REVUE
DE
L'HYPNOTISME
ET DE LA
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
VINGT-DEUXIÈME ANNÉE
REVUE
de
L'HYPNOTISME
et de la
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
REVUE DOCUMENTAIRE ILLUSTRÉE
914 9 8
PSTCHOLOG1E — PÉDAGOGIE — MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES
Rédacteur en chef : Docteur Edgar BÉRILLON
collaborateurs fondateurs
CHARCOT ; DUMONTPALLIER ; LOTS ; MESNET ; Aug. VOISIN ; AZAM DELBŒUF (de Liège) ; HACKTUKE (de Londres) ; LIÉBEAULT (de Nancy) ; A. de JONG (La Haye) ; SEMAL (de Mons) ; TOKARSKI, (de Moscou) ; TARDE.
principaux collaborateurs
MM. les Drs BABINSKI, méd. de la Pitié ; BRIAND, méd. de l'Asile de Villejuif ; CRUISE (de Dublin) ; L. DAURIAC, prof. à la Faculté des lettres de Montpellier ; DAMOGLOU (du Caire) ; GUIMBEAU ; GRASSET, prof, à la Faculté do Montpellier BINET-SANGLE ;O.JENNINGS,P.JOIRE,(deLiUe) ;JAGUARtBB(8an-Paulo) ; LACASSAGNE, prof. à la Faculté de Lyon LA DAME (de Genève) ; LEGRAI de l'Asile de Vaucluse ; Henry LEMESLE ; LLOYD-TUCKEY cadres) ; MANOUVRIER ; prof. à l'Ecole d'Anthropologie ; MASOIN.pr' à l'Univeraité de Louvain ; MILNE BRAMWELL (de Londres) MAB1LLE, méd. de l'Asile de Lafond ; Paul MAGNIN, prof, à l'Ecole de psychologie ;
MORSELLI (de Gênes) ; DE PACKIEWICZ (de Riga) ; ORLITZKY (de Moscou) ; R.PAMART ; PITRES, prof.à la Faculté de Bordeaux ; RAFFEGEAU (du Vésiuet) ; Félix REGNAULT ; Charles RICHET, prof, a la Faculté de Paris ; Van RENTERGHEM, (d'Amsterdam) ; Von SCHRENK-NOTZING(de Munich) ; RAYMOND, prof, à la Faculté de médecine ; STADELMANN (de Dresde) ; J. VOISIN.méd. de la Salpêtrière ; VLAVIANOS(d'Athènes) ; WETTERSTRAND (de Stockholm) ; et MM. LIÉGEOIS, prof, i l'Univ. de Nancy ; BOIRAC, recteur de l'Univ. de Dijon Pierre JANET, agrégé de l'Université ; Max DESSOIR (de Berlin) ; STUMPF, prof. àl'Univ. de Berlin ; Ch. JULLIOT ; Max NORDAU ; Secrétaire de la Rédaction : Dr Paul FAREZ.
LE NUMÉRO : 75 CENT.
Rédaction et Administration : 4, rue Castellane, Paris (8*J. Téléphone : 224 - 01 1908
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THERAPEUTIQUE
22e Année. — N° 1.
Juillet 1907.
BULLETIN
La séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie. — L'hypnotisme à la Salpétrière.
La séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie a eu lieu le mardi 18 juin, sous la présidence d'honneur de M. Mirman, directeur de l'Assistance au ministère de l'Intérieur ; elle avait amené au palais des Sociétés Savantes une affluence considérable.
La question des enfants et des adolescents anormaux y a été traitée dans des communications très documentées. M. le Dr Jules Voisin a exposé le diagnostic différentiel des anomalies intellectuelles chez l'enfant et indiqué les bases d'une classification scientifique. Le Dr Bérillon a ensuite parlé des traitements médico-pédagogiques applicables aux enfants indisciplinés ; ces deux premières communications étaient accompagnées de projections. M. le Dr Hurtrel a indiqué les résultats obtenus à l'Institut sanitaire de l'Assistance publique de la Pierre-qui-Vire (Yonne) dont il est le directeur et qui reçoit les enfants anormaux de l'Assistance. M. le Dr Doyen, abordant la question du traitement chirurgical des arriérés, a préconisé l'intervention de la craniectomie en volet dans quelques cas déterminés. Il a fait ressortir l'innocuité de son procédé opératoire. Mlle Mulot, directrice de l'Ecole des jeunes aveugles d'Angers, a provoqué un vif mouvement de curiosité par la présentation •de quatre aveugles instruits par ses méthodes. Enfin M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil, a parlé des méthodes de lecture appelées à donner les meilleurs résultats chez les arriérés.
M. le Dr Félix Regnault, dans une communication basée sur des documents iconographiques du plus haut intérêt, a étudié la situation des anormaux dans l'antiquité.
D'autres communications furent également faites par M. le Dr Paul Joire (de Lille), M. le Dr Paul Farez et par le Dr Witry (de Trêves).
L'ordre du jour très chargé ne pouvant être épuisé, la Société décide de continuer dans des séances ultérieures la discussion sur les enfants anormaux.
Le soir, un banquet de cinquante couverts a réuni les membres de la Société, et les collègues venus de l'étranger et de province y ont été par-ticulièrement fêtés.
***
Le professeur Raymond n'est pas seulement à la Salpétrière le continuateur de l'enseignement de Charcot, il est également le continuateur des doctrines du maître sur l'hypnotisme. Après avoir consacré le semestre d'hiver à d'instructives leçons sur les psychasthénies et sur l'hystérie, M. Raymond a fait ressortir la valeur de l'hypnotisme dans le traitement de l'hystérie. Avec beaucoup d'à propos, il a démontré que le sommeil provoqué avait par lui-même, et en dehors de toute suggestion, une action des plus remarquables et que seuls nient les adversaires de parti-pris.
Il a fait également remarquer que les inconvénients que peuvent présenter les applications de l'hypnotisme sont bien minimes si on es compare à ceux des autres traitements.
En effet, l'hypnotisme, entre des mains exercées et compétentes, peut être véritablement dosé selon les besoins des malades. Comme nous l'avons souvent répété, il y a une posotogie de l'hypnotisme et c'est dans l'habileté avec laquelle on applique cette méthode que résulte l'art de la psychothérapie.
Nous pouvons ajouter que l'hypnotisme étant essentiellement un phénomène d'arrêt, un fait d'inhibition, il constitue par cela même un moyen de cultiver, dans l'être humain, le pouvoir d'arrêt.
Les signes principaux des névroses et des psycho-névroses pouvant être rattachés à l'absence des pouvoirs modérateurs, au fonctionnement insuffisant des centres d'arrêt, on conçoit que l'hypnotisme, bien manié, constitue un traitement de la plus grande efficacité des aboulies, des impulsions et des défauts du caractère chez les hystériques, chez les intoxiqués, ainsi que chez les enfants impulsifs ou mal élevés.
II appartenait au professeur de la clinique des maladies nerveuses de la Faculté de Médecine de maintenir l'intégrité des conquêtes scientifiques faits dans le domaine de l'hypnotisme. Ses paroles auront un grand et légitime retentissement et les médecins restés fidèles aux enseignements des Charcot, des Dumontpallier et des Liébeault lui seront reconnaissants d'avoir rappelé que l'hypnotisme constitue l'élément fondamental de la psychothérapie.
Lois de suggestion appliquées au costume militaire
par M. le capitaine Michel
(suite)
Il semblerait qu'un moyen terme consistant en un col à rabattement mobile, combinaison du col droit et du col rabattu comme celui de l'armée anglaise, résumerait adroitement les deux thèses : celle de l'hygiène et celle de l'aspect militaire.
Une frette beaucoup plus importante que la première est celle du
poignet. Il est nécessaire que par une combinaison de couleur ou une coupe spéciale de la partie supérieure de la manche, l'antique anneau du lutteur soit rappelé. Ici c'est donc, à défaut d'une manche formée comme l'est celle de la tenue de campagne de l'armée suisse, le parement qui est à considérer. La meilleure façon de le souligner est encore de le faire en drap différant de celui du vêtement lui-même.
D'abord, pour mieux mettre la frette en valeur, ensuite, en raison de la valeur suggestive des couleurs vives que, plus loin, nous conseillerons d'adopter. C'est surtout pour cette raison que la manche boutonnée ou fermée dans le bas est moins rationnelle, au point de vue des effets d'impression, parce qu'il ne saurait alors être question de faire emploi de deux couleurs différentes. Il importe aussi de ne pas laisser à la frette l'aspect rond, lequel, au point de vue suggestif de la forme, rappellerait trop le cercle, la figure à composition triste, à effets fermés, et d'inaction.
L'anneau fretté doit être coupé par une patte agrémentée de boutons formant boulonnage et le dépassant, de manière à bien indiquer cette interruption.
La forme en pointe du parement de nos artilleurs corrige notablement le défaut de la ligne circulaire continue ; "ici c'est un effet d'angle d'action qui supplée à l'absence d'effet de boulonnement.
Si l'on veut conserver le drap du fond du vêtement, le passepoil jouera le même rôle ici que pour la bande du pantalon ; il ne sera plus alors qu'une indication plutôt insuffisante.
Les galons circulaires des officiers, surtout lorsqu'il y en a plusieurs, produisent des effets de frette qui rachètent dans une cer--taine mesure l'absence de parements de couleur. Les chefs de musique qui avaient autrefois des manches avec pattes sans galons présentaient à l'œil -quelque chose d'incomplet.
Le frettage au moyen de draps de couleur, usité presque constamment chez les Allemands, l'a été également chez nous jadis, dans la même proportion.
Aujourd'hui, pour nos uniformes, on est revenu à une demi-mesure, consistant à agrémenter d'une patte à trois boutons une manche à parements inapparents. Nous voyons dans cette combinaison un manque de caractère, un défaut de sens de l'harmonie des lignes et de leur valeur suggestive au point de vue de leur fonction comme facteur de combat.
Les Américains ont compris le frettage du poignet autrement ; leur cavalerie se sert d'un gantelet dépassant la manche, dont la base est ainsi cachée et qui donne une puissante
Leur gant à crispin n'est en somme qu'une réminiscence du vieux modèle usité chez nos mousquetaires d'antan et qui leur a du reste été apporté au Canada par les soldats de Montcalm. II en reste aussi des vestiges chez nous, la garde républicaine à cheval faisant usage dans sa grande tenue d'un modèle analogue du plus grand effet.
A notre avis, ce n'est pas de ce côté-là cependant qu'il faudrait orienter les recherches ; il suffirait de s'en tenir à l'étude du parement.
Toutes ces frettes de la tête, du cou et des poignets ne sont cependant que secondaires à côté de celles de la ceinture, d'un effet de suggestion autrement considérable d'action et de force.
Le ceinturon visible, outre son utilité reconnue, est d'une nécessité absolue au point de vue particulier qui nous occupe.
On l'a si bien compris qu'en attribuant à notre infanterie l'éphémère costume boer, on avait doté les officiers de ceinturons brillants qui rehaussaient sensiblement une tenue aux lignes par trop hybrides, sans valeur suggestive de combat suffisante.
Les officiers allemands conservent en campagne leurs écharpes brillantes, dont le maintien paraît nécessaire pour augmenter l'aspect de combativité de ces conducteurs d'hommes.
Les chasseurs civils montrent, d'instinct, le même souci de production d'impression de force.
Leur gant à crispin n'est en somme qu'une réminiscence du vieux modèle usité chez nos mousquetaires d'antan et qui leur a du reste
été apporté au Canada par les soldats de Montcalm. II en reste
aussi des vestiges chez nous, la garde républicaine à cheval faisant
usage dans sa grande tenue d'un modèle analogue du plus grand effet A notre avis, ce n'est pas de ce côté-là cependant qu'il faudrait
orienter les recherches ; il suffirait de s'en tenir à l'étude du parement.
Toutes ces frettes de la tête, du cou et des poignets ne sont cependant
que secondaires à côté de celles de la ceinture, d'un effet de
suggestion autrement considérable d'action et de force.
Le ceinturon visible, outre son utilité reconnue, est d'une nécessité
absolue au point de vue particulier qui nous occupe.
On l'a si bien compris qu'en attribuant à notre infanterie l'éphémère
costume boer, on avait doté les officiers de ceinturons brillants
qui rehaussaient sensiblement une tenue aux lignes par trop hybrides,
sans valeur suggestive de combat suffisante.
Les officiers allemands conservent en campagne leurs écharpes
brillantes, dont le maintien paraît nécessaire pour augmenter l'aspect
de combativité de ces conducteurs d'hommes.
Les chasseurs civils montrent, d'instinct, le même souci de production
d'impression de force.
Ils complètent invariablement leur-tenue par une ceinture à cartouches sans laquelle on ne se figure par bien un costume de chasse.
Plaçons l'un à côté de l'autre un soldat dont l'équipement ne-comporte pas un ceinturon apparent et un autre à ceinturon visible, le premier aura quelque chose d'édéfinissablement étriqué, quelque chose de peu guerrier, alors que le second offrira mieux l'apparence de la force. La solidité de toute la charpente humaine est affirmée par cette frette bien détachée, laquelle apporte un appoint considérable à l'aspect de puissance que doit présenter la charpente de-l'édifice.
Qui dit solidité, dit possibilité d'action énergique, c'est-à-dire action.
Il n'y a pas à négliger ces effets extérieurs qui sont un des principaux éléments de suggestion à rechercher.
Malheureusement, dans nos costumes militaires, le ceinturon disposé sur la tunique a été abandonné pour beaucoup d'armes : artillerie, acvalerie, gendarmerie, et chez tous les officiers. Son absence est quelque peu rachetée, en tenue de campagne, par les effets des ceintures de revolvers, surtout de couleur fauve, mais dont l'étroi-tesse ne corrige pas suffisamment le défaut d'impressionnement.
On nous a cité une batterie d'artillerie dans laquelle on faisait passer les cuirs au sang de bœuf. Les hommes ainsi équipés, bien entraînés d'ailleurs, produisaient, par la netteté accusée des lignes de force de leur tenue, un effet de suggestion saisissant.
C'est un ceinturon large qu'il faut, de couleur tranchant bien sur le fond de l'uniforme, fauve plutôt que noir. Nous citerons ici une fois encore la garde républicaine, dont les ceinturons blancs, derniers vestiges d'un passé à jamais disparu, bien détachés, bien nets, produisent un merveilleux effet de force et de solidité et contribuent intensivement à l'aspect martial de ceux qui les portent.
La couleur blanche est toutefois une couleur d'équilibre, à tendances calmes ; elle sert dans le cas particulier à mieux souligner l'effet de frettage, tout en convenant parfaitement à des hommes dont la principale mission est de faire exécuter les lois.
Nous devons continuer à renoncer dans l'avenir pour nos troupes de campagne à cette couleur de parade, tant pour ces motifs que pour des raisons pratiques d'entretien et de propreté.
L'existence d'une plaque ou boucle de ceinturon d'une forme rectangulaire est loin d'être une chose indifférente dans les effets de composition à rechercher.
L'interruption de la frette sur un point donné, celui qui est le plus exposé à la vue, le devant du corps, est chose rigoureusement nécessaire. La carrure de la boucle ou de la plaque est le complément voulu pour obtenir l'effet maximum de force et de direction. Par exemple, les zouaves, chez lesquels la boucle est dissimulée sur le côté, ne produisent pas sous ce rapport l'impression suffisamment complète de solidité. Le cercle fermé dont cette partie de leur équipement donne le tracé apparent, en partie, rappelle une composition géométrique à effets fermés, c'est-à-dire tristes et d'inac tion qu'il importe de faire disparaître par une interruption rectangulaire nettement détachée.
Nous avons a compléter notre étude de la frette dans le costume par l'examen de son utilité dans la partie inférieure du corps, les jambes, toujours au seul point de vue suggestif.
Ici, il semble que dans la composition de nos uniformes actuels il y ait un grand pas en avant de fait.
Les jambières en usage dans l'infanterie et dans la cavalerie répondent à presque tous les desiderata que l'on pourrait formuler.
La frette de la partie inférieure de la jambe est une indication formelle de force, d'action et de mouvement. Elle atteint son maximum d'intensité lorsque, ce qui n'est pas le cas actuellement pour notre infanterie, l'indication de fermeture est latérale, à aspect ri-
gide. Cela devient alors en même temps la continuation des effets suggestifs de force produits par la bande du pantalon, ainsi prolongée jusqu'au cou-de-pied.
Les modes de chaussure anciens et nouveaux voisinent encore à l'heure qu'il est, aussi est-il facile de se livrer à une utile comparaison entre les deux.
Y a-t-il quelque chose de moins martial que le pantalon à bords relevés de notre ancienne tenue de campagne, ou qu'un pantalon porté un peu court comme cela se voit le plus généralement. Cela ôte à l'ensemble tout aspect guerrier, et l'impression produite par l'individu et le groupe au point de vue du costume de combat en souffre considérablemen t.
L'affreuse basane, plus ou moins tirebouchonnée, de même que la botte à la Condé de la gendarmerie, témoignaient par leur absence de rigidité un égal manque de caractère diminuant d'autant la valeur de combat dans l'aspect total de l'uniforme.
La demi-botte des Allemands n'est qu'un moyen terme entre la jambière rigide et la basane et produit par cela même un effet intermédiaire déjà important malgré tout.
La bande molletière des Anglais et de nos alpins, avec sa spirale peu tranchée, rentre dans la même catégorie. Notre botte Chantilly, rigide, et surtout les grandes bottes à l'écuyère communes à la garde républicaine et à Saumur, dépassent au contraire la mesure et, avec la sensation de lourdeur qu'elles inspirent, surtout les dernières, font perdre, par l'absence d'effets d'action, tout ce qu'elles peuvent produire en effets de force — toujours, bien entendu, au point de vue de l'impression.
Marbot ne les aimait pas : « J'eus l'occasion, dit-il, de reconnaître combien les fortes et grosses bottes, telles que les portaient nos cuirassiers, sont défavorables à la guerre ». (Mémoires, t. II.)
En résumé, ce sont les molletières ou les jambières à fermeture latérales, et à aspect rigide, qui rentrent le mieux dans les conditions à rechercher pour obtenir le maximum de suggestion de force et d'action à faire produire à l'attache inférieure frettée.
(à suivre)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 21 mai 1907. — Présidence de M. le Dr Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le secrétaire général donne lecture de la correspondance qui com-
prend des lettres de M. Jules Moret ainsi que des Drs Lucien Graux, Henry Lemesle, Stanford Read, Dabout, Hurtrel, Wïtry (de Trèves) et Wiazemsky (de Saratow).
Les ouvrages suivants ont été offerts à la société par leurs auteurs : Dr Stoenesco (de Bucarest), Simulation de la. folie ; — Dr Louis Bonnet (de Bordeaux) Etude critique sur la. parenté morbide du bégaiement avec les tics et les crampes professionnelles ; — Dr Grasset (de Montpellier), L'occultisme contemporain. Ce dernier ouvrage est renvoyé à l'examen de M. le Pr Lionel Dauriac, vice-président de la société, qui en rendra compte dans une prochaine séance.
M. le secrétaire général communique à la société la nouvelle de la mort de notre éminent collègue le peintre Félix Régamey, professeur à l'Ecole de psychologie. La société décide d'adresser ses très vifs remerciements au Dr Bernard (de Cannes) pour le zèle et le dévouement avec lesquels il a prodigué ses soins éclairés à notre regretté collègue.
Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
Dr Pamart. — Epilepsie ou hystérie : la psychothérapie facilitant le diagnostic.
Discussion : Dr Paul Magnin, Dr Berillon, DrJules Voisin. M. Lionel Dauriac. — Considérations générales sur l'étude des sentiments.
Discussion : Dr Paul Farez, MM. Louis Favre et Kallitsch. • M. Saint-Yves. — Le miracle et la critique historique.
M. le président met aux voix les candidatures de MM. les Drs Sanfort Read (de Londres), Hurtrel (de St-Léger-Vauban,Yonne), Fodéré, Clyde Macartney (de Montevideo), Kollitsch, et Toulzac (Versailles). Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.
La société se constitue en comité secret pour discuter une question de psychologie sexuelle.
La séance est levée à 7 heures.
Eloge de Félix Régamey
par le Dr BÉrillon. Secrétaire général de la Société d'hypnologie et de psychologie
La Société d'hypnologie et de psychologie vient de perdre un de ses membres qui représentait particulièrement dans son sein la psychologie et l'enseignement de l'art.
Félix Régamey appartenait à une famille d'artistes dont aucun ne fut négligeable. Son père avait acquis dans le dessein d'ornement une réputation méritée ; son frère Frédéric a fourni dans l'illustration une carrière brillante, et son frère Guillaume, qu'une mort prématurée enleva vers 1870, s'était, dès son entrée dans la vie artistique, signalé par des toiles du plus haut mérite.
Très jeune encore, Félix Régamey s'était pris de passion pour l'art et
les mœurs du Japon, et il avait fait de longs séjours dans l'empire du Soleil-Levant. L'orientaliste Guimet, dont il fut le compagnon de voyage en Extrême-Orient, trouva en lui le plus utile et le plus ingénieux des collaborateurs. Les relevés, les croquis, les notations sans nombre, scènes de la vie courante, des types et des paysages japonais exécutés au cours de ces promenades en commun par l'artiste, fournirent au savant une illustration aussi abondante que variée, une documentation aussi précieuse qu'inédite pour le récit qu'il publia ultérieurement de son voyage : et le jour où il fonda son musée des religions, ce fut encore Régamey qui contribua, par ses représentations peintes des cérémonies religieuses auxquelles il avait assisté, à initier le public aux usages et aux rites qui se pratiquent dans les temples shintoïstes et bouddhiques du Japon.
Chargé en Amérique d'une mission, il en revint avec un ensemble d'observations très nourri et dont l'intérêt parut d'autant plus piquant que les conférences où il fit connaître les résultats de son voyage s'accompagnaient de dessins explicatifs retracés sur le tableau noir par l'artiste, et enlevés au fur et à mesure des développements oraux, avec une dextérité qui tenait du prodige.
Nommé en 1885 inspecteur du dessin dans les écoles de la ville de Paris, Régamey se donna tout entier, des lors, aux questions d'enseignement. Les travaux qu'il fit paraitre à ce sujet méritent d'être cités pour l'indépendance et la netteté de leurs vues. On lui doit également deux opuscules tout récents et curieux, l'un sur Verlaine dessinateur, . l'autre sur la Statue de Washington par Houdon.
Mais c'est surtout par la haute valeur de son esprit philosophique que Félix Régamey nous appartenait. Epris de vérité et voulant que le vrai fut toujours l'élément fondamental de l'art, il avait accepté à l'Ecole de psychologie une chaire créée pour lui et à laquelle on avait donné le titre de Psycho-physiologie de l'art. Dans son cours, très suivi, il déversait sans compter tous les trésors de son expérience et de son esprit critique. Il y démontrait la nécessité pour le véritable artiste de se dégager des lisières conventionnelles imposées par les écoles officielles et y exposait les erreurs que la routine ne cesse de perpétuer dans le domaine de l'art.
Félix Régamey avait compris l'importance des services que les études psychologiques sont appelées à rendre dans l'enseignement de l'art et il était venu à nous avec sympathie, heureux de se rencontrer avec des hommes dont il partageait les sentiments. Atteint de la grippe cet hiver, Félix Régamey ne s'en était guéri qu'à moitié. S'étant rendu sur les bords de la Méditerranée, avec l'espoir d'y retremper son énergie sous la bienfaisante influence du soleil du Midi, il y fut atteint de troubles cardiaques de la plus haute gravité. Loin de Paris et séparé de ses amis, il était exposé à se trouver dans un sérieux embarras, si notre dévoué collègue, le Dr Bernard, de Cannes, ne s'était empressé de se rendre à son appel. Dans sa dernière lettre, il m'exposait
toute la délicatesse des soins empressés dont le Dr Bernard venait de l'entourer. Dans le deuil qui vient de nous frapper, nous éprouvons une consolation à l'idée que Félix Régamey, qui portait si haut le culte de la solidarité, a eu, à ses derniers instants, la claire notion de la solidarité qui unit tous les membres de notre société.
Epilepsie ou hystérie
par M. le Dr Pamart, professeur à l'Ecole de Psychologie. (Présentation du malade.)
Tous les neurologistes savent combien il est parfois difficile d :établir un diagnostic ferme entre l'épilepsie et l'hystérie épileptoïde.
Certains cas semblent véritablement sur la frontière qui sépare les deux affections. Aussi tout signe, tout moyen d'investigation capable de nous éclairer mérite-t-il un sérieux examen, et c'est conduit par cette idée que j'ai cru intéressant de présenter aujourd'hui ce malade à la Société d'hypnologie.
M. Lucien P... va avoir 26 ans. J'ai en main son auto-observation, écrite au mois d'octobre 1906 ; je vais la résumer en la complétant.
Antécédents héréditaires. — Mère nerveuse, ayant des tendances à s'évanouir. Cet état a cessé depuis dix ans environ. Père arthritique et sanguin. Pendant sa grossesse, Mme P... fut en butte à des contrariétés incessantes, et en état de surexcitation.
Antécédents personnels.— A l'âge de treize mois, une maladie qui fut diagnostiquée : fausse méningite. A 8 ans, apparition de céphalées extrêmement intenses, ayant toujours pour siège la région temporale gauche. Ces céphalées durèrent jusqu'à l'âge de onze ans, où elles firent place à des absences. Le malade s'arrêtait, l'œil fixe, au milieu d'une phrase, et, après deux ou trois secondes la continuait. A douze ans, plus de migraines, mais apparition de symptômes de petit mal ; mictions nocturnes inconscientes, constatation au réveil d'un état d'hébétude et d'une morsure de la langue.
A ce moment, le jeune Lucien fut soumis à un traitement par le bromure de potassium, qui ne donna aucune espèce de résultat.
Il y a trois ans, et après une atteinte de tuberculose pulmonaire qui fut heureusement enrayée, de grandes crises apparurent. Voici ce qu'écrit M. P... :
« J'ai pu obtenir des renseignements précis sur la façon dont se comportent les crises après que j'ai perdu connaissance. J'en puis donc donner une description certaine.
« J'éprouve tout d'abord une sensation bizarre, indéfinissable, dans la main droite ; puis des secousses dans le bras droit comme en produirait une succession de décharges électriques. A mesure que ces mouvements augmentent d'amplitude, je fléchis sur mes jambes en me penchant à gauche ; puis je finis par tomber sur le côté gauche et je perds connaissance. Une fois évanoui, mes traits prennent une expression d'intoléra-
ble souffrance, mes bras et mes jambes se contorsionnent dans un mouvement de supination forcée qui ramène mes mains contre mon corps. Les membres sont raidis, et on les briserait plutôt que de les faire reprendre la position naturelle. Après deux ou trois minutes, d'un mouvement brusque, j'amène ma main droite fermée entre mes cuisses violemment serrées et qui l'emprisonnent. A ce moment, une détente se produit, l'expression douloureuse disparait de mes traits, je rends la liberté à ma main, qui reprend sa place habituelle. Alors seulement l'écume apparaît à mes lèvres, je ronfle, je roule les yeux et me mords la langue (toujours à droite). Puis je reviens à moi. Sitôt que j'ai repris connaissance, je suis en proie à une idée fixe, qui a généralement trait à l'heure, au jour et à la durée de ma crise. Je demande vingt fois de suite : « Quelle heure est-il ? » Après la crise, pendant une heure environ, j'éprouve un mal de tête qui n'est pas de la migraine, et qui est toujours localisé à gauche.
« ..... Mes crises sont gémellaires ; ainsi, entre la première et la
seconde, il s'écoula sept jours ; entre !a deuxième et la troisième, cinquante-cinq jours ; entre la troisième et la quatrième, dix jours, et ainsi de suite.
« Le premier résultat appréciable fut obtenu par un docteur qui me fit des injections hypodermiques dans la zone des nerfs facial, frontal et sus-orbitaire. Les accès furent moins longs et la fatigue qui les suivait moins marquée. Ma première crise avait duré cinquante minutes et m'avait laissé vingt-quatre heures prostré ; aujourd'hui, les crises sont de trois ou quatre minutes et la fatigue se dissipe très rapidement. »
Nous ignorons la nature exacte du médicament injecté. Le médecin dont il s'agit emploie chez presque tous ses malades des injections dont il tient la composition secrète ; mais la suite des événements me fait supposer que le résultat était dû beaucoup moins à la spécificité du remède qu'à une action suggestive. Notre malade, vous allez le voir, est très suggestible ; et il est vraisemblable que l'affirmation de l'efficacité du traitement, soulignée par le petit choc physique de l'injection, a dù avoir une influence moindre, mais du même ordre que la mienne plus tard.
Je reprends la lecture de l'auto-observation de M. P... — « L'année dernière, je voulus voir si à la Salpêtrière on pourrait faire quelque chose de plus pour moi. On m'ordonna le bromure aux doses suivantes : un gramme par jour pendant la première semaine, deux pendant la seconde, trois pendant la troisième, quatre pendant la quatrième, puis une semaine de repos pendant laquelle je devais revoirie docteur. Je ne suivais ce traitement que deux mois » et ici le malade explique qu'il ne cessait de dormir que pour avoir des crises plus intenses et plus nombreuses que jamais (plusieurs en une même journée) dès que l'usage du bromure était suspendu.
« Le 31 mars, ayant entendu parler des résultats obtenus à la clinique de la rue Saint-André-des-Arts, par le docteur Bérillon et ses élèves, je
m'y rendis. J'y fus soigné par le docteur R. Pamart. Il m'ordonna un médicament riche en acide phosphorique, qui me fit augmenter de six kilogrammes en trois mois, et il agit principalement sur moi par la suggestion à l'état d'hypnose. Les résultats sont les suivants :
« Du 30 avril au 3 octobre 1905, j'avais eu onze crises (en six mois). Du 31 mars au 3 octobre 1906, je n'en ai eu que quatre (en sept mois). Je me sens beaucoup plus fort au physique et au moral, et l'idée d'avoir une crise ne m'impressionne plus comme auparavant. »
Depuis le début d'octobre 1906 jusqu'aujourd'hui, M. Lucien P... n'a eu que quatre crises. Chacune d'elles a été précédée d'une violente secousse morale : un duel, — un accident d'automobile, — une vive colère, — une dispute de ménage. Le dernier intervalle entre deux crises a été de trois mois ; il y a aujourd'hui plus de quatre mois qu'il ne s'est plus rien produit. Je ferai remarquer que, pendant cette dernière période de calme, qui n'est pas terminée, mon malade a eu cependant à subir un choc physique très déprimant, puisqu'il a été alité un mois et demi du fait d'un érysipèle.
Discussion :
Dr Paul Magnin. — Alors môme qu'il s'agit d'épilepsie confirmée, l'hypnotisme peut encore rendre des services.
Un traitement psychothérapique bien conduit a pour effet de diminuer l'émotivité du malade, par conséquent d'atténuer dans une grande mesure les dispositions à la déchéance intellectuelle. Il m'est arrivé ainsi d'améliorer d'une façon très marquée l'état mental de certains épilep-tiques.
Dr Bérillon. — Au dispensaire pédagogique, nous constatons tous les jours l'heureuse influence de la suggestion hypnotique chez des épilep-tiques confirmés. Lorsqu'on les amène, ils présentent des troubles mentaux caractérisés par de l'aboulie, de la diminution de la mémoire, de la paresse intellectuelle et des dispositions impulsives de natures diverses. Bientôt l'effet du traitement psychothérapique se manifeste. Leur physionomie revêt un caractère d'intelligence et de vivacité qu'elle avait perdu : ils reprennent goût à l'existence et leur état général s'améliore d'une façon très appréciable.
Il n'y a aucune raison pour que les épileptiques ne bénéficient pas des moyens thérapeutiques les plus capables d'assurer la conservation de leur intelligence et de leur volonté. D'ailleurs, les remèdes populaires usités contre l'épilepsie n'ont d'autre valeur que la suggestion dont ils sont accompagnés. D'une façon générale, on peut dire que les épileptiques sont mal soignés, et les solutions bromurées dont ils sont abreuvés ne rendent pas tous les services qui ont été signalés. Il y aurait même lieu de se demander si la déchéance intellectuelle si fréquente chez les épileptiques ne devrait pas souvent être imputée à l'abus du bromure.
Dr Jules Voisin. — L'administration du bromure ne doit pas être faite empiriquement, comme elle a lieu si fréquemment. Elle doit être sou-
mise à des règles et associée au régime déchloruré. Lorsque ces règles sont rigoureusement observées, on évite tous lesaccidents du bromisme et si les conditions de milieu sont favorables, l'amoindrissement des facultés intellectuelles peut être combattu. Il en n'est pas moins vrai que certaines formes de l'épilepsie aboutissent forcément à la démence et que les traitements les mieux dirigés sont impuissants à éviter cette fâcheuse terminaison.
16e séance annuelle : le mardi 18 juin 1907
Présidence d'honneur de M. Mirman, directeur de l'Assistance au Ministère de
l'Intérieur. Présidence de M. le Dr Jules Voisin.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
Le compte-rendu de la situation morale et financière de la Société indique que cette situation n'a jamais été plus prospère. Le nombre de nos collègues ne cesse de s'accroître et les travaux de la Société sont de plus en plus suivis.
Le Dr Bérillon, secrétaire général, donne lecture des lettres d'excuses de M. le professeur Giard, membre de l'Institut, de M. le professeur Albert Robin, de M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de Médecine ; de M. Boirac, recteur de l'Académie de Dijon, de M.Melcot, avocat général à la Cour de Cassation, de M. Bienvenu-Martin, ancien ministre, sénateur, du Dr Pédebidou, sénateur, du Dr Gerente, sénateur, du Dr d'Orlitzky (de Moscou), du professeur Spehl (de Bruxelles) ; du Dr Jaguaribe (de Sao-Paulo) ; du Dr Damoglou (du Caire), du Dr Lemesle (de Loches), de M. Fringuet, inspecteur d'Académie de Paris, du Dr Landrieux. médecin des hôpitaux, du Df Triboulet, médecin des hôpitaux, du Dr Bernard (de Cannes), du Df Esmonet, de Châtel-Guyon, du Dr Dezwarte, directeur de l'asile d'aliénés de Limoges, du Dr Dubief, député, de M. Edouard Petit, inspecteur général de l'Université, de M. Proal, conseiller à la Cour d'Appel ; de M. G. Rocher, ancien membre du Conseil de l'Ordre des avocats, de M. le Dr Lux. médecin principal, de M. Guenon, vétérinaire-major, de M. Valentino, chef de bureau au ministère des Beaux-Arts, de M. de Saint-Arroman, chef de bureau au ministère de l'Instruction publique, etc., etc.
Le secrétaire général signale la présence de M. le Dr Godon, directeur de l'Ecole dentaire, délégué par cette école, de M. le Dr Cayla, délégué par la Société des médecins-inspecteurs des écoles, de M. Combes et de M. le Dr Spourgitis, délégués de l'Alliance scientifique universelle.
La Société délègue M. le Dr Bérillon, M. le Dr Paul Magnin. M. le Dr Mabille, M. le Dr Hurtrel, M. le professeur Ubeyd Oullah et M. le Dr Wi-try, pour la représenter au Congrès de l'Association française qui se tiendra à Reims au mois d'août 1907 ; elle délègue M. le Dr Paul Farez pour la représenter au Congrès des aliénistes et neurologistes français qui se tiendra à Genève au mois d'août 1907 ; elle délègue M. le
Dr Paul Joire, M. le Dr Bérillon et M. le Dr Lloyd-Tuckey pour la représenter au Congrès international de psychiatrie, de neurologie et de psychologie qui se tiendra à Amsterdam le 2 septembre 1907.
M. le président souhaite la bienvenue à nos collègues de l'étranger et de la province qui assistent en grand nombre â la séance annuelle et met en discussion la question des enfants et des adolescents anormaux qui a donné lieu à de nombreuses communications.
La séance est levée à 7 heures et est suivie du banquet annuel.
Les anormaux pauvres : psychologie, pédagogie, assistance,
par M. le Dr Hurtrel, Directeur de l'Institut sanitaire de St-Léger-Vauban (Yonne).
Les anormaux pauvres se recrutent surtout parmi les pupilles de l'assistance publique. Ce sont des orphelins ou des enfants abandonnés de leurs parents qui souvent ne leur ont donné que de mauvais exemples.
Lorsque l'alcoolisme ou la débauche des générateurs les a dotés de funestes tares de dégénérescence telles que idiotie, imbécilité, gâtisme, j'estime qu'ils sont moins dangereux pour la Société que le nombre incalculable de pervers, d'instables, de vicieux qui, négligés et libres, augmentent d'une façon effrayante l'armée du vice et conséquemment celle des jeunes criminels. La criminalité des jeunes gens de 16 à 20 ans a quadruplé depuis 50 ans, celle des jeunes filles a triplé. Il est prouvé que la corruption des enfants se rattache avant tout â celle des parents. La criminalité infantile est « la projection agrandie de la démoralisation paternelle et maternelle ».
En effet, quelque opinion que l'on adopte sur la liberté morale, même en acceptant ce que la science a démontré, que nos actions sont la résultante des forces qui sont en nous, l'hérédité, l'état de santé, le tempérament, on est forcé de reconnaître que l'éducation exerce une influence prépondérante sur l'avenir de l'enfant.
Comme l'a excellemment dit M. Saint-Philippe, le rôle du médecin « qui a en garde la nation en fleurs, c'est de faire épanouir les bour- geons, quelle que soit la tige qui les ait portés ».
Pour la culture des anormaux, nous trouverons des auxiliaires précieux dans le personnel enseignant de nos écoles. Ce serait lui faire injure, de rendre hommage â son dévouement lorsqu'il s'agit d'une œuvre de solidarité.
Privé de bons exemples, il y a. chez l'enfant naturellement amoral, un manque d'équilibre entre les régions impulsives et les centres de réflexion intelligente.
Chez les pupilles de l'assistance, presque toujours victimes de l'hérédité psychopathique et de la mauvaise éducation, à l'anormalité héréditaire s'ajoute une anormalité acquise dans le milieu. Entourés d'enfants choyés dans la famille, renseignés sur les caresses, les joies, le bien-
être de leurs camarades, ils se révoltent, perdent le sens moral et plus tard deviennent des habitués de la correctionnelle ou de la cour d'assises. Soldat, le jeune homme sera « la forte tête » et terminera son congé dans une compagnie de discipline ; un pourcentage important de ces malheureux est fourni par des anormaux méconnus, que l'on aurait pu améliorer par l'éducation.
Certes, dans une école bien dirigée, avec des méthodes ingénieuses, on redressera parfois une infirmité psychique parce que le sujet appartiendra à une honnête famille, on apprendra quelques mesures de capacité, des notions de géographie, on visera même, l'orgueil du maître aidant, un populaire certificat d'études, mais là, pour les anormaux pauvres, l'éducation générale laissera à désirer.
Dans un établissement spécial, outre l'instruction, l'arriére, recevra des soins, le difficile sera guidé.
Sans vouloir infirmer les classifications des maîtres, qu'il me soit permis de faire une distinction que je crois pratique :
1° Idiots, gâteux (invalides) ;
2° Imbéciles, crétins, arriérés psychiques ;
3° Difficiles ;
4° Anormaux psychiques (lésions osseuses au début ou en voie de guérison, acromégalisme, gigantisme, etc.).
Cette dernière catégorie ressortissant très peu de la psychothérapie, sera négligée dans cette communication.
1° En principe, dans les établissements pauvres qui ne reçoivent qu'une faible indemnité journalière (I fr. à 1 fr. 50) pour l'entretien de leurs pensionnaires, on ne peut recevoir les malades de la première catégorie (gâteux invalides), une infirmière étant indispensable pour deux ou trois enfants.
2° Au sujet de l'éducation des imbéciles, crétins, arriérés, des hommes éminents ont préconisé des méthodes remarquables par l'esprit d'observation et le bon sens. Notre rôle est de nous inspirer de leurs travaux sur le traitement médico-pédagogique.
Grâce à l'éducation des sens, aux exercices physiques bien appropriés, à une existence calme en plein air, les enfants arriérés acquére-ront des notions de lecture, d'écriture, de dessin, donneront de la vigueur à leurs muscles, tonifieront leurs cellules cérébrales et bien souvent l'amélioration manifeste après quelques années de séjour leur permettra de faire humblement leur trouée dans la vie, surtout si l'on a soin de les diriger vers les professions manuelles.
Est-ce à dire que l'éducation des sens est seule toute puissante pour le redressement des infirmités psychiques ? Je ne le crois pas : du reste, une observation personnelle me donne la preuve que la persuasion intense, continue, autrement dit la suggestion à l'état de veille, peut donner des résultats surprenants.
« Une jeune fille de 15 ans, présentant tous les signes de l'idiotie, « parole presque nulle, marche pénible, strabisme, mains creuses,
« oreilles sessiles, etc., était absolument gâteuse lors de son arrivée à l'Institut sanitaire de l'Yonne. Elle urinait et perdait ses matières excrémentielles en tous lieux et au gré de ses besoins. Placée en observation à l'infirmerie, on lui répéta dix à quinze fois par jour la même formule et les mêmes gestes pour lui faire comprendre les pré- cautions de propreté. Trois jours ont suffi pour la rendre propre, et depuis deux mois, elle ne s'est pas départie des bonnes habitudes. On a agi de même et par intervalles d'une semaine pour l'usage d'une cuillère, d'une fourchette, d'un mouchoir, etc. ».
Je crois que l'obtention rapide de ce résultat est due au fractionnement de la suggestion. Son faible cerveau était autrefois réfractaire, parce que fatigué par les multiples exigences journalières de l'éducation générale.
3° Par difficiles, il faut entendre les pervers, instables, fantasques, impulsifs, voleurs, paresseux, arriérés, moraux, dégénérés supérieurs.
Ces anormaux qui sont les plus dangereux, qui trament un complot avec une astuce capable de déjouer toutes les recherches et préparent leurs plans avec un art affiné, trouveront dans la vie au grand air un sédatif nervin qui malheureusement ne suffira pas pour rétablir l'équilibre cérébro-spinal.
Les éducateurs doivent de toute nécessité capter leur confiance et même leur volonté. N'est-il pas regrettable de constater qu'il est audacieux d'affirmer que chez ces sujets l'hypnotisme réussira lorsque la persuasion, la suggestion à l'état de veille auront été impuissantes. Les succès obtenus par ce genre d'orthopédie mentale ne se comptent cependant plus et sont trop nombreux pour être discutés.
Alors, il est temps de se souvenir et d'appliquer cette proposition énoncée par Durand de Gros en 1860, alors que les recherches de Braid réveillaient la question du magnétisme : « Le braidisme nous fournit la base d'une orthopédie intellectuelle et morale qui certainement sera inaugurée un jour dans les maisons d'éducation et dans les établissements pénitentiaires ».
Liébeault, Aug. Voisin et tant d'autres ont démontré l'efficacité de l'hypnotisme comme agent moralisateur. Notre éminent collègue, le docteur Bérillon, a eu le mérite en 1886, à l'occasion du congrès tenu par l'Association française pour l'avancement des sciences, de traiter la suggestion envisagée au point de vue pédagogique et les idées qu'il émettait se rapportent si bien aux anormaux difficiles, que je ne saurais mieux faire pour la mise au point du traitement que de répéter les paroles qui terminaient sa communication : « Je n'hésite pas à déclarer que, « autant il y aurait d'inconvénients à pratiquer l'hypnotisme chez les sujets excellents et bien portants, autant il y aura avantage à l'appli- quer comme moyen pédagogique à des sujets mauvais, vicieux ou malades ».
Beaucoup de ces difficiles sont intelligents, mais sont enclins à mettre leurs facultés au service d'une mauvaise cause.
Par l'hygiène et les exercices physiques, atténuons dans la mesure du possible les stigmates d'une parenté morbide et suppléons à la mauvaise éducation en les séduisant par la passion du beau : admirer est une forme de désintéressement. Essayons même de faire briller chez eux la flamme de l'idéal, sans quoi ils demanderont leurs rêves d'adultes aux breuvages qui détraquent et qui tuent.
Ce que l'on devrait faire dans toutes les écoles primaires, il faut l'appliquer à ces enfants, c'est urgent. A côté de l'enseignement terne et froid des levées de plan, du dessin linéaire, du calcul, de la géographie commerciale, faisons entrer un peu de poésie à l'école ; apprenons aux élèves que les littérateurs, les poètes ont fait plus pour la civilisation que nos grands conquérants, insistons sur les faits qui laisseront gravé dans leurs mémoires des exemples de pitié, de bonté, de fraternité.
Cela, c'est encore de la suggestion, de la psychologie et vaut mieux que se cantonner dans l'utilitarisme qui produit des bourgeois employant la science des nombres pour thésauriser ou des illettrés instruits utilisant les formules pour la construction des engins de destruction.
Il faut laisser les difficiles, de même que les arriérés, correspondre avec leurs parents, leurs inspecteurs. L'arrivée d'une lettre, je l'ai remarqué, les réjouit, les réconforte et la correspondance suivie peut avoir un effet moralisateur. Désemparés, ils sentent alors un soutien que le personnel ne peut toujours leur procurer. Une nouvelle parfois sera le phare qui éclaircira les ténèbres.
Je me rappelle avoir vu, à l'asile de Vaucluse, un garçon de 15 ans, faible d'esprit, ne sachant ni lire, ni écrire, s'être mis avec ardeur à l'étude à la réception d'une missive que lui lut l'instituteur et qui émanait d'une tante qui lui promettait de s'intéresser à lui lorsqu'il serait sage. Dès cette époque, il rompit avec les mauvaises habitudes, d'apathique et indifférent, devint jovial, intéressant et en une année acquit assez de connaissances pour écrire à sa parente sans presque faire de fautes d'orthographe.
Dès que l'adolescent se livre à un travail, si minime soit-il, une récompense doit lui être attribuée, sous forme de pécule. Sans cela, le difficile, qui comprend très bien, deviendra révolté, ou prendra un malin plaisir à détériorer les objets qui lui sont confiés, usera à dessein ses chaussures, déchirera ses effets, cassera des tableaux, des lampes, etc., lorsque la surveillance fera défaut. Le sabotage a dû être inventé par un anormal.
Celui qui a charge d'anormaux doit savoir faire appel à l'assentiment de la volonté non seulement par voie de raisonnement direct, mais par voie d'ascendant moral.
Il faut profiter de cet instinct qu'a la collectivité de se grouper sous l'autorité de celui qui a les qualités d'un manieur d'hommes. Dans la « Psychologie des foules », Gustave Le Bon nous enseigne que l'esprit de la foule n'est pas celui de l'individu. Tel doux comme un mouton devient sanguinaire dans la mêlée et réciproquement.
En résumé, suggestion de l'individu par action directe sur la volonté, suggestion d'ensemble par prestige personnel qui impose à la multitude l'ordre, la probité, la propreté, la justice, le travail, voilà ce qui est indispensable dans un établissement d'anormaux.
Pédagogie. — Loin de moi l'idée de décrire ici une méthode, voir même un procédé, destiné à apprendre aux enfants arriérés les premières notions de la lecture, de l'écriture, etc. Des pédagogues émérites, observateurs perspicaces ont préconisé des moyens ingénieux et pratiques. Mlle Mulot, M. Quinque vous exposeront dans un instant le résultat de leurs recherches marquées au coin du bon sens et de l'observation judicieuse. Les contradictions des gens du métier nous sont un sûr garant du souci qu'ils prennent de l'éducation des anormaux.
Qu'il nous soit permis, à nous, plus humble, de voir plus modestement les choses et d'exposer simplement le résultat d'une courte expérience accrue par nos faibles connaissances en psychologie et en hygiène.
En règle générale, les éducateurs, qu'ils enseignent, surveillent ou dirigent, doivent consentir à se faire petits avec les petits, enfants avec les enfants.
Dans les classes, on devra placer les myopes et les sourds près du maître qui, lui, pour les explications, se tiendra près du tableau. Beaucoup d'enfants atteints de ces infirmités sortent à 13 ans de nos écoles sans le moindre bagage d'instruction, parce que l'on a pas tenu compte de l'acuité visuelle et de la surdité.
M'inspirant des idées de l'instituteur de l'établissement que je dirige et d'observations personnelles, j'ai constaté que les moyens d'attrait, ceux qui retiennent le plus l'attention de l'enfant étaient les plus pratiques. Les images, jeux alphabétiques tendent à fixer la curiosité infantile.
Les cubes instructifs Legrand ne me paraissent pas assez répandus pour l'enseignement de la lecture. Sur ces cubes sont imprimées les lettres simples et celles dont l'association forme un son ; les chiffres y sont aussi indiqués.
On attire les regards de l'enfant sur ces lettres, on les lui assemble, on forme des mots, des syllabes, des phrases, on les lui fait lire, puis on les représente à la craie sur le tableau noir, tout en lui faisant émettre les sons voulus de lecture par les meilleurs procédés de prononciation. L'enfanta d'abord vu les lettres sous forme d'objets concrets, il les voit avec un plaisir évident se tracer sous ses regards devenus attentifs.
L'emploi de craies de différentes couleurs intéresse l'anormal. Sur le tableau, à une syllabe bleue succède une syllabe rose, à celle-ci une verte. Cela fixe la vue et rompt avec la monotomie du blanc sur du noir. De temps en temps, on reviendra à la craie blanche, car tout fatigue.
Varier souvent, voilà un principe. En effet, nous-mêmes, visitons une exposition de fleurs ; nous sommes ravis par l'aspect à perte de vue de
splendides dahlias, par exemple. A mesure que nous avançons, noire admiration diminue et, qu'au détour d'une allée nous apercevions un parterre de myosotis, immédiatement nous nous arrêtons, la variation a reposé nos yeux qui se fatiguaient.
Pour intéresser l'arriéré, il n'y a pas de petits moyens, ceux qui réussissent sont bons. Soyons éclectiques, acceptons, essayons et cherchons ces moyens, et ne visons qu'un but : éviter la fatigue cérébrale. Tous les établissement d'anormaux devront posséder un appareil à projections pour la lecture. La vue lumineuse d'un mot coloré, d'un animal dont il lira le nom, tirera l'élève de la somnolence.
La leçon de lecture sera courte, mais répétée à différentes reprises dans la journée. La répétition est l'âme de l'enseignement chez les anormaux. Elle sera coupée par des questions, par des repos, par un chant ou l'audition d'un morceau de phonographe.
Du peu, du simple, de l'attrayant, du vivant. Souvenons-nous que souvent l'anormal regarde et ne voit pas ; il faut donc des objets, de la lumière, du relief.
Xous n'avons pas à plaider la cause de l'écriture droite.
L'enseignement individuel devant être continué longtemps, les livres ne seront employés que très tard et encore les faudrait-il imprimés en caractères spéciaux, très gros, les mots très espacés, 15 millimètres au moins, des virgules et des points énormes. En résumé, observer, attendre, puis favoriser l'effort et non le forcer en s'imposant à l'enfant ; répandre des idées pour qu'à leur contact tombent ses enveloppes comme une semence qui éclate et pousse sa tige.
La gymnastique doit donner de la tonicité musculaire et favoriser le jeu des organes. Nous nous rappellerons que nous avons affaire à des débiles mentaux qu'il ne faut pas fatiguer par la contrainte. Nous rejetterons donc les mouvements exécutés par ordre, parce que nous devons redresser des infirmités psychiques et physiques. L'harmonie des facultés et des formes individuelles est plus intéressante que la régularité de l'ensemble et le symétrique lancement des bras en avant ou sur les côtés.
A part quelques exercices d'assouplissement, c'est le jeu qui doit former la base de l'éducation physique des enfants.
Dans une lettre adressée au comité d'organisation de la Ligue nationale de l'Education physique, M. Berthelot disait : « On a fait une large part dans nos écoles primaires à l'enseignement de la gymnastique, grâce au concours de maîtres zélés. Tout cela est excellent et digne d'éloges. Mais en ce qui touche l'enfance, il y manque une, chose, une chose fondamentale, celle que vous voulez instituer : il y manque la liberté, l'initiative personnelle de l'enfant. » Et plus loin : « Qui n'a éprouvé un sentiment de tristesse, en assistant aux exercices uniformes et réglementés de la gymnastique officielle ? Cela ne saurait durer : ce n'est pas ainsi que nous donnerons à nos enfants le mens sana in cor-pore sano, proclamé parle poète comme le but suprême de l'éducation. »
Dès que l'anormal saura lire et écrire, on le dirigera vers une profession manuelle pour lui permettre sinon de gagner son existence, tout au moins de rendre service à la société par un travail en commun dans une colonie d'adultes. On favorisera le plus possible le placement à la campagne ; là, moins de tentations, moins de concurrence, partant moins de luttes pour vivre. On s'écarte trop de nos jours de l'humble et dure besogne du métier plébéien. Bien que m'occupant des pauvres, aux parents riches, je dirai : Gardez-vous de lancer un difficile, un instable même très intelligent vers une situation libérale qui nécessiterait le séjour à la ville, si vous voulez éviter les meurtrissures de l'amour-propre. Ecoutez M. Leygues insistant sur « le nombre déjà si grand des prolétaires intellectuels », sur la nécessité « d'enrayer l'émigration vers les villes, ou tant d'énergies s'usent, ou sombrent tant de courages d.
M. le ministre de l'Instruction publique vient de déposer, il y a quelques jours, sur le bureau de la Chambre, un projet de loi concernant l'enseignement des anormaux. La Société d'hypnologie et de psychologie, qui a mis à l'ordre du jour de sa séance annuelle cette importante question, ne peut-que rendre hommage à cette décision.
Le projet préconise la création de classes de perfectionnement annexées à des écoles élémentaires publiques ou celle d'écoles autonomes qui pourront comprendre un internat.
Les premières rendront quelques services aux enfants aisés qui habiteront le quartier, mais pour les pauvres et les pupilles de l'Assistance, un internat s'imposera, car à ceux-là l'éducation, la vie calme au grand air, l'hygiène, un traitement psychique seront indispensables.
Assistance. — Les nécessités d'un traitement psychothérapique et d'une pédagogie appropriée nous démontrent l'importance et l'utilité d'une assistance dans des établissements ad hoc.
Un établissement de ce genre sera spacieux ; l'air et la lumière arriveront à profusion dans tous les locaux.
Un parc et un jardin seront indispensables, l'un pour permettre les promenades, l'autre pour inculquer aux enfants et aux adolescents les rudiments de la culture potagère et de l'horticulture. Le jardinage bien compris, bien dirigé, devient un art qui favorise le jugement, donne l'amour de la symétrie, de l'harmonie des lignes absolument comme le dessin.
Le travail, couture, nettoyage, jardinage, serrurerie, vannerie, menuiserie, etc., selon que l'on s'adressera aux filles ou aux garçons, sera régulier et surveillé, car les mauvais instincts se réveillent vite et rien n'est dangereux comme l'inactivité qui pousse à l'ennui et à l'accomplissement des mauvaises actions.
La propreté sera rigoureuse jusque dans tous les coins de la maison ; c'est le meilleur moyen d'obtenir des habitudes saines que les enfants conserveront dans l'avenir. Fatalement, une personne malpropre obligée d'occuper un local bien tenu deviendra propre elle-même. Le personnel devra être très uni ; en effet, l'expérience m'a démontré
que la discorde chez les surveillants amène le trouble chez les enfants pervers, amoureux eux-mêmes du bruit, du drame, et enchantés de prendre parti.
Des appareils d'électricité, d'hydrothérapie, une salle de gymnastique seront indispensables.
Ces conseils s'appliquent à tous les établissements, mais, pour ceux qui abritent les anormaux pauvres, les ressources étant limitées, force leur est de restreindre le personnel, d'où manque d'éducation, de surveillance.
Pourquoi donc ne pas confier à ces maisons et selon les exigences du nombre de pensionnaires, quelques pupilles sages de 18 à 20 ans, pour en faire des sous-surveillantes. Ces dernières donneraient des soins aux malades, assureraient la propreté des petits, seraient occupées à la lingerie. Le médecin leur ferait des cours et, après quelques mois, on favoriserait leur placement comme infirmières dans les hôpitaux de province. Ainsi, chaque établissement d'anormaux deviendrait une école d'infirmières. Bien entendu, on leur attribuerait une petite allocation mensuelle.
Fiches sanitaires. — Elles doivent être exigées au même titre que celles des aliénés. Non seulement elles sont d'une utilité incontestable pour la direction du traitement, mais pour l'avenir du sujet, elles seront d'une importance capitale tant au point de vue militaire qu'au point de - vue médico-légal.
Quelle est la tare héréditaire ? Le sujet a-t-il appris facilement en classe ? Comment s'est-il comporté avec ses camarades ? A-t-il pu apprendre un métier ? La malpropreté a-t-elle duré plus longtemps que d'habitude ? A-t-il eu des attaques épileptiformes ? etc. Tous renseignements utiles à faire connaître au médecin militaire ou à l'expert en cas d'examen médico-légal ou lorsqu'il y aura lieu de statuer sur l'interdiction d'un sujet paraissant incapable de gérer ses biens.
Dans le remarquable rapport présenté par M. le sénateur Strauss, au 3e Congrès national d'Assistance publique et de bienfaisance privée, il est dit : « Pour les arriérés, la statistique de M. Blin, reproduite par M. le Dr Jacquin, est tristement démonstrative. La France occupe le dernier rang dans l'assistance aux arriérés.
« L'assistance rationnelle des anormaux de l'intelligence est presque partout à organiser dans le pays de Seguin. Paris a donné l'exemple par le beau service de M. le Dr Bourneville, à Bicétre, par les services de la Salpètrière et de la colonie de Vaucluse. »
Certes, depuis la proposition de M. Dubief à la Chambre, en 1902, on a des tendances à réserver dans les asiles d'aliénés des quartiers spéciaux, destinés au traitement et à l'éducation des arriérés.
Très judicieusement, M. le Dr Jacquin considère que ces sections d'asiles doivent être réservées aux idiots complets.
En effet, outre les avantages d'ordre psychologique et humanitaire que nous venons de décrire et qui plaident en faveur de la création
d'établissements pour anormaux, un autre est d'un intérêt social tel, qu'il ne saurait désintéresser plus longtemps les pouvoirs publics. II s'agit de soustraire ces malheureux à la tutelle de la loi de 1838. Actuellement, ceux qui reçoivent des soins, à Bicétre, à Epinay ou dans une section d'asile sont considérés comme des aliénés, puisque leur internement nécessite les mêmes formalités que pour ces derniers. Or, parmi ces arriérés, beaucoup sont perfectibles ; on fait de certains de bons ouvriers capables de gagner honorablement leur existence. Mais, hélas ! sortant des mains des aliénistes, pour la société, ils. paraissent atteints d'un tare dont il faut les débarrasser et qui peut mettre obstacle à l'accomplissement des actes de la vie sociale, travail, mariage, etc.
Des établissements reçoivent et font vivre en commun tous les anormaux. Cette promiscuité parait dangereuse et leur séparation s'impose ; de cette façon, d'une part les arriérés psychiques, d'autre part les difficiles, divisés eux-mêmes selon l'âge, 7 à 13 ans et 13 à 16 ans.
A l'instar des asiles, tout groupement d'anormaux — et pour les pauvres, c'est une question de conscience — doit être surveillé par une commission spéciale. Les inspecteurs devraient faire des visites fréquentes et inopinées, car les véritables arriérés ne savent réclamer et les difficiles, très versatiles, disent ce que l'on veut, si l'on a soin de leur donner un bonbon, un gâteau, etc. Les rapports devraient être contrôlés sur lieu souvent et dès leur réception. On fournit des statistiques, on communique des résultats très fantaisistes qui trompent l'administration.
Il faut avoir le courage de dire ce qui se passe souvent, pour éviter à l'avenir l'exploitation de l'Assistance publique.
Proclamer les abus est un droit, les réprimer est un devoir.
Discussion :
Dr Bérillon : Après avoir été longtemps absolument négligé par les pouvoirs publics l'écolier anormal est devenu soudainement l'objet des préoccupations les plus inattendues.
L'Assistance publique, qui siège au ministère de l'Intérieur, semblait depuis longtemps l'avoir reconnu comme sien, mais l'Instruction publique, tout à coup éprise d'un amour jaloux, le revendique à son tour et fait valoir ses titres de maternité. En présence de ces deux mères, qui rivalisent actuellement à son égard de tendresse et d'affection, l'écolier anormal se sent peut-être embarrassé.
Le roi Salomon, lorsqu'il proposa de diviser en deux tronçons l'enfant que deux femmes se disputaient, savait qu'il avait recours à un procédé infaillible pour découvrir la véritable mère. Aujourd'hui son jugement ne trancherait pas le débat. Les deux administrations rivales se mettront assez facilement d'accord pour se partager l'enfant anormal. Il aura ainsi deux mères et son sort n'en sera pas plus digne d'envie. Tiraille d'un chef de bureau à un autre chef de bureau, il est probable qu'il con-
tinuera, pendant longtemps encore, à poursuivre une existence lamen-table.
J'avoue que l'intervention de l'Etat, pour la solution intelligente des problèmes qui lui sont soumis, ne m'inspire aucune confiance. Les résultats pitoyables que l'Instruction publique réalise à l'égard des enfants normaux, ne me permet point d'espérer qu'elle fera mieux lorsqu'il-s'agira d'enfants anormaux.
D'ailleurs, elle ne dispose d'aucun personnel préparé à cette délicate mission et ce personnel ne saurait s'improviser. Quand on songe que le ministère de l'Instruction publique ne parvient pas, faute de locaux et. d'argent, à assurer à un grand nombre d'enfants bien doués l'instruction qui leur est due d'une façon obligatoire, on se demande ce qu'il pourra entreprendre pour les anormaux. D'autant plus que là, la question d'instruction se complète de celle d'éducation. Or, on sait que dans les établissements universitaires, l'éducation est une question complètement dédaignée. Personne ne s'en soucie et à ce sujet on peut affirmer que nous sommes moins avancés que nous ne l'étions au Moyen-Age.
Four en revenir aux enfants anormaux, je crains que le qualificatif d'anormal ne soit abusivement employé par les membres de l'enseignement. Beaucoup d'entre eux se montrent disposés à l'infliger à de mauvais écoliers, paresseux avec délices, comme l'était Figaro, mais qui cependant ne présentent aucune tare pathologique. Le même erreur a souvent été commise dans le passé. Cette année, dans mon cours à l'Ecole de psychologie, j'ai signalé un grand nombre de sujets qui furent renvoyés des écoles comme crétins, incapables de s'instruire et qui plus. tard sont devenus des grands hommes, justement honorés pour leurs découvertes et pour leurs travaux. Quelques-uns ont leur statue sur la place publique et ceux qui les ont traités d'ânes et de cancres sont demeurés parfaitement obscurs. C'est que le génie naissant se présente souvent avec les apparences de l'instabilité, de la turbulence et de l'irrégularité dans l'application au travail.
Seul un médecin compétent est qualifié pour porter le diagnostic d'anormal et jusqu'ici on a paru faire peu de cas de l'intervention médicale. Or l'intervention du médecin doit être prépondérante dans cesques-tions. Lorsque le diagnostic d'anormal a été porté, le médecin doit devenir le seul juge des doses d'instruction scolaire, de culture intellectuelle -ou physique que cet enfant est capable de recevoir pour ne pas aggraver son état et le précipiter dans des troubles mentaux de la plus haute gravité.
Ce n'est pas dans des classes annexées à l'école ordinaire que doit être élevé l'enfant anormal, mais dans des établissements spécialement organisés à cet effet, installés hors des villes et places sous une direction médicale. En dehors de cela on s'exposera à de graves mécomptes, et l'on méconnaîtra les principes de l'adaptation de l'organisme de l'enfant. au travail et à la vie.
M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets. — J'ai collaboré avec assiduité aux travaux de la commission des enfants anormaux constituée par M. le ministre de l'Instruction publique. La question de la sélection de ces enfants y a fait l'objet de nombreuses discussions. L'intervention du médecin dans le diagnostic et le traitement de l'anormal y a été reconnu comme indispensable. Pour ma part, j'en ai fait ressortir la nécessité. Les établissements consacrés aux enfants anormaux ne sauraient se concevoir sans la collaboration directe du médecin et le principe en a été admis sans conteste. Il faut donc que nos collègues soient rassurés à cet égard.
Dr Bérillon. — Les expériences officielles tentées actuellement dans deux écoles ne paraissent cependant pas tenir un compte suffisant de l'intervention médicale. A tel point que les médecins inspecteurs des écoles de la Ville de Paris se sont émus de cette situation et que la question a déjà été abordée à leur société. Un exemple montrera â quelles erreurs d'appréciation un maître peut arriver quand il juge un enfant d'après son application au travail pour lui donner des notes scolaires. Récemment un enfant est amené au dispensaire pédagogique ; ses notes de classe le représentent comme un écolier indiscipliné, paresseux, refusant obstinément de travailler. Un examen attentif révèle qu'il est atteint d'une affection organique du cœur des plus graves (persistance du trou de Botal). Cet enfant paresseux était tout simplement un malade dont la place n'était pas à l'école, mais à l'hôpital. Je -pourrais multiplier des exemples analogues.
On demandait au philosophe Aristippe ce qu'on devait apprendre aux enfants : « Ce qu'ils auront à faire quand ils seront hommes », répondit-il. A ce compte, l'école actuelle serait bien loin de répondre à sa mission, car ce qu'on y apprend aux enfants ne ressemble guère à ce qu'ils feront quand ils auront atteint l'âge adulte.
Si j'avais à formuler un souhait, j'exprimerais le vœu qu'avant de s'occuper des enfants anormaux, le ministère de l'Instruction publique transforme ses programmes surchargés et améliore les méthodes pédagogiques surannées qui abâtardissement notre race et déforment l'esprit des enfants normaux.
Dr Jules Voisin. — Lorsqu'il s'agit d'enfants considérés comme anormaux, la tâche du médecin comporte de nombreuses difficultés. II ne faut pas oublier qu'à côté de vrais anormaux, il y a une catégorie nombreuse d'enfants chez lesquels les troubles ne revêtent qu'un caractère transitoire et passager et qui pourrait être qualifiés du nom de faux anormaux. La question soulevée aujourd'hui à la Société ne peut être épuisée dans une seule séance. Nous ne pourrons entendre qu'un certain nombre des communications portées à l'ordre du jour. Il conviendra de reporter le vote de conclusions que nous inspirera cette discussion à une réunion ultérieure.
La craniectomie à volet chez les enfants arriérés par M. le docteur Doyen.
Est-il possible d'améliorer l'état des enfants arriérés par une opération ?
Cette question est d'une grande importance sociale, puisqu'il suffît d'améliorer dans une certaine mesure l'intelligence des enfants arriérés pour leur permettre de vivre en dehors d'une surveillance continuelle.
Je laisserai de côté la question de l'épilepsie, qui est cependant une complication assez fréquente de l'idiotie à tous ses degrés.
L'épilepsie est en effet une complication très grave, contre laquelle la médecine et la chirurgie sont souvent à peu près impuissantes.
La médication bromurée améliore évidemment certains épileptiques et j'ai obtenu des améliorations très sensibles par la craniectomie étendue, avec formation d'une large cicatrice filtrante, pour diminuer la tension intra-cérébrale ; mais nous n'avons pas à étudier aujourd'hui la question de l'épilepsie.
Nous allons tâcher de déterminer aussi exactement que possible quels sont, parmi les enfants arriérés, ceux où l'opération peut donner, presque à coup sûr, un résultat favorable.
Il est presque toujours facile de distinguer au premier aspect si l'enfant rentre dans la catégorie des sujets où l'intelligence a acquis un premier degré de développement, ou bien s'il s'agit d'un véritable cas d'idiotie incurable, où l'opération n'offrirait aucune chance de succès.
1° Cas non justiciables de l'opération.
Les idiots qui présentent des mouvements rythmiques ou carpholo-giques, qui ont l'aspect hébété, qui ne savent pas manger seuls, qui présentent de l'incontinence ou au moins de l'inconscience des besoins naturels et ne prononcent aucune parole, ne sont pas justiciables de l'opération.
Chez ces sujets, il n'existe aucun éclair d'intelligence et de ce rien, il est impossible d'obtenir quelque chose. D'ailleurs, il existe très souvent chez ses sujets des malformations cranio-cérébrates congénitales et très accentuées.
2° Cas où l'opération est indiquée.
Il en est tout autrement des enfants qui doivent être rangés simplement dans la catégorie des enfants arriérés et qui ont commencé à causer tard, mais qui connaissent leurs parents, qui disent papa, maman, connaissent leurs frères et sœurs et prononcent quelques paroles.
Un bon signe en faveur de l'intervention chirurgicale est que ces enfants soient conscients de leurs besoins naturels, qu'ils sachent demander la nourriture, qu'ils sachent manger seuls et qu'ils soient propres.
Quelques-uns apprennent à lire des lettres isolées et à connaître les chiffres, sans savoir les grouper. Il est incontestable que, chez de tels enfants, l'intelligence a commencé à se développer, mais que ce déve-
loppement a été très lent et n'a subi qu'une progression très inférieure à la normale.
Qu'elle opération faut-il pratiquer chez les enfants arriérés ?
Je ne veux pas ici discuter les opérations qui ont été proposées autrefois et qui sont toutes tombées dans la désuétude la plus complète.
La seule opération qui puisse être pratiquée est la craniectomie à volet, soit unilatérale, soit bi-latérale, les deux opérations étant faites dans ce cas à plusieurs mois d'intervalle.
Le volet doit comprendre à la fois une partie du frontal, la plus grande partie de l'écaillé du temporal et du pariétal.
Je n'ai pas à insister sur la technique de cette opération, que j'ai déterminée en 1895 et qui a déjà été publiée. Il serait plus intéressant de donner les raisons des améliorations observées.
C'est que le soulèvement d'un ou deux millimètres seulement de ce grand volet osseux arrive à augmenter la capacité cranienne dans une proportion considérable et qui peut correspondre à plusieurs centimètres cubes de volume, augmentation énorme pour le développement de l'encéphale.
Résultats opératoires :
Les résultats opératoires sont quelquefois surprenants et j'ai observé chez un certain nombre de malades un développement rapide de l'intelligence dans les quelques semaines qui suivirent l'opération, à ce point que ces enfants qui connaissaient à peine les lettres et les chiffres isolés apprenaient au bout de quelques semaines à lire et même à compter et faisaient au bout de quelques mois des additions.
Les enfants prennent en même temps conscience du milieu qui les environne, des personnes qui les entourent et peuvent remplir dans la vie un rôle très supérieur à celui qui leur était dévolu si l'opération n'avait pas été pratiquée.
La médication thyroïdienne est presque toujours un adjuvant de l'intervention chirurgicale, elle doit être surveillée par un médecin compétent.
Lorsqu'une première craniectomie, faite du côté gauche, par exemple, a donné un résultat favorable, il y a avantage à faire une craniectomie droite et quelquefois même à sectionner plus tard le pont osseux intermédiaire au voisinage du bragma.
11 est donc très important de bien déterminer quels sont les enfants arriérés qui sont justiciables d'une intervention chirurgicale et de ne pratiquer cette opération que chez ceux où on a l'espoir d'obtenir un bénéfice appréciable.
Le Dr Doyen présente à la fin de sa communication un enfant arriéré, qui a été opéré de large craniectomie du côté droit, le 8 juin dernier.
Cet enfant présentait, en outre de l'insuffisance de développement ntellectuel, une parésie du côté gauche, ce qui a justifié l'intervention du côté droit.
Le second temps de l'opération : l'incision de la dure-mère, a été pratiqué le 13 juin.
On peut juger, aujourd'hui 18 juin, que l'enfant se tient parfaitement sur ses jambes, qu'il parle et que la cicatrisation est complète. J'ai tenu à présenter ce petit malade pour justifier de l'innocuité de l'intervention.
Les membres de la Société qui seraient désireux d'assister à une cra-niectomie pourront se rendre demain 21, à la clinique, où je ferai une craniectomie gauche pour l'extirpation d'une balle de révolver de 9 millimètres, tirée dans la bouche, le projectile a sectionné le nerf optique gauche et s'est arrêté au voisinage du centre moteur cortical du membre inférieur droit, c'est-à-dire à la partie supérieure de la scissure de Rolando, du côté gauche.
Le projectile est visible sur un cliché radiographique.
Opération. — Un volet de 7 à 8 centimètres de diamètre a été taillé sur le pariétal gauche, de manière à aboutir à un centimètre au plus de la ligne médiane.
Le diploe contenait des sinus artériels et veineux considérables qui ont donné lieu, dès le commencement de l'opération, à un écoulement de sang extraordinaire. Aussi la mobilisation du volet dut-elle être réalisée aussi vite que possible, tellement la perte de sang provenant de l'os était inquiétante.
Dès que le volet fut mobilisé, on putjuger qu'il n'avait été fait aucune blessure de la dure-mère. Le sang commença, comme on l'observe toujours en pareil cas, à couler moins fort. La dure-mère fut incisée à la partie supérieure, tout près du sinus longitudinal et au voisinage de la scissure de Rolando.
L'index gauche, introduit, sentit la balle au travers de la pie mère, contre la faux du cerveau et le projectile fut extrait avec une petite pince. Le volet osseux fut rabattu aussitôt et la peau suturée en surjet.
Une bande de tarlatane fut appliquée, très serrée, par-dessus quelques compresses stérilisées.
Le malade, qui se trouvait dans un état presque syncopal après l'opération, dut subir quelques pressions rythmiques sur le thorax, on lui fit une injection de sérum artificiel et quelque temps après il reprenait ses sens ; au bout d'une demi heure, il parlait, et le lendemain on ne pouvait plus se douter de la gravité de l'étal syncopal où il s'était trouvé à la fin de l'opération.
Celte observation est très intéressante, parce qu'elle prouve que le crâne peut être extrêmement vasculaire dans certains cas chez l'adulte et que, dans ces cas, le malade succomberait entre les mains du chirurgien s'il ne savait pas terminer l'opération en très peu de minutes.
Il est aussi à noter que l'hémorragie a été très abondante tant que le volet osseux n'a pas été mobilisé, qu'elle a diminué dans la proportion des 3/4 dès que le volet osseux a été mobilisé et qu'elle s'est complètement arrêtée quand le volet a été rabattu et la peau suturée.
L'état actuel du malade ne semble pas faire présumer qu'il y ait la moindre trace d'épanchement intra-cranien.
BIBLIOGRAPHIE
L occultisme hier et aujourd'hui. Le merveilleux préscientifique,
par M. le docteur J. Grasset, professeur de clinique médicale à l'Université de Montpellier.
En présence du merveilleux et des phénomènes occultes, qui passionnent tellement tout le monde à notre époque, les savants ont souvent une attitude trop dédaigneuse ou trop confiante : les uns haussent les épaules en souriant et refusent de discuter les expériences faites, les autres acceptent les résultats publiés en supposant trop facilement à tous les expérimentateurs la parfaite bonne foi et la science avertie qu'ils ont eux-mêmes.
Le docteur Grasset a essayé, dans son dernier livre, d'éviter ce double écueil. Il discute, très sérieusement et scientifiquement, sans jamais se moquer. Il sépare les théories et les faits, montre que les théories sont encore prématurées et réfute le spiritisme (évocation des esprits) et les radiations psychiques (peresprit, corps astral, biomètres).
Quant aux faits, il montre que les phénomènes occultes ne sont pas encore scientifiques, mais qu'ils peuvent le devenir : ils constituent le merveilleux préscientifique : l'occultisme peut ainsi être considéré comme la terre promise de la science.
Et, en fait, bien des phénomènes considérés hier comme occultes ne le sont plus aujourd'hui. Parmi ces faits actuellement désoccultés et devenus scientifiques, l'auteur passe en revue : le magnétisme animal et l'hypnotisme, les mouvements involontaires inconscients (tables tournantes, pendule explorateur, cumberlandisme avec contact), les sensations et la mémoire inférieures (fausses divinations, cristallomancie, réminiscences et faux jugements du psychisme inférieur), enfin l'association des idées et l'imagination inférieures (trances et romans des médiums).
Pour les faits qui restent encore occultes à l'heure actuelle et dont la démonstration expérimentale n'est pas encore faite, mais peut-être recherchée et espérée, il les divise en deux groupes : 1° faits dont la démonstration, si elle est possible, paraît en tous cas lointaine : télépathie et prémonitions, apports à grande distance, matérialisations de fantômes ; 2° faits dont la démonstration paraît moins éloignée et, en tous cas, doit être recherchée tout d'abord : suggestion mentale et communication directe de la pensée, déplacements voisins sans contact (lévitation et raps), clairvoyance.
Sur tous ces points, l'auteur expose les conditions que devront remplir les expériences de l'avenir pour établir scientifiquement l'existence, non encore démontrée, de ces faits.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Banquet de la Société d'hypnologie et de psychologie
Le banquet de la Société a eu lieu sous la présidence d'honneur de M. Mirman, directeur de l'Assistance au ministère de l'Intérieur, et la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière-
Autour du président avaient pris place : M. le Dr Méry, professeur agrégé à la Faculté de médecine ; M. le professeur Lionel Dauriac, vice-président de la Société ; M. le Dr Paul Magnin, vice-président ; M. le Dr Bérillon, secrétaire général ; M. le Dr Witry, de Trêves ; M. le Dr Fies-singer, membre correspondant de l'Académie de médecine.
Parmi les convives, nous devons citer : M. le Dr Germiquet (de Ro-mont, Suisse) ; M. le Dr Bahaddin Chakir Bey (de Constantinople) ; M. le Dr Emilio Rodriguez (de Buenos-Ayres) ; M. le Dr Spourgitis (d'Athènes) : M. le professeur Ubeyd-Oullah (de Constantinople) ; M. le DrPaul Farez, secrétaire général adjoint ; M. le Dr Raffegeau (directeur de la maison de santé du Vésinet) ; M. le Dv Plantier (d'Annonay) ; M. le Dr Hurtrel (de Saint-Léger Vauban) ; M. le Dr Mabille (de Reims) ; M. le Dr Bony (de Villeneuve-la-Garenne) ; M. le Dr Monod(de Grasse) ; M. le Dr Pamart ; M. le Dr de la Fouchardière ; M. le Dr Pottier, directeur de la maison de santé Picpus ; M. le Dr Montéuuis, directeur du sanatorium de Sylva-belle ; M. le Dr Fouineau, médecin adjoint du dépôt de la préfecture de police ; M. le Dr Dunaime ; M. le Dr Desandré ; M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets ; Mlle Mulot, directrice de l'Ecole des aveugles d'Angers ; M. Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée ; M. Lepinay, médecin vétérinaire : M. Louis Favre, professeur ; M. Blech, docteur en droit ; M. Combes, secrétaire général de l'Alliance scientifique universelle : M. Julien Ray, maitre de conférences à l'Université de Lyon ; M. le Dr Ch. Bonnet, directeur de la maison de santé Velpeau ; M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil ; M. le Dr Debrand ; M. le Dr Courtault, directeur des Tablettes Médicales : M. le Dr Félix Re-gnault, directeur de l'Avenir Médical, M. le Dr Saison-Lierval, M. le Dr Parrot, M. le Dr Boucart, M. le Dr Montambert, M. le Dr Rabant, M. Gallia, professeur.
Au dessert, M. le Dr Bérillon, secrétaire général, donne lecture de nombreuses lettres d'excuses et souhaite la bienvenue à nos collègues de la Société qui sont venus de l'étranger et de la province resserrer les liens qui doivent unir les membres de notre petite académie psychologique. Il montre que la Société a pour but essentiel de continuer des traditions qui, sans elle, ne tarderaient pas à tomber dans l'oubli. Ceux qui ont eu l'honneur et l'avantage de suivre les enseignements des Charcot, des Dumontpallier, et des Liébeault, ont le devoir de transmettre à de nouveaux disciples ce qu'ils ont appris à l'école de ces
grands maîtres. Ce qu'il y a de meilleur dans leur enseignement n'a pu être consigné dans des livres.
C'est par l'action, la mise en œuvre des méthodes et par la technique que se réalisent les phénomènes scientifiques. Si les doctrines scientifiques et les procédés expérimentaux ne se transmettaient pas par des démonstrations réelles, les enseignements les plus précieux ne tarderaient pas à disparaître. La recherche scientifique ne serait plus guère qu'un perpétuel recommencement. C'est pour cela que les hommes de science doivent se réunir et constituer un bien commun des résultats de leurs études personnelles. C'est là le but auquel ne faillira pas la Société d'hypnologie et de psychologie. Grâce à elle, la tradition de l'hypno-tisme scientifique s'est continuée et les efforts des grands médecins psychologues ne seront pas perdus.
M. le Dr Jules Voisin, président, porte un toast aux membres du bureau de la Société et à tous leurs collaborateurs. M. le Dr Paul Magnin lève son verre en l'honneur du président de la Société. M. le professeur Lionel-Dauriac ; M. le professeur Mery ; M. le Dr Bahaddin Chakir Bey (de Constantinople) ; M. le Dr Montéuuis, de Sylvabelle, prononcent ensuite des allocutions très applaudies.
Programme de la section de pédagogie au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences
Reims, !•' août 1907.
Le congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences se tiendra à Reims, du 1er août au 7 août 1907.
Les travaux de la section (pédagogie et enseignement) auront lieu au Lycée, sous la présidence de M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés, professeur à l'Ecole de psychologie. Ils seront répartis de la façon suivante :
Jeudi 1er Août : Le matin : séance d'ouverture du congrès, sous la présidence de M. le professeur Henrot.
Dans l'après-midi, à 1 h. 1/2 : réunion de la section pour la constitution du bureau et l'organisation du programme définitif. (Visite aux établissements d'enseignement, aux laboratoires, etc.).
Le soir : réception offerte par la municipalité et le comité local. Vendredi 2 Août : Le matin à 9 heures : questions à l'ordre du jour : La paresse et la mollesse chez l'enfant — L'adaptation de l'organisme au travail : Rapporteurs : Dr Witry (de Trêves) et Dr Bérillon.
Les colonies de vacances et les voyages scolaires ; Rapporteurs : M. André, inspecteur primaire à Reims et Mlle Géhin, directrice de l'Ecole normale de Bar-le-Duc. Dans l'après-midi, à 1 h. 1/2 : communications diverses. Visites scientifiques.
Samedi 3 Août : Le matin à 9 heures : question à l'ordre du jour : Les enfants indisciplinés. — Procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables : Rapporteurs : M. le Dr Bériilon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés ; M. le Dr Jules Voisin, médecin en chef de la Salpétrière ; M. le Dr Hurtrel, directeur de l'Institut sanitaire de Saint-Léger-Vauban. Dans l'après-midi : visite aux vignobles de Vergenay et d'Epernay.
Dimanche 4 Août : Excursion générale à Laon et au château de Coucy.
Lundi 5 Août : Le malin à 9 heures : question à l'ordre du jour : L'enseignement scientifique, professionnel et agricole dans les casernes : Rapporteurs : MM. Julien Ray, maître de conférences à l'Université de Lyon, et Moreau-Bérillon, professeur spécial d'agriculture à Reims. Dans l'après-midi, à 1 h. 1/2 : Travaux de la section et visites scientifiques.
Le soir : Banquet de la section, sous la présidence de M. Mardi 6 Août : Le matin à 9 heures : questions à l'ordre du jour : La refonte des programmes de l'enseignement primaire, par M. le Dr Beauvisage, professeur à l'Université de Lyon. — Organisation de l'enseignement supérieur-—L'autonomie des facultés et écoles de médecine, par M. le Dr Leredde. Dans l'après-midi : Assemblée générale de clôture. Mercredi, Jeudi, Vendredi : Excursion finale : Charleville, la vallée de Semoy, la vallée.de la Meuse, Dinant, les grottes de Han.
Communications déjà inscrites :
(Les communications diverses seront, autant que possible, faites à la suite des questions mises à l'ordre du jour auxquelles elles se rattachent.)
Dr Spehl, professeur à l'Université de Bruxelles : La nécessité de la culture physique pour les étudiants à l'Université.
Dr Félix Reonault : Les anormaux dans l'antiquité (étude et iconographie).
Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière : L'émulation scolaire : élude comparative des procédés capables de la favoriser.
Mlle Gehin, directrice de l'Ecole normale de Bar-le-Duc : Le rôle de l'alimentation dans la production du travail scolaire.
M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil (Seine) : Le travail manuel dans l'éducation des arriérés.
M. Desnoyers : Les variations de l'écriture à travers les âges (avec projections).
Dr Mabille (de Reims) : La préservation scolaire de la tuberculose.
M. ANDRÉ, inspecteur primaire à Reims : L'enseignement de l'histoire
et de la géographie régionale à l'école primaire.
D R BÉRILLON : Examen médical et psychologique d'un enfant anormal
; les éléments fondamentaux du diagnostic et du pronostic
(avec projections).
M. GUENON, vétérinaire principal de l'armée : La pédagogie hippique.
— Les lois psycho-physiologiques du dressage.
M . le D R WITRY (de Trêves) : Les établissements pour enfants anormaux
en Allemagne..
M"* MULOT, directrice de l'Ecole des jeunes aveugles à Angers : Procédés
d'enseignement contre le surmenage scolaire.
Professeur UBEVD ODLLAH (de Constantinople) : L'Islam et la pédagogie
musulmane.
D R NICOLAS (de la Bourhoule) : La langue internationale au point de
vue mnémotechnique.
Mlle Alice BÉRILLON (du lycée Racine ; : Une grande éducatrice anglaise
: Miss Beale {de Cheltenham).
