant l'éjection de l'urine, suppression brusque qui reparaît aussitôt par une se-cousse imprimée au corps ou un changement de position ; urines habituellement jumenteuses, fétides, parfois purulentes et san-
guinolentes; parfois expulsion à divers temps de graviers de di-verse nature. Nous ne faisons qu'indiquer ces signes rationnels, dont aucun isolément n'a une valeur absolue, mais dont la réu-nion offre une grande probabilité de l'existence d'un calcul dans la vessie.
catuétérisme explorateur.
Instrumens du catkétêrisme. La condition essentielle étant d'obtenir le son le plus net et le plus intense qu'il est possible, les sondes ou cathéters doivent être métalliques. La sonde d'ar-gent, qui permet en même temps d'injecter la vessie et de la vider, est l'instrument le plus employé (Pl. 5/j, fig. i à 12). La sonde arti-culée de M. Leroy d'Etiollesest utile pouratteindre plus facilement au bas-fond de la vessie. Pour prévenir tout son étranger, la sonde doit être libre à l'intérieur, et son orifice maintenu exactement bouché pendant les manœuvres soit avec son couvercle, s'il yen a un, soit avec un fosset (Royer), ou en y appliquant le pouce. Enfin il est bon de se munir du lithomètre et du tube acoustique de M. Moreau de St-Ludgère.
Procédé opératoire. Le malade étant, couché, dans la posi-tion convenable, et la sonde, introduite comme à l'ordinaire dans la vessie, sans donner préalablement issue aux urines, par une succession demouvemens méthodiques, pousser d'abord la sonde directement et en incliner latéralement la courbure à droite et a. gauche, avec douceur, de manière à glisser sur ses parois posté-rieure et latérales, la retirer un peu, et en abaisser le pavillon, de manière à parcourir avec son extrémité la surface du sommet de la vessie; puis, en élevant le pavillon, rappeler la courbure en bas en promenant sa convexité sur le bas-fond. S'il s'enfonce au point que l'on ne puisse y atteindre, retirant un peu la sonde et lui faisant subir une demi-rotation ou en porte le bec en bas; mais comme il reste encore entre le col et la concavité de l'in-strument un espace inexploré, mieux vaut pour cette manœuvre la sonde brisée. Après quelques essais on ne tarde pas à rencon-trer le calcul. Si l'on ne peut y parvenir, avec un doigt introduit dans le rectum, on soulève le bas-fond de la vessie ; on fait prendre au malade diverses positions et même on le fait agir, lever et marcher, pour essayer de changer la situation du calcul, et on procède à une nouvelle exploration. Enfin, comme une der-nière manœuvre, sans déplacer la sonde, on donne issue à l'urine, et il arrive parfois qu'en se contractant, à mesure qu'elle se vide, la vessie amène d'elle-même la pierre en contact avec l'instrument.
Signes tirés du catliétérisme.
La sensation d'un choc contre un corps dur et qui fuit sous la pression, indique la présence d'un calcul; offrant alors l'in-strument par son extrémité, de petits chocs sont perçus par les doigts qui tiennent le pavillon et font entendre un son distinct au dehors. Pour en rendre la détermination plus précise, dans les cas douteux, divers moyens sont employés : i" L'auscultation au stéthoscope inventé par Laennec. L'instrument est porté sur divers points de l'hypogastre pendant que la sonde manœuvre dans la vessie; a" L'injection de la vessie avec de Tair employée par M. Ashmead pour rendre le choc plus sonore; 3° L'auscul-tation avec le tube de M. Moreau de St-Ludgère dont le bec est introduit dans la sonde. Ce dernier moyen nous paraît mériter la préférence, et il est tellement efficace qu'après quelques essais, on reconnaît facilement au volume et au timbre du son l'espèce de corps, calcul, tumeur, colonne, charnue, etc., sur lequel cho-que la sonde. Reste pour compléter le diagnostic à déterminer diverses particularités qui ont rapport au calcul.
i° Volume. Jusqu'à notre époque, c'est avec la sonde que l'on a évalué approximativement le volume, et même, encore aujour-d'hui, la plupart des chirurgiens n'en emploient pas d'autre. La manœuvre consiste à inscrire doucement avec le bec de la sonde le contour de la pierre, en tenant compte de l'espace parcouru, ou à tâcher de l'embrasser dans la courbure en l'amenant vers le col de la vessie; mais, il faut le dire, ce mode d'évaluation ne peut donner qu'un résultat très équivoque. Le lithomètre de MM. Le-roy et Velpeau donne, par l'écartement de ses branches graduées, un volume assuré, quant à ce que l'on tient, et réel si le calcul est sphérique, circonstance que l'on peut encore apprécier; mais si le corps étranger est de forme irrégulière, plat et allongé, comme on ignore de quelle manière il est saisi, par son milieu ou ses extrémités, par son plus grand ou son plus petit diamètre, on n'a encore ici qu'un résultat très incertain, outre l'inconvénient d'employer un instrument tout spécial. Dans lalithotritie, le vo-lume du calcul est assez facilement reconnu par l'écartement des branches de l'instrument, surtout avec le percuteur qui fait office de lithomètre. Le volume ordinaire du calcul varie depuis celui d'une amande ou d'une aveline, dans tous les degrés intermé-diaires jusqu'à celui d'un œuf de poule. Mais dans certains cas extraordinaires il peut acquérir des dimensions extraordinaires, et telles que, la sonde faisant défaut, il ne peut plus être apprécié que par les signes rationnels et le toucher par le rectum et l'hypogastre. J'en ai vu plusieurs dont un existe dans les cabi-nets de la faculté , qui atteignent le volume d'un œuf d'autruche. Les auteurs sont remplis de faits où les calculs pesaient d'une livre et demi à trois livres. Un curé mort à la Charité en 1G90 portait un calcul du poids de trois livres trois onces, suivant Tolet, et ce-calcul ayant été conservé, un siècle plus tard, Deschamps ne lui trouva que deux onces de moins. Enfin on se refuse à croire que Moreau ait possédé un calcul du poids de six livres trois onces.
a" Nomrre. La sensation du contact de la sonde contre un corps étranger de chaque côté, lorsque du reste l'instrument est libre et ces corps mobiles, est un indice certain de l'existence d'au moins deux calculs. On peut même ainsi prévoir qu'il en existe plusieurs, et même un grand nombre, pourvu que l'instrument puisse s'insinuer entre eux, et les déplacer; plus de précision au reste ne servirait à rien. Dans quelques cas au contraire, plu-sieurs calculs articulés à facettes ont été pris pour un seul ; ce dé-faut d'appréciation est plus grave parce qu'il peut influer sur le choix du procédé. Les calculs multiples ont été rencontrés chez certains malades dans un nombre qui paraît incroyable. Beau-coup de chirurgiens en ont trouvé de dix à vingt, mais ce n'est rien encore. Fleurant de Lyon en aurait extrait d'une vessie vingt-quatre, dont seize égalaient chacun le volume d'un œuf de pi-geon; Groenvelt quarante-huit chez un vieillard; Collot plus de cinquante chez un moine taillé pour la troisième fois; M. Roux près d'un cent; Desault plus de trois cents chez un prêtre; enfin M. Ribes en a trouvé trois cents à l'autopsie d'un sujet qu'on avait opéré trois fois, et Murât sur un autre, en a, dit-il, compté six cent soixante-dix-huit.
3° Configuration. Ordinairement quand il existe plus de trois
calculs, ils son! d'un volume médiocre et de tonne cubique ou py-ramidale. Au-dessous de ce nombre, ils sont plutôt sphéroïdes, ou oblongs et aplatis. Le cathéter permet de déterminer à-peu-près ces nuances, et perçoit les qualités des surfaces parla nature de son glissement, qui est doux sur les faces lisses, et saccadé sur les rugosités , comme dans les calculs moriformes.
4" Consistance et pesanteur. Un choc mou et un bruit sourd sont des signes que le calcul est friable; un choc sec et un son clair indiquent au contraire qu'il est d'une grande dureté ; le pre-mier de ces signes est confirmé par la légèreté apparente de la pierre, et le second par sa pesanteur, eu égard à son volume clans les deux cas. Il y a des calculs tellement friables, qu'ils s'écrasent sous la moindre pression. En général ce sont ceux qui contiennent le plus grand nombre d'élémens (acide urique, phos-phates triples, etc.). Il y en a d'autres (oxalates calcaires, sili-ceux) qui s.;nt tellement durs, qu'à l'état sec ils font feu avec le briquet. Ces notions, en général, sont souvent des plus impor-tantes pour fixer le choix des méthodes et des procédés opératoires.
5° Mobilité ou fixité. La facilité à faire fuir le calcul par la pression de la sonde, indique qu'il est libre de toute adhérence. On y aide par divers moyens, (a) En faisant varier la position du malade et inclinant le bassin vers l'une et l'autre extrémité de ses trois diamètres, à droite et à gauche, en avant et en arrière, en bas et en haut ; (b) par une injection d'eau tiède simple ou mu-cilagineuse, pour mettre la vessie dans un état de demi-réplétion qui, en augmentant l'espace, empêche toute pression latérale sur la pierre; (c) par l'introduction, dans le rectum, de l'indica-teur qui soulève le bas-fond de la vessie, en combinant cette manoeuvre avec la pression de la sonde. Toutefois si la pierre est d'un grand volume et très pesante, ou si elle est encastrée en partie dans une loge vésicale, il peut se faire que toutes ces re-cherches ne suffisent pas pour acquérir la certitude qu'elle, est sans adhérence. Par contre, la détermination delà fixité du calcul présente encore plus d'obscurité. Deux conditions peuvent se rencontrer : A. la simple adhérence de la pierre par des brides qui pénètrent dans sa substance ; on juge de cette circonstance par le jeu de la pierre, qui semble se mouvoir comme sur un pivot ou un pédicule, mais sans que l'on puisse la déplacer com-plètement. B. Le pincement ou encastrement partiel par un pro-longement ou appendice du calcul dont la masse est contenue dans la vessie. Divers cas de ce genre ont été rencontrés par les auteurs : (a) le pincement par une vacuole latérale au bas-fond (Dupuy tren) ou par l'extrémité de l'uretère (M. Velpeau) ; lessignes sont les mêmes que pour les simples adhérences; (b) l'encastre-ment d'une extrémité dans la portion prostatique de l'urètre (Ledran, M. Blandin); ce cas est facile à déterminer en com-binant le soulèvement du bas-fond par le doigt porté dans le rectum, avec la pression directe, sur la pierre, de la sonde in-troduite dans l'urètre.
6° Encastrement. Il s'opère, dans les vessies dites à colonnes, par le développement progressif du calcul dans une vacuole qu'il distend , et dont il s'enveloppe à mesure qu'il s'accroît. Il existe sous deux formes : (a) le calcul enchatonné dont une portion fait saillie dans la vessie, par une ou même plusieurs ouvertures arrondies ou de forme irrégulière, mais trop étroites pour don-ner passage à la pierre, qui se trouve emprisonnée dans une poche spéciale. Quelquefois cette disposition peut être reconnue t. vu.
par le cathétérisme, aidé de l'auscultation et du loucher par le rectum. Mais dans d'autres cas aussi elle c'ehappe au diagnostic, et MM. Camus et Belmas en ont cité des exemples. Le signe le plus certain est le choc de la sonde contre un corps dur, dans un point, avec co-existence d'une tumeur au-delà dans les parois de la vessie, (b) Le calcul enkysté ou entièrement recouvert, si-gnalé de tout temps par les auteurs (F. de Hilden, Lecal, Meekel, Dupuy tren, M. Gensoul, etc.). Les calculs enchatonnés et enkystés se présentent le plus souvent au bas-fond de la vessie ou à son pourtour en arrière et sur les côtés. Mais il peut s'en trouver dans toutes les régions delà vessie. Ilaller, Boyer, et M. Cruveilhier en ont vu renfermés, chez l'adulte, dans le canal de l'ouraque. Parfois les calculs enkystés s'accompagnent d'une ulcération, ouvrant sur la face opposée de la vessie. L'encastre-ment du calcul est déjà une circonstance très grave, par la diffi-culté de l'extraire de sa loge; mais l'existence d'une ulcération, si elle pouvait être reconnue, contre-indiquerait formellement, toute opération, à cause de l'épancheinent urinairedans la ca-vité du bassin auquel donne lieu l'ouverture du kyste. Aussi tous ceux des malades cités par M. Bouchacourtqui ont été taillés dans cette condition, ont-ils succombés. Malheureusement on n'a pour constater ce fait cpie des signes obscurs, tirés plutôt de l'état du malade et des accidens que du cathétérisme. Cette in-certitude doit rendre le chirurgien d'autant plus circonspect que dans ces cas, outre le mauvais état de la vessie, il existe souvent plusieurs calculs offrant des complications différentes. M. L. San-son a vu sept calculs renfermés dans un seul lobe d'une même vessie, et dans le cas de Dupuy tren que nous avons fait dessi-ner (Pl. 55, fig. i, 2, 3, 4), on compte trois petits calculs encha-tonnés, outre un gros calcul enkysté dont la poche offre une ul-cération en arrière.
Causes d'erreurs dans le cathétérisme. L'erreur, dans le ca-thétérisme , produit deux résultats inverses : ne pas reconnaître un calcul qui existe ou signaler un calcul cpii n'existe pas. — i° Calculs non reconnus. Sans parler ici des calculs non soup-çonnés, c'est un fait qui n'est pas très rare qu'un calcul échappe à toutes les recherches du cathétérisme. Rien de plus commun, par exemple, que de rencontrer des malades qui ont élé sondés par plusieurs chirurgiens, chez lesquels un calcul a été tour-à-tour reconnu par les uns et nié par les autres, et enfin il n'est pas de chirurgien qui n'ait éprouvé des doutes à ce sujet à propos de malades chez lesquels le cathétérisme leur a paru alternativement prouver ou infirmer l'existence d'un calcul. Plusieurs causes peuvent amener ce résultat : le petit volume de la pierre ou sa légèreté qui lui permet de se déplacer ou en quelque sorte de flotter dans la vessie, ou sa réception dans une loge du bas-fond ou des parois de la vessie qui fait que la courbure de la sonde glisse au-devant sans la toucher. Parfois, aussi l'erreur est due à la coexistence de colonnes charnues dont le choc, parla sonde, se confond par le son et le toucher avec celui du calcul et jette du cloute sur l'existence de ce dernier. C'est ainsi que l'opération se trouve par fois repoussée ou long-temps ajournée chez certains malades, et que d'autres meurent sans avoir été opérés comme il est arrivé à ce moine de D. Sala, affecté de hernie inguinale, qui ne put jamais convaincre les chirurgiens qu'il eût une pierre et chez lequel pourtant il s'en trouva à sa mort, mais dans une con-dition bien propre à justifier l'erreur du diagnostic, la vessie et le calcul s'étant trouvés faire partie de la hernie. — 2° Calculs re-connus à tort. Des altérations ou, même de simples modifications,
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de texture et diverses maladies de la vessie peuvent en imposer pour des calculs. La circonstance la plus commune est l'existence des colonnes charnues contre lesquelles s'accroche ou vient heurter le bec de la sonde. Ions les chirurgiens insistent, avec raison, sur l'illusion produite par ce fait si simple. Pour qu'elle ait lieu il n'est même pas nécessaire de rencontrer des colonnes charnues très épaisses ou très saillantes; il suffit, par fois, de simples replis ou de petits culs-de-sac delà membrane muqueuse dont le bec de l'instrument se dégage par un ressort qui imite le choc d'un calcul. Les maladies citées parles auteurs comme, pouvant simuler la pierre sont : les exostoses du pubis (Houstet, Garengeot, MM. J. Cloquet, Belmas, Brodie); celles de l'ischion (M. Damourette), du sacrum (M. Haber) ; les kystes osseux (Boyer) ou les tumeurs osseuses, fibrineuses, squirrheuses (Pl. 53, fig. 11 et 13), dans les parois de la vessie. C'est par suite d'erreurs de cette, nature que nombre de malades ont été taillés , chez lesquels on n'a pas trouvé de pierre; et cela sans que l'on puisse arguer de l'inexpérience ou de l'inattention du chirurgien , car ce malheur est arrivé à des hommes du plus grand mérite , Cheselden, Le-blanc, Desault, etc. M. S. Cooper cite sept exemples du même genre; M. Moreau en a rassemblé un bien plus grand nombre; M. Velpeau en signale quatre, parmi lesquels il est pénible de le dire, deux opérés ont succombé ; enfin telle est la puissance de l'illusion en pareil cas, qu'il est peu de chirurgiens qui n'aient par eux-mêmes, connaissance de quelque funeste inéprise de ce genre.
Particularités qui ont rapport au calcul.
Il est deux genres de considérations qui ont rapport au calcul et qu'il importe de signaler parce qu'elles influent sur le plus ou moins de nécessité de l'opération.
i° Calculs inojfensifs. L'existence d'un calcul n'entraîne pas toujours de telles incommodités ou ne donne pas lieu à de tels accidens qu'une opération soit indispensable. Les exemples sont nombreux de personnes qui ont porté jusqu'à la fin de leur vie des calculs d'un volume considérable sans que leur santé en ait éprouvé la moindre atteinte. Deschamps a rassemblé un grand nombre de faits de cette nature. Presque tous les auteurs en ont rencontré à diverses époques. Ant. Dubois , Dupuytren, Bover, M. Souberbielle en ont signalé plusieurs où les calculs étaient du poids de 4 onces, 6 onces, i3 onces, une livre et au-delà. Enfin on rencontre quelquefois, à l'autopsie, des calculs énormes chez • les malades où, de leur vivant, personne ni eux-mêmes n'en avaient soupçonné l'existence. Tant d'autres dont le nombre se-rait bien plus considérable, si l'habitude des autopsies était plus ancienne, outre plusieurs grands personnages, le papelnnocentXI. d'Alembertet, sans sortir d'entre nous, plusieurs de nos illustra-tions chirurgicales, Lapeyronie, Sabatier et Richerand étaient dans ce cas. Ces faits si nombreux militent en faveur du précepte général qui domine toute la chirurgie de ne pratiquer aucune opération qu'autant que l'existence, ou du moins l'imminence certaine des accidens la réclame.
iu Calculs expulsés naturellement. Il arrive parfois que des calculs sont expulsés par l'urètre ou se fiaient d'eux-mêmes une voie au dehors. L'expulsion ne peut avoi r lieu chez l'homme qu'au-tant que le calcul est d'un très petit volume; elle est plus facile dans l'enfance. Au dix-septième des faits de cette nature rassem-blés en grand nombre par Hellwig, Job de Meeckren , Goekel avaient pu faire considérer l'opération comme inutile chez les jeunes garçons, et cette opinion avait été professée par Winckler, mais elle n'a pas tardé à tomber devant les faits contraires. Elle aurait été plus soutenable chez les femmes où , en raison du peu de longueur et de la dilatabilité de l'urètre, Gahrliep, Molyneux, Arch et beaucoup d'autres depuis, ont pu extraire sans incision des calculs qui s'y étaient engagés d'eux-mêmes. Dans l'homme, les faits rapportés par Fribe, Van derSterre, Détharding, etc., ont eu pour objet de petits calculs et ne sont qu'une application anticipée de la lithotritie urétrale. Quanta l'expulsion du calcul par un trajet d'ulcération au travers du périnée ou du rectum si le travail morbide, en lui-même, offre un phénomène curieux , outre que son accomplissement n'est qu'un fait exceptionnel il produit et entraîne des accidens si graves que l'opération est bien préférable.
INDICATIONS ET CONTRE-INDIC/VTIONS.
En principe général, dès qu'une pierre existe dans la vessie, il faut songer à l'extraire. Si le calcul est encore petit et nouvel-lement formé, les organes sont sains encore et l'opération s'offre avec les circonstances les plus favorables, aujourd'hui surtout qu'avec l'adjonction de la lithotritie la destruction du canal dans ces conditions simples est presque sans danger. Si le calcul est déjà gros et occasionne de vives souffrances, une opération est encore indiquée : en ne faisant rien il y a tout à perdre ; le calcul continuera de s'accroître; d'antres peut-être se formeront, les souffrances vont s'accroître et la présence du corps étranger amè-nera des altérations organiques qui , de jour en jour, rendront plus incertain le succès d'une opération. La seule circonstance où l'on doive temporiser est celle où se trouve reconnue accidentel-lement, surtout chez un vieillard, la présence d'un calcul qui n'a jamais donné lieu à aucun accident ; mais ces cas sont rares et partant exceptionnels. Dans la règle donc, un calcul existe, il faut en débarrasser le malade; mais par les moyens les plus doux que permette sa situation : voilà pour ^indication générale. Reste à examiner et à balancer la valeur des contre-indications. La contre-indication se présente sous deux aspects, et par rapport à toute opération en elle-même, et eu égard au mode d'action et à l'objet des diverses opérations comparées entre elles, suivant les motifs d'exclusion ou de préférence déterminés par l'état général du malade, les accidens ou les complications delà ma-ladie qui doivent motiver le choix d'un moyen sur les autres. Les particularités de ce genre ne peuvent être spécifiées qu'à propos de chaque opération spéciale, et de l'appréciation établie entre la valeur comparative des méthodes entre elles, et des procédés d'une même méthode entre eux. Quant à la situation générale du malade, le précepte de ne pas opérer lorsqu'il existe des altérations organiques très avancées, ou des phlegniasies ac-tuelles des viscères, n'a rien ici de plus spécial que pour toute autre opération grave, quoique les tables statistiques delà taille et de la lithotritie soient parsemées de cas où la mort du malade, dans les deux premiers mois, est attribuée à l'une de ces causes, circonstance qui aurait dû infirmer l'opération. Eu égard à l'état des organes urinaires, le catarrhe vésical avec urines mu-queuses, purulentes et sanguinolentes, n'est pas une contre-indication, puisque celte affection, ordinairement causée par la présence du calcul, et partant, presque inévitable à rencontrer, se guérit en outre presque toujours d'elle-même, la cause étant enlevée. Il en est de même des douleurs et de diverses maladies,
les fistules urinaires, l'hypertrophie, les tumeurs fibreuses, os-seuses, etc., de la vessie et de la prostate qui, si elles ne dis-paraissent pas par le fait de l'enlèvement du calcul, du moins eu sont rendues plus supportables dans leurs effets. Le calcul enkysté lui-même, n'est une raison de s'abstenir qu'autant que, paraissant encastré profondément, il est à craindre qu'il n'ait donné lieu à l'ulcération de la vessie sur sa face pelvienne. Il n'y a donc en réalité que l'état de dégénérescence fongueuse, cancéreuse, etc., de la vessie et de la prostate, qui soit une con-tre-indication formelle à toute opération.
MÉTHODES OPÉRATOIRES.
L'ordre chronologique d'appréciation des moyens dans la science, n'ayant aucune valeur rationnelle, nous croyons, malgré l'usage contraire, devoir en présenter l'exposition comme on en gradue l'emploi dans la pratique, c'est-à-dire, d'après leur degré de complications, en commençant par les plus simples et les moins offensifs : en premier lieu la lithodialysie, puis la litho-tritie et enfin la litlwtomie.
LITHODIALYSIE.
Nous appelons du nom de lithodialysie ( de XtGoç, pierre, et fawcç, dissolution ), la dissolution chimique des calculs dans la vessie. Quoique ce mode de traitement semble autant du ressort de la médecine que de celui de la chirurgie, néanmoins comme il nécessite certaines manœuvres opératoires délicates, en parti-culier le cathétérisme et, au besoin, lalithotritie urétrale, et qu'il fait partie de la destruction des calculs urinaires dévolue aux chirurgiens, juges les plus compétens de la convenance des moyens à employer pour un cas déterminé, nous avons cru de-voir faire entrer la lithodialysie clans le cadre de la médecine opératoire, en parallèle avec la lithotritieetla lithotomie, qu'elle promet pouvoir suppléer dans certains cas, et dont en outre elle s'annonce comme un heureux moyen auxiliaire, ou préparatoire ou complétif.
Deux méthodes ont été tentées dans ces derniers temps : la disgrégation par l'électricité ou le galvanisme , essayée par MM. Gruithuisen, Pravaz, Bonnet, Bellanger, et la dissolution ou la disgrégation par les eaux alcalines. La première n'ayant pas encore produit de résultats assez positifs, il nous paraît que le temps n'est pas encore venu de lui accorder une place parmi les moyens de l'art : c'est donc de la seconde que nous avons à nous occuper.
L'idée de dissoudre les calculs dans la vessie, par des agens chimiques, paraît avoir été aussi ancienne que la médecine. Cette partie de l'histoire de l'art offre un grand intérêt philosophique, en ce qu'elle montre d'une manière tranchée, la valeur relative de l'instinct et delà science ou, en d'autres termes, la part que l'intuition et l'expérience réclament, par leur opposition et leur alliance alternative, dans les découvertes les plus importantes pour l'humanité. Hippocrate nous a transmis l'histoire de l'en-fant de Théophile de Cariste, qui périt victime d'un prétendu remède dissolvant. Galien, qui parle de ce mode de traitement comme d'une méthode usuelle, recommande une foule de re-mèdes internes, avec lesquels il croit pouvoir détruire le calcul. Si de nos jours l'énoncé des substances dont il faisait usage peut nous paraître ridicule, du moins l'absence de toute notion sur les affinités chimiques, dans ces temps reculés, appelle notre in-dulgence, et en considérant l'absence complète des données fon-damentales, par rapport aux difficultés du problème à résoudre, ce mérite de l'intention première, toujours vivante à travers les siècles malgré l'insuccès réitéré des tentatives, et transmise fidè-lement par tant de générations, depuis l'origine des connaisances jusqu'à nos jours; cette espérance, toujours déçue, mais toujours ferme, cette conviction d'un moyen à découvrir, si tenace parce qu'elle est fondée sur l'instinct bien autrement fort et assuré que la science, sollicite vivement notre admiration. Au reste l'ineffi-cacité de moyens si mal compris, explique le silence des auteurs à cet égard pendant une longue suite de siècles. Cependant il est permis de croire que ces premières tentatives de l'antiquité ne furent pas perdues chez les Arabes, si timides sur l'opération de la pierre. Du moins il est probable que c'est à cette source, au-tant que dans Galien, qu'aura pu puiser, au xive siècle, Gilbert d'Angleterre qui recommande de faire avaler au malade le sang d'un bouc nourri avec des plantes prétendues lithontriptiques. A partir de cette époque on voit employer mille substances plus ou moins insignifiantes: des cloportes, des jus d'herbes, l'oignon, l'uva ursi, le cristal de roche, etc., mais du moins l'idée d'un dissolvant chimique, loin d'être abandonnée, se perpétue sans interruption jusqu'à nos jours.
En se portant au point de vue delà science moderne, pour que la dissolution chimique des calculs pût s'inscrire parmi les moyens de l'art, il fallait, disent les chimistes, que la science fût assez avancée pour faire connaître deux notions indispensables qui n'ont été acquises que de nos jours : i° la composition des calculs ; 20 des agens en solution aqueuse, propres à en opérer la dissolution et pouvant être introduits sans danger en quantité suffisante dans l'économie. Cette remarque est juste, mais com-porte une restriction. C'est bien effectivement par les progrès continus de la chimie qu'un moyen a été trouvé, mais non di-rectement par les travaux des chimistes. Scheele le premier, en 1776, était entré dans cette voie. Après lui vinrent Bergman, Morveau et Wollaston; puis Fourcroy et Vauquelin, en expéri-mentant sur 600 calculs, avaient éclairci la question que com-plètent encore les chimistes par leurs travaux de chaque jour. Mais avant les recherches de Scheele existait le fameux remède de mademoiselle Stevens. D'après les récits du temps, ce remède modifié graduellement et composé à la fin d'une partie de chaux vive et de 24 parties de savon d'alicante pris en solution trois fois par jour, avait, dans la plupart des cas, les meilleurs effets. L'urine, sous l'influence de cette médication, se maintenait sécli-menteuse et alcaline. Les malades rendaient des fragmens de cal-culs ; beaucoup se sont crus guéris et tous étaient soulagés. On a nié depuis ces résultats, car on nie tout ce qui n'a fait que pa-raître et n'a pas eu de suite, par cette même paresse ou cette ha-bitude routinière de l'esprit qui fait, en sens inverse, que l'on ac-cepte sans examen, ou que l'on emploie sans conviction, tout ce que l'on trouve établi. Mais, outre qu'il serait bien difficile de croire que le parlement d'Angleterre, toujours si prudent et si sage dans ses déterminations, se fût laissé mystifier, et eût payé sottement du prix énorme de cinq mille livres sterling un re-mède insignifiant, le témoignage si grave de Morand, sur l'effi-cacité réelle du remède de mademoiselle Stevens, et l'évidente conformité de ses effets avec ceux obtenus par les eaux de Vichy, montrent assez que l'on a dit vrai. C'est à la même intention thé-rapeutique que se rapportent ultérieurement l'eau de chaux van-tée par Whitt, la magnésie employée par Brande, la lessive de
Saunders et la tisanne do Mascagni, dont le carbonate de potasse faisait la base. Cependant telle était, naguère encore, l'incertitude qui régnait dans les esprits à cet égard que, dans les ouvrages de chimie les plus modernes, on niait la possibilité d'une méthode générale dialytique par la nécessité, où l'on croyait être, d'em-ployer, suivant le nombre et la nature des couches composantes:, un ou plusieurs agens de dissolution pour chaque calcul, condi-tion qui supposait la certitude, rarement possible à obtenir, de leur composition chimique; de là tant d'essais d'injection dans la vessie de liquides divers, acides ou alcalins. Mais comme il arrive toujours dans les questions ardues et fortement travaillées, où c'est dans l'inattendu que se trouve la solution du problème, préoc-cupé de la dissolution des élémens chimiques des calculs, on n'avait pas prévu celle du mucus qui en forme le ciment com-mun, phénomène bien autrement important puisqu'il amène la disgrégation de la masse quelle que soit la nature chimique des couches qui la composent. C'est à ce mode d'action que répond la soude à l'étal de bi-carbonate. On l'a employé en injections et en irrigations avec la sonde à double courant, mais la forme dont on a le mieux constaté les effets est en bains et en boissons d'eau minérale de Vichy.
Voici les résultats du rapport à l'académie de médecine de M. A. Bérard (9 avril 1839) sur le travail de M. Ch. Petit médecin inspecteur des eaux de Vichy, et des essais contradictoires de ce travail, par M. Ossian Henry, membre de la commission aca-démique.
Comme premier fait, d'après l'examen direct de MM. D'Arcet et Chevallier , confirmatif des expériences de MM. Woehler et Magendie sur le passage des substances solubles dans l'urine, il est certain que ce liquide se maintient alcalin pendant tout le temps que l'on fait usage de. boissons alcalines. « L'eau de Vichy, dit le rapporteur, exerce une double action sur les concrétions urinaires. D'une part le bi-carbonate de soude contenu dans l'eau se com-bine avec l'acide urique des calculs, le fait passer à l'état d'urate de soude et en détermine ainsi la dissolution ; d'autre part, le mucus que renferment les pierres est attaqué par les sels alcalins de l'eau minérale, et les élémens du calcul privés du ciment qui produit leur agglutination, tombent en parcelles plus ou moins volumineuses. C'est en vertu de cette disgrégation que certaines concrétions urinaires, insolubles ou très peu solubles dans les alcalis, subissent une diminution de volume plus prompte et plus considérable que celle qui résulte de la dissolution des calculs d'a-cide urique.»
Les malades soumis au traitement ont formé plusieurs catégo-ries : i° Les personnes simplement affectées de lagravelle, ma-ladie dont la guérison par les eaux alcalines était déjà constatée par MM. Magendie et Chevallier; 2° les malades qui offraient les symptômes rationnels de la pierre, et chez lesquels ces symp-tômes ont complètement disparu après l'expulsion de détritus lithiques, mais chez lesquels le cathétérisme n'ayant été pratiqué ni avant ni après le traitement, la preuve n'est pas suffisante de l'existence antérieure et de la destruction d'un calcul; 3° ceux chez lesquels le cathétérisme n'a été pratiqué qu'avant le traite-ment. Depuis huit années ( 1834-) que dure l'expérimentation, les malades de ces trois premières catégories sont, en grand nombre. Peu ont offert des récidives; mais aussi presque tous continuent à faire usage, au moins de temps à autre, des boissons alcalines ; 4° enfin les malades où l'on a pratiqué le cathétérisme à plusieurs reprises avant et pendant la durée du traitement : c'est de ceux-là seuls dont on a tenu compte. Cette section qui d'après le témoignage de M. Ch. Petit devrait être fort nombreuse, n'offre au contraire qu'un petit nombre de faits à cause de la répugnance invincible que manifestent, à se laisser sonder, les malades qui n'éprouvent plus aucun accident. Sur six malades qui étaient dans ce cas, le traitement ayant été continué pendant plusieurs mois, tous les symptômes de la pierre ont disparu ; deux ont rendu de petits calculs et la sonde ne dénonce plus rien dans la vessie; trois à l'époque de l'examen n'avaient plus que de petits calculs, et chez un vieillard de Bicètre qui est mort par une autre cause , le calcul a été retrouvé dans la vessie diminué de vo-lume et présentant une surface inégale et poreuse qui indique l'action dissolvante ou disgrégeante du liquide dans lequel il avait séjourné; le sixième laisse des doutes, mais sa santé est, en-tièrement rétablie.
Outre ces faits, sur tous les malades des diverses catégories, les résultats communs sont : une amélioration ou une apparence de guérison proportionnée, en général, à la persistance du traite-ment; la disparition du catarrhe vesical, les urines fétides et pu-rulentes devenant promptement limpides et inodores, sous l'ac-tion continue des eaux alcalines; le ramollissement du calcul de-venu plus friable; enfin l'innocuité du médicament par rapport aux organes urinaires : en sorte que, dans les cas même où l'on n'obtient des boissons alcalines qu'un effet incomplet, on est fondé néanmoins à considérer leur usage comme un utile auxi-liaire de la lithotritie : avant l'opération pour rendre le calcul plus friable, et après pour faciliter la dissolution ou l'expulsion des fragmens et des détritus lithiques, modifier ou guérir la phleg-masie chronique de la membrane muqueuse vésicale et empêcher des nouveaux calculs de se former.
J'ai dit plus haut que comme contre-preuve des faits observés sur l'homme vivant et pour se préserver de toute illusion, des ex-périences contradictoires ont été faites sur des calculs en immer-sion dans l'eau de Vichy. Sur une série de calculs laissés à de-meure dans la fontaine même à 38° centig, avec un petit appareil propre à recueillir les détritus, M. Ch. Petit a constaté que des calculs d'acide urique et urate d'ammoniaque ont perdu après 25 jours d'immersion, 72 pour cent; après 23 jours 65; après 27 jours 74- Des calculs principalement formés de phosphate ammoniaco-magnésien ont donné en perte : après 3o jours 29 et 39 ; après 18 et 20 jours §9 et 71, etc. D'autres expériences faites par M. O. Henry avec de l'eau de Vichy maintenue de 35 à 45° centig. ont donné après six semaines d'immersion : trois calculs d'acide uriqueet d'urate d'ammoniaque une perte pour cent de 37, 58, 11, 5o; deux calculs de phosphates et oxalates alcalins, 29, 60 et 17,30. Dans les deux cas les dépôts lithiques se sont trouvés de même nature chimique que les calculs corrodés par l'action du liquide. Il serait inutile d'insister plus long-temps sur ces faits qui concordent si parfaitement avec ceux de l'observation clinique.
Quant au traitement en lui-même, il est des plus simples: l'eau de. Vichy, soit sur les lieux, soit transportée, ou pour l'imiter, une solution gazeuse de bi-carbonate de soude à quatre ou cinq grammes par titre, prise en bains et en boissons, six, huit, dix verres par jour et même quinze et vingt, suivant que les malades peuvent le supporter; et cela pendant plusieurs mois consécutifs, jusqu'à la disparition des symptômes. La plupart des malades mentionnés plus haut continuaient l'usage des boissons alcalines, même après guérison. Le même conseil s'adresse pour préve-nir la récidive, à toutes les personnes atteintes par la diathèse calculeuse qui ont subi les- opérations de la taille ou de la litho-tritie, comme à celles qui sont affectées de la gravelle ou de la
goutte, et j'ajouterais, pour en avoir fréquemment réitéré l'es-sai, à toutes celles qui sont sujettes aux affections rhumatismales et arthritiques.
Depuis la publication des recherches de M. C. Petit, un débat contradictoire s'est élevé entre lui et MM. Civiale et Leroy d'É-tiolles, concernant l'action dissolvante des eaux de Vichy sur les calculs urinaires. Ces deux derniers chirurgiens, tout en recon-naissant les bons effets des eaux alcalines sur certains calculs, dans certaines circonstances, ont prétendu néanmoins, comme assertion générale, que les eaux alcalines, en décomposant les calculs, peuvent y former un nouveau dépôt, tantôt par l'addi-tion d'un sel double d'urate de soude et d'ammoniaque; tantôt par la précipitation d'un urate de chaux ; tantôt par la déposition des phosphates de chaux et de magnésie; tantôt, enfin, par la for-mation d'un carbonate de chaux. D'après l'assertion de M. Le-roy à M. Bérard, rapporteur de la commission académique, des calculs extraits récemment de la vessie de malades, qui avaient fait usage de boissons alcalines, présentaient des couches très épaisses de carbonate de chaux dont M. Leroy pense trouver l'ex-plication dans cette formule : « que le sous-carbonate de soude en excès décompose en partie le phosphate de chaux, et que, par un double échange, il se fait un phosphate de soude soluble et un carbonate de chaux insoluble.»
Ces discussions, que l'on avait intérêt à répandre, avaient fait du bruit. La question, pour être résolue, a dû être soumise à l'expertise des chimistes. Or, qu'est-il résulté de cette enquête? Suivant M. C. Petit (i), les couches épaisses de carbonate de chaux, déposées par l'action des eaux alcalines à la surface de gros calculs, se seraient transformées en quelques bulles d'un gaz douteux, représentant, tout au plus, un atome inappréciable d'acide carbonique. C'est, en réalité, ce qui ressortirait des ana-lyses faites par quatre chimistes. Ainsi: i°MM. Quevenne et Henry ayant, chacun de son côté, analysé des portions de trois calculs, les numéros i et 3 n'auraient fourni, d'un gaz supposé l'acide carbonique, qu'une quantité trop minime pour pouvoir être déterminée; et le n° 2 n'en aurait accusé qu'une bulle grosse à peine comme une tête d'épingle. i° M. Bourson en aurait signalé quelques bulles sur un fragment de calcul, gros comme une demi-tête d'épingle, dissous dans l'acide chlorhydrique. 3°Et M. Gui-bourt aurait prouvé l'existence du carbonate de chaux uni au phosphate de la même base dans un petit calcul ; mais d'après cette composition chimique elle-même et d'après la forme de ce corps, il aurait pensé que ce devait être un calcul prostatique.
On le voit donc, jusqu'à présent, l'analyse chimique est loin de justifier les craintes énoncées par les chirurgiens lithotriteurs. Un autre argument emprunté de ce que l'on aurait encore re-trouvé un calcul après un premier traitement alcalin (2) ne prou-verait pas suffisamment l'inefficacité des eaux de Vichy, puisque rien ne démontre qu'en prolongeant le traitement la disgrégation complète n'eût pu être obtenue. Resteraient donc, comme une raison plus valable, les fâcheux effets que l'usage long-temps continué des eaux alcalines peut avoir chez certains malades ; mais alors on est averti à mesure, par l'accroissement progressif des accidens qu'elles provoquent.
Tel est en substance aujourd'hui l'état de la lithodialysie. De nouveaux faits ne tarderont pas à éclaircir les doutes qui peuvent encore exister touchant la limite dans laquelle on peut compter
(1) Rapport sur l'emploi des eaux minérales de Vicliy dans le traitement de la goutte. Paris, 1840.
(2) Préface du l'Histoire de la Lithotritie, par M. Leroy d'Étiolles. Paris, 1839. t. vu.
sur l'action du traitement alcalin. Néanmoins, comme ces faits se rattachent au problème thérapeutique de la destruction des cal-culs urinaires, j'ai cru devoir contribuera répandre un nouveau mode de traitement, qui, par les succès qu'on en a déjà obtenus et son innocuité, donne, concernant l'une des affections chirurgicales les plus meurtrières, des espérances si consolantes pour l'avenir.
LITHOTRITIE.
Définition. La lithotritie (de Xiôoç pierre et rpurotu je perce, je per-fore, ou 7pi'pw, je broie, j'écarte), est une opération qui a pour but de briser les calculs dans la vessie, au moyen d'instrumens particuliers, et de les réduire en fragmens assez petits, pour qu'il soit possible de les extraire par les voies naturelles, et sans avoir recours à la lithotomie.
On a tenté de donner à cette manière de détruire la pierre di-vers noms, tels que ceux de lithotripsie, lithocénose , etc., mais l'usage ayant consacré celui de lithotritie , nous continuerons à nous en servir.
Historique de la lithotritie.
Long-temps les chirurgiens avaient eu l'idée de détruire la pierre par le morcellement opéré d'une manière quelconque : mais les moyens propres à mettre cette idée à exécution ayant manqué, ou ne s'étant offerts à diverses intervalles que trop grossiers pour en obtenir un résultat convenable, on voit, à tra-vers les âges, l'idée-mère de la lithotritie, tour-à-tour oubliée et renouvelée jusqu'à ce qu'enfin , formulée par les appareils et les résultats de nos chirurgiens en une méthode positive, il n'ait plus été possible de contester sa valeur, et de lui refuser dans la science le droit de domicile qu'elle a si bien su mériter.
A partir de son origine connue, entre les mains des chirurgiens arabes, où, élaborée par l'homme de l'art, elle apparaît déjà in-telligente et nette, après plusieurs siècles on la voit renaître à de longs intervalles, parfois comme un élan du génie chirurgical, mais le plus souvent sous l'excitation de l'instinct de conservation chez des malades livrés à eux-mêmes, et, à chaque fois sans con-naissance de ce qui a précédé. C'est ainsi qu'en la suivant dans sa marche timide et incertaine , sans progrès et dans une suite d'ef-forts toujours à recommencer, on arrive à notre époque où, en quelques années, par la vive émulation des chirurgiens français, elle parvient, pour ainsi dire, tout d'un jet, à l'état de splendeur où nous la voyons aujourd'hui.
Cet historique se distingue en trois époques. La première ren-ferme tout ce qu'ont dit et fait les Arabes et les modernes jusqu'à l'observation du moine de Cîteaux. La deuxième s'étend depuis cette observation inclusivement jusqu'à la découverte définitive du cafhétérisme rectiligne, par M. Amussat, exclusivement. Enfin la troisième comprend tout ce qui a été fait depuis cette réappa-rition jusqu'à ce jour.
i'e époque. Ainsi cpte nous l'avons dit à l'article calculs de l'urètre, c'est d'abord aux pierres contenues dans ce canal que la chirurgie a osé s'attaquer; delà à aller saisir et broyer les cal-culs dans la vessie, il n'y avait qu'un pas, mais ce pas a été lent et difficile à faire, comme nous allons le voir : A. Paré conseillait, non-seulement de perforer les pierres arrêtées dans le canal, mais encore celles qui sont au col de la vessie. Ces préceptes avaient
déjà été posés quatre siècles auparavant par les Arabes; mais il parait en outre que des chirurgiens de cette nation avaient donné des indications beaucoup plus positives d'essais de lithotrïtie. Voici les faits : On a pensé qu'un auteur arabe Alsaharavius, on Azzahravi, que quelques chirurgiens croient n'être autre que Aboul-Cassem ou Albucasis, connaissait la lithotritie. On se fondait, à cet égard, sur la phrase suivante : « Accipiatur a instrument uni subtile, quod nommant Mashaba rebilia et sua-« citer inlromittatur in virgam, et volve lapidem in medio ve-« sicce et. sifuerit mollis frangitur et exhibit. » Voici le sens de ce passage : On prend un instrument subtil, appelé Masbaba rebilia; on l'introduit avec douceur dans la verge, et on fait tourner la pierre dans le milieu de la vessie ; si elle est molle, elle se brise et les fragmens en sont expulsés. Mais au lieu de cette ver-sion , on avait traduit de la manière suivante, qui offre un sens très différent : « introduire un instrument subtil dans la vessie pour saisir la pierre, l'écraser si elle est molle et l'extraire. «Dans son histoire de la lithotritie publiée en i83(j, M. Leroy (d'Etiolles) a montré que c'était par erreur que l'on avait attribué à Azzahravi la connaissance du broiement de la pierre dans la vessie, et il le prouve en rappelant en entier le passage dont la phrase pré-cédente avait été extraite, et d'où il résulte (i) qu'il s'agissait d'une rétention d'urine causée par une petite pierre placée au col de la vessie, ou engagée dans le canal : Ad collum vesicœ aut ad aliquem transitum virgœ et impedit urinam. Le conseil donné par Azzahravi est de repousser dans la vessie la pierre cpii, par cette répulsion, se brise si elle est molle. Mais si cet effet n'a point lieu, il faut inciser pour l'extraire, comme le prescrit la chi-rurgie [oportet incidi ut in chirurgica determinatur), ou si elle n'empêche pas la sortie de l'urine, on aura recours à des médi-camens pour la faire dissoudre (utaturpatiens medicinis fran-gentibus lapidem).
Mais s'il paraît bien qu'Azzabravi, ou, si l'on veut, Albucasis, n'a point parlé de la lithotritie vésicale, il n'est pas moins prouvé que c'était une opération connue de quelques médecins de sa nation , comme on peut le voir par le passage suivant d'un ou-vrage arabe (2) : « Quand un malade est atteint d'une pierre, soit « dans la vessie, soit dans l'urètre, on prend un petit diamant « cpi'on fixe à l'extrémité d'une petite tige métallique de cuivre « ou d'argent, on l'introduit dans l'organe qui contient la pierre, « et on la réduit par un frottement répété. » Un médecin arabe, nommé Ebn-al-TIarrar, a consigné, dans un traité sur les maladies calculeuses, l'histoire d'un domestique qui, n'ayant pas voulu se soumettre à la lithotomie, fut traité par la sonde armée d'un dia-mant. Par ce moyen on parvint à écraser la pierre par le frottement, et à la réduire à un assez petit volume pour qu'elle pût être expulsée avec les urines. Sans doute si ce fait est vrai la lithotritie était trou-vée, car c'est bien là une destruction de pierre par usure; mais si les Arabes n'ont pas été plus loin , le moyen était insuffisant et n'offrait aucune sécurité pour agir sur une pierre qui n'était fixée par rien.
Le souvenir de ces premières tentatives s'était-il effacé à tra-vers le moyen âge, ou bien s'en était-il conservé quelques traces? on l'ignore; quoi qu'il en soit, un écrivain du xv° siècle parle de la lithotritie comme d'une méthode sinon efficace, du moins usuelle. Alex. Benedictus, après une longue énumération de re-cettes propres à dissoudre la pierre dans la vessie, ajoute avec
(1) Liber l/ieoricœ, nec non praclicœ, folio 94 (1519).
(2) La fleur de pensée sur les pierres précieuses. Extrait de la Lithotritie chez les Arabes aux xn° et xui" siècles (Revue médicale, juillet 1837).
négligence : « Au travers de la fistule qui , d'abord a donné passage au liquide épanché, quelques chirurgiens sans pratiquer de plaie (nouvelle) brisent, au dedans , la pierre avec des instru-mens de fer, ce qui véritablement ne nous semble pas offrir beau-coup de sécurité. » « Per fistulam quâ prias humor profusus « aliqui intus sine plagâ lapidem conterunt ferreis instru-is, mentis; quod equidem tutum non invenimus (i). » Evidem-ment il y a là un indice qu'au xve siècle quelques chirurgiens tentaient le broiement et l'extraction de la pierre sans plaie san-glante; mais par quels inslrumens? c'est ce qu'on ne dit pas. C'est un malheur que les auteurs anciens se soient montrés pres-que partout aussi avares de descriptions. En 158o, suivant lialler, Sanctorius aurait indiqué un procédé nouveau pour briser la pierre dans la vessie sans incision préalable. Ainsi TIaller dit de Sanctorius : « Il donne le dessin d'un cathéter (sonde creuse) trifide, au travers duquel il introduit, sur un gros calcul, une tige en flèche ; à l'aide de cette tige, à ce qu'il croit, il divise le calcul dont les fragmens tombent entre ses branches et peuvent être extraits: c'est, à mon sens, une pure spéculation (a). » Ne croirait-on pas, dit M. Leroy, lire la description de la pince à trois branches avec son foret? Eh bien! Sanctorius, ainsi qu'on peut le voir par le passage où il décrit son instrument (3), n'a point du tout songé à s'en servir pour broyer les calculs ; il n'avait pour but que d'extraire de petites pierres et nullement d'en broyer de grosses, et si véritablement cet auteur n'a rien dit nulle part de plus explicite cpie dans le passage cité par M. Leroy, ce serait le grand Haller lui-même qui, en élargissant, à son insu, la pensée de Sanctorius, par l'un de ces élans d'imagination non réfléchis, comme il nous en arrive à tous, aurait eu l'idée de la lithotritie, sans croire pourtant à son succès possible.
Pour voir réellement poindre l'idée de la lithotritie vésicale, unie à un commencement d'exécution, il faut arriver à l'histoire du moine de Citeaux et clu major ou colonel Martin.
2e époque. Hoin père, de Dijon (4), qui aurait été sur le point d'opérer un moine de l'abbaye de Cîteaux, affecté de la pierre, rapporte que ce malade redoutant l'opération, conçut l'espoir de se guérir lui-même et, à cet effet, imagina d'introduire, dans sa vessie, une sonde creuse et flexible, au travers de laquelle il con-duisait une tige d'acier droite et cylindrique, terminée du côté de la vessie par un biseau tranchant propre à agir sur le calcul. Lorsque le biseau était en contact avec la pierre, il frappait sur la tête de la tige de petits coups secs et brusques avec un petit marteau d'acier, et de cette manière parvenait à détacher quel-ques parcelles du calcul qu'il expulsait avec les urines, et qu'il conservait soigneusement; en moins d'un an il en avait ainsi ra-massé plein une boîte. Le colonel Martin, dont l'observation est rapportée par le docteur Scott de Bombay, aux Indes orientales, et par Marcet (5), introduisait, dans la vessie, une forte sonde creuse, élastique, au travers de laquelle il conduisait un mandrin d'acier recourbé comme une sonde métallique. Sur la convexité de ce mandrin se trouvait une lime bien trempée, que le malade opérateur faisait aller et venir sur le calcul. Avec du temps et
(1) De remedicâ, p. 422.
(2) Cathelercm dclineat Irifidum, per cum in grandiorem calcuLum speciUum satjiUalum immillil, cô ni putat calculnm dividit, fragmenta in ter spcciUi crura codant et possint extrahi : spéculationem jmlo meram.
(3) Sanctorius. Commentaria in primant fcn. primi libri canonensis Avi-cennœ. Venet. 1626.
(4) Rapport de Percy et Chaussier, Académie des Sciences, 1824.
(5) On the calculous disordeis, p. 20.
de la patience il parvint, dit-on, à réduire complètement son calcul en poussière et à s'en débarrasser. Malgré ce résultat heu-reux le calcul se reproduisit, et finalement le colonel Martin est mort de la pierre en 1800, auprès de Calcutta. Ce procédé res-semble beaucoup à celui de Ebn-al-Iïarrar ; excepté que le mé-decin arabe se servait d'un diamant au lieu d'une lime d'acier, c'est à la même intention, comme nous verrons plus loin , que se rapporte le procédé du docteur Elgerton. Mais déjà il faut signaler un nouvel aperçu dans la proposition faite par Thomas-sin de briser les pierres dans la vessie en les frappant avec une sonde, et dans le fait rapporté par Rodriguez , médecin de Ma-laga, qui, en 1800, serait parvenu à briser une pierre en la frap-pant avec un cathéter.
Tout informes qu'aient été ces essais, pour si peu probable qu'il puisse être, que le moine de Cîteaux et le colonel Martin soient parvenus à se débarrasser complètement de leur pierre, et enfin quoiqu'il n'y ait aucune comparaison sérieuse à établir entre ce qui avait été fait jusqu'alors et ce qui nous reste à dire, il n'en est pas moins vrai que c'est là de la lithotritie ; c'est réelle-ment de là que date son origine, c'est-à-dire la théorie unie à la pratique. En réalité, dans ces essais grossiers, on ne peuts'empê-cher de reconnaître le germe des deux méthodes de l'usure pro-gressive, et du broiement par percussion.
Jusqu'en 1812, il ne fut plus question de lithotritie. Mais, à cette époque, M. Gruithuisen, médecin bavarois, imagina des instrumens dans le but de saisir et de perforer les calculs dans la vessie. En i8i3, il fit imprimer, dans la Gazette Médico-Chirur-gicale de Sallzbourg, un mémoire dans lequel il rendit compte de ses idées sur la destruction des calculs vésicaux , et donna la description des instrumens qu'il avait imaginés dans ce but. Ces instrumens consistaient dans une grosse canule droite, dans la-quelle passait une anse de fil de laiton et une tige solide ter-minée par une couronne dentée ou un fer de lance (Pl. 61, fig. 1). La pierre devait être embrassée et fixée par l'anse métallique, tandis que le trépan, mis en mouvement par un archet, agissait sur elle pour la perforer.
La seule inspection suffit pour démontrer tout le danger d'un pareil instrument. La facilité que la pierre, saisie seulement par l'anse de laiton, trouvait à s'échapper, laissait les parois de la vessie exposées à l'action de la couronne de trépan ou du fer de lance du foret: aussi M. Gruithuisen ne l'appliqua-t-il jamais sur le vivant, du moins il ne le dit pas. Quoi qu'il en soit, c'était un grand pas défait. Il était démontré parla qu'on pouvait pénétrer dans la vessie avec de grosses sondes droites, et il ne restait plus qu'à modifier les moyens propres à saisir le calcul et à l'assujettir de façon à préserver la vessie de toute atteinte fâcheuse de la part du foret. Cependant, comme Gruithuisen n'avait pas imaginé ses instrumens dans le but précis de broyer en entier les calculs, mais seulement dans celui de s'assurer de leur composition chimique, et de les mettre en contact par une plus grande surface avec les agens dissolvans, ces premières données, pourtant si précieuses, restèrent tellement ignorées en France, que ce ne fut pour ainsi dire qu'après que M. Amussat eut démontré de nouveau la possibilité du-cathétérisme rectiligne,que la lithotritie prit désor-mais son essor.
En 1819, M. Elgerton, chirurgien écossais, inventa un nouvel appareil, dont la figure est représentée dans un ouvrage de M. Leroy, intitulé : Exposé de divers procédés employés jusqu'à ce jour pour guérir la pierre sans avoir recours à V opération de, la taille. Lorsqu'on veut introduire l'instrument dans la vessie, il a la forme d'une sonde courbe ordinaire. Dans sa composition il est formé d'une canule externe et d'une canule interne qui sort de la première et se sépare en deux portions représentant un pa-rallélogramme dont les côtés sont unis par des articulations mo-biles qui leur permettent de se rapprocher ou de s'éloigner, sui-vant qu'on fait rentrer ou sortir la seconde canule dans la pre-mière. C'est dans l'aire de ce parallélogramme que doit être placé et saisi le calcul. Une tige d'acier terminée par une lime passe dans la canule interne, et doit agir sur le calcul lorsqu'il est saisi. Quoique plus parfait et moins dangereux que celui de Gruithuisen, cet instrument présentait encore trop d'imper-fections, trop peu de sécurité, et aurait exigé trop de temps pour l'usure d'un calcul, un peu volumineux, pour qu'on ait osé l'appliquer.
M. Leroy imagina aussi vers cette époque un instrument courbe qui présentait de l'analogie avec celui de M. Elgerton, avec cette différence, qu'au lieu de la lime qui agissait à la super-ficie, il cherchait à perforer le calcul en faisant agir sur lui un bouton hérissé de pointes, supporté par une tige très mince et flexible, dans le point qui répondait à la courbure de la sonde. M. Leroy reconnaissait à cet instrument une foule d'inconvéniens et d'imperfections qu'il travaillait à faire disparaître, lorsque M. Amussat vint annoncer à l'Académie, au mois d'avril 1822, que ses recherches anatomiques sur l'urètre lui avaient fait re-connaître la possibilité de pénétrer sans danger dans la vessie, à travers ce canal , avec une sonde droite. A dater de ce moment commença la troisième époque de la lithotritie; nous disons la troi-sième époque, parce que, depuis lors, la lithotritie définitivement constituée, n'a pas cessé d'occuper les esprits, et, par une suite de travaux et de perfectionnemens non interrompus, est parvenue au point où nous la voyons. Une chose importante à remarquer cependant, c'est que la possibilité de pénétrer dans la vessie avec une sonde droite, qui a décidé l'élan imprimé à la lithotritie, n'a pas eu cependant, sous le rapport pratique, autant d'importance que certaines personnes veulent bien lui en attribuer, puisqu'on en est revenu aux instrumens courbes, et que c'est en définitive de ces derniers dont on fait, pour ainsi dire, exclusivement usage pour la destruction de la pierre.
3e époque. M. Amussat a retrouvé le cathétérisme rectili-gne déjà démontré par Santarelli, professeur d'accouchement à Rome, et par Gruithuisen, médecin bavarois, ainsi que nous l'a-vons dit à l'article Cathétérisme rectiligne; dès-lors tout change. « Cette découverte que je croyais neuve, ainsi que M. Amussat, « dit M. Leroy (1), fit évanouir à mes yeux la plupart des diffi-« cultes qui m'avaient arrêté jusqu'alors ; et un mois plus tard, « dans la même séance de l'Académie nous présentâmes tous « les deux nos instrumens lithontripteurs. Cependant, bien que « nous tendissions au même but, les moyens que nous mettions « en usage pour y parvenir n'étaient pas tout-à-fait les mêmes ; « et tandis que M. Amussat pensait écraser les calculs par la force « de ses instrumens, je cherchais à les réduire en poudre par « une action plus lente et peut-être plus certaine. »
Un autre lithotriteur distingué de notre époque, M. Civiale, s'oc-cupait de son côté, à ce qu'il assure environ depuis 1818, de la destruction mécanique des calculs vésicaux. Il prétendit avoir imaginé, dès cette époque, des instrumens analogues à ceux que M. Leroy avait présentés à l'Académie, et s'en être servi avec suc-
(1) Ouvrage cité, p. 127.
ces, et il réclama la priorité. Un jugement de l'Académie des sciences, fondé sur tin rapport de Pcrcy et Chaussier présenté en 1824 à ce corps savant, confirma ses prétentions ; u:ais un juge-ment ultérieur de la même Académie déclara, dans la séance du 3o mai i8a5, que MM. Amussat, Leroy (d'Étiolles) et Civiale méritaient chacun une mention honorable, le premier pour avoir mieux fait connaître la structure de l'urètre, qui permet l'action libre des instrumens, le second pour les avoir imaginés et les avoir fait exécuter, et enfin le troisième comme ayant pratiqué le premier, avec succès, quelques opérations de lithotritie sur le vivant. Comme tous les documens produits jusqu'à ce jour tant par MM. Ileurteloup, Leroy et Amussat, que par l'Académie des sciences prouvent que, si M. Civiale avait inventé des instrumens lithotriteurs droits depuis 1818, il avait tenu son invention si se-crète que personne n'en avait entendu parler jusqu'en 1824 désintéressés personnellement dans ce débat, mais seulement dé-sireux de trouver la vérité, et de rendre la justice à qui elle est due, force nous est bien d'accepter pour vrai le rapport acadé-mique, le seul document qui puisse faire foi. Du reste la question de priorité n'ayant aucune importance pratique, nous ne nous étendrons pas plus longuement ici sur ce sujet, nous réservant d'en dire quelque chose, au fur et à mesure que l'occasion s'en présentera, dans la description que nous allons faire des divers méthodes et procédés de la lithotritie et des instrumens propres à les exécuter.
Pour mettre de l'ordre dans un sujet aussi complexe que celui dont nous nous occupons, il est indispensable d'établir des divi-sions. M. Bégin dans son article Lithotritie, du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, établit quatre méthodes : i° perforation successive des calculs et écrasement de leurs frag-mens; 2" usure de la pierre du centre à la circonférence, et rupture de la coque en laquelle on l'a réduite; 3° égrugement ou usure de la circonférence au centre; 4° écrasement direct. M. Malgaigne admet la lithotritie par usure progressive, par broiement et par percussion; enfin une dernière division est celle de M. Velpeau dans laquelle la lithotritie est partagée en deux méthodes, la méthode rectiligne et la méthode curviligne ; sui-vant qu'on emploie des instrumens droits ou des instrumens courbes. On peut adopter sans inconvénient l'une ou l'autre de ces divisions auxquelles, ainsi que nous l'avons dit, nous n'atta-chons d'importance que sous le rapport de l'ordre et de la mé-thode, car elles signifient toutes la même chose en termes diffé-rens. On pourrait également suivre l'ordre chronologique, ainsi que l'a fait M. Leroy dans son histoire delà lithotritie publiée en i83g. Mais cette manière de faire, bonne pour un ouvrage cri-tique, et où l'on a l'intention de mettre en relief les dates des dé-couvertes de chacun, ne convient pas pour un ouvrage pratique, parce qu'elle a le désavantage de ne rien fixer dans l'esprit. Nous décrirons donc successivement la méthode des perforations suc-cessives, l'évidement des calculs du centre à la circonférence, avec brisement consécutif de leur coque, leur usure progressive de la circonférence au centre et leur écrasement direct.
1° PERFORATION SUCCESSIVE DES CALCULS.
Instrumens (Pl. 61).
La perforation successive des calculs peut s'opérer avec des in-strumens droits et avec des instrumens courbes. En 1822 M. Le-roy (d'Étiolles) imagina un instrument droit auquel il donna le nom de lithoprione. Cet instrument (Pl. 61, lig. 2) était formé de deux tubes métalliques, entre lesquels glissaient quatre lames minces faisant ressort, allant se réunir sur un bouton, et for-mant une sorte de cage dans laquelle la pierre était incarcérée ; une tige d'acier dentée passant dans le centre, obéissait au mou-vement d'une manivelle pour attaquer le calcul.
Des essais sur le cadavre ayant fait reconnaître dans cet instru-ment plusieurs inconvéniens, M. Leroy fit ses efforts pour les faire disparaître. La pince de Fab. de Ilildeii et le tire-balle d'Al-phonse Ferri lui fournirent l'idée de sa pince à trois branches. (Pl.6i,fig. 4-)
Mais cette pince ne remplissait pas encore d'une manière com-plètement satisfaisante le but que l'auteur se proposait, parce que pour perforer la pierre sur un autre point, il fallait la lâcher, puis chercher à la saisir de nouveau; or, le temps le plus difficile de l'opération étant celui dans lequel on saisit la pierre, il fallait tâcher d'éviter de la laisser aller, lorsqu'elle avait déjà été prise. Nous verrons à l'article èvidement, comment il y parvint.
Un instrument presque en tout semblable à celui de M. Leroy fut appliqué pour la première fois sur le vivant avec succès par M. Civiale le i3 janvier 1824. Cependant une différence capi-tale, c'est que le stylet plus volumineux que la canule interne, ne pouvait être retiré au travers de la cavité, ce qui empêchait de pouvoir substituer au premier perforateur des fraises et des li-mes capables d'achever la destruction du calcul, sans retirer l'in-strument en totalité, et forçait l'opérateur à lâcher ce corps pour le reprendre et le perforer sur un autre sens. Dans les premiers temps M. Civiale se contentait de faire tourner avec les doigts le stylet propre à briser la pierre ; mais plus tard il y ajouta l'archet et le chevalet. La figure 5 de la planche bi représente le litho-triteur complet de M. Civiale avec sa fraise, ses boîtes à cuir et son étui.
En résumé, voici comment est constitué l'instrument dont on se sert encore dans la méthode des perforations successives avec tousses perfectionnemens : i° une grosse canule extérieure droite, longue de 27 à 31 centimètres (10 à 11 pouces), de 7 à 9 millim. (3 à 4 lignes) de diamètre, sert de chemise au reste de l'appareil. Cette canule est ordinairement en argent ; un cercle d'or ou de platine est placé à son extrémité vésicale pour la renforcer, mais ne fait aucune saillie. Son extrémité externe est généralement garnie d'une boîte en cuir ou en liège destinée à empêcher le liquide de sortir, et d'un renflement quadrilatère long de 3 à 4 centimètres par où l'instrument doit être saisi avec l'étau ou le tour en l'air. Plus en avant encore existe une rondelle qui sup-porte une vis de pression destinée à fixer les deux canules l'une sur l'autre ; 20 Dans cette première canule glisse la seconde ca-nule appelée litholabe, plus longue de 8 à 10 centimètres (3 à 4 pouces), divisée, à son extrémité vésicale, en trois branches con-struites comme nous l'avons dit, et destinées à saisir le calcul. Le bout extérieur du litholabe est garni d'un pas de vis sur lequel on monte une rondelle renfermant une boîte à cuir qui a pour usage d'empêcher le liquide de passer entre lui et le stylet; cette rondelle sert de poignée. Sur la portion de la tige qui dépasse la chemise sont tracées des divisions qui servent à indiquer de com-bien les branches font saillie dans la vessie, et de combien elles s'écartent. En poussant le litholabe de 27 millimètres (un pouce) on obtient 20 millimètres (9lignes) d'écartement. Et en les pous-sant autant que possible, on arrive jusqu'à un écartement de 5 centim.et 1/2 (2 pouces). L'échelle est graduée du côté qui cor-respond à la branche la plus longue, ce qui sert à indiquer sa position dans la vessie. 3° Un stylet en acier ayant environ 2
centimètres de plus en longueur cpie le litholabe est destiné à glisser dans sa cavité. Ce stylet qui doit percer la pierre, pré-sente à son extrémité externe une poulie fixée par deux vis , sur laquelle s'enroule la corde de l'archet propre à le mettre en mouvement, et, dont le rebord empêche son extrémité vésicale de dépasser les branches du litholabe et de blesser la vessie. Cette partie vésicale du stylet forme une espèce de tête arron-die, appelée fraise, plus grosse que la tige qui la supporte, et armée de plusieurs dentelures. Les chiffres placés sur la partie de son extrémité externe qui dépasse le litholabe servent à in-diquer de combien le calcul s'enfonce entre ses branches, et de combien le foret pénètre graduellement dans l'épaisseur du calcul.
Êtaux. Ces instrumens sont destinés à saisir et à fixer la che-mise de l'instrument lithotriteur, tandis qu'avec l'archet on fait tourner le perforateur. Fig. 67 et 68 de la pl. 54 sont figurés deux étaux inventés par M. Amussat : celui de la fig. 68 qui, est le plus usité, se compose d'une boule de fer aplatie sur ses faces latérales et divisée en deux moitiés égales, présentant à leur centre une échancrure quadrilatère destinée à saisir le renflement, de même forme, de la canule extérieure de l'instrument lithotriteur. Les manches entrecroisés et unis par une vis sont maintenus écartés par un ressort analogue à celui d'un sécateur des jardiniers. Enfin de chaque côté du renflement que porte l'échancrure sont adap-tés deux petits bras en bois, quadrillés, qu'un aide doit saisir avec chaque main, afin de fixer plus solidement l'instrument li-thotriteur. Le premier étau à main de M. Amussat ne diffère du précédent qu'en ce que les deux petits bras manquent, et le troi-sième connu sous le nom d'étau d'Amussat et Ségalas, ne diffère des précédens qu'en ce qu'au lieu d'un manche analogue à celui du sécateur des jardiniers, il y en a deux situés en sens opposé. Le dernier est très commode, deux mains suffisent pour le main-tenir solidement, tandis que, pour le premier que nous avons décrit, il en faut trois. M. Leroy a fait construire un grand étau en fer (Pl. 54, fig. 70) qui se fixe par deux vis sur une planche, et par son mécanisme s'allonge et s'incline à volonté. Cet étau n'est point usité.
L'étau qui accompagne l'instrument de M. Civiale est un vé-ritable tour en l'air, analogue à celui des horlogers. On le nomme aussi chevalet; sa tète présente, à son extrémité, une mortaise qua-drilatère qui embrasse la chemise du lithotriteur par le renfle-ment quadrilatère que nous avons indiqué, immédiatement au-dessous de sa boîte à cuir. Une vis de pression la fixe solidement en ce point. Une pièce mobile appelée la poupée du tour, glissant sur son corps et pouvant y être fixée dans le point qu'on désire au moyen d'une vis, présente dans sa partie supérieure un canal cylindrique horizontal dans lequel pénètre l'extrémité externe du foret. A mesure que le foret avance et pénètre dans la pierre, un ressort à boudin, caché dans ce canal, le pousse vers le calcul.
L'étau en forme de tour en l'air, fut d'abord joint à la pince à trois branches de M. Leroy; mais dans un appareil plus récent du même auteur c'est un ressort de montre contenu dans un barillet qui fait avancer la poupée sur le foret.
On a blâmé l'usage d'un ressort pour faire avancer le foret, prétendant qu'il agissait comme une force aveugle qui était d'a-bord très grande, et qui allait ensuite en diminuant, de manière à finir par devenir presque nulle à mesure que le foret pénétrait dans le calcul. On a proposé d'y substituer le pouce armé d'un
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dé à coudre, ou de tout autre enveloppe capable de le garantir. M. Civiale néanmoins a toujours continué à se servir du tour à ressort, et comme il est à-peu-près le seul qui fasse encore usage de la pince à trois branches, on ne songe pas à y faire de changement.
Préparation à faire subir au malade avant l opération. Quelle que soit la méthode qu'on veuille employer, il faut d'abord exa-miner attentivement s'il n'existe pas, chez le malade, quelques-unes des contre-indications dont nous parlerons plus tard; s'as-surer si l'on peut facilement introduire une sonde droite dans le canal ; si la pierre n'est pas enchatonnée; si elle n'est pas trop grosse, et si les organes génito-urinaires ne sont pas atteints de-quelque lésion organique capable de s'opposer à l'introduction d'instrumens d'un calibre assez considérable, ou susceptible de s'aggraver sous l'influence des manœuvres que nécessite la litho-tritie. Lorsque rien ne contre-indique cette opération, on y pré-pare le malade de la manière suivante.
On introduit d'abord des sondes d'un fort calibre dans le ca-nal, et on les y laisse pendant quelques jours, afin de le dilater et d'émousser sa sensibilité; on injecte aussi à travers ces sondes de l'eau dans la vessie, pour en diminuer l'irritabilité, et qu'elle se laisse plus facilement distendre pendant l'opération.
Procédé opératoire de M. Civiale. On fait coucher le ma-lade horizontalement sur un lit étroit, ferme et élevé, ou bien en travers sur un lit ordinaire, le siège sur le bord et soulevé par un coussin, si cela est nécessaire ; la poitrine et la tète égale-ment un peu relevées de manière à mettre les muscles du ventre dans le relâchement ; les jambes écartées et demi fléchies, et les pieds appuyés sur deux tabourets.
Afin de pouvoir faire manœuvrer avec plus de facilité les in-strumens lithotriteurs, on commence par injecter dans la vessie de l'eau tiède ou une décoction émolliente ; ces injections se font avec une sonde ordinaire et une seringue à hydrocèle. On a pro-posé de les faire avec une vessie ou une bouteille de caoutchouc, mais la seringue et la sonde sont préférables, parce que avec cette dernière, on reconnaît de nouveau la présence du calcul. On cesse d'injecter lorsque le malade se plaint d'avoir une assez forte envie d'uriner. Alors on retire la sonde et l'on dispose l'instrument li-thotriteur de manière que les branches du litholabe soient aussi rapprochées que possible, et prennent la forme d'une olive à leur extrémité libre, qu'on rend lisse en introduisant un peu de suif dans les vides qui peuvent exister. On graisse l'instrument, et on l'introduit dans la vessie de la même manière que dans le cathétérisme ordinaire avec les instrumens droits ; on cherche la pierre, en promenant doucement l'extrémité du litholabe sur le bas-fond delà vessie, d'avant en arrière et d'arrière en avant, à droite, au milieu et à gauche, puis transversalement, et enfin dans tous les sens. Le plus souvent lorsque la pierre existe, on la trou-ve. Mais si on ne la trouvait pas, quoique le malade en offrît les signes, ou qu'on l'eût déjà rencontrée, il faudrait faire varier la position du sujet, et en définitive remettre à une autre fois pour un nouvel examen. Lorsqu'on a reconnu le calcul et déterminé sa situation, on appuie légèrement dessus avec l'extrémité de l'in-strument, et afin d'ouvrir le litholabe, on le maintient immobile d'une main, tandis que de l'autre on retire vers soi la chemise ou canule externe. Dans cette manœuvre il faut faire en sorte que son extrémité, interne ne dépasse pas le col de la vessie, et ne se trouve pas dans le canal de l'urètre, parce que lorsqu'on voudrait
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ensuite la pousser vers la vessie, le col de cet organe pourrait être pincé entre les deux canules, et s'opposer an dégagement de l'instrument. A mesure qu'on fait reculer la canule externe au de-hors, les branches de la canule interne jusqu'alors contenues par elle, s'écartent par leur élasticité propre, et sont disposées con-venablement pour saisir le calcul: ce temps est le plus difficile. Quelquefois, il est vrai, il suffit de pousser doucement l'instru-ment vers les parois de la vessie pour que la pierre vienne se loger entre ses branches ; mais le plus souvent, pour y parvenir, il faut tâtonner. Ce qui embarrasse surtout, c'est de savoir par quelle partie du litholabe on touche la pierre ; si c'est par l'ex-trémité crochue de l'une de ses branches, ou par leur convexité à droite, à gauche, ou en bas. S'il esta droite, en imprimant de lé-gers mouvemens de latéralité à l'instrument, au moment où la branche correspondante le frappera, on éprouvera la sensation d'un choc simple contre un corps résistant ; si deux branches le touchent, la sensation du choc sera double ; s'il est à gauche, on éprouvera la même sensation dans ce sens; s'il est en bas, ce sera en abaissant l'instrument, après l'avoir élevé, que le choc se fera sentir. Si on le trouve en avant et qu'on le touche avec le crochet d'une seule branche du litholabe, c'est qu'il est de côté; si on le touche avec deux crochets, c'est qu'il est entre eux deux. Au reste l'habitude en apprend sur ce sujet beaucoup plus que tout ce qu'on pourrait dire. Il est donc important de s'exercer beaucoup sur ce point, tant sur le cadavre que sur l'homme et les animaux vivans. Lorsque enfin on suppose que la pierre est embrassée par les branches de l'instrument, il est important de s'en assurer avant d'aller plus loin. Pour cela il suffit de pousser la canule externe sur la canule interne. Si la pierre est saisie, le glissement des canules l'une sur l'autre ne peut s'opérer, si ce n'est peut-être dans une très faible étendue. D'autres conseillent avant de pous-ser la gaine sur le litholabe de faire exécuter des mouvemens de va-et-vient au foret jusqu'à ce qu'il ait touché la pierre. Au reste, quelles que soient les manoeuvres qu'on pratique, elles doivent être faites avec beaucoup de précaution, afin d'éviter de pincer les parois de la vessie, et de dilacérer sa membrane muqueuse, soit qu'on l'eût saisie seule, ou qu'on l'eût prise en même temps que la pierre, entre les mors de la pince. Lorsque le calcul est bien saisi, on fixe la grosse canule sur le litholabe au moyen de la rondelle et de la vis de pression dont nous avons parlé, on pousse le foret jusque sur le calcul, et l'on place le tour en l'air et l'archet. Comme nous l'avons dit, un aide situé entre les jambes du malade ou bien à sa droite, saisit et fixe solidement le corps de l'étau avec ses deux mains (Pl. 58, fig. i, a et b), la gau-che en avant, près de sa partie recourbé et en supination, la droite en arrière et placée entre la supination et la pronation. L'opéra-teur dispose son archet (d) sur la poulie, de manière que la corde qui, bien que mince, doit avoir une grande résistance, ne fasse qu'un tour, et il procède à la perforation.
Perforation. Placé à droite du malade, le chirurgien embrasse l'instrument à pleine poignée avec la main gauche (c) dans le point où le chevalet entoure la canule extérieure; il fait mouvoir l'archet (d) avec la main droite, et la tête du foret, suivant les mouvemens de la poulie, pénètre dans le calcul. Si l'ébranlement cpie l'archet communique toujours à la totalité de l'instrument était douloureux, un aide plaçant la main sur le périnée, appuie-rait la canule extérieure contre la partie inférieure de la symphyse des pubis, pour borner les arcs de cercle décrits par l'extrémité de cet instrument qui obéit à l'impulsion de l'archet. La longueur du foret étant calculée pour que, dans aucun cas, il ne puisse atteindre la vessie, lorsque la poulie qui le commande, est arrivée en contact avec la canule interne et ne peut aller plus loin, on ôte l'archet et l'étau, on retire le foret vers soi, puis, ouvrant un peu la pince en retirant très modérément la canule externe, on tâche de changer la situation de la pierre sans la dessaisir, soit par de petits mouvemens de bascule communiqués à l'instrument, soit en la poussant avec la tête du perforateur. Mais enfin si l'on ne peut y parvenir, on laisse aller le calcul en ouvrant les branches du litholabe, et l'on cherche à le saisir de nouveau par une autre surface. Lorsqu'on est parvenu à le reprendre, on y fait une se-conde perforation, en suivant exactement les mêmes manœuvres que pour la première; puis on en fait une troisième, et l'on con-tinue de la sorte jusqu'à ce que le malade soit fatigué.
Il peut arriver qu'après avoir retrouvé la pierre, le foret tombe dans l'un des trous précédemment faits : alors de deux choses l'une, ou il faut faire basculer le calcul sans le lâcher, en le poussant avec le perforateur, ou bien le laisser aller pour le re-prendre de nouveau.
Si la pierre est d'un volume et d'une consistance médiocre, on peut tenter de l'écraser entre les branches du litholabe après la première, la seconde ou la troisième perforation, en poussant tout simplement la canule externe en avant, tandis qu'on tire à soi la canule interne. Cette manœuvre doit être exécutée avec une force graduelle et modérée, afin de ne pas s'exposer à fausser ou briser une des branches d'acier qui retiennent la pierre.
Quand on veut retirer l'instrument, il suffit, après avoir en-levé l'archet et l'étau, de desserrer la vis de pression qui fixe les deux canules l'une sur l'autre, et de tirer vers soi le foret en même temps qu'on fait rentrer le litholabe dans la chemise. Si dans les mouvemens de pression on est parvenu à faire éclater la pierre, il peut arriver qu'un fragment de calcul soit resté engagé entre les branches du litholabe. S'il est très petit, ce qu'il est facile d'apprécier, on l'entraîne avec l'instrument, mais s'il a un volume trop fort, et qu'on craigne qu'il ne s'oppose à ce qu'on puisse retirer l'instrument sans nuire au canal, il vaut mieux le faire tomber dans la vessie.
Aussitôt que l'instrument est retiré, le liquide de l'injection mêlé aux urines s'écoule et entraîne avec lui la poussière des perforations et les petits graviers qui résultent de l'écrasement.
Le broiement d'un calcul par ce procédé, de même que par la plupart des autres, nécessitant ordinairement plusieurs séances, il est important de donner, dans leur intervalle, des soins aux ma-lades, pour calmer l'irritation des organes génito-urinaires, qui résulte le plus souvent de leur contact plus ou moins prolongé avec des instrumens volumineux, et des secousses qu'ils éprouvent par les mouvemens qu'on leur imprime. En général, il suffit pour y parvenir, des moyens les plus simples : un bain, quel-quefois deux chaque jour, des boissons délayantes et quelques lavemens émolliens combinés avec un régime doux. Trois ou quatre jours après, quelquefois davantage, lorsque le malade est bien remis, on peut recommencer. On continue de la sorte, jus-qu'à ce que la pierre ait éclaté. Ce résultat obtenu , on agit sur les fragmens comme sur la pierre entière, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus de traces, ce dont on s'assure par le cathétérisme simple, pratiqué à quelques jours de l'époque où l'on a cessé de rencontrer des fragmens de pierre avec le litholabe.
Procédé de M. Pravaz. Pour pratiquer les perforations suc-cessives, M. Pravaz a imaginé un instrument courbe à trois bran-
ches (Pl. 61, fig. 10). Cet instrument qui parut en 1828 pour la première fois, a la même courbure que les algalies ordinaires et se compose comme les instrumens droits d'une chemise , d'un litholabe à trois branches , et d'un foret courbe. Pour rendre les mouvemens de rotation du foret courbe aussi faciles que ceux du foret droit, M. Pravaz a remplacé la partie de la tige rigide qui constitue le quart profond du perforateur, par une tige égale-ment cylindrique, mais constituée par de petits chaînons arti-culés qui lui laissent la même solidité que si elle était d'une seule pièce. Cet instrument n'a été employé qu'une seule fois par son auteur, mais sans succès. Le grave inconvénient de cette méthode est de ne permettre de pratiquer qu'un trou de 7 à 8 millimètres de diamètre, et d'obliger à abandonner puis à reprendre alterna-tivement le calcul pour le perforer de nouveau.
2° evidement des calculs du centre a la circonférence.
Evidement suivi du brisement du calcul. ¦—- Procédé de divers auteurs. Pour obvier à l'inconvénient que nous venons de signaler dans la méthode précédente, on a apporté dans la disposition de la tête des forets diverses modifications importantes, qui constituent ce qu'on appelle des forets à développement. M. Leroy (d'Etiolles), l'un des premiers, y est parvenu en substituant des forets à fraise double, au foret à fraise simple. Voici comment se fait cette sub-stitution. Lorsque l'action du perforateur a été portée aussi loin que possible, il le retire; puis prenant un mandrin dont la fraise est divisée en deux branches qui s'écartent l'une de l'autre, il l'introduit dans une canule afin de la tenir rapprochée, et la fait glisser dans le litholabe, jusqu'à ce que la tête du mandrin ait pénétré dans le trou fait précédemment : alors il retire la canule qui luiaservi à l'introduction, et replaçant l'étau etl'archet, il fait exécuter au mandrin des mouvemens de rotation à la suite des-quels le trou s'agrandissant, les branches de la tête du perforateur s'écartent en même temps, soit par leur élasticité propre, soit à l'aide d'une tige rigide qu'il enfonce entre elles par un canal pra-tiqué suivant l'axe du mandrin. Depuis, M. Leroy voulant éviter de retirer pour lui en substituer un autre, le foret qui avait fait le premier trou, fit placer dans son foret canalisé, un mandrin armé à son extrémité vésicale de deux virgides ou lames suscep-tibles de sortir par deux fenêtres placées sur la tête du perfora-teur; lorsque celui-ci avait fait son trou, il poussait le mandrin placé dans son intérieur, et les virgules faisaient saillie. — M. Heurteloup avait imaginé, à-peu-près en même temps, quel-que chose d'analogue, seulement la tête de son perce-pierre n'a-vait qu'une fenêtre et laissait sortir une virgule dentée, de deux, quatre ou six millimètres de saillie, suivant la nécessité. MM. Gre-ling, Charrière, Tanchou et Pecchioli ont aussi proposé des fo-rets à virgule susceptibles de produire le même effet (Pl. G1, fig. 7). Enfin M. Heurteloup voulant obtenir un résultat rapide sur les gros calculs, imagina son évideur à forceps (fig. 8), composé de quatre canules contenues les unes dans les autres avec plusieurs branches mobiles isolément, et un foret cylindrique à fraise ar-ticulée susceptible de s'écarter latéralement, au point de donner lieu à une excavation de plus d'un pouce de diamètre. Cet instru-ment avait aussi pour but de mieux saisir la pierre et de la fixer plus solidement que ne le faisait la pince à trois branches. On ne se sert point de cet instrument, que l'auteur lui-même réservait pour les cas exceptionnels où il avait affaire à de très gros calculs.
MM. Amussat, Pravaz et Rigal se sont également exercés sur cette matière, mais les modifications qu'ils ont faites ayant beau-coup d'analogie avec la fraise double, et le foret à virgule de M. Leroy ou avec celui de M. Heurteloup, il serait inutile de s'y arrêter plus long-temps. M. Civiale, transportant la tête de son foret un peu en dehors de l'axe de la tige, est parvenu de la sorte à obtenir des trous de 18 à 20 millimètres de diamètre pour chaque perforation, et à abréger beaucoup le temps nécessaire à la destruction du calcul. Nul doute que l'evidement pratiqué, soit avec la fraise élastique de M. Leroy, soit avec son foret fenêtre et à virgule, soit avec celui de M. Heurteloup, soit enfin avec le foret à tête déviée de M. Civiale, ne soit beaucoup plus rapide, aussi sûr et infiniment préférable aux perforations successives. Une fois que le calcul est réduit en une coque mince, le brisement consécutif de cette coque s'opère ordinairement sous l'influence de la pression exercée à sa surface par les branches du litholabe ; dans ce procédé la fracture du calcul s'opère par écrasement de dehors en dedans.
Evidement suivi de l'éclatement du calcul. — Procédé de M. Rigal, faisant agirla pression de dedans en dehors; c'est à pro-prement parler plutôt l'éclatement que le brisement de la coque du calcul qu'il veut obtenir. Pour parvenir à son but, une fois que le calcul est évidé, il se sert d'un foret à fraise double analogue à celui qu'emploie M. Leroy pour l'evidement, et afin d'agir avec force, il enfonce entre les deux branches un mandrin qui les oblige à s'écarter et à presser fortement les parois du calcul.
On peut encore produire l'éclatement à l'aide des forets à déve-loppement semblables au foret de M. Leroy (d'Etiolles), dont la tête fenètrée laisse passer deux petits renflemens dentés en forme d'ailes. Ces ailes se développent au centre de la pierre à l'aide d'un écrou qu'on fait agir sur la tige du foret garnie d'une vis. Le cal-cul cède assez facilement sous cet effort d'expansion. « 11 fautbeau-« coup moins de force, dit M. Leroy, pour rompre une pierre en « la faisant éclater qu'en l'écrasant; dans l'écrasement les molé-« cules se prêtant mutuellement appui, résistent mieux à un ef-« fort de compression qu'elles ne peuvent le faire contre une « force d'expansion agissant de dedans en dehors. Par la division « immédiate et la destruction plus rapide de la pierre, l'éclate-« "ment fut un progrès véritable. Dépossédé aujourd'hui de son « importance par les divers procédés d'écrasement, il n'est plus « applicable qu'à certains calculs développés ou arrêtés dans « l'urètre {Histoire de la Lithotritie, p. 33, i83o.). »
3° usure progressive des calculs de la circonférence vers le centre.
Les deux méthodes précédentes, de même au reste que la mé-thode par brisement direct, dontnous parlerons plus tard, avaient paru dangereuses à quelques praticiens , par plusieurs motifs : i° dans l'éclatement ou la rupture des calculs, leurs fragmens vont quelquefois frapper avec force les parois de la vessie, malgré la présence du liquide de l'injection, et peuvent donner lieu à une cystite; 20 parfois ces fragmens pénètrent dans l'urètre ou se fixent, par quelques-uns de leurs angles aigus, clans les parois de la vessie qui, en se contractant sur eux, les fait entrer plus pro-fondément; 3° ou bien malgré les plus minutieuses recherches, il peut rester dans la vessie des fragmens inaperçus qui devien-dront le noyau de nouveaux calculs. Pour prévenir ces inconvé-niens on a proposé de réduire entièrement les calculs en pous-sière, de manière qu'ils pussent être expulsés en totalité avec l'in-jection et les urines.
Procédé de M. Meyrieux et de ses imitateurs. Le premier ce chi-rurgien conçut, avec l'idée, un instrument propre à l'exécuter. Cet instrument ne diffère de ceux de MM. Civiale et Leroy qu'en ce que le litholabe, au lieu de n'avoir que trois branches, en a douze, minces, flexibles et percées d'un trou à leur extrémité pour y passer un fil de soie, dont les deux chefs sortent à travers la ca-nule extérieure, et servent à rapprocher les branches de manière qu'elles enveloppent le calcul comme dans une cage. Lorsque la pierreétait ainsi emprisonnée, M. Meyrieux agissait sur elle avec un foret formé de deux ailes articulées qui, dans leurs mouvemens de rotation, râpaient la surface externe du calcul. Il appela ce foret rithorimeur (fig. 7, pag. 61); mais avec cet instrument il était très difficile de saisir la pierre. Comme on ne pouvait pas tou-jours la lâcher lorsque cela devenait nécessaire, et, par exem-ple, lorsque l'injection était sortie et la vessie revenue sur elle-même; que les branches, à cause de leur trop grand nombre,étaient trop faibles, et que le cordonnet était souvent coupé par le foret, on y a renoncé. M. Tanchou crut mieux faire en réduisant les douze branches à dix; mais ses espérances furent aussi déçues. M. Recamier tenta également de modifier cet instrument pour le rendre applicable. Il se servait de deux canules ayant chacune cinq branches, et pouvant tourner l'une sur l'autre, de façon que la canule interne, pouvait être placée de manière que ses cinq branches fussent en rapport avec celles de la canule externe. Lorsqu'elles étaient ainsi disposées elles présentaient, sur le côté, une large ouverture qui permettait au calcul une libre entrée et une libre sortie. Une fois que le calcul était placé, un mouvement de rotation de la canule interne le renfermait comme dans une cage. Trouvant que le nombre des branches du litholabe était aug-menté aux dépens de leur solidité, M. Amussat les réduisit à sept ; enfin M. Ashmead des États-Unis en a imaginé un à quatre branches dont trois sont très rapprochées l'une de l'autre, et la quatrième au contraire assez éloignée, de sorte qu'entre elle et les autres, il y a assez d'espace pour permettre aux calculs volu-mineux d'entrer dans l'intérieur de la pince. Lorsqu'on faisait agir le foret sur le calcul, il fallait avoir soin de placer en bas le côté correspondant aux trois branches rapprochées pour empê-cher les fragmens un peu volumineux de tomber dans la vessie. Mais dans les instrumens qui ont plus de trois branches, l'avan-tage d'empêcher les fragmens un peu volumineux de tomber dans la vessie, est plus que compensé par de graves inconvéniens qui les ont fait abandonner ; car, d'abord, ce n'est qu'aux dépens de leur force qu'on multiplie les branches; et, en outre, les calculs n'étant pas toujours réguliers, et saisis de manière que leur centre corresponde à la ligne de l'instrument, une portion de leur con-tour faisant plus de saillie que les autres, la branche qui y corres-pondrait, supportant un plus grand effort, pourrait se fausser, et même se briser. Avec la pince à trois branches, au contraire, et même avec celle à quatre branches de M. Ashmead, la saillie du calcul trouvant à se loger entre les branches du litholabe, on n'a pas à craindre ce danger.
Procédé de M. Rigal. Ce chirurgien commençait par perforer le calcul, puis au moyen d'ailes qui sortaient par deux fenêtres pratiquées sur la tête du foret, il s'efforçait de le fixer; ensuite il faisait exécuter des mouvemens au litholabe, dont les branches garnies d'aspéritésà leur surface interne devaient râper le calcul,et le réduire en poudre. Mais laprincipale difficulté consistait à fixer solidement le calcul, et cette difficulté n'a point été vaincue.
C'est à ce mode de destruction de la pierre que se rapportent les procédés d'Ebn-al-Harrar, du colonel Martin et de M. Elger ton dont nous avons parlé dans notre historique.
JVeiss, coutelier de Londres, a proposé un instrument courbé à-peu-près comme une algalie ordinaire, formé de deux pièces glis-sant à coulisse l'une sur l'autre; entre ses mors est cachée une petite scie destinée à diviser la pierre par un mouvement de va et vient, lorsqu'elle est fixée par les branches maintenues en rap-port avec elle par un écran et une vis (Pl. 61, fig. \L\).
Le brise-coque de M. Pravaz (Pl. 61, fig. 11) est constitué par une pince dont les branches sont contenues dans une canule. Lors-qu'un calcul est saisi entre les deux mors dentelés de cette pince, il y est limé par un mouvement de va et vient qu'on leur imprime avec le manche articulé.
C'est à la même intention mécanique que se rapportent les instrumens de M. Colombat (fig. 12), et de M. Charrière (fig. 1 3). Nous ne faisons que les mentionner.
Enfin dans le but d'empêcher les fragmens qui résultent de l'é-clatement ou du broiement de tomber dans la vessie, où quel-ques-uns d'entre eux, ainsi que nous l'avons dit, peuvent être oubliés, et devenir par suite le noyau d'une nouvelle pierre, MM- Leroj et Deleau ont imaginé chacun un appareil spécial. L'instrument de M. Leroy, appelé par lui lithoprione, a pour objet d'user, par le mouvement circulaire d'une double lime, le calcul saisi entre les branches qu'enveloppe un filet. Dans l'in-strument de M. Deleau, encore moins applicable, la poche du calcul est formée par une peau d'anguille. Il serait bien inutile d'insister sur le mécanisme de ces instrumens qui n'ont qu'une valeur historique.
En résumé tous les appareils qui ont pour objet de limer ou de râper le calcul sont vicieux et insignifians ou peu sûrs dans leur mécanisme. Ils sont difficiles et longs à manœuvrer, n'usent que très lentement le calcul et le laissent fréquemment échap-per. Aussi la méthode de l'usure concentrique est elle complète-ment abandonnée.
Un dernier appareil, qui, par son objet, est intermédiaire entre la méthode de l'usure et de l'écrasement, est celui que M. Rigaud a inventé en 1829. C'était une pince propre à gruger les calculs. Au lieu de n'avoir que deux mors elle en avait trois, qui pou-vaient admettre entre eux une pierre ayant 2 centim. 5 millim. de diamètre. Un mécanisme à encliquetage permettait d'en faire mouvoir les trois branches, et d'exercer sur les trois points cor-respondans de la pierre, des frottemens qui la réduisaient en poudre fine, et l'écrasaient entièrement avant de la lâcher. Cet instrument agissait donc non-seulement par égrugement, mais en-core par écrasement.
4° écrasement direct des calculs.
L'écrasement direct ne devait dans le principe, suivant quelques chirurgiens, s'appliquer qu'aux fragmens des calculs qui résul-taient delà perforation de calculs plus gros: mais aujourd'hui on l'applique aux gros comme aux petits calculs, et aux calculs en-tiers comme à leurs fragmens.
Ce brisement peut s'obtenir par pression ou par percussion, ou bien à-la-fois par pression et par percussion.
i° Broiement des calculs par la pression seule.
Cette espèce de broiement comprend deux phases bien dis-
tinctcs: dans la première se rangent tous lesmoyens qui ont été em-ployés jusqu'à l'invention du brise-coque de Jacobson exclusive-ment ; la seconde renferme les procédés et les instrumens imaginés depuis le moment de cette invention jusqu'à ce jour (avril 1843).
ire époque. L'instrument que Fabrice de Hilden employait pour extraire les calculs de l'urètre, est le premier qu'on aurait pu mettre en usage avec succès pour briser des pierres ou des fragmens de pierre dans la vessie. Il consistait en une pince à trois branches formée par un stylet plein. Cette pince était enve-loppée d'une gaine; lorsqu'on la poussait hors de cette gaine avec un écrou, les branches s'écartaient, et se rapprochaient lorsqu'on les retirait dedans. Mais il est notoire que Fabrice n'a jamais eu l'idée de s'en servir pour broyer les pierres de la vessie.
Gruithuisen, pensant qu'il était possible de subdiviser la pierre en fragmens, inventa, presqu'en même temps que son perce-pierre, un instrument composé de deux branches tranchantes par les bords, qui se regardent comme deux lames de ciseaux. Ces deux lames, portées par une tige solide, s'écartaient en vertu de leur élasticité, et se rapprochaient lorsqu'on les retirait dans un tube. Cet instrument n'a jamais été appliqué.
En 1822, M. Amussat présenta à l'Académie de médecine un instrument avec lequel il se proposait d'écraser les calculs dans la vessie. Cet instrument est constitué par une canule ou chemise extérieure d'une longueur de 19 à 22 centimètres. Deux tiges d'acier représentant chacune un demi-cylindre, et se correspon-dant par leur surface plane, peuvent y être introduites ensemble ou séparément, et s'écartent ou se rapprochent suivant qu'on pousse la canule dans un sens ou dans l'autre. Ses extrémités sont formées par deux mors denticulés qui se meuvent en sens inverse, de haut en bas, par un encliquetage, de manière à user le calcul par un double frottement longitudinal, et la canule, en rapprochant les deux tiges, tend à l'écraser. De cette double action résulte pour le calcul une pression qui augmente à chaque coup de levier; dès-lors il faut nécessairement qu'il cède, ou que l'instrument se brise : or c'est là ce qui arriverait nécessairement quelquefois, pour peu que le calcul fût gros et dur, bien que l'instrument soit très fort. De plus, la pierre s'échapperait souvent par suite du mouvement d'ascension alternatif de chacune des deux branches.
M. Civiale a imaginé un instrument à-peu-près semblable; la seule différence c'est que l'une de ses branches est fixe, et que l'autre exerce seule le frottement par un mouvement de va et vient que lui imprime un pignon engrenant une crémaillère. M. Rigal fit subir quelque modification à l'instrument deM. Amussat pour en faire un nouveau. Ces modifications consistaient à suppri-mer le mouvement de va et vient, et à faire rentrer les branches dans la canule par le moyen d'une vis de rappel. L'instrument de M. Colombat dont nous avons déjà parlé dans l'article précé-dent, peut aussi agir par pression et servir pour l'écrasement ; mais comme l'une de ses branches pourrait se casser, il a eu le soin de faire adapter à leur extrémité vésicale une chaînette ar-ticulée pour pouvoir le retirer. L'instrument à trois branches de M. Rigaud, dont il a également été déjà question à l'article usure progressive, peut aussi servir pour l'écrasement.
M. Heurteloup inventa en 1827 une pince à deux branches
T. VII.
fondée sur les mêmes principes que celle de M. Amussat. Il donna aux branches, par le moyen de deux mamelons, plus d'écarte-ment qu'elles n'en avaient; un encliquetage, renfermé dans une enveloppe métallique qui sert de poignée, fait frotter ses deux mors l'un sur l'autre, et les fait agir avec tant de force que les calculs les plus durs ne peuvent leur résister, si toutefois ils ne se brisent pas. Cet instrument, appelé brise-coque par son inven-teur, était destiné à saisir et briser les petits calculs qui ré-sultent de la rupture de la coque d'un calcul déjà perforé ou évidé (Pl. 61, fig. i5).
M. Sirhenry, coutelier de Paris, a de même exécuté une pince à trois branches offrant à leur partie interne une surface dentée, destinée à s'appliquer contre le calcul. On l'introduit dans la vessie comme une sonde droite ordinaire; lorsqu'on tient le calcul on ramène les branches dans l'intérieur de la canule, et elles agissent sur le corps étranger, quelque dur qu'il soit, avec une force telle qu'il faut qu'il y ait fracture ou du calcul ou de l'instrument.
De tous ces instrumens, celui qui a le plus attiré l'attention, est le brise-coque deM. Heurteloup qui l'a mis dix fois en usage, deux fois en France et huit en Angleterre, le plus souvent avec succès. Lorsque les pierres étaient petites, il paraît qu'elles se broyaient sans que l'opérateur s'en aperçût. L'instrument de M. Sirhenry agit également assez bien ; mais ce qui lui a nui et a empêché qu'on osât s'en servir, c'est que, dans une des épreu-ves auxquelles on le soumit à l'Hôtel-Dieu, une des branches se brisa. Au reste, actuellement tous ces instrumens sont aban-donnés, de même que beaucoup d'autres, et n'ont plus qu'une valeur historique, depuis que de nouvelles inventions ont pro-duit des instrumens plus parfaits, qui permettent d'agir avec plus de promptitude et de sécurité : aussi ne nous y arrêterons-nous pas plus long-temps.
A plus forte raison ne ferons-nous que mentionner le brise-pierre imité de ceux que M. Leroy (d'Étiolles) et le mécanicien Rétoré imaginèrent en 1825. Cet instrument était formé de deux pièces courbes, glissant à coulisses l'une sur l'autre, et se rappro-chant par l'action d'une vis; « mais, dit M. Leroy, ce brise-pierre « ayant été exécuté avec une courbe contraire à mes indications, « le premier se brisa en recevant la trempe, et le second se rom-« pit lorsque je voulus essayer la force de l'instrument dans la « vessie. Ce résultat provenait de la courbe régulière du corps « du brise-pierre; le glissement de la branche mobile n'étant point « borné, elle obéissait à la vis, bien que sa mâchoire eût rencontré « celle de la branche fixe; elle la dépassait bientôt en longueur, « et l'action de la vis continuant, elle devait se rompre dans la « partie moyenne, comme en effet cela eut lieu. » (Histoire de la lithotritie, p. 5o et 5i, i83g).
2e époque. Féconde en beaux résultats, elle a pour point de départ le brise-pierre courbe articulé de Jacobson (Pl. 61, fig. 16). Cet instrument est le premier de ce genre dont l'expérience ait démontré l'efficacité pour l'écrasement des pierres. Celui que M. Jacobson publia en 1829 était constitué par une canule exté-rieure et par deux branches qui, dans leur position normale, of-fraient, avec la canule, à-peu-près la forme et la courbure d'une sonde ordinaire. Elles étaient articulées à leur extrémité vésicale : la branche supérieure était fixe et faisait corps avec la canule, la branche inférieure, plus longue de 5 à 6 centimètres que la précé-dente, était seule mobile, et glissait dans la canule par le moyen
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d'une vis placée à son extrémité externe, et d'un écrouailé. Enfin, cette branche présentait, dans sa partie courbe, deux pièces arti-culées entre elles par des charnières, au moyen desquelles elles représentaient une espèce de chaîne sur la portion courbe de l'al-galie. Si dans cet état de chose on poussait la branche mobile vers la vessie, les articulations s'éloignaient de la branche solide, et formaient au-dessous d'elle une anse plus ou moins large, ayant à-peu-près la forme d'un triangle sphérique. Cette anse dans la-quelledevait être saisie la pierre, se resserrait, et s'effaçait au con-traire à mesure qu'on retirait au dehors le bout de l'instrument auquel elle correspondait.
Les modifications qui ont été apportées à l'instrument de Ja-cobson consistent i° dans un changement dans la disposition de ses articulations qui pouvaient pincer la muqueuse vésicale dans le petit angle rentrant qu'elle présentait lorsqu'on fermait l'in-strument pour le retirer; puis dansl'addition, par M. Leroy, d'un petit râteau destiné à nettoyer le brise-pierre, afin de permettre un rapprochement complet des branches qui, sans cela, étaient sou-vent tenues écartées par un magma calcaire, quelque effort que l'on pût faire pour les réunir. Ce petit râteau pénètre par un trou pla^ cé en avant, un peu au-dessous de la boîte à cuir(fig. 18, p. 61), et glisse entre les deux branches de l'instrument en suivant exac-tement la direction de la branche fixe. Dupuytren, considérant d'un autre côté cpie trois articulations seulement rendaient les angles trop brusques et trop saillans, en ajouta une autre sans en diminuer la force. M. Amussat croyant y faire un changement utile, plaça les deux branches sur le côté, et les rendit toutes les deux articulées, en sorte que son instrument représentait à-peu-près un parallélogramme, lorsqu'il était ouvert (Pl. 61, fig. 17). Comme on objectait qu'un instrument à deux branches ne pou-vait que difficilement saisir les calculs qui devaient toujours avoir beaucoup de tendance à s'échapper, M. Charrière, fabri-cant d'instrumens de chirurgie, de Paris, rendit la branche arti-culée double, de sorte que l'instrument développé avait trois branches entre lesquelles le calcul, une fois saisi, était solidement fixé (Pl. 61, fig. 19). Enfin, dans ces derniers temps, on a rem-placé l'écrou à ailes et la vis par un pignon engrenant une cré-maillère (Pl. 61, fig. 20).
Ainsi la forme qu'on a définitivement adoptée est celle de l'in-strument primitif de M. Jacobson, à la branche brisée duquel on a ajouté une articulation, et où l'on a remplacé la vis et l'écrou par un pignon et une crémaillère.
Opération avec l'instrument modifié de M. Jacobson. On fait placer le malade horizontalement sur le dos, et l'on introduit dans l'urètre le brise-pierre fermé et préalablement graissé comme une algalie ordinaire. Lorsqu'on est parvenu dans la vessie, on fait glisser la branche mobile préalablement rendue libre dans ses mouvemens ; l'anse articulée se développe dans la vessie, ap-puie sur son bas-fond , et le déprime de manière à le rendre Je point le plus déclive, vers lequel le calcul vient naturellement se placer. Pour saisir le corps étranger il suffit le plus souvent de coucher dessus à plat l'anse du brise-pierre ou de lui imprimer de légers mouvemens de droite à gauche. Lorsqu'on pense que la pierre est engagée dans l'anse, on ramène doucement à soi la branche mobile, soit en tirant dessus, soit en imprimant quelques tours de retrait au pignon; par cette manoeuvre l'anse se rétrécit, et si réellement le calcul est saisi, bientôt on éprouve une résis-tance insurmontable à fermer le brise-pierre. Pour en opérer le broiement, il suffit alors de continuer à faire tourner avec lenteur le pignon embrassé à pleine main, pour ramener à soi la branche mobile, en mettant plus de force à mesure qu'augmente la pres-sion. A un certain moment, et lorsqu'il semble que la résistance est désormais invincible, tout-à-coup la pierre éclate et se dis-perse, ce dont on est averti par le bruit, un choc brusque et la mo-bilité rendue à la branche de l'instrument. On agite alors un peu dans le liquide l'extrémité du brise-pierre, pour en détacher le magma calcaire; puis on reprend les fragmens les uns après les autres, et l'on agit sur eux comme sur le calcul entier.
Appréciation. Lorsque cet instrument parut, il souleva contre lui de nombreuses préventions^ au sein de l'Académie des sciences et dans la presse de l'époque. « Au premier abord , dit M. Bégin « (JDict. de Méd. et Chir. prat.), cet instrument paraît effective-« ment trop grêle, et manquer d'une solidité suffisante pour « rompre des calculs volumineux et résistans. L'anse qu'il forme « semble peu favorable à la saisie de ces calculs, par des points « de leur circonférence qui ne leur permettent pas de s'échapper « latéralement. On lui a reproché d'occuper trop d'espace lors-« qu'il était développé, d'obliger à recourir à d'autres instru-it mens, soit pour commencer le morcellement des calculs, soit « pour achever celui des fragmens; enfin de distendre le col de « vessie et d'exposer à saisir le lobe moyen de la prostate. »
L'expérience, loin de confirmer ce jugement prématuré, est venue détruire la plupart de ces objections. Par son mécanisme, le brise-pierre de Jacobson est très propre à broyer des calculs très résistans; il agit avec autant de lenteur qu'on le désire, de telle sorte qu'il est très facile d'en graduer la force, qui peut être néanmoins très grande; enfin il ne cause ni secousse, ni ébranle-ment. Si une de ses articulations venait par hasard à se briser, ou si la rupture avait lieu dans la continuité de son anse, on n'é-prouverait aucune difficulté à entraîner à travers l'urètre le frag-ment rompu, puisqu'il tiendrait à la branche fixe de l'instrument par une articulation qui en favoriserait le déploiement; supposé même qu'il ne pût saisir les très gros calculs, il peut du moins agir sur les calculs moyens de 3 à 4 centimètres de diamètre, qui sont les plus nombreux. Enfin il est très facile, avec un peu d'habitude, d'éviter de l'ouvrir clans le col de la vessie, et de pincer quelques-unes des parties cpii s'y trouvent. Aussi, après quelques applications heureuses de 03 brise-pierre, faites par Dupuytren, qui n'avait pas toujours réussi avec les autres instru-mens, les praticiens, convaincus de son efficacité , finirent par le considérer comme l'un des meilleurs de l'arsenal de la litho-tritie. On peut dire avec raison que, à dater de son apparition, la destruction de la pierre dans la vessie entra dans une ère nou-velle.
ECRASEMENT PAR LA PERCUSSION SEULE.
Premier percuteur de M. Heurteloup (Pl. 6, fig. 21). Le pre-mier instrument propre à broyer les calculs par percussion fut inventé par M. Heurteloup. Tous ceux qui ont suivi ne présen-tent que des modifications légères de cet instrument primitif. Sa forme générale est celle d'une sonde ordinaire de 9 à 1 o milli-mètres de diamètre, dont le bec serait recourbé suivant le quart d'un cercle de 3 à 4 centimètres de rayon. Il se compose d'une branche femelle creusée d'une gouttière longitudinale dans la-quelle glisse la branche mâle, sorte de mandrin rectangulaire. Ces branches se terminent par deux mors courbes offrant l'un et l'autre alternativement des dents et des cavités de réception qui
s'engrènent exactement les unes dans les autres; en retirant à soi la branche mâle, on opère l'écartement des mors entre lesquels est saisi le calcul. Cet écartement pouvant être considérable, permet de saisir les calculs les plus gros qui sont tenus par l'un de leurs diamètres, et non embrassés dans toute leur circonférence. La branche femelle, dans son point d'union avec son mors, pré-sente un angle qui n'est point arrondi comme dans les algalies ordinaires, mais qui est assez brusque pour former un angle sail-lant. A quelques millimètresde son extrémité externe, elle offre un cube d'acier, appelé armure de l'instrument, et destiné à le fixer; puis une rondelle pour appuyer les doigts pendant la percussion. La partie de la branche mâle, sur laquelle doit frapper le marteau, se termine par une tète arrondie ; quelques millimètres avant d'ar-river à cette extrémité, on a fixé sur elle un cylindre terminé par deux rondelles, pour appuyer le pouce afin de pousser les deux mors l'un contre l'autre lorsque la pierre est saisie. Sa rondelle antérieure sert à faire connaître si l'instrument est ou n'est pas complètement fermé, suivant qu'elle est ou n'est pas en contact avec l'extrémité de la branche femelle. Elle sert aussi, par son écartement de cette extrémité, à faire apprécier le volume du calcul saisi.
Marteau. Pour compléter les objets nécessaires à la percussion, il faut un marteau d'acier (Pl. 61, fig. 21). Celui qui est fabriqué par M. Charrière présente une masse dont la forme est à-peu-près celle d'un dé à coudre, mais environ deux fois plus grosse; le manche, qui est aussi en acier, est mince et évidé pour être rendu élastique. Un manche quadrillé en facilite la préhension.
Manuel opératoire (Pl. 60, fig. 1 ). Pour se servir du percu-teur, on l'introduit fermé dans la vessie, après l'avoir préalable-ment graissé. Une fois qu'on est arrivé au-dedans, on ouvre l'in-strument en tirant à soi la branche mâle, de manière que les mors soient assez écartés pour saisir un calcul de grosseur moyenne. Pour y parvenir il faut tâtonner : tantôt en appuyant le point de courbure delà branche femelle sur le bas-fond de la vessie, on le déprime et le calcul vient se placer naturellement au-dessus d'elle; tantôt il faut retourner les extrémités des mors vers le même bas-fond de la vessie et chercher à engager le calcul entre eux, en les promenant à droite et à gauche. Lorsqu'on croit avoir réussi, on repousse doucement la branche mobile contre la bran-che fixe, comme si l'on voulait fermer l'instrument. S'il y a quel-que corps étranger pris entre les deux mors, on le reconnaît à l'im-possibilité de les rapprocher jusqu'au contact, et de plus on peut en mesurer l'épaisseur par la distance qui existe entre la rondelle de la branche mobile, et l'extrémité de la coulisse de la branche fixe. Si au contraire, il n'y a aucun corps placé entre elles, il sera possible de les rapprocher jusqu'au contact, mais on ne devra le faire qu'avec beaucoup de précaution, dans la crainte qu'un pli de la vessie ne soit pincé entre les mors, accident qui peut arriver malgré la distension de la vessie par le liquide de l'injection. Lors-que le calcul est pris, de deux choses l'une, ou bien on fixe l'in-strument à l'étau du lit qui l'accompagne, ou bien, ce qui nous paraît préférable parce qu'on ne cause pas plus d'ébranlement, et qu'on est à même de suivre les mouvemens du malade, on se place à sa droite, on embrasse la branche fixe par son renflement quadrilatère avec la main gauche, d'où sa rondelle l'empêche de glisser, puis, plaçant le pouce derrière la rondelle antérieure de la branche mobile, on la pousse sur le calcul, contre lequel on la fixe solidement, en se faisant soutenir par un aide, qui, placé entre les jambes du malade, embrasse le poignet de l'opérateur avec ses deux mains dont la paume est tournée en haut (Pl. 61 fig. 1). En ce moment saisissant le marteau de la main droite, on en frappe avec légèreté, sur l'extrémité libre de la tige, de petits coups secs, et bientôt les chocs réitérés déterminent un ébranle-ment dans les molécules de la pierre, qui se désagrègent, se désu-nissent et éprouvent une sorte de démolition. On est averti que le calcul a cédé, par une secousse particulière qui se manifeste à l'instant même. Malgré cette sensation les deux branches de l'in-strument ne peuvent se rapprocher; pour obtenir ce résultat, il faut répéter les coups de marteau jusqu'à ce que toutes les par-ties désagrégées du calcul soient retombées dans la vessie, et aient abandonné la gouttière et les dentelures de la branche femelle. Après ce premier écrasement, on ouvre de nouveau le percuteur, l'on va à la recherche des fragmens dans lesquels on a réduit le calcul, et on agit pour eux comme on l'a fait pour le calcul en-tier. Bien que dans une séance de six à dix minutes on puisse considérablement avancer la destruction d'un calcul et qu'il fût possible de l'achever en la prolongeant, il vaut mieux cesser, pour recommencer quelques jours après. Un précepte qu'on ne doit jamais oublier, c'est de frapper toujours avec le marteau des petits coups légers , secs et fréquemment répétés, plutôt que des coups trop forts; en agissant de cette dernière manière on courrait en effet le risque de fausser ou même de briser l'instrument sans arriver pour cela à un résultat meil-leur. Le but n'est pas de broyer brusquement et tout d'un coup le calcul, mais d'ébranler et de désunir peu-à-peu ses molécules de manière qu'elles se séparent pour ainsi dire comme par l'effet d'un agent chimique.
M. Heurteloup, le premier, et la plupart des chirurgiens à son exemple, recommandent comme une chose absolument néces-saire de fixer l'instrument très solidement, de manière qu'il soit dans une immobilité complète, et cela pour éviter les secousses qui résultent des coups de marteau et vont se répéter avec force sur les parties intérieures dans lesquelles il est à craindre que l'ébranlement ne produise des lésions graves. Mais pour que ce précepte fût bon, il faudrait cpie le corps de l'opéré pût aussi être maintenu dans une immobilité complète, ce qui est tout-à-fait impossible quelque précaution qu'on prenne pour cela. Or, si l'instrument est immobile, rien ne garantissant que le patient n'exécutera pas de mouvemens volontaires ou involontaires, qui ne prévoit que le danger serait encore plus grand pour lui, que dans le cas où l'instrument serait simplement fixé par la main de l'opérateur qui éprouvant la sensation des moindres mouvemens peut suivre ceux du malade et s'arrêter ou agir à propos?
Malgré les inconvéniens du point fixe, M. Heurteloup, néan-moins, le croyant indispensable, imagina un lit particulier au-quel était adapté un étau. Il nous paraît bien inutile de donner la description de cet appareil (Pl. 54, fig- 71), que les embarras qu'il entraîne a empêché d'adopter dans la pratique. Par la même rai-son nous ne faisons que mentionner les autres lits du même genre inventés depuis par MM. Bancal, Rigal et Tanchon. Avec la mo-dification que MM. Charrière et Leroy ont fait subir à l'étau, on peut se passer de lit. Cette modification consiste à fixer, au moyen d'une griffe, l'étau sur le rebord d'une table ordinaire. La partie destinée à saisir l'instrument s'allonge et se raccourcit à volonté; son extrémité supérieure est brisée, en sorte qu'elle peut être in-clinée de haut en bas et d'avant en arrière autant que cela est nécessaire (Pl. 54, fig- 70).—M. Leroy place quelquefois son ma-lade sur un coussin résistant, contenu dans une boîte en forme
de livre, pouvant, au moyen d'un pivot, élever le bassin du ma-lade en même temps qu'il s'oppose, par une saillie échancrée en demi-lune, au retrait du bassin en arrière.
écrasement par pression combinée avec la percussion.
D'une part, la percussion ne permettant pas toujours d'arriver aussi promptement que cela est nécessaire à un résultat satisfai-sant , et communiquant quelquefois aux organes malades des ébranlemens assez forts pour y déterminer des lésions plus ou moins graves ; et d'autre part, la pression seule suffisant quelque-fois pour opérer l'écrasement du calcul, on a songé à réunir ces deux modes d'action sur le même instrument : de là viennent les nombreuses modifications apportées au percuteur de M. Heurte-loup. Parmi ces modifications les unes ont porté sur le mode d'ac-tion et l'intensité de la force comprimante, et les autres sur la forme des mors.
Modifications apportées au mode daction et à l'intensité de la force comprimante.
\" Pression avec la main. Ce moyen ayant paru suffire dans les cas où le calcul était petit ou friable, on y a procédé de deux ma-nières. D'abord on a simplement ajouté à l'extrémité extérieure de la branche mobile une large rondelle convexe sur laquelle presse la paume de la main. Plus tard , M. Bancal, pour obtenir une pression plus forte, fit adapter à chacune des branches de l'in-strument une poignée transversale (Pl. fii, fig. 26). Lorsqu'on voulait s'en servir pour opérer le rapprochement, on les saisissait à pleine main, et on les poussait l'une contre l'autre avec une force qu'on augmentait graduellement. Sans doute avec ces deux poignées, la force de pression était beaucoup accrue, mais leur emploi a été généralement rejeté par plusieurs raisons : i° elles compliquaient l'instrument, l'alourdissaient et rendaient la ma-nœuvre difficile ; 20 la force était brusque, irrégulière et souvent insuffisante; 3° enfin l'opérateur agissant avec toute la force de ses poignets, si dans ce moment la pierre se brisait inopinément ou glissait entre les mors de l'instrument, ceux-ci venant à se rap-procher brusquement par un ressort trop rapide pour pouvoir être contenu, on courrait le risque de pincer fortement quelque pli ou quelque colonne de la vessie mal distendue qui serait venue s'interposer entre eux, et de produire dans le viscère une grave contusion, ou même une déchirure presque nécessairement mor-telle. Ainsi l'écrasement avec la main ne pouvant être employé contre les calculs un peu volumineux et doués d'une certaine cohésion, sans faire courir des dangers au malade, on l'a réservé pour pulvériser les petites pierres friables, ou les fragmens d'une pierre déjà morcelée par l'emploi des autres moyens.
20 Pression avec la vis et l'écrou. Pour agir avec une force bien supérieure et substituer une pression régulière et graduelle à une pression brusque et irrégulière, M. Touzay, en 1832, ima-gina d'employer à cet effet la vis et l'écrou. Son instrument est une gouttière métallique (Pl. 61, fig. 23), fixée solidement par un collet sur la partie renflée de la branche femelle du percu-teur; la branche mobile est poussée par une vis également fixée dans cette gouttière et mise en mouvement par une poignée. M. Clot-Bey a combiné un instrument à-peu-près semblable (Pl. 61, fig. 25); au lieu d'une gouttière, c'est une espèce d'el-hpse qui vient se fixer par une des extrémités de son grand dia-mètre, sur le renflement quadrilatère de la branche femelle; l'autre extrémité est percée d'un orifice servant d'écrou dans le-quel passe une longue vis creuse destinée à pousser la branche mobile.
L'instrument de M. Sirhenry (Pl. 61, fig. 24) agit par un mécanisme analogue aux deux précédens. La branche fixe se termine par une vis; la poignée n'est autre chose qu'un écrou qui s'y adapte exactement ; la branche mâle pénètre jusqu'au fond de cette poignée où une vis de pression, située à l'extérieur, pénètre dans une petite gorge creusée à l'extrémité de cette bran-che, et l'oblige à suivre tous les mouvemens de va et vient de la poignée, sans empêcher ceux de rotation. Au moyen de ce léger perfectionnement on n'était plus obligé d'ôter la poignée. Lorsque la pierre était rompue, afin d'en ressaisir les fragmens, il suffisait de la dévisser en partie pour obtenir l'écartement des deux mors.
Gouttière de M. Leroy. Il est évident que dans le système de Touzay, Clot-Bey et Sirhenry, lorsque la pression paraissait suffisante et même dangereuse, on ne pouvait passer à la per-cussion sans enlever l'instrument compresseur, puisque le bout de la branche mobile n'était pas à découvert. Pour éviter la perte de temps et l'embarras qui résultent de ces séparations et ré-applications, M. Leroy imagina une gouttière semblable à celle de Touzay, seulement sa vis de pression était creuse et tra-versée dans toute sa longueur par une tige métallique qui, d'un côté, appuyait sur le bout de la branche mobile du brise-pierre, et dépassait de l'autre la poignée de la vis. Dans ce système, lorsque la résistance de la pierre, trop forte, rendait l'action de la vis dangereuse, on frappait avec le marteau sur l'extrémité de la tige, et le choc était transmis par elle à la branche du per-cuteur à travers la vis creuse. Mais on ne pouvait, comme dans l'instrument de Sirhenry, opérer l'écartement ou le rappro-chement des mors suivant qu'on faisait tourner la vis à droite ou à gauche, de sorte que chaque fois qu'on voulait saisir un fragment de calcul il fallait enlever la gouttière.
3° Percuteur et compresseur à volant. MM. Amussat, Charrière et Ségalas ont cru mieux faire en substituant un écrou ailé à la gouttière de Touzay ou de Clot. Dans cet instrument (Pl. 61 , fig. 28), l'extrémité extérieure de la branche fixe porte une vis d'une longueur convenable pour que les mors du brise-pierre puissent s'éloigner de façon à pouvoir saisir des pierres volumi-neuses. La branche mobile, lorsque son mors est en contact avec celui de la branche fixe, présente une mortaise dans laquelle pénètre une saillie située à la face interne d'une virole qui peut glisser librement sur la vis de la branche femelle, et entraîner avec elle, dans son mouvement de va et vient, la branche mâle. C'est là ce qu'on appelle l'épaulement de la branche mobile. Un écrou ailé, appelé volant, court sur la vis jusqu'à ce qu'il ait rencontré l'épaulement de la branche mobile, contre lequel il presse jusqu'à ce que le calcul cède. M. Ségalas a fait ajouter des boules aux extrémités des ailes de l'écrou, dans le but de rendre sa rotation plus rapide, et une virole au bout de la bran-che mâle, pour faciliter l'action de la main lorsqu'on veut s'en servir pour écraser de petits calculs.
Tel qu'il était constitué, cet instrument présentait enfin toutes les conditions requises pour qu'on pût tour-à-tour , suivant la nécessité, agir par compression ou par percussion. On trouva cependant qu'il y avait de l'inconvénient à ce que l'écrou restât
sur l'instrument; pendant la manœuvre, et qu'il valait mieux qu'il constituât une pièce indépendante. Les partisans de ce der-nier mode prétendaient qu'on perdait beaucoup de temps pen-dant la manœuvre, parce qu'il fallait que l'écrou ailé remontât sur la vis de toute l'étendue que l'on voulait donner à l'écarle-ment des branches de la pince pour saisir la pierre, puisqu'il restait encore, lorsqu'elle était prise, à faire courir l'écrou sur la vis pour le faire descendre jusqu'à ce qu'il rencontrât l'épau-lement de la branche mobile.
4° Ecrou brisé de M. Leroy. Pour éviter la perte de temps et obvier aux secousses qui résultent du mécanisme et des mou-vemens du volant courant sur la vis, j'imaginai, dit cet auteur, de former cet écrou de deux pièces s'ouvrant à charnière, se fer-mant comme un anneau par un loquet, pouvant s'enlever en un instant pour permettre aux branches de l'instrument de s'écar-ter, puis venant s'adapter à l'épaulement contre lequel il doit s'appuyer pour agir. A sa surface interne, cet écrou présente une rainure qui reçoit une saillie de la branche fixe, saillie sur laquelle il peut tourner librement; dans ses mouvemens de ro-tation, il fait monter ou descendre une longue vis traversée dans toute sa longueur par l'extrémité de la branche mâle, autour de laquelle elle peut tourner, mais sur laquelle elle ne peut ni aller ni venir; de cette façon, la vis entraîne avec elle la branche mâle, et les mors de la pince s'écartent ou se rapprochent sui-vant qu'on fait tourner l'écrou à droite ou à gauche.
MM. Leroy, Civiale et Charrière firent subir diverses modifica-tions aux écrous brisés. Celle qu'on remarque dans la fig. 28 de la planche 61 est la meilleure : elle appartient à M. Charrière. Dans l'anneau il y a deux demi-écrous qui forment l'écrou brisé; lorsqu'on fait exécuter à cet anneau un quart de cercle à droite, les filets de l'écrou mordent sur la vis qui engaîne et fait avan-cer la branche mâle. Dès-lors, pour faire avancer ou reculer cette branche, il suffit de tourner à droite ou à gauche la roue qui, pla-cée à l'extrémité de la vis, sert de manivelle. Lorsque le calcul est brisé, pour ouvrir l'instrument il suffit de faire décrire à gauche un quart de cercle à l'anneau ; dès-lors, en tirant ou poussant sur la roue, on écarte ou l'on rapproche les mors de la pince.
5° Pignon et crémaillère de M. Charrière. Le percuteur à écrou brisé est déjà très commode, aussi l'emploie-t-on encore quelquefois. Cependant M. Leroy, ayant fait observer que le poids de l'écrou fixe et de la roue qui imprime la progression rend la manœuvre difficile, et produit des mouvemens assez violens, M. Charrière imagina d'appliquer au percuteur le pignon en-grenant la crémaillère qu'il avait déjà introduite dans le brise-pierre de Jacobson. Parce mécanisme très simple, qui n'ajoute ni au poids ni au volume de l'instrument, celui-ci est devenu depuis quatre ans tout-à-fait usuel. H est certain qu'il agit gra-duellement avec assez de force pour rompre la plupart des cal-culs sans secousses ; il peut d'ailleurs servir comme les autres soit à la pression, soit à la percussion qu'on exerce plus com-modément lorsqu'on ajoute une rondelle à son extrémité externe. La figure ire de la planche 5o, représente ce mécanisme appliqué au brise-pierre de M. Jacobson fonctionnant dans la vessie. Un calcul est saisi dans son anse, tandis que l'opérateur, tenant à pleine poignée la tige avec la main gauche, fait tourner la clef avec la main droite pour faire avancer la branche mobile. La figure 2 représente la même chose, seulement le calcul est saisi entre les mors d'un percuteur placé en sens opposé. Quelquefois, t. vu.
lorsque le pignon agit horizontalement, il est arrêté par la cuisse du malade; pour éviter cet inconvénient, M. Leroy a placé la douille verticalement et la crémaillère sur le côté de la branche mobile (Pl. 61, fig. 3o).
Malgré tous les perfectionnemens incontestables dont nous venons de parler, les instrumens à pression et à percussion lais-saient quelque chose à désirer. Ainsi la pression et la percussion se succédaient et n'avaient pas lieu en même temps, et de plus on ne savait pas reconnaître le degré de pression que pouvait supporter l'instrument sans se rompre ; il était cependant bien important d'apprécier et de régulariser cette force. C'est ce que M. Leroy s'est efforcé de faire.
Modification de M. Leroy. Elle consiste à opérer la percussion par la détente d'un ressort sans étau. Cet instrument est repré-senté fonctionnant dans la planche 61% fig. 31. Il a été nommé Compresseur-percuteur. Dans une gouttière est reçue une vis fixée par un écrou qui vient au-devant de l'instrument sim-ple. Dans cette vis creuse en est renfermée une autre com-mandant un échappement qui frappe comme un marteau en tournant un écrou ailé. Ce compresseur-percuteur s'adapte à tous les brise-pierre, et peut s'en détacher en un moment au moyen de l'écrou brisé dont il est muni.
Modification portant sur la forme des mors.
Nous avons vu que les mors du premier perçu teurd'Heurteloup présentaient des saillies etdesenfoncemensalternatifs pour servira leur engrenage. Mais cette disposition n'ayant pas paru favorable à la saisie des petites pierres, et au dégagement de la bouecalculeuse, on y substitue une gouttière sur le mors de la branche femelle, gouttière dans laquelle pénétrait le mors denté de la branche mâle. Mais bientôt on s'aperçut que les détritus des calculs avaient beaucoup de tendance à séjourner dans cette gouttière et rendaient difficile un rapprochement complet des mors; pour obvier à cet inconvénient, M. Leroy (d'Etiolles) y ajouta un râteau destiné à nettoyer le magma calcaire , et fit faire, sur les mors, des dents sinueuses pour les calculs mous (Pl. 61, fig. 27) : mais, outre que le dégagement de la gouttière ne pouvait pas toujours être par-fait, il en résultait, comme le dit son auteur, une complication de structure. Dans l'instrument de M. Sirhenry (fig. 24), le mors de la branche femelle est une gouttière simple, percée de trois trous pour le dégagement de la boue calculeuse, et armée sur les bords de dents semblables à celles d'une scie; le mors de l'autre branche est garni de dents semblables : c'était un premier pas dans la voie du perfectionnement, mais son insuffisance se faisait bientôt sentir. M. Clot réunit les trois trous en une fente étroite (fig. 25) placée au fond de la gouttière, la boue pouvait bien la traverser, mais lorsque de petits calculs s'engageaient dedans, ils s'y enchâssaient quelquefois de façon qu'il était difficile de la dégager; force fut donc d'augmenter peu-à-peu ses dimensions. M. Charrière en est arrivé à enlever tout le fond de la gouttière et à fenètrer largement le mors de la branche femelle dans toute son étendue; mais quelques chirurgiens pensent que cet élargis-sement peut être une cause de fracture, et en outre qu'un calcul engagé entre ses parois et poussé avec force par la branche mâle, peut, en se faussant, en déterminer l'écartement et rendre le retrait de l'instrument fort difficile. M. Samson, fabricant d'instrumens de chirurgie, de Paris, prétend qu'en laissant dans le fond de la gouttière deux traverses qui convertissent la fenêtre en trois trous
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carrés, dont les parois sont taillées obliquement de dedans en de-hors et d'avant en arrière, on évite cet accident sans nuire pour cela à l'expulsion de la boue et des débris des calculs qui se lo-gent dans la gouttière. C'est revenir d'une autre manière à la gouttière perforée. Évidemment, à quelque modification cpie l'on s'arrête, il y a toujours, pour certains avantages, des inconvéniens opposés auxquels on ne peut pas obvier complètement.
Enfin, une dernière forme des mors est celle dans laquelle ils forment deux gouttières opposées (fig. 29), destinées à écraser les petits calculs et à ramasser les graviers.
En résumé, dans la lithotritie perfectionnée, il n'y a plus d'in-dispensable que les brise-pierre , et parmi eux trois instrumens , le brise-pierre de Jacobson (fig. 20), et les deux percuteurs à mors dentelé et fenêtre (fig. a8 et 3o), et à double cuiller (fig. 29).
Appréciation. Nous avons déjà parlé de l'instrument de Jacob-son ; il nous reste à faire l'appréciation des instrumens à com-pression et à percussion perfectionnés. Déjà Heurteloup avait dit i° que son instrument ne pouvait se rompre, parce qu'aucune des pièces qui le composent n'était trempée; 1" qu'il ne pouvait se fausser ou se séparer de manière à ce qu'il devînt impossible de le fermer, par la raison qu'il était essayé d'abord avec des mar-teaux deux fois plus pesans que celui dont il faisait usage ; 3° que, pour s'en servir sans danger, il suffisait de s'exercer avant d'opé-rer à ne produire que des percussions légères, égales et seulement suffisantes pour démolir graduellement le calcul, en prenant garde de le rompre brusquement, qui offrait le danger d'en projeter avec force les fragmens qui pourraient blesser la vessie. Heurte-loup ajoutait que, bien manœuvré, son instrument présentait en-core sur lesautres de nombreux avantages ; 4°de saisir constamment la pierre avec une facilité presque égale à celle de la main, et cela dans des cas où la pince à trois branches ne peut s'en emparer aisément ; 5° de pénétrer à raison de sa courbure dans la vessie chez les sujets qui ne peuvent supporter l'introduction des in-strumens droits; 6" d'être efficace contre les pierres volumineuses de même que contre les plus petites; 70 de détruire les pierres, non-seulement en les divisant en fragmens, mais en réduisant ceux-ci du même coup en poussière.
On peut dire cpi'en général cette appréciation est exacte, tant pour le percuteur d'Heurteloup que pour les deux percuteurs perfectionnés à mors dentelés et fenêtres. Cependant il y a des exemples de rupture de l'instrument dans la vessie; il y a quel-ques mois que cet accident, arrivé à l'Hôtel-Dieu, fut cause que le malade succomba promptement. Mais il est manifeste qu'on peut l'éviter, en prenant la précaution de ne faire construire les brise-pierre ou percuteur qu'avec du fer dépourvu de paille, et de les soumettre avant de les employer à des épreuves beaucoup plus for-tes cpie celles qu'ils auront à supporter dans la vessie du malade.
broiement et extis action des fragmens dans lesquels la pierre a été réduite.
Lorsqu'on emploie la méthode de l'égrugement on n'a pas à s'occuper de l'extraction consécutive des fragmens, et alors que le petit noyau dans lequel le calcul se trouve réduit est retiré, on est certain que la vessie est complètement débarrassée, tandis que dans les autres méthodes il n'en est pas de même; le calcul pri-mitif est réduit en plusieurs fragmens qui sont encore trop gros pour traverser l'urètre et qui ont besoin d'être broyés de nou-veau. Le lithoprione à filet de M. Leroy (d'Etiolles), et la peau d'anguille de M. Deleau présentent un inconvénient majeur, qui a frappé tout le monde, c'est de savoir comment on pourrait vider la poche à filet, ou comment on pourrait réduire les débris d'un calcul même peu considérable , à un volume assez petit pour qu'il soit possible de les retirer par l'urètre avec la poche qui les contient: aussi ces moyens d'extraction ne sont-ils pas employés, et préfère-t-on opérer le broiement consécutif des fragmens à l'aide d'instruinens particuliers. On a successivement fait usage, pour parvenir à ce but, des pinces de Haller ou de Hunter, modifiées par A. Cooper, que l'on introduit à travers une canule de gros calibre, ou bien des diverses pinces de MM. Amus-sat, Heurteloup , Sirhenry, Rigaud , pour opérer l'écrasement direct des calculs, et qui conviennent beaucoup mieux pour broyer les fragmens que les calculs entiers. Toutefois il est encore assez rare qu'on s'en serve; on préfère employer les instrumens qui ont servi à perforer ou à briser les calculs : ainsi M. Civiale, après avoir fait éclater le calcul déjà perforé plusieurs fois, en le pressant fortement entre les branches du litholabe, retire son foret en arrière , ouvre la pince à trois branches et va à la recherche des fragmens. Lorsqu'il en a saisi un, il ferme la pince et pousse contre lui la tête du perforateur, avec laquelle il l'écrase en pres-sant fortement avec la paume de la main sur la rondelle qui ter-mine son extrémité externe. Il agit de même de prime abord sur le calcul quand il est friable et qu'il n'a pas plus de 7 à 8 millimètres de diamètre. Si l'on a employé le brise-pierre de Ja-cobson, ou le percuteur perfectionné, il faut, ainsi que nous l'a-vons dit en parlant de ces instrumens, agir avec eux sur les frag-mens comme sur la pierre entière. Les mors en gouttière (Pl. 61, fig. 3o) conviennent parfaitement pour ramasser les fragmens et les graviers, et pour les réduire en poussière (Pl. 5g, fig. 3).
Pour faciliter l'expulsion des débris calculeux, on fait des in-jections dans la vessie à travers une sonde de gros calibre, percée par les deux bouts; c'est encore à travers une sonde de cette es-pèce qu'il faut faire l'extraction des fragmens lorsqu'on se sert, de pinces, afin d'éviter de déchirer l'urètre en le faisant traverser à nu par un corps étranger presque toujours irrégulier et tran-chant. Cette sonde est également utile pour empêcher les frag-mens de s'arrêter et de séjourner dans le canal urinaire; si cepen-dant quelque débris de calcul venait à s'y engager sans pouvoir être expulsé par les seules forces de la nature, il faudrait pro-céder à son extraction à l'aide des moyens que nous avons indi-qués à l'article Lithotritie urétraie.
extraction artificielle des détritus lithiques.
Dans quelques cas, soit qu'il y ait paralysie de la vessie, soit que son col ne puisse pas se contracter, le détritus ne peut s'é-chapper au dehors; alors il devient indispensable de l'extraire artificiellement. On emploie pour cela divers instrumens. Le plus commode est le brise-pierre, dont les mors présentent chacun une gouttière; on la remplit de débris calculeux, puis on percute avec le marteau sur l'extrémité de la branche mâle , et lorsque le rapprochement des mors est opéré, on retire l'instrument qui rapporte avec lui un cylindre de détritus pierreux. M. Leroy fait usage d'une sonde munie de grands yeux, à travers laquelle il pratique dans la vessie des injections qui entraînent tous les débris qui peuvent traverser ses yeux, situés à des hauteurs différentes, et en sens opposé. Quant aux fragmens qui viennents'y présenter, mais qui sont trop volumineux pour y passer, il se sert d'un man-drin, articulé de manière à s'accommoder à la courbure de la
sonde, et terminé par une fraise cylindrique dentée, à l'aide de la-quelle, en lui imprimant des mouvemensde rotation, il coupe et pulvérise tout ce qui fait saillie dans l'intérieur de la sonde, puis il refoule tout ce détritus vers son extrémité en cul-de-sac. Lors-que ce dernier est rempli, il retire l'instrument, le vide et recom-mence l'opération jusqu'à ce que la vessie soit complètement dé-barrassée. -— M. Heurteloup a proposé et employé un instrument à-peu-près semblable. La sonde est courbe et de gros calibre; son extrémité vésicale, disposée en forme de dé à coudre, peut être dévissée à volonté et porte le nom de magasin. A 2 centhnèt. 1/2 environ de cette extrémité, sont pratiquées deux larges ouver-tures situées vis-à-vis l'une de l'autre. Le pavillon est garni d'une boîte à cuir et d'un robinet pour pousser les injections dans la vessie et les y retenir. Le broiement de la partie des calculs qui fait saillie à travers les yeux s'opère par pression, à l'aide d'un mandrin flexible et articulé qui repousse, comme le précédent, les parties broyées dans le magasin, d'où on les re-tire de la même manière lorsqu'il est plein.
Enfin, M. Jacobson a modifié son instrument de manière à le rendre propre à l'extraction des détritus calculeux. Il lui a d'a-bord donné une courbure analogue à celle d'une portion de cercle pour qu'il puisse être introduit à travers une canule également courbée, destinée à servir de conducteur et à garantir les parois de l'urètre des déchirures que pourraient y déterminer les sail-lies que font les fragmens pierreux sur les parties latérales de l'instrument; puis il a fait creuser en gouttière les branches mé-talliques qui occupent les intervalles des articulations, pour que les débris lithiques puissent s'y accumuler.
signes qui indiquent que l'opération est achevée.
Pour que l'opération soit terminée, il faut qu'il n'existe plus aucun vestige de calcul dans la vessie. On sait en effet que la moindre parcelle de pierre ne peut y séjourner sans devenir le noyau d'un calcul. Pour s'assurer que la vessie est complètement vidée, on y introduit la sonde métallique deux ou trois fois, à quelques jours de distance, après même que, depuis quelque temps, on a cessé l'emploi des instrumens lithotriteurs. La plu-part des chirurgiens qui pratiquent la lithotritie pensent que cet examen, par la sonde ordinaire, est très suffisant ; d'autres au contraire, parmi lesquels nous citerons MM. Leroy, Bégin et Marjolin, prétendent que la pince à trois branches, employée dans ce but, fournit un moyen précieux d'exploration de la cavité vé-sicale. Après avoir fait une injection préalable qui remplisse mé-diocrement la vessie, on y introduit cet instrument qu'on promène légèrement dans tous les sens. Si l'on ne rencontre rien, on l'ouvre graduellement jusqu'à ce que ses branches soient très écartées, et on lui fait exécuter des mouvemens à l'aide desquels tous les points de la vessie sont explorés; puis, de temps en temps, pendant ces ma-nœuvres, on pousse le foret en avant pour voir s'il ne rencontrera pas quelque corps étranger qui serait venu se placer entre les branches du litholabe. Si, après ces recherches, l'on ne trouve pas encore de calcul, comme il peut se faire qu'il y en ait de logé derrière le col ou entre des colonnes charnues, on doit essayer d'un dernier moyen que M. Leroy conseille après l'avoir employé plusieurs fois avec succès; il consiste à laisser échapper peu-à-peu le liquide à travers l'instrument ouvert, et monté convena-blement pour cela : les fragmens qui pourraient y être contenus sont poussés vers le col où il est facile de les sentir et même de les saisir, surtout si l'on fait placer le sujet debout. Enfin, si après deux ou trois explorations de cette espèce, on ne trouve rien, on peut être certain que la vessie ne contient plus de calcul.
indications et contre-indications de la lithotritie.
Comme toutes les découvertes nouvelles, et qui ont une véri-table importance, la lithotritie à son début avait fait naître des espérances illimitées; on pensa tout d'abord qu'elle pourrait être substituée d'une manière générale à la taille, et que désor-mais tout malade atteint de calcul dans la vessie pourrait en guérir sans opération sanglante. Mais la pratique, loin de jus-tifier cette opinion, ayant montré combien de pareilles espérances étaient exagérées, force a été d'observer attentivement à quoi tenaient les insuccès, et de chercher à distinguer les cas dans lesquels la lithotritie était applicable de ceux dans lesquels elle ne l'était pas. Toutefois cette recherche n'a pas été facile à faire, et ne le sera pas tant que la lithotritie restera dans l'étroit do-maine de la spécialité , parce qu'on aura toujours à craindre la mauvaise foi mue par l'intérêt particulier. Cependant il est un fait certain, c'est qu'il y a une foule de cas déterminés où les malades peuvent être guéris sans danger par la lithotritie, tan-dis qu'il n'en serait pas de même pour la taille; à ce titre la li-thotritie est donc une invention utile, dont le domaine, tout en se restreignant d'un côté, ne peut manquer de s'agrandir de l'autre, en encourageant les malades à se laisser opérer; car tels qui reculaient devant la taille et ne s'y seraient soumis que lorsque leur calcul, déjà volumineux, et leur vessie malade, ne leur eût donné de choix qu'entre la mort et la cystotomie, n'hé-siteraient plus à accepter une opération qui peut débarrasser la vessie sans danger, lorsqu'elle est faite dans des circonstances opportunes, c'est-à-dire lorsque la pierre est petite, et les or-ganes génito-urinaires en bon état. Ainsi maintenant ce serait mal prendre la question que de rechercher statistiquement com-bien la lithotritie ou la taille donnent de succès sur un certain nombre de cas pris au hasard , et de comparer ensuite ces deux opérations sous le rapport de leurs résultats. Un aperçu aussi général ne fournirait aucune lumière, car l'une et l'autre opéra-tions ne sauraient être pratiquées indifféremment dans les mêmes conditions, attendu que ce sont deux modes de traitement ap-plicables à deux périodes différentes de la même maladie, et qu'en général la lithotritie n'est pas dangereuse pour les cas simples, tandis que la taille, qui porte ses dangers en elle-même, en offre presque autant dans les cas simples que dans tes cas compliqués.
Mais, quelque soin que l'on apporte dans l'examen comparatif des indications qui motivent l'une ou l'autre opération, il ne faut cependant pas se dissimuler qu'il y aura toujours des cas réfractaires qui empêcheront d'établir une ligne de démarcation bien tranchée entre les deux catégories. On peut dire, en thèse générale, que la lithotritie est applicable chez tous les individus adultes ou vieux dont la constitution n'est pas détériorée, chez qui les reins ne sont pas malades, dont la vessie n'est pas affectée de racornissement, d'hypertrophie, de paralysie ou d'irritation chronique accompagnée d'une grande sensibilité, et ne contient qu'un ou deux calculs peu volumineux, et d'une dureté peu con-sidérable; enfin dont la prostate n'est pas engorgée ou l'urètre considérablement rétréci. Par opposition, elle n'est pas appli-cable lorsque les organes génito-urinaires sont atteints de quel-ques-unes des maladies dont nous venons de parler; que la vessie contient une ou plusieurs pierres d'un gros volume et d'une
grande dureté. Enfin on la regarde comme peu applicable chez les enfans dont l'urètre, par ses dimensions, ne permet pas en-core l'introduction d'instrumens assez volumineux pour offrir la résistance convenable, outre que la taille est beaucoup moins dangereuse à cet âge. Toutefois ce n'est pas encore une question jugée, ainsi que nous le verrons.
Contre-indications de la lithotritie chez l'homme.
\" Maladies des reins et des uretères. Chez certains individus où les pierres se forment dans les reins, soit par suite d'une inflam-mation chronique ou de toute autre cause, les calculs plus ou moins volumineux et aigus irritent ou même déchirent les ca-lices et les uretères durant leur passage à travers ces organes ; de là résultent des irritations fréquemment répétées, accompa-gnées de coliques néphrétiques et d'une hématurie plus ou moins abondante. Au bout d'un certain temps, les reins peuvent devenir le siège d'une inflammation purulente fort grave, et qui s'oppose complètement à ce qu'on pratique la lithotritie, parce que l'ir-ritation que déterminent ses manoeuvres sur les organes génito-urinaires devant se répéter plusieurs fois, amènerait presque né-cessairement une issue funeste. En pareil cas, la taille aurait, dit-on, plus de chances de réussite; mais à notre avis il serait plus prudent de s'abstenir de toute espèce d'opération.
20 Catarrhe de la vessie. La sécrétion catarrhale se développe le plus souvent sous l'influence du séjour plus ou moins long-temps prolongé du calcul dans la vessie. La plupart des calcu-leux en sont atteints, ce n'est donc pas une cause qui doive s'opposer à l'application de la lithotritie, lorsque d'ailleurs la pierre et les organes ne se présentent pas avec des conditions qui doivent la faire exclure. M. Leroy prétend même que l'opéra-tion est, dans ce cas, un moyen de guérison; que le dépôt mu-queux et purulent diminue après chaque séance, et que par-fois même il cesse complètement avant que tous les débris du calcul soient expulsés. Il n'y a rien de surprenant à ce que le ca-tarrhe vésical cesse lorsque la cause qui y donnait lieu est enlevée; mais on ne peut expliquer sa diminution après quelques séances que par suite du passage de l'irritation chronique qui y donne lieu, à un état plus aigu qui, se renouvelant après chaque séance, empêche de s'en apercevoir. On sait en effet que sous l'in-fluence d'une irritation aiguë, les sécrétions des muqueuses qui en sont le siège deviennent moins abondantes, mais pour repa-raître bientôt après. Toutefois, si l'on craignait d'appliquer la lithotritie dans le cas de catarrhe vésical, on pourrait tenter d'en obtenir d'abord la cure en établissant dans l'organe, au moyen d'une sonde double, un courant continuel d'eau distillée, ainsi que M. Jules Cloquet dit l'avoir fait avec succès dans des cas de catarrhes très intenses.
3° Racornissement et hypertrophie de la vessie accompagnée d'une grande sensibilité de cet organe. Si l'hypertrophie de la vessie existait seule, elle ne s'opposerait point précisément à l'application de la lithotritie, surtout si le calcul était petit et d'une densité médiocre; mais le plus souvent l'hypertrophie est accompagnée de racornissement et de douleur. L'état qui résulte de cette triple condition pathologique est l'un de ceux qui mettent le plus d'obstacle à l'action des instrumens lithotri-teurs. En effet, la vessie se contractant d'une manière presque permanente, expulse à chaque instant l'urine qu'elle contient, et ne peut conserver le liquide de l'injection sans lequel il est presque impossible d'agir avec sécurité; enfin elle ne peut éga-lement supporter le contact et les mouvemens de l'instrument, sans se contracter dessus, avec assez de force pour l'empêcher d'agir, et même pour le repousser dans l'urètre, et sans occasion-ner aux malades des douleurs si violentes, que ceux qui les ont éprouvées, et qui ont ensuite été soumis à la taille, affirment avoir infiniment moins souffert de cette dernière cpie des ma-noeuvres de la première. On est pourtant parvenu quelquefois, avec de la persistance, à vaincre les contractions de l'organe, et à pratiquer le broiement de calculs petits et friables; mais on peut dire avec raison qu'il serait imprudent d'imiter cette con-duite. M. Heurteloup a tenté de remédier à cet état, en faisant prendre de fortes doses d'opium à ses malades, en les narcoti-sant pour ainsi dire; M. Leroy a agi de même en injectant dans la vessie des liquides narcotiques et caïmans, et même du lauda-num à une dose énorme, et cependant sans en obtenir de résultat favorable. On pourrait encore employer la sonde à double cou-rant, mais il est à croire qu'on ne serait pas plus heureux.
i° Paralysie de la vessie. Ici rien n'empêche la manœuvre des instrumens dans le réservoir urinaire qui peut contenir une grande quantité de liquide ; mais en raison précisément de son état de paralysie, la vessie ne peut pas plus expulser les fragmens du calcul que le calcul entier; le malade se trouve donc dans le même état, et peut-être même dans un état pire après qu'avant l'opération. Il est vrai qu'on peut débarrasser artificiellement la vessie, soit avec la sonde à magasin de M. Heurteloup ou de M. Leroy, soit avec le percuteur dont les mors sont à gouttières, soit avec le brise-pierre de Jacobson modifié; mais il serait à craindre, malgré cela, qu'il restât quelque fragment qu'on n'au-rait pu découvrir et qui deviendrait par la suite le noyau d'un nouveau calcul. — Cependant, la taille est une opération si grave que, si la pierre n'était ni trop grosse ni trop dure, il vaudrait peut-être mieux encore tenter la lithotritie : c'est au praticien sage à bien peser toutes les considérations qui peuvent le faire pen-cher vers l'une ou l'autre opération. M. Civiale a parlé le premier d'un état d'atonie de la vessie avec augmentation de sa capacité, ou une dilatation passive qu'il considère comme fort graves « Dans cette circonstance, dit-il, les signes de la pierre sont nuls ; « comme la vessie ne se vide jamais entièrement, et que les pa-« rois ne viennent pas s'appliquer sur le corps étranger, le ma-te lade n'éprouve point, lorsque l'urine cesse de couler, la dou-ce leur avec sensation spéciale, qui est le signe le plus certain de « la présence d'un calcul ; on remarque dans la constitution du « malade une faiblesse générale qui va toujours croissant, et « décèle de graves désordres. Cet état est le plus redoutable qu'on « puisse rencontrer; la vessie se trouve atteinte d'une phlegmasie « latente, mais profonde , que la plus légère secousse fait passer « au mode aigu et rend funeste. C'est alors surtout que le cathé-« térismeentraîne quelquefoisde grandsaccidens ; les explorations « de la vessie au moyen des nouveaux instrumens, et l'opération « delà lithotritie auraient les mêmes effets si l'on venait à mécon-« naître la situation réelle des choses et à négliger les précautions « qu'elle réclame (Parallèle, etc., p. 112). »
Cependant cette affection présente des nuances dans lesquelles la lithotritie peut être appliquée sans beaucoup de dangers. Voici comment M. Civiale résume ces cas :
i° La lithotritie est presque toujours applicable avec certitude de succès, quand l'atonie des parois vésicales ne date pas d'une
époque reculée, que la vessie se débarrasse encore d'une par-tie de l'urine, que la phlogose a peu d'intensité, et que d'ail-leurs la destruction de la pierre ne doit pas exiger un long trai-tement.
20 L'amélioration obtenue par un traitement préparatoire in-dispensable en pareil cas, l'absence de tout accident immédiat après la première séance , le retour et la régularité de l'émission naturelle des urines , sont autant de circonstances qui font au-gurer favorablement de l'opération. Les circonstances contraires doivent engager le praticien à renoncer au broiement et à choisir d'autres moyens.
3° Dans tous les cas il faut procéder avec beaucoup de réserve, faire des séances très courtes, les éloigner les unes des autres, suivre pas à pas la marche du traitement, vider la vessie aussi souvent que le malade en sent le besoin, et faire des injections dans ce viscère. C'est la régularité et la promptitude des soins qui assurent le succès (Parallèle, etc., p. 139).
5° Engorgement de la prostate. Cet engorgement peut, être porté à un degré tel que la glande acquière le volume du poing. Il peut en affecter les parties latérales, le lobe moyen, ou la to-talité. Dans tous les cas , il détermine un rétrécissement de l'u-rètre, et une déviation de ce canal, qui est refoulé tantôt en haut, tantôt sur le côté, suivant que c'est le lobe moyen, ou les lobes latéraux qui sont hypertrophiés. D'autres fois l'extrémité postérieure de la prostate, saillante dans la vessie, fait l'office d'une soupape contre l'orifice postérieur de l'urètre lorsqu'on veut évacuer l'urine, et s'oppose à la sortie de ce liquide.
Les engorgemens de la prostate qui durent depuis long-temps sont très difficiles à guérir, et il est impossible d'en obtenir la cure lorsque cette glande est dure et comme fibro-cartilagineuse ; c'est une maladie très commune chez les vieillards. Lorsqu'elle coexiste avec la pierre, c'est une complication très grave. À ne la considérer que par rapport à l'opération, elle s'oppose à l'in-troduction des instrumens droits qui ne peuvent plus déprimer le col de la vessie comme ils doivent le faire pour pénétrer dans cet organe, attendu que la courbure du canal est augmentée par suite du développement prostatique. Il en résulte que l'extrémité du bec vient heurter contre la paroi inférieure du canal , quel que soit l'abaissement qu'on fasse subir à la sonde et la traction qu'on ait fait éprouver au ligament suspenseur de la verge. Mais il n'en est pas de même des instrumens courbes , surtout de ceux cpii affectent la courbure anguleuse du percuteur. Ordinairement ils peuvent encore pénétrer avec facilité, circonstance dont M. Leroy a profité pour imaginer son dépresseur de la prostate qu'on introduit courbe et qu'on redresse lorsqu'il est arrivé dans l'urètre. A l'aide de ce moyen il est quelquefois parvenu à rétablir le cours des urines qui se trouvait totalement supprimé. D'après ce qui précède, nous voyons que si l'on se décidait à pratiquer la lithotritie en pareille circonstance, il faudrait de prime abord rejeter les instrumens droits pour faire usage des instrumens courbes. Si dans leur emploi le calcul allait se loger dans le cul-de-sac plus ou moins considérable que forme la vessie au-dessous de la prostate, lorsque l'extrémité postérieure de cette glande fait saillie dans le viscère , il faudrait donner au malade une position telle que le siège fut plus élevé que la poitrine, afin que le calcul abandonnât le cul-de-sac où il était logé, et fût se placer dans la partie postérieure de la vessie devenue sa partie la plus déclive, où il serait à la portée de l'instrument. Encore dans ce cas aurait-on beaucoup de peine à terminer l'opération, et
T. vu.
courrait-on le risque de se voir contraint d'abandonner quelques fragmens qu'on n'aurait pu saisir.
6° Rétrécissemens de l'urètre. Les rétrécissemens de l'urètre ne forment qu'un obstacle momentané à l'application de la litho-tritie, obstacle qui du reste serait le même pour la taille, puisqu'il s'opposerait à l'introduction du cathéter cannelé, indispensable pour la pratique de cette opération. La première chose à faire est donc de guérir le rétrécissement par les moyens connus. Parmi ceux-ci, celui qu'on doit préférer est la dilatation graduelle et temporaire, par le double motif qu'elle est parmi les divers modes de traitement celui qui determínele moins d'irritation et qu'elle met le canal dans la disposition la plus favorable pour l'intro-duction des instrumens. Quelquefois l'urètre a conservé son diamètre, mais c'est le méat urinaire qui, suffisamment large en-core pour l'excrétion de l'urine, est néanmoins trop étroit pour admettre les instrumens lithotriteurs. On y remédie par une petite incision avec le bistouri boutonné, ou avec le petit uré-trotome caché de M. Civiale, ainsi que nous l'avons dit à propos du rétrécissement de l'urètre. Après que le canal a recouvré un calibre suffisant, à moins qu'il n'existe d'autre contre-indication, on procède à l'opération du broiement.
7" Les ulcérations et les cancers de la vessie sont des contre-indications formelles à la lithotritie. Quant aux tumeurs cellulo-vasculaires, appelées fungus (Pl. 53, fig. 1 1 et i3), on n'est pas précisément d'accord pour savoir si, avec leur coexistence, on peut pratiquer cette opération, ou si l'on doit s'en abstenir. A cet égard, il nous semble que si le cathétérisme est praticable, la tu-meur de la vessie n'est pas en elle-même une contre-indication suffisante, quel que soit le parti auquel on s'arrête, ultérieure-ment, soit de l'abandonner à elle-même, soit de la lier ou de la broyer après la destruction du calcul.
EXAMEN DES CALCULS PAR RAPPORT A LA LITHOTRITIE.
Cette question est une des plus importantes à étudier ; avant de procéder à la lithotritie il faut bien s'assurer du volume des calculs, de leur dureté, de leur forme et de leur nombre. Par là on pourra juger approximativement du nombre de séances qu'il faudra, et du plus ou moins de facilité qu'on éprouvera pour broyer la pierre et pour débarrasser la vessie.
i° Volume des calculs. Un fait reconnu par l'expérience, c'est que, chez les individus même très bien constitués, la lithotritie ne convient pas en général dans les cas de gros calculs, tandis qu'elle réussit fort bien contre les petits. La difficulté est de fixer la limite en deçà ou au-delà à laquelle on doit agir ou s'abstenir. Sous ce rapport, M. Civiale a partagé les cas en simples et en compliqués, et chacun d'eux en plusieurs séries. Il ne nous reste plus à examiner que les cas simples, c'est-à-dire ceux où la pierre existe sans lésion organique, et sans dérangement notable de la santé. ire série, pierre solitaire ayant 10 lignes (22 millimètres) de diamètre et au-dessous, ou plusieurs petits calculs. Le broiement convient parfaitement à ces cas, et il est suivi d'une prompte réussite. Si, au lieu d'un seul calcul, il y en a plusieurs petits, on se trouve dans le même cas que s'il n'y en avait qu'un seul rompu en plusieurs fragmens par le percuteur.
Dans une 2e série, M. Civiale range tous les calculeux qui ont une pierre solitaire de 1 5 lignes (34 millimètres) de diamètre au
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moins, et dune dureté moyenne, ou plusieurs calculs. Suivant lui, ce sont ceux qu'on rencontre le plus souvent dans la pra-tique, et ils présentent en général des conditions favorables à la litbotritie. Enfin, dans une 3° série, sont compris les calculeux, portant plusieurs calculs dans la vessie, ou bien un seul ayant au plus i5 lignes (56 millimètres) de diamètre. Ici, dit M. Ci-viale, on aura des difficultés d'autant plus grandes à surmonter, que le calcul sera plus volumineux, parce que pour le détruire il faudra multiplier les séances en proportion, ce qui rendra l'opération longue et pénible à supporter, et pourra faire naître des dangers qui n'existent point pour une pierre plus petite. Cependant M. Civiale a opéré avec succès plusieurs malades fai-sant partie de cette série, et qui étaient affectés d'bypospadias et même d'hydrocèle ou qui offraient une longueur exagérée de l'urètre, sans que cela ait nui en rien au succès de l'opération.
Bien que depuis l'invention de la percussion on puisse oser appliquer la lithotritie à des calculs plus gros que ceux qu'on attaquait avec le perforateur, cette limite de 56 millimètres de diamètre à laquelle M. Civiale conseille de s'arrêter, nous paraît trop forte; nous croyons qu'en général il serait imprudent de soumettre à la lithotritie tous les individus bien constitués et ayant des organes sains, lorsqu'ils portent dans la vessie un cal-cul de cette grosseur. Au reste, la dureté du calcul doit aussi entrer pour beaucoup dans le choix de la méthode, car, toutes choses égales d'ailleurs, un calcul de 34 à l\o millimètres de diamètre et très dur, pour être broyé, présentera plus de diffi-cultés, exigera plus de temps, et fera courir au malade plus de danger qu'un calcul friable de 56 millimètres de diamètre; l'ex-trême dureté du calcul doit donc être mise au rang des causes cpii doivent faire rejeter la lithotritie. Aussi, sans prétendre éta-blir aucune règle absolue sur ce point, nous pensons que, en thèse générale, il vaudrait mieux soumettre à la lithotritie un calcul un peu plus gros et moins dur, qu'un calcul un peu moins gros mais très dur.
3" Configuration des calculs. La forme aplatie de la pierre, depuis l'invention du percuteur, n'est plus une contre-indication à l'opération. Avant que cet instrument fût connu, pour peu que le diamètre des calculs fût considérable, la pince à trois bran-ches ne les saisissait qu'avec beaucoup de difficulté ; le percu-teur au contraire les saisit très facilement, et les brise de même. Les calculs en forme de gourde, qu'on rencontre surtout chez les enfans, et qui se développent en partie dans le col de la vessie où leur extrémité antérieure est engagée, ne se prêtent pas, eux aussi, à être broyés, parce que ne pouvant être repoussés dans la vessie, il n'est pas possible de les saisir avec les instrumens lithotriteurs.
La multiplicité des calculs n'est une contre-indication à l'em-ploi de la lithotritie, qu'autant qu'ils sont un peu gros et durs, car, cette circonstance devant avoir pour effet d'augmenter le nombre des opérations et démultiplier les séances, on reste in-certain sur le pronostic et sur le résultat qui peut être mauvais.
Les calculs ayant pour noyau un corps étranger venu du de-hors, tels que des haricots, des pois, des morceaux de paille, un morceau de bois, ne sont point réfractaires à la lithotritie. MM. Civiale et Leroy en ont rencontré qu'ils ont opérés avec suc-cès. Ceux qui ont pour point de départ un corps étranger mé-tallique tel qu'une épingle, une aiguille, un fragment de sonde en gomme élastique, de baguette à fusil, un passe-lacet ou tout autre corps allongé venu du dehors par l'urètre, peuvent encore être soumis au broiement, en ce qui concerne l'enveloppe pier reuse; quant à la partie métallique, on doit tenter son extraction avec les différentes espèces de pinces. Cette extraction devient facile lorsqu'on peut parvenir aies saisir par l'une de leurs extré-mités : c'est ainsi qu'après plusieurs tentatives M. Bouchacourt de Lyon est parvenu à extraire d'une vessie un passe-lacet, et que M. Civiale a pu extraire plusieurs fois des sondes, des bou-gies en cire, un tube de baromètre, etc. Si cependant, après plu-sieurs tentatives, on ne pouvait réussir à retirer les corps étran-gers, il faudrait se décider à les extraire par l'incision ; mais alors, à moins qu'il n'y eût un danger actuel à l'abandonner, mieux vaudrait, pour ne pas opérer sans une nécessité positive, attendre qu'il eût donné lieu à la formation d'un nouveau calcul.
4° Position et enkjstement des calculs. Les calculs occupent ordinairement le bas-fond de la vessie; quelquefois cependant, ils présentent à cet égard des variétés remarquables. Dans un cas signalé par M. B. Cooper, il était suspendu au sommet de la vessie. Le plus souvent, ce changement de position dépend d'une conformation vicieuse de l'organe, congéniale ou acquise. Cer-taines vessies présentent une poche ou enfoncement conique, immédiatement en arrière de la prostate et du col; ces enfon-cemens, qui ont été signalés par tous les observateurs, sont sou-vent dus à la pression et au développement du calcul lui-même, et peuvent acquérir une grande capacité sous l'influence des con-tractions de la vessie, lorsque le lobe moyen de la prostate hyper-trophiée s'oppose à la libre sortie de l'urine. Dans ces cas la lithotritie ne peut être pratiquée avec des instrumens droits ; elle est encore très difficile avec des instrumens courbes, et même quelque position que l'on fasse prendre au malade pour rendre le calcul plus saisissable, presque toujours on y échoue.
En général, l'enkystement des calculs estime contre-indication manifeste. Parmi ces pierres, les unes sont simplement adhé-rentes et les autres complètement enveloppées. M. Pasquier fils a réussi à détruire en cinq séances un calcul adhérent ( Gazette des hopit. , février 1838). C'est déjà bien hardi, mais dans les cas d'enkystement réel on admet difficilement que la lithotritie puisse être appliquée; car pour broyer le calcul il faut déchirer la muqueuse vésicale; or, ce déchirement peut être suivi aussitôt des accidens les plus graves. H est vrai que la taille, en pareil cas, n'est guère moins dangereuse; mais alors le mieux est de s'abstenir d'opérer. En vain dira-t-on que le broiement a été tenté avec succès : témoin M. Civiale qui en rapporte plusieurs exem-ples; ces succès ne doivent pas faire règle. Et puis, outre les dif-ficultés, souvent insurmontables, et les dangers consécutifs de l'opération, il faut encore admettre la possibilité d'une perfora-tion de l'autre côté du calcul, qui rendrait toute opération quel-conque immédiatement funeste (Voy. pl. 55, fig. i-4).
Influence de l'âge sur la lithotritie. Son application chez les enfans.
Après avoir obtenu des succès mérités chez les adultes et chez les vieillards, on s'est demandé si l'on ne pourrait pas aussi ap-pliquer la lithotritie chez les enfans; M. Ségalas en i834 et M. Leroy plus tard, dans un mémoire inséré parmi ceux de l'A-cadémie de médecine, se sont chargés de répondre par l'affirma-tive : l'un et l'autre ont complètement réussi chez des enfans au-dessous de six ans. Pourtant certaines circonstances font que la lithotritie, à cet âge, n'est point une opération facile et sans dan-ger : i°Les enfans naturellement craintifs sont très indociles, et
les mouvemens perpétuels auquels ils se livrent gênent beau-coup l'action de l'opérateur; i° l'étroilesse de leur canal dans toute sa partie antérieure, ne permet d'employer que des instru-mens minces et, par conséquent, dépourvus souvent d'une force suffisante pour vaincre la résistance des calculs; 3" la largeur et la dilatabilité des portions prostatique et membraneuse du canal, à cet âge, favorisant l'introduction des calculs dans l'urètre, dont la portion spongieuse est trop étroite pour leur livrer passage, il faut, pour les extraire, exécuter des manœuvres longues, difficiles et douloureuses. Par opposition, si l'on considère d'une autre part que la taille réussit très souvent dans le bas âge, qu'elle est rarement suivie d'accidens, et que par elle on débarrasse promptement et complètement la vessie, on sera nécessairement porté à lui donner la préférence, à moins que la pierre ne soit assez petite et d'une dureté assez médiocre pour qu'on puisse la broyer en quelques séances. A ce sujet il est bon de faire remar-quer, d'après M. Leroy, que la taille cesse d'avoir des résultats aussi heureux dans l'enfance après l'âge de dix à douze ans , et qu'à partir de ce moment la lithotritie reprend ses avantages lorsqu'on l'emploie dans les limites que nous avons tracées.
Chez les vieillards, il semblerait au premier abord que le broie-ment dût avoir de grandes chances de succès, car l'urètre est large, et la vessie est ample et peu irritable , ce qui permet d'in-troduire et de faire manœuvrer facilement les instrumens dans son intérieur; mais à cet âge, l'existence fréquente de rétrécisse-mens de l'urètre et de déviations de ce canal, par suite de l'hy-pertrophie de la prostate, diminuent, chez un grand nombre, la valeur des chances de succès que présentent ces organes à l'état sain, il paraît donc décidé par l'expérience que c'est dans l'âge adulte et clans la première partie de la vieillesse que la lithotritie donne les meilleurs résultats, parce que, pendant cette période de la vie, les organes génitaux ont acquis tout leur développement, et en général sont encore exempts des altérations organiques qu'ils présenteront plus tard.
LITHOTRITIE CHEZ LA FEMME.
S'il était permis de croire que la lithotritie aurait de grands succès, c'était à coup sûr dans son application chez la femme. Ce fut aussi l'opinion qu'on s'en fit au début, carlaïargeur de l'u-rètre, la grande dilatabilité qu'il peut subir, son peu de longueur, la capacité de la vessie, en général plus grande que celle de l'homme, concouraient à faire admettre cette idée. Mais une cir-constance dévoilée par la pratique est venue , sinon détruire , au moins diminuer beaucoup tous ces avantages; c'est la grande dif-ficulté qu'on éprouve à pouvoir conserver, dans la vessie, assez de liquide pour pouvoir y faire manœuvrer avec facilité et sans dan-ger les instrumens. Avec la pince à trois branches, surtout, on a de la peine à saisir le calcul, et parfois même on y échoue, si, à l'aide d'un ou deux doigts portés dans le vagin, il n'est pas possible encore de le pousser entre les branches de l'in-strument. Le brise-pierre de Jacobson ou le percuteur, pouvant facilement se porter à droite ou à gauche, sont plus convenables pour saisir la pierre. Reste la difficulté de retenir l'injection dans la vessie; un aide, que l'on y emploie , doit presser la paroi infé-rieure de l'urètre contre l'instrument; mais il ne peut agir ainsi sans gêner les manœuvres de l'opérateur. Somme toute, beau-coup d'auteurs pensent que les occasions d'extraire une pierre de la vessie chez la femme étant rares, parce que des calculs d'un certain volume peuvent être expulsés naturellement ou extraits artificiellement par l'urètre court et dilatable, il vaut mieux, quand une opération est nécessaire, pratiquer la taille vaginale qui est facile et peu dangereuse. Mais telle n'est point notre opi-nion. Il ne s'agit pas seulement de l'opération, mais de ses suites. Or, celle-ci a presque nécessairement pour conséquence une fis-tule vésico-vaginale, infirmité dégoûtante et jusqu'à présent à-peu-près incurable. Mieux vaut donc la lithotritie; un peu plus de difficultés d'exécution n'est point à considérer lorsque , du reste, l'opération termine tout et n'entraîne aucune suite fâ-cheuse.
ACCIDENS DE LA LITHOTRITIE.
La lithotritie peut être accompagnée d'accidens plus ou moins graves qu'il est important de faire connaître. C'est pour le pra-ticien un avertissement, qu'avant de pratiquer cette opération il a dû s'être beaucoup exercé au manuel opératoire, et qu'après chaque séance il doit se tenir en garde contre les diverses affec-tions qui peuvent en être la conséquence.
i° Rupture des instrumens dans la vessie. Bien que cet accident soit rare, et qu'on puisse l'éviter en soumettant, avant d'opérer, les instrumens avec lesquels on doit agir à des épreuves beaucoup plus fortes que celles qu'ils pourront avoir à supporter dans la cavité vésicale, il n'en est pas moins vrai que de temps en temps la vie de quelques malades est compromise, et le monde chirur-gical mis en émoi par des accidens de ce genre. La pince à trois branches et le percuteur, sans être plus sujets à se rompre que le brise-pierre de Jacobson, ne sauraient être brisés aussi im-punément , parce que le fragment rompu reste dans la vessie et ne peut que rarement en être retiré sans opération sanglante, tandis que l'instrument de Jacobson étant articulé la partie bri-sée se développera et sera entraînée à l'extérieur avec l'instru-ment auquel elle fait suite. Dans deux cas de sa pratique, M. Le-roy a vu survenir cet accident : dans l'un ce fut la tête du foret, et dans l'autre l'un des crochets de la pince à trois branches qui se brisa. Il est vrai que, dans les séances suivantes, il réussit très bien à les retirer, tandis que M. Hervez de Chegoin fut obligé de pra-tiquer la taille pour un cas dans lequel un morceau de pince plus gros s'était détaché dans la vessie. Semblable accident est arrivé à l'Hôtel-Dieu, vers le milieu de l'année 1842, à M. Blan-din qui se servait du percuteur perfectionné.
a" Pincement, déchirures de la muqueuse vésicale, perforation de la vessie. Les pincemens et les déchirures de la muqueuse vé-sicale ont dû arriver et doivent encore arriver assez souvent, sur-tout au voisinage du col et de la portion prostatique. Ils tiennent à ce qu'on n'a pas toujours la précaution de fermer complète-ment les instrumens dans la vessie avant de les retirer ; avec les pinces à trois branches, ils étaient plus communs que depuis qu'on emploie le percuteur et le brise-pierre articidé et à cou-lisse. Pourvu que le pincement ne soit pas trop fort et la déchi-rure trop étendue, il n'en résulte qu'un léger écoulement de sang, et rarement une cystite. — La perforation de la vessie serait mor-telle, mais on ne l'a observée que dans les premiers temps de la lithotritie; aujourd'hui elle ne serait possible que dans des mains inexpérimentées.
3° Déchirures de l'urètre. On les a vues survenir autrefois lors-qu'on engageait l'instrument dans un érau fixé au lit, et que le
malade venait à retirer le bassin en arrière par un mouvement brusque, de manière à forcer l'instrument droit à rentrer tout ouvert dans l'urètre. Mais aujourd'hui que ce sont les mains qui fixent l'appareil, on peut dire que la déchirure de l'urètre est aussi rare que celle delà muqueuse vésicale; elle ne peut guère arriver que par oubli, par mégarde ou par suite de l'emploi d'un instru-ment trop volumineux eu égard au calibre de l'urètre , chez des enfans surtout, et chez quelques adultes dont le canal est étroit. Dans d'autres cas elles sont déterminées par des fragmens de cal-cul, pendant qu'on les retire. Ces déchirures peuvent avoir des suites fort graves , telles que l'infiltration d'urine et la fistule urinaire. H'importe d'autant plus de les prévenir qu'elles sont du fait de l'opérateur et non inhérentes à la lithotritie.
Divers autres accidens se manifestent sous l'influence de l'irri-tation qui se développe assez fréquemment dans divers points des organes génito-urinaires, tant par suite du passage trop fréquem-ment répété ou du contact trop long-temps prolongé des instru-mens avec le canal, que du redressement forcé résultant de leur forme rectiligne. Ces accidens, indépendans du plus ou moins de soin et d'habileté avec lesquels l'opération a été pratiquée, sont en grand nombre.
i° Urétrite. Elle se développe assez souvent pendant la litho-tritie; mais ce n'est qu'un accident léger et qui se termine tou-jours heureusement.
2° Orchite. Elle résulte ou du froissement et de l'irritation de l'orifice des canaux éjaculateurs, qui se propage au testicule par le canal déférent, ou de l'irritation du col de la vessie au voisi-nage duquel se trouvent les vésicules séminales. L'orchite affecte tantôt un seul, tantôt les deux testicules. Avant de continuer les séances opératoires, il faut la guérir par les moyens appropriés ; autrement on courrait le risque de faire endurer de vives souf-frances au malade, et de rendre fort grave un accident qui, bien conduit, ne présente d'autre inconvénient que de retarder la des-truction du calcul.
3° Inflammation de la prostate. Cette glande, fréquemment engorgée chez les vieillards, est par cela même d'autant plus dis-posée à s'irriter et à s'enflammer. Dans cet état, sa position à l'en-trée de la vessie, où elle doit supporter tous les mouvemens de l'instrument et lui donner un point d'appui, l'expose plus que toute autre partie à être contuse et meurtrie , d'où il résulte une inflammation nécessairement accompagnée de rétention d'urine. On remédie à cette dernière par l'emploi de la sonde ; pour le reste on a recours au traitement antiphlogîstique, les bains, les sangsues, les cataplasmes au périnée, et la saignée générale. Mais ces moyens ne réussissent pas toujours à prévenir la suppuration. Lorsque l'abcès est formé, l'ouverture s'en fait naturellement ou par le frottement du bec de la sonde.
4° Cystite. Il est rare que la vessie, pendant l'espace de temps nécessaire pour opérer le broiement du calcul, ne soit pas af-fectée d'un peu d'inflammation, ainsi que le démontre, à cha-que séance, le ténesme qui accompagne l'éjection de l'urine et les matières muqueuses qu'elle contient. Mais quelques bains et un repos assez prolongé suffisent ordinairement pour calmer l'irritation et pour permettre de recommencer l'opération après plusieurs jours. Toutefois, il n'en est pas toujours ainsi, soit que les fragmens pointus et tranchans du calcul continuent à entre-tenir la vessie dans l'état d'érétisme , déterminé par la ma-noeuvre instrumentale; soit que de nouvelles manoeuvres soient pratiquées en temps inopportun, ou qu'on ne mette pas en usage un traitement suffisamment énergique ou assez rationnel pour en-rayer la maladie, on la voit parfois s'aggraver au point de déter-miner la mort.
5° Phlébite du col de la vessie. Cet accident est cité par les au-teurs, mais ils ne se fondent sur aucun fait bien précis pour en démontrer l'existence.
6° Inflammation des uretères et des reins. Pour la lithotritie comme pour toutes les opérations sur les organes urinaires, c'est là une des complications les plus funestes; le principal mérite du chirurgien consiste à en prévoir la probabilité, et alors à s'ab-stenir d'opérer. Mais quand enfin il est survenu après l'opéra-tion , il faut le combattre quoique les chances n'en soient pas favorables. La néphrite se termine promptement par suppuration, et s'accompagne d'un état adynamique indiquant une altération profonde de l'organisme tout entier, contre laquelle il y a peu de ressources, même chirurgicales , d'autant plus que, pour peu que le calcul ait de volume, la cystite, d'où dépend souvent la né-phrite, est aggravée par la présence de fragmens aigus, qu'on ne peut extraire sans augmenter le mal.
7° Engagement des calculs dans l'urètre. C'est le plus fréquent de tous les accidens. « Il survient au moins, chez un malade sur quatre, dit M. Leroy, et ce chirurgien en a brisé ou extrait plus de trente chez le même malade; pareille chose, ajoute-t-il, lui est arrivée un très grand nombre de fois. » C'est surtout chez les en-fans que les fragmens calculeux s'arrêtent dans le canal, ce qui tient, comme nous l'avons dit, à la grande dilatabilité du col de la vessie, coïncidant avec l'étroitesse du canal à cet âge. Bien que cet accident n'ait aucune gravité par lui-même, surtout depuis qu'on possède des instrumens propres à extraire ou à broyer les calculs urétraux, il n'en est pas moins un des plus fâcheux, autant par les douleurs qu'il fait éprouver aux malades, que parle temps qu'il fait perdre pour terminer l'opération. Lorsque les calculs sont situés dans la portion membraneuse du canal, au lieu de les extraire ou de les broyer, il vaut mieux les repousser dans la vessie. Les injections suffisent souvent pour obtenir ce résultat. Lorsqu'elles sont impuissantes on y parvient en chassant le cal-cul avec le bec de la sonde. Un phénomène qui accompagne quelquefois la présence des calculs dans l'urètre, est la contrac-tion spasmodique de la zone du canal que le fragment occupait avant son extraction ; souvent en pareil cas , bien que le calcul soit extrait, les malades éprouvent une sensation particulière qui leur fait croire qu'il existe encore, et cela d'autant mieux cpie cette sensation est accompagnée de la rétention de l'urine. M. Ci-viale conseille, en pareil cas, de pratiquer une pression douce et graduée sur le point du canal où existait le corps étranger. Il pré-tend avoir réussi plusieurs fois, par ce moyen, à faire cesser cet état de spasme et à rétablir le cours des urines.
Il est encore quelques autres accidens qui ne sont pas particu-liers à la lithotritie, puisque les uns accompagnent souvent le pas-sage d'une simple bougie dans l'urètre, ou surviennent même parfois spontanément, et que les autres tiennent à une disposition générale. Mais il est bon que le chirurgien lithotriteur les prenne en sérieuse considération , parce qu'elles dénotent une extrême
susceptibilité du système nerveux en général et. des organes gé-nito-urinaires en particulier ; avec un bon diagnostic ils exige-raient un traitement préparatoire et concomitant à l'opération, et seraient même parfois des contre-indications d'opérer. Les acci-dens sont :
90 Des inflammations des articulations. Elles sont souvent plus graves après l'opération et guérissent moins bien que lors-qu'elles se développent de prime abord. L'analogie qui existe entre la goutte, la gravelle et les affections calculeuses peut, jus-qu'à un certain point, rendre raison de ces accidens articulaires. Ces cas, où il y a coïncidence de la pierre avec une affection ar-thritique , sont ceux où il est important de faire entrer dans le traitement l'usage des boissons alcalines.
io° Des accès de fièvre. Ces accès s'observent fréquemment chez les opérés après les premières séances de lithotritie, et ordi-nairement ne se montrent plus après les suivantes. Mais, au con-traire, ils deviennent de plus en plus violens, de sorte qu'on est obligé de suspendre les séances et de calmer en même temps l'ir-ritation nerveuse générale, et celle des organes génitaux qui lui a donné lieu.
La douleur qui est souvent très vive et insupportable aux malades. Elle tient aune grande sensibilité des organes et au re-dressement que les instrumens lithotriteurs, quels qu'ils soient, font subir à la partie courbe du canal.
11° Des accidens nerveux. Ces accidens qui résultent quelque-fois des violentes douleurs et des angoisses que les malades éprouvent pendant l'opération sont très graves, et peuvent rapi-dement amener la mort comme M. Leroy en a cité des cas.
appréciation de la lithotritie.
Tout le monde convient que, même encore aujourd'hui (i843), après dix-neuf années d'expérience acquise, ce n'est pas une chose facile que d'apprécier la valeur de la lithotritie. Les raisons en sont faciles à comprendre. Parmi les nombreuses tentatives qui ont été faites depuis la première opération de M. Civiale sur le vivant (1824), beaucoup d'efforts ont été perdus en essais in-fructueux. Dans un sujet où il fallait tout inventer de premier jet, le but et les moyens , et où le succès des procédés dépend de la perfection des instrumens, les résultats négatifs abondent, et les faits pratiques ne sont, pour ainsi dire, pas comparables entre eux. Il a fallu successivement imaginer et rejeter une foule d'ap-pareils , dont les effets d'application embarrassent les résultats statistiques. D'un autre côté, il faut se tenir en garde contre les assertions contradictoires des partisans enthousiastes ou des dé-tracteurs acharnés de la lithotritie. Dans cet examen, le choix est difficile. Loin de nous, la pensée de diminuer le mérite des pre-miers inventeurs nos contemporains; nous sommes trop amis de la science, de notre pays et de l'humanité, pour ne pas applaudir hautement à l'une des plus belles découvertes de notre époque. Mais, tout en évitant de nous faire l'écho des malveillances ri-vales , nous ne sommes pas convaincus que la plupart des litho-triteurs qui ont publié leurs observations n'aient pas, comme on le dit, beaucoup exagéré leurs succès et amoindri leurs revers. Toutefois, cette accusation fût-elle fondée, sans rechercher la part de l'illusion, de l'entraînement ou de l'intérêt, nous ne sommes t. vu.
pas de ceux qui en feraient un crime aux inventeurs, convaincus que toute grande découverte ne pouvant rendre d'abord tout ce qu'elle doit produire, pour qu'elle n'avorte pas, il faut qu'elle résiste ; pour qu'elle ne soit pas étouffée sous le poids des efforts contraires, dans l'intérêt commun, il faut un peu fermer les yeux et lui venir en aide. Ceci posé, passons en revue les docuinens publiés, mais sans prétendre en faire ressortir autre chose qu'un aperçu général et non un jugement précis qui serait prématuré, la lithotritie n'ayant pas encore cessé d'être en progrès.
Dans ses divers tableaux présentés à l'Académie des sciences, M. Civiale, qui a traité 429 calculeux depuis 1824, les divise en deux séries. La première, composée de 244 individus opérés par la lithotritie, a fourni 236 malades guéris complètement, 5 morts et 3 qui, bien que complètement débarrassés, ont continué de souffrir. En somme, en prenant les faits comme ils sont donnés, 3o succès pour un insuccès. Des 185 individus de la seconde sé-rie, chez lesquels la lithotritie avait paru difficile ou impossible, 88 ont été taillés, et 97. ont conservé leur pierre; les uns parce qu'ils n'ont pas voulu se soumettre à la lithotomie, les autres parce qu'ils se trouvaient dans des circonstances si défavorables que toute opération était contre-indiquée. « Sur ces 97 individus, dit « M. Civiale, il n'y a pas eu réellement de lithotritie, soit que les « désordres généraux et les altérations organiques locales eussent « fait assez de progrès pour enlever tout espoir de réussite, soit « que les malades aient refusé de se soumettre à d'autres tenta-« tives , après qu'on eut reconnu l'impossibilité de pratiquer le « broiement. Les renseignemens (manoeuvres) indispensables, « pour s'assurer de l'état des organes et du nombre, du volume, « ainsi quedeladensitédespierres, ne sauraient en effet constituer « des opérations dans le sens rigoureux de ce mot. Ce sont des « préliminaires auxquels il faut presque toujours se livrer avant « de se décider à opérer, et de faire choix de la méthode conve-« nable. L'application de la méthode, le commencement de l'exé-« cution de cette méthode, constituent seuls l'opération , et ce « n'est qu'à dater de cette époque que l'on peut calculer les avan-ce tages et les inconvéniens qu'elle a présentée. »
L'auteur est-il fondé à retrancher absolument ces malades du nombre de ses opérés ? Nous ne le croyons pas. Il est constant que, dans ces 97 cas, il y a eu des explorations : M. Marjolin assimile les explorations à des tentatives, se fondant sur ce qu'on ne peut établir de différences bien tranchées entre l'opération et des explo-rations dans lesquelles on introduit des instrumens volumineux qu'on fait manœuvrer dans la vessie, qui saisissent le calcul, ap-précient son volume, sa densité, etc., et fatiguent d'autant les organes urinaires; d'où il conclut que, au lieu de 244 cas, on doit en compter 341, sur lesquels il y aurait eu seulement 9.36 guérisons (Répert. gén. des Sciences mèd., t. xvm, p. 271). An-térieurement, M. Velpeau avait émis la même opinion et avait beaucoup contribué à faire diminuer le prestige de la lithotritie. Il est de fait, qu'au lieu d'employer de gros instrumens pour re-chercher la pierre, et de se livrer à des manœuvres longues et pé-nibles pour apprécier le volume et la densité des calculs, au milieu d'organes affectés de maladies qu'il est possible de reconnaître à divers signes extérieurs, on eût pu se contenter d'explorer la ves-sie avec une algalie ordinaire, ce qui aurait évité les graves re-proches qu'on s'est attiré avec raison, parce que personne n'ignore que, dans certains cas, la simple exploration de la vessie, avec des instrumens droits et d'un fort calibre, produit d'aussi graves acci-dens que l'opération. Mais si l'on trouve que l'englobement de ces faits, dans la même série, constitue une exagération en sens
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contraire de l'assertion de M. Civiale, on peut cependant se for-mer une opinion à-peu-près certaine par l'examen de diverses séries consignées par ce chirurgien dans son ouvrage publié en 1835, dans les rapports à l'Académie, de Larrey et Double, et dans un tableau statistique fourni par M. Ledain. Suivant ce dernier, la première série, composée de 83 calculeux, a fourni 4i guéris, 3q morts, et. 3 qui ont gardé leur pierre ;— dans la deuxième, sur il\ opérés, 13 sont guéris, 11 sont morts;— dans la troisième, sur 53 opérés, 3o guéris , i5 morts, 8 non guéris; — dans la qua-trième, sur 3o opérés, 18 guéris, 8 morts, 4 non guéris;—enfin, dans la cinquième, sur 16 opérés, 6 guéris, 7 morts et 3 non gué-ris; ce qui, sur un total de 206 opérés, donne 108 guérisons, 80 morts et 18 malades qui ont gardé leur pierre. Environ 5 ma-lades guéris pour 4 morts. Ce résultat est fort différent sans doute de celui fourni par M. Civiale. Mais outre qu'il peut aussi être exagéré en sens contraire , pris comme vrai néanmoins et comparé à celui que fournissent en réalité les grandes opérations et la taille elle-même , il n'est pas absolument défavorable, et il faut dire que s'il ne se présente pas beaucoup plus avantageux, il faut en accuser l'emploi de la pince à trois branches, dont M. Civiale a fait usage pendant 12 ans, tandis qu'au jugement commun de tous les chirurgiens, les nouveaux instrumens à pression et à percussion ont doublé depuis la valeur de la litho-tritie.
M. Heurteloup a publié un tableau composé de 38 malades, sur lesquels il n'en est mort qu'un seul, et 37 ont parfaitement guéri; mais il paraît que cette appréciation est exagérée, du moins, d'après les rapports de MM. Brodie , Liston, Ch. Bell et de plusieurs autres chirurgiens dignes de foi. Un certain nombre des malades que M. Heurteloup aurait crus guéris, se seraient pré-sentés dans divers hôpitaux de Londres, ou se seraient adressés directement aux chirurgiens cités, portant encore leur calcul ou divers fragmens.
On pense également que le rapport de M. Leroy qui, sur 116 opé-rés, n'en aurait perdu que 11, ou 1 sur 1 o ; et de M. Bancal, qui, sur 23, n'en aurait perdu qu'un, ne seraient pas non plus très exacts. D'un autre côté, sur 12 malades, M. Velpeau a eu six guérisons, 3 qu'on a été obligé de tailler après avoir tenté la lithotritie, et 3 morts. Ce résultat ressemble mieux à tout ce que l'on connaît des résultats des grandes opérations en général ; mais nous croyons pourtant que, sur un grand nombre de malades opérés par les nouveaux procédés, le chiffre des succès pourrait être plus avan-tageux.
Que conclure de tout cela? que la lithotritie en elle-même a déjà produit assez, quant à ses résultats généraux, pour être considé-rée comme la conquête la plus brillante de la chirurgie moderne. Mais, quant à sa valeur relative et absolue, l'invention encore nouvelle des instrumens de percussion , pouvant être considérée comme une ère différente de tout ce qui a précédé, il faut attendre que l'on possède à cet égard un assez grand nombre de faits au-thentiques et bien observés pour savoir si, comme il y a lieu de l'espérer, on pourra proclamer un jour la lithotritie dans les cas qui en permettent l'emploi, comme la moins périlleuse de toutes les grandes opérations chirurgicales.
LITHOTOMIE.
Définition. La lithotomie, ou vulgairement la taille, est une opération qui consiste à ouvrir la vessie par un des points où elle est accessible aux instrumens tranchans, pour en retirer les pierres ou les corps étrangers qui y sont contenus. Quoique insignifiant et barbare, comme le dit Dupuytren, le mot taille ne doit pas être expulsé du vocabulaire de la science, son ancienneté faisant qu'il est plus généralement connu que les noms de lithotomie et cjstolomie, qu'on a tenté d'y substituer, comme plus scientifiques, et désignant mieux le genre d'opération dont il s'agit. Toutefois il nous arrivera souvent de les employer indifféremment les uns pour les autres dans le cours de notre description.
Historique. La lithotomie est une des plus anciennes opéra-tions de la chirurgie; pendant bien des siècles elle a été la seule méthode usitée pour débarrasser les maladies de la pierre; toute-fois on n'a aucunes données certaines sur son origine; il paraîtrait, d'après ce qu'en dit Prosper Alpin, que les Egyptiens furent les premiers qui tentèrent l'extraction des calculs vésicaux ; Hippo-craie n'en donne point une description spéciale. Il est probable qu'il la considérait comme une opération fort dangereuse, puis-qu'il faisait jurer à ses élèves de ne jamais la pratiquer. Peut-être aussi la regardait-il comme indigne des chirurgiens qui se res-pectaient, vu qu'à son époque elle n'était pratiquée que par des opérateurs ambulans. La lithotomie fut donc rejetée du domaine de l'art, et tomba en désuétude jusqu'au temps de Celse, où elle cessa d'être méprisée et bannie de la pratique. L'élégant et concis écrivain de Rome est le premier qui en ait donné la description. Depuis lors elle n'a pas cessé d'être étudiée, et de fairel'objet des méditations des hommes les plus éminens de la chirurgie; aussi constitue-t-elle à notre époque l'une des branches de l'art les plus vastes et les plus compliquées. Pour faire un historique complet et instructif de cette opération, il faut passer en revue ses méthodes, ses procédés, ses indications, ses contre-indications et ses résultats.
Le bassin de l'homme formant une vaste enveloppe osseuse, épaisse et garnie de masses musculaires et de vaisseaux, les seules régions par lesquels la vessie puisse être facilement atteinte par les instrumens, sont le périnée, l'hypogastre et le rectum. De là, trois manières principales, de pratiquer la taille, qui ont tiré leur nom des parties qu'on traverse, savoir : la taille périnéale, la taille hypogastrique et la taille recto-vésicale. Chez la femme on par-vient au réservoir de l'urine par l'hypogastre, le vagin et le ves-tibule.
Le choix des méthodes est déterminé par le volume des calculs, les dangers qui les accompagnent, et quelquefois par la volonté de l'opérateur. Quelle que soit celle qu'on choisisse, on doit tou-jours avoir présente à l'esprit l'anatomie chirurgicale de la région sur laquelle on opère.
Préparation du malade. Avant d'opérer, il faut toujours faire subir au malade les préparations convenables. Si la santé géné-rale est bonne, il suffit de le soumettre au régime des grandes opérations qui peuvent compromettre la vie : tel que boissons délayantes, régime doux, purgatifs légers, bains, etc. Lorsque la langue est blanche et la bouche pâteuse et amère , un vomitif est très opportun pour débarrasser les premières voies; d'autres fois une saignée de précaution sert à diminuer la pléthore, la plasti-cité du sang et la tendance aux inflammations. Mais c'est principa-lement sur l'appareil urinaire qu' il faut porter toute son attention. Si les reins, les uretères et la vessie sont irrités etdouloureux, il ne faudra rien entreprendre avant de les avoir ramenés à un état qui leur permette de supporter l'opération. L'urètre devra aussi être
l'objet d'un examen spécial, et d'ailleurs il n'en saurait être autre-ment, car pour constater la présence du calcul, il faut pénétrer par cette voie , et s'il arrivait, qu'elle fût rétrécie, ce serait la pre-mière cliose dont on s'apercevrait et dont il faudrait commencer par débarrasser le malade. Si, au lieu d'être atteint de rétrécisse-ment, l'urètre était seulement irrité, on combattrait cet état par les moyens appropriés, puis on habituerait le canal au contact des sondes qu'il pourrait devenir nécessaire de placer dans son intérieur, pendant le cours de la guérison. Durant les derniers jours qui précèdent l'opération , et quelques heures avant de la pratiquer, on doit avoir soin de faire évacuer le rectum par un lavement émollient; cette précaution a le double effet; ^d'em-pêcher l'intestin de saillir sur les côtés du col de la vessie et de la prostate , comme cela arrive lorsqu'il est distendu par des ma-tières fécales, ce qui l'expose à être lésé par l'instrument tranchant pendant l'opération; i" d'éloigner autant que possible l'instant où le besoin d'aller à la garde-robe se fait sentir, et les efforts toujours nuisibles qui en sont la conséquence. Enfin, un dernier moyen qui ne doit jamais être, négligé par un chirurgien prudent, et qui sait que la vie est souvent compromise par l'opération qu'il va faire, est de ne jamais opérer avant d'avoir soumis la vessie du malade à une nouvelle exploration. On a vu, en effet, des chi-rurgiens très habiles "qui, faute de s'être soumis à ce précepte, ont taillé des individus qui n'avaient pas de pierre, et qui sont morts de l'opération ; comme il s'en est trouvé d'autres qui, après un nouvel examen , n'ayant pu retrouver la pierre qu'ils avaient cru reconnaître antérieurement, ont dû renoncer à la taille qu'ils étaient sur le point d'exécuter; Dupuytren, comme il le dit lui-même, s'est trouvé plusieurs fois dans ce cas (Dictionn. de Méd. et de Chirurg. pratiques, art. cjstotomie). Toutefois , cette erreur ne pouvant être commise que dans les cas où le calcul est petit, elle devra être beaucoup plus rare dans l'avenir que dans le passé, et sera surtout moins préjudiciable en ce sens que ces cas rentre-ront dans le domaine de la lithotritie. Dans ceux où la vessie, défor-mée par une hypertrophie de la prostate, présenterait au-dessous du col une poche qui recèlerait le calcul, et le soustrairait momen-tanément à la recherche des instrumens, la sonde à petite cour-bure de M. Mercier, ou le brise-pierre de MM. Jacobson et Heur-teloup, en abaissant le bas-fond de la vessie, l'amèneraient nécessairement vers ce point, et rendraient son contact, sinon très facile, du moins possible.
