RECHERCHES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
H L'IDIMl
PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL
RECHERCHES
CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET L'IDIOTIE
COMPTE-RENDU DU SERVICE
DES ENFANTS IDIOTS, ÉPILEPTIQUES ET ARRIERES DE
BIGÈTRE PENDANT L'ANNÉE 1894
PAR
B O U RN EVILL E
MÉDECIN DE BICÈTRE
Avec la collaboration de
M. LE D' JULIEN NOIR
ANCIEN INTERNE DU SERVICE.
Volume XV
Avec 8 figures dans le texte et 4 planches.
PARIS
AUX BUREAUX DU
PROGRÈS MÉDICAL
14, Rue des Carmes, 14. 1
FÉLIX ALCAN
ÉDITEUR
108, Boulevard Saint-Germain, 108«
PREMIÈRE PARTIE
Histoire du Service pendant l'année 1894.
(Bicêtre et Fondation Vallée).
Bourneville, Bicètre, 1894.
PREMIÈRE PARTIE
Section I : Bicêtre.
Histoire du service pendant l'année 1894.
I.
Situation DU service. Enseignement primaire.
Les Enfants de la 4° section du quartier des aliénés
de l'hospice de Bicêtre sont répartis en trois groupes :
1° Les enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,
mais invalides ; 2° les enfants idiots gâteux ou
non mais valides ; - 3° les enfants propres, valides,
imbéciles, arriérés, instables, pervers, épileptiques
et hystériques ou non.
I. Enfants idiots gâteux, épileptiques ou non,
mais invalides. Ce premier groupe est subdivisé en
deux catégories : la première est composée d'idiots
gâteux, ne parlant, ni ne marchant, considérés géné-
ralement et à tort comme tout à fait incurables.
En effet, la plupart d'entre eux sont susceptibles
d'amélioration, même à un degié très notable. On
leur apprend à se tenir debout à l'aide de barres
iv Petite école.
parallèles (1), à marcher soit en les tenant sous les
bras, soit à l'aide du chariot ; on fortilic leurs mem-
bres en exerçant successivement chaque jour et à
plusieurs reprises toutes les articulations, en leur
faisant des frictions stimulantes, etc.. En 1894, un
enfant a appris à marcher (2j ; et 3 ont élé rendus
propres ! .3). 1 Dès qu'un enfant marche seul, il est
envoyé à la petite écolo, d'abord le matin, puis toute
la journée aussitôt que ses forces le permettent. Tous 's
ces enfants sont placés sur dos petits fauteuils spé-
ciaux que nous avons décrits (4).
La seconde catégorie comprend les idiots tout à
fait incurables, en beaucoup plus petit nombre qu'on
ne le croit généralement, et les épileptiques devenus
déments ou gâteux sous l'influence des accès ou des
poussées congestives qui les compliquent : ils ne peu-
vent plus être, la plupart, que l'objet de soins hygié-
niques et devraient former un groupe spécial.
II. Enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épilep-
tiques ou non mais valides (Petite école). Ces
enfants fréquentent la petile école confiée exclusive-
ment à des femmes. Dans le courant de l'année 245
enfants y ont été inscrits. Sur ce nombre G sont décé-
dés, 13 sont sortis définitivement, 8 ont passé à la
grande école, 2 sont passés aux adultes et 2 ont été
transférés. Sur les 213 enfants qui restaient à la petite
école au 31 décembre 1894, 8 ne mangent pas seuls,
79 se servent de la cuiller, 08 de la cuiller et de la
fourchette, 58 de la cuiller de la fourchette et du cou-
teau. 0 enfants gâteux, de ce groupe sont devenus
propres (5). Tous les enfants sont exercés à la gym-
(I) Voir dans le Compte-rendu de 1887 la figure 1, p. IV.
[1] Loui... (Albert).
( : i) Junema... Fixeme... et Loui... A.
(4) Voir Comple-rendu de 1887, p. V, fi'J. 2 et 3,
(5) Ilocquign ? Vergu ? Desbarriere ? Yaboll ? Croi/.e ? Grao...
Petite école. t
nastique Pichery, sauf 7 qui, venus du groupe des
invalides et étant infirmes, n'ont pu y prendre part. 10
enfants de la petite école; et 5 de la petite école com-
plémentaire ont suivi régulièrement les exercices de
de la grande gymnastique. 15 enfants ont travaillé
cette année dans les différents ateliers. Tailleurs, 8 ;
cordonniers, 3 ; vanniers, 3 ; menuisier, 1.
La petite école comprend : 1° Le traitement du
gâtisme qui consiste à placer, après chaque repas, les
enfants gâteux sur les sièges d'aisance que nous avons
décrits dans un de nos Compte-rendus précédents;
2" les leçons de toilette qui consistent à apprendre
aux enfants à se laver la ligure et les mains et à s'ha-
biller ; 3" les exercices pour l'éducation de lamain,
des sens et de la parole; 4° les leçons de petite
gymnastique ; 5° les leçons de choses; 6° les
exercices élémentaires relatifs à l'enseignement pri-
maire dont nous avons si souvent parlé dans nos
Compte-rendus de 1880 à 1893.
Petite école complémentaire. Nous avons dit
que cette petite école était confiée à Mmo Bonnet (1).
Nous avons complété l'installation de son école par
l'adjonction d'une petite pièce qui lui sert de cabinet
oi'i elle peut procéder plus facilement aux exercices
de l'enseignement de la parole. 22 enfants lui ont été
confiés dont 6 gâteux. Elle est aidée dans sa tâche
généreuse par M'"e Cordonnier qui a également la sur-
veillance du dortoir où couchent les enfants. De plus,
nous avons donné à M"1" Bonnet, pendant la journée,
à titre d'auxiliaire, une fillette arriérée en voie d'amé-
lioration appartenant à la Fondation Vallée, Adeline
B.... Dans le courant de l'année, 5 enfants ont été rendus
propres (2) ; 7 enfants qui ne savaient pas lire ont appris
(1) Voir Compte-rendu de Tannée ISÎ13, p. V.
(2) Boivi ? Dessertain ? Eel... Lauren ? Lemaîtr.
vi Petite ÉCOLE.
à lire couramment (1) ; 6 enfants ont été notablement
améliorés au point de vue de la parole. Le matériel
scolaire de cette petite école a été complété et elle
possède aujourd'hui les mêmes éléments de travail
que la petite école. Pour les enfants de cette petite
écolo et les enfants teigneux, il a été installé 6 paires
d'échelles du système Pichery, dans le sous-sol du
bâtiment de l'infirmerie, par les soins de M. Bru, éco-
nome, et de M. Delahaye, architecte.
Nous croyons devoir reproduire ici, l'extrait suivant
du procès-verbal de la visite faite â Bicêtre le 31 mai
1894, par la Commission de surveillance des asiles :
« M. le Dr Bourneville. Je demande à M. le Direc-
teur de l'Assistance publique et aux membres de la
Commission de surveillance la permission de leur pré-
senter Mmo Bonnet et de leur rendre compte des servi-
ces qu'elle rend aux petits enfants do Bicêtre. Cette
dame a deux de ses enfants placés dans ma section. Afin
de se rapprocher d'eux et de rendre aux autres enfants
déshérités une partie du bien dont les siens bénéficient,
elle a demandé et obtenu l'autorisation de donner
ses soins, pendant la journée, à une vingtaine de nos
plus jeunes idiots. Le dévouement et le zèle dont M"10
Bonnet fait preuve à l'égard de ces déshérités de l'in-
telligence sont dignes d'éloges. J'ai tenu à lui adresser
publiquement mes remerciments et mes félicitations.
« M. le Dr Peyron et M. le Président de la Commis-
sion s'associent aux remerciments que M. le Dr Bour-
neville vient d'adresser à M"10 Bonnet. M ? Bonnet
se retire vivement émue. »
III. Enfants propres et valides, imbéciles, arrié-
rés, instables, pervers, épileptiques, et hystériques
ou non (Grande école). La population de cette
(1) Bobliq ? Des8ertain ? Emmanue ? Feutr ? Opzonne ? Poviao ? et Robi.
Procédés d'enseignement. vif
école était de 122 enfants au l"r janvier : etilo 214 au
31 décembre. 128 ont fréquenté lcs ateliers par grande
série, 28 par petite série (une heure), 29 ne travaillent
pas. 29 autres ayant le certificat d'études ne vpnt à
l'école qu'une demi journée par semaine et travaillent
à l'atelier toute la journée. ',
Nous avons continué l'emploi des mêmes procédés
que les années précédentes, cherchant toujours 4 ma-
térialiser l'enseignement. Nous nous efforçons de
multiplier les leçons de choses et les séances de, pro-
jections à la lumière oxydrique. Nous avons fait : faire
de nouvelles séries d'images (graduées pour ces pro-
jections; l'une d'elles est relative aux marais salants ;
elle comprend 12 vues : 3 différentes de marais sa-
lants en exploitation, le quai du Croisic, le lavage du
sel, les paludiers et paludières en tenue de travail et
en habits de fêto. Une autre série est relative à la
houille; elle comprend 20 vues : structure du sol;
disposition des couches do houille ; reconstitution du
sol houiller ; empreinte d'une feuille sur un bloc de
houille, mineurs, galeries de mines, explosion de
grisou, lampes de sûreté ; Stephenson ; fabrica-
tion du gaz d'éclairage, etc. -1
De plus, nous avons fait faire cent vues relatives à
l'histoire de France. Le matériel s'est augmente de 8
tableaux des chiffres romains qui ont été confectionnés
par M. Leroy, maître menuisier, et imprimés par M.
Maréchallat, maître de l'atelier d'imprimerie. Cq sont
les mêmes maîtres qui, sur nos indications, ont fait les
représentations des surfaces et des solides. Mention-
nons encore le tableau de la chronologie du siècle qui
commence par l'époque actuelle et indique la série des
gouvernements qui se sont succédé en France, depuis
nos jours jusqu'à 1800; le tableau du mètre sur
lequel est appliqué un mètre et, au-dessous l'indication
des multiples et dos sous-multiples (Fig. 1) ; un appa-
reil destiné à apprendre aux enfants à souffler (Fig. 2),
Procédés D'ENSEIGNEMENT. IX
exercice préparatoire pourl'enseignement de la parole :
il consiste en une planchette en bois creusée d'une
rainure que l'on peut incliner plus ou moins et sur
laquelle l'enfant, en soufflant, pousse une hille de liège,
une bille de bois, une bille de plomb.
Aux examens pour le certificat d'études qui ont eu
lieu à Villejuif, le 15 avril, 3 enfants ont obtenu
leur certificat d'études (1) ; à la même session, 14
infirmiers ou infirmières ont obtenu le même cer-
tificat. En raison du nombre trop considérable d'en-
fants qui dépasse de 120 à 132 le chiffre delà population
pour lequel la section a été construite, ce qui aggrave
la responsabilité de l'administration, nous avons
demandé la création d'un 4" emploi d'instituteur que
nous avons obtenue au mois d'avril. Ce quatrième ins-
tituteur, M. Grandvilliors, est entré en fonctions le 23
avril. A maintes reprises nous avons appuyé les récla-
mations des instituteurs de notre service afin d'ê-
tre assimilés aux instituteurs dos écoles municipa-
les de Paris. M. Pcyron a bien voulu nous donner
satisfaction en élevant, par un arrêté en date du 23
janvier, le traitement du plus ancien de nos institu-
teurs de 3.000 à 3.300.
Dans le but de mettre les instituteurs et les institu-
trices et leurs aides mieux en mesure d'améliorer la
prononciation et de développer la parole des enfants,
nous les avons envoyés successivement et par séries,
au nombre de 12 h\' Institution nationale des sourcls-
(1) Bertliel..., Belliag... et Rat... ...
ÏW. '.
x Procédés d'enseignement.
muets. Nous profitons do l'occasion pour remercier'
M. Javal directeur, et M. Dubranle, censeur, du con-
cours qu'ils veulent bien nous prêter chaque année.
Notre quatrième instituteur, M. Grandvilliers, qui a
été autrefois attaché aux sourds-muets en qualité de
professeur adjoint, surveille les exercices de la parole
faits dans le service, et complète les notions sommai-
res données aux Sourds-muets par le personnel ensei-
gnant. M. Boutillier, qui était entré comme instituteur
dans notre service en octobre 1881, a demandé à être
mis en disponibilité à la fin du mois de novembre.
Malgré l'imprévu de co départ et les circonstances dans
lesquelles il s'est effectué, nous devons reconnaître
qu'il s'est efforcé durant tout son séjour de contribuer
d'une façon sérieuse à la partie pédagogique du trai-
tement des enfants.
Fanfare. Le nombre des enfants faisant partie
de la fanfare dirigée par M. Landosso, l'un des institu-
teurs, depuis le l''r mars, s'élève à 20 (15 instrumentis-
tes et 5 membres honoraires). La cotisation mensuelle
est de 0 fr., 50. Il a été versé par les enfants la somme
de :
Procédés d'enseignement. xi
La fanfare a prêté son concours à la distribution des
prix des Ecoles d'infirmiers et infirmières de la Salpê-
trière et de Bicêtre, à la distribution des prix dos
adolescents incurables de l'hospice d'Ivry, à l'inaugu-
ration des bustes de Falrct et Baillarger à la Salpê-
trière, aux fêtes de la Société de gymnastique et à
celles de la Maison.
Musée scolaire. Ce musée continue à servir aux
séances de projections, aux leçons de choses et aux
lectures récréatives. La Commission de surveillance
des asiles de la Seine, lors de sa visite à la section, a
fait un don de 30 francs pour achat de livres.
Société de gymnastique. Les enfants ont créé
entre eux une petite société de gymnastique sous la
surveillance de M. Grandvilliers l'un des instituteurs,
qui prête ainsi un concours précieux à M. Goy le pro-
fesseur de gymnastique dont nous avons souvent
cité le zèle et le dévouement. Les enfants ont pris
part au concours interscolaire d'Issy et ont obtenu un
prix spécial pour les mouvements d'ensemble.
Enseignement du chant. A notre arrivée dans
le service en octobre 1879 nous avons trouvé comme
professeur de chant M. Pény. Nous avons essayé
de l'utiliser le plus possible ; mais, en raison des
habitudes prises, nous n'avons pu réaliser avec lui
ce que nous désirions, il ne s'est jamais occupé, et
encore d'une façon incomplète, que des enfants les
plus tranquilles. L'enseignement du chant avec lui
était tout à fait insignifiant. Nous avons patiemment
attendu qu'il ait droit à la retraite et, à la suite d'ins-
tances réitérées, nous avons pu obtenir de M. Peyron
le 20 novembre un arrêté mettant à la retraite M.
Pény à la date du 31 décembre 1894, et nommant M.
Sutter pour entrer en fonctions à la date du lcrjanvier.
. xn Procédés d'enseignement.
Société de jeux. Elle se compose de 24 enfants ;
à la fin de 1894 il restait en caisse 34 francs 70. Outre
les jeux donnés par l'Administration, les enfants se
sont procuré des jeux do dames, dominos, tric-trac,
d'euréka etc.
Escrime. Nous avons trouvé en 1879 dans le
service un administré de Bicêtre donnant des leçons
d'escrime à quelques-uns des enfants. Bien que nous
ne trouvions pas cet exercice sans dangers, ni d'une
utilité sérieuse pour les enfants, nous n'avons pas
voulu le supprimer. Depuis cette époque nous l'avons
maintenu sans grand enthousiasme. A maintes repri-
ses les maîtres ont manqué. Après une suspension
de 5 mois l'un des moniteurs d'escrime du fort do
Bicêtre est venu régulièrement donner des leçons
aux enfants.
Danse. Les exercices de .danse qui sont sans
inconvénients et offrent au contraire des avantages
sérieux sont faits sous la direction bénévole de M.
Landosso.
Caisse d'épargne. Elle est confiée à l'un des ins-
tituteurs, M. Mesnard. A la date du 31 décembre 1894
il y avait 72 titulaires de livrets.
Distractions. xiii
rer et nous répéterons ce que nous avons dit les années-
précédentes, les calorifères des classes devraient rester
allumés toute la nuit ; de cotte façon elles seraient
chaudes lors de l'arrivée dos enfants. Quant aux dor-
toirs, il est indispensable que l'Administration centrale
fasse examiner à quelle cause est due l'insuffisance
du chauffage est-ce aux appareils, au charbon ou à la
manutention que sont dûs les graves inconvénients
qui se sont produits dans les derniers hivers.
Promenades et distractions. Les enfants de la
grande et de la petite école qui sont propres ont con-
tinué à faire dos promenades soit à Paris, soit aux envi-
rons. Dans ces promenades les instituteurs et les insti-
tutrices donnent des leçons de choses et exercent les
enfants aux jeux de balle et de ballon. Voici les diffé-
rents endroits où ils ont été en promenade cette année :
Choisy, Fort de Bicêtre, cours de l'hospice et marais,
Villcjuif, Jardin des plantes, viaduc d'Arcueil, Vitry,
Montsouris, jardin du Luxembourg, Place d'Italie,
Place des Vosges, Lion de Belfort, Place de la Salpê-
trièro, Montrougo, foire aux pains d'épices, Chevilly,
Robinson, Tbiais, square Parmentier, square Cluny.
L'Hay, bois de Vincennes, Charcnton.
Les distractions ont été nombreuses, à noter la dis-
tribution de jouets du jour de l'an, les déguisements
du mardi-gras et de la mi-caréme (1 20 enfants) suivis
d'exercices de danse en commun avec les filles à la
Fondation Vallée ; deux matinées données par les
artistes delà Gaité-Montparnasse, une séance de pro-
jection faite par un forain; une matinée offerte par M.
Bru, économe de Bicêtre ; une matinée offerte par la
famille Darthenay ; une fête organisée dans la Sibérie
par les employés de l'économat et de la direction ; 300
enfants ont assisté à une-représentation dans un cir-
que de la fête de Bicêtre, 150 autres sont allés à un
xiv Visites ET permissions.
théâtre forain. Les enfants de l'imprimerie ont fait une
promenade à Joinvillc et à Champigny, promenade dont
le Conseil général fait les frais. - Les jardiniers sont
allés à l'exposition d'horticulture. La société de gym-
nastique sous la direction de M. Grandvilliers a assisté
à deux concours intcrscolaires etremportée 2 médailles
d'argent et un bas-relief en biscuit comme prix d'en-
semble.
Visites. Les enfants ont reçu 9.370 visites. Les
visiteurs ont été au nombre de 10.108. Voici la statis-
tique des permissions de sortie et des congés :
Bains ET hydrothérapie. xv
Bains et hydrothérapiie. Les bains et les dou-
ches, joints à la gymnastique, à l'emploi des bromures
surtout de l'élixir polybromuré d'Yvon, du bromure
de camphre du d1' Clin et des médicaments antiscro-
fuleux, ont continué, comme par le passé, à être la
base du traitement en 1894. Il a été donné dans l'an-
née 14.401 bains ainsi répartis.
xvi Visites DU service.
ville de Balzac, rédacteur à l'Éclair; Taylor Grant,
d'Edimbourg; Titus Romano, correspondant de Spita-
lui, de Bukarest ; DrVan Anclel de Leyde, inspecteur
des asiles d'aliénés de Hollande ; D1' Villard, sénateur;
James "Wilson, M. B., et Maxime Wuillaume, rédac-
teur au Radical. De même que les années précé-
dentes, la Commission de surveillance des Asiles de
la Seine (31 mai) et la Commission d'Assistance publi-
que du Conseil général ont visité le service (15 novem-
bre).
Musée pathologique. Lo Musée, placé sous la
surveillance de notre ancien interne, M. le D'' Solliek,
s'est enrichi notablement en 1894 ainsi que le montre
le tableau suivant : i .
Enseignement professionnel. xvii
les photographies des cerveaux qui composent aujour-
d'hui 7 albums volumineux (1).
Les visiteurs peuvent, au moyen du Catalogue que
nous avons dressé avec M. Sollier, avoir tous les
renseignements concernant les pièces du Musée.
II.
Enseignement professionnel.
Cet enseignement a été dirigé en 1894, comme les
années précédentes, par M. Leroy pour la menuiserie,
Alêne pour la couture, Bénard pour la serrurerie,
Dumoulin pour la cordonnerie, Morin pour la vanne-
rie, le cannage et le paillage des chaises, Maréchal-
lat pour l'imprimerie, Perthuis pour le jardinage.
Nous avons eu le malheur de perdre le 21 décembre
notre maître serrurier Bénard qui, depuis 11 années,
avait rendu aux enfants des services aussi dévoués
qu'intelligents. Il a été remplacé en janvier 1895 par
M. G. Gaie.
De même aussi que les années précédentes, nous ne
pouvons que les féliciter tous, non seulement pour le
zèle et l'intelligence qu'ils apportent chaque jour à
donner l'instruction professionnelle aux enfants, mais
encore pour la bonne direction morale qu'ils savent
leur imprimer. Bien des fois nous avons insisté auprès
de l'Administration pour qu'elle les récompense en
accordant une suite favorable à la demande que nous
lui avons adressée afin de les faire admettre successi-
vement à jouir de la pension de repos qu'elle accorde
aux agents du personnel secondaire. Nous espérons
que l'Administration leur donnera satisfaction. Le
(1) Les photographie» sont faites par M, Hubert; M. Malençon a remplacé
pour le Moulage M. Hurel, décédé en juillet 1894.
Bourneville, Bicêtrej 1894. **
XVI
Enseignement professionne
tableau suivant met en évidence les résultats obtenu
grâce à leurs efforts.
Fonctionnement des atelier3. xix
Les travaux de jardinage seuls ne sont pas évalués ;
il est en effet assez difficile d'en faire une estimation
précise ; pourtant nous croyons que l'Administration
pourrait en donner tout au moins une approximation.
Les sept maîtres (non compris le jardinier) sont
payés à raison de 6 fr. 50 par jour, soit pour l'année
16.607 fr. 50. Cette somme étant déduite de celle du
travail des enfants (27.588 fr. 50) il reste un bénéfice
de 10.981 fr. L'évaluation du travail est faite non
par nous, qui sommes imcompétent, mais par l'inspec-
teur du service d'architecture, M. Delayaye, et par M.
Bru, économe. Le travail des enfants couvre : 1° la
dépense occasionnée par le salaire de leurs maîtres ; 2°
l'intérêt du capital employé pour la construction des
ateliers (210.000 fr.) (1). Nous n'insisterons pas sur
les avantages que procurent ces ateliers tant au point
de vue de l'intérêt des malades qu'à celui de l'Admi-
nistration. Nous ajouterons seulement qu'il serait con-
venable et avantageux, à tous les égards que nos
anciens malades qui passent soit aux aliénés adultes
soit aux incurables trouvent un meilleur accueil dans
les ateliers de l'hospice et que les chefs de ses ate-
liers se montrent plus bienveillants pour eux.
III.
Statistique. Mouvement DE la population.
Le lor janvier 1894, il restait dans le service 494 en-
fants idiots, imbéciles et épileptiques dits aliénés et
28 réputés non aliénés, soit 512. Sur ce chiffre 14 en-
fants sont affectés de surdi-mutité et 12 de cécité.
Signalons les ruminants au nombre de 18, les ony-
(1) Voir nos Compte-rendus précédents : 1892, p.XXI. XXII ; 1894, p. XXI.
XX
Mouvement DE la population
chophages au nombre de 34 et 3 déchireurs d'ongles.
Voici le mouvement de la population en 1894.
Population. xxi
Transferts. Ils ont été au nombre de huit concer-
nant les enfants Marti..., Au thi..., Davi..., Vermeul...,
Carrié..., Barthélém..., Maupi..., Roussi.... Ils s'appli-
quent à des enfants dont les parents habitent Paris, mais
qui sont nés dans les départements. Les demandes
des préfets ont été beaucoup plus nombreuses, mais,
plusieurs familles ont préféré reprendre leurs enfants
que de les laisser partir loin d'eux, et par conséquent
ne plus pouvoir les visiter et soulager leur infortune.
La mesure prise, sur notre proposition, par le
Conseil général et qui consiste à recevoir et maintenir
dans les asiles de la Seine les enfants nés dans les
autres départements, lorsque leurs parents sont domi-
ciliés à Paris ou dans une commune de la Seine depuis
3 ans, tout en ne réclamant aux départements d'origine
que le prix de journée payé par ces départements dans
leurs propres asiles, n'est pas acceptée par la plu-
part des préfets. La mesure si humaine, si généreuse
du Conseil général envers les enfants et leurs famil-
les, les laissent trop souvent indifférents. On le com-
prend d'autant moins que le maintien dans les asiles
de la Seine de cette catégorie d'enfants n'entraîne
aucun surcroit de dépenses pour les départements
qu'ils administrent.
Population au 31 décembre 1894. Il restait à
cette date dans le service 526 enfants se décomposant
ainsi : 501 enfants idiots, imbéciles ou épileptiques,
dits aliénés et 25 réputés non aliénés. Sur ce nombre
5 sont atteints de surdi-mutité, 8 de cécité, 18 de
rumination ; 89 sont gâteux, 82 hémiplégiques, 27
baveux, 35 onychophages, 3 déchireurs d'ongles.
XXI1 " DÉCÈS.
XXIV
DÉCÉ,S.
Thymus ET glande thyroïde. xxxv
Thymus et glande thyroïde. Nos études sur l'idio-
tie myxoedémateuse nous ont conduit à reprendre, il y a
plusieurs années, des recherches anciennes (1868) sur la
glande thyroïde, et incidemment sur le thymus. Le
tableau ci-après donne les renseignements sur ces
deux organes, chez nos malades décédés en 1894.
XXXVI PEnSONNEL DU SERVICE.
Personnel du service en 1894. Le personnel était
ainsi composé : 1° Service médical : deux internes titu-
laires, M. Zeimet et Arrizabalaga, et d'un interne provi-
soire, M. Dardel. Dans le courant de l'année M. Arriza-
balaga a été remplacé par M. Dujarier qui lui-même,
après 5 mois, a cédé sa place à M. Comte ; et de M. Sol-
lier conservateur du musée pathologique.
2° Service scolaire : a) grande école : d'un instituteur,
M. Boutillier et de 2 instituteurs adjoints, MM.Mesnard
et Lamlosse. Comme nous l'avons dit plus haut un 41U"
instituteur (M. Grandvilliers) a été nommé en avril ; de 2
moniteurs, administrés de l'hospice, d'un professeur de
chant, M. Pény ; d'un professeur de gymnastique M.
Goy ; d'un maitre d'escrime, M. Leprince, d'un sup-
pléant, M. Acard et de 3 iniirmiers dont l'un a le grade
de lor infirmier. b) Petite école : de MUc Blanche
Agnus, surveillante, de M110 Amandinc Bohain, élevée
au grade de surveillante le 1er janvier 1894 ; de Mmcs 0<
Givalois et Malabre, suppléantes ; de 2 premières inlir-
mières : Mm° Malençon, emploi créé à la petite école
le 1er août et M'"c Grizard chargée du pavillon d'isole-
ment ; de 9 infirmières de dortoirs qui, quand elles
ont fini leur besogne, viennent aider les maîtresses
d'écoles; en outre cinq infirmières n'ayant pas de dor-
toirs sont affectées aux soins ot à l'enseignement des
enfants de la petite école.
3° L'Enseignement professionnel : de huit maitres
dont nous avons donné les noms plus haut (p. xvu) ; plus
un infirmier de garde.
4° Service hospitalier : il se compose de M. Agnus
surveillant; de M. Siégel, sous-surveillant, qui au mois
d'octobre a été nommé surveillant de la lro section
d'aliénés adultes (service de M. le Dr Charpentier);
de Mmc Bié, sous-surveillante (bâtiment des gâ-
teux) ; de M"0 Athénaïse Bohain, sous-surveillante
(infirmerie) ; de M ? Gladel, suppléante de nuit ; de
deux suppléants, M. Givalois (baigneur) et M. Malen-
xxxvn Personnel DU service.
çon attaché au musée; d'un premier infirmier (por-
tier), de 27 infirmiers et 25 infirmières de jour ou de
nuit, d'un perruquier ; total du personnel secon-
daire : 84. Dans le courant do l'année, M. Agnus que
nous avions depuis 1879 est tombé malade et à dû
prendre sa retraite. Nous tenons à le remercier des
services très dévoués qu'il nous a rendus pendant
15 ans et du soin minutieux qu'il apportait dans l'ad-
ministration de tous les documents médicaux du
service.
Après la mise à la retraite de M. Agnus, M. Girard,
suppléant, a été charge de remplir les fonctions de
surveillant, à titre d'essai, à la date du 1er octobre.
Section II : Fondation Vallée.
Histoire du service pendant l'année 1894.
I.
Situation DU service. Enseignement primaire.
De même que l'an dernier, en 1894, la Fondation
Vallée a présenté une population qui a toujours dépassé
le chiffre maximum qui avait été fixé, c'est-à-dire cent.
Cette augmentation est d'autant plus regrettable que
la plupart des dortoirs sont difficiles à bien surveiller.
Pendant presque toute l'année, il y a eu 30 enfants en
plus du chiffre réglementaire. L'organisation primi-
tive assimilait la Fondation Vallée à la colonie de
Vaucluso et en excluait par conséquent les gâteuses
et les épileptiques. Or, on compte à la Fondation 30
épileptiques et 42 gâteuses.
Enfants idiotes et gâteuses invalides. Nous
n'entrerons pas dans des détails au sujet de ce service
que nous avons organisé tant bien que mal dans des
locaux insuffisants ; il ne fonctionne bien que grâce au
dévouement de l'infirmière qui en est chargée, M"c
Raymond, que nous avons pu faire nommer sur place
lr0 infirmière. En plaçant ces enfants gâteux sur des
sièges spéciaux à des heures régulières, au lever, au
coucher, après chaque repas, on diminue la dépense
de linge et quelques-unes deviennent propres (3 en 1894
Bossu... Rat... et Lolli...). On les prépare à la
marche à l'aide de la balançoire tremplin, des barres
parallèles, du chariot et de l'escabeau. Des frictions
Enseignement pratique ET primaire. xxxii
stimulantes, le massage des membres, les exercices
des jointures contribuent au développement des enfants
et aident à leur apprendre à marcher. Aussitôt que
ces enfants marchent seules, quoique gâteuses, elles
sont envoyées à l'école et soumises toute d'abord
aux exercices de la gymnastique Pichery.
Enseignement pratique et enseignement primaire.
Il est confié exclusivement à des femmes sous l'ha-
bile direction de M"0 Langlet, surveillante. Les procé-
dés employés sont les mêmes qu'à la section de Bicêtre.
Tout le matériel est identique. Les leçons de choses
sont multipliées autant que possible et complétées par
des promenades dans le domaine et les environs. Les
enfants assistent à toutes les opérations du jardinage,
participent à la récolte des légumes et des fruits.
L'idéal que nous poursuivons, c'est d'occuper les
enfants du matin jusqu'au soir en variant le plus
possible les exercices. Les jeux même doivent contri-
buer à leur éducation.
Aux repas, on surveille les enfants et on s'efforce de
leur apprendre à manger seules et convenablement.
Sur 130 enfants que nous avions en fin d'année, 48
savent se servir de la cuiller, de la fourchette et du
couteau ; 40 de la cuiller et de la fourchette ; 20 de
la cuiller; 16 ne savent pas manger seules. Dol... et
Bossug... ont appris à manger sans aide.
117 enfants ont fréquenté l'école et participé aux
exercices de la gymnastique Pichery.
Les détails dans lesquels nous sommes entré l'an
dernier sur les moyens employés pour apprendre aux
enfants à boutonner, nouer, lacer, agrafer, se désha-
biller et s'habiller, nous dispensent d'entrer cette année
dans de nouveaux développements.
Traitement et éducation de la digestion. La
question des aliments est d'une grande importance
xl Traitement ET éducation de la digestion.
dans l'éducation de nos enfants. Si l'hygiène de la
nutrition est indispensable à l'individu sain, personne
ne songera à soutenir le contraire quand il s'agit des
malades tels que les nôtres.
De nombreux troubles se présentent dans cette
fonction. Dans le degré le plus prononcé de l'idiotie,
l'enfant peut être absolument incapable de se servir
en quoi que se soit de ses mains. A un degré moins
inférieur, il porte maladroitement à sa bouche tout
ce qu'il peut saisir (1). Ses dents sont mauvaises et
mal plantées, ses mâchoires aux mouvements lents et
désordonnés mâchent mal la nourriture qui leur est
confiée, l'insalivation est défectueuse, la salive dé-
borde, la déglutition est laborieuse, de sorte que la
plupart du temps les aliments arrivent à l'estomac, à
peine broyés. Il s'en suit que la digestion stomacale
ne s'accomplit pas d'une façon normale, et comme
conséquence nous constatons chez l'enfant soit une
constipation persistante, soit une défécation abon-
dante et liquide, qui entraîne au dehors une partie
plus ou moins grande de ce qui aurait dû être
absorbé. D'où nécessité d'une véritable éducation de
la digestion.
D'abord à quel régime alimentaire soumettrons-nous
notre idiot ? Nous ne saurionstrop recommanderde ser-
vir à nos jeunes malades les repas à des heures très régu-
lières et de leur faire absorber le plus constamment
possible la même quantité. Le matin, après leur pre-
mière toilette, lorsqu'on les aura promenés quelques
minutes en plein air, pour provoquer en quelque sorte
le réveil complet, on leur donnera de préférence une
tasse de lait ou un potage léger soit au pain, soit aux
pâtes alimentaires, rarement du chocolat et du café
au lait. Vers le milieu du jour, ils prendront un repas
(1) Nous reviendrons en ilétuil une autre fois sur lu préhension, à propos <li
l'éducation de la main.
Traitement ET éducation DE la digestion. xli
plus substantiel, composé de viande d'animaux adul-
tes, de légumes frais et de fruits en petite quantité.
Les viandes blanches, les oeufs, le lait et ses dérivés
nous permettront de varier de temps en temps l'ali-
mentation, mais il faudra avoir soin, si nous don-
nons du poisson, de prendre de préférence ceux dont
la chair est facile à digérer, et d'en exclure par exem-
ple le thon. Il va de soi que l'infirmier ou l'infirmière
dévia enlever minutieusement toutes les arêtes, d'où
encore la nécessité de choisir l'espèce de poisson.
Nous ne leur donnons jamais de crustacés. Une
crême légère, des confitures ou autres friandi-
ses servies avec mesure constitueront le dessert.
Entre ce repas et celui du soir, notre élève fera une
petite collation et vers 6 heures, nous lui donnerons
un potage ou une panade, suivi d'un menu constitué
de la même façon que celui de midi. Quant à la bois-
son, nous donnerons de l'eau rougie ou du lait, que
l'on fara boire par petites gorgées. Pour les idiots
inertes, le vin pur, pris en petite quantité rendra
quelques services, de même que le thé et le café ou
tout autre boisson excitante (1).
Pour nous résumer, nous dirons avec Séguin, que
la règl.3 est « de leur ilonner la nourriture qui convien-
drait à un enfant ordinaire du même âge et de la
même constitution », dirigée d'une façon intelligente
et physiologique.
Il faut éviter en outre de leur donner entre les repas
toutes ces friandises dont les parents aiment tant à
les bourrer et qui, mettant continuellement en mou-
vement les organes de la digestion, les fatiguent et
{1} Il va i'.e soi qu'il faut tenir compte des indications particulières à chaque
cas. Si l'en ant est sujet à des crises nerveuses, il ne devra jamais rien boire
d'excitant, alors môme qu'il appartient a la catégorie dos idiots inertes. Geor-
Ges T.. g, jeune idiot épileptique de 10 ans, avait une crise presque toutes les
fois qu'il allait passer la journée chez ses parents. On nous apprit plus tard,
qu'on lui faisait boire chez lui pour faciliter la digestion ( ? ), un verre de Bor-
deaux pur.
xlii Traitement et éducation de la digestion.
les rendent imcapables de brasser convenablement
les aliments plus forts qu'on leur servira aux repas
réguliers. Cette habitude déplorable peut avoir encore
pour conséquence d'alourdir l'enfant au lieu de l'é-
veiller et de le conduire à un développement exagéré
du système adipeux.
Nous allons maintenant entrer dans les détails.
a) Préhension des aliments. Elle est préparé
par tous les procédés qui nous servent à faire l'éduca-
tion de la main. En ce qui concerne ce point particu-
lier, il faut apprendre aux enfants à boire en se ser-
vant de gobelets et de verres proportionnés à la
dimension de la main, en ne mettant qu'une petite
quantité de liquide ; à manger en leur préparant de
petites bouchées de pain, en se servant de cuillères et
de fourchettes également appropriées à leur âge. Au
début, la cuillère devra être remplie d'aliments demi-
solides. La viande devra être coupée en petits morceaux
et au commencement de l'éducation, il faudra que
l'infirmier ou l'infirmière pique lui-même les morceaux
de viande avec la fourchette.
b) Insalivation. Plus tard, à propos de l'éducation
des lèvres (bave), et du système musculaire nous
reviendrons en détail sur cette question.
c) Mastication. Aux idiots qui ne savent pas mâ-
cher, ou qui mâchent difficilement, on servira de la
viande bâchée, ou coupée en petits morceaux. On ne
pressera pas l'enfant ; on lui mettra dans la bouche
une même quantité à la fois, et on attendra patiem-
ment qu'il ait avalé la première bouchée avant de lui
en donner une seconde. De cette façon l'insalivation
sera plus complète et la digestion stomacale en béné-
ficiera. De plus, on fait perdre à l'enfant les habitudes
de gloutonnerie, et on le préservera contre la perver-
Traitement et éducation de la digestion. xliu
sion du goût. Les aliments produiront sur les papil-
les de la langue une sensation plus prolongée, par-
tant plus sensible et le sens du goût subira ainsi un
commencement d'éducation.
Lorsque l'idiot sera devenu capable d'attention et
d'imitation, on devra à chaque repas lui faire pro-
duire les mouvements nécessités par une bonne mas-
tication (1).
Louis B... a une mastication lente et défectueuse;
comme chez lui la déglutition ne s'effectue qu'avec
une certaine difficulté, nous avons réussi à lui faire
mieux mâcher ses aliments, en lui donnant deux bou-
chées presque coup sur coup. Il est arrivé que, tandis
que la première était avalée plus ou moins mâchée,
la seconde étant restée plus longtemps dans la bou-
che pendant la mastication rudimentaire, c'est vrai
mais réelle de la première, avait bénéficié du mouve-
ment des mâchoires et avait subi une mastication et
une insalivation plus complètes, ce qui l'avait mieux
appropriée à la déglutition. Avec lui, nous faisions
en sorte qu'il eut toujours deux bols alimentaires
dans la bouche. Faut-il dire qu une grande surveil-
lance est de rigueur ?
Si nous avons cité cet exemple, qui est en contra-
diction avec ce que nous disions plus haut, c'est pour
montrer que c'est à l'éducateur de modifier les exer-
cices que nous proposons et que nous avons expéri-
mentés, suivant les exigences de l'organisme, auquel
il aura à faire.
d) Déglutition. Certains idiots avalent glouton-
nement tout ce qui remplit leur bouche et sont ainsi
exposés à de graves accidents : arrêt d'un bol alimen-
taire volumineux et mal mastiqué, à la partie supé-
(1) Les exercices préliminaires pour l'éducation de la parole contribuent,
ainsi que nous le dirons, à l'éducation de la mastication. .
xi.iv Traitement et éducation de la digestion.
rieure de l'oesophage, ou au niveau de l'épiglotte, ou
encore passage des aliments dans le larynx ou
la trachée. Ces accidents seront parés si l'on a
pris la précaution que nous avons indiquée au
point de vue de l'ingestion et de la mastication
des aliments.
e) Digestion stomacale. Rumination. Quelques
idiots ruminent, surtout les idiots complets. A peine
ont-ils terminé leurs repas, qu'ils font remonter dans
la bouche les aliments déjà avalés, comme pour les
soumettre de nouveau à une plus complète mastica-
tion. Cette rumination, que l'on désigne sous le nom
de méryeismc, est avant tout une mauvaise habitude,
au moins dans les cas que nous avons observés. Elle
se manifeste lorsque l'idiot se trouve livré à lui-même
et qu'il vient de manger quelque plat dont il est très
friand. Nous parlons, bien entendu, de la rumination
à son début, car si on laisse cette habitude s'enraci-
ner chez l'enfant, elle se montrera indistinctement à
tout instant du jour, même lorsque l'enfant sera dis-
trait. Il faut donc s'en occuper dès qu'on l'observe.