D'GAGNIÈRE Ide Lyon) : Prophylaxie de l'arriération mentale par l'alimentation
lactée.
etc., etc.
Avis important. — Les membres de l'enseignement sont invités à
collaborer aux travaux de la section. Il n'est pas nécessaire d'être membre
de l'Association pour prendre part aux discussions et faire des communications
au congrès.
La session du Congrès de l'Association française à Reims présente
une occasion essentiellement favorable aux membres des divers ordres
d'enseignement. Elle leur permet ainsi qu'aux professeurs des écoles
spéciales, professionnelles ou techniques, de se réunir et de délibérer en
commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe
la délicate mission de former des générations futures.
Le banquet de clôture aura pour but de resserrer les liens de sympa
thie qui doivent unir tous les membres de l'enseignement.
Adresser les demandes de renseignements à M. le D ' Bérillon, président,
4, rue Castellane, Paris.
Léthargie persistante chez un adulte depuis vingt-sept mois à la suite d'un traumatisme de la tête.
M. Eulenburg rapporte dans la Médical Klinish (21 Oct. 1906), l'observation d'un employé de bureau âgé de quarante-cinq ans, qui, faisant un faux pas, tomba et alla se heurter la nuque contre une pierre. Perte de connaissance, violents maux de tète, somnolence, puis, après trois jours, le malade tombe dans un sommeil qui dure depuis vingt-sept mois. Le sujet est dans l'immobilité complète, il ressemble à une statue de cire et, seule, la respiration montre qu'il est encore en vie. Malgré de
M. André, inspecteur primaire à Reims : L'enseignement de l'histoire et de la géographie régionale à l'école primaire.
Dr Bérillon : Examen médical et psychologique d'un enfant anormal ; les éléments fondamentaux du diagnostic et du pronostic (avec projections).
M. Guenon, vétérinaire principal de l'armée : La pédagogie hippique. — Les lois psycho-physiologiques du dressage.
M. le Dr Witry (de Trêves) : Les établissements pour enfants anormaux en Allemagne..
M"* Mulot, directrice de l'Ecole des jeunes aveugles à Angers : Procédés d'enseignement contre le surmenage scolaire.
Professeur Ubevd Odllah (de Constantinople) : L'Islam et la pédagogie musulmane.
Dr Nicolas (de la Bourhoule) : La langue internationale au point de vue mnémotechnique.
Mlle Alice Bérillon (du lycée Racine ; : Une grande éducatrice anglaise : Miss Beale {de Cheltenham).
D'Gagnière Ide Lyon) : Prophylaxie de l'arriération mentale par l'alimentation lactée.
etc., etc.
Avis important. — Les membres de l'enseignement sont invités à collaborer aux travaux de la section. Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour prendre part aux discussions et faire des communications au congrès.
La session du Congrès de l'Association française à Reims présente une occasion essentiellement favorable aux membres des divers ordres d'enseignement. Elle leur permet ainsi qu'aux professeurs des écoles spéciales, professionnelles ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former des générations futures.
Le banquet de clôture aura pour but de resserrer les liens de sympa thie qui doivent unir tous les membres de l'enseignement.
Adresser les demandes de renseignements à M. le D' Bérillon, président, 4, rue Castellane, Paris.
nombreuses tentatives, on ne peut le réveiller ; il faut l'alimenter artifi-ciellement : toutefois, il avale bien les aliments. Les yeux restent fermés, il est impossible de les ouvrir en raison du spasme des muscles orbiculaires ; exagération des réflexes tendineux, diminution ou abolition des réflexes cutanés, intégrité des fonctions des sphincters ; le fond de l'œil reste normal. Dans les antécédents du sujet, une hérédité névro-pathique très prononcée ; dans les antécédents personnels, une diminution de la mémoire, une tendance à la somnolence, des préoccupations morales ; car, au moment de l'accident, le malade était menacé de poursuites judiciaires. Cet homme n'avait pas présenté de manifestations d'hystérie et, cependant, c'est à l'hystérie qu'il faut attribuer sa somnolence comme le prouvent le blépharospasme, le bon fonctionnement des sphincters et l'état des réflexes.
Vespaslen thaumaturge.
« Pendant les mois que Vespasien passa à Alexandrie, dit Tacite (Hist., IV, 81), plusieurs prodiges arrivèrent par ou se manifesta la faveur du ciel et l'intérêt que les dieux semblaient prendre à ce prince. Un homme du peuple, connu pour avoir perdu la vue, se jette à ses genoux, et implore en gémissant un remède à son mal, conjurant l'empereur de daigner lui humecter les joues et les yeux avec sa salive. Un autre, perclus de la main, demandait à César de la lui fouler avec son pied. Vespasien les repoussa d'abord avec moquerie. Comme ils insistaient, le prince hésita, partagé entre le ridicule d'une crédule présomption et les flatteuses exhortations des courtisans. Enfin, il ordonne aux médecins d'examiner si ces estropiés étaient curables par des moyens humaine. Les médecins, après consultation, répondent que la force visuelle n'était pas éteinte dans les yeux de l'aveugle et reviendrait si on écartait l'obstacle ; et que la main de l'autre, déviée, pouvait être rétablie par une salutaire pression ; que peut-être c'était la volonté des dieux et qu'ils avaient choisi le prince pour ce ministère.....Alors Vespasien, au milieu d'une ioule attentive, exécute ce qu'on lui demande. A l'instant, la main du paralytique recouvre sa fonction et le jour brille aux yeux de l'aveugle. Des témoins oculaires racontent encore ces deux prodiges, aujourd'hui que le mensonge est sans intérêt. »
On ne saurait nier la singularité et la forme biblique de ce récit surprenant chez Tacite, l'historien le plus méfiant de l'antiquité, qui tempère tout ce qu'il raconte de prudentes réserves : « incerturn. an, dubium an... » Les derniers mots témoignent, du reste, de son sens critique. Il semble qu'on ait affaire ici à un double cas de suggestion, chose très vraisemblable, étant donné qu'il courait sur Vespasien une foule de prophéties bien propres à frapper l'imagination populaire.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.Paris, Imp.A. Quelquejeu, rue Gerbert,10
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET ?HERAPEUTIQUE
22e Année. — N° 2. Août 1907.
BULLETIN
Les maîtres de l'hypnotisme : Le D' Otto Wetterstrand (de Stockholm).
Le Dr Otto Wetterstrand, de Stockholm, appartenait à la brillante pléiade des médecins psychologues qui, s'inspirant des travaux du maître Liébcault, se sont adonnés à l'enseignement et à la pratique de l'hypnotisme. Depuis 1890, époque à laquelle, au lendemain du premier congrès de l'hypnotisme, il avait publié son livre sur l'Hypnotisme et ses applications à la pratique médicale, il était devenu un des collaborateurs de cette Revue.
J'avais eu le plaisir de le rencontrer chez le professeur Forel, à Zurich, et nous n'avions pas tardé à reconnaître que nous avions sur l'hypnotisme et la psychothérapie des idées absolument communes. J'espérais avoir, quelque jour, l'occasion de le visiter à Stockholm et d'acquérir de lui quelques enseignements, car sur le terrain de la pratique hypno-thérapique, il ne connaissait pas de rival. En juin 1892, notre éminent ami, le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam, était allé le voir à Stockholm et à son retour il consigna ses impressions dans une étude fort intéressante intitulée : Liébeault et son école- Nous ne pouvons mieux faire que d'en rapporter les passages les plus saillants :
« Wetterstrand, dit-il, est un homme de taille moyenne, blond, commençant à grisonner, aux yeux bleus. L'ovale de son visage, traversé de moustaches blondes, une fossette au menton, impriment de la douceur et de l'énergie, en même temps, à sa physionomie. Il a le tic de fermer à chaque instant ses paupières à demi comme le font les myopes quand ils visent au loin. Son parler est doux et persuasif.
L'appartement servant de policlinique, se compose de trois pièces communiquant entre elles par des portes brisées, un tapis rouge foncé, très épais, couvre le parquet et éteint le bruit des pas. L'ameublement est celui d'un salon, mais d'un salon surchargé d'une grande variété de fauteuils, de sofas, de chaises longues, de canapés. Par ci, par là, un paravent devant servir à isoler quelques malades. De deux à quatre heures de l'après-midi, ce salon ne désemplit pas. C'est un va-et-vient continuel de malades, on entre, on s'installe, on reçoit la suggestion et on part à son heure. Tout se fait à voix basse : on n'entend qu'un chuchotement, un léger ronflement, une chaise qu'on déplace, le froufrou d'une robe. Le docteur se multiplie, il sait trouver le temps d'endormir,
de suggestionner, de réveiller dans ce couple d'heures de trente à quarante malades. Dans la matinée ou dans la soirée, Wetterstrand voit ses malades en ville, ceux qui sont traités à domicile, leur état ne permettant pas de se déplacer et ceux qui sont soumis au sommeil prolongé. Cette visite, concluait le Dr Van Renteghem, m'a laissé l'impression ineffaçable que la psychothérapie, telle que la comprend et la pratique le Dr Wetterstrand, est une branche de l'art de guérir appelée, dans un avenir peu lointain, à révolutionner la médecine. »
Welterstrand, en effet, n'était pas de ceux qui pratiquent une psycho-. thérapie faite de verbiage et de prédication prétentieuse, riche en lieux communs. Sa méthode repose sur une forte doctrine, dérivée directement des enseignements de Liébeault. Il considère toujours que l'hypnotisme et le sommeil provoqué constituent la base fondamentale de toute psychothérapie méthodique. Pour le bien marquer, le nom de thérapeutique hypno-suggestive par lequel il désignait sa méthode indique assez nettement son opinion. Pour lui, le sommet ! hypnotique n'était pas autre chose que le sommeil naturel avec, en plus, l'état de rapport avec l'hypnotiseur. Il ne considérait pas que la suggestion, à l'état de veille, puisse exercer la moindre influence sur les troubles fonctionnels, car à ses yeux le sommeil jouait le principal rôle dans ses cures, aussi il ne négligeait rien pour en prolonger la durée pendant plusieurs semaines. Sa méthode a été décrite dans la Revue de l'hypnotisme.
Son livre avait été publié en anglais par notre collègue de Boston, le Dr Henrick Petersen, de Boston, et cette traduction lui avait valu une grande notoriété aux Etats-Unis.
Le Dr Wetterstrand ne négligeait rien pour instruire les confrères qui voulaient s'initier à la connaissance de ses procédés et il avait conquis les sympathies de tous ceux qui l'avaient approché. Nous n'entrerons pas aujourd'hui dans le détail de toutes les contributions apportées par lui à l'étude de l'hypnotisme. Avec lui disparait un maître éminent de l'hypnotisme et un des meilleurs continuateurs de Liébeault.
Dr Bérillon.
Lois de suggestion appliquées au costume militaire
par M. le capitaine Michel (suite et fin)
Influence de la couleur.
A toutes les conditions de ligne et de forme, s'ajoute un troisième facteur, d'une importance considérable et dont le rôle est prépondérant dans tout choix d'uniforme, nous voulons parler de la couleur.
Depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, il a été de règle de voir les guerriers revêtus de couleurs éclatantes, voyantes,
brillantes, même lorsque la population paisible, non combattante, portait des vêtements ternes, aux couleurs neutres ou effacées.
Aujourd'hui encore, bien que la simplicité soit de mise, on ne se figurerait guère un soldat vêtu complètement de gris ou de brun de la tète aux pieds.
Un tel habillement produirait une impression désagréable de tristesse, d'absence de mouvement, de non combativité !
C'est là un écueil qu'il faut éviter lorsqu'il s'agit de costumer les hommes qui doivent concourir à la défense nationale.
Les guerres lointaines ont fait adopter un peu partout de ces vêtements à couleurs neutres. Les Anglais notamment, en gens pratiques, en font un usage constant aujourd'hui, dans la métropole aussi bien qu'aux colonies. Mais ils n'ont pu s'affranchir entièrement des lois de la couleur et ils ont relevé leur tenue khaki par des ornements en métal ou en draps de tons voyants, le rouge généralement. De plus, la coupe particulièrement soignée d'une vareuse à soufflets, admirablement adaptée au corps de l'homme, avec l'agencement fort ingénieux des courroies fauves de l'équipement, dans lequel tous les principes de la frette et du contreventement ont été rigoureusement observés, rachètent en grande partie ce qu'il peut y avoir de défauts partiels dans le coloris.
L'emploi de la couleur dans la tenue militaire doit être subordonnée à trois principes fondamentaux, correspondant à la division en trois groupes, des couleurs essentielles :
1° Le groupe des couleurs vibrantes, à effets ascendants, à action gaie — couleurs d'excitation ;
2° Le groupe des couleurs à effets calmes et descendants, à tendances tristes — couleurs de calme ;
3° Le groupe des couleurs d'équilibre, c'est-à-dire sans action déterminée, à effets nuls — couleurs de neutralité, ou, dans certains cas, d'accompagnement.
Les couleurs simples, base de toutes les lois de suggestion des couleurs, sont, elles aussi, au nombre de trois :
Le rouge, le bleu, le jaune.
Le rouge est la couleur la plus vive, celle qui possède le plus de propriétés vibrantes pour l'œil. Elle détermine l'excitation, et l'expérience faite dans les ateliers de la maison Lumière pour la fabrication de certains produits nécessitant un éclairage rcuge, démontre cette propriété très curieuse d'excitation nerveuse : les ouvriers employés dans les ateliers à coloration rouge deviennent irritables, surexcités, et on ne peut les maintenir dans cette coloration ; il a fallu rechercher un autre couleur pratique pour la fabrication, tout
en étant moins dangereuse pour l'état général des individus qu'elle réclame.
Les propriétés de la coloration rouge furent' bien connues des Egyptiens qui surent en faire un emploi raisonné. Nous pouvons nous-mêmes les constater par l'impression exercée sur certains animaux. La vue du sang produit le même effet. L'excitation rouge peut donc aller jusqu'à déterminer chez l'homme, aussi bien que chez l'animal, des fureurs et des violences. Le rouge a été le plus souvent l'emblème des peuples soulevés, et il est à remarquer que jamais cette couleur n'a été maintenue après le résultat final, triomphe ou défaite, de l'effort.
A l'époque romaine, le drapeau rouge dut se faire harmonique et perdre sa brutalité en s'alliant aux ors, c'est-à-dire aux tons jaunes qui donnent des effets d'accompagnement plus doux.
En résumé, c'est la coloration rouge qui représente à elle seule le groupe des couleurs d'action vibrante, à excitation. Le deuxième groupe, celui qui donne la note dominante de calme, comporte avant tout la couleur bleue. Le bleu, couleur du ciel et de la mer, donne bien cette impression de calme, de repos, de tranquillité, qu'on ne saurait trouver dans un ciel rouge, toujours un peu inquiétant.
Le vert, couleur des plantes, accentue encore cette note en y ajoutant un complément de tristesse. On ne pourrait pas, par exemple, se représenter l'infinie douceur bleue du firmament remplacée par un vert uniforme. Une pareille note serait profondément triste, insupportable aux yeux.
Dans la nature, la végétation apporte dans ses feuilles, tiges, herbes, une telle variété de tons, une telle gamme de nuances, que le sentiment triste se trouve considérablement atténué et dominé par une sensation reposante.
La couleur jaune est, elle, une couleur d'accompagnement, destinée à souligner la note excitante du rouge ou calmante du bleu ; elle peut être remplacée par les ors.
Le rouge, le bleu, le jaune, employés comme couleurs à effets de composition, doivent être francs. Les tons orange, amaranthe, violet, indigo, n'offrent que des caractères intermédiaires. L'argent joue le rôle du blanc avec des effets métalliques plus actifs. Le vert est une note trop triste.
Nous avons enfin les couleurs d'équilibre, c'est-à-dire sans action propre, le noir et le blanc, ainsi que toutes les couleurs neutres. Ces dernières ont, cependant, une tendance à la tristesse (khaki, havane, gris variés) et demandent à être relevées.
Toutes ces couleurs jouent un rôle non moins important que celui des tons à effets déterminés, puisque l'emploi unique des uns ou des autres produirait des effets exagérés qui sont à rejeter absolument.
Voit-on un homme uniformément habillé de la tête aux pieds de rouge, de bleu ou de noir ?
Les soldats bavarois, entièrement bleus, ont quelque chose de fade, de peu guerrier, que le rouge du col, des parements et des passe-poils ne suffit pas à racheter.
Notre pantalon rouge n'est pas d'un heureux choix au point de vue du rôle de suggestion des couleurs, car il détourne trop l'attention de la partie supérieure du corps. Seules les bandes bleues et surtout la bande noire, corrigent quelque peu ce défaut.
Chez les Anglais, la tunique rouge, laquelle n'est plus d'ailleurs qu'un vêtement de parade, dépasse le but par sa crudité. Elle a vu ses effets atténues d'une part, soulignés de l'autre, ce qui est l'important, par des cols, des parements, des pattes d'épaules de couleurs différentes.
Nous n'en dirons pas autant des culottes de nos zouaves ou des vestes rouges de nos spahis. Ici, nous avonsaffaire à l'Orient, patrie de la couleur, patrie aussi de l'inaction fataliste. Comme les Egyptiens et les Grecs, les Orieptaux surent merveilleusement harmoniser leurs costumes avec le fond lumineux de leur ciel d'un bleu intense, les perspectives rouges et brûlantes de leur pays de sable, celles de leurs cités blanches. Ils surent rendre le costume impressionnant par la façon de le détacher sur un fond : admirable observation d'une loi de contraste et d'effets complémentaires. C'est pourquoi, dans nos pays d'Europe aux couleurs plus ternes, sur lesquelles rien ne tranche aussi vigoureusement, nos zouaves paraissent tant dépaysés.
Le contraste joue en matière de couleurs un rôle des plus importants, et il est, en art, un principe disant qu'un ton n'est rien par lui-même, mais qu'il se modifie par le voisinage des autres tons.
Dans la composition des vêtements de guerre, l'observation des lois de couleurs est chose essentielle, et il est d'ailleurs possible de citer des exemples de cas où l'on a suivi ces lois, d'intuition. C'est ainsi que les gendarmes, qui doivent dans les circonstances critiques donner l'exemple du calme et du sang-froid, qui doivent toujours et partout savoir maîtriser l'excitation, sont revêtus de couleurs à dominante de calme et d'équilibre. Pantalon bleu à bande noire ; tunique et col noirs, trèfles et aiguillettes blanches avec accompagnement de boutons d'argent. Une seule note rappelle qu'ils peuvent, eux aussi, devenir combattants en temps de guerre : les passepoils et les parements rouges.
Un exemple encore : dans la cavalerie, les trompettes portent des crinières rouges à leurs casques. Ne sont-ils pas particulièrement chargés, par leurs sonneries, d'exciter au combat. Ils ne sabrent pas, ils sonnent la charge, donc rouge, couleur de feu, d'action vibrante, à placer sous les yeux des autres cavaliers.
Quelle que soit la couleur du fond de l'uniforme que nous puissions un jour adopter, gris bleu, gris de fer, havane, cachou ou verdâtre, il sera essentiel de donner du rouge aux combattants : coiffure, col, épaulettes, parements, bandes.
Alors seulement nous aurons fait un costume de caractère.
Aujourd'hui, par exemple, le col blanc des dragons, le col bleu des hussards, ce dernier ajoutant encore à la mièvrerie d'une couleur bleu de ciel qui n'est même plus rehaussée et corrigée par des brandebourgs, sont loin d'avoir l'aspect combatif du col rouge des cuî- rassiers et des artilleurs.
Les parements nus de nos capotes et de nos vestes, sans effet de couleur ou de métal, ne produisent pas, eux non plus, l'impression que fait une manche vigoureusement soulignée..
Nous en trouvons la preuve dans l'effet du moindre galon de laine rouge sur la manche bleue de nos soldats. Les galons de métal donnent un effet métallique de moindre portée, mais non à dédaigner. Ceux en pointe ont, en plus de leur couleur, une direction d'angle aigu extrêmement combative.
Dans l'armée allemande on vient de commencer l'essai d'une nouvelle tenue pour toute l'infanterie (avril 1905).
S'inspirant de l'importance de la question de visibilité, mise en relief par les enseignements de la guerre de Mandchourie, on y remplace le drap bleu foncé ou noir du pantalon et de la tunique par une couleur gris clair à teinte verdâtre.
Les parements et le col de couleur rouge (ce dernier diminué d'un demi-centimètre) et les boutons de métal, sont maintenus.
Les Allemands ont donc sacrifié aux lois de suggestion l'invisibilité totale qui eût été obtenue en supprimant complètement le rouge et le métal. Ils restent ainsi fidèles à une vieille locution de chez eux : « Zweierlei Tuch tragen » (porter deux sortes de drap) par laquelle on désigne le militaire distingué par là du civil.
Résumons-nous : Le bleu servira dans la composition des costumes des troupes chargées de faire respecter les lois avec, comme par le passé, quelques indications de rouge pour la fonction éventuelle de guerre. Cette dernière couleur sera proscrite, autant que possible, de l'uniforme du non combattant.
Il faut en tous cas éviter les effets de la note noire absolue, et,
surtout, du blanc et du noir : effets de destruction et de mort. Qu'y a-t-il de plus sinistre que le blanc et noir des hussards de la mort ou des chasseurs noirs de Lützow (ex-infanterie de Brunswick, disparue depuis quelques années).
Voit-on ces hussards noirs et blancs, vrais squelettes animés et fantômes tout à la fois, chargeant sur le champ de bataille ; quelle impression sombre de dévastation ! Il ne leur manquerait plus que le silence pour donner l'idée d'une macabre chevauchée de revenants.
Il n'y a plus là une note idéale d'action, capable d'entraîner, d'enthousiasmer les masses ; on ne voit plus dans l'union triste de ces tristes couleurs que la lutte désespérée ou la tuerie froidement calculée.
Avant de terminer cette étude, il nous reste à dire quelques mots de l'emploi du métal dans l'uniforme. Nous avons eu l'occasion de parler des effets puissants de « boulonnement » produits par l'emploi de boutons métalliques dans le vêtement, soit comme système de fermeture, soit sur les parements ; nous connaissons les effets des galons sur les manches et sur la coiffure et le sens nettement agressif des galons disposés en pointe...
Le métal trouve aussi son emploi dans la composition de la coiffure, soit par les attributs, cimier, jugulaires, etc., soit par la bombe elle-même et sa visière ; puis nous trouvons la plaque du ceinturon, en métal également, ainsi que différentes parties métalliques dans l'équipement.
Mais à côté de l'homme, il y a l'armement, canon, fusil ou sabre.
Le métal, par sa dureté, contient, comme la matière osseuse, une indication de résistance et de force ; nous retrouvons donc là une des formes extérieures de rappel de l'ossature, du squelette.
Or comme pour l'emploi des couleurs, il faut avant tout éviter l'excès, la saturation. Le moyen d'y parvenir consiste à établir une proportionnalité entre l'engin meurtrier métallique et la quantité de métal employé dans le costume de ceux qui le manient.
Ainsi l'uniforme de l'artilleur, lequel accompagne des tubes métalliques de tous calibres, doit-il comporter moins de métal que celui du fantassin, dont l'arme se compose de plus de bois que d'acier.
Il faut que dans l'association de l'homme et de l'outil, il y ait production complète d'harmonie. On augmentera ainsi les effets d'intensité de composition qui ne sont pas à dédaigner. C'est si l'on veut l'observation pure et simple des lois de contraste. Dans toute création d'uniforme il y a donc une question intéressante dont on pourrait tenir compte, c'est celle qui a trait à ce que nous pourrions appeler la « métallisation » du costume.
La couleur adaptée à la fonction, tout est là ; c'est de ce côté qu'il faut chercher, avec la ligne et la forme, l'harmonie complète.
Quand on aura su affirmer le caractère dans le costume, nos hommes comprendront mieux que par le passé pourquoi et comment ils sont ainsi habillés.
Ils ne produiront plus sur la population cette impression d'incomplet, de décousu, cette sensation inexprimable de déshabillé, de lâché, de vague malaise parfois.
Le soldat qui se sentira bien habillé aura une allure plus dégagée, plus militaire, et sa vue inspirera un sentiment plus entier de confiance en l'avenir.
Il y aurait encore bien des choses à dire sur un pareil sujet. Nous n'avons réuni pour le moment que quelques données essentielles et notre étude est loin d'être complète.
Ce que nous avons essayé de démontrer, c'est que, si autrefois les hommes surent intuitivement se composer des vêtements de guerre appropriés à cette fonction, les raisons les plus diverses ont depuis fait reléguer dans l'oubli les lois d'instinct qui présidèrent à leur création, et on leur a substitué des costumes choisis arbitrairement, sans règles bien précises, au hasard de la fantaisie le plus souvent.
Dans les temps récents, la juste préoccupation d'hygiène est venue s'ajouter à toutes ces causes de trouble dans l'adaptation naturelle du vêtement au but poursuivi.
Or, puisque les lois de suggestion de la ligne, de la forme et de la couleur existent très réellement, puisqu'elles ont été suivies spontanément, toutes les fois que l'histoire, les mœurs, les caractères, les goûts ne sont pas intervenus pour enlever à l'intuition, à l'éducation naturelle, l'observation de leurs principes, puisque ces lois sont soumises à des règles précises, simples, faciles à déterminer, il n'y a qu'à recourir à elles d'une façon définitive.
On remplacera alors le sentiment en quelque sorte inconscient, par l'application raisonnée.
Allier aux modèles d'uniformes des époques où l'on sut faire la guerre, avec l'intuition de la guerre, — comme il y a cent ans — des modèles nouveaux où se retrouveraient à la fois le trappeur, le chasseur et le touriste — ces hygiénistes incontestés — voilà la voie tracée pour l'avenir !
Le retour dans l'habillement du soldat à quelques données anciennes, dans la mesure compatible avec les procédés de campagne modernes et conformes aux conditions d'hygiène exigées pour les grosses années actuelles, sans exclusivisme d'aucune sorte, est un curieux essai à tenter, avec des résultats certains.
Elever le moral de l'homme est notre tâche la plus belle, la première de toutes ; elle ne doit pas empêcher de songer à doter le citoyen-soldat des moyens les plus perfectionnés et les plus complets pour défendre sa patrie.
La question d'habillement est une des pierres de l'édifice ; les lois de suggestion donnent le moyen de la perfectionner.
Il ne faut cependant pas oublier que toutes ces lois ne vaudront jamais ce que les éducateurs, civils et militaires, auront su mettre dans le cœur et dans le cerveau ; mais ce n'est pas une raison pour en méconnaître l'importance dans les recherches qui ont pour but de perfectionner les uniformes.
Les « Mucker » de Kœnigsberg
par M. le Dr Witry (de Trèves).
Un jour un prêtre vint me trouver en me priant de recevoir en consultation une de ses ouailles, qui, d'après lui, présentait des signes de dérangement cérébral. La seule indication qu'il crut pouvoir me donner sur l'état de la malade fut qu'elle lui adressait au confessionnal des propos galants sous une forme à peine déguisée.
Je reçus la visite de la malade ; c'était une jeune fille très bien élevée, très mystique. Elle avouait franchement qu'un jour elle s'était laissé aller à faire une petite déclaration d'amour à son confesseur en termes voilés. Un examen prolongé me fit découvrir que j'avais affaire à une hystérie et que cette confession sentimentale avait eu lieu sous l'influence suggestive d'une lecture faite le jour même de la confession. La jeune personne me confia le livre. Il s'agissait d'un livre anglais, signé Dixon et intitulé Spiritual wives. C'est une étude très développée, en style romanesque, de quelques épidémies éroto-religieuses. Celle qui avait le plus vivement influencé ma malade était le roman des Mucker de Kœnigsberg en Prusse. Voici, à grands traits, ce que fut cette épidémie psychique qui sévit vers 1835 dans le meilleur monde de la ville universitaire prussienne. Les acteurs du drame furent nommés Mucker, ce qui veut dire : piétistes, mystiques avec une nuance spéciale due au protestantisme. Le héros principal fut le pasteur protestant Ebel, un jeune homme d'une grande beauté, d'une éloquence fleurie et d'un profond quiétisme. Les autres acteurs appartenaient à la haute aristocratie prussienne : le comte Kanitz et sa femme, le comte de Finkenstein et sa femme entre autres. Mais l'université de Kœnigsberg compta aussi deux de ses professeurs parmi les assidus de ces réunions funambulesques ;
les professeurs Olshausen et Sachs, l'un théologien, l'autre médecin. La doctrine du pasteur Ebel, qui était marié, se basait sur des idées chiliastes. D'après lui, le règne personnel de Jésus-Christ devait commencer en 1836. D'ailleurs il fut constaté par une inspiration extatique de la comtesse Kanitz que Ebel lui-même-était la réincarnation du Christ. Ebel accepta le titre et créa une hiérarchie ainsi que des cérémonies pour le nouveau règne à venir. Il était naturellement à la tête ; suivaientn, une jeune veuve d'une rare beauté et d'une intelligence rem alors ses trois compagnes : la première, la comtesse Ida Groebearquable mais noyée dans le mysticisme ; elle était, d'après Ebel « la lumière ». La deuxième femme était la comtesse de Salken, une jeune fille très élégante et très fine : elle représentait « l'obscurité ». La troisième était la propre femme d'Ebel, dont il ne faisait pas grand cas. Elle représentait pour lui « la nature qu'on embrasse ». Suivaient alors par rangs hiérarchi-ques, les professeurs, d'autres comtes et princes, des officiers, des membres du gouvernement, des juges, etc., tous avec leurs femmes, une société digne d'être décrite par Huysmans.
Ebel organisait pour ses fervents des réunions où tous ces protestants se confessaient à voix haute. Mais on ne confessait qu'un péché : la fornication par la pensée. Celui ou celle qui s'accusait dans ce sens des péchés les plus extravagants était regardé comme le plus inspiré et préféré par la divinité.
Une autre cérémonie qu'on pratiquait dans ces conciliabules fut « le baiser séraphique » emprunté à la basse prostitution. D'ailleurs l'imagination d'Ebel était fertile à inventer de nouvelles cérémonies de purification pour ses adeptes. Entres autres il fut prescrit qu'à chaque réunion les dames, mariées ou non, devraient découvrir et offrir à la vue des fidèles présents leurs plus intimes attraits et ce. d'après Ebel, pour que la vue de ces belles choses endurcit les hommes à subir de pareilles contemplations sans que fût éveillée en eux la moindre sensualité. Quand le grand-prêtre Ebel prenait son bain, il avait toujours 10 femmes du grand monde autour de lui, lesquelles le servaient en costume d'Eve.
Le nouveau culte des Mucker dura de longs mois. Mais le public connut le caractère érotique de ces cérémonies. Les étudiants de l'Université s'émurent d'abord : ils organisèrent des monômes et conspuèrent le pasteur Ebel, ainsi que les deux professeurs de l'Université. Vinrent ensuite le consistoire de l'église protestante et le gouvernement. Ebel fut écroué et on lui fil son procès ; il fut condamné à une peine correctionnelle de 6 années. Mais ses idées et le culte qu'il avait organisé durèrent encore pendant quelques années
malgré tous les efforts des orthodoxes et de la police. Quand Ebel sortit de la maison correctionnelle, il trouva a la porte une femme qui l'attendait depuis sa détention pour vivre avec lui jusqu'à sa mort qui survint en 1861 dans un village perdu du Wurtemberg : c'était la jeune et belle comtesse Ida Groeben. Elle croyait en lui comme Madeleine dans le Christ. Et, notez-le bien, c'était une femme d'intelligence, de caractère, comme le raconte le professeur de médecine Sachs dans son traité de réhabilitation des Mucker de Kœnigsberg. Voilà les faits dans toute leur brutalité.
Comment s'expliquer maintenant ces pratiques éroto-religieuses chez des gens d'éducation parfaite, de grande instruction et de rang social érevé, pratiques erotiques qu'on rencontre d'ordinaire chez les prostituées et les dégénérés inférieurs ? Quant au fondateur de la secte, le pasteur Ebel, j'incline à lui accorder, pour le début de ce mouvement religieux, des idées mystiques. Mais pour le reste des cérémonies et pour le développement du culte, il ne faut voir en lui que le mâle sensuel qui se crée un harem de belles dames de la haute aristocratie.
Ce qui est très intéressant à remarquer dans ces harems, c'est qu'il n'y avait jamais de scène de jalousie entre ces femmes accoutumées depuis des générations à la monogamie. Ce trait est surtout, caractéristique pour la comlesse Ida Groeben. Elle a une foi mystique et imperturbable dans le prophète ; elle voit en lui le nouveau Messie jusqu'à sa mort. La domination psychique d'Ebel sur cette femme ne chancelle pas un moment.
Il n'y a qu'une chose qui puisse nous expliquer ce mouvement religieux, lequel, d'ailleurs, renaît tous les jours en petits îlots dans les effluves religieux qui s'échangent, entre le confesseur et ses ouailles ; c'est la suggestion.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 21 mai 1907. — Présidence de M. le Dr Voisin.
Considérations sur l'éducation des aveugles
par Mlle Mulot, Directrice de l'Ecole des jeunes aveugles d'Angers.
La psychologie des aveugles est encore universellement ignorée. Les quelques ouvrages qui leur ont été consacrés par des hommes dévoués ne contiennent que des faits isolés et des remarques sympathiques, qui ne peuvent constituer un faisceau d'observations rigoureuses. Les rares philosophes qui s'en sont occupés en ont donné des aperçus fort arbi-
traires, suivant le besoin de leurs systèmes. Aussi l'enseignement qu'on donne depuis 120 ans à cette classe d'anormaux est-il dépourvu de tout critérium scientifique. On se contente de suivre tranquillement la tradition, laquelle attribue gratuitement aux aveugles certains privilèges innés d'ouïe et de toucher, en compensation d'autres qualités qu'elle leur refuse tout aussi gratuitement. Dès lors on a escompté le sens auditif des aveugles en les faisant musiciens ; quant au sens tactile, on s'est borné à l'employer à la lecture des points et à quelques figures géométriques. Par ailleurs, héritiers de ce sentiment de pitié séculaire qui regarde l'aveugle comme un être essentiellement et fatalement faible, les éducateurs estiment encore que le matériel classique le plus convenable aux aveugles est celui qui demande à leur main le moins d'effort et le moins d'adresse possible.
Cet enseignement nous parait aller au rebours de tout principe psychologique, car d'un côté, rien ne prouve que les aveugles aient des sens privilégiés ; et, de l'autre, il est normal de penser que l'éducation des aveugles, comme celle de tout le monde, est subordonnée à l'activité de leurs organes et au fonctionnement harmonique de leurs puissances.
I. — Les expériences si probantes, que Griesbach a faites il y a quelques années sur un grand nombre d'aveugles inéduqués, ont démontré que les clairvoyants l'emportent sur les aveugles,même en acuité auditive et tactile. Si les conclusions de Griesbach ne sont pas sans appel, elles concordent du moins avec ce principe général : que toute détérioration de la partie produit une détérioration dans l'ensemble. Il n'est pas rare en effet de constater que la cécité laisse dans la conscience de ses victimes un état d'indifférence plus ou moins profond pour le monde extérieur. Cet état non seulement semble entraver la suppléance des sens dans l'acquisition des notions qui sont du domaine de la vue, mais on dirait qu'il supprime à l'enfant aveugle le bienfait des perceptions qui lui restent.
II. — Les aveugles qui échappent à cet état sont ceux qui, par une cause quelconque, ont demandé à leurs organes sensoriels, dès la première enfance, une somme d'activité assez grande pour mettre en action toute la puissance latente de leurs sens. Cette action parait même dépendre moins de la perfection de l'organe que de son exercice régulier.
Griesbach confirme ce fait en soutenant que le doigt lecteur des aveugles est doué d'une sensibilité moindre que ses autres doigts à cause du durcissement de la peau.
L'usage des sens est donc un art qu'on apprend comme un autre, par l'attention soutenue, par l'exercice psychique journalier, par l'activité organique ; et il est fort peu probable qu'il en soit autrement chez les aveugles. Leur développement psychique est vraisemblablement adéquat à leur effort organique.
Or, si tout est vibration comme l'enseigne la science actuelle, ne peut-on pas admettre que les organes sensoriels sont tous des instru-
ments du sens musculaire qui nous affectent différemment selon les conditions extérieures ? Le sens musculaire prend chez les aveugles une place plus grande, puisqu'il supplée celui de la vue. De là la nécessité d'introduire dans l'éducation des aveugles un ensemble de procédés qui exercent constamment leur sens musculaire.
III. — Le sens musculaire a été, dit-on, notre premier maitre à tous ; il reste pour les aveugles le principal maitre.
C'est le sens musculaire et la mémoire organique correspondante qui apprennent aux aveugles à composer par perceptions successives, les images et les idées que le sens visuel produit par sensations synchro-niques .
Ajoutons que, chez les aveugles surtout, les notions des objets restent attachés dans la mémoire à des schéma de forme et de figure d'autant plus complets et précis que le sens musculaire prend une part plus active à leur composition.
Apprendre à composer et à décomposer, voilà le premier exercice auquel il serait bon de soumettre les activités d'un enfant aveugle.
Mais n'oublions pas que le sens musculaire veut s'exercer dès le bas âge et que s'il n'est pas méthodiquement dirigé de bonne heure chez les aveugles, privés de tout lien intermédiaire entre l'œil et l'objet vu, il y aura des déviations, du tâtonnement et des désordres de mouvement qui constituent des tics ou d'autres fausses habitudes. Pour discipliner sans la contraindre l'action du sens musculaire, il faut reconstituer des liens entre l'organe et le but à atteindre. Ces liens, s'imposant à l'attention par des lignes, lui seront une direction et un soutien.
-L'écriture linéaire ou dessin, qui est l'exercice le plus fréquent dans la vie scolaire de l'enfant, y remplit habituellement ce but. La ligne par sa direction lui apprend à aller librement et sûrement d'un point à un autre, à s'orienter, à prendre conscience de son propre mouvement ; par les combinaisons avec d'autres lignes, elle lui apprend encore à connaître l'espace dans lequel il se meut et à donner à sa volonté la notion de but, de progrès et de forme.
C'est de ces considérations sur le sens musculaire que s'inspirent tous mes procédés d'enseignement.
Le carré qui fournit toutes les lignes nécessaires à la formation de nos lettres en est le principe général.
Dans mon alphabet que donne un pantin articulé, dans mon guide stylographique, dans mon calculateur, dans ma sphère démontable, etc., nous retrouvons toujours un champ d'exploration limité par des lignes que l'enfant aveugle peut associer lui-même. C'est là un travail psychique qui développe l'adresse de sa main, éveille ses activités musculaires et donne à son esprit des représentations complètes.
(Mlle Mulot expose en détail sa méthode, puis présente de jeunes aveugles qui écrivent très lisiblement ce qu'on leur dicte et lisent correctement avec le doigt ce qu'on leur écrit. La société adresse à Mlle Mulot ses unanimes félicitations pour ses remarquables résultats.)
L'hypnotisme dans le traitement de la stérilité
par M. le Dr Paul Joire (de Lille)
La stérilité est un état morbide empêchant la reproduction de l'espèce. Les causes de stérilité sont excessivement variées ; elles peuvent exister chez l'homme comme chez la femme mais elles sont beaucoup plus fréquentes chez cette dernière.
Au point de vue qui nous occupe, nous devons diviser en trois grandes classes les causes de stérilité. D'abord il y a la stérilité due à des causes incurables. Ces causes se rencontrent chez l'homme comme chez la femme. Ces causes sont d'abord le manque absolu d'un organe essentiel, que ce soit l'absence congénitale de cet organe ou sa disparition par suite de blessure ou d'opération chirurgicale.
Tous les organes existant, il peut se présenter aussi des malformations anatomiques qui empochent complètement la fonction d'un organe essentiel.
Dans une seconde classe nous rangerons les causes de stérilité curables, mais qui sont du domaine de la chirurgie. Par exemple, la lésion anatomique d'un organe qui peut être réparée ; une malformation congénitale d'un organe à laquelle on peut remédier par autoplastie. Et encore une malformation congénitale externe à un organe essentiel, mais qui apporte à la fonction de cet organe un obstacle qui peut être levé.
Nous n'avons pas à nous occuper de ces deux premières classes.
Tout notre intérêt se porte sur la troisième classe des causes de la stérilité ; c'est celle qui est due à des troublesfonctionnels, c'est la stérilité qui reconnaît pour cause le trouble d'une des fonctions qui entrent en jeu dans la fécondation.
Or, si nous considérons l'ensemble des cas de stérilité, nous constatons que ceux qui appartiennent à cette dernière catégorie sont de beaucoup plus fréquents que tous ceux des deux premières classes réunies. L'on peut donc dire que la grande majorité des cas de stérilité reconnaissent des causes essentiellement curables.
Nous rapporterons à quatre fonctions différentes tous les troubles fonctionnels qui peuvent être la cause de la stérilité. Ce sont :
Des troubles de la circulation ;
Dès troubles des organes sécréteurs :
Des trpubles du système musculaire ou moteur ;
Des troubles du système nerveux ou de la sensibilité.
Nous dirons maintenant que tous ces troubles sont justiciables du traitement hypnotique ; en effet, toutes ces fonctions sont sous la dépendance intime du système nerveux, et, par ce fait, elles sont aptes à recevoir l'influence directe de la suggestion et les effets de l'hypnose.
En tête des troubles de la circulation qui sont une cause de stérilité, nous voyons les troubles des fonctions menstruelles.
Nous savons depuis longtemps que la suggestion hypnotique peut pro-
voquer l'apparition de la menstruation absente ; augmenter les règles insuffisantes ou leur donner la régularité qui peut leur manquer. Dans le cas inverse, la suggestion s'est également montrée efficace pour dimi-nuer les règles trop abondantes ou trop fréquentes.
Les observations de tous les auteurs qui s'occupent d'hypnologie sont trop nombreuses et trop connues sur ce sujet pour que nous nous y arrêtions longtemps. Ce serait une erreur de croire qu'il n'y a que chez la femme qu'il peut exister des troubles de la circulation qui sont une cause de stérilité. Le trouble de la circulation chez l'homme peut aussi être la cause qui rend la fécondation impossible ; c'est quand il existe une paresse de la circulation qui rend l'érection incomplète. Ce trouble de la circulation chez l'homme est le plus souvent absolument indépendante de la circulation générale et il ne se manifeste que par suite du fonctionnement défectueux du système nerveux. L'hypnotisme a donc sur lui une action évidente ; des cas de ce genre ont été assez souvent signalés et j'en ai moi-même plusieurs observations de guérisons par la suggestion hypnotique. Nous arrivons maintenant aux troubles de sécrétions qui peuvent être cause de la stérilité.
Ces troubles peuvent aussi se présenter chez l'homme comme chez la femme.
Chez l'homme, un appauvrissement quantitatif et qualitatif de la sécrétion orchitique.
La spermatorrhée est aussi une cause qui chez l'homme peut être rattachée à un trouble des sécrétions ; et enfin l'aspermatisme. Les malades atteints de cette affection ont parfois cependant des pollutions nocturnes ce qui pourrait induire en erreur sur la vraie cause de leur stérilité.
Les troubles des sécrétions chez la femme peuvent aussi être causes de la stérilité ; ils sont beaucoup plus fréquents que chez l'homme. Il peut y avoir anomalie qualitative ou quantitative dans les sécrétions des organes génitaux. L'alcalinité ou l'acidité exagérée des sécrétions vaginales sont une cause fréquente de stérilité en empêchant la vitalité du spermatozoïde.
De même l'excès de ces sécrétions en quantité, quoique plus rarement observé, aboutit au même résultat.
Nous avons déjà des preuves assez nombreuses de l'action efficace de la suggestion hypnotique sur les sécrétions. Des faits nombreux nous ont montré en effet son influence sur la sécrétion sudorate, sur la sécrétion salivaire, sur la sécrétion gastrique, sur la sécrétion lacrymale, sur la sécrétion lactée. Pourquoi voudrait-on que ces sécrétions dont nous nous occupons ici ne subissent pas, elles aussi, l'influence de la suggestion. Il est donc rationnel d'admettre que nous pouvons agir directement sur elles par l'hypnose ; et du reste, pour un certain nombre d'entre elles les faits ont déjà donné raison à la théorie.
A plus forte raison, quand les anomalies de ces sécrétions seront dues à des troubles nerveux, comme cela arrive fréquemment. En guérissant le système nerveux par le traitement hypnotique, nous aurons rétabli
indirectement les sécrétions dans leur ordre normal et nous aurons guéri cette cause de stérilité.
Examinons en troisième Heu les causas de stérilité dues au système musculaire ou moteur.
Chez l'homme, nous trouvons l'atonie des enveloppes crémastérienne et dartoïque. l'atonie et la paralysie des muscles éjaculateurs et l'atonie musculaire générale.
Chez la femme, nous rencontrons l'atonie et la paralysie musculaires de cause générale temporaire ou permanente ; la contraction musculaire ou l'inertie musculaire spéciale, momentanée, ou habituelle.
Les troubles de cet ordre, chez l'homme comme chez la femme, ne sont presque toujours en somme que des manifestations locales d'une affection générale à laquelle il faut remédier.
Le plus souvent, nous avons affaire dans ces cas à des maladies du système nerveux, la neurasthénie, l'hystérie, la fatigue nerveuse générale, la mélancolie, l'hypocondrie, etc.
Toutes ces affections rentrent essentiellement dans le cadre de celles que nous pouvons traiter avec succès par la médication hypnotique. Bien souvent môme, nous voyons que les malades atteints de ces affections, après avoir suivi une foule de traitements, après avoir été dans les villes d'eaux, dans les instituts de tout genre sans éprouver le moindre soulagement, ont recours à l'hypnotisme en désespoir de cause et trou-vent là le seul moyen capable de les guérir.
Ne serait-il pas plus rationnel, au lieu de perdre ainsi un temps précieux et de souffrir inutilement pendant de longues années, d'appliquer aussitôt que possible le véritable traitement spécifique des maladies nerveuses, le traitement hypnotique. Nous arrivons enfin à la quatrième classe des causes de la stérilité qui réside dans les troubles des fonctions nerveuses ou de la sensibilité. Ce sont les cas les plus nombreux.
Tout d'abord nous trouvons l'érotomanie chez l'homme et la nymphomanie chez la femme. Si nous voulons examiner avec soin l'hérédité des malades atteints de ces affections, nous constaterons d'abord presque toujours, que nous y trouverons des traces ou des causes de dégénérescence. De plus, toujours, nous verrons que ces sujets sont atteints d'une maladie de la volonté : ce sont des abouliques au premier chef ; ils ne savent pas vouloir. Ils vous raconteront toujours qu'ils ont fait à plusieurs reprises des efforts pour se corriger, mais qu'ils n'ont pu y arriver. Et cela est vrai ; ils désirent le plus souvent se corriger, ils en prennent fréquemment la résolution, mais ils n'ont pas la force de volonté nécessaire.
Nous les guérirons ces malades, comme les alcooliques, en augmentant la force de leur volonté, en leur créant des centres d'arrêt psychiques, et en cultivant leur énergie.
Nous trouverons ensuite, dans ce même ordre, des troubles de la sensibilité générale ; névralgies, sensibilité douloureuse, vaginisme.
Le plus souvent, dans les cas de ce genre, l'examen du système ner-
veux, au moyen du sthénomètre, nous montrera qu'il existe en même temps un trouble général de l'équilibre du système nerveux, auquel sont dus ces accidents particuliers.
La médication hypnotique, soit en utilisant simplement l'action cura-tive de l'hypnose, soit en y appliquant la suggestion hypnotique, nous permettra de rendre facilement ces malades à l'état normal.
Je signalerai en troisième lieu des troubles nerveux qui ont une grande importance parmi les causes de la stérilité et qui sont dus à des actions réflexes trop peu connues. Il existe, chez la femme, des relations étroites entre la glande thyroïde et les fonctions reproductrices.
L'observation démontre en effet que la glande thyroïde, normalement plus développée chez la femme que chez l'homme, augmente de volume pendant la menstruation et pendant la grossesse.
Ce phénomène prouverait simplement la relation qui existe entre les deux organes.
Mais on a observé de plus que dans certaines maladies du corps thyroïde on constate la perte de l'appétit sexuel.
Cela prouve donc que, si, d'une part, l'utérus cause une influence certaine sur le corps thyroïde, la réciproque n'est pas moins certainement vraie, et le corps thyroïde a une influence indéniable sur les organes générateurs.
Il y a encore une autre action réflexe qui est trop peu connue, ou du moins dont on n'utilise pas assez les effets pour le bien des malades.
On sait qu'à la suite de certaines opérations sur les organes génitaux il se produit des modifications importantes dans l'innervation du larynx et du pharynx et en particulier des modifications dans l'organe de la voix. Mais, ce que beaucoup semblent ignorer, c'est qu'il existe une action réciproque. Surtout chez la femme, une action exercée, directement sur les nerfs du larynx et du pharynx produit une influence réflexe sur les organes de la génération.
J'ai eu l'occasion d'utiliser cette action réflexe dans des cas de douleurs utérines avec succès, ces résultats méritent d'être poursuivis.
L'influence réflexe soit du corps thyroïde, soit des nerfs du larynx et du pharynx, mise en jeu et considérablement développée par l'état d'hypnose, est donc un des meilleurs moyens à utiliser dans les cas de stérilité dus à des troubles de la sensibilité ou de l'innervation des organes de la génération.
Il nous reste enfin une dernière catégorie des causes de la stérilité ; les troubles nerveux spéciaux qui sont sous la dépendance d'une affection générale très commune, l'hystérie. Tous les troubles de la sensibilité peuvent y être représentés ; soit l'anesthésie ou l'hyperesthésie correspondant à un déplacement de l'équilibre nerveux général, soit une insensibilité ou une sensibilité anormale, liée à un état psychique.
Dans ces cas, c'est évidemment au traitement de la maladie générale qu'il faut nous adresser. En guérissant l'hystérie, nous corrigerons les troubles nerveux qui sont sous sa dépendance ; et, dans le cours même
du traitement, la suggestion hypnotique nous permettra de faire disparaître les anomalies de la sensibilité qui en sont la conséquence.
Trop souvent on ne traite pas et on ne guérit pas la stérilité alors qu'elle est parfaitement curable. C'est que trop souvent on ne la considère pas comme une maladie et l'on n'en recherche même pas la cause.
La femme stérile est pourtant une véritable malade ; non seulement parce que la stérilité n'est pas autre chose que la manifestation d'un trouble morbide ; mais aussi parce que cet état devient lui-même la cause d'une véritable maladie psychique. En effet, la femme stérile sent qu'elle ne remplit pas le rôle qui lui incombe ; elle reconnaît qu'elle -n'occupe pas la place que la nature lui a réservée. Elle en souffre, car rien ne peut combler le vide de sa vie.
Aussi la voit-on se livrer aux empiriques, user de moyens et de remèdes qui n'ont d'autres résultats qu'une influence néfaste sur sa santé. Le psychothérapeute a le devoir de s'occuper de ces malades ; il pourra toujours relever et fortifier leur état moral ; et le plus souvent comme nous venons de le voir, par le traitement hypnotique qui s'adressera à la cause même du mal, on pourra les guérir et leur rendre le bonheur.
La lecture chez les arriérés
par M. QUINQUE, directeur de l'Établissement médico-pédagogique de Créteil.
L'enseignement de la lecture a toujours été une rude tâche ; et si nous en jugeons par le nombre d'illettrés, pourtant intelligents, que l'on rencontre encore aujourd'hui, noire étonnement sera d'autant plus grand que l'instruction décrétée obligatoire, révèle un effort tenté sur toutes les intelligences par des maîtres presque toujours très dévoués.
Dans ces quelques lignes, je veux démontrer que l'enseignement de la lecture, tel qu'on l'a compris jusqu'ici, n'a pu toucher certains cerveaux parce qu'il est en lui-même défectueux et encombré d'un bagage inutile, partant nuisible,
La maman qui est arrivée à apprendre les lettres de l'alphabet à son bébé est fière, et il n'est pas rare de l'entendre nous dire : Mon enfant sait lire, ou saura bientôt lire, il connaît ses lettres. Erreur, il s'écoulera encore des mois, peut-être des années avant la réalisation de la lecture courante. Cela, vrai pour les enfants bien doués, est infaillible pour les moins favorisés, les arriérés. Pourquoi ?
Parce que l'on est illogique dans la présentation des éléments de notre langue.
Vous avez voulu faire lire à votre enfant le mot papa, par exemple, et vous lui avez dit :
pé a = pa, pé a = pa, Papa ; pour maman, vous dites : emme a =ma, emme an = man, Maman.
Que vient faire ici cet é dans pa ; embrouiller l'enfant simplement.
Voici la clef d'une méthode plus rationnelle qui nous a donné de très bons résultats depuis plus de vingt ans que nous l'appliquons aux arriérés :
Donner à chaque lettre de l'alphabet le son propre qui lui convient, car chacune d'elles a un son, et les grammairiens commettent une erreur profonde en ne reconnaissant point aux consonnes une valeur réelle. Reprenons le mot : Papa.
La lettre que vous prononcez Pé ou Peu, selon l'une ou l'autre méthode employée, se prononcera simplement comme dans la fin du mot cap par une simple explosion du souffle s'échappant des lèvres qui s'entrouvrent ; ainsi en faisant tomber la consonne P sur la voyelle a, nous dirons tout de suite Pa et en deux émissions Papa. Ce que nous faisons pour la lettre P, nous le renouvellerons pour les autres consonnes, nous prononcerons M comme dans le mot Ham, le N comme dans Horn, le C comme dans coq, le L comme dans rnal. Nous supprimons aussi toute toute épellalion et syllabation et donnons à chaque lettre le son qui lui est propre.
Un certain nombre de maîtres ont compris les avantages à retirer de ces principes etparmi eux Mlles Janicot, qui ont composé une méthode de lecture particulièrement remarquable par l'enchainement et l'enroulement des éléments lesquels, ne sont point présentés au hasard, mais dans un ordre parfait. Cette méthode conduit insensiblement l'enfant à travers les difficultés qu'il surmonte sans effort.
Parmi de nombreux cas, je citerai celui d'un enfant de douze ans qui à la suite de convulsions était resté complètement paralysé jusqu'à l'âge de huit ans, son développement intellectuel était presque nul (il ne dépassait guère celui d'un enfant de deux ans) ; de plus, il devait être classé parmi les arriérés agités, instables, nous avons dû pendant plusieurs mois d'abord nous borner par des exercices appropriés à fixer son attention. Ce premier résultat obtenu, nous avons pu commencer l'enseignement de la lecture. A partir de ce moment, six mois ont suffi pour le rendre capable de lire couramment, avec la compréhension complète de ce qu'il lirait.
Une courte visite à notre établissement médico-pédagogique de Cré-teil vous édifierait mieux sur notre manière de comprendre et d'employer une méthode qui nous a permis d'apprendre, en un temps relativement très court, à lire couramment et dans n'importe quel livre à des enfants très en retard qui n'avaient jamais pu se plier aux exigences des méthodes communément usitées lesquelles embrouillent, fatiguent leur cerveau, et finissent par les laisser indifférents et voués à l'ignorance totale.
COURS ET CONFÉRENCES
Tympanisme hystérique et grossesse nerveuse (l)
par M. le professeur Raymond.
Voici une femme de quarante-trois ans, dont l'histoire clinique est intéressante. Elle vient à l'hôpital, se plaignant de ressentir dans le ventre des secousses, surtout marquées du côté gauche. Il suffît en effet d'examiner cette femme pendant quelques instants pour constater de grandes secousses verticales, remplacées quelquefois par des secousses transversales. Si on laissait le ventre de cette femme à découvert, on verrait, en même temps que les secousses se produire, l'abdomen augmenter progressivement de volume. Il devient parfois énorme, ce qui cause dé nombreux malaises a ta malade et la tourmente beaucoup. Il n'y a aucun trouble de la sensibilité cutanée superficielle et profonde.
En octobre dernier, alors que les règles avaient disparu depuis un an, la malade s'aperçut que son ventre grossissait petit à petit, mais régulièrement. Une première sage-femme consultée affirma la grossesse et prétendit même sentir un bras fœtal. On constatait en outre, le masque du visage, la raie noire sur le ventre ; du côté des seins, les tubercules de Montgomery étaient saillants, il y eut même une montée laiteuse et à la pression on faisait sourdre du colostrum. La malade sentait remuer l'enfant, et comme les femmes enceintes, avait des envies bizarres. Elle se place donc dans les conditions d'une femme qui va accoucher.
Ceci se passait entre octobre et février. Se croyant arrivée au terme de la grossesse et ne voyant rien venir, une deuxième sage-femme est demandée, qui confirme le diagnostic de la grossesse et déclare à la patiente qu'on s'est trompé de date, et que la délivrance aura lieu dans cinq semaines.
Au bout de ce laps de temps, l'enfant n'étant encore pas venu et le ventre continuant à grossir, on consulte une troisième sage-femme qui, plus avisée, conseille à la malade de se rendre à la Salpétrière pour se faire radiographier. L'épreuve fut naturellement négative ; et cette femme qui était si heureuse de se savoir enceinte est complètement désespérée. A partir de ce moment son ventre diminue de volume, le lait se tarit ; en un mot, l'ensemble des phénomènes disparait. Seules restent les secousses dans le ventre.
Dans les travaux de Bouchacourt (de Lyon), et de Spencer Wells on trouve des cas où des grossesses de ce genre ont été affirmées et qui n'étaient que des grossesses nerveuses.
En somme, chez cette femme de quarante-trois ans, grande nerveuse, approchant de la ménopause, on voit qu'il s'agit simplement de tympanisme hystérique.
(1) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux à la Salpêtrière ;
Spencer Wells conseillait de donner dans ces cas du chloroforme pour voir les phénomènes disparaître. Aujourd'hui la radiographie permet de faire sûrement le diagnostic, sans le secours de l'anesthésie.
Le traitement de l'hystérie suffira amplement à faire disparaître les phénomènes pour lesquels cette femme vient consulter.
PSYCHOLOGIE COMPARÉE
Considérations psychologiques sur le dressage des animaux rétifs,
par le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie.
En 1882, l'empereur Ménélik envoyait au président Grévy plusieurs fauves d'Abyssinie, parmi lesquels un zèbre femelle pris sur les plateaux du Choa. M, Milne-Edwards reconnut qu'il appartenait à une espèce non décrite, qu'il baptisa du nom du chef de l'Etat.
Le zèbre Grévy, dont l'habitat est immense, puisqu'on le rencontre jusque sur les rives du Victoria Nyansa, est celui qui se domestique le plus rapidement et le plus complètement.
M. Claude Albarret nous donne, dans le Journal desVoyages, les renseignements les pius instructifs sur les procédés employés pour le dressage de ces animaux dont la réciveté et l'indocilité sont proverbiales.
Dès le xviie siècle, des voyageurs anglais et portugais signalaient que les Galans (Gallas) excellaient à dresser cet animal et que les écuries de « Habessinia » en comptaient toujours plusieurs que le monarque moniait les jours de fête. C'était aussi la monture préférée des ras et autres grands seigneurs.
On put mettre à l'épreuve les qualités du zèbre lorsque Ménélik fit de nouveaux envois en Europe. En 1899, une première paire arrivait à Londres, adressée à la reine Victoria. Bientôt, grâce à d'autres libéralités du Roi des Rois, le troupeau comptait sept bêtes.
Et comme ces animaux se vendent communément de 25.000 à 30.000 francs, on peut juger, d'après ces chiffres, de l'importance de ce cadeau royal.
Les expériences commencèrent : elles donnèrent des résultats immédiats Un jeune groom du nom de Milne, qui avait déjà dompté des ânes sauvages et des zèbres de Burchell, fut chargé de dresser les nouveaux venus. En deux ou trois séances, il transformait la plus sauvage des quatre juments en une bête souple et docile, qui obéissait à la bride comme un cheval de race !
Enfin, l'hiver dernier, un expert en dressage, le capitaine Hayes, domptait en quelques minutes un zèbre mâle, de l'espèce dite Grévy, qu'on venait à peine de débarquer du steamer. En quelques minutes, le capitaine obtenait que l'animal, qui ruait et mordait dès qu'on s'en approchait, se laissât brider, seller et monter !
Les journaux anglais ont parlé de prodige, de miracle !... Cela dénote
de leur part une profonde ignorance des choses de l'étranger. Il y a beau temps que le procédé « inventé » par le capitaine Hayes est employé par les gauchos de l'Argentine !
Ce procédé pourrait se définir ainsi : jeter la bête les quatre fers en l'air en lui imprimant une secousse violente.
Les gauchos obtiennent ce résultat en lassant les deux pieds de devant du cheval sauvage, pendant qu'il est lancé au galop. Mais ce procédé est des plus cruels, et longtemps après le pauvre animal, à la vue d'une lanière, tremble devant son dresseur !
Moins romanesque, M. Hayes se contente d'attacher au licol, en la pliant, une des jambes de devant. Alors, deux hommes se lancent à l'improviste sur le même flanc du zèbre qui, projeté violemment sur le sol, roule sur lui-même.
Chose étrange, à peine explicable, cet acte, s'il est exécuté avec la rapidité de l'éclair, dompte pour toujours le « grévy », le dispose à accepter la selle et à se laisser monter.
Mais, s'il y a eu une hésitation, si le zèbre a pu rattraper son équilibre, il est inutile de recommencer l'expérience : le bel animal restera toujours indomptable.
La transformation obtenue dans le caractère de cet animal indocile et essentiellement rétif qu'est le zèbre résulte, à n'en pas douter, de l'inhibition provoquée par le choc qu'il a reçu. Cette inhibition est d'autant plus profonde que l'attaque a été plus soudaine. Réalisée dans ces conditions de surprise, la suspension d'activité des centres nerveux a la durée nécessaire pour que des exercices de dressage puissent s'effectuer. Par le fait de l'obnubilation de sa rétiveté naturelle, le zèbre se trouve dans un état passif, analogue aux états profonds de l'hypnose. Dépourvu momentanément de toute résistance active, il subit la direction à laquelle il serait capable de résister à l'état habituel. La domestication n'est, en fait, qu'un pli donné à un système nerveux qui ne peut s'y soustraire.
En somme, le procédé de dressage appliqué aux zèbres et aux chevaux sauvages se rapproche de ceux qui ont été mis en œuvre par divers hypnotiseurs et en particulier par Hansen. Cet hypnotiseur, qui opérait toujours devant un nombreux public, s'appliquait à désarmer la résis-tance de ses sujets par des manœuvres d'une certaine brutalité. Dans certains cas, il imprimait au cou du sujet un mouvement brusque, dans d'autres, il avait recours à un léger choc donné sur le front ou sur le menton avec le paume de la main. Le sujet en était légèrement étourdi. Il perdait contenance et Hansen en profitait pour lui imposer impérativement des suggestions qu'il réalisait immédiatement. Ce procédé fut longtemps appliqué par lui. Il était connu sous le nom de « Coup de Hansen ».
Ces procédés de brusquerie, destinés à provoquer chez les sujets une
secousse et surtout une émotion capable de désarmer leur résistance ont été également employés par Donato. Ils ont quelque analogie avec certains artifices du Jiujutsu des Japonais. En général, lorsque l'opérateur a manque son coup, il est inutile de le recommencer ; le sujet est sur la défensive et est à l'abri d'une nouvelle surprise émotive.
La brusquerie d'une attaque ou d'un choc, même léger, suffit pour provoquer chez un grand nombre d'hommes une véritable suspension des facultés intellectuelles qui les met littéralement à la merci de l'agresseur. L'éducation de la présence d'esprit consiste précisément à prévoir les surprises et à en éviter les effets. C'est la mise en application du conseil de Sénèque :
Sic agendurn est, ne quid nobis inopinatum sit.
Le zèbre a de commun avec la grande majorité des hommes qu'il ne connaît pas Sénèque, il a sur eux une supériorité, c'est qu'il profite des leçons de l'expérience. Le croc en jambe donné par le dresseur le renverse et le dompte s'il est bien appliqué une première fois. Mais si le coup est raté, il ne servira à rien de recommencer l'épreuve. L'approche d'un homme suffira pour qu'il cligne de l'œil et se tienne sur ses gardes. Qui donc a un jour émis la sotte opinion que les bêtes n'ont pas d'esprit.
FOLKLORE ET SUPERSTITIONS
De quelques croyances superstitieuses des Malais, d'après l'autobiographie d'Abdoullah (1)
par M. Albert Mersier, Diplômé pour le malais de l'Ecole nationale des langues orientales vivantes.
Musulmans depuis lexiiie siècle environ, c'est-à-dire depuis l'introduction d'éléments arabes dans la population, la plupart des Malais et aussi des Chinois (2) habitants de la Péninsule croient en outre à la ma(l) Abdoullab bin Àbdoulkédîr, né en 1795 et mort en 1854 du choléra, durant son pélerinage à La Mecque, vécut dans la péninsule de Malaca, son pays. (Nous écrivons Malaca, comme on le prononce. Si les Anglais écrivent Malacca. c'est parce que pour eux, le nom de cette ville écrit avec un seul c se prononcerait Maléca.)
On te considère comme le meilleur écrivain malais du xixe siècle. Abdoullah qui avait appris l'anglais, l'arabe et une des langues de l'Inde anglaise était un homme à l'esprit ouvert. C'était un ami des Européens. On lui doit de nombreux ouvrages, tous composés en malais. Le meilleur de tous est IV Hikayat Abdoullah -(son autobiographie) dont nous avons tiré le présent article. L'Hikayat Abdoullab parut pour la première fols autographiée a Singapour en 1819. 11 y en eut depuis plusieurs éditions. L'une d'elles se vend à Singapour chez Kelly and Walsh, et une autre parut, en 1882. à Leyde chez Brill. Cet ouvrage, malgré quelques longueurs, contient quantité de récits intéressant l'histoire. les mœurs et la description de la Péninsule. C'est ce qui en fait un des plus curieux livres de la littérature malaise.
(2) Toutes les religions, toutes les philosophies ayant des adeptes en Chine, les Chinois adoptent assez facilement les idées religieuses ou mystiques des autres peuples sans cesser pour cela de vivre à la Chinoise. C'est d'ailleurs ce que nous avons pu constater, lors de notre séjour en Malaisie.
gie et à l'existence d'une foule de Génies bons ou mauvais. Ce sont là, sans doute, des restes de leurs croyances antérieures à l'introduction de l'Islamisme dans le pays. Il est peu aisé de les connaître toutes, tant sont vagues les idées de ces peuples orientaux et parce que les Malais n'aiment pas aborder ce sujet de peur du ridicule. Beaucoup de ces superstitions viennent de l'Inde Continentale et d'autres des îles de Malaisie.
Abdoullah nous parlant, en se moquant, de plusieurs de ces croyances superstitieuses, nous donnons ici le passage de ses mémoires traitant de ce sujet.
« Combien y a-t-il de mauvais esprits ? Je ne le sais pas au juste. Je serais incapable d'en dire le nombre et d'expliquer leurs faits et gestes ; aussi ne les mentionnerai-je que d'une façon succincte.
Ce sont : Hantou satanique (1), Polong (2). Penanggalan (2), Pontianaq (3), Djin (4), Pelesit (3), Mambang (6), Hantou Pembourou (7), Hantou de la forêt, Djadidjadian(s) Hantou Boung Kous(9), Gergasi (10), Bouta ou Raqsasa (11), Ménéq Kebayan (12), Hambasan (13), Sawan (14), Hantou mati dibounoh (15), Badjang (16), Katagoran (17), Sompaq Kart ( ?), Poupokan (18). Afrit (19), Djembalang (20) terkena obat gounal.(21).
Combien y a-t-il encore d'autres croyances dont je ne connais plus que le nom telles que :
(1) Les Hantous, dont il y a une grande variété, sont des esprits mauvais, parfois des revenants ou des fantômes.
(2) Nous reviendrons sur ce génie. Prononcez polon et penanggalane.
(3) Esprit d'une femme morte en couches. Cet esprit tourmente les femmes en - mal d'enfant et cause la mort des nouveaux-nés.
(4) Esprit mauvais ou bon, être invisible qui tient un rang inférieur à celui des anges. On peut en avoir un à son service. (5) Mauvais esprit qui prend la forme d'une petite sauterelle.
(6) Esprit habitant les nuages.
(7) Mauvais esprit. Prend la forme d'un chien le museau dressé en l'air.
(8) Personne ayant le pouvoir de te transformer en animai.
(9) Mauvais esprit d'une personne morte.
(10) Ogre, animal fabuleux, gorgone ou dragon énorme et terrible.
(l1) Mauvais esprits, spectre ou génie effrayant ou gigantesque. Gergasi, Bouta et Raqsasa sont des mauvais esprits de la forêt, ogres armés de défenses qui infectent la jungle. (Wilkinson-Malay Beliefs, p. 26.).
(12) Esprit d'une vieille messagère d'intrigues amoureuses.
(13) Mauvais esprit qui se fixe dans un quartier ou dans une maison pour y exercer ses ravages.
(14) N d'un esprit. Ce mot signifie aussi convulsions, attaques de nerfs.
(15) Esprit d'un homme mort de mort violente ( ?).
(16) Cet esprit, sous la forme de la genette ou civette, tourmente surtout les femmes enceintes et les enfants.
(17) Encore un esprit ou revenant. (18) Encore un esprit mauvais.
(19) Démon, esprit malin.
(20) Esprit du sol(voy.Wilkinson Malay-Beliefs. London et Leiden, 1006. p. 21.1 Fantôme prenant ordinairement la forme d'un bœuf ou d'un buffle. (DIci. malais-français .de M. Tugault.)
(21) Mot à mot. Djembalaug frappé par un ingrédient magique.
Gagah (1), Penoundoq (2), Pengasch (3), Kebal(4) Kesaqtian (5), Tudju (6) Alimoun (7), Pendras (8), Perapoh (9), Tjoutja (10), Pelaley (11), Perangsang (12), etc. (13)
Les gens y croient et il y a des professeurs et des écoles pour renseignement de toutes ces choses. Il existe aussi des charlatans qui vous disent : « Pour telle maladie, il faut employer tel remède magique ». Tout cela peut constituer un danger pour l'humanité. En m'entendant parler ainsi, M. Milne (14) demeura ébahi et me dit : « Vous connaissez toutes ces histoires, Monsieur ? »
Je répondis : « Pour les expliquer toutes, Monsieur, il faudrait un gros livre. Ce ne serait qu'un tissu de vaines absurdités. Les gens intelligents n'en veulent pas entendre parler ; ils ne font qu'en rire. »
« Eh bien ! Monsieur, reprit-il, contez-moi donc seulement l'histoire de la Penanggalan Je voudrais la connaître. Je l'écrirais en anglais pour montrer aux Européens à quel degré de stupidité sont tombés les naifs qui croient à de pareilles histoires. »,
Je dessinai alors une tête de femme, les entrailles pendantes au cou.
M. Milne ordonna à un Chinois de graver mon dessin sur bois pour le joindre à un article à insérer dans le « Anglo-Chinese gleaner » (16).
(1) Moyen magique d'acquérir une force irrésistible. (2) Certain spectre.
(3) Art magique de se faire aimer.
(4) Elmou Kobil : art de se rendre invulnérable.
(5) Puissance surnaturelle. (Talisman.)
(6) Maléfice, peut-être la jettatura ou l'envoûtement.
(7) Alimoun ou Halimounan : art de se rendre invisible.
(8) Moyen de donner aux coups que l'on veut porter une force et une rapidité incroyables.
(9) Cbarme pour affaiblir les membres d'un ennemi.
(10) Sortilège pour rendre un ennemi impuissant à vous nuire.
(11) Pelaley ; négligent, fainéant, sans doute quelque charme dans le genre du perapoh.
(12) Stimulant, moyen d'excitation.
(13) On peut encore citer ici, sans vouloir prétendre donner une liste complète : les Péri (nymphes ou fées). Déwa (être du ciel de l'ancien panthéon hindou), Naga (dragon ou serpent qu'il ne faudrait peut-être pas confondre avec le serpent à sept têtes qu'on voit dans le pagodes, par exemple an Cambodge), Kouda semberani (cheval ailé), Oular api (serpent énorme aux yeux flamboyants ou dont le venin est brûlant. Il vit au fond de l'eau), Azimat et Mantra (toutes sortes d'amulettes et des sortilèges). Nedjoum (horoscope), Elmou penimboul (art magique de se rendre invulnérable), Puaka (esprit qui hante les bois, garde les fontaines), Lang souyar (est l'esprit d'une femme impudique morte enceinte).
Nous lirons ces noms et leurs explications tant d'un autre livre d'Abdoullah (Segala djenis bikayat kapandeyan) que du dictionnaire de notre vénéré et savant maître, le professeur Tugault, et du livre de M. Wilkinson. — Les personnes sachant l'anglais qui seraient désireuses de se documenter sur les superstitions et la magie dans la Péninsule Malaise pourront lire avec fruit les chapitres II et V du volume premier qu'a fait paraître sur la Péninsule de Malaca, notre savant ami M. Wilkinson, le premier Malaisant des Straits SetUements. Ce livre est intitulé « Malay Beliefs ». (London, Luzac et C*. Leidcn. BriIl-1906.)
(l4) William Milne était un Anglais habitant Malaca Il venait d'interroger Ab-doullah sur le sujat qui nous intéresse.
(15) Prononcez comme si l'on écrivait Penenggalanne ; nos sons : an, on, sont rendus à la lin des mots par ang, ong. 11 est bon de remarquer aussi qu'il faut lire le W — à l'anglaise : ou.
(16) Publication : Le Glaneur Anglo-Chinois.
Je dis alors : « Ecoutez, Monsieur, l'histoire de la Penanggalan. C'est une femme qui pratique la Magic noire à laquelle elle croit. Elle fait tout ce qu'il faut jour et nuit jusqu'au moment promis par son maître où elle pourra s'envoler. A ce moment, sa tète et son cou, auxquels sont suspendus ses entrailles, s'envolent, abandonnant son corps qui reste là. Sa tête et ses intestins s'en vont pour sucer le sang de ceux auxquels elle veut nuire, partout où ils se trouvent. Les gens qu'elle attaque ainsi meurent. Le sang et le liquide qui dégouttent de ses entrailles tombent-ils sur quelqu'un, ils provoquent chez cette personne une maladie si grave que son corps en est tout brisé.
La Penanggalan se plaît à sucer le sang des femmes en couches ; aussi, lorsqu'il y a dans une maison une femme en mal d'enfant, a-t-on coutume de suspendre à la porte et aux fenêtres des feuilles de chardon, ou de mettre des branches épineuses dans la chambre de l'accouchée. C'est par peur de la Penanggalan. En effet on assure qu'elle craint les épines auxquelles ses entrailles risquent de s'accrocher. On raconte qu'une Penanggalan étant venue une nuit chez quelqu'un pour lui sucer le sang, ses entrailles s'accrochèrent à des épines près de la clôture de la maison. Elle y resta jusqu'au jour. On la vit alors et on la tua.
Une personne devenue Penanggalan a du vinaigre chez elle, par exemple dans une jarre. Elle trempe ses entrailles dans ce vinaigre, car lorsque celles-ci sortent de son corps, elles enflent et n'y pourraient plus rentrer.
Le bain dans le vinaigre fait resserrer les entrailles et leur permet de rentrer dans le corps.
Bien des gens ont vu la Penanggalan, ses entrailles flottant dans l'air comme une banderolle et brillant dans la nuit comme une luciole.
Voilà l'histoire de la Penanggalan telle que je l'ai entendu raconter par des vieillards. Dieu me préserve d'y croire.
Quant au Polong, il provient, dit-on, du sang d'une personne morte de mort violente. On introduit ce sang dans une fiole, en accomplissant des cérémonies et en lisant des prières, je ne sais lesquelles, tout cela conformément à ce qu'on vous a enseigné.
Suivant les uns il faut accomplir ces cérémonies durant sept jours selon d'autres pendant quatorze jours, jusqu'à ce qu'il se produise dans la fiole un bruit comparable au gazouillement d'un petit oiseau.
Celui qui a procédé à toutes ses opérations se fait alors une coupure au doigt et l'introduit dans la bouteille. Le Polong le suce.
La personne qui l'a élevé devient en quelque sorte le père ou la mère du Polong selon que c'est un homme ou une femme.
Tous les jours il faut ainsi le nourrir de son sang. Le père du Polong en tire profit s'il en veut à quelqu'un. Il peut, en effet, ordonner au Polong de posséder son ennemi, c'est-à-dire de le rendre malade.
Le profit peut s'obtenir encore autrement. Soit, par exemple, quelqu'un qui hait un de ses semblables ; cet homme va, en secret, trouver celui qui prend soin d'un Polong, lui donne tant d'argent en lui ordon-
nant de lâcher son Polong sur la personne objet de son ressentiment. Telle est l'utilité du Polong.
La personne possédée du Polong, que ce soit une jeune fille, une femme mariée ou un homme, crie sans savoir pourquoi. Elle déchire et jette ses vêtements, mord et frappe les gens « comme un aveugle ou un sourd ». Ces malheureux agissent de toutes sortes de façons différentes.
On appelle alors des gens sachant porter remède à cet état maladif Ils viennent. Certains d'entre eux disent des paroles sur la tête du malade, lui pressent le pouce avec la main et lui appliquent un remède.
Le remède est-il efficace ; le Polong crie par la bouche du malade : « Laissez-moi, je veux m'en retourner chez moi. » Le guérisseur dit alors : « Je ne veux pas te lâcher si tu ne me dis pas qui t'a donné ordre de venir, pourquoi tu es venu ici ? qui est ton père et qui est ta mère ? » Tantôt▶ le Polong se tait, refusant d'indiquer le nom de son père et de sa mère, ◀tantôt▶ il avoue : « Laissez-moi dit-il, mon père s'appelle un tel, ma mère une telle. Je suis venu ici parce que un tel est venu trouver mon père ou ma mère pour lui demander aide. Il leur a donné tant parce qu'il hait cette personne-ci. *
Il peut aussi donner une cause quelconque. Très souvent il ment parce qu'il veut cacher le nom de son père ou de sa mère.
Quand on sait qui a envoyé le Polong, et pour quelle raison il a été envoyé, on le lâche.
Le malade revient aussitôt à lui, comme avant la venue du Polong, mais il lui reste un trouble maladif et son corps est dans un état de faiblesse très grande. Chez certaines personnes frappées par lui, le polong ne veut pas avouer ce qu'on lui demande, mais le malade crie quel est le ressentiment du père du Polong. Il en est ainsi pendant un jour ou deux, puis le malade meurt. Une fois mort le sang lui sort à flots de la bouche et tout son corps est d'un bleu morbide...
Il y a dans nos pays (en Malaisie) beaucoup de gens appartenant à des races diverses qui croient à toutes ces histoires imaginaires et qui gaspillent beaucoup de leur argent en payant ceux qui se livrent à toutes ces pratiques mensongères et vaines.
Chacun d'eux agit selon le but qu'il poursuit. Il en est qui veulent se faire aimer, d'autres cherchent à séduire une femme, d'autres désirent forcer les gens à obéir à toutes leurs fantaisies, d'autres souhaitent la mort de leur ennemi. »
Telles sont quelques-unes des pratiques magiques et des superstitions de Malaisie (1).
(1) Voici, d'après le chapitre que nous avons cité de M. Wilkinson, un essai résumé de classification des superstitions malaises. — De leurs religions primitives, de certains souvenirs historiques, de l'ancienne civilisation hindoue les Malais ont conservé une foule de souvenirs vagues d'où proviennent leurs superstitions. Les Malais actuels imitent (sans savoir,pourquoi) les pratiques de leurs aïeux ; on peut se rendre compte que ceux-ci croyaient que tout a une âme. — Les Malais cherchent d'ailleurs à donner à leurs superstitions une tournure musulmane puisque l'islamisme est leur religion actuelle. — Les Malais du peuple croient, à l'existence
REVUE DES LIVRES
Le Miracle moderne, par Jules Bois. — Paul Ollendorff, (xvi-411 p.).
Chacun saitl'engouement des néomystiques contemporains pour tous ces phénomènes étranges que, tout récemment, M. Charles Richet a englobés sous la dénomination collective de métapsychiques. Sous le titre de Miracle moderne, M. Jules Bois les étudie à son tour en un livre attachant comme une œuvre de vulgarisation, rigoureux comme un traité scientifique et que l'on voudra lire pour la clarté de l'exposition, l'agrément du style, la richesse de la documentation, la probité du sens critique.
M. Jules Bois s'est donné la tâche d'un historiographe impartial. « Aussi éloigné de la crédulité aveugle que de l'incrédulité encore plus aveugle », il classe avec lenteur et précision, vérifie, contrôle ; discute, analyse avec sangfroid, se surveille, s'affranchit de tout parti-pris, garde devant le prestige de ces nouveau-venus l'acuité de son jugement et la sérénité de sa raison.
Or, la mission de la science est non seulement de chercher la vérité mais surtout de combattre l'erreur. Aussi M. Jules Bois dévoile-t-il résolument les mystifications, les fraudes, les trucs conscients ou inconscients des médiums, les faux prodiges, les superstitions illusoires ou dangereuses. II montre, en particulier, comme elle est en contradiction flagrante avec les faits, cette grossière religion spiritique qui proclame l'existence « d'êtres à part, extérieurs à nous, se manifestant du dehors, influençant les hommes et les choses, interprètes et commissionnaires entre la terre et l'au delà ! »
Et pourtant, ce qui est faux ce n'est pas le phénomène lui-même ; c'est l'explication quron en donne : on interprète par une illusion physique un phénomène vrai et tout mental, a Autour d'un fait réel, souvent minime, l'imagination excitée tisse satoile fantaisiste. Les cerveaux s'exaltent, la suggestion et l'autosuggestion s'emploient, l'hallucination collective s'en mêle ; autour du noyau de réalité, les images brillantes de l'illusion s'enroulent... On a faussé le jugement, exalté à vide les imaginations, déçu les âmes confiantes, et augmenté le cortège des vaines crédulités et des névroses ».
« Le voyant crée l'image qu'il voit, le devin sa divination, le prophète
d'une foule d'êtres surnaturels dont le plus grand nombre peut former quatre classes.
I. Esprits des gens morts de mort violente (esprits vengeurs).
II. Démons divers provenant, des religions : 1e Musulmane, 2e Hindoue, 3e des religions primitives ou de souvenirs bistorlque ;comrae celui des anthropophages de Kedah (Nord-ouest de la Péninsule), anthropophages disparus dont on a conservé le souvenir sous divers noms d'ogres (Gergasi, Boula, Raqsasa).
III. Grands phénomènes .de la nature déifiés.
IV. Esprits que les hommes eux-mémes peuvent-créer.
Joignez à cela les charmes, amulettes et moyens magiques et vous pourrez avoir le tableau lointain d'incroyable mélange de superstitions auxquelles bien des indigènes croient.
sa prophétie... L'officine du miracle est en le miraculé ; le miracle s'élabore dans les régions inconscientes de notre personnalité ; il est dû à l'homme interne... Sans y penser et le vouloir, les médiums nous révèlent avec ingénuité la profondeur troublante de leurs propres âmes ».
« Par la vivisection du moi, parla découverte dessous-moi, nous possédons la clef de ces sortes de puits, do caves, de magasins de l'âme, où travaillent des ouvriers inconscients, constructeurs du rêve, de l'inspiration, des pressentiments et de toutes les variétés de prodiges ».
De nos jours, la thaumaturgie est devenue la psychotérapie. C'est une erreur que d'admettre la fatalité de notre caractère et de notre destinée. Notre mentalité est phénoménique et changeante ; il est possible de la corriger, de l'augmenter, de rémonder et, par là, de transformer notre conduite et nos mœurs. C'est ce que font ces « radoubeurs d'âme » qui, par la pédagogie suggestive et l'orthopédie mentale, grâce à l'hypnotisme et à la suggestion secourent non seulement les pauvres de cœurs et les pauvres d'esprits, mais aussi les pauvres de volonté, les plus infortunés, les pires des malheureux.
Réformer le caractère, apprendre à se surmonter, résister aux penchants et aux impulsions, ressusciter le sens moral où il semble aboli, tels sont les vrais miracles modernes que décrit M. Jules Bois, pour les avoir vus à la clinique du Dr Bérillon, « le psychothérapeute le plus ingénieux de ce temps pour le maniement de l'hypnotisme »... « La suggestion habilement employée sera, ajoute-il un des meilleurs agents de civilisation. Au lieu de maisons de correction où les dégénérés et les impulsifs découvrent les uns chez les autres des stimulations et des exemples pernicieux, nous aurions de calmes hôpitaux psychiques. Les funestes penchants y seraient redressés ; les individualités détraquées ou malfaisantes deviendraient à la longue des citoyens utiles et normaux. Au lieu d'admettre, comme autrefois, selon un fatalisme barbare, des organismes damnés socialement, il est doux de songer que rien n'est à jamais perdu, qu'il existe un salut scientifique ».
La science de la volonté sera le point de départ d'une réforme individuelle et sociale. « Quel progrès, le jour où nous pourrons nous diriger corps et âme, avec une raison supérieure, une science sûre et une conscience avertie ! Ce jour-là nous aurons trouvé enfin le moyen de lutter contre la fatalité de nos vices, intellectuels ou physiques, hérités ou acquis ; nous remédierons à nos douleurs et à nos faiblesses ; nous nous créerons des habitudes bienfaisantes à la place des néfastes qui nous oppriment... Se mieux connaître, se posséder mieux, savoir de quelles forces supérieures nous disposons tous et la méthode pour les atteindre et les ductiliser, c'est incontestablement, travailler au seul progrès qui compte, celui de notre caractère et de notre grandeur intime ».
