(1895) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1894
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(1895) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1894

RECHERCHES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

H L'IDIMl

PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET L'IDIOTIE

COMPTE-RENDU DU SERVICE

DES ENFANTS IDIOTS, ÉPILEPTIQUES ET ARRIERES DE

BIGÈTRE PENDANT L'ANNÉE 1894

PAR

B O U RN EVILL E

MÉDECIN DE BICÈTRE

Avec la collaboration de

M. LE D' JULIEN NOIR

ANCIEN INTERNE DU SERVICE.

Volume XV

Avec 8 figures dans le texte et 4 planches.

PARIS

AUX BUREAUX DU

PROGRÈS MÉDICAL

14, Rue des Carmes, 14. 1

FÉLIX ALCAN

ÉDITEUR

108, Boulevard Saint-Germain, 108«

PREMIÈRE PARTIE

Histoire du Service pendant l'année 1894.

(Bicêtre et Fondation Vallée).

Bourneville, Bicètre, 1894.

PREMIÈRE PARTIE

Section I : Bicêtre.

Histoire du service pendant l'année 1894.

I.

Situation DU service. Enseignement primaire.

Les Enfants de la 4° section du quartier des aliénés

de l'hospice de Bicêtre sont répartis en trois groupes :

1° Les enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,

mais invalides ; 2° les enfants idiots gâteux ou

non mais valides ; - 3° les enfants propres, valides,

imbéciles, arriérés, instables, pervers, épileptiques

et hystériques ou non.

I. Enfants idiots gâteux, épileptiques ou non,

mais invalides. Ce premier groupe est subdivisé en

deux catégories : la première est composée d'idiots

gâteux, ne parlant, ni ne marchant, considérés géné-

ralement et à tort comme tout à fait incurables.

En effet, la plupart d'entre eux sont susceptibles

d'amélioration, même à un degié très notable. On

leur apprend à se tenir debout à l'aide de barres

iv Petite école.

parallèles (1), à marcher soit en les tenant sous les

bras, soit à l'aide du chariot ; on fortilic leurs mem-

bres en exerçant successivement chaque jour et à

plusieurs reprises toutes les articulations, en leur

faisant des frictions stimulantes, etc.. En 1894, un

enfant a appris à marcher (2j ; et 3 ont élé rendus

propres ! .3). 1 Dès qu'un enfant marche seul, il est

envoyé à la petite écolo, d'abord le matin, puis toute

la journée aussitôt que ses forces le permettent. Tous 's

ces enfants sont placés sur dos petits fauteuils spé-

ciaux que nous avons décrits (4).

La seconde catégorie comprend les idiots tout à

fait incurables, en beaucoup plus petit nombre qu'on

ne le croit généralement, et les épileptiques devenus

déments ou gâteux sous l'influence des accès ou des

poussées congestives qui les compliquent : ils ne peu-

vent plus être, la plupart, que l'objet de soins hygié-

niques et devraient former un groupe spécial.

II. Enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épilep-

tiques ou non mais valides (Petite école). Ces

enfants fréquentent la petile école confiée exclusive-

ment à des femmes. Dans le courant de l'année 245

enfants y ont été inscrits. Sur ce nombre G sont décé-

dés, 13 sont sortis définitivement, 8 ont passé à la

grande école, 2 sont passés aux adultes et 2 ont été

transférés. Sur les 213 enfants qui restaient à la petite

école au 31 décembre 1894, 8 ne mangent pas seuls,

79 se servent de la cuiller, 08 de la cuiller et de la

fourchette, 58 de la cuiller de la fourchette et du cou-

teau. 0 enfants gâteux, de ce groupe sont devenus

propres (5). Tous les enfants sont exercés à la gym-

(I) Voir dans le Compte-rendu de 1887 la figure 1, p. IV.

[1] Loui... (Albert).

( : i) Junema... Fixeme... et Loui... A.

(4) Voir Comple-rendu de 1887, p. V, fi'J. 2 et 3,

(5) Ilocquign ? Vergu ? Desbarriere ? Yaboll ? Croi/.e ? Grao...

Petite école. t

nastique Pichery, sauf 7 qui, venus du groupe des

invalides et étant infirmes, n'ont pu y prendre part. 10

enfants de la petite école; et 5 de la petite école com-

plémentaire ont suivi régulièrement les exercices de

de la grande gymnastique. 15 enfants ont travaillé

cette année dans les différents ateliers. Tailleurs, 8 ;

cordonniers, 3 ; vanniers, 3 ; menuisier, 1.

La petite école comprend : 1° Le traitement du

gâtisme qui consiste à placer, après chaque repas, les

enfants gâteux sur les sièges d'aisance que nous avons

décrits dans un de nos Compte-rendus précédents;

2" les leçons de toilette qui consistent à apprendre

aux enfants à se laver la ligure et les mains et à s'ha-

biller ; 3" les exercices pour l'éducation de lamain,

des sens et de la parole; 4° les leçons de petite

gymnastique ; 5° les leçons de choses; 6° les

exercices élémentaires relatifs à l'enseignement pri-

maire dont nous avons si souvent parlé dans nos

Compte-rendus de 1880 à 1893.

Petite école complémentaire. Nous avons dit

que cette petite école était confiée à Mmo Bonnet (1).

Nous avons complété l'installation de son école par

l'adjonction d'une petite pièce qui lui sert de cabinet

oi'i elle peut procéder plus facilement aux exercices

de l'enseignement de la parole. 22 enfants lui ont été

confiés dont 6 gâteux. Elle est aidée dans sa tâche

généreuse par M'"e Cordonnier qui a également la sur-

veillance du dortoir où couchent les enfants. De plus,

nous avons donné à M"1" Bonnet, pendant la journée,

à titre d'auxiliaire, une fillette arriérée en voie d'amé-

lioration appartenant à la Fondation Vallée, Adeline

B.... Dans le courant de l'année, 5 enfants ont été rendus

propres (2) ; 7 enfants qui ne savaient pas lire ont appris

(1) Voir Compte-rendu de Tannée ISÎ13, p. V.

(2) Boivi ? Dessertain ? Eel... Lauren ? Lemaîtr.

vi Petite ÉCOLE.

à lire couramment (1) ; 6 enfants ont été notablement

améliorés au point de vue de la parole. Le matériel

scolaire de cette petite école a été complété et elle

possède aujourd'hui les mêmes éléments de travail

que la petite école. Pour les enfants de cette petite

écolo et les enfants teigneux, il a été installé 6 paires

d'échelles du système Pichery, dans le sous-sol du

bâtiment de l'infirmerie, par les soins de M. Bru, éco-

nome, et de M. Delahaye, architecte.

Nous croyons devoir reproduire ici, l'extrait suivant

du procès-verbal de la visite faite â Bicêtre le 31 mai

1894, par la Commission de surveillance des asiles :

« M. le Dr Bourneville. Je demande à M. le Direc-

teur de l'Assistance publique et aux membres de la

Commission de surveillance la permission de leur pré-

senter Mmo Bonnet et de leur rendre compte des servi-

ces qu'elle rend aux petits enfants do Bicêtre. Cette

dame a deux de ses enfants placés dans ma section. Afin

de se rapprocher d'eux et de rendre aux autres enfants

déshérités une partie du bien dont les siens bénéficient,

elle a demandé et obtenu l'autorisation de donner

ses soins, pendant la journée, à une vingtaine de nos

plus jeunes idiots. Le dévouement et le zèle dont M"10

Bonnet fait preuve à l'égard de ces déshérités de l'in-

telligence sont dignes d'éloges. J'ai tenu à lui adresser

publiquement mes remerciments et mes félicitations.

« M. le Dr Peyron et M. le Président de la Commis-

sion s'associent aux remerciments que M. le Dr Bour-

neville vient d'adresser à M"10 Bonnet. M ? Bonnet

se retire vivement émue. »

III. Enfants propres et valides, imbéciles, arrié-

rés, instables, pervers, épileptiques, et hystériques

ou non (Grande école). La population de cette

(1) Bobliq ? Des8ertain ? Emmanue ? Feutr ? Opzonne ? Poviao ? et Robi.

Procédés d'enseignement. vif

école était de 122 enfants au l"r janvier : etilo 214 au

31 décembre. 128 ont fréquenté lcs ateliers par grande

série, 28 par petite série (une heure), 29 ne travaillent

pas. 29 autres ayant le certificat d'études ne vpnt à

l'école qu'une demi journée par semaine et travaillent

à l'atelier toute la journée. ',

Nous avons continué l'emploi des mêmes procédés

que les années précédentes, cherchant toujours 4 ma-

térialiser l'enseignement. Nous nous efforçons de

multiplier les leçons de choses et les séances de, pro-

jections à la lumière oxydrique. Nous avons fait : faire

de nouvelles séries d'images (graduées pour ces pro-

jections; l'une d'elles est relative aux marais salants ;

elle comprend 12 vues : 3 différentes de marais sa-

lants en exploitation, le quai du Croisic, le lavage du

sel, les paludiers et paludières en tenue de travail et

en habits de fêto. Une autre série est relative à la

houille; elle comprend 20 vues : structure du sol;

disposition des couches do houille ; reconstitution du

sol houiller ; empreinte d'une feuille sur un bloc de

houille, mineurs, galeries de mines, explosion de

grisou, lampes de sûreté ; Stephenson ; fabrica-

tion du gaz d'éclairage, etc. -1

De plus, nous avons fait faire cent vues relatives à

l'histoire de France. Le matériel s'est augmente de 8

tableaux des chiffres romains qui ont été confectionnés

par M. Leroy, maître menuisier, et imprimés par M.

Maréchallat, maître de l'atelier d'imprimerie. Cq sont

les mêmes maîtres qui, sur nos indications, ont fait les

représentations des surfaces et des solides. Mention-

nons encore le tableau de la chronologie du siècle qui

commence par l'époque actuelle et indique la série des

gouvernements qui se sont succédé en France, depuis

nos jours jusqu'à 1800; le tableau du mètre sur

lequel est appliqué un mètre et, au-dessous l'indication

des multiples et dos sous-multiples (Fig. 1) ; un appa-

reil destiné à apprendre aux enfants à souffler (Fig. 2),

Procédés D'ENSEIGNEMENT. IX

exercice préparatoire pourl'enseignement de la parole :

il consiste en une planchette en bois creusée d'une

rainure que l'on peut incliner plus ou moins et sur

laquelle l'enfant, en soufflant, pousse une hille de liège,

une bille de bois, une bille de plomb.

Aux examens pour le certificat d'études qui ont eu

lieu à Villejuif, le 15 avril, 3 enfants ont obtenu

leur certificat d'études (1) ; à la même session, 14

infirmiers ou infirmières ont obtenu le même cer-

tificat. En raison du nombre trop considérable d'en-

fants qui dépasse de 120 à 132 le chiffre delà population

pour lequel la section a été construite, ce qui aggrave

la responsabilité de l'administration, nous avons

demandé la création d'un 4" emploi d'instituteur que

nous avons obtenue au mois d'avril. Ce quatrième ins-

tituteur, M. Grandvilliors, est entré en fonctions le 23

avril. A maintes reprises nous avons appuyé les récla-

mations des instituteurs de notre service afin d'ê-

tre assimilés aux instituteurs dos écoles municipa-

les de Paris. M. Pcyron a bien voulu nous donner

satisfaction en élevant, par un arrêté en date du 23

janvier, le traitement du plus ancien de nos institu-

teurs de 3.000 à 3.300.

Dans le but de mettre les instituteurs et les institu-

trices et leurs aides mieux en mesure d'améliorer la

prononciation et de développer la parole des enfants,

nous les avons envoyés successivement et par séries,

au nombre de 12 h\' Institution nationale des sourcls-

(1) Bertliel..., Belliag... et Rat... ...

ÏW. '.

x Procédés d'enseignement.

muets. Nous profitons do l'occasion pour remercier'

M. Javal directeur, et M. Dubranle, censeur, du con-

cours qu'ils veulent bien nous prêter chaque année.

Notre quatrième instituteur, M. Grandvilliers, qui a

été autrefois attaché aux sourds-muets en qualité de

professeur adjoint, surveille les exercices de la parole

faits dans le service, et complète les notions sommai-

res données aux Sourds-muets par le personnel ensei-

gnant. M. Boutillier, qui était entré comme instituteur

dans notre service en octobre 1881, a demandé à être

mis en disponibilité à la fin du mois de novembre.

Malgré l'imprévu de co départ et les circonstances dans

lesquelles il s'est effectué, nous devons reconnaître

qu'il s'est efforcé durant tout son séjour de contribuer

d'une façon sérieuse à la partie pédagogique du trai-

tement des enfants.

Fanfare. Le nombre des enfants faisant partie

de la fanfare dirigée par M. Landosso, l'un des institu-

teurs, depuis le l''r mars, s'élève à 20 (15 instrumentis-

tes et 5 membres honoraires). La cotisation mensuelle

est de 0 fr., 50. Il a été versé par les enfants la somme

de :

Procédés d'enseignement. xi

La fanfare a prêté son concours à la distribution des

prix des Ecoles d'infirmiers et infirmières de la Salpê-

trière et de Bicêtre, à la distribution des prix dos

adolescents incurables de l'hospice d'Ivry, à l'inaugu-

ration des bustes de Falrct et Baillarger à la Salpê-

trière, aux fêtes de la Société de gymnastique et à

celles de la Maison.

Musée scolaire. Ce musée continue à servir aux

séances de projections, aux leçons de choses et aux

lectures récréatives. La Commission de surveillance

des asiles de la Seine, lors de sa visite à la section, a

fait un don de 30 francs pour achat de livres.

Société de gymnastique. Les enfants ont créé

entre eux une petite société de gymnastique sous la

surveillance de M. Grandvilliers l'un des instituteurs,

qui prête ainsi un concours précieux à M. Goy le pro-

fesseur de gymnastique dont nous avons souvent

cité le zèle et le dévouement. Les enfants ont pris

part au concours interscolaire d'Issy et ont obtenu un

prix spécial pour les mouvements d'ensemble.

Enseignement du chant. A notre arrivée dans

le service en octobre 1879 nous avons trouvé comme

professeur de chant M. Pény. Nous avons essayé

de l'utiliser le plus possible ; mais, en raison des

habitudes prises, nous n'avons pu réaliser avec lui

ce que nous désirions, il ne s'est jamais occupé, et

encore d'une façon incomplète, que des enfants les

plus tranquilles. L'enseignement du chant avec lui

était tout à fait insignifiant. Nous avons patiemment

attendu qu'il ait droit à la retraite et, à la suite d'ins-

tances réitérées, nous avons pu obtenir de M. Peyron

le 20 novembre un arrêté mettant à la retraite M.

Pény à la date du 31 décembre 1894, et nommant M.

Sutter pour entrer en fonctions à la date du lcrjanvier.

. xn Procédés d'enseignement.

Société de jeux. Elle se compose de 24 enfants ;

à la fin de 1894 il restait en caisse 34 francs 70. Outre

les jeux donnés par l'Administration, les enfants se

sont procuré des jeux do dames, dominos, tric-trac,

d'euréka etc.

Escrime. Nous avons trouvé en 1879 dans le

service un administré de Bicêtre donnant des leçons

d'escrime à quelques-uns des enfants. Bien que nous

ne trouvions pas cet exercice sans dangers, ni d'une

utilité sérieuse pour les enfants, nous n'avons pas

voulu le supprimer. Depuis cette époque nous l'avons

maintenu sans grand enthousiasme. A maintes repri-

ses les maîtres ont manqué. Après une suspension

de 5 mois l'un des moniteurs d'escrime du fort do

Bicêtre est venu régulièrement donner des leçons

aux enfants.

Danse. Les exercices de .danse qui sont sans

inconvénients et offrent au contraire des avantages

sérieux sont faits sous la direction bénévole de M.

Landosso.

Caisse d'épargne. Elle est confiée à l'un des ins-

tituteurs, M. Mesnard. A la date du 31 décembre 1894

il y avait 72 titulaires de livrets.

Distractions. xiii

rer et nous répéterons ce que nous avons dit les années-

précédentes, les calorifères des classes devraient rester

allumés toute la nuit ; de cotte façon elles seraient

chaudes lors de l'arrivée dos enfants. Quant aux dor-

toirs, il est indispensable que l'Administration centrale

fasse examiner à quelle cause est due l'insuffisance

du chauffage est-ce aux appareils, au charbon ou à la

manutention que sont dûs les graves inconvénients

qui se sont produits dans les derniers hivers.

Promenades et distractions. Les enfants de la

grande et de la petite école qui sont propres ont con-

tinué à faire dos promenades soit à Paris, soit aux envi-

rons. Dans ces promenades les instituteurs et les insti-

tutrices donnent des leçons de choses et exercent les

enfants aux jeux de balle et de ballon. Voici les diffé-

rents endroits où ils ont été en promenade cette année :

Choisy, Fort de Bicêtre, cours de l'hospice et marais,

Villcjuif, Jardin des plantes, viaduc d'Arcueil, Vitry,

Montsouris, jardin du Luxembourg, Place d'Italie,

Place des Vosges, Lion de Belfort, Place de la Salpê-

trièro, Montrougo, foire aux pains d'épices, Chevilly,

Robinson, Tbiais, square Parmentier, square Cluny.

L'Hay, bois de Vincennes, Charcnton.

Les distractions ont été nombreuses, à noter la dis-

tribution de jouets du jour de l'an, les déguisements

du mardi-gras et de la mi-caréme (1 20 enfants) suivis

d'exercices de danse en commun avec les filles à la

Fondation Vallée ; deux matinées données par les

artistes delà Gaité-Montparnasse, une séance de pro-

jection faite par un forain; une matinée offerte par M.

Bru, économe de Bicêtre ; une matinée offerte par la

famille Darthenay ; une fête organisée dans la Sibérie

par les employés de l'économat et de la direction ; 300

enfants ont assisté à une-représentation dans un cir-

que de la fête de Bicêtre, 150 autres sont allés à un

xiv Visites ET permissions.

théâtre forain. Les enfants de l'imprimerie ont fait une

promenade à Joinvillc et à Champigny, promenade dont

le Conseil général fait les frais. - Les jardiniers sont

allés à l'exposition d'horticulture. La société de gym-

nastique sous la direction de M. Grandvilliers a assisté

à deux concours intcrscolaires etremportée 2 médailles

d'argent et un bas-relief en biscuit comme prix d'en-

semble.

Visites. Les enfants ont reçu 9.370 visites. Les

visiteurs ont été au nombre de 10.108. Voici la statis-

tique des permissions de sortie et des congés :

Bains ET hydrothérapie. xv

Bains et hydrothérapiie. Les bains et les dou-

ches, joints à la gymnastique, à l'emploi des bromures

surtout de l'élixir polybromuré d'Yvon, du bromure

de camphre du d1' Clin et des médicaments antiscro-

fuleux, ont continué, comme par le passé, à être la

base du traitement en 1894. Il a été donné dans l'an-

née 14.401 bains ainsi répartis.

xvi Visites DU service.

ville de Balzac, rédacteur à l'Éclair; Taylor Grant,

d'Edimbourg; Titus Romano, correspondant de Spita-

lui, de Bukarest ; DrVan Anclel de Leyde, inspecteur

des asiles d'aliénés de Hollande ; D1' Villard, sénateur;

James "Wilson, M. B., et Maxime Wuillaume, rédac-

teur au Radical. De même que les années précé-

dentes, la Commission de surveillance des Asiles de

la Seine (31 mai) et la Commission d'Assistance publi-

que du Conseil général ont visité le service (15 novem-

bre).

Musée pathologique. Lo Musée, placé sous la

surveillance de notre ancien interne, M. le D'' Solliek,

s'est enrichi notablement en 1894 ainsi que le montre

le tableau suivant : i .

Enseignement professionnel. xvii

les photographies des cerveaux qui composent aujour-

d'hui 7 albums volumineux (1).

Les visiteurs peuvent, au moyen du Catalogue que

nous avons dressé avec M. Sollier, avoir tous les

renseignements concernant les pièces du Musée.

II.

Enseignement professionnel.

Cet enseignement a été dirigé en 1894, comme les

années précédentes, par M. Leroy pour la menuiserie,

Alêne pour la couture, Bénard pour la serrurerie,

Dumoulin pour la cordonnerie, Morin pour la vanne-

rie, le cannage et le paillage des chaises, Maréchal-

lat pour l'imprimerie, Perthuis pour le jardinage.

Nous avons eu le malheur de perdre le 21 décembre

notre maître serrurier Bénard qui, depuis 11 années,

avait rendu aux enfants des services aussi dévoués

qu'intelligents. Il a été remplacé en janvier 1895 par

M. G. Gaie.

De même aussi que les années précédentes, nous ne

pouvons que les féliciter tous, non seulement pour le

zèle et l'intelligence qu'ils apportent chaque jour à

donner l'instruction professionnelle aux enfants, mais

encore pour la bonne direction morale qu'ils savent

leur imprimer. Bien des fois nous avons insisté auprès

de l'Administration pour qu'elle les récompense en

accordant une suite favorable à la demande que nous

lui avons adressée afin de les faire admettre successi-

vement à jouir de la pension de repos qu'elle accorde

aux agents du personnel secondaire. Nous espérons

que l'Administration leur donnera satisfaction. Le

(1) Les photographie» sont faites par M, Hubert; M. Malençon a remplacé

pour le Moulage M. Hurel, décédé en juillet 1894.

Bourneville, Bicêtrej 1894. **

XVI

Enseignement professionne

tableau suivant met en évidence les résultats obtenu

grâce à leurs efforts.

Fonctionnement des atelier3. xix

Les travaux de jardinage seuls ne sont pas évalués ;

il est en effet assez difficile d'en faire une estimation

précise ; pourtant nous croyons que l'Administration

pourrait en donner tout au moins une approximation.

Les sept maîtres (non compris le jardinier) sont

payés à raison de 6 fr. 50 par jour, soit pour l'année

16.607 fr. 50. Cette somme étant déduite de celle du

travail des enfants (27.588 fr. 50) il reste un bénéfice

de 10.981 fr. L'évaluation du travail est faite non

par nous, qui sommes imcompétent, mais par l'inspec-

teur du service d'architecture, M. Delayaye, et par M.

Bru, économe. Le travail des enfants couvre : 1° la

dépense occasionnée par le salaire de leurs maîtres ; 2°

l'intérêt du capital employé pour la construction des

ateliers (210.000 fr.) (1). Nous n'insisterons pas sur

les avantages que procurent ces ateliers tant au point

de vue de l'intérêt des malades qu'à celui de l'Admi-

nistration. Nous ajouterons seulement qu'il serait con-

venable et avantageux, à tous les égards que nos

anciens malades qui passent soit aux aliénés adultes

soit aux incurables trouvent un meilleur accueil dans

les ateliers de l'hospice et que les chefs de ses ate-

liers se montrent plus bienveillants pour eux.

III.

Statistique. Mouvement DE la population.

Le lor janvier 1894, il restait dans le service 494 en-

fants idiots, imbéciles et épileptiques dits aliénés et

28 réputés non aliénés, soit 512. Sur ce chiffre 14 en-

fants sont affectés de surdi-mutité et 12 de cécité.

Signalons les ruminants au nombre de 18, les ony-

(1) Voir nos Compte-rendus précédents : 1892, p.XXI. XXII ; 1894, p. XXI.

XX

Mouvement DE la population

chophages au nombre de 34 et 3 déchireurs d'ongles.

Voici le mouvement de la population en 1894.

Population. xxi

Transferts. Ils ont été au nombre de huit concer-

nant les enfants Marti..., Au thi..., Davi..., Vermeul...,

Carrié..., Barthélém..., Maupi..., Roussi.... Ils s'appli-

quent à des enfants dont les parents habitent Paris, mais

qui sont nés dans les départements. Les demandes

des préfets ont été beaucoup plus nombreuses, mais,

plusieurs familles ont préféré reprendre leurs enfants

que de les laisser partir loin d'eux, et par conséquent

ne plus pouvoir les visiter et soulager leur infortune.

La mesure prise, sur notre proposition, par le

Conseil général et qui consiste à recevoir et maintenir

dans les asiles de la Seine les enfants nés dans les

autres départements, lorsque leurs parents sont domi-

ciliés à Paris ou dans une commune de la Seine depuis

3 ans, tout en ne réclamant aux départements d'origine

que le prix de journée payé par ces départements dans

leurs propres asiles, n'est pas acceptée par la plu-

part des préfets. La mesure si humaine, si généreuse

du Conseil général envers les enfants et leurs famil-

les, les laissent trop souvent indifférents. On le com-

prend d'autant moins que le maintien dans les asiles

de la Seine de cette catégorie d'enfants n'entraîne

aucun surcroit de dépenses pour les départements

qu'ils administrent.

Population au 31 décembre 1894. Il restait à

cette date dans le service 526 enfants se décomposant

ainsi : 501 enfants idiots, imbéciles ou épileptiques,

dits aliénés et 25 réputés non aliénés. Sur ce nombre

5 sont atteints de surdi-mutité, 8 de cécité, 18 de

rumination ; 89 sont gâteux, 82 hémiplégiques, 27

baveux, 35 onychophages, 3 déchireurs d'ongles.

XXI1 " DÉCÈS.

XXIV

DÉCÉ,S.

Thymus ET glande thyroïde. xxxv

Thymus et glande thyroïde. Nos études sur l'idio-

tie myxoedémateuse nous ont conduit à reprendre, il y a

plusieurs années, des recherches anciennes (1868) sur la

glande thyroïde, et incidemment sur le thymus. Le

tableau ci-après donne les renseignements sur ces

deux organes, chez nos malades décédés en 1894.

XXXVI PEnSONNEL DU SERVICE.

Personnel du service en 1894. Le personnel était

ainsi composé : 1° Service médical : deux internes titu-

laires, M. Zeimet et Arrizabalaga, et d'un interne provi-

soire, M. Dardel. Dans le courant de l'année M. Arriza-

balaga a été remplacé par M. Dujarier qui lui-même,

après 5 mois, a cédé sa place à M. Comte ; et de M. Sol-

lier conservateur du musée pathologique.

2° Service scolaire : a) grande école : d'un instituteur,

M. Boutillier et de 2 instituteurs adjoints, MM.Mesnard

et Lamlosse. Comme nous l'avons dit plus haut un 41U"

instituteur (M. Grandvilliers) a été nommé en avril ; de 2

moniteurs, administrés de l'hospice, d'un professeur de

chant, M. Pény ; d'un professeur de gymnastique M.

Goy ; d'un maitre d'escrime, M. Leprince, d'un sup-

pléant, M. Acard et de 3 iniirmiers dont l'un a le grade

de lor infirmier. b) Petite école : de MUc Blanche

Agnus, surveillante, de M110 Amandinc Bohain, élevée

au grade de surveillante le 1er janvier 1894 ; de Mmcs 0<

Givalois et Malabre, suppléantes ; de 2 premières inlir-

mières : Mm° Malençon, emploi créé à la petite école

le 1er août et M'"c Grizard chargée du pavillon d'isole-

ment ; de 9 infirmières de dortoirs qui, quand elles

ont fini leur besogne, viennent aider les maîtresses

d'écoles; en outre cinq infirmières n'ayant pas de dor-

toirs sont affectées aux soins ot à l'enseignement des

enfants de la petite école.

3° L'Enseignement professionnel : de huit maitres

dont nous avons donné les noms plus haut (p. xvu) ; plus

un infirmier de garde.

4° Service hospitalier : il se compose de M. Agnus

surveillant; de M. Siégel, sous-surveillant, qui au mois

d'octobre a été nommé surveillant de la lro section

d'aliénés adultes (service de M. le Dr Charpentier);

de Mmc Bié, sous-surveillante (bâtiment des gâ-

teux) ; de M"0 Athénaïse Bohain, sous-surveillante

(infirmerie) ; de M ? Gladel, suppléante de nuit ; de

deux suppléants, M. Givalois (baigneur) et M. Malen-

xxxvn Personnel DU service.

çon attaché au musée; d'un premier infirmier (por-

tier), de 27 infirmiers et 25 infirmières de jour ou de

nuit, d'un perruquier ; total du personnel secon-

daire : 84. Dans le courant do l'année, M. Agnus que

nous avions depuis 1879 est tombé malade et à dû

prendre sa retraite. Nous tenons à le remercier des

services très dévoués qu'il nous a rendus pendant

15 ans et du soin minutieux qu'il apportait dans l'ad-

ministration de tous les documents médicaux du

service.

Après la mise à la retraite de M. Agnus, M. Girard,

suppléant, a été charge de remplir les fonctions de

surveillant, à titre d'essai, à la date du 1er octobre.

Section II : Fondation Vallée.

Histoire du service pendant l'année 1894.

I.

Situation DU service. Enseignement primaire.

De même que l'an dernier, en 1894, la Fondation

Vallée a présenté une population qui a toujours dépassé

le chiffre maximum qui avait été fixé, c'est-à-dire cent.

Cette augmentation est d'autant plus regrettable que

la plupart des dortoirs sont difficiles à bien surveiller.

Pendant presque toute l'année, il y a eu 30 enfants en

plus du chiffre réglementaire. L'organisation primi-

tive assimilait la Fondation Vallée à la colonie de

Vaucluso et en excluait par conséquent les gâteuses

et les épileptiques. Or, on compte à la Fondation 30

épileptiques et 42 gâteuses.

Enfants idiotes et gâteuses invalides. Nous

n'entrerons pas dans des détails au sujet de ce service

que nous avons organisé tant bien que mal dans des

locaux insuffisants ; il ne fonctionne bien que grâce au

dévouement de l'infirmière qui en est chargée, M"c

Raymond, que nous avons pu faire nommer sur place

lr0 infirmière. En plaçant ces enfants gâteux sur des

sièges spéciaux à des heures régulières, au lever, au

coucher, après chaque repas, on diminue la dépense

de linge et quelques-unes deviennent propres (3 en 1894

Bossu... Rat... et Lolli...). On les prépare à la

marche à l'aide de la balançoire tremplin, des barres

parallèles, du chariot et de l'escabeau. Des frictions

Enseignement pratique ET primaire. xxxii

stimulantes, le massage des membres, les exercices

des jointures contribuent au développement des enfants

et aident à leur apprendre à marcher. Aussitôt que

ces enfants marchent seules, quoique gâteuses, elles

sont envoyées à l'école et soumises toute d'abord

aux exercices de la gymnastique Pichery.

Enseignement pratique et enseignement primaire.

Il est confié exclusivement à des femmes sous l'ha-

bile direction de M"0 Langlet, surveillante. Les procé-

dés employés sont les mêmes qu'à la section de Bicêtre.

Tout le matériel est identique. Les leçons de choses

sont multipliées autant que possible et complétées par

des promenades dans le domaine et les environs. Les

enfants assistent à toutes les opérations du jardinage,

participent à la récolte des légumes et des fruits.

L'idéal que nous poursuivons, c'est d'occuper les

enfants du matin jusqu'au soir en variant le plus

possible les exercices. Les jeux même doivent contri-

buer à leur éducation.

Aux repas, on surveille les enfants et on s'efforce de

leur apprendre à manger seules et convenablement.

Sur 130 enfants que nous avions en fin d'année, 48

savent se servir de la cuiller, de la fourchette et du

couteau ; 40 de la cuiller et de la fourchette ; 20 de

la cuiller; 16 ne savent pas manger seules. Dol... et

Bossug... ont appris à manger sans aide.

117 enfants ont fréquenté l'école et participé aux

exercices de la gymnastique Pichery.

Les détails dans lesquels nous sommes entré l'an

dernier sur les moyens employés pour apprendre aux

enfants à boutonner, nouer, lacer, agrafer, se désha-

biller et s'habiller, nous dispensent d'entrer cette année

dans de nouveaux développements.

Traitement et éducation de la digestion. La

question des aliments est d'une grande importance

xl Traitement ET éducation de la digestion.

dans l'éducation de nos enfants. Si l'hygiène de la

nutrition est indispensable à l'individu sain, personne

ne songera à soutenir le contraire quand il s'agit des

malades tels que les nôtres.

De nombreux troubles se présentent dans cette

fonction. Dans le degré le plus prononcé de l'idiotie,

l'enfant peut être absolument incapable de se servir

en quoi que se soit de ses mains. A un degré moins

inférieur, il porte maladroitement à sa bouche tout

ce qu'il peut saisir (1). Ses dents sont mauvaises et

mal plantées, ses mâchoires aux mouvements lents et

désordonnés mâchent mal la nourriture qui leur est

confiée, l'insalivation est défectueuse, la salive dé-

borde, la déglutition est laborieuse, de sorte que la

plupart du temps les aliments arrivent à l'estomac, à

peine broyés. Il s'en suit que la digestion stomacale

ne s'accomplit pas d'une façon normale, et comme

conséquence nous constatons chez l'enfant soit une

constipation persistante, soit une défécation abon-

dante et liquide, qui entraîne au dehors une partie

plus ou moins grande de ce qui aurait dû être

absorbé. D'où nécessité d'une véritable éducation de

la digestion.

D'abord à quel régime alimentaire soumettrons-nous

notre idiot ? Nous ne saurionstrop recommanderde ser-

vir à nos jeunes malades les repas à des heures très régu-

lières et de leur faire absorber le plus constamment

possible la même quantité. Le matin, après leur pre-

mière toilette, lorsqu'on les aura promenés quelques

minutes en plein air, pour provoquer en quelque sorte

le réveil complet, on leur donnera de préférence une

tasse de lait ou un potage léger soit au pain, soit aux

pâtes alimentaires, rarement du chocolat et du café

au lait. Vers le milieu du jour, ils prendront un repas

(1) Nous reviendrons en ilétuil une autre fois sur lu préhension, à propos <li

l'éducation de la main.

Traitement ET éducation DE la digestion. xli

plus substantiel, composé de viande d'animaux adul-

tes, de légumes frais et de fruits en petite quantité.

Les viandes blanches, les oeufs, le lait et ses dérivés

nous permettront de varier de temps en temps l'ali-

mentation, mais il faudra avoir soin, si nous don-

nons du poisson, de prendre de préférence ceux dont

la chair est facile à digérer, et d'en exclure par exem-

ple le thon. Il va de soi que l'infirmier ou l'infirmière

dévia enlever minutieusement toutes les arêtes, d'où

encore la nécessité de choisir l'espèce de poisson.

Nous ne leur donnons jamais de crustacés. Une

crême légère, des confitures ou autres friandi-

ses servies avec mesure constitueront le dessert.

Entre ce repas et celui du soir, notre élève fera une

petite collation et vers 6 heures, nous lui donnerons

un potage ou une panade, suivi d'un menu constitué

de la même façon que celui de midi. Quant à la bois-

son, nous donnerons de l'eau rougie ou du lait, que

l'on fara boire par petites gorgées. Pour les idiots

inertes, le vin pur, pris en petite quantité rendra

quelques services, de même que le thé et le café ou

tout autre boisson excitante (1).

Pour nous résumer, nous dirons avec Séguin, que

la règl.3 est « de leur ilonner la nourriture qui convien-

drait à un enfant ordinaire du même âge et de la

même constitution », dirigée d'une façon intelligente

et physiologique.

Il faut éviter en outre de leur donner entre les repas

toutes ces friandises dont les parents aiment tant à

les bourrer et qui, mettant continuellement en mou-

vement les organes de la digestion, les fatiguent et

{1} Il va i'.e soi qu'il faut tenir compte des indications particulières à chaque

cas. Si l'en ant est sujet à des crises nerveuses, il ne devra jamais rien boire

d'excitant, alors môme qu'il appartient a la catégorie dos idiots inertes. Geor-

Ges T.. g, jeune idiot épileptique de 10 ans, avait une crise presque toutes les

fois qu'il allait passer la journée chez ses parents. On nous apprit plus tard,

qu'on lui faisait boire chez lui pour faciliter la digestion ( ? ), un verre de Bor-

deaux pur.

xlii Traitement et éducation de la digestion.

les rendent imcapables de brasser convenablement

les aliments plus forts qu'on leur servira aux repas

réguliers. Cette habitude déplorable peut avoir encore

pour conséquence d'alourdir l'enfant au lieu de l'é-

veiller et de le conduire à un développement exagéré

du système adipeux.

Nous allons maintenant entrer dans les détails.

a) Préhension des aliments. Elle est préparé

par tous les procédés qui nous servent à faire l'éduca-

tion de la main. En ce qui concerne ce point particu-

lier, il faut apprendre aux enfants à boire en se ser-

vant de gobelets et de verres proportionnés à la

dimension de la main, en ne mettant qu'une petite

quantité de liquide ; à manger en leur préparant de

petites bouchées de pain, en se servant de cuillères et

de fourchettes également appropriées à leur âge. Au

début, la cuillère devra être remplie d'aliments demi-

solides. La viande devra être coupée en petits morceaux

et au commencement de l'éducation, il faudra que

l'infirmier ou l'infirmière pique lui-même les morceaux

de viande avec la fourchette.

b) Insalivation. Plus tard, à propos de l'éducation

des lèvres (bave), et du système musculaire nous

reviendrons en détail sur cette question.

c) Mastication. Aux idiots qui ne savent pas mâ-

cher, ou qui mâchent difficilement, on servira de la

viande bâchée, ou coupée en petits morceaux. On ne

pressera pas l'enfant ; on lui mettra dans la bouche

une même quantité à la fois, et on attendra patiem-

ment qu'il ait avalé la première bouchée avant de lui

en donner une seconde. De cette façon l'insalivation

sera plus complète et la digestion stomacale en béné-

ficiera. De plus, on fait perdre à l'enfant les habitudes

de gloutonnerie, et on le préservera contre la perver-

Traitement et éducation de la digestion. xliu

sion du goût. Les aliments produiront sur les papil-

les de la langue une sensation plus prolongée, par-

tant plus sensible et le sens du goût subira ainsi un

commencement d'éducation.

Lorsque l'idiot sera devenu capable d'attention et

d'imitation, on devra à chaque repas lui faire pro-

duire les mouvements nécessités par une bonne mas-

tication (1).

Louis B... a une mastication lente et défectueuse;

comme chez lui la déglutition ne s'effectue qu'avec

une certaine difficulté, nous avons réussi à lui faire

mieux mâcher ses aliments, en lui donnant deux bou-

chées presque coup sur coup. Il est arrivé que, tandis

que la première était avalée plus ou moins mâchée,

la seconde étant restée plus longtemps dans la bou-

che pendant la mastication rudimentaire, c'est vrai

mais réelle de la première, avait bénéficié du mouve-

ment des mâchoires et avait subi une mastication et

une insalivation plus complètes, ce qui l'avait mieux

appropriée à la déglutition. Avec lui, nous faisions

en sorte qu'il eut toujours deux bols alimentaires

dans la bouche. Faut-il dire qu une grande surveil-

lance est de rigueur ?

Si nous avons cité cet exemple, qui est en contra-

diction avec ce que nous disions plus haut, c'est pour

montrer que c'est à l'éducateur de modifier les exer-

cices que nous proposons et que nous avons expéri-

mentés, suivant les exigences de l'organisme, auquel

il aura à faire.

d) Déglutition. Certains idiots avalent glouton-

nement tout ce qui remplit leur bouche et sont ainsi

exposés à de graves accidents : arrêt d'un bol alimen-

taire volumineux et mal mastiqué, à la partie supé-

(1) Les exercices préliminaires pour l'éducation de la parole contribuent,

ainsi que nous le dirons, à l'éducation de la mastication. .

xi.iv Traitement et éducation de la digestion.

rieure de l'oesophage, ou au niveau de l'épiglotte, ou

encore passage des aliments dans le larynx ou

la trachée. Ces accidents seront parés si l'on a

pris la précaution que nous avons indiquée au

point de vue de l'ingestion et de la mastication

des aliments.

e) Digestion stomacale. Rumination. Quelques

idiots ruminent, surtout les idiots complets. A peine

ont-ils terminé leurs repas, qu'ils font remonter dans

la bouche les aliments déjà avalés, comme pour les

soumettre de nouveau à une plus complète mastica-

tion. Cette rumination, que l'on désigne sous le nom

de méryeismc, est avant tout une mauvaise habitude,

au moins dans les cas que nous avons observés. Elle

se manifeste lorsque l'idiot se trouve livré à lui-même

et qu'il vient de manger quelque plat dont il est très

friand. Nous parlons, bien entendu, de la rumination

à son début, car si on laisse cette habitude s'enraci-

ner chez l'enfant, elle se montrera indistinctement à

tout instant du jour, même lorsque l'enfant sera dis-

trait. Il faut donc s'en occuper dès qu'on l'observe.