Pour la faire disparaître il est de toute nécessité de
prendre l'enfant aussitôt la dernière bouchée avalée ;
de l'occuper, de le distraire, de le fatiguer, pour don-
ner aux aliments le temps d'être dilués complètement
dans l'estomac, d'où ils ne resortiront plus. Il est bon
aussi de priver, au moins pendant quelque temps, l'en-
fant des mets qu'il affectionne plus particulièrement,
et qu'il pourrait ruminer pour les savourer une seconde
fois.
Emile L... aime beaucoup le fromage de Roquefort ;
le jour où on lui en donnait, il ruminait plus que ja-
mais ; il en étai le même quand il mangeait des mar-
rons. Nous avons été obligé de le priver de ces deux
desserts, et aussitôt la rumination ne se produisit
plus qu'à de lointains intervalles.
Traitement et éducation de la digestion. xlv
La distraction nous fut aussi d'un grand secours
pour le traitement do ce miryeole. A peine avait-il
fini de manger que, sournoisement, il allait s'asseoir
« en tailleur » dans un coin du préau, ou sur sa
chaise percée, il posait le coude sur le genou et le
menton dans la main, et se mettait à ruminer dans
cette attidude méditative. Le faisait-on courir, sauter,
jouer en sortant du réfectoire, il se mettait à rire et
ne ruminait pas.
Une bonne mastication est un des moyens préven-
tifs à employer contre la rumination. Nous ne parlons
pas ici de la volonté, les idiots complets n'étaient capa-
ble d'en faire preuve (1), mais si nous avons su provo-
quer en eux l'attention, nous la ferons intervenir pour
nous aider faire disparaître cette lâcheuse habitude
d'autant plus répugnante que l'idiot mérycole n'a
aucune retenue.
L'éducation de l'estomac se fait, pour ainsi dire,
sans qu'on s'en doute. La régularité dans l'heure des
repas, comme dans la quantité de nourriture servie,
suffit pour l'habituer à digérer normalement et à faire
disparaître les vomissements, les indigestions, dûs à
une mauvaise hygiène de la fonction digestive.
g) Défécation. Il en est de même pour tout
ce qui a rapport à la défécation. Afin de provoquer
chez l'enfant des selles à une heure régulière, il est
nécessaire de le placer tous les jours sur le siège à
des heures fixes, dès le réveil, au matin; après cha-
que repas, le soir avant le coucher, et souvent une
fois dans la nuit. Il est évident que dans le cours de
la journée il faudra provoquer plus souvent l'urination
de l'enfant et aussi tenir compte des habitudes qui ont
été prises dans la famille. A ce sujet, nous croyons bon
{1} Bourneville et Scglas. Eluda sur le Méricusme, iCompte-rendu cite
service des enfants idiots de Bicêtre pour l'année 1893).
xlvi Traitement et éducation de la digestion.
de recommander de ne pas aller trop loin pour la fré-
quence de la mise sur le siège, il faut savoir gar-
der une mesure, sous peine de faire contracter à l'en-
fant l'habitude d'uriner à chaque instant. Louis
B... s'est trouvé dans ce cas. Sa mère pour empê-
cher qu'il ne se souillât, le mettait à chaque instant
sur le vase, ce qui a produit une incontinence d'u-
rine, en quelque sorte permanente.
Dans l'éducation de la défécation et surtout de la
miction, il convient d'observer très attentivement les
enfants, de noter pendant un certain nombre de jours,
l'heure des évacuations liquides ou solides et, d'après
le tableau ainsi dressé, de placer l'enfant sur le vase
ou sur le siège. Grâce à ces précautions, on arrivera
fréquemment à un bon résultat, et à éviter que l'en-
fant ne se souille, d'où avantage pour l'enfant et éco-
nomie pour la famille. Il faut aussi observer les enfants
pour se rendre compte si le besoin de la miction ou
de la défécation ne se manifeste pas par un cri, un
geste, un signe quelconque, et en profiter pour les
mettre sur le vase.
Bien que l'enfant soit assez développé pour aller
seul au siège, il faut l'y conduire de peur qu'il ne l'ou-
blie ; car, par étourderic ou amour du jeu, il lui arri-
vera souvent de préférer rejoindre ses camarades que
d'aller au siège sous le prétexte que le besoin n'est
pas pressant ; et qu'arrivcrat-il ? c'est que dans la fiè-
vre du jeu, lorsque le besoin demandera une satisfac-
tion immédiate, l'enfant, pour ne pas se déranger, se
laissera aller et nous courrons le risque de le rendre
gâteux. Nous avons observé ce fait plusieurs fois (1).
Traitement et éducation de la respiration et de la
(1) Ce mode de traitement auquel ou peut ajouter utilement les douches
ttno-périnéales est celui qui est mis régulièrement à contribution a Hicétre,
à la Fondation Vallée et à l'Institut médico-pédagogique de Vitry.
Traitement et éducation de la respiration, xi.vii
circulation. La respiration étant une fonction indis-
pensable à la vie, nous n'avons pas à en faire l'éduca-
tion. Nous avons eu cependant plusieurs fois l'occasion
d'attirer l'attention des enfants sur la mécanisme de la
respiration, afin de les exercer, pour ainsi dire, à aug-
menter la capacité de leurs poumons et leur permettre
de soutenir plus longtemps l'expiration pour l'émission
d'un son quelconque. Nous reviendrons sur ces exerci-
ces ultérieurement, à propos de l'éducation de la
parole.
Ce qu'il importe cependant de dire de suite, c'est
qu'il faut permettre à l'idiot de respirer toujours en
plein air, de le tenir enfermé le moins possible, alin
d'activer chez lui la respiration et la circulation qu'ont
une tendance à se ralentir, étant donnée l'incrtie du
sujet. C'est pour cela que, plus que pour tout autre
enfant, les leçons en plein air présentent de sérieux
avantages.
Que les vêtements soient amples, qu'ils n'opèrent
de constrietion ni au cou, ni sur la poitrine (1), qu'ils
permettent la dilatation la plus large possible de la
cage thoracique, et que, sur aucun point du corps, ils
n'opèrent de pression exagérée soit sous forme de
jarretière, soit sous forme de ceinture ou de corset.
Lorsque nous aurons à parler du sens musculaire,
nous indiquerons les différents excercices qui ont spé-
cialement pour but de développer les muscles qui pré-
sident à ces diverses fonctions (Gymnastique propre-
ment dite).
Parmi les malades les plus atteints, il en est beau-
coup chez lesquels la circulation est ralentie, la tem-
pérature légèrement au-dessous de la normale ; ils
présentent une cyanose plus ou moins prononcée des
(1) Ces précautions sont d'autant plus pressantes, que, parmi les idiots, il y
en a, dans une certaine proportion, qui sont sujets â des accès de colère et
d'épilepsie.
xlviii . Enseignement professionnel.
mains et des pieds ; ils sont sujets aux engelures. En
outre du traitement général dont nous parlerons plus
loin, il conviendra, en outre, de veiller à ce que les
mains et les pieds soient couverts d'une façon conve-
nable durant la mauvaise saison. (1).
Enseignement professionnel. Nos efforts cons-
tants tendent d'abord à leur apprendre tout ce qui est
nécessaire pour en faire de bonnes ménagères. Le
matin, après leur toilette, qui est surveillée attentive-
ment, on leur enseigne à faire leur lit, à entretenir
proprement leur dortoir. Elles mettent et retirent le
couvert, lavent la vaisselle. Dix des moins arriérées
aident le personnel à apprendre à manger aux enfants
incapables de manger seules et à perfectionner celles
qui mangent malproprement.
Les deux ateliers que nous possédons ont fonctionné
régulièrement cette année comme la précédente.
Le travail évalué par M. Bru, économe de Bicêtre,
s'est élevé à 1 .22 francs pour l'atelier de couture,
dirigé par M ? Ehrmann, et à 1.1 58 francs pour l'atelier
de repassage, dirigé par M'"c Lcjeunc. Total : 2.383
francs ; soit 101 francs de plus qu'en 1893.
20 enfants savent faire la layette, 15 du crochet, 15
savent marquer, 6 commencent à faire de la tapisserie.
Visites, permissions de sortie et congés. Les
enfants ont reçu 2.101 visites. Les visiteurs ont été au
nombre de 3.502.
Visites, bains et hydrothérapie. xlix
l Promenades et distractions.
l'année 1894. Des bidets sont installés pour nettoyer
les petites filles gâteuses et, à l'occasion pour les
jeunes filles pubères pendant et après leurs règles,
car nous estimons que tout médecin digne do ce nom
doit veiller à l'hygiène sexuelle. Les enfants vali-
des vont prendre leurs douches dans la section des
enfants de Bicêtre et les enfants invalides les prennent
à la Fondation même où l'installation hydrothérapique
a été améliorée. Les bains de pieds sont également
donnés à Bicêtre où il existe, comme nous l'avons
dit déjà, une installation rendant facile le lavage
simultané des pieds d'un grand nombre de malades,
aussi sera-t-il nécessaire, le moment venu, de faire
une installation semblable à la fondation Vallée.
Voici la statistique des bains et des douches donnés
cette année à la fondation Vallée :
, Améliorations diverses. ' ' , n
. Distractions. Les petites filles de la fondation
Vallée ont participé en 189 't, comme les années précé-
dentes à la distribution des jouets qui a eu lieu le
1er janvier, aux promenades et aux bals costumés
avec les garçons de Bicêtre, le Mardi-Gras, et à
la Mi-Carême. De môme aussi que les années précé-
dentes les petites filles valides de la Fondation ont
assisté à toutes les fêtes données à Bicêtre : matinées
dramatiques organisées par les garçons de Bicêtre ou
par les artistes de la Gaité Montparnasse, concert de
de la fête du 14 juillet. etc. L'économe de Bicêtre,
M. Bru, a acheté pour la Fondation Vallée un mano-
pan qui permet do faire danser les petites filles chaque
dimanche après la visite de leurs parents.
Améliorations diverses. Au mois de décembre,
on a procédé à la réfection du sol de la galerie qui va
du réfectoire aux classes.
Cours de dessin. M"lc Bru, femme de l'économe
de Bicêtre et maîtresse de dessin des écoles munici-
pales, s'est proposée pour donner deux fois par semaine
une leçon de dessin aux élèves les plus avancées de la
Fondation Vallée ; naturellement nous avons accepté
sa proposition avec empressement. Elle a commencé
le 4 janvier. Nous avons signalé à la Commission de
surveillance dans sa visite du 31 mai les progrès faits
par nos malades sous son habile direction. « En les
faisant bénéficier gratuitement de ses connaissances
artistiques et de son habileté professionnelle, avons-
nous dit, M"10 Bru a bien mérité et de l'Administration
et de la Commission de surveillance. » M. Le Roux, au
nom de l'Administration, et M. Potier, au nom de la
Commission, adressent leurs remerciements ainsi que
leurs félicitations à Mrao Bru. »
Maladies épîdémiques. L'enfant Gauche... ayant
lu Mouvement de la population.
contracté la variole a été soignée au pavillon d'isole-
ment. Deux autres enfants, Robine... et Voila... ont
été traitées pour la rubéole; ces trois cas ont été
suivis de guérison.
Teigne. Les enfants Le Gall..., Dentrou...,
Lapor..., Picho..., et Olivi..., ont été traitées pour la
teigne au pavillon d'isolement de Bicêtre, 3 en sont
sorties guéries dans le courant de l'année.
Maladies intercurrentes. Elles ont été peu
nombreuses : tuberculose avec congestion pulmonaire,
1; cachexie, 3 ; fièvre typhoïde, 1. Les en-
fants soignées pour maladies contagieuses ont été
conduites au pavillon d'isolement de Bicêtre sans
qu'il soit résulté d'inconvénients du mélange des
sexes.
II.
Statistique. Mouvement de la population.
Le 1er janvier 1894, il restait à la Fondation 131
enfants se répartissant ainsi :
DÉCÈS.
LUI
Tableau des Décès.
Personnel du ssrvice. lv
Sorties. Le tableau ci-après indique les motifs
de la sortie et la nature de l'affection dont étaient
atteintes les malades (p. lvi).
Évasions. Comme les années précédentes, nous
n'avons pas eu d'évasion en 1894.
Transferts. Ils ont été au nombre de 5, ceux des
enfants : Rainer... dirigée sur l'Italie ; Péchen... sur
l'asile de Dury ; Klein... sur Ville-Evrard et Guillo...
sur l'asile de Prémontré.
Population au 31 décembre 1894. Il restait à la
Fondation 130 enfants se décomposant ainsi :
- Personnel DU service. lvii
premier lieu à la surveillante, M110 Langlet, que nous
devons les résultats obtenus pour l'amélioration et la
guérison d'un certain nombre des enfants.
II.
Rapport sur le projet définitif pour la construction d'un
bâtiment de cent lits à la Fondation Vallée, présenté
par M. BOURNEVILLE (II.
Messieurs,
Dans votre sénncc du 2 juin 1892, nous vous avons
présenté un premier rapport sur un projet d'agrandis-
sement de la Fondation Vallée. Quelques mois plus
tard, nous vous avons soumis un programme com-
plet sur l'organisation de la future section (1er décem-
bre 1892). Dans la séance du 9 mars 1893 nous
vous avons lu un troisième rapport relatif à la cons-
truction d'un pavillon de 100 lits. Nous vous avons
alors indiqué un certain nombre de modifications qu'il
nous paraissait utile d'introduire dans le projet dressé
par M. l'architecte, à la suite d'une délibération du
Conseil général en date du 27 octobre 1892. Le Con-
seil général, à cette date, avait voté l'inscription au
budget départemental d'un crédit de 235.000. Dans sa
séance du 23 octobre 1893, le Conseil général approu-
vait le projet tel que vous l'aviez modifié (9 mars
1893). Pourquoi ce projet n'a-t-il pas reçu un commen-
cement d'exécution ? M. le Directeur des affaires dépar-
tementales nous le fait connaître en ces termes :
A raison des conditions dans lesquelles avait été dressé
cet avant-projet, fait à petite échelle, il était impossible
de mettre les travaux en adjudication et de passer à l'exé-
cution avant d'avoir fait établir un projet définitif, étudié
dans tous ses détails.
Nous nous bornons à faire remarquer qu'entre votre
vote (9 mars 1893) et celui du Conseil général (23
(1) Procès-verbal de la séance du 31 mars 1894, p. 131.
i.viû Fondation Vallée. :
décembre 1893), il s'est écoulé plus de neuf mois.
Dans son rapport, M. Roger, architecte, déclare que :
Le projet définitif a été dressé en tenant compte des
diverses modifications adoptées par la Commission de sur-
veillance des asiles.
Il énumère ainsi ces modifications :
1° Le pavillon sera reculé dans le sens longitudinal de
manière qu'il soit à environ 2G mètres de distance du
bâtiment du gymnase (voir le plan général) ;
2° L'escalier conduisant au 1"' étage sera disposé de
façon qu'on puisse passer dessous pour communiquer à
une galerie qui, dans l'avenir, doit relier entre eux les
divers pavillons à construire parallèlement à celui qui va
être édifié;
3° Suppression de la cloison vitrée formant galerie de
communication intérieure pour les classes et la remplacer
par un auvent extérieur comme cela a élé fait à Bicêtre; .
4" Dans le local qui doit servir provisoirement de réfec-,
toire-ouvroir, remplacer le carrelage prévu par du par-
quet ;
5° Suppression de l'office placée à côté du réfectoire;
6° Rendre l'accès des lavabos ph's facile au rez-de-chaus-"
sée et au 1er étage;
7° Faire accéder directement aux water-closets par les
dortoirs ;
8° Disposer les cabinets d'aisance à effet d'eau automa-
tique, tout à l'égout, sans que les enfants aient rien à
manier.
M. l'architecte donne ensuite une description du
pavillon qu'il nous parait bon de vous faire connaître.
« On y pénètre, dit-il, par un large vestibule central
donnant accès en face, à l'escalier conduisant au 1er étage;
à droite à un grand réfectoire-ouvroir d'une surface de
213 met. précédé d'une lingerie pour l'ouvroir, de deux
water-closets isolés par un dégagement et des chambres
de débarras; à gauche, à cinq classes ayant chacune 33
mètres de surface communiquant directement entre elles
par des portes à ùcux vantaux placées dans l'axe longitu-
dinal ; à l'entrée des classes, des water-closets, un lavabo,
un vestiaire et deux cabinets pour les couchettes roulan-
tes destinées aux enfants : près de la 5e classe deux autres
Agrandissement. lix
cabinets pour les couchettes roulantes, un petit vestibule
de sortie permettant en cas de besoin le dégagement des
classes.
« L'escalier conduit au 1er étage à un vestibule donnant
accès à droite et à gauche à deux dortoirs de chacun 24
lits ayant une surface de 193 mètr. 60 sur 4 mètr. 50 de
haut, ce qui donne un cube de 3G mètres 250 par lit. A
l'entrée de chaque dortoir un lavabo, des water-closets, une
chambre de surveillante et une chamhre de débarras. »
Pour rester dans le crédit voté, M. l'architecte dit
qu'il a cherché le mode de construction le plus sim-
ple possible et que finalement il a adopté le sui-
vant :
« Suppression de la pierre de taille, suppression du moel-
lon piqué, les plafonds peints à la colle au lieu de pein-
ture à l'huile, partout où il a été possible remplacer le
chêne par du sapin dans les ouvrages en menuiserie, etc.
« Ce pavillon serait construit de la manière suivante :
Les fondations reposeraient sur des puits remplis de
béton descendus jusqu'à la masse solide à une profondeur
d'environ 10 mètres, reliés entre eux par des arcs en meu-
lière et ciment ; les murs des façades seraient entièrement
en meulière et mortier de chaux hydraulique depuis les
plus basses fondations jusqu'à l'arase de la plate-forme
du comble, les portées basses jointoyées en mortier, les
intérieurs ravalés en plâtre et l'extérieur recouvert d'en-
duit dit tyrolien, les murs de refend et d'escalier seraient
en brique façon Bourgogne. Les baies du i" étage fer-
mées par des arcs en briques, celles du rez-de-chaussée
avec des linteaux en fer apparents ; les piles et bandeaux
en pierre seraient remplacés par de la brique ; les plan-
chers en fer à T hourdés en plâtras et plâtre.
« Toute la charpente en sapin, sauf la plate-forme rece-
vront les chevrons.
«La couverture en tuile mécanique avec larmier et gout-
tière pendante en zinc n° 14.
« La menuiserie des croisées en chêne, les portes bâti-
chêne et panneaux sapin ; les cloisons des classes n'étant
que provisoires seront tout en sapin.
« Le parquet du rél'ectoire-ouvroir, des classes et des
dortoirs en chêne 0'"027 à l'anglaise (celui des dortoirs
pourrait être en pitchpin).
« Les vestibules, les lavabos, les water-closbts, les cham-
lx Fondation Vallée.
bres de débarras dallés en ciment. Les appareils sanitaires
des water-closets à effet d'eau automatique, tout à l'é-
gout.
Le Roux. Par délibération du 27 décembre 1892 le Con-
seil général a voté l'inscription au budget départemental, pour
cette construction, d'un crédit de 235,000 fr. Or le devis pré-
présenté par M. l'architecte Roger s'élève à 2G9.000 fr. soit une
différence en plus de 39.000 fr. Afin de ne pas nous trouver
dans l'obligation de demander un nouveau crédit au Conseil,
je propose à la Commission d'émettre le voeu que la hauteur
des étages, qui est lixée dans les plans et devis à 4mô0 soit
réduite à i mètres. Cela ferait un mètre de contructions en
moins et permettrait de réaliser une sensible économie.
M le Président. Avec cette réduction dans la hauteur
des étages, M. l'architecte estime- t-il que le crédit de 235,000 fr.
suffirait à la construction de ce pavillon.
M. Roger. Je crois que clans ces conditions le crédit voté
serait suffisant.
A la suite d'une discussion à laquelle prennent part, M. le
Président, M le Rapporteur, M. Puteaux, M. le Dr Du
Mesnil et M. Le Roux, la Commission consultée émet le voeu
en vue de se maintenir dans les crédits votés par le Conseil
général, que la hauteur des étages de ce pavillon soit rame-
née de 4m50 à 4 mètres (I).
M. Bourneville, rapporteur. M. l'architecte
regrette que la Commission et le Conseil général se
soient décidés à mettre un seul lit par trumeau ; il
invoque à l'appui de ses regrels, la disposition qui
existe dans les asiles de la Seine et qui consiste à
placer deux lits par trumeau. Nous rappellerons une
fois de plus que la plupart des médecins qui se sont
occupés de la construction des asiles d'aliénés ont
préconisé la disposition que nous avons fait prévaloir
dans le service des enfants de Bicêtre et à la Fonda-
tion Vallée. Cette disposition est. d'ailleurs, encore
plus utile quand il s'agit d'enfants : leurs lits se trou-
vent ainsi mieux séparés, ce qui évite de sérieux
(1) L'argument principal qui a été invoqué consistait en ce que, ei la Coin-
mission n'acceptait pas la proposition qui lui était faite, le Conseil général
reruserait tout nouveau crédit et qne par conséquent la constrution du bâti-
ment serait ajournée indéfiniment ! '.
Agrandissement. lxi
accidents et la multiplicité des fenêtres, surtout si
on adopte la forme qui existe à Bicêtre, constitue
une meilleure condition d'hygiène tout en offrant à
l'oeil un aspect agréable.
M. Roger fait une autre remarque : «Par suite, dit-
il, du reculement du bâtiment à 26 mètres du gym-
nase, la construction à élever s'est trouvée augmen-
tée de tout un étage en plus des premières prévisions ».
Or, le reculement en arrière demandé par la commis-
sion n'était que de 2 mètres (Procès-verbal, 1893,
page 83).
M. l'architecte ajoute : « Le remplacement de la
galerie intérieure desservant les classes par un auvent
vitré dans toute la longueur du bâtiment soit 72
mètres, est aussi venu faire un surcroît de dépense »
Il s'agit d'une galerie provisoire, appelée à disparai-
tre, à moins qu'elle ne s^it faite de telle façon qu'on
puisse la transporter au bâtiment définitif des classes.
En tout cas, nous pensons qu'elle ne doit être vitrée,
mais couverte en zinc, comme celle de Bicêtre qui a
été signalée comme modèle à M. l'architecte. Cette
modification est d'autant plus nécessaire que le bâti-
ment a un étage et que de cet étage il y aura souvent
des projections d'objets divers qui chaque jour brise-
ront des carreaux de la galerie. A ce propos, nous
ferons remarquer qu'il est nécessaire de prévoir aux
portes et fenêtres des carreaux plus petits que ceux
qui ont été choisis à Bicêtre, malgré nos avertisse-
ments réitérés et, comme modèle, nous signalerons
les carreaux de la nouvelle porte des ateliers.
A titre de renseignement, nous croyons bon de vous
indiquer les résultats des sondages du sol faits sur
l'emplacement du nouveau pavillon à construire à la
Fondation Vallée.
Les quatre puits forés sont aujourd'hui terminés et
arrêtés à la glaise compacte, sur laquelle on pourrait éta-
blir la fondation. Ils ont une profondeur moyenne de 12
mètres sur lm20 de diamètre. Par suite de ce sol défectu-
eux, la plus-value des fondations à prévoir serait la sui-
vante :
lui Fondation" Vallée.
La fouille de 50 puits de 12 mètres et de lm20 de diamè-
tre dans la masse demi-dure, compris transport et
Agrandissement. LXIII
La commune de Gentilly, à qui le projet a été sou-
mis, a trouvé que cette canalisation lui servirait peu et
a ajourné cette question surtout en prévision de la
séparation de la commune. Si cette séparation est pro-
noncée et nous le regretterions il y aurait lieu
d'examiner si la commune du Kremlin s'arrêterait au
chemin de l'IIay, laissant en dehors la Fondation, ou
si la dite commune descendrait jusqu'à la rive droite
de la Bièvre, englobant la Fondation. Après un exa-
men attentif du cours de la Bièvre, nous inclinerions
vers cette dernière délimitation. Alors, la question de
la participation de la commune nouvelle, le Kremlin-
Bicêtrc, ne ferait pas de doute, les doux établisse-
ments étant dans la même commune qui en retire de
sérieux avantages.
L'administration de l'Assistance publique a, de son
côté, reçu le dossier de ce travail et l'a fait étudier par
le service d'architecture qui dans le but d'envoyer les
eaux vannes de la partie ouest de Bicêtre dans cette
canalisation a proposé à l'Administration d'accepter le
projet.
Tout le dossier est à l'Administration de l'Assis-
tance publique et doit être présenté prochainement
au Conseil de surveillance.
Alimentation d'eau. Nous demandons à la Com-
mission de renouveler sun voeu en ce qui concerne
l'alimentation de la Fondation en eau de source.
La proximité de l'aqueduc de la Vanne et l'augmenta-
tion de l'aprovisionnement de Paris en eau de bonne
qualité rendent cette mesure facile.
Jetons maintenant un cuup d'oeil sur les p)lans.
Celui qui représente l'élévation sur les deux faces
montre que le bâtiment sera aussi simple que possible.
Peut-être conviendrait-il d'agrandir les fenêtres de
la partie centrale qui nous paraissent beaucoup trop
étroites et laissent, entre les 'enêtres les plus rappro-
chées, un grand vide, désagréable à l'oeil.
Adopté.
lxiv . Fondation Vallée.
Les ouvertures du sous-sol, suivant nous, devraient
être plus hautes, et peut-être aussi plus rapprochées.
La hauteur du sous-sol étant de 2 m. 75, il y aura lieu
de l'utiliser pour des services secondaires, tel que cela
a été fait à Bicêtre (salle de bains de pieds, salle pour
cirer les chaussures, préau couvert, etc.).
Adopté.
Le plan du rez-de-chaussée indique que l'entrée des
water-cloocts donnera sur le vestibule d'entrée ; elle
devrait au contraire donner directement dans les dor-
toirs, afin de faciliter la surveillance des enfants quand
ils vont aux cabinets.
Adopté.
La pièce indiquée actuellement comme lingerie
servira plus tard de lavabo. La même remarque s'ap-
plique au : ; cabinets du l" étage. Pour ce qui a trait
à la disposition des armoires pour les serviettes, les
peignes cl brosses, nous appelons l'attention de l'ar-
chitecte sur les armoires qui existent à Bicêtre et
dans les dortoirs actuels de la Fondation.
Sous le bénéfice de ces remarques, nous vous pro-
posons d'approuver la construction du bâtiment pro-
jeté.
Adopté.
DEUXIEME PARTIE
Méthode d'observation et procédés d'examen des enfants
idiots et arriérés.
Bourneville, Bicêtre, 1894. 1
A NOS LECTEURS (i).
Suspecter et injurier est très
aisé; il n'y faut qu'un peu
de BASSESSE.
(Le Figaro, mars 95).
Ciiers Lecteurs,
Tous, probablement, vous avez lu clans votre jour-
nal politique un résumé plus ou moins exact de la
Question qui a été posée et discutée le 15 mars au
Conseil municipal de Paris, au sujet de nos procédés
d'observation, des examens (et non des expériences),
conformes, d'ailleurs, aux indications des Maîtres de
la médecine, que nous employons ou faisons dans notre
service d'enfants nerveux de l'hospice de Bicêtre.
Vous qui nous lisez et qui savez quel soin scrupu-
leux nous apportons dans nos travaux scientifiques,
quel respect profond nous avons des malades, vous
avez fait déjà bonne justice des accusations calom-
nieuses qui ont été portées contre nous. Toutefois, en
raison des insinuations qui ont été faites, des appré-
ciations malveillantes dont nous avons été l'objet,
des « crimes » et des « horreurs » (2) dont on nous
accuse, il nous paraît utile déplacer sous vos yeux tous
les documents de nature à apporter la lumière la
plus complète dans votre esprit. Nous commencerons
par la reproduction du compte-rendu in extenso du
Bulletin municipal officiel de la ville de Paris.
(1) Cet article est extrait du n° 12 (23 1895) du Progrès Médical. Bien que
se rapportant à l'année 1895, nous avons cru utile de le placer, vu son inrérôt
d'actualité, dans le Compte-rendu de 1894 , dont la publication s'est retrou-
vée retardée.
(2) La Croix du 13 mars.
i Question de M. De ville.
I.
Question de M. Deville au sujet des expériences pratiquées
sur les enfants dans certains services de l'Assistance
publique. Adoption d'un ordre du jour de M. Lampué.
M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion
de la question de M. Deville au sujet des expériences pratiquées
sur les enfants dans certains services de l'Assistance publique.
M. Deville. En raison du développement que peut pren-
dre la question inscrite à l'ordre du jour, je crois qu'il vaudrait
mieux en fixer la discussion à lundi trois heures et demie.
Plusieurs voix. Non ! Non ! Tout de suite !
M. Deville. Un certain nombre de mes collègues qui
désiraient prendre part à la discussion sont partis.
Une voix. Ils n'avaient qu'à rester.
M. Deville. Par déférence pour eux, vous penserez sans
doute qu'il convient d'ajourner la discussion à lundi. (Non !
Non ! )
M. Archain. Le débat immédiat ou la suppression de la
question !
M. Caumeau. Il est impossible de laisser peser plus
longtemps sur un homme honorable une accusation odieuse.
(Très bien ! ). L'ajournement, mis aux voix, est repoussé.
M. Bassinet. Je constate que ce sont nos collègues do
la droite qui ont voté pour l'ajournement.
M. le Président. La parole est à M. Georges Villain qui
veut présenter une motion préjudicielle.
M. Georges Villain. Je demande au Conseil, avant
l'ouverture du débat, d'adopter la résolution suivante :
« Le Conseil, considérant que la nature de la question posée
par M. Deville au directeur de l'Assistance publique implique
par elle-même des explications délicates :
a Considérant qu'il est nécessaire que le Conseil puisse en-
tendre tous les renseignements, de quelque ordre que ce soit,
qui pourront l'éclairer complètement sur le caractère des
observations physiologiques dont il s'agit,
« Délibère : La question de M. Deville sera discutée en
comité secret. Signé : Georges Villain, Hattat, Clairin,
Vorbc, Machette, Foussicr, Paul Escudier, Bellan, Ilervieu,
Caplain, Gibert, Bassinet, Maury, Marsoulan, Piperaud,
Thuilicr, Cornet. » (Protestations, Bruit prolongé.)
M. Caumeau. Non ! Non ! Au grand jour ! 1
M. Lampué. Pas d'hypocrisie !
REJET DU huis-clos. 5
M. le Président. Je mets aux voix le projet de résolution
déposé par M. Villain. J'ai reçu une demande de scrutin. Le
scrutin auquel il est procédé sur la motion préjudicielle de
M. Georges Villain donne les résultats suivants :
6 Question de M. Deville.
les explications que je vais lui donner, je répondrai tout
d'abord à une préoccupation qu'exprimait l'honorable prési-
dent du Conseil général, M. Bassinet, qui a prêté à mes
collègues de la droite l'intention de. mêler à ce débat l'affaire
de Cempuis ; et je dirai tout d'abord cpiel est le lien qui peut
exister entre cette affaire et celle qui a motivé la question
que j'ai inscrite à l'ordre du jour.
Au cours de l'enquête que la Commission du Conseil géné-
ral a été chargée de faire au sujet de certaines allégations
formulées contre le directeur de l'école de Cempuis et sur
la révocation dont il a été l'objet, j'ai été à même, comme
tous les membres de la Commission, d'avoir sous les yeux
les procès-verbaux de la Commission administrative de
l'école.
J'ai trouvé dans un de ces procès-verbaux la relation de
faits graves à la charge du médecin-inspecteur, qui avait
fait à l'école une ou plusieurs visites et qui avait cru devoir
pratiquer certaines observations expérimentales sur les or-
ganes de puberté chez les enfants. Les termes de ce procès-
verbal indiquent qu'une émotion très vive s'est manifestée
dans le sein de la Commission administrative de Cempuis ;
cette émotion s'est manifestée aussi dans l'esprit du directeur
de l'école, M. Robin.
M. Bassinet. Cela prouve que la perversité dont on a
parlé n'existe pas.
M. Deville.- C'est parce que ces faits sont tout à l'honneur
de M. Robin et de la Commission que je me suis cru en
droit de les rappeler.
Les membres de cette Commission, et plusieurs d'entre eux
font partie du Conseil général, le directeur de Cempuis, M.
Robin, sont certes des personnes qui sont animées d'idées
très larges au point de vue de la moralité publique et de l'hy-
giène, et, pour qu'une décision grave ait été prise à leur ins-
tigation contre le médecin-inspecteur dont j'ai parlé, j'ai été
amené à penser que ce qui s'est passé était extrêmement sé-
rieux. Nous n'avons pas pensé, je n'ai pas besoin de le dire, que
nous devions pousser plus loin nos investigations à Cempuis,
et qu'il nous convenait d'interroger soit les enfants qui sont
encore à l'orphelinat, soit les jeunes filles qui l'ont quitté.
Je suis, du reste, de ceux qui pensent que l'on ne doit pas
plus questionner les enfants que les examiner avec indiscré-
tion.
M. Grébauval. Dites bien que M. Robin et la Commision
ont blâmé ces faits, je tiens à ce que soit dit.
M. Deville.- Je ne fais aucune difficulté de rendre justice
Examen DES enfants de Bicêtre. 7
en cette circonstance à M. Robin et à la Commission, et à vous
donner satisfaction sur ce point. Je disais donc que nous n'a-
vons pas voulu faire une enquête spéciale sur ces faits ; seule-
ment j'ai demandé à M. Robin s'il pouvait nous donner quel-
ques explications sur ces examens et sur les conditions dans
lesquelles ils se faisaient.
M. Robin nous a répondu que le sujet était trop grave et
trop délicat pour qu'il pût nous répondre sans s'être mis d'ac-
cord avec l'Administration ; c'était nous dire que nous ne sau-
rions rien que ce que l'Administration jugerait convenable de
nous dire.
Le sous-directeur, je crois, déclara ne pouvoir nous don-
ner de détails, mais que si nous tenions à savoir ce qui s'était
passé à Cempuis nous n'avions qu'à nous renseigner sur les
faits qui se produisent dans le service des enfants assistés
de Bicêtre.
M.Paul Strauss. Dans le service des enfants idiots.
M. Deville.- Ceci m'amena à me préoccuper de ce qui se
passe à Bicêtre. Je ne pouvais me livrer directement à une
enquête, n'ayant pas mandat de le faire, et il est probable d'ail-
leurs que je n'aurais obtenu aucune explication de la direc-
tion de Bicêtre.
Je me suis donc adressé à un certain nombre de personnes
ayant fait partie du personnel de Bicêtre et ayant eu occasion de
savoir ce qui se passait dans le service; ces personnes m'ont
paru peu désireuses de me donner des explications (1). Je ne
pouvais prendre d'informations auprès des personnes en ser-
vice ; je me suis adressé à des médecins, à des internes. J'ai
trouvé auprès d'eux sinon plus de disposition à me renseigner,
du moins une plus grande amabilité dans l'accueil. Mais, quand
je leur ai demandé des détails sur le point qui me préoccupait,
ils ont paru disposés à se retrancher derrière le secret pro-
fessionnel ou des sentiments de confraternité.
Ne pouvant obtenir d'explications directes, je leur ai posé
deux questions, la première : Pensez-vous que les faits qui
se passent à Bicêtre tels qu'ils sont expliqués par le chef de
service aient quelque valeur et puissent avoir des conséquen-
ces au point de vue scientifique ? Ils restèrent silencieux.
Nous ne savons ce qui se passe à Bicêtre que par ce que
le directeur du service, M. le docteur Bourneville, a cru de-
voir publier dans un journal qu'il dirige. Ce journal est fort
(1) Si ces personnes lisent le réquisitoire de M. Deville, elles se féliciteront
de leur discrétion qui les a empécliées de se rendre complices d'une mauvaise
action (B.). ,
8 QUESTION de M. Deville.
répandu si on en juge par la large publicité d'annonces qui
y est faite. On le trouve dans les établissements hydrothéra-
piquos, dans les stations balnéaires ou villes d'eaux et cer-
tains pères de famille, sous les yeux de qui il était tombé, se
sont émus parfois en raison des indications et des figures
que les enfants pouvaient y trouver.
Dans l'article qu'il a publié (1), M. le docteur Bourneville a
déclaré que c'était une réponse aux critiques adressées à
son service. C'est donc une apologie. Vous ne vous étonne-
rez pas, Messieurs, qu'il y ait, dans les expressions de cet
article, des atténuations ou des phrases qui nécessiteront
des explications complémentaires. Mais, tel qu'il est, il en
dit assez pour que nous devions établir une discussion sé-
rieuse du système. Voici, Messieurs, la partie de cet article
qui concerne le sujet qui m'amène à cette tribune.
« Tout d'abord, on note le poids, la taille, les dimensions
de la tête, la force dynamométrique. Chez les hémiplégiques
on prend, en outre, les mensurations comparatives des mem-
bres. Ensuite on décrit minutieusement la tête, la face, le
tronc, les membres, les organes génitaux, en relevant les
anomalies présentées par le malade, tous les signes de dé-
générescence (description analomique.) Vient, après, la revue
des différentes fonctions (digestion, etc.), des facultés intel-
lectuelles et des sens. Pour cette partie, les notes des
instituteurs et des infirmiers nous fournissent un précieux
concours. Ces derniers renseignements constituent la des-
criplion pliysiolog ique. En somme, nous nous conformons à
cette règle des cliniciens de tous les pays qui recommandent
d'examiner le malade a capite ad calcem.
o La loi veut aussi que, tous les six mois, le médecin fasse
ce qu'on appelle un certificat semestriel. Nous en profitons
pour examiner de nouveau complètement et à nu, naturelle-
ment, tous nos malades. Le poids, la taille, les mensurations
de la tête, etc., l'état des organes génitaux, sont consignés
avec soin, tous les ans, pour les enfants au-dessous de 12 ans,
tous les six mois pour les enfants au-dessus de cet âge. Ces
examens, renouvelés périodiquement, nous ont mis en me-
sure de constater bien des particularités très importantes
pour les malades : ils offrent aussi quelquefois un certain
intérêt scientifique. »
M. Deschamps. Dans le paragraphe que vous avez lu
(1) Bourneville. De l'examen physique des enfants idiots. (Progr. métl.,
t. XX, 1891, p. 411).
Examen des enfants a Bicêtre. 9 .
précédemment, M. Deville, vous avez, sans doute par erreur,
passé quatre ou cinq lignes qui ont leur intérêt.
a Souvent nous avons pu découvrir des hernies au début,
l'arrêt de l'un ou (les deux testicules dans l'anneau inguinal,
des varicocèles, des hémorrhoïdes, quelquefois même des
affections contagieuses. Un certain nomîjre d'enfants sont
atteints d'hypospadias; la miction se fait plus ou moins dif-
ficilement chez eux : nous profitons de chaque cas pour
donner des instructions spéciales et empêcher que l'enfant
ne soit puni pour des accidents dus à son infirmité. »
M. Deville. Je serais revenu sur ce passage, et j'y revien-
drai comme sur plusieurs autres; mais, dans tous les cas, je
vais lire intégralement, ce sera plus simple.
Il ne faudrait pas conclure du passage que je lisais avant
l'interruption que l'on ne fait à Bicêtre que deux examens par
an. On compte les périodes de six mois ou d'un an du jour de
l'entrée de l'enfant, ce qui explique des examens analogues
très fréquents (I). Je continue ma lecture :
« Nous nous sommes attaché depuis longtemps à décrire l'é-
volution de la « puberté tel, par conséquent, le développement
des organes génitaux chez les enfants idiols, épileptiques
et arriérés. Nous indiquons le développement du système
pileux, face, tronc, pénil, etc. Nous prenons la circonférence
et la longueur de..., nous mentionnons le volume des..., leur
inégalité, etc. » (Exclamations.)
M. Arsène Lopin. Mais les cardinaux le font bien pour
le pape. (Hilarité générale.)
M. Levraud. Il y a une formule consacrée : < Testicu-
los habet duos et bene peiulentes. » (Nouveaux rires.)
M. Dubois. Ce qui veut dire qu'il n'en est pas resté dans
l'anneau. Vous savez tous, Messieurs, de quelle importance
il est pour un médecin de savoir comment un malade urine.