L'homme doit être surpassé, disait Nietszche. « Travailler à extirper les nouveaux surgeons des superstitions antiques, libérer l'intelligence que le doute paralyse ou que l'illusion égare, augmenter notre patrimoine intérieur par des ferveurs et des vigueurs insoupçonnées, s'améliorer,
se fortifier, se rendre supportable à soi-même et aux autres, devenir sicut dit, pareils à des dieux, ou, pour parler plus simplement, des hommes maîtres d'eux-mêmes et la tête au-dessus du troupeau * tel est le sens de cette formule en apparence si orgueilleuse qu'on lit en tête du livre : Ad majorem Hominis gloriam ! On voit quelle est la haute portée morale et sociale de ce beau livre que M. .fuies Bois a écrit, en fin de compte, pour « servir aux âmes dans lu tourmente et qui attendent leur libération.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les superstitions des auteurs anglais Il est curieux de remarquer que dans la froide et calme Angleterre, les artistes de théâtre sont, plus que partout autre part, soumis aux préjugés et aux superstitions.
C'est ainsi qu'ils ne veulent jamais répéter généralement un vendredi. Le directeur qui choisirait un vendredi pour donner une première serait sûr de faire un four. Une distribution théâtrale qui comporterait treize rôles provoquerait certainement la mort d'un des treize artistes.
Les plumes de paon doivent être prohibées, parce qu'elles portent malheur.
A l'ouverture du Prince of Wales, beaucoup de personnes se trouvèrent mal. Pourquoi ? Parce que les tapissiers avaient recouvert les fauteuils d'une étoffe dont la décoration ressemblait à la queue d'un paon. Le directeur fit remplacer l'étoffe et la malchance fut conjurée.
Une pièce — comédie ou drame — dans laquelle un acteur devrait entrer en scène avec un parapluie ouvert, serait considérée comme injouable et aucun artiste consciencieux ne voudrait accepter un des rôles. Qui sifflotterait pendant les répétitions annoncerait au directeur une .salle vide. Qui siffleraitdans sa loge attirerait une maladie à son voisin.
Enfin, une superstition très répandue et qui concerne les chaussures ayant servi au début dans la carrière théâtrale. L'artiste anglais le3 conserve comme un vrai talisman et les porte chaque fois qu'il signe un engagement ou le soir d'une première.
L'Alliance Scientifique Universelle
L'Alliance scientifique universelle, fondée en 1876 par M. Léon de Rosny, l'orientaliste bien connu, avec le concours de MM. Renan, Op-pert, Carnot, Levasseur, etc., vient de renouveler son comité central ainsi qu'il suit : MM. Léon de Rosny, président ; le docteur Bérillon, Daniel Berthelot, vice-présidents ; Ed. Combes, secrétaire général ; le docteur Spourgitis, secrétaire-adjoint ; A. Couton, trésorier ; Hansen-Blangsted, archiviste ; le docteur Paul Thiéry, Henri Auriol, député de la Haute-Garonne, conseillers. On sait que 1' « Alliance scientifique unir verselle » a pour but de faciliter les recherches des savants de tous pays, et possède des comités et des délégations dans le monde civilisé qui constituent de véritables consulats scientifiques Elle est placée sous le patronage de plusieurs souverains et compte parmi ses membres presque toutes les illustrations de la science internationale.
NECROLOGIE
Le docteur Aubeau
Il y a quelques jours succombait subitement un chirurgien qui a fait le plus grand honneur à sa profession. A ce sujet, nous ne pouvons mieux faire, pour indiquer la haute valeur intellectuelle et morale du Dr Aubeau, que de rappeler les paroles que j'ai prononcées au banquet qui lui fut offert à l'occasion de sa nomination dans la légion d'honneur. Je m'étais exprimé ainsi :
« Dans le corps médical français, qui compte tant de personnalités puissantes à tant d'égards, Aubeau occupe un poste d'honneur : il y représente l'initiative individuelle, l'indépendance scientifique et la valeur personnelle.
« Devenir un grand chirurgien, un opérateur habile, vous savez tous ce que cela représente de qualités diverses, d'aptitudes naturelles, mais aussi de labeur et de persévérance assidus. Pour arriver à cette situation enviée, il n'y a eu pendant longtemps qu'un seul moyen : aborder la voie si longue, si décevante et si peu conforme à l'évolution naturelle de notre race, qui s'appelle la carrière des concours.
« Il ne m'appartient pas de faire ici le procès de cette institution.Vous savez que dans les concours, l'intérêt de certains corps constitués est toujours en conflit avec l'intérêt général. Ils ne réalisent donc le plus souvent qu'une sélection à rebours. Vous savez qu'on y tient trop de compte des influences familiales ou mondaines.
« Il n'est pas douteux que le succès de certains candidats représente parfois le cadeau déposé dans une opulente corbeille de mariage, par un parent ou par un maître désireux de récompenser soit un fils, soit un gendre, soit un neveu, ou tout simplement un élève préféré.
« Le premier inconvénient de ce recrutement c'est qu'il élève des hommes dont la valeur n'est pas toujours à la hauteur de la situation qu'ils encombrent. Le second inconvénient atteint presque les proportions d'un malheur. Les concours tuent plus de gens qu'ils n'en font vivre. Ceux qui ne réussissent pas, quelle que soit d'ailleurs leur valeur, sont considérés comme des vaincus. Ils ne se relèvent jamais de leur échec et constituent autant d'hommes sacrifiés, destinés à végéter dans une situation secondaire. »
« Aubeau ne s'est pas laissé prendre à ce piège. Ne voulant compter que sur sa propre valeur, il a pris une autre voie.
II est devenu l'élève d'un grand maître, ce qui est déjà difficile car l'espèce en est rare. Mais il a fait quelque chose de plus fort encore : étant devenu l'élève de Pean, il a su le rester.
« On ne sait pas ce que cette situation d'assistant d'un grand opérateur chirurgical comporte de qualités personnelles. Il ne faut pas se contenter d'avoir quelques vertus, il les faut toutes : « exactitude militaire, esprit de suite patience inaltérable, égalité d'humeur, sangfroid, adresse,
dextérité, promptitude, compréhension immédiate des services demandés par l'opérateur. Enfin et surtout, résistance de fer à la fatigue.
« Le maître, pendant les longues heures d'une opération difficile, est j soutenu par l'intérêt vraiment artistique de l'œuvre qu'il accomplit. L'assistant, maintenu dans une attitude pénible, fatigante, dans une atmosphère anesthésiante de vapeurs d'éther ou de chloroforme, doit rester l'esprit en éveil, et sa collaboration, pour être sans éclat, n'en est pas moins vigilante et nécessaire.
« Élève discipliné et attentif, Aubeau s'est soumis à cet apprentissage de son art, poursuivant pendant quinze ans, sans défaillance cet apprentissage qui seul forme les véritables savants. C'est le procédé dont la tradition s'est conservée chez les oculistes et qui a valu à l'oculistique française tant d'honneurs mérités.
« En présence des succès humains, on est assez porté à les interpréter par quelque théorie mystique de la veine ou de la déveine. Mais un psychologue ne saurait se contenter de ces apparentes explications. Nous autres qui nous adonnons au culte de la psychologie, nous aimons à rechercher les causes des choses. Ici notre tâche est facile. Le succès d'Aubeau n'est dû à l'intervention d'aucune puissance mystérieuse, " humaine ou divine. Il est le résultat d'une méthode vraiment scientifique qu'il avait apprise dans le laboratoire de son maître Paul Bert, dont il fut, il y a vingt ans, le collaborateur à la Sorbonne. 11 est aussi le résultat de son heureuse organisation cérébrale. En psychologue, je me suis appliqué à découvrir ce qui existait derrière son front puissant. J'y ai découvert des trésors de volonté patiente,1 de bonté éclairée, de loyauté et surtout de bon sens. Aubeau a la main habile parce qu'il a un cerveau actif et bien équilibré. »
Je n'ajouterai rien à ce que m'inspirait mon amitié pour Aubeau. Nombreux seront les amis qui conserveront pieusement le souvenir de cet homme de bien, dévoué à ses amis et sachant allier un grand sens psychologique à sa spécialité chirurgicale.
Le Professeur Mourly Vold (de Christiania)
La Revue de l'Hypnotisme vient de perdre, en M. le professeur Mourly Vold, de Christiania, un de ses amis les plus dévoués. Nous avions publié de lui, en 1896, un travail d'une haute valeur intitulé Expériences sur les rêves et en particulier sur les rêves d'origine musculaire ou optique. Ses études sur les rêves dataient de 1876 et il n'a cessé depuis lors de les poursuivre avec la plus grande sagacité. En 1900, il avait été un des membres actifs du deuxième Congrès international de l'hypnotisme et nous avons pu constater à la fois l'étendue de son savoir, la hauteur de ses vues et le libéralisme de son esprit.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
EXPÉRlMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. —N°3.
Septembre 1907.
BULLETIN
La section de pédagogie au Congrès de l'Association Française pour l'avancement des sciences, sous la présidence du Dr Bérillon. — Le banquet de la section de pédagogie.
Le Congrès de l'Association française, tenu à Reims sous la présidence de M. le Dr Henrot, le 1er Août 1907, a été très brillant, et de nombreuses communications y ont été faites. Nous devons nous borner à mentionner celles de la Section de pédagogie et d'enseignement, qui intéressent plus particulièrement nos lecteurs.
Le bureau de cette Section fut ainsi composé : Président, M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de Psychologie ; vice-présidents : Mlle Fritsch, directrice de l'Ecole commerciale et ménagère et M. André, inspecteur primaire à Reims ; secrétaires : Mlle Géhin, directrice de l'Ecole normale de Bar-le-Duc et M. le Dr Mabille, de Reims, rédacteur en chef du Conseiller du Praticien.
Un grand nombre de membres de l'enseignement et de médecins avaient répondu à l'appel du président. En particulier la Société d'hyp-nologie et de psychologie était représentée par six de ses membres. Parmi les personnes qui ont suivi les travaux de la Section.nous pouvons mentionner M. Lefèvre, inspecteur d'académie ; M. Palette, proviseur du lycée ; Mlle Saverv, directrice du lycée de jeunes filles ; M. Rogie, inspecteur primaire à Reims ; M. Barbelonet, professeur au Lycée de Tourcoing ; M. Moreau-Bérillon, professeur spécial d'apiculture ; M. Letort, délégué au Ministère de l'Instruction publique ; M. Desma-retz, censeur au Lycée de Charleville ; M. le professeur Ubeyd Oullah, de Constantinople ; M. Aureggio, vétérinaire principal ; Mlle Lucie Bérillon, professeur au Lycée Molière ; M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de Psychologie ; M. le Dr Lbreddb, directeur de l'Etablissement dermatologique de Paris ; M. le Dr Hurtrel, M. le Dr Tison, Mme Higgins, de New-York ; M. Bësnard, maire de Joigny ; M. le D' Zolotowitz, ministre de Bulgarie ; M. Guenon, vétérinaire-major ; M. Petiton, ingénieur des Mines ; M. Beauvais, directeur de l'Ecole professionnelle ; M. Guichard, professeur à l'Ecole professionnelle ; Mlle Mulot, directrice de l'Ecole des Jeunes Aveugles d'Angers ; M. Gascard, de Rouen ; Mlle Alice Bérillon, professeur au Lycée -Racine ; M. Rémy, directeur d'Ecole ; M. Collin, de Paris ; M. Franguet,
directeur d'Ecole ; M. Ramé, directeur d'Ecole ; M. Feuillet, inspecteur de l'Enseignement technique ; M. le Dr Beauvisage, professeur à l'Université de Lyon ; M. Quinqué, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil ; Mlles Bertheret.Straub et Girard, professeurs à l'Ecole normale de Bar-le-Duc ; M. Ladureau, ingénieur ; M. Guézard ; M. Wouters, bibliothécaire de la Société de Géographie commerciale ; Fauré-Hérouard, Conseiller d'arrondissement ; M. Chodez, professeur à l'Ecole professionnelle ; Mme Moreau-Bérillon, professeur au lycée de Reims ; Mlle Matton, professeur au lycée de Lille ; Mme Bouquet, directrice de l'internat du lycée de jeunes filles de Nantes ; Mme Basot, M. Prou, instituteur ; Mme Guénard, directrice d'Ecole maternelle ; M. Re • miet, directeur d'Ecole ; M. Fouriaux, directeur d'école ; Mlle Boudin, directrice d'Ecole ; Mlle L.Robin, institutrice ; Mlle Maheu. institutrice ; Mlle Lebrun, institutrice ; M. Logeart, instituteur ; M. Gouverné,instituteur ; M. P. Charpentier, instituteur ; M. Milly, professeur au Lycée de Reims ; M. Berlaud, instituteur ; M. Boudon, instituteur ;fM. Lau-rain, instituteur ; Mme Charpentier, institutrice ; Mme Logeart,institutrice ; M. Appert, instituteur ; Mlle Waltener, institutrice ; Mlle Rique,, directrice d'école maternelle ; Mlle A. Petit, institutrice ; Mlle Talide, institutrice ; M. Steinmetz, instituteur ; Mme Chodez, professeur à l'Ecole professionnelle ; M.Julien Ray, maître de conférences à l'Université de Lyon : M. Dbsnoyers, professeur d'écriture ; Mlle Moría, professeur de dessin au lycée Molière ; M. le D' Godon, directeur de l'Ecole dentaire ; M. le Dr monet,de Montataire ; M. le Df David, de Paris ; M. Boissier, ingénieur, ; M. le Dr Gautrez, médecin de l'Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand : M. Gadot, ingénieur ; M. deMontricher, ingénieur ; M. Duthil, instituteur ; M. Grison-Poncelet ; M. Andrault, conseiller honoraire à la Cour de Paris ; Martin Ragot, de Reims, etc. Plusieurs officiers de la garnison de Reims ont également suivi les séances de la section, en particulier celles qui ont été consacrées à VEnseignement scientifique dans les casernes.
Les personnalités scientifiques de Reims se sont multipliées pour faire aux membres du Congrès l'accueil le plus agréable. Parmi les réceptions, nous devons mentionner la soirée donnée à l'Hotel-de-Ville par la municipalité et le comité local, le banquet offert par M. le professeur Henrot, la soirée organisée par M. le Dr Lardennois, et enfin la brillante réception organisée par M. le Dr Mencîère dans son magnifique établissement consacré à l'orthopédie. Dans le jardin, illuminé avec beaucoup de goût, la foule nombreuse des savants réunis au Congrès circulait aux accents d'un orchestre de premier ordre. Tous ont remporté de cette belle soirée l'impression la plus agréable.
Nous publierons dans le prochain numéro de la Revue un certain nombre de communications qui ont été faites au Congrès.
Le siège du prochain Congres se tiendra à Clermont-Ferrand, le 1er août 1908.
La section de pédagogie du Congrès de l'Association française a pris l'habitude de couronner ses travaux par un banquet dans lequel se groupent amicalement les membres de la section. Comme l'année précédente le succès de cette réunion a été très apprécié. Nous en empruntons le compte-rendu â l'Eclaireur de l'Est :
Une cinquantaine de congressistes s'étaient groupés autour du président, M. le Dr Bérillon. Citons, parmi eux, M. le Dr Beauvisage, premier adjoint au maire de Lyon, professeur à la Faculté de Médecine ; M. le Pr Ubeyd-Oullah, de Constantinople ; Mme Higgins, de New-York ; M. Ray, professeur à la Faculté des Sciences de Lyon ; Mlle Géhin, directrice de l'Ecole normale de Bar-le-Due, et Mlles Straub, Girard, Berthoret,professeurs de cette école ; Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière, Mlle Alice Bérillon, professeur au lycée Racine ; M. Fau-ré-Hérouard,conseiller d'arrondiss. de l'Oise ; Mme Bérillon ; M. Bois-sier, ingénieur à Marseille ; Mlle Mulot, directrice de l'Ecole d'aveugles d'Angers ; M. le D' Mabille, l'actif et dévoué secrétaire de la section, et sa famille ; M. Beauvais, directeur de l'Ecole professionnelle de Reims ; M. Feuillet, inspecteur de l'enseignement technique ; M. Moreau-Béril-lon, professeur spécial d'agriculture de Reims, et Mme Moreau-bérillon professeur au lycée de jeunes filles de Reims ; MM. Guichard et Chodez, professeurs à l'Ecole professionnelle ; Mlle Maheu, directrice d'école ; M. Mabille, directeur de l'octroi de Reims, M. le Dr Emonet, M. Collin, de Paris, de nombreux membres de l'enseignement primaire de Reims, etc.
Au dessert, pendant qu'on savourait l'exquis Champagne offert gracieusement par les Maisons Heidsieck et Cie et Eugène Barbier, plusieurs toasts ont été portés.
M. le Dr Bérillon se félicite de voir groupés autour de lui des représentants de tous les ordres d'enseignement, en particulier de l'enseignement professionnel si plein d'avenir. Tous sont unis pour travailler à une œuvre commune, la grandeur de la patrie, ce capital moral que nous devons transmettre à nos enfants. Nous devons nous attacher d'autant plus à cette œuvre que la France est la patrie la plus belle et la plus digne d'être aimée.
Il salue les étrangers qui ont honoré celte réunion de leur présence.
Mlle Gehin, directrice de l'Ecole normale de Bar-Ie-Duc, émet le vœu que les médecins continuent à apporter leur concours à la cause de l'enseignement, comme les professeurs y consacrent leur expérience et leur dévouement, pour arriver à faire une France plus grande et plus douce.
M. le Pr Ubeyd-Oullah, de Constantinople, fait l'éloge de la France et boit à sa prospérité et aux succès de la section de pédagogie.
Mme Higgins, de New-York, en quelques mots charmants qu'on a bien voulu nous traduire, exprime son bonheur de se trouver au Congrès où elle a été attirée par la renommée du Dr Bérillon. dont elle
admire l'œuvre. Elle rend justice à l'élévation et au tact avec lesquels il a conduit les travaux du Congrès et demande trois hourras en son honneur.
M. Julien Ray, professeur à la Faculté des Sciences de Lyon, convie les membres de la section à se retrouver l'année prochaine à Clermont-Ferrand.
M. le Dr Beauvisage préconise d'une voix sonore la fusion des trois ordres d'enseignement. M. Beauvais, directeur de l'Ecole professionnelle, proclame l'utilité et boit aux succès de l'enseignement professionnel. M. le Dr Bérillon boit à la presse, et Mme Moreau-Bérillon, professeur au lycée de Reims, clôt spirituellement la série destoasts en levant son verre en l'honneur des bons élèves qui ont été quelque peu négligés à la section de pédagogie — car on s'y est surtout occupé des cancres et des arriérés — « si les succès scolaires, dit-elle, ne conduisent pas toujours à la fortune, ils n'empêchent pas de réussir dans le monde, témoin les Renan et les Berthelot » ; elle souhaite donc à tous les éducateurs présents d'avoir beaucoup de bons élèves à la caserne, au lycée et à l'école.
Enfin, M. Duthil, instituteur à Reims, pour ne pas manquer à son devoir de propagandiste, a récité une fable en espéranto.
La psychothérapie dans ses différents modes (1)
Par M. le Dr Van Renterghem, directeur de l'Institut Liébeault, â Amsterdam.
Dans mon livre, Liébeault et son Ecole (2), je me suis étendu longuement sur ma méthode personnelle d'appliquer le traitement psychique. J'y ai dit, qu'au début de ma carrière de psychothérapeute (1886) je copiais fidèlement la technique du docteur Liébeault et n'eus qu'à me louer de ce procédé. Je recrutais alors presque exclusivement mes malades dans la classe des artisans et de la petite bourgeoisie, comme le faisait mon maître Liébeault dans sa clinique de Nancy. La suggestion verbale sous forme d'affirmation simple faisait alors principalement les frais de mon traitement.
Dès le déplacement de ma clinique, de la petite ville de province où je résidais alors, à Amsterdam, au mois d'août 1887, cet état de choses changea et avec lui mon traitement.
J'aperçus bientôt que pour arriver à mes fins je ne pouvais guère m'en tenir là, mais que les autres modes de la psychothérapie devaient compléter le traitement.
Pour faire du bien à mes malades hystériques, neurasthéniques, obsédés ; pour arriver à des guérisons sérieuses, je
(1) Extrait d'une communication faite au Congrès international de psychiatrie, neurologie et psychologie. Amsterdam, septembre 1907. (2) Edition Hollandaise Liébeault en zijn School. 1898. Amsterdam, f, non rossen.
sentis qu'il ne pouvait suffire de donner simplement quelques séances de suggestion (hypnotique) au malade mais qu'il était nécessaire de l'instruire, de faire sa rééducation, de l'isoler au besoin.
J'abandonnai alors, en grande partie, le traitement des malades en présence d'autres personnes, comme je l'avais pratiqué jusqu'alors exclusivement, et m'appliquai plutôt à les voir seuls. Ce faisant, je perdis l'avantage de l'atmosphère suggestive que crée la présence de personnes en état de sommeil, qui favorise si bien la naissance du sommeil provoqué chez les nouveaux venus, mais j'évitai ainsi l'appréhension que peut imprimer à beaucoup de gens cette vue étrange et je me rendis bientôt compte de l'excellence de cette mesure. Les malades, mieux que devant, pouvaient s'épancher librement, me conter leurs misères, ne se trouvant plus gênés par la présence de tierces personnes et si le sommeil n'égalisait pas en profondeur celui obtenu généralement sous les conditions précédentes, mes suggestions n'en portaient pas moins bien. Si dans beaucoup de cas je ne réussissais pas à endormir mes malades, j'arrivais tout aussi bien à leur faire réaliser mes suggestions thérapeutiques.
Je ne négligeais pas la négation du symptôme, l'affirmation de la guérison, mais je saisissais parfaitement l'incomplet de ce traitement et la nécessité de le compléter en exposant aux malades leurs maladies, en visant à la rééducation de leurs fonctions viciées, au rétablissement du pouvoir de leur volonté par l'exercice et l'entrainement, et à la révélation et la morali-sation de leur pouvoir de résistance psychique et physique contre les influences délétères.
Depuis lors j'ai continué à me servir des deux modes concurremment et je m'en suis bien trouvé.
L'Institut Liébeault ou j'ai transféré les services de ma clinique dès le 1er novembre 1899 et que j'ai fait bâtir sur mes indications, m'a permis d'offrir à mes malades un milieu plus favorable pour recevoir le traitement psychique, qu'auparavant.
Son emplacement a été choisi dans un quartier tranquille d'Amsterdam, éloigné du bruit de la ville et des quartiers commerçants.
Tout le bâtiment est affecté au traitement des malades. Il se compose, hormis du cabinet de consultation et des deux salles d'attente, d'un grand hall et de vingt-trois chambrettes disposées en deux étages, ouvrant sur le hall. Je puis installer en même temps trente-deux malades.
Le hall est destiné à recevoir les malades qui ne font pas d'objections au traitement en commun.
Les nouveaux malades sont soumis à un examen rigoureux et né sont admis au traitement que si leur état justifie l'epoir d'une grande amélioration ou de la guérison.
Durant l'examen je m'applique à les mettre à leur aise, à gagner leur confiance, à me faire une idée juste de l'état de leurs organes.
Le diagnostic de la maladie posé, j'étudie le moral du malade et le milieu dans lequel il vit. Le malade nerveux est très sensible à quelque prévenance de la part du médecin ; il a de fines antennes qui lui font d'emblée reconnaître l'ami sûr qui veut et peut le guérir et le démêler de l'homme de science et de strict devoir, sans plus.
Si les troubles nerveux sont causés par une affection organique et que le malade soit conscient de l'existence de la lésion, je ne m'afflige pas à lui faire croire que celle-ci n'existe pas, mais je lui apprends que la psychothérapie peut seulement guérir les troubles fonctionnels et que la lésion organique réclame un traitement spécial. La maladie est-elle incurable, je fais ce que je puis pour soulager le patient et je m'applique à lui prêcher du stoïcisme, à lui apprendre à supporter son sort avec résignation.
L'examen moral demande beaucoup de tact. Le malade hésite rarement à vous dire qu'il a eu une frayeur, de graves chagrins de famille, des revers de fortune, des pertes d'argent ou d'une position sociale, mais il ne vous avouera pas si facilement ses faiblesses, certains vices : excès de boissons, aberrations sexuelles, délits quelconques ; il montrera souvent dos scrupules à vous dévoiler ses phobies, ses obsessions. En est-il venu à se confesser durant ou après l'examen, il se trouve en bon chemin pour vous accorder toute sa confiance.
L'étude du malade pour être complète doit comprendre celle de son entourage. J'aime à écouter ce que la famille ou les amis ou patients ont observé, concernant ses faits et gestes, pour comparer leurs impressions, avec celles que j'ai reçues de lui moi-même.
Le jugement que je porte à la fin de mon examen est donné avec grande circonspection pour que jamais il ne puisse faire tort au malade, ni lui enlever l'espoir de la guérison.
Si je juge la maladie guérissable, mais qu'elle demandera beaucoup de temps pour être menée à bien, j'insiste
surtout sur le pronostic favorable et j'explique au malade qu'il dépendra pour une grande part de lui-même de hâter la gué-rison et, qu'à cet effet, je lui conseille de suivre à la lettre tous mes préceptes.
Si je prévois que des périodes alternantes d'amélioration et d'aggravation, des modifications, imprévues par lui, peuvent se produire, je l'en avertis au début du traitement pour prévenir ses défaillances, le découragement de sa part, si un contretemps se présentait.
Je m'applique ainsi à cultiver chez lui un certain optimisme et à augmenter son énergie et sa force de résistance. Le plus grand soin est donné pour créer au patient un milieu favorable à sa guérison.
Si pour le moment, le milieu habituel ne lui est pas favorable, je lui en choisis un autre présentant des conditions meilleures. Dans certains cas l'isolement temporaire dans une maison de santé s'impose. Dans ces conditions, le traitement peut-être bien suivi, dûment surveillé, partant réussit mieux généralement. Aussitôt que possible j'habitue le malade à reprendre quelque occupation. Je lui fais une sage répartition de sa journée, fixant les heures du travail et du repos, celles de la récréation, l'heure du lever et celle du coucher, les moments des repas, faisant la part du travail intellectuel et de l'exercice musculaire.
Redoutant pour le malade nerveux la société d'autres malades, craignant pour lui la contagion par l'imitation, je veille à ce qu'il reste éloigné autant que possible des autres malades.
Le traitement proprement dit est pratiqué dans une chambre où le malade se trouve seul avec moi. Il peut y être accompagné d'une personne de sa famille dans le cas où il le désire. Le plus souvent, dès la deuxième séance les craintes qu'il pouvait éprouver sont dissipées et il préfère l'isolement de la chambre qui dispose à l'épanchement et à la confession. .
Je m'assieds près de lui, après l'avoir installé sur le divan et commence notre entretien par lui résumer les traits principaux de sa maladie, que j'analyse avec lui, s'il est du moins dans une disposition d'esprit qui lui permet de suivre mon exposition. Je lui expose les données sur lesquelles repose mon diagnostic et mon pronostic et lui cite quelques guérisons heureuses de cas analogues au sien. Je discute avec lui les symptômes qu'il présente et finis par lui donner les conseils que son état exige,
des règles de régime, d'hygiène etc. L'entretien fini, j'engage le patient à rester couché quelque temps encore, et à ruminer ainsi mes paroles.
Très souvent le malade, à qui j'ai réussi à rendre le calme, à faire oublier ses misères, s'assoupit et s'endort. D'autrefois il reste les yeux ouverts ou fermés, ne dormant pas, mais quand même calmé. Je tire parti de ces conditions pour imposer mes suggestions. Sous forme de suggestions persuasives, je lui répète ce que je venais de lui dire un moment auparavant pendant mon entretien.
Il est des cas, assez fréquents, où les dispositions d'esprit du malade ne sont pas favorables à l'intervention des raisonnements, où il est incapable de suivre la dialectique serrée du médecin. Il se prête plus volontiers à entendre les paroles consolantes et encourageantes qui le bercent ; il lui est agréable de sentir la main amie du médecin appuyée sur sa tête, pendant que celui-ci lui fait des suggestions. J'ajourne alors le raisonnement à plus tard et m'applique à combattre les symptômes. Je cherche à provoquer le sommeil, à calmer l'irritabilité, l'angoisse, à neutraliser la douleur ; et cela de la manière la plus simple du monde. Je lui pose notamment ma main sur le front, lui ferme doucement les paupières et lui insinue d'une voix calme et persuasive mes suggestions de sommeil et de guérison. De ma main libre je renforce la suggestion verbale en touchant avec ma main les membres malades ou endoloris.
Après un temps plus ou moins long, une demi-heure à deux heures au plus, j'éveille le malade s'il s'était endormi, ou je l'invite à se lever s'il était resté éveillé.
Je réitère ces séances d'entretien et de suggestion soit chaque jour, soit à plus grande distance et généralement je réussis ainsi à rétablir le calme et l'équilibre psychique. Si la méthode suggestive a bien préparé le terrain pour celle du raisonnement ou de l'éducation, je subtitue celle-ci à celle là ou j'associe les deux modes s'il y a lieu.
Dans certains cas le sommeil provoqué seul, prolongé durant des heures, des jours, des semaines, fait les frais exclusifs ou principaux du traitement.
La guérison accomplie, je ne perds pas mon malade de vue.
Je l'engage à m'écrire de temps en temps, à me tenir au courant de son état, à m'avertir en cas de défaillance ou de rechute ou à venir me trouver.
Je continue de cette façon à lui prêter le soutien moral néces-
saire à la plupart de ces malades et arrive ainsi à faire de belles et solides guérisons. Il faut pour cela que mes malades psy-chasthéniques, hystériques, neurasthéniques, sachent que je continue à rester leur ami, toujours disposé à leur prêter main-forte au besoin, à collaborer avec eux au maintien de l'équilibre moral que mon traitement psychique a su leur rendre, à les remettre sur le bon chemin, s'il y a lieu.
Chaque malade a son heure fixée de traitement et occupe autant que possible la même chambre, question d'habitude favorable à la suggestion. Cette disparition prévient aussi en même temps l'accumulation des malades dansles salles d'attente et les entretiens si nuisibles entre nerveux.
- Est-il besoin de dire que, si la suggestion directe n'est pas indiquée ou ne réussit pas, je la matérialise sous forme d'une médication chimique ou physique et que, si la psychothérapie dans un cas donné ne remplit pas toutes les indications de la maladie, je fais appel aux autres formes de la thérapeutique.
Conclusions
La condamnation portée par MM. les Drs Déjérine et Dubois contre l'emploi de la suggestion et de l'hypnotisme, est immé-. ritée ; les accusations dont ils chargent leurs confrères qui continuent à s'en servir ne sont pas fondées, et il est de mauvaise guerre de vouloir diviser les médecins psychothérapeutes en deux camps ennemis, d'un côté celui des médecins hypnotiseurs et de l'autre celui des médecins raisonneurs.
En effet, les hypnotiseurs emploient et considèrent la suggestion dans le sens le plus large du mot et les raisonneurs, bien que tâchant de s'abstenir et évitant autant que possible l'emploi de la suggestion, en font usage à tout moment, bien qu'ils s'en défendent, et je veux le croire, inconsciemment.
La seule différence consiste à ce que les premiers oflrent à leurs malades de plus grandes chances de guérison que les seconds, étant donné que l'emploi loyal de la suggestion à l'état de veille et à l'état de sommeil leur permet : 1° de provoquer uq sommeil calme, ne différant en rien d'un sommeil ordinaire et naturel, sommeil qui peut être prolongé et dépasse alors de beaucoup en effet salutaire l'isolement avec suralimentation que les raisonneurs peuvent offrir à leurs patients ; 2° de provoquer l'anesthésie chirurgicale qui met en état de subir des opérations graves, des accouchements sans dou-
leur ; 3° de neutraliser directement le symptôme et de préparer ainsi le terrain au raisonnement.
Ils baptisent leur traitement moral, qu'ils voudraient voir substitué au traitement par la suggestion hypnotique, de psychothérapie rationnelle.
Leur traitement, aussi bon qu'il soit, est incomplet,-il ne constitue pas toute la psychothérapie, j'ajouterai qu'il n'est pas nouveau.
Je crois pouvoir avancer que tous les psychothérapeutes modernes se servent concurremment des trois modes principaux qui constituent la médecine de l'esprit.
La priorité de la pédagogie morale, de la méthode éduca-trice ne leur appartient pas. Les livres de MM. Bernheim et Forci, les séries de volumes de la Revue de VHypnotisme du Dr Bérillon et de la Zeitschrïft fur Hypnotismus des Drs Gross-mann et Oscar Vogt en font foi et n'ont qu'à être consultés pour le prouver.
Il faut vouloir et savoir faire la part des trois modes pour le plus grand bien du malade. Le médecin vraiment rationnel est éclectique et sait tirer parti de toutes ses armes ; il prend son bien où il le trouve. Le psychothérapeute vraiment digne de ce nom doit savoir calmer, consoler et encourager ; il doit se montrer homme de cceur et de tact, posséder un fonds illimité de patience et de persévérance ; médecin doublé d'un psychologue, il est apte à étudier et le malade et la maladie. Il sait choisir le meilleur-procédé et est capable de s'en servir au moment psychologique. Il doit pouvoir manier la suggestion, provoquer le sommeil, faire la psycho-analyse, produire l'anesthésie, réaliser l'éducation de la volonté, de l'esprit.
Le véritable psychothérapeute ne néglige ni ne rejette, de parti-pris, aucun de ces facteurs qui, tous, peuvent être utiles. De même, s'il y a lieu, il demandera le concours des médications chimiques et physiques, alors qu'il estime que la psychothérapie seule ne peut suffire pour atteindre le but auquel il tend.
Pour le traitement psychique ainsi compris, et seulement pour celui-ci, je réclame la dénomination de psychothérapie rationnelle.
Une épidémie religieuse en Allemagne,
Par M. le Dr Witry, de Trêves.
L'épidémie religieuse en question a éclaté au commencement de juin 1907 à Cassel et a gagné une grande partie de la province de liesse-Nassau. Elle commence às'éteindre lentement après avoir infecté environ dix mille personnes.
Le « drôle de Saint », comme il est appelé par la presse, et le Messie de cette épidémie, est le pasteur protestant Henri Dallmeyer, de Cassel. Dans une brochure intitulée : » De la réhabilitation », qu'il vient de publier ces jours derniers, il écrit qu'il avait « reçu de Dieu une bénédiction spéciale, » à Lubeclc. Il se rendit de là à Hambourg et y rencontra deux sœurs norvégiennes de Christiana, « qui possédaient une plus grande force divine » que lui. Elles s'exprimaient en plusieurs langues étrangères et avaient le don suprême de l'explication de la littérature sainte. « Jusqu'alors, dit-il, j'avais lutté continuellement contre le mauvais désir en moi ; à présent le Seigneur ôta ces désirs, de sorte qu'il me fallait clamer toujours : « Il m'a ôté quelque chose.... Deux jours après je fus baptisé par l'Esprit du Seigneur. Ce baptême amena aussi la guérison d'un mal corporel dont je souffrais depuis 12 ans ».
Le pasteur Dallmeyer revint à Cassel, accompagné des deux sœurs norvégiennes. Il les admit dans le sein de sa famille (car il est marié et père de iamille) et commença dans une des plus grandes salles de la ville ses réunions mystiques.
Les croyants s'y réunissaient par centaines, les assemblées étaient surtout composées de femmes et d'enfants. Les mécréants et les rationalistes qui témoignaient quelque scepticisme étaient »mis tout bonnement à la porte avant l'ouverture des séances.
L'aflluence à la porte de ces réunions devenant de plus en plus nombreuse, la police dut créer un service d'ordre dans la rue. « Quand la salle était pure, c'est-à-dire qu'elle ne contenait plus d'impies, alors commençaient « les convulsions, le langage en idiomes étrangères et les explications de ces langues et des textes saints. » Dallmeyer écrit : « Ce qui était désagréable dans nos assemblées, ce furent les cris et le tumulte des assistants, mais c'est très explicable : le Saint-Esprit, en voulant prendre possession de certaines personnes, y trouva la résistance du diable ; en d'autres cas, les possédés
ne pouvaient pas supporter la puissance divine : ils avaient besoin de pousser des cris de joie. Ensuite Satan essaya d'imiter dans quelques-uns l'œuvre de Dieu. »
Les adeptes se rassemblaient pour écouter des sermons, contessant leurs péchés à haute voix et chantant des cantiques. Soudain une assistante tombait en extase, étendue sur le plancher. Son corps était agité de tremblements convulsifs, dans lesquels les adeptes voyaient la manifestation de l'esprit divin. Bientôt la frénésie gagnait toute l'assemblée. « L'esprit opère ! » criaient hommes et femmes, et tous se jettaient sur le sol, battant des mains, poussant des clameurs, se livrant ensuite à une série de danses épileptiques, d'exercices, de contorsions bizarres.
Voici d'ailleurs le tableau qu'en retrace visu la Gazette de
Casse ! ;
« Une des personnes présentes tombe en extase, s'étend sur le sol, le corps agité d'un mouvement convulsif ; les autres se réjouissent, car elles y voient la manifestation de l'esprit divin. Puis la frénésie saisit toute l'assistance. Hommes et femmes comme dans un accès se jettent sur le sol en battant des mains et en poussant des clameurs d'une voix déchirante. Puis ce sont les conversions subites. Un homme se débarrassse de son col et de ses manchettes et les dépose sur l'estrade en signe de renonciation, de même des femmes enlèvent leurs chapeaux.
« Ce ne sont que soupirs, larmes et invocations.
« Puis les convertis se prennent aux épaules et dansent en rond jusqu'à épuisement complet. »
L'épidémie gagna tous les environs de Cassel. Elle a sévi surtout dans la petite ville de Gross-Almerode. Ce furent surtout les enfants qui en présentaient les manifestations, et cela à un tel point, que les médecins crurent devoir adresser un appel aux pouvoirs publics et consistoriaux pour leur demander d'intervenir. Aujourd'hui, après trois mois d'infection, après s'être propagée à des milliers de cerveaux qui en garderont certainement une impression fâcheuse, l'épidémie s'éteint lentement.
Pour qu'il se croie un nouveau Messie, il a suffi à un pasteur protestant, mystique et hystérique d'être guéri miraculeusement d'un malaise dont il souffrait depuis douze ans. Il n'en a pas fallu davantage pour qu'il se sente inspiré par Dieu.
A ce premier élément est venu s'en joindre un second, l'élément féminin qu'on retrouve toujours dans ces épidémies
mystiques. Il fut d'abord représenté par les deux sœurs norvégiennes auxquelles sont venues se joindre d'autres névrosées.
Cette collaboration sexuelle se retrouve non seulement au début, mais pendant toute l'évolution ultérieure du mouvement. « Les désirs charnels du fondateur ont été « effacés par le Seigneur ! » Il s'agissait probablement d'une simple suspension d'action.
Dans l'épidémie de Cassel, rien ne manque de l'ensemble habituel de ces névroses collectives : fanatisme d'un mystique et croyance aveugle à sa mission ; phénomènes miraculeux ; sensations érotiques latentes ou apparentes ; symptômes nerveux des foules ; public composé de femmes ou d'enfants, cerveaux crédules, suggestifs, dépourvus d'esprit critique.
Dallmeyer termine sa brochure par les mots suivants : « Je suis venu allumer un feu sur la terre et je veux qu'il flambe. »
Le feu allumé par le pasteur hessois a joliment flambé, car il était attisé par le souffle puissant de la suggestion dont l'influence est bien connue de tous les médecins neurologistes modernes.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 21 mai 1907. — Présidence de M. le Dr Voisin.
Un sommeil de trente ans (?), par M. le Dr Paul Farez, professeur à l'Ecole do psychologie.
Il y a quelques mois, plusieurs journaux quotidiens annoncèrent qu'en Espagne, dans la province de Burgos, à Villacienzo, une femme venait de se réveiller d'un sommeil qui durait depuis trente ans.
Ayant, comme vous le savez, tout particulièrement étudié la question des sommeils pathologiques, j'ai pris l'habitude de faire une enquête minutieuse, à propos de chacun de ces cas que la presse publie, par intermittence, avec une précipitation qui exclut trop souvent toute espèce de contrôle. C'est ainsi que, tout dernièrement, je vous ai rapporté l'observation détaillée de Gésine (1), qui dormit pendant dix-sept ans, à Grambke (Allemagne), et celle d'Argentina (2), la dormeuse de San-Remo. Dans un ordre de faits analogue, j'ai acquis la certitude que le cas récent de la prétendue ressuscitée de Nuremberg ne reposait sur aucun fondement.
(1) Cf. Revue de l'Hypnotisme, oct. 1901, p. 108.
(2) Cf.ibid., mai 1906, p. 339.
Ce sommeil de trente ans, par sa durée insolite, m'intrigua beaucoup. Mais, peut-être s'agissait-il d'un cas mal interprété, amplifié, déformé ; peut-être la nouvelle transmise avait-elle été mal traduite et avait-on lu trente ans, au lieu de trois ans, voire même de trois mois ?
L'enquête que j'entrepris fut longue et difficultueuse. J'y fus grandement aidé par deux médecins espagnols auxquels j'adresse mes très vils remerciements, — l'un, très lié avec une famille que je soigne à Paris, le Dr Hamon Barco de Palacios-Rubios (Salamanca),— l'autre, médecin de S. M. le Roi Alphonse XIII, le Dr José Grinda (de Madrid) qui, sur l'entremise d'un ami commun, a multiplié les recherches avec un zèle dont je lui suis très reconnaissant.
Voici, très succinctement, à quoi se ramène le fait dont il s'agit :
Benita F.... est née en 1843. Ses parents, à, ce qu'on prétend, ont toujours, ainsi qu'elle-même, joui d'une excellente santé. Mariée, elle a cinq enfants. Vers 1876. elle est poursuivie, avec ses enfants, par un taureau furieux ; elle en éprouve une grande frayeur, et de violentes douleurs de téte ne tardentrpas à s'installer.
Elle consulte un rebouleur qui lui annonce les plus grands maux. En effet, les douleurs augmentent ; elle dit à son entourage avoir dans la tète un insecte qui va lui manger le cerveau. Toutefois, peu à peu, la céphalée diminue, puis disparait. Mais Benita reste un peu hébétée, sans presque parler ni manger.
Un an après, un second rebouteur, sans lui donner aucun médicament, réussît à la faire parler et manger... pendant quelques mois.
Puis, suivant une progression lente mais continue, son activité décroit, son intelligence s'obnubile, elle s'alite, parle et mange de moins en moins, absorbant encore, pendant quelques années, un peu de lait, chaque jour. Elle arrive ainsi, vers l'année 1885, à ce que j'appellerai la période d'état, laquelle durera vingt ans.
Elle n'articule jamais une seule parole. Elle ne se lève jamais de son lit, où elle garde continuellement la même attitude a en chien de fusil », immobile, comme endormie. Elle n'est pas cataleptique : si on lève un de ses bras et qu'on l'abandonne, il reprend aussitôt sa position antérieure. Ses réflexes tendineux sont très exagérés.
Pendant ces vingt années, dit son entourage, elle n'a pris aucune alimentation. S'il est vrai qu'elle ne mange pas. au moins elle boit, — si peu que cë soit.
D'ordinaire, donc, elle ne fait aucun mouvement et n'émet aucun son. Mais, quand elle désire boire, elle le demande, soit en frappant sur le lit avec une baguette qui est à portée de sa main, soit en poussant des grognements. On lui fait ainsi absorber un peu d'eau, trois fois par jour. La quantité ingérée, par vingt-quatre heures, ne dépasse pas, assure-t-on, cent vingt-cinq grammes.
L'entourage affirme qu'elle ne va jamais à la garde-robe et qu'elle n'urine jamais. Sa peau est un peu moite ; cette légère perspiration cutanée tiendrait donc lieu de diurèse.
La respiration est régulière, le pouls bat 120 fois par minute, la température avoisine uniformément 37°. La malade est toujours légèrement couverte dans son lit.
D'ordinaire, elle a les paupières baissées et la bouche close ; mais elle voit de même qu'elle entend. Si l'on entre dans sa chambre, si l'on parle d'elle, si l'on ouvre la fenêtre, elle grogne ; si quelqu'un s'approche de son lit, elle se cache la tète soit avec un mouchoir, soit avec le drap qu'elle attire sur sa figure avec ses deux mains.
Ces mouvements d'appel ou de protestation, ces grognements et la déglutition quotidienne de cent vingt-cinq grammes d'eau, voilà à quoi parait se réduire toute son activité.
Quand son mari meurt, ses deux filles se partagent son bien, comme si elle n'existait plus. Une voisine consent à la garder chez elle pour la modique somme de quatre francs par mois : il n'y a rien à dépenser pour son alimentation, elle n'a besoin d'aucun soin et on la change de draps seulement tous les six mois, car elle ne salit pas son linge. Ce fait a même frappé l'imagination populaire : « Son corps, dit-on, est comme celui d'une sainte, car jamais il n'est sale ! »
Au début de l'année 1906, elle s'est mise à se lever, de temps en temps, puis tous les jours, et à rester assise sur une chaise. Elle parle toujours peu, mais se souvient des personnes et des choses. Petit à petit, elle reprend sa vie ordinaire ; mais elle est toujours d'une sobriété remarquable : à son eau habituelle elle ajoute seulement un peu de lait.
Au point de vue médical, que penser de ce cas ?
L'hypothèse de la simulation, on le conçoit, a été soulevée. On a vu, en effet, telle hystérique, dans le but de se rendre intéressante, refuser, pendant très longtemps, toute espèce de nourriture, quitte à s'alimenter en cachette. On a vu également telle famille profiter d'un cas analogue pour exciter la curiosité publique et en vivre. Mais, dans la circonstance, il s'agit d'une bourgeoise relativement aisée ; personne ne tire aucun bénéfice de son cas ; on ne songe pas à rendre célèbre une telle singularité ; on écarte tous les visiteurs, même les médecins ; ce dernier fait explique que l'enquête médicale ait été très difficile et demeure forcément incomplète. Pour moi, j'estime qu'il n'y a pas ici supercherie, mais véritablement phénomène morbide.
Il ne s'agit pas, à coup sur, d'un sommeil franchement hystérique comme chez Marguerite B... (de Thenelles) ou môme Gésine M... (de Grambke). En pleine période d'état, Bénita se conduisait comme ces aliénés qui, sous le coup d'une idée délirante de négation, d'indignité, de damnation ou de mort, restreignent et réduisent au minimum les manifestations vitales... Et, cependant, on ne peut pas dire que l'hystérie ne soit pour rien dans ce cas.
En effet, le traumatisme psychique du début, l'aggravation de la céphalée par la prédiction d'un premier rebouteur, la disparition momentanée des différents troubles grâce à la bonne suggestion d'un second rebou-
teur, les oscillations qui ont précédé la période d'état, le mutisme, l'anorexie persistante et le maintien de l'intégrité générale en dépit de l'absence de nourriture, tout cela, on l'avouera a nettement l'allure hystérique. Sans doute, la crise hystérique ordinaire comporte, le plus souvent, perte de connaissance et dure peu ; sans doute encore, ici les phénomènes sont complexes et entremêlés ; mais faut-il jamais s'étonner de rien quand la « névrose protéiforme » est en jeu ?
Il reste que, pendant dix ans, Bénita ne s'est soutenue qu'avec un peu de lait et, pendant vingt ans, avec cent vingt-cinq grammes d'eau par jour.
Comment la vie a-t-elle pu persister dans de pareilles conditions ?
Ce cas est à méditer par ceux de nos contemporains qui, obsédés par le souci d'une alimentation trop nourrissante et trop copieuse, se condamnent aux horreurs de l'uricémie prochaine. N'agissant pas, Bénita ne dépensait pas ; ne dépensant pas, elle n'avait pas besoin de manger ; ne mangeant pas, elle ne s'intoxiquait pas. Une faible quantité d'eau lui suffisait pour entraîner par la transpiration l'inévitable mais infime quantité de déchets que comporte la vie, même la plus réduite. Un tel régime ne serait tout de même pas à recommander même aux oisifs. Pour qu'il soit sans danger, il faut qu'on ait affaire, précisément, à une hystérique présentant ce qu'on a appelé une « catalepsie de la nutrition » et, en outre, une anorexie complète. L'absence d'appétit, de désir, de faim lui a fait supporter avec indifférence un pareil jeûne, alors que le jeûne, tant soit peu prolongé, provoque les tortures que l'on sait et entraine inévitablement la mort, quand subsiste ce facteurphysio-logique, la faim !
Quelles que soient les raisons d'une semblable résistance organique et quelque théorie que l'on invoque, nous avons là, s'il est authentique, et j'estime qu'il l'est, un des plus curieux cas de jeûne prolongé que la littérature spéciale, déjà si riche en faits de cette nature, ait jamais rapportés.
Epilepsie ou hystérie,
par M. le Dr Pamart, professeur à l'Ecole de psychologie.
Par suite d'un accident de mise en pages, une partie de la communication faite en mai 1007 par M. le D' R. Pamart n'a pas été insérée dans notre numéro de juillet. Nous la publions ci-dessous ; en prévenant nos lecteurs que cette suite aurait dû normalement être insérée avant la Discussion.
Lorsque M. Lucien P..., vint me trouver pour la première fois, j'étais-je l'avoue, assez hésitant, et je faisais toutes mes réserves quant au résultat. Voici un malade dont les antécédents paraissaient imposer nettement le diagnostic d'épilepsie vraie, diagnostic confirmé par les événements ultérieurs. Si nous exceptons sa manière de tomber, à gau-
che et graduellement, nous trouvons dans son histoire tout ce qu'il faut pour affirmer l'épilepsie. Pas de stigmates hystériques — je l'ai examiné très scrupuleusement à ce point de vue —, et d'autre part : impossibilité de choisir le point de chute — morsures de la langue avec écume ensanglantée, hébétude plus ou moins prononcée et prolongée au réveil — voici des éléments de diagnostic qui sont éloquents. A la Salpêtrière, mon malade avait été vu, à la consultation externe, par notre vénéré président, M. le Dr Jules Voisin, qui fait sans conteste autorité en matière d'épilepsie. Le Dr Voisin, qui d'ailleurs ne se souvient plus de ce malade parmi tant de centaines d'autres, lui a indiqué un traitement bromure à doses croissantes ; il semble donc avoir,.un moment au moins, partagé cet avis, il n'a pas eu l'occasion de le contrôler par la suite, et rien ne nous dit qu'il l'eût modifié s'il avait revu le malade. Tout à l'heure, pendant la discussion, sa haute compétence nous aidera à chercher une conclusion que, pour mon compte, je ne me déclare pas l'audace de formuler seul.
Dès mon premier examen, je fus frappé de la vive intelligence du malade ; elle est écrite sur son visage. D'autre part, j'avais affaire à un sujet très hypnotisable ; vous voyez que je l'endors profondément en cinq secondes à peine. En rendant ce jeune homme réfractaire à l'émoti-vité, ne pouvais-je espérer lui être utile ? Sises crises étaient provoquées occasionnellement par un choc émotif, tout comme une explosion par le choc du percuteur sur le culot d'une cartouche, ne pouvais-je pas agir sinon sur la cartouche elle-même, du moins sur le percuteur qui la faisait éclater ? Je m'efforçai d'y parvenir, et il me semble que j'aie à peu près réussi.
De là le problème que je soumets aujourd'hui à la Société, et dont la donnée est la suivante : M. Lucien P..., est-il un épileptique vrai ou un hystérique épileptiforme ?
S'il est épileptique, il faut admettre, et cela à l'encontre d'autres observations, que la méthode hypnothérapique peut considérablement améliorer certains épileptiques, en arrivant à supprimer à peu près complètement les manifestations de leur diathèse.
S'il est hystérique, son histoire nous montrerait qu'un diagnostic maintenu pendant quinze ans doit être modifié en raison des résultats obtenus par cette même méthode, qui deviendrait alors un précieux moyen d'investigation dans les cas douteux.
De toute manière, le cas que je viens de vous exposer m'a paru assez frappant pour retenir votre attention. Je n'ai, il est vrai, que cette seule observation typique ; mais il y aurait peut-être lieu de soumettre systématiquement les épileptiques ou soi-disant tels à l'épreuve hypnothérapique. Inoffensive en elle-même, elle pourrait être un moyen de contrôle du diagnostic, et, chez certains malades, tels que celui-ci, permettre une amélioration considérable, une quasi-guérison en pratique.
(Voir Discussion, page ii).
PÉDAGOGIE DES ENFANTS ANORMAUX
Les anormaux à l'Établissement médico-pédagogique de Créteil (1)
Parle Dr L. Dufestel, Médecin inspecteur des Ecoles.
La question des Enfants anormaux est toute d'actualité : Les pouvoirs publics s'en occupent ; une commission interministérielle a été nommée depuis l904 pour étudier les conditions d'éducation et d'instruction à leur donner ; la Ville de Paris vient de créer à titre d'essai des classes spéciales pour cette catégorie d'écoliers. Il semble qu'on soit décidé à faire quelque chose. Jusqu'à présent seule l'Assistance publique avait créé à la Salpétrière, à Bicétre et à Vaucluse des services d'enfants idiots et à peu près incurables. Elle ne prenait guère que ceux qu'on ne pouvait sans danger laisser en liberté. Mais combien d'autres et ceux-là plus intéressants, parce qu'ils sont perfectibles, pour lesquels rien n'était fait. Ils sont cependant nombreux ces anormaux perfectibles, ces arriérés dont l'intelligence a été retardée, mais qui peut s'éveiller si le maître sait la développer et ces instables qui font le désespoir des professeurs et dont le plus grand tort est de ne pas subir la torture d'un programme fait uniformément pour tous.
Le premier encore, le maître le supporte ; il n'en tire rien c'est vrai, mais il peut le laisser dans un coin sans s'en occuper ; il se- -tient tranquille et ne trouble pas la classe. L'instable, au contraire, qui est souvent intelligent, empêche le maître d'enseigner, l'arrête dans ses explications il est un impédimentum sérieux pour la bonne tenue d'une classe. Rien ne lui fait, ni punition, ni récompense. Le maître n'a qu'un but : s'en débarrasser afin de pouvoir enseigner tranquillement.
L'intérêt de la question nous a fait accepter avec empressement l'invitation que le Dr Bérillon nous avait adressée, de visiter l'établissement de Créteil qu'il dirige avec M. Quinqué, le distingué professeur, ancien éducateur des sourds-muets.
On est séduit dès l'entrée par l'aspect gai et riant du lieu. Une superbe maison, ancienne demeure de riches bourgeois, s'élève au milieu d'une grande et belle propriété. Elle est située au-dessus de la Marne, à la limite des champs, presque en pleine campagne. Un vaste jardin avec parc ombragé, pelouses, verdures et fleurs entourent l'habitation. Cela ne ressemble en rien ni à l'hôpital, ni à la maison de santé. Il semble qu'on ait voulu éviter à l'enfant le souvenir de la pension ou de l'école où il était prisonnier. Le jardin, lepare, tout appartient aux écoliers. Ils y sont libres. La règle de la maison est la vie de famille et M. Quinqué l'applique avec méthode. Il veut être le père de ces enfants, se faire aimer d'eux, et il y réussit.
(1) L'article du Dr Dufestel a paru dans la Clinique enfantile, dirigée avec tant d'autorité par M. le Dr Variot, médecin de l'hôpital des Enfants Malades.
L'enfant se sent chez lui, entouré d'affection : il n'a plus la crainte de la punition, mais celle d'un reproche auquel il est plus sensible.
La maison et l'habitation comprend au sous-sol, une salle de bains avec l'hydrothérapie, où tous les enfants passent chaque jour.
Au rez-de-chaussée se trouvent la salle à manger, le salon, la salle de billard et le cabinet du directeur. Au premier les chambres servent de dortoir. Trois ou quatre lits par chambre ; de l'air et de la lumière partout, des papiers clairs et gais, font oublier à l'enfant le dortoir de son ancien lycée.
Les tilles sont logées dans un pavillon voisin au-dessus des classes. Elles sont dressées surtout au ménage.
Un atelier de travail manuel avec établis de menuisier et tours mus par l'électricté pour les enfants travaillant le fer, ainsi qu'un beau gymnase couvert complètent l'établissement. A côté, dans un pavillon voisin, se trouvent ceux que j'appellerai les incurables, les gâteux, les idiots, les débiles épileptiques, enfin tous ceux qui ont besoin d'une surveillance de tous les instants. Sont-ils perfectibles ? Peut-être, dit notre collègue Bérillon.
Si l'on apprend à force de patience à un gâteux à manger seul, il y aura certes du progrès.
L'intérêt de notre visite consistait pour nous à examiner les méthodes employées pour améliorer ou guérir les anormaux perfectibles. Chaque enfant est examiné séparément, et le maître ne lui demande pas plus qu'il ne peut donner. Celui dont l'attention est fatiguée au bout de peu de temps va se promener, jardiner, travailler manuellement ou jouer. On cherchera les moyens particuliers d'entretenir ou de développer son attention. II n'y a point de punition. Les heures de travail ne sont pas uniformément reparties. Il n'y a pas un moule dans lequel doivent s'adapter toutes les intelligences. Il y a des individualités que le maître étudie et qu'il dirige selon leurs aptitudes de façon à les mettre en état de gagner leur vie lorsqu'ils seront rendus à la société.
Avec la méthode paternelle et individuelle, si je puis l'appeler ainsi, de son collaborateur M. Quinqué, le Dr Bérillon applique dans certains cas des procédés de suggestion pendant l'hypnose. Il nous dit avoir obtenu de sérieux succès et avoir guéri les enfants qui se mangent les ongles,par exemple, et ceux atteints d'incontinence nocturne d'urine. Les kleptomanes sont aussi justiciables de cette méthode. On peut,parait-il, développer ainsi les sentiments affectifs chez l'enfant.
Quels seront les résultats obtenus chez les anormaux par tous ces moyens ? Les créateurs de cette école qui vient d'être fondée et qui ne contient encore qu'un nombre relativement restreint d'élèves (35 à 40 je crois) ne peuvent répondre d'une façon catégorique à cette question. Que deviendront ces élèves quand ils seront rendus à la société ? Il nous semble qu'un certain nombre seront des êtres utiles ; mais l'état encore embryonnaire de la fondation ne nous permet pas encore une réponse
immédiate. Il nous a paru cependant intéressant de relater notre visite et de voir ce que fait l'initiative privée.
La ville de Paris, au contraire, a créé ses classes d'anormaux dans des écoles du centre de la ville. Il nous semble qu'il y a là une méconnaissance complète des lois de la croissance de l'enfant. L'arriéré qui est aussi souvent un arriéré physique qu'un arriéré intellectuel, de même que l'instable, ont besoin de grand air, d'exercices, de mouvements. Renfermer cet instable dans les classes de nos écoles de la ville, limiter ses ébats à la cour de l'école, c'est, à notre avis, la négation absolue des besoins de cet enfant.
C'est méconnaître les lois physiologiques de son évolution, c'est en un mot courir à un échec ou du moins diminuer sérieusement les chances de guérison.
Si les deux écoles parties de points de vue si dissemblables nous donnent dans quelques années leurs résultats ils seront intéressants à comparer.
La débilité mentale, son diagnostic et son traitement (1),
par le Dr Blin, médecin des Asiles de la Seine (colonie de Vaucluse).
Par débiles, d'une façon générale, j'entends ces enfants — et ils sont légion, surtout dans les grandes agglomérations urbaines — qui, en conséquences des conditions d'existence sociale de leurs parents, de l'hérédité, du surmenage général de la machine humaine, des mauvaises conditions d'hygiène physique et morale, d'habitation et d'alimentation, etc. — conditions parmi lesquelles l'alcoolisme des géniteurs occupe une large part (une statistique personnelle m'a permis de constater l'alcoolisme dans 66 0/0 des cas) soit sous forme d'habitudes d'alcoolisme chronique, soit, cause moins signalée qu'elle ne mérite de l'être, à mon avis, sous forme d'alcoolisme aigu, sous forme d'ivresse d'un ou des deux géniteurs au moment de la conception — causes auxquelles peuvent se joindre de mauvaises conditions de vie intra-utérine ou des accidents au moment de la naissance ou des premiers âges de la vie — . enfants, dis-je, qui présentent une série de défectuosités tant dans le développement des cellules cérébrales elles-mêmes que dans les connexions des divers neurones ou système d'association, malformations cérébrales très bien étudiées par M. Bourneville pour les échelons inférieurs des débilités mentales, mais d'autant plus mal connues qu'on-se rapproche de l'état normal, et qui se traduisent ; au point de vue fonctionnel, par une diminution d'activité et d'énergie des trois principales
(1) Extrait d'un rapport très documenté présenté par le Dr. Blin au Conseil général de la Seine sur l'hospitalisation des débiles en Allemagne, en Autriche, eu Danemarck, en France et en Norvège. Nous donnons en substance dans cet article, les conclusions pratiques qui ressortent des observations fort nombreuses faites par l'auteur.
modalités distinctes qui synthétisent le fonctionnement du cerveau, siège de l'intelligence et du mouvement conscient, à savoir la sphère physique, la sphère intellectuelle et la sphère morale.
A l'absence ou à l'insuffisance du développement des centres cérébraux dans la sphère physique, correspondent les atrophies, paralysies et paré-sies, troubles de la parole, de la physionomie, de la préhension, de la locomotion, etc. ; mais, de même qu'à côté de l'arrêt simple des fonctions physiques on trouve des perversions physiques, de même dans la sphère physique, à côté des arrêts simples de développement, on rencontre des sortes de perversions de développement ou du mouvement : perversions de développement, sous forme de nanisme ou de gigantisme, de malformations de la tête, de la face, des dents, des organes génitaux, etc, ; perversions du mouvement, sous forme de tics convulsifs, de certaines anomalies fonctionnelles, comme la blésité, le bégaiement,.etc... A ces déformations tératologiques, à ces perversions fonctionnelles, on donne précisément le nom de stigmates physiques de dégénérescence.
Il faut des conditions exceptionnelles pour qu'un vice de développement de la région motrice ne porte pas atteinte aux autres modalités fonctionnelles du cerveau et, le plus souvent, aux désordres physiques s'associent des troubles de l'intelligence, classant l'enfant parmi les débiles.
Comme je l'ai déjà dit, le diagnostic des états inférieurs de débilité mentale, idiotie ou imbécillité, ne présente ni difficulté et même, il faut le reconnaître, ni importance : la chose est évidente en soi, le diagnostic s'impose le plus souvent et, d'une façon générale, le diagnostic reste sombre.
Diagnostic de la débilité mentale. A mesure qu'on se rapproche de l'état normal, la difficulté en même temps que l'importance du diagnostic s'accroissent, et c'est dans l'espoir de. préciser cette recherche que j'ai entrepris une série de recherches.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de la description de la méthode adoptée et me contenterai de rappeler que latechniqueque j'aiemployée, pour séparer les uns des autres les types supérieurs de débilité mentale, a été inspirée par les règles générales de psychologie expérimentale ; elle se compose d'un questionnaire sur vingt sujets, chaque sujet présentant une graduation différente suivant que l'enfant est au-dessous de 10 ans, de 13 ou de 16 ans.
L'interrogatoire portant sur 20 sujets, et expérimenté sur une série d'enfants normaux, a constamment donné un maximum de (00 points, en appliquant à chaque sujet un coefficient de 1 à 5. Le maximum de 100 points peut donc être considéré comme représentant la normale et les enfants arriérés se classeront sur une échelle de 0 à 100 points. L'expérimentation sur plus de 400 enfants a montré que le chiffre limite entre la débilité mentale et l'imbécillité était à peu près de 50,alors que trente est le chiffre limite approximatif entre l'idiotie et l'imbécillité.
A côté des troubles moteurs chez les débiles, nous avons vu qu'on
peut observer des perversions du mouvement sous formes de tics, spasmes, etc. De même, à côté des troubles de l'intelligence qui forment te subtsratum, la nature même de ladébilité mentale,on peut rencontrer des perversions de l'intelligence sous forme de troubles mentaux ; ces derniers sont loin d'être chose négligeable dans l'étude de la débilité mentale, puisque, sur un ensemble de 900 débiles observés en treize ans, j'ai constaté 179 cas de psychoses caractérisés, soit près de 20 0/0 parmi lesquelles la mélancolie compte pour 30 0/0 des cas et la manie pour près de 20 0/0, et cela sans compter les périodes d'excitation ou de dépression, si fréquentes chez les débiles.
A côté de la sphère physique, souvent touchée (stigmates de dégénérescence, parésies, atrophie, etc.), la sphère morale est rarement indemne chez le débile et, pour peu que l'entourage de l'enfant n'ait pas été soigneusement sélectionné, pour peu que le débile n'ait rencontré dans sa famille que brutalités, méchancetés, n'ait pas senti, en somme cette influence de confiance que doit créer la famille — et le cas est particulièrement fréquent, lorsque le père est remarié — ce terrain de débilité mentale, fertilisé par la débilité morale, constituera un milieu de culture des plus favorables pour toutes les perversions morales qui mènent au vice, à la criminalité.
En résumé, la débilité mentale, prise dans son sens le plus large — si elle n'implique pas nécessairement l'idée de psychose, de folie, pas plus qu'elle n'implique celle de criminalité — peut cependant, dans la plupart des cas, être considérée comme contenant en puissance et la folie et la criminalité, et ces deux modalités morbides de l'intelligence ne se développeront le plus souvent que sous l'influence du milieu, Si bien que, suivant l'éducation reçue par le débile, suivant le milieu dont il subira l'empreinte, ce déshérité ou bien restera débile simple, ou bien deviendra, en raison de la prédisposition de sa mentalité, soit un aliéné, soit un vicieux, soit un criminel.
De cette discussion me parait ressortir que' la réponse à la question que nous avons posée dès le début : « Le débile est-il un aliéné » ? doit être négative ; non, le débile, en tant que débile simple, n'est pas un aliéné, mais nous ajouterons de suite, comme correctif :
1° Ou bien, en raison de ses prédispositions héréditaires, il peut devenir, fatalement, soit un aliéné, soit un vicieux ;
2° Bien que n'étant pas spécialement prédisposé, le débile présente à l'égard des troubles mentaux et surtout à l'égard du vice, une réceptivité spéciale, d'où l'importance énorme du milieu dans lequel il évoluera.
Aussi d'une façon générale, une instruction spéciale doit-elle être donnée au débile ou plutôt doit-il être créé pour le débile, pendant la période de son instruction, de son éducation, un milieu spécial qui réduise au minimum les complications mentales et morales possibles. Voila comment le débile, tout en n'étant pas, s'il n'a pas de complications, un aliéné proprement dit, doit être élevé dans un établissement qui se rapproche singulièrement d'un établissement d'aliénés.
La complexité de la question explique la diversité des conceptions, des opinions émises sur les différentes classes de débilité mentale. Et, dans cette voie, on me parait avoir, en général, délimité la question d'une façon trop étroite : ou bien, comme cela se rencontre fréquemment en France, tout débile est assimilé à un aliéné et traité comme tel, ou bien, d'après le vieux système pédagogique allemand, le débile est considéré comme un simple élève ordinaire un peu en retard, sans qu'on paraisse tenir compte du pourcentage important de psychoses [20 0/0) rencontrés chez les débiles. Et c'est une des remarques qui m'ont le plus frappé au cours de la visite des divers asiles d'arriérés en Allemagne que de n'avoir pas entendu parler de psychoses, cependant si fréquentes dans la débilité mentale.
Enfin, certains philanthropes, qui s'occupent des débiles, ne les voient qu'au travers du prisme du vice et de la criminalité, laquelle pour eux domine la scène : ce n'est plus alors d'aliénés qu'il s'agit, comme dans les asiles français, ce n'est plus d'élèves un peu rebelles à l'enseignement et difficiles à conduire, comme en Allemagne et en Norvège : c'est uniquement alors de vicieux, quand ce n'est pas de criminels. Et pourtant — les extrêmes, d'ailleurs peu nombreux, mis à part — ce sont, dans la plupart des cas, les mêmes enfants qui sont en jeu.
Il ne me parait, cependant, y avoir aucun doute sur lu question : le débile n'est pas, par définition, un aliéné, mais il peut le devenir dans un grand nombre de cas, de même qu'il peut devenir vicieux ou criminel et son éducation doit, de ce fait, être dirigée dans une voie particulière, c'est-à-dire dans un établissement spécial.
Hospitalisation des débiles
Et maintenant qu'il nous semble établi que le débile, non aliéné en principe, mais aliéné ou criminel en puissance, doit être hospitalisé dans un établissement spécial, ou, mieux, dans de nombreux établissements spéciaux — mesure qui abaisserait sans nul doute, et dans une forte proportion, le pourcentage de la criminalité — pénétrons dans le domaine de l'idéal pour esquisser dans ses grandes lignes les caractéristiques d'un tel établissement.
Placement précoce des débiles. — Multiplication dunombre des asiles spéciaux. — Cet établissement, l'asile des débiles, doit avoir un but double :
1° Utiliser au maximum la somme disponible d'intelligence de l'enfant, lui apprendre un travail manuel, le préparer si possible à la vie sociale commune ;
2° Sélectionner les enfants de façon à combattre les prédispositions morbides que certains présentent, tant dans la sphère mentale que dans la sphère morale, et préserver les autres de la contagion.
C'est pour tout individu, qu'il soit adulte ou enfant, un danger permanent dans la société, que la contagion morale, mais ce qui peut être vrai pour ceux que leur état intellectuel classe dans la normale, est beaucoup
plus à craindre encore pour ceux que la faiblesse de leur complexion cérébrale classe soit parmi les débiles, soit sur la limite de l'élat normal et de la débilité intellectuelle.
Cette contagion, c'est dès le plus jeune âge qu'elle exerce son action sur l'individu, et, fait très important pour le pronostic, l'individu lui-même, arrive facilement à se classer dans telle ou telle catégorie sociale, arriéré, vicieux, criminel, pour ne parler que des états qui nous occupent.
Or, dès que l'enfant s'est fait pour lui-même cette sorte d'« auto-classement », le traitement médico-pédagogique a déjà perdu de son opportunité et de son efficacité.
Que se passe-t-il, en effet ? Et je ne parle ici que des faits multiples que j'ai pu observer par moi-même : tel enfant, sur la limite de la débilité et de la normale, se trouve, dans sa famille, mal surveillé, abandonné à lui-même, livré au hasard des camaraderies de la rue, quelquefois malmené par des beaux-parents (et le fait est fréquent d'après mes observations), apprend mal à l'école, se trouve dans les derniers de sa classe, et, pour peu qu'un stigmate de dégénérescence quelconque (oreilles mal implantées, prognatisme, asymétrie crânienne, elc.)donne à sa physionomie un aspect un peu anormal, est considéré à l'école comme arriéré, comme une non-valeur qu'on garde, mais dont on ne s'occupe pas.
L'enfant, d'abord vexé et chagriné de ce qualificatif, en arrive peu à peu à s'habituer à cette appellation, à se considérer lui-même comme un arriéré et il franchit le Rubicon lorsqu'il en arrive à trouver une sorte d'avantage à ce qualificatif, s'estimant, de ce fait, dispensé de faire un effort quelconque pour se relever et se mettre au niveau des autres ; et voilà un déclassé créé, un être à part catalogué, de son aveu personnel.
Que ce même enfant soit placé dans un établissement spécial le plus tôt possible, en tous cas, avant qu'ait pu germer en son esprit ce senti-ment d'impuissance, d'infériorité, sentiment souvent exagéré, cet enfant entoure de camarades de même niveau intellectuel, ne se décourage pas, comprend qu'il est capable d'un effort et ne jette pas le manche après la cognée, en se jugeant a priori incapable de tout travail, de toute initiative personnelle.
Et c'est là un des côtés importants de l'établissement spécial d'arriérés ; l'enfant, lorsqu'il y est placé à temps (je répète cette notion, qui est capitale) y garde le sentiment de sa valeur, tandis que, dans une école, qu'il soit simplement paresseux, mal dirigé, ou qu'il soit réellement arriéré, il s'habitue à recevoir sans réagir les épithètes les plus malsonnantes, perd le sentiment d'être intelligent et, une fois entré dans cette voie, ne sera pas long, dès la première mauvaise rencontre, à perdre, en même temps, le sentiment de sa dignité morale.
Cette tendance, commune à tous, plus fréquente encore chez les débiles, à prendre leur parti de leur état d'infériorité, à accepter même comme
chose naturelle des épithètes ou qualificatifs dégradants, infamants, constitue, à mon avis, une critique des maisons de répression ou colonies pénitentiaires dans lesquelles les enfants, traités comme des criminels, s'habituent fort bien à ce qualificatif ; bien heureux encore si, tout pénétrés de la littérature malsaine des romans de bas étage, ou tout éblouis de l'importance donnée par les journaux aux faits et gestes des personnages des bas-fonds parisiens, souteneurs, apaches et autres, ils ne se font pas une gloire d'être considérés comme des individus dangereux, en attendant l'heure de leurs exploits futurs.
L'établissement spécial de débiles, à côté du rôle pédagogique, doit donc remplir un rôle éducateur, un rôle de prophylaxie morale et cela de tous les instants. Ce dernier point est de la plus haute importance et nous verrons comment il peut être réalisé.
En tout cas, il est absolument nécessaire, et c'est précisément parce qu'il ne peut répondre à ce désidératum, que le projet d'écoles spéciales pour les débiles ne me parait pas complet. — Ecoles de débiles ? fort bien ; mais entre la sortie de l'école et la rentrée à l'école que fera le débile ? Le débile est, on ne devrait pas l'oublier, un terrain de culture plus spécialement préparé que tout autre pour les psychoses et pour le vice : aussi n'est-ce pas seulement ? pendant quelques heures que le débile devrait être surveillé, éduqué, mais d'une façon permanente, mon avis formel est que l'internat seul, et sous certaines conditions de groupements, est bon pour l'éd,ucation des débiles.
EL il ne faut pas oublier qu'ils sont légion ces arriérés, ces clients d'asiles, ces habitués de maisons de correction, établissements de répression sociale de tout ordre, ces pourvoyeurs de bandes d'apaches ou de cambrioleurs qui, en réalité, sont uniquement des victimes d'une mauvaise éducation, conséquence trop fréquente de la promiscuité, des difficultés, des embûches de toutes sortes, des mauvaises conditions d'hygiène physique et morale du travailleur à Paris, et ces débiles mal éduqués, l'Etat se trouve obligé de les prendre à sa charge comme épaves, comme misérables débris, « lors qu'à bien moins de frais, grâce à une organisation large et rationnelle de l'éducation des débiles, il aurait pu en tirer un fort pourcentage de citoyens utiles.
Depuis trente ans, l'Allemagne s'est attachée avec persévérance à cette œuvre de préservation sociale. C'est ainsi qu'en 1874. il y avait 1.959 débiles ou épilepliques hospitalisés, alors qu'en 1902 il y en a 20.000. Il ne devrait pas appartenir à la France, que mine la dépopulation, de rester en arrière dans une organisation philanthropique qui, en diminuant, le nombre de ses aliénés et de ses criminels, lui créeraitdes hommes et des travailleurs ; il faut donc élever, dans des maisons spéciales, le plus grand nombre possible de débiles ; mais à quel âge les placer ? La réponse a été faite depuis longtemps par M. Bourneville • c'est le plus tôt possible, dès qu'on s'est aperçu que « l'enfant n'est pas comme un autre » et celte précocité du placement est d'une importance capitale pour l'avenir de l'enfant : elle empêchera les mauvaises fré-
quentaiions de faire germer sur ce terrain favorable les complications morales ou mentales qui transforment si vite les débiles en vicieux, en alcooliques, en aliénés ; elle empêchera l'enfant d'en arriver à se consi-dérercomme un impuissant intellectuel et permettra de la sorte au traitement médico-pédagogique de donner son maximum d'action ; c'est, en un • mot, grâce à ces conditions que l'enfant sera placé dans les ¦¦ circonstances favorables », dont je parlais plus haut et qu'en réalité, à la puberté pourra correspondre une amélioration notable, sinon la guérison.
COURS ET CONFÉRENCES
Le rôle de l'hypnotisme dans le traitement de la grande attaque d'hystérie (1)
par M. le professeur Raymond
La grande attaque d'hystérie ne présente, le plus souvent, par elle-même, aucun danger, et dès l'instant que toutes les précautions voulues ont été prises, il n'y a pas d'inconvénients à lui laisser suivre son cours. Toutefois, isolez le malade de son entourage ; affirmez ensuite, à haute voix, que la. crise touche à sa fin et, fréquemment, tout sera vite terminé, S'il en est autrement, cherchez à modifier la nature du paroxysme. A ce point de vue, la compression d'une zone frénomotrice, si elle existe, pourra rendre quelques services. Si l'attaque se prolonge outre mesure, efforcez-vous alors d'entrer en relation avec le sujet ; tâchez de saisir son rêve et, bien souvent, vous arriverez à transformer l'accès convulsif ou délirant en somnambulisme provoqué. 11 n'y a rien là qui puisse étonner ; les travaux de M. Janet, entre autres,ont nettement démontré l'analogie des attaques et des somnambulismes. Nous connaissons, d'autre part, les rapports intimes qui semblent exister entre l'hypnotisme et l'hystérie, et ceci m'amène â vous parlez de l'hypnose, en tant que moyen de traitement de la névrose.
Les inconvénients immédiats de l'hypnose sont réellement par trop minimes pour que je m'y arrête, mais il n'en va pas de même de ses conséquences éloignées, des essais intempestifs d'hypnotisation ayant été parfois, chez des sujets prédisposés, l'occasion de l'explosion des premiers accidents nerveux. Mais l'objection me parait tomber lorsqu'il s'agit d'hystérie confirmée, d'hystérie grave ; dans ces cas, les avantages du procédé l'emportent sur ses inconvénients. Au reste, bien manié par un médecin instruit, le sommeil provoqué n'expose guère à plus de dangers que n'importe quelle autre méthode thérapeutique. Il a, de plus, par lui-même, en dehors de toute suggestion, une action des plus remarquables et que, seuls, nient les adversaires de parti pris.
(1) Leçon laite à la Salpêtrière.
Dans les cas d'hystérie récente, il peut intervenir utilement et vous m'avez vu parfois accomplir de véritables miracles, comme à Lourdes, dans le traitement de certains accidents locaux.tclles les contractures et les paralysies. Au surplus, tous les moyens thérapeutiques que je vous ai énumérés, à propos de la cure des diverses manifestations de la névrose, ont, cela va de soi, sur le sujet endormi, une action bien autrement puissante que sur le malade éveillé. Mais c'est surtout contre les manifestations anciennes et tenaces de la névrose, dans la genèse et la persistance desquelles l'idée fixe joue parfois un rôle considérable, que l'emploi de l'hypnose nous semble très formellement indiqué.
L'idée fixe est, en effet, à la base d'un grand nombre d'accidents hystériques, et, dans ces cas, elle en commande le plus souvent la modalité. Il faudrait, pour arriver à un bon résultat, que le médecin puisse toujours connaître celle-ci. Ce serait, pour lui, le plus sûr moyen d'éviter de faire au malade des suggestions qui, de par son ignorance, ne correspondent pas à la nature intime du mal, en s'adressant alors à un trouble apparent sans atteindre sa véritable cause. La production du somnambulisme permettra bien souvent de dépister les idées fixes subconscientes du sujet, puisqu'aussi bien, dans cet état, il en garde le souvenir, alors qu'il les ignore à l'état de veille. D'ailleurs, ce ne sont pas seulement les idées fixes secondaires, mais aussi l'idée fixe primaire, le choc moral initial qu'il faudra s'efforcer de découvrir par ce procédé. Il est encore le meilleur traitement des états de mal et de somnambulisme naturels, puisqu'il permet !a destruction de l'émotion provocatrice. Bien souvent, le malade se trouve ainsi grandement soulagé, lorsqu'on a ramené dans sa conscience la cause profonde de ses misères ; il est facile alors d'obtenir de lui des efforts auxquels, jusque-là, il se refusait absolument. Mais il ne suffit pas de connaître l'idée fixe, il faut chercher à la détruire, à la dissocier. On s'efforcera de faire disparaître par la suggestion un ou plusieurs de ses éléments les plus importants. Nous venons de voir comment il est possible, en entrant dans le rêve du sujet, ds transformer le délire de l'attaque en somnambulisme. Une substitution analogue peut s'opérer dans les idées fixes ; on peut modifier ainsi, peu à peu, cette sorte de rumination mentale à laquelle le malade " se livre sans cesse. M. Janet a été jusqu'à suggérer au sujet un accident réel, une contracture, par exemple, pour détourner de son esprit, par une diversion violente, le concept mental qui l'obsédait. Nous savons, d'ailleurs, qu'à l'état de veille, un choc moral intense peut suffire parfois à ramener l'état psychique à son taux normal. Rappelez-vous l'histoire de cet homme qui guérit au moment même où on lui annonce un héritage de sept mille francs ; de cette femme dont les accidents cessent brusquement lorsque, dans la procession, elle voit le prêtre agiter l'ostensoir ! etc. Lorsqu'on réussit à supprimer où à transformer l'idée fixe primaire, un véritable changement à vue s'opère dans l'état du malade. Les accidents actuels disparaissent rapidement, l'idée qui les entretenait n'existant plus ; les stigmates permanents eux-mêmes se trouvent
bientôt très avantageusement modifiés, s'ils ne s'éteignent pas totalement.
Le mauvais sommeil des hystériques est, ordinairement, dû â un rêve terrifiant qui détermine, en somme, le réveil, par le même mécanisme qu'un cauchemar oppressant l'individu sain, mais ce rêve demeure, toutefois, subconscient dans la veille. La dissociation de l'idée fixe contribuera donc, en permettant le calme de la nuit, à réparer la santé physique et morale du sujet.
Quand l'idée fixe est de date ancienne, sa résistance est énorme, sa destruction très difficile et, vraiment, dans ces cas, la persuasion ne peut rien. C'est alors qu'il faut agir sur les concepts mentaux, figés dans le cerveau, avec d'autant plus de persévérance que la ténacité des accidents hystériques n'est, en somme, que la manifestation extérieure d'états émotifs persistants, dont la disparition est seule capable d'amener la guérison complète.
VARIÉTÉS
De la, valeur médicale des rêves
La médecine hippocratique n'était pas'indifférente à l'utilisation clinique des rêves, mais, de nos jours il est bien rare qu'on s'en préoccupe. M. le Dr Stigter (de Leyde), dans un travail publié tout récemment par le Nederlandsch Tijdschrift voor Geneeskunde, démontrait que les rêves ne méritent pourtant pas ce dédain : chez les malades le rêve revêt souvent une forme en relation avec l'affection dont ils souffrent.
Le rêve peut être tout d'abord, sinon une cause originelle, du moins un facteur occasionnel de psychose. Il est des personnes, par exemple, qui revoient en songe chaque nuit ou presque chaque uuit telle scène pénible ou douloureuse dont elles furent les témoins ou les acteurs et cette répétition finit par les excéder à tel point qu'elles en deviennent malades. Certains songes erotiques rentrent dans cette catégorie. Au temps où la croyance populaire aux incubes et aux succubes était très répandue, il n'était pas rare de rencontrer des personnes se plaignant de subir chaque nuit les approches de quelque être fantastique et immonde. La disparition de la croyance rend ce genre d'obsession beaucoup moins fréquent, mais on le rencontre encore de temps à autre. Le somnambulisme enfin et les actes souvent graves qu'il détermine peuvent être considérés comme une conséquence du rêve.
Dans les faits précédents il s'agit de personnes plus ou moins prédisposées par leur constitution nerveuse et le songe fait en quelque sorte partie de leur état pathologique. Mais, chez les personnes moralement * saines, les rêves offrent souvent des formes spéciales suivant la maladie dont elles sont atteintes. Les gastrites, pour commencer par celles-ci, s'accompagnent très fréquemment de songes où le malade croit boire ou
manger quelque chose de bon ou de mauvais. A ce point de vue, on a fait une remarque déjà ancienne, mais que le Dr Stigter ne rejette pas, à savoir que les visions nocturnes de repas plantureux sont" d'un bon pronostic, quand elles surviennent pendant la convalescence de maladies aigufis, comme la fièvre typhoïde, mais qu'elles ont une signification moins heureuse lorsqu'elles surviennent au début de la maladie ; dans le premier cas, en effet, elles traduisent le réveil de l'appétit, conséquence du rétablissement de la santé, alors que, dans le second, elles tiendraient simplement à l'excitation morbide des organes digestifs sous l'influence de la maladie. De même que les dyspepsies, la grossesse s'accompagne très souvent de rêves alimentaires : dans un cas, où il y eut avortement, M. Stigter ne les vit disparaître qu'après l'expulsion complète des derniers débris placentaires ; tes vomissements avaient pourtant cessé avec la mort du fœtus survenue, quelques jours auparavant, à la suite d'une hémorrhagie. C'est sans doute aux troubles digestifs causés par l'entérite, les vers, la dilatation gastrique, qu'il faut attribuer les phobies nocturnes des jeunes enfants.
Chez les sujets atteints de troubles cardiaques ou respiratoires, le motif habituel du rêve est l'angoisse : le malade s'imagine être écrasé par un poids, à court de place dans un lieu étroit ou dans un souterrain, etc. Toutes ces sensations s'expliquent le plus naturellement du monde par la dyspnée qu'éprouve le patient surtout au moment de son premier sommeil. Une vision assez commune est celle du sang ou d'une scène sanglante quelconque chez les personnes en imminence d'hémorrhagîe.