Pour la faire disparaître il est de toute nécessité de

prendre l'enfant aussitôt la dernière bouchée avalée ;

de l'occuper, de le distraire, de le fatiguer, pour don-

ner aux aliments le temps d'être dilués complètement

dans l'estomac, d'où ils ne resortiront plus. Il est bon

aussi de priver, au moins pendant quelque temps, l'en-

fant des mets qu'il affectionne plus particulièrement,

et qu'il pourrait ruminer pour les savourer une seconde

fois.

Emile L... aime beaucoup le fromage de Roquefort ;

le jour où on lui en donnait, il ruminait plus que ja-

mais ; il en étai le même quand il mangeait des mar-

rons. Nous avons été obligé de le priver de ces deux

desserts, et aussitôt la rumination ne se produisit

plus qu'à de lointains intervalles.

Traitement et éducation de la digestion. xlv

La distraction nous fut aussi d'un grand secours

pour le traitement do ce miryeole. A peine avait-il

fini de manger que, sournoisement, il allait s'asseoir

« en tailleur » dans un coin du préau, ou sur sa

chaise percée, il posait le coude sur le genou et le

menton dans la main, et se mettait à ruminer dans

cette attidude méditative. Le faisait-on courir, sauter,

jouer en sortant du réfectoire, il se mettait à rire et

ne ruminait pas.

Une bonne mastication est un des moyens préven-

tifs à employer contre la rumination. Nous ne parlons

pas ici de la volonté, les idiots complets n'étaient capa-

ble d'en faire preuve (1), mais si nous avons su provo-

quer en eux l'attention, nous la ferons intervenir pour

nous aider faire disparaître cette lâcheuse habitude

d'autant plus répugnante que l'idiot mérycole n'a

aucune retenue.

L'éducation de l'estomac se fait, pour ainsi dire,

sans qu'on s'en doute. La régularité dans l'heure des

repas, comme dans la quantité de nourriture servie,

suffit pour l'habituer à digérer normalement et à faire

disparaître les vomissements, les indigestions, dûs à

une mauvaise hygiène de la fonction digestive.

g) Défécation. Il en est de même pour tout

ce qui a rapport à la défécation. Afin de provoquer

chez l'enfant des selles à une heure régulière, il est

nécessaire de le placer tous les jours sur le siège à

des heures fixes, dès le réveil, au matin; après cha-

que repas, le soir avant le coucher, et souvent une

fois dans la nuit. Il est évident que dans le cours de

la journée il faudra provoquer plus souvent l'urination

de l'enfant et aussi tenir compte des habitudes qui ont

été prises dans la famille. A ce sujet, nous croyons bon

{1} Bourneville et Scglas. Eluda sur le Méricusme, iCompte-rendu cite

service des enfants idiots de Bicêtre pour l'année 1893).

xlvi Traitement et éducation de la digestion.

de recommander de ne pas aller trop loin pour la fré-

quence de la mise sur le siège, il faut savoir gar-

der une mesure, sous peine de faire contracter à l'en-

fant l'habitude d'uriner à chaque instant. Louis

B... s'est trouvé dans ce cas. Sa mère pour empê-

cher qu'il ne se souillât, le mettait à chaque instant

sur le vase, ce qui a produit une incontinence d'u-

rine, en quelque sorte permanente.

Dans l'éducation de la défécation et surtout de la

miction, il convient d'observer très attentivement les

enfants, de noter pendant un certain nombre de jours,

l'heure des évacuations liquides ou solides et, d'après

le tableau ainsi dressé, de placer l'enfant sur le vase

ou sur le siège. Grâce à ces précautions, on arrivera

fréquemment à un bon résultat, et à éviter que l'en-

fant ne se souille, d'où avantage pour l'enfant et éco-

nomie pour la famille. Il faut aussi observer les enfants

pour se rendre compte si le besoin de la miction ou

de la défécation ne se manifeste pas par un cri, un

geste, un signe quelconque, et en profiter pour les

mettre sur le vase.

Bien que l'enfant soit assez développé pour aller

seul au siège, il faut l'y conduire de peur qu'il ne l'ou-

blie ; car, par étourderic ou amour du jeu, il lui arri-

vera souvent de préférer rejoindre ses camarades que

d'aller au siège sous le prétexte que le besoin n'est

pas pressant ; et qu'arrivcrat-il ? c'est que dans la fiè-

vre du jeu, lorsque le besoin demandera une satisfac-

tion immédiate, l'enfant, pour ne pas se déranger, se

laissera aller et nous courrons le risque de le rendre

gâteux. Nous avons observé ce fait plusieurs fois (1).

Traitement et éducation de la respiration et de la

(1) Ce mode de traitement auquel ou peut ajouter utilement les douches

ttno-périnéales est celui qui est mis régulièrement à contribution a Hicétre,

à la Fondation Vallée et à l'Institut médico-pédagogique de Vitry.

Traitement et éducation de la respiration, xi.vii

circulation. La respiration étant une fonction indis-

pensable à la vie, nous n'avons pas à en faire l'éduca-

tion. Nous avons eu cependant plusieurs fois l'occasion

d'attirer l'attention des enfants sur la mécanisme de la

respiration, afin de les exercer, pour ainsi dire, à aug-

menter la capacité de leurs poumons et leur permettre

de soutenir plus longtemps l'expiration pour l'émission

d'un son quelconque. Nous reviendrons sur ces exerci-

ces ultérieurement, à propos de l'éducation de la

parole.

Ce qu'il importe cependant de dire de suite, c'est

qu'il faut permettre à l'idiot de respirer toujours en

plein air, de le tenir enfermé le moins possible, alin

d'activer chez lui la respiration et la circulation qu'ont

une tendance à se ralentir, étant donnée l'incrtie du

sujet. C'est pour cela que, plus que pour tout autre

enfant, les leçons en plein air présentent de sérieux

avantages.

Que les vêtements soient amples, qu'ils n'opèrent

de constrietion ni au cou, ni sur la poitrine (1), qu'ils

permettent la dilatation la plus large possible de la

cage thoracique, et que, sur aucun point du corps, ils

n'opèrent de pression exagérée soit sous forme de

jarretière, soit sous forme de ceinture ou de corset.

Lorsque nous aurons à parler du sens musculaire,

nous indiquerons les différents excercices qui ont spé-

cialement pour but de développer les muscles qui pré-

sident à ces diverses fonctions (Gymnastique propre-

ment dite).

Parmi les malades les plus atteints, il en est beau-

coup chez lesquels la circulation est ralentie, la tem-

pérature légèrement au-dessous de la normale ; ils

présentent une cyanose plus ou moins prononcée des

(1) Ces précautions sont d'autant plus pressantes, que, parmi les idiots, il y

en a, dans une certaine proportion, qui sont sujets â des accès de colère et

d'épilepsie.

xlviii . Enseignement professionnel.

mains et des pieds ; ils sont sujets aux engelures. En

outre du traitement général dont nous parlerons plus

loin, il conviendra, en outre, de veiller à ce que les

mains et les pieds soient couverts d'une façon conve-

nable durant la mauvaise saison. (1).

Enseignement professionnel. Nos efforts cons-

tants tendent d'abord à leur apprendre tout ce qui est

nécessaire pour en faire de bonnes ménagères. Le

matin, après leur toilette, qui est surveillée attentive-

ment, on leur enseigne à faire leur lit, à entretenir

proprement leur dortoir. Elles mettent et retirent le

couvert, lavent la vaisselle. Dix des moins arriérées

aident le personnel à apprendre à manger aux enfants

incapables de manger seules et à perfectionner celles

qui mangent malproprement.

Les deux ateliers que nous possédons ont fonctionné

régulièrement cette année comme la précédente.

Le travail évalué par M. Bru, économe de Bicêtre,

s'est élevé à 1 .22 francs pour l'atelier de couture,

dirigé par M ? Ehrmann, et à 1.1 58 francs pour l'atelier

de repassage, dirigé par M'"c Lcjeunc. Total : 2.383

francs ; soit 101 francs de plus qu'en 1893.

20 enfants savent faire la layette, 15 du crochet, 15

savent marquer, 6 commencent à faire de la tapisserie.

Visites, permissions de sortie et congés. Les

enfants ont reçu 2.101 visites. Les visiteurs ont été au

nombre de 3.502.

Visites, bains et hydrothérapie. xlix

l Promenades et distractions.

l'année 1894. Des bidets sont installés pour nettoyer

les petites filles gâteuses et, à l'occasion pour les

jeunes filles pubères pendant et après leurs règles,

car nous estimons que tout médecin digne do ce nom

doit veiller à l'hygiène sexuelle. Les enfants vali-

des vont prendre leurs douches dans la section des

enfants de Bicêtre et les enfants invalides les prennent

à la Fondation même où l'installation hydrothérapique

a été améliorée. Les bains de pieds sont également

donnés à Bicêtre où il existe, comme nous l'avons

dit déjà, une installation rendant facile le lavage

simultané des pieds d'un grand nombre de malades,

aussi sera-t-il nécessaire, le moment venu, de faire

une installation semblable à la fondation Vallée.

Voici la statistique des bains et des douches donnés

cette année à la fondation Vallée :

, Améliorations diverses. ' ' , n

. Distractions. Les petites filles de la fondation

Vallée ont participé en 189 't, comme les années précé-

dentes à la distribution des jouets qui a eu lieu le

1er janvier, aux promenades et aux bals costumés

avec les garçons de Bicêtre, le Mardi-Gras, et à

la Mi-Carême. De môme aussi que les années précé-

dentes les petites filles valides de la Fondation ont

assisté à toutes les fêtes données à Bicêtre : matinées

dramatiques organisées par les garçons de Bicêtre ou

par les artistes de la Gaité Montparnasse, concert de

de la fête du 14 juillet. etc. L'économe de Bicêtre,

M. Bru, a acheté pour la Fondation Vallée un mano-

pan qui permet do faire danser les petites filles chaque

dimanche après la visite de leurs parents.

Améliorations diverses. Au mois de décembre,

on a procédé à la réfection du sol de la galerie qui va

du réfectoire aux classes.

Cours de dessin. M"lc Bru, femme de l'économe

de Bicêtre et maîtresse de dessin des écoles munici-

pales, s'est proposée pour donner deux fois par semaine

une leçon de dessin aux élèves les plus avancées de la

Fondation Vallée ; naturellement nous avons accepté

sa proposition avec empressement. Elle a commencé

le 4 janvier. Nous avons signalé à la Commission de

surveillance dans sa visite du 31 mai les progrès faits

par nos malades sous son habile direction. « En les

faisant bénéficier gratuitement de ses connaissances

artistiques et de son habileté professionnelle, avons-

nous dit, M"10 Bru a bien mérité et de l'Administration

et de la Commission de surveillance. » M. Le Roux, au

nom de l'Administration, et M. Potier, au nom de la

Commission, adressent leurs remerciements ainsi que

leurs félicitations à Mrao Bru. »

Maladies épîdémiques. L'enfant Gauche... ayant

lu Mouvement de la population.

contracté la variole a été soignée au pavillon d'isole-

ment. Deux autres enfants, Robine... et Voila... ont

été traitées pour la rubéole; ces trois cas ont été

suivis de guérison.

Teigne. Les enfants Le Gall..., Dentrou...,

Lapor..., Picho..., et Olivi..., ont été traitées pour la

teigne au pavillon d'isolement de Bicêtre, 3 en sont

sorties guéries dans le courant de l'année.

Maladies intercurrentes. Elles ont été peu

nombreuses : tuberculose avec congestion pulmonaire,

1; cachexie, 3 ; fièvre typhoïde, 1. Les en-

fants soignées pour maladies contagieuses ont été

conduites au pavillon d'isolement de Bicêtre sans

qu'il soit résulté d'inconvénients du mélange des

sexes.

II.

Statistique. Mouvement de la population.

Le 1er janvier 1894, il restait à la Fondation 131

enfants se répartissant ainsi :

DÉCÈS.

LUI

Tableau des Décès.

Personnel du ssrvice. lv

Sorties. Le tableau ci-après indique les motifs

de la sortie et la nature de l'affection dont étaient

atteintes les malades (p. lvi).

Évasions. Comme les années précédentes, nous

n'avons pas eu d'évasion en 1894.

Transferts. Ils ont été au nombre de 5, ceux des

enfants : Rainer... dirigée sur l'Italie ; Péchen... sur

l'asile de Dury ; Klein... sur Ville-Evrard et Guillo...

sur l'asile de Prémontré.

Population au 31 décembre 1894. Il restait à la

Fondation 130 enfants se décomposant ainsi :

- Personnel DU service. lvii

premier lieu à la surveillante, M110 Langlet, que nous

devons les résultats obtenus pour l'amélioration et la

guérison d'un certain nombre des enfants.

II.

Rapport sur le projet définitif pour la construction d'un

bâtiment de cent lits à la Fondation Vallée, présenté

par M. BOURNEVILLE (II.

Messieurs,

Dans votre sénncc du 2 juin 1892, nous vous avons

présenté un premier rapport sur un projet d'agrandis-

sement de la Fondation Vallée. Quelques mois plus

tard, nous vous avons soumis un programme com-

plet sur l'organisation de la future section (1er décem-

bre 1892). Dans la séance du 9 mars 1893 nous

vous avons lu un troisième rapport relatif à la cons-

truction d'un pavillon de 100 lits. Nous vous avons

alors indiqué un certain nombre de modifications qu'il

nous paraissait utile d'introduire dans le projet dressé

par M. l'architecte, à la suite d'une délibération du

Conseil général en date du 27 octobre 1892. Le Con-

seil général, à cette date, avait voté l'inscription au

budget départemental d'un crédit de 235.000. Dans sa

séance du 23 octobre 1893, le Conseil général approu-

vait le projet tel que vous l'aviez modifié (9 mars

1893). Pourquoi ce projet n'a-t-il pas reçu un commen-

cement d'exécution ? M. le Directeur des affaires dépar-

tementales nous le fait connaître en ces termes :

A raison des conditions dans lesquelles avait été dressé

cet avant-projet, fait à petite échelle, il était impossible

de mettre les travaux en adjudication et de passer à l'exé-

cution avant d'avoir fait établir un projet définitif, étudié

dans tous ses détails.

Nous nous bornons à faire remarquer qu'entre votre

vote (9 mars 1893) et celui du Conseil général (23

(1) Procès-verbal de la séance du 31 mars 1894, p. 131.

i.viû Fondation Vallée. :

décembre 1893), il s'est écoulé plus de neuf mois.

Dans son rapport, M. Roger, architecte, déclare que :

Le projet définitif a été dressé en tenant compte des

diverses modifications adoptées par la Commission de sur-

veillance des asiles.

Il énumère ainsi ces modifications :

1° Le pavillon sera reculé dans le sens longitudinal de

manière qu'il soit à environ 2G mètres de distance du

bâtiment du gymnase (voir le plan général) ;

2° L'escalier conduisant au 1"' étage sera disposé de

façon qu'on puisse passer dessous pour communiquer à

une galerie qui, dans l'avenir, doit relier entre eux les

divers pavillons à construire parallèlement à celui qui va

être édifié;

3° Suppression de la cloison vitrée formant galerie de

communication intérieure pour les classes et la remplacer

par un auvent extérieur comme cela a élé fait à Bicêtre; .

4" Dans le local qui doit servir provisoirement de réfec-,

toire-ouvroir, remplacer le carrelage prévu par du par-

quet ;

5° Suppression de l'office placée à côté du réfectoire;

6° Rendre l'accès des lavabos ph's facile au rez-de-chaus-"

sée et au 1er étage;

7° Faire accéder directement aux water-closets par les

dortoirs ;

8° Disposer les cabinets d'aisance à effet d'eau automa-

tique, tout à l'égout, sans que les enfants aient rien à

manier.

M. l'architecte donne ensuite une description du

pavillon qu'il nous parait bon de vous faire connaître.

« On y pénètre, dit-il, par un large vestibule central

donnant accès en face, à l'escalier conduisant au 1er étage;

à droite à un grand réfectoire-ouvroir d'une surface de

213 met. précédé d'une lingerie pour l'ouvroir, de deux

water-closets isolés par un dégagement et des chambres

de débarras; à gauche, à cinq classes ayant chacune 33

mètres de surface communiquant directement entre elles

par des portes à ùcux vantaux placées dans l'axe longitu-

dinal ; à l'entrée des classes, des water-closets, un lavabo,

un vestiaire et deux cabinets pour les couchettes roulan-

tes destinées aux enfants : près de la 5e classe deux autres

Agrandissement. lix

cabinets pour les couchettes roulantes, un petit vestibule

de sortie permettant en cas de besoin le dégagement des

classes.

« L'escalier conduit au 1er étage à un vestibule donnant

accès à droite et à gauche à deux dortoirs de chacun 24

lits ayant une surface de 193 mètr. 60 sur 4 mètr. 50 de

haut, ce qui donne un cube de 3G mètres 250 par lit. A

l'entrée de chaque dortoir un lavabo, des water-closets, une

chambre de surveillante et une chamhre de débarras. »

Pour rester dans le crédit voté, M. l'architecte dit

qu'il a cherché le mode de construction le plus sim-

ple possible et que finalement il a adopté le sui-

vant :

« Suppression de la pierre de taille, suppression du moel-

lon piqué, les plafonds peints à la colle au lieu de pein-

ture à l'huile, partout où il a été possible remplacer le

chêne par du sapin dans les ouvrages en menuiserie, etc.

« Ce pavillon serait construit de la manière suivante :

Les fondations reposeraient sur des puits remplis de

béton descendus jusqu'à la masse solide à une profondeur

d'environ 10 mètres, reliés entre eux par des arcs en meu-

lière et ciment ; les murs des façades seraient entièrement

en meulière et mortier de chaux hydraulique depuis les

plus basses fondations jusqu'à l'arase de la plate-forme

du comble, les portées basses jointoyées en mortier, les

intérieurs ravalés en plâtre et l'extérieur recouvert d'en-

duit dit tyrolien, les murs de refend et d'escalier seraient

en brique façon Bourgogne. Les baies du i" étage fer-

mées par des arcs en briques, celles du rez-de-chaussée

avec des linteaux en fer apparents ; les piles et bandeaux

en pierre seraient remplacés par de la brique ; les plan-

chers en fer à T hourdés en plâtras et plâtre.

« Toute la charpente en sapin, sauf la plate-forme rece-

vront les chevrons.

«La couverture en tuile mécanique avec larmier et gout-

tière pendante en zinc n° 14.

« La menuiserie des croisées en chêne, les portes bâti-

chêne et panneaux sapin ; les cloisons des classes n'étant

que provisoires seront tout en sapin.

« Le parquet du rél'ectoire-ouvroir, des classes et des

dortoirs en chêne 0'"027 à l'anglaise (celui des dortoirs

pourrait être en pitchpin).

« Les vestibules, les lavabos, les water-closbts, les cham-

lx Fondation Vallée.

bres de débarras dallés en ciment. Les appareils sanitaires

des water-closets à effet d'eau automatique, tout à l'é-

gout.

Le Roux. Par délibération du 27 décembre 1892 le Con-

seil général a voté l'inscription au budget départemental, pour

cette construction, d'un crédit de 235,000 fr. Or le devis pré-

présenté par M. l'architecte Roger s'élève à 2G9.000 fr. soit une

différence en plus de 39.000 fr. Afin de ne pas nous trouver

dans l'obligation de demander un nouveau crédit au Conseil,

je propose à la Commission d'émettre le voeu que la hauteur

des étages, qui est lixée dans les plans et devis à 4mô0 soit

réduite à i mètres. Cela ferait un mètre de contructions en

moins et permettrait de réaliser une sensible économie.

M le Président. Avec cette réduction dans la hauteur

des étages, M. l'architecte estime- t-il que le crédit de 235,000 fr.

suffirait à la construction de ce pavillon.

M. Roger. Je crois que clans ces conditions le crédit voté

serait suffisant.

A la suite d'une discussion à laquelle prennent part, M. le

Président, M le Rapporteur, M. Puteaux, M. le Dr Du

Mesnil et M. Le Roux, la Commission consultée émet le voeu

en vue de se maintenir dans les crédits votés par le Conseil

général, que la hauteur des étages de ce pavillon soit rame-

née de 4m50 à 4 mètres (I).

M. Bourneville, rapporteur. M. l'architecte

regrette que la Commission et le Conseil général se

soient décidés à mettre un seul lit par trumeau ; il

invoque à l'appui de ses regrels, la disposition qui

existe dans les asiles de la Seine et qui consiste à

placer deux lits par trumeau. Nous rappellerons une

fois de plus que la plupart des médecins qui se sont

occupés de la construction des asiles d'aliénés ont

préconisé la disposition que nous avons fait prévaloir

dans le service des enfants de Bicêtre et à la Fonda-

tion Vallée. Cette disposition est. d'ailleurs, encore

plus utile quand il s'agit d'enfants : leurs lits se trou-

vent ainsi mieux séparés, ce qui évite de sérieux

(1) L'argument principal qui a été invoqué consistait en ce que, ei la Coin-

mission n'acceptait pas la proposition qui lui était faite, le Conseil général

reruserait tout nouveau crédit et qne par conséquent la constrution du bâti-

ment serait ajournée indéfiniment ! '.

Agrandissement. lxi

accidents et la multiplicité des fenêtres, surtout si

on adopte la forme qui existe à Bicêtre, constitue

une meilleure condition d'hygiène tout en offrant à

l'oeil un aspect agréable.

M. Roger fait une autre remarque : «Par suite, dit-

il, du reculement du bâtiment à 26 mètres du gym-

nase, la construction à élever s'est trouvée augmen-

tée de tout un étage en plus des premières prévisions ».

Or, le reculement en arrière demandé par la commis-

sion n'était que de 2 mètres (Procès-verbal, 1893,

page 83).

M. l'architecte ajoute : « Le remplacement de la

galerie intérieure desservant les classes par un auvent

vitré dans toute la longueur du bâtiment soit 72

mètres, est aussi venu faire un surcroît de dépense »

Il s'agit d'une galerie provisoire, appelée à disparai-

tre, à moins qu'elle ne s^it faite de telle façon qu'on

puisse la transporter au bâtiment définitif des classes.

En tout cas, nous pensons qu'elle ne doit être vitrée,

mais couverte en zinc, comme celle de Bicêtre qui a

été signalée comme modèle à M. l'architecte. Cette

modification est d'autant plus nécessaire que le bâti-

ment a un étage et que de cet étage il y aura souvent

des projections d'objets divers qui chaque jour brise-

ront des carreaux de la galerie. A ce propos, nous

ferons remarquer qu'il est nécessaire de prévoir aux

portes et fenêtres des carreaux plus petits que ceux

qui ont été choisis à Bicêtre, malgré nos avertisse-

ments réitérés et, comme modèle, nous signalerons

les carreaux de la nouvelle porte des ateliers.

A titre de renseignement, nous croyons bon de vous

indiquer les résultats des sondages du sol faits sur

l'emplacement du nouveau pavillon à construire à la

Fondation Vallée.

Les quatre puits forés sont aujourd'hui terminés et

arrêtés à la glaise compacte, sur laquelle on pourrait éta-

blir la fondation. Ils ont une profondeur moyenne de 12

mètres sur lm20 de diamètre. Par suite de ce sol défectu-

eux, la plus-value des fondations à prévoir serait la sui-

vante :

lui Fondation" Vallée.

La fouille de 50 puits de 12 mètres et de lm20 de diamè-

tre dans la masse demi-dure, compris transport et

Agrandissement. LXIII

La commune de Gentilly, à qui le projet a été sou-

mis, a trouvé que cette canalisation lui servirait peu et

a ajourné cette question surtout en prévision de la

séparation de la commune. Si cette séparation est pro-

noncée et nous le regretterions il y aurait lieu

d'examiner si la commune du Kremlin s'arrêterait au

chemin de l'IIay, laissant en dehors la Fondation, ou

si la dite commune descendrait jusqu'à la rive droite

de la Bièvre, englobant la Fondation. Après un exa-

men attentif du cours de la Bièvre, nous inclinerions

vers cette dernière délimitation. Alors, la question de

la participation de la commune nouvelle, le Kremlin-

Bicêtrc, ne ferait pas de doute, les doux établisse-

ments étant dans la même commune qui en retire de

sérieux avantages.

L'administration de l'Assistance publique a, de son

côté, reçu le dossier de ce travail et l'a fait étudier par

le service d'architecture qui dans le but d'envoyer les

eaux vannes de la partie ouest de Bicêtre dans cette

canalisation a proposé à l'Administration d'accepter le

projet.

Tout le dossier est à l'Administration de l'Assis-

tance publique et doit être présenté prochainement

au Conseil de surveillance.

Alimentation d'eau. Nous demandons à la Com-

mission de renouveler sun voeu en ce qui concerne

l'alimentation de la Fondation en eau de source.

La proximité de l'aqueduc de la Vanne et l'augmenta-

tion de l'aprovisionnement de Paris en eau de bonne

qualité rendent cette mesure facile.

Jetons maintenant un cuup d'oeil sur les p)lans.

Celui qui représente l'élévation sur les deux faces

montre que le bâtiment sera aussi simple que possible.

Peut-être conviendrait-il d'agrandir les fenêtres de

la partie centrale qui nous paraissent beaucoup trop

étroites et laissent, entre les 'enêtres les plus rappro-

chées, un grand vide, désagréable à l'oeil.

Adopté.

lxiv . Fondation Vallée.

Les ouvertures du sous-sol, suivant nous, devraient

être plus hautes, et peut-être aussi plus rapprochées.

La hauteur du sous-sol étant de 2 m. 75, il y aura lieu

de l'utiliser pour des services secondaires, tel que cela

a été fait à Bicêtre (salle de bains de pieds, salle pour

cirer les chaussures, préau couvert, etc.).

Adopté.

Le plan du rez-de-chaussée indique que l'entrée des

water-cloocts donnera sur le vestibule d'entrée ; elle

devrait au contraire donner directement dans les dor-

toirs, afin de faciliter la surveillance des enfants quand

ils vont aux cabinets.

Adopté.

La pièce indiquée actuellement comme lingerie

servira plus tard de lavabo. La même remarque s'ap-

plique au : ; cabinets du l" étage. Pour ce qui a trait

à la disposition des armoires pour les serviettes, les

peignes cl brosses, nous appelons l'attention de l'ar-

chitecte sur les armoires qui existent à Bicêtre et

dans les dortoirs actuels de la Fondation.

Sous le bénéfice de ces remarques, nous vous pro-

posons d'approuver la construction du bâtiment pro-

jeté.

Adopté.

DEUXIEME PARTIE

Méthode d'observation et procédés d'examen des enfants

idiots et arriérés.

Bourneville, Bicêtre, 1894. 1

A NOS LECTEURS (i).

Suspecter et injurier est très

aisé; il n'y faut qu'un peu

de BASSESSE.

(Le Figaro, mars 95).

Ciiers Lecteurs,

Tous, probablement, vous avez lu clans votre jour-

nal politique un résumé plus ou moins exact de la

Question qui a été posée et discutée le 15 mars au

Conseil municipal de Paris, au sujet de nos procédés

d'observation, des examens (et non des expériences),

conformes, d'ailleurs, aux indications des Maîtres de

la médecine, que nous employons ou faisons dans notre

service d'enfants nerveux de l'hospice de Bicêtre.

Vous qui nous lisez et qui savez quel soin scrupu-

leux nous apportons dans nos travaux scientifiques,

quel respect profond nous avons des malades, vous

avez fait déjà bonne justice des accusations calom-

nieuses qui ont été portées contre nous. Toutefois, en

raison des insinuations qui ont été faites, des appré-

ciations malveillantes dont nous avons été l'objet,

des « crimes » et des « horreurs » (2) dont on nous

accuse, il nous paraît utile déplacer sous vos yeux tous

les documents de nature à apporter la lumière la

plus complète dans votre esprit. Nous commencerons

par la reproduction du compte-rendu in extenso du

Bulletin municipal officiel de la ville de Paris.

(1) Cet article est extrait du n° 12 (23 1895) du Progrès Médical. Bien que

se rapportant à l'année 1895, nous avons cru utile de le placer, vu son inrérôt

d'actualité, dans le Compte-rendu de 1894 , dont la publication s'est retrou-

vée retardée.

(2) La Croix du 13 mars.

i Question de M. De ville.

I.

Question de M. Deville au sujet des expériences pratiquées

sur les enfants dans certains services de l'Assistance

publique. Adoption d'un ordre du jour de M. Lampué.

M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion

de la question de M. Deville au sujet des expériences pratiquées

sur les enfants dans certains services de l'Assistance publique.

M. Deville. En raison du développement que peut pren-

dre la question inscrite à l'ordre du jour, je crois qu'il vaudrait

mieux en fixer la discussion à lundi trois heures et demie.

Plusieurs voix. Non ! Non ! Tout de suite !

M. Deville. Un certain nombre de mes collègues qui

désiraient prendre part à la discussion sont partis.

Une voix. Ils n'avaient qu'à rester.

M. Deville. Par déférence pour eux, vous penserez sans

doute qu'il convient d'ajourner la discussion à lundi. (Non !

Non ! )

M. Archain. Le débat immédiat ou la suppression de la

question !

M. Caumeau. Il est impossible de laisser peser plus

longtemps sur un homme honorable une accusation odieuse.

(Très bien ! ). L'ajournement, mis aux voix, est repoussé.

M. Bassinet. Je constate que ce sont nos collègues do

la droite qui ont voté pour l'ajournement.

M. le Président. La parole est à M. Georges Villain qui

veut présenter une motion préjudicielle.

M. Georges Villain. Je demande au Conseil, avant

l'ouverture du débat, d'adopter la résolution suivante :

« Le Conseil, considérant que la nature de la question posée

par M. Deville au directeur de l'Assistance publique implique

par elle-même des explications délicates :

a Considérant qu'il est nécessaire que le Conseil puisse en-

tendre tous les renseignements, de quelque ordre que ce soit,

qui pourront l'éclairer complètement sur le caractère des

observations physiologiques dont il s'agit,

« Délibère : La question de M. Deville sera discutée en

comité secret. Signé : Georges Villain, Hattat, Clairin,

Vorbc, Machette, Foussicr, Paul Escudier, Bellan, Ilervieu,

Caplain, Gibert, Bassinet, Maury, Marsoulan, Piperaud,

Thuilicr, Cornet. » (Protestations, Bruit prolongé.)

M. Caumeau. Non ! Non ! Au grand jour ! 1

M. Lampué. Pas d'hypocrisie !

REJET DU huis-clos. 5

M. le Président. Je mets aux voix le projet de résolution

déposé par M. Villain. J'ai reçu une demande de scrutin. Le

scrutin auquel il est procédé sur la motion préjudicielle de

M. Georges Villain donne les résultats suivants :

6 Question de M. Deville.

les explications que je vais lui donner, je répondrai tout

d'abord à une préoccupation qu'exprimait l'honorable prési-

dent du Conseil général, M. Bassinet, qui a prêté à mes

collègues de la droite l'intention de. mêler à ce débat l'affaire

de Cempuis ; et je dirai tout d'abord cpiel est le lien qui peut

exister entre cette affaire et celle qui a motivé la question

que j'ai inscrite à l'ordre du jour.

Au cours de l'enquête que la Commission du Conseil géné-

ral a été chargée de faire au sujet de certaines allégations

formulées contre le directeur de l'école de Cempuis et sur

la révocation dont il a été l'objet, j'ai été à même, comme

tous les membres de la Commission, d'avoir sous les yeux

les procès-verbaux de la Commission administrative de

l'école.

J'ai trouvé dans un de ces procès-verbaux la relation de

faits graves à la charge du médecin-inspecteur, qui avait

fait à l'école une ou plusieurs visites et qui avait cru devoir

pratiquer certaines observations expérimentales sur les or-

ganes de puberté chez les enfants. Les termes de ce procès-

verbal indiquent qu'une émotion très vive s'est manifestée

dans le sein de la Commission administrative de Cempuis ;

cette émotion s'est manifestée aussi dans l'esprit du directeur

de l'école, M. Robin.

M. Bassinet. Cela prouve que la perversité dont on a

parlé n'existe pas.

M. Deville.- C'est parce que ces faits sont tout à l'honneur

de M. Robin et de la Commission que je me suis cru en

droit de les rappeler.

Les membres de cette Commission, et plusieurs d'entre eux

font partie du Conseil général, le directeur de Cempuis, M.

Robin, sont certes des personnes qui sont animées d'idées

très larges au point de vue de la moralité publique et de l'hy-

giène, et, pour qu'une décision grave ait été prise à leur ins-

tigation contre le médecin-inspecteur dont j'ai parlé, j'ai été

amené à penser que ce qui s'est passé était extrêmement sé-

rieux. Nous n'avons pas pensé, je n'ai pas besoin de le dire, que

nous devions pousser plus loin nos investigations à Cempuis,

et qu'il nous convenait d'interroger soit les enfants qui sont

encore à l'orphelinat, soit les jeunes filles qui l'ont quitté.

Je suis, du reste, de ceux qui pensent que l'on ne doit pas

plus questionner les enfants que les examiner avec indiscré-

tion.

M. Grébauval. Dites bien que M. Robin et la Commision

ont blâmé ces faits, je tiens à ce que soit dit.

M. Deville.- Je ne fais aucune difficulté de rendre justice

Examen DES enfants de Bicêtre. 7

en cette circonstance à M. Robin et à la Commission, et à vous

donner satisfaction sur ce point. Je disais donc que nous n'a-

vons pas voulu faire une enquête spéciale sur ces faits ; seule-

ment j'ai demandé à M. Robin s'il pouvait nous donner quel-

ques explications sur ces examens et sur les conditions dans

lesquelles ils se faisaient.

M. Robin nous a répondu que le sujet était trop grave et

trop délicat pour qu'il pût nous répondre sans s'être mis d'ac-

cord avec l'Administration ; c'était nous dire que nous ne sau-

rions rien que ce que l'Administration jugerait convenable de

nous dire.

Le sous-directeur, je crois, déclara ne pouvoir nous don-

ner de détails, mais que si nous tenions à savoir ce qui s'était

passé à Cempuis nous n'avions qu'à nous renseigner sur les

faits qui se produisent dans le service des enfants assistés

de Bicêtre.

M.Paul Strauss. Dans le service des enfants idiots.

M. Deville.- Ceci m'amena à me préoccuper de ce qui se

passe à Bicêtre. Je ne pouvais me livrer directement à une

enquête, n'ayant pas mandat de le faire, et il est probable d'ail-

leurs que je n'aurais obtenu aucune explication de la direc-

tion de Bicêtre.

Je me suis donc adressé à un certain nombre de personnes

ayant fait partie du personnel de Bicêtre et ayant eu occasion de

savoir ce qui se passait dans le service; ces personnes m'ont

paru peu désireuses de me donner des explications (1). Je ne

pouvais prendre d'informations auprès des personnes en ser-

vice ; je me suis adressé à des médecins, à des internes. J'ai

trouvé auprès d'eux sinon plus de disposition à me renseigner,

du moins une plus grande amabilité dans l'accueil. Mais, quand

je leur ai demandé des détails sur le point qui me préoccupait,

ils ont paru disposés à se retrancher derrière le secret pro-

fessionnel ou des sentiments de confraternité.

Ne pouvant obtenir d'explications directes, je leur ai posé

deux questions, la première : Pensez-vous que les faits qui

se passent à Bicêtre tels qu'ils sont expliqués par le chef de

service aient quelque valeur et puissent avoir des conséquen-

ces au point de vue scientifique ? Ils restèrent silencieux.

Nous ne savons ce qui se passe à Bicêtre que par ce que

le directeur du service, M. le docteur Bourneville, a cru de-

voir publier dans un journal qu'il dirige. Ce journal est fort

(1) Si ces personnes lisent le réquisitoire de M. Deville, elles se féliciteront

de leur discrétion qui les a empécliées de se rendre complices d'une mauvaise

action (B.). ,

8 QUESTION de M. Deville.

répandu si on en juge par la large publicité d'annonces qui

y est faite. On le trouve dans les établissements hydrothéra-

piquos, dans les stations balnéaires ou villes d'eaux et cer-

tains pères de famille, sous les yeux de qui il était tombé, se

sont émus parfois en raison des indications et des figures

que les enfants pouvaient y trouver.

Dans l'article qu'il a publié (1), M. le docteur Bourneville a

déclaré que c'était une réponse aux critiques adressées à

son service. C'est donc une apologie. Vous ne vous étonne-

rez pas, Messieurs, qu'il y ait, dans les expressions de cet

article, des atténuations ou des phrases qui nécessiteront

des explications complémentaires. Mais, tel qu'il est, il en

dit assez pour que nous devions établir une discussion sé-

rieuse du système. Voici, Messieurs, la partie de cet article

qui concerne le sujet qui m'amène à cette tribune.

« Tout d'abord, on note le poids, la taille, les dimensions

de la tête, la force dynamométrique. Chez les hémiplégiques

on prend, en outre, les mensurations comparatives des mem-

bres. Ensuite on décrit minutieusement la tête, la face, le

tronc, les membres, les organes génitaux, en relevant les

anomalies présentées par le malade, tous les signes de dé-

générescence (description analomique.) Vient, après, la revue

des différentes fonctions (digestion, etc.), des facultés intel-

lectuelles et des sens. Pour cette partie, les notes des

instituteurs et des infirmiers nous fournissent un précieux

concours. Ces derniers renseignements constituent la des-

criplion pliysiolog ique. En somme, nous nous conformons à

cette règle des cliniciens de tous les pays qui recommandent

d'examiner le malade a capite ad calcem.

o La loi veut aussi que, tous les six mois, le médecin fasse

ce qu'on appelle un certificat semestriel. Nous en profitons

pour examiner de nouveau complètement et à nu, naturelle-

ment, tous nos malades. Le poids, la taille, les mensurations

de la tête, etc., l'état des organes génitaux, sont consignés

avec soin, tous les ans, pour les enfants au-dessous de 12 ans,

tous les six mois pour les enfants au-dessus de cet âge. Ces

examens, renouvelés périodiquement, nous ont mis en me-

sure de constater bien des particularités très importantes

pour les malades : ils offrent aussi quelquefois un certain

intérêt scientifique. »

M. Deschamps. Dans le paragraphe que vous avez lu

(1) Bourneville. De l'examen physique des enfants idiots. (Progr. métl.,

t. XX, 1891, p. 411).

Examen des enfants a Bicêtre. 9 .

précédemment, M. Deville, vous avez, sans doute par erreur,

passé quatre ou cinq lignes qui ont leur intérêt.

a Souvent nous avons pu découvrir des hernies au début,

l'arrêt de l'un ou (les deux testicules dans l'anneau inguinal,

des varicocèles, des hémorrhoïdes, quelquefois même des

affections contagieuses. Un certain nomîjre d'enfants sont

atteints d'hypospadias; la miction se fait plus ou moins dif-

ficilement chez eux : nous profitons de chaque cas pour

donner des instructions spéciales et empêcher que l'enfant

ne soit puni pour des accidents dus à son infirmité. »

M. Deville. Je serais revenu sur ce passage, et j'y revien-

drai comme sur plusieurs autres; mais, dans tous les cas, je

vais lire intégralement, ce sera plus simple.

Il ne faudrait pas conclure du passage que je lisais avant

l'interruption que l'on ne fait à Bicêtre que deux examens par

an. On compte les périodes de six mois ou d'un an du jour de

l'entrée de l'enfant, ce qui explique des examens analogues

très fréquents (I). Je continue ma lecture :

« Nous nous sommes attaché depuis longtemps à décrire l'é-

volution de la « puberté tel, par conséquent, le développement

des organes génitaux chez les enfants idiols, épileptiques

et arriérés. Nous indiquons le développement du système

pileux, face, tronc, pénil, etc. Nous prenons la circonférence

et la longueur de..., nous mentionnons le volume des..., leur

inégalité, etc. » (Exclamations.)

M. Arsène Lopin. Mais les cardinaux le font bien pour

le pape. (Hilarité générale.)

M. Levraud. Il y a une formule consacrée : < Testicu-

los habet duos et bene peiulentes. » (Nouveaux rires.)

M. Dubois. Ce qui veut dire qu'il n'en est pas resté dans

l'anneau. Vous savez tous, Messieurs, de quelle importance

il est pour un médecin de savoir comment un malade urine.