M. Alpy. Lisez'clonc lout, pour éviter ces observations.
M. Deville. Mais je n'y vois pas d'autre inconvénient.
Je reprends donc :
« Tout le monde connaît dans le service cet examen régu-
lier et jamais personne n'a songé à s'en plaindre et n'a trouvé
qu'il sagissait là d'observations inconvenantes et défendues
au médecin, ceci soit dit, non pour les médecins, mais pour
les profanes qui ignorent que ce mode d'observation doit
être la règle.
(1) Examen complet pour le certificat de quinzaine; examen tous les six
mois au moment du certificat ou rapport semestriel pour les enfants au-dessus
de 12 ans, une fois par an pour les enfants au-dessous de 12 ans. Cela sulfit.
10 Question de M. Deville.
« Le même procédé d'examen fait sur les idiotes et les
imbéciles nous a fait constater des vulvites d'origine ssrofu-
leuse ou dues à l'onanisme, des hypertrophies consécutives
aux mêmes pratiques, des déflorations complètes, indices
d'une perversion précoce, et conduisant à prescrire une sur-
veillance toute particulière. Il nous a permis aussi de nous
rendre compte des modifications physiques dues à la puberté,
de prévenir ou de traiter les accidents occasionnés par les
premières apparitions des règles. ,
a Ces examens faits régulièrement à l'entrée, puis tous les
six mois depuis 1879, chez les garçons de Bicêtre, et chez les
filles de la fondation Vallée depuis 1890, n'ont jamais causé
aucun trouble moral chez ces enfants, ni provoqué de mau-
vaises habitudes. C'est au contraire pour nous et nos collabo-
rateurs une occasion de constater ces mauvaises habitudes,
d'en faire connaitre le danger aux enfants, de leur donner
des conseils, aussi et surtout d'insister sur la nécessité d'une
surveillance très rigoureuse...
« Il va de soi que l'on ne di.it jamais perdre de vue, dans
ces examens, qu'on a affaire à des êtres humains, et qui plus
est a des malades. Et comme un médecin doit toujours être
très prudent, et se prémunir contre les accusations les plus
injustifiées et les plus folles... »
M. Deschamps. Il avait raison.
M. Deville. M. Bourneville dit évidemment tout cequ'il
faut pour se défendre
M. Deschamps. Personne ne l'attaquait au moment où
il écrit cet article.
M. Prache. Je vous demande pardon ; il savait qae le
procès-verbal de la Commission de surveillance de Cempuis
avait reçu une publicité partielle (1).
M. Deville. Je continue, Messieurs :
« Des recherches de ce g2nre, concernant la croissance et
la puberté, ne peuvent avoir de valeur que si elles sont pro-
longées, jusqu'à vingt ouvingt-cinq ans. C'est ce que nous fai-
sons, non pour tous nos malades, mais pour ceux qui, à dix-
huit ans, passent dans les seelions d'adultes et que nous
pouvons revoir, grâce àl'obligeancedc nos collègues. C'est ce
que nous faisons aussi, pour les malades sortis, chaque fois
qu'ils reviennent nous voir, et le plus souvent en présence
même de leurs parents.
(1) Je n'ai connu le procés-verbal de la Commission que par la lecture du
discours de M. Deville (B.).
Examen des enfants a Bicêtre. 11
« Lorsque nous aurons rassemblé des éléments suffisants,
nous essaierons de faire un tableau du développement de la
croissance des idiots, des imbéciles et des arriérés. Prochai-
nement, l'un de nos élèves, M. Leblais, dans sa thèse, utili-
sera déjà quelques-unes de nos observations (1).
« Il aurait été très intéressant de faire un certain nombre
d'études analogues sur des enfants normaux. Nous aurions
pu ainsi établir une comparaison entre eux et nos malades
et préciser les différences. Pour cela, il aurait fallu des con-
ditions particulières que nous avons songé à rechercher et
que nous avons même eues un instant. »
Voilà l'allusion à Cempuis. Je continue :
« Depuis, plusieurs années se sont écoulées et, comme ces
recherches exigent un temps dont nous ne pouvons mainte-
nant disposer, nous avons dû y renoncer. »
L'arti'cle que je viens de lire (2; contient des indications
vagues, et le système d'observations pratiqué n'est pas expli-
qué. Il est seulement affirmé que jamais les observations
faites sur les fous n'ont présenté aucun inconvénient pour
eux. Cela est possible, mais elles ont pu présenter des incon-
vénients pour d'autres personnes.
Messieurs, je tiens à metlre sous vos yeux le procès-verbal
relatant les observations faites à Cempuis sur les enfants
normaux. Je fais remarquer que ce proccs-veibal date du
24 mars 1S91 et que M. Bourneville n'a fait son article que le
24 novembre. Il devait donc en avoir connaissance (3).
Une voix. Il sagit d'un procès-verbal de 1891.
M. Deville. Parfaitement. En voici les termes : .
« M. Robin croit devoir appeler toute l'attention de la
Commission sur les graves inconvénients qui s'attachent aux
inspections médicales de M. le docteur Bourneville. Ces
inspections, au cours desquelles M. Bourneville poursuit une
série d'observations sur le développement des organes de la
puberté chez les enfants, ont appelé, d'une manière fâcheuse,
l'attention de ceux-ci sur les questions sexuelles et fait naî-
tre dans leurs esprits une émotion et un trouble dangereux.
« Une des conséquences regrettables de cet état de choses,
ajoute M. Robin, a été d'entraîner le départ immédiat de deux
jeunes filles élevées à l'orphelinat et que l'établissements
(1) Leblais. De In puberté dans Vhémiplègie spasmodique infantile. Paris,
1894.
(2)... mais incomplètement, car il manque la fin ainsi qu'on le verra en se
reportant au n° cité du Progr. Mèd.
(3) Je répète que je ne l'ai connu qu'en lisant le discours de M. Deville.
12 Question de M. Deville.
espérait s'attacher pour l'organisation d'un bambinat dont la
création est actuellement à l'élude.
M. Bourneville se préoccupe de rester strictement dans les
limites de son mandat et il en cite, comme preuve, le désir
qu'il a manifesté, dès qu'il a eu connaissance des objections
formulées au sujet de ses inspections, d'être accompagné lors
de son premier voyage à Cempuis par un membre de la
Commission qui appréciera, en toute impartialité, la mélhode
incriminée. M. Bourneville s'est attaché à remplir sa mission
à l'orphelinat avec le dévouement qu'il montre en toutes
circonstances. Il vient de donner de nouvelles preuves de ce
dévouement en consacrant plusieurs journées entières à
l'examen des candidats présentés pour Cempuis et ses bulle-
tins médicaux, véritables critériums de la valeur physique
des candidats, oirt permis à la sous-commissioh de se
prononcer en toute sécurité, sans crainte d'admettre des
non-valeurs.
« M. Robin expose que le procédé d'inspection dont il fait
la critique n'a été appliqué qu'à la deuxième visite à laquelle
il était lui-même empêché d'assister, et à l'inspection suivante
il e'est opposé à son application ; mais cette visite n'en a pas
moins laissé une fâcheuse impression sur les élèves utilisés
comme secrétaires qui ont eu sous leurs yeux les cadres
servant à consigner les observations expérimentales de
M. Bourneville, cadres dont les indications seules étaient de
nature à troubler leur imagination.
« La quatrième visile a été faite à l'occasion de l'épidémie
de rougeole. Un représentant de l'Administration accompa-
gnait M. Bourneville.
« M. le directeur des Affaires départementales fait observer
que si, au début, M. Bourneville s'est laissé entraîner par un
but scientifique sans s'occuper d'autres considérations les
deux dernières inspections n'ont pas donné lieu à des objec-
tions graves. D'ailleurs, pour obvier au dernier inconvénient
signalé, il est loisible de ne plus prendre de secrétaires
parmi les élèves et de soumettre le questionnaire au visa de
la Commission. Toute cause do mal entendu étant ainsi
supprimée, M. Le Roux se demande quelle suite pourrait
comporter cet incident.
« M. le directeur de l'orphelinat se prononce pour la sup-
pression complète des inspections. Il craint, en effet, même
si le médecin- inspecteur revient à l'observation stricte de
son mandat, que ses visites seules, par les souvenirs qu'elles
rappelleront, ne continuent à entretenir parmi les élèves
Examen des enfants a Bicêtre. 13
la fâcheuse émotion qu'elles ont soulevée à l'origine (1). »
M. Alpy. Répondez à cela.
M. Deschamps. Il fallait envoyer cela au ministre !
M. Deville. Je crois qu'il en a eu connaissance.
M. Deville (continuant). o Af.il/ascart constate (2) que les
inspections ont fait naître pour Cempuis un danger que le
caractère spécial de l'orphelinat rend particulièrement
sérieux.
« Cempuis est un établissement exceptionnel où s'appli-
quent des innovations hardies au point de vue de l'éducation.
« Il faut donc veiller à le mettre rigoureusement à l'abri
des suspicions et des atlaques.
« M. Mascart estime qu'on ne peut contraindre le direc-
teur à assumer de telles responsabilités. Dans les établis-
sements d'éducation, dit-il, le directeur joue le rôle et as-
sume la responsabilité d'un père de famille. Or, quel père de
famille consentirait à laisser soumettre ses enfants à des ins-
pections de cette nature ? »
« M. Mascart conclut qu'il ne serait pas légitime d'exami-
ner et d'interroger les enfants de l'orphelinat au-delà des li-
mites autorisées par le directeur de la maison (3).
« Il rend hommage à la science et à l'honorabilité du mé-
decin-inspecteur ; mais il croit fermement qu'en raison de la
mauvaise impression qu'elles ont laissée, il est devenu néces-
saire d'interrompre provisoirement ses visites, sauf à les
reprendre plus tard avec la prudence voulue.
« .1/. le Président croit également qu'il serait à propos de
suspendre les inspections médicales. Il émet, d'ailleurs, des
doutes sur la nécessité des inspections périodiques dans des
circonstances normales. il. Faillet se rallie au sentiment
exprimé par M.Roussello et se prononce pour la suppression
des visites médicales.
« M. Mascart fait ses réserves sur le principe même des
inspections qu'il trouve excellent. Ce n'est pas la mesure
elle-même qu'il condamne, mais bien les recherches scienti-
fiques dont elle a été l'occasion.
« Il estime, en effet, que les observations faites avec pru-
dence et circonspection par un médecin complètent très
heureusement celles que les enfants font sur eux-mêmes,
(1) On voit que M. Deville et ses coreligionnaires ne sont pas seuls à procéder
par insinuation.
(2) M Mascart affirme d'après M. Robin, comme va le faire '.T. Faillet.
(3) C'est en effet ce qu'aurait voulu M. Robin. Alors à quoi bon un inspecteur
si c'est pour ne rien voir et tout admirer ?
14 Question DE M. Deville.
d'après les mesures anthropométriques. Ce médecin se rend
compte de la situation sanitaire générale cle la maison. Il
examine les bulletins individuels des enfants et formule à
leur égard les prescriptions dont leur examen lui révèle l'uti-
lité. Il croit donc qu'il faut suspendre et non supprimer l'ins-
pection médicale.
M. Faillet craint qu'on ne puisse reprendre sans danger
les visites médicales, à cause de l'impression regrettable
qu'elles ont laissée. Cette impression sera longue à s'effacer
et il importe de ne remettre l'inspection en vigueur qu'après
un délai suffisant pour amener l'oubli complet chez les
élèves. »
Voilà comment M. Faillet exprimait son opinion.
« M. Mascart répond que la Commission sera juge de l'op-
portunité de cette mesure.
« A la suite de celte discussion, la Commission décide de
suspendre jusqu'à une date indéterminée les inspections
médicales à l'orphelinat. Puis, sur la proposition de M. le
directeur des Affaires départementales, reconnaissant tout le
prix des services que rend M. le docteur Bourneville pour
l'admission des élèves par le soin scrupuleux qu'il apporte à
sa mission et l'autorité qui s'attache à ses décisions, la Com-
mission décide qu'il restera chargé de l'examen des candidats
et qu'il touchera en cette qualité l'indemnité attachée à ses
fonctions de médecin- inspecteur. »
M. Alpy. On le paie pour un travail qu'il ne fait pas (1).
M. Deville. Vous voyez, Messieurs, qu'il y avait néces-
sité de rapprocher ce procès-verbal de l'article du « Progrès
médical » pour savoir si le docteur Bourneville n'avait pas été
plus loin que son devoir ne le comportait.
D'autre part. M. Bourneville a donné une interview qui a
paru dans « l'Eclair » du jeudi 14 mars courant. Je ne vous
le lirai pas tout entier et je me contenterai de vous donner
connaissance de la seule partie nouvelle, le surplus étant dans
l'article du « Progrès médical ». Je lis :
« Depuis longtemps, je me livre à des études sur le déve-
loppement de la puberté et je ne nie pas je l'ai écrit
qu'il serait très intéressant de faire un certain nombre d'élu-
des analogues à celle que je viens de citer, mais sur des
enfants normaux. Ce serait le moyen d'établir une comparai-
son entre eux et nos enfants malades ainsi que de pré-
ciser les différences.
(1) Nous avons examiné 308 enfants. Nous renvoyons M. Alpy à nos rapports.
Examen des enfants a Bicêtre, 15
« On m'a offert de me nommer médecin-inspecteur de l'or-
phelinat Prévost. J'ai accepté, et on voudra bien croire que
ce n'est pas par intérêt pécuniaire. Le traitement est de huit
cents francs et je devais me déplacer en emmenant avec moi
un interne. « J'ai fait trois visites d'inspection et une -qua-
trième pour conjurer une petite épidémie.
n A ma seconde visite, j'ai examiné l'état des enfants sans
me départir de mon habitude, qui est d'avoir toujours auprès
de moi, en outre de mon interne, des personnes présentes.
J'ai pu me rendre compte de cette facondes soins qu'il fallait
donner à certains enfants, j'ai constaté certaines maladies,
j'ai agi avec prudence et il est absolument faux que je me
sois livré sur des fillettes à d'autres observations.
« J'ai du, parce que j'avais remarqué quelques erreurs,
faire quelques rcstrictions dans mes éloges à la direction de
l'orphelinat. Peut-être M. Robin, dont je reconnais à divers
titres toutes les qualités, m'en a-t-il voulu. (Oh ! Oh !
Bruit.) En tous cas, s'il exact qu'il a regretté l'examen des
enfants, il est non moins exact cjue j'ai demandé à plusieurs
personnes, professeurs ou employés de l'orphelinat, s'il était
vrai qu'à la suite de mes visites on ait remarqué un change-
ment dans les manières des élèves et que, à chaque fois, on
m'a répondu parla négative.
« J'ai agi pour le bien des enfants, cherchant, en les exa-
minant, à connaître des malformations s'il en existait, afin d'y
remédier. Je crois que c'est le devoir du médecin, et si j'en
ai un instant profité pour en tirer un bénéfice au point de vue
scientifique, afin de comparer les enfants normaux aux
enfants de Bicêtre, je me demande en quoi j'ai eu tort.
Voici aussi, pour couper court à un racontar que des
malintentionnés se plaisaient à faire courir, la lettre que m'a
adressée M. Robin. »
Celte lettre est datée du 21 novembre 1894. Voici la preuve
que M. Bourneville connaissait alors les faits (1). En voici le
texte :
« Monsieur, M. L... me dit que le préfet vous aurait
informé que j'aurais rapporté que vous aviez visité nos filles
en tête à tête. J'oppose le démenti le plus formel aux
paroles que le préfet m'a prêtées.
ti Veuillez agréer.... « Robin. »
« Aujourd'hui, ajoute M. Bourneville, si je ne visite plus
Cempuis, j'examine les candidats se présentant au choix pour
(I) Le fait de l'opposition de M. Robin, oui (Voir p. 31-34 le app. Rsur l'Or-
phelinat Prévost) ; mais le procès-verbal de la commission, non.
16 Question de M. Deville.
entrer dans cet orphelinat. Je les examine pour le vaccin
et pour savoir s'ils ne sont pas atteints de maladies conta-
gieuses. Eh bien, ces enfants sont amenés par l'un de
leurs parents ou par leur tuteur. Va-t-on me faire un
reproche de les faire déshabiller et de les examiner ? Et si je
prends avec eux moins de précautions (1) qu'avec les autres,
c'est que, ne devant pas les suivre dans leur développement,
il est des détails qui me sont indifférents. Jamais personne
n'a fait une observation parce qu'on a compris que j'agissais
dans l'intérêt de l'enfant et que je ne pouvais pas examiner
sans voir. »
Vous voyez qu'ici la défense prend une forme personnelle.
L'effort pour atténuer les faits est ici plus considérable. Il
n'est plus question des faits que M. Bourneville reconnaît,
mais du reproche qu'on lui adressait d'avoir fait déshabiller
des enfants. Je dois, à ce moment, écarter un reproche plus
grave que l'on a, parait-il, attribué à M. Robin contre
M. Bourneville au sujet des filles.
Je déclare que personnellement je n'ai rien appris de lui
plus que ce qui figure dans les procès-verbaux ; j'apporte, sur
ce point, l'affirmation la plus nctle. Je n'ai pas l'habitude
d'accuser quand je ne sais rien, et, quand je ne crois pas
devoir accuser, je n'insinue pas (2). Or, je ne sais rien clans
cet ordre d'idées.
Dans cette deuxième période cle sa défense, M. le D1' Bour-
neville trouve singulier qu'on lui reproche d'avoir fait désha-
biller les enfants ; c'est vouloir faire dévier la question. Il
n'est personne qui puisse trouver mauvaise cette manière de
faire ; et nous savons que pour examiner les malades tous les
médecins ont grandement raison de les faire mettre à nu.
M. Deschamps. Bien que vous ayez tout le temps parlé
de Cempuis, vous n'avez encore rien dit de précis ; le procès-
verbal ne dit pas ce qui s'est passé.
M. Deville. Il y a encore une réponse de M. Bourneville
aune objection qu'il prévoit : n Comment, dit-il, un médecin
pourrait-il examiner un malade s'il lui est défendu de voir ? »
Le mot « voir » est souligné. Encore une fois, personne ne
saurait prétendre que l'examen par la vue n'est pas légitime ; ce
n'est pas cet acte de la vision qui est reprochable, c'est
tranchons le mot les actes du toucher qui peuvent avoir
des inconvénients. (Exclamations.)
(1) L'expression est mauvaise, c'est € moins de notes détaillées. »
(2) M. Deville ne parait pas, alors, savoir la signification du motc insinuer. ï
Peut-être après cette phrase y a-t-il eu une restriction mentale.
Examen DEs enfants a Bicêtre. 17
M. Deschamps. Mais, pour voir, il faut toucher I
M. Deville. Cela dépend dans quelle mesure (1). Mes-
sieurs, je déclare que je ne sais pas encore en quoi consiste,
d'une manière précise, ce que M. Bourneville appelle « l'ob-
servation expérimentale (2) sur les organes de la puberté ».
J'attends sur ce point les explications de M. le directeur de
l'Assistance publique.
M. Deschamps. Mais, au départ et au retour de nos enfants
qui sont envoyés à la campagne ou aux bains de mer durant
les vacances, les médecins de nos écoles font certains examens
du corps, ils mesurent la poitrine. (Exclamations à droite.)
M. Georges Villain. On ne peut pas dire cela !
M. Quentin-Bauchart. C'est un< £ veu.
M. Deschamps. Ne cherchez pas à me faire dire ce qui
n'est pas. Je réponds à M. Georges Villain et je redis que
les médecins de nos écoles visitent les enfants chaque fois
qu'ils vont aux colonies scolaires ; et chaque fois, au retour,
on mesure la poitrine des enfants. (Ah ! Ah ! )
M. Deschamps. - Pourquoi ne le ferait-on pas ? (Bruit
général.) Je tiens à ajouter qu'il y a des observations et des
rapports présentés aux mairies. (Bruit prolongé.)
M. Alpy (au milieu du bruit). - Je tiens à ce que les
paroles de M. Deschamps figurent au procès-verbal.
M. Deville. Je ne suis pas moins préoccupé pour le
moment de ce que je ne sais pas exactement des observa-
tions exposées que des écarts du chef de service à Cempuis.
M. Levraud. Mais vous ne le savez donc pas ?
M. Deville. Si je le savais, je ne le demanderais pas.
M. Levraud. J'attends toujours les révélations. ,
M. Caplain. Ce ne sont pas des révélations, c'est une
question. ,
M. Deville. Je reviens à ce fait positif : dans l'article apo-
logétique du Dr Bourneville, je trouve certains aveux qui me
semblent de nature à éveiller les inquiétudes.
Vous avez vu, par l'exposé des conditions dans lesquelles
ces observations ont été faites, que l'on ne s'en est pas tenu
à un examen thérapeutique direct; on s'est servi d'observa-
tions plû-T spéciales sur le volume, le développement, etc.,
des organes sexuels, et cela en touchant l'organe, en le pal-
pant, etc. (3).
(1) Et ce Monsieur prétend ne pas savoir ce que c'est qu'une insinuation !
Basile doit en frémir d'aise dans... le Paradis !
12) Il s'agit ht d'expressions inexactes, dont je ne me suis pas servi : il s'agit
iVobservalions, d' examens.
(3) Voilà un et extera qui a une petite allure perfide.
Bourneville, Bicêtre, 1894. 2
18 , QUESTION DE M. Deville.
Eh ! Messieurs les médecins, quand vous avez entre les
mains un malade atteint d'une affection, j'admets l'examen
médical; mais je n'admets pas ces observations comme les a
faites M. le Dr Bourneville, surtout en présence de surveil-
lants et surveillantes et d'enfants même tenus à distance.
M. Deschamps. N'oubliez pas que oes enfants sont des
idiots.
M. Deville. Là où vous voyez une garantie je vois un
danger, précisément à cause du nombre, si restreint soit-il,
des assistants. Je reviens au passage de l'article, ainsi
conçu :
h Nous ne procédons à ces examens qu'en présence des
surveillants et des infirmiers et nous recommandons à nos
internes de ne jamais examiner les petites filles sans que la
surveillante, une infirmière et même quelques enfants
tenues à distance ne soient présentes. Personnellement,
nous ne nous sommes jamais départi de cette règle de pru-
dence. »
Je vois dans l'intervention des infirmières et infirmiers,
dans leur coopération aux expériences par le toucher et la
mensuration, un danger réel (1). Ce n'est pas leur rôle, c'est
celui du médecin et exclusivement du médecin. Il y a là une
observation dont vous retiendrez l'importance.
M. Bourneville prétend que ces expériences n'ont jamais
produit rien de fâcheux sur les enfants et que tous les méde-
cins préconisent son système, et il nous cite l'opinion des
médecins qui partagent son avis. Ces médecins se bornent à
une seule individualité et cette unité (2) s'exprime ainsi :
o L'éveil précoce du sens génésique, sans parler des leçons
funestes, porte les jeunes sujets à l'onanisme ; l'herpctisme
avec prurit des parties sexuelles, qui amène également de la
leucorrhée chez les petites filles, en a parfois été la cause
première. Ces mauvaises habitudes énervent et épuisent; elles
produisent l'hystéricisme, et, dans quelque cas, l'épilepsie,
qui se sépare définitivement et se distingue de l'éclampsie du
bas âge; les digestions sont troublées, la nutrition altérée
profondément, et la constitution minée est une proie certaine
(1) Jamais ni nos infirmières, ni nos infirmiers n'ont « touché ou mesuré les
organes génitaux ». Les uns et les autres sont là pour déshabiller les enfants,
les tenir à l'occasion. L'c^amcn est toujours fait par nous ou nos internes (B-).
(2) Si nous avons choisi, entre tant d'autres. II. Roger, c'est qu'il a été pen-
dant longtemps une des grandes autorités de la pathologie infantile et qu'il
était, comme M. Deville, un fervent catholique et un ardent réactionnaire (B.)
Examen DES enfants a Bicêtre. 19
à la tuberculose. » (H. Roger. Recherches cliniques sur les
maladies de l'enfance. Paris, 1872, p. 17.)
M. Deschamps. Je vous demande la permission de com-
pléter la citation que vient de faire M. Deville. La voici :
o A la fin de sa leçon, M. le docteur Roger revient sur l'im-
portance, sous le rapport de la sémiotique, de faire un soigneux
examen de toutes les régions de la surface cutanée, en y
ajoutant même l'inspection de la vulve, chez les petites filles,
' souvent atteintes de leucorrhée, et celle de l'anus chez les
enfants des deux sexes qui présentent quelquefois des traces
de syphilis héréditaire ou inoculée. »
M. Deville. Il ne faut pas que nous discutions toujours
sur un malentendu. Nous admettons avec les médecins que
lorsqu'un individu est malade il leur appartient tout entier (i).
M. Levraud. C'est trop tard. (Bruit.)
M. Deville. Les médecins peuvent préconiser la médecine
préventive. Nous ne saurions admettre ce système d'une façon
générale surtout lorsqu'il se traduit par une série d'obser-
vations qui ont un but de curiosité scientifique que nous
n'acceptons pas plus sur des idiots que sur des individus
sains. En réalité, Messieurs, vous ne savez pas exactement,
d'une façon absolue, le degré de dépression morale et de
dépression intellectuelle de ces enfants idiots. Il peut y en
avoir quelques-uns chez lesquels le sens moral n'est pas
absolument déprimé et pour lesquels ces pratiques n'ont, ne
peuvent avoir d'autre effet que d'amener cet éveil fâcheux du
sens génésique dont parle la note que je viens de citer.
Et quand vous donnez à un nombreux personnel l'habitude
de vous aider dans ces pratiques, ces inconvénients sont
encore plus graves. Les internes peuvent encore offrir des
garanties, moindres, à cause de leur âge, que celles des
médecins. Mais quand il s'agit des infirmiers et des infirmières,
cela devient particulièrement dangereux. Vous savez que vous
avez eu quelquefois à vous plaindre de certains de vos infir-
miers (Exclamations), il y en a eu en Cour d'assises. (Bruit.)
M. Picau. ... Et Citeaux !
M. Deville. Je considère comme mauvais de leur donner
des habitudes qui peuvent exciter leur imagination et les
porter à l'oubli de leurs devoirs.
M. Picau. - Et quand les soeurs font asseoir des enfants
sur des poêles brûlants...
(1) Or. tous les enfants dont nous nous oecupons à Bicêtre, étant des malades,
les incriminations de M. Deville n'ont pas l'ombre de justification (B.-). -
20 Question de M. Deville.
M. Deville. M. le docteur Bourneville fait faire au per-
sonnel, par un interne, des leçons sur la puberté (I) avec ter-
mes extrêmement précis et, si je ne me trompe, avec indica-
tions au tableau.
Je termine, en précisant. Nous n'admettons pas, Messieurs,
qu'on fasse servir des enfants idiots ou non à des expériences
ni surtout qu'on les y fasse participer. Nous n'admettons pas
qu'on y mêle surtout le personnel des infirmiers et des infir-
mières. Nous n'admettons pas que les enfants, qu'aucun des
enfants confiés à l'Assistance publique, servent à des expé- "
riences délicates et non justifiées dans leur ensemble.
Ceci posé, je demande ai M. le directeur de l'Assistance
publique et au besoin à M. le préfet de la Seine de nous
rassurer. Je ne demande pas mieux que d'être rassuré. Je leur
demande : Est-ce qu'un système comme celui de Bicêtre
peut être mis en vigueur dans nos hospices d'enfants et
croyez-vous qu'un savant qui a été aussi loin que M. le docteur
Bourneville puisse conserver l'inspection des enfants, puisse
avoir la liberté de faire les recherches les plus délicates ?
Telles sont les questions que je pose à l'Administration.
M. le Directeur de l'Assistance publique. M. Deville a
dit tout à l'heure qu'il avait hésité à aller à Bicêtre pour visiter
le service du docteur Bourneville. Je regrette cette hésitation,
car M. Deville eût été reçu là comme, dans tous nos établisse-
ments, sont reçus les membres de cette assemblée, et M. le
docteur Bourneville qui agit publiquement, au grand jour.
qui nia pas attendu l'année 1894 pour publier ce qui se fait à
Bicêtre, et qui, dès 1888, dans le « Progrès médical », relatait
800 observations prises, heureusement prises à Bicêtre,
M. Bourneville eût été heureux queM.Dcvillepût constater le
bien, le grand bien que nos enfants lui doivent. (Applaudis-
sements. Violentes protestations à droite.)
M. Quentin-Bauchart. C'est odieux. (Bruit.) M. Le-
rolle. Je répète ce qu'on a déjà dit : Quel père de famille
consentirait à soumettre ses enfants à ce traitement ?
M. Prache. J'espère qu'il y aura un ministre de l'intérieur
pour entendre les paroles du directeurjde l'Assistance publique.
M. Daguilhon-Pujol. Et un Parquet pour poursuivre.
(Bruit.)
(1) Cela est absolument exact et ces leçons qui ont été faites afin de per-
mettre au personnel de bien renseigner les médecins sur les troubles qu'ils
pourraient observer chez les enfants, ont été faites .-1 part pour les infirmiers
et les infirmières. De même, le cours sur les soins à .donner aux femmes
en couches et aux nouveau-nés est fait dans les quatre Ecoles aux infirmières
eules (B.J.
Examen des enfants a Bicêtre. 21
M. le Directeur de l'Assistance publique. Pour con-
damner la pratique de M. Bourneville, M. Deville vous disait
que des médecins, consultés sur la valeur de la pratique d'un
cor#h'ère, n'auraient répondu que par un silence dédaigneux.
C'est humain, Messieurs, c'est médical (rires), ce n'est pas
probant. Quand M. Bourneville examine ses malades de la tête
aux pieds, sans négliger aucun organe, il suit les indications
données par tous les maîtres de la médecine, d'Hippocrate à
nos jours.
Cet examen est-il utile ? Oui, il est utile et nécessaire, et ce
qui le prouve, c'est que c'est grâce à ces examens répétés
que M. le docteur Bourneville a été amené à reconnaître des
malformations, des arrêts de développement, des maladies
qui lui auraient échappé autrement. C'est parce que M. le
docteur Bourneville y a probédé avec son attention ordinaire,
que ces examens ont porté d'heureux fruits. (Vives interrup-
tions à droite.)
N'ousscnt-ils d'ailleurs servi qu'à constater l'état de propreté
ou de malpropreté des organes, ces examens eussent été d'une
grande utilité pour la santé, pour la moralité des enfants.
La malpropreté est la cause d'irritations qui provoquent les
mauvaises habitudes, et les faire disparaître c'est réagir contre
elles.
Quant aux mensurations faites par M. le docteur Bourneville
pour suivre l'évolution de la puberté, il ne faut pas être médecin
pour savoir que c'est dans l'idiotie une époque critique et que
tout médecin soucieux de ses devoirs doit se tenir au courant
des signes qui peuvent en manifester l'apparition ou le retard.
(Très bien ! Très bien ! )
M. Georges Villain. Il n'est pas besoin pour cela de
mensurations.
M. le Directeur de l'Assistance publique. Il n'existe
pas qu'un seul service d'enfants, il y en a deux, l'un à Bicêtre
pour les garçons, l'autre à la Salpêtrière pour les filles, et,
dans ce dernier, M. le docteur Jules Voisin se livre aux mômes
investigations que M. Bourneville.
M. Fournière. Oui, mais M. Voisin n'a pas voulu la laïci-
sation. (Très bien ! )
M. Weber. Ev c'est là toute la question.
M. le Directeur de l'Assistance publique. Le docteur
Jules Voisin, dans son traité de l'idiotie paru il y a deux ans,
à la cinquième leçon consacrée à la symptomalogie de l'idiotie,
indique ce qui se fait à la Salpêtrière. Or, ce n'est autre chose
que les pratiques reprochées par M. Deville à M. Bourneville,
et il n'y a dans l'exposé des deux méthodes d'autre différence
22 Question DE M. Deville.
que celle de mots provenant de la différence des sexes. M. le
docteur Jules Voisin recommande à ses élèves de se livrer à
ces examens.
Dans l'article du « Progrès » que M. Deville a cité, M. le
docteur Bourneville parle de la thèse de l'un de ses anciens
élèves, M. le docteur Leblais, « De la puberté dans l'hémiplégie
spasmodique infantile ». Dans ce travail, basé sur des obser-
vations prises dans le service du docteur Bourneville, l'auteur
donne, mensuration comprise, tous les résultats obtenus.
Cependant, loin d'estimer que M. le docteur Leblais ait dépassé
les limites permises à l'investigation scientifique, la Faculté
lui a accordé la plus haute mention dont elle puisse disposer,
le félicitant sur la rigueur et la précision de ses observations,
ajoutant qu'elle n'en était pas étonnée, sachant qu'elles
venaient de Bicêtre. (Très bien ! )
Il est un mot que M. Deville Ti employé et qui reparaît
plusieurs fois dans son discours. C'est le mot : expérience
Jamais, Messieurs, il n'y a eu d'expériences, il n'a été procédé
qu'à des examens restreints aux surfaces extérieures, sans que
jamais, comme cela se pratique journellement dans les hôpi-
taux, il ait été pénétré dans les cavités de l'économie.
C'est grâce, je l'ai dit et je le répète, à cette surveillance
incessante que de nombreuses maladies ont été reconnues à
temps et combattues. Attendre qu'une affection soit déclarée
avant de s'en inquiéter, comme le demandait M. Deville, c'est
renoncer à toute idée de surveillance médicale préventive.
Vous avez tort. (Bruit.)
M. Alpy. Vous équivoquez. (fumulte.) M. Quentin-
Bauchart. Il n'y a pas de malades à Cempuis. (Tumulte pro-
longé.)
M. le Directeur de l'Assistance publique. Si j'avais
voulu, ou plutôt si j'avais su équivoquer, ce que je ne sais
pas faire, j'aurais dit que les enfants de Bicêtre sont des en-
fants idiots, des malades ; je ne l'ai pas dit. J'insiste sur l'er-
reur de M. Deville quand il émet cette théorie qu'il faut atten-
dre l'éclosion de la maladie pour s'inquiéter de l'état de sant é
de nos enfants. Si cette théorie triomphait, vous n'auriez qu'à
supprimer toutes les inspections que vous entretenez à grands
frais.
Je reviens à ce que je disais, et j'insiste : il n'y a eu que
ce que dit l'article du « Progrès médical », il n'y a eu que
des examens sur l'apparence extérieure, le volume, la lon-
gueur, la circonférence; voilà tout. (Bruit prolongé.)
M. Caumeau. Parlez !
M. le directeur de l'Assistance publique. Si, malgré
Examen DES enfants a Bicêtre. 23
mon incompétence, j'ai dit quelle était l'utilité de cet examen,
si je suis sorti du domaine administratif pour entrer dans le
domaine médical, c'est que la lumière ressort si éclatante de
cet examen, que j'ai pu me permettre cette échappée.
Quant à moi, si j'avais eu à intervenir en ma qualité d'ad-
ministrateur, je n'aurais pu le faire que si M. Bourneville s'é-
tait écarté des règles qui doivent présider aux examens de
ce genre.
M. le Dr Hardy a dit : o L'examen de l'extérieur des mala-
des fait avec convenance sur la totalité du corps ne devra pas
être négligé. »
Voici, d'autre part, comment s'exprime Trousseau : o On
peut faire avec la plus grande chasteté les investigations qui
semblent être les moins chastes...; il ne s'agit point ici de
pruderie, mais de savoir-vivre, et rappelez vous que le méde-
cin a d'autant plus de chances de réussir dans sa carrière
difficile qu'il oubliera moins à l'égard de ses malades les rè-
gles de bienséance qui sont l'apanage de la bonne éducation. »
(Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu).
M. Caplain. Nous sommes d'accord.
M. Alpy. Envoyez ce texte à M. Bourneville (1).
M. le directeur de l'Assistance publique. Si cet exa-
men est utile, et je viens de le prouver, il a été fait avec la
convenance dont parle M. Hardy. Je n'ai plus rien à dire, la
cause est gagnée : elle l'était d'avance. Je n'ai qu'un regret
à exprimer, c'est d'avoir eu à répondre ici à cette question.
Tous les jours, dans tous les hôpitaux, on se livre, sur les
femmes, les filles, à des examens autrement sérieux que
ceux dont vous parlez ? Et pourquoi faut-il que l'art de la
mécanique s'ingénue à suppléer à l'insuffisance de la vue et
de la main ? ....
M. Alexis Muzet. Pas pour examiner les enfants ! (Ex-
clamations.) Pas dans les écoles ! 1
M. le Directeur de l'Assistance publique. Je parle des
hôpitaux ; s'il s'agissait des écoles, je ne serais pas à cette tri-
bune. '
M. Alexis Muzet. Alors donnez des explications claires;
tout le monde n'est pas médecin.
M. le Directeur de l'Assistance publique. Ce que j'ai
dit n'a pas, j'en suis certain, été compris des seuls médecins ;
(1) Pauvre M. Alpy qui ignore que les livres de Trousseau et Hardy sont clas-
siques et que tous les médecins les lisent. Il y a bien d'autres auteurs que je
pourrais citer, mais les médecins auxquels je m'adresse ici trouveraient qu'en
le faisant j'accomplis une besogne inutile (B.).
24 .. Question DE M. DevIlle.
j'ai, suivant les règles que je rappelais tout à l'heure, parlé
en homme bien élevé à des gens bien élevés, et ils m'ont
compris.
Je disais que les théories développées par M. Deville
seraient la destruction, non seulement de l'inspection, mais
qu'elles iraient jusqu'à faire restreindre la thérapeutique,
dont nos malades éprouvent tous les jours un si grand bien
dans nos hôpitaux ; car, remarquez-le, l'hydrothérapie a un
côté autrement scabreux que les pratiques que vous avez
signalées.
Je ne veux pas fatiguer davantage votre attention, Mes-
sieurs. Je termine sur une réflexion qui, je le dis franchement,
ne s'adresse pas à l'honorable M. Deville, ni à aucun des
membres de cette assemblée ; mais au bruit qui s'est fait au
dehors, autour de cette question, il m'a semblé, j'ai eu cette
vague appréhension, que ce que l'on visait, c'étaient moins
des faits qu'un homme et, derrière cet homme, la cause qu'il
défend. (Très bien ! Applaudissements répétés.)
Nombreuses voix. La clôture !
M. Lerolle. Je tiens à protester contre les doctrines qui
viennent d'être exposées.
M. Weber. Nous savons que vous voulez ramener les
soeurs.
M. Lerolle. Si les soeurs avaient été à Cempuis, l'inspec-
tion blâmée par la Commission de surveillance ne se serait
pas faite. Mais il ne s'agit pas de ça. En entendant le discours
de M. le directeur de l'Assistance et les approbations de
quelques-uns d'entre vous, je constatais qu'un véritable
ab ? tae existe entre nous et eux sur la manière d'entendre la
morale et le respect de la pudeur qui est dû à l'enfance.
M-. Weber. - Il n'appartient pas aux cléricaux de parler
de pudeur.
M. Lerolle. J'ai été étonné aussi de n'entendre pas un
mot de blâme, ni même de regret sur les faits qui se sont
passés à Cempuis. Il semblait que nous discutions simplement
une question de médecine alors qu'il s'agissait d'une ques-
tion de haute moralité ; il s'agissait de savoir si l'on peut faire
sur des enfants certaines expériences, parce que la pauvreté
vous les livre, qu'on aurait pas faites sur d'autres, qu'on ne
tolérerait pas dans sa famille.
M. Deschamps. On vous a dit qu'il n'avait pas été fait
d'expériences.
M. Lerolle. Mettons, si vous voulez, examens dange-
reux. On vous a dit, pour justifier ces méthodes, que prati-
quées avec convenance elles sont sans inconvénients. Alors
Examen des enfants a Bicêtre. 25
comment cela s'est-il passé à Cempuis, puisque des inconvé-
nients graves ont été constatés par M. Robin, par la Com-
mission de surveillance et ont motivé l'interdiction de ces
inspections ? On ne se contentait pas d'examiner, de mesu-
rer, comme on a dit, les enfants, on prenait pour secrétaires
d'autres enfants, qui avaient sous les yeux les cartes servant
à consigner les observations expérimentales de M. Bourne-
ville. M. Robin s'en est indigné, il a dit combien l'esprit des
élèves en avait été troublé.
M. Deschamps. Vous ne conspuez plus Robin.
M. Alpy. Cela prouve que vous avez moins de délicatesse
que M. Robin.