On a aussi remarqué que les personnes souffrant d'affections vésicales revent facilement d'eau, de bain, de puits. Un malade de M. Stigter se croyait dans un bain où l'eau se déversait abondamment par un robinet. Chez une jeune fille atteinte d'incontinence nocturne d'urine le Dr Stigter ayant observé que les rêves avaient quelque rapport avec ceux des épi-leptïques, prescrivit le traitement de l'épilepsie et guérit sa patiente. Elle ne présentait pourtant aucun symptôme pouvant faire penser à l'épilepsie. L'étude des rêves peut donc n'être pas inutile.
Les observations précédentes aident encore à comprendre des faits qui, au premier abord singuliers, ont facilement passé jadis pour merveilleux. Un exemple ancien et classique est celui de cette femme grecque qui s'endort dans le temple d'Esculape et rêve que le dieu lui perfore l'abdomen d'un coup d'épée : quelque temps après, cette femme présentait effectivement une tumeur de l'abdomen. Cette coincidence bizarre s'explique par une douleur subite et précoce survenant aux lieu et place du foyer pathologique plus ou moins congestionné pendant le sommeil. On peut expliquer de la sorte le rêve de malades localisant leur mal avec plus d'exactitude que le médecin. Un malade atteint de blennhorra-gie, traité par M. Stigter, fournit le pendant de la femme grecque ; ce malade rêve une nuit que ses testicules sont noirs et qu'on les lui perfore avec une aiguille brûlante : le lendemain il avait une orchite. L'étude de M. Stigter sur les rêves remet à l'ordre du jour une question
actuellement un peu délaissée. Elle mérite qu'on y revienne et que des faits précis permettent d'arriver à une interprétation scientifique de ces phénomènes.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Un éloge du Dr Wetterstrand (de Stockholm)
Le Dr Wetterstrand, mort le 11 juillet dernier, a été l'objet d'un grand éloge de la part du Dr Emmanuel de Geijerstam, de Gothembourg.Voici ce qu'il a écrit dans « Gœteborgs Aftonblad » :
« Avec le Dr Otto G. Wetterstrand, un maitre de l'hypnotisme médical disparaît. Peu de noms suédois ont été plus connus en dehors de nos frontières que celui de Wetterstrand. Non seulement de toutes les parties de l'Europe, mais aussi de l'Amérique, un nombre considérable de malades accouraient auprès de lui pour y faire des cures hypnotiques.
o Dans les cercles médicaux, on avait également su reconnaitre ses mérites. II n'y a pas d'ouvrage scientifique sur l'hypnotisme où le nom de Wetterstrand ne fût coté au premier rang. Partout, dans la littérature hypnothérapeutique, on attachait la plus grande importance aux écrits de Wetterstrand et à sa manière de recourir à l'hypnotisme. Partout on cite son nom à côté des sommités de cette science, Lié-beault, etc., etc. Et il avait bien mérité le rang qu'il occupait dans l'hypnothérapie. Brillant praticien, il était né avec une virtuosité remarquable pour la pratique de l'hypnotisme comme moyen curatif. Mais il était encore mieux que cela. Il avait une valeur scientifique véritablement créatrice. Il était praticien, médecin de district à Stockholm, lorsqu'il commença à s'occuper d'hypnotisme. Dans tous ses travaux, il s'est appuyé sur la base solide de l'observation médicale. C'est sur le terrain de l'hypnotisme qu'il a contribué au développement de la science médicale et ce sont ces travaux spéciaux qui porteront son nom à la postérité. Il a exercé une influence énorme sur le développement de cette méthode de traitement. Ce n'est pas ici la place de rendre compte en détail de ce qu'il a fait dans cette voie. Je ferai seulement remarquer qu'il a, plus qu'aucun autre, contribué à écarter de l'hypnotisme médical toutes les parties inutilement expérimentales et qu'il a démontré que le sommeil hypnotique en lui-même a un grand effet curatif. C'est cette idée qu'il a exprimée par sa théorie bien connue du sommeil prolongé.
a Un de ses travaux les plus connus : « L'hypnotisme et ses applications à (a médecine pratique », a été traduit en toutes les langues les plus importantes. Personnellement, il a exercé une grande influence sur plusieurs des hypnothérapeutes les plus importants de nos jours.
« Un homme comme Van Renterghem, d'Amsterdam, écrivait, après être revenu d'une visite chez Wetterstrand, en 1892, ce qui suit :
« Cette visite a laissé en moi l'impression ineffaçable que la psycho-
« thérapie, telle que le Dr Wetterstrand la comprend et la pratique, est « une branche de l'art de guérir les maladies, destinée à révolutionner « dans l'avenir toute la science médicale. »
* Sa mort sera regrettée de tous les amis de l'hypnothérapie et d'innombrables patients qui lui sont redevables de la santé.
« Tous ceux qui se sont trouvés en contact avec lui garderont l'impression d'un homme de haute valeur et d'une personnalité pleine de charme et de noblesse. Il mérite que son nom ne tombe jamais dans l'oubli. »
Muet guéri par une peur
Depuis six ans, Richard Boores était muet et interné dans un hospice de Londres. Un simple accident vient de lui faire récouvrer l'usage de la parole. Voici d'ailleurs comme il raconte son aventure, tout en parlant lentement encore et cherchant ses mots.
« Ce fut au mois d'août 1904, dit-il, que je devins muet. Je travaillais dans une usine de photographie.
« Un jour, comme je descendais un escalier, un chien vint se jeter dans mes jambes et je roulai jusqu'au bas des marches. La secousse fut violente. J'en ressentis une telle émotion que je perdis subitement l'usage de la parole.
« Mes économies furent bientôt épuisées. Je dus entrer à l'hospice de Croydon.
« Il ne me restait qu'un seul espoir, c'était qu'une nouvelle frayeur vint me rendre ce que j'avais perdu. Souvent, mes camarades laissaient tomber un seau tout près de moi ou frappaient violemment sur la table sans m'avertir, pour essayer de me faire peur. Tous ces efforts restaient, hélas, inutiles.
« Hier, j'étais occupé à mettre en ordre la chambre d'un des chefs de l'hospice. Un siphon se trouvait sur une étagère très élevée. Par mégarde, je lirai la toile cirée sur laquelle il était placé. Le siphon vint tomber près de moi et instinctivement je criai : « Oh ! mon Dieu ! » Aussitôt après, je me rendis compte que je pouvais parler. »
Traditions et mœurs persannes
Tous les ans, les Persans de Constantinople célèbrent le 10 Moharrem au Grand-Champ-des-Morts de Scutari, en souvenir de l'assassinat, en 660, par Yesid, de Hassan et Hussein, les deux petits-fils de Mahomet le prophète.
Ce fut là l'origine de longues et sanglantes guerres entre les Chiytes et les Sunnites. Encore maintenant, cette date est, pour tous les peuples de secte chiyte, un jour de tristesse et de deuil.
La veille du 10 Moharrem au soir, la porte du Valide Han s'entrouvre
à quelques rares visiteurs et ils assistent alors à une scène à la fois grandiose et barbare. A la lueur incertaine de torches fumeuses commence le récit des malheurs des enfants du prophète. Les lamentations des auditeurs scandent les paroles. Pleurantà chaudes larmes, les plus fanatiques se frappent d'abord le front avec la main jusqu'au moment où, arrivés au paroxysme de la douleur, ils commencent à se taillader la tête à coups de sabre. Le sang coule à flots, ruisselle le long des vêtements et inonde le sol. Ce n'est qu'à grande peine que l'on arrive à arrêter le bras de ces fervents.
Le lendemain, dès l'aube, les Persans de Stamboul, depuis les attachés de l'ambassade jusqu'à l'ânier, porteur de briques, se rendent au grand cimetière de Scutari.
De nouveau, la cérémonie débute par le récit des malheurs des enfants du Prophète. De nouveau des gémissements, ressemblant au rire strident des hystériques, se font entendre.
Le récit terminé, silencieusement, comme courbés sous une immense douleur, à l'ombre des sombres cyprès qui surplombent les tombes, des groupes forment des cercles. Au premier rang des hommes, tout de noir vêtus, le dos à nu, la tète entourée d'une étoffe noire, qui cache les blessures, se trouvent les fanatiques de la veille, un martinet, fait de chaînes, à la main.
Encore une fois les malheurs des enfants du Prophète sont récités. Tout à coup dans une clameur formidable : Hassan ! Hussein ! avec un bruit sourd et métallique les martinets s'abattent sur les épaules nues.
Sans relâche, la flagellation continue, marquant à chaque fois les dos meurtris de zébrures sanguinolentes.
Enfin les derniers rayons du soleil couchant dorent les flèches et les minarets de Stamboul. C'est l'heure du retour.
Arrivés à l'embarcadère du bateau du Chirket-Haïré, étendards et bannières sont roulés et enfermés dans des gaines en toile cirée. La cérémonie du 10 Moharrem est terminée.
Dans ces traditions, l'influence de la suggestion est des plus caracté-risques. C'est en effet par le récit des malheurs des enfants du prophète que se trouvent provoquées les impulsions automatiques auxquelles cèdent les fidèles. Il est probable que ces récits agissent à la manière des suggestions, s'exerçant sur des sujets plongés dans l'état hypnotique. Les pratiques religieuses ont pour effet le plus manifeste de réaliser chez les fidèles des états extatiques qui ne sont en réalité que des états de fascination hypnotique. D'où l'influence si puissante de la suggestion s'exerçant chez les individus plongés dans ces états.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BERILLON.
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. — n° 4.
Octobre 1903.
bulletin
le congrès de genève-lausanne
L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité
par M. le Dr Paul Farez
messieurs,
Vous m'avez fait l'honneur de me déléguer pour représenter la Société d'Hypriologie et de Psychologie au 17° Congrès des médecins aliénistes e ; neurologistes de France et des pays de langue française tenu à Genève et Lausanne, du 1er au 7 août 1907. Je viens vous rendre compte de ma mission.
Je signalerai d'abord la nombreuse affluence des congressistes, ainsi qu'un appoint féminin très appréciable, en même temps que très apprécié. Ce qui avait provoqué tant d'adhésions, c'était, à coup sûr, l'intérèl des questions à l'ordre du jour et des communications inscrites, mais aussi, pour une très grande pari, la renommée des sites helvétiques. Jes excursions projetées, les réceptions annoncées.
On nous fit faire d'exquises promenades en bateau à Yvoire, Nyon, Cor-sier(Evian,Montreux, Lausanne,—des excursions très attrayantes à Glion, à Caux, aux Rochers de Nave et dans la Gruyère ;—on nous reçut avec largesse à Champel-les-Bains, à Thonon, à Evian, à Divonne, ailleurs encore.
Un académicien était, au cours d'un diner « très select », chaudement félicité de sa récente élection ; ingénument, il répondit : « L'un des avantages d'être académicien c'est aussi que l'on est nourri I i A ce Congrès, nous fûmes également nourris, au delà même de toute mesure. Dans un toast, un orateur (je crois bien que c'est le professeur Joffroy) a proclamé qu'à l'avenir, pour parler d'une cordiale et large hospitalité, on ne dirait plus hospitalité écossaise, mais hospitalité suisse.
Des banquets, des collations, des repas champêtres nous furent très gracieusement offerts par le président, le professeur Prévost, et par le secrétaire général, le Dr Long, à bord du bateau-salon, le « Général Du-tour », sur le lac de Genève ; par le Conseil d'Etat du canton de Genève, à Chêne-Bourg ; par la Société Vaudoise de Médecine, aux Rochers de Xaye ; par le Conseil d'Etat du canton de Vaud, à l'Asile de Céry ; par l'Asile de Marsens ; par la Sociéjé de Champel-les-Bains, par celle de Divonne, celle de Thonon ; toutefois aucune réception, pas même celle de Caux-Palace, n'égala le banquet fastueux offert à Evian par la
Société des Eaux Minérales. Si tous ces généreux amphitryons doivent être chaleureusement remerciés, le bureau du Congrès mérite aussi de très vives félicitations pour l'excellente organisation et pour la pleine réussite de ses projets.
Le Congrès se devait de faire quelques visites scientifiques ; à l'Asile de Bel-Air, à celui de Céry, à celui de Marsens, au curatorium d'Humili-mont, on nous réserva un accueil des plus empressés. A vrai dire, rien n'y est mieux ni plus mal qu'en France ; et, comme en France, nous avons entendu la même « ritournelle » : « Notre installation n'est pas parfaite ; pour l'améliorer, il nous faudrait de l'argent ; mais nous n'avons pas d'argent ! » » A Céry, quelqu'un nous dit que c'était là qu'était venu mourir lamentablement un des maîtres respectés de la neuropathologie française ; et cette évocation ne fut pas sans attrister notre visite.
Au cours des diverses excursions ou réceptions, les groupements se faisaient, entre congressistes, suivant les âges, les affinités, les situations sociales ; en toutes circonstances régna la plus affable courtoisie. Pour ce qui me concerne, j'ai été très touché des nombreuses marques de sympathie que l'on m'a témoignées ; je n'y insisterais pas, si cela ne me donnait l'occasion d'adresser mes très vifs remerciements, en particulier, ù Messieurs les Docteurs ainsi qu'à Mesdames Claparède (de Genève), Guyot (de Genève) et Bonjour (de Lausanne) qui nous ont comblés de prévenances et d'amabilités, ma femme ainsi que mol.
Vous apprendrez avec plaisir que le Congrès de 1908 sera présidé par M. le Dr Cullerre (de la Roche-sur-Yon), qui a publié autrefois, sur l'Hypnotisme, le livre que vous avez tous lu et qui, au Congrès international de l'Hypnotisme de 1900, nous a fait une communication si appréciée sur le traitement de l'incontinence d'urine par ta suggestion. Ce Congrès aura lieu à Dijon ; selon toute probabilité, il sera reçu par le Recteur de l'Université, M. Boirac, qui se trouve, précisément, être vice-président de notre Société. Enfin, chose curieuse, une des questions mises à l'ordre du jour pour l'an prochain est celle des enfants anormaux, dont nous nous sommes si amplement occupés dans notre séance annuelle de juin dernier.
J'aborde, sans plus tarder, la partie scientifique du Congrès. Les séances furent, comme à l'ordinaire, très chargées et ce n'est pas sans peine qu'on put épuiser l'ordre du jour. Les communications, au nombre de quarante-neuf, portèrent sur divers sujets de neurologie, de psychiatrie, d'anatomle pathologique ; je dois avouer que la psychopathologie y occupa une place relativement restreinte et qu'il y fut fort peu question de psychothérapie.
Parmi les communications qui rentrent plus particulièrement dans l'ordre de nos études psychologiques, je citerai, en première ligne, le très remarquable travail de M. le professeur Régis (de Bordeaux) sur la* Phase de prèsénilité de Rousseau. M. Régis insiste sur l'exactitude
et la précision de l'auto-psychologie ultime du grand penseur. « Je ne crois pas, dit-il, qu'il soit possible de mieux dépeindre, que ne l'a fait Jean-Jacques Rousseau, le début de la décadence présénile et d'en mieux faire ressortir les caractères fondamentaux : 1° faiblesse de transformation des sensations en idées ; 2° diminution du pouvoir de création ; 3° rétrécissement du champ cérébral ; 4° prédominance, dans la vie mentale, de la réminiscence et de l'automatisme. »
Mlle Louise Robinovitch — qui dirige, à New-York, avec tant de compétence, le Journal of Mental Pathology, auquel le Dr Bérillon et moi nous nous honorons de collaborer, — a relaté des choses très curieuses sur le sommeil électrique qu'elle a étudié à Nantes chez le professeur Stéphane Leduc. Elle a montré aussi comment on pouvait, par des excitations rythmiques avec le courant Leduc, ramener à la vie les accidentés en état de mort apparente à la suite d'éleclrocution. A noter également son enquête psychologique très documentée sur la Genèse du Génie.
Je n'aurai garde d'oublier la communication de M. le Dr Bonjour (de Lausanne) sur un moyen très pratique de différencier la crise hystérique de la crise épileptique, dans les cas douteux ; vous en lirez plus loin le résumé dans la Revue. Je citerai encore Les Psychoses d'origine cardiaque, de MM. Français et Darcanne, les Cénesthopathies, de MM. Dupré et Camus, ainsi que deux observations très curieuses du Dr Eugène Bernard Leroy : Kleptomanie chez une hystérique ayant présenté des impulsions systématisées de diverses natures ; — Escroqueries prolongées à la faveur de manœuvres hypnotiques pratiquées sur une des victimes.
J'en arrive aux trois rapports qui passionnèrent si vivement le Congrès.
Dans celui du Dr Antheaume sur les Psychoses périodiques, chacun s'est plu à louer la largeur de vues, l'impartialité, la probité intellectuelle de notre collègue de la Société d'Hypnologie et de Psychologie. Au cours de la discussion, — à laquelle prirent part MM. Ballet, Vallon, Pailhas, Deny, Dupré, — le professeur Régis a vigoureusement combattu les théories de Kræpelin ; et il y a déployé une verve, un entrain, un à-propos, une clarté, un sens critique et un sens clinique qui lui valurent un succès personnel considérable.
Sur La définition et la nature de l'hystérie, nous eûmes deux rapports, l'un de M. le Dr Schnyder (de Berne), fait à un point de vue surtout philosophique et social, l'autre de M. le professeur agrégé Claude, celui-ci, à dessein, presque purement clinique. Je vous en citerai un passage où la sagacité psychologique de M. Claude explique la raison de si nombreuses divergences irréductibles, au sujet de l'hystérie :
« Il est naturel que les conditions d'observation dans lesquelles ont été placés certains médecins, que leurs tendances d'esprit particulières, leur orientation résultant de leurs publications, que les recherches faites dans leur entourage aient eu une influence sur l'élaboration de leurs doctrines, relativement à l'hystérie. Et puis, dans bien des cas, la personnalité du médecin, dont les idées, les procédés d'examen et de traitement ont diffusé au .dehors, a déjà exercé son action sur le malade avant toute intervention du clinicien qui trouve alors, sans qu'il croie avoir fait la moindre suggestion, un terrain déjà préparé pour ses recherches. C'est ainsi que des expériences qui ont été la clef de voûte de la doctrine de certains auteurs, n'ont jamais pu être répétées par d'autres observateurs ; on est porté ainsi à penser qu'elles ne sont pas indépendantes d'une certaine ambiance... »
A propos de ce rapport s'ouvre à nouveau la discussion déjà soulevée précédemment par M. le Dr Babinski ; celui-ci voudrait rayer de l'Hystérie un de ses chapitres les plus intéressants, celui des troubles trophiques.
M. le professeur Raymond, à qui est échu l'honneur de présider cette séance générale, expose alors, avec sa clarté ordinaire, des faits très circonstanciés de pemphigus, d'œdème, d'ecchymoses, etc., desquels il
résulte que l'existence des troubles veso-moteurs, au cours de l'hystérie, est incontestable. L'autorité scientifique du narrateur, sa grande compétence clinique universellement reconnue, la précision rigoureuse de ses observations, tout cela impressionne l'auditoire et visiblement le rallie à cette opinion que M. Raymond vient d'exprimer magistralement, sur cette question, la vérité clinique actuelle : « les faits sont les faits, et, s'ils ne cadrent pas avec telles ou telles théories, c'est que celles-ci sont insuffisantes. »
M. le Dr Terrien (de Nantes) — dont vous connaissez le livre récent sur l'Hxjstérie et la Neurasthénie chez le paysan, et qui nous a apporté au Congrès de l'Hypnotisme de 1900 une double étude très documentée sur Vastasie-abasie et sur ¡a psychothérapie, en Vendée — a aussi traité cette question des troubles iroohiques dans l'hystérie ; et il a présenté quelques faits très éloquents, empruntés à sa propre pratique rurale, dans un milieu où fleurit l'hystérie, pour ainsi dire « à l'état sauvage » et non comme « produit de culture ».
Signalons aussi la thèse de M. le Dr Claparède (de Genève), thèse très discutée, mais, à coup sûr, fort intéressante, au double point de vue psychologique et biologique. Pour lui, l'hystérie se manifeste par la tendance à l'exagération de l'activité réactionnette de défense. « L'influence bienfaisante de la psychothérapie et de la confiance qui agissent principalement en relâchant les réflexes de défense des malades, s'expliquerait bien, dit-il, avec l'hypothèse ci-dessus. »
l'aborde enfin la troisième des questions mises a l'ordre du jour du Congrès de Genève-Lausanne et sur laquelle je vous demande la permission de m'étendre quelque peu: Il s'agit de l'Expertise mèdiço-légale et de td question de responsabilité.
il. le professeur Gilbert Ballet a exposé, puis défendu ses opinions avec la clarté, la précision, l'autorité, la force persuasive et, j'oserais dire, le charme dont il est coutumier. Son succès personnel a été très grand. C'est que, sous une forme à la fois vigoureuse et limpide, il disait, sur le fond, de si excellentes choses ! Oyez plutôt : « Un rapport médical n'est bien fait qu'autant qu'il est rédigé de façon à ne pas vieillir les conclusions de ce rapport doivent être telles qu'elles n'aient rien à redouter des fluctuations ambiantes;... il faut soigneusement séparer les questions doctrinales qui varient et les faits qui restent indéfiniment vrais;... le médecin légiste doit se borner à la constatation médicale de faits matériels ; il évitera de se laisser conduire sur un terrain qui n'est pas le sien ; il ne fera aucune incursion dans la philosophie transcendante ; il refusera de se solidariser avec aucune doctrine métaphysique ; appelé comme médecin, il restera médecin... »
Vous devinez l'accueil chaleureux que reçurent de si bons conseils. Les appliquant à la notion de responsabilité, M. Ballet n'a pas de peine à montrer qu'elle s'appuie sur une doctrine philosophique, dans l'espèce celle du libre arbitre. Et in cauda venenum ! Ayant terminé son argumentation, le rapporteur demande au Congrès le vote immédiat d'un vœu dont il donne lecture. Ce vœu devra avoir pour résultat de conformer la pratique courante aux raisons théoriques qui viennent de battre en
brèche cette notion de la responsabilité. Il entraîne cette conséquence : sollicité de donner son opinion sur la responsabilité d'un accusé, le médecin-légiste doit refuser de répondre. C'est catégorique !
Portée sur ce terrain, la question fut, vous le pensez bien, chaudement discutée. On entendit, tout d'abord, une très nette, très courageuse et très éloquente protestation de M. le professeur Grasset (de Montpellier), vous n'avez pas manqué de la lire, il y a déjà plusieurs semaines, dans les périodiques médicaux. Puis, le professeur Régis (de Bordeaux), le professeur Francotte (de Liège), le Dr Vallon, d'autres encore vinrent, les uns après les autres, combattre ce vœu. Mais aucun argument ne peut entamer la dialectique de M. Ballet : « La responsabilité n'est pas du domaine médical ; en vous prononçant à son sujet, vous faites œuvre extra-médicale. » Et il réclame que l'on passe au vote, séance tenante.
On ressent dans l'auditoire une certaine gêne. Sans doute, au point de vue purement théorique, il semble bien que M. Ballet a raison ; mais la solution radicale qu'il préconise parait grosse de difficultés ; elle entraînera peut-être, dans la pratique, des conséquences regrettables qu'on n'a pas le temps de se formuler avec netteté, devant cette mise en demeure de se prononcer sur-le-champ. Le professeur Prévost (de Genève), président, parait se rendre compte de ce malaise, et c'est avec un véritable soulagement que de nombreux congressistes lui entendent dire, en substance, ceci : « Nous sommes un Congrès des aliénistes et neurolo-gistes de France et des pays de langue française ; les Suisses et les Belges n'ont aucunement qualité pour se prononcer sur une question qui intéresse un article du Code français. Ce n'est donc pas le lieu de mettre aux voix le vœu de M. Ballet. » Mais M. Ballet, intraitable, riposte aussitôt : « L'article du Code dont il s'agit est identique, non seulement dans son esprit, mais encore dans les termes, en Fiance, en Belgique ainsi qu'en Suisse. » Et, une nouvelle fois, il demande, que le Congrès se prononce hic et nunc. Nouvel embarras, vite dissipé, il est vrai, car un congressiste tend une perche secourable : « Le vœu de M. Ballet, dit-il, est ;rès important, son texte est long, il comporte plusieurs considérants ; qu'on l'imprime, qu'on nous le distribue, nous l'étudierons, à tête reposée, 'et nous pourrons nous prononcer dans une séance ultérieure en connaissance de cause. » Cette proposition est acceptée avec empressement, sans l'ombre de débat Cela se passait le jeudi 1er août, à la séance de l'après-midi.
Le vendredi 2 août, vers 2 heures s'ouvre une nouvelle séance générale. M. Ballet demande aussitôt la mise aux voix de son vœu. On va donc pouvoir se compter ! Mais quelqu'un fait observer qu'il y a bien peu de congressistes dans la salle et qu'il vaudrait mieux attendre que l'on fût en nombre. — « Les congressistes, répond M. Ballet, ont été prévenus que le vote aurait lieu au début de cette séance ; ceux qui ne sont pas encore arrivés montrent par là qu'ils se désintéressent de ce vœu ; on peut donc se passer d'eux. » Tout de même, si l'on votait immé-diatement le nombre des voix serait dérisoire ; et les partisans de l'ajournement l'emportent.
Finalement, il est convenu qu'on se prononcera définitivement à Lausanne, le lundi 5 août.
Or, à Lausanne, la trop courte séance est entièrement consacrée à la discussion sur l'hystérie. Des protagonistes de marque donnent et recoi-
vent des coups, le temps passe très vite, si vite même que le président est obligé de lever la séance sans que les rapporteurs aient pu prendre à nouveau la parole. Dans ces conditions, il ne fut même pas fait mention du vœu de M. Ballet.
J'ai vu des congressistes se réjouir, ouvertement, de ce qu'avec beaucoup d'irrévérence ils appelaient un enterrement de première classe. Ce -sont des impressions que je traduis, mais elles sont très nettes ; elles résultent de conversations particulières librement échangées dans l'intervalle des séances : on est enchanté d'avoir échappé à cette mise en demeure de résoudre catégoriquement par oui ou par non une question qui semble mal posée. Si les arguments et les vues théoriques de M. Ballet ne manquent pas de justesse, la solution qu'il propose est toute négative ; l'abstention, à vrai dire, n'est pas une solution ; ce qu'il veut détruire, il ne le remplace en aucune manière ; supprimer une difficulté, ce n'est pas la résoudre.
I.e lundi après-midi, on se rend à l'Asile de Céry dans le but de le visiter ; auparavant on doit y entendre quelques dernières communica-tiens. Le directeur de l'Asile, le professeur Mahaim, fait défiler devant nous de très intéressantes coupes d'anatomie pathologique. Comme de juste, cela se passe dans l'obscurité. La salle est petite, les fenêtres sont hermétiquement closes, et les congressistes entassés les uns contre les autres, la plupart debout ; il fait une chaleur torride ; on manque d'air, on ruisselle de sueur. Me trouvant près de la porte et n'en pouvant plus, je me décidai à sortir comme tant d'autres. On vit ainsi une nombreuse théorie de congressistes errer dans les couloirs, à la recherche d'un peu d'ombre et de fraîcheur. Enfin la fournaise s'ouvre ; nos collègues en sortent pour aller prendre part à la collation qui nous av été très aimablement préparée. J'apprends alors que le vœu de M. Ballet, renaissant de ses cendres, vient d'être adopté à la majorité des deux tiers des votants. Je n'ai pu voir, par moi-même, qui a voté pour, ni qui a voté contre, ni combien de suffrages furent exprimés ; mais, tenant compte des propos échangés et de l'ambiance dans laquelle nous avons vécu quelques jours, j'ai acquis la conviction, — toute personnelle il est vrai, — que ce vœu a été voté sans enthousiasme, même avec une docilité résignée, par déférence pour la personne et le talent de M. Ballet.
Quelle est donc la portée de ce vote ?
Les vœux adressés aux pouvoirs publics s'en vont, d'ordinaire, prendre place dans les cartons des ministères pour y dormir d'un sommeil très prolongé. Sans doute les congressistes qui ont voté le vœu de M. Ballet sont moralement engagés à s'y conformer, pour ce qui concerne leur pratique personnelle, — à moins que de nouvelles réflexions ne les amènent très sincèrement à changer d'avis. Mais, en fait, ce vote ne comporte aucune espèce de sanction.
De quelle autorité scientifique jouit-il ?
Les adhérents d'un congrès sont « le nombre » ; ils ne sont pas nécessairement « la qualité ». Le suffrage universel a beau étendre de plus en plus ses prétentions, il est incompétent pour solutionner avec autorité une question de cette nature. Et, je vous le demande à tous, quelle autorité aura, pratiquement, une décision quelconque, relative à la psychiatrie lorsqu'elle sera combattue, comme dans la circonstance, par des
hommes tels que Grasset, Régis, Mairet, Francotte, Vallon, Crocq, et tant d'autres ?
Ce qu'un congrès a fait un autre peut le défaire. En tous cas, le vote de Lausanne, survenu dans les conditions que je vous ai exposées, n'a pas définitivement tranché la question ; l'incident n'est pas clos ; la discussion reste ouverte.
Je vous avoue qu'au cours des débats publics, provoqués par le rapport de M. Ballet, la langue m'a beaucoup démangé. Vous savez que la philosophie fut la passion de ma jeunesse. Je croyais cette passion évincée en moi par celle de ma maturité, je veux dire la médecine. Or, cette « première maîtresse » me possédait encore plus que je ne pensais. On lançait dans la discussion, souvent avec hostilité, les termes philosophie, métaphysique, morale, logique, dialectique, etc. ; on renvoyait au philosophe des questions que l'on déclarait hors de la compétence médicale,... alors les joutes et les tournois d'antan me revenaient à la mémoire et j'étais pris du désir de rompre une lance sur un terrain qui ne m'était pas tout à fait étranger. Mais je sentais que je ne pourrais pas être bref, et la discussion avait déjà beaucoup duré ! De plus, l'action était si bien engagée, si bien circonscrite entre les professionnels ordinaires de la médecine légale psychiatrique que je décidai de me taire. Toutefois, si, à Genève, j'ai su résister au prurigo dicendi, je me laisse aller aujourd'hui avec vous au prurigo scribendi.
Bien entendu, pour tout ce qui va suivre, je proteste de mes égards pour les personnes, mais je revendique mon entière liberté d'appréciation et de discussion pour les opinions émises.
***
Voici d'abord, in extenso, le vœu dont 11 s'agit et tel qu'il a été voté : « Le Congrès des Aliénistes et Neurologlstes de France et des pays de langue française réuni à Genève et Lausanne, Considérant :
1° que l'article. 64 du Code pénal en vertu duquel les experts sont commis pour examiner les délinquants ou Inculpés suspectés de troubles mentaux, dit simplement qu'il n'y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l'action ; que le mot responsabilité n'y est pas écrit ;
2° que les questions de responsabilité qu'il s'agisse de la responsabilité morale ou de la responsabilité sociale, sont d'ordre métaphysique ou juridique, non d'ordre médical ;
3° que le médecin seul compétent pour se prononcer sur la réalité et la nature des troubles mentaux chez les inculpés, et sur le rôle que ces troubles ont pu jouer sur les déterminations et les actes desdits inculpés, n'a pas à connaître de ces questions ;
Emet le vœu :
Que les magistrats dans leurs ordonnances, leurs jugements ou leurs arrêts s'en tiennent au texte de l'article 64 du Code pénal et ne demandent pas au médecin expert de résoudre lesdites questions qui excèdent sa compétence. »
(à suivre)
L'Islamisme et la pédagogie musulmane
par M. le Pr Ubeyd-Oullah (de Constantinople).
Le mot a Islam » qui figure dans le titre de cette communi- . cation signifie proprement : « religion mahométane ».
Parler de religion devant un public français serait, à l'heure actuelle, sinon hors de propos, fastidieux, peut-être, si je ne m'adressais à un auditoire éclairé que toutes les questions d'ordre supérieur intéressent certainement.
C'est d'ailleurs particulièrement des rapports de la pédagogie avec la religion musulmane que je voudrais vous entretenir et une pareille discussion est éminemment du ressort de la . réunion pédagogique devant laquelle j'ai l'honneur de me présenter aujourd'hui, en lui demandant toute son indulgence pour un étranger que la langue et la haute culture française ont captivé beaucoup plus qu'elles ne l'ont capté.
La religion musulmane entre dans toutes les phases de la vie sociale et elle intervient essentiellement dans la pédagogie.
Je dois donc vous parler de cette religion que j'appelerai, plus spécialement : la loi de Mahomet. Le mot : foi, exprime mieux, en effet, l'esprit du fondateur de l'Islam qui, pour un I public civilisé et instruit, est considéré à juste titre, comme un législateur, un philosophe, plutôl que comme prophète.
Cette idée est surtout juste à l'égard de Mahomet si le mot « prophète » est pris dans le sens de connaître l'Absent, l'Invisible, l'Avenir. Dans ce sens il ne saurait se comprendre pour Mahomet qui décline lui-même toute prétention à deviner ou à pénétrer l'Inconnu. Mahomet ne se concevait et ne voyait l'Univers tout entier que tenu et subjugué dans la main d'une force insaisissable, et il élaborait les principes qu'il prêchait en observant sous un contrôle strict les phénomènes et les faits du monde, émanant de cette force surnaturelle qu'il sentait toute puissante. Comme il avait, d'autre pari, une ferme conviction de la justesse et de la réalité de ses propres conceptions il s'est trouvé invinciblement entraîné à publier et à recommander les principes de conduite qui devaient être la base de la religion qu'il se préparait à fonder.
Il appelait cette force Allah, Dieu, et il s'appelait lui-même l'Envoyé, le Messager et l'Apôtre de Dieu. Ainsi la reli-
(1) Communication à la Section de pédagogie et d'enseignement de l'Association française pour l'avancement des Scienc s. Reims, août 1907.
gion musulmane au point de vue social est une loi et au point de vue moral est une philosophie.
Nous verrons donc ce que dit la loi de Mahomet à propos de la pédagogie.
Le Coran cite à ce sujet les conseils donnés par Lokam à son fils et les approuve. Les versets y relatifs sont les suivants :
Chapitre XXXI
Verset 19. — I.okam dit un jour à son fils par voie d'admonition : O mon enfant! n'associe point à Dieu d'autres divinités car l'idolatrie est une grande iniquité.
Verset 15. — O mon enfant ! ce qui n'aurait pas le poids d'un grain de moutarde, fut-il caché dans un rocher, au ciel ou dans la terre. Dieu le produira au grand jour, car il est pénétrant et instruit de tout.
Verset 16. — O mon enfant ! Observe la prière, ordonne le bien, défend le mal, et supporte avec patience les maux qui peuvent l'atteindre. C'est la resolulion indispensable en toutes choses.
Verset 17. — Ne fais point de contorsions avec ta bouche par dédain pour les hommes; que ta démarche ne soit pas orgueilleuse, car Dieu n'aime point l'homme présomptueux, vaniteux.
Verset 10. — Cherche à modérer ton pas et abaisser la voix, car la plus désagréable des voix est bien la voix des ânes ».
Le Coran dans le chapitre XXX nous déclare que l'Islamisme est la religion naturelle, c'est-à-dire qu'elle est l'ensemble des lois sociales inspirées au cœur et à la raison humaine par la nature seule, à l'abri de toutes influences morales.
Le texte du Coran est le suivant :
Verset 29. — « Redresse donc, pieux et dévoué, ton front pour la religion, c'est la nature avec laquelle Dieu a créé l'homme, la création de Dieu ne saurait être changée. C'est celle-là qui est la religion solide, mais la plupart des hommes ne l'entendent pas. »
Dieu nous fait savoir l'inaltérabilité du caractère inné de l'homme, et traite, dans son livre saint, de téméraire et d'ignorants tous ceux qui chercheraient à modifier cette inaltérabilité.
De son côte, le prophète nous déclare ce qui suit : « L'homme nait avec le caractère dont la nature l'a pétri et l'a doté.
« La nature est la base de l'islamisme, le christianisme, le judaïsme et le paganisme, ne sont que des idées conçues et formées plus tard, d'après l'éducation reçue des parents. »
Par ces paroles, le prophète nous met en garde contre toute tentative qui pourrait gâter le naturel des enfants, les « dénaturer » pour ainsi dire.
L'intervention du Coran et des Hadis en cette matière est relativement sommaire, ils ne contiennent que quelques principes servant de base à cette science qui a pris plus tard une grande extension.
Omer, le deuxième Khalife des musulmans, avait ordonné défaire apprendre par cœur aux enfants le fameux poème de Lamiet-ul-Arab, de Chen-Féra, compose avant l'islamisme. Ce poème inspire à l'homme l'indépendance, la résolution, la vigilance, le courage, la sobriété, la patience et l'amour propre.
Je me dispenserai de traduire ici, cette longue poésie qui quoique très importante, au point de vue pédagogique, ne contient pas moins, d'une soixantaine de vers.
O;er interdisait aussi aux instructeurs d'agir sévèrement vis-à-vis de leurs élèves, il était d'avis que cette façon de procéder à l'éducation des enfants amènerait de fâcheux résultats « l'homme, disait-il, à ce propos, n'a pas le droit de punir celui que Dieu ne punit pas ».
Le célèbre Aly, gendre de Mahomet et quatrième Calife, a dit en outre :
« Ne restreinds pas l'éducation de ton enfant pour ton époque, car il est créé pour un temps au-delà du tien ».
La recommandation de Haroun-al-Rachid, kalife Abasside à Halef-ul-Ahmer, instructeur de ses fils, mérite d'être mention- ; née. Il lui disait : « Apprends-leur le Coran, l'histoire, la poésie et les Hadis,enseigne-leur la science de parler à propos, défends-leur, les rires incongrus, inculque-leur le respect pour ceux qui sont plus âgés qu'eux.
Mais que ta sévérité n'aille pas jusqu'à tuer leur intelligence en les affligeant et ne pousse jamais la tolérance jusqu'à en faire des fainéants
Plus tard un grand nombre de savants ayant écrit à ce sujet d'importants ouvrages, la pédagogie se constitua en une science.
Les livres qui traitent spécialement la pédagogie sont en très grand nombre ; les modes d'éducation qui y sont exposés sont même différents.
Le célèbre historien Ibni Khaldoun n'approuve pas l'enseignement simultané de différentes sciences.
D'après lui, on ne devrait faire étudier aux élèves qu'une seule science à la fois, s'en occuper sérieusement, jusqu'à ce qu'ils se la soient bien assimilée et ne passer à une autre branche qu'une fois le but atteint. Cette opinion me parait la meilleure. En effet, avec le programme adopté de nos jours dans les pays civilisés le cerveau, tel qu'un estomac surchargé, de différents aliments, finit par se fatiguer devant cette agglomération de connaissances que l'on veut y introduire. Pourtant un cerveau surmené est plus difficilement reparé qu'un estomac abimé.
(à suivre)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle de Juin 1907. — Présidence de M- le Dr Jules Voisin.
Ecfants idiots et arriérés dans l'iconographie antique,
par M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie.
Que devenaient chez les peuples anciens les enfants idiots ? En même temps que les débiles et les chétifs, ces nations civilisées s'en débarrassaient, pratiquant la sélection quelque deux et trois mille ans avant Darwin.
On cite toujours la loi promulguée par. Lycûrgue à ses compatriotes Spartiates : « Tout nouveau-né était porté dans un lieu appelé Leschée où s'assemblaient les anciens de chaque tribu. Si l'enfant était bien constitué, il recevait un apanage et l'Etat veillait à ce qu'il fût bien nourri ; si l'enfant était chétif ou contrefait, il était précipité dans un gouffre, le Taygète. »
L'infanticide érigé en système n'était pas spécial à Sparte ; Solon l'autorisa à Athènes, Romulus et Numa à Rome. Mais ici il était pratiqué par le père. Celui-ci avait le droit de ne pas reconnaître son enfant, et alors s'en débarrassait.
Des philosophes tels que Platon et Aristote approuvaient fort cette coutume, mais ils donnaient leurs préférences à l'avortement.
Chez les Spartiates, l'omnipotence du père subsistait : il ne présentait aux anciens que l'enfant qu'il voulait garder. Même chez eux la rigueur des lois finit par se relâcher : un de leurs rois, et non des moins célèbres, Agésilas, était même boiteux et contrefait.
Cette loi à laquelle obéirent tous les peuples anciens, avait son ori-
gine dons la préhistoire. On l'observe en effet chez les sauvages dont le garde-manger est limité : l'infanticide y est couramment pratiqué. On se débarrasse tout d'abord des faibles, des difformes, des mal venus. Les uns, comme les Lapons, éprouvent la force du nouveau-né en le plongeant dans la neige, puis dans l'eau chaude, ou encore, imitent les
Fig. 1. — Terrs culte antique représentant un degénére. (Collection Gaudin),
Banyans des Indes qui jettent l'enfant dans le Gange si, au bout de trois jours, il n'est pas assez fort pour prendre le sein.
Il est a noter que les peuples sauvages qui ont des aliments en abondance, ignorent l'infanticide. En réalité il s'agissait moins de se débar-
Fig. 2 et 3. — Terre culte antique représentant un dégénere [Collection Gaudin).
rasser des faibles et des débiles que d'éviter la surpopulation. Les philosophes grecs exprimèrent cette crainte bien avant Malthus.
La religion s'accordait avec la loi : elle prescrivait de détruire les monstres, les hermaphrodites et même les jumeaux qui sont un mauvais présage. Mais elle protégea souvent les non-valeurs : arriérés, épilepti-ques, idiots. On redoutait ces enfants, leur présence portait bonheur à la famille.
Le crétin ou myxœdèmateux fut de tous temps vénéré d'une façon
toute particulière. Il est encore, dans nos montagnes, l'objet d'un respect superstitieux.
L'Egypte antique en fit un Dieu : Bès avait un gros ventre, 'une face large, un nez écrasé, une tète enfoncéedans le cou, des membres courts, des jambes arquées, les doigts de la main formés par des boudins égaux ; son aspect bestial s'exprimait par un Iront fuyant, un crâne bas, des oreilles larges, non ourlées, écartées de la tête. L'œdème se devinait sur celle face lunaire aux joues enflées, aux lèvres épaisses et saillantes, surtout l'inférieure. La langue volumineuse, qui faisait saili : hors de la bouche entr'ouverte, était caractéristique du myxcedème.
Fig. 4-— Terre culte antique représentant un dégénéré (Collection Gaudin).
ainsi que la calvitie et le manque de sourcils à la partie externe de l'arcade orbitaire.
Les Egyptiens avaient pris ce crétin pour dieu delà joie, de l'amour, de la musique et de la danse. Il est même à ce titre souvent représenté sur les toilelles des dames. Il représentait le symbole de la vie heureuse.
Ce n'étaient pas les seuls mal venus qu'utilisaient les Egyptiens. Leurs rois et leurs grands en possédaient un certain nombre comme serviteurs. Déjà l'esprit inoccupé des riches se complaisait dans la recherche de l'anormal. On remarquait surtout des nains achondroplases recon-naissables à leurs jambes petites et arquées et à leur forte ensellure lombaire. Il y avait aussi des bossus, voire des pieds bots.
Bien des siècles plus tard, nous retrouverons au Moyen-Age ce même goût pour les fous et les bouffons.
Chez les Grecs, les idiots et les dégénérés n'étaient pas moins nombreux : les mêmes motifs de crainte superstitieuse devaient protéger leur vie. Nous trouvons dans l'iconographie grecque antique de fort nombreuses reproductions de ces types qui aujourd'hui se trouvent dans les asiles d'aliénés.
Fig. S, 8, 7. 8. — Terres cuites antiques représentant des idiots (Collection Gaudin).
Une parenthèse est ici nécessaire : indiquons en quelques lignes l'origine de ces statuettes.
Longtemps on nia que les artistes grecs aient pris comme modèles des sujets difformes et malades : l'art grec, disait-on. évoque toujours en nous l'idée du beau idéal et classique à l'exclusion de tout autre.
Fig. 9. — Terre cuite antique représentant un idiot odénoidien « CollectionFouquet, du Caire).
Il existait bien, il est vrai, quelques statuettes qu'on était forcé d'avouer . laides : des faunes, des silènes et certaines peintures sur vase.
On les qualifiait de grotesques, les assimilant à des caricatures. Qui n'a vu dans les journaux amusants les portraits de célébrités ou de personnages politiques ; l'artiste les dessine en exagérant le trait qui les caractérise. Pour les archéologues, tout ce groupe de statuettes laides étaient des charges : « l'artiste trouvait le côté comique ou l'aspect piquant et original, mais l'exprimait par une exagération voulue ».
Les fouilles de Tanagra et de Myrina n'étaient pas faites pour détruire
cette opinion. Un grand nombre de statuettes qui y furent découvertes, réalisaient la beauté grecque idéale et classique, quelques rares étaient grotesques ou obscènes.
Déjà pourtant certains médecins épris d'art notaient de ci de là quelques terres-cuites et bronzes pathologiques. Qualifiés jusqu'alors de grotesques, ils furent reconnus pour des représentations exactes de maladies par Charcot et Richer dans leur beau livre : Les Malades et les Difformes dans l'art Meige, Souligoux et moi-même en avions étudié quelques nouveaux types. Mais tout se bornait à une quinzaine de sujets environ.
II fallut arriver aux fouilles de Smyrne pour faire comprendre la multiplicité des types réunis jusqu'alors sous cette épithète de grotes-
Fig. 10 — Figurine antique représentant un idiot adenoïdien (Collection Fouquet),
ques,montrer le grand nombre de pathologiques et révéler enfin la merveilleuse variété de l'art grec.
La Smyrne actuelle ne correspond pas à l'emplacement de la cité antique. Elle occupe la plaine alluviale conquise sur la mer par le fleuve Hermus. Sur les flancs de la montagne s'étale la cité musulmane ; au sommet, desjardins et des champs couvrent l'emplacement de la ville grecque.
Après la guerre turco-russe. le gouvernement donna cet emplacement aux émigrants bulgares. Les fouilles mirent à jour la ville grecque impériale, et, dans cette poussière des siècles, on retrouva des milliers de figurines. Un grand nombre sont entrées au musée du Louvre, un plus grand nombre encore restent entre les mains de mon ami, M. Paul Gaudin, qui a bien voulu m'en faciliter l'étude.
Pour saisir la signification de ces statuettes, il ne suffit pas d'en faire le diagnostic, il nous faudrait savoir à quel usage elles étaient destinées.
Celles de Tanagra et de Myrina nous permettent une réponse facile. On tes a trouvées dans les tombes. On sait que les Egyptiens n'oubliaient jamais d'accompagner leur momie d'une petite statuette en pierre dure
à l'image du défunt. Elle échappait aisément aux causes de destruction et, double du mort, lui assurait une vie éternelle.
Une idée religieuse s'attachait de même aux terres-cuites de Tanagra et de Myrina, ces figurines si variées, personnages mythologiques,
Fig. 11.— Terre cuite antique représentant un adénoïdien (Collection Fouquet).
silènes, types obscènes, caricatures, etc., n'étaient probablement pas les portraits des défunts. Il semble qu'on se proposait par leur moyen de récréer les morts, ou encore d'éloigner les maléfices.
A Smyrne, le problème e »t plus difficile : M. P. Gaudin m'a affirmé qu'elles ne provenaient point de sépultures.
Fig. 12. — Terre cuite de Tanagra représentant un enfant méningitique
On les aurait trouvées éparses dans les ruines de la ville, ensevelies dans les décombres. Créées au premier et au deuxième siècles avant Père chrétienne, ces statuettes furent peut-être brisées par les chrétiens et rejetées comme profanes. Sans doute elles ornaient les maisons, soit au même titre que les bibelots actuels, soit comme amulettes, soit
comme offrande aux dieux lares. Peut-cire remplissaient-elles selon les cas tous ces usages, ce qui nous expliquerait leur diversité : un grand nombre sont des têtes isolées, d'autres sujets furent entiers. Certaines figures offrent à leur partie postérieure une surface de section nette, permettant de les appliquer sur un mur. D'autres, enfin, ont un trou pour être portées en bijoux ou en amulettes.
Ces statuettes étaient moulées en deux moitiés que l'ouvrier collait ensuite en cachant soigneusement la soudure. Il retouchait enfin son œuvre au burin, d'où leur valeur artistique. , Les sujets trouves à Smyrne sont infiniment variés.
Comme les statuettes de Tanagra et de Myrina, ils nous offrent toutes les formes du beau idéal.
Ils nous livrent également de véritables grotesques : femme le nez exagéré proémine en bec de perroquet.
Toute une série est tirée de la vie réelle : acteurs comiques dans leurs poses les plus amusantes, types barbares, paysans, marchands, sol-dats. etc.
Plusieurs sont des types à physionomie accentuée. Que de fois j'ai entendu dire à ceux qui les voyaient : « Je connais cette figure, c't-st un tel », en citant un nom connu.
Mais le groupe pathologique est certainement le plus nombreux, il est en nombre suffisant pour illustrer les traités d'Hippocrale. Sur douze cents figurines trouvées par M. Gaudin jusqu'à ce jour, plus de deux cents sont des représentations très exactes de maladies. Un plus grand nombre encore sont interprélées au goût de l'artiste.
Parmi ces ligures, celles qui représentent des enfants idiots et arriérés sont des plus fréquentes.
Une tache s'impose : en faire le diagnostic aussi précis que possible.
***
Présentons d'abord aux lecteurs quelques kliols profonds.
Voici un type dont le professeur Fournier ferait probablement un syphilitique. Contentons-nous de dire que son système osseux a souffert dans son enfance. Son nez cassé offre la déformation en lorgnette typique. L'artiste a aussi reproduit des stries transversales existant sur les dents ; on peut les voir à la loupe sur la reproduction. Le rire bestial de ce sujet prouve son état mental. (Fig. I).
Comparons un autre sujet (fig. 2 et 3 ; qui, lui aussi, a le nez cassé. Mais ici la déformation est pathologique : le nez s'est effondre sous l'influence d un lupus de la voûte palatine, Hippocrate a signalé le mécanisme de cette déformation.
Voici (fig. 4) une brute parfaite. Les os sont hypertrophiés au front et aux deux mâchoires, de façon que le nez et les yeux disparaissent sous leur saillie ; les oreilles sont aussi fort épaissies. On ne pourrait mieux comparer ce malade qu'à un léontiasis osseux. Mais cet état, décrit par Virchow, est si rare et si peu connu ; on s'étonne que les Grecs l'aient reproduit.
Les quatre idiots des figures 5, 6, 7, 8, ont un air de famille : figure slupide, rire bestial, larges oreilles complètement détachées du crâne et formant abat-jour. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a taxé les oreillards de dégénérés.
Adressons-nous à une autre collection, celle du docteur Fouquet, du Caire. Il a mis gracieusement à notre disposition quelques photographies inédites de ses plus belles pièces trouvées dans la Basse-Egypte et de l'époque alexandrine.
Le figure 9 nous montre un idiot adénoïdien ; les joues et les lèvres sont gonflées par l'œdème, le cou énorme. L'expression est terne et vague, le crâne en toit n'abrite aucune pensée.
La figure 10 présente un autre type plus maigre et sec. Le nez est aussi écrasé a la base, la figure renversée en arrière, les yeux agrandis, tout ronds, exprimant un étonnement stupide.
Voici un véritable monstre (fig. 11). Ici le coroplaste a fortement renchéri sur son modèle. A un nez extrêmement busqué, à un menton fuyant comme un requin, se joint un crâne des plus tourmentés. Les arcades sourcilières sont extrêmement développées : l'artiste les a accentuées en creusant fortement le front au-dessus.
Mentionnons une terre cuite de Tanagra, bien que les représentations de malades et de difformes y soient exceptionnelles. L'une d'elles (fig. 12) pourtant mérite attention. Un enfant est couché sur une sorte de fauteuil long, pas assez cependant pour qu'il puisse s'y étendre à l'aise, Il a plié ses jambes et ses mains, prenant la position en chien de fusil, connue des pédiatres. Bien que ses yeux ne cherchent pas l'obscurité, nous croyons à la représentation d'une méningite, à cause du ventre extrêmement rétracté.
(à suture)
CONGRÈS & SOCIÉTÉS SAVANTES
Genèse de l'hystérie (1)
par M. le Dr Terrien, de Nantes.
Celte question de la genèse de l'hystérie est extrêmement importante, car sa solution en entraînera une autre non moins importante : la cura-bilité possible ou l'incurabilité de l'hystérie. S'il est admis, en effet, que l'on naît hystérique, on aura toutes les chances de vivre et de mourir hystérique, quel que soit le traitement. Si, au contraire, on devenait hystérique, l'hystérie pourrait être curable.
Or, à ce mot du professeur Pitres (de Bordeaux) « on naît hystérique », j'ajoute : « et l'on meurt hystérique ».
(1) Communication au Congrès inter national de psychiatrie, de neurologie et de psychologie d'Amsterdam (2 septembre 1907).
On naît hystérique, comme on naît arthritique, comme on nait hérédo-syphilitique. Et c'est l'hérédité nerveuse, quelquefois l'hérédité alcoolique qui créera cet état hystérique. Je l'ai recherchée d'une façon systématique chez tous mes hystériques, et toujours je l'ai rencontrée.
On a tort de confondre trop souvent l'hystérie avec l'accident hystérique. 11 ne faut pas oublier pourtant que bien des hystériques n'ont jamais eu et n'auront peut-être jamais de manifestations hystériques. De même que beaucoup d'arthritiques, à cause d'une médication appropriée ainsi que d'une excellente hygiène physique et alimentaire, n'auront pas à souffrir de leur arthritisme, de même les hystériques qui observeront fidèlement les règles d'une excellente hygiène physique et morale, n'auront pas à souffrir de leur hystérie. Je pourrais citer plusieurs individus qui jamais n'ont présenté aucun phénomène hystérique et chez qui j'ai pu néanmoins par simple suggestion faite .avec ou sans hypnose, déterminer des paralysies ou des contractures hystériques.
L'accident hystérique n'est que la manifestation extérieure, visible, tangible de l'état hystérique, c'est en quelque sorte le cachet, le sceau imprimé sur le sujet, mais ce n'est pas toute la maladie. Il n'est même pas nécessaire pour que la maladie soit.
De ces accidents, quelle est la genèse? Il arrive, parfois, qu'on ne peut saisir leur mode de production ; mais cela est rare, et, si l'on s'applique à des recherches sérieuses, presque toujours on en découvre la genèse.
Voici un enfant qui fait une chute d'une certaine hauteur : « Malheureux, lui crie la mère, tu t'es cassé le bras ! Regarde, tu ne dois pas pouvoir remuer les doigts. » Il est admis, en effet, dans les campagnes, que la fracture d'un membre entraîne l'incapacité fonctionnelle de tout le membre. L'enfant, persuadé qu'il ne peut remuer les doigts, puisque sa mère le lui dit, se voit dans l'impossibilité de leur imprimer un mouvement quelconque ; il est paralysé.
Un autre exemple : Un cultivateur a comme voisine de ferme une femme atteinte d'une affection médullaire qui la met dans l'impossibilité de marcher et de se tenir debout. Notre homme éprouve un jour une certaine fatigue, une faiblesse dans les jambes ; aussitôt il pense à sa voisine, il craint que cette faiblesse ne soit le début d'une paralysie. Il n'en faut pas davantage pour que cette phobie entraine, par un phénomène d'autosuggestion, une plus grande faiblesse, et un matin, il se réveille astasique-abasique.
Enfin, j'ai eu une petite épidémie de pseudo-coxalgie hystérique dans un village de Vendée. Sept jeunes filles, à la vue de leur camarade, que j'avais mise dans un appareil pour coxalgie, sont prises de claudication et de douleurs à la hanche. La peur du mal avait, par autosuggestion, créé le mal.
Je pourrais citer, cent, deux cents exemples analogues. Toujours on voit l'influence de l'imitation, de l'autosuggestion, de la suggestion. Voilà comment se créent les accidents de l'hystérie.
Mais les malades étaient déjà des hystériques. La suggestion n'est capable de faire naître que l'accident; elle n'est pas capable de faire naitre la maladie, elle crée l'accident chez un individu déjà hystérique.
Peut-être objectera-t-on que le traumatisme, dans le cas de l'enfant, par exemple, a pu développer l'hystérie, et que la suggestion faite par la mère est venue ensuite produire l'accident paralytique.
Or le traumatisme n'a pas créé la névrose ; tout au plus a-t-il pu réveiller celte névrose qui sommeillait, mais qui existait déjà; il lui a donné « le coup de fouet ». Le terrain était dès lors tout préparé pour que la suggestion de la mère eût son plein effet. Sans cette phrase malheureuse, et malgré le traumatisme, nous n'aurions pas eu d'accident hystérique. Telle est, du moins, l'interprétation que je donne des faits d'hystéro-traumatisme : on est hystérique avant d'être frappé d'un accident hystérique.
Tous les hystériques sont-ils sous des influences suggestives, exposés à être atteints de paralysies, de contractures, de convulsions, etc. ? Sans aucun doute ; mais il est nécessaire, à mon sens, que l'hystérique soit dans des dispositions spéciales, c'est-à-dire que son hystérie subisse une certaine préparation et que le potentiel de la maladie, pour me servir d'une image, soit accru.
Ce qui augmentera ce potentiel, ce sont les excès de toutes sortes, le surmenage, les intoxications, les auto-intoxications, les chocs moraux les traumatismes, etc. C'est là ce qui constituera « l'engrais » nécessaire pour faire germer « la graine hystérique », pour lui permettre de se manifester au dehors sous une influence suggestive.
L'hystérique, ainsi préparé, est mûr pour les accidents; qu'une suggestion survienne, faite par les parents, un voisin, un médecin même, ou bien que le malade s'autosuggestionne lui-même, et alors l'accident hystérique apparaît, ici une paralysie, là une contracture, etc., suivant la forme qu'aura revêtue la suggestion.
Certaines conditions sont ordinairement nécessaires pour que l'accident survienne ; lorsquelles font défaut, nous sommes exposés à rencon. trer l'hystérie sans phénomènes hystériques. Si l'hystérique a une vie calme, régulière, à l'abri des chocs violents, des infections et intoxications, il aura bien des chances de vivre avec son « état hystérique » sans en être incommodé en quoi que ce soit.
J'en arrive donc à poser les conclusions suivantes :
I. — Genèse de l'hystérie.
On nait hystérique ; on ne le devient pas. C'est l'hérédité nerveuse qui crée l'hystérie, mais une hystérie qui reste à l'état latent sans se manifester au dehors.
II — Genèse des accidents hystériques.
1° Lorsque la maladie sous-jacente subit une certaine culture et que son potentiel est accru par des excès, du surmenage, des intoxications,
des infections, etc., l'hystérique est mûr pour l'accident, mais l'accident n'est pas encore constitué.
2° Survienne alors la suggestion ou l'autosuggestion et le phénomène, l'accident hystérique s'installe.
Diagnostic différentiel des crises épileptiques et des crises hystériques : un symptôme nouveau,
par M. le Dr Bonjour (de Lausanne).
Dans l'état actuel de nos connaissances il est souvent impossible de différencier la crise hystérique de la crise épileptique, sans soumettre le malade à un examen prolongé pendant lequel on a peu de chance d'assister à une crise.
La considération des points suivants rendra le diagnostic plus facile :
1° Contrairement à l'opinion actuelle, les guérisons partielles obtenues par un changement de milieu et même une guérison définitive obtenue par le régime bromure indiquent toujours l'hystérie ;
2° L'augmentation des crises coïncidant avec une cure bromurée, doit faire conclure l'hystérie ;
3° Les crises qui apparaissent à l'époque de la puberté sont hystériques dans presque tous les cas. Contrairement à l'opinion de Féré et Binswanger. les crises convulsives mentruelles sont toujours hystériques, excepté quelques cas rares d'épilepsie frappant des hystériques ;
4° Le malade qui. au début de la crise, « cherche à fuir », veut « s'asseoir », ou se « jette volontairement à terre » est atteint d'hystérie. La irise épileptique foudroie toujours le malade et ne lui laisse pas le temps dépenser ;
5° Des blessures graves et même la mort peuvent être la conséquence d'une crise hystérique ;
G » L'épileplique est plutôt indifférent à ses crises, l'hystérique les redoute.
Les parents ou le malade peuvent fournir des renseignements plus précis sur ces symptômes que sur le cri qui leur paraît toujours « déchirant » ou les deux périodes convulsives qu'ils confondent souvent et la période stertoreuse qui existe aussi bien dans l'hystérie que dans l'épi-lepsie. Mais, même après ces renseignements, le doute peut subsister.
Il y a un symptôme qui manque rarement, c'est la morsure de la langue. Elle permet, nous semble-t-il. de fixer le diagnostic avec exactitude.
L'examen de près de trente cas douteux nous a conduit à admettre que :
1° La morsure de la langue n'est pathognomonique de l'épilepsie que si elle siège à la pointe ;
(1) Résumé de la communication faite par M. le Dr Bonjour (de Lausanne) au Congrès des Aliénistes et Neurologistes (aoùt 1907).
2° La morsure des côtés de la langue ou des joues et des lèvres est toujours symptomatique de l'hystérie.
Cette différence n'a été signalée par personne et nous ne doutons pas que ce moyen facile de diagnostic différentiel ne sera reconnu comme vrai.
COURS ET CONFÉRENCES
Spasme œsophagien névropathique (1), par M. le Professeur Raymond.
Voici un cas très curieux et que vous devez bien connaître, car vous le retrouverez en clientèle, et il peut prêter quelquefois à des erreurs de diagnostic.
Une jeune dame de 32 ans est venue nous consulter parce que, dès qu'elle essayait de boire un liquide quelconque, ou un aliment semi-liquide, un potage, de la purée, etc., elle était prise de suffocation et d'un véritable commencement d'asphyxie. Par contre, les aliments solides passaient sans difficulté à travers l'œsophage. Ces étranges phénomènes, qui se sont aujourd'hui amendés, datent d'environ sept mois.
Cette malade n'a pas considérablement maigri, parce qu'elle conserve la possibilité de s'alimenter avec des solides. On voit des sujets qui, ayant les mêmes difficultés pour toutes les sortes d'aliments, arrivent à une déchéance physique profonde.
Il s'agit évidemment d'un spasme du second temps de la déglutition.
Pour que le diagnostic soit complet, il faut rechercher la nature de ce trouble.
La première question que vous devez poser à ces malades est celle-ci : « Avez-vous faim ? » Xotre malade est affirmative sur ce point, elle a le sentiment de la faim. Cette notion vous suffit pour différencier ces cas-là de toutes les anorexies psychiques, qu'elles soient d'ordre hystérique, on psychasthénique, ou même qu'elles relèvent d'une maladie mentale plus grave.
En outre, il est nécessaire de faire un examen minutieux du pharynx, du larynx, en s'adressant au besoin à un spécialiste ; il faut, avec la sonde œsophagienne, vous assurer qu'il n'existe aucun obstacle mécanique à la déglutition. J'ai vu. dans un cas, des symptômes analogues persister d'une façon fort inquiétante chez une dame, considérée jusqu'alors comme atteinte de troubles hystériques, et que je traitais, en conséquence, par la psychothérapie. Voyant l'insuccès complet de ce traitement, je. fis appel aux lumières d'un laryngologiste, qui découvrit un petit épithélioma se développant vers l'entrée de l'œsophage. C'était
(1) Présentation de malade à la clinique des maladies du système nerveux de la Salpêtrière.
la présence de cette tumeur qui causait les troubles de la déglutition. Ce néoplasme malin fit du reste de tels progrès qu'il comprima les voies aériennes au point de rendre une trachéotomie nécessaire.
Chez cette malade-ci, l'origine des phénomènes est autrement simple. Ils sont le résultat d'une manie. C'est oe qui se produit chaque fois qu'on veut transformer un acte automatique ou réflexe en un acte volontaire et intelligent, qu'il s'agisse de la déglutition ou de la miction, ou encore des fonctions sexuelles. C'est le point de départ, précisément-, d'une partie des cas d'impuissance virile, survenant chez des hommes qui ont cherché à réglementer et régulariser leurs fonctions génésiques.
La maladie de cette femme a succédé à la peur d'étouffer en buvant ; elle a cru qu'elle devait respirer pendant la déglutition, et, depuis que son attention s'est portée là-dessus, cet acte si simple lui est devenu im0possible à accomplir convenablement.
Cette affection a pris naissance sur un terrain névropathique. Le père buvait ; la mère était assez nerveuse. La malade fut une enfant craintive. Mariée à 21 ans, elle eut deux enfants qu'elle a perdus, ce qui lui a causé un grand chagrin.
Elle était à table, quand on vint un jour lui annoncer la naissance d'une nièce. C'est à cette occasion qu'elle a été prise pour la première fois d'un accès de suffocation. De nouvelles émotions ont entretenu la répétition des mêmes accidents.
Notons qu'une de ses grand'mères a la manie de s'étrangler en avalant sa salive.
Je connais des gens fort intelligents qui présentent ce spasme de l'œsophage. L'un, à la suite d'un mal de gorge, avala de travers ; il eut un spasme qui se constitua définitivement ; depuis quinze ans, il est obligé de se nourrir avec une sonde.
Quant à notre malade actuelle, je suis convaincu qu'elle va guérir, par la psychothérapie.
PSYCHOLOGIE DES FOULES
La suggestibilité russe : l'anarchie ; l'alcoolisme ; les sorciers
Celui qui aurait quitté la Russie vers 1903 et qui la reverrait aujourd'hui, serait bien frappé d'y trouver, dans toutes les classes, une mentalité insoupçonnée. La Russie s'est renouvelée, depuis la guerre de Mandchourie, plus qu'elle ne l'avait fait depuis cinquante années, malgré les grandes réformes sociales du tsar Alexandre II. Extérieurement, rien n'est changé : mais un esprit tout nouveau anime la génération contemporaine. Jamais, en aucun pays, l'évolution morale ne fut plus rapide et plus radicale. Notre Russie était encore citée, il y a peu d'années, comme la citadelle imprenable de l'esprit conservateur et de l'absolutisme. Elle peut être aujourd'hui regardée comme le foyer même de l'anarchie.
Et je ne parle pas seulement ici des tendances politiques. Je parle, écrit le correspondant russe du journal des Débats, des idées morales, qui subissent une crise dont rien au monde ne saurait donner idée. De quelque côté que l'on se tourne, ce ne sont que négations, ruines, désillusions, débauches, fureurs, attentats cyniques. On dirait que la bête humaine, à peine démuselée, retourne à la frénésie des temps préhistoriques. En jetant sur les événements russes la lumière de l'observation psychologique, on ne tarde pas à reconnaître que tous les désordres actuels ont leur point de départ dans des dispositions générales de la-population à une suggestibilité excessive, à une crédulité exagérée et surtout à un réel état d'aboulie.
Le premier trait qui frappe ici l'observateur impartial est l'extraordinaire développement qu'a pris l'alccolisme. Malgré la misère, le chômage et la famine, jamais la consommation des eaux-de-vie n'avait progressé, chez nous, avec une aussi Effrayante rapidité. Presque dans toutes nos provinces, la quantité d'eau-de-vie vendue et ingurgitée, dans les cinq premiers mois de 1907 dépasse celle qui a été achetée, et absorbée, dans tout le cours de l'année 1906.
L'ivrognerie croissante a entraîné un autre vice : la passion, ou plutôt la rage des jeux de hasard. Toute la journée, les cabarets sont remplis d'une foule alcoolisée qui, narguant la police, se livre aux jeux interdits. Les jours de paye principalement, les quartiers pauvres présentent ici l'aspect le plus lamentable. Les faubourgs de Narva, d'Okhta, de Viborg, du Vieux Pétersbourg, et, en particulier, le marché Novo-Alexandrovsk, sont remplis de centaines d'ivrognes, vendant à des usuriers tatars, allemands ou juifs, leurs misérables hardes, habits troués, linge usé, vieilles chaussures, et jusqu'aux ustensiles les plus élémentaires dérobés à leur pauvre ménage. Et, quelques heuresaprès, on voit ces êtres dégradés, abrutis par la vodka, ruinés par le jeu volés par l'acheteur, rouler, demi-nus, dans les ruisseaux. Et parmi eux sont des femmes, surtout des enfants. On peut deviner ce que devient la moralité de cette humanité avilie !
En quelques villes, à Moscou, par exemple, l'autorité municipale ou rectorale a voulu réagir. C'est que les cafés, cabarets, restaurants de nuit étaient de plus en plus, envahis par de jeunes gymnasistes (collégiens). Et ces singuliers consommateurs donnaient presque toujours l'exemple du scandale. Défense fut faite aux restaurateurs, cafetiers, hôteliers, do recevoir jamais des enfants seuls, ou du moins non accompagnés de grandes personnes. Or savez-vous quel a été le résultat de cette interdiction ! Un certain nombre d'aventuriers, pique-assiette incorrigibles ou gens de mœurs inavouables, se sont mis à la disposition des petits écoliers pour leur servir de porle-respect. Et ces tristes individus entrainent dans tous les bouges leurs jeunes protégés, à condition de se faire servir à boire a leurs frais. Et déjà plus d'un gymna-siste a été convaincu d'avoir volé ses parents pour satisfaire à la rapacité de son professeur d'ivrognerie.
.....On signale chez nos campagnards, un étrange réveil des
superstitions les plus ineptes et les plus cruelles Car le paysan russe, qui ne croit plus guère au prêtre, croit beaucoup au sorcier. Encore faut-il que ce sorcier soit de race étrangère (arménienne, tatare, tsigane ou chinoise). Car nos vieilles superstitions nationales, naïvement douces, inoffensives et poétiques, n'ont plus de prise sur les âmes. On ne croit plus, dans nos campagnes, au « Domovoi » tutélairc, au bon « Togatyr », à la séduisante « roussalka ». Pour avoirdu prestige, les modernes sorciers doivent exiger du sang.
Et c'est ainsi que, ces jours derniers, aux environs de Mohilef. le bruit se répandit tout à coup dans un village qu'un pauvre enfant, âgé de deux ans, était le fils du diable. Les habitants se réunirent, l'arrachèrent ù sa mère, et, après avoir lentement torturé le pauvre être, s'en partagèrent les morceaux ! Même scène d'horreur à Loukoianof, près Nijni. Un sorcier asiatique s'était avisé de dire que, pour être invisible il suffit de porter sur soi la main d'un innocent. Quelques paysans, qui méditaient un vol, décident de se procurer le talisman. Ils s'emparent d'un pauvre enfant nommé Schapanof, l'entraînent dans un ravin malgré ses cris et ses larmes, et là, à coups de hache, lui détachent un bras. Après quoi le malheureux martyr fut achevé à coups de bottes et de gourdins. Ajoutons que, parmi les bourreaux, se trouvaient trois adolescents, une vieille femme, et l'oncle même de la victime !
REVUE DES LIVRES
L'hystérie et la neurasthénie chez le paysan, par M. le Dr Terrien, médecin-directeur de la Maison de santé de Doulon-lès-Nantes. (Angers, Slraudeau, 1906.)
« Il n'est pas niable que les névropalhies soient extrêmement fréquentes chez les paysans d'aujourd'hui. On trouve chez eux beaucoup d'hystériques, plus même qu'à la ville, si je dois m'en rapporter à mon expérience personnelle, à l'expérience de seize années de clientèle, dont douze au fond du Bocage vendéen, au milieu d'une population de paysans » (p. 10). Pour le Dr Terrien, la lréquence des psychoses dans les campagnes a pour cause l'intempérance, l'alcoolisme chronique, l'ivrognerie, la fécondation dans l'état d'ébriété, les mariages consanguins, l'impaludisme, etc. L'hérédité aidant, les psychonévroses jaillissent aisément dans des milieux où fleurissent les superstitions, le fanatisme religieux, la croyance au surnaturel, les histoires de sorcier et de revenants, les idées obsédantes de maléfices. En outre, l'imitation et la contagion font naître les accidents hystériques chez les prédisposés. Le Dr Terrien expose cas par cas, la revue clinique des principales observations qu'il a faîtes chez les descendants des Chouans, dans ce vieux bocage, véritable foyer d'hystérie. « J'ai vu, dit-il, très beau à la Salpé-trière, je n'ai jamais vu plus beau qu'en Vendée, au point de vue des
névroses ;.... là j'ai trouvé non seulement le nombre, mais la qualité, » Cette revue clinique est à lire pour la richesse et la variété de la documentation ; on y appréciera aussi le clinicien expérimenté, le thérapeute avisé et convaincu qu'est le Dr Terrien. Ses succès il les doit pour une très grande part à la psychothérapie qu'il pratique avec la dextérité et l'à-propos qu'elle comporte, « La psychothérapie, dit-il, on la fait de cent façons, bleu de méthylène, courants électriques, douches statiques, massage, etc. Tout est bon, pourvu que le commandement impératif soit là, affirme que la paralysie disparait, que la contracture cesse. Si l'on émet quelques doutes, si l'on fait quelques restrictions, comme la prudence semblerait devoir l'indiquer, on perd toute action sur le malade et le phénomène hystérique persiste. Mais, dans les cas rebelles, il faut recourir sans crainte à l'hypnotisme. »
P. F.
RECUEIL DE FAITS
Sur un cas de paralysie hystérique du membre inférieur consécutive à une rachistovaïnisation,
par M. le Dr E. Schwartz, chirurgien de l'hôpital Cochin.
La nommée L..., âgée de 38 ans, entre dans notre service, à l'hôpital Cochin, il y a quelques mois déjà, pour une suppuration de la cloison recto-vaginale ayant déterminé une fistule recto-vagino-vulvaire. Elle subit, il y a deux mois environ, une première intervention que nous faisons à l'aide de l'anesthésie stovaïnique par voie lombaire. Elle nous a en effet prévenu que le chloroforme, qui lui a déjà été administré lors d'une laparotomie, la rendait très malade par les vomissements fréquents et persistants dont elle avait été atteinte. L'opération de la fistule recto-vagino-vulvaire s'est faite avec une aneslhésie parfaite. Elle a consisté à fendre le trajet jusqu'au périnée, à dédoubler la cloison recto-vaginale, puis à refermer par trois plans de suture, dont deux en catgut (vaginal et rectal) et le troisième périnéal aux crins de Florence.
Tout s'est bien passé : la fistule a parfaitement guéri par l'intervention : l'opérée n'a eu aucun vomissement, aucune céphalalgie, et elle n'a pas ressenti la moindre douleur. Elle était donc très satisfaite et toute disposée à se soumettre sans aucune arrière-pensée à la rachi-sto-vainisation, si celle-ci devait devenir nécessaire une autre fois. Dans le cours de sa convalescence, elle fut prise de tous les signes d'une fissure à l'anus intolérante, amenant un état tel que nous fûmes obligé de penser à lui pratiquer la dilatation anale.
Nous eûmes de nouveau recours à la rachistovainisation. La ponction lombaire ne se fit pas d'emblée, comme la fois précédente ; on fut obligé de tâtonner un peu pour pénétrer dans le sac périmédullaire et la malade souffrit naturellement de ces manœuvres. Toujours est-il
que l'injection de stovaine se fit sans encombre et que l'anesthésie parfaite fut obtenue.
La dilatation fut pratiquée avec le spéculum bivalve de Trélat largement ouvert et l'opérée ne ressentit aucune douleur de ce fait. Toutefois elle ne présenta pas le calme et la tranquillité d'esprit que nous avions remarqués lors de la précédente anesthésie.
Quel ne fut pas notre élonnement, quand, voulant la faire lever, au bout de 8 à 10 jours, elle se plaignit que sa jambe gauche refusait de la . soutenir, qu'elle ployait sous elle et qu'elle ne pouvait avancer que très difficilement.
Force nous fut de nous rendre à l'évidence. Cette malade présentait tous les signes d'une monoplégie incomplète du membre inférieur gauche, caractérisée surtout par de la paralysie des extenseurs de la cuisse sur le bassin (fessiers), des extenseurs de la jambe sur la cuisse (triceps crural).
La première pensée qui nous vint, fut que la ponction lombaire et la rachi-stovainisation pouvaient bien être en cause, d'autant que la malade prétendait instamment qu'elle avait eu une sensation spéciale au moment de l'injection ; que celle-ci n'avait pas été subie aussi simplement que la précédente fois. Nous étions très désappointé et surtout peu disposé à reprendre la rachi-stovainisation. Toutefois, j'examinai la sensibilité du membre inférieur, quoique l'opérée ne se plaignit d'aucune modification anormale de ce côté. Quelle fut ma satisfaction quand je constatai l'existence d'une hypoesthésie de tout le membre inférieur gauche en manchette, s'arrêtant très nettement, suivant une ligne horizontale qui coupait le bas de la fesse et le haut de la cuisse au niveau du pli de l'aine. L'examen du pharynx nous montra une anesthésie complète, aussi bien que celui de la cornée.
D'ailleurs, aucune atrophie musculaire.
Il s'agissait certainement d'une manifestation hystérique, survenue à la suite de la piqûre lombaire et de la rachistovainisation, mais sans aucune relation directe de cause à effet.
Le traitement consista à suggérer de toutes les façons possibles à la malade que c'était là un accident sans gravité et qui disparaîtrait rapidement sous l'influence d'un traitement anodin, par des pointes de feu et des massages.
Depuis, les accidents se sont amendés ; l'opérée marche très bien au bout de quelques semaines et est complèlement guérie.
Nous pensons que cette observation présente un grand intérêt. Elle est un exemple bien net de la production d'une monoplégie hystérique à la suite d'un traumatisme insignifiant chez une malade prédisposée.
Elle montre encore qu'avant de tirer une conclusion ferme d'un fait, il faut l'observer et le retourner de toutes façons pour ne pas risquer de tomber dans l'erreur.
Il eût été facile ici d'incriminer la rachi-stovaïnisation, alors qu'elle
est complètement innocente et que l'hystérie seule doit être mise en cause. Elle a été seulement l'occasion de la manifestation de la grande névrose.
Rétention d'urine hystérique, ayant duré vingt-deux mois, guérie par électro-suggestion.
Si la rétention d'urine hystérique ne constitue pas, en clinique, une rareté, il est, par contre, tout à fait exceptionnel, d'observer la persistance de ce symptôme. M. Binswanger affirme bien que, dans les cas sévères, la rétention peut durer plusieurs semaines et l'observation de M. Zuckerkandl où elle persista pendant un an et demi est relevée par les classiques, mais la durée de la rétention d'urine hystérique est dans la règle de un à deux jours au plus.
L'observation très détaillée rapportée par M. Raimist, dans le Neurol. Centr.-Bl, est un exemple fort remarquable de rétention d'urine de nature hystérique qui n- ; céda qu'au bout de vingt-deux mois.
Il s'agit d'un Israélite de seize ans, qui, pendant les massacres de Kichinev (19031, dut se réfugier dans une cave pour échapper aux révoltés et qui resta ainsi, angoissé par la peur, sans prendre de nourriture pendant trois jours. Une semaine après sa délivrance, le patient ressentit quelques crampes dans les jambes en même temps que la marche devint difficile ; enfin il perdit l'usage de ses membres inférieurs pendant deux ans et demi.
Un jour qu'il était couché dans son lit, les jambes paralysées, ce jeune homme ressentit soudain des battements de cœur ; puis quelques heures plus tard il essaya en vain d'uriner. Un médecin consulté le fit transporter dans une maison de santé où l'on pratiqua le cathétérisme de la vessie. Bientôt le malade apprit l'usage de la sonde et il se sonda seul plusieurs fois par jour. Lorsque M. Raimist eut l'occasion de l'examin-r il n'existait plus de paraplégie, mais, la rétention était aussi complète qu'à son début. Le patient portait sur lui son cathéter, enveloppé d'un mouchoir sale, et s'en servait facilement sans éprouver de gêne ni de douleur quelconque. On le prévint alors qu'on allait procéder à un traitement par l'électricité, traitement qui le mettrait en état de pouvoir uriner seul, sans cathétérisme. Pendant les quinze premières minutes de la faradisation du périnée et de la région sus-pubienne, le malade se livra à des essais d'évacuation yésicale qui restèrent infructueux, mais pendant les quinze minutes qui suivirent, quelques gouttes apparurent au méat, puis l'urine coula assez facilement. La miction donnait lieu à une vive douleur, localisée sur le trajet de l'urèthre.
Dans les jours qui suivirent, le malade put uriner deux ou trois minutes après la faradisation et, une semaine plus tard, la miction était possible rien que par l'application du pinceau sur la région périnéale, sans que te courant fût lancé ; le bruit de la machine électriqu'e suffisait à produire le résultat cherché. Trois semaines plus tard, le malade put
uriner spontanément, en dehors de la présence du médecin, deux ou trois fois par jour et quelquefois la nuit. Les douleurs qui accompa-gnaient les premières mictions volontaires avaient complètement disparu. L'urine était modifiée, tant dans son volume que dans sa constitution. Au début du traitement électrique, la quantité était seulement de 300 à 400 c.c., puis elle atteignit 500 et 700 c.c. La densité de l'urine oscillait entre 1,006 et 1,015 ; les quelques traces d'albumine qu'on y rencontrait au début disparurent complètement et l'examen microscopique ne permit pas de déceler d'éléments anormaux.
La guérison de cette rétention ne se démentit point et le malade écrivait plusieurs mois après sa sortie de l'hôpital qu'il urinait librement et sans douleur.
D'après l'auteur, il s'agit bien ici d'une rétention d'urine de nature hystérique. En effet, le sujet est un grand hystérique et présenta plusieurs accidents pathognomoniques de la grande névrose : la paraplégie qui précéda l'apparition de la rétention peut être comptée comme une manifestation de l'hystérie ; un rétrécissement véritablement puncti-, forme du champ visuel, constaté par M. Raimist, constitue également un stigmate d'une valeur indiscutable.
Mais la rétention d'urine pourrait être une manifestation d'un autre ordre et ne pas reconnaître la même pathogénic que la paraplégie et le rétrécissement du champ visuel. Toutefois étant donnés son apparition soudaine, sans cause, son évolution et son mode de guérison, il semble bien qu'on soit en droit de la considérer comme un véritable accident hystérique.
FOLKLORE ET SUPERSTITIONS POPULAIRES
Les arbres qui guérissent
Ce ne sont point des arbres — tel le quinquina — qui fournissent des substances médicamenteuses utilisées par la thérapeutique moderne, dont nous voulons parler, mais de quelques arbres particuliers auxquels les préjugés accordent en diverses contrées des vertus guérissantes plus ou moins merveilleuses, à ce que nous rapporte dans une étude fort intéressante M. Henri Gadeau de Kerville.
Ainsi, en de nombreuses localités de France, il n'y a pas encore fort longtemps, « on fixait des clous et des épingles dans le tronc de certains arbres, croyant ainsi se débarrasser de telle ou telle maladie, en la communiquant à l'arbre », exactement comme certains individus s'imaginent devoir se guérir d'une blennorragie en violant une fille vierge.
Ailleurs, les pratiques rappellent celles de certaines peuplades sauvages du centre africain. Elles consistent à combattre la maladie en exécutant autour de l'arbre-médecine des danses rituelles, accompagnées de prières appropriées.
« En d'autres endroits, pour vaincre certaines affections, on attache solidement au tronc des arbres choisis des bouts de corde ou de ruban, voire même, à l'occasion, des cordes à violon ayant été en contact avec le sujet malade, et l'on accompagne le tout d'une prière. Cela fait, il importe de ne plus toucher à aucun des liens fixés à l'arbre, sous peine soi-même de contracter le mal.
Pour guérir la hernie, point n'est besoin de recourir à une opération sanglante : il suffit de fendre un arbre convenablement choisi et de faire passer dans la fente, un nombre de fois déterminé, l'enfant porteur de l'infirmité, son père et sa mère se tenant de chaque coté. Cela fait, on rapproche l'un de l'autre, en les fixant solidement, les deux fragments de l'arbre. Si ceux-ci se soudent et que l'arbre continue à croître vigoureusement, la hernie guérit toute seule ; dans le cas contraire l'infirmité persiste toute la vie.
A Couterne, dans le département de l'Orne, existe une chapelle très renommée, celle de Notre-Dame-de-Lignou. « Il n'est pas un jour de l'année, rapporte M. J. Lecceur dans son ouvrage « Esquisses du 60-cage normand » où l'on ne voie des paralytiques, des boiteux, des enfants chétifs se traîner péniblement jusqu'à la chapelle.
« Après avoir fait leurs prières, tous ont soin d'emporter des fragments de l'écorce qui recouvre le tronc des épines plantées devant la porte de la chapelle. Cette écorce a, selon la croyance populaire, la vertu précieuse de chasser le mal. Aussi, lorsque quelqu'un tombe malade, ne manque-t-on pas de lui passer au cou un cordon que termine un sachet rempli de l'écorce détachée. »
(Presse médicale) G. V.