TAILLE PÉRINÉALE OU SOUS-PUBIENNE.
anatomie opératoire de la région périnéale (il.
Le périnée, chez l'homme, est un espace qui, vu extérieurement, affecte la forme d'un triangle allongé circonscrit sur les côtés par branches ascendantes des ischions et descendantes des pubis, en haut par l'arcade pubienne qui répond à son sommet, et en bas par une ligne fictive tirée d'un ischion à l'autre, et passant au-devant de l'anus. Ce triangle est presque équilatéral, ses côtés ayant 8 à 9 cent, de longueur, et sa base 8 cent. Le raphé le divise en deux parties symétriques, dont l'une, la gauche, est le siège des incisions qu'on pratique dans les tailles latéralisées. En épaisseur, le périnée renferme sa cloison cutanée, musculaire et aponévrotique, les racines du pénis et l'extrémité anale du rectum. Elle représente la base d'une pyramide triangulaire, dont
(1) Voyez première Partie: Analomic chirurgicale, pages 43-45,et pl. 3 et 4.
il faut traverser toute l'épaisseur pour arriver jusqu'à la vessie. Le sommet de cette pyramide, répond au point de contact de ce réservoir et du rectum; son épaisseur est d'autant plus considé-rable que les sujets ont plus d'embonpoint. Les diverses couches qui la constituent sont très essentielles à connaître, afin de ne pas blesser, en les traversant, les parties importantes qu'elles con-tiennent. En procédant de l'extérieur à l'intérieur, on trouve pat-ordre de superposition , i" la peau; 20 le tissu cellulaire sous-jacent; 3° l'aponévrose superficielle; 4° Ia couche musculeuse, le bulbe de l'urètre et les principaux vaisseaux sanguins; 5o l'apo-névrose périnéale moyenne; 6° la partie antérieure des muscles releveurs de l'anus, l'aponévrose profonde, et la prostate qui en-veloppe une partie de l'urètre , soutient le col de la vessie et s'appuie sur le rectum; en sorte que, si l'on pratique une coupe verticale, allant de la symphyse pubienne à l'anus, en suivant la ligne médiane, on obtient pour résultat un triangle, dont le som-met répond au point de contact de la prostate et de la vessie avec le rectum, la base au raphé, le côté postérieur au rectum, et le côté antérieur à la prostate, et aux portions membraneuse et bulbeuse de l'urètre. La distance qui existe du sommet à la base de ce triangle, distance qui représente l'épaisseur des parties à traverser lorsqu'on pratique la taille périnéale, diffère beaucoup suivant les sujets. Dupuytren a trouvé, en mesurant avec le pel-vimètre, qu'elle variait entre 3 et 11 centimètres, et qu'elle avait terme moyen 6 centimètres.
i° Cloison périnéale. En reprenant succinctement chacune des parties qui constituent le périnée en particulier, nous trou-vons ,
i0 La peau, garnie de poils, mince et très élastique, glisse fa-cilement sous l'instrument tranchant, si l'on n'a pas le soin de la fixer préalablement avec les doigts ; i" La couche du tissu cel-lulaire adipeux qui la double est aussi très lâche et très souple; son épaisseur variable dépend de l'embonpoint des sujets ; elle est beaucoup plus considérable sur les parties latérales que sur la ligne médiane; 3° Lfaponévrose superficielle du périnée , lame très mince analogue à du tissu cellulo-fibreux, fournit en haut et en avant un prolongement qui se continue avec le dartos, et se termine autour du pénis par une gaîne qui lui forme un étui. En arrière, elle va s'attacher au pourtour du rectum; sur les côtés, elle se dédouble, s'insère d'une part sur la surface externe des ischions, et de l'autre se confond avec les couches sous-cutanées des cuisses; 4° La couche musculaire du périnée ren-ferme l'ischio-caverneux , le bulbo-caverneux, le transverse, et la pointe du sphincter anal, qui vient s'insérer sur le bulbe de l'urètre, et se confondre sur la ligne médiane avec l'extrémité inférieure du bulbo-caverneux et l'extrémité interne des trans-verses. Les muscles bulbo-caverneux, qui recouvrent le bulbe, se séparent en haut, se confondent avec l'aponévrose superficielle qui les recouvre , et se terminent en dehors sur les corps caver-neux. Les transverses, souvent réduits à un faisceau mince et difficile à découvrir, s'insèrent en dehors sur la surface interne des tubérosités des ischions, et viennent en dedans se terminer en bulbe avec les deux précédens. On les divise dans la plupart des tailles périnéales. 5° Plus profondément que la couche mus-culaire, existe sur la ligne médiane le bulbe et la partie membra-neuse de l'urètre, puis encore au-dessus, Y aponévrose moyenne du périnée , ou intra-périnéale, sorte de cloison membraneuse très épaisse et très résistante qui se confond avec le ligament sous-pubien , remplit l'arcade pubienne, dont elle, affecte la forme
triangulaire, s'insère à son pourtour en se confondant avec les couches fibreuses qui tapissent sa surface interne, et va se perdre en arrière, d'une part dans les tissus fibreux qui environnent la prostate, et de l'autre au-devant du rectum où elle se confond avec l'aponévrose ischio-rectale, dont elle forme le feuillet ischia-tique. Ce feuillet aponévrotique est traversé par l'urètre qu'il soutient dans sa partie membraneuse. Il paraît aussi destiné à résister à la pression des viscères, et forme une barrière qui ré-siste au pus et aux matières liquides qui s'accumulent au-devant de la vessie, de manière à ne leur permettre d'arriver que très difficilement au périnée. Les deux aponévroses superficielle et moyenne, unies, ainsi cpie nous l'avons dit, au-devant du rec-tum , forment donc une cavité clans laquelle sont contenus le bulbe de l'urètre, les muscles du périnée, des vaisseaux sanguins et des nerfs. Cette disposition seule suffit pour démontrer que les fistules urinaires doivent donner lieu à des symptômes dilférens, suivant qu'elles existent en avant ou en arrière de l'aponévrose moyenne. Dans le premier cas, et surtout à partir de la racine du bulbe, l'infiltration se manifeste toujours le long de l'urètre et du pénis, entre ces organes et l'étui qui leur est fourni par l'aponé-vrose superficielle, par suite de la facilité que les liquides trou-vent à en opérer le décollement. Dans le deuxième cas, l'infil-tration trouvant, dans l'aponévrose moyenne, un obstacle à-peu-près invincible pour se porter vers le périnée, se dirige de préférence vers la région prostatique, du côté du bassin , et fait souvent de grands progrès avant qu'on ait eu le temps de s'en apercevoir. Ultérieurement elle gagne l'excavation ischio-rectale ou la couche cellulo-graisseuse du périnée et des bourses; aussi le trajet qu'ont suivi les fusées inflammatoires et purulentes, est-il déjà un indice du point où existe une perforation de l'urètre. Tant que l'épanchement reste circonscrit entre les deux feuillets aponévrotiques, les bourses restent à l'abri de l'infiltration; mais aussitôt cpie l'aponévrose superficielle éraillée, amollieou ulcérée, se laisse traverser, elles deviennent le siège d'un gonflement con-sidérable, comme si le mal avait débuté parla couche cellulo-graisseuse; 6° au-dessus de l'aponévrose moyenne se trouve la partie antérieure des releveurs de lanus, dont les fibres des-cendent obliquement de haut en bas et de dehors en dedans, viennent entourer le rectum et se terminent sur les côtés de la prostate qu'elles soutiennent. Les faisceaux constricteurs de Vu-rètre, situés à ce plan, forment autour de la portion membra-neuse de l'urètre un anneau qui est divisé dans les tailles péri-néales et permet la dilatation des parties; 7° Laponévrose pel-vienne , surface interne de la cloison périnéale, tapisse la face supérieure des releveurs de l'anus ou le fond de l'excavation du bassin. Elle est percée de grands orifices pour laisser passer le rec-tum, l'urètre et les vaisseaux, et fournit des prolongemens qui viennent s'insérer sur les côtés de la prostate, en se confondant avec les fibres musculaires qui viennent aussi y prendre attache. Toutes ces parties forment un plancher solide et résistant qui sou-tient les viscères.
20 Prostate. Cette glande, dont nous avons déjà parlé à pro-pos de l'anatomie opératoire de l'urètre, enveloppe le col de la vessie et la portion dite prostatique de l'urètre; sur sa base et un peu par sa face inférieure qui est convexe, elle repose sur le rectum. Le sommet du cône, dont elle a la forme, regarde en avant et en haut, et sa base en arrière et en bas; les canaux éja-culateurs la traversent pour venir s'ouvrir dans le canal sur les côtés du veru montanum. De nombreuses veines, appelées plexus prostatiques, rampent à sa surface. Ces plexus sont surtout très développés chez les vieillards. Comme on le voit, les lésions de la prostate, incision et déchirure, présentent plusieurs dangers qui sont inévitables dans les tailles périnéales.
Dimensions de la prostate. Cette glande, dont les limites ne doivent pas être dépassées par l'instrument tranchant, formant le plus grand obstacle à la sortie des pierres, lorsepi'elles sont trop volumineuses , il est utile de connaître ses dimensions ; elles sont très variables surtout chez les vieillards où il est rare que la pro-state ne soit pas hypertrophiée. M. H. Bell, ayant examiné la prostate sur plus de quarante sujets de deux à quinze ans, a trouvé que ses dimensions variaient fort peu de quatre ans à la puberté. Voici les chiffres qu'il a donnés :
De deux à quatre ans.
Diamètre transverse. . . . 12 à i3 millimètres.
Bayon postérieur oblique . 4 à 5
Rayon postérieur direct. . . 2
Rayon antérieur direct. . . 1
De cinq à dix ans.
Diamètre transverse. . . . i3ài7
Rayon postérieur oblique . . 5 à 7
Rayon postérieur direct. . . 4^5
Rayon antérieur direct. . . 2
De dix ci douze ans.
Diamètre transverse. . . . 16 à 19
Rayon postérieur oblique. . 6 à 8
Rayon postérieur direct. . . 4 à 5
Rayon antérieur direct... 2 à 3
De douze à quinze ans.
Diamètre transverse. . • . 19 à 22
Rayon postérieur oblique. . 8
Rayon postérieur direct. . . 4 à 5
Rayon antérieur direct... 3
M. Senn , de Genève, ayant examiné un grand nombre de prostates chez l'adulte, a obtenu pour terme moyen de la lon-gueur des diamètres de cette glande :
Diamètre antéroqjostérieur. . 27 à 34 millimètres. Diamètre transversal. . . . 34 à 43 Diamètre vertical . . . . 22 à 27
Les rayons mesurés de l'urètre à la circonférence de la glande ont donné :
Rayon postérieur direct. . . 15 à 1 8 millimètres.
Rayon transversal allant direc-tement en dehors. ... 20
Rayons obliques en dehors et en arrière dans le sens de l'incision qu'exige la cysto-tomie latéralisée . . . . 22 à 25
Rayon direct en avant, se diri-geant vers la symphyse . . 4^7
L'urètre pouvant admettre, dans son intérieur, une sonde de 4 lignes (9 millimètres) de diamètre, ou de 27 millimètres de circonférence, en ajoutant cette quantité, qui est invariable, à
celle des rayons, on peut savoir approximativement le volume des calculs auxquels les incisions, faites dans les divers sens, peuvent donner passage. Ainsi, veut-on connaître le volume du plus gros calcul qu'on puisse extraire par les incisions obliques en dehors et en arrière dans le sens de l'incision qu'exige la cystotomie laté-ralisée? il suffit de prendre sa longueur, de 22 à 25 millimètres, et d'y ajouter les 5 millimètres qui représentent la moitié du diamètre de l'urètre, ce qui donne 27 millimètres ; en triplant cette mesure, avec la dilatation on aura 81 millimètres pour l'étendue de l'ori-fice, pouvant donner passage à un calcul d'une circonférence égale. Appliquant cette donnée à la taille bilatérale, composée de deux incisions obliques, semblables à la précédente , l'ouverture par laquelle doit passer le calcul a Ja forme d'un triangle isocèle, dont chacun des côtés à 22 millim. de longueur qui, réunis à 1 3 millim., représentant la longueur de la demi-circonférence de l'urètre font 57 millim. : la base en a i\o, ce qui fait en tout 97 millim. ou près d'un décimètre. Ce résultat présente quelque chose de surprenant, c'est que les incisions obliques de la taille bi-latérale, qui ont une étendue double de celle de la taille unilaté-rale, ne puissent donner passage qu'à un calcul, dont le volume l'emporte de si peu sur le précédent. Mais il faut remarquer que dans la taille bilatérale, telle que la pratiquait Dupuytren, l'in-cision était courbée en demi-lune et ne présentait plus un triangle, mais une courbe dont le contour avait plus d'étendue que celle du triangle.
M. Senn , chirurgien de Genève, a trouvé que l'ouverture qui permettrait le passage de plus gros calculs , serait celle qui se composerait de deux incisions, dont l'une serait oblique à gauche en arrière et en dehors , et l'autre transversale. Ces inci-sions auraient ensemble 40 et quelques millim., et pourraient laisser sortir un calcul qui aurait au moins 120 millimètres de cir-conférence ; mais nous verrons plus tard que c'est l'incision de Dupuytren qui permet le passage du plus gros calcul. Au reste, on aurait tort de prendre ces données comme étant d'une exac-titude mathématique ; car il faut tenir compte de l'extensibilité dont les tissus sont susceptibles lorsqu'ils sont à l'état sain, et se rappeler qu'une prostate hypertrophiée peut être incisée dans une étendue plus considérable que dans les cas où elle a ses dimen-sions ordinaires.
3° Vaisseaux du périnée. Les artères de cette région ont une grande importance. A part quelques rameaux fournis par la mé-sentérique inférieure, et les hémorrhoïdales au pourtour de l'ex-trémité inférieure du rectum, elles proviennent toutes de la honteuse interne. Cette artère se trouve accolée à la face interne de la tubérosité de 1 ischion et de la branche ascendante de cet os, où elle est bridée par une lame de l'aponévrose périnéale moyenne. Continuant toujours à marcher le long delà face interne de l'ar-cade pubienne, elle vient enfin se diviser vers la symphyse en ar-tères dorsale et caverneuse de la verge. Ainsi placée immédiatement au-dessus de la couche musculaire, et derrière les os, l'artère hon-teuse est immobile et à l'abride l'action desinstrumens tranchans. Dans son trajet, elle fournit trois branches principales : i° l'ar-tère hémorrhoïdale inférieure naît du tronc principal à 27 ou 34 millimètres en arrière du muscle transverse et se porte trans-versalement vers l'anus, au voisinage duquel elle se divise en un grand nombre de rameaux ; 2° l'artère superficielle du périnée abandonne la honteuse à 14 millimètres en arrière du muscle transverse, se porte dans la couche sous-cutanée, et sous ce mus-cle , qu'elle croise , et arrive dans l'excavation bulbo-caverneuse, t. vu.
où elle côtoie le bord interne du muscle ischio-caverneux pour venir se terminer dans le scrotum , dans le dartos et la cloison ; dans son trajet elle ne fournit aucun rameau important ; 3" l'ar' tère transverse du périnée, appelée aussi artère bulbeuse, se dè. tache presque toujours du tronc commun au niveau de l'extré-mité externe du muscle transverse, pour se rendre au bulbe en marchant presque transversalement de dehors en dedans. Dans son trajet elle se divise en trois rameaux; l'un se porte vers l'anus, l'autre entre l'anus et le bulbe, et le troisième au bulbe. Ce der-nier, qui est le plus volumineux et fait suite au rameau principal, n'atteint en général le bulbe que 3o à 34 millimètres au-devant de l'anus ; comme la division de ce vaisseau peut donner nais-sance à une hémorrhagie assez grave, afin de l'éviter, on a posé en principe, dans les tailles latérales, de ne pas commencer l'inci-sion à plus de 27 millimètres au-devant de l'anus. Mais la position de cette artère n'est pas si constante qu'elle ne naisse souvent beaucoup plus en arrière. C'est une anomalie qui, par cela même qu'elle est imprévue, ne permet pas d'éviter l'artère.
Veines. Elles sont généralement très développées et très nom-breuses chez les vieillards et les calculeux dans la région péri-néale , au bulbe et aux environs de la prostate, des vésicules sé-minales et du col de la vessie. Elles y forment souvent des plexus considérables qui, à la suite des incisions pratiquées au travers, laissent écouler en nappe du sang qu'on ne peut arrêter, ni par la ligature, ni par la cautérisation , les vaisseaux qui les fournis-sent étant à-la-fois trop nombreux et trop profondément situés. Les grandes veines du périnée accompagnent les artères et, par cette raison, ne méritent pas une description particulière.
Les nerfs principaux sontleshonteux internes qui accompagnent les artères du même nom, et se distribuent de la même manière.
OPÉRATION.
La taille périnéale se pratique suivant six méthodes qui por-tent les noms de petit appareil, grand appareil, appareil latéral, appareil latéralisé, tailles bilatérale et quadrilatérale.
PETIT APPAREIL.
On a long-temps attribué à Celse une méthode qui ne lui ap-partient pas en réalité : c'est celle du petit appareil, désignée sous le nom de Methodus Celsiana. M. Velpeau la décrit sous le nom de procédé d'Antylus ou de Paul d'Egine. Il est certain qu'elle ne ressemble en rien , quant à l'incision des tégumens et des parties molles, à celle dont Celse nous a laissé la description, et qui a donné lieu, de la part des auteurs, à tant d'interprétations di-verses, comme nous le verrons plus loin.
La méthode, dont il s'agit ici, appelée ultérieurement Methodus Guidoniana, du nom de Guy de Chauliac, qui, en 1363, la tira de l'oubli où elle était plongée depuis plusieurs siècles, reçut au vie siècle, vers l'époque où la méthode du grand appareil fut connue, le nom de Petit appareil, en raison du petit nombre d'instru-mens nécessaires pour l'exécuter; il ne faut en effet que deux in-strumens, savoir : un bistouri et une curette.
manuel opératoire.
Cette opération ne devant se pratiquer que sur des enfans de
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neuf à quatorze ans, un aide grand et vigoureux s'asseyait, sur une chaise, les cuisses et les genoux rapprochés, et recouverts d'un oreiller, plaçait sur lui le malade, étendu sur le dos, le siège porté sur le bord de l'oreiller , les cuisses relevées et écartées , les bras pendans et placés dans leur intervalle, afin que l'aide pût saisir avec chacune de ses mains le poignet et le bas de la jambe corres-pondant, pour contenir les mouvemens de l'opéré. Lorsque l'en-fant était trop fort pour pouvoir être contenu par un aide, on attachait solidement, deux chaises ensemble, on y faisait asseoir deux aides vigoureux, et l'on plaçait le malade comme précédem-ment sur leurs cuisses rapprochées et couvertes d'un oreiller, chacun d'eux n'ayant qu'un bras et une jambe à contenir; un autre aide se chargeait de relever les bourses. Le chirurgien, assis à une hauteur convenable ou placé vers le côté gauche du ma-lade , introduisait dans le rectum l'index et le médius gauches l'un après l'autre , bien graissés , les enfonçait lentement et avec douceur , aussi profondément que possible et que cela était né-cessaire, et pressait, avec l'autre main, sur l'hypogastre, pour ame-ner le calcul vers le bas-fond de la vessie. Il cherchait alors le calcul avec les doigts placés dans le rectum, et lorsqu'il l'avait trouvé il tâchait de l'amener et de le faire saillir sur le côté gau-che du périnée où il le maintenait, tandis qu'avec la main droite armée d'un bistouri, il faisait sur cette saillie une incision légère-ment oblique de haut en bas et de dedans en dehors , s'étendant depuis le raphé jusque sur le côté gauche de l'anus. Après avoir divisé la peau il continuait à inciser toutes les parties profondes qui recouvraient le calcul,jusqu'à ce qu'il l'eût mis à découvert, et lorsqu'il ne restait au-devant de lui aucunes fibres capables de mettre obstacle à sa sortie, s'il était petit, il le poussait en dehors à travers les lèvres de la plaie, avec les doigts situés dans l'intestin ; mais s'il était gros, il aidait sa sortie avec les doigts de la main droite, ou bien avec un crochet, la curette ou des tenettes. Enfin il était quelquefois obligé d'agrandir la plaie avec un bistouri bou-tonné, pour que la pierre pût la traverser. Le calcul étant sorti il avait soin d'examiner, comme on ne doit jamais manquer de le faire quelle que soit la méthode qu'on mette en usage, s'il n'y en avait pas d'autres, afin de les extraire de la même manière.
Suivant Boyer, les parties divisées dans cette méthode sont la peau , le tissu cellulaire, le muscle transverse, une portion du releveur de l'anus, la prostate et le col de la vessie qu'elle em-brasse, et quelquefois même une partie du bas-fond de ce viscère. M. Velpeau pense au contraire qu'on n'atteint que le côté gauche du col de la vessie, et qu'on laisse l'urètre et la prostate le plus souvent intacts. Il en donne pour motifs que les doigts n'enga-gent qu'assez rarement le calcul dans la portion prostatique de l'urètre ; qu'ils le fixent sur le trigone vésical, et que c'est à tra-vers la paroi du réservoir de l'urine lui-même, qu'on le déprime vers le périnée et qu'on le découvre avec l'instrument tranchant. C'est pour cette raison qu'il rattache le petit appareil à la mé-thode latérale , sous le nom de cystotomie proprement dite.
Telle que nous venons de la décrire, cette méthode mérite de graves reproches, ainsi : comme on ne sait pas au juste si l'incision tombera sur la prostate , ou bien en arrière ou en dehors de cette glande, on est exposé à couper les vésicules séminales et les ca-naux éjaculateurs, et à voir survenir des épanchemens dans le tissu cellulaire voisin, ou des fistules urinaires, des lésions du rectum et des vaisseaux du périnée. Mais avant les accidens de l'opération se présentent ses difficultés : telles sont celles qu'on éprouve à faire une incision nette sur une pierre mal assujettie et le plus souvent inégale, à l'accrocher avec les doigts et à l'extraire par une semblable ouverture; et enfin l'impossibilité d'introduire deux doigts dans le rectum chez les enfans trop jeunes. Au reste, maintenant que nous connaissons des procédés de beau-coup supérieurs et d'une exactitude presque mathématique, il serait superflu de s'étendre plus au long sur les avantages ou les inconvéuiens d'une méthode inusitée depuis long-temps, comme application générale, et dont l'emploi exceptionnel se restreint pour le cas où la pierre,en forme de gourde, s'est développée dans le col de la vessie, de manière à faire saillie au périnée , et s'y est assez fortement fixée pour qu'il ne soit pas possible de la re-pousser avec le cathéter sans courir le risque de déterminer la déchirure de cet organe.
GRAND APPAREIL OU TAILLE MÉDIANE.
Elle consiste à inciser les parties directement d'avant en arrière, un peu à gauche, tout près du raphé, depuis la racine du scro-tum jusqu'à un travers de doigt de l'anus, à ouvrir l'urètre et à dilater la plaie et le col de la vessie, de manière à pouvoir y in-troduire une tenette pour extraire la pierre.
Historique. « Le grand appareil, ditSabatier, n'a été ainsi nommé que parce qu'il exige un plus grand nombre d'instrumens que le petit. » D'après les témoignages les plus anciens , on croit qu'il aurait pris naissance dans l'ancienne ville italienne de Nor-cia, dont quelques habitans, sous le nom commun des Norcini, auraient acquis une grande réputation pour opérer la taille durant lexiv6 et le xv° siècle. Cette ancienneté est confirmée par un passage de A. Benedetti (Benedictus), d'où il résulte que de son temps , pour extraire la pierre, on incisait le col de la vessie par une plaie longitudinale au périnée (Nunc inter anum etcutem, recta plaga, cervicem vesicœ incidimi). Si c'est bien là la taille médiane, il n'y aurait donc point lieu, commele veut M. Bonino, d'après des documens trouvés dans les archives de Turin, à en déclarer le véritable inventeur Battista da Rapallo, le maître de Romani, mort en i5io. Et surtout les historiens auraient été en défaut qui, jusqu'à ce jour, avaient attribué à l'élève de Rapallo, Giovanni dei Romani (Joannes de Romanis), né à Casai et chi-rurgien à Crémone, la gloire de cette grande découverte. Cette succession d'efforts ressemble mieux à tout ce que l'on sait des inventions complexes qui, exigeant l'union de la théorie et de la pratique , ne surgissent pas de premier jet, mais se développent peu-à-peu par des progrès lents et gradués. Au reste, quoique Romani paraisse avoir généreusement démontré la taille médiane, ce n'est pas lui néanmoins qui la publia, et il semble même qu'il avait désiré, par piudence, en limiter la connaissance à quel-ques chirurgiens suffisamment habiles: c'est du moins ce qui résulte d'une lettre écrite par lui à Mariano Santo de Barletta (Marianus Sanctus), le révélateur de sa méthode, où, tout en louant l'exactitude et l'élégance de la description qu'il en avait donnée, il le blâme pourtant de l'avoir livrée à la tourbe des mauvais opérateurs, dont l'ignorance et la maladresse pouvaient en compromettre le succès. C'est donc à Mariano que l'on doit la première description du grand appareil, consignée dans son ouvrage intitulé : De calcalo et vesicâ extrakendo; et la recon-naissance publique l'en a récompensé en appelant, d'après lui, cette méthode du nom de Sectio Mariana qu'elle a conservé de-puis. Les dates précises de ces derniers faits, sont restées incer-taines, mais peuvent être rapportées de i5oo à i5a5. Ainsi d'un côté on établit la découverte de Rapallo vers i 5oo , ou celle de
Romani vers i5a3 ou 15a5, et d'un autre coté on assigne à la publication de Mariano , dépourvue de millésime, la date anté-rieure de i523, ou celle plus probable, de Douglas, en 1535-Sabatier , qui prend part à cette discussion , limite au moins la difficulté en citant sur cet objet deux lettres, dont l'une de Ro-mani, adressée à Mariano, est datée de i54o.
Quoi qu'il en soit, la publication de Mariano n'eut point les suites fâcheuses qu'en avait redoutées le démonstrateur du grand appareil, car personne n'osa pratiquer cette opération, et Maria-no, qui en demeura seul possesseur, la transmit avant de mourir à Octaviano da Villa, chirurgien de Rome d'une grande répu-tation.
Dans l'un de ses voyages en France, celui-ci rencontra Laurent Collot, habitant alors le bourg de Trainel situé près de Troyes en Champagne, qui passait pour très habile à pratiquer les opé-rations de chirurgie les plus difficiles et les plus délicates. Par suite de la confiance et de l'amitié qui s'établit entre eux, L. Collot apprit d'Octaviano sa méthode d'opérer la taille, et après la mort de son ami, qui eut lieu en 1556, il se trouva le seul qui sût l'exé-cuter. Aussi la renommée de ses succès étant parvenue jusqu'à la cour, le roi Henri II lui intima-t-il un ordre exprès de venir se fixer à Paris, où il créa en sa faveur une charge d'opérateur du palais pour la taille. Collot fit un secret de sa manière d'opérer, mais la transmit à sa famille, qui en demeura en possession jus-que vers la fin du xvie siècle. On sait par quel stratagème, à cette époque, les chirurgiens et les élèves de l'Hôtel-Dieu et de la Cha-rité réussirent à surprendre le secret de François Collot, le dernier opérateur de cette famille. Ils imaginèrent de faire un trou au plancher de l'amphithéâtre, juste au-dessus du lieu où était placé le patient, et réussirent à comprendre les divers temps de l'opé-ration qui dès-lors tomba dans le domaine public. Au reste, comme le fait observer Sabatier, bien que cette famille passât pour la seule qui connût le grand appareil^ il est probable qu'Oc-taviano et Mariano Santo avaient fait d'autres élèves en Italie, et que leur manière d'opérer était connue en France et à l'étranger, avant d'avoir été surprise aux Collot, puisque A. Paré, Fabrice de Hilden et autres l'ont décrite dans leurs ouvrages comme une mé-thode usuelle, avant le commencement du xvue siècle.
manuel opératoire.
Procédé ancien. —Appareil instrumental. Les instrumens du grand appareil étaient, i" un cathéter d'acier ou d'argent cannelé sur la convexité; a° un lithotome. Celui de Philippe Collot, re-présenté pl. 68, fig. 7 et 8, avait à-peu-près la forme d'une grosse lancette; c'est une chasse composée de deux plaques mobiles, renfermant une lame à deux tranchans, plus ou moins convexes. — 3° Conducteurs : il y en avait deux, l'un mâle, l'autre femelle. Le conducteur mâle se terminait, à son extrémité interne, par une languette polie et arrondie qui devait être insinuée dans la cannelure du cathéter. —4° Le gorgeret que Fabrice de Hilden substitua aux deux conducteurs était une gouttière assez large vers le inanche et assez effilée vers son extrémité interne, qui se termine par une languette destinée à pénétrer dans la cannelure du cathéter.— 5° Les tenettes étaient comme elles sont encore , à quelques modifications près, des espèces de pinces, terminées à leur extrémité vésicale par deux mors concaves, garnis d'aspé-rités propres à empêcher le calcul de glisser. Lorsque les tenettes étaient fermées, leurs mors restaient encore écartés de 3 à 4 milli-mètres, afin que, s'ils ne saisissaient pas la pierre, ils ne pussent pincer les parois de la vessie. — 6„ Le bouton, décrit sous le nom de curette (Pl. 68, fig. 36) était une tige d'acier, longue de 3o centimètres environ , portant sur sa longueur une vive arête qui servait à diriger les tenettes dans la vessie, et terminée d'un côté par un bouton, et de l'autre par une curette en forme de cuil-ler. — 7° Le dilatateur était composé de deux branches d'acier parallèles et convexes en dehors, pouvant s'écarter à volonté, sans cesser d'être parallèles, afin de dilater la plaie.
De tous ces instrumens un grand nombre formait donc une superfétation ; parmi eux, il n'y avait d'indispensable que le ca-théter, le lithotome, les conducteurs et les tenettes. D'ailleurs, la plupart ne servant plus à rien ne méritent d'être cités qu'à titre d'objets historiques.
Opération. On plaçait le malade sur une table inclinée de ma-nière que la poitrine et la tète fussent un peu élevées. Il était lié de façon que les mêmes liens, placés à la partie postérieure du cou et conduits autour des aisselles et des cuisses, fixaient en-suite les talons rapprochés des fesses et les mains ramenées vers les pieds ; trois aides le maintenaient dans cette position : l'un tenait le malade par les épaules, et les deux autres par les pieds et les genoux ; un quatrième présentait les instrumens à l'opéra-teur, et un cinquième devait relever les bourses (Royer).
Le chirurgien plaçait le cathéter, et renversant sa plaque vers la ligne blanche, de manière à ce que sa convexité fît saillie au périnée, il la donnait à tenir à l'aide qui devait relever les bour-ses; puis après avoir senti la cannelure à travers l'épaisseur des parties, il incisait avec le lithotome tenu de la main droite, comme une plume à écrire , la peau et le tissu cellulaire paral-lèlement au raphé, à quelques millimètres de celui-ci sur le côté gauche, depuis la racine des bourses jusqu'à un travers de doigt de l'anus; il coupait ensuite la couche musculaire, constituée seulement par le muscle bulbo-caverneux, traversait l'urètre dans sa région bulbeuse et parvenait dans la cannelure du cathéter. Maintenant alors la pointe contre l'instrument conducteur, il in-cisait les parois du canal de bas en haut ou d'avant en arrière. L'incision achevée, il retirait le lithotome en suivant la même di-rection, mais en sens opposé , toujours sans abandonner la can-nelure du cathéter, jusque vers la partie supérieure de la plaie. Ainsi placé , le lithotome servait à diriger le conducteur mâle vers ce point; lorsqu'il y était arrivé, on l'enfonçait plus profon-dément dans la vessie; on retirait complètement le lithotome et le cathéter , on faisait glisser le conducteur femelle sur le conduc-teur mâle, engageant la vive arête du second dans l'échancrure du premier, et on dilatait la plaie, ou plutôt on déchirait les par-ties , telles que les portions membraneuse et prostatique de l'urètre et le canal de la vessie, en écartant l'une de l'autre les ex-trémités libres des conducteurs, sans secousses et sans saccades. Ce n'était pas seulement à dilater la plaie qu'ils étaient destinés, mais aussi et surtout à diriger les tenettes, qu'on portait dans leur intervalle sans avoir préalablement dilaté. On substituait quelquefois un gorgeret aux conducteurs; mais alors, avant d'in-troduire les tenettes, on dilatait la plaie avec le doigt. Lorsque la vessie contenait plusieurs pierres et qu'il fallait introduire plu-sieurs fois les tenettes, si l'on avait retiré le gorgeret, on se servait du bouton qui leur servait de conducteur.
Procédé de Maréchal. Dans l'opération conduite ainsi que nous venons de le dire, l'incision bornée à la région bulbeuse de l'urètre et un peu à la région membraneuse, étant trop étroite,
obligeait à se servir d'instrumens dilatateurs qui déchiraient la prostate, le col de la vessie, quelquefois les vésicules séminales, les canaux éjaculateurs, et pouvaient même déterminer la sépa-ration complète de l'urètre, d'où résultaient des inflammations vio-lentes, desorchites, des fistules urinaires ou des incontinences d'urine, la stérilité et, enfin, fréquemment la mort. Imbu de ces inconvéniens et de ces dangers, Maréchal crut pouvoir les éviter en prolongeant l'incision plus loin inférieurement. Dans ce but, il employait un lithotome à lame plus allongée et plus étroite ; lors-que celle-ci était parvenue dans la cannelure du cathéter, il pre-nait cet instrument par sa plaque, et lui faisait décrire lentement un mouvement de bascule par lequel il forçait son bec à se relever; pendant ce mouvement, appelé le coup de maître, la lame du lithotome, dont la pointe n'abandonnait pas sa cannelure, était poussée en arrière dans la vessie et en bas vers la prostate, pour l'inciser dans son diamètre antéro-postérieur. Par ce procédé Maréchal obtenait une incision de 20 à 22 millim. de longueur, qui intéressait en même temps les régions bulbeuse, mem-braneuse et prostatique, et qui lui permettait d'extraire avec promptitude des calculs assez volumineux. Il obtint de la sorte un grand nombre de succès; mais il était bien difficile, pour ne pas dire impossible, de porter l'incision aussi loin en arrière sans atteindre le rectum, et sans faire courir au malade le risque de conserver une fistule recto-vésicale après la guérison.
Procédé de Vacca Berlinghieri. Ce chirurgien, qui contribua le plus à perfectionner et à répandre la taille recto-vésicale, s'ar-rêta, après divers essais comparatifs, à la taille médiane, qu'il crut être nouvelle : voici comment il agissait. Le malade étant placé comme nous l'avons dit plus haut, avec un bistouri ordinaire terminé par une languette étroite propre à favoriser son glisse-ment dans la cannelure du cathéter, il incisait le périnée sur la ligne médiane depuis la racine des bourses jusqu'auprès de l'a-nus. Après avoir divisé tous les tissus qui recouvrent la région bulbeuse, le bulbe lui-même, et une portion du sphincter ex-terne , la région membraneuse se trouvant à découvert, le doigt indicateur gauche, porté au fond de l'incision dans la cannelure du cathéter, lui servait de guide pour y conduire la pointe du bistouri, qu'il enfonçait dans la vessie à une profondeur de un centimètre, en même temps qu'il soulevait le cathéter vers la sym-physe; alors abaissant le tranchant du bistouri, dont la pointe abandonnait la cannelure conductrice, tandis que son talon res-tait appliqué contre elle, il le retirait à l'extérieur en élevant le poignet, et divisait, clans ce mouvement, la prostate et la partie membraneuse dans le sens du diamètre antéro-postérieur. Im-médiatement après, le doigt indicateur gauche, reporté dans la plaie, indiquait si ses dimensions étaient assez grandes pour permettre au calcul de la traverser. Lorsqu'elle était jugée trop étroite, le même doigt servait de guide pour conduire le bistouri et pour agrandir la plaie.
Procédé de Guérin de Bordeaux. Lorsque ce chirurgien avait ouvert l'urètre dans ses parties bulbeuse et membraneuse, comme dans le procédé de Vacca, il introduisait dans la plaie une tige de carotte sèche, qu'il renouvelait tous les matins en augmen-tant son volume dans le but de dilater la plaie, et ne tentait l'ex-traction du calcul qu'au bout de plusieurs jours, lorscpie l'orifice était assez large pour lui donner passage.
Appréciation de la taille médiane. Pratiquée en suivant à la
lettre le procédé de Mariano Santo ou des Collot, la taille mé-diane est une mauvaise opération, à cause des nombreux acci-dens auxquels on est exposé par la dilatation et la déchirure con-sécutive des parties. Au contraire, pratiquée par les procédés de Maréchal ou de Vacca, non-seulement elle ne donne plus lieu aux mêmes accidens, mais on peut dire que, sous certains rap-ports, elle est moins dangereuse que les tailles latérales, car elle n'expose à couper aucuns vaisseaux qui puissent donner lieu à une hémorrhagie. En revanche elle est beaucoup plus fréquem-ment suivie de la lésion du rectum, qui laisse quelquefois après la guérison une infirmité dégoûtante; et en outre, comme on ne divise la prostate que sur la ligne médiane, ou suivant son plus petit diamètre, on n'obtient pas ainsi une ouverture aussi grande que dans les cas où l'on fait à cette glande une incision latérale. Cette dernière objection n'est pourtant pas insoluble ; on com-prend qu'une fois le bistouri parvenu clans la cannelure du ca-théter et la portion membraneuse de l'urètre incisée, rien ne serait plus facile que d'y substituer un lithotome double deDu-puytren et d'agrandir l'ouverture à droite et à gauche. Cette simple modification constitue une sous-méthode que nous ne faisons qu'indiquer pour ne pas empiéter sur ce qui nous reste à dire. Considérée en elle-même, la taille médiane, par le procédé de Maréchal ou de Vacca, est encore employée assez fréquem-ment par quelques chirurgiens. M. Clot, entre autres, annonçait, dès l'année 183a, l'avoir pratiquée i3 fois avec succès ; toutefois on lui préfère généralement la taille latéralisée.
TAILLE LATÉRALISÉE.
Long-temps confondue avec la taille latérale dont nous parle-rons plus tard, la taille oblique ou latéralisée consiste essentiel-lement dans la division de la partie membraneuse de l'urètre prolongée au travers de la prostate suivant ses rayons obliques ; tandis que, dans la taille latérale, l'incision ne porte que sur la par-tie gauche de la face inférieure du corps de la vessie, en laissant intacte la prostate.
Historique. L'origine de la taille latéralisée n'est pas bien con-nue.Francoparaît,àla vérité, en avoirdonnélepremierlespréceptes, mais il n'est pas certain qu'il en ait été l'inventeur. Du reste, les indications qu'il donne sont précises : il faut, dit-il (1), commencer par introduire dans la vessie une sonde courbe et cannelée sur sa convexité, puis, après avoir incisé les parties molles extérieures dans une direction oblique, on glisse le bistouri dans la cannelure de la sonde, qui doit lui servir de guide pour diviser le col de la vessie obliquement de dedans en dehors du côté de l'ischion. Franco, à la vérité, recommande de pratiquer l'incision à droite; mais ainsi que le fait remarquer M. Velpeau, il est possible, pour ne pas dire probable, qu'il ait entendu parler de la droite de l'o-pérateur, ce qui correspondrait à la gauche de l'opéré. Toutefois, bien que Franco, G. Fabrice et quelques autres auteurs connus-sent la méthode latéralisée, elle ne commença à se répandre que vers la fin du xviic siècle, par les efforts du Frère Jacques, l'un des personnages les plus singuliers parmi ceux dont les noms figurent dans l'histoire de la chirurgie. Cet homme, dont la vie la plus étrange n'a pu étouffer les rares qualités , était né de pa-reils obscurs et pauvres dans un village de la Franche-Comté. Con-traint de s'engager pour le service militaire, à l'âge de seize ans,
(1) Thèses de Haller, tome 3, traduet. française.
sachant à peine lire et écrire; puis libéré du service à vingt-et-un ans, il suivit pendant cinq ou six ans un empirique nommé Pau-loni qui parcourait les campagnes où il pratiquait la taille. A la fin, n'ayant pas voulu accompagner cet homme à Venise, sa pa-trie, et dépourvu de tous moyens d'existence, il chercha à mettre à profit les leçons qu'il en avait reçues, et se fit lithotomisle am-bulant. Après avoir exercé, pendant une dizaine d'années ce mé-tier, car c'était un véritable métier pour lui qui n'avait aucunes notions scientifiques, imaginant sans doute inspirer plus de con-fiance sous un habit respecté, il endosse une robe de moine, qui n'appartenait à aucun ordre religieux, puis adaptant à ce costume de fantaisie un nom de même origine, le roturier Jacques Bau-lot, métamorphosé désormais sous le nom plus sonore de Frère Jacques de Beaulieu, apparaît vers 1695 à Besançon, où il taille avec succès plusieurs personnes, et entre autres un chanoine. En 1697, il se rendit à Paris, muni de nombreux certificats et d'une lettre du chanoine de Besançon pour un autre chanoine, de Notre-Dame. Ce dernier le présenta à M. de Harlay, premier président du parlement , qui donna ordre aux médecins de l'Hôtel-Dieu d'examiner sa capacité. Frère Jacques pratiqua sa première opération sur un cadavre dans la vessie duquel on avait introduit une pierre. Voici, au rapport de M. Méry, le procédé suivant lequel il pratiqua cette opération.
Premier procède du Frère Jacques. « Il introduisit dans la « vessie une sonde massive , exactement ronde , sans cannelure, « et d'une figure différente de celles des sondes dont se servent « ceux qui taillent suivant l'ancienne méthode; il prit un bis-« touri un peu plus long que ceux dont on se sert ordinairement, « avec lequel il fit une incision au côté interne de la tubérosité « de l'ischion gauche, et coupant obliquement de bas en haut en « profondant, il divisa tout ce qu'il trouva de parties, depuis la « tubérosité de l'ischion jusqu'à la sonde qu'il ne retira point ; « après avoir fait cette incision, il introduisit un doigt dans la « vessie pour reconnaître la situation de la pierre. Cela fait, il « retira le doigt et introduisit dans la vessie un petit instrument « pour dilater la plaie et faciliter la sortie de la pierre. Cet in-« strument ressemble à un grattoir dont on se sert pour effacer a l'écriture sur le papier, à la différence qu'il n'est tranchant que « d'un côté, et que son manche est une longue tige d'acier. Au « moyen de ce dilatateur il introduisit des tenettes dans la vessie, « retira aussitôt le conducteur, et après avoir cherché et chargé « la pierre, il ôta la sonde de l'urètre; ensuite il retira avec la « tenette la pierre de la vessie par l'incision qu'il y avait faite, ce « qu'il fit avec beaucoup de facilité, quoique la pierre fût grosse « comme un œuf de poule. »
L'examen anatomique des parties, fait en présence des méde-cins et chirurgiens de l'Hôtel-Dieu, démontra que l'instrument avait d'abord traversé des graisses, puis avait passé entre les mus-cles érecteurs et accélérateurs gauches sans les blesser; enfin, qu'il avait pénétré dans la vessie en divisant latéralement son col dans toute sa longueur, et i3 millimètres environ de son corps.
Méry, étonné d'un résultat aussi satisfaisant, fit un rapport très favorable. Mais de nouvelles expériences cadavériques faites à l'Hôtel-Dieu ayant, démontré que Frère Jacques, loin de réussir toujours aussi bien, n'intéressait pas constamment les mêmes par-ties, et que faute d'avoir un guide sûr, il tombait quelquefois sur des parties qu'il était important de ménager, Méry fit sur son pro-cédé un second rapport beaucoup moins favorable. Néanmoins, à t. vu.
quelque temps de là, Frère Jacques, tailla, à Fontainebleau, sous lepatronnage de Duchesne, premier médecin des princes, un malade avec le plus grand succès; puis six autres sur lesquels il réussit également. Moins heureux au commencement de 1698, il éprouva des revers à Paris et à Versailles; toutefois, malgré ces insuccès, il fut chargé par l'administration des hôpitaux d'opérer, au mois d'avril suivant, quarante-deux pierreux à l'Hôtel-Dieu et dix-huit à la Charité. Tous les médecins et chirurgiens de Paris mirent un empressement extrême à en être les témoins. Sur le total de ses soixante opérés, Frère Jacques en perd it vingt-trois ; il en resta dans les hôpitaux vingt-quatre, atteints les uns d'incontinence d'urine, et les autres de fistules urinaires; les treize autres furent parfaitement guéris. En examinant les parties divisées sur les ca-davres de ceux qui avaient succombé, on trouva que chez les uns le bas-fond de la vessie avait été ouvert, que chez d'autres l'incision avait porté sur le col, et que sur quelques-uns l'urètre était complètement séparé de la vessie. Chez les femmes le vagin présenta constamment deux ouvertures en sens opposé. De plus, sur un grand nombre, le rectum offrit de graves lésions, les incisions delà vessie étaient irrégulières et l'organe délabré. Frère Jacques , rendu injuste par le malheur, osa imputer ses revers aux chirurgiens et aux religieux de l'Hôtel-Dieu et de la Charité, en les accusant d'avoir introduit à son insu des instrumens tran-chans dans la vessie de ses opérés. Mais ces imputations inju-rieuses furent repoussées par l'opinion publique, qui attribua les insuccès à leur véritable cause, c'est-à-dire à l'absence de canne-lure dans le cathéter, ce qui faisait que l'instrument, privé de guide, au lieu d'agir toujours sur les mêmes points, s'égarait sou-vent et coupait des parties qu'il aurait fallu ménager. Frère Jac-ques, ennuyé et chagriné par le peu d'encouragement qu'il trou-vait, quitta Paris et parcourut diverses villes en France et à l'étranger. Orléans, Aix-la-Chapelle et Amsterdam, furent les principaux théâtres où il se montra pendant l'année 1698. On rapporte qu'il y réussit très bien. L'année suivante il séjourna en Hollande, où il n'obtint que de médiocres succès. En 1700, il revint en France, où le premier médecin de Louis XIV, Fagon, qui était atteint de la pierre, le reçut chez lui à Versailles, et lui fit faire beaucoup d'expériences sur le cadavre. Duverney qui faisait la dissection des parties divisées, reconnut, lui aussi, que la méthode du Frère Jacques était bonne, et que son incertitude tenait à l'absence de cannelure du cathéter ; il lui conseilla donc d'apporter cette modification au sien. Ce dernier, reconnaissant la justesse de cette observation , s'empressa de faire canneler les cathéters. A dater de ce moment, Frère Jacques obtint des succès nombreux et mérités, et la taille latéralisée se trouva définitive-ment constitué.
Ici commence la seconde époque de cet homme extraordinaire. Jusqu'alors ignorant et hardi, on l'avait vu opérer à tort et à tra-vers, tantôt bien, tantôt mal; mais dès cet instant on le vit cher-cher à s'instruire et tâcher de joindre la théorie à la pratique, afin de pouvoir répondre aux critiques dont il était accablé, et qui l'avaient déconcerté, parce que son défaut de connaissances l'avait empêché d'écrire. Dansles commencemensde 1701,11 partit pour Angers, où il rencontra, dans Hunault, médecin distingué de cette ville, un habile directeur qui lui apprit à connaître les parties qu'il coupait. Aussi, muni de son cathéter cannelé et des connaissances anatomiques qu'il venait d'acquérir, tailla-t-il avec succès plusieurs personnes riches et recommandables de l'endroit. Encouragé par ces heureux résultats, il revint à Versailles au printemps de 1701, où il fit 38 opérations qui réussirent toutes.
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Eni7'o3 il tailla et guérit vingt-deux calculeux, réunis par le ma-réchal de Lorges dans son hôtel ; mais le maréchal qui, lui-même, était atteint de Ja pierre, fut opéré et succomba le lendemain de l'opération. Cet.accident, qui tenait à l'état, fongueux de la vessie, et à ce que la multiplicité des pierres qui y étaient contenues avaient rendu plus longues les manœuvres de l'opération, causa au Frère Jacques un vif chagrin, et le détermina à quitter de nou-veau Paris pour reprendre ses voyages. En i 704, il passa en Hol-lande et s'arrêta à Amsterdam, où il obtint tant de succès que les magistrats de la ville firent graver son portrait avec ces mots au bas : Frater Jacobus Beaulieu, anachoreta Burgundus, litho-tomus omniumperitissimus. Plus tard, après de nombreuses cures obtenues dans les autres villes de la Hollande, il reçut des ci-toyens de ce pays, pendant qu'il était à Bruxelles , une médaille d'or sur laquelle était gravé son portrait, portant une sonde à la main, avec cette inscription : Pro servatis civibus.
En 3707, il revint en France où il obtint la permission d'opé-rer dans tout le royaume; alors il continua ses voyages jusqu'en I7i3, époque à laquelle il retourna à Besançon où il mourut, dit-on, le 6 décembre 1714- Û paraît, d'après Normand, qu'il ne serait mort qu'en 1720, après avoir long-temps habité chez les bénédictins, dans une maison qu'il avait fait bâtir.
En 1702, Frère Jacques avait décrit sa manière d'opérer avec tous les perfectionnemens qu'il y avait apportés, dans un ouvrage qui ne fut tiré qu'à un petit nombre d'exemplaires. Toutefois en 1701 Hunault avait déjà donné une description de cette méthode dans un ouvrage accompagné de planches dessinées par lui, mais qui n'a jamais été imprimé. M. Velpeau, dans son Traité de Mé-decine opératoire, tire de là occasion d'attribuer à Hunault l'in-vention du procédé de la taille latéralisée, que pratiquait Frère Jacques, et d'en déposséder ce dernier; mais, à notre avis, ce serait là être trop injuste à l'égard du Frère Jacques. Evidemment si ce célèbre lithotomiste ne divisait pas toujours exactement les mêmes parties de la vessie, cela tenait uniquement à l'absence de cannelure dans son cathéter, et à son ignorance en anatomie; dans tous les cas, on ne saurait lui refuser d'avoir appliqué le premier sa méthode, à quoi nous ajouterons qu'il en a donné la première des-cription; car l'histoire ne tient pas compte des manuscrits qu'il est toujours possible d'antidater. Nous continuerons donc à rapporter le principe de la taille latéralisée au Frère Jacques.
Bien que Jacques de Beaulieu n'ait jamais fait un secret de sa manière d'opérer; quoique lui et Hunault l'eussent publiée en détail, ainsi que nous l'avons dit : après sa mort personne ne la connaissait et ne se trouvait en état de l'exécuter, excepté un nommé Raw, Allemand d'origine, qui professait à Amsterdam l'anatomie et la chirurgie.
Procédé de Raw. Il est probable que ce procédé était le même que celui de Frère Jacques; nous disons il est probable, parce que nous ne le connaissons que par ce qu'en a dit Albinus, dans un ouvrage intitulé : Index spellectilis anatomiœ Ravianœ, pu-blié en 1726; et encore ce n'est qu'après avoir interprété et même rectifié le texte de cet auteur, qu'on s'est accordé à assi-miler les deux manières d'opérer; car il paraît que Raw n'a jamais rien écrit sur ce sujet.
Voici ce qu'en dit Albinus : « Après avoir placé son malade « comme on le fait ordinairement, il fixait ses mains iinmé-« diatement au-dessous des genoux avec deux bandes de laine, « et le faisait tenir par des aides comme nous l'avons dit. Ces « dispositions étant prises, il introduisait dans la vessie un ca-« théter cannelé, plus gros que celui dont on se servait dans le « grand appareil, afin que le lithotome fût moins exposé à sortir « de sa cannelure; il en saisissait la plaque avec la main gau-« che, l'inclinait vers l'aine et la cuisse droite du malade, dans « le but de faire saillir sa cannelure sur le côté gauche du pé-« rinée, à l'endroit où il voulait agir, puis il faisait en ce point « une incision commençant à un pouce ou deux travers de doigt « au-devant de l'anus, et se dirigeant vers la tubérosité de l'is-« chion. Après avoir coupé la peau et. la graisse, il portait le « pouce et l'indicateur de la main droite dans la plaie pour cher-« cher la convexité du cathéter qu'il tenait toujours de la main « gauche. Lorsqu'il l'avait trouvée , il portait la pointe de son « lithotome dans cette plaie, et l'enfonçait lentement et avec « précaution vers la cannelure de la sonde, en coupant tout ce « qu'il rencontrait dans la direction de la plaie des tégumens. « A mesure qu'il approchait de la vessie, il devenait plus circon-« spect ; il enfonçait son doigt indicateur droit tantôt dans le « rectum pour reconnaître sa position, et pour éviter de l'attein-« dreavec son instrument, tantôt dans la plaie pour reconnaître, « encore la cannelure du cathéter. Alors qu'il avait senti cette « dernière, comme l'incision de la vessie était le temps le plus « important de l'opération , il recommandait aux aides de conte-« nir solidement le malade, et à celui-ci de faire le moins de « mouvemens possibles, puis il poussait la pointe de son lithotome « vers la sonde. Lorsqu'il était assuré qu'elle était arrivée dans « sa cannelure, il la conduisait en haut, puis en bas, entamait « la vessie et y faisait une plaie assez grande; mais n'osant aller « trop loin, dans la crainte de blesser le rectum, il y substituait « le conducteur mâle, le poussait dans la vessie, dirigeait sur lui « le conducteur femelle, et terminait en dilatant la plaie. »
Dans cette description. Albinus ne dit pas positivement quelles étaient les parties de la vessie qu'incisait Raw, et il serait diffi-cile de le dire autrement que par induction, attendu qu'on n'en a jamais fait la vérification analomique. Toutefois il est pro-bable qu'il incisait le col du viscère plutôt que son corps : c'est du moins l'opinion généralement reçue. Le conseil que Raw donnait toujours à ses élèves de lire Celse, lequel dit : Plaga facienda est quâ cervix aperiatur, fit penser à Heister qu'il coupait le col de la vessie sur le cathéter, au lieu de le couper sur le calcul; opinion qui se trouve fortifiée par la manière dont il plaçait son cathéter et la direction qu'il donnait à sa plaie. Du reste, il est notoire que Raw assista souvent aux opérations de Frère Jacques soit avant, soit après la rectification de sa mé-thode; qu'avant de l'avoir vu il opérait par la méthode du grand appareil; qu'après avoir assisté à ses opérations, il se livra à un grand nombre d'essais sur le cadavre, et adopta l'appareil la-téralisé, sur lequel, en 1718, il écrivait de Leyde à Winslow : Si je voulais vous détailler ici tous les avantages de cette méthode de faire la taille, prouvés par plus de mille exemples, je passerais les bornes d'une lettre.
Raw, très heureux dans ses opérations, fut reconnu comme fort habile par Frère Jacques lui-même, qui écrivit aux magistrats d'Amsterdam qui le redemandaient : « Vous avez dans Raw un homme plus habile que moi. » Il fut nommé lithotomiste d'Am-sterdam et de Leyde, et dans moins de quinze ans eut occasion d'opérer plus de i5oo pierreux, puisqu'en 1713 il disait dans un discours prononcé à Leyde, qu'il avait taillé par sa méthode 1 547 individus affectés de calcul.
Quoiqu'il en soit, après la mort de Raw, cpii arriva en 1719, sa méthode se trouva encore ignorée, et pour la retrouver il fallut
procéder à de nouvelles recherches sur le cadavre. Les chirur-giens anglais furent les premiers à s'en occuper. Cheselden, chi-rurgien de l'hôpital Saint-Thomas, fut celui qui fit le plus d'ex-périences et qui arriva le premier à retrouver la taille latéralisée. Dans ses premiers essais, il employa un cathéter sans cannelure; sur dix malades opérés de cette manière quatre moururent, et un de ceux qui guérirent resta long-temps malade et éprouva de vio-lens accidens. Cheselden résolut dès-lors d'essayer le procédé de Raw en suivant exactement la description qu'en donne Albinus, c'est-à-dire en incisant la vessie dans son corps. Mais les mauvais résultats qu'il obtint l'engagèrent à y renoncer. De nouvelles expériences sur le cadavre lui apprirent bientôt que, par ce pro-cédé, on ne pouvait s'empêcher de diviser la partie membraneuse de l'urètre et le col de la vessie, et qu'il était par conséquent inu-tile de chercher à tomber sur le corps. Il s'empressa donc d'o-pérer de cette façon et obtint des succès éclatans. Voici son pro-cédé.
Procédé de Cheselden. Il employait, i" un cathéter dont la cannelure s'étendait dans toute la longueur de la courbure; u° un lithotome semblable à un scalpel, dont la lame longue de 5 à 6 centimètres avait un tranchant convexe (Pl. 68, fig. 9); 3° un gorgeret plus large que ceux dont on se servait alors, et 4° des tenettes dont l'une des branches était terminée par un anneau et l'autre par un crochet mousse.
Le malade étant placé et lié comme dans le grand appareil, Cheselden introduisait son cathéter dans la vessie, en renversait la plaque vers l'aine droite , et le donnait à tenir à un aide qui devait en presser la cannelure contre le côté gauche du périnée en même temps qu'il relevait les bourses. Alors, libre des deux mains, ce chirurgien tendait la peau avec la gauche, tandis qu'a-vec la droite , armée de son lithotome, il faisait sur la saillie du cathéter une incision oblique commençant au raphé, à 27 mill. environ au-devant de l'anus, et allant se terminer à-peu-près au milieu de l'espace qui sépare cet orifice cle la tubérosité de l'is-chion. La peau, le tissu cellulaire , l'aponévrose superficielle et les graisses étant coupées, il introduisait son doigt indicateur gauche dans la plaie pour chercher la cannelure du cathéter. Lorsqu'il l'avait trouvée, il y introduisait son ongle qui devait servir de guide au lithotome, avec lequel il divisait tous les tissus intermédiaires couche par couche. Lorsqu'il y était arrivé, il re-commandait à l'aide cle relever doucement le cathéter jusqu'à ce que sa concavité embrassât les os pubis, afin cle l'éloigner du rec-tum, en même temps il faisait glisser dans sa cannelure l'instru-ment dont le tranchant tourné en bas divisait obliquement la prostate et le col cle la vessie à mesure qu'il pénétrait dans ce viscère, tandis qu'avec deux doigts de la main gauche il repous-sait à droite l'intestin rectum.
Telle est la description que Morand , envoyé à Londres, aux frais de l'Académie des sciences, pour étudier le procédé de Che-selden, publia en 1731 dans les mémoires de ce corps savant. Le chirurgien anglais ne pratiquait pas toujours l'opération dont il s'agit suivant le procédé décrit par Morand : celui auquel il se fixa en définitive en différait même beaucoup. M. Velpeau dit dans sa médecine opératoire qu'il donnait de 5 à 10 centimètres l'incision extérieure, et que cette incision devait tomber entre les muscles bulbo et ischio-caverneux et découvrir l'urètre jusqu'au sommet delà prostate, puisque pour diviser la prostate il refou-lait le rectum à droite et en arrière avec le doigt indicateur gau-che placé dans la partie postérieure cle la plaie, faisait glisser sur l'ongle cle ce doigt un bistouri légèrement concave, arrivait au col cle la vessie, tombait dans la cannelure du cathéter et divisait la prostate et le col d'arrière en avant, en tirant vers lui le li-thotome , dont le tranchant était tourné vers la symphyse pu-bienne.
Quoi qu'il en soit, en même temps que Cheselden retrouvait la taille latéralisée en Angleterre, et avant que rien n'eût été pu-blié sur sa méthode, Garengeot etPerchet, chirurgiens de la Cha-rité , après de nombreuses expériences cadavériques faites dans cet hôpital, arrivaient au même but, en sorte qu'à l'époque oû Morand publia le procédé anglais (1731), Perchet avait déjà ap-pliqué avec succès, au mois de septembre 1729, celui que Ga-rengeot et lui avaient imaginé quelques mois auparavant.
Le procédé de Perchet ne diffère pour ainsi dire pas de celui cle Cheselden, publié en 17.31 par Morand. La plaie extérieure étant faite dans la même direction , et les tissus intermédiaires à la peau et à la vessie étant divisés de la même manière, Perchet ouvrait l'urètre, glissait son lithotome d'avant en arrière clans la cannelure du cathéter, dont il faisait relever la plaque pour éloi-gner sa convexité du rectum, continuait à enfoncer son instru-ment dans la vessie sans abandonner la cannelure conductrice, et divisait en abaissant le poignet la prostate suivant son rayon oblique gauche d'avant en arrière et de dedans en dehors.
Procédé de Ledran. Ce procédé, qui n'ajoute rien de bon à la taille latéralisée, se pratiquait à l'aide d'un bistouri en rondache, de 14 millimètres de largeur, et d'une sonde cannelée. Après avoir attaché son malade d'une manière un peu différente de l'ordi-naire , mais qui est trop insignifiante pour en parler, Ledran introduisait dans la vessie le cathéter cannelé, faisait aux parties extérieures une incision commençant vis-à-vis de la partie infé-rieure du pubis, et se terminant à 4 centimètres plus bas que l'endroit où il avait senti le bas de la courbure du cathéter; puis il enfonçait la pointe de son lithotome dans la cannelure, divisait l'urètre de bas en haut jusqu'à la hauteur cle l'incision de la peau, faisait glisser sa sonde cannelée sur la lame de l'instrument tran-chant dans la rainure du cathéter qu'il retirait aussitôt, cherchait à reconnaître avec sa sonde le volume du calcul, la plaçait en-suite dans une direction horizontale, le dos appuyé contre le sommet cle l'arcade des pubis, faisait glisser son lithotome dans sa cannelure qui était dirigée vers l'espace qui sépare l'anus de la tubérosité de l'ischion et divisait la partie membraneuse de l'urètre , la prostate et le col de la vessie. Enfin pour extraire la pierre il remplaçait la rondache par un gorgeret sur lequel il faisait glisser les tenettes.
Bien que dans ce procédé l'opérateur divise le bulbe de l'u-rètre, qu'on doit autant que possible éviter, plusieurs chirur-giens cle mérite, tels que Schmucker, A. Burns, etc., lui [ont donné une approbation qu'il est loin de mériter.
Procédé de Moreau. Après avoir fait placer son malade comme d'habitude, et introduit son cathéter, qui était très courbé, Moreau, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu, prenait son litho-tome dont la lame, très étroite et très acérée, était enveloppée de linge jusqu'à 27 millimètres cle sa pointe; faisait aux tégu-mens et au tissu cellulaire une longue incision clans le sens or-dinaire, et cherchait avec le doigt indicateur cle la main droite, porté dans la plaie, la cannelure du cathéter pour y enfoncer la pointe de son lithotome. Lorsqu'il l'avait rencontrée, il re-
levait la plaque du cathéter pour porter sa courbure vers la symphyse pubienne, et l'éloigner de l'intestin ; faisait glisser l'in-strument tranchant jusqu'à l'extrémité de sa cannelure, tournait son tranchant vers la tubérosité de l'ischion, relevait le poignet, et retirant à lui le lithotome, divisait, en pressant dessus, la pro-state et le col de la vessie. Lorsque le défaut de résistance lui annonçait que ces parties étaient incisées, il abaissait le poignet de manière à n'intéresser, en sortant, que la peau et les graisses, et à laisser les parties intermédiaires intactes; en agissant ainsi, Moreau avait pour but de faire une large ouverture au col de la vessie pour faciliter la sortie des calculs, de diviser largement la peau et le tissu cellulaire pour éviter l'infiltration de l'urine dans ces parties ; de ménager les parties intermédiaires, parce qu'elles contiennent les principaux vaisseaux, et enfin d'éviter le rectum , son incision dans toute son épaisseur représentant deux cônes adossés par leurs sommets tronqués.
Procédé de Lecat. Lorsque Lecat fut devenu chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen , il pratiqua d'abord la taille la-téralisée par le procédé de Cheselden et de Perchet; mais bien-tôt il voulut avoir sa manière et ses instrumens particuliers. En 1733 il inventa deux instrumens, l'un destiné à couper les parties extérieures et à inciser l'urètre, raison pour laquelle il le nomma urétrotome ; l'autre, qu'il appela cystotome, parce qu'il devait servir à diviser la prostate et le col de la vessie. Ces deux instru-mens portaient sur une des faces de leur lame une rainure qui s'étendait jusqu'à la pointe, et qui servait à conduire le gorgeret; il corrigea plusieurs fois ses instrumens. Le cathéter dont il se servait portait un manche au lieu d'une plaque.
Le malade étant assujetti, et le cathéter placé comme de cou-tume , Lecat incisait la peau suivant une ligne oblique partant du raphé à 27 millimètres au-devant de l'anus, et allant se ter-miner en dedans de la tubérosité de l'ischion gauche. Lorsque l'urètre était découvert il l'incisait dans sa partie membraneuse, puis, faisant glisser le cystotome dans la rainure de l'urétrotome, il retirait ce dernier instrument lorsque l'autre était parvenu dans la cannelure du cathéter; relevant alors la courbure du cathéter vers le pubis, pour éviter de léser le rectum en sui-vant sa cannelure, il faisait glisser le cystotome dans la vessie et divisait dans ce mouvement la prostate et le col vésical, suivant la même direction que la plaie extérieure, et dans une étendue qui dépendait de la largeur de son instrument, jamais trop ce-pendant, car il avait pour devise : petite incision profonde, large incision extérieure. Enfin il terminait en faisant glisser dans la vessie, au moyen de la rainure du cystotome, son gorgeret qui servait à conduire les tenettes.
Lecat, en posant le principe que nous venons de rapporter, avait pour but de faire comprendre tout le danger qu'il pouvait y avoir à dépasser les limites de la prostate; son procédé, quoi-que bon en ce sens, n'a cependant pas été adopté d'une manière générale.
Procédé de Pouteau. Pendant que Pouteau exerçait les fonc-tions de chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, il imagina le procédé suivant : son cathéter avait un manche terminé par un anneau; son lithotome (Pl. 68, f. 10) était un petit couteau à tranchant convexe et à lame courte, différant fort peu de celui de Cheselden.
Ponteau plaçait le petit doigt de la main gauche dans l'anneau de son cathéter, et relevant lui-même les bourses, il faisait son incision extérieure comme ses devanciers, avec cette légère dif-férence qu'il la faisait commencer un peu plus près de l'anus; puis , avec l'indicateur droit, reconnaissant le cathéter pour s'as-surer que sa cannelure était bien placée, il continuait à inciser les parties profondes couche par couche, en ayant le soin de sentir constamment le cathéter avec le bout du doigt qui dépas-sait la pointe du litholome; lorsque celle-ci était parvenue à l'urètre, il l'enfonçait dans la cannelure conductrice, vis-à-vis du bulbe, élevait le poignet, continuait de pousser pour faire pénétrer la lame plus profondément, et divisait dans ce mou-vement la partie membraneuse de l'urètre et la plus grande par-tie de l'épaisseur de la prostate, sans comprendre le col de la vessie en totalité dans son incision. Après avoir placé son gor-geret, Pouteau poussait ses tenettes avec lenteur, mettait beau-coup de douceur et de patience pour retirer la pierre, et re-commandait d'agir de la même façon, prétendant que c'était un des plus sûrs moyens d'obtenir de bons résultats. Il se vantait de n'avoir eu que trois morts sur cent vingt opérés par ce procé-dé , qui diffère peu de celui de Lecat, comme il est facile de le voir, car son but principal est de ne pas dépasser les limites de la prostate, et d'obtenir peu-à-peu, sans regarder ni au temps ni à la patience, une dilatation assez grande de la plaie pour permettre l'extraction de la pierre.
La pensée de ne pas dépasser les limites de la prostate, mise en pratique par Moreau, Lecat et Pouteau, s'était tellement con-vertie en règle que les chirurgiens cherchaient une méthode cer-taine pour y parvenir lorsque Frère Conte donna le procédé sui-vant.
Procédé de Frère Corne. Il consiste à introduire dans la vessie, par une plaie faite au périnée , un instrument dont la lame est cachée pendant son introduction, et à couper la prostate et le col de la vessie de dedans en dehors, avec cette lame qu'on fait sortir en pressant sur un ressort.
L'instrument que Frère Côme a proposé est imité du bistouri caché de Bienaise; il porte le nom de lithotome caché (Pl. 68, fig. 18 et 18 bis). Long de 26 centimètres ; il est formé de deux pièces principales. i° La tige de réception arrondie , plus grosse vers le manche que vers l'extrémité, légèrement convexe sur l'un de ses bords et concave dans le sens opposé, longue de 1 2 centi-mètres; elle est creusée d'une cannelure, large de 2 millimèt., dans laquelle s'engaîne la lame au repos. Son extrémité pré-sente une languette mousse et aplatie , destinée à pénétrer et à glisser dans la cannelure du cathéter. Vers le point où se termine la fente et du côté de la convexité, se trouvent deux éminences destinées à recevoir une vis autour de laquelle la lame décrit un arc de cercle lorsqu'on la fait sortir de la gaine. Depuis le point où finit la fente jusqu'au manche, la tige a 5 à 6 centimètres de longueur, et se termine par un appendice qui le traverse d'un bout àl'autre. 2°Lalameun peu moins longue que la tige, se trouve, lorsque l'instrument est au repos, renfermée tout entière dans la fente dont nous avons parlé. Son tranchant règne sur sa con-vexité, et se termine aux deux éminences avec lesquelles elle s'ar-ticule au moyen d'un coude aplati qu'elle forme en ce point. Un levier long de 1 o à 11 centimètres, courbé en S et aplati vers son extrémité, fait suite à cette lame. Lorsqu'on appuie le pouce dessus il bascule et fait sortir la lame qui rentre aussitôt qu'on cesse la pression. Le mécanisme est commandé par un ressort dont une des extrémités est fixée par une vis sur la tige, tandis que l'au-tre, élevée en l'air, se trouve placée sous l'articulation du levier.
Le manche (Pl. 68 , lig. t 8), en bois , en corne ou en ivoire, est taillé à six pans inégaux, inégalement distans du centre de la tige. Ces pans présentent les numéros 5, 7, 9, 11, i3 et 1 5, qui indiquent en lignes la quantité dont la lame s'éloigne de sa gaîne lorsqu'on appuie sur la bascule; le chiffre 5 est placé sur le pan le plus élevé, et le chiffre ! 5 sur le plus rapproché de l'axe de la tige. Une virole rivée à l'extrémité de la broche qui traverse le manche sert à fixer la tige sur celui-ci; cette virole présente, sur un de ses côtés, des crans qui correspondent aux pièces du man-che. Les crans sont destinés à recevoir une bascule qui pénètre en même temps dans une rainure placée sur la tige. Lorsqu'on appuie sur cette bascule , elle abandonne la rainure et l'on peut, faire tourner la tige sur le manche, de manière que la lame cor-responde au pan que l'on choisit.
Manuel opératoire. Frère Côme, après avoir placé et éson malade comme à l'ordinaire, introduisait dans la vessie le cathéter cannelé le plus gros possible et proportionné à l'âge de son ma-lade. Puis il incisait les parties extérieures comme dans les pro-cédés précédons (PI. 62, fig. 1). Lorsqu'il croyait être arrivé à l'urètre, il cherchait avec le doigt indicateur gauche la rainure du cathéter, et en logeait médiateinent le bord gauche entre la pulpe et l'ongle sur lequel il faisait glisser la pointe du bistouri. Parvenu dans la cannelure conductrice, il élevait un peu le poignet et le manche du bistouri pour l'enfoncer plus profondément, puis il les abaissait pour fendre la partie membraneuse du canal, dans l'étendue de 20 à 25 millimètres ; alors il replaçait le bord gauche de la cannelure du cathéter entre la pulpe et l'ongle du doigt indi-cateur gauche sans intermédiaire, prenait avec la main droite Je lithotome, préalablement disposé pour s'ouvrir au degré conve-nable, le pouce en dessus , les trois derniers doigts en dessous, l'indicateur allongé sur sa tige, et faisait glisser sa languette sur l'ongle dans la cannelure du cathéter. Lorsque le frottement mé-tallique et la sensation des deux bords de la cannelure lui indi-quaient qu'il y était parvenu, il saisissait la plaque du cathéter, la relevait presque perpendiculairement, de manière à embrasser les os pubis dans la concavité de cet instrument, et faisait glisser en même temps l'extrémité du lithotome de bas en haut, afin qu'elle n'abandonnât pas la cannelure, et que son bec n'allât pas s'engager entre le rectum et la vessie où il aurait pu déterminer des déchi-rures et des accidens graves. « Ce mouvement simultané de bas en « haut, ditBoyer, était de la plus grande importance : par ce moyen « il restait, entre la convexité du cathéter et la paroi inférieure « de l'urètre, un espace qui permettait au lithotome d'entrer fa-« cilement dans le canal. » Lorsque les deux instrumens étaient ainsi placés, le chirurgien, après s'être assuré, en les frottant l'un contre l'autre, qu'ils étaient encore en contact, poussait le litho-tome dans la vessie en le faisant glisser jusqu'au cul-de-sac de la cannelure du cathéter, dont il amenait un peu la plaque vers lui. Alors il les séparait, touchait la pierre avec l'extrémité de son lithotome pour bien s'assurer encore qu'il était dans la vessie, retirait le cathéter et s'occupait de déterminer l'incision des par-ties en coupant la prostate et le col de la poche urinaire. Dans ce but, il portait la tige de son instrument sous l'arcade des pubis, et prenait un point d'appui contre le pubis droit, de façon que la lame fût dirigée suivant la plaie extérieure (Pl. 62, fig. 2). Lors-qu'il jugeait que cette tige était assez enfoncée dans la vessie pour dépasser son col d'environ 27 millimètres, il la saisissait avec la main gauche dans le point où elle s'unissait au manche, la fixait solidement contre la partie du pubis que nous avons indi-T. vu.
quée, pressait avec la main droite sur la bascule jusqu'à ce que son extrémité touchât le pan correspondant, afin de faire sortir la lame de sa gaîne, et tirait à lui horizontalement la totalité de l'instrument, jusqu'au moment où le défaut de résistance et la longueur de la partie qui était ramenée à l'extérieur lui indi-quaient que la prostate et le col de la vessie étaient incisés (Pl. 62, fig. 3). Enfin, il terminait son extraction en abaissant le poignet, afin d'éviter de blesser le rectum avec l'extrémité de la lame. Lorsqu'on retire le lithotome de la vessie, on recommande avec raison de le placer dans une position parfaitement horizontale et de donner au tranchant de la lame une direction semblable à celle de la plaie extérieure, parce que si l'on élevait le poignet, on courrait le risque de blesser le bas-fond de la vessie avec l'extré-mité delà lame; si on l'abaissait, on n'inciserait pas la prostate et le col de la vessie dans une étendue proportionnelle à celle des parties extérieures. Si on le portait trop en dehors on s'ex-poserait à diviser l'artère transverse du périnée, ou tout autre branche naissant de la honteuse interne. Et enfin, en le portant trop en dedans, le tranchant de la lame regarderait trop en bas et pourrait atteindre le rectum. C'est surtout de la lésion du bas-fond de la vessie ou de l'intestin qu'il est le plus difficile de se garder. Pour éviter l'un ou l'autre de ces accidens, Boyer a pro-posé de faire au procédé de Frère Côme quelques modifications dont nous allons parler.
Procédé de Boyer. « Pour éviter, dit-il, les accidens en ques-« tion, je me sers du lithotome caché de la manière suivante : « Chez les adultes et les vieillards, je n'ouvre jamais la lame de « l'instrument au-delà du n' 11, quelque volumineuse que me « paraisse la pierre, et le plus ordinairement je ne l'ouvre qu'au « n° 9 ; j'aime mieux agrandir l'ouverture lorsque je me suis trompé « dans l'appréciation du volume du calcul que de pratiquer d'a-ce bord une grande incision dans laquelle je pourrais compro-« mettre des parties qu'il est essentiel de ménager; au lieu de ce porter la tige du lithotome contre l'arcade des os pubis, je l'ap-te plique contre la partie inférieure du col de la vessie pour la ce rapprocher du point le plus large de cette arcade : j'appuie la ce partie concave de cette tige contre la branche du pubis droit, ce de manière que le tranchant de la lame se trouve tourné presque ce en dehors; je fais sortir cette lame de sa gaîne en pressant sur « sa queue, et je retire l'instrument dans cette direction ; niais et lorsque je juge, par la longueur dont l'instrument est sorti de la ce plaie et par le défaut de résistance, que la prostate et le col de te la vessie sont coupés, je cesse de presser sur la queue de la iame et afin que celle-ci rentre dans sa gaîne, et je retire l'instrument « fermé. Depuis que je me sers du lithotome caché de cette ma-te nière, il ne m'est jamais arrivé d'ouvrir une artère qui ail « donné lieu à une hémorrhagie un peu considérable; par la di-te rection que je donne au. tranchant de la lame il est impossible tt d'intéresser l'intestin rectum, accident qui laisse presque tou-« jours une fistule, urinaire et stercorale, incurable, et qui a lieu et plus souvent en employant le lithotome caché comme on le fait te ordinairement, qu'avec les autres instrumens dont on se sert « pour inciser la prostate et le col delà vessie. Dans cette manière « d'employer le lithotome caché, l'incision intérieure est pres-te que transversale et forme un angle très obtus avec l'incision et extérieure, mais cet angle s'efface aisément par la pression « exercée avec le doigt et n'oppose aucun obstacle à l'introduc-« tion de la tenette et à l'extraction de la pierre. » Il est de fait qu'en se servant dulithothome, comme il l'indique, Boyer réus-
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sissait très bien clans ses opérations de taille. Le seul reproche qu'on puisse adresser à son procédé est d'inciser la prostate sui-vant un rayon moins grand que le rayon oblique gauche.
L'instrument de F. Côme a été diversement jugé. Il est certain qu'il présente comme tous les autres des avantages et des incon-véniens. On a dit qu'il exposait plus que tous les autres à blesser le rectum, ou le bas-fond de la vessie à mesure que l'urine sor-tait. Qu'il abandonnait facilement la cannelure du cathéter, et pouvait filer, sans qu'on s'en aperçût, hors de la vessie et clans les tissus voisins; enfin, qu'il était sujetàdiviser les vaisseaux honteux et surtout l'artère transverse du [périnée. Mais, ainsi que le dit Boyer, ces reproches doivent moins tomber sur l'instrument que sur l'opérateur qui n'a pas toujours l'habileté nécessaire pour Je manier, et qui ne prend pas toujours les précautions convena-bles. Dans le but d'éviter la lésion du bas-fond de la vessie, Caqué, de Reims, fit. arrondir et émousser l'extrémité de la lame : depuis on lui a fait subir quelques modifications d'une faible importance ( voy. pl. 68, fig. 19 et 20). Elles portent: 1° sur le manche qui est fixe, et au lieu de présenter des pans inégaux est arrondi, ou présente des pans égaux et sans numéros ; 20 Sur la queue de la lame à l'extrémité de laquelle est fixé le ressort dont l'extrémité mobile appuie et glisse sur la tige. Sur cette queue sont placés un bouton curseur et des numéros : on obtient un degré d'ouverture de la lame plus ou moins grand, sui-vant qu'on fixe le bouton sur un numéro plus ou moins élevé. Ces modifications sont dues à M. Charrière.
Les avantages du lithotome caché sont de diviser la prostate et le col vésical, dans des limites déterminées à l'avance, plus sûre-ment et plus facilement qu'avec tout autre instrument. Et c'est précisément en cela que consiste le perfectionnement le plus important de la taille latéralisée.
L'incision de la prostate est plus nette qu'avec le bistouri, parce qu'elle est faite de dedans en dehors et sans saccade pen-dant que les parties sont tendues, tandis qu'avec le bistouri elle se fait autant de dehors en dedans que dans le sens opposé. Le lithotome caché devra donc être préféré au bistouri par les chi-rurgiens cpii sont peu familiarisés avec les opérations, et ne con-naissent pas parfaitement l'anatomie des parties sur lesquelles les circonstances peuvent les appeler à opérer.
F. Côme n'est pas le seul qui ait cherché à rendre l'opération de la taille latéralisée plus facile ; un grand nombre de chirur-giens ont inventé dans ce but des instrumens particuliers. L'un des principaux est le cathéter de Guérin de Rordeaux (pl. 68, fig. 5).
Procédé de Guérin. Ce procédé est fondé sur l'invention d'un cathéter formé de deux branches parallèles b et d, unies au moyen d'un anneau a. La branche b est courbée et cannelée comme les cathéters ordinaires; seulement une fois qu'elle a formé son coude arrondi, la partie courbe redevient presque droite, la branche b est terminée par un étau e dans lequel glisse un tro-cart f cannelé sur la partie inférieure qui traverse le périnée, et vient tomber dans la rainure du cathéter sans courir le riscpie de se dévier. La cannelure du trocart sert de guide pour faire l'incision extérieure, et pour conduire le lithotome dans la vessie. Ces deux parties de l'opération s'exécutent comme dans les autres procédés. Avec cet instrument on peut pratiquer la taille latéra-lisée ou la taille médiane.
Cathéter de Savigny. Cet instrument (pl. 68, fig. 6) est un cathéter ordinaire a, sur la plaque duquel est adopté un trocart courbe b, qui peut s'éloigner ou se rapprocher à volonté de la branche a au moyen d'une charnière. Lorsque cette branche a est placée clans la vessie, et. que le trocart b a sa pointe dans la cannelure de la première , après avoir traversé le périnée, la rai-nure cpii règne sur la convexité de la branche b sert de guide au bistouri pour faire l'incision extérieure et pour pénétrer dans la vessie.
Adams, Earle et Smith ont aussi imaginé des cathéters dans le but de faciliter la découverte de l'urètre, et la pénétration dans la vessie; mais tous ces instrumens, ou sont restés sans applica-tions ou n'ont été appliqués que par leurs auteurs. Us ne mé-ritent pas, en effet, d'être tirés de l'oubli où ils sont tombés, car un chirurgien instruit, et un peu exercé, n'éprouvera jamais de sérieuses difficultés pour découvrir l'urètre et arriver dans la vessie, en suivant les règles établies plus haut, soit pour faire l'incision des parties extérieures, soit pour inciser la prostate et le col de la vessie.
Un autre instrument propre à inciser les parties profondes, c'est-à-dire la prostate et le col de la vessie, fut imaginé vers la fin du siècle dernier, en Angleterre, par Hawkins; de là le procédé de ce chirurgien, modèle de tous ceux où l'on se sert de gorgerets tranchans.
Section de la prostate et du col de la vessie avec le gorgeret tran-chant.—Procédé de Hawkins. L'instrument employé par cet opé-rateurest un véritable gorgeret à-peu-près semblable à celui dont on se servait dans le grand appareil, mais plus large, régulièrement concave, rendu tranchant sur un de ses bords dans une grande éten-due , et présentant une large languette qui en occupe toute la par-tie moyenne. Le bord tranchant est celui qui regarde la tubérosité sciatique gauche, lorsque sa convexité est tournée vers le rectum. Pour se servir de cet instrument, après avoir incisé les parties ex-térieures dans la direction ordinaire, et ouvert la partie membra-neuse de l'urètre, on place le bord droit de la cannelure du cathéter entre l'ongle et la pulpe du doigt indicateur gauche ; on fait glisser la languette aplatie du gorgeret sur l'ongle ainsi placé, dans la cannelure conductrice ; on prend toutes les précautions pour s'assurer que les deux instrumens sont bien en contact, et lorsqu'on en est certain, on saisit la plaque du cathéter de la main gauche, on lui fait subir le mouvement de bascule dont nous avons déjà parlé, et lorsqu'il est suffisamment relevé, on pousse le gorgeret dans la vessie, sans abandonner sa rainure. On s'arrête, lorsque l'urine sort, et qu'on n'éprouve plus de résistance; c'est là le signe que la prostate et le col de la vessie sont incisés.
Le gorgeret de Hawkins , presque généralement adopté en Angleterre et en Allemagne, présente l'avantage incontestable d'éviter sûrement le rectum, et de le protéger par sa convexité, qui s'applique dessus, pendantque lui-même s'enfonce dansla ves-sie. Dans ce mouvement son bord tranchant est dirigé transversa-lement vers la branche ischiatique; ce qui met l'artère honteuse et la transverse du périnée à l'abri de son atteinte. Mais d'un antre côté, il offre de graves inconvéniens : ainsi en agissant d'avant en arrière, et refoulant les parties devant soi, on est exposé à ne pas les diviser, ou bien à n'y faire que des incisions trop petites, qui, pour être agrandies, nécessitent l'emploi du bistouri; par-fois aussi la résistance des parties oblige à employer une certaine force : or si cette résistance vient à être vaincue tout-à-coup, le gor-geret s'enfonce profondément dans la vessie, et peut perforer sa paroi postérieure. On lui reproche encore de produire des inci-sions variables en grandeur, par suite du plus ou moins d'élas-
ticité et de résistance des parties, et du plus ou moins d'éléva-tion ou d'abaissement du cathéter.
Plusieurs modifications ont été apportées dans la construction du gorgeret lithotome de Hawldns; Dcsault. rendit sa concavité beaucoup moins prononcée, plaça le bouton sur le bord mousse, cl rétrécit la partie émoussée de son extrémité : ces corrections loin d'améliorer l'instrument le rendirent plus dangereux pour le rectum et pour le bas-fond de la vessie; aussi ne furent-elles pas adoptées. Blicke fit disposer la languette du gorgeret de ma-nière qu'elle ne pût s'échapper de la gouttière du cathéter, avant d'être arrivée vers son extrémité. Au lieu de donner à la gouttière une. forme concave, Abcrnethy lui donna une forme triangu-laire. iScarpa voulait que le gorgeret, très étroit vers son extré-mité libre, allât toujours en s'élargissant vers la queue; et que le bord tranchant et le bord mousse formassent deux plans in-clinés, réunis sous un angle de soixante-neuf degrés, de manière que le tranchant incisât la prostate suivant une ligne faisant un angle de même valeur avec l'axe de l'urètre. Le gorgeret lithotome de Bromfield, qui était destiné à élargir la voie, ser-vait de conducteur à une lame oblique par le glissement d'une arête dans une coulisse de réception ( pl. G8 , fig. 22 ). M. Roux, en France, est pour ainsi dire le seul qui ait adopté le gorgeret tranchant : celui dont il se sert (pl. 68, fig. 28) a le tranchant d'un bistouri ordinaire convexe, terminé par un bouton à son extré-mité libre; ce n'est qu'à la distance de 4 centimètres environ de son extrémité qu'il prend la forme d'une gouttière propre à diri-ger les tenettes.
Le gorgeret de Hawldns, tel que nous l'avons décrit, est encore préférable à toutes les modifications qu'on a tenté de lui substi-tuer. Un de ses avantages les plus incontestables, dit M. Velpeau, bien qu'il n'ait pas été remarqué, se trouve dans la direction qu'il donne à l'incision delà prostate; cette incision semi-lu-naire, dont la convexité regarde en arrière et à droite, figure un arc dont la corde, d'environ 7 lignes ( 16 millim.), doit pouvoir s'agrandir, sans déchirure, de deux à trois lignes (4 à 6 millim.) quand on vient à l'allonger pendant l'extraction du calcul.
Emploi du bistouri pour inciser la prostate et le col de la vessie. Après le lithotome caché de F. Come , et le gorgeret de Hawldns, on en est revenu à l'emploi du bistouri pour inciser la partie profonde dans la taille. A. Dubois employait une espèce de scal-pel convexe. Grœfe de Berlin en fait autant. Dupujtren enfonçait par ponction un bistouri droit dans la cannelure du cathéter, à travers le périnée, le faisait glisser dans la vessie, puis, comme A. Dubois, incisait en le retirant, la prostate, le col de la vessie et toutes les parties extérieures dans la direction ordinaire. Le doc-teur Mott, de New-York, agit à-peu-près de la même façon.
Une pareille manière d'opérer ne présente pas de très grandes difficultés pour un opérateur habile et exercé , comme il est fa-cile de s'en assurer en l'expérimentant sur le cadavre. Cependant, l'épaisseur des parties constituantes du périnée , peut nécessiter de la part de l'opérateur une pression et des efforts cpii le fassent agir par saccade, et soient suivis d'une division des parties pro-fondes qui dépasserait les limites de la prostate; il vaudra donc mieux suivre le procédé ordinaire.
Modifications dans T incision de la prostate et du col de la vessie. —Procédé de Thompson (1808). Il consiste à inciser les parties profondes en haut et en dehors avec le lithotome, et cela dans le but de ménager le rectum et les artères périnéales.Mais cette modification qui sort tout-à-fait des règles ordinaires, ne divisant la prostate que dans un de ses plus petits rayons a été rejetée, avec d'autant plus de raison qu'elle exposait plus que l'incision oblique postérieure à la division des artères du périnée. D'un autre côté, Dupujtren avait pensé qu'il éviterait encore plus sûre-ment les parties importantes en terminant son incision directe-ment en haut. Pour y parvenir, lorsqu'il était arrivé dans la vessie , après avoir divisé la partie membraneuse de l'urètre et un peu la prostate, il tournait le tranchant du bistouri ou la lame du lithotome de F. Corne en haut et un peu à droite, dans la même direction que la branche ischio-pubienne gauche, et le retirait dans cette position. C'est dans la même intention que M. Panta-léo (i834) incisait un peu la prostate, d'abord en arrière et à gauche, puis en avant et à droite. Ces trois procédés ne donnant lieu qu'à de très petites incisions de la portion prostatique, ne pouvaient être mis en usage que dans le but d'extraire de très petits calculs. S'ils eussent été adoptés, leur emploi eût donc été très restreint; aussi ne méritent-ils d'être cités que pour mé-moire. En pareil cas, d'ailleurs, la lithotritie serait préférable.
En résumé , dans tous les procédés de taille latéralisée qui ont succédé à celui du Frère Jacques, on voit que les parties molles sont à-peu-près divisées de la même façon, et qu'ils ne diffèrent que dans la manière de diviser la prostate et le col de la vessie. Le point essentiel, en incisant ces parties, est de les diviser dans la plus grande étendue possible sans dépasser les limites de la prostate. C'est là ce qu'on fait dans tous les procédés où l'on in-cise cette glande de haut en bas, et de dedans en dehors dans le sens de ses rayons obliques.
TAILLE LATÉRALE.
Bien que cette espèce de taille n'ait pour ainsi dire jamais été usitée dans la pratique , si ce n'est par ceux qui l'ont inventée, nous ne pourrions la passer sous silence sans laisser une lacune fâcheuse dans l'histoire de la lithotoinie.
On a donné le nom de taille latérale à une méthode dans la-quelle les parties extérieures sont le plus souvent incisées comme dans la taille latéralisée, mais où la section profonde, au lieu d'intéresser la partie prostatique de l'urètre et le col de la vessie, est limitée au corps de ce viscère.
Procédé de Foubert. C'est à ce chirurgien qu'est due la taille latérale ; Foubert pensant que Raw ouvrait le corps de la vessie et que c'était à cette circonstance qu'il devait la réussite de ses opérations, résolut d'ouvrir la poche urinaire dans le point où elle correspond à la partie la plus large de l'arcade pubienne. Pour cela il rechercha ce point, en distendant la vessie d'un cadavre avec de la cire molle, et découvrit qu'il correspondait à la partie inférieure et latérale du périnée; puis il ponctionna, avec un tro-cart, la vessie d'un autre cadavre, distendue par de l'eau, et réussit à la vider.
Pour pratiquer son opération , il se servait d'un trocart dont la tige avait 3 4 à i5 centimètres de longueur et le manche y centimètres ; la canule présentait une cannelure qui régnait jusqu'auprès de son extrémité, et qui était destinée à diriger la pointe du couteau qui devait diviser les parties.
Avant de mettre son procédé en usage, il injectait de l'eau dans la vessie, ou recommandait à son malade de garder ses urines, et s'assurait si la vessie était suffisamment pleine, car deux fois il avait manqué ce viscère pour avoir omis cette précaution. Lors-
qu'il avait acquis cette certitude, il introduisait son doigt indica-teur gauche dans le rectum pour le placer sur le côté droit, puis il enfonçait horizontalement son trocart, qu'il tenait de la main droite, à un grand travers de doigt au-dessus de l'anus, et aussi près que possible de la tubérosité de l'ischion gauche, en tournant sa cannelure en haut. L'urine qui s'échappait par cette voie l'avertissait qu'il était arrivé dans la vessie. Alors, le manche tenu de la main gauche, il retirait un peu le poinçon, le contenait avec la main droite , en engageait la pointe dans la cannelure et l'enfonçait dans les parties jusqu'à ce qu'elle trouvât l'obstacle formé par la petite traverse qui termine cette cannelure près de son extrémité. A ce moment de l'opération, l'urine qui sortait en plus grande quantité lui annonçant positivement qu'il était entré dans la vessie, il dégageait la pointe de son couteau de la cannelure du trocart, la portait un peu en haut, en abaissant le poignet, tournait son tranchant vers le raphé et tirait un peu à lui, en même temps qu'il abaissait le trocart, dans le but d'in-ciser la vessie dans l'étendue de 27 à 3o millimètres ; puis il repla-çait la pointe de son couteau dans la cannelure et le retirait tout entier en élevant le poignet et en incisant les parties extérieures de bas en haut, à-peu-près comme dans la taille latéralisée. Enfin il terminait comme dans les autres méthodes.
Procédé Thomas. C'était le même que celui de Foubert, ex-cepté qu'il agissait de haut en bas, au lieu de bas en haut, et terminait par où l'autre commençait. L'instrument dont il se servait était très compliqué. Il consistait dans la réunion du tro-cart de Foubert et d'une espèce de lithotome caché, analogue à celui de Frère Côme, dont la tige pouvait s'allonger au moyen d'une crémaillère placée sur la bascule, suivant la grandeur qu'on voulait donner à l'incision. Cet instrument était en outre muni d'un gorgeret qu'on introduisait du même temps.
Tout étant disposé, Thomas enfonçait horizontalement son in-strument dans la partie latérale gauche du périnée, à un travers de doigt au-dessous de la réunion des pubis, et le plus près pos-sible de la branche gauche. Lorsqu'il était arrivé dans la vessie, il dirigeait le tranchant de la lame en bas et en dehors , pressait sur la bascule du lithotome, et le retiraitàlui après avoir toutefois détaché le petit gorgeret pour ne pas l'entraîner en même temps. Lorsqu'il était sur le point de terminer la section, il abaissait forte-ment le poignet pour agrandir la plaie des tégumens vers la partie inférieure du périnée, et pour éviter la lésion du rectum.
La méthode latérale, par elle-même, est vicieuse, aussi est-elle complètement abandonnée des chirurgiens. Comme nous l'avons dit, c'est la taille latérale que pratiquait Frère Jacques, avant d'avoir cannelé son cathéter, puisqu'il tombait souvent sur le corps de la vessie. Quant à la méthode, son vice essentiel est qu'elle ne permet pas de diviser toujours les mêmes parties; ainsi, d'après la direction de l'instrument ou la profondeur à la-quelle il agit, on tombe trop en avant, trop en arrière, ou trop sur le côté, et l'on court le risque de blesser les vésicules sémi-nales, les uretères , le cul-de-sac du péritoine lorsqu'il descend très bas, et enfin le rectum. Quant aux procédés , ceux de Fou-bert et de Thomas sont trop peu certains, et ils exigent, surtout le dernier, l'emploi d'instrumens trop compliqués pour qu'on puisse en faire usage, en supposant même qu'on voulût adopter la taille latérale. Dans ce cas, il vaudrait beaucoup mieux commen-cer par inciser les parties extérieures, couche par couche, et arriver à la vessie en se servant de la cannelure du cathéter comme guide. Mais encore cette méthode ainsi pratiquée, non seulement ne ga-rantirait pas suffisamment, des accidens sus-énoncés, mais en outre, exposerait à la division des artères principales du périnée, la direction et la longueur de l'incision n'étant soumises à aucun calcul.
TAILLE BILATÉRALE OU TRANSVERSALE.
Cette espèce de taille se trouve décrite dans Celse dont le pro-cédé est indiqué par ce peu de mots : Incidi super vesicœ cervi-cem, juxta anum, cutis plagâ lunatâ, usque ad cervicem vesicœ débet, cornibus adcoxas spectantibus paululùm. Il fallait ensuite couper transversalement les tissus au tond de la plaie semi-lunaire (Pl. 64, fig. 1). Cette manière de pratiquer la taille, long-temps confondue avec le petit appareil décrit par les auteurs grecs, constitue de nos jours une méthode particulière. C'est l'explica-tion erronée de ce passage : Cornibus ad coxas spectantibus paululùm qui a donné lieu à toutes les méprises et à toutes les confusions. Ninnin , et après lui quelques chirurgiens , avaient attribué à la phrase précédente cette signification que les extré-mités de la plaie, faite en forme de croissant, devaient regarder un peu vers les aines. D'autres, et c'était le plus grand nombre, croyaient qu'il fallait entendre que la concavité du croissant fût dirigée vers la cuisse gauche, et ses extrémités vers l'aine et la tu-bérosité sciatique correspondantes. Un troisième groupe d'in-terprétateurs, parmi lesquels nous pouvons citer Normand de Dole, en 1741; Portai, en 1754, et Deschamps dans son ouvrage sur la taille , etc., avaient cependant traduit le passage de Celse en ce sens : faire près de l'anus une incision en forme de crois-sant dont les extrémités devaient être tournées vers les cuisses. Mais soit inattention, soit que l'on comprît que la concavité de la plaie devait être tournée en avant, et ses extrémités vers les aines, cette dernière explication, qui ne précisait rien et prétait à l'équivoque, passa inaperçue comme les autres. Bromfield est le premier qui ait penché pour la version contraire, c'est-à-dire celle dans laquelle on admet que la concavité de l'incision regarde le rectum, et ses extrémités les tubérosités des ischions. Chaussier adopta cette dernière opinion; deux puissans motifs l'y déterminèrent : le premier résultait de ses recherches et de ses méditations sur le texte de Celse, à l'aide desquelles il parvint à découvrir que le mot coxee ne signifiait pas seulement cuisses , aines, etc., mais avait plus spécialement pour objet de désigner les os larges du bassin, les articulations coxo-fémorales, et les tu-bérosités des ischions ; le second découla d'expériences faites dans ce sens, sur le cadavre, par M. Ribes. Néanmoins, comme les opinions même les mieux fondées, fussent-elles émises par les hommes les plus éminens , ont besoin de la sanction du temps pour se populariser , celle de Chaussier n'appela d'abord point l'attention. En i8o5, M. Marchand, dans sa thèse inaugurale, est le premier qui s'en constitua le défenseur, mais sans réussir à la faire accepter. En i8i3, Béclard la reproduisit avec tout aussi peu de succès ; et, en 1818, le docteur Turck ne fut pas plus heu-reux. Toutefois, il était impossible que la même manière de voir fût prise en considération à d'aussi courts intervalles, par de bons esprits, sans avoir quelque influence favorable sur les opi-nions des contemporains.
C'est à Dupuytren qu'il était réservé de la réhabiliter complè-tement, et de la faire adopter d'une manière générale. Suivant MM. Sanson et Bégin, dans leur édition de Sabatier, ou plutôt suivant Dupuytren lui-même, sous les auspices duquel a été pu-bliée cette édition, ce ne furent ni les travaux antérieurs, ni fin-
terprétation du texte de Celse qui donnèrent au chirurgien de l'Hôtel-Dieu l'idée de pratiquer l'incision dans le sens de l'opi-nion de Chaussier, mais bien ses propres méditations au sujet de la taille latéralisée. Ayant donc mûrement réfléchi aux moyens de donner à la prostate une étendue assez grande pour permettre aux calculs de sortir , sans déterminer de déchirures ou de frois-semens du col, et en se renfermant néanmoins dans les limites delà glande, pour ne pas s'exposer aux infiltrations urineuses et aux hémorrhagies, Dupuytren imagina d'y parvenir en appli-quant à-la-fois aux deux côtés, droit et gauche du raphé, l'in-cision oblique gauche qui constitue la taille latéralisée. Après de nombreuses expériences faites sur le cadavre, il trouva bien-tôt l'occasion d'expérimenter sur le vivant, et de réaliser, en constituant la taille bilatérale, les espérances qu'il avait conçues. Toutefois, sans rien diminuer du mérite de Dupuytren, il faut bien reconnaître que l'idée originale de cette opération appar-tenait à Chaussier, qui en avait publié la formule et les moyens d'exécution.
Procédé de ('haussier. Ce procédé se trouve décrit dans la thèse de M. Morland : on y lit que Chaussier incisait les parties molles situées entre l'anus et le bulbe de l'urètre avec un bistouri pointu; qu'après avoir divisé l'urètre dans sa partie membra-neuse, il pensait qu'une sonde cannelée portée aix travers de cette ouverture, dans la vessie , pourrait remplacer le cathéter , pour guider l'instrument qui doit diviser la prostate à droite et à gau-che. L'auteur ajoute que Chaussier avait conçu l'idée d'un cathéter à double cannelure, devant servir à inciser la prostate d'un seul côté, si l'ouverture qu'on y aurait faite eût pu suffire pour le pas-sage du calcul, et, dans le cas contraire, à l'inciser dans le sens de ses deux rayons obliques. Il avait même pensé à faire construire un lithotome caché à deux lames, sur le modèle de celui de Frère Côme. On le voit, il avait là toute la taille bilatérale.
Procédé de Béclard. Après avoir fait à la peau une incision semi-lunaire, qui circonscrivait l'anus, et avoir ouvert la partie membraneuse de l'urètre , Béclard employait, pour inciser la prostate suivant ses rayons obliques, un gorgeret légèrement con-cave, tranchant sur ses deux côtés, et terminé sur sa convexité par une languette destinée à pénétrer dans la cannelure du ca-théter; il conseillait aussi l'usage d'un lithotome double.
Procédé de Dupuytmen (Pl. 64, fig. 1, 2, 3). Appareil in-strumental. i° Un cathéter (Pl. 68, fig. 1, 2, 3), différent de celui que l'on emploie ordinairement; il est évidé aux extrémités de sa cannelure et renflé à sa partie moyenne à l'endroit de sa plus grande courbure dans l'étendue de 5 centimètres; en sorte que la partie de la cannelure qui correspond au point oû l'urètre doit être incisé est large, profonde et distend le canal. Au lieu du cul-de-sac cpii termine la cannelure, l'extrémité en est fermée par un bouton olivaire. 2' Un couteau dont la lame est fixée sur le manche, et tranchante sur ses deux bords depuis sa pointe jus-qu'à quelques millimètres au-delà. 3° « Un lithotome double, « construit sur le modèle de celui de F. Côme, à quelques modi-« fications près. Ainsi, primitivement, ses lames étaient légèrement « recourbées sur leur plat, la gaine destinée à les cacherétait conr-« bée de la même manière et percée de part en part. Le manche « était arrondi, conoïde et tournait sur une vis centrale, de façon « que, selon qu'on l'avançait ou qu'on le reculait, le cône qu'il « constituait présentait aux bascules des plans plus élevés ou plus
T. Vil.
« abaissés, dont les rainures numérotées exprimaient en chiffres « le nombre de lignes d'écartement que recevaient les extrémités « des lames tranchantes. » ( Dict. de tnéd. et Chir. prat. , t. vi, p 1 o5. )
Bien que les lames de ce lithotome fussent courbées , lorsqu'on les écartaitde leur gaîne en appuyant sur leurs bascules, elles n'en faisaient pas moins une incision transversale. Il était donc im-portant de trouver un moyen de les faire abaisser à-peu-près en arc de cercle, en même temps qu'elles s'écartaient de leur gaîne. C'est là le résultat auquel sont parvenus le docteur Lasserre et M. Charrière. L'instrument de ce dernier, que Dupuytren avait adopté, présente une seule bascule située en dessous et faisant écarter, par un mécanisme très simple , les deux lames lorsqu'on presse dessus. Le degré d'écartement de ces lames est déterminé, comme dans le lithotome simple , par le parcours dans une cannelure graduée d'un bouton curseur dont le talon appuie sur la tige (pl. 68, fig. 21 et 21 bis, et pl. 64 fig- 2 ). « Avec le « double cystotome, dit Dupuytren, on peut pratiquer aisément « et d'un seul coup, sur les côtés du col delà vessie, des ouver-« tures qui varient depuis 13 millimètres jusqu'à 45, limite très « suffisante et au-delà de laquelle il serait imprudent d'aller ; « ainsi, en s'ouvrant, les lames du lithotome double décrivent « de 4o à 45 millimètres de longueur, et de i3 à i5 millimètres « de rayon. »
Manuel opératoire. Le malade devait être situé et maintenu comme dans la taille latéralisée. Le cathéter était introduit dans la vessie et confié à un aide qui devait le tenir dans une position parfaitement verticale, avec une main , puis relever le scrotum et tirer un peu sur la verge avec l'autre main (pl. 64, fig. 1 ). Le chirurgien placé en face du périnée, qu'il tendait avec les doigts de la main gauche, y faisait une incision demi' circulaire commen-çant à droite au milieu de l'espace compris entre l'anus et l'ischion, et allant se terminer à gauche dans le point correspondant, en passant à 11 millim. au devant de l'anus. Toutes les couches si-tuées entre la peau et l'urètre, le tissu cellulaire, l'aponévrose superficielle et la pointe du sphincter externe de l'anus (Pl. 64, fig. 1) étaient ensuite divisées suivant la même direction. Lorsque l'urètre était à découvert, on l'ouvrait longitudinalement dans l'é-tendue de 9 à 1 1 millim. dans sa partie membraneuse ; on intro-duisait, dans la rainure du cathéter, l'extrémité du lithotome préa-lablement disposé de manière que les laines ne pussent s'ouvrir qu'à un degré déterminé, puis on conduisait le bec de l'instrument sur l'ongle du doigt indicateur gauche placé dans la cannelure, la concavité tournée en haut. Quand Dupuytren avait acquis la certitude que ces deux instrumens étaient dans des rapports con-venables, il saisissait la plaque du cathéter avec la main gauche, et la renversait vers lui; par le mouvement de bascule, la canule de l'instrument conducteur se trouvait portée vers le pubis, et il était facile d'y faire glisser le lithotome double et de le conduire clans la vessie. Alors, l'opérateur retirait le cathéter, faisait subir au litbotome un mouvement de rotation par lequel il ramenait sa convexité en haut, pressait sur la bascule qui était en dessous pour faire sortir les lames de leur gaîne, et tirait à lui avec les deux mains en abaissant graduellement le manche jusqu'à ce que l'instrument fût entièrement dégagé. Il ne restait plus alors qu'à introduire le doigt indicateur dans la plaie pour s'assurer de ses dimensions et pour faire glisser dessus les tenettes, afin d'extraire la pierre (Pl. 64, fig- 2 et 3. La figure 3 représente l'intérieur de la vessie pendant l'application et l'action du lithotome double).
68
Dupuytren accordait les avantages suivans à cette méthode sur les précédentes :
Elle est plus facile à exécuter, plus prompte et plus sûre que les autres méthodes. On a l'avantage d'inciser le périnée dans la partie la plus large du triangle périnéal, et conséquemment dans l'aire qui permet d'extraire le plus facilement les calculs , lors même qu'ils ont un gros volume. L'ouverture qui en résulte va plus directement à la vessie que les incisions obliques ou verti-cales, et donne la facilité d'y introduire les instrumens et de les faire manœuvrer avec plus de facilité, en même temps qu'elle fournit aux urines un écoulement plus facile. Aucune des inci-sions, dont nous avons parlé précédemment, ne peut permettre, comme celle-ci, de faire à la prostate et au col de la vessie une ouverture capable de livrer passage à des calculs aussi volumi-neux, sans dépasser les limites de ces organes; car les lames pouvant s'écarter chacune de leur gaine, depuis 11 jusqu'à 0.1 ou ¿5 millimètres, sont susceptibles de faire une ouverture en demi-lune propre à donner issue à un calcul de l\o à 5o millimètres de diamètre, ou de 11 à i5 centimètres de circonférence. C'est donc là un résultat admirable qui donne un haut degré de valeur à cette espèce de lithotomie, dans les cas où l'on a reconnu qu'on a affaire à un calcul volumineux, qu'on ne pourrait retirer faci-lement que par une incision faite à l'hypogastre. Mais ce n'est pas tout : avec cette incision semi-lunaire, on n'a pas à craindre de toucher aux canaux éjaculateurs et au veru-montanum, car, à partir de la région membraneuse, où elles commencent, les lames du lithotome, en s'écartant de chaque côté, décrivent une courbe dans l'aire de laquelle ces organes sont contenus. L'intestin est toujours à l'abri de l'atteinte de l'instrument, à moins que par suite d'un défaut de précaution delà part de l'opérateur, il ne soit très distendu et très relevé sur les côtés, ou qu'il ne faille faire de très grandes incisions. Les artères aussi ne peuvent inquiéter, car l'artère transverse, qui est la plus importante et qui va se rendre au bulbe, est beaucoup plus en avant que le point le plus élevé de l'incision; et quant aux autres, elles sont trop petites pour qu'on puisse redouter leur lésion. Enfin, cette méthode est également applicable sur l'homme, sur la femme et sur les enfans. A la ri-gueur on pourrait faire l'incision en demi-lune, soit avec un bis-touri droit boutonné , soit avec un gorgeret à double tranchant, semblable à celui dont se servait Béclard, ou même avec le litho-tome simple de F. Côme. Mais il sera toujours préférable de se servir du lithotome double, parce qu'il fera une incision plus régulière, plus nette et dont il sera beaucoup plus facile de pré-ciser les limites.
La taille bilatérale a été pratiquée soixante-dix fois par Du-puytren. Il y eut à l'Hôtel-Dieu une série de vingt-six malades de suite sur lesquels elle fut mise à exécution avec succès. Sur la to-talité , six moururent; ce qui donne pour résultat environ un mort pour douze opérés. Bien que ce nombre de soixante-dix soit très restreint et puisse paraître insuffisant à quelques per-sonnes , pour juger de la valeur de cette méthode comparative-ment à celle des autres, il n'en est pas moins vrai qu'il suffit pour démontrer qu'elle est sinon supérieure, du moins égale aux autres. Ainsi donc, eu égard aux avantages qu'elle présente, elle mérite la préférence sur la taille latéralisée, toutes les fois que les calculs présentent un volume tant soit peu considérable , et cela, d'autant plus que, d'après l'expérience, la fistule urinaire, qu'on avait supposé devoir succéder à une ouverture aussi large du col de la vessie, ne s'est point montrée.
Four plus de sécurité, M. Velpeau qui pense, contrairement aux opinions de Béclard et de Scarpa, que la taille bilatéral»: doit être adoptée comme méthode générale , veut que le point le plus élevéde l'incision extérieure tombe un peu plus en avant sur la base du triangle urétro-anal, entre le bulbe et le rectum, de manière à éviter de percer celui-ci ; ce qui aurait lieu facilement si, dans le premier temps de l'opération, on incisait trop près de l'anus.
Procédé de M. Serin. Ainsi que nous l'avons dit dans le cou-rant de cet article, M. Senn pense qu'une incision oblique à gau-che de la prostate, plus une incision transversale sur la partie droite de cette glande, méritent la préférence, parce que, selon lui, leur réunion donne lieu à une ouverture susceptible de donner passage à des calculs plus volumineux que dans les autres pro-cédés. Ainsi donc , il commence par pratiquer la taille latéralisée suivant l'un des procédés perfectionnés, s'assure avec le doigt du volume delà pierre, et si elle est trop grosse pour passer par l'ou-verture qu'il a faite, il agrandit cette dernière en y joignant une incision transversale de la prostate à droite, qu'il pratique avec le bistouri boutonné. Cette modification qui n'ajoute pas, en réalité, à l'étendue de l'incision et donne un résultat beaucoup moins sûr, n'a été accueillie par aucun chirurgien.
TAILLE QUADBILATÉRALE.
Un jeune chirurgien distingué, de notre époque , M. Vidal (de Cassis), afin d'éviter de dépasser les limites de la prostate dans les cas de calculs volumineux, a proposé de diviser cette glande suivant ses quatre rayons obliques, savoir: en arrière, à gauche et à droite; et en avant, également à gauche et à droite. La pl. 63, fig. 9., montre le bulbe, la partie membraneuse de l'urètre et la prostate à découvert; dans cette figure les incisions obliques an-térieures sont représentées sur la double incision de Dupuytren. Au reste l'incision quadruple peut être faite d'un seul coup avec un lithotome à quatre lames, tel que celui que M. Colombat a fait fabriquer. Mais l'auteur préfère se servir d'un bistouri, avec lequel il peut ne faire qu'une, deux, trois ou quatre incisions dans les directions indiquées, suivant le besoin.
Cette espèce de taille aété expérimentée par M. Goyrand, d'Aix, qui dit avoir eu à s'en louer. M. Velpeau dit avoir eu, lui aussi, l'occasion de la mettre à l'épreuve chez un malade, âgé de 69 ans, et dont le calcul avait 2. pouces un quart dans son diamètre prin-cipal. Il appliqua d'abord le procédé de Frère Côme, mais s'étant aperçu que le calcul était trop gros pour passer par l'ouverture oblique delà prostate, il donna les tenettes à tenir à un aide, intro-duisit un bistouri boutonné sur le doigt indicateur gauche, et incisa d'abord le rayon oblique postérieur droit de la prostate, puis son rayon transversal droit. L'opération réussit parfaitement.
En considérant la manière dont sont faites les incisions dans cette espèce de taille, on s'aperçoit immédiatement que, si elle présente quelques avantages, quant à l'étendue de l'ouverture , si elle expose moins que toute autre à dépasser les limites de la prostate et à blesser le rectum, elle offre aussi des inconvéniens majeurs qui doivent faire hésiter à l'appliquer. Parmi ces incon-véniens on peut citer la division inévitable des canaux éjacula-teurs, et le danger de couper les artères transverses du périnée en faisant les incisions obliques antérieures. Aussi cette méthode doit-elle être réservée pour les cas exceptionnels.
Pour terminer ce qui a rapport aux tailles périnéales, il nous reste à parler du manuel opératoire en général,et plus spécialement de celui de la taille latéralisée qui commande tous les autres.
manuel opératoire des tailles pkrinéales.
Quelques jours sont employés à préparer le malade; la veille et le jour même on fait évacuer le rectum par îles lavemens, puis on rase le périnée.
Appareil instrumental, i° cathéters (Pl. 68, fig. i 6). Il y en a de diverses grosseurs. On doit choisir de préférence des cathéters assez volumineux, proportionnellement au développement des parties du malade, attendu qu'ils distendent mieux l'urètre. Leur cannelure doit être aussi large et aussi profonde que possible , parce qu'il sera plus facile de la sentir à travers l'incision des parties extérieures et d'y enfoncer le bistouri ou les lithotomes, qui auront aussi moins de tendance à en sortir. Cette rainure peut être triangulaire, demi-circulaire, ou quadrilatère. Le cul-de-sac qui se trouve à son extrémité peut être remplacé avec avantage par un bouton olivaire qui fraie mieux la voie. L'extrémité libre du cathéter doit présenter une large surface de préhension. Ceux qui ont une plaque quadrilatère sont plus faciles à tenir que ceux qui n'ont qu'un anneau. Le cathéter deDupuytren, qui réunitles conditions désirables, est un des meilleurs qu'on puisse employer (V. pl. 68, fig. i bis, i ter, i et 3). — 2" Lithotomes. Pour la taille latéralisée on dispose un lithotome caché de F. Côme, modifié, ouvert aux n°s 5 ou 7 pour les enfans, n°s 9 ou 11 pour les adultes et rarement au-dessus. La taille bilatérale réclame le lithotome double de Dupuytren. Les autres, comme nous l'avons vu, em-ploient divers instrumens particuliers. — 3° Tenettes (Pl. 68 , fig. 3o à 33). On donne ce nom à une espèce de pince dont on se sert pour extraire la pierre. Elles sont composées de deux bran-ches qui se croisent et sont maintenues dans cette position par un clou-vissé. Chacune de ces branches se termine d'un côté par un anneau, et de l'autre par une espèce de cuiller convexe, lisse et polie sur la surface externe et ses bords, concave sur la sur-face interne, et garnie d'aspérités sur la moitié environ de cette surface, du côté de son extrémité. La longueur totale des tenettes varie entre 19 et 3o centimètres. Dans celles de 3o centimètres, les cuillers ont 7 à 8 centimètres de longueur. Leur plus grande largeur est de 22 millimètres. Lorsque les tenettes sont fermées, les extrémités de leurs mors doivent être séparées par un inter-valle d'environ 4 millimètres; car si elles se touchaient, les pa-rois de la vessie pourraient être pincées et déchirées, lorsqu'on les retire sans avoir rien saisi.
Autrefois les branches des tenettes étaient croisées et arti-culées comme des ciseaux ou comme les pinces à pansement (V. Pl. 68, fig. 33). Cette disposition était très défavorable en ce sens qu'elles étaient plus écartées dans la partie qui correspon-dait à la plaie, que ne l'étaient les cuillers au-dedans. Pour peu que le calcul fût gros, cet écartement pouvait devenir assez con-sidérable pour déterminer un tiraillement douloureux. Les te-nettes dont on se sert aujourd'hui n'ont pas ce grave inconvé-nient. F. Côme en fit construire une dont les branches se croi-saient tout près de leurs anneaux au moyen d'une légère modifi-cation qui consistait à recourber les branches en dehors sur leur plat, sous un angle obtus, dans l'étendue de 20 et quelques millimètres. De cette manière, lorsque les tenettes étaient intro-duites dans la vessie, leurs cuillers pouvaient être écartées dans une assez grande étendue pendant que leurs branches étaient en-core parallèles. Dans celles que fabrique actuellement M. Char-rière, un écartement considérable des mors correspond à un très léger écartement des branches. Enfin, pour faciliter les re-cherches dans la vessie, on a besoin des tenettes droites et des te-nettes courbes (Pl. 68, fig. 3o et 3i). — 4° Bistouris. Il est bon d'avoir toujours un ou plusieurs bistouris droits ou convexes, un bistouri courbe et un bistouri boutonné. — 5° Plusieurs gorge-rets sont utiles, mais il est indispensable d'avoir le gorgeret or-dinaire, avec la curette et le bouton. — 6" Une seringue à injec-tion, garnie d'un tube long de 16 à 19 centimètres et terminé par une olive percée en arrosoir. — 7" Des canules en gomme élastique et en argent, entourées de charpie, linge ou agaric, pour arrêter l'hémorrhagiesi elle avait lieu.—8° De la charpie, un ban-dage en T double et des compresses. — 90 Des vases dont l'un contiendra de l'huile et dont les autres seront destinés à contenir de l'eau ou à recevoir le sang. - 10° On aura le soin de se munir de bandes de laine ou de toile pour lier le malade en cas de besoin.
Position du malade. Autrefois, dans les hôpitaux, on avait un lit particulier pour l'opération de la taille. Ce lit, très court, se terminait en avant par deux prolongemens parallèles, portant des sandales dans lesquelles on plaçait les pieds de l'opéré. On lui prescrivait en outred'embrasser les parties inférieures de ses jam-bes à pleine main, au niveau des malléoles, de manière à pouvoir les lier solidement ensemble; aujourd'hui on se contente de pla-cer le malade sur la table qui sert ordinairement aux opérations. Dans la pratique particulière on emploie un lit ordinaire sur le-quel on place le malade en travers, ou bien une table solide ou une commode garnie d'un matelas.
L'essentiel est que l'opéré, placé sur le dos, ait la tête et les épaules un peu plus relevées que le tronc, et que le siège soit placé très près du bord du lit, de manière que le périnée fasse un peu saillie au-delà de ce bord. Bien que les chirurgiens de nos jours, afin de ne pas effrayer le malade, aient abandonné l'usage des liens, dont on se servait autrefois pour le contenir, et trouvent en général plus d'avantages à n'employer que des aides, si cependant la force et la résistance involontaire de l'opéré met-taient dans la nécessité d'avoir recours aux liens, on choisirait deux bandes de laine ou de toile à demi usée, de 3 mètres 1/2 de longueur, on les mettrait en double et on les appliquerait au-dessus du poignet du malade comme un lacet : on lui recomman-derait d'embrasser ses talons avec les doigts placés en dessous de la plante du pied, et le pouce du côté et en dessous de la mal-léole externe; on ferait passer un des chefs de la bande en dedans du pied, et l'autre chef en dehors; puis, par une série de 8 de chiffre, en fixant solidement la main et le poignet avec le pied, on amènerait les chefs en avant oû on fes fixerait par un nœud simple et une rosette.
Dans le cas où on laissera le malade libre comme dans ceux où on l'attachera, on aura soin d'avoir au moins cinq aides : deux qui devront tenir la jambe fléchie sur la cuisse, et celle-ci fléchie sur le bassin à angle droit; chacun d'eux, le dos tourné vers la tête du malade, saisira le genou avec la main la plus rapprochée de son corps, et l'attirera un peu en dehors dans le but de tendre le périnée, tandis qu'avec l'autre main, il saisira le pied par son bord interne et par sa partie supérieure. Le troisième maintiendra les épaules; le quatrième tiendra le cathéter et relèvera les bourses; enfin, le cinquième présentera les instrumens. Comme les enfans sont beaucoup plus indociles que les grandes per-sonnes, un sixième aide devra saisir les crêtes des os des îles pour fixer le bassin.
Cathétérisme. Le moment étant venu de placer le cathéter,
quelques chirurgiens, avant d'introduire cet instrument^ ont con-servé l'habitude de constater alors de nouveau l'existence de la pierre avec une sonde métallique et de la faire reconnaître par les assistans. Mais il vaut mieux, ainsi que le faisait Boyer, faire cet examen avant d'appliquer les liens, quand on veut les employer. Lorsque l'instrument conducteur est introduit, on en incline généralement la plaque vers l'aine droite, afin que sa convexité repousse le côté gauche du périnée et le fasse saillir en avant : cette manière de faire n'est cependant pas indispensable. Scarpa, A. Cooper et d'autres fixaient le cathéter sur la ligne médiane. Au reste, qu'on le place droit ou oblique, une fois le cathéter en position, le chirurgien, afin d'avoir les deux mains libres, le donne à tenir à un aide instruit du mécanisme de l'opération.
Incision intérieure. Nous avons déjà vu comment se pratique cette incision dans les méthodes variées des tailles périnéales, le petit et le grand appareils, les tailles latérale, bilatérale et qua-drilatérale, suivant leurs divers procédés, et même dans la taille latéralisée par les procédés de Frère Côme et de Hawkins. Il ne nous reste plus qu'à décrire le procédé mis actuellement en usage pour cette dernière espèce de lithotomie, la plus fréquente dans la pratique.
Procédé ordinaire cl incision dans la taille latéralisée. Le chirurgien peut se placer debout, entre les jambes du malade , si le siège de ce dernier est assez élevé pour permettre à l'opérateur de garder la position qu'il a prise pendant tout le temps de l'opé-ration; dans le cas contraire il s'assied sur une chaise, ou, ce qui vaut mieux pour la liberté du mouvement des mains, il met un genou en terre. Saisissant alors, avec la main droite, un bistouri droit ou convexe, il étend les parties avec les doigts de la main gauche et fait, au côté gauche du périnée, l'incision oblique ordinaire qui commence sur le raphé, à 27 millimètres au de-vant de l'anus, et vient se terminer au milieu de l'espace compris entre l'orifice anal et la tubérosité de l'ischion. Sa longueur qui, en général, est de 8 à 11 centimètres, varie néanmoins suivant l'âge et la taille des individus. L'opérateur divise ensuite les parties intermédiaires à la peau et à l'urètre, en se guidant sur la cannelure du cathéter qu'il reconnaît plus précisément avec le doigt indicateur gauche, à mesure que l'incision devient plus pro-fonde. Arrivé sur le cathéter, il en fixe le bord droit entre la pulpe et l'ongle sur lequel il fait glisser la pointe de son bistouri, tenu comme une plume à écrire. Lorsqu'il est bien certain que celle-ci est parvenue dans la rainure conductrice, il la fait filer en bas et en arrière en relevant un peu le poignet, et divise l'urètre dans retendue de 7 à 9 millimètres. Dans ce mouvement, il doit être bien sûr de sa main pour ne pas aller piquer le rectum comme cela est arrivé plusieurs fois. Alors il retire l'instrument en abais-sant le poignet, afin que le tranchant agrandisse l'ouverture de l'urètre et des tissus environnans.
L'incision extérieure, celle quia rapport à la section des chairs, de la portion membraneuse et un peu de la portion prostatique de l'urètre étant pratiquée, il s'agitde faire I'incision intérieure, celle de la prostate et du col de la vessie. Nous avons vu qu'elle se pratiquait avec trois sortes d'instrumens, le lithotome caché, le gorgeret tranchant d'Hawkins ou de tout autre opérateur, ou le bistouri à la lame étroite et longue, qui constituent trois pro-cédés différens. C'est toute autre chose en effet, pour la manœuvre opératoire, les difficultés d'exécution et les résultats, que d'inciser de dehors en dedans, comme avec le gorgeret, de dedans en de-hors, comme avec le lithotome caché, ou de l'une et l'autre ma-nière, comme avec le bistouri. Celle dernière manière est la plus difficile. Ant. Dubois y était fort habile. Dans les cas simples, la taille latéralisée, comme maintes lois je la lui ai vu pratiquer, ne se composait pour lui cpie de trois incisions. La première arri-vait net sur le cathéter; la seconde incisait l'urètre, puis, sans désemparer, faisant glisser le bistouri dans la cannelure du cathé-ter, la troisième incision divisait le col de la vessie. Cette ma-nœuvre assurément est rapide et brillante; mais connue elle exige beaucoup d'habilude et de dextérité, son application ne peut ja mais être que personnelle à celui qui en a le talent ; et, en pré-cepte général, il vaut mieux conseiller de se servir du lithotome caché, inventé précisément pour formuler et régulariser l'inci-sion et prévenir les accidens auxquels peuvent donner lieu la mauvaise direction ouïes échappées du bistouri dans son trajet. Au reste, quel que soit l'instrument dont on fasse usage, le litho-tome caché, le gorgeret tranchant ou le bistouri, pour ne pas bles-ser le trigone vésical et le rectum, on les introduit et on les retire, suivant les règles et en prenant les précautions que nous avons indiquées en parlant de ces instrumens et des procédés dans les-quels on les emploie.
La plaie qui doit donner passage au calcul étant effectuée, les trois temps opératoires, et les accidens qui suivent, appartiennent également à toutes les tailles périnéales.
Examen de la vessie. La section terminée, on introduit le doigt indicateur gauche dans la vessie afin de reconnaître son état intérieur, de chercher à déterminer la position , le volume et la forme de la pierre, et de s'assurer si elle est libre ou si elle est en-kystée ; si elle est unique ou s'il y en a plusieurs. Cette apprécia-tion est plus facile à faire chez les sujets maigres que chez ceux qui ont beaucoup d'embonpoint. On doit aussi examiner si la plaie est assezétenduepour donner passage au calcul, et l'agrandir si cela est nécessaire avec le bistouri boutonné.
Introduction des tenettes. Pour y procéder, l'opérateur pla-cera son doigt dans l'angle inférieur de la plaie, la surface pul-maire tournée en haut, et s'en servira pour conduire les tenettes dans la vessie. « Chez les sujets gras et dont la prostate est très « volumineuse, dit Boyer, il vaut mieux se servir du gorgeret « pour conduire la tenette, crainte de se fourvoyer avec cet in-« strumentet de l'enfoncer entre la prostate et le rectum. Pour « introduire le gorgeret, il faut appliquer sa concavité sur le bord « radial du doigt et l'enfoncer en le dirigeant un peu oblique-« ment de bas en haut. Quand il est parvenu dans la vessie, on « retire le doigt et on fait tourner l'instrument sur lui-même, de « manière à ramener sa concavité en haut et sa convexitéen bas.»
Quel que soit le conducteur qu'on emploie pour introduire les tenettes, on les saisit de la main droite, à pleine poignée, parles anneaux, on allonge le doigt indicateur sur leurs tiges, on les pré-sente à la plaie, de manière que les convexités des mors corres-pondent à chacune des lèvres de la plaie, et on les fait glisser sur le gorgeret ou sur le doigt jusque dans la vessie. Lorsqu'elles y sont parvenues on retire le conducteur : si c'est le gorgeret, Boyer recommande de faire faire aux deux instrumens un demi-tour à gauche, au moyen duquel le gorgeret devient supérieur à la te-nette, et peut être retiré avec plus de facilité; ensuite on porte la tenette fermée dans tous les sens, sur la partie inférieure de la vessie, car c'est ordinairement là que se trouvent les calculs; on
lónchela pierre, et l'on cherche à reconnaître sa situation; quand on a réussi, on ouvre l'instrument, soit en saisissant une branche de charpie main, soit en écartant le pouce et l'indicateur de la même main placés dans les anneaux; ici plusieurs cas peuvent se rencontrer : « Si la pierre se présente à l'extrémité des mors, dit « Boyer, il suffît de les écarter et de les pousser un peu en avant « pour qu'elle s'engage dans leur intervalle; —si elle est en rap-« port, avec leur bord supérieur, elle se place entre eux naturel-« lement, à mesure qu'on les éloigne; — lorsqu'elle répond à « leur bord inférieur, il faut, si l'on veut la saisir, les écarter et « leur faire faire un demi-tour à droite ou à gauche, de maniere « à racler le bas-fond de la vessie avec l'un d'eux, et à le faire « passer au-dessous , tandis que l'autre se trouve au-dessus. — « Si le calcul est très petit et la vessie très large, il fuit devant « l'instrument qui le touche sans pouvoir le saisir; pour y par-te venir, il faut promener les mors sur le bas-fond de la vessie, « puis les écarter et les rapprocher successivement jusqu'à ce que « la pierre se trouve prise entre eux. — Le bas-fond de la « vessie est quelquefois très enfoncé, ce qui fait que les cuillers a de la tenette passent constamment au-dessus du calcul sans « pouvoir le saisir. On doit en pareil cas substituer une tenette « courbe aune tenette droite, et diriger sa concavité en bas. « Lorsque la pierre est prise, il faut ramener sa concavité en haut « pour que la courbe qu'elle décrit en sortant soit en rapport « avec celle que présentent les os pubis. »
Parfois le volume de la pierre est considérable, et de plus elle présente à l'instrument un de ses grands diamètres, ce qui rend sa préhension difficile. Dans ce cas, chez les enfans , où le doigt peut atteindre dans la vessie, il ne faut pas hésiter à retirer la te-nette et à introduire le doigt indicateur au-dedans pour placer la pierre dans une autre direction et la rapprocher du col de la vessie, où on la saisit de nouveau avec la tenette. Mais chez les adultes où il serait sinon impossible, du moins très difficile de changer la position de la pierre avec le doigt, il convient de la saisir par le point qui se présente, et comme il est facile de se rendre compte de son volume d'après l'écartement des branches de l'instrument, si l'on prévoit que l'on aura de la peine à l'ame-ner au-dehors, il faut la lâcher et la reprendre par un autre point. En répétant plusieurs fois cette manœuvre on peut espérer qu'on parviendra à la saisir dans un sens convenable; si cependant on ne réussit pas, il faut desserrer un peu les mors de la tenette et chercher à faire exécuter un mouvement de rotation au calcul à l'aide d'un stylet ou du bouton; mais cette manœuvre est tres difficile à exécuter et l'on ne réussit souvent qu'après de nom-breuses tentatives qui ont beaucoup fatigué le malade. Enfin , en supposant que le calcul ait subi un mouvement de bascule, il peut arriver encore que son extraction soit impossible à cause de son volume. Dans ce cas il y aurait plusieurs partis à prendre. Si l'on n'avait pratiqué que la taille latéralisée, il serait sage de faire, avec le bistouri boutonné conduit sur le doigt, une incision sem-blable de l'autre côté du périnée, ou même de faire une quadruple incision en suivant le procédé de M. Vidal (de Cassis). Dupuy-tren a conseillé, en pareil cas, d'essayer de briser la pierre en se servant de tenettes plus solides, et dont les cuillers soient garnies à l'intérieur d'aspérités plus saillantes, et si l'on réussit, d'extraire les fragmens et de débarrasser la poche urinaire à l'aide d'injec-tions. Seulement il fait remarquer qu'on ne doit recourir à ce moyen qu'avec beaucoup de circonspection lorsque les pierres sont dures, parce que les efforts qu'on doit exercer avec les in-strumens exposent à contondre les parties, et que toutes les fois
t. vii.
que le calcul, embrassé par les cuillers de la tenette, dépasse 45 à 5o millimètres, s'il est très dur il faut renoncer à la retirer par le périnée, quelle (pie soit l'étendue des incisions qu'on y ait pratiquée. En se tenant dans les limites de la prostate, Boyer pen-sait qu'on pouvait encore faire des tentatives tant que l'écarte-ment des mors de la tenette ne dépassait pas 5/| millimètres. Lorsqu'il était obligé d'agrandir les incisions, ou d'en faire de nouvelles, il employait le Jithotome caché de F. Côme, ouvert au n° 5, relevait la tenette, la donnait à tenir à un aide, par-dessus le pubis, plaçait son doigt indicateur gauche dans l'an-gle inférieur de la plaie, faisait glisser son instrument dessus, et divisait tout le rayon oblique de la prostate, dans le sens de l'in-cision déjà faite.
En définitive, on s'accorde à dire que si le calcul était d'un vo-lume tel que, après des tentatives raisonnables, faites avec adresse et patience, on ne parvînt pas à faire céder les parties molles sans les contondre ou les dilacérer, il vaudrait mieux, ainsi que le fit Franco avec succès, pour la première fois, pratiquer la taille hypogastrique, que de vouloir à tout prix terminer la taille par le périnée. Mais revenant au conseil donné par Dupuytren , dans l'état actuel de la chirurgie, on ne voit pas pourquoi, dans toute espèce de taille, lorscpie le calcul se trouve trop volumi-neux pour l'écartement de la plaie, on n'essaierait pas, au travers de ce large orifice, de l'emploi des percuteurs usités dans la li-thotritie et dont l'ébranlement serait beaucoup plus doux que celui des tenettes. Enfin, si outre un volume considérable, le calcul est étroitement embrassé parla vessie dure et raccourcie, on est obligé d'user de grandes précautions, pour éviter de saisir en même temps les parois de l'organe. Ledran conseille alors de porter la tenette le plus avant possible, de l'ouvrir par degrés pour éloigner proportionnellement les parois de la vessie et don-ner du jeu à l'instrument, d'enferrer ensuite la partie de la pierre qui se présente, et, avec des demi-tours qu'on fera faire à l'instru-ment, tant à droite qu'à gauche, de la dégager d'entre les parois de la vessie, de la tirer un peu en avant, puis de poser la tenette avec la pierre sur le bas-fond delà vessie; enfin d'ouvrir un peu les mors pour les pousser plus avant, afin qu'ils embrassent la pierre, de manière à ce qu'elle ne puisse leur échapper.
Le cas d'excès de volume du calcul ne se présentera plus que très rarement à l'avenir, et seulement lorsqu'on n'aura pas porté, antérieurement à l'opération, une attention suffisante dans l'ap-préciation du volume du calcul. Les instrumens lithotriteurs, et surtout le brise-pierre de M. Heurteloup, pourront être d'un grand secours au praticien, et lui indiquer d'avance si le calcul pourra traverser le périnée facilement, difficilement ou pas du tout. C'est donc là une ressource précieuse qu'il faudra bien se garder de négliger, et même qu'il n'est plus permis de négliger, car, avant d'opérer, il faut faire choix de la méthode et choisir la moins dangereuse. Or, nous savons que, dans des limites données, et dans des cas cpie nous avons appréciés en traitant de la lithotritie, celle-ci est moins dangereuse cpie la taille, et qu'un chirurgien instruit se gardera bien de les employer indifféremment l'une pour l'autre.
Extraction du calcul. Lorsque la pierre est saisie il faut procéder à son extraction ; mais avant on s'assure , en faisant exécuter des mouvemens de rotation à la tenette, qu'on n'a pas saisi les parois de la vessie. Si le calcul a peu de volume, il suffit de tirer à soi l'instrument tenu avec la main droite, seule, comme des ciseaux. Quand on éprouve quelques difficultés à re-
tirer les mors, il faut placer les branches de l'instrument entre le médius et l'indicateur, et embrasser les anneaux à pleine main pour tirer plus fort. On peut aussi saisir les branches de la le-nette auprès de la plaie avec la main gauche, les quatre doigts dessous et le pouce en dessus; ou bien le pouce et l'annulaire sont passés dans les anneaux, la main gauche fixe les branches de l'instrument avec les trois derniers doigts, tandis que le pouce et l'indicateur refoulant les bords de la plaie en même temps qu'ils pressent sur l'origine des mors, fixent le calcul et en facilitent la sortie (Pl. 63, fig. i). La main gauche sert de guide à l'instrument dans les mouvemens alternatifs d'élévation et d'abaissement qu'on lui fait subir pour dégager les mors. Pendant ces mouvemens, il faut appuyer un peu sur la partie inférieure pour s'éloigner au-tant que possible de l'arcade pubienne. Lorsque l'angle inférieur de la plaie oppose de la résistance à la sortie des cuillers, on y porte le doigt indicateur au moment où on élève les branches de la tenette pour le déprimer. Quand on a réussi à franchir l'ou-verture de la prostate et du col vésical, le reste de l'extraction se fait aisément. Quelquefois cependant l'incision extérieure oppose une certaine résistance; il suffit alors de l'agrandir un peu par en bas pour dégager le calcul.
Dans quelques circonstances, ce n'est pas du volume du calcul que dépend la difficulté de l'extraire, mais de ce que son grand diamètre se présente en travers et dépasse le. niveau des cuillers ; alors celles-ci sortent à moitié de la plaie et ne peuvent cependant être complètement retirées sans lâcher prise. Il faut, dans ce cas, abandonner le calcul et chercher à le saisir par un autre point : lorsqu'on y sera parvenu, ou l'extraira sans difficulté.
D'autres fois, la pierre n'étant pas saisie assez solidement par les tenettes , celles-ci l'abandonnent et sortent seules, il est pres-crit alors de porter le doigt indicateur dans le trajet qu'elle a parcouru, et de voir si le calcul est retombé dans la vessie, ou bien s'il s'est arrêté dans la plaie. Dans le premier cas on réin-troduira l'instrument dans le réservoir urinaire pour reprendre la pierre; et dans le second, si elle est petite, on tâchera de la retirer avec une petite tenette, la curette ou le crochet mousse; mais si l'on ne peut réussir parce qu'elle est trop grosse , il fau-dra la repousser dans la vessie, et y réintroduire les tenettes pour la reprendre.
Comme les cuillers des tenettes ne se touchent pas, il arrive quelquefois que des calculs petits et plats se logent entre elles et ne manifestent leur présence entre les mors de l'instrument par aucun signe particulier ; alors on le promènerait vainement dans l'intérieur de l'organe, sans rien y rencontrer. Il vaudra donc mieux, après avoir fait une exploration suffisante, retirer le cathéter au risque de ne rien ramener.
De même que la pierre peut être très dure, de même elle peut être très friable, et se briser entre les mors de l'instrument lors-qu'on les presse sur elle pour la retirer; tantôt elle se divise en fragmens d'un volume assez considérable, et tantôt elle se réduit en poussière. En cas de fragmens il faut chercher avec le doigt indicateur s'il n'en est pas resté dans la plaie , et les extraire comme nous avons dit, puis porter la tenette dans la vessie pour reprendre ceux qui pourraient y être retombés. Dans le second cas, après avoir extrait avec la curette les plus petits morceaux, il faut injecter de l'eau tiède dans la vessie pour la dilater. Les injections, faites à grande eau, avec une seringue dont le siphon est percé en arrosoir, détacheront de sa surface tout ce qui se sera réduit en bouillie et en poussière, et l'entraîneront au-dehors.
Lorsqu'on a extrait la pierre, il est important de bien exami-ner si elle est rugueuse, inégale et assez volumineuse ; si c'est, une pierre murale en un mot; c'est une raison pour penser qu'elle est unique; cependant on n'en a pas de certitude. Si au contraire elle n'est pas très grosse, et que sa surface soit lisse, polie et coupée en facettes plus ou moins régulières, ce sera un indice presque certain delà multiplicité des calculs; il faudra donc, dans tous les cas, et surtout dans celui-ci, introduire le doigt indi-cateur ou le bouton dans la vessie pour l'explorer dans tous les sens, jusqu'à ce qu'on ait acquis la certitude qu'elle est com-plètement débarrassée; en agissant autrement, on s'exposerait, comme cela est arrivé tant de fois, à laisser dans la cavité vésicale des calculs pour lesquels il faudrait, plus tard, recommencer l'opération.
Cependant il y a quelques cas où l'on est obligé de cesser toute manœuvre tendant à retirer les pierres de l'organe urinaire, et de remettre à quelques jours la terminaison de l'opération; ce sont ceux où, les pierres étant très nombreuses, le malade n'a pas la force de supporter les longues et laborieuses manœuvres de l'opération, et les douleurs produites par l'introduction fré-quemment répétée des tenettes, ou bien encore ceux où il sur-viendrait une hémorrhagie trop abondante pour pouvoir être arrêtée par un aide qui appliquerait son doigt sur la bouche du vaisseau. S'il y a hémorrhagie , Boyer conseille de tenir les lèvres de la plaie écartées , avec une canule qui comprime le point par où le sang s'écoule. Quelquefois les petites pierres, poussées parles contractions de la vessie, s'échappent seules par la plaie sans qu'on soit obligé d'aller les saisir avec la tenette, ou de les extraire avec la curette ; mais le plus souvent il faut avoir recours à l'un ou l'autre de ces moyens. Le moment le plus opportun pour cela, est celui ou la suppuration est bien établie, ce qui a lieu du sixième au dixième jour; on place le malade comme pour l'opération primitive, oninjecte de l'eau tiède simple ou mucilagi-neuse dans la vessie, à travers une canule élastique primitivement introduite dans la plaie, et l'on extrait les calculs avec les tenettes de la même manière que nous l'avons dit précédemment. Cette manière si lente d'obtenir l'extraction du calcul, est bonne en elle-même, ou du moins justifiée comme une ressource acciden-telle, nécessaire quand on ne peut faire autrement; mais elle serait très mauvaise, érigée en méthode générale, comme Maret de Dijon et Louis ont essayé de l'établir en précepte.
Complications.—Pierres enkystées, enchatonnèes et adhé-rentes. Quoique très rares, les pierres renfermées dans un kyste, dans une poche incomplète, ou adhérentes à la vessie, se ren-contrent néanmoins et constituent l'une des circonstances les plus embarrassantes qui puissent se présenter; en pareil cas, la première chose à faire est d'introduire le doigt indicateur dans la cavité urinaire pour reconnaître exactement la disposition des parties à l'égard du calcul qu'elles retiennent. Si l'index était trop court pour atteindre la pierre, on exercerait des pressions sur l'hypogastre avec l'autre main, pour abaisser la vessie vers le doigt; et si ce mode était encore insuffisant, on ferait exercer la pres-sion par un aide, tandis qu'on introduirait deux doigts dans le rectum, ou dans le vagin, dans le cas où l'on agirait chez une femme. Cette exploration, quelque longue et quelque difficile qu'elle soit, est indispensable; autrement on s'exposerait à agir en aveugle et à causer des accidens qui pourraient entraîner la mort du malade. Dans les cas où l'on ne peut atteindre le point où le calcul est fixé, Littre recommande de porter une sonde dans la vessie, et le doigt indicateur dans le rectum ou dans le
vagin , de chercher la pierre avec la sonde et le doigt, et de tâ-cher d'user les parties qui la recouvrent par des mouvemens de va et vient du bec de la sonde ; mais cette manière d'agir a géné-ralement été trouvée insuffisante et dangereuse. Littre a aussi conseillé, dans les cas où l'on peut atteindre la pierre, de saisir la tumeur qu'elle forme avec une tenette, et de la presser et mâ-cher à plusieurs reprises entre les mors de cet instrument, afin d'user et de déchirer la muqueuse vésicale qui la recouvre, et de la faire tomber dans la vessie. Boyer a mis une fois ce pro-cédé à exécution avec succès, et le calcul était réellement enkysté, puisque après son extraction il fut trouvé recouvert d'une calotte de membrane muqueuse qui avait été entraînée avec lui. Toute-fois malgré le succès, on considère cette déchirure comme dan-gereuse : on préfère, lorsqu'on ne peut toucher le calcul, l'aban-donner à lui-même, et lorsqu'on peut le toucher, inciser la membrane muqueuse qui le recouvre avec le bistouri boutonné.
Si la pierre, au lieu d'être enkystée, est simplement chatonnée ou adhérente , et qu'on ne puisse la toucher avec le doigt, mais que son contact avec la sonde indique qu'une portion en fait saillie dans la vessie hors du chaton, on peut saisir cette partie sail-lante avec des tenettes, et chercher à l'ébranler en totalité en fai-sant subir avec douceur et lenteur, à la tenette, des mouvemens d'abaissement et d'élévation, puis des demi-tours de droite à gauche, et de gauche à droite, et enfin de légères tractions. Si l'on s'aperçoit qu'elle cède sans que le malade éprouve de grandes douleurs, on continue de la même façon jusqu'à ce qu'elle soit complètement dégagée ; mais si le malade se plaignait vivement, on s'arrêterait un instant, pour recommencer aussitôt qu'il au-rait cessé de souffrir. Pour avoir voulu aller trop vite et avec trop de force dans un cas semblable, La Peyronie vit périr son malade d'hémorrhagie, dix-huit heures après l'opération; la vessie et la loge qui contenait la pierre étaient considérablement dila-tées et remplies de caillots de sang; quant à la pierre, elle avait la forme d'une callebasse dont la partie renfermée dans le chaton, et la plus volumineuse, était sanglante et présentait quelques bouts de vaisseaux déchirés qui formaient une frange attachée à sa surface; il vaudrait donc mieux abandonner la pierre à elle-même que d'agir de la sorte, d'autant plus qu'on aurait la chance de la voir se dégager et devenir plus mobile, plus facile à saisir et à extraire, comme dans l'exemple rapporté par Ledran. Ce chirurgien pensait que dans les cas d'adhérences , l'ébranlement causé par les tractions donnait lieu à une suppuration qui les détruisait. Les injections mucilagineuses qu'il fit dans la vessie contribuèrent beaucoup à ce résultat. Ce serait un moyen qu'il ne faudrait pas négliger en pareil cas.
S'il est possible d'atteindre la pierre avec le doigt et d'appré-cier la saillie qu'elle fait dans la vessie, la densité, l'épaisseur et le degré de resserrement de l'entrée du chaton , il faut pro-céder autrement à son extraction. On introduit, ainsi que le fit Garengeot dans un cas de cette nature, l'indicateur de la main gauche dans la vessie ; on cherche à placer son extrémité entre la pierre et le bord de l'entrée du chaton, ou bien seulement au niveau de ce bord; on fait glisser un bistouri boutonné sur ce doigt, et l'on fait une ou plusieurs incisions à la muqueuse dans le point où elle étrangle la pierre; puis on détruit avec l'ongle du doigt conducteur les adhérences, s'il y en a; on lui subtitue des tenettes, et l'on tâche d'extraire la pierre.
L'instrument appelé coupe-bride que Desault inventa et ap-pliqua avec succès, est justement abandonné; on lui préfère le bistouri boutonné. Le coupe-bride de Desault était constitué par une lame renfermée dans une gaine échancrée à son extré-mité; l'échancrure était portée sous le rebord du chaton où la lame, poussée par un ressort, venait diviser ce rebord membra-neux.
TRAITEMENT CONSÉCUTIF A l.'oPÉKATION.
Immédiatement après que la vessie est débarrassée, on nettoie le malade, on le débarrasse des liens qu'on avait appliqués, et on le fait transporter dans son lit préparé d'avance. Ce lit doit être garni d'une toile cirée, recouverte d'alèses destinées à rece-voir l'urine, et à l'empêcher de pénétrer dans les matelas; le malade est placé sur le dos, la tête et la poitrine légèrement élevées, les cuisses et les jambes rapprochées, demi-fléchies, et soutenues par un petit traversin placé en travers sous ses jarrets. Pour empêcher l'opéré d'écarter les jambes et de nuire au travail de la cicatrisation, on avait coutume d'attacher les genoux en-semble à l'aide d'une bande placée en 8 de chiffre; mais à pré-sent on n'emploie ce moyen contentif que chez les enfans, et on s'en dispense chez les opérés d'un âge raisonnable. Le décubitus dorsal, dans la demi-flexion, est le meilleur et le plus conve-nable pour l'écoulement des urines , et pour changer les alèses ; toutefois rien n'oblige le malade à le garder constamment; lors-qu'il se trouve fatigué, il peut se mettre sur le côté droit ou sur le côté gauche. Du reste, on n'applique aucune espèce de pan-sement sur la plaie; on se contente de tenir le scrotum élevé avec une compresse longuette; on donne au malade quelques cuille-rées d'une potion calmante; on s'arrange de manière que rien ne vienne troubler sa tranquillité physique et morale; on le met à une diète absolue; on prescrit pour boisson une légère infu-sion de tilleul et d'oranger, et des tisanes délayantes telles que l'eau d'orge et de chiendent, l'eau de graine de lin, émulsionnée et nitrée, le petit lait, le bouillon de poulet, etc. ; enfin on entretient sur son ventre des fomentations émollientes.
suites de l'opération.
Il peut se présenter deux cas, suivant qu'il survient ou non des accidens après l'opération. Lorsque aucun accident ne trouble la marche de la nature, le malade éprouve toujours peu après avoir été placé dans son lit, une douleur qui prend naissance au col de la vessie, et se propage de là jusqu'au bout du gland et à l'anus; Boyer conseille d'y remédier en instillant dans l'urètre un mélange fait de parties égales d'huile d'amandes douces, de baume tranquille et de teinture d'opium. Vers la fin du second jour la fièvre se manifeste pour tomber vingt-quatre ou quarante-huit heures après. Pendant les huit ou dix premiers jours qui suivent l'opération, l'urine passe entièrement par la plaie; quel-quefois il en sort une certaine quantité par la verge, jusqu'au troisième ou quatrième jour, ce qui tient à la tuméfaction des lèvres de la plaie; aussitôt que cette tuméfaction est dissipée, l'urine recommence à passer par la plaie. Durant cçtte période elle présente aussi une teinte rougeâtre, qui dépend de son mélange avec la matière colorante des caillots sanguins contenus dans la vessie.
L'époque à laquelle la plaie est cicatrisée varie beaucoup. L'ou-verture du col de la vessie se ferme avant celle des tégumens. C'est ordinairement du huitième au quinzième jour que l'urine commence à sortir par l'urètre ; la quantité qui passe par ce canal augmente à mesure que la plaie du col diminue ; lorsque celle-ci
est complètement cicatrisée, la plaie extérieure, qui n'est plus entretenue par le passage de l'urine, se resserre peu-à-peu et se trouve complètement fermée du vingtième au trentième jour. On cite des exemples où la guérison a eu lieu beaucoup plus tôt : de deux malades observés par Boyer, l'un fut complètement guéri le dix-septième jour, et l'autre le dix-neuvièrne. Mais aussi on en cite d'autres chez lesquels l'urine n'a commencé à sortir par la verge que le vingtième, le trentième et même le trente-cinquième jour, et qui n'ont été complètement guéris qu'après le deuxième mois. Ce retard dans la guérison peut tenir aux dif-ficultés qu'on a éprouvées à extraire la pierre, à la maigreur du sujet, et à l'usage du tampon nécessité par une hémorrhagie.
Après l'opération de la taille périnéale il n'est nullement né-cessaire d'introduire une algalie dans la vessie par l'urètre, ou de placer une canule dans la plaie , soit pour diriger le cours de l'urine, soit pour prévenir son infiltration dans les tissus; l'al-galie fatigue l'urètre et irrite la vessie ; la canule irrite, elle aussi, le col vêsical et les lèvres de la plaie, et nuit plus à la cicatrisa-tion qu'elle ne lui est utile; en général il vaut donc mieux s'en abstenir et abandonner les choses à la nature. Si l'on redoute le séjour de l'urine dans la vessie, on préfère pratiquer le cathé-térisme toutes les fois que le besoin d'uriner se fait sentir, et si jamais on éprouvait le besoin de s'opposer au rapprochement des lèvres de la plaie , dit M. Velpeau , au lieu d'une canule, il vau-drait mieux y placer une mèche de linge effilé ou une simple tente de charpie.
Vers le quatrième jour après l'opération, si les organes diges-tifs du malade sont en bon état, et s'il n'a pas de fièvre ou n'en a que très peu, on peut lui permettre des bouillons, quelques jours après des potages légers, puis plus tard un peu de viande et de vin coupé avec de. l'eau, en augmentant ainsi graduelle-ment la nourriture jusqu'à la guérison. Chez les enfans et chez les vieillards affaiblis et épuisés, il faut soutenir plus vite les forces au moyen d'un régime convenable. Dans tous les cas on doit administrer des lavemens émolliens et quelques laxatifs, pour vider les intestins et empêcher la constipation , car les ef-forts de défécation nuiraient singulièrement à la guérison de la plaie.
accidens qui peuvent succéder a la taille périnéale.
Ces accidens sont nombreux: la syncope et les convulsions, causées par les terreurs du malade, se manifestent quelquefois avant même que l'opération soit commencée; souvent aussi elles surviennent pendant qu'on la pratique, sous la double influence de la crainte et de la douleur.
Hémorrhagie. C'est le plus fréquent de tous les accidens qui peuvent accompagner la taille, ou lui succéder. Elle dépend de la lésion d'une des artères du périnée, soit de la superficielle ou de la transverse; jamais de la honteuse interne, à moins de dis-position anormale, parce que, dans sa disposition normale, cette artère est suffisamment garantie de l'action des instrumens par la branche ascendante de l'ischion. L'hémorrhagie peut aussi venir de l'hémorrhoïdale et des plexus artériels et veineux de la prostate ; celle de toutes les artères qui en est la cause la plus fréquente, est la branche inférieure de la honteuse interne, parce qu'elle présente beaucoup de variétés par rapport à son volume, à sa direction et à sa position. Le fait essentiel est de savoir de quel point vient l'hémorrhagie : M. Velpeau donne les signes suivans comme moyen de diagnostic : « Si le sang s'échappe de « l'angle supérieur de la plaie, ou de la couche sous-cutanée, a ce sont les branches superficielles qui le fournissent; il vient « de la transverse si le doigt, porté à une certaine profondeur, « l'arrête en pressant sur la lèvre externe de la plaie, vis-à-vis du « bulbe et de la portion membraneuse; de l'hémorrhoïdale s'il « coule par l'angle inférieur de la solution de continuité. Dans « le cas où la honteuse elle-même aurait été blessée, c'est égale-« ment en arrière et en dehors qu'on trouverait la source de l'hé-« morrhagie. Si le sang est fourni par la division des plexus « veineux, ou d'une artère placée autour de la prostate, on le « distingue d'abord à sa couleur et à ce que, venant d'une grande « profondeur, i! ne cesse pas de couler lorsqu'on presse avec le « doigt tous les points de la plaie périnéale. » Toutefois, loin que ces signes aient un degré de certitude absolue, il n'est pas toujours possible, même avec leur aide, de dire par quels vais-seaux le sang est fourni. Au reste, de quelque point que vienne l'hémorrhagie, il faut y porter remède dès qu'elle se montre avec assez d'abondance pour compromettre la vie du sujet; mais il ne faut pas y mettre trop de précipitation , car les adultes vigoureux peuvent perdre quatre ou cinq palettes de sang sans le moindre inconvénient; cette perte produit même chez eux un dégorge-ment salutaire qui s'oppose efficacement au développement de l'inflammation des parties, tandis que pour les vieillards et les individus faibles, une pareille émission sanguine serait trop abon-dante.
Les moyens propres à remédier à l'hémorrhagie sont la liga-ture et le. tamponnement.
Lorsque l'hémorrhagie se manifeste pendant l'opération, il vaut mieux lier immédiatement le vaisseau qui la fournit, que d'at-tendre pour le faire que l'opération soit terminée, parce que, alors, si le vaisseau est superficiel, il est facile à trouver, tandis que plus tard le sang peut couler en nappe, auquel cas le tam-ponnement est le seul moyen propre à l'arrêter. Si le sang venait d'une artère profonde, et qu'on ne pût la lier , on pourrait, sans inconvénient, attendre que l'extraction de la pierre fût terminée avant d'essayer d'y porter remède, si le sujet était vigoureux; mais s'il était faible , avant de passer outre il serait conve-nable de faire suspendre l'écoulement avec le doigt d'un aide appliqué sur le point d'où l'on présumerait que le sang sortirait. Immédiatement après l'opération , on essayerait de découvrir l'artère ouverte, et si l'on y parvenait, on la saisirait avec une pince ou bien avec le ténaculum, et on l'étreindrait dans une li-gature. Si par exception, l'artère honteuse était blessée, et qu'on ne pût l'atteindre dans le point où elle serait ouverte, on devrait, à l'exemple de Physick, de Philadelphie, passer un fil entre elle et la branche ischio-pubienne : voici comment agit ce chirurgien.
Procédé de Physick. Il prit une aiguille courbe à manche, de J. L. Petit, l'enfonça dans l'intérieur de la plaie de dedans en dehors, jusqu'au-delà du côté externe de l'artère, et en arrière du point lésé, la ramena dans la plaie en rasant la surface interne de la branche ischiatique, dégagea le fil de sa pointe, puis étran-gla l'artère et les tissus intermédiaires par un nœud. Rappro-chons de ce procédé ceux de MM. Caignon et Travers. M. Cai-gnon a proposé de passer son aiguille à travers le trou obturateur, pour étreindre en même temps l'artère et la branche ischiatique dans le même fil. M. Travers veut qu'on aille la lier à son pas-sage entre les ligainens sciatiques. Le moyen mis en usage par Physick est le plus facile; les deux autres sont plus sûrs, mais
plus longs et compliqués. Au reste, bien qu'il soit très probable qu'on aura rarement besoin de recourir à la ligature de la hon-teuse pour des blessures propres de son tronc, comme on pour-rait néanmoins être obligé d'y recourir pour arrêter une hémor-rhagie dépendant de la division d'une de ses branches, nous n'a-vons pas cru devoir passer sous silence les moyens qui ont été conseillés dans ce but.
Si, après être parvenu à saisir avec une pince le vaisseau ouvert dans la plaie, il était trop difficile de le lier, on en pratiquerait la torsion, et dans le cas où celle-ci ne pourrait être exécutée, parce que l'hémorrhagie se ferait en nappe et viendrait d'un lieu profond, il faudrait tamponner avec de la charpie, ou bien exer-cer une compression sur toute la surface delà plaie à l'aide d'une canule entourée de charpie. On se sert ordinairement d'une ca-nule de gomme élastique ou d'argent flexible, entourée de charpie ou d'agaric ; on la place de manière que son extrémité pénètre un peu dans la vessie et que la charpie ou l'agaric soit en contact avec les parties qui fournissent le sang. Chez les sujets maigres, le doigt indicateur suffit pour conduire la canule dans la vessie; mais, dans ceux qui sont gras, et chez qui le doigt ne peut pé-nétrer jusqu'au col, le gorgeret est préférable; avec lui on évite de pénétrer entre la vessie et le rectum.
Cette canule, ainsi préparée, présente une forme conique, afin de pouvoir pénétrer plus facilement; mais cette disposition elle-même rend son effet très incertain, surtout si le vaisseau qui fournit le sang est profond , car la compression s'exerce plus fortement dans les parties superficielles que dans les parties pro-fondes qui, souvent même, lui échappent complètement; alors le vaisseau continuant à verser du sang qui ne peut s'échapper au-dehors, à cause de la fermeture exacte de la plaie par la ca-nule, reflue dans la vessie, et y détermine des accidens dont on ne s'aperçoit souvent, qu'alors qu'il n'est plus temps d'y remé-dier.
Procède de Bojer. Ce chirurgien , appelé en 1791 à Provins pour tailler un homme de 60 ans , fut obligé de latéraliser son incision un peu plus qu'à l'ordinaire, à cause d'une tentative de taille médiane qui avait été faite quelques jours auparavant. Le sang coula en abondance. Aussitôt que l'opération fut terminée, il prit une algalie de femme, l'entoura d'une bandelette de linge jusqu'à 27 millimètres de son extrémité, la fit pénétrer dans la vessie, de manière que toute la partie qui n'était pas entourée de linge y plongeât, et la rangea dans l'angle inférieur de la plaie; puis il enfonça au-dessus, jusqu'au col de la vessie, avec une pince à pansement, un gros bourdonnet de charpie sur lequel il avait noué un cordonnet de fil composé de plusieurs brins. Nous ne suivrons pas plus loin ce procédé que nous avons décrit avec le tamponnement du rectum.
Procédé de Dupuytren. Nous ne ferons également que l'indi-quer dans son application à la vessie. Nous avons vu que Dupuy-tren employait une canule d'argent, longue de 11 à 14 centim., et de 9 millim. de diamètre, offrant deux anneaux à son extré-mité externe et trois ouvertures à son extrémité interne; l'une tout-à-fait au bout, et les deux autres, ovalaires et très larges, sur les côtés. Au devant d'elles était un sillon circulaire dans lequel on fixait l'une des extrémités d'un petit sac de toile ouvert par ses deux bouts, de façon qu'après avoir été attaché sur la canule, il présentait en avant une ouverture évasée et en arrière un cul-de-sac, au-delà duquel les ouvertures de la canule étaient libres.
T. VII.
Dupuytren enfonçait son appareil dans la plaie , jusqu'à ce que toute la partie libre de la canule pénétrât dans la vessie. Il la don-nait à tenir à un aide, et accumulait de la charpie entre elle et la chemise dans le but de comprimer toute la surface de la plaie; puis il fixait le tout à l'aide d'un T double auquel il attachait les cordons passés dans les anneaux de la canule.
Cet appareil joint à une grande simplicité, l'avantage de per-mettre un écoulement facile aux urines et une libre issue aux caillots sanguins contenus dans la vessie. Celui de Boyer pré-sente l'avantage de pouvoir être fabriqué partout et à l'impro-viste.
Lorsque le tamponnement est pratiqué, il faut faire placer le malade dans son lit et le surveiller attentivement pendant les pre-mières vingt-quatre heures pour voir si l'hémorrhagie ne se re-nouvellera pas.
L'hémorrhagie consécutive se manifeste surtout chez les ma-lades qui ont perdu une certaine quantité de sang pendant l'o-pération. L'écoulement, en effet, s'étant d'abord suspendu par suite du refroidissement et de la crispation des vaisseaux, reparaît aussitôt que la chaleur revient et que les mouvemens du coeur reprennent leur force et leur activité. C'est ordinairement deux ou trois heures après l'opération qu'il se montre, quelquefois plus tard. Les moyens propres à y remédier sont les mêmes que dans les cas où il arrive pendant l'opération. Cependant avant d'en venir à la ligature ou au tamponnement, il est bon d'avoir recours aux réfrigerans, appliqués sur les cuisses, l'hypogastre et la plaie; M. Velpeau conseille l'application de sinapismes ou de ventouses sèches entre les deux épaules.
Une observation importante à faire, lorsqu'on veut tamponner, est de bien s'assurer que la vessie ne contient pas de sang liquide ou caillé, et, s'il y en a, de l'enlever d'abord, en injectant de l'eau dans la vessie, parce que sa présence donnerait lieu, de la part de l'organe et de celle des muscles abdominaux, à des efforts d'ex-pulsion qui pourraient être assez considérables pour chasser l'ap-pareil, fût-il même solidement appliqué.
Hémorrhagie interne. Quelquefois le sangs'écoule dans la vessie sans qu'on s'en aperçoive au début. Cela tient à ce que des cail-lots sanguins obstruent la plaie et empêchent le sang de s'échap-per à l'extérieur, ou bien à ce que l'appareil de compression n'agit pas assez sur le vaisseau ouvert pour arrêter le sang. La pâleur du malade, l'affaiblissement de son pouls, la sueur froide qui couvre son corps, sont autant de signes qui dénotent une hé-morrhagie interne; mais le plus manifeste est l'élévation de l'hypo-gastre où l'on sent une tumeur qui s'élève derrière les pubis, en devenant de plus en plus douloureuse, à mesure que la distension augmente, et qui n'est autre chose que la vessie remplie de sang. En pareil cas, il faut commencer par vider la vessie à l'aide d'in-jections, et, lorsqu'on y est parvenu, appliquer de nouveau l'ap-pareil compressif avec plus d'exactitude que la première fois; s'il ne pouvait prévenir l'épanchement interne, on pratiquerait la ligature de l'artère honteuse par l'un des procédés indiqués plus haut, mais pour plus de sécurité, celui de M. Gaignon qui comprend dans le même fil l'artère et la branche ascendante des ischions. Dans quelques cas, heureusement fort rares, l'hémor-rhagie est au-dessus des ressources de l'art : c'est lorsqu'elle pro-vient de la rupture des vaisseaux de la vessie, à la suite de l'ex-traction de pierres enkystées, chatonnées ou adhérentes, comme dans l'observation de Lapeyronie. On ne peut y opposer alors que
des injections froides ou astringentes, telles que celles faites avec le sulfate d'alumine, la noix de galle, l'acide sulfurique étendu, etc., etc.
Tant que le tamponnement existe, le rectum aplati ne laisse passer ni gaz ni matières. On y remédie en poussant dans l'in-testin une grosse canule en gomme élastique au-delà du tampon et en y injectant de l'eau qui délaie les matières et les entraîne. (Voy. Maladies du rectum.)
Cystite et phlegmon. — L'inflammation de la vessie et du tissu cellulaire voisin est un autre accident assez fréquent et très re-doutable. Boyer assure qu'elle fait périr les trois quarts des su-jets cpii meurent après la taille périnéale. Elle peut survenir dans les cas les plus simples comme dans les plus compliqués; c'est ordinairement dans les deux ou trois premiers jours qu'elle se manifeste. Boyer assure qu'on la voit très rarement survenir après le quatrième. Elle débute par un frisson suivi de chaleur et d'une douleur qui siège dans la vessie, et, de là, s'irradie dans les par-ties voisines. Il s'y joint de la tension dans l'hypogastre, et divers autres signes qui caractérisent la cystite. En pareil cas, la surface de la plaie est sèche. — Les saignées générales et locales, prati-quées avec promptitude et abondance, les fomentations émol-lientes et. anodines sur le ventre et sur le périnée, les lavemens émolliens, et les bains long-temps prolongés, sont les meilleurs moyens d'y remédier.
On a signalé, après l'opération de la taille périnéale, des acci-densdus à la présence des vers intestinaux, Yecchymose du scro-tum et Yengorgement des testicules. Ce dernier accident, assez commun, dépend de la division ou de la contusion des canaux éja-culateurs. Il se traite comme la cystite, par les antiphlogistiques.
Fistules urinaires. Après l'opération , la plaie du périnée reste quelquefois fistuleuse. Il y a lieu de craindre cet accident lors-qu'au bout de cinquante ou soixante jours, l'urine passe encore par la plaie. Après cette époque, il est important de s'assurer de la cause qui y donne lieu, afin de pouvoir y remédier par les moyens appropriés.
Vincontinence d'urine est très rare après l'opération de la taille latéralisée; autrefois on l'observait beaucoup plus souvent lorsqu'au lieu de couper les parties on les confondait ou on les déchirait avec des instrumens dilatateurs; elle succédait ordinai-rement, à la gangrène des parties froissées. Cette maladie est incu-rable toutes les fois que l'urine s'écoule de la vessie à mesure qu'elle y arrive, et que cet état persiste plusieurs mois. Lorsque l'incontinence de l'urine est incomplète, de telle sorte qu'une partie du liquide passe par l'urètre et l'autre par la plaie, on peut espérer de la guérir.
Paralysie de la vessie. Elle ne mérite pas d'autres soins que ceux qu'on indique à l'occasion de cette maladie.
L'impuissance est un accident propre à la taille médiane et à la taille latéralisée, et dépend de ce que les conduits éjaculateurs lésés, puis enflammés , se sont cicatrisés isolément ou oblitérés dans une certaine étendue. C'est un accident au-dessus des res-sources de l'art.
Blessure du rectum. Le rectum peut être blessé lorsque sa ca-vité est très grande, et qu'il forme une espèce de gouttière autour de la prostate et du col de la vessie : c'est un cas effectivement où il est fort difficile de l'éviter, bien cpi'on ail pris la précaution de le vider, surtout lorsqu'on emploie le lithotome de F. Côme. Avec le gorgerel de Hawkins, on l'évite d'une manière certaine ; mais, ainsi que nous l'avons dit, cet avantage est compensé par beau-coup d'inconvéniens qui ont empêché les chirurgiens français de lui accorder la préférence. Dans quelques cas, la blessure de l'in-testin tient au défaut d'habileté ou de connaissance de l'opérateur : pour l'éviter M. Huguier a conseillé de tirer sur la verge pen-dant l'incision de la prostate. Quoi qu'il en soit, lorsque le rectum est ouvert, si la blessure est petite, il peut arriver que l'on ne s'en aperçoive pas de suite; mais si la blessure a une certaine étendue, on reconnaît cet accident à la sortie des gaz et des matières fé-cales.
Les suites de cette blessure sont différentes suivant qu'elle est près de l'anus ou beaucoup au-dessus de cette ouverture, que la plaie est grande ou petite , parallèle ou non à celle de l'urètre ou du col de la vessie, et que la couche de tissu cellulaire qui se trouve entre ces parties et le rectum est plus ou moins épaisse. Si la plaie est petite et près de l'anus, elle peut se guérir d'elle-même, surtout si le sujet est gras. Ses auteurs citent quel-ques observations de ce genre, où il n'y a point eu de fistule consécutive, surtout chez les enfans. Lors même que la plaie est plus grande, pourvu que les matières stercorales n'y passent que dans les cas où le malade va à la garde-robe, et qu'il ait de l'em-bonpoint, elle ne nuit pas à la cicatrisation de la division de l'urètre et du col de la vessie, et lorsque le cours des urines est rétabli, cette fistule guérit par le traitement ordinaire des autres fistules à l'anus. Si néanmoins le cours des urines tardait trop à se rétablir, on doit introduire une sonde en gomme élastique à de-meure dans la vessie, et en continuer l'usage jusqu'à parfaite guérison; ce moyen a parfaitement réussi dans plusieurs cas où l'on avait intéressé le rectum. Quand l'ouverture de l'intestin est plus élevée, et près de l'incision de l'urètre et de la prostate, on s'accorde à considérer la maladie comme très difficile à gué-rir; on voit quelquefois la plaie extérieure se cicatriser, tandis que la communication persiste entre le rectum et la vessie : alors le ma-lade rend de l'urine par le rectum, et quelques matières stercorales délayées par la verge. Mais le plus souvent les matières urineuses et fécales continuent à passer par le périnée. Dans cette circon-stance, Boyer considère la sonde à demeure dans la vessie comme le seul moyen dont on puisse espérer de bons résultats, pourvu qu'on ait le soin d'en commencer l'usage de bonne heure, de la faire porter long-temps, et de mettre le malade à un régime propre à lui donner de l'embonpoint. Si ce moyen ne réussit pas, il considère la maladie comme incurable.
L'incision de toute la partie de l'intestin comprise entre la blessure et l'anus, qui a été conseillée et que l'on conseille encore, est considérée par Boyer comme devant augmenter la maladie et la rendre moins supportable. Mais l'expérience n'a point justifié cette réprobation, seulement il faut distinguer : si l'on s'aperçoit de la blessure du rectum au moment même de l'opération , et qu'on incise l'intestin depuis le point où il est ouvert jusqu'à l'anus, les matières fécales ne trouvant plus de résistance dans les sphincters qui sont coupés, sortent par l'anus sans pénétrer dans la vessie, et n'empêchent pas le plus souvent la plaie urétro-prostatique de se cicatriser. Lorsque cette cicatrice est faite, s'il reste une fistule anale, qu'il faut opérer comme une fistule ordi-naire. Mais si l'on ne découvre la blessure du rectum que quel-ques jours après l'opération, l'incision de l'intestin depuis la lésion
jusqu'à l'anus n'aurait plus les mêmes avantages, parce que la condensation du tissu cellulaire intermédiaire confond les deux plaies, en une seule et empêche la plaie urétro-vésicale de se fermer.
TAILLE RECTO-VÉSICALE (Pl. 65).
Considérant, d'une part, que les tailles périnéales ne peuvent donner issue qu'à des calculs d'un volume peu considérable, et re-doutant, d'autre part, les dangers de la taille hypogastrique, au moyen de laquelle on extrait les plus gros calculs, Sanson conçut en 18 r 5 ou 1816 l'idée de leur ouvrir une voie par le rectum, et publia sur ce sujet, en 1821, un mémoire intitulé : des moyens de parvenir à la vessie par le rectum.
Rien, qu'air dire de M. Clol, cette méthode soit connue depuis long-temps en Egypte, et que F. Côme ait guéri une fistule recto-vésicale entretenue par un calcul, en extrayant celui-ci par le rectum, il n'en est pas moins vrai que Sanson est le premier qui ait érigé en méthode l'extraction de la pierre à travers l'extrémité inférieure du gros intestin.
D'après ce que nous avons dit précédemment des craintes que les chirurgiens avaient de la blessure du rectum dans les tailles périnéales, il est facile de comprendre que l'idée de Sanson dut être généralement mal accueillie. C'est en effet ce qui eut lieu en France et à l'étranger, excepté en Italie où un grand nombre de chirurgiens distingués en conçurent une meilleure opinion. M. Barbantini, de Lucques, fut le premier qui la mit à exécution. Vacca Berlinghieri, qui l'adopta, y apporta des modifications im-portantes; puis, Lancisi et plusieurs autres, l'appliquèrent éga-lement sur le vivant. Les succès qu'ils obtinrent contribuèrent beaucoup à la répandre et à détruire les craintes qu'elle avait fait naître ; aussi maintenant a-t-elle été pratiquée par un grand nom-bre de chirurgiens : Sanson, son inventeur, Dupuytren, MM. Caze-nave, Pezerat, Willaume, Barbantini, Vacca, Giorgi, Géri, Gallori, Guidetti, Giuseppe, Castara, Cittadini, Regnoli, Randiera, Clot, Castel, Lallemand et plusieurs autres. Comme on le voit, c'est par des Italiens qu'elle a été le plus souvent pratiquée. Sur une centaine environ d'opérations de cette nature, il ne paraît pas qu'il y en ait été pratiqué plus d'une trentaine en France jus-qu'en 1824, ainsi qu'on peut le voir dans les Archives générales de Médecine, tom. 11.
Avant de décrire le manuel opératoire de cette espèce de taille, nous allons indiquer brièvement les rapports des parties sur les-quelles on doit agir.
Anatomie opératoire de la région recto-vésicale (Pl. 5i et 52). Le rectum qui s'étend depuis l'extrémité inférieure de l'S iliaque du colon jusqu'à l'anus, marche obliquement de haut en bas, de dehors en dedans, et de gauche à droite, depuis son origine jusque vers le milieu du sacrum où il est maintenu en place par le méso-rectum. De là il se porte en bas et en avant, immédiate-ment derrière la vessie, jusqu'à la base de la prostate, dont il s'é-loigne ensuite pour marcher en bas et en arrière et venir se ter-miner à l'anus. Pour ce qui nous occupe, il n'y a d'important à étudier dans cet intestin que sa partie moyenne et sa partie infé-rieure, à cause de leurs rapports avec la vessie et la prostate. La partie moyenne qui a, suivant Sanson, une longueur d'environ 8 centimètres, est courbée sur elle-même. Elle offre en avant une concavité qui est en rapport avec la partie postérieure et infé-rieure de la vessie, dont elle est seulement séparée en bas et en dehors par les vésicules séminales, les canaux déférens et les ure-tères. Sa face postérieure convexe, repose sur le sacrum et le coc-cyx, et ses côtés sont partout environnés par du tissu cellulaire. Dans toute son étendue elle est dépourvue de péritoine; le cul-de-sac que forme cette membrane entre l'intestin et la vessie ne s'étend pas ordinairement au-delà du point où la partie moyenne et la partie supérieure se réunissent. Cependant, comme il pour-rait arriver qu'il descendît plus, on ne devra jamais inciser assez haut pour l'atteindre. La cavité intérieure de cette portion de l'in-testin est variable en étendue. Chez quelques vieillards elle est assez dilatée pour présenter sur les côtés de la prostate deux sail-lies proéminentes. Dans l'état normal elle est toujours assez large pour donner passage aux plus gros calculs.
La partie inférieure du rectum, qui s'étend depuis la base de la prostate jusqu'à l'anus est concave en arrière et convexe en avant; elle forme le bord postérieur du triangle périnéal dont le bord antérieur est représenté par la prostate , la partie membra-neuse et le bulbe de l'urètre. Sa longueur varie entre 22 et 40 millimètres; elle est entourée, dans toute son étendue, par les sphincters qui forment sur les côtés un ruban aplati, et d'autant plus épais qu'on les considère plus inférieurement.
La partie de la vessie qui correspond au rectum est comprise entre les uretères, les conduits déférens et les vésicules séminales, qui reposent aussi sur l'intestin. Elle est triangulaire et plus large en arrière qu'en avant, bornée dans le premier sens par le cul-de-sac recto-vésical du péritoine, et dans le second par la prostate. Les côtés de la face inférieure de la vessie, qui sont en dehors des canaux déférens et des vésicules séminales, sont environnés par du tissu cellulaire.
En résumé, si l'on examíneles parties qui sont superposées entre le rectum et la vessie, on trouve que la portion moyenne de l'intestin n'est séparée, en haut, du réservoir de l'urine que par du tissu cellulaire lâche, quelques veines qui forment des plexus plus ou moins considérables, suivant les individus, et une aponévrose mince que M. Denonvillers a nommé prostato-pèri-tonéale, et plus bas par les vésicules séminales les canaux éjacu-lateurs et la prostate. La partie inférieure de l'intestin est séparée de la prostate et de l'urètre par les aponévroses, les muscles et le tissu graisseux du périnée dont nous avons déjà parlé. Sur la ligne médiane il n'y a aucuns vaisseaux dont on puisse redouter la lésion. « Enfin, dit Dupuytren, en mesurant des tégumens vers « l'intérieur du bassin jusqu'au repli vésico-rectal, l'espace dans « lequel le rectum correspond à la région postérieure de la vessie « et de l'urètre, on trouve qu'il a 8 à g centimètres. C'est le long « de cette ligne que doit être pratiquée la taille recto-vésicale. » (Dict. de Méd. et Chir. prat.)
Opération. Sanson a de prime abord imaginé deux procédés bien distincts : dans le premier on pénètre dans la vessie par son col, en divisant seulement la prostate et la partie inférieure du rectum; dans le second on y pénètre par son bas-fond, entre le repli recto-vésical du péritoine et la prostate, dont on divise quel-quefois le tiers postérieur.
Premier procédé de Sanson dans lequel on divise la prostate et le col de la vessie (Pl. 65, fig. 1,2, 3,4)- Le malade étant situé et maintenu comme dans l'une des tailles périnéales, le chirurgien introduit le cathéter dans la vessie et le donne à tenir à un aide, au-quel il recommande de le tenir dans une position parfaitement ver-ticaleet de presser sur la paroi antérieure du rectum. Introduisant
alors, dans l'anus, le doigt indicateur gauche enduit d'un corps gras, la face palmaire tournée en haut, de la main droite il fait glisser dessus, à plat, la lame d'un bistouri aigu, étroit, dont le tranchant a 7 centimètres (a pouces 1 yi) de longueur. Lorsque la pointe de ce bistouri est arrivée à 1 4 ou 18 millim. (6 à 8 lig.), au-dessus du bord de l'anus, il relève le tranchant, abaisse le manche et pique à cette hauteur, que l'mcision ne doit pas dé-passer, la partie la plus inférieure de la paroi antérieure du rec-tum, en soutenant le bistouri avec le doigt indicateur placé dans l'anus; l'instrument étant alors relevé, son tranchant fortement appliqué aux parties, on incise du bas en haut, ou vers soi, le sphincter de l'anus et la partie postérieure du périnée. Cette pre-mière incision divise le rectum dans l'étendue de i5 à 18 millim., le sphincter de l'anus, le périnée depuis l'anus jusqu'au bulbe de l'urètre, et pénètre dans l'espace triangulaire qui sépare l'urètre du rectum. Le doigt indicateur gauche, dont le bord cubital est tourné en haut, est porté dans l'angle supérieur de la plaie, où il reconnaît la portion membraneuse de l'urètre et la prostate; son ongle se place dans la cannelure du cathéter, et sert à y conduire le bistouri qui pique cette partie de l'urètre, le tranchant tourné en bas vers le rectum. Faisant alors élever le cathéter vers la sym-physe pubienne, l'opérateur glisse le bistouri, en suivant exac-tement sa cannelure et la direction de la ligne médiane du corps, jusque dans la cavité de la vessie à travers son col. Lorsqu'il y est arrivé, ce dont il est averti par la sortie de l'urine, il élève le manche du bistouri, abaisse sa pointe afin de l'éloigner du ca-théter, et divise la prostate et le col de la vessie de haut en bas et d'avant en arrière , jusqu'au rectum qu'il ne faut pas atteindre de nouveau.
Procédé de Vacca Berlinghieri. Au lieu d'introduire préala-blement l'indicateur gauche dans le rectum, le chirurgien italien couvrait la pointe et le tranchant du bistouri avec la pulpe de l'indicateur droit, en les faisant tous deux glisser par un mouve-ment de rotation en quart de cercle, dans l'intestin. Lorsqu'il était arrivé à la profondeur voulue, il tournait le tranchant en avant; son doigt se trouvant appliqué sur le dos de la lame, il piquait alors l'intestin et le divisait d'arrière en avant jusqu'à son orifice anal. Quant au reste de l'opération, il f exécutait comme Sanson.
C'est cette simple modification d'inciser l'intestin en le piquant préalablement, au lieu de l'inciser en relevant le manche et en pressant avec le tranchant contre la paroi antérieure de l'intestin, puis les succès qu'a obtenus Vacca en suivant ce procédé, qui lui ont fait donner le nom de méthode de Vacca.
Second procédé de Sanson dans lequel on divise le bas-fond de la vessie. Pour l'exécuter, on incise le rectum comme précé-demment, mais dans l'étendue de ¡27 millimètres (1 pouce). De cette manière, la face inférieure de la prostate étant mise à nu, le doigt indicateur gauche porté dans l'incision sent le bord pos-térieur de cette glande, et plus en arrière la cannelure du ca-théter qui appuie sur le bas-fond de la vessie. Alors le bistouri, conduit sur ce doigt, le tranchant tourné en arrière, est enfoncé dans la cannelure de l'instrument conducteur, et poussé d'avant e?i arrière jusqu'à ce qu'il ait fait à la vessie une incision de »7 millimètres, tandis que le doigt indicateur, reporté dans le rectum, éloigne cet intestin , afin d'éviter qu'il ne soit touché par l'instrument. Dans ce procédé, comme le dit son auteur, la par-tie la plus reculée de la glande prostate est souvent lésée en com-mençant l'incision.
En pratiquant cette opération sur le cadavre , l'examen des parties démontre qu'on a divisé le rectum dans toute l'étendue de ses sphincters, et que l'incision de la vessie permet d'explorer aisément sa cavité. Vue par la surface interne de l'organe, cette incision, qui commence derrière la prostate, s'étend en suivant la ligne médiane jusque vers le milieu de l'espace compris entre les uretères, sans toucher les vésicules séminales et les canaux éjacu-la leurs.
Bien que le second procédé ait sur le premier l'avantage de présenter aux calculs une voie ouverte au milieu du [dus grand écartement des tubérosités sciatiques, délaisser intact le col delà vessie, et par conséquent de ne pas l'exposer aux contusions, aux distensions et aux déchirures qui résultent souvent de l'extraction delà pierre par cette voie, ce second procédé pourtant n'en a pas moins été abandonné complètement, même par son auteur qui, s'il ne lui avait pas d'abord donné la préférence sur le pre-mier, l'avait du moins rangé sur la même ligne. Cet abandon est motivé sur ce que les faibles avantages, dont nous venons île par-ler, sont largement compensés par le grave inconvénient d'être exposé à blesser le cul-de-sac recto-vésical du péritoine, et sur-tout par celui de voir le malade conserver après sa guérison une fistule recto-vésicale, ainsi qu'il en existe plusieurs exemples.
Le procédé qui consiste à pénétrer dans la vessie par son col présente l'avantage incontestable d'exposer moins que l'autre aux fistules urinaires. L'expérience a démontré à Vacca que cet accident ne survenait pas lorsqu'on n'incisait le rectum que dans une longueur de i5 à 18 millimètres; mais alors même il est im-possible d'éviter de diviser l'un des canaux éjaculateurs. Cette, lé-sion, au reste, n'entraîne point de graves dangers à sa suite; l'expérience démontre qu'il est rare de voir l'orchite ou l'im-puissance en être le résultat. Quant à la blessure de la vésicule séminale, elle ne peut survenir que dans le cas où l'on porte l'in-cision au-delà des limites prostatiques, et beaucoup plus sur le côté qu'elle ne doit y être réellement.
Valeur de la taille recto-vésicale. Comparée à la taille latéralisée, Sanson et Dupuytren lui accordaient une foule d'avantages, dont quelques-uns sont contestables; ceux qu'elle offre réellement sont : i° d'agir sur des tissus dépourvus de troncs artériels dont on ait à craindre la blessure, et par conséquent de n'être jamais sui-vie d'hémorrhagie redoutable ; i" de constituer un manuel opéra-toire beaucoup plus simple et plus facile que les autres tailles sous-pubiennes; 3° d'offrir à l'urine, après l'extraction des calculs, pendant que le malade est étendu horizontalement sur le dos, une ouverture qui livre un passage facile aux urines et s'oppose à ce qu'elles s'extravasent dans le tissu cellulaire voisin et dans celui du bassin. Mais d'autres avantages qu'on lui attribue, savoir, de per-mettre aux instrumens d'arriver jusqu'à la vessie par une voie courte, large et directe, au travers de laquelle les calculs les plus volumineux peuvent aisément être extraits; de faciliter la sortie des fragmens brisés, et enfin de mettre à même de pratiquer immé-diatement et avec sûreté les débridemens que nécessitent quel-quefois les calculs enchatonnés ou adhérens; ces avantages ne sont vrais qu'en combinant les deux procédés. Ainsi, toutes les lois qu'on dépasse les limites de la prostate en agrandissant l'incision en arrière, l'issue est grande et peut livrer passage à des calculs assez volumineux. Celui que retira M. Barbantini, de Lucques, la pre-mière fois qu'il pratiqua la taille recto-vésicale, pesait un peu plus de 280 grammes, et offrait 8 centimètres de longueur, 5 centimètres et demi de largeur et 4 centimètres d'épaisseur. Mais lorsqu'on
ne dépasse pasles limites de la prostate, dans la section antéro-pos-lérieure, ces avantages n'existent plus : ordinairement, le diamètre antéro-postérieur de la glande n'ayant pas plus de 25 à 3o milli-mètres, l'ouverture qu'il peut offrir aurait bien moins d'étendue que celle de la taille bilatérale. Si, au contraire, l'incision ne porte que sur le bas-fond de la vessie, comme on ne peut lui donner plus de 35 millimètres d'étendue sans courir le risque d'ouvrir le cul-de-sac recto-vésical du péritoine, on voit que cette espèce de taille sera moins avantageuse que la taille bilatérale, dont la grandeur des incisions réunies peut dépasser 45 millim. Resterait la modification indiquée par Dupuytren où, réunissant en un seul les deux procédés, on prolongerait l'incision de la prostate et du col de la vessie sur le bas-fond de cet organe. Il est bien vrai qu'en agissant ainsi, on pourrait obtenir une ou-verture de 54 millimètres de diamètre; mais la taille bilatérale , si l'on prolongeait, latéralement ses incisions en dehors des li-mites prostatiques , serait susceptible de fournir une ouverture plus grande encore et plus avantageuse. Il faut bien remarquer que dans cette taille , pas plus que dans les autres , ni l'incision du triangle périnéal, ni celle de la portion membraneuse de l'u-rètre, ne favorisent l'extraction du calcul. Ce ne sont pas, en effet, les parties extérieures qui opposent de la difficulté à sa sortie, mais bien le col de la vessie et la prostate. Enfin, la taille recto-vésicale, faite d'une façon ou d'une autre, fût-elle aussi avanta-geuse , sous tous les rapports, que les tailles latéralisées, devrait encore leur céder la préférence, à cause de la fistule recto-vésicale qu'elle laisse souvent après elle.
Examinée sous le rapport de ses résultats définitifs, la taille recto-vésicale est à-peu-près aussi dangereuse que la taille latéra-lisée ordinaire. Sur 89 observations prises au hasard dans les re-cueils périodiques les plus estimés , Dupuytren a prouvé qu'il y avait eu 15 morts, ce qui donne 1 sur 6, à-peu-près ; sur les 74 gué-ris, 12 ont conservé des fistules. Chez un d'entre eux, le sperme était rendu pendant l'éjaculation par l'ouverture accidentelle. Le terme de la guérison a varié depuis huit à quinze jours jus-qu'à sept ou huit mois.
Suivant Dupuytren, la taille recto-vésicale convient surtout pour les sujets adultes et pour les vieillards , chez lesquels les inflammations et les hémorrhagies sont très graves et très re-doutables ; on peut, au contraire, se dispenser d'y recourir chez les enfans, parce qu'en général ils guérissent fort bien par les autres méthodes.
TAILLE HYPOGASTRIQUE OU SUS-PUBIEME.
Comme son nom l'indique , la taille hypogastrique consiste à faire une incision aux parois abdominales pour mettre la vessie à découvert.
Historique. Personne, à ce qu'il paraît, n'avait conçu l'idée de la taille hypogastrique avant Franco , encore fût-ce le hasard qui conduisit ce grand chirurgien à la pratiquer, comme il le dit lui-même dans son traité des hernies (Lyon, 1561, chap. XXXIII, p. 139). Ses paroles méritent d'être citées : « Je réciterai, dit-il, ce qu'une fois m'est advenu, voulant retirer une pierre à un en-fant de deux ans ou environ, auquel ayant trouvé la pierre de la grosseur d'un œuf de poule ou à-peu-près, je fey tout ce que je peu pour l'amener bas, et voyant que je ne pouvoy rien avancer par tous mes efforts, avec ce que le patient restoit merveilleuse-t. vu.
ment tormentê , et aussi les pareils désirant qu'il mourût plutôt que de vivre en tel travail, joint, aussi que je ne vouloys pas qu'il me fût reproché de ne l'avoir su tirer (qui étoit à moi grande folie) je déliberay avec l'importunité du père, mère et amis, de copper ledit enfant par dessus l'os pubis, d'autant que la pierre ne voulut descendre bas, et fut coppé sur le pénil, un peu à costé et sur la pierre, car je levoys icelle avec mes doigts qui estoyent au fondement et d'autre côté en la tenant subjette avec les mains d'un serviteur, qui comprimoyf le petit ventre au-dessus de la pierre, dont elle fut tirée hors par ce moyen, et puis après le pa-tient fut guéri, ( nonobstant qu'il en fut bien malade ) et. la playe consolidée : Combien que je ne conseille à homme d ainsi faire. Franco ne dit point avoir incisé préalablement le périnée, comme on le croit généralement. Bien qu'il ait recommandé à ses contemporains et à ses successeurs de ne pas l'imiter, heu-reusement ils n'ont point tenu compte de son injonction. Rousset publia, en i58i, un ouvrage intitulé de Partu cœsarœ, dans lequel il décrivit soigneusement la taille sus-pubienne et la proposa comme méthode générale. Quoiqu'il l'ait beaucoup vantée, il paraît néanmoins qu'il n'eut jamais l'occasion de la pratiquer sur le vivant. En i635, Nicolas Piètre revint sur cette taille dans une thèse. Suivant le rapport de Collot, qui écrivait en 1681, Bonnet l'aurait pratiquée à l'Hôtel-Dieu avec un succès complet; T. Proby de Dublin réussit également, en 1700, sur une fille de 20 ans. Néanmoins, pour voir cette opération définitive-ment constituée, il faut arriver jusqu'en 1718, époque à laquelle Jacques Douglas la pratiqua avec succès pour la première fois, en Angleterre. Alors les principaux chirurgiens de la Grande-Breta-gne, Cheselden, Middlelon, Macgill, Thornhill et Morand, en France, tournèrent vers ce point leur attention et leurs efforts. Douglas et Cheselden rapportent que, de 1719a 1723, sur 1 5 ma-lades taillés par cette méthode, ils n'en ont perdu que 2 ; sur i 2, Thornhill n'en perdit que 2, et Macgill 1 sur 4; ce qui fait en tout 5 morts pour 3i opérés. Morand la pratiqua, à Paris, aux Invalides, en 1827 ; mais son malade succomba aux imprudences qu'il fit. Ainsi donc, vers le premier quart du xixe siècle, la taille hypogastrique avait été déjà exécutée un assez grand nombre de fois pour qu'on pût juger de ses résultats. Aussi, bien que la taille périnéale latéralisée, qui était alors dans tout son lustre, l'ait fait beaucoup négliger, encore necessa-t-ellepas entièrement d'être pratiquée. Toutefois, il faut signaler, à cet égard, comme un arrêt pendant une période de 5o ans, et ce n'est que depuis 1775, époque à laquelle F. Côme entreprit de la remettre en vogue, qu'elle n'a pas cessé d'être considérée comme une opération utile dans certains cas. Bazeilhac s'en déclara le partisan; après lui, son neveu M. Souberbielle, l'adopta comme méthode générale, et. la pratiqua exclusivement comme il le fait encore. En même temps Deschamps,puis successivement Boyer,Dupuytren, E.Home, Scarpa, MM. Amussat, Baudens et autres, l'ont aussi mise en usage, mais assez rarement; et maintenant on la considère, en général, comme une opération utile et bonne, réservée pour les cas spéciaux qui en nécessitent l'emploi.
Anatomie opératoire (Pl. 5i et 5a). Ce dont il est important de se rappeler lorsqu'on veut pratiquer la taille hypogastrique, C'est la disposition du péritoine par rapport à la paroi abdomi-nale et à la vessie.
Lorsque la membrane séreuse abdominale a formé son cul-de-sac, entre le rectum et le réservoir de l'urine, elle continue de s'avancer d'abord sur la face postérieure, puis sur la supérieure,
dont elle est écartée par l'ouraque et les artères ombilicales obli-térées , jusqu'auprès de la face postérieure du pubis, derrière laquelle elle se réfléchit eti avant pour venir tapisser la face posté-rieure de la paroi abdominale. Entre les pubis et le cul-de-sac vésico-abdominal du péritoine existe un intervalle plus ou moins considérable, suivant l'état de plénitude ou de vacuité de la vessie; cet intervalle est rempli par du tissu cellulaire qui l'unit à la ligne blanche et à ses parties latérales. C'est par là qu'on doit arriver sur la face antérieure du réservoir de l'urine.