M. Alpy. Lisez'clonc lout, pour éviter ces observations.

M. Deville. Mais je n'y vois pas d'autre inconvénient.

Je reprends donc :

« Tout le monde connaît dans le service cet examen régu-

lier et jamais personne n'a songé à s'en plaindre et n'a trouvé

qu'il sagissait là d'observations inconvenantes et défendues

au médecin, ceci soit dit, non pour les médecins, mais pour

les profanes qui ignorent que ce mode d'observation doit

être la règle.

(1) Examen complet pour le certificat de quinzaine; examen tous les six

mois au moment du certificat ou rapport semestriel pour les enfants au-dessus

de 12 ans, une fois par an pour les enfants au-dessous de 12 ans. Cela sulfit.

10 Question de M. Deville.

« Le même procédé d'examen fait sur les idiotes et les

imbéciles nous a fait constater des vulvites d'origine ssrofu-

leuse ou dues à l'onanisme, des hypertrophies consécutives

aux mêmes pratiques, des déflorations complètes, indices

d'une perversion précoce, et conduisant à prescrire une sur-

veillance toute particulière. Il nous a permis aussi de nous

rendre compte des modifications physiques dues à la puberté,

de prévenir ou de traiter les accidents occasionnés par les

premières apparitions des règles. ,

a Ces examens faits régulièrement à l'entrée, puis tous les

six mois depuis 1879, chez les garçons de Bicêtre, et chez les

filles de la fondation Vallée depuis 1890, n'ont jamais causé

aucun trouble moral chez ces enfants, ni provoqué de mau-

vaises habitudes. C'est au contraire pour nous et nos collabo-

rateurs une occasion de constater ces mauvaises habitudes,

d'en faire connaitre le danger aux enfants, de leur donner

des conseils, aussi et surtout d'insister sur la nécessité d'une

surveillance très rigoureuse...

« Il va de soi que l'on ne di.it jamais perdre de vue, dans

ces examens, qu'on a affaire à des êtres humains, et qui plus

est a des malades. Et comme un médecin doit toujours être

très prudent, et se prémunir contre les accusations les plus

injustifiées et les plus folles... »

M. Deschamps. Il avait raison.

M. Deville. M. Bourneville dit évidemment tout cequ'il

faut pour se défendre

M. Deschamps. Personne ne l'attaquait au moment où

il écrit cet article.

M. Prache. Je vous demande pardon ; il savait qae le

procès-verbal de la Commission de surveillance de Cempuis

avait reçu une publicité partielle (1).

M. Deville. Je continue, Messieurs :

« Des recherches de ce g2nre, concernant la croissance et

la puberté, ne peuvent avoir de valeur que si elles sont pro-

longées, jusqu'à vingt ouvingt-cinq ans. C'est ce que nous fai-

sons, non pour tous nos malades, mais pour ceux qui, à dix-

huit ans, passent dans les seelions d'adultes et que nous

pouvons revoir, grâce àl'obligeancedc nos collègues. C'est ce

que nous faisons aussi, pour les malades sortis, chaque fois

qu'ils reviennent nous voir, et le plus souvent en présence

même de leurs parents.

(1) Je n'ai connu le procés-verbal de la Commission que par la lecture du

discours de M. Deville (B.).

Examen des enfants a Bicêtre. 11

« Lorsque nous aurons rassemblé des éléments suffisants,

nous essaierons de faire un tableau du développement de la

croissance des idiots, des imbéciles et des arriérés. Prochai-

nement, l'un de nos élèves, M. Leblais, dans sa thèse, utili-

sera déjà quelques-unes de nos observations (1).

« Il aurait été très intéressant de faire un certain nombre

d'études analogues sur des enfants normaux. Nous aurions

pu ainsi établir une comparaison entre eux et nos malades

et préciser les différences. Pour cela, il aurait fallu des con-

ditions particulières que nous avons songé à rechercher et

que nous avons même eues un instant. »

Voilà l'allusion à Cempuis. Je continue :

« Depuis, plusieurs années se sont écoulées et, comme ces

recherches exigent un temps dont nous ne pouvons mainte-

nant disposer, nous avons dû y renoncer. »

L'arti'cle que je viens de lire (2; contient des indications

vagues, et le système d'observations pratiqué n'est pas expli-

qué. Il est seulement affirmé que jamais les observations

faites sur les fous n'ont présenté aucun inconvénient pour

eux. Cela est possible, mais elles ont pu présenter des incon-

vénients pour d'autres personnes.

Messieurs, je tiens à metlre sous vos yeux le procès-verbal

relatant les observations faites à Cempuis sur les enfants

normaux. Je fais remarquer que ce proccs-veibal date du

24 mars 1S91 et que M. Bourneville n'a fait son article que le

24 novembre. Il devait donc en avoir connaissance (3).

Une voix. Il sagit d'un procès-verbal de 1891.

M. Deville. Parfaitement. En voici les termes : .

« M. Robin croit devoir appeler toute l'attention de la

Commission sur les graves inconvénients qui s'attachent aux

inspections médicales de M. le docteur Bourneville. Ces

inspections, au cours desquelles M. Bourneville poursuit une

série d'observations sur le développement des organes de la

puberté chez les enfants, ont appelé, d'une manière fâcheuse,

l'attention de ceux-ci sur les questions sexuelles et fait naî-

tre dans leurs esprits une émotion et un trouble dangereux.

« Une des conséquences regrettables de cet état de choses,

ajoute M. Robin, a été d'entraîner le départ immédiat de deux

jeunes filles élevées à l'orphelinat et que l'établissements

(1) Leblais. De In puberté dans Vhémiplègie spasmodique infantile. Paris,

1894.

(2)... mais incomplètement, car il manque la fin ainsi qu'on le verra en se

reportant au n° cité du Progr. Mèd.

(3) Je répète que je ne l'ai connu qu'en lisant le discours de M. Deville.

12 Question de M. Deville.

espérait s'attacher pour l'organisation d'un bambinat dont la

création est actuellement à l'élude.

M. Bourneville se préoccupe de rester strictement dans les

limites de son mandat et il en cite, comme preuve, le désir

qu'il a manifesté, dès qu'il a eu connaissance des objections

formulées au sujet de ses inspections, d'être accompagné lors

de son premier voyage à Cempuis par un membre de la

Commission qui appréciera, en toute impartialité, la mélhode

incriminée. M. Bourneville s'est attaché à remplir sa mission

à l'orphelinat avec le dévouement qu'il montre en toutes

circonstances. Il vient de donner de nouvelles preuves de ce

dévouement en consacrant plusieurs journées entières à

l'examen des candidats présentés pour Cempuis et ses bulle-

tins médicaux, véritables critériums de la valeur physique

des candidats, oirt permis à la sous-commissioh de se

prononcer en toute sécurité, sans crainte d'admettre des

non-valeurs.

« M. Robin expose que le procédé d'inspection dont il fait

la critique n'a été appliqué qu'à la deuxième visite à laquelle

il était lui-même empêché d'assister, et à l'inspection suivante

il e'est opposé à son application ; mais cette visite n'en a pas

moins laissé une fâcheuse impression sur les élèves utilisés

comme secrétaires qui ont eu sous leurs yeux les cadres

servant à consigner les observations expérimentales de

M. Bourneville, cadres dont les indications seules étaient de

nature à troubler leur imagination.

« La quatrième visile a été faite à l'occasion de l'épidémie

de rougeole. Un représentant de l'Administration accompa-

gnait M. Bourneville.

« M. le directeur des Affaires départementales fait observer

que si, au début, M. Bourneville s'est laissé entraîner par un

but scientifique sans s'occuper d'autres considérations les

deux dernières inspections n'ont pas donné lieu à des objec-

tions graves. D'ailleurs, pour obvier au dernier inconvénient

signalé, il est loisible de ne plus prendre de secrétaires

parmi les élèves et de soumettre le questionnaire au visa de

la Commission. Toute cause do mal entendu étant ainsi

supprimée, M. Le Roux se demande quelle suite pourrait

comporter cet incident.

« M. le directeur de l'orphelinat se prononce pour la sup-

pression complète des inspections. Il craint, en effet, même

si le médecin- inspecteur revient à l'observation stricte de

son mandat, que ses visites seules, par les souvenirs qu'elles

rappelleront, ne continuent à entretenir parmi les élèves

Examen des enfants a Bicêtre. 13

la fâcheuse émotion qu'elles ont soulevée à l'origine (1). »

M. Alpy. Répondez à cela.

M. Deschamps. Il fallait envoyer cela au ministre !

M. Deville. Je crois qu'il en a eu connaissance.

M. Deville (continuant). o Af.il/ascart constate (2) que les

inspections ont fait naître pour Cempuis un danger que le

caractère spécial de l'orphelinat rend particulièrement

sérieux.

« Cempuis est un établissement exceptionnel où s'appli-

quent des innovations hardies au point de vue de l'éducation.

« Il faut donc veiller à le mettre rigoureusement à l'abri

des suspicions et des atlaques.

« M. Mascart estime qu'on ne peut contraindre le direc-

teur à assumer de telles responsabilités. Dans les établis-

sements d'éducation, dit-il, le directeur joue le rôle et as-

sume la responsabilité d'un père de famille. Or, quel père de

famille consentirait à laisser soumettre ses enfants à des ins-

pections de cette nature ? »

« M. Mascart conclut qu'il ne serait pas légitime d'exami-

ner et d'interroger les enfants de l'orphelinat au-delà des li-

mites autorisées par le directeur de la maison (3).

« Il rend hommage à la science et à l'honorabilité du mé-

decin-inspecteur ; mais il croit fermement qu'en raison de la

mauvaise impression qu'elles ont laissée, il est devenu néces-

saire d'interrompre provisoirement ses visites, sauf à les

reprendre plus tard avec la prudence voulue.

« .1/. le Président croit également qu'il serait à propos de

suspendre les inspections médicales. Il émet, d'ailleurs, des

doutes sur la nécessité des inspections périodiques dans des

circonstances normales. il. Faillet se rallie au sentiment

exprimé par M.Roussello et se prononce pour la suppression

des visites médicales.

« M. Mascart fait ses réserves sur le principe même des

inspections qu'il trouve excellent. Ce n'est pas la mesure

elle-même qu'il condamne, mais bien les recherches scienti-

fiques dont elle a été l'occasion.

« Il estime, en effet, que les observations faites avec pru-

dence et circonspection par un médecin complètent très

heureusement celles que les enfants font sur eux-mêmes,

(1) On voit que M. Deville et ses coreligionnaires ne sont pas seuls à procéder

par insinuation.

(2) M Mascart affirme d'après M. Robin, comme va le faire '.T. Faillet.

(3) C'est en effet ce qu'aurait voulu M. Robin. Alors à quoi bon un inspecteur

si c'est pour ne rien voir et tout admirer ?

14 Question DE M. Deville.

d'après les mesures anthropométriques. Ce médecin se rend

compte de la situation sanitaire générale cle la maison. Il

examine les bulletins individuels des enfants et formule à

leur égard les prescriptions dont leur examen lui révèle l'uti-

lité. Il croit donc qu'il faut suspendre et non supprimer l'ins-

pection médicale.

M. Faillet craint qu'on ne puisse reprendre sans danger

les visites médicales, à cause de l'impression regrettable

qu'elles ont laissée. Cette impression sera longue à s'effacer

et il importe de ne remettre l'inspection en vigueur qu'après

un délai suffisant pour amener l'oubli complet chez les

élèves. »

Voilà comment M. Faillet exprimait son opinion.

« M. Mascart répond que la Commission sera juge de l'op-

portunité de cette mesure.

« A la suite de celte discussion, la Commission décide de

suspendre jusqu'à une date indéterminée les inspections

médicales à l'orphelinat. Puis, sur la proposition de M. le

directeur des Affaires départementales, reconnaissant tout le

prix des services que rend M. le docteur Bourneville pour

l'admission des élèves par le soin scrupuleux qu'il apporte à

sa mission et l'autorité qui s'attache à ses décisions, la Com-

mission décide qu'il restera chargé de l'examen des candidats

et qu'il touchera en cette qualité l'indemnité attachée à ses

fonctions de médecin- inspecteur. »

M. Alpy. On le paie pour un travail qu'il ne fait pas (1).

M. Deville. Vous voyez, Messieurs, qu'il y avait néces-

sité de rapprocher ce procès-verbal de l'article du « Progrès

médical » pour savoir si le docteur Bourneville n'avait pas été

plus loin que son devoir ne le comportait.

D'autre part. M. Bourneville a donné une interview qui a

paru dans « l'Eclair » du jeudi 14 mars courant. Je ne vous

le lirai pas tout entier et je me contenterai de vous donner

connaissance de la seule partie nouvelle, le surplus étant dans

l'article du « Progrès médical ». Je lis :

« Depuis longtemps, je me livre à des études sur le déve-

loppement de la puberté et je ne nie pas je l'ai écrit

qu'il serait très intéressant de faire un certain nombre d'élu-

des analogues à celle que je viens de citer, mais sur des

enfants normaux. Ce serait le moyen d'établir une comparai-

son entre eux et nos enfants malades ainsi que de pré-

ciser les différences.

(1) Nous avons examiné 308 enfants. Nous renvoyons M. Alpy à nos rapports.

Examen des enfants a Bicêtre, 15

« On m'a offert de me nommer médecin-inspecteur de l'or-

phelinat Prévost. J'ai accepté, et on voudra bien croire que

ce n'est pas par intérêt pécuniaire. Le traitement est de huit

cents francs et je devais me déplacer en emmenant avec moi

un interne. « J'ai fait trois visites d'inspection et une -qua-

trième pour conjurer une petite épidémie.

n A ma seconde visite, j'ai examiné l'état des enfants sans

me départir de mon habitude, qui est d'avoir toujours auprès

de moi, en outre de mon interne, des personnes présentes.

J'ai pu me rendre compte de cette facondes soins qu'il fallait

donner à certains enfants, j'ai constaté certaines maladies,

j'ai agi avec prudence et il est absolument faux que je me

sois livré sur des fillettes à d'autres observations.

« J'ai du, parce que j'avais remarqué quelques erreurs,

faire quelques rcstrictions dans mes éloges à la direction de

l'orphelinat. Peut-être M. Robin, dont je reconnais à divers

titres toutes les qualités, m'en a-t-il voulu. (Oh ! Oh !

Bruit.) En tous cas, s'il exact qu'il a regretté l'examen des

enfants, il est non moins exact cjue j'ai demandé à plusieurs

personnes, professeurs ou employés de l'orphelinat, s'il était

vrai qu'à la suite de mes visites on ait remarqué un change-

ment dans les manières des élèves et que, à chaque fois, on

m'a répondu parla négative.

« J'ai agi pour le bien des enfants, cherchant, en les exa-

minant, à connaître des malformations s'il en existait, afin d'y

remédier. Je crois que c'est le devoir du médecin, et si j'en

ai un instant profité pour en tirer un bénéfice au point de vue

scientifique, afin de comparer les enfants normaux aux

enfants de Bicêtre, je me demande en quoi j'ai eu tort.

Voici aussi, pour couper court à un racontar que des

malintentionnés se plaisaient à faire courir, la lettre que m'a

adressée M. Robin. »

Celte lettre est datée du 21 novembre 1894. Voici la preuve

que M. Bourneville connaissait alors les faits (1). En voici le

texte :

« Monsieur, M. L... me dit que le préfet vous aurait

informé que j'aurais rapporté que vous aviez visité nos filles

en tête à tête. J'oppose le démenti le plus formel aux

paroles que le préfet m'a prêtées.

ti Veuillez agréer.... « Robin. »

« Aujourd'hui, ajoute M. Bourneville, si je ne visite plus

Cempuis, j'examine les candidats se présentant au choix pour

(I) Le fait de l'opposition de M. Robin, oui (Voir p. 31-34 le app. Rsur l'Or-

phelinat Prévost) ; mais le procès-verbal de la commission, non.

16 Question de M. Deville.

entrer dans cet orphelinat. Je les examine pour le vaccin

et pour savoir s'ils ne sont pas atteints de maladies conta-

gieuses. Eh bien, ces enfants sont amenés par l'un de

leurs parents ou par leur tuteur. Va-t-on me faire un

reproche de les faire déshabiller et de les examiner ? Et si je

prends avec eux moins de précautions (1) qu'avec les autres,

c'est que, ne devant pas les suivre dans leur développement,

il est des détails qui me sont indifférents. Jamais personne

n'a fait une observation parce qu'on a compris que j'agissais

dans l'intérêt de l'enfant et que je ne pouvais pas examiner

sans voir. »

Vous voyez qu'ici la défense prend une forme personnelle.

L'effort pour atténuer les faits est ici plus considérable. Il

n'est plus question des faits que M. Bourneville reconnaît,

mais du reproche qu'on lui adressait d'avoir fait déshabiller

des enfants. Je dois, à ce moment, écarter un reproche plus

grave que l'on a, parait-il, attribué à M. Robin contre

M. Bourneville au sujet des filles.

Je déclare que personnellement je n'ai rien appris de lui

plus que ce qui figure dans les procès-verbaux ; j'apporte, sur

ce point, l'affirmation la plus nctle. Je n'ai pas l'habitude

d'accuser quand je ne sais rien, et, quand je ne crois pas

devoir accuser, je n'insinue pas (2). Or, je ne sais rien clans

cet ordre d'idées.

Dans cette deuxième période cle sa défense, M. le D1' Bour-

neville trouve singulier qu'on lui reproche d'avoir fait désha-

biller les enfants ; c'est vouloir faire dévier la question. Il

n'est personne qui puisse trouver mauvaise cette manière de

faire ; et nous savons que pour examiner les malades tous les

médecins ont grandement raison de les faire mettre à nu.

M. Deschamps. Bien que vous ayez tout le temps parlé

de Cempuis, vous n'avez encore rien dit de précis ; le procès-

verbal ne dit pas ce qui s'est passé.

M. Deville. Il y a encore une réponse de M. Bourneville

aune objection qu'il prévoit : n Comment, dit-il, un médecin

pourrait-il examiner un malade s'il lui est défendu de voir ? »

Le mot « voir » est souligné. Encore une fois, personne ne

saurait prétendre que l'examen par la vue n'est pas légitime ; ce

n'est pas cet acte de la vision qui est reprochable, c'est

tranchons le mot les actes du toucher qui peuvent avoir

des inconvénients. (Exclamations.)

(1) L'expression est mauvaise, c'est € moins de notes détaillées. »

(2) M. Deville ne parait pas, alors, savoir la signification du motc insinuer. ï

Peut-être après cette phrase y a-t-il eu une restriction mentale.

Examen DEs enfants a Bicêtre. 17

M. Deschamps. Mais, pour voir, il faut toucher I

M. Deville. Cela dépend dans quelle mesure (1). Mes-

sieurs, je déclare que je ne sais pas encore en quoi consiste,

d'une manière précise, ce que M. Bourneville appelle « l'ob-

servation expérimentale (2) sur les organes de la puberté ».

J'attends sur ce point les explications de M. le directeur de

l'Assistance publique.

M. Deschamps. Mais, au départ et au retour de nos enfants

qui sont envoyés à la campagne ou aux bains de mer durant

les vacances, les médecins de nos écoles font certains examens

du corps, ils mesurent la poitrine. (Exclamations à droite.)

M. Georges Villain. On ne peut pas dire cela !

M. Quentin-Bauchart. C'est un< £ veu.

M. Deschamps. Ne cherchez pas à me faire dire ce qui

n'est pas. Je réponds à M. Georges Villain et je redis que

les médecins de nos écoles visitent les enfants chaque fois

qu'ils vont aux colonies scolaires ; et chaque fois, au retour,

on mesure la poitrine des enfants. (Ah ! Ah ! )

M. Deschamps. - Pourquoi ne le ferait-on pas ? (Bruit

général.) Je tiens à ajouter qu'il y a des observations et des

rapports présentés aux mairies. (Bruit prolongé.)

M. Alpy (au milieu du bruit). - Je tiens à ce que les

paroles de M. Deschamps figurent au procès-verbal.

M. Deville. Je ne suis pas moins préoccupé pour le

moment de ce que je ne sais pas exactement des observa-

tions exposées que des écarts du chef de service à Cempuis.

M. Levraud. Mais vous ne le savez donc pas ?

M. Deville. Si je le savais, je ne le demanderais pas.

M. Levraud. J'attends toujours les révélations. ,

M. Caplain. Ce ne sont pas des révélations, c'est une

question. ,

M. Deville. Je reviens à ce fait positif : dans l'article apo-

logétique du Dr Bourneville, je trouve certains aveux qui me

semblent de nature à éveiller les inquiétudes.

Vous avez vu, par l'exposé des conditions dans lesquelles

ces observations ont été faites, que l'on ne s'en est pas tenu

à un examen thérapeutique direct; on s'est servi d'observa-

tions plû-T spéciales sur le volume, le développement, etc.,

des organes sexuels, et cela en touchant l'organe, en le pal-

pant, etc. (3).

(1) Et ce Monsieur prétend ne pas savoir ce que c'est qu'une insinuation !

Basile doit en frémir d'aise dans... le Paradis !

12) Il s'agit ht d'expressions inexactes, dont je ne me suis pas servi : il s'agit

iVobservalions, d' examens.

(3) Voilà un et extera qui a une petite allure perfide.

Bourneville, Bicêtre, 1894. 2

18 , QUESTION DE M. Deville.

Eh ! Messieurs les médecins, quand vous avez entre les

mains un malade atteint d'une affection, j'admets l'examen

médical; mais je n'admets pas ces observations comme les a

faites M. le Dr Bourneville, surtout en présence de surveil-

lants et surveillantes et d'enfants même tenus à distance.

M. Deschamps. N'oubliez pas que oes enfants sont des

idiots.

M. Deville. Là où vous voyez une garantie je vois un

danger, précisément à cause du nombre, si restreint soit-il,

des assistants. Je reviens au passage de l'article, ainsi

conçu :

h Nous ne procédons à ces examens qu'en présence des

surveillants et des infirmiers et nous recommandons à nos

internes de ne jamais examiner les petites filles sans que la

surveillante, une infirmière et même quelques enfants

tenues à distance ne soient présentes. Personnellement,

nous ne nous sommes jamais départi de cette règle de pru-

dence. »

Je vois dans l'intervention des infirmières et infirmiers,

dans leur coopération aux expériences par le toucher et la

mensuration, un danger réel (1). Ce n'est pas leur rôle, c'est

celui du médecin et exclusivement du médecin. Il y a là une

observation dont vous retiendrez l'importance.

M. Bourneville prétend que ces expériences n'ont jamais

produit rien de fâcheux sur les enfants et que tous les méde-

cins préconisent son système, et il nous cite l'opinion des

médecins qui partagent son avis. Ces médecins se bornent à

une seule individualité et cette unité (2) s'exprime ainsi :

o L'éveil précoce du sens génésique, sans parler des leçons

funestes, porte les jeunes sujets à l'onanisme ; l'herpctisme

avec prurit des parties sexuelles, qui amène également de la

leucorrhée chez les petites filles, en a parfois été la cause

première. Ces mauvaises habitudes énervent et épuisent; elles

produisent l'hystéricisme, et, dans quelque cas, l'épilepsie,

qui se sépare définitivement et se distingue de l'éclampsie du

bas âge; les digestions sont troublées, la nutrition altérée

profondément, et la constitution minée est une proie certaine

(1) Jamais ni nos infirmières, ni nos infirmiers n'ont « touché ou mesuré les

organes génitaux ». Les uns et les autres sont là pour déshabiller les enfants,

les tenir à l'occasion. L'c^amcn est toujours fait par nous ou nos internes (B-).

(2) Si nous avons choisi, entre tant d'autres. II. Roger, c'est qu'il a été pen-

dant longtemps une des grandes autorités de la pathologie infantile et qu'il

était, comme M. Deville, un fervent catholique et un ardent réactionnaire (B.)

Examen DES enfants a Bicêtre. 19

à la tuberculose. » (H. Roger. Recherches cliniques sur les

maladies de l'enfance. Paris, 1872, p. 17.)

M. Deschamps. Je vous demande la permission de com-

pléter la citation que vient de faire M. Deville. La voici :

o A la fin de sa leçon, M. le docteur Roger revient sur l'im-

portance, sous le rapport de la sémiotique, de faire un soigneux

examen de toutes les régions de la surface cutanée, en y

ajoutant même l'inspection de la vulve, chez les petites filles,

' souvent atteintes de leucorrhée, et celle de l'anus chez les

enfants des deux sexes qui présentent quelquefois des traces

de syphilis héréditaire ou inoculée. »

M. Deville. Il ne faut pas que nous discutions toujours

sur un malentendu. Nous admettons avec les médecins que

lorsqu'un individu est malade il leur appartient tout entier (i).

M. Levraud. C'est trop tard. (Bruit.)

M. Deville. Les médecins peuvent préconiser la médecine

préventive. Nous ne saurions admettre ce système d'une façon

générale surtout lorsqu'il se traduit par une série d'obser-

vations qui ont un but de curiosité scientifique que nous

n'acceptons pas plus sur des idiots que sur des individus

sains. En réalité, Messieurs, vous ne savez pas exactement,

d'une façon absolue, le degré de dépression morale et de

dépression intellectuelle de ces enfants idiots. Il peut y en

avoir quelques-uns chez lesquels le sens moral n'est pas

absolument déprimé et pour lesquels ces pratiques n'ont, ne

peuvent avoir d'autre effet que d'amener cet éveil fâcheux du

sens génésique dont parle la note que je viens de citer.

Et quand vous donnez à un nombreux personnel l'habitude

de vous aider dans ces pratiques, ces inconvénients sont

encore plus graves. Les internes peuvent encore offrir des

garanties, moindres, à cause de leur âge, que celles des

médecins. Mais quand il s'agit des infirmiers et des infirmières,

cela devient particulièrement dangereux. Vous savez que vous

avez eu quelquefois à vous plaindre de certains de vos infir-

miers (Exclamations), il y en a eu en Cour d'assises. (Bruit.)

M. Picau. ... Et Citeaux !

M. Deville. Je considère comme mauvais de leur donner

des habitudes qui peuvent exciter leur imagination et les

porter à l'oubli de leurs devoirs.

M. Picau. - Et quand les soeurs font asseoir des enfants

sur des poêles brûlants...

(1) Or. tous les enfants dont nous nous oecupons à Bicêtre, étant des malades,

les incriminations de M. Deville n'ont pas l'ombre de justification (B.-). -

20 Question de M. Deville.

M. Deville. M. le docteur Bourneville fait faire au per-

sonnel, par un interne, des leçons sur la puberté (I) avec ter-

mes extrêmement précis et, si je ne me trompe, avec indica-

tions au tableau.

Je termine, en précisant. Nous n'admettons pas, Messieurs,

qu'on fasse servir des enfants idiots ou non à des expériences

ni surtout qu'on les y fasse participer. Nous n'admettons pas

qu'on y mêle surtout le personnel des infirmiers et des infir-

mières. Nous n'admettons pas que les enfants, qu'aucun des

enfants confiés à l'Assistance publique, servent à des expé- "

riences délicates et non justifiées dans leur ensemble.

Ceci posé, je demande ai M. le directeur de l'Assistance

publique et au besoin à M. le préfet de la Seine de nous

rassurer. Je ne demande pas mieux que d'être rassuré. Je leur

demande : Est-ce qu'un système comme celui de Bicêtre

peut être mis en vigueur dans nos hospices d'enfants et

croyez-vous qu'un savant qui a été aussi loin que M. le docteur

Bourneville puisse conserver l'inspection des enfants, puisse

avoir la liberté de faire les recherches les plus délicates ?

Telles sont les questions que je pose à l'Administration.

M. le Directeur de l'Assistance publique. M. Deville a

dit tout à l'heure qu'il avait hésité à aller à Bicêtre pour visiter

le service du docteur Bourneville. Je regrette cette hésitation,

car M. Deville eût été reçu là comme, dans tous nos établisse-

ments, sont reçus les membres de cette assemblée, et M. le

docteur Bourneville qui agit publiquement, au grand jour.

qui nia pas attendu l'année 1894 pour publier ce qui se fait à

Bicêtre, et qui, dès 1888, dans le « Progrès médical », relatait

800 observations prises, heureusement prises à Bicêtre,

M. Bourneville eût été heureux queM.Dcvillepût constater le

bien, le grand bien que nos enfants lui doivent. (Applaudis-

sements. Violentes protestations à droite.)

M. Quentin-Bauchart. C'est odieux. (Bruit.) M. Le-

rolle. Je répète ce qu'on a déjà dit : Quel père de famille

consentirait à soumettre ses enfants à ce traitement ?

M. Prache. J'espère qu'il y aura un ministre de l'intérieur

pour entendre les paroles du directeurjde l'Assistance publique.

M. Daguilhon-Pujol. Et un Parquet pour poursuivre.

(Bruit.)

(1) Cela est absolument exact et ces leçons qui ont été faites afin de per-

mettre au personnel de bien renseigner les médecins sur les troubles qu'ils

pourraient observer chez les enfants, ont été faites .-1 part pour les infirmiers

et les infirmières. De même, le cours sur les soins à .donner aux femmes

en couches et aux nouveau-nés est fait dans les quatre Ecoles aux infirmières

eules (B.J.

Examen des enfants a Bicêtre. 21

M. le Directeur de l'Assistance publique. Pour con-

damner la pratique de M. Bourneville, M. Deville vous disait

que des médecins, consultés sur la valeur de la pratique d'un

cor#h'ère, n'auraient répondu que par un silence dédaigneux.

C'est humain, Messieurs, c'est médical (rires), ce n'est pas

probant. Quand M. Bourneville examine ses malades de la tête

aux pieds, sans négliger aucun organe, il suit les indications

données par tous les maîtres de la médecine, d'Hippocrate à

nos jours.

Cet examen est-il utile ? Oui, il est utile et nécessaire, et ce

qui le prouve, c'est que c'est grâce à ces examens répétés

que M. le docteur Bourneville a été amené à reconnaître des

malformations, des arrêts de développement, des maladies

qui lui auraient échappé autrement. C'est parce que M. le

docteur Bourneville y a probédé avec son attention ordinaire,

que ces examens ont porté d'heureux fruits. (Vives interrup-

tions à droite.)

N'ousscnt-ils d'ailleurs servi qu'à constater l'état de propreté

ou de malpropreté des organes, ces examens eussent été d'une

grande utilité pour la santé, pour la moralité des enfants.

La malpropreté est la cause d'irritations qui provoquent les

mauvaises habitudes, et les faire disparaître c'est réagir contre

elles.

Quant aux mensurations faites par M. le docteur Bourneville

pour suivre l'évolution de la puberté, il ne faut pas être médecin

pour savoir que c'est dans l'idiotie une époque critique et que

tout médecin soucieux de ses devoirs doit se tenir au courant

des signes qui peuvent en manifester l'apparition ou le retard.

(Très bien ! Très bien ! )

M. Georges Villain. Il n'est pas besoin pour cela de

mensurations.

M. le Directeur de l'Assistance publique. Il n'existe

pas qu'un seul service d'enfants, il y en a deux, l'un à Bicêtre

pour les garçons, l'autre à la Salpêtrière pour les filles, et,

dans ce dernier, M. le docteur Jules Voisin se livre aux mômes

investigations que M. Bourneville.

M. Fournière. Oui, mais M. Voisin n'a pas voulu la laïci-

sation. (Très bien ! )

M. Weber. Ev c'est là toute la question.

M. le Directeur de l'Assistance publique. Le docteur

Jules Voisin, dans son traité de l'idiotie paru il y a deux ans,

à la cinquième leçon consacrée à la symptomalogie de l'idiotie,

indique ce qui se fait à la Salpêtrière. Or, ce n'est autre chose

que les pratiques reprochées par M. Deville à M. Bourneville,

et il n'y a dans l'exposé des deux méthodes d'autre différence

22 Question DE M. Deville.

que celle de mots provenant de la différence des sexes. M. le

docteur Jules Voisin recommande à ses élèves de se livrer à

ces examens.

Dans l'article du « Progrès » que M. Deville a cité, M. le

docteur Bourneville parle de la thèse de l'un de ses anciens

élèves, M. le docteur Leblais, « De la puberté dans l'hémiplégie

spasmodique infantile ». Dans ce travail, basé sur des obser-

vations prises dans le service du docteur Bourneville, l'auteur

donne, mensuration comprise, tous les résultats obtenus.

Cependant, loin d'estimer que M. le docteur Leblais ait dépassé

les limites permises à l'investigation scientifique, la Faculté

lui a accordé la plus haute mention dont elle puisse disposer,

le félicitant sur la rigueur et la précision de ses observations,

ajoutant qu'elle n'en était pas étonnée, sachant qu'elles

venaient de Bicêtre. (Très bien ! )

Il est un mot que M. Deville Ti employé et qui reparaît

plusieurs fois dans son discours. C'est le mot : expérience

Jamais, Messieurs, il n'y a eu d'expériences, il n'a été procédé

qu'à des examens restreints aux surfaces extérieures, sans que

jamais, comme cela se pratique journellement dans les hôpi-

taux, il ait été pénétré dans les cavités de l'économie.

C'est grâce, je l'ai dit et je le répète, à cette surveillance

incessante que de nombreuses maladies ont été reconnues à

temps et combattues. Attendre qu'une affection soit déclarée

avant de s'en inquiéter, comme le demandait M. Deville, c'est

renoncer à toute idée de surveillance médicale préventive.

Vous avez tort. (Bruit.)

M. Alpy. Vous équivoquez. (fumulte.) M. Quentin-

Bauchart. Il n'y a pas de malades à Cempuis. (Tumulte pro-

longé.)

M. le Directeur de l'Assistance publique. Si j'avais

voulu, ou plutôt si j'avais su équivoquer, ce que je ne sais

pas faire, j'aurais dit que les enfants de Bicêtre sont des en-

fants idiots, des malades ; je ne l'ai pas dit. J'insiste sur l'er-

reur de M. Deville quand il émet cette théorie qu'il faut atten-

dre l'éclosion de la maladie pour s'inquiéter de l'état de sant é

de nos enfants. Si cette théorie triomphait, vous n'auriez qu'à

supprimer toutes les inspections que vous entretenez à grands

frais.

Je reviens à ce que je disais, et j'insiste : il n'y a eu que

ce que dit l'article du « Progrès médical », il n'y a eu que

des examens sur l'apparence extérieure, le volume, la lon-

gueur, la circonférence; voilà tout. (Bruit prolongé.)

M. Caumeau. Parlez !

M. le directeur de l'Assistance publique. Si, malgré

Examen DES enfants a Bicêtre. 23

mon incompétence, j'ai dit quelle était l'utilité de cet examen,

si je suis sorti du domaine administratif pour entrer dans le

domaine médical, c'est que la lumière ressort si éclatante de

cet examen, que j'ai pu me permettre cette échappée.

Quant à moi, si j'avais eu à intervenir en ma qualité d'ad-

ministrateur, je n'aurais pu le faire que si M. Bourneville s'é-

tait écarté des règles qui doivent présider aux examens de

ce genre.

M. le Dr Hardy a dit : o L'examen de l'extérieur des mala-

des fait avec convenance sur la totalité du corps ne devra pas

être négligé. »

Voici, d'autre part, comment s'exprime Trousseau : o On

peut faire avec la plus grande chasteté les investigations qui

semblent être les moins chastes...; il ne s'agit point ici de

pruderie, mais de savoir-vivre, et rappelez vous que le méde-

cin a d'autant plus de chances de réussir dans sa carrière

difficile qu'il oubliera moins à l'égard de ses malades les rè-

gles de bienséance qui sont l'apanage de la bonne éducation. »

(Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu).

M. Caplain. Nous sommes d'accord.

M. Alpy. Envoyez ce texte à M. Bourneville (1).

M. le directeur de l'Assistance publique. Si cet exa-

men est utile, et je viens de le prouver, il a été fait avec la

convenance dont parle M. Hardy. Je n'ai plus rien à dire, la

cause est gagnée : elle l'était d'avance. Je n'ai qu'un regret

à exprimer, c'est d'avoir eu à répondre ici à cette question.

Tous les jours, dans tous les hôpitaux, on se livre, sur les

femmes, les filles, à des examens autrement sérieux que

ceux dont vous parlez ? Et pourquoi faut-il que l'art de la

mécanique s'ingénue à suppléer à l'insuffisance de la vue et

de la main ? ....

M. Alexis Muzet. Pas pour examiner les enfants ! (Ex-

clamations.) Pas dans les écoles ! 1

M. le Directeur de l'Assistance publique. Je parle des

hôpitaux ; s'il s'agissait des écoles, je ne serais pas à cette tri-

bune. '

M. Alexis Muzet. Alors donnez des explications claires;

tout le monde n'est pas médecin.

M. le Directeur de l'Assistance publique. Ce que j'ai

dit n'a pas, j'en suis certain, été compris des seuls médecins ;

(1) Pauvre M. Alpy qui ignore que les livres de Trousseau et Hardy sont clas-

siques et que tous les médecins les lisent. Il y a bien d'autres auteurs que je

pourrais citer, mais les médecins auxquels je m'adresse ici trouveraient qu'en

le faisant j'accomplis une besogne inutile (B.).

24 .. Question DE M. DevIlle.

j'ai, suivant les règles que je rappelais tout à l'heure, parlé

en homme bien élevé à des gens bien élevés, et ils m'ont

compris.

Je disais que les théories développées par M. Deville

seraient la destruction, non seulement de l'inspection, mais

qu'elles iraient jusqu'à faire restreindre la thérapeutique,

dont nos malades éprouvent tous les jours un si grand bien

dans nos hôpitaux ; car, remarquez-le, l'hydrothérapie a un

côté autrement scabreux que les pratiques que vous avez

signalées.

Je ne veux pas fatiguer davantage votre attention, Mes-

sieurs. Je termine sur une réflexion qui, je le dis franchement,

ne s'adresse pas à l'honorable M. Deville, ni à aucun des

membres de cette assemblée ; mais au bruit qui s'est fait au

dehors, autour de cette question, il m'a semblé, j'ai eu cette

vague appréhension, que ce que l'on visait, c'étaient moins

des faits qu'un homme et, derrière cet homme, la cause qu'il

défend. (Très bien ! Applaudissements répétés.)

Nombreuses voix. La clôture !

M. Lerolle. Je tiens à protester contre les doctrines qui

viennent d'être exposées.

M. Weber. Nous savons que vous voulez ramener les

soeurs.

M. Lerolle. Si les soeurs avaient été à Cempuis, l'inspec-

tion blâmée par la Commission de surveillance ne se serait

pas faite. Mais il ne s'agit pas de ça. En entendant le discours

de M. le directeur de l'Assistance et les approbations de

quelques-uns d'entre vous, je constatais qu'un véritable

ab ? tae existe entre nous et eux sur la manière d'entendre la

morale et le respect de la pudeur qui est dû à l'enfance.

M-. Weber. - Il n'appartient pas aux cléricaux de parler

de pudeur.

M. Lerolle. J'ai été étonné aussi de n'entendre pas un

mot de blâme, ni même de regret sur les faits qui se sont

passés à Cempuis. Il semblait que nous discutions simplement

une question de médecine alors qu'il s'agissait d'une ques-

tion de haute moralité ; il s'agissait de savoir si l'on peut faire

sur des enfants certaines expériences, parce que la pauvreté

vous les livre, qu'on aurait pas faites sur d'autres, qu'on ne

tolérerait pas dans sa famille.

M. Deschamps. On vous a dit qu'il n'avait pas été fait

d'expériences.

M. Lerolle. Mettons, si vous voulez, examens dange-

reux. On vous a dit, pour justifier ces méthodes, que prati-

quées avec convenance elles sont sans inconvénients. Alors

Examen des enfants a Bicêtre. 25

comment cela s'est-il passé à Cempuis, puisque des inconvé-

nients graves ont été constatés par M. Robin, par la Com-

mission de surveillance et ont motivé l'interdiction de ces

inspections ? On ne se contentait pas d'examiner, de mesu-

rer, comme on a dit, les enfants, on prenait pour secrétaires

d'autres enfants, qui avaient sous les yeux les cartes servant

à consigner les observations expérimentales de M. Bourne-

ville. M. Robin s'en est indigné, il a dit combien l'esprit des

élèves en avait été troublé.

M. Deschamps. Vous ne conspuez plus Robin.

M. Alpy. Cela prouve que vous avez moins de délicatesse

que M. Robin.