Un aliéné vénéré comme marabout
La scène suivante se passe à Oudjda, et témoigne de certaines dispositions superstitieuses encore très répandues au Maroc :
« Le soleil se couche. C'est l'heure d'aller sur le minaret de la grande mosquée contempler le panorama de l'oasis. Un instant d'attente devant la porte, au pied de la tour ; le gardien est à la recherche de ses clés-D'une niche creusée tout à côté, dans la maçonnerie, sort une voix nasillarde. Au fond de ce réduit que la fumée des cierges et la vapeur des haleines ont tapissé d'une glu noirâtre, sur une paillasse pliée en deux, un vieillard accroupi gesticule. La tête est d'un prophète de Ribera, large front dégarni, boucles grises aux tempes, collier de barbe tombant sur la poitrine. Mais les yeux n'ont point de vie : ils roulent en tous sens leurs globes éteints. C'est un fou, terré là depuis des éternités et que le peuple révère à l'égal du plus grand marabout. Un adolescent le contemple avec attendrissement, allongé à ses pieds, sur une natte. Un montagnard, taillé en hercule, son fusil posé dans un coin, se fient debout auprès de lui, et d'un pan de son burnous le défend des mouches, et l'éventé. On se relaie ainsi, jour et nuit, à ses côtés ; on lui apporte du
miel, des dattes, une jarre de lait de chèvre, et l'on s'édifie en écoutant ses divagations. Il en est qui prétendent le comprendre, et affirment qu'il a prédit, l'an dernier, la venue des Français. Et le fou vénérable et sacré lève ses mains au ciel en poussant des cris aigus, puis les laisse retomber avec le recoulement très doux d'un oiseau qui s'endort sur une branche. »
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 15 Octobre à 4 heures et demie sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications déjà inscrites. D'Bérillon : La psychothérapie graphique : mode d'action et applications. Dr Jaguaribe : (deSao-Paulo) : Observations de psychothérapie hypnotique. Dr Paul Magnin :Rôle de l'expectant attention et des états d'attente dans
l'exaltation de la suggestibilité. Dr Toulzac, médecin-légiste à Versailles : La protection des débiles
mentaux contre les sévices dont ils sont l'objet dans les campagnes et
dans les ateliers.
M. Lépinay, médecin-vétérinaire : Psycho-pathologie comparée : l'infanticide chez les animaux.
M. Clark-Bell, secrétaire de la Médico-légal Society, de New-York : influence de la suggestion sur la longévité.
Dr Paul Farez : Les troubles trophiques dans l'hystérie, etc., etc.
L'autopsie d'une dame du monde.
Récemment Mme Renaudin à Sceaux avisait deux de nos confrères parisiens que Mme de M., femme d'un peintre connu, leur avait légué à chacun deux mille francs, à la condition de pratiquer son autopsié.
Par son testament, rédigé en bonne et due forme, Mme de M...., chargeait le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, de l'examen anatomique de son cerveau. Au Dr Bouisson, ancien interne des hôpitaux, incombait la mission d'examiner le cœur.
Conformément aux intentions de la défunte, les deux praticiens se
sont empressés de procéder ù l'autopsie. Leurs constatations ont confirme les diagnostics qui avaient été faits du vivant de la malade.
L'exemple de Mme de M..., témoigne d'une rare élévation de caractère et demanderait, dans l'intérêt des observations médicales, à être plus souvent suivi.
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie.
Cours d'hypnotisme et de psychothérapie. — MM. les Dr Bérillon et Paul Farez, commenceront un cours pratique le jeudi 17 octobre à dix heures du matin. Le cours comprendra 12 leçons. Le droit d'inscription est fixé à cinquante francs. On s'inscrit les mardis, jeudis, samedis, de 10 heures à midi, à l'Ecole de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Ouvrages repus à la Revue
D. J. Ingenieros (de Buénos-Ayres). Le langage musical et ses troubles hystériques. G. in-8, 208 pages. Alean, Paris 1907. Prix 6 fr.
Dr Paul Joire (de Lille). Traité de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique. ln-I2, 456 pages. Vigot, Paris 1908. Prix 4 francs.
Le procès Crocker-Doyen. In—12, 244 pages. Librairie universelle, Paris. Prix 3 fr. 50.
Dr DcFOun-Séméiologie des maladies du système nerveux. 534 pages, in-12. O. Doin, Paris. 5 francs.
Dr Binet-Sanglé. Les lois psycho-physiologiques du développement des religions. L'évolution religieuse des Rabelais, Pascal et Racine. Bibliothèque de l'Ecole de psychologie. In-12, 400 pages. Maloine, Paris. 3 fr. 50.
Dr Maurice Roger. De l'assistance des enfants anormaux et de ses résultais au point de vue social. In-8,150 pages, Paris. Jacques, éditeur, 14, rue Hautefeuille, 1907.
L'Administrateur-Gérant ; Ed. BÉRILLON.
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. — N° 5.
Novembre 1907.
BULLETi n
le congrès de genève-lausanne
L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité par M. le Dr Paul Farez (Suite) (1).
La thèse de M. Ballet, telle qu'elle résulte de ce vœu, de son rapport écrit et de son exposition orale, se ramène à ceci :
1° La responsabilité n'est pas une notion d'ordre médical ; elle excède donc la compétence du médecin légiste ;
2° Fût-elle de sa compétence, le médecin légiste ne doit ni indiquer ta chose ni employer le mot, parce que la loi n'en parle pas ; il doit s'en tenir au texte strict de la loi.
Si, tout d'abord, on veut se montrer tellement pointilleux sur la question de compétence, cela pourrait entraîner très loin. « Je suis médecin, dites-vous, demandez-moi des renseignements médicaux et rien d'autre. » Mais, le pauvre juré, qu'on arrache à ses affaires pour l'entraîner au prétoire, n'aura-t-il pas alors le droit de répondre, lui aussi : « Je suis commerçant, industriel, demandez-moi des renseignements commerciaux, industriels... et rien d'autre, m La justice ne pourra plus être rendue en Cour d'assises le jour où le jury viendra dire : « Vous me demandez si un tel est coupable ; mais, comment voulez-vous que je le sache ? La culpabilité, ça regarde la justice ou la police ; je n'en suis pas ; ce que vous me demandez est en dehors de ma compétence. »
Restons au point de vue de la responsabilité. Le juge et le jury doivent se prononcer sur la question des circonstances atténuantes. Mais ces circonstances atténuent quoi ? La culpabilité. Et, dans nos mœurs, la culpabilité est une notion courante que l'on considère comme corrélative de la responsabilité. Si la responsabilité implique la solution d'un problème philosophique, le juge et le jury pourront se dire, tout comme vous : « En me prononçant, je fais nécessairement incursion sur le terrain métaphysique, je me solidarise avec une doctrine philosophique ; donc, tout comme l'expert, je vais refuser de répondre. » Pour entraver le cours de la justice, on n'a qu'à passer par la brèche que vous avez ouverte.
Revenons à la médecine légale.
La question de la responsabilité morale, dites-vous, n'a pas de sens ou
0 Voir le numéro d'Octobre.
bien elle implique la croyance au libre arbitre. Il y a, cependant, des théories qui conçoivent une responsabilité indépendante du libre arbitre. Vous citez même à ce sujet la conception de Tarde. Vous n'y avez rien compris, dites-vous ? Personne ne vous croira. Si vous n'y avez rien compris c'est que vous n'avez pas pris la peine de la lire, ou bien alors que vous vous êtes contenté de renseignements de seconde main, ou d'un résumé incomplet, peut-être inexact. Pour n'avoir pas à compter avec elle, vous la jetez par-dessus bord, d'emblée. Mais passons et acceptons votre argument tel que vous nous le présentez.
Donc, nous dites-vous, la responsabilité implique la croyance au libre arbitre, c'est-à-dire la solution d'un problème philosophique.
Ce n'est pas seulement la notion de la responsabilité, c'est toute la vie, c'est toute la pratique qui suppose la solution de nombreux problèmes philosophiques, par exemple, l'existence du monde extérieur, l'objectivité de nos sensations, la permanence et l'unité du moi, la réalité de l'espace, et tant d'autres. Si, restant dialecticien, vous attendez que ces questions soient résolues pour vous prononcer dans la pratique, les arguments de Zenon d'Elée vous interdiront d'affirmer que l'étendue la plus minime a pu être parcourue, le doute des sceptiques vous obligera à suspendre votre jugement en toute circonstance, la critique idéaliste de la connaissance vous empêchera de sortir de vos propres sensations subjectives.
Les problèmes que je viens d'énoncer, personne jamais n'a pu les solutionner d'une façon certaine et définitive, j'entends par de vraies preuves impersonnelles, logiques et irrésistibles. Cependant chacun vit comme s'ils étaient tous résolus affirmativement. Dans la pratique, tous, sans exception, même les théoriciens les plus rigoristes, nous consentons à sortir de notre doute, à formuler un jugement, à prendre un parti, à admettre comme existants des objets dont nous n'avons pu dialectique-ment prouver la réalité. C'est que, justement, tout autre est le domaine de la spéculation, tout autre est celui de la vie réelle.
Le libre arbitre, avec les conséquences qu'il comporte, telle la responsabilité, est une notion courante, une nécessité de l'action, un postulat de la pratique. Quelles que soient nos opinions scientifiques ou philosophiques, tous, même les déterministes les plus intraitables, nous nous conduisons comme si nous étions libres, — de même que nous agissons comme si le monde extérieur existait, comme si nos sensations avaient une valeur objective, comme si l'espace était une réalité extérieure à nous, comme si le moi était vraiment un et permanent
Le libre arbitre, vous l'invoquez vous-même, à chaque instant, vous -qui vous défendez d'y recourir et qui voulez l'ignorer. Vous nous avez dit dans la discussion : « Si je cesse de parler de responsabilité, c'est que j'ai sur la conscience quelques mauvais jugements ! » (En quoi je suis sûr que vous êtes injuste à votre égard). Mais alors, arguant de votre responsabilité en cette matière, avez-vous donc eu l'intention de vous « solidariser avec une doctrine métaphysique » suivant votre expression ?
Vous dites à vos auditeurs : » Ne persévérez pas dans vos errements Coutumiers, réformez vos habitudes... » Pour reprendre vos propres termes, ou bien vos phrases n'ont pas de sens, ou bien elles impliquent que vous considérez vos collègues comme libres de faire ou de ne pas faire ce que vous leur demandez. Vous ne pouvez pas ne pas parler le
langage que comporte la notion de la liberté. Cela encore, c'est une nécessité de la vie pratique.
Vous objecterez que le savant doit précisément s'appliquer à s'affranchir de ces compromissions. Oh ! l'intention est extrêmement louable ; votre préoccupation est conforme aux règles rigoureuses de la vraie méthode scientifique. C'est, en effet, parce qu'elle a été maintenue en tutelle par la métaphysique que la science est restée si longtemps stérile ou stationnaire ; c'est aussi parce qu'elles ont secoué ce joug et qu'elles se sont « laïcisées » que les sciences particulières ont pu successivement se constituer et conquérir leur légitimité propre. De même, il n'y a pas si longtemps que la médecine-était asservie à la métaphysique spiritua-liste, c'est-à-dire au substantialisme dualiste. Certains l'en ont affranchie, mais non pour lui laisser son indépendance, car ils l'ont inféodée à une autre métaphysique, le monisme matérialiste. Je reconnais que l'une et l'autre position sont, au même titre, antiscientifiques.
Mais, en faisant une expertise médico-légale, vous n'accomplissez pas uniquement une œuvre de science. Vous n'êtes pas le savant qui, partant de la réalité complexe, s'en dégage de plus en plus pour ne retenir que ce qu'elle a de général et s'élever peu à peu à la notion de la loi. Le médecin légiste, lui, reste en pleine réalité ; sans doute, il appelle à son secours toutes les connaissances scientifiques qu'il possède, anato-miques, histologiques, physiologiques, etc. ; il fait intervenir son sens psychologique, son expérience clinique. Et pourquoi ? Pour essayer de résoudre, dans la mesure de ses moyens, une difficulté d'ordre pratique. De quel droit, alors, ayant accepté cette mission, va-t-il l'éluder en partie et refuser d'admettre, telles qu'elles sont, les données mêmes de la pratique ?
Vous avez beau vous récuser : en fait, cette question vitale de la responsabilité se pose à propos de toute décision judiciaire. Vous ne pouvez pas faire qu'elle ne se pose pas. Alors, qui va la résoudre ?
« Cela ne me regarde pas, répondez-vous ; je m'en lave les mains ; qu'on se débrouille ; ça n'est pas mon affaire ! » Quelque part vous dites : « Il faut laisser ce soin à qui de droit. »
Mais, qui est-ce donc, ce « qui de droit » ?
◀Tantôt▶ vous écrivez : « C'est au philosophe à décider si l'homme est libre ou ne l'est pas » ; et, ailleurs : « Il faut laisser au juge le soin de résoudre cette difficulté. » Auquel des deux revient donc cette tache ?
Allez-vous introduire le philosophe dans le prétoire ? C'est véritablement le triomphe de la division du travail. On pourra vous demander à quels caractères vous reconnaîtrez le philosophe, quel sera son cachet d'authenticité, quelle garantie il devra vous fournir ; mais n'insistons pas.
Le philosophe est appelé. Que va-t-il faire ?
Discuter, à nouveau, et du point de vue général, l'éternelle opposition du libre arbitre et du déterminisme, ressasser les mêmes arguments dont nous avons tous les oreilles rebattues ? Mais, depuis que le monde est monde, on discute ce problème ; on le discutera encore longtemps, car il a tout l'air d'être insoluble .ou en dehors de nos moyens de connaître. Selon l'expression de Dubois-Reymond la liberté est une des « énigmes de l'univers ».
Est-ce que le philosophe viendra s'emparer de vos constatations médicales, les rapprocher, les comparer, les apprécier, en induire ceci ou
cela ? Mais c'est lui qui manque tout à fait de compétence pour une œuvre semblable. Si quelque philosophe avait l'outrecuidance de se laisser aller à de semblables visées, je devine, par avance, votre très légitime indignation.
C'est donc au juge que l'on devra s'adresser ; Taylor, que vous citez, n'a-t-il pas écrit : « La question de savoir si l'accusé est un agent responsable est de nature judiciaire. »
Le juge pourrait, comme nous l'avons vu plus haut, vous répondre simplement : « Vous, médecin, vous refusez de répondre à cette question, pour ne pas faire de la métaphysique ; mais je ferais aussi de la métaphysique, moi, si j'y répondais. Vous restez médecin ? Je reste juriste. »
Tout de même, il faut bien, en fin de compte, que quelqu'un se prononce sur la responsabilité de l'accusé. Devant votre persistante abstention, le juge se verra, par la force des choses, acculé à trancher lui-même la difficulté. Mais par quelle grâce spéciale le juge aurait-il, pour apprécier et interpréter vos constatations médicales, la compétence que vous déniez, avec raison, au philosophe ? Le juge n'a pas, sur ce point, plus de compétence qu'il n'en aurait, par exemple, pour décider qu'un interné a cessé d'être aliéné et doit être rendu à la vie commune.
***
A vrai dire, M. Ballet consent que l'expert parle de responsabilité... pour les cas extrêmes. Les gens normaux et sains seront déclarés responsables ; les gens anormaux ou malades, irresponsables. Alors, quand il s'agit de cas extrêmes, la « connexité » n'est plus « compromettante » ; on ne se « solidarise plus avec une doctrine métaphysique » ? Et si l'expert est compétent en matière de responsabilité dans les cas extrêmes, pourquoi ne le serait-il donc plus dans les cas intermédiaires ?
Oh I la réponse est très nette : si l'on se prononce dans les cas intermédiaires, on est obligé d'introduire la responsabilité atténuée ; or, avec la responsabilité atténuée, surgissent aussitôt « ennuis, inconvénients, désagréments, difficultés, dangers, périls ». Il semble que l'on ait fait ce raisonnement : « Décidons-nous à rejeter la responsabilité, purement et simplement, en bloc, comme une notion extra-médicale, et nous n'aurons plus à parler de responsabilité atténuée. » C'est celle-ci qui constitue la pierre d'achoppement de toute la discussion.
La responsabilité atténuée ? Il est très facile de la ridiculiser. Les polémistes, les littérateurs, les entre filettistes des journaux politiques ne s'en sont pas fait faute. Il est extrêmement risible, en effet, de parler de « tiers de fou », de « quart de fou !... » Mais une raillerie n'est pas un argument.
Le grand argument, celui-là même qui fit le fond du débat à Genève, le voici : quand on accorde que la responsabilité est atténuée, le juge applique une courte peine ; or, ajoute-t-on, cette courte peine est inhumaine, immorale et dangereuse. Inhumaine ? parce qu'elle condamne à une peine infamante des « anormaux qui relèvent de la pathologie ou, du moins, de la tératologie » ; immorale ? parce que « les courtes peines sont insuffisantes pour amender le condamné, mais suffisent amplement pour
le corrompre » ; dangereuse ? parce qu' « elle permet au délinquant de reprendre bientôt le cours de ses méfaits »... « Un grand nombre de délinquants dits à responsabilité atténuée sont plus dangereux, au point de vue social, que beaucoup de criminels dits à responsabilité complète... Les courtes peines ne remplissent ni l'office répressif, ni l'office curatif ;... elles sont nuisibles à l'individu et à l'intérêt général elles font de la mauvaise protection sociale et de la mauvaise Justice... »
Donc, si vous rejetez la responsabilité, c'est à cause des inconvénients sociaux qu'elle entraine, c'est sur des considérations extra-médicales, extra-scientifiques et non, comme vous le proclamiez, pour des raisons de compétence et de rigorisme scientifique. Si les tribunaux cessaient d'user et d'« abuser » des courtes peines, la plupart de vos objections contre la responsabilité atténuée tomberaient d'elles-mêmes. La discussion a dévié, vous pénétrez sur le terrain juridique, vous traitez une autre question que celle que vous avez posée, vous êtes en dehors du débat. Et, dans cette argumentation, vous vous érigez en philanthrope, en moraliste, en sociologue ! Un adversaire vous demandera d'où vous vient cette compétence en tant de matières ; il réclamera de vous ce que vous exigez des autres et, reprenant votre formule, vous dira : « Médecin, restez médecin ».
Je ne nie point la valeur de l'argument que vous invoquez. Peut-être qu'au point de vue de la prophylaxie sociale (je ne dis pas au point de vue de la morale) il vaudrait mieux que la responsabilité appelât des peines d'autant plus fortes qu'elle est plus atténuée. Ce même magistrat qui a pris l'habitude des courtes peines, pourra, demain, agir différemment, s'il adhère à la thèse si éloquemment soutenue par M. le professeur Bard (de Genève). Cette thèse vaut qu'on la discute, mais elle intéresse le juge et le sociologue. S'il y avait lieu de légiférer en ces matières, le législateur devrait, dans une certaine mesure, demander avis à l'expérience des cliniciens. Mais, encore une fois, l'argument invoqué n'a rien à voir dans la bouche du médecin légiste, — tel, du moins, que vous l'avez défini ; l'application pénale que le tribunal juge à propos de faire ne le regarde pas, — en tant qu'expert, bien entendu.
La réalité morbide qui correspond à ce que l'on appelait, jusqu'à maintenant, la responsabilité atténuée, existe ; elle est avouée, proclamée par tous. S'il fallait ranger l'humanité en deux catégories, d'un côté les malades, de l'autre les bien portants, combien échapperaient à cette répartition ! C'est qu'entre la maladie et la santé il y a une infinité de degrés, — tout comme entre l'irresponsabilité complète de l'une et l'entière responsabilité de l'autre. Comme le dit excellemment le professeur Régis, » entre les deux existe une vaste province, dite zone frontière ou mitoyenne, peuplée d'individualités tarées à divers degrés. Dans un grand nombre de cas soumis à l'examen du médecin expert, dans le plus grand nombre, pourrait-on dire, il s'agit d'états pathologiques incomplets, intermédiaires... » Ce sont, précisément, les degrés de la maladie ou de l'anormalité qui conditionnent les degrés de cette notion d'ordre pratique qu'on appelle la responsabilité.
Prenons l'exemple de votre parricide d'Auxerre (p. 23).
« On ne peut, dites-vous, le tenir pour irresponsable. » (paragr. 4).
Est-il donc responsable, se demande le lecteur ?
Je lis : C'est parce qu'il était sous l'influence de l'alcool qu'il a frappé
(paragr. 3)... l'alcool a modifié son caractère, l'a rendu violent et brutal ; (paragr. 5)... au moment du crime, sa conscience était partiellement obnubilée (paragr. 5).
Vous concédez donc que son ivrognerie est une circonstance atténuante.
Dans quelle mesure, vous demande-t-on ?
Et vous répondez : » C'est à la justice a apprécier dans quelle mesure... « (paragr. 6).
Tout comme un partisan de la responsabilité, vous admettez l'atténuation, vous vous interdisez uniquement d'en exprimer le degré.
Est-ce la notion de mesure qui vous choque ? Est-ce que vous vous refusez seulement à « quantifier » une chose, qui, j'en conviens, se soumet difficilement à une mensuration exacte ?
Au cours de votre rapport, je relève les expressions suivantes : certain degré de débilité mentale n'enlève pas à l'inculpé tout discernement ; — part qui revient à l'imprégnation alcoolique dans la perpétration du crime ; — diminution de la puissance de maîtrise du malade sur lui-même ; — diminution de la force de résistance aux incitations passionnelles ; — la conscience est partiellement obnubilée... Mais les termes diminution, part, degré, veulent un qualificatif ; pourquoi vous refuser ù dire, par exemple, faible ou fort, petit ou grand, etc ?
D'ailleurs, vous aussi, à l'occasion, vous exprimez l'atténuation par une quantité numérique. Vous écrivez, à la page 20 : alcoolique a demi ; ou au quart 'obnubilé. L'expression n'a rien à envier au « demi-fou » de M. Grasset, dont on n'a pas craint de plaisanter. Ce n'est plus la responsabilité, c'est l'obnubilation qui est « coupée par tranches ».
En fait, vous dites exactement la même chose que cette chose dont vous refusez de parler et dont vous voudriez qu'on ne fit plus mention. Vous admettez et vous analysez avec une rare sagacité cette réalité mor- bide pour laquelle a été créée l'expression responsabilité atténuée. Et, quand il. s'agit d'obnubilation de la conscience, de discernement, de débilité, mentale, de maîtrise de soi, etc., non seulement vous employez les mêmes expressions que vos adversaires, mais, comme eux, vous reconnaissez des degrés et des atténuations ; comme eux, même, vous recourez à la quantification mathématique.
Sur le fond, tout le monde est complètement d'accord.
« Ce n'est donc qu'une question de mot », a dit avec autant d'exactitude que d'à-propos if. le professeur Joffroy. C'est bien le cas, je pense, de rappeler cette parole de Leibnitz : « Il y a longtemps que les hommes s'entendraient sur les choses, s'ils-voulaient bien s'entendre sur les mots, »
« Puisque le terme de responsabilité rencontre tant d'hostilité et que c'est le mot seul qui nous divise, il faut, ajoute M. Joffroy, en chercher un autre ; ce ne sera peut-être pas très difficile. » » Cet autre vocable devra, bien entendu, avoir la même signification au point de vue médico-légal, mais n'impliquer aucune idée métaphysique ou philosophique.
Sollicité de trouver le synonyme désiré, M. Ballet s'abstient.
M. le professeur Francotte (de Liège) suggère qu'on dise » punissabl lité ». Cet affreux barbarisme, dont s'excuse d'ailleurs M. Francotte lui-même, a le don d'épouvanter les oreilles françaises. Et puis, il suppose une certaine adéquation entre un manquement à la loi et un châtiment
correspondant ; c'est un terme sociologique, bien plus que médical ou psychologique.
« Discernement », proposé par plusieurs, est beaucoup mieux accueilli ; mais, à la réflexion, l'on se rend compte qu'il ne répond qu'à un coté de la question ; il s'applique exactement à quelques cas, non à tous ; trop intellectualiste, il n'englobe pas, par exemple, les impulsions d'ordre cœnesthésique, ou génésique, etc. Il est, en effet, des actes que l'on considère comme mauvais, que l'on réprouve expressément, que l'on voudrait ne pas commettre et que, cependant, l'on commet, sous le coup d'une force plus ou moins irrésistible. C'est le cas de rappeler cette parole bien connue d'Ovide :
....................... Video meliora proboque,
Deteriora sequor ...................................
« paillibilité » qu'a recommandé M. Dupré est bien tentant ; il remplace par un terme psychologique celui, de responsabilité dont se sert la morale ; en outre, il englobe la totalité des cas. La faillibilité de l'inculpé sera corrélative de sa plus ou moins grande facilité à succomber aux impulsions, à subir l'action de ses tares, a exercer la maîtrise de soi, etc. C'est d'ailleurs, exactement, le sens que, dans la pratique médico-légale, on entend donner à l'expression « responsabilité atténuée ». — Mais, pour signifier qu'un individu est entièrement responsable, dira-t-on qu'il est « infaillible » ? Je doute qu'un médecin-légiste consente à jamais employer un pareil terme.
Oserai-je, pour ma part, proposer autre chose ?
« X... est-il responsable de tel acte ? » veut dire ; Tel acte doit-il être attribué ou est-il imputable a. sa personnalité consciente et libre ?
Consciente ? Vous ne pouvez pas protester contre cette expression, puis-que vous parlez, vous-même, de degrés dans l'obnubilation de la conscience ;
Libre ? Oui, libre, au sens psychologique (et non point moral ou métaphysique, cela va de soi) ; je veux dire : libre de toute tare, permanente ou passagère, ayant pu influer sur ses actes ou même les déterminer-
Si vous préférez dire personnalité « consciente et saine » ou « consciente et normale » je n'y fais aucune objection.
Prenons un cas quelconque, X... est poursuivi pour tel méfait ; il est reconnu comme l'auteur de ce méfait ; c'est un fait établi ; autrement dit, ce n'est pas à son voisin, c'est à lui-même que la justice en demande compte. Alors cette question se pose : « X..., est-il responsable de ce méfait ? » Si l'expert veut bien traduire cette phrase par « Tel méfait est-il imputable à X... ? », il n'aura aucune difficulté à formuler une des réponses qui suivent ; le juge s'en contentera certainement et personne ne se sera « solidarisé avec une doctrine métaphysique » :
1° Cet acte est pleinement imputable a X,., (en raison de l'absence de tare et de la lucidité de sa conscience, etc.).
2° Cet acte n'est pas imputable a X... (en raison de... et ici interviendra l'énumération de ses tares physiques et mentales).
3° Cet acte est imputable a X... pour une très grande part... pour une faible part, pour une part très minime (en raison encore des tares qu'on aura soin de préciser).
En somme il s'agit de formuler un jugement d'attribution c'est-à-dire d'imputabilité complète, partielle ou nulle, suivant le cas.
Si l'on voulait bien admettre, une fois pour toutes et très expressément, que la responsabilité en médecine légale a le sens unique de l'imputabilité psychologique, le terme de responsabilité pourrait et devrait être conservé ; aucun n'est meilleur, il a cours, il est admis, il est clair, il est compris de tous. N'a-t-on pas dit que si l'on doit penser avec les savants, il faut parler avec le commun ?
Mais le mot responsabilité n'est pas dans la loi, objecte M. Ballet. S'agit-il d'une interdiction ou d'une prétention ? Si le texte est muet sur ce point, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il prohibe cette notion ;il l'implique, a soutenu M. Francotte.
Il faut, répète-t-on, s'en tenir au texte même de l'article 64. Alors, pour vous conformer à la lettre stricte de la loi, allez-vous répondre, catégo-, riquement et dans tous les cas, par un oui formel ou par un non formel à cette demande : X... est-il ou n'est-il pas dément ? La voilà la lettre de la loi ! Vous ne trouverez pas d'experts (et c'est à leur honneur) qui consentent à répondre de cette manière simpliste à une question aussi simpliste ; en effet, les choses sont plus complexes que ne le conçoit le texte du Code pénal.
Vous-même (dans une intention très louable, j'en conviens), vous avez soin de traduire, d'expliquer, d'étendre la compréhension du terme « dément » ; vous refusez de le prendre dans son acception restreinte ; vous prévenez « qu'il désigne les troubles mentaux, quels qu'ils soient, susceptibles d'influencer pathologiquement les actes ». Contrairement, à ce que vous exigez d'autrui, vous ajoutez de votre crû quelque chose au texte de la loi ; entre la lettre primitive de l'article 64 et l'interprétation que vous en donnez, il y a une grande distance ; vous avez donc déjà pris des libertés avec ce texte.
Et puis, ce même texte, — qui ne parle pas, il est vrai, de responsabilité, — ne parle pas non plus des précisions, des distinctions, des atténuations qu'en fin de compte vous avez été obligé d'admettre pleinement. Est-il conforme à la lettre stricte votre « quart d'obnubilation » ?
Dans vos expertises, vous avez soin d'indiquer les mesures de précaution qui vous semblent le mieux adaptées aux tares de l'inculpé. Louable souci, mais qui dépasse singulièrement la lettre stricte de l'article 64.
Vous ne pouvez donc exclure la responsabilité en invoquant cette raison qu'elle n'est pas dans la loi, puisque cette même loi, vous l'interprétez, vous la précisez, vous l'amplifiez, vous y introduisez des données nouvelles, suivant les nécessités complexes de la pratique. Que dis-je ? Vous accueillez dans vos rapports des notions métaphysiques, alors- que vous les réprouvez si énergiquement chez autrui. Vous parlez de sens moral, surtout de la « notion du bien et du mal ! » La responsabilité n'impliquait que la thèse du libre arbitre ; le bien et le mal impliquent, eux, une certaine métaphysique et un certain système du monde.
A la vérité, les progrès de nos connaissances nous font voir la réalité psycho-pathologique toujours plus complexe et plus variée. Aux prises avec les exigences de la pratique, l'avocat, le juré, le juge veulent éclair-cir ce qui est obscur, démêler ce qui est embrouillé ; pour cela, Ils s'entourent de garanties ; ils font appel aux cliniciens-psychologues ; ils multiplient leurs questions, les diversifient, les précisent. Pour répondre à
ces desiderata très légitimes, l'expert, — ◀tantôt▶ de lui-même, ◀tantôt▶ parce qu'il y est sollicité, — s'applique à déterminer, le mieux qu'il peut, les degrés de la tare, de l'anormalité ou de la maladie, c'est-à-dire ce par quoi l'on apprécie les atténuations de la responsabilité ; et il tranche cette question non pas au point de vue moral, mais au point de vue psycho-pathologique.
Très sévère, M.- Ballet qualifie cette façon de faire de paresse intellectuelle ; je ne suis pas sûr qu'il n'ait pas dit, dans la discussion, « veulerie morale ». En tous cas, ce qui est entré dans la pratique courante, c'est, d'après lui, un expédient, une fâcheuse habitude, un errement, un abus, une faiblesse, une défaillance... ; les termes ne manquent pas sous sa plume, tous sont péjoratifs et réprobateurs. Cependant, cette complicité qu'il déplore, c'est peut-être une complicité pour le bien. Si l'on s'est, peu à peu, habitué à mieux étudier les délinquants, à pénétrer plus profondément leur psychologie, à démêler leurs motifs d'action, à évaluer la part des diverses influences déterminantes, c'est peut-être parce que le juge et l'expert étaient animés du même zèle à accomplir pleinement leurs devoirs et à sauvegarder les intérêts de l'accusé, aussi bien que les droits de la défense sociale. Ce que vous dénoncez comme un mal, d'autres le considèrent comme un grand bien.
En demandant de revenir au texte strict de l'article 64, vous allez, dites-vous, paraître révolutionnaire ? Oui, certes, vous révolutionnez, mais à rebours. En combattant ce que le temps, l'expérience et le souci d'une justice toujours mieux éclairée ont fini par imposer dans la pratique, vous remontez le progrès, vous faites machine en arrière, vous reculez, vous accomplissez une œuvre réactionnaire.
Non, certes, la notion de responsabilité n'est pas expressément inscrite dans la loi, mais elle est dans les mœurs ; et quand une chose est dans les mœurs, elle est mûre pour être codifiée. Aussi, sans oublier le caractère trop souvent platonique de semblables vœux, je me rallie pleinement à celui de M. Grasset, qu'il a ainsi formulé ::
« Que dans la loi française, soit expressément introduite la notion de responsabilité, d'irresponsabilité et de responsabilité atténuée, en précisant que ce mot est pris exclusivement dans le sens de responsabilité médicale ou physiologique. »
Personnellement, je proposerais de remplacer les derniers mots que j'ai mis en italique par : imputabilité psychologique, conformément à ce que j'ai exposé plus haut
Mais la responsabilité, riposte M. Ballet, est trop à la merci de l'appréciation individuelle ; trop d'éléments subjectifs entrent en jeu pour la déterminer ; en parlant de responsabilité, on s'expose à des contradictions « qui ne tournent pas toujours à l'honneur de la médecine. » C'est donc, encore une fois, un argument d'ordre pratique et, pour ainsi dire, utilitaire.
Est-il donc vrai que le médecin légiste ne deviendra faillible qu'en abordant la question de la responsabilité et sera-t-il infaillible jusque-là ?
Le « lamentable spectacle » des contradictions des experts n'existerait pas, dites-vous, si l'on se bornait à de » simples constatations matérielles ». Vous avez, en effet, choisi pour épigraphe cette phrase de Féré :
« La compétence des médecins est tout entière dans le domaine des faits matériels, »
M. Francotte vous a déjà répondu : « S'il fallait réduire la compétence, médicale, au domaine des faits matériels, que resterait-il de la psychiatrie ? » Et, d'autre part, on vous a montré que, dans les limites que vous venez de tracer, la déposition du médecin n'aurait plus aucune Utilité pour le magistrat.
Vous vous êtes rallié à cette objection. Après avoir posé comme règle rigoureuse de s'en tenir à la « simple constatation médicale des troubles existants », vous êtes amené à écrire : « Restreindre la mission de l'expert à la constatation des symptômes morbides et des tares mentales, sans consentir à « lier plus loin, c'est réduire l'expert à un rôle sans utilité pratique en justice... L'essence même de sa mission est de montrer l'influence qu'ont eue sur les actes du prévenu, et particulièrement sur l'acte incriminé, les tares constatées... »
Alors quand il s'agit d'apprécier « les effets des tares sur la conduite », de « dresser le bilan des facultés », d'« analyser l'anormalité volitive », de « surprendre los mobiles qui ont fait agir le coupable », dé dire « dans quelle mesure ils ont pu influer sur ses déterminations », comment voulez-vous qu'il n'y ait aucune divergence d'un expert à l'autre ? Faites examiner le même accusé successivement par plusieurs médecins-légistes ; empêchez qu'ils puissent se concerter pour arrêter une opinion collective moyenne ; obtenez même que chacun ignore si d'autres expertises sont faites concurremment sur le même individu ; allez jusqu'à leur interdire d'aborder la question de la responsabilité ; vous constaterez de très notables dissemblances entre les différents rapports, dissemblances dont la responsabilité ne sera nullement « responsable ».
Donc, ne parler que de faits matériels, c'est sans utilité pratique en justice ; et, dès que, pour éclairer la justice, on consent à aller plus loin, alors apparaissent les divergences. Ces divergences ne tiennent pas à ce qu'on se prononce sur la responsabilité ; elles apparaissent bien avant qu'on aborde cette question, dès qu'on s'attaque à la complexité psychopathologique et qu'on parle le langage même que comporte la réalité vivante sur laquelle on expertise. Ecoutons encore M. Francotte : « Quand nous parlons de volonté, d'aboulie, d'impulsions irrésistibles, d'émotivité, nous faisons autant de psychologie que quand nous parlons d'unputabi-lité, nous soulevons autant de problèmes difficiles, nous donnons prise à autant de contestations et de divergences d'ordre plutôt philosophique. »
Ces contradictions ne sont pas dues à la question surajoutée de la responsabilité ; elles sont inbérentees à la nature même de l'objet dont il s'agit. Et ne disons pas que c'est la science qui se contredit ; ce sont des savants qui, sur certains points, ne peuvent pas ne pas Imprimer à leur opinion le sceau de leur propre personnalité. Vous regrettez qu'il, en soit ainsi ? Tout le monde le regrette avec vous. Mais il faut accepter les choses telles qu'elles sont et non vouloir qu'elles soient telles que nous les désirons.
Il n'y a pas, au moins pour certaines questions complexes de la psychopatho-logie, une certitude absolue, extérieure à nous, qui s'impose à tous avec une évidence irrésistible, sorte de soleil éclairant uniformément tous les esprits. Ce besoin de la certitude objective et impersonnelle est une lourde servitude que l'intellectualisme cartésien a perpétuée pendant plusieurs
siècles. Depuis, surtout, Hume, Kant, St. Mili et Renouvier, on a compris que l'intelligence humaine devait en rabattre de ses prétentions ; notre connaissance est relative ; il n'y a pas, à proprement parler, de certitude, inais seulement des hommes certains ; deux individus peuvent être psy- -chologiquement tout a. fait certains, quoique ayant, sur le même sujet, des opinions discordantes ; et chaque homme, dans une certaine mesure, collabore à la vérité ; il la fait sienne en lui donnant son adhésion. C'est là que git la part individuelle qui s'insinue inévitablement dans l'opinion d'un chacun. Et les divergences que l'on déplore sont inévitables.
Loin de confesser honteusement ces divergences et de s'en excuser avec confusion, il faut les avouer loyalement. Par quelle grâce spéciale le médecin-légiste jouirait-il du privilège de l'infaillibilité, alors qu'autour de lui tout est faillible. ? Il sera faillible, comme le juré, comme le juge, comme l'expert en écriture, comme l'expert chimiste lui-même. N« lui demandez pas plus qu'il ne peut fournir : Ne sutor ultra crepidam.
Qu'on n'aille pas, après cela, conclure à la faillite de l'expertise médico-légale. Si celle-ci ne donne pas la certitude « absolue », elle garde une très grande valeur scientifique. Pour accomplir cette œuvre médico-psycholo-gique qu'est une expertise, le médecin commis par la justice, en même temps qu'il est' un habile clinicien, se trouve ! le plus souvent, être aussi un psychologue éprouvé. En tout état de cause, c'est lui qui, sur la question de responsabilité, c'est-à-dire d'itnputabillté, offre le plus de compétence, et, partant, le plus de garantie à la société aussi bien qu'à l'accusé. Interrogé sur ce point, non seulement il peut répondre légitimement, mais il le doit ; il est le seul qui soit vraiment désigné pour un semblable office.
Mais, qu'on le sache bien, ce qu'il apporte à la barre, ce n'est pas une loi scientifique, ce n'est pas une vérité universelle que l'on doive révérer à l'égal d'un dogme ; c'est l'opinion d'un témoin. Les journaux nous ont rapporté que, lors d'un procès récent, interrogé sur la valeur de ses conclusions, M. le professeur agrégé Dupré aurait répondu : « Elles ont la valeur de tout témoignage humain ». C'est très crâne, très honnête et très vrai.
La déposition du médecin-légiste devra donc subir les conditions mômes que subissent toutes les autres dépositions. Celles-ci sont discutées, critiquées ; pourquoi la sienne ne le serait-elle pas ? S'il redoute la discussion au grand jour, cela n'est pas de très bon augure pour la solidité de son rapport.
Alors, c'est la voie grande ouverte à la contre-expertise ? Oui, certes ; celle-ci est légitime, elle est même nécessaire. Sans doute, il serait préférable, à tous égards, que l'expert apportât des conclusions absolument certaines, irréfutables, ne donnant prise à aucune espèce de contestation ; mais, cela, nous l'avons montré, il ne le peut pas, à cause de sa personnalité et à cause des complexités psychologiques sur lesquelles il se prononce. Il faut donc nous déshabituer de voir, dans le médecin-légiste, une manière de « grand prêtre » révélant aux foules soumises ce qu'elles doivent croire, dictant des conclusions en dehors desquelles il ne saurait y avoir qu'erreur et fausseté... Mais je me suis laissé entraîner loin du rapport de M. Ballet, auquel je voulais me borner.
Les considérations qui précèdent auraient gagné à être exposées à Genève par quelque voix plus autorisée. Je n'ai certes pas la prétention de
faire changer d'avis à ceux dont le siège est fait. Du temps d'Homère, déjà, l'on disait : « Non tu ne me convaincras pas... quand même tu m'aurais convaincu ». Et l'on sait avec quelle constance déplorable les médecins, trop souvent, persévèrent dans leurs partis pris. Cependant, peut-être quelques-unes des idées émises ci-dessus feront-elles réfléchir les indécis, les flottants, ceux que la solution votée à Genève n'a pas satisfaits — si toutefois ces lignes leur tombent sous les yeux et qu'ils aient la patience de les lire.
Docteur Paul Parez.
Un interwiew de M. Déjerine.
L'interview suivant, paru le 4 novembre dans la Patrie, nous apporte les opinions actuelles de M. Déjcrine sur la psychothérapie.
« Tout d'abord, dit-il, il nous faut écarter l'hypnotisme, qui n'est qu'un moyen plus ou moins théâtral d'engager la suggestlblllté du sujet ; quant à la suggestion à l'état de veille, elle ne présente sans doute aucun des inconvénients de l'hypnotisme. Cependant, ces méthodes ne traitent que le symptôme. Il faut que la psychothérapie fasse largement appel au sentiment. Le traitement moral est l'unique moyen d'obtenir des guérisons sérieuses et durables.
c Le principe fondamental de toute rééducation morale est de considérer le malade comme un être raisonnable auquel nous devons les motifs de nos paroles etde nos actions. Rien ne doit lui être dit qui ne lui puisse être justifié. Dès le début, le médecin doit, par tous les moyens, s'attacher à mériter la confiance du malade et l'amener, par l'examen réfléchi de son passé, à mieux comprendre son état présent.
« La guérison est certaine si le malade sait la vouloir. Une fois le malade convaincu, le médecin n'a plus qu'à le guider dans ce retour à la vie normale. Il l'invite à exercer graduellement son activité, à entreprendre des travaux d'une longueur et d'une difficulté croissantes, à fixer ainsi en des résultats matériels et indiscutables les résultats de ses efforts.
« C'est la psychothérapie par persuasion. Aux affirmations sans contrôle de la suggestion, la persuasion oppose la séduction de sa dialectique ; elle Invite les esprits à la suivre, et revient en arrière, quand ils se sont arrêtés. »
En nous signalant cet Interview, un de nos lecteurs nous demande ce que nous en pensons. Nous lui répondrons qu'il fut un temps où M. Déjerine s'exprimait d'une façon toute différente. Pour lui la pratique de l'hypnotisme ne présentait aucun des inconvénients qu'il lui prête aujourd'hui. Citons textuellement ses paroles (1). « Quant aux prétendus dangers des pratiques de l'hypnotisme et de la suggestion, ni l'école de Nancy, ni Dumontpallier, ni Ballet, ni Luys, ni Auguste Voisin, ni Delbœuf, ni Forel, ni moi-même, ni tant d'autres que l'on pourrait citer ici, ne les ont vus sur les milliers de sujets auxquels ils se sont adressés. Ces pratiques ne peuvent être dangereuses que lorsqu'elles sont pratiquées par des gens incompétents. » Comment pourrait-on reprocher aux hommes politiques leurs variations d'opinions, lorsque l'on voit des hommes de science se contredire, c'est-à-dire démolir eux-mêmes leurs propres affirmations, à quelques années d'intervalle. Dans tous les cas, il
(1) Séméiologie du système nerveux, 1900.
serait difficile de soutenir que les collaborateurs de la Revue de l'hypnotisme, qui depuis plus de vingt ans se sont spécialisés dans la pratique de la psychothérapie et de l'hypnotisme, n'ont pas acquis une compétence indiscutable en ces matières.
Aujourd'hui, nous ne voulons retenir de l'interview de M. Dejerine, que la phrase où il affirme que l'hypnotisme est un moyen théâtral. Lorsque Liébeault, sans le concours d'aucun assistant, traitait discrètement ses malades à sa clinique de Nancy, son attitude avait-elle quelque chose de théâtral. Quand nous appliquons l'hypnotisme d'une façon individuelle, dans notre cabinet de consultation ou dans une maison de santé, qui pourrait attribuer le moindre caractère théâtral à notre application thérapeutique ?
Le terme de théâtral ne serait-il pas plus applicable à certaines consultations externes de la Salpêtrière où le médecin, placé seul, bien en vue, sur une estrade élevée, pose au malade, coram populo, les questions les plus indiscrètes sans se préoccuper de son humiliation. Cela ne vous rappelle-t-il pas le proverbe de l'arabe :
a Le chameau a toujours devant les yeux la bosse de son congénère, mais Il ne voit pas la sienne. »
Pour plus de documentation, nous invitons notre curieux lecteur à suivre à partir du commencement de janvier les cours de l'Ecole de psychologie. Plusieurs de ces cours auront pour but d'y démontrer le rôle prépondérant de l'hypnotisme dans la psychothérapie. Mais il pourra aussi y apprendre que les hypnotiseurs savent presque aussi bien, sinon mieux que les autres, la pratique de la persuasion, et la mise en œuvre de la dialectique. Le Dr Bérillon et le Dr Paul Farez qui, à leur titre de docteur en médecine ont ajouté celui de licencié en droit et de licencié en philosophie, savent faire à l'occasion d'utiles démonstrations de dialectique. Que la dialectique de M. Déjerine, aussi bien que celle de M. Dubois, soient particulièrement séduisantes, cela n'a rien qui puisse surprendre. La Suisse n'est-elle pas considérée par certains comme le conservatoire où l'on doit désormais apprendre l'art d'être moral, d'assaisonner le macaroni, ainsi que de s'exprimer en bon français. Quant à nous, nous saurons échapper à ce snobisme. A la dialectique helvétique, nous continuerons à préférer celle du pays de Montesquieu, de Voltaire et de Diderot. Il ne nous sera pas difficile do démontrer à nos nombreux auditeurs, qu'elle n'a rien perdu de sa valeur ni de sa supériorité.
L'Islamisme et la pédagogie musulmane
par M. le Pr Ubeyd-Oullah (de Constantinople). (Suite et fin.)
Un des systèmes d'enseignement en honneur encore chez les Arabes consiste à composer les ouvrages et les traités scientifiques en vers et à les faire apprendre aux élèves par cœur. Ce système est très apprécié par ce peuple et dans toutes les sciences physiques ou morales on a composé des ouvrages détaillés en vers. Même aujourd'hui, en Egypte, dans la Mos-
quée El-Ezher, qui est considérée par la majorité des musulmans comme la plus grande Université musulmane, on enseigne la syntaxe de la langue arabe en faisant apprendre le fameux poème d'Ibni-Malik, connu sous le nom d'Elfieh, lequel se compose de mille vers.
Ce système, quoiqu'il puisse vous paraître un peu bizarre, me semble très commode et utile. Car la langue arabe, comme beaucoup d'autres langues orientales, peut par sa forme jouer un grand rôle. Elle a un grand agrément et une harmonie spéciale qui viennent atténuer la sécheresse et l'ennui des ouvrages scientiliques où l'aridité des propos et des questions qui y sont méthodiquement exposés fatigue bien vite l'esprit. Cette sécheresse est particulièrement fatigante pour les jeunes élèves. Si ces ouvrages sont en vers, la forme devient pour les enfants aussi intéressant que le fond.
N'est-il pas naturel aussi de se servir de la musique pour rehausser l'harmonie de la poésie ? Cette musique est si bien dans la forme du vers que la nature ne peut que réserver un bon accueil à cette association des deux harmonies.
Les maitres et les instituteurs arabes enseignent ces poèmes à leurs élèves sur un rythme musical. Ainsi ces vers ces poèmes, restent gravés dans la mémoire des élèves sous forme de chansons et chaque question, chaque règle s'apprend de la sorte comme un proverbe qui chante dans l'intelligence et dans le souvenir.
Dans la versification des propos scientifiques, les Arabes avaient atteint à un tel degré qu'à certaine époque à Bagdad et en Andalousie, les médecins écrivaient en vers même les ordonnances.
Actuellement les élèves en quittant les écoles connaissent beaucoup de choses mais ne savent rien, ils ne peuvent traiter, d'une façon approfondie, aucune question scientifique ou littéraire .
Quelle perte de temps, quels vains efforts pour arriver à un si piètre résultat !
A notre époque, les musulmans et spécialement les Turcs possèdent deux systèmes d'enseignement, dont l'un, le système moderne est identiquement pareil à celui adopté par les nations civilisées et leur est emprunté. En Turquie surtout, les programmes scolaires ne sont que la reproduction de ceux déjà appliqués en France.
D'ailleurs les Turcs ont introduit la civilisation moderne
dans toutes les branches de leur administration, en s'efforçant d'islamiser le progrès et de se rapprocher particulièrement des lois françaises.
L'ancien système d'enseignement n'était du reste pas tout à fait conforme aux principes pédagogiques dûs à l'influence et aux indications de l'Islamisme. Sur certains points, ce mode d'instruction pourrait même paraître en contradiction avec la religion et présenter Certaines discordances avec les principes religieux.
Dans le système moderne, lui-même, les mulsumans, font apprendre aux enfants, comme par le passé, seulement la lettre du Coran en arabe, sans les initier à son esprit. Evidemment un enfant dont l'esprit n'est pas encore formé, sera plutôt intéressé par la forme que par le fond.
Posez-lui par exemple une question : au lieu de vous répondre, il commence par répéter la question en ânonnant ; il la répétera à satiété, prononçant inconsciemment les mêmes mots, pour lui vide de sens, sans en rechercher la signification. De même un enfant n'éprouverait pas le même plaisir à contempler un joli tableau, l'œuvre d'un grand artiste, qu'à manier, par exemple, un jouet préféré.
Peut-être est-ce en constatant ce fait que l'enfant se complaît mieux aux joies physiques et matérielles qu'aux jouissances intellectuelles que les musulmans se sont contentés d'enseigner à leurs enfants en bas-âge, la lecture seule du Coran en arabe. Serait-ce plutôt que la lecture du Coran étant considérée chez les musulmans, comme un acte de dévotion, ils cherchent à y habituer l'enfant en lui faisant consacrer une partie sensible de son temps à cette lecture de façon à prévenir de sa part des négligences ultérieures à cet égard ?
Les musulmans sont, en effet, très attachés à leur religion et ne perdent aucune occasion de l'enseigner. Toutefois, comme je l'ai dit plus haut, ce n'est qu'un enseignement mnémotechnique. C'est par suite de cette lacune que la plupart des musulmans ne connaissent pas à fond leur religion et qu'ils se trouvent ainsi arriérés par rapport aux autres nations civilisées.
En effet, comme nous l'avons dit, l'Islamisme est intimement lié à la vie sociale de ses adhérents ; il en règle les conditions. Or si on ignore une partie des lois sociales de la religion, on se trouvera souvent dans l'incertitude quand il s'agit de savoir si les lois empruntées aux autres nations se conforment à
l'esprit de la religion. Ce point, hâtons-nous de le dire, est très important pour les musulmans, parce que c'est à cette seule condition qu'une loi peut obtenir leur approbation unanime. Cette incertitude ne peut être dissipée que par une connaissance approfondie du Coran et des principes fondamentaux de la religion. Cela exige une étude sérieuse des livres religieux et ces livres sont écrits en arabe. Outre que cette langue est très difficile à apprendre, il n'existe pas d'ouvrage en arabe répondant aux connaissances acquises de nos jours. Par conséquent, l'étude de la langue arabe est depuis une cinquantaine d'années, de plus en plus négligée. Peu nombreux sont aussi ceux qui connaissent à fond l'Islamisme à l'heure actuelle.
La traduction en turc du Coran n'existe pas. Même si elle existait, les musulmans ne reconnaîtraient pas celle-ci et n'admettraient jamais qu'une traduction puisse être de la force de l'original. J'ajoute, ici, à titre du curiosité, que la jeunesse musulmane, instruite, après et malgré de longs séjours dans les écoles modernes, se trouve obligée de lire la traduction en français du Coran quand elle désire comprendre ce livre.
Pourtant on ne peut pas dire que la pédagogie chez les musulmans soit tout-à-fait en dehors de l'influence de la loi de Mahomet. C'est sous cette influence que l'éducation musulmane enseigne aux enfants la sobriété, la modération et la sagesse dans leurs désirs, leurs ambitions et leurs avidités. Donc, le musulman est en général sobre, modéré et sage non par impuissance mais par résignation.
C'est par cette influence encore que la pédagogie chez le musulman tend à apprendre à l'enfant à combattre ses passions.
On prétend que le manque d'énergie chez les peuples musulmans est la conséquence de cette éducation. Je ne le crois pas, Ce n'est pas l'énergie qui manque chez les musulmans c'est seulement le moyen et la possibilité de l'exercer. A cela il y a plusieurs motifs. Avant tout dans la condition actuelle en Orient l'énergie ne peut aboutir à un heureux résultat. Ces motifs n'étant ici qu'un hors d'œuvre, je ne veux pas entrer dans des détails. Qu'il me suffise dans une question aussi complexe et délicate de dire qu'à mon humble avis habituer l'enfant à combattre ses passions, c'est le mettre dans une voie de conduite très heureuse.
En résumé et comme conclusion de ces considérations, que
je m'excuse d'avoir si longuement développées devant vous je me borne à signaler que selon la loi de Mahomet on doit s'efforcer, en matière de pédagogie, d'enseigner à l'enfant, d'une manière positive, la vérité des choses qui l'entourent et qui se font sentir, sans fausser son raisonnement ni l'influencer en lui évitant d'être la proie des erreurs courantes et sans lui dire un mot qui puisse choquer le bon sens. On ouvre ainsi pour lui la voie d'un jugement sain sur la réalité des choses.
On déduira très facilement et bien clairement de ce qui est dit d'ans cet exposé que les musulmans n'ont pas fait le progrès qu'ils devaient faite parce qu'ils ne se conforment pas complètement dans leur vie sociale et dans la façon d'instruire leurs enfants à la loi de Mahomet. Par conséquent, ils ne savent pas en soutenir, en défendre et en faire valoir la portée haute et sublime.
Au reste, les nations en unifiant, pour le monde entier, le système de pédagogie appliquable à tous les peuples, ne feraient-elles pas œuvre plus intéressante et plus capitale que celle dont nos diplomates vont tenter une fois de plus le vain effort à la conférence de la Haye. N'ouvriraient-elles pas, ce faisant, un chemin plus sérieux, plus pratique et plus sûr pour aboutir à l'idéal ?
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle de Juin 1907. — Présidence de M. le Dr Jules Voisin {suite)
Enfants idiots et arriérés dans l'iconographie antique,
par M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie. (suite)
Revenons à la collection smyrniote de M. Gaudin : les terres-cuites 13 et 14 nous représentent deux types semblables : lèvres et nez gonflés, cou œdèmatié ; l'une d'elles tire la langue dont le bout passe entre les
dents serrées. L'artiste a voulu évidemment reproduire un cas très spécial. S'agit-il d'une esquinancie telle que la décrivait les anciens ; pour eux celte maladie amenait l'asphyxie par gonflement des voies respira-
Fig. 13 et 14 — Terre cuite ancienne représentant un dégénére (Collection Gaudin).
toires. La figure profondément obtuse de ces deux personnages ferait penser plutôt à quelque épileptique en période d'attaque. Passons à l'espèce microcéphale. Les six figures juvéniles groupées
Fig. 15, 16, 17, 18. 19.20. — Terres cuites représentant des idiots microcéphales
(Collection Gaudin).
du numéro 15 au numéro, 20 ont toutes un petit cerveau : ce sont des microcéphales. Le visage a une expression stupide mieux marquée encore par une bouche ouverte comme on l'observe si fréquemment chez les jeunes idiots.
La figure 20 représente un microcéphale traité d'autre manière. Ici, outre le crâne petit et le front fuyant, la face hypertrophiée proémine fortement ; c'est ce qu'on observe dans la microcéphalie typique. Une
telle figure est à rapprocher du dessin bien connu des anthropologues représentant le roi des Aztèques, microcéphale que l'on exhibait au siècle dernier. Elle en a tous les caractères, l'auteur a simplement exagéré le prognatisme naturel à ces idiots. On retrouve fréquemment dans l'art grec des représentations semblables. Trois figurines du n° 2l au n° 23 montrent quel parti ont su tirer ces
Fig. 21. 22 ; 23. — Terres cuites représentant des types do microcéphales (Collection Gaudin).
artistes du type microcéphale. En en exagérant outre mesure les caractères en grossissant le nez, en élargissant la bouche, en augmentant les oreilles, ils ont créé, un être chimérique qui ressemble étrangement à certaines de nos gargouilles du Moyen-Age. On ne s'attend pas à trouver un tel rapport entre deux arts réputés si dissemblables ; pourtant les images ci-contre en prouvent la réalité.
Fig. 24, 25, 26, 27. — Terres cuites représentant des types de dégénéres et de déments
(Collection Gaudin).
Sur les figures 24, 25, 26 et 27, le crâne est amoindri et en même temps le front extrêmement fuyant.
Les nos 24 et 27 ont des arcades sourcilières très saillantes qui les font ressembler à un crâne d'homme préhistorique, type de Néandertha
ou mieux d'anthropopithèque. Le 26 présente une saillie de la mandibule et de la lèvre inférieure qui s'observe chez les aliénés.
Fig. 28, 29, 30, 31. — Terres cultes représentant des types de dégénérés et de déments
(Collection Gaudin).
Les figures 28, 29, 30, 31 ont, elles aussi, le front fuyant, mais la capacité cérébrale parait à peu près normale. La physionomie est moins stu-
Fig. 32. — Terre culte représentant une déformation cranienne (Collection Gandin.]
pide que celle des précédents, mais encore terne et inexpressive comme celle des dégénérés. La folle est fréquente chez les sujets qui subissent des déformations artificielles du crâne, action de la coiffe le plus souvent. On observe de tels types dans nos asiles.
Tous les sujets à crâne déformé ne sont pas fous ; de nos jours des Toulousains ont pu subir un tel traitement sans que leur intelligence s'en ressente. Voici un tête de profil en relief sur terre cuite, qui, avec un front fuyant a la manière des Toulousains actuels, conserve une physionomie spirituelle (Fig 34).
Les coroplastes grecs ont reproduit d'autres déformations crânien- nes : celles qui surviennent à la suite de soudure pathologique. Mon-
Fig. 33 et 34. —Terres cuites représentant un scaphocéphale et un dégénéré asymétrique (Collection Gandin).
trons-en quelques-unes que l'on opposera aux précédentes. La figure representée au n° 33 est un type de scapkocéphalie, déformation consécutive à ta soudure de la suture sagittale. La forme en carène du crâne a été fort bien reproduite, on voit même encore sur l'original les traces des coups de burin qui l'ont accentuée sur la terre cuite obtenue par moulage. La saillie compensatrice du front a été aussi exactement observée.
La figure 34 est des plus originales. La déformation crânienne, plus complexe, ne rentre pas aussi bien dans les catégories forcément simples qu'ont formé les anthropologues modernes : il y a de la platycépha-lie, de la cymbocéphalie et autre chose encore. Mais la physionomie triste et renfrognée est fort intéressante.
Ces deux figures 33 et 34 ne sont pas des idiots, mais des types à intelligence normale pris dans la vie réelle.
Signalons encore, dans la collection Fouquet cette fois, un type accompli d'idiot (35).
Fig.35. — Terre cuite représentant un idiot (Collection Fouquel).
Et, pour terminer, remarquons que les auteurs grecs ont su créer des grotesques avec ces déformés. Telle la figure 36 au crâne bossué, au front droit, aux maxillaires prognathes comme une bête. Si en effet les
Fig. 36. — Terre cuite représentant un dégénéré obèse.
Grecs ont souvent représenté les maladies, nous ne nions pas pour cela qu'ils en aient aussi retiré des types grotesques.
Cela prouve simplement que l'art antique est infiniment varié et nous devons réformer sur ce point les conceptions étroites que nous nous en faisions.
(A suivre.)
PEDAGOGIE DES ENFANTS ANORMAUX
Les anormaux psychiques des écoles,
par M. le docteur E. Régis, .
Professeur adjoint à l'Université de Bordeaux, chargé du cours des maladies mentales.
Les enfants mentalement anormaux ou anormaux psychiques sont ceux qui présentent des infirmités, des arrêts de développement, des déviations, des désharmonies, ou plus simplement de l'excitabilité, de l'instabilité morbides du cerveau, empêchant ou diminuant leur adaptation aux méthodes d'éducation communes et réclamant l'intervention de l'hygiéniste.
On peut, au point de vue des modes d'assistance qui leur sont applicables, diviser les anormaux psychiques en quatre catégories : 1° les Anormaux d'Ecole, c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles de bénéficier, sous une forme appropriée, de l'instruction scolaire ; 2° les Anormaux d'Hôpital, ceux qui, tout en étant également éducables, ont besoin, en raison de certaines maladies ou infirmités, du régime et des soins hospitaliers ; 3° les Anormaux de Maisons de réformes ou réformatoires (reformatory), oeux qui manifestent des tendances anormales, vicieuses et délictueuses, à corriger ; 4° les Anormaux d'Asiles, enfin, ceux qui représentent les degrés les plus profonds de la dégénérescence et dont la place est dans un hospice spécial ou dans une annexe de l'asile d'aliénés.
Nous n'avons à nous occuper ici que de la première catégorie : les anormaux d'école.
Les anormaux psychiques offrent cela d'important et de particulier, parmi les autres anormaux d'école, que la nature et les conséquences de leurs défectuosités nécessitent non plus seulement des soins et un traitement appropriés, mais une organisation scolaire indépendante et spéciale.
Cette organisation scolaire existe dans la plupart des pays étrangers.
La Suisse, la Hollande, la Belgique, l'Italie, l'Angleterre, l'Allemagne ont institué pour l'éducation des anormaux psychiques, des classes spéciales.
Quelques-unes de ces classes spéciales sont simplement annexées aux classes ordinaires. La plupart sont groupées en écoles autonomes, soit du type externat, soit du type semi-internat, soit enfin du type internat.
Le nombre d'élèves est en moyenne de vingt par classe. Dans certaines villes, le système de coéducation des sexes a été adopté.
L'enseignement des anormaux psychiques est partout confié à des
instituteurs particuliers, hommes et femmes, collaborant étroitement' avec des médecins.
Le médecin joue un rôle important et, par endroits, prépondérant dans l'organisation et le fonctionnement de ces classes spéciales. A Bruxelles, quatre médecins sont attachés à ces classes : le Dr J. Demoor, professeur à l'Université, avec le titre de médecin-inspecteur ; les docteurs Daniel, Decroly et Boulanger, avec le titre de médecins adjoints.
A Anvers, le médecin de l'Ecole spéciale est le Dr Gunsbourg. A Gand, c'est le Dr Dupureux.
A Rome, ces classes ont une direction pédagogique, relevant d'un professeur, et une direction psychiatrique confiée au Dr de Sanctis, chargé du cours des maladies mentales à l'Université.
Dans nombre de grandes villes, les médecins font en outre un cours spécial de pédologie dans les Ecoles normales d'instituteurs.
La France est malheureusement restée jusquici très en retard dans ce mouvement général en faveur de l'éducation des enfants anormaux, et il n'y existe nulle part pour eux d'enseignement spécial.
Depuis quelques années cependant un effort se fait en vue de combler cette lacune, principalement à Paris, à Lyon et à Bordeaux.
A Bordeaux, la question des enfants anormaux a déjà presque une histoire.
Sans parler de la tentative de création faite, il y a dix ans, d'un service municipal de spécialités médicales, au nombre desquelles figurait la psychiatrie, et qui comprenait des consultations pour les enfants des écoles communales, sans parler non plus des premiers articles sur les arriérés scolaires publiés dans la presse locale par deux maîtres de l'enseignement primaire, MM. Bazenant et Lafon, je rappellerai que c'est au troisième Congrès national d'Assistance publique et de Bienfaisance privée, tenu à Bordeaux en 1903, qu'a été discuté, dans un grand débat, le problème général des enfants anormaux.
Je rappellerai en outre que le Dr Jacquin, médecin adjoint de l'Asile d'aliénés de Château-Picon, auteur du très intéressant rapport sur les anormaux psychiques à ce Congrès, fit le 15 décembre 1904, aux instituteurs et aux institutrices de la Gironde, sous la présidence de M. le Préfet et de M. l'Inspecteur d'Académie, une conférence des plus instructives sur « l'Assistance et le traitement des enfants arriérés, en particulier des arriérés des écoles », qui a été reproduite in extenso dans la Revue Philanthropique du 15 juillet 1905.
Ce fut la première impulsion locale qui, grâce au bienveillant appui de M. l'Inspecteur d'Académie Alliaud, donna naissance à une inspection spéciale des écoles communales de la banlieue et à une consultation pour anormaux psychiques de ces écoles, fonctionnant depuis cette époque, le premier jeudi de chaque mois, à l'Hôpital suburbain des Enfants de la route du Médoc.
Cet hôpital vient en outre de s'enrichir d'un nouveau pavillon, destiné
à la cure médico-pédagogique de ceux de ces anormaux qui réclament des soins particuliers.
Pendant que se poursuivait la création de cette série d'œuvres d'assistance médicale, le Comité girondin de l'Alliance d'Hygiène sociale, sur la haute initiative de M. le Recteur Thamin et de M. le Dr de Nabias, abordait la partie scolaire du problème des enfants anormaux.
Après examen, il fut reconnu qu'il était indispensable, pour arriver à une solution sérieuse et pratique, de commencer par le commencement, c'est-à-dire par le recensement et le classement des enfants anormaux des écoles.
Afin de mener à bien cette tâche difficile, une Commission de médecins spécialistes, divisés en sous-commissions, sous la présidence du signataire du présent rapport, examina individuellement dans toutes les écoles de garçons de Bordeaux, avec le concours du médecin-inspecteur ainsi que du directeur et du maitre de chaque classe, tous les élèves signalés par ces derniers comme se distinguant par une anomalie, une particularité quelconques.
Un certain nombre de ces élèves furent écartés comme n'étant pas des anormaux. Les autres furent retenus et classés, suivant le cas, en :
1° Anormaux non arriérés (nerveux, turbulents, vicieux, etc.) ;
2« Anormaux arriérés, subdivisés en arriérés légers et moyens et arriérés profonds, les uns et les autres distingués en calmes ou déprimés et en instables ou agités.
Voici quelques chiffres indiquant les principaux résultais de celte enquête :
Sur 8,735 élèves des écoles publiques de garçons, il a été trouvé 452 anormaux, soit 5, 17 0/0.
Parmi ces anormaux, 134 sont des anormaux non arriérés et 318 des anormaux arriérés. Les anormaux arriérés comprennent : 6 arriérés d'hôpitaux ou d'asiles (arriérés profonds !, et 312 arriérés d'écoles, dont 126 arriérés légers et 186 arriérés moyens. Les arriérés légers se subdivisent en 49 déprimés ou calmes et 77 agités ou instables ; les arriérés moyens en 109 déprimés ou calmes et 77 agités ou instables.
Les détails complets de l'œuvre de la Commission, qui n'a pu atteindre son but que grâce au dévouement de tous ses membres et au concours empressé de MM. Alliaud, inspecteur d'Académie, et Rotgès, inspecteur primaire, se trouvent exposés dans le remarquable rapport rédigé par le Dr Abadie, secrétaire.
La statistique méthodique des enfants anormaux des écoles des garçons de Bordeaux sera bientôt complétée par une statistique analogue des enfants anormaux des écoles de filles qui, on peut le prévoir d'avance, donnera à peu près exactement les mêmes chiffres et les mêmes proportions.
Les résultats obtenus par la Commission, au point de vue du recensement et du classement, représentent donc la véritable situation des écoles publiques de Bordeaux en ce qui concerne les anormaux psychiques
et constituent par suite la meilleure des bases pour l'application des mesures à prendre dans notre ville, en vue de l'éducation spéciale que réclament ces enfants.
Voici comment nous comprenons, sous une forme à la fois simple et pratique, l'organisation à établir.
Celle-ci comporte trois éléments : 1° Ecoles spéciales ; 2° Consultation médico-pédagogique ; 3° Cours spéciaux aux instituteurs.
l° Ecoles spéciales. — L'expérience a partout démontré que l'école spéciale autonome pour enfants mentalement anormaux vaut infiniment mieux que la simple classe spéciale anexée à l'école ordinaire. Nous pensons donc qu'il n'y a pas à hésiter et qu'il faut recourir, à Bordeaux, d'emblée si on le peut, en tout cas le plus rapidement possible, à des écoles spéciales.
Vu la configuration de la ville, ainsi que le nombre et la répartition des anormaux dans les écoles existantes, ces écoles spéciales devraient être au nombre de quatre : une au centre, une au nord, une au sud, une à La Bastide, sur des points à préciser avec soin, le moment venu.
Le nombre des anormaux psychiques des écoles, garçons et filles, s'élevant à Bordeaux à un chiffre global de 800 à 900, c'est donc une moyenne de 200 enfants environ que contiendrait chacune des quatre écoles.
Chaque école pourrait comprendre 8 classes de 25 élèves au maximum, soit mixtes, si le système, courant à l'étranger, mais encore hasardeux peut-être en France, de la coéducation des sexes est adopté, soit divisées en 4 classes de garçons et 4 classes de filles, si les sexes restent séparés.
Les enfants seraient répartis dans ces classes d'après leur état de calme ou d'agitation, le degré de leur arriération et leur âge. Ils pourraient du reste changer de classe et même passer ou revenir dans les écoles ordinaires, suivant les modifications survenues dans leur psy-chicité.
Ces classes seraient confiées pour la partie pédagogique à des maîtres spécialisés, autant que possible — ainsi que le souhaite à juste raison M. Emile Martin — à des femmes, la femme ayant des qualités de patience, de douceur, de bonté, d'ascendant affectif qui sont à la fois nécessaires et du plus heureux effet vis-à-vis de tels enfants, assimilables, dans une certaine mesure, à des malades.
Un médecin spécialiste serait attaché à chacune de ces écoles. En collaboration étroite et intime avec les maîtres, il examinerait tous les enfants à leur arrivée, dresserait leur fiche médicale, participerait à la désignation de leur classe et ultérieurement à leur passage de l'une à l'autre ou à leur retour dans les classes ordinaires, les suivrait en un mot un par un, régulièrement et attentivement.
Ce plan comporterait donc quatre médecins spéciaux, dont trois adjoints, et un médecin-inspecteur, qui, comme à Bruxelles, centraliserait tout ce qui aurait trait à ce service médical.
Les médecins et les représentants de l'autorité pédagogique élabore-
raient en commun le programme, l'horaire, le temps des études, des exercices et jeux, des vacances, etc., pour les diverses classes d'anormaux psychiques.
1° Consultation médico-pédagogique (1). — Les médecins spéciaux dont nous venons de parler seraient en outre chargés d'une consultation.
Cette consultation aurait lieu au moins une fois par mois dans chacune des quatre écoles spéciales, soit le même jour, soit à des jours différents. Y seraient conduits par les parents et autant que possible aussi par les maîtres, non seulement les élèves des écoles spéciales ayant besoin d'un conseil médical particulier, mais aussi les élèves des écoles ordinaires de la même circonscription qu'il serait utile d'examiner en vue de leur passage possible dans l'école spéciale ou au sujet desquels maîtres et parents désireraient être éclairés. Il va sans dire que ces consultations, purement scolaires ou plutôt médico-pédagogiques, fonctionneraient, suivant la remarque de M. Emile Martin, sans porter aucune atteinte au droit des parents de recourir au médecin de leur choix pour les traitements à suivre.
Pour rendre ces consultations plus accessibles aux maîtres, aux élèves et aux familles, elles pourraient se faire aux heures de sortie des classes, c'est-à-dire à 1 i heures le matin ou à 4 heures l'aprè3-midi.
3° Cours spéciaux aux instituteurs. — Le système que nous préconisons pourrait être utilement complété par un enseignement médico-pédagogique fait aux élèves des Ecoles normales, par les médecins spéciaux pour la partie médicale et par les directeurs des écoles spéciales pour la partie pédagogique. Les futurs maîtres des écoles ordinaires puiseraient là des renseignements précieux en vue de l'observation et de la sélection psychiques de leurs élèves, et les futurs maîtres des écoles spéciales s'initieraient ainsi à leurs délicates et difficiles fonctions.
Telles sont les mesures qui me paraissent devoir être prises en vue de l'éducation, à Bordeaux, des enfants mentalement anormaux des écoles.
Les difficultés de diverse nature qu'entraînerait leur mise à exécution sont, au fond, moins grandes qu'elles ne paraissent. Nous sommes convaincu que notre ville peut réaliser facilement, non pas en bloc peut-être, mais par étapes successives rapides, le plan ci-dessus et être ainsi la première en France à organiser une éducation méthodique des anormaux psychiques qui existe partout à l'étranger et qui s'imposera légalement chez nous dans un avenir prochain. » (2)
(1) Il est à noter que des consultations médico-pédagogiques ont été inaugurées en 1889, dans le dispensaire pédagogique de Paris, 49, rue Saint-André-des-Arts, par le Dr Bérillon. Le dispensaire pédagogique de Paris est la première Institution de ce genre qui ait existé. Les consultations du jeudi sont très suivies. Les démonstrations y sont toujours faites devant un public nombreux de médecins et de membres de l'enseignement. (N. D. L. R.)
(2) Depuis qu'a été rédigé, pour le maire de Bordeaux, le remarquable rapport dont nous venons de reproduire les passages ci-dessus, M. le Pr Régis et ses dévoués collaborateurs ont complété leur tâche. Ils ont procédé au recensement et au classement des
RECUEIL DE FAITS
Une hystérique incendiaire pendant l'état somnambuligue
par M. le Dr A. Cullerre médecin-directeur de J'Asile de la Roche-sur-Yon.
Les actes délictueux ou criminels accomplis en l'état de somnambulisme hystérique ou de condition seconde n'existent qu'en bien petit nombre dans la littérature scientifique. Une maigre collection d'observations comporte quelques cas d'attentat à la pudeur, de vol, d'escroquerie, de meurtre. L'incendie y fait à peu près défaut. C'est pourquoi M. le D' Cullerre vient de publier (dans le Progrès Médical) un fait intéressant non seulement au point de vue médico-légal, mais plus encore peut-être au point de vue clinique et psychologique.
De la longue et minutieuse observation de la malade, ainsi que de ses écrits, il ressort que c'est dans une période d'état second, de somnambulisme délirant, en un mot, ayant duré quatre jours, qu'elle a mis le feu aux dépendances de l'habitation de ses beaux-parents.
« Deux phases bien distinctes sont à considérer dans l'existence pathologique de cette malade :
1° Celle où la symptomatologie de l'hystérie s'épanouit sous toutes les formes ; 2° les périodes intercalaires où domine la neurasthénie pure et simple : phénomènes nerveux polymorphes et incessants, troubles utérins, névralgies, céphalalgies, dyspepsie, anorexie, vomissements, myasthénie, cryesthésie, etc. Dans cet état, la mentalité ne semble pas foncièrement altérée ; la malade devient, à la vérité, morphinomane, ce qu'explique son état de souffrance habituel et sa déséquilibration nerveuse originelle, mais ses sentiments affectifs ne sont pas pervertis. Elle est convaincue, certes, qu'elle a des griefs sérieux contre son mari et la famille de ce dernier, elle juge sévèrement leur conduite et leurs procédés à son égard, mais elle ne manifeste contre eux ni haine, ni désir de vengeance. Si elle éprouve, au fond, des sentiments de ce genre, elle sait, comme toute personne normale, les dissimuler et les taire, ayant conscience de leur caractère immoral et répréhensiblc.
Dans les périodes d'hystérie, tout change : une deuxième personnalité émerge, violente, impulsive, haineuse et vindicative : une véritable
anormales psychiques dans les écoles primaires de filles ; ils ont, en outre, tondé deux classes d'anomaux qui fonctionnent bien. Tout récemment, la municipalité de Bordeaux, suravis conforme de l'autorité académique.a nommé M. le Pr Régis médecin-Inspecteur spécialiste des écoles. L'initiative bordelaise mérite d'être félicitée et encouragée ; puissent les autres villles de France suivre ce louable exemple et comprendre aussi que cesanormaux, loin de relever uniquement du pédagogue, comme on le soutien' dans certains milieux, ont besoin de l'assistance, de la surveillance et de la direction du médecin. (N. D. L. R.)
psychose se développe, sorte de folie morale où dominent alternativement les idées de désespoir, de suicide, d'homicide, et les impulsions nuisibles les plus variées. Dans cet état, qui est toujours un état second, un état de crise avec vie somnambulique, la malade se fût certainement suicidée sans la surveillance étroite qui l'entourait et malgré laquelle il s'en fallut de peu qu'elle ne réussit. Nous la voyons dérober tous les objets qu'elle suppose pouvoir lui servir pour accomplir ses desseins, clefs, couteau, aiguilles, épingles, exécuter des fugues compliquées et prolongées et enfin s'abandonner à un véritable délire de vengeance avec impulsion pyromaniaque qu'elle finit par mettre à exécution, bien qu'après un délai fort long, puisque, près de dix ans auparavant, ses écrits nous révèlent qu'elle en était déjà obsédée.
Et ainsi nous apparaît nettement le rôle de l'hystérie comme facteur de criminalité. L'hystérie, à la vérité, ne fait pas acception de caractères ni de moralités : elle se développe aussi bien dans les natures vertueuses que dans les vicieuses ; mais, si, chez ces dernières, elle peut se borner à découvrir et libérer les impulsions mauvaises, chez toutes, elle est susceptible de créer de toutes pièces par retranchement, diminution, altération de la personnalité et de l'intelligence normales, une véritable mentalité criminelle.
Pour comprendre quel était l'état de notre malade au moment où elle a commis l'incendie en question, essayons de reconstituer l'enchaînement des faits. Mme X. est chez elle assise et, tout en cousant, s'abandonne à ses rêveries habituelles, rumine son éternel chagrin : elle s'apitoie sur son propre sort, trouve sa destinée injuste, les gens qui l'entourent, odieux et coupables. Sera-t-elle toujours leur victime ? Les idées de révolte se font jour dans son esprit, puis des idées de vengeance. Comment se venger ? Les atteindre dans ce qu'ils ont de plus cher : leur fortune, leurs biens. Si tout cela brûlait, comme ils seraient punis ! Mais tout ulcérée qu'elle puisse être, toute persuadée qu'elle soit de l'immensité non moins que de la légitimité de ses griefs, elle sait qu'il est mal de se venger, elle possède en son entier le faisceau d'idées morales qui sont l'attribut commun des individus normaux : elle a aussi pleinement le sentiment de la conservation personnelle, qui la met en garde contre des actes, punis par les lois ; elle a en un mot la conscience claire de ce qu'elle est en réalité, une honnête femme au fond, épouse du fils de ces gens qu'elle hait d'une façon si exclusive, la mère de leurs petits-enfants.
Soudain, du fait de cet état émotif intense et systématisé, aidé sans doute de quelques circonstances extérieures, comme l'action de la couleur rouge, celle de l'air frais qui frappe subitement son visage, un phénomène brusque se produit : c'est une sorte de vertige, de transe, de perte rapide de connaissance dont elle revient avec une personnalité réduite, une conscience rétrécie, des fonctions psychologiques diminuées. L'idée de vengeance n'est plus désormais combattue par l'ensemble des idées antagonistes qui la neutralisent habituellement dans
la conscience normale : elle se transforme en une véritable impulsion automatique et l'acte s'ensuit.
11 semble tout à fait digne d'intérêt de noter le long espace de temps qui s'est écoulé entre l'éclosion de l'impulsion morbide dans l'esprit de Mme X.., et l'échéance de l'acte criminel. Ses écrits nous montrent que pendant plus de dix ans elle a été hantée par le désir de la vengeance et que, pendant ces dix ans, malgré les altérations incessantes de sa personnalité, malgré ses crises continuelles de délire et de somnambulisme, par suite sans doute d'une résistance obscure et tout instinctive de son être subconscient répugnant aux violences coupables, elle a résisté victorieusement à l'impulsion. Il a fallu quelque circonstance imprévue, peut-être cette sorte de fascination par le rouge qu'elle dit avoir éprouvée, avec l'action de l'air frais sur son visage au moment où elle sortait de chez elle pour que, dans un amoindrissement suprême de sa personnalité réduite à l'état d'automate, elle succombât enfin à l'obsession. »
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'nypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la société d'nypnologie et de psychologie aura lieu le mardil9 novembre à4 heures et demie sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications déja inscrites :
Dr Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité- Inscrits : Drs Voisin, Paul Magnin, Bérillon, Professeur Lionel Dauriac, Dr Félix Regnault, Dr J. Bertillon, Dr Broda.
Dr Paul Farez : Mort par émotion, inhibition, suggestion, etc.
Dr Bérillon : l° La psychothérapie graphique : mode d'action et applications ; 2° Psychologie comparée : La fascination olfactive.
D' Toulzac, médecin-légiste à Versailles : La protection des débiles mentaux contre les sévices dont ils sont l'objet dans les campagnes et dans les ateliers.
M. Lépinay, médecin-vétérinaire : Psycho-pathologie comparée : l'infanticide chez les animaux. Dr Lingbeek (de La Haye) : Les superstitions des Javanais.
Dr Coste de Lagrave : Education de la volonté et de l'intelligence par
l'auto-suggestion. Dr Maurice Block : Les tics douloureux.
Dr J. Viazemski (de Saratof, Russie) : De l'application hypnotique au traitement des maladies organiques.
Epilepsie ou hystérie ? — L'hypnotisme procédé de diagnostic.
Dans la « Presse médico-chirurgicale de Pest », M. Alexandre Ferencz rapporte le cas suivant :
Une jeune fille, âgée de 20 ans, intelligente, se présente avec le diagnostic d'épilepsie. La maladie dure depuis quatre ans. Les phénomènes sont : perte de conscience, crampes toniques, morsures de la langue, hémorragies conjonctivales, pas d'incontinence d'urine. Les accès ont lieu une ou deux fois par mois. La morsure de la langue est tellement forte un jour qu'elle laissa une grande cicatrice. On fait l'expérience suivante. La patiente est endormie, on lui dît qu'à un signe donné elle aura un accès, mais qu'elle ne se mordra pas la langue ; à un second signe l'accès cessera. Il en est ainsi. Au signal, la jeune fille s'affaisse ; dans tous les muscles apparaissent des contractions toniques ; le visage devient cyanotique au plus haut degré ; les pupilles sont élargies, insensibles à la lumière. La langue n'est pas mordue, mais il se produit une hémorrhagie dans la conjonctive. Dans ce cas l'hypnose a été très utile pour le diagnostic puisqu'il a permis d'établir l'origine hystérique de ces crises.
Un cas de bégaiement guéri opératoirement
A la Société de Laryngologie, M. Boisviel a rapporté récemment l'observation d'un enfant de six ans atteint de bégaiement qui disparut par trois fois, immédiatement après chacune des trois interventions suivantes : ablation de végétations adénoïdes et ablation d'amygdales en deux fois. Mais le défaut de prononciation reparut au bout de quelques mois. Il ne disparut tout à fait qu'après que l'auteur eut supprimé un demi-centimètre de la luette, sans anesthésie pour impressionner l'enfant.
A cette même Société M. Castex a rappelé qu'il avait déjà été publié quelques cas de bégaiement qui avait disparu à la suite de l'opération des végétations adénoïdes.
Inversement, il a vu un adénoïdien présenter un bégaiement fran-
sitoire après l'adénectomie. C'était simplement un effet nerveux.
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Le suicide chez les Eskimaux
Dans une conférence où il a fait le récit de son séjour chez les Eski-maux, M. Roald Amunsen a raconté ce qui suit :
« Pendant les longs mois que nous vécûmes avec ces indigènes, il y eut environ quatre naissances et deux décès. Ces derniers furent des suicides. Le suicide est pratiqué quand la maladie et les douleurs de viennent intolérables, et il n'est point considéré comme un crime. Leur manière d'en finir avec la vie est vraiment curieuse. Une courroie est tendue dans la hutte d'un mur à l'autre, environ à 0 m. 30 du sol. Le malade resté seul essaie de s'étrangler en appuyant la gorge centre la courroie tandis que les autres membres de la famille regardent par des trous pratiqués dans le mur. Si le patient n'arrive pas promptement au résultat désiré, un spectateur vient l'aider et presse sa tête contre la courroie. »
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie.
Ecole oe Psychologie. Cours. — Les cours de l'Ecole de psychologie reprendront le lundi 8 Janvier 1908, à cinq heures, au siège de l'Ecole, 49, rue Saint-André-des-Arts. Le programme détaillé des cours sera publié dans le prochain numéro. Les cours et les conférences sont publics.
L'enseignement, portant sur toutes les branches de la psychologie,
comprendra les cours suivants pour l'année 1908 :
Hypnotisme thérapeutique...... m. le Dr Bérillon, professeur.
Hypnotisme expérimental...... M. le Dr Paul Magniz, professeur.
Hypnotisme sociologique...... M. le D Félix Regnault, professeur.
Psychologie pathologique...... M. le Dr Paul Farez, professeur.
Psychologie des dégénérés...... M. le Dr Blvet-Saxglé, professeur.
Science de l'éducation....... M. Caustier, agrégé de l'Onion, professeur.
Anatomie et Psychologie comparées. M. Grollet, médecin-vétérln., professeur.
Psychologie des animaux ...... M. Lèpinay, médecin-vétérin., professeur.
Psychologie générale........ M. Lionel Dauriac, professeur.
Psychologie musicale......... M. le Dr R. Pamart, professeur.
Psychologie des peuples...... M. le Dr R. Broda, professeur.
Psychologie et moral sexuelles ... M. le Dr Mayoux, professeur.
Psychothérapie(cours annexe de Lille) M. le D* Paul Joire.
Conférences psychologiques. — Les conférences psychologiques hebdomadaires auront lieu les lundis à 5 heures, à partir du lundi 8 janvier. Le programme détaillé paraîtra dans le prochain numéro. Conférences cliniques.— Les conférences clinique sur les applications de l'hypnotisme à la psychothérapie et à la pédagogie ont repris le jeudi 7 novembre. Elles seront données par MM. les Drs Bérillon, Paul Magnin. Paul Parez et R. Pamart. On s'inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue St-André-des-Arts : les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont invités à y assister.