Manuel opératoire. Personne ne sera tenté d'imiter franco, c'est-à-dire d'introduire deux doigts dans l'intestin pour soulever le calcul jusqu'à la paroi abdominale, et pour inciser cette der-nière sur le corps étranger; aussi ne nous arrêtons-nous pas à ce procédé qui ne pourrait être bon que pour les cas où la pierre, très volumineuse, remplirait en grande partie la vessie et ne per-mettrait ni d'y pousser une injection, ni d'y introduire la sonde à dard.
Procédé de Rousset. \\ faisait étendre son maladesur le dos, près du bord droit de son lit, ou sur une table garnie d'un matelas; le faisait tenir par des aides, se plaçait à sa droite, et, dans le but d'é-loigner le péritoine du pubis, injectait lentement, à travers une algalie préalablement introduite, un quart ou un tiers de litre d'eau tiède, d'eau d'orge ou de guimauve, dans la vessie, jusqu'à ce que le sommet de cet organe fît saillie au-dessus du pubis. Puis il retirait la sonde pour empêcher l'eau de sortir; il faisait comprimer la verge par un aide et lui recommandait de l'abaisser entre les cuisses du malade, tendait en travers, avec la main gauche, la peau de la région hypogastrique, qu'il avait eu le soin préalablement de faire raser. Ces dispositions étant prises, il incisait, avec un rasoir, le long de la ligne médiane, la peau, le fascia superficialis et les aponévroses de la ligne blanche, dans l'étendue de 8 à i i centimètres; puis il faisait une ponction à la vessie, près de son col, avec un bistouri légèrement concave, en évitant de la faire trop grande, dans la crainte de voir le liquide sortir en entier, et la vessie s'affaisser sur elle-même. Il intro-duisait ensuite par cette ouverture un bistouri concave comme le précédent, mais lenticule, le dos tourné vers le pubis , agran-dissait l'incision de bas en haut avec la précaution de ne pas aller jusqu'au péritoine, et terminait en retirant le calcul avec les doigts de la main droite, ou bien avec une tenette.
Plusieurs modifications ont été apportées à ce procédé.
i" Sous-procédé de Douglas. Ce chirurgien, le premier, s'é-tant aperçu que les injections étaient fort douloureuses et diffici-lement supportées par certains malades, conseilla de distendre modérément la vessie et de remplacer le rasoir par le bistouri convexe. Du reste , il disposait son malade comme le recom-mande Rousset, et incisait la vessie de bas en haut vers le pé-ritoine.
•h" Sous-procédé de Cheselden. Au lieu d'injecter de l'eau dans la vessie, Cheselden prescrivait aux malades de garder leurs uri-nes le plus long-temps qu'ils le pourraient, jusqu'à ce que l'or-gane fût distendu au point de saillira l'hypogastre. Comme Dou-glas, il incisait les parties extérieures avec un bistouri convexe, ponctionnait la vessie avec un bistouri concave, et l'incisait de haut en bas, dans le sens opposé à Rousset et à Douglas, afin de ne pas s'exposer à blesser le péritoine.
3" Sous-procédé de Morand. Après avoir incisé la peau et les aponévroses comme Douglas, Morand portait son doigt indicateur gauche dans l'angle supérieur de la plaie et l'appuyait contre la vessie pour maintenir le péritoine et diriger le bistouri. Aussilèt qu'il avait ouvert le réservoir de l'urine, il portail son doigt indi-cateur dans l'incision , le recourbait «m crochet pour soulever le viscère et prolongeait l'ouverture de haut en bas, jusqu'auprès du pubis, avec un bistouri boutonné.
Le procédé de Rousset, même avec toutes les modifications dont nous venons de parler, présentait plusieurs inconvéniens dont on a beaucoup exagéré la gravité. Telles sont : i°les dou-leurs causées par les injections; 2° la facilité que trouve l'urine à sortir par la plaie delà vessie, à s'infiltrer dans le tissu cellulaire du bassin après l'opération, et à y développer des abcès gangre-neux; 3° enfin, le danger de blesser le péritoine. Ce sont ces in-convéniens qui ont porté F. Côme à imaginer le procédé suivant.
Procédé de F. Corne. Après avoir placé son malade comme pour la taille périnéale, F. Côme introduisait dans la vessie un cathéter cannelé, dont il se servait pour inciser le périnée dans l'étendue de 3 centimètres, dans la même direction que pour la taille latéralisée. Lorsqu'il avait mis à nu la partie membraneuse de l'urètre, il l'incisait jusqu'à la prostate, faisait glisser dans la vessie, par cette ouverture et sur le cathéter qu'il retirait ensuite, une sonde cannelée qui lui servait à diriger dans le viscère une sonde à dard (Pl. 68, fig. 37). Cette sonde n'était autre chose qu'une algalie ordinaire cannelée sur sa concavité, et portant dans son intérieur une lige plus longue que la sonde, de près de 7 centimètres, et large de 4 millim. sur 2 d'épaisseur. A son ex-trémité vésicale, cette tige était terminée par un dard et portait un bouton aplati à son autre extrémité. Lorsqu'elle était placée dans la vessie, F. Côme la donnait à tenir à un aide, remettait son malade dans la situation ordinaire et incisait la peau de l'hypo-gastre et le tissu cellulaire le long de la ligne blanche jusqu'au pubis, dans l'étendue de 8 à 10 centimètres; puis il enfonçait der-rière le pubis , jusqu'aux deux tiers ou la moitié de sa longueur, un petit Irocart dont la tige, fendue dans toute sa longueur, ren-fermait une lame tranchante qu'on pouvait en faire sortira l'aide d'une vis ou d'une bascule (fig. 39), et incisait ainsi la partie in-férieure de la ligne blanche. Pour agrandir cette, incision, il sub-stituait au trocart un bistouri courbe, dont la pointe était termi-née par un bouton lenticulaire aplati, qu'il faisait glisser entre le péritoine et les aponévroses de la ligne blanche. Il lui était facile alors de couper celle-ci sans toucher à la membrane séreuse. Lorsqu'il jugeait que l'incision était assez grande, il prenait de la main droite la sonde à dard par son pavillon, et exportait le bec jusqu'à la paroi antérieure de la vessie, tandis qu'il refoulait plus en haut le péritoine avec le doigt indicateur gauche afin de ne pas le percer avec le dard. Alors il saisissait, entre le pouce et l'index gauche, l'extrémité de l'algalie coiffée par la vessie, et prescrivait à un aide de pousser doucement le bouton qui ter-minait le dard; celui-ci perçait la vessie et sortait environ de 5 centimètres. Pendant qu'il formait ainsi une barrière au péri-toine qui ne pouvait pas descendre plus bas, et que le bec de l'algalie soulevait la vessie et maintenait sa paroi antérieure dans un état de tension, le chirurgien divisait cet organe vers le pubis avec un bistouri qu'il enfonçait dans la cannelure qui régnait sur la concavité de la sonde à dard ; puis il plaçait son doigt indica-teur gauche dans le réservoir de l'urine, qu'il soulevait comme avec un crochet, faisait retirer la sonde à dard, après avoir préa-
laidement, fait rentrer sa pointe dans son intérieur, agrandissait la plaie, si cela était nécessaire, et retirait la pierre avec des te-nettes. Enfin , il plaçait une sonde en gomme élastique dans la vessie, à travers la plaie faite au périnée, afin de fournir une issue à l'urine par la partie la plus déclive de l'organe et l'empêcher de sortir par la plaie.
Dans l'espace de 20 ans, F. Corne mit son procédé en pra-tique une centaine de fois, et il affirmait en avoir obtenu de grands succès. Bien que Boyer prétende que ce procédé n'ait au-cun des inconvéniens de celui de Rousset, parce qu'il n'oblige pas à avoir recours aux injections et qu'il donne à l'urine une issue facile, la pratique, néanmoins, à la place de ces inconvé-niens, en a signalé d'autres tout aussi graves. Ainsi, d'une part, la plaie du périnée n'empêche point l'urine de sortir par la plaie de l'hypogastre et de s'infiltrer clans le tissu cellulaire; et, d'autre part, en 1811, Dupuytren démontra que cette incision, alors gé-néralement pratiquée, était une complication inutile, exposait à des dangers réels, et qu'il était convenable de la supprimer. Scarpa E. Home, M. Souberbielle, M. Belmas, et la plupart des chirur-giens de l'Europe ayant approuvé ces raisons, on a depuis renoncé à l'incision périnéale. Scarpa, M. Belmas et M, Leroy ont de plus modifié la sonde à dard dont se servait F. Côme. Ayant re-marqué que le bec de la sonde sortait quelquefois à travers la piqûre du dard, et qu'alors la vessie ne pouvait plus être main-tenue clans un état de tension convenable, Scarpa, le premier, en fit construire une dont la rainure ne s'étendait que jusqu'à quel-ques millimètres de son bec, et était assez profonde pour laisser, sur chaque côté du dard, assez d'espace pour qu'on pût y faire glisser un bistouri. Lorsqu'on poussait le dard, son extrémité s'écartait graduellement jusqu'à 5 ou 6 millimètres du bec de la sonde, de façon que celui-ci soulevait la paroi de la vessie au-delà du point où elle était perforée et ne pouvait s'échapper. La sonde de M. Belmas présente une courbure assez brusque pour que son bec puisse glisser derrière les pubis; une autre pièce contenue dans la première est poussée en haut jusque vers le sommet de la vessie, qu'elle tend, en même temps qu'elle repousse en haut le péri-toine. Cette seconde partie présente , à son extrémité libre, un bourrelet saillant qui doit soutenir les parois de la vessie lorsque le dard les a traversées. La sonde de M. Leroy (d'Etiolles) est con-trutte comme celle de F. Côme, et présente une entaillure, située à quelques millimètres de son extrémité, pour arrêter la vessie dans le cas où le bec viendrait à passer par l'ouverture faite par le dard.
Parmi ces instrumens on s'accorde à reconnaître celui de M. Bel-mas, comme étant à-la-fois le plus commode et le plus sûr. Mais les opinions sont partagées à l'égard de l'utilité de la sonde à dard ; beaucoup de chirurgiens, et entre autres , MM. Amussat et Bau-dens la rejettent complètement, tandis que M. Bégin la croit né-cessaire.
Il existe encore une foule d'instrumens, propres à divers usages, imaginés clans ces derniers temps par divers chirurgiens, pour pra-tiquer la taille hypogastrique. Mais , en général, ces instrumens qui ne rendent l'opération ni plus facile, ni plus sûre, ne sont employés que par leurs auteurs. Parmi eux, les uns ont pour objet de tenir suspendue la vessie lorsque l'incision est faite, et les autres servent tout à-la-fois à faire l'incision et à suspendre l'organe. M. Tanchon a imaginé une espèce de trocart aplati, dont la gaîne cannelée est transformée en bistouri par une tige tranchante; après avoir incisé les tégumens et la ligne blanche avec un bistouri convexe, il reconnaît la vessie préalablement distendue par une injection d'eau tiède, enfonce son instrument à travers la paroi antérieure du viscère et retire la tige; il ne reste plus dans la cavité que la gaine qui se recourbe au moyen d'un ressort, pour former un crochet suspenseur dans la canne-lure duquel on conduit un bistouri boutonné pour agrandir la plaie.
L'instrument suspenseur imaginé par M. Belmas n'est autre chose qu'un gorgeret terminé par une extrémité mousse et re-courbée (fig. 29). Celui dont E. Côme faisait usage était constitué par une tige aplatie et recourbée à angle droit, à l'une de ses ex-trémités (fig. 4a)- M. Leroy (d'Etiolles) en a imaginé deux (fig. 4^ et 44)- L'un d'eux (44) est construit sur le modèle du releveur de la paupière supérieure de Pellier.
De toutes les modifications opératoires que nous venons de passer en revue, aucune n'a été adoptée exclusivement. Mais de la réunion de ce que l'on a trouvé de meilleur dans chacune d'elles, résulte un procédé commun qui n'appartient à personne en particulier. On l'appelle ordinaire parce qu'il est le plus géné-ralement employé. Par sa simplicité il se rapproche beaucoup plus du procédé de Bousset que des autres.
Au reste, il n'en est pas de la taille sus-pubienne comme de la taille périnéale. Dans cette dernière, les procédés diffèrent par toutes les conditions essentielles : le lieu, la forme, l'éten-due et la direction des incisions, le nombre et la variété des parties divisées. Aussi les procédés sont-ils bien distincts les uns des autres, et par leur manuel opératoire, et par leurs résultats. Dans la taille hypogastrique, au contraire, une seule condition est à remplir, celle de pénétrer dans la vessie pour en extraire le calcul au-dessus du pubis. Pour y parvenir se succèdent trois temps opératoires communs à tous les procédés : la section de la paroi abdominale, l'ouverture de la vessie et l'extraction du calcul. Il n'y a donc ici, en réalité, qu'une méthode, car il n'y a qu'un trajet à parcourir et par un moyen déterminé qui, sauf quelques particularités , est le même dans toutes les manières d'opérer. Or, la lésion du péritoine, dans les deux incisions, et l'infiltration de l'urine, après l'opération, étant les deux acci-dens essentiels à éviter, c'est dans les divers moyens d'y parvenir que consistent les différences cpii caractérisent les divers pro-cédés. Pour offrir un sens clair et prévenir en même temps des redites et des longueurs inutiles, il nous a donc paru convena-ble de décrire d'une seule fois la méthode générale , dérivée du fait lui-même, et par conséquent commune à tous les chirurgiens, en consignant, à propos de chaque temps opératoire, les modi-fications qui constituent les divers sous-procédés , sauf à décrire à part le procédé de M. Baudens, le seul qui se distingue, dans ses deux premiers temps , du procédé ordinaire.
Procédé ordinairk.— Position du malade. On le place hori-zontalement sur une table étroite, solide et pas trop haute, autour de laquelle on puisse facilement tourner. Le malade doit avoir été préparé convenablement la veille; ces dispositions prises, le chirurgien introduit une sonde dans la vessie pour y injecter une quantité d'eau tiède que M. Amussat estime à un ou deux verres. Cette injection, qu'on peut faire aussi avec de l'eau d'orge ou de l'eau de guimauve, doit être préférée à la rétention des urines par le malade, que les fréquens besoins d'uriner empê-chent de pouvoir retenir le liquide en quantité suffisante pour distendre la vessie.
L'injection d'air atmosphérique faite avec une vessie de boeuf garnie d'un robinet, déjà employée du temps de Rousset, pré-
eonisée depuis par Solingen et proposée de nouveau de nos jours, no présente aucun avantage particulier. Lorsqu'on a in-jecté une quantité d'eau suffisante on retire la sonde, on pres-crit à un aide de comprimer la verge vers son extrémité, pour empêcher le liquide de sortir, et l'on procède à l'incision des parties extérieures.
Incision ik i.a l'Aitoi abd jiminai.e. Incision médiane sur la ligne blanche. Le chirurgien placé à la droite du malade , et non entre ses jambes comme le veut M. Belmas, prend un bis-touri convexe avec la main droite , tend les téguinens avec la main gauche, les incise «mi allant de l'ombilic an pubis, dans l'étendue de 8 à 10 centimètres, et divise au-dessous le tissu cel-lulaire jusqu'aux aponévroses. Cette incision doit s'étendre un peu sur le pubis, afin d'éviter le séjour de l'urine dans l'angle inférieur de la plaie, ef son infiltration dans le tissu cellulaire; ensuite on fait une incision de 27 millim. (un pouce) à la partie inférieure de la ligne blanche, soit avec le bistouri droit ordi-naire , soit avec le bistouri trocart de F. Corne , mais préférable-ment avec le premier de ces instrumens. On reconnaît qu'on est arrivé derrière la paroi aponévrotique lorsqu'on éprouve la sen-sation d'une résistance vaincue, ou qu'on voit sortir un peu de tissu cellulaire par l'ouverture qu'on a faite. Mais après la sec-tion de la ligne blanche se trouve plus profondément le feuillet fibro-celluleux sous-péritouchai , qu'il s'agit ('gaiement d'inciser. C'est cette manœuvre qui est la plus délicate parce que, sur l'autre face du feuillet s'applique immédiatement le péritoine. On l'ouvre par une très petite ponction et on glisse au-dessous , à l'exemple de Scarpa , une sonde cannelée sur laquelle on le divise en travers. Pour reconnaître le sommet de la vessie, le moyen le plus certain, comme le pratique M. Amussat, con-siste à glisser le doigt indicateur gauche à travers l'incision jus-que sur l'organe, à introduire le doigt indicateur droit dans le rectum, e! à soulever avec lui le bas-fond de la vessie; la fluc-tuation qui se fait sentir entre les deux points touchés, démontre que c'est le viscère qui se trouve compris entre les doigts. La vessie étant reconnue, pour agrandir l'incision de la ligne blan-che et du feuillet fibreux sous-péritonéal, on peut employer un bistouri droit boutonné, glissé à plat sur le doigt qui soulève les aponévroses, ou un bistouri pointu conduit sur une sonde cannelée; celle-ci est introduite sous le feuillet fibreux de bas en haut, en avant soin que les bords de sa cannelure soient exactement appliqués contre la face postérieure de la paroi ab-dominale, et que son bec pénètre entre elle et le péritoine, afin (pie celui-ci soit préservé de l'atteinte du bistouri lorsqu'on le fait glisser dans la rainure de la sonde. Si l'on veut employer le bistouri boutonné, on le fait filera plat sur le doigt indicateur, dont la pulpe dépasse le bouton sous l'aponévrose, et, retour-nant vers elle le tranchant, on l'incise en pressant plutôt qu'en sciant; avec cette précaution, le bout du doigt repousse et pré-serve le péritoine. Cette manière d'agir est assez sûre ; toutefois l'emploi de la sonde cannelée est plus généralement préféré.
Incision df la vessie. On la pratique de deux manières : 1 par ponction avec un bistouri pointu, dirigé sur l'ongle de l'indicateur gauche; par ponction et incision sur la cannelure d'une sonde à dard.
1 Incision delà vessie avec le bistouri. L'ouverture de la vessie a été long-temps un sujet de discussion entre les chirurgiens.
Roussel incisait l'organe de bas en haut; Thibaut est le dernier qui ait préconisé cette manœuvre, dont le danger est de léser le péritoine en terminant la section. Cheselden a établi en pré-cepte de faire l'incision de haut eu bas, précisément pour com-mencer la ponction au-dessous du repli du péritoine. Son conseil, adopté par beaucoup de chirurgiens, est aujourd'hui la règle en vigueur. Pour pratiquer cette incision, on place le doigt indi-cateur dans l'angle supérieur de la plaie, la face palmaire tour-née vers l'ombilic (Pl. (56, fig. 3), et on en appuie l'extrémité sur la partie de la vessie qu'on veut ponctionner. Alors faisant glisser la lame du bistouri sur ce doigt, on en tourne le tranchant vers le pubis, on plonge sa pointe dans la poche urinaire, on agrandit un peu la ponction en retirant l'instrument, et l'on introduit aussitôt le bout du doigt dans l'ouverture, en lui faisant exé-cuter un mouvement de vrille, afin de ne pas glisser à côté, où il irait décoller inutilement le tissu cellulaire voisin , et de ne pas donner le temps à la vessie de se vider; puis, à l'imita-tion de Morand, qui en a donné l'exemple et le précepte, on recourbe le doigt en crochet afin qu'il soutienne le viscère. Ce doigt, qui ferme et remplit l'incision, empêche l'urine de sortir; immédiatement le chirurgien s'en sert pour explorer la vessie et prévoir, suivant les données fournies par ce rapide examen , ce qu'il conviendra défaire ultérieurement. Ensuite, recourbant le doigt en crochet, il s'en sert pour attirer en haut la vessie et pour conduire le bistouri, avec lequel il prolonge l'incision du viscère vers son col dans une étendue proportionnée au volume du calcul. Si le sujet est maigre, on y emploie le bistouri pointu qui divise mieux les tissus que le bistouri boutonné; mais si l'embonpoint du malade est tel qu'il augmente beaucoup l'épais-seur de la paroi abdominale, le bistouri courbe de Polt peut être fort utile. Au lieu de continuer à se servir du doigt pour suspendre la vessie, on peut y substituer avec avantage l'un des suspenseurs dont nous avons parlé; celui de M. Behnas est un des plus commodes, en ce sens qu'étant creusé en gouttière, il occupe très peu de place, quoique tenant bien écartées les lè-vres de l'incision, et laisse un large espace pour l'introduction et la manœuvre du doigt et des instrumens. Dès que la plaie est agrandie, l'urine s'écoule en abondance et il faut se hâter d'in-troduire les tenettes pour procéder à l'extraction du calcul.
i° Incision sur la sonde à dard. On l'introduit dans la vessie comme une sonde ordinaire, avant d'ouvrir la paroi hypogastri-cpie, on fait glisser son bec derrière la symphyse jusqu'à la ligne blanche, en abaissant comme nous l'avons vu , son pavil-lon d'un arc de i3o° avec la ligne blanche (Pl. 68, fig. 5) et on prescrit à un aide de la maintenir dans cette position, pendant qu'on divise la paroi abdominale comme dans le cas précédent. Lorsqu'on est arrivé à la vessie, on prend la sonde des mains de l'aide , on pousse son bouton olivaire contre la paroi antérieure du viscère, derrière le bord du pubis; on refoule en haut le repli péritonéal avec le doigt indicateur gauche , et lorsqu'on est sûr que l'extrémité de la sonde n'est coiffée que par les membranes de la vessie, on la saisit entre le pouce et l'index gauche, et l'on fait sortir le dard de 4 ou 6 centimètres suivant le besoin ; alors donnant l'extrémité externe de la sonde à tenir à un aide, on fait glisser dans la cannelure du dard un bistouri pointu, droit ou concave, avec lequel on divise la paroi antérieure de la vessie en allant de haut en bas, depuis le point où elle a été perforée par le dard jusqu'auprès de son col. On recom-mande alors à l'aide de retirer le dard dans la sonde, puis la
sonde elle-même, et. l'on place en même temps son doigt indi-cateur gauche dans l'angle supérieur de la plaie de la vessie, on le remplace immédiatement par le suspenseur qu'il donne à tenir à l'un des aides, on s'assure avec le doigt, de la position et du volume du calcul, et l'on procède à son extraction.
On pourrait aussi inciser la vessie avec le conducteur de M. Leroy (d'Etiolles) et le bistouri cystotome de M. Belmas (fig. 6, pl. 68), mais ces instrumens ne sont pas usités.
Enfin il peut arriver que la pierre soit tellement embrassée par la vessie qu'il soit impossible de faire parvenir l'extrémité de la sonde à dard jusqu'à la paroi antérieure de ce viscère. Dans ce cas on ne peut que diviser la vessie sur la pierre , d'après le procédé de Franco. Lorsqu'on aura fait une ouverture assez grande avec le bistouri pointu pour y introduire le doigt, on y substituera un bistouri boutonné, avec lequel on prolongera l'incision vers le pubis.
Incision latérale a la ligne blanche. Elle comprend seule-ment le procédé de M. Baudens, car nous ne croyons pas devoir insister sur la modification de M. Drivon qui a songé à faire l'incision de la paroi abdominale le long du bord externe du muscle droit, en raison de la moindre épaisseur de l'aponé-vrose en ce point. En deux mots, la lésion probable de l'artère épigastrique et l'incision latérale de la vessie, font que cette modification n'est même pas proposable.
Procédé de M. Baudens. Au lieu de pratiquer son incision directement sur la ligne blanche, M. Baudens trouve préférable de la faire un peu en dehors de cette ligne, entre elle et le bord interne du muscle sterno-pubien. Le motif sur lequel est fondée cette préférence, est que l'on éprouve moins de difficulté pour agrandir la plaie et pour en écarter les lèvres lorsqu'on veut découvrir la vessie. Voici en quoi consiste le procédé opératoire. M. Baudens ne fait aucune injection préalable dans la vessie. Le malade étant placé dans la situation convenable, le chirurgien marque avec l'ongle le point où commence la symphyse du pubis, et trace la ligne que doit parcourir l'incision jusqu'à sa limite supérieure, dans une longueur de 7 à 8 centimètres. S'armant alors du bistouri, il divise dans un premier temps la peau et le tissu adipeux sous-cutané, puis, après avoir reconnu la ligne blanche, il incise à 6 ou 8 millim. au dehors, dans la même étendue que la peau, le feuillet aponévrotique qui recouvre la face antérieure du muscle sterno-pubien. Déposant alors le bis-touri, il plonge entre les lèvres de l'incision le doigt indicateur gauche, écarte et déchire le tissu cellulaire et insinuant l'extré-mité du doigt derrière la symphyse pubienne il décolle, pour se frayer un passage , la face.antérieure de la vessie jusqu'au-dessus du col; puis recourbant le doigt en crochet et raclant avec l'ongle de bas en haut la surface de la vessie, il ramène en haut, dans la direction de l'ombilic, le repli transversal du péri-toine sur la face antéro-supérieure de la vessie. Sans désemparer, en continuant à fixer le péritoine par la face palmaire de l'index gauche, de la main droite il fait glisser verticalement sur l'ongle du doigt qui est dans la plaie, la pointe du bistouri qui plonge alors de haut en bas dans la vessie, sans aucune crainte de blesser le péritoine. Aussitôt que la ponction a donné un orifice suffisant, le doigt qui avait servi de guide au bistouri le suit pour plonger dans la vessie qu'il soulève en crochet, en même temps que la lame continue de prolonger l'incision jusqu'au-des-sus du col vésical. Le reste de l'opération se pratique comme il a
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été dit plus haut. Toutefois si, par une circonstance accidentelle, soit la contraction spasmodique des muscles sterno-pubiens, soit l'étroitesse de la plaie de la vessie ou le volume énorme du calcul, l'extraction de ce dernier présente de sérieuses difficultés, M. Baudens pense, à l'exemple de Pye et de Dupuytren, qu'on peut, pour débrider, inciser latéralement en travers le muscle droit, et même au besoin les deux lèvres de la plaie de la vessie transformée alors en une incision cruciale.
Opération en deux temps. Pour éviter l'infiltration de l'urine M. Vernière (Bulletin de Férussac, t. xxn, p. 224) a proposé, après avoir incisé la paroi hypogastrique, de placer entre elle et la vessie une plaque de plomb destinée à tenir le péritoine appliqué contre la face postérieure des muscles droits, et de ne la retirer que lorsque des adhérences se seront établies entre les deux surfaces, c'est-à-dire au bout de deux ou trois jours, et d'inciser alors la vessie. M. A. Vidal a fait une autre proposition du même genre; il pense aussi qu'on pourrait effectuer l'opé-ration en deux temps. On inciserait d'abord la paroi abdomi-nale, et deux jours après on inciserait la vessie. Alors, en effet, le tissu cellulaire serait devenu imperméable par l'inflammation, et l'urine ne pourrait plus le traverser. Mais les chirurgiens n'ont point adopté ces modifications.
Extraction du calcul. On glisse ordinairement une tenètte droite ou courbe, suivant le besoin, sur le doigt explorateur, et l'on prend toutes les précautions convenables pour ne pas dé-coller la vessie du tissu cellulaire ambiant, et la séparer de l'urè-tre ; lorsqu'on est parvenu dans sa cavité , on charge la pierre, et, avec le doigt qui est dans la vessie, on s'assure avant de l'ôter qu'elle est bien prise; puis on tire sur les tenettes en les faisant tourner sur elles-mêmes, sans trop les serrer, dans la crainte d'é-craser le calcul. Dans quelques cas, l'extraction avec les tenettes seules est difficile, parce que le calcul, volumineux et friable, ne pouvant être fortement serré, tend à retomber; pour faciliter cette extraction , on introduit une curette dans l'organe, on la fait glisser sous le calcul, et on la donne à tenir à un aide qui agit avec elle comme avec un levier, tandis qu'on tire sur la tenette avec les deux mains dont l'une, placée en supination, embrasse l'instrument tout près de ses mors, et dont l'autre la tient par les anneaux (Voy. Pl. 66, fig. 2). On peut aussi, au lieu de la tenette, employer simplement la curette, alors on tire sur l'angle supé-rieur de la plaie avec l'indicateur gauche, et l'on fait écarter une de ses lèvres avec un crochet mousse, tandis qu' on soulève le calcul avec la curette, et qu'on tâche de le faire sortir par la plaie (Voy. Pl. 66, fig. 1).
Si le calcul était enkysté ou enchatonné, on pourrait diviser la paroi antérieure du kyste, ou le bord du chaton avec un bis-touri conduit sur le doigt et guidé par lui, ou bien soulever la paroi antérieure du kyste avec une sonde cannelée, et la diviser avec un bistouri conduit dans la cannelure de cette sonde (Pl. 66,
fig- 4)-
Lorsque le calcul n'est pas d'un volume extraordinaire , et que la vessie est vaste, l'extraction du corps étranger se fait fa-cilement; mais si la vessie est immédiatement appliquée sur le calcul, on est quelquefois obligé, pour l'extraire, de se servir d'une tenette à forceps dont on introduit les branches l'une après l'autre, en les conduisant sur le doigt indicateur; on les articule ensuite et on retire la pierre.
L'extraction de la pierre présente quelquefois d'assez grandes
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difficultés. Mais par le fait même de la méthode qui permet de mettre la cavité de la vessie largement à découvert, il n'est, pour ainsi dire, point de cas dont on ne puisse se tirer par la taille hy-pogastrique, en élargissant au besoin les plaies de la paroi ab-dominale et de la vessie. C'est ainsi qu'on a retiré par cette voie des calculs d'un volume et d'un poids énorme, et souvent de la forme la plus bizarre. M. Krimer a extrait un calcul pesant 23 onces et a guéri son malade. On cite des cas où le calcul pesait 25 onces, 2 livres, 3 et jusqu'à 3 livres 3 onces. On a montré à M. Velpeau un calcul de 4 pouces de diamètre qui avait été enlevé par M. Noël. Les annales de la science sont remplis de faits semblables. Enfin, la taille hypogas-trique , la seule qui permette d'extraire les calculs adhérens et enchatonnés, offre également des ressources pour les cas exceptionnels, comme celui de M. Léonardon, où, après l'ex-traction du calcul, il se trouva qu'il restait à la surface de la vessie une croûte adhérente, que l'on ne put enlever qu'en ra-clant avec une cuiller. Tant d'avantages pour faire face même à des circonstances accidentelles que le diagnostic n'avait pu prévoir, assignent à la taille sus-pubienne un rang à part, dans la lithotomie.
Pansement. On a toujours cru qu'un pansement était utile après la taille hypogastrique ; les moyens employés pour s'op-poser à la sortie de l'urine par la plaie, et pour obtenir la gué-rison de cette dernière, ont beaucoup varié.
Commençons par exposer les règles du pansement ordinaire, et nous dirons ensuite ce qu'on doit croire de tous les moyens proposés pour s'opposer à la sortie de l'urine par la plaie de l'hypogastre.
Emploi de la mèche. Depuis F. Corne on a pour habitude, après l'opération de la taille par le haut appareil, de placer entre les lèvres de la plaie une bandelette de linge effilée dont une des extrémités pénètre dans la vessie, et dont l'autre pend entre les jambes; cette bandelette, en s'imbibant d'urine, a pour usage de servir de filtre et de conducteur à ce liquide, et de l'em-pêcher de fuser dans le tissu cellulaire. L'effet qu'on attribue à cette mèche n'est pas aussi grand qu'on semble le croire, et sa présence n'est point indispensable. La crainte de voir l'urine s'ex-travaser dans le tissu cellulaire, est en général exagérée; elle ne doit réellement préoccuper l'opérateur que dans les cas où le sujet étant très gras et la vessie très profondément située, on s'est trouvé, par suite des recherches nécessitées pour trouver l'organe, obligé de décoller dans une trop grande étendue le tissu cellu-laire qui l'entoure et qui l'unit à la paroi abdominale. La mèche n'est donc, en général, véritablement utile que durant les deux premiers jours qui suivent l'opération, parce que, après cette épo-que, les tissus habitués au contact des liquides et déjà enflammés, ne sont plus aussi perméables. Cependant, comme en définitive la présence de la mèche ne peut nuire en aucune façon, il n'y a pas d'inconvénient à en continuer l'usage.
Outre la mèche, on applique sur la surface de la plaie un linge troué enduit de cérat, de la charpie et, par-dessus, une ou deux compresses ; ce pansement est soutenu par un bandage de corps médiocrement serré. Quelques opérateurs veulent qu'on réunisse la partie supérieure de la plaie avec des bandelettes agglutina-tives, et qu'on ne laisse que l'angle inférieur d'ouvert pour le passage des urines.
Lorsque le pansement est appliqué, on place un cerceau sur le corps du malade pour empêcher la couverture de détacher les pièces de l'appareil.
Outre la mèche effilée pour servir de conducteur à l'urine, et pour l'empêcher de s'infiltrer , plusieurs autres moyens ont été conseillés. Les deux principaux sont la suture des plaies, et la canule à demeure dans la vessie.
i" Suture. Déjà connue au temps de Rousset, elle a été con-seillée dans le but de s'opposer à la sortie et à l'infiltration de l'urine, par Solingen, Praîbisch, Douglas, Rossi, Gehler, Monro, et plusieurs de ces chirurgiens passent, même pour l'avoir prati-quée; mais les préceptes qu'ils donnent à ce sujet sont si peu précis qu'on ne sait trop comment ils l'exécutaient; et il paraît même que l'intention chirurgicale et la manière d'agir variaient pour chacun d'eux. Douglas, assez mal inspiré, croit que la suture des tégumens suffirait ; Rossi, mieux avisé, considère comme le fait le plus essentiel la suture des parois vésicales; Gehler veut que l'on embrasse dans les mêmes fils la paroi ab dominale et celle de la vessie. En somme, bien que la suture soit, sinon un mauvais moyen, du moins un moyen inutile, si on se décidait à l'employer il conviendrait de coudre les lèvres de la plaie vésicale; car le but de la suture serait manqué si l'on ne comprenait pas dans les fils les lèvres de cette solution de con-tinuité , attendu que, rien ne s'opposant à la sortie du liquide de la poche urinaire, il s'infiltrerait dans le tissu cellulaire s'il ne trouvait pas d'issue au dehors par la plaie des tégumens. Aussi maintenant les chirurgiens qui adoptent le principe de la suture après la taille hypogastrique, entendent-ils parler de la suture de la vessie proprement dite. M. Pinel Grandchamps, qui est revenu sur ce point en 1825 , ne l'a pas compris autrement, de même que M. Amussat qui s'en est aussi déclaré le partisan. Mais pour adopter la suture, encore faudrait-il que les résultats en fussent mieux avérés. Or, il n'y a aucun compte à faire sur les vagues rela-tions qui nous restent des chirurgiens des deux derniers siècles; et dans le cas de Prœbisch en particulier, rapporté par Heister, la suture donna lieu à des accidens si graves qu'on fut obligé de couper les fils. Parmi nos contemporains, les données ne sont pas plus positives; l'opinion de M. Pinel Grandchamps n'est fon-dée que sur des expériences tentées sur des chiens, et celle de MM. Amussat et Casenave sur quelques faits en trop petit nombre pour asseoir une opinion. Enfin, à supposer que l'occlusion im-médiate de la vessie parla suture du Pelletier, la seule raison-nablement applicable, pût s'opposer à la sortie et à l'infiltration de l'urine, ce qui est pour le moins fort contestable, il ne faudrait pas croire que cette opération fût facile à pratiquer. Au contraire, elle présenterait, dans son exécution, de sérieuses difficultés en raison de la rétraction et de la flaccidité des parois de la vessie, qui succède inévitablement à l'issue du liquide après l'incision. De tant de motifs qui militent contre la suture, son inutilité, ses difficultés et les complications qu'elle entraîne, il faut conclure que les chirurgiens de nos jours ont raison d'en rejeter l'emploi après la taille hypogastrique.
Canule à demeure dans la vessie. L'importance qu'on atta-chait à diriger les urines au dehors a fait croire qu'une canule laissée à demeure dans la poche urinaire, remplirait le but qu'on se proposait. Solingen, dit-on , aurait eu le premier l'idée d'em-ployer une sonde de cuir; mais il est incertain s'il l'introduisait par la plaie ou par l'urètre. Le même doute n'existe pas à l'égard de Heuermann qui. au rapport de Sprengel, prescrit d'enfoncer
une canule clans l'incision. M. Kirby (1818) est le premier qui ait renouvelé cette tentative. Il a été suivi par M. Cazenave (1827), puis par M. Amussat qui s'est cru d'abord l'inventeur de la canule et a voulu en généraliser l'emploi. Celle dont il se sert est une demi-sonde en gomme élastique, très courbe et très grosse; l'extrémité qui correspond à la vessie est percée de deux yeux, et celle qui est à l'extérieur est terminée par un pavillon auquel peut s'adapter une vessie de cochon. Elle doit être placée dans l'angle inférieur de la plaie; après son introduction, toute la partie de la division, qui est au-dessus, doit être exactement réunie avec des bandelettes agglutinatives passant par dessus des compresses graduées propres à rapprocher profondément les lèvres de la plaie.
Mais cette canule , outre qu'elle n'a pas le degré d'utilité qu'on lui suppose, fatigue souvent la vessie et ne peut être supportée parles malades; il est à-peu-près impossible que les lèvres de la solution de continuité puissent être mises dans un contact assez parfait durant les premiers jours, pour que l'urine ne trouve pas moyen de s'échapper entre elles, et passe tout entière par la canule. Enfin, suivant la remarque de M. Velpeau, comme il arrive à tous les corps étrangers qui, d'abord serrés clans une plaie, ne tardent pas à s'y trouver au large, l'urine, après quelques jours, s'écoule entre la canule et les lèvres de la plaie. L'emploi de cet instrument est donc plutôt nuisible qu'utile, puisque la plaie étant abandonnée à elle-même, après il\ heures le tissu cellulaire est assez condensé pour n'avoir plus à craindre l'infiltration de l'urine à travers ses mailles. De toute façon, soit immédiatement après l'opération, soit quelques jours après, la canule ne remédie à rien , et ne peut donc être d'aucune utilité; on cite même des cas où il est survenu des accidens qu'on aurait pu raisonnablement lui attribuer.
M. Souberbielle a cru mieux faire en plaçant dans la vessie, par l'urètre, une sonde à laquelle il a donné la forme d'un siphon qu'il appelle siphon aspirateur. La partie extérieure, plus longue que celle qui est dans la vessie, pénètre clans un vase situé plus bas que le siège du malade. D'après l'inventeur ce moyen réussirait fort bien, mais il paraîtrait qu'il n'aurait pas eu autant de succès entre les mains des autres opérateurs. Mais, à supposer cpi'il réussît, il faudrait encore que le malade pût sup-porter la présence continuelle d'une sonde dans l'urètre, ce qui n'a pas lieu dans la majorité des cas. — La pompe aspiratrice de M. Jules Cloquet et le tube-urètro-cystique de M. Heurteloup, qui se compose de deux tiges creuses dont l'une sort par l'urètre et l'autre par la plaie, dans le but de retirer l'urine par ces deux con-duits à-la-fois, partageant les inconvéniens du tube de M. Amus-sat, et du siphon de M. Souberbielle, ne doivent pas, à notre avis, jouir d'un crédit plus grand. La mèche de coton renfermée dans une sonde en gomme élastique que M. Ségalas a proposé d'in-troduire par l'urètre, de manière cju'un de ses bouts fût dans la vessie et l'autre en dehors, ne présente non plus aucun avan-tage sur la simple mèche placée dans l'angle inférieur de la plaie. Et quant à la canule placée dans la vessie par le périnée ou par le rectum, son usage est depuis long-temps rejeté de la pratique.
Soins consécutifs. Quel que soit le mode de pansement qu'on ait suivi, le malade doit être visité fréquemment par l'opérateur, et être constamment surveillé par un des aides durant les pre-miers jours. La diète doit être observée, et les boissons douces être prescrites. Le premier appareil ne sera levé et changé que le troisième jour; alors, s'il n'y a ni fièvre ni menace d'accidens, on pourra administrer un peu de bouillon, puis quelques ali-mens, d'abord légers, dont on augmentera graduellement la force et la quantité. Si le malade est constipé , et que cet état soit trop gênant pour lui, plutôt que de lui laisser faire des efforts pour rendre les matières, il sera plus convenable d'en aider l'expulsion par quelques lavemens émolliens, et non par des purgatifs. Si l'on a placé une canule dans la plaie, il faut, règle générale, l'enlever le plus tôt possible, au bout de deux ou trois jours par exemple, parce qu'alors l'infiltration de l'urine n'est plus à craindre. Si on laissait plus long-temps la canule, jusqu'au quatrième ou cinquième jour, toute la partie supérieure de la plaie se trouverait réunie, et il ne resterait plus en bas que le trou élargi de l'instrument conducteur donnant issue à l'urine, comme il est arrivé à M. Kirby et à ce qu'il paraît aussi à M. Amussat; ce qui démontre bien plus clairement le danger que l'avantage de cet instrument. Quand on n'a pas fait usage de la canule, l'urine sort dans les premiers jours en totalité par la plaie, et baigne les pièces de l'appareil, qu'il faut par cette raison renou-veler fréquemment. Peu de jours après, une certaine quantité d'urine sort par l'urètre ; elle augmente à mesure que la plaie de l'abdomen se rétrécit; en général, du quinzième au vingtième jour, elle est tout-à-fait guérie.
Au bout de deux ou trois jours, le malade ne doit plus être restreint à garder la position horizontale sur le dos. Il peut s'in-cliner à droite ou à gauche, s'asseoir et, s'il n'y a ni fièvre ni accidens d'une autre nature, après cinq à six jours il peut se lever et marcher ou s'asseoir; cette position verticale ou assise sera même très avantageuse pour la sortie de l'urine.
accidens qui peuvent accompagner la taille hypogastrique.
i° Hémorrhagie. Cet accident est assez rare ; on en cite cepen-dant quelques exemples; Micldleton rapporte qu'un des malades opérés par Thornil 1 en fut atteint; M. Belmas en a fait connaître un autre; M. Cazenave a consigné dans le Bulletin médical de Bordeaux (année i833), une observation de laquelle il résulte qu'après avoir opéré la ponction de la vessie par l'hypogastre, il survint dans la poche urinaire un épanchement de sang assez considérable, pour l'obligera pratiquer la taille hypogastrique afin de pouvoir retirer les caillots sanguins. Cette hémorrhagie fut attribuée au développement anormal de quelques vaisseaux sous-cutanés, ou placés dans l'épaisseur de la ligne blanche, et à l'exhalation sanguine de la vessie; mais on n'a pas pu découvrir son siège précis. M. Velpeau pense , et il nous semble avec quel-que probabilité, que le sang a pu être fourni par les artères qui remontent sur les côtés delà poche urinaire, et forment au-dessus de son col, une anastomose en arcade parfois d'un volume assez considérable. Peut-être aussi faudrait-il en accuser les plexus veineux qui entourent le col vésical, si abondans et formés de veines déjà très fortes chez certains sujets. En général, pourtant, l'hémorrhagie est rarement assez abondante pour donner des craintes sérieuses. Dans le cas contraire, on y remédierait facile-ment, etd'abord si ellesurvenait pendant l'opération, il seraitfacile de rechercher le vaisseau qui fournirait le sang, et de le tordre ou de le lier, à moins que l'hémorrhagie n'eût lieu en nappe, auquel cas on pourrait tenter une légère cautérisation. Si l'écoule-ment de sang arrivait quelque temps après l'opération, il faudrait tenter de l'arrêter par des applications d'eau froide ou même de glace pilée sur l'appareil; en cas de non-réussite , on devrait en-
lever Je pansement, alin de pouvoir lier ou [tordre le vaisseau comme précédemment, et si cela ne se pouvait pas, toucher la surface de la plaie avec un pinceau imbibé d'eau de Rabel, ou d'une substance légèrement caustique, ou même la tamponner avec des bourdonnets de charpie imbibée de celte substance. M. Velpeau dit qu'on pourrait aussi porter dans l'organe un bourdonnet volumineux, fixépar un long fil double, propre à re-cevoir entre ses deux chefs un second tampon, sur lequel on les fixerait au-devant de la plaie, de manière à comprimer suffisam-ment les tissus de derrière en devant; mais nous ne pensons pas que ce moyen puisse jamais devenir nécessaire , et ajoutons aussi qu'il ne nous paraît pas sans danger.
a0 Ouverture du péritoine. La plupart des auteurs s'accordent à la considérer comme très grave; aussi recommandent-ils de porter la plus sérieuse attention à l'éviter. Si l'on se rappelle que les lésions du péritoine produites pendant l'opération de la hernie et dans les plaies pénétrantes de l'abdomen, quoique graves, sont cependant loin d'être une cause fréquente de mort, lorsqu'il n'y a pas d'autres complications capables de l'amener, on pourra douter que cette lésion soit beaucoup plus funeste après l'opéra-tion delà taille hypogastrique. Une circonstance fâcheuse néan-moins, dans le cas dont il s'agit, c'est la présence constante de l'urine qui sort par la plaie, peut tomber dans la cavité périto-néale , et y déterminer, par son seul contact, une violente inflam-mation. Il est vrai que la vessie une fois ouverte s'affaisse, se retire derrière l'hypogastre, et cesse de présenter son ouverture en rapport avec celle du péritoine; il est vrai aussi que les liquides ont beaucoup plus de tendance à s'échapper au dehors qu'à s'é-pancher dans les cavités exactement remplies par les viscères; par ces motifs il semble qu'on doive moins redouter les lésions du péritoine et l'épanchement d'urine dans son intérieur qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, d'autant plus qu'il existe un assez grand nombre d'observations de blessures de ce genre, dans lesquelles la guérison n'en a pas moins eu lieu. Douglas , F. Côme, M. Souberbielle, Thornill, M. Crouzat de Tours, en ont cité des cas; la sortie des intestins par l'ouverture péri-lonéale , ne complique même pas beaucoup l'accident. Nous connaissons nous-mêmes plusieurs faits de ce genre survenus à des chirurgiens qui n'ont pas jugé à propos de les publier, quoi-que, le résultat n'en ait pas été malheureux. L'essentiel, lorsque cet accident est arrivé, est de tenir le malade presque assis dans son lit, afin que l'urine puisse sortir par l'angle inférieur de la plaie, et de placer dans la vessie une mèche effilée pour lui servir de conducteur.
3° Abcès. Les abcès qui compliquent quelquefois l'opération, peuvent résulter ou de l'infiltration de l'urine dans le tissu cel-lulaire ambiant, ou bien de l'inflammation.
Les premiers dépendent le plus souvent de ce qu'on a produit autour de la vessie des décollemens trop considérables, ou même» de ce qu'on a détaché entièrement cet organe de l'urètre. On devra donc agir avec beaucoup de circonspection , pour éviter l'infiltration de l'urine, car cet accident est grave, et lorsqu'il est survenu il n'est pas toujours possible de l'enrayer. La formation des abcès urinaires est annoncée par de vives douleurs dans les points où ils se développent.; souvent elle s'accompagne d'une fièvre qui, chez les sujets forts, doit être combattue par lesanti-phlogistiques locaux et généraux. Mais si cette médication n'ar-rête pas les accidens, ei qu'il se forme des foyers purulens, un des meilleurs moyens d'empêcher les désordres que cause leur présence, est d'inciser, lorsque cela est possible, les foyers dans lesquels l'urine s'est accumulée, et de panser les plaies qui en résultent avec des remèdes antiseptiques, tels que la poudre ou la décoction de quinquina, la charpie trempée dans le chlorure de sodium, ou l'eau-de-vie camphrée. Les foyers qui ne pourront être atteints, détermineront sinon toujours la mort, du inoins des délabremens d'autant plus considérables qu'ils seront plus éloignés de la peau.
Les phlegmons simples dépendraient, d'après les remarques de M. Velpeau, de ce que, après l'ouverture de la vessie, l'indica-teur, porté dans le fond de la plaie, repousse l'organe en arrière au lieu d'entrer dans sa cavité, et le décolle en entier de derrière les pubis, où il se forme une large poche qui devient presque nécessairement l'occasion d'une violente phlegmasie et d'une suppuration abondante. En pareil cas, la chose la plus pressante à faire, est de donner issue au pus par des incisions convenables , et de modérer la réaction qui les accompagne par les antiphlo-gistiques et les éu;olliens.
Comparaison de la taille hypogastrique avec les tailles péri-néales. La grande majorité des chirurgiens considèrent la taille par le haut appareil comme une méthode exceptionnelle, et pensent qu'on doit la réserver pour les cas où le calcul, très vo-lumineux, présente plus de 5o à 55 millim. de diamètre, et ne pourrait traverser le périnée qu'avec beaucoup de peine, et sans y déterminer des contusions et des déchirures, ou sans obliger à y pratiquer des incisions plus étendues que les règles établies ne le comportent. Cette manière de voir est surtout fondée sui-tes dangers qui accompagnent, dans la taille hypogastrique, la division dupéritoineetles infiltrations d'urine, dangers réels et qui parlent en faveur de l'opinion le plus généralement reçue, quoique par cette méthode on parvienne à la vessie à travers des parties peu épaisses, dont la division n'est presque jamais suivie d'hé-morrhagie, et qu'on puisse extraire par son emploi les calculs les plus volumineux aussi bien que les plus petits. Toutefois les résultats fournis par la statistique ne démontrent pas que la taille hypogastrique soit plus dangereuse que la taille périnéale, ainsi que nous le verrons plus loin. Quant aux tailles sous-pu-biennes, nous ne saurions nous ranger à l'opinion de M. Mal-gaigne, « de n'attribuer qu'une mince influence aux procédés « opératoires sur le résultat des opérations, en ce qui touche la « vie ou la mort des malades, et de croire que, pour rendre la « taille périnéale moins périlleuse, on doive suivre un principe « tout opposé à celui que l'on observe généralement, c'est-à-dire « diviser largement la prostate d'un seul côté au-delà de ses li-« mites, en entamant le col de la vessie et le tissu cellulaire, si le « volume du calcul l'exige, afin de faire à la pierre une voie « assez libre pour que la plaie demeure une incision , et ne se « complique pas de contusions et de déchirures. » On a pu voir dans le cours de ce travail que d'autres avant lui avaient eu les mêmes idées, et avaient été obligés de les modifier; il est pro-bable que le jeune chirurgien que nous combattons subira la loi commune, lorsque quelque fâcheuse infiltration d'urine dans le tissu cellulaire du bassin, causée par la division de la prostate au-delà de ses limites, sera venue lui démontrer tout le vice de son procédé.
Pour nous, qui n aillions pas à adopter les idées excentriques sans examen, nous persistons à croire, jusqu'à démonstration contraire, qu'on doit toujours faire en sorte de ne pas dépasser
les limites de la prostate, et qu'il vaudrait mieux choisir un autre moile opératoire, si une appréciation préalable du volume du calcul faisait supposer qu'on serait obligé d'inciser au-delà.
De la différence de ces indications, il résulte que les tailles périnéales et la taille hypogastrique ayant de chaque côté leurs avantages et leurs dangers, le choix du chirurgien dépend des circonstances révélées par le diagnostic. Si le calcul est très volu-mineux, et surtout s'il paraît adhérent ou enchatonné, il est évident que l'on n'a de chances que dans la taille hypogastrique; mais s'il n'a que 5o millim. ou moins de diamètre, et s'il est libre, la plupart des chirurgiens pensent que l'on doit avoir re-cours à l'une des deux tailles bilatérale ou latéralisée. Il est clair que nous exceptons dans ce parallèle les cas où la lithotritie doit être préférée à la lithotomie. Enfin, quant à la valeur compara-tive des deux espèces de tailles sus et sous-pubiennes, exprimée par leurs résultats, nous verrons plus loin que les statistiques connues jusqu'à ce jour, laissent encore la question indécise. Cette incertitude, qui laisse chacun livré aux préférences qui résultent de ses habitudes d'esprit et de pratique, explique comment quel-ques chirurgiens, opérant volontiers par l'une des tailles péri-néales, n'ont recours à la taille hypogastrique que quand ils y sont forcés; tandis que d'autres font de cette dernière une mé-thode générale qu'ils appliquent à tous les cas, sans même en excepter ceux qui, au jugement du plus grand nombre, semblent plutôt du domaine de la lithotritie.
LITHOTOMIE CHEZ LA FEMME.
La taille, de même que la lithotritie chez la femme, aurait dû être renvoyée aux opérations qui se pratiquent sur les organes génito-urinaires. Néanmoins comme tout ce qui tient à l'extrac-tion des calculs, forme un sujet à part, et en quelque sorte un art spécial, par les considérations communes aux deux sexes auxquelles donnent lieu les points de vue divers du diagnostic, des manœuvres, des méthodes et de leurs résultats, nous avons cru ne pas devoir séparer par la classification ce qui est insépa-rable dans la pratique, d'autant plus que les maladies et les opé-rations des organes sexuels de la femme n'ont plus rien de commun avec celles des organes de même dénomination chez l'homme.
des calculs chez la femme.
La femme n'est pas plus exempte que l'homme de la forma-tion de calculs, seulement si on les rencontre moins souvent chez elle, cela tient à ce que son urètre, plus court, plus large et plus droit que celui de l'homme, leur livre plus facilement passage. Il résulte de cette disposition anatomique qu'ils se for-ment très souvent sans qu'on s'en aperçoive, parce qu'ils sont expulsés avec les urines, avant d'avoir acquis une grosseur assez considérable pour manifester leur présence par des symptômes particuliers. Cependant les choses ne se passent pas toujours ainsi: pour peu que le petit calcul, par une cause accidentelle, pro-longe son séjour dans la vessie, son volume devenant bientôt trop considérable pour qu'il puisse franchir le col vésical, la na-ture désormais ne saurait se suffire à elle-même, et l'art doit venir à son aide.
Nous avons déjà dit, dans un des précédens articles, qu'on parvenait assez souvent a les extraire par la dilatation de l'urètre; mais outre que ce moyen est douloureux et laisse quelquefois
T. VII.
après lui une incontinence d'urine, il est souvent insuffisant, et l'on est obligé de recourir à la taille ou à la lithotritie. Lorsqu'on pratique la cystotomie sus-pubienne, les procédés ne diffèrent en rien de ceux qu'on met en usage chez l'homme ; mais il n'en est plus ainsi lorsqu'on veut pratiquer la taille par dessous les pubis.
Outre l'hypogastre, on peut arriver à lâ vessie chez la femme par trois points différens, 10 le vestibule entre le clitoris et l'u-rètre , 2° le col de la vessie, et 3° son bas-fond.
i" Taille vestibulaire. Procédé de Celse. C'est le même que cet auteur a décrit pour les hommes. Il prescrit, chez la femme, d'introduire deux doigts dans le vagin pour amener le calcul au col de la vessie, puis de diviser transversalement les parties molles entre le conduit de l'urine et les os pubis, de ma-nière que l'incision s'étende autant d'un côté que de l'autre. Chez les filles vierges, il veut qu'on introduise les deux doigts par le rectum, qu'on amène de même le calcul au col de la vessie jusqu'à la partie inférieure gauche de la vulve, et qu'on incise dessus ( At in majoribus calculis necessaria eadem curatio est, sed virgini subjici digiti tanquam masculo, mulieri per naturale ejus debent. Tum virgini quidem, sub ima sinisteriore ora; mulieri vero, inter urinœ iter et os pubis , incidendum est sic, ut utroque loco plaga transversa sit (Biblioth. class. méd., tome ier, page 447 )• Celse recommande donc d'inciser chez la femme, ainsi que l'a interprété M. Desruelles, sur le vestibule entre l'urètre et le cli-toris , de manière à atteindre la vessie par sa partie supérieure près du point où elle s'unit à l'urètre. Seulement comme chez les jeunes filles l'écartement des os pubis, en ce point, est moins considérable que chez les femmes, il conseille de prolonger l'in-cision sur le côté gauche delà vulve, jusqu'à sa partie inférieure.
Le procédé recommandé par Albucasis est le même que sui-vait Celse pour les jeunes vierges : introduire deux doigts dans le rectum ou dans le vagin, amener doucement le calcul vers le périnée jusqu'au côté gauche de l'anus, lui faire faire saillie près de la tubérosité de l'ischion, et inciser sur lui les parties molles. F. Jacques opérait d'une manière peu différente. Il faisait saillir les parties avec son cathéter, qui lui servait de guide pour pra-tiquer l'incision au heu de la faire sur le calcul. Cette modifica-tion a été complètement rejetée, parce qu'elle exposait à blesser le vagin et le rectum, et qu'elle était fréquemment suivie d'hé-morrhagie.
Le procédé de Celse a été reproduit dans ces derniers temps par M. Lisfranc: voici comment il l'exécute.
Procédé de M. Lisfranc. Il fait placer la malade comme pour la taille périnéale chez l'homme, introduit dans l'urètre un ca-théter dont il dirige la plaque en bas, en pressant vers l'anus pour que sa convexité , tournée en haut, refoule en avant les parties qu'il doit inciser. Puis, cédant la plaque à un aide auquel il ordonne de la maintenir dans cette position, il écarte les petites lèvres avec les doigts de la main gauche, repousse le clitoris en haut, et fait avec un bistouri droit, tenu de la main droite, une incision semi-lunaire dont la convexité, tournée en haut, circon-scrit l'urètre et passe entre ce conduit et les racines du clitoris. Pour cette incision, il divise les parties profondes par couches dans la même direction, en ayant le soin d'introduire de temps en temps le doigt indicateur dans la plaie pour s'assurer s'il approche de la vessie. Lorsqu'il a pénétré à 27 millim. de pro-tondeur environ, il sent le corps de l'organe et la cannelure du
cathéter, à travers son épaisseur, place l'ongle dans son intérieur, fait glisser la lame du bistouri dessus, et divise avec elle les tissus de la vessie en long ou en travers, dans l'étendue de 27 à 35 millim. (Voy. pl. 67, fig. 3). Cette méthode a généralement été reconnue comme mauvaise, parce qu'en la mettant en pra-tique, on divise la vessie dans la partie la plus étroite de l'arcade pubienne, et qu'on ne peut, avec son aide, extraire des calculs même peu volumineux, sans courir le risque de déterminer dans les tissus des contusions, des déchirures et des extravasations de sang qui compliquent toujours gravement l'opération. L'ouver-ture en travers surtout exposerait presque; inévitablement à des infiltrations urineuses, et à des abcès dont on connaît toute la gravité.
2" Taille urétrai.e (Incision de l'urètre et du col de la vessie). Le procédé, généralement usité au xvnc siècle, consistait, à faire une incision simple, dirigée un peu à gauche sur la partie infé-rieure de l'urètre; mais Dionis ayant observé qu'il n'était pas possible de donner à l'incision une étendue assez considérable pour extraire de gros calculs sans s'exposer à blesser des vais-seaux importans, fut un des premiers qui proposa de fendre l'urètre à droite et à gauche avec un bistouri étroit, après avoir préalablement élargi le canal avec un dilatateur qui facilitait l'introduction du bistouri.
Procédés de Louis et Fleurant. Ces chirurgiens pensèrent qu'il serait plus convenable d'inciser les deux côtés à la-fois, et ima-ginèrent à cet. effet des instrumens particuliers. Celui de Louis était composé d'une gaîne aplatie et fendue sur les côtés, dans laquelle entrait une lame à deux tranchans plus large que la gaîne. Louis commençait par introduire son conducteur, dirigeait ensuite dessus la lame à deux tranchans qui débordait les bords de la gaîne, et divisait, d'avant en arrière, l'urètre et le col de la vessie des deux côtés à-la-fois, jusqu'à l'entrée de la vessie, et même plus profondément s'il le jugeait convenable. Fleurant se servait, pour exécuter sa double incision, d'un lithotome droit à deux lames, agissant de dedans en dehors, qui sortaient d'une tige lorsqu'on pressait une bascule située sur le manche, comme dans le lithotome de F. Côme. Ces deux procédés ont des inconvéniens et des suites fâcheuses, tels que l'hémorrhagie, l'incontinence d'urine, etc.; nous n'insisterons pas plus long-temps, vu qu'ils n'ont jamais été adoptés par les chirurgiens.
Procédé ordinaire. Il consiste à faire une incision à la partie inférieure et latérale gauche de l'urètre et du col de la vessie. Pour y parvenir, on introduit dans la vessie par l'urètre une sonde dont la cannelure est dirigée en bas vers la paroi inférieure du canal, et on fait glisser dedans la lame d'un bistouri droit, pointu ou boutonné, qui sert à diviser l'urètre et le col de la vessie. Boyer préfère opérer avec le lithotome caché de F. Côme: on introduit, dit-il, cet instrument dans la vessiesans conducteur, ou en le faisant glisser dans la cannelure d'une sonde droite; on applique sa tige contre la symphyse des os pubis, on dirige le tranchant de la lame obliquement en bas et à gauche, dans le sens de la petite lèvre de ce côté; on l'ouvre au degré 5, 7 ou 9, suivant l'âge et la taille du sujet, et le volume de la pierre, et on tire l'instrument horizontalement ; puis on introduit dans la vessie un gorgeret sur lequel on fait glisser la tenette.
Ce procédé est pour ainsi dire abandonné, parce qu'il exposait à diviser le vagin, les vaisseaux du périnée, et même l'artère honteuse interne, lorsque l'incision était portée trop loin. On lui préfère, en général, le procédé suivant.
Procédé de L. Collot et de A. Dubois. Il consiste à diviser la paroi supérieure de l'urètre directement d'avant en arrière; on le connaît généralement sous le nom d'A. Dubois, mais il avait été exécuté long-temps avant lui, ainsi qu'il est facile de le voir dans A. Paré qui l'attribue à L. Collot. Voici ce qu'en dit Paré : « Autres praticiens opèrent en autre façon, comme j'ay veu plusieurs fois faire à maistre Laurent Collot; c'est que nullement ne mettent les doigts dedans le siège, ni dedans le col de la ma-trice, mais se contentent de mettre les conducteurs dans le conduit de l'urine , puis après font une petite incision tout au-dessus et en ligne droite de Forifice du col delà vessie, et non à côté comme on fait aux hommes. » A. Dubois, pour l'exécuter, introduisait dans la vessie une grosse sonde cannelée, terminée en cul-de-sac, dont la cannelure s'appuyait contre la paroi su-périeure du canal, déprimait la plaque de cette sonde avec la main gauche, faisait glisser la lame d'un bistouri droit dans sa cannelure et incisait, en entrant, la paroi supérieure de l'urètre, et tout ce qui l'entoure jusqu'au ligament sous-pubien. L'incision qu'on obtient par ce procédé présente environ i4à 18 millim. de longueur, et peut acquérir une plus grande étendue par l'ex-tension des tissus dans lesquels elle est pratiquée (Pl. 67, fig. 1, et fig. 2 pour l'extraction du calcul.). On pense qu'elle peut permettre l'extraction d'un calcul de 27 à 35 millim. de diamètre. M. Velpeau rapporte qu'il a vu M. Bougon en enlever un de ce volume chez une jeune femme qui a guéri; et M. Castara de Lunéville lui a écrit (1839) qu'il est parvenu à en extraire un, gros comme un œuf, qui s'écrasa sous la pression des tenettes.
L'extraction du calcul par l'incision verticale est généralement facile. M. Gaspard a consigné dans \e Bulletin médical de Bor-deaux ( 1833) une opération parle procédé de A. Dubois, dans laquelle il retira un calcul de la vessie d'une femme avec des pinces à pansement; cependant il arrive parfois que le calcul est retenu par le sommet de l'arcade pubienne; pour faire évanouir la résistance qui fait obstacle à son extraction il suffit d'appuyer fortement les mors des tenettes contre la paroi inférieure du canal, en relevant leurs branches de manière à les diriger dans le sens de l'axe du détroit inférieur.
3° Taille vésico-vaginale (Incision du bas-fond de la vessie). — Anatomie opératoire. Le vagin situé au-dessous de la vessie, se trouve en contact par sa paroi antérieure avec le bas-fond de cet organe, auquel il est uni par un tissu cellulaire dense et serré, de manière à former en commun la cloison intermédiaire aux deux cavités. Cette cloison ne commence qu'au-delà du col de la vessie, et n'a pas plus de 23 à 27 millim. d'étendue. Comme le repli péritonéal ne descend jamais au-delà du col utérin, il est impossible de l'ouvrir si l'on ne prolonge pas l'incision jus-qu'à ce point. Les uretères divisent la face inférieure de la vessie en trois parties, une moyenne et deux latérales; la moyenne qui est celle sur laquelle on doit agir, est limitée en dehors par les uretères, et présente la forme d'un triangle dont le sommet re-garde en avant, et la base en arrière.
Historique. Rousset est le premier qui ait pratiqué la taille vésico-vaginale. La malade, âgée de soixante-huit ans, présentait à la vulve une tumeur formée par la cloison vésico-vaginale, qui repoussait en bas et en avant plusieurs calculs contenus dans la
vessie; l'opération eut un plein succès. Fabrice de Hilden rap-porte, deux observations du même genre. Dans la première, il s'agissait d'une femme qui portait dans la vessie une pierre dont l'un des angles avait perforé la cloison vésico-vaginale, et pou-vait être senti avec le doigt introduit dans le vagin; dans la seconde, la femme, récemment accouchée, rendait son urine par le vagin; plusieurs petites pierres sortirent aussi par là, mais il en resta une plus volumineuse qui nécessita l'opération ; dans les deux cas Fabrice réussit parfaitement à guérir ses malades. C'est de là qu'il prit occasion de proposer une nouvelle mé-thode d'extraire la pierre de la vessie par le vagin. Méry donna plus tard un autre procédé qu'il voulut ériger en méthode géné-rale. Bussière conseilla également cette opération après en avoir obtenu la guérison d'une femme qui portait un calcul pesant 5 onces et demie (172 grammes). Ruysch retira par le même moyen 42 calculs delà vessie d'une femme. En 1740, Gooch pratiqua l'opération pour un cas analogue à ceux de F. de Hilden. En 1810, M. Faure l'employa pour retirer un morceau de bois de la vessie d'une jeune fille. Depuis 1814, époque à laquelle M. Cle-mot la fit pour la première fois, il a eu occasion delà répéter deux autres fois. M. Flaubert de Bouen y a eu recours quatre fois. M. Rigal l'a faite deux fois. M. A^elpeau en rapporte aussi deux cas remarquables, qui lui ont été communiqués, l'un par M. Philippe de Beims, qui réussit à extraire chez une femme enceinte un calcul pesant 280 grammes (9 onces); et l'autre par M. Castara, qui retira une grosse pierre ayant pour noyau un morceau de bois long de 3 pouces 3 lignes (près de 9 centim.). Plusieurs autres praticiens, qu'il serait trop long de nommer, ont également pratiqué avec succès cette opération, dans des cas moins graves.
Manuel opératoire. — Procédé de Fabrice de Hilden. Il por-tait dans la vessie, par l'urètre, une curette mince légèrement recourbée à son extrémité, engageait le calcul dans la cuiller qui la terminait, recommandait à un aide d'en élever le manche vers le pubis, afin que la cuiller terminale de la curette, et la pierre qu'elle contenait, fussent amenées et maintenues près du col de la vessie; puis il incisait la cloison vésico-vaginale sur la pierre, el la retirait après l'avoir saisie avec une tenette courbe.
Procédé de Méry. Commençant par introduire dans la vessie un cathéter cannelé semblable à celui dont on se sert pour la taille périnéale, il appuyait sa convexité sur le bas-fond de la vessie, de manière à abaisser et faire saillir l'urètre et la cloison vésico-vaginale, puis incisait cette cloison d'avant en arrière dans la partie qui correspondait à la sonde, et retirait la pierre par l'ouverture qui en résultait. Méry dit que son procédé peut s'appliquer chez les filles comme chez les femmes; il croit que par son moyen on pouvait éviter l'incontinence d'urine, attendu qu'on ne touchait ni à l'urètre ni au sphincter de la vessie.
Procédé de Bussière. Il pensait comme Méry qu'on pouvait retirer la pierre par le vagin, mais il ne conseillait d'agir ainsi que pour les cas de pierres très volumineuses. Alors il introdui-sait les doigts dans le vagin, amenait la pierre aussi près que possible du col de la vessie, et divisait la cloison vésico-vaginale sur la saillie qui en résultait. De ce que la femme qu'il avait opérée par ce procédé avait bien guéri, il pensait qu'il pouvait, dans tous les cas, prévenir l'incontinence d'urine.
Le procédé qu'ont adopté les chirurgiens modernes diffère très peu de celui de Méry: voici en quoi il consiste.
Procédé ordinaire. La position de la femme est la même que pour les autres tailles ; M. Velpeau croit que si la femme était placée sur le ventre, les cuisses et les jambes fléchies, il serait plus facile de pratiquer les incisions convenables. Quoi qu'il en soit, les instrumens dont on a besoin sont un cathéter cannelé, un gorgeret garni d'un rebord à son extrémité qui doit pénétrer dans le vagin, un bistouri droit et des tenettes. Le cathéter étant placé dans la vessie, on relève sa plaque vers les pubis, de manière à déprimer le bas-fond de la vessie avec sa convexité, on le donne à tenir à un aide, puis on enfonce le gorgeret jus-qu'au fond du vagin, la gouttière tournée en avant; on en abaisse le manche afin de repousser en arrière la partie postérieure de la vulve et que son autre extrémité s'appuie contre le cathéter , et on le remet à un autre aide. Les deux mains étant libres, on écarte les grandes lèvres avec les doigts de la main gauche, on porte la pointe du bistouri, tenu de la main droite comme une plume à écrire, derrière l'urètre, au moins à 27 millimètres de profondeur dans le vagin , on la fait pénétrer dans la cannelure du cathéter, et l'on pousse l'instrument de façon à couper les tissus d'avant en arrière , jusqu'à ce que la pointe soit arrivée à l'angle d'union de la sonde cannelée et du gorgeret. Rien n'em-pêcherait de porter le bistouri de prime abord aussi profon-dément que possible, le tranchant tourné en haut, de pénétrer dans la cannelure conductrice , et de faire l'incision d'arrière en avant. Au lieu de donner à tenir le cathéter et le gorgeret à un aide, le chirurgien peut tenir lui-même l'un ou l'autre, ainsi que l'ont fait MM. Flaubert et Clémot, et couper avec la main droite restée seule libre; dans tous les cas, on ne doit pas donner à l'incision plus de iS à 3o millimètres d'étendue, parce que les tissus au milieu desquels on la pratique étant très élastiques, elle pourra facilement acquérir des dimensions plus grandes sans qu'on ait à redouter la contusion et la déchirure des parties pen-dant l'extraction de la pierre. M. Faure qui a eu occasion de mettre en usage ce procédé sur une jeune fille, en 1808, conseille de tenir le tranchant du bistouri incliné à droite ou à gauche, de manière à diviser les tissus très obliquement. Comme le sujet qu'il a opéré a guéri sans conserver de fistule consécutive, il pense que c'est à cette modification qu'il a dû d'obtenir ce ré-sultat avantageux.
Extraction de la pierre. Pour retirer le calcul, on ôte le ca-théter et le gorgeret, puis on introduit l'indicateur gauche dans la vessie à travers la plaie faite à la cloison, on reconnaît sa situation , on fait glisser sur lui des tenettes droites ou courbes suivant la nécessité, et l'on agit en suivant les mêmes règles que nous avons indiquées pour les tailles par le périnée.
Chez les jeunes filles, lorsque le calcul est volumineux, l'ex-traction peut présenter quelques difficultés; on les attribue à l'étroitesse du vagin, bien qu'en général ce canal soit très dila-table; M. Flaubert rapporte que, dans un cas semblable, il fut obligé de briser le calcul en plusieurs morceaux , et de l'extraire par fragmens.
L'opération terminée, la femme est reportée dans son lit, et traitée comme nous l'avons dit pour les autres tailles. Les suites de cette opération sont généralement très simples ; elle est rare-ment suivie d'accidens tels qu'hémorrhagie ou inflammation , mais d'un autre côté la plaie dégénère fréquemment en fistule
cl l'opérée demeure affectée pour If reste de ses jours d'un écou-lement d'urine par le vagin. Sur les trois personnes opérées par M. Clémot, une a conservé une fistule; sur trois des quatre de M. Flaubert, l'ouverture anormale a persisté; il en a été de même chez les malades de MM. Rigal lils et Philippe. On a proposé d'obvier à ce grave inconvénient, en pratiquant la suture de la plaie, immédiatement après la terminaison de l'opération, mais le peu de succès qu'on obtient de la suture dans les fistules vésico-vaginales, survenues d'une manière quelconque, ne milite guère en faveur de ce moyen. Toutefois, comme beaucoup de fistules de celte nature surviennent à la suite de pertes de substance plus ou moins étendue de la cloison, et que celte perle de substance est encore augmentée par la nécessité où l'on se trouve de rafraî-chir les lèvres de la fistule, il s'ensuit qu'il n'est peut-être pas trop permis de préjuger ce qui arriverait de la suture dans un cas de plaie simple et récente, par ce qui arrive dans les cas des fistules ordinaires.
Appréciation des méthodes usitées pour pratiquer la taille chez la femme. Des trois méthodes dont nous venons de parler, la taille vestibulaire, et la taille urétrale par incision de la paroi supérieure, ne peuvent évidemment donner passage qu'à des calculs d'un assez médiocre volume; la taille urétrale par laquelle on divise l'urètre sur ses deux faces latérales, permettrait sans doute d'extraire des calculs plus volumineux, mais la crainte (pion a de voir survenir une incontinence d'urine consécutive, on des infiltrations urineuses, l'a fait abandonner ; cette crainte n'est peut-être pas bien fondée; il se pourrait que deux sutures latérales favorisassent la réunion par première intention , aussi pensons-nous avec Dupuytren et M. Velpeau, que c'est une ques-tion à revoir. La taille vésico-vaginalc donnera la possibilité d'extraire de la vessie des calculs fort considérables, qu'on ne pourrait retirer par aucune des autres méthodes; elle est facile à exécuter, n'est accompagnée d'aucun danger, mais seulement elle paraît être assez fréquemment suivie de fistule vésico-vae;i-nale, infirmité dégoûtante qui, à elle seule , suffirait pour dé-tourner de la pratiquer. Toutefois, l'existence de cette fistule que M. Velpeau semble redouter au point de préférer la taille hypo-gastrique , ne nous paraît pas établie sur un assez grand nombre de faits, pour qu'on puisse conclure au rejet de l'opération; la taille hypogastrique, sans être aussi grave chez la femme que chez l'homme, à cause de la plus grande ampleur du bassin, et de la plus grande facilité qu'on éprouve à manœuvrer sans être exposé à décoller le tissu cellulaire ambiant, est cependant, par sa nature, accompagnée de dangers assez graves pour faire redouter une issue funeste, et pour empêcher qu'on ne la préfère à la taille vésico-vaginale d'une manière absolue.
En définitive, pour conclure : lorsque les calculs seront mul-tiples et très petits, ou devra tenter de les extraire par l'urètre sans incision préalable. La taille vestibulaire et l'incision supé-rieure de l'urètre ne permettront pas de retirer des calculs plus gros qu'un œuf de perdrix, ou de 3o et quelques millimètres de diamètre; la taille vésico-vaginale sera réserrée pour ceux qui atteindront ou dépasseront le volume d'un œuf de poule, et enfin, connue plus le calcul sera gros, plus il faudra inciser lar-gement la cloison pour l'extraire, et plus par conséquent on sera exposé à dépasser ses limites et à causer la fistule consécutive, toutes les fois que la pierre aura un volume qui pourra faire craindre la nécessité d'inciser trop largement la cloison, on aura recours à la taille par le haut appareil.
résultats statistiques des diverses especes de tailles pratiquées chez l'homme.
La plupart des praticiens cpù ont donné une statistique des opérations de la taille, ont englobé dans leurs calculs tous les cas qui se sont présentés, sans distinction de méthode el de pro-cédés ; cependant, il eût été important, ce nous semble, de faire au moins deux catégories de cas, savoir : ceux qui proviennent de la taille hypogastrique, et ceux qui proviennent de la taille périnéale; il eût ainsi été possible de juger laquelle de ces deux espèces de taille doit définitivement l'emporter.
Quoi qu'il en soit, voici quelques-uns des résultats principaux auxquels on est parvenu.
Sur 3t individus opérés par Douglas, Cheselden, Macgill et Thornill, suivant la méthode sus-pubienne, il y a eu 5 morts, ce qui donne i sur 6. F. Corne, qui a pratiqué une centaine de fois la même opération dans l'espace de 20 ans, a eu i mort sur 5. Cette proportion, qui est beaucoup moins satisfaisante que la précédente, paraît tenir à l'incision périnéale qu'il ajoutait. M. Souberbielle, qui pratique exclusivement la taille hypogas-trique, a obtenu sur 133 opérations, 17 morts et 116 guéris, ce qui fait presque 1 mort sur 7 opérés; on verra plus bas que ces résultats sont aussi avantageux que ceux de la taille périnéale.
Voyons maintenant les résultats de toutes les tailles prises in-distinctement et pratiquées à divers temps par des chirurgiens de pays différens.
Si nous consultons les résultats déclarés de la pratique des chirurgiens du siècle précédent, leurs succès sont si extraordi-naires, qu'ils ne ressemblent à rien de ce qui se passe aujourd'hui sous nos yeux. Tandis que Cheselden avoue 24 morts sur 2i3 opérés, Lecat n'en aurait eu que 1 sur 20, Pouteau 1 sur 4o; Martineau , 1 sur f\i; Frère Jacques, 1 sur 57; Méjean, 1 sur io5, etc. Excepté Cheselden, dont le rapport des morts aux guéris est probable, quoique déjà très heureux, que faut-il penser des autres ? Qui croira que la taille puisse ne causer la mort que chez 1 malade sur io5, 67, 42, ou 4o opérés? Il est évident que si les faits sont réels ils ont été arrangés ou interprétés d'une certaine manière, et que l'on n'a tenu compte que des séries de cas heureux , additionnées ies unes avec les autres , en négligeant les séries de cas malheureux. Chacun sait que, sous certaines con-ditions atmosphériques, une même opération va donner pendant un temps plus ou moins long, plusieurs mois ou plusieurs an-nées, des résultats tantôt heureux, tantôt funestes. Ainsi Dupuy-tren, à une certaine époque, aurait pu, dit-on, opérer 26 fois la taille sans qu'un malade ait succombé; la même chose serait arrivée à M. Dudley. Assurément il serait facile de faire un relevé tout contraire. Les mêmes variations ont été signalées de tout temps. En 172.5, au rapport de Sénac, sur 29 opérés de la taille, à l'Hôtel-Dieu de Paris, il en mourut 16; ce résultat s'accepte facilement, quand on songe à l'insalubrité des hôpitaux dans tous les temps, et surtout à ce qu'elle devait être en 172T). Mais que dire lorsque d'autres relevés montrent les résultats tout différens avant et après: 3 morts sur 23 opérés en 1720; 3 également sur 25 en 1 727; cela ne fait encore que 7 ou 8 guéris pour un mort. Mais voici qui est plus extraordinaire : tandis que Morand signale à l'Hôtel-Dieu de Paris 71 morts sur 208 opérés en huit ans; dans une antre période semblable, il donne pour résultat 18 morts seulement sur 5g4 opérés ; 1 sur 33! ce dernier fait est-il croyable? A quoi donc servent les relevés, à quoi sert l'histoire? Mais considérant connue non avenus la plupart des docuinens
consignés ci-dessus , ou du moins n'accordant qu'une valeur approximative à ces résultats sans rigueur, d'une époque où rien n'était enregistré avec soin, nous allons voir s'il sera possible de tirer quelques inductions positives de documens précis qui sem-blent revêtus de tous les caractères convenables d'authenticité.
Sans doute nous ne croyons pas tous ces résultats exempts des erreurs plus ou moins involontaires, dont il est toujours raison-nable de supposer une certaine proportion dans les travaux de ce genre. Encore moins doit-on considérer comme absolument guéris, non pas de la maladie, l'art n'y peut rien, mais de l'opéra-tion et de ses suites, les sujets en masse, appelés guéris en langage de statistique, mais qu'il serait plus exact de désigner sous le nom plus modeste de survivans, puisque parmi eux figurent les malades atteints d'infirmités plus ou moins incurables, et de ré-cidives ou de maladies nouvelles, provenant de l'imperfection ou de l'insuccès de l'opération. Toutefois, ces restrictions posées, les documens en raison du grand nombre de faits qu'ils contien-nent, conservent encore beaucoup de valeur. En voici le résumé :
De 1719 à 1728, l'Hôtel-Dieu et la Charité ont fourni 812 calculeux, sur lesquels il y a eu 251 morts, ce qui donne 1 sur 3 et 1/5; un résultat aussi mauvais ne peut être attribué qu'à l'insalubrité de ces établissemens , car l'habileté des chirurgiens qui en ont eu la direction pendant ce laps de temps, ne saurait être révoquée en doute.
A l'hôpital de Norwich, où l'on a l'habitude de conserver les calculs avec l'histoire et le résultat de chaque opération, voici, d'après M. Marcet, les résultats obtenus depuis 44 ans sur 5o6 opérés : il n'y a eu que 70 morts, ce qui donne en moyenne 1 sur 7 2/10. Maintenant si l'on divise ces 706 opérés en deux catégories, savoir : celle des enfans au-dessous de 14 ans, et celle des personnes au-dessus de cet âge, on arrive aux résultats suivans :
Enfans mâles au-dessous de 14 ans- . . .
Adultes du sexe masculin.......
Enfans du sexe féminin au-dessous de 14 ans. Adultes du sexe féminin.......
Opérés.
227 251 8 20
Morts. 12
56 1 1
Rapport.
1 sur 19 1 4 1/2 1 8 1 20
on voit ici confirmé ce que l'observation avait appris depuis long-temps, savoir que la taille réussit beaucoup mieux sur les enfans que sur les adultes, dans les deux sexes.
M. Cross a donné une série de 704 calculeux, tirée des hôpi-taux de Norfolk et de Norwich, qui a fourni 611 guéris et 93 morts, ce qui présente pour moyenne 1 mort sur un peu plus de 6 j/2. Voici comment il partage ces 704 opérés.
De i à 10 ans, 11 20 21 50 50 80
Opérés.
281 106 143 174
Guéris.
262 97 125 127
Morts.
19 9
18
47
Rapport.
1 sur près de 15 1 11 2/3 1 8 1 3 7/10
Saucerotte, lithotomiste de l'hôpital de Lunéville, nous a transmis un travail fondé sur 1629 cas, sur lesquels il n'y aurait eu que 147 morts, ou 1 mort sur 1 1 opérés ; comme ce travail a été refait par M. Castara qui a succédé à Saucerotte dans l'hô-pital de Lunéville, et qu'il est mieux présenté que celui de son prédécesseur, nous allons donner le résumé du tableau qui en a été publié par M. Velpeau dans sa Médecine opératoire.
De 1738 à 1828, c'est-à-dire dans une période de 90 ans, il y a eu 1492 opérés à l'hôpital de Lunéville. En divisant ces malades suivant leur âge en séries de io en 10 ans, on obtient le tableau suivant.
T. VII.
SEXE.
age.
1SOMDRK
OPÉRÉS.
NOMBRE
MORTS.
GUÉRIS.
RAPPORT.
masculin.
De 2 à 10 ans.
10 20
20 30
30 40
40 50
50 60
60 70
70 78
820 439 89 31 20 15 14 5
57 51 15 8 2 4 2
763 388 74 23 18 11 12 5
1 sur 14 1/3
1 8 6/10
1 6 »
1 4 »
1 9 1/2
1 3 3/4
1 7 » » »
Totaux.
De 2 à 78 ans.
1433
139
1294
1 sur 10 1/3
FÉMININ.
De 2 à 10 ans.
10 20
20 30
30 40
40 50
50 60
60 78
30 16 7 4 1 1 »
1
1
»
29 16 7 3 1 1 »
1 sur 30 » 16
1 4
» 1
» 1
» »
Totaux.
59
2
57
1 sur 29 1/2
Totaux des deux sexes. .
1492
141
1351
1 sur 10 6/10
Ce tableau prouve , comme les précédens, que c'est dans les dix premières années de la vie que la taille réussit le mieux, et qu'elle est, en résultat général, moins meurtrière dans le sexe féminin que dans le masculin.
M. Castara a fait aussi connaître une série de 46 individus opérés dans la pratique civile. Cette série se composait de 37 hommes et de 9 femmes, compris entre 5 et 68 ans : tous ont été guéris. Bien que le nombre des opérés soit peu considérable, le résultat néanmoins tend à démontrer, comme toujours, que les opérations réussissent beaucoup mieux dans la pratique civile que dans les hôpitaux.
M. Castara rapporte que des i433 sujets mâles, 1, io3 ont été opérés par la méthode du grand appareil, ou de Marianus Sanc-tus ; que sur ce nombre 110 ont succombé, ce qui donne pour rapport des morts aux guéris : 1 sur 10; les 33o autres ont été opérés avec le gorgeret corrigé d'Hawlrins (taille latéralisée); 29 ont péri, ce qui fait 1 sur 11 i/3. Sur les 5g sujets féminins, il y en a 5o chez lesquels le calcul a été extrait par la dilatation de l'urètre, 1 sont morts, ce qui donne 1 sur 25. Chez les 9 autres, on a divisé l'urètre et le col de la vessie de chaque côté.
Dupuytren a donné dans le Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques, un tableau qui est loin de présenter des résultats aussi avantageux que celui de M. Castara : il comprend 356 faits pris pendant dix ans, tant dans la pratique publique que dans la pratique particulière des hommes les plus distingués de Paris et de ses environs.
De ces 356 individus il y en avait 3i2 du sexe masculin et 44 du sexe féminin. Des 44 femmes opérées, 7 seulement avaient de 3 à 15 ans et 11 de 15 à 5o; elles ont fourni en tout 5 morts et 3g guéris, ce qui fait 1 sur 9 environ. Les 312 sujets mâles étaient compris entre 3 et 90 ans. Ils ont fourni les cinq séries suivantes :
De 3 à 15 ans, 15 30 30 50 50 70 70 90
Totaux.
Opérés.
97 59
45 74
37
312
Guéris.
88 51 35 56 26
256
Morts.
9 8 10 18 11
56
Rapport.
1 sur 11 1 7 1/3 1 4 1/2 1 4 1 3 2/5
ou 1 sur 5 1/2 environ
En voyant des résultats si désavantageux, on ne peut se refuser à croire qu'ils tiennent, comme nous l'avons dit ci-dessus , à ce
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que, clans certains hôpitaux de Paris, les opérations réussissent inoins bien que dans la pratique civile.
En résumé, sauf toute observation critique, en prenant comme ils sont donnés les documens qui précèdent, élaguant les relevés de Saucerotte , qui font double emploi avec ceux de M. Castara, et complétant ces données par de nouvelles séries partielles moins nombreuses, provenant de pays dilférens, voici ce que Ion trouve pour résultats généraux de toutes les tailles :
Frère Jacques.........
Cheselden..........
Hôtel-Dieu et Charité (1719 à 1728). .
Pouteau...........
Lecat......a.....
Mejean...........
Martineau..........
Deschamps..........
Castara de Lunéville (1738 à 1828). .
Viricel...........
Ouvrard de Dijon........
Dupuytren..........
Marc et (hôpital de Norwich). . . • Cross (hôpitaux de Norfolk et Norwich),
Hôpital de Leeds........
Hôpital de Moscou (1829 à 1837 ) . .
Pajola de Venise........
Hôpital de Naples (en 14 ans). . . . Clot (écolo d'Abouzabel en Egypte). ¦
Brett ( dans l'Inde ).......
Burnard (id. hôpital de Bénarès). . .
Ajoutons pour la taille liypognslrique en particulier :
Cheselden et Douglas.......
Frère Côme..........
Soubcrbielle.........
Totaux de foules les (ailles.
Opérés.
171 213 812
80
63 4 05
84
20 1538
83
60 356 506 704 197 411
50 440
58
22
22
31 400
133
6259
Morts.
B 24 251 2 3 1 2 1
141
3 3 61
70 93 28 42 5
65 6 4 5
5 20 17
855
1 sur 57 »»
1 9 »»
1 3 20
4 40 »»
1 20 »» 1 105 m
1 42 »»
4 20 »»
1 10 90
1 27 »»
4 20 »»
4 5 80
4 7 23
1 7 50
4 7 »»
4 9 80
4 4 0 »»
4 6 70
4 9 67
4 5 50
4 4 »»
1 6 m
4 5b»
* 7 80
J'ai réuni exprès dans ce tableau à-peu-près tous les docu-mens connus; voici donc le plus vaste relevé statistique que l'on ait fait en chirurgie, et sur l'une des opérations les plus fré-quentes et les plus graves. En résultat, sur 6a5o, malades opérés à divers temps et sous les climats les plus variés, 855 morts : en moyenne, i mort sur 7,32 opérés. Toutefois, en retranchant de ce tableau les succès trop exagérés de Méjean, Martineau, Pou-teau, "Viricel et surtout du Frère Jacques, dont on ne compte que les séries heureuses, il reste 844 morts sur 5736 opérés, c'est-à-dire 1 sur 6,80. Assurément voici un résultat de statistique remarquable sous plus d'un rapport; quant au résultat général, si l'on se rappelle que par approximation, MM. Roux et Du-puytren évaluaient la léthalité de la taille à 1 mort sur 5 à 6 opérés ; Sanson à 1 sur 6 ; que M. Velpeau, qui a consigné dans sa Médecine opératoire presque tous les faits précédens, mais sans avoir fait ces rapprochemens, estime néanmoins que la-taille cause la mort une fois sur six ou sept [Mèd. opér., 2 e édit. tome iv, page 647); en rapprochant ces évaluations du chiffre 7, 32 donné par le tableau, on s'étonne d'y trouver si peu de différence, et si néanmoins le chiffre statistique donne un résul-tat plus heureux, nul doute qu'on ne doive l'attribuer aux docu-mens eux-mêmes où, s'il y a eu quelques faits omis, sans injustice ni prévention, on peut bien supposer que ce ne sont pas tant les succès que les revers; ce qui rétablirait bien à-peu-près le chiffre réel entre cinq et six, comme l'avaient présenté Roux et Dupuytren. El si maintenant on tient compte de ceux, un tiers au moins des survivans, qui sont affectés de récidive ou atteints d'infirmités , telles que fistules, incontinence d'urine , etc., le nombre des sujets véritablement guéris se trouverait encore ré-duit d'autant. Quant aux résultats comparatifs pour des temps et des lieux différais , l'influence de l'hygiène et du climat s'accuse nettement. Le chiffre le plus meurtrier (1 sur 3, 20) est fourni par l'hôpital infect de Paris au temps de la régence ; tout près, l'hôpital actuel de Bénarès ( 1 sur 4) et l'Inde elle-même (5, 5o), trahit les effets de son climat brûlant. L'Egypte se montre plus heureuse, et par son chiffre ressemble à l'Europe; mais il fau-drait, pour conclure, un nombre de faits plus considérable, et surtout provenant d'opérateurs différais. L'excès de la civilisa-tion à Paris et ses environs, se montre de nos jours, dans le re-levé de Dupuytren , presque aussi délétère (5, 80); tandis que sur une masse de faits considérables pendant près d'un siècle, la France provinciale, dans le travail de M. Castara, donne au-thentiquement le résultat le plus favorable ( 1 o, po) et supérieur à ceux de Norwich, Venise et Moscou qui, avec des climats si différens, rivalisent entre eux.
COMPARAISON EWT11K LA LITIIOTOMIE F.ï LA LITHOTRITIE.
Est-il possible d'établir , comme on le fait dans tous les ou-vrages de chirurgie , un parallèle entre la taille et la lithotritie? Assurément une balance statistique entre deux branches de l'art, dont l'une compte autant de siècles d'existence que l'autre d'an-nées, n'est pas même raisonnable. Nous avons vu plus haut qu'il est impossible encore de rien statuer sur la valeur réelle de la lithotritie en elle-même; et c'est tout simple. La lithotritie, encore trop nouvelle , n'est pas même fixée, car elle est toujours en progrès; les documens en sont trop rares pour donner des résultats précis, les intérêts mis en jeu trop palpitans pour en permettre la discussion impartiale.
Voici maintenant les documens fournis par la taille. Ici, contre l'ordinaire, des relevés ont été faits par des chirurgiens , depuis plus d'un siècle, dans des pays différens. Or, en est-on plus avancé? oui sans cloute, dans le résultat général, sauf critique, comme intérêt scientifique et philosophique pour la comparaison des méthodes, des temps et des lieux; mais en rapprochant les unes des autres les séries partielles, les contradictions qui four-millent ne font que démontrer la vanité des statistiques, au point de vue pratique pour un lieu déterminé.
Et puis, on répugne , non sans de très bonnes raisons, à ad-mettre ces chiffres qui présenteraient la lithotomie égale ou supérieure en résultat à la lithotritie. Sans doute en apparence, il n'y a rien à dire contre des chiffres; et cependant, pour ex-primer entièrement ma pensée, je crois peu aux grands succès annoncés sur la taille d'une part, et de l'autre, je pense que la lithotritie, née d'hier, a encore beaucoup à gagner, et qu'il faut d'autant moins se presser de la juger que ses résultats, rem-brunis parla critique, ayant été obtenus avec les premiers appa-reils, ceux que l'on obtiendra par la suite,avec l'aide du percuteur par exemple , pourront être beaucoup meilleurs.
La taille n'a donné de très bons résultats que dans les provinces, sur des populations fortes; la lithotritie, au contraire, n'a guère encore été expérimentée que dans les grandes villes , sur des populations énervées. C'est une grande différence.
En outre, plusieurs chirurgiens ne sont pas rigoureusement justes. Ils rapportent sans examen les séries de cas heureux les plus exagérées des litholonûstes, et ils soumettent à la plus dure analyse celles des litholrileurs. MM. Civialc et Ileurteloup ont
certainement, bien le droit de dire qu'ils ont guéri par la litho-tritie, l'un 3o opérés, l'autre 38 contre i mort, lorsque, par la litbolomie, Pouteau en aurait, guéri 4° Frère Jacques 67, Méjean io5; lorsque Raw en aurait guéri 1547 sans un seul cas malheureux. De tout cela je n'en crois rien ; je ne crois pas non plus aux trop grands insuccès d'un opérateur, proclamés par ses antagonistes, et, par exemple, que le chiffre réel de M. Civiale sur une masse d'opérations, ait été de 4 morts sur g opérés. Que croyez-vous donc, dira-t-on ? je crois ce qui me paraît raison-nable. Je prends la moyenne entre les assertions extrêmes; et cette moyenne se trouve être ici, comme en toutes choses , l'ex-pression du plus grand nombre de faits. Ainsi en moyenne, les deux grandes méthodes de tailles semblent se balancer; elles fournissent, comme nous l'avons vu , ensemble et séparément : 1 mort sur 7 opérés, c'est-à-dire qu'il y aura plus de cas mal-heureux dans les grands hôpitaux, 1 sur 6, 5 ou 4 suivant les temps et les lieux; à-peu-près le chiffre moyen dans les grandes villes, et 1 sur 8 à 11 ou 12 dans les campagnes.
Quant à la lithotritie , ses résultats doivent être et seront pro-bablement plus avantageux par la suite ; mais de combien ? Assurément on l'ignore. Seulement je dois, sur ses résultats fu-turs, exprimer ici mon espérance, l'espérance de tout le monde, pour encourager les chirurgiens à cultiver une nouvelle branche de la chirurgie cpii, à mesure qu'elle se simplifie, promet beau-coup pour l'avenir.
OPERATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES GENITAUX DE
LA FEMME.
Les opérations sur les organes de la génération, comme tes maladies qui les motivent, diffèrent beaucoup d'importance et de gravité, suivant qu'elles ont pour siège les organes extérieurs ou intérieurs.
MALADIES ET OPÉRATIONS QUI ONT POUR SIÈGE
LES ORGANES EXTÉRIEURS DE LA GÉNÉRATION.
A partie cathétérisme et les causes qui en réclament l'emploi, comme les maladies et les opérations qui ont pour siège le pénil, les grandes lèvres, les petites lèvres, le clitoris, le méat urinaire, et l'orifice du vagin, ne diffèrent cpie fort peu de ce qu'elles sont dans les autres parties du corps, nous en parlerons aussi brièvement que possible.
CATHÉTÉRISME DE LA FEMME.
L'urètre chez la femme ne ressemble en rien à cel ni de l'homme ; légèrement concave en haut, long de 25 à 3o millimètres (11 à i4 lignes), pour une largeur de 16 à 18 millimètres en diamètre transversal, et de 12 a i5 en diamètre vertical ; propre, en outre, à supporter une énorme dilatation, il constitue, en quelque sorte, plutôt un orifice qu'un canal. Borné en bas par la paroi antérieure du vagin avec laquelle il adhère intimement il ne se trouve éloigné que de 7 à 8 millimètres de la symphyse pubienne. Dans l'état ordinaire, chez les filles et chez les jeunes femmes, son orifice externe, ou le méat urinaire, est très facile à trouver; situé dans lïxartement des nymphes, immédiatement au-dessus et en avant de l'entrée du vagin, on le perçoit avec la pulpe du doigt indi-cateur sous forme d'un tubercule ou d'un bourrelet plus ou inoins saillant ; mais chez les femmes qui ont eu beaucoup d'en-fans, dans la vieillesse, ou pendant la gestation et après l'accou-chement , l'urètre est quelquefois assez difficile à percevoir. Les tractions en haut qu'éprouve le vagin pendant la grossesse, et le coït fréquemment répété, le refoulent aussi en arrière et en haut, si bien qu'alors il n'est plus immédiatement au-devant de l'orifice vaginal, mais bien dans la paroi du vagin lui-même, derrière le ligament pubien , de sorte que, pour le mettre en évidence, on est obligé de tirer sur le vestibule et la base du cli-toris, par en haut, avec le doigt indicateur, tandis que le médius et le pouce entraînent fortement les nymphes en dehors.
Les sondes de femmes n'ont guère que i4 à 16 centimètres (3 pouces) de longueur. Celles qui se trouvent dans les trousses sont formées avec la partie droite de la sonde d'homme sur laquelle on visse un bout en argent légèrement recourbé. Mais plus généralement elles sont d'une seule pièce.
Procédé ordinaire. On fait coucher la malade sur le dos; on place un oreiller sous le siège pour le soulever, et l'on fait écar-ter et fléchir un peu les cuisses. Le chirurgien, placé à droite, dé-couvre les parties avec les doigts de la main gauche qu'il porte sur le pubis en pronation ; avec le pouce et le médius il entr'ouvre la vulve et écarte les petites lèvres ; l'indicateur alors perçoit le méat urinaire, au-dessous du vestibule, et dirige le bec de la sonde, tenue de la main droite, comme une plume à écrire, sa concavité tournée en haut; dès que l'instrument est insinué dans l'orifice, on le fait glisser dans l'urètre en l'abaissant un peu; lorsqu'il a pénétré au-delà du pubis, on le relève et achève son introduc-tion dans la vessie en poussant directement.
Si le bassin est trop enfoncé, et l'urètre trop refoulé en arrière et en haut, de manière à n'être pas ou à n'être que très peu appa-rent, pour se donner plus d'aisance, on passe la main qui porte la sonde sous le jarret et, comme le recommande M. Velpeau, pendant qu'on écarte les petites lèvres avec le pouce et le médius, le doigt indicateur relève le clitoris et le vestibule de manière à dégager et à ramener en avant le méat urinaire.
Sonder à couvert. Quelques femmes éprouvent beaucoup de peine de se laisser sonder à découvert, il faut alors les sonder sous les couvertures, en se guidant par le toucher ; pour cela, la main gauche étant placée comme précédemment, le clitoris et le vestibule relevés par l'indicateur, on porte le bec de la sonde sur l'ongle de ce doigt, et en le faisant glisser de haut en bas sur la ligne médiane, il tombe presque de lui-même dans le méat urinaire.
On réussirait plus sûrement encore en ramenant la sonde de bas en haut, son extrémité étant appuyée sur la pulpe du médius
droit, pendant cpie l'annulaire de la même main, servant en quelque sorte de moyen explorateur, distingüela fourchette, puis l'entrée , puis la colonne antérieure du vagin, dont la terminai-son plus ou moins renflée en forme de tubercule, se trouve im-médiatement au-dessous de l'orifice uretral. Arrivé à ce point, l'annulaire s'v arrête, les autres doigts font glisser la sonde sur la pulpe et s'en servent comme d'un conducteur; le méat ne peut pas être à plus de 2 à l\ millimètres (une ligne ou deux) de dis-tance. Après quelques tâtonnemens on entre presque toujours avec facilité dans le canal.
Fixer la sonde. Il est rarement nécessaire de laisser la sonde à demeure; d'ailleurs, dit Boyer, sa présence est si incommode, que lors même qu'il y a rétention d'urine, il vaut mieux la retirer chaque fois pour la réintroduire lorsque cela sera nécessaire, surtout si l'on peut le faire sans beaucoup de douleur et de diffi-culté; la malade elle-même, son mari, ou une femme quelconque, peuvent le faire en le leur montrant. Toutefois, si l'on voulait fixer l'instrument à demeure, il faudrait employer une sonde en gomme élastique, et l'assujettir en attachant les cordons aux sous-cuisses d'un bandage en T double.
TUMEURS DU PÉNIL ET DES GRANDES LÈVRES.
i° Tumeursphlegmoneuses. Elles résultent des frottemens fré-quemment répétés dans l'acte de la copulation, chez les femmes récemment mariées : les contusions et les ulcérations peuvent aussi y donner lieu. Elles se terminent toujours par suppuration, dit Boyer; ce n'est que lorsqu'elles sont arrivées à l'état d'abcès qu'elles nécessitent une opération; alors il faut les ouvrir le plus tôt possible , et largement, par une incision longitudinale; Boyer (Malad. chirurg. t. x, p. 402) dit qu'elle doit être faite sur la face interne de la grande lèvre , parce que c'est de ce côté que s'ouvrent ordinairement ces abcès lorsqu'on les abandonne à eux-mêmes; d'autres chirurgiens , parmi lesquels se trouve M. Velpeau, prétendent au contraire qu'il vaut mieux les ouvrir par la face cutanée que par le côté muqueux des grandes lèvres. On peut invoquer de bonnes raisons en faveur de chacune de ces manières de faire; du côté de la surface interne, il est vrai qu'il y a moins d'épaisseur de tissus à traverser, mais la cicatrice peut être plus lente à se faire à cause de la sécrétion muqueuse quia lieu en ce point, et lorsqu'elle est faite, elle peut se dé-chirer dans l'acte de la copulation ; tandis que cet inconvénient n'a pas lieu en incisant en dehors. Ces abcès ont beaucoup de tendance à dégénérer en fistule lorsqu'ils ont été vidés; on évi-tera cette terminaison fâcheuse en introduisant quelques bou-lettes de charpie dans la poche qui recelait le pus, pendant les premiers jours qui suivront son ouverture, et plus tard, en cau-térisant son intérieur avec un crayon de nitrate d'argent, si son oblitération complète tardait trop à se faire. Si néanmoins la fistule survenait, ce dont on s'apercevrait par la présence, sur la surface interne de la grande lèvre, d'une ouverture d'où l'on verrait sortir la matière purulente , et par laquelle on pourrait faire pénétrer un stylet à une profondeur plus ou moins consi-dérable, on ouvrirait son trajet dans toute son étendue et dans toutes ses directions ; on exciserait même les lèvres de l'incision si elles étaient trop amincies et faisaient craindre que la réunion ne fût pas possible, puis on panserait avec un peu de charpie sèche.
2° Tumeurs sanguines. Ces tumeurs sont désignées sous le nom de trombus de la vulve, par M. Velpeau (Art des Accouch. X. 11, p. 645). Bien qu'elles aient été vues de tout temps, leur na-ture n'était pas bien reconnue avant Levret. Bueff paraît être le premier qui en ait parlé dans son traité de Concept, et Degener. Homin. 1554)- Delà Motte aussi en avait déjà cité deux obser-vations dans son Traité de Chirurgie, et depuis dans un mémoire sur ce sujet; M. Deneux en a rapporté un grand nombre d'ob-servations empruntées à divers auteurs , ou qu'il a puisées dans sa pratique. M. Velpeau en a rencontré vingt-cinq cas, et en a donné une bonne description : en résumé, c'est une affection assez généralement connue.
Cette tumeur qui ordinairement n'occupe qu'un seule lèvre, peut néanmoins se développer dans les deux, et même dans le mont de venus; son volume varie beaucoup; on en trouve qui sont grosses comme une noix, et d'autres qui ont la grosseur du poing; elles se développent ordinairement sous l'influence d'une contusion, ou des efforts de l'accouchement; dans les deux cas, elles résultent de la rupture de vaisseaux sanguins qui rampent dans l'épaisseur de la grande lèvre. Quelquefois elles surviennent spontanément; Boyer en a observé un exemple chez une jeune femme enceinte à la suite d'une attaque d'épilepsie et sans aucune contusion.
Lorsque ces tumeurs sont petites on peut en abandonner la guérison à la nature, en se contentant d'appliquer dessus des compresses imbibées d'un liquide résolutif; mais lorsqu'elles ont un certain volume, ces moyens seraient insuffisans, et il vaut mieux ouvrir et vider la tumeur, soit à l'aide d'une simple ponc-tion, soit par une large incision, jamais par la cautérisation. La ponction ne peut convenir que dans les cas où le sang contenu dans le kyste est encore à l'état liquide ; mais comme le plus sou-vent on le rencontre sous forme de caillots qu'il serait difficile d'enlever à travers une ouverture trop petite, il vaut mieux, en définitive, avoir recours à une longue incision. L'incision est sur-tout indispensable dans les tumeurs sanguines survenues pendant les efforts de l'accouchement, car, si l'on hésitait en pareille cir-constance, l'expulsion du fœtus en serait sinon empêchée, du moins beaucoup retardée, puis déterminerait la rupture de la tumeur comme cela est arrivé dans plusieurs cas; ou bien l'enfant, au lieu de sortir par la vulve, pourrait s'échapper à travers une déchirure du périnée. Dans tous les cas, le volume de la tumeur en serait considérablement accru , par suite du décollement des tissus qui résulterait des efforts de la femme et de la pression de la tête contre les parties environnantes. Bueff avait donné l'exemple d'inciser, et depuis les chirurgiens et les accoucheurs ont continué à suivre cette pratique avec un plein succès. Coutouly condamnait l'incision de la tumeur dans la crainte où il était qu'elle ne fût suivie d'hémorrhagie ; mais aucuns des chirurgiens qui l'ont employée n'ont vu survenir cet accident. Au reste l'anatomie indique suffisamment qu'il n'est point à redouter, car il n'y a pas, dans l'épaisseur des grandes lèvres, de vaisseaux assez gros pour donner lieu à une hémorrhagie grave, et d'ailleurs, à supposer qu'elle pût survenir, la torsion, la liga-ture ou le tamponnement y remédieraient facilement. L'incision ne doit pas toujours être faite du même côté de la grande lèvre; M. Velpeau , qui dit avoir pratiqué cette opération quinze fois avec succès, choisit la surface interne de la lèvre affectée, lorsque la fluctuation est sourde en dehors et très manifeste en dedans ; dans le cas contraire, ou même lorsqu'elle n'est pas plus sensible d'un côté que de l'autre, il agit de préférence sur la face externe. Une fois l'incision faite et le sang évacué, il suffit d'appliquer sur
la tumeur des cataplasmes imbibés d'un liquide résolutif, ou sim-plement émolliens, s'il y a un peu d'inflammation, pour voir la plaie se déterger promptcment, et la guérison survenir dans un temps qui peut varier entre deux et quatre semaines.
3° Kystes séro-muqueux. Observés un grand nombre de fois, ils ont été considérés par quelques auteurs comme une maladie ana-logue à l'hydrocèle. Ils peuvent acquérir un volume égal à celui d'un œuf ou du poing, et renferment une matière qui est tantôt séreuse, tantôt analogue à de la synovie, ou bien semblable à du mucilage ou à des glaires. Il convient de les traiter par la ponc-tion et l'injection iodée lorsqu'ils sont volumineux; dans le cas contraire, il est plus avantageux de les inciser et d'en faire suppu-rer le sac, après en avoir au préalable excisé les portions libres.
4° Les grandes lèvres et le mont de Vénus peuvent, encore être le siège de tumeurs diverses, fibreuses, cancéreuses, vari-queuses, èrectiles ou autres, en tout semblables à celles qu'on observe sur les autres parties d u corps, et qui nécessitent abso-lument les mêmes opérations et les mêmes moyens thérapeu-tiques : il serait donc inutile de s'y arrêter plus long-temps.
MALADIES DES PETITES LÈVRES.
Les petites lèvres nécessitent rarement l'excision pour un simple excès de dimensions, circonstance qu'on ne rencontre presque jamais dans nos pays, tandis que dans d'autres elle con-stitue presque l'état normal; on sait, en effet, que les femmes des Hottentots ont ces parties si développées , qu'elles portent le nom de tablier. Chez nous, pour exciter l'attention, il faut qu'elles soient affectées d'une hypertrophie extraordinaire, ou d'une dé-générescence morbide; pour les enlever, on met en pratique la ligature ou l'excision.
Ligature, procédé de Priéger. On trouve dans le Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. i, p. go, une obser-vation de Priéger dans laquelle il est dit que les petites lèvres avaient acquis un volume considérable, et qu'il en fit la ligature des deux côtés ; au bout de dix jours, les ligatures étaient tombées avec les tumeurs. Cette opération fut accompagnée d'une vio-lente inflammation, contre laquelle il fut obligé d'employer un traitement énergique antiphlogistique.
Excision. Elle sera toujours préférable. Mauriceau rapporte qu'il fut obligé de la faire à une dame decondition qui montait sou-vent à cheval, et qui éprouvait alors des cuissons insupportables, produites par le froissement des petites lèvres qu'elle avait fort longues. L'excision peut être faite avec un bistouri ou des ciseaux courbes. M. Velpeau pense qu'un nombre de fils suffisant, préa-lablement passés à travers les racines des petites lèvres, permet de réunir, immédiatement après l'excision, les deux bords de la plaie par la suture, et de guérir ainsi les femmes opérées dans l'espace de 7 à 8 jours; mais ce procédé ne devrait être appliqué qu'autant que les nymphes seraient malades dans toute leur étendue : si elles n'étaient altérées que dans une petite partie de leur surface, ou si elles étaient seulement le siège de petites tu-meurs pédiculées, fibreuses, ou de végétations, etc., il suffirait d'exciser la partie malade, en ayant le soin d'enlever toute la racine du mal.
t. vu.
ABLATION DU CLITORIS.
Cette opération peut être nécessitée par des causes diverses. Autrefois, on la pratiquait souvent dans le but de modérer les désirs vénériens ; mais actuellement il n'en est plus ainsi. Cepen-dant, un fait qui prouve que tous les praticiens ne l'ont pas mise en oubli, et qu'elle ne mérite pas de l'être, c'est celui que M. Velpeau relate, et qui lui a été, dit-il, communiqué par M. Robert : il s'agissait d'une jeune fille qui, ayant été conduite au marasme par l'onanisme, fut radicalement guérie de ses mau-vaises habitudes par l'amputation du clitoris.
Si, en pareil cas, on voulait suivre la même conduite, il suffi-rait de faire écarter les petites lèvres, de saisir le clitoris avec des pinces, et de l'exciser avec des ciseaux courbes le plus près possible de ses racines.
Le clitoris peut, de même que le pénis, devenir le siège de tu-meurs variables par leur volume et par leur nature. Bonnet rap-porte, d'après Welschius, tome ni, p. 3og, que Molinetti eut occasion d'en enlever une qui pesait g livres (4 Mlog. ip). M. E. Coste a publié (^Journal des connaissances médico-chi-rurgicales, t. ni, p. 276) l'observation d'une tumeur considérable développée dans cet organe qu'il fut obligé d'enlever. On trouve encore des observations du même genre dans XEncyclographie des sciences médicales et dans les Archives générales de méde-cine. Dans des cas semblables, de même que dans ceux de déve-loppement anormal, il faudrait aussi avoir recours à l'amputation de l'organe malade. L'opération serait fort simple ¦ le chirurgien s'emparerait de la tumeur avec la main gauche, pendant qu'un aide saisirait la racine du clitoris, et de la main droite, armée d'un bistouri ou d'une paire de ciseaux courbes, il couperait d'un seul trait l'organe dégénéré. Comme il ne contient aucune artère volu-mineuse , on ne doit avoir aucune crainte du côté de l'hémor-rhagie. Au reste, si, par suite de sa dégénérescence, il s'était déve-loppé dans son épaisseur des vaisseaux assez considérables pour donner lieu à un écoulement inquiétant, il serait facile de l'arrê-ter par la ligature ou la cautérisation.
Ligature. Le chirurgien doit toujours préférer l'instrument tranchant à la ligature, parce que son action est plus rapide et n'est pas plus dangereuse; néanmoins, si le sujet ne voulait pas s'y soumettre, on se déciderait à étreindre la tumeur dans un fil.
Cautérisation. Elle ne conviendrait que dans le cas où la tu-meur, large et aplatie, serait dépourvue de pédicule; encore, peut-être vaudrait-il mieux y appliquer des ligatures partielles.
ÉLÉPIIANTIASIS DE LA VULVE.
Larrey est un des premiers qui en aient parlé. Delpech rapporte (t. ier de sa Clinique chirurgicale) un fait observé par M. Tal-rich, fait dans lequel la tumeur, qui avait 38 centimètres de long et 4g centimètres de circonférence, fut extirpée avec succès. Dans l'observation de M. Clot {Journal hebdomadaire, t. 11, 1835), la tumeur, grosse comme la tète d'un enfant nouveau-né, fut aussi amputée heureusement. Celle que M. Rapatel a enlevée pesait 8 kilogrammes ip, et la femme guérit (Journal des connais-sances médicales). M. Velpeau dit que M. Monod en a enlevé en sa présence une qui avait le volume de la tête d'un adulte, sur une femme de ao ans qui en guérit très bien; et que lui-même en a extirpé quatre, dont la plus grosse avait le volume
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d'un œuf cCaiilriiclio ; toutes quatre étaient pédiculées et pyri -formes.
Lorsque les tumeurs éléphantiasiques sont pédieulées, rien n'est plus facile que de les enlever; il suffit de les saisir de la main gauche et de diviser leur pédicule avec un bistouri; mais lors-qu'elles soni développées dans l'épaisseur des parties qui con-stituent la vulve , il faut les dissé'quer comme on le fait pour le scrotum , et réunir les lèvres ou les lambeaux des plaies par des points de suture.
OCCLUSION OU IMPERFORATION DE LA VULVE, DU MÉAT URTNAIRE ET DU VAGIN.
i" Occlusion de la vulve. Elle peut être congeniale ou acquise. Dans le premier cas, l'occlusion, ou s'étend au méat urinaire, ou le laisse intact : si le méat est fermé, l'urine ne peut sortir, et la mort serait certainement occasionnée par la rétention de ce liquide si on ne lui procurait une issue artificielle ; si au contraire le méat reste libre, on ne s'aperçoit souvent de l'imperforation de la vulve qu'à l'âge de la puberté. L'occlusion acquise peut être déter-minée par une inflammation, une brûlure, un accouchement labo-rieux, ou par des ulcères syphilitiques. \J imperforation du vagin peut aussi être congeniale ou acquise. L'imperforation acquise est très rare; elle ne pourrait survenir qu'à la suite d'une violente inflammation du canal qui serait suivie d'adhérences, comme on en trouve un cas dans les Transactions philosophiques (année 173a, p. 45). L'imperforation congeniale peut lenir unique-ment à ce que la membrane hymen est plus épaisse que de cou-tume et imperforée, ou seulement percée d'une ouverture insuf-fisante pour donner passage au sang des règles, ou bien à ce que le canal vaginal est intercepté par une membrane développée entre son orifice externe et le col de l'utérus, ou enfin à ce qu'il est remplacé dans une partie ou dans la totalité de son étendue par une substance solide.
Quelle que soit la cause de l'occlusion , comme il n'y a qu'une opération qui puisse y remédier, si l'infirmité est reconnue de bonne heure, on fera bien d'opérer avant l'époque de la mens-truation, afin de prévenir pour la suite la rétention des règles.
i°Si l'occlusion dépend de la réunion congeniale ou acquise des grandes lèvres, qu'elle soit complète, ou qu'elle laisse une petite ouverture pour le passage des menstrues, comme elle met-trait toujours obstacle au coït et à l'accouchement, car la grossesse peut survenir malgré l'existence d'un obstacle à l'introduction du pénis, ainsi qu'on peut le voir dans une observation rapportée par Moinichen (Observ. mèdie, chirurg., p. 49), on fera bien de détruire, au moyen d'une incision, l'union anormale des parties. Mais il convient de la pratiquer avant l'époque de la parturition, car alors l'enfant pourrait se créer une voie artificielle pour sor-tir, et déterminer des déchirures qu'il faudrait ensuite réunir par des points de suture, comme cela est arrivé dans un cas rap-porté par Royer (Traité des maladies chirurgo t. x, p. 399). La femme étant placée comme pour l'opération de la taille, s'il exis-lail une petite ouverture à la partie supérieure des organes soudés, on s'en servirait pour faire glisser une sonde cannelée derrière eux et pour les diviser avec un bistouri droit conduit sur cette sonde ; mais si l'occlusion était complète, on ferait tendre les parties, et on les diviserait couche par couche, avec un bistouri convexe ; on s'opposerait ensuite à leur réunion en interposant de la charpie ou un linge enduit de cérat entre les lèvres de l'incision.
a" Occlusion complète ou incomplète du méat urinaire. Elle se rencontre quelquefois compliquée d'occlusion de la vulve, et d'autres fois seule; si l'on ne s'en aperçoit pas immédiatement après la naissance, l'urine s'accumule dans la vessie, et forme bientôt une tumeur saillante au-dessus de l'hypogastre; l'enfant crie et s'agite. Ces symptômes et l'absence d'urine dans les langes conduisent à examiner le méat, et à reconnaître l'obstacle : s'il est constitué par une simple membrane, il suffit de la fendre et de placer une petite sonde en gomme dans la vessie pendant cinq à six jours. Si la membrane ne présentait qu'un trou insuffisant pour permettre à l'urine de s'échapper, il faudrait se borner à l'a-grandir ; mais si, au lieu d'être bouché par une membrane mince, l'urètre est oblitéré, le cas devient fort grave. « Quelquefois, dit « Royer, la nature fournit une route artificielle à l'urine qui coule « par l'ombilic, mais le plus souvent l'enfant succombe, soit « qu'on l'abandonne aux seules ressources de la nature, soit « qu'on lui ouvre une voie artificielle par la ponction de la « vessie. » Nous croyons cependant qu'il ne faudrait pas négliger de faire en sorte de rétablir le canal, ou d'en créer un de toute pièce, dans le lieu ou il existe habituellement.
3" Occlusion du vagin. Occlusion du vagin par Vimper-foration de la membrane hymen. On ne s'en aperçoit ordinaire-ment qu'à l'âge de la puberté, car alors la jeune fille éprouve les symptômes qui annoncent l'établissement de la menstruation, et cependant le sang des règles ne s'écoule pas au dehors, parce qu'il ne trouve pas d'issue pour sortir; chaque mois les mêmes symptômes se renouvellent sans plus de résultats. Au bout d'un certain temps les douleurs augmentent par suite de l'accumula-tion du sang dans les parties, l'utérus se distend, le volume du ventre s'accroît, les seins se tuméfient, et beaucoup de signes qui pourraient faire croire à une grossesse se manifestent ; mais si l'on examine les organes génitaux , on reconnaît bientôt que la maladie n'a pas d'autre cause que l'imperforation de la membrane hymen; elle est tendue et bombée, présente quelquefois un aspect violacé, et donne au toucher la sensation d'une tumeur mollasse. Comme cet état méconnu, malgré la facilité du diagnostic, a quelquefois entraîné la mort des malades, le médecin devra tou-jours y porter une sérieuse attention. Le remède est aussi simple que facile à appliquer : il suffit de faire coucher la malade sur le dos, les jambes écartées, et de faire à la membrane, avec un bis-touri pointu, une incision cruciale dont on excise les quatre angles; aussitôt que cette ouverture est faite, le sang s'échappe quelquefois avec force et en formant un jet qui est projeté à une distance assez grande. Une fois que le trop-plein en est évacué, il continue à sortir peu-à-peu et pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que les organes en soient complètement débarrassés. C'est tou-jours peu-à-peu qu'il doit être évacué; car, de cette façon, l'air ne peut pénétrer au sein des organes et y faire naître des altéra-tions. Il faut éviter d'introduire le doigt à travers l'ouverture de l'hymen ou d'exercer des pressions suiT'hypogastre pour hâter la sortie du sang, parce que l'utérus et le vagin , distendus depuis long-temps, ne pourraient peut-être pas revenir assez prompte-ment sur eux-mêmes pour empêcher que l'air ne prît la place du sang et, en se mêlant aux liquides, dont il altérerait chimiquement la nature, ne déterminât des inflammations graves. Si cependant le liquide qui s'échappe contractait une mauvaise odeur, et si, de plus, on observait quelques-uns des symptômes qui caractérisent les fièvres de mauvais caractère au début, il serait convenable de faire, une ou plusieurs fois par jour, des injectionsémollientes, dé-
tersives, astringentes ou anli-septiques, suivant le besoin, afin d'é-vacuer les caillots et les fluides altérés encorecontenus dans la matrice. Dans un cas où il avait incisé l'hymen, Dehaen, voyant survenir des symptômes de péritonite , en triompha par des sai-gnées et des antiphlogistiques. Cette conduite devrait être imitée pour peu que l'état de l'opérée présentât des symptômes sem-blables, car cet état doit être considéré comme l'analogue de celui qui se développe quelquefois à la suite de l'accouchement.
Après l'opération, il est essentiel de maintenir l'ouverture béante à l'aide de mèches ou d'épongés : si l'on s'en dispensait, on courrait le risque de permettre à l'ouverture de se refermer ou de se rétrécir assez pour obliger à faire plus tard une nouvelle incision , comme M. Velpeau prétend que cela lui est arrivé une fois.
Occlusion déterminée par une simple membrane située plus près de F utérus que l'hymen. Elle présente les mêmes symptômes que dans le cas précédent, et le même traitement devra y être appliqué; seulement, il faudra s'assurer , à l'aide d'une sonde in-troduite dans la vessie et de l'indicateur gauche introduit dans le rectum, qu'il existe quelque chose d'interposé entre ces deux ré-servoirs.
Occlusion , soit par adhérence partielle ou totale, soit par absence du vagin. Pour s'assurer de l'état des parties, on intro-duit une sonde dans la vessie et un ou deux doigts dans le rectum : si l'on sent facilement la convexité de la sonde, et si les tissus intermédiaires ne paraissent pas présenter plus d'épaisseur que les parois recto-vésicales réunies, c'est une preuve que le vagin n'existe pas; enfin si, poussant l'examen plus loin, on ne trouve que quelques vestiges de matrice, ou même pas du tout, il sera évident que les organes génitaux sont absens ou si mal conformés que le sujet serait impropre à la procréation. Lorsque les choses sont dans cet état, on recommande généralement de s'abstenir de toute opération, du moins pour le moment; car si plus tard l'é-tablissement de la menstruation faisait reconnaître que l'utérus existe, il serait toujours temps d'opérer. Boyer, consulté pour deux cas de cette nature, refusa positivement de faire aucune opération. M. Langenbeck, au contraire, réussit à rétablir le vagin chez une femme qui, suivant les probabilités, manquait aussi d'utérus (Bul-letin de Férussac, t. xm, p. 334). Assurément, si l'on a lieu de douter de la présence de l'utérus, on doit, à l'exemple de Boyer, s'abstenir d'opérer; mais si l'existence de l'utérus est reconnue, il y a, au contraire, pour le chirurgien, indication d'agir. Il est inu-tile de faire aucune tentative avant l'âge de puberté, car rien ne presse; mais lorsque la menstruation voudra s'établir, que l'amas du sang causera de vives souffrances, et menacera la vie du sujet, il sera indispensable de lui frayer une issue. Bien qu'on puisse choisir une route différente de celle par où il s'échappe lorsque les parties sont bien conformées, telle que le rectum par exemple, il vaudra toujours mieux, malgré l'avis contraire de Boyer, faire en sorte de rétablir la voie naturelle que de lui en créer une autre. Une fois que l'opération est décidée, on fait placer la femme comme pour l'opération de la taille, et l'on met en usage l'un des procédés suivans.
Procédé ordinaire. L'indicateur gauche étant d'abord intro-duit dans le rectum, et une sonde étant maintenue dans la vessie par un aide qui dirige son bec vers l'hypogastre, on enfoncedans la direction du vagin un bistouri long, à lame étroite, ou un trocart avec sa canule; le point oblitéré est dépassé lorsque l'instrument cesse de rencontrer de la résistance, et peut être dirigé en tous sens; alors le bistouri, si c'est de cet instrument que l'on s'est servi, doit être retiré en agrandissant la plaie dans toute sa longueur, et le doigt indicateur est introduit à sa place , pour s'assurer si l'incision a une étendue suffisante et n'a pas besoin d'être agran-die dans quelques-unes de ses parties. Si l'on s'était servi du tro-cart, le sang qui sortirait par la canule indiquerait sûrement qu'on serait parvenu dans le foyer ; pour rendre la route plus large, on lui substituerait, une sonde cannelée sur laquelle on conduirait un bistouri boutonné pour agrandir l'incision.
L'opération ainsi terminée , pour ne pas en perdre le fruit, il faut appliquer un pansement destiné à conserver la perméabilité du nouveau vagin. Une mèche de charpie dont on augmente chaque jour le volume peut très bien servir à cet objet ; toutefois une sonde en gomme élastique , ou bien une canule métallique dont on augmente graduellement la grosseur, méritent cependant la préférence, parce qu'elles permettent aux matières accumulées dans l'utérus ou dans la partie supérieure du vagin de s'écouler au dehors, en même temps qu'elles donnent au chirurgien la facilité de faire des injections pour entraîner ces matières et en éviter la corruption. La sonde ou la capsule doit présenter à son extrémité externe des anneaux propres à recevoir des liens desti-nés à la maintenir en place.
Procédé de M. Amassât. Il a été mis en usage sur une fille de i5 ans et demi, dont le vagin était fermé dans les deux tiers de son étendue. Avant d'agir, il prescrivit de prendre un bain, d'appliquer un cataplasme émollient sur la vulve, et de vider le rectum. Alors, ayant fait prendre au sujet une position conve-nable, il déprima avec le bec d'une grosse sonde droite le point qui est ordinairement occupé par l'orifice du vagin, de manière à y produire un léger enfoncement; puis il introduisit l'indica-teur gauche dans le rectum, substitua le petit doigt à la sonde, et le poussa avec assez de force pour que la dépression de la mu-queuse opérée par lui persistât. Afin de mieux réussir, il attira en même temps à lui le périnée, pincé avec un doigt placé dans le rectum et un autre dans la vulve, et fit attirer l'urètre en haut ; pour éviter que l'impression produite ne disparût, il y plaça un morceau d'éponge préparée. Au bout de trois jours il répéta la même manœuvre, mais avec plus de violence ; la muqueuse s'é-railla, et il s'écoula un peu de sang ; il s'arrêta, replaça l'éponge, et recommença deux jours après. Au bout de cinq séances, re-nouvelées tous les deux jours, l'enfoncement produit avait près de 6 centimètres de profondeur. Il était alors facile de sentir la fluctuation du sang accumulé dans la partie supérieure du vagin, car on n'en était pas séparé par plus d'un centimètre d'épaisseur. M. Amussat traversa cette cloison avec un trocart qu'il dirigea sur l'indicateur, et agrandit l'ouverture qu'il avait faite avec un bistouri à lame étroite, entourée de linge dans les cinq sixièmes de son étendue. Lorsque le sang fut écoulé, il plaça dans le con-duit nouveau une grosse canule en gomme élastique. Ce vagin artificiel a persisté après la guérison.
Au lieu d'opérer de prime abord par refoulement et par déchi-rure, comme l'a fait M. Amussat, il nous semble qu'il serait plus convenable de faire une incision verticale dans la direction de la vulve, et une fois qu'on serait arrivé sur la cloison recto-vésicale, d'en opérer la séparation par décollement, comme on le ferait chez l'homme. L'essentiel est d'agir avec lenteur et de ne jamais pousser le bistouri ou le trocart sans avoir acquis la certitude
qu'il n'a pénétré ni dans la vessie, ni dans le rectum; car il pour-rait en résulter de graves accidens, et même la mort, comme cela eut "lieu dans une observation rapportée par Dehaen. Boyer dit que l'inflammation de la matrice et des parties voisines peut encore faire périr les sujets , et que ce fut ce qui arriva sur deux femmes qui avaient été opérées, et chez lesquelles l'instrument était parvenu au kyste sans pénétrer dans le rectum ou dans la vessie. Une malade opérée par M. Morisson eut un abcès de la fosse iliaque qui s'ouvrit et se vida dans le rectum [Bull, de Férus-sac, t. xiu), et celle de M. Langenbeek succomba à une enté-rite. Mais aussi nous pourrions citer en compensation un grand nombre d'autres cas où l'on a parfaitement réussi : tel est celui que M. Jefferson a publié (yl/f?-/. chirurg. Review, t. n, p. io.3), où il dit avoir été obligé de pénétrerpar la dissection, à 13 centimètres 1/2 (5 pouces) de profondeur, avant de trouver le liquide retenu ; tels sont aussi ceux de Delpech, de MM. Willaume, Desgranges, Benauldin , Fristo, Reates, etc. On peut donc maintenant considé-rer l'opération comme suffisamment établie et par lathéorie et par l'expérience, pour qu'on ne néglige pas de la pratiquer lorsque la rétention du sang menstruel détermine de graves accidens.
FENTES ET DÉCHIBURES DU PÉRINÉE.
Ces accidens surviennent le plus souvent à la suite d'un pre-mier accouchement, et sont d'autant pins à craindre que la femme est relativement plus âgée, les parties ayant beaucoup perdu de la souplesse qu'elles offrent dans la première jeu-nesse. Toutefois, les déchirures de peu d'étendue sont presque inévitables, même chez la jeune femme, quelques soins qu'ap-porte l'accoucheur à soutenir le périnée au moment où la tète franchit la vulve. Les déchirures qui ont une grande étendue tiennent quelquefois à ce que le foetus se présenté et sort dans une position occipito-postérieure, mais le plus souvent à ce qu'on soutient mal le périnée, ou bien encore à ce qu'il n'est pas du tout soutenu. Chez les femmes âgées, dont les organes copulateurs ont subi un retrait sur eux-mêmes, un polype volumineux peut opérer la déchirure du périnée en traversant la vulve.
Guèrisonspontanée. Lorsque ces déchirures ont lieu en travers ou qu'elles n'intéressent que la fourchette, elles guérissent très bien seules. Les déchirures centrales sont souvent dans le même cas, mais cependant nécessitent quelquefois les secours de l'art. On a aussi vu, dans certains cas, guérir spontanément des déchi-rures larges et longitudinales, comprenant tout le périnée, et fai-sant communiquer le vagin et le rectum. Toutefois, bien qu'il existe des observations authentiques de guérisons obtenues par le repos et le rapprochement des membres au moyen d'une bande, comme cela eut lieu dans l'observation de Trainel (Jour. gén. de mêd., t. iv) , et dans celle de Trinchinetti, on ne doit cependant pas trop compter sur ce résultat, et la suture, comme le dit M. Roux, est le meilleur moyen d'en triompher, quoique elle-même ne réussisse pas toujours.
Suture. De La Motte en était grand partisan. Dans un cas où la cloison recto-vésicale était rompue et où le rectum communiquait avec le vagin, il plaça un point de suture sur la cloison, et deux sur le périnée, l'un près de l'anus et l'autre près de la fourchette, et en obtîntun succès complet ( Traité compl. des anc. observ. /Jo r ). Gnillemeau raconte {Œuvres complètes, p. 35/|) qu'il guérit en i 5 jours, par un point de suture entortillée, une fente qui se pro-longeait depuis la fourchette jusqu'à l'anus; dans des cas pareils, MM. Dubois père et fils ont échoué. Le Journal général contient (tomes iv et vu), trois observations de succès qui appartiennent, à Saucerotte, Noël et M. Montain jeune; ce dernier employa la suture enchevillée. Morlanne en a consigné une autre dans le Journal des accouchemens. Osiander obtint un succès par la suture simple; il en est de même deDupuytren et de M. Rowley. Dieffenbach, dans son Mémoire sur les déchirures du périnée chez la femme, en rapporte aussi plusieurs cas; enfin M. Roux qui, dans un mémoire intitulé Restauration du périnée rapporte plu-sieurs observations puisées tant dans sa pratique que dans celle des autres chirurgiens, lavante beaucoup. Aujourd'hui, un grand nombre de praticiens français et étrangers, parmi lesquels nous pouvons citer MM. Velpeau, Convers, etc.,ont aussi mis la suture en usage avec des succès variés.
Indications. Il peut se présenter deux circonstances: ou le périnée offre une fente simple et incomplète, qui s'étend plus ou moins près de l'anus, mais qui n'intéresse point les sphincters et la cloison recto-vaginale; ou bien la fente périnéale est com-plète, c'est-à-dire compliquée de la rupture des sphincters, et le vagin communique avec le rectum. Le premier cas est déjà grave, mais le second, qui réunit le vagin et le rectum en un cloaque, n'est plus supportable. Ici, l'opération seule peut amener la guérison, ou tout au moins une amélioration assez considérable pour mettre la femme dans un état tolérable.
Époque à laquelle on doit opérer. On est assez généralement d'accord sur ce point, que, dans les premiers temps de la déchi-rure, la suture ne réussirait pas, à cause du boursouflement des parties et de leur état inflammatoire, et pourrait même entra-ver le travail de la nature ; aussi se borne-t-on alors à tenir les cuisses rapprochées , à prescrire le repos , les soins de propreté, et à entretenir la liberté du ventre au moyen de lavemens émol-liens et d'alimens de facile digestion. Toutefois M. Dieffenbach a opéré dans un cas le lendemain des couches; il s'agissait d'une demoiselle de trente-six ans, qui, à la suite d'un premier accou-chement, eut le périnée déchiré avec communication du rectum et du vagin ; un lambeau long de 9 à 10 centimètres et de 5 à 6 centimètres de large pendait hors des parties génitales; il était formé parla paroi postérieure du vagin, qui ne tenait plus que par une bride large de 3 centimètres. Ce lambeau fut réuni par dix points de suture à anse , le périnée par cinq sutures en-tortillées et trois à anse. Bien que M. Dieffenbach n'erit d'autre espérance que de sauver les jours de la malade et de diminuer un peu les suites d'un accident aussi grave, il eut le bonheur de réussir complètement. Mais M. Telpeau, qui, dans un cas, re-courut à la suture le lendemain de la déchirure, eut un insuccès complet. C'est donc en général lorsque les lèvres de la déchirure, cicatrisées isolément, nesontplusboursouflées, et que lafemmeest parfaitement rétablie de ses suites de couches, c'est-à-dire un mois ou deux après l'accident, qu'il convient de pratiquer l'opération.
Manuel opératoire. On peut employer des procédés différens , suivant que la déchirure est incomplète ou complète. Dans le premier cas, la suture simple peut suffire; dans le second, quoiqu'on puisse employer la suture simple, on doit cependant lui préférer la suture enchevillée.
Suture simple La malade étant placée dans la même position
que pour l'opération de la taille , le chirurgien avec des fortes pinces et un bistouri étroit avive les lèvres de la plaie dans toute leur étendue et même un peu au-delà du point où elles se réunis-sent dans le vagin. Lorsque ces lèvres ont été rendues saignantes dans toute leur longueur et leur épaisseur, on saisit la lèvre gauche avec les doigts de la main gauche, ou bien avec une bonne pince, et de la main droite on la traverse de dehors en dedans avec une aiguille courbe , garnie d'un fil ciré , en ayant soin de piquer la peau de 9 à i3 millimètres du bord saignant, et de faire ressortir la pointe, le plus près possible de l'angle d'union et de la muqueuse vaginale ou rectale, suivant qu'on place le point de suture antérieur ou postérieur. Alors, reportant par le fond de la plaie l'aiguille dans la lèvre opposée, on la traverse comme la précédente , mais en sens inverse, pour venir ressortir dans la peau à la même distance de son bord avivé. Après avoir placé de cette manière le fil antérieur et le fil postérieur, on pose celui du milieu, et, pendant que l'aiguille marche dans l'épais-seur des tissus, on a le soin de lui faire traverser en même temps l'angle profond que forment les lèvres en se réunissant, afin qu'il ne reste pas là un petit point par lequel pourraient suinter les matières. On termine en tirant sur les extrémités des fils, afin de mettre les lèvres de la plaie en contact, et en faisant un noeud simple assujetti par une rosette.
Suture enchevillèe. Lorsque la cloison recto-vaginale fait partie de la déchirure, et qu'il y a communication entre les deux con-duits, la suture simple manque souvent son effet et la réunion ne se fait pas. C'est pour avoir éprouvé un insuccès de ce genre que M. Roux proposa d'y substituer la suture enchevil-lèe, qui, en effet, lui a réussi en pareil cas. Pour la mettre en usage , on prépare des fils cirés, que l'on accole latérale-ment en assez grand nombre pour en former des rubans larges de l\ millimètres ; chacun de ces rubans , qui doit constituer une suture, est disposésur l'aiguille, et représente une anse à l'une de ses extrémités. Les aiguilles qu'on emploie doivent être longues, fortes, et leur pointe bien tranchante. La femme étant placée comme dans le cas précédent, les lèvres de la division avivées soit avec le bistouri, soit, pour ce cas, avec de fort ciseaux, on saisit la lèvre gauche avec les doigts de la main gauche, et on la pique au dehors avec une des aiguilles préparées , à i3 ou 18 millimètres de la solution de continuité; on la fait glisser dans son épaisseur jusqu'au-delà du point où elle se réunit avec l'autre lèvre, et on parcourt l'étendue decette dernière de la même façon, mais en sens inverse, jusqu'à la peau, d'où elle sort à une égale distance du bord libre. On applique le premier, le point de su-ture, qui est le plus rapproché de l'anus, et on s'efforce d'em-brasser, de prime abord, dans son anse, l'extrémité de la cloison ; les deux autres rubans, appliqués ensuite de la surface vers la profondeur et renfermant la cloison dans leur anse , doivent, le dernier surtout, se rapprocher le plus possible de la muqueuse vaginale.
Il s'agit ensuite de faire pénétrer dans les anses qui se trouvent à l'une des extrémités des fils, et qui sont toutes sur le côté gauche, un morceau de sonde en gomme élastique ou un cylin-dre quelconque , pourvu qu'il soit lisse et poli ; puis d'en placer un autre du côté droit entre les deux chefs de chacun des liens, et de les lier dessus assez fortement pour que les cylindres des deux bords soient refoulés l'un vers l'autre, et que les deux lè-vres delà plaie soient rapprochées et comprimées d'une manière égale dans toute leur étendue (Voy. pl. 69, fig. r).
T. VU.
Procédé de M. Dieffenbach. Dans un cas de rupture complète du périnée, apresavoir pratiqué la suture enchevillèe telle quenous venons de la décrire, le chirurgien de Berlin, s'apercevant que les parties étaient fortement tiraillées, et couraient le risque d'être déchirées par les fils, pratiqua de chaque côté sur les tégumens, une incision semi-lunaire à concavité interne, s'élendant depuis la partie inférieure de la grande lèvre jusqu'auprès de l'anus. Les lèvres de ces incisions s'écartèrent et procurèrent bientôt Un relâchement tel qu'on n'eut pl us à redouter de voir les fils coupel-les tissus : la guérison eut lieu (Voy. pl. 69 , fig. 1).
On pourrait, si on le jugeait à propos, mettre en usage di-verses autres espèces de suture. Dans un cas Saucerotte pratiqua la suture du pelletier. Noël, fit deux points de suture entortillée l'un placé à l'entrée du vagin, et l'autre à 27 millimètres au-dessus, entre cet orifice et l'angle supérieur de la division. La réunion fut prompte, et ne fut entravée par aucun accident.
Procédé de M. Montain, de Lyon. Une fois que les lèvres de la division sont avivées , au lieu d'employer la suture enchevillèe , comme il l'avait déjà fait avec succès, M. Montain se sert d'une longue agrafe, portant à droite et à gauche des griffes qu'on fait pénétrer dans chacune des lèvres de la division , et qu'il rap-proche ensuite au degré convenable avec une vis transversale.
Cette manière d'agir ne présente aucun avantage sur la suture; au contraire, comme elle ne peut réunir les lèvres de la division que dans leur partie la plus rapprochée du périnée, elle expose à lais-ser subsister des fissures qui donneraient passage à des matières.
Appréciation des procédés par lasuture. De toutes les sutures, il est maintenant prouvé par des faits authentiques que la suture enchevillèe est celle à laquelle on doit accorder la préférence. M. Roux l'a appliquée un grand nombre de fois avec succès , là où la suture simple n'avait pas réussi; plusieurs autres chirur-giens ont obtenu des résultats semblables , en sorte que mainte-nant elle est généralement considérée comme le moyen le plus sûr d'obtenir la réunion des fentes périnéales complètes et incom-plètes. Cependant il faut convenir qu'elle n'est pas facile à exé-cuter , à cause de la grande étendue que doit parcourir l'aiguille, et du circuit qu'elle est obligée de faire pour revenir à la surface cutanée de la lèvre droite. La forme exactement demi circulaire des aiguilles de M. Roux ne permet pas d'exécuter très facile-ment ce mouvement. M. Velpeau leur préfère des aiguilles à su-ture ordinaire un peu fortes, et trouve leur emploi si commode qu'il n'a point songé à employer celle que M. Vidal (de Cassis) a proposée; pourtant cette dernière rend très simple l'application du fil. Montée sur un manche, elle est presque droite, et pré-sente près de sa pointe une ouverture pour le passage du fil : on l'enfonce d'abord dans la lèvre gauche jusqu'à l'angle de réunion; on en dégage le fil et on la retire, puis on la fait pénétrer de la même manière dans la lèvre droite, et lorsqu'elle est arrivée dans le fond de la plaie , on introduit dans son ouverture le fil qu'elle entraine lorsqu'on la retire à soi.
Soins consécutifs. Quelle que soit l'espèce de suture qu'on ait mise en usage, si l'on veut qu'elle réussisse , il est important que la femme reçoive des soins appropriés. Ainsi, elle devra au moins pendant les huit premiers jours, rester étendue sur le dos dans son lit, les cuisses rapprochées. On la fera uriner avec une sonde toutes les fois que le besoin s'en fera sentir, ce qui vaut mieux que de laisser une sonde à demeure dans la vessie; les in-
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festins ayant été vidés avant l'opération , il faudra faire en sorte rpie les garde-robes soient rares. Quelques lotions d'eau degui-niauve sur la plaie deux ou trois fois par jour, y entretiendront une propieté suffisante; des injections pourront aussi être faites avec précaution dans le vagin , dans les premiers jours , pour en enlever les malpropretés. Elles seront émollientes, détersives ou antiseptiques, suivant les cas. Il n'est pas nécessaire de placer une mèche dans l'intestin ou dans le vagin , car elle ne serait propre qu'à nuire au succès de l'opération. Enfin , il est très rare qu'on ait besoin de faire sur les côtés de la suture des incisions sem-blables à celles que fit, dans un cas, M. Dieffenbach, parce que les tissus sont presque toujours assez souples pour permettre de réunir facilement les lèvres de la plaie ; mais on doit prendre en considération la proposition faite par M. Mercier , de fendre le sphincter de l'anus en arrière , dans le but de relâcher les parties, de faciliter la sortie des matières fécales et d'éviter les tractions sur la suture ; seulement cette incision ne doit être mise en pra-tique que dans les cas excessivement graves, dans la crainte de substituer une infirmité à une autre.
En général du sixième au huitième jour , les lèvres de la plaie sont agglutinées, et les ligatures relâchées. Avant de les enlever il est important de vider les intestins au moyen de lavemens aqueux, à l'aide d'un laxatif. Cet effet obtenu , on coupe et on retire les liens, dont le séjour trop long-temps prolongé, pour-rait déterminer une inflammation capable de nuire à la cicatrisa-tion; mais après leur retrait, pour que la cicatrice se consolide, il faut encore maintenir la femme pendant quelques jours au re-pos et au rapprochement des cuisses. Si rien ne vient entraver la guérison , vers le quinzième jour on pourra lui permettre de se lever, démarcher et de prendre quelques bains.
Accidens.—Hêmorrhagie. Ellepeutdevenir assez forte et durer assez long-temps pour donner de véritables inquiétudes. M. Vel-peau parle de deux dames qui en furent prises le troisième jour, et qui eurent plusieurs syncopes.
Péritonite. Observée plusieurs fois, elle a causé la mort de deux femmes, opérées par MM. Roux et Velpeau.
Absence d'agglutination. Dans certains cas, par suite d'indo-cilité, de mouvemens inconsidérés, d'une mauvaise disposition de la malade, ou par toute autre cause, l'opération ne réussit pas, et l'on est obligé delà recommencer une ou plusieurs fois, ou même de l'abandonner entièrement. D'autresfois, l'agglutina-tion n'est pas complète, et après la guérison il reste une petite fistule dans la partie inférieure de la cloison. M. Roux qui a eu l'occasion de l'observer plusieurs fois, dit que cette fistule finit presque toujours par s'oblitérer, ou par se rétrécir assez pour ne plus laisser passer que quelques gaz ; mais suivant les témoignages de MM. Rampon et Velpeau, il paraît cependant que la fistule aur aitpersisté chez plusieurs de ces opérés de M. Roux.
Rétrécissement de la vulve après la guérison. On l'observe très rarement: s'il survenait on y remédierait par des applications émollientes ou des embrocations d'huile. Il n'est pas encore arrivé qu'on ail été obligé d'y porter le bistouri ou les ciseaux.
Cautérisation. Elle a été tentée par M. Jules Cloquet et par M. Velpeau ; voici ce qu'en dit le professeur de la Charité :« Por-tant un petit cautère rougi à blanc, un crayon de nitrate d'ar-gent, ou un petit pinceau chargé de nitrate acide de mercure, dans l'angle le plus profond de la division, et cela une fois par semaine, j'ai cru que la fente se fermerait par degré de sa partie supérieure vers les tégumens.... Ainsi traitée, la cloison recto-vaginale s'abaisse, se durcit, se rapproche de la peau, mais la fente du périnée elle-même ne se rapproche , ne se comble, ne. se ferme point, en sorte qu'on diminue la difformité sans la dé-truire. » [Méd. opérât. i(\,p. 465.)
0PÉIUTI0NS SUR LES ORGANES INTÉRIEURS DE LA GÉNÉRATION.
Du toucher et du spéculum.
Les maladies du vagin et de la matrice qui nous restent à étu-dier, nécessitant souvent l'application préalable du toucher ou du spéculum, nous allons traiter de ces deux opérations impor-tantes.
Du toucher.
C'est une opération par laquelle, à l'aide d'un ou de plusieurs doigts, on cherche à reconnaître les changemens et les altérations de forme et de texture qui se manifestent dans l'utérus, ses an-nexes et les autres organes du bassin. Delamotte et Deventer ont fait ressortir toute l'importance du toucher , appliqué au dia-gnostic de la grossesse, et depuis long-temps, la plupart des chi-rurgiens ont reconnu qu'il était indispensable pour apprécier les maladies de la matrice , du vagin , et de tous les organes circon-voisins. Le toucher se pratique sur l'hypogastre, par le vagin et par le rectum.
i" Toucher abdominal. Pour le pratiquer avec fruit, il faut faire placer la malade sur un plan horizontal, la tête et la poi-trine soulevées par des oreillers, et les jambes et les cuisses de-mi fléchies, afin démettre les muscles du ventre dans le relâche-ment. Alors les mains étant à une température convenable, on les applique sur l'hypogastre, sur les régions iliaques et sur les flancs, et par une dépression graduellement opérée dans les pa-rois abdominales, on parvient à reconnaître les engorgemens et les tumeurs contenues dans les cavités qu'on explore. Pour bien apprécier l'état de l'utérus, il est souvent indispensable de sou-lever en même temps cet organe avec un doigt situé dans le va-gin . On prendra garde de ne pas confondre les tumeurs formées par des matières stercorales, accumulées dans les gros intestins, avec des engorgemens viscéraux. Chez les personnes très grosses le toucher abdominal présente peu d'avantage, surtout si les tumeurs n'ont pas encore acquis un grand développement. On aide singulièrement à la palpation des organes de l'abdomen et du bassin , parla pression qui fait distinguer les différentes sortes de tumeurs produites par des matières solides, des liquides ou des gaz. Le meilleur moyen est d'étendre à plat les doigts d'une main sur les surfaces , pendant que l'indicateur ou le médius, de l'autre main, demi-fléchi, qui retombe dessus comme un marteau , sans occasionner ni choc ni secousse dans les viscères, lait reconnaître par la qualité du son, clair, mat ou gargouil-lant, si l'on a affaire à un gaz, à une matière solide, ou à un mé-lange de liquide et de gaz.
ia Toucher vaginal. Il y a deux manières de le pratiquer: dans
l'une, la femme est debout, et dans l'autre, elle est couchée. Pour l'un et l'autre cas, il faut avoir la précaution de faire vider le rectum, afin de ne pas confondre les bosselures formées par les fèces avec des tumeurs morbides.
Premier procédé. La femme ayant le dos solidement appuyé contre un mur ou contre une commode , et les jambes écartées, on se place devant elle, le genou gauche en terre, et le genou droit relevé pour soutenir le coude ; on enduit le doigt indicateur droit, dontl'ongle sera assez court pour ne pasblesser les parties, d'un corps gras ou mucilagineux, pour faciliter son introduction et éviter l'absorption des virus dont les organes génitaux pour-raient être infectés; puis on présente ce doigt seul à la partie postérieure de la vulve, la main étant entre la pronation et la su-pination, et en le ramenant d'arrière en avant, on écarte les grandes lèvres, et on trouve facilement l'entrée du vagin dans le-quel on l'introduit en suivant l'axe de ce conduit. On a recom-mandé en général de placer le pouce au-devant de la symphyse pubienne, et de fléchir les trois derniers doigts dans la paume de la main , de manière que leur face dorsale appuie contre le périnée; mais cette manière d'agir, dit M. Lisfranc, fait perdre à l'indicateur près de deux centimètres de longueur ; il vaut mieux, suivant lui, tenir tous les doigts étendus, et enfoncer l'indicateur dans le vagin pendant que la vulve sera embrassé dans une fourchette formée par le médius , dont le bord radial reposera sur le périnée , et par le pouce qui prendra un point d'appui sur le mont de Vénus. Désormeaux préférait la première manière. Quelle que soit celle qu'on adopte, à mesure qu'on pé-nètre dans le vagin, on explore attentivement ses parois dans tous les sens, afin de s'assurer qu'elles ne présentent aucune alté-ration. Pour que rien n'échappe à l'investigation, M. Lisfranc conseille de toucher, en faisant exécuter au doigt indicateur, des zones à mesure qu'il pénètre et qu'il remonte dans le bassin, de manière que la seconde repose sur la première, la troisième sur la seconde, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit parvenu au col; arrivé là, on agit différemment suivant les circonstances. Pour explorer le col, on cherche d'abord son orifice, s'il est entr'ouvert, on y introduit le doigt, sinon , on part de là pour se rendre à l'insertion du vagin, en décrivant des arcs de cercle dis-posés comme lesprécédens (Lisfranc, Cliniq. de la Pitié, t. II); puis on presse légèrement sur les différens points de son pourtour, pour reconnaître sa température et son degré de sensibilité ; si cette dernière n'est pas très vive , en repoussant l'organe de bas en haut, on peut apprécier son poids et sa mobilité, et dans cer-tains cas sentir son fond avec l'autre main appliquée sur Phy-pogastre , et mesurer approximativement sa hauteur.
Si l'on veut explorer le corps de la matrice , il faut porter l'ex-trémité du doigt dans le cul-de-sac utéro-vaginal, en avant, en arrière ou sur les côtés. S'il arrivait que le vagin fût trop long pour que le doigt pût atteindre les parties qu'il veut toucher, on pourrait recommander à la femme de faire des efforts, comme pour aller à la garde-robe ; pressé par le poids des viscères, l'uté-rus serait repoussé en bas, et descendrait probablement assez pour pouvoir être touché. D'ailleurs on pourrait encore parvenir à une plus grande hauteur en introduisant le médius et l'indi-cateur au lieu d'introduire l'indicateur seul. Dans un cas où il ne pouvait atteindre le col, avec le doigt seul, et s'assurer de la maladie à laquelle il avait affaire, M. Lisfranc introduisit toute la main dans le vagin, en suivant les mêmes règles que pour pra-tiquer les versions, et parvint à reconnaître deux polypes.
Lorsque l'examen est terminé , on retire le doigt, on examine les matières qu'il rapporte, et, pour mieux en reconnaître la cou-leur, on essuie ce doigt sur un linge blanc.
Deuxième procédé. La femme étant placée comme pour le tou-cher abdominal et le siège relevé, le chirurgien se met à sa droite ou à sa gauche , suivant qu'il veut employer la main droite ou la main gauche. On peut porter la main aux parties soit direc-tement entre les cuisses, soit en passant derrière la cuisse corres-pondante ; dans l'un ou l'autre cas on y pénètre comme dans celui où la femme est debout.
On ne peut accorder de préférence à l'un ou à l'autre de ces procédés d'une manière générale. Lorsqu'on veut constater la di-rection de la matrice, son poids ou son volume , et surtout le ballottement du fœtus, on doit pratiquer le toucher debout; mais si l'on veut explorer le vagin, le col utérin , le corps de l'organe , ou même ses annexes, on doit préférer la situation en décubitus, parce que, chez les femmes très grasses et dont l'abdomen est très développé , les viscères de cette cavité pèsent considérablement sur la matrice, et l'empêchent de remonter lorsqu'on la pousse en haut. Enfin dans cette position , il est plus facile de joindre au toucher vaginal le toucher abdominal: au reste , le plus souvent, il convient de pratiquer le toucher dans les deux positions.
Toucher par le rectum. Quoique d'une application moins fréquente que le précédent, il est cependant très utile pour explorer la surface postérieure de l'utérus, et pour constater les changemens survenus dans sa direction. Il est encore très avanta-geux pour reconnaître l'absence de l'utérus, les grossesses extra-utérines, l'état des ligamens larges des ovaires, et surtout celui de la paroi recto-vaginale, dans laquelle il se développe quelque-fois des abcès, des tumeurs, des perforations. On peut même tou-cher en même temps par le rectum et par le vagin, soit avec la même main, dont on place le pouce dans le conduit utéro-vul-vaire, soit avec les deux mains, en plaçant l'indicateur d'une main en avant, et celui de l'autre en arrière.
On doit toujours pénétrer dans le rectum avec lenteur et dou-ceur , et le parcourir en tous sens, en effectuant de bas en haut les zones spirales que nous avons indiquées pour le vagin. Par-venu sur la matrice, l'indicateur décrit à mesure qu'il pénètre plus profondément des lignes horizontales, d'abord de droite à gauche et ensuite de gauche à droite : la seconde repose sur la première, la troisième est appliquée sur la seconde, et ainsi de suite. On reconnaît de cette manière, d'après M. Lisfranc, l'éten-due transversale de l'organe, et tout ce qu'elle peut présenter d'anormale. Le même auteur fait remarquer que si l'on n'a pas l'habitudede toucher l'utérus par le rectum, on croirait bien, quoi-que la matrice soit à l'état normal, qu'elle a le double de son vo-lume ordinaire. ( 'est le même phénomène déjà signalé depuis long-temps par M. Récamier pour le toucher abdominal. Les tumeurs n'étant perçues qu'au travers d'enveloppes, sont grossies, pour la sensation, de la double épaisseur de ces dernières. Il est très im-portant d'être prévenu de cette illusion pour ne pas croire à l'exis-tence d'une maladie lorsqu'il n'y en a pas.
Du spéculum uteri.
Le spéculum dont on se sert pour examiner les parties de la gé-nération , a la forme d'un cône tronqué ou d'un cylindre destiné à écarter les parois du vagin, à les déplisser et à mettre à nu le col
utérin pour on rendre les altérations visibles à l'œil. Cet instru-ment était connu dès la plus haute antiquité; les Egyptiens , les Grecs, les Romains et les Arabes en ont donné la description dans leurs ouvrages. Paul d'Egine dit à ce sujet Vinstrument ap-pelé *wirepa étant introduit fermé de dans la. vulve, après soit tourné pour l'ouvrir, afin que les conjonctions du dit instrument soient élargies et la cavité de la femme soit distendue (traduction de Rondelet). Cette espèce de spéculum était à deux valves, dont le rapprochement ou l'écartement était effectué par une vis. Albu-casis parle aussi d'un spéculum à deux branches destiné à dilater le vagin. Franco, A. Paré , Scultet ont donné dans leurs ouvrages la figure d'un instrument semblable, et Garengeot en a décrit un à trois branches. Mais soit qu'on pensât que ces instrumens ne présentaient pas une grande utilité, soit qu'on eût peu d'oc-casion de les appliquer à cause des préjugés de l'époque, ou pour route autre raison, il est certain qu'ils étaient presque complète-ment oubliés, lorsque M. Récamier résolut de les remettre en usage, en démontrant qu'on en avait à tort méconnu toute l'uti-lité. Celui dont il se servit était un tube en étain, long de i 5 à i 8 centimètres (5 pouces et demi à 6 pouces et demi), et d'un dia-mètre qui devait varier suivant la largeur et le degré d'extensi-bilité des parties sexuelles ; il avait la forme d'un cône tronqué ; son extrémité la plus étroite, nommée utérine, était coupée per-pendiculairement à son axe et terminée par un bourrelet mince et arrondi, pour éviter de blesser le col utérin; la plus large, ap-pelée vulvaire, était taillée obliquement de haut en bas. Les modi-fications qu'on lui a imprimées ne l'ont pas, en définitive , beau-coup changé. Dupuytren réduisit sa longueur à 12 centimètres (4 pouces et demi) et y ajouta un manche pour le fixer lorsqu'il serait en place. M. Lisfranc, au contraire, trouvant celui de M. Récamier trop court, porta sa longueur à 21 centimètres, et substitua à son manche une queue de même métal de 3 centi-mètres de longueur (8 pouces). A. Dubois, afin de le faire servir au traitement des fistules vésico-vaginales, fit pratiquer une échancrure vers sa région supérieure, et M. Ricque le fit cribler de trous, pensant qu'ils suffiraient pour constater les lésions dont le vagin pourrait être le siège.
Ici commence une ère nouvelle pour le spéculum. Il a subi depuis lors de si nombreuses, et le plus souvent de si inutiles modifications, qu'il serait difficile de s'y reconnaître, et qu'on ne sait vraiment plus à cpii les rapporter : aussi nous bornerons-nous à indiquer les principales , c'est-à-dire celles qui peuvent réellement présenter quelque degré d'utilité. L'extrémité utérine du spéculum de M. Récamier, n'étant pas toujours assez large pour mettre à découvert la totalité du col utérin et le fond du vagin, on imagina dans ce but des spéculums à deux valves, comme ceux de madame Roivin et de MM. Jobert et Ricord ; à trois valves , comme ceux de M. Guillon et de M. Charrière, à quatre valves, et enfin à huit valves, comme celui de M. Colombat.
Celui de madame Roivin, un des premiers qui ait paru, se compose de deux demi-cylindres dont les bords de l'un sont re-couverts par les bords de l'autre. On l'introduit fermé, et pour l'ouvrir, on agit sur les anneaux qui terminent le manche, comme si l'on voulait ouvrir une paire de ciseaux; mais pour le refermer il est nécessaire d'avoir une clef. Celui de M. Charrière est à trois valves, formant aussi des portions de cylindre; ces trois valves se recouvrent en partie, et peuvent s'écarter lorsqu'on presse sur les branches du manche. Une traverse dentée sur ses bords, sur laquelle roule une poulie pourvue d'un pas de vis, sert à les maintenir rapprochées, ou à les écarter suivant le besoin. Dans un spéculum entièrement semblable de M. Leroy (d'Etiolles), unie ¡ des branches étant à glissement, peut servir pour incliner à v«- ¦ lonté le museau de tanche, ou peut être enlevée complètement pour laisser voirla paroi correspondante du vagin (pl. 76, fig. 3L). Tous ces spéculums avaient l'inconvénient de se dilater uniformé-ment depuis un bout jusqu'à l'autre, et de causer à l'orifice ex ternedu vagin une distension qui ne pouvait manquer d'être font douloureuse, pour peu que la dilatation fût portée loin. Voulanit remédier à cet inconvénient, M. Guillon en imagina un, long die 13 à 14 centimètres (5 pouces), et formé de trois valves dont den x étaient réunies par une charnière; la troisième complétait le tube et avait pour objet d'éviter les pincemens de la muqueuse vagi -nale; il l'ouvrait au degré qu'on voulait, au moyen de deux branches placées à la base, et d'une crémaillère. Celui de M. Jo-bert n'a que deux valves demi cylindriques, réunies par unie charnière située à-peu-près à l'union du tiers interne avec les deux tiers externes. Dans le point où existe la charnière, les deux valves sont légèrement coudées, et s'écartent ou se rapprochen t en pivotant sur la vis de la charnière ou par un mouvement de bascule; à leur point d'union, il n'y a jamais d'écartement, pan-conséquent la distension de l'anneau vulvaire est impossible. Les branches du manche sont fixées au point d'écartement qu'oui désire par une vis de pression qui presse sur une traverse. Le spé-culum de M. Ricord ne diffère du précédent qu'en ce que la char-nière est placée plus près de l'extrémité externe, environ à» l'union des deux tiers internes et du tiers externe, et que, par lai manière dont les branches sont fixées, leur écartement ou leur-rapprochement s'opèrent au moyen de deux rondelles qui courent! sur une traverse dentée. La première modification fait qu'on est! obligé de donner moins de longueur aux valves.
Les deux spéculums précédens présentaient le grave inconvé-nient de laisser passer entre leurs valves écartées, la muqueuse vaginale qui masquait le col et les parties malades; pour y ob-vier, M. Charrière y ajouta deux autres valves demi cylindriques; qu'on peut placer ou enlever à volonté : c'est ainsi que fut établii le spéculum à quatre valves qui est un des meilleurs et un des; plus usités. Une amélioration importante faite par M. Vidal (de Cassis) à ce spéculum , est la possibilité d'en ôter les branches dm manche à volonté.
La difficulté qu'on éprouve quelquefois à introduire le spécu-lum, ou la crainte de blesser les parties, a fait imaginer d'y ajou-ter un embout en ébène ou en buis, bien arrondi et bien poli. MadameBoivin passe pour en avoir eu la première l'idée, maiselle ne l'avait fait, ainsi que M. Guillon, que pour les spéculums brisés, M. Galenzowski l'a fait appliquer au spéculum cylin-drique (V. pl. 76 fig. 3i bis).
Il existe encore une foule de spéculums tels que ceux de MM. Moreau , Clairat, Duparcque, mais ils ne présentent rien de spécial; celui de M. Colombat se compose de huit branches qui forment ensemble un cône creux dont le sommet répond à leur extrémité libre; celui de M. Bertze analogue à celui de M. Colom-bat, est renfermé dans un tube qui maintient ses branches rap-prochées; lorsqu'il est en place on retire le tube extérieur, et ses branches s'écartent. Ces deux spéculums ont beaucoup d'analogie avec le spéculum en grillage que M. Dugès a fait faire, afin de pouvoir explorer et cautériser au besoin les parois du vagin, seu-lement leur mécanisme est différent. Dans celui de M. Dugès les deux valves sont composées de baguettes longitudinales, enfer, séparées par des vides, il peut être facilement remplacé parles spéculums cylindriques fenêtres (Pl. 45, fig- 5).
Appréciation. Il serait difficile ou plutôt impossible de faire une appréciation juste de tout ce fatras d'instrumens et de leurs modifications. Celui auquel nous donnons la préférence est le spéculum à quatre valves armé d'un embout, de M. Charrière, parce qu'il découvre parfaitement le fond du vagin, ne distend pas douloureusement l'anneau vulvaire, et peut servir pour tous les cas, quelleque soit la dimension du vagin : il est vrai qu'en l'ou-vrant il fait un bruit qui effraie la femme, et qu'il pince un peu la muqueuse vaginale lorsqu'on veut le fermer pour le retirer, mais il a cela de commun avec tous les autres spéculums brisés et à développement; d'ailleurs on peut diminuer cet inconvénient en agissant convenablement, ainsi que nous le dirons dans l'appli-cation.
La matière qu'on a employée dans la fabrication du spéculum a beaucoup varié. L'étain, le maillechort et l'argent sont les prin-cipaux métaux employés; le verre et les tissus élastiques sont réservés pour des cas spéciaux.
Application du spéculum. Avant d'y procéder, il faut se rap-peler les circonstances qui en modifient l'emploi. D'abord, on ne doit pas appliquer le spéculum cbez les vierges à moins d'absolue nécessité. En outre les dimensions et. la dilatabilité du vagin et de son orifice varient beaucoup suivant les âges : très dilatables chez les jeunes femmes, ces parties le sont déjà beaucoup moins vers 4o ans; après cet âge, leur rigidité va toujours en augmentant, de façon que, dans la vieillesse, le vagin étant rétréci, ses rides presque effacées et l'anneau vulvaire. endurci, ils se déchireraient facilement si l'on voulait mettre un peu de force pour introduire l'instrument. Si donc on emploie lespéculumcylindrique,il faudra en avoir de différentes dimensions, qu'on désigne parles numéros i,a,3. Quant au spéculum brisé, il peut servir pour tous les cas.
La position de la femme doit être à-peu-près la même que celle qu'on lui donne lorsqu'on veut pratiquer la version, ou l'opération de la taille. Lorsqu'il y a un lit dans le lieu où l'on doit appliquer le spéculum, on en profite pour y faire placer la femme : on la fait étendre dessus, en travers, de manière que son siège repose sur le bord, et l'on fait soutenir les jambes et les cuisses demi fléchies par des aides, ou bien on lui fait appuyer les pieds sur des chaises suffisamment écartées; puis le chirurgien se place entre ses jambes. En ville, dans le cabinet, on fait étendre les femmes sur un divan, ou sur un fauteuil à dos renversé, en face d'une fenêtre. Nous nous servons ordinairement d'un fau-teuil renversé, au-devant duquel nous adaptons un tabouret de même hauteur convenablement garni, et sur le bord duquel la femme s'assied. Elle renverse son dos sur le siège du fauteuil, et ses pieds appuient sur le parquet; au lieu de nous placer entre ses jambes , nous nous mettons à sa droite. Dans tous les cas , pour s'assurer de la position du col, on pratique le toucher avant d'introduire l'instrument, afin de pouvoir le pousser dans sa direction, et de ne pas l'exposer à exercer des manoeuvres long-temps prolongées. Cette précaution prise, on écarte avec les doigts de la main gauche les grandes et petites lèvres, et on soulève l'urètre avec l'indicateur, de manière à mettre à découvert l'orifice du vagin ; puis le spéculum étant bien graissé et porté à une température convenable, on le prend avec la main droite comme une plume à écrire, la queue tournée en haut, et on le présente à l'ouverture. Aussitôt qu'elle est franchie, ce qui ne se fait pas sans quelque difficulté, surtout lorsqu'on se sert du spéculum cylindrique, on pousse doucement le spéculum suivant l'axe du détroit inférieur, en lui faisant décrire de petits mouve-T. vu.
mens d'arc de cercle à droite et à gauche, et appuyant légèrement sur l'un des côtés, sur la fourchette ou en haut, suivant la direc-tion du col, afin que le bec se présente à son orifice. Si le spécu-lum a un embout, on retire cette pièce avant d'arriver au siège du mal ; lorsqu'on y est arrivé, si l'instrument est brisé , on l'ou-vre à un degré plus ou moins considérable, suivant le besoin, de manière à déplisser le fond du vagin et à mettre à nu toutes les parties malades. Quand on se sert du spéculum cylindrique, les parois du vagin le pressent, et sa muqueuse forme une rosace qui présente son orifice au centre de l'instrument, lorsque le col est lui-même au centre du vagin ; mais lorsque, au lieu d'être au centre, le col est incliné, l'orifice de cette rosace le suit et se rap-proche du bord. Si donc on avait oublié de pratiquer le toucher, cet indice pourrait servir de guide pour arriver au col.
La rosace du vagin dont nous venons de parler, présentant quelque ressemblance avec le col utérin, pourrait être con-fondue avec lui; mais on évitera l'erreur en se rappelant que le col est plus ferme, n'a pas de ride , et ne se laisse pas déprimer lorsqu'on le repousse avec un stylet ou une sonde de femme.
Quelquefois le col est tellement incliné à droite, à gauche, en avant ou en arrière, qu'il n'est pas possible de le placer au centre du spéculum sans courir le risque de le froisser. Dans ce cas, on a proposé plusieurs moyens pour le ramener au centre. M. Leroy (d'Etiolles) a imaginé à cet effet deux spéculums (fig. 3o et 3i pl. 76) ; la figure 3o représente un spéculum bivalve avec une pla-que, mue par une charnière. Cette plaque étant insinuée entre le col et la paroi correspondante du vagin, on peut l'incliner à volonté, et la ramener au centre du bassin à l'aide d'une vis de pression. Dans la figure 31, le spéculum porte une branche à glis-sement destinée au même usage. Mais il ne paraît pas que ces in-strumens soient susceptibles d'être d'une grande utilité, du moins au dire de M. Lisfranc qui prétend s'en être servi un grand nom-bre de fois sans en obtenir de bon résultat. Un autre instrument décritpar M. Armand Jobert,deDole. dansla Gazette des hôpitaux du mois de mai 1842, est constitué par une tige qui a le double de la longueur du spéculum, etqui est terminée à l'une de ses extré-mités par une gouttière qu'on fait glisser sur l'indicateur entre le col et la paroi du vagin, du côté où il est dévié, jusqu'au fond du cul-du-sac qu'ils forment. On la fait maintenir fixe dans cette po-sition, et on insinue son extrémité externe dans le spéculum qu'on pousse dans le vagin jusqu'au col ; alors on fait exécuter à la tige conductrice un mouvement de bascule par lequel on la ramène au centre. Le spéculum, glissant sur elle ne peut faire autrement que d'embrasser l'organe dévié qui n'est jamais trop gros lors-qu'on se sert d'un spéculum brisé. On retire la tige lorsque le col est bien placé. Ce petit instrument, que l'auteur dit avoir employé plusieurs fois avec succès, nous a été également fort utile dans plusieurs cas où le col était fortement dévié et ne se présentait pas au centre de l'instrument.
On s'accorde généralement à considérer comme dangereux, et à rejeter l'emploi d'un stylet introduit dans la cavité du col.
M. Lisfranc recommande la manœuvre suivante. Arrivé sur le col, on retire le spéculum jusqu'à ce que la matrice cesse de des-cendre avec lui; alors on soulève son extrémité externe vers le pu-bis et on pousse son extrémité interne de bas en haut et d'avanten arrière, en la faisant glissersur la paroi postérieure du vagin qu'elle déprime. Lorsqu'on pense qu'elle est arrivée assez haut pour être engagée entre cette paroi et le col, on imprime à l'instrument un mouvement de bascule d'avant en arrière. Cette manœuvre, qu'on est souvent obligé de recommencer plusieurs fois, ne nous
paraît pas exempte de danger, et nous préférons suivre le procédé de M. A. Jobert.
Il existe un cas où aucune manœuvre ne peut réussir à ramener le col au centre: c'est celui où il a contracté des adhérences avec la paroi correspondante du vagin.
Quoi qu'il en soit, lorsqu'on est parvenu à disposer le spéculum convenablement, pour l'objet qu'on se propose, on le fait main-tenir dans cette position par un aide, et l'on agit ensuite di-versement suivant l'objet qui a motivé son application.
FISTULES VAGINALES.
Le vagin, vaste canal, ouvert au dehors par un large orifice , n'étant séparé que par deux cloisons, de la vessie, du rectum et des intestins dont les anses se logent dans ses replis périto-néaux, est susceptible de donner lieu, par la blessure ou l'éro-sion de ses parois, à des fistules avec chacun de ces organes, en-tretenues par le passage des liquides ou des matières contenues dans leurs cavités. De là, trois sortes de fistules, vésico-vagina-les , recto-vaginales et entéro-vaginales.
FISTULES-VÉSICO-VAGIN AI .ES.
On appelle fistule vésico-vaginale une ouverture qui siège sur la cloison formée par les parois adossées de la vessie et du vagin, et qui fait communiquer ces deux organes entre eux. Elle sur-vient le plus ordinairement à la suite d'un accouchement labo-rieux qui exige l'usage du levier ou du forceps, et dans lequel la tète de l'enfant, long-temps fixée au détroit supérieur du bassin, comprime fortement la paroi antérieure du vagin contre le pubis, et y détermine une affection gangreneuse. Elle peut encore résul-ter de plusieurs autres causes ; mais quelles que soient les cir-constances sous l'influence desquelles elle se développe, une fois établie elle persiste par ses effets, et constitue une infirmité des plus dégoûtantes, qui empoisonne les jours des malades, et peut déterminer des accidens assez graves : ainsi l'on voit des femmes chez lesquelles le contact permanent de l'urine avec les parties génitales les irrite, les enflamme, et donne lieu à des exco-riations et des boutons ulcéreux à la partie interne des cuisses , des fesses et des organes génitaux externes.
Ces fistules sont très variées de forme et de direction. Tantôt elles sont longitudinales et s'étendent plus ou moins depuis l'u-rètre jusqu'au bas-fond de la vessie. Tantôt, et ce sont les plus fréquentes, elles sont transversales ou obliques. Leurs lèvres peu-vent être en contact ou laisser entre elles un espace.
Guérison spontanée. Nous avons dit que les malades étaient rarement assez heureuses pour la voir survenir. A propos de la taille vésico-vaginale, nous avons, il est vrai, cité plusieurs observa-tions dans lesquelles la plaie faite à la cloison vésico-vaginale gué-rit très bien; mais la raison en est que, dans ce cas, la solution de continuité n'est qu'une plaie simple et récente, et non une ulcé-ration à bords calleux et avec perte de substance. La guérison spon-tanée peut encore survenir lorsque la fistule est très petite, ou siège au-devant du col de la vessie; on doit en effet distinguer trois espèces de fistules, savoir : celles qui siègent au-devant du col, au col même ou au bas-fond de la vessie. Les premières peu-vent guérir, ou du moins présentent beaucoup plus de chance pour être guéries par un traitement approprié , que les deux au-tres espèces.
M. Chailly , pensant que la plaie se fermerait si l'on parvenait à empêcher que l'urine ne passât au travers, avait conseillé la po-sition demifléchie sur le ventre, afin de forcer les urines à s'échap-per par l'urètre ou par la sonde qui y serait placée. Les femmes qui ont été traitées de la sorte : n'ont pu supporter cette position plus d'un ou deux jours; on a donc été obligé d'y renoncer.
Traitement. Jusque vers la fin du dernier siècle, on n'avait essayé que des moyens palliatifs; depuis lors et dans les derniers temps surtout, on a tenté plusieurs méthodes: savoir, r" l'obtu-ration mécanique de la fistule, i" le rapprochement mécanique des lèvres de la plaie, 3" la cautérisation, 4° la suture, 5" l'auto-plastie, 6° l'oblitération du vagin , 7° la méthode palliative.
OBTURATION MÉCANIQUE DE l'oRIFICE FISTÜLEIIX.
i° Méthode de Desault. Ce chirurgien se proposait deux choses : i° d'assurer à l'urine un écoulement constamment libre par l'u-rètre, 2° de maintenir mécaniquement oblitéré l'orifice fistuleux du côté du vagin, pensant qu'ainsi la cicatrisation de la fistule pourrait avoir lieu. Pour atteindre ce double but, il plaçait une sonde en gomme élastique à demeure dans la vessie. Afin de la maintenir en position, il faisait entrer son pavillon dans une ou-verture faite à une plaque métallique qui descendait au devant de la vulve, et était fixée à un brayer qui entourait le bassin; puis il enfonçait et maintenait dans le vagin un tampon cylindrique en linge ou en gomme élastique. Ce tampon avait pour usage d'ob-turer la fistule, de mettre ses bords opposés en contact et. de fa-voriser directement leur cicatrisation, en repoussant la lèvre antérieure contre la postérieure, et en tirant ses angles en dehors.
Ce traitement continué pendant plusieurs mois , ou même pen-dant une année, a pu réussir dans les cas de fistules situées au devant du col de la vessie, ou dans celles de la vessie qui étaient récentes et peu étendues; mais dans les cas plus graves il échouait constamment, quoiqu'on eût la précaution de faire placer la femme sur le côté, afin que la moindre quantité d'urine possible se présentât à la plaie. Cette position et la sonde ne pouvaient entièrement détourner le liquide du bas-fond de la vessie, et le tampon ne s'opposait pas avec une suffisante efficacité à la conti-nuelle filtration de l'urine dans le vagin. D'ailleurs les bords de la fistule, déjà cicatrisés séparément, et devenus durs et calleux, n'auraient pu se réunir, quelque rapprochés qu'ils eussent été, si on ne les eût préalablement rafraîchis. En outre, dans les fistules longitudinales, les bords devaient plutôt être écartés que rap-prochés. Desault et Chopart, rapportent cependant un succès obtenu par ce traitement.
lî APPROCHE MENT DES LEVRES DE LA PLAIE Ail MOYEN d'INSTRUMENTS PARTICULIERS.
Procédé de M. Lallemand de Montpellier. Ce chirurgien ne pouvant obtenir la guérison des fistules trop étendues par la cau-térisation seule, imagina en 1825 de la combiner avec l'emploi d'un instrument particulier qui devait tenir les bords de la fis-tule appliqués l'un contre l'autre, et publia en 1826 l'observa-tion de sa malade (Arch. gèn. de mêd. t. vu, p. 481).
Voici comment il agit: il cautérisa avec le nitrate d'argent placé sur une bague qu'il portait à son doigt indicateur, les lè-vres de la fistule jusqu'à ce qu'elles fussent modérément enflam-mées, puis il porta dans la vessie, par l'urètre, une sonde en ar-
gent appelée sonde-érigne (V. pl. 76, fig. 27), pour procurer un écoulement à l'urine. Des crochets recourbés, mus par une vis placée dans l'épaisseur de l'instrument, en sortaient à volonté par les yeux de cette sonde, et devaient aller s'implanter dans la lèvre postérieure de la fistule à i3 ou 14 millimètres au-delà de son bord , que le doigt indicateur placé dans le vagin était chargé de soutenir: une fois que la cloison vésico-vaginale fut bien saisie, une plaque d'argent qu'un ressort à boudin poussait avec force vers le bec de la sonde, et que jusque-là on avait maintenue à son pavillon, fut abandonnée à elle-même. Une couche épaisse de charpie placée au devant du méat urinaire, reçut l'effort de cette plaque qui refoulait en arrière l'urètre et la lèvre antérieure de la fistule, tandis cpie la lèvre postérieure fut attirée en avant par les crochets.
Le résultat de la première application de cet instrument fut une amélioration dans l'état de la malade. On en fit quelques jours après une seconde application qui réussit complètement. M.Vel-peau pense que, dans ce cas, le nitrate d'argent a fait seul les frais de la guérison, et que l'instrument de M. Lallemand n'y a été pour rien. D'après ce que nous avons dit de la cautérisation, nous ne saurions partager cette opinion. Nous pensons que ce succès a été dû à la combinaison des deux moyens : que l'un a agi, en rendant les lèvres de la fente propres à la réunion, et l'autre en les main tenant en contact assez long-temps pour que ce résultat ait été atteint. Une autre application de cet instrument, faite en 1829 à l'hôpital Beaujon, n'a point réussi. M. Lallemand, qui a maintenant fait quinze ou seize essais , prétend , d'après ce qu'il a écrit à M. Velpeau , avoir obtenu six ou sept succès : ce serait là un beau résultat.
Procédé de Dupuytren. L'instrument imaginé par ce célèbre chirurgien est une grosse sonde de femme présentant près de son bec deux onglets qui s'en écartent ou s'en rapprochent, suivant qu'on pousse ou qu'on tire à soi une tige placée dans son inté-rieur. On introduit cet instrument fermé : lorsqu'il est en place, on poussela tige destinée à faire écarter les onglets, on la fixe dans cet état , et l'on tire à soi l'instrument. En arrivant à l'urètre, les onglets s'opposent à la sortie de la soude , et la lèvre postérieure de la fistule se trouve en même temps entraînée en avant. Il ne s'agit plus cpie de refouler la lèvre antérieure en arrière, en pla-çant, entre l'urètre et la plaque quiest située près du pavillon, une quantité de charpie assez considérable.
Cet instrument a, sur le précédent, l'avantage de ne pas piquer et tirailler la muqueuse vésicale; mais il ne peut réellement être utile que pour les fistules urétrales. Quant à celles du bas-fond de la vessie, il lui est tout-à-fait impossible d'attirer en avant leur lèvre postérieure, et siDupuytren a obtenu un succès dans un cas de ce genre, on doit en conclure que son instrument n'y a été pour rien, et que le résultat en est dû à la cautérisation.
Procédé de M. Laugier. Les deux instrumens précédens ne pouvaient être employés que clans les cas de fistules transversales. M. Laugier a comblé cette lacune en imaginant un instrument qui agit du vagin à la vessie, et qui est construit différemment, suivant que la fistule est transversale ou longitudinale, il se com-pose dans les deux cas de griffes placées sur deux tiges.
Lorsque la fistule est transversale, les branches de l'instrument qui sont parallèles, pouvant glisser l'une sur l'autre et être sépa-rées, présentent à l'extrémité qui doit accrocher la fistule des griffes formant avec elles un angle de 80 degrés, et disposées de façon que celles qui doivent accrocher la lèvre postérieure regar-dent le chirurgien , tandis que celles qui doivent piquer la lèvre antérieure regardent en arrière. Dans les fistules longitudinales, au contraire, les érignes doivent être placées sur le bord des tiges, et se regarder de droite à gauche. On les fixe l'une après l'autre dans la paroi vésico-vaginale, à quelques millimètres des lèvres delà fistule, préalablement rafraîchie. Une fois les branches fixées, pour les fistules longitudinales, on les réunit comme les branches du forceps de Smellie, puis on les rapproche et on les serre avec une vis de traverse. Ce rapprochement de leurs extrémités libres entraîne celui des crochets, et par conséquent des lèvres de la fis-tule. Si les lèvres de la fistule affectaient une direction oblique, il faudrait, ditM. Laugier, faire disposer les érignes obliquement et les attacher comme dans les autres cas. Les pinces mises en place sont maintenues avec de la charpie disposée dans l'intérieur du vagin.
Les instrumens de M. Laugier appliqués sur un cadavre sur lequel on avait produit une ouverture artificielle, a complètement intercepté le passage aux liquides. Cependant leur application sur le vivant n'a jusqu'à présent jamais été suivie de succès. M. Vel-peau croit que ces mauvais résultats peuvent tenir à ce qu'il est impossible que de simples crochets soient assez fixes pour main-tenir pendant trois ou quatre jours, dans un contact exact, les deux lèvres d'une fistule un peu étendues. M. Laugier recommande de ne pas faire traverser à ses crochets toute l'épaisseur des parois vésico-vaginales, de crainte qu'il ne se forme des abcès, ou même d'autres fistules, par la filtration de l'urine par les petits trous descrochets. C'est probablement là une des causesde ses insuccès; au bout de peu de temps les pointes de ses érignes, mal assujet-ties, glissent en déchirant la muqueuse vaginale, et les lèvres de la fistule, n'étant plus en contact l'une avec l'autre, laissent passer l'urine entre elles et ne s'agglutinent pas. Mais, au reste, quand bien même les crochets traverseraient toute l'épaisseur des parois vésico-vaginales il est probable qu'une fois qu'ils joueraient libre-ment dans les trous qu'ils auraient faits, les lèvres de la fistule s'écarteraient de la même manière et laisseraient passer l'urine.
Procédé de M. Dufresse-Chassaigne. Dans sa thèse inaugurale (3o janvier j 834) M. Dufresse a proposé un instrument propre à remédier aux inconvéniens signalés dans ceux de M. Laugier. Il y en a un pour les fistules longitudinales et un autre pour les transversales.
i° Pour les fistules longitudinales, l'instrument a la forme d'une pièce à deux branches articulées entre elles, à la manière d'un compas. Chacune de ces branches est creuse, aplatie en dedans, terminée, à son extrémité saisissante, par une surface plus large destinée, avec celle du côté opposé, à s'appliquer contre les lèvres de la fistule et à les maintenir en contact. Chacune de ces pla-ques présente sur sa face interne, tout près de son bord supérieur, une ouverture qui laisse passer une érigne mobile placée dans le corps de chaque branche ; cette érigne peut être poussée au de-hors , ou ramenée au dedans au moyen d'un mécanisme parti-culier.
Chacune des branches de cet instrument s'applique séparé-ment, les érignes sont enfoncées profondément dans les lèvres de la plaie à 4 ou 5 millimètres de leur bord, puis on articule les branches et on les ramène l'une vers l'autre au moyen de leurs vis de traverse. Lorsque les lèvres de la fistule seront saisies entre les deux plaques, on fera rentrer une partie des érignes; la compres-sion exercée par les plaques devra être assez modérée pour ne pas
interrompre la circulation dans les parties; une sonde en gomme sera placée dans la vessie et le poids de l'instrument sera soutenu par de la charpie placée dans le vagin.
2° Pour les fistules transversales, les tiges précédentes présen-tent leurs plaques situées perpendiculairement à leur extrémité prenante, et glissent l'une sur l'autre comme les deux parties d'un pied de cordonnier, ou par un mécanisme analogue à celui qui existe dans le brise-coque de M. Heurteloup. Lorsqu'elles sont fixées dans les lèvres de la fistule, on les poussera l'une contre l'autre et on les maintiendra dans cette position à l'aide d'un cou-lant.
Il existe encore plusieurs inventions du même genre et qui ont été faites dans le même but : telles sont les pinces à griffes de M. Leroy d'Etiolles (pl. 76, f. 11 et 12), et.celles que M. Récamier a imaginé pour un cas particulier de fistules longitudinales. Mais ces instrumens agissant d'après le même mécanisme que ceux de MM. Laugier et Dufresse, nous ne nous y arrêterons pas plus long-temps.
Enfin M. Colombat pense que, pourles fistules longitudinales, l'aiguille en spirale dont il a déjà été question pourrait servir mieux que tous les instrumens précédens à en maintenir les bords rapprochés , en la laissant en place, sans fil.
Appréciation. Tout le monde sait que, de tous les instrumens dont il vient d'être question, le meilleur ne vaut pas grand'chose. Si l'instrument de M. Lallemand est un des meilleurs pour tenir les lèvres de la plaie en contact, il est certain aussi que ses crochets, placés dans des parties enflammées d'avance, tirent sur elles de manière à les déchirer, et causent des douleurs si vives que la plu-part des malades ne peuvent en supporter l'application ; car il se développe des accidens nerveux et même une cystite qui obligent de les retirer au moment où il serait le plus nécessaire de les main-tenir en place. Les instrumens qu'on applique par le vagin, du moins, n'ontpas l'inconvénient, comme celui de M. Lallemand,de tirer sur la lèvre postérieure de la fistule et de devenir insuppor-tables par leur traction. Nous ne voyons pas non plus pourquoi leurs piqûres, du vagin à la vessie, seraient plutôt suivies d'abcès, de nouvelles fistules ou de déchirures des parties, que celles faites par l'instrument qui agit de la vessie au vagin : il y a donc égalité entre eux sous ce rapport, et de plus les dernières peuvent s'appli-quer à tous les cas. Comme conséquence de tout ceci, nous pen-sons que, si l'on avait à choisir, on devrait donnerla préférence aux instrumens qui agissent par le vagin, en leur imprimant les mo-difications nécessaires pour qu'ils fussent appliqués solidement et (pie les lèvres de la fistule fussent maintenues dans un contact aussi parfait que possible. Si jusqu'à présent on a porté un juge-ment contraire, c'est que, d'une part, l'instrument de M. Lalle-mand, appliqué assez fréquemment, compte un certain nombre de succès, tandis que les autres, d'abord mal construits et rarement appliqués, n'ayant pas réussi, sont restés dans l'oubli.
CAUTÉRISATION.
Elle est due à Dupuytren qui, en ayant retiré d'heureux effets contre les fistules vésico-rectales, résolut de l'appliquer aux fis-tules vésico-vaginales. Cette opération peut se faire avec le nitrate d'argent ou le cautère actuel.
Cautérisation avec le nitrate d'argent. Procédé de Dupuytren. La malade étant placée comme pour l'opération de la taille, ou bien sur les coudes et les genoux, le siège plus élevé que la tète, un spéculum uteri, fendu sur sa longueur, est introduit de ma-nière à laisser l'orifice fisluleux parfaitement à découvert, puis un crayon de nitrate d'argent, fixé perpendiculairement à l'ex-trémité d'une pince à anneaux, est porté dans le vagin et promené pendant quelques secondes sur les bords de l'orifice fistuleux. Immédiatement après l'application du caustique, on doit faire une injection froide, ou placer un linge mouillé dans le vagin, afin de laver les parties de nitrate d'argent non combinées, dans la crainte qu'elles n'étendent trop loin leur action sur les autres tissus qu'on a intérêt à ménager. Ces injections servent en outre à diminuer la douleur produite, qui est souvent très vive.
Cautérisation avec le cautère actuel. Dupuytren qui a eu plu-sieurs fois occasion d'en faire usage, et de juger de son efficacité, le préférait au caustique toutes les fois que la fistule était plus étendue et que ses bords étaient très épais et calleux. L'orifice de la fistule étant mis à découvert comme dans le cas précédent, un petit cautère ayant la forme d'une fève de haricots, et chauffé à blanc, doit être porté sur la fistule et retiré immédiatement, car il suffit d'en éroder ou même d'en irriter violemment les bords. Loin d'obtenir ce résultat en prolongeant l'action du feu,les lèvres de la fistule seraient détruites dans une certaine étendue, et après la chute des eschares, la fistule reparaîtrait plus grande qu'avant l'opération. La douleur qui succède à l'application du cautère est très vive; une inflammation très intense et qui pourrait être fu-neste en serait le résultat, si l'on ne s'y opposait aussitôt par des injections émollientes et des bains tièdes.
La manière d'agir et les résultats des caustiques et du cautère actuel sont faciles à apprécier, i" Ils modifient la sensibilité des membranes muqueuses, et détruisent l'épithéliuin qui, dans l'état naturel, est le seul obstacle à leur adhésion lorsqu'elles sont en contact. 20 Ils provoquent la tuméfaction et par suite la mutuelle opposition de lèvres des fistules vésico-vaginales. Après la cau-térisation, les bords de la plaie sont en contact et aptes à adhé-rer entre eux : or, ce sont là précisément les deux conditions né-cessaires pour que la guérison ait lieu. Aussi, quand les choses marchent bien, le lendemain et les jours suivans, l'urine cesse peu à-peu de couler par le vagin. Vers le quatrième jour, elle re-commence à couler, en raison du retour des parties à leur état or-dinaire; mais elle est moins abondante, parce que la fistule a subi uneréduction dans son étendue, comme il est facile de s'en assurer par le toucher. On peut, au bout de quelques jours, répéter la cautérisation, et à chaque fois on observe une diminution dans l'ouverture, et par suite dans l'écoulement d'urine qui se fait par elle. Une sonde doit être placée et maintenue dans la vessie pen-dant tout le temps exigé pour la cure. La cautérisation compte des succès, mais ces succès sont en raison de l'étroitesse delà fis-tule. Elle échoue presque toujours dans les cas où la fistule est grande et surtout accompagnée de perte de substance : c'est ordi-nairement par la cautérisation qu'on termine la cure des fistules qu'on est parvenu à rétrécir par une autre méthode.
suture.
Jusqu'au commencement du xixc siècle elle fut toujours con-sidérée comme une opération inexécutable. Dans un cas de fistule vésico-vaginale où J.-L. Petit fut appelé à donner son avis, il s'élevafortement contre un des consul tans qui la proposait. C'est une espèce de suture que M. Lewziski proposa en 1802 dans une
thèse soutenue à la faculté de médecine de Paris. M. Nœgele pro-fesseur à Heidelberg fit en 1811 un grand nombre d'expériences, afin d'établir qu'elle était possible et susceptible de réussir; MM. Erhmann et Deyber de Strasbourg l'ont tentée chacun sur une femme qu'ils ont eue à traiter, et en ont obtenu un résultat heureux. En 1828, M. Malagodi de Bologne parvint à diminuer tellement l'étendue d'une fistule de ce genre par la suture, qu'il put en terminer la cure par la cautérisation. En 1829, M. Boux la pratiqua sur une femme qui succomba quelques jours après; depuis lors plusieurs autres chirurgiens, parmi lesquels nous pou-vons citer MM. S. Cooper et Hobard , y ont eu recours , et pré-tendent en avoir obtenu des succès.
Manuel opératoire. 11 diffère suivant qu'on emploie la suture simple ou la suture entortillée.
Suture simple a. points passés. Procédé de M. Malagodi. Ce chirurgien porta l'index delà main droite recouvert d'un doigtier en peau jusque dans la vessie, en introduisant ce doigt par le vagin au travers la fistule; parvenu dans la vessie, il fléchit l'index en crochet, attira la lèvre gauche au dehors, et la rafraî-chit avec un bistouri. Il en fit autant à la lèvre droite après l'avoir attirée avec l'indicateur droit; puis, pour placer les fils, il fit encore saillir une des lèvres de la plaie avec l'indicateur de l'une des mains, et conduisit dans la vessie, à travers la fistule, et près de son extrémité postérieure, une aiguille courbe qu'il piqua à 4 ou 5 millimètres en dehors, et qu'il ramena dans le vagin en traversant la cloison vésico-vaginale. Une seconde aiguille fixée à l'autre extrémité du ruban fut portée aussi par la fistule clans l'autre lèvre, et ramenée de la vessie vers le vagin. Deux autres fils ayant été ainsi placés, leurs bouts furent noués séparément et coupés près des noeuds : les lèvres étaient parfaitement en con-tact. On plaça dans la vessie une sonde par laquelle toute l'urine s'écoula pendant les deux premiers jours. Mais alors le point de suture le plus rapproché de l'urètre ayant déchiré les tissus , quelques gouttes d'urine s'échappèrent par le vagin; M. Mala-godi, au lieu de recommencer la suture, aima mieux tâcher d'a-chever la guérison par la cautérisation, et réussit très bien. Ce succès est l'un des plus éclatans que l'on ait encore obtenus.
Procédé de AL Lewziski. Le but que se proposait ce chirur-gien était de ramener la lèvre postérieure de la fistule en avant, en même temps qu'il refoulerait l'antérieure en arrière. Pour cela il passait avec l'instrument dont il était l'inventeur, autant de fils qu'il le jugeait convenable au travers de la lèvre postérieure préa-lablement rafraîchie. Ces fils formant des anses dont un bout passait par le vagin et l'autre par l'urètre", il en introduisait tous les chefs clans un serre-nœud dont la striction repoussait la lèvre antérieure contre la postérieure.
Suture entortillée. Procédé de M. Roux. Pour saisir les lè-vres de la fistule, M. Roux les attira au dehors avec des pinces et les aviva; puis les fils furent passés du vagin dans la vessie à travers l'un des bords, et delà vessie dans le vaginà travers l'autre bord, entraînant après eux, dans les deux lèvres de la plaie, une petite tige métallique fixée à l'extrémité de chacun des fils, qui furent immédiatement entortillés autour d'elles et croisés pour aller de l'une à l'autre. C'est une imitation de la staphyloraphie.