M. Lerolle. Un des membres de la Commission a bien

qualifié ces faits, en demandant quoi père de famille suppor-

terait cela pour ses enfants. Je fais appel de vous à vous-

mêmes, des hommes de parti aux pères de famille, et je

vous posera question : « Qui de vous tolérerait cela pour ses

enfants ? »

Dans toute famille où de tels faits se seraient passés, on

ne se contenterait pas de blâmer le médecin, on le prierait

de ne plus revenir. Ici, l'homme qui, sans même se douter

du mal qu'il a pu faire, a mérité tous les reproches qu'on lui

a faits, on le met à la tête du service des enfants de Bicêtre

parce que, dit-on, ce sont des idiots. (Bruit général.)

Bien plus, quand l'Administration est appelée à donner son

opinion, elle approuve tout et de son autorité elle couvre

tout. L'opinion jugera et les pères de famille apprécieront

(Bruit prolongé.)

Voix nombreuses. La clôture ! La clôture, mise aux

voix, est prononcée.

M. Deville. Je demande la parole pour déposer l'ordre

du jour suivant :

« Le Conseil, « Protestant énergiquement contre le sys-

tème qui livre sans réserve les enfants de l'Assistance publi-

que conffhe sujets d'expérience de toutes sortes aux médecins,

« Invite l'administration de l'Assistance publique à mettre

fin à toute application de ce système. « Signé : Deville. »

M. Alpy. On pourrait conclure au renvoi au Parquet.

M. Lampué. J'ai l'honneur de déposer l'ordre du jour

suivant :

« Le Conseil, considérant qu'il est las et écoeuré d'entendre

des accusations indignes et calomnieuses formulées par les

réactionnaires et les cléricaux cle tous ordres contre la haute

moralité et la droiture du docteur Bourneville, qui fut un des

meilleurs ouvriers de la laïcisation ;

26 Question de M. Deville.

. « Considérant que le mépr&'seul peut répondre à de sem-

blables menées,

« Passe à l'ordre du jour.

« Signé; Lampué, Marsoulan, Blondeau, Levraud, Caumeau,

Piperaud, Ernest Moreau. »

M. Bassinet. Je demande l'ordre du jour pur et simple.

M. Chausse. Très bien ! Appuyé !

M. Lerolle. Vous vous dérobez à la responsabilité : voilà

ce que signifie l'ordre du jour pur et simple.

M. le président. L'ordre du jour pur et simple ayant la

priorité, je le mets aux voix. Il y a une demande de scrutin.

Le scrutin auquel il est procédé sur l'ordre du jour pur et

simple donne les résultats suivants :

Examen DES enfants a Bicêtre. 27

paraître faire intervenir une personnalité étrangère au Con-

seil, je propose de voter l'ordre du jour suivant :

« Le Conseil, considérant qu'il ne ressort de la discussion

aucun fait de nature à porter atteinte à la morale, passe à

l'ordre du jour. « Signé : Patenne. »

Plusieurs membres. La priorité pour l'ordre du jour

de M. Lampué !

M. le Président. On demande la priorité pour l'ordre du

jour déposé par M. Lampué. Je la mets aux voix. La priorité

est accordée à l'ordre du jour de M. Lampué.

M. Patenne. Dans ces conditions, je retire le mien. (Très

bien ! )

M. le Président. Je mets donc aux voix l'ordre du jour

déposé par M. Lampué. H y a une demande de scrutin. Le

scrutin, auquel il est procédé sur l'ordre du jour de M. Lam-

pué, donne les résultats suivants :

28 Question DE M. Deville.

si le Conseil avait eu à se prononcer sur l'ordre du jour de

M. Deville, nous aurions voté contre, car nous ne pouvons

admettre qu'on généralise des faits qui no concernent qu'une

certaine catégorie d'enfants de l'Assistance publique.

D'un autre côté nous ne pouvions accepter l'ordre du jour

de M. Lampué qui approuve, sans distinction, toutes les expé-

riences que M. Bourneville a cru devoir faire dans le but de

servir la science : nous en tenant aux déclarations faites par

nos collègues MM. Rousselle et Faillet à la Commission de

surveillance de Cempuis, déclarations dont on a donné lec-

ture au cours de la discussion, nous aurions voté l'ordre du

jour de M. Vorbe.

MM. Grébauval, Breuillé et Daniel. Nous nous asso-

cions à la déclaration de M. Archain. Nous aussi, nous aurions

voté l'ordre du jour de M. Vorbe.

MM. Weber et Deschamps. La vérité est que vous vous

souvenez que M. Bourneville a été candidat contre M. Naquet.

M. Georges Vilain. J'ai voté contre l'ordre du jour de

M. Lampué, étant partisan du vote de l'ordre du jour déposé

par M. Vorbe et opposé à l'ordre du jour de M. Deville, qui

a un caractère trop général.

M. le Directeur cle l'Assistance publique a répondu

d'une façon que nous croyons péremptoiro, pour tout

esprit non prévenu et sans parti pris, au réquisitoire

prononcé contre nous par M. Deville. Il l'a fait dans

les meilleurs termes, avec une autorité et une convic-

tion qui ont été remarquées. Aussi nous bornerons-

nous à quelques réflexions.

Les procédés de M. Deville sont ceux qui ont été châ-

tiés par Pascal, Voltaire et Paul Bert. Tout d'abord, il

réclame l'ajournement afin que ses amis puissent pour-

suivre à leur aise, et pendant quelques jours, l'odieuse

campagne qu'ils avaient commencé dans leurs jour-

naux. Il a échoué grâce à l'intervention indignée de

M. Caumeau. C'est encore à M. Caumeau et à M. Lam-

pué que nous devons le rejet, par 53 voix contre 8, de

la singulière proposition de huis-clos qui aurait permis

d'enrichir, contre nous, la série de calomnies qui avait

si bien débuté. Avec raison, et nous les en remercions,

Examen des enfants a Bicêtre. 29

MM. Caumeau et Lampué ont voulu la discussion au

grand jour.

M. Deville a donc été obligé de s'exécuter de suite

et en public. Croyant inquiéter la pudeur de ses collè-

gues et les indisposer contre nous, il donne lecture

de l'article dans lequel nous avons exposé comment

nous procédions à l'examen physique de nos malades.

Mais il le fait d'une manière incomplète. Il supprime

un passage, qui le gênait, où nous faisions ressortir

les avantages indiscutables de ces examens pour les

malades. M. Deschamps, avec beaucoup d'a-propos, le

rappelle au respect de l'exactitude. M. Deville pro-

met de lire dorénavant l'article intégralement. Bien-

tôt, il manque à sa promesse et M. Deschamps, une

seconde fois, réparc l'omission do M. Deville. De tels

procédés sont-ils bien honnêtes ? A vous, chers lec-

teurs, d'apprécier. '

Nous ne nous attarderons pas à relever les insinua-

tions malveillantes, les accusations jésuitiques des dif-

férents interrupteurs de la droite du Conseil : elles n'en

valent pas la peine. Si MM. Deville et C10 avaient eu

réellement en vue le bien des malades, ils seraient

venus à Bicêtre voir ce qui s'y fait. Comme ils auraient

constaté que nous ne faisons rien qui ne soit à faire et

qui ne se passe ailleurs, ils se sont abstenus. Ainsi que

M. Peyron l'a justement fait remarquer, M. Deville et

ses amis politiques visaient, en effet, certain autre

but. t.

On nous a dénoncé au Ministre de l'Intérieur : nous

sommes prêt à recevoir ses enquêteurs. Ils verront

avec quelle tranquilitô nous continuons à perpétrer de

nouveaux « crimes ».

On nous a dénoncé au Parquet. La loi du 30 juin

1838 sur les aliénés (art. 4) exige que le Procureur de

la République visite chaque année, deux fois, les ser-

vices consacrés aux aliénés : nous nous empresserons

de le rendre témoin de nos examens.

30 . L'ORPHELINAT PRÉVOST.

Il nous faut maintenant arriver au procès-verbal de

la séance de la Commission de surveillance de Cem-

puis. Nous n'en avions nullement connaissance. Nous

avons appris que M. Le Roux, directeur des affaires

départementales, avait pris notre défense, avec d'au-

tant plus cle plaisir que jamais il ne nous en avait dit

un mot. M. Robin, ainsi qu'on le verra plus loin

(pagel94,), nous avait demandé de suspendre l'exa-

men des enfants, mais nous ignorions tous les griefs

qu'il avait formulés contre nous. Aussi sommes-nous

étonné de ne pas avoir été appelé devant la Commis-

sion. Tout ce que nous savions, c'est que M. Robin

prétendait que ces examens de juillet 181)0 avaient

causé de l'émoi une émotion et un trouble dange-

reux, dit le procès-verbal parmi les enfants. Or,

tous les renseignements que nous avons eu l'occasion

de prendre auprès des personnes attachées à l'orphe-

linat de Cempuis nous ont appris que cet émoi n'a-

vait existé que dans l'imagination de M. Robin. C'est

ce qu'aurait pu vérifier la Commission, si elle nous

avait fait l'honneur de nous appeler devant elle.

M. Robin a ajouté qu' « une des conséquences

regrettables de cet état de choses avait été d'entraîner

le départ immédiat de d'eux jeunes filles élevées à

l'orphelinat... » La visite incriminée, qui avait pro-

duit une émotion et un trouble si dangereux, selon le

directeur de Cempuis, a eu lieu en juillet 1890. La

séance de la Commission a eu lieu le 24 mars 1891.

Le départ de l'une des deux jeunes filles, Amélie

Pru..., s'est effectué à la lin de novembre 1890, qua-

tre mois après la visite dont il est question. L'autre

jeune fille, Rosalie Prend..., a quitté Cempuis trois

mois plus tard (février 1891) (1). Voilà ce que M. Rô-

ti) Ces deux jeunes filles, âgées à cette époque de 10 ans et demi, et qui

réglementairement auraient dit quitter l'orphelinat à lli ans, servaient d'infir-

mières à Cempuis.. -

Rapport sur l'orphelinat Prévost. 31

bin appelle un départ immédiat. Comme on le voit,

ses souvenirs étaient un peu confus.

IL

Nous allons maintenant vous donner, chers lecteurs,

le texte des rapports que nous avons adressés à

l'administration préfectorale sur l'orphelinat Prévost.

Cette lecture fera connaître, nous en sommes con-

vaincu, les véritables motifs qui ont amené l'ancien

directeur de cet établissement à réclamer la suppres-

sion de l'inspection médicale.

Paris, Juillet 1890.

.4. Monsieur Le Roux, Directeur des Affaires

départementales.

Monsieur le Directeur,

Conformément à vos instructions je me suis rendu le 16 avril

dernier à l'orphelinat Prévost afin de vous rendre compte

de la situation hygiénique de cet établissement et de son état

sanitaire.

L'impression générale que m'a laissé cette visite est excel-

lente. Le Directeur de l'orphelinat, M.Robin, est un homme

absolument dévoué. Il met dans l'accomplissement de ses

fonctions toute son intelligence et tout son coeur. Sa vie est

confondue avec celle des orphelins. Aussi, ceux-ci lui témoi-

gnent-ils la plus vive affection et la bonne entente nous parait

exister réellement entre lui et son personnel.

L'établissement nous a semblé aussi bien tenu que le com-

porte la disposition des bâtiments. Toutefois, je crois devoir

appeler votre attention sur la situation défectueuse de quel-

ques-unes des installations.

- . 1° J'ai constaté 1 encombrement de plusieurs dortoirs. Il m'a

été répondu qu'il devait y être apporté prochainement remède.

Je n'insiste donc pas aujourd'hui, mais il est un des dor-

toirs, cependant, .qui me paraît nécessiter une prompte modi-

fication : c'est celui des petites filles gâteuses. Ce dortoir est

trop exigu; la literie est mauvaise ; il conviendrait de rempla-

cer l'unique matelas par deux ou trois petits matelas suivant

32 Rapport SUT l'orphelinat Prévost.

la taille des enfants : le matelas supérieur répondant àla tête,

en laine, le matelas du milieu en laine de tourbe et le matelas

répondant aux pieds, en laine ou laine et crin.

La laine de tourbe a le grand avantage de durer longtemps

sans s'imprégner de mauvaises odeurs. Son pouvoir absor-

bant est, en effet, considérable, 100 kilogr. pour ! , 500 kilog. de

vidanges. L'expérience que j'ai faite de ce mode de couchage

pour les enfants gâteux de Bicêtre m'a paru démonstrative.

2° Les cabine/s d'aisances (ear(/i closets) fonctionnent in-

complètement et exigeraient des modifications sérieuses.

3° Le service balnéaire et liydrolliérapique nous semble

devoir exiger une transformation complète. Actuellement ou

fait laver les enfants dans une sorte de baquet {lub) « large

assiette ronde en zinc de 70 à 80 centimètres de diamètre,

bien renforcée en dedans d'un rebord en boudin avec bec

pour vider l'eau sale »(/iu(ie/in,n0Sdel88S,deï'oî'p/ieJt)iat Pré-

vost). Nous pensons qu'il y aurait lieu de construire à l'orphe-

linat un petit service balnéo-hydrolhérapique analogue à

celui que vous avez vu dans mon service à Bicêtre. M. Robin,

que j'ai interrogé au point de vue de l'approvisionnement

d'eau, m'a déclaré que cela était possible.

Après avoir visité tous les locaux qui composent l'orpheli-

nat, j'ai passé en revue successivement tous les enfants. D'une

façon générale leur aspect est bon et leur physionomie

ouverte, contrairement à ce qu'on observe malheureuse-

ment si souvent dans les établissements analogues : rien sur

leur visage ne décèle l'onanisme.

Relativement à leur constitution physique, ce qui domine

chez ces enfants, c'est le lymphatisme. Nous avons trouvé

des glandes chez une demi-douzaine ; des maladies chroni-

ques des paupières chez 4; de l'impétigo chez 2 ; une otite

chez un autre. Signalons encore un cas de hernie, un de pso-

riasis, 2 d'ichtyose et quelques cas de rachitisme.

Nous avons enfin remarqué chez une dizaine d'enfants

l'existence de dartres sèches, légères, à la face. L'infirmerie

ne renfermait que 3 enfants dont 2 en convalescence et un

entré le même jour et paraissant atteint d'un embarras gas-

trique fébrile.

En résumé, la situation hygiénique de l'établissement et

l'état sanitaire nous ont paru dans de bonnes conditions^

(1) C'est l'inspection de ce jour-là et les examens faits.ee jour-là, la com-

mission et M. Robin étant a l'établissement, qui ont été incriminés. Des mem-

bres de la Commission sont venus nous voir durant nos examens.

L'orphelinat Prévost. 33

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma

considération la plus distinguée.

Bourneville.

Paris, le 30 novembre 1890.

Monsieur le Directeur,

Suivant vos instructions, je me suis rendu à l'orphelinat

Prévost, le 20 juillet et le 17 novembre. Je ne vous ai pas

envoyé de rapport sur la visite du 26 juillet parce que vous

étiez présent à cette visite et que je vous ai exposé verbale-

ment toutes les remarques que m'avait suggérées cette vi-

site (1). D'ailleurs, je reviendrai sur quelques-unes d'entre elles

dans le compte-rendu de ma visite du mois de novembre.

Cette visite a été ajournée, comme vous le savez, parl'inten-

tion que vous aviez de m'accompagner. Je n'ai pas eu ce plai-

sir, et je le regrette d'autant plus que nous aurions pu, séance

tenante, trancher quelques petites difficultés..

L'état sanitaire de l'orphelinat était excellent. Les remar-

ques que j'ai à présenter portent surtout sur la situation hy-

giénique de l'orphelinat et sur le mode d'examen médical des

enfants.

Dans la cour d'honneur, on élait en train de recreuser un

puisard et de lui donner 5 mètres de plus de profondeur, soit

10 mètres au lieu de 5 qu'il avait auparavant. Ce puisard est

destiné à recevoir le trop plein d'une citerne située à 4 mè-

tres du puisard. C'est donc dans cette citerne qu'aboutissent

les eaux ménagères, les eaux de lavage, etc. Tous les 8 jours

on était obligé de vicier les dépôts de boue et de matières soli-

des restées au fond de la citerne. M. le Directeur espère que

l'augmentation du puisard en profondeur n'obligera plus à

vider la citerne que tous les 2 ou 3 semaines. L'existence du

puisard et de la citerne au centre de la cour où s'éjournent

les enfants durant les récréations, si elle n'a peut-être pas

d'inconvénient l'hiver, en offre l'été. Ajoutons que le sol se

trouve infecté. Vous savez que tous les hygiénistes, et avec

raison, s'accordent à demander la supression des puisards.

Les dortoirs présentent tous un encombrement regrettable

Pour mieux vous renseigner à cet égard, j'avais prié M. le

directeur de m'envoyer le cube d'air et le nombre de lits de

Bourneville, Bicêtre, 1894. 3

34 L'orphelinat Prévost.

chaque dortoir. Le temps lui a sans doute fait défaut pour me

donner ce renseignement.

Vous avez assurément remarqué l'installation défectueuse

des cuvettes, des pots à eau, des objets de toilette, placés

sur une table, au milieu de chaque dortoir, ainsi que le mau-

vais aspect donné à ces dortoirs par le dépôt des serviettes

sur les pieds des lits. Il conviendrait, pour remédier à ces

inconvénients, d'établir à chaque étage des lavabos et des

meubles pour déposer les serviettes, semblables à ceux qui i

existent à Bicêtre dans la section des enfants.

J'ai trouvé à l'orphelinat 14 fillettes et 6 garçonne (.s gâteux.

M. Robin, avec raison, les a installés autant que possible dans

des dortoirs situés sous les combles, dortoirs qui sont bien

aérés. Les paillasses des lits de ces enfants laissent beaucoup

à désirer. La paille devrait être renouvelée tous les jours,

l'enveloppe lessivé, au moins tous les 8 jours. Au lieu de faire

le lit le matin, il vaudrait mieux ne le faire que le soir et dans

le jour étendre la literie et les paillasses suivant la pratique

de la colonie de Vaucluse et de la section des enfants de Bicê-

tre. Pour arriver encore à un meilleur résultat, si les ressour-

ces le permettaient, il faudrait substistucr à la paille ou au

varech, de la laine de 'tourbe, ainsi que je l'ai dit déjà dans

mon précédent rapport.

Le seruice des bains me parait insuffisant. L'emploi du

baquet anglais ne permet'qu'un lavage imparfait. Bon pour les

personnes qui s'en servent tous les jours, il est médiocre pour

des enfants qui n'en usent qu'à des intervalles plus ou moins

éloignés et qui se salissent dans leurs jeux ou dans leurs ate-

liers. Deux ou trois bains par semaine pour les enfants gâteux

et un pour les autres me paraissent nécessaires. Dans les

réformes de l'avenir, il conviendrait de prévoir la construction

d'un service de bains et d'hydrothérapie. On pourrait faire une

installation très simple et réduite au minimum. A Bicêtre, le

service, qui est complet au point de vue hydrothérapique,

était évalué à 01,261 fr., et a coûté sensiblement moins par

suite du rabais qui s'est produit à l'adjudication.

Le système des cabinets d'aisances et des baquets urinoirs

est, ainsi que vous l'avez constaté vous-mêmes, tout à fait

mauvais et d'un aspect sordide. On pourrait installer des siè-

ges à l'anglaise que l'on entretiendrait proprement et installer

des baquets et des tonneaux que l'on retirerait du côté opposé

de la porte ainsi quecela se pratique, je crois, dans les asiles

de Vaucluse, Ville Evrard, etc.

. L'orphelinat Prévost. 35

Il conviendrait aussi de procéder à la revaccination de

tous les enfants âgés de 10 ans, ou à leur départ quand il se

fait régulièrement.

Lors de ma visite du mois de juillet, j'avais commencé à

procéder à un examen complet des enfants. De plus, je m'é-

tais permis de prendre quelques renseignements au sujet de

l'état des organes génitaux et du développement de la puber-

té. L'examen complet me parait absolument nécessaire. Bien

qu'au mois de juillet l'examen n'ait porté que sur une partie

des enfants, il m'a été permis de constater divers accidents qui

auraient échappé sans cela : par exemple des affections de la

peau, l'éruption produite aux fesses chez les enfants gâteux.

J'ai vu des enfants ayant des pointes de hernies ombilicales

ou inguinales dont on peut arrêter le développement si on les

voit. [Des enfants ont de petites excoriations et des plaques

opalines aux lèvres. Ces lésions sont-elles dues à la syjihilis

héréditaire ? C'est ce qu'on ne peut dire qu'en examinant

complètement les enfants. Des enfants assez, âgés ont des

incontinences d'urine, d'autres des fleurs blanches : on ne

peut y remédier sérieusement qu'après un examen complet.

Chez certains petits garçons, il y a une descente tardive des

testicules qui peut occasionner des accidents. Pour y parer,

il faut examiner les enfants. '

Chez les jeunes filles, au moment de la puberté, il se pro-

duit des accidents, par exemple des déviations de la colonne

vertébrale auxquelles il est facile de remédier. Encore faut-il

les constater.

M. le Directeur a trouvé que cet examen pouvait avoir des

inconvénients. Les enfants, m'a-t-il dit, en auraient causé

après mon départ. Je m'y attendais, bien que j'aie procédé,

comme vous n'en doutez pas, avec la plus grande réserve,

évitant surtout que les enfants ne se voient entre eux. Il en a

été de môme à Bicêtre lorsque j'ai commencé ces examens. Au-

jourd'hui qu'ils sont devenus réguliers, tout émoi a disparu (1).

Je n'ai jamais eu de difficultés que pour quelques petites

filles qui avaient vagabondé et étaient déflorées.

Je dois vous dire que si j'ai accepté avec empressement la

mission dont vous me chargiez à l'orphelinat Prévost, c'est

parce que j'y voyais un moyen d'étudier le développement des

organes génitaux et de la puberté chez les enfants offrant une

(1) Les quelques difilcultés qui ont été constatées provenaient, au début, des

grands garçons qui, avant leur entrée à Bicêtre, avaient des connaissances

malheureusement trop complètes au point de vue génital....

36 Examen DES Enfants a Bicêtre.

intelligence normale et de les comparer à ce que j'observais à

Bicêtre chez les idiots et à la fondation Vallée clicz les idio-

tes.

M. Robin m'a demandé de ne pas continuer dans cette voie

jusqu'à ce que la Commission de surveillance de l'orphelinat

se soit prononcée. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de vous

expliquer nettement ce que j'avais fait et ce que j'espérais

faire.

Un mot encore au sujet des réformes que j'ai signalées.

J'estime qu'il y aurait intérêt à tracer un programme bien net

des constructions que l'on se propose de faire à l'orphelinat

Prévost, cle bien choisir l'emplacement des futures construc-

tions, afin d'éviter des ennuis : c'est ainsi que le dépotoir ac-

tuel se trouvera sans doute un peu trop rapproché du bâti-

ment projeté eu face de celui qui vient d'être construit.

Veuillez, etc... Bourneville.

Ces rapports, qui n'étaient pas destinés à la publi-

cité et qui présentent quelques incorrections dont

nous nous excusons, témoignent de la haute sympa-

thie que nous avious pour le Directeur de l'orphelinat

Prévost, républicain comme nous, dont nous connais-

sions la haute valeur, l'ingéniosité pédagogique,

l'esprit d'initiative, le dévouement et dont nous par-

tagions les idées sur la coéducation des sexes, l'en-

seignement professionnel, etc. En relevant les défec-

tuosités de l'orphelinat au point de vue de l'hygiène,

qu'au cours de mes visites je signalais au direc-

teur, j'ai pris toutes les précautions pour ne pas

froisser un homme que je m'imaginais supérieur à

bien des égards, mais d'une susceptibilité... un peu

exagérée. Je n'y ai pas réussi. Par une lettre en date

du 4 décembre 1890, M. Le Roux m'a annoncé la

suspension de l'inspection que la Préfecture de la

Seine m'avait confiée.

J'étais en vacances quand a eu lieu la violente cam-

pagne contre le Directeur de Cempuis. Comme j'avais

vu et observé les enfants, que j'avais la conviction

Examen DEs Enfants a Bicêtre. 37

que les accusations formulées contre l'orphelinat

étaient fausses, j'ai fait brocher à la hâte un certain

nombre d'exemplaires de l'admirable Rapport do

Séguin (1) où se trouvent accumulés les arguments

en faveur de Y éducation physiologique et de la cos-

ducation des sexes et j'ai fait envoyer ces exemplaires

aux membres de la Commission, à quelques hommes

politiques et à M. Robin. Je ne veux pas exagérer

l'importance de ce que j'ai tenté pour aider mes amis

politiques à défendre l'orphelinat Prévost enfants

et maître. Ce que j'ai fait serait demeuré inconnu,

ainsi que mes rapports, si je n'avais été mis violem-

ment en cause et contraint à me défendre.

III.

Nous avons publié dans le dernier numéro du

Progrès Médical la relation d'un cas d'idiotie. Nous

devions donner dans ce numéro la fin d'un travail très

intéressant do notre ami le Prof. Terrier et un tra-

vail statistique de notre ami le Dr Budin sur son ser-

vice d'accouchements de la Maternité. Mais, en raison

des circonstances, nous croyons qu'il y a intérêt à

mettre sous les yeux de nos lecteurs, afin de complé-

ter les documents qui précèdent, une nouvelle obser-

vation qui montrera aux médecins, les seuls juges

compétents que nous reconnaissions, qu'en procédant

comme nous le faisons, nous appliquons simplement

la méthode d'observation positive qui est suivie et

conseillée par tous les médecins qui sont chargés de

l'enseignement clinique.

(1) Séguin. Rapports et mémoires sur l'Éducation des enfants normaux

et anormam. Préface par Bourneville.

38 Examen DEs Enfants a Bicêtre.'

Imbécillité prononcée avec perversion des instincts.

- Traitement médico-pédagogique : amélioration

physique, intellectuelle et morale très remarquables.

(Imbécillité morale).

Sommaire. Père : aurait eu clans sa jeunesse et jusqu'à 18

ans des crises auec perte de connaissance sans convulsion.

Grand-père paternel migraineux et èpileptique ( ? ), mort

subitement en 2 ou 3 heures. Oncle paternel èpileptique.

Tante paternelle peu intelligente et ayant une défor-

mation de la poitrine. Autre oncle bègue. Cousin

paternel pervers. Àfère nerveuse, sans attaque. Grand-

père maternel, excès de boisson. Grand'mère mater-

nelle sans accidents nerveux, morte d'une fluxion de poi-

trine. Arrière-grand'mùre maternelle morte paralysée

et démente. Cousine maternelle morte folle. Grand-

oncle maternel, perversité morale. Cousins arriérés.

Pas de consanguinité. Soeur morte de convulsions.

Frère, convulsions suivies d'idiotie avec athétose double,

mort à Bicêtre.

i

Asphyxie à la naissance. Début de la marche a un an.

Mauvais instincts dès les premières années : sournois,

méchant; mordait les personnes, leur crachait au visage.

Menteur. Kleptomanie. Clastomanie. Férocité

envers les animaux. Actes obscènes. Tendances à

boire. Jamais de convulsions. Strabisme divergent ;

myopie. Acrocéphalie.

Eti... Emmanuel, né à Boulogne (Seine), le 3 septembre

1876, est entré à Bicêtre, dans notre service, le 10 mai 1886.

Antécédents héréditaires. Père, 34 ans, garçon de labo-

ratoire à la ferme-école de Gravelle ; très sobre. Il aurait eu

des crises avec perte de connaissance sans mouvements

convulsifs, ni morsure de la langue depuis sa jeunesse jusqu'à

18 ans. Il s'est marié à 25 ans et n'a jamais présenté, au dire

de sa femme, d'accidents nerveux. Son père, mort en 2 ou

3 heures, à 73 ans, était migraineux et èpileptique ( ? ). Ses

crises comitiales étaient assez fréquentes. Sa mère, qui

avait 75 ans à l'époque où les renseignements ont été pris;

n'aurait jamais été nerveuse. Trois frères : on ne sait ce

qu'est devenu l'un d'eux ; il aurait fait des excès de boisson :

un autre aurait eu pendant 2 ans des accès épileptiques ( ? ); un

troisième bégaie un peu et, l'un de ses enfants, qui se conduit

Imbécillité morale. 39

mal, a été condamné à deux mois de prison. Trois soeurs :

l'une a une épaule plus haute que l'autre et est arriérée ; les

deux autres sont bien conformées et intelligentes. « Dans

ma famille, dit le père d'Ét..., on meurt de maladie de l'esto-

mac et du foie. »

Mère nerveuse, sans convulsions ; lymphatique. Son père

fait de nombreux excès de boisson, antérieurs à son mariage,

Sa mère, qui n'était pas nerveuse, est morte jeune d'une

fluxion de poitrine. Une grand'mère est morte à 83 ans.

paralysée et démente. Deux frères morts jeunes on ne sait

de quoi. Une cousine est morte folle à 25 ans. Un oncle

maternel était d'une moralité douteuse et se rendait fréquem-

ment coupable de méfaits, entre autres do vols ; de plus, il

était braconnier ; ses trois enfants sont très arriérés et n'ont

jamais pu rien apprendre.

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de quatre ans. [Cinq

enfants : 1° Une fille morte à 3 semaines des convulsions ;

2° notre malade ; 3° fausse couche à 3 mois 1/2, de cause

inconnue ; 4° un garçon qui a eu des convulsions à 7 mois :

il ne parle pas, a les jambes tordues et n'a jamais marché ;

les bras sont inertes (1); 5° fille âgée de 21 mois qui

commence à peine à parler (2).

Notre malade. Grossesse bonne, ni traumatismes, ni

émotions vives, etc. (3). /lccouc/ieme ? it normal. A la

naissance, l'enfant était asphyxié, la sage-femmo a été

obligée de le frictionner longtemps pour le faire respirer.

Il a été élevé au sein jusqu'à 4 mois 1/2, puis placé à la cam-

pagne et élevé au biberon. Bien qu'il parût assez fort, il a été

difficile à élever. La dentition s'est faite sans accidents, on

assure qu'il n'a jamais eu de convulsions. Il aurait été propre

de bonne heure (4), aurait marché à un an. A son retour de

nourrice (21 mois), il ne parlait pas du tout. Envoyé à l'école

(1) Il est mort dans le service en novembre 1889; il était atteint d'idiotie

complète avec atbétose double.

(2) F.lte a maintenant (1895) dix ans, apprend péniblement, est désobéissan-

te, irritable, surtout par moments et a « un petit sursaut de tête quand elle

regarde, comme sa mère. » Onanisme. Elle ment assez facilement, mais n'a

pas de tendances aujjpl. Vers .5 ou G ans elle a eu quelquefois de l'incontinence

nocturne d'urine.

(3) Il n'y a eu rien de particulier à la conception, les parents vivaient alors

à peu près d'accord.

(4) Toutefois il lui arrivait de temps en temps d'uriner au lit et cela jusqu'à

son admission à Bicêtre. {Renseignement du 20 mars 1895.)

40 Imbécillité morale.

à 4 ans, il n'a jamais rien appris et ne sait môme pas tracer

des bâtons.

Dès ses premières années, on a remarqué en lui de mauuais

instincts : il cherchait à faire du mal sournoisement; il cra-

chait à la figure des gens, leur prenait les mains et les mor-

dait. Depuis très longtemps il a la manie du vol. Quand on

l'envoyait faire des commissions il dérobait tout ce qui lui

plaisait. On prétend qu'il aurait eu des hallucinations de la

vue et de l'ouïe. Il est menteur, aime à nuire : un jour, dans

la ferme où son père est employé, il s'est amusé a détruire

tout un plant de jeunes arbres. Une autre fois, il s'est emparé

d'une bande de 32 petits canards auxquels il a tordu les

pattes. Il recherchait la compagnie des petites filles et se

livrait sur elles à des attouchements obscènes. On n'aurait

jamais constaté l'onanisme. Il aimait à boire et s'enivrait

quand il en trouvait l'occasion; sa mère était obligée de

cacher le vin et les liqueurs.

État actuel. Tête petite, ronde et pointue ; la suture

pariétale forme un relief très marqué, la bosse occipitale est

saillante, la bosse pariétale droite est plus accusée, les bosses

frontales sont à peine dessinées; les apophyses mastoï-

des sont très prononcées, la droite plus que la gauche.

Acrocéphalie très accentuée. (Voir plus loin les »nensura-

tions).

Face. Front assez haut à sa partie moyenne, très bas et

déprimé sur les côtés. Arcades sourcilières très effacées.

Globes oculaires très saillants, iris bleus, pupilles dilatées

égales. Nez court, gros à la base. Lèvres assez grosses, égales.

Bouche 5 centimètres. Voûte palatine ogivale. Voile du palais,

luette, amygdales normaux. Oreilles grandes, bien ourlées,

lobule adhérent dans sa totalité.

Cou petit (27 centimètres). Thorax et colonne vertébrale

bien conformés. Il en est de même des membres supérieurs

et inférieurs.

Organes génitaux. Verge, longueur 55 mm., circonfé-

rence 50 mm. Prépuce long, gland découvrable, méat normal.

Bourses rétractées. Testicules à l'anneau pouvant descendre

dans les bourses, égaux, de la grosseur d'un petit haricot.

Peau assez fine, cheveux et sourcils blonds. Cicatrice de

20 centimètres sur le pariétal gauche consécutive à une chute.

Adénite sous-maxillaire à droite. Une pe&te cicatrice dé

vaccin sur chaque bras. Cicatrices de brûlures récentes sur

la partie inférieure de la jambe droite.

Sensibilité générale et spéciale normales, sauf la vue qui

Observation. 41

est faible (myopie). Réflexes physiologiques. Marche

régulière.

L'examen des différents viscères (coeur, poumons, etc.), n'a

fait découvrir aucun trouble fonctionnel. (Voir plus loin le

tableau du poids et de la taille.)

1887. Janvier. Revacciné sans succès. Avril. Hydro-

thérapie.

Mai. L'enfant est indiscipliné, crie, veut briser les por-

tes, etc. Conjonctivite oculo-palpébrale durant ce mois et en

novembre. Octobre. Apprenti vannier.

Décembre. Il est violent et brutal dans ses jeux et, en

tombant, s'est cassé une des incisives supérieures. Il a fait

quelques progrès à la gymnastique et apporte assez de bonne

volonté à l'atelier de vannerie. A la fin de ce mois, avec

d'autres enfants, il s'est livré à des actes révoltants d'obscé-

nité.

1888. Janvier. Il commence à tracer quelques lettres et

les chiffres, à bien syllaber, il fait bien les additions, connaît

les couleurs, la division du temps, etc. Sa tenue est assez

bonne. Il est très enclin au vol. Comme il est emporté, gros-

sier, très difficile à tenir à la petite école qui est dirigée par

des femmes, nous le faisons passer à la grande école.

Puberté. Visage et corps glabres. Verge : longueur 52 mm.

circonférence 65 mm., testicules de la dimension d'une petite

olive, onanisme.

Avril. Panaris sous-épidermique. Juin. Angine légère.

1889. Janvier. -- En raison de la myopie, les progrès à

l'école sont très lents, surtout en écriture. Il fait des additions

et des soustractions, dislingue bien les différentes formes des

objets. 11 est très taquin, paresseux ! toujours porté au vol et

sa tenue laisse souvent à désirer. A l'atelier de vannerie, il

y a un arrêt, son travail est moins bon, il s'empare de tout

ce qu'il trouve. Il travaille assez bien à la gymnastique.

Mars. Eruption eczémateuse sur la joue gauche. Pom-

made à l'oxyde de zinc, lotions d'amidon, traitement tonique.

Juin. École. Lecture presque courante, il sait faire la

multiplication, sa conduite est moins mauvaise et ses tendan-

ces au vol moins prononcées. A l'atelier, il ne veut absolument

rien faire, est une cause de désordres et se sauve à chaque

instant.

Juillet. Le corps est toujours glabre, pas de modification

des organes génitaux.

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Jl/en.sura £ io ? is de la tête.

POIDS ET taille. 43

Septembre. Panaris du pouce droit.

Novembre. Bronchite légère.

1890. Janvier. Il commence à faire de petits problèmes

44 Imbécillité morale.

1891. Janvier. La physionomie est plus éveillée, l'activité

est toujours très grande, sa tenue est redevenue meilleure,

on ne remarque plus chez lui de tendances au vol, ses senti-

ments affectifs commencent à se développer, il aime bien ses

camarades et ses maîtres, est plus convenable avec le per-

sonnel, n'est plus menteur comme autrefois, il a mieux cons-

cience de ce qu'il fait, la notion du bien est plus précise, son

raisonnement est assez correct, la mémoire est bonne : Et...

apprend des fables et des chants de gymnastique, il est devenu

habile à l'atelier de pailleur, il pourrait faire seul une chaise

s'il le voulait.

Examen des yeux. Strabisme divergent. Exophtalmie.

Légère instabilité de l'oeil, surtout dans le mouvement d'élé-

vation du regard, pupilles égales, réactions normales.

Atrophie blanche de la pupille des deux côtés, un peu plus

marquée à gauche. Acuité visuelle. O. d. : 1/20. O. g. :

1/25 (1).

Juillet. Puberté. La figure et le corps sont glabres. Poils

blonds et fins à la partie inférieure du pénil et à la racine de

la verge dont la longueur et la circonférence sont de 60 mm.

La prépuce a une longueur exagérée mais il n'y a pas de

phimosis. Les testicules, égaux, sent de la grosseur d'un

petit oeuf de pigeon. A gauche, il existe un t>a ? 'icocè ! e assez

prononcé.

1892. Janvier. Et... a du goût pour l'étude. Il sait les

quatre règles et fait de petits problèmes sur les trois premières.

Il commence à écrire des mots usuels sous la dictée. Il devient

plus docile quoique toujours très bavard et parfois instable.

Juillet. Et... continue à progresser sur toutes les matières

notamment en lecture et en calcul, son intelligence s'ouvre

chaque jour, sa mémoire se développe davantage ainsi que son

sens moral, il est beaucoup moins turbulent et moins vicieux.

Il travaille très bien à l'atelier où il se montre plus obéissant.

A la gymnastique, il travaille bien et exécute tous les exercices.

Puberté. La face, les aisselles, la poitrine, restent toujours

glabres ; au pénil, poils très clairsemés, assez longs, droits.

Verge. Longueur 80 mm., circonférence 83 mm. On éprouve

un peu de difficulté à découvrir le gland (phimosis). Môme

état des testicules. Anus normal et glabre.

1893. Janvier. 3cole et atelier. Amélioration progressive.

(1) L'examen a été fait par notre interne, M. Morax.

Observation. 45

Puberté. Verge : longueur 10 centimètres, circonférence

85 mm.; le phimosis persiste, mais le gland est découvrable.

Pas d'autres changements.

Juin. A l'école et à l'atelier, on note une amélioration

notable à tous les points de vue. A la gymnastique, il a été

choisi comme moniteur. Parfois, périodes pendant lesquelles

il devient paresseux.

Puberté. Verge : longueur 10 centimètres, circonférence

90 mm.; quelques poils très rares à l'anus qui jusqu'ici était

glabre.

1894. Janvier. Les progrès continuent à l'école, il est de

moins en moins turbulent, prend plaisir à écouler les expli-

cations des maîtres, il comprend bien et retient assez facile-

ment. Sa tenue est propre, il conserve ses vêtements en bon

état. A l'atelier il sait faire sa chaise entière ; il demande à

être vannier et, comme il est laborieux, on accède à son

désir. Juillet. L'amélioration persiste. Et... est plus docile,

plus poli, plus laborieux d'une façon générale.

Novembre. Le malade, qui devenait de plus en plus obéis-

sant, s'est mis à fumer et s'est associé à une sorte de protes-

tation des plus grands enfants qui réclamaient l'autorisation

de fumer.

1895. Janvier. Et... reste maintenant presque tout le

temps à l'atelier de vannier où il a fait de notables progrès.

Malgré sa myopie, il est arrivé à faire toutes sortes de man-

nes et de paniers, il est laborieux, tranquille, écoute bien les

observations.

Puberté. Léger duvet ombrant la lèvre supérieure ; rien

de plus à la face. Aux aisselles, poils courts, assez rares, sur

une largeur d'un centimètre et une longueur de 2 à 3 centi-

mètres. Le reste du tronc est toujours glabre. Poils blonds,

longs, abondants à la racine des bourses, sur tout le pénil et

commençant à envahir les aines. Poils rares sur le scrotum,

nombreux sur le périnée, assez nombreux à l'anus. Le va-

ricocèle est un peu plus volumineux. Légère irritation du

gland et du prépuce due à l'accumulation de smegma. Même

état du pénis et des testicules.