L'Administrateur-Gèrant ; Ed. BÉRILLON.
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. — N° 6.
Décembre 1907.
BULLETIN
Huitième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie. — La bibliothèque Charcot à la Salpétrière. — La volonté de vaincre.
La huitième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie aura lieu le jeudi 9 janvier, à cinq heures, sous la présidence de M. le D.r Brissaud, professeur à la Faculté de médecine, médecin de l'Hotel-Dieu.
La leçon d'ouverture sera faite par le professeur Ubeyd Oullah, de Constantinople : elle sera commentée par le Dr Bérillon.
Restant fidèle à son programme, l'Ecole de psychologie a décidé de mettre à l'ordre du jour de cette réunion, une question qui intéresse tous les esprits animés de l'amour du progrès. Il s'agit de savoir dans quelles limites, en dehors de toute question politique ou religieuse, un gouvernement absolu a le droit de mettre obstacle à la vulgarisation des conquêtes de la science moderne. Peut-on admettre qu'il y ait, à notre époque, des populations civilisées chez lesquelles le fait de s'intéresser aux applications usuelles de l'électricité, de la chimie, de la mécanique et des diverses sciences positives, soit considéré comme un crime de lèse-majesté ? La faculté de cultiver son intelligence, et de la faire bénéficier des découvertes scientifiques, n'est-elle pas un droit primordial auquel tout homme peut légitimement prétendre ? Telle est la question qui sera soulevée parM. le professeur UbeydOullah qui, en Turquie, a occupé de hautes fonctions universitaires, dans une étude qui aura pour titre : Le désaccord entre la morale du Coran et la politique musulmane.
Cette année, l'enseignement de l'Ecole sera continué par MM. les Drs Bérillon, Paul Magnin, Felix Regnault, Paul Farcz, Binet-Sanglé, Mayoux, R. Pamart, Broda et MM. les professeurs Lionel Dauriac et Caustier ; MM. Lépinay et Grollet qui se partageront les études de psychologie comparée.
Les cours seront complétés par des conférences hebdomadaires qui auront lieu les lundis à cinq heures. Comme les années précédentes, les sujets de ces conférences se rapporteront aux questions psychologiques les plus variées et seront traités par les personnalités les plus auto- risées.
L'enseignement de l'Ecole de psychologie est public. Il s'adresse aux médecins, aux étudiants et à tous les esprits désireux de suivre les acquisitions scientifiques réalisées dans le domaine de la psychologie
positive et de la sociologie. Les lecteurs de la Revue de l'hypnotisme sont personnellement invités à suivre les cours et les conférences de l'Ecole de psychologie.
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La semaine dernière a eu lieu à la Salpêtrière, l'inauguration de la bibliothèque Charcol. Obéissant à une pensée pieuse, le Dr Jean Charcot a offert à la clinique des maladies nerveuses de la Faculté l'importante collection que son père avait réunie dans le cours de sa laborieuse carrière. Les élèves de la Salpêtrière trouveront dans cette bibliothèque admirablement organisée, et dont l'arrangement reproduit le cabinet de travail de Charcot, la possibilité de poursuivre les études de neurologie et de psychologie auxquelles il a donné une géniale impulsion.
Le ministre de l'instruction publique, M. Briand, présidait la cérémonie qui avait groupé les amis du maître et les médecins de la Salpêtrière. Dans d'éloquents discours, le Dr Jean Charcot, le professeur Raymond et M. Mesureur ont évoqué le souvenir du grand disparu.
Grâce à la fondation qui vient d'être faite, quelque chose de sa personnalité survivra. La Revue de l'hypnotisme s'en félicite. Charcot lui fit l'honneur de lui accorder ses encouragements ainsi que sa collaboration. Jusqu'à sa mort, il a collectionné nos fascicules. Nous nous ferons un devoir de mettre à jour la collection d'un journal qui n'a jamais cessé de s'inspirer de son enseignement et de ses doctrines.
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Un des officiers les plus remarquables de l'armée russe, le colonel Novitsky, vient de publier dans la Nouvelle Revue une étude des plus captivantes sur les péripéties de la guerre russo-japonaise.
Après avoir exposé que dans les deux armées, il y avait égalité dans le courage, égalité aussi dans le déploiement de l'énergie physique, qui fut poussé jusqu'à l'épuisement total, le colonel Novitsky démontre que si l'armée japonaise a triomphé, c'est qu'elle était animée d'une volonté de vaincre supérieure.
En traits d'une profondeur poignante et tragique, il montre l'armée japonaise étreignant l'armée russe, puis la dominant par une sorte de fascination hypnotique.
Les Russes, après avoir déployé des prodiges de ténacité héroïque, se laissèrent obséder, halluciner par l'attaque enveloppante du général Nogi, qui « de jour en jour prit le caractère d'un effort plus puissant, plus décisif, grâce à son action sur le moral de l'ennemi ».
Au lieu de se concentrer pour foncer droit sur l'ennemi et le couper en deux, les Russes s'éparpillèrent peu à peu vers la direction menacée, « en dépareillant tous leurs corps et en les égrenant du front jusqu'à l'arrière dans un va-et-vient perpétuel ».
« Ce n'est pas le 25, affirme le colonel Novitsky, jour de la retraite vers le Nord, que notre défaite prend date ; elle était, en réalité, consommée bien plus tôt ; elle remonte au jour où la manœuvre enveloppante
en prenant à nos yeux une importance démesurée, nous maintint litté-ralement hypnotisés, frappés de stupeur, hantés de l'apparition de l'ennemi sur notre ligne de retraite. »
On remarquera l'expression « hypnotisés » employée par le colonel russe. C'est un mot qui revient souvent sous sa plume, tant il le trouve exact pour caractériser l'espèce de suggestion imposée aux troupes russes par la volonté japonaise. A cet égard, d'ailleurs, la conclusion du colonel est particulièrement catégorique :
« Sans un plan directeur, écrit-il, sans une idée maîtresse, sans une heureuse initiative, nous n'avons pas cessé de nous soumette, d'un bout à l'autre de la bataille, à la volonté de l'ennemi. »
Par de nombreux exemples tirés de l'histoire, non seulement des guerres, mais aussi des assemblées politiques, il était facile de mettre en lumière l'ascendant que des groupes d'hommes ont exercé sur d'autres groupes d'hommes. Il serait aussi facile de trouver l'explication de ces faits d'hypnotisation collective, dans la puissance qui résultait chez les uns d'un idéal qui faisait défaut chez les autres. Dans tous les temps la première condition du succès a résidé dans la volonté de vaincre. C'est pour avoir méconnu cette vérité d'ordre essentiellement psychologique que les plus grandes nations ont perdu leur puissance et connu l'humiliation de la défaite.
Influence de la culture physique sur le caractère, sur le moral, sur la race
par M. le Dr E. Spehl professeur à l'Université de Bruxelles
En parcourant les horaires de nos établissements officiels d'enseignement moyen, on a l'impression que, pour leurs auteurs, il doit y avoir une incompatibilité fondamentale et irréductible entre les études humanitaires et le développement rationnel du corps.
Ce qui aggrave encore la situation, c'est que les professeurs imposent à leurs élèves tant de travaux à domicile, que les jeunes gens consciencieux sont occupés presque tous les jours, de huit heures du matin à neuf heures ou dix heures du soir, et cela sans avoir pu consacrer un moment à la gymnastique ou aux jeux de plein air !
Que nos fils soient pâles et chétifs ; qu'ils présentent un thorax rétréci et déformé ; que leur système nerveux soit prématurément fatigué et déprimé... peu importe, pourvu qu'ils aient absorbé (je ne dis pas « digéré ») le nombre de vers grecs et latins fixé par la routine... commes'il était vraiment impos-
sible de concilier de bonnes et solides études humanitaires avec une culture physique normale et rationnelle !
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Ce sont là des erreurs et des préjugés contre lesquels il est grand temps de réagir énergiquement ; car, aujourd'hui plus que jamais, les hommes de tous les pays, ceux qui exercent une profession libérale comme les autres, doivent être fortement trempés au physique et au moral, s'ils veulent être capables de soutenir la lutte pour l'existence, toujours plus rude et plus âpre ; et j'ajouterai que cette nécessité est plus grande peut-être en Belgique que partout ailleurs, par suite de la densité exceptionnelle de la population.
« Nous devons nous efforcer de réagir contre un enseignement où l'on se borne à former des érudits, sans songer à éduquer physiquement et moralement sans songer à former des hommes d'action » (commandant Lefébure)
Les fondateurs du Ling Universitas ont l'insigne honneur d'avoir créé le premier cercle d'éducation physique parmi la jeunesse universitaire, et ainsi ils sont les promoteurs de l'œuvre de régénération si urgente à accomplir. Je les félicite chaleureusement, et j'espère voir leur exemple suivi bientôt, non seulement dans toutes les Universités belges, mais encore (si la chose est possible) dans tous nos établissements d'enseignement moyen, en attendant que les pouvoirs publics se chargent eux-mêmes de cette partie si importante de l'éducation.
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L'exercice physique s'impose à tous les jeunes gens, mais il est surtout nécessaire à ceux qui se destinent aux études supérieures.
En effet, le séjour prolongé dans les classes ou dans les salles de cours les condamne à une immobilité tout à fait anormale et les oblige à respirer, pendant de longues heures, un air confiné éminemment toxique et particulièrement dangereux à l'époque de la croissance. Ces conditions défectueuses portent le plus grand préjudice au développement du corps et à toutes les fonctions physiologiques, -principalement à la digestion, à la respiration et à la circulation ; comme conséquence, le fonctionnement du système nerveux lui-même, et notamment le travail cérébral et la faculté d'attention, sont considérablement entravés et amoindris.
Si l'on ajoute à cela les attitudes vicieuses prises par les élèves, soit pour écrire, soit simplement pour écouter la leçon, défauts qui sont encore augmentés par la fatigue, on s'aperçoit bien vile que ces divers inconvénients doivent être corrigés par des exercices physiques rationnels.
Il est d'observation constante, d'ailleurs, dans les conseils de revision, que la proportion des sujets impropres au service militaire est beaucoup plus grande parmi les jeunes hommes faisant des études universitaires que parmi ceux qui, appartenant à la même classe de la société, ont quitté l'école de bonne heure pour se livrer aux professions manuelles, au commerce ou à l'industrie.
C'est donc surtout aux Etudiants que les exercices du corps sont indispensables, et ils devraient s'y adonner dès le début de leurs études moyennes.
Mais, dans notre pensée, il ne s'agit pas d'ajouter simplement quelques heures d'exercies physiques aux programmes, tels qu'ils sont conçus actuellement. Non ! Ce serait là une mesure trop naive et qui ferait plus de mal que de bien, car un travail physique, joint à un surmenage intellectuel, loin de corriger celui-ci, ne fera que l'aggraver : deux fatigues s'additionnent et ne se neutralisent pas.
Il faudra donc alléger les programmes déjà trop encombrés, supprimer une partie du travail intellectuel et y substituer un exercice physique approprié,,rétablissant l'équilibre physiologique.
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La situation actuelle est d'autant plus extraordinaire que, depuis toujours, les pédagogues les plus éminents, les psychophysiologistes, les médecins praticiens sont unanimes à affirmer non seulement que l'exercice est nécessaire au développement physique, mais encore et surtout que le développement intellectuel et l'éducation morale nécessitent normalement un développement physique parallèle !
« L'homme est une intelligence servie par des organes », a dit Bonald. Demolins dit aussi : « Une éducation bien entendue ne doit négliger ni l'esprit, ni le corps, car ces deux éléments sont inséparables dans l'homme, et l'homme doit être également maitre de l'un et de l'autre. Il ne faut sacrifier ni l'esprit au corps, ni le corps à l'esprit, mais établir, autant que possible, entre les deux, un juste et bel équilibre » (1).
(1) Demolins. L'éducation nouvelle, p. 182.
Cette loi si simple et si importante avait été démontrée, bien longtemps auparavant, par l'illustre Spencer, dans son beau livre sur « l'Education de la jeunesse ».
Voici comment il s'exprime, à propos du système consistant à accumuler dans le cerveau une trop grande somme de connaissances, au détriment du développement physique : « Fût-il (ce système) approprié au développement vrai de l'intelligence ce qui n'est pas, il serait encore mauvais, parce que, ainsi que nous l'avons vu, il est fatal à cette vigueur physique, qui est nécessaire pour que la culture intellectuelle devienne un avantage dans le combat de la vie. Ceux qui, dans leur préoccupation exclusive de développer l'esprit, négligent les intérêts du corps, ne se souviennent pas que le succès de ce monde dépend plus de l'énergie que des connaissances acquises, et que c'est aller au devant de sa propre défaite que de ruiner sa constitution par l'excès de travail intellectuel.
« La volonté forte, l'infatigable activité, dues à la vigueur physique, compensent, dans une grande mesure, même des lacunes importantes de l'éducation ; et, quand on les réunit à cette culture suffisante qu'il est possible d'obtenir sans sacrifier sa santé, elles assurent à celui qui les possède une victoire aisée sur des concurrents affaiblis par un excès d'étude, fussent-ils des prodiges de science. »
Plus loin, il dit encore :
« Nous soutenons donc que cette culture forcée est vicieuse de toutes les manières : vicieuse parce qu'elle ne fait acquérir à l'homme que des connaissances qu'il ne tarde pas à perdre ; vicieuse parce qu'elle néglige l'organisation des connaissances, organisation qui vaut plus que les connaissances mêmes ; vicieuse parce qu'elle affaiblit ou détruit cette vigueur sans laquelle l'éducation intellectuelle est inutile ; vicieuse, parce qu'elle amène cette mauvaise santé, à laquelle aucun succès dans le monde ne pourrait servir de compensation, et qui rend l'insuccès doublement amer. »
Reprenant une boutade humoristique et profonde du philosophe américain Emerson, Herbert Spencer dit autre part : « La première condition du succès dans ce monde, c'est d'être un bon animal, et la première condition de la prospérité nationale, c'est que la nation soit formée de bons animaux.. »
Il conclut en ces termes :
« ... Notre éducation est devenue presque exclusivement intellectuelle. Au lieu de respecter le corps et de négliger l'es-
prit, comme dans les temps primitifs, nous respectons l'esprit et nous négligeons le corps. Ces points de vue exclusifs sont mauvais l'un et l'autre. Nous n'avons point encore compris cette vérité que, puisque la vie physique est le fondement nécessaire de la vie intellectuelle, l'intelligence ne doit point être développée aux dépens du physique. Les deux conceptions de l'éducation, l'ancienne et la moderne, doivent se combiner ; ... le corps et l'esprit doivent devenir l'objet d'une égale sollicitude, »
Tels sont les principes formulés par Spencer il y a plus de cinquante ans ; à cette époque, les jeux et les sports étaient cependant pratiqués depuis de longues années en Angleterre, puisque le duc de Wellington, visitant le célèbre collège d'Eton, vers 1850, disait déjà : « C'est sur les champs de football que les Anglais ont appris à gagner la bataille de Waterloo. »
Les idées de Spencer, devenues classiques en Angleterre, ont sans doute beaucoup contribué au magnifique épanouissement de l'éducation physique que l'on constate dans ce pays. Tous les sports y sont en grand honneur ; les élèves de tous les collèges et de toutes les universités s'y livrent avec enthousiasme, et partout l'on rencontre de nombreuses plaines de jeux.
« Voulez-vous cultiver votre intelligence, écrivait J. -J. Rousseau, cultivez les forces qu'elle doit gouverner. Exercez continuellement votre corps, rendez-le robuste et sain, pour le rendre sage et raisonnable ; qu'il agisse, qu'il coure, qu'il crie, qu'il soit toujours en mouvement ; qu'il soit homme par la vigueur, il le sera bientôt par la raison. »
C'est, en fin de compte, la confirmation du vieil adage latin : « Mens sana in corpore sano. »
***
I
Les exercices corporels contribuent aussi très efficacement à former le caractère.
Platon disait : « Dans les exercices du corps, les jeunes gens se proposeront surtout d'augmenter leur torce morale, plutôt que d'accroître leur vigueur physique. »
D'après Ling, l'illustre créateur de la gymnastique suédoise : « Beaucoup de défaillances dans la vie sont causées par la faiblesse physique ; aussi les enfants doivent-ils faire chaque jour des exercices physiques et un travail manuel. On en
sent le besoin pour donner de l'énergie à tout le corps et pour diminuer sa sensibilité, qui provient du surmenage intellectuel et de là vie trop sédentaire. »
Parlant des universités anglaises et américaines, le commandant Lefébure dit avec raison : « Voilà comment une nation forme non seulement des érudits, mais des hommes et des caractères, des volontés et des énergies. » (A suivre).
SOCIÉTÉ D'HYPNOLQGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle de Juin 1907. — Présidence de M. le D' Jules Voisin {fin)
Enfants Idiots et arriérés dans l'iconographie antique,
par M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie. W
Dans l'art égyptien antique, les nains ont été reproduits fréquemment. Ils avaient un rôle important, vivant dans le palais du roi et dans ceux des riches et des puissants. A cette époque, leurs fonctions ne se bornaient pas, comme plus tard, au moyen-âge et pendant la Renaissance,
Fig. 37. — Un nain serviteur du roi. Tombeau de Saqqarah.
à être des bouffons. Sur les peintures décoratives des tombeaux de Mi-Phtah-Hotep et Khou-Hotep à Saqqarah, on les voit employés au service de la meute et des bijoux. Ils conduisent des singes (Fig. 37), des lévriers, malaxentl'or(Fig. 38),fabriquentdescolliers. Au contraire, les serviteurs préposés aux ventes et les souffleurs qui aident les nains
Fier. 38. — Nains des tombeaux.
à faire fondre l'or dans les creusets sont des sujets normaux, de grandeur naturelle.
- Ceci nous explique une tradition ancienne qui veut que les travailleurs de métaux soient des êtres difformes et anormaux ; plus tard, les Grecs eurent pour dieu des forgerons Vulcain, qui était boiteux et contrefait.
Parmi ces nains de cour, nous n'en relevons qu'un seul bossu (mal de Pott cervico-dorsal) qui promène un lévrier (Fig. 39) ; tous les autres sont trapus, vigoureux, aux membres courts, au corps bien développé.
Il est difficile de leur imposer un diagnostic, car ils sont dessinés à grands traits, avec une face selon le type conventionnel de l'époque, front fuyant qui prolonge la ligne du nez.
Mais deux de ces nains, représentés debout, en train de fabriquer un bijou, laissent voir "des jambes courtes et arquées et une ensellure lombaire accentuée ; on reconnaît là les caractères de l'achondroplase (Fig. 40).
Rapprochons de ces nains serviteurs un autre reproduit par Hip. Rosselîni dans les monuments de l'Egypte et de la Nubie (Fig. 41). Char-cotet P. Richer l'ont étudié comme la plus ancienne reproduction de
Fig. 39. — 3Ial de IV. : ccrvico-dorsal.
pied bot. « Il prouve, nous disent-ils, que les Egyptiens, qu'on s'imagine trop aisément esclaves d'une formule, savaient au besoin voir la nature et lacopier au point d'en reproduire très exactement jusqu'aux difformités ». (Les difformes et les malades dans l'art, p. 20).
Un autre nain du palais, Nam Hotep, chef des parfums ou maître de la garde-robe (Maspéro) pendant les premières dynasties, nous a laissé sa statue qui provient d'une des plus belles nécropoles de Saqqarah (Fig. 42).
Charcot en avait fait un rachitique ; aujourd'hui que l'on connaît l'achondroplasie, on retrouve plusieurs caractères de cette maladie.
Nam-Hotep a un corps vigoureux, des bras petits et trapus, des jambes courtes et torses, une ensellure prononcée. De plus, sa tète nue, où quelques cheveux rares sont dessinés, a une forme bizarre en cône à sommet reporté en arrière et en haut. C'est une déformation acquise qui rappelle la déformation crânienne provoquée par l'usage d'une coiffe dont le lien serre trop la tète.
De telles déformations étaient fréquentes en Egypte comme elles le furent longtemps chez nous dans la campagne toulousaine.
D'autres exemples de déformation crânienne se retrouvent dans l'art égyptien. Ainsi, un esclave sculpté, formant le manche d'une cuillère en bois (Musée du Louvre, XVIII" dynastie), a le front déprimé, et la tète rasée s'élève en pain de sucre. On y reconnaît la déformation pratiquée encore par les sauvages en serrant la tète entre deux planches, Tune placée au front et l'autre à l'occiput.
Une autre statuette en bois de 15 centimètres de longueur, probablement de la môme époque, représente un nègre au front aplati et aux
Fig. 40. — Nains achondroploscs avec enscllure cl jambes arquée ».
arcades sourcilières saillantes. Une autre plus petite, toujours au Musée du Louvre, offre une déformation analogue.
Sur le tombeau de Rakhmiri, d'après Maspero, plusieurs Sémites offrent le même aspect. La pratique du serre-tète devait être fréquente en Syrie ; elle existe encore en certaines parties de ce pays.
Revenons aux nains. Les deux naines royales du bas-relief du temple de Der-El-Bahari méritent une mention particulière. Parihou, roi de Poun, s'avance le premier porteur d'un boumerang : il parait normal.
Klg. 4L — La première représentation de pied bol.
Sa femme Ati, qui le suit, a un corps d'une longueur excessive sur des jambes courtes et épaisses. Les fesses sont énormes et proéminentes, les reins cambrés, le corps porté en avant. Les membres supérieurs sont relativement plus développés, le front est haut, droit, à pic. Cette naine a exercé la sagacité des historiens (Fig- 43).
On a prétendu qu'Ati était une Bushman dont la stéalopigie caractérise la race (Mariette, Quatrefages, etc.), et, sur ce diagnostic, on a bâti force théories. Mais les femmes hushmen ont les membres longs ; elles
n'ont pas de lordose et se tiennent droites ; la graisse se cantonne dans les fesses ; tandis qu'Ati est obèse de tout le corps ; son ventre forme des plis graisseux. Or, l'obésité est fréquente chez l'achondroplase ; et c'est là le diagnostic qui s'impose. Si on compare Ati à une femme achon-droplase adulte, la ressemblance est frappante.
Fig. 42. — Nam-Hoich, le chef do la garde-robe.
Dans un registre inférieur, la fille de la reine présente le même aspect ; elle ne se distingue de sa mère que parce que les deux bras sont fléchis, tandis que la reine Ati fait de la main gauche une salutation. Le bas-relief égyptien nous fournit donc le plus ancien exemple d'hérédité achon-
Flg. 43. — La reine de Pouq- Cest une achondroplas* ; comparer au sujet vis-à-vis.
droplase. Le fait est piquant si on songe que l'hérédité de cette maladie est encore mise en doute par certains auteurs.
Les Egyptiens avaient oui dire qu'une race de nains, les pygmées, vivaient dans les forêts de l'Afrique centrale. Nous avons retrouvé de nos jours ces Akkas. Nous les connaissons encore fort mal, et ne savons décider à quelle race nous avons affaire. Les anciens ne devaient pas les mieux reconnaître que nous, mais ils n'étaient pas embarrassés pour
les représenter. Nous possédons de nombreuses reproductions de ces pygmées, surtout dans l'art grec et romain. Ce sont aussi des petits trapus rappelant les serviteurs achondroplases des palais des rois égyptiens (Fig. 44).
La pathologie. l'art et l'histoire doivent s'entr'aider : leurs recherches si différentes aideront à comprendre ce qu'étaient deux dieux égyptiens fort bizarres : Phtah et Bès.
Fig. 44. — Les pygmées combaïuoi les grues.
Parrot, en 1878, reconnut le premier que Phtah embryon était un achondroplase aux membres courts, à l'aspect trapu, avec saillie des fesses et ensellure exagérée, enfin à l'encéphale volumineux, débordant de toutes parts sur une base trop petite.
Le monstrueux dieu Bès est au contraire un crétin myxœdémateux (Fig. 45).
Il présente un gros ventre, une face large, un nez écrasé, une tête enfoncée dans le cou, des membres courts, des jambes arquées, des
Fig. 45. — Le Dieu Dca.
doigts de la main formés par des boudins égaux ; -il a l'aspect bestial exprimé par un front fuyant, un crâne bas} des oreilles larges, non ourlées, écartées de la tète. L'œdème se devine sur cette face lunaire aux joues enflées, aux lèvres épaisses et saillantes, surtout l'inférieure. La langue volumineuse, qui fait saillie hors de la bouche entr'ouverte, est caractéristique du myxœdème, ainsi que la calvitie et le manque de sourcils à la partie externe de l'arcade orbitaire. Pourquoi les Egyptiens ont-ils pris un crétin pour dieu de la joie, de
l'amour, de la musique et de la danse et même à ce titre souvent représenté sur les toilettes des dames ? Les crétins sont encore de nos jours respectés et vénérés, car on croit qu'ils portent bonheur. Les Egyptiens devaient avoir cette superstition ; aussi ont-il pris ce monstre comme symbole de la vie heureuse.
Les enfants indisciplinés : procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables,
par M. le docteur Bbrjllon, professeur à l'Ecole de psychologie, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés.
Il est peu de personnes chez lesquelles on n'ait, dans le cours de leur enfance ou de leur adolescence, constaté des dispositions plus ou moins accentuées à l'indiscipline. Les périodes auxquelles se manifeste l'esprit d'opposition à l'influence des parents et des maîtres, correspondent le plus habituellement à des poussées de croissance. On les observe de douze à vingt ans chez les jeunes gens. Leur apparition est plus précoce chez les filles et elles s'atténuent plus rapidement. Ces dispositions à l'indocilité coïncident d'une façon évidente avec l'apparition des signes de la puberté. Elles sont si caractéristiques, que l'on désigne souvent la période où ils sont le plus accentués sous le nom de l'âge ingrat. Des enfants et des adolescents, qui s'étaient montrés jusqu'alors assez dociles, deviennent irritables et raisonneurs. Sous l'influence de la moindre contrariété, du moindre obstacle à leurs désirs, ils s'énervent et se mettent en colère.
Cette disposition d'esprit peut être définie d'un mot : Virnpulsivilé. C'est de cette impulsivité que résulte l'indiscipline. En effet, la discipline ne peut exister chez un sujet qu'autant qu'il aura acquis le pouvoir de résister à ses impulsions instinctives.
Chez certains sujets, l'impulsivité est liée à des troubles du système nerveux tels que la chorée, l'épilepsie, l'hystérie confirmée. Elle peut être considérée comme faisant partie du cortège symptomatique de ces névroses et comme intimement liée à l'aboulie qui en est le caractère dominant.
Mais dans le plus grand nombre de cas, les causes de l'impulsivité et de l'indocilité ne doivent pas être rattachées à des affections du système nerveux. C'est au contraire à des affections générales qu'il faut en faire remonter l'origine.
En effet, dans toutes les maladies de l'enfance, parallèlement à la ¦symptomatologie clinique évolue une symptomalologie purement psychologique, dont l'importance a été méconnue jusqu'à ce jour.
Dans la pratique courante, le médecin appelé à donner ses soins à un enfant s'empresse de pourvoir au plus pressé. Il se préoccupe fort légitimement de sauvegarder d'abord l'existence. Si la maladie ne met pas la vie de l'enfant en danger, il institue une médication efficace contre les divers symptômes, et n'apporte aux troubles psychologiques
qu'une attention secondaire, convaincu que les mauvaises dispositions de l'esprit, nées de la maladie, disparaîtront avec lescauses qui leur ont -donne naissance.
Malheureusement, c'est le contraire qui arrive. Une maladie, surtout si elle se prolonge quelque peu, laisse toujours dans l'état mental de l'enfant des séquelles mentales qui affectent et modifient profondément la personnalité psychologique.
C'est surtout dans le cours des maladies capables d'inspirer quelque inquiétude à la famille que s'organisent insidieusement ces élatsde . conscience anormaux que l'on désigne sous les divers noms d'irritabilité, d'instabilité, de paresse, d'impulsivité à la colère, d'indocilité en un mot.
De cet état de choses, le médecin ne saurait être rendu responsable. Les conditions dans lesquelles il intervient ne lui permettent pas de faire mieux.
Un grand nombre de parents, lorsque leurs enfants sont atteints d'unemaladie présentant quelque gravité, s'ingénient à éviter à leur progéniture tout ce qui peut ressembler à une contrariété. Aveuglés par une affectivité irréfléchie, ils poussent jusqu'aux limites les plus extrêmes la tolérance à l'égard de leurs fantaisies.
Ce n'est que plus tard, lorsque la maladiea cessé de motiver leur effroi, qu'ils commencent à se préoccuper des défauts qu'ils ont encouragés et dont ils sont devenus les premières victimes.
L'exemple suivant constitue une démonstration des plus frappantes de ce que je viens d'énoncer. Dans le cours de 1906, une jeune dame de Charlevillc amenait à ma consultation une petite fille de deux ans et . demi qui, depuis plusieurs mois, faisait preuve d'un caractère des plus irritables.
Cette enfant, qui jusqu'alors s'était montrée affectueuse, docile et gaie, fut atteinte d'une rougeole assez grave. La mère, justement inquiète, . s'ingénia à satisfaire des exigences auxquelles elle n'attacha d'abord aucune importance. Elle en arriva progressivement à céder à tous les caprices de sa petite fille. La guérison survenue, l'enfant avait conservé l'habitude de crier dès qu'on cessait de s'occuper d'elle. Elle en arrivait à de tels accès de fureur qu'elle en devenait violacée et en perdait connaissance. Pour éviter le retour de ces crises, la mère, vivant dans une inquiétude perpétuelle, ne cessait de porter, l'enfant dans ses bras. Du matin jusqu'au soir, elle n'était occupée que de jouer avec elle et de lui chanter des chansons. Pendant la nuit, l'enfant ne dormait que si elle avait la tête appuyée sur le bras de sa mère, à laquelle elle ne permettait pas de faire le moindre mouvement. Le sommeil était d'ailleurs extrêmement troublé. Les caprices s'étendaient à l'alimentation, et il était devenu très difficile de la nourrir d'une façon raisonnable, car elle exigeait constamment des gâteaux et des mets sucrés qui provoquaient des indigestions.
Enfin, la mère comprenant que la santé de l'enfant ne pourrait long-
temps résister à un pareil régime, me demanda d'intervenir avec toute la fermeté nécessaire.
Le traitement psychothérapique fut des plus simples. 11 dura quinze jours. Après avoir invité la mère à passer dans une pièce voisine et 4 ne. pas s'émouvoir des cris de son enfant, j'installais lapetite fille dans un fauteuil à côté de moi et je lui affirmais qu'elle ne reverrait sa maman que lorsqu'elle aurait dormi bien tranquillement.
Les premiers jours, les cris se prolongèrent pendant quelques instants ; elle ne tarda cependant pas à s'assoupir. Au bout de trois à quatre jours, elle s'endormait presque instantanément, alors je m'approchais d'elle et sans qu'elle s'éveillât je lui affirmais qu'elle cesserait de se montrer aussi exigeante, qu'elle deviendrait obéissante et gaie. Tout en la maintenant dans le sommeil, j'exigeais d'elle qu'elle m'en fit la promesse formelle. Nous ne tardâmes pas à devenir d'excellents amis. La transformation désirée s'est opérée très rapidement. La mère, ayant reçu la suggestion de se montrer désormais plus énergique, repartit en emmenant son enfant absolumenttransformée au point de vue du caractère. 11 y a plus de dix-huit mois que la guérison de l'enfanta été obtenue. Très intelligente, l'enfant a-, conservé le souvenir de son voyage à Paris. Elle se montre fort gentille et parle avec sympathie du médecin qui sait rendre les enfants bien sages.
*
A côté de ces cas nombreux où un état pathologique a été le point de départ de l'indulgence exagérée des parents, il en est d'autres, non moins fréquents où cette cause ne peut même pas être invoquée. Beaucoup de parents font preuve d'une telle faiblesse à l'égard de leurs enfants que ceux-ci sont, pour ainsi dire, élevés à l'école de l'indocilité. Le fait est surtout frappant lorsqu'il s'agit d'enfants élevés par des grands-parents. Cela est si vrai que lorsqu'on me présente au dispensaire pédagogique de la rue St-André-des-Arls, un enfant chez lequel la disposition à la désobéissance est devenu un état habituel, je n'hésite pas à déclarer que cet enfant a dû être élevé par des grands-parents. Les réponses qui me sont faites viennent toujours confirmer ma supposition.
L'explication de cette fâcheuse influence exercée par les grands-parents sur le caractère des enfants pourrait être mis sur le compte d'une exagération de l'affectivité qui les porte à une indulgence quelque peu excusable. A cette cause j'en ajouterai une autre plus certaine qui réside dans un affaiblissement, fréquent chezlesveillards, delà force physique, et de l'énergie morale. C'est par défaut de résistance dans la lutte qu'ils ont à soutenir contre des organismes jeunes et portés â l'activité, que les grands-parents cèdent et s'inclinent devant les volontés de l'enfant confié â leurs soins.
* *
La suggestibilité, la réceptivité aux idées ambiantes sont le propre de l'enfance. Les idées bonnes et les idées mauvaises y trouvent donc
un terrain également favorable. I ! faut, par conséquent, convenir que les suggestions de l'entourage jouent un rôle prépondérant dans la formation du caractère de l'enfant.
Lorsqu'on se trouve en présence d'un enfant indocile, se montrant rétif, porté à la désobéissance, on doit d'abord se demander si ces dispositions d'esprit ne résultent pas de l'influence exercée sur son esprit par de mauvais exemples ou de mauvais conseils. Comme l'a dit justement Jean-Jacques Kousseau, le caprice des enfants n'est jamais l'ouvrage de la nature, mais celui d'une mauvaise discipline.
Cela est aussi vrai, pour les enfants dont la tendance à l'indiscipline a son point de départ dans une mauvaise éducation, que pour ceux dont l'impulsivité est symptomatique d'une névrose.
Chez les enfants atteints d'hystérie, d'épilepsie, de chorée et même de dégénérescence mentale, l'indocilité n'est pas fatalement causée par l'état pathologique, elle peut également être rattachée à des vices de l'éducation. En effet, l'éducation doit être d'autant plus ferme que les dispositions de l'enfant à l'impulsivité sont plus apparentes ; or, c'est généralement le contraire qui arrive, les enfants atteints de troubles nerveux étant souvent, par cela même, privés des bienfaits de l'instruction scolaire et de l'éducation collective.
Quand l'indocilité est confirmée, quand l'enfant se montre véritablement réfractaire à la direction familiale ou scolaire, il convient, pour le transformer, de recourir à des procédés médico-pédagogiques, au premier rang desquels il faut placer la suggestion hypnotique. Par elle, dans l'état d'hypnose, il devient possible de cultiver le réflexe de l'obéissance qui, par beaucoup d'aspects, présente des analogies frappantes avec le réflexe de la suggestibilité. Xous avons donné à nos procédés de rééducation psychologique le nom de méthode hypno-pédagogiqxie, parce que l'emploi de l'hypnotisme en constitue l'élément fondamental. Les enfants indociles et insociables à l'état de veille, deviennent immédiatement malléables et éducables dès que l'on a pu obtenir chez eux la production de l'état d'hypnotisme. 11 est môme très remarquable de constater avec quelle intensité le réflexe d'obéissance se manifeste, dans l'état d'hypnotisme, chez des sujets qui, à l'état de veille, en paraissaient dépourvus. C'est ce qui explique la nécessité de recourir à la production de l'état d'hypnotisme qui permet d'accentuer la puissance des suggestions et d'en augmenter l'efficacité- A la culture du réflexe de l'obéissance, il convient d'ajouter d'autres interventions suggestives. En particulier, il faudra, par des suggestions appropriées modifier les dispositions à la vanité et à un certain égoisme dans lesquelles l'indocilité trouve son principal fondement.
Dans la grande majorité des cas, le traitement par la suggestion hypnotique peut être effectué dans le cabinet du médecin, mais il est des circonstances dans lesquelles il est absolument nécessaire de séparer
l'enfant de son milieu habituel et de traiter dans un établissement médico-pédagogique.
Dans l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil, où l'on associe à la suggestion hypnotique les procédés de culture physique, intellectuelle et morale les plus capables de favoriser l'évolution normale de l'enfant, on obtient, avec la plus grande facilité, des guérisons qui n'auraient pu être réalisées dans le milieu familial.
Le pronostic de l'idiotie
par M. le Docteur Jules VoiSix médecin de la Salpétrière
Il règne, au sujet des enfants anormaux et en particulier des idiots un certain nombre de préjugés partagés à la fois par le public et par les médecins eux-mêmes. Sur cette matière, comme entant d'autres, on est trop souvent porté à juger les gens sur la mine.
Quand on parcourt un service d'idiots, on est étonné d'y rencontrer des physionomies d'apparence intelligente, dont l'aspect contraste d'une façon frappante avec d'autres absolument dépourvues d'expression et qui paraissent même frappées d'hébétude.
Les premiers ont une face et un crâne réguliers, des traits symétriques une physionomie agréable, parfois même souriante. Au premier abord, on a peine à croire qu'il n'y ait pas chez ces sujets une intelligence assez développée et l'on est fort surpris lorsque l'on constate qu'elle lait complètement défaut. Il y a une telle contradiction entre l'apparence extérieure et la réalité qu'on ne se résoud pas facilement à porter le pronostic d'un arrêt définitif dans l'évolution mentale.
Ce sont des malades dont l'idiotie est acquise. Apparaissant après la naissance,elle a le plus souvent une origine accidentelle. L'idiotie survenue dans ces conditions ne s'améliore pas, ou elle s'améliore si peu que cela no compte vraiment pas. Ces idiots sont à peu près incurables et il faut même s'attendre à voir leur pauvreté intellectuelle aller en s'accen-tuant.
A côté de ces malades à la physionomie agréable et trompeuse, vous en avez d'autres dont la physionomie est repoussante et même hideuse. Leur physionomie est bestiale et l'asymétrie de leur face et de leur crâne est souvent poussée à l'extrême. Vous retrouvez sur les traits de leurs visages tous les stigmats physiques de la dégénérescence.
Ces individus sont atteints d'idiotie congénitale dégénérative. Ils ont apporté en naissant toutes les tares qu'ils offrent à la vue.
Or, malgré l'impression fâcheuse que donne leur aspect, ils sont susceptibles d'une grande amélioration mentale. Leur intelligence, si on la cultive par des soins attentifs, bien dirigés et continués avec une grande patience, est susceptible d'un perfectionnement très notable. On peut arriver à leur apprendre à parler, à accomplir des actes utiles, à devenir propres.
Cette distinction entre l'idiotie acquise et l'idiotie congénitale a une grande importance clinique, car elle permet, à première vue, sans autre renseignement, de formuler un diagnostic certain. L'absence de stigmates physiques, caractéristique de l'idiotie acquise, loin de constituer une présomption favorable, doit, au contraire, nous faire incliner vers un pronostic fâcheux.
Les parents des petits malades et les personnes non compétentes, sont assez portés à s'inscrire en faux contre le jugement sévère ; ils ne peuvent admettre que derrière des traits réguliers et souvent assez beaux, il n'y ait pas quelque réserve d'intelligence capable de se manifester dans l'avenir. Le médecin ne doit pas hésiter à donner sur l'avenir des idiots qui lui sont présentés des renseignements exacts. C'est le seul moyen d'éviter dans l'avenir, des reproches certains et des désillusions inévitables.
Discussion
Dr Bérillon. — A l'établissement médico-pédagogique de Créteil, nous avons pu constater la réalité des conclusions de notre maître M. le Dr J. Voisin. Nous avions, depuis quelques mois, l'occasion d'observer et de traiter une petite fille de sept ans, douée d'une physionomie charmante, encadrée d'une jolie chevelure blonde. Ses yeux sont fort beaux, les traits sont réguliers. Elle ne présente pas de stigmates apparents de dégénérescence physique. Jusqu'à l'âge de onze mois, elle a présenté un développement normal. Elle était douée d'attention et souriait à ses parents. Un jour toute manifestation d'intelligence a subitement disparu. Ses parents l'attribuent à ce fait que, l'enfant étant portée sur les bras d'une bonne atteinte d'épilepsie, cette personne fut tout à coup atteinte d'une crise dans un escalier et laissa tomber l'enfant sur la tète.
C'est à ce traumatisme crânien que les parents font remonter l'arrêt soudain de l'évolution intellectuelle.
Malgré tous les soins, l'état de cette enfant est demeuré stationnaire. Par contre, dans la même section, plusieurs autres enfants du même âge, porteurs de stigmates physiques de dégénérescence physique très accentués, ne cessent de faire des progrès très notables et toujours continus.
Séance du mardi 15 octobre 1907. — Présidence de M. le docteur Julea Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance manuscrite qui comprend des lettres de MM. les docteurs Hue, Hurtrel, Mabille, Mayoux, Montambert, Raband, Poulaillon etToulzac.
Les livres ou brochures qui suivent ont été adressés à la Société : Nécessité de (a culture physique, par M. le professeur Spehl (de Bruxel-
les) j de l'Elude des traditions populaires ou folklore, par M. Gai-doz ; La radiation des effluves humains, par M. le D' Domingos Jaguaribe (de Sao Paulo, Brésil) ; Traité de l'Hypnotisme, par M. le docteur Paul Joire (de Lille) ; Les divers modes de la psychothérapie, par M. le D' Van Renterghem (d'Amsterdam).
M. le Dr Bérillon résume les travaux présentés à la section de pédagogie qu'il a présidée à l'Association pour l'avancement des sciences (Reims, août 1907) ; il présente le questionnaire très détaillé qu'il a établi pour l'examen rapide et complet, médical et psychologique, d »s enfants anormaux.
M. le Dr Paul Farez, délégué de la Société au 17' congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, tenu à Genève et Lausanne en août 1907, dépose un rapport sur les travaux du congrès et, en particulier, sur le vœu qu'y a fait voter M le professeur Gilbert Ballet, au sujet de l'Expertise médico-légale et de la question de la responsabilité. Ce rapport sera imprimé in-extenso dans la Revue de l'Hypnotisme, afin de pouvoir être discuté à la séance de novembre.
Les diverses communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
1. M. Paul Farez. — Troubles trophiques dans l'hystérie : brûlures suggérées. /
Discussion : MM. Jacques Bertillon, Demonchy, Paul Magnin, Bérillon, Pamart, Lionel Dauriac, Félix Regnault et Jules Voisin.
2. M. Félix Regnault. — Le larmoiement volontaire. Discussion : MM. Paul Farez, Bérillon et Lionel Dauriac.
3. M. Félix Regnault. — Un faux cas de suggestion mentale. Discussion : MM. Bérillon et Paul Farez.
4. M. Clark Bell. — Action de la suggestion sur la longévité. Discussion : MM. Lionel Dauriac, Bérillon, Félix Regnault, Paul
" Magnin et Jules Voisin.
5. M. Domingos Jaguaribe. — Faits de psychothérapie, hypnotique. M. le Président met aux voix la candidature de MM. les docteurs
Désandré (de Paris), Plantier (d'Annonay), Ercilio Rodriguez (de Bue-nos-Ayres),Van den Chiys, assistant à l'Institut Lîébeault d'Amsterdam, Schmeltz (de Nice), et de M. Swann (de Melbourne). Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité-La séance est levée à 6 h. 45.
Les troubles trophiques dans l'hystérie ; brûlures suggérées,
par M. le Docteur Paul Farez, professeur à l'Ecole de Psychologie.
Ce que j'ai à vous dire aujourd'hui est encore un écho du récent congrès de Genève-Lausanne., A propos du rapport de M. Claude sur la définition et la nature de
Vhystérie, on a, de nouveau, soulevé la question très controversée des troubles trophiques dans l'hystérie.
Pour M. Babinski, un phénomène n'est hystérique que s'il satisfait à cette double condition : 1° de pouvoir être reproduit par suggestion avec une exactitude rigoureuse, 2° de disparaître sous l'influence exclusive de la persuasion. Les troubles trophiques rapportés jusqu'ici à l'hystérie l'ont été à tort, ajoute-t-il, puisqu'ils ne remplissent aucune de ces deux conditions.
Je ne me propose pas de discuter à fond cette théorie à laquelle d'autres ont opposé les arguments logiques et cliniques qu'il convenait.
Je rappelle seulement, sans les rapporter en détail, que des troubles vaso-moteurs divers, œdèmes, ecchymoses, hémorragies, bulles, phlyc-tènes, gangrènes cutanées ont, d'une manière indiscutable, disparu, plus ou moins vite, non pas seulement à la suite d'émotion violente (peur, joie, exaltation religieuse), mais encore sous l'influence de la suggestion indirecte — et aussi de la suggestion directe, pendant le sommeil hypnotique. D'autres fois, ces troubles sont apparus à la suite des trau-matîsmes physiques ou moraux qui font, le plus communément, appel aux accidents hysiériques.
— « Mais, le traumatisme, objecte-t-on, c'est autre chose que la suggestion. La suggestion expérimentale est incapable de produire par ses seules forces des troubles de ce genre. »
Voilà la thèse.
La littérature médicale possède cependant des relations de troubles vaso-moteurs provoqués par la seule suggestion. Ne les ayant pas observés par lui-même, M. Babinski nie leur authenticité. D'après lui, on n'a pas su observer; on a manqué de surveillance ou de clairvoyance ; on s'est laissé berner par des malades simulateurs, avides d'attirer l'attention et habiles à tromper.
Tout de même on n'a pas le droit de faire si bon marché des divers cas rapportés par des observateurs très compétents et très justement estimés. Pour nous, loin de les considérer comme inexistants, nous estimons qu'il convient de les recueillir avec soin, d'en dresser le bilan et de tenir à jour cette question si intéressante.
Comme préambule et pour mémoire, je vous citerai ceci, que j'emprunte à la magistrale communication faite par le Pr Raymond, à Lausanne :
« Virchow, il y a déjà longtemps, examinant scientifiquement, à Berlin, des fakirs indiens de passage en ceite ville, les a vus produire, à volonté, des troubles vaso-moteurs de la peau de tel ou tel de leurs membres, contracturer, par exemple, leurs vaisseaux capillaires avec * assez d'énergie pour changer la couleur du derme et rendre celui-ci exsangue et insensible lorsqu'on le traversait avec une longue aiguille!
« Un autre auteur allemand, dont personne ne peut contester la valeur scientifique, Kraft-Ebing, n'a-t-il pas réussi à produire par suggestion chez une hystérique, et en apposant des cachets de cire sur la peau,
comme le demandent si justement les négateurs, des hémorragies cutanées ? »
Voici, d'autre part, deux cas récents, à propos desquels je vais vous communiquer des photographies.
Peut-être vous rappelez-vous la très intéressante relation publiée par M. Podiapolsky dans le numéro d'août 1904 de la Revue de l'Hypnotisme. Voici très brièvement de quoi il s'agissait :
Une jeune fille de 18 ans, Barbe S... est à l'hôpital d'Atkarsk pour mutisme hystérique, survenu à l'occasion d'un incendie. M. Podiapolsky
Fig. t.-Brûluresuggérée, provoquée par M- Podiapolsky (de Saraiow),le « octobre 1903.
la guérit de son mutisme, par la suggestion hypnotique ; puis il lui suggère que, le lendemain, elle aura à la face dorsale de l'avanl-bras, près du poignet une brûlure avec phlyetène. Le lendemain, la suggestion se réalise pleinement. Un médecin, que l'on n'a pas, mis au courant de l'expérience, diagnostique une brûlure du second degré. Cette expérience fut faite devant témoins et l'on rédigea un procès-verbal. (Pour les détails et les noms des signataires, je renvoie à l'article même de M. Podiapolsky dont je viens de vous donner la référence). Cela se passait les 10 et 11 juin 1903.
Mais M. Podiapolsky n'avait pris aucune photographie de cette lésion. Il se décida donc à renouveler l'expérience. Il obtint, chez la même
personne, cette fois à la nuque, une brûlure suggérée qui fui présentée à la séance publique de la Société des Naturalistes de Saratow, le 24 octobre 1903 et photographiée. Il a eu la très grande amabilité de m'adrcsser cette épreuve que je vous communique (fig. i).
Le second cas que je veux vous signaler a été obtenu par Wettcrs-trand (de Stockolm) dont nous déplorons la perte toute récente. Il s'agit d'une femme de 46 ans. Pendant son sommeil hypnotique, on lui suggère qu'on laisse tomber sur son avant-bras droit une goutte de cire à cacheter brûlante. Les vésicules font leur apparition sept heures après la suggestion, le 6 janvier 1903. L'épreuve photographique a été com-
Fig. 2. — Brûlure suggérée, provoquée par Wettcrslrand (de Stockolm), le 6 Janvier 1*4
muniquée par Wetlerstrand à M. Podiapolsky, avec, au verso, le résumé de l'observation écrit en allemand.
Dans la lettre qui accompagnait l'envoi, enjanvier 1904, Wetterslrand spécifiait que le sujet avait été soumis à un contrôle absolu el qu'il n'y eut aucune possibilité de supercherie. Je dois également à l'amabilité de M. Podiapolsky cette seconde épreuve (fig. 2).
Je vous signale aussi un cas tout récent, publié dans la Mùnchener ' medieinische Wochenschrift (21 mai 1907) par le D'Ludwig von Szôl-lôsy. Celui-ci a, par suggestion hypnotique, provoqué, sur le dos de la main, une lésion trophique simulant une brûlure ; les dégâts sont très importants ainsi que l'atteste une très bonne planche.
M. Babinski exige que, en ce qui concerne ces phénomènes, la suggestion puisse en déterminer et en faire varier, àsa guise, non seulement le siège, mais la forme, l'intensité, la durée. M. Podiapolsky, on vient de le voir, a fait varier le siège ; mais ce serait excessif d'exiger que la
suggestion pût, à volonté, obtenir des lésions ou circulaire ?, ou ellipsoïdales ou annulaires, ou bien des bulles de telle dimension. On ne saurait, pour la provocation de ces troubles trophiques, réclamer une rigueur qui n'est pas toujours possible dans la provocation beaucoup plus facile des troubles sensitifs ou musculaires.
Certains ont essayé de produire ces troubles trophiques chez la première hystérique venue ; ayant échoué, ils ont tout de suite généralisé et dit que la suggestion était incapable de les produire dans tous les cas. Mais ce n'est pas chez n'importe quelle hystérique, ni à n'importe quel moment, que l'on pourra obtenir ces résultats ; les succès, tout comme les insuccès, tiennent à certaines circonstances.
Les conditions qui me paraissent ou indispensables ou seulement favorables à la production des troubles trophiques par suggestion pourraient être, à ce qu'il me semble, ainsi présentées par ordre d'importance décroissante.
fL — Demandez, je suppose, à un hypnotisé de chanter tel air d'opéra ; il en sera tout à fait incapable, s'il n'a jamais entendu cet air. De même » ordonnez-lui d'éprouver la sensation de brûlure et les phénomènes somatiques qu'elle comporte ; la suggestion ne sera pas suivie d'effet, s'il ne s'est jamais brûlé. Laissez-moi invoquer encore l'expérience de M. Podiapolsky, lequel a beaucoup étudié ces questions.
En 1900, ayant hypnotisé un paysan .1. K., notre collègue lui suggère qu'il applique un sinapisme sur sa peau, que celle-ci va devenir rouge et brûlante, etc. Or, aucune rougeur n'apparaît ; J. K. éprouve seulement une très légère sensation de chaleur. Réveillé, il confesse que, non seulement il ne s'est jamais appliqué de sinapisme, mais que même il ignore ce que c'est. A quelque temps de là, il a l'occasion d'employer ce révulsif. Revenant à la charge, M. Podiapolsky provoque, cette fois, grâce à un sinapisme imaginaire, la rougeur cutanée qu'il désirait.
Revenons au cas de Barbe S... que j'ai rappelé plus haut. Cette jeune fille porte au pouce la cicatrice d'une brûlure qu'elle s'est faite, il y a ~l six mois, avec un charbon ardent. Voulant provoquer chez elle une brûlure suggérée, M. Podiapolsky lui dit, pendant le sommeil hypnotique, en maintenant sur son avant-bras une pièce de cinq copecks : « Je viens d'appliquer ici, à la face dorsale de votre avant-bras gauche, un cercle de feu ; vous aurez à cet endroit une ampoule comme vous en avez eu une, après votre brûlure au charbon, etc. » La suggestion réussit pleinement ainsi qu'une autre fois, quatre mois après, à la nuque ; c'est qu'elle répondait à un événement saillant dans l'expérience récente de Barbe S...
Par conséquent, la suggestion expérimentale ne doit solliciter une sensation et son trouble trophique concomitant que si Vune et l'autre ont été emmagasinés déjà dans l'acquis psyclw-physiologique du sujet.
II. — Ce n'est pas dans les moments d'accalmie et de bonne santé générale que se réalisera facilement la suggestion d'un trouble trophique, mais au moment des accidents hystériques, lorsque la névrose
s'affirme à grand fracas, et que le déséquilibre est patent. Ainsi la malade de PodiapolsUy venait de présenter du mutisme hystérique à la suite d'un incendie.
Certains hystériques réalisent plus aisément ou plus pleinement, par suggestion, celui-ci des troubles musculaires, celui-là des troubles viscéraux, un autre des troubles sensoriels. Or les troubles vaso-moteurs seront d'autant mieux réalisés par suggestion que, précisément, la sensibilité cutanée sera plus troublée. Dans le cas déjà ancien de Rybalkin qui remonte à 1890, et que la Revue de l'Hypnotisme a publié à cette époque, il s'agit d'un jeune homme âgé de 16 ans, qui présentait des attaques de grande hystérie avec anesthésie de tout le corps excepté du bout du nez, du scrotum et du pénis.
Je vais même plus loin. Rappelez-vous le cas cité plus haut de Szol-lôsy ; il intéresse une femme dont les accidents hystériques avaient précisément consisté en gangrènes multiples de la peau.
Donc le trouble trophique que l'on voudra obtenir par suggestion sera d'autant plus aisé que l'hystérie sera en pleine floraison, que (és accidents seront surtout cut&nés et que, parmi les accidents cutanés, ce seront surtout des troubles trophiques qui se seront manifestés.
III. — Pour que le domaine delà vasoraotricité soit impressionné par la suggestion, on devra disposer d'une hypnose profonde ; encore faut-il, cependant, qu'elle ne soit pas trop profonde et que toute communication sensorielle ne soit pas interrompue entre l'hypnotiseur et le sujet.
Il y a là une question de mise au point en deçà et au-delà de laquelle on risque fort d'échouer.
IV. — Enfin, comme circonstance favorable, je signalerai le grand avantage de faire la suggestion le soir. Le plus souvent, en effet, les troubles vaso-moteurs apparaissent, non pas sur le champ, mais au bout de quelques heures ; si ces quelques heures d'incubation, oserai-je dire, s'écoulent dans la journée, pendant que le sujet vaque à diverses occupations, il en résulte des distractions et des dispersions susceptibles de compromettre le succès ; au contraire, si cette période d'incubation coïncide avec le sommeil de la nuit, celui-ci sert, en quelque sorte, de caisse de résonance à la suggestion ; il la maintient et la renforce : c'est, chaque fois, le matin au réveil, que sont apparus les troubles vaso-moteurs chez les sujets de M. Podiapolsky. En tout cas, si la suggestion est faite dans la journée, il sera bon de suggérer au sujet de continuer à dormir pendant un certain nombre d'heures.
*
L'inobservance de quelqu'une de ces conditions a dû rendre inévitables bien des échecs. Pour nous, préoccupés surtout de thérapeutique, nous n'avons guère le loisir ni l'occasion de multiplier des expériences de cette nature. Toutefois, les cas qui précèdent et d'autres antérieurement publiés nous amènent à admettre la réalité de faits que nie M. Ba-
binski. Mais sa critique n'aura pas été sans efïet ; il a raison d'exiger, pour ces sortes d'observations, un contrôle 1res rigoureux ; les auteurs ne devront pas se contenter d'affirmer qu'il ne s'agit pas d'éruption artificielle, qu'aucune blessure, qu'aucun frottement, qu'aucun caustique n'est intervenu et que la suggestion a été l'agent unique ; ils devront en outre, énoncer les conditions dans lesquelles ils se sont placés pour déjouer toute fraude et dire comment ils ont procédé pour mettre le sujet dans l'impossibilité matérielle d'induire en erreur.
Ces conditions qu'exige très justement M. Babinski, nous les réclamerons des auteurs qui nous adresseront des observations et nous nous y soumettrons nous-mêmes, scrupuleusement, si nous avons l'occasion d'expérimenter sur ce sujet.
Discussion
M. Dbmonchy. — Est-ce que les auteurs de ces expériences ont pensé à guérir ces brûlures par le même procédé qu'ils avaient mis en œuvre pour les produire, c'est-à-dire par la suggestion ?
M. Paul Fabez. —Je n'ai aucun renseignement sur l'évolution de la brûlure provoquée par Wetterstrand. Quant au cas de Podiapolsky, je cite celui-ci textuellement : ¦ Plus tard, l'ampoule a crevé par hasard et bientôt toute trace en a disparu ; la blissure n'était point douloureuse. »
M. Deuonchy. — J'émets le vœu que, dans les expériences futures, on essaye de guérir une partie des brûlures suggérées par des moyens médicaux, une autre partie par la suggestion.
m. Voisin. — Les faits de brûlures et d'hémorrhagies cutanées par suggestion et auto-suggestion sont indéniables et ils sont plus nombreux qu'on ne le pense. J'ai rapporté, dans la séance du 25 octobre 1886, à la Société médico-psychologique ('), à propos d'un travail sur la suggestion etl'action des médicaments à distance, l'observation d'un jeune hystéro-épileptique qui présentait ces phénomènes de brûlures et d'hémorrhagies cutanées sous l'influence de la suggestion et de l'auto-suggestion.
Le nommé V...... touchait-il un objet en or, on voyait apparaître, à
l'endroit touché, de la rougeur, puis une phlyctène. Voulait-on lui faire prendre une pièce d'or, il s'y refusait énergiquement, et si on le contraignait à le faire il présentait des phlyctènes aux doigts. Un jour je l'endormis et lui suggérai que l'or ne le brûlait plus, que ce serait au contraire l'argent. A son réveil il prit une pièce d'or sans difficulté et ne voulut pas prendre la pièce d'argent disant que l'argent le brûlait. Je lui appliquai de force la pièce d'argent sur la main, aussitôt la rougeur apparut, puis une phlyctène, comme pour la pièce d'or. Si on lui dessinait sur le bras, à l'aide d'un papier roulé en pointe, une lettre quelconque et si on lui suggérait, pendant le sommeil hypnotique, de faire saigner cette lettre ainsi dessinée, on voyait, au bout de quelque temps, cette lettre apparaître très rouge et recouverte de petites bulles de sang.
(i) Voir Annales médico-psychologiques 1887, p. 134.
Sur une malade du Dépôt près la préfecture de police, laquelle joua un grand rôle dans une affaire d'assassinat, je fls apparaître, sous l'influence de lasuggestion hypnotique, au bras, à l'endroit que j'avais indiqué, une vésication de la largeur d'une pièce de cinq francs. Je n'avais même pas entouré ce bras d'une bande et d'un morceau de papier simulant le vésicatoire. J'avais seulement touché avec le doigt l'endroit que je voulais voir recouvert de vésicules. Tous ces faits furent rigoureusement observés eteontrôlés. Il n'y eut aucune supercherie.
M. Paul Magxin. — Chez Charcot, des hystériques reproduisaient par imitation les troubles trophiques qu'elles voyaient survenir chez leurs voisines. Chez Dumontpallier la sinapisatîon suggérée était un phénomène banal ; la négation actuelle de certains auteurs est inadmissible ; on n'a pas le droit de dire : je n'ai pas vu par moi-même, donc ce n'est pas vrai.
M. Jacques Bertillon. — Pour trancher le débat, ne pourrait-on pas nous renouveler la production expérimentale des stigmates hystériques par la suggestion hypnotique?
M. Paul Parez.— Nos préoccupations journalières sont d'ordre thérapeutique et non expérimental ; dans notre pratique médicale, nous nous appliquons à guérir ou à soulager nos malades le plus vite et en le moins de séances possible ; une telle expérimentation n'est plus de mise. Toutefois, si quelque grande hystérique avait besoin d'un révulsif, je n'hésiterais pas, le cas échéant, à provoquer la sinapisation ou la vésication suggestive et à communiquer le cas à la société.
M. Bérillon.—Delbceuf a fait, à ce sujet, des expériences tout à fait démonstratives. II fit, avec un fer rouge, une brûlure vraie à chacun des bras en s'appliquant à la faire de même intensité à droite et à gauche.La brûlure pour laquelle il avait suggéré une guérison rapide n'a presque pas été douloureuse ; celle de l'autre côté traîna en longueur et ne s'est terminée que lorsque la suggestion eut accéléré le processus réparateur. La même expérience fut renouvelée avec le même succès dans le dos.
M. Pamart. — A la clinique du D' Bérillon, toutes les fois qu'un malade est porteur de verrues, systématiquement j'en suggère ta guérison prochaine; et, très souvent, la suggestion se réalise.
Larmes produites par auto-suggestion,
par M. le Docteur Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie.
Les larmes coulent abondantes, sous l'influence de l'émotion, ou encore d'une irritation de cause externe : l'acte de peler des oignons, on le sait, vous tire des larmes. Mais on ignore que certains sujets peuvent pleurer à volonté. J'en ai vu un exemple à Liège : une petite fille me fut donnée comme guide par le concierge pour visiter le musée communal ; elle se mit à pleurer à chaudes larmes, me disant que ses parents la
battaient quand elle ne rapportait pas assez d'argent. Renseignements pris, elle jouait cette comédie avec tous les visiteurs, de connivence avec ses parents.
Le musicien Camille Saint-Saens m'a raconté un exemple semblable : encore une fillette qu'il rencontra dans la rue pleurantà chaudes larmes. Il n'y avait pas de pain à la maison : le maître lui donne quelque argent et prend son adresse. Quand il y alla, l'adresse était fausse.
Ces faits sont connus du vulgaire ; il qualifie ces larmes hypocrites, larmes de crocodiles. Les écrivains les ont parfois décrites. Un des plus célèbres, Alfred de Musset, dans Les Confessions d'un enfant du siècle raconte (chapitre III) que sa maîtresse lui fait une scène de repentir: a Tout ce que le repentir sincère a de larmes, tout ce que la douleur a d'éloquence, elle l'épuisa pour me consoler.....» ; il sort, rentre
quelques minutes après, sans prévenir, et la trouve souriante à sa toilette ; elle attendait son rival.
Certaines actrices ont le don de pleurer à volonté en jouant leurs rôles : SarahBernhardtaurait cette faculté. Mais suffit-il pour expliquer ces faits, d'invoquer la volonté. Je crois plutôt à la suggestion chez des personnes très imaginatives. Elles se représentent avec une telle intensité la comé-. die qu'elles jouent que leur personnalité y participe momentanément. Ainsi les spectateurs pleurent au théâtre en entendant un drame ; ils savent bien pourtant qu'il n'a rien de réel.
Discussion
Prof. Lionel Dauriac — Ce n'est pas par simple volonté que ces personnes pleurent, mais par l'intermédiaire d'images représentatives ; elles se représentent l'état qu'elles désirent reproduire. Il faut admettre que ces personnes sontdouées d'une vive imagination. Il n'est d'ailleurs pas rare de renconter des âmes sensibles chez lesquelles la simple représentation mental d'un événement, alors même qu'il ne s'est pas réalisé suffit pour provoquer des élans de sensiblerie larmoyante.
Dr Paul Farez. — Ces larmes peuvent aussi évoquer le souvenir de quelque événement douloureux qui leur a arraché des larmes, revivre cet événement dans leur imagination et susciter ainsi de vraies larmes. C'est ainsi que l'anniversaire d'événements douloureux a pour effet de provoquer des crises de larmes en remémorant par auto-suggestion le souvenir de ces événements.
Dr Bérillon. — La question soulevée parle Dr Regnault pourrait provoquer une intéressante étude de psychologie comparée. La prédisposition au larmoiement est extrêmement variable selon les races. Ainsi, il est des peuples chez lesquels les pleurs seraient considérés comme un signe de démoralisation. Un anglais ne se laisse aller à verser des larmes que pour des raisons vraiment sérieuses. Par contre les peuples latins sont très forts à lacrymoyer.
Les rites funéraires des Romains comportaient des pleureuses mortuaires. Danslc fameux roman de Mérimée, Colomba, ¡1 y a une description
fort pittoresque des lamentations des pleureuses corses suivant un convoi funèbre. Dans l'aliénation mentale on observe souvent des dispositions à pleurer pour des motifs futiles. On a noté, chez des mélancoliques, des cas dans lesquels la quantité de larmes répandues était vraiment prodigieuses. Il en estde môme chez certains hémiplégiques qui ne font que pleurer du matin jusqu'au soir. Pleurer devient leurprincipaleoccu-pation. Il C3t des enfants et des femmes qui se mettent à pleurer avec une facilité vraiment surprenante, quand ils ont commencé ils paraissent ne plus vouloir s'arrêter. Un des meilleurs moyens indiqués pour réprimer cette hypersécrétion lacrymale consiste à les invitera ne pas se retenir et à pleurer à discrétion. Il est rare qu'ils ne cessent pas assez rapidement de pleurer, probablement parce qu'ils constatent que cet acte ne les rend plus intéressants. Larmes de femmes c'est assaisonnement de malice, disait un philosophe ancien. Le cas de la petite fille signalé par le Dr Félix Regnault vient confirmer cette appréciation.
Il y aurait encore quelques mots à dire sur les animaux pleureurs. A. Ceylan, l'éléphant en captivité tombe parfois dans une profonde tristesse. On a vu qu'ils versaient d'abondantes larmes. Certaines espèces d'animaux ont le larmoiement très facile. Les cerfs et les biches, quand on les taquine se mettent à pleurer. Une vache séparée de son veau mugit d'abord, puis rentrée à l'étable, elle pleure silencieusement. De grosses larmes tombent si, en sa présence, l'on fait semblant débattre son veau. Les larmes ne sont donc pas l'apanage de l'espèce humaine. Les mêmes sensations produisent chez les animaux et chez l'homme les mêmes réactions réflexes
*
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance (le la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 15 novembre à 4 heures et demie sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le D' Paul Farez, trésorier. 154, boulevard Haussmann.
Communications déjà inscrites :
Dr Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité. Inscrits : Dr Legrain, Dr Rafïegeau, Dr Voisin, Dr Bérillon, Professeur Lionel Dauriac.
Dr Paul Farez : Mort par émotion, imitation, suggestion, etc.
Dr Bérillon : 1° La psychothérapie graphique : mode d'action et applications ; 2° Psychologie comparée : La fascination olfactive.
Dr Dhotel (de Poix) : Etat de la pupille dans certain ! états d'attention.
Dr Jacques Bertillon : Considérations psychologiques relatives à l'infanticide.
NOUVELLES
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
49, rue Saint-André-des-Arts, 49
(au siège de l'Institut psycho-physiologique)
Comité de Patronage
MM. Berthelot. Beaunis, dir. bon. da laboratoire de psychologie à la Sorbonne ; A. Binet, dir. du laboratoire do psychologie à ta Sorbonne : Blanchard, prof, a la Faculté de Méde-cine ; Boirac recteur de l'Académie de Dijon ; Lionel Dacauc, prof bon de la Faculté de Montpellier ; Marcel Durois, prof, à la Sorbonne ; Giard. prof, a la Sorbonne ; Huchard, membre de l'Académie de médecine ; Ribot. prof. bon. au Collece de France ; Albert Robin. prof, à la Faculté de médecine ; J. Voisin. médecin a la Salpêtrière.
?cole de psycologie (49. rue St-André-des-Arts)
iSO
REVUE DE L'HYPNOTISME
Programme des Cours et des Conférences de l'Ecole de Psychologie
Pour L'Année 1908 (8e année) (Lu cours et la conférences it Psychologie sont publics)
La séance de réouverture des cours aura lieu le Jeudi 9 Janvier, à 5 heures, sous la présidence de M. le Dr Brissaod, professeur à la Faculté de Médecine médecin de l'Hôtel-Dieu.
ORDRE DU JOUR :
1° Dr Paul Farez : Le programme de l'Ecole de Psychologie ; 2° M. le professeur Udey d'Oullah, de Constantinople ;Le désaccord entre la morale du Coran et la politique musulmane.
3° Dr Bérillon : La psychologie collective et l'hypnotisme social. 4° Allocution de M. le professeur Brissacd.
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
49, rue Saint-André-des-Arts, 49
Cours de 1908 (8« année)
Hypnotisme thérapeutique. M. le Dr Bérillon, professeur.
Objet du cours : 1B Psychothérapie générale : Le rûle prépondérant de l'hypnotisme dans la psychothérapie.
¦2° L'hypnotisme et l'orthopédie mentale : Les enfants et les adolescents anormaux : retardataires, instables, timides, indociles, pervers et nerveux.
Les jeudis à cinq heures, à partir du jeudi g janvier.
, Hypnotisme expérimental.
M. le D' Paul Maom.v, professeur.
Objet du cours : Les traitements de l'hystérie.
Les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi g janvier.
Hypnotisme sociologique.
M. le D' Félix Regkadlt, professeur.
Ojet du cours : La genèse des miracles*
Les jeudis à quatre heures, à partir du vendredi 10 janvier.
Psychologie générale.
M. Lionel Daoriac, prof. hon. de l'Université de Montpellier, professeur. Objet du cours : Le conscient et l'inconscient.
Les vendredis à cinq heures et demie, à partir du vendredi ¡0 janvier Psychologie pathologique.
M. le D' Paul Farez, professeur.
Objet du cours : La psychologie de l'alimentation.
Les samedis à cinq heures, à partir du samedi 1" février.
Pathologie mentale appliquée aux religions. M. le D* Bixet-Sakglé, professeur.
Objet du cours : Jésus de Nazareth. (Suite du cours de l'année précédente.) Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 11 février.
Science de l'éducation.
M. Caustibr, agrégé de l'Université, professeur.
Objet du cours : Rôle de la famille dans l'éducation. La famille française moderne. Les mercredis à cinq heures, à partir du mercredi *= « nvier.
Psychologie musicale.
M. le D ' René PAMART, professeur.
Objet du cours : L'émotion musicale et ses manifestations physiologiques.
Les vendredis à cinq heures, à partir du vendredi 10 janvier.
Psychologie et morale sexuelles.
M. le Dr MAYOUX, professeur.
Objet du cours : Les manifestations psychologiques de la sexualité.
Les mardis àcinq heures, à partir du mardi 15 janvier.
Psychologie sociale.
M. le Dr BRODA, professeur.
Objet du cours : Le génie des civilisations de l'orient et de l'occident.
Les mercredis à cinq heures et demie, à partir du mercredi 22 janvier.
Pychologie des animaux.
M. LÉPINAY, médecin vétérinaire, professeur.
Objet du cours : L'Observation psychologique des animaux.
Les mercredis à cinq heures et demie, à partir du mardi 14 janvier.
Anatomie et psychologie comparées.
M. GROLLET, médecin-vétérinaire, professeur.
Objet du cours : Le cerveau, organe de la pensée chez l'homme et chez les animaux.
Les mercredis à cinq heures, à partir du mercredi 14 janvier.
HORAIRE DES COURS
LUNDIS MARDIS MERCREDIS JEUDIS VENDREDIS SAMEDIS
[ï h. t/2 Mil Refont !
! 5 h. Conférences générales Grollet Gaustier fiftill » R.Pwuit P. Puez
fol/2 Lépinay Broda P. HlJOlD L. Diirïit Biad-Siitfe
INSTITUT PSYCHO-PHYSIOLOGIQTJE
4g, rue Saint-André-des-Arts.
L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L'organisation de l'Institut psycho-physiologique comporte.
I. Ecole de psychologie : (Voir le programme des cours et des conférences).
Professeurscorrespondants : D'Paul Joihe (Lille),Dr JAGUARIBE(Saô-Paulo,Brésil). D' Orlitzky (Moscou), D' Damoqlou (Le Caire). Professeur honoraire : Dr Wateau.
II Dispensaire pédagogique et neurologique. — Dispensaire antialcoolique.
Médecins :
D' Bérillon, Dr Paul Magnin, Dr Paul Farez, D R. Pamart,D' de la Fodchardière.
III. Laboratoire de psychologie expérimentale. Chef des travaux : D' BéniLLoif, D' BiaKCUï.
IV. Laboratoire de psychologie comparée. Chef des travaux : MM. Lépisay et Grollet, médecins-vétérinaires.
V. Education physique.
Chef des travaux : M. Gösset.
VI. Musée de psychologie.
Conférences pratiques d'hypnologie et de psychothérapie.
Les conférences cliniques sur les applications de Vhypnotisme à la psychothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 17 janvier, ù 10 heures du matin. Elles seront dirigées par les D" Bérillon, Magnin, Paul Farcz, Pamart et de la Fouchardière. On s'inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Consultations du Dispensaire pédagogique.
Les consultations données au Dispensaire pédagogique, sous les auspices de l'Ecole de psychologie ont lieu les mardis, jeudis, samedis de 10 heures à midi, ¦19, rue Saint-André-des-Arts.
Ces consultations sont destinées aux enfants et aux adolescents anormaux (retardataires, instables, timides, indisciplinés, pervers et nerveux).
Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont admis aux consuttasions du jeudi.
Promenades et excursions psychologiques.
- Les cours de l'Ecole de psychologie seront complétés par des excursions psychologiques. Des visites à la ménagerie dû Mnséum d'histoire naturelle et au laboratoire de psychologie comparée auront lieu sous la direction de M. Lépinay. (On s'inscrit au Cours.)
Excursion pédagogique.
Une excursion pédagogique aura lieu un dimanche à l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil (enfants et adolescents retardataires et nerueux), sous la direction de MM. les D" Bérjllox et Qdixoue, directeurs. (On s'inscrit au Cours.)
Conférences psychologiques.
Les conférences psychologiques hebdomadaires auront lieu les lundis à cinq heures, à partir du lundi 13 janvier. Le programme en sera publié dans le prochain numéro.
L'Administrateur-Gèrant : Ed. BÉRILLON.
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. — ? 7.
Janvier 1908.
BULLETIN
Huitième réouverture des cours et des conférences de l'Ecole de psychologie. — * L'enseignement du ! y Jules Voisin a la Salpétrière. — La séance annuelle de la Société de pathologie comparée. — a l'Académie.
Nous rappelons à nos lecteurs, que la huitième réouverture des cours et des conférences de l'Ecole de psychologie aura lieu le jeudi 9 janvier, à cinq heures, sous la présidence de M. le professeur Brissaud, professeur à la Faculté de médecine, médecin de l'Hôtel-Dieu.
L'ordre du jour est ainsi fixé :
1° D' Paul Farez : le programme de l'Ecole de psychologie ; 2° M. le professeur Ubbyd Oollah, de Constantinople : Le désaccord entre ta morale du, Coran et la politique musulmane. 3° Dr Bérillon : La psychologie collective et l'hypnotisme social. 4° Allocution de M. le professeur Brissaco.
La présidence de M. le professeur Brissaud donne à cette réunion un intérêt scientifique considérable. Par l'importance de ses études sur le système nerveux, par l'élévation philosophique de son esprit, par son éloquence professorale, le professeur Brissaud s'est concilié d'unanimes sympathies. L'Ecole de psychologie lui est très reconnaissante du témoignage de haute bienveillance qu'il lui accorde en cette circonstance.
La première des conférences psychologiques hebdomadaires aura lieu le lundi 13 janvier, à cinq heures, sous la présidence de M. le professeur Giard, membre de l'Académie des sciences. Dans une conférence accompagnée de projections, le Df Bérillon traitera la question de l'hypnotisme chez les animaux.
*
M. le Dr Jules Voisin, médecin de.la Salpètrière, président perpétuel de la Société d'hypnologic et de psychologie, reprend le jeudi 9 janvier, à 10 heures, l'enseignement magistral qu'il fait depuis de longues années dans son service (section Esquirol et section Félix Voisin). Le sujet de son enseignement porte d'une façon générale sur les maladies mentales et nerveuses, mais une partie importante est consacrée à l'étude des dégénérescences mentales et des psychoses chez les enfants. Les leçons, toujours complétées par des présentations de malades, ont un caractère essentiellement démonstratif. Les résultats des méthodes modernes y sont passés en revue et y sont l'objet des contrôles les plus rigoureux. L'intérêt que présente cet enseignement de la pathologie
mentale et nerveuse chez les enfants explique son succès considérable. Il intéresse non seulement les médecins, mais aussi les professeurs spéciaux qui se consacrent à l'éducation des enfants anormaux et des arriérés. L'Ecole de réforme de la Salpêtrière est également une œuvre à laquelle M. le D' Voisin consacre, depuis seize ans, tous ses soins et tout son dévouement. Elle mérite d'appeler l'attention du Dr Clemenceau, président du conseil des ministres, au moment où il étudie la question des délinquants mineurs. Il constaterait les résultats très remarquables, dus à M. Voisiny qui ont été obtenus avec des ressources extrêmement limitées.
• *
La séance annuelle delà Société de pathologie comparée a eu, cette année, un très grand éclat. Le professeur Arloing, de Lyon, et le professeur Chauveau, président de l'Académie des sciences, avaient pris place au bureau. Après une séance consacrée à des communications très importantes, parmi lesquelles il convient de signaler celles de M. le Dr Borrel, de l'Institut Pasteur, du D' Launois qui a présenté d'intéressantes pièces anatomiques relatives à des nains et à des géants, du Df Fiessinger et du professeur Arloing, la réunion s'est terminée par un banquet réunissant plus de 80 convives.
Des toasts furent prononcés par MM. Arloing, Saint-Yves Ménard, président de la Société, Grollet, secrétaire général, Mamelle, directeur au ministère de l'Agriculture. Enfin, le D' Bérillon, évoquant la puissante ligure du professeur Henri Bouley a rappelé les efforts constants de ce maître pour fusionner en un seul groupement les deux médecines, la médecine humaine et la médecine animale. Actuellement, grâce à la Société de pathologie, où médecins et vétérinaires trouvent un terrain d'union, favorable à l'étude de leurs travaux communs, l'idée d'Henri Bouley est en partie réalisée. Le concours du professeur Arloing, venu de Lyon pour présider la séance annuelle, a contribué à assurer un grand succès à cette réunion scientifique, et ses éloquents encouragements ont laissé dans tous les esprits l'impression d'un sentiment très profond de sympathie et d'admiration.
* *
Sous le titre « A l'Académie » le Dr Huchard signale le fait regrettable que l'Académie de médecine est devenue une simple succursale de la Faculté de médecine. Actuellement les médecins des hôpitaux les plus éminents hésitent à faire acte de candidature. En effet sur cinquante-deuxmédecins ou chirurgiens des hôpitaux, membres de l'Académie, il n'y en a que tro*s n'appartenant pas à la Faculté, savoir : un seul médecin encore en exercice, le Dr Huchard; un seul médecin honoraire, le Dr Besnier; un seul chirurgien honoraire, le DF Lucas Championnière." Après avoir déploré cet ostracisme, l'éminent directeur du Journal des praticiens ajoute :
«Que l'Académie prenne garde ; qu'elle ne devienne pas comme la
vassale de la Faculté ! Que la Faculté prenne garde à son tour, parce que les abus de pouvoir se paient et qu'ils peuvent être un jour suivis d'une forte réaction 1 Quant à l'Académie, elle méritera son titre de « Sénat de la médecine » en réparant les injustices, en conservant son indépendance, en se rappelant ces deux beaux vers d'un vieux poète de la Renaissance, d'Agrippa d'Aubigné :
« La gloire qu'autruy doane'est par autruy ravie ; Celle qu'on prend de soy vit plus loing que la vie. n
Tant que l'Académie se recrutera par elle-même, il ne faut pas espérer la moindre transformation dans les idées de nos académiciens médicaux. Mais peut-être un jour viendra où les idées démocratiques qui président au gouvernement du pays s'étendront à nos académies ; à ce moment le corps électoral aura voix au chapitre.
Telle idée qui peut paraître actuellement un paradoxe deviendra dans quelques années une conception toute naturelle. L'élection des membres de l'Académie par le corps médical est de celles-là.
Influence de la culture physique sur le caractère, sur le moral, sur la race
(Suite) par M. le I >¦" E. Spehl professeur à l'Université de Bruxelles
Est-il nécessaire d'ajouter que la culture physique, en augmentant la vigueur corporelle et l'énergie morale des individus, contribue activement à l'amélioration de la race et, par conséquent, à la puissance de la nation tout entière ?
Tout le monde est d'accord pour attribuer la place prépondérante acquise par les Anglo-Saxons à la supériorité de la culture physique de leur jeunesse. Récemment encore, M. Cyrille Van Overbergh, directeur général de l'Enseignement supérieur, exprimait cette opinion à un étudiant de notre Université : « Si les plus énergiques des Anglo-Saxons d'aujourd'hui, les Américains des Etats-Unis, peuvent aspirer à l'hégémonie, il semble bien que c'est en partie à leur enthousiasme pratique pour les exercices physiques rationnels qu'ils le doivent. »
« ... Ces exercices forgent le caractère et trempent les énergies. Il y a là toute une éducation de la volonté, qui a contribué à créer le type moderne de l'Américain, homme d'action, aux décisions rapides, aux vues nettes et précises, à l'endu-
rance sans limite et aux audaces qui défient la description » ().
Le docteur Tissié cite des chiffres intéressants. lJar suite de l'extension de la méthode de Ling, « la durée de la vie a augmenté en Suède : elle était de 41 1/2 ans en 1840, et de 50 en 1890. La taille a augmenté de trois centimètres en cinquante ans : on 1841, elle était de 1 m. 670 ; en 1890, elle était de 1 m. 701. Le nombre des conscrits impropres au service a diminué : en 1831, il était de 35.7 0/0 ; en 1895, il était de 21.7 0/0 » (2).
tl est constaté qu'en Belgique, c'est malheureusement le contraire qui se passe : la taille diminue et le nombre des conscrits impropres au service augmente.
Enfin, les exercices physiques ont une influence moralisatrice incontestable. M. Cyrille Van Overbegh, après avoir visité de très nombreuses universités aux Etats-Unis, en a rapporté l'impression suivante : « La pratique continue des sports et des exercices physiques donne à la vie des Universités américaines un caractère très particulier : l'étudiant américain est assurément — ceci dit sans aucune idée de critique confuse — plus sérieux et plus moral que nos étudiants d'Europe... »
A ce sujet, je ne pourrais mieux faire, je pense, que de vous citer les paroles suivantes, extraites de la préface du livre de Georges Demeny : Les bases scientifiques de l'éducation physique :
« Pour abandonner à jamais les excitations anormales qui usent le corps et avilissent l'âme, il suffît d'avoir goûté les joies intenses de la santé, les plaisirs sains de l'exercice corporel, d'avoir connu la satisfaction particulière résultant d'efforts personnels vers la vigueur.
« L'éducation physique contribue aussi à l'amélioration morale de la jeunesse si on habitué celle-ci à mettre sa force au service du droit et de la raison. Cette influence ne doit pas échapper à ceux qui ont charge de l'avenir. »
Et, quelques pages plus loin, il ajoute : « L'homme qui aime l'exercice finit tôt ou tard par concevoir une horreur instinctive de la débauche dans laquelle il sent sombrer ses forces. Il lui préfère des habitudes viriles qui améliorent et assurent la santé ; ainsi il se moralise, il est disposé à rendre à la société une grande somme de services et à perpétuer ses qualités dans ses descendants ; finalement, il contribue, par des
(1) L'Echo des Etudiants, n* du 25 janvier 1906.
I'-' ; Ti.- :-] ;.. Innomme de Demain- — L1'Educationphysique en France.
moyens réellement efficaces et dans la mesure de ses forces, au relèvement etla grandeur de la patrie.
« Les vices de l'âme tiennent beaucoup aux vices du corps, et la faiblesse physique engendre la faiblesse morale. »
Jean-Jacques Rousseau avait exprimé la même pensée en ces termes : « Plus le corps est faible, plus il commande ; plus il est fort, plus il obéit ; un bon serviteur doit être robuste. Toutes les passions sensuelles logent dans des corps efféminés ; ils s'en irritent d'autant plus qu'ils peuvent moins les satisfaire. »
« Cette disposition de l'âme aux actions viriles, ce goût des nobles plaisirs de l'activité préserve des séductions de la mollesse et de la volupté. Ainsi la gymnastique devient une sauvegarde de la moralité privée. A ce titre surtout, elle doit jouer un rôle important au moment de la puberté, à cette époque critique où les forces longtemps amassées lont explosion tout à coup et simultanément. Elle répartit sur tous les membres la sève exubérante qui tend à se concentrer vers les organes de la génération, et à prévenir les habitudes que l'excès de sensibilité de ces organes détermine trop souvent. Ni la morale, ni les menaces, ni les châtiments, ni les entraves ne peuvent combattre ces funestes tendances. C'est dans la fatigue des membres et une violente excitation musculaire qu'on trouve les seuls moyens de les prévenir ou de les détruire » (')•
»
* * *
Je crois avoir montré suffisamment l'intérêt supérieur qui s'attache à l'éducation physique de la jeunesse ; il me reste à examiner maintenant quels sont les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour atteindre le but.