Vers le dixième jour de l'opération la malade fut prise de symptômes très alarmans, et succomba bientôt après à une pé-
T. VU.
ritonite intense. L'autopsie démontra que les lèvres de la plaie n'avaient, contracté aucune adhérence, et que la fistule avait subi un agrandissement assez considérable.
Procédés de M. IVœgèle. Dans le premier procédé, après avoir ra-fraîchi les lèvres delà fistule , des pinces servent à porter clans le vagin une aiguille courbe qui traverse les deux lèvres de la plaie. Il la laisse dans cette position, retire sa pince, et entoure l'aiguille d'un fil en formant un huit de chiffre.
Dans le deuxième procédé, une sonde courbée portant dans sa cavité un ressort de montre, garni d'une pointe acérée, près de la-quelle est creusée une ouverture , est introduite dans la vessie. Le bec de la sonde étant arrivé sur l'un des bords de la plaie, on l'y appuie en poussant la tige, et on fait sortir la pointe qui tra-verse les parties (pl. 70 f. ire); le fil est ensuite dégagé du chas de l'instrument qu'on retire. Alors un des chefs se trouve dans le vagin, et l'autre sort par l'urètre: c'est ce dernier qu'on engage dans le chas du ressort ; on replace la sonde dans la vessie, puis appliquant son bec sur la lèvre opposée de la fistule, celle-ci est traversée par l'aiguille, et on dégage le fil dont les deux chefs se trouvent alors dans le vagin. Lorsqu'on a placé ainsi autant de fils qu'on le désire, il ne s'agit plus que de les fixer, soit qu'on les noue avec les doigts, qu'on les tortille, qu'on les passe dans un serre-nœud ou dans les trous d'une pince à plaques, de manière, en tout cas , à rapprocher et à serrer les deux lèvres l'une contre l'autre. La sonde qu'a employée M. Nœgèle dans ce dernier pro-cédé n'est autre chose que celle que M. Lewziski imagina en 1802.
Procédé de M. Felpeau. La femme est placée sur le ventre, le siège plus élevé que la tête; un aide tient le vagin dilaté au moyen d'une large gouttière en métal ou en corne. i° Si la fistule est longitudinale, le chirurgien agrandit la fente de 3 millimètres environ à chaque angle, en résèque les bords qu'il saisit avec des pinces à staphyrolaphie, passe ensuite les points de suture à 9 millimètres des surfaces rafraîchies, pose de petites aiguilles, comme M. Roux, entortille les fils autour de ces aiguilles et les noue clans le fond du vagin. 1° Si la fistule est transversale, un bistouri courbe sur le plat, près de la pointe, et très aigu, porté par le vagin, détache assez facilement un liséré de son bord pro-fond tenu renversé ou abaissé à l'aide d'une érigne ou de bonnes pinces : une fois que les bords sont avivés, le reste se fait comme précédemment. On voit que ce procédé ne présente rien de par-ticulier.
Procédés de M. Schreger. Après avoir rafraîchi les lèvres de la fistule, il fait une suture à surjet, enfile les deux extré-mités dans des grains de chapelet, et fait un nœud sur le der-nier : dans un cas, il a très bien réussi. La difficulté d'aviver les bords de la fistule et de passer les fils a fait imaginer, pour la ré-soudre, une foule d'instrumens particuliers. C'est afin de faciliter l'avivement que M. Leroy (d'Etiolles) a inventé son spéculum bi-valve (fig. i3, pl. 76); un pignon d'engrenage fait saisir la mem-brane par une griffe, et une lame poussée par le bouton l'excise. Les figures 15 et 15 bis montrent une pince du même auteur, pour les fistules longitudinales, et une lame tranchante qui glisse dans une rainure de la pince pour pratiquer l'excision. La fig. 20 représente la pince de M. Fabri dont une branche garnie avec une petite plaque en bois, est introduite ou dans le rectum ou dans la vessie, et dont l'autre bifurquée, appliquant sur la pre-
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mière les bords le In fistule, permet d'en praticpier l'avivement avec un petit bistouri dont la lame a quelque ressemblance avec celle d'un couteau à cataracte. La fig. 2 de la pl. 70, représente Vavivement avec Vinstrument tranchant d'une fistule longitudi-nale,áont les bords sont fixés par cette pince qui est un des meil-leurs instrumens pour l'avivement de ces sortes de fistules; enfin les ciseaux de M. Coglioso sont destinés au même usage (pl. 76, fig. 19 et 19 bis). Il faut bien convenir pourtant qu'avec tous ces instrumens, il n'était possible d'aviver avec facilité que les lèvres des fistules longitudinales. Quanta celles des fistules transversales et obliques, la difficulté subsistait toujours; et cependant, on le sait, c'est dans un grand nombre de cas , de l'avivement bien fait des bords de la fistule que dépend leur adhésion. Sous ce rap-port, M. Colombat, de l'Isère, a diminué la difficulté du problème par l'invention d'un instrument spécial. Il se compose d'une lame à deux tranchans presque rectangulaire, de i4 à i5 mil-limètres de longueur, montée à angle droit sur une tige qui est elle-même coudée à angle obtus. Cette lame peut être disposée et fixée au moyen d'une vis, de manière à couper d'avant en ar-rière, d'arrière en avant, de droite à gauche, de gauche à droite, obliquement, et dans toutes les directions, ce qui fait qu'avec elle on peut aviver toutes les fistules.
Ce médecin a imaginé dans le même but plusieurs autres in-strumens : tels sont ses pinces tranchantes à mors mobiles, des-tinées à aviver les bords des larges fistules, et ses ciseaux pour avi-ver la lèvre antérieure des fistules transversales. Néanmoins, après avoir enumeré tous ces instrumens, disons pourtant qu'un bis-touri boutonné à double tranchant, à lame très étroite, très mince et légèrement coudée près de sa pointe, que l'on guide sur le doigt indicateur ou sur le petit doigt, nous paraît encore ce qu'il y a de mieux, dans le cas de fistule transversale, parce que la sensation du toucher remplace la vue.
Quant aux difficultés qu'on éprouve pour passer les fils, elles sont sinon vaincues, du moins beaucoup moins grandes , depuis que l'on connaît les instrumens de staphyloraphie ou ceux imités de ces derniers: telles sont les deux aiguilles de M. Fauraytier, (pl. 76, fig. ai et 2a); la première dont la pointe s'enlève après la piqûre, agit comme une alêne: elle est portée sur un manche et offre un chas près de sa pointe; dans l'emploi de la seconde, après avoir saisi la partie qu'on veut perforer avec les mors élas-tiques de la tige bifurquée, il suffit de pousser le bouton qui gou-verne la tige centrale, pour faire engager entre ses mors la pointe de l'aiguille qui porte le fil, et se dégage aussitôt de la tige conduc-trice; on va la saisir ensuite avec des pinces. L'aiguille de M. Le-roy (fig. 25), imitée de celle de M. Depierris; celles de M. Bour-gougnon et de beaucoup d'autres, pourront aussi être fort utiles. La seconde, de M. Fauraytier sera surtout très convenable pour les fistules transversales. Quant aux fistules longitudinales, l'ai-guille en tirebouchon dont M. Colombat a donné la figure dans son ouvrage, est tout ce qu'on peut imaginer de plus simple et de plus commode. Cette aiguille, dont la pointe a la forme d'un fer de lance de 8 à 9 millimètres de longueur , est armée d'un fil qui se loge dans une rainure, pratiquée sur le bord externe de chaque branche, et qui est ensuite arrêtée près du manche au moyen d'une petite vis. Dans l'application, on perfore la lèvre gauche delà fistule près de son angle inférieur, en com-mençant par la face vésicale, à 5 millimètres de son bord libre, puis en faisant exécuter au manche de l'aiguille un demi-mouve-ment de rotation avec le pouce et l'index, et ensuite un petit mouvement de bascule de haut en bas , et de gauche à droite , on pique le bord opposé qui est traversé alors en sens inverse, c'est-à-dire du vagin à la vessie; on continue la même manoeuvre jus-qu'à ce que les lèvres de la perforation soient complètement rap-prochées dans toute leur étendue, puis avec les mors de la pince qui ont servi à fixer les bords de la fistule pendant l'opération , on saisit le fer de lance qu'on rend immobile pendant qu'on fait exécuter au reste de l'aiguille un léger mouvement de rotation en sens opposé, pour le retirer. Les deux bouts de fil, qui sont ra-menés à la vulve, sont tordus sur eux-mêmes et fixés près de la su-ture avec un peu de cire à cacheter pour empêcher celle-ci de se relâcher.
Résultats et appréciation de la suture. D'après ce que les au-teurs rapportent de cette méthode, on voit qu'elle a été pratiquée un assez grand nombre de fois avec des succès variés. Dans la plupart des cas cités qui, au reste, ne paraissent pas tous authen-tiques, on voit qu'elle n'a pu suffire seule à la guérison. Dans celui de M. Malagodi, par exemple, il a fallu terminer la cure au moyen de la cautérisation. Ce succès, de quelque manière qu'il ait été obtenu, est fort remarquable, en ce sens qu'au début la fistule était assez grande pour permettre l'introduction du doigt. Si ellearéussi entre les mains de MM. Ehrman, Deyber, Chranam, Schreger, au contraire MM. Boux, Dieffenbach, Dugès, Bobouam n'en ont retiré aucun avantage. Le peu de bons résultats fournis parla suture, jusqu'à présent, tient à plusieurs circonstances, 1« à l'étendue et au siège de la fistule ; car, toute fistule qui aura plus de 10 à 12 millimètres d'étendue et qui occupera le bas-fond de la vessie ou le trigone vésical, sera rebelle à toute espèce de trai-tement ; 20 à ce que l'avivement n'est pas complet et à ce que la suture est mal appliquée.
Maintenant que l'on connaît des instrumens propres à bien aviver les lèvres delà fente, et à passer la ligature, avec facilité, il est probable que la suture fournira une plus grande proportion de succès , et que, si elle ne suffit pas pour guérir seule, du moins elle rendra , plus souvent qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, les fistules aptes à être traitées par la cautérisation.
Soins consécutifs. De quelque manière qu'ait été faite la liga-ture, il faut, comme après la cautérisation, faire placer la femme sur le dos , dans son lit, et établir une sonde à demeure dans la vessie , afin d'en vider l'urine à mesure qu'elle y arrive; lorsqu'il ne survient aucun accident, l'agglutination des lèvres de la plaie peut être faite en cinq à six jours. Néanmoins on ne détachera pas les ligatures avant le huitième jour; on commencera par enlever celle des angles, les autres ne seront coupées que deux jours plus tard. On ne devra jamais chercher à s'assurer de. l'état des parties, soit par le toucher soit parle spéculum, avant que le temps nécessaire à la réunion se soit écoulé, parce que l'on pourrait, par des tractions inévitables, compromettre le succès de l'opération. Après le huitième jour on pourra, d'abord par le toucher, puis à l'aide d'une gouttière, chercher à mettre les parties à décou-vert pour les examiner, mais en procédant avec beaucoup de ménagemens pour ne pas déchirer la cicatrice encore récente ; et ce n'est qu'après plusieurs semaines que l'on pourra réitérer sans inconvénient la même tentative avec le spéculum fenêtre. Cet examen est utile pour s'assurer des progrès de la cicatrice et faire, au besoin , ce que réclamerait l'état des parties.
ÉLYTROPLASTIE.
Voyant que les méthodes précédentes étaient rarement suivies de succès, M. Johert imagina de tenter la guérison des fistules vésico-vaginales en obturant l'ouverture anormale avec un lam-beau de peau pris dans le voisinage du vagin. Il a déjà appliqué plusieurs fois cette méthode avec des résultats variés ( Bul. de T Acad. roj. de méd. , t. 2). D'autres chirurgiens, et entre autres M. Roux , l'ont aussi appliqué, mais sans résultat avan-tageux.
Procédé de M. Jobert. (pl. 70, f. 5). On commence par rendre sanglantes les lèvres delà fistule, comme si on voulait en faire la suture. Puis on procède à la formation du lambeau obturateur , qu'on prend sur la grande lèvre ou sur la fesse, quelquefois même sur les deux parties à-la-fois, afin de proportionner son étendue à celle de la fistule, qu'il doit toujours dépasser, parce qu'il se rétracte par la suppuration ; néanmoins, il ne doit pas être trop volumineux, parce qu'il gênerait l'opérateur. Outre la peau il doit encore comprendre, dans son épaisseur, les couches adi-peuse et cellulo-vaseulaire qui le soutiennent, et renferment les vaisseaux sans lesquels il tomberait en gangrène. Le pédicule doit en être plus large que le lambeau lui-même, et chez les femmes grasses, au point de vue de la vascularité, il est plus con-venable de le tailler aux dépens des grandes lèvres que de la fesse. Après avoir rasé la surface tégumentaire, sur laquelle on veut le prendre, le chirurgien la tend avec la main gauche , puis il fait sur sa face externe, et de haut en bas, une incision d'une longueur convenable, qui contourne ses doigts , porte son bistouri sur la face interne et fait, en remontant, une autreincision qu'il termine en face du point où il a commencé la première. H dissèque en-suite le lambeau de son sommet à sa base, et de dehors en de-dans, en se rapprochant plutôt des parties profondes que delà peau.
Il s'agit alors d'introduire le lambeau ; pour cela on le rabat sur lui-même, de façon que la peau soit en contact avec la peau, et on le traverse à l'endroit du pli avec un fil ciré, assez fort et assez long; une sonde étant introduite dans la vessie par l'urètre, et de là dans le vagin par la fistule, on introduit les deux bouts du fil dans les yeux de la sonde , et on les retire avec elle par l'urètre; alors, saisissant ces deux fils d'une main, on tire dessus, tandis qu'avec l'autre main on pousse le lambeau jusqu'à la fis-tule où il doit être disposé de façon que sa face saignante soit en contact avec les bords avivés : il ne reste plus qu'à les coudre ensemble. Pour y parvenir, on donne les fils à tenir à un aide, on porte le doigt indicateur le long du lambeau jusqu'à un des angles de la plaie, on fait glisser sur lui une aiguille courbée, saisie avec une pièce à staphyloraphie , on traverse d'un seul coup , avec sa pointe, le lambeau et les deux lèvres de la plaie, puis on la retire avec des pinces à anneaux, entraînant avec elle au dehors le fil qu'elle porte. On pose de la même manière un autre point de suture à l'angle opposé de la fistule ; on en noue les fils assez fortement et à double nœud, à l'aide d'une pince ou d'une sonde de femme, et on en laisse pendre les bouts au dehors de la vulve. Ceux qui sortent par l'urètre doivent être assujettis sur la cuisse à l'aide d'un emplâtre. Une grosse sonde doit être placée à demeure dans l'urètre ; en l'introduisant il faut prendre garde de ne pas presser le lambeau. Pour que l'urine, à laquelle la sonde doit constamment donner passage, ne tombe pas sur la plaie de la grande lèvre, on prolonge la longueur du tube au moyen d'une autre sonde qu'on laisse toiv jours ouverte ; on la fixe à un bandage de corps au moyen de fils, puis on place la malade horizontalement dans son lit, et on lui recommande de garder le repos le plus complet, afin d'éviter le? dérangemens des parties.
Bien que les fils tombent ordinairement dans les deux première? semaines, M. Joubert ne coupe le pédicule du lambeau qu'au bout d'un mois ou six semaines, lorsqu'il ne peut plus douter que la réunion ne soit parfaite. Alors il le divise vers le milieu de sa longueur pour que, en se rétractant, il puisse former une espèce" de bouton à deux têtes, dont l'une serait dans le vagin et l'autre dans la vessie.
Dans un des cas où M. Jobert a appliqué son procédé avec succès, la consolidation s'est si bien faite, et la pièce est devenue si vivace, que les poils qui la recouvraient ont repoussé dans l'uv térieur du vagin.
Procédé de M. Velpeau. Un doigt étant introduit dans le rectum , on pousse la paroi du vagin en avant, on accroche sa muqueuse avec une érigne à double crochet, vis-à-vis de la fis-tule, puis on l'incise transversalement dans l'étendue de 3 à 4 centimètres au-dessus et au-dessous de l'érigne. Alors, glissant un bistouri à plat, sous le lambeau circonscrit entre ces deux in-cisions, de l'inférieure vers la supérieure, en prenant les plus grandes précautions pour ne pas pénétrer dans l'intestin , on le détache à droite et à gauche dans l'étendue de 2 à 3 centimètres , sans toucher à ses extrémités, de façon qu'il forme une arcade. Ensuite, faisant filer de bas en haut, sous cette arcade, une aiguille courbe armée d'un fil, on pique la lèvre postérieure de la fistule, préalablement rafraîchie, de la vessie vers le vagin, avec cette aiguille qu'on ramène au dehors, en repassant par dessous le pont. On place ainsi autant de fils qu'on le veut, puis avec l'autre bout on traverse la lèvre antérieure de la fistule d'arrière en avant et de la vessie au vagin , et l'on termine en nouant en-semble les deux extrémités. De cette manière le pont vaginal est repoussé dans l'ouverture anormale par les fils sur lesquels il est soulevé, tandis que ses lèvres sont maintenues au contact des bords saignans, avec lesquels elles peuvent contracter des adhé-rences.
Ce procédé, mis en usage une seule fois, a échoué. Il nous paraît mériter devoir être essayé de nouveau. Dans le cas, où la réunion se ferait, on couperait une des extrémités du lambeau ou bout de dix à quinze jours, et l'autre un peu plus tard. Puis on laisserait cicatriser la plaie insensiblement.
Procédé de M.Leroy (dEtiolles) (pl.70, f. 3 et4)- Le lambeau est détaché sur l'extrémité antérieure de la face postérieure du vagin; puis, étant retourné , il vient offrir sa face saignante sur la fis-tule, dont les bords ont été enflammés par un caustique. Une sonde introduite par la fistule dans le vagin est destinée à recevoir les fils d'une double suture enchevillée qui fixent le lambeau contre la paroi vagino-vésicale.
M. Velpeau a encore cherché à obtenir l'oblitération des fis-tules vésico-vaginales par d'autres moyens; ainsi, il a proposé i° de cautériser énergiquement le contour de la fistule et la paroi correspondante de la cloison recto-vaginale, puis de les mainte-nir en contact au moyen de tampons ou de corps dilatans, intro-duits dans le rectum, pensant qu'une agglutination, obtenue de cette façon, pourrait permettre de rétablir plus tard la conti-nuité du vagin. 2" Dans le cas où la fistule est très élevée, il pense
que l'on pourrait cautériser fortement la région vaginale où est la fistule , accrocher le col utérin avec une érigne ou avec une anse de fil, et le faire glisser en tiroir jusqu'au-dessus de l'ou-verture vésicale. Nous n'avons aucun avis à exprimer sur ces derniers procédés qui n'existent encore qu'en théorie.
OBLITÉRATION DU VAGIN.
Ressource extrême, si toutefois c'en est une, l'oblitération du vagin a été proposée et exécutée deux fois, par M. Vidal (de Cassis), pour remédier aux graves inconvéniens des fistules vé-sico-vaginales. La première opération fut pratiquée en i83a. La femme avait 35 ans, et la fistule était assez grande pour permet-tre l'introduction de plusieurs doigts. M. Vidal aviva avec le bis-touri l'orifice du vagin, et y plaça trois points de suture de la ma-nière suivante : une aiguille, longue de 5 à 6 centimètres, ter-minée en fer de lance, et fixée sur un petit manche, portait près de sa pointe un chas assez grand pour permettre d'y passer l'anse d'un fil double; elle fut enfoncée dans l'un des bords avivés du vagin, jusqu'à ce que le chas parût entre les lèvres de la plaie ; l'anse fut dégagée, et l'aiguille retirée, puis enfoncée de l'autre côté au même niveau , de sorte qu'il y eut deux anses entre les parties; l'anse gauche fut placée dans la droite qui lui servit de conducteur pour l'entraîner dans la lèvre droite. Deux autres anses furent placées de la même manière, et des morceaux de sonde, en gomme élastique, ayant été placés sur les côtés, la su-ture enchevillée put être exécutée.
A dater du lendemain, l'urine sortit par l'urètre, et, pendant près d'un mois, il ne vint pas une goutte d'urine par le vagin ; les règles survinrent et furent chassées au-dehors par l'urètre ; mais un jour que les urines avaient de la difficulté à sortir, l'élève voulant introduire une sonde dans l'urètre, la porta sur la cica-trice qui fut ainsi déchirée. A dater de ce moment, le sang et les urines sortirent par le vagin, et l'opération fut manquée. La se-conde opération n'a pas réussi.
M. Vidal croit pouvoir inférer du seul succès de sa première opération : i" que les règles pouvaient passer par l'urètre; i" que l'urine peut être expulsée et jaillir de ce nouveau bas-fond de la vessie ; 3° que ces urines n'entraient pas dans la matrice pour pas-ser dans la trompe et aller inonder le péritoine ; et /\° que la ci-catrice s'est assez maintenue pour faire croire que des dépôts cal-caires ne se feraient pas facilement dans cette nouvelle vessie.
Il est inutile de faire remarquer à quel point toutes les asser-tions de M. Vidal sont loin d'être démontrées; d'abord, quand il dit que les règles pouvaient passer par l'urètre, on doit plutôt penser que ce n'était qu'une partie des règles, et que l'autre partie, retenue dans le vagin, tendait à y former des caillots qui ren-daient l'expulsion de l'urine difficile; puisque, lorsque la cica-trice fut déchirée, il sortit du vagin du sang et de l'urine. Ensuite, quant aux concrétions calcaires, le temps pendant lequel la ci-catrice a existé ne paraît pas assez long pour qu'on puisse se prononcer pour ou contre leur formation. Au reste, indépen-damment de ce que la plupart des chirurgiens considèrent la fermeture du vagin comme une opération anormale et qu'on ne doit pas facilement se décider à pratiquer, parce qu'elle détruit la possibilité des rapports sexuels, ils croient encore qu'on ne doit jamais la tenter avant que les règles aient complètement dispara. Dans tous les cas, c'est le dernier moyen à mettre en usage; outre qu'il y a tout lieu de craindre qu'il ne réussisse pas comme opé-ration. M. Velpeau cite, à ce sujet, une observation bien propre à fortifier cette crainte : c'est celle d'une femme qui est atteinte de fistule vésico-vaginale, à la suite d'un accouchement, dont la vulve s'enflamma tellement qu'elle s'oblitéra en totalité, à l'ex-ception d'un petit pertuisqui n'avait pas plus d'un millimètre de diamètre. Avant de rendre à la vulve son ouverture première, M. Velpeau tenta, sans succès, d'oblitérer complètement le vagin, avec le nitrate d'argent, le nitrate acide de mercure, et même le fer rouge ; puis, il essaya la même tentative par la suture, après l'avivement, mais il ne put jamais réussir. Cette malade, âgée de près de 40 ans, avait cessé d'être réglée depuis près de deux ans, époque de son accouchement; en conséquence, il ne fut pas pos-sible de constater la difficulté de l'écoulement des règles.
APPRÉCIATION GÉNÉRALE DES MÉTHODES PRÉCÉDENTES.
Cette appréciation n'est pas facile à faire, parce que, jusqu'ici, la plupart des données sur lesquelles on peut s'appuyer man-quent de ce degré de certitude que tout homme honnête doit exiger lorsqu'il s'agit de porter un jugement qui doit avoir une certaine influence sur les déterminations des autres hommes de sa profession, et, par suite, sur le sort des personnes qui récla-meront leurs secours. Un premier tort qu'on peut reprocher aux chirurgiens, qui ont eu l'occasion de traiter des fistules vésico-va-ginales, c'est d'avoir publié trop tôt les observations de personnes qu'ils croyaient guéries, et chez lesquelles la guérison ne s'est pas maintenue. Et puis un second tort, qui est peut-être plus grand que le premier, c'est de n'avoir pas distingué les fistules sous le rapport de leur siège et de leur étendue.
En établissant cette distinction, comme nous l'avons fait au com-mencement de ce chapitre, nous verrons qu'il eût été plus facile d'arriver à quelque chose de précis, i" Les fistules qui siègent au-devant du col delà vessie pourraient guérir d'elles-mêmes si l'on avait le soin de maintenir une sonde à demeure dans la vessie, ou seulement de ne pas permettre à la femme d'uriner sans le secours de la sonde, parce que, dans ce cas, l'urine ne passe par la fistule qu'au moment de l'éjection ; d'ailleurs, ce moyen fût-il in suffisant, en y joignant la cautérisation avec le nitrate d'argent ou la suture si l'orifice fistuleux était trop grand, on en triom-pherait facilement. ab Les fistules qui siègent au col même de la vessie, à son bas-fond, ou même plus haut en arrière, sont, en général, très difficiles à guérir. Cependant, elles peuvent encore être traitées avec succès par la cautérisation, lorsqu'elles sont très petites et n'ont que quelques millimètres de diamètre; mais dès qu'elles ont au-delà d'un demi-centimètre, pour peu qu'il y ait eu perte de substance dans la cloison, la cautérisation seule ne peut plus faire les frais de la guérison. C'est le cas, alors, d'employer la suture. Pratiquée une ou plusieurs fois, si l'on n'en obtient pas la fermeture complète de l'orifice, du moins arriverait-elle à le ré-trécir assez pour que le caustique puisse en terminer la cure.
L'élytroplastie peut remplacer avantageusement la suture, sur-tout lorsque l'orifice fistuleux a plus de i centimètres d'éten-due, et résulte d'une perte de substance qui pourrait faire crain-dre que les lèvres de la plaie, trop tiraillées par les points de suture, ne fussent déchirées avant leur adhésion. Toutefois, on ne la met guère en usage qu'après avoir constaté l'insuffisance de la suture. Ainsi que nous l'avons dit, elle compte plusieurs succès remarquables et solides. M. Malgaigne dit, dans la dernière édi-tion (i843) de son Manuel opératoire, qu'il a pu en constater deux, dansles salles deM. Jobert, à l'hôpital Saint-Louis. 3° Enfin, il est un certain ordre de fistules qui sont nécessairement incura-
rabies, ou contre lesquelles on ne pourrait raisonnablement tenter il'autre méthode que celle de M. Vidal; nous voulons parler de celles dans lesquelles la cloison vésico-vaginale a subi une perte de substance telle qu'on peut introduire avec facilité plusieurs doigts dans la vessie, ou de celles dans lesquelles, cette cloison étant totalement rompue, la paroi antérieure de la vessie cessait d'être soutenue et descendait jusqu'à la vulve, sous forme d'un fongus rougeâtre, à travers l'ouverture anormale, comme M. Vel-peau en a observé plusieurs. Si, dans ces cas, de même que dans ceux où l'on a employé, sans succès, la cautérisation, la suture et l'élytroplastie, on ne se décidait pas à tenter l'oblitération de l'orifice du vagin, il ne resterait plus à leur opposer que la mé-thode palliative.
Méthode palliative. Elle consiste à se borner aux soins d'une extrême propreté, afin de protéger les grandes lèvres, les cuisses et les fesses contre l'Acreté des urines qui les baignent, et à cher-cher à rendre l'écoulement des liquides moins incommode, en employant l'instrument que J.-L. Petit appelait urinai, ou bien celui de Féburier qui le remplace parfaitement. C'est une sorte de cuvette en caoutchouc, qui peut être maintenue au-devant de la vulve, et se prolonger dans le vagin, sans empêcher la femme de marcher. M. Burner se sert d'une bouteille allongée, en gomme élastique, susceptible d'être placée dans le vagin, et qui offre, sur sa face antérieure, une ouverture dans laquelle on fixe une éponge qu'on dirige du côté de la fistule, afin que, par itnbibition, l'urine s'engage peu-à peu dans la bou teille. La malade retire le tout deux ou trois fois par jour, exprime le fluideurinaire par la simple pression qui réagit sur l'éponge, et vide en entier l'instrument.
FISTULES RECTO-VAGIN A LES.
On donne le nom de fistules recto-vaginales à des ouvertures anormales qui font communiquer le vagin avec le rectum. De même que les précédentes, elles surviennent le plus souvent à la suite d'un accouchement laborieux, d'une application mal faite du forceps, d'abcès, de cancer, de gangrène, etc. Dans d'autres cas, c'est le rectum qui s'ouvre dans le vagin; Barbaut (C, d'ac-couchem., p. 5g). Dupuytren, d'après Lépine, etc., en citent des exemples. Un des plus remarquables est celui que rapporte M. Ricord (/. Hebdom., t. xm) ; il s'agit d'une femme de 22 ans, forte et d'une bonne santé, chez laquelle l'anus n'existait pas, et qui rendait ses excrémens volontairement par un trou qui faisait communiquer l'intestin avec le vagin.
Les ruptures accidentelles de la cloison recto-vaginale laissent échapper involontairement, et à chaque instant, des gaz et des matières fécales; les plus dures sortent autant par l'anus que par le vagin, et seulement pendant les efforts de la défécation.
Guérison spontanée. Ces fistules sont plus rares que les fis-tules vésico-vaginales , et ont plus de tendance à guérir sponta-nément. Ruysch rapporte l'histoire d'une femme qui, portant une ouverture, large de 3 centimètres, à la cloison recto-vaginale, guérit sans opération. M. Philippe de Mortagne en a publié une autre, en 1829 [Archives de médecine, t. xxiir, pag. 568). Des-champs a rapporté une observation à-peu-près semblable, sur une femme de 68 ans (Guerbois, Thèse de concours, 1834)- M. Vel-peau parle d'une femme, atteinte d'une pareille fistule, qui, au moyen d'injections de vin rouge, guériten 15 jours, dans son ser-vice, à la Pitié. Il est probable qu'on pourrait obtenir quelques
T. VII.
guérisons dans ce genre, si, lorsque la fistule est récente, on se-condait les efforts de la nature par le repos, la position sur le côté, la propreté, les lavemeus mucilagineux et opiacés, et un régime sévère. Toutefois, commeon aurait tort de compter surcerésultat avantageux, qui n'arrivera que très rarement, on se trouvera donc presque toujours dans la nécessité d'avoir recours aux moyens chirurgicaux dont nous avons parlé dans l'article précédent.
i° La cautérisation ne conviendra que dans les cas de fistules étroites, ou pour terminer la cure de celles qu'on aura traitées parla suture; celles qui ont une étendue un peu considérable ré-clament l'emploi des pinces-érignes ou de la suture faite par l'un des moyens que nous avons précédemment indiqués.
20 Suture.—Procédé de Saucerotte. La malade dont nous avons déjà parlé, avait la cloison recto-vaginale perforée au-dessus du sphincter, cpii était intact, et le périnée déchiré au-devant de l'anus. Saucerotte plaça un spéculum à deux valves, dans le vagin, et un gorgeret de bois dans l'anus, et en amena la con-vexité sous la fistule pour servir de point d'appui aux instru-mens; puis, il en réséqua les bords avec un bistouri entouré de linge et avec une rugine, et la réunit par la suture du pelletier, qu'il fit à l'aide de deux aiguilles de dimensions différentes. La première, montée sur un porte-aiguille ordinaire, et, armée d'un fil double, fut portée à l'angle supérieur, et arrêtée avec un mor-ceau de diachylum, passé dans son anse pour ne pas faire un nœud ; puis, avec l'autre aiguille, armée du même fil, il fit six points de suture à surjet, et noua les deux bouts du fil sur un corps étranger.
Tout marcha bien tant que la malade n'alla pas à la garde-robe ; mais les matières dures qui étaient dans son rectum l'obligèrent à pousser avec tant de force que les parties cousues furent dé-chirées, et que beaucoup de matières sortirent par le vagin. Sauce-rotte recommença l'opération un mois plus tard, mais il eut le soin de couper le sphincter, de manière à rendre complète la division du périnée: la malade guérit. En pareil cas, nous pensons qu'il se-rait préférable de pratiquer la suture avec l'aiguille en spirale, de M. Colombat, et de fendre le sphincter en arrière, comme le re-commande M. Mercier. En agissant de cette manière, on peut es-pérer que les matières, ne trouvant plus d'obstacles pour sortir, s'échapperaient librement, et sans amener de déchirures dans les parties fixées par les sutures.
3° L'anaplastie ou Vèlytroplastie recto-vaginale (Pl. 69, fig. 4) est tout aussi applicable ici qu'aux fistules vésico-vaginales. M. Velpeau a eu l'occasion de l'appliquer en 1837, sur une dame qui, à-peu-près guérie, par M. Roux, d'une rupture du périnée, conservait néanmoins encore une perforation de la cloison. Il tailla un lambeau, long de 5 centimètres et large de 2 centimètres, à sa racine, dans l'épaisseur de la grande lèvre gauche. Un fil, passé au sommet de ce lambeau, servit à l'entraîner du vagin dans le rectum, à travers la fistule, et à le tenir ainsi fixé près de l'anus. Il se mortifia dans le tiers de son étendue, et ne contracta d'adhé-rences que par un de ses côtés ; si bien que la fistule n'en fut ré-trécie que d'un tiers.
S'il y avait une double fistule vésico-vaginale et recto-vaginale, on les traiterait l'une après l'autre, et non en même temps, vu l'impossibilité de pratiquer l'opération et d'en gouverner les suites à-la-fois sur les deux faces opposées du vagin. Le mieux serait de commencer par la cure de la fistule vésicale.
FISTULES ENTÉRO-VAGINALES.
Toutes les fois qu'une portion du tube intestinal, supérieure au rectum, vient s'ouvrir dans le vagin, et y verser les matières fé-cales, on dit qu'il y a fistule entéro-vaginale. Cette lésion, qui constitue une espèce d'anus contre nature, a été observée par M. Roux et par M. Casa-Mayor; l'un et l'autre ont tenté d'y re-médier par des procédés différens.
Procédé de M. Roux. Cbez la femme qui est. le sujet de cette observation, la fistule durait depuis plusieurs années. M. Roux ouvrit les parois abdominales, détacha l'intestin du vagin, et fit en sorte de l'invaginer dans le bout inférieur du gros intestin , et de l'y maintenir par la suture. Mais, la femme étant morte , on découvrit à l'autopsie qu'on avait introduit l'intestin invaginé dans le bout supérieur du gros intestin, au lieu de l'introduire dans le bout inférieur.
Procédé de M. Casa-Mayor. Il consiste dans l'application, avec les modifications convenables, de la méthode qu'employait Dupuytren, pour guérir les anus contre nature. L'instrument dont fit usage M. Casa-Mayor est une espèce de pince, à deux branches, terminées chacune par une plaque ovale, présen-tant des engrenages sur leur face interne, et dont le grand dia-mètre a 18 millimètres de longueur, et le petit 9 millimètres. L'une de ces branches fut introduite par le vagin dans l'intestin perforé, et l'autre parle rectum, jusqu'à ce que sa plaque fût ar-rivée au niveau de la première ; alors, on les articula à la ma-nière d'un forceps, on les rapprocha, et on leur donna le degré de constriction nécessaire, à l'aide d'une vis de rappel qui tra-versait leur partie externe. Ces branches sont tellement construi-tes que le périnée et la cloison recto-vaginale, qu'elles compren-nent entre elles, restent intactes lorsque les plaques sont aussi fortement serrées que possible l'une contre l'autre. Au bout de quelques jours, la partie des deux intestins, comprise entre les plaques, étant gangrenée, et ceux-ci ayant contracté des adhé-rences, on retira les branches ; les matières fécales reprirent en partie leur cours naturel, et l'on avait la plus grande espérance de voir la fistule vaginale s'oblitérer, lorsque la femme fit, dit-on, des imprudences qui amenèrent sa perte.
Malgré son insuccès, le procédé de M. Casa-Mayor mérite d'être pris en considération : il est mieux conçu , plus facile à exécuter , et infiniment moins dangereux que celui de M. Roux. Toutefois, s'il venait à réussir, il reste à savoir si, malgré la nou-velle voie ouverte aux matières fécales , l'ouverture anormale du vagin pourrait s'oblitérer.
En dehors de ces deux procédés on ne connaît actuellement contre ce genre d'affection que la méthode palliative.
TUMEURS DU VAGIN.
Le vagin peut devenir le siège de tumeurs de diverse nature. Ce sont des abcès , des tumeurs sanguines, des kystes, des can-cers , etc. Le procédé opératoire pour les enlever varie suivant la nature, le volume et le siège de la tumeur. Pelletan a guéri un kyste par une simple incision. M. Voilot (Gaz. méd. de 1835) a extirpé avec succès une tumeur très volumineuse qui s'était développée dans la paroi antérieure du vagin et s'avançait jus-qu'au devant de la vulve. Le même recueil contient l'observation d'une tumeur concrète développée dans la cloison vésico-vagi-nale qui a été enlevée par M. A. Bérard. M. Lisl'ranc (Arch. gèn., t. vu, p. 2^3)en a extirpé une autre qui ne tenait à la cloison recto-vaginale que par un pédicule. De semblables opérations ont été pratiquées par Sanson et M. Velpeau. Enfin on peut en-core extraire par le vagin des débris d'embryon résultant d'une grossesse extra-utérine. Nous en parlerons à l'article opération césarienne.
Diverses sortes de tumeurs venant d'autres organes, soit de l'abdomen ou du bassin, peuvent venir faire saillie dans le vagin. Ce sont des kystes de l'ovaire, des dépôts sanguins ou purulens, des tumeurs fibreuses, des hernies, et le fond de l'utérus lui-même , lorsqu'il est renversé, en arrière. On conçoit, par consé-quent , qu'avant de se décider à porter l'instrument tranchant sur ces tumeurs, il faut s'être assuré, par tous les moyens possibles, de leur nature et de leur étendue. Et lorsqu'elles appartiennent en totalité au vagin, il faut être bien certain que, pour les ex-traire, on ne sera pas obligé de pénétrer dans l'une des cavités voisines.
Ligature. Lorsque la tumeur est pédiculée on peut porter une ligature sur son pédicule, et la réséquer avec le bistouri ou les ci-seaux. Si le pédicule est trop large pour pouvoir être compris dans une seule ligature, on le divise, avec une aiguille, en plusieurs portions que l'on étrangle par autant de fils. La cautérisation plusieurs fois répétée, avec la potasse caustique ou le nitrate d'argent, pourra être employée contre les tumeurs érectiles, comme l'a fait une fois M. Laugier. \1 extirpation convient pour les tumeurs concrètes. Celles qui se développent sur les parties latérales du vagin sont plus faciles à enlever que les autres, parce qu'on peut les circonscrire entre deux ou trois incisions , et di-viser assez profondément sans craindre de pénétrer dans les réser-voirs voisins. Celles qui siègent sur la cloison recto-vaginale peuvent encore être enlevées avec sécurité, parce qu'on peut placer dans le rectum un doigt qui sert de guide pour ne pas aller trop profondément. Mais , sur la cloison vésico-vaginale , comme on ne peut pas introduire un doigt dans la vessie, il est plus difficile de se guider , et l'on a besoin d'agir avec la plus grande circonspection pour ne pas pénétrer dans le réservoir de l'urine. En général l'hémorrhagie n'est pas à redouter; et s'il s'écoulait un pende sang, les astringens, la compression avec de la charpie, et même, au besoin, la cautérisation, l'arrê-teraient promptement.
Parmi les tumeurs qui se développent en dehors des parois du vagin , il en est quelques-unes qui peuvent être extirpées avec succès. On trouve dans les Annales de littérature médicale étrangère, t. vi, p. 545 , un fait curieux , chez une femme sur le point d'accoucher, où l'opération fut couronnée d'un plein suc-cès pour l'enfant et pour la mère. La tumeur formée sur le li-gament sacro-sciatique droit, occupait si complètement la cavité du bassin qu'on ne pouvait introduire qu'un doigt entre elle et le pubis , et qu'on eut beaucoup de peine à atteindre la tête de l'enfant, quoique la femme eût été en travail pendant deux jours, avant cette exploration. On ne pouvait que. choisir entre l'enlè-vement de la tumeur et l'opération césarienne , car il n'y avait pas lieu de songer à l'embryotomie; on se décida pour l'extir-pation qui fut pratiquée de la manière suivante.
On découvrit la tumeur par une incision faite à droite entre la tubérosité de l'ischion d'une part, Eanus et le périnée d'autre part, et dirigée vers le coccyx; on détacha la tumeur avec les doigts, et on parvint à l'enlever. La tête de l'enfant descendit
dans l'excavation, d'où on la retira avec le forceps. L'enfant était vivant, et la mère se rétablit heureusement. »Burns rapporte un fait semblable où l'opération eut également du succès (Princ. oj midwift', p. 34).
Enfin le vagin peut encore devenir le siège de diverses tumeurs qui nécessitent plus ou moins le secours de la chirurgie. Telles sont les tumeurs formées par les hernies île la vessie, et du rectum par le renversement du vagin et la descente de l'utérus.
Cystocèle et rectoccle vaginaux. Fréquemment confondues avec le renversement du vagin, ces deux espèces de hernies peuvent, dans les cas ordinaires, être réduites et contenues par des pessaires. Mais dans quelques cas ces moyens sont inappli-cables et, par exemple, si le cystocèle est très volumineux, envahit la vidve, et vient faire saillie au-dessous, comme on en a observé des exemples , et qu'on n'ait pas pris la précaution de le réduire et de le maintenir réduit pendant l'accouchement, ou peut re-douter sa compression par la tète de l'enfant contre le cercle pelvien , et par suite sa rupture. Quoique M. Guillemot dise UDict. des Etudes méd. art. Dystocie) qu'il n'a rencontré aucun cas où le cathétérisme ait été impossible, il conseille, si cela se ren-contrait, d'avoir recours à la ponction de la vessie, à la partie antérieure de la tumeur, avec un trocart, et, après la sortie de l'urine , de maintenir la sonde dans la vessie, afin de prévenir le retour de la hernie jusqu'à ce que la tête soit arrivée au détroit périnéal. Les autres opérations qu'on a proposées étant les mêmes que celles qu'on a recommandées depuis quelque temps contre le renversement du vagin, et la descente de l'utérus, nous renvoyons à ce qui en est dit plus loin.
RENVERSEMENT DU VAGIN.
Chélius admet deux sortes de renversemens : l'un formé au dépens de la membrane interne seulement, et l'autre aux dépens de toutes les membranes du vagin. Dans le premier cas, l'utérus peut ne pas changer de place ; mais la chute de toutes les mem-branes du vagin entraîne toujours celle de l'utérus.
La chute du vagin peut être complète ou incomplète. Elle est complète si le vagin s'abaisse dans toute sa circonférence , et in-complète s'il n'y a qu'une partie de l'une de ses parois qui soit relâchée. La chute complète est la plus fréquente. Il est facile de remédier à la chute du vagin lorsqu'elle est récente et peu étendue, mais, lorsqu'elle est ancienne et considérable, il est dif-ficile de la guérir.
Traitement. Réduction. Elle se compose de deux temps : ré-duire la tumeur, puis la maintenir réduite. En général, cpiand l'affection est récente , il est facile de refouler les parties renver-sées ; il suffit de faire coucher la femme sur le dos, le siège élevé, et de repousser la hernie avec l'indicateur, enduit d'un corps gras. Mais, lorsque le renversement est ancien et considérable, on éprouve plus de difficulté pour le réduire à cause de la tumé-faction , de l'engorgement ou de l'endurcissement des parois du vagin. Avant de tenter la réduction , on est souvent obligé d'avoir recours aux bains tièdes , aux fomentations émol-lientes, et au décubitus prolongé, encore ne réussit-on pas toujours. La position horizontale seule peut quelquefois suf-fire. D'après Hoin et Levret, dans un cas de chute du vagin , où la tumeur faisait une saillie de 7 pouces, on parvint telle-ment à diminuer son volume, en maintenant la malade conti-nuellement couchée sur le dos, qu'au bout d'un mois on put tout faire rentrer.
Pour maintenir la réduction, on emploie trois ordres de moyens: des injections, des pessaires ou des opérations particu-lières. Les injections seront astringentes ou toniques toutes les fois que la muqueuse sera flasque et relâchée. Les bains froids et les bains de mer sont aussi recommandés dans ce cas. Aux pessaires, dont nous parlerons plus loin, Chélius préfère, avec raison, l'emploi de sachets remplis desubstancesastringentesou cl'é-ponges chargées de liquides de la même nature. Restent les opéra-tions qui consistent dans l'excision des tégumens et delà muqueuse vaginale; celle de la muqueuse seule et la suture vagino-rectale.
10 Excision des tégumens.—Procédé de Dieffenbach. Voyant que tous les moyens précédensn'amenaient presque jamais la gué-rison , M. Dieffenbach résolut d'appliquer à la chute du vagin l'opération que Dupuytren avait pratiquée avec succès pour la chute du rectum. Après avoir réduit l'organe, il excisa, avec une pince et de forts ciseaux, les plis relâchés de la muqueuse de la face interne des grandes lèvres et de la peau du périnée, en ayant le soin de les faire tous converger vers le centre du vagin.
Des lotions, et l'application de charpie sèche, renouvelée cha-que jour, suffirent comme pansement; après la cicatrisation, l'o-rifice du vagin se trouva avoir acquis assez de rigidité et de résis-tance pour contenir les parties qui avaient coutume de sortir. Plusieurs fois, depuis Dieffenbach, on a mis en usage son procédé avec succès. Toutefois, il est à craindre que le coït, trop fréquem-ment répété, et surtout un nouvel accouchement, ne ramènent les choses dans le premier état.
a" Excision de la muqueuse vaginale. Il consiste à enlever, avec le bistouri et des pinces, un large lambeau de la membrane muqueuse du vagin, soit dans tout le contour de son orifice, soit dans le segment ou la cavité de la membrane est la plus pro-noncée. Dans divers cas d'opération, la forme du lambeau était elliptique (Marshall, Heming), quadrilatère (Ireland), ou formait une bande longitudinale (Marshall). L'opération terminée, on réunit immédiatement la plaie par la suture. Les auteurs de ce procédé l'ont employé avec succès. Il a probablement agi en con-densant le tissu cellulaire sous-jacent à la muqueuse, et en faisant contracter à celle-ci des adhérences plus fortes que celles qu'elle avait auparavant.
Suture vagino-rectale. Ce procédé fut imaginé et employé avec succès, dans un cas, au dire de son auteur, M. Dufresse-Chas-saigne, qui nous l'a communiqué. Il consiste à réduire la des-cente du vagin, et à la maintenir réduite par plusieurs points de suture simple, qui traversent du vagin clans le rectum; la manière de les placer se comprend assez pour que nous n'ayons pas be-soin d'insister sur ce point. Au bout de cinq à six jours, le tissu cellulaire des parties traversées par les fils, s'était suffisamment condensé pour que l'opérateur ait pu retirer les anses, sans crainte de voir la chute se reproduire. M. Dufresse pense que l'on pour-rait également, au besoin,faire porter la suture par la vessiecomme par le rectum, de manière à fixer, en même temps, la muqueuse sur les deux cloisons. L'opérée doit non-seulement garder la po-sition horizontale pendant tout le temps que les fils restent ap-pliqués, mais encore pendant plusieurs jours après qu'ils ont été retirés.
Ce procédé nous parait devoir suppléer avantageusement ceux
île MM. Dieffenbach, Marshall et Heming, d'autant plus qu'il peut aussi bien s'appliquer à la chute delà totalité du vagin qu'à celle de la muqueuse seule.
Extirpation. Lorsque la tumeur existe depuis long-temps, et que la réduction en est impossible, par suite d'une dégénéres-cence, Richter a proposé d'extirper une partie ou la totalité de la tunique interne du vagin, soit en l'excisant avec l'instrument tranchant, soit en la faisant tomber avec la ligature, lorsqu'elle est gangrenée. Dans ce dernier cas, Sabatier conseillait de laisser les parties gangrenées tomber d'elles-mêmes, en employant les moyens propres à borner la gangrène. Toutefois, M. A. Bérard a pratiqué une fois l'extirpation avec le bistouri. En pareil cas, dit M. Velpeau, il est difficile d'acquérir la certitude que le vagin seul est tombé, et que l'utérus n'est pas compris dans la masse; en sorte que l'opération ne laisserait pas que d'offrir de graves dangers.
CHUTE OU DESCENTE DE L'UTÉRUS.
Ea descente de la matrice offre plusieurs degrés : dans le pre-mier degré, il n'y a qu'abaissement; dans le second degré, il y a descente de l'organe, le museau de tanche vient faire saillie à la vulve, et la moitié supérieure du vagin est retournée sur elle-même, comme un doigt de gant; dans le troisième degré, il y a prolapsus complet, le viscère a franchi la vulve, et pend entre les cuisses, recouvert par le vagin tout-à-fait retourné, et con-tenant d'abord, au moment de la chute, la matrice et ses annexes, puis souvent, plus tard, le rectum et la vessie.
Lorsque le prolapsus existe, quel que soit son degré, il faut en rechercher la cause, et tâcher d'y remédier, parce que, s'il est lé-ger et qu'on l'abandonne à lui-même, il ne fait qu'augmenter, et s'il arrive au second et troisième degré, il cause, chez la plupart des femmes qui en sont atteintes, des dérangemens fonctionnels, plus ou moins graves. Pour le combattre, il y a deux indications principales à remplir. La première consiste à remettre l'organe dans sa position naturelle, et la seconde à l'y maintenir.
Réduction. Tant que l'utérus n'a pas franchi la vulve, et n'a pas contracté d'adhérences avec les parties environnantes, il est facile de le réduire : il suffit d'agir comme nous l'avons dit dans l'article précédent, pour le vagin. Lorsque la descente de la matrice est complète, et que cet organe a franchi la vulve, la réduction est toujours beaucoup plus difficile que dans le cas précédent, lors même qu'il n'y a aucune complication, et quelquefois elle est impossible.
Avant de rien tenter, il est essentiel de voir s'il n'existe pas de contre-indications qu'il faudrait d'abord faire disparaître. Si, par exemple, la tumeur était enflammée, tuméfiée, douloureuse, et donnait lieu à de la fièvre, il faudrait d'abord combattre cet état par les saignées, les bains, les émolliens, le régime et le repos. Mais s'il n'y avait qu'un écoulement blanc, et quelques excoria-tions sur l'organe, comme ils sont le résultat du prolapsus lui-même, le meilleur moyen de les combattre serait la réduction.
Manuel opératoire. Après avoir vidé le rectum et la vessie, la femme étant placée sur le dos, le siège plus élevé que les épaules, on saisit la tumeur avec la main droite, bien graissée, puis on lui fait subir quelques légers mouvemens de rotation, d'abaissement et d'élévation, pour la dégager de sa position et la disposer à se mouvoir. Alors, pendant qu'avec l'autre main on écarte les gran-des lèvres, afin qu'elles ne mettent pas d'obstacle à la rentrée de la tumeur, on refoule celle-ci dans l'intérieur du bassin, en la dirigeant suivant l'axe du détroit inférieur, et un peu vers la partie postérieure de la vulve dont les tissus sont plus souples qu'en avant. Quelques chirurgiens recommandent delà saisir avec un linge enduit île cérat, plutôt qu'avec la main nue, etde la com-primer doucement avec les doigts. De quelque manière qu'on s'y prenne, aussitôt que le fond de la matrice est rentré, l'autre par-tie se réduit sans peine.
Si la chute était ancienne, et si les parties durcies et engorgées ne cédaient pas à un taxis convenablement prolongé, il vaudrait mieux abandonner les parties à elles-mêmes pour y revenir plus tard, lorsqu'on aurait diminué leur état de congestion, que de s'exposer, par des manœuvres inconsidérées, à faire naître une inflammation dans les organes prolapsés. Il existe cependant un assez grand nombre d'observations qui prouvent qu'on peut ten-ter avec succès la réduction des hystéroptoses les plus anciennes et les plus volumineuses; Saviard, Mauriceau, Hoin, Sabatier, etc., en ont consigné dans leurs écrits. On lit dans les Bulletins de la Faculté de médecine, i8i5, n" 4, que MM. Léveillé et Bobe-Mo-reau ont rendu réductible un prolapsus ancien, au moyen de la compression exercée par un bandage en doloire ; mais il vaudra toujours mieux agir avec lenteur.
Lorsque les chutes surviennent pendant la grossesse , on peut encore tenter la réduction jusqu'après le troisième mois; elle est alors d'autant plus facile, qu'on opère plus tôt. A une époque plus avancée de la gestation , il ne serait pas prudent d'essayer cette tentative. De deux choses l'une, ou il faut attendre le terme, ou tout au moins que l'enfant soit viable, et terminer l'accouche-ment en dilatant le col avec la main, ainsi que l'ont fait Marigues, de Versailles, et M. Capuron, ou bien il faut vider immédiatement la matrice , et en opérer la réduction. Lorsqu'on attend, sans ré-duire, que le terme de l'accouchement arrive, on doit soutenir la matrice avec un bandage approprié. Si le prolapsus survenait pendant l'accouchement, il faudrait terminer celui-ci le plus promptement possible par les moyens connus, et agir ensuite comme dans le cas précédent.
Fixation de l'utérus. Les moyens proposés pour maintenir la réduction sont généraux ou locaux ; parmi ces derniers, les uns ont pour but de guérir radicalement le prolapsus, et les autres de le contenir. Pour obtenir la cure radicale, on a tenté de rétrécir artificiellement le vagin par la cautérisation, l'excision ou la su-ture , et parle rétrécissement de la vulve.
1" Cautérisation. M. R. Gérardin paraît être le premier qui en ait exprimé l'idée dans deux mémoires, l'un adressé en i8a3 à la Société médicale de Metz, et l'autre présenté en 1824 à l'Acadé-mie de médecine de Paris.
M. Laugier l'a pratiquée en i833 avec le nitrate acide de mer-cure; son but était d'obtenir une coarctation circulaire du vagin, d'après le conseil donné par M. Gérardin, et que celui-ci avait conçu en imitation de l'effet produit par un pessaire. M. Velpeau, en i835, mit en usage le fer rouge. Une seconde tentative du même genre a été faite par M. Jobert. Ces chirurgiens, en cautérisant plusieurs rubans de la cavité vaginale, dans toute sa longueur , depuis la vulve jusqu'au voisinage du col utérin , avaient eu pour but d'obtenir, par la suppuration, un tissu modu-laire assez solide pour fixer le vagin aux parties voisines. Pour
pratiquer l'opération on place, dans le vagin, un spéculum brisé ou un spéculum grillé de Dugès , et on touche la muqueuse avec un pinceau imprégné de caustique, ou bien avec un cautère en roseau , en avant, en arrière et sur les cotés. Si on voulait réité-rer cette opération , on devrait se rappeler qu'il faut cautériser moins fort en avant , en arrière et dans le fond de l'organe, que sur les côtés , à cause du voisinage de la vessie , du rectum et du cul-de-sac du péritoine, Lorsque les eschares sont tombées, on doit se borner à des soins de propreté , et à faire garder le repos à la femme jusqu'à ce que les ulcérations, qui succèdent à la chute des eschares soient cicatrisées. Jusqu'ici cette méthode n'a produit aucun bon résultat connu. Les malades, traitées par MM. Laugier, Velpeau et Jobert, ont bientôt vu reparaître leur infirmité au même degré qu'avant l'opération.
2" Excision. Proposée et exécutée en i832 par M. Heming, renouvelée en 1 83/j par M. Ireland , en ih35 par MM. Bérard et Velpeau, cette opération consiste à enlever le long du vagin des bandelettes muqueuses plus ou moins larges, et à réunir les lèvres de la plaie qui en résulte par la suture.
Procédé de M. Ireland. Il recommande de détacher les bande-lettes , dont nous avons parlé, sur les côtés du vagin, et de leur donner 27 millimètres (1 pouce) de largeur, sur 8 centimètres (3 p.) de longueur. Les malades, que M. Bérard a opérées de cette manière ont d'abord paru guéries, mais bientôt il y a eu rechute.
Procédé de M. Velpeau. L'affection dont il s'agit étant fré-quemment accompagnée de cystocèleou de rectocèle et de l'hy-pertrophie des parois du vagin, ce chirurgien, pensant pouvoir remédier en même temps aux deux premières affections, préféra exciser desbandelettes muqueuses sur la paroi antérieure et sur la paroi postérieure du vagin, et afin de rendre l'excision et la su-ture plus faciles, il commença par placer les fils à la base du pli à enlever. Pour exécuter ces manoeuvres , la femme étant placée sur le dos, il accroche le plus haut possible la crête mé-diane postérieure du vagin avec une érigne, pendant qu'un aide en soulève de la même façon l'extrémité périnéale; confiant alors les érignes à l'aide, il porte son doigt indicateur gauche dans le rectum pour surveiller et diriger le passage de l'aiguille courbe, avec laquelle il place ainsi trois ou quatre fils doubles au travers de la base du pli vaginal, en commençant par le plus élevé. Pendant qu'un autre aide maintient ces fils étalés, le chirurgien, avec un bistouri, détache le pli sur les côtés, puis de haut en bas, à 6 ou 7 millimètres (3 lignes) en dedans des fils. La même opé-ration est recommencée sur la ligne médiane antérieure. M. Vel-peau termine en nouant les fils séparément, coupant l'un des chefs sur le nœud, et ramenant l'autre dans le pli de l'aine où il l'assujettit avec une bandelette agglutinative. Au bout de huit ou dix jours, la réunion étant faite , il enlève les sutures. Chez deux malades opérées de la sorte, la maladie a paru guérir d'abord, mais a récidivé après un à trois mois.
M. Malgaigne a également tenté sans succès l'excision de la demi-circonférence de l'orifice vaginal et sa réunion immédiate par la suture; mais un écoulement blanc a détruit tout l'effet des sutures qui avaient été appliquées sur la demi-circonférence postérieure. Ainsi donc, puisque l'excision, jusqu'à présent, n'a jamais réussi d'une manière positive, quoiqu'elle ait été suf-fisamment expérimentée, il est à craindre qu'elle ne réussisse pas mieux à l'avenir. t. vu.
Etranglement par suture. On lit dans les Annales universelle, de médecine, î836, que M. Bellini, chirurgien italien, Ta fait' de la manière suivante : « On pratique, sur un côté du vagin. « une série ou bien deux séries de points de suture , de manière « à faire un ou deux U à coulisse, depuis la vulve jusque sur « leseóles du col utérin prolapso ; en resserrant la coulisse on « étrangle et on mortifie une partie du vagin , d'où résulte un « resserrement de ce canal capable d'empêcher la descente de l'u-« térus. » Cette ligature doit être fort difficile à appliquer, très douloureuse, et incapable de donner de meilleurs résultats que les méthodes précédentes. On ne cite aucune guérison en sa fa-veur.
Pétrécisse/nenl de la vulve ou épisioraphie. M. Fricke de Ham-bourg , pensant qu'il serait plus facile et plus sûr de remédier aux descentes de matrice par ce moyen que parles autres, est le premier qui en ait fait l'application. Il commence par aviver les deux tiers postérieurs de la vulve par excision des tissus, puis il les réunit par quelques points de suture simple. Il en résulte une espèce de prolongation du périnée en avant. M.Fricke recom-mande de laisser une petite ouverture entre la suture et l'angle postérieur de la vulve, et une autre plus grande en avant, afin de laisser une libre issue aux liquides et de pouvoir plus tard rétablir la vulve dans son état primitif. Il pense que la réunion qui en résulte doit former une barrière assez forte pour s'oppo-ser à la sortie de la matrice [Gazette méd., 1835 , p. 249). En 1835 , M. Fricke a écrit à M. Velpeau qu'il avait déjà applique son procédé douze fois, et toujours avec succès. D'autres chirur-giens, M.Knorre et M. Loscher, prétendent également avoir réussi [Gazette méd., i83q), « mais^dit de cette méthode M. Velpeau, « si elle n'a point échoué entre les mains de M. Fricke, à Harn-ee bourg, je suis forcé d'avouer qu'une malade opérée par lui « dans ma division, à la Charité, en 18Í7 , n'a point été guérie, « et que l'une des deux malades que j'y ai soumises n'en a re-ce tiré aucun fruit non plus ( Méd. opérât., t. iv, p. 366 ). » Il paraît aussi que la guérison ne s'est pas maintenue chez plu-sieurs des opérées de M. Fricke.
Au total, ce moyen n'a pas donné, jusqu'ici, d'aussi bons ré-sultats qu'on l'avait espéré. D'ailleurs à supposer qu'il réussit, on ne pourrait remédier qu'à la sortie de la matrice hors de la vulve, et réduire le troisième degré du prolapsus au deuxième, c qui n'empêcherait pas l'utérus de peser sur le rectum et sur la vessie, et la femme d'être dans un état encore très fatigant. En-fin , comme , suivant M. Fricke, cette réunion ne doit être que temporaire, il est à croire que, après la destruction de la cicatrice, l'organe à l'état de prolapsus recommencerait bientôt à sortir de la vulve.
Oblitération du vagin. M. R. Gérardin a proposé d'oblitérer le vagin. Pour cela il conseille d'aviver son orifice dans toute sa cir-conférence et dans l'étendue de 4 centimètres ; puis de réunir à l'aide de la position et de la compression. Cette méthode, qui est encore à l'état de proposition , car elle n'a jamais été exécutée , ne pourrait être tentée qu'après la cessation des règles. Comme opération, on peut, croire qu'elle réussirait, mais il est aussi probable qu'elle n'aurait pas plus d'action sur le prolapsus que celle île M. Fricke, et qu'elle aurait de moins l'avantage de ne pouvoir pas être pratiquée à tous les âges.
En résumé, de toutes les opérations que nous venons de passer en revue , aucune ne donne un résultat satisfaisant ; toutes
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laissent récidiver la maladie au bout d'un temps fort court, et aucune n'est exempte de dangers. L'épisioraphie elle-même, lors-qu'on veut y réfléchir, ne peut rigoureusement avoir d'autre ré-sultat que de retenir l'utérus dans le vagin; car elle n'allonge pas réellement le périnée dans toute son épaisseur, mais seulement sa surface extérieure. Pour bien faire, il faudrait pouvoir augmenter la courbure postérieure du vagin , en même temps qu'on allon-gerait le périnée. On sait, eu effet, que les déchirures du pé-rinée, en diminuant cette courbure, amènent souvent la maladie dont il s'agit, et qu'on en triomphe en remettant, par la suture, les parties dans l'état où elles étaient avant la déchirure. Il s'agi-rait donc de considérer un grand nombre de femmes atteintes de prolapsus, comme si elles étaient dans le cas de celles qui ont le périnée déchiré, et de chercher à y remédier par l'allongement de celui-ci. Pour cela M. Dufresse a imaginé un procédé qui tien-draitle milieu entre celui de M.Velpeau et celui de M. Malgaigne, c'est-à-dire qu'au lieu d'exciser comme le premier, une bandelette quadrilatère dans toute la longueur de la paroi postérieure du va-gin, ou de n'exciser, comme le second, que la demi-circonférence postérieure de l'orifice vaginal, on circonscrirait, sur la cloison recto-vaginale, un lambeau de la muqueuse ayant la forme d'un triangle isocèle dont le sommet, correspondant à la ligne mé-diane, serait placé à 7 ou 8 centimètres de l'orifice vaginal, etdont la base, correspondant à cet orifice, aurait 4 centimètres d'éten-due, ou plus, si on le jugeait nécessaire. Ce lambeau étant détaché, on ferait la réunion de toute la surface saignante par la suture enchevillée. Dans l'opinion de l'auteur, après la cicatrice, le nouveau périnée aurait 1 ou 3 centimètres de plus que l'ancien, la moitié antérieure du vagin serait seule rélrécie, et sa paroi posté-rieure, qui irait en s'élevant graduellement depuis le sommet du triangle jusqu'à la vulve, soutiendrait l'utérus, et ne lui permet-trait peut-être pas de glisser sur elle , comme dans les cas précé-dens. Ce procédé n'ayant jamais été appliqué sur le vivant, n'a encore, de même que le précédent, qu'une valeur de proposition.
PESSAIRES.
Le nom pessaire ( de ™™ii-, retenir, tenir en place) s'ap-plique à des instrumens particuliers, de substances diverses et déformes variées, qu'on introduit dans le vagin pour soutenir cet organe, en empêcher le renversement, s'opposer à la descente ou à la rétroversion de l'utérus, contenir le rectocèle ou le cys-tocèle; en un mot, pour prévenir tous les déplacemens et les déviations des organes génito-urinaires de la femme.
Le pessaire, n'étant qu'un moyen mécanique grossier, a été connu de tout temps. L'histoire de l'art nous apprend que les Egyptiens, les Grecs , les Romains et les Arabes en faisaient un fréquent usage. La matière et la forme de ces instrumens ont beau" coup varié. Anciennement on employait, pour leur confection , du linge roulé , du chanvre , de la laine, des éponges, des sachets remplis de tan , etc. , ou de substances diverses. Albucasis s'est servi, dans le même but, d'une vessie de brebis insufflée. A une époque plus rapprochée de nous, on a fait des pessaires plus durs, avec le buis, la corne, l'ivoire, le liège, le cuir, etc.; puis les mé-taux, l'or, l'argent, le cuivre, le plomb et l'étain , ont été mis en usage. Parmi ces substances les unes étant trop lourdes , les autres trop facilement altérables par les humidités du vagin, on chercha à leur en substituer d'autres. La cire, employée seule, devenait trop molle par la chaleur des parties , et le pessaire se déformait; unie à la résine elle devenait trop friable. Le liège, excellent à cause de sa légèreté, mais trop poreux, se corrompait, se brisait ou s'incrustait de matières pierreuses , ce qui rendait souvent son extraction indispensable, ainsi que Sabatier et de La Motte en rapportent des observations. On tenta d'y remédier en le recouvrant d'une couche de cire vierge ; mais celle-ci, bien-tôt détruite , laissait au liège tous ses inconvéniens. Ayant égale-ment rejeté les métaux , à cause de leur poids et de leur facilité à s'oxider, surtout vers leurs soudures, ce qui pouvait occasion-ner des accidens fâcheux , comme Morand en cite un exemple dans ses opuscules de chirurgie, on a fini par avoir recours au caoutchouc en lime ou en solution.
Ces pessaires sont constitués , comme les sondes, par un tissu de fil de soie, de laine ou de coton , recouvert de plusieurs cou-ches d'une dissolution de gomme élastique. La surface de cet en-duit , quand il est sec , est très lisse et très polie, et permet à l'in-strument de glisser le long des parois du vagin sans les blesser. Ces pessaires, quoique meilleurs que tous ceux dont nous venons de parler, manquent cependant de souplesse , et doivent être re-tirés des parties, et nettoyés assez souvent pour éviter qu'ils ne se couvrent d'une incrustation calcaire. Madame Rondet, sage-femme , est une des premières qui ait employé le caoutchouc , soutenu intérieurement par un ressort circulaire très mince et environné de crin ; elle en a aussi fait fabriquer dont la cavité est seulement distendue par de l'air insufflé. MM. Leroy (d'E-tiolles), Rognetfa, Hervez de Chégoin, et plusieurs autres chi-rurgiens, ont employé le caoutchouc naturel, sous forme de feuilles qu'ils ont appliquées sur des moules plus ou moins souples et plus ou moins élastiques. Enfin l'ivoire, rendu flexible par les procédés de MM. D'Arcet et Charrière, réunit à un haut degré les qualités nécessaires à la confection des pessaires, c'est-à-dire la souplesse à la solidité, et de plus la propriété de n'être pas facile-ment altérés par les sécrétions vaginales.
Formes générales des pessaires. Il serait difficile de les dé-crire toutes: il y en a de ronds, d'ovales, de cylindriques, en huit de chiffre ou en gimblette, en bilboquet, en croissant, à cuvette, à tige , à ressort, en bondon , en sablier, en champi-gnon, etc. Avant d'entrer dans plus de détails à ce sujet, il est important d'indiquer quelques règles générales sur la manière de les poser.
Application des pessaires. Lorsque la tumeur est réduite, le choix du pessaire étant fait, on l'enduit d'un corps gras, on écarte avec les doigts de la main gauche les lèvres de la vulve, à la-quelle on le présente de champ et de façon que son petit dia-mètre corresponde au plus grand diamètre de l'orifice vaginal ; puis on l'enfonce lentement, de bas en haut et d'avant en arrière, en déprimant la commissure postérieure de la vulve. Lorsqu'il est arrivé dans le vagin , on continue à le pousser suivant l'axe du détroit inférieur , jusqu'à ce qu'il soit arrivé à la hauteur né-cessaire ; alors on le dispose de façon qu'il écarte les parois du vagin, que le col de l'utérus porte sur ses dépressions et sur ses ouvertures, et qu'il soit solidement assujetti soit par le vagin, soit par les tubérosités sciatiques. Avant de retirer le doigt, il est con-venable de lui faire parcourir la circonférence du pessaire pour effacer les plis qui pourraient s'être formés au-dessus.
Parmi les pessaires les uns ont été appelés vaginaux et les autres utérins; mais cette distinction n'est pas bien fondée, car ils sont tous à-peu-près employés indifféremment à soutenir, sui-vant le besoin, soit l'utérus soit le vagin ou tous les deux.
i* Pessaires ronds. Légèrement aplatis sur leurs laces dépri-mées , percés d'un trou à leur centre, et de diamètre variable (pl. 72 , f. 6), ces pessaires, une fois parvenus dans le vagin , doivent être ramenés à la position horizontale par un mouvement de bascule qu'on produit en attachant à leur bord , avant de les introduire, un petit ruban sur lequel on tire avec la main gauche tandis qu'on repousse le bord opposé avec les doigts de la main droite; puis le doigt indicateur, introduit dans leur ouverture centrale, cherche à ramener le col dans leur cavité.
1" Pessaires ovales. Exactement construits comme les précé-dens, mais plus longs dans un sens que dans l'autre, on les pose de la même manière, mais ils sont très peu employés , parce qu'ils se déplacent facilement, et distendent trop le vagin dans le sens de leur grand diamètre. En outre, si ce dernier est dirigé d'arrière en avant, il comprime douloureusement le rectum et la vessie.
3" Pessaires en huit de chiffre. Ils ont été inventés par Brü-ninghausen. D'après leur forme que leur nom indique assez, on conçoit qu'ils se placent comme les précédens , et présentent les mêmes inconvéniens que les ovales.
4° Pessaires à cuvette. Us ne diffèrent des ronds qu'en ce que l'une de leurs faces est convexe, et ils s'introduisent comme ces derniers ; lorsqu'ils sont en place, leur convexité est tournée en bas , tandis que leur concavité reçoit le col utérin.
5° Pessaires à tige et en bilboquet (pl. 72, fig. 7 et 9). On les construit en ivoire ou en caoutchouc. Imaginés par Suret, ils sont constitués par une cuvette à bords épais et arrondis, percée au fond de trois ouvertures , d'où append une queue implantée par trois racines sur la surface convexe, dans ceux en bilboquet, et par une seule racine creuse dans toute son étendue, dans ceux à tige. Dans les deux espèces , la queue est percée à son extrémité externe pour recevoir des cordons destinés à le soutenir et à le fixer, qui viennent à s'attacher à un bandage enT, lacé autour du corps. Désormeaux s'étant aperçu que les fluides sécrétés s'ac-cumulaient dans la cuvette, et ne pouvaient pas toujours s'échap-per par les trous dont le fond est percé, crut remédier à cet inconvénient en rendant la tige creuse dans toute son éten-due; mais, malgré cette amélioration, il arrive encore sou-vent que ces fluides ne peuvent sortir, et s'accumulent dans la cupule. Il est vrai qu'alors on peut faire des injections à travers le tube , et le débarrasser plus facilement que si la tige était pleine.
Au lieu d'une cuvette percée de trois trous à son fond, E. Beaulieu se servait d'un pessaire en bilboquet composé d'un cercle d'argent soutenu par une fourche à trois branches, entre lesquelles il y avait des espaces suffisans pour permettre aux fluides de s'écouler.
Pour placer ce pessaire, il faut présenter le bord de la cuvette à l'orifice vaginal, et lorsqu'il y a pénétré, l'enfoncer peu-à-peu, et redresser la cuvette, soit en pressant sur la queue, soit en poussant sur le bord opposé ; une fois que le pessaire est placé convenablement, on le fixe comme nous l'avons dit. Ce pessaire vacille facilement, sa cuvette bascule en arrière, et toute la cir-conférence de son bord va s'appliquer contre la paroi postérieure du vagin. Différens moyens ont été imaginés pour éviter cet in-convénient, mais sans grand succès. Dugès voulait que la tige fût oblique surleplan de la cuvette, suivant la direction du vagin, de manière à en suivre les mouvemens ; cette modification ne re-médie à rien. Désormeaux avait proposé de fixer la queue dans le vagin, au-dessus du coccyx, mais on a craint, avec raison, que celte extrémité ne perforât le rectum. Depuis, on a pensé qu'on assujettirait mieux la tige en y plaçant un troisième cordon cpii irait s'attacher en arrière. D'autres enfin préfèrent la fixer au moyen d'une plaqueconcave, longue de 10 à 11 centimètres, s'a-daptant parfaitement au périnée, présentant un trou pour rece-voir la tige, et quatre autres trous à ses angles pour recevoir des cordons ou des courrois qui vont s'attacher devant et derrière à une ceinture hypogastrique. Ce pessaire a été appliqué une fois avec succès par M. Àmussat (Pl. 71, fig. 2 et 3).
6" Pessaire à ressort. Saviard, trouvant que la plupart des pes-saires ne pouvaient s'adapter à tous les cas, avait inventé un ap-pareil qui consiste en un ressort courbe, fixé sur l'hypogastre, à une ceinture par une de ses extrémités, tandis que l'autre, sur-montée d'un coussinet, se recourbait pour entrer dans le vagin, et pour soutenir l'utérus. Boyer, puis M. Villermé, employaient, un appareil analogue à celui de Saviard : celui de M. Villermé, en forme de crochet, dont la queue est fixée à une ceinture hy-pogastrique, porte à l'autre bout une cuvette concave, qui doit pénétrer clans le vagin et soutenir la matrice. Les pessaires de ce genre ont moins d'inconvéniens que les autres, car, prenant leur point d'appui en dehors du vagin, ils peuvent soutenir plus effi-cacement les organes.
70 Pessaire en spirale. M. Deleau, voyant que les pessaires or-dinaires étaient fort sujets à sortir des organes génitaux, imagina de recouvrir de gomme élastique un ressort contourné en spirale dont le sommet ou le premier anneau est fixe, tandis que le dernier, qui forme la base, est libre, et peut être rapetissé par la pression. Lorsqu'on veut le placer, on réduit sa base en le com-primant, on le monte sur la tète d'un mandrin, on l'introduit de façon cpie le bout le plus étroit soit en haut, et on l'abandonne à lui-même. Alors, il s'élargit, et, par suite de son élasticité, il se moule sur le vagin, sans pouvoir se déplacer. Mais, en faisant supporter au canal une distension continue, il finit par le fati-guer, et par devenir difficile à supporter.
Les pessaires dont nous venons de parler sont destinés seule-ment à soutenir la matrice* c'est pour cela qu'on les a appelés utérins ; mais, à l'exception deceux à ressort, ils sont presque tou-jours insuffisans, lorsque le vagin est renversé en même temps que l'utérus. Aussi, en a-t-on imaginé d'autres, qui ont pour usage de soutenir les deux organes en même temps et les her-nies qui se font dans le vagin, et qu'on appelle, par cette raison, pessaires vaginaux.
8° Pessaires en bondon (pl. 72, fig. 4). Us ontla formed'un cône allongé, à sommet tronqué, de 10 à 11 centimètres de longueur, d'un diamètre assez considérable pour remplir le vagin, et creux dans toute leur longueur. On les fabrique en caoutchouc. Pour les placer, on les présente à la vulve par leur extrémité la plus large, en ayant soin de l'aplatir entre les doigts pour qu'ils pénètrent plus facilement.
9° Pessaires éljtroïdes. Inventés par M.Cloquet, ils sont formés de caoutchouc, légèrement aplatis dans le sens antéro-postérieur, concaves en avant et convexes en arrière, afin qu'ils puissent s'ac-
commoder à la forme du vagin, de la vessie et du rectum. Leur extrémité supérieure présente une cuvette ovale, dont le grand diamètre est dirigé transversalement, et l'inférieure se termine sur les côtés par un angle arrondi, qui prend un point d'appui sur les parties latérales du vagin, un peu au-dessus des grandes lèvres. Ils sont percés dans toute leur longueur pour donner un écoulement aux règles et aux mucosités, et permettre aussi de les nettoyer par des injections. On les introduit comme les précédens, seulement, lorsqu'ils sont arrivés dans le vagin, on leur fait subir un mou-vement de rotation par lequel on ramène leur face convexe en ar-rière. Leur forme s'accommode très bien à celle tics parties ; mais, comme ils sont très lourds, ils fatiguent beaucoup les femmes qui en font usage, et sont difficilement supportés.
10" Dans une note, publiée en 1834, dans le Journal hebdo-madaire, M. Dufresse a donné la description d'un pessaire, qui peut aussi servir de spéculum. Il se compose d'une carcasse, en fil de laiton, très mince et contourné en spirale; cette carcasse qui a la forme d'un cône tronqué, est revêtue, à sa surface exté-rieure, par une lame de gomme élastique, dont les bords sont soudés ensemble par simple contact, et dont les extrémités sont invaginées dans la spirale. Ainsi confectionné, cet instru-ment présente intérieurement un canal de 25 à 3o millimètres de diamètre, ce qui permet aux mucosités de s'écouler facilement. Sa longueur est de roà 12 centimètres ; ses parois sont très min-ces et très souples ; il peut se plier dans tous les sens, dans sa direction verticale, et, par conséquent, s'accommoder facilement à la forme du vagin, sans s'aplatir ou s'affaisser sur lui-même.
1 i° Al. Malgaigne, dans la dernière édition de son Manuel opé-ratoire, donne la préférence aux pessaires en sablier, c'est-à-dire, qui offrent en liant un entonnoir plus ou moins large, pour re-cevoir le col, et, en bas, un renflement qui repousse le rectum ou la vessie, qui tendent à descendre. Pour l'introduire, on rap-proche les deux moitiés de sa circonférence, de manière à l'aplatir latéralement, et à lui donner la forme d'une ellipse.
Quel que soit le pessaire qu'on ait choisi, lorsqu'il est introduit, il faut faire lever la femme, et, conservant le doigt appliqué sur le pessaire, la faire tousser et marcher quelques instans. Si l'instrument se maintient, ne cause pas trop de gène et con-tient les organes, ce sera la preuve qu'il sera bien appliqué. Alors il faut faire recoucher la femme, et lui recommander de garder le repos et la position horizontale, pendant quelques jours, afin que ses organes aient le temps de s'habituer au contact du corps étranger et de se mouler sur lui, parce qu'il pourrait la blesser si elle se livrait à des mouvemens forcés; il arrive même assez sou-vent que le pessaire donne lieu à une phlogose légère, et à un écoulement blanc, plus ou moins abondant, ce dont on doit prévenir la femme, afin qu'elle n'en conçoive aucune inquiétude.
Extraction. Les pessaires doivent être retirés de temps en temps pour les nettoyer, et les empêcher de s'incruster de matières ca-laires qui pourraient déterminer des accidens graves, ulcérer et même perforer le vagin. Pour en pratiquer l'extraction, quel-ques personnes, après avoir introduit le doigt dans le trou du pes-saire, tirent directement dessus; mais cette méthode, de mèrne que celle du ruban, sont mauvaises. Il vaut mieux faire placer la femme comme pour l'introduction du pessaire, glisser le doigt dans le vagin, l'insinuer entre les parois de cet organe et le pes-saire, et lui faire parcourir toute la circonférence de celui-ci, pour diminuer la cohésion qui les tient accolés l'un à l'autre. Quand on a vaincu cette résistance, on fait basculer le pessaire pour changer sa position horizontale, et le placer de champ dans le vagin; puis, on introduit le doigt, comme un crochet, dans son Ouverture centrale, et on l'extrait en lui faisant parcourir une direction analogue à celle que doit suivre la tète du fœtus pour sortir du bassin (Moreau, Cours d'accouch., p. 291).
Appréciation. Pour apprécier les pessaires sous le rapport de leur valeur relative, disons, avec M. Hervez de Ghégoin (Mémoires de l'Académie, t. 11, p. 3 10) qu'on ne peut accorder de préfé-rence exclusive à aucun d'eux, leur forme, devant, pour ainsi dire, varier pour chaque cas particulier. A-t-on affaire à une simple descente de matrice sans renversement du vagin ? le pessaire rond, celui en bilboquet ou à tige pourra suffire. On devra préférer ces derniers toutes les fois que la femme sera très maigre, et que les parois du vagin seront très flasques. Le pessaire en bondon , l'élytroïde , ou bien l'appareil à ressort deSaviard agiront mieux que les autres contre la descente de matrice, compliquée de ren-versement du vagin. S'agit-il de s'opposer à une version de l'u-térus? Si l'on se sert du pessaire en bondon, on devra donner au bord de la cuvette un peu plus de hauteur en arrière qu'en avant, et le terminer inférieurement par un petit prolongement, de façon qu'en le tirant en avant, le rebord de la cuvette puisse repousser le col en arrière, et obliger l'utérus à rester en place. Dans les cas d'antéversion, c'est en avant qu'on donnera plus de hauteur au bord de la cuvette. Dans d'autres circonstances, on devra faire des échancrures latérales, parce que le vagin, venant se loger de-dans, contribuera à maintenir le pessaire en place. Ces indica-tions seront suffisantes, nous l'espérons, pour donner l'idée des modifications qu'il conviendrait de faire suivant les cas qui se présenteraient; car on doit non-seulement agir d'après la nature du déplacement, mais encore se guider sur la largeur du vagin et sur la conformation du bassin. Dans un cas où le vagin était très ample, M. Malgaigne se vit obligé, pour soutenir la matrice, d'avoir recours à un pessaire en gimblette, d'une énorme dimen-sion, et M. Hervez, dans un cas de rétroversion, où le sacrum of-frait une concavité considérable, ne put soutenir l'utérus qu'en remplissant le vagin avec une forte bouteille de caoutchouc.
Accidens que peuvent déterminer les pessaires. Ces instrumens contentifs sont loin d'être inoffensifs. Ils déterminent toujours sur le rectum et la vessie une compression qui en gêne les fonctions, et ils occasionnent des douleurs qui, parfois, se prolongent jus-qu'aux lombes. La négligence que mettent certaines femmes à les retirer de temps en temps pour les nettoyer, fait qu'ils s'incrus-tent de matières calcaires, qui irritent et ulcèrent quelquefois les parties voisines. 11 existe dans la science un grand nombre d'exemples de pessaires qui, oubliés, c'est le mot, dans les orga-nes génitaux, depuis de nombreuses années, ont fini par y dé-terminer des accidens très graves qu'on attribuait, bien à tort à toute autre cause , puisqu'ils ont cessé peu de temps après l'extraction de ces corps étrangers. Pouteau, Mauriceau, Sabatier, MM. J. Cloquet, Dupuytren, Lisfranc, Bérard, aîné, et une foule d'autres chirurgiens qu'il serait trop long de nommer, ont eu oc-casion d'en rencontrer. Dans le cas observé par M. J. Cloquet, la malade était traitée pour un cancer du vagin, cet organe étant rempli de végétations fongueuses. Après les avoir enlevées, on re-connut l'instrument qui était masqué par les végétations et garni d'incrustations calcaires. Dans le cas de Sabatier, le pessaire était tellement recouvert d'incrustations salines qu'il était comme une rape, dont les aspérités blessaient le vagin. Dans les casdeDupuy-
tren, l'instrument avait perforé le rectum et la vessie, et pouvait être senti à nu dans les deux cavités. Pour l'extraire, on fut obligé d'avoir une tenette dentée. La femme guérit en trois semaines. Le fait, de M. Bérard est exactement semblable. Dans le cas de M. Lisfranc, le pessaire faisait saillie dans le rectum. M. Colombat rapporte {Traité des maladies des femmes] l'observation d'une dame qu'on croyait affectée d'un cancer utérin, et dont tous les accidens étaient causés par la présence d'un pessaire oublié là depuis trente ans. L'étranglement du col utérin à travers l'anneau du pessaire a été signalé plusieurs fois. On trouve dans la Biblio-thèque médicale (t. xvii , année 1806) l'observation d'une de-moiselle qui, s'étant servie d'un anneau en ivoire pour contenir un prolapsus utérin qu'elle portait, fut atteinte d'étranglement, la matrice, qui avait traversé cet anneau, formait au dehors une tumeur presque aussi considérable que la tète d'un fœtus à terme. Enfin les sécrétions qui résultent de l'inflammation des parties peuvent s'altérer, être résorbées, et donner lieu à tous les symp-tômes d'une fièvre putride. Ce sont surtout les pessaires en bilbo-quet, dont la queue se casse fréquemment, et dont la cuvette est oubliée dans le vagin, qui donnent le plus souvent lieu aux acci-dens dont nous venons de parler.
Contre-indications. Si les pessaires déterminent assez souvent des accidens lorsque leur emploi est indiqué, c'est bien pis encore lorsqu'on les applique avant de s'être assuré qu'il n'y a pas de contre-indications. Il est donc de la plus haute importance de s'assurer qu'il n'en existe pas. Dans une foule de cas, les chutes de l'utérus sont produites par un engorgement de cet organe qui en augmente la pesanteur: si en pareille circonstance on appli-quait un pessaire, on produirait beaucoup plus de mal que de bien. Il en serait de même si le col était ulcéré : le contact du corps étranger en augmenterait l'irritation, tandis qu'en com-battant d'abord les symptômes de congestion ou d'inflammation, on parvient quelquefois à guérir la maladie sans pessaire.
En résumé, les pessaires ne doivent être employés que dans le cas où le prolapsus ne consiste que dans une lésion de situation, comme le disaient madame Boivin et Dugès, et lorsqu'il y a réel-lement prolapsus; encore leur usage doit-il être accompagné de moyens généraux, dont nous parlerons bientôt, de façon à ce qu'ils ne servent, pour ainsi dire, qu'à soutenir les organes dans l'intervalle de l'application de ces moyens.
Plusieurs praticiens, rébutés de ne pas rencontrer dans les pessaires des agens de contention toujours faciles à appliquer, et capables de remplir le but qu'ils se proposaient, ont cherché d'autres moyens d'y parvenir.
Compression périnéaxe. On lit dans The Amerie. joum., i836, cpie M. Annun, voulant éviter les inconvéniens de la présence d'un corps étranger dans le vagin, imagina de comprimer le périnée pour empêcher l'utérus de descendre. « Le nouveau « moyen que je vais décrire, dit-il , consiste dans un instrument « que j'ai employé pour la première fois pour une procidence du « rectum avec un succès complet. Il se compose d'un ressort niè-ce tallique circulaire qui embrasse tout le bassin , et d'une tige « courbe qui, partant de l'angle sacro-vertébral, vient se termi-te ner au périnée. Au bout inférieur de cette tige est placée une ce plaque circulaire trouée à son centre, à laquelle sont attachées ee deux petites courroies. En serrant ou en relâchant un petit e écrou, dont cette plaque est inunie, on peut graduer à volonté e sa pression. Cette machine comprime à-la-fois l'anus et le pé-
T. VU.
e rinée; elle s'oppose parfaitement à la descente de l'utérus, ee améliore l'état des hémorrhoïdes, et guérit la procidence rectale ee s'il yen a. » La tige courbe peut être déplacée et appliquée ;i la partie antérieure du cercle pour aller d'avant en arrière com-primer le périnée, au lieu de partir de sa partie postérieure, ce qui était gênant pour les malades lorsqu'elles voulaient s'asseoir. Pour que cette tige n'incommode pas la vulve , il faut qu'elle soit très courbe, qu'elle ne frotte pas contre les grandes lèvres, et que sa plaque s'applique exactement contre la fourchette et le périnée.
L'auteur rapporte que les femmes qui en ont fait usage ont pu faire de grandes courses et vaquer à leurs occupations sans en être incommodées. En France, cette méthode n'a point encore été expérimentée.
Pour les antéversions et les antéflexions simples , une ceinture hypogastrique,qui soulève le paquet intestinal et l'empêche de se. porter en avant et de tomber de tout son poids sur le bassin, est ce qu'on peut employer de mieux. Et si l'antéversion est com-pliquée de prolapsus, après la réduction, la compression hypo-gastrique, aidée de la compression périnéale, peuvent suffire pour contenir les parties.
Quelques chirurgiens ayant reconnu combien les moyens mé-caniques sont infidèles , s'en tiennent à l'emploi d'injections astringentes; mais, comme leur action est trop passagère, et qu'elles sont très difficiles à faire, ils les font agir d'une manière permanente, en soutenant la descente avec des sachets astringens remplisd'eau et imbibés d'une décoction de roses de Provinsdans du gros vin rouge, ou d'une solution de sulfate d'alumine, de zinc ou de cuivre, à 5 ou 10 centig. par 3o grammes d'eau, ou de nitrate d'argent à moindre dose. Une éponge on de gros bourdonnets de charpie environnés d'un linge fin, et trempés dans l'un de ces liquides, peuvent également servir. On peut encore employer dans cette même intention thérapeutique les douches ascendantes avec une décoction astringente , continuées pendant un ou deux mois. Nous avons employé ce moyen avec succès chez trois femmes que l'usage des pessaires avait mises dans le plus déplorable état.
RÉTROVERSION DE LA MATRICE.
Ce mode de déplacement, assez fréquent, consiste dans un mouvement de bascule de l'utérus, tel que son fond s'engage dans la concavité du sacrum , tandis que son col remonte der-rière la symphyse du pubis, et que son diamètre vertical se place dans la direction du diamètre antéro - postérieur du bassin.
Historique, Cette espèce de déplacement paraît avoir été connue, d'Hippocrate, ainsi que l'indique un passage du livre intitulé : De naturâ mulieris. La célèbre Aspasie, dont Aétius nous a fait con-naître quelques fragmens (Tetrab. 4, sermo4 , etc.), connaissait très bien la rétroversion ; mais, chez les modernes, cette affection avait été fort négligée parles auteurs et par les praticiens, au point qu'il faut arriver jusque vers le milieu du siècle dernier pour voir reprendre la question. Grégoire, chirurgien et pro-fesseur d'accouchement de Paris, est le premier qui l'ait observée exactement, et qui en ait fait mention chans ses cours. Walther-Wall, chirurgien de Londres, qui en avait puisé la connaissance dans les leçons de Grégoire, fut appelé en 1754 dans un cas de rétroversion , pour lequel il fit prier W. Hunter de l'aider de ses
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conseils. Ce dernier s'appropriant, pour ainsi dire, Jadécouverte, après en avoir parlé dans ses brillantes leçons, publia sur ce sujet, en 1770, un mémoire fort remarquable (Médical, observ. and inquiries, t. rv), où il donna à ce déplacement le nom de rétroversion. Depuis Walther-Wall , Lyne, Levret, Wlzezeck (De utero reflexo, 1777)» Wall ( Disser. de uter. retracer., 1782), Desgranges en 1783 (Journ. de mèd., t. lxvi, p. 65), Cockell en 178.5, Murray en 1797, llaudelocque en i8o3, Meriman en 1810, M. Ilervez de Chégoin , madame Boivin etDugès, et un grand nombre d'autres accoucheurs et chirurgiens, en ont donné la description dans leurs écrits; de sorte que maintenant c'est une affection parfaitement connue. Walther-Wall et Lyne l'ap-pelèrent hernia uteri; Levret lui donna le nom de renversement transversal, et Desgranges , dont le mémoire a été couronné par l'Académie de chirurgie, celui d'incubation. Mais le nom de rétroversion, donné par W. Hunter, a été généralement adopté.
La rétroversion peut survenir lorsque l'utérus est vide, ou dans les trois ou quatre premiers mois de la grossesse; elle ne peut avoir lieu plus tard, parcequ'alors lediamètre vertical de l'utérus étant plus grand que le diamètre antéro-postérieur du bassin , l'organe ne peut plus basculer. Sur 44 observations de rétro-versions rencontrées par le docteur Schweighauser de Strasbourg, 35 appartenaient à des femmes dont l'utérus était vide, et les autres à des femmes enceintes. Madame Boivin et Dugès citent aussi 3 cas de rétroversion survenue pendant l'état de vacuité. Lorsqu'elle survient hors de l'époque de la gestation, elle ne produit pas des accidens aussi graves que pendant la grossesse. Les signes généraux sont : des tiraillemens très douloureux dans les aines, les lombes et les cuisses, par l'effet de la compres-sion qu'exercent les extrémités du diamètre vertical de l'utérus sur le rectum et la vessie ; les douleurs deviennent plus aiguës pendant la défécation et l'éjection de l'urine, qui sont quel-quefois gênées jusqu'à ne pouvoir s'accomplir. Si l'on ne remé-die pas à cet état, les accidens augmentent et peuvent être suivis de maladies très graves , et même de la mort, lorsque la rétro-version est survenue pendant la grossesse.
Le traitement consiste à réduire le déplacement, et à maintenir la réduction. La ponction de l'utérus devient nécessaire lorsque la réduction ne peut être opérée.
1" Réduction. Avant d'y procéder, il faut évacuer la vessie; car si on ne le faisait pas, on pourrait éprouver de grandes difficultés dans le redressement delà matrice, et même ne pas réussir par cette seule cause. Il est souvent difficile, dans ce cas, d'intro-duire la sonde; car, en même temps que le méat urinaire est tel-lement retiré derrière les pubis qu'on a peine aie trouver, le canal est si fortement pressé contre la symphyse qu'on ne peut y faire pénétrer une petite sonde. Alors, il faudrait abaisser le col de la matrice avec deux doigts introduits dans le vagin, etfaire attirer la commissure de la vulve en avant, pour ramener son ori-fice dans le même sens et faire cesser la compression de l'urètre. Plusieurs chirurgiens, et entre autres Dussaussoie et Sabatier, ont proposé , si l'on éprouvait des difficultés trop grandes pour faire pénétrer l'algalie, de faire la ponction de la vessie, au dessus des pubis. Une ou deux saignées, des bains et. toute la série des int'dicamens antiphlogistiques doivent être mis en usage avant de procéder à la réduction.
La position n'est pas toujours la même; on a conseillé déplacer la femme sur les coudes et les genoux , de façon que les parois abdominales soient dans le relâchement ; ou bien sur le dos , les cuisses et les jambes fléchies et écartées, la tête et poitrine rele-vées comme pour la version ou la réduction d'une hernie. M. Mo-reau , qui a tenté plusieurs fois la réduction, en donnant aux femmes la première de ces positions, n'a jamais pu réussir. Cette position , dit-il , est très fatigante , et lorsqu'on veut opérer la réduction, la pression qu'on exerce sur l'utérus cause une douleur si poignante, qu'on peut la comparer à celle qui résulte delà compression du testicule chez l'homme ; aussi les femmes ne peuvent-elles y résister, et tombent-elles aplat sur le ventre. La seconde position adoptée par ce chirurgien est celle qu'on 1 ré fè re généralement.
Pour réduire l'organe, il suffit souvent, surtout dans l'état de vacuité , d'introduire l'indicateur et le médius dans le vagin , de refouler d'abord en haut le corps de l'organe , d'accrocher avec l'indicateur le museau de tanche qui est derrière les pubis et au dessus d'eux , et de l'attirer en bas. Lorsque cette manœuvre ne réussit pas, on a conseillé d'introduire deux doigts de l'autre main dans le rectum , et de s'en servir pour en repousser l'utérus en haut, tandis que, avec les doigts placés dans le vagin, on attire le col en bas ; mais il n'est pas facile d'introduire en même temps les doigts dans ces deux parties, et d'exécuter avec leur aide les niouvemens nécessaires pour opérer la réduction. M. Moreau assure qu'il n'a jamais pu réussir par ce procédé; car, outre la difficulté qu'on éprouve à introduire les doigts, ils sont le plus souvent trop courts pour atteindre le museau de tanche. Pour remédier à ces inconvéniens, madame Boivin avait conseillé d'aller chercher le col avec un instrument en forme de cuiller, et M. Colombat parle d'un instrument de son invention , qu'il trouve plus commode. La matrice est quelquefois tellement en-clavée que les doigts placés dans le rectum n'agissent pas assez puissamment pour soulever l'organe; alors Dussaussoie intro-duisait la main tout entière dans le rectum, afin de pouvoir re-pousser convenablement la matrice , tandis qu'il cherchait à abaisser le col avec deux doigts de l'autre main. Comme la dis-tension de l'orifice intestinal est très douleureuse, si on jugeait convenable d'imiter Dussaussoie, avant de le faire, il faudrait introduire dans l'intestin , quelques heures auparavant, soit un suppositoire de cacao, soit un peu de pommade de belladone. Si les doigts dans le vagin ne pouvaient atteindre le col, on pourrait, comme M. Bellanger, introduire dans la vessie une sonde aplatie à son extrémité, pour chercher à déprimer le col utérin à travers ses parois, avec la concavité de l'instrument, en même temps qu'on repousse son fond avec les doigts placés dans l'in-testin. De quelque manière qu'on s'y prenne, néanmoins, l'intro-duction de la main tout entière dans le rectum étant toujours très difficile, et parfois même impossible, il vaudrait peut-être mieux employer le procédé de M. Evrat, qui consiste à faire coucher la femme sur l'un des côtés, et à introduire dans l'in-testin une baguette flexible en baleine ou autre, longue de 24 à 27 centimètres et garnie à son extrémité d'un épais tampon de linge bien graissé, pour repousser le fond de l'utérus en haut, tandis qu'avec deux doigts placés dans le vagin on cherche à abaisser et à repousser le col en arrière. M. Moreau, qui préfère ce procédé comme lui ayant le mieux réussi, a fait modifier la baguette de M. Evrat, en remplaçant le tampon par une petite sphère qu'il fait bien garnir de coton et recouvrir d'un morceau de peau très souple.
M. Capuron pense qu'il serait plus facile d'opérer le dégage-ment de l'utérus en repoussant son fond à droite pour le faire
passer ensuite devant la symphyse sacro-iliaque. En agissant ainsi, on place le plus grand diamètre de l'utérus dans le sens d'un des plus grands diamètres du bassin.
Lorsque , par l'un des procédés dont nous venons de parler , on est parvenu à réduire l'utérus , il faut le maintenir. Aspasie , suivant Aëtius, faisait introduire dans le rectum une grosse bougie longue de 11 centimètres, et faisait faire des injections huileuses dans l'intestin et dans le vagin. Parmi nous, on a également tenté de soutenir la matrice , et de l'empêcher de retomber avec des éponges ou des tampons de linge,seids ou portés sur une baguette dans le rectum; mais ces corps étrangers sont difficilement sup-portés. On a proposé également de maintenir la réduction au moyen de pessaires; mais ceux-ci ne remédient souvent à rien. Lorsque les organes génitaux ne peuvent supporter les pessaires, le repos au lit, soit sur le dos , soit sur le côté, est un des meil-leurs moyens de prévenir la récidive. Les urines doivent être rendues aussitôt que le besoin s'en fait sentir, et le rectum évacué à l'aide de laxatifs.
Lorsque, après des tentatives assez long-temps prolongées, on ne peut parvenir à rendre à la matrice sa position naturelle, comme cela arrive lorsque la rétroversion se fait du troisième au qua-trième mois de la grossesse, quelques chirurgiens, et entre autres Ciardien, ont pensé qu'on pourrait y remédier par la section de la symphyse pubienne ; mais cette proposition n'a pas été ac-ceptée , et ses auteurs ne l'ont jamais exécutée. En effet les dan-gers de cette opération sont trop grands, et le peu d'augmenta-tion que subit le diamètre antéro-postérieur par la division delà symphyse pubienne ne donne pas assez d'avantages pour qu'on puisse la préférer à la ponction. Il en est de même de la gastro-tomie, qui d'ailleurs ne suffirait pas toujours pour vaincre l'en-clavement de l'utérus; car, chez une femme qui avait succombé, limiter ne put parvenir à dégager la matrice qu'après avoir scié le bassin en deux parties.
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS CONTENUS DANS LES ORGANES GÉNITAUX.
Des corps étrangers peuvent avoir été introduits dans le vagin et y donner lieu à des accidens qui en nécessitent l'extraction.
i° Corps étrangers du vagin. Outre les pessaires dont nous avons déjà parlé, Dupuytren y a rencontré une fois un pot de faïence, une autre fois des aiguilles, venant d'un étui qui s'y était ouvert après son introduction. Pareil fait a été observé par A. Du-bois, et M. Grenier a en rapporté un autre dans sa thèse (i 834).
Procédés opératoires. On comprend que les procédés à l'aide desquels on peut débarrasser le vagin de ces corps étrangers, doivent varier en raison de leur nature et de leur disposition.
La position de la femme sera la même que pour les cas précé-dens. Le chirurgien, avant de faire aucune tentative, s'assurera, par letoucher,dela position, de la forme et de la nature des corps, et cherchera à les dégager avec les doigts, des pinces, une curette et un crochet mousse. Quelquefois, il sera obligé de les briser sur place et de les enlever par morceaux. Dans d'autres cas, il lui faudra employer la scie, comme le fit Dupuytren, pour ex-traire un pessaire, ou bien inciser le devant de l'anus et une par-tie du périnée, comme l'a pratiqué M. Lisfranc. Des tenettes ou de longues pinces incisives seront parfois indispensables pour opérer le brisement ou la division de ces corps étrangers; enfin, le spéculum brisé pourra être utile dans quelques circonstances pour dilater l'orifice du vagin. Il est impossible de réduire en préceptes généraux toutes les manœuvres variées, nécessaires en pareil cas : c'est au chirurgien à s'inspirer des circonstances qui se présentent.
Lorsque ces corps ont été extraits, il est souvent nécessaire de donner à la femme des soins consécutifs. Le plus souvent, il suffit de quelques jours de repos, d'injections émollientes et narcoti-ques, de lavemens, de bains tièdes et de cataplasmes sur le ventre pour faire dissiper l'état inflammatoire ou de congestion des par-ties; mais d'autres fois, surtout lorsque l'inflammation est vio-lente, il faut y joindre les saignées locales et générales. S'il y a eu perforation des parois vésico et recto-vaginales, il est important de placer une sonde à demeure dans la vessie. Du reste, il est à remar-quer que ces espèces de fistules guérissent très facilement. Dans les cas d'enclavement de pessaire, le plus souvent, par suite de l'induration et du resserrement qu'éprouve le vagin après l'extrac-tion du corps étranger, la descente del'utérusne se reproduit plus.
PONCTION DE L'UTÉRUS.
La ponction de la matrice se pratique non-seulement pour les cas de rétroversion qui n'ont pu être réduits par les moyens or-dinaires , mais encore lorsque les règles sont retenues dans la ca-vité de l'organe, par suite de l'oblitération congéniale ou acci-dentelle de son col : dans l'un et l'autre cas, la ponction peut se faire par le vagin ou par le rectum. On devra, autant que possi-ble, faire tous ses efforts pour parvenir à l'utérus à travers son col, parce qu'on ne sera pas obligé de toucher au péritoine.
Dans le cas de rétroversion, on a pour but d'évacuer les eaux de l'amnios, afin de diminuer le volume de la matrice. Cette opé-ration, proposée par W. Hunter, a été exécutée avec succès, une fois par M. Jaurel, de Rouen; une autre fois à l'Hôtei-Dieu de Lyon, en présence de MM. Viricel et Bouchet, et une troisième fois par M. Baynham.
Ponction par le vagin. Pour la pratiquer, on se sert d'un bis-touri étroit, entouré d'une bandelette de linge jusqu'auprès de la pointe (fig. 5, pl. 73), ou d'un trocart un peu courbe, analogue à celui qu'employait frère Corne pour la ponction de la vessie (pl. 73, fig. 1 et 2).
La femme étant placée comme dans les cas précédens, on tâche de trouver avec le doigt le col utérin ou le lieu dans lequel il doit ordinairement se trouver : si l'on parvient à le rencontrer, on cherche à le dilater en introduisant dans sa cavité une sonde d'homme, conique et légèrement courbée. Lorsqu'on est arrivé à l'obstacle, on cherche à le détruire. Si l'on ne peut y réussir, on introduit dans la cavité de la sonde un mandrin flexible et pointu, pour ouvrir les membranes ou détruire les parties qui bouchent le col; si cet instrument est insuffisant, on le remplace par le tro-cart dont la tige est retirée dans la canule, et, lorsque celle-ci ren-contre de la résistance, on pousse la tige jusqu'à ce que l'ob-stacle soit vaincu.
Mais si le col n'existe pas, ou si l'on ne peut l'atteindre, et que cependant l'utérus fasse une saillie dans le vagin, il faut le per-forer dans le point où le col a coutume de se trouver. On con-duit donc le trocart jusque sur le point de la matrice qu'on veut traverser, en le conduisant sur le doigt indicateur gauche ; puis, on fixe l'organe avec la main gauche, appliquée sur l'hypogastre, et on enfonce le trocart jusqu'à ce qu'on ne sente plus de résis
tance. Alors on relire le poinçon, et le san» des regles on les eaux de l'ainnios s'écoulent par la canule.
Ponction par le rectum. Quoique applicable aux cas où le col utérin est oblitéré, cette opération se pratique surtout dans ceux où il y a rétroversion. On choisit la voie du rectum lorsque l'u-térus fait plus de saillie vers cet intestin que du côté du vagin : c'est par cette voie que M. Baynham l'a pratiquée avec succès. Le trocart ordinaire doit être remplacé par celui dont se servait Fleu-rant pour faire la ponction de la vessie par le rectum, parce qu'il a plus de longueur et donne plus de facilité pour opérer. On con-duit, comme dans le cas précédent, le trocart sur le doigt indica-teur gauche, introduit dans le rectum, et on le plonge dans le corps de l'organe.
Si, dans l'un ou l'autre cas, il ne sortait rien par la canule du trocart, il faudrait faire glisser un stylet dans sa cavité pour sa-voir d'où vient l'obstacle, car il pourrait arriver que la canule fût arrêtée dans le placenta, et qu'il fallût la pousser plus profondé-ment. Si elle avait pénétré dans le foetus, il faudrait au contraire la retirer un peu, afin que son extrémité se trouvât dans le liquide.
Lorsqu'on opère pour la rétention des règles, il peut se faire que le sang ne puisse pas sortir, ou parce qu'un caillot bouche la canule, ou parce que le sang est trop épais pour la traverser : alors on peut faire des injections tièdesdans lanialricepourliqué-fier le caillot et en faciliter la sortie. De plus, comme l'ouverture artificielle qu'on vient de faire doit rester permanente, pour que le sang cpii viendra par la suite puisse trouver une issue, il est es-sentiel d'y maintenir un corps étranger, tel qu'une sonde en gomme élastique, qu'on peut remplacer ensuite par une sonde de femme, comme l'a fait M. Hervez de Chégoin dans un cas.
Lorsqu'on ponctionne l'utérus pour une rétroversion, aussitôt que les eaux se sont écoulées, on doit réduire la matrice; et, comme l'avortement doit être une conséquence de l'opération, on agira comme s'il était survenu naturellement; seulement, on se tiendra en garde contre les accidens consécutifs qui pourraient se déclarer.
POLYPES DE L'UTÉRUS.
On donne le nom de polype de la matrice à toutes les excrois-sances pédiculées qui naissent à la surface interne de la matrice ou dans la cavité de son col, et qui sont enveloppées par la mu-queuse utérine.
Historique. Les polypes étaient peu ou point connu des an-ciens, qui les confondaient avec des maladies bien différentes. Aspasie les considérait comme des tumeurs hémorrhoidales. Ces tumeurs, disait-elle, naissent tantôt sur le col et tantôt au fond de la matrice ; rarement sur les orgunes génitaux externes ; on les excise sans crainte lorsqu'elles sont dures et blanches, et on les lie lorsqu'elles sont disposées à saigner. Moschion , qui les désigne le premier sous le nom de poulpes ou polypes dans son traité De mulier. qffectibus, publié par Spachius, en i 566, les prenait pour des varices de l'utérus. Guillemeau, élèved'A. Paré, en donne une description assez exacte, il est vrai; néanmoins, pour avoir quelque chose de précis sur ces productions, il faut arriver au dix-huitième siècle, et surtout à Levret qui en a beau-coup éclairé l'étiologie, le diagnostic et le traitement.Depuis, un grand nombre d'hommes distingués, parmi lesquels on peut citer Oesault (OEuv. chirurg., t. ti ), Bichat (Mèm. de la Soc. méd.
d'Emul. t. ii), M. Roux (Mélange* de chirurg. , Ilervez de Ché-goin (Jotirii. gén. de méd., 1827), Dupuytren (Cliniq. chirurg.) , Gerdy (Des polyp. et de leur trait., (833), Dugès 'Malad. de f utérus), Malgaigne ('/'. d'agrég., i83a), Colombat (Medad. des femmes), etc., en ont encore fait l'objet de leurs méditations et de leurs travaux; en sorte que maintenant, c'est une des affections les plus connues sous le triple rapport de l'anatomie patholo-gique , du diagnostic et du traitement.
Les diverses espèces de polypes et leur analomie pathologique méritent de fixer un instant notre attention, si nous voulons nous rendre raison des traitemens diffêrens qu'on leur applique. Levret ne distinguait (pie deux espèces de polypes utérins. De-puis lors l'observation et l'anatomie pathologique ont conduit à en admettre un plus grand nombre d'espèces. M. Malgaigne en ad met cinq, 1 " vèsiculaires; i" cellulo-vasculaires ; 3° par hypertro-phie du tissu utérin; 4" moliforrnes, et '." fibreux.1A. Velpeau en admet encore deux autres variétés : G" fibrineux, et rfcancéreux.
in Polypes vêsiculuires ou mous. Parfaitement semblables à ceux qui se développent dans les fosses nasales, ces corps naissent le plus souvent dans le col utérin. M. H. Bérard a eu l'occasion d'en observer plusieurs fois, et M. Velpeau dit en avoir ren-contré trois fois sur des cadavres (Méd. opér., t. iv, p. 38o). M. Naudin en a vu un attaché au fond de la matrice, et remplis-sant toute sa cavité, et un autre gros comme une noix , et nais-sant de la cavité du col. Mous, pédicules, recouverts d'une membrane fort mince, ils se déchirent facilement (Malg., T. d'agrég., i83i). i° Polypes cellulo-vasculaires. Suivant Herbi-niaux qui les a le mieux étudiés, ils prennent ordinairement nais-sance au col de l'utérus en dedans ou en dehors. Petits, mous , pédicules , du volume d'un pois à celui d'une fève de hari-cot, ils sont revêtus par une membrane mince, présentent une couleur plus ou moins foncée, suivant qu'ils sont pourvus d'un nombre de vaisseaux plus ou moins considérables, et laissent constamment exhaler un fluide séro-muqueux ou san-guinolent qui gêne beaucoup les malades en même temps qu'il les affaiblit; cet écoulement augmente au moindre contact et aux approches des règles. Lorsqu'on les examine intérieurement, dit M. Malgaigne, on n'y trouve que du tissu cellulaire plus ou moins dense, et de nombreuses ramifications vasculaires qui présentent quelquefois la figure du tissu placentaire à deux mois de grossesse. Cette sorte de polypes, qui présente plu-sieurs variétés , ne repullule pas lorsqu'on les a arrachés ; mais, par leur petitesse, ils peuvent échapper aux recherches les plus minutieuses et causer de graves accidens avant qu'on ait pu les détruire. Levret les désignait sous le nom de polypes vivaces. 3° Polypes par hypertrophie partielle du tissu utérin. D'après Dance, MM. Bérard, Cruveilhier, Velpeau, Mayer, Meisner et Malgaigne, qui ont observé ces tumeurs, leurs fibres se con-tinueraient sans aucune ligne de démarcation avec celles du col ou du corps de la matrice, et leur structure ne présen-terait aucune différence avec celle de ce viscère. 40 Polypes moliforrnes, ainsi nommés, parce qu'ils contiennent, dans une poche plus ou moins épaisse, de la matière gélatineuse, des poils ou de la pulpe semblable à de la bouillie; leur pédicule est plus ou moins gros. 5 Polypes fibrineux. M. Velpeau a décrit sous ce litre une tumeur formée par une concrétion sanguine qui se greffe sur le col de l'utérus et finit par y vivre. En i83q il en avait rencontré quatre exemples; dans un cas elle était grosse
comme un petit œuf, et se prolongeait par un pédicule distinct jus-qu'à la partie supérieure du col. 6" Polypes cancéreux. On voit quelquefois des masses encéphaloïdes ou squirrheuses naître dans les parois de l'utérus, descendre, venir dilater le col et se pré-senter dans le vagin sous forme de tumeurs qui peuvent faire croire à la présence d'un polype. M. Arnott en a rapporté un cas qui avait amené le retournement de l'utérus sur lui-même Encyclograph. des sciences méd., i836, et M. Velpeau en a ob-servé trois cas. 70 Polypes fibreux. Ce sont ceux qui se rencon-trent le plus souvent; ils présentent un volume très variable. On en a vu qui avaient à peine la grosseur d'un pois, et d'autres qui avaient le volume de la tète d'un homme. Ils se développent or-dinairement dans l'épaisseur des parois de la matrice , repous-sent peu-à-peu la muqueuse utérine, s'en forment une enveloppe et pendent dans la cavité par un pédicule. Ce pédicule n'existe pas lorsque ces tumeurs, au lieu de saillir du côté de la face in-terne, proéminent vers la face externe ou se développent en plein dans l'épaisseur de l'organe. A l'examen anatomique de ces polypes, on y rencontre d'abord une enveloppe tantôt très mince, et seulement formée parla muqueuse; d'autres fois plus épaisse, et formée à-la-fois par cette muqueuse et par une partie plus ou moins épaisse du tissu utérin , suivant qu'il s'est développé plus ou moins près de sa surface interne. Le volume du pédicule est aussi en raison de l'épaisseur de l'enveloppe que la matrice four-nit au polype; car il est formé des mêmes élémens unis par du tissu cellulaire et des vaisseaux nourriciers, qui en général sont peu nombreux. On a vu des polypes dont le pédicule avait jus-qu'à 1 1 centimètres de circonférence, et d'autres clans lesquels il était à peine assez gros pour les soutenir. Quant au tissu du polype lui-même, il est dense, ferme et résistant, constitué par des fibres entrecroisées d'une manière inextricable, et a beaucoup de rapport avec celui de l'utérus. Ses fibres sont grises OU blanchâtres, et il ne contient point ou que très peu de vais-seaux. Cette tumeur n'est unie à son enveloppe que par du tissu cellulaire lâche et sans vaisseaux clans les premiers temps; mais qui se condense peu-à-peu , d'abord à sa partie inférieure, puis dans toute son étendue, et se laisse parcourir parles vaisseaux qui servent de moyen d'union, en sorte que, dans le principe, il est facile de séparer le polype de sa cocpie, de l'énucléer, en un mot, sans crainte d'hémorrhagie, tandis que plus tard il forme un tout inséparable. M. Velpeau pense que ces tumeurs résultent assez souvent d'un épanchement de sang , d'une concrétion fibrineuse qui s'est peu-à-peu organisée, et qui a continué de vivre et de croître par imbibition au milieu des parties environ-nantes.
Depuis les travaux de Bayle, Dupuytren et de M. Roux, ces polypes sont parfaitement connus ; cependant ils présentent quelquefois clans leur structure des variétés qui peuvent les faire confondre avec des tumeurs d'une autre nature. Ainsi, en 1823 , Richerandet M. J. Cloquet en ont enlevé un qui pendait depuis plusieurs années à la vulve, et avait le volume de la tête d'un en-fant; mais, au lieu de présenter intérieurement une masse fibreuse, il offrait une cavité qui lui donnait la plus grande analogie avec l'utérus, au point qu'ils crurent avoir enlevé ce viscère; cepen-dant , la malade étant morte, la matrice fut trouvée entière dans sa position naturelle. D'autres fois au lieu de se raréfier, le tissu fibreux des polypes peut se condenser davantage et devenir fibro-cartilagineux, et même osseux; il peut aussi dégénérer et deve-nir lardacé, sarcomateux, fongueux ou se remplir de matière encéphaloïde ou bien analogue à de la bouillie. 11 est probable t. v~n.
cpie plusieurs des espèces qui ont été établies étaient primitive-ment des polypes fibreux , rencontrés et examinés lorsqu'il étaient passés aux états que nous venons de mentionner.
D'après une remarque importante de Dupuytren la dégéné-rescence cancéreuse des polypes fibreux commence toujours pai leur surface extérieure, et n'atteint leur pédicule qu'en demie, lieu, et très tard, en sorte qu'on peut les enlever avec succès, lor. même qu'ils paraissent arrivés à un état de complète dégénères cence.
Les polypes fibreux s'insèrent presque toujours dans la cavité d e l'utérus, rarement dans la cavité du col. Us sont le plus souvent pyriformes, mais clans d'autres cas globuleux ou aplatis; tanto; leur surface est lisse et unie, et tantôt elle est bosselée.
Ces polypes donnent quelquefois lieu à des hémorrhagies qu; compromettent les jours de la femme. Tant qu'ils restent ren-fermés dans la matrice, quels que soient les accidens auxquels i donnent lieu, comme on ignore l'espèce de maladie à laquell on a affaire, et qu'il est, pour ainsi dire, impossible de por sur eux des instrumens, on est obligé d'attendre les événeme;.-Toutefois, comme d'après une remarque de Dupuytren , il ¦¦. souvent possible de sentir le polype faire saillie à l'orifice utéi'i lorsqu'on touche la femme pendant les époques menstruelle on pourrait peut-être profiter de cette circonstance pour en pra-tiquer le broiement.
Guérison spontanée. Il existe un assez grand nombre d'ob servations constatant que des polypes se sont détachés natu-rellement, et où, par conséquent, la guérison a eu lieu sam le secours de l'art. Mauriceau et Ruysch en ont cité des cas. M. Servez de Chégoin en a aussi rapporté plusieurs observations. Quelques chirurgiens sont parvenus à provoquer ce résultat ei administrant le seigle ergoté. On lit clans the Lancet(tom. 1, pag. 24, 1829), que M. Griffith réussit chez un malade. M. Guil-lon dit avoir obtenu un pareil succès. Les cas où le seigle ergoté doit être administré sont ceux où le polype faisant saillie dans le col utérin, la matrice se contracte sur lui comme pour l'ex-pulser ; mais il faut peu compter sur ce moyen , non plus que sur la nature. Les opérations chirurgicales sont en dernier lieu la meilleure ressource. Celles cpi'on met en usage sont la cau-térisation, l'arrachement, le broiement, la torsion, la ligature et l'excision.
i" Cautérisation employée par les anciens pour les polypes des fosses nasales, presque rejetée de nos jours, son usage, fort restreint pour les polypes de l'utérus , ne peut être véritable-ment utile que dans les cas de petits polypes cellulo-vasctdaires, qui naissent dans le col utérin. Les moyens mis en usage sont : le nitrate d'argent, la potasse caustique, le nitrate acide de mercure ou le cautère actuel. Comme le manuel opératoire est. exactement le même qu'on emploie dans les cancers du col, dont il sera traité plus loin, nous ne nous y arrêterons pas plus long-temps.
2" Arrachement. Rarement usitée, cette méthode sera sans cloute venue de ce que certains polypes, dont le pédicule est fort aminci, finissent par tomber d'eux-mêmes, ou se détachent sous l'influence de la moindre traction. Dionis et Heister n'avaient appliqué cette opération qu'aux polypes du nez. Roudou l'ayant pratiquée avec succès, en proposa l'adoption cpù fut aussi con-seillée par Lapeyronie. De nos jours, M. Récamier l'a appliqué.
8 a
plusieurs fois avec succès. On lit dans la Gazelle médicale (i83o,, p. 186) que M. Stolz parvint à arracher avec les ongles un polype qui avait près de 3o centim. de longueur et qui pesait une livre. M. Velpeau dit (Méd. opér. t. iv, p. 386) que le doigt lui a suffi pour rompre et entraîner au dehors un polype aussi gros qu'une moitié d'ceuf, quoiqu'il occupât la cavité même de l'utérus. Dans l'un des cas de M. Récamier, il s'agissait d'un polype petit, mou et vasculaire, il le saisit avec des pinces à polypes ordi-naires, pendant qu'un aide pressait sur l'hypogastre pour abaisser la matrice, puis il tira dessus, mais il le déchira et ne réussit qu'à en extraire une partie ; pour enlever ce qui restait, il intro-duisit la pince fermée le long de son doigt indicateur , pressa le polype entre eux et parvint ainsi à l'extraire en totalité dans l'es-pace de quelques minutes. La malade fut prise de symptômes de métro-péritonite cpii se calmèrent bientôt, et elle fut guérie-Au lieu de pinces à polypes on pourrait aussi bien employer des pinces de Museux ou des tenettes, surtout si le polype était mou et petit. Mais s'il était fibreux et. très volumineux, de manière à remplir la matrice et le vagin, s'il déterminait de, vives dou-leurs, l'arrachement ne devrait être mis en usage qu'autant qu'il serait impossible de porter une ligature sur le pédicule , ou d'en pratiquer l'excision, et alors ce serait avec divers inslrumens, soit une pince à faux germe de Levret, un forceps droit ou courbe, des érignes ou des fils qu'il faudrait aller saisir la tumeur, afin de pouvoir exercer sur elle des tractions méthodiques et de l'ame-ner hors de la vulve. Cette opération a souvent été faite avec succès : Baudelocque rapporte une observation fort remar-quable, dans laquelle il pense que l'application du forceps eût amené la guérison si Louis, l'un des consultans, ne s'y fût opposé. Herbiniaux a réussi plusieurs fois à extraire, par l'arra-chement, des polypes qui avaient résisté à tous les autres moyens. Depuis, Murât, MM. Deneux, Hervez de Chégoin , Velpeau, et autres, ont également eu l'occasion de l'appliquer avec succès. Au lieu du forceps on pourrait enfoncer des crochets dans la substance du polype pour tirer dessus. Dans trois cas, M. Velpeau embrassa le sommet de la tumeur avec de longues pinces de Museux, puis il conduisit, au-dessus de la portion la plus épaisse, deux fortes érignes à doubles crochets, une de chaque côté, et les enfonça profondément dans son tissu; ensuite, par des trac-tions méthodiques, il l'amena dans le détroit inférieur, et finit parla détacher. Dans un de ces cas, il fallut faire une incision au pédicule, qui céda facilement après; et dans un autre, il en détacha une partie qui avait la forme d'une tranche de melon, et dont la soustraction permit ensuite de l'abaisser facilement.
Au lieu d'employer le forceps ou des crochets qui pourraient blesser les parties saines s'ils venaient à déchirer tout-à-coup la substance du polype dans laquelle ils sont enfoncés, on pourrait traverser la tumeur, à quelques pouces de son extrémité infé-rieure, avec une aiguille légèrement courbée, montée sur un manche, et portant près de la pointe une ouverture et tin fil assez volumineux. Lorsqu'on en aurait passé plusieurs de la sorte, on pourrait facilement tirer dessus et déchirer le polype sans crainte de rien blesser.
En résumé, l'arrachement n'est bon comme méthode générale que dans les cas de polypes vésiculeux et cellulo-vasculaires qui siè-gent dans le col ou sur le col ; encore faut-il employer quelque-fois la cautérisation pour arrêter l'hémorrhagie. Contre les poly-pes fibreux , l'arrachement ne peut être employé qu'exception-nellement, et lorsqu'il n'est pas possible de lier la tumeur, ou de lui faire traverser la vulve sans exercer sur elle des tractions assez fortes.
3° Broiement. M. Récamier l'a pratiqué deux fois avec succès. Dans le premier cas, il s'agissait d'un polype ayant le volume du gros orteil, qui s'insérait à la partie supérieure du col, et fai-fait saillie dans le vagin. Il le comprima avec le doigt indicateur delà main droite, et parvint à l'écraser et à l'extraire par mor-ceaux en moins de quelques minutes. La seconde fois, Du-puytren et M. Récamier avaient affaire à un polype fibreux qui était renfermé dans l'utérus. On tenta d'abord de l'extraire par l'incision du col, mais les tractions qu'on exerçait dessus avec des érignes ne faisaient que le déchirer : d'un autre côté, voyant qu'ils ne pouvaient jeter une ligature autour de son pédicule, tandis que le peu de cohésion de ses parties, permettrait de le broyer , ils l'étreignirent entre des pinces-érignes et les doigts, et ne cessèrent qu'après que la tumeur fût réduite en filamens qui glissaient entre les mors et les griffes de l'instrument. Ce résidu , abandonné à lui-même, fut entraîné par la suppuration. Il ne survint aucun accident, et au bout de peu de temps, la guérison fut complète.
Cette méthode, comme la précédente, ne doit être employée cpi'exceptionnellement, lorsqu'on n'a pu ni appliquer une liga-ture, ni abaisser la tumeur par l'un des moyens que nous avons indiqués, et que, en outre, son tissu est assez friable pour per-mettre aux doigts de le déchirer. Les polypes qui naissent du corps de l'utérus, et qui ont pour noyau un caillot fibrineux, pourront aussi être traités efficacement par le broiement.
4" Torsion. Ce n'est qu'une espèce d'arrachement fait en tournant, au lieu d'être fait en tirant. Il a été pratiqué avec succès, et conseillé dans le siècle dernier par Botidou et Lapey-ronie ; ils espéraient par là rompre plus facilement le pédicule, et éviter sûrement l'hémorrhagie. Craignant que la torsion ne fût portée au-delà du pédicule, et n'exposât à enlever en même temps une portion de la matrice , mais croyant néanmoins l'opé-ration bonne en elle-même, Hévin pensa qu'on pourrait éviter la lésion du tissu de l'utérus, en faisant fixer, à sa partie supérieure, l'origine de la tumeur avec une pince, pendant qu'on ferait tour-ner celle-ci sur elle-même, et fit soutenir son opinion dans une thèse en 1753. M. Pécot assure en avoir retiré de bons effets sur des polypes mous, après l'accouchement. Sanson l'employa une fois avec succès pour extraire un polype fibreux de la grosseur du poing, chez une femme qui venait d'accoucher. Dupuytren qui l'a pratiquée plusieurs fois, conseille de dilater le vagin avec un spéculum bivalve, puis de charger le polype avec l'indicateur gauche, entre les mors de la pince, qui doit briser son pédicule par torsion et arrachement (pl. 71 , f. 1).
5" Ligature. Née dans l'école d'Alexandrie, on la voit plus tard décritepariEtius, puis par Moschion, chez les Arabes. Mais parmi les modernes, il ne paraît pas que, avant Levret, elle eût jamais été appliquée que sur des polypes sortis de la vulve. Levret, en 1742 , est le premier qui l'ait portée sur des polypes encore contenus dans le vagin , et qui s'inséraient à sa partie tout-à-fait supérieure, ou même jusque dans le col utérin. Herbiniaux a été plus loin encore; il a lié des polypes qui n'étaient pas encore com-plètement sortis de la matrice, et dont le pédicule s'insérait dans le fond de cet organe. Maintenant donc, la ligature peut être ap-pliquée dans trois cas différens; savoir: sur les polypes situés
hors de la vulve, sur ceux qui sont dans le vagin, et sur ceux qui sont encore en partie contenus dans la matrice.
i0 Ligature des polypes sortis de la vulve. On peut les lier de deux manières: ou on étreint leur pédicule dans une anse de fil composée de plusieurs brins, ou bien on le traverse avec une ai-guille année d'un fil double, et on étrangle chaque moitié dans l'anse de fil qui lui correspond. La première ligature s'applique lorsque le pédicule est étroit; et la seconde, lorsqu'il est assez épais pour qu'on puisse craindre qu'il ne soit pas convenable-ment étranglé par une seule anse. Il peut même se présenter des cas où l'on soit obligé d'appliquer un plus grand nombre de fils. Du reste, on doit faire en sorte de les faire porter le plus haut possible, en prenant toutefois la précaution de ne pas les ap-pliquer sur le tissu de la matrice qui , étant renversée , se pro-longe avec le pédicule de la tumeur. Lorsque le pédicule est petit, on recommande dele couper immédiatement, près de la ligature; mais s'il est gros , on doit laisser écouler quelques jours avant de le couper, afin de pouvoir serrer davantage la ligature si cela de-vient nécessaire, ou bien en appliquer une seconde. Toutefois, il ne faut pas trop retarder la fin de l'opération, afin de débarrasser la femme des tiraillemens douloureux qu'elle éprouve, des ma-tières sanieuses et putrides qui viennent du polype, et de la mau-vaise odeur qu'il exhale. Après la séparation de la tumeur, la liga-ture remonte avec son pédicule et ne se détache qu'au bout de quelque temps. Il est essentiel, pendant qu'elle reste en place, de faire des injections dans le vagin, avec un liquide émollient, dé-tersif ou antiseptique, suivant les circonstances.
1° Ligature des polypes descendus dans le vagin. — Procédés de Levret. Ainsi que nous l'avons dit, cet accoucheur est le premier qui ait tenté la ligature de ces polypes. Il faisait placer la femme en travers sur le bord de son lit, les jambes écartées et les pieds appuyés sur deux chaises. Pour faire la ligature, il avait inventé plusieurs instrumens auxquels il fit subir par la suite de nombreuses modifications. Le premier qu'il fit connaî-tre , en 1757 , était constitué par deux canules souciées ensemble, et séparées par une cloison (pl. 76, f. 33). Il faisait pénétrer dans chaque canule l'extrémité d'un fil d'argent de coupelle, de ma-nière à lui faire former une anse grande à-peu-près comme une pièce de cinq francs. Ce fil, qui avait un demi-millimètre de dia-mètre et un mètre de longueur, était fixé par un bout à l'un des anneaux que portait la double canule à son extrémité externe. Pour appliquer cet instrument ainsi préparé, il insinuait l'anse dans la vulve et la faisait filer jusqu'au fond du vagin , en cô-toyant le polype; arrivé là, il introduisait deux doigts de la main gauche dans le vagin, et s'assurait si l'anse était assez grande pour admettre le polype; dans le cas contraire, il l'agrandissait en poussant le bout libre du fil, et le dirigeant autour de la tumeur. Lorsque celle-ci était comprise dedans, il s'assurait que l'anse montait jusqu'à son pédicule, tirait sur le chef mobile jusqu'à ce qu'elle ne pût plus sortir, fixait et arrêtait le fil à l'anneau corres-pondant; puis il terminait en faisant exécuter à la double ca-nule plusieurs tours sur elle-même , de manière à étrangler le pédicule, et fixait cette canule à la cuisse. Ensuite, soir et matin, il augmentait la constriction jusqu'à la chute du polype.
Ce procédé était difficile à exécuter, outre que, le fil en se tordant, se cassait quelquefois, ce qui obligeait l'opérateur à réappliquer la ligature. Pour y remédier, Levret imagina une es-pèce de pince dont les tiges étaient creuses, et se croisaient à-peu-près vers le milieu de leur étendue. Un fil fort étant passé dans chacune d'elles, il s'agissait de renfermer le polype entre les branches de l'instrument, et de repousser l'anse derrière son pédicule; pour cela, il introduisait la pince fermée, puis il l'ouvrait et engageait la tumeur clans le triangle formé par le fil et ses bran-ches; alors , en tirant les deux bouts du fil, la pince se fermait, et le pédicule du polype était étranglé entre elle et l'anse dont on attachait les extrémités autour delà pince pour la fixer. Ce second procédé est fort ingénieux , mais il ne peut s'appliquer qu'à des polypes d'un petit volume , et ne permet pas d'aller les atteindre jusque dans l'utérus. On a donc bien senti le besoin d'en avoir d'autres. Herbiniaux en imagina de fort convenables , et s'en est servi plusieurs fois avec succès pour porter la ligature sur des po-lypes situés dans la matrice. Mais, comme ceux que le célèbre Desault inventa plus tard dans le même but sont plus simples , plus faciles à appliquer , et conviennent pour tous les cas, nous nous contenterons, ainsi qu'on le fait généralement, d'en donner la description.
Procédé de Desault. L'avantage essentiel qu'il présente est de pouvoir s'appliquer également aux polypes descendus clans le va-gin et à ceux qui sont renfermés dans l'utérus. Trois instrumens sont nécessaires : i° Une pince porte-fil: c'est une canule droite, longue de i4 à 16 centimètres (5 à 6 pouces), portant, près de son extrémité externe, deux anneaux. Dans cette canule glisse une tige plus longue, terminée en dehors par un anneau, et bi-furquée à son autre extrémité. Les branches s'écartent ou se rap-prochent suivant qu'on pousse la tige hors de la canule ou qu'on la retire dedans, i" Le porte-nœud, canule, longue de 18 centi-mètres, légèrement recourbée et garnie extérieurement de deux anneaux, destinés à arrêter les fils lorsqu'on porte l'instrument clans le vagin. 3°Le serre-nœud, tige, de 16 centimètres (6 pouces) de longueur. Une de ses extrémités est aplatie, coudée a angle droit et percée d'un trou, destiné à laisser passer les extrémités du fil; l'autre extrémité, également aplatie, présente une échan-crure profonde pour recevoir et arrêter les deux chefs. '
Pour procéder à l'application de la ligature, la femme étant placée comme pour l'opération de la lithotomie, on introduit dans la camde porte-nœud une des extrémités du fil qu'on ar-rête à l'un de ses anneaux; l'autre bout est contenu dans l'anneau cpie forment les deux branches rapprochées de la pince porte-fil, et fixé à l'un des anneaux qui se trouve à son extrémité externe. On introduit ces deux instrumens, accolés parallèlement, dans le vagin ; on les fait glisser entre les parois de ce canal et la tumeur, et on les enfonce jusqu'à l'endroit où s'insère son pédicule dans la matrice. Si c'est à ses parois qu'il s'insère, détachant le bout de la ligature, conduit par la canule porte-nœud, on prend celle-ci avecla main droite, et, pendantque la pince, fixée parla main gauche, reste immobile, on fait décrire à la première une circonvolution qui lui permet d'embrasser le pédicule du polype avec l'anse du fil, dont on croise les chefs en changeant les ca-nules de main. Il suffit de répéter plusieurs fois cette manœuvre, en allant toujours dans le même sens, de droite à gauche par exemple, pour augmenter la constriction du pédicule. Après avoir fait deux ou trois tours, on retire la canule, on introduit les deux chefs de la ligature dans le trou du serre-nœud qu'on choisit as-sez long pour atteindre à la hauteur du point étranglé du po-lype, on dégage la pince, en poussant sa tige dans sa canule, et on établit une constriction aussi forte qu'on le désire, en tirant sur les extrémités du fil qu'on vient en définitive fixer dans l'é-
chancrure, placée à l'extrémité externe du serre-nœud. Celui-ci, garni de charpie ou de linge, est laissé dans le vagin jusqu'à la chute de la tumeur.
Sous-procédé de M. JViessen. Il préfère se servir de deux lon-gues sondes ou camdes d'argent, dont la courbure peut être aug-mentée ou diminuée à volonté. Un des bouts du fil étant passé dans chacune d'elles, il est facile de porter l'anse qui les termine autour du pédicule du polype. Lorsque cette manœuvre est exé-cutée, on engage les chefs du fil dans une autre canule plus grosse, divisée en deux compartimens, par une cloison longitudinale. Cette troisième canule, qui n'a pas plus de quatre à cinq centi-mètres ( 1 pouce et demi) de longueur, est enfoncée le plus près pos-sible de la tumeur, soit avec les doigts, soit avec une sonde à cro-chet, et a pour but de forcer l'extrémité supérieure des deux son-des à se rapprocher de plus en plus l'une de l'autre sans cesser d'être parallèles. Un semblable appareil est loin de présenter les mêmes avantages que celui de Desault.
Sous-procédé de M. Colombat. Ce chirurgien a imaginé, pour porter le nœud autour du pédicule, un instrument auquel il a donné le nom de polypodéon : sa forme est celle d'une pince à disséquer, dont les mors, en cuiller et armés de dents, doivent saisir le polype ; une tige au centre sert aussi à faire avancer, entre les deux lames, un porte-nœud destiné à porter, au-delà des mors, une anse de fil résultant d'un nœud simple. Une fois que la tu-meur est saisie par les mors de la pince, il suffit de pousser la tige pour faire avancer le porte-nœud , qui entraîne avec lui le fil. Si la tumeur était trop grosse pour traverser le nœud simple, on tirerait alternativement et séparément sur chacun des chefs de la ligature jusqu'à ce qu'elle fût parvenue sur le pédicule. Quand on aura obtenu ce résultat, on tirera à soi, et simultanément, les deux bouts de fil, de manière à serrer un peu le pédicule du po-lype ; puis, en ramenant clans le même sens la tige centrale qui fait mouvoir le porte-nœud et les branches de la pince, l'instru-ment sera retiré en laissant la tumeur liée.
Cet instrument est très ingénieux, très commode et très facile à manier, mais il est spécial et difficile à fabriquer, tandis que ceux de Desault se trouvent partout.
Sous-procédé de M. Major. 11 consiste à porter la ligature à l'aide de deux instrumens, terminés en forme de pattes d'écré-visses, desquelles on la dégage en tirant dessus. La ligature est soutenue aussi haut que possible, par trois petites fourches, qu'on n'ôte qu'après avoir placé le serre-nœud.
En Angleterre, on a proposé, lorsqu'il s'agit de polypes du va-gin, de se servir du doigt indicateur pour porte-nœud ; pour cela, on place le milieu de l'anse sur l'extrémité du doigt indicateur gauche par exemple, on la tend en tirant sur les extrémités du fil avec l'autre main, on la porte derrière le polype, et on cherche à l'y engager, puis on étrangle son pédicule avec le serre-nœud. M. Malgaigne commence par placer le serre-nœud, puis il engage le polype dans l'anse du fil, conduit sur l'indicateur, et établit immédiatement la constriction. C'est à-peu-près là, ce nous sem-ble, l'effet du premier procédé de Levret,
De tout ce qui précède, il résulte que les différentes modifica-tions imaginées pour la ligature des polypes ne sont que des imi-tations du procédé de Desault. Ajoutons aussi que ses instru-mens suffisent dans tous les cas; seulement, il peut être quel-quefois nécessaire de les modifier dans leur longueur. Il serait donc fort inutile de parier d'une foule d'autres instrumens dont on encombre sans raison cette branche de la chirurgie. Le serre-nœud fait seul exception; celui de Desault est très bon, et. surtout tres simple; mais, connue il est utile que cet instrument soit flexi-ble, on peut donner la préférence à l'un de ceux de llodérick, de Gra-ffe, de Dupuytren, ou de MM. Colombat, Boucher, de Lyon, et Levannier, de Cherbourg, imités de celui de Rodérick.
Lorsque la ligature est placée, on la serre jusqu'à ce que la femme en éprouve une sensation douloureuse. Toutefois, cet ef-fet ne doit pas être porté trop loin, car il pourrait être suivi d'ac-cidensfort graves: des douleurs atroces (Hervez de Chégoin), des convulsions (fterbiniaux), desaccidens nerveux, portés au point de causer la mort (Martin), et même une métro-péritonite, comme plusieurs chirurgiens en ont vu des exemples. Pour se rendre raison d'accidens aussi formidables, on a pensé que, dans ces cas, on avait porté la ligature jusque sur le fond de la matrice renver-sée. Quoique cene soit là qu'une supposition, c'est du moins un avertissement de prendre garde , en étreignant le lien , de ne point dépasser la substance du polype; au reste, si la malade éprouvait des douleurs par trop vives, ou si elle tombait clans les convulsions, le meilleur moyen d'y remédier serait de desserrer la ligature, de s'assurer de la zone sur laquelle elle portait, et d'at-tendre que la malade fût remise avant de resserrer le lien; mais, si, après une nouvelle tentative, les mêmes accidens se reprodui-saient, il faudrait enlever tout-à-fait la ligature. Dans le cas, au con-traire, où son application n'est suivie d'aucun accident, il faudrait la laisser en place, et en augmenter chaque jour la constriction. En général, la tumeur se détache clans l'espace de cinq à dix jours, rarement plutôt, mais quelquefois beaucoup plus tard, suivant la résistance des tissus. Leblanc rapporte une observation clans la-quelle elle mit près de trois mois à se détacher. Peu de temps après que la ligature est appliquée, surtout si le pédicule du po-lype est volumineux, la tumeur se gonfle, prend une teinte ar-doisée ou violacée; les vaisseaux superficiels se déchirent, et lais-sent écouler du sang; mais aux hémorrhagies, qui ne sont jamais très abondantes, succède un écoulement blanchâtre et d'une fé-tidité extrême, cpii résulte de la décomposition du polype. Pour peu alors qu'il reste long-temps à se détacher, il y a lieu de crain-dre que le contact de ces matières délétères n'irrite ou n'enflamme le vagin et la vulve, et surtout, si elles venaient à être absorbées et transportées dans le torrent circulatoire, qu'il n'en résultât une fièvre de mauvais caractère. Le seul moyen de prévenir cette fâ-cheuse complication est d'exciser le pédicule du polype au-dessous de la ligature : dans un cas pareil, M. Demazière, de Bergues, suivant ce cpt'il en a écrit à M. Velpeau (Mêd. opèr. t. iv, pag. 392) a parfaitement réussi à exciser, sur une femme de /¡0 ans, un polype du poids de 2 livres 1/2 (i25o gram.), dont il a opéré l'abaissement avec un forceps. S'il n'était pas possible d'a-mener le polype assez bas pour exciser son pédicule, le mieux serait encore d'en emporter le plus cpie l'on pourrait et d'en pra-tiquer ainsi l'excision partielle, même à des jours différens. Il ne faudrait pas moins que de ne pouvoir y atteindre (circonstance improbable, après la striction opérée) pour en abandonner la chute à la nature. Dans tous ces cas, du reste, il faut avoir soin de faire, plusieurs fois par jour, des injections, soit émollientes, soit de quinquina ou de chlorure d'oxide de sodium.
Une question qu'il n'est pas sans intérêt d'examiner, est celle de savoir si la séparation du polype s'opère clans le point où a été applicpiée la ligature, ou bien dans le point où il prend insertion à la matrice, comme le cordon ombilical de l'enfant après la
naissance; à cet égard, les opinions sont partagées: Levret et après lui, Gardien et M. Gensoul, de Lyon, ont admis la seconde opinion et se sont appuyés sur des faits. Boyer, au contraire, a combattu cette manière de voir, prétendant qu'il n'y a au-cune comparaison à faire entre le cordon ombilical et le pédicule d'un polype sous le rapport de leur structure. « Si l'on prenait « l'opinion hasardée de Levret pour une règle certaine, dit-il, « on conçoit les erreurs de pratique qui pourraient en résulter. » Dupuytren la regardait également comme dangereuse. M. Vel-peau pense que les deux manières de voir sont vraies, mais dans de certaines limites. «Les polypes muqueux, dit-il, ceux où « viennent se distribuer de nombreux vaisseaux qui se continuent « d'une manière évidente avec le tissu même de l'utérus, ne s'ac-« commoderaient pas de la théorie de Levret, laquelle ne me pa-« raît applicable qu'à ceux que forment de véritables corps étran-« gers au sein des organes, ou bien encore aux polypes purement « fibreuxoulardacés,dépourvusdesystèmevasculaireappréciable. « J'ai vu plus d'un pouce de la racine d'un polype fibreux tomber « long-temps après la chute du fil, et se putréfier bien au-delà « de son excision dans deux autres cas.» (Méd.opér., t.iv,p. 393.)
Lorsque le polype est détaché, s'il ne sort pas seul ou sous l'in-fluence des efforts de la défécation , on tâchera de le retirer avec les doigts, et si l'on ne peut réussir , on le saisira avec des pinces de Museux , ou bien avec une pince à faux germe.
Après la section du pédicide de la tumeur, la matrice remonte, et son orifice qui était dilaté ne tarde pas à revenir à son état naturel. La femme continue à voir pendant quelque temps un léger écoulement de matière mucoso-purulente qui finit par dis-paraître sous l'influence des injections et des bains.
La ligature est généralement considérée comme le meilleur mode opératoire qu'on puisse employer pour obtenir la cure des polypes. H y a des cas où l'on doit lui donner une préférence exclusive sur tous les autres. Ce sont suivant MM. Siébold , Mayer et Colombat. i° Ceux où l'on sent les pulsations d'une ar-tère dans l'épaisseur du corps de la tumeur ; 2° Ceux où le pédi-cule est très épais, et donne à penser qu'il peut contenir quelque vaisseau artériel dans son épaisseur; 3° Ceux où l'insertion du pédicide se faisant très haut, il serait difficile d'aller l'atteindre pour en faire la résection. Hors ces cas, la ligature présente beaucoup d'inconvéniens, et expose la femme à de graves acci-dens. 11 était à désirer qu'on pût lui substituer une autre méthode, à l'aide de laquelle il fût possible de les éviter, et qui fût aussi sûre et plus rapide : cette méthode est l'excision.
6° Excision. Quoique cette opération , où il s'agit de porter l'instrument tranchant, hors de la vue, dans l'utérus, soit telle-ment hardie , qu'aujourd'hui même , avec tous les moyens d'ex-ploration que l'art possède, beaucoup de chirurgiens hésitent encore à la pratiquer, il paraît néanmoins qu'elle aurait été l'une des plus anciennement mises en usage. Philoténus, Aétius dans l'antiquité, Moschion chez les Arabes, recommandaient l'excision de cequ'ilsappellentles excroissances variqueuses ou hémorrhoï-dales de l'utérus. Au seizième siècle (1570), Fabrice d'Aqua-pendente, non-seulement pratiquait l'excision, mais la manière dont il y procédait avec des tenettes terminées en cisailles, qui lui permettaient d'agir profondément sans abaisser l'organe, prouve à quel point il craignait peu l'hémorrhagie, si redoutée depuis par tant de chirurgiens. Après lui, Tulp (1641) et quelques autres, rapportent encore quelques faits d'excision ; mais il est évident qu'ils deviennent de plus en plus rares. Lapeyronie (1706) n'ose
T. VII.
exciser les polypes qu'autant qu'ils sont situés hors de la vulve. Herbiniaux, plus hardi, recommence à pratiquer plus profondé-ment l'excision, et la porte avec succès jusque dans la cavité de l'utérus. Mais, loin que son exemple soit suivi, cette opération paraît abandonnée des chirurgiens du dernier siècle, toujours par cette même crainte de voir survenir l'hémorrhagie. De nos jours Boyer remit une fois, avec succès, cette excision en pra-tique, mais seulement pour un polype à pédicule étroit, et il n'o-sait la recommander que dans les cas de ce genre. Dupuytren, au contraire, s'appuyant sur l'anatomie pathologique et sur un grand nombre d'opérations faites avec succès, a mis tous ses efforts à la faire adopter comme méthode générale, et a réussi.
Manuel opératoire. La femme étant placée, comme nous l'a-vons dit précédemment, on s'assure d'abord, par le toucher, de la position de la tumeur et de l'insertion de son pédicule. Cette notion acquise , il s'agit d'introduire les pinces de Museux dans le vagin. On peut y procéder seulement par le tact, en dirigeant les pinces sur un ou deux doigts de la main gauche, destinés à protéger les parois du canal contre les griffes de l'instrument; mais il est plus sûr d'agir dans la cavité d'un spéculum, préala-blement introduit dans le vagin. Cette disposition étant prise, on accroche le polype, on exerce sur lui des tractions légères et bien dirigées, dans le but de l'attirer jusqu'à la vulve, et l'on en-joint à la femme d'aider à ces tractions en poussant comme si elle voulait accoucher. Lorsque la tumeur descend avec facilité, et qu'on peut atteindre son pédicule, on en fait l'excision avec de longs ciseaux courbés sur le plat (pl. 71 , fig. 3), ou bien avec un grand bistouri boutonné, concave et courbé sur le plat (pl. 71 , f. 4)- Au lieu de n'employer qu'une seule pince de Mu-seux, Dupuytren et M. Lisfranc, ont pensé qu'on saisirait plus solidement la tumeur avec deux pinces, dont on appliquerait les crochets aux extrémités de deux diamètres qui le couperaient à angle droit (fig. 3, pl. 7 1), et qu'on pourrait ainsi exercer sur le polype des tractions plus fortes et plus soutenues. Cette manœu-vre est généralement adoptée par les chirurgiens. Toutefois, M. Colombat rejette l'emploi de ces deux érignes qui gênent, dit-il, l'opérateur; il condamne également le forceps, parce qu'il glisse facilement, et préfère se servir d'une quadruple érigne, de son invention , appelée utêroceps, dont les quatre branches, à huit crochets, se rapprochent ou s'éloignent au moyen d'une tige centrale fixée sur un coulant disposé en croix. Cet instrument qui saisit circulairement la tumeur, sans gêner ou masquer les manœuvres, et permet ainsi d'opérer seul, offre bien à la vérité des avantages; mais il offre, comme tous les instrumens spéciaux, l'inconvénient de ne convenir que pour des cas déterminés.
Si la tumeur cédait facilement aux crochets , à cause de sa mol-lesse , M. Lisfranc conseille de porter les érignes sur le col uté-rin lui-même, d'abaisser la matrice tout entière et de la main-tenir dans cette position jusqu'à ce qu'on ait extrait le polype. Lorsqu'il oppose de la résistance, et qu'on sent qu'il remonterait si on le lâchait, comme il y aurait du danger à vouloir en forcer la descensión, et de l'inconvénient à le laisser aller, puisqu'il fau-drait recommencer la manœuvre, le mieux est, sans désemparer, de conduire sur les doigts de la main gauche le bistouri bou-tonné ou les ciseaux, jusque sur la partie la plus rétrécie de son pédicule, et d'en faire la section. Quand même le pédicule du polype serait très court et très volumineux, pourvu qu'il fût de nature fibreuse et ne présentât pas de battemens, rien ne s'op-poserait à ce qu'on en fît l'excision.
Lorsque le polype est volumineux, qu'il s'insère profondément dans l'utérus , et que le col de cet organe le serre de manière à l'étrangler, à l'empêcher de s'abaisser, et à faire obstacle à l'intro-duction des instrumens, on a conseillé de débrider l'anneau constricteur. Dupuytren et M. Hervez de Chégoin l'ont fait avec succès. Dans deux cas où la tumeur ne pouvait sortir, Dupuy-tren incisa le col de la matrice en arrière et sur les côtés, et par-vint facilement à la dégager.
La même opération a été proposée pour les cas d'étroitesse du col, lorsque le polype est encore renfermé dans l'utérus, mais au préalable, il est essentiel de commencer par essayer de dilater le col. La section ne doit venir qu'à la suite et autant que la dilatation obtenue serait encore insuffisante pour permettre les manœuvres.
Si la tumeur était trop grosse pour franchir la vulve, ou si la vulve était trop petite pour la laisser passer, on pourrait tenter d'en faire l'extraction avec le forceps, comme Herbiniaux le pre-mier l'a tenté avec succès, et comme l'ont pratiqué, d'après lui, MM. Deneux, Murât et Hervez de Chégoin. Mais , dans le cas où le polype se laisserait déprimer par l'instrument, et fuirait entre ses branches, comme il faudrait ou élargir l'espace ou diminuer le volume de la tumeur , on aurait à choisir, suivant le cas , de trois choses l'une : ou inciser le périnée, comme M. Velpeau dit l'avoir fait une fois avec succès dans un cas avec M. Demazières de Bergues; ou fendre la tumeur en deux suivant son diamètre vertical, comme le conseillait Béclard, afin d'en exciser les deux moitiés l'une après l'autre, ou bien, pour la rétrécir, se contenter d'en enlever un segment semblable à une tranche de melon , comme M. Cbassaignac l'a fait une fois avec succès.
Si la tumeur avait contracté des adhérencesaveclevagin, comme cela eut lieu dans une observation rapportée par M. Bérard, il faudrait commencer par la détacher à petits coups avec des ci-seaux courbés sur leur plat, avant d'en exciser le pédicule.
Appréciation. L'excision est en général une bonne opération , car elle n'offre pas de difficultés insurmontables, et n'a que très rarement produit des accidens graves. L'hémorrhagie, qu'on a craint de voir survenir, n'a presque jamais eu lieu. Il est vrai que Zacutus Lusitanus en rapporte une exemple {Praxis medic. Observ. 86, lib. 2), que M. Marjolin dit en avoir observé un autre, et que, dans les deux cas, la femme mourut. Mais Dupuy-tren qui n'a jamais pratiqué d'autre méthode, ne s'est trouvé qu'une seule fois dans la nécessité de donner quelques soins par-ticuliers à une femme qui, après l'excision, eut une perte assez abondante, mais se rétablit. MM. Siébold, Mayer, Villeneuve, Lisfranc, Velpeau, Hervez de Chégoin, l'ont également mise à exécution, sans voir survenir d'hémorrbagie inquiétante. Les faits, d'accord en cela avec l'anatomie pathologique, sont donc main-tenant assez nombreux pour prouver que les craintes que l'on avait de l'hémorrhagie étaient presque chimériques; et d'ailleurs, si elle survenait, il serait possible d'y remédier, soit par des in-jections d'oxicrat, d'alun, ou d'eau de Rabel étendue, soit par le tamponnement avec des bourdonnets de charpie couverts de pou-dres astringentes et absorbantes, tels que la colophane, ou imbi-bées de liquides styptiques. Enfin, si l'on voulait avoir plus de sé-curité, rien n'empêcherait de placer d'abord une ligature sur le pédicule du polype, et de faire ensuite l'excision de la tumeur.
Outrel'héniorrhagie, on acraint devoir la plaie, qui résulterait de l'excision, être suivie d'une pblegmasie capable de causer la mort. Cette crainte n'est pas sans fondement. A ce sujet, M. Velpeau rap-porte avoir excisé un polype qui ne dépassait pas le volume d'une cerise, et que la femme mourut néanmoins d'une métro-péritonite en huit jours ; dans deux autres cas, il a vu des symptômes sérieux de phlébite ou de suppuration du bassin survenir après l'opéra-tion. Mais, si l'excision a ses dangers, les autres méthodes sont loin aussi d'être exemptes d'accidens. L'arrachement présente au-tant de chances pour causer une inflammation de matrice consé-cutive. On peut en dire autant de la ligature qui, en outre, cause de vives douleurs, des accidens nerveux, et a quelquefois été suivie d'hémorrbagie (Monfalcon, Dict. des sciences méd. Art. polypes). Or, puisque l'excision n'est que rarement suivie d'ac-cidens graves, et qu'elle offre sur les autres méthodes l'avantage de débarrasser plus promptement et plus sûrement les malades des incommodités et des dangers qui accompagnent la présence des polypes, c'est avec raison que l'on s'accorde aujourd'hui, d'après Dupuytren, à l'ériger en méthode générale.
TUMEURS DE L'UTÉRUS.
11 s'en présente de deux sortes : les unes libres et flottantes dans la cavité de l'utérus, après s'être développées soit dans la cavité même , soit dans les parois de l'organe ou dans ses annexes, n'y existent plus que dans les conditions de corps étrangers, dont il suffit de pratiquer l'extraction. Les autres ren-fermées dans l'épaisseur des parois utérines font corps avec le tissu de la matrice, et ne peuvent en être séparées que par une opération spéciale.
TUMEURS FLOTTANTES DE l'uTÉRUS.
Ce sont tantôt des concrétions pierreuses, tantôt des tumeurs moliformes ou des débris de fœtus. M. Velpeau rapporte ( Méd. opérât., t. iv, p. 317) qu'il a rencontré une concrétion du vo-lume d'un gros œuf, arrondie et bosselée, renfermant dans plu-sieurs points de son épaisseur, des poils et quelques parcelles de tissu osseux et de tissu cutané, tandis que toute sa circonférence n'était qu'une simple croûte calcaire. Les concrétions pierreuses, proprement dites, ont été connues de tout temps. Hippocrate parle d'une servante de Larisse qui, à l'âge de 60 ans , fut saisie de douleurs aussi vives que celles de l'accouchement, et rendit une pierre d'un fort volume. Aétius rapporte des faits sembla-bles ; Louis a rassemblé un grand nombre d'observations sur ce sujet : depuis, tous les auteurs en ont parlé.
Tant que ces corps restent renfermés dans la matrice, et loin de l'atteinte des instrumens, la médecine opératoire n'a rien à faire, parce qu'on ignore si les symptômes auxquels ils donnent lieu, dépendent d'eux ou de toute autre cause. Mais si le col uté-rin est mou et dilatable , et qu'on puisse à l'aide d'un stylet s'as-surer de la nature du corps, et si, outre cela, il cause des accidens graves, on doit tâcher d'en faire l'extraction avec des tenettes étroites et allongées , ou tenter de le broyer avec la pince à trois branches, comme le conseille M. Colombat. Dans ce cas, Aétius prescrit de tâcher de le faire sortir de l'organe, en pressant dessus avec deux doigts introduits dans le rectum, et une main appli-quée sur l'hypogastre, et d'aller ensuite le saisir dans le vagin. Si l'orifice utérin n'est pas mou et dilatable , mais, qu'on soit sûr de la présence du calcul, il conseille de dilater préalablement le col, même de le débrider sur plusieurs points, pour faciliter l'en-trée de l'instrument. Louis a également conseillé le débridement du col, mais avec des ciseaux dont les lames seraient tranchantes en dehors. Si, malgré le débridement, le calcul ne pouvait être
extrait à cause de ses rugosités, et parce que la matrice est pour ainsi dire moulée sur lui, M. Colombat pense que, dans ce cas re-gardé généralement comme au-dessus des ressources de l'art, on pourrait recourir à la lithotritie avec plus de chances de succès , que si le corps était dans la vessie.
tumeurs fibreuses interstitielles de l'utérus.
Quoique cette maladie, par sa nature et son étiologie, ne soit qu'une variété des tumeurs osseuses et fibreuses; avec ou sans pédicule, décrites par Levret, Herbiniaux , Bayle, Dupuytren, MM. Ribes, Récamier, Breschet, Cruveilhier, Hervez de Ché-goin, etc., au point de vue de la médecine opératoire du moins, la circonstance qui fait que ces tumeurs se présentent enchaton-nées dans l'épaisseur de l'utérus, revêtues par une couche plus ou moins épaisse du tissu de cet organe, constitue un fait essentiel, puisque, jusqu'à présent, elle avait fait considérer cette variété de tumeur comme inopérable, suivant l'expression de Dupuy-tren. C'était effectivement l'opinion de ce grand chirurgien {Le-çons oral, de clin. chir.,t. iv, i83q), exprimée avant lui, par Bayle et Boyer, et depuis, par M. Gerdy (Th. sur les polypes, 1833). A cet égard, MM. Ribes et Velpeau s'étaient déjà séparés de l'opi-nion commune en admettant la possibilité de pratiquer l'énucléa-tion des tumeurs fibreuses, au travers d'une incision. « Pourvu, disait M. Velpeau, qu'on incise un peu au-dessus du plus grand diamètre du polype, qu'on puisse donner à l'incision une cer-taine étendue, et diviser toute la couche de tissu naturel qui en-veloppe la production morbide, il n'en faut pas davantage pour que, avec les doigts, le manche de l'instrument ou de simples tractions, on parvienne à le détacher, comme on sépare un noyau de fruit des parties qui l'enveloppent (ISouv. élérn. de méd. opér., ire édit.,t. in, pag. 611, i832). » D'un autre côté, M. Ribes avait été amené à conseiller aussi cette opération d'après la facilité qu'il avait trouvée dans plusieurs autopsies, de détacher et d'é-nucler, par une simple incision, de leur paroi de revêtement, les tumeurs fibreuses développées dans l'épaisseur de l'utérus.
Tel était l'état de la question lorsque M. Amussat, en réalisant cette espérance, a enrichi la pratique chirurgicale d'une opéra-tion importante.
Procédé de M. Amussat. Cette opération, dit l'auteur (Revue méd., août 1840), est basée sur la possibilité d'abaisser l'utérus, d'élargir son col, et d'opérer le renversement de cet organe, ima-giné déjà par Herbiniaux, en imitation du procédé de la nature qui en a offert quelques exemples dans des cas de tumeurs fibreuses pédiculées (polypes). La première opération a été pratiquée le 11 juin 1840, sur une femme de 45 ans qui, à la suite des acci-dens ordinaires de ces sortes d'affections, pertes utérines, leu-corrhée, etc., était arrivée au dernier état de dépérissement. L'exa-men avec le spéculum fit reconnaître une tumeur fibreuse très volumineuse, bridée par la lèvre antérieure du col de l'utérus, aminci en croissant; mais la circonstance de son encastrement dans le tissu de l'utérus ne fut pas diagnostiquée.
Après avoir fait évacuer le rectum et la vessie, la malade étant placée en face d'une croisée, dans la même position que pour la taille, afin d'abaisser et de gouverner la tumeur, trois pinces-érignes furent implantées aussi loin que possible dans son épais-seur, et réunies de manière à pouvoir exercer des tractions, tantôt verticales, tantôt obliques, dirigées de haut en bas ou d'un côté à l'autre, en agissant comme on le fait avec un forceps. Par celle manœuvre, M. AmussaRessayait de faire descendre la tumeur, et, ne sachant pas encore qu'elle était enveloppée par le tissu de l'u-térus, il s'efforçait, avec le doigt, de détruire ce qu'il croyait être ses adhérences à la partie postérieure du col. Un temps considé-rable se trouva ainsi perdu en efforts infructueux ; l'étroitesse du col faisant obstacle, quelques petites incisions y furent pratiquées et permirent de porter plus haut les érignes ; des déchirures, cau-sées par les mors de cet instrument vinrent réformer le diagnostic, en laissant apercevoir une surface, lisse, resplendissante et nacrée qui fut jugée, avec raison, devoir être la surface d'une tumeur interstitielle. A partir de ce moment, l'opération put marcher d'une manière plus assurée. Une incision étant pratiquée dans le tissu de l'utérus qui formait enveloppe, les érignes alors furent enfoncées dans la tumeur elle-même, et, à mesure qu'elle s'a-baissait, le chirurgien, tantôt avec l'ongle de l'indicateur, tantôt à petits coups de longs ciseaux, parvenait peu-à-peu à en dé-truire les adhérences avec le tissu de l'organe. Plusieurs fois, pendant ces longues et pénibles manœuvres, M. Amussat fut obligé de faire suspendre les tractions, parce que la pression du col sur son doigt l'empêchait d'agir. En vain essaya-t-on de passer dans la tumeur une ligature qui aurait permis de tirer dessus sans prendre autant d'espace, il fallut recommencer à se servir des pinces-érignes que l'on échelonnait, en les portant de plus haut en plus haut sur la face antérieure, à mesure que l'on détruisait les adhérences en arrière. Enfin, on était parvenu à engager la tumeur clans l'anneau vulvaire; la région hypogas-trique s'était beaucoup déprimée; dans ce moment, la malade fut prise d'une douleur d'expulsion semblable à celles de l'ac-couchement, mais tellement vive que l'on s'efforça de la modérer, dans la crainte d'un renversement trop brusque de l'utérus. Par suite de cet effort, l'organe se renversa comme un doigt de gant; la tumeur avait descendu et déjà franchissait l'anneau vulvaire qu'elle était encore retenue au fond de l'utérus, retourné sur lui-même, par une large adhérence; celle-ci, formée de bosselures enchatonnées dans le tissu de l'organe, ayant été détruite, peu-à-peu avec l'ongle et la pointe des ciseaux, la tumeur enfin tomba sur le plancher. Immédiatement, l'utérus remonta dans le bassin; le col, en même temps, était resserré sur le fond renversé ; la ré-duction de ce dernier étant opérée par le refoulement des doigts, on put apercevoir la cavité de l'organe où existaient deux lèvres, fermées latéralement par une membrane pellucide, que l'on pensa être le péritoine, peut-être à nu, ou, du moins, recouvert à peine d'une couche très mince du tissu de l'utérus. Pendant les ma-nœuvres pour séparer la tumeur, cette crainte de blesser le pé-ritoine n'avait pas cessé de préoccuper le chirurgien ; et, il faut le dire, ce sera toujours à l'avenir l'un des accidens les plus à crain-dre dans les opérations du même genre, aucun signe ne pouvant faire prévoir la nature et l'épaisseur des tissus qui forment l'enve-loppe pelvienne de la tumeur. L'ablation terminée, on pratiqua l'excision de quelques lambeaux de l'enveloppe utérine, qui pen-daient dans le vagin ; la vulve fut lavée avec de l'eau fraîche, et la malade portée dans son lit.
Cette laborieuse opération avait duré deux heures. Pendant son cours, la malade, outre la fatigue déterminée par la position et la douleur, n'a point éprouvé d'autres accidens que les tiraille-rnens dans le bassin et les crampes dans les membres inférieurs, causés par les tractions du chirurgien et par la pression de la masse utérine sur les plexus nerveux hypogastriques. L'écoulement de sang a été peu considérable, et il n'y a point eu d'hémorrhagie consécutive. La tumeur constituée par une niasse fibreuse, molle,
formée de couches concentriques, pesait 338 grammes ( 11 onces). Sa forme et son volume rappelaient ceux d'un petit œuf d'autru-che, son grand diamètre ayant t8 centimètres (4 pouces et demi), et le petit 7 centim. (a pouces, 7 lignes). Après un état assez grave, causé par une phlébite utérine, la malade, dit-on, était, au bout de deux mois et demi, dans un état satisfaisant.
Telle est. la première opération de ce genre, pratiquée par M. Amussat. Depuis, le même chirurgien en a pratiqué une se-conde, également avec succès ; enfin, il y en aune troisième, de M. Pauly. L'extirpation de ces tumeurs se distingue par des faits essentiels : comme fait diagnostic, avant l'opération, de tâcher de reconnaître si la tumeur est interstitielle; comme fait opéra-toire, d'éviter la lésion du péritoine. Eclairés par ce qui est arrivé à M. Amussat, les chirurgiens, à l'avenir, pouvant mieux recon-naître quand la tumeur est enkystée, abrégeront beaucoup l'opé-ration par l'incision, préalable de la coque utérine. Quant à la lésion du péritoine, comme l'épaisseur de l'enveloppe péritonéale ne peut être prévue, l'incertitude et le danger, dans tous les cas, nécessitent toujours la même prudence et la même habileté dans les manœuvres. Comme derniers conseils, voici ce que dit IVL Amussat (/Vote à l'Jcadèm. des Scien., sur ses titres scientifi-ques, i843) : « Par un mouvement de rotation , imprimé à la tu-meur, au moyen des pinces de Museux, placées successivement les unes au-dessus des autres, on abrège beaucoup l'opération parce que ce procédé trouvera son application dans les cas de po-lypes volumineux ou de tumeurs renfermées dans l'utérus ou descendues dans le vagin. Quant aux tumeurs trop grosses pour franchir la vulve, je conseille de les diviser incomplètement en deux moitiés latérales, au lieu de les enlever par tranches trans-versales, ou de toute autre manière; et, si les tumeurs étaient trop grosses ou trop dures, peut-être pourrait-on tenter de les en-traver par une espèce d'opération césarienne, mais seulement dans le cas où des accidens graves devraient amener une issue funeste. »
ULCÈRES ET CANCERS DU COL DE L'UTÉRUS.
Les ouvrages de médecine opératoire les plus modernes ne parlent que du cancer du col utérin , et disent que les opérations qui y sont applicables sont la cautérisation la ligature et l'exci-sion. Cependant, il y a un grand nombre d'érosions et d'ulcères du col de la matrice qui ne sont pas cancéreux , qui n'exigent que la cautérisation pour être guéris, et contre lesquels il serait inu-tile et dangereux d'employer les autres méthodes. C'est pour cette raison que nous trouvons convenable d'établir deux catégories distinctes : savoir : les ulcères et les cancers.
A. ulcères du col uterin.
Les ulcérations du col, fort bien décrites dans la plupart des livres modernes de pathologie externe, sont, extrêmement fré-quentes, surtout dans les grandes villes. Elles dépendent d'une foule de causes, parmi lesquelles on a cité l'abus ou l'abstinence complète du coït, les accouchemens trop fréquemment répétés, les fausses couches, et une foule d'autres que nous ne pouvons ni énumérer, ni discuter ici. Ces ulcères surviennent après l'âge de la puberté, et se rencontrent aussi souvent de vingt à qua-rante ans, que chez les femmes les plus âgées. Il est presque cer-tain qu'il existe quelque altération au col de la matrice, chez une femme jeune ou vieille, qui se plaint d'avoir desflueurs blanches, en même temps qu'elle accuse des tiraillcmens d'estomac et des douleurs dans les régions lombaires et inguinales. En pareil cas, l'attention du médecin doit être fortement attirée vers ce point, car s'il existe un ulcère au col, il sera rare qu'un traitement pure-ment médical puisse en triompher, et si l'on en néglige le trai-tement local, il pourra faire des progrès qui, plus tard, en ren-dront la cure difficile, incertaine et même impossible.
La guérison spontanée de ces ulcères est. assez commune. Il est arrivé à beaucoup de chirurgiens de découvrir à Paide du spé-culum une ulcération au col de la matrice , et de proposer aux personnes qui en étaient atteintes de leur pratiquer quelques cautérisations méthodiques; mais, soit insouciance , soit qu'elles ne se crussent pas assez malades pour se soumettre au traitement indiqué, elles ne faisaient rien, et n'en guérissaient pas moins. Cela se comprend; il suffit souvent de soustraire un malade à l'influence des causes déterminantes de la maladie, pour que celle-ci disparaisse. Mais, hâtons-nous de le dire, toutes les femmes ne sont pas aussi heureuses, et beaucoup meurent vic-times de leur entêtement à ne pas se soumettre en temps opportun aux conseils salutaires qu'on leur donne. Une chose essentielle dans le traitement des ulcères du col, quels qu'ils soient, c'est de changer leur mode de vitalité. Or, la cautérisation est le meilleur moyen d'y parvenir; si elle ne guérit pas par elle-même, du moins elle modifie l'ulcère, et le place dans des conditions nou-velles^ tellesquela cicatrisation s'en opère avec plus ou moins de promptitude et de facilité, suivant son étendue et sa profondeur.
Cautérisation. On la pratique avec le nitrate d'argent, le ni-trate acide de mercure , la potasse caustique , la pâte arsenicale , ou le chlorure de zinc. Le nitrate d'argent solide ou en solution concentrée, de même que le nitrate acide de mercure, convien-nent plus particulièrement pour les ulcères superficiels. On doit s'abstenir de pratiquer la cautérisation , lorsqu'il existe en même temps un engorgement assez considérable de la matrice, parce qu'elle pourrait être suivie de métrite, de métro-péritonite, ou hâter la dégénérescence de l'organe. Il faut donc la faire précéder du traitement de l'engorgement. On doit aussi s'abstenir de cau-tériser quatre ou cinq jours avant l'apparition des règles, pen-dant leur durée, et trois ou quatre jours après.
La manière de pratiquer la cautérisation et son mode d'action étant fort différens, suivant qu'il s'agit d'ulcères simples et super-ficiels, ou d'ulcères cancéreux, nous allons en traiter séparément.
i° Ulcères simples et superficiels. La femme étant placée comme nous l'avons dit à l'article spéculum, on introduit cet instrument, et le col étant mis à découvert, on enlève les muco-sités à l'aide de bourdonnets de charpie fine et douce, ou bien avec un pinceau bien doux et bien fin. S'il s'écoule un peu de sang, on l'absterge, puis on cautérise toute la surface ulcérée, soit avec le crayon de nitrate d'argent, soit avec un pinceau de charpie fine ou de poils de blaireau, trempé dans une dissolution concen-trée de, nitrate d'argent ou de nitrate acide de mercure. Lorsqu'on juge que la cautérisation est assez forte ; on injecte doucement de l'eau froide dans le spéculum, et on la laisse en contact avec la surface cautérisée pendant une minute environ, afin qu'elle puisse dissoudre le caustique en excès, et l'empêcher de se répandre sur les parties saines; puis, on retire le spéculum.
Les cautérisations suivantes doivent être faites de la même ma-nière, et à six, huit ou dix jours d'intervalle , suivant les circon-stances. Cette opération cause généralement peu de douleurs,
mais Lorsqu'il en survient, on la calme par des bains et des injec-tions froides, et même par des émissions sanguines, si cela devient nécessaire. Cinq ou six applications de caustique suffisent en gé-néral pour modifier l'ulcère, et pour le rendre apte à se cicatriser. Du reste, en règle générale, on doit cesser de cautériser, lorsque la surface ulcérée présente un aspect rosé et de bonne nature, et se borner alors à faire des injections émollientes ou astrin-gentes avec le sulfate acide d'alumine, ou le sidfate de zinc, à faire prendre des bains entiers, et à recommander à la malade de s'abs-tenir de tout ce qui pourrait ramener la maladie à l'état où elle était avant.
Assezsouvent l'ulcération s'étend jusque danslacavitéducoluté-rin. Il est important, si l'on veut obtenir une guérison complète, d'y porterie caustique. Pour cela, certains praticiens pensent qu'il suffit d'y appliquer le pinceau ou le porte-crayon pendant que le spéculum est en place; d'autres ont imaginé divers porte-caustiques, à l'imitation de ceux dont on se sert pour l'urètre de l'homme. Quant à nous, qui avons été à même de pratiquer plu-sieurs fois la cautérisation dans l'intérieur du col, nous nous ser-vons avec avantage d'une sonde en gomme élastique assez fine , montée sur un mandrin, et dont nous remplissons un des yeux de nitrate d'argent fondu.
i° Ulcères syphilitiques et scrophuleux. Les premiers ne sont pas admis par tout le monde; quant aux seconds, M. I.isfranc est le premier qui les ait particulièrement signalés. Les uns et les autres réclament fréquemment la cautérisation. Les ulcères sv-philitiques s'accommodent surtout de l'emploi du nitrate acide de mercure; quant aux ulcères scrofuleuxdu col, ils ont beau-coup d'analogie avec ceux situés à l'extérieur, et se trouvent surtout très bien d'un traitement général.
3° Ulcères cancéreux, llayle considérait dans ce cas la cautéri-sation, comme un excellent moyen thérapeutique, l'anatomie pa-thologique lui ayant appris que , dans les cas où le cancer com-mence par une ulcération , le tissu de l'utérus est sain à quelques millimètres au-dessous delà surface ulcérée. Ici, il ne s'agit plus seulement de modifier la vitalité des parties , mais bien de dé-truire toute l'épaisseur du tissu malade, parce que la plaie qui en résultera sera constituée par des tissus susceptibles de devenir la base d'une bonne cicatrice. Après avoir placé le spéculum et soigneusement absterge les parties, on interpose entre la lèvre postérieure du col et la face interne du spéculum, une bou-lette épaisse de charpie, pour absorber le caustique et l'empê-cher de se répandre sur les parties saines; puis on cautérise , soit avec la potasse caustique montée sur un porte-crayon , soit avec la pâte arsenicale, le chlorure de zinc ou le nitrate acide de mercure, dont on imbibe un pinceau ou un bourdonnet de charpie. Quel que soit le caustique que l'on emploie , son application doit durer une minute environ , afin qu'il ait le temps de se combiner avec les parties , et de former une es-chare. Si cependant la malade éprouvait de trop vives douleurs, il vaudrait mieux suspendre plus vite , sauf à recommencer plus tard. C'est ici surtout qu'il faudra faire de copieuses injections d'eau tiède pour dissoudre le caustique en excès, et diminuer les douleurs. Lorsque le spéculum et la charpie sont retirés, il convient de placer la femme dans un bain. Au bout de cinq à six jours, on répète l'opération, mais à mesure qu'on réitère l'appli-cation, on cautérise d'autant plus légèrement, qu'on s'approche davantage des tissus sains. Le caustique peut aussi être porté dans t. vu.
le col de l'utérus, et sur les végétations qui se développent sur le col, mais il faut avoir le soin de les exciser d'abord. On a pro-posé de substituer aux caustiques le cautère actuel , dans la crainte que le nitrate acide de mercure, et la pâte arsenicale, ne causent un empoisonnement. On a malheureusement des exem-ples qui prouvent que cette crainte est fondée, puisque, dans quelques cas, l'absorption de la substance toxique a déterminé la mort. Pour appliquer le cautère actuel, il faut employer une ca-nule isolante. Larrey se servait d'un spéculum en ivoire , parce que le spéculum de métal, trop bon conducteur du calorique, le transmet trop vite aux parois du vagin. Un spéculum en carton mouillé vaudrait mieux encore.
Lorsqu'on emploie un caustique liquide, il faut avoir soin d'exprimer légèrement le pinceau contre les bords du vase , afin qu'il ne soit imprégné juste que de la quantité nécessaire pour agir sur l'ulcère. C'est le plus sûr moyen d'éviter que Je caustique ne se répande sur les parties voisines, et ne dé-termine des ulcérations, des perforations et, par suite , des adhé-rences dans les parois du vagin , comme cela a été observé par MM. Lisfranc, Marjolin et autres.
B. CANCER nU COI. UTÉRIN.
Lorsque le cancer du col de la matrice ne débute pas par une ulcération, la cautérisation n'y est plus applicable, et on a con-seillé d'en pratiquer la ligature ou bien l'amputation. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'on n'ampute pas ceux qui ont débuté par un ulcère, ce sont au contraire ceux qui offrent le plus de chance de guérison.
i°Ligature. Proposée par M. Mayor de Lausanne, elle se pra-tique au travers du spéculum, avec un instrument nommé for* ceps-érigne : c'est une espèce de pince à branches séparées, comme celles du forceps ordinaire, et offrant à leur extrémité des cro-chets droits qui forment avec elles un angle obtus; chacune de ces branches est enfoncée séparément dans la partie supérieure du col utérin, au-dessus de la partie malade. L'instrument en position, on fait glisser dessus la ligature, dont les extrémités sont enfilées dans un serre-noeud ; on serre fortement ce lien constric-teur, puis on enlève le forceps-érigue. Dans la même journée, on augmente graduellement la constriction ; le lendemain, on en fait encore autant, et, en peu de temps, l'étranglement est assez fort pour déterminer la mortification complète de toutes les par-ties comprises dans la ligature. C'est une mauvaise opération qui est inusitée.
a° Amputation du col de l'utérus. M. Colornbat rapporte, dans son Traité des maladies de femmes, que Lapeyronie, con-sulté sur un sarcome attaché au bord de l'utérus, qui était calleux dans cet endroit, ayant pensé qu'on pouvait extirper la tumeur, avec la callosité d'où elle prenait naissance, coupa jusque dans la partie saine, et que la malade guérit parfaitement. Suivant Bau-delocque, cette opération aurait été proposée par Lauvariol, en 1780; Wrisberg l'a également conseillée , dans un mémoire intitulé : de Uteri resectione, etc. (Gœttingue, 1787). Mais Osiander, professeur à l'université de Gœttingue, est réellement le premier qui l'ait pratiquée, en 1801. Quelques années après, ce chirurgien publia, dans le bulletin de la société royale de la même ville, un mémoire, contenant plusieurs observations de ré-section du col utérin, faites avec succès. Cette nouvelle opération
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fit beaucoup de bruit en Allemagne. A. peine fut-elle connue en France (pie Dupuytren se mit en mesure de la soumettre au creu-set de l'expérience, et la pratiqua un grand nombre de fois. M. Récamier, de son côté, en fit autant; mais, malgré les pré-tendus succès que ces opérateurs prétendaient en avoir obtenus, leur zèle se refroidissait quand M. Lisfranc vint à son tour, en 1826, rendre compte des résultats auxquels il était arrivé, et ra-nimer l'ardeur des chirurgiens. Actuellement, il est peu de chi-rurgiens qui n'aient eu occasion de tenter l'excision du col utérin, les matériaux ne devraient donc pas manquer pour faire l'ap-préciation de la valeur de cette opération ; mais malheureuse-ment il n'en est rien, ainsi que nous le verrons plus loin.
Indications et contre-indications. Avant de passer outre, il est important d'examiner les cas dans lesquels on devra tenter l'am-putation du col de l'utérus; M. Lisfranc, dans un mémoire In à l'Académie des sciences en i83/i, résume, en cinq propositions, les cas où il lui paraît convenable d'opérer : i° lorsque le cancer est bien caractérisé, et qu'il est assez profond pour qu'on ne puisse pas essayer la cautérisation ; 20 quand la maladie ne s'étend pas au-dessus de la partie supérieure de l'insertion utérine du vagin ; 3° lors même que l'existence du carcinome ne serait pas bien constatée, Aï. Lisfranc pense qu'on doit encore opérer, si la santé générale fléchit tous les jours davantage, si les autres moyens thé-rapeutiques ne guérissent pas la maladie, ou ne l'amendent point, et s'ils ne l'empêchent pas même de faire des progrès qui mena-cent d'enlever tout espoir de guérison; 4" bien qu'on conseille, en général, de ne point opérer toutes les fois qu'il existe de l'en-gorgement sur le corps de la matrice, l'auteur croit que cette opi-nion est trop exclusive; 5° enfin , la pratique a démontré à Lar-rey et à M. lisfranc, chacun dans un cas, qu'on pouvait opérer avec succès, quoique les ovaires fussent atteints d'un engorgement qui a doublé leur volume.
La plupart des propositions, émises par le chirurgien de la Pitié, sont sujettes à contestation, car, le plus souvent, il est extrême-ment difficile, sinon impossible, de s'assurer exactement de l'état des parties. Et d'abord, quels sont les signes qui indiquent que le cancer est bien caractérisé? Sont-ce les bosselures, les duretés, le changement de forme et de volume, qui se montrent si fréquem-ment sur cette partie? Mais on en rencontre beaucoup qui dépen-dent de diverses circonstances, tellesquerâge,denombreux accou-chemens, etc., et n'ont aucune analogie avec le cancer. D'ailleurs, à supposer que la maladie fût réellement un cancer, encore fau-drait-il savoir si c'est un squirrhe ou un encéphaloïde; car, si le premier est susceptible de guérison, l'autre repullule constam-ment. Ensuite, dans l'hypothèse où l'on aurait la certitude d'un cancer, serait-il beaucoup plus facile de savoir jusqu'à cpiel projet il remonte? Lorsque déjà l'on ne parvient que d'une manière in-certaine à déterminer les limites des cancers externes, cette délimi-tation sera-t-elle plus aisée à établir dans le fond du vagin , oû l'on ne peut apercevoir que l'extrémité de l'organe, et s'assurer de l'état de l'autre portion que par le toucher? Concluons de là que, si, pour opérer, on attend que le cancer soit manifeste, soit ul-céré en un mot, on s'exposera à n'enlever qu'une partie du mal, et à le voir repulluler; et, d'ailleurs, fût-il tout enlevé, comme il est. probable que les vaisseaux lymphatiques auraient déjà trans-porté au loin la matière cancéreuse prise au sein de l'ulcère, on de-vrait encore conserver cette crainte. D'un autre côté, en pratiquant l'amputation du col avant que la tumeur ne soit ulcérée, on s'ex-posera à enlever un col non dégénéré. Si l'opération ne présentait aucun danger, on pourrait, on devrait même, se décidera la faire, lors même que l'organe ne présenterait que des apparences de cancer; mais, comme il n'en est pas ainsi, en s'y décidant sans nécessité bien démontrée, on courrait le risque de causer la mort d'une femme qui aurait pu vivre long-temps dans l'état où elle se trouvait. D'après ce cpù précède, il est facile de voir que l'opéra-tion dont il s'agit est rarement indiquée d'une manière précise, à moins toutefois que la maladie n'ait commencé par un ulcère.
Uanatomie du col utérin mérite quelque attention. La lon-gueur ou la saillie qu'il fait dans le vagin n'est pas toujours la même; quelquefois nulle, elle varie néanmoins, en général, entre 7 a i5 millimètres (3 à 6 lignes), et. souvent plus. Le vagin s'étend plus haut sur l'utérus par sa surface externe que par sa surface interne; en sorte qu'on peut le détacher en haut et en avant dans une certaine étendue qu'on évalue à 12 ou 1 5 milli-mètres, sans crainte d'établir une communication entre sa cavité et celle du bassin, ni de blesser le repli péritonéal qui se réfléchit de la face antérieure de la matrice à la vessie; mais il faut bien prendre garde de ne pas léser cette dernière qui adhère intime-ment au vagin. En arrière il n'en est pas de même : la lèvre pos-térieure de l'utérus étant plus longue que l'antérieure, le cul-de-sac utéro-rectal du péritoine descend jusque sur la face pos-térieure du vagin, et ne permet pas de le détacher dans une éten-due plus grande que 3 à 4 millimètres sans courir le risque d'ou-vrir la séreuse.
EXCISION DU COL DE l'uTEKUS, PRÉALABLEMENT ABAISSÉ.
Méthodes opératoires. Il y en a deux bien distinctes : clans la première, on attire le col jusqu'à la vulve pour le couper, et, dans la seconde, on le coupe en place.
Procédé d'Osiander. Le chirurgien de Goettingue, après avoir placé la malade comme pour l'application du spéculum, traver-sait le col d'arrière en avant et transversalement avec des ai-guilles courbes, entraînant après elles des rubans, à l'aide des-quels il attirait à la vulve, par des tractions ménagées, l'organe qu'il retranchait avec un bistouri.
Procédé de Dupuytren. Le chirurgien de l'IIôiel-Dieu com-mençait par découvrir les parties à l'aide du spéculum, et sub-stituait aux rubans d'Osiander de longues pinces de Museux, à crochets peu courbés, avec lesquelles il est également facile de saisir et de lâcher le col utérin. Depuis, ces pinces ont été adop-tées d'une manière générale. Après avoir introduit le spéculum, il le donnait à tenir à un aide, saisissait ensuite et attirait légère-ment à lui, avec la pince de Museux, toute la portion du col de l'utérus, cpii était affectée de dégénérescence carcinomateuse, et la coupait avec un couteau à deux tranchans, courbé sur son plat, ou mieux avec de très longs et très forts ciseaux, également courbés sur leur plat et parfaitement tranchans, tenus de la main droite, et qu'il portait alternativement en haut, en bas et sur les côtés, en tournant en dedans leur concavité et en les faisant agir autant que possible sur les parties saines au-delà des limites du cancer.
Procédé de M. Lisfranc. Après avoir introduit un spéculum bivalve, qui a l'avantage de mieux embrasser la tumeur et de ten-dre la partie supérieure du vagin, M. Lisfranc absterge soigneu-
sèment le col, porte au-dessous de lui une pince de Museux, sem-blable à celle dont se servait Dupuytren, l'ouvre et cherche à sai-sir le col par deux points diamétralement opposés, en ayant le soin de pousser un peu dessus en même temps que les griffes pé-nètrent dedans, afin de suivre le mouvement d'ascension de l'or-gane et de ne pas le saisir trop bas ; cela fait, il retire le spéculum, que la pince ou l'érigne peut facilement traverser, et cherche à conduire le col à l'entrée du vagin, en exerçant sur lui des trac-tions lentes et graduées, d'abord dans la direction de l'axe du dé-troit supérieur, puis dans celle de l'axe du détroit inférieur. Le temps nécessaire pour produire cet abaissement est quelquefois très long; mais on ne doit pas regarder à y consacrer cinq, dix, vingt minutes, et même une demi-heure s'il le faut, en tirant tou-jours avec lenteur. Lorsque M. Lisfranc a réussi, il applique, un peu au-dessus de la première, une seconde pince aux extrémi-tés du diamètre qui coupe le précédent à angle droit; puis, il porte le doigt indicateur sur le pourtour de l'insertion utérine du vagin , et la reconnaît facilement à la présence d'une espèce d'an-neau, au-dessus duquel la pression fait sentir du vide. Alors, il confie les érignesà un aide instruit placé, comme lui, entre les cuisses de la femme, mais un peu à droite, tandis que lui-même se met du côté gauche de la malade. Il commande alors.de relever les érignes, pour faire un peu basculer la matrice, et rendre la partie postérieure du col plus saillante, porte son doigt indicateur gauche à demi fléchi derrière le museau de tanche, mesure la hauteur à laquelle la section doit être faite, dirige son bistouri, préalablement entouré d'une bande jusqu'à 4 centimètres (r pouce et demi ) de sa pointe, vers ce doigt qui lui sert de guide et de point d'appui, et pénètre dans l'organe malade qu'il a soin de faire abaisser graduellement afin d'en faire saillir successive-ment toutes les autres parties, et cela, d'autant plus, qu'elles sont envahies plus haut par la maladie. Néanmoins, l'aide n'exercera pas de tractions trop fortes, à mesure que la section s'avancera, dans la crainte de déchirer les tissus. L'opérateur coupe toujours à petits coups et en sciant, afin de ne pas blesser les grandes lè-vres et d'éviter les échappées de l'instrument; car le tissu de l'u-térus étant très dur présente beaucoup de résistance au bistouri.
Lorsque le col malade a acquis un trop gros volume pour s'en-gager clans le spéculum, on met cet instrument de côté, et l'on introduit sur le doigt indicateur des érignes simples ou doubles, qu'on fixe sur l'extrémité inférieure de la matrice.
Procédé de M. Colombat. Au lieu d'employer des érignes sim-ples ou des pinces de Museux, pour saisir et abaisser le col, M. Co-lombat préfère se servir d'un instrument de son invention, au-quel il a donné le nom éé utèroceps, cpii se compose de quatre érignes doubles, et dont nous avons donné la description à l'ar-ticle excision des polypes. Cet instrument présente l'avantage de saisir d'un seul coup, en cpiatre points opposés, le col de l'utérus, et de permettre au chirurgien d'exercer lui-même les tractions nécessaires pour le faire saillir dans le sens qui lui paraît con-venable.
SECTION DU COL DE LA MATRICE SANS DÉPLACEMENT DE CET ORGANE.
Il y a des cas où l'on ne peut amener le col de la matrice à la vulve, quelle que soit la patience qu'on y mette. Chez cinq de ses malades, M. Lisfranc n'a pu y parvenir, et s'est trouvé dans l'o-bligation de laisser l'opération inachevée. On a prétendu que les difficultés qu'on éprouvait tenaient à l'engorgement des ligamens larges; niais MM. Tanchou et Malgaigne pensent que ces liga-mens n'y sont pour rien. Ce dernier chirurgien attribue la résis-tance à l'aponévrose pelvienne, et principalement à ses parties latérales et un peu postérieures; au reste, quelle qu'en soit la cause, comme il est important néanmoins d'exciser le col utérin, on a dù chercher les moyens d'y parvenir sans être obligé d'abaisser préalablement la matrice. L'opération, pratiquée de cette ma-nière, offre d'autant plus d'avantages cpie l'abaissement est tou-jours douloureux, tandis que la section ne l'est pas.
Dans ces cas, Dupuytren, après avoir exactement embrassé le cancer dans l'extrémité du spéculum, cernait le lieu affecté avec une cuiller, tranchante par sa courbe terminale, et, s'il en était, besoin, portait la section jusque clans les parois de la cavité uté-rine. Les parties cernées que la cuiller n'avait pas pu détacher complètement, Pétaient au moyen des ciseaux courbes.
M. Hatin voulait que, au travers du spéculum, on fixât d'abord l'utérus avec une tige, appelée éphelcomètre (v. pl. 76, fig. Z|o), qui était introduite fermée clans la cavité de l'organe, puis dé-veloppée à l'aide d'une, vis, de façon à ne pouvoir plus en être re-tirée; on devait ensuite retrancher la partie malade, à l'aide d'une espèce de forceps, dont les branches, terminées par deux ex-trémités tranchantes, en forme de croissant, étaient fixées sur l'éphelcomètre, et coupaient le col en se rapprochant.
M. Colombat affirme, dans son ouvrage sur la maladie des fem-mes, avoir appliqué cinq fois, avec facilité, un instrument de son invention, appelé histèrotome, composé d'une pince dont cha-que extrémité se termine par trois crochets; cette pince est des-tinée à saisir le col de la matrice et à le fixer ; ses branches s'écar-tent ou se rapprochent au moyen d'un coulant mobile. Une lame, en forme de faux, fixée à-peu-près au niveau des érignes, à l'ex-trémité d'une tige cpi'on fait mouvoir circulairement, à l'aide d'un petit levier, coupe le col pendant ce mouvement circulaire. Avant de se servir de cet instrument, il faut commencer par in-troduire le spéculum qui doit garantir les parois du vagin.
Appréciation des méthodes. Des deux méthodes dont nous venons de parler, la seconde, celle cpii consiste à couper le col de l'utérus en place , ne doit être employée que dans les cas où l'abaissement de l'organe ne pourrait être opéré qu'avec beau-coup de difficultés , et sans courir le risque de causer des déchi-rures et de grandes douleurs à la femme. C'est, en un mot, une méthode exceptionnelle, parce qu'elle ne permet pas d'apprécier aussi exactement que la première retendue du mal, et de péné-trer comme elle jusqu'au centre de la matrice. Le spéculum n'a pas une grande utilité. Il nous paraît même qu'il est souvent plus gênant qu'utile, et que, dans la plupart des cas, on place plus fa-cilement et plus sûrement les érignes, en les conduisant simple-ment sur les doigts. Toutefois, comme il est important que les parois du vagin soient tenues écartées pendant qu'on fait la sec-tion , on pourra placer le spéculum après l'application des pinces de Museux (pl. 74, f. 2). Quant au procédé à suivre, celui de M. Lisfranc nous paraît mériter la préférence dans la ma-jorité des cas. Cependant, si l'on voulait exciser en cône le col de l'utérus , on pourrait le faire comme cela est indiqué pl. 74, f. 2. On y voit le museau de tanche, bien saisi entre les mors de deux érignes, et sur un point du cancer qui ne doit pas être trop ra-molli. Gouvernant alternativement l'une des érignes de sa main gauche , tandis que l'autre érigne confiée à un aide, fixe le mu-seau de tanche, de peur qu'il ne se détache en coupant sur la première, avec la main droite année d'un bistouri à long man-
die. Le chirurgien cerne toute la portion malade qu'il taille en un cône aux dépens du col, et en creusant profondément, s'il en est besoin , jusque dans le corps de l'utérus. Si les tissus offrent assez de résistance , une seule érigne autour de laquelle tourne le tranchant est plus commode.
Dans la seconde méthode, le spéculum est indispensable ; celui qui mérite la préférence est le spéculum à quatre valves. Le pro-cédé fondé sur l'emploi de l'instrument de M. Colombat, nous paraîtrait plus facile à pratiquer que les autres, si ce n'était l'in-convénient de nécessiter des moyens spéciaux. En réalité, les instrumens ordinaires , les pinces deMuseux, un long bistouri droit ou un peu courbé sur le plat , environné d'une bandelette jusqu'à quelques millimètres de sa pointe, les ciseaux courbes ou la curette tranchante de Dupuytren , suffisent dans tous les cas.
Suites de l'opération, et soins qu'il convient d'y apporter. Lorsqu'il n'y a pas d'accidens immédiats, il suffit de replacer la femme dans son lit : aucun pansement n'est nécessaire. On met la malade au régime des grandes opérations , et l'on se contente de surveiller les accidens consécutifs , afin de les combattre aussitôt qu'ils apparaissent. Une diète sévère est utile les premiers jours; quelques petites saignées du bras, répétées à des intervalles pinson moins longs, suffisent souvent pour conjurer l'inflam-mation qui a de la tendance à se développer autour de la plaie et à déterminer une réaction générale. Lorsque, au bout de quelques jours, il n'est survenu aucun accident, il est important de faire quelques injections tièdes et émollientes dans le vagin , afin de le nettoyer. S'il y avait des écoulemens fétides, il faudrait substituer les injections chlorurées à celles d'eau pure , outre qu'elles con-viendraient également pour activer la cicatrisation. Les bains, les lavemens composés, et les cataplasmes laudanisés sur le ven-tre, seront souvent utiles ; alors, aussi, on pourra administrer quelque nourriture qu'on augmentera graduellement. Après le dixième jour , tout danger d'hémorrhagie étant passé , on devra pratiquer le toucher, et appliquer le spéculum pour examiner l'état de la plaie : si elle présentait des bourgeons sanieux ou un aspect de mauvaise nature, on pourrait la cautériser avec le ni-trate acide de mercure, ou avec le fer rouge. Chez les femmes qui guérissent, la cicatrisation est assez longue à se faire. Sanson dit qu'elle s'opèreen trois semaines ou un mois,et quelquefois plus tôt. M. Colombat cite une femme qui fut entièrement guérie en vingt-cinq jours; mais , en général, il faut six semaines ou deux mois pour obtenir ce résultat, ce qui dépend de la densité du tissu utérin. La cicatrice présente une couleur rosée et quelques rides qui vont converger vers l'orifice interne. Plusieurs femmes opérées par Dupuytren et autres ont parfaitement guéri, et ont pu dans la suite concevoir et accoucher comme avant l'opération. Toutefois, lorsqu'on a pratiqué l'amputation du col, on doit recommander à la femme qui l'a subie , de laisser en repos les organes génitaux , de ne se livrer à l'acte du coït, que lorsque la guérison est bien assurée, et de s'abstenir de tout ce qui peut causer une irritation fâ-cheuse sur l'utérus, soit des travaux pénibles, des veilles, des mets épicés, et surtout l'usage du café. On s'est demandé si l'emploi de l'arsenic, à la dose de 4 à 5 milligrammes par jour, soit en pilu-les , soit en teinture, pourrait contribuer à détruire la disposition générale à la maladie cancéreuse. Mais ce moyen, quoique soumis à l'expérience, n'est pas encore jugé.