Cette observation motive un certain nombre de ré-

flexions qui vont nous permettre de faire ressortir

l'intérêt qu'il y a, suivant nous, principalement pour

les malades, à les examiner régulièrement et avec soin.

46 Imbécillité morale.

I. h'hérédilé paraît être la cause qui a produit

l'imbécillité prononcée avec perversion des instincts

que nous avons observée chez notre malade. Du côté

paternel, nons notons des accidents migraineux et do

nature comitialc. Du côté de la mère elle-même, un

caractère violent, une irritabilité constante qui, d'a-

près des renseignements que nous avons recueillis ces

jours derniers, existaient à un haut degré. Elle est

vaniteuse, s'imagine supérieure à toutes les autres, ne

supporte pas les moindres remarques et veut imposer

sa volonté à tout le monde. Avant d'habiter à la ferme

de Gravelle et depuis le retour à Paris, il fallait démé-

nager sans cesse (une année trois l'ois), parce qu'elle

avait journellement des discussions avec le voisinage.

Lorsque son mari ne voulait pas céder à ses caprices,

elle simulait des attaques de nerfs. Bien qu'elle parût

relativement calme au point cle vue génital, dans les

derniers temps de la vie commune sa conduite était

devenue tout à fait irrégulière et son mari dût la faire

arrêter à Versailles « où elle entretenait un militaire

et faisait des dettes ». Elle vit actuellement avec un

autre homme. Le divorce a été prononcé il y a quel-

que temps. Dans sa famille, ainsi que nous l'avons vu,

l'hérédité est très chargée.

II. A l'influence héréditaire s'est ajoutée l'as-

phyxie à la naissance, cause fréquente des arrêts de

développement intellectuel que nous voyons à Bicêtre.

Jamais Et., n'aurait eu de convulsions. Dès l'âge de

quatre ans, on a noté chez lui la perversion des ins-

tincts : il était sournois, taquin, turbulent, méchant,

gourmand, voleur, menteur, destructeur, désobéis-

sant. Pendant son séjour à l'école de quatre à huit ans,

il n'a rien appris, troublait sans cesse la classe, où il

n'était gardé que par considération pour son père.

III. C'est dans cette situation qu'Ét... nous est

Réflexions. 47

arrivé à Bicêtre. Sous l'influence du traitement médi-

co-pédagogique, il s'est produit chez lui, très lente-

ment, avec beaucoup de peine, une véritable amélio-

ration. La parole et l'articulation des mots qui étaient

encore très défectueuses à l'entrée dans le service,

ainsi que nous le rappelait son père il y a quelques

jours, sont devenues tout à fait libres. Le caractère

s'est modifié du tout au tout : Et., est devenu calme,

obéissant, affectueux, poli, et sa manie du vol a com-

plètement disparu. Au point de vue intellectuel, il a

appris à lire, un [jeu à compter, à écrire, quoique d'une

manière imparfaite, en raison de sa myopie. Il a des

notions usuelles assez étendues. Le raisonnement est

assez juste. La mémoire s'est perfectionnée. Enfin, il

a appris le métier de pailleur de chaises et le métier

de vannier dans lesquels il a acquis une certaine habi-

leté. En résumé, son état est devenu tel que, au lieu

de le faire passer à 18 ans clans l'une des sections d'a-

liénés, nous avons décidé de le garder jusqu'à 20 ans

pour l'envoyer dans l'une des divisions de l'hospice

comme atteint d'infirmité incurable (myopie), espérant

qu'il sera en mesure de se conduire convenablement.

IV. En Angleterre, dans les Pays Scandinaves, en

Allemagne, aux États-Unis, etc., on est convaincu de

la nécessité d'hospitaliser les enfants idiots, depuis les

plus dégradés jusqu'aux simples arriérés, et l'on crée

pour eux des établissements qui sont des modèles au

point de vue hospitalier et au point de vue éducateur.

A Paris, le Conseil municipal républicain a pensé qu'il

devait, sinon dépasser, au moins imiter ce qui se fai-

sait clans les pays que nous venons cle citer. Il a fondé

la section de Bicêtre, agrandi la colonie d'enfants de

Vaucluse, voté l'amorce d'un asile-école pour les peti-

tes filles. Mais, aujourd'hui, les hommes qui compo-

sent le Conseil municipal ne sont plus les mêmes. Le

temps leur fait défaut pour voir et bien voir ce qui se

48 Imbécillité morale.

passe dans les établissements dont ils ont la haute sur-

veilance. Et, tandis qu'on s'appuie en province sur ce

qu'ils ont réalisé pour généraliser la réforme, on voit

certains membres de cette assemblée regretter ce qui

a été accompli, prétendre, en dépit des faits, qu'on ne

peut tirer les idiots de la vie purement végétative,

et demander qu'on se borne « à nourrir » le corps des

idiots « comme les lois d'humanité le commandent ».

L'observation d'Et..., qui concerne un enfant profon-

dément atteint,, montre d'une façon péremptoire, que

les sacrifices du Conseil municipal sont réellement

productifs. Et s'il est possible de relever des malades

comme Et ? il est encore plus facile de guérir ceux,

en très grand nombre, dont les facultés intellectuelles

et morales sont moins lésées.

V. Le développement physique, en ce qui con-

cerne le poids et la taille, a suivi une marche réguliè-

re. Et..., qui aura 19 ans au mois de septembre pro-

chain, mesure 1 m. 75 et pèse 59 kilog. : à cet égard,

il dépasse la moyenne. Le tableau des mensurations

de la tête montre que, en revanche, celle-ci n'a pas

suivi la même évolution : elle est restée petite, ronde

et pointue {acrocéphalië) . Le développement du systè-

me pileux est encore très incomplet (face et tronc) ; il

ne s'est accusé qu'à la région génitale. Les examens

semestriels nous ont fait constater le développement

d'unp/i fmosts relativement léger et d'un varicocèle au

contraire assez accusé. Sans nos examens réguliers,

ces deux affections auraient passé inaperçues.

VI. Nous avons voulu vérifier, jeudi matin, en

corrigeant les épreuves de cette observation, quel-

ques-uns des points relatifs aux mensurations et à la

puberté. Nous tenions, en particulier, à nous assurer

si. le varicocèle avait augmenté, afin de faire donner,

Examen des organes génitaux. 49

si cela était nécessaire, un suspensoir au malade. Ce

nouvel examen nous a fait constater une accumulation

de smegma sous le prépuce, d'où la recommandation

faite au malade de se laver chaque fois qu'il prend un

bain. Bien qu'il ait repris ses douches depuis quelques

jours, on voit qu'il est nécessaire, néanmoins, de bai-

gner les malades. A plus forte raison en est-il de même

avce les procédés élémentaires employés à l'orphelinat

Prévost. Les organes génitaux, suivant nous, exigent

des soins de propreté aussi minutieux, sinon plus,

que le reste du corps, aussi bien chez les garçons que

chez les filles, en raison des érythèmes qui peuvent

se produire dans l'aine chez les deux sexes, à la vul-

ve chez les filles, sous le prépuce chez les garçons.

Ces examens nous font également découvrir et guérir

les adhérences du prépuce.

La leucorrhée, l'accumulation du smegma, les éry-

thèmes, etc., produisent des démangeaisons qui inci-

tent les enfants à se gratter, d'où des sensations qui

peuvent aboutir à des habitudes fâcheuses. On peut

les éviter avec des soins hygiéniques. Ce sont ces

soins, ces recommandations quotidiennes, que nous

reprochent tous les écrivains des journaux catholi-

ques, qui assurent que ces pratiques sont inutiles,

dangereuses, et qui nous accusent, dans leur igno-

rance, de fabriquer des dégénérés à Bicêtre. On voit

par l'observation d'Ét.. ce qu'ils sont quand on nous

les confie. Pour les Deville du Conseil municipal,

les organes génitaux sont des organes honteux et la

malpropreté est sainte. A l'inverse, pour certains mé-

decins, les organes génitaux seraient, au contraire,

des organes nobles, à supposer qu'il y ait à établir

une hiérarchie dans les organes qui composent le corps

humain; pour tous sauf ceux qui s'agenouillent

devant l'image do saint Labre la malpropreté est

détestable, source de maladie, cause de la propaga-

tion des maladies vénériennes. « Dis-moi comment tu

Bourneville, Bicêtre, 1894. 4

50 Traitement de l'onanisme.

te laves, je te dirai comment tu te portes a écrit un

médecin hygiéniste.

La passion politique a poussé nos adversaires à nous

accuser, les sous-entendus de M. Deville et les corn

mentaires de ses amis ne laissent aucun doute à cet

égard, de nous livrer à des expériences sur les qua-

lités du sperme des enfants idiots, et, dans ce but, de

les exciter à se masturber. Nous n'avons jamais l'ait

d'études de ce genre, et pour les faire, point ne serait

besoin de recourir à des procédés exceptionnels et

condamnables : il nous suffirait d'étudier les taches

des chemises, comme on fait en médecine légale.

Dieu (1) a fait autrefois, en 1867, des recherches sur

le sperme des vieillards, et il n'a pas été dénoncé

comme s'étant livré à des pratiques obscènes et cou-

pables. Il est vrai que c'était sous l'Empire.

Tous nos efforts consistent, au contraire, à répri-

mer chez nos malheureux malades, les pratiques de

l'onanisme, auxquelles ils sont trop enclins en raison

de leur âge (2) et de leur maladie nerveuse. Les cabi-

nets d'aisance du service, sur nos indications, sont

tous installés de manière à faciliter la surveillance

la plus rigoureuse. Les enfants ne doivent s'y ren-

dre qu'accompagnés par un infirmier (Grande École),

ou une infirmière (Petite École).

Dans les Instructions imprimées que nous donnons

à nos infirmiers et à nos infirmières, nous insistons

d'une façon spéciale sur ce côté de la surveillance

des enfants. Voici le texte du passage :

« Les infirmiers et infirmières de nuit doivent veiller très

attentivement à ce que les enfants restent dans leur lit et

n'aillent pas au lit des autres, sous aucun prétexte. Ils et elles

(1) Il ne s'agit pas du l'ère Eternel, mais du D' Dieu, médecin principal de

l'armée. Rech. sur le sperme des vieillards (Journ. de l'anat., etc., p. 449).

(2) Voir Lasègue, Éludes médicales, t. II, s. : i'i7. Gamicr, llggiène de la

génération : onanisme. Tissot, De l'onanisme.

Conclusion. 51

doivent les suivre lorsqu'ils vont aux cabinets, veiller à ce

qu'ils n'y fument pas et ne se livrent pas à l'onanisme. Si un

infirmier ou une infirmière surprend un enfant s'adonnant à

ces mauvaises habitudes, soit aux cabinets, soit dans son lit,

il ou elle doit immédiatement s'y opposer et le signaler dans

son rapport »

Voilà ce qu'auraient pu constater les Deville et C'% 1

s'ils avaient daigné se déranger, comme c'était le

devoir de conseillers municipaux, pour se rendre un

compte exact de ce que nous faisons chaque jour, et

publiquement, dans notre service de Bicêtre.

L'annonce de l'interpellation Deville, puis sa dis-

cussion nous ont valu la visite d'un certain nombre

de journalistes dont plusieurs ont poussé la curiosité

jusqu'à venir assister aux « Horreurs » que nous com-

mettons à Bicêtre, nous en avons profité pour leur

remettre, entre autres publications, le rapport que

nous avons fait au mois de juin dernier au Congrès

national d'Assistance publique de Lyon sur l'assis-

tance, le traitement et l'éducation des enfants idiots

et dégénérés ; s'ils le parcourent, peut-être s'intéres-

seront-ils à ces malheureux, et, traitant la question

devant le public, contribueront-ils plus rapidement à

généraliser l'assistance et le traitement de ces déshé-

rités. Si cette hypothèse se réalise, nous ne regrette-

rons pas les insinuations calomnieuses et infamantes

dont nous avons été l'objet.

IV.

Nous devons nous excuser auprès de vous, chers

lecteurs, d'être entré dans un exposé aussi minutieux

et que vous, médecins, vous trouverez peut-être

inutile. Tous les jours, en effet, vous conformant aux

leçons cle nos maîtres, anciens ou contemporaines, vous

observez vos malades de la façon la plus complète,

52 Conclusion.

sans négliger aucun organe, aucune fonction, et en

utilisant tous les moyens d'examen imaginés par la

science. Vous ne nous en voudrez pas pourtant, nous

l'espérons, de nous être défendu contre des accusa-

tions aussi brutales qu'injustifiées, d'avoir en même

temps défendu la méthode d'observation positive qui

est l'honneur de la médecine française et d'avoir cher-

ché à vous montrer, ce qui était sans doute superflu,

que nous n'avons pas démérité de la confiance que

vous vous voulez bien accorder à nos travaux scien-

tifiques.

Bourneville.

ANNEXES

L'Eclair du 29 mars a publié une note qui se ter-

mine ainsi : '

« M. Robin, interrogé par nous, a répondu : « Il nous

semble que pour éclairer tout à fait l'opinion publique,

M. Bourneville ferait mieux de publier le cadre d'obser-

vations qui, malgré l'appui de l'Administration, a décidé

la commission administrative, à supprimer ses visites à

Cempuis. » : La publication de ce document dont M.

Robin possède un exemplaire pris entreles mains d'élè-

ves ( ? ? ), vaudrait mieux qu'une vaine discussion de per-

sonnes (1). » '

Pour montrer combien nous avons la conviction de

n'avoir point dépassé les limites permises au médecin

dans l'observation des malades, nous allons reproduire

non pas un cadre mais tous les « cadres d'observation »

employés dans notre service et dont nous avons pris sou-

vent les éléments un peu partout.

1° Tant que le mouvement de la population a été peu

considérable dans le service, nous prenions nous-même

les renseignements auprès des familles, antécédents

héréditaires, antécédents personnels. Mais, peu apeu, en

raison de la multiplicité des entrées, nous avons dû

recourir à nos internes. Pendant quelque temps, nous

nous sommés contenté de leur fournir des instructions

verbales. Mais, en relisant les observations prises par eux,

nous y trouvions des lacunes plus ou moins nombreuses.

Alors, nous avons rédigé une sorte de guide (2) qui rend

(1) Cette discussion de personnes, ce-n'est pas nous qui l'avons provoquée.

Mis en cause, nous nous sommes défendu. Dans quels termes 1 on l'a vu plus

haut.

(2) Une copie manuscrite était remise à chacun de nos internes. Nous ne

l'avons fait composer que l'an dernier,

54 Procédés d'observation.

leur tâche plus facile et leur permet d'éviter des oublis.

Le voici, tel quel, avec ses imperfections. '

ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE

Service du Dr Bourneville

Antécédents

Schéma des antécédents. 55

État de l'enfant à la naissance : asphyxie (blanche ou bleue,

durée de l'état bleu), cordon autour du cou, poids, chétif ou

bien portant.

Allaitement. Sein, mère ou nourrice, biberon (lait de vache

ou de chèvre), sevrage, Ie'" dent, dentition complète, début

de la parole, de la marche, de la propreté.

Antécédents morbides. Coninilsions : Prodromes, début,

durée, toniques, cloniques, prédominance d'un côté, nombre

des attaques de convulsions. État de l'intelligence avant et

après; paralysie, contracture, athétose, chorée, hémichorée

consécutives.

Caractère : gai, triste, violent, accès de colère.

Instincts : vol, gourmandise, salacité, pyromanie, clasto-

manie, onanisme, rapports sexuels, fugues, turbulence,

alcoolisme.

Penchants au suicide, à l'homicide, tentatives.

Digestion. Préhension, occlusion ou non de la bouche,

bave, mastication, succion, ingestion de corps étrangers,

déglutition, rumination, vomissements, garde-robes, consti-

pation, diarrhée, gâtisme, vers intestinaux.

Respiration. Bronchite, hémoptysie.

État des sens. Anatomie, physiologie normales et patholo-

giques ; hallucinations. Sensibilité générale.

Sentiments affectifs.

Etourdissements, céphalalgies, krouomanie, changements

de coloration de la face, secousses brusques, vertiges, trem-

blements.

Sommeil : durée, cauchemars, accès de cris, attaques de

sommeil.

Mémoire, raisonnement, attention, écolage : degré d'ins-

truction ; aptitudes particulières.

Ressemblance cle l'enfant; tient-il plus du père que de la

mère au point physique et au point de vue psychique.

S'il y a eu des aliénés dans la famille placés dans les asiles,

prendre note du nom de l'aliéné, de l'asile, et de l'époque

d'internement. Traitements antérieurs. Placements dans

des maisons de correction. Placements comme apprenti.

Maladies infectieuses : rougeole, scarlatine, variole, vac-

cin (âge), coqueluche, fièvre typhoïde, accidents syphilitiques,

diphtérie, faux croup.

Accidents scrofuleux. Gourmes, dartres, otorrhée, blé-

56 Procédés d'observation.

pharite ciliaire, conjonctivite, adénites, engelures, maladies

de la peau.

Traumatismes céphaliques et divers, fractures, luxations,

brûlures ; sévices exercés par les familles.

Cause à laquelle les parents attribuent la maladie.

Premiers signes cle l'idiotie; en quoi consistaient-ils ?

Premiers signes de. l'épilepsie : cauchemars, absences,

vertiges, secousses, accès.

Marche des accès, diurnes nocturnes; blessures dans les

accès; miction, défécation, perte séminale; morsures de la

langue, bave, écume; état consécutif, automatisme, procur-

sion, folie pré ou post èpileptique , accès sériels, état de mal.

2° Lorsque ces renseignements ont été donnés par la

famille, nous prenons ou nous faisons prendre la descrip-

tion de l'enfant. Afin de faciliter la tâche de nos internes,

nous avons établi le schéma suivant.

ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE

Service DU Dr Bourneville.

État actuel

DESCRIPTION DU malade. - - 57

Nez : aquilin, camus, droit ; lobule, volume, bifidité, dévia-

tion, narines, odorat.

Pommettes, saillie, régularité, symétrie, joues.

Bouche : forme, direction, dimensions.

Lèvres : volume, saillie, épaisseur. '

Palais : voûte, voile (forme ogivale ou non).

Pharynx : déglutition; tumeurs adénoïdes.

Langue : épaisseur; tremblement de la pointe.

Amygdales : volume, saillie.

Goût : perception (quelles substances ? ).

Dents ; mastication.

Menton, forme, dimensions, situation par rapport au maxil-

laire supérieur.

Oreilles : forme, implantation ; écartement, lobule, hélix,

anthélix. Ouïe.

Cou : circonférence, corps thyroïde, larynx, laryngoscope.

Membres supérieurs : forme' attitude, volume, motilité,

pression (dynamomètre), sensibilité, toucher, etc. État

des ongles.

Membres inférieurs : inspection, palpation ; station, mar-

che, voûte plantaire.

58 Procédés d'observation.

Fonctions : digestion, respiration, etc.

HÉMIPLÉGIE : 1° Attitude des membres paralysés : a) au

repos, b) dans la marche.

2° Mensurations comparatives des membres

des deux côtés (tableau).

3° Etat des jointures : a) contracture, b) cra-

quements.

4° Etat des mouvements : a) spontanés,

b) provoqués. ,

5° Contractions fibrillaires. Etat des mus-

cles : a) contractilité, b) amaigrissement,

c) atrophie musculaire.

6° Hémichorée, athétose.

7° epilepsie spinale, trépidation, phénomène

du pied. '

8° Réflexes (bras, genou, pied).

9° Comparaison des deux côtés du tronc

(thorax, bassin, membres).

10° Développement du système pileux : a) côté

paralysé, b) côté sain.

11° Organes génitaux : comparaison des tes-

ticules, des seins.

3° Nous avons fait faire un certain nombre de tableaux,

les uns communs à tous les enfants, les autres spéciaux

à certaines catégories d'entre eux.

Les tableaux communs sont les suivanls :

a) Tableau de la température des cinq premiers jours

de l'admission. Ainsi que nous l'avons dit, nous faisons

prendre, matin et soir, la température rectale de tous les

enfants qui entrent clans le service. Maintes fois, cette

mesure nous a permis de constater que les entrants étaient

à la période d'incubation d'une affection aiguë ordinair j

ou infectieuse.

b) Tableau des mensurations de la tête.

c) Tableau des poids et taille.

d) Tableau de la Puberté.

60 Mensurations de la tète.

Enfants imbéciles, arriérés, épileptiques

. et aliénés.

Puberté.

62

Tableau des accès.

Les tableaux particuliers se rapportent aux épilepti-

ques et aux hémiplégiques.

a) Tableau des accès ; températures durant les accès.

b) Tableau des mensurations des membres citez les hé-

miplégiques.

Épileptiques : Tableau des accès.

Eoilenticiues : Température de l'accès

66

Mémento des autopsies.

" ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE

Service du Dr Bourneville.

Autopsie

Instructions aux infirmiers et infirmières. 67

Enfin, nous faisons venir autant que possible mais non

sans difficulté, à tour cle rôle, les infirmiers et les infir-

mières de notre service dans notre cabinet, au moment

de la signature des papiers administratifs et nous leur

donnons des Instructions sur leur façon d'agir envers les

enfants. De même que pour les Instructions médicales,

nous avons fait des copies manuscrites de ces instruc-

tions que nous avons finalement fait imprimer. Nous les

reproduisons et elles contribueront à prouver que loin de

fabriquer des dégénérés à Bicêtre, comme le dit M. Deville,

nous prenons au contraire, en ce qui nous concerne, toutes

les mesures susceptibles de remédier à leur dégénéres-

cence.

ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE

Service Du Dr Bourneville.

Service des Infirmiers et Infirmières.

Les veilleuses prennent leur service à six heures quarante-

cinq les jours de classe des infirmières et à sept heures qua-

rante-cinq les autre» j"urs, de façon que ces dernières puis-

sent leur transmettre le service avant d'aller à l'École, ou de

rentrer dans leurs chambres. Les veilleuses et les veilleurs,

en prenant leur service, doivent s'assurer avec le plus grand

soin que ToUS les enfants sont au lit.

L'infirmière de jour doit indiquer à la veilleuse quels sont

les enfants qui ont passé depuis sa précédente veille, soit à

l'infirmerie, soit dans une autre salle, ceux enfin qui sont en

permission de sortie ou en congé. » L'infirmier de jour doit

procéder de même envers l'infirmier de veille.

Les infirmières de nuit doivent veiller très attentivement à

ce que les enfants restent dans leur lit et n'aillent pas aux

lits des autres, sous aucun prétexte. Elles doivent les accom-

pagner lorsqu'ils vont aux cabinets, veiller à ce qu'ils n'y

fument pas et ne se livrent pas à l'onanisme. Si une infirmière

surprend un enfant s'adonnant à ces mauvaises habitudes,

soit aux cabinets, soit dans son lit, elle doit immédiatement

68 INSTRUCTIONS aux infirmiers ET infirmières.

s'y opposer et le signaler sur son rapport. Elles doivent

empêcher les enfants de se balancer, de ronger ou déchirer

leurs ongles, de mettre des petits cailloux dans leur bouche,

de sucer ou téter leurs doigts, de déchirer leurs habits, etc.

Les infirmières doivent surveiller avec le plus grand soin

les enfants qui ont des accès d'épilepsie, ou des vertiges,

prendre des précautions pour qu'ils ne tombent pas de leur

lit; les empêcher de se coucher sur le ventre car, lorsqu'un

enfant placé dans cette position est pris d'un accès, il est

exposé à mourir asphyxié, la face étant collée contre l'oreil-

ler, le traversin ou le matelas, et l'air n'entrant plus du tout

dans les poumons. D'autre part, le décubitus (ou le coucher

dorsal) excite les enfants à l'onanisme.

Quand un enfant a un accès pendant le jour, l'infirmière

doit défaire le cordon de la chemise, déboutonner le gilet et

la ceinture du pantalon. Si l'accès a lieu la nuit, il faut défaire

le cordon de la chemise et desserrer les couvertures. En un

mot, dans toutes les circonstances, il faut prendre les mesu-

res pour empêcher l'asphyxie.

Dans les deux cas, lorsque l'accès est fini, il faut découvrir

l'enfant afin de constater s'il a uriné ou déféqué ou, s'il s'a-

git d un enfant d'un certain âge, c'est-à-dire d'un adolescent,

s'il a ou non taché sa chemise.

L'infirmière, tout en veillant sur l'enfant, doit tâcher de

décrire l'accès ; observer à quelle période de l'accès l'enfant

urine ou fait autre chose; si c'est au début de l'accès, lorsque

l'enfant jette un cri, ou à la période de raideur, ou à la pério-

de des secousses, ou enfin à la période de stertor ou de ron-

flement. II ne faut pas quitter l'enfant qui vient d'avoir un

accès avant qu'il n'ait tout-à-fait sa connaissance. Il ne faut

pas oublier non plus que, parfois, il survient vite un 2° accès.

Les veilleuses doivent aussi observer les enfants qui ont

des cauchemars ou des hallucinations ; elles doivent essayer

de saisir ce que dit l'enfant, de savoir ce qui lui fait peur et

inscrire ce qu'elles ont observé et entendu sur le carnet de

rapport.

Elles doivent aussi veiller sur les enfants qui, sans avoir

d'accès ou de vertiges, urinent au lit. Elles doivent prendre

soin de les faire uriner avant qu'ils ne se couchent, les faire

lever à minuit, et les conduire aux cabinets ou leur donner le

vase, dans le but, en régularisant en quelque sorte l'urina-

tibn, de les guérir de leur incontinence d'urine.

Instructions aux infirmiers ET infirmières. 69

Les infirmiers et infirmières doivent être réservés dans,

leurs paroles et ne jamais prononcer de mots grossiers; ils

ne doivent jamais perdre de vue qu'ils ont affaire à des en-

fants, et qui plus est, à des enfants malades, double raison

qui leur commande impérieusement de ne jamais agir avec

brutalité envers eux. Et cette règle de conduite ils ne doi-

vent pas s'en départir, lors même que les enfants seraient vio-

lents ou grossiers eux-mêmes.

Les infirmières et infirmiers doivent réprimander les enfants

avec fermeté et bienveillance et signaler ceux qui seraient

rebelles à leurs remontrances : par la douceur, par l'affection,

qu'ils en soient bien persuadés, ils viendront à bout des en-

fants même les plus récalcitrants.

Infirmiers et infirmières doivent observer les enfants

qui leur sont confiés avec le plus grand soin ; noter la

déchéance intellectuelle, l'affaiblissenit-nt physique des

enfants, les modifications de la physionomie, l'altération

des traits, la diminution de l'appétit, les troubles de la diges-

tion qui surviennent chez les enfants. Cette recommandation

est d'autant plus importante que beaucoup de ces enfants

sont plus ou moins insensibles à la douleur, la supportent

sans se plaindre, continuent à marcher, aller et venir, bien

qu'ils soient sous le coup d'une maladie mortelle.

Les veilleuses sont tenues, le matin, d'aider les infirmières

de jour à procéder au nettoyage des enfants : c'est la pre-

mière leçon qui doit commencer la journée, car il s'agit

d'apprendre aux enfants à s'habiller, à se laver la figure et

les mains, à brosser leurs habits, à faire leur lit, etc.

Lorsque les enfants sont sortis des salles, les relieuses

continuent leur ménage ; elles assistent au déjeuner des

enfants de la Petite École, et là, avec les maîtresses et les

infirmières de jour, elles doivent non seulement surveiller

les enfants mais leur apprendre à manger proprement, à hien

se servir de la cuiller, de la fourchette et du couteau. Il y

aurait un très grand intérêt au point cle vue de la bonne

tenue des enfants et au point de vue de l'économie à engager

les infirmières veilleuses à faire pendant la nuit, la révision

des habits des enfants de leur dortoir et à faire les menues

réparations.

Les veilleurs sont tenus le matin d'aider les infirmiers de

jour à procéder au nettoyage des enfants, puis d'aller chan-

70 Instructions aux infirmiers ET infirmières.

ger les paillasses des gâteux et ensuite d'aider à porter le

linge sale à la buanderie ; ils sont aussi chargés, en revenant

de cette dernière corvée, d'aider au nettoyage des carreaux

dans les pavillons tenus par les infirmières.

Les infirmières et les infirmiers, de jour on de nuit, ne doi-

vent jamais se familiariser avec les enfants. La nuit le- infir-

mières et infirmiers ne doivent jamais leur adresser la parole,

sauf dans le cas de nécessité absolue ; ils doivent placer

les enfants en rang quand ils vont d'une partie du service

dans une autre; s'opposer à ce que les enfants crachent

dans les galeries et par conséquent ne pas leur donner ce

mauvais exemple ; ils doivent examiner les selles des enfants

afin de s'assurer si elles renferment des vers, parasites qui

sont souvent cause d'accidents convulsifs, etc.

Les infirmiers et infirmières ne doivent point donner des

renseignements aux familles sur l'état des enfants qu'ils ne

connaissent que très imparfaitement. C'est le médecin, ou à

défaut le surveillant, qui doit fournir ces renseignements.

Ils ne doivent point se charger de lettres ou de commissions

«ans autorisation, ni se permettre sous aucun prétexte

d'introduire des étrangers dans l'intérieur de la division des

aliénés.

Les infirmiers et infirmières doivent noter tous les enfants

qui urinent et défèquent au lit, et inscrire scrupuleusement

le nombre des accès et des vertiges des enfants, s'il y a lieu

avec les différences présentées dans les diverses crises.

Les infirmiers et infirmières chargées de soigner des

enfants aliénés doivent toujours avoir présent à l'esprit que

ces enfants sont atteints d'une maladie qui les porte souvent

à des propos injurieux et à des actes de violence. Ils doivent

donc s'appliquer à les préserver du mal qu'ils pourraient se

faire, ou qu'ils pourraient faire aux autres ; mais dans

l'accomplissement de ce devoir, ils resteront assez maîtres

d'eux-mêmes pour s'abstenir de toute parole outrageante et

de toute voie de fait, qui ne feraient qu'irriter les malades.

Les infirmiers et infirmières doivent se réunir en aussi

grand nombre que possible lorsqu'ils ont à s'assurer de la

personne d'un enfant malade, par exemple pour le conduire

en cellule lorsqu'il présente de l'excitation maniaque. Présen-

Instructions aux infirmiers et infirmières. 71

ter aux enfants ou adultes aliénés un appareil de force assez

imposant pour leur oler toute idée de résistance, c'est le

seul moyen d'éviter ou d'abréger des luttes toujours fâcheuses.

Les infirmiers et infirmières ne doivent laisser, à la disposi-

tion des enfants, rien qui puisse devenir, entre leurs mains

un instrument de violence. Ils devront faire à ce sujet de

fréquentes recherches, mais avec toute la prudence et toute

la discrétion possibles pour ne point exciter la susceptibilité

naturelle des malades qui en sont l'objet.

Les infirmiers et infirmières doivent exercer une surveillance

constante sur les cnfants aliénés. Réunis ou isolés, ils ne

doivent jamais être abandonnés à eux-mêmes. C'est aux

infirmiers et aux infirmières à calculer leurs différents devoirs

de la journée sur ce principe : aucune excuse ne pourrait

justifier un abandon, même momentané, des malades qui

leur sont confiés.

Description des accès d'épilepsie.

Bien que nos infirmiers et nos infirmières aient,

dans le Manuel de l'infirmière des indications géné-

rales au sujet des accès d'épilepsie et des attaques

d'hystérie et que nous complétons ces renseignements

dans des dictées données à l'école primaire, nous leur

donnons, dans notre service spécial, le schéma ci-après

qui les aide à décrire les crises convulsives des enfants.

Cela est d'autant plus nécessaire que le médecin, pré-

sent sculemement durant quelques heures de la mati-

née, ne peut en être témoin que par exception.

Aura ou avertissement.

a) Signes lointains ; irritabilité, tristesse, affaiblissement,

etc.

b) Signe= immédiats : douleurs localisées dans un membre,

au ventre, à l'estomac, etc.

Début : cri, ses caractères ; comment tombe l'enfant ?

72 Description des accès d'épilepsie.

Première période ou des convulsions Ioniques : Rigidité

générale ou prédominance d'un côté du corps.

Attitude de la tête ; déviation et couleur de la face.

Paupières ouvertes ou fermées. Direction des yeux. Pu-

pilles dilatées ou contractées. Bouclie ouverte ou fermée ;

mâchoires (contractées ou écartées). Altitude des mains,

des doigts, du pouce.

Période intermédiaire : secousses tétaniformes ou non ;

générales ou localisées ?

Deuxième période ou des convulsions cloniques : mouve-

ments des bras et des jambes, généralisés ou localisés, ou

prédominant d'un côté.

Modifications de la face (couleur), des paupières, des yeux,

de la bouche, des mâchoires (relâchées ou serrées).

Troisième période ou de slertor : flaccidité des membres ;

ronflement ; bave ou écume, sanguinolente ou non.

Évacuations involontaires (urine, selles, sperme).

Sommeil ou hébétude consécutifs; durée. Actes incons-

cients ou automatisme (course, etc.). Hallucinations, trou-

bles intellectuels (excitation maniaque).

Durée totale des accès et, si cela est possible, des périodes.

Température. (Voir p. 63).

Les infirmiers et les infirmières doivent se guider

sur le schéma précédent pour la description des

secousses, des vertiges, des attaques d'hystérie.

Nous complétons ces détails par des instructions

verbales. Nous invitons le personnel, maîtres, maî-

tresses, infirmiers et infirmières à noter avec soin

tous les symptômes qui annoncent chez les épileptiques

une tendance à la déchéance : affaiblissement de la

mémoire, embarras cle la parole, tremblement de la

langue et des lèvres, modifications des dimensions des

pupilles (égalité, inégalité), changements de couleur

de la face, etc. Durée des troubles consécutifs aux

accès.

Description des malades.

73

Cadre de renseignements pour nos instituteurs

et nos infirmiers.

Nous avons dit que nous demandions à notre per-

sonnel; instituteurs, institutrices, surveillantes, infir-

miers et infirmières, de nous donner pour le certifi-

cat de quinzaine d'abord, puis pour les rapports

semestriels des notes sur l'état intellectuel- des enfants,

sur leur degré d'instruction et sur les diverses parti-

cularités observées par eux. Dans le but de faciliter

leur tâche nous mettons à leur disposition une sorte de

guide fait d'après l'Analyse psychologique de l'en-

tendement humain chez les idiots de Félix Voisin (1).

et le cacî ? 'e monographique de l'idiotie de Ed. Sé-

guin (2). En voici le texte : .

74

Instructions aux In;tituteurs.

Description des malades. 75

76 Instructions aux instituteurs.

Sens extérieurs.

Description des malades.

Facultés de perception.

78 MÉTHODE D'OBSERVATION.

compléter par ses notes celles que nous prenons, nous

et nos internes. Nous essaierons un jour do le dresser

d'une façon plus physiologique et plus moderne.

Grâce à l'ensemble des procédés et des moyens

que nous venons d'exposer peut-être trop longuement,

nous arrivons à posséder sur nos malades des obser-

vations à peu près complètes et dont chaque année

un certain nombre figurent dans le Compte-rendu

du service.

TROISIÈME PARTIE

Clinique et anatomie pathologique

I.

Idiotie complète congénitale avec paraplégie compliquée

. de contracture et de déformations des pieds ;

l'Ail BOUniVKVlLLE ET NOIR.

L'observation suivante constitue un véritable spéci-

men du type de l'idiotie congénitale complète par

arrêt simple de ' développement.

Sommaire. Père, nerveux, rhumatisant, psoriasique.

, Tante paternelle, arriérée : qui a eu un garçon arriéré et

une fille idiote et paralysée. Mère, migraineuse ; dispa-

rition des migraines Ûurant les grossesses. Grand-père

maternel, excès de boisson, mort d'un cancer de l'esiom&c.

Grand-oncle maternel, mort « d'une fièvre chaude ».

Cousine maternelle, suicidée. Inégalité d'âge de 9 ans.

Paralysie congénitale avec contracture des membres infé-

rieurs ; déformations des pieds. Membres siipénetîr.s ? ior-

mau.w Absence complète de l'intelligence. Phtisie ;

dépérissement progressif. Congestion pulmonaire : mort

rapide. . , "

Autopsié : Arrêt de développement du cerveau. Dépôts

caséeux dans les poumons, et dans l'une des capsules

surrénales.

Lég... (Léon- Théodore), né le 12 octobre 1872, à Asnières,

est entré le 20 janvier 1890 (service de M. BournevIlle) : où il

est décédé le 3 novembre 1890.

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère le

2 février Ï890.) Père, mort à 52 ans d'une bronchite"

chronique datant de 10 ans (tuberculose) ( ? .] ? Très nerveux et

très peureux dans son enfance, il n'aurait pourtant jamais

présenté d'accidents convulsifs. Pas de maladies infectieuses.

Dermatose squameuse ayant son siège ordinaire au cbti'dé*

Bourneville, Bicêtre, 1894. - 6 6

82 Antécédents.

(psoriasis probable). Douleurs rhumatismales erratiques.

Névralgie sciatique probable. Marié à 21 ans et à 29 ans. Pas

de syphilis. Ouvrier scieur de long puis scieur clans une scierie

mécanique, il était sobre et travailleur. Il fumait peu depuis

1879, avait autrefois fumé beaucoup. Caractère doux.

[Famille du père. Père, bûcheron, sobre, mort à la suite

d'une piqûre dans les bourses par un éclat de bois (septicémie).

Mè ? 'e, morte à 68 ans, assez rapidement après 8 jours de

maladie et un affaiblissement progressif. Aucun renseigne-

ment sur les grands-parents paternels. Tante maternelle

morte à 90 ans, de vieillesse. Un frère, 57 ans, marié, père

de 3 enfants vigoureux et intelligentes. Une soeur bien

portante ; une autre soeur un peu « bêtasse » qui a eu avant son

mariage un enfant peu intelligent; elle s'est ensuite mariée

avec un autre que le père de l'enfant et a eu 4 enfants parmi

lesquels était une fille idiote et paralysée. Celte fille est

morte d'accident à 10 ans : « elle est tombée dans le feu. »

A cette époque, elle ne pouvait marcher, ni parler. Rien de

plus à signaler au point de vue pathologique et psychique

dans la famille du père.]

Mère, 43 ans, couturière, à physionomie intelligente, régu-

lière et paraissant bien portante. Elle n'a présenté aucune

maladie infectieuse ni diathésique autre que la migraine.

Celle-ci a débuté au moment de la puberté (14 ans 'f,). Les

douleurs se calmaient lorsqu'elle vomissait ou alors elle était

obligée de se coucher et restait 48 heures malade. Cette

migraine survenait ordinairement 4 ou 5 jours après les règles.

Elle a diminué à 37 ans, époque à laquelle elle abandonna

les travaux de couture, et a disparu à 39 ans. Le mariage n'a

pas modifié les accès, qui n'apparaissaient jamais durant la

grossesse. [Famille de la mère. Père, menuisier, mort à

75 ans d'un cancer du pylore, était un buveur de cidre et

aurait fait dans sa jeunesse des excès de boisson. Mère,

82 ans, n'a jamais été malade et jouit actuellement d'une

bonne santé. Grand-père paternel, mort à 80 ans, sobre,

ni dément, ni paralytique. Grand'mèrepalcrnelic, morte à

78 ou 80 ans. Grand-père maternel, mort presque subite-

ment à 80 ans. Grand'mère maternelle morte à 52 ans d'une

affection de la jambe ( ? ). Deux oncles paternels, morts tous

les deux assez jeunes et. très rapidement, l'un d'une « espèce

de fièvre chaude ( ? ).». Ces oncles avaient des enfants, qui sont

actuellement très bien portants. Tante paternelle morte à

00 ans ? Cette tante a eu deux filles : l'une d'elles s'est suicidée

en apprenant que son mari la trompait avec une voisine.

Antécédents. 83

Un oncle maternel et six lanles maternelles morts assez âgés

et laissant des enfants d'une excellente santé. Quatre frères

dont deux sont morts, on ne sait de quoi, les deux survivants

et leurs enfants sont bien portants. Quatre soeurs dont

deux mortes ( ? ) et deux en bonne santé; une de ces dernières,

mariée, a eu 6 enfants tous morts (deux de diarrhée infantile,

un d'angine, un tuberculeux).]

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de plus de neuf ans.

Trois enfants : l" Une fausse coucha do 3 mois survenue à

la suite d'un effort ; 2° Une fille morte à 10 jours de diarrhée

Infantile.

3° Notre malade. Rien cle particulier à la conception.