Plusieurs méthodes sont en présence et chacune d'elles est défendue par des adeptes fervents et convaincus. Passons-les rapidement en revue et tâchons de relever, sans parti-pris, leurs qualités et leurs défauts respectifs. Nous essaierons ensuite d'indiquer quelle est, à notre avis, la meilleure d'entre elles, tout au moins pour notre jeunesse universitaire.
«
• »
Nous rencontrons d'abord la gymnastique ancienne, habituellement encore pratiquée dans notre pays. C'est la gymnastique
(Il Roger. L'Education physique dans les familles et d l'école. Thèse de Paris, 1902.
allemande de Jahn, qui fut introduite à Anvers par Isenbaert en 1839 (Sluys). Depuis cette époque, elle fut plus ou moins modifiée d'après les principes de Guts Muths et de Spiess. Actuellement, on tend à y introduire insensiblement les principes de la méthode rationnelle de Ling.
Telle qu'elle a toujours été enseignée chez nous, elle comprend principalement deux ordres d'exercices :
a) Les mouvements d'ensemble ou mouvements du plancher, avec ou sans appareils (bâtons, massues, haltères), qui sont exécutés au commandement, par un certain nombre d'élèves à la fois ;
b) Les mouvements aux engins, parmi lesquels les plus employés sont : le rec, les barres parallèles, les anneaux et le trapèze.
Indépendamment de ces deux groupes classiques, il est un troisième groupe d'exercices que j'appellerai « de fantaisie ». On les prépare généralement dans les sociétés de gymnastique, en vue des séances publiques, des fêtes, des festivals ou des concours. Ces exercices sont exécutés soit par des sujets isolés, soit par des groupes de membres ; ce sont, par exemple, des tours de force, comme le maniement des poids, ou de véritables tours d'acrobatie, tels que les sauts périlleux, les pyramides, etc.
C'est aux mouvements du deuxième groupe que les vrais gymnastes ou les élèves sérieux s'exercent le plus souvent. Les mouvements d'ensemble sont considérés comme très accessoires et, généralement, dédaignés par les « forts ». Quant aux exercices du troisième groupe, ils sont exceptionnels et réservés à quelques spécialistes.
La gymnastique de Jahn est absolument empirique.
Elle s'attache à faire exécuter, sans ordre et sans méthode, le plus grand nombre possible de mouvements différents, sans tenir compte de leur utilité ou de leurs effets physiologiques ; de plus, elle néglige complètement les grandes fonctions de la vie, telles que la respiration et la circulation. Elle a pour but principal de vaincre les difficultés d'exécution et de fortifier les muscles, surtout les biceps et les pectoraux.
Aussi cette gymnastique finit-elle fatalement par devenir acrobatique. Elle produit souvent de véritables gymnasiar-ques, qui parviennent à réaliser des exploits extraordinaires, sans aucun bénéfice, d'ailleurs, pour leur développement rationnel, hygiénique et esthétique.
Nous venons de dire que la gymnastique de Jahn forme surtout des biceps et des pectoraux.
En effet, malgré la grande multiplicité des mouvements, elle ne développe ni les muscles des jambes, ni les muscles abdominaux, ni les extenseurs de la colonne vertébrale, ni les muscles fixateurs des omoplates. Aussi, ceux qui ont beaucoup pratiqué cette gymnastique sont généralement mal propor- ' tionnés, le développement des jambes n'étant nullement en rapport avec le volume exagéré des muscles du haut du corps.
Ces gymnastes paraissent avoir une poitrine énorme et ont des jambes relativement grêles. Or, chose digne de remarque, ce développement de la poitrine est tout à fait factice. Il est dû à la grande masse musculaire qui s'est formée sur la cage thoracique, mais n'augmente pas la capacité pulmonaire, dont on ne s'est jamais préoccupé dans aucun exercice et qui se mesure, non pas au ruban métrique, mais au spiromètre.
J'ai fait, à cet égard, un grand nombre de recherches personnelles, et je suis arrivé à cette conclusion : la capacité vitale (c'est-à-dire, pour les non initiés : la puissance respiratoire ou la capacité des poumons) n'est nullement proportionnelle au volume extérieur de la poitrine, ou périmètre thoracique ; tel sujet, qui semble avoir une poitrine étroite, a une capacité pulmonaire plus grande que tel autre, qui paraît avoir une poitrine énorme ( !).
Parmi les jeunes gens pratiquant la gymnastique ancienne, on trouve certainement des sujets vigoureux et bien conformés. Mais ils ne le doivent pas à cette gymnastique. Des sujets semblables, se rencontrent même parmi les jeunes gens qui n'ont jamais fait de gymnastique.
L'observation nous apprend que les enfants les mieux portants et les plus vigoureux sont aussi les plus turbulents. De même, parmi les jeunes gens pouvant obéir librement à leurs goûts, ce sont toujours les plus solides qui affectionnent le plus les mouvements du corps. Ce sont eux qui font partie des cercles de sport ou de gymnastique, et surtout de ceux où la prédisposition pour les exercices violents peut se donner libre carrière. Or, ces sujets, naturellement robustes et bien découplés, développent leur force par n'importe quel exercice, aussi bien par certaines professions manuelles, que par la
(1} On sait d'ailleurs que la phtisie est très fréquente chez les professionnels de l'athlétisme.
gymnastique ou un jeu quelconque. Leur état n'est donc point dû aux exercices auxquels ils se sont livrés.
Mais, en cette matière, les « forts » sont les moins intéressants. Ceux qui nous tiennent surtout à cœur, ce sont précisément les sujets moyens, les jeunes gens faibles, débiles (je ne parle pas des malades), ceux, enfin, dont une mauvaise éducation a enrayé le développement.
Or, à ceux-là, la-gymnastique aux engins ne convient nullement. D'abord, parce que les exercices ne sont pas proportionnés à leurs forces et à leurs besoins physiologiques ; ensuite, parce que, en présence de leurs camarades faisant de véritables tours de force ou d'adresse, ils se sentent pour ainsi dire humiliés de leur faiblesse et de leur gaucherie ; cet état d'infériorité les décourage et bientôt ils renoncent à l'engin et laissent la place à ceux qui en ont le moins besoin.
Il résulte de là qu'il se forme des groupes faisant presque toujours les mêmes exercices, ceux qu'ils sont le plus aptes à réussir : les forts en rec travaillent surtout au rec, les forts en poids font des poids, et ainsi de suite. Cela peut être très récréatif, mais c'est aussi très défectueux, si l'on songe au but de la gymnastique.
Malgré ces défauts, la gymnastique ancienne a rendu des services à beaucoup de jeunes hommes qui l'ont pratiquée avec modération. En effet, indépendamment de son action sur quelques muscles, action que j'ai déjà signalée, cette gymnastique donne de la hardiesse, de la souplesse et de l'agilité dans les mouvements. Mais, au point de vue éducatif, au point de vue de la culture physique intégrale qui nous préoccupe, elle est tout à fait inférieure à la gymnastique pédagogique suédoise deLing ou gymnastique rationnelle et scientifique.
(A suivre)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 15 octobre 1907. — Présidence de M. le D[ Jules Voisis.
Action de la suggestion ambiante sur la longévité,
par M. Clark Bell, président de la société médico-légale de New-York.
Le pouvoir de la suggestion dans le traitement des maladies ne fait plus de doute pour les médecins, les philosophes, les penseurs. Mais le pouvoir que la science a reconnu, étudié et appliqué n'est pas le seul qui impressionne notre esprit : l'influence des impressions fortuites sur
notre cerveau est tout aussi irrésistible et mérite également d'être étudiée avec soin.
S'il est hors de doute que des impressions mentales peuvent causer la mort, notre attention ne doit-elle pas s'appliquer à considérer jusqu'à quel point nous sommes influencés par le milieu ambiant.
Je citerai le cas si connu de ce criminel condamné à mort, qu'on livra comme sujet d'expériences à des hommes de science. Ils lui dirent qu'il serait saigné jusqu'à ce que mort s'ensuivît, sans ressentir la moindre douleur. Il vit tous les préparatifs de cette saignée, le récipient dès-line à recueillir son sang, et tous les accessoires. Puis on lui banda les yeux. Un coup sec lui fut donné sur le bras, d'où l'on Ht couler un petit filet d'eau qu'il entendit tomber dans le récipient qu'un aide tenait à son côté. Croyant entendre couler son sang, il s'affaissa graduellement, devint de plus en plus faible et expira, victime de cette imaginaire exécution qu'il croyait réelle, et qui de fait n'était qu'une illusion mentale insoupçonnée.
M. H. Gaxe m'a raconté un cas observé par lui. Un capitaine centenaire de Long-Beach, en Californie, vécut jusqu'à 105 ans. 11 vendait du papier et de menus articles aux visiteurs de ces parages et jouissait, malgré son âge avancé, d'une santé parfaite. Il exerça son petit commerce jusqu'au jour de sa mort qui fut causée par une mauvaise plaisanterie qu'on lui fit. Il mourut dans son magasin après qu'on lui eût dit qu'il mourrait ce jour-là et qu'il eût lu dans un journal une notice nécrologique racontant sa mort. Cela lui donna un choc mental si violent qu'il succomba. Il mourut donc d'une impression mentale.
Ce fait nous prouve une fois de plus que nous ne saurions attacher trop d'importance aux impressions qui peuvent atteindre le cerveau de l'enfant.
Dernièrement, M. Gaze dans une conférence critiquait la prière que nous faisons dire tous les jours aux petits enfants : « Maintenant que je suis couché pour dormir, si je devais mourir avant de m'éveiller », etc., etc.
11 disait que c'était une faute grave que d'évoquer journellement dans l'esprit de l'enfant la pensée non seulement de la mort, mais de la mort subite, et se demandait si cette idée évoquée continuellement ne pouvait causer une mort prématurée.
L'âme de l'enfant est tout à fait impressionnable. Il ne faudrait pas laisser l'esprit de l'enfant s'appesantir souvent sur l'idée de la mort, mais au contraire lui enseigner la joie de la vie, de la santé, de la force. La prière devrait être une inspiration, une source d'élévation joyeuse.
C'est ainsi que se forme le caractère. L'idée de Dieu et d'infini devrait bien entendu pénétrer dans l'esprit et dans l'âme de l'enfant chaque jour ; la pensée ou la contemplation de la mort ne devraient que rarement se présenter à la conscience des jeunes,à l'âme ardente del'enfant ou même à nous tous.
Nous nous autosuggestionnons pour une mort prématurée si, tous les
jours, dans nos prières, nous appliquons noire esprit à la crainte d'une mort dont nous serions menacés à chaque instant.
L'esprit hurdain a été, à n'en pas douter, grandement influencé et souvent dominé dans l'histoire de la race par la parole du prophète qui plaçait le terme de la vie à 70 ans. On l'employait comme une figure et non comme l'exposé d'un fait.
La suggestion constante de la mort ou l'entretien de la crainte de la mort, ou de n'importe quelle crainte est aussi dangereuse pour l'adulte que pour l'enfant et surtout pour les personnes âgées,les infirmes ainsi que pour l'esprit débilité des malades.
La jeunesse et la vieillesse sont des termes relatifs pour indiquer jusqu'à quel point l'âme reste jeune. J'ai un ami qui s'imagina être vieux à 50 ans ; il se retira de tout travail actif, et commença en effet à se courber, à marcher lentement, et à se comporter d'après ce qu'il jugeait convenir à la vieillesse.
Nous avons lu récemment la mort d'un enfant en bas âge qui mourut de sénilité.
La jeunesse est affaire non d'années, mais d'état d'âme. Garder l'âme jeune devrait être l'aspiration de tout cœur humain.
L'élimination de l'idée de crainte devrait être le premier objet de l'enfant.
Carlyle a raison de dire qu'aucun homme ne peut accomplir une œuvre élevée s'il ne met la crainte sous ses pieds.
L'homme qui se retire des affaires à 70 ou 75 ans, sous l'impression qu'il doit commencer à se préparer à la mort, fait le premier pas vers le cimetière, et commence à assembler les planches de son propre cercueil.
Il y a peu d'hommes dans le monde qui aient une vitalité suffisante pour résister au choc et à la tension qu'un tel changement de vie entraine. L'homme devrait plutôt s'ingénier à écarter ce qui peut tourmenter, inquiéter et agiter son esprit, surtout l'anxiété, et essayer de continuer à se rendre utile, adapter son esprit à son entourage, et considérer qu'il peut vivre d'une vie heureuse, active et joyeuse jusqu'à cent ans.
Quelques-unes des meilleures et des plus nobles vies humaines ont atteint leur plus haut degré d'utilité entre 80 et 90 ans. Un des plus grands chefs-d'œuvre du Titien fut peint après sa 90' année. • Gladstone eut les plus grands triomphes politiques comme homme d'Etat et comme chef du Parlement quand il avait plus de 80 ans. J'ai entendu Luther Marsh parler longuement et tard, dans la nuit, au dîner qui lui fut offert à son 1)0* anniversaire, et cela avec l'énergie, l'entrain, l'enthousiasme qui distinguèrent sa carrière à notre barreau.
Nous devrions apprendre à corriger nos impressions hâtives quant à la durée de la vie humaine, et comprendre à quel point cela dépend de nos suggestions mentales et de nos conceptions à ce sujet.
Exemptes de centenaires :
Le capitaine Godard de San Francisco est peut-être le plus actif de
nos centenaires actuels. Il a maintenant 112 ans et est bien conservé. Il sollicitait les votes des électeurs et vendait son propre livre intitulé : a Comment vivre longtemps », à 111 ans.
Mrs Sally Hall Dwemus a célébré son 104e anniversaire le 13 août 1907.
Mts M. Marocco Browman son 108°, à Brooklyn, en août 1907 ; et dernièrement mourait, à Schenectady, John Kelderman, à Tàge de 107 ans.
Parmi les nonagénaires, j'ai rencontré à Saratoga Miss Mary Shippen, de Washington. Elle jouissait d'une santé splendide, d'une puissante intelligence et était très vive. Elle célébra son 90" anniversaire par un diner comme elle le fait depuis trente ans.
Le révérend Bostwick Hawley de Saratoga jouit d'une santé parfaite. Il est directeur d'un Home pour enfants ; il prêche encore souvent ; il a 94 ans et est sûr d'atteindre la centième année. I ! me disait que sa mère n'avait atteint que 76 ans, mais sa grand'mère était morte à 90 ans.
Il travaille tous les jours, se promène, prend de l'exercice et mène une vie simple.
Je pourrais citer encore nombre de nonagénaires encore pleins d'activité et de santé. Et pour ne pas laisser subsister de doute dans notre esprit sur l'activité des personnes âgées, je rappellerai parmi les nonagénaires :
Le pape Léon XIII, 93 ans.
Las Casas, 92 ans.
Louis Kossuth, 92 ans.
Benjamin Silliman, de notre Barreau, 96 ans. Alanson Jermane, l'oncle de Mrs Russell Sage, 95 ans. Baron G. von Liebig, 90 ans.
Et parmi les anciens : Zenon, 96 ; Sophocle, 90 ; Pyrrhon, 90 ; et Thaïes, 90. Parmi les octogénaires, nous citerons :
Mrs Russell Sage, 87 ans, qui amassa la moitié de son immense fortune après sa 80' année.
Le Dr A. N. Bell, directeur et fondateur du « Sanitorian *, qui resta à son bureau jusqu'à 83 ans et est aussi compétent que jamais, avec un peu de surdité seulement.
Wilson Mac Donald, le sculpteur qui, à 83 ans (comme à 75), met les statues de Washington dans les écoles publiques.
Elisabeth Stanton, 87 ans.
Harriet Bûcher Stowe, 85 ans.
Baron de Lesseps, 89 ans.
Le juge Teney, 87 ans.
Webster, 85 ans.
Tennyson, 83 ans.
Herbert Spencer, 83 ans, etc.
Et parmi les membres de la Medico légal Society, sans donner la liste complète :
Outre Luther Marsh, 92 ans. D' A.' N. Bell, 83 ans.
Professeur Virchow, de Berlin, 82 ans, etc.
R. Odgen Doremus, 82 ans, jeune jusqu'au jour de sa mort, et son père Thomas Doremus, 82 ans, et son grand-père C. T. Doremus, 94 ans, qui restèrent tous en pleine possession de leurs facultés jusqu'au jour de la mort.
L'honorable W. P. Letchwort, 85 ans, etc., etc.
Parmi les juges et juristes encore vivants je citerai :
Charles Donohue, de New-York, toujours actif au barreau, l'un des plus habiles avocats-conseils de la cité et qui a 84 ans ;
Le juge Charles R. Ingall,87 ans ;
Le juge A. Bockes qui célébrera son 90* anniversaire en novembre a'il vit encore.
Marie-Louise Thomas, vice-présidente de la Société médico-légale de New-York, qui vient de mourir, dans toute l'activité de son intelligence, à 85 ans.
Albert Hubbard m'écrit : « Mon père, à 87 ans, est l'homme le plus robuste mentalement et physiquement que je connaisse. Il dort, se promène, lit, parle, agit comme un jeune homme. »
La liste nécrologique de la Revue des Revues contient les noms de la veuve du professeur Agassiz, à 85 ans ;
Sir John Hall, cx-premier de Nouvelle-Zélande à 82 ans ;
Le comte Constantin Nigra, le doyen des diplomates italiens, à 80 ans ;
Hiram J. Ayres, inventeur, à 84 ans :
Le professeur Ernst Hugo Fisher, de Heidelberg, 83 ans.
Et encore une liste plus longue de septuagénaires :
Joseph Knight, directeur de Notes et Queeries de Londres, à 78 ans.
Le gouverneur Ordway de Idaho, 79 ans ; Hector Heine Matot, romancier français, à 77 ans ; Le Révérend Kerkus, 77 ans ; W. Frederick Schenck, ingénieur, 77 ans, etc., etc.
Cette liste, tout à fait restreinte, nous montre combien nous manquons de sagesse quand nous nous laissons influencer par la superstition populaire qui veut que 70 ou 75 ans soient l'âge où l'activité humaine devrait cesser, Page où la vieillesse commence et la jeunesse disparait. Il n'y a pas d'âge auquel l'homme devrait cesser d'être actif et utile. La race devrait sortir de son état d'hypnotisation pour ce qui concerne la jeunesse et la vieillesse.
C'est l'esprit qui gouverne tout. Là où lacrainte est bannie de l'esprit, où l'âme est en harmonie avec ses occupations, si les lois de la vie et de la santé sont observées, si l'on mène une vie simple et frugale, si Ton prend beaucoup d'exercice au grand air, c'est la faute de l'individu s'il n'atteint pas un siècle d'existence, âge auquel l'homme a droit comme l'affirmait Brown Sequard.
Le danger se trouve dans l'esprit qui se laisse influencer par cette erreur répétée en ce qui concerne la jeunesse et la vieillesse. Ceux-là seuls qui se sont révoltés contre ce faux enseignement peuvent survivre.
L'Evangile d'aujourd'hui devrait être « Jeunesse perpétuelle » et « Travaille aussi longtemps que le travail est une joie pour le cœur ».
Henry Gaze est un des disciples de cette doctrine en faveur de laquelle il parle comme « un des douze o, et sa mission est, pour la, vérité... et une vie éternelle.
Séance du mardi 19 novembre 1907. — Présidence de M. le d' Voi six.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les D" Coste de Lagrave etWiazemsky (de Saratow), et les brochures suivantes : Sir Francis R. Cruise : Introduction au livre du Dr Lloyd Tuckey sur le traitement par l'hypnotisme et la suggestion ; D'Jean Abadie (de Bordeaux) : Recensement des enfants anormaux des Écoles publiques de garçons de la ville de Bordeaux.
M. le Secrétaire général prononce l'éloge du Dr Hamilton Osgood {de Boston), membre de la Société, récemment décédé.
Les communications inscrites à Tordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
Dr Paul Fabez. — L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité. Discussion. — D' Bérillon, Dr Legrain.
La suite de la discussion est renvoyée à la séance de décembre.
Dr Wiazeusky (de Saratow).— Incontinence des matières fécales consécutive à l'opération de l'anus artificiel ; guérison par la suggestion hypnotique.
Dr Coste de Lagravb. — Education de la volonté et de l'intelligence par auto-suggestion.
M. Lépinay. — Psychopathologie comparée : l'infanticide chez les animaux.
Discussion. — MM. les DM Bérillon et Demonchy, M. Blech. Dr Lingbeek (de la Haye). — Superstitions javanaises. D'Toulzac (de Versailles).— La protection des débiles mentaux contre les sévices dont ils sont l'objet dans les campagnes etles ateliers. Dr Maurice Bloch. — Tic douloureux du pied.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les Docteurs Rabant, Hue (de RouenJ, Mignon (du Vésinet), Alfven (de Stokholm) et de M. Guilhermet, avocat à la Cour d'Appel qui sont élus à l'unanimité.
La séance est levée à 6 h. 55.
De l'application de la suggestion hypnotique au traitement des maladies oragnlques : Guérison d'une incontinence des matières fécales, consécutive a l'opération de l'anus artificiel, par le D' Joseph Viazemsky (de Saratof), Médecin en chef du dispensaire anti-alcoolique et président du cercle Ambroise-
Auguste Liébeault.
Le 25 août 1905, une dame vient me demander si je pourrais soulager sa fille, âgée de 17 ans, qui est atteinte d'une curieuse affection : elle est sans cesse en proie à cette idée qu'elle va avoir envie d'évacuer ses matières fécales et qu'elle ne pourra réprimer cette envie.
Je questionne la mère ; elle m'apprend que, à sa naissance, la malade présentait les malformations suivantes : occlusion de l'anus, absence du pouce aux deux mains. Le lendemain de la naissance, on pratique l'anus artificiel. Jusqu'à 13 ans, la jeune fille a très fréquemment, pendant la marche, des selles involontaires, mais n'y prête aucune attention. Les règles paraissent à 13 ans et n'ont pas cessé d'être régulières. A 14 ans, la malade entre au lycée et, dès lors, l'idée de la défécation involontaire commence à la harceler ; elle dépérit complètement, devient triste, très pâle, irritable.
Cette affection pourrait-elle être atténuée ou guérie par le traitement hypnotique ? Je déclare à la mère qu'il m'est impossible de répondre quoi que ce soit de précis à cette question sans voir la malade. J'ajoute cependant cette remarque : « L'hypnose ne pourra soulager votre fille que si elle a le muscle sphincter de l'anus ; sinon, elle sera inefficace. *
Le lendemain la mère me présente sa fille ; elle est de taille moyenne, la peau et les muqueuses sont pâles, la couche graisseuse sous-cutanée peu développée, l'ossature normale, à l'exception des mains privées de leur pouce ; malgré cette infirmité, la malade peut écrire et exécuter les travaux manuels courants. Les organes internes ne présentent aucune lésion. Je procède à l'examen de l'anus, la malade étant couchée sur le côté , les fesses serrées, et je constate que la muqueuse intestinale fait saillie au dehors, sur toute la périphérie de l'orifice anal artificiel, de la longueur d'un centimètre et demi ; elle est rouge et humide. En écartant les fesses j'aperçois à la place de l'anus, une large bouche béante. A la question : « Pouvez-vous contracter l'anus ? », la malade répond : « Oui, je le peux, si je suis assise ou couchée », et elle m'en donne aussitôt la preuve en exécutant, sous mes yeux, à plusieurs reprises, la contraction du muscle élévateur de l'anus ; pendant ce mouvement l'orifice anal se rétrécit et se relève, mais la muqueuse reste immobile dans la position indiquée. Le périnée, d'une petitesse frappante, a à peine un centimètre de hauteur.
La malade me raconte qu'elle se sent bien lorsqu'elle reste à la maison et s'occupe de quelque chose ; mais doit-elle sortir, se rendre au lycée, en visite, au théâtre, dans les magasins, etc., aussitôt la voilà
qui commence à s'inquiéter; l'idée de la défécation se présente inévitablement à son esprit et, avec elle, la crainte d'avoir des selles soit en chemin, soit dans le lieu où elle veut aller. Elle est prise alors du besoin d'évacuer ses matières, et va à la garde-robe plusieurs fois de suite, ordinairement cinq, quelquefois plus ; ses matières sont d'abord dures, .puis demi-molles, enfin liquides. Le besoin satisfait, elle peut sortir, mais l'idée et la crainte de la défécation persistent et même grandissent si la malade reste dehors plus qu'elle ne pensait. A la maison, elle ressent la même chose s'il arrive quelque chose d'inopiné, lorsqu'elle s'inquiète ou attend des visites. Lorsque l'inquiétude est assez vive pour absorber l'attention de la malade, la crainte de la défécation disparaît. Cette crainte, pourtant si habituelle, elle ne l'a pas éprouvée pendant ses examens. Quand elle l'éprouve, la peur des selles l'empêche de manger. Elle vit ainsi depuis deux ans dans une tension d'esprit continuelle, fuyant la société, ne sortant jamais qu'à contre-cœur ;»son humeur s'est altérée, elle est devenue irritable. Lorsqu'elle est tranquille, l'appétit et le sommeil sont normaux ; les règles paraissent tous les mois, à époques régulières, sont peu abondantes et accompagnées quelquefois de douleurs au bas-ventre ; elles durent cinq à six jours. Jusqu'à ce jour, la malade a été soignée pour des dérangements d'estomac : elle prenait du bismuth et dans les derniers temps, de son propre chef, de l'opium lorsqu'elle sortait de la maison; ce remède la soulageait, me dit-elle, il supprimait les envies de défécation.
Tel est le cas que j'avais à traiter. Ce cas, examiné en lui-même, me parut soulever nécessairement deux questions : 1° Est-il justiciable de l'hypnose?2» Quel résultat peut-on attendre.en lui appliquant le traitement hypnotique ? Ma malade était tourmentée par une idée qui avait une cause réelle : à savoir le fait qu'elle ne pouvait pas retenir ses matières fécales pendant la marche. Si elle n'avait que ridée qu'elle était - impuissante à empêcher la défécation, l'hypnose pourrait sans doute la guérir complètement; c'étaitbicn la médication efficace, celle à laquelle il faudrait recourir. Mais contre la défécation involontaire pendant la marche, que pourrait le traitement hypnotique ? Suggérer à la malade de ne point faire attention à ces selles involontaires, et rien d'autre. Ce résultat possible, si je pouvais l'obtenir, n'était pas négligeable ; n'était-ce pas rendre à la malade un service considérable que de lui procurer une existence supportable ?
Sur ces réflexions, j'engage la jeune fille à revenir le lendemain 29 août pour la soumettre au traitement hypnotique. A l'heure dite la malade se présente et me déclare qu'avant de venir chez moi, elle a ressenti de vives inquiétudes et est ailée à la selle avec succès cinq fois de suite. Je l'endors très facilement; elle entre en somnambulisme. Je lui suggère alors de n'avoir plus d'idées et de craintes de défécation, de ne pas s'inquiéter, de ne pas devenir nerveuse même si elle a par hasard une évacuation alvinc involontaire. Je lui dis ensuite que les personnes atteintes d'hémorrhoïdes ont quelquefois des défécations contre leur gré
et qu'elles n'y font aucune attention. « Ainsi, ajouté-je, si par hasard vous ne pouvez retenir vos matières, si elles s'échappent malgré vous, vous resterez tout à fait calme, vous garderez tout votre sang-froid. ¦
Sur mon invitation, la malade revient le lendemain ; elle me dit que la veille elle se sentait bien, s'est promenée beaucoup sans avoir aucune idée de défécation ; elle n'a pas eu non plus de selle pendant la marche. La nuit a été tranquille et le sommeil bon. Mise à la diète, la malade a enfreint son régime ; aussi a-t-elle eu le matin môme cinq selles. Avant de venir à la visite, elle n'avait pas d'inquiétudes. Je résolus de fixer ce résultat important, l'absence de selle pendant une promenade prolongée ; et dans ce but, je fis la suggestion suivante : ¦ » Hier, voue vous êtes beaucoup promenée, sans avoir de selles, ce qui prouve bien que vous pouvez retenir vos matières. A partir d'aujourd'hui, vous retenez vos matières pendant la marche aussi bien que lorsque vous êtes assise ou couchée. Lorsque vous marchez, vous n'avez plus d'envie d'aller à la selle, vous n'en aurez plus jamais. »
Le lendemain, la malade manqua à la consultation ; elle avait la diarrhée et resta toute la journée à la maison prenant de l'huile de ricin et du bismuth avec de l'opium. Ses selles diarrhéiques différaient complètement des selles ordinaires qu'elle avait avant mon traitement.
Le 2 septembre, je la revois ; je répète la suggestion du 30 août et, en outre, comme les règles venaient de se montrer, je suggère qu'elles dureront 5 jours, sans douleur et seront peu abondantes.
3 septembre. La veille, la malade a été très bien portante ; elle s'est beaucoup promenée sans idées obsédantes ni crainte de défécation, sans selles Involontaires. Elle n'a eu, dans toute la journée, qu'une seule selle normale. Le matin de ce jour, avant de venir chez moi, elle a eu trois selles. Les règles continuent presque sans douleur. Je répète la suggestion précédente.
5 septembre. Le 4, la malade n'a été qu'une seule fois à la garde-robe, dans la matinée : selle normale. Ce matin, elle y est allée cinq fois : les selles ne sont plus liquides. Elle a bien dormi, n'a pas été nerveuse, comme d'habitude, n'a presque plus les idées de défécation qui l'obsédaient auparavant ; si elles naissent, c'est pour disparaitre aussitôt. Elle se promène dans la rue, tranquillement, et n'a plus de selles pendant la marche. Les règles, qui durent depuis quatre jours, sont peu abondantes et sans douleur. La malade n'accuse aucune douleur au bas-ventre. Je lui fais la même suggestion et l'engage à revenir dans trois jours.
0 septembre. Ainsi que je l'avais suggéré, les règles ont cessé au bout du cinquième jour. Depuis la dernière séance, la malade a eu chaque jour, soit le matin, soit le soir, une ou deux selles. Elle continue à se promener tranquillement dans les rues sans avoir ni idées obsédantes de défécation, ni défécation. Je répète ma suggestion, puis je ne revois la malade que le 13 et, pour la dernière fois, le 18. J'inscris sur mon
journal cette observation finale : « La malade se sent très bien, n'a plus d'idées de défécation ; pendant la marche, elle retient facilement ses matières ; a par jour deux ou trois selles qui sont normales ; le sommeil est bon ; plus de nervosité. » J'ai su depuis, par les propres parents de la jeune fille, que la guérison est restée parfaite.
Cette guéri son m » parait d'un grand intérêt : elle montre qu'il n'est pas possible de délimiter d'une façon définitive le domaine de la thérapeutique hypnotique. Avant le traitement, je ne pensais pas que le cas que je viens de décrire fût vraiment justiciable du traitement hypnotique et qu'on pût espérer une guérison complète par cette voie. Comment attendre de la suggestion hypnotique la guérison radicale d'une infirmité d'origine anatomique ? Cependant la cure a été radicale : la suggestion hypnotique, présumée impuissante, a délivré tout à fait la malade d'une douleur très vive.
Le fait de la guérison n'étant pas douteux, il importe vivement d'en trouver l'explication et de montrer le rôle qu'a joué l'hypnose dans cette guérison. Voici quelques raisons qui donnent, à mon sens, la clef du problème.
Dès sa plus tendre enfance, la malade privée du sphincter de l'anus, avait des selles involontaires. Ces selles n'avaient pas lieu pendant la station assise ou couchée, les fesses étant alors fortement serrées l'une contre l'autre ; elles se produisaient seulement pendant le marche, par suite de l'écartement des fesses qui rendait la défécation facile, même contre le gré de la malade. La répétition quoditienne de ces faits fortifia chez celle-ci la conviction qu'elle pouvait retenir ses matières étant assise ou couchée, mais qu'elle en était incapable pendant la marche. Agissant sous l'empire de cette conviction, elle essayait spontanément de réprimer les selles, quand elle était assise ou couchée, en serrant les fesses et en contractant le muscle élévateur de l'anus ; pendant la marche, au contraire elle ne faisait aucun effort pour empêcher les selles, persuadée qu'elle était par habitude, de son impuissance à le faire.
La suggestion hypnotique modifia cet état psychique en introduisant, dans l'esprit de la malade, la conviction qu'elle pourrait retenir ses matières pendant la marche, comme elle le faisait assise ou couchée. Cette conviction acquise permit d'arriver à la guérison complète de l'infirmité.
Il y a là, à mon avis, un phénomène analogue à ce qui se passe dans le cas de paralysie hystérique. L'origine est semblable dans les deux cas. La paralytique hystérique ne remue pas le membre paralysé, uniquement parce qu'elle est persuadée qu'elle ne le peut pas et ne fait aucun effort pour y arriver. Mais l'expérience montre que si l'on réussit à lui suggérer la conviction qu'elle peut mouvoir facilement le membre paralysé la guérison complète peut être obtenue.
L'infanticide chez les animaux,
par M. Lépinay, médecin-vétérinaire, professeur à l'Ecole de psychologie,
Nous ne présentons pas cette communication ou plus exactement ce travail récapitulatif comme une question nouvelle. Vous savez tous qu'elle a déjà fait l'objet d'études importantes dans d'autres milieux scientifiques et qu'elle a été examinée à beaucoup de points de vue. Nous ne croyons pas cependant qu'on en ait tiré toutes les conclusions et tout l'enseignement désirables. Nous allons nous y appliquer maintenant et dans des travaux ultérieurs. Pourquoi les animaux pris en général, dont l'instinct maternel est au plus haut point développé, qui donnent à l'humanité, sur ce terrain comme sur beaucoup d'autres, un exemple vraiment merveilleux de supériorité dans la défense de la progéniture, pourquoi ces animaux n'hésitent-ils pas à détruire leurs petits dans certaines circonstances qui ont été notamment très bien étudiées par notre éminent maître, M. Giard. Ce savant a examiné les causes les plus fréquentes de l'infanticide chez les animaux. Il indique : 1° la perte de l'instinct maternel. Certaines destructions lui paraissent dues à la perte de ce sentiment de jalouse protection que l'on appelle l'instinct maternel. Cette première cause, disons-le en passant, est assez peu précise, il y aurait lieu dans nos laboratoires de psychologie zoologique de l'étudier et de voir si cet instinct chez certaines espèces est complètement ou provisoirement détruit, si cette disparition tient à un état pathologique, ou si cet instinct maternel a été purement et simplement étouffé pour quelques instants par d'autres instincts, dans les mêmes conditions que les causes que nous allons examiner ci-dessous. Nous ne pouvons croire qu'un instinct dûment constaté puisse disparaître spontanément et définitivement, sans des motifs extrêmement impérieux. La vérité c'est que les observations ont été incomplètement faites. Il faudrait revenir sur ce sujet et ne pas classer des infanticides mal expliqués dans le cas de « disparition de l'instinct maternel ».
2* Cause : jalousie du mâle pressé de reprendre ses fonctions sexuelles et de posséder la femelle. Cette raison de l'infanticide paraît en effet bien déterminée et nous ne croyons rien avancer de trop en disant qu'un certain nombre d'infanticides ou tout au moins d'abandons d'enfants, dans l'espèce humaine, pourraient avoir une cause analogue. Ce genre d'infanticide a été observé surtout chez les oiseaux, le mâle se chargeant de jeter en bas du nid ou de tuer les petits pour que la femelle ne soit pas plus longtemps absorbée par les soins que la nature l'oblige à leur donner et se prête à ses besoins sexuels.
38 L'infanticide a été constaté sur dts petits qui avaient été touchés par une main étrangère. Cette cause est très connue parmi les éleveurs et notamment les éleveurs de lapins qui conseillent de ne pas toucher aux nouveaux arrivés et de ne même pas chercher à voir leur nombre, ces éleveurs prétendent avoir constaté souvent des destructions à la suite
d'interventions semblables. Là encore il nous semble que toutes réserves devraient être faites. Nous avons essayé bien des fois chez des espèces différentes de toucher, de palper, d'examiner les petits dès leur naissance, puis au bout de quelques jours, et nous n'avons pas vu que les mères aient à aucun moment détruit un ou plusieurs des nouveaux-nés que nous avions touchés. Il est vrai que cet examen avait été fait délicatement en retenant bien dans quelles conditions les petits étaient avant notre prise, en les remettant exactement comme nous les avions trouvés. Au contraire, chez les personnes où il nous fut donné d'observer des interventions de ce genre, nous avons remarqué que soit par crainte de faire tomber les petits, soit parce que ces derniers n'avaient pas été remis dans les conditions où ils étaient, il y avait toujours eu manipulation intempestive et qui pouvait très bien inquiéter la mère, moins à cause de l'attouchement que parce que les petits avaient pu être froissés, blessés et en tous cas replacés dans des conditions nuisibles pour leur santé. Sans vouloir trancher la question, avant de nouvelles expériences, nous pensons qu'un grand nombre de ces cas pourraient être compris dans la quatrième catégorie dont nous allons parler.
4° Destruction des petits, malades ou monstrueux, observations très fréquentes non seulement chez les oiseaux mais chez les quadrupèdes. Là c'est un petit serin mal conformé et que la mère ou le père jettent obstinément en dehors du nid, quelques précautions que l'on prenne. Plus loin c'est un lapin qui tue un petit chétif et malade. Dans d'autres circonstances c'est une chienne qui mange un ou plusieurs de ses petits qui ne paraissaient pas viables. Sur ce dernier point il y aurait lieu de s'arrêter quelques instants. II est de notoriété publique que beaucoup de chiennes mangent leurs petits, et cette idée est tellement répandue qu'en passant nous allons vous entretenir d'un incident curieux et pour lequel on nous consulte souvent. Il s'agit toujours d'une chienne qui a été en folie deux mois auparavant et qui présente une partie des caractères de la gestation à cette époque tout au moins, ses mamelles gonflent, se remplissent de lait, elle devient triste et se prépare un abri pour sa mise-bas. Un beau matin on retrouve la chienne inquiète, pleureuse, cherchant dans tous les coins de l'appartement, ayant en somme l'air d'être en quête de ses petits. En présence de cette inquiétude, les propriétaires pensent qu'elle a mis bas mais qu'elle a mangé les nouveaux-nés. Il nous faut souvent lutter contre celte idée, donner des preuves du contraire. Xous reviendrons sur cette question dans une étude sinon sur les grossesses nerveuses, mais sur les perturbations mentales des femelles domestiques.
Au moment d'un accouchement, cette destruction des petits, chez la chienne tout au moins, pourrait, dans un certain nombre de cas, être expliquée de la manière suivante : On sait que la chienne, comme d'autres gro3 carnivores, cherche à manger les enveloppes fœtales : cet instinct a été étudié depuis peu dans des travaux sur la placentophagie observée même dans l'espèce humaine. Il a été reconnu que ce qui avait
été considéré comme une manie, comme un véritable pica, pouvait être parfaitement expliqué comme répondant à un besoin physiologique, et à la suite de ces constatations on a même fabriqué des extraits de placenta que, dans certaines circonstances, on fait absorber aux nouvelles accouchées. On pourrait donc penser que des animaux qui dévorent leurs petits le font parce que souvent les fœtus arrivent enveloppés de membranes fœtales et alors la bête dévore en même temps le contenant \ et le contenu, sans que pour cela elle ait une raison plausible de commettre un infanticide.
Une cinquième cause serait l'émotion de la femelle en présence d'un danger qui menace ses petits. Dans nombre d'espèces l'animal, après avoir essayé de soustraire sa progéniture à un danger quelconque, voyant qu'il ne peut y arriver, préfère tuer ses petits ou cherche à les préserver comme nous allons le voir dans l'exemple suivant, des suites d'un abandon. On cite, en effet, une chienne dont la passion pour la chasse était telle que, prête à mettre bas, malgré les dispositions prises par son maitre, voulut quand même le suivre. Puis, au bout de quelques heures, revint précipitamment faire ses petits dans son local habituel, les mangea et retourna alors prendre sa place au milieu des chasseurs.
Il nous a été donné de faire une observation à peu près analogue : une chienne nous est confiée à l'hôpital pour faire ses couches, malgré toutes les dispositions prises elle trouve le moyen de franchir une série de barrières et de rentrer chez elle... Elle est ramenée à notre établissement — surcroit de précautions — elle franchit à nouveau les barrières, arrache deux bas de porte et retourne chez son maitre. On lui fait réintégrer l'hôpital où elle est gardée à vue constamment. Elle fait rapidement ses petits puis cherche à les cacher sous le banc de sa loge. Les voyant découverts elle devient furieuse à tel point qu'un observateur moins prévenu aurait pu penser à la rage. Il est impossible d'en approcher, elle ne veut même pas sortir et abandonner ses petits quelques instants. Enfin elle en étouffe une partie, elle dévore les autres, puis force avec une énergie surprenante les barreaux d'une cage, passe dans un espace relativement restreint et fuit à nouveau. Nous pensons que cette bête voulait absolument faire ses petits chez elle, qu'obligée d'accoucher dans un endroit qui lui était étranger, elle n'a pas voulu les abandonner et a préféré les détruire plutôt que de les laisser exposés à des dangers que son instinct lui suggérait.
Une autre observation est la destruction d'un petit par une de nos guenons. Cette bête accoucha un certain jour et nous l'observâmes attentivement, tant pendant son accouchement que durant les quelques heures qui suivirent. Cette guenon dont l'intelligence paraissait très développée fut prise alors d'une inquiétude manifeste. Elle ne paraissait pas savoir où mettre son petit, dans quelles conditions l'installer. On se figura d'abord, bien que l'endroit où elle était fût chauffé, qu'elle ne trouvait pas la chaleur suffisante, et on l'entoura de briques chaudes, de récipients
d'eau bouillante, de couvertures, etc. Nous avions eu cette idée parce que la guenon portait son petit d'un coin dans un autre et avait essayé de l'enfouir dans une gamelle de riz chaud. Ce n'était pas le cas certainement car quand on l'eut entourée de tous les objets nécessaires pour augmenter la température, elle continua son manège. On essaya alors de lui prendre son petit, comme la chienne précédemment observée elle devint absolument inabordable. Nous voulûmes alors soustraire son enfant à ses interventions, ayant le désir de l'élever et certain que la guenon allait amener sa mortrapidemmentsi elle continuait ses faits et gestes. En présence de notre détermination la mère prit son petit par la queue, lui fit décrire une série de moulinets et l'assomma sur les parois de sa loge. Son acte accompli, il fallut se livrer à une véritable bataille • pour lui enlever le cadavre. Il semble bien que là encore cet animal ait eu l'intention de soustraire sa progéniture à la captivité et aux dangers qui en résultent.
Nous pourrions citer un grand nombre de cas analogues, nous aurons l'occasion d*y revenir. Aujourd'hui nous cherchons à conclure. II semble que les animaux, en détruisant leurs petits :
1' Assurent de meilleures conditions de reproduction en ne laissant vivre aucun être chélif, malade, estropié ou dégénéré.
2- Commettent cet acte par une exagération de leur instinct de maternité en ne voulant en aucune circonstance laisser leurs petits exposés à un danger quelconque.
Nous sommes donc bien loin de la perte de l'instinct maternel.
Quant aux quelques autres cas que nous ne pouvons pas faire rentrer dans les deux grandes catégories que nous venons d'énumérer, ils ne prouvent pas, jusqu'à études plus complètes, qu'il y ait dans certaines circonstances, disparition de l'instinct maternel. C'est alors que nous demandons à nos collègues qui s'occupent plus spécialement de la psychologie des humains si ces causes de l'infanticide chez les animaux ne pourraient pas éclairer et être éclairés par tes causes et les phases dé l'infanticide chez la femme ; est-ce que les femmes qui commettent cet acte si monstrueux, et cependant si délicat à juger, n'obéissent pas dans la plupart des circonstances aux mêmes causes que nous avons étudiées chez les animaux ? N'est-ce pas fréquemment chez la femme sinon un instinct de meilleure reproduction de l'espèce mais la crainte que son enfant qui forcément sera élevé dans de mauvaises conditions ne devienne et ne reste qu'un bâtard misérable au moral comme au physique ? N'avez-vous pas, sans l'expliquer, observé Ces cas d'essais de destruction d'un enfant qui comme on dit vulgairement « vient mal » c'est-à-dire d'un enfant dont la santé est délicate et qui successivement fait des accidents pathologiques ? Est-ce que la fille-mère qui accouche après avoir avec un instinct de maternité remarquable préparé loutesles conditions de cet accouchement pour, bien entendu, conserver son enfant, tout en le cachant, et qui tout à coup le supprime parce qu'ils vont l'un et l'autre courir des dangers, elle d'être découverte, puis de
perdre son emploi, la considération dont elle est entourée, son gagne-pain, et conséquemment lui, son enfant, les soins et les secours dont il a besoin, est-ce que cette fille-mère disons-nous ne s'est pas subitement trouvée en présence de dangers résultant d'une situation non prévue et qui, instinctivement, fatalement, la conduit au crime ? Nous laissons à d'autres plus autorisés le soin de répondre, de trancher ces questions, il nous a semblé utile, en tout cas, de discuter dans ce milieu psychologique les observations que nous faisons chez les animaux, les conclusions que l'on peut en tirer pour eux et celles beaucoup plus importantes qu'on peut en déduire pour l'espèce humaine. Si nous appliquons à cette dernière les conclusions qu'il nous est possible d'appliquer aux animaux en pareille circonstance, nous serons bien obligés de penser qu'un grand nombre d'infanticides sont le résultat non point d'un esprit criminel, non point d'un raisonnement égoïste, non point de la disparition des sentiments maternels, mais d'une impulsion involontaire aveugle, fatale, produite chez la mère par l'idée des dangers immédiats ou futurs que peut courir son enfant. Nous ajouterons que dans la suite de cette étude, nous pourrons apporter ici, si vous voulez bien nous y aider, des faits nouveaux. Il serait utile que l'on puisse observer des filles-mères venant de commettre un infanticide et d'examiner dans quelles conditions, sous quelles impulsions elles ont préparé et commis leur crime etquelle est alors leur attitude, attendu que jusqu'alors ces observations ont été faites par des juges et qu'elles auraient besoin d'être reprises par des psychologues.
Education de la volonté et de l'intelligence par l'auto-suggestion
par H. le Dr Coste de Lagrave.
Exposé
L'auto-suggestion est la méthode de choix pour développer la volonté et l'intelligence.
L'auto-suggestion est une pratique nécessaire pour développer la personnalité et l'initiative de l'individu.
Nous sommes environnés de suggestions. Nous vivons dans un monde de suggestions. La vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher servent à nous les transmettre. Suggestions par les paroles que nous entendons, suggestions par les actes que nous voyons, toutes ces suggestions laissent une trace en nous.
Parmi toutes ces suggestions, les unes sont bonnes, les autres sont mauvaises ; et malheureusement ce sont les mauvaises suggestions qui semblent être plus facilement reçues par l'individu.
L'auto-suggestion méthodique prend les bonnes suggestions, les grau-dit, les développe, les augmente, les multiplie.
L'auto-suggestion méthodique refoule ou fait disparaitre les mauvaises suggestions et leur résultat.
Chez l'hypnotisé, le fait est bien plus évident.
Le buveur qui a été hypnotisé et qui a reçu la suggestion : Tu ne boiras plus d'alcool, doit compléter sa guérison par l'auto-suggestion ; Je ne boirai plus d'alcool.
Si l'hypnose a rendu ce malade impressionnable et sensible pour recevoir la bonne suggestion, l'auto-suggestion méthodique utilise ces dispositions pour renouveler mille fois la bonne suggestion, en ajoutant ce que l'hypnose ne donne pas. à savoir :
L'auto-suggestion ajoute l'indépendance de l'individu,la personnalité de l'individu, l'initiative de l'individu, c'est-à-dire : l'auto-suggestion développe la volonté de l'individu.
Hypnotisé et suggestionné, l'individu devient sensible à toutes les suggestions extérieures et leur obéit.
Auto-suggestionné, l'individu obéit à lui-même, à sa volonté. Il n'est plus le jouet d'une volonté étrangère. Il résiste aux mauvaises suggestions, aux mauvais exemples, et cela par lui-même, par sa propre volonté.
Le nombre d'impressions et d'auto-suggestions est à considérer.
Un cheval tire une lourde charrette. II s'arrête car il n'a pas l'énergie suffisante pour faire les efforts nécessaires.
Le charretier lui donne un, deux, trois, puis dix, puis vingt coups de fouet. Sous l'influence de ces vingt coups de fouet, le cheval tire aisément la lourde charrette.
Le coup de fouet est l'impression ou la suggestion qui, réitérée, accumulée vingt fois donne la résultante désirée, alors qu'une impression ou suggestion était insuffisante.
L'enfant de six ou sept ans aime mieux s'amuser que faire son devoir.
Si le père dit à l'enfant une seule fois : fais ton devoir, l'enfant continue à s'amuser et n'exécute pas la suggestion.
Si le père réitère vingt fois la suggestion en variant la formule, il dit à l'enfant :
« Fais ton devoir, tu as assez joué, mets-toi au travail, étudie, il faut étudier, c'est le moment de travailler,mets-loi au travail, allons, vas à l'étude, vas â la table de travail, prends tes livres, prends tesplumes et tes crayons, va travailler, il est temps de travailler, fais tes devoirs, sois appliqué, sois studieux, ne lève pas la tête, sois sage,etc.,etc.z-, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'enfant fasse son devoir. L'enfant sous l'influence de ces vingt suggestions ou de suggestions plus nombreuses encore se met au travail et fait son devoir.
Ce qu'une suggestion n'a pu faire, vingt ou trente ou cent suggestions le font faire.
Pour l'homme, même mécanisme.
Certains hommes reçoivent des suggestions nombreuses et réitérées, par exemple les ouvriers de leurs patrons ou de leurs contre-maîtres, les soldats de leurs sous-officiers.
Mais il est une catégorie d'hommes qui ne reçoivent pas de suggestions réitérées ou nombreuses, ce sont des intellectuels. Un ordre donné
une seule fois doit être accompli. Il faut avoir une souplesse et une sensibilité de réactions nerveuses particulières.
Or l'homme veut bien faire son devoir, mais, comme l'enfant, il ne le fait pas. Il n'a pas la volonté suffisante pour faire ce devoir. Et personne n'est là pour donner à l'homme la suggestion vingt fois ou cent fois réitérée : fais ton devoir, comme le père le dit à son enfant.
Qu'est-ce qui remplacera les vingt ou les cent suggestions nécessaires pour accomplir l'acte, pour faire le devoir.
C'est l'auto-suggestion.
L'homme qui pratique l'auto-suggeslion se donne à soi-même la suggestion vingt fois ou cent fois renouvelée de faire le devoir.
L'homme qui pratique l'auto-suggestion et qui reçoit de lui-même cent fois ou mille fois la suggestion ou auto-suggestion de faire le devoir renouvelle cent fois ou mille lois un effort de volonté.
L'homme par l'auto-suggestion fait mille efforts successifs pour faire le devoir. Ces efforts s'accumulent et si un ou dix ou vingt efforts de volonté étaient insuffisants, il arrive un moment où mille efforts de volonté sont suffisants.
Le devoir se fait, l'homme fait son devoir.
Si dix mille efforts de volonté sont donnés, le devoir est d'autant mieux fait.
Si cent mille efforts de volonté sont donnés, l'œuvre en a une valeur plus grande.
L'auto-suggestion méthodique a encore cet avantage. L'auto-suggeslion développe la personnalité de l'individu, son initiative, sa décision.
Par l'auto-suggestion l'homme est l'auteur de son propre développement, l'homme augmente lui-même sa volonté, l'homme exerce et fortifie sa volonté, l'homme s'apprend à lui-même à vouloir, et à exécuter sa volonté.
Par la suggestion étrangère l'homme reste soumis, obéissant, ayant toujours besoin de guide, d'encouragement et de suggestion.
Tandis que par l'auto-suggestion l'homme est indépendant, il est une volonté libre, il est son maître, il obéit à lui-même.
Il est donc juste de dire :
L'auto-suggestion constitue l'éducation de la volonté. L'éducation de la volonté se fait par l'auto-suggestion.
Pour apprendre à ceux qui le désirent, l'auto-suggestion méthodique nous allons dire ce que nous avons fait, comment nous avons pratiqué l'auto-suggestion, et los pensées que cette pratique a fait naître.
Ce travail est divisé en trois parties.
Dans la première partie nous envisageons la pratique de l'auto-suggestion n Etre sage » ainsi que les résultats généraux de cette auto-suggestion.
Dans la seconde partie seront envisagés les défauts et les autosuggestions appropriées.
La troisième partie sera consacrée aux qualités à acquérir par l'autosuggestion.
AUTO-SUGGESTION « ETRE SAGE »
L'auto-suggestion Etre sage est très large. Elle comprend l'ensemble des facultés. La sagesse s'applique à tous les actes de la vie : boire, manger, dormir, travailler, aimer. C'est une auto-suggestion synthétique.
Voici comment j'ai été amené à pratiquer l'auto-suggestion « Etre sage ».
J'ai commencé à pratiquer l'auto-suggestion méthodique vers l'âge de 30 ans (1885). La maladie qui me forçait alors à rester couché toute la journée, et cela pendantplus d'un an, a contribué à diriger ma pensée dans cette voie. A ce moment, les longues méditations étaient pour moi les seules occupations cérébrales possibles.
Pendant une quinzaine d'années j'ai pratiqué l'auto-suggestion méthodique au hasard des circonstances. Je pratiquais cette méthode tous les jours. J'y consacrais toutes mes forces, toutes mes aptitudes.
Mais n'ayant pas encore d'expérience, je faisais des efforts désordonnés. Tel un cheval donne des coups de collier puissants et prodigieux, mais ne sait pas tirer avec continuité. Il dépense dix fois plus de forces qu'il ne faut.
Cependant l'expérience est venue à la longue. J'ai régularisé mes efforts, je les ai disciplinés, méthodisés et j'ai continué à associer l'autosuggestion à tous les actes de l'existence.
-Cet entraînement dure depuis plus de vingt ans.
Vers l'âge de 45 ans, j'ai pratiqué pour la première fois l'auto-suggestion « Etre sage ». Je voulais fortifier mon cœur, le rendre robuste et inaccessible aux entrainements de la passion d'aimer, entraînements auxquels je me trouvais céder trop facilement, et qui déplaçaient mon désir de travailler.
J'ai pratiqué l'auto-suggestion affirmative, o Etre sage ». Car je ne connaissais pas encore la valeur des auto-suggestions négatives.
L'auto-suggestion a Efre sage » pratiquée pendant plusieurs jours m'a donné un résultat inappréciable, presque rien.
J'ai modifié la formule de l'auto-suggestion en « Je veux être sage ».
L'addition de Je veux à été très heureuse et très efficace.
L'auto-suggestion Je veux est une des plus utiles, je l'ai constaté depuis.
Mais pour que l'auto-suggestion puisse ètro pratiquée pendant un un temps assez long, soit pendant plusieurs heures, il faut que les formules et les propositions soient variées.
Dans l'exemple présent l'auto-suggestion était « Je veux être sage ».
Or, quand j'avais pratiqué pendant vingt minutes, l'auto-suggestion Je veux être sage, sage, sage, être sage, sage, sage, je veux, je veux, je je veux être sage, sage, sage, etc. Au bout de ce temps le cerveau était fatigué. II fallait se reposer ou même cesser complètement.
Une comparaison. Si vous voulez exécuter un seul et unique mouvement, même léger, comme remuer le petit doigt, au bout de deux ou trois cents fois vous serez fatigué. Vous ne pourrez plus remuer le petit doigt, quoique ce soit un mouvement ne nécessitant aucun effort.
Il en est de même pour une proposition seule et unique, quand on veut la fixer par l'auto-suggestion.
Il faut varier les formules de l'auto-suggestion de façon que toutes les formules concourent au même but.
Dans l'exemple actuel « Etre sage », j'ai utilisé les variantes suivantes. « Etre sage, je veux être sage, je serai sage, je suis fort, je serai fort, je résiste, je résisterai, je suis sage, je suis maître de moi, je lutterai, j'aurai le dessus, jeme domine, j'aide l& volonté, j'aide Vénère gie. En avant, etc. ». Chacune de ces formules étant répétée mentalement environ de cinq à vingt-cinq fois de suite.
De cette façon l'auto-suggestion a pu être pratiquée plusieurs heures dans une journée de 24 heures.
C'est comme le joueur de piano qui ne peut jouer cinq minutes en remuant seulement le petit doigt sur la même note, et qui peut jouer toute une soirée en remuant tous les doigts successivement.
Toutes ces suggestions ou auto-suggestions sont affirmatives. Elles forment une synthèse. Elles prennent la difficulté en bloc, en totalité et non morceau par morceau. Elle ne prennent pas chaque acte répréhen-sible pour le défendre et pour l'empêcher de se produire.
C'est en partie à ce motif que j'attribue le long temps nécessaire pour que l'auto-suggestion » Je veux être sage » m'ait donné un résultat efficace.
Pendant six mois j'ai pratiqué l'auto-suggestion « Etre sage ¦ ou les formules qui la variaient. Je l'ai pratiquée de façon qu'elle soit l'autosuggestion principale, occupant ma pensée pour les quatre cinquièmes du temps consacré à l'auto-suggestion. Je pratiquais cette auto-suggestion « Etre sage »à tous les moments libres de la journée et de la nuit ; dès que je pouvais, en marchant, en mangeant, en entendant de la musique, mais surtout en me couchant, pendant la nuit, et le matin en me réveillant.
J'estime que, les intervalles de repos mis à part, j'ai pratiqué cette auto-suggestion a Etre sage » ou ses variantes, un minimum de trois heures par jour de vingt-quatre heures, et cinq jours par semaine.
Le résultat a été long à se produire, six mois. Mais il s'est produit net, précis, indiscutable. J'ai été délivré de l'esclavage.
Car c'est un esclavage dont on n'a idée que lorsqu'on y est passé.
J'ai pu assister aux séductions de l'amour et rester maitre de moi.
La victoire s'est maintenue pendant plus d'un an sans que j'aie eu à renouveler l'auto-suggestion « Etre sage ». Je me livrais alors aux autosuggestions diverses du moment ou au repos.
Puis au bout d'un an la volonté a faibli, je n'ai plus été maitre de moi, l'esclavage a recommencé.
Dès que je m'en suis aperçu, j'ai repris l'auto-suggestion « Etre sage » et ses formules variées.
Pendant trois mois, jour et nuit, j'ai pratiqué de nouveau cette autosuggestion o Etre sage » et ses variantes de façon qu'elles occupent les quatre cinquièmes de ma pensée et de mes forces.
Le résultat a été aussi net, aussi précis que la première fois, mais ce résultat a été plus rapide puisqu'il a été obtenu au bout de trois mois au lieu des six mois de la première fois.
Et dans la suite, dès que l'esclavage menace de revenir, ce qui arrive encore assez souvent, je le repousse immédiatement par l'auto-suggestion « Etre sage », pour obtenir ce que la première fois j'ai mis six mois à conquérir.
La faiblesse de la volonté a pu être modifiée et corrigée par l'autosuggestion.
Cet état d'esprit que nous venons de viser est particulier à beaucoup d'hommes. Il dure ordinairement toute la vie.
Mais il est une autre forme de folie amoureuse plus violente, plus terrible, plusbouleversante. C'cstl'amour déçu, l'amour contrarié, l'amour non satisfait.
L'amour de l'homme pour la femme, quand il s'est développé sous forme de passion par un entraînement de plusieurs jours ou de plusieurs mois, cet amour, quand il n'est pas satisfait, entraine des désordres cérébraux qui constituent une véritable maladie de l'individu.
C'est l'amour cérébral ou amour platonique qui est cause de tous ces désastres, non l'amour charnel ou sensuel.
Il n'en est pas moins vrai que l'amour cérébral se complète par l'amour charnel.
Comme beaucoup, j'ai connu les désillusions de l'amour malheureux.
La première fois, l'amour déçu a provoqué une folie qui a duré cinq ans. Pendant cinq ans j'ai cru que le mal ne pourrait guérir, qu'il durerait toute la vie. Puis, au bout de ce temps, la peine est allée en diminuant pendant encore trois ans, et a fini par disparaître. C'est une gué-rison spontanée qui a duré huit ans.
Et le dernier grandamourfutbîenplus violent que le premier. Pendant six mois ma volonté, ballottée comme une épave par la tempête, n'a pu se ressaisir malgré tous mes efforts.
Mais cette fois j'ai fait appel à mon expérience pour me guérir. J'ai pratiqué l'auto-suggestion « Etre sage, être raisonnable », et les variantes.
Puis, pour remplacer l'idée de l'absente, j'ai pratiqué l'auto-suggestion pour travailler, écrire, avoir de bonnes idées, et d'autres auto-
suggestions que j'ai jugées nécessaires pour produire une œuvre utile.
Et comme à chaque seconde la pensée de l'absente se représentait, chaque fois je l'écartais par l'auto-suggestion de travailler, écrire, avoir de bonnes idées, etc.
A ce moment, j'estime avoir fait certains jours jusqu'à six heures d'auto-suggestion. J'ai travaillé jusqu'au surmenage. Et au bout de six mois de cette lutte de tous les jours, de toutes les heures, de toutes les minutes, un peu d'apaisement est venu à mon cœur. Un peu, bien peu, pas beaucoup, mais c'était une lueur d'espoir.
Le traitement par l'auto-suggestion a continué pendant trois ans.
Pendant trois ans il a fallu lutter pied à pied, pensée contre pensée.
Pendant trois ans, il a fallu continuellement déplacer une idée fixe par une autre, sans cesser, sans se reposer, sans armistice. Ce n'est qu'au bout de ce temps que l'apaisement est venu. Et maintenant la cinquième année je continue toujours le traitement. Mais l'image de l'absente ne vient plus que rarement me poursuivre. Et cependant je la remplace toujours par le travail.
Il existe des degrés dans la passion, et j'ai assisté à de petites passionnelles ayant mis deux jours pour se monter, et qui, n'étant pas satisfaites, laissaient une petite folie de quatre à cinq jours.
Ces petites passionnettes d'amour n'ont d'intéressant que de montrer le degré de folie minuscule qui est proportionnée à la cause qui l'a produite.
Notons en passant que l'auto-suggestion naturelle et spontanée entre pour une large part dans la formation, dans la fabrication de la passion d'aimer. ...
Si l'impression première, la présence de la femme pour l'homme est nécessaire, cette impression est grandie, augmentée, multipliée considérablement grâce au travail de l'auto-suggestion naturelle et spontanée.
Ce que l'auto-suggestion fait, elle peut le défaire..
(à suivre)
recueil de faits
La prétendue ressuscitée de Nuremberg.
par M. le Dr Paul Fabez, professeur à l'Ecole de psychologie.
Il y a un peu plus d'un an, des journaux belges annoncèrent qu'une jeune femme de Hoff, en Bavière, s'était réveillée, au moment où l'on allait l'inhumer.
Désireux de s
.avoir si je pouvais faire état de ce cas et le présenter
comme authentique dans les leçons que je faisais alors, à l'Ecole de psychologie, sur les sommeils pathologiques et les états de mort apparente, je lis une enquête dont j'exposai, à cette époque, les résultats à mon auditoire. Je me décide à publier ce que je sais sur ce cas, à titre d'exemple ; puissent ces quelques lignes inspirer plus de circonspection aux reporters et aux correspondants des journaux qui se prétendent bien informés. Voici les faits.
Marie Keihvitz réside, depuis quelque temps, à Nuremberg, où elle exerce la profession de couturière* Un jour, ses parents, qui habitent HofT, reçoivent le télégramme suivant : - Votre fille, Marie Kehvitz, est morte », signé : « Muller ».
Très affligés, comme bien on le pense, les pauvres parents apprennent ce décès à leur entourage, le font annoncer dans un journal de Hoff, à la rubrique Nécrologie, et s'empressent de partir pour Nuremberg. Là, ils sont tout étonnés de trouver leur fille,non-seulement vivante, mais très bien portante.
Que s'est-il donc passé ?
Marie Keihvitz devait se marier prochainement ; mais elle s'est disputée avec son fiancé, qui a repris sa parole. Désolée de cette rupture, Marie Keihvitz veut voir ses parents au plus tôt, pour leur exposer la situation et les prier d'apaiser la colère du fiancé. Seulement, se dit-elle, si je demande à mes parents de venir au sujet de mon mariage, ils ne se dérangeront peut-être pas, ou bien ils tarderont à venir. Alors, en égoïste, sans penser à la douleur qu'elle allait causer à son père et à sa mère, elle leur adresse le télégramme qu'on a lu plus haut et qu'elle signe du nom d'une amie, originaire, comme elle, de la ville de Hoff.
Tout naturellement, les parents Keilwitz écrivirent au journal de Hoff que leur fille, dont le décès avait été annoncé, se trouvait bel et bien vivante. De là à raconter que Marie Keilwitz était revenue à la vie aù moment de l'inhumation, il n'y avait qu'un pas ;... et ce pas fut franchi par le journaliste.
Par ces temps d'information à outrance, la presse accueille, trop souvent sans contrôle, avec une précipitation regrettable, les nouvelles qui lui viennent de divers côtés. Bien plus, dans les salles de rédaction, on y ajoute, pour l'agrément ou le piquant du récit, des détails tout à fait faux. C'est ainsi que des relations mensongères encombrent et déshonorent la littérature spéciale relative aux états de mort apparente.
Toutefois, entre la crédulité excessive de la foule qui affirme sans preuves et l'incrédulité systématique de certains savants qui nient en dépit des preuves, il y a place pour un juste milieu, c'est-à-dire pour l'admission des quelques cas authentiques qui ont résisté à un contrôle sévère et rigoureux.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
L'alimentation et la cuisine naturelles dans le monde
par le Dr Montéuuis (de Sylvabello) (*).
« L'alimentation moderne ruine la santé de l'individu, comme la vigueur de la race. Ce n'est plus une nourriture qui entretient et répare nos forces à mesure qu'elles s'épuisent, mais un chauffage à blanc de la machine humaine ».
Ainsi s'exprime au début de son excellent livre de clinique alimentaire mon distingué confrère M. Montéuuis (de Sylvabelle).
Jusqu'ici, on peut dire d'une façon générale que l'hygiène alimentaire a eu comme résultat de nous faire manger, au nom de la science, — de la science de'laboratoire ! — en dépit du bon sens et de la saine et traditionnelle expérience des siècles. '
« Sous l'influence néfaste de l'Ecole allemande, la science de l'alimentation a rompu avec la tradition. Elle s'est systématiquement cantonnée dans le laboratoire. » On peut dire que l'évolution de l'hygiène alimentaire s'est faite en dehors des médecins, qui se sont mis à la remorque des chimistes. L'hygiène alimentaire paraît n'Être aujourd'hui qu'une question de pesées, d'analyses et de calories.
Il est temps de réagir contre d'aussi fâcheuses tendances. Moins de science et plus de bon sens s'imposent. La réaction salutaire a été commencée par des maîtres comme Robin et Huchard. Aux modestes praticiens de suivre. Ils trouveront dans le traité de M. Montéuuis le guide sûr, pratique, clinique, vrai bréviaire de l'antiarthritisme, dans lequel malades et médecins apprendront à soigner leur santé... ce qui vaut mieux que soigner leurs maladies. (1) Paris, \I\lo's :., idlteur, 1907.
Les Saints successeurs des Dieux I. L'Origine du Culte des Saints. — II. Les sources des légendes hagiographiques. — III. La Mythologie des noms propres, par P. Saint-Yves. Paris. — Librairie critique. — E. Nourry. — In-8° 1907.
« L'étude de M. Saint-Yves mérite sans doute d'être discutée par les spécialistes de l'histoire religieuse et de la mythologie. Mais la netteté de l'exposition, la multitude des exemples allégués, en font un excellent ouvrage de vulgarisation pour les profanes comme moi, qui sont curieux tout à la fois de voir un peu clair dans la floraison prodigieuse de la légende chrétienne, et de savoir ce qu'un catholique libéral est disposé à en croire. C'est une lecture tout à fait amusante, et dont la
conséquence va loin, au delà même de ce que promet le titre. Toute cette littérature apocryphe, qui forme la presque totalité de la légende des saints, a été créée par l'ignorance, mais pas le besoin religieux du peuple. C'est vrai des saints : n'est-ce vrai que des saints ? Ainsi s'ex- i plique-t-on que des traditionalistes entêtés s'irritent de la critique qui « déniche » lessaints, et s'obstinent à défendre toutes les superstitions comme des ouvrages avancés du catholicisme : s'ils les abandonnaient, qui sait jusqu'où ils seraient ramenés ? »
Nous sommes heureux de nous associer à celte élogieuse appréciation de M. G. Lanson, professeur à la Sorbonne, à propos du livre de notre distingué collègue de la Société d'hypnologie.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 21 janvier à 4 heures et demie sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de commu : ¡catión à M. le D' Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications déjà inscrites :
Dr Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité. Inscrits Dr Paul Farez, M. Juliiot, docteur en droit, Dyvrande, procureur de la République, Dr Voisin, Professeur Lionel Dauriac.
DM Huckard et Amblard : La mort subite par émotion.
Dr Paul Farez : Mort par émotion, imitation, suggestion, etc.
Dr Bérillon : Io La psychothérapie graphique : mode d'action et applications.
D' Dhotel (de Poix) : Etat de la pupille dans certains états d'attention.
Dr Jacques Bertillon : Considérations psychologiques relatives à l'infanticide.
M. Podiapolsey (de Saratow). — De l'influence des états psychiques sur les changements de couleur des cheveux et de la peau, — et sur la guérison de la lèpre biblique (zaraath).
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie.
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
40, rue Sainr-André-des-Arts
Conférences psychologiques hebdomadaires
les lundis a cinq heures
Lundi 13 janvier, à 5 heures, sousla présidence de 31. le professeur Giard, membre de l'Académie des Sciences. — Psychologie comparée; l'hypnotisme chéz les animaux et chez l'homme, par M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie (avec projections).
Lundi 20 janvier, à 5 heures, sous la présidence de il. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêlrière. — Les enseignements psychologiques de la guerre Anglo-Boer, par M. le Dr Lingbeek, médecin en chef des ambulances néerlandais au Transvaal.
Lundi 27 janvier, à 5 heures, sous la présidence de M. le Dr Paul FAREZ, professeur à l'Ecole de psychologie.— Les supercheries de l'occultisme: La prétendue lecture de pensée, etc., etc. — Démonstrations expérimentales par M. et Mme Dahan.
Lundi S février, à 5 heures, sous la présidence de M. Lionel Daoriac, professeur honoraire à l'Université de Montpellier. — La. psychologie artistique et l'hypnotisme, par M. le Dr Paul Joire, de Lille.
Lundi 10 février, à 5 heures, sous la présidence de Mme Kergohard, inspectrice générale de l'Université. — Le rôle de l'émulation scolaire dans la formation de la personnalité, par Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière.
Lundi 17 février, à 5 heures, sous la présidence de M. le professeur B. Broda, directeur des « Documents du progrès ». — L'évolution psychologique de la Chine moderne, par M. Scié-Ton-Fa, docteur en droit.
Lundi 24 février, à 5 heures, sous la présidence de M. le Dr Padl-Boncour, médecin du service biologique à l'Ecole Théophile Roussel. — L'enfant anormal à travers les âges, par M. le D' Bérillon, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés {avec projections).
Lundi 2 mars, à 5 heures, sous la présidence du Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie- — La psychologie du combattant sur te champ de bataille. La volonté de vaincre, par le capitaine Villetard de Lagl'ékie.
Hospice de la Salpêtrière. — M. le Dr J. Voisin commencera, le jeudi 9 janvier 1908, à 10 heures, ses conférences cliniques sur les maladies mentales et nerveuses spécialement chez les enfants, et les continuera tous les jeudis à la même heure. (Sections Esquirol et Félix Voisin.) Le cours s'adresse aux médecins, aux étudiants et aux membres de l'enseignement.
L'Administrateur-Gérant ; Ed. BÉRILLON.
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22e Année. —N°8.
Février 1908.
BULLETIN
Huitième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie, sous la présidence du D' Brissaud, professeur à la Faculté de Médecine.
La huitième réouverture des cours de l'école de psychologie a eu lieu le jeudi 9 janvier, à cinq heures, [sous la présidence de M. le Dr Bris saud, professeur à la Faculté de Médecine, médecin à l'Hôtel-Dieu.
A ses côtés avaient pris place, M. le professeur Ubeyd Oullah, et MM. les Dr* Bérillon et Paul Farez, professeurs à l'Ecole de psychologie.
Au premier rang de l'assistance se trouvaient MM. les Drs Paul Magnin, Félix Regnault, Binet-Sanglé, Mayoux, R. Pamart, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à l'université de Montpellier, M. Caus-tier, professeur au lycée Saint-Louis, M. Broda, directeurdes documents du Progrès, M. Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée. M. Lépinay, médecin-vétérinaire, MM. les DM Demonchy, de la Fouchardière, M. Gosset, représentant le corps enseignant de l'Ecole de psychologie. La réunion, très nombreuse, était surtout composée de médecins français et étrangers, de professeurs de l'Université et de représentants de la colonie musulmane de Paris. Parmi eux, nous avons pu relever les noms de MM. les Dri Lingbeek, de La Haye ; Dr Babaian-Babaieff, médecin des hôpitaux de Tiflis, Dr Alvaro Lapa, de Lisbonne : Dr Jasienski, de Lemberg ; Dr Jarolynski, de Varsovie ; Dr Wojeichof-ska, de Varsovie, Dr Bahaddin Chakir-Bey, professeur agrégé à la Faculté de Constantinople ; M. Soubhi bey, de Constantinople ; M. Aziz Saabit, du Caire ; M. Farhat Mohammed, de Toseur (Tunisie) ; M. Mahmoud Salem bey, du Caire ; Salah ben Ajouza, de Tunis ; Fehray Pacha, de Damas ; Ahmed Huloussi, de Constantinople ; Ferid bey, de Smyrne ; Dr Sadik, du Caire ; M. Scié-Ton-Fa, préfet de 2' classe, en Chine ; M. Broquet, lieutenant de vaisseau ; Dr Henri Fournier, Df Barbier, D' Vergnes, Dr Leter, D'Almès, Dr Thouvenin, Dr Eldaroff, Dr Fromowicz, Dr Vallée, Dr Weisgcrber, Dr Knoff, Dr Hahn, Dr Morillon, D' Soriano, Dr Huguenin. M. Van den Belken, pasteur à Jersey ; M. Pou Magraner, ingénieur à Barcelone, Df Milt Axalas ; M. Grangeorge, professeur au lycée Henri IV ; Mlle Hocdé, professeur au lycée Féne-lon ; Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière ; Mlles Suddart, Clot et A. Bérillon, professeurs au lycée Racine, Mmes Laronde et
Grunwald, professeurs au lycée Racine ; MM. Bouley, Ferrier, Gory. pharmaciens ; Roland, médecin-vétérinaire ; Blech, docteur en droit ; Barthélémy, avocat à la Cour ; Dr Weber ; Mlle Grison : professeur au collège Sévigné ; Dr Chabassu ; de l'Argentière, ingénieur ; commandant Thirion ; Gudmundur Finnbogason, professeur à Reykjavik (Islande) ; M. Vernier, chef du cabinet du ministre du Travail ;M. Deniel, ingénieur des Ponts et chaussées ; Mme Barbin, directrice de l'Institut Franklin ; M. Combes, secrétaire général de VAlliance scientifique universelle, etc.
Le programme de l'Ecole de Psychologie, par M. le docteur Paul Farez.
Messieurs,
Le programme de l'Ecole de Psychologie demeure, dans ses grandes lignes, ce qu'il était l'an dernier : la plupart des cours seront continués, et par leurs titulaires habituels. Nous avons, cependant, à vous signaler la suppression d'un cours, la transformation d'un autre et un changement de titulaire.
La suppression résulte d'un deuil. Au cours de la dernière année, nous avons eu la douleur de perdre notre collègue Félix Régamey. Dans la Revue de l'Hypnotisme de juillet dernier, le docteur Bérillon a publié de Régamey un éloge auquel il n'y a rien à ajouter. Vous tous qui avez connu notre distingué collaborateur, qui avez apprécié ses brillantes qualités professorales, qui avez suivi avec assiduité ses leçons si vivantes, vous regretterez avec nous notre cher disparu et, comme nous, vous lui garderez un fidèle souvenir.
Son cours,— qu'il avait intitulé Psycho-Physiologie de l'Art et qui s'adaptait si admirablement à sa personnalité, — est transformé en celui de Science de l'Education. Ce nouveau cours, dont l'objet est d'une actualité si palpitante, comble ici une véritable lacune. Il sera traité, avec une rare compétence, par un agrégé de l'Université qui est une des gloires du corps enseignant de nos grands lycées parisiens, M. Caustier. Je n'ai pas à vous présenter M. Caustier ; c'est un fidèle de la.première heure ; il vous a vivement intéressés et instruits, depuis la fondation de cette Ecole ; ses succès passés me dispensent de dire tout le bien que nous pensons de lui.
Le cours d'Anâtomie et psychologie comparées, professé jusqu'alors par M. Caustier, est échu à M. Grollet ; celui-ci encore n'est pour vous ni un inconnu, ni un nouveau-venu. Vous savez qu'il dirige, avec M. Lépinay, le laboratoire de psychologie comparée annexé à notre Ecole ; cette institution prospère et féconde a déjà rendu de grands services à la science psychologique. D'antre part, M. Grollet est le secrétaire général, c'est-à-dire la cheville ouvrière, de cette importante et florissante société de Pathologie comparée où, médecins et vétérinaires, puisons un mutuel et si profitable enseignement.
M. Grollet sera le digne continuateur de M. Caustier. Au nom de tous nos collègues, en votre nom aussi, Messieurs, je lui adresse une très cordiale bienvenue.
J'ai, par ailleurs, une bonne nouvelle à vous apprendre. Notre bon et cher ami le docteur Magnin, après quelques semaines de santé précaire, nous revient avec sa verdeur des premiers jour3, combattre avec nous le bon combat.
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, nous avons eu la douleur de perdre aussi un membre de notre Comité de patronage, le plus considérable, oserai-je dire, j'ai nommé Marcellin Berthelot, à qui la patrie reconnaissante a décerné les honneurs du Panthéon. Sans doute, Berthelot ne nous appartenait pas tout entier ; mais il nous honorait d'une affection toute particulière. En 1905, surmontant un deuil cruel qui l'avait frappé quelques jours avant, il était venu, fidèle à la parole donnée, présider la réouverture de nos cours. Lorsque le docteur Bérillon fut nommé chevalier de la Légion d'honneur, c'est encore Berthelot qui voulut lui servir de parrain et qui, dans son laboratoire de Bellevue, lui remit, en personne, au nom du Grand Chancelier, les insignes de l'ordre. En dehors de l'admiration que mérite son génie, nous lui gardons, au fond de notre cœur, une affectueuse et filiale reconnaissance.
Les tendances de notre enseignement, vous les connaissez, vous les approuvez, vous les sanctionnez par une affluence de plus en plus nombreuse et toujours très fidèle.
Dans le discours qu'il fit, le mois dernier, à l'Académie française, en réponse à celui de Maurice Donnay, Paul Bourget a rappelé ces mots d'Albert Sorel : * On n'enseigne bien, c'est-à-dire on n'exprime de soi et on ne transmet aux autres, en paroles animées, que les pensées directement recueillies de la vie. les choses vues et éprouvées, les préceptes tirés de l'expérience des faits ».
Ces paroles renferment tout un programme qui est précisément le nôtre. Vous ne trouverez ici ni science livresque, ni pompeux étalage d'une pédante érudition. Mais, les uns et les autres, dans les limites de notre compétence respective, nous vous apporterons, en toute sincérité, les fruits de nos méditations, de nos recherches, de notre observation ou de notre expérience, — mûris soit au laboratoire, soit dans la pratique journalière, soit dans des voyages aux Indes ou autour du monde, comme c'est le cas pour nos collègues Regnault et Broda.
Nous ne sommes inféodés à aucune coterie, nous ne recevons de mot d'ordre de quiconque ; l'indépendance de notre personne, la liberté de notre esprit nous permettent d'exposer, sans aucune contrainte et sous notre propre responsabilité, ce qui nous parait être la vérité : sachant que tout chercheur est sujet à l'erreur, nous supportons avec une parfaite tolérance que notre voisin soutienne des opinions différentes des nôtres. Mais cé que nous avons tous également, c'est le culte de la méthode scientifique et un saint respect pour la logique ; c'est la
défiance raisonnée à l'égard des rêveries extra scientifiques ; c'est aussi un même dévouement à l'œuvre commune : l'instruction des intelligences et l'éducation des caractères.
C'est avec une légitime fierté que nous considérons notre passé. Le succès a récompensé nos efforts bien au-delà de ce que nous avions ambitionné. Pour recevoir l'affluence des auditeurs, on a dû abattre les cloisons ; vous voyez qu'ils débordent encore cette salle, de dimensions pourtant respectables.
Et puis, qui donc a dit que le monde officiel regardait avec hostilité des entreprises comme la nôtre, issues de l'initiative privée, entretenues par l'effort personnel de chacun ? Pour inaugurer la reprise de nos cours, nous avons eu des membres des diverses académies, des professeurs du Collège de France, de la Sorbonne, de la Faculté de médecine même.
Celui qui nous, fait le très grand honneur de présider, cette année ? notre réouverture devait être inévitablement des nôtres, d'abord parce que c'est un indépendant, ensuite parce que c'est un profond psychologue. Clinicien universellement réputé, neurologiste de marque, académicien, titulaire d'une des chaires les plus importantes à la Faculté de médecine de Paris, M. le professeur Brissaud a étudié avec une prédilection toute particulière les problèmes qui nous passionnent. Qu'il me suffise de citer, pour mémoire, ses remarquables travaux sur le tic mental et la discipline psycho-motrice ; ce qu'il veut, c'est apprendre au malade à supprimer les actes automatiques, développer en lui le pouvoir fixateur et correcteur des centres supérieurs, en un mot rééduquer sa volonté. En cela, il se révèle, comme tout bon. psychothérapeute, professeur de volonté.
Puisque nous avons la bonne fortune de tenir M. le professeur Brissaud, nous lui demanderons de vouloir bien entrer dans notre Comité de patronage, où il fera très belle figure, à côté des hommes qui nous honorent de leur sympathie, nous éclairent de leurs conseils et nous récompensent de leurs encouragements.
J'en aurai fini lorsqu'au nom de tous nos collègues, j'aurai exprimé notre vive gratitude, d'abord à M. le professeur Brissaud, puis au bon pilote qui évite à notre barque les écueils et la conduit au port, d'une main sûre autant que dévouée, je veux dire au Dr Bérillon, qui nous offre— qui vous offre — ici même, où il est chez lui, une généreuse et cordiale hospitalité. Enfin, nous serions des ingrats si nous ne vous adressions pas tous nos remerciements à vous, Mesdames et Messieurs, qui constituez pour nous un auditoire si précieux, par le nombre et par. la qualité, qui nous soutenez de votre chaude sympathie et qui nous accordez si largement, dès cette première leçon, tout le crédit que méritent des hommes laborieux et désintéressés, chercheurs consciencieux, amoureux du vrai et, par-dessus tout, des hommes de bonne volonté.
Le désaccord entre la morale du Coran et la politique
musulmane.
par M. le professeur Ubeyd Oullaii (de Constantinople).
Messieurs,
Il en est certainement parmi vous quelques-uns auxquels leur âge a permis de connaître une Turquie prospère, glorieuse, étendant son empire sur une population de cinquante millions d'habitants.
A ce moment, les autres nations de l'Europe recherchaient son amitié, car la Turquie était riche, puissante, et se montrait largement ouverte aux idées de progrès. A l'époque de la guerre de Crimée qur, comme vous le savez, fut déclarée par la Russie, sous prétexte de venir en aide aux chrétiens d'Orient opprimés par la Turquie, un homme sage présidait à la destinée de ce grand empire, c'était le sultan Abd-ul-Medjid.
Ce monarque, aussi éclairé que bienveillant, était secondé par un grand vizir, Rechid-Pacba, au nom duquel la postérité a associé l'épi-thète de Grand.
Rechid-Pacha, le Grand, avait voyagé dans toute l'Europe. Il avait représenté la Turquie comme ambassadeur, pendant plusieurs années, à Paris et à Londres. Lorsqu'il revint à Constantinople, il apportait un programme de réformes qu'il avait élaboré pendant son séjour en France. Il le soumit à son souverain, et eut la satisfaction de le voir accepté intégralement.
Ces réformes furent proclamées solennellement sous le nom de Hatt-i-Humayoun, l'auguste décret du Gulhané, en présence des représentants des puissances qui se portaient garantes de l'intégrité de l'empire ottoman.
Elles accordaient l'égalité parfaite à tous les habitants de la Turquie, sans distinction de race ni de religion et étendaient les droits politiques aux éléments non musulmans.
Par ce décret, les abus résultant de l'arbitraire gouvernemental étaient également supprimés, et La'sécurité la plus absolue était assurée à tous les habitants de l'empire.
Cette transformation radicale dans les principes d'administration valut au gouvernement turc la sympathie des puissances européennes et lui conquit un réel prestige. Aussi, quand la Russie eut déclaré la guerre à la Turquie, la France et l'Angleterre ne trouvant pas que le prétexte allégué fût justifié, contractèrent avec la Turquie une alliance défensive. C'est après la signature de celte alliance que l'expédition de Crimée fut décidée.
L'entrée pour la première fois d'une puissance musulmane dans le concert européen constituait un événement sensationnel et l'on put espérer l'avènement d'une entente cordiale universelle.