Accidens de l'opération. Les suites de l'amputation du col de la matrice sont loin de se passer toujours aussi bien que nous venons de le supposer. Souvent, au contraire, il se manifeste des accidens qui viennent en compromettre le succès. Ce sont des accidens nerveux, l'hémorrhagie, la péritonite, la phlébite uté-rine, lesphlegmasies des parties contenues dans le bassin, la per-foration du rectum et de la vessie , et enfin la récidive.
{"Accidens nerveux. Us se manifestent très souvent immédia-tement après l'opération, et sont de nature à effrayer les person-nes qui ne les ont jamais observés ; mais, en général ils ne durent que quelques heures, et se calment sous l'influence des anti-spas-modiques. i" Hémorrhagie. L'enlèvement du col de l'utérus est toujours accompagné d'une certaine perte de sang qu'on éva-lue de trois à six palettes. M. Lisfranc pense que cet écoulement est salutaire, et qu'il ne doit pas inquiéter le chirurgien, lors même qu'il est porté au point de produire lasyncope. Suivant lui, les chances d'inflammation sont d'autant moindres, que le sang s'est écoulé en plus grande quantité. Si cependant cet écoulement durait trop long-temps, s'il était trop abondant, et si la femme s'af-faiblissait beaucoup, il faudrait débarrasser le vagin du spéculum et cautériser ou tamponner. D'après M. Pauly , l'hémorrhagie paraît être un des accidens les plus redoutables de l'opération. Il prétend que, dans treize cas d'excision par le procédé de M. Lis-franc, l'hémorrhagie est survenue sept fois, et que trois des sept femmes qui en ont été atteintes, en sont mortes en peu d'heures. Pourtant, d'après la plupart des auteurs , cet accident ne serait pas aussi commun. Ainsi, Sanson dit que l'écoulement de sang est en général modéré, et s'arrête de lui-même. M. Colombat assure qu'il est très rare qu'on ait besoin de tamponner : sur cinq opérations qu'il a faites, il n'y a pas eu d'hémorrhagie inquié-tante. Ellen'est pas non plus survenue dans huit opérations faites par M. Velpeau. M Dufresse qui en a pratiqué une, en 18^7, en présence de MM. Camus et Varennes, n'a vu s'écouler que quelques onces de sang. 3° Quant à le phlébite, nul doute qu'elle ne puisse survenir, puisqu'elle se manifeste quelquefois après les blessures les plus légères. 4" La perforation du rectum ou de la vessie ne peut avoir lieu que dans les cas où on est obligé d'amputer très haut, et où il faut cerner l'intérieur de la matrice. Dans les cas ordinaires, elle ne peut résulter que de la maladresse de l'opérateur. 5° La péritonite survient assez fréquemment, mais elle dépend dans la plupart des cas, de ce qu'on a perforé invo-lontairement la séreuse , en voulant enlever le mal dans une trop grande étendue. (° Enfin, les récidives sont, ou doivent être très fréquentes ; car il n'y a pas de raison pour qu'un vrai cancer repullule moins à la matrice qu'en tout autre endroit.
Appréciation générale. Maintenant, il nous reste un pénible de-voir à remplir; c'est de rechercher , dans les documens publiés , la valeur réelle de cette opération. Dans l'état actuel de la ques-tion, une pareille appréciation est difficile, impossible même. Un homme qui a vécu dans des rapports intimes avec M. Lisfranc, est venu l'accuser hautement d'avoir abusé de sa position pour exploiter la crédulité des pauvres malades qui voyaient en lui leur unique planche de salut, et pour tromper le public et les socié-tés savantes, auxquels il aurait transmis de fausses statistiques et de faux résultats sur ses opérations. Cet homme, c'est M. Pauly dont le livre (Maladies de l'utérus, (836), jeté parmi nous il y a quelques années , est venu augmenter le trouble qui exis-tait déjà dans les esprits sur ce point. Au lieu de quatre-vingt-dix-neuf opérations annoncées par M. Lisfranc, M. Pauly dit
qu'il n'y en a jamais eu plus de quarante-sept; d'un autre côté, M. Pauly faisant le dépouillement d'uneliste de vingt-trois succès, déposée à l'Institut par M. Lisfranc, trouve neuf cas supposés, trois double emploi, deux cas où il n'y avait que des petits polypes qu'on a excisés; deux autres où la maladie consistait dans de légères excoriations qui ont été guéries par la simple cautérisation ; deux où il y eut récidive , et trois ou quatre seu-lement où la guérison a été réelle. Enfin, sur quatorze opérations que M. Pauly a vu pratiquer par M. Lisfranc, depuis le commen-cement de l'année i 833, jusqu'au commencement de l'année i836, une seule aurait été suivie de succès probable.
Les faits que l'on impute à M. Lisfranc d'avoir supposés forment, selon nous, le point capital de l'accusation de M. Pauly; car on peut se tromper sur la nature des maladies que l'on opère; on peut aussi être trompé sur les résultats des opérations, par mille circonstances diverses; mais sur leur nombre , jamais. Doubler sciemment le nombre de ses opérations, et ranger parmi elles des opérations différentes, et dont le succès est certain , c'est une manière d'arranger les choses, que nous laisserons à d'autres le soin de qualifier. Hâtons-nous de couvrir d'un voile toute cette déplorable affaire, et revenons à notre sujet. Dans l'appréciation dont il s'agit, jusqu'à preuves contraires aux allégations de M. Pauly, preuves qui n'ont pas encore été données, il nous est impossible de tenir compte des faits fournis par M. Lisfranc. Res-tent ceux des autres chirurgiens. Osiander a pratiqué l'amputa-tion du col vingt-huit fois , et Dupuytren quinze à vingt fois. Parmi les femmes guéries par ces moyens, dit Sanson, interprète de Dupuytren, plusieurs sont devenues mères, et ont accouché sans accidens. Mais ce qui semblerait prouver que cette opération n'aurait pas été aussi heureuse, entre les mains de ces chirurgiens, qu'on a bien voulu le dire, c'est qu'ils avaient pour ainsi dire fini par l'abandonner, décision à laquelle nous ne pouvons qu'ap-plaudir d'après les faits dont nous avons nous-mème été le té-moin. Nous en tenant donc à quelques faits en petit nom-bre , qui semblent mieux avérés : sur huit femmes opérées par M. Velpeau, deux ont succombé, chez quatre la maladie a récidivé, et chez deux la guérison a été solide : encore n'est-il pas sûr que pour la dernière on ait eu réellement affaire à un cancer. Dans six cas cités par M. Cazenave (Bull, de l'Acad. roy. de Méd., t. i), il y a eu quatre morts, une guérison certaine , et une incertaine. Des cinq malades opérées par M. Colombat, deux ont succombé à une récidive , deux auraient guéri ; quant à la cinquième , elle a été assez bien après l'opération, mais on ne dit pas si elle s'est complètement rétablie. La malade opérée par M. Dufresse était atteinte d'un cancer encéphaloïde ; elle a été très bien pen-dant les deux mois qui ont suivi l'opération. Mais alors, il y a eu une récidive qui l'a emportée. Ainsi, dans cette petite série de vingt malades, il y en a eu neuf qui ont succombé à des acci-dens immédiats, quatre atteintes de récidive, deux chez les-quelles on n'était pas assuré de la guérison, et une où il n'y avait pas de certitude de cancer. En somme, une moitié de mortes, un quart de guéries et un quart où l'opération a été pour le moins inutile. Ce résultat, assurément, est peu encourageant au premier abord. Mais si l'on considère, que l'excision du col de 1 utérus, bornée comme elle doit l'être aux cas avérés de cancer, s'adresse à une maladie nécessairement mortelle; que l'opération par elle-même n'est pas suivie de graves dangers immédiats, pourvu qu'on ne soit pas obligé de dépasser les limites du vagin ; enfin , que le plus grand nombre de personnes opérées paraissent d'abord vou-loir très bien se rétablir, et ne succombent généralement, plus ou
T. VU.
moins long-temps après l'opération, qu'à la récidive, c'est-à-dire à la cause même de la maladie : on ne voit pas là de motifs plus sérieux pour abandonner cette excision, qu'il n'y en a pour aban-donner l'amputation des cancers dans les autres parties du corps, soumises aux mêmes chances. Que si les récidives sont si fréquen-tes , cela tient à ce que l'on agit sous l'influence d'une diathèse cancéreuse ou que l'on ampute trop tard , soit que la maladie ait primitivement débuté plus haut que le col, ou qu'elle se soit pro-pagée du col au corps de l'utérus. L'essentiel est de s'assurer, par un bon diagnostic , avant l'opération , de la réunion de trois circonstances : r que la maladie est bien réellement un cancer commençant; a" qu'elle est en entier accessible aux instrumens; 3" qu'elle est locale, et qu'aucun signe ne trahit l'existence d'une diathèse générale. Que si, en opérant avec ces précautions , la maladie pourtant récidive , comme il faut toujours s'y attendre , du moins, le chirurgien est irréprochable, ayant fait tout ce qu'il a pu pour essayer de guérir.
EXTIRPATION DE L'UTÉRUS.
Cette opération peut être pratiquée dans trois cas différens : i° lorsque l'utérus est renversé, c'est-à-dire retourné sur lui-même, comme un doigt de gant, de manière que sa surface in-terne est devenue externe et que, dans cet état, la réduction en est impossible; 2" lorsque la matrice est dans un état de prolap-sus complet, et envahie parla gangrène ou la dégénérescence cancéreuse; et 3" lorsque l'organe, sans être déplacé, est envahi par un cancer. Ces trois cas méritent d'être traités à part, parce que les résultats de l'opération sont fort différens dans les uns et dans les autres.
A. renversement ou inversion de luterls.
Le retournement de l'utérus sur lui-même peut être incomplet ou complet. Lorsque l'inversion est incomplète, la maladie peut être assez facilement confondue avec un polype fibreux , car elle fait clans le vagin une saillie pyriforme, prolongée au-delà de l'orifice et du col utérin, par un pédicule qui ressemble beaucoup à celui d'un polype; mais, en pratiquant le toucher vaginal, rectal et hypogastrique, en promenant un stylet autour du pédicule, dans la gouttière du col utérin, et en plaçant unesondeclans la vessie, dont le bec s'enfonce clans le fond de la matrice, on parvient ordinai-rement à bien établir son diagnostic. — Lorsque le renversement est complet, la maladie est toujours facile à reconnaître; outre que l'utérus fait saillie dans le vagin et pend entre les cuisses, au dehors de la vulve, il ne reste plus de vide entre son pédicule et l'anneau du col, et, si l'on pratique le toucher par le rectum, on ne trouve plus le corps de la matrice au-delà. Si cet état permet-tait à la femme de se livrer à ses occupations, et ne déterminait chez elle que de légers accidens, on pourrait se borner à un trai-tement palliatif qui consisterait en injections émollientes ou as-tringentes, et à soutenir la tumeur avec un pessaire en bilboquet; mais s'il est survenu des accidens graves, il n'y a d'autres moyens d'obtenir la guérison de l'infirmité que la réduction ou l'enlève-ment de l'utérus.
Réduction. On ne peut la tenter avec quelque espoir de succès cpie clans les premiers momens qui ont succédé à l'accident, c'est-à-dire presque toujours à la suite de l'accouchement, qui en est la cause ordinaire; car alors l'anneau, formé parle col autour de la tumeur, est encore souple et peut se laisser dilater assez pour
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permettre au corps de l'utérus de repasser à travers son ouver-ture; mais lorsque la maladie, méconnue dans le principe, existe depuis des mois ou des années, la réduction ne pourrait être ef-fectuée, quels que fussent les efforts qu'on fît pour y parvenir, et il serait même imprudent de la tenter; car le col, qui a repris son volume et sa dureté ordinaire , ne se prêterait pas à la dilata-tion, et le corps de la matrice lui-même , rigide et gonflé, n'of-frirait pas moins de difficultés à un retournement. En pareil cas, Millot a proposé d'inciser le col avec un lithotome caché de Frère Corne. M. Colombat pense qu'on ne doit pas entièrement rejeter ce moyen, lorsque tous les autres ont échoué ; mais il con-seille de substituera une seule incision, qui, pour être utile, de-vrait être portée assez loin, ce qui ne pourrait se faire sans danger de pénétrer dans le péritoine, un débridement multiple, semblable à celui qu'on opère sur les anneaux fibreux dans les hernies, et composé de quatre ou plusieurs incisions faites avec un bistouri boutonné. En donnant à chacune d'elles deux à trois millimètres, on obtiendrait, dit-il, plus qu'avec une seule qui en aurait huit à douze. A notre avis, ce débridement ne pourrait être utile qu'au-tant que l'inversion n'est pas complète , accompagnée de gonfle-ment et surtout un peu ancienne; car, dans ce dernier cas, ce n'est pas seulement le col qui met obstacle à la réduction, mais aussi le corps de la matrice, à l'état pathologique, parfois non moins difficile à retourner de dehors en dedans pour le ramener à son état ordinaire, qu'il l'est de retourner sur elle-même de de-dans en dehors une matrice qui est dans son état naturel.
Enlèvement de l'utérus. Il a été proposé, comme ressource extrême, lorsque la réduction a été jugée impossible, et que les malades éprouvent des accidens très graves, tels que des hémor-rhagies abondanteset dessyncopes répétées qui menacent à chaque instant leur existence. La ligature et l'amputation sont les moyens à l'aide desquels on le pratique. Ces deux opérations ont été plu-sieurs fois mises en usage avec des succès variés. Béranger de Carpi, Wrisberg, M. Velpeau et autres ont rapporté des cas où l'amputation a parfaitement réussi. D'un autre côté, Faivre de Vesoul, Ant. Petit, Bouchet père, de Lyon, Windsor, Johnson, Chevalier, Grand ville, Gooch, Davis, M. Lasserre (Arch. t. vin, pag. 3g5), M. Bloxam {Gaz. méd., 1837) et autres, ont cité des observations où l'application de la ligature avait été couronnée de succès. Mais, en opposition avec ces cas, on peut en rappeler beaucoup d'autres où elle a échoué : tels sont ceux rapportés par Deleurye, Goulard, Baudelocque, Desault, Boyer, etc.
Manuel opératoire. Les auteurs qui ont écrit sur ce sujet n'é-tablissent pour ainsi dire aucune manière générale de procéder. Ainsi, ils n'indiquent point si l'on doit enlever le col en même temps que le corps de l'utérus. En amputant ou en liant la tu-meur, de manière à n'en laisser que ce qui est embrassé par le col utérin, ainsi qu'on l'a toujours fait, on n'a réellement enlevé qu'une partie de la matrice. M. Malgaigne est le seul qui, dans son Manuelde médecine opératoire, ait insisté sur cepoint. « L'ex-« tirpation , dit-il, peut se faire sur l'utérus même, au-dessous « du col, et alors on n'emporte en réalité que le corps de l'utérus. « Elle peut être faite au-dessus sur le vagin, quand celui-ci est ren-« versé et malade, et alors on enlève l'utérus tout entier. »
Excision au -dessous du col. Procédé de M. Velpeau. La tumeur fut saisie avec une pince-érigne que l'on confia à un aide. Deux doigts de la main gauche, portés en avant, servirent de guide à un long couteau courbe, avec lequel on divisa, couche par couche, tout le collet de l'organe, de manière à n'en laisser que ce qui était embrassé par le col utérin. Porté par la plaie, le doigt entra librement dans le péritoine et sentit distinctement les intestins.
Ligature au-dessous du col. Elle doit être portée sur le collet de la tumeur et serrée avec un serre-nœud. Baxter l'a pratiquée une fois en traversant le pédicule avec une aiguille, armée d'un fil double. C'est ainsi qu'on agit pour les cas de polypes pendans entre les cuisses, et dont le pédicule est très volumineux.
Procédé proposé par M. Malgaigne. Soit qu'on ampute ou qu'on lie au-dessus du col, sur le vagin, ou bien au-dessous, sur le collet de la tumeur, M. Malgaigne conseille d'inciser, couche par couche, le tissu du vagin ou de l'utérus, jusqu'à la membrane péritonéale, de l'ouvrir avec la même précaution qu'un sac her-niaire, de repousser les viscères qui y seraient logés, et d'achever seulement alors l'excision, ou de placer la ligature.
De ces procédés, celui de M. Malgaigne nous parait préférable aux autres; nous ne voyons pas, à la vérité, la nécessité d'ouvrir le péritoine pour refouler les viscères qui pourraient avoir glissé dans l'infundibulimi formé par l'utérus. Comme l'ouverture de cette membrane séreuse, et la communication de sa cavité interne avec l'air extérieur paraît avoir une influence notable sur les phlegmasies consécutives qui accompagnent cette opération, mieux vaudrait agir de la manière suivante.
Procédé proposé par M. Dufresse. Faire coucher la femme sur le dos, le siège plus élevé que la tète, pour déterminer l'ascension des viscères vers le diaphragme; comprimer doucement la tumeur, pour chasser les parties contenues d ans son intérieur, s'il y en a; puis diviser, circulairement, couche par couche, et avec une minutieuse attention, jusqu'au péritoine, le vagin ou la matrice, suivant qu'on ampute, au-dessus ou au-dessous du col, et appliquer, dans la rai-nure pratiquée par l'instrument tranchant, une ligature qui mettra la surface séreuse partout en contact avec elle-même. Au bout de 36 ou 48 heures, elle aura contracté des adhérences qui permet-tront d'enlever la tumeur et la ligature, ou bien de les laisser en place jusqu'à la chute naturelle du lien.
Il survient quelquefois des accidens nerveux effrayans à la suite de l'enlèvement de la matrice par l'instrument tranchant ou avec la ligature. Après l'opération pratiquée par M. Velpeau, l'hémor-rhagie fut légère; mais des douleurs accablantes, des crampes, une agitation extrême, des syncopes qui survinrent bientôt, persistè-rent avec tant d'intensité pendant trois jours, que Je. chirurgien avait tout-à-fait désespéré de sa malade. Les mêmes phénomènes se sont manifestés chez les personnes opérées par MM. Lasserre et Bloxam. Comme ces accidens ne se montrent pas lorsqu'on en-lève la matrice pour un prolapsus ou pour un cancer, on est porté à penser qu'ils tiennent à ce qu'on agit sur le tissu utérin lui-même.
B. prolapsus complet de l'utérus.
D'après yEtius, Soranus conseillait déjà cette opération. « Si la portion pendante de l'utérus, dit-il, s'ulcère à cause de l'âcreté des urines, et si elle se putréfie, extirpez-la sans rien craindre; l'exemple nous autorise à la retrancher, car on l'a quelquefois extirpée tout entière, et le succès a couronné l'entreprise. » Paul d'Egine, Moschion , Avenzoar, Khasès, Cbristophus à Vrcga,
Mercurialis, Benivenius, Fernel, A. Paré et autres auteurs anciens en ont rapporté des exemples. Celui d'A. Paré est un des plus concluans. La femme mourut d'une autre maladie trois mois après l'opération. A l'autopsie A. Paré constata l'absence de la matrice, et dit que, à la place de l'organe, il existait une simple dureté dans le bas-fond du bassin. Des auteurs plus modernes ont également enlevé la matrice : tels sont A. Hun ter, en 1797 ; M. Galot de Provins, en 1809; Marschall de Strasbourg, qui ouvrit le cadavre de la femme, morte, dix ans après l'opération, et constata l'absence de la matrice; M. Langenbeck, en 1813; Fo-déré, dont l'observation fut publiée en 1825; MM. Récamier et Marjolin , Delpecb et plusieurs autres.
4insi les exemples ne manquent pas pour encourager à enlever la matrice en état de prolapsus; mais on ne doit pas se décider à pratiquer une pareille opération avant d'avoir acquis la certitude que cet organe est affecté de gangrène ou de cancer. La ligature pure et simple, la ligature préalable suivie de l'excision, l'exci-sion pure et simple, et l'extirpation avec dissection du péritoine sont les méthodes qu'on emploie.
i" Ligature. La fig. 3 de la pl. 74 représente cette opération. L'utérus et le vagin sont descendus hors de la vulve et les vis-cères invaginés dans la poche que forme le vagin renversé, ayant été réduits, un aide, placé à genoux au-dessus de l'opé-rateur, contient le vagin entre le pouce et l'indicateur des deux mains (a, b) pour empêcher les viscères de redescendre. Le chi-rurgien qui a passé une double ligature verticalement au travers du vagin a déjà lié la moitié droite, et il est sur le point de pra-tiquer la ligature de la moitié gauche, dont les chefs sont encore pendans au-dehors. Bien qu'il soit facile de comprendre tout le pédicule de la tumeur dans une seule ligature, il vaut toujours mieux faire une ligature multiple. La ligature constitue à elle seule une opération , si l'on se propose d'obtenir la chute de la matrice par mortification, et forme un temps préparatoire de l'excision, si cette méthode est préférée. Il vaut mieux agir de cette dernière façon que de laisser tomber la tumeur d'elle-même; c'est ainsi que Bernhard, Baxter et autres ont agi. En effet, le seul but de la ligature étant de prévenir l'hémorrhagie, il ne peut y avoir aucun avantage à lui permettre de couper les tissus.
i° L'excision pure et simple, et sans ligature préalable, peut être aussi mise en usage. On divisera circulairement le vagin autour du point où il s'insère au col utérin, on accrochera l'utérus avec desérignes, on le fera passer au travers de l'ouverture pra-tiquée, puis on portera, comme l'ont fait MM. Récamier et Marjolin, une ligature autour des trompes, et on les excisera ainsi que les ligamens ronds. La crainte de l'hémorrhagie fait préférer l'application préalable d'une ligature avant d'exciser.
Procédé de M. Langenbeck. Après avoir incisé circulaire-ment le vagin au-dessous de sa partie malade, on arrive avec précaution jusqu'au péritoine; puis faisant en sorte de ne point ouvrir cette membrane, on en sépare soigneusement la matrice par énucléation, dans toute son étendue, de façon que l'on puisse enlever cet organe en laissant intacte la séreuse que l'on réduit en dernier lieu.
Cette opération, pratiquée sur une femme atteinte de pro-lapsus incomplet, accompagné de dégénérescence squirrheuse, réussit très bien, ce qu'on attribua à ce que l'air ne pénétra pas dans l'abdomen ; elle fut très laborieuse, et cependant M. Lan-genbeck ayant trouvé sain le fond de la matrice ne l'extirpa pas tout entière.
Avant d'accorder une préférence marquée à l'un de ces pro-cédés, il serait peut-être utile de savoir un peu mieux à quoi s'en tenir sur leurs résultats. Par la ligature on emporte nécessai-rement une partie du vagin en même temps que l'utérus. Malgré cet inconvénient, c'est encore la ligature suivie de l'excision à la-quelle on a ordinairement recours, en ayant soin de ne pas com-prendre dans le lien la vessie ou le rectum.
G CANCER de l'iJTÉRUS non DÉPLACÉ.
L'extirpation de l'utérus cancéreux, non déplacé, pratiquée pour la première fois en 1822 par M. Sauter, chirurgien de Con-stance, le fut en 1824 par Hœlscher et de Siebold; en 1826 une fois par de Siebold et deux par M. Langenbeck; en 1828 on en connaît quatre cas de M. Blundell, un de M. Banner et un de M. Lizars ; en 1829 on en signale deux autres de MM. Langenbeck et Récamier; puis en i83o deux aussi de MM. Récamier et Dubled. Enfin elle a encore été pratiquée plusieurs fois depuis par d'autres chirurgiens, Delpech, Evans, etc., en sorte que, ac-tuellement, on peut compter 20 à 25 opérations authentiques de l'extirpation de la matrice dans sa position normale.
Sur ce nombre quatre femmes seulement se sont rétablies des suites de l'opération; mais trois d'entre elles n'en ont pas moins succombé assez promptement aux suites de la diathèse cancé-reuse. La première est celle de M. Sauter qui vécut quatre mois après l'opération; la seconde est une de celles de M. Blundell; elle mourut un an après d'une récidive ; la troisième, opérée par M. Récamier, vécut aussi un an et mourut comme la précédente; enfin la quatrième est celle de M. Evans; elle s'est, dit-on, complètement rétablie. Toutes les autres ont succombé aux suites de l'opération dans un délai qui s'est étendu depuis quelques heures jusqu'à quatorze jours, terme le plus long auquel ait at-teint une seule d'entre elles.
Méthode opératoire. Il y en a deux principales : dans l'une on fait l'opération par l'hypogastre , méthode hjpogastrique, et dans l'autre par le vagin , méthode vaginale.
Méthode vaginale. C'est celle qu'on emploie le plus fréquem-ment : elle compte plusieurs procédés. Dans presque tous on cherche d'abord à abaisser l'utérus le plus possible. Pour opérer ce premier temps on se sert de pinces de Museux ou d'érignes, qu'on applique sur le col. Lorsque cet organe est trop mou pour supporter les tractions, ou trop petit pour permettre d'appliquer les crochets, on peut se servir avec avantage d'un instrument imaginé par M. Colombat. C'est une sorte de sonde creuse qui est susceptible d'être introduite dans la cavité utérine, dont les parois sont saisies de dedans en dehors au moyen de quatre petits crochets qui s'y développent plus au moins en faisant tourner une virole.
Procédé de M. Sauter. Voici, en résumé, comment le décrit l'auteur lui-même dans un mémoire inséré parmi les Mélanges de chirurgie étrangère , 1824. « L'opérateur introduit l'index et le médius gauches jusqu'au cul-de-sac du vagin, sépare circu-lairement cet organe de l'utérus avec le bistouri et les ciseaux, glisse les doigts, puis la main gauche tout entière dans le bassin, tire en bas celui des ligamens larges qui est le plus élevé, le coupe
avec Je bistouri concave, coupe ensuite l'autre, et termine en faisant basculer l'utérus sur lui-même pour l'extraire. Pendant ces manoeuvres un aide, appuyant avec ses mains sur l'hypo-gastre, repousse l'utérus en bas et les intestins en haut.
S'il survient une hémorrhagie, M. Sauter porte des gâteaux de charpie et des plaques d'agaric jusque dans le fond du vagin. Ce pansement terminé, on replace la malade dans son lit, dans la position horizontale, l'aide cesse seulement en ce moment de retenir les intestins avec sa main.
Les procédés suivis par la plupart des autres opérateurs se rapprochent plus au moins de celui de M. Sauter. Ainsi M. Lan-genbeck commença par agrandir la vulve en fendant le périnée, après quoi il divisa circulairement le vagin autour du col utérin, fit culbuter la matrice et termina par la section des ligamens lar-ges. M. Blundell préféra commencer par séparer le vagin de la ma-trice en arrière, fit culbuter cet organe par un mouvement de rétroversion, divisa les ligamens larges, et termina en séparant l'organe de la vessie et de la partie antérieure du vagin.
Sous-procédé de M. Bécamier. Abaisser d'abord fortement l'utérus soit avec une pince-érigne, dont une branche à deux griffes serait introduite dans la cavité même de la matrice, et dont l'autre à trois griffes porterait aussi haut que possible sur le contour externe du col , soit avec des pinces de Museux sim-ples, mais mieux articulées en forceps et coudées en Z ou à angle droit pour ne pas masquer et embarrasser les manœuvres. Con-fiant les pinces à un aide, le chirurgien introduit, protégé par le doigt, un bistouri droit, avec lequel il détache lentement le vagin , comme M. Sauter, au-devant du col, sur sa face vésicale, en n'arrivant qu'avec beaucoup de précaution sur le péritoine pour ne point blesser les organes abdomino-pelviens. Une fois la membrane séreuse mise à découvert dans toute la longueur de l'incision, le bistouri, recouvert et protégé par l'indicateur, incise le péritoine, et détache du bas^fond de la vessie le conduit utéro-vaginal; puis, le doigt glissé d'abord seul de l'un et de l'autre côté , droit et gauche, au-dessus des trompes, permet d'abaisser les ligamens larges et de les inciser dans les deux tiers supérieurs de leur étendue ; une aiguille courbe à manche, dont le chas est garni d'un fil, sert à embrasser, chaque côté, dans une anse, le tiers inférieur du ligament large qui renferme l'artère utérine; on en fait la ligature et on achève la section du côté du viscère. Pour terminer l'opération, il ne reste plus qu'à renverser ou faire basculer en avant et en bas l'utérus, à le détacher du rectum, et à compléter par le demi-cercle postérieur, mais alors, de la surface péritonéale vers la surface muqueuse, la section du vagin au-de-vant du col.
Sous-procédé de M. Dubled (Pl. 75, f. 2). Après avoir incisé la fourchette jusqu'au devant de l'anus, pour faciliter l'ex-traction, l'opérateur abaisse l'utérus, le sépare circulairement du vagin, et pratique, avec l'aiguille de Deschamps, la ligature du tiers inférieur du ligament large qui contient les vaisseaux ; divise ce ligament entre la ligature et l'utérus, attire au-dehors l'organe saisi entre les doigts de la main gauche, pratique la ligature des vais-seaux du ligament large gauche, le coupe comme le précédent, et termine soit en enlevant l'utérus tout entier, après l'avoir attiré jusqu'à ce que son fond soit à la portée du bistouri, ou bien en le coupant au niveau des trompes, si son fond est sain, et même, dans ce dernier cas, il peut se dispenser d'ouvrir le péritoine.
Les tristes résultats obtenus par ces tentatives diverses d'extir-pation de la matrice, font que nous n'insistons pas sur quelques autres nuances qui ont été indiquées par MM. Gendrin et Tarai. Dans l'état actuel des choses, c'est à peine s'il y a lieu de re-chercher auquel de ces procédés on pourrait encore donner la préférence, attendu qu'ils ne réussissent pas mieux les uns que les autres. Dans le but, au moins, de se préserver de l'hémor-rhagie, il nous semble qu'il vaudrait mieux employer un de ceux dans lesquels on pratique la ligature des vaisseaux compris dans les ligamens larges. Quant à présenter plus de chances de guérison que ceux dans lesquels on omet cette ligature , on sent parfaite-ment que les autres accidens immédiats qui menacent la femme, sont trop nombreux pour qu'on puisse se faire à cet égard la moindre illusion. Aucun moyen ne peut garantir de la périto-nite à laquelle succombent les opérées. A ce point de vue, le sous-procédé de M. Dubled, dans lequel on s'abstient d'ouvrir le péri-toine, devrait être préféré si la maladie le permettait.
Méthode hypogastrique. L'extirpation de la matrice par l'hy-pogastre aurait, dit-on, été pratiquée fort anciennement; toute-fois, il n'était possible de trouver que de vagues données sur ce sujet dans les auteurs, tant anciens que modernes, lorsque, en 1814, M. Gutberlat fa proposa définitivement. Il voulait qu'on fixât d'abord l'organe gestateur, en embrassant son col avec un anneau monté sur un long manche, qui servait à le glisser dans le vagin; puis qu'on fît sur la ligne blanche, et au-dessus de la vessie, une incision assez étendue pour permettre l'introduction de la main , afin d'aller saisir la matrice, de l'attirer à soi, de la soulever, et de terminer en coupant les ligamens larges et leurs at-taches au vagin, avec de longs ciseaux conduits parla main droite.
Procédé de M. Langenbeck (pl. 76 , fig. 3). C'est une légère modification de celui indiqué par Gutberlat. Une incision ayant été pratiquée sur la ligne blanche, depuis la symphyse pubienne jusqu'à deux pouces au-dessous de l'ombilic, le péritoine fut ouvert, puis un aide, de ses deux mains, écarta la plaie et con-tint les intestins et le péritoine pariétal. Le chirurgien, soulevant l'utérus de la main gauche, introduisit de l'autre main de longs ciseaux fermés , avec lesquels il divisa d'abord le ligament large du côté droit, puis celui du côté gauche, et, s'armant aiors d'un bistouri, il isola l'organe de la vessie et du rectum, et termina en pratiquant la section circulaire du vagin.
M. Langenbeck et Delpech sont les seuls qui aient osé pra-tiquer l'extirpation de l'utérus par incision de la paroi abdomi-nale. La femme opérée par le premier n'a survécu que 32 heures, et l'opérée du second a succombé le troisième jour. C'est assez dire que c'est une méthode très dangereuse. Il est vrai qu'elle permet mieux que la méthode vaginale de voir ce que l'on fait, et d'enlever mieux et plus vite la totalité du mal ; mais l'incon-vénient d'ouvrir deux fois le péritoine balance avec perte les autres avantages qu'elle présente. Aussi donne-t-on générale-ment la préférence à l'extraction par le vagin.
En résumé, si déjà les opérations sur le col de la matrice ne sont justifiables que dans les cas les moins graves et où il est rai-sonnable de pouvoir en attendre une guérison permanente, l'extir-pation complète de la matrice cancéreuse dont, sur 25 cas, on ne connaît qu'une malade de M. Evans qui ait été véritablement guérie, est une opération déplorable. Et si, d'abord, les chirur-giens de notre âge ont eu raison d'essayer des chances qu'elle pouvait offrir, les résultats qu'elle a fournis semblent presque devoir l'exclure désormais du domaine de la chirurgie, de même
que ceux des opérations pratiquées sur le col utérin devront sin-gulièrement en restreindre l'emploi. Il serait donc bien inutile de discuter longuement les avantages et les inconvéniens des deux méthodes d'extirpation de l'utérus. Le peu de succès qu'on a obtenu des unes et des autres rendra les chirurgiens très circon-spects à l'avenir. Us comprendront facilement que l'opération étant d'abord très grave par elle-même, puisque la plupart des femmes opérées n'ont survécu que quelques heures ou quelques jours, et la récidive étant presque certaine par la nature même de la maladie et l'insuffisance des moyens de diagnostic applica-bles, qui ne permettent pas d'apprécier toute l'étendue du mal, rien n'autorise à faire subir aux malheureuses femmes dont la matrice est envahie par un cancer, une opération longue et dou-loureuse qui ne fait que hâter le terme de leur existence.
TUMEURS DE L'OVAIRE.
On a rencontré dans les ovaires diverses espèces d'altérations : mélanose , concrétions calcaires , productions osseuses et carti-lagineuses , corps fibreux, tubercules , cancers, hydatides, etc., et des kystes simples ou multiloculaires renfermant des poils, de la matière grasse, des corps analogues à des dents et à des fragmens d'os, que l'on s'accorde généralement à considérer comme les résultats d'une grossesse extra-utérine. Les kystes hy-dropiques contiennent, soit une sérosité ou claire et incolore , ou citrine, soit un liquide couleur café ou de chocolat, lactes-cent ou séro - purulent; enfin, dans d'autres cas, des ma-tières graisseuses, suifeuses , semblables à de la colle , à du ca-séum, à de la gélatine, à de la lie de vin, etc. Les kystes et les tumeurs dégénérées de l'ovaire peuvent acquérir un volume con-sidérable , et tel qu'il ressemble à un état de grossesse avancée. Leur poids alors est très considérable : on l'a vu s'élever jusqu'à 3o et même 5o kilogrammes. Les tumeurs sont souvent libres et flottantes dans la cavité abdominale , mais quelquefois aussi elles contractent des adhérences avec les parties voisines; leur surface externe est ordinairement parcourue par de nombreuses ramifi-cations vasculaires dépendant de l'artère ovarique qui a acquis un développement considérable, et s'oppose à ce qu'on opère l'enlèvement de la tumeur par excision sans ligature préalable. Leur surface interne ne forme quelquefois qu'une seule loge ; mais d'autres fois elle en présente un grand nombre. Les tumeurs ovariennes tiennent à l'utérus par un pédicule plus ou moins gros, constitué par la trompe et le ligament large, et renfermant aussi des vaisseaux d'un fort volume. Parfois ce pédicule est en-globé dans la tumeur, dont la matrice elle-même ne semble plus être qu'une appendice. Bien que les kystes de l'ovaire puissent se développer chez les jeunes femmes, cependant on les observe sur-tout chez celles de 4o à 5o ans.
Traitement. On opère ces tumeurs par la ponction, l'excision et l'extirpation.
io Ponction. Elle se fait avec un trocart, exactement comme pour la paracentèse abdominale; on a le soin de plonger l'instru-ment dans la partie la plus saillante de la tumeur. La guérison peut se faire spontanément. Burdach (Truckmuller, Journ. de Grœfe, t. iv) a observé une femme chez laquelle la tumeur se rompit dans un effort et guérit après qu'il se fut écoulé beau-coup de liquide par le vagin. Chez une autre, la tumeur s'ouvrit à la paroi latérale gauche du vagin , tout le liquide s'écoula par
t. vii.
cette ouverture, et la tumeur disparut (Expér., t. i, p. 355). Au reste, dans l'hydropisie de l'ovaire comme dans celle de toutes les poches qui sécrètent un liquide, la ponction ne produit en général qu'une guérison momentanée; elle doit être répétée cha-que fois que le liquide s'est reproduit en assez grande abon-dance pour gêner ou produire des accidens. Ledran dit aussi avoir vu la guérison résulter de la simple ponction répétée plu-sieurs fois ; mais une injection un peu excitante est plus sûre, en prenant toutefois les plus grandes précautions pour que le liquide ne s'égare pas au dedans ou au dehors du péritoine. On rapporte (Archiv. de mèd., pour 1838) une observation de M. Holscher, dans laquelle la malade fut guérie par l'injection de deux livres de vin dans la tumeur après la ponction ; M. Lizars a également réussi une fois (Journ. ïExpér., t. i, p. 354). Il en est de même de M. Samuel qui, après avoir vidé la tumeur, insuffla de l'air par la canule. Toutefois on ne doit pas compter sur ces moyens qui, du reste, sont loin d'être sans dangers. Si le liquide est trop épais ou trop visqueux pour pouvoir être évacué par le trocart, évidemment il faut recourir à l'incision comme le voulait Ledran.
20 Incision. Procédé de Ledran. Ce chirurgien conseillait d'inciser longitudinalement les parois de l'abdomen sur la partie la plus déclive de la tumeur. Cette incision devait porter sur la ligne blanche, ou bien en dehors des muscles droits, suivant que la tumeur se trouvait plus ou moins déjetée en dedans ou en de-hors. Lorsqu'elle était découverte , il l'ouvrait dans la même di-rection , divisait toutes les cloisons intérieures qu'il pouvait atteindre sans accident, et livrait l'expulsion du reste à la suppu-ration. Il plaçait dans l'ouverture une mèche effilée pour servir de conducteur aux matières qui s'échappaient, et les empêcher de tomber dans le ventre; puis, lorsque la tumeur avait contracté des adhérences avec la paroi abdominale, il substituait à la mèche une canule qui servait tout à-la-fois à donner issue permanente au liquide à mesure qu'il se sécrétait de nouveau, et à faire des injec-tions dans le kyste, dont les parois, après suppuration, finissaient par se déterger et contracter des adhérences. La fistule, qui per-sistait quelquefois long-temps après la guérison de la tumeur, fi-nissait néanmoins par s'oblitérer.
Procédé de Galenzowski. Dans une opération qui avait pour objet l'ablation de l'ovaire, il pratiqua son incision sur la ligne blanche ; mais, ayant trouvé en ce point des adhérences trop grandes pour oser tenter l'extirpation de la tumeur, il l'ouvrit et évacua une partie du liquide qu'elle contenait; le doigt, porté par cette ouverture, ayant démontré qu'elle contenait plusieurs loges, il les déchira toutes, passa un fil dans une des parois du kyste, pour l'attirer au-dehors et empêcher le liquide de tomber dans le ventre, plaça de la charpie dans l'intérieur, et réunit en partie la plaie de l'abdomen par quelques points de suture et des bandelettes de diachylum. Au bout de deux mois, plusieurs lambeaux du kyste ayant été expulsés par la suppuration, peu de jours après, sauf une petite fistule, la guérison était complète.
Procédé de Truckmuller. Sur une femme âgée de 45 ans, et por-tant un ovaire du volume de la tête d'un adulte, ce chirurgien ouvrit l'abdomen avec la potasse caustique, et fit une incision à l'o-vaire affecté d'hydropisie. Mais le liquide que contenait la tumeur étant trop épais, et ne s'écoulant point par la plaie, on parvint à le faire évacuer par l'aspiration d'une seringue. Tousles jours, on rem-
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plissait le kyste avec une décoction d'écorce de chêne, et on le vi-dait ensuite; la tumeur diminuait peu-à-peu, et, au bout de quinze jours, elle avait perdu la moitié de sa grosseur. Huit se-maines après l'opération, elle était réduite au volume d'un œuf de poule. Bientôt la plaie se cicatrisa, et la malade reprit ses oc-cupations (Journ. de Grœfe, t. iv).
L'incision, avec ou sans injections, ayant produit quelques bons résultats, elle doit être préférée toutes les fois que le kyste a contracté avec les parties voisines des adhérences si étendues qu'il serait dangereux d'en tenter le décollement.
3° Excision. Elle consiste à mettre la tumeur à découvert, à en enlever, soit du premier coup, soit peu-à-peu, tout ce qui n'est pas adhérent aux parties voisines, et à abandonner l'expulsion de la partie adhérente aux efforts de la nature. Quoique cette ma-nière d'agir ait échoué entre les mains de MM. Lizars et Martini, comme elle a réussi àDzondi, à d'autres chirurgiens qui l'ont ten-tée , à M. Deneux, qui dit avoir enlevé, avec succès, une partie d'ovaire qui faisait partie d'une hernie, nous pensons qu'elle ne doit pas être rejetée ; elle peut au contraire constituer une res-source précieuse dans les cas où l'existence de la tumeur mettant les jours de la femme en danger, on ne peut néanmoins en faire l'extirpation complète, à cause de ses adhérences.
4" Extirpation. Proposé par Morand, qui voulait qu'on la pratiquât dès le principe, elle le fut également par Théden, qui a décrit un procédé particulier pour l'exécuter, mais ne l'a jamais faite. MM.Power,Darwinetd'Ischier(Z7zè^e^/eMo/2^)e//-, 1807) ont soutenu la possibilité de l'exécuter avec avantage. Toutefois, il paraît que personne n'avait osé l'entreprendre avant 1809, épo-que à laquelle M. Mac Dowel l'a tentée avec succès. Depuis, elle a été faite un assez grand nombre de fois, et par des procédés dif-férens, que nous allons décrire rapidement.
Procède de Théden. Pratiquer sur la région inguinale une in-cision courbe, en prenant garde de ne pas diviser tout d'abord le kyste qui doit se trouver en dehors du péritoine; dilater l'ou-verture des chairs avec les doigts pour pénétrer jusqu'à l'ovaire; lier les petits vaisseaux qui donnent du sang, car il n'est pas sup-posable qu'on atteigne la veine et l'artère iliaques. Le kyste étant mis à nu, détruire ses adhérences aux lèvres de la plaie ; évacuer le liquide contenu dans son intérieur; séparer le sac du péritoine et des muscles auxquels il adhère encore, puis l'entraîner au-de-hors ; poser sur son pédicule une ligature qui comprenne l'ovaire ; amputer le tout, et réunir la plaie.
Procédé de M. Mac Dowel (pl. 72, fig. 16). La femme étant couchée sur le dos, les membres inférieurs étendus et maintenus par des aides, ce chirurgien, placé entre les jambes de la malade ou à sa droite, fait, sur la ligne blanche, une incision qui s'étend depuis l'ombilic jusqu'à 2 centimètres et demi du pubis, et divise, couche par couche, tous les tissus, jusqu'au péritoine. Arrivé à la séreuse, il la soulève avec des pinces et l'ouvre en dédolant, soit avec le bistouri, soit avec des ciseaux ; puis, sur la sonde cannelée ou avec un bistouri boutonné, il agrandit l'ouverture, de manière à pouvoir y introduire deux doigts, en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter la lésion des intestins qui tendent à faire hernie par la plaie, soulève de nouveau le péritoine avec ces deux doigts, et s'en sert pour masquer le bistouri boutonné avec lequel il prolonge l'incision de la séreuse, pour la rendre aussi grande que celle des tégumens. Alors le kyste se montre recouvert du grand épiploon qu'on refoide en haut. Avant d'aller plus loin, on palpe la tumeur avec la main dans tous les sens, pour s'assurer si elle n'est pas adhérente aux parties voisines, en d'autres points que celui de son insertion. Lorsqu'on trouve des adhérences lâches et étroites, suivant le conseil de M. Mac Dowel, on étreint chacune d'elles dans une ligature, et on les divise; dans le cas où elles sont larges et étend ues, et surtout si la tumeur ad hère aux parois du ventre, il faut renoncer à l'extirper, et ne faire que l'inciser et vider ses loges des diverses matières qu'elle contient. Si elle était fongueuse, si sa base était large, et qu'elle fût pour-vue de nombreux vaisseaux, mieux vaudrait , comme le fit M. Dieffenbach dans un cas analogue, renoncer à l'opération et réunir la plaie de l'abdomen, que de s'exposer à voir la femme périr d'hémorrhagie. Enfin, si la tumeur est libre ou si les adhérences qui existaient ont été complètement détruites, on amène le kyste au-dehors sans l'ouvrir, s'il n'est pas trop volu-mineux pour traverser la plaie; mais, dans le cas où l'excès de son volume fait obstacle, le chirurgien l'incise largement, et, lorsqu'il est vidé et affaissé sur lui-même, il l'attire à lui, fait refouler les intestins par un aide, avec une compresse étendue dessus, isole son pédicule, et l'étreint tout entier dans une ligature. Une seule ligature suffit si le pédicule est étroit; mais, s'il est trop épais et que l'on puisse craindre que la ligature ne l'étrangle mal, il vaut mieux le traverser avec une aiguille armée d'un fil double, et ap-pliquer dessus deux ou trois ligatures, suivant le besoin. On les arrête solidement par un nœud double, on coupe un de leurs bouts, on ramène les autres au-dehors, et on tranche la tumeur avecle bistouri en deçà, à 2 centimètres (8 lignes) environ delà li-gature, afin que celle-ci ne glisse pas.
Pansement. L'opération terminée, on enlève avec une éponge tous les liquides qui peuvent s'être épanchés dans le ventre, on ra-mène les fils de la ligature vers l'angle le plus déclive de la plaie, on réunitles lèvres par la suture, entrecoupée ou enchevillée, pour s'opposer à la sortie des intestins ; on laisse l'angle inférieur libre, pour l'écoulement des liquides, et l'on termine le pansement par l'addition de bandelettes agglutinatives, de charpie et de compresses. La position sur le dos, ou sur le côté, est la plus convenable.
Avant d'adopter définitivement l'incision sur la ligne blanche, M. Mac Dowel avait eu recours, dans un cas, à l'incision longitudi-nale, en dehors du muscle droit, et, dans un autre, il joignit à l'inci-sion delà ligne blanche une incision oblique, partant de l'ombilic et allant se terminer à 5 centimètres (un pouce et demi) au-delà.
Procédé de Monteggia. Afin d'éviter de faire une grande ou-verture au péritoine, Monteggia voulait qu'on se servît, d'un gros trocart pour extraire le liquide, puis qu'on introduisît à travers cette ouverture des pinces à longues branches pour attirer le sac au-dehors, lier son pédicule et en faire l'excision. Le principal inconvénient de ce procédé est de ne pouvoir être exécuté sans courir le risque de saisir une portion d'intestin, en même temps que les parois du kyste, et d'y déterminer de graves lésions.
Appréciation. La destruction des kystes de l'ovaire a été tentée un assez grand nombre de fois, pour qu'il soit possible d'appré-cier la valeur de cette opération. De toutes les méthodes opéra-toires, l'extirpation est celle qu'on doit préférer toutes les fois qu'on peut l'employer. Après elle vient l'incision suivie de la des-
traction du kyste par la suppuration. Mais il est essentiel, peur la mettre en usage, qu'il existe, entre la tumeur et les parois ab-dominales des adhérences propres à empêcher l'épanchement des matières dans le ventre. Parmi les procédés d'extirpation, celui de M. Mac Dowel est le plus généralement applicable. Voyons main-tenant quels sont les résultats fournis par l'opération. M. Mac Dowel a réussi quatre fois ; en i8ai, Smith fit l'extirpation d'un ovaire, avec succès ; il en fut de même une seconde fois, en 1822, sur une jeune femme. M. Lizars réussit également à enlever, en 1823, un kyste ovarique aussi gros qu'un fœtus de 8 mois. Il fut obligé de pratiquer une incision étendue de l'appendice xyphoïde jusqu'au pubis; malgré divers accidens, la malade se rétablit très bien. Le succès couronna encore ses efforts chez une autre ma-lade. Il en fut de même dans les cas de Macdonnald [Siebold's J., tom. v) ; de M. Chrissmann, qui fendit la ligne blanche de l'appen-dice xyphoïde au pubis, et extirpa un kyste gros comme la tête d'un enfant (J. de Grœfe, t. xu); de M. Galenzowsky, qui opéra par incision (,/. de Grœfe, t. xu); de Ritter, où la tumeur pesait 38 livres (Expér. t, 1, p. 355); de M. Samuel, qui retira autant de livres de liquide (Hufeland J., i83o). MM. Jeaffreson, King, (Annal, ofmed., t. 11), Quittenbaum, Rogers (Encjclop. des Se. méd., i836), et plusieurs autres, qu'il serait trop long de nommer , ont eu le même bonheur. Il est vrai que, parmi les chirurgiens que nous venons de citer, plusieurs ont vu succom-ber d'autres malades dans les mêmes circonstances où les pre-mières avaient guéri; mais, comme dans la plupart des cas dont il s'agit, l'opération est le seul moyen de guérison, que, sans elle, les femmes succomberaient infailliblement, un peu plus tôt ou un plus tard, et qu'en général, elles ou leurs parens ne permettent d'agir que dans les cas où la tumeur, déjà volumineuse, déter-mine, soit de l'infiltration dans les membres inférieurs, soit de la gêne et du trouble dans les fonctions vitales, soit enfin une altération dans la santé générale qui fait craindre pour la vie, nous ne voyons pas pourquoi, en présence d'une proportion de succès qui dépasse de beaucoup celle des revers, on reculerait pour prati-quer l'opération. On y est d'ailleurs conduit par l'expérience de tous les jours qui prouve que l'extirpation des ovaires s'applique sans danger aux femelles des animaux que l'on veut rendre im-propres à la génération. A la vérité, on peut objecter à ces raisons que le diagnostic de ces tumeurs, n'est pas toujours facile, et que, en général, la maladie marche très lentement, et permet aux ma-lades de vivre assez long-temps. Aussi, ne croyons-nous le chi-rurgien autorisé à agir que dans les cas où le diagnostic est certain, et lorsque les progrès de la maladie sont assez graves pour que l'opération soit la seule chance de salut.
OPÉRATIONS TOKOLOGIQUES,
PUBIO-SYMPIIYSÉOTOMIE.
Séverin Pineau pensait que, dans certains cas, l'accouchement ne pouvait se terminer sans qu'on eût préalablement écarté les os pubis; mais, pour arriver à ce but, il n'avait proposé et employé que des lotions émollierites, des cataplasmes et des corps gras et mucilagineux. On lui accorde cependant d'avoir entrevu la possibilité d'opérer la section pubienne, lorsqu'il dit (Opusc. phjs. et anat., lib. 11, chap. io): Nec non continentes seu ex-ternœ, non tantum dilatari, sed etiam secari tuto possunt, ut internis succuratur, ut Galenus ait. Quoique de Lacourvée l'ait pratiquée sur une femme morte, avant j 765, et Plenck, en 1766, on a pu sans injustice en faire honneur à Sigault qui, encore étudiant en médecine, osa le premier en faire la proposition à l'Académie de chirurgie, en 1768; mais l'illustre Société l'ac-cueillit fort mal, et la considéra comme une idée absurde. Ce-pendant Sigault n'en persista pas moins dans sa conviction, et revint sur ce sujet dans sa thèse, qu'il soutint, en 1773 , à l'école d'Angers. En 1777 il exécuta son opération sur une femme nom • mée Souchot, en présence de A. Leroy, et sauva la mère et l'en-fant. Dès-lors, ceux qui avaient pris parti pour Sigault ne mirent plus de bornes à leur enthousiasme. La faculté de méde-cine de Paris fit graver une médaille d'or en son honneur. L'A-cadémie de médecine embrassa les idées du jeune et hardi chi-rurgien, et l'Académie de chirurgie, qui continuait toujours à la repousser, devint en butte aux sarcasmes et aux injures. Les uns, pensant que l'opération césarienne pouvait suffire à tous les cas, furent appelés cèsariens; tandis que , par opposition, on nomma sjmphjsiens ceux qui croyaient au contraire que la symphyséo-tomie pouvait, dans tous les cas, être heureusement substituée à l'opération césarienne. Sous ces dénominations, non-seulement les accoucheurs de France, A. Leroy, Baudelocque, Sacombe et autres , mais encore les hommes les plus distingués de l'é-tranger, Siebold, Plenck, Deventer, divisés en deux camps, prirent part à la dispute, et, comme il arrive toujours dans ces querelles ridicules, publièrent les uns contre les autres des li-belles pleins d'inconvenance. Or, si l'on se fût mieux possédé de part et d'autre, on eût vu tout de suite ce que Desgranges dé-montra plus tard ; c'est que l'une et l'autre opération ont leurs applications spéciales, et ne peuvent être employées dans les mêmes circonstances, ainsi que nous allons le voir.
Indications. La symphyséotomie est maintenant une opéra-tion qui ne se fait plus que rarement. Les cas dans lesquels elle peut être applicable sont ceux où l'enfant étant vivant, et où le forceps et la version étant insuffisans, on serait obligé d'avoir re-cours à la céphalotripsie ou au morcellement pour délivrer la mère; par conséquent, lorsque la longueur du diamètre sacro-pubien varie entre 8 et 6 centimètres et demi (3 p. et2p. etdemi). En effet, en pareil cas, la section du cartilage inter-pubien pour-rait rendre à ce diamètre assez de longueur pour permettre à la tête de sortir seule, ou d'être extraite par le forceps. Les expé-riences faites sur le cadavre ont démontré que, après cette opéra-tion, les os s'écartent en général, et d'une manière spontanée, de i3 à 27 millimètres (i demi-pouce à 1 pouce). Cet écartement peut être porté par des tractions exercées sur les crêtes iliaques jusqu'à 5 ou 6 centimètres, sans faire courir aux femmes trop de dangers ; mais on ne saurait le porter au-delà sans risque de déchirer les symphyses sacro-iliaques, et d'y faire développer des inflammations très redoutables. Or, c'est là le côté faible de la symphyséotomie, car sur le vivant on ne s'aperçoit pas de ces dé-chirures qui se manifestent quelquefois lorsque les pubis sont tout au plus éloignés de 27 à 36 millimètres, comme Baudelocque dit l'avoir observé dans un cas sur le cadavre. Quoi qu'il en soit, en admettant que l'écartement de 5 à 6 centimètres ne soit pas né-cessairement suivi de danger, comme on a reconnu qu'un écar-tement des os pubis de 26 millimètres donnait lieu à un allonge-ment de 4 millimètres et demi dans le diamètre sacro-pubien, il s'ensuit que, pour un écartement de 6 centimètres, on obtiendra juste 1 centimètre d'augmentation. Et comme il est dit dans tous les traités spéciaux, qu'entre 9 et 8 centimètres (3 pouces
4 lignes, et 3 pouces) l'accouchement est encore possible par le forceps ou par la version, pour que l'opération soit proposable , la question, à la vérité très difficile, à juger, consiste à préciser d'abord par le diagnostic si le diamètre sacro-pubien est déjà de 7 à 8 centimètres; enfin, si l'on fait attention que le diamètre sacro-pubien n'est pas le seul qui s'agrandisse par la section des pubis , mais que le transversal et les obliques subissent aussi un allongement assez considérable, on verra que la symphyséoto-mie est encore susceptible d'être appliquée dans les cas de vices de conformation du bassin qui portent sur les diamètres obliques et transverse, et sur le détroit inférieur.
Toutefois il ne faut pas se dissimuler que les applications de la symphyséotomie ne soient très restreintes. En effet, maintenant, si l'on s'aperçoit de la mauvaise conformation du bassin avant que la femme soit arrivée à terme, on aime mieux provoquer l'accou-chement après le septième mois. Restent donc quatre cas d'opé-ration : i° lorsque, n'étant appelé qu'au moment du travail, on est certain que l'enfant est vivant, 2° quand la tête sera déjà en-gagée dans le détroit supérieur et enclavée dans la filière du bas-sin, de manière à ne pouvoir être ni entraînée en bas par le forceps, ni retirée par en haut après l'opération césarienne; 3° si elle est arrêtée par un rétrécissement transversal du détroit inférieur; 4° enfin l'opération a encore été proposée pour les cas où, le tronc étant sorti, la tête est retenue dans l'excavation. En-core beaucoup de praticiens préfèrent-ils sacrifier l'enfant, parce que, en définitive, d'après l'expérience, les résultats de l'opération ne sont avantageux ni pour lui, ni pour sa mère.
Résultats. Le nombre des opérations de symphyséotomie connues s'élève à 44; s»r ce nombre \l\ femmes ont succombé et un certain nombre sont restées infirmes; quant aux enfans, il en périt aussi beaucoup. Lauverjat, dans sa Nouvelle méthode de pratiquer l'opération césarienne, dit que, sur 18 femmes opé-rées, il y eut, tant de femmes que d'enfans, 21 morts; que sur 2 il fallut en venir à l'opération césarienne ; que 5 ont conservé une incontinence d'urine, et une autre une claudication; enfin, sur 34 cas cités par Baudelocque, on n'est parvenu à sauver que 11 enfans. Ces dangers, nous l'avons dit, tiennent aux déchi-rures et aux inflammations consécutives des symphyses sacro-iliaques; or il est toujours remarquable qu'elles n'ont pas lieu après l'opération de la symphyséotomie, car l'enfant peut rarement passer sans qu'on applique le forceps, et lors même qu'il parvient à sortir seul, il ne peut le faire sans forcer les os iliaques, déjà sé-parés en avant, à s'écarter au-delà des limites fixées pour que les symphyses sacro-iliaques n'éprouvent pas de déchirures.
L'écartement artificiel des os pubis s'obtient aujourd'hui de deux manières : i° par section de la symphyse seule; 2" par sec-tion double des pubis ou d'un pubis avec la symphyse.
SYMPHYSÉOTOMIE SIMPLE.
Manuel opératoire. Les objets qui composent l'appareil sont: un ou plusieurs bistouris convexes, des linges enduits de cérat, des compresses et un bandage de corps. Le pénis étant rasé, la femme est placée sur une table garnie d'un matelas ou sur un lit, dans la même position que si l'on voulait appliquer le forceps; les cuisses et les jambes fléchies sont maintenues écartées par des aides; les épaules doivent être un peu soulevées par des coussins, et fixées par un autre aide. Le chirurgien fait tendre la peau du ventre, et se plaçant à la droite ou entre les jambes de la malade il procède à l'opération, après avoir toutefois évacué la vessie avec une sonde qu'il y laisse à demeure, afin de pouvoir dé-tourner l'urètre adroite, tandis qu'il dirige son incision vers la gauche.
Procédé ordinaire. On fait une incision, dont l'extrémité su-périeure commence à un travers de doigt au-dessus de la sym-physe et vient se terminer un peu au-devant de la commissure des grandes lèvres. Après avoir divisé la peau , on incise succes-sivement toutes les parties molles qui recouvrent l'os; quelques personnes coupent même la racine gauche du clitoris , pour évi-ter une déchirure au moment de l'écartement des os. Le cartilage étant à découvert, il y a deux manières de le diviser: les uns ont conseillé de le couper d'arrière en avant,ou des parties profondes vers les parties superficielles , dans le but d'éviter plus sûrement la lésion de la vessie ; mais lorsque celle-ci est vide, elle s'éloigne assez de la face postérieure du cartilage pour qu'on n'ait pas à craindre de la blesser. Les autres, et c'est le plus grand nombre, préfèrent, avec raison, agir d'avant en arrière. En incisant le cartilage couche par couche et avec précaution, on voit les pubis se séparer peu-à-peu, à mesure que les liens qui les unissent vont en s'amincissant. Lorsqu'il n'y a plus qu'une faible épaisseur à couper, on peut toujours, si l'on veut, par prudence et dans la crainte d'une échappée du bistouri au moment où la résistance est vaincue, terminer la section avec le doigt et sur une sonde cannelée passée derrière la face postérieure de la sym-physe.
A. Leroy, craignant la présence de l'air dans l'articulation, proposa de pratiquer l'opération en deux temps; mais sa ma-nière de faire n'ayant pas paru convenable, on proposa de faire une très petite incision au-dessus et au-dessous de la symphyse , et d'aller diviser celle-ci à travers une sorte de ponction sous-cutanée. La difficulté d'opérer cette section, pour ainsi dire à couvert, en avait d'abord fait rejeter la proposition. Néan-moins, dans ces derniers temps, M. Imbert a cru devoir renou-veler ce procédé sous le nom direct de section sous-cutanée. Après avoir divisé une branche du clitoris, il glisse un fort bistouri boutonné sous la symphyse, le tranchant en haut, puis la coupant d'arrière en avant, il obtient aussitôt après un écartement de 2 ou 3 centimètres. Deschamps, pensant s'être aperçu qu'on coupait fréquemment le pubis, tout en croyant couper le cartilage, a conseillé d'agir de cette façon dans tous les cas. Desgranges avait déjà donné le même conseil. Nous ne voyons pas ce qu'il y aurait à gagner à cet égard.
Dans quelques cas il arrive que la symphyse est déviée de la ligne médiane, et qu'elle ne se trouve pas derrière l'incision des parties molles, mais bien à droite ou à gauche. Il faut dès-lors aller à sa recherche. D'autres fois elle est ossifiée; Siebold l'a ren-contrée une fois dans cet état; il fut obligé de la scier, et ne retira qu'avec des peines infinies un enfant mort. Lauverjat, Boer , madame Lachapelle, M. Velpeau et autres, disent avoir observé cette soudure sur des bassins viciés. Si un cas pareil se présen-tait et qu'on eût déjà incisé les parties molles, on a à se deman-der s'il ne vaudrait pas mieux recourir à l'opération césarienne, si elle était praticable, ou bien à la céphalotripsie , que de scier la symphyse, non que celte section fût difficile, maintenant qu'on connaît les scies à chaînettes, mais parce qu'on serait à-peu-près sûr d'avance que les symphyses sacro-iliaques n'étant pas mobiles, la section pubienne ne produirait pas un écarte-ment convenable.
Laissant de côté ces anomalies, et supposant que tout se pré-sente bien, lorscpie la section de la symphyse est terminée, on voit les os s'écarter peu-à-peu d'eux-mêmes, de 4 à 6 centimètres, et se retirer sous la peau du mont de Vénus. Le plus souvent, comme la symétrie du bassin est détruite, ces os s'écartent inéga-lement de la ligne médiane. Il n'est point utile, comme on l'a prescrit, de soutenir les hanches, dans la crainte que l'écar-tement spontané soit trop fort, et produise des accidens; d'autres croient plutôt nécessaire de tirer doucement sur les épines ilia-ques; mais le mieux est de ne rien faire et d'abandonner la termi-naison de l'accouchement à la nature, si les contractions uté-rines sont assez fortes pour que la femme puisse se débarrasser seule, et d'appliquer le forceps ou de pratiquer la version, quand les efforts de la nature sont insuffisans. Lorsque la tête traversera les détroits du bassin , elle forcera bien les pubis à s'écarter assez pour la laisser passer; et même, dans le moment, il pourra être utile de faire soutenir les hanches pour les empêcher de s'écarter trop brusquement. En général, on doit préférer l'application du forceps à la version , à moins que les pieds ne se présentent en premier lieu. « Je donnerais sans hésiter le seigle ergoté, dit M. Velpeau , pour exciter les contractions utérines, et je tente-rais l'emploi du forceps, même dans le cas où la tête, encore en-gagée dans le détroit supérieur , se trouverait placée transversa-lement. » Toutefois si l'un des côtés du bassin était très étroit, comme cela arrive quelquefois , et que l'occiput correspondît de ce côté, il serait probablement indispensable de faire la version pour le ramener du côté le plus large.
Soins à donner à la femme. Lorsque l'enfant est sorti, il faut laver la femme, la changer de linge, rapprocher les pubis, réunir la plaie par des bandelettes , appliquer dessus un linge enduit de cérat, de la charpie et quelques compresses, puis soutenir les hanches et les linges au moyen d'un bandage de corps passé sous le siège, et dont les deux extrémités sont fortement ramenées en avant. Ce pansement achevé, on place la femme horizontale-ment sur le dos , dans un lit convenablement garni, on lui recom-mande de garder le repos le plus absolu, qui est indispensable pour cpte la consolidation s'opère, et l'on combat soigneusement, pendant les jours qui suivent, les accidens qui pourraient surve-nir. Le régime est celui des grandes opérations. Bien que Sigault dise que la dame Laforest , opérée par lui, put marcher le quin-zième jour sans béquilles; il n'en est pas moins vrai que, dans les cas ordinaires, le temps nécessaire pour la consolidation n'est pas moindre de deux à trois mois , et c'est là un des graves inconvé-niens de la section de la symphyse pubienne, parce que la femme ne peut se dispenser d'exercer quelques mouvemens, soit pour uriner, soit pour aller à la garde-robe, soit pour recevoir des lavemens, des injections, ou pour être nettoyée. Plusieurs ne peuvent garder aussi long temps un repos absolu , parce qu'il survient des excoriations au sacrum, et dès-lors cette consolida-tion se fait mal, ou même ne se fait pas; après tout, il paraît qu'elle n'est pas indispensable pour que les femmes puissent mar-cher. On en a vu qui pouvaient exécuter sans gêne tous les mou-vemens quoique les pubis fussent mobiles l'un sur l'autre; on pense alors que cela tient à ce que les symphyses sacro-iliaques postérieures ont acquis une grande solidité. A. Leroy prétend qu'il se forme un tissu cellulo-fibreux intermédiaire qui fait que l'articulation n'est pas moins solide, et rend les accouchemens subséquens plus faciles.
t. vo.
DOUBLE SECTION DES OS PUBIS.
Procédé de Aitken.Ysv 1785, Aitken ( Principl. of midwifery) proposa d'opérer la section du corps et de la branche des pubis, entre les deux trous sous-pubiens, et se servait, à cet effet, d'une scie articulée, analogue à celle de Jeffrey, si utile pour pratiquer les sections profondes des os.
Procédé de M. Galbiati. En 1819, il publia à Naples une bro-chure, intitulée del Taglio délia sinfisi delpube, et dans laquelle se trouve décrit son procédé qui, dit-il, est indispensable toutes les fois que le diamètre sacro-pubien a moins de 3 centimètres d'étendue. Il consiste à découvrir, par une incision verticale de 4 centimètres, la branche horizontale du pubis d'un côté, dans le point le plus voisin du trou sous-pubien; à ruginer l'os, et à le couper avec des cisailles dentées; à continuer cette incision jus-qu'auprès de la grande lèvre, et à couper de même la branche des-cendante du pubis. Une fois que l'os pubis est isolé du reste de l'os coxal, dont il fait partie, on le sépare de celui de l'autre côté parla symphyséotomie ordinaire. Dans le seul cas où M. Galbiati ait pratiqué cette opération, il administra immédiatement le seigle ergoté, et laissa la femme pendant 24 heures sans la délivrer. Le lendemain, voyant que l'accouchement ne se terminait pas, il se décida à séparer l'autre pubis comme il avait fait le premier; la femme fut délivrée, mais elle mourut le lendemain : l'autopsie démontra qu'il y avait du putrilage dans le bassin, mais pas de péritonite.
Il est impossible de juger de la valeur de la bi-pubiotomie par l'opération de M. Galbiati, parce qu'elle a été trop mal exécu-tée, et qu'on a eu tort de ne pas délivrer la femme immédiate-ment; au reste, cette opération pourrait être essayée de nouveau, en la pratiquant rapidement avec la scie à chaînette ; mais, à notre avis, il vaudrait mieux couper les pubis de chaque côté, comme Aitken, et laisser la symphyse intacte; de cette façon, on obtien-drait, dans des cas de rétrécissement extrême, un agrandissement suffisant pour laisser passer l'enfant, sans courir le risque de dé-terminer la déchirure des symphyses sacro-iliaques, qui constitue toujours un accident très grave. Enfin, nous pensons aussi qu'il ne faut jamais laisser la femme plus de quelques heures sans la délivrer.
OPÉRATION CÉSARIENNE OU HYSTÉROTOMIE (pl. 77).
Le mot opération césarienne fut long-temps appliqué seulement à l'incision qu'on faisait aux parois abdominales et à la matrice, pour extraire de cet organe un enfant qu'il n'aurait pas été pos-sible d'amener par la vulve. Mais, depuis le mémoire de Simon (Rech. sur Vopér. césar.), inséré parmi ceux de l'académie de chirurgie, on l'applique aussi maintenant aux incisions du col utérin, faites par le vagin, dans le but de faciliter la sortie de la tête de l'enfant, ou bien aux incisions du vagin lui-même, qui sont quelquefois nécessaires dans les grossesses extra-utérines. C'est pour ces diverses raisons qu'on a admis deux sortes d'opé-rations césariennes : opération césarienne abdominale, et opéra-tion césarienne vaginale.
A. OPÉRATION CÉSARIENNE ABDOMINALE.
Historique. L'origine de l'opération césarienne se perd dans la nuit des temps. D'après l'une de ces traditions populaires qui ai-
«y
ment à entourer de merveilleux le berceau des hommes extraordi-naires, ce serait de cette opération, à laquelle il aurait dû sa nais-sance, que le grand César aurait emprunté son nom ; comme si le héros, qui devait conquérir le monde, n'avait dû y entrer que par la voie que le fer lui en aurait frayé. Mais c'est en vain que les auteurs à l'envi ont répété cette fable, d'après Pline (i). Loin que le vainqueur de Pompée soit le premier qui ait porté le nom de César, Suétone remonte la filiation des autres Césars, ses ancêtres, jusqu'au temps de la première guerre punique (l'an 456 de Rome). Et quant à l'opération, connue dès les premiers temps de la mo-narchie , comme la loi n'en permettait l'application que sur la femme morte, il n'est pas même probable que la mère de Jules César l'ait subie, puisqu'elle a élevé son fils (Tacite), et qu'elle a vécu jusqu'au temps où il a fait la conquête des Gaules (Suétone). Au reste, cette fable qui n'a rapport qu'au nom donné à l'opéra-tion étant écartée, l'origine de celle-ci n'en demeure pas moins inconnue. Il est probable que la première opération de ce genre a été, comme beaucoup d'autres, le résultat du hasard ; et, par exemple, que le ventre d'une femme, sur la fin de sa grossesse, ayant été ouvert par accident, comme il en existe des exemples, quelque homme hardi aura retiré l'enfant vivant, après avoir agrandi l'ouverture : de là sera venue l'idée de régulariser cette opération et de l'appliquer à d'autres cas.
Quoi qu'il en soit, le premier livre où il soit directement traité de l'opération césarienne est celui que Rousset publia à Paris, en 1581, et qui est intitulé : de V Hystérotomotofde. Jusque-là, il n'a-vait été question de pratiquer l'opération qu'après la mort de la femme; Rousset proposa formellement de l'appliquer sur la femme vivante, et rapporta à l'appui de sa proposition sept observations dans lesquelles les femmes y avaient été soumises avec succès. G. Bauhin, dans son appendice à l'ouvrage de Rousset, dit qu'un nommé J. Nufer, châtreur de bétail, la pratiquasur sa femme que plusieurs médecins avaient abandonnée, faute de pouvoir la déli-vrer. On a voul u révoquer en doute l'authenticité de cette observa-tion, ainsi que celle deplusieurs autres, rapportées par les mêmes auteurs, sur ce motif, que, par la suite, les femmes opérées ont pu accoucher par les voies naturelles; mais il faut se rappeler que, à cette époque, on ne connaissait pas le forceps, et que la version était à peine connue, malgré les efforts qu'avait faits A. Paré, en 1573, pour la faire adopter; d'où il résultait que beaucoup d'ac-couchemens, qu'on parvient à terminer en mettant l'un ou l'autre en usage, ne pouvaient l'être, du temps de Rousset et de Bauhin , que par l'opération césarienne ou par le morcellement. Depuis lors, la section utérine a été pratiquée un grand nombre de fois, avec des succès variés, comme on le verra plus loin.
Indications. Elles varient d'après plusieurs circonstances, dont il importe de tenir compte. Ainsi, on agit différemment, suivant que la femme est morte ou vivante; suivant que l'enfant est mort, et que la femme n'est point en danger; suivant enfin, que l'exis-tence de la mère et celle de l'enfant sont aussi certaines que possible.
Opération sur la femme vivante. Plusieurs motifs peuvent nécessiter, dans ce cas, l'opération césarienne.
(a) Étroitesse du bassin. Quelle qu'en soit la cause , Yétroi-tesse des détroits supérieur et inférieur est la circonstance qui
(.1) Primitsqvc Cwsnrum à vœso matris utero diciits- Plinii , lib. vif, cap. 9.
oblige à recourir le plus souvent à l'opération. Mettant de côté les exceptions telles que le relâchement des symphyses , et le volume anormal, en plus ou en moins de la tête de l'enfant, on est parvenu à reconnaître comme résultat général de ce qui arrive le plus fréquemment, qu'il fallait, pour le détroit supérieur, que le diamètre anléro-postérieur ou sacro-pubien eût au moins sept centimètres (2 pouces et demi) de longueur pour permettre à la tète du fœtus d'arriver dans l'excavation pelvienne; quant au dé-troit inférieur, c'est le rétrécissement du diamètre bi-ischiatique qui met obstacle à la sortie de la tête. On s'est demandé si, dans de pareilles circonstances, il ne vaudrait pas mieux sacrifier l'en-fant, c'est-à-dire avoir recours dans certains cas à la céphalotripsie, et, dans d'autres, au morcellement, plutôt que d'exposer la mère, aux chances incertaines d'une opération aussi grave; voici ce qui est généralement admis en France : i° Lorsque le diamètre antéro-postérieur du bassin a moins de 3 centimèt. et demi à 4 centimèt. (i pouce 4 lignes à i pouce 6 lignes), que l'enfant soit mort ou vivant, il faut pratiquer l'opération césarienne, parce que, alors, le morcellement serait à-peu-près impossible. 2" Lorsque le dia-mètre précité a de 4 à 6 centimètres (i pouce 1/2 à 2 pouces 2lig.), si l'on a la certitude que l'enfant est vivant, il faut encore opérer. Dans ce cas, les Anglais préfèrent sacrifier l'enfant, en se fondant sur ce que l'opération fait souvent périr la mère, et qu'on ne retire fréquemment qu'un enfant mort. Mais il est prouvé, par un grand nombre d'observations, que même à 6 centimètres , le manuel opératoire du morcellement est assez long et assez difficile pour causer presque toujours, chez la mère, des accidens très graves et assez souvent mortels. — (b) Déchirure de la matrice. Survenu pendant les efforts de l'accouchement, lorsqu'il y a un obstacle insurmontable qui s'oppose à la sortie de l'enfant, cet accident réclame impérieusement l'opération, surtout si l'enfant a passé dans le ventre à travers la déchirure de l'utérus; car il ne peut survivre long-temps , et la mère est pareillement en danger de perdre la vie , par l'hémorrhagie con-sidérable qui se fait ordinairement dans la cavité du bas-ventre (Simon). — (c) Hernie de la matrice. Lorsque la grossesse s'est ef-fectuée, et que l'utérus s'est développé dans un sac herniaire, si la hernie est irréductible, il n'y a que l'opération qui puisse dé-barrasser et sauver la femme. Senner rapporte une observation de ce genre, dans laquelle il réussit.—(d) Tumeurs de la matrice et du bassin. F. de Hilden dit avoir ouvert une femme qui n'avait pas pu accoucher, bien qu'elle fût en mal d'enfant depuis six jours, et que, après avoir extrait l'enfant, qui était passé dans le ventre à travers la déchirure de l'organe, il trouva, près de l'ori-fice de l'utérus, une tumeur squirrheuse, grosse comme la tète d'un enfant, et qui adhérait au col. Ici, on aurait à se demander si l'extirpation de la tumeur exposerait la femme à plus de danger que l'opération césarienne : c'est l'avis de Simon; mais ce point est contestable. A notre avis, rien d'absolu ne doit être préjugé à cet égard, les rapports de la tumeur et de l'enfant devant seuls déterminer, dans chaque cas, le choix de l'une ou l'autre opéra-tion.-— (e) Tumeurs du vagin. Elles ne pourraient empêcher l'ac-couchement, et nécessiter l'opération césarienne qu'autant qu'el-les seraient assez volumineuses pour remplir une grande partie de l'excavation pelvienne. D'ailleurs, on aurait à réfléchir s'il vaudrait mieux les enlever avant l'accouchement que d'extraire l'enfant par l'incision du ventre et de la matrice.
Opération sur la femme morte. Lorsque la mort a lieu après le sixième mois, il est de règle de pratiquer l'opération, parce que
l'enfant peut être viable. Si le travail était assez avancé pour per-mettre d'appliquer le forceps, ou de faire la version, il vaudrait mieux les employer pour retirer l'enfant. A Rome, il y avait une loi , portée, dit-on , par Numa Pompilius, qui prescrivait aux médecins d'ouvrir toutes les femmes qui mourraient en-ceintes. Lorsqu'on pratique l'opération césarienne après la mort, il faut la faire le plus tôt possible après la cessation de l'exis-tence, parce qu'on a d'autant plus de chances d'amener l'enfant vivant; mais comme, d'une autre part, il n'y a pas de signes cer-tains de la mort, il faut mettre autant de soin dans l'opération que si la femme était vivante, parce que si, par hasard, elle était seulement tombée en syncope ou en léthargie, comme Rigaudaux, Trinchinetti, etc., en ont cité des cas, on aurait d'autant plus de chances de lui faire recouvrer la santé, après l'opération, qu'il y aurait eu moins de désordres produits.
Les résultats de l'opération sur la femme morte sont générale-ment mauvais ; il est rare qu'on parvienne à retirer un enfant vi-vant, après une heure ou deux de la mort de la mère, ce qui dé-pend de ce que la circulation cesse chez celle-ci dans tous les points éloignés du cœur, et, par conséquent, dans le placenta, avant que les mouvemens du cœur lui-même soient complète-ment anéantis. L'opération a cependant été couronnée de succès, et elle réussirait probablement bien plus souvent , si on la pratiquait quelques instans avant la mort, lorsque la femme est atteinte d'une maladie incurable et dans une situation dé-sespérée. Dans un cas rapporté par Millot, l'enfant vivait encore au bout de 48 heures. Chez la princesse de Schwartzemberg, morte d'une brûlure, l'enfant vivait encore le lendemain (Gardien). Guillemeau dit avoir réussi deux fois, en opérant aussitôt que possible ; M. Huguier a obtenu un succès pareil, àl'hôpital Saint-Louis, et M. Monod un autre, à la Maternité.
Méthodes opératoires.
L'opération césarienne abdominale a été pratiquée de diverses manières. Autrefois, lorsqu'on n'opérait que sur la femme morte, on pratiquait une incision longitudinale sur l'un des côtés du ventre, mais plus spécialement sur le côté gauche, afin de n'être pas gêné par le foie, ainsi que le dit Guy de Chauliac : « la femme soit ouverte de long, à côté gauche, d'autant que cettepartie-là est plus libre que la dextre, à cause dufoie. » Tous les procédés dans lesquels on employait l'incision latérale sont décrits sous le nom de procédés anciens.
i° Procédés anciens. L'incision était tantôt droite et longitu-dinale ou oblique, tantôt courbe et en forme de croissant. On choisissait le côté gauche, pourvu qu'une tumeur squirrheuse ou une hernie n'y mît pas d'obstacle. Pour Baudelocque, cependant, la raison déterminante était le côté vers lequel s'inclinait la matrice : « S'il fallait inciser sur le côté du ventre, dit-il ( t. n , p. 192), il faudrait toujours préférer de le faire sur celui où est incliné le fond de la matrice, pour que ce viscère se présentât mieux à cette ouverture. « Rousset, et, après lui, Levret, donnèrent pour précepte de conduire l'incision parallèlement au bord externe du muscle droit, et de la placera égale distance de son bord externe et d'une ligne fictive, tirée de l'épine antérieure et supérieure de l'os des îles, jusqu'à l'extrémité antérieure de la troisième fausse côte (pl. 73, t. 11).
L'incisionlatérale présentait bien quelques avantages, mais, sur-passésde beaucoup par ses inconvéniens. Ainsi, d'un côté, elle per-mettait d'éviter sûrement la vessie, et donnait aux matièresuneissue facile, d'où il résultait qu'elles ne séjournaient pas dans le ventre; mais, d'un autre côté, on pouvait léser l'artère épigastrique ou la récurrente abdominale; on en trouve un cas cité (/. deméd. Supplém., 1770, p. 173) ; les intestins s'échappaient aussitôt que le péritoine était ouvert. Enfin, bientôt les lèvres de la plaie de l'utérus ne correspondaient plus à celles de la plaie de l'abdomen, et il n'y avait pas possibilité de les maintenir en contact, parce que l'utérus d'unepart,et de l'autre les muscles obliques et transverses, se rétractaient en sens opposés.
1" Incision sur la ligne médiane, ou procédé de Mauriceau. Voici comment s'exprime cet auteur {Traité des mal. des femmes grosses, p. 3i6). « L'ouverture sera mieux au milieu, entre les muscles droits, car il n'y a dans cet endroit cpie les tégumens et les muscles à couper. » Mauriceau a peu insisté sur ce précepte, ce qui tient sans doute à ce qu'il n'était pas partisan de l'opéra-tion césarienne qu'il disait n'avoir jamais réussi sur la femme vi-vante , et qu'il ne conseillait de pratiquer que sur la femme morte (ouv. cité, p. 2G0). Aussi Deleurye a-t-il voulu se donner comme l'inventeur de ce procédé; mais Guénin, Platner et Varo-quier l'avaient déjà mise en usage long-temps avant lui, et méri-teraient mieux qu'on le leur rapportât. Solayrès, Baudelocque l'adoptèrent, et c'est maintenant celui qu'on suit générale-ment, et que nous décrirons bientôt comme procédé général. S'il présente l'inconvénient d'exposer à blesser la vessie, s'il ne permet que difficilement aux liquides de s'écouler, soit pendant, soit après l'opération; si enfin les lèvres de la plaie de l'utérus s'écartent de la plaie abdominale lorsque l'organe se contracte, ce procédé offre par compensation l'avantage de ne diviser que des parties indolentes, minces, faciles à reconnaître, et entiè-rement dépourvues d'artères qu'il serait dangereux de blesser; enfin il agit sur l'utérus dans la direction de ses fibres princi-pales.
3° Incision transversale, ou procédé de Lauverjat. Ce chirur-gien qui avait d'abord beaucoup vanté l'incision sur la ligne blanche, préconisa plus tard dans un ouvrage intitulé : Nouvelle méthode de pratiquer l'opération césarienne, une incision trans-versale longue de 18 centimètres (6 pouces, 8 lignes), étendue sur le flanc à partir du muscle droit, et correspondant à-peu-près au fond de la matrice. Il disait que son procédé était avantageux sous plusieurs rapports: i° d'écarter les fibres musculaires plu-tôt que de les diviser; i" de ne pas rencontrer les artèresépigas-triques ; 3° d'ouvrir la matrice par sa partie supérieure, de manière à favoriser l'écoulement des lochies par le vagin et par l'hypogastre; 4° de conserver assez facilement le parallélisme des deux incisions ; 5° de rendre inutile la suture pour maintenir les lèvres de la plaie en contact; 6° de laisser les fluides et les lo-chies s'écouler librement par l'angle externe, très déclive, de la solution de continuité. Mais on lui a objecté avec raison , i° que son incision, portant sur les muscles grand et petit oblique, les lèvres de la plaie devaient s'écarter sous l'influence du moindre effort, et permettaient aux viscères de sortir ; i" que le soin d'é-viter l'artère épigastrique ne suffisait pas, puisqu'il coupait les divisions abdominales delà récurrente iliaque; 3" que la matrice, étant divisée dans la partie où elle contient le plus de vaisseaux, pouvait aussi donner lieu à une hémorrhagie abondante. Enfin la plupart des avantages énumérés par Lauverjat lui ont été con-testés, en sorte que, quoiqu'il l'ait appliqué deux fois avec
succès, son procédé, néanmoins, n'a point été agréé parla majo-rité des praticiens.
4° Incisions obliques. D'après M. Kilian (Die opérât. Geburts-hiilfe, p. 796 et 799), Stein , préférant une incision oblique, di-visait les parois abdominales suivant une ligne qui, commençant à l'extrémité de la dernière fausse côte, traversait la ligne blanche et venait se terminer à la branche horizontale du pubis de l'autre côté. Zang, partant du milieu de la ligne blanche d'un côté, ve-nait terminer son incision à 4 centimètres (1 pouce et demi) du point médial de la branche horizontale du pubis du même côté. Et Jorg voulait qu'après avoir ouvert le ventre on se bornât à inciser le haut du vagin, ou tout au plus, en même temps, le col de l'utérus. Le même conseil avait déjà été donné par Ch. Bell et madame Boivin (Journ. univer.).
M.Ritgen(Kilian,op.cit.), pensant queledanger del'opération césarienne tenait à la division du péritoine, a proposé, dans le but de l'éviter , le procédé suivant : « Faire en regard de la fosse iliaque une incision semi-lunaire, étendue depuis l'épine des pubis jusqu'à l'extrémité antérieure de lácrete iliaque; diviser couche par couche tous les tissus jusqu'au péritoine, et le décol-ler afin de découvrir le col et l'extrémité supérieure du vagin, dans le but d'y faire un ouverture par laquelle l'enfant sorti-rait. » Ce procédé que M. Velpeau regarde comme inexécutable, sans ouvrir la membrane séreuse, et comme devant donner lieu à des accidens, pour ainsi dire, aussi graves que les autres, est presquen tout semblable à celui que M. A. Baudelocque a pré-conisé, et exécuté une fois sur le vivant.
Procédé de M. A. Baudelocque. Après avoir, comme M. Bit-gen, divisé du côté opposé à l'inclinaison de la matrice, tous les tissus depuis la peau jusqu'au péritoine, en ménageant l'artère épigastrique, l'auteur s'était proposé de décoller et repousser la séreuse , découvrir la partie supérieure du vagin , l'inciser sur la partie latérale, introduire le doigt dans le col utérin par cette ouverture , et tâcher de l'attirer dans l'incision des parois abdo-minales, pendant que, avec l'autre main, il repousserait l'utérus dans le sens opposé, afin d'augmenter son inclinaison. Après être parvenu à exécuter cette manœuvre , il devait abandonner la terminaison de l'accouchement aux efforts de la nature; mais, si les contractions de la matrice étaient insuffisantes, il croyait possible de dilater le col avec la main , et de retirer l'enfant soit par la version, soit avec le forceps.
Dans un cas où M. Baudelocque voulut essayer ce procédé, il ne put réussir, et fut obligé d'avoir recours à l'incision sur la ligne blanche pour terminer l'accouchement. Jusqu'ici cette ma-nière de faire n'a trouvé aucun partisan , et il est même à croire que son auteur l'a abandonnée. En effet, quoique bien conçue, son application est à-peu-près impossible, et ne laisserait pas, d'ailleurs que d'être suivie d'accidens presque aussi graves que la méthode ordinaire.
Procédé de Physick. D'après M. Dewes (Système of midwi-fery),Vhy sick ayant remarqué que le péritoine était facile à séparer de la vessie, et de la zone utéro-vaginale, chez les femmes grosses, avait eu l'idée de faire une incision horizontale, immédiatement au-dessus des pubis , afin de décoller la séreuse, et de parvenir par cette voie au col utérin qu'il aurait ouvert sans léser le péri-toine. On comprend qu'une pareille proposition a dù rester à l'état de projet.
Le docteur Marchai (de Calvi) ayant, comme tout le monde, compris l'importance d'opérer hors du péritoine, mais de façon que l'opération soit faisable, a publié dans la Gazette des hô-pitaux (p. 468, 1842), une lettre, dans laquelle il propose de faire l'opération en deux temps, c'est-à-dire de commencer par faire adhérer le feuillet abdominal du péritoine avec le feuillet utérin, et de n'ouvrir l'abdomen et l'utérus qu'après que les adhérences seraient solidement établies. Ce procédé ne nous pa-raît pas même proposable: indépendamment du danger de causer, dans un état déjà si grave, l'inflammation d'une si grande sur-face de la séreuse, l'énorme volume de l'utérus, distendu par le produit de la conception, devant se réduire considérablement aussitôt après l'accouchement, la plaie de l'abdomen qui ne pourrait suivre le retrait de cet organe, resterait froncée sur elle-même du haut en bas, outre que l'utérus, comme accroché à la paroi abdominale au-dessus du pubis , une fois revenu sur lui-même, s'il pouvait y revenir, exercerait sur le vagin et sur toutes les parties voisines des tiraillemens très forts, et insupportables pour la femme.
De tous les procédés dont nous venons de parler, celui dans lequel on fait l'incision sur la ligne blanche est généralement pré-féré. Voici la manière dont il doit être exécuté.
Opération césarienne sur la ligne blanche. j° Préparatifs. Lorsqu'on a donné des soins à une femme pendant la grossesse , on sait d'avance si on devra la soumettre à l'opération. Dans ce cas, il faudra l'y préparer quelques jours avant l'accouche-ment par une saignée, une purgation, des bains , et une diminu-tion graduée dans lesalimens; mais si, comme cela arrive le plus souvent, on n'est appelé qu'après le commencement du travail, ou lorsque la poche des eaux est rompue, la femme fatiguée , la matrice dans un état d'inertie, et que déjà de mauvaises manœu-vres ont été pratiquées, il faut se hâter d'opérer.
Moment d'agir. Suivant Baudelocque, il y a un temps de né-cessité et un temps d'élection. Il faut agir nécessairement et im-médiatement dans trois circonstances : après l'évacuation des eaux de l'amnios; après la rupture delà matrice et le passage de l'enfant dans le ventre, et lorsque la mère est morte. Le temps d'élection, n'est pas le même pour tout le monde. Faut-il opé-rer avant ou après l'écoulement des eaux? Levret voulait qu'on opérât avant, se fondant sur ce que la rétraction des incisions du ventre et de la matrice s'effectue beaucoup mieux après l'ex-traction de l'enfant, outre que cette manœuvre est aussi beau-coup plus facile. Cette opinion est partagée par Baudelocque, Désormeaux et M. Velpeau. Mais d'autres pensent qu'il vaut mieux rompre la poche, parce qu'on ne court pas le risque de voir le liquide amniotique s'épancher dans le péritoine et la ma-trice tomber dans l'inertie. Ces raisons ne manquent pas de va-leur, mais elles n'ont pas prévalu : on préfère choisir le moment où le travail est bien déclaré, et où le col est assez ouvert pour que l'écoulement des fluides puisse se faire facilement.
Manuel opératoire. L'appareil se compose des objets suivans: deux bistouris, l'un convexe, et l'autre droit et boutonné; des pinces à disséquer, des ciseaux, des aiguilles à suture, des ban-delettes agglutinatives, de la charpie, des linges enduits de cérat, des compresses, un bandage de corps, des éponges fines et volu-mineuses, une seringue à injections , de l'eau tiède et froide , du vinaigre , du vin , etc.
Position de la femme et des aides. La femme doit être placée horizontalement sur le dos , dans un lit préparé d'avance pour qu'elle puisse y passer les premiers jours qui suivront l'opération, car il est bon qu'on ne soit pas obligé de la transporter immé-diatement après; la tête et les épaules seront légèrement soule-vées par des oreillers ; on placera sous le siège des alèses qu'on pourra enlever à volonté. Baudelocque recommande encore de faire bomber le ventre par un traversin placé sous les lombes. Une chose bien essentielle à observer , c'est que deux aides pla-cés l'un à droite et l'autre à gauche disposent leurs mains sur le ventre , de manière à tendre la paroi antérieure et à circonscrire exactement le fond et les côtés de l'utérus, pour que nul viscère nepuisse se glisser entre eux, et se présenter au tranchant du bis-touri ; d'autres aides tiennent les bras et les jambes de la femme pour réprimer les mouvemens brusques que pourrait lui arracher la douleur.
Incision des parties. Les poils qui se trouvent entre le pubis et l'ombilic ayant été rasés, et la vessie évacuée à l'avance , l'opéra-teur, armé d'un bistouri convexe, se place à la droite delà femme, divise la peau en regard de la ligne blanche, dans l'étendue de i3 centimètres (5 pouces) environ, puis successivement le tissu cellu-laire, les aponévroses et ouvre le péritoine. Afin de ne pas trop se rapprocher du pubis où l'on serait exposé à blesser la vessie, on a conseillé de commencer l'incision au-dessus de l'ombilic, et, par un surcroît de précaution , de passer au côté gauche de cette ci-catrice pour éviter de blesser la veine ombilicale, et surtout l'anastomose accidentelle, signalée dans ces derniers temps, qui existe quelquefois entre elle et la veine épigastrique. Il ne reste plus qu'à augmenter l'ouverture de la séreuse avec un bistouri boutonné, glissé sur l'indicateur , pour que la matrice soit mise à découvert. Reprenant alors le bistouri convexe et recomman-dant aux aides de ramener le fond de l'utérus en avant , le chi-rurgien incise couche par couche le tissu de l'organe dans toute son épaisseur, en ayant soin de commencer très haut, afin de ne pas intéresser le col, et en suivant la direction de la plaie exté-rieure, pour que la solution de continuité de l'organe, lorsqu'il sera revenu sur lui-même, reste en rapport avec celle de la paroi abdominale. Si pendant l'incision, quelques vaisseaux de la ma-trice versaient du sang en abondance, les aides devraient placer les doigts dessus. Arrivé à ce moment, le chirurgien peut ouvrir la poche des eaux par le vagin, pour leur donner issue , comme cela se fait fréquemment en Allemagne, ou bien l'ouvrir par la plaie, après avoir décollé le placenta ou la membrane, aller cher-cher les pieds de l'enfant, et l'extraire promptement, comme on le fait ordinairement en France. S'il préfère ce dernier procédé, il doit, ainsi que M. Velpeau le conseille, recommander aux aides de redoubler de soin, pour que les parois abdominales n'aban-donnent pas la matrice, afin d'empêcher que le liquide amnioti-que ne se répande dans la cavité péritonéale, et que les organes qui y sont contenus ne s'échappent au dehors.
Extraction de l'enfant. Aussitôt que la poche des eaux est ou-verte , il faut se hâter d'extraire l'enfant. S'il présente la tète ou le siège, on l'extrait par l'une de ces parties, en tirant dessus avec les indicateurs recourbés en crochet (pl. 77, fig. 1) et placés sous la mâchoire inférieure, ou dans les plis des aines, et en recom-mandant aux aides de presser doucement sur les côtés de la ma-trice pour favoriser son expulsion. Mais si, au lieu de montrer une des extrémités de son diamètre vertical, il se présentait par toute
T. VII.
autre partie, il faudrait enfoncer la main tout entière dans l'utérus par la solution de continuité , afin d'aller saisir les pieds de l'en-fant pour le retirer, en suivant les mêmes principes que si l'on praticpiait la version ordinaire; c'est-à-dire, en le pelotonnant sur lui-même dans le sens de sa flexion naturelle , et en faisant en sorte de ne pas confondre ou déchirer les lèvres de la plaie faite au corps de l'utérus (pl. 77 , fig. a ).
Délivrance. Il faut la faire aussitôt que l'extraction de l'enfant est terminée, afin d'éviter que l'utérus, revenu sur lui-même, n'occasionne des difficultés. C'est par la plaie qu'il convient de retirer le placenta et les membranes , et non par le vagin , comme le voulait Planchon. Les uns ont conseillé de tirer sur le cordon; mais il vaut mieux aller saisir le placenta par son bord qui, d'ail-leurs , se présente souvent à la plaie , le décoller, le rouler sur lui-même, et l'entraîner au dehors avec tout ce qui constitue la dé-livrance. En ce moment, le sang s'échappe souvent en assez grande quantité; c'est une raison pour recommander aux aides d'être très attentifs à suivre les mouvemens de retrait de la ma-trice, pour éviter que le liquide ne s'épanche dans le ventre. Si la cavité utérine contient des caillots, il faut les extraire avec la main , puis porter le doigt indicateur vers son extrémité infé-rieure , et jusque dans le col, pour le déboucher, et ne retirer le doigt que lorsque l'orifice utérin est parfaitement libre , et que l'on est parvenu à mettre en contact les deux indicateurs, dont l'un est introduit par la plaie, et l'autre par le vagin. On a même conseillé de faire des injections tièdes et émollientes dans l'uté-rus, pour entraîner les débris que la main n'aurait pas rencontrés. Mais, en général, cela n'est pas nécessaire. Lorsque la cavité est complètement débarrassée, le corps de l'organe revient prompte-ment sur lui-même, l'étendue de la plaie se réduit à 5 ou 6 centi-mètres (2 pouces), et l'écoulement du sang cesse, sinon en tota-lité, du moins en grande partie. Si ce retrait n'avait pas lieu, et que l'organe restât dans l'inertie, il faudrait l'obliger à revenir sur lui-même en l'agaçant extérieurement.
Rousset et Verduc avaient conseillé d'introduire une canule dans le col de la matrice, dans le but de le tenir entr'ouvert, afin qu'il pût donner passage aux caillots. Mais, ainsi que le fait remarquer Baudelocque, ce moyen serait insuffisant. Il vaut mieux y porter de temps en temps le doigt indicateur pour le déboucher. Dans un cas où un gros caillot avait bouché le col et où il s'était accumulé du sang dans la matrice, Guénin, de Crépy, après avoir enlevé le pansement et débarrassé l'organe, y fit couler du vin chaud qu'il força à passer par le col en y insinuant le doigt, et rétablit ainsi le cours des lochies.
Pansement. On réunit la plaie des parois abdominales par la suture. Celle qu'on préfère est la suture enchevillée, parce qu'elle réunit plus profondément les parties. Il ne faut pas coudre toute l'étendue de la plaie; l'angle inférieur doit être laissé libre, pour donner issue aux liquides, et on en favorise l'écoulement au moyen d'une mèche effilée , dont on place une des extrémités dans l'u-térus par cet angle. On complète ce pansement par des bande-lettes de diachylum , ou par un bandage unissant, qui aident les points de suture; enfin , on recouvre la plaie avec un linge enduit de cérat, des gâteaux de charpie, et quelques compresses qu'on soutient avec un bandage de corps.
Soins consécutif. Après avoir nettoyé la femme, puis changé son linge et les garnitures de son lit, on la place de manière que les
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muscles de l'abdomen soient dans le relâchement, c'est-à-dire les jambes fléchies, et la tête et les épaules légèrement élevées. Les antispasmodiques seront indiqués contre l'agitation nerveuse; la diète et les boissons délayantes sont prescrites dans les premiers jours. La saignée générale, et tout l'appareil des anliphlogistiques, sont de rigueur, aussitôt qu'il se manifeste quelques symptômes inflammatoires du côté de la plaie et du péritoine. Dans tous les cas, des cataplasmes émolliens, des lavemens, le repos et le calme contribueront efficacement à laguérison. Enfin, la médi-cation devra varier suivant les accidens qui se présenteront.
Dans le cas où la guérison a lieu, il faut se rappeler que la femme est exposée aux hernies consécutives, et qu'en consé-quence, elle doit toujours porter une ventrière ou un bandage approprié qui contienne les parois du ventre. Dans le but d'éviter une seconde grossesse, Michaélis, cité par Kilian , a proposé l'extirpation de l'utérus, etBlundell, seulement l'excision d'une, petite portion des trompes de Fallope. Ces conseils sont trop dangereux pour avoir été écoutés. On ne peut que faire aux lèmmes les recommandations convenables en pareille circon-stance. Une nouvelle grossesse, en effet, outre le danger d'une seconde opération, expose encore pendant sa durée, surtout dans les derniers temps, à une rupture de la cicatrice, et à la né-cessité de pratiquer la gastroraphie, comme dans le cas cité par Dugès, d'après Locher (Dict. de mèd. chirurg. prat., tome v , page 170). Disons pourtant que cet accident est très rare.
B. OPÉRATIOIN CÉSARIENNE VAGINALE.
Elle consiste à inciser la matrice en conduisant les instrumens parle vagin. Deux circonstances fort différentes peuvent la né-cessiter. Tantôt, en effet, le col utérin existe dans sa position ordinaire, mais il faut l'inciser, parce que^ trop dur et trop ré-tréci , il ne pourrait se dilater suffisamment pour laisser passer l'enfant; tantôt il est si complètement fermé, ou tellement ren-versé en arrière, que, si l'art n'y pratiquait une ouverture arti-ficielle , l'enfant ne pourrait sortir sans déterminer une déchi-rure dans les parois de la matrice, et surtout dans sa paroi antérieure qui est souvent poussée dans le vagin. Ainsi, comme on le voit, l'opération à faire est fort différente, suivant que l'une ou l'autre circonstance se présente.
Les causes qui peuvent nécessiter l'opération césarienne vagi-nale, sont, pour le premier cas, les squirrhes, les cancers, les callo-sités, les indurations fibro-cartilagineuses, les cicatrices inextensi-bles du col, etc., qui ne permettent à l'enfant de passer qu'après un travail long et pénible, et en occasionnant des fissures et des fentes plus ou moins profondes et multipliées. Si la pommade de belladone n'a pas réussi à déterminer le relâchement du col, ou si quelque accident nécessite une prompte terminaison de l'accou-chement , il ne faut pas hésiter à débrider la circonférence du col sur un ou plusieurs points. Le prolapsus complet de l'utérus a quelquefois aussi nécessité l'opération du débridement. Dans un cas de ce genre, où Marigues , de Versailles, ne put parvenir à dilater le col dont les bords étaient très durs et très calleux, il y fit une incision à droite et à gauche, introduisit la main dans la matrice, et saisit les pieds de l'enfant pour l'entraîner (Chopart , Traité des malad. des voies urinaires, t. u, p. 73). M. P. Guille-mot cite un fait à-peu-près semblable (Arch.,gén., t. xxvn, p. 73). Si la femme était atteinte de violentes convulsions, capables de compromettre ses jours et ceux de son enfant ,et que le col, très sensible, et fortement tiraillé, en fût la cause, le meilleur moyen d'y mettre un terme, serait d'y pratiquer une ou deux incisions. Les polypes de l'utérus, ainsi que nous l'avons dit, peuvent aussi les nécessiter. Nous ne pensons pas, comme le dit Bodin (Essai sur les accouch., 1 797 ) , qu'on doive pratiquer ce débridement, dans les cas où le bras se présente, et où l'on ne peut aller chercher les pieds; car, dès que le col pourra se dilater assez pour laisser passer le bras, il est probable qu'on pourra augmenter assez cette dilatation pour introduire la main dans l'utérus. Dans le second cas, c'est-à-dire, si le col s'est oblitéré pendant la gros-sesse , ou bien s'il est renversé en arrière, ce qui peut résulter d'une inflammation ou d'une obliquité très prononcée de la ma-trice en avant ; lorsqu'on a fait inutilement toutes les tentatives nécessaires pour ramener le col au centre du bassin en repoussant le fond de la matrice en arrière, il faut pratiquer une incision sur le point où existe le col, ou bien sur la paroi antérieure de l'u-térus qui fait saillie au centre du vagin: c'est le seul moyen de l'empêcher de se rompre.
Met h ode opératoire.
1" Débridement (pl. 73, f. 3, 4 et 5). Pour faire cette opération, il faut faire placer la femme debout, comme si l'on voulait pra-tiquer le toucher, ou bien sur le bord de son lit, les jambes écar-tées et les pieds appuyés sur deux chaises, comme s'il s'agissait d'appliquer le spéculum, ou d'opérer la version. Ensuite, on intro-duit le doigt indicateur gauche, jusqu'au col ; on place son extré-mité sur le point qu'on veut inciser, puis on glisse sur lui un bis-touri droit boutonné, et enveloppé d'une bandelette de linge jus-qu'à 20 millimètres (8 lignes") de son extrémité. On est quelquefois obligé de remplacer le bistouri droit par le bistouri courbe de Pott, qui permet d'agir plus profondément et plus en arrière. Quoi qu'il en soit, on l'insinuedans le col et, retournant le tran-chant contre la paroi de manière que le doigt pèse sur le dos de la lame, on fait une incision sur le côté, afin d'éviter de tomber sur la vessie on sur le rectum ; si comme il est ordinaire, elle ne peut suffire, on pratique une seconde incision semblable sur l'autre côté, ou même au besoin, on en fait plusieurs sur le pourtour du col (fig. 3). Toutefois, comme avec plusieurs incisions superfi-cielles on obtient plus vite et sans péril une dilatation plus consi-dérable qu'avec une ou deux incisionsprofondes, et par cela même, dangereuses; le mieux est de pratiquer de suite, au pourtour du col, une série de petites incisions rayonnées. Ce procédé, qui constitue le débridement multiple, déjà vanté par Lauverjat et Coutouly , a parfaitement reusssi a M. Moscati fils, chez une femme dont le col était rétréci, au point de laisser à peine péné-trer un stylet(Journ. univ., t. xiv); pareil succès a été obtenu par plusieurs autres praticiens; et, en particulier, par MM. Grinini et Bongiovani (Journ. univ., t. xiv, xvi et xxi). C'est donc, en défi-nitive, à cette espèce de débridement, qu'il convient d'accorder la préférence. Si la pratique et l'observation n'étaient venues démon-trer que plusieurs petites incisions, suffisent pour déterminer un agrandissement susceptible de livrer passage à la tête de l'en-fant , on aurait eu à craindre que l'accouchement ne pût s'ef-fectuer, sans que ces incisions ne se prolongeassent sons forme de déchirure, jusqu'au-delà du col de la matrice; mais il n'en est pas ainsi : elles ne dépassent jamais l'insertion du vagin, et ne sont jamais accompagnées d'une grande perte de sang.
2" Ouverture artificielle à la paroi antérieure de la matrice. Au rapport de Flamant (Thèse, n" i3o. Paris 181 1), Lobstein l'a
pratiquée une fois. Lauverjat l'avait déjà faite avant lui, et depuis elle l'a été par MM. Martin, Caffe, et autres. Pour l'exécuter, on peut faire placer la femme debout ou couchée comme précé-demment. Si elle est debout, l'utérus, entraîné en bas par son poids, est plus saillant et plus résistant, et, par cela même, l'opé-ration est plus facile, mais l'enfant risque davantage d'être atteint par l'instrument cpie lorsque la femme est couchée. De quelque manière qu'elle soit placée, on glisse sur le doigt indicateur gau-che , introduit dans la matrice, un bistouri pointu environné de linge jusque près de sa pointe, et on incise transversalement la paroi utérine, en procédant avec les plus grandes précautions dans la crainte de blesser les parties de l'enfant qui se présentent. Nous disons qu'il faut inciser transversalement, parce que, dans le sens opposé, on courrait le risque de tomber sur la vessie ou sur le rectum. D'ailleurs il serait inutile de donner une grande étendue à l'incision; il vaut infiniment mieux , lorsqu'on a pé-nétré dans la matrice , pratiquer plusieurs petites incisions qui viennent converger vers un point central, el qui forment une espèce d'étoile (Pl. 73, fig. 3). Dugès pense qu'il est prudent d'ap-pliquer le spéculum, afin de s'assurer, avant d'enfoncer lebistouri, que c'est bien le fond de la matrice , et non la paroi antérieure ou postérieure du vagin qui va être attaquée par l'instrument.
Suites de lopération. Elles sont ordinairement très simples. Lorsque l'accouchement s'est effectué , l'ouverture artificielle se réduit prompteinent à de très petites dimensions, et dans les cas, où le col n'était que renversé en arrière, il ne tarde pas à revenir à sa position normale, parce que la matrice n'étant plus repoussée en avant par l'angle sacro-vertébral, revient à sa rectitude. S'il se manifestait un écoulement de sang assez abondant pour affaiblir la femme et pour causer de l'inquiétude, il faudrait tâcher d'y remédier par des injections froides et astringentes, ou même par-le tamponnement. L'écoulement des lochies se fait par le col s'il existe, ou par laplaie s'il n'existe pas. Toutefois, lors même que le col existe, il est convenable de maintenir une grosse canule en gomme élastique ou bien un gros séton dans la division artifi-cielle, pour la maintenir béante pendant quelques semaines. Dans le cas deLobstein, le retrait delà mèche fut suivi d'une prompte cicatrisation, ce qui n'empêcha pas les règles de venir régulière-ment par la suite. Dans le cas rapporté par M. Caffe , les règles se sont effectuées par l'ouverture accidentelle.
Incision des parois du vagin. On est quelquefois obligé d'in-ciser les parois de ce canal pour retirer de l'abdomen des débris de fœtus ou des fœtus entiers tombés ou développés dans le ventre à la suite de grossesses extra-utérines. Quoique cette opération ne porte pas sur l'utérus, il nous paraît que l'on doit la ranger au nombre des opérations césariennes, au même titre que le pro-cédé de M. Baudelocque, dans lequel on n'intéresse pas la ma-trice, et qui est néanmoins considéré comme se rapportant à l'o-pération césarienne abdominale.
L'incision du vagin ne doit être faite que dans le cas où l'on sent, au travers des parois du vagin, les parties que l'on veut extraire. M. Paul Dubois, dans une circonstance analogue, fit une incision sur la tête du fœtus, avec l'intention de la saisir au travers de cette incision avec le forceps, et de l'entraîner au dehors ; mais , ne pouvant y parvenir, parce que la tête avait contracté des adhé-rences avec le kyste, il en abandonna l'élimination à la nature.
Ici il n'y a point de procédé particulier à suivre, c'est au pra-ticien à se conduire d'après les circonstances.
Résultats de l'opération césarienne sur la kemme vivante. Probablement en raison de la position intéressante de la jeune mère, et des liens moraux qui font si vivement participer à son malheur tous les membres delà famille et le chirurgien lui-même, aucune opération n'a autant préoccupé les hommes de l'art, et les gens du monde eux-mêmes, que l'opération césarienne, et cependant il s'en faut bien que les résultats en soient assez con-nus pour être précis et convaincans. Si on consulte les auteurs, on est embarrassé pour adopter une opinion sur ce sujet, car les uns ont beaucoup vanté l'opération et les autres l'ont beau-coup dépréciée. En s'appuyant sur ceux qui ont professé des opinions absolues : à Tenon qui rapporte vaguement le succès impossible de 70 opérations consécutives, on oppose le témoi-gnage bien plus certain de J. Burns et de J. Cooper, qui affirment que sur i5 à 20 opérations en Angleterre, aucune n'a réussi, et celui des chirurgiens de Paris, nos contemporains, qui n'ont pas vu le succès d'une seule opération césarienne depuis le commen-cement du siècle. Faudrait-il donc accepter pour vrai, comme le dit Boér, qu'on sauve à peine une femme sur i4: un pareil résultat serait trop décourageant. Pour avoir des idées saines sur la valeur de l'opération césarienne, il convient de relever les faits authentiques connus, et d'établir le rapport des succès aux insuc-cès; Simon avait déjà écrit son mémoire dans cet excellent esprit, qui était celui de l'ancienne académie de chirurgie. Sprengel, sur 106 opérations, n'accuse que 45 femmes mortes; 1 contre 2 i/3 guéries. Kellie et Hull ont trouvé une proportion moins avanta-geuse; sur 231 opérés, 123 femmes ont succombé, contre 1 i5 qui auraient survécu. La statistique établie par l'un de nos pre-miers chirurgiens accoucheurs serait encore plus défavorable. Sur un total de 93 opérations, Baudelocque en comptait 33 faites avec succès, ce qui donne un peu plus de 1 succès sur 3 opéra-tions. Du premier coup-d'œil il est évident que l'on ne peut rien statuer d'après ces diverses évaluations; car, outre que l'on ne sait pas jusqu'à quel point les mêmes faits peuvent se confondre et se reproduire plus ou moins mélangés, quoique avec des si-gnifications différentes, les résultats aussi sont contradictoires. Reprenant donc la question comme non jugée, si maintenant on établit le calcul sur un plus grand nombre de cas, ainsi que l'a fait M. Velpeau, on trouve que , jusqu'en c 835, il y a eu 2Ô5 opérations pratiquées; sur ce nombre 118 ont réussi, et 147 ont échoué; ainsi les succès sont aux insuccès :: 118 : 147 ou :: 1 : i,2.5, ce qui veut dire que, sur 9 opérations, 4 ont réussi. En poussant encore plus loin, les recherches, ainsi que cela a été fait dans l'article hystérotomie du Dictionnaire des dictionnaires, on trouve 28 nouveaux cas qui, joints à ceux réunis par M. Velpeau, forment un total de 2g3 opérations césariennes authentiques, sur lesquelles il y a eu i34 succès et 15g insuccès, d'où il résulte que les premiers sont aux seconds : : 1 : 1, 19 ou comme 5 : 6; c'est-à-dire que, sur 11 opérations, on a réussi 5 fois : c'est un peu moins de moitié. Voilà pour la mère.
Quant à ce qui concerne les enfans, on a observé, dit M. Vel-peau, qu'ils sont venus vivans chaque fois qu'on a opéré avant ou immédiatement après la rupture de la poche des eaux. Sur 96 cas notés, il y a eu 67 enfans vivans et 29 morts. Dans les 28 opérations de l'article cité du Diction, des diction., il y a eu 29 enfans, dont 21 sont venus vivans, et ont continué de vivre; deux autres sont venus vivans et ont succombé peu après la naissance ; enfin, 6 sont venus morts : ce qui fait, en additionnant les deux nombres, que, sur 125 enfans, 88 ont vécu.
L'expérience a également appris que l'opération était moins
meurtrière en ville que dans les hôpitaux ; car , d'il M. Velpeau, sur 36 opérations faites dans les hôpitaux, a5 ont été malheu-reuses; tandis que sur 60 opérations faites en ville, 3i ont réussi.
On connaît un assez grand nombre de cas où l'opération césa-rienne a été faite plusieurs fois , avec succès, sur la même femme. Michaélis et Lemaitre, d'Aix, en pareil cas, ont réussi chacun trois fois; M. Dariste, de la Martinique, Bacqua, de Nantes, et aussi Merrem, de Cologne, Schenk, Lorinser, cités par Mi-chaélis, chacun deux fois; enfin Rousset dit qu'une nommée Godard, demeurant en Gatinais, fut opérée sept fois, et ne mou-rut enfin que par suite de la dernière tentative. Dans les opéra-tions pratiquées plusieurs fois sur la même femme, le rapport des succès aux insuccès est très favorable.
D'après ce qui précède, et sauf la réserve avec laquelle on doit accepter les résultats consignés plus haut, comme, en général, tous ceux fournis par les statistiques, en somme pourtant, le pronostic de l'opération césarienne n'est donc pas aussi fâcheux qu'on a voulu le dire, surtout hors des hôpitaux; car une opé-ration par laquelle on peut sauver plus des deux cinquièmes des femmes qui, sans elle, périraient infailliblement; une opération qui permet de retirer vivans du sein de leur mère, et de conser-ver près des trois quarts des enfans, ne manque pas d'une cer-taine valeur. C'est là ce que nous tenions à prouver, parce que beaucoup de personnes, qui se livrent aux accouchemens, nour-rissent encore d'injustes préjugés contre l'opération césarienne, et croient que le morcellement de l'enfant est infiniment moins dangereux pour la mère, ce qui est une erreur très préjudiciable, ainsi que nous croyons l'avoir suffisamment démontré.
FIN DU SEPTIEME VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LE SEPTIEME VOLUME
OPÉRATIONS SPÉCIALES
qui se pratiquent sur des organes complexes ou spéciaux.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQENT SUR L'OEIL.
Page i—3o.
Organes de l'appareil lacrymal. Anatomie opératoire, i-3. — Tumeur lacrymale. Injections, cathétérisme, 3-5. —Fistule lacrymale. Compression, dilatation : i° par les orifices na-turels, 5; 2° par un orifice accidentel, 6; 3° par un corps étranger à demeure, 7-8. Cautérisation, 8. Formation d'un ca-nal artificiel : i° à travers l'os unguis, 9 ; 20 à travers l'os maxil-laire; 3° dans la direction du canal naturel, 9. —Oblitération des conduits lacrymaux, 10. — Organes protecteurs de l'œil. Ec-tropion , 10-12. — Blépharoptose, 12.—Entropion, 12, i3. — Trichiasis et distichiasis, i3, i4- — Adhérences des pau-pières, i4- — Tumeurs des paupières, i4, i5. — Tumeurs de la conjonctive, i5, 16. = Globe oculaire. Cataracte. Gé-néralités, 16, 17. Abaissement et ses procédés, 17-20.—Kéra-tonyxis, 21, 22. Extraction, kératomie inférieure, 23, 24;ké-ratomieoblique, kératomie supérieure, 2 5 ; kératomie latérale, méthode mixte, 26. — Pupille artificielle. Généralités, 26, 27 ; incision, 27, 28; excision, 25; décollement, 29, extension de la pupille artificielle , 29. — Extirpation de la masse ocu-laire, 3o.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'APPAREIL DE
L'AUDITION.
Pages 3o—36.
anatomie opératoire de l'oreille, 3o-31 .= Oreille externe. Perfo-ration et excision du lobule, 3 i. — Otoplastique, difformités
T. vii.
du conduit auriculaire, corps étrangers, 32. — Polypes, 33. = Oreille moyenne. Perforation de la membrane du tympan, 33, 34. — Cathétérisme de la trompe d'Eustache, 34- — Perforation des cellules mastoïdiennes, 35.—Rétablissement des voies naturelles, 35.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'APPAREIL DE
L'OLFACTION.
Pages 36—4y-
Anatomie opératoire des fosses nasales, 36, 37. = Nez. Rhinoplas-tique. Méthodes italienne, indienne, française, 37, 38.— Tu-meurs du ne/. Occlusion des narines, 39. — Fosses nasales. Extraction des corps étrangers , 3g. — Tamponnement, 93-4-—Polypes. Cautérisation, 4o; excision, torsion zjo; arrachement, 4°-43; ligature, 43-45- — Cathétérisme et perforation des sinus, 45-47-
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES DE LA GUSTATION.
Pages 47—7 i -
Appareil lario-génien. Hypertrophie des lèvres , 47- 49- — Bec-de-lièvre, simple, double, compliqué, 49~52.— Can-cer des lèvres, cautérisation, excision, 53- 55. — Immobilité delà mâchoire inférieure, 55. = Appareil salivaire, fistules salivaires.Fistules du conduitdeSténon, 55. Cicatrisation del'o-rificefistuleux, 56 ; dilatation du canal naturel; formation d'un conduit artificiel, 56, 57; oblitération du conduit naturel; 57, 58.—Fistules de la glande parotide, 58. —Extirpation de la glande parotide, 58-60. — Extirpation de la glande sous-maxillaire, 60. — Grenouillette. Incision, injections irritantes, cautérisation, corps étrangers à demeure, 6 r ; extirpation, ex-
«9
cision, 62. — Kystes de la bouche, 6:î. = Langue. Section du filet, 62. — Adhérences de la langue, 63. — Ablation de la tangue: 1° par l'instrument tranchant; incision, dissection, excision, 63, 64 ; 2" par ligature, 6/j, 66. = Division du voile du palais. Staphyloraphie, 65-68. — Staphyloplastique, ura-noplastique, 68. —Tumeurs de la voûte palatine, 68, 6g. — Luette. Cautérisation, ligature, excision , 69. —Amydales. Abcès, 69; hypertrophie, scarifications, cautérisation, ligature, excision, 70, 7 1.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE COU. Pages 7 1— 86.
Goitre. Cautérisation, séton, ligature des artères thyroïdiennes, 72; ligature en masse, 73; extirpation, 74= Voies aériennes. Catbétérisme, ~/\; insufflation, 74, 75.=Bronchotomie. Géné-ralités, 75-77. Trachéotomie, 77, 78; laryngo-trachéotomie, 79; méningo-cricotomie, 79; thyrotomie, 80; laryngotomie, hyo-thyroïdienne, 80. — Bronchoplastique, 81. = oesophage. Cathétérisrne, 81, 82. —Rétrécissement, dilatation, cautérisa-tion, 82, 83.— Expulsion ou extraction des corps étrangers, 83, 84-=OEsophagotomie, 85, 86.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE THORAX.
Pages 86—97.
Extirpation du sein, 86-88. — Hémorrhagie d'une artère intercos-tale. Compression ligature, 88, 89. = Empyème. Anatomie opératoire et pathologique. Généralités, 88-92. —Incision, 92, g3; ponction, g3,g4; térébration d'une côte, 94; applica-tion des méthodes, 94. —Paracentèse du péricarde, g5, 96.
— Corps étrangers dans la cavité de la poitrine, g6, 97.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'ABDOMEN.
Pages 97—147-
AsciTE. Compression, vésicatoires, acupuncture, g7, 98. Para-centèse de l'abdomen, g8-ioo.-—Tumeurs humorales du foie. Ponction, 100, 101.— Corps étrangers dans le tube digestif. Gas-trotomie,entérotomie, 101, 102. — Plaies del'abdomen. Plaies simples, 102 ; plaies avec étranglement des viscères, io3, io/f.
— Plaies de l'intestin. Plaies longitudinales, suture à anse, io5 ; suture entrecoupée, suture du pelletier, 106; suture à points passés, 107. Plaies transversales. Suture sur un corps étranger, 107 ; suture avec invagination, 108 ; suture avec application des surfaces séreuses, 109-1 1 1.
opérations curatives des hernies de 1.'abdomen.
Généralités, 1 1 1-1 i3. — Anatomie de la hernie en général, 1 1 3-1 16.—Anatomie de l'anus contre-nature, 116, 117.
— Anatomie opératoire de la hernie inguino-scrotale, 117-1 ig. — Anatomie opératoire de la hernie crurale, 1 ig, 120.
— Anatomie opératoire de la hernie ombilicale, 120-122. Réduction, taxis, 122-224. — Bandages ou brayers, 124-127.— Traitement préventif des accidens de la hernie, 127, 1 28. — Opération de la hernie étranglée, 1 28-131. — Conduite! à tenir dans les cas de complications, 131 -133. — Accidens pendant l'opération , 1 33. — Opération appliquée aux her-nies spéciales, 1 33-1 35. — Méthodes et opérations ayant pour but la cure radicale des hernies. Compression, 136. Mé-thode de M. Behnas, 1 36, 1 {7 ; de M. Gerdy, 137 ; de M. Bon-net, de M. Velpeau, 138.
opérations qui ont rapport a lanus anormal.
Anus accidentel. Dilatation, i3g; Compression, suture, i4o; anaplastie, i4o; entérotornie, 141 » = Anus artificiel. Méthode de Littre, 143; méthode de Callisen; procédés de MM. Amassât et Baudens, 144- * 4^ ¦
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LE RECTUM ET L'ANUS
Pages r47—169.
Imperforation de l'anus, 1 47- — Mtius anormal congénial, 148.
— Absence de la partie inférieure du rectum, 148, 14g__Fissures
à l'anus. Topiques, dilatation, i3o. Cautérisation, excision, incision du sphincter anal, 131, 1Î2. — Fistules a l'anus. Généralités, 1 52-1 55. Cautérisation, ligature, i55; com-pression excentrique, 156 ; incision, 1 56-1 58. — Corps étrangers dans le rectum , 158 , 1 5g. — Rétrécissement de l'anus et du rectum. Dilatation , cautérisation, incision , 1 5g, 160. — Hémorrhagies. Tamponnement, cautérisation, suture, 160, 161.—Hémorrhoides. Généralités, 161, 162; ligature, in-cision, 162; excision, 162-164.— Chute du rectum. Réduc-tion, i64; débridement, 165 ; excision des plis cutanés de l'anus, i65, 166; excision de la tumeur, 166. — Polypesdu rectum. Ligature, cautérisation, excision, 167, — Cancer du rectum. Extirpation , 1 67 -16g.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES GÉNITO-UR1NAIRES DE L'HOMME.
Pages 16g—28g.
opérations qui se pratiquent sur le scrotum.
Hydrocèfe. Méthodes anciennes. Cautérisation, tentes, canule et séton, excision, incision, injection de vin, 169-171.
Méthodes nouvelles. Acupuncture, compression, injection d'iode, méthode deM.Baudens, 171, 172.—Variétés d'hy-drocèle et leur traitement, 172-174.— Varicocele. Séton, acupuncture, compression, 174, 176; ligature, lyS, 176. — Hematocele. Injections, incision, 176, 177. — Elephan-tiasis du scrotum, 177,178.
opérations qui se pratiquent sur le testicule.
SaPiCOCÉle. castration. Généralités, 178, 179. Extirpation, 179-182.
opérations qui se pratiquent sur le pénis.
Imperforation du prépuce, section du frein, 182. — Phimosis, Incision, excision , circoncision, 183-185. —Paraphimosis Réduction, debridement, 185, 186. —Absence de prépuce, division congéniale du prépuce, 186. — Calculs dans la ca-vité du prépuce, adhérence du prépuceau gland, 187.— Étranglement du pénis par des corps étrangers. 188. — Am putation du pénis, 188, 18g.
opérations qui se pratiquent sur l'urètre et la vessie.
Anatomie opératoire de l'urètre, 18g - ig2. Imperforation du gland, ig2, ig3.—Hypospadias, ig3. —Epispadias, ig4-Rétrécissement du méat urinaire, 1 g3. = Cathétérisme de la vessie chez l'homme. Appareil instrumental, ig4-ig6. — Opération. Avec les sondes courbes métalliques, 197-ig9; avec les sondes flexibles, igg, 200; avec des instrumens droits, 200-202. = Rétrécissemens de l'urètre. Anatomie patholo-gique, 201, 202. — Exploration de l'urètre, 202-204.— Mé-thodes opératoires. Dilatation graduée. 204-207. Dilatation forcée, 207, 208. Cautérisation, 208-212. Scarifications, 212-214.^Rétention d'urine. Injections forcées, 214- Cathé-térisme forcé, 214-2 16. Boutonnière, 216. = Fistules uri-naires uretrales. Dilatation , suture , cautérisation, urétro-plastie, 216-21 g. = Polypes de l'urètre ,21g. — Calculs arrêtés dans l'urètre. Extraction, lithotritie urétrale, 219-221. — Di-latation anormale de l'urètre, 221. — Tumeurs de la prostate. Dépression du lobe médian , dilatation, scarifications, liga-ture, 221, 222. —• Ponction de la vessie. Par le périnée, par le rectum , par l'hypogastre, par l'urètre, 222-226.
calculs urinaires.
Généralités, 226-228. — Cathétérisme explorateur, 228-230. In-dications et contre-indications des opérations, 2.3o. — Mé-thodes opératoires. Lithodialysie, 23i-233.
LITHOTRITIE. Historique, généralités, 233-2 36.—Perfora-tion successive des calculs, 236-:.3g.— Evidement des calculs» du centre à la circonférence, 23g. — Usure progressive de la circonférence vers le centre, 2.3g, 240.—Ecrasement direct des calculs, 24°-242. Ecrasement parla percussion seule, 242-244; écrasement par pression et percussion, 244- 246. — Broiement et extraction des fragmens, 246. — Extraction des détritus lithiques, 246, 247. — Signes que l'opération est achevée, 247- — Indications et contre-indications de la litho-tritie, 247~24g. — Examen des calculs par rapport à la litho-tritie, 24g, 25o. — Application de la lithotritie chez les en-fans, 25o. — Lithotritie chez les femmes, 2S1. — Accidens de la lithotritie, 251-353. —Appréciation de la lithotritie, 253, ,.54.
LITHOTOMIE. Historique, généralités, 254, 255.—Taille périnéale ou sous-pubienne. Anatomie opératoire de la région périnéale, 255-257. — Petit-appareil, 267, 258. — Grand ap-pareilou taille médiane. Historique, 268; procédé ancien, 25g; procédés de Maréchal, de Vacca-Berlinghieri, de Guérin de Bordeaux, 25g, 260. ¦— Taille latéralisée. Historique, 260; frère Jacques de Beaulieu et ses procédés, 260-262; procédé deRaw, 262 ; procédés de Cheselden, Perchet, Ledran, 203 ; de Moreau, Lecat, Pouteau, frère Cô-me, 264; Boyer, 265 ; Guérin, Savigny, Hawkins, 266, 267.— Taille latérale. Pro-cédés de Foubert, Thomas, 267, 268. — Taille bilatérale. Historique, 268; procédés de Chaussier, Béclard, Dupuytren, M. Senn, 26g, 270. — Taille quadrilatérale, 270. — Manuel opératoire des tailles périnéales, 271 -274. — Complications, 274, 275. — Traitement consécutif, 276. — Accidens qui peu-vent succéder à la taille périnéale. Hémorrhagie. Ligature, tam-ponnement; procédés dePhysick, Boyer, Dupuytren, 276, 277 , accidens divers, 278. — Taille recto-vésicale. Historique, anatomie opératoire, 27g; procédés de Vacca Berlinghieri, E. Sanson, 280.
= Taille hypogastrique ou sous-pubienne. Historique. Ana-tomie opératoire, 281. — Procédés de Rousset, Douglas, Cheselden, Morand, Frère Cô-me, Amussat; procédé ordinaire, 282 - 284. — Procédé de M. Baudens, a85 ; extraction du cal-cul, pansement, 285 - 287. — Accidens de la taille hypogas-trique; comparaison avec les tailles périnéales, 287-28g.
Lithotomie chez la femme, 28g-2g5. — Calculs chez la femme, 289. — Taille vestibulaire. Procédés de Celse, de M. Lisfranc, 289, 290.— Taille urétrale. Procédé de Louis et Fleurant, procédé ordinaire, procédé de L. Collot et A. Du-bois, 290.—Taille vésico-vaginale. Anatomie opératoire, histo-rique, 290. — Procédés de F. de Hilden, Méry, Bussière, procédé ordinaire. Appréciation des méthodes, 291, 292.
Résultats statistiques des diverses espèces de tailles dans les deux sexes, 292 - 295.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES ORGANES GÉNITAUX DE LA FEMME.
Pages 2g5—352.
opérations qui ont pour siège les organes extérieurs de la génération.
Cathétérisme de la femme, 2g5, 296. — Tumeurs du pénil et des grandes lèvres. Tumeurs phlegmoneuses, sanguines, kystes séro-murjueux , etc., 296, 297. —Maladies des petites lèvres. Ablation du clitoris; éléphantiasis de la vulve, 297. —Oc-clusion de la vulve, du méat urinaire et du vagin, 298-300. — Fentes et déchirures du périnée. Suture; procédés de MM. Roux, Dicfferibach, Montain. Accidens des sutures, 3oo-3o2. Cautérisation, 3o2.
opérations sur les organes intérieurs de la génération.
Du toucher. Abdominal, vaginal et rectal, 3o2 , 3o3. — Du spé-culum utéri. Historique, 3o4-—Application du spéculum, 3o5.
Fistules vaginales. — Fistules vésico-vaginales. Obturation mé-canique. Méthode de Desault, 3o6. Rapprochement des lè-vres de la plaie; procédés de MM. Lallemand, Dupuytren, Laugier, Dufresse-Chassaigne, Leroy d'Étiolles, Récamier, Colombat, 3o6-3o8. Cautérisation, 3o8. Suture; procédés de MM. Malagodi, Lewziski, Roux, Naîgelé, Velpeau, Schreger, 309, 3 10. Elytroplastie; procédés de MM. Jobert, Velpeau, Leroy (d'Étiolles), 3i t. Oblitération du vagin, appréciation des méthodes , 3 1 2. — Fistides recto-vaginales. Cautérisation , suture, anaplastie, 3i3. —Fistules entero-vaginales. Procédés de MM. Roux et Casa-Mayor, 3 14.
Tumeurs du vagin. Ligature, extirpation, 3i4, 3 1 5. —Renver-sement du vagin. Réduction, excision des tégumens (Dieffen-bach), excision de la muqueuse vaginale, suture vagino-rec-tale, extirpation, 3i5, 316. — Chute ou descente de l'utérus. Réduction, cautérisation, 316. Excision; procédés de MM. Ire-land, Velpeau, 317. Étranglement par la suture, épisioraphie, oblitération du vagin, 317, 318. —Pessaires. Historique, formes générales, application, extraction, accidens, 3i8-32i. Compression périnéale supplétive, 321. — Rétroversion de la matrice. Historique, réduction, 32 1 -323. — Extraction des corps étrangers contenus dans les organes génitaux, 323. — l'onc-tion de l'utérus, par le vagin et par le rectum, .323, 324-
Polypes de l'utérus Historique, anatomie pathologique, 324, 325. Cautérisation, arrachement, broiement, torsion, 326. Ligature, i° hors de la vulve, 326; 1° dans le vagin; pro-cédés de Levret, Desault, Niesscn, Colombat, Mayor, 326-329. Excision, 329, 33o. — Tumeurs de iutérus. Tumeurs flottantes, 33o. Tumeurs fibreuses interstitielles. Procédé de M. Amus-sat, 351, 352.
Ulcères et cancers du col de l'utérus. — Ulcères du colulérin. Cautérisation, 332.— Cancer du col utérin. Ligature, 333. Am-putation du col de l'utérus, 333, 334- — Excision du. col de l'utérus abaissé. Procédés de MM. Osiander, Dupuytren, Lis-franc, Colombat, 334, 335. — Section du col non déplacé. Pro-cédés de MM. Dupuytren, Flatin, Colombat, 335. Suites et accidens de l'opération, 336. Appréciation, 337.
Extirpation de l'utérus.—Inversion de l'utérus. Enlèvement, excision et ligature au dessous du col, 338. Pi'olapsus complet. Ligature, excision, 33g. Cancer de l'utérus non déplacé. Méthode vaginale; procédés de MM. Sauter, Récamier, Dubled. Mé-thode hypogastrique ; procédé de Langenbeck, 34o.
Tumeurs de l'ovaire. Ponction, incision, procédés de Ledran , Galenzowski, Truckmüller, 341. Excision, extirpation, pro-cédés de Théden, de Mac-Dowel, Monteggia, appréciation, 34i - 343.
opérations tokologiques.
Pubio-SYMPHYSéotomie. Historique, indications, 343.—Symphy-séotomie simple. Procédé ordinaire, 344-—Double section des os pubis. Procédés de Aitken, de M. Galbiati, 345.
Opération césarienne.— Hysterotomie abdominale. Historique, indications; opération sur la femme vivante, 345, 346. Opé-ration sur la femme morte. Procédés anciens; procédés de Mauriceau, de Lauverjat, Stein, Zang, Jorg, Ritgen, MM. A.Baudelocque, Physick, Marchai, 347, 343. Opération sur la ligne blanche, 348- 3 5o. — Hysterotomie vaginale, 3o5, 351. —Résultats de l'opération césarienne sur la femme vivante, 351, 352.
SUPPLEMENT
A
L'ICONOGRAPHIE D'ANATOMIE CHIRURGICALE
et de médecine opératoire,
PAR MM. BOURGERY ET JACOB.
sclerotomie.
( NOVEMBRES 1841.)
Lorsqu'il y a trois ans, nous eûmes à traiter des sections de muscles et de tendons, nous n'osâmes, pour ainsi dire, qu'effleu-rer ce sujet, encore à peine admis tout récemment dans la science. Ce n'est pas qu'alors, déjà, les chirurgiens ténotomistes n'eussent beaucoup élucidé la matière. Mais le sujet en lui-même était encore trop restreint, les théories trop nouvelles, indécises ou in-certaines, les faits et leurs résultats, trop contestés entre les au-teurs eux-mêmes; tout cet ensemble enfin circonscrit dans le cercle étroit de la spécialité professionnelle et dépourvu de preuves et d'authenticité scientifiques, ne s'était point assez mêlé à la science pour que le temps fût venu de l'englober avec toutes les acquisi-tions nouvelles dans un traité général.
Depuis, grâce aux efforts opiniâtres, aux vastes connaissances et aux talens de MM. J. Guérin, Bouvier, Stromeyer et Dieffen-bach, la ténotomie a marché avec une rapidité dont aucune branche de la chirurgie n'avait encore offert d'exemple. Les faits, sur certains points, se sont multipliés en nombre immense; les doctrines et les formules, sanctionnées par l'Académiedes sciences, se sont répandues dans l'enseignement classique. A mesure que le public s'initiait à cette branche nouvelle de la chirurgie, des demandes nombreuses nous arrivaient de toutes parts de la faire entrer dans notre médecine opératoire. Nous avons long-temps attendu, l'oeil fixé sur les événemens, que toute cette matière eût atteint le degré de maturité convenable.
Mais l'apparition du strabisme et du bégaiement est venue im-primer aux sympathies du public médical une activité nouvelle. D'un concert unanime à Paris, en France et à l'étranger on a réclamé de nous cette fraction nouveau-né de la chirurgie avec un empressement et une insistance qui auraient été trompés dans leur objet si nous y avions cédé tout d'abord. L'œuvre en tra-vail de formation n'était pas finie. Des procédés nouveaux appa-raissant d'une semaine à l'autre et s'appliquant immédiatement à une masse considérable de faits, soulevaient entre les auteurs des débats contradictoires, chacun louant à l'excès les résultats de la petite modification qu'il appelait sa méthode, et, pour la faire prévaloir, exagérant ses avantages, et par contre les inconvéniens des procédés rivaux. Aujourd'hui même les débats sont loin d'être terminés entre les parties intéressées : heureusement que les faits et les résultats sont assez nombreux pour permettre à un observa-teur impartial d'asseoir un jugement.
Pour y parvenir, non content de lire tout ce que l'on avait écrit, nous avons voulu examiner les faits, voir opérer les auteurs, discuter avec eux leurs doctrines et balancer leurs déclarations, leurs aveux et leurs témoignages les uns par les autres. C'est le résultat de ces jugemens que nous offrirons dans ce travail. Nous y mettrons toute la réserve et la discrétion que commandent les égards dus aux auteurs, mais avant tout nous chercherons la vérité avec toute l'impartialité que le public a droit d'attendre de nous. Toutefois , si nous croyons pouvoir nous poser comme historien consciencieux, nous n'osons répondre d'être au même degré his-torien exact, par l'impossibilité de savoir le premier ou le dernier mot de toutes choses, la difficulté de démêler le vrai, au milieu de tant de prétentions qui ne sont pas toujours aussi scrupuleuses, et en raison des incertitudes que doivent naturellement répandre sur la réalité ou le degré de mérite de chacun tant d'assertions et de réclamations contradictoires.
L'orthopédie emploie deux sortes de moyens : les appareils mécaniques, dans le détail desquels nous ne devons pas entrer, et les opérations ou sections démuselés et de tendons, myotomie et ténotomie qui rentrent dans le cadre de la médecine opératoire. Comme en réalité, au point où l'art est parvenu aujourd'hui, on ne coupe pas seulement des tendons, mais suivant le besoin tous les tissus fibreux, ligamens (syndesmotomie), aponévroses (apo-névrotomie), etc., et que les muscles eux-mêmes appartiennent jusqu'à un certain point à cette catégorie, puisqu'en général, quand il y a lieu de les diviser, c'est qu'ils sont fibreux dans le lieu de la section, à notre avis l'expression générique de ces modes de section doit être la Sclérotomie ; néanmoins, pour éviter le re-proche de néologisme nous n'aurions point employé ce mot, si M. J. Guérin, qui l'a trouvé convenable, ne nous avait assuré qu'il s'en servira à l'avenir.
Deux modes de sclérotomie sont en usage. La méthode ordinaire oû, avec le précepte anciennement établi, de préserver les plaies du contact de l'air, les procédés, en réalité, s'en écartent plus ou moins; et la méthode particulière de M. J. Guérin, entièrement basée sur ce précepte auquel se rapportent les procédés et les in-strumens de l'auteur. Mais en outre, élevant cette donnée à une signification plus générale, M. J. Guérin en a fait ressortir des applications nombreuses, et toutes différentes, qu'il réunit, avec les premières, sous la désignation commune de Chirurgie sous-cutanée.
Nous avons donc à présenter ici deux sortes d'opérations : i° La sclérotomie ordinaire, agissant plus ou moins à découvert et pra-tiquée par le plus grand nombre des ténotomistes. En tête de cette
i
fraction se placent le strabisme et le bégaiement, «le domaine commun, la plupart de leurs procédés appartenant à des chirur-giens qui ne se sont pas faits spécialement ténotomistes. 20 La chi-rurgie sous-cutanée de M. J. Guérin dont nous pourrons donner les procédés de, ténotomie avec les autres, mais que nous devrons présenter à part dans sa théorie et ses formules opératoires avec leurs principales applications de détail.
Dans le cours de notre médecine opératoire, quand l'intelligence du sujet l'a exigé, nous avons été, malgré nous, entraîné à faire une part assez large aux doctrines chirurgicales pour éclairer la valeur des moyens par leurs indications et leurs résultats. Mais ce qui n'était qu'un utile complément pour la médecine opératoire générale devient une nécessité première pour la sclérotomie encore placée en dehors de l'enseignement. Ainsi donc, sans prétendre en faire positivement une monographie, du moins, pour la rallier avec l'ensemble de la chirurgie , serons-nous dans l'obligation de suivre dans leur étiologie, leur diagnostic, leurs indications et leurs résultats, les divers sujets qui s'y rapportent, un peu plus ou un peu moins, suivant qu'ils seront ou non susceptibles de rentrer dans la pratique usuelle. Nous ferons à cet égard, pour chacun d'eux, ce qui nous paraîtra indispensable, mais nous n'irons pas au-delà.
STRABISME (Planches A, B, C, D, E).
Le strabisme (1), vue de travers ou loucherie, consiste dans un désaccord ou un manque d'harmonie entre les mouvemens des yeux dont un seul ou tous deux à-la-fois se dévient involon-tairement, pour fixer un objet, de l'axe central de la cornée, de sorte qu'ils ne peuvent jamais converger vers le même point.
différences et particularités nu strabisme.
1° Nombre. Le strabisme est quelquefois simple, mais le plus souvent double. Dans le strabisme double presque toujours l'un des yeux est plus dévié que l'autre. On s'assure de la direction de chacun des deux yeux en les fermant et faisant regarder alter-nativement avec l'un et l'autre. L'œil strabique, s'il n'y en a qu'un, ou s'ils le sont tous les deux, celui qui louche le plus est aussi le plus faible. Ce phénomène est tellement sensible que si la déviation congéniale, ou du moins très ancienne, est por-tée assez loin pour que la cornée soit presque entièrement ca-chée sous l'angle de l'œil, cet organe, inutile jusque-là, ne voit encore qu'imparfaitement après avoir été redressé. Du reste tel strabisme paraît simple avant l'opération, qui cependant est double; on s'en aperçoit après le redressement de celui qui était le plus dévié, l'autre alors louchant plus ou moins. Enfin, il est des personnes qui, affectées de strabisme, peuvent néan-moins faire passer la déviation d'un œil à l'autre. M. Dufresse Chassaigne cite un chef de bureau qui, ne pouvant travailler que d'un œil à-la-fois, se servait alternativement des deux à mesure que celui qu'il venait d'employer était fatigué.
2° Intensité relative. Le strabisme s'observe à tous les degrés depuis la déviation exagérée où l'œil se cache sous les angles des paupières jusqu'à cette incertitude du regard que Buffon appelle un faux trait dans la rue, et où les yeux ne louchent décidé-ment qu'en fixant des objets à deux ou trois décimètres de por-
(1) Strabismus, oirpaSi^o;; de orpEtpw, arpaCiÇo), je tourne, je détourne.
tée. D'autres présentent le phénomène tout contraire et louchent d'autant plus que le regard porte plus loin. Les causes de ces différences ne sont pas encore bien connues. Mais ces exceptions, du reste, importent peu sous le point de vue chirurgical, l'opé-ration n'étant justifiable que dans les cas où le strabisme est très prononcé.
3° Permanence oit intermittence. Le strabisme confirmé, congénial ou acquit, constitue un état permanent. Le strabisme intermittent succède, le plus ordinairement, à quelque affection, mais parfois aussi on l'observe chez des individus où il s'est main-tenu permanent pendant un certain nombre d'années. Toutefois comme l'intermittence, dans le premier cas, est un fait accidentel et dans le second annonce une disposition de la nature à une guérison spontanée, l'existence de ce phénomène est une contre-indication d'opérer.
4° Variétés. Le strabisme se distingue en six espèces prin-cipales fondées sur la direction de l'œil ou des yeux affectés : en dedans ou vers le nez; strabisme interne, nasal ou conver-gent (strabismus convergens). En dehors ou vers la tempe, stra-bisme externe, temporal ou divergent (strabismus divergeas). En haut ou vers le front, strabisme supérieur ou frontal {strabis-mus sursùm vergens). En bas ou vers la joue, strabisme infé-rieur ou jugal (strabismus deorsùm vergens). Dans ces quatre premières espèces le strabisme est simple ou du moins l'un des yeux est entraîné par celui où la déviation est le plus prononcé. Les deux variétés suivantes, au contraire, sont caractérisées par l'opposition des forces motrices des deux yeux. Le premier, où l'un des yeux se porte en haut et l'autre en bas, a été nommé, à cause de son affreux aspect, strabisme horrible (strabismus horrendus). Le second, signalé par M. Baudens, qui ne l'a trouvé qu'une fois sur huit cents opérés, consiste dans une déviation des deux yeux en dehors, chacun de son côté. Non moins ef-frovable à voir que le précédent il était caractérisé par la fixité des deux yeux dont les pupilles se cachaient aux deux tiers sous les angles externes des paupières, sans qu'il fût possible au sujet de les ramener d'une seule ligne vers le centre de l'orbite. M. Baudens a nommé cette variété strabisme fixe, double et di-vergent (Voy. pl. A, fig. 10 un nouveau cas rencontré par M. Amussat).
Le strabisme convergent est le plus commun de tous dans une proportion de 25 : 1 d'après les résultats de M. Baudens; de 16 : 1 d'après ceux de M. Dufresse. Des motifs nombreux expli-quent cette différence : la propension naturelle des yeux à se porter en dedans pour converger vers un même point, d'où la faculté que tout le monde possède de loucher en dedans à vo-lonté, tandis qu'il est presque impossible de simuler le strabisme en dehors (Boyer (1)); la concordance de trois muscles, les droits interne, supérieur et inférieur, et même celle des deux obliques, sous l'action d'un même nerf moteur oculaire com-mun (Phillips (2) ) ; la longueur moindre de la paroi interne et du muscle droit correspondant (Rognetta (3) ).
Après le strabisme convergent vient, dans l'ordre de fréquence, le strabisme divergent simple. On estime sa proportion par rap-port aux déviations en haut et en bas environ : : /j ou 5 : 1; ce qui rend ces derniers déjà peu communs. Les strabismes horri-
(1) Traité des mal. chirur. 2, 5, 513.
(2) Traité du Strabisme, page 23.
(3) Cours d'Oplitlialmologie.
bles, ou par opposition entre les forces musculaires des deux yeux, sont, comme nous l'avons dit, très rares.
Toutefois les quatre espèces principales de strabisme étant classées ou plutôt ramenées logiquement aux quatre extrémités des deux diamètres vertical et transversal, il ne s'ensuit pas que la nature se renferme invariablement dans cet ordre systé-matique, qui suppose qu'un seul muscle produit la déviation sans que les plus voisins y concourent en rien. S'il existe véri-tablement des strabismes purement internes, externes, supé-rieurs ou inférieurs, c'est-à-dire à angles droits, à la pratique, il est bien plus ordinaire que la synergie des muscles voisins entraîne l'œil dans les directions moyennes. Prenant pour exem-ple le strabisme convergent. Soit qu'à l'action du droit interne s'ajoute une traction plus ou moins forte du droit supérieur ou du droit inférieur, la déviation se présente plus ou moins in-terne et supérieure, ou interne et inférieure, et en outre l'œil sera plus ou moins proéminent, si à cette double action se joint encore celle de l'un des muscles obliques. La même observation s'applique aux autres espèces de strabisme. C'est de ces forces combinées que résultent les variétés mixtes, de toutes les plus nombreuses et si variées qu'il n'y a pas, pour ainsi dire, deux cas qui se ressemblent exactement dans la pratique , la formule générale pouvant se résumer dans cette proposition : Que l'œil, dans ses déviations, représentant la résultante moyenne des forces auxquelles il obéit, peut être entraîné dans tous les rayons du cône oculaire dont le sommet est représenté par les insertions orbitaires ostéo-fibreuses des muscles et par le nerf optique.
CAUSES DU STRABISME.
La détermination des causes du strabisme étant d'une grande importance pour motiver ou infirmer l'opération, des recherches nombreuses ont été faites à cet égard, mais, comme on le conçoit bien dans un sujet si nouvellement étudié, sans avoir pu dissiper l'obscurité qui règne encore sur beaucoup de points.
Le strabisme est congenial ou acquis. La proportion de l'un à l'autre n'est pas encore bien déterminée. D'après M. Phillips, le strabisme congenial serait assez rare, son rapport avec le stra-bisme acquis étant : : i : 25. M. Dufresse Chassaigne au contraire le considère comme le plus fréquent et dans le rapport de 3 à 2 , car il a constaté 34 cas de strabisme congenial sur 54 ayant pour cause la rétraction musculaire. Les causes auxquelles on rapporte le strabisme acquis sont très nombreuses.
i° Rétraction spasmodique. C'est de l'aveu de tous les ténoto-mistes, la cause la plus commune. C'est vers l'âge de trois à cinq ans que se produisent le plus grand nombre de strabismes au milieu d'accidens convulsifs déterminés par des congestions et des phlegmasies encéphaliques ou oculaires, des névralgies, des paralysies de différens nerfs et surtout de la 5e paire, des opacités des milieux réfringens de l'œil, taies, cataracte, etc. La rétraction spasmodique, sans contracture musculaire, semble prouvée par des faits pathologiques présentés par M. Bouvier à l'Académie de médecine. Sur une femme de 82 ans, affectée de strabisme diver-gent depuis son enfance, le muscle droit externe n'a point pré-senté de raccourcissement et n'offrait aucune résistance lorsqu'on déplaçait l'œil. Sur une autre femme de 62 ans atteinte de stra-bisme convergent depuis l'âge de 12 ans, le muscle droit interne n'offrait qu'une tension légère lorsqu'on faisait subir à l'œil une assez forte rotation en dehors.
2" Contraction ou raccourcissement musculaire. M. Phillips nie positivement cette cause qu'il croit empruntée mal-à-propos de la théorie du pied-bot, et allègue pour preuve qu'en fermant l'œil sain, l'autre redevient direct. Celte assertion est vraie pour un grand nombre de cas; mais comme il n'en est pas toujours ainsi, rien ne prouve que les cas où s'effectue le retour de l'œil à sa direc-tion ne soient pas précisément ceux où il y a contracture. Au reste, en s'en tenant aux faits, ce raccourcissement a été observé aussi par M. Bouvier sur le cadavre d'une troisième femme de 72 ans affectée de strabisme convergent depuis son enfance. A l'autopsie le muscle droit interne très mince, était de cinq milli-mètres plus court que l'externe. Le droit supérieur s'est trouvé incurvé, son bord interne, concave, étant plus court que son bord externe convexe; d'où il paraît que ses fibres internes con-couraient avec le muscle droit correspondant pour attirer l'œil en dedans et en haut. Pl. A, fig. 1 2.
3° Inégalité de force musculaire. Cette distinction où l'on suppose que l'un des yeux, le strabique, est mu par une force moindre que celle de l'œil sain, serait précisément l'inverse de la rétraction spasmodique, et toutefois reconnaîtrait les mêmes causes, rien n'étant plus commun pour les affections nerveuses que de produire des effets contraires, l'exaltation ou l'affaiblisse-ment de la contractilité.
4° Inégalité de force visuelle. C'est à cette cause généralisée que Buffon rapportait le strabisme. Ayant remarqué que chez la plupart des strabiques l'œil dévié est plus faible que l'autre et ne voit pas aussi loin, il en avait conclu que cet œil, plus tôt fatigué, se détournait instinctivement de l'objet fixé par l'œil le plus fort. Sans nier absolument cette théorie qui rendrait compte de beau-coup de récidives dans des cas où l'opération a été bien faite, la plupart des ténotomistes pensent néanmoins que les faits où elle trouve son application sont les moins nombreux, dans tous les autres au contraire la faiblesse de l'œil étant, l'effet et non la cause du strabisme, puisqu'elle cesse après un certain temps par le fait de l'opération qui a détruit cette infirmité. Une autre cause, et qui se rapporterait encore mieux à l'opinion de Buffon, est l'exaltation de la sensibilité de la rétine dans l'œil affecté. Celle-ci, plus facile à reconnaître que l'autre, en raison du rétrécisse-ment de la pupille , nous semble une contre-indication d'opérer.
5° Opacité des milieux réfringens. D'après L. Sanson, les taies peuvent déterminer le strabisme « quand elles occupent le « centre de la cornée, de manière à couvrir la pupille et à laisser « cependant entre les bords et la circonférence de la cornée un « intervalle qui permette aux rayons lumineux d'arriver à la pu-ce pille et d'y pénétrer de côté; alors les malades louchent en de-« dans pour présenter plus directement à la lumière le point par « lequel la pupille et la cornée sont perméables (1 ). » M. Dufresse a observé à Bordeaux un cas de ce genre ; mais, dit-il, le strabisme ne se produit, chez ces individus, que dans les cas où ils veulent voir un objet avec leur œil affecté de taie; distinction qui détruit le fait, le strabisme dans ce cas n'étant qu'immédiat et instan-tané. Au même titre que les taies on a admis comme cause de strabisme la cataracte centrale. M. Phillips nie ces strabismes pour cause d'opacité, que M. J. Guérin appelle optiques ou mus-culaires passifs, et se fonde sur cette double raison : d'une part,
(1) Dict. de méd. et dr. cliinirg. pratiq , t. xv, p. 38.
que l'opacité centrale1 n'empêche pas le redressement par l'opéra-tion de l'œil strabique ; d'antre part, que tous ceux qui offrent de ces opacités devraient loucher, et c'est, dit-il, ce qui n'est pas. Ces remarques sont judicieuses, mais non pas sans réplique. Une cause peut exister sans produire son effet. Il est bon de constater avec M. Phillips que les opacités centrales n'ont pas tout l'effet qu'on leur attribue; mais il n'en résulte pas que cet effet soit nul. Pour ne citer ici que des observations qui me sont propres, j'ai connu deux personnes qui, n'ayant jamais été strabiques, le sont devenues, de leur aveu et de l'observation de tous, après des ké-ratites ayant donné lieu à des taches fie la cornée.
G" Dégénérescence des muscles. M. Phillips n'a reconnu la transformation fibreuse des muscles que dans 3 cas sur 122; i sur /(O. La transformation graisseuse est plus rare encore; il ne l'a trouvée que deux foissur cinq cents; i sur a5o. Dans la théorie générale deM. J. Guérin, ces dégénérescences, comme nous le ver-rons plus loin, doivent être bien plus communes. Toutefois on ne peut rien statuer à ce sujet, quant au strabisme en particu-lier, par manque de documens précis en assez grand nombre.
70 Hérédité. Cette cause est fréquente. Rien de plus ordi-naire que de voir naître de parens louches des enfans qui le sont aussi. Ce mode d'étiologie n'exclut pas la recherche de la cause mécanique chez les uns et les autres; mais il faut avouer que ces cas qui tiennent à un vice organique constitutionnel laissent peu de chances pour l'opération.
8° Imitation. On a vu quelquefois le strabisme persister chez des enfans qui s'étaient fait un jeu de l'imiter d'après des enfans louches. Si cette affection est encore nouvelle, elle laisse assez d'espoir de la guérir par divers moyens, pour ne point ten-ter d'abord l'opération.
q" Enfin, Maître-Jean invoquait comme cause de strabisme, la situation vicieuse de la cornée par rapport à l'axe de l'œil, et Lahire le défaut de concordance entre les points d'insertion des nerfs optiques. 11 est possible que ces faits existent, c'est à l'ana-tomie pathologique à le prouver. En tout cas ils seraient rares et presque impossibles à reconnaître sur le vivant.
COMPLICATIONS ET PHÉNOMÈNES CONCOMITANS DU STRABISME.
i" Diplopie. Suivant Boyer, on rencontre quelquefois des stra-biques qui voient double. Ce phénomène n'a lieu qu'au début de la maladie, les malades, à mesure que le strabisme se confirme et que l'œil affecté devient plus faible, s'habituant à ne plus fixer les objets que de l'œil sain. Néanmoins, comme toutes les règles générales, celle-ci offre des exceptions. J'ai vu, chez M. Baudens, un homme d'environ quarante ans affecté, depuis son enfance, d'un double strabisme convergent, inégal entre les deux yeux, qui n'avait jamais cessé de voir double. Au reste, la vérité de l'opinion de Boyer, fondée sur l'observation du strabisme acquis, est confirmée en sens contraire par l'absence de diplopie, dans le strabisme congénial, l'enfant, dès qu'il voit, s'exerçant tout de suite instinctivement âne regarder qu'avec l'œil sain. La cause physique delà diplopie est tellement connue qu'il est inutile de la discuter. Nous renvoyons pour ce sujet aux figures qu'en ont données MM. J. Muller et Dufresse Chassaignc (pl. A, fig. 17 ei 18). Quant à la fréquence relative de cet épiphénomène, M. Phil-lips, sur 100 strabismes, en a trouvé 23 accompagnés de diplo-pie; 16 de l'oeil droit et 7 de l'œil gauche; environ :: 1 : /j. M. Du-fresse l'a rencontré dans 9 cas sur 53 ou :: 1 : 6.
20 Myopie. Le strabisme, dans l'œil qui en est affecté, s'ac-compagne fréquemment de myopie. M. G Phillips, ayant remar-qué que la myopie cessait après la section du muscle grand oblique, avait été induit à proposer cette opération pour la guérison de la myopie avec ou sans coexistence de strabisme. D'un autre côté, plusieurs chirurgiens sont, parvenus au même résultat par des sections diverses : du petit oblique (M. Bonnet), des deux droits latéraux (M. J. Guérin), ou même du seul droit externe (Du-fresse Chassaigne), des deux obliques et des deux droits laté-raux (M. Baudens). Nous reviendrons plus loin sur les discussions auxquelles ont donné lieu ces opérations variées, il suffit ici de constater le fait général et la théorie qui en résulte : que la myo-pie paraît souvent produite par rallongement du diamètre antéro-postérieur que détermine la pression des muscles de l'œil, aux deux côtés des diamètres vertical et transversal ou circulaire-ment en diagonale, et qu'elle peut guérir, à ce qu'il paraît, en faisant cesser la pression, ou, en d'autres termes, en pratiquant dans l'un ou l'autre sens ou dans tous les deux à-la-fois, la sec-tion des muscles qui s'opposent au raccourcissement du diamètre antéro-postérieur de l'œil.
3" Affaiblissement ou abolition de la vue dans Vœil strabique. Deux causes de l'affaiblissement de la vue dans l'œil strabique ont été signalées : i° d'après tous les auteurs, l'état d'atonie ou d'insensibilité plus ou moins complète qui résulte du défaut, d'exercice, comme il arrive fréquemment dans la cataracte; 20 suivant M. Dufresse Chassaigne, la compression produite d'a-vant en arrière, sur la rétine, par l'action rétractive des muscles strabiques. Deux genres de preuves sont invoqués par l'auteur à l'appui de son ingénieuse théorie : la première est la diminution et le trouble instantané de la vue quand on exerce avec le doigt la pression la plus légère sur la paupière supérieure; la seconde, la guérison toute nouvelle, parles sections de muscles rétractés, de certaines vues faibles improprement nommées amauroses par contraction musculaire. Du reste, en admettant cette ingénieuse explication, la seconde cause n'exclut pas la première; et il est probable au contraire que toutes deux concourent en même temps à l'affaiblissement de l'œil. Enfin, c'est à cette diminution de la sensibilité de la rétine que l'on doit attribuer la dilatation plus ou moins prononcée de la pupille que présente si souvent l'œil affecté de strabisme convergent.
4° Etat convulsif des muscles. Cette disposition si frappante et que pourtant je ne trouve nulle part mentionnée par les au-teurs, ne me semble pas autant une complication qu'un signe de l'état spasmodique dont il décèle l'existence et accuse l'énergie. C'est une cause fréquente de récidive, sinon absolument une con-tre-indication d'opérer, et dans tous les cas une source de diffi-cultés pour le chirurgien pendant l'opération.
5" Paralysie d'un ou de plusieurs muscles. Cette cause qui n'est que secondaire ou symptomatique, produite elle-même par une maladie nerveuse est l'une des contre-indications que l'on doit le plus respecter. L'opération pratiquée dans deux cas de paralysie d'un seul muscle, par MM. P. Guersent et Dufresse Chassaigne n'a produit qu'un résultat temporaire, le strabisme
étant revenu lorsque le muscle opposé à la paralysie, celui que l'on avait dû couper, a eu contracté de nouvelles adhérences avec la sclérotique.
La distinction des causes qui produisent le strabisme et des complications qui peuvent s'y adjoindre, sont assurément des notions d'une importance fondamentale, puisque c'est d'elles que dérive le traitement et par conséquent la convenance de l'opéra-tion. Mais il faut l'avouer, jusqu'à présent les auteurs se taisent sur cette concordance: comme on s'est beaucoup plus pressé, à l'envi l'un de l'autre, d'opérer que de savoir dans cpiel cas il y a lieu de le faire; et que d'agir immédiatement est beaucoup plus brillant, plus prompt et plus facile cpic d'observer des faits et d'en coordonner les rapports, la séméiologie et le diagnostic du strabisme sont encore à établir. Toutefois l'expérience ac-quise sur un grand nombre de faits ne saurait être stérile : de cette précipitation même il ressort un résultat non moins impor-tant, c'est que les causes et les complications de nature à infirmer l'opération du strabisme sont les plus rares, puisque, s'il faut en croire chaque auteur, sur ses propres œuvres, sur plusieurs mil-liers d'opérations qui ont été faites par divers chirurgiens dans le court espace de moins d'un an, les insuccès et les récidives sont proportionnellement en petit nombre.
Parcourant la série des causes, de leurs influences et des signes propres à les reconnaître, voici ce que la pratique permet de dire jusqu'à présent de plus général. La rétraction spasmodlque est ordinairement accompagnée d'une contraction convulsive quel-quefois peu sensible, mais souvent aussi d'une telle violence que le malade ne peut arrêter son regard, l'œil étant dans une agitation perpétuelle. Quand ce signe manque complètement, ouest induit néanmoins à admettre la nature primitivement spasmodique du strabisme dans les cas où il a succédé à une affection nerveuse,. Les faits de ce genre , où l'effet a persisté après l'enlèvement de sa cause, sont ceux qui guérissent le mieux et, heureusement, les plus nombreux. La contracture musculaire paraît être caractérisée par la tendance de l'œil à rester dans sa position. Dans les cas exa-gérés, surtout de strabisme convergent, la contracture peut aller jusqu'à produire la fixité absolue ou l'immobilité du globe de l'œil (Baudens). E'inégalité de force musculaire n'est qu'une cause rationnelle cpii, fùt-elle fondée sur l'atrophie musculaire , ne saurait être reconnue sur le vivant. I; inégalité de force ner-veuse est facile à déterminer; mais, plus souvent l'effet cpie la cause du strabisme, elle ne peut infirmer l'opération qui généralement la guérit ou la rend moins sensible. \1 opacité des milieux réfringens se reconnaît tout d'abord. Nous avons vu qu'elle n'empêche pas le redressement de l'œil strabique; maisil noussemble qu'il y aurait lieu de s'abstenir d'opérer, par crainte de récidive, si l'on avait l'assurance que cette opacité, une taie par exemple, est elle-même la cause du strabisme. La section musculaire est indiquée au con-traire si la cause première est une cataracte que l'on opère en mèmetemps que le strabisme commei'a fait avec succès M. Phillips. Les dégénérescences musculaires sont rares, et bien heureu-sement, car nous ne voyons pas comment elles peuvent être caractérisées autrement que par l'autopsie. Tout au plus, la dégé-nérescence fibreuse serait-elle encore reconnue jusqu'à un cer-tain point en opérant, ou prévue parla théorie générale de M. J. Guérin sur la transformation fibreuse des muscles rétractés, et en tout cas ne serait point une contre-indication d'opérer; mais quant à la dégénérescence graisseuse, comme par ses effets, elle équivaut à une paralysie et que la déviation ayant lieu dans le sens opposé nécessiterait l'opération de ce côté, son existence ne nous semble pas pouvoir être déterminée à l'avance. Dans l'absence des faits, s'il est permis de préjuger, ces derniers cas seraient proba-blement de ceux où l'opération, après une guérison temporaire, serait suivie de récidive, lorsque le muscle coupé, privé d'an-tagoniste, aurait contracté avec la sclérotique de nouvelles adhé-rences. Enfin, Fimitation et Y hérédité peuvent être signalées par le commémoratif, maisil resterait à déterminer dans quelles con-ditions anatomiques se trouvent les muscles de l'œil affecté. On le voit suffisamment par tout ce qui précède, la plus grande obscu-rité règne encore sur l'étiologie du strabisme; et il est heureux en vérité que cette opération réussisse dans la plupart des cas; car, il faut l'avouer, jusqu'à présent il est rare que l'on ait opéré avec connaissance de cause.
Quant aux complications : les paralysies seules sont des contre-indications suffisantes. L'opération pratiquée en pareil cas sur deux sujets par MM. P. Guersant et Dufresse Chassaigne, n'a pas réussi. Les opacités ne peuvent faire rejeter l'opération qu'autant qu'elles sont elles-mêmes incurables. Pour ce qui est de l'affai-blissement de la vue, de la diplopie et de la myopie, ce sont an contraire presque autantdemotifs d'opérer, puisque, par expérien-ce, ces trois maladies guérissent et, en quelque sorte, sont détrui-tes dans leurs causes par le fait de l'opération, ou que du moins dans les cas moins heureux, la vue en est encore beaucoup amé-liorée.
OPÉRATION DU STRABISME, (i)
ANATOMIE OPÉRATOIRE. (2)
Six muscles meuvent l'œil, les quatre droits et les deux obli-ques, enveloppés dans de petites gaines de glissement : une même aponévrose réunit ces gaines et les tendons sur la sclérotique.
1° Muscles droits. Opposés par paires aux deux extrémités des diamètres vertical et transversal de l'œil, les quatre muscles droits forment les côtés d'une pyramide dont la base circonscrit le globe oculaire et dont le sommet correspond en arrière aux insertions ostéo-fibreuses, au pourtour du trou optique. Rectilignes, aplatis, musculaires dans la longueur de l'orbite , tous quatre se fixent en avant sur la sclérotique par un tendon membraneux quadri-latère, long de 7 à 8 millimètres (4 à 5 lignes), à-peu-près de même largeur, légèrement étranglé à son milieu ou à bords concaves, adhérent à la sclérotique par sa face oculaire, et ter-miné par un épanouissement sur cette membrane à environ 9 millimètres (4 lignes) de la cornée. Par leur mode d'insertion au-delà du diamètre transversal du globe oculaire, les quatre mus-cles droits forment autant de cordes réfléchies sur la portion antérieure de la circonférence, dont la traction s'accompagne d'une rotation légère de l'œil sur l'un de ses axes, dans le sens de chaque muscle en action, les deux d'une même paire se fai-sant antagonisme aux extrémités du diamètre auquel ils cor-respondent. Comme les yeux sont destinés naturellement à con-verger vers un même point, le muscle droit interne est le plus court de tous, et le droit externe le plus long; la différence est d'environ 4 millimètres (2 lignes). Le mouvement d'élévation de l'œil étant le moins ordinaire, le muscle droit supérieur est le plus mince des quatre.
(1) Pl. B; C, D, E.
(2) Pl. A. fig. 1,2, 3, 4.
Action des muscles droits, (a) Les muscles droits externe et interne font exécutera l'œil un mouvement de rotation sur son axe vertical. Si l'un d'eux agit séparément, il entraîne de son côté le globe oculaire autour duquel s'enroule en s'allongeant le muscle antagoniste. S'ils agissent ensemble il y a rétraction de l'œil en travers, (b) Les muscles droits supérieur et inférieur agissent précisément de la même manière autour de l'axe transversal, (c) Un muscle agissant avec énergie se lait aider par les deux entre lesquels il est situé : soit, par exemple, le droit interne, en con-traction, les portions correspondantes des droits supérieur et inférieur concourent également au mouvement interne direct, et se font alors adductrices comme l'a signalé M. Baudens, tan-dis que l'autre moitié se ferait abductrice pour aider au droit externe, (d) Mais si deux muscles seulement se contractent simul-tanément, le mouvement commun est la résultante moyenne à angle de 45 degrés; soit oblique en dedans et en haut dans l'ac-tion combinée des droits interne et supérieur; oblique en dedans et en bas dans celle des droits interne et inférieur.
2° Muscles obliques. Le plus long des muscles de l'œil, le grand oblique, fixé en arrière à la gaîne fibreuse et à la partie supérieure du trou optique, logé suivant sa longueur dans l'angle intérieur et supérieur de l'orbite, au-dessus du droit interne, se termine en avant par un long tendon grêle qui passe et s'infléchit à angle de 45 degrés dans une petite poulie cartilagineuse à l'angle in-terne et supérieur du rebord de l'orbite; se dirige en arrière, en dedans et en bas, vers le globe de l'œil, s'insinue sous le tendon du droit, supérieur, et s'insère, en s'épanouissant, au milieu de la courbe supérieure de la sclérotique, au niveau du diamètre transversal du globe oculaire. Le petit oblique, étendu de l'ex-trémité antérieure et interne de la face orbitaire de l'os maxil-laire, auprès du lac lacrymal, au milieu de la courbe externe de l'œil où il s'insère à la sclérotique, inscrit au-dessous de la moitié antérieure du globe oculaire et du muscle droit inférieur une courbe diagonale, dont la combinaison avec la direction à-peu-près dans le même plan du tendon du grand oblique, représente deux quarts de rotation en antagonisme l'un avec l'autre, sur un axe moyen oblique, qui partant du bord externe de la cornée se dirige d'avant en arrière et de dehors en dedans, le grand oblique par une rotation interne, portant la pupille en bas et en dehors, et le petit oblique par une rotation externe la portant en haut et en dehors. Si les deux obliques agissent simultanément ils attirent l'œil en dedans concurremment avec le droit interne,
3° Aponévrose oculaire. M. Bonnet, de Lyon, a décrit récem-ment (1) une capsule fibro-celluleuse qui enveloppe le globe oculaire clans ses trois quarts postérieurs; fixée à la gaîne fibreuse «lu nerf optique , à la naissance de la sclérotique, elle enveloppe et double cette membrane à laquelle l'unit un tissu cellulaire lâche, en formant un seul feuillet postérieur jusqu'à la rencon-tre des tendons musculaires. En ce point elle forme une gaîne pour les tendons des obliques (selon nous sans préjudice de leurs gaines de glissement) et se dédouble en deux feuillets pour envi-ronner les quatre muscles droits. Le feuillet superficiel, libre, va s'insérer aux cartilages tarses des paupières. Le feuillet profond, continu dans toute la circonférence de l'œil, est intermédiaire des tendons à la sclérotique. La gouttière circulaire d'écartement des deux feuillets où aboutissent les quatre tendons, forme sur
(1) Gazette des hôpitaux, 4 février 1841.
sa coupe un petit intervalle celhileux triangulaire où se loge le repli oculo-palpébral de la conjonctive.
4° Tendons et gaines tendineuses. De ce qui précède il résulte que les extrémités des quatre muscles droits sont reçues dans autant de gaines fibro-celluleuses, auxquelles leurs tendons adhè-rent fortement ; de sorte que, dans les sections pour le strabisme, il est important de diviser entièrement, avec le tendon, les deux feuillets de la gaîne dont il suffirait d'un seul lambeau non coupé pour empêcher la rétraction du muscle et amener une récidive. Une autre observation a rapport aux divisions anormales des tendons. D'après M. Baudens, qui l'a observé plusieurs fois dans sa pratique, le tendon sclérotical de l'un des muscles peut se trouver divisé en deux faisceaux inégaux, ou bien il s'en dé-tache un petit faisceau supérieur, inférieur ou latéral, séparé de l'autre par un espace et qui s'insère à deux millimètres d'écarte-ment du faisceau principal. Au reste cette disposition anatomi-que, qui se trahit d'elle-même, n'a d'autre inconvénient que de prolonger un instant de plus l'opération, le chirurgien en étant averti par la persistance du strabisme, résultat nécessaire du manque de rétraction du muscle, après la section opérée.
Physiologie pathologique du strabisme. Des considérations anatomico-physiologiques qui précèdent se déduit la théorie des variétés diverses du strabisme et des opérations qui s'y rappor-tent.— i° Strabisme convergent. Quatre variétés: (a) Interne direct : la cornée plus ou moins enfoncée sous la caroncule la-crymale, cas de section du droit interne rétracté, (b) Intente et inférieur : rétraction des deux muscles droits correspondans. (c) Interne et supérieur: peut être produit par les deux muscles droits du même nom, avec oli sans la coopération de l'un ou des deux obliques, circonstances qui motivent des sections dif-férentes. Si l'œil est comme suspendu en haut et proéminent, il est probable qu'une forte rétraction du grand oblique seul en est la cause. Dans ce cas, suivant M. Phillips (Ténot. p. 88), l'œil strabique est en même temps myope, circonstance qui, d'après ce ténotomiste suffit pour asseoir le diagnostic. L'une et l'au-tre affections cessent par la section du tendon. Si l'œil est en-foncé en dedans et en haut, il est probable que les deux mus-cles droits rétractés, en sont également la cause, mais si en même temps le contour externe de l'œil proémine beaucoup en avant, il est probable que l'action des deux obliques coïncide avec celle des deux muscles droits. Du reste le résultat de la section de ces derniers, guide, dans ce cas, le chirurgien. — 20 Strabisme di-vergent. Trois variétés : direct, sans être très fort et l'œil plat, on peut supposer que le droit externe agit seul, légèrement aidé peut-être par les muscles droit supérieur et inférieur. Externe et inférieur: il est produit par les muscles de ce nom; il en est de même s'il est externe et supérieur. Dans les deux cas si l'œil n'est point saillant, c'est un indice cpie les muscles droits correspon-dans agissent seuls; mais si l'œil est proéminent on peut suppo-ser qu'à l'action des muscles droits se joint celle des obliques qui ont glissé sur la courbe postérieure du globe oculaire, et en dé-terminent la prépulsion (Baudens). — 3° Enfin les strabismes su-périeur et inférieur, les plus rares, donnent heu dans leurs va-riétés aux mêmes considérations. Telle est en sommaire la théorie des divers genres de strabisme, déduite de l'observation clinique et physiologique. Toutefois il s'en faut bien qu'à la pratique les choses se présentent dans cet ordre régulier. Souvent, au con-traire, l'inégalité d'action de chacun des muscles donne lieu à des
déviations complexes dont il est bien difficile d'analyser les élé-mens, et le chirurgien poursuivant un résultat qu'il ne peut at-teindre, erre au hasard, coupant un muscle après l'autre jusqu'à isoler le globe de l'œil et produire une exopbthalmie, comme déjà il s'en est offert plusieurs exemples sérieux, mais, à la vé-rité, dans un nombre d'opérés si considérable qu'en rappro-chant de cette considération celle de l'inexpérience commune dans un sujet encore si nouveau , on peut espérer que ces faits ne se reproduiront plus à l'avenir.
Historique de l'opération. C'est une tâche épineuse et déli-cate que d'avoir à présenter l'origine d'une découverte encore toute récente et actuelle par les intérêts qu'elle met en jeu, mais aussi on y apprend le degré de confiance que mérite cette fable convenue que l'on nomme l'histoire en général, en voyant que , sur des faits actuels et qui sont sous nos yeux, il est impossible , entre des prétentions rivales et des assertions contradictoires, de déterminer positivement la part de chacun. Pourtant déjà les droits sont acquis, les positions prises et l'opinion du public s'est formée parce cpi'il a besoin de s'en faire une. Nous allons retracer avec impartialité ce que les auteurs spéciaux ont écrit sur la question de priorité, mais sans rien prendre, à ce sujet, sur notre responsabilité personnelle.
Voici ce cpie rapporte M. F. Cimier le premier qui ait écrit sur cette matière (i) :
« Il y a long-temps qu'un médecin italien a avancé, sous forme « spéculative, que le strabisme, dû à la contracture spasmodi-« que de l'un des muscles droits, lui paraissait curable par la « section de ce muscle. Malgré mes recherches et mes efforts de « mémoire, il m'est impossible d'indiquer le nom de ce médecin, « ni le traité oû il a consigné sa proposition; je me bornerai à « dire que M. le docteur Baschieri, de Bologne, que j'ai connu « en 1837 à Montpellier où il était réfugié, a appelé à diverses « reprises mon attention sur la myotomie conseillée par son « compatriote, et m'a même engagé à y recourir sur une de mes « parentes affectée d'un strabisme convergent à droite, qui guérit « par l'usage du bandeau.
« Il était réservé à un Belge, M. J. Guérin, de démontrer « par des expériences la possibilité de guérir les louches en « opérant la section du muscle dont la contracture détruit Fê-te quilibre d'antagonisme. Dès 1837, M. Guérin a signalé dans « ses conférences le procédé opératoire qui lui paraissait le plus « convenable. Il voulait appliquer à la section des muscles droits « la méthode sous-cutanée. Je parlerai plus loin de ce procédé « et de ce qui m'est revenu des expériences auxquelles notre « compatriote s'est livré sur le cadavre en présence de plusieurs « médecins, entre autres de M. Seutin, en 1837, i838 et i83g. »
Si M. Florent Cunier a été bien informé , c'est le médecin ita-lien dont le nom est jusqu'à présent inconnu qui serait le pre-mier inventeur, puis M. J. Guérin aurait eu la même idée comme induction de sa méthode sous-cutanée et M. Stromeyer comme extension des procédés de ténotomie. Reprenons, pour ce dernier, la citation de M. F. Cunier.
« .... En i838, M. le professeur Stromeyer écrivait dans « ses Beitrage zur operative orthopœdie (Hanover) les lignes « suivantes :
[Suit la traduction du procédé opératoire de M. Stromeyer
(1) F. Cunier. De la Myotomie appliquée au traitement du strabisme, p. 1, et liaudens, Leçons sur le slrabismcct le bégaiement, p. 5.
d'après son propre texte.) « Des essais tentés sur le cadavre me « portent à recommander le procédé opératoire suivant contre « le strabisme de nature spasmodique.
« On fait fermer l'œil sain, et on recommande au malade de « porter l'œil affecté le plus possible en dehors de la direction « vicieuse qu'il occupe. Si le strabisme a lieu en dedans, on en-« fonce alors dans le bord interne de la conjonctive oculaire une « airigne fine que l'on confie à un aide intelligent, qui s'en sert « pour tirer l'œil en dehors. La conjonctive ayant été soulevée « à l'aide d'une pince, on la divise, au moyen d'un couteau à « cataracte, par une incision pratiquée dans le canthe interne. « La traction en dehors est augmentée jusqu'à ce qu'apparaisse « le muscle droit interne; un stylet fin est passé sous ce dernier, « qui est divisé à l'aide des ciseaux courbes, ou avec le couteau « qui a servi à ouvrir la conjonctive. Aussitôt après l'opération, « on fera pratiquer des fomentations froides, et on administrera « une potion opiacée. Il faudra avoir soin de continuer, pendant « quelque temps, à tenir l'œil sain fermé, afin cpie l'exercice ait « le temps de rétablir le mouvement normal de l'œil opéré. La « pratique orthopédique prouve qu'il suffit de diviser un muscle « pour faire cesser le spasme dont il était affecté et le rendre « apte à reprendre ses fonctions ; cpiant à l'opération qui vient « d'être décrite, elle ne saurait être plus dangereuse que la plu-« part des extirpations de tumeurs enkystées qui compromettent « rarement l'œil. »
On le voit, rien n'est plus clair que ce texte de M. Stromeyer; rien de plus concluant. Si vraiment aucun mot n'a été dit à ce sujet avant lui ou seulement, ce que l'on doit accorder, s'il n'en a pas eu connaissance, c'est à lui qu'appartient la découverte. Voilà bien comme l'on invente; c'est par induction de faits ana-logues qu'il procède. Du reste tout est prévu; la cause, ou du moins, l'effet mécanique de la maladie; la possibilité de la guérir; les détails et la marche de l'opération, les soins consécutifs qu'elle réclame, et les résultats qu'on doit en attendre, déduits également des opérations de même importance pratiquées sur le même or-gane. Peu importe que celui qui a tant deviné n'ait pas le premier pratiqué son opération sur le vivant. C'est pourtant bien lui l'inventeur, et la preuve c'est que ceux qui ont opéré les premiers l'ont fait en suivant pas à pas sa méthode sans y rien changer; la preuve c'est que l'auteur ayant oublié, ou omis une circon-stance, les deux premiers opérateurs, abandonnés de leur guide, n'ont pas su lever cette difficulté inattendue, qui a empêché le succès des opérations.
C'est en octobre i83g que, d'après tous les témoignages, fu-rent faites les premières opérations de strabisme. Mais cette date admise, l'incertitude règne sur la question de priorité. M. Flo-rent Cunier, sans autre appui que sa propre assertion, prétend avoir opéré en octobre 183g, deux mois dit-il avant M. Dieffen-bach. M. Stromeyer n'ayant point indiqué le moyen d'écarter suffisamment les paupières, «j'éprouvai, ajoute-t-il, la plus grande difficulté à les maintenir convenablement ouvertes», circonstance qui a mis M. Pauli, de Landau, dans l'impossibilité d'opérer. L'auteur rapporte ensuite deux autres faits, mais où le même inconvénient le força d'abandonner l'opération commencée. Toutefois la modestie de ces résultats annoncés par M. Cunier n'a pas suffi pour convaincre M. Verhaeghe de la réalité des opéra-tions auxquels ils se rapportent, et dans tous les cas il pense que M. Pauli, de Landau, les aurait devancées. Ce dernier opérant sur une jeune fille de quatorze ans dont les yeux étaient très mobiles, ne put parvenir à fixer avec des pinces l'œil dans l'ab-
dtiction; une légère hémorrhagie survint, la conjonctive fut dé-chirée par trois fois, et l'opération fut abandonnée. Ces faits avaient lieu en octobre i83g, mais ce mois ne devait point s'é-couler avant que le strabisme ne fût constitué par l'un des maî-tres de la chirurgie moderne. D'après M. Phillips, le 26 octo-bre i83g, M. Dieffenbach opérait, pour la première fois sur un jeune garçon de dix ans. L'opération fut longue et laborieuse mais elle réussit. Jusque-là le seul procédé employé avait été ce-lui de M. Stromeyer; les règles opératoires, cpii ne se formulent que par la pratique, n'étaient pas'encore établies, mais du moins le fait principal, la preuve de la théorie par la réussite de l'o-pération était acquise; le strabisme prenait rang dans la chirurgie.
Toutefois ce premier résultat heureux n'avait pas eu de reten-tissement. Mais le grand chirurgien de Berlin, dont l'esprit de suite et la ténacité sont bien connus , ne s'était pas emparé d'une opération aussi belle que neuve pour la laisser imparfaite. Éclairé par les insuccès précédons sur la nature des modifications à ap-porter à la formule opératoire de Stromeyer, le 1" mars 18/40 il opérait sans hésitation et avec un plein succès, par son nouveau procédé, un jeune médecin de Bruges, M. Verhaeghe qui, par reconnaissance, s'est fait l'historien de l'heureuse opération qu'il avait subie le premier. (1 )
Comme il arrive de toutes les découvertes brillantes , à peine celle-ci eut-elle fixé l'attention que plusieurs chirurgiens vinrent en réclamer la priorité. M. Carron du Villards affirme dans une lettre (bullet. de thérapeut.) avoir le premier pratiqué cette opé-ration. Un médecin attribue à M. Gensoul un procédé sur le cadavre que, dans un voyage à Berlin, cet habile chirurgien aurait communiqué à M. Dieffenbach; mais, dit M. Phillips, cette com-munication serait postérieure de quatre mois à la publication de M. Stromeyer. L'opinion publique a tenu peu compte de ces dé-bats. Une réclamation qui serait plus sérieuse, si elle était fondée, est celle de M. Sammels de Courtray, qui prétend avoir opéré vers 1826 deux ouvriers de Roubaix et de Lille dont il cite les noms. Toutefois ce n'est pas à nous qu'il appartient de donner créance à ces faits, puisque M. Verhaeghe, compatriote de l'auteur, cpii les rapporte, n'y croitpas. Mais en voici bien un autre. M. Velpeau, à l'érudition duquel rien n'échappe, a révélé à l'Académie de mé-decine un passage curieux de Lecat, concernant un certain docteur T. sorte d'opérateur ambulant qui, en 1743, vint avec grand étalage à Rouen où il opérait les louches. Voici ce que rapporte Lecat du procédé suivi par cet opérateur. (2)
« Avec une aiguillée de soie, il prenait une portion de la con-« jonctive de l'oeil louche, vers la partie inférieure du globe, et « ayant fait une anse de cette soie, il s'en servait pour tirer à soi « la portion de la conjonctive qu'elle comprenait, et la coupait « avec des ciseaux; ensuite il mettait un emplâtre sur l'œil sain; • l'œil louche se redressait, et. chacun criait miracle !
« J'usai de la liberté qu'il m'avait accordée, en lui demandant « le motif d'une opération qui me paraissait parfaitement inutile, « pour ne pas dire dangereuse. Il me répondit qu'un œil n'était « louche que parce que l'équilibre entre ses muscles était détruit; a que, pour rétablir cet équilibre, il ne s'agissait que d'affaiblir « le muscle qui l'emportait sur les autres, et que c'était ce qu'il « faisait en coupant un des filets nerveux qui se portaient à ce « muscle trop puissant. »
(1) Lellrc du 31 mars 1840, dans les Annales des sciences naturelles de Bruges.
(2) Précis analytique des travaux de l'académie de Rouen. 1803.
Vinsi donc, d'après le rapport d'un grand chirurgien, d'alitant plus digne de foi que les choses se passaient contre son gré, en 1743, à Rouen, un homme a opéré devant lui des strabiques, et agissait en vertu d'une théorie qui ne diffère pas sensiblement de celle qu'on professe aujourd'hui. Or, que coupait-il? Selon lui, un filament nerveux; niais selon nous qui ne saurions ac-cepter cette explication, divisait-il le tendon, ou seulement ne faisait-il que débrider le fascia sous-conjonctival ? Nul ne le sait; et pourtant, suivant le témoignage même de Lecat qui ne croyait pas au succès définitif, l'œil se redressait; il y avait donc une section suffisante pour qu'il en fût ainsi; il y avait en un mot opération de strabisme. Ce prétendu docteur T. qui a tout l'air d'un adroit charlatan de bon ton, bien renseigné, serait-il donc le premier inventeur ? Quant à moi, je n'en crois rien. L'hono-rable classe des opérateurs ambulans à laquelle, il faut bien l'a-vouer, la médecine et la chirurgie pratiques sont redevables de tant de moyens nouveaux à toute époque ; ces gens qui exploitent la crédulité publique, n'inventent rien. Collecteurs plus avides qu'intelligens des croyances et des traditions populaires, des idées égarées, des faits perdus; éditeurs sans nom des génies inconnus, par une sorte de mission burlesque ils ne font que recueillir de partout le bon et le mauvais qu'ilsvont semer partout. Quoi qu'il en soit, il paraît incontestable que quelque chose de l'opération du strabisme remonterait anciennement à une époque ignorée. Mais comme dans toutes les manifestations de l'instinct, précur-seur de la science, il est impossible de savoir si, par une in-fluence traditionnelle , ces notions confuses ont eu quelque part au développement de la théorie constituée de nos jours. Néan-moins le fait en lui-même est curieux , sinon instructif, et on doit savoir gré à M. Velpeau de l'avoir fait connaître.
Telle est l'histoire de la première époque du strabisme opératoire. — Reprenant la série des faits au point où nous l'avions laissée, la lettre de M. Verhaeghe éveilla vivement l'attention en Belgique. M. Dieffenbach rendit compte de cette opération à l'Institut de France (février 1840), qui, dit M. Phillips, « accueillit cette com-munication avec une indifférence que l'on ne comprend guère aujourd'hui.» Cependant les cas de succès s'élevant rapidement à quelques centaines , plusieurs chirurgiens de Belgique, et M. Lucas de Londres s'étant inscrits parmi les opérateurs, M. Dief-fenbach écrivit de nouveau à l'Institut (fin avril 1840). Cette fois les chirurgiens français s'émurent et s'empressèrent à l'envi d'es-sayer de la myotomie oculaire. Néanmoins il est supposable cpie la méthode opératoire n'avait pas encore été bien comprise en France, puisque les chirurgiens les plus habiles, et cpû, plus tard, ont ob-tenu des succès en nombre immense, ne comptaient presque alors que des revers : M. Guérin 2 (juillet 1840); M. Roux, 2; MM. Sé-dillot et Amussat,chacun 1 ; M. Velpeau G sur 7 cas, etc.Les choses en étaient là quand M. C. Phillips vint à Paris. S'il faut l'en croi-re (1), dans une séance opératoire du i5 novembre 1840, il dé-montra l'opération de Dieffenbach à un grand nombre de chi-rurgiens des plus distingués : MM. Amussat, Lallemand (de Montpellier), Lisfranc, Baudens, Pinel-Grand-Champ, etc., et tous, ajoute-l-il, furent convaincus des motifs qui, jusqu'alors, avaient causé des revers. Quoi qu'il en soit de J'influence qu'ait pu avoir cette démonstration, que les renseignemens et les obser-vations nouvelles soient venus de là ou d'ailleurs, et ils sont venus en réalité de tous les côtés à-la-fois, il est certain néan-moins que c'est à partir de cette fin d'année que les procédés
(1) Ténotomie sous-cutanée p. 237.
opératoires cl les succès se sont tout-à-coup multipliés à Paris, au point que plusieurs chirurgiens, MM. Baudens, Phillips, Velpeau, Ainussat, Guérin, etc., les deux premiers surtout, après (rois mois, comptaient déjà les faits heureux d'opération par cen-taines. Aujourd'hui, après un an à peine écoulé, c'est à plusieurs milliers que le nombre peut s'en évaluer dans Paris seulement, de telle sorte qu'avec l'exemple suivi par les provinces, et l'élan imprimé à l'étranger, on peut dire que le strabisme, encore à sa naissance, a déjà été plus expérimenté que la plupart des opéra-tions les plus anciennes.
En résumé, de l'examen des pièces de ce procès sur la décou-verte de l'opération du strabisme, si vivement agité depuis deux ans en Europe, il nous paraît résulter incontestablement les trois propositions suivantes, qui donnent la marche habituelle fie toutes les idées et de toutes les découvertes de l'esprit humain. i"Le germe de celle-ci, dont on retrouve des traces à un siècle de dis-tance, remonte probablement à une époque plus ancienne et qui restera inconnue, a* Parvenue à un certain degré de maturité, l'idée mère a été conçue à-la-fois par plusieurs personnes : le médecin italien cité par M. Baschieri, puis M. Guérin, puis M. Stromeyer. 3" Par suite de l'empressement qu'il a mis à pu-blier sa découverte, c'est bien loyalement cpie l'on qualifie de premier inventeur M. Stromeyer. Mais comme il y a de nombreux exemples qu'une vérité non fécondée peut s'ensevelir à jamais dans la poussière des bibliothèques, Dieffenbach qui l'a réalisée, formulée, prouvée ou plutôt constituée par l'expérience, peut être considérée comme un second inventeur à titre égal, quoique différent. Enfin la priorité d'invention étant justement établie, il reste encore une belle part aux chirurgiens de l'Europe et surtout à nos chirurgiens de Paris, les modifications de leurs procédés, leurs nombreuses découvertes de détail sur l'étiologie et la gué-rison des cas spéciaux, et les applications qu'ils en ont faites à un nombre immense de faits, ayant largement contribué à élever, en quelques mois, la myotomie oculaire au rang des opérations les plus fécondes, les plus brillantes et les plus avancées de la chirurgie moderne.
EXAMEN DU REGARD.
M. Baudens qui, suivant ce qu'il me disait hier (2 novem-bre 1841), ne compte pas moins de 1100 opérés, a tracé, sur la manière d'observer le regard des strabiques, les règles suivantes, à une époque (12 mars 1841) où il en avait déjà opéré 700.
Détermination de l'espèce de strabisme.
1° Strabisme simple. Reconnaître l'œil qui louche ou celui qui louche le plus. « Pour procéder à cet examen, il faut étudier « d'abord de près l'organe visuel, afin de bien s'assurer qu'il « n'existe pas de complications telles que taies, cataractes, amau-« roses, etc., et se placer ensuite à quatre pas de distance pour « éviter de faire loucher les yeux simultanément, ce qui a lieu « quand on est trop près du strabique. Une fois bien en face de « ce dernier, le chirurgien élève son indicateur de la main droite, « en le plaçant dans la direction du nez de la personne qu'il exa-« mine, et lui recommande de bien fixer ce doigt. Dans ce mo-« ment l'oeil dévié se dessine fortement, et l'œil sain fonctionnant « seul, forme un contraste frappant par sa rectitude. » (Bau-dens, ouv. cité, p. GG.)
2" Strabisme double, mais inégal entre les deux yeux. Ce; cas, comme le strabisme simple, n'exige habituellement l'opéra-tion que d'un côté.
« Dans la loucherie double, dit M. Baudens, quand l'œil le « plus dévié a été seul opéré, le côté non opéré éprouve souvent « une amélioration sympathique et spontanée; et, avec le temps, « deux mois environ, cette amélioration gagne tellement, que c'est « à peine s'il en reste un léger faux trait qui constitue, comme on « le sait, le regard à la Montmorency (page 67).
.......« Le faux trait qui subsiste par la légère dévia-it tion de l'œil non opéré, n'ôte rien à l'harmonie du regard ; les « yeux agissent ensemble avec tant d'accord, que si l'opéré place « devant lui deux doigts de l'une de ses mains et fixe l'un des « doigts alternativement, les assistans pourront lui dire à coup « sûr quel est le doigt sur lequel son regard s'arrête. Cette dé-« monstration prouve, jusqu'à l'évidence, que la loucherie n'existe « plus » (page 60,).
De ces passages et de plusieurs autres, il résulte, suivant M. Baudens, auquel sa pratique étendue donne une grande auto-rité en cette matière que, dans le strabisme double, mais à des degrés différons, il suffit pour guérir l'affection, d'opérer l'œil le plus dévié, l'autre reprenant de lui-même sa rectitude après un temps plus ou moins long. C'est un motif puissant de ne point céder à l'impatience des malades qui, souvent, après l'opération, se voyant encore louches du côté non opéré, réclament avec ar-deur une seconde opération pour être immédiatement délivrés de leur infirmité. Le chirurgien doit d'autant plus résister à ces instances que, d'après notre auteur, il ne lui est arrivé qu'une fois sur vingt-cinq, tout au plus, d'être forcé d'opérer des deux côtés.