Aucun accident durant la grossesse. /lccouc/ieme ? ii à terme,

normal, sans anesthésie (I). A la naissance, la grand'mère

maternelle de l'enfant, qui avait élevé 17 enfants, remarqua

qu'il avait les jambes anormalement croisées. Il n'y avait eu ni

asphyxie, ni circulaire du cordon. Allaité au sein maternel,

il aurait toujours bien pris le sein il ne fut sevré qu'à trois

ans. Il se développa assez bien jusqu'à 9 mois et se servait

assez normalement de set bras et cle ses jambes; il pouvait

se tenir debout en se servant des murs, des meubles comme

appui, mais la pointe des pieds seule portait sur le sol. Il se

réveillait souvent en sursaut et criait. A celte époque, il

contracta la rougeole à la suite de laquelle, il dépérit, devint

méchant, pleurant presque conlinuollcment. Auparavant, il

différait déjà des autres enfants, élait « moins éveillé », tenait

moins bien sa lêtc, mais alors les différences se sont ac-

centuées : « il a changé du jour à la nuit. » Ce ne serait que

vers 3 ans que les membres inférieurs se sont contrac-

tures ; depuis la naissance ils se croisaient. A 13 mois, pre-

mières dents, dont la poussée douloureuse détermina des

convulsions internes. Ces convulsions, qui consistaient en

pâleur de la face, rotation des yeux, duraient une à deux

minutes. Elles se sont manifestées pendant toute la dentition,

qui fut complète à 3 ans. L'enfant n'aurait jamais présenté

de mouvements convulsifs des membres. A cet âge il ne

marchait pas; il élait relativement propre; sa mère, qui

prenait ses précautions, comme elle dit, s'apercevait à

certains signes du besoin ; elle prétend que, dans les derniers

temps qui ont précédé son admission à Bicêtre, « il montrait

le pot ». Ses selles étaient « très régulières ». Le sommeil

(1) Présentatiun du sommet.

84

État actuel.

aurait encore été mauvais de 3 à 7 ans : il s'éveillait en sur-

saut 3 ou 4 fois par nuit, en criant, et se" calmait dès que sa

mère venait auprès de lui. Le sommeil serait devenu tran-

quille à partir cle 7 ans.

Etat actuel {Février 1890). Cheveux peu abondants mais

régulièrement implantés. Crâne symétrique, d'un faible vo-

lume (Yoii- le tableau des mensurations de la tête). Front élevé,

bosses frontales peu accusées. Arcades sourcilières assez

prééminentes. Oreilles grandes, l'ourlet n'existe presque

pas, le lobule est détaché. Sourcils assez abondants. Fente

Fig. 3.

Etat actuel.

85

patpébrale assez grande. Cils bien implantés. Yeux : la moti-

lité paraît normale ; pas de lésions dans la conjonctive. Pupilles

inégales (la droite est un peu dilatée), à réactions normales.

Un examen soigneux cle l'oeil permet de constater un très

léger" excès de Convergence des deux globes et que lés vais-

seaux dé la papille sont plutôt grêles que variqueux; enfin;

que larétinéést normale. Du reste, le malade voit bien.

Nez un peu oblique, narines épaisses. Bouche assez petite.

Lëvré's minces (Fig. 20).

Dentition, Mâchoire supérieure : 14 dents assez bien ran-

i-ig. i.

86 État actuel.

gées. Canine gauche et première molaire gauche profondé-

ment cariées. Aspect crénelé du bord inférieur des incisives

(type de dents régressif). Mâchoire inférieure : 14 dents

assez bien rangées ; première et seconde molaires droites

profondément cariées; même type cle dents qu'à la mâchoire

supérieure. Tendance au retour vers le type conique. Les

dents sont couvertes de moisissures vertes. Articulation nor-

male. Gencives en bon élat. (Noie de M. le docleur Cruet.)

Langue, palais, voile du palais normaux. Amygdales un

peu grosses. Quelques ganglions cervicaux engorgés.

Cou : 0"\36 de circonférence. Thorax étroit. Coeur,

poumons : rien de particulier. Abdomen souple. Foie de

volume normal Pas de déviation de la colonne vertébrale.

Membres inférieurs. Le malade debout repose sur le

bord interne du pied droit, le talon étant relevé. Les orleils

sauf le pouce sont fléchis. La jambe est en demi-flexion sur

la cuisse et la cuisse sur le* bassin. Il y a une adduction for-

cée avec procidence en avant de la cuisse droite. L'état du

membre inférieur gauche est très analogue, mais la cuisse

toujours en adduction se maintient sur un plan postérieur à la

cuisse droite. Il y a une atrophie notable des muscles de ces

membres. Les articulations de la hanche et du genou sont

raides et ne peuvent permettre l'extension complète. Les

articulations tibio-tarsiennes sont souples. L'astragale fait

saillie à la face interne du pied gauche. Cette saillie, plus

volumineuse à droite, est formée par l'astragale et le sca-

phoïde. Les réflexes rotuliens sont peu marqués [Fig. 21).

Membres supérieurs. Ils sont régulièrement conformés,

mais asymétriques, comme le prouvent les mensurations;

toutefois, ils ne présentent ni déformation, ni contracture.

Ils se meuvent régulièrement. L'enfant prend les aliments à

pleines mains et les porte à sa bouche.

Puberté. Les deux testicules sont dans les bourses, leur

volume identique à gauche et à droite est celui d'un petit oeuf

de pigeon. Verge : longueur 0"\13; circonférence : 0»>,065.

Gland découvert, méat normal. Quelques petits poils au pénil,

au périnée, aux bourses, à la région anale qui est normale.

Léger duvet à la lèvre supérieure et à la face antérieure des

jambes.

Sensibilité delà peau, médiocre. Odorat peu développé.

Goût paraissant exister : la coloquinte fait faire à l'enfant

une légère grimace, mais il prend le sucre avec plaisir;

voracité.

Au point de vue psychique, l'enfant estcomplètementid.tot

et gâteux. Il reconnaît ses parents, les appelle par des cris

État actuel. 87- ·

vagues, mais n'a aucune notion de ce qui l'environne. La

parole est nulle : mam.an, papa, sont les seuls mots qu'il

prononçait tant bien que mal. Il s'égratignait parfois la

figure et déchirait ses habits.

Mai. L'enfant fait un séjour à l'infirmerie pour des enge-

lures aux pieds.

' Octobre. Il revient à l'infirmerie pour Une conjonctivite-

purulente qui cède à des instillations au nitrate d'argent.

1" novembre. A l'infirmerie pour de la diarrhée, langue

saburrale. T. R. 39». Purgatif salin,

2 novembre. Son état empire, début d'une escarre fessière

à gauche non encore -uicérée. Teint terreux, langue rôtie.

Aspect typhoïde. Auscultation très difficile ; lésions pulmo-

naires probables. Malin : T. R. 39°. Soir : T. R. 40.

3 novembre. État désespéré. Matin : T. R. 40°, 4.

Soir : T. R. 40°, 6. Mort le 4 novembre à 4 heures du matin..

Poids après le décès : 25 kg. 500. Diminution de 9 kilog.

88> Autopsie.

Distance île l'épine iliaque ant. sup. à l'interligne art.

A-jtopsie. 89

Le lobe pariétal est aussi simple que le lobe frontal. La PA.

peut, morphologiquement, être divisée en deux parties : une

supérieure assez grêle qui forme un groupe similaire avec le

lobe pariétal supérieur (L. P. S.), une inférieure large, termi-

nant en avant une grosse circonvolution en S formant le lobule

pariétal inférieur (L. P. I.) et bordant la scissure de Sylvius

qui est très profonde (S. S.). Le pli courbe (P. C.) et son

lobule sont très nets et très simples. Le lobe temporal et

le lobe occipital offrent également le mémo aspect schéma-"

tique.

La face interne conserve aussi le. même caractère cle simpli-

cité : F1, L P, A C, C [Fig. 23) se succèdent sans modification

notable. Le corpscalleux (C. C), sac-irconvolution (C. C. C),

le ventricule latéral (V), les noyaux gris centraux, l'hippo-

campe, etc., ont tous la même simplicité do forme (Fig. 23'.

Hémisphère cérébral gauche [Fig.V\). Tout on conservant t

l'aspect rudimentaire du droit, il a une morphologie un peu

différente. F1, F2 et F : l ont une direction plus horizontale;

les insertions avec FA sont aussi assez grosses. F1 et F2 s'u-

nissent à FA par un seul pli de passage. Au niveau cle ce

dernier, FA est coupée par un sillon. La scissure rolandique

(S. R.) est profonde. La pariétale ascendante (P. A.) conserve

son autonomie et n'est reliée aux régions voisines que par les

plis de passage de ses extrémités. Le lobe pariétal se divise

en deux lobules, LPS et LPI, très cl i si i nets. LPI se confond lar-

gement avec T1. Le pli courbe (PC) est silué tout à la partie

postérieure de l'hémisphère au voisirage de la scissure per-

pendiculaire externe (SPE), très accusée. Ce pli est grêle.

Le lobe temporal est scindé très nettement par le sillon intra-

pariêtal profond, rectiligne et tandis que T1 se confond avec

LPI. T2 en se bifurquant supérieurement forme le lobe occi-

pital. La scissure de Sylva us, S. S., et Yinsula n'ont rien de

particulier.

Face interne. Elle e-l très, simple et diffère de celle

de l'hémisphère droit en ce que le lobe paracentral (LP.) et le

lobe quadrilatère ou avant-coin (A.C.) sont beaucoup plus

volumineux. Rien de particulier aux noyaux gris centraux

et à la capsule interne (Fig 25'.

Rien non plus à noter au cervelet ni à l'isthme.

La moelle, au point de vue macroscopique, ne laisse pas voir

de lésion, ni cle dégénérescence.

Cou. Corps thyroïde : 20 gr. Pa^ de traces du thymus.

90 Réflexions.

Thorax. Coeur : 180 gr.,sans lésion apparente. Poumon

droit (390 gr.) très congestionné. Tubercules nombreux au

sommet en voie de casèificalion. Poumon gauche (385 gr.),

complètement congestionné et d'une façon très intense.

Abdomen. Foie (1,020 gr.), pâle ; ? 'ate (115 gr.) ; pan-

créas (32 gr.). Rein gauche : (130 gr.) : il paraît, normal.

Rein droit : (200 gr.) A la partie supérieure, empiétant sur

ce rein et comprenant la capsule surrénale, est une masse

très ndhérenteremplie d'un magma caséeux et d'un pus très

grumeleux. Vessie et uretères non alléré-; la vessie con-

tient une urine claire. Estomac, intestins, rien de parti-

culier.

Réflexions. I. h' hérédité nerveuse est peu

chargée, surtout du côté maternel. '

IL Au dire de la mère de l'enfant, la conception,

la grossesse et V accouchement n'auraient offert rien de

particulier et cependant, dès la naissance, la grand'-

mère maternelle de l'enfant, qui avait une grande

expérience puisqu'elle avait élevé 17 enfants, aurait'

remarqué que le nouveau-né avait les jambes anor-

malement croisées, ce qui indiquait par conséquent

une lésion congénitale. A 9 mois, rougeole, suivie de

dépérissement ot d'une modification du caractère :

cette maladie infectieuse aurait, assure-t-on, aggravé

l'état congénital. Notons aussi le retard de la dentition.

III. Nous n'aurions pas publié cette observation

qui, malheureusement, est imparfaite sur un grand

nombre de points, si nous n'avions cru utile de placer

sous les yeux du lecteur un type, véritablement inté-

ressant, de cerveau réduit à la plus grande simplicité,

en quelque sorte aux circonvolutions élémentaires.

Ces circonvolu'. ' ons sont, on général, assez volumi-

neuses, parfois même très volumineuses ; les sillons

sont assez profonds, mais les plis cle passage font

presque tout à fait défaut. '

RÉFLEXIONS. 91

IV. Les convulsions dites internes notées durant

l'évolution dentaire, à diverses reprises, de 13 mois à

3 ans, ne se sont traduites par aucune lésion macros-

copique des circonvolutions.

V. Le membre inférieur gauche était nota-

blement moins développé, dans toutes ses mensura-

tions, que le droit. Il en était de même du membre

supérieur correspondant mais à un moindre degré :

la différence portait sur les circonférences du mem-

bre et non sur les longueurs. Malgré cela, à l'autop-

sie, nous avons trouvé les hémisphères cérébraux

égaux.

VI. Bien des fois dans les quatorze volumes de nos

Recherches cliniques et analomo-pathologiques sur

les maladies nerveuses chroniques des enfants qu'on

englobe sous le nom d'idiotie, nous avons mis la repro-

duction des photographies des enfants en regard de

celle du cerveau. C'est ce que nous faisons encore au-

jourd'hui. Ce n'est qu'à l'aide d'observations bien dé-

taillées qu'il sera possible un jour d'arriver à des ta-

bleaux cliniques exacts, correspondant à chacune des

lésions que l'on rencontre chez ces malades : arrêts de

développement, simples comme dans ce cas, ou avec

malformations (porencéphalie), scléroses atrophique

ou tubéreuse, méningo-encéphalites, etc. C'est ce

qu'on a fait déjà pour l'idiotie hi/drocéphalique et

l'idiotie myx02dema.leu.se ou avec cachexie pnehy-

dermique.

II.

Idiotie niyxoedéniateuse" ;

Pau BOX'RXEVlt.tK.

Comme préambule à cette observation, nous érc ? -

yons opportun de rappeler nos différentes publications

sûr le même sujet. La première eh date a paru en 1-880" :

Note sur un cas de crét'inisme avec myxoeclèmè ou

cachexiepachy dermique (1). - La seconde, ayant pour

titre : De l'idiotie compliquée de cachexie pachydér-

mique oit idiotie crétinoïde (2), composait une vérita-

ble monographie do la question car nous avons passé

successivement en revue l'idiotie avec cachexie pa-

chy dermique, la cachexie pa.chy dermique opératoire

et là cachexie pàchy dermique expérimentale. Ccrrié-

moirc contenait, outre notre première observation

complétée et accompagnée d'autopsie, une autre

observation personnelle, celle de Gr..., et, aussi, un

exposé de toutes les observations empruntées aux

auteurs que nous avions pu trouver dans les publica-

tions périodiques. Notre troisième, travail -.Nou-

veau cas d'idiotie avec cachexie pachy dermique ;

Idiotie crétinoïde ou idiotie myxoedémateuse (3) com-

prend trois observations personnelles et deux autres

(1} Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'hystérie, l'êpilepsie et l'i-

diotie, Compte-rendu de l ? nnée 1880, p 10. (En collaboration aveo d'O-

lier).

(2) Ibidem, tome VET, 1880, p. 3 (e -. c llabor tion avec Paul Briconl.

(3) Ibidem, tome IX, 1S88, p. 3.

MÉMOIRES ANTÉRIEURS. 93

dues l'une à M. Camuset, l'autre à MM. Arnozan et

Régis. Notre quatrième publication : De l'idiotie

avec cachexie pachydermique (1) repose sur 8 cas,

dont cinq personnels et se termine par un premier essai

monographique. La cinquième : Nouvelle observa-

tion d'idiotie niyxoedémateu.se ou cachexie pachyder-

miquerelate l'histoire d'un malade qui est encore dans

notre service et sur lequel nous aurons l'occasion de re-

venir^). La sixième intitulée : Nouvelle contribu-

tion à l'étude cle l'idiotie myxoulémaleusc (idiotie

avec cachexie pach.ydermi.que) (3) était fondée sur huit

observations dont une personnelle et suivie delà noso-

graphic complète de l'idio tic myxoedémateuse. Enfin, en

1891, nous avons publié une notesuiTL'tat tlu.sr/ue/elle

du malade surnommé le Pacha qui avait fait le sujet

de notre première observation et dont nous avions

relevé le corps au cimetière de Gentilly (\). Il nous a

paru utile de rappeler cette bibliographie afin d'aider

ceux qui voudraient reprendre l'étude de cette question

duce façon complète.

Sommaire. l'ère, grand et fort, nez aquiliu, canilie com-

plète en une nuit (1870), caractère un peu emporté, mort

probablement d'un cancer de l'intestin. Grand-père

paterwl, attaque de paralysie. Oncle paternel, mort a

sa 3e attaque apoplectique (hémiplégie gauche). Cousine

paternelle au 4° degré, morte èpileptique.

Mère, grande et forte, ne : aquilin, convulsions légères peu-

plant l'enfance (2 fois), migraines de lli à 23 ans, ayant dis-

paru par le mariage. Gra ? «î'mère maternelle, paralyti-

que. Un grand-oncle et trois cousines maternelles,

mortes de la poitrine. Petite cousine maternelle, morte

de la poitrine. Tante maternelle, hystérique. Frère,

(1) Ibidem, 'orne X, 1880, p 51 et Association française pour l'avancement

des sciences (août 1889).

(21 Ibidem, p. 172.

çi\ Ibidem, tome XI. 1890, p. 200 et Congrès de médecine mentale de Rouen.

(4) Ibidem, tome XII, 1891. p. : ».

-94 IDIOTIE jkxoedêmateuse.

convulsions légères. Pas de consanguinité. Inégalité

d'âge de 7 ans. ""' .

Conception au commencement d'octobre 1870. - Deux vio-

lentes émotions, à la fin de décembre, avec perte dé connais-

sance prolongée suivie de tremblement, : de la disparition

des mouvements de l'enfant et d'un développement consi-

dérable du ventre. Accouchement à 7 mois. A la nais-

sance asphyxie qui a persisté trois jours. Têleassez oolu-

mineuse. Ventre un peu gros ; absence de sourcils . et

d'ongles. Propre à 18 mois. Allaitement jusqu'à 16

mois; aspect naturel. Première dent à 3 ans; persis-

tance de la dentition de lait. Petite vérole (3 ans), rou-

geole (4 ans). Epaississement des joues, des lèvres et de

la langue et développement du ventre vers 5 ans. Batte-

ments du cerveau au niveau de la fontanelle antérieure

jusqu'à 10 ans. Relard de la marche. Début de la

parole à 5 ans. Blépharite ciliaire chronique depuis

l'âge de 8 ans. - Début des pseudo-lipomes vers 9 ans. -

Eczéma à partv de 10 ans. Alopécie partielle à 16 ans.

Coryza chronique. Bave. Voix rauque et stridente.

Appétit médiocre; déglutition gênée, constipation :

chute du rectum : Sentiment de la pudeur. Pas

d'onanisme. Déviation du tronc et des membres à

partir de 3 ans. Caractères classiques de l'idiotie myxoe-

démateuse. Taille exiguë. Persistance de la fontanelle

antérieure; absence de la glande thyroïde, pseudo-lipomes,

arrêt complet de la puberté, cyanose habituelle des lèvres,

sensibilité au froid, répugnance au mouvement, voix stri-

dente, etc ? etc... '

1891. Revaccination auec succès.

1893. Coqueluche; Prolapsus du rectum. Bronchite;

mort. '

Autopsie. Os du crâne minces. Persistance de la fon-

tanelle antérieure ; absence desynostose; légère hyper-

trophie du corps piluitaire. Description des circonvo-

lutions du cerveau, Absence complète du corps thyroïde

Pas de traces du thymus. Pseudo-lipomes cervicaux

sous et sus-claviculaires, dans le médiastin postérieur,

etc... Absence de glandes mammaires. Congestion

des deux poumons, tubercule crétacé. Petits calculs

rénaux. Néphrite interstitielle. Cirrhose partielle du

foie. Atrophie de l'utérus.

- . Antécédents héréditaires. 95 5

' Beyn... (Marie), née à Orléans, le 8 avril 1871," est entrée

. dans-nôtre service, à la Fondation Vallée, Le 4 mars 1891 où

elle est dïcédée le 3 mars 1893.

Jîenseig'nements fournis par sa mère (octobre. 1891).

Père, mort, à54 ans, enoctobre 1891, probablement d'un cancer

de l'intestin. Après avoir été confiseur, il dirigea une fabri-

que de faïence à Orléans, fondée par une société. Ni migrai-

nes, ni dermatose, ni rhumatisme, ni indice de syphilis. Bien

qu'il soit resté 6 à 7 ans en" Afrique, il n'aurait pas eu de fiè-

vres intermittentes. Aucun excès de boisson. On ne pense pas

qu'il ait eu des convulsions de l'enfance. C'était un homme,

grand, fort, un peu emporté, il avait le nez aquilin et les che-

veux d'un brun foncé. Ses cheveux ont blanchi complètement

en une nuit, pendant la guerre de 1870, à la suite d'une violente

émotion (Canitie). Voici comment sa femme raconte l'évè-

nement : « Les Prussiens ont envahi la fabrique, ils voulaient

tout emporter ; il parlementait, discutait avec eux, pour sauver

le plus possible, se plaignant vivement de ce qu'ils avaient mis

les chevaux dans les magasins remplis de faïences et de

vaisselle ; deux fois, ils l'ont collé au mur. « Mon mari étant

franc-maçon a fait un signe, et deux fois un officier prussien,

appartenant à la franc-maçonnerie, est intervenuet l'a sauvé. »

[Père, instituteur, sobre, mort à 72 ans d'une attaque de

paralysie. Mère, morte d'une pneumonie, à la suite d'un

refroidissement ; on ne sait rien de plus sur elle. Aucun

détail sur les gra ? 7.ds-paren £ s maternels et paternels. Un

frère est mort d'uneiluxion de poitrine, laissant une fille en

bonne santé, ainsi que ses enfants. Un autre frère a

succombé à sa troisième attaque de paralysie ; il a eu 6

enfants, 3 bien portants, 3 morts on ne sait de quoi. Une

soeur est morte à 15 jours. Deux oncles paternels, morts

à 98 et 70 ans, un troisième vers GO ans d'une fluxion de

. poitrine ; une des filles de ce dernier est morte à 25 ans de la

poitrine. Pas de -lante paternelle, ui d'oncle et de tanle

maternels. Une cousine, au 3° degré, âgée de 21 ans, est

devenue épileptique à la suite d'une peur à II ans. (On l'avait

enfermée dans un cabinet noir). Point d'aliénés, pas d'autres

épileptiques, pas de goitreux, ni de myxcedérnateux dans la

famille.] o ·

itfèr.e, 57 ans, institutrice, grande, brune, physionomie

régulière, nez aquilin. bien portante, sauf quelques étourdisse-

ments. Elle aurait eu deux fois, durant l'enfance, des coiruul-

sions légères. Pas de fièvre typhoïde ni de fièvres intermitten-

! )(i Idiotie mvxoedématel'se.

tes. Jaunisse à 13 ans, sans cause connue. Elle a été réglée à 13

ans, a eu de Iti à 23 ans de fortes mi/graines, s'accompagnant

de vomissements cl l'obligeant à se coucher ; elles ont disparu

à 23 ans, époque de son mariage, et elles ont été remplacées

par des douleurs de tête sans vomissements et qui ne l'obli-

geaient pas à se reposer. La ménopause s'est produite à 49

ans : elle avait ses règles quand son mari est mort, elles ont

ce-sé et n'ont .reparu qu'au bout d'un an, puis de deux ans.

Elle n'a eu ni maladie de peau, ni rhumatisme. C'est une femme

intelligente, cl d'un caractère calme. [Père, mort àfiÛ ans,

hydrnpique : on ne peut préciser davantage; il s'était mis à

boire à la (in de sa vie. Mère, décédée à (ill ans, était

devenue paralysée et enlléc, sans attaque. Grands-parent*

paternels, rien de particulier. Grand père maternel, sobre,

morl hydropique vers .V.l ans. Grand'mère maternelle, morte

noyée par accident. Un oncle paternel est mort après (iO

ans, on ne sait de quoi; un autre, ancien commandant, est

mort de lièvres intermittentes et d'une maladie de vessie;

un 3 ? d'une fluxion de poitrine; un 4 ? d'une tumeur de

cou. Celui-ci a eu deux filles, mortes de la poitrine. Trois

Innlex paternelles, mortes l'une d'il ne maladie de coeur, l'autre

d'uneiluxion de poitrine, la dernière à 87 ans. Deux oncles

maternels clécédés, l'un à la suite d'une pneumonie, l'autre

de plilli ixic. Ce dernier a laissé une fille qui serait malade de la

poitrine ; et aurait perdu une fille d'une méningite à l'âge de

(S mois. l'as de laule maternelle. Un frère mort à 2

mois, on ne sait de quoi. 3 .sn'itcs, l'une morte à il ou 4

mois, l'autre à 27 ans après avoir élé infirme depuis l'âge de

'i ans à la suite d'une fracture de la colonne vertébrale. La

3'"0 sieur est bien portante, mais elle a eu des i-rises de nerfs,

depuis l'âge de 14 ans jusque dans ces dernières années.

Elles se montraient aussitôt à la suile de contrariétés et se

terminaient par des pleurs. Pas d'autres paralytiques, pas

d'aliénés, ni d'épilcptiques, ni de goitreux, etc., etc.].

Pas de consanguinité. (Père de Malemort, à un kilomètre de

Brives, mère d'Orléans). Inégalité d'âge de ans.

îi enfants : 1" Fille, 31 ans, en bonne sauté, sans convulsions de

l'enfance, grande, forte, non ncrvpuse ; elle a deux enfants

qui n'ont pas eu de convulsions ; 2" Garçon, 32 ans, a eu deux

fois des convulsions très légères à l'âge de G mois ; caractère

un peu violent, sobre, pas de migraine, maisifuelques douleurs

de tête ; 3" Garçon, 25 ans, aucun accident nerveux ;

4° notre malade ; 5g Garçon mort à 4 ans du croup, sans

convulsions.

Antécédents personnels. 97

Notre malade. A la conception, le père et la mère étaient

bien portants et vivaient en bonne harmonie ; elle paraît avoir

eu lieu en octobre 1870. L'invasion de leur fabrique par les

Prussiens, au nombre de 200, a eu lieu au mois de décembre.

Déjà très émotionnée par cet envahissement et les scènes de

dévastation dont elle était témoin, elle a perdu connaissance,

lorsqu'elle a vu qu'on voulait fusiller son mari. Cette perte de

connaissance aurait duré une demi-heure. Un médecin prus-

sien, qui se trouvait là, aurait dit que la croissance de l'enfant

ne se ferait plus, que le travail était arrêté. Un médecin

français, appelé à son secours, aurait porté le même pronostic.

Huit jours plus tard, quand, pour la 2mc fois, son mari a été

menacé d'être fusillé, elle a perdu connaissance durant un ?

. d'heure et dit avoir éprouvé une douleur dans le ventre, qu'elle

compare à un élancement. Après chacune de ces émotions,

étant revenue à elle, elle aurait tremblé pendant une quin-

zaine de minutes. Elle croit aussi que l'enfant remuait avant

ces émotions et elle assure que, depuis, elle n'aurait ressenti

aucun mouvement. La grossesse qui jusque-là avait ressemblé

aux grossesses précédentes, en a différé en ce sens que le ven-

tre se mit à grossir démesurément : « J'étais devenue énorme,

je ne pouvais presque plus marcher. » Il n'y avait pas d'oedème

des jambes. Pendant les trois mois qui ont suivi, le sommeil est

devenu très mauvais ; elle avait des cauchemars toutes les

nuits, voyait toujours les Prussiens prêts à la tuer, elle et

son mari.

.4ccouclie ? nent. Il a eu lieu le 8 avril, un peu avant sept

mois, assure-t-on. Bien que prématuré, il a été laborieux. Les

douleurs ont commencé un vendredi matin vers 9 heures, et

ont continué jusqu'au lendemain, 3 heures de l'après-midi ;

les grandes douleurs auraient duré 8 à 10 heures; la tête est

restée longtemps au passage; elle était très volumineuse; le

corps, sauf le ventre qui était un peu gros, et les membres

étaient petits.

A la naissance, l'enfant était cyanosée : on l'a frictionnée

pour lui faire reprendre connaissance. Elevée au sein par une

première nourrice, qui a dû cesser parce qu'elle était devenue

enceinte, elle a été confiée ensuite aune seconde nourrice qui

l'a allaitée jusqu'à 15 ou 1G mois. Pendant l'allaitement, on dit

que l'enfant ne différait pas sensiblement des autres. Au bout

d'un an, on a commencé à s'inquiéter, parce que la parole ne

se développait pas et que l'enfant ne marchait pas. A 5 ans,

elle a dit franchement papa, maman. Depuis l'âge de 8 ans,

Bourneville, Bicé'lre, 1894. 7

98 IDIOTIE myxoedémateuse.

elle parle comme aujourd'hui. A la naissance, elle avait des

cheveux assez fournis, mais ni sourcils, ni ongles. Ceux-ci ont

poussé trois mois plus tard : a Quand ils sont sortis aux pieds,

les doigts étaient en sang. » A la même époque, la ligure était

petite, et ce n'est que vers 5 ans que la langue et les lèvres

ont grossi et que la partie inférieure de la face a pris un

développement exagéré. La seule remarque qui fut faite, nous

la répétons, c'est que la tête était énorme et que jusqu'à 9 ou

10 ans on a remarqué que les fontanelles étaient tendues et

battaient.

Première dent à 3 ans ; les autres ont poussé très lentement ;

on ne peut dire à quelle époque elle a eu toutes ses dents ; ce

que l'on sait, c'est qu'elle a encore ses dents de lait.

Elle a été vaccinée à un mois, a eu la petite vérole à 3 ans,

la rougeole vers 4 ou 5 ans et ensuite la coqueluche. Ces

maladies n'ont aucunement modifié l'état myxoedématcux. Elle

n'a eu ni scarlatine, ni lièvre typhoïde, ni érysipèle.

La blépharite ciliaire a débuté vers 8 ans ; les cils, qui

étaient assez abondants, ont diminué; depuis lors, chaque

matin, les yeux sont toujours collés (ses frères et soeurs n'ont

jamais eu d'ophtalmie).

On s'est aperçu vers 9 ans de l'existence de tumeurs lipo-

maleuses au cou, ainsi que de l'épaississemcnt des creux sus-

claviculaires et axillaircs. La mère prétend que les tumeurs

du cou auraient été constituées par de la graisse et des gan-

glions ; jamais on n'aurait redouté d'abcès, mais on a signalé

la possibilité de l'asphyxie. Le médecin, en examinant la gorge,

aurait trouvé qu'il y avait un côté plus étroit que l'autre,

et c'est à cette particularité que la mère attribue la gêne de la

déglutition que présente son enfant. Les tumeurs graisseuses

n'auraient jamais été plus développées qu'elles ne le sont

actuellement.

Les cheveux auraient été abondants et longs; elle aurait t

même eu une longue natte pendant quelque temps ; ils ont tou-

jours été gros, rudes, secs ; ils ont commencé à tomber à 1G ans;

sur le milieu de la tèle, ils avaient toujours élé plus rares.

Sa mère dit que l'alopécie fait des progrès depuis quelque

temps. La tête, aflirme-t-on, aurait élé très propre jusqu'à

10 à 12 ans, époque où a paru l'cc : éma de la lète et du corps

(ventre, aisselles, aines, jarrets). L'eczéma a toujours persisté

avec des périodes de diminution et d'aggravation. C'est cette

complication qui a motivé son placement à l'hôpital des Enfants-

Malades, dans le service de M. de Saint-Germain, puis de

M. Jules Simon, où elle serait restée de 14 à 10 ans; enfin, à

Description de la malade; 99'

l'hôpital Saint-Louis (service de M. Fournier) où nous avons

eu occasion de la voir en 1890 (1).

Marie est sujette au coryza depuis l'àge de 13 ans; l'écoule-

ment n'a jamais été bien abondant. Elle abavé assez fortement-

jusqu'à 4 ans et la bave, quoique diminuée, a toujours per-,

sisté. Autrefois, on était obligé à chaque instant de lui recom-

mander de faire rentrer sa langue, qui avait de la tendance à

sortir; l'enfant a pris l'habitude de serrer ses lèvres disant :

« Il faut que je ferme ma bouche, car je serais laide. » Chez sa

mère, elle mangeait un peu de viande, aimait relativement

moins les légumes, ne voulait ni oeuf, ni lait, préférait les

fromages forts et les aliments vinaigrés. Elle aurait toujours

été petite mangeuse. Jamais de vomissements. Le ventro au-

rait commencé à se développer vers cinq ans, en même temps

que les lèvres et la langue. La hernie ombilicale daterait de

la naissance. L'enfant est devenue propre à 13 mois. Elle a

toujours été constipée. Le prolapsus du rectum se serait

montré pour la première fois à l'hôpital Saint-Louis; depuis

lors, nous l'avons constaté à la fondation Vallée, il se repro-

duit assez souvent.

- Jamais il n'y a eu d'indice de développement des seins, ni

de la puberté ; jamais non plus on n'a constaté d'onanisme.

Marie a le sentiment de la pudeur.

La colonne vertébrale et les membres auraient commencé

à se dévier vers 13 ou 14 ans. Auparavant; dit la mère, il n'y

aurait eu aucune déviation.

État actuel (mars 1891) (2). L'eXamen général de l'enfant

montre immédiatement qu'elle présente tous les caractères

de l'imbécillité avec cachexie pachydermique ou myxddème

congénital [Fig. 5, 6 et 7).

La tête est volumineuse et fait contraste avec la taille de

l'enfant. Le crâne présente une conformation très particu-

lière ; il est aplati dans le sens transversal, la région temporale

et pariétale se continuant en une surface plane oblique eh .

dehors et en arrière pour aboutir aux bosses pariétales qui

sont modérément saillantes, à peu près également des deux

côtés. Le crâne est beaucoup plus développé dans ses parties

(1) Aucun des frères et soeurs de la malade n'aurait eu d'eczéma. Nous

avons dit un mot de cette malade au Congrès de Rouen eu 1890. (Voir Compté

rendu de Bicêtre pour 1890, p. 228.) .

(2) La description qui suit de la malade est faite d'après les notes prises

par l'un de nos internes les plus dévoués, 51. Banzet. Eileâ ont été revues et

complétées, par nous, sur plusieurs points de détail.

100

IDIOTIE myxoedémateuse.

postérieures qu'en avant. La bosse occipitale fait une saillie

régulière, symétrique, très prononcée en arrière. L'angle

supérieur de l'occipital est le point le plus élevé du crâne. A

partir de ce point, la voûte crânienne descend en avant assez

obliquement. Le crâne parait symétrique, pourtant il semble

que la région pariétale droite soit un peu plus bombée que la

gaucho.

La fontanelle antérieure, non fermée, est très nettement

perceptible au palper sous forme d'une dépression losangique

qui a environ 3 centimètres dans son diamètre transversal et

un centimètre et demi d'avant en arrière ; les autres fonta-

nelles sont fermées et ne sont pas perçues au palper. Les

sutures ne font aucun relief ni aucune dépression sur les

parties avoisinanles, de sorte qu'on n'en distingue pas le siège.

rig. 5.

Description de la malade.

101

Le cuir chevelu est épais, facilement mobilisable sur les

parties sous-jacentes. Les cheveux sont d'une longueur de 7

ou 8 centimètres, raides, secs au toucher, ressemblant beau-

coup à des crins un peu fins, d'une coloration châtain foncée.

Ils sont très irrégulièrement implantés, dirigés un peu dans s

tous les sens en formant des mèches qui s'entremêlent.

En certains points du cuir chevelu, ils s'implantent assez

près les uns des autres, puis il existe des intervalles assez

larges où ils sont tellement rares, qu'on compterait facile-

ment ceux qui s'y insèrent. Aussi, de loin et n'était l'irrégu-

larité des places dénudées que l'on aperçoit sur le cuir che-

velu, croirait-on presque que l'enfant a des plaques de pelade.

Le front est bombé, modérément élevé mais étroit, régulier

Fi». 6.

102

IDIOTIE myxoedémateuse.

et se continuant insensiblement avec les régions temporales.

Les cheveux forment en s'avançant sur les côtés du front et

sur les tempes un duvet de poils plus fins et plus clairs que

sur le reste du cuir chevelu. Ces poils descendent jusqu'aux

sourcils qu'ils rejoignent dans leur moitié externe. La peau

du front est assez épaisse et présente quelques rides trans-

versales peu profondes; elle est un peu moins blanche que

celle du nez et des joues. A un centimètre et demi au-des-

sus de l'extrémité externe du sourcil gauche, on constate

l'existence d'une petite cicatrice légèrement saillante et dont

la coloration d'un blanc mat tranche sur la teinte plus grise

des parties voisines. Les arcades sourcillôres sont peu sail-

lantes, surtout dans leur moitié interne, de sorte que le

Fig. 7.

Description DE la malade. 103

pourtour de l'orbite est peu marqué et que l'oeil est à peu

près de niveau. L'apophyse orbitaire externe est assez bien

marquée. Los sourcils, assez peu fournis, sont séparés à leur

extrémité interne par un intervalle de 3 centimètres et

demi où l'on observe un duvet de poils rares. Ils sont très

peu arqués, presque rectilignes et ont une longueur d'envi-

ron 5 centimètres. La fente palpébrale est très courte, les

yeux petits et écartés l'un de l'autre sont une des particulari-

tés de la figure si bizarre de l'enfant. La paupière supérieure

est comme oedématiée et lorsqu'elle est relevée et laisse l'oeil

à découvert, son bord libre est presque complètement caché

sous le pli qu'elle forme. La paupière inférieure est très

courte. Les paupières ne présentent d'ailleurs pas de traces

d'inflammation. Les cils sont assez courts, arqués, de longueur

inégale ; ils sont plus fins que les cheveux et accolés les uns

aux autres par petits paquets.

La conjonctive palpébrale est très pâle, d'un ton clair sur

lequel tranchent quelques vaisseaux foncés. La conjonctive

oculaire n'est pas injectée. La sclérotique est bleuâtre, Viris

est gris verdàtre. Les pupilles, égales et un peu dila-

tées, sont bien sensibles et réagissent normalement à la

lumière et à l'accommodation. La sensibilité de la conjonctive

et cle la cornée est normale.

Quant à l'appareil musculaire de l'oeil, il fonctionne parfai-

tement ; il n'y a pas de paralysie, pas de strabisme, ni de

nystagmus. La vision paraît se faire normalement, il ne sem-

ble pas y avoir de myopie, l'enfant paraît voir distinctement

des objels assez éloignés. Elle reconnaît assez mal les cou-

leurs qui lui sont présentées, à part le noir et le blanc. Pour

les autres couleurs, elle les déclare presque toutes bleues.

Le nez est camus et épaté. La racine est large et peu sail-

lante, formant une sorte de monticule en dos d'âne entre les

yeux. Les os propres sont très courts. De la racine jusqu'aux

narines le nez, vu de face, présente sur presque toute sa hau-

teur la même largeur. Le lobule du nez est très court et, au

lieu de descendre avec la sous-cloison au niveau du bord des

narines, il reste passablement plus élevé, de telle sorte que

l'ouverture des narines regarde en bas et en dedans et que

lorsqu'on examine le nez par en haut on voit le bord libre des

narines se rejoindre sur la ligne médiane en formant une

courbe concave en avant. Les narines sont assez écartées

l'une de l'autre, à peine dessinées en dehors, de sorte que le

sillon naso-jugal n'existe pour ainsi dire pas. Les fosses nasa-

les autant qu'on peut en juger en les examinant parleur ori-

fice antérieur ne paraissent rien présenter d'anormal, la cloi-

104 IDIOTIE myxoedémateuse.

son ne semble pas déviée. L'odorat paraît très rudimentaire,

l'enfant ne prend aucun plaisir à respirer les odeurs agréa-

bleset, interrogée, répond toujours « que ça sent bon», elle en

dit autant pour Fassa-foetida, qu'on peut lui laisser assez

longtemps sous les narines sans qu'elle manifeste aucune

perception désagréable.

La bouche, très largement fendue, mesure 6 centimètres.

La lèvre supérieure est très haute, deux centimètres et

demi sur la ligne médiane, de la base à la sous-cloison du

nez au bord libre, elle est très épaisse au milieu et présente

le sillon médian de sa face interne très accusé ; la coloration

de la muqueuse est pâle. La lèvre inférieure est encore

plus volumineuse, pendante, la bouche étant habituellement

à demi entr'ouvorte. Elle est très épaisse et d'une coloration

un peu plus rouge que la supérieure. La langue est tout à

fait remarquable par ses dimensions tant en largeur qu'en

longueur. Dans l'état habituel, son extrémité s'avance entre

les arcades dentaires et s'aperçoit par la fente buccale entre

les lèvres. La partie de la face inférieure située en avant du

filet est beaucoup plus étendue que normalement. Le pli est

lui-même court. Les glandes sublinguales font une saillie

peu marquée. La muqueuse linguale est épaisse, rude,

d'une coloration très pâle.