M. Lerolle. Un des membres de la Commission a bien
qualifié ces faits, en demandant quoi père de famille suppor-
terait cela pour ses enfants. Je fais appel de vous à vous-
mêmes, des hommes de parti aux pères de famille, et je
vous posera question : « Qui de vous tolérerait cela pour ses
enfants ? »
Dans toute famille où de tels faits se seraient passés, on
ne se contenterait pas de blâmer le médecin, on le prierait
de ne plus revenir. Ici, l'homme qui, sans même se douter
du mal qu'il a pu faire, a mérité tous les reproches qu'on lui
a faits, on le met à la tête du service des enfants de Bicêtre
parce que, dit-on, ce sont des idiots. (Bruit général.)
Bien plus, quand l'Administration est appelée à donner son
opinion, elle approuve tout et de son autorité elle couvre
tout. L'opinion jugera et les pères de famille apprécieront
(Bruit prolongé.)
Voix nombreuses. La clôture ! La clôture, mise aux
voix, est prononcée.
M. Deville. Je demande la parole pour déposer l'ordre
du jour suivant :
« Le Conseil, « Protestant énergiquement contre le sys-
tème qui livre sans réserve les enfants de l'Assistance publi-
que conffhe sujets d'expérience de toutes sortes aux médecins,
« Invite l'administration de l'Assistance publique à mettre
fin à toute application de ce système. « Signé : Deville. »
M. Alpy. On pourrait conclure au renvoi au Parquet.
M. Lampué. J'ai l'honneur de déposer l'ordre du jour
suivant :
« Le Conseil, considérant qu'il est las et écoeuré d'entendre
des accusations indignes et calomnieuses formulées par les
réactionnaires et les cléricaux cle tous ordres contre la haute
moralité et la droiture du docteur Bourneville, qui fut un des
meilleurs ouvriers de la laïcisation ;
26 Question de M. Deville.
. « Considérant que le mépr&'seul peut répondre à de sem-
blables menées,
« Passe à l'ordre du jour.
« Signé; Lampué, Marsoulan, Blondeau, Levraud, Caumeau,
Piperaud, Ernest Moreau. »
M. Bassinet. Je demande l'ordre du jour pur et simple.
M. Chausse. Très bien ! Appuyé !
M. Lerolle. Vous vous dérobez à la responsabilité : voilà
ce que signifie l'ordre du jour pur et simple.
M. le président. L'ordre du jour pur et simple ayant la
priorité, je le mets aux voix. Il y a une demande de scrutin.
Le scrutin auquel il est procédé sur l'ordre du jour pur et
simple donne les résultats suivants :
Examen DES enfants a Bicêtre. 27
paraître faire intervenir une personnalité étrangère au Con-
seil, je propose de voter l'ordre du jour suivant :
« Le Conseil, considérant qu'il ne ressort de la discussion
aucun fait de nature à porter atteinte à la morale, passe à
l'ordre du jour. « Signé : Patenne. »
Plusieurs membres. La priorité pour l'ordre du jour
de M. Lampué !
M. le Président. On demande la priorité pour l'ordre du
jour déposé par M. Lampué. Je la mets aux voix. La priorité
est accordée à l'ordre du jour de M. Lampué.
M. Patenne. Dans ces conditions, je retire le mien. (Très
bien ! )
M. le Président. Je mets donc aux voix l'ordre du jour
déposé par M. Lampué. H y a une demande de scrutin. Le
scrutin, auquel il est procédé sur l'ordre du jour de M. Lam-
pué, donne les résultats suivants :
28 Question DE M. Deville.
si le Conseil avait eu à se prononcer sur l'ordre du jour de
M. Deville, nous aurions voté contre, car nous ne pouvons
admettre qu'on généralise des faits qui no concernent qu'une
certaine catégorie d'enfants de l'Assistance publique.
D'un autre côté nous ne pouvions accepter l'ordre du jour
de M. Lampué qui approuve, sans distinction, toutes les expé-
riences que M. Bourneville a cru devoir faire dans le but de
servir la science : nous en tenant aux déclarations faites par
nos collègues MM. Rousselle et Faillet à la Commission de
surveillance de Cempuis, déclarations dont on a donné lec-
ture au cours de la discussion, nous aurions voté l'ordre du
jour de M. Vorbe.
MM. Grébauval, Breuillé et Daniel. Nous nous asso-
cions à la déclaration de M. Archain. Nous aussi, nous aurions
voté l'ordre du jour de M. Vorbe.
MM. Weber et Deschamps. La vérité est que vous vous
souvenez que M. Bourneville a été candidat contre M. Naquet.
M. Georges Vilain. J'ai voté contre l'ordre du jour de
M. Lampué, étant partisan du vote de l'ordre du jour déposé
par M. Vorbe et opposé à l'ordre du jour de M. Deville, qui
a un caractère trop général.
M. le Directeur cle l'Assistance publique a répondu
d'une façon que nous croyons péremptoiro, pour tout
esprit non prévenu et sans parti pris, au réquisitoire
prononcé contre nous par M. Deville. Il l'a fait dans
les meilleurs termes, avec une autorité et une convic-
tion qui ont été remarquées. Aussi nous bornerons-
nous à quelques réflexions.
Les procédés de M. Deville sont ceux qui ont été châ-
tiés par Pascal, Voltaire et Paul Bert. Tout d'abord, il
réclame l'ajournement afin que ses amis puissent pour-
suivre à leur aise, et pendant quelques jours, l'odieuse
campagne qu'ils avaient commencé dans leurs jour-
naux. Il a échoué grâce à l'intervention indignée de
M. Caumeau. C'est encore à M. Caumeau et à M. Lam-
pué que nous devons le rejet, par 53 voix contre 8, de
la singulière proposition de huis-clos qui aurait permis
d'enrichir, contre nous, la série de calomnies qui avait
si bien débuté. Avec raison, et nous les en remercions,
Examen des enfants a Bicêtre. 29
MM. Caumeau et Lampué ont voulu la discussion au
grand jour.
M. Deville a donc été obligé de s'exécuter de suite
et en public. Croyant inquiéter la pudeur de ses collè-
gues et les indisposer contre nous, il donne lecture
de l'article dans lequel nous avons exposé comment
nous procédions à l'examen physique de nos malades.
Mais il le fait d'une manière incomplète. Il supprime
un passage, qui le gênait, où nous faisions ressortir
les avantages indiscutables de ces examens pour les
malades. M. Deschamps, avec beaucoup d'a-propos, le
rappelle au respect de l'exactitude. M. Deville pro-
met de lire dorénavant l'article intégralement. Bien-
tôt, il manque à sa promesse et M. Deschamps, une
seconde fois, réparc l'omission do M. Deville. De tels
procédés sont-ils bien honnêtes ? A vous, chers lec-
teurs, d'apprécier. '
Nous ne nous attarderons pas à relever les insinua-
tions malveillantes, les accusations jésuitiques des dif-
férents interrupteurs de la droite du Conseil : elles n'en
valent pas la peine. Si MM. Deville et C10 avaient eu
réellement en vue le bien des malades, ils seraient
venus à Bicêtre voir ce qui s'y fait. Comme ils auraient
constaté que nous ne faisons rien qui ne soit à faire et
qui ne se passe ailleurs, ils se sont abstenus. Ainsi que
M. Peyron l'a justement fait remarquer, M. Deville et
ses amis politiques visaient, en effet, certain autre
but. t.
On nous a dénoncé au Ministre de l'Intérieur : nous
sommes prêt à recevoir ses enquêteurs. Ils verront
avec quelle tranquilitô nous continuons à perpétrer de
nouveaux « crimes ».
On nous a dénoncé au Parquet. La loi du 30 juin
1838 sur les aliénés (art. 4) exige que le Procureur de
la République visite chaque année, deux fois, les ser-
vices consacrés aux aliénés : nous nous empresserons
de le rendre témoin de nos examens.
30 . L'ORPHELINAT PRÉVOST.
Il nous faut maintenant arriver au procès-verbal de
la séance de la Commission de surveillance de Cem-
puis. Nous n'en avions nullement connaissance. Nous
avons appris que M. Le Roux, directeur des affaires
départementales, avait pris notre défense, avec d'au-
tant plus cle plaisir que jamais il ne nous en avait dit
un mot. M. Robin, ainsi qu'on le verra plus loin
(pagel94,), nous avait demandé de suspendre l'exa-
men des enfants, mais nous ignorions tous les griefs
qu'il avait formulés contre nous. Aussi sommes-nous
étonné de ne pas avoir été appelé devant la Commis-
sion. Tout ce que nous savions, c'est que M. Robin
prétendait que ces examens de juillet 181)0 avaient
causé de l'émoi une émotion et un trouble dange-
reux, dit le procès-verbal parmi les enfants. Or,
tous les renseignements que nous avons eu l'occasion
de prendre auprès des personnes attachées à l'orphe-
linat de Cempuis nous ont appris que cet émoi n'a-
vait existé que dans l'imagination de M. Robin. C'est
ce qu'aurait pu vérifier la Commission, si elle nous
avait fait l'honneur de nous appeler devant elle.
M. Robin a ajouté qu' « une des conséquences
regrettables de cet état de choses avait été d'entraîner
le départ immédiat de d'eux jeunes filles élevées à
l'orphelinat... » La visite incriminée, qui avait pro-
duit une émotion et un trouble si dangereux, selon le
directeur de Cempuis, a eu lieu en juillet 1890. La
séance de la Commission a eu lieu le 24 mars 1891.
Le départ de l'une des deux jeunes filles, Amélie
Pru..., s'est effectué à la lin de novembre 1890, qua-
tre mois après la visite dont il est question. L'autre
jeune fille, Rosalie Prend..., a quitté Cempuis trois
mois plus tard (février 1891) (1). Voilà ce que M. Rô-
ti) Ces deux jeunes filles, âgées à cette époque de 10 ans et demi, et qui
réglementairement auraient dit quitter l'orphelinat à lli ans, servaient d'infir-
mières à Cempuis.. -
Rapport sur l'orphelinat Prévost. 31
bin appelle un départ immédiat. Comme on le voit,
ses souvenirs étaient un peu confus.
IL
Nous allons maintenant vous donner, chers lecteurs,
le texte des rapports que nous avons adressés à
l'administration préfectorale sur l'orphelinat Prévost.
Cette lecture fera connaître, nous en sommes con-
vaincu, les véritables motifs qui ont amené l'ancien
directeur de cet établissement à réclamer la suppres-
sion de l'inspection médicale.
Paris, Juillet 1890.
.4. Monsieur Le Roux, Directeur des Affaires
départementales.
Monsieur le Directeur,
Conformément à vos instructions je me suis rendu le 16 avril
dernier à l'orphelinat Prévost afin de vous rendre compte
de la situation hygiénique de cet établissement et de son état
sanitaire.
L'impression générale que m'a laissé cette visite est excel-
lente. Le Directeur de l'orphelinat, M.Robin, est un homme
absolument dévoué. Il met dans l'accomplissement de ses
fonctions toute son intelligence et tout son coeur. Sa vie est
confondue avec celle des orphelins. Aussi, ceux-ci lui témoi-
gnent-ils la plus vive affection et la bonne entente nous parait
exister réellement entre lui et son personnel.
L'établissement nous a semblé aussi bien tenu que le com-
porte la disposition des bâtiments. Toutefois, je crois devoir
appeler votre attention sur la situation défectueuse de quel-
ques-unes des installations.
- . 1° J'ai constaté 1 encombrement de plusieurs dortoirs. Il m'a
été répondu qu'il devait y être apporté prochainement remède.
Je n'insiste donc pas aujourd'hui, mais il est un des dor-
toirs, cependant, .qui me paraît nécessiter une prompte modi-
fication : c'est celui des petites filles gâteuses. Ce dortoir est
trop exigu; la literie est mauvaise ; il conviendrait de rempla-
cer l'unique matelas par deux ou trois petits matelas suivant
32 Rapport SUT l'orphelinat Prévost.
la taille des enfants : le matelas supérieur répondant àla tête,
en laine, le matelas du milieu en laine de tourbe et le matelas
répondant aux pieds, en laine ou laine et crin.
La laine de tourbe a le grand avantage de durer longtemps
sans s'imprégner de mauvaises odeurs. Son pouvoir absor-
bant est, en effet, considérable, 100 kilogr. pour ! , 500 kilog. de
vidanges. L'expérience que j'ai faite de ce mode de couchage
pour les enfants gâteux de Bicêtre m'a paru démonstrative.
2° Les cabine/s d'aisances (ear(/i closets) fonctionnent in-
complètement et exigeraient des modifications sérieuses.
3° Le service balnéaire et liydrolliérapique nous semble
devoir exiger une transformation complète. Actuellement ou
fait laver les enfants dans une sorte de baquet {lub) « large
assiette ronde en zinc de 70 à 80 centimètres de diamètre,
bien renforcée en dedans d'un rebord en boudin avec bec
pour vider l'eau sale »(/iu(ie/in,n0Sdel88S,deï'oî'p/ieJt)iat Pré-
vost). Nous pensons qu'il y aurait lieu de construire à l'orphe-
linat un petit service balnéo-hydrolhérapique analogue à
celui que vous avez vu dans mon service à Bicêtre. M. Robin,
que j'ai interrogé au point de vue de l'approvisionnement
d'eau, m'a déclaré que cela était possible.
Après avoir visité tous les locaux qui composent l'orpheli-
nat, j'ai passé en revue successivement tous les enfants. D'une
façon générale leur aspect est bon et leur physionomie
ouverte, contrairement à ce qu'on observe malheureuse-
ment si souvent dans les établissements analogues : rien sur
leur visage ne décèle l'onanisme.
Relativement à leur constitution physique, ce qui domine
chez ces enfants, c'est le lymphatisme. Nous avons trouvé
des glandes chez une demi-douzaine ; des maladies chroni-
ques des paupières chez 4; de l'impétigo chez 2 ; une otite
chez un autre. Signalons encore un cas de hernie, un de pso-
riasis, 2 d'ichtyose et quelques cas de rachitisme.
Nous avons enfin remarqué chez une dizaine d'enfants
l'existence de dartres sèches, légères, à la face. L'infirmerie
ne renfermait que 3 enfants dont 2 en convalescence et un
entré le même jour et paraissant atteint d'un embarras gas-
trique fébrile.
En résumé, la situation hygiénique de l'établissement et
l'état sanitaire nous ont paru dans de bonnes conditions^
(1) C'est l'inspection de ce jour-là et les examens faits.ee jour-là, la com-
mission et M. Robin étant a l'établissement, qui ont été incriminés. Des mem-
bres de la Commission sont venus nous voir durant nos examens.
L'orphelinat Prévost. 33
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma
considération la plus distinguée.
Bourneville.
Paris, le 30 novembre 1890.
Monsieur le Directeur,
Suivant vos instructions, je me suis rendu à l'orphelinat
Prévost, le 20 juillet et le 17 novembre. Je ne vous ai pas
envoyé de rapport sur la visite du 26 juillet parce que vous
étiez présent à cette visite et que je vous ai exposé verbale-
ment toutes les remarques que m'avait suggérées cette vi-
site (1). D'ailleurs, je reviendrai sur quelques-unes d'entre elles
dans le compte-rendu de ma visite du mois de novembre.
Cette visite a été ajournée, comme vous le savez, parl'inten-
tion que vous aviez de m'accompagner. Je n'ai pas eu ce plai-
sir, et je le regrette d'autant plus que nous aurions pu, séance
tenante, trancher quelques petites difficultés..
L'état sanitaire de l'orphelinat était excellent. Les remar-
ques que j'ai à présenter portent surtout sur la situation hy-
giénique de l'orphelinat et sur le mode d'examen médical des
enfants.
Dans la cour d'honneur, on élait en train de recreuser un
puisard et de lui donner 5 mètres de plus de profondeur, soit
10 mètres au lieu de 5 qu'il avait auparavant. Ce puisard est
destiné à recevoir le trop plein d'une citerne située à 4 mè-
tres du puisard. C'est donc dans cette citerne qu'aboutissent
les eaux ménagères, les eaux de lavage, etc. Tous les 8 jours
on était obligé de vicier les dépôts de boue et de matières soli-
des restées au fond de la citerne. M. le Directeur espère que
l'augmentation du puisard en profondeur n'obligera plus à
vider la citerne que tous les 2 ou 3 semaines. L'existence du
puisard et de la citerne au centre de la cour où s'éjournent
les enfants durant les récréations, si elle n'a peut-être pas
d'inconvénient l'hiver, en offre l'été. Ajoutons que le sol se
trouve infecté. Vous savez que tous les hygiénistes, et avec
raison, s'accordent à demander la supression des puisards.
Les dortoirs présentent tous un encombrement regrettable
Pour mieux vous renseigner à cet égard, j'avais prié M. le
directeur de m'envoyer le cube d'air et le nombre de lits de
Bourneville, Bicêtre, 1894. 3
34 L'orphelinat Prévost.
chaque dortoir. Le temps lui a sans doute fait défaut pour me
donner ce renseignement.
Vous avez assurément remarqué l'installation défectueuse
des cuvettes, des pots à eau, des objets de toilette, placés
sur une table, au milieu de chaque dortoir, ainsi que le mau-
vais aspect donné à ces dortoirs par le dépôt des serviettes
sur les pieds des lits. Il conviendrait, pour remédier à ces
inconvénients, d'établir à chaque étage des lavabos et des
meubles pour déposer les serviettes, semblables à ceux qui i
existent à Bicêtre dans la section des enfants.
J'ai trouvé à l'orphelinat 14 fillettes et 6 garçonne (.s gâteux.
M. Robin, avec raison, les a installés autant que possible dans
des dortoirs situés sous les combles, dortoirs qui sont bien
aérés. Les paillasses des lits de ces enfants laissent beaucoup
à désirer. La paille devrait être renouvelée tous les jours,
l'enveloppe lessivé, au moins tous les 8 jours. Au lieu de faire
le lit le matin, il vaudrait mieux ne le faire que le soir et dans
le jour étendre la literie et les paillasses suivant la pratique
de la colonie de Vaucluse et de la section des enfants de Bicê-
tre. Pour arriver encore à un meilleur résultat, si les ressour-
ces le permettaient, il faudrait substistucr à la paille ou au
varech, de la laine de 'tourbe, ainsi que je l'ai dit déjà dans
mon précédent rapport.
Le seruice des bains me parait insuffisant. L'emploi du
baquet anglais ne permet'qu'un lavage imparfait. Bon pour les
personnes qui s'en servent tous les jours, il est médiocre pour
des enfants qui n'en usent qu'à des intervalles plus ou moins
éloignés et qui se salissent dans leurs jeux ou dans leurs ate-
liers. Deux ou trois bains par semaine pour les enfants gâteux
et un pour les autres me paraissent nécessaires. Dans les
réformes de l'avenir, il conviendrait de prévoir la construction
d'un service de bains et d'hydrothérapie. On pourrait faire une
installation très simple et réduite au minimum. A Bicêtre, le
service, qui est complet au point de vue hydrothérapique,
était évalué à 01,261 fr., et a coûté sensiblement moins par
suite du rabais qui s'est produit à l'adjudication.
Le système des cabinets d'aisances et des baquets urinoirs
est, ainsi que vous l'avez constaté vous-mêmes, tout à fait
mauvais et d'un aspect sordide. On pourrait installer des siè-
ges à l'anglaise que l'on entretiendrait proprement et installer
des baquets et des tonneaux que l'on retirerait du côté opposé
de la porte ainsi quecela se pratique, je crois, dans les asiles
de Vaucluse, Ville Evrard, etc.
. L'orphelinat Prévost. 35
Il conviendrait aussi de procéder à la revaccination de
tous les enfants âgés de 10 ans, ou à leur départ quand il se
fait régulièrement.
Lors de ma visite du mois de juillet, j'avais commencé à
procéder à un examen complet des enfants. De plus, je m'é-
tais permis de prendre quelques renseignements au sujet de
l'état des organes génitaux et du développement de la puber-
té. L'examen complet me parait absolument nécessaire. Bien
qu'au mois de juillet l'examen n'ait porté que sur une partie
des enfants, il m'a été permis de constater divers accidents qui
auraient échappé sans cela : par exemple des affections de la
peau, l'éruption produite aux fesses chez les enfants gâteux.
J'ai vu des enfants ayant des pointes de hernies ombilicales
ou inguinales dont on peut arrêter le développement si on les
voit. [Des enfants ont de petites excoriations et des plaques
opalines aux lèvres. Ces lésions sont-elles dues à la syjihilis
héréditaire ? C'est ce qu'on ne peut dire qu'en examinant
complètement les enfants. Des enfants assez, âgés ont des
incontinences d'urine, d'autres des fleurs blanches : on ne
peut y remédier sérieusement qu'après un examen complet.
Chez certains petits garçons, il y a une descente tardive des
testicules qui peut occasionner des accidents. Pour y parer,
il faut examiner les enfants. '
Chez les jeunes filles, au moment de la puberté, il se pro-
duit des accidents, par exemple des déviations de la colonne
vertébrale auxquelles il est facile de remédier. Encore faut-il
les constater.
M. le Directeur a trouvé que cet examen pouvait avoir des
inconvénients. Les enfants, m'a-t-il dit, en auraient causé
après mon départ. Je m'y attendais, bien que j'aie procédé,
comme vous n'en doutez pas, avec la plus grande réserve,
évitant surtout que les enfants ne se voient entre eux. Il en a
été de môme à Bicêtre lorsque j'ai commencé ces examens. Au-
jourd'hui qu'ils sont devenus réguliers, tout émoi a disparu (1).
Je n'ai jamais eu de difficultés que pour quelques petites
filles qui avaient vagabondé et étaient déflorées.
Je dois vous dire que si j'ai accepté avec empressement la
mission dont vous me chargiez à l'orphelinat Prévost, c'est
parce que j'y voyais un moyen d'étudier le développement des
organes génitaux et de la puberté chez les enfants offrant une
(1) Les quelques difilcultés qui ont été constatées provenaient, au début, des
grands garçons qui, avant leur entrée à Bicêtre, avaient des connaissances
malheureusement trop complètes au point de vue génital....
36 Examen DES Enfants a Bicêtre.
intelligence normale et de les comparer à ce que j'observais à
Bicêtre chez les idiots et à la fondation Vallée clicz les idio-
tes.
M. Robin m'a demandé de ne pas continuer dans cette voie
jusqu'à ce que la Commission de surveillance de l'orphelinat
se soit prononcée. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de vous
expliquer nettement ce que j'avais fait et ce que j'espérais
faire.
Un mot encore au sujet des réformes que j'ai signalées.
J'estime qu'il y aurait intérêt à tracer un programme bien net
des constructions que l'on se propose de faire à l'orphelinat
Prévost, cle bien choisir l'emplacement des futures construc-
tions, afin d'éviter des ennuis : c'est ainsi que le dépotoir ac-
tuel se trouvera sans doute un peu trop rapproché du bâti-
ment projeté eu face de celui qui vient d'être construit.
Veuillez, etc... Bourneville.
Ces rapports, qui n'étaient pas destinés à la publi-
cité et qui présentent quelques incorrections dont
nous nous excusons, témoignent de la haute sympa-
thie que nous avious pour le Directeur de l'orphelinat
Prévost, républicain comme nous, dont nous connais-
sions la haute valeur, l'ingéniosité pédagogique,
l'esprit d'initiative, le dévouement et dont nous par-
tagions les idées sur la coéducation des sexes, l'en-
seignement professionnel, etc. En relevant les défec-
tuosités de l'orphelinat au point de vue de l'hygiène,
qu'au cours de mes visites je signalais au direc-
teur, j'ai pris toutes les précautions pour ne pas
froisser un homme que je m'imaginais supérieur à
bien des égards, mais d'une susceptibilité... un peu
exagérée. Je n'y ai pas réussi. Par une lettre en date
du 4 décembre 1890, M. Le Roux m'a annoncé la
suspension de l'inspection que la Préfecture de la
Seine m'avait confiée.
J'étais en vacances quand a eu lieu la violente cam-
pagne contre le Directeur de Cempuis. Comme j'avais
vu et observé les enfants, que j'avais la conviction
Examen DEs Enfants a Bicêtre. 37
que les accusations formulées contre l'orphelinat
étaient fausses, j'ai fait brocher à la hâte un certain
nombre d'exemplaires de l'admirable Rapport do
Séguin (1) où se trouvent accumulés les arguments
en faveur de Y éducation physiologique et de la cos-
ducation des sexes et j'ai fait envoyer ces exemplaires
aux membres de la Commission, à quelques hommes
politiques et à M. Robin. Je ne veux pas exagérer
l'importance de ce que j'ai tenté pour aider mes amis
politiques à défendre l'orphelinat Prévost enfants
et maître. Ce que j'ai fait serait demeuré inconnu,
ainsi que mes rapports, si je n'avais été mis violem-
ment en cause et contraint à me défendre.
III.
Nous avons publié dans le dernier numéro du
Progrès Médical la relation d'un cas d'idiotie. Nous
devions donner dans ce numéro la fin d'un travail très
intéressant do notre ami le Prof. Terrier et un tra-
vail statistique de notre ami le Dr Budin sur son ser-
vice d'accouchements de la Maternité. Mais, en raison
des circonstances, nous croyons qu'il y a intérêt à
mettre sous les yeux de nos lecteurs, afin de complé-
ter les documents qui précèdent, une nouvelle obser-
vation qui montrera aux médecins, les seuls juges
compétents que nous reconnaissions, qu'en procédant
comme nous le faisons, nous appliquons simplement
la méthode d'observation positive qui est suivie et
conseillée par tous les médecins qui sont chargés de
l'enseignement clinique.
(1) Séguin. Rapports et mémoires sur l'Éducation des enfants normaux
et anormam. Préface par Bourneville.
38 Examen DEs Enfants a Bicêtre.'
Imbécillité prononcée avec perversion des instincts.
- Traitement médico-pédagogique : amélioration
physique, intellectuelle et morale très remarquables.
(Imbécillité morale).
Sommaire. Père : aurait eu clans sa jeunesse et jusqu'à 18
ans des crises auec perte de connaissance sans convulsion.
Grand-père paternel migraineux et èpileptique ( ? ), mort
subitement en 2 ou 3 heures. Oncle paternel èpileptique.
Tante paternelle peu intelligente et ayant une défor-
mation de la poitrine. Autre oncle bègue. Cousin
paternel pervers. Àfère nerveuse, sans attaque. Grand-
père maternel, excès de boisson. Grand'mère mater-
nelle sans accidents nerveux, morte d'une fluxion de poi-
trine. Arrière-grand'mùre maternelle morte paralysée
et démente. Cousine maternelle morte folle. Grand-
oncle maternel, perversité morale. Cousins arriérés.
Pas de consanguinité. Soeur morte de convulsions.
Frère, convulsions suivies d'idiotie avec athétose double,
mort à Bicêtre.
i
Asphyxie à la naissance. Début de la marche a un an.
Mauvais instincts dès les premières années : sournois,
méchant; mordait les personnes, leur crachait au visage.
Menteur. Kleptomanie. Clastomanie. Férocité
envers les animaux. Actes obscènes. Tendances à
boire. Jamais de convulsions. Strabisme divergent ;
myopie. Acrocéphalie.
Eti... Emmanuel, né à Boulogne (Seine), le 3 septembre
1876, est entré à Bicêtre, dans notre service, le 10 mai 1886.
Antécédents héréditaires. Père, 34 ans, garçon de labo-
ratoire à la ferme-école de Gravelle ; très sobre. Il aurait eu
des crises avec perte de connaissance sans mouvements
convulsifs, ni morsure de la langue depuis sa jeunesse jusqu'à
18 ans. Il s'est marié à 25 ans et n'a jamais présenté, au dire
de sa femme, d'accidents nerveux. Son père, mort en 2 ou
3 heures, à 73 ans, était migraineux et èpileptique ( ? ). Ses
crises comitiales étaient assez fréquentes. Sa mère, qui
avait 75 ans à l'époque où les renseignements ont été pris;
n'aurait jamais été nerveuse. Trois frères : on ne sait ce
qu'est devenu l'un d'eux ; il aurait fait des excès de boisson :
un autre aurait eu pendant 2 ans des accès épileptiques ( ? ); un
troisième bégaie un peu et, l'un de ses enfants, qui se conduit
Imbécillité morale. 39
mal, a été condamné à deux mois de prison. Trois soeurs :
l'une a une épaule plus haute que l'autre et est arriérée ; les
deux autres sont bien conformées et intelligentes. « Dans
ma famille, dit le père d'Ét..., on meurt de maladie de l'esto-
mac et du foie. »
Mère nerveuse, sans convulsions ; lymphatique. Son père
fait de nombreux excès de boisson, antérieurs à son mariage,
Sa mère, qui n'était pas nerveuse, est morte jeune d'une
fluxion de poitrine. Une grand'mère est morte à 83 ans.
paralysée et démente. Deux frères morts jeunes on ne sait
de quoi. Une cousine est morte folle à 25 ans. Un oncle
maternel était d'une moralité douteuse et se rendait fréquem-
ment coupable de méfaits, entre autres do vols ; de plus, il
était braconnier ; ses trois enfants sont très arriérés et n'ont
jamais pu rien apprendre.
Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de quatre ans. [Cinq
enfants : 1° Une fille morte à 3 semaines des convulsions ;
2° notre malade ; 3° fausse couche à 3 mois 1/2, de cause
inconnue ; 4° un garçon qui a eu des convulsions à 7 mois :
il ne parle pas, a les jambes tordues et n'a jamais marché ;
les bras sont inertes (1); 5° fille âgée de 21 mois qui
commence à peine à parler (2).
Notre malade. Grossesse bonne, ni traumatismes, ni
émotions vives, etc. (3). /lccouc/ieme ? it normal. A la
naissance, l'enfant était asphyxié, la sage-femmo a été
obligée de le frictionner longtemps pour le faire respirer.
Il a été élevé au sein jusqu'à 4 mois 1/2, puis placé à la cam-
pagne et élevé au biberon. Bien qu'il parût assez fort, il a été
difficile à élever. La dentition s'est faite sans accidents, on
assure qu'il n'a jamais eu de convulsions. Il aurait été propre
de bonne heure (4), aurait marché à un an. A son retour de
nourrice (21 mois), il ne parlait pas du tout. Envoyé à l'école
(1) Il est mort dans le service en novembre 1889; il était atteint d'idiotie
complète avec atbétose double.
(2) F.lte a maintenant (1895) dix ans, apprend péniblement, est désobéissan-
te, irritable, surtout par moments et a « un petit sursaut de tête quand elle
regarde, comme sa mère. » Onanisme. Elle ment assez facilement, mais n'a
pas de tendances aujjpl. Vers .5 ou G ans elle a eu quelquefois de l'incontinence
nocturne d'urine.
(3) Il n'y a eu rien de particulier à la conception, les parents vivaient alors
à peu près d'accord.
(4) Toutefois il lui arrivait de temps en temps d'uriner au lit et cela jusqu'à
son admission à Bicêtre. {Renseignement du 20 mars 1895.)
40 Imbécillité morale.
à 4 ans, il n'a jamais rien appris et ne sait môme pas tracer
des bâtons.
Dès ses premières années, on a remarqué en lui de mauuais
instincts : il cherchait à faire du mal sournoisement; il cra-
chait à la figure des gens, leur prenait les mains et les mor-
dait. Depuis très longtemps il a la manie du vol. Quand on
l'envoyait faire des commissions il dérobait tout ce qui lui
plaisait. On prétend qu'il aurait eu des hallucinations de la
vue et de l'ouïe. Il est menteur, aime à nuire : un jour, dans
la ferme où son père est employé, il s'est amusé a détruire
tout un plant de jeunes arbres. Une autre fois, il s'est emparé
d'une bande de 32 petits canards auxquels il a tordu les
pattes. Il recherchait la compagnie des petites filles et se
livrait sur elles à des attouchements obscènes. On n'aurait
jamais constaté l'onanisme. Il aimait à boire et s'enivrait
quand il en trouvait l'occasion; sa mère était obligée de
cacher le vin et les liqueurs.
État actuel. Tête petite, ronde et pointue ; la suture
pariétale forme un relief très marqué, la bosse occipitale est
saillante, la bosse pariétale droite est plus accusée, les bosses
frontales sont à peine dessinées; les apophyses mastoï-
des sont très prononcées, la droite plus que la gauche.
Acrocéphalie très accentuée. (Voir plus loin les »nensura-
tions).
Face. Front assez haut à sa partie moyenne, très bas et
déprimé sur les côtés. Arcades sourcilières très effacées.
Globes oculaires très saillants, iris bleus, pupilles dilatées
égales. Nez court, gros à la base. Lèvres assez grosses, égales.
Bouche 5 centimètres. Voûte palatine ogivale. Voile du palais,
luette, amygdales normaux. Oreilles grandes, bien ourlées,
lobule adhérent dans sa totalité.
Cou petit (27 centimètres). Thorax et colonne vertébrale
bien conformés. Il en est de même des membres supérieurs
et inférieurs.
Organes génitaux. Verge, longueur 55 mm., circonfé-
rence 50 mm. Prépuce long, gland découvrable, méat normal.
Bourses rétractées. Testicules à l'anneau pouvant descendre
dans les bourses, égaux, de la grosseur d'un petit haricot.
Peau assez fine, cheveux et sourcils blonds. Cicatrice de
20 centimètres sur le pariétal gauche consécutive à une chute.
Adénite sous-maxillaire à droite. Une pe&te cicatrice dé
vaccin sur chaque bras. Cicatrices de brûlures récentes sur
la partie inférieure de la jambe droite.
Sensibilité générale et spéciale normales, sauf la vue qui
Observation. 41
est faible (myopie). Réflexes physiologiques. Marche
régulière.
L'examen des différents viscères (coeur, poumons, etc.), n'a
fait découvrir aucun trouble fonctionnel. (Voir plus loin le
tableau du poids et de la taille.)
1887. Janvier. Revacciné sans succès. Avril. Hydro-
thérapie.
Mai. L'enfant est indiscipliné, crie, veut briser les por-
tes, etc. Conjonctivite oculo-palpébrale durant ce mois et en
novembre. Octobre. Apprenti vannier.
Décembre. Il est violent et brutal dans ses jeux et, en
tombant, s'est cassé une des incisives supérieures. Il a fait
quelques progrès à la gymnastique et apporte assez de bonne
volonté à l'atelier de vannerie. A la fin de ce mois, avec
d'autres enfants, il s'est livré à des actes révoltants d'obscé-
nité.
1888. Janvier. Il commence à tracer quelques lettres et
les chiffres, à bien syllaber, il fait bien les additions, connaît
les couleurs, la division du temps, etc. Sa tenue est assez
bonne. Il est très enclin au vol. Comme il est emporté, gros-
sier, très difficile à tenir à la petite école qui est dirigée par
des femmes, nous le faisons passer à la grande école.
Puberté. Visage et corps glabres. Verge : longueur 52 mm.
circonférence 65 mm., testicules de la dimension d'une petite
olive, onanisme.
Avril. Panaris sous-épidermique. Juin. Angine légère.
1889. Janvier. -- En raison de la myopie, les progrès à
l'école sont très lents, surtout en écriture. Il fait des additions
et des soustractions, dislingue bien les différentes formes des
objets. 11 est très taquin, paresseux ! toujours porté au vol et
sa tenue laisse souvent à désirer. A l'atelier de vannerie, il
y a un arrêt, son travail est moins bon, il s'empare de tout
ce qu'il trouve. Il travaille assez bien à la gymnastique.
Mars. Eruption eczémateuse sur la joue gauche. Pom-
made à l'oxyde de zinc, lotions d'amidon, traitement tonique.
Juin. École. Lecture presque courante, il sait faire la
multiplication, sa conduite est moins mauvaise et ses tendan-
ces au vol moins prononcées. A l'atelier, il ne veut absolument
rien faire, est une cause de désordres et se sauve à chaque
instant.
Juillet. Le corps est toujours glabre, pas de modification
des organes génitaux.
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Jl/en.sura £ io ? is de la tête.
POIDS ET taille. 43
Septembre. Panaris du pouce droit.
Novembre. Bronchite légère.
1890. Janvier. Il commence à faire de petits problèmes
44 Imbécillité morale.
1891. Janvier. La physionomie est plus éveillée, l'activité
est toujours très grande, sa tenue est redevenue meilleure,
on ne remarque plus chez lui de tendances au vol, ses senti-
ments affectifs commencent à se développer, il aime bien ses
camarades et ses maîtres, est plus convenable avec le per-
sonnel, n'est plus menteur comme autrefois, il a mieux cons-
cience de ce qu'il fait, la notion du bien est plus précise, son
raisonnement est assez correct, la mémoire est bonne : Et...
apprend des fables et des chants de gymnastique, il est devenu
habile à l'atelier de pailleur, il pourrait faire seul une chaise
s'il le voulait.
Examen des yeux. Strabisme divergent. Exophtalmie.
Légère instabilité de l'oeil, surtout dans le mouvement d'élé-
vation du regard, pupilles égales, réactions normales.
Atrophie blanche de la pupille des deux côtés, un peu plus
marquée à gauche. Acuité visuelle. O. d. : 1/20. O. g. :
1/25 (1).
Juillet. Puberté. La figure et le corps sont glabres. Poils
blonds et fins à la partie inférieure du pénil et à la racine de
la verge dont la longueur et la circonférence sont de 60 mm.
La prépuce a une longueur exagérée mais il n'y a pas de
phimosis. Les testicules, égaux, sent de la grosseur d'un
petit oeuf de pigeon. A gauche, il existe un t>a ? 'icocè ! e assez
prononcé.
1892. Janvier. Et... a du goût pour l'étude. Il sait les
quatre règles et fait de petits problèmes sur les trois premières.
Il commence à écrire des mots usuels sous la dictée. Il devient
plus docile quoique toujours très bavard et parfois instable.
Juillet. Et... continue à progresser sur toutes les matières
notamment en lecture et en calcul, son intelligence s'ouvre
chaque jour, sa mémoire se développe davantage ainsi que son
sens moral, il est beaucoup moins turbulent et moins vicieux.
Il travaille très bien à l'atelier où il se montre plus obéissant.
A la gymnastique, il travaille bien et exécute tous les exercices.
Puberté. La face, les aisselles, la poitrine, restent toujours
glabres ; au pénil, poils très clairsemés, assez longs, droits.
Verge. Longueur 80 mm., circonférence 83 mm. On éprouve
un peu de difficulté à découvrir le gland (phimosis). Môme
état des testicules. Anus normal et glabre.
1893. Janvier. 3cole et atelier. Amélioration progressive.
(1) L'examen a été fait par notre interne, M. Morax.
Observation. 45
Puberté. Verge : longueur 10 centimètres, circonférence
85 mm.; le phimosis persiste, mais le gland est découvrable.
Pas d'autres changements.
Juin. A l'école et à l'atelier, on note une amélioration
notable à tous les points de vue. A la gymnastique, il a été
choisi comme moniteur. Parfois, périodes pendant lesquelles
il devient paresseux.
Puberté. Verge : longueur 10 centimètres, circonférence
90 mm.; quelques poils très rares à l'anus qui jusqu'ici était
glabre.
1894. Janvier. Les progrès continuent à l'école, il est de
moins en moins turbulent, prend plaisir à écouler les expli-
cations des maîtres, il comprend bien et retient assez facile-
ment. Sa tenue est propre, il conserve ses vêtements en bon
état. A l'atelier il sait faire sa chaise entière ; il demande à
être vannier et, comme il est laborieux, on accède à son
désir. Juillet. L'amélioration persiste. Et... est plus docile,
plus poli, plus laborieux d'une façon générale.
Novembre. Le malade, qui devenait de plus en plus obéis-
sant, s'est mis à fumer et s'est associé à une sorte de protes-
tation des plus grands enfants qui réclamaient l'autorisation
de fumer.
1895. Janvier. Et... reste maintenant presque tout le
temps à l'atelier de vannier où il a fait de notables progrès.
Malgré sa myopie, il est arrivé à faire toutes sortes de man-
nes et de paniers, il est laborieux, tranquille, écoute bien les
observations.
Puberté. Léger duvet ombrant la lèvre supérieure ; rien
de plus à la face. Aux aisselles, poils courts, assez rares, sur
une largeur d'un centimètre et une longueur de 2 à 3 centi-
mètres. Le reste du tronc est toujours glabre. Poils blonds,
longs, abondants à la racine des bourses, sur tout le pénil et
commençant à envahir les aines. Poils rares sur le scrotum,
nombreux sur le périnée, assez nombreux à l'anus. Le va-
ricocèle est un peu plus volumineux. Légère irritation du
gland et du prépuce due à l'accumulation de smegma. Même
état du pénis et des testicules.