3° Strabisme double sans différence apparente. Le diagnostic eii ce cas se fonde sur les signes différentiels pour reconnaî-tre l'œil qui louche par maladie de celui qui louche par sympa-thie. Voici ce cpie dit à cet égard M. Baudens : « L'œil strabique « patbologiquement est toujours le plus dévié des deux, et la « vision en est plus faible. Quand ces deux caractères sont bien « tranchés il ne saurait y avoir de doute; mais il n'en est pas « toujours ainsi.
tt Quelquefois la loucherie est double en ce sens que l'un des « yeux peut loucher aussi bien que l'autre; mais il n'y en a jamais « qu'un seul qui soit dévié à-la-fois, tantôt le droit, tantôt le gau-« che. Ici, il est souvent extrêmement difficile de reconnaître le « côté pathologique. Ces deux caractères, déviation et affaiblis-« sèment de la vue, deviennent à-peu-près négatifs, parce que, c d'une part, la déviation est souvent aussi prononcée d'un côté « que de l'autre, et que, d'autre part, dans ce genre de loucherie, « la vue est ordinairement à-peu-près également bonne des deux « côtés. Dans ce cas l'opérateur n'a pour guide cpie des nuances « des deux grands signes précités. Il faut étudier le strabique avec « un soin tout particulier; lui faire examiner des couleurs et des « dimensions variées, à des distances cpii varient également, tan-« tôt avec un œil, tantôt avec l'autre. Nous avons rencontré des tt louches que nous avons soumis à cet examen pendant plusieurs « jours de suite, et toujours nous avons fini par reconnaître que « l'un des deux yeux était plus faible que l'autre. Nous avons « opéré le plus faible, et toujours, nous avons vu la loucherie « sympathique du côlé opposé disparaître par cette seule opéra-« tion. » (page 7/1).
Un autre signe important pour reconnaître l'œil pathologique consiste dans la dilatation plus grande de la pupille. Mais ce
a
signe, dit M. Baudens, n'est pas constant; parfois il manque, et dans certains cas même sa valeur est inverse. Ce chirurgien a vu plusieurs fois, dans le strabisméconvergent, la dilatation pupillaire plus grande du côté non dévié. Dans un autre cas, où le strabisme étant égal des deux côtés, la dilatation était plus grande du côté droit, M. Baudens ayant remarqué, dans une série d'expériences répétées pendant plusieurs jours de suite, qu'en faisant fixer au strabique des objets qui exigent une attention forte, sur cinq épreuves l'œil gauche louchait quatre fois, se détermina, sur cet indice, à opérer cet œil et guérit son malade. En somme, le signe que l'auteur regarde comme le moins trompeur est la faiblesse plus grande de la vue caractérisant l'œil le plus affecté. « Pour consta-« ter, dit-il, cet état, nous séparons la face en deux parties, en « plaçant sur la ligne médiane une cloison ; puis, faisant alterna-« tivement lire d'un côté et de l'autre, au grand étonnement des « louches qui, souvent, ignorent qu'ils ont la vue faible d'un « côté, on ne tarde pas à découvrir ce côté faible. Pendant ces « épreuves, il faut laisser les yeux ouverts, sans baisser la pau-. pière de l'un des deux, sans quoi on amènerait le redressement « de l'œil strabique, et les épreuves n'auraient plus la même « portée. »
/|° Strabisme double sensiblement égal des deux côtés. On en juge par les mêmes épreuves quand elles donnent, à des jours différens, à-peu-près les mêmes résultats des deux côtés. Mais cette concordance, en quelque sorte, dans le désordre fonctionnel, est rare comme elle doit l'être. Ce sont ces cas qui nécessitent une double opération. Nous avons vu plus haut qu'ils ne se rencon-trent guère qu'une fois sur vingt-cinq.
Détermination des muscles qui concourent au strabisme.
La séméiologie du strabisme n'est point encore assez avancée pour faire prévoir à l'avance avec certitude le nombre de muscles qui concourent à la déviation. En thèse générale si l'œil se porte franchement dans une direction déterminée, mais qu'avec un peu il'effort de la part du malade il puisse encore être ramené à la di-rection contraire : si, par exemple, comme le dit M. Baudens, le strabisme convergent est bien direct en dedans ou le strabisme divergent bien direct en dehors, et. que cependant l'œil, sans trop de difficulté, se tourne vers l'angle opposé, il est probable que le cas est simple et qu'il suffira pour le guérir de la section isolée du droit interne, dans le premier cas, ou du droit externe dans le second. Mais si l'œil est très enfoncé, s'il garde invariablement sa position, ou ne se déplace que très peu et avec de grands efforts, il est présumable que la section du muscle vers lequel l'œil est en-traîné sera insuffisante, les deux plus voisins, au moins, devant concourir à la rétraction. Il en sera de même du strabisme direct supérieur ou inférieur, si tant est que ce dernier existe. Pareille-ment si la déviation se présente régulièrement à angle de 45 de-grés, sans enfoncement de l'œil dans le sens delà rétraction ni proé-minence à l'autre extrémité du diamètre, on doit supposer que les deux muscles voisins, soit les droits interne et supérieur, in-terne et inférieur, externe et supérieur, externe et inférieur, con-courent pour une même part, mais tous deux faiblement, au stra-bisme de même dénomination. Si l'œil au contraire est très en-foncé, surtout s'il est proéminent, il y a lieu de penser que les obliques concourent à la déviation. Mais comme dans ces actions complexes, l'influence proportionnelle de chaque muscle peut se trouver plus au moins exagérée ou masquée par celle des autres, le chirurgien ne saurait asseoir un diagnostic précis, et déterminer nettement à l'avance quels sont ceux cpii devront être coupés, dans quel nombre et dans quel ordre? Ce que dit M. Dufresse-Chassaigne, qu'en pareil cas, la pratique est le meilleur guide, ne nous semble exprimer rien autre chose que le vague du diagnostic et les tâtounemens du chirurgien coupant à l'aventure un muscle après l'autre sans trop savoir, dans une analyse aussi difficile, si telle section ne sera pas un contre-sens qui en nécessiterait plu-sieurs autres que l'on aurait pu éviter. Si le redressement n'est pas opéré après la division d'un ou deux muscles, le conseil le plus sage est d'attendre pendant quelques jours pour s'assurer que le strabisme continue, et tâcher alors d'en reconnaître la cause, rien n'étant plus ordinaire, au dire de tous les chirurgiens strabistes, que la persistance d'une, déviation quelconque après l'opération, par l'effet de la contraction spasmodique des muscles qui est le ré-sultat de la douleur.
MANUEL OPÉRATOIRE.
Appareil instrumental. A peine y a-t-il deux ans qu'existe l'o-pération du strabisme et déjà la chirurgie est tellement encom-brée par la masse d'instrumens qui s'y rapportent, que la mémoire se fatigue à discerner, dans cette foule de petits outils, qui tous se ressemblent, leurs prétendues applications spéciales. Chaque té-notomiste a sa boîte un peu différente de celles des autres. Chaque instrument est modifié pour des motifs très importans, au dire de l'auteur, fort puérils suivant les autres, et qui, au fond, ne valent souventpas lapeined'ètre cherchés. M. Phillips, que l'on doit s'at-tendre à trouver fort au courant de cette matière, donne une liste de soixante-cinq instrumens, et nous en avons vu un grand nom-bre qui n'y sont pas compris. Rien n'est plus simple pourtant que l'appareil instrumental véritablement obligé. Un dilatateur des paupières ou deux crochets mousses élévateur et abaisseur; une érigne simple et une double pour enfoncer dans la sclérotique, gouverner le globe de l'œil et maîtriser les mouvemens de ses muscles; une ou deux pinces à griffes pour saisir la conjonctive; une pince plate garnie d'une éponge pour absterger le sang; un crochet mousse propre à glisser sous le muscle ou son tendon ; des ciseaux mousses droits ou courbes, ou un myotome de dimen-sions convenables, pour les sections. Cet appareil défini il est peu nécessaire de connaître, et très inutile de posséder à-la-fois, trois releveurs des paupières de Pellier, MM. Casse et Comperat; quatre ou cinq abaisseurs de MM. Dieffenbach, Phillips, Guérin, Char-rière, Lucas; huit dilatateurs de MM. Langenbeck, Rigal, Siebel, Charrière, Relley, Furnari, Velpeau; des blépharostats de MM. Charrière et Bouvier ; six variétés d'érignes à un, deux, trois crochets de MM. Charrière, Guérin, Phillips, Carrón du Villards, Sédillot, Adams; quatorze bistouris et myotomes de MM. Adams, Guérin, Doubowitski, Lucas, Sédillot, Velpeau, Gairal, Carrón du Villards, Phillips; une dizaine de crochets mousses des mêmes auteurs, six ou huit variétés de ciseaux droits et courbes qui sont tout simplement des ciseaux de chirurgie, de dimensions diverses, comme tout le monde les connaît; enfin un dédale de pinces à griffes, à larges mors, à érigne, à crochet, etc., etc., complétant cette myriade d'instrumens dont les trois quarts sont déjà sans emploi.
Position du malade. Elle est la même que pour la cataracte. Le malade est assis sur une chaise, la tète appuyée sur la poitrine d'un aide placé debout derrière lui. Cet aide, qui fixe et em-
brasse la tête du malade, sert en même temps à F opération. D'une main il tient l'élévateur de la paupière supérieure, et de l'autre il maintient fermé l'œil sain. Dans quelques procédés pour-tant, ou bien, si l'on n'a pas un nombre d'aides suffisant, la seconde main est employée à tenir l'érigne qui gouverne les mouveniens de l'œil. Cette double difficulté de contenir les mouveniens de la tète et de bien relever la paupière supérieure, en prévoyant à mesure les divers temps de l'opération , fait de ce premier aide un personnage essentiel dont les fonctions ne peuvent être con-fiées qu'à une personne habile et intelligente. Un second aide placé à la droite du chirurgien , tient l'abaisseur de la paupière inférieure et souvent l'érigne qui gouverne le globe de l'œil; un troisième éponge et fait le service des instrumens. Enfin un quatrième aide s'empare des mains de l'opéré, pour contenir ses mouvemens. À la rigueur deux aides suffisent dans la plupart des cas pour opérer sur des adultes ou sur des enfans calmes et courageux; mais si le malade est un de ces enfans indociles et pusillanimes , comme il s'en rencontre tant, plusieurs aides sont nécessaires, seulement les fonctions des deux derniers peuvent, être remplies par des assistans.
méthodes et procédés opératoires.
Il existe deux méthodes opératoires de section des muscles : la section à découvert après celle de la conjonctive et la section sous-conjonctivale ; c'est à la première que se rapportent presque tous les procédés. Pour éviter toute ambiguïté et les réclamations auxquelles pourraient donner lieu des interprétations erronées qui se glissent si facilement dans des sujets si nouveaux, quand ils auront décrit leurs procédés, nous laisserons parler les au-teurs eux-mêmes.
Section à découvert.
Procédé de m. Dieffenbacu. En voici la description donnée par M. Verbaeghe {Mémoire sur le Strabisme), qui l'a vu em-ployé par l'auteur sur près de 3oo louches.
Appareil instrumental, i releveur de Pellier, i abaisseur à deux crochets mousses , 2 érignes simples, i érigne double,
1 paire de ciseaux courbes sur le plat, i pince à griffes, i paire de ciseaux courbes sur le côté, i petite spatule, i crochet mousse,
2 scalpels convexes, i bistom'i myotome boutonné, courbe.
Le malade est placé commenous l'avons dit plus haut, vis-à-vis d'une fenêtre bien éclairée; le chirurgien est assis sur une chaise un peu plus élevée , devant son malade, et un peu de côté pour ne pas se faire ombre à lui-même. Suit le texte original :
« Je suppose que ce soit l'œil droit qui louche, c'est sur lui cpie l'opération est la plus simple. Le chirurgien place l'élévateur de Pellier sous la paupière supérieure et le donne à tenir à l'aide situé derrière le malade; celui-ci le prend de la main droite; l'abaisseur de la paupière inférieure est tenu par l'autre aide, qui s'assure en même temps des mains du malade. Ensuite l'opé-rateur, fermant ou faisant fermer l'œil sain, ordonne au malade de porter son œil en dehors, et implante un petit crochet aigu dans la conjonctive, près de la caroncule lacrymale. Quand l'œil reste convulsivement tourné dans l'angle interne, ce qui arrive assez souvent, l'opérateur prend le crochet delà main gauche, et le glisse à plat sur le globe oculaire vers l'angle interne, au-dessus des paupières. Après l'y avoir enfoncé à distance convenable, il imprime un léger mouvement au manche , de manière à incli-ner la pointe du crochet en arrière ; puis, saisissant la conjonc-tive, il peut alors tirer l'œil en dehors. Ce crochet est tenu par la main gauche de l'aide situé derrière le malade. Le chirurgien implante ensuite son second crochet dans la conjonctive plus près de la cornée, à la distance de i ligne et demie (3 à 4 milli-mètres) de celle-ci, et le tient lui-même de la main gauche. La conjonctive étant alors soulevée par les deux crochets en forme de pli, l'opérateur, armé des ciseaux courbes, y fait une section, et continue de donner de petits coups de ciseaux, jusqu'à ce que le muscle soit en vue, en même temps qu'avec le crochet, tenu de la main gauche , il porte l'œil un peu plus en dehors. Il dépose alors les ciseaux, prend le crochet mousse, et le glisse entre la sclérotique et le muscle; il dégage ensuite son crochet aigu, qui devient inutile , et prend le crochet mousse de la main gauche devenue libre. Pour finii l'opération, il ne s'agit plus que de couper le muscle sur le crochet mousse, ce qui se fait avec les mêmes ciseaux qui ont déjà été employés, et au même instant l'œil, comme délivré du lien qui le tenait enchaîné, se met dans sa position normale. On fait ensuite quelques lotions d'eau froide pour enlever le sang, et on fait ouvrir au malade les deux yeux pour s'assurer s'ils sont en parallélisme.
« Si l'œil gauche est affecté de strabisme, le procédé n'est que légèrement modifié, et l'opération peut se faire également de la main droite. L'aide situé derrière le malade tiendra l'élévateur de la main gauche et le crochet de la droite; alors l'opérateur passe son bras gauche transversalement au-devant du front, prend un point d'appui sur lui, et de sa main courbée tient le crochet qui doit porter l'œil en dehors. L'opération ne dure qu'un peu plus d'une minute. »
Tel est en détail le procédé original dont émanent tous les au-tres, à l'exception de celui de M. J. Guérin.
Procédé de M. C. Phillips ( Ténotomie sous-cutanée, page 245). « L'opérateur se place debout en face du patient : il in-troduit sous la paupière supérieure l'élévateur cpi'il confie à l'aide placé derrière le malade. Il pose l'abaisseur sur la paupière infé-rieure, et il le donne à l'aide placé devant le malade. Les pau-pières sont ainsi largement écartées ; les aides chargés de cet écar-tement doivent donner toute leur attention à la fonction dont ils sont chargés, car s'ils abandonnent l'une ou l'autre paupière, ils peuvent compromettre toute l'opération.
« Le chirurgien accroche la conjonctive avec ses deux petites érignes(pl. E, fig. 3 et 4) qu'il place entre la caroncule lacrymale et le globe de l'œil ; il en confie une à l'aide placé derrière et il garde l'autre. Il coupe en travers le lambeau de membrane muqueuse qui a été soulevé, et pénétrant dans Y orbite (sous la conjonctive) par cette ouverture, il introduit le crochet mousse pour aller à la recherche du muscle contracté. Cette manœuvre est exécutée avec facilité; il suffit de placer le crochet sur le bord supérieur du muscle , et de tirer un peu en avant pour charger le muscle et le rendre saillant sur le crochet. C'est alors qu'il faut achever la dissection du muscle pour l'isoler entièrement ; l'extrémité des ciseaux est portée entre le muscle et le globe de l'œil, afin de dé-truire toutes les adhérences, et ensuite le muscle est coupé en travers. L'œil fait un mouvement en dehors et l'opération est achevée en réséquant l'attache tendineuse qui vient d'être di-visé. »
De la lecture attentive de cet énoncé, comparé à la relation de M. Verhaeghe, il résulte cpie le procédé de M. Phillips n'est
exactement que celui de son maître M. Dieffenbach, si ce n'est dit M. Dufresse-Chassaigne, que le chirurgien , au lieu d'être assis, se tient, debout. J'y vois pourtant encore une autre diffé-rence, c'est qu'il y est question de la résection de l'attache tendi-neuse dont il n'est point fait mention dans le récit de M. Verhae-ghe, soit par oubli, soit parce que cette circonstance est étrangère au procédé original; résection qui a valu à M. Phillips des cri-tiques fondées, puisqu'elle n'est point pratiquée par les an-Ires opérateurs, M. Baudens peut-être excepté, sans qu'il en ré-sulte d'inconvénient. Au reste, malgré l'évidente conformité de ce procédé avec celui de Dieffenbach, je n'ai pas cru néanmoins devoir le passer sous silence , tel qu'il est, non à cause de la va-leur originale dont il est complètement dépourvu, mais parce qu'ayant été démontré l'an dernier à Paris, par M. Phillips, l'im-portation du crochet mousse et de la manière de fixer la scléro-tique, en faisant, voir là les causes des revers que l'on avait essuyés jusqu'alors, a servi, à ce qu'il me semble, de base et de point de départ pour les modifications et les divers procédés dont nos chirurgiens ont depuis enrichi l'opération du strabisme.
Procédé de M. Lucas. Ce chirurgien de Londres, l'un des premiers qui aient suivi l'exemple de M. Dieffenbach , a opéré delà manière suivante : L'œil sain étant, couvert avec un mono-cle , pour fixer l'œil malade , un aide a relevé avec un spéculum la paupière supérieure, et un autre aide a abaissé avec ses doigts la paupière inférieure. J^e chirurgien ordonnant alors à la malade de porter son œil en dehors autant que possible , a saisi avec des pinces carrées et plates la conjonctive au côté interne de l'œil, et l'a divisée verticalement, de bas en haut, dans une hauteur de 5 lignes (i i millimètres) , avec un petit bistouri (Phillips) ou un couteau à cataracte (Dufresse). Une érigne double, implantée dans la sclérotique a servi à tirer l'œil en dehors, puis le chirur-gien éprouvant de la difficulté à isoler le muscle, M. Hingest.on, présenta l'opération a conseillé de passer dessous un stylet dont l'introduction, le plus près possible de l'insertion à la sclérotique, en a facilité la section avec des ciseaux courbes.
Celte relation, qui est. celle d'une première tentative , en même temps qu'elle montre les hésitations que l'expérience n'avait pu encore surmonter, offre tout le mérite d'une création originale. File indique, en outre, qu'à cette époque on ne connaissait pas encore à Londres le crochet de Dieffenbach.
Le procédé mis en usage par M. Roux n'est autre que celui de Dieffenbach , seulement il en a fait cannelerlapetite spatule dont ¡1 se sert pour guider le bistouri sur le muscle.
Procédé de M. Ferrall. Voici comment il est décrit par M. Gairal (Du Strabisme, page 46). « La paupière supérieure est relevée (par un aide) avec un spéculum , un autre aide abaisse l'inférieure avec les doigts. La caroncule lacrymale est poussée en dedans avec une très petite érigne double ; aucun moyen n'est, employé pour tirer l'œil en dehors. L'opérateur saisit alors avec des pinces un petit point de la conjonctive à quelques lignes de la cornée, la relève et la divise d'un seul coup avec de petits ci-seaux angulaires: voilà le premier temps. On laisse reposer l'œil pendant quelques secondes, puis écartant de nouveau les pau-pières, on engage une petite érigne mousse entre les lèvres de la petite plaie de la conjonctive, et on accroche par là le tendon du muscle : voilà pour le second temps. Alors une laine de ciseaux angulaire est glissée sous le muscle pour le couper à l'endroit de son adhérence avec la sclérotique. »
M. Phillips reproche à ce procédé I interruption inutile qui sépare les deux temps. Une autre objection qui nous paraît plus grave, est de n'employer aucun moyen pour attirer l'œil dans la direction contraire à la déviation , ce qui restreindrait l'opération aux cas de strabisme les plus faibles et la rendrait impratiquable toutes les fois que l'œil est très mobile et un peu enfoncé, c'est-à-dire, dans les cas les plus nombreux. Au reste il ne faut pas prendre dans un sens trop absolu une description qui n'a peut-être été faite que d'après quelques premiers essais; mais alors, pour peu que le procédé soil modifié, il se confond avec tous les autres.
Procédé de M. Liston. Celui-ci se distingue par la plus stricte économie dans les ressources auxiliaires. Un aide fixe la tête du malade et relève la paupière supérieure avec l'élévateur de Pellier ou tout simplement avec les doigts: pour tout le reste le chirur-gien doit se suffire à lui-même. 11 abaisse avec un doigt de la main gauche la paupière inférieure; puis, saisissant avec une pince à ressorts et à mors plats, le pli oculo-palpébral de la conjonctive , dans le point: où il veut opérer, il dépose sur la joue et abandonne à elle-même la pince qui, par son application et son poids, maintient la paupière inférieure écartée. Libre d'agir alors, l'opérateur peut se livrer à toutes les manœuvres nécessaires pour la section du muscle rétracté, soit que l'œil étant peu mobile et peu dévié, il puisse immédiatement pratiquer la division , soit au contraire qu'étant difficile à fixer dans la position convenable, il se trouve obligé de le maîtriser de la main gauche avec l'a pince suspendue elle-même ou avec une érigne, tandis que la main droite opère la section avec des ciseaux.
Si je ne me trompe, on reconnaît suffisamment à la lecture que ce procédé ne saurait être pris au sérieux comme une formule générale également applicable à tous les cas. Evidemment l'opé-rateur ne saurait s'en tirer quand l'œil est très difficile à fixer; mais d'un autre côté je ne pense pas, comme je l'ai entendu expri-mera quelques chirurgiens, que l'opération simplifiée à ce point soit impossible. L'auteur est homme habile et de mérite , et ce qu'il annonce avoir fait, assurément, il l'a fait. Seulement, conve-nons qu'avec un aide déplus, qui abaisse la paupière inférieure et concourt à fixer l'œil, les manœuvres en seront toujours plus sûres et plus faciles. L'opération du strabisme n'étant pas de celles cpie l'on soit forcé de pratiquer d'urgence , dans l'absence des moyens nécessaires , je doute que l'exemple de M. Liston trouve beaucoup d'imitateurs, et quant à moi, son procédé me semble moins une suite de préceptes àsuivre, qu'une protestation spirituelle contre l'emphase ridicule de quelques ténotomistes qui, pour opérer une petite section sous les paupières, réclament un plus grand nombre d'aides, d'instrumens et de moyens de toute sorte, qu'il n'en faut aux grands chirurgiens pour pratiquer les opérations les plus graves.
Procédé de M. Sédiulot. L'auteur, dit-on, opère son ma-lade couché. Cette condition a pu être posée dans les premiers temps; niais aujourd'hui, avec l'expérience acquise par un grand nombre de chirurgiens, sur une masse immense de faits, de la rapidité de l'opération , le malade étant assis, nous ne croyons pas qu'un homme du mérite de M. Sédillot tienne à la situation du décubitus qui, par son appareil embarrassant, et les lenteurs qu'elle entraîne tant de la part du malade que dans les manœu-vres, nous semble allonger inutilement l'opération. Quoi qu'il en soil de la position du malade, M. Sédillot fixe l'œil en dehors
avec une érigne à trois brandies dont les crochets sont renflés à trois millimètres de la pointe, pour qu'ils ne s'engagent pas trop avant dans la sclérotique. Cette érigne étant confiée à un aide , le chirurgien saisit avec une pince un pli de la conjonctive, le divise avec des ciseaux , et glisse sous le muscle mis à découvert une petite spatule cannelée sur laquelle il pratique la section avec les mêmes ciseaux. Faites d'abord tout simplement asseoir le ma-lade, et tout ce procédé est simple et rapide.
Procédé de M. Sicuel. Le but de cet ophthalmologiste sem-ble être aussi de faire tout par lui-même, et sous un rapport il enchérit encore sur M. Liston. Comme les autres pourtant il a ses instrumens, au nombre de trois : une petite érigne de Richter, des ciseaux très courbes sur le plat et un crochet mousse et très aplati. Son opération se divise en deux temps. (Pl. C, fig. 8, 9.)
Premier temps. Le malade assis, la tête appuyée sur un corps résistant, tourne l'œil en haut et abaisse lui-même sa paupière inférieure avec l'index; c'est-à-dire que c'est le patient, parla seule force de sa volonté, qui doit contenir ses propres paupières ; tout au plus, si ce malade est pusillanime, l'auteur avoue-t-il qu'il faudrait le concours d'un aide. Un semblable précepte de la part d'un oculiste de profession adroit de surprendre. Il suffit d'avoir opéré ou vu opérer quelques strabiques pour savoir à quel point il est difficile de bien maintenir écartées les paupières; que la moindre inadvertance à cet égard suffit pour faire manquer l'opération; et que c'est pour n'avoir pas su faire face à cette condition que les premiers opérateurs ont échoué avec le procédé de Stromeyer. A notre avis, s'il y avait un aide, il ferait tout aussi bien , tout en abaissant avec un crochet la paupière infé-rieure, de s'armer, pour la paupière supérieure, de l'élévateur de Pellier, ou le chirurgien, s'il tient à être seul, et s'il ne craint pas les mouvemens inconsidérés ou involontaires du malade, de-vrait-il avoir soin de fixer préalablement les paupières par un rétracteur, comme on en possède plusieurs ; encore, dans ce cas, laisserait-on à découvert l'œil sain, ce qui n'est pas moins contre tous les préceptes que d'abandonner le malade à ses propres mouvemens. Quant au reste, l'opérateur accroche avec l'érigne tenue de la main gauche la conjonctive un peu au-dessous et à deux millimètres en dehors de la caroncule lacrymale, divise d'un coup de ciseaux la membrane muqueuse, et glissant dessous la pointe de l'une des lames, achève de la couper de bas en haut dans l'étendue convenable ; il éponge ensuite le sang et laisse re-tomber les paupières : tel est le premier temps.
Deuxième temps. Lorsque le sang est arrêté (ce qui peut durer long-temps), l'opérateur soulève avec le pouce de la main droite la paupière supérieure, et ordonne au malade de regarder droit devant lui (s'il le peut), pour, dit le texte , que le muscle soit dans le plus grand relâchement possible ; le chirurgien fait alors glis-ser de haut en bas, sous le muscle, le crochet tenu de la main gauche , et delà main droite, armée de ciseaux courbes dont la convexité est tournée vers le nez, introduit en se guidant sur le crochet plat l'une des branches sous le muscle, qui doit être coupé d'un seul coup. En somme , le second temps n'est qu'une partieduprocédédeDieffenbach; et, quantau premier, nous avons suffisamment indiqué les singularités qui nous le font considérer comme impraticable. En un mot, ce qui manque à ce procédé , c'est l'ensemble de précautions indispensables auxquelles tout le inonde a recours; mais, à la vérité , si l'auteur faisait comme les autres, il n'y aurait plus de procédé, car ce serait celui de tout le monde.
Jusqu'à présent nous n'avons donné à la suite des deux pre-miers inventeurs que les procédés qui ont été le moins employés, nous allons maintenant présenter l'exposition de ceux qui ont supporté l'épreuve delà plus large expérimentation. Ce qui saisit au premier aperçu, c'est qu'ils sont bien distincts les uns des au-tres et du procédé de l'inventeur , et plus variés , plus originaux , chacun en soi, que l'on n'aurait dû s'y attendre dans un sujet en apparence aussi restreint. Nous commencerons par M. Baudens , celui de nos chirurgiens qui s'est le plus particulièrement occupé de strabisme, qui a opéré le plus grand nombre de malades, le plus fait, et tracé, pour tous les cas, les meilleurs préceptes sur cette matière.
Procédé de M. Baudens. Les instrumens sont : l'élévateur de la paupière supérieure, de Pellier; le crochet abaisseur de la paupière inférieure, de M. Charrière; une érigne simple ; une érigne double ; deux myotomes courbes sur le plat et concaves sur le tranchant, un pour chaque angle de l'œil ; un crochet-bistouri, dont le manche porte à son autre extrémité une pince plate fermant parmi bouton, et garnie d'uneéponge; enfin des ciseaux courbes. I Suit pour l'opération, le texte de l'auteur,V\. C, fig. i, 2, 3, 4 5.)
« Le strabique est assis sur un tabouret en face d'une fenêtre , ses paupières tenues écartées avec l'élévateur de Pellier et l'a-baisseur de M. Charrière. Nous enfonçons d'un coup sec une petite érigne à crochet unique, mais fort, dans l'angle de ré-flexion oculo-palpébral de la conjonctive, et un peu au-dessus du diamètre transversal de l'œil, si, comme dans ce cas, il s'agit d'un strabisme convergent, pour saisir l'attache musculaire; et, prenant sur elle un point fixe, nous faisons effort comme pour redresser l'œil. Par cette manœuvre se dessine en relief bien senti, et traduisant une véritable corde, le muscle strabique; nous passons sous lui, sans toutefois chercher à l'embrasser en entier, un petit bistouri à tranchant concave, courbe sur le plat de la lame etlarge à son talon ; courbe sur le plat, pour éloigner sa pointe du globe de l'œil à mesure qu'il chemine ; large à son talon, pour que l'incision des parties à diviser soit presque accomplie au mo-ment où la lame de l'instrument est arrivée au bout de sa course.
« Dans ce premier temps opératoire, la gaine est ouverte, et une partie du muscle lui-même a été coupée; nous engageons alors sous ce dernier notre crochet-bistouri pour le soulever et le couper d'un seul coup de ciseaux. L'aponévrose d'enveloppe ocu-laire est ensuite débridée plus ou moins largement, selon les indi-cations, haut et bas; nous faisons effort de nouveau sur l'érigne pour soulever la greffe musculaire adhérente au globe, et d'un seul coup de ciseaux nous enlevons en entier cette greffe, ainsi qu'un lambeau conjonctival, afin de bien nettoyer la plaie et de ne pas laisser de mâchures sur lesquelles viennent plus tard s'enter des granulations qui forment des excroissances. » ( Le-çons, etc., p. 25.)
Plus loin (page 79), dans un passage où l'auteur résume son procédé, il recommande après avoir débridé les angles de l'apo-névrose oculaire, « de bien examiner l'insertion musculaire, et de se convaincre que pas une seule fibre n'a pu échapper au tranchant de l'instrument. »
Tel est le procédé de M. Baudens qui ne ressemble à aucun autre. Son exécution, entre les mains de son auteur, ne dure que quinze ou vingt secondes. C'est ainsi que nous avons vu cet ha-bile chirurgien opérer, en une seule séance, jusqu'à 4o malades.
Procédés de M. Velpeaïj. Deux procédés ont été publiés par le professeur de Clinique de la Charité; nous les rapportons ici tous les deux, quoique le premier n'ait eu qu'une valeur d'essai.
Premier procédé {Gazette des hôpitaux du 17 septembre 1840). « Le malade étant assis devant une fenêtre, on écarta les pau-pières avec l'élévateur de Pellier et un crochet mousse pour abais-seur, en les plaçant, non sur la muqueuse, mais sur la peau, près des cils. On fit porter l'œil dévié aussi en dehors que pos-sible, puis on enfonça, tout près de la caroncule lacrymale, une petite érigne double qui dut pénétrer jusque dans la sclérotique pour faire tourner le globe ocidaire en dehors, et on la donna à tenir à un aide. Alors M. Velpeau prit de la main gauche une autre érigne simple, la dirigea en contournant le globe oculaire, d'abord horizontalement au-dessus du muscle à inciser; puis, par un mouvement de bascule de bas en haut, abaissa le crochet verticalement et en arrière du muscle, sans avoir traversé autre chose que le point de conjonctive qui lui avait donné passage. Il tira l'érigne doucement en avant, y amena le muscle recouvert de la conjonctive en forme d'anse; prit un petit bistouri étroit, concave sur son tranchant, et de la forme d'une serpette allongée, l'insinua entre l'œil et l'érigne que tenait toujours la main gauche, et le retira en glissant de haut en bas et d'arrière en avant. De cette façon il divisa transversalement le muscle droit interne et la conjonctive par une seule incision qui eut pour étendue une ligne égale à la hauteur du muscle et à l'épaisseur de l'instrument. »
Ce premier procédé qui emprunte à-la-fois à celui de M. Dief-fenbach et à celui de M. Baudens, mais en s'éloignant également de l'un et de l'autre, avait déjà , par cela même, une valeur ori-ginale. Son exécution est précise et peu difficile. Mais peut-être le dernier temps ne donnait-il pas toutes les garanties d'une sec-tion complète, condition au reste à laquelle il eût été facile de satisfaire par un examen ultérieur.
Deuxième procédé {Procédé actuel). Celui-ci, qui constitue le procédé ordinaire de M. Velpeau, et auquel il se tient définitive-ment, ne ressemble en rien au premier. En voici la description d'a-près la Gazette des hôpitaux du 19 janv. i84i- (PL B, fig. 4? 5,6.)
« Les deux paupières étant préalablement écartées (1) , le chirurgien saisit avec une pince à griffes la conjonctive et le muscle rétracté, près de l'attache de celui-ci à la sclérotique; une seconde pince à griffes est ensuite appliquée sur la conjonctive, près de la cornée, et confiée à un aide si l'on opère sur l'œil gauche ; elle est au contraire tenue par le chirurgien si l'on opère sur l'œil droit. Une traction légère et en sens opposé de ces deux instrumens donne lieu à un repli transversal de la muqueuse oculaire. C'est sur ce point qu'avec des ciseaux droits et mousses, le chirurgien divise et la conjonctive et la portion du muscle saisie par la première pince. Cela fait, pour bien s'assurer que la division est complète et qu'il ne reste aucune fibre capable de reproduire la difformité, il passe dans le fond de la plaie un crochet mousse semblable à celui de M. Phillips, et si cet in-strument ramène une portion du muscle non divisée, il la sépare avec les ciseaux. »
Nous aimons ce procédé de M. Velpeau, simple , expéditif, clair, dégagé de tout appareil instrumental et qui n'exige aucune
(i) Depuis celte relation M. Velpeau a adopté un rétracteur particulier en fil de fer (Pl. 6 fig. B) qui retient parfaitement les paupières écartées, de sorte que le chirurgien n'a besoin pour opérer, que d'un, ou au plus de deux aides.
habileté toute spéciale. Il n'est pas douteux que, dans les autres procédés, les instrumens que l'on y emploie ne soient utiles et ne facilitent l'opération; mais ce cpii nous plaît dans celui-ci, c'est qu'il sort le strabisme delà spécialité pour le faire rentrer dans le courant de la chirurgie ordinaire : deux pinces et des ciseaux voilà tout. A la vérité il est utile que les pinces soient à griffes et les ciseaux d'une forme et d'une dimension déterminée; mais à la rigueur on conçoit que de bonnes pinces ordinaires et de petits ci-seaux moiisses peuvent suffire au besoin ; et si, pour le chirurgien éloigné des grandes villes, il ne peut être d'urgence d'opérer le stra-bisme, du moins est-il bon, s'il veut opérer, qu'il n'ait à se servir que d'instrumenspeu différensde ceux dont l'usagelui est familier.
Modification de M. Dufresse-Chassaigne. Ce jeune chirurgien a eu l'occasion d'opérer cent dix-sept fois le strabisme par le procédé de M. Velpeau, mais avec quelques modifications; ainsi, il saisit avec la pince le muscle en même temps que la conjonc-tive pour ne pas risquer de décoller cette membrane et mieux contenir l'œil. Il se sert, pour la section, du crochet de Dieffen-bach dont il a fait user les biseaux vers le bout pour en faciliter l'introduction. Enfin, il excise, comme MM. Baudens et Phillips avec l'attache tendineuse une portion de la conjonctive.
Procédé de M. Amussat. C'est encore dans la Gazette des hôpitaux (juillet 184 • ) que M. Amussat a consigné son procédé opératoire: mais c'est dans la nouvelle brochure de M. L. Boyer que je puiserai les renseignemens nécessaires sur l'opération qu'il annonce lui être commune avec son beau-frère. L'objet de M. Amussat a été d'éviter l'enfoncement de la caroncule entre l'œil et la paroi interne de l'orbite, qu'il croit le résultat de l'in-cision verticale pratiquée au-devant dans la plupart des procé-dés. Il s'est donc proposé « de laisser intact le repli semi-lunaire de la conjonctive et la portion de cette membrane qui corres-pond à la caroncule, de manière à laisser subsister un véritable frein qui la maintienne à sa place. » A ce sujet il pratique l'incision de la conjonctive transversalement au-dessus du muscle.Toutlepro-cédé opératoire qui suit résulte de cette donnée. (Pl. D, fig. 1 et 2.)
Les instrumens particuliers sont deux pinces à griffes dont une à ressort par le mécanisme de M. Charrière et une pince-crochet également à ressort. Suit le texte du procédé opératoire :
« Le malade étant assis en face du jour, la tète appuyée sur le dossier du fauteuil, les paupières modérément écartées, je fais former, avec les deux pinces, un pli vertical à la membrane con-jonctive saisie un peu au-dessus du niveau du muscle; avec les ciseaux mousses je divise ce pli horizontalement de la cornée vers la paroi interne de l'orbite, en ayant soin de tenir l'extré-mité de l'incision toujours écartée de la caroncule. Saisissant alors avec une pince la courbe celluleuse qui se trouve au-dessous, je la soulève un peu et l'ouvre d'un coup de ciseau donné en em-porte-pièce; la sclérotique se trouve alors à découvert, bien re-cormaissable à sa couleur d'un blanc mat qui contraste avec la teinte des parties environnantes. L'extrémité du crochet mousse à deux branches pénètre alors sans aucune difficulté entre elle et le muscle qui est facilement ramené au niveau de la plaie ; et, en ayant le soin d'abaisser un peu la lèvre inférieure de l'inci-sion , je le coupe entre les deux branches du crochet. En opérant ainsi, il se fait quelquefois aussitôt, au-dessous de la conjonctive, un thrombus qui serait assez long à se résoudre, à moins que l'on ne fasse immédiatement une contre-ouverture à la partie infé-rieure; cette contre-ouverture n'offre aucune difficulté. Le cro-
chet mousse, passé par la plaie supérieure, soulève légèrement la conjonctive, la couche cellulaire, et il suffît (pour les diviser) d'un seul coup de ciseaux donné entre l'extrémité des deux branches modérément écartées. On dispose alors de deux ouver-tures situées, l'une au-dessus et l'autre au-dessous du muscle. »
De cet énoncé il résulte que le procédé opératoire de M. Amus-sat, en partie sous-conjonctival, est intermédiaire de la méthode de Stromeyer à celle de M. J. Guérin. Considéré en lui-même, ses résultats, indépendamment de l'objet particulier que s'est proposé l'auteur, ne sont pas moins favorables que ceux des autres procédés. Mais la manœuvre en est plus difficile: il exige avec l'emploi d'instrumens spéciaux, plus d'habitude et de dextérité, et laisse l'inquiétude de n'avoir pas coupé le tendon dans toute sa largeur.
SECTION SOUS-CON.TONCTIVALE.
Méthode de M. J. Guérin.
L'auteur opère par' deux procédés : l'un qui diffère peu de ceux des autres chirurgiens, et où la section se fait avec des ci-seaux, et l'autre qui est tout-à-fait spécial, et par les instrumens, et par les manœuvres; c'est le seul qui soit véritablement sous-conjonctival, et celui que son auteur pratique le plus ordinaire-ment. Les instrumens sont: i" deux refouleurs des paupières; i" deux petites érignes doubles, une lancette à ponction montée sur un manche, dont la lame incurvée offre deux tranchans laté-raux réunis au sommet à angle aigu; 3° deux myotomes cou-dés, de grandeur différente ; 4° un crochet mousse, dans le cas de section des obliques; 5° des ciseaux et des pinces.
Si on n'avait que des myotomes coudés d'un seul côté , à moins que le chirurgien ne fût ambidextre, il faudrait qu'il se transportât de l'un à l'autre côté du malade, pour couper les muscles droits externe et interne. Mais avec des tranchans tour-nés en sens inverse, la même position peut être conservée pour couper seulement avec la main droite des muscles différens.
Premier procédé (Pl. E, fig. 1,2, 3). Le malade étant couché, la tête légèrement supportée par un plan incliné, le chirurgien et les aides sont placés latéralement; un premier aide situé obli-quement derrière la tête du malade, mais un peu de côté, fai-sant face au chirurgien, relève avec l'un des refouleurs la pau-pière supérieure, de la main gauche pour l'œil gauche, de la droite pour l'œil droit, l'autre main devant tenir l'une des éri-gnes pour aider à l'opération; un autre aide abaisse avec l'au-tre refouleur la paupière inférieure. La manière dont agissent ces instrumens, dits refouleurs des paupières, est l'une des parti-cularités les plus singulières et les plus originales du procédé de M. Guérin. Au lieu que dans les autres procédés, les crochets rétracteurs s'appliquent dans le cul-de-sac oculo-palpébral de la conjonctive, pour écarter ensuite l'une et l'autre paupière, en causant sur la muqueuse une sensation désagréable, qui de-vient une cause ultérieure d'irritation , les refouleurs de M. Guérin, plus larges et coudés d'une manière convenable pour l'une et l'autre paupière, s'appliquent sur la peau à-peu-près en regard des bords périphériques des cartilages tarses, et par une légère pression enfoncent, ou, comme leur nom l'indi-que, refoulent véritablement, par adosseinent des deux surfaces cutanées, l'une et l'autre paupières, en formant un repli qui s'enfonce de chaque côté, entre le contour du globe oculaire et le bord adjacent de l'orbite. Nous avons tâché d'indiquer avec précision cette première manière que du reste les figures achè-vent complètement de faire comprendre, parce qu'il nous sem-ble que ce mode d'écartement des paupières, qui permet de les fixer, tout le temps que l'on veut, sans causer la moindre irritation, pourrait être employé avec avantage dans la plupart des opérations qui se pratiquent sur les yeux.
Les paupières étant fixées avec l'une des érignes, le chirurgien traverse la conjonctive et son fascia, et accroche la sclérotique à six millimètres de la cornée, un peu au-dessous de son diamè-tre transversal, pour fixer l'œil et. l'attirer, soit en dehors, soit en dedans, selon qu'il s'agit d'un strabisme divergent ou con-vergent. En même temps, l'aide qui d'une main refoule la paupière supérieure, de l'autre main avec la seconde érigne, accroche et soulève la conjonctive et le fascia, de manière à former un pont triangulaire. C'est dans cet espace que le chirurgien fait la ponc-tion avec la petite lancette qu'il ne fait que glisser sur la sclé-rotique; saisissant alors le myotome coudé, il introduit d'abord sa lame transversalement, et à plat, au travers de la piqûre, en insinue le sommet mousse sur le bord supérieur du muscle, et, par un mouvement de quart de cercle, la fait glisser entre le tendon et la sclérotique, de manière que la coudure du manche correspond à l'arcade sous-orbitraire (fig. 2). Cette manœuvre est terminée quand l'extrémité mousse, sensible à la vue et au toucher, apparaît à 2 ou 3 millimètres au dessous du bord inférieur du muscle. H ne s'agit plus que de faire subir au manche un quart de rotation qui incline la lame en avant, et d'exercer une petite pression pour diviser le muscle dont la section s'annonce par un bruit de craquement. L'opération terminée on retire l'instrument suivant le même trajet oblique que l'on a parcouru pour son introduc-tion et l'on réapplique exactement la conjonctive et son fascia sur l'orifice de la piqûre.
Tel est celui des deux procédés de M. Guérin auquel il paraît se tenir définitivement et qui constitue particulièrement sa méthode.Toutes ces manœuvres, pratiquées par l'auteur, se succè-dent régulièrement et avec assez de rapidité.L'opération terminée, à peine en reste-t-ilquelques traces; mais d'un autre côté, ce mode opératoire comparé aux autres a paru complexe et difficile. Il exige des instrumens particuliers, beaucoup de dextérité, une habitude spéciale, et enfin on lui reproche, non sans raison, un inconvé-nient qui balance l'avantage d'opérer sous la conjonctive : c'est, en ne voyant pas ce que l'on fait, de n'être pas certain d'avoir tout coupé. Toutefois, disons que par la forme de la lame et la ma-nière dont elle est introduite, cet accident est peu probable, et s'il survenait, facile à remédier par une nouvelle introduction .Un autre reproche que l'on a fait à ce procédé et qui nous paraît bien plus fondé, c'est le tiraillement excessif que l'on fait subira l'œil et qui quelquefois, vu la tension du muscle, fait obstacle au redres-sement de la lame nécessaire pour opérer la section.
Deuxième procédé de M. Gué/in (Fig. 5 et 6 ). Les paupières étant refoulées, comme il a été dit plus haut, et les deux érignes, tant du chirurgien que de l'aide, fixées dans leur position, avec de petits ciseaux courbes sur le plat, le chirurgien incise d'un seul coupleplidela conjonctive intermédiaire aux deux érignes : faisant alors soulever par l'aide le lambeau fibro-muqueux de ce côté, le chirurgien met à nu l'extrémité du muscle par de petits coups de ciseaux, puis insinue au dessous de la corde de rétraction l'un des mors, et pratique d'un seul coupla section : l'opération terminée, il rabat le lambeau, puis l'étalé et en affronte les bords de manière à recouvrir exactement la plaie. Le second procédé est aussi simple
el expéditif qu'aucun autre, mais à notre sens, il ne mérite pas le nom de sous-coujonclival et n'exempte nullement des inconvé-niens , s'il y en a , d'opérer à l'air libre : c'est peut-être la raison qui lait que l'auteur préfère le premier procédé
APPRÉCIATION DES PROCÉDÉS OPÉRATOIRES.
Nous avons divisé ces procédés en deux ordres ceux qui n'ont été qu'essayés ou, en quelque sorte proposés, et ceux qui ont subi l'épreuve de nombreuses applications. Ces derniers, au nombre de cinq, sont les seuls qui méritent un examen sérieux. M. Dieflenbacb compte plus d'un millier d'opérés par lui-même, outre quelques centaines , par ses élèves, en Allemagne et dans le nord. A Paris, M. Baudens compte 1100 opérés; M. Amussat 55o; M. Velpeau , tantparlui-niême que par ses imitateurs, plusieurs centaines;M. J. Guérin plus de 200. En voilà de part et d'autre plus qu'il n'en faut pour juger la valeur d'une méthode ou d'un procédé opératoire. De l'examen comparatif des résultats avoués par les auteurs, chirur-giens habiles et gens d'honneur , ces résultats semblent à un juge impartial, à-peu-près lesmêmes pour tous. Dans le plus grand nom-bre des cas, peut-être comme 1 esta 10 ou 12, un succès complet; puis quelque demi-succès, des cas de nécessité d'une opération nouvelle ou des récidives sans espoir. Ainsi donc, et quoique le diagnostic et les indications opératoires du strabisme laissent encore beaucoup à désirer, du moins, comme résultat général, il paraît bien que la myotomie du strabisme doit être admise à pren-dre rang dans la chirurgie parmi les opérations les plusheureuses et les moins offensives. Mais quant au choix du procédé, en est-il un qui mérite une préférence générale sur les autres ? Y a-t-il entre eux des nuances d'indication ou de résultats, et peut-on préciser les cas où l'un d'eux doit être préféré aux autres? Quoiqu'ayant vu tout ce que l'on a fait, et lu à-peu-près tout ce que l'on a écrit sur cette matière, ou plutôt par cela même que j'ai tout vu et lu, je n'oserais je l'avoue, prononcer sur ces questions, et pour dire ici toute ma pensée, je crois cpie les faits sont encore trop nou-veaux, que les preuves confirmatives ou négatives ne sont pas encore toutes acquises, et que si un doute légitime plane encore sur l'opération même du strabisme dans ses résultats vrais , à plus forte raison doit-on s'abstenir de poser sur chaque procédé, entre les illusions de l'auteur et les dénigremens de ses rivaux, un juge-ment absolu que le temps et l'expérience , les juges souverains de touteschoses, viendraient probablement infirmer. Au reste, pourvu que l'opération soit bien faite, il ne paraît pas qu'entre des pro-cédés si peu différens, le choix particulier de l'un d'entre eux ait une grande importance, puisque tous paraissent également réussir dans une même proportion. Parmi les cinq qui ont été suffisam-ment expérimentés, je préférerais, quant à moi, celui de M. Bau-dens, comme étant celui qui a fourni à son auteur les meilleurs résultats en plus grand nombre; mais, du reste, je crois que, d'une manière générale, le procédé le meilleur pour chaque opérateur, est celui qu'il sait le mieux. Ce que l'on peut dire, de plus certain a surtout rapport au choix des instrumens. i° Pour fixer les pau-pièresle mieux assurément est d'employer des aides armés de cro-chets élévateur et abaisseur. Si l'on manque d'un nombre d'aides suffisans, on peut employer un rétracteur des paupières; celui de M. Velpeau est incontestablement le meilleur. 2" Pour fixer le globe oculaire, l'érigne expose à déchirer la conjonctive par la sclérotique et la cornée, accident qui est arrivé à M. Phillips en opérant sur un chambellan russe , et probablement à beaucoup d'autres et qui est survenu aussi à M. Amussat, dans une expérience sur un cheval. La pince sous ce rapport offre plus de certitude par l'opposition de ses mors. Mais on cite quelques cas où les mors plats ont causé des déchirures, des décollemens et des con-tusions graves de la conjonctive: c'est cette considération qui a fait adopter les pinces à griffes ou à trois dents Ires fines, deux sur un mors, une sur l'autre, rentrantes dans l'écartement des deux premières. En faisant mordre cette pince un peu profondément, jusque sur la sclérotique, l'oeil est fixé fortement et sans danger. 3° Enfin pour la section des muscles tous les chirurgiens s'en-tendent à employer des petits ciseaux, et à repousser les petits bistouris ou myotomes de divers genres qui mettent toujours en danger de crever l'œil, si le malade au moment de la piqûre se livre à quelque mouvement inconsidéré. Avec les ciseaux , il sera toujours facile à tout chirurgien de pratiquer avec succès l'opé-ration du strabisme, sans s'astreindre à suivre rigoureusement tel ou tel procédé.
SOINS CONSÉCUTIFS.
Pendant l'opération un aide est chargé d'étancher le sang avec une petite éponge portée par une pince à ressort qui entre dans le matériel de tous les instrumens. Après l'opération, on lave l'œil avec de l'eau fraîche et on l'examine avec attention pour s'as-surer si le redressement est complet. Supposé que cette certitude soit acquise, les soins consécutifs sont des plus simples. Quel-ques opérateurs ne font et ne prescrivent absolument rien à leurs malades, pas même découvrir l'œil dans les premiers jours, et assurent que la plaie guérit ainsi d'elle-même. Si effectivement dans beaucoup de cas il n'est survenu aucun accident cela prouve que l'opération est très inoffensive; mais il nous semble que ce n'est pas une raison pour établir la négligence en pré-cepte. M. Dufresse-Chassaigne a suivi avec les opérés les règles suivantes : L'opération terminée, il injecte doucement dans la plaie 4o à 60 grammes d'eau fraîche légèrement aluminée pour faire crisper les petits vaisseaux et tarir l'hémorrhagie. L'œil étant essuyé il applique au-devant des paupières fermées une compresse trempée dans le. même liquide et prescrit de la renouveler toutes les demi-heures le premier jour. Les mêmes applications recom-mencent les jours suivansà quelques heures d'intervalle jusqu'au 6" et 8e jour que l'on enlève définitivement le bandeau. Quelques malades, dont la vue est faible , font usage de lunettes bleues ou vertes pendant un temps convenable.
BÉSULTATS DE L'OPÉRATION.
1" EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA SECTION.
On reconnaît que l'opération a été bien faite aux caractères suivans. i° L'oeil opéré doit être replacé fixe au centre de l'orbite et la rectitude du regard pour l'œil sain, qui n'est jamais nette chez les slrabiques, doit être rétablie de manière que les deux yeux convergent également vers un même point. Toutefois on ne peut, dans les premiers instans, exiger à cet égard un résultat pré-cis, il suffit que les yeux convergent assez exactement vers un petit objet, le doigt de l'opérateur par exemple, présenté à deux ou trois mètres de distance. 2U Dans les procédés où l'on a divisé verticalement la conjonctive, la surface blanche de la sclérotique doit apparaître à nu dans toute la hauteur de l'incision. 3° L'œil Opéré ne doit pas pouvoir se tourner dans le sens de sa déviation première, circonstance dont on s'assure en ordonnant au ma-lade de fixer un doigt, que l'on offre à quelques centimètres de la racine du nez; si le strabisme était convergent, on a la même
distance de l'arcade orbitaire externe, si le strabisme était di-vergent. Que si, au contraire, l'œil tourne sur son axe vertical pour suivie le bout du doigt, ou seulement témoigne de cpielque tendance à commencer ce mouvement, c'est une preuve assurée ou qu'il reste une portion tendineuse du muscle qui n'a pas été coupée, ou que l'un des muscles voisins concourait à la déviation. Un seul filament oublié suffit, suivant M. Baudens, pour faire manquer immédiatement le bénéfice de l'opération et amener une récidive en laissant le muscle, toujours fixé par ses deux extrémités, en mesure de se cicatriser clans le même état de rétraction que la section incomplète n'a pas fait cesser. Une autre cause aussi peut se rencontrer, qui a été vue et signalée par le même chirurgien, c'est l'existence d'un petit faisceau tendineux détaché de l'un des bords du tendon principal, dont il est séparé par un intervalle celluleux, et qui s'insère isolément à un ou deux millimètres de distance. Aussitôt que l'insuffisance de la section est reconnue, il faut rechercher avec soin dans la plaie pour saisir et couper la bride que l'on peut croire faire obstacle ; mais si l'on ne trouve rien et que le muscle soit complètement rétracté, il faut, par un examen attentif des mouvemens de l'œil, tâcher de reconnaître celui ou ceux des muscles qui peuvent encore concourir à la déviation. Seulement on ne doit pas trop se hâter de pratiquer une ou plusieurs autres sections pour des motifs qui seront expo-sés plus loin.
1° modifications anatomiques prouvées par l'autopsie.
Pour une opération encore aussi nouvelle on ne devrait pas s'attendre à ce qu'il existât déjà des preuves nécroscopiques des résultats de l'opération. Cependant on possède deux cas examinés et publiés par MM. Hewez à Londres et Bouvier à Paris, de dissection, à l'autopsie, de deux yeux opérés du strabisme du vi-vant des malades, morts peu de temps après par toute autre cause, et de plus des faits de vivisections pratiquées par M. Amussat sur le cheval et le mouton. Ces opérations et vivisections donnent des faits entièrement univoques, de sorte que, à la naissance du strabisme, la théorie anatomico-physiologique de son mode de guérison se trouve immédiatement constituée.
Voici le premier fait :
Georges Clarté, âgé de 3o ans, entre à l'hôpital St-Georges, division Babington , portant un ulcère et affecté en outre de stra-bisme divergent à l'œil gauche, qui est opéré le i " décembre 1840. Après deux ou trois semaines, le strabisme se reproduit légère-ment. Le malade meurt d'une pneumonie le ier janvier i84i. A l'autopsie, l'œil ayant été soigneusement disséqué, le muscle droit externe est complètement divisé à la naissance de son tendon. Ce faisceau charnu s'était rétractée de neuf lignes (i8 millimè-tres), en arrière de la section , mais est resté toujours attaché au globe de l'œil par une forte bande de tissu cellulaire. Cette bande, large de trois lignes et longue de six, est fixée au globe oculaire à 2 lignes environ derrière la ligne de section tendineuse. La'résis-tance est telle que l'on peut tirer dessus sans la déchirer. L'auteur de l'observation pense que cette bande est formée par le tissu cel-lulaire flasque qui unit le muscle au globe de l'œil. Pour nous, en d'autres termes, ce tissu n'est que la gaine cellulaire fournie à chacun des muscles de l'œil par la mince aponévrose oculaire de M. Bonnet, de Lyon.
Il n'y a rien à ajouter à ce premier fait, que celui communiqué par M. Bouvier à M. Amussat, et les résultats des vivisections de ce dernier ne font que reproduire exactement, comme on peut s'en assurer par les dessins pris sur la nature (Pl. A, fig. 13, i4, i5, 16).
Enfin un fait semblable a été vu sur le vivant par M. Baudens. Dans un cas de récidive, vingt jours après l'opération, ce chirurgien ayant été contraint de couper une seconde fois le muscle droit su-périeur remarrpia, « cpie cette greffe était placée sur un point plus reculé que dans l'état normal. »
3° ACCIDENS QUI ONT RAPPORT A l'oPÉRATION.
i" Ecchymose. L'infiltration sanguine dans le tissu cellulaire lâche qui unit la conjonctive à la sclérotique, est un fait assez commun, surtout dans les procédés où cette membrane n'est pas largement ouverte. On y remédie par une pression légère qui évacue le sang, au besoin par une piqûre ou contre-ouverture et par des lotions légèrement styptiques. Abandonnée à elle-même , l'ecchymose se résout en i5 ou 10 jours.
2° Hémorrhagie. Ordinairement il ne s'écoule pas une petite cuillerée de sang. Néanmoins on cite quelques cas malheureux d'hémorrhagie consécutive. Le plus grave serait celui arrivé à M. S.Lanesurun enfantde onze ans, après la section du droit interne. Des hémorrhagies se succédèrent avec une telle abondance que ce chirurgien aurait été obligé de pratiquer la transfusion de cinq onces et demie de sang, après laquelle le petit malade aurait guéri.
3° Inflammation. Cet accident est plus commun, mais bien rare encore, puisque sur plusieurs milliers d'opérés, on ne rapporte que les deux cas publiés par M. Verhaeghe où l'œil ait été perdu par cette cause. Il est étonnant même que les cas d'ophthalmie n'aient pas été plus nombreux, avec l'impossibilité de donner des soins vigilans à un si grand nombre d'opérés qui se sont succédés pendant quelque temps, et dont la plupart ne revenaient pas voir le chirurgien et ne prenaient par eux-mêmes aucune pré-caution. Cette considération est l'un des argumens les plus forts en faveur de l'innocuité de la myotomie oculaire.
4° Névralgie. Je ne trouve que dans M. Dufresse-Chassaigne l'aveu d'un cas de névralgiesus-orbitaire survenue après la section des muscles droits externe, supérieur et inférieur. Il est proba-ble que cet accident doit être arrivé plusieurs fois à d'autres chirurgiens; mais toutefois le silence du public à cet égard prouve qu'il n'est pas commun.
5° Granulations. Bourgeons charnus. Laissons parler à ce sujet M. Baudens (p. 5i).
« Au bout de quinze jours il reste quelquefois dans le lien correspondant à la cicatrice, une granulation rouge, de la gros-seur d'un grain de groseille. Quand elle ne se flétrit pas sponta-nément, nous l'enlevons d'un coup de ciseau, et le plus sou-vent sans recourir à l'érigne.
« On a prétendu qu'en se resservant, cette granulation formait une cicatrice coarctée, et que cette cicatrice amenait infaillible-ment des récidives j si on ne se hâtait de couper de bonne heure le bourgeon; cette crainte nous a engagé à couper la granulation au bout de-quelques jours de développement. Cette petite opéra-tion nous a présenté des difficultés; d'une part, parce que la base en était large, proéminente, et de l'autre, parce que se lais-sant aisément déchirer sous 1' erigne, il était difficile de la fixer.
« Depuis que nous avons renoncé à cette pratique, nous atten-dons que le bourgeon soit rétréci à sa base, qu'il présente un vé-ritable collet ou pédicule, et, d'un coup de ciseaux porté sur ce
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dernier, nous l'enlevons avec une facilité et une rapidité très grandes, sans être exposé à voir surgir de nouveaux bourgeons, comme cela a lieu quand on le coupe trop tôt. »
6° Proéminence de l'œil. La saillie de l'œil avec un léger agrandissement de l'ouverture palpébrale, qui accompagne fré-quemment la section d'un seul muscle, n'est que le premier de-gré de la buphthalmie qui survient presque inévitablement après les sections multiples de quatre ou cinq muscles; à propos de ce dernier accident, nous parlerons de l'opération nouvelle imagi-née par M. Baudens pour y remédier.
7" Abolition du mouvement du muscle coupé. Il n'est pas rare, après la division d'un seul muscle droit, interne ou externe, pour un strabisme simple convergent ou divergent, que l'œil reste ha-bituellement fixe et soit absolument privé de l'espèce de mouve-ment qui constituait auparavant la rétraction. D'après ce que nous avons vu de l'anatomie pathologique du strabisme, on con-çoit que cet accident a lieu inévitablement lorsque la nouvelle implantation du muscle coupé se fait au-delà du diamètre trans-verse de la sclérotique; la paralysie partielle étant d'autant plus complète que l'insertion est plus postérieure et par conséquent plus près du centre de l'œil. C'est pour remédier à cet accident que M. J. Guérin a imaginé une nouvelle opération dont il a déjà lait plusieurs fois l'application avec succès.
Opération secondaire de M. J. Guérin (Pl. E, fig. 67).
Saisissant la conjonctive avec la petite érigne double, à deux ou trois millimètres en dedans de la cornée, comme pour l'opéra-tion ordinaire du strabisme, M. Guérin divise avec des ciseaux la membrane muqueuse et son fascia dans une hauteur d'environ huit millimètres, puis décolle et renverse le lambeau vers l'angle interne de l'œil, de manière à mettre à découvert l'ancienne inser-tion tendineuse et à entrer dans la gaîne vide du muscle rétracté; s'il se présente quelques adhérences on les détruit et, faisant péné-trer une pince dans la gaîne, en écartant avec douceur et ména-gement, on ne tarde pas à apercevoir au fond l'extrémité divi-sée du muscle. Dégageant alors l'érigne, on saisit le bout du mus-cle bien parallèlement, entre les mors de la pince, et on l'amène, en tirant avec douceur, jusqu'au voisinage de son ancienne inser-tion. Les choses à ce point, avec une aiguille ordinaire, on passe sous la conjonctive et le fascia, sur le côté opposé de la cornée, une anse de fil dont on ramène en dedans les deux chefs de ma-nière à forcer l'œil à se tourner en dedans; on fixe les deux bouts du fil sur le dos du nez avec une petite bande de diachylum, et après s'être assuré que l'extrémité du muscle se présente bien éta-lée dans la situation convenable, on la revêt avec le lambeau fîbro-muqueux cpie l'on réapplique dans sa position première, de manière à fermer la plaie. Au rapport de M. J. Guérin, au bout de deux ou trois jours il s'est formé déjà une cicatrice assez solide pour permettre l'enlèvement del'anse de fil, et, ajoute-t-il, la pré-sence de cette dernière est si peu offensive, que les malades ont pu dormir l'œil légèrement entre-ouvert et qu'il ne s'est présenté aucun signe d'inflammation.
C'est cette dernière circonstance qui nous paraît extraordinaire et sur laquelle nous craignons que l'auteur ne s'abuse. Avec la sensibilité bien connue de la conjonctive, au contact du corps étranger le plus délié, comment concevoir que l'anse de fil ne donne pas lieu à une vive inflammation. Au reste la même tenta-tive a été faite par M. Baudens, et d'après ce qu'il nous a dit, le» malades n'ont pu supporter seidemeiit pendant quelques minutes la présence du fil dans la plaie. Le moyen qu'il a substitué, c'est à-dire le frottement de l'œil en sens opposé par des compresses graduées, nous paraît donc bien préférable.
8° Strabisme inverse consécutif. Cet accident causé par la con-traction du muscle opposé à celui qui a été coupé, est, par sa nature, des plus simples, et se rencontre assez fréquemment malgré l'opi-nion émise par M. Dufresse. Jusqu'à ce moment, on y avait remé-dié par la section du muscle contracté, mais, si la nouvelle opé-ration de M. Guérin a vraiment les effets qu'il lui attribue, il nous semble qu'on devrait en essayer avant d'avoir recours à une nou-velle section, afin de remettre les choses dans leur étal normal par l'allongement, dans la position voulue,du muscle primitivement rétracté.
q° Récidive. Sans tenir compte de l'acception erronée dans la-quelle ce mot a été pris par divers chirurgiens, il est impossible de comprendre sous cette dénomination autre chose que la repro-duction de la même affection dans le même point, après un pre-mier résultat obtenu. Ainsi définie, la récidive plus ou moins complète ne peut reconnaître pour cause que la cicatrisation du muscle rétracté sur un point trop rapproché de la première inser-tion ; d'où résulte une nouvelle rétraction. Le seul moyen à y opposer est une opération secondaire en ayant le soin, cette fois, de faire porter et de fixer par une compression l'œil en sens op-posé, pour contraindre le bout divisé du muscle à se greffer plus en arrière ou donner lieu à la formation d'une cicatrice allongée. Nous verrons plus loin quelles sont les précautions employées el conseillées par M. Baudens à cet égard.
4" ACCIDF.NS QUI ONT RAPPORT A LA MALADIF.
Les accidens consécutifs les plus ordinaires, dépendant de la maladie, sont : la diplopie, la vue faible de l'œil opéré et Vin-certitude du regard.
i° Diplopie. Comme, dans le strabisme simple, l'œil est en-traîné sympathiquement dans la déviation de l'œil malade, après le redressement de celui-ci, l'autre conserve une tendance à con-server son ancienne direction; de sorte que rien n'est plus ordi-naire qu'au moment de l'opération, l'œil opéré ayant le regard fixe, ce soit l'autre œil au contraire cpii louche. Mais habituel-lement cet état n'est que temporaire. La déviation de l'œil sain se corrige peu-à-peu d'elle-même, et, à mesure que l'accord du re-gard s'établit entre les deux yeux, s'efface dans un laps de temps qui varie de quelques jours à un ou deux mois. Avouons pourtant que les choses ne se passent pas toujours aussi bien. Nous avons vu des strabiques opérés depuis 8 à 10 mois chez lesquels le redressement de l'œil aété suivi d'une diplopie qui dure encore, sans que rien puisse faire préjuger une amélioration dans leur état.
1° Vue faible de l'œil opéré. Nous avons eu déjà l'occasion de signaler ce phénomène avant l'opération. Evidemment il doit con-tinuer encore après, du moins pendant un certain temps. Mais comme le précédent, il diminue de jour en jour à mesure que, par l'exercice, l'œil précédemment strabique s'habitue à fixer les objets à toute distance.
3° Incertitude du regard après l'opération. Voilà le résultat le plus commun de la myotomie oculaire et la source des repro-ches les plus fondés qu'on lui ait adressés. Mais, selon nous, c'est à lort que beaucoup de chirurgiens font peser sur l'opération un inconvénient qui a sa source dans la cause même du strabisme et dans ses effets sur le mécanisme des muscles de l'œil. Il faut bien s'en convaincre, le strabisme étant presque toujours le produit d'une affection nerveuse qui se traduit parune contraction perma-nente de certains muscles, le strabique, même après que l'on a supprimé la rétraction sur les muscles atteints, et aussi par le ré-sultat de cette suppression, ne peut pas regarder comme telle autre personne qui n'a subi aucune des influences de la cause, de ses effets et de l'opération avec ses conséquences anatomiques. Que si, comme il arrive dans la plupart des cas, l'opération a changé un regard vicieux ou fatigant et nul pour le malade,et horrible pour ceux qui le voient, en un regard net ou plus assuré pour le malade et supportable à voir pour les autres, l'opération, disons-nous, par cela même a produit tout le bien qu'elle pouvait faire, et un grand bien. Il ne faut pas exiger l'impossible et de-mander qu'un œil dont les conditions anatomiques et physiologi-ques sont changées, soit identique avec celui où ces conditions n'ont subi aucune atteinte. Nous avons présenté ces considérations parce que l'on a confondu l'incertitude du regard avec la récidive, fait très différent et déjà bien assez commun en lui-même, et que cette confusion tendrait à faire condamner à sa naissance une opération qui, dans ses applications légitimes, doit être considérée comme l'un des meilleurs progrès de la chirurgie actuelle.
SECTION OE MUSCLES VARIÉS.
Jusqu'à présent nous avons supposé que l'opération se borne à la section d'un seul muscle et plus particulièrement du droit in-terne pour le strabisme convergent : nous allons voir mainte-nant les légères modifications exigées dans les manœuvres et la tenue des instrumens, pour la section des trois autres muscles droits, en raison de leur situation spéciale, et les procédés nou-veaux que réclament la section des deux muscles obliques.
Section du muscle droit externe.
D'une manière générale, il ne s'agit ici, dans chaque procédé, que de renverser ce que nous avons dit de la situation de l'œil et des instrumens, pour appliquer à l'angle externe les manœu-vres qui précédemment ont été pratiquées sur l'angle interne. Ainsi le malade étant placé dans la situation que nous avons énon-cée plus haut, les paupières écartées de la même manière et l'œil sain maintenu fermé, on ordonnera au malade de tourner l'œil le plus possible en dedans; puis saisissant la cornée avec une érigne double, une pince à griffes, ou de toute autre manière suivant ie procédé, on pratiquera l'opération comme il a été dit pour l'angle interne, si ce n'est que la main gauche du chirurgien,qui fixe l'œil, se présentant renversée, le poignet et l'avant-bras for-ment une arcade au-dessus du sourcil du malade. Il serait assez inutile d'insister sur les petits changemens qui sont également nécessités dans la position des aides.
Section des muscles droit supérieur (pl. D, fig. 3) et droit inférieur.
Si on opère pour un strabisme supérieur, et (pie déjà on ait fait la section du droit interne, pour pratiquer celle du droit supé-rieur, il suffit d'agrandir en haut, suivant une ligne en quart de cercle, l'incision delà conjonctive et du fascia sous-jacent. Si l'on a affaire à un strabisme supérieur ou frontal, c'est la section du muscle droit supérieur qui constitue l'opération ou au moins son fait principal, et l'opération, telle que nous la connaissons, se pratique alors en attirant l'œil en bas, sans autre modification que d'agir suivant le rayon vertical de l'œil au lieu du rayon ho-rizontal interne. Il est à peine nécessaire de dire que, dans ce cas, il est inutile d'abaisser la paupière inférieure, et fort essentiel au contraire d'élever le plus qu'on pourra la paupière inférieure. Quant aux détails de l'opération, ils nous sont déjà connus. Les mêmes observations s'appliquent à la section très rare du droit inférieur. Son application la plus commune est, en coïncidence avec celle du droit interne, dans le strabisme convergent en bas, auquel cas la division du droit inférieur doit succéder, par prolongement de l'incision, à celle dudroit interne. La même opération se repré-sente dans les cas de section de plusieurs muscles, mais peut-être n'a-t-on pas encore eu l'occasion de faire cette opération pour un strabisme inférieur direct, les cas qui s'en rapprochent le plus étant ceux de strabisme horrible , où celui des yeux qui se porte en bas est en même temps divergent.
Section du grand oblique.
D'après ce que nous avons vu plus haut, la théorie est loin d'être fixée sur les motifs qui nécessitent la section du muscle grand oblique. Elle a été appliquée à deux maladies, le strabisme et la myopie. Quant au strabisme, ce n'est guère que dans les cas complexes que l'on s'est trouvé entraîné à diviser le grand oblique, lorsque la section de deux ou trois autres muscles ne produisait qu'un résultat incomplet. Le cas d'application le plus ordinaire est le strabisme convergent supérieur, lorsque les muscles droits interne et supérieur étant préalablement divisés, l'œil néanmoins est encore attiré dans la diagonale et un peu proéminent, avec une légère rotation en bas et en dehors, de sorte qu'il semble comme suspendu au tendon du grand oblique. Toutefois, il faut recon-naître que cette théorie est d'une application bien vague à la pratique. Suivant M. Phillips, parmi les sections assez nombreuses du grand oblique à sa connaissance, les unes ont réussi et les au-tres n'ont eu aucun résultat; à son avis, cette opération ne doit être tentée que lorsque l'œil strabique est saillant et la vue myope. Dans ce cas, ajoute-t-il, la section du droit interne et du grand oblique a rétabli l'œil dans sa rectitude. La proportion de ce genre de strabisme est de cinq à six pour cent.
Procédés opératoires.
i" Procédé de M. Baudens. Ce chirurgien ne traite de la section du grand oblique que concurremment avec celle du droit interne. Ce dernier muscle étant divisé, si, ajoute l'auteur, « on fait effort sur l'érigne pour porter le globe oculaire en dehors et en bas, il suffira de glisser avec douceur le bistouri-érigne en dedans et en haut, en rasant le globe oculaire, pour accrocher et raser le muscle grand oblique- »
2° Section isolée du grand oblique.
(a) Procédé de M. Dufresse-Chassaigne. Voici le procédé in-diqué par ce jeune chirurgien dans le but assez vague de guérir
la myopie, et que, du reste, il n'a pas mis en pratique. Ouvrir la conjonctive, et ajoutons aussi le fascia sous-con jonctival, par le procédé ordinaire sur une étendue de i o à 12 millimètres dans l'es-pace moyen entre les muscles droits interne et supérieur; à travers cette ouverture accrocher la sclérotique avec la petite érigne dou-ble, et s'en servir pour attirer l'œil en bas et en dehors. Le ten-don du muscle venant alors se montrer au fond de la plaie, l'isoler avec le crochet mousse et le couper avec des ciseaux.
(b) Procédé de M. Gairal(V\.D, fig. 8). Voici encore un procédé qui n'a qu'une valeur de proposition, n'ayant été pratiqué que sur le cadavre. L'objet de l'auteur est de détacher la poulie du grand oblique sans couper le tendon lui-même; mais hâtons-nous de dire que rien ne prouve que l'opération pratiquée de cette ma-nière aurait le résultat que l'auteur en attend. La nouvelle adhé-rence du tendon après la cicatrice semblant à priori reproduire la rétraction plutôt que celle du tendon qui, par expérience, ne se fait que par écartement ou sur un autre point.
Voici du reste le procédé de l'auteur : au lieu de faire écarter les paupières, il les fait fermer et tirer en dehors , comme pour l'opération de la fistule lacrymale, puis il enfonce perpendicu-lairement un petit bistouri droit à deux trancbans, en partant de la racine du nez, pour labourer la paroi supérieure de l'orbite dans l'angle de réunion avec la paroi interne. Après avoir pénétré à quelques millimètres de profondeur, il arrive sous la poulie, qu'il divise par de légers mouvemens avec l'un et l'autre tranchant, en rasant à plusieurs fois l'angle osseux où elle s'implante.
Section du petit oblique.
Cette opération est encore au nombre de celles dont les indi-cations auraient besoin d'être mieux précisées par une plus lon-gue expérience. Le petit oblique, avons-nous dit, exerce sur l'œil un mouvement de demi-rotation, qui porte la cornée oblique-ment en haut et en dehors. D'après ce mécanisme reconnu, il a été tout naturel d'opérer la section du petit oblique en cas de strabisme divergent supérieur, lorsque la division des muscles droits externe et, supérieur ne donnait qu'un résultat insuffisant : aussi, est-ce dans cette circonstance que M. Baudens a appliqué cette section spéciale. D'un autre côté, par son enroulement en demi-cercle autour de l'œil, le petit oblique tend à comprimer le globe oculaire et à déterminer rallongement de son diamètre antéro-postérieur, considération qui a porté M. Bonnet à appli-quer la section de ce muscle, à la guérison d'un genre particulier de myopie. De ces considérations ressortent deux modes de divi-sion du muscle, soit isolément, soit simultanément avec plusieurs autres, mais qui n'ont d'importance qu'au point de vue théo-rique, la situation du petit oblique exigeant, dans tous les cas, une opération spéciale.
Procédé imité de la section des autres muscles (Pl. D, fig. 7).
Recommandant au malade de tourner fortement l'œil en haut et en dehors, écarter les paupières avec les crochets rétracteurs, mais surtout faire abaisser fortement par un aide la paupière inférieure, accrocher alors la conjonctive et le fascia sous-jacent avec l'érigne double, à huit millimètres en bas et en dedans delà cornée; coucher cette érigne obliquement en dehors et en haut et la confier à un aide chargé de fixer l'œil dans cette position ; diviser alors avec des ciseaux la conjonctive et le fascia sous-ja-cent dans une longueur de huit à clix millimètres, entre les ten-dons des muscles droits interne et inférieur. Des flocons graisseux se présentent; pour découvrir le muscle, il s'agit de repousser en haut les graisses en s'approchant du plancher maxillaire ; le petit oblique est vu immédiatement dans sa gaine, près de son inser-tion osseuse. Rien de plus simple (pie de l'isoler et de le saisir avec un crochet, puis de l'amener dans l'anse de l'instrument au niveau de la plaie, où on en fait l'incision avec des ciseaux.
2" Procédé de M. Baudens. Celui-ci est un peu plus simple et plus rapide. La paupière inférieure étant fortement abaissée par le doigt indicateur d'un aide et le malade tournant l'œil en haut et en dehors, de sa main gauche, armée d'une érigne simple tenue comme une plume à écrire et présentée obliquement de haut en bas, de dehors en dedans, et d'avant en arrière, la con-cavité de sa courbure tournée vers l'opérateur, il picpie et in-sinue la pointe de l'érigne en rasant le plancher maxillaire, de manière à ressortir en ramassant le muscle dans le crochet de l'instrument; puis, delà main droite, il offre obliquement, la pointe en haut, la petite serpette à double courbure dont il se sert pour la section des muscles droits, et la faisant contourner derrière le muscle, au-dessous du crochet de l'érigne, le plan concave de la lame tournée en haut, la section s'opère, par le fait même du glissement sur la courbe du tranchant. M. Baudens a eu déjà plusieurs fois l'occasion de pratiquer ce procédé pour la section du muscle soit isolée, soit combinée avec celle de plusieurs autres. Il s'est à peine écoulé quelques gouttes de sang.
3° Procédé de M. Bonnet, de Lyon. Voici la description don-née par l'auteur lui-même. «Je choisis l'insertion antérieure du muscle petit oblique, qui n'est entourée d'aucun nerf et d'aucune artère, et que l'on peut diviser si facilement par la méthode sous-cutanée. 11 suffit, pour opérer cette section, de faire une piqûre à la partie moyenne de la paupière inférieure. A travers cette piqûre, on introduit un ténotome mousse, dont on dirige l'extrémité en arrière et en dedans , avec la précaution de lui faire suivre la paroi inférieure de l'orbite. Lorsqu'il est arrivé à trois centimètres de profondeur, on le ramène en avant, jusqu'à ce qu'on le sente au-dessous de la peau; il accroche nécessairement alors l'insertion du muscle petit oblique et le divise complète-ment, surtout si l'on a soin de diriger son tranchant en bas et au-devant du maxillaire supérieur (Lettre à l'Académie des sciences, février 1841 )-
Ces trois procédés de section du petit oblique ont été égale-ment expérimentés sur le vivant, mais le dernier un bien plus grand nombre de fois que les deux autres. Considérés en eux-mêmes , et quel que soit le motif pour lequel a été pratiquée l'o-pération , les deux premiers sont les plus sûrs, en ce qu'on est certain découper le muscle en vue; mais, en outre, comme on ne divise aussi que ce qui est nécessaire , il n'y a ni ecchymose, ni hémorrbagie; et, quant à la section de la conjonctive et du fascia, l'expérience de toutes les variétés d'opération de strabisme prouve surabondamment son innocuité. Enfin ces deux procédés sont d'une exécution facile et prompte, surtout celui de M. Bau-dens. Quant au procédé de M. Bonnet, il ne présente pas de grandes difficultés, mais néanmoins il offre plusieurs inconvé-niens assez graves : l'instrument doit pénétrer à une grande profondeur, et peut léser toute autre partie que celle que l'on veut couper; il peut même arriver qu'un chirurgien inexpéri-menté, après avoir blessé différentes parties, manque cependant
Indivision du muscle, objet de l'opération; et enfin , entre les mains de son auteur, chirurgien cependant d'une incontestable habileté, la section intérieure des vaisseaux sanguins est assez grave pour que l'opération soit toujours suivie d'une énorme ec-chymose, parfois très longue à se résoudre.
SECTION DE PLUSIEURS MUSCLES.
Si déjà, en traitant des sections partielles, nous nous sommes trouvé dans l'embarras de discerner le vrai au milieu d'alléga-tions contradictoires, la question devient beaucoup plus épi-neuse en ce qui concerne les sections multiples, où le sujet étant plus complexe, les élémens de diagnostic sont plus nombreux et les opinions, entre les divers praticiens, plus divergentes, sans que, pour s'établir juge au milieu de ces débats, on ait d'autres armes que les opinions elles-mêmes, fortifiées toutefois par un examen approfondi des conditions anatomiques et phy-siologiques qui se rapportent au sujet. Comme on doit s'y atten-dre, à priori, c'est dans les cas les plus simples que l'accord est le plus unanime; mais les oppositions surgissent et fourmillent à mesure qu'on entre dans les sujets plus complexes. Ce sera, comme nous le verrons plus loin, à déterminer à l'avance ces cas embarrassans qu'il convient de s'attacher principalement; la prudence alors, pour éviter tous les accidens consécutifs, nous paraissant devoir prescrire d'arrêter et de restreindre, au-tant que possible, le nombre et la succession des opérations subséquentes et la limite que l'on ne doit pas franchir; mais il faut avouer qu'une semblable précision, dans le diagnostic, n'est pas encore obtenue dans l'état actuel de la science.
i° Section de deux ou trois muscles.
Nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous avons déjà dit à cet égard. Si, dans la plupart des cas , le strabisme direct peut être redressé par la section isolée du seul muscle correspon-dant , soit le droit interne, par exemple, dans le strabisme con-vergent; il est, comme nous le savons, d'autres cas où, par une habitude vicieuse des deux muscles voisins, il devient nécessaire aussi de les couper, soit les muscles droits supérieur et infé-rieur pour l'exemple que nous avons cité. Pareillement, dans les strabismes obliques ou en diagonale, il est tout simple de cou-per les deux muscles droits dont le strabisme semble la résul-tante moyenne : ex. les muscles droits interne et. supérieur, interne et inférieur ou externe et supérieur, pour les strabismes de même dénomination. C'est pourtant dans ces conditions, en apparence des plus claires , que se présentent les difficultés. Tout le monde, en pareil cas, commence, comme nous venons de le dire, par la section des muscles dont la déviation semble la ré-sultante; et, cependant, c'est par la non-réussite ou la produc-tion d'une déviation nouvelle, ces deux premières sections étant opérées, que les chirurgiens ont été induits à procéder successi-vement à une troisième, puis une quatrième, enfin une cin-quième section, à mesure que la dernière pratiquée se trou-vait insuffisante. Si on consulte, à cet égard, les chirurgiens qui ont écrit les résultats de leur pratique, il devient presque impos-sible , entre des cas variés , racontés sous la préoccupation d'o-pinions très différentes, de démêler un diagnostic, et de distinguer dans quelle circonstance l'un ou l'autre a bien ou mal fait, et n'a point pratiqué, en dernier lieu, telle section qui en aurait évité une ou plusieurs autres. Au reste, tout en constatant, à cet égard, l'insuffisance actuelle des connaissances dans un sujet encore aussi nouveau, nous allons du moins extraire ce qu'on en sait, en prenant surtout pour guide M- Baudens, de tous les praticiens celui qui aie plus éclairé cette question: i° dans le strabisme interne et supérieur il y a des cas où la section du grand oblique a été nécessaire, mais il n'est point dit s'il existait une saillie de l'œil qui ait pu la faire préjuger à l'avance. 2" Dans le strabisme externe et supérieur, il est assez commun que l'on soit obligé de couper ultérieurement le petit oblique , l'œil après la section des muscles droits externe et supérieur continuant à se porter en haut et en dehors; mais alors on se demande, s'il n'y a pas de cas où ce serait précisément le petit oblique seul qui causerait la déviation, ce qui rendrait inutile la section des deux autres. 3' Un autre cas du même genre de déviation, cité par M. Bau-dens , offre un sens beaucoup plus clair; la section du droit ex-terne produit une amélioration ; après celle du droit supérieur la déviation en haut est beaucoup moins sensible; enfin celle du petit oblique amène le redressement complet de l'œil. Ici les trois sections paraissent avoir été nécessaires; mais dans ce cas, connue dans celui qui précède, on ne sait encore à quels signes ce qu'il convenait de faire aurait pu être précisé à l'avance.
Section de quatre muscles.
A mesure que la question se complique , l'obscurité devient plus grande. Suivant M. Dufresse, qui avoue nettement l'igno-rance commune à cet égard , on ne peut assurer d'avance com-bien de muscles on sera obligé de couper. On ne peut que prévoir le cas de sections multiples , sauf à se guider pendant l'opération sur le mode de déviation pour couper tel ou tel muscle. La seule réserve de l'auteur consiste à ne couper les obliques qu'en der-nier, lorsque celle des muscles droits est insuffisante; il faut l'a-vouer , une pareille déclaration, si vraiment elle représentait l'état des connaissances, serait bien propre à prescrire, avant tout, la prudence. Toutefois cette déclaration ne saurait être prise dans un sens trop absolu. M. Baudens donne à cet égard des indica-tions plus précises.
i° Strabisme convergent. Le cas particulier est celui-ci : « Le globe oculaire est tellement divisé que la prunelle se cache pres-que entièrement dans l'angle interne de l'œil. Vous fermez la paupière de l'œil sain , et l'œil strabique ne peut se redresser cpie peu ou pas du tout. » Dans ce cas, il est arrivé parfois que la section du droit interne, accompagnéed'un large débridement du fascia, ait suffi pour redresser l'œil ; mais quand cette première tentative a été sans effet, il a fallu , pour obtenir un redresse-ment complet, couper les deux muscles droits supérieur et infé-rieur , puis le tendon du grand oblique qui continuait à soulever l'œil en dedans. La même opération a eu le même résultat sur plus de vingt opérés; mais a eu pour effet une légère exophthalmie. »
2° Strabisme divergent. La section de quatre muscles est éga-lement applicable à la déviation oculaire en dehors, « quand elle est tellement forte que l'œil dévié peut à peine faire quelques mouvemens en dedans. Dans ce cas, il faut diviser successivement les muscles droit externe et petit oblique, examiner de nouveau l'opéré , et si la déviation n'a pas cédé de la manière la plus fran-che , faire de nouveau la section des muscles droits inférieur et supérieur. » Ce genre de strabisme, du reste, est plus rare que le précédent, et ne s'est offert à l'auteur que dans la proportion
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d'un à deux cents; 3" un dernier cas est celui du strabisme très prononcé en haut. M. Bandons n'est parvenu à redresser le globe oculaire, qu'après avoir divisé successivement les muscles droit supérieur , grand oblique, droit interne et droit externe.
M. Dufresse a eu occasion de répéter les deux opérations pré-cédentes de strabisme convergent et divergent par la section de quatre muscles, et les résultats confirment ceux obtenus par M. Baudens.
Delà comparaison des cas qui précèdent, il nous paraît res-sortir cette observation générale qui peut servir d'indice pour le diagnostic: que c'est dans les cas où l'oeil est. très enfoncé dans un sens et presque fixe en son lieu , que l'on doit prévoir la section nécessaire, d'abord des trois muscles droits synergiques, puis celle de celui des obliques qui appartient au même groupe, le grand oblique pour les strabisnies convergens, le petit oblique poul-ies strabismes divergens.
Sections de cinq muscles. Ce cas a rapport au strabisme con-vergent lorsqu'après la section des quatre muscles précités, les droits interne, supérieur, inférieur et grand oblique , une dévia-tion, qui survient en dehors et en haut, met dans la nécessité de couper le petit oblique. Cette opération, pratiquée d'abord par M. Baudens (16 mars 1841, pag. 93), a été répétée avec les mêmes circonstances par M. Dufresse(12 juin); mais, dans les deux cas, elle s'est accompagnée d'exophthalmie en dedans et en bas.
En résumé, de tout ce qui précède nous croyons pouvoir in-férer, sous le rapport du diagnostic, les propositions suivantes : (a) Strabisme direct, interne, externe, ou supérieur. i° Si l'œil est encore bien mobile et que, sauf sa déviation habituelle, il puisse du moins, par la volonté du malade, se porter franche-ment dans le sens opposé, il est probable que la section du seul muscle rétracté sera suffisante.
20 Si l'œil est très peu mobile, on doit s'attendre à couper avec ]e muscle principal, les deux latéraux. 3° Si l'œil est très enfoncé et fixe dans sa déviation directe, c'est le cas probable d'une sec-tion quadruple, la section de l'un des obliques s'ajoutant à celle des trois muscles droits et peut-être même, aussi, celle des deux obliques.
(b) Strabisme en diagonale. 10 Si l'œil est encore assez mobile on peut supposer que la déviation cessera par la section des deux muscles dont elle est la résultante. 20 Si au contraire l'œil est fixe dans le sens dévié, comme nous l'avons vu, suivant le degré d'im-mobilité , on doit prévoir la nécessité de couper l'un des obliques, et peut-être tous les deux.
accidens plus particuliers aux sections multiples.
Nous ne reviendrons pas sur les accidens possibles déjà connus, communs à toutes les variétés du strabisme, tels que l'ecchymose, l'hémorrhagie, l'inflammation, les névralgies et les productions ultérieures de bourgeons charnus, d'autant plus à craindre, pour-tant, que la cause s'en est multipliée avec le nombre des sections. Pour éviter les répétitions nous n'avons à indiquer ici, que ceux des accidens qui appartiennent spécialement aux sections de plusieurs muscles: l'exophtlialmic, l'immobilité de l'œil et des névroses de formes variées.
T Exopiitiialmie. La proéminence exagérée de l'œil qui sem-ble menacer de tomber, et dite plus exactement œil de boulon buphthalmie, est un accident inévitable des sections multiples, l'œil privé des cordes qui le retiennent dans sa position tendant à repousser les paupières comme pour s'échapper au dehors.
Cette saillie exagérée de l'œil n'est pas seulement une diffor-mité, elle s'accompagne d'aberrations de la vision et d'un allon-gement du nerf optique et des nerfs en général, qui n'est peut-être pas sans influence sur les névroses consécutives. Dans les premiers temps, cet accident semblait irrémédiable, mais depuis quelques mois on a essayé d'y obvier. Nous avons décrit le procédé par lequel M. Guérin cherche à rendre la mobilité de l'œil en dedans, après la section du droit interne, en tâchant de faire cicatriser sur un plan plus antérieur l'extrémité coupée du muscle. L'au-teur, d'après ce qu'il nous a dit, aurait déjà fait quelques tenta-tives sur des muscles différais. De son côté, M. Baudens a eu la même pensée, qu'il a appliquée sur un certain nombre de mala-des; mais sa manière de procéder n'a rien d'absolu, l'auteur, par une succession de manœuvres, quelquefois inverses à des jours différons, suivant pas à pas la nature et s'inspirant, à cha-que fois, de l'indication du moment. Mais outre les opérations secondaires applicables aux muscles eux-mêmes, cet habile chi-rurgien a imaginé de remédier par une opération spéciale, a l'agrandissement de l'ouverture palpébrale : de là deux sortes d'opérations.
i° Opérations secondaires sur les muscles. Ce n'est qu'en sui-vant pas à pas la succession des phénomènes, comme il se pré-sentent dans la pratique, que l'on peut comprendre la manière de procéder de M. Baudens. Soit, par exemple, un strabisme conver-gent opéré par la section du muscle droit interne : si à l'instant même il survient un strabisme externe, ce chirurgien procède à la section du droit externe ; puis faisant revenir le malade, et obser-vant de jour en jour ce qui arrive, suivant que l'œil annonce de la tendance à se porter habituellement dans l'une ou l'autre direction, il ordonne au malade de regarder habituellement en sens inverse, l'œil opéré se trouvant ainsi entraîné par l'œil sain, de manière à forcer un peu à rallongement de la cicatrice de celui des muscles qui menace de rétraction. Au besoin, pour contraindre les yeux à se porter dans la direction détermi-née , il exerce avec des compresses graduées une compression, sur l'œil du côté de la contraction, pour forcer le globe oculaire à se porter en sens inverse, et il fait porter au malade des lunettes percées dans une direction appropriée. Que si, malgré ces moyens la tendance à la rétraction , dans un sens ou dans l'autre, conti-nue, il met alors à découvert la cicatrice encore molle, en détruit légèrement une portion et tire en même temps l'œil en sens con-traire. En procédant ainsi avec ménagement, passant au besoin d'un côté à l'autre, et faisant exécuter chaque jour au malade les mouvemens convenables, M. Baudens se trouve guidé par la na-ture elle-même, pour n'exercer d'action que ce qui est nécessaire à l'équilibre, jusqu'à cicatrisation parfaite. Que, s'il a affaire à une simple récidive, ou à une immobilité partielle de l'œil, par suite d'une section simple, soit par exemple, celle du droit in-terne dans le strabisme convergent, il remédie à la récidive en dé-truisant les adhérences encore nouvelles et, par un mouvement de l'œil en sens opposé, en forçant la nouvelle cicatrice à s'allon-ger ou à se faire sur un plan plus postérieur. Si au contraire il y a privation de mouvement du côté de la section, il va chercher l'extrémité du muscle qu'il ramène, comme M. Guérin , plus en avant, et par quelques compresses graduées, méthodiquement appliquées en dehors sur l'arcade externe de l'œil et sur les pan-
pières fermées, il contraint le globe oculaire à rester tourné en dedans pendant, le temps nécessaire à la nouvelle cicatrisation. Ce moyen innocent est préféré par l'auteur à l'anse de fil, à la-quelle, comme nous l'avons dit, les accidens inflammatoires l'ont forcé de renoncer.
2" Opération pour l'agrandissement de l'ouverture palpèbrale. (Pl. D, fig. 9 et 10). C'est de resserrer l'ouverture des paupières et surtout de faire tendre, comme une bride de contention, la pau-pière inférieure tombante, qui est l'objet de cette opération. Pour y parvenir, M. Baudens détache, au contour de l'angle interne, en rasant le bord palpébral, un petit lambeau cutané, long d'envi-ron huit millimètres, sur la paupière supérieure, et de six sur la paupière inférieure, et large de deux à trois; ce lambeau étant en-levé par dissection (fig. 9), il rapproche l'un de l'autre les bords écartés de l'angle interne, et les fixe par des sutures à points séparés (fig. 10). L'auteur a déjà pratiqué cette opération, avec succès.
En résumé, d'après les derniers renseignemens qui m'ont été four-nis hier (G janvier) par M. Baudens, qui compte en ce moment près de quatorze cents opérés, ce chirurgien croit pouvoir établir les propositions suivantes : i° Le strabisme essentiellement dou-bleest sirare que l'auteur n'opère plus jamais les yeux en une seule séance, presque toujours la convergence des axes visuels s'éta-blissant d'elle-même à mesure que la vision s'harmonie entre les deux yeux. On est toujours à même d'opérer ultérieurement l'autre oeil, si cet accord n'avait pas lieu.
20 II n'y a en quelque sorte pas cl'accidens et de revers du ressort de la chirurgie, c'est-à-dire, les névroses exceptées, aux-quels on ne puisse remédier par des opérations secondaires et des soins quotidiens , comme nous venons de l'énoncer ci-dessus. Ainsi, le chirurgien ne doit pas se considérer comme vaincu, ou par un strabisme consécutif, ou par une récidive. Le strabisme inverse consécutif résiste rarement à la section pratiquée de l'autre côté , et quant à la récidive, elle cède fréquemment à de petites tractions méthodiques exercées sur l'œil, plusieurs jours de suite avec l'érigne.
3° Le strabisme en dehors est généralement celui où la réussite est la plus complète; mais, par opposition il est le seul où la ré-cidive semble par fois irrémédiable, la maladie étant revenue dans plusieurs cas, après la section de tous les muscles qui pou-vaient y concourir. L'auteur pense que cet accident peut tenir à un état de rigidité de l'enveloppe du nerf optique et de la scléro-tique, ou à une sorte d'encastrement de l'œil dans une position donnée des tissus ambians.
3° NÉvuosivs. Indépendamment des douleurs névralgiques cpie nous avons signalées plus haut, un autre accident résultant quel-quefois de l'opération du strabisme, mais plus particulièrement des sections multiples, est un certain état nerveux dont le récit nous a été fait par plusieurs malades. Ce n'est point une douleur aiguë, mais un état de malaise, accompagné de sensations étran-ges, irradiant avec la rapidité de l'éclair dans la profondeur du cerveau et selon le trajet de certains nerfs, qui survient brus-quement lorsque le malade cherche à fixer un objet, et le met dans un état d'orgasme et d'angoisse inexprimables, comme si quelque brusque accès nerveux allait se déclarer. Cet état maladif m'a paru se rencontrer surtout dans les cas où l'opération est suivie de diplopie, et particulièrement lorsque le malade se trou-vant dans une foule, au milieu d'un grand nombre de personnes et d'objets en mouvement, la multiplication des objets lui rend la vision incertaine et confuse : nous ignorons complètement quel remède opposer à un pareil accident. Comme les faits sont en-core nouveaux, peut-être le temps améliorera-t-il la situation de ces malades; mais en tout cas, un inconvénient si grave et que l'on ne peut ni prévenir ni guérir, me semble un des plus forts argumens pour rendre les chirurgiens très circonspects sur les sections multiples.
CONCLUSIONS.
Pour une opération si nouvelle, l'essentiel serait de connaître avec précision les résultats généraux obtenus par les divers opé-rateurs. Quelques renseignemens ont été publiés à cet égard, mais en trop petit nombre, vu la difficulté, pour les opérateurs eux-mêmes, de poursuivre les résultats chez des malades dont la plupart ne reparaissent plus.
Quant aux degrés de fréquence des divers genres de strabisme, M. Phillips, sur 102 opérations pour 100 opérés, a constaté 84 strabismes convergens, et 14 divergens; ce qui établit le rapport du premier au second 6 : 1. D'un autre côté, M. Guérin sur 69 opérations, compte, 55 strabismes convergens et 8 diver-gens, ou :: 8 : 1 , plus 6 obliques qui se présentent presque aussi fréquens que les strabismes divergens. Quant aux résultats réels des opérations, M. Ammon, de Dresde, sur 82 opérés, déclare 55 guéris, i3 guéris incomplètement et i4 sans résultats : un cin-quième de succès incomplets et un pareil nombre de revers. M. Phillips, sur cent deux, accuse 69 succès, 21 malades avec di-vers accidens et 12 insuccès, c'est-à-dire, un tiers avec résultat in-complet et un neuvième de revers. M. Dufresse, sur 47 opérations affirme n'avoir éprouvé que 3 revers ou 1/16. Enfin, M. Guérin, i/i5, représenté par G récidives sur 92 opérations pratiquées à l'hôpitaldes enfans. Le terme moyen des quatre, donnerait un ma-lade sur onze, où, soit par récidive ou strabisme consécutif, la maladie aurait résisté aux efforts du chirurgien. Toutefois si on tient compte des illusions auxquelles il est si naturel de se livrer dans ses propres œuvres, et des résultats consécutifs à un temps plus éloigné, qui doivent nécessairement échapper au chirurgien, on peut croire que le chiffre des revers est bien supérieur à la moyenne que nous venons d'exprimer. Il est utile, en outre, de faire remarquer cpie, dans ces résultats énoncés d'une manière générale et vague, et bornés au point de vue de la déviation oculaire , ne sont pas compris une foide d'accidens dont quelques-uns, les né-vroses en particulier, constituent des maladies ou des infirmités parfois même plus graves que celle que l'on a voulu guérir.
En résumé, si, sans se montrer trop exigeant, il est cependant impossible de statuer sur la valeur des renseignemens que l'on possède, que sera-ce donc, quand on considère que ces rensei-gnemens ne portent que sur 290 malades, fraction si minime en comparaison des quelques milliers qui ont été véritablement opérés ? Convenons donc que le moment n'est pas encore venu d'établir une statistique du strabisme, les docuniens publiés n'é-tant pas encore assez nombreux; outre que, le fussent-ils davan-tage, on ne pourrait rien résoudre encore, le temps seul pouvant décider de la permanence et de la réalité des guérisons que l'on croit avoir obtenues.
APPLICATIONS DE LA MYOTOMIE OCULAIRE A DIVERSES MALADIES.
Dans ces derniers temps on a cherché à tirer de la myolomie oculaire tout le parti possible.
1° strabisme artificiel.
M. Florent Cunier a publié deux observations de cas où il a réussi, par un strabisme artificiel, à déplacer l'axe visuel, pour rétablir la vision chez des malades affectées d'albugo : rien n'est plus simple que la théorie de cette ingénieuse application. Il s'a-git de faire revenir artificiellement au centre de l'axe visuel, la portion transparente de la cornée qui s'en trouve plus ou moins écartée latéralement, en coupant le muscle qui en est le plus voisin_ Si, par exemple, cette portion transparente est interne ou externe, il est clair qu'il faudra couper le muscle droit de même dé-nomination , la traction du muscle antagoniste devant, par une légère rotation, ramener, à-peu-près au centre de l'œil, le segment diaphane qui s'en trouvait écarté latéralement. La ques-tion, ici, n'est que du plus au moins, pour chaque cas parti-culier; il suffit pour un chirurgien habile, d'en avoir posé le principe.
2° myopie.
Nous n'avons pour ainsi dire qu'à rappeler ce motif d'opé-ration, les manœuvres qui ont rapport aux sections nous étant déjà connues. Il paraît bien que c'est M. Phillips qui, dans sa lettre à l'Institut, en juillet 1840, aurait appelé l'attention sur la possibilité de guérir la myopie par la section du tendon du grand oblique. En suivant la série des faits, dans le mois de décem-bre, même année, M. J. Guérin a essayé également de guérir par section des muscles droits latéraux, la myopie compliquant le strabisme. Enfin, au mois de février i84*,M. Bonnet a commu-niqué, à l'Académie des sciences, deux cas de guérison de myo-pie, par section du muscle petit oblique. Depuis, les deux der-niers ont multiplié les cas d'opérations, et M. Bonnet, en parti-culier, possède un grand nombre de faits de guérisons plus ou moins complètes de myopie, seule ou accompagnée de strabisme, dont plusieurs opérés ont été vus à Lyon, par notre prépara-teur M. Bernard. C'est à cette opération en particulier que se rapporte le procédé de section du petit oblique que nous avons décrit plus haut.
3° mouvemens spasmodiques de l'c-EIL.
Tout le monde a remarqué ces mouvemens convulsifs de l'œil, particuliers à certains strabismes; en ne consultant que la raison, il semble que l'on ne devrait pas songer à guérir par un moyen mécanique une manière d'être qui est plutôt le signe d'une af-fection nerveuse qu'une maladie propre : c'est pourtant ce cas que M. Phillips a cru pouvoir guérir par la myotomie. Chez un enfant de i3 ans, il affirme, que les mouvemens spasmodiques auraient disparu après vingt jours de la section des droits externe et interne d'un seul œil, et chez un enfant de io ans, cpie le même résultat aurait été obtenu par la section préalable du droit interne de l'œil gauche, et celle quinze jours après, des droits in-terne et externe del'œil droit. L'indication donnée par l'auteur est découper les deux muscles droits lorsqu'il y a mouvement d'os-cillation latérale, et le grand oblique lorsque l'oscillation a 1 ieu autour de l'axe de rotation. Nous ne discuterons même pas l'op-portunité de cette opération qui ne saurait supporter l'examen au point de vue théorique, et, quanta la pratique, ne s'appuie que sur les seules allégations de son auteur.
4° amaurose.
On se rappelle que nous avons noté la nouvelle espèce d'amau-rose soupçonnée par contraction musculaire, ou en quelque sorte par pression de la rétine sous l'influence des muscles droits rétrac-tés. Qu'il y ait ou non strabisme , le signe indiqué est l'abolition delà vue et la dilatation de la pupille , qui a néanmoins conservé sa mobilité. Deux observations de cette nature ont été publiées par M. Phillips : les sujets en étaient deux Russes réputés aveu-gles, l'un âgé de 43 ans, et l'autre de 48. Le premier était affecté de strabisme divergent de l'œil gauche : le muscle droit externe fut coupé; le malade dit qu'il voyait des étincelles ; insensible-ment la vue s'éclaircitj et huit jours après le malade était rétabli. Chez le second, non strabique, la section préalable du droit in-terne détermina la contraction de la pupille et l'apparition d'un strabisme externe, puis, le muscle droit externe étant coupé im-médiatement, le malade assurait, aussitôt après l'opération, qu'il voyait la lumière. Un peu d'inflammation survint chez les deux malades, mais la guérison était assurée après trois semaines. Un troisième fait du même genre est dû à M. Adams, en Angle-terre. Le sujet était une fille de 3a ans. La vision était nette pour l'œil gauche, mais très confuse pour l'œil droit. Le i" mars, on pratique sur cet œil la section du droit interne suivie d'une légère amélioration de la vue , mais avec un peu de strabisme en dehors. Le 4 la vision est plus nette, mais il y a diplopie; le 15, section du muscle droit externe suivie du redressement complet de l'œil et de la cessation de la diplopie. Du 20 au a5 la guérison est complète et la vue parfaitement nette.
bégaiement.
(Planches F, G.)
Le bégaiement est un vice d'articulation de la parole, con-sistant dans la répétition pénible de la même syllabe et, suivant, les sujets, l'espèce de mots qu'ils ont à prononcer, ou la ma-nière actuelle dont ils sont affectés, tantôt s'annonçant par des efforts convulsifs avant de pouvoir parler, et tantôt débutant par une prononciation facile, qui tout-à-coup devient saccadée, chaque fois que certaines lettres se présentent dans le dis-cours.
différences et particularités du bégaiement.
L'étude du bégaiement, reprise depuis un an à peine, est encore trop incomplète pour offrir un ensemble satisfaisant, les préoccupations des procédés opératoires l'ayant emporté jusqu'à présent sur la partie dogmatique. Toutefois nous allons essayer de renouer avec la pratique ce que l'on sait en théorie , et notre travail sera le résumé de l'état de la science à ce sujet.
i° Répétition des consonnes. Elle constitue le phénomène le plus général et. le plus simple du bégaiement, et varie chez les différens bègues. Presque toutes les consonnes peuvent être l'objet de cette infirmité : ainsi tels bègues redoublent les b, p, d, t, et disentbe, be, ba, ba, etc. Tels autres hésitent sur les lettres n, c, q, g; chez un grand nombre, le bégaiement porte sur l'h, le k, l'm , l'I, l'r, etc. Il est facile de s'assurer de l'espèce d'infirmité en faisant prononcer aux malades des phrases dans la composition desquelles ces diverses lettres sont fréquemment répétées.
a° Troubles de la respiration. Avant d'émettre un son, certains bègues font de larges inspirations , leur poitrine se dilate par se-cousses, semblables à celles qui précèdent les sanglots; leur visage se crispe, la langue se raidit ou se remue en tout sens dans la bouche; puis, après des efforts plus ou moins longs, quelques syllabes sont articulées, et tout-à-coup ils prononcent avec netteté et volubilité plusieurs phrases de suite.
Chez d'autres, l'inspiration et l'expiration sont troublées à-la-fois ; il s'établit alors une lutte des plus pénibles entre les organes delà respiration, les muscles de la langue et du voile du palais; la tète, le cou, la trachée-artère et le larynx s'agitent convulsive-ment; la bouche ne peut s'ouvrir. Cet état d'angoisse est inexpri-mable ; on dirait que les bègues vont étouffer; ils s'agitent, tré-pignent ; la face est vultueuse, les yeux sont injectés et brillans; force leur est de s'asseoir. La crise passée, la bouche s'ouvre lar-gement, la respiration et la parole redeviennent faciles.
Etat anatomique de la langue.
Depuis que les observations se sont multipliées, la plupart des chirurgiens, MM. Amussat, Baudens, Bonnet, etc., signalent comme indication la plus précise de l'opération, l'état d'indura-tion du frein et du bord antérieur du génio-glosse, que nous avons nous-mème souvent observé, mais que les anciens, comme nous le verrons plus loin , avaient parfaitement reconnu. M. Amussat, en outre, a fréquemment observé la déviation de la langue à droite ou à gauche. M. Bégin a démontré par une-pièce d'anatomie pathologique , provenant d'un soldat qui avait été bègue, qu'un côté de la langue était beaucoup plus bombé que l'autre. M. Phillips avance, mais à tort, d'après ce que nous venons de dire, que les deux tiers des bègues ne pré-sentent aucune particularité, aucune modification dans la langue et dans sa musculature. Les bègues sont souvent dans l'impossi-bilité de porter la pointe de la langue à l'extérieur, soit en haut vers la cloison sous-nasale, soit en bas vers la rainure mento-labiale, ou même, à l'intérieur, de l'appliquer contre la voîite palatine. Ce dernier signe a beaucoup plus de valeur que les pre-miers à-peu-près nuls pour l'opération. Quelques-uns parlent la bouche entrouverte toujours au même degré; ils avancent alors la langue entre les dents, et souvent en mordent la pointe en par-lant. Les mouvemens de cet organe sont presque toujours faus-sés dans la prononciation; la pointe se porte en haut, quand elle devrait être en bas, et vice-versâ , ou bien elle reste fixe.
Les trois ordres de phénomènes que nous venons de signaler peuvent se présenter isolés ou réunis ; mais on n'a pas observé que l'un d'eux entraînât nécessairement les autres. M. Bonnet les considère comme constituant essentiellement le bégaiement, et partant devant cesser par l'opération faite dans certaines condi-tions que nous préciserons plus loin.
causes du bégaiement.
Elles sont congéniales ou acquises.
Causes congéniales. La plus ordinaire est, dit-on, un arrêt de développement dans les ligamens inférieurs de la langue, ainsi que de tout temps on l'a observé chez les enfans, arrêt qui, parla difficulté où se trouve la langue de se mouvoir, suivant le degré , gêne ou même rend impossibles la succion et la prononciation. De là le bégaiement, quelquefois même le mutisme. Cet arrêt, cette rétraction s'étendent sensiblement aux génio-glosses, surtout àleurs tendons réunis que M. Baudens appelle filet sous-muqueux, et sans doute à d'autres muscles de la langue, comme paraissent lé prouver des observations récentes.
Causes acquises. Les convulsions de l'enfance, par les modifi-cations qu'elles apportent dans la musculature de la langue, sont la cause la plus fréquente du bégaiement. Aussi le même phé-nomène de rétraction convulsive se présente-t-il fréquemment sur plusieurs points à-la-fois. C'est même en entendant une personne qui louchait, le prier, en bégayant, de l'opérer du strabisme, que M. Dieffenbach eut la pensée de guérir le bé-gaiement par la section des muscles de la langue. M. Sainti-Sillani [Gazette médicale, 18 décembre 184 0 c*te Ie fait curieux d'un individu de 57 ans, affecté dans son enfance de convulsions qui avaient amené le strabisme et le bégaiement. Sous l'influence de l'opération du génio-glosse, on vit l'un et l'autre diminuer. Nous avons vu à la clinique de M. Jules Guérin, une jeune fille, offrir à-la-fois la rétraction des yeux, de la langue, des jambes et de la vulve. On pourrait citer un grand nombre d'exemples de ce genre, rien n'étant plus commun que les rétractions multiples sur un même sujet, que celles de la langue s'y trouvent ou non associées. Enfin, vu l'induration qui en résulte, les cicatrices de la langue à la suite de diverses maladies, figurent parmi les causes du bégaiement.
État spasmodique. MM. Dieffenbach , Phillips, Baudens, re-connaissent comme une cause fréquente de bégaiement le spasme convulsif des organes chargés de la phonation et spécialement de la langue, à chaque effort que fait le bègue pour exprimer sa pensée.
Défaut de méthode. La difficulté momentanée ou même l'im-possibilité complète de prononcer les syllabes ou les mots, tient souvent à la maladresse dans l'emploi mécanique de la langue. 11 suffit, dans ces cas, pour faire cesser le bégaiement, de montrer aux bègues la manière de bien diriger cet organe, et de ménager les différens temps de la respiration. Nous avons été témoin de ces changemens, vraiment merveilleux, apportés en quelques mi-nutes par la méthode de M. Colombat; mais il faut, dire aussi que l'infirmité se reproduit souvent par oubli des principes ou
par toute autre cause qui échappe. L'opération peut alors être avantageuse, ainsi que nous en verrons des exemples.
Influences morales. La timidité augmente ou fait naître le bé-gaiement. Ainsi en présence de quelqu'un qui leur en impose, les personnes atteintes de cette infirmité éprouvent un trouble complet qui paralyse la langue, et met en état de convulsion les muscles de la face et souvent aussi ceux de la respiration.
Mais cet effet passager cesse avec sa cause. Lorsque les infir-mes de ce genre ne sont plus dans les conditions qui les influen -cent, ils recouvrent la parole, et lisent ou chantent sans bégayer. M. Bonnet considère les troubles respiratoires en particulier comme dépendant parfois de causes morales, parmi lesquelles l'influence des passions vives doit, être signalée.
Imitation, Volonté. Elles agissent dans le bégaiement. Ainsi il me souvient d'un condisciple qui, voulant se faire exempter de ses leçons, s'était exercé à acquérir un bégaiement qui, pour son malheur, réussit bien au-delà de ce qu'il aurait voulu plus tard. Mais si la volonté peut contribuer à acquérir cette infirmité, elle peut aussi dans certains cas en triompher sans le secours de l'opé-ration .
Influences atmosphériques. Les variations atmosphériques, au dire de quelques bègues, agissent puissamment sur le bégaiement cpii, souvent alors, se montre intermittent.
Hérédité. On trouve des familles entières chez lesquelles le bégaiement est héréditaire. Je voyais dernièrement un bègue qui m'assurait que, jusqu'aux cousins , presque tous les membres de sa famille bégayaient. Il a eu des enfans qui bégayent. M. Dieffen-bach, dans sa brochure, parle d'un père qui a eu neuf enfans dont plusieurs atteints de cette infirmité : les deux filles aînées en sont exemptes; le frère qui vint après elles, bégayait de temps en temps ; deux autres fils, plus jeunes, nebégayent pas ; un autre, plus jeune encore, a bégayé quelque temps dans son enfance; la cadette de la famille, enfant de 3 ans, bégaye fortement; le père lui-même a souffert jusqu'à sa 6° année de ce défaut, cpii l'a quitté tout-à-coup à cette époque. Tous les cas qui tiennent à un vice organique constitutionnel, ainsi que les faits authentiques de guérison spontanée, diminuent singulièrement les chances et le mérite de l'opération.
indications et contre-indications de l'opération.
Indications. La science est loin d'être fixée à cet égard, et ne présente encore que divergence et contradiction dans les auteurs. Comment s'en étonner, quand on se rappelle la marche suivie dans l'étude du bégaiement? Encore dans l'ivresse de l'opération du strabisme, les chirurgiens se sont jetés sur celles du bégaie-ment, presque sans connaissance aucune des éléméns si com-plexes du problème à résoudre. Qui pouvait alors, et même encore aujourd'hui, qui pourrait préciser la séméiologie et le diagnostic différentiel du bégaiement, sans lesquels pourtant l'opération n'est plus qu'un empirisme aveugle ? Aussi voyons-nous, les chi-rurgiens, oublieux du passé, tenter les essais les plus irrationnels, coupant suivant les inspirations du moment, et en dépit des moindres notions d'une saine physiologie, toutes les parties les plus essentielles à la vie d'un organe aussi important que la langue, et, dans le but de guérir une simple infirmité, pratiquer presque sans connaissance de cause, les opérations les plus graves. On conçoit alors le blâme qui pèse sur la myotomie du bégaiement, surtout en présence des faits, presque tous de nature à infirmer l'opération. La plupart des physiologistes et des médecins pensent en effet que la section des muscles de la langue ne saurait dé-truire une maladie qu'ils regardent comme complètement'sous l'influence du système nerveux. Mais, outre que cette cause n'est pas unique, il ne faut, pas non plus, même quand elle existe, lui donner une signification trop absolue ; car dans les cas nom-breux où l'affection nerveuse, étant guérie depuis long-temps, ne se trahit plus que par ses effets , la modification pathologique locale peut être attaquée avec, plus ou moins de succès par une opération. C'est le cas du bégaiement par rétraction musculaire, qui alors, comme toutes les autres rétractions, est et ne peut être traitée raisonnablement que par des moyens locaux, et jamais par des tentatives de modifications imprimées à quelques par-ties du système nerveux.
Les véritables bègues, dit M. Phillips (Ténot.), et les seuls aptes à être opérés avec succès, sont ceux qui redoublent cer-taines lettres et ne peuvent pas changer leur manière de prononcer en respirant profondément; ceux chez lesquels le rhythme ou la mesure ne modifient pas la difformité. Comment concilier ces opinions si exclusives, avec les concessions qu'il fait à M. Dieffen-bach, dont la prétention est de guérir, par les différentes sections de la langue, presque toutes les variétés de bégaiement et notam-ment celles pour lesquelles M. Phillips rejette l'opération: c'est vraiment se montrer plus partial que conséquent. Ce dernier chirurgien (p. 355) ajoute que si le bégaiement porte sur l'h, le k ou l'm, l'opération est impuissante et qu'il n'a pu, jusqu'à ce jour, apprécier le plus léger changement sur ces lettres après l'o-pération. Contrairement à cette opinion, M. Dufresse [Traité du Strabisme et du Bégaiement, p. i/jo) cite un malade qui, après l'opération, prononçait nettement les mots Hugues, Rakoski, maman, etc., et toute espèce de phrases sur lesquels auparavant il bégayait horriblement.
Quant aux conditions anatomicpies de la langue, le degré de longueur, de largeur ou d'épaisseur de l'organe, et le rapport de ces trois dimensions ne sauraient manquer d'exercer une grande influence, mais qu'il n'est pas toujours facile de déterminer. Le raccourcissement seul, quand il est bien prononcé , prend une signification précise. Toutefois, l'indication la plus nette, celle à laquelle, avec la plupart des chirurgiens, nous attachons leplus d'importance, c' est la rétraction et la dureté d es génio-glosses, ainsi que du frein, et le prolongement de celui-ci verslapointe de l'or-igane, quand il en résultel'immobilitépresque absolue de lalangue, 'et l'impossibilité d'en relever la pointe vers le palais. Ce dernier 'caractère, comme nous le verrons dans l'historique, est nette-iment posé par les auteurs anciens, et nul doute pour nous que lie mot de ligamens qu'ils emploient, ne doive s'entendre du ffilet sous-muqueux, formé par les enveloppes des génio-glosses 'rétractés.
Contre-indications. Les variétés diverses de bégaiement, qui dépendent du trouble respiratoire ou, en d'autres termes, dont la cause est transportée de l'appareil musculaire de la langue dans celui des muscles de la respiration, excluent, par cela même , toute idée d'opération , à moins qu'elles ne soient compliquées des signes de rétraction des génio-glosses, cas dans lequel la section du muscle est indiquée comme moyen de re-médiera l'un desélémens du mal, mais non de le guérir complè-tement.
Les bégaiemens congéniaux et surtout ceux qui tiennent à une cause héréditaire, lorsqu'ils ne sont pas accompagnés des signes physiques de rétraction, laissent peu de chances à l'opération. Il faut en dire autant de ceux par causes morales.
L'intermittence, comme caractère principal ou secondaire de la maladie, par la disposition de la nature à une guérison spon-tanée, est une contre-indication.
Lorsque le bégaiement est le résultat de l'imitation , on con-çoit qu'on doive avoir recours aux méthodes, préférablement à l'opération. Ainsi les traitemens locaux qui conviennent dans un cas ne sauraient convenir aux autres : c'est dans chacune des causes variées de bégaiement que les indications et les contre-indications de l'opération doivent être puisées.
Eu égard à l'âge, M. Bonnet n'admet point l'opération passé vingt-cinq ans. Quelques praticiens citent cependant des guéri-sons dans un âge plus avancé.
Enfin, quant à la variété du bégaiement, si l'on se bornait, dit M. Bonnet, à n'opérer que les malades qui répètent les mêmes syllabes, dont la langue a de la tendance à se porter entre les dents et dont les inspirations ne sont pas troublées, on compterait presque autant de succès que d'opérations. Mais ajoutons que le nombre en serait singulièrement restreint; au contraire, si l'on opère tous ceux dont la parole est difficile et qui viennent de-mander les secours de l'art, on doit s'attendre à une grande pro-portion d'insuccès. Cette manière de voir, que nous partageons entièrement, ressort en effet de la pratique générale basée déjà sur un nombre assez important d'opérations.
OPÉRATION DU BÉGAIEMENT (Pl. F, G).
anatomte operatoire (Pl. F, fig. i et 2 ).
La langue est formée de muscles intrinsèques et extrinsèques. Les premiers constituent la langue proprement dite, et se compo-sent de plusieurs faisceaux musculeux intriqués en différens sens et renforcés par uneportion des stylo-glosses et glosso-staphylins. D'après cette disposition anatomique, nous ne voyons pas la pos-sibilité de couper les uns sans les autres, et d'un autre côté, la présence des artères linguales, des nerfs linguaux, grands hypo-glosses et glosso-pharyngiens, rend impraticable, sans les plus grands dangers, la section complète de cet organe.
Muscles extrinsèques. Stylo-glosses. Comme élévateurs de la langue, ces muscles devraient être respectés; comme rétracteurs du même organe, peut-être leur section sur les bords pourrait-elle, être utile dans certains cas. Toutefois, avouons que l'on ne peut avoir de données positives à cet égard. Les mêmes observations s'appliquent, à fortiori, aux muscles glosso-staphy-lins et myo-glosses, dont, au reste, la situation profonde compli-querait encore l'opération.
Hyo-glosses. Leur partie postérieure ou les kérato-glosses, à moins de dégâts considérables, est inaccessible isolément aux moyens chirurgicaux et partant hors de cause.
Leur portion antérieure, ou les basio-glosses, est accessible à l'instrument tranchant, mais sans trop savoir ce que l'on fait et sous peine de graves hémorrhagies.
Génio-glosses. Ces muscles, par la place qu'ils occupent, sont les seuls, à notre avis, qui puissent être coupés avec avantage vers leur bord extérieur ou antérieur libre, et à l'apophyse géni; mais nous rejetons la section de leur partie inojenne et profonde , car là encore se trouvent des vaisseaux et des nerfs trop importans.
Génio-hyoidiens. On doit généralement les respecter.
Nous terminerons ces considérations anatomiques, en rappelant la situation des conduits de Wharton et des glandes sublingales à la base du frein, ainsi que la présence, de chaque côté de cette mem-brane , des veines ranines si importantes à ménager, en considéra-tion des hémorrhagies graves, et même mortelles, qui peuvent être la suite de leur lésion.
historique de l'opération.
Si la révélation faite par M. Velpeau , que l'opération du stra-bisme aurait pu, quoique très imparfaite, avoir été pratiquée il y a un siècle , a néanmoins singulièrement étonné le public et nous tout le premier, voici, quant au bégaiement, des do-cumens historiques bien autrement importans, précis et cir-constanciés, qui ne peuvent manquer d'intéresser le public médical. C'est à M. le docteur E. Joubert qui s'est occupé de cette recherche, que nous devons les renseignemens cu-rieux, d'où il résulte positivement que, sous tous les aspects, quant à l'étiologie, les conditions anatomiques de la langue, l'opération qu'elle réclame, les accidens qui en résultent, les récidives qui en sont la suite, et jusqu'aux moyens de prévenir ces dernières, rien en un mot de ce que nous commen-çons à savoir du bégaiement, n'a été ignoré des anciens et même des deux derniers siècles; que les mêmes espérances ont amené les mêmes tentatives suivies des mêmes désappointemens, mais pas assez forts pour y avoir renoncé : de sorte que, ce sujet, en apparence aujourd'hui si nouveau, est pourtant, commel'exprime l'adage vulgaire, littéralement renouvelé des Grecs. Mais, par une circonstance assez singulière, nous allons voir que les mêmes données semblent s'être reproduites à plusieurs fois, sans aucun souvenir scientifique de ce qui avait précédé ; si bien qu'à cha-que réapparition de la même doctrine, à de longs intervalles, elle a pu paraître nouvelle, comme l'illusion en dure encore dans le public, quant à ce qui se passe aujourd'hui.
Voici donc le résultat des recherches historiques de M. le doc-teur E. Joubert, sur les auteurs originaux
Galien, dans de nombreux passages, et sous différens noms, traite de la question qui nous occupe; il connaît les modifications anatomiques de la langue, épaisseur, induration, raccourcisse-ment, qui font balbutier ou bégayer les sujets affectés de ces vices de conformation. Il emploie, comme à l'ordinaire, des moyens nombreux, même la cautérisation. Mais nous n'avons pu reconnaître dans cet illustre auteur, et les écrivains ultérieurs n'y ont rien signalé qui se rattache à l'incision.
A près de quatre siècles de distance, nous trouvons Aëtius si explicite, en ce qui concerne le bégaiement, qu'il né laisse en quelque sorte plus rien à désirer : en voici la traduction.
« Des ancyloglosses (fetde ceux qui peuvent à peine parler. (2)
« Parmi les bègues, les uns le sont de naissance, les autres par
(1) De »7x11X0;, courbé, et •yXôxjaa langue.
(2) iETIus tetrabihliu, Sermo quarlits, cap. xxxvi. De ancyloylossis, et qui vix loqui possunt.
Ancyloglossi quidam fiunt ex nativitate, quidam vero ex aliqua affectione : Ex nativitate fiunt, quum inembranœ inferiores, quibus lingua innitilur,
l'effet de quelque maladie. Ceux-là sont bègues de naissance, chez lesquels, par le fait de la nature, les membranes inférieures qui fixent la langue sont dures et contractées. L'ancylose et l'incur-vation delà langue par suite de maladie, sont le résultat d'une ul-cération qui laisse sous cet organe une cicatrice dure. Ceux qui en sont affectées parlent difficilement, raison pour laquelle ils sont appelés par les Grecs Mogilali. Les ancyloglosses de nais-sance, d'abord hésitent longuement lorsqu'ils veulent commencer à parler, mais enfin , l'obstacle vaincu , ils parlent avec assez de volubilité; cependant, s'il se présente, dans la composition des mots ou des verbes, une nouvelle cause de difficulté, comme en produit la rencontre fréquente des lettres r, 1 ou 1, ceux-là ne peuvent être positivement guéris que par la chirurgie. Pour y parvenir, il faut faire asseoir le malade et lui faire relever la langue vers le palais, et si, en effet, les membranes se présen-tent à l'état d'incurvation, il faut les saisir avec un crochet et les tendre pour les couper, ayant bien soin de ne pas comprendre dans la section les veines sous-jacentes; mais si une cicatrice est cause de cette infirmité, il faut également la saisir et la tendre avec l'érigne, et tout ce cpie l'on trouve d'induré à la surface des chairs vives doit être divisé. L'opération terminée, on absterge la plaie avec de l'eau froide ou de l'oxycrat. Ensuite on la saupoudre d'encens et y applique une tente de charpie roulée. Les jours suivans on traite la plaie par des lotions émollientes, ou bien on enduit les surfaces d'onguent égyptiac et on y réappli-que des brins de charpie contournés afin que, par leur interposi-tion, la plaie se guérisse avec écartement, pour ne pas laisser se former une nouvelle cicatrice semblable à la première.
Le texte de Paul a"Egine n'est pas moins curieux, non qu'il exprime rien de plus particulier; mais en ce que les détails sur lesquels il insiste sont différens. Suit la traduction.
« La stricture (ligatio) de la langue que les Grecs appellent an-cyloglosse, tantôt survient naturellement, et alors elle a pour cause première, l'endurcissement et la contracture des membra-nes qui retiennent la langue; tantôt provient d'une cicatrice indu-rée succédant à une ulcération. Ceux qui ont cette infirmité par le fait de la nature, se reconnaissent par cela même qu'ils font avec lenteur des efforts pour commencer à parler, en même temps que la tension sous la langue devient plus apparente; toutefois une ulcération de la langue n'ayant point précédé. Ceux au contraire qui ont ce vice acquis, offrent une cicatrice évidente ( i ).
duriores el mutilœ è natura sunt produclœ. Ex affectione autem ancylosis el incurvatio linguœ conlingit, prseeedente ulcère, et cicatrice dura sub lingua relicta. Qui hoc modo affecli sunt, difficullerloquuntur, quare etiam Mogilali à Grsecis sunt appellati. Qui vero ex natura ancyloglossi exislunt, principio quidein tarde in sermonem prorumpunt, ubi vero loqui cœperint, citra obs-taculum et salis festinanter loquuntur. lmpediunlur lamen in prolatione no-minum aut verborum, quorum aliàs difiicilis pronuntiatio existit, veluti in quibusr, aul 1, aut k, literœ, fréquenter occurrunt: hos sane adhibita manu per solam chirurgiam curare oportet. Ad eam ilaque perficiendam œgrum desidere oportet, eiusque linguam sursum ad palatum atlollere : et si quidein membranse ipsœ curvilatis causa existant, incurvo uncino eas apprehensas et extensas excindere, animadversione habita nesimul subiacentes venas disse-cemus. Si vero curvilalis cicatrix causa fuerit, simililer uncino apprehensa extendatur, et quicquid durum adest, el quod cum naturali carne non con-sentit excinda tu r. Ab opère autem patratoaqua frigida aut posca os colluanl. Postea inspergatur manna Ihuris , imponantur que linamenta convulsa : Se-quenlibus vero diebus cureiur ulcus collutione aquœ mulsœ, aul illitione unguenti TEgyptii, linamentis convulsis simul imposilis, ut per eorum inter-sliiiumcicatrixdiducta, coalescat, neque rursus eadem cicatrix relinquatur.
I'auli /Egiketje opus de re medicina, per Joannem Gviivterivm Andernacum. (1) De liqalionelinyuœ quodancylion dicitur, lib r iv, cap. xxix.
Texte de l'opération. Collocari débet œgiotus in sedili ea figura ut lin-guam ad palalum suspendeat, et nerveum illud vinculum Iransversa plaga
Le malade étant assis sur une chaise, et la langue relevée vers le palais, on divise le lien membraneux par une plaie transversale. Que si la stricture provient de quelque cicatrice, transperçant avec un crochet la partie supérieure de la callosité pour l'attirer à soi, par une double section latérale nous faisons cesser la déli-gation de la langue, avec le soin toutefois de ne point inciser les parties profondes, car une hémorrhagie, qu'on ne peut ar-rêter, en est fréquemment la suite. L'opération terminée, on doit absterger la plaie avec de l'eau froide ou de l'oxycrat, etc. »
On le voit : rien de plus clair que ces textes de deux auteurs des sixième et septième siècles. Aucune circonstance ne man-que, pas même la mention des récidives et des moyens de la prévenir ou d'y remédier.
A partir de ces temps reculés, nous ne connaissons rien dans les auteurs, qui ait trait à l'ancyloglosse. Il faut franchir tout le moyen âge pour en voir le nom reparaître au milieu de toutes les résurrections de l'antiquité, non qu'à notre avis , pendant neuf siècles, la notion ait dû en être complètement perdue, mais du moins semble-t-il qu'elle avait disparu des livres usuels et de ren-seignement pour se réfugier dans la tradition. Le premier des écrivains de la renaissance dans les ouvrages duquel se trouve re-produite la doctrine cYAëtius, c'est notre joyeux, mais si savant Rabelais, le collecteur et le révélateur de toutes les idées dans la science, comme il a été le metteur en œuvre de tous les élémens de notre langue (i).
En extrayant, dans son récit, le sérieux du bouffon, il est de toute évidence que non-seulement lui, mais la faculté de Montpellier, au commencement du seizième siècle, connaissait l'opération de l'ancyloglosse et même son application aux muets. (2)
A moins d'un siècle de distance, nous allons voir un grand chirurgien de la fin de la renaissance reproduire tous les faits cpii nous sont déjà connus et dont il emprunte la notion première à un opérateur ambulant. Une observation d'une bien autre im-portance , c'est que Fabrice de Hilden n'opère pas seulement pour cause de bégaiement, mais aussi, sans connaissance du renseignement fourni par Rabelais , et seulement guidé par ses inspirations personnelles, pour cause de mutisme congénial, indication qui, jusqu'à présent, n'a pas encore été saisie par les chirurgiens de nos jours.
Fabrice de Hilden, dans sa vingt-huitième observation adressée à Grégorius Horstius, et qui a pour titre : Dangers de la sec-tion du ligament sublingual, recommande d'agir prudemment en opérant, mais, avant tout, de bien s'assurer si l'ancyloglosse est, ou non, dans le cas d'être opéré. Souvent en effet, une cause toute autre qu'un lien sous la langue empêche les enfans de pro-
incidetur. Quôd si ex cicatrice aliqua ligalio proveneril, hamulotransfixum, superiorem callurn exirahemus, ac laterali facla divisione ligationein solui-mus, cura adhibita ne particulas allé latentes incidamus. Nam sanguinis profusio quoc sisli nequeat fréquenter inde secuta est. Post haec aqua frigida aut posca vulnus débet elui, etc.
(1) L.-J. Delecluze, François Rabelais, 1483-1553. Paris 1841.
(2) Tout le monde connaît ce passage si comique du Pantagruel (liv. m ch. 34), que nous a rappelé fort à propos notre bon ami M. F. Dubois d'Amiens. « le nevousauoys oncques puys veu que iouastes a Montpellier auccques noz anticques amys Anl. Saporla, Guy liouguicr, Ballbazar Noyer, Tolet, lan Quentin, Françoys Robinet, lan Perdrier et Françoys Rabelays, la morale comédie de celluy qui auoytespousé une femme mute. le y esloys, dist Episte-moii. Le bon mary vouloyt que elle parlast. Elle parla par larl dumedicin et du chirurgien qui luy ooupparent vng ancyliglolte que elle auoyt souliz la langue. La parolle rei'ouuerte, elle parla tant cl lantquc sou mary retourna au mediein pour remède de la faire taire, etc.
noncer ou do parler; la langue alors n'est, retenue par aucun ligament. C'est pour prouver le danger de l'opération faite dans ce cas sans nécessité, qu'il cite l'exemple suivant, (j )
« Au mois de mai 1608, un enfant de deux ans, qui était muet, me fut présenté afin que. je lui fisse l'opération du filet; mais ne lui trouvant aucun lien fibreux sous la langue , je refusai de l'opérer. Un mois après, l'enfant fut amené à un empirique ambulant. Celui-ci persuada aux parens que la langue était retenue par un ligament fibreux (nerveum) très dur, mais qu'il rendrait fa-cilement la parole à leur enfant, moyennant un prix convenu. La somme livrée, l'enfant est placé sur les genoux d'une matrone. Alors notre charlatan fit dégager la langue par une incision pro-fonde qui, de la partie antérieure, s'étendait à droite et à gauche de cet organe, ainsi, ajoute l'auteur, qu'il m'a été assuré par les assistans. « Tum imposlor linguam ex utraque et anteriore parte alte, ut mihi ab adstantibus relatum fuit, separavit. » Malheu-reusement cette opération n'eut point le succès désiré, l'enfant fut pris de convulsions et resta infiltré pendant quelque temps. Toutefois Hildanus fit des expériences à ce sujet qui, plus tard, fu-rent couronnées de succès, et l'enhardirent enfin à opérer son frère utérin : voici son récit. « Mon frère utérin, étant enfant, était ar-rivé jusqu'à l'âge de quatre ans, sans pouvoir prononcer une seule parole. Comme j'exerçais auprès d'un chirurgien fort répan-du et que, presque chaque jour je pratiquais avec bonheur la section des ligamens de la langue, il me vint à l'idée, de retour à la maison paternelle, d'observer la langue de mon frère. Je trouvai alors le ligament moyen si épais et si contracté, qu' à peine la langue pouvait atteindre les dents antérieures. « Tum mediante ligamento crasso spissoque linguam adèo annexam inveni, utipsa vix dentés anteriores attingere posset. » Ce ligament fut coupé avec le plus de soins qu'il me fut possible ; ensuite j'eus soin , trois et quatre fois par jour, d'enduire la plaie de miel rosat. Deux mois après la première opération, trouvant le ligament réuni de nouveau, j'eus recours à une opération analogue à la première. « Qua-propter eodem modo ut prius processi. » Grâce à Dieu, je fus si heureux, que peu de temps après, mon frère commença à parler, et depuis, Dieu merci ! il parle et articule on ne peut mieux. » (a)
Fabrice de Hilden, termine en décrivant sa manière de pro-céder.
« Cette opération est exempte de dangers, pourvu qu'elle soit faite convenablement ; il faut surtout avoir soin de ne pas in-ciser trop profondément. La langue étant relevée, avec la pointe des ciseaux je coupe le ligament le plus souvent en deux, quel-quefois en trois endroits : de cette manière, la réunion est plus difficile que si l'on n'avait fait qu'une seule incision. Mais je coupe seulement ce qui est fibreux ( nerveum ), en atteignant à peine la chair (géiiio-glosses). Si par cette première voie, on n'a pas assez coupé, ou s'il y a réunion, on peut alors avoir recours à la même opération.
Le ligament coupé, je recommande à la nourrice de porter très souvent dans la plaie un doigt enduit de miel rosat ou commun , et de relever doucement la langue, afin de s'opposer à l'agglutination et à la réunion des parties divisées. » (3)
(1) Fabrice de Hilden , Observatio xxvin, Centuria III.
(2) Resdei beneficio ita féliciter cessit, ul brevi loqui inciperet, tandemque et hucusque, laus Deo, vocem oplime proferre et articulare posset.
(3) De ligamenli sub lingua jtericulosa sechone. « Vacat aulem omni periculo operatio hœc , dummodò recto administra» fuerat, principile autemperspiciendum conveni 1, 11« niniis profonde incida tu 1;
Cette narration de Fabrice de Hilden est singulièrement cu-rieuse ; il emploie l'expression grecque d'ancyloglosse, et ce-pendant rien ne prouve qu'il ait eu connaissance de l'opération pratiquée dans l'antiquité romaine. Au lieu de cela, c'est par un charlatan que lui en vient la première notion ; il s'inspire de ce que cet homme a fait, et y apporte, dans l'opération pra-tiquée sur son frère, les modifications qu'il juge convenables. Les conseils qu'il donne ensuite, et la manière dont il les pré-sente, suffiraient à prouver qu'il a souvent eu recours à cette opération pour des causes variées, si déjà l'on n'avait à cet égard sa déclaration expresse, le fait unique, rapporté plus liant, n'étant qu'un exemple singulier entre plusieurs autres (1). En outre, chose remarquable, il réitère la section à plusieurs reprises, si, d'abord il n'a pas assez coupé. Or, comme la première fois il ne fait qu'effleurer les génio-glosses, on peut donc induire de ses expressions que dans les opérations subséquentes, il entame au besoin la substance de ces muscles. Enfin, il a eu connais-sance des récidives et pour les empêcher de se produire, il dé-truit ou ordonne de détruire avec le doigt la cicatrice à mesure qu'elle tend à se former. En un mot dans ce texte simple et clair se trouvent nettement formulés le procédé et les modifica-tions qu'a retrouvés de nos jours M. Amussat, et auxquels ce chirurgien attribue avec raison les succès qu'il invoque en fa-veur de sa pratique.
Toutefois , en restituant à l'art chirurgical ces anciennes con-quêtes de nos devanciers, notre intention n'est nullement de frustrer M. Amussat des éloges qui lui sont dus ; bien au contraire : comme en fait d'invention, le mérite est le même à toute époque et qu'une idée originale ne saurait rien perdre de sa valeur parce que d'autres l'auraient eue déjà autrefois, nous croyons faire plaisir à M. Amussat en publiant une théorie et des faits anciens qui vien-nent corroborer sa pratique et la fortifier de l'assentiment anté-rieur de l'un des plus grands chirurgiens de la renaissance, comme aussi nous espérons, par cette réhabilitation, relever la confiance ébranlée de nos chirurgiens, et les encourager à faire de nou-veaux efforts pour ne pas laisser encore une fois retomber dans l'oubli une opération qui, étudiée avec persévérance et pratiquée avec sagesse, est peut-être appelée à prendre rang parmi les plus véritablement utiles.
Au reste et pour tirer tout le parti convenable de ce texte de Fabrice de Hilden si fécond en quelques lignes, nous invitons les chirurgiens à joindre leurs efforts aux nôtres pour étudier pro-fondément l'application de la myotomie sub-linguale au mutisme congénial. Cette infirmité peut provenir de deux organes très différens, l'oreille et la langue. En d'autres termes, si, parmi les muets de naissance, il en est qui ne sont muets que parce qu'ils sont sourds, il en est d'autres aussi, dont le mutisme a pour cause un vice de conformation exagéré de la langue qui ne permet à ces malheureux de s'exprimer que par des gloussemens inintel-ligibles.
A l'appui de cette assertion , indépendamment du frère utérin
ego elevata lingua, apice forficulum ligainentum ut plurimùm in duobus, non nuiiquam et in tribus locis incido; sic eniin difficilius coalescil ilerum quàinsi in uno tantummodô in loco incisio facta est: incido aulem tantum-modô quicquid nerveum est, ita ut carnem vix attingam, quod si prima vice non salis abscissum, aul iterum annexum fueril, poterit poslea eadem opera-tio administrait; inciso ligamento, jubeo ut nnlrix sœpissime digito mille rosaceo, aut communi madefacto, linguam blanlè elevel, sic entai agglulina-tioatque consolidatio impeditur.
(1) Denique de ancyloglossis inler cœtera exemplum unum non vulgare babeo.
de Fabrice de Hilden, nous pourrions citer tant d'autres faits qui pullulent dans les auteurs, si les exemples de muets non sourds n'étaient pas tellement nombreux que chacun de nous a pu en rencontrer. Et si le dix-huitième siècle aux acclamations de ses poètes et de ses philosophes a pu se croire à sa naissance hau-tement glorifié lorsque, pour la première fois, par la main de Cheselden, l'art a gratifié de la vue les aveugles-nés, c'est pour le nôtre un noble sujet d'émulation et un motif d'espérance, en fécondant l'héritage intellectuel des siècles qui nous ont précédés, de parvenir à faire parler les muets.
Pour terminer cet historique des faits antérieurs à notre épo-que, nous n'avons plus que quelques mots à ajouter.
Après Fabrice de Hilden, il paraît que l'opération continue à rester dans la pratique. On trouve dans Dionis, écrivant à plus d'un demi-siècle de distance (1672), le passage suivant : on voit souvent des enfans qui bégayent à l'âge de 4 ou 5 ans, parce que leur langue n'a pas la facilité de se remuer pour articuler et pro-noncer distinctement; on doit alors donner deux ou trois petits coups de ciseaux en différens endroits pour la débrider, et par ce moyen rendre à cet organe la liberté de se promener dans toute la bouche, etc.
Un peu plus tard Heister n'est pas moins explicite.
Tl arrive, dit-il, quelquefois aux adultes de ne pouvoir pronon-cer facilement parce que les membranes situées sous la langue sont trop courtes ou trop contractées, l'opération est alors le plus souvent nécessaire pour les guérir.
Enfin dans le siècle dernier, l'auteur de l'article Ancyloglos-sum (Dictionnaire universel de médecine de James), après s'être inspiré des textes précédens qu'il cite et résume par centons, donne les détails suivans sur l'opération telle qu'il l'a pratique. » Il faut de la main gauche, soulever un peu le bout de la langue, la prenant avec un linge, de peur qu'elle ne glisse des doigts, ou même avec une petite fourche faite exprès; ensuite on coupera du frenulum, avec des ciseaux, dont chaque pointe sera ter-minée en bouton, ce qu'on jugera nécessaire, pour qu'il ne reste plus d'obstacle qui empêche l'enfant de téter et de parler. On pourra aussi se servir d'un bistouri, en avançant entre les veines ranines et les conduits salivaires inférieurs : mais il faudra le faire avec beaucoup de précautions, de crainte de couper en même temps les conduits salivaires, les veines ranines ou les nerfs de la langue; car quand ils sont offensés, il en arrive des suites terribles. »
Tels sont, concernant l'opération du bégaiement, les docu-mens authentiques à notre connaissance qui ont précédé la pré-tendue application nouvelle de myotomie qui est venue l'année dernière étonner le public médical.
De tout ce qui précède, il résulte , comme nous l'avons dit en commençant, que le bégaiement considéré dans son étiologie comme la même affection que le filet, à un degré plus prononcé, a été parfaitement connu dans ses causes et son mode de traite-ment chirurgical, depuis latin de l'antiquité latine; et que, si une lacune semble s'offrir entre le bas empire et la renaissance, il est probable que la mémoire des faits se sera transmise par l'intermédiaire des Arabes, de l'antiquité au moyen âge, pour être recueillie par Fabrice de Hilden à la renaissance, sous la forme ordinaire de traditions populaires.
Enfin , de la lecture des trois derniers auteurs que nous venons de citer, il paraît résulter qu'au milieu du siècle dernier, l'opé-ration du bégaiement entrait dans la pratique usuelle, sans toute-fois qu'on y mît beaucoup d'importance, et comme rien ne prouve que les récidives aient mis les chirurgiens dans la né-cessité d'y renoncer, on ne comprend pas pourquoi le souvenir s'en était si complètement effacé.
Quoi qu'il en soit, après un nouvel oubli d'un siècle, c'est donc bien réellement à M. Dieffenbach, que l'on doit la réapparition de l'opération du bégaiement. Quelque blâme que nous soyons contraint de verser sur sa méthode, l'idée-mère au moins lui appartient aussi originale, en raison de l'ignorance commune du passé, que si aucun chirurgien n'y avait songé avant lui, et la manière même dont cette idée lui est venue ne permet aucun doute sur la réalité de l'invention en ce qui le concerne.
De l'aveu de tous , avant le mois de février 184 r, personne ne songeait à opérer les bègues. On en était réduit aux méthodes physiologiques plus ou moins ingénieuses de madame Leigh, de MM. Malbouche et Colombat, de l'Isère. Tout au plus, ce der-nier ajoutait-il quelquefois à sa méthode la section du frein , lors-que le Journal des Débats, dans son numéro du iC1' février 1841, annonça qu'une découverte du professeur Dieffenbach excitait à Berlin l'attention générale. «Ce chirurgien disait-on, a trouvé le moyen de guérir le bégaiement par une incision dans la langue : l'opération qu'il a faite a complètement réussi. Sui-vant M. Dieffenbach, le bégaiement provient d'une impossibi-lité d'appliquer la langue au palais. Son procédé consiste à faire cesser cet inconvénient. » L'annonce de cette découverte produi-sit une grande sensation parmi les chirurgiens à Paris. La lettre de M. Dieffenbach n'étant pas encore connue, chacun, dans l'i-gnorance des détails de sa méthode, s'ingénia pour en trouver une. Si l'on peut en croire M. Phillips qui s'est fait l'historien de celte époque, le premier il aurait opéré deux sujets le 6 février, et le surlendemain il en aurait écrit à l'Académie des sciences. Que ce chirurgien soit véritablement l'auteur de son procédé , ou qu'il lui ait été communiqué, nous l'ignorons, toujours est-il qu'on ne peut s'empêcher d'y reconnaître une méthode originale, puis-qu'il transportait aux muscles sous-linguaux une opération pra-tiquée d'abord par M. Dieffenbach à la face dorsale, aux dépens des muscles intrinsèques. Au 14 février se rapportent les opéra-tions de MM. Velpeau et Amussat; puis en mars celles de M. Baudens. Bientôt enfin les tentatives et les procédés se multi-pliant, l'opération du bégaiement put commencer à entrer dans l'enseignement. Jusqu'à quel point des confidences échangées entre divers chirurgiens, suivant l'aveu de M. Phillips lui-même, auraient-elles concentré en commun les idées sur la méthode opératoire sous-linguale, qui deviendrait alors la propriété de tous? Nous ne saurions le dire. Toutefois, cette méthode en elle-même est remarquable en ce qu'elle constitue une réapparition des procédés anciens et qu'elle forme la base de ceux de nos jours qui paraissent devoir être conservés. Après avoir tracé l'historique des méthodes, c'est à un autre point de vue que nous croyons devoir en présenter la description. Chaque auteur ayant successivement modifié sa manière d'opérer, nous commence-rons par les procédés que l'on a cessé d'employer pour offrir en dernier ceux que, jusqu'à ce jour, l'expérience nous fait consi-dérer comme les meilleurs.
EXAMEN UE LA LANGUE ET DE LA NATURE DU BÉGAIEMENT.
On conçoit combien cet examen importe dans le choix du traitement et du procédé opératoire. Il faudra donc, d'abord, s'attacher à reconnaître la nature et l'espèce de consonnes sur lesquelles porte le bégaiement. Pour bien observer les bègues,
il convient de leur faire répéter les sons élémentaires de leur langue maternelle, ainsi que des mots plus ou moins difficiles à prononcer, en étudiant la position delà langue dans l'articula-tion des sons.
Les phénomènes respiratoires méritent une attention spéciale. On fera tirer la langue pour reconnaître ses degrés de longueur , de mobilité, et s'il y a ou non déviation. Enfin on la fait relever vers le palais pour s'assurer, par le toucher, du degré de ré-traction de ses muscles ou du frein, cpii se traduit par des cordes plus ou moins saillantes au niveau des apophyses géni.
MANUEL OPÉRATOIRE.
Appareil instrumental. Il faut savoir gré aux inventeurs d'in-strumens de s'être montrés moins féconds pour le bégaiement que pour le strabisme; nous trouvons cependant encore les vingt-et-un petits outils indiqués par M. Phillips comme beaucoup plus dignes de figurer dans un catalogue de coutelier cpie dans la pratique. Ainsi, pour nous, il suffit d'une pince ou deux pour saisir la langue ou bien de deux érignes ; plus une paire de ciseaux courbés ou coudés, un myotome ou un ténotome mousse, et enfin un perforateur pour la méthode sous-cutanée. Après cela, libre aux amateurs des brillantes inutilités d'étaler six ou huit bistouris concaves, à crochet, à simple ou double cour-bure, etc. , quatre ou cinq paires de ciseaux de différens mo-dèles, etc., etc.
Position du malade. Il est assis sur une chaise, la tète appuyée sur la poitrine d'un aide placé debout derrière lui. Cet aide se rend utile à l'opération ; ses mains, seules ou armées de crochets ou de pinces, servent à écarter les commissures des lèvres ou à maintenir la langue relevée. Un autre aide, situé à la droite du chirurgien, lui présente et en reçoit les instrumens nécessaires à l'opération.
MÉTHODES ET PROCÉDÉS OPÉRATOIRES.
Trois méthodes opératoires de section de muscles existent pour le bégaiement : i° La section des muscles intrinsèques delà langue (méthode allemande) ; 1° la section sous-muqueuse à découvert des muscles extrinsèques ; 3° Leur section sous-cutanée; les deux dernières doivent leur origine à la première, et constituent la méthode française proprement dite. Ainsi que nous l'avons fait pour le strabisme, autant qu'ils nous en auront fourni le moyen, nous laisserons les auteurs eux-mêmes décrire leurs procédés.
MÉTHODE ALLEMANDE.
C'est dans une lettre adressée à l'Institut de France (3i jan-vier 1841 ), que M. Dieffenbach a consigné sa découverte sur le bégaiement. Voici comment l'auteur s'exprime sur la manière dont l'idée lui vint de pratiquer cette opération . « Cette pen-sée de guérir le bégaiement par la section des muscles de la lan-gue se présenta pour la première fois à mon esprit, en enten-dant une personne qui louchait me prier, en bégayant, de l'o-pérer. Elle était affectée d'un strabisme spasmodique des deux yeux. Dès-lors en y faisant plus attention, je remarquai que plusieurs autres louches avaient en même temps un vice de pro-nonciation ; ils louchaient presque toujours d'une manière con-vulsive, certains jours plus que d'autres : ce qui avait aussi lieu pour le bégaiement. Comme je pensais que le dérangement dans le mécanisme du langage qui produit le bégaiement avait une cause dynamique, et que je le regardais comme un état spasmodique des voies aériennes, qui résidait surtout dans la glotte et qui se communiquait à la langue, aux muscles du visage et même du cou, je devais aussi croire, qu'en interrompant l'innervation dans les organes musculaires qui participaient à cet état anormal, je par-viendrais par là à le modifier ou à le faire cesser complètement. C'est par cette raison que, la section transversale de toute la mus-culature de la langue me parut une entreprise digne d'être tentée et aussi infaillible dans le bégaiement, que toutes les sections de muscles dans un grand nombre de maladies spasmodiques. »
Trois méthodes différentes , qui toutes ont pour but la sé-paration totale des muscles, ont été essayées par M. Dieffenbach.
Voici comment il les a formulées.
i° Section horizontale transverse de la racine de la langue.
2° Section sous-cutanée transversale de la racine de la langue avec conservation de la muqueuse.
3° Section horizontale de la racine de la langue avec incision d'une pièce triangulaire dans toute sa largeur et toute son épaisseur.
C'est particulièrement sur cette dernière méthode que ce chi-rurgien avait fondé le plus d'espérance de succès, comme ayant pour résultat le raccourcissement de la langue et la facilité d'en relever à volonté la pointe contre la voûte palatine , mouvement qu'on cherche surtout à développer dans les leçons gymnasti-ques de la langue qui ont pour but de corriger du bégaiement.
Appareil instrumental. Il se compose des objets suivans : une pince de Muzeux , une pince plus petite, droite et dentée; un cro-chet double à manche, un bistouri à fistule aigu et falciforme, des aiguilles munies d'un fil de soie quadruple et une pince droite pour conduire ces dernières.
1 ° Excision d'une pièce triangulaire de la langue ( 1 ). La pre-mière opération de M. Dieffenbach fut pratiquée, le 7 janvier 1841, sur Dœnau, âgé de i3 ans. « Voici dit l'auteur, la marche que je suivis pour opérer. Le jeune homme était assis sur une chaise, la tète appuyée contre la poitrine d'un assistant ; je fis tirer la langue autant que possible, puis la saisis dans la partie antérieure avec une pince de Muzeux, de manière que les crochets de la pince pénétrassent dans les bords : en serrant les branches de l'instru-ment, la langue fut ainsi comprimée latéralement, et son vo-lume devenait plus étroit tout en gagnant en épaisseur, deux conditions favorables à l'exécution de l'opération. Pendant qu'un des aides amenait la langue autant que possible en dehors et un peu de côté, et que l'autre retirait en arrière, avec des crochets obtus, les coins de la bouche, je saisis avec le pouce et l'index de la main gauche la racine de la langue, et la relevai en la com-primant latéralement. Cela fait, j'enfonçai la lame de mon bis-touri dont le taillant était dirigé en haut, dans la partie gauche de la racine de la langue, et après avoir fait pénétrer mon in-strument, jusqu'au point opposé où j'étais entré, je terminai de bas en haut la section complète. Après avoir fixé le bord posté-rieur de la plaie avec une forte suture, je saisis avec une pince munie de pointes le bord antérieur, et l'ayant ainsi comprimé latéralement, j'enlevai dans toute l'épaisseur de la langue, de
(i) flanche F, iig. S,
liant en bas, un morceau de 3/4 de pouce en forme de coin. Pour cette dernière section je me servis d'un petit bistouri droit préférablement au bistouri à fistule.
« La lèvre postérieure de la plaie fut, au moyen de la suture dont j'ai déjà parlé et d'un double crochet, amenée assez en avant pour que je pusse recoudre : six forts points de suture réunirent la plaie, etc.
« Pas la plus petite trace de bégaiement, pas le plus léger mou-vement convulsif dans les muscles du visage ni dans les lèvres n'est demeuré après le septième jour de l'opération. »
Section sous-cutanée de la racine de la langue. Elle fut faite pour examiner l'importance de cette méthode par rapport à la facilité ou à la difficulté de l'exécution. Herman Kirscbberg, âgé d e 17 ans , en est le sujet. « La langue saisie avec une pince de Muzeux, le chirurgien la tira fortement en dehors de la bou-che , puis enfonça en arrière dans la face inférieure un bistouri à fistule falciforme, et fit l'incision de la racine de la langue dans toute son épaisseur, laissant intacte la muqueuse qui revêt la face supérieure. La largeur de la plaie faite par l'entrée et la sortie du bistouri ne parut pas dépasser celle de l'instrument, ce qui provenait de l'extensibilité de la muqueuse. La langue était si complètement coupée sous la peau dans toute sa largeur qu'il eût suffi, pour la faire céder, de la tirer un peu fortement avec la pince. Le sang jaillit des deux blessures latérales comme s'il fût sorti d'un gros tronc d'artère, et la langue se tuméfia bientôt par la masse du sang qui s'accumulait dans le vide pro-duit par la section sous-cutanée. Pour rétrécir cet. espace il fit une forte, suture d'arrière en avant dans l'épaisseur de la langue, et ferma aussi les deux points latéraux par lesquels le bistouri avait pénétré.
3° Section simple et horizontale. La langue fixée, le chirurgien l'incise transversalement à sa racine. Six fortes sutures réunis-sent exactement les bords de la plaie et suffisent pour arrêter la perte de sang assez abondante.
Toutes ces opérations sont suivies d'hémorrhagieset de tumé-faction considérables; mais, en outre, dans le premier procédé objet de prédilection du chirurgien, si, aussitôt que la langue est coupée en deux parties, on n'a le soin d'accrocher avec une érigne le moignon postérieur afin qu'il ne retombe pas sur la glotte, il peut arriver immédiatement une suffocation mortelle. Ajoutons encore que la partie antérieure de cet organe, confiée à un aide, peut être arrachée par sa maladresse, et même par les mouvemens brusques du malade. Au reste M. Dieffenbacb s'ex-prime ainsi sur sa méthode. « L'importance d'une si grave opé-ration, les dangers qui peuvent en résulter, la perte de la langue par la gangrène ou par une trop forte suppuration , ou même par la maladresse d'un assistant qui peut facilement la déchirer, sont autant de considération qui demandent à être mûrement pesées, et qui, jointes à la difficulté qu'elle présente, empêcheront des opérateurs peu exercés de vouloir la tenter. » Et cependant qua-torze bègues sont opérés et guéris par l'ablation d'une pièce trian-gulaire de la langue ! Après l'excision, dit le. chirurgien de Berlin, « les mouvemens sont complètement libres ; l'opéré a le sentiment d'un raccourcissement de la langue et d'un relèvement de la pointe de cet organe contre le palais. La section de la langue n'a eu aucune influence sur le sens du goût, qui paraît cependant être moins subtil dans les premiers temps qui suivent l'opération. »
Telle est, en texte original, la méthode de M. Dieffenbacb, avec les observations et les résultats donnés par l'auteur. Avant de por-ter, à cet égard, aucun jugement personnel, constatons que cette méthode, encore à sa naissance, est déjà complètement aban-donnée, aucun chirurgien ne se souciant, de réitérer une opéra-tion que l'on peut considérer comme une nouvelle maladie, bien autrement grave que la simple infirmité qu'elle avait pour objet de, guérir. Au reste, s'il est quelque chose qui nous semble plus singulier, plus extraordinaire que cette opération, ce sont assu-rément les motifs sur lesquels elle s'appuie.
L'objet de l'auteur est, dit-il, de modifier l'innervation de la langue : nous avons décalqué la section représentée sur ses figures; il en résulte positivement que, dans le lambeau en forme de crois-sant qu'il enlève , se trouve entièrement coupés, à deux reprises, avec excision de la portion intermédiaire, les deux nerfs linguaux et grands-hypoglosses , les artères et veines linguales et une masse assez considérable des muscles intrinsèques dans le milieu de leur longueur. Or, comprend-t-on qu'une résection complète des nerfs sensitifs et moteurs puisse amener d'autre résultat qu'une paralysie du sentiment et du mouvement ? Et un pareil effet obtenu peut-il être appelé une modification de l'innervation de la langue? On voit pourtant que nous faisons encore beau jeu à l'auteur, car nous ne semblons pas tenir compte de l'épouvantable hémor-rhagie qui doit survenir et qui est survenue effectivement, des accidens de suffocation qui résultent de la rétraction du lambeau postérieur et de l'affluence du sang dans la bouche et le pharynx; enfin des immenses difficultés pour le chirurgien et des douleurs pour le malade, que doivent causer inévitablement la première anse placée dans le lambeau pour en empêcher la rétraction et l'application, puis le maintien pendant tout le temps convena-ble, de six larges sutures. Si nous insistons avec tant de force sur les motifs et les manœuvres de cette opération, c'est en raison de la noblesse même de son origine. Quand un homme, juste-ment célèbre, est placé si haut dans l'opinion publique par ses œuvres, que sa conduite sert immédiatement de modèle à tous les esprits hardis et novateurs, cet homme doit plus que tout au-tre être très circonspect avant de proclamer des nouveautés qui ne trouvent cpie trop d'imitateurs inconsidérés , plus faciles à se laisser séduire par la prétendue originalité d'une tentative que dis. posés à juger froidement de sa véritable utilité pratique. C'est pré-cisément ce. qui est arrivé de l'opération de M. Dieffenbacb : sur l'annonce de i4 guérisons par une méthode aussi extraordinaire, on a vu de suite apparaître trois ou quatre sous-procédés encore plus étranges : et cependant, qu'en reste-t-il aujourd'hui en Europe parmi les chirurgiens ? Un doute très significatif, pour ne pas dire une négation complète de la réalité des succès obtenus. Or, ce premier fait est grave : comme il arrive toujours , à un engoue-ment excessif succède nécessairement Tin scepticisme complet, et pour avoir trop applaudi d'abord à une opération blâmable, la plupart des chirurgiens en sont aujourd'hui à rejeter absolument même les procédés les plus raisonnables et les moins offensifs, au point qu'il y a, en ce moment, quelque courage à soutenir encore que l'art puisse exercer une influence avantageuse sur le bégaie-ment. C'est pourtant notre avis, que nous avons déjà exprimé et que nous essaierons encore de motiver plus loin par des faits.
A la méthode allemande se rattachent l'opération de M. Gears-ley de Londres et les procédés de M. Velpeau; ces derniers ne sont que des réminiscences des moyens employés pour les cancers de la langue. Nousnefaisonsquerappeler ces tentatives qui appartien-nent à l'histoirede lapremière méthode opératoire du bégaiement.
M. Gearsley, en pratiquant la section de la luette et des aniyg-
dales, a eu pour but de faire cesser les troubles respiratoires en livrant passage à l'air; mais cette opération, qui ne s'appuie que sur une théorie hypothétique, n'a eu aucun succès et est com-plètement abandonnée.
M. Velpeau a procédé de trois manières : i" l'extirpation d'un lambeau en V de la pointe de la langue, déjà condamnée par M. Dieffenbach; 20 la ligature du même organe, opération en-core plus douloureuse et moins justifiable. L'objet de ces deux modes opératoires était de rendre la prononciation plus facile chez les bègues où l'on avait pu croire que la langue était trop longue ; mais il ne paraît pas que cette étiologie ait subi l'épreuve des faits, puisque l'auteur lui-même a renoncé à l'opération qui s'y rapportait et qu'aucune tentative du même genre n'a été faite. Enfin M. Velpeau a pratiqué la section du pilier antérieur du voile du palais, opération qui ne semble qu'une imitation de celle de M. Jearsley et n'a eu également aucun succès.
MÉTHODE FRANÇAISE.
Bornée à la section des génio-glosses, dans un point différent selon les procédés, cette méthode a pour but de faire cesser la rétraction spasmodique de ces muscles et de permettre à la langue de se porter dans tous les sens, surtout à la voûte palatine.
Procédé de M. Phillips (1). Ses essais sur le cadavre lui ont fait adopter le procédé suivant qu'il doit sans doute avoir pratiqué un grand nombre de fois. « La bouche largement ouverte, l'opé-rateur saisit le frein à son angle de réflexion sur la langue même; l'instrument qui sert à exécuter cette manœuvre est une érigne coudée à angle droit, afin que l'aide à qui on la confie ne gêne pas les mouvemens de l'opérateur. Ce dernier implante une pe-tite érigne dans le frein, à une demi-ligne des canaux de Wharton, et, entre ces deux érignes, il donne un coup de ciseaux qui ouvre aussitôt largement la muqueuse; alors, en abandonnant les ci-seaux, il introduit par cette plaie un crochet mousse, tranchant sur sa concavité, depuis le bouton jusqu'au manche; il ramasse sur cet instrument toute la musculature de la langue , et, faisant décrire à ce crochet un demi-cercle étendu, il coupe en un in-stant toute la musculature de la langue. L'hémorrhagie qui suit cette opération est très abondante, mais elle est salutaire au malade; le douzième jour la cicatrisation est achevée.» (Ténot., pag. 363.)
Il y a ici une erreur profonde, en anatomie. Pour que l'opé-ration de M. Phillips fût possible avec son instrument, il faudrait que la musculature de cet organe fût telle que cet auteur l'a des-sinée. Heureusement que rien de tout cela n'est réel. M. Phillips ne coupe pas tous les muscles de la langue, mais il en coupe encore beaucoup trop ; et comme le texte et les planches signées par l'auteur s'accordent dans une erreur commune, il nous est permis de le juger rigoureusement, surtout lorsqu'une opération aussi condamnable en a été la suite. Comment M. Phillips a-t-il osé dire salutaire une hémorrhagie qui survient par la section de nombreux vaisseaux artériels et veineux? Pourquoi aussi ne pas faire l'éloge des sections des nerfs de sentiment et de mouvement qu'il pratique avec tant de légèreté ? Il ne s'agit pas seulement de blâmer ce jeune chirurgien d'avoir déchiqueté des langues, mais de les avoir en partie paralysées, si même il n'a produit des suites encore plus graves qu'il aurait omis de rapporter. Disons pourtant
(I) Planche F, fig. 1 et 8.
que, dans le cours de son ouvrage, il condamne lui-même sa mé-thode, qu'il va même jusqu'à abandonner. Il convient qu'elle est entourée de trop d'écueils pour que l'on puisse la conserver dans la pratique. L'hémorrhagie, dit-il, est toujours très abon-dante, et l'on ne possède aucun moyen de l'arrêter, si ce n'est par une seconde opération plus pénible et plus cruelle que celle faite pour guérir le bégaiement. En outre la langue est. brusque-ment abandonnée à elle-même, sans appui, sans soutien, et elle a une grande force de rétraction qui la fait renverser en arrière, écraser la glotte et produire une suffocation qui peut devenir funeste à l'opéré. ( Ténot., pag. 394.)
De pareils aveux désarment la critique ; mais si nous ne vou-lons pas nous montrer trop sévère à l'égard de ce jeune chirur-gien, constatons du moins l'abandon qu'il fait de son procédé, tout en déplorant le retentissement funeste qu'il lui a donné par une activité d'aussi mauvais goût que peu réfléchie.
Procédé de M. Lucas (1). « Après avoir divisé la muqueuse de la langue qui couvre les muscles génio-hyo-glosses dans l'éten-due d'un pouce et disséqué soigneusement et largement le tissu cellulaire sous-muqueux, le chirurgien met en évidence leurs bords antéro-inférieurs. A l'aide de deux incisions, il divise les deux muscles et enlève une portion triangulaire de leur substance, dont la base correspond à la muqueuse; puis il fait élever la pointe de la langue vers le palais, et, si elle ne peut y arriver facilement, il enlève encore les fibres qui paraissent s'opposer à ce mouvement. Pendant quelque temps après l'opération, le pa-tient s'est plaint d'une douleur accompagnée de tintement d'o-reille, qui partait de la plaie et se prolongeait jusque derrière le lobe de l'oreille, ce qui provenait sans doute de la division de quelque filet de la neuvième paire ; mais cette douleur s'est bien-tôt dissipée. »
Après l'opération quelques malades ont cru sentir leur langue plus libre, et plusieurs prononçaient sans hésiter le mot byppo-potamus: quelques-uns n'ont éprouvé aucune amélioration. Dans aucun cas, M. Lucas n'a eu à combattre d'hémorrhagie, ce qu'il attribue au soin minutieux qu'il a mis d'éviter les veines et les artères qui se présentent sur les parties latérales des deux muscles Nous n'avons aucune observation à faire sur ce procédé d'excision, par cela même qu'il est aujourd'hui complètement abandonné, (Extrait de M. Phillips, pag. 374)-
Procédés de M. Velpeau. 1 ° Placé comme il est convenu, le ma-lade ouvre largement la bouche : l'opérateur saisit la muqueuse avec des pinces ou avec une érigne, puis avec des ciseaux il coupe cette membrane dans l'espace moyen compris entre les canaux de Wharton et la concavité de la mâchoire ; par cette ouverture il in-troduit un bistouri et divise les muscles génio-glosses tout près de leur insertion à l'apophyse-géni. 20 Le dernier procédé de ce chirurgien et celui auquel il s'est arrêté maintenant, est le sui-vant : La pointe de la langue étant saisie avec une pince, tenue de la main gauche par l'aide placé derrière le malade, puis in-clinée en haut et latéralement; avec une autre pince, également tenue de la main gauche et présentée presque parallèlement à la face inférieure de la langue, le chirurgien en saisit et tend le frein; puis d'un seul coup de ciseaux, entre les veines raninés et les conduits de Wharton, divise brusquement la muqueuse et le bord antérieur des génio-glosses, mais sans pénétrer plus loin que
(1) Planche g , fig. 4.
quelques millimètres ou, tout au plus, un centimètre. Ainsi limi-tée, cette opération n'est presque plus qu'un simple débridement, comme on le pratiquait au temps d'Heister et de Dionis (Pl. F, fig. 7 et fig. i, D).
Procédés de M. Amussat. Ce chirurgien étant de tous celui qui a opéré à Paris le plus grand nombre de bègues , a aussi peu-à-peu modifié son procédé. Pour bien comprendre la filiation de ses idées à ce sujet, le plus simple est de donner à-la-fois, le pro-cédé original par lequel il avait opéré d'abord, en le faisant sui-vre de celui auquel il s'est arrêté aujourd'hui.
i» Procédé ancien. Voici comment l'auteur s'exprime dans sa lettre à l'Académie de médecine, en date du i5 février 18/11. « Le procédé que j'ai employé consiste, la langue étant renver-sée en arrière et en haut, la bouche largement ouverte, à couper perpendiculairement avec des ciseaux la muqueuse à la partie in-férieure du frein ou filet, entre les deux canaux de Wharton; puis on coupe en travers au dessous , et on écarte les bords delà mu-queuse divisée. Alors, en faisant tirer la langue en avant et en haut, hors de la bouche, les muscles viennent s'offrir d'eux-mê-mes à la section , avec des ciseaux ou un petit scalpel en ron-dadle, et on la divise plus ou moins suivant leur contraction. Dans le point où je pratique la section des muscles génio-glosses , l'opération est moins difficile et moins dangereuse que dans tous les autres. On agit sur un double faisceau , ou le sommet du trian-gle, tandis que plus haut, comme on lésait, le muscle s'épanouit en éventail, et il est entouré de vaisseaux et de nerfs. »
A la rigueur, ce premier procédé de M. Amussat peut suffire ; mais à la lecture rien ne précise ni la profondeur ni la direction de l'incision. Décrivons sa manière actuelle d'opérer.
i"Procédé nouveau(i). Dans celui-ci, l'auteur procède suivant une direction toujours la même, mais avec ménagement, de manière à ne couper que ce qui est absolument nécessaire. Le malade étant placé dans la situation ordinaire, et la tête fixée en arrière, le chirurgien fait ouvrir largement la bouche au malade, puis, avec une pince à ressort, il saisit fortement la membrane muqueuse au-dessus du frein, pour ne pas lais-ser un petit bourrelet muqueux d'un contact incommode dans les mouvemens de la langue, comme il arrive quand on saisit le frein lui-même. Relevant alors sur le côté du nez la main gauche qui tient la pince , de manière à tendre aussi verticalement que possible le frein qui fait ligament, de la main droite, armée de petits ciseaux courbés sur le plat, il en offre les pointes immédiatement au-dessous de la pince, et, en relevant, l'instrument, de manière à faire une section presque parallèle au bord libre des génio-glosses, comme il est indiqué pl. F, (de cene.) Tjes choses à ce point, suivant que les membranes offrent delà mollesse ou qu'il se présente au contraire une induration en forme de deux petites colonnes verticales, séparées par un sillon mitoyen, et très évidentes, au toucher, comme je m'en suis moi-même assuré en voyant opérer M. Amussat, le chirurgien pré-voit qu'il aura à diviser ou superficiellement dans le premier cas, ou beaucoup plus profondément dans le second. Mais ce qui caractérise cette nouvelle manière d'opérer, c'est que, quel que soit l'aspect des parties, le chirurgien ne doit couper qu'à plusieurs reprises et par tâtonnemens, en suspendant après chaque petite
(1) Planche g, fig. 8, 9,10, 11.
section partielle, pour s'assurer de l'effet qu'elle a produit sur la prononciation. Ceci étant posé, un premier coup de ciseaux di-vise la membrane muqueuse, comme il a été dit plus haut, entre les veines ranines et les orifices des conduits salivaires de Wharton ; puis, par deux autres coups de ciseaux, dont une branche s'in-sinue sous la muqueuse, cette membrane est divisée de chaque côté, de manière à présenter une plaie en losange; mais jusque-là les bords des génio-glosses sont intacts. Arrêtant alors l'opé-ration, M. Aniussat fait parler son malade : très souvent cette section suffit, et le patient prononce avec assez de facilité. Si le résultat paraît satisfaisant, l'opérateur remet à quelques jours pour s'assurer de la persistance des résultats obtenus. Si au con-traire, l'opérateur croit devoir continuer, il saisit de nouveau la langue avec la pince dans le même point, et il divise à petits coups, avec les ciseaux, les génio-glosses, toujours parallèle-ment à leur bord antérieur, en ne s'en écartant que de quelques millimètres. La section peut atteindre ainsi à une longueur de quatre centimètres ; il est rare que l'auteur aille aussi profondé-ment d'une seule fois; ordinairement il n'y est amené que par deux ou trois petites opérations pratiquées à quelques jours d'in-tervalles.
Soins consécutifs. Nous venons de voir en quoi consiste le procédé opératoire de M. Amussat; mais ce qui caractérise la méthode de ce chirurgien, c'est le soin qu'il a d'empêcher la for-mation d'une cicatrice entre les parties divisées, pour empêcher la récidive de se produire. Du moment que l'opération est arrêtée au degré convenable, le soin du chirurgien est de détruire cha-que jour la cicatrice, et il interpose même, pour empêcher la réunion, un petit instrument en plomb, en forme de fer à cheval, qu'il place entre la plaie et le bord concave de la mâchoire infé-rieure où il reste à demeure sous la langue. Telle est cependant l'extrême tendance des lèvres de la plaie à se réunir, que l'adhé-sion s'en opère malgré toutes ces précautions, de la profondeur vers la surface. M. Amussat, qui ordonne à ses malades de revenir le voir fréquemment, à chaque fois qu'il en est besoin détruit les nouvelles adhérences formées, en soulevant la langue et en écartant les lèvres de la plaie avec le doigt. Enfin, si l'adhérence est déjà trop forte, il en pratique le décollement avec un petit bistouri droit et mousse (fig. 10). Nous avons vu plusieurs fois exécuter cette section qui fournit à peine quelques gouttes de sang. Avec ces soins continués pendant tout le temps nécessaire, le chirur-gien obtient, sur chaque lèvre de la plaie, la formation d'une fausse membrane muqueuse accidentelle, qui met les parties dans l'impossibilité de se réunir à l'avenir. Le résultat de ce procédé est d'augmenter beaucoup l'angle d'ouverture de la langue à sa face inférieure, et par conséquent de lui donner toute mobilité pour s'appliquer contre le palais ou se porter hors de la bouche: il en résulte que les sujets peuvent continuer de parler. Nous en avons vu plusieurs, après guérison complète, que l'on nous a dit avoir bégayé horriblement, et qui au moment où nous avons constaté leur état, articulaient d'une manière assez satisfaisante, si ce n'est parfaite.
Il est remarquable à quel point ce procédé reproduit, en quelque sorte, pas à pas, ce que déjà nous avons vu faire à Aétius et à Fabrice de Hilden. Cette rencontre de trois chirur-giens, séparés par plusieurs siècles, qui, sans autre guide que les faits et leurs résultats, sont amenés à une même pratique, nous semble militer fortement en faveur de la méthode qui leur est commune.
Procède de M. Baudens (i). Le voici textuel :
« Le bègue est assis sur une chaise, la tête légèrement renversée, la bouche ouverte et les lèvres tenues écartées par la main d'un aide. Nous implantons une petite érigne à un seul crochet dans la membrane muqueuse qui recouvre le tendon des muscles génio-glosses , afin de dessiner une corde médiane superposée à celle que forme la portion tendineuse de ces muscles ; nous plongeons à un pouce de profondeur chez l'adulte, moins chez l'enfant, les lames entr'ouvertes et bien effilées d'une paire de ciseaux à sta-phyloraphie, derrière l'os maxillaire inférieur, dont nous rasons la ligne médiane, en ayant soin d'embrasser l'insertion des génio-glosses; et en rapprochant brusquement les lames des ciseaux, on entend un claquement qui annonce que cette opération, qui dure à peine quelques secondes, est terminée.
Il s'écoule ordinairement fort peu de sang; quand rhémorrha-gie dure au-delà de quelques minutes, rien n'est plus aisé que de l'arrêter. Les muscles génio-glosses, parleur rétraction, laissent sous la muqueuse une cavité dont l'entrée, formée par celle-ci, est si étroite, qu'elle permet à peine l'introduction du petit doigt; on bouche cette cavité avec un bout d'éponge trempée, si on le juge convenable, dans du vinaigre, et la source du sang se tarit spontanément. »
Le procédé de M. Baudens est simple , expéditif et sûr, quant à sa manœuvre opératoire; peut-être pourtant expose-t-il à léser parfois l'extrémité antérieure des glandes sublinguales , quoique cette circonstance ne paraisse avoir donné lieu à aucun accident. Mais ce qui est le plus important, ce sont les résultats que l'auteur a eu la sincérité de nous faire connaître. Sur une masse d'une soixantaine d'opérés, à part un petit nombre de malades guéris définitivement, le résultat pour les autres a été presque invariable-ment le même. Aussitôt après la section, les sujets, même ceux dont le bégaiement était le plus affreux, articulent les mots avec netteté, promptitude et sans aucune hésitation. La menace de suffocation par rétraction de la langue en arrière, s'est présentée dans quelques cas, mais a cessé promptement et n'a pas eu d'au-tres suites. Pendant un temps plus ou moins long, de quelques semaines à deux mois , les malades ont continué de parler; mais , en règle générale, dit M. Baudens, dès que commence à s'opérer la cicatrisation des tendons divisés, le bégaiement reparaît, si bien qu'au bout de quelques mois, l'infirmité, chez beaucoup de su-jets , est la même, et l'amélioration, chez le plus grand nombre, n'est pas assez grande pour légitimer l'opération. L'opinion de M. Baudens, à ce sujet, est si complète, qu'il croit devoir renoncer à l'opération si une dernière tentative qu'il vient de faire n'a pas le résultat qu'il en attend. Convaincu, dans ce moment, que la réaction reparaît après la cicatrisation, il a essayé d'abaisser la membrane muqueuse au-devant du tendon divisé et la fixer en bas par des sutures, de manière à empêcher, par son inter-position , la réunion des deux bouts des tendons divisés. Telle est l'opinion, aujourd'hui bien arrêtée, de M. Baudens, sur le résul-tat de la section des tendons des génio-glosses à l'apophyse géni. Il est difficile, pour une même section, de concilier ces résultats avec ceux que nous allons voir déclarés par M. Bonnet, de Lyon.
MÉTHODE SOUS-CUTANÉE (2).
M. Colombat de l'Isère, d'après sa lettre à l'Institut (19 février
(1) Planche G, fig. 1, 2, 3.
(2) Planche G, (ig. 5, 6, 7.
1841), est le premier qui ait pratiqué la section du génio-glosse par un procédé sous-mental: M. Bonnet ne viendrait qu'en second, toutefois sans avoir eu connaissance de ce fait. Mettant de côté ces questions de priorité , voici quelles sont les opérations successives qui constituent la méthode actuelle du chirurgien de Lyon, d'a-près un Mémoire qu'il a fait insérer dans la Gazette médicale, (décembre 1841.)
i° La section sous-mentale du génio-glosse, à son insertion aux apophyses géni ; 1" la section de son aponévrose latérale et le dé-collement du tissu sous-muqueux à son insertion à la mâchoire ; 3° le refoulement du muscle en arrière. Ces trois opérations ne sont que comme les temps complétifs d'une seule , le chirurgien n'arrivant à pratiquer successivement la seconde ou la troisième, qu'autant que la première, puis la seconde sont insuffisantes.
Nous allons suivre au plus près, dans la narration, le texte original.
Appareil instrumental. 1° Une lancette destinée à percer la peau, le muscle peaucier et l'intervalle qui sépare les digastriques et les inylo-hyoïdiens : 2° un ténotome mousse à son extrémité, pour ne pas léser la membrane muqueuse du côté de la bouche.
« Le malade est assis la tête renversée en arrière: l'opérateur est placé vis-à-vis de lui, tenant le doigt indicateur gauche dans la bouche au-dessus des apophyses géni.
« Après avoir fait une piqûre à la peau et aux tissus sous-jacens , à trois ou quatre centimètres en arrière du menton , on enfonce le ténotome mousse, le tranchant tourné en avant, derrière le menton et sur la ligne médiane, jusqu'à ce que le doigt, placé dans la bouche, lesente distinctement au-dessous de la muqueuse; on tourne alors le tranchant en dessous et en avant, de manière à couper la moitié gauche , par exemple , du génio-glosse ; puis on le retourne du côté opposé et l'on coupe la moitié droite de ce muscle.
« Chacun des temps de cette opération demande des précau-tions particulières pour être bien exécuté. D'abord, pour péné-trer sûrement sur la ligne moyenne et à la distance convenable du menton , on se guide, d'une part, sur l'intervalle cpii sépare les deux incisives moyennes, de l'autre, sur le lieu où l'on sent le bord postérieur de la concavité de la mâchoire ; un guide plus sûr encore peut être fourni parle doigt indicateur gauche introduitdans la bou-che , et au moyen duquel on peut sentir distinctement l'apophyse géni. Le doigt placé sur cette apophyse, et l'ongle du pouce ap-puyant sur la face postérieure de la concavité de la mâchoire, on peut fixer avec précision le lieu où l'instrument doit s'enfoncer. »
Le ténotome doit être poussé jusqu'à l'endroit où la membrane muqueuse se détache de la mâchoire pour aller former le filet de la langue.
« Lorsque le ténotome a pénétré assez profondément, on doit rechercher quelle est sa position, par rapport aux apophyses géni. Dans ce but, on lui fait exécuter des mouvemens de laté-ralité, son tranchant toujours appuyé contre la mâchoire: si on le sent arrêté à droite et à gauche, il est placé entre les apophyses géni ; s'il est arrêté à droite , c'est qu'il est à gauche de ces apo-physes, et vice versa. »
Lorsqu'on a bien reconnu de la sorte la position du muscle, on incline contre lui le tranchant de l'instrument qui regarde alors en avant et sur l'un des côtés. Un bruit particulier et le sentiment d'une résistance vaincue annoncent que le muscle est coupé.
Quand on croit la section complète, on fait passer d'un côté à l'autre des apophyses géni le tranchant de l'instrument, jus-
qu'à ce qu'on sente celles-ci parfaitement dénudées : mais pour bien en juger, avant d'enlever le ténotome, on invite le malade à tirer la langue hors de la bouche ; s'il ne peut lui faire dépasser les dents, l'opération est terminée: c'est une preuve, en effet, que l'action du muscle génio-glosse est complètement détruite. Si le malade tire la langue hors de la bouche , on coupe l'aponé-vrose du génio-glosse à son insertion à la mâchoire, contre la-quelle se tient toujours appuyé le tranchant de l'instrument, et, avec le plat de celui-ci, on refoule le muscle en arrière. Alors de nouveau on fait tirer la langue. « Dans le cas où sa pointe peut encore dépasser les dents , ce qui prouve, comme il a été dit plus haut, que le but immédiat de l'opération n'est pas atteint, on procède au décollement du tissu fibreux de la mâchoire. Il arrive qu'en faisant ce décollement le ténotome pénètre dans la bouche, ce qui amène une effusion de sang qui oblige d'interrompre l'opération. Si cet accident n'a pas lieu, on continue le décolle-ment jusqu'à ce que le malade cesse de pouvoir tirer la langue. »
Quelquefois, chez les personnes âgées, toutes ces sections sont insuffisantes pour enlever à la langue la possibilité de sortir de la bouche. Dans ces cas on peut prédire l'insuccès de l'opération, ou du moins le résultat que celle-ci peut produire doit être à-peu-près nul.
« Ainsi, pour que l'opération soit complète, il faut i° que le doigt introduit dans la bouche reconnaisse l'extrémité du téno-tome, séparée de lui seulement par la membrane muqueuse, et cela dans toute la distance qui sépare les dents incisives externes l'une de l'autre ; i" que le ténotome puisse passer, de l'un des côtés des apophyses géni à l'autre, sans éprouver aucun obstacle; et comme l'expérience cadavérique démontre qu'on peut ainsi promener l'instrument de gauche à droite de ces apophyses, sans rencontrer un seul obstacle, bien que les fibres externes du génio-glosse aient été conservées, le mouvement du ténotome doit se faire dans l'étendue de trois millimètres en dehors de ces apophyses. Enfin comme preuve la plus concluante, le malade doit être dans l'im-possibilité de faire sortir la langue de la bouche; alors on peut retirer sans crainte le ténotome, l'action du muscle génio-glosse est complètement détruite, le but immédiat de l'opération a été atteint. Cette observation judicieuse, appuyée d'un grand nombre de faits, est émise pour la première fois et appartient en propre à M. Bonnet.
Suites immédiates de la section sous-cutanée.
Au dire de M. Bonnet, au moins dans sa pratique, l'état des malades exige à peine quelques soins particuliers. La déglutition reste difficile et quelque peu douloureuse pendant deux ou trois jours; il se manifeste assez fréquemment une salivation, quelque-fois abondante, qui dure huit jours au plus; maisl'accidentle plus grave et qui appartient en propre à cette méthode, est un épan-cbement sanguin au-dessous de la membrane muqueuse de la bou-che entre la langue et la mâchoire, par suite de la lésion des ar-tères sous-mentales, qu'il faut par conséquent s'appliquer à éviter. Ordinairement, la tumeur, de couleur noirâtre, et du volume de la dernière phalange du pouce, est abandonnée à la nature. S'il se manifeste delà gêne dans la respiration, une saignée suffit pour la faire disparaître du jour au lendemain. Enfin l'épanche-ment peut entraîner le soulèvement complet de la langue avec menace de suffocation, mais ces faits sont exceptionnels; M. Bon-net n'en cite que trois sur soixante, et encore, ajoute l'auteur, s'il n'a pas réussi à l'éviter, c'est qu'une fois (il s agit de sa pre-mière opération), il avait coupé les g*nio-glosses dans leur portion charnue à i centimètre de distance des apophyses géni ; et que dans les deux autres, il n'avait sans doute pas tenu avec assez de soin le tranchant de l'instrument contre la mâchoire qu'il ne doit jamais abandonner. Outre l'emploi de la saignée, dans les cas extrêmes, le chirurgien accroche avec un fil la pointe de la langue qu'il traverse sur la ligne moyenne, à % centimètres de son extrémité, et la ramène ainsi en avant; cette manœuvre, dit M. Bonnet, suffit pour faire cesser les accidens dès le second jour. Tous les opérés doivent être surveillés pendant cinq ou six heures de suite : ce temps passé, si le soulèvement de la langue n'a pas lieu, on peut être tranquille, cet accident n'est plus à craindre.
ACCIDENS IMMÉDIATS DE L'OPÉRATION DE l'aNCYLOGLOSSE.
Comme il était facile de le prévoir par le volume et le nombre des vaisseaux lésés , ce sont les opérations de MM. Dieffenbach et Phillips qui ont présenteles plus graves accidens.
1° Hémorrhagies. Celles qui résultent des procédés des auteurs précédens ne sont pas les seules connues. M. Guersant a pu-blié le fait d'une hémorrhagie des plus opiniâtres arrivée à un enfant de douze ans ; la perte du sang fut intermittente pen-dant une huitaine de jours : en vain employa-t-il l'alun, les lotions froides et la glace; sept fois le fer rouge fut appliqué, et, chose remarquable ! pendant cette opération le sang paraissait jaillir sur les côtés du cautère avec plus de violence. Les lotions styptiques et astringentes purent seules en triompher. Dans d'autres casi'hé-morrhagie a pu être assez considérable pour déterminer la mort, quelques auteurs font pressentir que des faits aussi graves, non publiés, ont eu lieu dans la pratique d'autres chirurgiens ; ce sont là des enseignemens qui ne sauraient être pesés trop mûre-ment. En général, à part quelques cas rares, les hémorrhagies sont légères à la suite des opérations qui portent spécialement sur les attaches des génio-glosses (Procédés de MM. Baudens et Bonnet). Quelques gargarismes astringens, des injections d'eau froide, des boulettes de charpie couvertes de poudre alumínense suffisent pour arrêter le sang. Il faut respecter le caillot sanguin noirâtre et d'aspect fongueux qui forme quelquefois une tumé-faction considérable derrière les dents inférieures, car, en l'enle-vant, on peut voir se reproduire une hémorrhagie qui devient alors des plus rebelles aux moyens hémostatiques.
Les procédés de MM. Velpeau et Amussat, où les génio-glosses sont à peine entamés, laissent également peu de crainte d'hé-morrhagie.
i° Tuméfaction. Ce phénomène est le résultat de l'infiltration sanguine dans l'épaisseur de la langue et des parties environ-nantes ; il a surtout lieu dans les procédés par ponction sous-muqueuse ou sous-cutanée, soit par défaut de parallélisme des plaies, par leur étroitesse, ou encore par les obstacles qu'on oppose à sa sortie du sang. M. Baudens (pag. io4) ne cite qu'un cas, à la suite de la double section des génio-glosses et génio-hyoïdiens, où il vit survenir une tuméfaction assez considérable de la région sous-mentale. Vingt sangsues furent appliquées ; l'engorgement subsista pendant douze jours. M. Bonnet signale la tuméfaction comme un accident inhérent à la méthode sous-cutanée. Mais il assure que, dans sa pratique, en général elle est légère, et que ja-mais elle n'a occasioné d'accidens graves.
y Abcès. On en a vu se développer d'assez considérables sous le menton et sous le cou , mais fort rares relativement au nombre d'opérés. M. Amussat, sur quatre-vingt-cinq sujets, n'en cite que deux cas.Un seul malade est mort, dix-neuf jours après l'opération, porteur d'un vaste abcès, et après avoir éprouvé plusieurs hémor-rhagies résultant d'une lésion de l'artère submentale prouvée par l'autopsie. Enfin, M. Baudens parle d'un engorgement lympha-tique des glandes du cou qui a nécessité une application de sangsues.
4° Asphyxie, gangrène. Ces accidens si graves ont été signalés par MM. Dieffenbacb et Phillips, comme résultats de leurs mé-thodes, niais jamais, au moins à notre connaissance, ils n'ont eu lieu pour les autres procédés.
A part les accidens que nous venons d'énumérer et qui heureu-sement sont exceptionnels, les opérés n'éprouvent le plus sou-vent qu'une inflammation légère de la bouche et des glandes sa-livaires. Une salivation plus abondante que d'habitude se mani-feste pendant quelques jours. Il y a de la fièvre; la bouche est mauvaise, pâteuse, la déglutition difficile et douloureuse. Dans quelques procédés, la difficulté de parler augmente le lendemain de l'opération, et continue pendant quelques jours. Ordinaire-ment l'opéré est rétabli et la plaie cicatrisée après huit ou dix jours.
Les malades doivent être surveillés plus ou moins de temps et mis à la diète. Des cataplasmes laudanisés sous la mâchoire, des sangsues, en nombre variable suivant les indications, des gargarismes, de la charpie pour tenir les bords de la plaie écartés, suffisent dans les cas simples.On doit s'attacher à diriger les cicatrices et s'opposer aux adhérences vicieuses qui peuvent re-nouveler le bégaiement et, souvent, le rendent plus fort qu'avant l'opération. Il y aurait dans ce cas indication d'opérer de nou-veau, comme nous avons vu que M. Amussat l'établit en prati-que habituelle.
résultats de l'opération.
En général, immédiatement après l'opération, la langue acquiert la liberté de se mouvoir, la prononciation devient plus nette, les mouvemens convulsifs de la face ainsi que ceux des muscles de la respiration diminuent ou disparaissent ; mais il pa-raîtrait que ces effets sont loin d'être durables, et qu'à tout pren-dre, les résultats des divers procédés modernes seraient inférieurs à ceux que les anciens et Fabrice de Hilden auraient obtenu de la section du frein, des parties latérales de la muqueuse et de quelques fibres charnues des génio-glosses. En effet, si nous ju-geons la pratique actuelle par les observations consignées dans les ouvrages, les succès ne suffiraient pas pour balancer les revers. Nous négligeons les 19 bègues opérés au mois de mars 1841 par M. Dieffenbach, et qui tous lui faisaient espérer un résultat satis-faisant, ce chirurgien n'ayant alors signalé qu'un insuccès sur ce nombre. Sans nous faire, à cet égard , l'écho des rumeurs qui cir-culent dans le public, peut-être est-il prudent de mettre provi-soirement ces faits hors de discussion.
M. Amussat, sur 85 opérés, a consigné six faits de guéri-son complète (Gazette des hôpitaux, juin 1841). Toutefois, avec les modifications qu'il a apportées à son procédé, ce chirurgien affirme avoir obtenu depuis des succès en bien plus grande proportion, mais dont le chiffre et les résultats précis ne sont pas encore livrés au public.
M. Velpeau ne compte qu'un seul cas où l'opéré, qui d'abord bégayait horriblement, fut complètement guéri quinze jours après. M. Lanclouzi, chirurgien à Reims (procédé de M. Bonnet), sur 5 opérés , n'en a eu qu'un seul guéri parfaitement. M. Phil-lips a cité quelques guérisons.
M. Dufresse-Chassaigne, qui a opéré parle procédé de M. Vel-peau, compte sur 17 sujets , 7 complètement guéris, 5 avec amé-lioration et 5 sans résultat satisfaisant; la moyenne de l'âge des six premiers malades guéris est de i3 ans, le septième avait 38 ans.
M. Bonnet, de Lyon (Gazette médicale du 11 décembre 18/11)' sur 69 opérés dont 57 par lui et 12 par MM. Nichet, Colrat et Pé-trequin, chirurgiens de Lyon, a obtenu des résultats générale-ment favorables : voici le résumé des [\i premières opérations, tel qu'il a été rédigé au mois de juillet 184 ' - i° Chez deux malades qui n'étaient pas affectés de bégaiement véritable, mais dont la parole était confuse, difficile à comprendre, le résultat a été nul; 20 sur 4 malades dont le vice de la parole dépendait d'une gêne dans les mouvemens respiratoires, 2 ont offert de l'amélioration et les 2 autres sont restés ce qu'ils étaient; 3° six malades, âgés de 3i à 42 ans, n'ont retiré aucun avantage de l'opération; 4"sur les 3o derniers, âgés de 16 à 3i ans, et qui n'oifraient point de trou-ble respiratoire, 9 ont été complètement guéris, 12 ont éprouvé une grande amélioration, 2 des améliorations médiocres et 7 n'ont retiré de l'opération aucun résultat avantageux, de telle sorte que , dans les bégaiemens véritables des personnes qui avaient moins de 3i ans, les résultats ont été avantageux dans plus des deux tiers des cas.