Dentition. Mâchoire supérieure. 2 incisives centrales

permanentes très écartées, la droite saillante en avant et en

rotation droite, la gauche en rétroversion prononcée, (la dent

de lait correspondante est encore au-devant d'elle) ; les incisi-

ves latérales, lescaninesetles deuxièmcsmolaires sont encore

de lait. Il semble n'y avoir pas eu de première molaire de

lait; à droite une première molaire, à gauche les 2 molaires

(là dernière est cariée). Bord alvéolaire à branches très diver-

gentes, irrégulier, voûte large et peu profonde. Dentilion

incomplète et très anormale.

Mâchoire inférieure. 3 incisives permanentes (les 2 cen-

trales et la latérale droite), une molaire permanente seulement

de chaque côté sortie au milieu du début des dents de lait ;

canine de lait en partie détruite par la carie. Première molaire

cariée. La dentition, très en retard, paraît avoir été complétée

pour le nombre des dents de lait; dents irrégulièrement

placées.

Articulations. Sans fixité, c'est-à-dire que les dents n'arri-

vent à se rencontrer pour ainsi dire sur aucun point; la

langue s'interposant entre les dents. ^- Il semble y avoir un

certain degré de prognathisme inférieur. Gencives en assez

bon état.

Description DE la malade. 105

Résumé. Dentition irrégulière et anormale inachevée d'ail-

leurs ; dents de mauvaise qualité et articulation impropre à

la mastication.

La voûte et le voile du palais sont régulièrement concaves,

ont leur largeur et leur longueur normales, la luette est

assez longue, symétrique, bien mobile. Les piliers du voile

sont normaux. Les amygdales sont hypertrophiées. La mu-

queuse du pharynx est d'une coloration normale. On ne perçoit

pas de tumeurs adénoïdes du pharynx.

Le réflexe pharyngien persiste. Le goût est bien développé.

L'enfant reconnaît bien du sucre, du sel, et fait la grimace

pour le sulfate de quinine. Les joues sont assez proéminen-

tes, légèrement teintées de son. La peau à leur niveau est

assez fine et souple. On n'y remarque pas de poils. Le sillon

labio-jugal est très peu accusé; la joue se continue presque

insensiblement avec la lèvre supérieure. Le menton est petit;

quand on regarde l'enfant de face, il est presque complète-

ment masqué par la lèvre inférieure ; les téguments à son

niveau, surtout à la partie antérieure, sont très épais, de sorte

que l'on ne sent le ? maxillaires que comme masqué par un

épais coussinet graisseux. Les oreilles sont petites, 4 centi-

mètres et demi, tournées presque directement en dehors et

appliquées sur les parties latérales du crâne. Le lobule est

libre dans une petite étendue, adhérent par en haut. Le tra-

gus est petit, l'anti-tragus plus développé. L'hélix et l'anthé-

lix sont bien dessinés. Le conduit auditif externe est assez

étroit et ne paraît pas présenter d'altération. Pas d'otorrhée.

L'examen de l'audition ne donne aucun résultat; lorsque l'on

demande à l'enfant si elle entend le tic-tac d'une montre pla-

cée à différentes distances, elle répond par un oui ou un non

suivant l'éloigncmcnt plus ou moins grand de la montre.

L'expression est d'une laideur presque repoussante ; la têle

présente quelques analogies avec une tête de veau. La sensi-

bilité de la peau est assez marquée. L'enfant sent hien la pi-

qûre d'épingle, la sensibilité au chaud et au froid est également

normale.

Contres court, circonférence à sa partie moyenne SO'eentimè-

tres,la peau à son niveau est assez fine, le tissu cellulaire donne,

à la palpation, une sensation oedémateuse. On ne perçoit pas

le corps thyroïde dans les mouvements du larynx. Les apophy-

ses épineuses cervicales sont difficilement perceptibles à tra-

vers les téguments. Le rachis ne présente à ce niveau

aucune déviation ; pas de douleur à la pression sur aucun

point. Aucune saillie musculaire, sauf celle des muscles de

106 IDIOTIE myxoedémateuse.

la nuque n'est appréciable à la vue. On ne voit pas la corde

des sterno-mastoïdiens. Les muscles sont également très grê-

les au palper. Pas de ganglions cervicaux. Pas do cicatrices

d'adénites anciennes. A la partie inférieure du cou, au niveau

des régions sus-claviculaires, la peau est comme soulevée,

et à la palpation, on constate qu'à ce niveau le tissu cellulaire

a une consistance si molle qu'on dirait qu'il y a une collec-

tion liquide. Les membres supérieurs sont courts ; assez gros

pour leur longueur. Le tissu ccllulaire sous-cutané, assez

abondant et lâche, permet un déplacement facile cle la peau

sur les plans sous-jacents. La peau est assez blanche, un peu

rude au toucher ; elle est glabre. Sur le bras gauche on remar-

que des cicatrices de vaccin et une grande plaque d'aspect

ichtyosique, qui, d'après l'enfant, serait la trace d'un ancien

vésicatoire. Les avant-bras, plus volumineux que les bras,

présentent les mêmes cas de la peau ; leurs masses muscu-

laires sont assez développées. Les réflexes olécraniens sont peu

perceptibles. La sensibilité cutanée au chaud, au froid, et à

la douleur semble normale. Les mains sont relativement beau-

coup plus développées dans leur largeur que dans leur lon-

gueur. La peau est assez rude et épaisse, d'une coloration

violacée, froide; les doigts sont très courts et épais, réguliè-

rement cylindriques, sans nodosités au niveau des extrémités

phalangiennes. Les ongles, beaucoup plus larges que longs,

au lieu d'êtres bombés, sont creusés d'une dépression trans-

versale, de sorte que leur bord libre, au lieu de regarder sur

la pulpe, s'en écarte. Elles ne présentent d'ailleurs pas de

troubles trophiques, pas de stries ni de cassures. Par places

on remarque sur la peau des membres supérieurs, surtout au

voisinage des articulations, au pli du coude, au poignet, un

état rugueux de la peau, qui est dû à une desquamation très

marquée de l'épidémie qui se détache en petites lamelles

écartées et très divisées.

Les membres inférieurs sont remarquables par leur peu de

longueur, et par la courbure anormale du squelette de la

jambe. La peau n'y présente pas de caractères différents de

ceux des membres supérieurs. Elle est blanche, assez froide,

ichtyosique par places. La sensibilité cutanée est normale.

Le réflexe patellaire est bien marqué, le réflexe plantaire est

absent.

Pas de cicatrice d'aucune sorte. La cuisse est assez grosse

relativement à sa longueur. Les masses musculaires sont

assez développées. Le fémur présente la direction normale ;

les condyles ne proéminent pas outre mesure,

Le squelette de la jambe présente une courbure anormale

Description DE la malade. 107 i

très prononcée. La crête du tibia découvre une concavité en

dedans extrêmement marquée, de telle sorte que les deux

jambes, se touchant par les tubérosités du tibia et par les

malléoles externes, sont distancées à 5 centimètres au-dessus

des malléoles, d'environ 3 centimètres. Les tubérosités

antérieures du tibia sont assez marquées. Les masses

musculaires de la jambe sont assez développées, le mollet

est gros. Marie 13... marche lentement, lourdement, et ne

sait pas courir. -

Le pied est assez court et assez large. La concavité de la

voûte plantaire est moins accusée que normalement, sans

pourtant que l'on ait affaire à un véritable pied plat. 11 n'y a

pas de déviation des orteils, cependant à gauche le 2m« orteil

avance légèrement sur le 3mo et la partie externe du dos du

pied. Au niveau de l'articulation tarso-métatarsienne, on

remarque une petite saillie de la grosseur d'une demi-noisette,

d'une consistance molle, réductible et se reproduisant rapide-

ment après réduction qui représente peut-être un diverticule

de la synoviale articulaire. On remarque cotte particularité

à droite comme à gauche. Pas de cors, durillons peu marqués

au dernier orteil des deux côtés.

Le thorax de l'enfant, élargi à sa base, est étroit en haut et

se continue presque sans ligne de démarcation avec le cou

élargi jusqu'en bas. Les creux sus et sous-claviculaires sont

remplis et marqués par du tissu cellulaire. Les espaces inter-

costaux sont également invisibles. Le sternum est projeté

en avant, et la pointe de l'appendice xiphoïde proémine assez

fortement. Il n'y a pas de chapelet chondro-costal. Le thorax

est un peu asymétrique par sa base, les côtes du côté droit

étant comme redressées et refoulées en dehors, tandis que

celles du côté droit sont bombées. Cette asymétrie du thorax

correspond à une scoliose du rachis, les dernières vertèbres

cervicales et les 3 premières dorsales formant une légère

courbe à concavité tournée à gauche, tandis que le reste de

la colonne dorsale et la colonne lombaire forment une courbe

marquée à concavité inverso. La concavité en avant de la

partie dorsale de la colonne est un peu exagérée, et il y a

une légère lésion lombaire. Toutes ces courbes sont à grands

rayons. Autre part on remarque des saillies exagérées d'une

ou de deux apophyses épineuses isolées. Il n'y a pas non plus

de point douloureux à la pression; les déviations sont donc

analogues à des déviations rachitiques. Les glandes nwm-

m air ex ne sont pas développées. La percussion du sommet

du thorax donne une sonorité à peu près normale et égale des

deux côtés en avant. En arrière, le son est un peu plus mat

108 IDIOTIE myxoedémateuse.

à droite qu'à gauche. L'auscultation des poumons décèle une

légère diminution de l'intensité du murmure vésiculairc du

côté droit en arrière et au sommet. Cette submatité et cette

faiblesse de la respiration sont sans doute dues à la déviation

de la partie supérieure du rachis déterminant un refoulement

du poumon. On ne perçoit d'ailleurs, dans aucun point de la

poitrine, la présence de bruits anormaux, râles ou souilles.

L'examen du coeur révèle des particularités intéressantes.

A l'inspection on ne constate pas de voussure bien nette de

la région précordiale ; il n'y a pas de soulèvements visibles cle

la paroi par le choc de la pointe. La palpation permet de

constater que la pointe bat clans le cinquième espace inter-

costal, à 2 centimètres environ du mamelon et sur la même

ligne verticale. On constate que le choc de la pointe est fai-

ble, et c'est avec une certaine difficulté qu'on arrive à en

déterminer le siège.

La percussion ne permet pas une détermination bien nette

des limites exactes de l'espace précordial. Pourtant celui-ci

paraît un peu plus augmenté. La palpation ne permet pas de

constater sur aucun point, pas plus à la pointe qu'à la base,

la présence d'un frémissement vibratoire. A l'auscultation on

constate, sur toute l'étendue de la région précordiale, un

souffle systolique net. Ce souffle est assez rude et se rappro.

che beaucoup d'un roulement. Il est d'un timbre grave,

commence nettement avec le premier bruit du coeur, pour

se prolonger pendant le petit silence jusqu'au deuxième

bruit. Le maximum de ce souffle siège au niveau de la base.

Il ne se prolonge pas du côté de l'aisselle, ne s'entend pas en

arrière. En outre, en auscultant différents points situés sur

une même ligne horizontale, à la hauteur des 2mcs espaces

intercostaux, on reconnaît que le maximum du souffle parait

bien siéger à la droite du sternum. Enfin au même niveau,

c'est-à-dire dans le 2mc espace intercostal droit, le deuxième

bruit du coeur présente un retentissement assez marqué.

Le siège du maximum de ce souffle permet d'éliminer une

affection mitrale, une affection tricuspide; une dilatation ne

peut également être admise d'autant plus qu'on n'observe pas

de troubles fonctionnels qui l'accompagneraient. Une persis-

tance du trou de Botal ou du canal artériel ne peut non plus

être soupçonnée ; il n'y a pas de cyanose bien prononcée, le

souffle ne s'entend pas dans le dos. Le siège maximum du

souffle est celui du souffle aortique. Contre le souffle pulmo-

naire, plaide également la non-existence d'un frémissement

au niveau du foyer des bruits pulmonaires. Le retentissement

exagéré du 2e bruit au niveau de l'aorte est une raison de

Description de la malade. 109

plus pour faire admettre une modification de l'orifice de ce

vaisseau. L'hypothèse la plus vraisemblable est donc celle

d'un sténose de l'orifice aortique.

Le pouls est excessivement petit. Il est régulier, il est d'une

fréquence modérée, nous n'arrivons d'ailleurs aie sentir que par

intervalles, et nous ne sommes pas arrivés à le compter. C'est

là un argument de plus en faveur du rétrécissement aortique.

L'abdomen est très volumineux, pointe en avant, rappelant

un peu celui d'une femme atteinte de kyste de l'ovaire. La

peau à son niveau présente les mêmes caractères de rudesse

et d'épaisseur que partout ailleurs, le même aspect ichtyosi-

que par places, dû à une desquamation superficielle de l'épi-

derme. La cicatrice ombilicale, fait une petite saillie en forme

de cône en avant ; cette petite tumeur est réductible et à

travers la peau, fine en cet endroit, on sent nettement avec

le doigt, le pourtour de l'anneau ombilical. Le contenu, réduc-

tible, parait être formé de pelotons adipeux. Il n'y a pas d'anses

intestinales dans la tumeur. Les autres orifices de la paroi

sont sains et ne sont pas le siège de hernie.

La matité hépatique commence à 3 cent. au-dessus du mame-

lon, cesse au niveau du rebord costal. La matité spléniquc

n'est pas perceptible. L'abdomen est souple, se laisse dépri-

mer et palper facilement. En aucun point on ne trouve de

parties dures ou d'une consistance inégale.

Grandes lèvres assez saillantes, molles, glabres ; pénil

assez saillant. Petites lèvres très peu développées, formant à

peine un petit repli en dedans des grandes lèvres. Le clitoris

est peu volumineux, méat rouge, ainsi que le vestibule qui est

d'un rouge vif. Hymen en croissant, perforé d'un petit orifice

du diamètre d'une plume d'oie. Fourchette bien marquée,

anus glabre.

23 avril. L'enfant, qui était, paraît-il, constipée depuis

quelques jours, s'est fait, dans ses efforts de défécation, un

prolapsus du rectum, la partie prolabiéc se présente sous

forme d'une volumineuse tumeur, des dimensions d'un poing

d'adulte masquant de toutes parts la circonférence de l'ori-

fice anal, et dont il est assez difficile, étant donné sa tension,

de limiter le pédicule ; la surface est d'un rouge sombre,

le tout est très cedématié. A la partie culminante de la tu-

meur, une dépression peu visible marque l'orifice intestinal.

Une première tentative de réduction ne fait pas rentrer la

tumeur; enfin, une seconde tentative permet de la réduire,

sans chloroforme, après des inconvénients assez longs, et lui

provoquant un suintement séro-sanguinolent assez abondant.

110 IDIOTIE myxoedémateuse.

24 auril. L'enfant ne se plaint pas. La tumeur ne s'est

pas reproduite.

2 mai. A la suite d'un purgatif donné à l'enfant qui était

constipéo depuis plusieurs jours, le prolapsus s'est reproduit ,

il est encore assez volumineux, et présente certaines difficul-

tés à la réduction.

1892. 9 janvier. La fontanelle antérieure ne parait pas

offrir de modification notable. Elle a la forme d'un losange

allongé mesurant 3 cent, de largeur et 1 cent, et demi à

2 cent, dans la direction antéro-postérieure.

9 août. Organes génitaux et puberté, pas de modifica-

tions. Depuis l'entrée, le traitement consistait en toniques,

bains salés, gymnastique et exercices scolaires.

1893.23 février. Mario Bey..., atteinte de coqueluche, est

placée au pavillon d'isolement. Jusqu'au 27, rien cle particulier,

si ce n'est une tendance à l'abaissement de la température,

l'on note aussi un prolapsus du rectum difficile à réduire,

menaçant de s'étrangler et se reproduisant dans les quintes

de coqueluche.

28 février. - Tandis qu'hier matin la température élait à

30°, le soir elle était à 39°, 5 ; aujourd'hui T. IL 39°, 0 : phy-

sionomie très abattue, face pâle légèrement cyanosée ; légère

dyspnée ; trois quintes hier, deux clans la nuit peu violentes;

râles muqueux disséminés dans toute la poitrine. Petites

plaintes, mauvaise humeur. Le prolapsus rectal a reparu, il a

été réduit sans peine ; toutefois on a noté que la muqueuse

était un peu noirâtre et avait une odeur gangreneuse.

1er mars. L'état général est toujours mauvais et l'affai-

blissement augmente bien qu'il n'y ait eu que deux quintes

dans les vingt-quatre heures. Malgré les lavements boriques

répétés, l'odeur fétide persiste. Les urines ne renferment

ni sucre ni albumine.

2 mars. L'état général est plus satisfaisant ; les râles

muqueux persistent ; les râles sont très rares, la piolapsus ne

s'est pas reproduit.

3 mars. Aggravation : Face livide; regard terne, pupilles

très dilatées : lèvres et langue décolorées, respiration bruyante,

précipitée, pénible. Depuis hier vomissements, ballonne-

ment considérable du ventre qui mesure 86 cent. au niveau

du nombril, diarrhée, bourrelet noirâtre autour de l'anus

sans prolapsus. P. 140 : H. 00; T. H. 38°, 9. Morte à 1 heure 1/2

de l'après-midi. Poids après décès : 18 k. 800. T. H. après la

mort : 38° ; 1 heure après ; 37°, 1 ; 2 heures après : 38°, 1 ; -=

- Notes DE l'école. 111

3 heures après 35", 9; 4 heures après 34°, 5 ; 15 heures

après le décès : 20°, 5 ; La température de la chambre où était

déposé le cadavre était alors de 14°.

Notes de l'école. 1891. La physionomie est si peu expres-

sive que l'enfant paraît moins intelligente qu'elle ne l'est en

réalité. Elle répond à toutes les questions qui lui sont

posées. Ses réponses sont lentes. Sa langue est toujours pen-

dante sur les lèvres, ce qui la gène pour parler car elle est

obligée cle la rentrer deux ou trois fois avant de commencer

sa réponse. Elle se tient bien à table, prend bien les ali-

ments avec la cuiller et la fourchette, mange proprement

mais très lentement. La mastication est bonne, le goût est

normal. Marie est très difficile pour la nourriture, dit qu'elle

n'aime que le poulet. Constipation habituelle.

Marie Boy..., ne sait pas s'habiller ni se déshabiller, mais

elle cherche à aider les personnes qui s'occupent d'elle. Elle

sait boutonner, lacer, fait très bien les rosettes. Sa tenue est

bonne, elle ne se salit pas, ses bas sont toujours bien tirés,

ses souliers bien lacés. Ni tic, ni onanisme. Elle aime

se coucher de bonne heure et dort tranquillement toute la

nuit. Elle est très caressante, mais très susceptible et

même boudeuse. Elle a pris en affection Augustine W...,

atteinte de la même maladie qu'elle, et pleure lorsque celle-ci

va en permission. En classe, elles sont assises à la même

table, ont entre elles de petites conversations, se taquinent

et se moquent mutuellement l'une de l'autre. La mémoire

est bonne ; l'attention facile à fixer. Marie Bey... reconnaît

et nomme les objets qui l'entourent, les différentes parties de

son corps et de ses vêtements. - Elle distingue toutes les

couleurs. Elle ne sait pas coudre mais tient bien son aiguille.

Lecture, écriture, numération, etc., nulles.

Juin. Elle exécute tous les exercices de la gymnastique

Pichery et s'en amuse ; on n'a pas pu lui apprendre à sauter.

Marie Bey... est très difficile sur la nourriture, souvent

elle ne mange que de la soupe, elle est toujours constipée

malgré des lavements tous les deux jours et un purgatif

hebdomadaire. Très souvent, la défécation s'accompagne

d'une chute du rectum.

1892. Janvier. Son caractère est coléreux et désagréable ;

il faudrait toujours s'occuper d'elle, car elle est très jalouse.

Même difficulté et même indifférence pour l'alimentation.

Juin. Elle est toujours jalouse, capricieuse, irritable, se

mct en colère pour un rien, tape des pieds, cogne sa tète et

pousse des cris. Aucun progrès en classe et à l'ouvroir,

112

Température, poids, taille.

1893. Janvier. Pas d'amélioration du caractère ; elle ment

facilement et raconte à ses parents des choses qui n'ont

jamais existé. Elle se fâche^sans motif et est continuellement

en querelle avec Augustine W... ; il arrive même qu'elles se

battent toutes les deux. Elle est très peinée lorsque Augustine

ne lui cause plus. Alors elle vient trouver la surveillante pour

qu'elle demande son pardon puis elle va embrasser son amie.

Elle est très frileuse, ne se plaît qu'à l'infirmerie afin de se

mettre auprès du feu : on a remarqué qu'alors elle devenait

très gaie. Chute du rectum presque quotidienne.

Tableau des températures à l'entrée.

Autopsie. 113

Les mensurations comparatives des membres n'ont fait

découvrir aucune différence.

Autopsie faite le 5 mars, 45 heures après le décès. Tète.

Cuir chevelu exsangue, épais, très amaigri, en ce sens que la

couche cellulo-adipeuse est à peine marquée. La calotte

est mince (1 millimètre '[2 à trois millimètres), facile à scier;

un fragment s'est cassé pendant l'opération. Les os ont une

coloration d'un jaune cireux très prononcé. Entre la calotte

et la dure-mère il y a une sorte de vide assez considérable.

La dure-mère est un peu épaissie et décolorée. Le cer-

veau est pâle et jaunâtre. La quantité de liquide céphalo-

rachidien est peu considérable. Les différentes parties de

la base de l'encéphale, les nerfs optiques, olfactifs, etc., les

tubercules mamillaires, les pédoncules cérébraux, la protu-

bérance, les artères sont symétriques.

La pie-mère est assez mince, mais résistante; elle se

détache très facilement sur la face convexe où elle est un peu

plus épaisse que sur la face interne. La pie-mère enlevée, les

circonvolutions paraissent comme humidifiées et sont bril-

lantes. En un mot, le cerveau est humide comme s'il avait été

plongé dans l'eau; il a un aspect lisse et un reflet jaunâtre.

Les sillons sont assez profonds. Autant que mes souvenirs

peuvent me servir ce cerveau est beaucoup plus consistant

que ceux de Thén ? dit le Pacha et de Bourge...

Le corps pituilaire est assez gros, il a plus d'un centimètre

transversalement et d'avant en arrière un peu moins d'un cen-

timètre ; il est rosé [\) . La glande pinèale, de la grosseur

d'un petit pois, elle a son apparence ordinaire.

Ainsi qu'on l'avait constaté pendant la vie, la fontanelle

antérieure persiste. Elle a la forme d'un losange irrégulier, me-

sure 27 millimètres d'avant en arrière et 40 millimètres trans-

versalement. La membrane qui la compose est notablement

moins épaisse et moins résistante que celle que nous avons vue

chez le Pacha. Le crâne est presque partout translucide; il l'est

particulièrement sur la partie du frontal droit, voisine de la

partie correspondante de la fontanelle, et en arrière au niveau

des angles antérieurs et supérieurs des pariétaux, à la suite

des bords postérieurs de la fontanelle. Cette partie transpa-

(1) Le même jour nous avons fait l'autopsie d'un èpileptique nommé Lallem ?

âgé de 14 ans, grand et fort (lm 54) et nous avons pu comparer son corps

pituilaire avec celui de Marie Bey... Le corps pituitaire de Marie Bey..»

était environ 2 fois 1/2 plus gros que l'autre.

Bourneville, Bicêtre, 1894. 8

11-4 Description DU cerveau.

rente, qui continue en arrière la fontanelle, a 4 centimètres et

demi de longueur. Les sillons des artères méningées sont très

creux, très amincis. La suture mêtopique est soudée, les su-

tures fronto-pariêtales sont sinueuses, imbibées de sang,

transparentes, La suture interpariétale est très dentelée,

sans trace de synostose. Il en est de même de la suture lamb-

doïde qui présente, au niveau du vertex, trois os wormiens. Il

n'y a pas trace de division de l'occipital. Sur la face interne,

les sutures ne sont pas synostosées; la suture interpariétale

est encore sinueuse sur la plus grande partie de son étendue

La suture fronto-pariétalc est représentées seulement

par une ligne légèrement sinueuse mais non dentelée [Fig 8).

' Les différentes cavités de la base du crâne sont symétri-

ques. Le trouoccipital n'est pas rétréci.

Description DU cerveau. 115'

développé et offrant des digitations séparées par des sillons '

tout à fait superficiels. Le sillon deRolando presque rectiligne

Fig. 8.

H6> Description DU cerveau.

sépare très distinctement FA de PA. Celle-ci est rectiligne et

n'offre des plis de passage qu'à ses deux extrémités à savoir : en

haut, un pli de passage postérieur avec le lobe pariétal supé-

rieur ; en bas un antérieur avec F3 et un troisième, postérieur,

avec le lobe pariétal inférieur. Le lobe pariétal supérieur, très

nettement séparé de l'inférieur par la scissure intra-pariêtale,

est formé de trois petites circonvolutions, légèrement obliques

en avant et en bas, ayant de 3 cm. à 2 cm. de longueur.

La scissure perpendiculaire externe, nettement accusée et

ayant 2 cm. 5 de longueur, sépare le lobe pariétal supérieur

du lobe occipital. Le lobe pariétal inférieur est représenté

par une circonvolution large et très sinueuse, à concavité infé-

rieure ; le pli courbe forme sa partie la plus saillante. Deux

plis cle passage la relient à T1 età T- ; un pli de passage anté-

rieur la relie à PA et deux plis de passage postérieurs l'unis-

sent au lobe occipital. Le lobe occipital est formé de trois

petites circonvolutions de 3 centimètres 1/2 de longueur, paral-

lèles et verticales. Le lobe temporal présente une scis-

sure très profonde qui sépare T1 de T- et qui vers la moitié

de T1 forme une branche allant rejoindre la scissure de Sylvius.

T1 se trouve ainsi divisée en deux parties égales : la première

se prolonge vers la partie postérieure de l'insula, la seconde

va rejoindre le lobe pariétal inférieur. 'I- est unie clans ses

deux tiers antérieurs par quatre plis de passage à T3; elle

s'amincit ensuite pour aller rejoindre la partie postérieure du

pli courbe. Quant à T3, mal délimitée dans ses 2/ : l antérieurs

où elle esl formée par les nombreux plis de passage de 'ï-, clle

devient clans son liers postérieur sinueuse et autonome et va

se perdre dans le lobe occipital.

Face interne. F1 est formée à sa partie antérieure par deux

petites circonvolutions parallèles qui vont au lobule paracen-

tral. Ce dernier est bien développé et netteimiit séparé des

parties voisines; l'encoche du sillon de Itolaudo y apparaît

nettement; il présente un petit sillon curviligne à concavité

dirigée en haut et un peu en arrière. Le lobe quadrilatère

est bien développé et formé de trois circonvolutions presque

parallèles. La scissure perpendiculaire externe, très profonde

(2 centimètres environ), limite franchement le coin qui est petit

et qui n'offre guère plus de 2 centimètres 4 de base sur 2 cen-

timètres 5 de hauteur. Le lobe temporo-sphénoïdal est

formé de deux petites circonvolutions unies par trois plis de

passage ; la circonvolution de l'hippocampe est nettement

séparée de celles-ci par une scissure très longue. La circon-

volution du corps calleux est bien développée ; le sillon calloso-

marginal est assez creux. ' ,

Description DU cerveau. 117

En somme, cet hémisphère offre des scissures très profon-

des, des circonvolutions bien séparées, peu compliquées.

Hémisphère cérébral gauche. La pie-mère, d'une épais-

seur à peu près ordinaire, s'enlève très facilement sur tout

cet hémisphère. Le caractère général de l'hémisphère gauche

est le même que celui de l'hémisphère droit. Les scissures y

sont toujours très distinctes et les circonvolutions toujours

simples.

Face convexe. Lobe frontal. F1, plus nettement séparée

à son origine que sur l'autre hémisphère, offre dans son

tiers antérieur trois plis de passage avec F2 et, à son extré-

mité postérieure, elle se bifurque en deux plis de passage

pour s'unir à F A. F2, très contournée, a comme origine deux

plis de passage qui l'unissent en avant à F1, en arrière à F3.

Ses contours, du reste comme ceux de toutes les autres cir-

convolutions du cerveau, sont anguleux, en quelque sorte

en zig-zags. Elle se termine en faisant un grand crochet à

concavité inférieure qui coiffe la scisssure préfrontale dans

la partie moyenne de F A. F3 est nettement divisée en deux

parties par la scissure préfrontale qui la coupe en deux, for-

mant à son niveau une rainure de G millimètres de largeur

sur 8 millimètres de profondeur. FA est bien développée. Le

sillon de Rolando, bien accusé, est un peu plus sinueux que

celui de l'autre hémisphère. La scissure de Sylvius, très large,

laisse apercevoir l'insula qui est bien développé et dont les

digitations sont assez saillantes. P A est peu contournée ;

elle est unie inférieurement par un pli de passage au pli parié-

tal inférieur et supérieurement par un autre pli de passage

au lobe pariétal supérieur. Le lobe pariétal supérieur est très

nettement séparé de l'inférieur par la scissure intra-jiariétale

qui est très profonde. Il offre la forme générale d'une circon-

volution concave inférieurement ; se terminant en arrière

au niveau de la scissure perpendiculaire externe, qui est

accentuée, par un pli de passage qui l'unit au lobe occipital.

Le lobe pariétal inférieur et le pli courbe sont assez accen-

tués et diffèrent des parties correspondantes en ce qu'ils sont

en quelque sorte confondus sur l'hémisphère droit. Le lobe

temporal est formé de trois circonvolutions ayant la même

disposition que du côté opposé. Le lobe occipital a aussi

les mêmes caractères qu'à droite.

Face interne. La face interne de l'hémisphère gauche

n'offre rien qui la distingue essentiellement de celle du côté

118. Absence de glande thyroïde et DE thymus.

opposé. La F1, le lobule paracentral, l'avant-coin, le coin, les

circonvolutions temporo-sphénoïdales, la circonvolution du

corps calleux ont une disposition presque identique à celle du

côté opposé.

Le septum, les couches optiques, les corps striés, les tuber-

cules quadrijumeaux, les .bandelettes optiques, le trigone, le '

corps calleux n'ont rien d'anormal; les ventricules ne sont

pas dilatés. '

En un mot les deux hémisphères cérébraux n'pffrent pas

de grandes différences et leur aspect général est le même ;

1 n'y a aucune lésion macroscopique apparente, pas do lésions

en foyer, ni d'aspect chagriné et la seule chose remarquable

est leur grande simplicité.

Tronc. -Une incision pratiquée sur la peau depuis le men-

ton jusqu'à la vulve montre que le pannicule adipeux est très

mince sur le thorax et encore plus mince sur l'abdomen. Les

muscles semblent collés directement à la peau. Ce dévelop-

pement très minime de la couche graisseuse sous-cutanée

forme un contraste frappant avec les énormes amas graisseux

que nous allons décrire.

Cou. La peau et les aponévroses étant disséquées de

chaque côté et le plastron chondro-sternal étant enlevé on

constate qu'il n'y a pas la moindre trace de corps thyroïde,

ni la moindre trace de thymus, qu'il n'y a pas non plus de

glandes thyroïdes accessoires. Puis on découvre : 1° des

masses graisseuses, volumineuses, au-dessous du cartilage

thyroïde et se prolongeant jusque dans le médiastin antérieur,

au-devant du péricarde ; 2° desmasses graisseuses très abon-

dantes sous forme de grappes, d'aspect très luisant, comme

humide, dans les creux sus et sous-claviculaircs ainsi que dans

la région mammaire ; 3° des masses graisseuses dans le

médiastin postérieur; 4° des amas yraisseuA" volumineux

tout le long du gros intestin ; 5° des amas graisseux con-

sidérables dans l'atmosphère péri-rénale, s'étendant jusque

dans la fosse iliaque où, réunis, ils ont la dimension d'un

oeuf de poule; 6° dans la fosse iliaque droite sur les côtés

de la vessie, nombreux et volumineux amas graisseux.

Thorax. Une incision transversale, pratiquée sur le ma-

melon, ne montre aucune trace de glandes mammaires.

Pas d'adhérences pleurales. Le poumon droit (170 gr.) offre

Lésions pulmonaires, cardiaques, etc. 119

trois lobes. Dans la scissure inférieure, à la base, il existe une

petite languette triangulaire de 3 centimètres de long qui

semble le vestige d'un quatrième lobe. La région postérieure

du lobe supérieur et le lobe inférieur sont plus fortement

congestionnés. Tout le poumon crépite partout et, plongé dans

l'eau, surnage ; il en est de môme des parties les plus forte-

ment congestionnées. Poumon gauche (130 gr.), très

fortement hyperémié à son bord postérieur et à sa base.

Adhérences des deux lobes. A cinq cent, du sommet, sur le

bord de la scissure, on trouve une légère dépression, corres-

pondant à un point dur, de la grosseur d'un petit pois. Une

incision pratiquée sur cette petile masse fait voir qu'elle est

constituée par une substance crayeuse, probablement un tu-

bercule crétacé. Il n'y a pas de lésion des plèvres pariétales

et viscérales, sauf les adhérences signalées au poumon gauche.

Coeur avec l'origine des grands vaisseaux, 190 grammes. Le

péricarde est sain, il renferme environ 25 grammes de liquide

Le coeur est globuleux, le ventricule droit se termine en pointe

à peu de distance du ventricule gauche, ce qui donne au coeur

une légère apparence de bifidité. A la base du ventricule

gauche, au niveau de l'auricule, il y a trois paquets adipeux

de la grosseur d'un pois. Les piliers du ventricule gauche

sont peu saillants et peu volumineux; l'épaisseur de la paroi

du ventricule gauche est de 12 millimètres environ. Le ven-

tricule droit présente des colonnes charnues aussi volumi-

neuses que celles du ventricule gauche. Tous les orifices du

coeur sont suffisants, l'orifice tricuspide offre 7 centimètres de

circonférence. L'orifice mitral a G centimètres et l'orifice pulmo-

naire 38 millimètres, tandis que l'orifice aortique en a 42. Les

orifices des artères sont normaux. L'aorte descendante pré-

sente sur sa surface des petites plaques athéromatcuses. Il n'y

a pas de persistance du trou de Botal, ni de traces du canal

artériel. Dans l'oreillette droite, la fosse ovale de Vieussen»

est nettement accusée.

Abdomen. Le mésentère est rempli de lobules graisseux.

Estomac sain, muqueuse assez épaisse. Intestin grêle :

ouvert sur toute sa longueur, on n'y trouve aucune lésion.

Le cescum est vide, l'appendice iléo-coecal pourvu d'un méso

de 5 centimètres de long. Le coloîi descendant et l'S iliaque

sont distendus par de nombreux bols fécaux, durs, sphériques,

gris blanchâtres. La muqueuse du rectum est excessivement

lâche ; c'est elle seule qui constituait le prolapsus. Cette laxité

existait dans une hauteur de 0,05 centimètres à partir de l'anus ;

cette partie est plissée verticalement, bleuâtre, sans aucune

120 Etat DES os.

ulcération. Le reste de la muqueuse du gros intestin est

normal. Foie (G50 gr.), sain ; vésicule biliaire pas de calculs.

- Rate (40 gr.), bilobée ; le lobe supérieur, nettement marqué,

est plus petit que l'inférieur. Pancréas (25 gr.), normal.

Rein droit (G2 gr.). Rein gauche (G3 gr.). On trouve dans le

bassinet de chacun des deux reins une dizaine de petits cal-

culs jaunâtres delà dimension d'un grain cle millet. Les reins

se décortiquent facilement; ils offrent de nombreuses arbori-

sations à leur surface ; leur substance corticale est décolorée,

blanchâtre.

Organes génitaux. Rien de particulier sur le péritoine

pelvien. L'utérus (G gr.) est long de 4 centimètres '/2 environ

et large de 3 centimètres au niveau de son fond. Celui-ci,

légèrement convexe, ne dépasse pas sensiblement le plan

d'insertion des trompes. Le col de l'utérus a 2 centimètres de

long sur 3 de large. Le museau de tanche, quia 5 millimètres

de longueur, présente un orifice linéaire transversal de 12 mil-

mètres ; les bords de cet orifice sont légèrement dentelées, le

bord supérieur est deux fois plus volumineux que l'anté-

rieur, il offre environ 3 millimètres d'épaisseur. L'isthme est

petit. Le corps de l'utérus a un centimètre 1/2 de haut sur 3

centimètres de long. La muqueuse utérine est normale ; les

plis de l'arbre de vie sont saillants et l'on observe clans la cavité

utérine des saillants analogues aux colonnes charnues du coeur.

Les parois de l'utérus ont environ (i millimètres d'épaisseur au

niveau du corps. Aucune lésion des ligaments larges.

Trompes avec leur pavillon 11 centimètres de long tant à droite

qu'à gauche. Les ovaires (fi gr. chacun avec la trompe) mesurent

4 centimètres de long sur 2 de large : ils ont la forme d'amandes

et sont recouverts d'une enveloppe analogue à la tunique albu-

ginée des testicules. Sous cette tunique apparaissent translu-

cides 2 ou 3 petits hy s tes. Al'extrémitéexternedel'ouairegauc/ie

où se trouve une masse dure, pédiculée, recouverte d'une

tunique blanche comme l'ouaire et présentant environ 5 milli-

mètres de diamètre. Pas de traces de corps de Rosenmiiller.

Le vagin est sillonné de plis nombreux et n'offre rien de parti-

culier. Pas de lésion de la vessie qui mesure environ G

centimètres de haut.

Os. Le corps devant être inhumé on n'a pas pu conserver

le squelette. Nous avons donné plus haut une description de

la calotte crânienne. La région dorsale de la co ! o ? i ? ie uerté-

brale décrit une double courbure, la supérieure à concavité

regardant à gauche, l'inférieure à concavité regardant à

Examen histolo&ique. 121

droite. ; Nous avons enlevé le fémur gauche ; dont voici la

description : il a 22 centimètres de longueur, ses extrémités

sont volumineuses, la partie moyenne de la diaphyse n'a quo

4 centimètres '/2 de circonférence. La diaphyse est séparéé

des 2 épiphyses qui ne sont pas encore synostosées à l'os, les

courbures de cet os sont normales et n'offrent pas d'apparence

rachitique. Le grand et le petit trochanter sont bicn déve-

loppés, la cavité digitale est profonde. Le grand trochanteo

est séparé, à sa base, par une fissure et de la tête de l'os et de

la diaphyse. Le col du fémur est nettement accentué, la tête

a un aspect normal. L'extrémité inférieure est très-volumi-

neuse et présente au niveau des condyles C centimètres environ

de largeur. Les 2 condyles, à 2 centimètres environ de leur

extrémité, s'unissent à la diaphyse par du cartilage. Le condyle

interne est moins volumineux et descend plus bas que l'ex-

terne. La ligne âpre est très accusée dans les deux tiers

srsupérieu de la diaphyse de l'os. Ce fémur pèse 152 gram-

mes.

Examen histologique des principaux viscères, par M.

René Marie, interne des hôpitaux. Les organes qui offrent

les lésions les plus profondes sont les reins, (objectif 4 et

oculaire 1 de Leitz). Ils présentent de nombreuses lésions des

glomérules, les uns ayant une capsule de Bowmann remplie

en partie d'un exsudât légèrement grenu, les autres offrant

une véritable transformation fibreuse et étant d'un moindre

volume. Les tubuli conlorti sont rarement sains, quelques-

uns sont entièrement démasqués, la plupart sont revêtus de

cellules altérées dont la portion centrale est abrasée et flotte

dans le tube. De nombreux cylindres existent formés de

cellules mortes ne se colorant plus èt de masses vitreuses.

Dans quelques tubes, on remarque une hypertrophie avec

desquamation complète de l'épithélium et formation de cylin-

dres épithéliaux. Les tubes droits jouissent d'une intégrité

presque parfaite, dans quelques-uns apparaissent atténuées

les lésions constatées dans les tubes contournés. Le tissu

cellulaire est simplement hypertrophié en certains points

entre les tubes droits; il présente des traces d'inflammation

au niveau des placards granuleux existant dans les gloméru-

les. En résumé, les reins sont le siège d'une néphrite diffuse

récente et offrent des traces de néphrite interstitielle an-

cienne.

La rate n'a aucune lésion notable. Les cajosules sun'ë-

nales sont absolument saines.