Cette observation motive un certain nombre de ré-
flexions qui vont nous permettre de faire ressortir
l'intérêt qu'il y a, suivant nous, principalement pour
les malades, à les examiner régulièrement et avec soin.
46 Imbécillité morale.
I. h'hérédilé paraît être la cause qui a produit
l'imbécillité prononcée avec perversion des instincts
que nous avons observée chez notre malade. Du côté
paternel, nons notons des accidents migraineux et do
nature comitialc. Du côté de la mère elle-même, un
caractère violent, une irritabilité constante qui, d'a-
près des renseignements que nous avons recueillis ces
jours derniers, existaient à un haut degré. Elle est
vaniteuse, s'imagine supérieure à toutes les autres, ne
supporte pas les moindres remarques et veut imposer
sa volonté à tout le monde. Avant d'habiter à la ferme
de Gravelle et depuis le retour à Paris, il fallait démé-
nager sans cesse (une année trois l'ois), parce qu'elle
avait journellement des discussions avec le voisinage.
Lorsque son mari ne voulait pas céder à ses caprices,
elle simulait des attaques de nerfs. Bien qu'elle parût
relativement calme au point cle vue génital, dans les
derniers temps de la vie commune sa conduite était
devenue tout à fait irrégulière et son mari dût la faire
arrêter à Versailles « où elle entretenait un militaire
et faisait des dettes ». Elle vit actuellement avec un
autre homme. Le divorce a été prononcé il y a quel-
que temps. Dans sa famille, ainsi que nous l'avons vu,
l'hérédité est très chargée.
II. A l'influence héréditaire s'est ajoutée l'as-
phyxie à la naissance, cause fréquente des arrêts de
développement intellectuel que nous voyons à Bicêtre.
Jamais Et., n'aurait eu de convulsions. Dès l'âge de
quatre ans, on a noté chez lui la perversion des ins-
tincts : il était sournois, taquin, turbulent, méchant,
gourmand, voleur, menteur, destructeur, désobéis-
sant. Pendant son séjour à l'école de quatre à huit ans,
il n'a rien appris, troublait sans cesse la classe, où il
n'était gardé que par considération pour son père.
III. C'est dans cette situation qu'Ét... nous est
Réflexions. 47
arrivé à Bicêtre. Sous l'influence du traitement médi-
co-pédagogique, il s'est produit chez lui, très lente-
ment, avec beaucoup de peine, une véritable amélio-
ration. La parole et l'articulation des mots qui étaient
encore très défectueuses à l'entrée dans le service,
ainsi que nous le rappelait son père il y a quelques
jours, sont devenues tout à fait libres. Le caractère
s'est modifié du tout au tout : Et., est devenu calme,
obéissant, affectueux, poli, et sa manie du vol a com-
plètement disparu. Au point de vue intellectuel, il a
appris à lire, un [jeu à compter, à écrire, quoique d'une
manière imparfaite, en raison de sa myopie. Il a des
notions usuelles assez étendues. Le raisonnement est
assez juste. La mémoire s'est perfectionnée. Enfin, il
a appris le métier de pailleur de chaises et le métier
de vannier dans lesquels il a acquis une certaine habi-
leté. En résumé, son état est devenu tel que, au lieu
de le faire passer à 18 ans clans l'une des sections d'a-
liénés, nous avons décidé de le garder jusqu'à 20 ans
pour l'envoyer dans l'une des divisions de l'hospice
comme atteint d'infirmité incurable (myopie), espérant
qu'il sera en mesure de se conduire convenablement.
IV. En Angleterre, dans les Pays Scandinaves, en
Allemagne, aux États-Unis, etc., on est convaincu de
la nécessité d'hospitaliser les enfants idiots, depuis les
plus dégradés jusqu'aux simples arriérés, et l'on crée
pour eux des établissements qui sont des modèles au
point de vue hospitalier et au point de vue éducateur.
A Paris, le Conseil municipal républicain a pensé qu'il
devait, sinon dépasser, au moins imiter ce qui se fai-
sait clans les pays que nous venons cle citer. Il a fondé
la section de Bicêtre, agrandi la colonie d'enfants de
Vaucluse, voté l'amorce d'un asile-école pour les peti-
tes filles. Mais, aujourd'hui, les hommes qui compo-
sent le Conseil municipal ne sont plus les mêmes. Le
temps leur fait défaut pour voir et bien voir ce qui se
48 Imbécillité morale.
passe dans les établissements dont ils ont la haute sur-
veilance. Et, tandis qu'on s'appuie en province sur ce
qu'ils ont réalisé pour généraliser la réforme, on voit
certains membres de cette assemblée regretter ce qui
a été accompli, prétendre, en dépit des faits, qu'on ne
peut tirer les idiots de la vie purement végétative,
et demander qu'on se borne « à nourrir » le corps des
idiots « comme les lois d'humanité le commandent ».
L'observation d'Et..., qui concerne un enfant profon-
dément atteint,, montre d'une façon péremptoire, que
les sacrifices du Conseil municipal sont réellement
productifs. Et s'il est possible de relever des malades
comme Et ? il est encore plus facile de guérir ceux,
en très grand nombre, dont les facultés intellectuelles
et morales sont moins lésées.
V. Le développement physique, en ce qui con-
cerne le poids et la taille, a suivi une marche réguliè-
re. Et..., qui aura 19 ans au mois de septembre pro-
chain, mesure 1 m. 75 et pèse 59 kilog. : à cet égard,
il dépasse la moyenne. Le tableau des mensurations
de la tête montre que, en revanche, celle-ci n'a pas
suivi la même évolution : elle est restée petite, ronde
et pointue {acrocéphalië) . Le développement du systè-
me pileux est encore très incomplet (face et tronc) ; il
ne s'est accusé qu'à la région génitale. Les examens
semestriels nous ont fait constater le développement
d'unp/i fmosts relativement léger et d'un varicocèle au
contraire assez accusé. Sans nos examens réguliers,
ces deux affections auraient passé inaperçues.
VI. Nous avons voulu vérifier, jeudi matin, en
corrigeant les épreuves de cette observation, quel-
ques-uns des points relatifs aux mensurations et à la
puberté. Nous tenions, en particulier, à nous assurer
si. le varicocèle avait augmenté, afin de faire donner,
Examen des organes génitaux. 49
si cela était nécessaire, un suspensoir au malade. Ce
nouvel examen nous a fait constater une accumulation
de smegma sous le prépuce, d'où la recommandation
faite au malade de se laver chaque fois qu'il prend un
bain. Bien qu'il ait repris ses douches depuis quelques
jours, on voit qu'il est nécessaire, néanmoins, de bai-
gner les malades. A plus forte raison en est-il de même
avce les procédés élémentaires employés à l'orphelinat
Prévost. Les organes génitaux, suivant nous, exigent
des soins de propreté aussi minutieux, sinon plus,
que le reste du corps, aussi bien chez les garçons que
chez les filles, en raison des érythèmes qui peuvent
se produire dans l'aine chez les deux sexes, à la vul-
ve chez les filles, sous le prépuce chez les garçons.
Ces examens nous font également découvrir et guérir
les adhérences du prépuce.
La leucorrhée, l'accumulation du smegma, les éry-
thèmes, etc., produisent des démangeaisons qui inci-
tent les enfants à se gratter, d'où des sensations qui
peuvent aboutir à des habitudes fâcheuses. On peut
les éviter avec des soins hygiéniques. Ce sont ces
soins, ces recommandations quotidiennes, que nous
reprochent tous les écrivains des journaux catholi-
ques, qui assurent que ces pratiques sont inutiles,
dangereuses, et qui nous accusent, dans leur igno-
rance, de fabriquer des dégénérés à Bicêtre. On voit
par l'observation d'Ét.. ce qu'ils sont quand on nous
les confie. Pour les Deville du Conseil municipal,
les organes génitaux sont des organes honteux et la
malpropreté est sainte. A l'inverse, pour certains mé-
decins, les organes génitaux seraient, au contraire,
des organes nobles, à supposer qu'il y ait à établir
une hiérarchie dans les organes qui composent le corps
humain; pour tous sauf ceux qui s'agenouillent
devant l'image do saint Labre la malpropreté est
détestable, source de maladie, cause de la propaga-
tion des maladies vénériennes. « Dis-moi comment tu
Bourneville, Bicêtre, 1894. 4
50 Traitement de l'onanisme.
te laves, je te dirai comment tu te portes a écrit un
médecin hygiéniste.
La passion politique a poussé nos adversaires à nous
accuser, les sous-entendus de M. Deville et les corn
mentaires de ses amis ne laissent aucun doute à cet
égard, de nous livrer à des expériences sur les qua-
lités du sperme des enfants idiots, et, dans ce but, de
les exciter à se masturber. Nous n'avons jamais l'ait
d'études de ce genre, et pour les faire, point ne serait
besoin de recourir à des procédés exceptionnels et
condamnables : il nous suffirait d'étudier les taches
des chemises, comme on fait en médecine légale.
Dieu (1) a fait autrefois, en 1867, des recherches sur
le sperme des vieillards, et il n'a pas été dénoncé
comme s'étant livré à des pratiques obscènes et cou-
pables. Il est vrai que c'était sous l'Empire.
Tous nos efforts consistent, au contraire, à répri-
mer chez nos malheureux malades, les pratiques de
l'onanisme, auxquelles ils sont trop enclins en raison
de leur âge (2) et de leur maladie nerveuse. Les cabi-
nets d'aisance du service, sur nos indications, sont
tous installés de manière à faciliter la surveillance
la plus rigoureuse. Les enfants ne doivent s'y ren-
dre qu'accompagnés par un infirmier (Grande École),
ou une infirmière (Petite École).
Dans les Instructions imprimées que nous donnons
à nos infirmiers et à nos infirmières, nous insistons
d'une façon spéciale sur ce côté de la surveillance
des enfants. Voici le texte du passage :
« Les infirmiers et infirmières de nuit doivent veiller très
attentivement à ce que les enfants restent dans leur lit et
n'aillent pas au lit des autres, sous aucun prétexte. Ils et elles
(1) Il ne s'agit pas du l'ère Eternel, mais du D' Dieu, médecin principal de
l'armée. Rech. sur le sperme des vieillards (Journ. de l'anat., etc., p. 449).
(2) Voir Lasègue, Éludes médicales, t. II, s. : i'i7. Gamicr, llggiène de la
génération : onanisme. Tissot, De l'onanisme.
Conclusion. 51
doivent les suivre lorsqu'ils vont aux cabinets, veiller à ce
qu'ils n'y fument pas et ne se livrent pas à l'onanisme. Si un
infirmier ou une infirmière surprend un enfant s'adonnant à
ces mauvaises habitudes, soit aux cabinets, soit dans son lit,
il ou elle doit immédiatement s'y opposer et le signaler dans
son rapport »
Voilà ce qu'auraient pu constater les Deville et C'% 1
s'ils avaient daigné se déranger, comme c'était le
devoir de conseillers municipaux, pour se rendre un
compte exact de ce que nous faisons chaque jour, et
publiquement, dans notre service de Bicêtre.
L'annonce de l'interpellation Deville, puis sa dis-
cussion nous ont valu la visite d'un certain nombre
de journalistes dont plusieurs ont poussé la curiosité
jusqu'à venir assister aux « Horreurs » que nous com-
mettons à Bicêtre, nous en avons profité pour leur
remettre, entre autres publications, le rapport que
nous avons fait au mois de juin dernier au Congrès
national d'Assistance publique de Lyon sur l'assis-
tance, le traitement et l'éducation des enfants idiots
et dégénérés ; s'ils le parcourent, peut-être s'intéres-
seront-ils à ces malheureux, et, traitant la question
devant le public, contribueront-ils plus rapidement à
généraliser l'assistance et le traitement de ces déshé-
rités. Si cette hypothèse se réalise, nous ne regrette-
rons pas les insinuations calomnieuses et infamantes
dont nous avons été l'objet.
IV.
Nous devons nous excuser auprès de vous, chers
lecteurs, d'être entré dans un exposé aussi minutieux
et que vous, médecins, vous trouverez peut-être
inutile. Tous les jours, en effet, vous conformant aux
leçons cle nos maîtres, anciens ou contemporaines, vous
observez vos malades de la façon la plus complète,
52 Conclusion.
sans négliger aucun organe, aucune fonction, et en
utilisant tous les moyens d'examen imaginés par la
science. Vous ne nous en voudrez pas pourtant, nous
l'espérons, de nous être défendu contre des accusa-
tions aussi brutales qu'injustifiées, d'avoir en même
temps défendu la méthode d'observation positive qui
est l'honneur de la médecine française et d'avoir cher-
ché à vous montrer, ce qui était sans doute superflu,
que nous n'avons pas démérité de la confiance que
vous vous voulez bien accorder à nos travaux scien-
tifiques.
Bourneville.
ANNEXES
L'Eclair du 29 mars a publié une note qui se ter-
mine ainsi : '
« M. Robin, interrogé par nous, a répondu : « Il nous
semble que pour éclairer tout à fait l'opinion publique,
M. Bourneville ferait mieux de publier le cadre d'obser-
vations qui, malgré l'appui de l'Administration, a décidé
la commission administrative, à supprimer ses visites à
Cempuis. » : La publication de ce document dont M.
Robin possède un exemplaire pris entreles mains d'élè-
ves ( ? ? ), vaudrait mieux qu'une vaine discussion de per-
sonnes (1). » '
Pour montrer combien nous avons la conviction de
n'avoir point dépassé les limites permises au médecin
dans l'observation des malades, nous allons reproduire
non pas un cadre mais tous les « cadres d'observation »
employés dans notre service et dont nous avons pris sou-
vent les éléments un peu partout.
1° Tant que le mouvement de la population a été peu
considérable dans le service, nous prenions nous-même
les renseignements auprès des familles, antécédents
héréditaires, antécédents personnels. Mais, peu apeu, en
raison de la multiplicité des entrées, nous avons dû
recourir à nos internes. Pendant quelque temps, nous
nous sommés contenté de leur fournir des instructions
verbales. Mais, en relisant les observations prises par eux,
nous y trouvions des lacunes plus ou moins nombreuses.
Alors, nous avons rédigé une sorte de guide (2) qui rend
(1) Cette discussion de personnes, ce-n'est pas nous qui l'avons provoquée.
Mis en cause, nous nous sommes défendu. Dans quels termes 1 on l'a vu plus
haut.
(2) Une copie manuscrite était remise à chacun de nos internes. Nous ne
l'avons fait composer que l'an dernier,
54 Procédés d'observation.
leur tâche plus facile et leur permet d'éviter des oublis.
Le voici, tel quel, avec ses imperfections. '
ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE
Service du Dr Bourneville
Antécédents
Schéma des antécédents. 55
État de l'enfant à la naissance : asphyxie (blanche ou bleue,
durée de l'état bleu), cordon autour du cou, poids, chétif ou
bien portant.
Allaitement. Sein, mère ou nourrice, biberon (lait de vache
ou de chèvre), sevrage, Ie'" dent, dentition complète, début
de la parole, de la marche, de la propreté.
Antécédents morbides. Coninilsions : Prodromes, début,
durée, toniques, cloniques, prédominance d'un côté, nombre
des attaques de convulsions. État de l'intelligence avant et
après; paralysie, contracture, athétose, chorée, hémichorée
consécutives.
Caractère : gai, triste, violent, accès de colère.
Instincts : vol, gourmandise, salacité, pyromanie, clasto-
manie, onanisme, rapports sexuels, fugues, turbulence,
alcoolisme.
Penchants au suicide, à l'homicide, tentatives.
Digestion. Préhension, occlusion ou non de la bouche,
bave, mastication, succion, ingestion de corps étrangers,
déglutition, rumination, vomissements, garde-robes, consti-
pation, diarrhée, gâtisme, vers intestinaux.
Respiration. Bronchite, hémoptysie.
État des sens. Anatomie, physiologie normales et patholo-
giques ; hallucinations. Sensibilité générale.
Sentiments affectifs.
Etourdissements, céphalalgies, krouomanie, changements
de coloration de la face, secousses brusques, vertiges, trem-
blements.
Sommeil : durée, cauchemars, accès de cris, attaques de
sommeil.
Mémoire, raisonnement, attention, écolage : degré d'ins-
truction ; aptitudes particulières.
Ressemblance cle l'enfant; tient-il plus du père que de la
mère au point physique et au point de vue psychique.
S'il y a eu des aliénés dans la famille placés dans les asiles,
prendre note du nom de l'aliéné, de l'asile, et de l'époque
d'internement. Traitements antérieurs. Placements dans
des maisons de correction. Placements comme apprenti.
Maladies infectieuses : rougeole, scarlatine, variole, vac-
cin (âge), coqueluche, fièvre typhoïde, accidents syphilitiques,
diphtérie, faux croup.
Accidents scrofuleux. Gourmes, dartres, otorrhée, blé-
56 Procédés d'observation.
pharite ciliaire, conjonctivite, adénites, engelures, maladies
de la peau.
Traumatismes céphaliques et divers, fractures, luxations,
brûlures ; sévices exercés par les familles.
Cause à laquelle les parents attribuent la maladie.
Premiers signes cle l'idiotie; en quoi consistaient-ils ?
Premiers signes de. l'épilepsie : cauchemars, absences,
vertiges, secousses, accès.
Marche des accès, diurnes nocturnes; blessures dans les
accès; miction, défécation, perte séminale; morsures de la
langue, bave, écume; état consécutif, automatisme, procur-
sion, folie pré ou post èpileptique , accès sériels, état de mal.
2° Lorsque ces renseignements ont été donnés par la
famille, nous prenons ou nous faisons prendre la descrip-
tion de l'enfant. Afin de faciliter la tâche de nos internes,
nous avons établi le schéma suivant.
ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE
Service DU Dr Bourneville.
État actuel
DESCRIPTION DU malade. - - 57
Nez : aquilin, camus, droit ; lobule, volume, bifidité, dévia-
tion, narines, odorat.
Pommettes, saillie, régularité, symétrie, joues.
Bouche : forme, direction, dimensions.
Lèvres : volume, saillie, épaisseur. '
Palais : voûte, voile (forme ogivale ou non).
Pharynx : déglutition; tumeurs adénoïdes.
Langue : épaisseur; tremblement de la pointe.
Amygdales : volume, saillie.
Goût : perception (quelles substances ? ).
Dents ; mastication.
Menton, forme, dimensions, situation par rapport au maxil-
laire supérieur.
Oreilles : forme, implantation ; écartement, lobule, hélix,
anthélix. Ouïe.
Cou : circonférence, corps thyroïde, larynx, laryngoscope.
Membres supérieurs : forme' attitude, volume, motilité,
pression (dynamomètre), sensibilité, toucher, etc. État
des ongles.
Membres inférieurs : inspection, palpation ; station, mar-
che, voûte plantaire.
58 Procédés d'observation.
Fonctions : digestion, respiration, etc.
HÉMIPLÉGIE : 1° Attitude des membres paralysés : a) au
repos, b) dans la marche.
2° Mensurations comparatives des membres
des deux côtés (tableau).
3° Etat des jointures : a) contracture, b) cra-
quements.
4° Etat des mouvements : a) spontanés,
b) provoqués. ,
5° Contractions fibrillaires. Etat des mus-
cles : a) contractilité, b) amaigrissement,
c) atrophie musculaire.
6° Hémichorée, athétose.
7° epilepsie spinale, trépidation, phénomène
du pied. '
8° Réflexes (bras, genou, pied).
9° Comparaison des deux côtés du tronc
(thorax, bassin, membres).
10° Développement du système pileux : a) côté
paralysé, b) côté sain.
11° Organes génitaux : comparaison des tes-
ticules, des seins.
3° Nous avons fait faire un certain nombre de tableaux,
les uns communs à tous les enfants, les autres spéciaux
à certaines catégories d'entre eux.
Les tableaux communs sont les suivanls :
a) Tableau de la température des cinq premiers jours
de l'admission. Ainsi que nous l'avons dit, nous faisons
prendre, matin et soir, la température rectale de tous les
enfants qui entrent clans le service. Maintes fois, cette
mesure nous a permis de constater que les entrants étaient
à la période d'incubation d'une affection aiguë ordinair j
ou infectieuse.
b) Tableau des mensurations de la tête.
c) Tableau des poids et taille.
d) Tableau de la Puberté.
60 Mensurations de la tète.
Enfants imbéciles, arriérés, épileptiques
. et aliénés.
Puberté.
62
Tableau des accès.
Les tableaux particuliers se rapportent aux épilepti-
ques et aux hémiplégiques.
a) Tableau des accès ; températures durant les accès.
b) Tableau des mensurations des membres citez les hé-
miplégiques.
Épileptiques : Tableau des accès.
Eoilenticiues : Température de l'accès
66
Mémento des autopsies.
" ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE
Service du Dr Bourneville.
Autopsie
Instructions aux infirmiers et infirmières. 67
Enfin, nous faisons venir autant que possible mais non
sans difficulté, à tour cle rôle, les infirmiers et les infir-
mières de notre service dans notre cabinet, au moment
de la signature des papiers administratifs et nous leur
donnons des Instructions sur leur façon d'agir envers les
enfants. De même que pour les Instructions médicales,
nous avons fait des copies manuscrites de ces instruc-
tions que nous avons finalement fait imprimer. Nous les
reproduisons et elles contribueront à prouver que loin de
fabriquer des dégénérés à Bicêtre, comme le dit M. Deville,
nous prenons au contraire, en ce qui nous concerne, toutes
les mesures susceptibles de remédier à leur dégénéres-
cence.
ASILE-ÉCOLE DE BICÊTRE
Service Du Dr Bourneville.
Service des Infirmiers et Infirmières.
Les veilleuses prennent leur service à six heures quarante-
cinq les jours de classe des infirmières et à sept heures qua-
rante-cinq les autre» j"urs, de façon que ces dernières puis-
sent leur transmettre le service avant d'aller à l'École, ou de
rentrer dans leurs chambres. Les veilleuses et les veilleurs,
en prenant leur service, doivent s'assurer avec le plus grand
soin que ToUS les enfants sont au lit.
L'infirmière de jour doit indiquer à la veilleuse quels sont
les enfants qui ont passé depuis sa précédente veille, soit à
l'infirmerie, soit dans une autre salle, ceux enfin qui sont en
permission de sortie ou en congé. » L'infirmier de jour doit
procéder de même envers l'infirmier de veille.
Les infirmières de nuit doivent veiller très attentivement à
ce que les enfants restent dans leur lit et n'aillent pas aux
lits des autres, sous aucun prétexte. Elles doivent les accom-
pagner lorsqu'ils vont aux cabinets, veiller à ce qu'ils n'y
fument pas et ne se livrent pas à l'onanisme. Si une infirmière
surprend un enfant s'adonnant à ces mauvaises habitudes,
soit aux cabinets, soit dans son lit, elle doit immédiatement
68 INSTRUCTIONS aux infirmiers ET infirmières.
s'y opposer et le signaler sur son rapport. Elles doivent
empêcher les enfants de se balancer, de ronger ou déchirer
leurs ongles, de mettre des petits cailloux dans leur bouche,
de sucer ou téter leurs doigts, de déchirer leurs habits, etc.
Les infirmières doivent surveiller avec le plus grand soin
les enfants qui ont des accès d'épilepsie, ou des vertiges,
prendre des précautions pour qu'ils ne tombent pas de leur
lit; les empêcher de se coucher sur le ventre car, lorsqu'un
enfant placé dans cette position est pris d'un accès, il est
exposé à mourir asphyxié, la face étant collée contre l'oreil-
ler, le traversin ou le matelas, et l'air n'entrant plus du tout
dans les poumons. D'autre part, le décubitus (ou le coucher
dorsal) excite les enfants à l'onanisme.
Quand un enfant a un accès pendant le jour, l'infirmière
doit défaire le cordon de la chemise, déboutonner le gilet et
la ceinture du pantalon. Si l'accès a lieu la nuit, il faut défaire
le cordon de la chemise et desserrer les couvertures. En un
mot, dans toutes les circonstances, il faut prendre les mesu-
res pour empêcher l'asphyxie.
Dans les deux cas, lorsque l'accès est fini, il faut découvrir
l'enfant afin de constater s'il a uriné ou déféqué ou, s'il s'a-
git d un enfant d'un certain âge, c'est-à-dire d'un adolescent,
s'il a ou non taché sa chemise.
L'infirmière, tout en veillant sur l'enfant, doit tâcher de
décrire l'accès ; observer à quelle période de l'accès l'enfant
urine ou fait autre chose; si c'est au début de l'accès, lorsque
l'enfant jette un cri, ou à la période de raideur, ou à la pério-
de des secousses, ou enfin à la période de stertor ou de ron-
flement. II ne faut pas quitter l'enfant qui vient d'avoir un
accès avant qu'il n'ait tout-à-fait sa connaissance. Il ne faut
pas oublier non plus que, parfois, il survient vite un 2° accès.
Les veilleuses doivent aussi observer les enfants qui ont
des cauchemars ou des hallucinations ; elles doivent essayer
de saisir ce que dit l'enfant, de savoir ce qui lui fait peur et
inscrire ce qu'elles ont observé et entendu sur le carnet de
rapport.
Elles doivent aussi veiller sur les enfants qui, sans avoir
d'accès ou de vertiges, urinent au lit. Elles doivent prendre
soin de les faire uriner avant qu'ils ne se couchent, les faire
lever à minuit, et les conduire aux cabinets ou leur donner le
vase, dans le but, en régularisant en quelque sorte l'urina-
tibn, de les guérir de leur incontinence d'urine.
Instructions aux infirmiers ET infirmières. 69
Les infirmiers et infirmières doivent être réservés dans,
leurs paroles et ne jamais prononcer de mots grossiers; ils
ne doivent jamais perdre de vue qu'ils ont affaire à des en-
fants, et qui plus est, à des enfants malades, double raison
qui leur commande impérieusement de ne jamais agir avec
brutalité envers eux. Et cette règle de conduite ils ne doi-
vent pas s'en départir, lors même que les enfants seraient vio-
lents ou grossiers eux-mêmes.
Les infirmières et infirmiers doivent réprimander les enfants
avec fermeté et bienveillance et signaler ceux qui seraient
rebelles à leurs remontrances : par la douceur, par l'affection,
qu'ils en soient bien persuadés, ils viendront à bout des en-
fants même les plus récalcitrants.
Infirmiers et infirmières doivent observer les enfants
qui leur sont confiés avec le plus grand soin ; noter la
déchéance intellectuelle, l'affaiblissenit-nt physique des
enfants, les modifications de la physionomie, l'altération
des traits, la diminution de l'appétit, les troubles de la diges-
tion qui surviennent chez les enfants. Cette recommandation
est d'autant plus importante que beaucoup de ces enfants
sont plus ou moins insensibles à la douleur, la supportent
sans se plaindre, continuent à marcher, aller et venir, bien
qu'ils soient sous le coup d'une maladie mortelle.
Les veilleuses sont tenues, le matin, d'aider les infirmières
de jour à procéder au nettoyage des enfants : c'est la pre-
mière leçon qui doit commencer la journée, car il s'agit
d'apprendre aux enfants à s'habiller, à se laver la figure et
les mains, à brosser leurs habits, à faire leur lit, etc.
Lorsque les enfants sont sortis des salles, les relieuses
continuent leur ménage ; elles assistent au déjeuner des
enfants de la Petite École, et là, avec les maîtresses et les
infirmières de jour, elles doivent non seulement surveiller
les enfants mais leur apprendre à manger proprement, à hien
se servir de la cuiller, de la fourchette et du couteau. Il y
aurait un très grand intérêt au point cle vue de la bonne
tenue des enfants et au point de vue de l'économie à engager
les infirmières veilleuses à faire pendant la nuit, la révision
des habits des enfants de leur dortoir et à faire les menues
réparations.
Les veilleurs sont tenus le matin d'aider les infirmiers de
jour à procéder au nettoyage des enfants, puis d'aller chan-
70 Instructions aux infirmiers ET infirmières.
ger les paillasses des gâteux et ensuite d'aider à porter le
linge sale à la buanderie ; ils sont aussi chargés, en revenant
de cette dernière corvée, d'aider au nettoyage des carreaux
dans les pavillons tenus par les infirmières.
Les infirmières et les infirmiers, de jour on de nuit, ne doi-
vent jamais se familiariser avec les enfants. La nuit le- infir-
mières et infirmiers ne doivent jamais leur adresser la parole,
sauf dans le cas de nécessité absolue ; ils doivent placer
les enfants en rang quand ils vont d'une partie du service
dans une autre; s'opposer à ce que les enfants crachent
dans les galeries et par conséquent ne pas leur donner ce
mauvais exemple ; ils doivent examiner les selles des enfants
afin de s'assurer si elles renferment des vers, parasites qui
sont souvent cause d'accidents convulsifs, etc.
Les infirmiers et infirmières ne doivent point donner des
renseignements aux familles sur l'état des enfants qu'ils ne
connaissent que très imparfaitement. C'est le médecin, ou à
défaut le surveillant, qui doit fournir ces renseignements.
Ils ne doivent point se charger de lettres ou de commissions
«ans autorisation, ni se permettre sous aucun prétexte
d'introduire des étrangers dans l'intérieur de la division des
aliénés.
Les infirmiers et infirmières doivent noter tous les enfants
qui urinent et défèquent au lit, et inscrire scrupuleusement
le nombre des accès et des vertiges des enfants, s'il y a lieu
avec les différences présentées dans les diverses crises.
Les infirmiers et infirmières chargées de soigner des
enfants aliénés doivent toujours avoir présent à l'esprit que
ces enfants sont atteints d'une maladie qui les porte souvent
à des propos injurieux et à des actes de violence. Ils doivent
donc s'appliquer à les préserver du mal qu'ils pourraient se
faire, ou qu'ils pourraient faire aux autres ; mais dans
l'accomplissement de ce devoir, ils resteront assez maîtres
d'eux-mêmes pour s'abstenir de toute parole outrageante et
de toute voie de fait, qui ne feraient qu'irriter les malades.
Les infirmiers et infirmières doivent se réunir en aussi
grand nombre que possible lorsqu'ils ont à s'assurer de la
personne d'un enfant malade, par exemple pour le conduire
en cellule lorsqu'il présente de l'excitation maniaque. Présen-
Instructions aux infirmiers et infirmières. 71
ter aux enfants ou adultes aliénés un appareil de force assez
imposant pour leur oler toute idée de résistance, c'est le
seul moyen d'éviter ou d'abréger des luttes toujours fâcheuses.
Les infirmiers et infirmières ne doivent laisser, à la disposi-
tion des enfants, rien qui puisse devenir, entre leurs mains
un instrument de violence. Ils devront faire à ce sujet de
fréquentes recherches, mais avec toute la prudence et toute
la discrétion possibles pour ne point exciter la susceptibilité
naturelle des malades qui en sont l'objet.
Les infirmiers et infirmières doivent exercer une surveillance
constante sur les cnfants aliénés. Réunis ou isolés, ils ne
doivent jamais être abandonnés à eux-mêmes. C'est aux
infirmiers et aux infirmières à calculer leurs différents devoirs
de la journée sur ce principe : aucune excuse ne pourrait
justifier un abandon, même momentané, des malades qui
leur sont confiés.
Description des accès d'épilepsie.
Bien que nos infirmiers et nos infirmières aient,
dans le Manuel de l'infirmière des indications géné-
rales au sujet des accès d'épilepsie et des attaques
d'hystérie et que nous complétons ces renseignements
dans des dictées données à l'école primaire, nous leur
donnons, dans notre service spécial, le schéma ci-après
qui les aide à décrire les crises convulsives des enfants.
Cela est d'autant plus nécessaire que le médecin, pré-
sent sculemement durant quelques heures de la mati-
née, ne peut en être témoin que par exception.
Aura ou avertissement.
a) Signes lointains ; irritabilité, tristesse, affaiblissement,
etc.
b) Signe= immédiats : douleurs localisées dans un membre,
au ventre, à l'estomac, etc.
Début : cri, ses caractères ; comment tombe l'enfant ?
72 Description des accès d'épilepsie.
Première période ou des convulsions Ioniques : Rigidité
générale ou prédominance d'un côté du corps.
Attitude de la tête ; déviation et couleur de la face.
Paupières ouvertes ou fermées. Direction des yeux. Pu-
pilles dilatées ou contractées. Bouclie ouverte ou fermée ;
mâchoires (contractées ou écartées). Altitude des mains,
des doigts, du pouce.
Période intermédiaire : secousses tétaniformes ou non ;
générales ou localisées ?
Deuxième période ou des convulsions cloniques : mouve-
ments des bras et des jambes, généralisés ou localisés, ou
prédominant d'un côté.
Modifications de la face (couleur), des paupières, des yeux,
de la bouche, des mâchoires (relâchées ou serrées).
Troisième période ou de slertor : flaccidité des membres ;
ronflement ; bave ou écume, sanguinolente ou non.
Évacuations involontaires (urine, selles, sperme).
Sommeil ou hébétude consécutifs; durée. Actes incons-
cients ou automatisme (course, etc.). Hallucinations, trou-
bles intellectuels (excitation maniaque).
Durée totale des accès et, si cela est possible, des périodes.
Température. (Voir p. 63).
Les infirmiers et les infirmières doivent se guider
sur le schéma précédent pour la description des
secousses, des vertiges, des attaques d'hystérie.
Nous complétons ces détails par des instructions
verbales. Nous invitons le personnel, maîtres, maî-
tresses, infirmiers et infirmières à noter avec soin
tous les symptômes qui annoncent chez les épileptiques
une tendance à la déchéance : affaiblissement de la
mémoire, embarras cle la parole, tremblement de la
langue et des lèvres, modifications des dimensions des
pupilles (égalité, inégalité), changements de couleur
de la face, etc. Durée des troubles consécutifs aux
accès.
Description des malades.
73
Cadre de renseignements pour nos instituteurs
et nos infirmiers.
Nous avons dit que nous demandions à notre per-
sonnel; instituteurs, institutrices, surveillantes, infir-
miers et infirmières, de nous donner pour le certifi-
cat de quinzaine d'abord, puis pour les rapports
semestriels des notes sur l'état intellectuel- des enfants,
sur leur degré d'instruction et sur les diverses parti-
cularités observées par eux. Dans le but de faciliter
leur tâche nous mettons à leur disposition une sorte de
guide fait d'après l'Analyse psychologique de l'en-
tendement humain chez les idiots de Félix Voisin (1).
et le cacî ? 'e monographique de l'idiotie de Ed. Sé-
guin (2). En voici le texte : .
74
Instructions aux In;tituteurs.
Description des malades. 75
76 Instructions aux instituteurs.
Sens extérieurs.
Description des malades.
Facultés de perception.
78 MÉTHODE D'OBSERVATION.
compléter par ses notes celles que nous prenons, nous
et nos internes. Nous essaierons un jour do le dresser
d'une façon plus physiologique et plus moderne.
Grâce à l'ensemble des procédés et des moyens
que nous venons d'exposer peut-être trop longuement,
nous arrivons à posséder sur nos malades des obser-
vations à peu près complètes et dont chaque année
un certain nombre figurent dans le Compte-rendu
du service.
TROISIÈME PARTIE
Clinique et anatomie pathologique
I.
Idiotie complète congénitale avec paraplégie compliquée
. de contracture et de déformations des pieds ;
l'Ail BOUniVKVlLLE ET NOIR.
L'observation suivante constitue un véritable spéci-
men du type de l'idiotie congénitale complète par
arrêt simple de ' développement.
Sommaire. Père, nerveux, rhumatisant, psoriasique.
, Tante paternelle, arriérée : qui a eu un garçon arriéré et
une fille idiote et paralysée. Mère, migraineuse ; dispa-
rition des migraines Ûurant les grossesses. Grand-père
maternel, excès de boisson, mort d'un cancer de l'esiom&c.
Grand-oncle maternel, mort « d'une fièvre chaude ».
Cousine maternelle, suicidée. Inégalité d'âge de 9 ans.
Paralysie congénitale avec contracture des membres infé-
rieurs ; déformations des pieds. Membres siipénetîr.s ? ior-
mau.w Absence complète de l'intelligence. Phtisie ;
dépérissement progressif. Congestion pulmonaire : mort
rapide. . , "
Autopsié : Arrêt de développement du cerveau. Dépôts
caséeux dans les poumons, et dans l'une des capsules
surrénales.
Lég... (Léon- Théodore), né le 12 octobre 1872, à Asnières,
est entré le 20 janvier 1890 (service de M. BournevIlle) : où il
est décédé le 3 novembre 1890.
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère le
2 février Ï890.) Père, mort à 52 ans d'une bronchite"
chronique datant de 10 ans (tuberculose) ( ? .] ? Très nerveux et
très peureux dans son enfance, il n'aurait pourtant jamais
présenté d'accidents convulsifs. Pas de maladies infectieuses.
Dermatose squameuse ayant son siège ordinaire au cbti'dé*
Bourneville, Bicêtre, 1894. - 6 6
82 Antécédents.
(psoriasis probable). Douleurs rhumatismales erratiques.
Névralgie sciatique probable. Marié à 21 ans et à 29 ans. Pas
de syphilis. Ouvrier scieur de long puis scieur clans une scierie
mécanique, il était sobre et travailleur. Il fumait peu depuis
1879, avait autrefois fumé beaucoup. Caractère doux.
[Famille du père. Père, bûcheron, sobre, mort à la suite
d'une piqûre dans les bourses par un éclat de bois (septicémie).
Mè ? 'e, morte à 68 ans, assez rapidement après 8 jours de
maladie et un affaiblissement progressif. Aucun renseigne-
ment sur les grands-parents paternels. Tante maternelle
morte à 90 ans, de vieillesse. Un frère, 57 ans, marié, père
de 3 enfants vigoureux et intelligentes. Une soeur bien
portante ; une autre soeur un peu « bêtasse » qui a eu avant son
mariage un enfant peu intelligent; elle s'est ensuite mariée
avec un autre que le père de l'enfant et a eu 4 enfants parmi
lesquels était une fille idiote et paralysée. Celte fille est
morte d'accident à 10 ans : « elle est tombée dans le feu. »
A cette époque, elle ne pouvait marcher, ni parler. Rien de
plus à signaler au point de vue pathologique et psychique
dans la famille du père.]
Mère, 43 ans, couturière, à physionomie intelligente, régu-
lière et paraissant bien portante. Elle n'a présenté aucune
maladie infectieuse ni diathésique autre que la migraine.
Celle-ci a débuté au moment de la puberté (14 ans 'f,). Les
douleurs se calmaient lorsqu'elle vomissait ou alors elle était
obligée de se coucher et restait 48 heures malade. Cette
migraine survenait ordinairement 4 ou 5 jours après les règles.
Elle a diminué à 37 ans, époque à laquelle elle abandonna
les travaux de couture, et a disparu à 39 ans. Le mariage n'a
pas modifié les accès, qui n'apparaissaient jamais durant la
grossesse. [Famille de la mère. Père, menuisier, mort à
75 ans d'un cancer du pylore, était un buveur de cidre et
aurait fait dans sa jeunesse des excès de boisson. Mère,
82 ans, n'a jamais été malade et jouit actuellement d'une
bonne santé. Grand-père paternel, mort à 80 ans, sobre,
ni dément, ni paralytique. Grand'mèrepalcrnelic, morte à
78 ou 80 ans. Grand-père maternel, mort presque subite-
ment à 80 ans. Grand'mère maternelle morte à 52 ans d'une
affection de la jambe ( ? ). Deux oncles paternels, morts tous
les deux assez jeunes et. très rapidement, l'un d'une « espèce
de fièvre chaude ( ? ).». Ces oncles avaient des enfants, qui sont
actuellement très bien portants. Tante paternelle morte à
00 ans ? Cette tante a eu deux filles : l'une d'elles s'est suicidée
en apprenant que son mari la trompait avec une voisine.
Antécédents. 83
Un oncle maternel et six lanles maternelles morts assez âgés
et laissant des enfants d'une excellente santé. Quatre frères
dont deux sont morts, on ne sait de quoi, les deux survivants
et leurs enfants sont bien portants. Quatre soeurs dont
deux mortes ( ? ) et deux en bonne santé; une de ces dernières,
mariée, a eu 6 enfants tous morts (deux de diarrhée infantile,
un d'angine, un tuberculeux).]
Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de plus de neuf ans.
Trois enfants : l" Une fausse coucha do 3 mois survenue à
la suite d'un effort ; 2° Une fille morte à 10 jours de diarrhée
Infantile.
3° Notre malade. Rien cle particulier à la conception.