Ainsi dans le bégaiement simple, les résultats sont générale-ment favorables. La guérison a été complète chez les 12 opérés âgés au plus de 2 5 ans, cités plus haut, tous avaient de la tendance à porter la langue entre les dents, soit pendant l'articulation des mots, soit lorsqu'ils prononçaient certains sons élémentaires.
M. Bonnet a constaté sur la plupart de ces malades que les faux mouvemens delà langue avaient disparu , et qu'instinctive-ment ils portaient la pointe de cet organe contre la voûte palatine dans l'articulation des sons, même plusieurs mois après l'opéra-tion, tandis qu'auparavant leur langue tendait toujours avenir entre les dents.
L'influence de l'âge sur les résultats de l'opération dans les bé-gaiemens causés par une difficulté dans les mouvemens de la langue, lui a paru très marquée passé 3o ans. Les bègues qu'il a opérés dans ces conditions d'âge n'ont éprouvé que des améliora-tions médiocres ou nulles, en définitive. Si ce n'était, dit ce chirur-gien en terminant, les succès obtenus par MM. Nichet et Colrat, sur deux individus, l'un de 38 ans et l'autre de 3g, je conseillerais de refuser d'opérer tous les bègues qui ont passé 3o ans.
résumé.
De tout ce qui précède, il résulte que la plus grande obscurité règne encore aujourd'hui sur le degré de confiance que mérite la glossotomie. Si l'on interroge la voix publique, on ne peut se dis-simuler que l'opinion des chirurgiens, d'abord si favorable à cette opération, lui est en ce moment absolument contraire. A un autre point de vue, en consultant le chiffre avoué parles chirur-giens, si intéressés à publier les succès qu'ils ont obtenus, les ré-sultats ne semblent pas non plus très favorables. Sur un chiffre de 207 opérations pratiquées par MM. Amussat, Velpeau, Baudens, Dufresse et M. Bonnet, soit par lui-même ou ses imitateurs, nous ne trouvons consignés que 24 cas de guérison et 27 avec amé-
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lioration, plus 76 d'insuccès et 80 où le résidtat est ignoré. En masse 47 cas heureux sur 207 ; environ 1 sur 5 seulement. Il est vrai de dire que l'ensemble de ces résultats est vague; que le seul opérateur qui ait tenu compte des siens, M. Bonnet, obtient un chiffre meilleur, puisque les succès étant : : 21 : 17, dépassent un peu les revers ; peut-être cette supériorité tient-elle à la valeur du procédé et aux soins consécutifs de la part du chirurgien. Que si enfin nous transportons la question sur la valeur relative des procédés, peut-être allons-nous pouvoir asseoir une conclusion plus nette, sauf la vérification qui ne peut s'en obtenir qu'avec le temps. Personne ne songera à remettre en pratique les opéra-tions de M. Dieffenbach, Phillips et Lucas, qui sont un mal plus grave que le bégaiement lui-même. M. Velpeau, avec les restrictions qu'il a mises à son procédé, ne pratique plus, en quel-que sorte, que l'incision du fdet un peu agrandie. M. Baudens a opéré, il y a trois semaines, la suture de la membrane mu-queuse , comme nous l'avons indiquée plus haut. Jusqu'à présent la prononciation s'est maintenue. Ce premier succès, et les résul-tats du procédé rival sont de nature à encourager ses nouvelles tentatives. Restent donc MM. Bonnet et Amussat entre lesquels provisoirement le débat se maintient. Nous regrettons de ne pou-voir donner les chiffres de la pratique de ce dernier; mais l'opé-ration, comme il la pratique, nous paraît louable, et, par les résultats que nous en avons vus, nous pensons qu'elle peut ba-lancer les succès obtenus par M. Bonnet. Au reste, nous dési-rons que tous ceux de nos chirurgiens engagés dans cette voie persistent, et nous faisons des vœux pour que leurs efforts ac-quièrent définitivement à la science une branche de la thérapeu-tique chirurgicale qui, successivement reprise et oubliée à di-verses époques, n'a fait, depuis quinze siècles, que de vains ef-forts pour se constituer.
ri:\iitom 11: générale.
En embrassant, sous le nom de sclérotomie, les nombreuses sections qui se pratiquent sur les parties scléreuses de l'appareil locomoteur, à l'état de contracture ou de rétraction, il semble que nous aurions dû présenter d'abord, dans une classification scientifique, les faits divers qui s'y rapportent en commençant par l'exposé des principes généraux qui dominent toute la ma-tière. Néanmoins, guidé par le point de vue pratique ou plus exactement par les habitudes et les besoins des praticiens, nous avons cru devoir adopter un ordre différent. En premier lieu nous avons fait l'histoire du strabisme et du bégaiement, comme ap-partenant au domaine général de la chirurgie, et par cela même nous en avons traité largement, sous tous les aspects, l'histori-que, Pétiologie, le diagnostic, les opérations et leurs résultats, de manière à en tracer des monographies iconologiques qui nous ont paru d'autant plus nécessaires que les livres spéciaux manquent encore sur cette matière. Mais, pour avoir détaché deux fractions très restreintes du vaste sujet de la ténotomie, ce sujet lui-même est encore à exposer tout entier. Sans cloute, si avec l'énoncé des théories de la difformité nous devions en sui-vre, dans toute l'étendue de l'organisme, les nombreuses appli-cations de détail et les modifications profondes qui en résul-tent dans l'exercice des fonctions, ce serait en quelque sorte comme un nouvel ouvrage à commencer. Heureusement que cette nécessité n'est pas la nôtre. Si, à la vérité, la sclérotomie peut être l'objet d'un ouvrage considérable, comme nous savons que MM. J. Guérin et Bouvier en apprêtent, en réunissant, sur les faits de détail, les nombreux matériaux de plusieurs années, il faut convenir aussi que le sujet, par sa nature, peut être pré-senté, dans un assez petit nombre de pages, presque aussi com-plet et avec autant de lucidité que dans de gros volumes. Grâce aux recherches de ces deux savans médecins et aux formules qu'ils ont tracées, on peut exposer, dans des généralités, l'en-semble des doctrines claires et fécondes qui guident le chirurgien dans la pratique; et, comme les procédés opératoires, partout applicables, sont eux-mêmes très simples, il suffit d'une descrip-tion générale, accompagnée d'annotations concernant les lieux différens et les cas spéciaux, pour qu'un chirurgien intelligent soit mis en mesure d'opérer, en toute connaissance de cause, la ténotomie dans les cas particuliers. C'est déjà beaucoup plus que nous-même nous ne croyons absolument nécessaire d'en appren-dre pour une branche spéciale de l'art qui, avec les nombreux ap-pareils qu'elle exige et les habitudes déjà prises par le public, n'est généralement pratiquée que dans les établissemensparticuliers.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES DIFFORMITÉS.
Avant de tracer les formules opératoires, il n'est pas hors de propos d'indiquer d'une manière générale les résultats scientifi-ques auxquels on est arrivé, dans ces derniers temps, sur l'étude des difformités. Mais nous n'emprunterons à la nouvelle théorie que ce qu'il est indispensable d'en connaître au point de vue de la médecine opératoire; c'est-à-dire pour motiver les diverses sec-tions de muscles et de tendons, nous réservant de traiter, avec tout le développement convenable, dans l'anatomie philosophi-que, des lois fécondes auxquelles est arrivé M. J. Guérin sur Pétiologie de la difformité. Quoique la sclérotomie date déjà d'un certain nombre d'années et qu'un grand nombre de chirurgiens, même des plus distingués en Europe, y aient apporté le tribut de leurs travaux, il faut convenir, néanmoins, que ce sont MM. J. Guérin et Bouvier qui ont donné à ce sujet un caractère scienti-fique : c'est donc à ces deux habiles médecins, dont les travaux ont été couronnés par l'Académie des sciences, que nous em-prunterons principalement ce que nous avons à en dire, nous réservant, pour éviter toute ambiguïté, de citer textuellement les ouvrages qu'ils ont publiés.
Deux grands faits dominent la théorie des difformités : d'une parties altérations du squelette syndesmologique, os et ligainens, et de l'autre les rétractions des muscles qui concourent à mou-voir la fraction déviée du squelette . De ces deux effets principaux, lequel est primitif, lequel secondaire ? Y a-t-il des cas opposés où ils sont alternativement causes ou effets? Y en a-t-il où ils soient seulement concomitans? C'est dans la solution de ces questions ardues, éclairées par une masse considérable de faits et travaillées avec d'autant plus d'ardeur qu'elles influent direc-tement sur le choix des agens thérapeutiques, que nous parais-sent s'opposer et se combattre les deux théories de MM. J- Gué-
rin et Bouvier. Mais telle est la délicatesse de ces débats, entre deux hommes instruits qui n'ignorent ni l'un ni l'autre les con-ditions des problèmes, qu'avec les concessions mutuelles, néces-sitées par la nature et les complications des phénomènes, il devient souvent, dans le détail, impossible de reconnaître entre eux des différences qu'il estprobable qu'eux-mêmes ne pourraient pas toujours établir.
Les deux phénomènes essentiels de la difformité étant recon-nus, la plus grande obscurité règne sur leurs causes. Dès le temps d'Hippocrate, on avait attribué le pied-bot à la position forcée du fœtus dans un utérus trop étroit; ce'te opinion, soutenue par Glisson, Camper et Chaussier, paraît, à M. Bouvier, sans fon-dement dans certains cas. Le peu d'abondance du liquide amnio-tique a été signalé dans un cas par Bruckner, comme la cause du pied-bot varus, et MM. F. Martin et Cruveilhier ont cru en reconnaître de semblables. Dans cette théorie, la déviation est le résultat de la situation normale du pied long-temps prolongée; les muscles qui correspondent à la concavité de la courbure devant se développer proportionnellement trop courts, et ceux qui cor-respondent à la convexité relativement trop longs.
Jœrg (i 806) est le premier qui ait précisément attribué le pied-bot congenial à la contraction de certains muscles sous l'influence d'une affection nerveuse. De cette théorie se déduisaient deux for-mules , le raccourcissement dans un cas, pouvant être produit par excès d'innervation des muscles contractés, et dans l'autre cas, par diminution ou paralysie dans les muscles antago-nistes.
DTvernois professait plus particulièrement la première opinion et Delpech la seconde ; mais en réalité toutes deux peuvent trou-ver leur application suivant les cas. C'est à cette même théorie que se rapportent les pieds-bots produits par les affections con-vulsives, signalées par Jalade-Lafond, Budolphi et Béclard.
Au reste, dans l'état actuel de la science, il ne peut guère rester de doutes sur l'influence des affections convulsives comme causes de déviations congeniales ou acquises ; des cas de rétraction de toute sorte, en nombre immense, aux membres et au tronc, pro-duites journellement sous nos yeux par des convulsions succédant à des suppressions d'exanthèmes ou d'hémorrhagies, et à des lé-sions nerveuses traumatiques ; le strabisme, le bégaiement et l'hé-rédité de ces affections ; leur coïncidence si fréquente sur un même sujet, et parfois même la guérison de plusieurs d'entre elles par le traitement chirurgical d'une seule; tant défaits de di-verse nature, quise corroborent, nous paraissant mettre cette opi-nion hors de toute contestation. Quant aux déviations congenia-les , il est une autre théorie à laquelle les travaux les plus récens d'embryogénie semblaient avoir donné quelque consistance, c'est celle des arrêts de développement. « Si, dit M. Bouvier (1),nous devons en croire les embryologistes, les pieds sont dans une ex-tension complète quand ils commencent à paraître et, lorsqu'ils viennent à former un angle avec la jambe, ils restent d'abord con-tournés de manière que leur face plantaire regarde en dedans. Le pied équin pourrait donc résulter de la persistance de la première période, et le varus de celle de la seconde: c'est aussi ce qu'ont admis MM. Meckel, Breschet, Stoltz, I. Geoffroy-Saint-Hilaire, Waltber, Burdacb, etc. On explique par-là la coïncidence si fréquente des pieds-bots avec des anomalies qu'on rapporte à la même cause, comme des éventrations, l'acéphalie, l'anencépha-
(1) Mémoire sur la section du tendon d'Achille dans le traitement des pieds-bot, année 1838.
lie, etc. Diverses imperfections des membres contournés, telles que leur excessive brièveté , l'absence d'un ou plusieurs orteils , la petitesse des pieds, indiquent aussi un défaut d'énergie de la force de formation , qui se rattacherait au même principe. »
Telles sont les causes générales reconnues qui ont pour effet si-multané les rétractions des muscles et les courbures des os sans altération de texture de ces derniers organes. Un dernier ordre de causes a rapport à ces altérations elles-mêmes lorsque l'os est primitivement affecté. Rien de plus simple que les rétractions qui surviennent consécutivement au rachitisme et à l'ostéomalacie ; mais selon M. Bouvier, il existe une autre maladie des os, diffé-rente de celles-ci, encore inconnue dans sa nature étiologique, qui, d'après ce chirurgien, entraîne fréquemment l'atrophie ou la résorption d u tissu osseux dans les points de pressions, et produit, en particulier, ces incurvations du rachis si fréquentes à la puberté chez les jeunes filles. C'est ce point d'étiologie où M. Bouvier considère la déviation comme primitive et M, J. Guérin comme consécutive à l'action musculaire, qui constitue le nœud d'oppo-sition et la différence de traitement de la même maladie entre ces deux chirurgiens. L'objetessentiel du diagnostic consiste donc à établir s'il y a ou non rétraction, car du moment que ce fait est admis, comme le dit M. Bouvier lui-même, « que le raccourcisse-ment des muscles et des ligamens soit primitif ou secondaire, qu'il dépende d'un excès de contraction d'une classe de muscles, ou du relâchement de leurs antagonistes, que le déplacement et la déformation des os suivent ou précèdent la rétraction de ces orga-nes, touj ours est-il, qu'une fois les parties fixées dans une position anormale, la condition de leur allongement se trouve dans la section des liens fibreux et musculaires qui les tiennent inflé-chies. » C'est précisément à cette indication que répond la sclé-rotomie.
ALTÉRATION DES TISSUS.
« Toutes les altérations anatomiques qui accompagnent les difformités, portent sur la généralité des organes, tissus et sys-tèmes. On a donc à les suivre dans les os, les ligamens, les mus-cles , les vaisseaux, les nerfs, les viscères, et dans l'organisme entier, suivant que la difformité occupe une portion du squelette ou qu'elle envahit la totalité du corps. Chacun de ces élémens organiques éprouve, sous l'influence de la difformité, des chan-gemens de forme , de dimensions, de direction et de texture. (1)
Altérations des muscles résultant de la contraction permanente.
Nous empruntons à M. J. Guérin les formules claires et précises qu'il a données sur cette matière. i° « Dans toutes les difformités anciennes les muscles, au lieu de continuer leurs rapports primitifs avec la portion du squelette déviée, tendent à se raccourcir et à se diriger en ligne droite entre leurs deux points d'insertion. »
i° « La transformation des fibres est graisseuse ou fibreuse : graisseuse, dans les conditions ou les muscles sont frappés d'i-nertie; fibreuse, lorsqu'ils sont soumis à des tractions exagérées. » (Bapport de M. Double à l'Institut, pag. 10.)
La contraction permanente du muscle se présente dans deux états successifs, la contracture et la rétraction nettement distin-guées par M. J. Guérin.
(1) Vues générales sur l'étude scientifique du système osseux, page 31 Paris, 1840.
«La contracture, dit l'auteur, c'est le raccourcissement spas-modique du muscle , c'est le plissement permanent de ses fibres sans altération notable de sa texture, de manière que, en éten-dant le muscle contracture, on lui rendrait tous les caractères normaux.
La rétraction au contraire, c'est cet état de raccourcissement produit d'abord par la contracture, mais dans lequel la texture du muscle a subi consécutivement des altérations profondes en raison de sa tension extrême et de son immobilité prolongée... Cette distinction entre la contracture et la rétraction n'est donc pas nominale, elle est essentielle, elle exprime deux états foncière-ment différens et qui appellent deux systèmes de traitement diffé-rens. La simple contracture permet d'obtenir l'allongement immé-diat du muscle parles moyens propres à l'effectuer : l'extension, le massage, les frictions, etc.; tandis que la véritable rétraction, le raccourcissement avec dégénérescence fibreuse, implique l'im-possibilité du retour des muscles à leur longueur normale, ou i'impossibilité d'une élongation mécanique suffisante; par consé-quent appelle le secours de l'instrument tranchant » (loc. cit. pag. 73).
Altération des tissus autres que les muscles.
Système osseux. « La portion du squelette qui est le siège de la difformité tend à s'atrophier, à diminuer de longueur et de vo-lume; ce résultat varie suivant la nature, le degré, la variété de la difformité (Rap. page 10 ).
Système ligamenteux. Par suite de sa texture intermédiaire à celle des os et des muscles , il éprouve des transformations ana-logues à celles de ces deux tissus. « Comme les muscles , les liga-mens se déplacent et se raccourcissent entre leurs points d'in-sertion rapprochés ; au repos ils s'ossifient. »
Vaisseaux. « Les artères au lieu de s'adapter comme les mus-cles au degré de raccourcissement de l'espace qu'elles mesurent et par conséquent, au lieu de se porter en ligne droite suivant la direction des cordes et courbures, s'adaptent au contraire à ces courbures, les suivent, ou, si elles sont libres, deviennent flexueu-ses, et cela, d'autant plus que le trajet qu'elles avaient à parcou-rir est plus réduit» (Rap. pag. 10). Un autre fait plus important a rapporta la diminution de calibre des artères qui, dans les an-ciennes difformités, va quelquefois jusqu'à n'être plus que le tiers de leur volume primitif. Comme l'observe M. Guérin, ce phéno-mène rend parfaitement compte de la réduction en tous sens, de l'atrophie et de l'abaissement de température des membres atteints de difformité.
Système veineux. Les veines, quant à leurs trajets, suivent en général la même disposition que les artères; mais quant au vo-lume et au nombre, le phénomène est inverse: par la dilatation générale des rameaux, le système veineux accuse un développe-ment exagéré qui se traduit par la coloration violacée des parties affectées de difformité et la tendance des tissus à passer à la trans-formation graisseuse.
Système nerveux. Enfin, il est curieux de voir que, dans les grandes courbures, les cor-dons nerveux, probablement à cause de leur enveloppe fibreuse, diminuent la longueur de leur trajet, cl tendent comme les muscles, quoiqu'à un moindre degré, à se diriger en ligne droite. Ainsi dans les déviations anciennes de la colonne vertébrale, la moelle décrit des courbures d'un plus grand rayon que le canal osseux, s'applique fortement contre les conve-xités intérieures du canal, correspondantes aux concavités à l'ex-térieur, et se creuse, par l'effet de la pression continue, un canal supplémentaire. Les nerfs sciatiques et cruraux affectent une ten-dance analogue dans les fortes courbures des membres.
De cet ensemble d'observations originales de M. J. Guérin, l'auteur déduit, parmi plusieurs autres, ces trois propositions générales qui résument toute sa théorie.
« i° L'histoire des fonctions chez les sujets atteints de diffor-mités du système osseux, constitue une physiologie humaine com-parée, d'autant plus précieuse qu'elle se compose elle-même d'une collection d'états anormaux différens, dans lesquels la fonction-nalité est soumise à des conditions incessamment variées, et four-nit à l'observateur autant de résultats qu'il y a de combinaisons de conditions (Rap. pag.
« 2° Les causes essentielles des difformités possèdent une telle spécificité d'action, à l'égard des déformations auxquelles elles donnent naissance, que chacune de ces causes se traduit à l'exté-rieur par des caractères qui lui sont propres, et à l'aide desquelles on peut, en général, par la difformité diagnostiquer la cause, et par la cause déterminer la difformité ; d'où il suit que la causalité essentielle est la seule vraie base de distinction pour la classifica-tion et le traitement des difformités ( Rap. pag. 17).
« 3° Des deux formulent qui précèdent, se déduit naturelle-ment celle qui suit : « La seule définition de la difformité donne im-médiatement une anatomie, une physiologie, une thérapeutique spéciales, un immense cadre à remplir, une foule de problèmes intéressans à résoudre » (Vues génér. pag. 21).
Nous bornons ici les généralités extraites du beau travail de M. J. Guérin. Nous n'y avons emprunté que ce qu'il était nécessaire d'en connaître pour l'intelligence des faits, au point de vue chirurgical, nous réservant de consigner, dans l'anatomie philosophique, les lois générales si belles et si fécondes trouvées par ce médecin sur les modifications nombreuses et, en quelque sorte, les transfor-mations que les difformités impriment à l'organisme.
THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALE DE LA DIFFORMITÉ.
Deux sortes de moyens sont employés : les appareils mécaniques et les sections de tissus scléreux.
l" APPAREILS MÉCANIQUES.
« Six conditions capitales président, dans l'opinion de M. J. Guérin , au choix des moyens applicables aux difformités, et dé-cident des résultats que ces moyens produisent. Ces conditions sont : la cause essentielle, le degré, l'ancienneté, le siège, la di-rection et les particularités individuelles de l'âge, du sexe et de la constitution (Rap. cit., page 25).
Nous n'entrerons point dans le détail des divers appareils si variés que l'on emploie pour les rétractions des diverses parties du corps, il nous suffira d'indiquer les conditions générales qu'ils doivent remplir. C'est encore à M. J. Guérin que nous emprunte-rons ce que l'on peut dire de plus précis à cet égard.
Voici les principes posés par l'auteur et qu'il étend successi-vement du pied-bot à toutes les difformités.
« Ces principes sont les suivans : Rriser les appareils en au-tant de points cpi'il va, danslepied déformé, de brisures du sque-
lotte, c'est-à-dire de centres principaux de déformation; faire correspondre les centres des mouvemens de l'appareil à ceux du pied, ou des parties du pied à mobiliser, faire correspondre la plus grande somme d'action et la ligne d'action des machines, à la corde des courbures que la difformité décrit; concentrer l'ac-tion des forces sur le plus petit espace possible , et distribuer les points de préhension de l'appareil sur la plus grande étendue de surface possible: tels sont les principes qui ont servi de base aux différens appareils du pied-bot et qui ont réalisé la méthode de la flexion opposée à celle de la compression. Ces principes ont été généralisés dans leur application à toutes les machines orthopédi-ques; car toutes les difformités du squelette ont les mêmes con-ditions matérielles d'existence, les mêmes résistances à vaincre, les mêmes rapports à établir avec les machines, et toutes récla-ment les mêmes précautions; partout c'est un angle à ouvrir , une courbe à redresser, des brisures du squelette à mobiliser les uns sur les autres, et par conséquent partout ce sont des points de centre à circonscrire et des bras de levier à établir et à mouvoir autour de ces points; partout il faut produire beaucoup de résul-tats avec un peu d'efforts, c'est-à-dire distribuer le mieux les forces afin d'avoir le plus d'effets avec le moins de douleur. »
Les principes généraux de l'action des moyens mécaniques étant établis, le diagnostic du chirurgien consiste à déterminera l'avance les effets qu'il peut en obtenir. L'action continue des appareils orthopédiques ayant réussi dans un grand nombre de cas à vain-cre les contractures des parties molles, et à corriger ou même guérir presque complètement les courbures des os, on ne doit avoir recours aux sections scléreuses qu'autant qu'elles sont jugées indispensables, mais, en thèse générale, c'est dans l'emploi com-biné de ces deux moyens, les sections d'abord quand il y a rétrac-tion, puis i'appareil pour obtenir la cicatrisation dans la position convenable , que l'on trouve les ressources les plus efficaces.
S" SECTIONS SCLÉREUSES. - RÈGLES GÉNÉRALES.
La ténotomie, quoique importante dans ses résultats, ne se composant toutefois, au point de vue opératoire, que de manœu-vres très simples, toujours à-peu-près les mêmes, et qui, moyen-nant quelques modifications empruntées des conditions anatomi-ques des parties, trouvent partout leurs applications , il n'est pas nécessaire ici, comme pour les ligatures d'artères, où les condi-tions locales sont si exigeantes, de décrire dans chaque lieu des procédés qui ne seraient qu'une répétition perpétuelle d'une for-mule générale; l'essentiel est de tracer cette formule, sauf à indi-quer les petites différences qui sont nécessitées pour chaque genre de section en particulier.
Méthode générale opératoire.
Aujourd'hui il n'existe plus, en réalité, qu'une seule méthode, c'est celle dite sous-cutanée , qui a pour objet, en faisant glisser obliquement l'instrument sous la peau, d'éviter l'introduction de l'air dans la plaie. Dans tous les procédés modernes, dont les différences, entre les auteurs, sont à peine sensibles, l'opération se compose de plusieurs temps : i" la tension des parties sur lesquelles on opère ; 20 la ponction de la peau avec un instrument quelconque ressemblant plus ou moins à une lancette aiguë; 3° la section du tendon ou du muscle; 4° la réunion.
Appareil instrumental. 11 ne serait pas moins inutile que fas-tidicux de présenter rénumération des innombrables instrumens, imaginés par une vingtaine d'auteurs différens, pour pratiquer la ténotomie. Il nous suffit de constater que tout cet échafau-dage se réduit à deux petites lames : l'une aiguë, à double tran-chant, c'est la lancette à ponction, et l'autre à pointe mousse et à tranchant simple, pour diviser le tendon ou le muscle, c'est le té-notome ou myotome. Cela posé, on comprend toutes les varié-tés de forme qu'ont pu revêtir ces instrumens, suivant le besoin, le caprice ou l'illusion des auteurs; chacun d'eux, en outre, en possède plusieurs séries de dimensions différentes, proportionnel-lement au volume des parties à diviser.
Premier temps. Tension des parties. La première condition, dans toute section tendineuse ou musculaire, est de tendre la partie sur laquelle on opère pour la faire saillir, comme une corde, sous la peau, par l'écartement des points d'attache. Un aide est chargé de cette fonction pour les membres et le cou ; la meilleure manière d'opérer la tension est de disposer la partie comme pour lui rendre sa position normale. Pour les sections des muscles du dos en particulier, M. Guérin fait exécuter au malade le mouvement d'extension du tronc.
Deuxième temps. Ponction. MM. Duval, Scoutetten et Dief-fenbach, qui n'ont recours qu'à un seul instrument aigu, se contentent de perforer la peau obliquement pour arriver sur le tendon. M. Bouvier fait préalablement une piqûre à la peau avec une petite lancette d'une forme particulière (PlancheN, fig. 16). La pointe de l'instrument traverse la peau perpendiculairement à un centimètre environ du tendon , puis le ténotome introduit par cette plaie et glissé parallèlement sous la peau jusque sur la corde qui doit être divisé. M. J. Guérin procède d'une manière un peu différente et qui permet un trajet sous-cutané beaucoup plus long (Planche H, fig. i et 2 ). Rassemblant d'abord les tégu-mens sur l'un des côtés du tendon, entre le pouce, l'indicateur et le médius de chaque main, il forme un pli cutané perpendi-culaire, le plus élevé qu'il lui est possible; puis, donnant à tenir à un aide le côté du pli qu'il tenait de la main droite, de cette main il fait d'abord la ponction de la peau avec sa lancette, la retire et sans désemparer y substitue le ténotome qu'il glisse jusque sur le tendon : lepli cutané étant alors abandonné, retombe et vient recouvrir le talon arrondi du ténotome. Quand la partie sur laquelle on opère a une large surface, la plaie cutanée peut se trouver ainsi éloignée du lieu de la section par un trajet de trois à quatre centimètres. Cette condition est importante pour que les surfaces divisées se trouvent absolument hors du contact de l'air.
Troisième temps. Section. Elle se pratique de deux manières, soit de la surface vers la profondeur, section sus-musculaire ou tendineuse; soit de la profondeur vers la surface, section sous-musculaire ou tendineuse. Quand c'est la première qui doit être pratiquée, le ténotome ayant été introduit à plat, le doigt indi-cateur gauche de l'opérateur, presse légèrement sur le talon arrondi de l'instrument, en sens inverse de sa marche, pour em-pêcher l'introduction de l'air. Au moment d'opérer, il ne s'agit plus que de retourner le tranchant en bas vers le tendon ou le muscle; et alors, suivant que la corde à couper est plus ou moins épaisse, la section s'en opère ou par une simple pression en reti-rant l'instrument, ou par de petits mouvemens de va-et-vient analogues à ceux d'une scie, et dans tous les cas, par la pres-sion médiate de l'indicateur gauche sur le dos de la lame. Un
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bruit de craquement, semblable à celui d'une corde qui se rompt, indique en général aux assistans que la section est ter-minée. Mais il existe deux autres signes plus importans : c'est un vide produit par l'écartement des bouts divisés, entre les-quels l'extrémité du doigt s'introduit en déprimant la peau, et enfin la facilité de faire produire au membre l'espèce de mouve-ment auquel s'opposait la corde que l'on vient de couper. L'opé-ration terminée, M. Guérin en particulier, à mesure qu'il retire l'instrument, le suit en arrière en comprimant avec le doigt indi-cateur le long du trajet fistuleux, pour exprimer de la plaie le sanget les bulles d'air qui ontpu s'introduire, de manière que,aus-sitôt que la pointe de l'instrument se dégage au dehors, le doigt ferme immédiatement la plaie. Si pourtant il survient une petite hémorrhagie, on évacue le sang à mesure en l'amenant de la pro-fondeur vers l'orifice de la plaie, avec les doigts des deux mains qui se succèdent et se suppléent sans jamais interrompre la pression.
Si la section doit être sous-musculaire, l'instrument reposant d'abord à plat au-dessus du tendon, on le retire un peu à soi et on en dirige la pointe au dehors, en s'aidantde l'indicateur, de ma-nière à contourner au plus près le tendon vers soi, pour faire glisser cette pointe sous l'autre face. 11 est important dans cette manœuvre de toujours sentir le tendon sur lequel on agit, pour ne pas ramasser sur la lame quelque autre partie, un nerf, par exemple, qui se trouverait coupé avec le tendon. Ainsi donc, si l'opérateur n'était pas certain de sa manœuvre, au lieu de couper, il vaudrait mieux replacer la lame à son point de départ en des-sus, pour recommencer de nouveau à contourner au plus près le tendon avec les précautions convenables.
La section sus-musculaire, plus simple et plus prompte, s'em-ploie de préférence toutes les fois que l'on n'a point à craindre, en appuyant, de blesser une artère ou un nerf, et c'est pour en rendre les applications plus fréquentes que M. Guérin a courbé la lame de sesténotomes en forme de petit sabre. La section sous-musculaire est préférée, lorsque la partie à couper ayant une grande étendue, la surface profonde garnie de vaisseaux et nerfs n'offre, en outre, qu'un plancher mou qui ne permet pas de diriger méthodique-ment la pression, comme, par exemple, la section du sterno-cléido-mastoïdien et des tendons du long fléchisseur superficiel au poignet.
Quatrième temps. Réunion. Rien de plus simple que ce der-nier temps opératoire. L'indicateur gauche devant, comme nous l'avons dit, fermer l'orifice de la plaie aussitôt que le ténotome s'en dégage. Il ne s'agit plus que de substituera ce doigt une ban-delette de diachylon.
Muscles à diviser.
Dans tous les genres de rétraction, quel qu'en soit le siège, les muscles à diviser sont, en théorie, ceux, dit M. Guérin, qui tien-nent la déformation sous leur dépendance. En pratique, on les reconnaît à ce qu'ils sont les plus tendus et les plus courts. Le lieu d'élection, pour les couper, est naturellement celui où ils font le plus de saillie sous la peau, l'opération dans ce point en étant plus facile, outre que l'on a moins à craindre de léser les organes sous-jacens. Toutefois cette règle n'est pas sans exception, et dans certains cas, au lieu de diviser tel tendon auprès de son insertion mobile en saillie, on obtient un meilleur résultat de la section au voisinage de l'insertion fixe. Tel est, par exemple, le cas du fessier supérieur (abducteur de la jambe). Mais comme il y a souvent plusieurs muscles rétractés, pour éviter de diviser mal-à-propos les cordons qui auraient pu être ménagés, il faut com-mencer par celui qui est la cause la plus directe de l'espèce de dé-viation produite, puis se rendre compte du résultat produit en essayant, sans trop d'effort, de ramener la partie à sa position normale. L'arrêt, s'il s'en présente, et la saillie des cordons qui empêchent le retour complet de la partie à sa direction, indiquent quels sont les nouveaux tendons à couper. Ces tâtonnemens, au reste, ne sont nécessaires que dans les cas très complexes, car dans les circonstances ordinaires, la théorie des difformités est aujour-d'hui assez avancée pour qu'on puisse déterminer à l'avance tou-tes les parties qu'on devra couper. Enfin quand la déviation est complexe, comme il arrive si souvent, une adduction avec une flexion, une abduction avec une extension, etc. , les sec-tions doivent commencer par ceux des tendons qui concourent à l'un et l'autre mouvement et surtout à celui des deux qui est le plus prononcé. Au reste, dans tous les cas, le chirurgien ne doit point se proposer d'obtenir le redressement complet de la partie difforme, ce qui l'engagerait à pratiquer de proche en proche une série de sections inutiles. Lorsque les sections vé-ritablement indispensables ont été pratiquées, le reste doit être obtenu par l'emploi des appareils, l'exercice habituel de mou-vemens convenables et surtout par l'action du temps, condi-tions indispensables pour modifier les déviations du squelette qui, primitives ou secondaires, une fois qu'elles existent, n'en agissent pas moins sur tout l'ensemble comme une cause fixe et permanente de rapports organiques vicieux.
SECTIONS PARTIELLES.
MEMBRE ABDOMINAL.
pied-bot (Planches H, I, J, K).
On appelle du nom générique de pied-bot, toutes les déforma-tions du pied dans son ensemble congeniales ou acquises. On en distingue quatre variétés anatomiques, Vèquin (p.), le va-rus (a), le valgas (3), le talus. Dernièrement, M. J. Guérin, a
(1) Pcs cquinus, pied de cheval.
(2) Varus ou barus de b*pu;, pesant, lourd, 03) Courbé, cagneux (Plaute).
établi une cinquième variété qui est le plantaire. Ces cinq formes primitives sont plus ou moins susceptibles de se combiner ensemble par deux ou trois, de manière à former des variétés mixtes, les plus nombreuses de toutes, d'après la proportion différente de cha-cun desélémens dont elles se composent. Le pied-bot en, général, est de toutes les difformités la plus commune : on estime qu'il se présente à l'état congénial, chez un individu sur mille. Quant à la fréquence proportionnelle de ces variétés, le varus est de tous le plus commun. L'équin ne se présente, dit M. Phillips, propor-tionnellement au varus environ que : : i :à io; le valgus est encore moins commun ; enfin le talus et le plantaire sont les plus rares.
Pour établir en quelques mots la principale différence des pieds-bots, nous ne pouvons mieux faire que de citer les proportions établies à cet égard par M. J. Guérin. (i)
« i° Le pied-bot congénital est le résultat de la rétraction mus-culaire convulsive des muscles du pied et de la jambe.
« 20 L'affection convulsive qui détermine la rétraction ou con-tracture musculaire peut aller jusqu'à paralyser un ou plusieurs muscles de la jambe, la rétraction et la paralysie n'étant pour moi que deux degrés différens du même état pathologique. Lors-qu'il n'y a que simple contracture, le muscle, arrêté plus tard dans son développement, ne peut suivre qu'incomplètement le déve-loppement du squelette; d'où l'accroissement de la difformité pendant la croissance de l'individu; lorsqu'il y a paralysie, le muscle tend à s'atrophier et n'oppose qu'une faible résistance à l'action de ses antagonistes rétractés ou restés à l'état normal.
« Les différentes formes anatomiques ou variétés du pied-bot, tels que le pied équin, le varus, le valgus et le talus, sont le résultat de la rétraction, siégeant spécialement dans tel ou tel muscle, ou de la rétraction de certains muscles avec la paralysie complète ou incomplète de certains autres, en sorte que la direc-tion d'action des muscles rétractés détermine la direction et la forme du pied. C'est ainsi que le pied équin résulte de la rétrac-tion des jumeaux et soléaire, et fléchisseurs des orteils; le varus, de la rétraction du jambier antérieur; le valgus, de la rétraction du péronier antérieur et des péroniers latéraux ; le talus, de la rétraction du jambier antérieur, des extenseurs des orteils et du péronier antérieur, avec paralysie et atrophie des jumeaux et soléaire.
« C'est encore ainsi que ces formes primitives peuvent se com-biner entre elles et offrir encore d'autres élémens, tels que l'en-roulement du pied, l'adduction et l'abduction exagérées, tous effets de la rétraction siégeant à différens degrés dans les muscles jambier postérieur, adducteur du gros orteil, péroniers latéraux et pédieux, etc.
« 4° Les conséquences thérapeutiques résultant de l'étiologie du pied-bot, que j'ai établie, et des applications que j'en ai faites aux différentes variétés anatomiques de cette difformité, sont : que l'on doit, dans le cas d'insuffisance des moyens mécaniques et gé-néraux, faire la section des tendons des muscles rétractés, déter-minant chaque forme du pied-bot : contre l'équinisme, le tendon d'Achille; contre le varus, le tendon du jambier antérieur; con-tre le valgus, le péronier antérieur; contre l'enroulement ou courbure suivant le bord interne, l'adducteur du gros orteil; contre l'adduction forcée du pied, le jambier postérieur ; contre l'abduction forcée, les péroniers latéraux; et la section simul-tanée des tendons de ces muscles, suivant la simultanéité de leur rétraction dans les différentes combinaisons de forme que présente le pied-bot.
« 5° Ces indications résultant d'une analyse étiologique rigou-reuse, résultent encore directement d'une expérience long-temps répétée : j'ai fait, en effet, la section de tous les tendons des mus-cles indiqués, et toujours j'ai remédié par cette opération aux élémens de difformités qu'ils avaient concouru à déterminer. »
De ce qui précède, concernant l'étiologie et le traitement chi-rurgical des variétés simples, se déduisent naturellement les consi-dérations qui ont rapport aux cas les plus complexes. Au lieu de présenter, comme quelques auteurs, les modifications de chaque
(1) Mémoires sur les variétés anal. cong. du pied-bot. 1839, page 7 et suivantes.
forme d'après les dénominations vagues de premier, second, troi-sième degré, il nous paraît plus convenable d'en donner l'énu-mération d'après des caractères anatomiques et physiologiques.
i° Pied équin. Le pied en extension exagérée permanente, ou faisant suite à l'axe de la jambe, les orteils légèrement relevés, con-stitue Véquin simple produit par la rétraction du triceps sural (Pl. H, fig. 3). Le pied alors pose sur les articulations méta-tarso-phalangiennes, les orteils à plat. L'équin direct peut se trouver modifié par la rétraction des orteils ou dans le sens de l'extension (Pl. I, fig. i ), ou dans le sens de la flexion (Pl. J, fig. 6). Dans le premier cas, outre le triceps sural, il peut être nécessaire de couper l'un des longs extenseurs ou les deux; dans le second, la section devra comprendre les deux fléchisseurs et l'aponévrose plantaire. Cette dernière variété de pied équin, où la rétraction occupe à-la-fois les extenseurs du pied et les flé-chisseurs des orteils, agissant concurremment, peut aller jusqu'à produire le renversement complet du pied qui repose sur la face dorsale tarso-métatarsienne, la face plantaire étant tournée directement en haut. C'est le cas de mademoiselle Élisa G. (Pl. J, fig. 6, 7, 8), guérie par M. J. Guérin, sous les yeux de l'Aca-démie des sciences. Enfin, si, dans le pied équin, il y a inclinaison de la plante du pied en dedans, de manière que le pied pose obliquement en partie sur le bord externe, c'est l'équin varus.
a0 Pied varus. Le varus simple est caractérisé par le relève-ment du bord interne du pied. L'organe alors appuie sur son bord externe, la face plantaire étant tournée directement en de-dans (Pl. I, fig. 3). Si, en même temps, il y a un commence-ment d'extension du pied , c'est un varus équin (Pl. I, fig. 2 ). Dans le varus équin, comme dans l'équin varus, il y a rétrac-tion des jambiers antérieur et postérieur, en même temps que du triceps sural, excepté que la rétraction des jambiers pré-domine dans le varus équin et celle du triceps sural dans l'équin varus. Enfin, le varus peut devenir plus composé, lorsqu'à la rétraction des muscles précédens s'ajoute celle des fléchisseurs des orteils et même de l'adducteur du gros orteil
(Pl. 1, fig. 4).
3° Valgus. Le caractère de ce pied-bot consiste dans l'éléva-tion externe du pied, dont la plante se tourne en dehors, l'or-gane appuyant sur son bord interne. Ici les muscles rétractés sont les trois péroniers ; mais aussi le valgus peut s'accompagner ou d'un mouvement d'extension du pied produit par le triceps su-ral (Pl. K, fig. 1 ), ou au contraire d'une flexion de cet organe causée par la rétraction des extenseurs (Guérin, loc. cit., pag. 4a).
4° Talus (Pl. K, fig. 5 ). Le talus est l'opposé du pied équin, c'est-à-dire que le pied est direct à l'état d'extension per-manente, le talon étant abaissé et l'extrémité métatarso-pha-langienne élevée. Souvent, dans ce cas, le talon est d'un très grand volume, tandis que presque toujours l'avant-pied est amaigri. Les muscles rétractés, dans le talus, sont les extenseurs propres et communs des orteils, le péronier antérieur et parfois le court extenseur ou pédieux.
5° Plantaire. Cette dernière forme de pied-bot, trouvée ré-cemment par M. J. Guérin, consiste dans une rétraction des muscles de la face plantaire du pied, qui élève la voussure dor-
sale de l'organe en diminuant sa longueur. Le pied-bot plan-taire peut s'accompagner d'inclinaisons du pi ed , en dehors ou en dedans, qui constituent les variétés planto-varus et planto-val-gus. Nous n'avons pu dessiner les faits de cette nature, M. Gué-rin se les étant réservés pour les publier lui-même.
De tout ce qui précède il résulte : i° cpie les variétés de pied-bot ne font que représenter les mouvemens naturels du pied rendus permanens par la rétraction convulsive des muscles qui les opèrent; 2° que ces difformités, quand elles ne sont pas trop anciennes, peuvent être, jusqu'à xin certain point, guéries par l'allongement, ou en d'autres termes, par la section des muscles cpii les ont produites, et la cicatrisation en situation normale dans un appareil approprié; 3° cpie presque tous les muscles du pied ou ceux de la jambe, par leurs tendons, peuvent se trouver rétrac-tés dans l'une quelconque des variétés de pied-bot, et par con-séquent sont sujets à être divisés, au besoin, avec un ou plusieurs des muscles du groupe musculaire dont ils sont synergiques; 4° que les causes de non-réussite, et par conséquent de contre-indica-tions pour opérer dans les cas les plus graves, sont : d'une part les courbures et les déformations du squelette ostéologique et syndesmologique, ayant pour effet les subluxations des os, leur hypertrophie dans les sens des convexités, et leur atrophie dans le sens des concavités, le tout maintenu en position fixe par des modifications appropriées clans leurs appareils ligamenteux. D'autre part, l'allongement et l'atrophie par le repos des muscles antagonistes de ceux qui ont été rétractés , cette dernière cause n'empêchant pas le redressement du membre, mais pouvant ame-ner des récidives de la déformation, lorsqu'après la cicatrisation les muscles primitivement rétractés ont recommencé d'agir.
Traitement mécanique du pied-bot.
Il y a quelques années qu'on n'avait pas encore d'autre mode de traitement que l'emploi des appareils; aussi n'obtenait-on de guérison que chez les enfans en très bas âge; ce n'est que peu-à-peu qu'on a commencé à pratiquer d'abord la section du ten-don d'Achille, puis successivement celle des autres tendons, modification puissante qui a permis d'obtenir des guérisons à un âge plus avancé, et même des améliorations très sensibles chez l'adulte. Toutefois, l'application de la ténotomie n'a point fait abandonner l'emploi des machines, qui n'en est pas moins nécessaire pour obtenir le redressement et la cicatrisation en position convenable. Nous ne pouvons entrer à cet égard dans des détails très circonstanciés; il nous suffira d'indiquer les rè-gles générales.
Ces appareils, dit M. Phillips, doivent être résistans et inflexi-bles, afin de ne pas céder à la force musculaire. Ils doivent être construits mécaniquement, de telle sorte ou composés de telle substance, qu'ils puissent se mouler exactement sur la forme du pied, quelles qu'en soient les irrégularités. Mais l'appareil, une fois posé, réclame encore une attention de tous les inslans.
Après quelques jours, d'une part les liens se relâchent, et de l'autre, le pied cédant à la pression de l'appareil diminue de volume, et se trouvant plus ou moins libre dans un espace de-venu relativement trop vaste, tend à reprendre sa déviation pre-mière. Il est donc essentiel de visiter fréquemment l'appareil, pour resserrer journellement ou combler les vides, de manière à maintenir, sans interruption, une compression toujours la même dans la situation voulue. Il est inutile de dire qu'ici, comme dans tous les appareils de fracture et de luxation, la régularité et le degré de la pression doivent être surveillés attentivement, pour ne pas donner lieu à des engorgemens et à des escbares.
En thèse générale, quelle que soit l'espèce de difformité, il s'a-git de rétablir le pied dans sa position normale, c'est-à-dire de le replacer dans l'axe de la jambe, à angle droit avec cette der-nière. De même que dans les appareils de fracture, les élémens des appareils doivent donc être : i° une semelle simple ou bri-sée; 20 une ou deux attelles latérales. Ces pièces sont articidées à charnière, de manière à permettre des inclinaisons variées, et devront être fixées au membre par des liens sur le coude pied et au voisinage des genoux.
Ainsi donc, pour le pied équin , il suffira que la semelle permette un mouvement à angle droit, c'est-à-dire de flexion et d'extension que l'on puisse arrêter à tout angle quelconque. Pour le pied varus, à la semelle doit s'adapter une attelle externe, mobile dans le sens vertical, qui commande le mouve-ment d'élévation du bord externe, du pied dont la semelle elle-même dirige la flexion et l'extension. Pour le valgus, enfin, l'at-telle mobile doit se transporter le long de la face interne de la jambe pour forcer, à l'élévation du bord interne du pied, la se-melle agissant comme dans les deux autres cas. Ces données gé-nérales étant bien comprises, il est facile, à tout chirurgien intel-ligent, de mettre en usage l'un des appareils connus ou d'en composer un au besoin. Enfin, d'après les mêmes principes, on peut en décomposant par l'analyse les élémens de difformité les plus complexes, satisfaire aux indications que présenteraient les cas de difformités les plus singulières, comme il s'en présente dans la pratique.
Nous ne citerons plus que pour mémoire, la sabot de Venel, la machine de Scarpa et celles de Al. Delpech auxquelles aujour-d'hui, MM. Duval, Bouvier et Guérin, substituent des appareils plus perfectionnés. Un autre moyen, imaginé par M. Dieffen-bach, a été employé par ce chirurgien et par M. Guérin ; c'est le plâtre coulé autour du membre que l'on a ramené, autant que possible, dans sa position normale. Toutefois, comme ce mode de contention est inflexible et brutal, il exige d'autant plus qu'on en surveille les effets. Pour vérifier de temps à autre l'état des tissus comprimés, à l'aide d'un ciseau, on brise avec le plus de ménagement possible une partie du moule , et alors, si la pression du plâtre avait donné lieu à quelques lésions, en-gorgemens, ecchymose, etc., il faudrait se bâter d'enlever l'ap-pareil pour se conduire ultérieurement suivant l'indication qu'il y aurait à remplir. Si au contraire les tissus sont trouvés parfai-tement sains, mais que des vides se soient formés, on les remplit en y coulant de nouveau plâtre liquide. Ajoutons, en dernier mot, quant à ce mode de traitement, qu'il faut imiter dans ce procédé ce qui se pratique par les appareils à courroies, c'est-à-dire que le membre diminuant graduellement de volume, et pouvant reprendre peu-à-peu sa position normale, il faut, de temps en temps, briser le moule en entier pour en couler un autre; la guérison ne pouvant s'obtenir que par une succession de moulages qui représentent tous les états de forme et de di-rection intermédiaires , depuis la difformité première jusqu'à la guérison ou au moins le degré d'amélioration possible.
Quant à la ténotomie du pied-bot, il nous paraît inutile d'en-trer, à cet égard, dans des descriptions de procédés qui seraient surabondant pour des opérations si simplets, les formules géné-rales opératoires que nous avons données précédemment suffi-sant à toutes les applications, et en outre les petites modifications spéciales qui appartiennent à des lieux différens se trouvant
traitées avec tout le détail convenable, en regard des opérations elles-mêmes, dans les explications de planches.
sclérotomie de l'articulation du genou. (Pl- M).
Les rétractions des tissus fibreux, tendons et ligamens, au pourtour de l'articulation fémoro-tibiale, se produisent sous l'influence de causes très différentes. Tantôt ce sont les muscles eux-mêmes, atteints de contracture convulsive, qui sont primi-tivement affectés : la subluxation articulaire et la rétraction des ligamens ne sont, alors, que consécutives. Tantôt c'est une ma-ladie de l'articulation elle-même, tumeur blanche, phlegmasie chronique, induration de cause arthritique, etc., réunies va-guement, par quelques auteurs, sous la dénomination impropre de fausse ankylose angulaire, qui a produit la subluxation de l'articulation, et par suite la rétraction des tissus fibreux, liga-mens et capsules, et celle des tendons des muscles situés dans le sens delà concavité. 11 y aura doncaugenou trois genres d'inclinai-sons ou courbures permanentes du membre : i" la demi-flexion dans laquelle se présentent rétractés tous les fléchisseurs; en dehors, le biceps ; en dedans, les couturier, droit interne, demi tendineux, demi membraneux; au milieu, le ligament posté-rieur articulaire; i° la subluxation, en dedans, entraînant la courbure et la rétraction du ligament externe et du biceps en dehors, avec allongement et affaiblissement des muscles inter-nes; 3° la subluxation en dehors, mais beaucoup plus rare, carac-térisée par la courbure en dedans, avec rétraction des muscles internes, et allongement des groupes musculaires de la face op-sée. De ces trois formes principales, la plus commune est la demi-flexion permanente avec concavité sur la face externe qui constitue le genou cagneux. Les difformités de l'articulation du genou constituent, au point de vue thérapeutique, un problème beaucoup plus complexe que le pied-bot. En général, quand il y a pied-bot, le genou présente une difformité correspondante pour l'harmonie du mouvement dans une station vicieuse for-cée; mais les difformités du genou, surtout quand elles sont ac-quises et le produit d'une maladie articulaire, s'offrent sans qu'il y ait difformité du pied. Ces affections se présentant fréquem-ment après la puberté chez l'adulte, et même à un âge avancé, n'offrent quelque chance pour la guérison, qu'autant qu'elles sont toutes récentes; car, après une ou plusieurs années, il existe, pour les divers tissus, des altérations forcées de forme, de volume, de direction et même de texture qui rendent toute modification impossible. Les condyles du fémur s'aplatissent sur les points de pression et s'atrophient sur les autres ; les cavités du tibia se creusent, la rotule s'atrophie et contracte des adhérences solides avec l'un ou l'autre condyle, ou s'enclave entre les deux; les li-gamens immobiles s'ossifient. Enfin, suivant un fait d'anatomie pathologique, observé par M. Chassaignac, les vaisseaux, l'ar-tère poplitée surtout, se raccourcissent au point qu'il pourrait y avoir du danger à en forcer l'allongement. Toutes ces considé-rations montrent qu'il faut apporter lapins grande réserve, non-seulement à opérer la sclérotoinie, mais même à pratiquer avec violence le redressement du membre par des machines, dans la crainte bien fondée de produire des ruptures et une suite d'acci-dens funestes.
Traitement chirurgical. Deux méthodes ont été mises en usage pour redresser les dé-viations du genou. Dans l'une et l'autre, on pratique préalable-ment la section des tendons et des ligamens rétractés; puis l'on s'efforce de ramener le membre à sa position normale ; mais elles diffèrent en ce que, dans la méthode la plus ancienne, et qui a prévalu comme la plus raisonnable , on n'agit qu'insensiblement par le secours d'une machine dont on gradue la puissance; tan-dis que, dans l'autre, on procède brusquement avec violence pour obtenir un effet instantané. Michaëlis, en 1809-10, paraît être le premier qui ait fait la section de quelques-uns des ten-dons fléchisseurs de la jambe. MM. Dieffenbach et Stromeyer ont réitéré la même opération en i83o. M. Duval est le premier (i83y) qui ait coupé tous les tendons du jarret, et son exemple a été suivi par M. Bouvier (1838).
Le redressement brusque, à l'aide d'une machine, a été em-ployé, pour la première fois, en 1837 , par M. Louvrier, en ra-menant violemment le membre dans l'extension; mais cette mé-thode n'a eu que de mauvais résultats.
M. Dieffenbach, en pratiquant la même méthode, a changé le sens du mouvement ; il commençait par détruire les adhéren-ces solides des articulations, en exagérant, avec violence, la flexion du membre et n'en pratiquait qu'ultérieurement l'exten-sion. Quoique, suivant le témoignage de M. Phillips, qui l'aurait pratiquée lui-même, cette méthode soit censée avoir eu de bons résultats, nous croyons, jusqu'à plus ample informé, que le re-dressement gradué est infiniment préférable.
Section des tendons.
Procédés opératoires. M. Dieffenbach fait placer son malade à genou sur une chaise, soutenu dans cette position par un aide : un second aide fixe d'une main la cuisse du malade, et de l'autre main appuie sur la jambe et le pied pour faire saillir les tendons raccourcis. Insinuant alors à plat, sous la peau, son ténotome en forme de canif, Dieffenbach coupe de la profondeur vers la surface, les tendons des demi tendineux, demi membraneux, puis, sur l'autre côté, divise le biceps. Les sections tendineuses étant pratiquées, supposé que celles du droit interne et du couturier ne soient pas jugées nécessaires, l'opérateur fait presser sur le membre pour en opérer l'extension. Ordinairement le mouve-ment se trouve arrêté par des brides tendineuses et aponévroti-ques, reconnaissables à leur saillie, et que l'on coupe également à mesure qu'elles se présentent. Lorsque le mouvement d'extension est devenu libre, le chirurgien commence à faire mouvoir l'arti-culation dans le sens de la flexion pour détruire également les adhérences pathologiques en ce sens ; puis, s'emparant lui-même des deux extrémités du membre, il le fait mouvoir jusqu'à pro-duire une flexion exagérée : le membre ensuite est placé dans l'appareil. Pendant ces manœuvres, il se produit dans l'articula-tion des bruits de craquement très forts, mais dont, assure l'au-teur, il ne faut pas s'effrayer, aucun accident inflammatoire n'étant survenu après ces tentatives dans un grand nombre de cas. Malgré cette assertion, nous croyons pourtant qu'il faut ap-porter la plus grande réserve dans les manœuvres, et qu'il vaut mieux procéder avec plus de précautions et de lenteur, pour éviter des déchirures. Tel est le procédé original dont ceux des chirurgiens français sont des modifications.
Procédé dé M. Duval. Le malade est couché sur le ventre, position, selon nous, infiniment plus convenable, et adoptée depuis par tous les chirurgiens. Le membre étant mis dans la plus forte extension possible, le chirurgien, pour les sections, se
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guide sur la saillie que forment les tendons, en commençant par celui dont le relief est le plus apparent : c'est ordinairement lebi-ceps, puis le demi tendineux, et enfin, le demi membraneux. Pour éviter la lésion des vaisseaux et des nerfs, l'instrument est intro-duit du creux du jarret vers l'extérieur, de manière à laisser tout d'abord le faisceau vasculaire en arrière de la lame; une seule piqûre suffit pour la section des deux tendons internes.
Procédé de M. Bouvier. La position du malade étant la même, fes manœuvres, pour les sections, sont un peu différentes. M. Bouvier pique préalablement la peau avec sa lancette, mais pour chaque tendon, à deux ou trois millimètres sur le bord exté-rieur, c'est-à-dire sur le bord externe pour le biceps, et le bord interne pour les demi tendineux et demi membraneux. Le té-notome est ensuite introduit à plat, comme nous le savons, mais le doigt indicateur de la main gauche déprime les chairs sur le bord opposé du tendon pour refouler les organes sous-jacens et limiter la profondeur à laquelle la pointe doit pénétrer. Cette précaution est surtout indispensable pour la section du biceps où il s'agit d'éviter la lésion du nerf sciatique poplité externe. Coupant alors de la surface vers la profondeur, l'opérateur di-vise d'un seul coup le tendon du biceps et le faisceau de sa courte portion, et, à deux reprises différentes, les tendons demi tendineux, demi membraneux.
Le procédé de M. Guérin ne diffère pas sensiblement de celui qui précède. Nous renvoyons, en ce qui le concerne, à l'expli-cation de la planche où il est figuré.
Traitement mécanique.
En sommaire, après les sections terminées, le membre est couché et fixé dans un appareil en forme de gouttière matelassée, composé de deux pièces mobiles articulées à charnières sous le jarret, de manière à permettre un redressement progressif.
Ce serait ici le lieu de mentionner les procédés de section des muscles qui meuvent l'articulation coxo-fémorale. M. Guérin a pratiqué la myotomie de l'attache, au sacrum, du muscle fessier supérieur, abducteur de la jambe, et M. Bouvier celle du tendon psoas iliaque; mais comme ces opérations sont encore récentes, et que la dernière, en particulier, offre de telles difficultés que nous ne la croyons pas justifiable, nous ne croyons devoir en-trer dans aucun détail sur ces opérations.
MEMBRE THORACIQUE.
Les succès obtenus par les sections du membre abdominal ont engagé les chirurgiens à faire, dans les cas analogues, les mêmes tentatives pour le membre thoracique. Mais, il faut le dire avec sincérité, les résultats sont loin d'avoir été aussi heu-reux , et telle est l'opposition des deux membres sous ce rap-port, que c'est pour le pied que les succès ont été les plus réels, et à la main qu'il est survenu les revers les plus funestes. La cause en est dans la texture fibreuse de la main, le grand nom-bre de nerfs volumineux qu'elle renferme, dont la lésion donne-rait lieu à des suites funestes, et dans l'absence de réunion des longs tendons fléchisseurs. On connaît quelques faits de sections en très grand nombre au membre supérieur ; mais s'il n'en est pas survenu d'accidens très graves, du moins il paraît bien que le bénéfice de l'opération a été nul, pour ne pas dire plus.
Ainsi donc, pour éviter à-la-fois le double inconvénient, ou d'ex-citer à faire des opérations blâmables, ou de décourager les chirurgiens de tentatives dont l'intention du moins est géné-reuse, nous nous contenterons de mentionner ici celles des sec-tions du membre thoracique, dont les résultats ont été sanction-nés par l'expérience. La plupart des ténotomistes pensent qu'on peut à l'avant-bras, dans le cas de rétraction faible, couper sur les attaches supérieures des muscles dont les tendons se rendent à la main; mais il faut le dire , les sections, pratiquées dans ces attaches aponévrotiques si courtes, ne peuvent donner lieu à un allongement bien sensible. En transportant l'opération à l'autre extrémité du membre, en cas de rétraction d'un seul doigt, on peut encore couper le tendon fléchisseur superficiel qui n'annulle pas le mouvement de flexion. Les ténotomistes aussi n'ont pas encore renoncé à la section des tendons fléchisseurs au-dessus du poignet, cpie nous avons figurée d'après M. Bouvier (Pl. N, fig. ii, 12 et i3). Mais déjà, il faut convenir cpie, avec la position du nerf médian et la situation latérale des vaisseaux et des nerfs cubitaux et radiaux, cette opération exige beaucoup de précau-tion et d'habileté dans la manœuvre. Reste donc la première couche de muscles, les deux palmaires et cubital antérieur dont la section est inoffensive, mais aussi ne peut pas amener de grands résultats dans des cas de rétraction commune où l'action des fléchisseurs est la principale. Enfin il y a donc, dans les cas de rétraction du coude, une section tendineuse, celles du biceps brachial (pl. N, fig. i/j) dont les bons effets sont approuvés de tous les ténotomistes.
TRONC.
L'étude des difformités du tronc, si nombreuses et si variées, s'offre, à priori, au point de vue de l'anatomie physiologique et pathologique, comme le sujet le plus vaste et le plus fécond de l'orthopédie. En effet, toutes les variétés des difformités des dif-férentes parties du tronc, qu'elles soient primitives ou consécu-tives, une fois parvenues à l'état permanent, sauf quelques ex-ceptions toutes locales, se présentent comme la traduction ou l'expression extérieure des difformités de la tige osseuse centrale, ou du racbis, dont les moindres altérations nécessitent des mo-difications appropriées pour une résultante moyenne de mouve-ment. Et cette résultante, à divers temps, constitue, par une série d'états transitoires, autant d'espèces d'harmonies nouvelles, quoique vicieuses, qui réagissent plus ou moins, de proche en proche, sur tout l'ensemble du squelette. Ces considérations qui portent sur la filiation générale de la difformité, dont les acci-dens et les variétés s'appellent l'une l'autre et s'enchaînent par une série de phases continues, sont également vraies, quel qu'en soit le point de départ, soit les parties molles, soit le système osseux. Ainsi, tantôt la cause première sera une altération locale accidentelle, même la plus légère, telle, par exemple, qu'une simple habitude vicieuse pour une action déterminée, un rétré-cissement du thorax après une affection chronique des viscères thoraciques , ou à un degré plus intense, les positions habituelles nécessitées par une première rétraction locale après une affection convulsive; tantôt c'est une affection primitive des os eux-mêmes, et en particulier des vertèbres, cpii produira la déviation pre-mière à laquelle participeront ultérieurement les muscles qui s'insèrent aux os déviés; puis, par une succession d'effets, toutes les déviations secondaires.
A la pratique, les difformités du tronc se résument en trois
"groupes : i ° les déviations de la portion cervicale, jusqu'à présent plus ou moins vaguement agglomérées sous le nom de torticolis; 2° Les déviations des épaules; 3° celles de la tige dorso-lom-baire du racbis. Ces trois branches, d'un même tronc dévié, se rencontrent presque toujours à des degrés différens sur un même sujet, chacune d'elles sollicitant plus ou moins les deux autres. La désignation spéciale, ici, n'a donc d'autre signification pratique que comme détermination de l'effet le plus apparent contre lequel on se propose de faire agir les moyens thérapeutiques ; mais il est clairque, dans un traitement bien compris, un redressement réel ne peut avoir lieu que par une action ultérieure exercée long-temps sur tout l'ensemble du rachis, et même par un traitement médi-cal dans les affections dont la cause est constitutionnelle, après toutefois que les sections partielles ont détruit les principaux effets de la difformité.
TORTICOLIS.
D'après M. J. Guérin(i) : i° dans le torticolis ancien, pres-que toujours la rétraction et l'arrêt de développement muscu-laire sont exclusivement bornés à un seul des deux chefs du sterno-cléido-mastoïdien , et le plus souvent au chef sternal con-sidéré anatomiquement et physiologiquement comme un mus-cle distinct du cléido-mastoïdien. » Cette assertion de l'auteur est fondée sur cette observation physiologique qu'il a corro-borée par des expériences sur les animaux vivans, que le sterno-cléido-mastoïdien est composé de deux muscles, le cléido-mas-toïdien, muscle inspirateur, et le sterno-mastoïdien, rotateur de la tête. C'est sur cette distinction que sont fondées les sections partielles de M. Guérin, qui, presque toujours, ne portent que sur le faisceau sternal. Disons, toutefois, comme une modification de son opinion au point de vue physiologique que, si les deux fai-sceaux ont bien réellement les usages partiels qu'il leur attribue, c'est-à-dire si l'un est plus spécialement rotateur de la tête et l'autre élévateur de la clavicule; comme en réalité ils s'appliquent exactement, presque jusqu'à se confondre dans les deux tiers de la hauteur, ils n'en formeraient pas moins un seul muscle, qui serait à-la-fois dans son ensemble, suivant le déplacement mu-tuel de son insertion mobile, inspirateur par son attache sterno-claviculaire et rotateur delà tête par son attache mastoïdienne.
i° Dans le torticolis ajoute M. Guérin: « Indépendamment de l'inclinaison de la tète du côté du muscle rétracté, il existe une inclinaison en sens inverse de la colonne cervicale sur la région dorsale qui persiste invariablement après la section du muscle. »
De cette forme de rétraction nous pouvons déduire, quant à ses effets secondaires, et au mode de traitement approprié, les propositions suivantes qui résument les observations de l'auteur et les résultats de sa pratique : i° le faisceau sterno-mastoïdien forme une corde d'où résulte l'incurvation en sens opposé de la portion cervicale du rachis; %° les muscles sous-jacens, c'est-à-dire, intermédiaires entre la corde rétractée et l'arc osseux, les splénius, complexus, trapèze, angulaire, cervical descendant, sca-lènes, etc., se trouvent raccourcis par le rapprochement de leurs attaches. Mais, dit M. Guérin, ces muscles n'éprouvent qu'un retrait passif, sans apparence de contracture, qui les dispose à la transformation graisseuse, au lieu delà transformation fibreuse qui est le fait des muscles rétractés. Pareil fait s'observe, ajoute-t-il, pour le faisceau du sterno-cléido-mastoïdien, qui
(i ) Mémoire sur une nouvelle mélhode de lorlieolis ancien. Paris, 1838.
reste mou et contracté, le faisceau sternal passant à l'état fibreux; 3 de cette disposition se déduit la section spéciale de ce faisceau, et ultérieurement l'emploi des machines pour le redressement de la colonne cervicale du rachis. Mais si le fait que nous venons d'é-noncer est le plus commun, on conçoit que, dans d'autres cas, la rétraction peut s'étendre au sterno-cléido-mastoïdien tout entier et même à quelques-uns des muscles sous-jacens. Dans ce cas, on coupe le sterno-cléido-mastoïdien dans toute sa largeur. On peut encore débrider le trapèze dont la position est superficielle, mais quant aux autres muscles situés plus profondément, en raison des dangers auxquels pourrait donner lieu des sections au travers des parties molles abondamment fournies de vaisseaux et de nerfs, on se confie pour le redressement au traitement mécanique.
Telles sont en sommaire, concernant les rétractions du sterno-cléido-mastoïdien, les opinions de M. J. Guérin. Celles de M. Bou-vier à cet égard sont loin d'être aussi absolues. En voici la substance (i) :
« Tantôt le faisceau sternal et le faisceau claviculaire sont raccourcis au même degré; tantôt le premier l'est beaucoup plus que l'autre, et paraît seul soulevé et tendu. J'ai vu le contraire dans un cas où le faisceau claviculaire formait seul une corde saillante extérieurement. Quand cette inégalité existe, le faisceau le plus long est tellement relâché qu'on a peine à reconnaître son existence à la vue et au toucher. Ce n'est qu'après la section du faisceau le plus rétracté, que l'autre se tend à son tour et devient apparent. »
L'auteur ajoute en note : « Sur quatorze cas de torticolis an-cien, que j'ai notés, cinq fois les deux portions du muscle pa-raissaient également raccourcies; deux fois le faisceau sternal était seul tendu; une fois c'était au contraire le faisceau clavicu-laire. Les six autres cas n'ont pas été suffisamment observés sous ce point de vue. »
Ces observations de M. Bouvier, sur les formes de rétraction du muscle sterno-cléido-mastoïdien si différentes des conclusions de M. J. Guérin, si elles ne détruisent pas ces dernières, exigeraient du moins qu'on les soumît à un nouvel examen. Quant à l'état anatomique des muscles sous-jacens signalé par M. J. Guérin, qui concorde si bien avec l'ensemble des théories sur la diffor-mité, comme aucune observation de M. Bouvier ne tend à les infirmer, il nous semble qu'elles conservent provisoirement toute leur valeur.
MANUEL OPÉRATOIRE.
Procédés chirurgicaux de M. J. Guérin.
« Je fais la section du sterno-mastoïdien à six ou huit lignes au-dessus de son insertion sternale. Je fais cette section sous la peau au moyen d'une seule ponction et suivant deux procédés différens.
Premier procédé. Le malade étant couché sur un lit dont le tiers supérieur se relève en pente, un aide lui tient la tête et tend à l'incliner en sens inverse de l'inclinaison pathologique, et à exagérer la rotation existante. Ces deux mouvemens sont indis-pensables : le premier a pour objet de tendre le muscle à diviser et de favoriser ainsi l'action de l'instrument tranchant. L'exagé-ration delà rotation pathologique est plus importante encore;
(1) Lettre sur la seclion du sterno-cléido-mastoïdien, dans le torticolis ancien (avril 1838).
elle a pour effet de faire saillir en avant le muscle sterno-mastoï-dien, de le détacher des parties sous-jacentes, en transportant son insertion mastoïdienne dans un plan plus antérieur. Le soulève-ment du muscle est quelquefois tel dans cette condition qu'il est complètement séparé de plusieurslignes des parties profondes, et qu'on peut l'embrasser en totalité entre le pouce et l'index, de ma-nière à ce que la peau seule soit interposée entre les deux doigts qui la pressent. Une fois le muscle soulevé et tendu, je fais à la peau, à six ou huit lignes au-dessus de l'insertion sternale du muscle, un pli parallèle à la direction de ce dernier, pli dont la base répond au point de la peau qui, dans le relâchement, longe le bord externe du muscle. Je plonge à la base de ce pli un bis-touri mince , large de deux lignes et légèrement concave sur le tranchant. Dans le premier temps de l'opération, la lame de l'instrument est introduite à plat, le tranchant tourné du côté de la tète; lorsqu'elle a été enfoncée de six à huit lignes, c'est-à-dire de manière à dépasser le bord interne du muscle, sans tra-verser la peau du côté opposé, je relève, dans un second temps, la lame du bistouri, et j'applique son tranchant sur le muscle. Dans un troisième temps, j'abandonnele pli de la peau et coupe le tendon. La peau relâchée et revenue sur elle-même s'applique contre l'instrument, le presse et le suit pour reprendre les pre-miers rapports; elle l'empêche ainsi de faire une ouverture plus grande que celle qui a servi à son introduction, le faisceau muscu-laire est presque spontanément divisé. Il ne faut pas craindre d'appuyer avec quelque force, afin d'éviter une division incom-plète de ses fibres. La section complète du muscle s'annonce d'ailleurs par un bruit semblable à celui qu'on entend dans la section du tendon d'Achille, et par le redressement de la tête.
« Deuxième procède. L'application de mon second procédé exige une modification dans la forme de l'instrument, qui, au lieu d'être concave sur le tranchant doit être légèrement convexe. J'introduis le bistouri sous le tendon du muscle, toujours au moyen d'une simple ponction, et après avoir fait préalablement un pli à la peau , je coupe le muscle d'arrière en avant jusqu'à ce queje n'éprouve plus derésistance, ayant soin, comme dans le cas précédent de ne pas percer la peau du côté opposé à la piqûre d'introduction. » {Mémoire, etc., pag. 20).
Remarques. Depuis la publication de ces deux procédés, M. Guérin les a modifiés de nouveau. Pour la ponction, afin d'iso-ler avec plus de sûreté le muscle des parties sous-jacentes, à l'i-mitation de M. Bouvier, il glisse au travers de la peau, sous le faisceau sternal, le doigt médius qui soulève ce faisceau charnu et dont l'interposition refoule tout d'abord les vaisseaux. Enfin, lorsqu'il convient de diviser le muscle dans toute sa largeur, M. Guérin emploie un myotome à deux lames convexes, portées sur une même tige à quelques centimètres l'une de l'autre , et fait la ponction de part en part, la première lame, reçue par l'extrémité du doigt, venant sortir au dehors par une seconde pi-qûre, et la section se faisant en retour par le retrait de l'in-strument.
Nous n'insisterons pas davantage sur ces détails qui se trou-vent suffisamment exprimés (pl. M).
Procédé de M. Bouvier.
Le voici tel qu'il est décrit par l'auteur dans line observation de section du sterno-cléido-mastoïdien.
Il s'agit du fait communiqué à l'Académie de médecine con-cernant mademoiselle Céline G— âgée de douze ans et demie, et affectée depuis sa première année d'un torticolis produit par la contracture du sterno-cléido-mastoïdien du côté droit.
« La malade étant assise sur une chaise, la tête tournée à gauche et inclinée dans le même sens, un aide appliqua les doigts de chaque côté du sterno-cléido-mastoïdien, dans sa partie su-périeure, pour en mieux dessiner la saillie. J'enfonçai l'indicateur de la main gauche, en refoulant la peau, derrière le bord externe et la face postérieure du muscle, afin de le soulever, de l'isoler des vaisseaux et de guider en même temps le bistouri à l'aide de ce conducteur, de même que dans les incisions profondes où le chi-rurgien se sert de ce doigt comme d'une sonde intelligente. Une petite piqûre longitudinale, faite avec la pointe d'un bistouri ordinaire au-devant du faisceau sternal, près de sa jonction avec l'autre portion, livra passage à un ténotome concave , dont l'ex-trémité mousse rencontra la pulpe de l'indicateur gauche, qui pouvait la sentir à travers les tégumens. Je conduisis à plat l'in-trument, ainsi appuyé sur l'index, derrière le muscle, jusqu'à ce que la pointe soulevât la peau en dehors de la portion clavicu-laire, et tournant alors son tranchant en avant, je divisai succes-sivement les deux faisceaux musculaires de l'intérieur à l'exté-rieur, aussi complètement que possible, en laissant intacte la peau cpii les recouvrait. Peu de sang s'écoula au dehors; une pe-tite quantité de ce liquide, épanchée sous la peau, forma un trombus assez saillant. Un morceau de taffetas adhésif sur la pi-qûre, un tampon de linge maintenu par une bande sur la petite tumeur sanguine, composèrent tout le pansement. »
RÉTRACTIONS DES MUSCLES DU DOS.
M. J. Guérin a opéré avec succès quelques cas de soulèvement de l'épaule par rétraction isolée de Xangulaire et du rhomboïde. Mais une question bien plus importante, est celle des déviations dorso-lombaires du rachis, pour déterminer s'il est ou non né-cessaire de faire concourir les sectionsmyo-tendineuses au redres-sement de la taille. En effet, si vous faites tenir droit un sujet affecté de ce genre de difformité, par le mouvement d'extension du tronc, vous voyez se dessiner nettement, sous la peau, des cordes fibro-musculaires qui, tantôt se rendent au sommet de la courbure épineuse qu'elles semblent attirer de leur côté, et tantôt au contraire se rendent au point de jonction en S, de deux courbu-res inverses, et paraissent être en même temps la corde de l'arc inférieur et la force de rappel delà courbe supérieure. Ce point de fait étant établi, suivant M. J. Guérin, ces cordes musculo-tendi-neuses, formées par un plus ou moins grand nombre des muscles des gouttières vertébrales, sont de véritables cordes de rétraction qui sont fréquemment la cause première des courbures, mais qui, dans tous les cas, une fois produites, maintiennent fixement le squelette dans ces rapports vicieux et doivent être préalablement coupées, sauf ultérieurement à avoir recours à l'emploi des ma-chines.
Dans l'opinion de M. Bouvier, au contraire, la cause des cour-bures tient le plus souvent à une maladie des vertèbres différente du rachitisme, d'une nature inconnue, mais dont l'effet estde dé-terminer dans les points de pression une absorption, ou, si l'on veut, une atrophie du tissu osseux qui se traduit par une con-cavité; la persistance de volume delà vertèbre, et le tiraillement sur les disques intermédiaires produisant une convexité en sens opposé.
Si l'on en croit ce chirurgien, les tractions apparentes des muscles sont uniquement dues aux mouvemens d'extension que M. Guérin fait faire à ses malades couchés sur le ventre, pour augmenter la saillie des muscles vertébraux; mais, dit-il, cette saillie disparaît, les faisceaux musculaires, qui semblent rétrac-tés, redeviennent mous, si le malade, couché sur le ventre, s'a-bandonne entièrement sur le lit sans faire de mouvement, et il appuie son opinion sur les succès de sa pratique, ayant réussi, dans un grand nombre de cas , à obtenir un redressement assez complet, uniquement parle secours des machines.
Sans prendre parti dans cette discussion, nous dirons pourtant que nous avons vu , chez M. Guérin, des malades où il nous a paru qu'il y avait une rétraction bien manifeste des muscles de l'épine, et nous ne voyons pas, comme le dit M. Guérin lui-même, pourquoi la rétraction musculaire, étant prouvée à-peu-près pour toutes les parties de l'appareil locomoteur, et la nécessité de la myotomie étant admise en pareil cas, les muscles des gouttières vertébrales, déjà mi-parti fibreux dans leur état normal et sujets, plus que tous les autres, à des mouvemens et à des tractions perpétuelles, même pendant le sommeil, à cause de leur participation aux mouvemens respiratoires , se trouve-raient, par une exception particulière, incapables d'éprouver les rétractions auxquelles sont sujets tant d'autres muscles de struc-ture moins fibreuse, et qui, parla nature de leurs usages , sont fréquemment au repos. Nous pensons donc que les faits, comme la théorie, militent en faveur de M. Guérin. D'après sa décla-ration imprimée , déjà ce chirurgien aurait eu l'occasion de pra-tiquer environ trois cents fois la myotomie rachidienne, soit sur les faisceaux isolés, soit sur la masse du sacro-spinal. Nous lui avons vu nous-même pratiquer cette dernière opération qui a permis aussitôt le redressement du tronc chez une jeune fille où, à la vérité, les courbures dorso-lombaires n'étaient pas très fortes. Nous serions donc à même de décrire ses procédés, mais comme il ne diffèrent pas de l'énoncé général que nous avons tracé, et que, quant aux particularités, l'auteur se propose de les publier lui-même avec leurs observations détaillées, nous n'avons pu nous permettre de prendre l'initiative.
chirurgie sous-cutanée.
Nous savons déjà que M. J. Guérin renferme sous ce titre toutes les opérations, quel qu'en soitl'objet, qu'il pratique actuellement ou même que, par extension du principe, il pourra devenir possi-ble de pratiquer sous la peau. Dans cette formule se trouvent comprises le strabisme, le bégaiement et la ténotomie dont nous avons déjà parlé. Toutefois nous croyons, à propos des ponctions, devoir consigner, dans un chapitre à part, l'ensemble des doctrines de M. J. Guérin, pour en faire comprendre l'ori-gine, la théorie et les applications encore récentes, mais pleines d'avenir. « Le point de départ de la méthode, dit l'auteur, est la section sous-cutanée du tendon d'Achille. Le fait pratique exis-tait, il était presque vulgaire ; mais la loi qui y est contenue et la raison de cette loi étaient restées ignorées. »
Delpech, le premier, imagina de diviser le tendon d'Achille sous la peau, à l'aide d'une double incision longitudinale sur les côtés. Le but de ce célèbre chirurgien était d'éviter l'exfoliation du tendon en ne le mettant pas à découvert. La cicatrisation eut lieu en vingt-huit jours, mais avec inflammation et suppuration. En 1822, Dupuytren divisa sous la peau une portion du sterno-mastoïdien par le procédé imité de Delpech, mais avec une seule incision plus petite pour éviter une cicatrice difforme. La plaie se réunit immédiatement, mais la signification réelle du fait ne fut pas comprise par le célèbre chirurgien de l'Hôtel-Dieu. En i833, M. Stromeyer répéta l'opération de Delpech, dans le même but d'éviter la suppuration et l'exfoliation, et y parvint en limitant exactement les deux orifices cutanés à la largeur même de la lame. Enfin, M. Dieffenbach qui a pratiqué, à l'invitation de M. Stromeyer, un si grand nombre d'opérations de ténotomie, dans ses nombreuses publications de i838 à 18/40, paraît con-tent du résultat obtenu, lorsque la guérisonn'a été entravée que par des inflammations peu considérables, des suppurations légè-res, des abcès circonscrits, etc. Ainsi donc, jusque-là les chi-rurgiens n'avaient songé qu'à se garantir des accidens les plus graves résultant de l'inflammation, dont la venue leur paraissait inévitable, mais on n'avait pas supposé qu'une section quel-conque pût guérir sans une inflammation légère et encore moins par une autre série de phénomènes. Tel était l'état de la ques-tion lorsque M. J. Guérin entreprit de l'étudier à un autre point de vue. Par une série d'expériences sur les animaux, confirmée successivement par de nombreuses opérations sur l'homme, ce chirurgien s'est assuré que la diminution ou l'absence des accidens inflammatoires, à la suite de la ténotomie sous-cutanée, ne tenait pas essentiellement, comme tous les chirurgiens et lui-même l'avait cru jusqu'alors, à la nature peu réactive du tissu tendineux et à la petitesse de la plaie de la peau, mais à l'absence du contact de l'air. Nous ne pouvons mieux faire que de laisser l'auteur développer lui-même sa théorie à cet égard.
Théorie des incisions sous-cutanées. « Le caractère propre du travail consécutif aux plaies sous-cutanées des tendons, n'est pas, avons-nous dit, un amoindrissement de l'inflammation qui s'arrêterait, comme on l'a pensé, à ses degrés infimes ou à ses préliminaires; c'est au contraire un travail de toute autre nature : c'est l'organisation immédiate. La différence que nous cherchons à établir n'est pas purement nominale. Les conséquences théori-ques et pratiques cpie nous devons tirer de cette distinction le montreront suffisamment. Pour bien comprendre cette différence, il suffit de savoir que, dans toute plaie enflammée, il y a suspen-sion du travail d'organisation et réparation normales, et que ces deux modes d'activité physiologique ne reparaissent qu'alors que le travail inflammatoire cesse, et à mesure qu'il cesse; l'aspect de la plus petite plaie extérieure le démontre. Ajoutons que toute inflammation, quelque circonscrite et quelque ténue qu'elle soit, est toujours accompagnée d'un mouvement de réaction, tantôt local, tantôt général, en proportion de son étendue, de la nature des tissus divisés et des complications qui interviennent. Ainsi, la suspension du travail physiologique et un certain degré de réaction locale ou générale, tels sont les caractères de toute plaie enflammée. Or, rien de semblable n'arrive dans les divisions sous-cutanées des tendons. A partir du moment où la piqûre de la
i3
peau est fermée, il s'établit un travail de séparation et d'organi-sation immédiates, offrant toutes les gradations et nuances de ce travail, sans apparence aucune de réaction inflammatoire. » (i)
De l'ensemble de sa pratique, M. Guérin déduit les cinq pro-positions suivantes qui donnent le résumé précis de sa théorie :
« i°Les plaies sous-cutanées des tendons, des ligamens, des muscles, des aponévroses, des artères de petit calibre, des veines et des nerfs, de quelque étendue qu'elles soient, guérissent en s'organisant immédiatement, quoiqu'il y ait un espace considé-rable laissé entre les lèvres de la solution de continuité.
2° La condition essentielle de ce résultat est que l'intérieur de la plaie n'ait aucune communication avec l'air extérieur; et le moyen de l'obtenir est de pratiquer une très petite ouverture à la peau , le plus loin possible du siège de la plaie interne, et de produire l'occlusion immédiate de cette ouverture avec un em-plâtre collant.
3° Le mode d'action de l'air, à l'égard des plaies sous-cuta-nées, participe à-la-fois d'une action physique, chimique et vitale : physique, en favorisant parles espaces libres qu'il laisse sous la peau , au fur et à mesure de la résorption des parties épanchées, la continuité de la circulation; chimique, en n'alté-rant pas les principes de la composition du sang ; vitale, en lais-sant à ce fluide sa consistance etles propriétés en vertu desquelles il vit, circule, nourrit et organise les tissus, et en laissant les extrémités des vaisseaux et des nerfs dans les conditions propres à l'exercice de leurs fonctions.
4° Le mécanisme de l'organisation des plaies sous-cutanées est le même que celui delà réunion adbésive, le même que celui de la cicatrisation des plaies qui suppurent. La condition essen-tielle de cette cicatrisation est la même que dans les trois ordres de plaies : la soustraction de leurs surfaces au contact de l'air ; d'où la condition essentielle de la réunion par première inten-tion des plaies, l'absence du contact de l'air et T indication pour l'obtenir, Vapplication hermétique de leurs surfaces et l'occlu-sion permanente de leurs bords.
5° Les applications du phénomène de l'organisation immédiate des plaies sous-cutanées sont de ramener toutes les plaies, avec libre communication à l'air, aux conditions des plaies sous-cu-tanées, et de faire, sous la peau, les opérations qui ne réclament pas indispensablement la division de l'enveloppe cutanée. » (Ouv. cité, page 70.)
Applications de la théorie. M. J. Guérin donne, dans une série de propositions, les diverses applications de la méthode autres que la ténotomie proprement dite et dont la plupart ont été employés avec succès ou par lui-même ou par d'autres chi-rurgiens. En voici l'enumération d'après le texte de l'auteur :
« i° L'ouverture des tumeurs sanguines qui se forment et ne se résorbent pas toujours à la suite des sections sous-cutanées des grands muscles ; opération répétée cpiatre fois avec succès complet, c'est-à-dire suivie immédiatement de l'organisation adhésive des parois du foyer sans trace aucune d'inflammation.
20 L'ouverture de poches séreuses qui succèdent assez souvent aux épanchemens sanguins produits parles opérations de myo-tomie sous-cutanée; opération répétée trois fois avec des résultats semblables à ceux obtenus pour les tumeurs sanguines.
3° L'incision sous-cutanée de tumeurs pblegmoneuses com-mençantes , dans le but de produire le débridement et le dégor-
(1) Essai sur la mèthodt snus-riilanre, Paris, 1S41.
gement de ces tumeurs. Dans les trois cas où j'ai eu recours à cette opération, l'inflammation a été enrayée immédiatement, et les engorgemens se sont dissipés.
4" L'ouverture et l'évacuation d'une loupe mélicérique, suivies de la cicatrisation immédiate du kyste.
5° L'enlèvement d'une petite exostose à la partie supérieure et antérieure du tibia, suivi de résorption des débris de la tu-meur, sans aucun symptôme d'inflammation consécutive.
6° L'ouverture de plusieurs abcès par congestion à l'aine, à la cuisse et au dos. Cette application , l'une des plus importantes de celles que j'ai faites jusqu'ici, a été répétée douze fois sur dif-férens individus atteints d'affections tuberculeuses des os, et n'a jamais produit aucun accident.
7° La section sous-cutanée du sphincter de l'anus pour la fis-sure, opération pratiquée une fois par nous et répétée déjà avec un succès complet par notre honorable ami M. Blandin.
8° Enfin, une foule d'opérations de myotomie entièrement nouvelles et que personne n'eût osé entreprendre avant la con-naissance préalable du fait principe de ma méthode. » ( Ouv. cité, pag. 34. )
Mais telle est la fécondité de la méthode, qu'outre ces appli-cations déjà si nombreuses, il en a été fait encore de nouvel-les, soit par l'auteur, soit par divers chirurgiens, et il y a tout lieu d'espérer que le champ s'en élargira encore davantage.
M. Guérin se propose de pratiquer le débridement sous-cuta-né des hernies crurales et inguinales pour obtenir l'occlusion adhésive de leur orifice, et déjà il a publié un cas de guérison de cette nature (Gaz. des hop., 2 oct.).
Parmi les chirurgiens qui ont appliqué la méthode sous-cu-tanée, citons les suivans :
i° MM. Barthelmy, Chaumet de Bordeaux, Maréchal, Mal-gaigne et Velpeau pour l'incision de kystes synoviaux, dévelop-pés autour des articulations. Les quatre premiers avec succès; M. Velpeau sans succès, mais à la vérité la ponction, dans ce dernier cas, a été faite oblique au lieu d'être sous-cutanée.
20 MAL Lisfranc et Pinel Grandcbamp pour la ponction de tumeurs articulaires, comme AI. Guérin l'a lui-même pratiquée un grand nombre de fois.
3" M. Dufresse Cbassaigne, pour fixer les corps étrangers du genou.
4° M. Ricord pour la ligature sous-cutanée des veines dont nous avons parlé dans le traitement du varicocèle.
5° Enfin M. Jobert pour la cure de l'bydrocèle par l'incision sous-cutanée. Nous ne faisons qu'énumérer rapidement ces faits confirmatifs de la méthode, les succès et les revers s'étant mon-trés proportionnés à l'observation rigoureuse ou à la négli-gence des préceptes opératoires qui ont pour but d'empêcher l'introduction de l'air.
MANUEL OPÉRATOIRE (Pl. II etP).
Si nous devions suivre la méthode sous-cutanée dans toutes les applications de détail dont elle est susceptible, nous aurions à décrire, comme autant de procédés, un nombre considérable de petites modifications qui, par le fait, rentrent toutes les unes dans les autres et donneraient lieu à une foule de détails inutils. Le temps en outre n'est pas encore venu, pour une œuvre actuel-lement en formation , d'établir des formules opératoires dont les nuances diffèrent suivant l'indication, la nature de la maladie, leur siège et la composition organique des parties, toutes notions
qui ne peuvent être acquises que par la pratique. Constatons seule-ment que toutes ces opérations, quelque spéciales qu'elles puissent être, sont comprises comme manoeuvres opératoires sous deux, grands chefs, l'incision et la ponction sous-cutanée.
Nous avons décrit plus haut le procédé d'incision dans ses détails les plus circonstanciés ; il ne nous reste plus qu'à donner celui de la ponction en prenant pour exemple deux cas de nature différente, tels que la ponction de l'empyème pour les épanche-mens dans les cavités et celle d'un abcès profond de la cuisse pour les collections dans l'épaisseur des tisstis.
ponction de l'empyème (Fig. i, 2, /[, 5).
Le malade couché sur le dos, mais un peu incliné sur le côté sain, le chirurgien, après avoir déterminé le lieu d'élection, forme un pli soulevé à la peau en ramenant de très loin, de bas en haut, les tégumens de manière que le pli soit entièrement constitué aux dépens de la surface du lieu où doit se faire la ponction. S'il existe dans le tissu cellulaire sous-cutané un em-pâtement qui empêche la peau d'être suffisamment mobile, on rechasse néanmoins à plat la surface tégumentaire et on supplée à l'absence d'un pli de hauteur convenable en faisant glisser l'instrument sous la peau jusqu'au bord supérieur de la côte où doit se faire la piqûre. Dans les circonstances ordinaires, le pli n'ayant pas moins de cinq à six centimètres de saillie, le chirur-gien en confie l'une des extrémités à un aide, l'extrémité supé-rieure pour le côté droit ou l'inférieur pour le côté gauche, et lui-même avec le pouce et l'index de sa main gauche en saisit l'autre extrémité; puis, après s'être assuré de nouveau, en tou-chant avec le doigt, entre son pouce gauche et le pouce droit de l'aide, de la position précise de l'espace intercostal au-dessus de la côte inférieure, de sa main droite armée du trocart courbe qui dirige l'indicateur étendu sur la tige, il pique d'abord brusque-ment à travers la peau et le plan sous-musculaire, en arrêtant le mouvement avec l'ongle de l'index, et ne traverse plus qu'avec lenteur l'espace intercostal. Le jeu libre de la pointe, au dedans, lui indique qu'elle a pénétré dans la cavité pleurale. Lâchant alors et faisant lâcher par l'aide le pli cutané (fig. 2), le chirur-gien presse de haut en bas et fait glisser la peau le long de la ca-nule du trocart, de manière à l'en revêtir comme d'un fourreau, en formant ainsi un trajet fistuleux sous-cutané qui doit avoir de six à sept centimètres de longueur, si le pli de la peau a été suffisamment élevé. Dans ce mouvement, le chirurgien presse méthodiquement sur la canule , à partir du point de ponction , de manière à chasser toute bulle d'air qui aurait pu s'intro-duire. Les choses étant à ce point, sans cesser d'appliquer exac-tement, avec les doigts de sa main gauche, l'orifice cutané contre la tige, l'opérateur faisant soutenir la boîte à vis par un aide, dévisse lui-même le manche du trocart et retire avec précaution la tige de la longueur nécessaire pour que la pointe arrive à la hauteur du robinet. Une goutte de liquide qui vient s'échapper au dehors indique que ce rapport est obtenu. Faisant combiner alors les mouvemens de son aide avec les siens, en même temps que l'un dégage rapidement la pointe de l'oeil du robinet, l'autre en tourne immédiatement le pavillon pour empêcher qu'aucune bulle d'air ne s'introduise dans la canule. Libre d'agir alors, mais toujours sans cesser de maintenir hermétiquement appliqué l'orifice de la peau, le chirurgien fait substituer au manche du trocart la seringue fermée, dont le bec se visse également avec la canule; ouvrant alors le robinet et retirant le piston, le li-quide intérieur se précipite dans le corps de pompe. Lorsque la seringue est pleine, on ferme de nouveau le robinet de la canule, on dévisse la seringue pour la vider, puis on la réapplique pour faire une nouvelle succion. Il est clair qu'on peut recommen-cer ainsi autant defois qu'il est nécessaire pour évacuer la totalité du liquide. L'opération terminée, reste à dégager la canule de la plaie; d'une main continuant à comprimer l'orifice cutané, avec les doigts de l'autre main , le chirurgien comprime sous la peau l'autre extrémité de la canule correspondant, à la plaie intercos-tale; puis, faisant retirer lentement la canule, par l'effet de cette légère compression , le métal se trouve essuyé de manière qu'au-cune goutte de pus ou de tout autre liquide intérieur que ce soit, ni qu'aucune bulle d'air extérieur ne puisse être amenée dans le trajet sous-cutané; condition indispensable pour éviter toute inflam-mation ultérieure. Dès que l'extrémité de la tige est dégagée de l'espace intercostal, le chirurgien la suit en pressant à tergo avec l'index et le médius, et appliquant successivement les deux autres doigts à mesure que le trajet s'allonge, jusqu'à ce qu'enfin elle franchisse l'orifice cutané où l'indicateur lui succède immé-diatement, pour être lui-même remplacé par une mouche d'em-plâtre adhésif.
M. Guérin a déjà pratiqué avec succès , quant à l'opération du moins, ce nouveau mode de ponction de l'empyème, déduit de sa méthode générale sous-cutanée. Selon nous ce procédé est évidemment supérieur à tous les autres, même à celui de M. Stanski. Son seul inconvénient, mais c'en est un, c'est de ne pouvoir réitérer la ponction qu'en pratiquant à chaque fois une nouvelle opération. 11 est bien vrai, comme nous nous en sommes assuré, que dans les ponctions multiples, pratiquées par M. Gué-rin, les trajets sous-cutanés ne s'enflamment presque jamais; tou-tefois, reconnaissons que la nécessité d'autant d'opérations nou-velles est un point de difficulté par où l'emporte l'ingénieux procédé de M. Reybard, par exemple, quoique si inférieur à celui de M. Guérin quant à l'opération elle-même.
Ponction des abcès ou des collections liquides de diverse nature, situés profondément.
Ayant suivi pour l'empyème la méthode générale de ponc-tion dans ses détails les plus minutieux, il ne nous reste plus qu'à indiquer rapidement les petites modifications qui ont rapport aux divers autres cas d'application.
Soit, par exemple, un abcès profond à la cuisse; comme, il arrive qu'une collection ne soit pas bien formée, ou que la nature même delà tumeur ne soit, pas nettement déterminée; s'il reste au chirurgien quelque doute, il commencera d'abord par prati-quer à longues distances une petite ponction exploratrice avec la sonde cannelée à fer de lance (fig- 6). A l'aide de cet instru-ment qui peut pénétrer à une grande profondeur par un trajet très étroit, le chirurgien s'assurede l'état intérieur de la tumeur, suivant qu'elle forme une cavité ou libre ou multiloculaire, ou qu'elle est entrecoupée d'adhérences et de brides celluleuses et vasculaires, en même temps que la sortie d'une goutte de liquide le long delà cannelure lui en indique la qualité. Si la collection n'est que très peu abondante, on peut, en aidant par la pression, lui donner issue de cette manière. Que si, au contraire, il existe un grand volume de liquide, on en pratique ultérieurement la ponction avec le trocart et la pompe, comme il a été dit pour l'empyème. Nous ne croyons pas devoir insister sur le détail de l'opération qui ne serait que la répétition de ce que nous
avons dit plus haut. Les seules observations qui pourraient of-frir de l'intérêt ont rapport au siège de la tumeur, à la nature des parties environnantes et de celles qui doivent se rencontrer sur le trajet de l'instrument : toutes considérations anatomiques qui varient suivant le lieu et ne diffèrent pas, quant aux précep-tes chirurgicaux, de ceux que nous avons posés pour toute es-pèce d'opérations, et qui se trouvent longuement traités à propos des incisions en général.
Une première ponction terminée, il s'agit d'avoir recours à un traitement général, attendant qu'une nouvelle collection se forme pour avoir recours à une nouvelle opération. Nous avons vu ainsi
M. Guérin pratiquer, à quelques jours d'intervalle, sur des mala-des scroful eux, une série de ponctions, tantôt pour un même abcès, tantôt pour des collections nouvelles, en poursuivant ainsi les ef-fets d'une même cause, et la santé générale des malades s'amélio-rant à mesure, sans que les opérations donnassent lieu à aucun accident local. Nous n'hésitons donc pas à considérer cette méthode comme un progrès remarquable de la chirurgie à notre époque; aussi, avant de fermer notre ouvrage, avons-nous cru devoir y consigner cette théorie, aussi neuve que féconde, pour contri-buer à la répandre, désirant, pour l'intérêt commun, que l'exem-ple de M. Guérin trouve des imitateurs.
TABLE DES MATIÈRES
DU SUPPLÉMENT
â L'ICONOGRAPHIE D'ANATOMIE CHIRURGICALE
ET DE MÉDECINE OPÉRATOIRE.
SCLEROTOMIE.
Page I — LU.
STRABISME. Différence et particularités du strabisme, perma-nence ou intermittence, variétés, il-in. Causes du strabisme; complications et phénomènes concomitans, ni-v. — Opéra-tion du strabisme. Anatomie opératoire, historique, v-ix. Exa-men du regard. Détermination des muscles qui concourent au strabisme, ix-x. — Manuel opératoire. Appareil instrumen-tal, x. i° Section à découvert. Procédés de MM. Dieffenbach, C. Phillips, Lucas, Ferrai, Liston, Sédillot, Lichel, Baudens, x-xin; Velpeau, Dufresse-Chassaigne, Amussat, xiv. 2° Section sous - conjonctivale. Procédés de M. J. Guérin, xv-xxi. Appréciation des procédés opératoires, soins consécutifs, xvi. — Effets physiologiques de la section, modifications anato-miques prouvées par l'autopsie, xvi-xvn.—Accidens qui ont rapporta l'opération. Ecchymose, hémorrhagie, inflammation, névralgies, bourgeons charnus, proéminence de l'œil, abo-lition du mouvement du muscle coupé, opération secondaire, strabisme inverse consécutif, récidive, Xvil-XVlll. — accidens qui ont rapport ci la maladie. Diplopie, vue faible de l'œil opéré, incertitude du regard après l'opération, xvin-xix. = Section de muscles variés. Droit externe, droits supérieur et infé-rieur, xix. — Grand oblique, procédés de MM. Baudens, Du-fresse-Chassaigne et Gairal, xix-xx. — Petit oblique. Procédés, t° imité de la section des autres muscles; 2° de M. Baudens; 3° de M. Bonnet de Lyon,xx.=SECTiON de plusieurs muscles. deux ou trois, quatre, cinq, xxi-xxn. — Accidens des sections multiples. Exophthalmie, rétrécissement de l'ouverture palpe-brale nécessitant une opération secondaire, névroses, xxii-xxin. == Conclusions, xxiii. — Application de la myotomie oculaire à diverses maladies, lalbugo, la myopie, les mouvemens spas-modiques de l'œil, lamaurose, xxiv.
BÉGAIEMENS. Différences et particularités des bégaiemens; état anatomique de la langue, xxv. — Causes du bégaiement: con-geniales, acquises; convulsions générales, état spasmodique local, défaut de méthode, influences morales, irritation, in-fluences atmosphériques, hérédité. Indications et contre-in-dications de l'opération, xxv—xxvi. = Opération du bégaie-ment. Anatomie opératoire, historique de l'opération xxvn-xxx. — Examen de la langue et de la nature du bégaiement, xxx. —Appareil instrumental, xxxi. — Méthode allemande, procédés de M. Dieffenbach, xxxi, xxxn. — Méthode française. Procédés de MM. Phillips, Lucas, Velpeau, Amussat, Bau-dens, xxxu-xxxv — Méthode sous-cutanée,procédé de M. Bounet, de Lyon, xxxv-xxxvi. — Accidens de [opération de ïancylo-glosse. Hémorrhagie, tuméfaction, abcès, asphyxie, gangrène; résultats, résumé, xxxvn, xxxvni.
TÉNOTOMIE GÉNÉRALE. Considérations générales sur les dif-formités; altérations des divers tissus, xxxvui-xl. = Théra-peutique générale de la difformité. i° Appareils mécaniques; 2° Sections scléreuses; méthode générale opératoire ; muscles à diviser, xli, xlii. — Sections partielles. Pied-bot : équin, varus, valgus, talus, plantaire; traitement mécanique du pied-bot, xlii—xliv. — Sclerotomie de [articulation du genou, xlv-xlvi.— Ténotomie du membre thoracique, xlii. Sclerotomie du tronc. —Torticolis. Procédés de MM. J. Guérin et Bouvier. — Rétractions des muscles du dos, xlvii—xliv.
CHIRURGIE SOUS-CUTANÉE. Théorie des incisions sous-cutanées. — Application de la théorie. — Ponction sous-cutanée de l'empyème. Ponction sous-cutanée des abcès et des collections liquides de diverse nature, situés profondé-ment, xlix-lil
TRAITÉ COMPLET
DE
L'ANATOMIE DE L'HOMME
COMPRENANT
L'ANATOMIE CHIRURGICALE
ET
LA MÉDECINE OPÉRATOIRE
PAR LES DOCTEURS
BOURGERY et CLAUDE BERNARD
ET LE PROFESSEUR-DESSINATEUR-ANATOM FST K
N.-H. JACOB
AVEC LE CONCOURS DE M M.
ludovic hirschfeld, gerbe, léveillé, roussin, leroux, dumoutier, etc.
Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences EDITION AVEC PLANCHES ET TEXTES SUPPLÉMENTAIRES
TOME SEPTIÈME
L GUÉRIN, ÉDITEUR
DEPOT ET VENT lî A LA
librairie théodore morgand. paris, 5, rue bonaparte
1866-1867
Réserve de tous droits.
TRAITÉ COMPLET DE L'ANATOMIE DE L'HOMME
ANATOMIE CHIRURGICALE
ET
MÉDECINE OPÉRATOIRE
avec
TRAITES COMPLEMENTAIRES
DE
SCLEROTOMIE, OPHTHALMOLOGIE, TÉNOTOMIE, ETG
DEUXIEME PARTIE
PLANCHES
L. GUÉRIN, ÉDITEUR
dépôt et vente a la
LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND. PARIS, 5, RUE BONAPARTE
1866-1867
Réserve de tous droits
TOME VII. PLANCHE 1.
ANATOMIE CHIRURGICALE DES CAVITÉS DE LA FACE.
ADULTE GRANDEUR NATURELLE.
Cette planche a pour objet de montrer les dimensions et les rapports des cavités de la face, et le mot de cathétérisme des conduits
avec le trajet que parcourent les instrumens.
FIGURE \.
Sur un côté de la face, représentée de trois quarts, on a disséqué les paupières, ouvert les voies lacrymales, et emporté la masse os-seuse jugo-maxillaire pour montrer l'anatomie des voies lacrymales et les rapports du canal nasal avec le sinus maxillaire. La figure 1 bis répète le calque des voies lacrymales pour en faciliter le numérotage.
Région oculaire.
Figures 1 et 1 bis. Section de la peau et du muscle orbiculaire palpé-bral, pratiquée circulairement au travers du sourcil.
2, 3,4, 5. Bord osseux de l'orbite. 2, os frontal, 3, os malaire ; 4, plan-cher orbitaire du maxillaire supérieur; 5, tubercule lacrymal, saillie formée par la racine montante de l'os maxillaire supé-rieur, au-devant de la jonction du sac lacrymal et du canal nasal, et qui sert de guide pour la ponction avec le bistouri dans l'opération delà tumeur lacrymale. Le bord libre seule-ment du tubercule lacrymal est conservé; au-dessous, l'épais-seur de l'apophyse montante est enlevée (6, 7) pour laisser voir le commencement du canal nasal (18), le pont osseux conservé du tubercule lacrymal séparant ce canal du sac lacrymal. (17). Au-dessous de la naissance du canal nasal se voit l'épaisseur de la cloison osseuse (8) qui sépare ce canal d'avec le sinus maxillaire.
9, 9. Fragmens de l'orbiculaire palpébral coupé.
10, 10. Graisse de l'orbite renfermée par flocons dans un tissu cellulaire
séreux.
11, II. Surface des paupières, la peau enlevée. Elle montre le plan
des fibro-cartilages revêtus de leur enveloppe fibro-celluleuse ; sur la paupière supérieure s'épanouit son releveur.
12, 12. Bords palpébraux auprès desquels est coupée la peau au con-
tour.
13. Glande lacrymale.
14. Caroncule lacrymale située dans l'écartement des conduits la-
crymaux.
15. Conduit lacrymal supérieur dans lequel est engagée une soie
pour en montrer le trajet.
16. Conduit lacrymal inférieur ouvert dans toute son étendue
entre son orifice palpébral ou extérieur, le point lacrymal, et son orifice intérieur auprès de son congénère, dans le sac lacrymal.
17. Sac lacrymal ouvert dans toute son étendue, sa double enve-
loppe étant coupée sur le contour.
18. Commencement du canal nasal, séparé du sac lacrymal, sur la
figure, par l'anneau qui forme le tubercule lacrymal.
19. Vaisseaux et nerfs frontaux.
20. Vaisseaux ethmoïdaux.
Région zygomato-maxillaire.
21. Intérieur du sinus maxillaire, dont la paroi osseuse antérieure
est enlevée avec les parties molles.
22. Saillie de la gouttière nasale ouverte sur l'autre face dans la
fosse nasale, et qui se dessine en relief dans l'intérieur du sinus maxillaire.
23. Antre d'Hygmore, orifice du sinus maxillaire dans la fosse na-
sale correspondante.
24. Vaisseaux et nerfs sous-orbitaires saillans en dehors de leur
canal interrompu par la section de l'os.
25. Canal salivaire de Sténon, provenant de la parotide (27), et qui
traverse le buccinateur (26) pour s'ouvrir sur la membrane muqueuse de la bouche, en regard de la seconde dent grosse molaire. (Voy.jîg. 3.)
27. Portion du masseter.
28. Portion de l'orbiculaire labial.
29, 30. Artère et veine faciales. Elles sont interrompues au-devant de la section de l'os maxillaire.
FIGURES 2 ET 5.
intérieur des fosses nasales et de la cavite pharyngienne.
La tête, dans les figures 2 et 3, est sciée verticalement sur le plan moyen, la cloison nasale étant enlevée.
Objets communs aux deux figures.
Plan de section des os. a, des os de la base du crâne; b, des six pre-mières vertèbres cervicales; c, du maxillaire supérieur garni de ses dents, dont l'avant-dernière est eidevée pour laisser voir l'orifice salivaire du canal de Sténon; d, du maxillaire inférieur ; e, de l'os hyoïde; f, de la cage cartylagineuse du larynx.
Plan de section des parties molles, g, le nez ; h, la lèvre supérieure ; i, l'épiglotte ; k, la lèvre inférieure; 1, la langue avec son muscle génio-glosse.
Plan des cavités. — Cavité nasale, m, cornet supérieur; n, cornet moyen; o, cornet inférieur; p, cul-de-sac ou sommet de la voûte naso-pharyngée; q, orifice inférieur du canal nasal; r, orifice de la trompe d'Eustache. — Cavité buccale, s, arcade dentaire supérieure ; t, piliers du voile du palais. — u, Cavité du pharynx, ouvrant en haut dans les fosses nasales et en avant dans la cavité buccale.
Applications chirurgicales.
Les figures 2 et 3 représentent des cathétérismes différens :
1° A. Cathétérisme nasal avec la sonde de Laforest. Sur la figure 2, l'instrument disparaît sous le cornet inférieur ; sur la figure 3, la paroi ostéo-muqueuse est enlevée de manière à montrer en dedans toute la longueur du canal nasal avec la sonde qui le remplit.
2° B. Cathétérisme de la trompe d'Eustache. Sur les deux figures, la sonde de M. Deleau est offerte en position, introduite dans la trompe d'Eustache. Sur la figure 3, le corps du sphénoïde est enlevé pour montrer la continuation de la trompe d'Eustache dans l'intérieur du rocher, au-dessous et en avant de la courbure de l'artère carotide dans le trou dé-chiré antérieur. Une ouverture faite dans la paroi de la trompe elle-même laisse voir la sonde dans son canal.
3° G. Figure 2. Cathétérisme maxillaire, avec un stylet introduit dans l'antre d'Hygmore.
4" D. Figure 3. Cathétérisme salivaire. Un stylet introduit dans l'orifice du conduit de Sténon, on a enlevé la dent grosse molaire en re-gard pour laisser voir cet orifice sur la figure.
5" E. Figure 3. Sonde de Bellocq. Introduite dans la fosse nasale, son ressort arrive dans la cavité buccale, prêt à retirer le fil auquel est lié le tampon postérieur pour arrêter les hémorrhagies des fosses nasales.
6" F. Figure 2. Cathétérisme œsophagien. La sonde est vue à de-meure dans son trajet de la bouche dans l'œsophage.
Tome 7.
Pl. 1.
TOME VII. PLANCHE 2.
INSTRUMENTS DES OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'OEIL.
GRANDEUR REELLE.
INSTRUMENS SPECIAUX DES MALADIES DE LA PAUPIERE ET DE LA CONJONCTIVE.
1. Crochet, élévateur des paupières de Pellier. Cet instrument modifié
est simple, et reçu par une extrémité dans une lame d'écaillé à bord cylindrique, qui forme un élévateur.
2. Autre élévateur de B. Bell.
3. Pince èpilaloire pour arracher les cils.
4. Cautérisateur de M. L. Sanson. C'est un anneau d'argent, offrant
sur le plat une cannelure ou gouttière circulaire ou demi-circu-laire, dans laquelle on coule du nitrate d'argent fondu.
INSTRUMENS PROPRES A AGIR DANS LES VOIES LACRYMALES.
5. Seringue d'Anel pour l'injection par les points lacrymaux. A cette
seringue sont joints des siphons de rechange a et b. Dans le tube capillaire (b) on laisse un fil de laiton très fin pour en pré-venir l'obstruction.
6. Stylet de Mcjean. La pointe est boutonnée comme pour le stylet
d'Anel. 11 y a un stylet de Desgranges, dont la pointe est con-tournée en crochet pour retirer le fil conducteur dans le procédé de Méjean.
Cathétérisme par les fosses nasales.
7. Sonde de Laforest. C'est la première imaginée pour le cathétérisme
par l'orifice inférieur du canal nasal.
8. Cathéter de M. Gensoul. En raison de sa courbure (c), appropriée
à la forme du canal nasal, ce cathéter est double, un pour chaque côté.
9. Sonde nasale de M. Gerisoul. Cet instrument se compose d'une
sonde graduée flexible, avec un mandrin porte-caustique pour la cautérisation de bas en haut du canal nasal.
Le cathétérisme par la sonde de Laforest, le cathéter ou la sonde de M. Gensoul, est assez facile quand une fois on s'est rendu familier le tour de main approprié à chacune de ces opéra-tions.
10. Sonde de M. Serres d'Uzès.
11. Sonde nasale à dard de M. Mariée. Cet instrument dont la cour-
bure est imitée du cathéter de M. Gensoul, renferme un mandrin terminé par un dard. Il a pour objet de suppléer à l'incision en perçant la peau de dedans en dehors, après l'introduction de la sonde de bas en haut dans le canal nasal.
12. Sonde cannelée , et 13, Stylet. L'un et l'autre servent à désobs-
truer le canal nasal.
14. Tige en ivoire ou algalie pour laisser à demeure et obtenir par dila-
tation l'élargissement du canal nasal.
15. Canule de Desault, avec son ressort boutonné (a) et le stylet (d)
qui sert à la désobstruer.
16. Bistouri de T. L. Petit pour inciser la tumeur lacrymale et ouvrir
la voie dans le sac lacrymal et le canal nasal. Il est muni latérale-ment, près du dos, d'un bord saillant formant sillon conducteur pour les mandrins porte-canules.
17. Mandrin coudé de Dupuytren pour introduire dans le canal nasal
les diverses canules à conduire.
18. Autre mandrin coudé de Dupuytren pour retirer la canule du canal
nasal. L'extrémité libre de cet instrument est bifide et terminée par deux petits crochets (e) ; fermée d'abord par un petit anneau ou coulant d'acier, elle s'ouvre au-dessus de la canule, qu'elle accroche par ses bords latéraux.
19. Autre mandrin à crochet de M. J. Cloquet. Cet instrument, formé
par un fil d'acier élastique, que termine un bec, est plus simple que le précédent, agit de même et est plus facile à dégager de la canule.
20. Canule de Parnard.
21. Canule de Dupuytren.
22. Canule de M. Blandin.
23. Canule de M. Malgaigne.
24. Canule de M. Gerdy.
25. Clous en plomb de Scarpa.
26. Trocart de M. Laugier pour pratiquer une route artificielle en per-
forant le sinus maxillaire. Cet instrument n'est autre que le poin-çon de Pellier pour la perforation de l'os unguis.
INSTRUMENS DE CATARACTE ET DE PUPILLE ARTIFICIELLE.
27 à 32. Ciseaux fins. — 27. Ciseaux droits à une pointe boutonnée. — 28, 29, 30. Ciseaux coudés à diverses inclinaisons sur le bord.
— 31. Ciseaux coudés sur le plat. Ces instruments servent à la fois pour la pupille artificielle et pour de petites excisions dans plu-sieurs maladies des yeux. — 32. Ciseaux à pupille de M. Mau-noir. — Plusieurs de ces ciseaux portent une pointe boutonnée : c'est ce bouton que l'on présente d'abord en avant aux parties pour ne pas les piquer.
33. Pinces fines à excision, les mors denticulés.
34 à 37. Pinces à pupilles, dont les branches sont dans la forme ordi-naire des pinces à disséquer, les mors seuls étant différens. — 34. Pince ci cannelure. L'une des extrémités offre en dedans une can-nelure dans laquelle est reçue l'autre extrémité en forme de baguette cylindrique : un bord membraneux étant saisi par cette pince, il est facile de l'enrouler autour.—35. Pince ci curettes.— 36. Pince à griffes. Le dessin des griffes, 1 'une simple, l'autre bifide, est reproduit au-dessus grossi. — 37. Pince courbe à œillets. Chaque mors présente un œillet et un tenon qui se reçoi-vent d'un côté à l'autre.
couteaux a cataracte. (Extraction.)
38. Cératolome de Beer.
39. Cératotome de Richler.
40. Couteau double à coulisse de Jaeger.
4L Autre cératotome de Richter, peu différent de celui de Wenzel.
42. Couteau lancéolaire de Beer.
43. Serpette de Cheselden, modifiée par Tenon, puis par Boyer. L'ins-
trument est terminé par une curette à l'autre extrémité.
44. Curette de M. Velpeau.
aiguilles a cataracte. (Abaissement et kératonyxis.)
45. Aiguille de Scarpa.
46. Aiguille de Dupuytren.
47. Aiguille à kératonyxis de Walther.
48. Aiguille de Hey.
49. Kystilome de Beer.
50. Instrument à broyer le cristallin.
51. Aiguille à crochet de Beer.
érignes. (Pupille artificielle.)
52. Érigne de Beer. Même instrument que le coréoncion de Walther.
53. Erigne de M. Pamard.
54. Pince-érigne double de Reisenger. (f) montre de face le crochet qui
retient les mors fermés.
dards-érignes. (Pupille artificielle.)
Nous rangeons en commun, sous cette dénominatiou, des instrumens composés d'un dard on fer de lance et d'une érigne, un crochet ou une pince, et qui rem-plissent le double objet de saisir et de couper la cloison membraneuse, soit que l'une des deux actions suive ou précède l'autre. Tous ces instrumens sont à coulisse et composés de deux tiges dont l'une glisse sur l'autre.
55. Raphiankistron d'Emden. Érigne qui amène sur un fer de lance.
56. Pince à dard d'Onsenorl. La pince, à deux petites palettes denti-
culées saisit, et le dard remonte dessus en fermant les mors.
57. Aigudle-érigne de M. Luzardi. C'est l'aiguille de Scarpa, formant
en arrière un crochet sur lequel fait pince une tige montante à ressort.
58. Autre du même en fer de lance, où la tige montante est latérale.
59. Aiguille à fer de lance et à crochet de M. Clémot, sur laquelle
monte à. ressort une tige coupante.
Les instrumens 5\ 55, 56, 'j-, 58,59 scml d'ssiucs doubles, de face et de profil.
Tome. 7.
Instrumens de la fabrique de M. Charrière.
Pl. 2.
Dessiné par N.H. Jacob.
Lith. par Jules Méa.
TOME VIL PLANCHES 3 ET 4
PLANCHE 3.
FIGURE i.
Position figurée de la tête, dans les opérations qui se pratiquent sur les yeux et au travers des fosses nasales. Le malade étant assis, sa tête, légèrement inclinée en haut et en arrière, est contenue par un aide placé debout derrière, qui la fixe des deux mains (a, b ) sur sa poitrine, les petits doigts écartés ou abaissés, suivant qu'ils peuvent ou non gêner l'opéra-teur. La tête, en outre, s'incline un peu en sens opposé pour offrir de face au chirurgien le côté sur lequel il opère. Sur cette figure, on a pré-senté en regard les instrumens qui ont rapport aux principales opéra; tions : (c), le couteau prêt à piquer la cornée dans la cataracte par extraction; (d), le bistouri pour la ponction du sac lacrymal et du canal nasal; (e), le cathéter des voies lacrymales par le procédé de Laforest.
FIGURES 2 ET 5.
Cathétérisme du canal nasal par le procédé de Laforest , figure 2, avec la sonde de cet auteur; figure 3, avec le cathéter de M. Gensoul.
Figure 2. Elle représente les trois temps de l'opération.
1. Introduction horizontale de la sonde.
2. Le moment où le bec de la sonde arrive à l'orifice du canal nasal.
3. Le temps d'abaissement en obliquant vers la première dent in-
cisive du côté opposé, mouvement qui amène le bec de la sonde dans le sac lacrymal où on le voit en saillie (a).
Une ligne ponctuée de 1 en 2 et en 3 indique le parcours extérieur du manche de l'instrument, tandis que la figure, 2 bis montre le parcours intérieur de la sonde.
Figure 3. Cathétérisme de M. Gensoul.
1. Introduction verticale du bec du cathéter.
2. Moment où le bec arrive à l'orifice inférieur du canal nasal.
3. Abaissement effectué, le bec du cathéter montrant sa saillie dans le sac lacrymal.
Comme dans la figure précédente, la position des doigts varie; une ligne ponctuée de 1 en 2 et en 3 indique le parcours extérieur du manche de l'instrument, tandis que la figure 3 bis montre le parcours intérieur du cathéter.
PLANCHE 4.
OPÉRATIONS SUR LES VOIES LACRYMALES.
FIGURE I.
Injection par le point lacrymal inférieur avec la seringue d'Anel. Un doigt indicateur du chirurgien abaisse la paupière et fait saillir le point lacrymal, tandis que l'autre main, armée de la seringue, opère l'injection.
FIGURE 2.
Cathétérisme par le conduit lacrymal supérieur. Le stylet de Méjean, introduit par le conduit lacrymal supérieur, est descendu dans le canal nasal jusque dans le méat inférieur, d'où il a été amené au-dehors pour remonter en sens inverse le fil conducteur du séton.
FIGURE 5.
Incision du sac lacrymal par deux procédés : celui de J.-L. Petit (a), à la peau, entre la caroncule et la saillie du tubercule lacrymal; et celui de Ponteau (b), en dedans de la paupière, sur la caroncule. Les deux bistouris, dont les pointes sont engagées, sont mis en regard sur l'un et l'autre côté, suivant la direction du canal nasal, pour montrer l'angle réel qu'ils forment plus aigu qu'on ne le suppose, la rencontre des deux lignes convergentes, suivant que nous nous en sommes assuré d'après plusieurs sujets, ayant lieu à deux pouces et non un seul au-dessus des arcades sourcilières pour une largeur moyenne de la racine du nez. Une ligne prolongée indique le trajet continué du canal, répondant sensi-
blement au sillon des ailes du nez pour une largeur moyenne de cet organe.
FIGURE 4.
Introduction de la canule de Dupuytren.
a. Bistouri que l'on retire d'une main après la jonction en l'incli-
nant en avant et en dehors pour faciliter l'introduction du man-drin.
b. Introduction du mandrin qui porte la sonde en suivant la cannelure
dorsale du bistouri.
FIGURE 5.
Perforation de la cloison du sinus maxillaire pour pratiquer une voie nasale artificielle. L'opération est celle de M. Laugier pratiquée avec son trocart.
FIGURE 6.
Perforation des légumens de dedans en dehors avec le trocart de M. Manec, le cathétérisme étant effectué par le procédé de Laforest.
Tome 7
Pl.3.
N.H. Jacob direxit
Dessine par Rogat.
Imp. de Lemercier Benard C°
Tome 7.
Pl.4.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 5 ET f.
PLANCHE 5. OPÉRATIONS CURATIVES
DE LA BLÉPHAROPTOSE ET DE ^ECTROPION
GRANDEUR NATURELLE.
FIGURE 1. Excision d'un fongus avec le bistouri et une érigne.
Figure 2. Excision de la conjonctive avec la pince et les ciseaux. Figure 3. Excision d'un lambeau médian du cartilage tarse pour nu ectropion de la paupière inférieure ( Weller ).
Figures 4 et 5. Excision d'un lambeau triangulaire de la paupière inférieure pour les mêmes maladies par le procédé d'Adams. — Fi-gure A. Section du lambeau.—Figure 5. Réunion par une suture des bords de la paupière rétrécie.
Figure 6. Double ectropion. L'excision d'une portion de la conjonc-tive, à travers une incision à la peau, est représenlée à la paupière supérieure (procédé de Dieffenbach ).
Figure 7. La même opération pratiquée à la paupière inférieure relevée par le fait de l'excision.
Figures 8, 9 et 10. Blépharoptose et ectropion.—Figure 8. Élévation permanente de la paupière par des bandelettes agglutinatives. — Fi-gures 9 et 10(procédé de Hunt). Figure 9. Lambeau elliptique enlevé aux dépens de la région sourcilière et palpébrale supérieure. —Fi-gure 10. Rapprochement par des sutures des bords de la perte de substance d'où résulte l'élévation forcée de la paupière et l'ouverture de l'œil.
Figures 11 et 12 (procédé ordinaire). — Figure 11. — Ablation d'un lambeau elliptique de la paupière supérieure. — Figure 12. Rap-prochement par des sutures entraînant l'élévation de la paupière et l'ouverture de l'œil.
PLANCHE 6. OPÉRATIONS
QUI SE PRATIQUENT SUR LES PAUPIÈRES.
GRANDEUR NATURELLE.
Figures 1,2,3,4. Blépharoplaslique ( Grœfe, Dzondi ).
Figures 1 et 2. Restauration de la paupière supérieure.—Figure 1. Pour corriger une cicatrice vicieuse de la paupière supérieure, le lambeau qui renferme la cicatrice étant enlevé, le chirurgien vient de tailler un autre lambeau de recouvrement (a) aux dépens de la peau de la région fronto-sourcilière. Suivant le procédé de M. Lalle-mand, le bord le plus près de la perte de substance vient rejoindre l'angle de la plaie; tandis que l'autre reste à une distance de quelques lignes, le pédicule vasculaire se trouvant compris entre les deux incisions latérales. Nous avons taillé ce lambeau presque à angle droit avec la plaie et non sur la ligne horizontale qui la prolongeait sur la tempe; suivant la règle générale de l'autoplastique, de tailler le lam-beau suivant la ligne la plus rapprochée du parallélisme pour diminuer le plus que l'on peut la torsion du pédicule.
Figure 2. Pansement des deux plaies. Le lambeau de restauration est appliqué sur la solution de continuité de la paupière, et fixé par des sutures.
Figures 3 et A. Restauration de la paupière inférieure. — Figure 3. (b) Plaie par enlèvement de la peau de la paupière difforme. ( c) Lambeau taillé aux dépens des tégumens de la pommette.
Figure A. (d) Application du nouveau lambeau fixé par des sutures, (e) Pansement de la plaie qui a fourni le lambeau.
Figuiíe 5. Incisionde l'adhérence palpébrale. Pour remédier à l'anky-loblépharon congenial, une piqûre étant faite vers l'angle de l'œil sur le voile palpébral soulevé, une sonde cannelée, de courbure con-venable, est insinuée sous les paupières, et, dans la cannelure de la sonde, on glisse un bistouri qui opère la section suivant la ligne nor-male dont ordinairement la trace est apparente.
Figure 6. Extirpation de la glande lacrymale. Une incision curviligne partant du milieu de l'arcade sourcilière descend sur la paupière, passe un peu au-dessus de l'angle externe de l'œil et se prolonge de huit lignes en dehors sur la saillie fronto-jugale. Elle diffère de celle de M. Velpeau en ce que la commissure palpébrale elle-même n'est point intéressée par une seconde incision. La glande carcinoinateuse, isolée, est amenée au dehors avec une érigne, tandis que des ciseaux courbes sur le plat coupent ses dernières adhérences.
Figures 7 et 8. Excision de végétations fongueuses de la conjonctive. —Figure 7. Excision sur le bord palpébral supérieur avec la pince et les ciseaux. — Figure 8. Excision sur la paupière inférieure avec la pince et le bistouri (voyez, pour des cas de cette nature, Demours, pl. 19 ).
Figures 9 et 10. Excision de kystes des paupières.—Figure 9. Exci-sion à la paupière inférieure par la peau avec la pince et le bistouri. — Figure 10. Excision à la paupière supérieure parla surface de la conjonctive.
Figure 11. Excision de l'encanthis pileux ( Demours, pl. 64 ).
Figure 12. Excision d'excroissances vasculaires et charnues de la conjonctive, (f) Cautérisation d'une petite plaie, après excision, avec le nitrate d'argent coulé dans la cannelure d'une petite sonde, (g) Exci-sion d'une autre excroissance.
Tome. 7.
Pl. 5.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Rogat.
Imp. Becquet, Paris.
Tome 7.
Pl.6.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Im. de Lemercier Benard C°
TOME VIL PLANCHES 7 ET 8.
PLANCHE 7.
OPÉRATIONS
QUI SE PRATIQUENT SUR LES PAUPIÈRES.
GRANDEUR NATURELLE.
Figure 1. (a) Orgeolet. Ponction avec une lancette, (b) Excision du pinguéeula.
Figures 2 et 3. (Ectropion) Excision du cartilage tarse (Saunders),
Figure 2. L'élévatoire en écaille (c) étant glissé sous la paupière supérieure et maintenu par un aide qui attire en même temps le bord de la paupière avec une pince plate (d); après avoir pratiqué une inci-sion à la peau, parallèle au bord palpébral, puis disséqué de bas en haut et coupé, sur son bord supérieur, la conjonctive avec le cartilage tarse, le chirurgien saisit ce cartilage avec une pince (e), et l'enlève par la section de l'attache de son bord inférieur avec un petit bistouri ou mieux avec des ciseaux courbes sur le plat (f).
Figure 3. Réunion de la plaie palpébrale par des sutures.
Figures 4 et 5. (Ectropion) Section du cartilage tarse (Guthrie).— Figure 4. Les deux incisions latérales de l'épaisseur de la paupière sont pratiquées et permettent à la paupière d'être relevée entre les deux sections.—Figure 5. Pansement Vopération terminée. Après avoir pratiqué, dans un second temps, l'excision perpendiculaire au bord palpébral d'une portion surabondante des chairs de la paupière, trois anses de fils passées entre les lèvres de la plaie en affrontent les bords; deux autres anses rapprochent les bords des sections latérales.
Tous les chefs des fils sont relevés vers le sourcil et fixés par une bandelette agglutinative de manière à maintenir l'œil ouvert par le soulèvement total de la paupière. Toutefois la portion médiane, inter-médiaire aux deuxsections latérales, étant retrécie par la perte de sub-stance , la section transversale est plus soulevée que les angles laté-raux avec lesquels elle fait un ressaut, difforme sur le bord palpébral.
Figure 6. ( Dzondi, Champesme ) Arrachement des bulbes ciliaires mis à découvert par la dissection de bas en haut d'un petit lambeau palpébral cutané.
Figure 7. Trichiasis, et Figure 8. Distichiasis (Demours, pl. 20, fig. 1 ). L'une et l'autre maladie ne se guérissent que par arrache-ment des cils.
Figures 9 et 10. Ptérygion (Cas analogues , Demours, pl. A0,fig. 1 et 2; et Weller, p/. l,fig- 9).—Figure 9. Ptérygion charnu.—Figure 10. Excision du ptérygion avec la pince et le bistouri du sommet vers la base (Rognetta).
Figures 11 et 12. Pannus (Weller, pl. l,fig. 8 ). Figure 11. Pannus très avancé. — Figurée 12. Excision du pannus avec la pince et les ci-seaux courbes sur le plat à pointes mousses.
PLANCHE 8.
MALADIES QUI MOTIVENT LES OPÉRATIONS SUR LA CORNÉE, LE CRISTALLIN, ET L'IRIS.
GRANDEUR NATURELLE.
Figure ]. Cataracte lenticulaire complète (Demours, pl. 22, fig. 3 ). Figure 2. Cataracte capsulo-lenticulaire (Demours, pl. 38, fig. 3). Figure 3. Cataracte centrale ( Demours, pl. 28, fig. 2 ). Figure 4. Cataracte noire (Cas analogue, Weller, pl. ^,fig- 2 ).
Figure 5. Cataracte lenticulaire sur un homme âgé de 83 ans ( Wel-ler,;,/. %fig.A).
Figure 6. Cataracte capsulo-lenticulaire chez un homme de G2 ans ( Weller, pl. 2, fig. 6).
Figure 7. Cataracte capsulo-lenticulaire chez un enfant (Beer,dans Weller, pl. 2, fig. 7).
Figure 8. Cristallin opaque qui a spontanément rompu ses adhé-rences et est tombé presque en entier derrière l'iris (Demours,/?/. 22, fig.l).
Figure 9. Ponction de la chambre antérieure dans un cas d'hydro-capsulite (Procédé de Wardrop).
Figure 10. Hypopion (Cas analogue, Demours, pl. 29).
Figure 11. Hypopion succédant à une iritis. Deux petits abcès existent dans l'épaisseur de l'iris, la pupille déformée est presque oblitérée (Weller, pl. S, fig. 1).
Figure 12. Pupille ovale par le fait d'une iritis légère causée par une contusion (Demours, pl. 48, jfa/. 3 ).
Figures 13 et 14. Pupilles artificielles (Demours, pl. 43 et 44 ).
Figures 15 et 16. Pupilles artificielles (Blasius).
Tome 7.
Pl.7.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard C°
To me 7 .
Pl.8.
N.H. Jacob direxit
Dessiné d'après nature par Rogat.
TOME VIL PLANCHES 9 ET 10.
PLANCHE 9.
OPÉRATIONS DE LA CATARACTE PAR EXTRACTION,
GRANDEUR NATURELLE.
Figure 1. Kératomie inférieure (avec le couteau de Richter). La première ponction faite et le couteau ayant glissé horizontalement dans la chambre antérieure, le moment choisi est celui où la pointe de l'instrument ressort à l'extérieur après avoir pratiqué la contre-ponction d'arrière en avant. La paupière supérieure est soulevée par les doigts indicateur et médius d'un aide (a), et la paupière inférieure abaissée par les mêmes doigts de la main gauche du chirurgien ( h), de manière a fixerait besoin l'œil entre les deux pressions. L'instrument est tenu de la main droite de l'opérateur (c), appuyé par les deux derniers doigts sur la saillie de la pommette.
Figure 2. Même section de la cornée au moment où elle s'achève.
Figure 3. Incision de la capsule cristalline avec le kystitome tenu par la main droite du chirurgien.
Figure 4. Plan de la section médiane d'un œil de profil. L'objet de cette figure est de montrer le trajet que décrit le cristallin pour son expulsion au dehors sous la double pression du doigt indicateur au-dessous de l'œil (d), et du manche du kystitome ou de la curette (e) présenté horizontalement au-dessus; (f) est l'image pâle du cris-tallin dans son ancienne position, (g) la lentille elle-même dans l'inclinaison qu'elle subit : elle déprime en arrière et en bas le segment inférieur de l'iris (h) et repousse en avant et en haut le segment supé-rieur (i) : (k) est la cornée aplatie en haut par l'évacuation de l'hu-meur aqueuse et saillante en bas,au-dessus de la section,par la saillie du cristallin.
Figure 5. Sortie du cristallin au dehors sous la pression du doigt et du manche de l'instrument. C'est le moment où la pression doit être enlevée.
Figure G.- Extraction avec des pinces des débris de la capsule cris-talline quand il y a lieu.
Figure 7. Kératomie supérieure ( avec le couteau de Riehlcr ). L'o-pération étant pratiquée sur l'œil droit, cet organe est vu la tête ren-versée; le chirurgien, pour plus de facilité, étant placé derrière le malade : le moment choisi est celui où la lame , en glissant, achève la section de la cornée.
Figure 8. Plan de la section médiane d'un œil de profil. L'objet de cette figure est le même que dans la figure -4; on y voit également le déplacement que subit le cristallin pour son expulsion par la plaie de la cornée. Les deux modes de pression sont renversés, et les incli-naisons du cristallin et des segmens de l'iris inverses de la figure 4 comme la situation de la plaie extérieure.
Figure 9. Kératomie oblique pratiquée avec le couteau de Wenzel.
PLANCHE 10.
OPÉRATION DE LA CATARACTE.
EXTRACTION ET ABAISSEMENT.
GRANDEUR NATURELLE.
FIGURES I, 2, 3, 4.— Extraction. — Kératomie-Kystotritik ( Procédé de M. Furnari).
Figure I. Kératome à double lance de M. Furnari (vu de face et de profil ). Cet instrument se compose de deux fers de lance de gran-deur différente qui se succèdent en une seule lame. L'extrémité ter-minale, ou la pointe(a),représente le kystitome de Eeer; elle sert, dans le premier temps, à ponctionner la cornée et, dans le second, à diviser la capsule cristalline. Cette aiguille est séparée par un collet de rétré-cissement ( h) de la grande lame (c) assez semblable au couteau lancé-«laire de Eeer et qui pratique la section de la cornée. L'épaisseur de la lame augmente graduellement vers le talon pour s'opposer à l'éva-cuation prématurée de l'humeur aqueuse.
Le mode d'action de ce kératome est ingénieux. Mais la plaie qu'il l'ait à la cornée est trop petite pour extraire le cristallin sans l'écraser, l'eut-être une lame plus large, telle qu'elle est représentée (fig.2 bis), serait-elle plus convenable.
Figures 2 et 2 bis. Kystotriteur de M.Furnari.Wa de face(2) et vu de profil (2 bis). Les branches, terminées par deux petites palettes denti-culées (il), sont fermées par l'élasticité de deux ressorts (e) et s'ouvrent à la volonté de l'opérateur par la pression sur deux boutons (f). Cette pince introduite fermée est destinée à saisir et au besoin à écraser et morceler le cristallin et enlever ses débris et ceux de sa capsule.
Lekystotriteur nous paraît très incommode à l'usage, la main qui le l'ait agir étant suspendue sans point d'appui. Nous lui préférons de beaucoup une pince (fiij. 4) dont les mors seraient ceux du kystotri-leur.
Figure 3. Section latérale de la cornée. L'instrument étant tenu connue le couteau de Richter, la pointé a ponctionné perpendicu-lairement la cornée, puis a glissé transversalement dans la chambre antérieure en même temps que la grande lame a converti en une inci-sion la piqûre de la cornée. 1 ie couteau laucéolaire parvenu sur le cris-tallin est prêta opérer la division de sa capsule.
FlGURE i. Préhension du cristallin entre les mors de la pince .Mibsli-1 uee au kystotriteur.
operation de la cataracte par scleratonyxis.
Figure 5. Ponction. L'aiguille de Scarpa (g), tenue comme une plume à écrire, pratique la ponction de la sclérotique; l'instrument est abaissé obliquement, la convexité de sa pointe en haut (ligne a, b, ficj. 8). Le point d'appui est pris avec les deux derniers doigts en dehors de la saillie de la pommette.
Figure G. Division de la capsule cristalline. L'aiguille, qui a glissé transversalement, sa convexité en avant, sur la face postérieure de l'iris, apparaît au milieu de l'ouverture pupillaire préalablement dilatée par l'instillation de l'extrait de belladone; la pointe tournée vers le cristallin commence la division de sa capsule.— Figure G bis. L'aiguille incise successivement, à mesure qu'elle pénètre, la demi-circonférence externe, la surface et la demi-circonférence interne de la capsule cristalline jusqu'à la ligne e, f, où elle se trouve à la partie supérieure du cristallin.
Figure 7. Abaissement du cristallin (suivantla ligne g, h, fig. 8).
Figure 8. Résumé du trajet de l'aiguille. La pointe, qui a pénétré d'abord au point A suivant la ligne a, b, se trouve, au commence-ment de l'opération, au-devant du cristallin, suivant la ligne c, d : puis, par une série de mouvemens de bascule sur le point A; après avoir incisé la capsule, elle se trouve en haut du cristallin suivant la ligne e, f : enfin élevant le manche de l'instrument en haut, en avant et en dehors, suivant la ligne g, h, la pointe abaisse le cristallin en bas, en dehors et en arrière sous le corps vitré.
Figure 9. Trajet de rabaissement du cristallin.
Ligure 10. Réelinaison du cristallin. La lentille, par la pression de l'aiguille en avant de son contour supérieur subit, sur le plan hori-zontal, un mouvement de bascule tel que sa face antérieure devient supérieure; et son bord inférieur, antérieur.
FIGURE 11. Trajet, sur la section verticale d'un œil de profil, de la dé-pression du cristallin après le mouvement de bascule en quart de cercle ou la réelinaison.
Tome 7.
Pl. 9 o
N.H. Jacob direxit
Dessiné par Léveillé.
Tome 7.
Pl.10.
N.H. Jacob direxit
d'après nature par Rogat.
TOME VII. PLANCHE 11.
OPÉRATIONS DE PUPILLES ARTIFICIELLES.
GRANDEUR NATURELLE.
méthode par incision.
Figure 1 (procédé de Cheselden). Incision transversale de l'iris d'arrière en avant, ou de la chambre postérieure vers la chambre anté-rieure.
Figure 2 (procédé de Sharp et de W. Adams). Incision transversale de l'iris d'avant en arrière, ou de la chambre antérieure vers la chambre postérieure.
Figure 3 (procédé de Janin ). Section verticale de l'iris avec des ciseaux fins introduits au travers d'une incision préalable de la cornée.
Figure -4 (procédé de M. Maunoir). Double incision verticale de l'iris en V.
Figure 5 (procédé de M. Velpeau ou de Wenzel sans excision). Sec-tion en un seul temps de l'iris et de la cornée avec un petit couteau à double tranchant.
méthode par excision.
Figure G (procédéde Wenzel). La double incision étant faite comme l'a, depuis, pratiquée M. Velpeau, qui s'arrête à ce premier temps, pratiquer la section du lambeau avec des pinces et des ciseaux.
Figure 7 (procédé de M. Guérin). Une double incision à l'iris étant faite en croix, pratiquer isolément avec des ciseaux l'excision des quatre lambeaux.
Figure 8 (procédé de Gibson). Excision, avec des ciseaux, du centre de l'iris imperforé. Dans la figure, au lieu de pratiquer l'excision sur l'iris faisant hernie dans la plaie, cette membrane est saisie avec une érigne qui l'engage entre les ciseaux.
méthode par décollement.
Figure 9 (procédé de Scàrpa). Décollement de la partie interne et supérieure de l'iris avec l'aiguille à cataracte.
Figure 10 (procédé de Donegana). Décollement avec incision par une aiguille tranchante appliquée, dans la figure, à l'arc externe et su-périeur de l'iris qui fournit plus de jour que l'arc interne.
Figure 11 (figure empruntée de Blasius). Divers exemples d'intro-duction de l'érigne au travers d'une moitié opaque de la cornée pour pratiquer le décollement sur un point quelconque de l'iris en regard de la moitié transparente de la cornée.
Figure 12. Excision du lambeau décollé par l'érigne (figure em-pruntée de Blasius).
Figure 13 (procédé de Langenbeck). Décollement de l'iris, dont le lambeau est amené dans la piqûre de la cornée où il se trouve pincé et contracte une adhérence.
Figure 14-. Extension de la pupille naturelle, dont un bord tiraillé est engagé dans la plaie de la cornée (procédé de Langenbeck).
Figure 15. Exemple d'extraction du cristallin au travers d'une ou-verture pupillaire artificielle.
Figure 16. Section de l'iris, en un seul temps, avec la pince à dard de M. Onsenort. Cette figure est donnée comme un exemple du mode d'action des divers dards-érignes propres à l'incision et au décolle-ment et figurés pl. 2, n° 55-59.
Tome 7.
Pl.11.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob..
TOME VIL PLANCHE 12.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'OREILLE.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
cathétérisme de la trompe d'eUSTACHE.
Instrumens.
Figure 1. Cathéter à double courbure de M. Fabrizj.
Figure 2. Cathéter dont nous avons calculé les courbures suivant le trajet à parcourir. La forme précise de cette tige est, selon nous, celle que l'on devrait donner à tous les instrumens de cathétérisme de la trompe, pour y entrer sans tâtonnemens.
Figure 3. Sonde de M. Itard pour les injections de la trompe.
Figure 4. Sonde de M. Gairal. Des chiffres , inscrits sur les faces du pavillon de la sonde, servent de repère au chirurgien pour s'assurer de l'arc de cercle décrit profondément, par le bec de la sonde, pour son introduction dans l'orifice de la trompe.
Figure 5. Sonde de M. Deleau. La sonde creuse, flexible (a), gra-duée suivant sa longueur pour se rendre compte de la profondeur à laquelle elle a pénétré, est garnie d'un mandrin en argent que l'on fait glisser dans la trompe d'Eustache, quand l'orifice trop épais de la sonde ne peut s'avancer plus loin. Pour s'assurer de la longueur dont il pénètre, ce mandrin lui-même, à son bout extérieur, est gra-dué dans l'étendue de 25 millimètres; une virole avec une vis de pression (c) empêche la sonde de remonter sur le mandrin. Enfin, en retirant le mandrin, à cette sonde s'adapte un petit pavillon ou en-tonnoir en argent qui facilite les injections d'air pratiquées par M. De-leau, et fournit, par deux petits anneaux, un point d'appui pour fixer la sonde. Un autre moyen de la fixer, dû au même auteur, consiste en un fil métallique tordu et faisant pince par son ressort; la figure 6 montre ce petit appareil en position.
Le cathétérisme lui-même, ne pouvant être compris que par une vue sur le profil, ne peut fourniraucune figure de médecine opératoire assez significative; nous renvoyons donc à l'anatomie opératoire, pl. 1 de ce volume, où cette manœuvre est clairement exprimée.
Figures 7 et 8. Ligature d'un polype du conduit auriculaire (procédé de M. Fabrizj).
M. Fabrizj pratique en plusieurs temps la ligature des polypes pour en obtenir la section : ou plutôt il fait deux ou trois ligatures succes-sives pour atteindre graduellement au plus près de la racine. Les instrumens dont il se sert sont des sondes d'argent, longues de onze centimètres, épaisses seulement de deux millimètres, faisant office de serre-nœud et divisées, pour isoler les fils, par une goupille à l'ex-trémité qui porte l'anse: un anneau latéral au pavillon sert à attacher-les fils à l'autre extrémité.
La figure 7 indique la manœuvre d'une seconde opération de ce genre. Une première ligature ayant été appliquée avec une canule de M. Fabrizj , la tumeur étranglée dans l'anse d'un fil métallique noué sur le pavillon de la sonde, le chirurgien attire en dehors le polype avec l'instrument, glisse sur cette première canule l'anse du fil d'une seconde, et la confie à la main d'un aide (a) qui l'écarté en dehors et. continue à tirer sur la tumeur. Dans le moment choisi pour la figure , le chirurgien, tenant la seconde canule d'argent avec les doigts de la main gauche (b), est occupé à faire glisser l'anse de cette seconde ca-nule avec un stylet tenu de la main droite ( c ), pour placer cette anse en arrière de la première sur la racine du pédicule.
La figure 8 représente la même manœuvre, en profil, sur une sec-tion du canal.
Si la tumeur a pu être étranglée assez profondément, il ne s'agit plus que de tordre le fil pour en pratiquer la section. Dans le cas con-traire on procède à une troisième application qui fait le sujet de la fi-gure 9.
Figure 9 (même vue de profil). Troisième ligature faite par un fil de chanvre porté par une canule en plomb; la canule tordue avec le fil, et la base de la tumeur, sont coupées au niveau de la conque auri-culaire.
perforation de la membrane du tympan. Instrumens.
Figure 10. Perforateur ou trépan de la membrane du tympan de M. Deleau. L'instrument se compose d'une tige renfermée dans une canule et terminée à son extrémité par un petit cône portant à son contour un tranchant à pas de vis. L'extrémité de la canule étant ap-pliquée sur la membrane du tympan, en communiquant un demi-tour au levier (a) qui commande la tige, le cône perforateur (b), sortant de la canule, doit traverser la membrane du tympan : en complétant l'autre demi-tour du levier, le cône perforateur rentre brusquement dans la canule, par la détente d'un ressort, et doit emporter, entre sa base et la canule, un disque de la membrane. En réalité, cet effet n'a point lieu ; ce trépan déchire la membrane sur son passage et ne fait pas emporte-pièce. L'instrument qui suit est de beaucoup préférable.
Figures 11, 12 et 13. Trépan de la membrane du tympan de M. Fa-brizj. — Figure 11. Tige de l'instrument portée par un manche. Le talon de la tige porte un pas de vis sur lequel se meut le renflement de la canule (h,fig. 12 ). L'autre extrémité de la tige (c) est un fil spi-ral qui perce la membrane du tympan. — Figure 12. Canule de l'in-strument. Elle est en argent, sauf l'extrémité libre (d) qui est en acier et fait emporte-pièce par son bord libre qui est coupant.—Figure 13. Trépan garni de sa canule. Le fil spiral tordu dépasse l'extrémité de la canule de deux tours.
Figure 14. Perforation de la membrane du tympan par le procédé de M. Fabrizj.
L'oreille écartée par les deux mains d'un aide (e, f ), l'opérateur, te-nant le manche de l'instrument de la main gauche (g), imprime, avec les doigts de la main droite (h), un mouvement de rotation à la canule sur la tige.
Ficure 15. Ablation de l'oreille cancéreuse.
Figure 10. Tumeur érectile du pavillon de l'oreille pour la-quelle Dupuytren a pratiqué sans succès la ligature de la carotide.
Tome 7
Pl.12.
d'après nature par N.H. Jacob.
Im. de Lemercier Benard et C°.
TOME VIL PLANCHE 15.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR L'OREILLE.
GRANDEUR NATURELLE.
FIGURES 1,2,3,4. Anatomie opératoire de l'oreille.
Figure I. Os temporal scié verticalement suivant deux coupes obliques, pour montrer le trajet des voies auditives et le diamètre vertical des deux conduits ; la paroi antérieure étant enlevée.
Figure 2. Même aspect des voies auditives avec les parties molles; les deux conduits auriculaires isolés, mais intacts.
Figure 3. Même section que dans la figure 1, la paroi antérieure osseuse et fibro-cartilagineuse étant enlevée.
Figure 4. Section horizontale des voies auditives vues par le plan supérieur dont la paroi est enlevée, et montrant le diamètre antéro-postérieur des deux conduits.
A. Fig. 1,2,3. Plan de la section verticale de l'os temporal. R. Fig. 4. Plan de la section horizontale de l'os temporal.
C. Fig. 1, 2, 3, 4. Pavillon de l'oreille. Il est coupé horizontale-ment, sur le plan de section, dans la figure 4.
D. Fig. 1,2,3,4. Conduit auriculaire externe.
E. Fig. 1,2,3,4. Caisse du tympan.
F. Fig. 1,2,3,4. Trompe d'Eustache, depuis son orifice,à la par-tie supérieure du pharynx, jusque dans la caisse. Ce canal se compose de deux parties : l'une fibro-cartilagineuse, et l'autre osseuse. Il est à remarquer que ces deux portions du même ca-nal ne se continuent pas dans une direction rectiligne, mais forment un angle très obtus à leur point de jonction (fig. 3).
G. Fig. 2,3. Artère carotide à son entrée et à sa sortie de Los tem-poral.
POLYPES ET CORPS ÉTRANGERS.
inst rumens qui servent a l'extraction.
Figure 5. Spéculum auris de M. Itard.
Figure 6. Curette pour l'extraction des corps étrangers.
Figure 7. Pince de M. Fabrizipour le même objet. Ses branches sont coudées en serpentant, suivant les sinuosités naturelles du conduit auditif (voy. fig. 3, 4).
Figure 8. Tenettes de Dupuytren pour l'arrachement des polypes.
Figure 9. Pinces à mors denticulé de M. Charrière pour le même objet.
Figure 10. Ciseaux à résection, à branches courtes et coudées sur le plat.
opérations.
Figure 11. Extraction d'un corps étranger dans le conduit auditif. La tête du malade renversée sur le genou du chirurgien, celui-ci, tandis que la main d'un aide (a) fixe le pavillon de l'oreille, extrait le corps étranger avec la curette (b) introduite le long de la paroi inférieure du conduit auditif.
Figure 12. Arrachement d'un polype du conduit auriculaire externe. Le pavillon de l'oreille fixé par les doigts d'un aide (c), le chirurgien armé de la pince (fig. 9), tenue en plein de la main droite (d), pratique la déchirure, par torsion , du polype. Les doigts de la main gauche (e) saisissent fortement les branches de l'instrument pour les fixer et en empêcher la diduction.
Tome 7.
Pl.13.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VIL PLANCHE 14.
RHINOPLASTIQUE.
ADULTE, DEMI-NATURE.
Figures 1, 2, 3. Restauration du nez en entier (méthode in-dienne).
Figure 1. Aspect du nez après ïablation des chairs dégénérées ou ulcérées. La section a ravivé la peau dans tout le contour embrassant réminence du nez jusque sur les os propres de cet organe. La plaie montre en dedans le contour osseux (a) de l'orifice antérieur des fosses nasales formé par les os nasaux, les maxillaires supérieurs et, au mi-lieu, par la cloison médiane, le vomer. A la partie supérieure (b) on voit le lambeau taillé sur le front et déjà contourné pour en opérer le renversement.
Figure 2. Application du lambeau, (c) Plaie frontale formée par la peau du front taillée pour le lambeau. Elle forme trois triangles : deux latéraux pour les ailes du nez, et un supérieur médian pour la sous-cloison.
(d) Lambeau appliqué sur le nez et maintenu de chaque côté par des points de suture. A la base du lambeau se distingue le pli de tor-sion qui passe par-dessus les tégumens de la racine du nez; en bas l'ouverture des narines est maintenue par des corps étrangers.
Figure 3. Résultat de l'opération après quinze ou vingt jours.
(e) Plaie frontale rétrécie par le froncement des tégumens.
(f) Nez de nouvelle formation cicatrisé par les bords.
(g) Réunion du pédicule réappliqué au sommet de la plaie avec
perte de substance.
(h) Réunion, par des sutures, du pédicule du lambeau avec la peau
naturelle de la racine du nez, après le retour du pédicule cutané à sa situation naturelle.
Figures 4, 5 et 6. Restauration de la moitié latérale droite du nez, vue de profil (Jîg.i), et de face [fig- 5).
(i) Perte de substance formée sur le front par la taille du lambeau, (k) Lambeau appliqué sur la moitié refaite du nez.
(1) Torsion du pédicule.
Figure 6. Aspect des parties après la section du pédicule.
Figures 7 et 8. Rhinoplastique par la méthode italienne.
Figure 7. L'opération est représentée lorsque le premier temps vient d'en être achevé ; le lambeau (a) taillé aux dépens de la peau du bras (b) est appliqué et fixé par des sutures. La tête est coiffée du couvre-chef qui doit servira maintenir le bras en position dans l'ap-pareil de Tagliacozzi.
Figure 8. Appareil contentif appliqué.
Tome 7.
Pl.14.
d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VII. PLANCHE 15.
POLYPES DES FOSSES NASALES.
GRANDEUR NATURELLE.
FIGURES 1 et 2. TORSION ET ARRACHEMENT.
Figure 1. Arrachement par la narine.
Le procédé figuré est celui de Dupuytren lorsque le polype ayant un volume trop considérable pour être amené avec les tenettes au de-hors de l'ouverture de la narine, on est obligé, comme l'a imaginé Dupuytren, d'élargir cette dernière en dehors par une incision. Dans le moment choisi de l'opération, le chirurgien, qui a saisi le polype entre les mors de la tenette (a) et lui a communiqué des mouvemens de torsion, l'amène à l'extérieur par une traction forte qui doit en opérer l'arrachement. L'incision ( b), prolongée entre la base de l'aile du nez et la lèvre supérieure, augmente beaucoup l'ouverture et néanmoins les bords de l'incision sont écartés par le passage du corps étranger.
Figure 2. Arrachement par la bouche (procédé de M. Manne).
La bouche largement ouverte, le polype, saillant en arrière, a été saisi derrière le voile du palais par une tenette courbe(c), guidée par le doigt indicateur gauche du chirurgien. Pour pouvoir saisir plus haut le corps étranger et peser dessus sans trop contendre le voile du palais, une incision (d), de l'attache osseuse au bord libre, a été pratiquée dans cette cloison membraneuse. Cette incision pourra nécessiter ul-térieurement une staphyloraphie; mais, provisoirement, elle est d'autant plus utile que le polype est plus volumineux, pour faciliter les différentes manœuvres: soit l'arrachement, l'excision ou même la ligature.
FIGURES 3 et 4. LIGATURE.
Cette opération ne pouvant être comprise du lecteur figurée , comme sur le vivant, d'avant en arrière, nous avons dû la convertir en une manœuvre sur le cadavre, en montrant, par une section sur le profil, ce qui se passe dans l'intérieur des fosses nasales.
Figure 3. Introduction de la ligature (procédé de A. Dubois).
La figure représente la surface externe d'une fosse nasale sur la-quelle est implanté le polype. La cloison est enlevée dans presque toute son étendue. Deux fragmens seulement sont conservés : l'un de la portion cartilagineuse médiane en avant, l'autre de la cloison os-seuse du vomer en arrière; de manière à faire comprendre le passage des instrumens par les deux orifices : en avant, la narine; en arrière, l'ouverture pharyngée des fosses nasales.
Dans le moment choisi de l'opération, les extrémités des trois fils , soit de la ligature (e, e), soit du fil de couleur (f) qui gouverne le segment de gomme élastique, ont été ramenées par la narine où ils pendent au dehors. Par la bouche sort le quatrième fil (g) destiné à gouverner en arrière et ramener au besoin l'anse de la ligature. Le doigt indicateur gauche du chirurgien (h), introduit par la bouche et recourbé en haut derrière le voile du palais, essaie de remonter la li-gature derrière le polype pour embrasser son pédicule. Dès que cette manœuvre aura réussi, le segment de gomme élastique sera enlevé, en tirant sur le fil de couleur (f), et la ligature serrée par l'introduc-tion du serre-nœud sur ses extrémités (e, e). Si le polype n'est point embrassé, le quatrième fil (g) est destiné à ramener la ligature dans la bouche pour recommencer toute la manœuvre.
Figure 4. Ligature par le procédé de M. Félix Hatin.
La figure est la même que la précédente. Le moment choisi de l'o-pération est celui où, l'instrument (i) ayant été introduit par la bouche, la tige (k) atteint le sommet de la voûte du pharynx. Il ne reste plus qu'à faire tirer, par un aide, les deux extrémités du fil(l, 1) pour embrasser le pédicule du polype (m).
Tome 7.
Pl.15.
D'après nature par N.H. Jacob
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VIL PLANCHE 16.
GÉNOPLASTIQUE.
OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT SUR LES FOSSES
NASALES.
DEMI-NATURE.
FIGURES 1, 2 et 3. GÉNOPLASTIQUE.
Figures 1 et 2. Procédé de M. Lallemand.
Ces figures sont faites en imitation d'une opération pratiquée par Le célèbre professeur de Montpellier et que lui-même a dessinée.
Figure 1. Section des lambeaux.
a. Emplacement d'une dent déviée dont il a fallu pratiquer l'arra-
chement.
b. Surface de la perte de substance dont le lambeau a été enlevé.
c. Lambeau taillé aux dépens des tégumens du cou. Il vient d'être
disséqué par le chirurgien, qui le fait glisser de bas en haut sur son pédicule (d) pour l'appliquer sur la surface de la plaie.
Figure 2. Aspect des parties après la réunion par des sutures.
e. Sommet du lambeau cutané pris sur le cou au point f {fig. 1,2).
g. Autre sommet en dehors de la commissure auquel se fixent le point (h) du lambeau cervical et le bord (i) de la lèvre infé-rieure {fig. 1, 2). Des points de suture sont posés aux deux extrémités de la perte de substance pour commencer le rapprochement des bords de la peau.
d. Pédicule.
Figure 3. Procédé de Celse.
Ablation d'une tumeur cancéreuse en dehors de la commissure. La maladie a été cernée entre deux incisions elliptiques : les deux lèvres et la joue, disséquées en dessous, sont rapprochées en une plaie li-néaire ; les sutures sont posées sur la moitié supérieure, il ne reste plus qu'à les appliquer sur la moitié inférieure et la commissure.
FIGURE 4. TAMPONNEMENT DES FOSSES NASALES.
L'opération ne pouvant être bien comprise par l'extérieur, nous l'avons simulée sur le cadavre sur une section au profil des fosses nasales, la cloison conservée et le trajet des fils ponctués (voyez, pour les figures analogues, pl. 1 ,fig. 2 et 3; et pl. 15, fig. 3 et 4).
Un fil double ayant été introduit avec la sonde de Rellocq (pl. 1, fig. 3), la sonde a ramené d'arrière en avant un tampon de charpie (1) qui bouche, en s'y appliquant, l'orifice postérieur des fosses nasales. Le double fil tendu dans la gouttière inférieure de la fosse nasale, et dont on voit le trajet ponctué (m), embrasse entre ses extrémités un autre tampon de charpie (n) sur lequel les deux bouts sont noués, et qui bouche en avant l'ouverture de la narine.
PERFORATION DES SINUS.
Figure 5. Perforation des sinus frontaux.
Une incision étant pratiquée en regard du sinus frontal, l'opérateur est occupé à enlever la table de l'os avec une petite couronne de trépan.
Figures 6 et 7. Perforation du sinus maxillaire.
Figure 6. Perforation par les alvéoles.
La seconde dent petite molaire a été arrachée; le trépan perforatil de Dupuytren est employé à percer le fond de son alvéole , qui cor-respond au point le plus déclive du sinus maxillaire.
Figure 7. Perforation par la paroi externe.
L'angle labial est écarté en dehors avec les doigts (o, p ) des deux mains d'un aide, de manière à relever la lèvre supérieure sur la joue. Le chirurgien a incisé dans la gouttière de réflexion de la membrane muqueuse et disséqué de bas en haut les chairs dans la fosse canine pour mettre à nu la surface osseuse. Au moment choisi de l'opération la tréphine est appliquée pour enlever un disque de l'os, qui laissera pénétrer dans le sinus.
Tomo 7
Pl.16.
D'après nature par N.H. Jacob.
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TOME VII. PLANCHE 17.
CHEILOPLASTIQUE.
ADULTE, DEMI-NATURE.
Figures 1 et 2. Ablation par un lambeau en V (procédé ancien).
Figure 1. Cancer de la lèvre inférieure avec l'indication des quatre incisions qui constituent l'opération. —a, a. Incisions descendantes qui se réunissent inférieurement à un sommet (b), au-dessous de l'os hyoïde, pour circonscrire la maladie dans un lambeau triangulaire qu'on enlève.— c, c. Tracé des incisions horizontales qui prolongent, sur les joues, les deux commissures labiales jusqu'au point (d). — Le lambeau tenu de la main gauche, le chirurgien est occupé à le dé-tacher avec le bistouri.
Figure2. Pansement après l'opération. Les deux lambeaux latéraux sont réunis par des sutures, l'un avec l'autre, sur la ligne médiane, et chacun d'eux avec la joue correspondante, jusqu'aux commissures de nouvelle formation. Le bord libre des lambeaux constituant la nou-velle lèvre inférieure n'est d'abord qu'une surface saignante qui se recouvre plus tard d'un tissu cutané accidentel.
Figures 3 et 4. Ablation par un lambeau quadrilatère (procédé de Chopart).
Figure 3. Cancer de la lèvre inférieure avec l'indication des lignes des trois incisions. — De a en b. Les deux incisions verticales qui, des commissures, descendent sous la mâchoire jusqu'au-dessous de l'os hyoïde. — c. Ligne de l'incision horizontale qui circonscrit en bas la portion des chairs altérées. — d. Les deux angles du lambeau qui s'é-tend , de chaque côté, jusqu'en (b) et doit être isolé, par dissection, pour être ramené de bas en haut, par extension, jusqu'au niveau de l'orifice buccal, afin de constituer la lèvre inférieure de nouvelle for-mation.
Figure 4. Réunion du lambeau avec les chairs des deux côtés à l'aide de la suture entortillée.
Figures 5 et 6. Ablation par un lambeau demi-elliptique (pro-cédé de M. Roux de Saint-Maxùnin).
Figure 5. La maladie est représentée circonscrite entre les deux incisions de l'auteur. — De a en b. Incision prolongeant, sur la joue, la commissure labiale pour cerner le cancer en haut. — De c en b. In-cision inférieure demi-elliptique qui cerne le cancer en bas.
Le lambeau unique inférieur,ayant été isolé par dissection, est réuni dans une portion de son étendue avec l'incision supérieure; le reste est destiné à former la lèvre, mais avec une incurvation en bas qui la laisse pendante.
Figure G. Le même procédé modifié. D'après M. Lisfranc, le lambeau inférieur a été partagé au milieu, par une incision verticale, en deux lambeaux dont on gouverne plus facilement la dissection isolée et l'af-frontement. L'opération est représentée terminée. Si la courbe de la plaie menaçait de former une lèvre trop pendante, on pourrait y sup-pléer en taillant en V l'incision verticale de M. Lisfranc. C'est de cette manière que l'opération est pratiquée, afin que les deux lignes de l'in-cision inférieure n'aient que la longueur voulue pour correspondre, en haut, à la demi - lèvre et à la section sur la joue. Un trajet ponctué in-dique la longueur du lambeau interne avant la résection.
Figure 7. Réunion, par des sutures, suivant la modification que nous venons de proposer.
Figures 8 et 9. Ablation entre deux lambeaux en équerre (pro-cédé de M. Serres de Montpellier) modifié pour un prolongement de la maladie en haut. Le cancer qui occupait la moitié de la lèvre et la commissure est enlevé. Il ne reste plus qu'à disséquer les lambeaux pour en faciliter l'affrontement.
Figure 8. Tracé des lignes d'incision. — De a en b. Incision verticale externe qui limite en dehors le cancer et se prolonge inférieurement pour un lambeau vertical. — De c en d. Incision verticale interne qui limite une portion du cancer entre deux lambeaux verticaux, e et f. — De g en h. Incision transversale qui limite inférieurement le cancer et l'isole des deux lambeaux verticaux. — De i en k. Troisième incision verticale qui limite en dedans le cancer et forme, aux dépens de la moitié saine de la lèvre inférieure, un lambeau horizontal 1.
Figure 9. Réunion de la plaie par des sutures après réunion par dis-section et affrontement, les deux lambeaux verticaux e, f, de la figure 8 venant se joindre suivant une ligne (m) qui prolonge la commissure; tandis que le lambeau 1 de la figure 8 rejoint les deux lambeaux verti-caux suivant la ligne (n) de la première incision verticale interne. A l'angle de la commissure, les quatre lambeaux se réunissent deux à deux par une double suture en diagonale.
Tome 7 .
PL17.
D'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VII. PLANCHE 18.
BECS-DE-LIEVRE.
grandeur naturelle.
Trois cas d'opération pratiqués par Ant. Dubois et copiés sur des pièces en cire appartenant au cabinet de la Faculté.
FIGURES 1, 2, 3, 4, 5. Rec-de-lièvre double.
Figure 1. Etat du bec-de-lièvre avant l'opération. Au milieu se pré-sente le tubercule incisif ou intermaxillaire; il est formé par le noyau-squelette qui porte les deux dents incisives médianes, et il est en-vironné d'un bourrelet gingival avec un tubercule cutané irrégulier. Figure 2. Opération pratiquée. Le tubercule cutané (a) {fig. 1, 2, 3) est rafraîchi sur les bords , le bistouri a divisé son adhérence tégumen-taire(b)(^. 1, 2, 3) avec la sous-cloison du nez; les bords du tuber-cule gingival (c) (fig. 1, 2, 3) sont équarris, les dents incisives légè-rement ébranlées pour en permettre le rapprochement avec un fil métallique. L'avivement, avec les ciseaux, des bords de la division anormale (d), a terminé l'opération.
Figure 3. Le même cas représenté au profil pour montrer la ma-nœuvre de rétropulsion forcée, imprimée avec une forte pince plate (e) ; sauf une légère fracture au tubercule incisif pour le faire rentrer au niveau des deux bords labiaux, suivant que l'a imaginé M. Gensoul.
Figure 4. Réunion par une triple suture entortillée.
Figure 5. Aspect des parties plusieurs mois après (a cicatrice effec-tuée.
FIGURES 6 et 7. Autre cas de bec-de-lièvre double sur un adulte. Le tubercule incisif est très large et fort saillant : les deux dents inci-sives inférieures sont en position médiane, mais déviée; les deux au-tres, éloignées des premières, présentent leur face linguale en avant. Le grand écartement des deux scissures latérales donne une largeur considérable à toute l'extrémité du nez. La figure 7 montre le même cas après l'opération et la guérison.
FIGURES 8,9, 10. Bec-de-lièvre simple chez un enfant.
Figure 8. Aspect des parties vues perpendiculairement de face. L'intervalle de la scissure du côté gauche montre l'écartement de la voûte palatine et l'inclinaison ascendante du bord alvéolaire du côté droit. La langue est vue librement dans l'écartement des deux segmens de la lèvre supérieure.
Figure 9. Aspect du bec-dedièvre vu obliquement en-dessous pour montrer l'écartement de la voûte palatine.
Figube 10. Résultat de l'opération après la cicatrice obtenue.
FIGURE 11. Ciseaux droits, épais et à branches courtes, avec les-quels on pratique, d'un seul coup, la section des bords de la lèvre su-périeure.
Tome 7.
Pl.18.
N.H. Jacob direxit
DESSINÉ d'ap. nat. par Léveillé.
TOME VII. PLANCHE 19.
INSTRUMENS DES OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT DANS LES FOSSES NASALES ET SUR LES AMYGDALES.
DEMI-GRANDEUR.
INSTRUMENS DES POLYPES DES FOSSES NASALES.
figure l à 24.
Figure I à 10. Pinces a polypes.-—Fig. 1,2,3, 4. Pinces droites va-riables pour la force et le mode d'articulation des branches. — Fig. 5, 6, 7, 8, 9, 10. Pinces courbes également variables de force et de cour-bure pour atteindre sur divers points des fosses nasales. Le nu-méro 10, en particulier, forme une double courbure.
Figure 11. Petite scie a résection de M. IL Larrey convenable pour toutes les résections dans les cavités de la face et en particulier pour enlever une partie d'os malade.
Figure 12. Porte-caustique des fosses nasales. L'extrémité qui se fléchit par une charnière forme un cône de réception pour une éponge imbibée de caustique.
Figure 13. Instrument de M. Martin Saint-Ange pour arrêter l'hémorragie nasale. C'est une canule terminée par une vessie à air destinée à remplacer le tampon postérieur. Toutefois le tampon-nement est bien plus sûr et bien plus efficace.
Figure 14 à 19. Serre-noeuds.— Fig. 14. Serre-nœud de Desault. Un anneau dans lequel passe le fil forme une extrémité, l'autre est une plaque fendue où se fixe le fil.-—Fig. 15. Autre serre-nœud en gouttière dont les deux extrémités seules forment cylindre. — Fig 16. Serre-nœud à canule dont, le fil enroulé au tour d'un anneau (a) est serré par une vis de rappel (b).-—Fig. 17. Serre - nœud à chapelet de M. Mayor qui agit par le même mécanisme ou par un petit treuil.— Fig. 18. Serre-nœud à treuil de Donigès. —• Fig. 19. Autre serre-nœud à double canule de M. G. Pelletan.
porte-ligatures, figure 21 à 24.
Figure 20. Porte-ligature de M. Félix Hatin. Une tige (a)flexi-ble et mobile sur le corps de l'instrument porte la ligature par deux crochets (b); une vis sans fin (c) sert à écarter ou rapprocher deux branches latérales (d) qui augmentent la largeur de l'instrument. Fig. 20. Face convexe de l'instrument. Fig. 20 bis. Face concave.
Figure 21. Porte-ligature de M. Blandin. Les trois branches (a, a, a) qui portent le fil s'ouvrent en appelant à soi la tige (b) et permettent un écartement assez considérable du fil porté à la base de la tumeur. — La figure 21 bis représente le même instrument fermé.
Figure 22. Instrument semblable en caoutchouc. Il s'ouvre ou se ferme à volonté par une tige qui commande un curseur à trois an-neaux pour gouverner les branches.
Figure 23. Porte-ligature de M. Le Roy d'Étiolés. Dans une canule (a) joue une tige flexible rentrante (b) sur laquelle se meut un mandrin (c). La tige et le mandrin sont terminés par deux segmens plats (d) entre lesquels se trouve pincée l'anse du fil contenue dans une cannelure que l'on fixe ou dégage à volonté en pressant ou reti-rant le bouton de la tige (c). —Fig. 23 bis est le même instrument vu par sa face concave.
Figures 24 et 24 bis. Pince porte-fil de M. Le Roy d'Étiolés.
INSTRUMENS D'EXCISION DES AMYGDALES ET DE LA LUETTE.
Figure 25. Spéculum oris de M. Charrière. Il maintient facile-ment l'ouverture de la bouche par l'écartement des arcades dentaires entre les deux plateaux (a, a); l'instrument s'ouvre avec facilité en pressante pleine main les deux branches (b, b) et se ferme de lui-même par une crémaillère à ressort.
Figure 26. Spéculum très simple de M. Saint-Yves formé de deux plaques dentaires à angle soudées à un anneau dans lequel on passe le doigt.
Figure 27. Abaisseur de la langue de M. Colombat de l'Isère.
Figure 28 à 34. Airignes et pinces pour saisir les amygdales. — Fig. 28 à 31. Airignes droites à une seule ou à deux branches. — Fig. 32. Plaque protectrice que M. H. Larrey adapte aux airignes pour protéger la langue.—Fig. 33. Airigne double à coulisse.— Fig. 34. Pince à coulisse de M. Chaurnet de Bordeaux.
Figure 35 à 39. Diverses airignes à crochets courbes.
Figure 40 à 43. Bistouris d'excision qui ne coupent que dans une portion de leur tranchant. — Fig. 40. Bistouri de M. Baudens. — Fig. 41. Autre bistouri boutonné concave. — Fig. 42. Bistouri con-cave sur le plat. Il a l'inconvénient qu'il en faut un pour chaque côté. Fig. 43. Bistouri chaperonné de M. Ricord.
Figure 44. Ciseaux à excision.
Figures 45 et 46. Tonsillitome de Fahnestock : modifié par M. Velpeau, fig. 45; et par M. Ricord, fig. 46. Cet instrument, qui est un sécateur, se compose d'une tige d'acier glissant dans une ca-nule, l'une et l'autre terminées par un disque tranchant; de sorte que l'amygdale se trouve coupée dans le jeu d'un disque sur l'autre. Une branche qui glisse en avant du corps de l'instrument porte une aiguille (fig. 45 et 45 bis) ou une fourchette (fig. 46 et 46 bis) qui fixe l'amygdale et l'éloigné des anneaux par un mouvement de ba-scule tandis que le jeu d'un anneau sur l'autre pratique la section. La fourchette de M. Ricord saisit mieux l'amygdale à exciser; mais le jeu du disque de l'instrument de M. Velpeau est préférable en ce qu'il opère en avant, en amenant vers la bouche, tandis que l'autre, se trouvant en arrière, peut rencontrer trop tôt la paroi du pharynx.
Figure 47. Ancien sécateur inusité.
Figure 48. Porte-ligature de M. Itard.
Figure 49. Pharyngotome inusité.
Tome 7.
Pl. 19.
d'après nature par N.H. Jacob. N. HJacot
Instrumens de la fabrique de M. Charrière.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TU M E VIL PLANCHE 20.
OPÉRATIONS
QUI ONT RAPPORT A LA FISTULE SALIVAIRE.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
FIGURE 1. Anatomie opératoire.
Sur une tête de profil est mise à découvert toute la région latérale de la face pour montrer les glandes parotide et sous-maxillaire et leurs conduits excréteurs.
Parties accessoires.
1 Extrémité supérieure du sterno-mastoïdien.
2. Muscle masseter.
3. Muscle grand zygomatique.
A. Muscle buccinateur. En ce point sont figurées les glandules géniennes qui environnent l'extrémité buccale du conduit de Sténon.
5 et 6. Artère et veine faciales.
7. Plexus-nerveux de la septième paire parallèle au conduit de Sténon.
a. Glande parotide.
b. Conduit salivaire de Sténon dans le lieu où les fistules sont
le plus fréquentes.
c. Glande sous-maxillaire.
d. Son canal excréteur, dit de Warthon.
FIGURE 2. Dilatation par lf. séton. (Procédé de Morand.)
Le stylet d'Ane! , introduit par la fistule et parvenu dans la bouche par l'extrémité antérieure du canal salivaire, a servi à entraî-ner un séton composé de plusieurs brins de fil. Dans le premier temps représenté sur la figure, et qui a pour objet la dilatation du canal, l'ex-trémité buccale du séton est ramenée sur la joue, où elle est nouée avec l'autre extrémité.
ouverture artificielle.
FIGURE 3. Ponction pour le trajet artificiel. ( Procédé de M. Déguise. )
Une première ponction ayant été faite d'avant en arrière, au mo-ment indiqué de l'opération une seconde ponction est dirigée d'ar-rière en avant, suivant la direction du canal, avec le trocart à canule sans pavillon de M. Grosserio. Le fil qui a traversé la première plaie, et dont une extrémité est déjà dans la bouche, sera introduit de nouveau par l'autre extrémité dans la canule, et celle-ci retirée, en amenant ce fil, par la cavité buccale.
FIGURE 4. Ligature des deux extrémités du fil
dans la cavité de la bouche.
L'anse de cette ligature étant libre dans l'intérieur du canal, il ne s'agit plus que de faire cicatriser l'orifice fistuleux.
FIGURE 5. Même procédé pratiqué avec deux aiguilles mises en position, et dont chacune perce un trajet pour passer l'une des extrémités du fil.
FIGURE 6. Section horizontale de la joue qui montre en plan perpendiculaire le cercle parcouru par la ligature et formé par le canal en dehors , la cavité buccale en dedans et les deux trajets fistuleux sur les côtés.
Tome 7.
PI.20 .
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VII PLANCHE 24.
CANCER DE LA LANGEE.
GRANDEUR NATURELLE.
Figure 1. Ablation d'une moitié de la langue (procédé de
Boyer).
La langue étant saisie, comme il a été dit plus haut, par une érigne (d), le bord sain de l'organe tenu de la main gauche du chi-rurgien (e), une première section longitudinale a été faite avec des ciseaux jusqu'au delà de la partie malade de la langue; au moment choisi de l'opération, une seconde section est opérée avec les ci-seaux (f ) de manière à circonscrire toute la portion malade dans un lambeau triangulaire dont le sommet répond, en arrière et en dedans, à l'angle de jonction des deux sections.
Figure 2. Ablation de la partie antérieure de la langue (modi-fication du procédé de Louis).
L'extrémité malade de la langue saisie et amenée au dehors par une érigne de Museux (g), au lieu de pratiquer la section en travers, comme l'indique Louis, la maladie est circonscrite entre deux inci-sions latérales en V dont la première est pratiquée et dont la se-conde s'achève avec le bistouri (h); cette forme d'incision, plus favorable, permet une réunion qui rétablit artificiellement un som-met à la langue raccourcie.
Figure 3. Réunion de l'opération précédente par deux points de suture; en arrière une suture entrecoupée, en avant une suture en-tortillée, de part en part, qui nous paraît nécessaire pour combattre la rétraction déterminée par les styloglosses.
Figures 4 et 5. Ligature de la langue. Figure 4. Passage de l'aiguille.
Suivant la proposition de M. Maingault, pour éviter toute plaie ex-térieure, comme dans les divers procédés usités, l'opération est figu-rée la ligature pratiquée par la bouche, de la base de la langue à sa face dorsale. La tête est renversée en arrière, le chirurgien placé derrière le malade. Une première ligature longitudinale (i) est mise en place; l'aiguille courbe, munie de son fil, a été insinuée sous la langue de manière à ressortir sur sa face dorsale au point (k). Le chirurgien est occupé à passer une seconde ligature latérale qui sera posée en arrière, l'aiguille ressortant également au point (k).
Figure 5. Ligatures en position serrées avec le serre-nœud de Roderic, modifié par M. Mayor. Entre les deux se trouve circonscrite la portion malade de la langue, dont on peut obtenir à volonté, suivant le degré de striction, soit le sphacèle, comme dans les procédés de MM. Mayor et Cloquet, soit l'atrophie, qui est l'intention du procédé de M.Mirault et de celui proposé par M. Maingault.
Tome 7
Pl.21.
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHE 22.
OPÉRATION DE LA STAPHYLORAPHIE.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
Disposition commune à toutes les figures. Dans toute opération de staphyloraphie, la bouche, comme elle est représentée sur toutes les figures, doit être largement ouverte, sauf à maintenir par un morceau de liège l'écartement des mâchoires, et la langue doit être abaissée de sa base à sa pointe. On peut, au besoin, la faire déprimer par un aide avec un instrument en spatule, coudé en bas à angle droit, si le malade, trop susceptible,inintelligent ou indocile, ne peut la contenir lui-même. Ce cas excepté, il est préférable de n'avoir dans la bouche aucun instrument qui gêne les manoeuvres du chirurgien.
FIGURES 1, 2, 3. PIQURE AVEC L'AIGUILLE.
Figure 1. Procédé de M. Roux (passage des aiguilles d'arrière en avant).
Pour faire comprendre la succession des manœuvres qui appar-tiennent à ce premier temps opératoire, nous supposons qu'une pre-mière anse de fil (a) a été passée en arrière. Il en est de même d'une seconde anse antérieure (b) voisine de l'angle de la division; les ex-trémités de ces fils, dégarnies de leurs aiguilles, ont été ramenées en avant, où elles pendent au dehors de la bouche. Au moment choisi sur la figure, la lèvre droite de la division étant saisie et fixée par la pince à anneaux, tenue de la main gauche (c), le voile membraneux est perforé, d'arrière en avant, par l'aiguille munie de son fil et fixée à l'extrémité du porte-aiguille, tenu de la main droite du chirur-gien (cl). Cette manœuvre est la même pour toutes les autres piqûres.
Figure 2. Procédé de M. Bérard (passage des aiguilles d'avant en arrière).
e. Fil dégagé de son aiguille et passé d'abord sur la lèvre gauche
de la division.
f. Lèvre gauche de la division saisie avec la pince à denticules en-
grenés.
g. Passage, d'avant en arrière, d'une seconde aiguille fixée avec
la pince à pansement. Cette aiguille est garnie d'un fil qui servira à ramener, d'arrière en avant, l'extrémité gauche de la ligature,de manière à avoir une anse libre derrière le voile du palais. Ce mode de passage est commun à toutes les liga-tures.
Figure 3. Procédé de M. de Pierris. Une extrémité du fil étant déjà introduite par une première piqûre,
dans le moment choisi pour l'opération, l'instrument qui a perforé du côté opposé est prêt à ramener l'autre extrémité de la ligature.
h. Main droite du chirurgien qui tient le manche de l'instrument
et gouverne, par le pouce et l'indicateur, la canule glissante de la pince et la tige de l'aiguille qu'elle renferme.
i. Doigts de la main gauche qui tendent l'extrémité de la ligature
(voyez, pour le mécanisme de cet ingénieux instrument, pl. 19).
FIGURES -4 et 5. SECTION DES BORDS DE LA DIVISION ANORMALE.
Figure 4. Procédé de M. Roux (section d'arrière en avant).
a. Bord gauche de la division fixé avec la pince à anneaux tenue
de la main gauche du chirurgien.
b. Bistouri droit boutonné tenu de la main droite, le tranchant en
haut, et qui opère la section d'arrière en avant. L'incision a été commencée au bord postérieur pharyngien par des ci-seaux coudés.
Figure 5. Procédé de M. Bérard (section d'avant en arrière).
c. Bord gauche de la division saisi avec la pince denticulée.
d. Section avec le bistouri droit, en procédant d'avant en arrière,
de l'angle antérieur de la division vers le pharynx, le dos de l'instrument glissant sous la voûte palatine.
FIGURES 6 et 7. LIGATURE.
Figure 6. Ligature avec les doigts.
L'opération est figurée sur l'anse postérieure, que l'on doit lier la première.
a b. Les deux doigts indicateurs du chirurgien, opposés par leur face postérieure, serrent la ligature par leur écartement, les extrémités des fils, fixées dans la paume des mains, ap-puyant sur la pulpe des pouces qui font poulies de renvoi, c. Premier nœud de la ligature saisi avec une pince à anneaux dans l'écartement des doigts pour faciliter le second nœud.
Figure 7. Ligature faite avec l'instrument de M. Guyot.
Tome 7.
PI o 22
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHE II BIS.
INSTRUMENS DE LA STAPHYLORAPHIE.
DEMI-GRANDEUR
PORTE-AIGUILLES. — FIGURES 1 à 22
Figure 1. Porte-aiguille de M. Roux. Le curseur (a) que l'ait mouvoir le pouce, simulant une canule mobile, opère, en glissant vers l'extrémité, le rapprochement des mors qui fixent l'aiguille (b).
Figure 2. Porte-aiguille de M. Grcefe.
Figure 3. Porte - aiguille de M. Devillemur. La tige intérieure ne fait que chasser l'aiguille, qui, par conséquent, n'est pas suffi-samment contenue.
Figure 4. Autre porte-aiguille formant pinces.
Figure 5. Porte-aiguille de M. Dieffenbach.
Figure 6. Porte-aiguille de M. Colombat.
Figure 7. Pinces de M. Grcefe.
Figure 8. Pinee de M. Lisfranc.
Figure 9. Porte-aiguille de M. Dieffenbach.
Figure 10. Tenaculum palatin de M. Ilruby.
Figure 11. Aiguille de M. Donigès percée d'un chas qui porte le fil.
Figure 12. Aiguille de M. Schverdt composée de deux bran-ches ouvrant à bascules et entre l'extrémité desquelles le fil est fixé dans un trou formé par deux échancrures latérales.
Figure 13. Aiguille creuse de M. Guyot. Le fil introduit dans l'échancrure (a) est fixé par une tige métallique que gouverne le bouton (b).
Le mécanisme de ces divers instrumens est très défectueux. Ceux qui suivent sont bien préférables.
Figure 14. Pince-aiguille de M. Beaumont.
Figures 15 et 1G. Pince-aiguille de M. Sotteau. Cet instru-ment , l'un des plus ingénieux, opère très bien. L'aiguille tout enfilée, très courte et isolée (a), est contenue, dans une petite mortaise, à l'extrémité de l'une des branches (b). En fermant l'instrument, elle perce les tissus et se trouve saisie , de l'autre côté, par un anneau élastique de l'autre branche (c), dont il n'y a plus qu'à la dégager. Rien de plus facile que cette manœuvre, où les parties sont toujours traversées d'arrière en avant.
Figure 17. Pince porte-aiguille de M. Colombat, dont le méca-nisme est le même.
Figure 18. Tige porte-aiguille de M. Bourgougnon. L'aiguille s'en détache. La rectitude de la tige et le peu de fixité de l'aiguille font que l'usage de cet instrument n'est ni sûr, ni com-mode.
Figure 19. Aiguille de M. Bourgougnon. Cet instrument, à peu près semblable à celui de M. de Pierris, lui est très inférieur.
Figures 20 et 20 bis. Aiguille de M. de Pierris, imitée de celles de MM. Bourgougnon et Fauraytier. Cet instrument si ingénieux, et qui allie avec tant de bonheur la promptitude à la précision et à la sûreté de l'effet produit, est du très petit nombre de ceux dont le mécanisme est supérieur à l'action de la main la plus exercée.
Une canule (a), qui tient au manche, porte à son extrémité cou-dée une plaque fixe (b) avec une sorte de petite timbale (c) mo-bile dans un anneau. Cette première canule en renferme une se-conde (d) mise en mouvement par un curseur (e). Le jeu de la canule rapproche une plaque mobile (f) dont l'application sur la plaque fixe fait office de pinces pour saisir le voile membraneux. D'autre part, dans la seconde canule (b) se meut, par un curseur (g), une aiguille (h) percée d'un chas échancré. Pour faire agir l'ai-guille, un fil (i) étant appliqué sur la petite timbale abaissée (c) en poussant le curseur (e), le voile membraneux est saisi par les plaques (b, f); puis, faisant glisser le curseur (g) qui commande l'aiguille, celle-ci traverse les tissus et chasse la petite timbale : le fil qui portait dessus tombe dans le chas échancré de l'aiguille, et, en rappelant celle-ci vers le manche, elle traverse de nouveau les tissus en amenant avec elle le fil, qu'il ne s'agit plus que de dégager. Toute cette manœuvre, longue à décrire, est opérée en un instant.
Figures 21 et 22. Instrumens de M. Leroi d'Étiolles imités de celui de M. de Pierris et destinés à pratiquer d'une seule fois le passage des trois fils à ligature et l'avivement du bord membra-neux d'un côté.
L'instrument, fig. 21, est construit sur le modèle de M. de Pierris, mais avec une triple aiguille: (a) est un couteau mobile dans un arc de cercle, et qui doit opérer la section; 21 bis est le même instrument vu sur l'autre face.
L'instrument, fig. 22, est comme une paire de ciseaux doubles ou à quatre branches qui agissent d'un même coup, dont deux sont de véritables ciseaux qui opèrent la section et les deux au-tres portent les plaques de fixité avec les trois aiguilles et les petites timbales mobiles qui les reçoivent. Au reste, il est impos-sible, sans les avoir vus et les avoir essayés, de se faire une idée nette d'instnunens aussi complexes.
Figures 23 et 24. Ciseaux de M. Roux pour l'avivement des bords de la solution de continuité.
serre-noeuds. ¦— figure 25-30.
Serre-nœuds : fig. 25, de M. Grcefe. — Fig. 26, a, b, c, de M. Colombat. — Fig. 27, de M. Donigès. — Fig. 29, de M. Guyot. — Fig. 30, de M. Loudot.
Tome 7
Instrumens de la fabrique de M. Charrière.
Pl. 22 blS.
d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Becquet. P aris.
TOME VII. PLANCHES 25 ET 24.
GRANDEUR NATURELLE.
PLANCHE 23.
OPÉRATIONS DIVERSES SUR LE VOILE DU PALAIS.
Figure 1. Staphyloplastique. Procédé de M. Dieffenbach.
L'opération de la staphyloraphie étant pratiquée comme à l'ordi-naire, les trois ligatures posées et les bords avivés, pour les cas où l'écartement trop considérable n'en permettrait pas l'affrontement, une section longitudinale parallèle au bord de la division est prati-quée, suivant la méthode de Celse, de chaque côté, à un centimètre plus en dehors.
Figure 2. Uranoplastique.
Occlusion dune ouverture anormale de la voûte palatine par deux lambeaux latéraux disséqués en dessous.
Figure 3. Excision d'une amygdale saisie avec l'érigne double de
Museux (a) tenue de la main gauche, tandis que la section est prati-quée de la main droite (b) avec le bistouri droit boutonné garni de linge jusqu'auprès de son extrémité.
Figure 4. Excision d'une amygdale avec le tonsillitome de M. Fah-nestock, le disque sécateur agissant d'arrière en avant (M. Velpeau) et l'amygdale saisie par une petite fourchette mobile (M. Ricord).
Figure 5. Ligature de l'amygdale avec le serre-nœud de M. Itard.
Figure 6. Excision de la luette : saisie avec la pince à polype, l'ex-cision est pratiquée avec les ciseaux courbes.
PLANCHE 24.
CATHÉTÉRISME DE L'OESOPHAGE ET DU LARYNX.
Figure 1. Cathétérisme du larynx.
La figure représente, au point de vue cadavérique, le cathétérisme du larynx avec la sonde de Chaussier pour pratiquer la respiration artificielle dans le cas d'asphyxie. Pour faire comprendre le trajet de l'instrument on a enlevé sur le cadavre toute la moitié gauche de la cavité buccale, la langue, la mâchoire inférieure et les muscles sus-hyoïdiens, et la moitié gauche du cartilage thyroïde avec les par-ties qui la revêtent.
a. Plan de section de la moitié droite de la langue et de la mâ-
choire inférieure.
b. Section verticale de la moitié gauche de la mâchoire au-devant
de la seconde dent grosse molaire.
c. Os hyoïde en position.
d. Épiglotte dont les attaches sont coupées à gauche.
e. Section médiane du cartilage thyroïde.
f. Section latérale et postérieure de la moitié gauche du même
cartilage.
g. Cavité du larynx dans laquelle est reçu le bec de la sonde.
h. Sonde laryngienne dont le disque garni d'une petite éponge (i)
est engagé dans l'ouverture de la glotte.
Figure 1 bis. Sonde laryngienne de Chaussier.
Figure 2. Cathétérisme de l'œsophage.
La préparation est la même que pour l'autre figure jusqu'à l'os hyoïde. Le cathétérisme est figuré avec la sonde préhensive de Du-puytren (a), dont on suit le trajet ponctué au-dessous de l'os hyoïde jusqu'à l'extrémité en argent, à bascule (b), destinée à déplacer ou à accrocher contre la tige les corps étrangers aigus et d'un petit vo-lume.
Figure 2 bis. Sonde préhensive de Dupuytren.
Figure 3. Cathétérisme avec la sonde œsophagienne flexible et creuse pour opérer la déglutition artificielle dans les cas de rétrécissement
de l'œsophage.
L'instrument étant introduit dans l'œsophage par la bouche, suivant la modification de Royer, une sonde de Rellocq a servi à introduire, du nez dans la bouche, un fil que l'on attache à l'extrémité libre de la sonde œsophagienne pour la ramener par le nez. Dans le moment choisi pour l'opération, le médius et le pouce de la main droite (a) fixant l'extrémité de la sonde pour l'empêcher de remonter, tandis que l'indicateur la dirige vers l'arrière bouche, le fil nasal tiré par la main gauche (b) ramène par l'une des narines l'extrémité libre de la sonde, qui sera fixée au dehors et ne devra plus former qu'une seule courbe de la narine dans l'œsophage.
Figure 4. Sonde préhensive œsophagienne employée par M. Gama.
Cet instrument, imité par MM. Missoux et Elondeau des sondes litholabes, pour la lithotritie, et modifié par M. Gama, se compose de quatre tiges métalliques engaînées : une grosse sonde (a), dans la-quelle se meut une tige creuse à quatre branches (b); et dans celle-ci, une sonde plus petite (c) dans laquelle glisse un mandrin terminé en pince (d) qui saisit le corps étranger et le ramène sous les branches de la tige b. Deux vis de pression (e, f) fixent les tiges préhensives (b, d) dans les sondes (a, c) où elles se meuvent.
Figure 4 bis. Extrémité de l'instrument fermée sur le corps étranger.
Tome 7.
PI .23.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
Tome 7.
Pl.24.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 25 ET 26.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
PLANCHE 25.
LARYNGOTOMIE ET TRACHÉOTOMIE.
Figure 1. Cette figure représente deux opérations : en haut la laryngotomie, en bas la canule de M. Bretonneau en situation après la trachéotomie.
A. Laryngotomie. L'opération est supposée pratiquée pour l'extrac-tion d'une pièce de monnaie engagée dans l'ouverture de la glotte. La peau et l'aponévrose superficielle incisées, les muscles sterno-hyoïdiens écartés, on a divisé sur le plan moyen la membrane hyo-thvroïdienne et le cartilage thyroïde. Les bords de la plaie étant écartés par des crochets mousses laissent voir, au travers d'une ca-vité losangique, l'intérieur de la cavité du larynx, dont les cordes vo-cales tapissent les parois latérales. Une pince introduite dans le larynx saisit le corps étranger pour l'extraire.
B. Canule de M. Bretonneau laissée à demeure dans la plaie après l'opération de la trachéotomie. Elle est fixée par deux cordons noués derrière le cou et maintenus appliqués eux-mêmes de chaque côté sur les sterno-mastoïdiens par deux bandelettes agglutinatives en croix.
Figure 2. Trachéotomie pratiquée pour extraire un corps étranger qui a franchi accidentellement l'ouverture de la glotte et est tombé dans la trachée-artère.
La peau et l'aponévrose divisées, les muscles sous-hyoïdiens écar-tés, l'isthme du corps thyroïde coupé verticalement et la ligature des veines lésées étant pratiquée, on a incisé quatre anneaux de la trachée et fait écarter de chaque côté les bords de la plaie par des crochets mousses. Au moment choisi de l'opération le chirurgien ex-trait avec une pince à polype le corps étranger, qui est supposé un haricot.
Figure 3. Canule à demeure après la ponction de la trachée avec le trocart de Bouchot. Cet instrument, parla forme ellipsoïde et aplatie de sa canule, n'offre pas, pour le passage de l'air, une ouverture assez considérable; on doit lui préférer celle de M. Bretonneau. — C. Tro-cart de Bauchot avec sa canule. — D. Canule isolée.
Figure 4. Canule de M. Bretonneau vue en position sur une sec-tion médiane de la trachée.— E. Canule isolée.
F. Érigne double pour la laryngotomie et la trachéotomie.
C Erigne de M. Bretonneau.
H. Pince à écartement de M. Trousseau. Elle écarte en rappro-chant les anneaux.
PLANCHE 26.
BRONCHOPLASTIQIIE, GOITRE, OESOPHAGOTOMIE.
Broncho-plastique. Figures 1, 2, 3.
Une fistule aérienne existant sur la membrane hyo-thyroïdienne, deux procédés opératoires sont figurés pour y remédier. L'objet prin-cipal étant de former des cicatrices horizontales qui se perdent dans les plis de flexion du cou, la figure 1 représente un lambeau taillé horizontalement et disséqué en dessous de manière à recouvrir im-médiatement la fistule par son allongement. La figure 2 montre le lambeau pris un peu obliquement de côté, suivant le procédé de M. Lallemaud, de manière à n'avoir qu'à glisser légèrement sur son pédicule, La figure 3 montre le rapprochement decette dernière plaie par des points de suture.
Figure 4. Ablation par ligature d'un goitre cancéreux. Méthode de M. Major.