Le foie est en dégénérescence graisseuse légère, une

122 ElAMEN HISTOLOGIQUE.

cirrhose partielle existe, mais les travées fibreuses ne s'irra-

dient pas et cette cirrhose, très légère d'ailleurs, n'offre pas

les caractères de la cirrhose annulaire.

Les ouaires contiennent de petits kystes remplis d'une

substance granuleuse et de détritus épithéliaux. Les follicules

avec ovules y sont nombreux et la présence de corps jaunes

permet d'affirmer que les ovules ont évolué (I).

Les seins offrent des rudiments de glande mammaire.

L'hypophyse est congestionnée et son épithélium est

recouvert par une sorte de sécrétion colloïde.

Analyse chimique de la peau, faite par leD' Paul Cornet,

aulaboratoire de thérapeutique de la Faculté. Il m'a été

remis, un morceau de peau très adipeux et macérant dans de

l'alcool. Cette macération alcoolique n'a pas permis le dosage

des matières albuminoïdes, ni d'accentuer par des réactions

variées la présence de la mucine. Voici l'analyse élémen-

taire :

RÉFLEXIONS. 123

trer à ce sujet dans de nouveaux développements.

Aussi nous limiterons-nous à relever quelques points

de détails.

I. Ici, contrairement à ce qui a lieu trop souvent (1),

l'alcoolisme n'a exercé aucune influence. L'hérédité

nerveuse, sans être très chargée, est cependant réelle.

Du côté paternel, un aïeul et un oncle apoplectiques,

une cousine chez laquelle une peur a déterminé des

accès d'épilepsie. Qu'il nous soit permis, en pas-

sant, de rappeler que cette cause, la peur, est fré-

quemment invoquée par les familles pour expliquer

l'apparition du mal comitial. Il va de soi que, en

général, elle n'a d'effet grave que sur un terrain déjà

préparé. Toutefois, il serait bon que les médecins, qui

consentent à faire partie des délégations cantonales,

et ils sont nombreux, profitent de ces fonctions, tou-

tes cle dévouement, pour signaler aux instituteurs et

aux institutrices les graves inconvénients de certai-

nes punitions qui provoquent la peur.

Du côté maternel, il y a eu aussi, parallèlement

à la tuberculose, des accidents nerveux variés. La

mère de Marie B... a eu des convulsions infantiles

légères. Elle a été sujette à des migraines de 16 ans

jusqu'à 23 ans : elles ont disparu à partir de son

mariage. Cette influence des rapports sexuels s'oh-

serve assez souvent, moins souvent toutefois que la

suspension des crises migraineuses durant les gros-

sesses.

II. Mentionnons la canitie survenue chez le père,

en quelques heures, à la suite d'une émotion violente.

C'est là un cas à rapprocher de ceux qu'a cités M.

Charcot (2) et de ceux que nous avons ajoutés, auxquels

(i) Voir les observations des 14 volumes de nos Comptes-rendus (1880-189'i).

(2) cEui'res complètes, publiées par Bourneville, t. VIII, p. 191.

124 RÉFLEXIONS.

nous joindrons celui d'une infirmière de Bicêtre où

elle n'est restée que quelques semaines, M",c Boy...,

âgée de 38, ans cru i , plusieurs années auparavant

était devenue foule blanche en une nuit, à la suite

de la mort d'un de ses enfants.

III. Tout d'abord le lecteur peut s'étonner de

la minutie des renseignements concernant la famille.

Elle a pourtant sa raison. Nous avons dis que le père

et la mère avaient le nez aquilin, afin de faire

saillir le contraste avec le nez camus de la malade.

De même pour les cheveux : père et mère bruns,

la malade, châtains roux.

IV. Maintes fois nous avons fait remarquer que

chez les idiots ou les imbéciles myxcedémateux les

parents ne remarquaient les caractères de la cachexie

pachydermique qu'après le sevrage, d'où il s'en suit

que l'alimentation lactée semble avoir pour action de

ralentir ou d'ajourner les conséquences de l'absence

de la glande thyroïde. Ce fait a été remarqué par

M. Lancereaux pour un cas concernant l'adulte :

« Sous l'influence, dit-il, du régime lacté exclusif et

de l'emploi de l'iodure de potassium, le malade s'est

amélioré très sensiblement, en ce sens que dans

l'espace de 4 mois le foie et la rate ont notablement

diminué de volume et le poids du corps s'est accru de

4 à o kilogrammes ».

V. La température rectale prise suivant l'habi-

tude, matin et soir pendant les cinq premiers jours

de l'admission a montré qu'elle est au-dessous de la

température normale et, en général, au-dessous de

37". A cet égard, ce fait confirme ce que nous avons

écrit dans nos précédentes publications. Puisqu'il

s'agit de température, relevons aussi la marche de la

température après lu mort. Les notations qui ont été

faites indiquent l'abaissement progressif de la tem-

RÉFLEXIONS.

125

pérature du cadavre qui tend à se mettre en équili-

bre avec le milieu ambiant et fournit ainsi un signe

cle la mort d'une valeur incontestable.

VI. Bien que Marie B... eut 21 ans, elle n'offrait

aucun des signes de la, puberté. Comme tous les autres

idiots ou imbéciles myxoedémateux, elle paraissait

absolument indifférente sous le rapport sexuel et ne

s'adonnait pas à l'onanisme.

VII. L'autopsie nous a permis de vérifier I'absenGE

complète de la glande thyroïde et la persistance de la

Fig. 9.

126 RÉFLEXIONS.

fontanelle antérieure. Ce fait, sur ces deux points,

confirme ce que nous avons noté dans nos quatre

autopsies antérieures.

VIII. Marie B... a été prise d'une coqueluche qui

ne paraissait pas avoir de gravité. Bientôt sont surve-

nues deux complications, la chute du rectum et une

congestion pulmonaire compliquée de tgmpanite,

accidents que nous avons remarqués également chez

Thén... La figure 5 met bien en évidence la marche

de la température durant la coqueluche et ses compli-

cations.

III.

Assistance des alcooliques.

Le Conseil général de la Seine ayant décidé qu'il

y avait lieu de suspendre les études relatives à la

création d'un.")0 asile d'aliénés de 1200 lits et de met-

tre au concours la construction d'un asile de 500

alcooliques et de 700 aliénées, cette délibération a été

l'objet d'une discussion au Congrès des aliénistes et

des neurologistes de Clermont-Ferrand, où elle s'est

introduite à propos de la discussion d'une question

générale; puis à la Commission de surveillance des

asiles de la Seine. De plus, le ministre de l'intérieur

ayant sonmis au Conseil supérieur de l'assistance

publique la question de la création d'asiles régionaux

nationaux pour les alcooliques, il s'est engagé devant

ce Conseil une nouvelle discussion. Ce sont les opi-

nions que nous avons émises dans ces assemblées que

nous reproduisons ici.

I.

Discours prononcé à la Commission de surveillance

des Asiles de la Seine (Séance du 5 avril 1895).

M. Bourneville. Je n'ai aucune remarque à faire sur

la première partie du Rapport très étudié de MM. Magnan

et Salleron. Ils ont exposé en excellents termes et d'une

façon précise les opérations du jury chargé déjuger les

projets déposés par les 3ô architectes qui ont pris part au

concours pour la construction d'un cinquième asile dans

le département de la Seine. Il n'en est plus cle même en ce

qui concerne la seconde partie. Mais, avant d'y arriver, il

estbon de rappeler que le plan primitif de l'Administration

consistait à faire un cinquième asile pour les aliénés.

128 Assistance DES alcooliques.

LeGjuillct 1894, le Conseil général a pris une délibéra-

tion ayant pour but de mettre au concours, non la cons-

truction d'un nouvel asile exclusivement consacré aux

aliénés, mais : 1° d'un asile pouvant contenir 700 aliénées ;

2° d'un asile spécial d'alcooliques pouvant contenir Ô00

hommes; 3" de services généraux communs aux deux

établissements.

Quelques jours plus tard (II) juillet), l'Administration a

communiqué la délibération du Conseil général à la Com-

mission de surveillance en l'invitant à donner son avis sur

la construction d'un asile d'alcooliques, ha Commission

a déclaré qu'il ne lui était pas possible, séance tenante,

de se prononcer sur les conciliions que devait réaliser un

tel asile et a, par un vote provoqué par noire collègue M.

Beurdeleg, dégagé complètement sa responsabité. Le con-

cours commençait le 2ô juillet. A la question que nous

avons posée, de savoir ce que le Conseil général entendait

parce mot : alcooliques, l'Administration n'a pas répon-

du : elle avait omis de s'en enquérir auprès des auteurs

du projet.

La décision très nette et unanime de la Commission de

surveillance a provoqué la réflexion dans l'esprit de ceux

qui avaient un peu imprudemment provoqué le vole pré-

cipité du Conseil général, et qui avait eu lieu sans avis

préalable de la Commission de surveillance.

D'où la venue de M. le conseiller général Deschamps

au Congrès des aliénistes et des nenrologistes cle Clcrmont-

Fcrrand, qui avait mis à son ordre du jour la question de

l'Assistance et de la législation relatives aux alcooliques

et confié à notre ami, le Dr Ladame (de Genève), la mis-

sion de lui présenter un rapport devant servir de base à

la discussion, Celle-ci a été vive (1). Le Congres a émis le

voeu « que des mesures spéciales soient prises à l'égard

des buveurs d'habitude qui constituent un véritable danger

pour la société», en d'autres termes qu'une loi soit votée

autorisant l'internement des ivrognes durant un temps

minimum de six mois, maximum de deux ans (conclusion

(1) Voir les Archives de neurologie, septembre 180'i, p. 210-2G1 ; les Annales

medico-psychologiques, etc.

Asile d'alcooliques de la Seine- 129

13 de M. Ladanie), et, ensuite, mais après le vote de la loi,

« que des asiles spéciaux soient fondés pour le traitement

des buveurs ».

Quelques courts extraits de la discusion nous paraissent

nécessaires pour montrer comment on appréciait, d'une

façon générale, les conditions du concours des architectes.

M. le Dr Vallon. «.... L'asile spécial ne devait renfer-

mer que des alcooliques qui seront soumis à un régime spé-

cial, à l'abstinence absolue de l'alcool. Au Conseil général

de la Seine, on a volé la création d'un asile dans lequel 500

lits seront réservés aux alcooliques. Dans cet asile les ser-

vices généraux seront communs : c'est absolument comme

si on ne faisait rien. Ces alcooliques continueront à boire et

leur guérison ne sera jamais obtenue. Encore une fois ce

qu'il faut, c'est un asile pour les seuls alcooliques.

M. le Dr Legrain. «... L'alcoolique guérit vite des trou-

bles morbides qui ont nécessité son internement. Une fois

guéri, il récupère ses -droits à la liberté et, de fait, rien ne

peut le retenir à l'asile. Il sort, ne larde pas à recommencer

ses excès. Quelque temps après, il est de nouveau interné,

non sans avoir fait courir quelques rixes ou causé quelques

dommages à la société. A l'étranger, les lois autorisent l'in-

ternement prolongé de ces êtres dangereux. Notre législation

ne nous le permet pas. Il y aurait en conséquence utilité à

demander la création de dispositions légales analogues à celles

qui sont en usage à l'étranger.

M. le Dr Rouby, qui a fondé une colonie d'alcoolisés

dans sa maison de santé d'Alger, a également précisé les

conditions que doit réaliser un établissement pour les

buveurs (1) :

L Un hospice d'alcoolisés, dit-il, est créé, non pour les

Ivrognes intermittents ni pour les aliénés devenus malades

sous l'influence de l'alcool, mais pour ceux qu'on pourrait

appeler des ivrognes de profession, qui boivent avec excès

tous les jours, qui pensent et n'agissent que pour un seu

but, celui de se procurer et de boire de l'alcool, quelle qu'en

soit la forme; ceux que la police ramasse fréquemment dans

les rues et que reçoivent pour quelques semaines, tantôt

(1) Ce travail a paru en entier dans les Ami. midico-psijch., octobre 1804.

Bourneville, Bicêtre, 1894. B

130 Assistanxe des alcooliques.

l'asile d'aliénés, lantôt la prison. On recevra principalement

parmi ces alcooliques ceux qui sont dangereux pendant l'ac-

cès d'ivresse. Quant aux alcooliques atteints de folie alcooli-

que aigûe, de dclirim trcmens, on les placera dans un asile

ordinaire pendant celte période d'aliénation et ils seront

transférés à l'asile spécial seulement lorsqu'ils n'auront plus

qu'à subir le traitement de l'abstinence.

II. L'édification de l'asile doit être différente de celle des

autres asiles d'aliénés...

III. Les services généraux ne doivent pas être communs

à un asile d'aliénés et à un hôpital spécial d'alcoolisés...

La conclusion n° 16 du rapport de M. Ladame était

ainsi formulée : « Les buveurs aliénés, épileptiques et

délinquants, ne doivent pas être admis dans les asiles pour

la guérison des ivrognes ».

Au cours de cette discussion qu'il suivait avec intérêt,

M. Deschanqos, rapporteur du Conseil général, a avoué

sincèrement qu'il craignait bien cju'au Conseil général on

eût « commis une gaffe ». Aussi a-t-il demandé au Con-

gres, avec une louable insistance, de l'aider à tirer et le

Conseil et l'administration de la Seine de l'impasse où ils

se trouvaient et insisté pour que le Congrès traçât, hic et

nunc, « le programme d'un asile d'alcooliques, programme

qu'ils avaient complètement oublié Je fournir aux archi-

tectes. » Puis, en présence des résistances du Congrès, et,

d'ailleurs, de l'impossibilité matérielle où le Congrès se

trouvait de répondre à son intention, il a exprimé le désir

que le Conseil émit un voeu réclamant la nomination d'une

Commission administrative pour étudier le programme de

l'asile d'alcooliques voté par le Conseil général de la

Seine. Cette proposition, comme la précédente, a été écar-

tée.

Depuis le Congrès de Clermont-Ferrand jusqu'à ce jour,

de nombreuses publications sur l'assistance et la législa-

tion des alcooliques ont succédé au Rapport si documenté

de M. le Dr Ladame et fournissent, à l'heure actuelle,

tous les éléments indispensables à l'élaboration d'un pro-

gramme pour la construction d'une maison de traitement

des buveurs.

La Commission de surveillance n'a pas oublié la lec-

ture dn rapport si humoristique de M. Puleau.x, que M.

Asile d'alcooliques de la Seine. 131.

Magnan a fait suivre de considérations très intéressantes.

Nous avons à signaler les articles de M. Marandon de

Monl gel, le mémoire cle M. 1'. Sérieux, les travaux do M.

le D1' Legrain. Entre temps, MM. Magnan et Legrain.

préparaient pour le Conseil supérieur de l'Assistance

publique leur rapport sur la Création d'asiles spéciaux

pour les aliénés alcooliques clans toule la France qui doit

cire discuté dans la séance de demain du Conseil supérieur.

Enfin, et c'est surtout ce que nous voulons examiner

aujourd'hui, est venu le rapport de MM. Magnan et Salle-

ron sur les résultats du concours des architectes. Toute-

fois, auparavant, nous ferons encore deux citations qui

contribueront à fixer l'idée que l'on doit se faire d'un

asile d'alcooliques :

« Je crois devoir insister, dit M. le Pr Joffroy, avec le Dr

Forel (cle Zurich), sur la nécessité de ne pas confondre la mai-

son de traitement de l'alcoolisme ni avec la prison, ou la mai-

son de correction, ni avec l'asile d'aliénés. »

Ceci est extrait du n° de la Gazette des hôpitaux qui

vient de vous être distribué. M. le Dr Forel termine ainsi

un arlicle tout récent, car il a paru ce malin clans le même

journal, sur la Cure des buveurs :

«... De nos jours, même pour les aliènes, on abandonne de

plus en plus le système « caserne » pour bâtir la « colonie-

village » rurale. A plus forte raison, ce système me semble-t-il

s'imposer, pour un grand asile de buveurs de 500 lits. En le

divisant, selon le projet de M. le Dr Paul Sérieux, en une

dizaine de pavillons séparés, possédant chacun un surveillant

responsable, intelligent, on pourra faire un asile modèle et

classer les buveurs en catégories, isoler les indisciplinés,

séparer les améliorés qui peuvent sortir librement de ceux

qu'on doit encore tenir enfermés, etc., etc. »

En l'absence d'une loi autorisant l'internement plus ou

moins prolongé des buveurs, on s'est rabattu, pour utili-

ser l'asile projeté, sur les alcooliques délirants. En pré-

sence des inconvénients qu'il y avait, selon nombre de

médecins, à placer un asile de femmes aliénées à côté d'un

asiles d'ivrognes et de l'opinion à peu près unanime qu'il

132 Assistance DES alcooliques.

est indispensable qu'un asile de buveurs soit tout à fait

isolé, notre ami M. Magnan, faisant table rase de la déli-

bération du Conseil général, supprime, comme nous allons

le voir, l'asile des femmes aliénées et lui substitue un asile

pour des femmes alcooliques, épileptiques et hystériques.

Nous arrivons ainsi à l'examen de la seconde partie du

Rapport deMM.MagnanetSalleron, qui constitue la base

d'un véritable programme d'un asile d'alcooliques, tel

que le conçoit M. Magnan. Ce programme est très diffé-

rent, sur un grand nombre de points, du programme d'un

asile d'aliénés. Il s'agit là, ainsi que l'a fait remarquer

avec juste raison l'un des juges, M l'architecte Guadet,

après avoir rappelé les remarques que nous avions faites

à maintes reprises au cours dos opérations du Jury, d'un

programme à posteriori, puisqu'il vient deux mois après

le jugement du concours des architectes. Ceux-ci man-

quant d'un programme à priori, ont déposé des projets

d'un asile d'aliénés.

Si nous étions une académie ou une société savante nous

pourrions, Messieurs, immédiatement, sans autre préoccu-

pation, approuver ce programme et faire des voeux pour

sa réalisation. Mais, ici, nous ne faisons pas de la théo-

rie, nous sommes en face des nécessités pratiques et nous

ne pouvons pas examiner isolément une question. Nous

sommes obligés de la mettre en regard des autres ques-

tions qui nous pressent et nous sollicitent chaque jour, de

les classer suivant leur importance, leur urgence, et tenir

compte des règlements et des lois.

Ceci dit, examinons rapidement les modifications appor-

tées par MM. Magnan et Salleron au projet de M. Morin-

Goustiaux, rangé par le jury en première ligne : voyons

ce qu'il en reste et concluons.

Les rapporteurs se sont efforcés d'approprier ce projet

conformément à leur programme de ce jour. Pour l'asile

des hommes alcooliques, le pavillon de l'infirmerie est

supprimé ; on réservera dans l'un des pavillons deux sal-

les de huit à dix lits chacune ; les cellules sont réduites à

cinq ou six ; vingt chambres d'isolement seront établies ;

trois ou quatre pavillons seront « laissés sans murs »,

etc., etc.

Asile d'alcooliques DE la Seine. 133

Au lieu d'ètre logés dans des pavillons spéciaux les

infirmiers, les surveillants et sous-surveillants, devront,

comme les médecins-adjoints, occuper les pavillons des

malades. Les pavillons particuliers prévus pour le per-

sonnel médical seront, par conséquent, supprimés. Seul

le médecin-directeur « pourrait avoir sa maison à part ».

Cette modification ne nous paraît pas heureuse. Dans la

plupart des asiles nouveaux, et c'est ce que, sur les

raisons que nous vous avons données, la Commission de

surveillance a fait prévaloir en partie à l'asile de Ville-

juif, les médecins en chef, ont chacun leur pavillon

d'habitation. C'est également cetle disposition que, sur

l'avis de la Commission administrative, vous avez adop-

tée pour les fonctionnaires du V'"c asile d'aliénés.

Vous aviez également décidé, de même qu'à Villejuif,

que le personnel secondaire serait logé dans des pavillons

à part. C'est ce qui existe, du reste, dans beaucoup d'asi-

les Anglais ou Allemands. Laissez-nous faire, à ce propos,

encore une citation :

« En Saxe, comme ailleurs, on s'est préoccupé de former

un bon personnel d'infirmiers ; ce personnel comprend à peu

près SOI) personnes. En 1887, M. Joeppell a conçu le plan de

réunir les éléments nécessaires pour instruire ce personnel

dans les asiles. En 1887, on a installé à Hochweitzschcn une

école spéciale pour les hommes et à Ilubertusbourg une

école pour les femmes. Dans ces locaux spéciaux habitent et

sont instruits ceux et celles qui sont en cours d'études ; ils

sont en même temps le home de ceux et cle celles qui sont en

fonctions. Dans les autres asiles également, les infirmiers et

les infirmières ont leur demeure propre, où ils vont se dis-

traire et se délasser quand ils ne sont pas de service ; ils y trou-

vent, avec l'agrément des relations, des éléments de perfec-

tionnement et de distraction (1). »

Les changements, apportés par MM. Magnan et Salle-

ron, au programme que vous avez adopté pour les asiles

d'aliénés, changements qui ont pour conséquence d'as-

treindre tous les infirmiers, les sous-surveillanls et les

(1) Voir Archives de neurologie, mars 1893, p. 252.

1 34 AsSISTANCe des alcooliques.

surveillants à occuper les pavillons des malades, ne nous

semblent pas constituer un progrès et devoir contribuer

à nous procurer un meilleur personnel.

En ce qui concerne la division des femmes (700 aliénées) ,

il y aura, croyons-nous, encore plus de difficultés à adap-

ter les plans de M. Morin-Goustiaux au programme do

MM. Magnan et Salleron. En présence des objections qui

étaient faites de ne pouvoir appliquer rigoureusement le

traitement par l'abstinence aux hommes alcooliques, en

établissant, à côté d'eux, un asile d'aliénées avec des serin-

ces généraux communs, en raison aussi des plaintes qui ne

manqueraient pas de surgir de la part des familles des

aliénées par suite du voisinage des malades victimes de

l'ivrognerie, M. Magnan, nous l'avons déjà dit, propose

de ne plus affecter aux aliénées les 700 places qui leur

étaient attribuées en vertu même de la délibération du

Conseil général, pacte du concours, et de leur substituer

un quartier do 200 femmes alcooliques et un autre cle 500

épileptiques (combien ? ) et hystériques (combien ? ), mala-

des qui, elles aussi, seraient soumises au régime absti-

nent. « La grosse objection adressée à l'asile mixle, dit-il,

tomberait et les services généraux pourraient, sans

inconvénients, être communs ». Il faudrait donc trois

quartiers différents : femmes alcooliques, épileptiques,

hystériques. L'architecte devra exécuter un véritable tour

de force pour transformer son asile d'aliénées en trois

quartiers si différents. Le travail, constituant un des

moyens les plus actifs du traitement, fera-t-on travailler

ces trois catégories de malades dans les mêmes ateliers,

ou ne sera-t-on pas amené, tout au moins, à construire des

ateliers séparés, d'un côté pour les femmes alcooliques, et

de l'autre pour les épileptiques et les hystériques 7

« Les buveurs sont souvent mutins et intrigants, écri-

vent MM. ForelctMarandon deMonlgel, surtout pendant

les premiers mois de leur cure. Ils se plaignent, s'impa-

tientent, organisent des révoltes ». Comment s'entendront t

les femmes alcooliques avec les épileptiques violentes et

irritables et avec les hyslériques fantasques et d'une

impressionnabililé si vive 7 Ce voisinage, ou même ce

contact journalier des ivrognesses, des épilepliques et des

Asile d'alcooliques de la Seine. 135

hystériques est cle nature à donner une lourde besogne

aux médecins et à l'administration de l'asile.

Nous ne pensons pas exagérer l'importance des modi-

fications qu'impose aux plans de M. iUoriJi-Goiisliau.v le

programme nouveau. Mais pour que chacun puisse mieux

s'en rendre compte, nous demandons à l'Administration

de bien vouloir faire traduire ce programme en un plan

schématique et nous apporter les plans de M. Morin-Gous-

tiaux. On les mettra à côté l'un do l'autre : cette compa-

raison permettra à tous de bien juger.

Do toutes les catégories d'alcool iques, on ne se préoccupe

que des alcooliques délirants; or, seuls, actuellement,

ils sont déjà pourvus puisque les asiles d'aliénés leur sont

ouverts. Pour les alcooliques qui ont des asetions gas-

triques, hépatiques, rénales, etc., il n'y a rien. Les essais

faits à l'Asile cliniques par M. Magnan lui-même, sous

son inspiration à Villejuif, par M. le Dr Briand pour les"

femmes, à Ville-Evrard, par M. Marandon de Montyel

pour les hommes, essais que la Commission de surveil-

lance connaît et suit avec intérêt ; les applications du

régime abstinent c'est M. Magnan qui nous renseigne

dans les cinq grands asiles du Comté de Londres, tout cela

nous montre qu'il est possible, dès maintenant, clans une

mesure qui ne pourra qu'augmenter, d'appliquer le régime

abstinent aux alcooliques même dans nos asiles actuels.

Il est enfin une considération que nous devons faire

valoir : -les alcooliques délirants, car ce sont ceux-là

seulement qu'on propose de placer dans le nouvel asile,

y arriveront it peu près guéris de leur délire. Celui-ci

aura disparu en partie ou en totalité pendant leur séjour à

l'infirmerie du dépôt cle la Préfecture de Police ou au

bureau d'admission. Entons cas, après un court séjour au

nouvel asile de Ville-Evrard, les troubles intellectuels

auront certainement cessé : ces alcooliques ne seront

plus fous. De quel droit les retiendra-t-on ? Pour cela il

faudrait une loi sur l'internement des buveurs d'habitude,

ou modifier la loi du 30 juin 1838, et y introduire un arti-

cle autorisant le maintien des alcooliques délirants après

la disparition du délire.

Pour résumer tout ce que je viens de dire et m'excusant

136 Assistance des alcooliques.

d'avoir été si long, je soumets à la Commission de surveil-

lance les propositions suivantes : .

La Commission émet le voeu :

1° Que la loi sur l'ivresse soit révisée dans le sens de

l'internement des ivrognes d'habitude ;

2° Que le projet de M. Morin-Goustiaux soit exécuté

comme asile d'aliénés, avec des modifications de détails ;

3" Qu'il soit créé un asile exclusivement réservé aux

buveurs d'habitude d'après le programme de M. Magnan

complété et modifié s'il y a lieu ;

4° Que le Conseil général partage les crédits dont il dis-

pose entre le 5"'c asile d'aliénés et l'asile des buveurs.

II.

Discours prononcé au Conseil supérieur, de l'As-

sistance publique. (Première session de 1895, séance

du 6 avril).

Messieurs,

Il m'a été impossible à mon très vif regret d'assister

au début de la discussion qui s'est ouverte sur le

rapport de mon* excellent ami M. Magnan. Je crains

donc d'entrer dans des considérations qui ont déjà été

émises. Je m'en excuse d'avance. '

Tout d'abord, il nous semble que, pour remédier à

l'alcoolisme, dont nous voyons tous avec inquiétude

les ravages croissants, il conviendrait de prendre des

mesures d'une nature générale. Dans cet ordre d'idées,

nous croyons que si on appliquait d'une façon sérieuse

la loi sur l'ivresse, si on l'appliquait aux buveurs et

surtout aux marchands de vin, qui versent à boire à

ceux qui ont déjà trop bu, on arriverait à restreindre

dans une proportion sérieuse les progrès de l'ivrogne-

rie. On est 'douloureusement impressionné, en passant

devant certains établissements, devoir non seulement

Asiles nationaux d'alcooliques. 137

des hommes, mais des femmes et même des enfants

s'adonner à la boisson et se préparer en quelque sorte

à entrer dans les asiles.

Il est un autre point qui mérite aussi d'attirer

l'attention ; il est relatif à la nature des boissons, des

liqueurs, des alcools qui sont vendus clans les cabarets

et en particulier dans les cabarets de bas étage où

s'entassent non seulement les hommes, mais aussi les

femmes et même les enfants. C'est un véritable

empoisonnement qui se pratique tous les jours sous

l'oeil tolérant de la police. Pour 10, 15 et 20 centi-

mes, on donne des absinthes, des liqueurs, de l'cau-

de-vie ou plutôt de l'eau-de-mort. Il est certain que

la Préfecture de police sait que ce sont des poisons.

Pourquoi tolère-t-elle cet empoisonnement.

Je crois qu'il importe que le Conseil supérieur

émette le voeux qu'on applique d'une façon régu-

lière et sérieuse la loi sur l'ivresse, ainsi que les

règlements ou les arrêtés sur les boissons frelatées.

Je suis persuadé que, si l'on daignait tenir compte cle

ces voeux, on arriverait à diminuer considérablement

les progrès de l'ivrognerie.

M. le Directeur de l'hygiène et dc l'Assistance publi-

ques, dans sa lettre à M. le Président du Conseil des

ministres, demande à saisir le Conseil supérieur de

l'Assistance publique de la création d'asiles spéciaux

pour les alcooliques. Or, le titre du rapport porte :

Création d'asiles spéciaux pour les aliénés alcooli-

ques. Il est donc limitatif.

Le rapport lui-même comprend l'exposé des raisons

qui, suivant M. Magnan, militent en faveur des asiles

pour les alcooliques délirants. 11 y ajoute les ivrognes

à préoccupations bypochondriaques (p. 10, 37), les

victimes de la morphine, de la cocaïne, de l'éther; les

ivrognes récidivistes, condamnés pour ivresse publique

(p. 11). Tout le monde n'acceptera peut-être pas la

138 Assistance des alcooliques. '

réunion de cette dernière catégorie d'ivrognes aux

alcooliques et intoxiqués délirants. Le but de ces

asiles, c'est d'appliquer d'une façon stricte, le traite-

ment abstinent.

Les projets en cours sont des plus défectueux. On a

dit : Asiles d'alcooliques, sans s'expliquer sur ce qu'on

entend par le mot : alcooliques. En général, on y

comprend les buveurs d'habitude ou les ivrognes, les

aliénés atteints de délirium tremens et d'alcoolisme

chronique. Enfin, quelques-uns l'ont rentrer dans les

alcooliques, les aliénés clontle délire, quelle qu'en soit

la forme, a été occasionné en partie par les excès de

boisson.

La première catégorie, et c'est surtout pour celle-la

qu'on a créé des maisons de buveurs est de beau-

coup la plus nombreuse. Il s'agit là d'ivrognes chez

lesquels le cerveau a résisté, mais dont le foie, les

reins, l'estomac, etc., etc., sont plus ou moins malades.

Ils sont plus dangereux que les alcooliques délirants,

qui, eux, sont de suite séquestrés, et qui, durant leur

internement au moins, ne causent aucun scandale, ne

fabriquent pas d'enfants. C'est le plus grand nombre,

ou mieux c'est tous les buveurs d'habitude cpt'on doit

viser. Mais il faut pour cela, au préalable, une loi spé-

ciale. On est allé trop vite. En face des difficultés à

vaincre, on a laissé de côté les ivrognes, la majorité,

et on a réclamé la création d'asiles spéciaux régionaux,

pour une seule des catégories d'alcooliques, les déli-

rants. Or, ceux-ci sont déjà pourvus, puisque les asiles

d'aliénés leur sont ouverts.

Le projet que nous discutons, création d'asiles

régionaux, aggraverait la situation de ces malades.

En effet, on les retirerait de l'asile de leur pays, pour

les transférer d ns l'asile régional, plus éloigné, les

séparant ainsi c. avantage de leurs familles, de leurs

amis, rendant par conséquent plus rares, plus diffi-

ciles, les visites de celles-là et de ceux-ci. Est-ce là

Asiles nationaux d'alcooliques. 139

une assistante véritablement républicaine ? Assuré-

ment, non. Nous devons assister les malheureux cle

tous genres à domicile, et si cela n'est pas possible, le

plus près possible de leur domicile.

Il no faut pas oublier non plus, que ces alcooliques

délirants seront d'abord soignés ou internés à

l'hôpital-hospice dépositaire, puis transférés à l'asile

départemental. Durant ce temps, la période aiguë du

délire alcoolique aura passé ; le calme sera en partie

revenu et c'est alors qu'on les expédiera sur l'asile

clés alcooliques délirants.

Au bout de quelques jours, de quelques semaines,

ils n'auront plus de troubles intellectuels, réclameront

leur sortie et il sera impossible de la leur refuser, la

loi du 30 juin 1838 ne permettant pas le maintien, clans

les asiles, d'aliénés dont la folie a disparu. Ils insiste-

ront d'autant plus qu'ils seront encore moins touchés

moralement, songeant qu'ils ont femme et enfants, que

leur maladie a mis dans l'embarras ou la misère. Donc

il faudrait modifier la loi sur les aliénés pour avoir le

droit de maintenir les alcooliques délirants dans les

asiles après la disparition du délire.

Dans l'état actuel, à défaut de cet article spécial, le

médecin peut agir par la persuasion, ajourner le plus

possible la sortie. 11 peut enfin, et à cet égard on ne

peut ([ne féliciter notre ami M. Magnan de ce qu'il a

déjà fait, organiser dans les asiles actuels des quartiers

spéciaux pour les malades alcooliques et les y soumet-

tre au régime abstinent. Cette organisation existe à

l'Asile clinique (Sainte-Anne) sous la direction de M.

Matman ; à l'asile cle Yillojuif pour les femmes,

sous la direction de notre collègue M. Briand, élève

de M. Magnan; à Ville-Evrard pour les hommes

sous la direction de M. le Dr Marandon de Monlyel. M.

Magnan nous acité, en outre, une expérience analogue

qui se fait dans les asiles du comté de Londres. Donc,

dès maintenant, il est possible de pousser plus loin

140 Assistance DES alcooliques.

qu'autrefois le traitement dos alcooliques délirants et

cl'appliquerle régime abstinent. C'est là une expérience

pratique qui préparera la solution de l'avenir.

Quant aux inconvénients existant dans les asiles delà

Seine relatifs à l'introduction et à la vente des boissons

alcooliques que signale M. Magnan, c'est heureuse-

ment à peu près particulier à la Seine. Dans beaucoup

d'as'les de province ces abus n'existent pas; on ne

laisse pas introduire du vin, on ne laisse pas les familles

apporter aux malades, on quantité, des liqueurs

comme cela se fait dans les asiles de la Seine et à

Bicêtre, même dans le service des enfants, malgré nos

protestations. Ce sont des inconvénients, des difficul-

tés dont on peut venir à bout.

Je n'ajouterai rien de plus aux considérations géné-

rales déjà émises, et je conclus en déclarant qu'il

convient, à mon avis, d'ajourner la création d'asiles

spéciaux régionaux pour les alcooliques jusqu'à ce que

tous les départements soient pourvus de leur orga-

nisme indispensable, c'est-à-dire d'un asile pour les

aliénés .(1)

(I) Le Conseil snpj.ijur n'a pas adopté la cr dation d'asiles nationaux

régionaux, pour les alcooliques délirants.» Nous ajouterons eue, cha-

que année, nous avons insisté dans nos Compte-rendus du service des

enfants de Hieêtrc (14 volumes), sur le ivi.'e île l'alcoolisme dans lu produc-

tion des enfants atteints de maladies nerveuses. Si nous le rappelons, c'est

que peu paraissent s'en douter.

EXPLICATION DES PLANCHES.

142 Explication des planches.

Planche i.

Hémisphère cérébral droit de Lég.

(Face convexe).

F', première circonvolution frontale.

F3, deuxième circonvolution frontale.

F3, troisième circonvolution frontale.

F. A., frontale ascendante. '

P. A., pariétale ascendante.

L. P. S., lobule pariétal supérieur.

L. P. L, lobule pariétal inférieur.

P. C., pli courbe..

L. O., lobe occipital.

T1, première circonvolution temporale.

T2,' deuxième circonvolution temporale.

S. R., sillon de Rollando. -

S. S., scissure de Sylvius.

S. P. -E., scissure perpendiculaire externe.

144 Explication DES planches.

Planche II.

Hémisphère cérébral droit de Lég.

(Face interne).

F1, première circonvolution frontale.

L.P., Lobule paraccntral.

A.C., Avant-coin.

C., Coin.

L.T., Lobe temporal

C.C.C., Circonvolution du corps calleux

C.C., Corps calleux.

V.L., Ventricule latéral.

S. S., Scissure de Sylvius

HnruNKViLl.E, Bicélre, 1894 Pi.. II.

146 Explication des planches.

Planche III.

Hémisphère cérébral gauche de Lég...

(Face convexe).

Les lettres ont la même signification que Planche I.

Bourneville, Bicêtre, 1894. Pl. III.

lis Explication des planches.

Planche IV.

Hémisphère cérébral gauche de Lég...

(Face interne).

Les lettres ont la même signification que Planche II.

TABLE DES MATIERES

PREMIÈRE PARTIE

Section I : Bicêtre.

I. Situation du service. Enseignement pri-

maire III

Enfants idiolrs, gâteux, épileptiques ou non,

invalides '. in

Enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épi-

leptiques ou non, mais valides : petite

école... IV

Pètile école complémentaire v

Enfants propres et validés, imbéciles, arrié-

rés, instables, jjervers, épileptiques et

hystériques ou non : grande école VI

Fanfare ..... '............... '....... , , . x

Musée scolaire XI

Société de gymnastique xi

Enseignement du chant XI

Société de jeux xn

Escrime xu

Dansé xn

Caisse d'épargne XII

Chauffage dos classes et des dortoirs xi :

Promenades et distractions xm

Visites xiv

Vaccinations et revaccinations. xiv

- Service dentaire ? xiv

Bains et hydrothérapie xv

Améliorations diverses.. '. ..... , .. xv

Visites du service xv

Musée pathologique ....................... xvi

IL Enseignement professionnel. ......... ...... xxi

150

Tabue des matières.

- Progression du travail xxvin

Evaluation du travail xxvm

IIP Statistique. Mouvement de la population... xxix

Décès xxx

Évasions xxx

Sorties xxx

Transferts ... , , , .. , , . , , , , .. , , , ... , , ... , , xxxi

Population au 3 1 décembre ............... xxxi 1

Thymus et glande thyroïde xxxvi

Personnel du service en 1894 ............. .. xxxvi

Section II : Fondation Vallée.

I. Situation du service. .Enseignement pri- °

maire , .' xxxviii

Enseignement pratique et enseignement

primaire xxxix

Traitement et éducation de la digestion... xxxix

Traitement et éducation de la respiration.

et de la circulation xxxix

Enseignement professionnel ............. .. xlviii

Visites, congés xlviii

Évaluation du travail xlix

Revaccinations .......................... XLIX

Bains et hydrothérapie xlix

Promenades .. L

. Distractions li

Amélioralions diverses LI

Cours cle dessin LI

Maladies épidémiques .' LI

Teigne lu

Maladies intercurrentes .................. LU

IL Statistique : mouvement de la popifialion. lu

Décès ; utilisation des malades lui

Sorties; évasions ; transferts ; population au

31 décembre 1894. Personnel ........... lv

Rapport sur le projet définitif pour la cons-

truction d'un bâtiment de cent lits à la

Fondation Vallée, présenté par M. Bour-

neville ; discussion lvii

Table DES matières. ' 151

DEUXIÈME PARTIE

Méthode d'observation et procédés d'examen des

enfants idiots et arriérés.

A nos lecteurs - 3

Question de M. Deville au sujet des expé-

riences pratiquées sur les enfants dans

, certains services de l'Assistance publi-

que. Adoption d'un ordre du jour de

M. Lampué 4

Observations. Imbécillité prononcée avec

perversion des instincts. Traitement

médico-pédagogique, amélioration phy-

sique, intellectuelle et morale trôsremar-

quables (Imbécillité morale).. 38

Annexes : Procédés d'observation 53

Tableaux 59

TROISIÈME PARTIE

Clinique et anatomic pathologique. -

I. Idiotie complète congénitale auec paraplé-

gie compliquée de contracture et de

déformation des pieds ; par Bouhne-

ville et Nom SI

II. Idiotie myxoedémaleuse ; par BourtNEViLL3. 02

III. Assistance des alcooliques 127

A. Dtsco.u ? 's prononcé à la Commission De

surveillance des asiles de la Seine

(séance du 5 avril 1S95 ) ; par Bourne-

ville , 127

B. Discours prononcé au Conseil supé-

. rieur de l'Assistance publique de la

Seine (première session de 1895, séance

du 6 avril) ; par Bourneville 136

Explication DES planches". · 141

N° 44. Imprimerie des Enfants de Bicêtre. (7. 95.)