Aucun accident durant la grossesse. /lccouc/ieme ? ii à terme,
normal, sans anesthésie (I). A la naissance, la grand'mère
maternelle de l'enfant, qui avait élevé 17 enfants, remarqua
qu'il avait les jambes anormalement croisées. Il n'y avait eu ni
asphyxie, ni circulaire du cordon. Allaité au sein maternel,
il aurait toujours bien pris le sein il ne fut sevré qu'à trois
ans. Il se développa assez bien jusqu'à 9 mois et se servait
assez normalement de set bras et cle ses jambes; il pouvait
se tenir debout en se servant des murs, des meubles comme
appui, mais la pointe des pieds seule portait sur le sol. Il se
réveillait souvent en sursaut et criait. A celte époque, il
contracta la rougeole à la suite de laquelle, il dépérit, devint
méchant, pleurant presque conlinuollcment. Auparavant, il
différait déjà des autres enfants, élait « moins éveillé », tenait
moins bien sa lêtc, mais alors les différences se sont ac-
centuées : « il a changé du jour à la nuit. » Ce ne serait que
vers 3 ans que les membres inférieurs se sont contrac-
tures ; depuis la naissance ils se croisaient. A 13 mois, pre-
mières dents, dont la poussée douloureuse détermina des
convulsions internes. Ces convulsions, qui consistaient en
pâleur de la face, rotation des yeux, duraient une à deux
minutes. Elles se sont manifestées pendant toute la dentition,
qui fut complète à 3 ans. L'enfant n'aurait jamais présenté
de mouvements convulsifs des membres. A cet âge il ne
marchait pas; il élait relativement propre; sa mère, qui
prenait ses précautions, comme elle dit, s'apercevait à
certains signes du besoin ; elle prétend que, dans les derniers
temps qui ont précédé son admission à Bicêtre, « il montrait
le pot ». Ses selles étaient « très régulières ». Le sommeil
(1) Présentatiun du sommet.
84
État actuel.
aurait encore été mauvais de 3 à 7 ans : il s'éveillait en sur-
saut 3 ou 4 fois par nuit, en criant, et se" calmait dès que sa
mère venait auprès de lui. Le sommeil serait devenu tran-
quille à partir cle 7 ans.
Etat actuel {Février 1890). Cheveux peu abondants mais
régulièrement implantés. Crâne symétrique, d'un faible vo-
lume (Yoii- le tableau des mensurations de la tête). Front élevé,
bosses frontales peu accusées. Arcades sourcilières assez
prééminentes. Oreilles grandes, l'ourlet n'existe presque
pas, le lobule est détaché. Sourcils assez abondants. Fente
Fig. 3.
Etat actuel.
85
patpébrale assez grande. Cils bien implantés. Yeux : la moti-
lité paraît normale ; pas de lésions dans la conjonctive. Pupilles
inégales (la droite est un peu dilatée), à réactions normales.
Un examen soigneux cle l'oeil permet de constater un très
léger" excès de Convergence des deux globes et que lés vais-
seaux dé la papille sont plutôt grêles que variqueux; enfin;
que larétinéést normale. Du reste, le malade voit bien.
Nez un peu oblique, narines épaisses. Bouche assez petite.
Lëvré's minces (Fig. 20).
Dentition, Mâchoire supérieure : 14 dents assez bien ran-
i-ig. i.
86 État actuel.
gées. Canine gauche et première molaire gauche profondé-
ment cariées. Aspect crénelé du bord inférieur des incisives
(type de dents régressif). Mâchoire inférieure : 14 dents
assez bien rangées ; première et seconde molaires droites
profondément cariées; même type cle dents qu'à la mâchoire
supérieure. Tendance au retour vers le type conique. Les
dents sont couvertes de moisissures vertes. Articulation nor-
male. Gencives en bon élat. (Noie de M. le docleur Cruet.)
Langue, palais, voile du palais normaux. Amygdales un
peu grosses. Quelques ganglions cervicaux engorgés.
Cou : 0"\36 de circonférence. Thorax étroit. Coeur,
poumons : rien de particulier. Abdomen souple. Foie de
volume normal Pas de déviation de la colonne vertébrale.
Membres inférieurs. Le malade debout repose sur le
bord interne du pied droit, le talon étant relevé. Les orleils
sauf le pouce sont fléchis. La jambe est en demi-flexion sur
la cuisse et la cuisse sur le* bassin. Il y a une adduction for-
cée avec procidence en avant de la cuisse droite. L'état du
membre inférieur gauche est très analogue, mais la cuisse
toujours en adduction se maintient sur un plan postérieur à la
cuisse droite. Il y a une atrophie notable des muscles de ces
membres. Les articulations de la hanche et du genou sont
raides et ne peuvent permettre l'extension complète. Les
articulations tibio-tarsiennes sont souples. L'astragale fait
saillie à la face interne du pied gauche. Cette saillie, plus
volumineuse à droite, est formée par l'astragale et le sca-
phoïde. Les réflexes rotuliens sont peu marqués [Fig. 21).
Membres supérieurs. Ils sont régulièrement conformés,
mais asymétriques, comme le prouvent les mensurations;
toutefois, ils ne présentent ni déformation, ni contracture.
Ils se meuvent régulièrement. L'enfant prend les aliments à
pleines mains et les porte à sa bouche.
Puberté. Les deux testicules sont dans les bourses, leur
volume identique à gauche et à droite est celui d'un petit oeuf
de pigeon. Verge : longueur 0"\13; circonférence : 0»>,065.
Gland découvert, méat normal. Quelques petits poils au pénil,
au périnée, aux bourses, à la région anale qui est normale.
Léger duvet à la lèvre supérieure et à la face antérieure des
jambes.
Sensibilité delà peau, médiocre. Odorat peu développé.
Goût paraissant exister : la coloquinte fait faire à l'enfant
une légère grimace, mais il prend le sucre avec plaisir;
voracité.
Au point de vue psychique, l'enfant estcomplètementid.tot
et gâteux. Il reconnaît ses parents, les appelle par des cris
État actuel. 87- ·
vagues, mais n'a aucune notion de ce qui l'environne. La
parole est nulle : mam.an, papa, sont les seuls mots qu'il
prononçait tant bien que mal. Il s'égratignait parfois la
figure et déchirait ses habits.
Mai. L'enfant fait un séjour à l'infirmerie pour des enge-
lures aux pieds.
' Octobre. Il revient à l'infirmerie pour Une conjonctivite-
purulente qui cède à des instillations au nitrate d'argent.
1" novembre. A l'infirmerie pour de la diarrhée, langue
saburrale. T. R. 39». Purgatif salin,
2 novembre. Son état empire, début d'une escarre fessière
à gauche non encore -uicérée. Teint terreux, langue rôtie.
Aspect typhoïde. Auscultation très difficile ; lésions pulmo-
naires probables. Malin : T. R. 39°. Soir : T. R. 40.
3 novembre. État désespéré. Matin : T. R. 40°, 4.
Soir : T. R. 40°, 6. Mort le 4 novembre à 4 heures du matin..
Poids après le décès : 25 kg. 500. Diminution de 9 kilog.
88> Autopsie.
Distance île l'épine iliaque ant. sup. à l'interligne art.
A-jtopsie. 89
Le lobe pariétal est aussi simple que le lobe frontal. La PA.
peut, morphologiquement, être divisée en deux parties : une
supérieure assez grêle qui forme un groupe similaire avec le
lobe pariétal supérieur (L. P. S.), une inférieure large, termi-
nant en avant une grosse circonvolution en S formant le lobule
pariétal inférieur (L. P. I.) et bordant la scissure de Sylvius
qui est très profonde (S. S.). Le pli courbe (P. C.) et son
lobule sont très nets et très simples. Le lobe temporal et
le lobe occipital offrent également le mémo aspect schéma-"
tique.
La face interne conserve aussi le. même caractère cle simpli-
cité : F1, L P, A C, C [Fig. 23) se succèdent sans modification
notable. Le corpscalleux (C. C), sac-irconvolution (C. C. C),
le ventricule latéral (V), les noyaux gris centraux, l'hippo-
campe, etc., ont tous la même simplicité do forme (Fig. 23'.
Hémisphère cérébral gauche [Fig.V\). Tout on conservant t
l'aspect rudimentaire du droit, il a une morphologie un peu
différente. F1, F2 et F : l ont une direction plus horizontale;
les insertions avec FA sont aussi assez grosses. F1 et F2 s'u-
nissent à FA par un seul pli de passage. Au niveau cle ce
dernier, FA est coupée par un sillon. La scissure rolandique
(S. R.) est profonde. La pariétale ascendante (P. A.) conserve
son autonomie et n'est reliée aux régions voisines que par les
plis de passage de ses extrémités. Le lobe pariétal se divise
en deux lobules, LPS et LPI, très cl i si i nets. LPI se confond lar-
gement avec T1. Le pli courbe (PC) est silué tout à la partie
postérieure de l'hémisphère au voisirage de la scissure per-
pendiculaire externe (SPE), très accusée. Ce pli est grêle.
Le lobe temporal est scindé très nettement par le sillon intra-
pariêtal profond, rectiligne et tandis que T1 se confond avec
LPI. T2 en se bifurquant supérieurement forme le lobe occi-
pital. La scissure de Sylva us, S. S., et Yinsula n'ont rien de
particulier.
Face interne. Elle e-l très, simple et diffère de celle
de l'hémisphère droit en ce que le lobe paracentral (LP.) et le
lobe quadrilatère ou avant-coin (A.C.) sont beaucoup plus
volumineux. Rien de particulier aux noyaux gris centraux
et à la capsule interne (Fig 25'.
Rien non plus à noter au cervelet ni à l'isthme.
La moelle, au point de vue macroscopique, ne laisse pas voir
de lésion, ni cle dégénérescence.
Cou. Corps thyroïde : 20 gr. Pa^ de traces du thymus.
90 Réflexions.
Thorax. Coeur : 180 gr.,sans lésion apparente. Poumon
droit (390 gr.) très congestionné. Tubercules nombreux au
sommet en voie de casèificalion. Poumon gauche (385 gr.),
complètement congestionné et d'une façon très intense.
Abdomen. Foie (1,020 gr.), pâle ; ? 'ate (115 gr.) ; pan-
créas (32 gr.). Rein gauche : (130 gr.) : il paraît, normal.
Rein droit : (200 gr.) A la partie supérieure, empiétant sur
ce rein et comprenant la capsule surrénale, est une masse
très ndhérenteremplie d'un magma caséeux et d'un pus très
grumeleux. Vessie et uretères non alléré-; la vessie con-
tient une urine claire. Estomac, intestins, rien de parti-
culier.
Réflexions. I. h' hérédité nerveuse est peu
chargée, surtout du côté maternel. '
IL Au dire de la mère de l'enfant, la conception,
la grossesse et V accouchement n'auraient offert rien de
particulier et cependant, dès la naissance, la grand'-
mère maternelle de l'enfant, qui avait une grande
expérience puisqu'elle avait élevé 17 enfants, aurait'
remarqué que le nouveau-né avait les jambes anor-
malement croisées, ce qui indiquait par conséquent
une lésion congénitale. A 9 mois, rougeole, suivie de
dépérissement ot d'une modification du caractère :
cette maladie infectieuse aurait, assure-t-on, aggravé
l'état congénital. Notons aussi le retard de la dentition.
III. Nous n'aurions pas publié cette observation
qui, malheureusement, est imparfaite sur un grand
nombre de points, si nous n'avions cru utile de placer
sous les yeux du lecteur un type, véritablement inté-
ressant, de cerveau réduit à la plus grande simplicité,
en quelque sorte aux circonvolutions élémentaires.
Ces circonvolu'. ' ons sont, on général, assez volumi-
neuses, parfois même très volumineuses ; les sillons
sont assez profonds, mais les plis cle passage font
presque tout à fait défaut. '
RÉFLEXIONS. 91
IV. Les convulsions dites internes notées durant
l'évolution dentaire, à diverses reprises, de 13 mois à
3 ans, ne se sont traduites par aucune lésion macros-
copique des circonvolutions.
V. Le membre inférieur gauche était nota-
blement moins développé, dans toutes ses mensura-
tions, que le droit. Il en était de même du membre
supérieur correspondant mais à un moindre degré :
la différence portait sur les circonférences du mem-
bre et non sur les longueurs. Malgré cela, à l'autop-
sie, nous avons trouvé les hémisphères cérébraux
égaux.
VI. Bien des fois dans les quatorze volumes de nos
Recherches cliniques et analomo-pathologiques sur
les maladies nerveuses chroniques des enfants qu'on
englobe sous le nom d'idiotie, nous avons mis la repro-
duction des photographies des enfants en regard de
celle du cerveau. C'est ce que nous faisons encore au-
jourd'hui. Ce n'est qu'à l'aide d'observations bien dé-
taillées qu'il sera possible un jour d'arriver à des ta-
bleaux cliniques exacts, correspondant à chacune des
lésions que l'on rencontre chez ces malades : arrêts de
développement, simples comme dans ce cas, ou avec
malformations (porencéphalie), scléroses atrophique
ou tubéreuse, méningo-encéphalites, etc. C'est ce
qu'on a fait déjà pour l'idiotie hi/drocéphalique et
l'idiotie myx02dema.leu.se ou avec cachexie pnehy-
dermique.
II.
Idiotie niyxoedéniateuse" ;
Pau BOX'RXEVlt.tK.
Comme préambule à cette observation, nous érc ? -
yons opportun de rappeler nos différentes publications
sûr le même sujet. La première eh date a paru en 1-880" :
Note sur un cas de crét'inisme avec myxoeclèmè ou
cachexiepachy dermique (1). - La seconde, ayant pour
titre : De l'idiotie compliquée de cachexie pachydér-
mique oit idiotie crétinoïde (2), composait une vérita-
ble monographie do la question car nous avons passé
successivement en revue l'idiotie avec cachexie pa-
chy dermique, la cachexie pa.chy dermique opératoire
et là cachexie pàchy dermique expérimentale. Ccrrié-
moirc contenait, outre notre première observation
complétée et accompagnée d'autopsie, une autre
observation personnelle, celle de Gr..., et, aussi, un
exposé de toutes les observations empruntées aux
auteurs que nous avions pu trouver dans les publica-
tions périodiques. Notre troisième, travail -.Nou-
veau cas d'idiotie avec cachexie pachy dermique ;
Idiotie crétinoïde ou idiotie myxoedémateuse (3) com-
prend trois observations personnelles et deux autres
(1} Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'hystérie, l'êpilepsie et l'i-
diotie, Compte-rendu de l ? nnée 1880, p 10. (En collaboration aveo d'O-
lier).
(2) Ibidem, tome VET, 1880, p. 3 (e -. c llabor tion avec Paul Briconl.
(3) Ibidem, tome IX, 1S88, p. 3.
MÉMOIRES ANTÉRIEURS. 93
dues l'une à M. Camuset, l'autre à MM. Arnozan et
Régis. Notre quatrième publication : De l'idiotie
avec cachexie pachydermique (1) repose sur 8 cas,
dont cinq personnels et se termine par un premier essai
monographique. La cinquième : Nouvelle observa-
tion d'idiotie niyxoedémateu.se ou cachexie pachyder-
miquerelate l'histoire d'un malade qui est encore dans
notre service et sur lequel nous aurons l'occasion de re-
venir^). La sixième intitulée : Nouvelle contribu-
tion à l'étude cle l'idiotie myxoulémaleusc (idiotie
avec cachexie pach.ydermi.que) (3) était fondée sur huit
observations dont une personnelle et suivie delà noso-
graphic complète de l'idio tic myxoedémateuse. Enfin, en
1891, nous avons publié une notesuiTL'tat tlu.sr/ue/elle
du malade surnommé le Pacha qui avait fait le sujet
de notre première observation et dont nous avions
relevé le corps au cimetière de Gentilly (\). Il nous a
paru utile de rappeler cette bibliographie afin d'aider
ceux qui voudraient reprendre l'étude de cette question
duce façon complète.
Sommaire. l'ère, grand et fort, nez aquiliu, canilie com-
plète en une nuit (1870), caractère un peu emporté, mort
probablement d'un cancer de l'intestin. Grand-père
paterwl, attaque de paralysie. Oncle paternel, mort a
sa 3e attaque apoplectique (hémiplégie gauche). Cousine
paternelle au 4° degré, morte èpileptique.
Mère, grande et forte, ne : aquilin, convulsions légères peu-
plant l'enfance (2 fois), migraines de lli à 23 ans, ayant dis-
paru par le mariage. Gra ? «î'mère maternelle, paralyti-
que. Un grand-oncle et trois cousines maternelles,
mortes de la poitrine. Petite cousine maternelle, morte
de la poitrine. Tante maternelle, hystérique. Frère,
(1) Ibidem, 'orne X, 1880, p 51 et Association française pour l'avancement
des sciences (août 1889).
(21 Ibidem, p. 172.
çi\ Ibidem, tome XI. 1890, p. 200 et Congrès de médecine mentale de Rouen.
(4) Ibidem, tome XII, 1891. p. : ».
-94 IDIOTIE jkxoedêmateuse.
convulsions légères. Pas de consanguinité. Inégalité
d'âge de 7 ans. ""' .
Conception au commencement d'octobre 1870. - Deux vio-
lentes émotions, à la fin de décembre, avec perte dé connais-
sance prolongée suivie de tremblement, : de la disparition
des mouvements de l'enfant et d'un développement consi-
dérable du ventre. Accouchement à 7 mois. A la nais-
sance asphyxie qui a persisté trois jours. Têleassez oolu-
mineuse. Ventre un peu gros ; absence de sourcils . et
d'ongles. Propre à 18 mois. Allaitement jusqu'à 16
mois; aspect naturel. Première dent à 3 ans; persis-
tance de la dentition de lait. Petite vérole (3 ans), rou-
geole (4 ans). Epaississement des joues, des lèvres et de
la langue et développement du ventre vers 5 ans. Batte-
ments du cerveau au niveau de la fontanelle antérieure
jusqu'à 10 ans. Relard de la marche. Début de la
parole à 5 ans. Blépharite ciliaire chronique depuis
l'âge de 8 ans. - Début des pseudo-lipomes vers 9 ans. -
Eczéma à partv de 10 ans. Alopécie partielle à 16 ans.
Coryza chronique. Bave. Voix rauque et stridente.
Appétit médiocre; déglutition gênée, constipation :
chute du rectum : Sentiment de la pudeur. Pas
d'onanisme. Déviation du tronc et des membres à
partir de 3 ans. Caractères classiques de l'idiotie myxoe-
démateuse. Taille exiguë. Persistance de la fontanelle
antérieure; absence de la glande thyroïde, pseudo-lipomes,
arrêt complet de la puberté, cyanose habituelle des lèvres,
sensibilité au froid, répugnance au mouvement, voix stri-
dente, etc ? etc... '
1891. Revaccination auec succès.
1893. Coqueluche; Prolapsus du rectum. Bronchite;
mort. '
Autopsie. Os du crâne minces. Persistance de la fon-
tanelle antérieure ; absence desynostose; légère hyper-
trophie du corps piluitaire. Description des circonvo-
lutions du cerveau, Absence complète du corps thyroïde
Pas de traces du thymus. Pseudo-lipomes cervicaux
sous et sus-claviculaires, dans le médiastin postérieur,
etc... Absence de glandes mammaires. Congestion
des deux poumons, tubercule crétacé. Petits calculs
rénaux. Néphrite interstitielle. Cirrhose partielle du
foie. Atrophie de l'utérus.
- . Antécédents héréditaires. 95 5
' Beyn... (Marie), née à Orléans, le 8 avril 1871," est entrée
. dans-nôtre service, à la Fondation Vallée, Le 4 mars 1891 où
elle est dïcédée le 3 mars 1893.
Jîenseig'nements fournis par sa mère (octobre. 1891).
Père, mort, à54 ans, enoctobre 1891, probablement d'un cancer
de l'intestin. Après avoir été confiseur, il dirigea une fabri-
que de faïence à Orléans, fondée par une société. Ni migrai-
nes, ni dermatose, ni rhumatisme, ni indice de syphilis. Bien
qu'il soit resté 6 à 7 ans en" Afrique, il n'aurait pas eu de fiè-
vres intermittentes. Aucun excès de boisson. On ne pense pas
qu'il ait eu des convulsions de l'enfance. C'était un homme,
grand, fort, un peu emporté, il avait le nez aquilin et les che-
veux d'un brun foncé. Ses cheveux ont blanchi complètement
en une nuit, pendant la guerre de 1870, à la suite d'une violente
émotion (Canitie). Voici comment sa femme raconte l'évè-
nement : « Les Prussiens ont envahi la fabrique, ils voulaient
tout emporter ; il parlementait, discutait avec eux, pour sauver
le plus possible, se plaignant vivement de ce qu'ils avaient mis
les chevaux dans les magasins remplis de faïences et de
vaisselle ; deux fois, ils l'ont collé au mur. « Mon mari étant
franc-maçon a fait un signe, et deux fois un officier prussien,
appartenant à la franc-maçonnerie, est intervenuet l'a sauvé. »
[Père, instituteur, sobre, mort à 72 ans d'une attaque de
paralysie. Mère, morte d'une pneumonie, à la suite d'un
refroidissement ; on ne sait rien de plus sur elle. Aucun
détail sur les gra ? 7.ds-paren £ s maternels et paternels. Un
frère est mort d'uneiluxion de poitrine, laissant une fille en
bonne santé, ainsi que ses enfants. Un autre frère a
succombé à sa troisième attaque de paralysie ; il a eu 6
enfants, 3 bien portants, 3 morts on ne sait de quoi. Une
soeur est morte à 15 jours. Deux oncles paternels, morts
à 98 et 70 ans, un troisième vers GO ans d'une fluxion de
. poitrine ; une des filles de ce dernier est morte à 25 ans de la
poitrine. Pas de -lante paternelle, ui d'oncle et de tanle
maternels. Une cousine, au 3° degré, âgée de 21 ans, est
devenue épileptique à la suite d'une peur à II ans. (On l'avait
enfermée dans un cabinet noir). Point d'aliénés, pas d'autres
épileptiques, pas de goitreux, ni de myxcedérnateux dans la
famille.] o ·
itfèr.e, 57 ans, institutrice, grande, brune, physionomie
régulière, nez aquilin. bien portante, sauf quelques étourdisse-
ments. Elle aurait eu deux fois, durant l'enfance, des coiruul-
sions légères. Pas de fièvre typhoïde ni de fièvres intermitten-
! )(i Idiotie mvxoedématel'se.
tes. Jaunisse à 13 ans, sans cause connue. Elle a été réglée à 13
ans, a eu de Iti à 23 ans de fortes mi/graines, s'accompagnant
de vomissements cl l'obligeant à se coucher ; elles ont disparu
à 23 ans, époque de son mariage, et elles ont été remplacées
par des douleurs de tête sans vomissements et qui ne l'obli-
geaient pas à se reposer. La ménopause s'est produite à 49
ans : elle avait ses règles quand son mari est mort, elles ont
ce-sé et n'ont .reparu qu'au bout d'un an, puis de deux ans.
Elle n'a eu ni maladie de peau, ni rhumatisme. C'est une femme
intelligente, cl d'un caractère calme. [Père, mort àfiÛ ans,
hydrnpique : on ne peut préciser davantage; il s'était mis à
boire à la (in de sa vie. Mère, décédée à (ill ans, était
devenue paralysée et enlléc, sans attaque. Grands-parent*
paternels, rien de particulier. Grand père maternel, sobre,
morl hydropique vers .V.l ans. Grand'mère maternelle, morte
noyée par accident. Un oncle paternel est mort après (iO
ans, on ne sait de quoi; un autre, ancien commandant, est
mort de lièvres intermittentes et d'une maladie de vessie;
un 3 ? d'une fluxion de poitrine; un 4 ? d'une tumeur de
cou. Celui-ci a eu deux filles, mortes de la poitrine. Trois
Innlex paternelles, mortes l'une d'il ne maladie de coeur, l'autre
d'uneiluxion de poitrine, la dernière à 87 ans. Deux oncles
maternels clécédés, l'un à la suite d'une pneumonie, l'autre
de plilli ixic. Ce dernier a laissé une fille qui serait malade de la
poitrine ; et aurait perdu une fille d'une méningite à l'âge de
(S mois. l'as de laule maternelle. Un frère mort à 2
mois, on ne sait de quoi. 3 .sn'itcs, l'une morte à il ou 4
mois, l'autre à 27 ans après avoir élé infirme depuis l'âge de
'i ans à la suite d'une fracture de la colonne vertébrale. La
3'"0 sieur est bien portante, mais elle a eu des i-rises de nerfs,
depuis l'âge de 14 ans jusque dans ces dernières années.
Elles se montraient aussitôt à la suile de contrariétés et se
terminaient par des pleurs. Pas d'autres paralytiques, pas
d'aliénés, ni d'épilcptiques, ni de goitreux, etc., etc.].
Pas de consanguinité. (Père de Malemort, à un kilomètre de
Brives, mère d'Orléans). Inégalité d'âge de ans.
îi enfants : 1" Fille, 31 ans, en bonne sauté, sans convulsions de
l'enfance, grande, forte, non ncrvpuse ; elle a deux enfants
qui n'ont pas eu de convulsions ; 2" Garçon, 32 ans, a eu deux
fois des convulsions très légères à l'âge de G mois ; caractère
un peu violent, sobre, pas de migraine, maisifuelques douleurs
de tête ; 3" Garçon, 25 ans, aucun accident nerveux ;
4° notre malade ; 5g Garçon mort à 4 ans du croup, sans
convulsions.
Antécédents personnels. 97
Notre malade. A la conception, le père et la mère étaient
bien portants et vivaient en bonne harmonie ; elle paraît avoir
eu lieu en octobre 1870. L'invasion de leur fabrique par les
Prussiens, au nombre de 200, a eu lieu au mois de décembre.
Déjà très émotionnée par cet envahissement et les scènes de
dévastation dont elle était témoin, elle a perdu connaissance,
lorsqu'elle a vu qu'on voulait fusiller son mari. Cette perte de
connaissance aurait duré une demi-heure. Un médecin prus-
sien, qui se trouvait là, aurait dit que la croissance de l'enfant
ne se ferait plus, que le travail était arrêté. Un médecin
français, appelé à son secours, aurait porté le même pronostic.
Huit jours plus tard, quand, pour la 2mc fois, son mari a été
menacé d'être fusillé, elle a perdu connaissance durant un ?
. d'heure et dit avoir éprouvé une douleur dans le ventre, qu'elle
compare à un élancement. Après chacune de ces émotions,
étant revenue à elle, elle aurait tremblé pendant une quin-
zaine de minutes. Elle croit aussi que l'enfant remuait avant
ces émotions et elle assure que, depuis, elle n'aurait ressenti
aucun mouvement. La grossesse qui jusque-là avait ressemblé
aux grossesses précédentes, en a différé en ce sens que le ven-
tre se mit à grossir démesurément : « J'étais devenue énorme,
je ne pouvais presque plus marcher. » Il n'y avait pas d'oedème
des jambes. Pendant les trois mois qui ont suivi, le sommeil est
devenu très mauvais ; elle avait des cauchemars toutes les
nuits, voyait toujours les Prussiens prêts à la tuer, elle et
son mari.
.4ccouclie ? nent. Il a eu lieu le 8 avril, un peu avant sept
mois, assure-t-on. Bien que prématuré, il a été laborieux. Les
douleurs ont commencé un vendredi matin vers 9 heures, et
ont continué jusqu'au lendemain, 3 heures de l'après-midi ;
les grandes douleurs auraient duré 8 à 10 heures; la tête est
restée longtemps au passage; elle était très volumineuse; le
corps, sauf le ventre qui était un peu gros, et les membres
étaient petits.
A la naissance, l'enfant était cyanosée : on l'a frictionnée
pour lui faire reprendre connaissance. Elevée au sein par une
première nourrice, qui a dû cesser parce qu'elle était devenue
enceinte, elle a été confiée ensuite aune seconde nourrice qui
l'a allaitée jusqu'à 15 ou 1G mois. Pendant l'allaitement, on dit
que l'enfant ne différait pas sensiblement des autres. Au bout
d'un an, on a commencé à s'inquiéter, parce que la parole ne
se développait pas et que l'enfant ne marchait pas. A 5 ans,
elle a dit franchement papa, maman. Depuis l'âge de 8 ans,
Bourneville, Bicé'lre, 1894. 7
98 IDIOTIE myxoedémateuse.
elle parle comme aujourd'hui. A la naissance, elle avait des
cheveux assez fournis, mais ni sourcils, ni ongles. Ceux-ci ont
poussé trois mois plus tard : a Quand ils sont sortis aux pieds,
les doigts étaient en sang. » A la même époque, la ligure était
petite, et ce n'est que vers 5 ans que la langue et les lèvres
ont grossi et que la partie inférieure de la face a pris un
développement exagéré. La seule remarque qui fut faite, nous
la répétons, c'est que la tête était énorme et que jusqu'à 9 ou
10 ans on a remarqué que les fontanelles étaient tendues et
battaient.
Première dent à 3 ans ; les autres ont poussé très lentement ;
on ne peut dire à quelle époque elle a eu toutes ses dents ; ce
que l'on sait, c'est qu'elle a encore ses dents de lait.
Elle a été vaccinée à un mois, a eu la petite vérole à 3 ans,
la rougeole vers 4 ou 5 ans et ensuite la coqueluche. Ces
maladies n'ont aucunement modifié l'état myxoedématcux. Elle
n'a eu ni scarlatine, ni lièvre typhoïde, ni érysipèle.
La blépharite ciliaire a débuté vers 8 ans ; les cils, qui
étaient assez abondants, ont diminué; depuis lors, chaque
matin, les yeux sont toujours collés (ses frères et soeurs n'ont
jamais eu d'ophtalmie).
On s'est aperçu vers 9 ans de l'existence de tumeurs lipo-
maleuses au cou, ainsi que de l'épaississemcnt des creux sus-
claviculaires et axillaircs. La mère prétend que les tumeurs
du cou auraient été constituées par de la graisse et des gan-
glions ; jamais on n'aurait redouté d'abcès, mais on a signalé
la possibilité de l'asphyxie. Le médecin, en examinant la gorge,
aurait trouvé qu'il y avait un côté plus étroit que l'autre,
et c'est à cette particularité que la mère attribue la gêne de la
déglutition que présente son enfant. Les tumeurs graisseuses
n'auraient jamais été plus développées qu'elles ne le sont
actuellement.
Les cheveux auraient été abondants et longs; elle aurait t
même eu une longue natte pendant quelque temps ; ils ont tou-
jours été gros, rudes, secs ; ils ont commencé à tomber à 1G ans;
sur le milieu de la tèle, ils avaient toujours élé plus rares.
Sa mère dit que l'alopécie fait des progrès depuis quelque
temps. La tête, aflirme-t-on, aurait élé très propre jusqu'à
10 à 12 ans, époque où a paru l'cc : éma de la lète et du corps
(ventre, aisselles, aines, jarrets). L'eczéma a toujours persisté
avec des périodes de diminution et d'aggravation. C'est cette
complication qui a motivé son placement à l'hôpital des Enfants-
Malades, dans le service de M. de Saint-Germain, puis de
M. Jules Simon, où elle serait restée de 14 à 10 ans; enfin, à
Description de la malade; 99'
l'hôpital Saint-Louis (service de M. Fournier) où nous avons
eu occasion de la voir en 1890 (1).
Marie est sujette au coryza depuis l'àge de 13 ans; l'écoule-
ment n'a jamais été bien abondant. Elle abavé assez fortement-
jusqu'à 4 ans et la bave, quoique diminuée, a toujours per-,
sisté. Autrefois, on était obligé à chaque instant de lui recom-
mander de faire rentrer sa langue, qui avait de la tendance à
sortir; l'enfant a pris l'habitude de serrer ses lèvres disant :
« Il faut que je ferme ma bouche, car je serais laide. » Chez sa
mère, elle mangeait un peu de viande, aimait relativement
moins les légumes, ne voulait ni oeuf, ni lait, préférait les
fromages forts et les aliments vinaigrés. Elle aurait toujours
été petite mangeuse. Jamais de vomissements. Le ventro au-
rait commencé à se développer vers cinq ans, en même temps
que les lèvres et la langue. La hernie ombilicale daterait de
la naissance. L'enfant est devenue propre à 13 mois. Elle a
toujours été constipée. Le prolapsus du rectum se serait
montré pour la première fois à l'hôpital Saint-Louis; depuis
lors, nous l'avons constaté à la fondation Vallée, il se repro-
duit assez souvent.
- Jamais il n'y a eu d'indice de développement des seins, ni
de la puberté ; jamais non plus on n'a constaté d'onanisme.
Marie a le sentiment de la pudeur.
La colonne vertébrale et les membres auraient commencé
à se dévier vers 13 ou 14 ans. Auparavant; dit la mère, il n'y
aurait eu aucune déviation.
État actuel (mars 1891) (2). L'eXamen général de l'enfant
montre immédiatement qu'elle présente tous les caractères
de l'imbécillité avec cachexie pachydermique ou myxddème
congénital [Fig. 5, 6 et 7).
La tête est volumineuse et fait contraste avec la taille de
l'enfant. Le crâne présente une conformation très particu-
lière ; il est aplati dans le sens transversal, la région temporale
et pariétale se continuant en une surface plane oblique eh .
dehors et en arrière pour aboutir aux bosses pariétales qui
sont modérément saillantes, à peu près également des deux
côtés. Le crâne est beaucoup plus développé dans ses parties
(1) Aucun des frères et soeurs de la malade n'aurait eu d'eczéma. Nous
avons dit un mot de cette malade au Congrès de Rouen eu 1890. (Voir Compté
rendu de Bicêtre pour 1890, p. 228.) .
(2) La description qui suit de la malade est faite d'après les notes prises
par l'un de nos internes les plus dévoués, 51. Banzet. Eileâ ont été revues et
complétées, par nous, sur plusieurs points de détail.
100
IDIOTIE myxoedémateuse.
postérieures qu'en avant. La bosse occipitale fait une saillie
régulière, symétrique, très prononcée en arrière. L'angle
supérieur de l'occipital est le point le plus élevé du crâne. A
partir de ce point, la voûte crânienne descend en avant assez
obliquement. Le crâne parait symétrique, pourtant il semble
que la région pariétale droite soit un peu plus bombée que la
gaucho.
La fontanelle antérieure, non fermée, est très nettement
perceptible au palper sous forme d'une dépression losangique
qui a environ 3 centimètres dans son diamètre transversal et
un centimètre et demi d'avant en arrière ; les autres fonta-
nelles sont fermées et ne sont pas perçues au palper. Les
sutures ne font aucun relief ni aucune dépression sur les
parties avoisinanles, de sorte qu'on n'en distingue pas le siège.
rig. 5.
Description de la malade.
101
Le cuir chevelu est épais, facilement mobilisable sur les
parties sous-jacentes. Les cheveux sont d'une longueur de 7
ou 8 centimètres, raides, secs au toucher, ressemblant beau-
coup à des crins un peu fins, d'une coloration châtain foncée.
Ils sont très irrégulièrement implantés, dirigés un peu dans s
tous les sens en formant des mèches qui s'entremêlent.
En certains points du cuir chevelu, ils s'implantent assez
près les uns des autres, puis il existe des intervalles assez
larges où ils sont tellement rares, qu'on compterait facile-
ment ceux qui s'y insèrent. Aussi, de loin et n'était l'irrégu-
larité des places dénudées que l'on aperçoit sur le cuir che-
velu, croirait-on presque que l'enfant a des plaques de pelade.
Le front est bombé, modérément élevé mais étroit, régulier
Fi». 6.
102
IDIOTIE myxoedémateuse.
et se continuant insensiblement avec les régions temporales.
Les cheveux forment en s'avançant sur les côtés du front et
sur les tempes un duvet de poils plus fins et plus clairs que
sur le reste du cuir chevelu. Ces poils descendent jusqu'aux
sourcils qu'ils rejoignent dans leur moitié externe. La peau
du front est assez épaisse et présente quelques rides trans-
versales peu profondes; elle est un peu moins blanche que
celle du nez et des joues. A un centimètre et demi au-des-
sus de l'extrémité externe du sourcil gauche, on constate
l'existence d'une petite cicatrice légèrement saillante et dont
la coloration d'un blanc mat tranche sur la teinte plus grise
des parties voisines. Les arcades sourcillôres sont peu sail-
lantes, surtout dans leur moitié interne, de sorte que le
Fig. 7.
Description DE la malade. 103
pourtour de l'orbite est peu marqué et que l'oeil est à peu
près de niveau. L'apophyse orbitaire externe est assez bien
marquée. Los sourcils, assez peu fournis, sont séparés à leur
extrémité interne par un intervalle de 3 centimètres et
demi où l'on observe un duvet de poils rares. Ils sont très
peu arqués, presque rectilignes et ont une longueur d'envi-
ron 5 centimètres. La fente palpébrale est très courte, les
yeux petits et écartés l'un de l'autre sont une des particulari-
tés de la figure si bizarre de l'enfant. La paupière supérieure
est comme oedématiée et lorsqu'elle est relevée et laisse l'oeil
à découvert, son bord libre est presque complètement caché
sous le pli qu'elle forme. La paupière inférieure est très
courte. Les paupières ne présentent d'ailleurs pas de traces
d'inflammation. Les cils sont assez courts, arqués, de longueur
inégale ; ils sont plus fins que les cheveux et accolés les uns
aux autres par petits paquets.
La conjonctive palpébrale est très pâle, d'un ton clair sur
lequel tranchent quelques vaisseaux foncés. La conjonctive
oculaire n'est pas injectée. La sclérotique est bleuâtre, Viris
est gris verdàtre. Les pupilles, égales et un peu dila-
tées, sont bien sensibles et réagissent normalement à la
lumière et à l'accommodation. La sensibilité de la conjonctive
et cle la cornée est normale.
Quant à l'appareil musculaire de l'oeil, il fonctionne parfai-
tement ; il n'y a pas de paralysie, pas de strabisme, ni de
nystagmus. La vision paraît se faire normalement, il ne sem-
ble pas y avoir de myopie, l'enfant paraît voir distinctement
des objels assez éloignés. Elle reconnaît assez mal les cou-
leurs qui lui sont présentées, à part le noir et le blanc. Pour
les autres couleurs, elle les déclare presque toutes bleues.
Le nez est camus et épaté. La racine est large et peu sail-
lante, formant une sorte de monticule en dos d'âne entre les
yeux. Les os propres sont très courts. De la racine jusqu'aux
narines le nez, vu de face, présente sur presque toute sa hau-
teur la même largeur. Le lobule du nez est très court et, au
lieu de descendre avec la sous-cloison au niveau du bord des
narines, il reste passablement plus élevé, de telle sorte que
l'ouverture des narines regarde en bas et en dedans et que
lorsqu'on examine le nez par en haut on voit le bord libre des
narines se rejoindre sur la ligne médiane en formant une
courbe concave en avant. Les narines sont assez écartées
l'une de l'autre, à peine dessinées en dehors, de sorte que le
sillon naso-jugal n'existe pour ainsi dire pas. Les fosses nasa-
les autant qu'on peut en juger en les examinant parleur ori-
fice antérieur ne paraissent rien présenter d'anormal, la cloi-
104 IDIOTIE myxoedémateuse.
son ne semble pas déviée. L'odorat paraît très rudimentaire,
l'enfant ne prend aucun plaisir à respirer les odeurs agréa-
bleset, interrogée, répond toujours « que ça sent bon», elle en
dit autant pour Fassa-foetida, qu'on peut lui laisser assez
longtemps sous les narines sans qu'elle manifeste aucune
perception désagréable.
La bouche, très largement fendue, mesure 6 centimètres.
La lèvre supérieure est très haute, deux centimètres et
demi sur la ligne médiane, de la base à la sous-cloison du
nez au bord libre, elle est très épaisse au milieu et présente
le sillon médian de sa face interne très accusé ; la coloration
de la muqueuse est pâle. La lèvre inférieure est encore
plus volumineuse, pendante, la bouche étant habituellement
à demi entr'ouvorte. Elle est très épaisse et d'une coloration
un peu plus rouge que la supérieure. La langue est tout à
fait remarquable par ses dimensions tant en largeur qu'en
longueur. Dans l'état habituel, son extrémité s'avance entre
les arcades dentaires et s'aperçoit par la fente buccale entre
les lèvres. La partie de la face inférieure située en avant du
filet est beaucoup plus étendue que normalement. Le pli est
lui-même court. Les glandes sublinguales font une saillie
peu marquée. La muqueuse linguale est épaisse, rude,
d'une coloration très pâle.