L'ablation du goitre par l'instrument tranchant donnant presque toujours lieu aux accidens les plus graves, nous avons préféré faire représenter la ligature de cette tumeur suivant une forme systéma-tique. La tumeur étant mise à découvert par une double incision cu-tanée elliptique, en ne laissant à sa surface que la portion de tégument altérée, trois fils ont été passés d'un seul coup, avec une forte aiguille ou carrelet, de part en part et de bas en haut à la base de la tumeur (de A en B). De ces fils, l'un, déjeté latéralement par chaque bout, forme une première anse horizontale qui est fermée à gauche par un serre-nœud (a). Un second fil est amené en avant par ses extré-mités pour étrangler d'arrière en avant (b) le tiers gauche de la tu-meur déjà étranglée à sa base. Le troisième lit, également porté par un carrelet avec deux autres, traverse de nouveau la tumeur de part en part à sa base, mais de haut en bas : réuni avec son premier bout, il étrangle la portion médiane de la tumeur par un autre serre-nœud (d); tandis que les autres fils vont isoler la portion gauche de la tumeur par deux ligatures, l'une horizontale (e) et l'autre antéro-postérieure ou verticale (f). En sorte que la tumeur est partagée en trois lobes étranglés horizontalement à la base par les trois serre-nœuds (a, d, e), et d'arrière en avant par les serre-nœuds (b, f).
Figure 5 à 8. OEsophagotomie.
Figures 5 et 6. Sonde de Vacca pour faciliter l'incision de l'œso-phage. 6 est le mandrin à part.
Figures 7 et 8. Le malade placé en situation, le cou tendu, le men-ton incliné un peu à droite, l'opération pratiquée a pour objet d'ex-traire un corps étranger fiché dans l'œsophage. La figure 7 représente l'incision de l'œsophage sur le cathéter ne la sonde; et la fiipire 8 le moment de l'extraction du corps étranger, l'instrument étant retiré ou remonté.
Parties composantes de la plaie.
a. Indicateur du chirurgien qui écarte le bord gauche de la plaie
formé par le sterno-mastoïdien.
b. Indicateur d'un aide de face qui écarte sur le bord droit la
masse laryngo-trachéale.
c. Muscle sterno-thyroïdien recouvrant la saillie latérale du corps
thyroïde.
d. Muscle scapulo-hyoïdien.
e. Muscle sterno-inastoïdien.
f. Artère carotide primitive.
Toutes ces parties sont déprimées par l'indicateur du chi-rurgien.
g. OEsophage. Une section longitudinale de trois à quatre centi-
mètres de longueur vient d'être pratiquée en regard du corps étranger.
h. Main droite du chirurgien armée soit du bistouri (7) qui incise,
soit de la pince (8) qui saisit le corps étranger pour l'extraire.
Tome .7.
PI .25.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
Pl.26
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 27 ET 28.
ADULTE, DEMI-NATURE.
PLANCHE 27.
ABLATION DI SEIN.
Figure 1. La malade est couchée sur un plan incliné, le bras écarté du corps dans l'élévation et l'abduction. Un aide, à gauche du chirur-gien, est chargé de suspendre le cours du sang; avec le pouce de la main gauche (a) il comprime l'artère sous-clavière à son passage sur la première côte, et, pour plus de précaution, les trois premiers doigts de la main droite (b) du même aide compriment immédiatement sur les orifices des vaisseaux divisés, le pouce sur une branche de l'artère thoracique courte, l'indicateur et le médius sur les deux branches principales de la thoracique longue. La plaie, de forme elliptique, s'é-tend diagonalement en regard et au-dessous du bord axillaire du grand pectoral en remontant jusqu'au voisinage de l'aisselle, où il est facile de la prolonger par une incision rectiligne s'il est nécessaire d'enlever un amas de ganglions lymphatiques cancéreux. Cette plaie a été comprise entre deux incisions elliptiques. La tumeur disséquée d'abord en dessous, au moment où en est l'opération le chirurgien, qui dirige à pleine main la masse cancéreuse (c), achève de la séparer avec le bistouri ( d ).
Figure 2. Surface de la plaie, à laquelle tient encore la masse can-céreuse formée par une portion de peau, la glande mammaire en entier, des ganglions lymphatiques et une portion de l'épaisseur des fibres du muscle grand pectoral en regard.
Figure 3. Réunion de la plaie.
PLANCHE 28.
OPÉRATION DE L'EMPYÈME.
Figure 1. L'opération est représentée pratiquée du côté droit sur un homme adulte. Le sujet est couché sur le dos, légèrement incliné vers le côté gauche, le bras droit soulevé dans l'adduction pour tendre les chairs du côté sur lequel on opère. L'opération est pratiquée sur le quatrième espace intercostal à compter de bas en haut, c'est-à-dire entre les huitième et neuvième côtes. Le pouce et l'indicateur de la main gauche du chirurgien, appuyée sur l'une et l'autre côte, tendant la peau en travers, l'incision a été pratiquée parallèlement au milieu de l'espace intercostal en regard et au-devant du bord du grand dor-sal, de manière à intéresser seulement par moitié ce muscle et l'at-tache du grand oblique. Au moment où en est l'opération, le bistouri venant de faire la ponction , le flot de liquide se fait jour au dehors.
Figure 2. Mode d'incision pratiqué en refoulant fortement les té-gumens et les chairs de telle sorte, qu'après l'évacuation, les parties abandonnées à elles-mêmes revenant à leur situation première, le pa-rallélisme entre les plans intéressés se trouve détruit. Ce mode opé-ratoire a pour but d'éviter l'introduction de l'air après la ponction , accident que des faits récens ont montré moins dangereux qu'on ne Pavait supposé ; mais, en compensation de cet avantage douteux, il a le grave inconvénient de ne pas permettre, comme l'incision directe , l'issue lente du liquide le long d'une mèche conductrice.
Figure 3. Procédé de M. Reybard. Ce mode opératoire est aussi efficace qu'ingénieux. Une côte étant mise à découvert par l'incision , un trou en emporte-pièce est pratiqué au milieu de l'os avec un petit trépan perforé ; au travers de cet orifice est introduit à frottement un bec de plume duquel append au dehors une portion de cylindre mem-braneux, soit un intestin d'animal ou autre, qui donne facilement passage de dedans en dehors au liquide dans les mouvemens et les efforts inspiratoires, et, par sa flaccidité, étant toujours humide, de-meure accolé de lui-même et s'oppose à l'introduction de l'air de dehors en dedans.
Pl.27.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Becquet, Paris.
Tome 7.
Pl.28.
N.H. Jacob direxit
d'après nature par Leveillé
Imp. Becquet, Paris.
TOME VIL PLANCHE 29.
PONCTIONS DE L'HYDROPÉRICARDE, DE L'ASC ITE,
ET DES ABCÈS DU FOIE.
A ü U L T E, D E M I - N AT U R E
FIGURE \
PONCTION de l ASCITE.
La malade couchée sur un plan incliné, le corps légèrement tourné du côté gauche, l'abdomen mis à découvert, un aide de face applique les deux mains (a et b) sur l'abdomen, prêt à pratiquer la compression méthodique pour l'expulsion du liquide après la ponction. Le chirur-gien placé à droite, la main gauche (c) étendue sur lhypogastre, vient de ponctionner avec le trocart tenu de la main droite (d). Au moment figuré de l'opération, la piqûre étant faite, l'opérateur retire la tige du trocart et retient la canule avec l'ongle de l'indicateur gauche, pour l'empêcher de sortir de la plaie.
Le lieu de la ponction est indiqué à hauteur moyenne entre l'épine iliaque et l'ombilic, et suivant une ligne fictive (e, f ) étendue de cette épine à l'appendice xiphoïde. Ce lieu d'élection a pour but d'éviter la rencontre des artères situées dans la paroi abdominale, et, comme renseignement, on a ponctué leur trajet à la surface de la peau, (g) est le trajet de l'artère épigastrique et de ses branches, et (h) celui de la première branche abdominale de la circonflexe iliaque.
FIGURE 2.
PONCTION de l'hYDROPÉRICARDE.
Sur une même figure on a représenté la ponction par deux procédés.
\ A. Procédé de Desault. Une incision a été faite dans le cinquième espace intercostal du côté gauche, entre les extrémités correspon-dantes des cinquième et sixième côtes et de leurs cartilages. Nous avons choisi cet espace et non le sixième, comme l'avait fait Desault, pour tomber en regard du sommet du cœur, tandis que ce chirurgien a dû tomber trop bas sur le diaphragme. Derrière l'incision se ren-contre la duplicature du médiastin antérieur, qu'il faudrait décoller et écarter en dehors pour atteindre le péricarde sans blesser la plèvre.
2° B. Procédé de M. Skielderup. Une incision cruciale étant faite en regard de la partie inférieure du sternum, une couronne de trépan a été appliquée vis-à-vis l'articulation du cinquième cartilage costal. Eu regard se trouve l'attache diaphragmatique du péricarde dans l'écar-tement du médiastin antérieur.
Le chirurgien est occupé à ouvrir avec la pointe du bistouri sur un pli soulevé avec la pince la membrane qui fait saillie dans le trou du trépan.
Figure 3. Incision avec le bistouri dans une escarre formée en regard d'un abcès, pour en permettre la ponction après la formation d'un cercle d'adhérences séreuses.
Tome 7
Pl.29.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Becquet, Paris.
TOME VII. PLANCHES 50 ET 31.
PLANCHE 30.
PLAIES DE L'ABDOMEN. SUTURES
DES PLAIES LONGITUDINALES DE L'INTESTIN GRÊLE.
DEMI -NATURE.
Figure 1. Débridement d'une plaie abdominale pour faciliter la réduction d'une masse d'intestin sortie au dehors
Les doigts de la main écartant mollement les anses intestinales, et le doigt indicateur insinué dans la plaie, le bistouri droit, dont le dos glisse sur l'ongle du doigt, prolonge en haut la section des chairs.
Figure 2. La suture du Pelletier vient d'être pratiquée pour une plaie longitudinale; pendant que de la main gauche le chirurgien contient les deux extrémités du fil , avec les doigts de la main droite il est occupé à opérer le débridement de la portion d'in-testin qui a fait hernie au travers de la plaie.
Figure 3. Entéroraphie, procédé de Ledran.
Figure 4. Débridement de l'epiploon, au travers duquel une anse d'intestin fait hernie. Entéroraphie par le procédé de Béclard.
Figure 5. Entéroraphie. Procédé de M. Jobert.
Figure 6. Entéroraphie. Procédé de M. Reybard. — a. Réunion de la plaie de l'intestin sur la plaque de M. Reybard. — b. Plaque vue en position dans l'intérieur d'un intestin dont la paroi tour-née vers l'observateur est enlevée. — c. Plaque isolée.
PLANCHE .11.
ENTÉRORAPHIE.
PLAIES DE L'INTESTIN EN TRAVERS.
GRANDEUR NATURELLE.
FIGURES I et 2. Procédé de M. Jobert.
Figure 1. Aspect des deux bouts de l'intestin en contact, lors-que, les fils étant passés, on va procéder à l'invagination du bout supérieur de l'intestin dans le bout inférieur.
Figure 2. Aspect des parties après l'invagination. Il ne s'agit que de réunir les fils pour les fixer au dehors.
FIGURES 3 et 4. Procédé de M. Lembert.
Figure 3. Aspect des deux bouts de l'intestin au moment où l'on va pratiquer le froncement des fils pour déterminer l'affron-tement des bords renversés des deux orifices.
Figure -4. Affrontement des deux orifices et ligature des extré-mités des fils. Il ne s'agit plus que de couper les fils sur les noeuds et de faire rentrer l'intestin dans l'abdomen.
FIGURES 5, 6, 7, 8. Procédé de M. Denans.
Figure 5. Rapprochement des deux bouts de l'intestin. Les deux petites viroles externes sont placées à l'intérieur de chacune des extrémités, en laissant déborder le bord libre destiné à être ren-versé en dedans pour mettre les séreuses en contact.
Figure 6. Introduction de la grande virole interne dans l'orifice de chaque extrémité intestinale dont le bord circulaire a été préa-lablement renversé sur sa virole externe.
Figure 7. Passage de l'un des fils à ligature après l'affrontement des surfaces séreuses des deux oriGces.
Figure 8. Profil d'intestin sur lequel on a figuré le trajet du fil qui embrasse les trois viroles. — a. montre le fil noué à l'ex-térieur sur le point de l'adossement des deux bouts. — b. est le fil noué à l'extrémité en faisant rentrer le nœud dans l'intérieur de l'intestin par l'orifice unique qui a servi à l'entrée et à la sortie de l'aiguille.
Tome 7.
Pl.30 .
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7
Pl.31.
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 52 ET 55.
ÉTR ANGLEMENS INTESTINAUX.- ANUS ACCIDENTELS.
GRANDEUR NATURELLE
PLANCHE 32.
CAS VARIÉS DÉTRANGLEMENS INTESTINAUX.
Figure 1. (Empruntée de Scarpa). Étranglement d'une anse d'in-testin par le collet (a) d'un sac herniaire avec striction exercée par deux appendices (b etc) d'une portion du grand epiploon (d) qui passe au-devant des anses intestinales, tandis qu'une autre portion (e ) s'insinue derrière.
Figure 2. (Tirée de la collection de Dupuytren, et communiquée par MM. Marx et Teissier). Étranglement, sur un homme adulte, de deux circonvolutions intestinales par une bride du grand epiploon adhérente à leur tunique peritoneale.
Figure 3. Cas observé par M. Orfila et préparé par M. Michon ( Musée de la Faculté). Etranglement, sur une jeune femme, de l'ex-trémité cœcale de l'iléon par une appendice graisseuse du cœcum.
Figure 4. Hernie crurale chez l'homme. Etranglement interne par une déchirure du péritoine. (Tiré de la Clinique de l'Hôtel-Dieu, et déposé dans le Musée de la Faculté.)
Une hernie crurale, avec étranglement, a été réduite; mais les effets de l'étranglement ont persisté, (a) est le siège primitif de la hernie dans le canal crural accidentel. Les vaisseaux fémoraux se voient sur la paroi postérieure. — (b) Montre l'étranglement d'une anse d'intestin au travers du péritoine, qui s'est déchiré sous la pres-sion et a laissé passer l'intestin sans former de sac herniaire.
Figure 5. Cas dessiné sous divers aspects en trois figures A, B, C. (Pièce communiquée par M. Amussat.) Rétrécissement du gros intestin dans l'angle d'union des deux colons transverse et descendant. Les selles avaient été supprimées pendant trente-neuf jours avant la mort. Une petite portion d'os (a), qui semble la cause première d'irritation, a été trouvée fichée dans l'épaisseur de l'in-testin. En regard existe un rétrécissement annulaire (b), l'ouverture réduite à moins d'un centimètre. Des adhérences d'appendices grais-seuses (c) fortifient l'étranglement. Au-dessus de l'orifice est une adhérence (d) de l'intestin avec une érosion commençante (e). Le colon transverse, à parois épaissies, est dilaté au-dessus de l'étran-glement en une large cavité (f). Au-dessous, au contraire, le colon descendant (g) est aminci dans ses parois, et fortement contracté.
Figure 6. (Pièce communiquée par M. Lisfranc.) Cas singulier de développement anormal de replis valvulaires très saillans et très nombreux dans l'extrémité cœcale de l'iléon, qui a produit le rétré-cissement, puis l'engouement, et enfin les signes et les effets de l'é-tranglement intestinal.
PLANCHE 33.
CAS VARIÉS D'ANUS CONTRE NATURE ACCIDENTELS.
Nous distinguons à dessein ces anus accidentels, résultat de gangrènes dans un sac herniaire, des anus artificiels ou établis à dessein par le chirurgien , et qui font le sujet d'une planche opératoire.
Figure 1. (Copiée sur un dessin de la collection de Dupuytren, communiqué par MM. Marx et Teissier). Anus contre nature où les deux bouts de l'intestin viennent s'ouvrir isolément à l'aîne, chacun par un orifice cutané; la paroi antérieure de l'intestin est enle-vée pour laisser voir dans sa cavité.
(a) Extrémité de l'intestin supérieure ou initiale. — (b) Extré-mité inférieure ou terminale. — (c) Section de la paroi dermo-musculaire de l'abdomen, au-dessus du pli de l'aîne. — (d) Orifice cutané du bout intestinal supérieur, donnant issue aux fèces. — (e) Orifice, plus étroit, du bout intestinal inférieur, ne donnant issue qu'à des mucosités intestinales.
Figure 2. (Collection de Dupuytren). Cas semblable au précé-dent, dessiné à l'état de chute ou à*invagination des deux bouts d'intestin par leurs orifices cutanés. Par suite des mouvemens combinés d'expulsion de l'intestin et des muscles abdominaux, les deux bouts de l'intestin se sont invaginés par leurs orifices cuta-nés accidentels, la membrane muqueuse en dehors, par le même mécanisme qui opère les chutes du rectum au travers de l'orifice anal. En sorte que chaque bout d'intestin est retourné à la ma-nière d'un doigt de gant, la membrane muqueuse s'offrant à la fois sur les deux faces extérieure et intérieure.
(a) Bout supérieur de l'intestin. L'extrémité libre (b) donne issue aux matières et aux mucosités stercorales. — ( c ) Bout in-férieur. Son orifice est tourné vers les tégumens.
Figure 3. (Collection de Dupuytren). Anus contre nature qui vient s'ouvrir à l'aîne par un seul orifice accidentel. La paroi antérieure des deux bouts de l'intestin est enlevée pour laisser voir dans leur intérieur.
(a) Bout supérieur de l'intestin, (b) Son orifice cutané ingui-nal, (c) Bout inférieur de l'intestin terminé en cul - de - sac par une cicatrice. — (d) Cloison formée par l'adossement des parois en regard des deux bouts d'intestin, et qui concourt à oblitérer le bout inférieur. ( e ) Section de la paroi abdominale dermo-musculaire.
Figure 4. (Empruntée de Scarpa). Ce cas est donné par Scarpa en explication de sa théorie de Ventonnoir membraneux, (a) Orifice du bout supérieur de l'intestin. — (b) Orifice du bout inférieur. — (c) Promontoire ou éperon formé par la cloison d'adossement des deux bouts, (d) Entonnoir membraneux formé primitivement par le col du sac herniaire. D'abord, il constitue une fistule cutanée qui donne issue aux matières. Peu à peu, à mesure qu'il s'allonge, par la traction des deux bouts de l'intestin il se rétrécit et tend à s'oblitérer en même temps que, les deux bouts de l'intestin ve-nant de plus en plus à s'aboucher, les matières reprennent gra-duellement leur cours naturel.
Figure 5. Autre cas copié de Scarpa, et que l'auteur donne comme le premier état qui aurait été suivi de la formation d'un entonnoir membraneux si la hernie étranglée persistant, et le ma-lade ayant continué de vivre , l'anse d'intestin frappée de gan-grène eût donné lieu à la formation d'un anus accidentel.
Figure 6. (Tirée du cabinet de la Faculté). Fistule de l'esto-mac observée par Corvisart et Leroux. Cette fistule formant un large canal muqueux qui, de l'intérieur de l'estomac, s'ouvrait à la surface de la peau, était maintenue habituellement bouchée par un tampon. Elle représentait comme une sorte d'anus acciden-tel de la partie initiale du tube digestif, et donnait à volonté issue aux produits ou aux résidus de la digestion stomacale.
Tome 7.
Pl. 32 .
d'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7
Pl.33.
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII PLANCHES 34 ET 35.
ASPECT EXTÉRIEUR DES HERNIES
DESSINEES D'APRES NATURE SUR LE VIVANT.
Pour repérer le lecteur, sur la plupart des hernies, on a ponctué la position réelle des orifices péritonéaux avec le trajet des vaisseaux fémoraux sur l'arcade crurale , et le trajet des vaisseaux épigastriques présumé d'après la situation de l'ouverture péritonéale de passage des viscères.
HERNIES CHEZ L'HOMME.
PLANCHE 34.
Figure 1. Deux hernies inguinales externes (entérocèles). Homme de 46 ans. (a) Tumeur dans le canal inguinal. — (b) Resserrement par l'anneau inguinal externe. — (c) Passage présumé des vaisseaux épigastriques sous la tumeur, (d) Tumeur scrotale.
Figure 2. Esquisse de V anatomie chirurgicale du canal inguinal.
Coté gauche. Anatomie normale, (a) Orifice péritonéal du canal inguinal, (b) Orifice externe ou anneau inguinal externe, (c) Cordon spermatique dans le canal inguinal dont l'aponévrose de revêtement est enlevée, (d) Artère et veine fémorales à l'arcade crurale, (e) Ar-tère et veine épigastriques (voy. Anatomie chirurgicale, tome VI, pl. 7 et 8 ).
Coté droit. Schême de la hernie inguinale externe située au-dessous (les viscères hernies étant enlevés), (a) Orifice péritonéal ou anneau inguinal interne dilaté, (b) Orifice externe ou anneau inguinal ex-terne encore plus dilaté que le précédent, (c) Cordon spermatique qui rampe, aplati, dans la gouttière aponévrotique. (d) Artère et veine fémorales à l'arcade crurale, (e) Artère et veine épigastriques détournées de leur direction et formant une anse plus vaste qu'à l'or dinaire pour contourner en bas et en dedans les viscères hernies.
Figure 3. Hernie inguinale externe congeniale (présumée entéro-épiplocèle ) sur un enfant de dix-sept mois.
Figure 4. Double hernie inguinale externe (demi-nature). Celle de gauche d'un volume énorme. (Copiée sur un dessin de Dupuytren, communiqué par MM. Marx et Teissier). La hernie droite est encore réductible. La hernie gauche, irréductible, loge la plus grande partie de la masse intestinale. L'abdomen, presque vide, est affaissé.
Figure 5. Petit sac herniaire ombilical au travers de l'anneau om-bilical même et sur un homme de 30 ans ( cas cadavérique commu-niqué par M. Lisfranc). L'évasement de l'orifice abdominal fait que l'anse intestinale jouait librement de la cavité du sac herniaire dans celle de l'abdomen, (a) Saillie extérieure du sac herniaire, (b) Coupe sur le profil.
PLANCHE 35.
Figure 1. Deux hernies inguinales internes (entérocèles). Homme de 52 ans envoyé par M. Daremberg.
Coté gauche. Hernie inguinale interne, (a) Anneau inguinal périto-néal ponctué. Cet orifice était étranger a la hernie, qui rentrait ou res-sortait avec facilité quoiqu'on le maintînt oblitéré avec le pouce. La sortie des viscères de l'abdomen paraît avoir lieu entre les vaisseaux épigastriques et l'anneau inguinal externe. — (b) Vaisseaux iléo-fé moraux. —(c) Position présumée des vaisseaux épigastriques.
Coté droit. Hernie directe. Celle-ci est encore plus interne que la précédente, et sort directement en dehors du tendon du sterno-pubien et derrière l'anneau inguinal externe. — (a) Contour ponctué de Panneau inguinal interne. — (b) Trajet présumé des vaisseaux épigastriques. — (c). Vaisseaux tégumentaires.
Figure 2. Hernie crurale (présumée entéro-épiplocèle). Homme de 52 ans. (De a en a ) Anneau crural par lequel les viscères sortent de l'abdomen, (b) Trajet du canal crural accidentel, (c) Tumeur fémo-rale globuleuse formée par le sac herniaire avec les viscères qu'il renferme, étalés sous les tégumens en dedans et en haut de l'orifice dilaté de la veine saphène interne ou de Vanneau crural externe acci-dentel.
Figure 3. Hernie périnéale saillante sous le bord inférieur du grand fessier ( empruntée de Scarpa ).
Tome 7
Pl.34.
Tome 7.
Pl.35.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Becquet, Paris.
TOME VIL PLANCHES 56 ET 37.
PLANCHE 36.
ASPECT EXTÉRIEUR DES HERNIES CHEZ LA FEMME
DESSINÉES D'APRÈS MATURE SUR LE VIVANT.
Figure 1. Hernie inguinale externe (entérocèle sur une femme de 48 ans), (a) Gonflement globuleux à l'orifice péritonéal de passage. — (b) Resserrement causé par l'anneau inguinal externe. — (c) Tu-meur herniaire qui envahit la grande lèvre et repousse l'ouverture vulvaire en sens opposé.
Figure 2. Hernie crurale volumineuse ( entéro-épiplocèle sur une femme de 70 ans). La maigreur et la flaccidité des tégumens permet-tent d'apercevoir au dehors les saillies des circonvolutions. Cette tumeur, dont les caractères sont exagérés, rend le diagnostic en quelque sorte trop facile.
Figure 3. Deux hernies crurales (entérocèles sur une femme de 49 ans ). La forme de ces deux tumeurs est d'un modèle plus heureux que la précédente, (a) Portion de la hernie renfermée dans le canal crural accidentel. —(b) Tumeur herniaire sous-cutanée, au-dessous et à la sortie du canal crural. — (c) Vaisseaux iléo-fémoraux. — (d) Veines saphènes internes variqueuses.
Figure 4. Hernie sous-ombilicale (entéro-épiplocèle sur une femme de 67 ans ). Cette femme à eu quatre enfans ; la paroi abdominale offre de nombreuses éraillures au pourtour de la hernie. L'extrême flacci-dité des tégumens permet, comme dans la figure 2, d'apercevoir les saillies des circonvolutions intestinales.
PLANCHE 37.
RÉDUCTION DES HERNIES (taxis). - BANDAGES HERNIAIRES.
Figure 1. Réduction de la hernie inguinale externe (sur l'homme). La hernie est un entéro-épiplocèle du côté gauche. L'opé-rateur est placé en travers et adroite du malade. Les muscles de l'ab-domen étant mis dans le relâchement, par la flexion du tronc et des cuisses sur le bassin, le chirurgien, qui renferme la tumeur dans la paume de la main droite (a), chasse graduellement, parles mouve-mens des doigts, les viscères vers l'anneau inguinal externe, tandis que les doigts de la main gauche (b) retiennent dans l'abdomen et dans le canal inguinal les viscères, à mesure qu'une portion s'en trouve réduite.
Figure 2. Réduction de la hernie crurale (sur l'homme). La maladie est un entérocèle du côté droit; la manœuvre diffère peu de la précédente. La main qui enveloppe la tumeur dirige les mouve-mens de réduction en dehors vers l'orifice de passage de la veine saphène interne devenu Vanneau crural externe du canal crural acci-dentel , tandis que les doigts de l'autre main font remonter les vis-cères verticalement dans ce canal lui-même et vers l'anneau crural, son orifice de sortie, devenu anneau crural interne au point de vue de la hernie.
bandages.
Figure 3. Bandage inguinal double à trois pelotes mobiles, (a, b) pelotes inguinales. — (c) Double pelote lombaire d'opposition. Ce genre de bandage, par la mobilité des pelotes articulées par des genouillères sphériques, se prête, sans cesser la pression, à toute espèce de mouvement.
Figure 4. Détails d'articulation de la pelote mobile vue par sa face extérieure.
Figure 5. Pelotes inguinales mobiles de M. Houën calculées pour comprimer le canal inguinal dans toute sa longueur, y compris les deux anneaux ou orifices externe et interne, (a) Plaque d'acier isolée. ( b ) Plaque recouverte de sa garniture.
Figure 6. Bandage inguinal simple à pelote fixe.
Figure 7. Bandage crural simple à pelote fixe.
Figure 8. Surface de la pelote crurale.
Figure 9. Bandage ombilical.
Tome 7
Pl.36.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.37.
Dessiné d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. de Lemercier Benard et C.
TOME VIL PLANCHES 38 ET 39.
ANATOMIE CHIRURGICALE DES HERNIES.
PLANCHE 38.
( Les deux hernies ont été dessinées d'après nature sur le cadavre. )
FIGURES I et 2. HERNIE INGUINALE EXTERNE DANS
L'HOMME.
Figure 1. La hernie est présentée disséquée. Le contour apo-névrotique de l'anneau oblique externe seul conservé divise, à l'œil, la tumeur en deux portions, l'une extérieure ou scrotale, et l'autre intérieure ou inguinale, renfermée dans le canal.
a, a. Lambeaux relevés de la peau et du fascia superficialis.
b, b. Lambeaux de l'aponévrose du grand oblique.
c, c. Muscle crémaster éraillé au-devant de la hernie. Une portion
de ce musde est enlevée, dans le canal inguinal, pour dé-masquer les viscères.
d, d. Section des enveloppes scrotales de la hernie.
e, e. Section du sac herniaire.
f. Intestin grêle et epiploon hernies.
g. Vaisseaux iléo-fémoraux.
h. Vaisseaux épigastrique9.
Figure 2. Intérieur du sac herniaire dans son état de dilatation, les viscères étant enlevés.
i. Anneau inguinal externe dilaté, k. Anneau inguinal interne.
1. Canal inguinal raccourci par le rapprochement des deux ori-fices, m. Poche scrotale, g, h. Vaisseaux fémoraux et épigastriques.
FIGURES 3 et 4. HERNIE CRURALE DANS LA FEMME.
Figure 3. La hernie est également présentée à découvert. Le ca-nal crural accidentel est conservé en totalité : le sac herniaire n'est ouvert que dans sa portion sous-cutanée.
a, a. Lambeaux cutanés de l'incision en T. La peau y est doublée par le fascia superficialis.
b. Arcade fibreuse constituée par l'aponévrose du grand oblique
et formant le segment supérieur de l'anneau crural.
c. Feuillet aponévrotique de revêtement des vaisseaux qui forme
la paroi antérieure du canal crural accidentel.
d. Sac herniaire ouvert et rejeté sur les côtés.
e. Épiploon et intestin grêle hernies.
Figure 4. Intérieur du sac herniaire sans les viscères. Pour le faire voir on a enlevé à dessein tout ce qui formait la paroi anté-rieure des enveloppes de la hernie.
c. Section du feuillet aponévrotique.
d. Section du sac herniaire.
f. Anneau crural interne, orifice de passage des viscères.
g. Canal crural accidentel.
h. Anneau crural externe accidentel, orifice dilaté de la veine
saphène interne.
i k. Artère et veine fémorales vues en transparence sous le péri-toine.
I. Veine saphène interne et ganglions lymphatiques du sac éga-lement vus en transparence sous le feuillet postérieur du sac-herniaire.
PLANCHE 39.
FIGURE I (demi-nature).
Deux hernies inguinales externes (dessinées d'après une très belle pièce en cire du musée Dupuytren). Ce cas, quoique moins exagéré, est, en anatomie pathologique, l'analogue de celui qui est figuré d'après le vivant pl. fig. 4. Le sac herniaire du côté droit contient, avec une grande partie de l'intestin grêle et de l'é-pi ploon, une portion de l'extrémité pylorique de l'estomac, ce vi-scère, pour atteindre le sac herniaire, ayant pris une direction ver-ticale et subi un fort allongement. Le péritoine d'enveloppe (a, a) a formé sur le pilier externe de l'anneau un repli qui a dédoublé la hernie en deux sacs par une cloison d'adossernent avec lui-même (b). Du côté gauche la tumeur, de volume ordinaire, n'est formée que par une anse du gros intestin.
FIGURE 2.
Dourle hernie omrilicale (grandeur naturelle, d'après le ca-davre). Nous avons ouvert à dessein les deux sacs herniaires pour laisser voir l'intestin. Néanmoins, pour utiliser le dessin, nous y avons figuré le débridement par une incision en dessous, de l'une à l'autre tumeur, en cas d'étranglement. Seulement il fout avertir que, pour cette opération, il est inutile d'intéresser les sacs herniaires.
FIGURE 3,
Hernie périnéale (grandeur naturelle; empruntée de Scarpa). Hernie dune anse de l'intestin iléon au travers d'une éraillure du muscle releveur de l'anus. L'intestin est vu dans l'écartement d'une incision pratiquée à l'aponévrose et au sac herniaire. Une aiguille passée entre ces enveloppes et l'orifice de l'anus montre qu'il y avait, dans ce point, une fistule borgne interne.
Tome 7
Pl.38.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.39.
d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Becquet, Paris.
TOME VII. PLANCHE 38 BIS.
ANATOMIE CHIRURGICALE DES HERNIES.
HERNIES INGUINALES.
GRANDEUR NATURELLE.
Cette pianelle représente deux hernies inguinales externe et interne trouvées accidentellement sur un même cadavre
par M. Demeaux, qui l'a mis à notre disposition.
La figure 1 montre l'aspect extérieur des deux hernies revêtues de leurs enveloppes après l'enlèvement du fascia superficialis. A est une hernie inguinale externe peu volumineuse, et B une hernie in-guinale interne d'un volume plus considérable. La figure 2 présente les deux hernies A1, B1 isolées de chaque côté de la planche. Les sacs herniaires sont ouverts de manière à montrer leur trajet avec les portions de viscères qu'ils renferment. La figure 3 reproduit les deux hernies dans leurs rapports comme elles sont fig. 1. Elle montre les cavités des sacs herniaires les viscères étant réduits.
MODIFICATIONS SUBIES PAR LA PAROI ABDOMINALE.
L'aponévrose des deux muscles grands obliques étant mise a nu, on reconnaît que les deux bandelettes entre lesquelles est circonscrit l'anneau inguinal externe, la bandelette interne et su-périeure (a), qui s'entrecroise avec sa congénère au-devant de la symphyse pubienne, et la bandelette externe et inférieure (b), se sont largement écartées pour permettre le passage des viscères par l'anneau (c), dont le diamètre est quadruplé ou quintuplé; de sorte que l'intervalle entre les bandelettes forme un large triangle où les fibres obliques descendantes, très amincies, sont fortifiées néanmoins par les fibres transversales inguinales qui se sont épaissies et se prolongent, contre l'ordinaire, en dedans, où elles s'entrecroisent sur la ligne blanche. Au pourtour de l'anneau inguinal (c) (fig. 1, 2,3) elles ont une épaisseur considérable et forment un pont apo-névrotique très résistant.
HERNIE INGUINALE EXTERNE IRRÉDUCTIBLE (fig. 1, 2, 3).
A. Fig. 1. La surface est formée par l'épanouissement du cré-master, dont les fibres sont sensibles principalement en bas et en dehors.
A'. Fig. 2. Le pont aponévrotique (c) qui forme l'orifice de l'an-neau étant conservé, on a ouvert au-dessous le sac herniaire (e) et disséqué au-dessus le canal inguinal (f). La portion de viscère (g) mise à découvert appartient à PS iliaque du colon.
A2. Fig. 3. Le pont aponévrotique (c) distingue à l'œil la cavité du sac herniaire (h) dans le cordon dilaté d'avec celle du canal inguinal au-dessus. Le péritoine adhérant partout aux enveloppes, l'intestin tenu par son mésocolon était complètement irréductible ; de sorte que pour faire rentrer artificiellement cet intestin (g) et montrer le trajet qu'il a parcouru nous avons dû faire la section des deux feuillets écartés de son mésocolon (i,i), dans l'intervalle desquels se voient les vaisseaux éraillés du cordon spermatique aplati. Les vaisseaux épigastriques (k) passaient au-dessous et en de-dans de la hernie dans l'épaisseur d'une anse aponévrotique (1) qui représente la courbe inférieure de l'anneau inguinal interne, dont la courbe supérieure est indiquée au-dessus par la tension des airi-gnes. Les vaisseaux fémoraux (m), disséqués à l'arcade crurale pour montrer leurs rapports, se laissent voir en transparence sous le péritoine, dans le canal inguinal, avec l'origine de l'artère épiga-strique.
HERNIE INGUINALE INTERNE RÉDUCTIBLE (fig. 1, 2, 3).
B. Fig. 1. Surface externe des enveloppes de la hernie, où l'on distingue encore, malgré leur amincissement, quelques fibres du crémaster.
B1. Fig. 2. Anse d'intestin grêle dilatée par des gaz qui rem-plit le sac herniaire.
B2. Fig. 3. Intérieur du sac herniaire après la réduction très facile de l'intestin. L'orifice (n), de trois centimètres de largeur, est mince d'arrière en avant, n'étant formé que par les aponévroses. En de-dans il est limité parle tendon du muscle grand droit; il n'y a donc-point de canal proprement dit, la hernie étant absolument directe. En dedans et sur la face postérieure du sac une portion de péri-toine est enlevée pour montrer les vaisseaux du cordon spermatique disséminés en arrière et un peu en dehors. Les vaisseaux épiga-striques (o), dans leur position normale, passent en dehors de la hernie.
Tome 7
Pl.38 bis
N.H. Jacob direxit.
D'après nature par Léveillé
TOME VIE PLANCHE 39 BIS.
DIVERS CAS DE HERNIES.
Nous devons les sujets et les pièces cpii nous ont servi de modèle au zèle pour la science et à l'obligeance de
M. Demeaux, interne de la Charité.
El GERE 1. Hernie inguinale externe chez la femme. La hernie disséquée montre à nu le sac herniaire. Ce sac biloculaire, avec un rétrécissement intermédiaire qui a autrefois correspondu à Panneau quand le sac était simple , nous a offert, sur le cadavre, le même cas que nous avons dessiné, il y a quelques mois, sur le vivant (pl. 3G, fig. 1).
FIGURE 2. Hernie inguinale externe biloculaire sur un homme de cinquante ans. Dans ce cas, analogue au précédent, la hernie est un entéro-épiplocèle à deux sacs herniaires continus, sé-parés par un étranglement (c); le sac inférieur (d) ne renferme que de Pépiploon, le sac supérieur (b) offre en plus une anse d'intestin.
FIGURE 3. Deux hernies entéro-épiplocèles sur un même sujet. Le point de vue est pris à l'intérieur de la cavité abdominale en plongeant sur les orifices péritonéaux des deux sacs herniaires. La nature de chacune de ces hernies est indiquée au premier aspect par leur éloignement respectif de la ligne blanche.
A. Hernie inguinale externe. Ici le cordon des vaisseaux sperma-tiques, situé en bas et en dehors, se trouve masqué par les viscères. L'artère épigastrique (a), qui passe en dessous, remonte dans l'épais-seur du pilier, au bord interne de l'orifice.
B. Hernie inguinale interne. La dilatation de l'orifice de passage a refoulé son pilier externe jusqu'auprès de l'anneau inguinal interne, dans lequel on voit s'insinuer le cordon des vaisseaux sperina-tiques (c). Ce pilier, au bord externe de l'orifice herniaire, renferme l'artère épigastrique, située par conséquent en dehors et que l'on voit arriver au delà sur le plan de section.
FIGURE 4. Orifice péritonéal d'une hernie inguinale ex-terne sur l'homme, prise sur un autre sujet, (a) Orifice interne en infundibulum du canal inguinal dilaté, (b) bord ou pilier interne de l'orifice péritonéal; (c) artère épigastrique, que l'on voit naître sous le péritoine de l'iliaque externe; (d) cordon des vaisseaux sperma-tiques, (f ) artère et veine iliaques externes.
FIGURE 5. Canal crural accidentel qui a donné passage à une hernie et dont les viscères ont été retirés. Le point de vue est pris de la cavité abdominale en plongeant au travers des orifices jusque dans le sac herniaire sous l'aponévrose fémorale, (a) Contour de l'orifice abdominal formant le premier plan; (b) contour de l'ori-fice pubien plus resserré, formé par les aponévroses : au travers de cet orifice elliptique se voit le feuillet pubien de revêtement de l'anneau crural externe ( c ). De l'autre coté le bord est formé par l'aponé-vrose fémorale ; entre les deux se voit un orifice elliptique qui n'est autre que l'anneau crural accidentel, formant, sous les tégumens de la cuisse, l'entrée du sac herniaire.
Parties accessoires vues en transparence sous le péritoine.
( d ) Artère et veine iliaques externes. Au contour de l'anneau crural on les voit s'enfoncer en dehors, où elles ont été écartées par la pression des viscères.
(e) Vaisseaux épigastriques, situés en dehors et en haut de l'ori-fice crural.
( f ) Vaisseaux spennatiques également un peu déviés de leur di-rection, l'orifice de l'anneau péritonéal se trouvant porté un peu en haut.
(g) Cicatrice fœtale du prolongement testiculaire du péritoine,
( h ) Canal déférent.
( i ) Artère ombilicale oblitérée.
(k) Vessie.
Tome 7.
P1.39 bis
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 40 ET 4L
PROCÉDÉS OPÉRATOIRES DES HERNIES.
PLANCHE 40.
PROCÉDÉS POUR LA GUÉRISON DES HERNIES
RÉDUCTIBLES.
Le but de ces divers procédés est d'obtenir la guérison de la hernie par l'inflammation adhésive des parois
du sac , les viscères étant réduits.
FIGURE I. A. Procédé de M. Bonnet. Il consiste à renfermer le cordon entre deux épingles fixées chacune à travrs deux demi-sphères de liège.
a, a. Demi-sphères de l'épingle inférieure passée derrière le cor-
don spermatique.
b, b. Demi-sphères de l'épingle supérieure passée au-dessous de l'an-
neau inguinal externe, entre les tégumens et le cordon.
B. Procédé de M. Gerdy. La peau conduite parle doigt indicateur est insinuée sous l'anneau oblique externe dans le canal inguinal. L'aiguille, glissée sur le doigt, perfore la double épaisseur des té-gumens avec la paroi antérieure intermédiaire du canal.
C. Opération terminée, la peau du bord de l'ouverture réunie avec celle placée au-dessous par autoplastique.
FIGURES 2, 3,4, 5. Procédé de M. Belmas. 1, 2, 3. Aiguille de M. Belmas. Le mécanisme de cet instrument est compliqué : c'est une tige-canule brisée au milieu (a) en deux pièces (b, b) renfer-mant deux tiges plus fines (c, c) dont l'extrémité mobile en quart de cercle (d, d) fait corps avec l'instrument et sert de crochet quand on le décompose. La lame ( e ) s'enlève à part.
Figure 2. Ponction au travers du sac herniaire, sur un pli à la peau.
Figure 3. Second temps dans lequel l'opérateur saisit transversa-lement l'aiguille sous les tégumens et le sac, avant de décomposer l'instrument.
Figure 4. Troisième temps pour lequel nous montrons l'intérieur du sac herniaire afin de faire comprendre ce qui doit s'y passer sous les enveloppes. Les tiges intérieures étant retirées, les deux portions de la canule font crochet pour tirer le sac en sens inverse. Par le côté qui fait manche (f) le chirurgien introduit des fils de gélatine (g) qui doivent être laissés à demeure pour être absorbés après avoir produit une inflammation adhésive.
Figure 5. Pelote élastique de M. Belmas pour établir la com-pression permanente sur le sac. Cette pelote offre une série d'échan-crures en arc qui permettent de varier l'articulation avec le ressort sous l'angle nécessité parle volume de l'abdomen.
Figure 6. Procédé de M. Velpeau. Dans cette opération, les tégumens ayant été refoulés dans le canal comme pour le procédé de M. Gerdy, le chirurgien substitue au doigt un gorgeret plat pour soutenir le cul-de-sac de la peau, retournée en dedans, et sur cet instrument (a) glisse une petite lame (b) avec laquelle il traverse les tégumens et la paroi du sac et pratique des scarifications sur le sac herniaire. Des lignes ponctuées indiquent le trajet des instrument sous la peau.
PLANCHE 4L
DEBRIDEMENT DE LA HERNIE ÉTRANGLÉE (herniotomy).
FIGURES 1 ET 2. HERNIE INGUINALE EXTERNE ÉTRANGLÉE.
Figure 1. Ouverture du sac. La peau et les enveloppes de la hernie sont incisées. Le sac herniaire est à découvert. Le chirurgien est occupé à ouvrir le sac avec la pointe du bistouri porté en dédo-lant sur un pli soulevé avec la pince.
Figure 2. Débridement. Les viscères écartés et le doigt indicateur gauche (a) insinué sous l'anneau inguinal externe, sur sa pulpe glisse le dos de la lame du bistouri à tranchant concave (b) qui opère le débridement : la striction étant supposée produite ou par l'anneau externe lui-même ou par la paroi circulaire du canal ou par tous les deux.
FIGURES 3, 4, 5. HERNIE CRURALE ÉTRANGLÉE.
Figure 3. Ouverture du sac. La tumeur étant mise à découvert par une incision en T de la peau et du fascia superficialis, l'orifice de l'anneau crural externe accidentel (a, a) a été divisé; ce qui suffit pour faire cesser l'étranglement et permet de réduire la hernie , même sans ouvrir le sac quand la striction est en ce point. Pour les autres cas, le bistouri (b) guidé par le doigt indicateur gauche (c) incise le sac herniaire (d) suivant sa longueur.
Figures 4 et 5. Débridement par divers procédés au pourtour de l'anneau crural interne.
Figure 4. (e) Débridement guidé par le doigt indicateur sur le ligament de Gimbernat.—(f) Débridement de Pott, en haut sur le contour aponévrotique. — (g) Débridement de Sharp, oblique en haut et en dehors.
Figure 5. (h) Débridement de Sabatier, oblique en haut et en dedans, —(i) Débridement de Dupuytren, oblique en haut et en de-hors et pratiqué de l'extérieur à l'intérieur avec le bistouri à tran-chant convexe.-(k) Débridement de A. Cooper, en haut sur une sonde cannelée glissée par une incision parallèle au-dessus de l'an-neau crural. — (e, 1,1,1) Petites incisions de Scarpa qui élargissent le contour par la succession de leurs écartemens.
Tome 7.
Pl.40
d'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7
Pl.41.
N.H. Jacob direxit
TOME VII. PLANCHES 42 ET 43.
ANUS ARTIFICIELS.
PLANCHE 42.
ANUS ARTIFICIEL LOMBAIRE GAUCHE
(METHODE DE M. AMUSSAT).
Cette opération nouvelle et très importante a réussi déjà deux fois de suite entre les mains de son auteur M. Amussat. C'est la méthode de Callisen, mais modifiée par l'incision transversale. Son but est de pratiquer l'anus artificiel du colon lombaire, gauche ou droit, dans la portion extra-péritonéale de l'intestin.
FIGURE 1. Plaie abdominale. Le malade est maintenu en posi-tion sur les genoux et les coudes, la région dorso-lombaire en dessus. L'incision de la paroi abdominale est pratiquée. Elle intéresse, en arrière, le grand dorsal et la portion du carré des lombes qui dé-passe la masse commune du sacro-spinal, et, en avant, les trois grands muscles abdominaux. Le fond de la plaie montre, dans les deux tiers inférieurs, le péritoine pariétal qui recouvre l'intestin grêle, et, dans le tiers supérieur, en travers, une portion de l'es-pace extra-péritonéal du colon descendant, dans lequel on a passé deux fils pour l'attirer au milieu de la plaie.
FIGURE 2. Section cruciale de la portion extra-péritonéale de l'intestin avec la pince et le bistouri. Les bords de la plaie sont écartés par les doigts d'un aide de face.
FIGURE 3. Pansement de la plaie par sept points de suture en-tortillée, trois pour les chairs entre les bords et quatre pour la jonction de la plaie intestinale avec celle de la peau.
FIGURE 4. Aspect de l'anus artificiel après guérison (copié sur un dessin d'après nature communiqué par M. Amussat ).
PLANCHE 45.
ANUS ARTIFICIELS.
FIGURES I et 2. Anus goegal. Procédé de Pillore.
Figure 1. Section, avec la pince et le bistouri, de la portion dé-clive du cœcum au travers d'une plaie oblique pratiquée dans la paroi abdominale.
Figure 2. Réunion de la double plaie par six anses de suture entortillée. Un fil passé à chaque angle de l'intestin et fixé à la suture musculo-cutanée a pour objet d'empêcher l'épanchement des ma-tières fécales dans la cavité abdominale.
Figure 3. Anus artificiel iliaque (procédé de Littre). La plaie représente l'opération terminée. L'intestin, dont la plaie est large-ment ouverte à l'extérieur, montre l'entonnoir du bout supérieur. Un fil passé derrière le bout inférieur fixe l'intestin au dehors.
GUERISON D'ANUS ACCIDENTELS.
FIGURE 4. Section de la cloison d'adossement des deux bouts de l'intestin en cas de double anus ( voy. pl. 33, fîg. 3 ). Le cas est représenté cadavérique pour montrer à l'intérieur de l'intestin le mode d'action de Yentérotome circulaire à double anneau, analogue à celui de M. Liotard, dont l'effet est de déterminer, par la com-pression circulaire, une gangrène qui amènera la chute du lambeau en cercle, après adhérence, et le rétablissement direct du cours des matières du bout supérieur de l'intestin dans le bout inférieur.
Des deux anneaux de l'entérotome circulaire, vus de face, l'un est en saillie et l'autre en creux, de manière que les membranes sont comprimées entre eux.
FIGURE 5. Compression pour amener la section, par une pince-entérotome en segmens de cercle, de l'éperon qui fait obstacle à la circulation entre les deux bouts de l'intestin. Ce moyen donne lieu à une perte de substance dont la forme est celle du canal lui-même.
FIGURE 5 bis. Pince-entérotome. Elle se compose de deux seg-mens de cercle dont l'un est reçu dans l'autre. Chaque segment est brisé par une double articulation (a et b) et commandé par une tige de rappel (c), de manière à pouvoir être introduit fermé par une plaie ou une fistule étroite ; on lui rend son développement à l'in-térieur, dès qu'il est parvenu dans la cavité de l'intestin.
FIGURE 0. Entérotome de Dupuytren. L'inconvénient de cet in-strument est de donner lieu, par sa forme et son mode d'action, à une longue fente dans la cloison intestinale, au lieu de borner la section à l'étendue nécessaire pour rétablir le calibre et la continuité du canal intestinal.
FIGURE 7. Réunion, par la suture entortillée, des lèvres de la plaie qui résulte de l'ablation, entre deux incisions semi-elliptiques, de l'orifice fistuleux pour en obtenir la cicatrisation après le ré-tablissement du cours des matières entre les deux bouts du tube in-î.cstinal.
Tome 7
Pl.42 o
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.43.
N.H. Jacob direx.
d'après nature par Leveillé
TOME VIT. PLANCHE 44.
FISTULES A L'ANUS ET TUMEURS HEMORROIDALES.
DEMI-NATU RE.
FIGURE 1. Débridement de l'anus par la section en travers de la membrane muqueuse et des fibres superficielles du sphincter cu-tané.
FIGURE 2. Opération de la fistule a l'anus par incision. Le cas représenté est l'un de ceux où l'orifice interne étant peu pro-fond, l'opération peut être faite seulement sur la sonde cannelée.
a. Main gauche du chirurgien armée de la sonde cannelée qui par-
court le trajet fistuleux et dont le bec recourbé ressort à l'ex-térieur par l'anus.
b. Main droite du chirurgien occupée à inciser le pont charnu
avec Je bistouri droit dont la pointe est guidée par la canne-lure de la sonde.
FIGURE 3. Autre opération par incision. Ce cas est celui où l'orifice rectal de la fistule remonte assez haut, soit de quatre à six centimètres de l'orifice de l'anus, le rectum étant dénudé. Le sujet est couché sur le côté malade.
a. Main d'un aide de face, qui soulève la fesse du côté opposé à la
fistule.
b. Autre main du même aide, qui tient fixement le gorgeret insinué
dans le rectum et dans la cannelure duquel appuie le bec de la sonde cannelée.
c. Main gauche du chirurgien qui tient la sonde cannelée.
d. Main gauche du chirurgien occupée à fendre les chairs avec le bistouri droit dont la pointe glisse dans la cannelure de la sonde.
FIGURE 4. Pansement de l'incision avec une mèche introduite dans la plaie.
FIGURE 5. Ligature de la fistule a l'anus. Le stylet aiguillé, garni du cordonnet de soie, vient d'être dégagé de l'anus; il ne s'a-git plus que de déposer le stylet et de faire la ligature.
FIGURE 6. Excision des tumeurs hemorroidales (procédé de Boyer). Les tumeurs ayant été amenées à l'extérieur par les soins préparatoires, un fil est passé au travers de chacune de ces tumeurs pour les empêcher de rentrer. Au fur et à mesure l'opérateur en saisit une avec la pince et en fait l'excision soit avec le bistouri (Royer) ou avec les ciseaux courbes sur le plat (Dupuytren), comme on l'a re-présenté sur la figure.
instrumens spéciaux de la fistule a l'anus.
1. Ristouri à fistule.
2. Syringotome. C'est une lame tranchante et courbe soudée à un
stylet qui sert à l'introduire.
3. Gorgeret.
Tome 7
Pl.44.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 45 ET 46.
OPÉRATIONS SUR LE RECTUM.
ADULTE, DEMI-NATURE.
PLANCHE 45.
FIGURE 1. Ligature d'un polype du rectum. L'opération est représentée pratiquée à l'aide du spéculum à branches de M. Charrière. Le polype, saisi avec une érigne, fait saillie entre les branches de l'instrument, dont l'écartement et les parois à claire-voie permettent d'agir avec facilité pour porLer la ligature et l'étreindre avec le serre-nœud.
Figure 2. Excisions a la circonférence de l'anus (chute du rectum, procédé de Dupuytren ). Cette opération a pour objet de rétrécir l'orifice par la cicatrice d'un certain nombre de sections périphériques. Sur la figure trois de ces excisions sont pratiquées, on en opère une quatrième avec les ciseaux courbes sur un pli formé par la pince à plat.
Figure 3. Excision circulaire d'un bourrelet de membrane muqueuse rectale ( procédé de M. Ricord). Le bourrelet muqueux est fixé dans deux anses de fil tendues par des aides, l'excision se pratique avec la pince et le bistouri convexe.
Figure 4. Excision de la partie inférieure du rectum (procédé de M. Lisfranc). L'extrémité anale du rectum ayant été isolée et dé-tachée circulairement par deux incisions latérales semi-elliptiques , le doigt indicateur gauche fixe en bas le rectum qui est saisi sur le côté par des érignes confiées à des aides tandis qu'avec des ciseaux courbes à longues branches, tenus de la main droite, le chirurgien excise circulairement l'intestin au-dessus du cancer.
Figures 5 et 6. Spéculums de l'anus et du vagin. La figure 5 est le spéculum à claire-voie de M. Charrière, vu de face A; et de profil ou fermé pour l'introduire B, ou entr'ouvert pour écarter les parois du canal C.
La figure 6 est un autre spéculum très fort qui s'ouvre largement, une fois introduit, par une vis, sur le manche, qui fait basculer la valve inférieure.—D. L'instrument fermé vu de face. —E. Coupe du spéculum vu de profil.
PLANCHE 46.
FIGURE 1. Tamponnement du rectum.
Pour faire comprendre le mécanisme de l'opération, le résultat en est figuré sur le cadavre. La paroi pubienne du bassin étant en-levée ainsi que la vessie, la vue plonge dans la cavité pelvienne. Le rectum est vu en premier plan; sa paroi antérieure est enlevée pour laisser voir l'appareil du tamponnement, dont le dessin montre la section verticale: cet appareil se compose d'une canule métal-lique (a) engagée dans l'intestin par l'orifice de l'anus; à l'extérieur elle se termine par un pavillon (b) percé de trous qui servent à la fixera l'autre extrémité. Elle offre une rainure circulaire (c) qui sert à fixer le linge. La chemise (d) représente un sac (e) ouvert à l'ex-térieur et noué circulairement par un fil dans la rainure (c) de la canule pour faire compression. La chemise étant introduite à vide appliquée sur la canule, on l'emplit par l'extérieur de charpie que l'on fait glisser le long de la canule et que l'on y accumule par pression en tirant au dehors sur les bords de la chemise de manière à former une tête de champignon (f) qui comprime de dedans en dehors et de haut en bas les parois de l'intestin contre celles de la cavité du bassin.
FIGURES 2 et 2 bis. Dilatation du rectum rétréci (procédé de l'auteur).
Soit un rétrécissement situé à 6 ou 8 centimètres de hauteur dans le rectum, l'appareil se compose d'une sonde flexible en gomme élastique (a) terminée par un bec métallique portant deux petites échancrures pour faire glisser autant de fils. A l'intérieur la sonde est soutenue par un mandrin flexible (b) qui en facilite l'introduc-tion. Extérieurement elle est environnée par un disque perforé sur lequel s'attache de la charpie en brins revêtue d'une chemise que l'on dispose dans le volume jugé convenable. lia sonde introduite, deux fils ou cordonnets de soie (c, c), qui parcourent sa lon-gueur et glissent dans les petites échancrures du jeu de la sonde, servent à faire remonter le disque auquel ils se fixent et que deux autres fils (d, d ) servent à ramener en bas à volonté ; le disque, mou et conique, s'insinue par cette manœuvre dans le point rétréci, où, par son séjour, il en produit peu à peu la dilatation. La sonde donne issue aux humidités stercorales.
FIGURE 3. Imperforation du rectum. Sur un enfant naissant où le rectum est interrompu par une cloi-son, le chirurgien pratique l'incision cruciale de cette membrane au travers de l'orifice de l'anus avec un petit spéculum Semblable à celui du nez.
FIGURES 4 et 5. Opération de l'anus artificiel pour absence congé-niale du rectum.
L'opération de la figure 4 est représentée comme l'a pratiquée M. Amussat. sur une petite fille nouvellement née. Une incision longitudinale, coupée en avant par une autre horizontale, a permis de faire une plaie à deux lambeaux qui sont maintenus renversés par les deux mains d'un aide (a,b); une sonde (c) est introduite dans le vagin pour guider l'opérateur : une anse de fil ( d ) sert à amener à l'ex-térieur le cul-de-sac formé par le rectum, que le chirurgien ouvre par une incision cruciale. La figure 5 montre l'opération terminée: la plaie horizontale est fermée par des sutures; et la plaie verticale est trans-formée en orifice de l'anus dans son lieu naturel, la membrane mu-queuse et la peau étant réunies par des points de suture.
Tome 7.
Pl.45.
d'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Lemercier Benard et C.
Tome 7.
Pl.46.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 47 ET 48.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
PLANCHE 47.
OPÉRATIONS CURATIVES DE L'HYDROCÈLE.
Figure 1. Hydrocèle du côté droit, dessiné d'après nature à l'hô-pital du Gros - Caillou (voyez le même cas après l'opération, figure 4).
Figure 2. Opération d'hydrocèle par ponction (côté gauche). La tumeur embrassée par la main gauche du chirurgien, de manière à faire saillir son extrémité inférieure, l'opérateur, avec la main droite, est occupé à pratiquer la ponction avec le trocart, dirigé d'avant en arrière, le pouce et le médius fixant le pavillon contre la tige, tandis que l'indicateur est étendu à un centimètre de la pointe pour l'empêcher de pénétrer trop loin.
Figure 3. Excision de la peau et de la tunique vaginale. Procédé de Dupuytren, modifié de Kinder Wood. Cette opération est ré-servée ppur les cas où, les tégumens étant trop abondans, il est nécessaire d'en enlever une partie. Le temps choisi est celui où le sac séreux ayant été vidé par ponction, et l'incision prolongée ulté-rieurement, l'opérateur excise en masse une portion des enveloppes, la peau et le kyste compris.
Figure 4. Procédé de M. Baudens. Ponction avec la canule de l'auteur (a). Cette canule est perforée au milieu par un orifice latéral. Elle est introduite sur une tige à dard (b) que l'on retire après la ponction, de sorte que l'instrument en entier forme un petit trocart. La canule est laissée à demeure après l'évacuation du liquide , comme on le voit sur la figure, et fait ultérieurement l'office d'un corps étranger. La jigure \ est le cas tel qu'il existait avant l'opération.
Figure 5. Trocart à hydrocèle : (a) armé de sa canule; (b) canule isolée; (c) tige isolée.
FlGURE 6*. Seringue à injection pour Phydrocèle.
PLANCHE 48.
OPÉRATIONS CURATIVES DU SARCOCÈLE.
FigUrE 1. Sarcocèle dessiné d'après nature à l'hôpital du Gros-Caillou dans le service de M. Baudens. A la partie supérieure se voit une ulcération qui forme l'orifice cutané d'une fistule.
Figure 2. Sarcocèle volumineux jugé de nature encéphaloïde dessiné à l'hôpital de la Charité dans le service de M. Velpeau,
Figure 3. Opération de la castration pour un sarcocèle du côté gauche. L'incision des enveloppes étant faite, tandis qu'un aide, avec l'indicateur et le pouce des deux mains (a et b) agissant comme une pince, écarte à l'extérieur les enveloppes testiculaires, le chirurgien, soulevant de sa main gauche et faisant basculer le testicule cancé-reux, est occupé de la main droite à diviser les adhérences de la tunique vaginale pour isoler l'organe avant la section du cordon.
Figure 4. Ligature en masse du cordon dénudé qui sera immé-diatement suivie de la section au-dessous.
Figure 5. Procédé de M. Maunoir. Ligature des artères du cordon comme moyen d'atrophie du sarcocèle commençant.
Tome 7.
Pl.47.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7
Pl.48
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES 49 ET 50.
VARICOCELE ET OPÉRATIONS QUI SE PRATIQUENT
SUR LE PÉNIS.
PLANCHE 49.
Figure 1. Opération du varicocèle (procédé de M. Breschet).
A. Pinces de M. Breschet appliquées sur le trajet des veines vari queuses, pour en déterminer l'oblitération par compression.
Figures 2 et 3. Epispadias dessiné d'après nature (cas communiqué par M. d'Aremberg). Le pénis est bridé en bas par la peau du scro-tum. Le méat urinaire anormal, consistant dans une fente longue d'un centimètre et demi, est au fond de l'angle de réunion; de cet angle à l'orifice du gland, le canal de l'urètre manque.
Figures 4 et 5. Opérations curatives de Vhypospadias, pour le cas où le canal existe en avant jusqu'à la couronne du gland. — Figure 4. Une incision transversale étant faite pour débrider la peau et relever la verge, un trocart introduit par la fistule dans le canal a formé, sous la peau, la portion de trajet qui manque. — Figure 5. Dans un autre temps opératoire, les bords de la fistule étant avivés, les deux plaies longitudinale et transversale sont réunies par la suture entor-tillée , la cicatrice devant se faire sur une sonde passée dans l'urètre.
Figures 6 et 7. Epispadias congenial chez un jeune enfant. La division existe sur toute la face antéro-supérieure du canal depuis le col de la vessie jusqu'au gland, qui forme seul le pénis. Ce cas nous a été communiqué par M. H. Larrey, qui se proposait d'y remédier par une autoplastie.—La figure 6 montre les parties dans leur position normale. Un appendice cutané est le seul vestige du gland. — Sur la figure 7 le gland est renversé entre deux doigts pour montrer la gouttière urétrale.
Figure 8. Amputation de la verge cancéreuse.
PLANCHE 50.
Figure 1. Procédé ordinaire. Section du prépuce sur une sonde cannelée près du frein de la verge.
Figure 2. Procédé de M. Malapert. Deux sections latérales et une postérieure.
Figure 3. Procédé de M. Lisfrane. Excision d'un lambeau dorsal semi-lunaire.
Figure 4. Procédé de M. Lisfrane. Circoncision. L'extrémité du
prépuce étant tirée avec des pinces ordinaires, ou avec les doigts, et saisie en travers, sur le gland, entre les mors d'une pince à anneaux , le bistouri en fait la section d'un seul coup.
Figure 5. Pansement de M. Baudens, avec une simple bandelette trouée pour empêcher le prépuce de revenir sur le gland.
Figure 6. Mode de réunion de M. Hawkins, qui affronte la peau et la muqueuse par cinq points de Suture.
PARAPHIMOSIS,
Figure 7. Procédé de réduction de M. Coster. Figure 8. Procédé de réduction de M. Desruelles.
Figure 9. Debridement du paraphimosis par la section du bour-relet d'étranglement derrière la couronne du gland.
Tome 7
PI. 49.
D'après nature par N. H.Jacob .
Tome 7 .
Pl.50.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VIL PLANCHES M ET 52.
ANATOMIE CHIRURGICALE DES VOIES URINA 1RES
DANS L'HOMME.
ADULTE, GRANDEUR NATURELLE.
Les lettres et les chiffres ont la même valeur dans les deux planches.
PLANCHE 51.
La paroi abdomino-pelvienne a été enlevée sur le plan moyen ; les viscères sont montrés à découvert au profd : le rectum et la vessie sont injectés en plâtre pour les offrir dans leurs rapports et dans leur volume à l'état de distension. Le canal de l'urètre est également injecté, la verge laissée pendante.Pour être certain des courbures de ce canal nous avons eu recours à trois injections, deux avec du plâtre, et une autre avec l'alliage fusible de M. Darcet, qui ont donné les cour-bures et le calibre du canal de lurètre dans ses différens points tels qu'on les voit pl. 51 ; et fig. 2, pl. 52. De l'examen de ces pièces il résulte que l'urètre ne présente que deux courbures principales, lune dans l'état de flaccidité à la racine de la verge; l'autre à la por-tion bulbeuse, dans le prolongement de la ligne moyenne des pubis, où la coudure représente un peu moins d'un angle droit, les deux por-tions membraneuse et prostatique du canal se faisant suite dans une direction à peu près rectiligne. Dans les rapports des courbures on voit qu'à létat normal le pénis n'est séparé du bulbe de l'urètre que par l'épaisseur des sacs testiculaires.
PLANCHE 52.
Dans la figure 1 les organes génito-urinaires sont vus de face, la paroi abdominale étant enlevée. La symphyse pubienne est conservée avec les attaches du pénis: la portion horizontale des pubis est en-levée pour laisser voir l'excavation du bassin. La vessie et le canal de l'urètre sont injectés en plâtre; le pénis, maintenu soulevé, est écarté en dehors pour démasquer la figure.
La figure 2 n'est que la répétition du canal de l'urètre de la plan-che 51 représenté ouvert dans sa longueur sur son diamètre ver-tical.
La figure 3 montre le même canal ouvert en dessus; c'est-à-dire dans son demi-cylindre inférieur, le supérieur étant enlevé.
INDICATION DES SIGNES COMMUNS AUX DEUX PLANCHES.
(a ) Section de la paroi abdominale antérieure. ( b, pl. 51 ) Section de la paroi postérieure.
(c) Symphyse du pubis sur le plan de section, pl. 51 ; et vue
de face, pl. 52. ( d ) Intestin grêle au-dessus de la vessie, (e) S iliaque du colon. A , pl. 51. Intestin rectum.
(f ) Ampoule ou portion terminale du rectum qui forme une courbure à convexité supérieure pour se terminer à l'orifice anal.
B. Vessie.
C. Feuillet péritonéal de l'excavation du bassin.
(g) Feuillet abdominal qui se réfléchit sur la vessie en for-mant de chaque côté un cul-de-sac intestinal (pl. 52).
(h, pl. 51 ) Section du péritoine sur la face latérale de la vessie.
( i, pl. 51 ) Réflexion du péritoine en arrière de la prostate, du bas-fond de la vessie sur le rectum.
(k, pl. 51 ) Péritoine pariétal qui va tapisser les fosses iliaques.
(I, pl. 51 ) Uretère.
(m, pl. 51 ) Canal déférent.
(n, pl. 51 ) Vésicules séminales.
( o, pl. 51 ) Prostate coupée à demi-diamètre sur la ligure 2. (p, pl. 5! ) Muscles constricteurs de l'urètre coupés.
D. Périnée.
(q, pl. 51 ) Sphincter rectal, (r) Sphincter anal. ( s ) Section du releveur de l'anus.
E. Pénis. Sur la planche 51 le trait de peau est conservé au
contour. Sur la planche 52 la peau est enlevée en tota-lité, excepté une portion du prépuce.
(t) Corps caverneux, dont on voit le plan de section sur la planche 51.
( u ) Muscles bulbo-caverneux.
( v) Portion spongieuse de l'urètre.
(x) Portion bulbeuse de l'urètre.
(y) Portion membraneuse de l'urètre.
(z) Portion prostatique de l'urètre.
L'urètre, dans toute sa longueur, est représenté à l'intérieur, à demi-canal, dans les figures 2 et 3, pl. 52.
Tome 7.
Pl.51.
N.H. Jacob direxit
Lith. par Aumont.
Tome 7.
Pl.52.
d'après nature par N.H. Jacob.
TOME Y 11 PLANCHE 55.
MALADIES DE L'URÈTRE, DE LA PROSTATE
ET DE LA VESSIE.
DEMI -NATURE.
Nous avons réuni sur cette planche un certain nombre de cas de maladie de la vessie et de l'urètre qui exigent le secours de la médecine opératoire. Nous devons tous ces faits à l'obligeance de M. Leroy d'Etiolles, qui possède les pièces originales empruntées de sa pratique.
MALADIES DE L'URÈTRE.
El gue e 1. Rétrécissement de la portion bulbeuse de l'urètre. L'étroi-tesse du canal est telle, que, dans une longueur de cinq millimètres, il ne peut recevoir qu'une épingle; au-dessus les portions membra-neuse et prostatique et le col de la vessie se dilatent graduellement en infundibulum.
Figure 2. Rétrécissement de l'urètre dans trois points : (a) au pénis, (b) à la racine du même organe, et (c) aux portions membraneuse et prostatique de l'urètre, où, dans une longueur de deux centimètres et demi, le calibre du canal est à peine de deux millimètres. Sur le même sujet la vessie était malade et renfermait dans son épaisseur un vaste abcès.
Figure 3. Portion de canal de l'urètre accidentelle. Une oblitération de l'urètre s'est formée au tiers antérieur du pénis (a); par suite un trajet fistuleux s'est organisé avec deux embranchemens : l'un plus étroit (b) qui ouvre dans le bout de l'ancien canal (c), et l'autre plus large (d) qui débouche latéralement à la surface de la peau. En ar-rière le canal est un peu rétréci par le développement de la prostate.
Figure 4. Rétrécissement de la portion prostatique par hypertrophie des lobes latéraux de la prostate, principalement le gauche. Au milieu de la portion pénienne du canal de l'urètre existe une fosse oblonguë anormale.
MALADIES DE LA PROSTATE. Figure 5. Destruction de la prostate dont le lieu est transformé en
une poche séparée de la vessie par une cloison. Un pertuis qui la tra-verse donne passage à l'urine.
Figure 6. Oblitération de l'urètre par le développement fongueux des lobes latéraux de la prostate. Une portion en avait été déjà mâchée par l'action des instrumens.
Figure 7. Développement du lobe moyen de la prostate qui, pressé par les lobes latéraux, fait hernie dans la vessie par l'orifice de son col et forme un obstacle au passage de l'urine.
Figure 8. Oblitération du col de la vessie par le développement du lobe médian pathologique de la prostate. On a produit à dessein, par le cathétérisme forcé, une fausse route dans laquelle est un bout dè
sonde.
Figure 9. Cas semblable avec deux fausses routes en Y à la base du lobe pathologique.
Figure 10. Autre cas semblable avec indication de cinq fausses routes.
MALADIES DE LA VESSIE.
Figure 11. Fongus de la vessie avec deux calculs dont l'un est enchatonné.
Figure 12. Vessie à colonnes formant des cavités dans l'une des-quelles est logé un long calcul plat, piriforme. Le calcul est encastré sous une large bande et fait saillie dans la vessie par sa petite extré-mité. Les figures 12a et 12b montrent le calcul par ses deux faces.
Figure 13. Tumeur osseuse saillante dans l'intérieur de la vessie.
Tome 7.
Pl. 53.
H. Jacob direxit.
par Léveillé d'après nature
TOME VII. PLANCHE Si
instrumens des opérations
QUI SU PRATIQUENT DANS 01 PAR LE CANAL DE L'URETRE.
DEMI -GRAN DE UR.
r GATHÉTÉK1SME,
Figures 1, 2, 3, 4, 5, 6,7,8, 9. Sondes d'argent, variées de courbure et de volume, pour le calhétérisme dans l'homme. Les anciennes grandes courbures 1, 2, 2, 3, 4, 8, sont de jour en jour moins usitées ; on leur préfère les cour-bures plus courtes 6,7, mieux appropriées à l'angle que forme la bulbe de l'urètre avec les portions membraneuse et prostatique , et plus particulière-ment celle du cathéter n„ 10.
Par propreté, les sondes les plus modernes sont fermées au bout par un couvercle et un robinet (n° 3, 9.) On y ajoute un curseur pour déterminer, sur chaque sujet, la longueur de l'urètre (n° 9).
Figure 10. Cathéter pour rechercher les calculs dans la vessie, dont la courbure est celle des percuteurs les plus nouveaux ( pl. 61, n°s 29, 30). Sa courbure, qui unit les avantages de la sonde droite à ceux de la sonde courbe ordinaire , est la plus favorable pour le cathélérisme.
Figure 3. Sonde de femme ; 3 b représente l'en-bouttle la sonde d'argent a double courant, de M. J. Cloquel, commun à celte sonde et à celle n° 3.
Figure il. Sondes droites de M. Amussat, dont l'une se termine par un pavillon évasé.
Figure 12. Tube acoustique de MM. Leroy-d'Étiolles et Moreau de Lud-gère. Le bec étant introduit dans une sonde, et le pavillon , en ivoire, appli-qué sur l'oreille, il est facile de reconnaître à la qualité du son l'espèce du choc déterminé par le bec de la sonde dans la vessie, sur un calcul, une co-lonne vésicale, etc.
Figure 13. Sonde conique de Boyer, pour le cathétérisme forcé.
Figure. 14 Sonde à double courant, pour les irrigations de la vessie, par M. J. Cloquet : une cloison intérieure, longitudinale, sépare les deux cou-rans.
2° RÉTBÉCISSEMENS DE L'URÈTRE.
Figures 15, 27 a 28 bis. Explorateurs. — 15. Sonde exploratrice, à prendre des empreintes, de Uucamp. — 27, 28, 28 bis, diverses bougies exploratrices, de M. Leroy-d'Étiolles. — 26. Sonde à chapelet, du même auteur, pour recon-naître le siège d'un rétrécissement.
Figures 16 à 23. Dilatateurs.—16. Sondes, de Ducamp, à vésicule de bau-druche.—17. Dilatateur à quatre branches, de M. Amussat—20. A deux branches, de A. Cooper. — 19, 21. A trois branches (le n" 21, qui est courbe, nous paraît le meilleur et le plus efFicace). — 18. De M. Charrière, d'un usage commode, en ce qu'il se compose d'un fourreau élastique, à trois bran-ches , dans lequel on insinue , suivanl le besoin , des mandrins de diverses di-mensions, dont on augmente le calibre à volonlé.—22. Dilatateur du col de la vessie, de M. Leroy-d'Etiolles, (a) fermé; lb) ouvert. Cet instrument dilate bien, mais il peut blesser par ses pointes. Le n° 23, ou le dilatateur de la pro-state, du môme auteur, calqué sur le lithomètre, et qui écarte par leglissemenl ou le retrait de la branche femelle sur l'autre, parait bien préférable.
Figures 23, 24. Dépresseurs de la prostate hypertrophiée, de M. Lcroy-d'E-liolles. Le n° 24 agit par un pas de vis dans le manche du mandrin. Dans le n" 25, le mandrin formant chaîne articulée, se courbe ou se redresse par une vis d'appel.
Figures 29 à35. Cautérisvteurs. —29,30. De Ducamp. 29. A canule flexible de caoutchouc ; 30. A canule d'argent.— Le nitrate d'argent est logé dans une gouttière latérale. — 3!. De M. Leroy. — 32. De M. Lallemand. Un curseur fixe la profondeur du rétrécissement; le mandrin porte-caustique se termine par un bouton olivaire, pour en faciliter l'introduction. — 33. De M. Leroy-d'Etiolles. Le caustique est porté au sommet de la canule élastique (a) par un mandrin que termine une petite cavité de réception (b) —34. Fenêtre, du même auteur (a), de profil; (b) de face. Comme celui de M. Lallemand, il porte un bouton olivaire, mais au sommet de la canule. Celle-ci est percée de deux trous ou fenêtres par où le mandrin vient offrir le caustique. — 35. De M. Barré. Deux petites branches s'écarlant au sommet de la canule, di-latent au devant du rétrécissement, et donnent issue au mandrin porte-caus-tique. On voit que, dans tous ces inslrumens, soit que la cautérisation ait lieu par le côté ou le sommet, l'objet est le même, de cacher d'abord le caustique, pour ne le dégager que sur le point et au moment de l'action.
Figures 36 a 48. Scarificateurs. La construction et le mécanisme de ces instrumens, sont à-peu-près Jes mêmes. Ils se composent d'une lige ou canule, flexible, en caoutchouc, ou inflexible, en argent, offrant un renflement pour loger la lame scarificatrice. Celle-ci est portée à l'extrémité d'un mandrin, et en poussant le bouton, se dégage de sa gaine pour inciser.—36, 37, 38. Scarifi-cateurs, de M. Leroy-d'Etiolles. — 39. De M. Tanchou. —40. de M. Leroy.
— 41. A deux lames en ailerons, de M. Reybard. — 42, 43. Droit et courbe , de M. Dupierris. Celui ci est singulier en ce qu'il offre une petite lame de lancette qui se meut en demi-cercle. Il fonctionne très bien, mais peut inciser trop profondément. — 44, 45, 46. A plan incliné, de M. Ricord. Ce mécanisme est commode et sur. — 47. Ecopeur, de M. Leroy-d'Étiolles. C'est une gouttière à bords tranchans, destinée à inciser par un mouvement de rotation sur son axe. —48. Scarificateur de la prostate hypertrophiée, de M. Leroy-d'Etiolles, représenté dans deux états ouvert et fermé. Il opère très bien.
3" L1THOTR1TIE URÈTRALE. Figures 49 a 64.
49 (a). Sonde à broyer les petits graviers dans la vessie, par M. Leroy-d'E-tiolles; (b)est un mandrin à fraise, terminé par un ressort flexible, pours'ac-commoder à la courbure de la sonde. — 50. Canule à anse, de M. J. Cloquet.
— 51. Pince de M. Amussat. — 52. Pince de M. Ségalas. — 52. Curette simple à extraire les petits calculs. — 54 , 55, 56. Curette articulée, de M. Bonnet. Elle s'introduit droite et se redresse par une vis de rappel.—57. Pince de M. Civiale. — 58. Pince à trois branches, de M. Leroy. — 59- Au-tre, de M. Amussat. — 60. Litholriteur urètral de M. Dubowisky. Il se com-pose de la curette articulée (n°54), sur laquelle joue une canule; dans celle-ci est un mandrin terminé par une fraise pour écraser le calcul contre le bec redressé de la curette. — 61. Le même, modifié par M. Leroy-d'Etiolles. Il nous parait préférable vu l'application de la pince à trois branches qui écarte les parois de l'urètre et les empêche d'être blessés par le foret. — 62. Pince à triple usage, de M. Civiale, pour les calculs peu éloignés du méat urinaire.— 63, 6». Autres, de M. Leroy-d'Etiolles.
4° LIGATURE DE LA PROSTATE (lobe médian, pathologique).
Figures 65 et 66. Porte-ligatures de M. Leroy-d'Étiolles. — 65. Canule sim-ple faisant office de serre-nœud ; (b) vue de face ; (a) de profil. Cet instrument opère bien, mais la sonde se trouve bouchée par le lobe lié. — 60. Autre porte ligature. Dans celui-ci la sonde fait également serre-nœud; mais le bout qui surmonte cet orifice donne en même temps passage à l'urine; de sorte qu'elle peut être laissée à demeure pendant tout le temps convenable. A, b. Instru-ment au profil ; c. de face.
5"ETAUX POUR FIXER LES LITHOTK1TEUKS DE LA VESSIE.
67, 68, 69 Etaux à main, de MM. Amussat et (69)Ségalas.—70. Grand élan, de M. Leroy-d'Etiolles. Il se fixe par deux vis sur une planche, et par son méca-nisme, s'allonge et s'incline à volonté.—71. Lit de M HciirLeloup, susceptible de se renversera volonté; il porte un scapulaire et deux pantoufles pour fixer le malade, et offre un élan pour le percuteur.
T orne 7
Instruments de la fabrique de M. Charrière.
Pl.54.
N.H. Jacob direxit
Dessiné d'après nature par Edmond Pochet.
TOME VIL PLANCHE 55.
CALCULS ENCHATOMËS DE LA VESSIE ET DE LA PROSTATE.
(GRANDEUR NATURELLE.)
Nous devons à l'obligeance de M. Marx ces figures copiées sur les dessins originaux, et dont les modèles appartenaient à la collection des aquarelles de Dupuytren.
FIGURES i, 2, 3, 4- Vessie hypertrophiée renfermant plusieurs
calculs enchatonnés.
Figure i . La vessie est ouverte par sa face antérieure ; du milieu du bas-fond s'élève une tumeur renfermant plusieurs calculs dont un gros (figure 4)» recouvert par les tissus, et plusieurs petits (a, a) qui font saillie dans l'intérieur de la vessie.
Figure i. Face postérieure de la vessie. Vers son bas-fond se voit une ouverture donnant issue à un gros calcul (figure 4) qui était recouvert par le tissu même de la vessie sur la face interne, et se trouvait en rapport avec la cloison rectale sur la face externe.
Figure 3. Intérieur du kyste renfermant le calcul, dessiné lui-même (figure 4).
FIGURES 5 et 6. Pénis et vessie d'un homme adulte, vus par le plan inférieur.
Le canal de l'urètre est ouvert dans toute sa longueur et les deux moitiés de la prostate déjetées à droite et à gauche. Dans l'épaisseur de la glande se voient plusieurs petits calculs enchatonnés dd, très différens de volume et de configuration , qui sont dessinés à part, figure 6.
Tome 7.
Pl.55.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME Mi. PLANCHES 5 6 ET 56 BIS.
OPERATIONS
OUI SE PRATIQUENT DANS LE CANAL DE L'URÈTRE.
PLANCHE 56.
GATHETERISME.
FIGURES i, 2, 3. Cathétérisme ordinaire avec la sonde courbe en argent (Pl. 54, n° 9 ).
Figure i . (Premier temps. Sonde horizontale.) Introduction du bec de la sonde par l'orifice de l'urètre. Le pénis est fixé de la main gauche (a).
Le prépuce abaissé par le médius et l'annulaire et le frein maintenu en-tre le pouce et l'indicateur, la sonde est tenue de la main droite (b), par son pavillon. Le curseur servira à déterminer la profondeur à laquelle doit pénétrer l'instrument.
Figure 2. [Deuxième temps. Sonde 'verticale.) La main gauche (a), soulevant le pénis par le frein, la sonde est fixée par trois doigts de la main droite (b), l'indicateur appuyé sur l'orifice, ou ici, le couvercle vissé, pour diriger le bec de l'instrument qui doit être arrivé sur le bord antérieur de la prostate (Voyez fig. 4)-
Figure 3. (Troisième temps. Sonde horizontale à revers). La sonde s'est abaissée par un second quart de cercle en avant pour franchir la portion prostatique de l'urètre, guidée dans ce mouvement par la pression de l'in-dicateur qui la fait pénétrer dans la vessie.
FIGURES 4 5 5, 6. Théorie du cathétérisme. Dans ces trois figures dessinées en grandeur réelle, d'après nature, les parties étant disséquées sur le plan de section verticale, nous avons pour objet de démontrer le mé-canisme de l'introduction des sondes et cathéters dans la vessie.
A. Pénis. — B. Cavité de la vessie. — a. Canal de l'urètre où est logé l'instrument. — b. Extrémité antérieure du grand lobe inférieur de la pro-state. C'est, en traversant la portion membraneuse ou sous ce lobe, ou au-dessus du petit lobe supérieur, que se font le plus ordinairement les fausses routes. —c. Portion prostatique de l'urètre, inclinée en haut, vers la vessie et dont l'extrémité antérieure se relève par le mouvement de bascule de la sonde droite (fig. 6). — d. Ligament suspenseur du pénis qui est tiraillé par l'abaissement de la sonde. — e. Muscles pubio-urétraux. Ils se relè-vent vers le pubis par la pression de la sonde droite (fig. 6). — f. g. Les deux lèvres de l'orifice vésico-prostatique dont le supérieur se relève et l'inférieur s'abaisse devant la sonde droite (fig. 6).
Figure 4- Deuxième temps de l'introduction de la sonde courbe (fig. 2).
Figures 5 et 6. Ici, pour faire comprendre l'angle suivant lequel la sonde se meut dans le plan vertical, nous avons pris pour plan de départ à o degré, la ligne verticale de la symphyse pubienne représentant sensi-blement le plan du pénil. Le premier temps d'introduction de la sonde droite, qui amène son bec dans le cul-de-sac pré-prostatique, s'exerce sous un arc de 60 à 80 degrés (ici, 77, fig. 5). C'est en abaissant encore de 2 5 à 3o degrés (ici, 104, fig. 6), que la sonde, basculant sous le pubis, relève l'orifice antérieur de la portion prostatique de l'urètre et pénètre dans la vessie. L'abaissement de la sonde ne peut guère dépasser 1 io° sans tirailler trop frottement le ligament suspenseur (d).
L'angle delà sonde droite avec le canal prostatique (c) est précisément celui de la nouvelle sonde (Pl. 54, fig. 7, 10.) etdela plupart des nouveaux instrumens de lithotritie : aussi est-ce avec ces instrumens que le cathété-risme est le plus facile.
PÍA \ r If i; KA M*
OPERATIONS SPÉCIALES DANS L'URÈTRE.
Pour en faciliter l'intelligence, toutes ces opérations sont représentées cadavériques, au profil, sur le plan de section verticale, excepté la figure 2 qui est vue d'en haut.
Figure i . Dilatation brusque ou forcée avec la grosse sonde conique d'étain (Procédé de M. Mayor).
Figure 2. Dilatation forcée avec le dilatateur anglais. Elle s'opère mé-caniquement par l'écartement de trois branches.
Figure 3. Dilatation graciée avec l'algalie ou la sonde en ivoire flexible.
Figure 4- Empreinte en cire d'un rétrécissement prise avec l'instrument de Ducamp.
Figure 5. Cautérisation par le procédé et avec le porte-caustique de Ducamp.
Figure 6. Cautérisation avec le porte-caustique de M. Lallemand.
Figure 7. Scarification avec le scarificateur de M. Leroy-d'E-tiolles.
Figure 8. Scarification avec le scarificateur de M. Ricord.
Figure 9. Scarification de la prostate avec l'instrument de M. Leroy d'Etiolles (Pl. 54,n° aetb).
Tome 7.
Pl.56.
d'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7 •
Pl. 56. bis.
N.H.Jacob direxit.
D'après nature par Léveillé.
TOME VIL PLANCHES 57 ET 37 BIS.
OPERATIONS DIVERSES
SUR L'URÈTRE, LA PROSTATE ET LA VESSIE.
PLANCHE 57.
PROSTATE.
Figure i. Dépression du lobe médian, pathologique, delà prostate avec le dépresseur articulé de M. Leroy-d'Etiolles.
Figure 2. Dilatation par écartement des lobes supérieur et inférieur de la prostate hypertrophiée, avec le dilatateur de M. Leroy-d'Etiolles.
Ces deux opérations sont représentées au profil, sur le plan de section des parties.
Leur but est de tracer un canal dans l'épaisseur des lobes de la prostate, dont l'accroissement de volume fait disparaître, par l'accollement des pa-rois, la portion prostatique de l'urètre, ou bouche, par le lobe médian, le col de la vessie, et produit ainsi un obstacle invincible au passage de l'urine.
Figure 3. Ligature du lobe pathologique de la prostate (Procédé de M. Leroy-d'Etiolles). L'opération est représentée cadavérique pour laisser voir ce qui se passe dans l'intérieur de la vessie. Le porte-ligature (Pl. 54, n° 66) étant ouvert dans la vessie (a), sa tige est soutenue par la main gauche du chirurgien (b), tandis que les doigts de la main droite (c), passés dans les anneaux, font agir l'instrument pour étreindre le lobe prostatique (d).
Figure 4- Ponction sus-hypogastriquc de la -vessie avec le troeart courbe.
Figure 5. Ponction de la-vessie par le rectum, avec le même instru-ment. Le troeart tenu de la main droite (a) glisse sur l'indicateur gauche (b), introduit dans le rectum.
Figures 6, 7, 8. Ponction de la-vessie par 1 urètre avec la sonde à dard, en trois figures indiquant des trajets différens. Chaque figure montre en dessin réel son trajet propre, les deux autres étant ponctués.
Figure 6. Ponction par le trajet normal (a), au travers de la prostate.
— b. Trajet ponctué au-dessus. — c. Trajet ponctué au-dessous.
Figure 7. Ponction au-dessus de la prostate (b), déprimée par l'incli-naison du pavillon de la sonde en bas. — a. Trajet normal. — c. Trajet au-dessous.
Figure 8. Ponction au-dessous de la prostate (c) soulevée sur la sonde dont le pavillon est beaucoup plus élevé que dans les deux autres figures.
— b. Trajet ponctué au-dessus. — a. Trajet normal.
PLANCHE 57 BIS.
URÈTRE.
Figures 1 et 2. Extraction de calculs de l'urètre. Dans la figure 1 le calcul est broyé par la pince lithotriteur de MM. Dubowisky et Leroy-d'E-tiolles. La figure 2 montre un calcul, dans la portion membraneuse, amené par la curette articulée.
Figures 3 et 4- Extraction à l'aide d'une incision, pratiquée par M. Leroy-d'Etiolles, d'un fort calcul urétral à trois fragmens articulés, (a) Main d'un aide qui soulève les parties génitales; (b, c) doigts d'un aide qui écartent la plaie pour faciliter l'énueléation du calcul. La pince (d), tenue par le chirurgien, extrait le premier fragment. —Figure \. Calcul dans sa position, dessiné sur le plan de section des parties.
Figure 5. Calcul dessiné d'après nature.
Figure 6. Excision des côtés d'une poche uretrale calcúlense.
Figure 7. Opération, par incision, du rétrécissement de l'urètre en avant du bulbe. Un cathéter étant introduit dans le canal, jusque sur l'obs-tacle , a servi de guide pour inciser ; la sonde cannelée a franchi l'obstacle et le bistouri incise dans la cannelure. La cicatrisation ultérieure se fera sur une sonde à demeure.
Tome 7.
Pl.57.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.57 bis.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Rogat.
TOME VII. IMA M.II IS 18, 59 LI Ml.
opérations de la lithotritie vesicals.
ADULTE, DEMI -"N ATURE.
disposition générale commune aux trois figures.
L'opération est représentée cadavérique pour laisser voir ce qui se passe dans l'intérieur de la vessie. Le sujet est couché sur le dos, les cuisses con-venablement écartées ; un oreiller est placé sous le bassin qu'il soulève. La paroi antérieure de l'hypogastre (AA) est enlevée jusqu'à la racine de la verge, les deux pubis (B) sont sciés obliquement depuis le point correspon-dant, au bord du psoas-iliaque, jusqu'auprès de l'arcade pubienne pour dé-masquer la face antérieure de la vessie; ce viscère lui-même (C) est figuré à l'état de réplétion, comme il existe quand il est distendu par une injection, sa forme réelle en ayant été prise sur plusieurs moules en plâtre. La portion supérieure de sa face antérieure est enlevée pour laisser voir ce qui, chez le sujet vivant, se passe au milieu du liquide dans sa cavité.
Autour de la vessie se voit l'enveloppe péritonéale (D) coupée latérale-ment, sur les artères ombilicales, et entre ces vaisseaux, au-dessus de la vessie.
PLANCHE 58.
Figure i . Opération de la lithotritie par la méthode et avec l'appareil de M. Ch'iale {Usure suivant les diamètres ou perforation).
Le calcul étant saisi avec la pince à trois branches, l'opération est représentée au moment où le foret commence à entamer le calcul. Le manche du litholabe (Pl. 61, fig. 5) est fixé par les deux mains (a etb) d'un aide placé à la droite de l'opérateur, qui placé lui-même au côté droit de son malade, de la gauche (c) dirige l'instrument, tandis que de la droite, il fait agir l'archet (d) sur la poulie qui commande le forci.
Figure 2. Recherche du calcul avec la sonde articulée de M. Leroy-d'Etiolles.
Cette manœuvre opératoire est commune à toutes les opérations de litho-tritie.
Figure 3. Calcul qui a subi plusieurs perforations.
PLANCHE 59.
Figure i . Opération de la lithotritie avec le brisepierre de M. Jacobson modifié par M. Charrière (Pl. 6i fig. 20).
Le chirurgien est placé entre les jambes du malade; de la main gau-che (a) il fixe le manche de l'instrument, et de la droite (b) il tourne le pignon qui fait remonter la crémaillère de la branche mobile pour écraser le calcul saisi entre son mors et celui de la branche fixe.
Figure 2. Action de charger le calcul entre les mors du percuteur par le glissement de la branche mâle articulée sur la branche femelle fenêtrée (Voyez Pl. 60, fig. 1 et Pl. 61, fig. 3o).
Figure 3. Action de ramasser soit les petits calculs soit les graviers ou éclats d'un gros calcul cassé par le percuteur à mors denticulés, avec l'autre percuteur à double cuillère (Pl. 61, fig. 29) destiné à les écraser.
Figures 4 à 12. Divers calculs, demi-grandeur, que leur volume rend accessibles à la lithotritie (Ces calculs proviennent de la collection de M. Leroy-d'Etiolles qui a bien voulu nous les confier).
Figure 4- Calcul d'acide urique à surface granuleuse.
Figure 5. Calcul pyriforme de phosphate triple calcaire ammoniaeo-magnésien avec quatre noyaux. Ce calcul qui a été scié est dessiné sur sa tranche et sa cassure.
Figure 6. Calcul d'oxalate de chaux et phosphate triple représenté sur son plan de section et sa cassure.
Figure y. Moitié d'un calcul dessinée sur son plan de section. Il ne se composait primitivement que du noyau central d'oxalate de chaux qui existait depuis dix-huit ans; l'épaisse couche extérieure de phosphate cal-caire s'est agglomérée en huit mois.
Figure 8. Petit calcul moriforme d'oxalate de chaux.
Figui-es g et g bis. Calculs de phosphate double ammoniaco-magnésien. Deux de ces calculs semblables existaient dans une même vessie. Ils sont creux à l'intérieur comme des géodes ; dans la chambre intérieure, l'un ne présentait qu'une sorte de mucus épaissi avec de petites aiguilles d'une sub-stance ligneuse ou herbacée (fig. 9), l'autre avait un noyau central entouré par un mucus concret (fig. g bis).
Figure 10. Calcul d'urate d'ammoniaque.
Figure 11. Petit calcul d'acide urique.
Figures 12 et 12 bis. Calcul mêlé de silice avec le fragment d'un sem-blable qui appartenait à la même vessie. Ce calcul, d'une extrême dureté, avait été brisé par le percuteur denticulé.
PLANCHE 60.
Figure i. Opération de la lithotritie avec le percuteur perfectionne (Pl. 61, fig. 36).
Le calcul étant saisi entre les mors de l'instrument, le moment choisi de l'opération est celui où l'on fait éclater ce calcul par la percussion. La tenue de l'instrument, pour éviter l'emploi des étaux, a été posée par M. Leroy-d'Etiolles, telle qu'il la pratique. De sa main gauche (a) l'opérateur saisit l'instrument le pouce appliqué sur la petite plaque de la tige à crémaillère pour contenir la branche mâle et empêcher que le calcul n'échappe. Cette main est fixée comme il est vu sur la figure par les deux d'un aide (b, ç) pour résister au choc. La main droite de l'opérateur (d) tient le marteau pour frapper.
Figure 2. Autre manière du même chirurgien pour fixer le percuteur. Le pouce et l'indicateur de la main gauche fixant le talon de l'instrument, la main droite qui tient le pignon résiste au choc du marteau, en même temps qu'elle tourne la crémaillère pour faire avancer la branche mâle à mesure qu'elle entame le calcul. Un aide frappe avec le marteau (e).
Tome 7.
Pl.58.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Léveillé
Torne 7
Pl.59.
D'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Lemercier, Benard et C°.
Tome 7.
Pl.60.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHE 61.
INSTRUMENS DE LA LITHOTRITIE VÉSICALE.
DEMI -GRANDEUR.
Nous avons groupé dans cette planche tous ceux des instruinens de lithotritie vésicale qui ont quelque importance par leur mode d'action, de manière à offrir, par l'appareil instrumental, un résumé chronologique le l'histoire de celte branche nouvelle et si importante de la médecine opératoire. Le défaut d'espace nous a empêchés de pouvoir réunir avec les instruinens les étaux qui servent à les fixer.
I MstItUM15pjs QUI AGISSENT PAR USURE PROGRESSIVE SUIVIE DÉCLATEMENT.
1° Usure excentrique ou perforation.
1. Perforateur à sonde droite de Gruithuisen, premier inventeur
des instrumens lithotriteurs. La tige centrale est mue par un archet qui joue sur une poulie (a). Une autre tige portait une fraise ( b) pour évider.
2. Lithoprione de M. Leroy d'Étiolles ( 1822).
3. Pince de F. de Hilden, qui, avec le tire-balle d'Alphonse Ferri,
a fourni à M. Leroy d'Étiolles la première idée de la pince à trois branches.
4. Pince à trois branches de M. Leroy d'Étiolés ( 1823). Dans une
grosse canule extérieure (a) glisse une seconde canule, qui se termine par trois branches (b)qui saisissent le calcul. Dans la seconde canule glisse une tige mue au dehors par un archet sur une poulie (c). L'extrémité vésicale porte un foret à ai-lerons pour Yévidement.
—4 bis. Foret à développement (évideur) de M. Heurteloup.
5. Lithotriteur complet de M. Civiale, avec sa fraise, ses boîtes à
cuir, et son étau; employé pour la première fois sur le vivant en 1824.
6. Archet qui met en jeu tous les instrumens du même genre.
7. Pince à sept branches de M. Meyrieux, avec le foret à dévelop-
pement de M. Pecchioli.
8. Pince-forceps de M. Heurteloup, à quatre canules ou tiges
contenues les unes dans les autres : l°(a) la canule extérieure; 2°(b) quatre fortes branches mobiles chacune par une cou-lisse; 3°(c)une deuxième canule; 4° une petite pince-ser-vante, que l'on remplace par la tige qui porte le foret à développement (4 bis).
9. Pince à sept branches de M. Amussat, avec un manche, les
annexes pour la rotation, le foret à développement, et le poucier de M. Leroy d'Étiolles.
10. Perforateur à mouvement de rotation de M. Pravaz, supporté
par un étau à main de M. Ségalas.
2° Usure concentrique ou périphérique.
11. Brise-coque de M. Pravaz. Le calcul saisi entre les mors est limé
par ces deux mors dentelés par un mouvement de va-et-vient que l'on imprime avec le manche articulé.
12. Même instrument de M. Charrière. Une seule tige est mobile
par le jeu d'un levier à bascule.
13. Instrument de M. Colombat, qui agit de la même manière que
celui de M. Pravaz. Les deux mors sont réunis en travers par deux petites branches articulées.
14. Pince-scie de M. Weiss. Entre les deux mors est une petite scie
propre à diviser le calcul et qui est mise en jeu, à l'autre extrémité, par un levier à bascule. Ces divers instrumens sont peu sûrs. Ils n'usent que très lente-ment le calcul et le laissent fréquemment échapper.
INSTRUMENS QUI PRODUISENT L'ÉCRASEMENT SIMPLE PAR PRESSION GRADUELLE ET CONTINUE.
15. Brise-coque de M. Amussat (1827). Il agit par un mouvement
de va-et-vient des mors, et par pression en les rentrant dans la canule. Cet instrument est le second du même auteur. 10). Brise-pierre articulé de M. Jacobson ( 1829). Une branche brisée, mobile, mue par un écrou ailé, produit l'écrasement en se rapprochant delà branche fixe par un mouvement continu.
17. Le même modifié par M. Amussat. Deux branches latérales
articulées.
18. Le même avec un petit râteau mobile pour nettoyer, par M. Le-
roy d'Étiolles.
19. Le même à double branche articulée, de M. Charrière.
20. Le même perfectionné, le mouvement commandé par une
charnière et un pignon.
INSTRUMENS D'ÉCRASEMENT OU D'ÉCLATEMENT PAR PRESSION SIMPLE OU GRADUELLE OU PAR PERCUSSION.
21. Premier percuteur inventé par M. Heurteloup.
Cet instrument, modèle de tous ceux qui suivent, se compose d'une branche femelle (a) creusée d'une gouttière longitudinale dans laquelle glisse la branche mâle (b), sorte de mandrin rectan-gulaire. Ces branches se terminent par deux mors courbes offrant des dents alternes qui se reçoivent de l'une à l'autre. Le jeu lon-gitudinal d'une branche sur l'autre détermine l'écartement des mors, entre lesquels est saisi le calcul. Un talon carré sur la branche femelle (c) est destiné à fixer l'instrument, tandis qu'un marteau frappe sur l'extrémité (d) de la branche mâle.
22. Marteau pour la percussion. La tige en est évidée pour être
rendue élastique (Charrière).
Depuis le premier inventeur, les instrumens de pression et percussion ont subi de nombreuses modifications dont les unes ont porté sur le mode d'action et l'intensité de la force comprimante et les autres sur la forme des mors. Les derniers instrumens offrent l'assemblage de ces diverses combinaisons.
Pression graduelle par une vis et une poignée.
23. Gouttière de M. Touzay (1832). — 24. Compresseur de sir
Henry (1832). Le mors femelle (24 bis) est une gouttière simple percée de trois trous pour le dégagement de la boue calculeuse.— 25. Instrument semblable de Clot-Bey.
26. Quadruple poignée de M. Bancal, que l'on saisit à pleine main.
La force agissante est ici brusque, irrégulière et souvent in-suffisante.
27. Percuteur avec un râteau de M. Leroy d'Étiolles pour nettoyer
le magma calcaire. Les mors sont à dents sinueuses pour les calculs mous.
Les quatre derniers instrumens, les plus nouveaux, réunissent toutes les conditions imaginées pour graduer la pression et faire écraser ou éclater le calcul.
28. Percuteur de M. Charrière. La branche mâle est mue par une
vis (a) (Touzay) et fixée par l'écrou brisé (b) de M. Leroy d'Étiolles. Son mors est à double rang de dents alternes et reçues dans le mors de la branche femelle fenêtre à son extrémité (Charrière) pour permettre au calcul de s'y engager.
29. Percuteur h trois genres de pression. 1° A l'extrémité une
plaque (a) pour appuyer avec la paume de la main. 2" A un degré plus fort une crémaillère (b) mue par un pignon dans une douille horizontale (Charrière). 3° Enfin, si cette pression est encore insuffisante, le marteau vient frapper sur l'extré-mité (c). Les mors (d, d) forment deux gouttières opposées, destinées à écraser les petits calculs et à ramasser les gra-viers. — 29 bis. Gouttières fermées.
30. Percuteur avec douille verticale (Leroy d'Étiolles) pour que le
pignon ne soit pas arrêté par les cuisses. Les mors sont les mêmes que dans la figure 28. — 30 bis. Ces mors vus de face.
31. Le même percuteur dont M. Leroy d'Étiolles a modifié la
plaque (a) pour l'engager dans sa gouttière, et qu'il a nommé compresseur-percuteur. Dans une gouttière (b) est reçue une vis (c) fixée par un écrou (d) qui vient au-devant de l'instru-ment simple. Dans cette vis creuse en est renfermée une autre commandant un échappement qui frappe comme un marteau en tournant un écrou ailé (e). En résumé, dans la lithotritie perfectionnée il n'y a plus d'indis-pensables que les brise-pierres et parmi eux trois instrumens : le brise-pierre de Jacobson (n 20) et les deux percuteurs à mors den-telé et fenêtre (n" 28 et 30) et à double cuiller ( n" 29).
Tome 7.
Instrumens de M. Charrière.
Pl.61.
N.H. Jacob direxit
d'après nature par Edmond Pochet.
TOME VII. PLANCHES 6 2, 6 3 ET 64.
opérations de la lithotomie.
PLANCHE 62.
TAILLE LATÉRALISÉE.
Figure 1. (Demi-nalure). Incision, extérieure. Un aide ticnl d'une main (a) le cathéter el de l'autre, soulève le scrotum (b). La première incision étant pra-tiquée, le chirurgien reconnaît, avec l'indicateur de la main gauche (c), le bord de la cannelure du cathéter pour y plonger la pointe du bistouri, tenu de la main droite (d).
Figure 2. (Demi-nature.) Section de la prostate avec le lithotome simple.
Figure 3. (Grandeur naturelle.) Section de la prostate. Représentée cadavé-rique sur le profd des parties disséquées.
A. Plan de section de la symphyse du pubis.
B. Pénis relevé. La racine du corps caverneux du côté gauche est coupée.
C. Intestin rectum. Autour de son extrémité anale le transverse, les sphinc-ters el le releveur de l'anus , sont interrompus dans un espace correspondant à la hauteur verticale de la plaie. Dans leur intervalle se voit le lithotome sur la face opposée de la section.
D. Glande prostate, incisée obliquement à gauche, par le lithotome.
E. E. Vessie figurée dans son volume à l'état de réplélion. La paroi latérale gauche est enlevée pour laisser voir dans sa cavité où il existe un calcul sur le bas-fond.
F. Lithotome figuré dans le moment où, le retirant ouvert, il incise la vessie.
Figure 4. (Grandeur naturelle.) La même section de. la prostate vue de face. La portion des deux sphincters et du releveur de l'anus, antérieure à l'orifice anal, est enlevée pour laisser voir à nu la prostate.
A. Bulbe de l'urèlhre.—B. Orifice de l'anus.—C. Vaisseaux honteux internes. — D Section latérale gauche de la prostate avec le lithotome, oblique de haut en bas et de dedans en dehors.
PLANCHE 65.
TAILLES DIVERSES.
Figure 1. (Demi-nature.) Extraction du calcul avec les tenettes dans la taille latéralisée (Suile de la planche 62).
a. Main de l'aide qui soulève le scrotum.
b, c. Mains du chirurgien qui tiennent les tenettes. Le pouce et l'annulaire de la main droite sont passés dans les anneaux. La main gauche fixe les bran-ches de l'instrument avec les trois derniers doigts, tandis que le pouce et l'in-dicateur refoulant les bords de la plaie, en même temps qu'ils pressent sur l'origine des mors, fixent le calcul et en facilitent la sortie.
TAILLE QUADRILATÉRALE.
Figure 2. (Grandeur naturelle.) L'opération est représentée cadavérique sur les parties disséquées. La portion antérieure des deux sphincters et du rele-veur de l'anus est enlevée, pour montrer à nu la prostate.
A. Bulbe de l'urèlhre.—B. Orifice de l'anus.—C. Vaisseaux honteux internes.
D. Grande incision bilatérale de Dupuytren qui précède les deux autres.
Elle est figurée en une seule courbe, telle que la pratique le lilhotome double de ce chirurgien. On voit que faile un peu plus haut ou (tendue un peu plus en dehors, elle blesse les vaisseaux et sort de la prostate.
E. Petites incisions supérieures pratiquées avec le bistouri boulonné (M. Vi-dal de Cassis).
TAILLE MÉDIANE.
Figure 3. (Grandeur naturelle.) Celle figure représente, sur le profil des parties disséquées , l'incision du segment supérieur delà prostate el du col de la vessie par laquelle Dupuytren terminait la taille médiane. Le dessin est le même que dans la figure 3 de la planche 62, excepté que le sphincter el le re-leveur de l'anus ne sont pas interrompus dans leur continuité sur le plan vertical.
A. Plan de section delà symphyse pubienne.—B. Pénis relevé. — C. Rectum. — D. Prostate. - E, E. Vessie. — F. Lilhotome simple, dont le tranchant, tourné en haut, incise le segment supérieur de la prostate et le col de la
vessie.
PLANCHE 64.
TAILLE BILATÉRALE.
Figure 1. (Demi-nature.) incision extérieure. Un aide tient d'une main (a) le cathéter bien vertical, et de l'autre (b) soulève le scrotum. L'incision des chairs, qui forme un arc d'environ 100°, étant terminée, le doigt indicateur de la main gauche (c) reconnaît le cathéter sur lequel va inciser l'instrument tranchant, tenu de la main droite (d).
Figure 2. (Grandeur naturelle.) Section de la prostate avec le lithotome double, représentée , sur les parties disséquées , la portion antérieure du sphincter anal el du releveur de l'anus étant enlevée.
Le lithotome n'est pas toul-à-fail celui de Dupuytren. L'autre formait par l'écartement des lames, une incision analogue à celle des chairs (V. Pl. 63 , fig. 2). Dans celui-ci, l'inclinaison des lames est telle qu'elles décrivent par leur écartement un angle curviligne. En sorte, que les incisions formant, en quelque sorte, deux tailles latéralisées, viennent tomber, de chaque côlé, à dis-tance moyenne du rectum et des vaisseaux honteux internes, sans courir le risque de les blesser.
A. Bulbe de l'urèlhre. — B. Orifice de l'anus. — C. Vaisseaux honteux in-ternes. — D. Section de la prostate. — a. Main droite du chirurgien qui fait agir le lithotome.
Figure 3. (Grandeur naturelle.) Celte figure représente la vessie par son plan postérieur, dans sa forme et dans son volume, à l'étal de réplélion. L'or-gane est ouvert en arrière. On a ponctué , sur la face opposée , la délinéation du pubis et de la prostate. Le but delà figure étant de montrer, d'un seul coup, le lieu, l'étendue el les rapports des diverses incisions par lesquelles on pénètre dans la vessie , tous les détails sont représentés en plan geometral, c'est-à-dire dans leur grandeur réelle et abstraction faite de la perspective générale de la vessie. Un calcul est couché dans le bas-fond.
A, A. Contour supérieur de la vessie.
B. Plan de seclion de l'extrémité anale du rectum, vue d'arrière en avant.
C. Symphyse cartilagineuse des pubis.
D. Voûte des pubis.
E. Branche descendante des pubis.
F. F. Limites de la prostate. En hauteur, quaranle-cinq millimètres (20 li-gnes); en largeur, quarante millimètres (18 lignes) Nous discuterons dans le texte, ces dimensions de la prostate, sur lesquelles sonl fondées la longueur el la direction des incisions.
G. G. Pli de réflexion du péritoine sur la face antéro-supérieure. Le trajet en est ponctué sur la vessie, entre les deux points G, G.
a. el a a. Grande incision bilatérale, opérée par le lilhotome double modifié, en action dans la plaie. Elle donne , à partir du centre du canal, deux centi-mètres de chaque côté; en tout, quatre centimètres en ligne droite et par les courbes qu'elle décrit, quarante-cinq millimètres (20 lignes). On voit que si elle formait la courbe régulière de celle de Dupuytren, elle sortirait de chaque côté de la prostate. L'incision (a) du côté gauche, sauf sa légère courbure, re-présente celle de la taille latéralisée, vingl-et-un millimètres (neuf lignes . Seulement celle dernière étant plus oblique en bas, peut être prolongée un peu plus loin sans sortir de la prostate.
b. b. Petites incisions qui complètent la taille quadrilatérale (huit niillim. ou 4 lig.).
c. Incision prostatique de la taille recto-vésieale, vingt-cinq millimètres ou onze lignes sans le diamètre du canal.
d. Incision sous-pubienne qui, pour produire un passage , entame nécessai-rement la vessie entre la prostate et le pubis, dix-huit millimètres ou huit lignes sans le diamètre du canal.
e. Incision de la taillehypogastrique. Comme elle s'eil'ectue derrière le pubis dans le vaste espace situé entre les ligamen s antérieurs delà vessie et le repli du péritoine, et qu'elle s'opère en partie par déchirure, les dimensions el la direction , figurées ici dans le plan vertical, sonl variables presque pour cha-que cas et déterminées par le volume du calcul.
Tome 7.
Pl.62.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.63.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Leveillé
Tome 7.
Pl.64.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHES 65, 66 ET 6 7.
operations di la lithotomie.
PLANCHE 65.
TAILLE RECTO-VÉSICALE (Procédé de MM. Vacca-Berlinghieri et L. Sanson).
Figure i . (Demi-nature.) Incision extérieure. Le cathéter est tenu bien verticalement par une main (a) d'un aide, dont l'autre main (b) soulève le scrotum. Le chirurgien qui a pratiqué d'abord, de bas en haut, ou d'arrière en avant, l'incision cutanée qui intéresse l'angle antérieur de l'orifice anal, plonge, d'avant en arrière, dans la cannelure du cathéter, le bistouri tenu de la main droite (c).
Figure 2. (Grandeur naturelle.) Vue perpendiculaire de la section de la prostate, représentée cadavérique sur les parties disséquées.
A. Bulbe de l'urèthre.—B. Orifice de l'anus. Sur les côtés sont renversées les lèvres de l'incision extérieure qui intéresse le rectum à une profondeur de dix-huit millimètres (8 lignes). — C. Vaisseaux honteux internes. — D. Incision verticale de la prostate. Dans la plaie se voit le fond de la cour-bure du cathéter (d), qui dirige le bistouri avec lequel le chirurgien, de la main droite (e), termine l'incision.
Figure 3. (Grandeur naturelle.) Incision de lu prostate vue sur le profil des parties disséquées.
A. Plan de section de la symphyse pubienne. — B. Pénis relevé. — C In-testin rectum. L'angle antérieur de l'orifice de l'anus fait partie de l'incision extérieure. Le sphincter rectal et le releveur de l'anus sont interrompus dans l'étendue de la plaie, dont le fond est formé par les muscles du côté opposé. — D. Prostate. — E, E. Vessie dont la paroi latérale est enlevée pour laisser voir dans sa cavité. — F. Bistouri qui termine la section de la prostate. Il est représenté dans la cannelure du cathéter G, qui appuie sur le dos de l'in-strument tranchant et descend avec lui à mesure qu'il entame plus profondé-ment la prostate. La situation primitive du cathéter est ponctuée suivant le trajet, avant l'incision (g). Le fragment du cathéter réel G, indique la situa-tion du canal en redescendant le pénis pour suivre la section du bistouri.
Figure 4- (Grandeur naturelle.) Vue perpendiculaire de la plaie, au mo-ment où l'on vient de retirer le bistouri, et avant d'avoir enlevé le cathéter.
A. Section de l'orifice de l'anus. — B. Section de la prostate incomplète en bas. — C. Cathéter encore à demeure clans le canal.
PLANCHE 66.
TAILLE HYPOGASTRIQUE (Demi-nature).
Figure 1. L'incision sus-pubienne de la ligne blanche étant pratiquée , puis la vessie incisée , le chirurgien qui soutient, avec l'indicateur gauche (a), l'angle supérieur de la plaie vésicale, et en fait écarter le bord gauche avec un crochet élévateur (b) par un aide, amène du bas-fond de la vessie le calcul avec la curette tenue de la main droite (c).
Figure 2. La curette (c) qui empêche le calcul de retomber, étant confiée à un aide, le chirurgien, de ses deux mains (a et b), est occupé à extraire le calcul avec la tenette à mors courbes.
Figure 3. Ponction de la vessie, vue sur le profil des parties disséquées.
A. Plan de section de la symphyse pubienne. — B. Plan de section de la plaie abdominale. — C. Pli de réflexion du péritoine de la paroi abdominale sur la face antéro-supérieure de la vessie. — D. Vessie à l'état de demi-réplétion par une injection aqueuse. — E. Doigt indicateur du chirurgien qui a dénudé la vessie en ayant et sert de guide au bistouri pour la ponction. — F. Bistouri tenu verticalement pour opérer la ponction.
Figure 4- Incision (Fune poche calcúleme pour l'extraction d'un calcul enchatonné. On a figuré ici l'opération comme pour le cas dessiné plan-che 54, fig. 12. La vue est représentée cadavérique, la paroi abdominale qui revêt la vessie, et la paroi supérieure de cet organe étant enlevées pour laisser voir dans la cavité jusqu'au bas-fond.
A. Section du pénil. — B. Symphyse du pubis. — C, C. Section de la paroi abdominale et de celle de la vessie. — D. Cavité de la vessie. — E. Kyste incomplet qui renferme le calcul. — F. Sonde cannelée glissée par une piqûre faite sur le calcul. — G. Bistouri, étroit et long, qui incise, dans la cannelure de la soude, la paroi de revêtement du kyste.
Figure 5. Ponction de la vessie avec la sonde h dard. Le but de cette figure est de montrer combien les conditions sont restreintes pour pratiquer avec succès cette manœuvre, c'est-à-dire, pour que le dard passe de lui-même entre le pubis et le pli de réflexion du péritoine. La vessie a été préalable-ment distendue par une injection d'eau, précaution qui double la hauteur de la portion de paroi que l'on doit perforer.
A. Sonde introduite à angle de 13o degrés, avec le plan du pénil. Si l'angle est plus ouvert, le ligament suspenseur du pénil est trop tiraillé. L'extré-mité olivaire de la sonde pénétrant jusqu'à la courbe antéro-supérieure de la vessie, le dard sort de lui-même au-dessus du pubis.
B. Trajet ponctué de la sonde, introduite trop profondément sous un angle moins ouvert.On voit que le dard, avant de sortir parla paroi abdomi-nale, traverse le repli peritoneal et une anse d'intestin, s'il y en a en ce point.
C. Trajet de la sonde introduite le pénis étant plus relevé. Le bec olivaire de la sonde étant plus abaissé dans la vessie, le dard fourvoyé dans la cavité abdominale ne ressort même pas au dehors.
Figure 6. Incision de la paroi abdominale, avec les instrumens de M. Leroy d'Etiolles.
PLANCHE 67.
LTTHOTOMIE CHEZ LA FEMME.
FIGURES 1 ET 2. TAILLE URÉTHRALE.
Figure i . A. Main d'un aide qui relève le pénil, par la pression, à plat, de son bord cubital, en remontant sur les pubis.
B. Main gauche du chirurgien qui déprime le cathéter introduit dans l'urèthre, sa convexité en haut, pour augmenter le diamètre vertical de l'espace sous-clitoridien.
C. Incision verticale sous-pubienne, pratiquée par la main droite du chirurgien.
Figure 2. Extraction du calcul avec les tenettes.
FIGURE 3. TAILLE VESTIBULAIRE.
a, b. Doigts des deux mains d'un aide, qui écartent les lèvres de la vulve.
c. Main gauche du chirurgien, année du cathéter, qui déprime légère-ment l'urèthre vers le vagin.
d. Section transversale, en arc, de l'espace vestibulaire, opérée parla main droite du chirurgien.
Tome 7.
Pl.65.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.66.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.67.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHE G8.
instrumens de la lithotomie.
DEMI-GRANDEUR.
i" CATHÉTERS.
i et a. Cathéters de Dupuytren , à large cannelure et de coudure Tariable.
i. Cathéter peu coudé, vu de profil; ibis, le même vu de face par sa face convexe ; i bis, extrémité du même vue par sa surface convexe ou sa cannelure. — 2. Cathéter plus coudé.
3. Cathéter pour les en fans.
4. Cathéter d'Adams.
5. Cathéter de Guérin, de Bordeaux, a. Anneau de préhension, b. Bran-che qui forme le cathéter, dont la portion vésicale (c) est cannelée. — d. branche qui supporte un étau (e), dans lequel glisse horizontalement, un trocart cannelé (f), qui traverse le périnée et vient tomber dans la cannelure.
6. Cathéter de Savigny. La branche (a) ou le cathéter proprement dit, étant introduite dans la vessie, la branche extérieure (b) articulée avec la première, et qui s'abaisse sur elle dans le même plan, sert de guide à l'in-strument tranchant par sa cannelure, pour tomber dans celle du cathéter ou de la branche uréthro-vésicale.
a" INSTRUMENS DE SECTION DES CHAIRS;
couteaux, scalpels ou bistouris, improprement nommes i.ithoto m es.
7,8. Lithotomes à double tranchant, en forme de lancette, employés par Laurent et Philippe Colot. 9. Lithotome de Cheselden. 1 o. Lithotome de Pouteau.
11. Lithotome de Lecat.
12. Trocart cannelé de Foubert, pour la ponction du périnée.
13. Lithotome de Foubert.
14. Couteau de Guérin, de Bordeaux, pour l'incision extérieure.
15 et 15 bis. Lithotome, ou bistouri caché, de M. Guérin, de Bordeaux. 15. vue de face ; 15 bis, vu de profil. La lame (a) étant recouverte à l'état de repos par une joue latérale (b), s'en dégage, pour armer le bistouri, par le glissement vertical d'une moitié du manche (c) sur l'autre moitié (d).
Ces divers instrumens (5, 14, i5et33) qui nous ont été envoyés de Bor-deaux , par M. Levieux, ont été fabriqués par Guérin lui-même.
16. Bistouri-scalpel le plus moderne, pour l'incision extérieure, imité par M. Charrière, de celui de Cheselden (9). Pour ce premier temps de l'opération , on emploie plus fréquemment un simple bistouri droit à lame courte et fixée sur son manche.
17. Lithotome-gorgeret à bascule, de M. Adams, imité du bistouri caché de Bienaise.
18 et 18 bis. Lithotome du frèreCôme, pour la taille latéralisée (Pl. 63). Cet instrument a servi de modèle à ceux que l'on emploie aujourd'hui. Il est formé de deux pièces principales : i° la tige de réception (a) dans laquelle s'en gaine la lame au repos et portée par un manche (b) ; 20 la lame (c), ter-minée en bas par une branche courbe (d) et articulée au milieu (e) avec la tige de réception ; de sorte que l'instrument, dans son entier, représente la lettre K. La pression de la main sur la branche courbe (d), qui l'applique contre le manche (b), fait sortir la lame (c) de sa gaîne (a). En outre, le manche lui-même, taillé à six faces inégales, s'articule avec la tige de ré-ception en f, de manière à pouvoir tourner sur son axe, et il est fixé par un ressort ou arrêt (g), qui retombe dans une engrenure. — 18 bis. Plan du manche. On voit qu'il est taillé à six pans inégaux , 1, 2, 3, 4, 5, 6, inéga-lement distans du centre de la tige A et donnant lieu à des degrés différens d'ouverture de la lame. Sur la ligure, l'instrument est ouvert au 11" 6.
19. Lithotome simplifié de M. Charrière. Le manche est fixe. Le degré d'ouverture de la lame est déterminé par le parcours dans une cannelure graduée (a, a) d'un bouton curseur (b), dont le talon appuie sur la tige.
20. Le même lithotome, de moindre dimension, pour les enfans.
21 et 11 bis. Lithotome double de Dupuytren, modifié par M. Charrière (Taille bilatérale, Pl. 65). Le mécanisme de cet instrument diffère peu du précédent. Du reste M. Charrière l'a varié de plusieurs manières. La modi-fication essentielle consiste, dans le trajet des lames en un angle curviligne (Voy. Pl. 65, fig. 2). — 18 bis. Ecartement des lames, vu de face.
3° GORGERETS.
22. Gorgeret-lithotome de Bromfield, pour élargir la voie. C'est, comme son nom l'indique, un gorgeret servant de conducteur à une lame oblique, fixée sur un manche, par le glissement d'une arête dans une coulisse de réception.
23 à 29. Divers gorgerets.—23, 24. Dilatateurs pour le grand appareil. — 25, 26. Gorgerets lisses ordinaires; 27. Gorgeret boutonné de Desault ; 28. Le même deM. Roux; 29. Gorgeret suspenseur de M. Belmas, pour le haut appareil.
4 TENETTES.
30. Tenettes droites de M. Charrière, dont les branches se désarticulent.
31. Tenettes courbes du même. L'écartement des mors s'opère sans augmente" beaucoup celui des branches qui se recouvrent, et glissent l'une sur l'autre pour s'ouvrir.
32. Autres tenettes dont la courbure est moins prononcée.
33. Tenettes-dilatateurs de Guérin, de Bordeaux. Cet instrument se com-pose d'une paire de tenettes ordinaires (a) flanquées de deux branches (b, b), articulées avec les mors. L'instrument, introduit fermé, ne forme qu'une tige. Quand les tenettes s'ouvrent dans la vessie, un aide écarte les bran-ches pour dilater la plaie.
34. Canule en argent, que l'on environne d'une chemise , pour le tam-ponnement, dans les hémorrhagies après les tailles périnéales.
5° DIVERS INSTRUMENS POUR LA TAILLE HYPOGASTRIQUE.
35. 36. Curettes; l'une à manche; l'autre offrant une cannelure con-ductrice.
37,38. Sondes à dard. — 37. Sonde du frère Côme. La pression sur le bouton (a) du stylet (b), dégage la pointe (c) qui traverse la paroi delà vessie, que soutient le bouton olivaire (d). La saillie de ce bouton fait courber le stylet vers le pubis. — 38. Autre sonde de M. Leroy-d'Étiolles.
39. Trocart-lithotome du frère Côme, agissant de dehors en dedans, par dessus le pubis. C'est à la fois un trocart et un bistouri caché. Après la ponction, opérée à la profondeur voulue, le chirurgien fixant, d'une main la tige (a) contre le pubis ; de l'autre main, tire sur le levier (b), et dégage la lame (c) destinée à la section de la paroi abdominale, pour former la plaie extérieure. Ce mécanisme n'offre pas assez de sécurité contre la lésion du péritoine.
40. Bistouri cystitome de M. Belmas, modifié par M. Leroy-d'Etiolles , qui l'emploie pour la section de la paroi abdominale. Une ponction est faite, par ce dernier, avec un instrument en bec de plume(41 et 4i bis), offrant un talon d'arrêt qui porte sur le pubis. Dans une cannelure de la lame est reçu le petit bistouri n° 4°-
42, 43, 44- Crochets suspenseurs. — 42. Du frère Côme. — 43, 44- Dé M. Leroy-d'Etiolles.
Tome 7.
Instruments de la fabrique de M. Charrière.
Pl.68.
N.H. Jacob direxit
d'après nature par Edmond Pochet.
TOME VIL PLANCHES 69, 70 ET 71.
PLANCHE 09.
FIGURE i. Suture du périnée (Méthode de Ce/se).
Après une déchirure du périnée, les bords de la plaie ont été réunis par une triple suture enchevillée. Pour faciliter le rapprochement des bords de la plaie, deux incisions latérales ont été pratiquées à la peau, suivant le procédé de M. Dieffenbach, emprunté de la méthode de Celse.
FIGURES 2 A 4- FISTULES RECTO-VÉSICALES.
Figures 2 et 2 bis. Fistule sous-périnéale (Procédé de M. Roux).
Afin de déterminer l'occlusion d'une fistule recto-vaginale, derrière la cloison du périnée, un lambeau quadrangulaire est détaché de la paroi postérieure du vagin, puis tiré en avant pour être fixé au-dessous du bord de la fourchette dont le tégument a été avivé.
Figure 2. a. Angle gauche du lambeau déjà fixé avec la peau par une anse de fil confiée à un aide.
b. Extrémité d'un fil à deux aiguilles déjà passée dans l'angle droit du lambeau vaginal et confiée à un aide, tandis que le chirurgien, avec le porte-aiguille à staphyloraphie, passe au travers de la peau l'autre extrémité du même fil pour compléter l'anse qui doit former la suture.
Figure 2 bis. Réunion du lambeau vaginal avec la peau par trois sutures à points séparés. Deux sutures semblables réunissent les bords latéraux du lambeau dans le vagin.
Figure 3. Suture d'une fistule longitudinale.
Un spéculum bivalve écarte le vagin et laisse la fistule à découvert. La membrane muqueuse près les bords de la fistule, a été enflammée par un caustique et les bords eux-mêmes légèrement avivés par l'instrument tran-chant. La suture est pratiquée, comme pour la staphyloraphie, avec le porte-aiguille (a) et la pince à dents de souris (b) qui soulève le bord opposé pour faciliter le passage de l'aiguille courbe. Suivant que la fistule, plus ou moins profonde, rend la manœuvre plus ou moins difficile, on peut employer ou une seule aiguille ou deux aiguilles aux extrémités d'un même fil.
Figure 4- Anaplastie (Procédé de M. Velpeau).
Pour la guérison d'une fistule recto-vésicale , un lambeau (a), a été taillé aux dépens de la grande lèvre et retourné sur son pédicule (b) pour l'ap-pliquer sur les bords enflammés de la fistule.
PLANCHE 70.
FISTULES VÉSICO-VAGINALES (Grandeur nature).
Figure i. Suture d'une fistule transversale ( Procédé de M. Deyber). La sonde à dard (a), ayant servi à perforer l'une des lèvres de la fistule et l'un des bouts du fil (b) en étant dégagé, l'opérateur vient de percer l'autre lèvre, et, avec une pince, est occupé à ramener le second chef du fil encore engagé dans le chas de l'aiguille et dans la canule.
FiGune 2. Avivement avec V instrument tranchant d'une fistule longi-tudinale dont les bords sont fixés par la pince de M. Fabri (Pl. 76, fig. 20). Une branche de l'instrument passée dans la vessie par l'urètre, sert de point d'appui pour l'autre branche bifurquée qui contient les lèvres de la fistule.
Figure 3 et 4- Anaplastie par le procédé de M. Leroy-d'Etiolles. Un lambeau est détaché sur l'extrémité antérieure de la face postérieure du vagin (fig. 3). Sur la figure 4 qui représente une vue cadavérique au profil, le lambeau (a) retourné, vient offrir sa face saignante sur la fistule dont les bords ont été enflammés par un caustique. Une sonde (b) introduite par la fistule dans le vagin, est venue recevoir les fils d'une double suture enche-villée qui fixent le lambeau contre la paroi vagino-vésicale.
Figure 5. Elytroplastie (Procédé de M. Jobert.) Un lambeau taillé aux dépens des tégumens et de la grande lèvre est retourné pour venir boucher la fistule où il est maintenu par des points de suture.
PLANCHE 71.
POLYPES DU VAGIN ET DE L'UTÉRUS (Grandeur nature).
Figure i. Arrachement d'un polype (Procédé de Dupuytren).
Le vagin étant dilaté par un spéculum bivalve, le polype est chargé à l'aide du doigt indicateur gauche, entre les mors de la pince qui doit briser son pédicule par torsion et arrachement.
Figure 2. Ligature d'un polype de l'utérus.
Le polype saisi avec une érigne de Museux (a) est amené dans le vagin par un aide. Avec deux porte-ligatures (b, c)le chirurgien a contourné le pédicule et vient de passer les deux extrémités du fil dans le serre-nœud (d) qui doit étrangler le polype à sa base.
Figure 3. Excision d'un polype de l'utérus à l'orifice du vagin.
Le polype saisi par deux érignes (a, b) offertes suivant deux diamètres opposés, est amené du fond du vagin à la vulve. De longs ciseaux courbes sur le plat (c) pratiquent la section du pédicule.
Figure 4- Excision d'un polype dans l'utérus. Les grandes lèvres étant écartées de chaque côté par les doigts d'un aide (a, b) l'utérus est descendu autant qu'on le peut sans danger par le crochet abaisseur de M. Colombat (c et pl. 76, fig. 40). Une érigne à quatre branches (d), enfoncée dans le polype qu'elle sert à gouverner, est tenue par la main gauche de l'opérateur, dont la main droite armée d'un long bis-touri utérin, concave sur le plat, (e) excise profondément le pédicule.
Tome 7
Pl.69.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.70.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.71.
D'après nature par N.H. Jacob.
Imp. Lemercier, Benard C°.
TOME VII. PLANCHES 7 2 ET 7 3.
maladies de l'uterus.
PLANCHE 7% (DEMI-NATURE).
FIGURES i et i. Chute et renversement de l'utérus et du vagin. (Cas extrait de la pratique de M. Amussat et où la malade a guéri).
Figure i . Surface muqueuse du vagin et de l'utérus renversés au dehors de la vulve, (a) Méat urinaire. — (b) Saillie de la vessie invaginée dans la poche que forment, par leur surface peritoneale, l'utérus et le vagin ren-versés, (c) Portion vaginale de la poche utéro-vaginale. (d ) Portion utérine. La dilatation commune a fait disparaître l'étranglement formé par le col et a confondu en une seule les trois cavités.
Figure i. Pessaire appliqué par M. Amussat pour maintenir réduite la poche utéro-vaginale.
Figure 3. Pessaire en position et fixé à une ceinture abdominale par quatre courroies.
Figures 4 a 12. Diverses sortes de pessaire.
Figures 4 d 5. Pessaires vaginaux. 4- Elytroïde. 5. En bondon. — 6. Pessaire rond en gimblette. — 7. En bilboquet. — 8. En cuvette. — 9. A champignon. — 10. Pessaire de M. Tanchou pour remédier à l'anté-version. — 11. Pessaire élastique de M. Leroy-d'Etiolles. — 12. Pessaire du même auteur dans les cas de chute de l'utérus compliquée de fistule vé-sico-vaginale. (a)Sonde à demeure dans la vessie, (b) Plaque obturatrice en caoutchouc, (c) Tube central, (d) Bourrelet en caoutchouc.
Figures i3 et 14. Dilatateurs du vagin pour déterminer l'adhérence de ses parois enflammées (même auteur).
Figure i5. Suppositoire à double courant (même auteur).
FIGURE i5. Ablation d'un kyste de l'ovaire (Procédé de M. Mac-dowell ).
Une incision (a) a été pratiquée sur la ligne blanche pour pénétrer dans la cavité abdominale ; une ligature en masse du ligament large est faite près de son attache utérine ( b). Le kyste de l'ovaire étant amené au dehors et confié à un aide qui le fixe de ses deux mains (c, d ) , le chirurgien qui pince entre les doigts de sa main gauche (e) l'insertion utérine du ligament large, pratique, de sa main droite (f ) , la section avec le bistouri convexe.
PLANCHE 73 (demi-nature).
FIGURES i ET 2. PONCTION DE L'UTÉRUS.
Comme cette opération ne saurait être comprise, étant figurée au poin de vue de l'opérateur, nous avons préféré la faire représenter cadavérique \ ne sur le profil des parties disséquées.
Indication commune aux deux figures,
a. Section de la paroi abdominale.
B, C. Plan de section des branches horizontale du pubis B et ascendant de l'ischion C. Entre les deux, se voit la coupe des obturateurs externe e interne avec l'aponévrose intermédiaire du trou sous-pubien.
D. V?ssie aplatie d'arrière en avant par l'utérus augmenté de volume.
E. Double sphincter anal et rectal.
F. Vagin. Il est complet et sa direction est ascendante sur la figure 2 01 l'utérus est renversé en arrière. Sa paroi latérale est enlevée sur la figure pour laisser voir, dans sa cavité, le doigt indicateur du chirurgien qu dirige la pointe du trocart.
G. Rectum. Sur la figure 2 sa paroi latérale est enlevée pour démasque le doigt indicateur du chirurgien qui guide le trocart.
H. Utérus. Sur les deux figures l'organe est distendu par le liquide qu remplit sa cavité. Mais dans la figure 1 sa situation est directe, tandis qu dans la figure 2 il y a rétroversion.
Figure 1. Ponction de iutérus par le -vagin.
(a) . Main gauche du chirurgien appliquée sur l'bypogastre et qui contien l'utérus pour faciliter la ponction avec le trocart.
(b) . Main droite du chirurgien armée du trocart dont la tige est dirigé dans la vagin par le doigt indicateur. L'extrémité du doigt ayant reconnu 1 situation du museau de tanche, c'est dans la direction de la cavité du col cpie doit cheminer la pointe de l'instrument.
Figure 2. Ponction de V utérus par le rectum.
(a). Main droite du chirurgien armée du trocart. dont la tige est dirigée dans le rectum, par le doigt indicateur. C'est par le bas-fond de l'utérus, renversé sur le rectum, qu'est pratiquée la ponction.
FIGURES 3, 4 ET 5. INCISION DU COL UTÉRIN.
L'objet de cette opération improprement appelée utérotomie, est d'ob-tenir par une ou plusieurs incisions, la dilatation du col, pour faciliter l'extraction par le vagin, d'un polype ou d'une tumeur quelconque dans la cavité de l'utérus. L'incision du col n'est donc qu'une opération prépara-toire pour la ligature ou l'excision dans les cas où l'étroitesse du col fait que la tumeur est comme enchatonnée dans la cavité de l'utérus. Trois pro-cédés sont représentés sur la planche.
Figure 3. Dilatation circulaire par une série de petites incisions en étoile pratiquées avec un long bistouri droit boutonné.
Figure 4- Incision de dehors en dedans avec un bistouri droit garni de linge jusqu'auprès de sa pointe (procédé de M. Dupuytren).
Figure 5. Incision de dedans en dehors avec le bistouri concave, à long manche, introduit dans la cavité de l'utérus par son col.
Figure 6. Extraction de la tumeur avec des érignes ou des pinces, au travers du col dilaté, pour l'amener clans le vagin, et, si, on le peut, jusqu'au dehors, afin d'eu pratiquer l'excision.
Tome 7.
Pl.72.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.73.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHES 7 4 ET 7 5.
opérations sur l'utérus cancéreux.
PLANCHE 74.
FIGURE i. EXCISION CIRCULAIRE DU COL DE L'UTÉRUS.
Les grandes lèvres étant maintenues écartées par les doigts d'un aide (a, b), deux érignes de Museux, appliquées sur des points différens, ont permis de tirer légèrement sur le museau de tanche pour l'abaisser dans le vagin. Puis, l'une des érignes (c) étant confiée à un aide, le chirurgien qui a saisi l'autre érigne (d), de sa main gauche, s'en sert pour gouverner le lambeau circulaire qu'il taille avec les longs ciseaux courbes (e) au-delà des limites de la maladie.
FIGURE a. EXCISION EN CONE DU COL DE L'UTÉRUS.
Un spéculum bivalve fixe le vagin écarté. Le museau de tanche est bien saisi entre les mors de deux érignes doubles (a, b), appliquées profondément sur un point qui ne soit pas trop ramolli par le cancer. Gouvernant alterna-tivement l'une des érignes de sa main gauche (a), tandis que l'autre (b), confiée à un aide, fixe le museau de tanche, de peur qu'il ne se détache en coupant sur la première ; avec la main droite, armée d'un bistouri à long manche (c), le chirurgien cerne toute la portion malade qu'il taille en un cône aux dépens du col, et en creusant profondément, s'il est besoin, jusque dans le corps de l'utérus. Si les tissus offrent assez de résistance, une seule érigne, autour de laquelle tourne le tranchant, est plus commode. Divers bistouris sont employés à cet usage : soit le bistouri droit ( Lisfranc), le bis-touri concave sur le plat, à un seul tranchant ( Velpeau), ou à deux tran-chans. C'est ce dernier qui est représenté en action sur la figure (b).
FIGURE 3. LIGATURE DE L'UTÉRUS RENVERSÉ.
La ligature constitue par elle seule une opération si l'on se propose d'ob-tenir la chute de la matrice par mortification, et forme un temps prépara-toire de l'excision, si cette méthode est préférée. Sur la figure, l'utérus et le vagin étant renversés au dehors de la vulve, et les viscères invaginés dans la poche utéro-vaginale ayant été réduits, un aide placé à genoux au-des-sous de l'opérateur, contient le vagin entre le pouce et l'indicateur des deux mains (a, b), pour empêcher les viscères de redescendre. Le chirurgien qui a passé verticalement une double ligature au travers du vagin, a déjà lié la moitié droite. Au moment choisi de l'opération , il est sur le point de prati-quer la ligature de la moitié gauche dont les chefs (c, d ) sont encore pen-dans au dehors.
FIGURE 4. EXTIRPATION DE L'UTÉRUS RENVERSÉ.
Dans cette méthode de Langenbeck, modifiée, la portion malade de l'utérus étant incisée circulairement jusque sur le péritoine, les viscères repoussés en haut dans le sac péritonéal sont fixés par la pression des doigts de la main gauche d'un aide (a), tandis que le chirurgien, de la main gauche ( b), renversant sur lui-même l'utérus (c) par sa face peritoneale, détache au fur et à mesure le péritoine avec le manche d'un scalpel (d), de manière à ne laisser que le sac viscéral qui sera réduit ultérieurement en masse avec le vagin.
PLANCHE 75. EXTIRPATION DE L'UTÉRUS DANS SA POSITION.
FIGURE i. MÉTHODE VAGINALE. Grandeur nature (Procédé de M. Sauter).
L'utérus étant abaissé par une érigne (a) confiée à un aide, le chirurgien avec une pince (b) et un bistouri convexe (c) de longueur convenable, sépare du vagin l'utérus qui sera renversé en bas et en avant pour l'extraire.
FIGURE 2. MÉTHODE VAGINALE. Grandeur nature (Procédé de M. Dubled).
L'utérus abaissé a été séparé circulairement du vagin. La ligature du tiers inférieur du ligament large, qui renferme les vaisseaux, a été pratiquée du côté droit, puis la section en a été faite sur l'organe (a). La fourchette a été incisée jusqu'au devant de l'anus ( b) pour faciliter l'extraction. Au moment choisi de l'opération , l'utérus amené au dehors est saisi entre les doigts de la main gauche du chirurgien. En avant est le museau de tanche avec le plan de section circulaire du vagin (c). De la main droite le chirurgien est occupé à pratiquer avec une aiguille à manche de Grœfe ou de Deschamps (d) la ligature du ligament large du côté gauche.
FIGURE 3. MÉTHODE HYPOGASTRIQUE. Demi-nature (Procédé de M. Langenbeck).
Une incision (a) ayant été pratiquée sur la ligne blanche, un aide, de ses deux mains (b, c) écarte la plaie et contient les intestins et le péritoine pa-riétal. Le chirurgien soulevant l'utérus a lié, puis coupé sur le corps du viscère, les ligamens larges (d). Au moment choisi de l'opération, il élève l'utérus delà main gauche (e) tandis que la main droite (f), armée d'un bistouri convexe, pratique au-dessous la section du vagin.
Tome 7.
:Pl.74.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.75.
D'après nature par N.H Jacob
Imp. Lemercier, Benard et C°.
TOME VII. PLANCHE 76.
instrumens des opérations oui se pratiquent sur les organes
génitaux de la femme.
DEMI-DIMENSIONS.
1° FISTULES DU VAGIN ( RECTALES ET VESICALES).
1. Gouttière exploratrice à manche (Spéculum univalvo).
A. Instrumens du cautérisation.
2. Porte-caustique que l'on charge avec un crayon de nitrate d'argent ou de potasse caustique. Il est plus particulièrement destiné aux cautérisations du col de l'utérus.
3. 4. Porte-caustique de M. Leroy-d'Etiolles pour cautériser et enflammer les bords des fistules. Le caustique est reçu dans les plaques creuses.
5, 6, 7. Cautère de diverses formes pour aviver les lèvres des fistules (Leroy-d'Etiolles).
8. Gouttière protectrice du même auteur. Elle est percée de trous à son extré-mité pour laisser passer le sommet du cautère et limiter l'étendue sur la-quelle il doit porter son action.
9. Gouttière en ivoire du même avec un arc métallique mobile qui, étant élevé , facilite le rapprochement, puis l'adhésion des bords enflammés de la fistule.
B. Instrumens d'avivement.
10. 11, 12. (Même auteur). Pince (10) et griffes (11, 12) destinées à saisir et rapprocher les bords de la fistule.
13. (Du môme). Spéculum bivalve employé pour aviver la membrane mu-queuse sur les bords des fistules. Un pignon d'engrenage (a) fait saisir la membrane par une griffe , et une lame poussée par le bouton (b) l'excise.
14. Autre griffe dont les branches (a, b) glissent à coulisse. Entre elles est une tige porte-caustique (c).
15 et 15 bis (M. Leroy-d'Etiolles). 15. Pince pour les fistules longitudinales, et 15 bis, lame tranchante qui glisse dans une rainure de la pince pour prati-quer l'excision.
16,17, 18. Divers petits bistouris pour l'excision des bords des fistules. 19 et 19 bis. Ciseaux de M. Gaglioso pour exciser les bords des fistules trans-versales.
20. Pince de M. Fabri dont une branche (a) garnie avec une petite plaque en bois, est introduite ou dans le rectum ou dans la vessie et dont l'autre, bi-furquée, appliquant sur la première les bords de la fistule, permet d'en pra-tiquer l'avivement.
C. Instrumens pour la suture.
21. Porte-aiguille de M. Fauraytier. Cet instrument dont la pointe (a) s'enlève, après la piqûre, agit comme une alêne.
22. Aiguille du même auteur. En faisant glisser le boulon (a) qui gouverne la tige centrale, on fait engager la pointe de l'aiguille (b) entre les mors élas-tiques de la tige bifurquée (c) où cette pointe, qui porte le fil, se dégage de sa tige conductrice. On va la saisir ensuite avec des pinces.
Ces deux instrumens de M. Fauraytier sont très commodes. Ils s'appli-quent avec le même avantage pour la staphyloraphie et, en général, pour toutes les sutures du tissus membraneux dans des cavités.
23. Aiguille de M. Deyber.
24 et 24 bis. Aiguille de M. Leroy-d'Etiolles. En agissant sur le bouton (a) l'ex-trémité de l'aiguille (b) engrenée dans la lige en (c), parcourt sa courbure dans les membranes, de 24 en 24 bis.
25. Autre aiguille de M. Leroy-d'Etiolles, imitée de celle de M. De Pierris et plus particulièrement employée par l'auteur pour faire traverser par une ligature une petite tumeur du vagin ou du rectum : polype, fongosité, tu-meur hémorrhoïdale, etc.
D. Instrumens pour rapprocher les bords sans suture.
27. Canule érigne de M. Lallemand pour les fistules transversales. Une ca-nule (a) est passée dans la vessie ; la plaque (b) s'applique par un ressort sur le méat urinaire. Les deux boulons (c, d) font sortir les érignes (e, f) qui rapprochent les bords de la fistule. Une autre pince du même auteur n'oflre que deux crochets agissant seulement sur la lèvre postérieure de la fistule.
28. Instrument semblable de M. Leroy-d'Etiolles, mais dont le mode d'action est différent. Étant porté par le vagin , la convexité (a) soulève la paroi pour en faire accoler les bords préalablement enflammés, de manière à former une cicatrice autour de la canule que l'on retire ensuite, et on termine en cautérisant l'orifice de son trajet. Le boulon (a) fait également sortir les crochets (b).
29. Sondedu même auteur qui sert à maintenir les fils pour son procédé d'à-naplastie (Pl. 70).
2° OPERATION SUR L'UTÉRUS.
30. Spéculum bivalve avec une plaque, mue par une charnière, pour incliner à volonté le museau de tanche (M. Leroy-d'Etiolles).
31 et 31 bis. Autre spéculum du même auteur dont une branche (a) à glisse-ment est destinée au même usage.
E. Instrumens de ligature des polypes. 32 à 39.
32. Pince porte-fil de Levret.— 33. Double canule de Levret.— 34. Pince porte-fil de Desaull.— 35, 36, 37- Diverses canules porte-nœud.— 38, Pince porte-nœud.— 39. Serre-nœud de Dupuytren.
F. Instrumens de préhension.
40 et 40 bis. Eplielcomètre de MM. Guillon et Colombat. C'est un instrument abaisseur de l'utérus. Introduit fermé par le col, il se dilate dans la cavité delà matrice(4obis) et permet de l'attirer en bas, mais nécessairement en causant des meurtrissures qui en font blâmer l'usage.
41, 42, 43. Pinces a polype.
44, 45. Erignes.
46, 47 et 47 bis. Erignes doubles deMuseux droites et courbes.
G. INS l'RUMEiNS DE SECTION.
48. Bistouri à gaine de M. Récamier, pour la ponction des abcès des Iigameiis
larges par le vagin. 49 à 52. Bistouris à excision du col.— 49. Droit — 50. Concave.—51. Contour
né sur le plat.— 52. Concave sur le plat à deux Iranchans.
53. Sécateur imité de celui de Richerand.
54, 55. Ciseaux à excision droit el courbe.
Tome 7.
Pl.76.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Edmond Pochet.
TOME VIL PLANCHE 7 7.
OPÉRATION CÉSARIENNE.
SYMPHYSÉOTOMIE.
DEMI-NATURE.
FIGURE i. OPÉRATION CÉSARIENNE MÉDIANE.
L'incision, pour cette figure, occupe la ligne blanche, du dessous de l'ombilic au-dessus du pubis. La paroi abdominale aponévrotique, puis le péritoine, étant divisés, le chirurgien a ouvert l'utérus, pour aller saisir le fœtus, dont la tête est ici la première amenée au dehors.
A. Section des aponévroses de l'abdomen.
B. Section de l'utérus.
C. Membranes d'enveloppe déchirées et flottantes dans la plaie.
D. Main gauche du chirurgien qui écarte la lèvre droite de la plaie pour faciliter la sortie du fœtus.
E. Main droite du chirurgien qui a été saisir la tête du fœtus et l'amène au dehors.
FIGURE 2. OPÉRATION CÉSARIENNE LATÉRALE.
ascendantes de la circonflexe iliaque. En bas, elle doit rester en dehors et au-dessus de l'anneau crural, pour ne pas risquer de léser les vaisseaux fémoraux et les origines des vaisseaux épigastriques et circonflexes iliaques.
A. Section de la paroi abdominale.
B. Section de la paroi de l'utérus.
C. Main d'un aide qui soulève la paroi abdominale.
D. Main droite du chirurgien qui tient les membres abdominaux du fœtus, son extraction étant supposée se faire par les pieds.
E. Main droite du chirurgien, glissée dans l'utérus et remontant sur le dos du fœtus. L'accord des deux mains, a pour objet de rappeler la tête par un mouvement courbe de bas en haut, de gauche à droite , et d'avant en arrière, en sens rétrograde de la ligne suivant laquelle la tête s'est engagée dans le détroit supérieur du bassin.
FIGURE 3. SYMPHYSEOTOMIE.
La section des chairs, pour cette figure, est latérale du côté droit et cor-respond au cas d'inclinaison de l'utérus dans le même sens. Elle s'étend obliquement du niveau de l'ombilic , en dehors de l'arcade crurale, en lon-geant le bord externe du muscle sterno-pubien, de manière à tomber à dis-tance moyenne, entre l'artère épigastrique et les branches abdominales
Cette opération est représentée par le procédé ordinaire, c'est-à-dire, la section médiane verticale des tégumens du pénil. L'incision du plan dermo-adipeux et celle du cartilage de la symphyse sont terminées.
De A en A , trajet ponctué de l'incision sus-pubienne par le procédé de Physick.
Tome 7
Pl.77.
N.H.Jacob direxit
d'après nature par Léveillé .
lmp.Lemercier, Benard et C°.
TOME VII. PLANCHE A.
généralités des opérations du strabisme.
ANATOMIE OPÉRATOIRE, fig. 1, 2, 3, 4.
Figure 1. Muscles de l'œil dépourvus de leurs enveloppes, et vus par le plan externe, sur une section de l'orbite au profil.(a) Droit supérieur; (b) droit inférieur; (c) droit externe; (d) petit oblique; (e) épanouissement du tendon du grand oblique.
Figure 2. Appareil musculaire des deux yeux vu par le plan supérieur, le plancher orbitaire étant enlevé. Les muscles sont indiqués par les mêmes signes que dans la figure 1; des deux côtés, le droit supérieur est coupé pour laisser à découvert le globe de l'œil. Du côté droit la sclérotique est à nu et la glande lacrymale (f) est laissée en position sur la face externe et supérieure de l'œil. Du côté gauche, on a laissé la membrane fibro-celluleuse, enveloppe de la sclérotique, décrite par M. Bonnet, de Lyon.
figures 3 et 4. Enveloppes de glissement des muscles de l'œil et du globe ocu-luire. Ces deux figures sont imitées, plutôt que précisément copiées, de deux autres dont nous devons la communication à l'obligeance de M. Guérin, et nécessitent de notre part une explication. Depuis l'impression de notre texte où il est fait mention de la membrane dermo-musculaire de M. Bonnet, de Lyon, nous avons reçu une réclamation de M. J. Guérin, sur ses droits dans celte découverte : d'après des lettres autographes qu'il nous a montrées (4 el 8 lévrier 1841), M. Pélrequin, de Lyon, aurait fait part à M. Bonnet de ce qu'il aurait entendu professer à M. Guérin , dans ses conférences, sur les en-veloppes des muscles de l'œil, et M. Bonnet, dans sa lettre, reconnaît avec sa probité ordinaire, cette prétention rivale, mais avec les distinctions qui signalent les deux modes de description.
Nous préférons , quant à nous, comme beaucoup plus complète, la des-cription de M. J. Guérin, qui n'est, comme on peut s'en assurer, qu'une ap-plication spéciale de la théorie anatomique des enveloppes de glissement que nous avons formulée dans Paponévrologie (tome 2), et plus spécialement encore dans l'analoniie chirurgicale (tome 6) où nous l'avons suivie et décrite pour les divers groupes musculaires dans toute l'étendue de l'appareil loco-moteur; mais non point pourtant, par une omission spéciale, dans le petit groupe isolé, moteur de l'œil, ce qui n'exclut pas la découverte de détail de MM. Bonnet et Guérin, tout en confirmant parle résultat même de leurs recherches sur ce point spécial, la théorie générale que nous avons posée.
Figure 3. Aspect de l'œil, au profil, comme sur la figure 1 : les muscles étant représentés avec leurs enveloppes coupées sur le plan moyen, (a et b) Muscles droits externe et interne ; le feuillet supérieur de l'enveloppe de glissement se confond en avant avec le fascia sclérotical, qui est, en ce point, sous-conjonclival ; le feuillet inférieur se joint d'abord en arrière du globe oculaire avec le fascia sclérotical, et s'y continue ensuite sous la conjonctive. La section du tendon médian du droit externe (c) montre celle double dis-position commune aux quatre muscles droits; (d) plan de section du petit oblique dans sa gaine spéciale ; (g) muscle releveur de la paupière supérieure. Son feuillet supérieur d'enveloppe communique d'abord par une attache fibreuse avec le périoste de l'arcade sous-orbitaire, el son feuillet inférieur avec le fascia conjonclival ; puis les deux feuillets se prolongent en avant sur l'une et l'autre face du cartilage tarse de la paupière supérieure (i).
Figure 4. Fascia sclérotical antérieur ou sous-conjonctival. Celle vue est empruntée au dessin de M. Guérin, niais que nous avons modifié d'après nos dissections. Détaché circulairement du contour de la cornée, ce fascia très extensible, est écarté partout en dehors de manière que sa petite circonfé-rence cornéale forme une vaste circonférence érignée au contour du globe de l'œil. Selon nous, ce fascia forme deux feuillets continus avec 1rs gaines d'enveloppe des muscles droits, et adhérant l'un à l'autre par de nom-breux prolongemens du tissus cellulaire séreux. Parvenu au point d'im-plantation des tendons des muscles droits sur la sclérotique, on voit les teuillels se continuer avec leurs gaines; tandis qu'entre les tendons, le feuillet profond adhère par de nombreux filamens lamellaires à la sclérotique.
FIGURES 5,8,5,8,9, 10, 11. DIVERS TYPES DE STRABISME.
Figures 5, 6. Strabisme simple, convergent en bas. Premier malade opéré par M. Baudens en novembre 1840.— Figure 5. Èlat du regard avant l'opéra-tion. — Figure 6. Etat actuel du malade, dessiné le il novembre 184t.
Figure 7. Double strabisme convergent dessiné d'après M. Z. non opéré.
Figure 8. Strabisme convergent supérieur, dessin communiqué par M. Amussat.
Figure 9. Strabisme simple divergent, dessiné d'après Madame D....
Figure 10. Strabisme double divergent, fixe, sur une négresse, dessin communiqué par M. Amussat. Le même fait a été rencontré une fois par M. Baudens.
Figure 11. Strabisme horrible communiqué par M. Baudens.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU STRABISME OPÉRATOIRE.
Figures 12 et 13. Figure 12. OEil strabique non opéré, où le droit interne (a) étant rétracté, le droit supérieur (b) plus court et concave dans le même sens, concourt aussi à la rétraction.
Figure 13. Dissection, à l'autopsie, d'un œil strabique opéré quelques se-maines auparavant, (a) Lieu de la section, sur la sclérotique, du tendon du droit externe; (b) extrémité divisée du muscle reporté en arrière; (c) adhé-rence fibro-celluleuse à la sclérotique qui se prolonge en bas par un pinceau délié.
Ces deux faits, observés par M. Bouvier, sont rapportés dans le texte. Le second est l'exacte répétition de celui de MM. Hewet et Babinglon.
Figures 14, 15 et 16. Expériences de M. Amussat sur le cheval elle mouton. Les figures ont été copiées sur les dessins originaux qui nous ont été obli-geamment prèles par l'auteur. Figure 14. (a) Cicatrice fibro-celluleuse du muscle droit externe coupé sur le clieval. Figure 15. (b) Cicatrice, après une section incomplète, sur un mouton. Figure 16. (c) Cicatrice, après une section complète, sur le même animal. Ces trois faits de vivisection donnent le même résultat que l'opération sur l'homme.
Figures 17 et 18. THÉORIE DU STRABISME ET DE LA DIPLOPIE.
Figure 17. Théorie du strabisme, citée par M. Dufresse-Chassaigne.» Sup-posez qu'on veuille regarder l'objet O avec les yeux A et B; lorsqu'ils sont droits, ils vont juste converger avec l'objet o, et l'on n'en a qu'une perception simple. Mais si l'œil A converge un peu en dedans, tandis que l'autre garde sa position normale, son axe suivra la direction AB, coupera l'axe de l'œil B en C, et aura une perception confuse de l'objet O, bien qu'il ne tombe pas dessus , parce que le champ de la vision s'étend dans un certain rayon. Lors-que le strabisme augmentera, et que l'axe de l'œil (A) se portera en b' b", etc., il coupera l'axe de l'œil B en c' c", et n'aura plus qu'une perception de l'objet O, de plus en plus faible jusqu'à ce que, complètement situé hors des limites dans lesquelles l'œil A peut le percevoir il ne soit plus du toul visible pour lui. »
Extrait de M. Dufresse-Chassaigne, Traité du Strabisme et du Bégaiement, page 14.
Figure 18. Théorie de la diplopie, donnée par M. J. Muller.
Les axes se rencontrent sur a quand on cherche à les voir; si on veut voir d, les axes s'allongent (l'accommodation) sur d, et a est vu double parce que a se dessine pour l'œil A en b et pour l'œil B en c. Ces images doubles de l'objet a, sont très vagues et très indistinctement dessinées, de sorte que, en regardant le point d, on voit double le point a. Le point a est vu vaguement par le côté droit d'une réline, et par le côté gauche de l'autre. « (Extrait de M. Phillips. Ténolomie sous-cutanée, page 310.)
Tome 7.
Pl.A.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME YTT. PLANCHES B, C, O, E.
OPÉRATIONS DU STRABISME.
PLANCHE B.
FIGURE 1. Procédé de m. Dieffenbach {deuxième temps).
Un aide, placé debout derrière le malade, tient de sa main gauche (a) l'élé-vateur de Pellier, et de sa main droite (b) l'érigne qui fixe le globe de l'œil. Un autre aide, d'une main (c), tient le crochet abaisseur de la paupière infé-rieure, et de l'autre (d) maintient fermé l'œil sain. L'opérateur tient de sa main gauche (e) le crochet mousse passé sous le muscle et opère la section avec des ciseaux (f).
FIGURES 2, 3. Procédé de M. C. Phillips.
Figure 2. Premier temps : application des deux erignes. Figure 3. Second temps : passage du crochet mousse sous le muscle pour en opérer la section avec des ciseaux.
FIGURES 4, 6, 6, 7. Procédé de M. Velpeau.
Figure 4. Strabisme convergent : les paupières étant écartées avec le blépha-rcctome (figure 6), et le pli transversal de la conjonctive et du fascia formé par deux pinces à griffes (ligure 7), dont l'une (a) est tenue par un aide el l'antre par la main gauche de l'opérateur : celui-ci de sa main droite (c), opère d'un seul coup la section avec des ciseaux. — Figure 5. Strabisme divergent opéré de la même manière.
PLANCHE C.
FIGURES 1,2, 3, 4, 5. Procédé de M. Baudens.
Figure 1. L'élévateur de Pellier est tenu par la main gauche (a) de l'aide placé en arrière, dont la main gauche (b) maintient fermé l'œil sain : un antre aide lient le crochet abaisseur de la paupière inférieure (c). De sa main gauche (d), le chirurgien tient l'érigne simple qui fixe le lendon du muscle; tandis qu'avec sa main droite (e) il incise, avec le myotome courbe, la con-jonctive, son fascia et le muscle lui-même.
Figure 2. Excision du petit lambeau fibro-muqueux après la section du tendon.
Figure 3. Crochet abaisseur de la paupière inférieure de M. Baudens. Figure 4. Erigne double.
Figure S. Crochet mousse myotome : à l'autre extrémité est une pince porle-éponge.
FIGURE 6. Procédé de M. Lucas. Section de la conjonctive et du fascia avec le myotome.
FIGURE 7. Procédé de M. Liston, (aa) Doigts d'un aide qui maintiennent soulevée la paupière supérieure. — (b) Pince fermante abandonnée à son poids , qui doit maintenir abaissée la paupière inférieure. —(c) Erigne double tenue par l'opérateur, et qui sert h gouverner l'œil. — (d) Ciseaux qui opèrent la section.
FIGURES 8, 9. Procédé de M. Sichei..
Figure S. Section de la conjonctive et du fascia avec l'érigne et les ciseaux — Figure 9. Section du muscle avec les ciseaux sur le crochet mousse.
Figure 10. Rétracteur des paupières de M. Charrière.
PLANCHE D.
FIGURES 1 et 2. Procédé de M. Amussat.
(a, b) Mains d'un aide dont l'une lient le crochet élévateur et l'autre (b) la pince à griffes qui fait opposition à celle du chirurgien. — (c) Main d'un autre aide qui tient le crochet abaisseur. — (d) Pince à griffe fermante tenue de la main gauche du chirurgien el qui s'harmonise avec celle de l'aide (b) pour former le pli vertical de la conjonctive et du fascia. — (d) Ciseaux tenus de la main droite qui incise perpendiculairement le pli soulevé.
Figure 2. (d) Crochet double à écartement qui va saisir, sous la conjonctive el le fascia, le muscle, pour le faire sortir par la plaie où la section s'en opère avec les ciseaux (e).
FIGURE 3. Section du droit supérieur.
FIGURES 4 el 6. Section du petit oblique, Procédé de M. Bonnet.
Figure 4. La inain gauche s'appuyant sur le front; de la main droite, le chirurgien amène sous la peau le muscle repoussé avec le myotome, pour en faire la section.
Figure 5. Vue anatomique de la section du petit oblique, en tournant le tranchant sur le bord lacrymal de l'orbite, la paupière inférieure est dissé-quée pour monlrer les parties à découvert.
Figure 6. Section du petit oblique par le procédé de M. Baudens. Le muscle, amené au dehors avec une érigne (a), est coupé, près de son inser-tion maxillaire, avec le myotome courbe.
Figure 7. Section avec des ciseaux sur le crochet mousse, dit procédé or-dinaire.
Figure 8. Section du grand oblique, Procédé de M. Gairal.
FIGURE 9 et 10. Auloplaslie de l'angle interne de l'œil pour remédier fe l'exophlhalmie ou agrandissement de l'ouverture palpébrale, consécutive à la section de plusieurs muscles. Procédé de M. Baudens.
Figure g. Excision d'un petit lambeau cutané au pourtour de l'angle in-terne de l'œil. — Figure 10. Affrontement, par deux points de suture, des deux bords de l'angle interne ; de manière à ramener, comme une bride, la paupière inférieure auparavant tombante.
PLANCHE E.
MÉTHODE SOUS-CONJONCTIVALE DE M. J. GUERIN.
Figures l, 2, 3, 4. Premier procédé par ponction de la conjonctive.
(a) Main gauche d'un aide armée du refouleur qui maintient la paupière supérieure. — (b) Main droite du même aide qui soulève la conjonctive avec l'érigne courbe. — (c) Refouleur de la paupière inférieure, tenu par un autre aide. — (d) Main gauche du chirurgien armée de la seconde érigne. — (e) Main droite occupée à ponctionner la conjonctive et le fascia avec la petite spatule tranchante (figure 8).
Figure 2. Introduction du myotome coudé (figure 9).
Figure 3. Vue analomique de la section avec le myotome coudé.
Figures 4 et 5. Deuxième procédé, par section avec des ciseaux, plus simple, mais moins parfait que le premier.
Figure 4. Section avec des ciseaux, de la conjonctive (a) soulevée par des erignes, dont l'une (b) est tenue par l'opérateur et l'autre (c) par un aide.
Figure 5. Section du muscle avec les ciseaux entre les deux erignes (b, c). Le lambeau formé par le fascia el la conjonctive doit être rabattu après la section pratiquée.
Figuhe 6, 7. Opération secondaire en cas d'immobilité de l'œil du cote opéré , avec strabisme inverse consécutif.
Figure 6. La conjonctive et le fascia étant disséqués, puis écartés avec une érigne (a), el une anse de fil (b) passée au-delà de la cornée , attirant l'œil en dedans avec des pinces (c), l'opérateur va chercher l'extrémité divisée du muscle, pour l'amener au dehors et la faire cicatriser plus en avant : l'anse de fil, qui rappelle l'œil en dedans, est laissée a demeure pendant plusieurs jours el fixée sur le dos du nez par une petite bandelette de diachyhin», comme il esl indiqué {Figure T..
Tome 7.
Pl.B.
Tome 7.
Pl.C.
D'après nature par Léveillé
Instrumens de la fabrique de Mr. Charrière.
Torne 7
Pl.D.
D'après nature par N.H. Jacob.
Instrumens de la fabrique de Mr Charrière .
Tome 7.
Pl.E.
N.H. Jacob direxit
Instruments de la Fabrique de Mr Charrière.
D'après nature par Leveillé
TOME VII. PLANCHES F, G.
opérations du bégaiement.
(GRANDEU 11 N ATURELLE.)
PLANCHE F.
FIGURES I et 2, AnATOMIE OPÉRATOIRE DE LA LANGUE.
La figure i montre la langue disséquée sur son profil, la mâchoire infé-rieure étant sciée sur le plan moyen. La figure 2 représente la face infé-rieure de l'organe dans la cavité de la bouche : les signes ont la même valeur dans les deux figures.
Figure i . L'objet de cette figure est de montrer sur le profil toutes les parties intéressées dans les diverses sections que l'on pratique sur la langue. Sur les trois grands muscles extrinsèques, le stylo-glosse en haut, en bas l'hyo—et le génio-glosscs, disséqués avec soin, rampent, en sur-face ou en profondeur, les vaisseaux et les nerfs.— 1, 2. Artères et veines linguales. — 3. Nerf lingual. — 4- Nerf grand hypoglosse. — 5. Glande sublinguale. — 6. Canal de Warthon.
Sections opératoires.—De «en a double section verticale à angle aigu de M. Dieffenbach, circonscrivant le lambeau triangulaire en forme de croissant qu'il enlève. (Voy. pl. F, fig. 1)
Nous avons calqué les traits sur le dessin même de ce chirurgien. On voit sur notre figure que les vaisseaux et nerfs linguaux sont coupés en tra-vers des deux côtés ; mais si la langue était abaissée comme dans le procédé opératoire original (figure 3), il est évident que la même longueur d'in-cision couperait en travers les nerfs grands-hypoglosses, comme c'est l'in-tention de l'auteur, et, avec eux, les vaisseaux inférieurs de la langue.
De b en b, section de M. Phillips (figure 6), étendue non pas à toute la musculature de la langue, comme le dit l'auteur, ce qui serait heureu-sement impossible dans son procédé; mais seulement à toute l'épaisseur des génio-glosses.
De c en c, section de M. Amussat, elle ne fait que suivre verticalement le bord antérieur du génio-glosse, de manière à augmenter beaucoup la mobilité de la langue, sans rien couper d'important.
d. Section de M. Velpeau, prolongée sur cette figure au plus loin que se permette l'auteur, c'est-à-dire à moins d'un centimètre à la partie supé-rieure du génio-glosse et sans rien léser d'important.
e,f. Sections du tendon du génio-glosse par MM. Baudens et Bonnet, de Lyon. Les deux incisions se confondent pour ainsi dire et tout au plus formant en théorie un petit écartement; en liant, se réuniraient en bas comme il est représenté sur la figure.
De l'examen anatomique comparatif de ces divers procédés, il ressort à priori, comme la pratique le démontre suffisamment, a posteriori, i° que les procédés de MM. Dieffenbach et Phillips, outre les conséquences de la section des nerfs pour le premier, doivent causer des hémorrhagies foudroyantes; 20 que les procédés de MM. Velpeau et Amussat n'ont pas d'inconvéniens graves; 3° que ceux de MM. Baudens et Bonnet, qui ne coupent que les tendons des génio-glosses, sont complètement inoffensifs.
FIGURE 3. Procédé de m. dieffenbach : la bouche étant largement ouverte, les commissures sont écartées avec des crochets tenus par un aide; un autre aide attire la langue en dehors avec une érigne et le chirurgien, saisissant l'organe latéralement entre les doigts de sa main gauche b, pra-tique une première section de bas en haut avec le bistouri à fistule tenu de la main droite e.
FIGURES 4 et 5. Cicatrices de la langue après l'opération, copiées sur les figures de M. Dieffenbach.
FIGURE 6. Procédé de m. phillips : la langue étant soulevée par une érigne coudée a, le chirurgien la fixe en bas par une autre érigne b tenue de la main gauche b, tandis que de la main droite c armée du myo-tome de Dieffenbach, il pratique la section du génio-glosse de la profon-deur vers la surface.
FIGURE 7. Procédé de m. velpeau : la langue est soulevée avec une pince a par un aide; avec une autre pince b, le chirurgien saisit le frein de la langue et divise au-dessous avec des ciseaux c.
PLANCHE G.
FIGURES 1 et 2. Procédé de m. baudens : la figure i montre le point de vue opératoire, et la figure 2 une vue anatomique sur le profil. Dans l'une et l'autre, le frein de la langue étant soulevé avec une éri-gue a tenue de la main gauche , de la main droite d le chirurgien pra-tique la section d'un seid coup avec les ciseaux coudés représentés fi-gure 3.
FIGURE 4- Procédé de m. lucas, de Londres : les commissures des lèvres sont écartées avec des crochets au par un aide; un autre aide attire en haut la pointe de la langue avec une pince de Museux b. Le chirurgien après avoir mis à découvert les muscles génio-glosses en saisit le bord antérieur avec une pince c et en pratique l'excision avec le bis-touri d.
FIGURES î et 6. Procédé de m. bonnet, de Lyon : la figure f montre le point de vue opératoire et la figure 6* une vue anatomique sur le profil. Dans la figure 5, une piqûre avant été faite à la peau le té-notome (figure 7) introduit au travers, entre les muscles génio-hyoïdiens, pratique la section des tendons des génio-glosses; le doigt indicateur de la main gauche b, introduit dans la bouche, guide le bouton de l'instru-ment au travers de la membrane muqueuse. L'aspect seul des figures montre suffisamment la simplicité et la sûreté des procédés de MM. Bau-dens et Bonnet, de Lyon.
FIGURES 8, 9, io, 11 et 12. Procédé de m. amussat.—Figure 8 : section avec des ciseaux b du bord antérieur des muscles génio-glosses, le filet de la langue étant saisi avec une pince a.—Figure 9 : décolle-ment de la cicatrice comme l'opère M. Amussat à mesure qu'elle tend à se former. La langue étant soulevée avec le doigt indicateur gauche a, rie la main droite b, armée du petit bistouri mousse (figure 10), il dé-colle la cicatrice pour obtenir la formation d'une fausse membrane mu-queuse qui empêche à l'avenir la réunion des parties divisées.—Figure i i : aspect de la fausse membrane organisée , copiée d'après nature sur une jeune fille, neuf mois après l'opération.
Tome 7.
Pl.F.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.G.
Dirigé par N.H. Jacob.
d'après nature par Leveillé
TOME VIL PLANCHES H, I, J, K.
opérations sur le pied-bot.
Ces quatre planches sont entièrement consacrées au pied-bot. Les cas de difformités, dessinés d'après nature , nous ont été donnés par M. J. Guérin, et les procédés opératoires sont ceux de cet habile tônolomiste qui a posé lui-même pour faire dessiner ces opérations.
Pour chaque genre de difformité, nous avons représenté les cas qui en donnent la meilleure idée, avec une opération sur chaque espèce de pied. Toutefois, ayant disposé la matière de façon à dessiner toutes les variétés de sections, chacune des opérations ne signifie pas qu'elle est la seule à pratiquer pour le cas où elle est représentée, mais seulement qu'elle s'y applique plus particulièrement.
PLANCHE H.
FIGURES t et 2. Méthode générale de ténotomie sous-cutanée de M. J. Guérin. Figure 1. Ponction avec la lancette de l'auteur. Un pli à la peau est pratiqué par la main droite d'un aide (a) et la main gauche de l'opéra-teur (b) ; de sa main droile ce dernier perfore les tégumens. — Figure 2. Sec-lion avec le ténolome. La lame de l'instrument se montre en relief sous les tégumens, le doigt indicateur gauche dirigeant la pression.
FIGURES 3, 4, 5. Section du tendon d'Achille dans le pied équin. — Figure 3. Pied équin simple représenté posant sur le sol dans la station verticale.— Figure A. Premier temps de la section du tendon d'Achille. Un aide, de ses deux mains (a, b ), maintient le pied en appuyant dans le sens de la flexion, prêta faire subira cet organe le même mouvement complet lorsque le tendon aura été divisé. — Figure 5. Dissection de la partie sur le cadavre après la section du tendon d'Achille. Un lambeau de peau étant enlevé, la gaine ten-dineuse est entr'ouverte et relevée en dehors par deux érignes (a, a); dans l'écartement se voient les deux bouts du tendon divisé avec le ténotome encore dans la plaie.
FIGURE 6. Section de l'adducteur du gros orteil en cas de rétraction du bord inlerne du pied dans le varus. Un aide (a) appuie sur le talon pour le ramener en dehors. De sa main gauche (b) le chirurgien tend les orteils et pratique avec sa main droile (c) la section sous-cutanée. Comme on le voit sur la figure, l'instrument est introduit du côté externe ; le lieu de la section est en regard du scaphoïde, avant la réunion en arrière du court fléchisseur.
PLANCHE I.
FIGURES 1 et 2. Pied équin avec rétraction du long extenseur propre du gros orteil. La ligure 2 représente la section du tendon rétracté un peu en arrière du gros orteil où il se dessine en relief. La ponction est faite par le bord inlerne. Un aide (a) tient l'extrémité de l'orteil prêt à le ramener dans la flexion dès que le tendon aura été divisé.
FIGURES 3, 4, 5. Pied varus. La figure 3 est un varus simple chez un très jeune enfant. La figure 4 un varus composé avec rétraction des fléchisseurs, principalement du gros orteil. Figure s. Section du long fléchisseur propre du gros orteil pour le cas de rétraction de la figure 4. Les orteils étant éten-dus par les mains d'un aide (a, b), le chirurgien pratique la section du tendon un peu en arrière de l'articulation inétatarso-phalangienne. La ponction a été pratiquée du bord interne vers l'externe.
FIGURES 6, 7 et 8. Pied équin composé. La figure 6 représente le pied difforme avant le traitement, vu de profil dans la station ; la figure 7 la sec-tion de l'aponévrose plantaire et du court fléchisseur des orteils, l'une des opérations qu'il a fallu faire chez cette malade, et la figure 8, le résultat après la guérison. Nous avons dessiné, d'après les plâtres soumis à la commission de l'Académie des sciences, ce cas qui est celui de mademoiselle, Elisa G..., l'un des plus beaux faits de la pratique de M. J. Guérin. Figure 7. a b, mains d'un aide qui pratique l'extension des orteils ; (c) main gauche du chirurgien qui rappelle en arrière le calcanéum ; (d) main droite armée du ténotome et occupée à pratiquer la section.
PLANCHE J.
FIGURE t. Cas de varus équin avec rétraction des fléchisseurs des orteils. Sous la peau se dessine la saillie (a, b) des tendons des jambiers antérieur et postérieur, et celle du tendon d'Achille (c).
FIGURE 2. Cas de varus compliqué. La saillie du jambier postérieur et la rétraction du bord inlerne du pied incurvé en haut y sont très sensibles.
C'està ces deux cas que s'adressent entre autres les opérations suivantes. Figures 3, 4, 5.
FIGURE 3. Section sus-tendineuse du jambier antérieur. Un aide de ses deux mains (a, b) fixe la jambe. Le chirurgien de sa main gauche (c) pèse sur le bord interne du pied, dans le sens de sa direction normale; la main droite, armée du ténotome, pratique la section sur le scaphoïde auprès de l'insertion du tendon.
FIGURE 4. Section sous-tendineuse du tendon du jambier postérieur. Le doigt indicateur de la main gauche du chirurgien (a) fixe le tendon contre l'angle postérieur et interne du tibia; la main droite (b), armée du ténotome dont le tranchant est tourné en haut, incise le tendon de la profondeur vers la surface.
FIGURE 5. Section sus-tendineuse des tendons du jambier postérieur et du long fléchisseur des orteils. L'opération est faite sur le cas de difformité représentée figure 1. (a, b), mains d'un aide qui fixe le pied. La main droite en particulier (a) se dispose à ramener le pied dans l'extension et l'abduction, (c) Main d'un autre aide qui fixe la jambe, (d) Main gauche du chirurgien dont l'extrémité des doigts appuie sur les muscles pour les fixer contre le tibia ; l'indicateur en particulier refoule en avant et en dedans les tendons, et présente l'ongle pour recevoir le ténotome après la section terminée , afin qu'il n'aille point, par une échappée en arrière, blesser les vaisseaux tibiaux postérieurs.
PLANCHE R.
FIGURE t. pied valgus un peu équin sur un jeune homme. On dislingue sur ce pied la saillie (aj des tendons des péroniers latéraux et du péronier antérieur.
FIGURE 2. Tiers nature. Valgus compliqué avec rétraction des fléchisseurs des orteils. C'est au valgus que se rapportent les opérations (ligures 3 et 4) représentées sur le pied-bot (ligure ij.
FIGURE 3. Section sus-tendineuse des tendons des deux péroniers laté-raux au-dessus el en arrière de la malléole externe. Un aide, de, ses mains ( a, b ), fixe le pied tout prêt a abaisser son bord interne ; le chirurgien, avec l'indicateur de la main gauche (c), fixe les tendons contre le péroné, tandis que, de sa main droite armée du ténotome dont le tranchant est tourné en bas, il divise d'une seule lois les deux tendons.
FIGURE 4. Section sus-tendineuse du tendon du péronier antérieur sur le eu boule, à peu de dislance de son insertion, au cinquièmemétatarsien. L'em-ploi des quatre mains est le même que dans la ligure précédente. Les deux mains de l'aide (a, b) tendent à redresser le bord externe du pied; les deux doigts indicateur et médius delà main gauche du chirurgien (c) pressent sur le tendon que divise la main droile armée du lénotome.
FIGURE ô. Pied talus. Le caractère particulier de cette difformité consisle dans la rétraction des extenseurs à laquelle participe, par sa fonction mixte, le péronier antérieur. Très souvent, dans cette variété, la rétraction des flé-chisseurs à la plante du pied s'ajoute à celle des extenseurs quoique dominée par elle ; c'est ce que l'on remarque, jusqu'à un certain point, dans le cas particulier représenté par la ligure.
FIGURE 6. Section sus-tendineuse du tendon de iexlenseur commun des orteils, immédiatement au-dessous du ligament annulaire du larse. Le pied étant de lui-même à l'état de demi-flexion forcée, les deux mains d'un aide 'a, b) le saisissent prêles à le ramener dans l'extension.
Avec les doigts de sa main gauche (c) le chirurgien appuie sur le tendon de l'extenseur commun au-dessus du ligament annulaire, et la main droile (d) en pratique la section sous-cutanée. Pour couper le tendon de l'extenseur propre du gros orteil, la section sous-tendineuse est préférable afin de ne pas léser les vaisseaux et le nerf tibiaux antérieurs.
To me 7.
Pl. H.
D'après nature par N. H. Jacob.
Tome 7.
Pl.I.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
PI. J.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.. K.
N.H. Jacob direxit
D'après nature par Léveillé
TOME VU. PLANCHE L, M.
instrumens de tenotome de m. i. guérin.
(GRANDEUR RÉELLE).
PLANCHE L.
FIGURES i, 2, 3. Tenotomes de grandeurs différentes : Ils se compo-sent d'une lame en croissant, convexe sur le tranchant, portée à l'extré-mité d'une longue tige arrondie qui remplit le trajet sous-cutané.
FIGURES 4 et 5. Lancettes à ponction en forme de petites spatules tranchantes de grandeurs différentes.
RÉTRACTION DES MUSCLES DU JARRET.
FIGURE 6. (a) Face externe du membre montrant la rétraction du tendon fémoro-tibial de l'aponévrose fascia lata, dont la tension est com-mandée par le fessier supérieur, (b) Rétraction du tendon du biceps.
FIGURE y. Le même membre, vu par sa face interne, (b), montre la rétraction du biceps et (c) la saillie sous-cutanée des tendons internes demi tendineux, demi membraneux, couturier et droit interne. La traction plus forte en dehors a produit une subluxation avec inclinaison de la ro-tule vers la face externe. On remarquera que sur le même membre la ré-traction du triceps sural donne lieu à un pied équin, avec un redressement des orteils qui résulte du tiraillement des extenseurs.
FIGURE 8. Section sus-tendineuse du tendon de l'aponévrose fascia lata (a fig. 6), la pipûre faite d'arrière en avant. La main gauche d'un aide (a) faisant point d'appui en dedans, la pareille main du chirurgien , dont l'indicateur presse sur l'insertion du tendon, combine son mouve-ment avec celui de l'aide pour obtenir le redressement du membre incurvé sur sa face externe. La main droite de l'opérateur, armée du ténotome, pratique la section du tendon aponévrotique.
FIGURE g. Section des tendons demi tendineux et demi membraneux; la piqûre faite d'avant en arrière ; un aide dont la main gauche (a), forme point d'appui sous la rotule, tandis que sa main droite (b) pèse en bas sur la face postérieure de la jambe, combine ses mouvemens pour opérer le redressement vertical du membre par l'extension. Le chirurgien, de sa main gauche (c), réagit en sens inverse sur la face postérieure de la cuisse, et de sa main droite (b), pratique la section sus-tendineuse.
torticolis.
PLANCHE M.
Les exemples des torticolis, dessinés d'après nature, nous ont été fournis par M. J. Guérin. Les opérations représentent les procédés de l'auteur posés par lui-même.
FIGURES i, 2, 3. Divers cas de torticolis congenial. On remarque sur ces figures l'arrêt de développement de la moitié de la face du côté de la rétraction.
FIGURE 4- Ponction pour les divers procédés sous-cutanés, avec la position du malade commune à toutes les opérations. Les deux mains ( a, b) d'un aide, placé debout derrière le malade, fixent la tête prête à subir le mouvement de torsion inverse à la rétraction. Dans le moment de l'o-pération, la tête est présentée relevée on arrière et tournée dans le sens même de la rétraction, l'apophyse mastoïde étant, située à-peu-près dans la ligne verticale de l'attache sternale, pour mettre le muscle qui doit être coupé en état de tension. Le temps représenté de l'opération est la ponction sous-cutanée; un pli à la peau est formé par la main droite d'un second aide (c) agissant de concert avec la main gauche du chirurgien (d), tandis que ce dernier pratique la ponction sous-cutanée avec sa main droite (e) armée du petit bistouri ( fig. 8 ).
FIGURE !. Section sus-tendineuse isolée du faisceau sternal avec le inyotome ( fig. 9).
Figure 6. Premier temps. Le doigt médius de la main gauche (a) étant insinué, revêtu de la peau, sous le bord interne du muscle, la face pal-maire tournée en avant; de sa main droite, armée d'un myotome, tenu comme une plume à écrire, le chirurgien fait la ponction de la peau et glisse à plat en arrière au plus près du muscle, jusque vers le doigt médius de l'opérateur dont l'interposition éloigne les parties situées sur le plan profond; puis ce doigt s'éloignant à mesure que l'instrument pénètre, la pointe qui le suit perfore de nouveau la peau de dedans en dehors , et en continuant de faire glisser l'instrument, la seconde lame vient se loger à plat derrière le muscle.
Figure 7. Deuxième temps. La lame étant en position, parmi mouve-ment de quart de rotation imprimé au manche, le tranchant est tourne en avant, la largeur de la lame maintenant l'écartement des parties pro-fondes; puis, en retirant l'instrument parallèlement en sens inverse, sui-vant le premier trajet parcouru, et appuyant vers soi de manière à soulever le muscle et à le détacher des parties profondes, le glissement de la lame opère la section de la face interne vers l'externe; et si, comme il arrive, cette section n'est pas complète, surtout sur le bord interne, la seconde lame l'opère en parcourant de nouveau la plaie de dedans en dehors.
FIGURE 8. Bistouri concave pour la section du faisceau sternal.
FIGURES 9 et 10. Myotomes à une et à deux lames.
FIGURES 6 et 7. Section complète du sterno-mastoidien avec l myotome à double tranchant ( figure 10).
FIGURES 11, 12, i3. Petits tenotomes pour pratiquer les sections lendineuses sur les jeunes enfans.
Tome 7.
Pl.L.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl. M.
D'après nature par N.H.Jacob .
TOME VIL PLANCHE N.
Celte planche se compose d'un certain nombre de cas variés de ténolomie, empruntés de la pratique de M. Bouvier. Nous devons à ce chirurgien ces faits que nous avons copiés d'après nature.
FIGURES 1 et 2. Valgus chez de très jeunes enfans guéris seulement par l'emploi des appareils sans aucune section de tendons. Le numéro 2 est prin-cipalement remarquable en ce que la rétraction allait jusqu'au point d'avoir renversé le pied dont la face dorsale se présente obliquement en haut. On conçoit que des guérisons de cette nature ne peuvent s'obtenir que dans le premier âge, lorsque les os du carpe sont encore cartilagineux, et que tous les tissus sont encore extensibles.
FIGURES 3, 4 et 5. Dissection de divers pieds-bots congéniaux sur des en-fans naissans. Figure 3, pied équin. Figure 4, pied valgus. Figure 5, pied ta-lus. Ces figures sont copiées d'après les dessins originaux de M. J. Bouvier.
FIGURE 6. Valgus compliqué chez un adulte. Les cas de cette espèce, à un âge un peu avancé, sont incurables, ou du moins ne permettent, par la sclé-rotomie, qu'une légère amélioration; les os de carpe présentant, dans leur configuration, leurs rapports et les dispositions de l'appareil ligamenteux qui les unit, un ensemble de modifications qui ne pourrait permettre le retour des parties à leur état normal, comme on en pourra juger par les dessins suivans.
FIGURES 7, 8,9,10. Squelette adulte de pied-bot valgus compliqué, absolu-ment analogue au précédent.
Figure 7. Pied vu dans la station verticale, le bord externe de sa face dor-sale tourné en bas. Le point d'appui est pris sur l'apophyse du calcanéum, le cuboïde et l'apophyse du cinquième métatarsien, tous trois hypertrophiés.
ligure 8. Pied vu dans la station verticale, la face plantaire tournée en haut.
Figure 9. Face plantaire montrant la double incurvation que le pied a subie suivant ses deux diamètres anléro-postérieur et transverse.
Figure 10. Le même organe vu par sa face externe anormale. Celte face est constituée verticalement par le péroné, en avant par l'astragale, en arrière par le calcanéum. De l'ensemble de cette difformité il résulte les faits sui-vans : Les deux malléoles interne {a) et externe {h) sont hypertrophiées; la se-conde surtout pour enchâsser plus bas qu'à l'ordinaire l'astragale dont la position est changée. Vastragale (c) se présente à l'état de subluxalion , situé verticalement, de sorte qu'il ne touche plus au tibia que par son extrémité postérieure articulaire ; le reste de sa surface de glissement forme une face verticale rugueuse qui ne pourrait plus servir au glissement. La tête de cet os n'est articulée avec le scaphoïde que par sa portion interne arrondie; toute la moitié externe, devenue inférieure et aplatie, fait partie de la base de sustentation. Le calcanéum (d) est celui dont les rapports sont les plus changés; il est toujours bien postérieur, mais au lieu de s'incliner en bas, il remonte vers la face postérieure du tibia. La forme de celte surface articu-laire est singulièrement modifiée; son apophyse est hypertrophiée pour faire, en avant, partie de la base de sustentation. Les os de la seconde rangée du tarse sont beaucoup moins altérés dans leurs formes que ceux de la pre-mière. C'est dans l'articulation astragalo-seaphoïdienne et calcanéo-cuboï-dienne que s'est opéré le mouvement de torsion du pied; de telle sorte que, à partir de cette seconde rangée, les modifications que les os ont subies vont en diminuant vers l'extrémité digitale. Le scaphoïde (e) n'est qu'un peu écrasé vers son bord externe par l'application de la malléole interne. Le cu-boïde (f) est élargi sur sa face dorsale pour servir à la sustentation ; il en est de même du cunéiforme moyen et de l'apophyse du cinquième métatarsien avec lequel le cuboïde s'articule. Le grand cunéiforme (g) est un peu atrophié vers le bord interne dans le sens de la rétraction du pied. Le petit cunéi-forme a presque sa forme habituelle; enfin les métatarsiens ne sont que légèrement changés dans leurs articulations tarsiennes et au-delà seulement atrophiés; il en est de même des orteils.
De cet examen analomique, il résulte que, dans le varus, c'est principale-ment aux dépens de l'astragale qui forme la charnière du coude-pied et con-sécutivement du calcanéum, base ordinaire de sustentation, que s'effectue le renversement du pied par les changemens de formes de ces deux os et les modifications de leurs rapports avec le cuboïde et le scaphoïde. Il est évi-dent que cette disposition nouvelle des os entraîne des changemens pro-portionnés dans tout l'appareil ligamenteux, comme on peut le voir sur les figures, sans qu'il soit nécessaire d'entrer à cet égard dans des explications qui nous mèneraient trop loin.
FIGURE lt. Dissection du membre après la section de l'aponévrose pal-maire et celle des tendons fléchisseurs superficiels ( Copié sur un dessin ori-ginal de M. Bouvier. )
FIGURE 12. Section du tendon du cubital antérieur. La main d'un aide (a) fixe celle du malade dont elle tend le bord cubital avec le doigt indicateur de sa main gauche (b). Le chirurgien fait saillir le tendon qu'il pousse au-devant de l'instrument, et de sa main droite (c), armée du ténolome, il en fait la section.
FIGURE 13. Section des tendons du fléchisseur superficiel. Cette opération ne se pratique que dans le cas de rétraction des tendons fléchisseurs, comme l'indique la main (figure 12) copiée d'après nature, les doigts étant fléchis sur la paume de la main et cet organe en entier sur l'avant-bras. La section, dans ce cas, doit être pratiquée préalablement sur le premier rang de tendons, les deuxpalmaires et cubital antérieur qui exigent quelques précautions pour ne pas couper en même temps les veines sous-cutanées. La section du cubital antérieur, en particulier, demande une nouvelle allenlion pour éviter la lésion des vaisseaux : c'est dans cette intention que la piqûre à la peau est faite, sur le bord externe, pour laisser tout d'abord les vaisseaux, en arrière de l'in-strument. Ce n'est donc que dans un second temps que peut être pratiquée la section du tendon du fléchisseur superficiel ; mais, ici, les difficultés sont beaucoup plus grandes. Il s'agit d'éviter non-seulement les faisceaux vascu-laires radiaux et cubitaux en dehors et en dedans, mais aussi, au milieu, le tronc du nerf médian et la branche artérielle qui l'accompagne entre les tendons superficiels et profonds. C'est pour cette raison que la section des tendons fléchisseurs ne doit être faite qu'un à un, au travers, toutefois, de la même piqûre, en tendant chaque doigt en particulier pour faire saillir la corde tendineuse, et, glissant dessous le ténotome, pour couper ensuite de la profondeur vers la surface. En procédant ainsi avec lenteur et précaution, MM. Bouvier etJ. Guérin sont parvenus à pratiquer la section des tendons fléchisseurs; mais il ne parait pas que jusqu'à présent celte opération ail eu des résultats cura tifs salisfaisans.
!a) Main d'un aide qui pratique l'extension en masse de la main(b); (b) main droite du chirurgien occupée à couper l'un des tendons que fixe l'indi-cateur de sa main gauclie(c).
FIGURE 14. Rétraction du tendon du biceps brachial sur une femme âgée ( Copiée sur dessin original de M. Bouvier ).
FIGURE 15. Section du tendon du biceps. La piqûre est faite sur le bord interne. Le chirurgien tenant le ténolome de sa main gauche (a) appuie avec les trois derniers doigts sur les parties molles pour déprimer l'artère avec les deux veines et le nerf médian; avec le doigt indicateur de sa main gauche (b, il déprime également les chairs sur le bord externe , de manière à ce que le tendon fasse une saillie très avancée au devant des parties profondes. Dans le moment choisi de l'opération, le chirurgien tourne, en haut le tranchant du ténotome pour opérer la section sous-lendiiiense ou de la profondeur vers la peau.
Tome 7.
Pl. N.
D'après nature par N.H. Jacob.
TOME VII. PLANCHES O, P.
DIVERS CAS DE RÉTRACTION DE MUSCLES DES GOUTTIÈRES VERTÉRRAL TRAITÉS SEULEMENT PAR L'EMPLOI DES MOYENS MÉCANIQUES.
PLANCHE 0.
Ces faits, qui nous ont été communiqués par M. Bouvier, proviennent de la pratique de ce ténotomiste; ils sont au nombre de quatre choisis parmi un grand nombre et tous copiés sur les plâtres avant et après le traitement. Il est remarquable, en comparant les deux pièces d'un même sujet, de voir que c'est celle des deux épaules qui était primitivement déprimée et comme atrophiée, qui, après le redressement, se trouve généralement la plus haute et la plus musclée.
FIGURE i. Incurvation dorsale avec dépression de l'épaule gauche et saillie de l'épaule droite.
FIGURE 2. La même jeune fille quatre ans plus tard. La forme et la dimension du tronc s'expliquent et par l'effet du traitement et par le bé-néfice de l'accroissement.
FIGURES 3 et 4- Le même sujet avant et après le traitement, chez une personne dont la crue était accomplie; il reste une petite incurvation sa-cro-lombaire, mais qui ne s'aperçoit que sur le nu.
FIGURES 5 et 6. I^es deux torses d'un même sujet, avant et après le traitement, pour une incurvation dorso-lombaire. Le résultat ici est très satisfaisant, seulement l'épaule du côté malade est un peu exhaussée.
FIGURES 7 et 8. Deux torses d'un même sujet pour une incurvation dorsale avec dépression très forte de l'épaule droite. Sur le torse redressé, cette épaule au contraire est saillante et fortement musclée.
PLANCHE P.
MÉTHODE DE PONCTION SOUS-CUTANÉE DE M. J. GUÉRIN.
INSTRUMENS. Deux sortes d'instrumens sont employés par M. J. Guérin : i° une sonde cannelée à fer de lance (fig. 6) qui sert à-la-fois d'instrument d'exploration et de ponction; 2° un grand trocart à tige droite ou courbe, suivant le besoin ( fig. 4 et 5 ). Cet instrument se com-pose de deux parties ; (a) une tige plate terminée par un fer de lance et fixée sur un manche dont le talon forme un pas de vis ; (b) une canule éga-lement plate présentant, vers son extrémité libre au lieu du pavillon ordi-naire, une boîte avis à laquelle s'adapte le talon du manche, et, auprès, un robinet qui la ferme hermétiquement. Pour s'adapter à la forme et au volume des parties, il y a des trocarts droits (fig. 4) et courbes (fig. 5).
PONCTION DE L'EMPYÈME.
FIGURE i. (a) Main gauche d'un aide qui fixe l'extrémité supérieure du pli cutané dont l'extrémité inférieure est tenue par la main gauche du chirurgien (b),
(c) Main droite du chirurgien, armée du trocart courbe et occupée à perforer l'espace intercostal.
FIGURE 2. Disposition de l'instrument dont la tige est revêtue par la peau et la seringue vissée sur la canule pour pratiquer la succion.
FIGURE 3. Même disposition du trocart droit, garni de la seringue, pour l'évacuation d'un abcès profond de la face externe de la cuisse. Ee retrait des parties molles indique que la succion vient d'être opérée.
Tome 7.
Pl.O.
D'après nature par N.H. Jacob.
Tome 7.
Pl.P.
D'après nature par N.H. Jacob.