Dentition. Mâchoire supérieure. 2 incisives centrales
permanentes très écartées, la droite saillante en avant et en
rotation droite, la gauche en rétroversion prononcée, (la dent
de lait correspondante est encore au-devant d'elle) ; les incisi-
ves latérales, lescaninesetles deuxièmcsmolaires sont encore
de lait. Il semble n'y avoir pas eu de première molaire de
lait; à droite une première molaire, à gauche les 2 molaires
(là dernière est cariée). Bord alvéolaire à branches très diver-
gentes, irrégulier, voûte large et peu profonde. Dentilion
incomplète et très anormale.
Mâchoire inférieure. 3 incisives permanentes (les 2 cen-
trales et la latérale droite), une molaire permanente seulement
de chaque côté sortie au milieu du début des dents de lait ;
canine de lait en partie détruite par la carie. Première molaire
cariée. La dentition, très en retard, paraît avoir été complétée
pour le nombre des dents de lait; dents irrégulièrement
placées.
Articulations. Sans fixité, c'est-à-dire que les dents n'arri-
vent à se rencontrer pour ainsi dire sur aucun point; la
langue s'interposant entre les dents. ^- Il semble y avoir un
certain degré de prognathisme inférieur. Gencives en assez
bon état.
Description DE la malade. 105
Résumé. Dentition irrégulière et anormale inachevée d'ail-
leurs ; dents de mauvaise qualité et articulation impropre à
la mastication.
La voûte et le voile du palais sont régulièrement concaves,
ont leur largeur et leur longueur normales, la luette est
assez longue, symétrique, bien mobile. Les piliers du voile
sont normaux. Les amygdales sont hypertrophiées. La mu-
queuse du pharynx est d'une coloration normale. On ne perçoit
pas de tumeurs adénoïdes du pharynx.
Le réflexe pharyngien persiste. Le goût est bien développé.
L'enfant reconnaît bien du sucre, du sel, et fait la grimace
pour le sulfate de quinine. Les joues sont assez proéminen-
tes, légèrement teintées de son. La peau à leur niveau est
assez fine et souple. On n'y remarque pas de poils. Le sillon
labio-jugal est très peu accusé; la joue se continue presque
insensiblement avec la lèvre supérieure. Le menton est petit;
quand on regarde l'enfant de face, il est presque complète-
ment masqué par la lèvre inférieure ; les téguments à son
niveau, surtout à la partie antérieure, sont très épais, de sorte
que l'on ne sent le ? maxillaires que comme masqué par un
épais coussinet graisseux. Les oreilles sont petites, 4 centi-
mètres et demi, tournées presque directement en dehors et
appliquées sur les parties latérales du crâne. Le lobule est
libre dans une petite étendue, adhérent par en haut. Le tra-
gus est petit, l'anti-tragus plus développé. L'hélix et l'anthé-
lix sont bien dessinés. Le conduit auditif externe est assez
étroit et ne paraît pas présenter d'altération. Pas d'otorrhée.
L'examen de l'audition ne donne aucun résultat; lorsque l'on
demande à l'enfant si elle entend le tic-tac d'une montre pla-
cée à différentes distances, elle répond par un oui ou un non
suivant l'éloigncmcnt plus ou moins grand de la montre.
L'expression est d'une laideur presque repoussante ; la têle
présente quelques analogies avec une tête de veau. La sensi-
bilité de la peau est assez marquée. L'enfant sent hien la pi-
qûre d'épingle, la sensibilité au chaud et au froid est également
normale.
Contres court, circonférence à sa partie moyenne SO'eentimè-
tres,la peau à son niveau est assez fine, le tissu cellulaire donne,
à la palpation, une sensation oedémateuse. On ne perçoit pas
le corps thyroïde dans les mouvements du larynx. Les apophy-
ses épineuses cervicales sont difficilement perceptibles à tra-
vers les téguments. Le rachis ne présente à ce niveau
aucune déviation ; pas de douleur à la pression sur aucun
point. Aucune saillie musculaire, sauf celle des muscles de
106 IDIOTIE myxoedémateuse.
la nuque n'est appréciable à la vue. On ne voit pas la corde
des sterno-mastoïdiens. Les muscles sont également très grê-
les au palper. Pas de ganglions cervicaux. Pas do cicatrices
d'adénites anciennes. A la partie inférieure du cou, au niveau
des régions sus-claviculaires, la peau est comme soulevée,
et à la palpation, on constate qu'à ce niveau le tissu cellulaire
a une consistance si molle qu'on dirait qu'il y a une collec-
tion liquide. Les membres supérieurs sont courts ; assez gros
pour leur longueur. Le tissu ccllulaire sous-cutané, assez
abondant et lâche, permet un déplacement facile cle la peau
sur les plans sous-jacents. La peau est assez blanche, un peu
rude au toucher ; elle est glabre. Sur le bras gauche on remar-
que des cicatrices de vaccin et une grande plaque d'aspect
ichtyosique, qui, d'après l'enfant, serait la trace d'un ancien
vésicatoire. Les avant-bras, plus volumineux que les bras,
présentent les mêmes cas de la peau ; leurs masses muscu-
laires sont assez développées. Les réflexes olécraniens sont peu
perceptibles. La sensibilité cutanée au chaud, au froid, et à
la douleur semble normale. Les mains sont relativement beau-
coup plus développées dans leur largeur que dans leur lon-
gueur. La peau est assez rude et épaisse, d'une coloration
violacée, froide; les doigts sont très courts et épais, réguliè-
rement cylindriques, sans nodosités au niveau des extrémités
phalangiennes. Les ongles, beaucoup plus larges que longs,
au lieu d'êtres bombés, sont creusés d'une dépression trans-
versale, de sorte que leur bord libre, au lieu de regarder sur
la pulpe, s'en écarte. Elles ne présentent d'ailleurs pas de
troubles trophiques, pas de stries ni de cassures. Par places
on remarque sur la peau des membres supérieurs, surtout au
voisinage des articulations, au pli du coude, au poignet, un
état rugueux de la peau, qui est dû à une desquamation très
marquée de l'épidémie qui se détache en petites lamelles
écartées et très divisées.
Les membres inférieurs sont remarquables par leur peu de
longueur, et par la courbure anormale du squelette de la
jambe. La peau n'y présente pas de caractères différents de
ceux des membres supérieurs. Elle est blanche, assez froide,
ichtyosique par places. La sensibilité cutanée est normale.
Le réflexe patellaire est bien marqué, le réflexe plantaire est
absent.
Pas de cicatrice d'aucune sorte. La cuisse est assez grosse
relativement à sa longueur. Les masses musculaires sont
assez développées. Le fémur présente la direction normale ;
les condyles ne proéminent pas outre mesure,
Le squelette de la jambe présente une courbure anormale
Description DE la malade. 107 i
très prononcée. La crête du tibia découvre une concavité en
dedans extrêmement marquée, de telle sorte que les deux
jambes, se touchant par les tubérosités du tibia et par les
malléoles externes, sont distancées à 5 centimètres au-dessus
des malléoles, d'environ 3 centimètres. Les tubérosités
antérieures du tibia sont assez marquées. Les masses
musculaires de la jambe sont assez développées, le mollet
est gros. Marie 13... marche lentement, lourdement, et ne
sait pas courir. -
Le pied est assez court et assez large. La concavité de la
voûte plantaire est moins accusée que normalement, sans
pourtant que l'on ait affaire à un véritable pied plat. 11 n'y a
pas de déviation des orteils, cependant à gauche le 2m« orteil
avance légèrement sur le 3mo et la partie externe du dos du
pied. Au niveau de l'articulation tarso-métatarsienne, on
remarque une petite saillie de la grosseur d'une demi-noisette,
d'une consistance molle, réductible et se reproduisant rapide-
ment après réduction qui représente peut-être un diverticule
de la synoviale articulaire. On remarque cotte particularité
à droite comme à gauche. Pas de cors, durillons peu marqués
au dernier orteil des deux côtés.
Le thorax de l'enfant, élargi à sa base, est étroit en haut et
se continue presque sans ligne de démarcation avec le cou
élargi jusqu'en bas. Les creux sus et sous-claviculaires sont
remplis et marqués par du tissu cellulaire. Les espaces inter-
costaux sont également invisibles. Le sternum est projeté
en avant, et la pointe de l'appendice xiphoïde proémine assez
fortement. Il n'y a pas de chapelet chondro-costal. Le thorax
est un peu asymétrique par sa base, les côtes du côté droit
étant comme redressées et refoulées en dehors, tandis que
celles du côté droit sont bombées. Cette asymétrie du thorax
correspond à une scoliose du rachis, les dernières vertèbres
cervicales et les 3 premières dorsales formant une légère
courbe à concavité tournée à gauche, tandis que le reste de
la colonne dorsale et la colonne lombaire forment une courbe
marquée à concavité inverso. La concavité en avant de la
partie dorsale de la colonne est un peu exagérée, et il y a
une légère lésion lombaire. Toutes ces courbes sont à grands
rayons. Autre part on remarque des saillies exagérées d'une
ou de deux apophyses épineuses isolées. Il n'y a pas non plus
de point douloureux à la pression; les déviations sont donc
analogues à des déviations rachitiques. Les glandes nwm-
m air ex ne sont pas développées. La percussion du sommet
du thorax donne une sonorité à peu près normale et égale des
deux côtés en avant. En arrière, le son est un peu plus mat
108 IDIOTIE myxoedémateuse.
à droite qu'à gauche. L'auscultation des poumons décèle une
légère diminution de l'intensité du murmure vésiculairc du
côté droit en arrière et au sommet. Cette submatité et cette
faiblesse de la respiration sont sans doute dues à la déviation
de la partie supérieure du rachis déterminant un refoulement
du poumon. On ne perçoit d'ailleurs, dans aucun point de la
poitrine, la présence de bruits anormaux, râles ou souilles.
L'examen du coeur révèle des particularités intéressantes.
A l'inspection on ne constate pas de voussure bien nette de
la région précordiale ; il n'y a pas de soulèvements visibles cle
la paroi par le choc de la pointe. La palpation permet de
constater que la pointe bat clans le cinquième espace inter-
costal, à 2 centimètres environ du mamelon et sur la même
ligne verticale. On constate que le choc de la pointe est fai-
ble, et c'est avec une certaine difficulté qu'on arrive à en
déterminer le siège.
La percussion ne permet pas une détermination bien nette
des limites exactes de l'espace précordial. Pourtant celui-ci
paraît un peu plus augmenté. La palpation ne permet pas de
constater sur aucun point, pas plus à la pointe qu'à la base,
la présence d'un frémissement vibratoire. A l'auscultation on
constate, sur toute l'étendue de la région précordiale, un
souffle systolique net. Ce souffle est assez rude et se rappro.
che beaucoup d'un roulement. Il est d'un timbre grave,
commence nettement avec le premier bruit du coeur, pour
se prolonger pendant le petit silence jusqu'au deuxième
bruit. Le maximum de ce souffle siège au niveau de la base.
Il ne se prolonge pas du côté de l'aisselle, ne s'entend pas en
arrière. En outre, en auscultant différents points situés sur
une même ligne horizontale, à la hauteur des 2mcs espaces
intercostaux, on reconnaît que le maximum du souffle parait
bien siéger à la droite du sternum. Enfin au même niveau,
c'est-à-dire dans le 2mc espace intercostal droit, le deuxième
bruit du coeur présente un retentissement assez marqué.
Le siège du maximum de ce souffle permet d'éliminer une
affection mitrale, une affection tricuspide; une dilatation ne
peut également être admise d'autant plus qu'on n'observe pas
de troubles fonctionnels qui l'accompagneraient. Une persis-
tance du trou de Botal ou du canal artériel ne peut non plus
être soupçonnée ; il n'y a pas de cyanose bien prononcée, le
souffle ne s'entend pas dans le dos. Le siège maximum du
souffle est celui du souffle aortique. Contre le souffle pulmo-
naire, plaide également la non-existence d'un frémissement
au niveau du foyer des bruits pulmonaires. Le retentissement
exagéré du 2e bruit au niveau de l'aorte est une raison de
Description de la malade. 109
plus pour faire admettre une modification de l'orifice de ce
vaisseau. L'hypothèse la plus vraisemblable est donc celle
d'un sténose de l'orifice aortique.
Le pouls est excessivement petit. Il est régulier, il est d'une
fréquence modérée, nous n'arrivons d'ailleurs aie sentir que par
intervalles, et nous ne sommes pas arrivés à le compter. C'est
là un argument de plus en faveur du rétrécissement aortique.
L'abdomen est très volumineux, pointe en avant, rappelant
un peu celui d'une femme atteinte de kyste de l'ovaire. La
peau à son niveau présente les mêmes caractères de rudesse
et d'épaisseur que partout ailleurs, le même aspect ichtyosi-
que par places, dû à une desquamation superficielle de l'épi-
derme. La cicatrice ombilicale, fait une petite saillie en forme
de cône en avant ; cette petite tumeur est réductible et à
travers la peau, fine en cet endroit, on sent nettement avec
le doigt, le pourtour de l'anneau ombilical. Le contenu, réduc-
tible, parait être formé de pelotons adipeux. Il n'y a pas d'anses
intestinales dans la tumeur. Les autres orifices de la paroi
sont sains et ne sont pas le siège de hernie.
La matité hépatique commence à 3 cent. au-dessus du mame-
lon, cesse au niveau du rebord costal. La matité spléniquc
n'est pas perceptible. L'abdomen est souple, se laisse dépri-
mer et palper facilement. En aucun point on ne trouve de
parties dures ou d'une consistance inégale.
Grandes lèvres assez saillantes, molles, glabres ; pénil
assez saillant. Petites lèvres très peu développées, formant à
peine un petit repli en dedans des grandes lèvres. Le clitoris
est peu volumineux, méat rouge, ainsi que le vestibule qui est
d'un rouge vif. Hymen en croissant, perforé d'un petit orifice
du diamètre d'une plume d'oie. Fourchette bien marquée,
anus glabre.
23 avril. L'enfant, qui était, paraît-il, constipée depuis
quelques jours, s'est fait, dans ses efforts de défécation, un
prolapsus du rectum, la partie prolabiéc se présente sous
forme d'une volumineuse tumeur, des dimensions d'un poing
d'adulte masquant de toutes parts la circonférence de l'ori-
fice anal, et dont il est assez difficile, étant donné sa tension,
de limiter le pédicule ; la surface est d'un rouge sombre,
le tout est très cedématié. A la partie culminante de la tu-
meur, une dépression peu visible marque l'orifice intestinal.
Une première tentative de réduction ne fait pas rentrer la
tumeur; enfin, une seconde tentative permet de la réduire,
sans chloroforme, après des inconvénients assez longs, et lui
provoquant un suintement séro-sanguinolent assez abondant.
110 IDIOTIE myxoedémateuse.
24 auril. L'enfant ne se plaint pas. La tumeur ne s'est
pas reproduite.
2 mai. A la suite d'un purgatif donné à l'enfant qui était
constipéo depuis plusieurs jours, le prolapsus s'est reproduit ,
il est encore assez volumineux, et présente certaines difficul-
tés à la réduction.
1892. 9 janvier. La fontanelle antérieure ne parait pas
offrir de modification notable. Elle a la forme d'un losange
allongé mesurant 3 cent, de largeur et 1 cent, et demi à
2 cent, dans la direction antéro-postérieure.
9 août. Organes génitaux et puberté, pas de modifica-
tions. Depuis l'entrée, le traitement consistait en toniques,
bains salés, gymnastique et exercices scolaires.
1893.23 février. Mario Bey..., atteinte de coqueluche, est
placée au pavillon d'isolement. Jusqu'au 27, rien cle particulier,
si ce n'est une tendance à l'abaissement de la température,
l'on note aussi un prolapsus du rectum difficile à réduire,
menaçant de s'étrangler et se reproduisant dans les quintes
de coqueluche.
28 février. - Tandis qu'hier matin la température élait à
30°, le soir elle était à 39°, 5 ; aujourd'hui T. IL 39°, 0 : phy-
sionomie très abattue, face pâle légèrement cyanosée ; légère
dyspnée ; trois quintes hier, deux clans la nuit peu violentes;
râles muqueux disséminés dans toute la poitrine. Petites
plaintes, mauvaise humeur. Le prolapsus rectal a reparu, il a
été réduit sans peine ; toutefois on a noté que la muqueuse
était un peu noirâtre et avait une odeur gangreneuse.
1er mars. L'état général est toujours mauvais et l'affai-
blissement augmente bien qu'il n'y ait eu que deux quintes
dans les vingt-quatre heures. Malgré les lavements boriques
répétés, l'odeur fétide persiste. Les urines ne renferment
ni sucre ni albumine.
2 mars. L'état général est plus satisfaisant ; les râles
muqueux persistent ; les râles sont très rares, la piolapsus ne
s'est pas reproduit.
3 mars. Aggravation : Face livide; regard terne, pupilles
très dilatées : lèvres et langue décolorées, respiration bruyante,
précipitée, pénible. Depuis hier vomissements, ballonne-
ment considérable du ventre qui mesure 86 cent. au niveau
du nombril, diarrhée, bourrelet noirâtre autour de l'anus
sans prolapsus. P. 140 : H. 00; T. H. 38°, 9. Morte à 1 heure 1/2
de l'après-midi. Poids après décès : 18 k. 800. T. H. après la
mort : 38° ; 1 heure après ; 37°, 1 ; 2 heures après : 38°, 1 ; -=
- Notes DE l'école. 111
3 heures après 35", 9; 4 heures après 34°, 5 ; 15 heures
après le décès : 20°, 5 ; La température de la chambre où était
déposé le cadavre était alors de 14°.
Notes de l'école. 1891. La physionomie est si peu expres-
sive que l'enfant paraît moins intelligente qu'elle ne l'est en
réalité. Elle répond à toutes les questions qui lui sont
posées. Ses réponses sont lentes. Sa langue est toujours pen-
dante sur les lèvres, ce qui la gène pour parler car elle est
obligée cle la rentrer deux ou trois fois avant de commencer
sa réponse. Elle se tient bien à table, prend bien les ali-
ments avec la cuiller et la fourchette, mange proprement
mais très lentement. La mastication est bonne, le goût est
normal. Marie est très difficile pour la nourriture, dit qu'elle
n'aime que le poulet. Constipation habituelle.
Marie Boy..., ne sait pas s'habiller ni se déshabiller, mais
elle cherche à aider les personnes qui s'occupent d'elle. Elle
sait boutonner, lacer, fait très bien les rosettes. Sa tenue est
bonne, elle ne se salit pas, ses bas sont toujours bien tirés,
ses souliers bien lacés. Ni tic, ni onanisme. Elle aime
se coucher de bonne heure et dort tranquillement toute la
nuit. Elle est très caressante, mais très susceptible et
même boudeuse. Elle a pris en affection Augustine W...,
atteinte de la même maladie qu'elle, et pleure lorsque celle-ci
va en permission. En classe, elles sont assises à la même
table, ont entre elles de petites conversations, se taquinent
et se moquent mutuellement l'une de l'autre. La mémoire
est bonne ; l'attention facile à fixer. Marie Bey... reconnaît
et nomme les objets qui l'entourent, les différentes parties de
son corps et de ses vêtements. - Elle distingue toutes les
couleurs. Elle ne sait pas coudre mais tient bien son aiguille.
Lecture, écriture, numération, etc., nulles.
Juin. Elle exécute tous les exercices de la gymnastique
Pichery et s'en amuse ; on n'a pas pu lui apprendre à sauter.
Marie Bey... est très difficile sur la nourriture, souvent
elle ne mange que de la soupe, elle est toujours constipée
malgré des lavements tous les deux jours et un purgatif
hebdomadaire. Très souvent, la défécation s'accompagne
d'une chute du rectum.
1892. Janvier. Son caractère est coléreux et désagréable ;
il faudrait toujours s'occuper d'elle, car elle est très jalouse.
Même difficulté et même indifférence pour l'alimentation.
Juin. Elle est toujours jalouse, capricieuse, irritable, se
mct en colère pour un rien, tape des pieds, cogne sa tète et
pousse des cris. Aucun progrès en classe et à l'ouvroir,
112
Température, poids, taille.
1893. Janvier. Pas d'amélioration du caractère ; elle ment
facilement et raconte à ses parents des choses qui n'ont
jamais existé. Elle se fâche^sans motif et est continuellement
en querelle avec Augustine W... ; il arrive même qu'elles se
battent toutes les deux. Elle est très peinée lorsque Augustine
ne lui cause plus. Alors elle vient trouver la surveillante pour
qu'elle demande son pardon puis elle va embrasser son amie.
Elle est très frileuse, ne se plaît qu'à l'infirmerie afin de se
mettre auprès du feu : on a remarqué qu'alors elle devenait
très gaie. Chute du rectum presque quotidienne.
Tableau des températures à l'entrée.
Autopsie. 113
Les mensurations comparatives des membres n'ont fait
découvrir aucune différence.
Autopsie faite le 5 mars, 45 heures après le décès. Tète.
Cuir chevelu exsangue, épais, très amaigri, en ce sens que la
couche cellulo-adipeuse est à peine marquée. La calotte
est mince (1 millimètre '[2 à trois millimètres), facile à scier;
un fragment s'est cassé pendant l'opération. Les os ont une
coloration d'un jaune cireux très prononcé. Entre la calotte
et la dure-mère il y a une sorte de vide assez considérable.
La dure-mère est un peu épaissie et décolorée. Le cer-
veau est pâle et jaunâtre. La quantité de liquide céphalo-
rachidien est peu considérable. Les différentes parties de
la base de l'encéphale, les nerfs optiques, olfactifs, etc., les
tubercules mamillaires, les pédoncules cérébraux, la protu-
bérance, les artères sont symétriques.
La pie-mère est assez mince, mais résistante; elle se
détache très facilement sur la face convexe où elle est un peu
plus épaisse que sur la face interne. La pie-mère enlevée, les
circonvolutions paraissent comme humidifiées et sont bril-
lantes. En un mot, le cerveau est humide comme s'il avait été
plongé dans l'eau; il a un aspect lisse et un reflet jaunâtre.
Les sillons sont assez profonds. Autant que mes souvenirs
peuvent me servir ce cerveau est beaucoup plus consistant
que ceux de Thén ? dit le Pacha et de Bourge...
Le corps pituilaire est assez gros, il a plus d'un centimètre
transversalement et d'avant en arrière un peu moins d'un cen-
timètre ; il est rosé [\) . La glande pinèale, de la grosseur
d'un petit pois, elle a son apparence ordinaire.
Ainsi qu'on l'avait constaté pendant la vie, la fontanelle
antérieure persiste. Elle a la forme d'un losange irrégulier, me-
sure 27 millimètres d'avant en arrière et 40 millimètres trans-
versalement. La membrane qui la compose est notablement
moins épaisse et moins résistante que celle que nous avons vue
chez le Pacha. Le crâne est presque partout translucide; il l'est
particulièrement sur la partie du frontal droit, voisine de la
partie correspondante de la fontanelle, et en arrière au niveau
des angles antérieurs et supérieurs des pariétaux, à la suite
des bords postérieurs de la fontanelle. Cette partie transpa-
(1) Le même jour nous avons fait l'autopsie d'un èpileptique nommé Lallem ?
âgé de 14 ans, grand et fort (lm 54) et nous avons pu comparer son corps
pituilaire avec celui de Marie Bey... Le corps pituitaire de Marie Bey..»
était environ 2 fois 1/2 plus gros que l'autre.
Bourneville, Bicêtre, 1894. 8
11-4 Description DU cerveau.
rente, qui continue en arrière la fontanelle, a 4 centimètres et
demi de longueur. Les sillons des artères méningées sont très
creux, très amincis. La suture mêtopique est soudée, les su-
tures fronto-pariêtales sont sinueuses, imbibées de sang,
transparentes, La suture interpariétale est très dentelée,
sans trace de synostose. Il en est de même de la suture lamb-
doïde qui présente, au niveau du vertex, trois os wormiens. Il
n'y a pas trace de division de l'occipital. Sur la face interne,
les sutures ne sont pas synostosées; la suture interpariétale
est encore sinueuse sur la plus grande partie de son étendue
La suture fronto-pariétalc est représentées seulement
par une ligne légèrement sinueuse mais non dentelée [Fig 8).
' Les différentes cavités de la base du crâne sont symétri-
ques. Le trouoccipital n'est pas rétréci.
Description DU cerveau. 115'
développé et offrant des digitations séparées par des sillons '
tout à fait superficiels. Le sillon deRolando presque rectiligne
Fig. 8.
H6> Description DU cerveau.
sépare très distinctement FA de PA. Celle-ci est rectiligne et
n'offre des plis de passage qu'à ses deux extrémités à savoir : en
haut, un pli de passage postérieur avec le lobe pariétal supé-
rieur ; en bas un antérieur avec F3 et un troisième, postérieur,
avec le lobe pariétal inférieur. Le lobe pariétal supérieur, très
nettement séparé de l'inférieur par la scissure intra-pariêtale,
est formé de trois petites circonvolutions, légèrement obliques
en avant et en bas, ayant de 3 cm. à 2 cm. de longueur.
La scissure perpendiculaire externe, nettement accusée et
ayant 2 cm. 5 de longueur, sépare le lobe pariétal supérieur
du lobe occipital. Le lobe pariétal inférieur est représenté
par une circonvolution large et très sinueuse, à concavité infé-
rieure ; le pli courbe forme sa partie la plus saillante. Deux
plis cle passage la relient à T1 età T- ; un pli de passage anté-
rieur la relie à PA et deux plis de passage postérieurs l'unis-
sent au lobe occipital. Le lobe occipital est formé de trois
petites circonvolutions de 3 centimètres 1/2 de longueur, paral-
lèles et verticales. Le lobe temporal présente une scis-
sure très profonde qui sépare T1 de T- et qui vers la moitié
de T1 forme une branche allant rejoindre la scissure de Sylvius.
T1 se trouve ainsi divisée en deux parties égales : la première
se prolonge vers la partie postérieure de l'insula, la seconde
va rejoindre le lobe pariétal inférieur. 'I- est unie clans ses
deux tiers antérieurs par quatre plis de passage à T3; elle
s'amincit ensuite pour aller rejoindre la partie postérieure du
pli courbe. Quant à T3, mal délimitée dans ses 2/ : l antérieurs
où elle esl formée par les nombreux plis de passage de 'ï-, clle
devient clans son liers postérieur sinueuse et autonome et va
se perdre dans le lobe occipital.
Face interne. F1 est formée à sa partie antérieure par deux
petites circonvolutions parallèles qui vont au lobule paracen-
tral. Ce dernier est bien développé et netteimiit séparé des
parties voisines; l'encoche du sillon de Itolaudo y apparaît
nettement; il présente un petit sillon curviligne à concavité
dirigée en haut et un peu en arrière. Le lobe quadrilatère
est bien développé et formé de trois circonvolutions presque
parallèles. La scissure perpendiculaire externe, très profonde
(2 centimètres environ), limite franchement le coin qui est petit
et qui n'offre guère plus de 2 centimètres 4 de base sur 2 cen-
timètres 5 de hauteur. Le lobe temporo-sphénoïdal est
formé de deux petites circonvolutions unies par trois plis de
passage ; la circonvolution de l'hippocampe est nettement
séparée de celles-ci par une scissure très longue. La circon-
volution du corps calleux est bien développée ; le sillon calloso-
marginal est assez creux. ' ,
Description DU cerveau. 117
En somme, cet hémisphère offre des scissures très profon-
des, des circonvolutions bien séparées, peu compliquées.
Hémisphère cérébral gauche. La pie-mère, d'une épais-
seur à peu près ordinaire, s'enlève très facilement sur tout
cet hémisphère. Le caractère général de l'hémisphère gauche
est le même que celui de l'hémisphère droit. Les scissures y
sont toujours très distinctes et les circonvolutions toujours
simples.
Face convexe. Lobe frontal. F1, plus nettement séparée
à son origine que sur l'autre hémisphère, offre dans son
tiers antérieur trois plis de passage avec F2 et, à son extré-
mité postérieure, elle se bifurque en deux plis de passage
pour s'unir à F A. F2, très contournée, a comme origine deux
plis de passage qui l'unissent en avant à F1, en arrière à F3.
Ses contours, du reste comme ceux de toutes les autres cir-
convolutions du cerveau, sont anguleux, en quelque sorte
en zig-zags. Elle se termine en faisant un grand crochet à
concavité inférieure qui coiffe la scisssure préfrontale dans
la partie moyenne de F A. F3 est nettement divisée en deux
parties par la scissure préfrontale qui la coupe en deux, for-
mant à son niveau une rainure de G millimètres de largeur
sur 8 millimètres de profondeur. FA est bien développée. Le
sillon de Rolando, bien accusé, est un peu plus sinueux que
celui de l'autre hémisphère. La scissure de Sylvius, très large,
laisse apercevoir l'insula qui est bien développé et dont les
digitations sont assez saillantes. P A est peu contournée ;
elle est unie inférieurement par un pli de passage au pli parié-
tal inférieur et supérieurement par un autre pli de passage
au lobe pariétal supérieur. Le lobe pariétal supérieur est très
nettement séparé de l'inférieur par la scissure intra-jiariétale
qui est très profonde. Il offre la forme générale d'une circon-
volution concave inférieurement ; se terminant en arrière
au niveau de la scissure perpendiculaire externe, qui est
accentuée, par un pli de passage qui l'unit au lobe occipital.
Le lobe pariétal inférieur et le pli courbe sont assez accen-
tués et diffèrent des parties correspondantes en ce qu'ils sont
en quelque sorte confondus sur l'hémisphère droit. Le lobe
temporal est formé de trois circonvolutions ayant la même
disposition que du côté opposé. Le lobe occipital a aussi
les mêmes caractères qu'à droite.
Face interne. La face interne de l'hémisphère gauche
n'offre rien qui la distingue essentiellement de celle du côté
118. Absence de glande thyroïde et DE thymus.
opposé. La F1, le lobule paracentral, l'avant-coin, le coin, les
circonvolutions temporo-sphénoïdales, la circonvolution du
corps calleux ont une disposition presque identique à celle du
côté opposé.
Le septum, les couches optiques, les corps striés, les tuber-
cules quadrijumeaux, les .bandelettes optiques, le trigone, le '
corps calleux n'ont rien d'anormal; les ventricules ne sont
pas dilatés. '
En un mot les deux hémisphères cérébraux n'pffrent pas
de grandes différences et leur aspect général est le même ;
1 n'y a aucune lésion macroscopique apparente, pas do lésions
en foyer, ni d'aspect chagriné et la seule chose remarquable
est leur grande simplicité.
Tronc. -Une incision pratiquée sur la peau depuis le men-
ton jusqu'à la vulve montre que le pannicule adipeux est très
mince sur le thorax et encore plus mince sur l'abdomen. Les
muscles semblent collés directement à la peau. Ce dévelop-
pement très minime de la couche graisseuse sous-cutanée
forme un contraste frappant avec les énormes amas graisseux
que nous allons décrire.
Cou. La peau et les aponévroses étant disséquées de
chaque côté et le plastron chondro-sternal étant enlevé on
constate qu'il n'y a pas la moindre trace de corps thyroïde,
ni la moindre trace de thymus, qu'il n'y a pas non plus de
glandes thyroïdes accessoires. Puis on découvre : 1° des
masses graisseuses, volumineuses, au-dessous du cartilage
thyroïde et se prolongeant jusque dans le médiastin antérieur,
au-devant du péricarde ; 2° desmasses graisseuses très abon-
dantes sous forme de grappes, d'aspect très luisant, comme
humide, dans les creux sus et sous-claviculaircs ainsi que dans
la région mammaire ; 3° des masses graisseuses dans le
médiastin postérieur; 4° des amas yraisseuA" volumineux
tout le long du gros intestin ; 5° des amas graisseux con-
sidérables dans l'atmosphère péri-rénale, s'étendant jusque
dans la fosse iliaque où, réunis, ils ont la dimension d'un
oeuf de poule; 6° dans la fosse iliaque droite sur les côtés
de la vessie, nombreux et volumineux amas graisseux.
Thorax. Une incision transversale, pratiquée sur le ma-
melon, ne montre aucune trace de glandes mammaires.
Pas d'adhérences pleurales. Le poumon droit (170 gr.) offre
Lésions pulmonaires, cardiaques, etc. 119
trois lobes. Dans la scissure inférieure, à la base, il existe une
petite languette triangulaire de 3 centimètres de long qui
semble le vestige d'un quatrième lobe. La région postérieure
du lobe supérieur et le lobe inférieur sont plus fortement
congestionnés. Tout le poumon crépite partout et, plongé dans
l'eau, surnage ; il en est de môme des parties les plus forte-
ment congestionnées. Poumon gauche (130 gr.), très
fortement hyperémié à son bord postérieur et à sa base.
Adhérences des deux lobes. A cinq cent, du sommet, sur le
bord de la scissure, on trouve une légère dépression, corres-
pondant à un point dur, de la grosseur d'un petit pois. Une
incision pratiquée sur cette petile masse fait voir qu'elle est
constituée par une substance crayeuse, probablement un tu-
bercule crétacé. Il n'y a pas de lésion des plèvres pariétales
et viscérales, sauf les adhérences signalées au poumon gauche.
Coeur avec l'origine des grands vaisseaux, 190 grammes. Le
péricarde est sain, il renferme environ 25 grammes de liquide
Le coeur est globuleux, le ventricule droit se termine en pointe
à peu de distance du ventricule gauche, ce qui donne au coeur
une légère apparence de bifidité. A la base du ventricule
gauche, au niveau de l'auricule, il y a trois paquets adipeux
de la grosseur d'un pois. Les piliers du ventricule gauche
sont peu saillants et peu volumineux; l'épaisseur de la paroi
du ventricule gauche est de 12 millimètres environ. Le ven-
tricule droit présente des colonnes charnues aussi volumi-
neuses que celles du ventricule gauche. Tous les orifices du
coeur sont suffisants, l'orifice tricuspide offre 7 centimètres de
circonférence. L'orifice mitral a G centimètres et l'orifice pulmo-
naire 38 millimètres, tandis que l'orifice aortique en a 42. Les
orifices des artères sont normaux. L'aorte descendante pré-
sente sur sa surface des petites plaques athéromatcuses. Il n'y
a pas de persistance du trou de Botal, ni de traces du canal
artériel. Dans l'oreillette droite, la fosse ovale de Vieussen»
est nettement accusée.
Abdomen. Le mésentère est rempli de lobules graisseux.
Estomac sain, muqueuse assez épaisse. Intestin grêle :
ouvert sur toute sa longueur, on n'y trouve aucune lésion.
Le cescum est vide, l'appendice iléo-coecal pourvu d'un méso
de 5 centimètres de long. Le coloîi descendant et l'S iliaque
sont distendus par de nombreux bols fécaux, durs, sphériques,
gris blanchâtres. La muqueuse du rectum est excessivement
lâche ; c'est elle seule qui constituait le prolapsus. Cette laxité
existait dans une hauteur de 0,05 centimètres à partir de l'anus ;
cette partie est plissée verticalement, bleuâtre, sans aucune
120 Etat DES os.
ulcération. Le reste de la muqueuse du gros intestin est
normal. Foie (G50 gr.), sain ; vésicule biliaire pas de calculs.
- Rate (40 gr.), bilobée ; le lobe supérieur, nettement marqué,
est plus petit que l'inférieur. Pancréas (25 gr.), normal.
Rein droit (G2 gr.). Rein gauche (G3 gr.). On trouve dans le
bassinet de chacun des deux reins une dizaine de petits cal-
culs jaunâtres delà dimension d'un grain cle millet. Les reins
se décortiquent facilement; ils offrent de nombreuses arbori-
sations à leur surface ; leur substance corticale est décolorée,
blanchâtre.
Organes génitaux. Rien de particulier sur le péritoine
pelvien. L'utérus (G gr.) est long de 4 centimètres '/2 environ
et large de 3 centimètres au niveau de son fond. Celui-ci,
légèrement convexe, ne dépasse pas sensiblement le plan
d'insertion des trompes. Le col de l'utérus a 2 centimètres de
long sur 3 de large. Le museau de tanche, quia 5 millimètres
de longueur, présente un orifice linéaire transversal de 12 mil-
mètres ; les bords de cet orifice sont légèrement dentelées, le
bord supérieur est deux fois plus volumineux que l'anté-
rieur, il offre environ 3 millimètres d'épaisseur. L'isthme est
petit. Le corps de l'utérus a un centimètre 1/2 de haut sur 3
centimètres de long. La muqueuse utérine est normale ; les
plis de l'arbre de vie sont saillants et l'on observe clans la cavité
utérine des saillants analogues aux colonnes charnues du coeur.
Les parois de l'utérus ont environ (i millimètres d'épaisseur au
niveau du corps. Aucune lésion des ligaments larges.
Trompes avec leur pavillon 11 centimètres de long tant à droite
qu'à gauche. Les ovaires (fi gr. chacun avec la trompe) mesurent
4 centimètres de long sur 2 de large : ils ont la forme d'amandes
et sont recouverts d'une enveloppe analogue à la tunique albu-
ginée des testicules. Sous cette tunique apparaissent translu-
cides 2 ou 3 petits hy s tes. Al'extrémitéexternedel'ouairegauc/ie
où se trouve une masse dure, pédiculée, recouverte d'une
tunique blanche comme l'ouaire et présentant environ 5 milli-
mètres de diamètre. Pas de traces de corps de Rosenmiiller.
Le vagin est sillonné de plis nombreux et n'offre rien de parti-
culier. Pas de lésion de la vessie qui mesure environ G
centimètres de haut.
Os. Le corps devant être inhumé on n'a pas pu conserver
le squelette. Nous avons donné plus haut une description de
la calotte crânienne. La région dorsale de la co ! o ? i ? ie uerté-
brale décrit une double courbure, la supérieure à concavité
regardant à gauche, l'inférieure à concavité regardant à
Examen histolo&ique. 121
droite. ; Nous avons enlevé le fémur gauche ; dont voici la
description : il a 22 centimètres de longueur, ses extrémités
sont volumineuses, la partie moyenne de la diaphyse n'a quo
4 centimètres '/2 de circonférence. La diaphyse est séparéé
des 2 épiphyses qui ne sont pas encore synostosées à l'os, les
courbures de cet os sont normales et n'offrent pas d'apparence
rachitique. Le grand et le petit trochanter sont bicn déve-
loppés, la cavité digitale est profonde. Le grand trochanteo
est séparé, à sa base, par une fissure et de la tête de l'os et de
la diaphyse. Le col du fémur est nettement accentué, la tête
a un aspect normal. L'extrémité inférieure est très-volumi-
neuse et présente au niveau des condyles C centimètres environ
de largeur. Les 2 condyles, à 2 centimètres environ de leur
extrémité, s'unissent à la diaphyse par du cartilage. Le condyle
interne est moins volumineux et descend plus bas que l'ex-
terne. La ligne âpre est très accusée dans les deux tiers
srsupérieu de la diaphyse de l'os. Ce fémur pèse 152 gram-
mes.
Examen histologique des principaux viscères, par M.
René Marie, interne des hôpitaux. Les organes qui offrent
les lésions les plus profondes sont les reins, (objectif 4 et
oculaire 1 de Leitz). Ils présentent de nombreuses lésions des
glomérules, les uns ayant une capsule de Bowmann remplie
en partie d'un exsudât légèrement grenu, les autres offrant
une véritable transformation fibreuse et étant d'un moindre
volume. Les tubuli conlorti sont rarement sains, quelques-
uns sont entièrement démasqués, la plupart sont revêtus de
cellules altérées dont la portion centrale est abrasée et flotte
dans le tube. De nombreux cylindres existent formés de
cellules mortes ne se colorant plus èt de masses vitreuses.
Dans quelques tubes, on remarque une hypertrophie avec
desquamation complète de l'épithélium et formation de cylin-
dres épithéliaux. Les tubes droits jouissent d'une intégrité
presque parfaite, dans quelques-uns apparaissent atténuées
les lésions constatées dans les tubes contournés. Le tissu
cellulaire est simplement hypertrophié en certains points
entre les tubes droits; il présente des traces d'inflammation
au niveau des placards granuleux existant dans les gloméru-
les. En résumé, les reins sont le siège d'une néphrite diffuse
récente et offrent des traces de néphrite interstitielle an-
cienne.
La rate n'a aucune lésion notable. Les cajosules sun'ë-
nales sont absolument saines.
Le foie est en dégénérescence graisseuse légère, une
122 ElAMEN HISTOLOGIQUE.
cirrhose partielle existe, mais les travées fibreuses ne s'irra-
dient pas et cette cirrhose, très légère d'ailleurs, n'offre pas
les caractères de la cirrhose annulaire.
Les ouaires contiennent de petits kystes remplis d'une
substance granuleuse et de détritus épithéliaux. Les follicules
avec ovules y sont nombreux et la présence de corps jaunes
permet d'affirmer que les ovules ont évolué (I).
Les seins offrent des rudiments de glande mammaire.
L'hypophyse est congestionnée et son épithélium est
recouvert par une sorte de sécrétion colloïde.
Analyse chimique de la peau, faite par leD' Paul Cornet,
aulaboratoire de thérapeutique de la Faculté. Il m'a été
remis, un morceau de peau très adipeux et macérant dans de
l'alcool. Cette macération alcoolique n'a pas permis le dosage
des matières albuminoïdes, ni d'accentuer par des réactions
variées la présence de la mucine. Voici l'analyse élémen-
taire :
RÉFLEXIONS. 123
trer à ce sujet dans de nouveaux développements.
Aussi nous limiterons-nous à relever quelques points
de détails.
I. Ici, contrairement à ce qui a lieu trop souvent (1),
l'alcoolisme n'a exercé aucune influence. L'hérédité
nerveuse, sans être très chargée, est cependant réelle.
Du côté paternel, un aïeul et un oncle apoplectiques,
une cousine chez laquelle une peur a déterminé des
accès d'épilepsie. Qu'il nous soit permis, en pas-
sant, de rappeler que cette cause, la peur, est fré-
quemment invoquée par les familles pour expliquer
l'apparition du mal comitial. Il va de soi que, en
général, elle n'a d'effet grave que sur un terrain déjà
préparé. Toutefois, il serait bon que les médecins, qui
consentent à faire partie des délégations cantonales,
et ils sont nombreux, profitent de ces fonctions, tou-
tes cle dévouement, pour signaler aux instituteurs et
aux institutrices les graves inconvénients de certai-
nes punitions qui provoquent la peur.
Du côté maternel, il y a eu aussi, parallèlement
à la tuberculose, des accidents nerveux variés. La
mère de Marie B... a eu des convulsions infantiles
légères. Elle a été sujette à des migraines de 16 ans
jusqu'à 23 ans : elles ont disparu à partir de son
mariage. Cette influence des rapports sexuels s'oh-
serve assez souvent, moins souvent toutefois que la
suspension des crises migraineuses durant les gros-
sesses.
II. Mentionnons la canitie survenue chez le père,
en quelques heures, à la suite d'une émotion violente.
C'est là un cas à rapprocher de ceux qu'a cités M.
Charcot (2) et de ceux que nous avons ajoutés, auxquels
(i) Voir les observations des 14 volumes de nos Comptes-rendus (1880-189'i).
(2) cEui'res complètes, publiées par Bourneville, t. VIII, p. 191.
124 RÉFLEXIONS.
nous joindrons celui d'une infirmière de Bicêtre où
elle n'est restée que quelques semaines, M",c Boy...,
âgée de 38, ans cru i , plusieurs années auparavant
était devenue foule blanche en une nuit, à la suite
de la mort d'un de ses enfants.
III. Tout d'abord le lecteur peut s'étonner de
la minutie des renseignements concernant la famille.
Elle a pourtant sa raison. Nous avons dis que le père
et la mère avaient le nez aquilin, afin de faire
saillir le contraste avec le nez camus de la malade.
De même pour les cheveux : père et mère bruns,
la malade, châtains roux.
IV. Maintes fois nous avons fait remarquer que
chez les idiots ou les imbéciles myxcedémateux les
parents ne remarquaient les caractères de la cachexie
pachydermique qu'après le sevrage, d'où il s'en suit
que l'alimentation lactée semble avoir pour action de
ralentir ou d'ajourner les conséquences de l'absence
de la glande thyroïde. Ce fait a été remarqué par
M. Lancereaux pour un cas concernant l'adulte :
« Sous l'influence, dit-il, du régime lacté exclusif et
de l'emploi de l'iodure de potassium, le malade s'est
amélioré très sensiblement, en ce sens que dans
l'espace de 4 mois le foie et la rate ont notablement
diminué de volume et le poids du corps s'est accru de
4 à o kilogrammes ».
V. La température rectale prise suivant l'habi-
tude, matin et soir pendant les cinq premiers jours
de l'admission a montré qu'elle est au-dessous de la
température normale et, en général, au-dessous de
37". A cet égard, ce fait confirme ce que nous avons
écrit dans nos précédentes publications. Puisqu'il
s'agit de température, relevons aussi la marche de la
température après lu mort. Les notations qui ont été
faites indiquent l'abaissement progressif de la tem-
RÉFLEXIONS.
125
pérature du cadavre qui tend à se mettre en équili-
bre avec le milieu ambiant et fournit ainsi un signe
cle la mort d'une valeur incontestable.
VI. Bien que Marie B... eut 21 ans, elle n'offrait
aucun des signes de la, puberté. Comme tous les autres
idiots ou imbéciles myxoedémateux, elle paraissait
absolument indifférente sous le rapport sexuel et ne
s'adonnait pas à l'onanisme.
VII. L'autopsie nous a permis de vérifier I'absenGE
complète de la glande thyroïde et la persistance de la
Fig. 9.
126 RÉFLEXIONS.
fontanelle antérieure. Ce fait, sur ces deux points,
confirme ce que nous avons noté dans nos quatre
autopsies antérieures.
VIII. Marie B... a été prise d'une coqueluche qui
ne paraissait pas avoir de gravité. Bientôt sont surve-
nues deux complications, la chute du rectum et une
congestion pulmonaire compliquée de tgmpanite,
accidents que nous avons remarqués également chez
Thén... La figure 5 met bien en évidence la marche
de la température durant la coqueluche et ses compli-
cations.
III.
Assistance des alcooliques.
Le Conseil général de la Seine ayant décidé qu'il
y avait lieu de suspendre les études relatives à la
création d'un.")0 asile d'aliénés de 1200 lits et de met-
tre au concours la construction d'un asile de 500
alcooliques et de 700 aliénées, cette délibération a été
l'objet d'une discussion au Congrès des aliénistes et
des neurologistes de Clermont-Ferrand, où elle s'est
introduite à propos de la discussion d'une question
générale; puis à la Commission de surveillance des
asiles de la Seine. De plus, le ministre de l'intérieur
ayant sonmis au Conseil supérieur de l'assistance
publique la question de la création d'asiles régionaux
nationaux pour les alcooliques, il s'est engagé devant
ce Conseil une nouvelle discussion. Ce sont les opi-
nions que nous avons émises dans ces assemblées que
nous reproduisons ici.
I.
Discours prononcé à la Commission de surveillance
des Asiles de la Seine (Séance du 5 avril 1895).
M. Bourneville. Je n'ai aucune remarque à faire sur
la première partie du Rapport très étudié de MM. Magnan
et Salleron. Ils ont exposé en excellents termes et d'une
façon précise les opérations du jury chargé déjuger les
projets déposés par les 3ô architectes qui ont pris part au
concours pour la construction d'un cinquième asile dans
le département de la Seine. Il n'en est plus cle même en ce
qui concerne la seconde partie. Mais, avant d'y arriver, il
estbon de rappeler que le plan primitif de l'Administration
consistait à faire un cinquième asile pour les aliénés.
128 Assistance DES alcooliques.
LeGjuillct 1894, le Conseil général a pris une délibéra-
tion ayant pour but de mettre au concours, non la cons-
truction d'un nouvel asile exclusivement consacré aux
aliénés, mais : 1° d'un asile pouvant contenir 700 aliénées ;
2° d'un asile spécial d'alcooliques pouvant contenir Ô00
hommes; 3" de services généraux communs aux deux
établissements.
Quelques jours plus tard (II) juillet), l'Administration a
communiqué la délibération du Conseil général à la Com-
mission de surveillance en l'invitant à donner son avis sur
la construction d'un asile d'alcooliques, ha Commission
a déclaré qu'il ne lui était pas possible, séance tenante,
de se prononcer sur les conciliions que devait réaliser un
tel asile et a, par un vote provoqué par noire collègue M.
Beurdeleg, dégagé complètement sa responsabité. Le con-
cours commençait le 2ô juillet. A la question que nous
avons posée, de savoir ce que le Conseil général entendait
parce mot : alcooliques, l'Administration n'a pas répon-
du : elle avait omis de s'en enquérir auprès des auteurs
du projet.
La décision très nette et unanime de la Commission de
surveillance a provoqué la réflexion dans l'esprit de ceux
qui avaient un peu imprudemment provoqué le vole pré-
cipité du Conseil général, et qui avait eu lieu sans avis
préalable de la Commission de surveillance.
D'où la venue de M. le conseiller général Deschamps
au Congrès des aliénistes et des nenrologistes cle Clcrmont-
Fcrrand, qui avait mis à son ordre du jour la question de
l'Assistance et de la législation relatives aux alcooliques
et confié à notre ami, le Dr Ladame (de Genève), la mis-
sion de lui présenter un rapport devant servir de base à
la discussion, Celle-ci a été vive (1). Le Congres a émis le
voeu « que des mesures spéciales soient prises à l'égard
des buveurs d'habitude qui constituent un véritable danger
pour la société», en d'autres termes qu'une loi soit votée
autorisant l'internement des ivrognes durant un temps
minimum de six mois, maximum de deux ans (conclusion
(1) Voir les Archives de neurologie, septembre 180'i, p. 210-2G1 ; les Annales
medico-psychologiques, etc.
Asile d'alcooliques de la Seine- 129
13 de M. Ladanie), et, ensuite, mais après le vote de la loi,
« que des asiles spéciaux soient fondés pour le traitement
des buveurs ».
Quelques courts extraits de la discusion nous paraissent
nécessaires pour montrer comment on appréciait, d'une
façon générale, les conditions du concours des architectes.
M. le Dr Vallon. «.... L'asile spécial ne devait renfer-
mer que des alcooliques qui seront soumis à un régime spé-
cial, à l'abstinence absolue de l'alcool. Au Conseil général
de la Seine, on a volé la création d'un asile dans lequel 500
lits seront réservés aux alcooliques. Dans cet asile les ser-
vices généraux seront communs : c'est absolument comme
si on ne faisait rien. Ces alcooliques continueront à boire et
leur guérison ne sera jamais obtenue. Encore une fois ce
qu'il faut, c'est un asile pour les seuls alcooliques.
M. le Dr Legrain. «... L'alcoolique guérit vite des trou-
bles morbides qui ont nécessité son internement. Une fois
guéri, il récupère ses -droits à la liberté et, de fait, rien ne
peut le retenir à l'asile. Il sort, ne larde pas à recommencer
ses excès. Quelque temps après, il est de nouveau interné,
non sans avoir fait courir quelques rixes ou causé quelques
dommages à la société. A l'étranger, les lois autorisent l'in-
ternement prolongé de ces êtres dangereux. Notre législation
ne nous le permet pas. Il y aurait en conséquence utilité à
demander la création de dispositions légales analogues à celles
qui sont en usage à l'étranger.
M. le Dr Rouby, qui a fondé une colonie d'alcoolisés
dans sa maison de santé d'Alger, a également précisé les
conditions que doit réaliser un établissement pour les
buveurs (1) :
L Un hospice d'alcoolisés, dit-il, est créé, non pour les
Ivrognes intermittents ni pour les aliénés devenus malades
sous l'influence de l'alcool, mais pour ceux qu'on pourrait
appeler des ivrognes de profession, qui boivent avec excès
tous les jours, qui pensent et n'agissent que pour un seu
but, celui de se procurer et de boire de l'alcool, quelle qu'en
soit la forme; ceux que la police ramasse fréquemment dans
les rues et que reçoivent pour quelques semaines, tantôt
(1) Ce travail a paru en entier dans les Ami. midico-psijch., octobre 1804.
Bourneville, Bicêtre, 1894. B
130 Assistanxe des alcooliques.
l'asile d'aliénés, lantôt la prison. On recevra principalement
parmi ces alcooliques ceux qui sont dangereux pendant l'ac-
cès d'ivresse. Quant aux alcooliques atteints de folie alcooli-
que aigûe, de dclirim trcmens, on les placera dans un asile
ordinaire pendant celte période d'aliénation et ils seront
transférés à l'asile spécial seulement lorsqu'ils n'auront plus
qu'à subir le traitement de l'abstinence.
II. L'édification de l'asile doit être différente de celle des
autres asiles d'aliénés...
III. Les services généraux ne doivent pas être communs
à un asile d'aliénés et à un hôpital spécial d'alcoolisés...
La conclusion n° 16 du rapport de M. Ladame était
ainsi formulée : « Les buveurs aliénés, épileptiques et
délinquants, ne doivent pas être admis dans les asiles pour
la guérison des ivrognes ».
Au cours de cette discussion qu'il suivait avec intérêt,
M. Deschanqos, rapporteur du Conseil général, a avoué
sincèrement qu'il craignait bien cju'au Conseil général on
eût « commis une gaffe ». Aussi a-t-il demandé au Con-
gres, avec une louable insistance, de l'aider à tirer et le
Conseil et l'administration de la Seine de l'impasse où ils
se trouvaient et insisté pour que le Congrès traçât, hic et
nunc, « le programme d'un asile d'alcooliques, programme
qu'ils avaient complètement oublié Je fournir aux archi-
tectes. » Puis, en présence des résistances du Congrès, et,
d'ailleurs, de l'impossibilité matérielle où le Congrès se
trouvait de répondre à son intention, il a exprimé le désir
que le Conseil émit un voeu réclamant la nomination d'une
Commission administrative pour étudier le programme de
l'asile d'alcooliques voté par le Conseil général de la
Seine. Cette proposition, comme la précédente, a été écar-
tée.
Depuis le Congrès de Clermont-Ferrand jusqu'à ce jour,
de nombreuses publications sur l'assistance et la législa-
tion des alcooliques ont succédé au Rapport si documenté
de M. le Dr Ladame et fournissent, à l'heure actuelle,
tous les éléments indispensables à l'élaboration d'un pro-
gramme pour la construction d'une maison de traitement
des buveurs.
La Commission de surveillance n'a pas oublié la lec-
ture dn rapport si humoristique de M. Puleau.x, que M.
Asile d'alcooliques de la Seine. 131.
Magnan a fait suivre de considérations très intéressantes.
Nous avons à signaler les articles de M. Marandon de
Monl gel, le mémoire cle M. 1'. Sérieux, les travaux do M.
le D1' Legrain. Entre temps, MM. Magnan et Legrain.
préparaient pour le Conseil supérieur de l'Assistance
publique leur rapport sur la Création d'asiles spéciaux
pour les aliénés alcooliques clans toule la France qui doit
cire discuté dans la séance de demain du Conseil supérieur.
Enfin, et c'est surtout ce que nous voulons examiner
aujourd'hui, est venu le rapport de MM. Magnan et Salle-
ron sur les résultats du concours des architectes. Toute-
fois, auparavant, nous ferons encore deux citations qui
contribueront à fixer l'idée que l'on doit se faire d'un
asile d'alcooliques :
« Je crois devoir insister, dit M. le Pr Joffroy, avec le Dr
Forel (cle Zurich), sur la nécessité de ne pas confondre la mai-
son de traitement de l'alcoolisme ni avec la prison, ou la mai-
son de correction, ni avec l'asile d'aliénés. »
Ceci est extrait du n° de la Gazette des hôpitaux qui
vient de vous être distribué. M. le Dr Forel termine ainsi
un arlicle tout récent, car il a paru ce malin clans le même
journal, sur la Cure des buveurs :
«... De nos jours, même pour les aliènes, on abandonne de
plus en plus le système « caserne » pour bâtir la « colonie-
village » rurale. A plus forte raison, ce système me semble-t-il
s'imposer, pour un grand asile de buveurs de 500 lits. En le
divisant, selon le projet de M. le Dr Paul Sérieux, en une
dizaine de pavillons séparés, possédant chacun un surveillant
responsable, intelligent, on pourra faire un asile modèle et
classer les buveurs en catégories, isoler les indisciplinés,
séparer les améliorés qui peuvent sortir librement de ceux
qu'on doit encore tenir enfermés, etc., etc. »
En l'absence d'une loi autorisant l'internement plus ou
moins prolongé des buveurs, on s'est rabattu, pour utili-
ser l'asile projeté, sur les alcooliques délirants. En pré-
sence des inconvénients qu'il y avait, selon nombre de
médecins, à placer un asile de femmes aliénées à côté d'un
asiles d'ivrognes et de l'opinion à peu près unanime qu'il
132 Assistance DES alcooliques.
est indispensable qu'un asile de buveurs soit tout à fait
isolé, notre ami M. Magnan, faisant table rase de la déli-
bération du Conseil général, supprime, comme nous allons
le voir, l'asile des femmes aliénées et lui substitue un asile
pour des femmes alcooliques, épileptiques et hystériques.
Nous arrivons ainsi à l'examen de la seconde partie du
Rapport deMM.MagnanetSalleron, qui constitue la base
d'un véritable programme d'un asile d'alcooliques, tel
que le conçoit M. Magnan. Ce programme est très diffé-
rent, sur un grand nombre de points, du programme d'un
asile d'aliénés. Il s'agit là, ainsi que l'a fait remarquer
avec juste raison l'un des juges, M l'architecte Guadet,
après avoir rappelé les remarques que nous avions faites
à maintes reprises au cours dos opérations du Jury, d'un
programme à posteriori, puisqu'il vient deux mois après
le jugement du concours des architectes. Ceux-ci man-
quant d'un programme à priori, ont déposé des projets
d'un asile d'aliénés.
Si nous étions une académie ou une société savante nous
pourrions, Messieurs, immédiatement, sans autre préoccu-
pation, approuver ce programme et faire des voeux pour
sa réalisation. Mais, ici, nous ne faisons pas de la théo-
rie, nous sommes en face des nécessités pratiques et nous
ne pouvons pas examiner isolément une question. Nous
sommes obligés de la mettre en regard des autres ques-
tions qui nous pressent et nous sollicitent chaque jour, de
les classer suivant leur importance, leur urgence, et tenir
compte des règlements et des lois.
Ceci dit, examinons rapidement les modifications appor-
tées par MM. Magnan et Salleron au projet de M. Morin-
Goustiaux, rangé par le jury en première ligne : voyons
ce qu'il en reste et concluons.
Les rapporteurs se sont efforcés d'approprier ce projet
conformément à leur programme de ce jour. Pour l'asile
des hommes alcooliques, le pavillon de l'infirmerie est
supprimé ; on réservera dans l'un des pavillons deux sal-
les de huit à dix lits chacune ; les cellules sont réduites à
cinq ou six ; vingt chambres d'isolement seront établies ;
trois ou quatre pavillons seront « laissés sans murs »,
etc., etc.
Asile d'alcooliques DE la Seine. 133
Au lieu d'ètre logés dans des pavillons spéciaux les
infirmiers, les surveillants et sous-surveillants, devront,
comme les médecins-adjoints, occuper les pavillons des
malades. Les pavillons particuliers prévus pour le per-
sonnel médical seront, par conséquent, supprimés. Seul
le médecin-directeur « pourrait avoir sa maison à part ».
Cette modification ne nous paraît pas heureuse. Dans la
plupart des asiles nouveaux, et c'est ce que, sur les
raisons que nous vous avons données, la Commission de
surveillance a fait prévaloir en partie à l'asile de Ville-
juif, les médecins en chef, ont chacun leur pavillon
d'habitation. C'est également cetle disposition que, sur
l'avis de la Commission administrative, vous avez adop-
tée pour les fonctionnaires du V'"c asile d'aliénés.
Vous aviez également décidé, de même qu'à Villejuif,
que le personnel secondaire serait logé dans des pavillons
à part. C'est ce qui existe, du reste, dans beaucoup d'asi-
les Anglais ou Allemands. Laissez-nous faire, à ce propos,
encore une citation :
« En Saxe, comme ailleurs, on s'est préoccupé de former
un bon personnel d'infirmiers ; ce personnel comprend à peu
près SOI) personnes. En 1887, M. Joeppell a conçu le plan de
réunir les éléments nécessaires pour instruire ce personnel
dans les asiles. En 1887, on a installé à Hochweitzschcn une
école spéciale pour les hommes et à Ilubertusbourg une
école pour les femmes. Dans ces locaux spéciaux habitent et
sont instruits ceux et celles qui sont en cours d'études ; ils
sont en même temps le home de ceux et cle celles qui sont en
fonctions. Dans les autres asiles également, les infirmiers et
les infirmières ont leur demeure propre, où ils vont se dis-
traire et se délasser quand ils ne sont pas de service ; ils y trou-
vent, avec l'agrément des relations, des éléments de perfec-
tionnement et de distraction (1). »
Les changements, apportés par MM. Magnan et Salle-
ron, au programme que vous avez adopté pour les asiles
d'aliénés, changements qui ont pour conséquence d'as-
treindre tous les infirmiers, les sous-surveillanls et les
(1) Voir Archives de neurologie, mars 1893, p. 252.
1 34 AsSISTANCe des alcooliques.
surveillants à occuper les pavillons des malades, ne nous
semblent pas constituer un progrès et devoir contribuer
à nous procurer un meilleur personnel.
En ce qui concerne la division des femmes (700 aliénées) ,
il y aura, croyons-nous, encore plus de difficultés à adap-
ter les plans de M. Morin-Goustiaux au programme do
MM. Magnan et Salleron. En présence des objections qui
étaient faites de ne pouvoir appliquer rigoureusement le
traitement par l'abstinence aux hommes alcooliques, en
établissant, à côté d'eux, un asile d'aliénées avec des serin-
ces généraux communs, en raison aussi des plaintes qui ne
manqueraient pas de surgir de la part des familles des
aliénées par suite du voisinage des malades victimes de
l'ivrognerie, M. Magnan, nous l'avons déjà dit, propose
de ne plus affecter aux aliénées les 700 places qui leur
étaient attribuées en vertu même de la délibération du
Conseil général, pacte du concours, et de leur substituer
un quartier do 200 femmes alcooliques et un autre cle 500
épileptiques (combien ? ) et hystériques (combien ? ), mala-
des qui, elles aussi, seraient soumises au régime absti-
nent. « La grosse objection adressée à l'asile mixle, dit-il,
tomberait et les services généraux pourraient, sans
inconvénients, être communs ». Il faudrait donc trois
quartiers différents : femmes alcooliques, épileptiques,
hystériques. L'architecte devra exécuter un véritable tour
de force pour transformer son asile d'aliénées en trois
quartiers si différents. Le travail, constituant un des
moyens les plus actifs du traitement, fera-t-on travailler
ces trois catégories de malades dans les mêmes ateliers,
ou ne sera-t-on pas amené, tout au moins, à construire des
ateliers séparés, d'un côté pour les femmes alcooliques, et
de l'autre pour les épileptiques et les hystériques 7
« Les buveurs sont souvent mutins et intrigants, écri-
vent MM. ForelctMarandon deMonlgel, surtout pendant
les premiers mois de leur cure. Ils se plaignent, s'impa-
tientent, organisent des révoltes ». Comment s'entendront t
les femmes alcooliques avec les épileptiques violentes et
irritables et avec les hyslériques fantasques et d'une
impressionnabililé si vive 7 Ce voisinage, ou même ce
contact journalier des ivrognesses, des épilepliques et des
Asile d'alcooliques de la Seine. 135
hystériques est cle nature à donner une lourde besogne
aux médecins et à l'administration de l'asile.
Nous ne pensons pas exagérer l'importance des modi-
fications qu'impose aux plans de M. iUoriJi-Goiisliau.v le
programme nouveau. Mais pour que chacun puisse mieux
s'en rendre compte, nous demandons à l'Administration
de bien vouloir faire traduire ce programme en un plan
schématique et nous apporter les plans de M. Morin-Gous-
tiaux. On les mettra à côté l'un do l'autre : cette compa-
raison permettra à tous de bien juger.
Do toutes les catégories d'alcool iques, on ne se préoccupe
que des alcooliques délirants; or, seuls, actuellement,
ils sont déjà pourvus puisque les asiles d'aliénés leur sont
ouverts. Pour les alcooliques qui ont des asetions gas-
triques, hépatiques, rénales, etc., il n'y a rien. Les essais
faits à l'Asile cliniques par M. Magnan lui-même, sous
son inspiration à Villejuif, par M. le Dr Briand pour les"
femmes, à Ville-Evrard, par M. Marandon de Montyel
pour les hommes, essais que la Commission de surveil-
lance connaît et suit avec intérêt ; les applications du
régime abstinent c'est M. Magnan qui nous renseigne
dans les cinq grands asiles du Comté de Londres, tout cela
nous montre qu'il est possible, dès maintenant, clans une
mesure qui ne pourra qu'augmenter, d'appliquer le régime
abstinent aux alcooliques même dans nos asiles actuels.
Il est enfin une considération que nous devons faire
valoir : -les alcooliques délirants, car ce sont ceux-là
seulement qu'on propose de placer dans le nouvel asile,
y arriveront it peu près guéris de leur délire. Celui-ci
aura disparu en partie ou en totalité pendant leur séjour à
l'infirmerie du dépôt cle la Préfecture de Police ou au
bureau d'admission. Entons cas, après un court séjour au
nouvel asile de Ville-Evrard, les troubles intellectuels
auront certainement cessé : ces alcooliques ne seront
plus fous. De quel droit les retiendra-t-on ? Pour cela il
faudrait une loi sur l'internement des buveurs d'habitude,
ou modifier la loi du 30 juin 1838, et y introduire un arti-
cle autorisant le maintien des alcooliques délirants après
la disparition du délire.
Pour résumer tout ce que je viens de dire et m'excusant
136 Assistance des alcooliques.
d'avoir été si long, je soumets à la Commission de surveil-
lance les propositions suivantes : .
La Commission émet le voeu :
1° Que la loi sur l'ivresse soit révisée dans le sens de
l'internement des ivrognes d'habitude ;
2° Que le projet de M. Morin-Goustiaux soit exécuté
comme asile d'aliénés, avec des modifications de détails ;
3" Qu'il soit créé un asile exclusivement réservé aux
buveurs d'habitude d'après le programme de M. Magnan
complété et modifié s'il y a lieu ;
4° Que le Conseil général partage les crédits dont il dis-
pose entre le 5"'c asile d'aliénés et l'asile des buveurs.
II.
Discours prononcé au Conseil supérieur, de l'As-
sistance publique. (Première session de 1895, séance
du 6 avril).
Messieurs,
Il m'a été impossible à mon très vif regret d'assister
au début de la discussion qui s'est ouverte sur le
rapport de mon* excellent ami M. Magnan. Je crains
donc d'entrer dans des considérations qui ont déjà été
émises. Je m'en excuse d'avance. '
Tout d'abord, il nous semble que, pour remédier à
l'alcoolisme, dont nous voyons tous avec inquiétude
les ravages croissants, il conviendrait de prendre des
mesures d'une nature générale. Dans cet ordre d'idées,
nous croyons que si on appliquait d'une façon sérieuse
la loi sur l'ivresse, si on l'appliquait aux buveurs et
surtout aux marchands de vin, qui versent à boire à
ceux qui ont déjà trop bu, on arriverait à restreindre
dans une proportion sérieuse les progrès de l'ivrogne-
rie. On est 'douloureusement impressionné, en passant
devant certains établissements, devoir non seulement
Asiles nationaux d'alcooliques. 137
des hommes, mais des femmes et même des enfants
s'adonner à la boisson et se préparer en quelque sorte
à entrer dans les asiles.
Il est un autre point qui mérite aussi d'attirer
l'attention ; il est relatif à la nature des boissons, des
liqueurs, des alcools qui sont vendus clans les cabarets
et en particulier dans les cabarets de bas étage où
s'entassent non seulement les hommes, mais aussi les
femmes et même les enfants. C'est un véritable
empoisonnement qui se pratique tous les jours sous
l'oeil tolérant de la police. Pour 10, 15 et 20 centi-
mes, on donne des absinthes, des liqueurs, de l'cau-
de-vie ou plutôt de l'eau-de-mort. Il est certain que
la Préfecture de police sait que ce sont des poisons.
Pourquoi tolère-t-elle cet empoisonnement.
Je crois qu'il importe que le Conseil supérieur
émette le voeux qu'on applique d'une façon régu-
lière et sérieuse la loi sur l'ivresse, ainsi que les
règlements ou les arrêtés sur les boissons frelatées.
Je suis persuadé que, si l'on daignait tenir compte cle
ces voeux, on arriverait à diminuer considérablement
les progrès de l'ivrognerie.
M. le Directeur de l'hygiène et dc l'Assistance publi-
ques, dans sa lettre à M. le Président du Conseil des
ministres, demande à saisir le Conseil supérieur de
l'Assistance publique de la création d'asiles spéciaux
pour les alcooliques. Or, le titre du rapport porte :
Création d'asiles spéciaux pour les aliénés alcooli-
ques. Il est donc limitatif.
Le rapport lui-même comprend l'exposé des raisons
qui, suivant M. Magnan, militent en faveur des asiles
pour les alcooliques délirants. 11 y ajoute les ivrognes
à préoccupations bypochondriaques (p. 10, 37), les
victimes de la morphine, de la cocaïne, de l'éther; les
ivrognes récidivistes, condamnés pour ivresse publique
(p. 11). Tout le monde n'acceptera peut-être pas la
138 Assistance des alcooliques. '
réunion de cette dernière catégorie d'ivrognes aux
alcooliques et intoxiqués délirants. Le but de ces
asiles, c'est d'appliquer d'une façon stricte, le traite-
ment abstinent.
Les projets en cours sont des plus défectueux. On a
dit : Asiles d'alcooliques, sans s'expliquer sur ce qu'on
entend par le mot : alcooliques. En général, on y
comprend les buveurs d'habitude ou les ivrognes, les
aliénés atteints de délirium tremens et d'alcoolisme
chronique. Enfin, quelques-uns l'ont rentrer dans les
alcooliques, les aliénés clontle délire, quelle qu'en soit
la forme, a été occasionné en partie par les excès de
boisson.
La première catégorie, et c'est surtout pour celle-la
qu'on a créé des maisons de buveurs est de beau-
coup la plus nombreuse. Il s'agit là d'ivrognes chez
lesquels le cerveau a résisté, mais dont le foie, les
reins, l'estomac, etc., etc., sont plus ou moins malades.
Ils sont plus dangereux que les alcooliques délirants,
qui, eux, sont de suite séquestrés, et qui, durant leur
internement au moins, ne causent aucun scandale, ne
fabriquent pas d'enfants. C'est le plus grand nombre,
ou mieux c'est tous les buveurs d'habitude cpt'on doit
viser. Mais il faut pour cela, au préalable, une loi spé-
ciale. On est allé trop vite. En face des difficultés à
vaincre, on a laissé de côté les ivrognes, la majorité,
et on a réclamé la création d'asiles spéciaux régionaux,
pour une seule des catégories d'alcooliques, les déli-
rants. Or, ceux-ci sont déjà pourvus, puisque les asiles
d'aliénés leur sont ouverts.
Le projet que nous discutons, création d'asiles
régionaux, aggraverait la situation de ces malades.
En effet, on les retirerait de l'asile de leur pays, pour
les transférer d ns l'asile régional, plus éloigné, les
séparant ainsi c. avantage de leurs familles, de leurs
amis, rendant par conséquent plus rares, plus diffi-
ciles, les visites de celles-là et de ceux-ci. Est-ce là
Asiles nationaux d'alcooliques. 139
une assistante véritablement républicaine ? Assuré-
ment, non. Nous devons assister les malheureux cle
tous genres à domicile, et si cela n'est pas possible, le
plus près possible de leur domicile.
Il no faut pas oublier non plus, que ces alcooliques
délirants seront d'abord soignés ou internés à
l'hôpital-hospice dépositaire, puis transférés à l'asile
départemental. Durant ce temps, la période aiguë du
délire alcoolique aura passé ; le calme sera en partie
revenu et c'est alors qu'on les expédiera sur l'asile
clés alcooliques délirants.
Au bout de quelques jours, de quelques semaines,
ils n'auront plus de troubles intellectuels, réclameront
leur sortie et il sera impossible de la leur refuser, la
loi du 30 juin 1838 ne permettant pas le maintien, clans
les asiles, d'aliénés dont la folie a disparu. Ils insiste-
ront d'autant plus qu'ils seront encore moins touchés
moralement, songeant qu'ils ont femme et enfants, que
leur maladie a mis dans l'embarras ou la misère. Donc
il faudrait modifier la loi sur les aliénés pour avoir le
droit de maintenir les alcooliques délirants dans les
asiles après la disparition du délire.
Dans l'état actuel, à défaut de cet article spécial, le
médecin peut agir par la persuasion, ajourner le plus
possible la sortie. 11 peut enfin, et à cet égard on ne
peut ([ne féliciter notre ami M. Magnan de ce qu'il a
déjà fait, organiser dans les asiles actuels des quartiers
spéciaux pour les malades alcooliques et les y soumet-
tre au régime abstinent. Cette organisation existe à
l'Asile clinique (Sainte-Anne) sous la direction de M.
Matman ; à l'asile cle Yillojuif pour les femmes,
sous la direction de notre collègue M. Briand, élève
de M. Magnan; à Ville-Evrard pour les hommes
sous la direction de M. le Dr Marandon de Monlyel. M.
Magnan nous acité, en outre, une expérience analogue
qui se fait dans les asiles du comté de Londres. Donc,
dès maintenant, il est possible de pousser plus loin
140 Assistance DES alcooliques.
qu'autrefois le traitement dos alcooliques délirants et
cl'appliquerle régime abstinent. C'est là une expérience
pratique qui préparera la solution de l'avenir.
Quant aux inconvénients existant dans les asiles delà
Seine relatifs à l'introduction et à la vente des boissons
alcooliques que signale M. Magnan, c'est heureuse-
ment à peu près particulier à la Seine. Dans beaucoup
d'as'les de province ces abus n'existent pas; on ne
laisse pas introduire du vin, on ne laisse pas les familles
apporter aux malades, on quantité, des liqueurs
comme cela se fait dans les asiles de la Seine et à
Bicêtre, même dans le service des enfants, malgré nos
protestations. Ce sont des inconvénients, des difficul-
tés dont on peut venir à bout.
Je n'ajouterai rien de plus aux considérations géné-
rales déjà émises, et je conclus en déclarant qu'il
convient, à mon avis, d'ajourner la création d'asiles
spéciaux régionaux pour les alcooliques jusqu'à ce que
tous les départements soient pourvus de leur orga-
nisme indispensable, c'est-à-dire d'un asile pour les
aliénés .(1)
(I) Le Conseil snpj.ijur n'a pas adopté la cr dation d'asiles nationaux
régionaux, pour les alcooliques délirants.» Nous ajouterons eue, cha-
que année, nous avons insisté dans nos Compte-rendus du service des
enfants de Hieêtrc (14 volumes), sur le ivi.'e île l'alcoolisme dans lu produc-
tion des enfants atteints de maladies nerveuses. Si nous le rappelons, c'est
que peu paraissent s'en douter.
EXPLICATION DES PLANCHES.
142 Explication des planches.
Planche i.
Hémisphère cérébral droit de Lég.
(Face convexe).
F', première circonvolution frontale.
F3, deuxième circonvolution frontale.
F3, troisième circonvolution frontale.
F. A., frontale ascendante. '
P. A., pariétale ascendante.
L. P. S., lobule pariétal supérieur.
L. P. L, lobule pariétal inférieur.
P. C., pli courbe..
L. O., lobe occipital.
T1, première circonvolution temporale.
T2,' deuxième circonvolution temporale.
S. R., sillon de Rollando. -
S. S., scissure de Sylvius.
S. P. -E., scissure perpendiculaire externe.
144 Explication DES planches.
Planche II.
Hémisphère cérébral droit de Lég.
(Face interne).
F1, première circonvolution frontale.
L.P., Lobule paraccntral.
A.C., Avant-coin.
C., Coin.
L.T., Lobe temporal
C.C.C., Circonvolution du corps calleux
C.C., Corps calleux.
V.L., Ventricule latéral.
S. S., Scissure de Sylvius
HnruNKViLl.E, Bicélre, 1894 Pi.. II.
146 Explication des planches.
Planche III.
Hémisphère cérébral gauche de Lég...
(Face convexe).
Les lettres ont la même signification que Planche I.
Bourneville, Bicêtre, 1894. Pl. III.
lis Explication des planches.
Planche IV.
Hémisphère cérébral gauche de Lég...
(Face interne).
Les lettres ont la même signification que Planche II.
TABLE DES MATIERES
PREMIÈRE PARTIE
Section I : Bicêtre.
I. Situation du service. Enseignement pri-
maire III
Enfants idiolrs, gâteux, épileptiques ou non,
invalides '. in
Enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épi-
leptiques ou non, mais valides : petite
école... IV
Pètile école complémentaire v
Enfants propres et validés, imbéciles, arrié-
rés, instables, jjervers, épileptiques et
hystériques ou non : grande école VI
Fanfare ..... '............... '....... , , . x
Musée scolaire XI
Société de gymnastique xi
Enseignement du chant XI
Société de jeux xn
Escrime xu
Dansé xn
Caisse d'épargne XII
Chauffage dos classes et des dortoirs xi :
Promenades et distractions xm
Visites xiv
Vaccinations et revaccinations. xiv
- Service dentaire ? xiv
Bains et hydrothérapie xv
Améliorations diverses.. '. ..... , .. xv
Visites du service xv
Musée pathologique ....................... xvi
IL Enseignement professionnel. ......... ...... xxi
150
Tabue des matières.
- Progression du travail xxvin
Evaluation du travail xxvm
IIP Statistique. Mouvement de la population... xxix
Décès xxx
Évasions xxx
Sorties xxx
Transferts ... , , , .. , , . , , , , .. , , , ... , , ... , , xxxi
Population au 3 1 décembre ............... xxxi 1
Thymus et glande thyroïde xxxvi
Personnel du service en 1894 ............. .. xxxvi
Section II : Fondation Vallée.
I. Situation du service. .Enseignement pri- °
maire , .' xxxviii
Enseignement pratique et enseignement
primaire xxxix
Traitement et éducation de la digestion... xxxix
Traitement et éducation de la respiration.
et de la circulation xxxix
Enseignement professionnel ............. .. xlviii
Visites, congés xlviii
Évaluation du travail xlix
Revaccinations .......................... XLIX
Bains et hydrothérapie xlix
Promenades .. L
. Distractions li
Amélioralions diverses LI
Cours cle dessin LI
Maladies épidémiques .' LI
Teigne lu
Maladies intercurrentes .................. LU
IL Statistique : mouvement de la popifialion. lu
Décès ; utilisation des malades lui
Sorties; évasions ; transferts ; population au
31 décembre 1894. Personnel ........... lv
Rapport sur le projet définitif pour la cons-
truction d'un bâtiment de cent lits à la
Fondation Vallée, présenté par M. Bour-
neville ; discussion lvii
Table DES matières. ' 151
DEUXIÈME PARTIE
Méthode d'observation et procédés d'examen des
enfants idiots et arriérés.
A nos lecteurs - 3
Question de M. Deville au sujet des expé-
riences pratiquées sur les enfants dans
, certains services de l'Assistance publi-
que. Adoption d'un ordre du jour de
M. Lampué 4
Observations. Imbécillité prononcée avec
perversion des instincts. Traitement
médico-pédagogique, amélioration phy-
sique, intellectuelle et morale trôsremar-
quables (Imbécillité morale).. 38
Annexes : Procédés d'observation 53
Tableaux 59
TROISIÈME PARTIE
Clinique et anatomic pathologique. -
I. Idiotie complète congénitale auec paraplé-
gie compliquée de contracture et de
déformation des pieds ; par Bouhne-
ville et Nom SI
II. Idiotie myxoedémaleuse ; par BourtNEViLL3. 02
III. Assistance des alcooliques 127
A. Dtsco.u ? 's prononcé à la Commission De
surveillance des asiles de la Seine
(séance du 5 avril 1S95 ) ; par Bourne-
ville , 127
B. Discours prononcé au Conseil supé-
. rieur de l'Assistance publique de la
Seine (première session de 1895, séance
du 6 avril) ; par Bourneville 136
Explication DES planches". · 141
N° 44. Imprimerie des Enfants de Bicêtre. (7. 95.)