Abd-uI-Médjid avait le cuke des lettres et des sciences autant que celui de la justice. Il n'avait qu'un but, assurer à son peuple le maximum de prospérité et de liberté.
A ce moment la France était enthousiaste d'un grand poète, Lamartine. Le Padichah l'invita à venir à Constantinople ; il le reçut comme son hôte particulier et le combla de toutes sortes de faveurs, et c'est ce qui explique que dans les dernières œuvres de Lamartine, une part assez importante a été inspirée par ses souvenirs de l'Orient. On lui doit entre autres une Histoire de la, Turquie en sept volumes, parue en 1854, et un livre, Le Nouveau Voyage en Orient,où il faitle récitdes impressions de son excursion en Asie-Mineure.
Quand le glorieux sultan Abd-uI-Medjid mourut, son frère, Abd-ul-Aziz, lui succéda. Il n'était pas moins ami du progrès que son prédécesseur, ni doué d'un esprit moins éclairé. Il s'entoura de collaborateurs éminents, en particulier d'Ali et de Fuad-Pachas, tous les deux élèves de l'école de Rechid-Pacha. Ces deux hommes d'Etat étaient des amis de la France et de la civilisation occidentale, et il se montra bien inspiré en les gardant au pouvoir pendant toute la durée de leur vie.
II commença son règne en visitant toutes les provinces de son empire puis, voulant témoigner de son désir de nouer des relations amicales avec les gouvernements occidentaux, il entreprit un grand voyage en Europe. Il fit un séjour à Paris pendant l'exposition universelle d-^ 1867. De là il se rendît à Londres, à Berlin, à Vienne. L'accueil qu'il reçut dans toutes ces villes fut d'autant plus enthousiaste qu'il s'adressait à un souverain oriental dont la visite marquait une vive sympathie pour la civilisation de l'Occident.
Les monarques européens lui rendirent ses visites. C'est ainsi que nous avons acclamé, sur les rives du Bosphore, le prince de Galles Edouard, l'empereur d'Autriche François-Joseph, le Kronprinz Frédéric. Diverses raisons politiques empêchant Napoléon III de quitter momentanément sa capitale, ce fut l'impératrice Eugénie qui eut la mission de rendre au Sultan la visite qu'il avait faite à la France.
A peine rentré dans son empire, Abd-uI-Aziz se mit à l'œuvre pour en réorganiser l'administration. Sa première œuvre fut la création du lycée impérial de Galata-Serai dont il confia exclusivement la direction et l'enseignement à des maitres français.
Tl créa ensuite un Conseil d'Etat qu'il inaugura en mai 1863, en affirmant dans un discours la nécessité d'adopter les progrès de la science et de l'industrie européennes. Des Conseils généraux, élus parle peuple, furent convoqués dans toutes les provinces.
L'armée fut organisée sur le modèle de l'armée française, tandis que la marine s'inspirait des méthodes anglaises. En peu de temps, l'armée turque, dotée de fusils et d'une artillerie du dernier modèle, devint une des premières de l'Europe ; quant à la marine, elle mérita d'être classée comme une marine de deuxième rang.
L'avenir se présentait donc sous les aspects les plus heureux lorsque survint, en 1872, la mort du grand vizir Aly-Pacha. Ce fut le premier de tous les malheurs qui devaient fondre sur notre pays.
Aly fut remplacé par Mahmoud-Médimm-Pacha qui a mérité, dans l'esprit de ses concitoyens, de porter le titre de traître. En effet, ne s'inspirant que de son intérêt personnel, il ne négligea rien pour aboutir à la ruine et à la déchéance de son pays.
Aly-Pacha, connaissant les dispositions de son maître à la prodigalité, l'avait tenu le plus possible à l'écart des affaires financières. Au contraire, Mahmoud-Médiram livra le trésor public à l'appétit démesuré de son souverain. Le premier résultat de cette condescendance néfaste fut d'amener la faillite financière de la Turquie. Elle suspendit ses paiements.
Cet événement peut être considéré comme le second grand malheur de la Turquie. La plupart des porteurs de valeurs turques étaient des Anglais et des Français. Parmi eux se trouvèrent quelques personnages influants. Le grand ministre Gladstone y laissa, parait-il, deux millions. C»la suffit à expliquer l'animosité dont, pendant toute sa vie.il n'a cessé de faire preuve contre le gouvernement ottoman. Des psychologues seront tentés de rattacher l'isolement dans lequel la Turquie fut laissée, lorsqu'elle se trouva de nouveau aux prises avec la Russie, à la rancune que lui avaient gardée les hommes politiques qui lui avaient confié-leurs économies.
Ce gouvernement de ruse et de corruption avait provoqué dans le peuple turc un tel dégoût, qu'une révolution fut sur le point d'éclater. Attaqué en plein jour par une fonle indignée, le grand vizir Mahmoud Médimm ne trouva son salut qu'en se réfugiant à l'ambassaie de Perse.
Ces événements achevèrent de déséquilibrer le sultan Abd-ul-Aziz qui déjà, depuis quelques mois, donnait des signes d'irritabilité et d'énervement. Comme il devenait impossible de pourvoir à ses exigences d'argent, le Cheikh-ul-Islam, chef du département législatif, auquel incombe le devoir d'imposer le respect des lois coraniques, fut mis, par ses collègues du conseil des ministres, en demeure d'intervenir.
Il rédigea un Fétva, sentence tirée de la jurisprudence de la loi de Mahomet. Ce Fétva condamnait Abd-ul-Aziz à être détrôné, parce qu'il avait abusé du pouvoir et s'en était servi pour satisfaire ses passions. On le condamnait également pour avoir voulu maintenir au pouvoir des hommes corrompus, dont l'indignité était une cause de ruine pour son pays.
Le neveu du sultan déposé, Mourad V, devenait de droit héritier du trône. Tous ses sujets, musulmans et non musulmans, à cause de ses idées libérales, fondèrent sur lui les plus grandes espérances. Va fait qui donnera une idée de la largeur de ses vues : pendant le règne de son oncle, il demanda son affiliation à une loge maçonnique. Il en était même le vénérable, lorsqu'il fut appelé au pouvoir.
Le ministre de la guerre Hussein Avny-Pacha, homme redoutable par
Son autorité, et aussi par la sévérité dont il faisait preuve dans ses hautes fonctions fut, selon l'usage, chargé d'aller notifier au nouveau sultan son avènement au trône. Des exigences impérieuses l'obligèrent à s'acquitter immédiatement de sa mission. Aussi ce fut à quatre heures du matin qu'il se présenta à la porte de Mourad, demandant qu'on lut annonçât sa visite pour une communication urgente.
Le prince, qui dormait d'un sommeil paisible, fut réveillé en sursaut. Il avait de bonnes raisons pour s'attendre de la part du sultan, son oncle, à de mauvais procédés. De plus, la présence du redoutable Avny-Pacha le confirma dans sa crainte. Quelle ne fut pas sa stupéfaction en apprenant qu'au lieu d'être conduit à la mort il allait gravir les degrés du pouvoir. La réaction fut si forte qu'il fut pris d'un accès de joie délirante. Dès ce moment, son esprit en demeura troublé. Ce fut dans un état demi-conscient et l'esprit déjà confus qu'il fut présenté au peuple qui l'acclamait.
Le sultan détrôné, Abd-ul-Aziz, avait été interné dans un des palais du sérail. Il ne tarda pas à justifier d'une façon complételes soupçons de folie qui avaient pesé sur lui. Ne voulant pas se résigner à vivre obscurément avec ses femmes, il s'ouvrit les veines avec des ciseaux. Sur ces entrefaites, le ministre de la guerre Avny-Pacha, sur la fermeté et la bravoure duquel on pouvait fonder de légitimes espérances, fut assassiné par Hassan, capitaine circassien, beau-frère du sultan déposé. Ces événements tragiques, se succédant à de courts intervalles, impressionnèrent profondément le nouveau sultan. Ses frayeurs morbides et ses anxiétés atteignirent de telles proportions qu'une consultation médicale fut provoquée, les médecins européens qui l'examinaient déclarèrent qu'une guérison complète ne pouvait être espérée, et sa déposition fut énoncée par un autre Fétva.
Par le meurtre d'Avny-Pacha, l'armée turque se trouvait privée d'un chef de premier ordre, par le dérangement mental de Mourad, le peuple ottoman se trouvait déçu dans ses plus chères espérances. C'est alors qu'un nouveau malheur, plus grave que les précédents, vint fondre sur notre patrie. [A suivre)
Influence de la culture physique sur le caractère, sur le moral, sur la race
[Suite et fin) par m. le Dr e. Spehl professeur à l'Université de Bruxelles
Après la gymnastique, Y escrime apparaît comme un des exercices les plus répandus.
Celle-ci peut être pratiquée dans des vues différentes : moyen de défense et de combat, ou simple exercice physique.
Pratiquée dans ce dernier but, le seul qui nous intéresse ici, elle constitue une gymnastique défectueuse et incomplète.
En effet, elle n'a aucune base anatomique ou physiologique ; les attitudes dans lesquelles se trouvent les tireurs sont constamment asymétriques ; elles sont mauvaises pour le squelette non consolidé des jeunes gens, et ne développent que des groupes déterminés de muscles, toujours les mêmes ; de plus, il n'est jamais tenu aucun compte, dans cet exercice, de l'état des viscères ni des grandes fonctions physiologiques (respiration et circulation).
Enfin, les assauts amènent souvent un véritable surmenage, particulièrement dangereux pour les jeunes tireurs qui n'ont, d'ordinaire, ni l'entraînement ni les aptitudes physiques-voulues.
Il est possible de corriger ces inconvénients en pratiquant l'escrime alternativement des deux mains, comme on le fait en Suède. Mais, à ce point de vue, l'exercice du bâton et la boxe sont préférables à l'escrime, telle qu'elle est comprise en Belgique.
L'escrime et les autres moyens de combat et de défense personnelle développent, chez le jeune homme, la fermeté, le courage, le sang-froid, la confiance en soi-même, la promptitude dans la décision et dans la riposte, l'agilité, l'adresse, la précision dans les mouvements.
*
Nous mentionnerons ensuite les jeux en plein air et les sports qui ont pris une grande extension chez nous dans ces dernières années.
Ils ont l'inconvénient de ne pas réaliser un entraînement physique complet et de produire souvent un développement excessif de certaines parties du corps au détriment d'autres parties Chez les canotiers, ce sont surtout les bras qui se développent ; chez les joueurs de foot-ball, ce sont les jambes (') ; mais aucun de ces exercices ne procure un développement symétrique ; harmonieux et physiologique de toutes les parties du corps. Certains de ces sports ont, en outre, le défaut grave d'amener du surmenage et de provoquer parfois des accidents du côté
II) Nous pourrions encore citer la bicyclette, qui exerce les jambes, mais qui donne au coureur une attitude défectueuse ; poitrine contractée et comme étranglée, dos arrondi, etc., sans parler du surmenage avec dilatation du cœur, si fréquent chez ceux qui s'entraînent trop tôt.
du cœur et des poumons, ou des symptômes d'empoisonnement (par auto-intoxication) (')-
Voyez, par exemple, ces jeunes gens qui s'exercent à la course pédestre, autour de no boulevards ou le long de nos avenues : la plupart ont un aspect lamentable, et leur sport est désastreux pour leur développement physique. Cela provient surtout de ce qu'ils n'ont pas subi un entraînement rationnel, et aussi de ce que, par amour-propre ou pour gagner quelque prix, ils dépassent la mesure de leurs forces. Ce n'est pas ainsi que l'on développe méthodiquement et utilement l'organisme ! D'ailleurs, les sports doivent être considérés comme un moyen et non comme une fin ; lia doivent être pratiqués non pas dans un but de lucre ou pour établir des records, mais avec mesure et pour en retirer iin bénéfice moral et physique. Aussi faut-il encourager les sports collectifs, dans lesquels les inconvénients mentionnés ci-dessus sont réduits à leur minimum.
Quoi qu'il en soit, on n'obtient pas, avec les jeux ou les sports seuls, le développement complet du corps ; ils doivent donc, nécessairement, être rectifiés et complétés, ou, mieux encore, ils doivent être précédés d'exercices rationnels qui donneront plus d'aptitudes à la pratique des sports.
Sous ces réserves, les jeux et les sports présentent de nombreux avantages. Us sont, tout d'abord, particulièrement hygiéniques par le fait qu'ils s'exercent en plein air ; ensuite, ils fortifient le caractère et développent l'initiative personnelle, l'énergie et l'endurance ; « ils apprennent àlutter pour vaincre » et « donnent aussi l'esprit de discipline et de solidarité par la libre soumission à la règle du jeu, qui exige que Ton n'agisse que pour le succès de l'équipe entière, et non pour soi seulement ». (Ct Lefébure).
Parmi les jeux et sports de plein air les plus utiles, je citerai la marche, la course à pied dans des limites raisonnables, le foot-ball, le tennis, les barres, les divers jeux de balle, la crosse, le golf, le cricket, le canotage, l'équitation, le cross-country, le hockey, le patinage, les tirs (le tir à l'arc notamment). Je mentionnerai tout spécialement la natation (et les jeux qui en dérivent, tel que le water-polo), car, outre son utilité pratique, elle constitue certainement l'un des meilleurs exercices physiques et l'un des plus complets à tous égards.
(t) 11 : ¦. a dit 1res jii¦'-m . i.* • * Le su m¦ athlétique est aussi réel que le surmenage classique. »
En dehors des sports de plein air et sous les réserves que j'ai formulées ci-dessus, je préconise la boxe, la canne, le bâton et, chez les hommes faits, l'escrime.
Il me reste à parler d'un dernier exercice physique : c'est la gymnastique suédoise ou gymnastique scientifique, créée par Ling.
Je la considère comme le meilleur moyen de développement physique normal, car elle est basée sur l'anatomie et la physiologie Tous ses exercices sont rationnels, et chacun d'eux a un but bien défini. Elle ne s'attache pas au développement de tel ou tel groupe de muscles ; elle développe tous les muscles également et symétriquement. Mais ce développement musculaire n'est pas, pour elle, un but ; c'est un moyen d'arriver à un fonctionnement plus complet et plus régulier de l'organisme tout entier, en y comprenant les fonctions respiratoire, circulatoire, digestive et nerveuse.
* Dans la gymnastique rationnelle de Ling, il ne se s'agit plus de tours de force et d'adresse destinés à étonner la galerie, comme des exploits acrobatiques dans un cirque ; il s'agit de travailler pour son bien, pour sa santé, et tous peuvent et doivent en profiter.
« Elle convient aux faibles comme aux forts. Sou but n'est pas de donner des allures d'athlète, des apparences trompeuses de force et de santé.
« Elle vise à donner vraiment la santé, la vigueur, la souplesse et la résistance, à faciliter le développement symétrique du corps ou le fonctionnement normal de l'organisme, en surveillant et en cultivant surtout les parties faibles, sans négliger les autres, » (Kumlien.) . Dans tous les mouvements suédois, une importance égale est donnée aux muscles qui agissent activement et à ceux qui doivent maintenir le corps en équilibre, en bonne attitude. Et il en résulte que cette gymnastique n'est pas seulement une éducation des muscles, elle est aussi une éducation de la volonté.
Aucun des exercices n"est disloquant, acrobatique ; ils réclament tous, constamment, une attitude correcte, avant, pendant et après l'exécution du mouvement.
Ces diverses conditions impriment aux exercices de gymnastique suédoise une grande netteté et habituent les élèves à une discipline sévère, qui donne les meilleurs résultats au
point de vue de l'éducation générale. En outre, cette préoccupation constante de la correction dans tous les exercices de gymnastique suédoise donnent à ceux qui la pratiquent depuis un certain temps une distinction dans les mouvements et une élégance remarquables.
Un autre avantage important de ces exercices, c'est leur caractère collectif. Ils peuvent être exécutés par tous, par les faibles comme les forts ; car ceux qui ne peuvent les réaliser en une fois ont la faculté de les décomposer en phases plus simples. Presque tous les mouvements sont exécutés au commandement, ce qui maintient constamment l'attention en éveil.
Enfin, un grand nombre d'élèves peuvent travailler à la fois, ce qui ne se présente pas pour les appareils usuels, barres parallèles, anneaux, rec, etc. ; chaque élève doit attendre son tour, ce qui occasionne des pertes de temps.
L'ordre de la leçon elle-même, dans la gymnastique suédoise n'est pas abandonné au hasard, ni à la fantaisie du moniteur. Il est conçu d'après un plan méthodique, dont l'ordonnance générale a été déterminée par Ling et dont les détails sont réglés par le professeur, suivant le degré d'entraînement des élèves.
La leçon se composera donc d'exercices préparatoires ; puis d'une série d'exercices de plus en plus énergiques, interrompus par des exercices calmants, équilibre, respiration, mouvements des jambes...
D'autre part, il est accordé une grande importance aux exercices dérivatifs. Ainsi, après un mouvement énergique des bras, on exécutera un mouvement lent des jambes, pour régulariser la circulation et éviter la congestion dans une région déterminée.
Les exercices qui réclament le plus d'énergie sont les sauts, que l'on place habituellement vers la fin de la leçon, quand les muscles sont bien assouplis.
Enfin, la leçon se termine par quelques exercices lents destinés à calmer la respiration.
Vous voyez quel est le plan général de la leçon et, en même temps, l'importance attribuée à la régularité de la circulation et de la respiration. Pour celle-ci, des mouvements spéciaux sont d'ailleurs indiqués ; mais, dans tous les exercices, il est expressément recommandé de bien respirer et de réagir contre la tendance à retenir la respiration.
C'est que la gymnastique de Ling s'attache à donner aux
jeunes gens une cage thoracique très mobile, très ample, aux mouvements respiratoires profonds et calmes, sans se préoccuper le moins du monde du développement « des muscles pectoraux, qui constituent un amas de chair inutile sur la poitrine, inutile et peu esthétique, peut-on ajouter » (Kumlien) ; elle s'attache aussi à leur donner un cœur aux pulsations régulières, une cavité abdominale à parois souples, mais vigoureuses, constituant une bonne « sangle abdominale », qualité si indispensable à la régularité des fonctions de cette partie du corps.
En résumé, la méthode suédoise ne vise pas à faire des acrobates ou des hercules capables d'efforts violents et de courte durée, mais des hommes équilibrés, capable d'une grande activité intellectuelle ; des hommes en équilibre musculaire ou anatomique, et aussi en équilibre fonctionnel ou physiologique.
Aussi cette méthode mérite-t-elle réellement son nom de gymnastique rationnelle ou physiologique.
» *
Les partisans exclusifs des sports reprochent à la gymnastique en général de se pratiquer dans des locaux fermés ; ils pensent que des mouvements quelconques, pourvu qu'ils soient distrayants et exécutés en plein air, assurent une éducation physique complète.
C'est une erreur absolue.
Je ne conteste nullement l'influence bienfaisante du plein air ; mais il est permis d'affirmer qu'il ne suffit pas à redresser les dos voûtés, les colonnes vertébrales déviées, les poitrines étriquées et écrasées, les épaules tombantes, les omoplates détachées, et. en général, les attitudes vicieuses si fréquentes chez nos écoliers et nos étudiants.
Quant aux mouvements plus, ou moins violents que nécessite l'exercice des jeux et des sports, quel que soit le plaisir qui les accompagne, ils ne sont pas plus efficaces, car ils ne sont opposés à aucune déformation particulière ; bien au .contraire, l'observation démontre que, généralement, ils accentuent encore les difformités préexistantes, par les efforts souvent excessifs et désordonnés qu'ils exigent.
Le seul moyen de corriger ces défauts anatomiques est de les combattre scientifiquement et méthodiquement, par des mouvements bien exécutés et spécialement appropriés au ibut à
atteindre. Or, c'est là précisément le rôle de la gymnastique suédoise ; c'est ce qui constitue sa réelle supériorité sur tous les autres exercices : gymnastique ancienne, jeux ou sports.
Au surplus, rien ne s'oppose à ce que la gymnastique soit pratiquée dans des locaux spacieux suffisamment aérés, et réunissant toutes les conditions hygiéniques désirables.
J'ajoute que je suis moi-même grand partisan des jeux et des sports, comme je l'ai dit déjà ; mais, seuls, ils ne suffisent pas, et il est indispensable qu'ils soient précédés, ou tout au moins complétés, par une gymnastique rationnelle et méthodique.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 19 novembre 1907. — Présidence de M. le d'Jules Voisin
Education de la volonté et de l'intelligence par Panto-suggestion
par m. le dr Coste de Lagravb (suite)
Les sages et les philosophes de l'antiquité voulaient supprimer l'amour. Pourquoi ?
Autrefois chez les peuples primitifs, Thomme n'ayant aucune éducation se livrait à ses instincts et surtout à l'amour sans retenue, sans frein, d'une façon désordonnée.
L'amour sauvage, brutal, féroce, l'amour de ranimai, l'amour qui s'accompagne de meurtre, de vol, de ruse, de trahison. Cet amour ne peut être d'accord avec la sagesse.
Les anciens sages et philosophes avaient en vue de réprimer cet amour sauvage et fou, le seul qu'ils connaissaient.
Je ne pense pas que la sagesse soit incompatible avec l'amour.
Je crois que la sagesse et l'amour doivent être associés pour former l'union la plus belle et la plus louable ; la plus profitable à l'humanité.
La sagesse consiste à bien placer ses affections, son amour, ses amitiés.
L'homme doit aimer la femme, c'est la loi de l'humanité.
Toutefois le travail de l'intelligence exige la chasteté, la continence ; et dans un autre ordre d'idées, la sobriété, le jeûne.
Le travail de l'intelligence exige une grande sommedauto-suggestion et de représentation mentale : l'amour également.
L'amour, instinct, passion naturelle et héréditaire depuis toujours est plus fort que le travail de l'intelligence, plus récent en date dans l'hérédité.
L'homme qui s'adonne au travail de l'intelligence et qui le désire par-
fait doit faire beaucoup d'efforts, des efforts continuels pour supprimer de sa pensée les idées d'amour.
J'estime que la persévérance k pratiquer l'auto-suggestion tous les jours pour travailler, écrire, avoir de bonnes idées, faire œuvre utile, cette continuité a développé naturellement le désir de la sagesse et ce désir s'est manifesté au bout de quinze années d'auto-suggestion par l'auto-suggestion « Etre sage » et ses variétés.
Faim et soif
Pour la faim et la soif qui président à la conservation de l'individu, la sagesse doit intervenir souvent pour régulariser ces instincts.
La sagesse consiste à satisfaire la faim et la soif dans une juste mesure.
Pour cela l'homme travaille tous les jours. Il gagne sa vie.
Ce travail quotidien lui assure toute l'année les vivres nécessaires ou l'argent qui les représente. De la sorte, chaque jour il peut satisfaire d :ime façon normale et régulière la faim et la soif qui président à sa conservation.
L'homme doit savoir se servir des aliments.
L'homme qui s'adonne aux travaux de l'intelligence doit surveiller son alimentation et la bien diriger.
L'homme qui travaille de ses muscles, l'ouvrier, le portefaix, le paysan, le laboureur peuvent manger à tous les moments" de la journée et toutes sortes d'aliments.
Le savant qui se livre aux productions de la pensée ne peut en faire autant.
Le cerveau et l'estomac sont ennemis.
Quand le cerveau et la pensée fonctionnent et travaillent, l'estomac et la digestion ne peuvent ni fonctionner, ni travailler.
Quand l'estomac fonctionne, travaille et digère, le cerveau et la pen- ' sée ne peuvent donner de production parfaite.
Quand on impose aux deux organes, estomac et cerveau de 'fonctionner simultanément, ordinairement c'est le cerveau qui surmonte son adversaire, c'est le cerveau qui fonctionne et qui travaille. Le travail de la digestion est alors troublé, il s'arrête ou bien il se fait d'une façon imparfaite. Le travail cérébral ayant accaparé toutes les forces disponibles pour la production de la pensée. II en résulte de mauvaises digestions habituelles et des migraines persistantes.
Le savant qui doit être un sage doit consacrer à la digestion un nombre d'heures suffisant. Puis il réservera au cerveau et au travail de la pensée les heures rendues libres.
Il devra également veiller à la qualité des aliments.
Le matin et à midi prendre des aliments très légers, lait, œufs, sucre, café, qui se digèrent facilement et demandent à l'estomac un effort des plus restreints.
De la sorte le travail cérébral pourra être librement exécuté pendant • toute la journée.
Le soir l'alimentation pourra être plus substantielle. Viande maigre, farineux cuits, herbes cuites, fruits cuits ou crus, pain bien cuit. Ces aliments se digéreront dans les premières heures de la nuit consacrées au repos et au sommeil.
Il faudra toujours éliminer certains aliments qui sont indigestes pour le savant adonné aux travaux intellectuels, non pour le paysan et l'ouvrier qui travaillent de leurs muscles. Ce sont : les corps gras, la peau, les tendons et aponévroses, les sauces grasses, la farine, les racines crues, le pain en grande quantité.
Le régime du savant est un régime de jeûne, mais pour bien travailler de la pensée il faut jeûner, et demander à l'antagoniste du cerveau le travail le plus restreint possible.
Il faut une bonne santé, car tout le monde sait que les tuberculeux ne peuvent pas jeûner. Toutefois le tuberculeux a Je travail cérébral facile car la déperdition d'éléments occasionnée par cette maladie opère le même résultat que le jeûne chez l'homme sain. La tuberculose favorise le génie.
Un air pur est toujours nécessaire, il fait digérer, il facilite le jeu libre et dégagé du cerveau.
Pour la soif, la sagesse élémentaire défend non seulement de s'enivrer mais encore de se livrera des libations quelque peu copieuses.
Boire de l'eau voilà la sagesse.
La sagesse doit aussi régulariser le repos.
Si les forces de l'organisme sont accaparées par un travail musculaire, par une marche, serait-elle agréable, les forces ne peuvent plus être utilisées par le travail cérébral, pour la production de l'intelligence.
Pour que le travail de la pensée soit le plus parfait possible. Il faut que tous les organes, toutes les facultés, tous les éléments de l'organisme se trouvent dans une intégrité absolue. La moindre fatigue porte préjudice à la perfection du travail cérébral.
La sagesse conseille de se coucher de bonne heure au Heu d'aller passer les soirées au théâtre ou au café.
Tuer, voler, mentir
Ce sont les aptitudes héréditaires. L'éducation première y pourvoit dès le jeune âge. Ayant reçu une éducation très sévère je n'ai pas eu besoin de pratiquer l'autc-suggestion pour ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir. Tuer. — Tuer est une folie.
Avec l'éducation qui m'a appris à ne pas tuer, j*ai consacré toute ma vie à sauver des existences humaines. Je connais le prix de la vie, le prix de la santé, le prix du bonheur. Ce sont des trésors trop précieux,
trop admirables, trop impossibles à fabriquer de toutes pièces pour penser à les détruire quand ils existent.
Voie ?1. —Le vol déguisé fait encore partie de la Société. Cela s'appelle parfois en Amérique faire de bonnes affaires. Nous sommes environnés de gens adroits qui, sous une forme ou sous une autre, nous soutirent notre argent,d'accord avec le code. Les grands artistes deviennent millionnaires. Ils sont très Uns, plus lins que les gendarmes chargés de mettre les voleurs en prison, et ils restent dans la société.
D'autres voleurs commettent des vols qui ne sont pas punissables par la loi. Ce sont des tromperies, des indélicatesses.
La sagesse défend de voler de quelque façon que ce soit.
La sagesse exige une probité scrupuleuse et inflexible.
Mentir. — L'Education m'a donné l'horreur du mensonge. Je n'ai pas eu à lutter. ^
Mais, comme dépendant du mensonge, il faut envisager la parole donnée, les promesses, les engagements.
La parole donnée doit être tenue. Je vous donnerai cent francs. J'irai vous voir tel jour. Ce sont des promesses. Si elles ne sont pas tenues, il y a faute commise.
Il faut tenir la parole donnée à autrui.
Et la parole donnée à soi-même encore plus. Je ferai ceci. Je travaillerai. Je me lèverai de bonne heure. Je mangerai peu, etc., etc.
Il faut tenir la parole donnée à soi-même, sans cela on est sans volonté, sans décision, sans initiative. La sagesse est absente.
La sagesse consiste aussi à tenir sa parole.
Vie régulière.
La sagesse s'adapte, à tous les actes de la vie pour les diriger.
Une vie régulière, la pratique des vertus, la répression des défauts. L^sprit toujours tendu vers l'amélioration de soi-même, l'indulgence pour les autres, la sévérité pour soi-même, et beaucoup d'autres principes, que nous avons innés en nous, nous montrent la sagesse et nous rendent sages.
Mais il faut une force particulière. La volonté.
Que de faibles veulent être sages et ne le sont pas !
L'auto-suggestion viendra à leur secours.
L :auto-suggestion emmagasine la volonté comme une bouteille de Leyde emmagasine l'électricité.
L'auto-suggestion accumule la volonté, elle multiplie ses résultats.
Si un effort n'est pas suffisant pour se lever de bonne heure, avec l'auto-suggestion appropriée l'organisme accumule cent ou mille efforts ou même davantage.
Je me lèverai à 7 heures, et l'effort raille fois renouvelé finit par être couronné de succès.
La volonté s'exerce d'abord pour les petites choses, pour les efforts
minimes, mais c'est un exercice, un entraînement salutaire, car il grandit et développe la volonté. Et cette volonté constamment entraînée parvient au bout de un an, deux ans. dix ans, à être solide, ferme, robuste, inébranlable. L'homme est vraiment un homme.
L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité (i)
\Sutte de la discussion générale) Par M. le Dr Lbgraik, médecin en chef de l'Asile de Ville-Evrard.
Il ne peut y avoir de débat plus poignant à l'heure actuelle que celui qui semble mettre aux prises, d'une part, la justice, avec ses traditions et ceux qui les représentent, magistrats ou médecins, et. d'autre part, certains médecins qui croient venue l'heure de faire un pas en avant et de rompre avec des habitudes peu conformes à l'esprit scientifique. C'est à propos du dernier Congrès des aliénistes tenu à Genève en août 1907, que ce grave débat a pris surtout une forme tangible (*). A ce Congrès, M. le prof. Ballet, chargé de traiter le sujet : « L'expertise médico-légale et la question de fa responsabilisé, » le fit - dans un éloquent discours qui produisiPune impression profonde et qui amena le Congrès à voter le vœu suivant. Il importe de l'avoir en mémoire, si l'on veut prendre une part directe à la discussion :
* Le Congrès..., considérant :
« 1° Que l'article 64 du Code pénal, en vertu duquel les experts sont « commis pour examiner les délinquants ou inculpés suspects de trou-« bles mentaux, dit simplement qu'il n'y a ni crime ni délit lorsque le « prévenu était en état de démence au moment de l'action ; que le mot « responsable n'y est pas écrit ;
R 2° Que les questions de responsabilité, qu'il s'agisse de la respon-« sabilité morale ou de la responsabilité sociale, sont d'ordre métaphy-« sique ou juridique, non d'ordre médical ;
* 3° Que le médecin, seul compétent pour se prononcer sur la réalité « et la nature des troubles mentaux chez les inculpés et sur le rôle que o ces troubles ont pu jouer sur les déterminations et les actes desdits « inculpés, n'a pas à connaître de ces questions ;
« Emet le vœu :
« Que les magistrats dans leurs ordonnances, leurs jugements ou « arrêts s'en tiennent au texte de l'art. 64 du Code pénal et ne demandent « pas au médecin expert de résoudre lesdites questions qui excèdent sa « compétence. »
(1) Voir le Rapport de M. Paul Farez, publié in extenso dans les numéros d'octobre et de novembre.
(2) Je me permettrait de rappeler que bien avant ce début j'ai moi-même, dans un cours public de « Médecine mentale appliquée à l'étude du Droit ¦¦ (1901-1905), posé le problème et ouvert publiquement 1$ débat, en pleine Faculté de Droit Je rappelle ce fait historique que le Rapporteur au Congrès n'a pas cru devoir citer.
Ce vœu fut voté, nous affirme M. Farez, avec une prestigieuse rapidité. Il s'en étonne et n'est pas loin d'en trouver la cause dans la personnalité même, si séduisante, de l'orateur, ce qui .prouverait que personne, même les aliénistes, n'échappe au mystérieux pouvoir de la suggestion. H estime que les débats sur cette grave matière n'ont pas été suffisants et que, en d'autres circonstances, bien des votants se seraient tenus sur la réserve.
Il est permis, en effet, d'être étonné a priori d'un vote qui n'exprimerait pas moins qu'un véritable bouleversement dans les mœurs de l'expertise et qui semblait rien moins que préparé, mais je me permettrai de ne pas partager l'impression de notre distingué collègue. Je n'étais pas à Genève, et peut-être puis-je, à cause de cela même, trouver au fait qu'il souligne, une explication d'un autre ordre.
Quand on a été mêlé quelque peu au monde des aliénistes, surtout des jeunes, on ne tarde pas à s'apercevoir qu'il en est beaucoup parmi eux sur qui la doctrine antique de la responsabilité, telle qu'elle nous a été imposée en quelque sorte par les âges passés, pèse comme une véritable tyrannie. Cette doctrine, fort inquiétante pour bien des esprits modernes, prend des allures d'anachronisme. Je la compare exactement au fameux serment prononcé * devant Dieu o dans le prétoire, en vertu des exigences légales encore en honneur, et qui estimposé même aux mécréants. Qui donc autrefois aurait révoqué en doute la nécessité de ce serment ? Et pourtantaujourd'hui, il est choquant. S'il reste respectable pour quiconque a conservé ce qu'on appelle la foi de ses pères, on sent fort bien qu'aujourd'hui l'imposer à qui ne croit plus, c'est donner au serment une base sans consistance. Ainsi en va-t-il de la responsabilité. Qui donc autrefois aurait formulé un doute ? La responsabilité existait parce qu'existait aussi la croyance au libre arbitre ; partant il n'y avait rien de choquant à poser à un expert la question de responsabilité. Cet expert n'aurait pas eu même l'idée de se dérober.
Qu'y a-t-il donc de nouveau ? — Nous sommes à un tournant de l'histoire des idées. L'éternel conflit de la psychologie et de la physiologie a pris une face nouvelle. Il fut un temps que nous n'avons point connu, où psychologie et physiologie faisaient deux ; il y avait uns histoire de l'Ame indépendante de celle du Corps ; il y avait une philosophie pure, une métaphysique dont la matière différait essentiellement de celle qui tombe dans te domaine des sens et du concret. Personne, en ce temps, je viens de le dire, ne doutait de la liberté morale. Imprégné de théologie, on punissait sans arrière-pensée.
Aujourd'hui, la physiologie pénètre la psychologie. Les deux domaines, explorés par les hardis investigateurs modernes, tendent à se confondre. Tout au moins, la psychologie ne semble plus devoir échapper aux lois de la physiologie. Beaucoup de médecins, dressés aux spéculations philosophiques positives, habiles à se servir des méthodes-inductives, ont été envahis par un scepticisme de' bon aloi qui marche à la conquête des vérités, mais qui se refuse seulement à en accepter de
toutes faites. — Autre mentalité. — Le domaine de la Liberté, du Libre Arbitre, partant de la Responsabilité, n'est plus celui d'autrefois. Cela existe-t-il ? Nous n'en savons rien. Nous le saurons peut-être demain, mais dans l'attente il y a scrupule à affirmer comme autrefois une chose dont on doute. C'est logique et simplement honnête.
Que sera demain ? Demain confondra peut-être définitivement la psychologie et la physiologie. Les conséquences en seront graves et déjà nous les voyons poindre. II n'y aura plus de place pour l'âme hors du corps. Son essence extra somatique sera niée de plus en plus. Et cet état de choses créera une philosophie, une morale, une sociologie toutes nouvelles, dont on sent les bases se solidifier déjà. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Je n'ai pas à en discuter. Je constate un fait.
Et alors, comment ne pas tenir compte de l'évolution et de la transformation des idées dans l'exercice des choses de la justice ? Le doute moderne a pénétré jusqu'au sein des milieux juridiques. Je n'en veux pour preuve que l'affluence des hommes qui m'ont fait l'honneur d'entendre mon cours de la Faculté de droit et que mes paroles, autrefois si subversives, intéressaient aujourd'hui et faisaient penser. Comment vouloir que le médecin persiste aujourd'hui à marcher dans les sentiers battus quand c'est lui-même qui, armé de la science d'observation, a contribué le plus à détruire les dogmes à priori ?
11 faut, c'est nécessaire, constater et accepter l'existence de deux groupements humains qui s*équilibrent aujourd'hui, ceux que M. Paul Bureau, dans son beau livre « La crise morale des temps nouveaux » a caractérisés des noms d'« Enfants de la tradition » et d' a Enfants de l'esprit nouveau ». Ils ne sont pas nécessairement ennemis, mais représentent fatalement des conceptions philosophiques diamétralement opposées. Les traditionnalistes étaient autrefois le nombre ; les néo-moralistes sont à leur tour une quotité qu'on ne saurait décemment heurter et dont il faut, coûte que coûte, tenir compte. Et c'est à quoi je songeais quand j'entendais M. Farez exprimer que nos confrères avaient, à Genève, subi une aimable suggestion. Je ne le crois pas. J'ai la ferme conviction qu'en eux vivait depuis longtemps une aspiration plus adéquate à leur manière de penser, de voir et de sentir, et que, le jour où ils se sont trouvés en présence d'une formule très nette qui semblait l'écho de leurs intimes préoccupations, ils lui ont donné d'enthousiasme leurs suffrages. J'espère démontrer tout à l'heure que ce changement d'attitude ne saurait équivaloir pour eux à une négation de leur devoir ? Et ceci m'amène à discuter m ?intenant l'argumentation de M. Farez.
«
Cette argumentation comprend en réalité deux parties : une théorique, une pratique, la thèse et son application. La thèse, je la retiens, je je la discute volontiers, n'estimant pas, comme l'honorable M. Ballet, quela question de responsabilité soit du domaine exclusif de la philoso-
phie et de la jurisprudence. Le médecin, même praticien, n'en saurait faire fi.
M. Farez pose avant tout la question de compétence : en matière de responsabilité, qui a qualité pour se prononcer ? Est-ce le médecin, comme on le lui demande aujourd'hui ? Est-ce au contraire le juge ? En d'autres termes, qui a qualité pour juger ? Est-ce le médecin (car personne ne s'y trompe : demander au médecin de conclure ferme dans le sens d'une responsabilité, c'est obtenir de lui un jugement, qu'entérine purement et simplement le magistrat, dans la plupart ' des cas). Ou bien sera-ce le juge, dans l'espèce le fonctionnaire délégué au département de la justice ou le juré ?
M. Ballet dît : ce ne sera pas le médecin parce qu'il n'est qu'expert, il n'est qu'une façon de témoin, et parce que la responsabilité est d'ordre métaphysique.
M. Farez répond : ce sera le médecin, parce qu'il est l'homme éclairé et que le magistrat compte sur ses lumières. Le médecin a accepté une mission ; il doit la remplir. S'il veut rester médecin, le juriste répondra : moi je reste juriste. Qui donc décidera ?
Je me permettrai de répliquer que le juriste n'a pas le droit de répondre : moi je resterai juriste. Car ce n'est pas juriste qu'il est, c'est juge. C'est lui qui a mission de juger. Et c'est encore lui qui jugera officiellement après l'expertise, ou mieux qui endossera les conclusions d'un autre.
Le juge, affirmez-vous, et je le crois de reste, n'a point de compétence pour prononcer, plus que le philosophe. Vous avez certes raison et si vous me permettez d'ajouter : il n'a pas plus de compétence que le médecin ou mieux : celui-ci n'en a pas plus que îe magistrat, nous serons d'accord. Restons sur le terrain pratique : il faut un jugement. Je n'aperçois pas pourquoi incomberait au médecin plutôt qu'à un autre le soin de définir une responsabilité sous prétexte que tout le monde s'en reconnaît incapable. Le médecin apporte sa science spéciale qui est de connaître des maladies ; il la communique au juge, qui accomplit cet acte effroyable qui consiste à disposer du sort de ses concitoyens. Je conçois iort bien que le médecin, conscient aujourd'hui de ce qu'on attend de lui en fait et par une fâcheuse habitude judiciaire, veuille Se renfermer exactement dans ce qu'on devrait attendre de lui. Il est expert comme l'architecte est expert. Quand le juge veut faire d'un archi-.tecte un juge, il en fait un arbitre. Le médecin n'est pas un arbitre. Le grand mal est que précisément il le devienne en fait et s'en attribue volontiers le rôle.
Mais, dit M. Farez, l'expert n'accomplit pas qu'une œuvre de science. Il reste en pleine réalité, il résoud une difficulté d'ordre pratique.
A merveille ! Et c'est pour résoudre une question de pratique que vous lui demanderiez de résoudre un problème de métaphysique ! Pour formuler un jugement pratique vous l'obligez à croire un a priori ! S'il se sert du mot de responsabilité, si conventionnel qu'il soit, vous exigez
au moins qu'il croie à la chose ! C'est là qu'est le danger de la confusion des compétences.
En somme comment se pose le problème pour l'expert ? Comment souhaite-t-on qu'il se pose dorénavant ? Très simplement : tel inculpé que je vous présente est-il ou n'est-il point un malade ? Les circonstances du crime ont-elles quelque chose de morbide ? L'acte commis, aux apparences de crime, pourrait-il avoir une signification pathologique ? etc.
Hien que d'objectif dans ce questionnaire. Je n'y vois place nulle part pour le troublant problème de la responsabilité. Je ne vois pas un instant pour l'expert l'obligation de mêler une matière de fait avec une matière de thèse. Que le médecin pense in petto ce qu'il veut de la responsabilité de l'inculpé, cela ne change rien au caractère objectif des faits qu'il analyse ni à la valeur de ses appréciations médicales.
Et j'adopte volontiers la conclusion de Taylor que M. Farez rapporte : « La question de savoir si l'accusé est un agent responsable est de nature judiciaire. » Il a dit judiciaire et non juridique, avec raison. Juger est une fonction sociale, elle résulte d'une investiture spéciale. A aucun prix je n'en voudrais. Mais s'il est des hommes qui se sentent en mesure d'accomplir une aussi redoutable fonction, ils sont dignes d'admiration et de respect. Je réponds ainsi, et sans jeu de mots, à l'exclamation de M. FaTez : « Par quelle grâce le juge aurait-il la compétence que vous déniez au philosophe ? » — Par une grâce d'Etat ! — Laissons au médecin son expertise de médecine pure. Déclinons l'offre trop belle qu'on lui fait de prononcer sur la responsabilité. C'est flatteur, mais dangereux. M. Ballet a ajouté : C'est irrégulier, ce n'est pas dans la loi.
* *
Envisageons maintenant le problème par son côté pratique. Userait vain de se dissimuler plus longtemps que les préliminaires de la bataille ne sont autres que les débats ouverts en d'autres lieux sur les degrés de la responsabilité et surles responsabilités partielles ou atténuées. C'est là qu'est le nœud de l'affaire. Les experts aliénistes n'auraient jamais soulevé, c'est probable, le gros problème de la responsabilité pure et simple si on ne les eût mis dans la pratique en demeure de se prononcer sur une question beaucoup plus difficile, je dirai plus étrange, qui consiste à graduer des responsabilités. On peut croire ou ne pas croire à la responsabilité, on peut conclure assez volontiers dans un rapport, conformément à ses croyances, que tel inculpé est ou n'est pas responsable. Mais j'affirme qu'il est beaucoup de gens, dont je suis, qui ne consentent pas volontiers à se mêler de juger en basant des circonstances atténuantes sur des fractions de responsabilité. Elle est ou n'est pas, mais elle ne saurait être en partie. Même sur le terrain de la pratique, il est impossible de se dégager du problème philosophique.
Pour le rapporteur du Congrès, la position est d'ailleurs simple et logique. Les demi-responsabilités, tout comme la responsabilité elle-
môme, sont du domaine extra-médical. Il les repousse. Mais, chose tout à fait étrange, il formule un distinguo qui laisse rêveur et qui démontre bien, entre parenthèses, que le débat actuel n'existe que par les difficultés inhérentes aux responsabilités dites atténuées. M. Ballet dit que ces dernières sont matière extra-médicale, sauf dans les cas extrêmes. A quoi M. Farez répond à merveille que si la responsabilité existe dans les cas extrêmes, elle existera tout autant dans les cas intermédiaires.
M. Farez, dans son argumentation très étudiée, serre de près le problème. Il cite naturellement cet argument : Quand il s'agit de demi-responsables les courtes peines sont inhumaines, immorales. Elles sont même dangereuses, car elles ne sont ni répressives ni curatives. En effet, elles n'aboutissent qu'à rendre à la liberté prématurément, après un temps réduit d'expiation, des êtres qui, par définition, sont redoutables. Et M. Farez, très logique, d'ajouter : Peut-être a-t-on raison, et faudrait-H que la responsabilité atténuée appelât des peines plus sévères !
Ainsi c'est donc là qu'on en viendrait dans la pratique : châtier plus durement des êtres dont le seul crime est d'être tarés, et d'être tarés à ce point qu'on a vu dans leur tare une circonstance grandement atténuante !
C'est bien là qu'éclate la faiblesse fondamentale de cette thèse un peu vieillotte et sans base solide de la responsabilité atténuée, c'est de confondre toutes les sanctions possibles en une seule : la punition. Respon-bles ou demi-responsables, les inculpés seront frappés de la même manière, d'une pénalité. La loi et le juge ne connaissent pas autre chose. Et, en vertu de la force acquise, personne ne semble répugner à souscrire au principe indiscuté d'une pénalité pour un être que l'on sait inférieur, taré, et que l'on déclare tel. Alors que partout, danstoutesles jurisprudences le doute sera compté au profit de l'accusé et le fera acquitter, ici le doute sur la plénitude des facultés aura pour seul eflet de diminuer la valeur d'une pénalité, mais n'empêchera pas qu'elle soit prononcée, h'unilatéralité des sanctions, voilà le défaut de la cuirasse de la thèse des responsabilités atténuées. N'y eût-il que ce motif pour me la faire repousser, il serait décisif. Tant que la loi ne connaîtra qu'une sanction unique pour les responsables et les malades, je me refuserai à souscrire à un procédé vraiment trop commode qui envoie un malade en prison, même réduite.
Je m'étonne en vérité que les partisans les plus chauds des responsabilités partielles comptent en général (je ne parle pas pour M. Farez bien entendu) parmi les représentants de la vieille unité de l'âme. Ces spiritualistes classiques ne s'aperçoivent pas qu'ils portent un coup à la doctrine qui leur est si chère. Si l'àme est une, elle participe dans son intégrité aux manifestations actives et conscientes de la Personne. Elle ne peut ignorer par partie ce qu'accomplit la personne, dans quelque sens que ce soit. Et si des contingences viennent à peser sur cette personne pour dévier les déterminations dans un sens que nous jugeons anormal ou antisocial, il estimpossible d'excepterde cette influence une
fraction de la personne morale qui est bel et bien engagée tout entière dans la conclusion. L'Ame, en tant qu'Ame, est, par définition même, insécable. La rendre par partie responsable c'est détruire son entité. C'est en tout cas mettre les défenseurs de la thèse dans la dure nécessité de nous dire logiquement ce qu'ils comptent faire de la fraction irresponsable de cette âme coupée par morceaux. Certes, je sais que cela ne les embarrasse guère. La prison est bonne pour le morceau irresponsable de l'individu comme elle Test pour le morceau responsable. Mais je dis que c'est monstrueux. Dussiez-vous pallier la peine, vous n'en faites pas moins peser une Peine, c'est-à-dire quelque chose de dolosif, d'afflictif sur quelqu'un d'irrégulier, d'anormal.
Je me refuse pour ma part à souscrire à l'existence de cette espèce de frères siamois inséparablement accouplés et dont l'un serait digne de la prison, l'autre de l'hôpital. Je sais bien que, pour trancher ce problème difficile, certains ont imaginé le traitement successif : d'abord la prison (à tout criminel tout honneur), puis l'hôpital. Chacun en a pour son compte. En vérité je m'étonne que les hommes distingués qui ont imaginé ce système un peu puéril n'aient pas réfléchi davantage à son illogisme.
*
Mais ici se pose la question d'ordre pratique sur laquelle M. Farez ne manque pas d'appuyer. Il n'est pas incontestable, pense-t-il, qu'entre les, criminels et les malades, entre les responsables et les irresponsables existe toute une zone frontière, un vaste empire, suivant l'expression de Régis, occupé par des gens qui ne sont ni fous, ni criminels, a C'est là que se trouvent les réaíifés morbides qui correspondent à la responsabilité atténuée ». Il y a des degrés dans la dégénérescence ; ils occupent tous cette zone mitoyenne.
Le malheur est précisément qu'il est fort difficile de déclarer où commence et où finit cette zone frontière et que, sans conteste, nous y nageons en plein arbitraire. Tout ce qui s'y passe, tout ce qui s'y fait est de la haute fantaisie parce que nous y travaillons sans posséder la moindre commune mesure. Et en vérité, si nous voulons bien examiner posément, sans souci d'une thèse quelconque, en simples cliniciens, tous les cas qui se présentent à nos investigations, je me demandé s'il en est seulement un où nous ne trouverons point quelque peu de la « réalité morbide » qui le ferait rentrer dans la zone mitoyenne. J'ai grand' peur que la frontière soit si étendue qu'elle n'envahisse le territoire de l'empire lui-même, au point de le supprimer.
Et puis, la zone mitoyenne existerait-elle, qu'elle ne ferait que consacrer la conjonction possible des deux facteurs incompatibles : la responsabilité et l'irresponsabilité sur le même chef.
Enfin, qu'est-ce que c'est qu'un degré de dégénérescence ? « Ce sont précisément les degrés de I'anormalité qui conditionnent les degrés de cette notion d'ordre pratique qu'on appelle la responsabilité ». Je me
refuse pour ma part absolument, au nom même de l'observation clinique, à connaître d'une échelle précise de dégradations mentales susceptibles de constituer des degrés d'à norma/ile, d'autant que j'ignore ce qu'est la normalité. On est ou l'on n'est point un dégénéré. Si moi médecin je reconnais l'existence d'une tare dégénérative chez un sujet, fût-il criminel, je reconnais en lui un malade et n'ai pas le droit de le traiter différemment. Si je me mêle de tarifer sa responsabilité, je soutiens que je fais œuvre étrangère à ma compétence. Je n'ai à connaître que des réalités ; ce n'est pas à moi qu'incombe le devoir de protéger la société contre les criminels ni d'indiquer au juge la route qu'il doit suivre. Avouons-le : Anormalité, degrés, responsabilité, irresponsabilité, etc., ne sont qu'un cliquetis de mots sans définition possible dont il n'appartient pas au médecin de se servir, surtout dans une occurrence où la liberté, la vie même des citoyens peut être enjeu. La surabondance de ce vocabulaire ne fait qu'accuser mieux l'imprécision de notre pensée, Notre science d'expert est ici sur un terrain d'une dangereuse mobilité. Sûrs de notre fait dans les siècles passés, n'oublions pas que nous ne le sommes plus aujourd'hui. Nous hésitons. Ainsi le veut l'évolution.
Genève a assisté à une véritable logomachie qui prouve mieux encore que tous nos raisonnements le vague de nos doctrines. Désireux d'aboutir et pensant que sur le terrain de la pratique on devait pouvoir s'entendre mieux que sur celui de la théorie, de savants confrères se sont écrié : « Mais il n'y a dans tout cela que querelles de mots ! C'est le mot de responsabilité qui nous trouble, rejetons-le et remplaçons-le par autre chose qui nous mette d'accord ».
J'ai grand'peur qu'ici la querelle de mots ne fasse en réalité que traduire une querelle d'idées. Je crois au vieux dicton : ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Si nous nous chicanons sur les mots, c'est que nous nous chicanons sur les idées. En veut-on la preuve ? La voici.
« Je propose punissabilité », dit M. Prancotte. Encore runilatéralité de sanction. Punissabilité suppose, quoi que vous en ayez, responsabilité. Un homme, capable de recevoir une punition est, par définition, un homme jugé capable d'apprécier ses actes et par conséquent responsable. Votre locution un peu barbare ne fait donc que reculer la difficulté.
Un autre orateur a proposé de substituer au degré de responsabilité un a degré de discernement ». Comme c'est jouer sur les mots ! La vérité est une. Elle se discerne ou ne se discerne pas. Elle n'est pas appréciée par tiers ou par quart. Si on ne l'apprécie qu'en partie, c'est qu'on est dans l'erreur. Allez-vous réserver un châtiment à un homme quis'est trompé ? Et puis si vousadmettez l'insuffisance de discernement par insuffisance de jugement, vous retombez dans l'éternel problème de la responsabilité. Tout vous y accule.
C'est faillibilité qu'il nous faut, reprend M. Dupré. Mais qui peut faillir, sinon un faible, un homme qui par définition ne jouit pas de la plénitude de son libre arbitre ? Et l'homme qui n'est pas libre est-il responsable ? Encore la responsabilité, quoi que vous fassiez.
M. Farez est peut-être plus proche de la vérité quand, ne trouvant à son goût aucun de ces vocables, il propose : Imput&bilité. Le mot semble en effet nous introduire de plain-pied sur un terrain où le problème de la responsabilité ne se pose point. Il peut s'entendre en effet au point de vue social pur et simple, tout comme en matière civile. Mais nous ne nous entendons pas, car voici comment il présente la question : « X est-il responsable ? Tel acte doit-il être imputé à sa personnalité consciente et libre » ? Conscience, liberté, nous revoilà sur le terrain philosophique ! —Consciente ? Mais M. Farez sait aussi bien que moi que les obsédés et les impulsifs qui sont de tous les irresponsables les plus irresponsables, sont les plus conscients de tous les conscients ! Libre ? Comment l'entend-i ! ? Il veut dire : « Libre de toute tare, ou permanente ou passagère, ayant pu influer sur ses actes ou même les déterminer » ! Maisje voudrais bien que l'on me montre un seul homme qui puisse se targuer d'avoir, une seulefoisdans sa vie, réalisé l'état de liberté dont parle cette définition !
Plus que jamais nous tournons autour du pot, et dès lors que M. Farez demande si « tel acte est imputable àX, pour une trèsgrande part, pour une faible part, pour une part très minime (en raison des tares qu'on aura soin de préciser) » il nous ramène à un barème tout à fait arbitraire qui suppose encore un degré de responsabilité.
On le voit : les mots ne paraissent pas dignes de plus de succès que la thèse. Mieux vaudra toujours, me sem£le-t-il, en revenir à la querelle d'idées qui n'est pas sans issue que de s'attarder à une vaine . logomachie qui laisse les choses en l'état.
•
Je voudrais résumer en quelques mots mon argumentation principale contre les responsabilités partielles et atténuées. Cette thèse a le tort : de mettre en cause un élément grave,la responsabilité ; que j'ignore ; elle fait plus, elle suppose le problème résolu alors que la science moderne le pose ; elle s'accommode de l'unité des sanctions, ce qui fait adhérer à une justice sommaire et inéquitable ; elle dissèque l'âme et détruit le concept d'unité de la Personne Morale, opération qui d'ailleurs supposerait multiplicité et variété des sanctions. Enfin elle fait jouer au médecin un rôle inattendu, celui de juge. La conclusion du médecin arme la main du juge ; elle lui dicte la sanction. On m'objectera, mais en vain, que le juge reste libre, en dernière analyse, de tenir compte de nos conclusions. En fait il n'en estrien. Quand tíous disons « responsable » nous pouvons envoyer un homme à l'ëchafaud. Quand nous disons « responsabilité atténuée » nous faisons condamner un Minus h&bens à 5 ans au lieu de 10. Il y a des hommes qui reculent devant ce rôle à jouer. Ah ! je conçois très bien que le juge nous le propose ! Quel mol oreiller est pour lui, comme pour nous aussi, cette responsabilité mitigée qui permet de contenter tout le monde ! X est-il responsable ? Je ne le crois
pas. Est-il irresponsable ? Je ne le crois pas non plus. Vite, coupons la poire en deux. Et chacun s'en va le cœur léger. Justice est rendue.
J'estime pour ma part que si nous voulons rester vraiment médecins, esprits positifs et scientifiques, nous devons faire litière de ce qui nous peut embarrasser et compliquer nos jugements au lieu de les simplifier.
M. Farez semble déplorer le besoin de Vérité pure, cette sorte de recherche de l'Absolu qui anime certains experts insurgés. Son argumentation me parait se tourner victorieusement contre lui-même. Il dit : « Ce besoin de la certitude objective et impersonnelle est une lourde servitude, que l'intellectualisme cartésien a perpétué pendant plusieurs siècles... Par quelle grâce spéciale le médepin légiste jouirait-il des privilèges de l'infaillibilité alors que tout, autour de lui, est faillible... » A merveille. C'est parce que nous avons pleine conscience de notre fail-libilité que nous nous gardons de conclusions qui supposent la connaissance de l'absolu. Quant au besoin de certitudes qui nous hante, nous n'avons qu'à nous en louer, car c'est lui seul qui a renversé bien des hypothèses surannées et fécondé la science.
M. Farez tire argument, au profîtdes demi-mesures do prudence et de conciliation que sont les responsabilités mitigées, des éternelles erreurs et contradictions médicales. Certes il est loin de faire grief à Hippocrate de l'opinion de Gallen et inversement, et il rend hommage aux scrupules toujours éveillés de l'expertise, mais je veux tirer argument pour ma thèse précisément de notre instabilité et de l'arbitraire de nos théories. Grave danger que tout cela, et je crois que la pratique n'a rien à y voir. Eh quoi ! c'est à des hommes si peu sûrs de leur science que vous demanderez de construire un édifice de justice ! — L'expert se contentera d'éclairer le juge et ne consentira pas à « aller plus loin ».
»
* -
Je conclus. En refusant * d'aJler plus loin » l'expert peut-il interrompre la marche de la justice ? En aucune manière. Dans les expertises qui m'ont été confiées, après une analyse des cas toujours très détaillée et volontairement poussée, je n'ai jamais éprouvé la moindre difficulté à conclure d'une façon ferme sans concession aux doctrines du juste milieu. Et je ne sache pas que les magistrats aient été embarrassés par mes conclusions, même quand elles ont pu leur paraître excessives.
Le jour viendra, je l'espère, où nous n'aurons plus à nous prononcer même sur la question de la responsabilité entière. Ce jour-là, les magistrats chargés déjuger seuls en leur âme et conscience jugeront comme aujourd'hui, sans plus de peine.
Voyons les choses de plus haut et, en définitive, que souhaitons-nous, les uns et les autres, citoyens et médecins ? Nous souhaitons que la société soit débarrassée de ses éléments nuisibles, j*-dirai antisociaux et non criminels, car le mot crime m'encombre autant que le mot de res-ponsablité. En quoi nos conclusions pour ou contre la responsabilité
aident-elles à la solution du problème pratique ? Prenons un exemple concret : voici un incendiaire. Je le reconnais minus habens et je le dis dans mon rapport. Selon mes conceptions personnelles, je conclus pour ou contre la responsabilité sans me hasardera la couper en deux. Que risquons-nous ? Nous risquons dans le cas de responsabilité de voir le juge appliquer le maximum de peine ou accorder des circonstances atténuantes eu égard à l'état de maladie du sujet. En cas d'irresponsabilité, nous risquons l'envoi du sujet dans un asile au lieu d'une prison. La société a finalement son compte.
J'entends bien qu'elle ne l'a pas tout-à-fait. Il lui faudrait pour être pleinement à couvert : des asiles-prisons, des asiles d'aliénés criminels, des asiles de sûreté ; il lui faudrait une législation adéquate. Mais Paris ne s'est pas fait en un jour. Et le médecin n'a pas à prendre une attitude de quasi-complaisance sous prétexte que tout n'est pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes de la répression.
Bien au contraire, et j'estime que le médecin a un rôle plus élevé, plus noble à jouer, celui d'un pionnier. La responsabilité atténuée est une doctrine de tout repos dont le moindre défaut est de laisser stagner les idées. Tous nous sommes convaincus que la justice de demain sera plus protectrice et préventive que justicière. Lestempsde la vengeance sociale sont passés. Celui des sanctions vraiment justes est à son aurore. Jouons notre rôle d'éclaireur, celui qu'on accorde en général à tous les hommes qui cultivent la science. C'est un beau rôle que de trainer à la remorque de nos découvertes magistrats et législateurs. Un beau mouvement déjà se dessine dans le monde des magistrats et des juristes éclairés. Le législateur est prêt à nous donner des maisons de rétention où la société protégée pourra s'offrir le luxe de conserver sine die jusqu'à réforme, c'est-à-dire jusqu'à libération d'essai surveillé les êtres dangereux sur lesquels s'exerce aujourd'hui notre pitié, armée d'une demi-responsabilité de pure convention.
Je crois que sur ce terrain, décidément pratique, où chacun reste chez soi, nous pouvons tous nous rencontrer, sans risque pour chacun devoir fléchir les convictions philosophiques qui lui sont chères {').
FOLKLORE
La pathologie nerveuse chez les anciens Hébreux, par M. L. Delmas.
Par l'étude de la Bible, et d'après les nombreux documents que l'histoire nous a transmis, à travers les siècles, sur la médecine juive, nous pouvons affirmer que la médecine, chez les Hébreux, remonte au moins à Moise qui, instruit par les savants égyptiens, à la cour des rois Pha-
(1) La suite de la discussion sera publiée dans le prochain numéro.
raoDS, fît partager ses connaissances aux prêtres et aux lévites de sa tribu. Il existait bien, chez eux, des hommes habiles en l'art de guérir, qui connaissaient la manière de traiter l'inflammation de l'estomac, l'ictère, la paralysie, l'épilepsie, etc. ; mais l'art de guérir constituait un privilège et la médecine était la propriété exclusive des prêtres. La Bible dit, en effet : « La médecine est réservée aux prêtres et aux enfants de Lévi. » (Lévitîque XII et XIV.)
D'ailleurs, les Hébreux, qui étaient très croyants, considéraient la maladie comme une manifestation de la justice divine. Il n'y a donc rien d'étonnant qu'ils se soient adressés à ses représentants pour obtenir la guérison de leurs maux. Aussi, plus tard, les prophètes qui passent pour être les véritables créateurs de la nationalité israélite, partagèrent-ils, avec les prêtres, la profession médicale, et exercèrent-ils une influence considérable sur leurs contemporains.
Mais tandis que, sous Salomon, la médecine juive semble faire quel-, ques progrès, la pathologie nerveuse serait restée tout à fait à l'état d'ébauche ; et les lésions organiques du système nerveux auraient été totalement inconnues des Hébreux. Toutefois, d'après le Dr W. Wulfing-Luer, à l'excellent travail duquel nous empruntons ces données ('), on trouverait, dans la Bible, le mot Schac/ièphef/i, dont l'interprétation pourrait, peut-être, se rapporter au tabès.
Bégaiement. — Le bégaiement se trouve signalé dans la Bible ; car Moise était atteint d'un embarras assez considérable de la parole. Mais les juifs ne semblent point avoir confondu le bégaiement, vice presque toujours congénital, remarquable par sa persistance indéfinie, avec l'embarras qui, chez certaines personnes, résulte de la timidité ou de l'inexpérience. C'est de ce genre de gaucherie que s'accuse l'auteur des Lamentations : « Seigneur Iahvé, dit-il, je ne sais point parler ; je suis un enfant, b — Dieu lui toucha la bouche de ses mains et lui dit : ¦¦ Va ! j'ai mis des paroles sur tes lèvres. » Dès lors, le prophète fut guéri et il put haranguer la foule sans craindre de voir les mots s'arrêter dans sa gorge.
Névroses. — Chez les Hébreux, peuple essentiellement nerveux, les névroses ne devaient pas passer inaperçues. En différents endroits de la Bible existent des descriptions qui présentent une grande analogie avec les phénomènes que nous observons journellement dans l'hystérie. C'est ainsi que le cas le plus remarquable est celui de llanna, mère du prophète Samuel, laquelle nous fournit un bel exemple d'anaphrodisie et de stérilité hystérique. Ce cas, ainsi que d'autres relevés dans différents endroits de la Bible, guérit sous l'influence de la divinité, c'est-à-dire par suggestion.
Troubles mentaux. — Il semble que la pathologie mentale ait été mieux observée, chez les Hébreux, que les névroses et les autres mala-
(1) Wulfiag-Luer (W.). — De la pathologie nerveuse et mentale chez les anciens Hébreux et dans la race juive. (Thèse du Doct., Paris, 1907, in-8% 124 pages).
dies nerveuses. Dès les temps les plus reculés, en effet, lafolie fut l'objet de considérations spéciales ; car elle était regardée comme une cause d'irresponsabilité. Le premier cas de folie, dont parle l'Histoire Sainte, est celui de David.
Les juristes Hébreux durent, dans l'intérêt de la justice, chercher une définition de la folie. Pour l'obtenir, ils l'établirent, non sur la nature des désordres de l'entendement, mais sur les caractères que la maladie imprime aux actions.
D'après le Talmud, qui est une des grandes encyclopédies renfermant toutes les connaissances du peuple juif, un aliéné est « celui qui perd íes objets qu'on lui remet ; celui qui déchire ses vêtements ; celui qui, pendant la nuit, parcourt les lieux solitaires. »'
Par cette définition, on considérait les fous comme des êtres incapables d'agir raisonnablement et, par conséquent, irresponsables de leurs actes.
Or, la première partie de la définition « celui qui perd les objets qu'on lui confie, qui déchire ses vêtements » désigne incontestablement l'idiotisme.
Les Talmudistes rangeaient dans cette catégorie les individus incapables de se souvenir des sensations ressenties, qui n'avaient aucune habileté manuelle et auxquels l'instinct de propreté faisait défaut.
Quant à la seconde partie de la définition, elle viserait une espèce de manie par laquelle l'individu se livrerait à des actes, réprouvés par les mœurs et les préjugés.
Sur ce point, il existe fort peu de documents. Mais la Bible nous fournit quelquefois un certain nombre de cas de manies. Xous apprenons ainsi qu'Osée était un érotomane et Ezéchiel un coprophage ; que le roi Saül "était fréquemment atteint de crises d'excitation maniaque aboutis-- sant à une noire mélancolie ; il avait même des accès de fureursi subits et si violents qu'il avait l'air d'un possédé ayant des idées de persécution et des impulsions au meurtre et au suicide ; il fut guéri par David qui calma ses accès au son harmonieux de sa harpe.
Une autre manie, fréquente en ce temps-là, c'était la démonopathie. La maladie était très souvent occasionnée par un démon, contre lequel on employait les exorcismes et la prière, les amulettes, les filtres, les conjurations, etc, ; les exorcismes les plus parfaits étaient toujours accompagnés de musique. Et la foule était entretenue dans cette idée par les prophètes, qui non seulement faisaient œuvre de médecins en soignant les malades, mais se considéraient aussi comme les instruments de la colère divine ; pour eux la maladie n'était qu'un châtiment divin ; et la foule, qui ne pensait que par les prophètes, admettait, sans réserve, cette opinion.
Qu'étaient-ce donc que ces prophètes qui avaient une telle puissance
aux yeux des peuples qu'il leur suffisait de parler pour être écoutés et
que les rois même respectaient avec crainte ?
_ {à suivre)
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 18 février à 4 heures et demie sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de ta société ont Heu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le Dp Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications déjà inscrites :
Df Paul Parez : L'expertise médico-légale et la responsabilité. Inscrits : MM. Dyvrande, procureur de la République, Dr Voisin, Dr Toulzac (de Versailles).
Dr Bahaddin Chakir Bey de Constantinople : l'organisation de l'expertise
médico-légale en Turquie. M. Scié Ton Fa, docteur en droit : La responsabilité dans le droit
chinois.
Dr Paul Farez : Mort par émotion, imitation, suggestion, etc.
Dr Bérillon : Les conditions fondamentales de la production de l'hypnotisme.
Dr Dhotel {de Poix) : Etat de la pupille dans certains états d'attention.
Dr Jacques Bertillon : Considérations psychologiques relatives à l'infanticide.
L'onychophagie dans les écoles à Paris.
Mon cher Directeur, On s'est souvent occupé des enfanti onychophages. A-t-on trouvé des conclusions ? Que peut-on déduire, en général, de l'onychophagie ?
Voici quelques chiffres empruntés à une école où les enfants sont presque tous très bien tenus par les parents :
onychophages pour cent
1" Classe il à 13 ans 17 sur 38......42 0/0
2- — 10 à 12 ans 20 — 40 ...... 50 0/0
3° — 8 à 10 ans 16 — 40 ...... 40 0/0
4,e — 6 à 8 ans — _35_..... ._17 0/0
Ensemble : 59 153 38 0/0
Je range d'ailleurs parmi les onychophages tous les élèves qui rongent leurs ongles, soit au moyen des dents soit au moyen des autres ongles.
Je n'ai rien pu trouver quant au rapport de cette manie avec la mentalité. Je mets en italique, dans la liste suivante, où les chiffres donnent le classement des élèves, les nombres correspondants aux onychophages :
Cours supérieur : 1er, 2e 3e, 4e 5e, 6e, 7e, 8e 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e,
25% 16% 17% 18% 19% 20% 21% 22% 23% 24% 25% 26% 27% 28% 29% 30', 31% 32% 33% 34% 35« , 36"% 37% 36*.
Comme on le volt, les onychophages sont aussi bien répartis dans les bons élèves que dans les mauvais.
L'onychophagie serait-elle due à une simple maladie de la volonté ?
Si vous jugez que la question puisse intéresser vos lecteurs, peut-être voudriez-vous donner votre opinion dans votre excellente Revue.
Veuillez agréer, mon cher Directeur, l'expression de mes respectueux sentiments.
Emile Bocquillon
Instituteur •
Dans un travail paru en 1892 dans la Reuue de l'Hypnotisme sous le titre l'onychophagie, sa fréquence chez les dégénérés et son traitement . psychothérapique, nous avons envisagé la question sous de différents points de vue. Les enquêtes que nous avions faites dans les diverses écoles, nous avaient appris que la proportion des enfants qui se rongent les ongles ou les cassent allait de 30 à 40 0/0. Nous avons démontré les raisons qui nous avaient déterminé à considérer l'onychophagie comme une manifestation de dégénérescence.
Pour donner satisfaction à notre aimable correspondant, nous y reviendrons dans notre prochain numéro. Dr Bbrillox.
Le visage spectral
Il m'est arrivé à plusieurs reprises de présenter dans mes leçons cliniques des jeunes filles ou dt*s femmes présentant d'une façon permanente, on pourrait dire chronique, le signe des yeux cernés.
Ce signe coïncide avec une pâleur très manifeste des téguments de la face. Les yeux apparaissent' brillants au milieu d'un cercle noirâtre très étendu, faisant ressortir les dimensions assez grandes de la cavité orbi taire.
Ces personnes ont bien l'apparence qu'on attribue aux spectres : c'est ce qui a amené à désigner leur état par les mots de visage spectral. Ces personnes, bien qu'elles consultent leur miroir, ne se rendent pas compte de l'aspect impressionnant de leur physionomie.
Dans trois cas, le visage spectral était lié à l'existence de la mor-phino-cocaïnomanie. Ce qui le démontre, c'est qu'il s'est atténué après une cure de désintoxication, puis a reparu avec le retour de l'habitude-
Dans deux autres cas, le visage spectral était lié à un état d'anémie profonde et de neurasthénie \ l'intensité du cercle noirâtre entourant les yeux était en rapport avec la gravité des troubles nerveux présentés par les sujets. Je l'ai également observé dans plusieurs cas d'anorexie mentale. Le visage spectral, dans ces cas, a disparu en même temps que les malades se rapprochaient de l'état de guérison. Je serais reconnaissant à mes confrères qui ont observé des faits analogues de me les signaler. Dr Bérillok.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
EXPÉRIMENTAL' È¥. jTH É R A PE UTIQUE
52* Année. — ?9.
Mars 1908.
BULLETIN
Un hommage au D* Dumontpallier. — Un grave inconvénient des séances
de spiritisme
M. Boirac, le savant recteur de l'académie de Dijon, maintenu depuis de longues années, par la sympathie de ses collègues,à la vice-présidence de la Société d'hypnologie et de psychologie, vient de réunir un certain nombre de ses études et de ses articles, en un volume sous le titre : La Psychologie inconnue ('). Dans l'introduction de ce livre, il évoque le souvenir du regretté Dumontpallier, qui a présidé avec tant d'autorité à la création de la Société d'hypnologie. Mu par un sentiment pieux, il a eu l'heureuse inspiration de le dédier à la mémoire de ce maître vénéré. Les anciens élèves de Dumontpallier et les membres de la Société seront fort touchés de l'hommage rendu à cet homme d'un caractère si noble et si élevé. Membre de l'Académie de médecine, Dumontpallier a laissé derrière lui une oeuvre durable. L'Ecole de psychologie et la Société d'hypnologie émanent de son inspiration et sont les continuatrices de ses doctrines. Nous remercions M. Boirac d'avoir rappelé le rôle important que ce grand clinicien a joué dans le mouvement psychologique contemporain.
Déjà un grand nombre de médecins aliénistes, au premier rang desquels il faut placer M. le Dr Marie, médecin de l'asile de Villejuif, et le D' Vigouroux, médecin de l'asile de Vaucluse, ont signalé des cas de troubles mentaux survenus à la suite de séances de spiritisme. L'évocation des esprits de gens défunts peut, en effet, constituer pour des âmes faibles des émotions nuisibles à l'équilibre de leurs centres nerveux. Mais ce n'est pas à ces dangers que nous voulous faire allusion aujourd'hui. Il arrive assez fréquemment que mus par une curiosité toute naturelle, ou par un sentiment de complaisance à l'égard d'adeptes zélés, des hommes de science acceptent d'assister à des séances de spiritisme. Il n'en faut pas davantage pour qu'ils soient considérés comme ayant fait acte d'adhésion aux doctrines spirites. Nous avons fréquemment entendu affirmer que des savants avaient consacré parleur approbation tacite des expériences à l'égard desquelles ils n'avaient pas formulé la moindre conclusion approbative.Cela est arrivé,en particulier, pour les séances du médium Eusapia Paladino. A ce sujet, un fait
(1) 1 vol. in-8. Félix Alcan. Paris 1908. Prix : 5 fr.
permet de démontrer que nous ne rejetons k priori aucun fait et que nous ne sommes pas des négateurs de parti pris. C'est dans la Reçue de l'Hypnotisme que l'existence d'Eusapia Paladino a été révélée au public français, en 1894. La Revue a publié intégralement et avec beaucoup de détails les procès verbaux des séances médianiques deVarsovie, alors complètement inconnues. Depuis, j'ai assisté à des séances données à Paris par ce médium et j'ai été personnellement chargé du contrôle des expériences. De ce que j'ai constaté, il résulte pour moi, que les faits observés doivent être rapportés à de la supercherie du médium. Quand j'ai systématiquement négligé de pratiquer le contrôle, toutes les expériences ont réussi ; au contraire, quand j'ai rempli sérieusement mon rôle de contrôleur, aucun phénomène, d'aucune sorte, ne s'est jamais réalisé.
Quelques semaines avant sa mort, le regretté professeur Curie avait été invité à assister à une ou deux des séances d'Eusapia. Il n'en a pas fallu davantage pour que l'on plaçât la réalité de ces expériences sous l'autorité de son grand nom. Aussi, désireux de protéger la mémoire de son fils contre de telles imputations, M. le Ij- Curie père vient d'adresser au Matin la lettre suivante :
i Dans vos propos du 21 février, vous citez mon ûls comme un adepte reconnu du spiritisme. C'est une légende qu'ont intérêt sans doute à propager les partisans dudit spiritisme. La vérité, la voici : Mon fils a assisté avec curiosité, et bienveillance même, espérant peut-être y trouver quelque chose, à des séances d'Eusapia Paladino, où on l'avait invité. Un point, c'est tout. C'est peu pour en faire un adepte parmi les spirites... » D' Eugène Curie,
6, rue du Chemin de fer, à Sceaux.
Cet exemple prouve combien les médecins et les savants soucieux de leur réputation scientifique doivent se montrer circonspects. S'il est permis d'assister à des séances données par des médiums, il faut avoir grand soin de ne pas laisser se perpétuer des légendes capables de favoriser la diffusion des erreurs les plus regrettables. Le mysticisme n'a rien de commun avec la science. C'est un réel service que vient de rendre M. le Dr Curie en le proclamant une fois de plus. Dr B.
Le désaccord entre la morale du Coran et la politique musulmane. (Suite) tu par M. le professeur Ubeyd Oullah (de Constantinople).
Monté sur le trône en 1876, il y a trente-deux ans que le sultan actuel, Abd-ul-Aziz règne pour la désorganisation et l'affaiblis sèment continu de la Turquie.
Des guerres malheureuses ont fait perdre à son empire plus de
(t) Voir la Revue de l'Hypnotisme de février 1908.
la moitié de son territoire. Successivement il a dû abandonner la Serbie, la Roumanie, le Monténégro, l'Egypte, le Soudan, la Tunisie, la Bosnie, l'Herzégovine, la Thessalie, les îles de Crête et de Chypre, la Bulgarie et la Roumélie orientale.
Tous les hommes intègres qui ont voulu mettre obstacle à ses caprices ont été exilés. Il a suspendu la constitution, violétoutes les lois.
Faisant preuve d'une activité vraiment surhumaine, il a tenu à concentrer dans ses mains tous les rouages de l'administration.
C'est à cette occupation qu'il passe le meilleur de son temps, absorbé par la crainte qu'on ne cherche à lui nuire ou que l'on porte atteinte à son existence.
Il persécute par peur d'être trahi. Il réalise le type complet du persécuteur persécuté. Il n'y a pas de qualificatif qui ne lui soit applicable.
On peut dire qu'il réunit en lui les défaillances de l'esprit les plus dégradantes. La peur, l'ignorance, l'hypocrisie, le mensonge, la superstition, la cruauté ; telles sont les dispositions mentales dont témoignent toutes ses décisions. Porté à l'obséquiosité et à la dut licite envers ceux dont il redoute quelque résistance, ii a l'aversion non dissimulée pour tout ce qui représente le talent, la science, la noblesse du caractère, le courage, la franchise. Il ne conçoit ni les arts, ni la poésie, ni la musique, ni la science, n'admettant pas que ses sujets puissent s'adonner à des goûts artistiques ou littéraires.
Depuis son avènement on estime qu'il a exilé de Constantinople plus de trois cent mille musulmans. Leur seul crime était d'avoir manifesté quelques sentiments de justice, d'amour du progrès ou simplement de patriotisme.
Des milliers de Turcs, internés dans des forteresses se sont évadés de leurs prisons et mènent, hors de leur pays, une existence des plus précaires.
Les membres de sa famille eux-mêmes ne trouvent pas grâce devant son arbitraire. Plusieurs de ses proches parents ont dû fuir la Turquie et résident à l'étranger.
Si je ne craignais de fatiguer votre attention, je pourrais multiplier les anecdotes qui vous démontreraient jusqu'à quel degré est poussé en Turquie le régime d'espionnage et de délation.
Un commandant de l'armée, passant devant la boutique d'un boucher, lui demande le prix d'un morceau de viande : « C'est quatre francs ». répond le boucher. « Que Dieu nous protège ! » répond le commandant, voulant exprimer par ces mots qu'il trouvait le morceau de viande trop cher pour ce pays d'abondance. Il y avait là, aux aguets, un espion du sultan. II. rapporte la phrase, la jugeant offensante pour le souverain. N'était-ce pas un crime de lèse-majesté que de souhaiter la protection de Dieu. Le lendemain le pauvre officier était exilé pour crime de lèse-majesté.
Un autre fut exilé pour avoir énoncé l'idée qu'il fallait aimer sa patrie. Ce n'est pas la patrie qu'il faut aimer c'est le sultan.
Un fait surprenant c'est que si quelqu'un dit que le sultan est un savant : il s'en offense ; c'est la même chose si l'on dit qu'il est ignorant ; dans le premier cas, il croit qu'on se moque de lui, dans le second il se trouve injurié.
J'ai été condamné moi-même à dix mois de prison, pendant que j'étais inspecteur général de l'Instruction publique en Syrie, sous l'inculpation de lèse-majesté : un espion et quatre faux témoins sont venus déclarer devant le tribunal que j'avais écrit que le sultan était illettré. En réalité mon seul crime était d'avoir cité un vers qui explique que chaque homme est maître chez lui. C'est l'équivalent de votre proverbe français : « Charbonnier est maître chez soi. »
On ne saurait s'imaginer le nombre d'occupations qui sont interdites en Turquie. L'homme qui met son front sur sa main pour méditer est suspect. Dans ce pays, la poésie est proscrite et il est défendu, sous un ciel où tout le monde est naturellement poète, de se livrer à l'innocente occupation de rimer. Depuis dix ans, on n'y a publié aucun poème ni même aucun sonnet. Cependant le jour de l'an, des poètes officiels ont le droit, chaque année, de célébrer les vertus du sultan.
Beaucoup de mots ne peuvent être prononcés à haute voix, ni imprimés, tels sont ceux de patrie, de justice, de progrès, de liberté, de république, d'humanité, de civilisation, à plus forte raison ceux d'attentat, d'anarchie, de complot, d'abdication, de constitution, de régicide, etc., etc.
Neux dixièmes des Turcs ignorent encore l'abdication de Don Pedro, le dernier empereur du Brésil, l'assassinat du président Carnot, la démission de Casimir Périer, l'assassinat du roi de Serbie. On ne connaît pas, en Turquie, le premier mot des événements de la Russie. Le nom de la Douma, tant de fois imprimé ailleurs, n'y a pas encore été prononcé.
Si la littérature est opprimée, la science est encore plus mal partagée. Elle est simplement supprimée dans ses applications positives. L'électricité, le téléphone, la lumière électrique, la bicyclette, les automobiles, les manipulations élémentaires de la physique et de la chimie sont absolument prohibées à Constantinoplc pour les sujets turcs. 11 n'y a pas de sort plus lamentable que celui d'un pharmacien de Stamboul qui veut se maintenirau courantdes perfectionnements de son art.Pour être tranquille, il doit se borner à donner des pâtes pectorales ou des tisanes. S'il reçoit de l'étranger des médicaments dangereux, des espions zélés se demanderont s'ils ne vont pas servir à empoisonner leur auguste maître.
Quand un Turc a résidé quelques semaines à l'étranger ne fût-ce que pour des motifs de santé, il lui est impossible de rentrer à Constantinoplc. IL n'est pas permis davantage, même à un grand personnage, de quitter la capitale de l'empire. Pour cela il faudrait la permission du sultan, et il ne la donne jamais. Un seul moyen reste à celui qui veut sortir de la capitale, c'est de se déguiser et de s'évader.
Mais quand il a franchi la frontière, tout n'est pas terminé. Craignant qu'il ne se livre à quelque indiscrétion sur son souverain, des fonctionnaires spéciaux sont lancés à sa poursuite. Par promesses, par dons, par supplications, ils ne négligent rien pour arriver à décider l'évadé à rentrer à Constantinople. Ils l'assurent que le retour sera payé des plus hautes faveurs impériales. S'il est assez naif pour se laisser prendre à ces affirmations, dès son retour, c'est la prison qui l'attend.
Le grand instrument de ce règne, c'est l'espionnage et le châtiment que le sultan réserve à ses ennemis ou à ses prétendus tels, c'est l'exil dans une province éloignée de Constantinople. L'idée que tes Turcs puissent résider à l'étranger lui est profondément désagréable. Il considère son empire comme une prison, celui qui veut en sortir, se place dans la situation d'un prisonnier évadé.
En résumé, s'il existe pour les chiens de Constantinople une liberté complète, les étrangers ne jouissent eux que de certaines tolérances accordées par les capitulations. Par contre, les Turcs sont absolument privés de toute initiative publique ou privée. Aucune société commerciale, anonyme ou collective, n'y est tolérée. La presse y est censurée avec une telle sévérité qu'elle y est dépourvue de toute espèce d'intérêt. Par la volonté du sultan, le progrès est complètement arrêté dans une population de trente millions d'habitants. A aucun moment du Moyen Age, ni aux époques de la barbarie les plus ignorantes, la pensée humaine n'a été plus comprimée, jamais la liberté individuelle n'a été plus opprimée.
Il est rare, lorsqu'on cherche la cause des événements humains, qu'on n'ait pas recours à des explications erronées. A ce sujet, l'opinion la plus courante sur les motifs qui ont créé cet état de stagnation et même de régression de la Turquie, c'est qu'il faut l'attribuer à un certain fanatisme musulman, ayant sa source dans le Coran, dans la législation de Mahomet. Il n'y a rien de plus inexact.
Dans une récente communication faite au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences à Reims, il m'était facile de démontrer que la religion musulmane, par sa pénétration dans tous les actes de la vie sociale des musulmans devrait être bien plus considérée comme une législation que comme un dogme religieux.
La loi de Mahomet, tel est le terme qui exprime le mieux l'esprit du fondateur de l'Islam : Pour tout homme instruit, Mahomet doit être considéré comme un philosophe, comme un législateur.
Mahomet a décliné toute prétention à deviner ou à pénétrer l'invisible. Il ne s'est jamais présenté comme un despote qui commande, mais comme un conseiller qui guide, qui avertit et qui prévoit.
Mahomet a proclamé l'égalité entre les hommes. Il a dit textuellement : » Il n'y a pas d'autre maitre que Dieu. De plus, il exprime l'idée de la collaboration de tous les membres d'une société à sa direction et à son administration. * Obéissez, dit-il, à vos autorités tant qu'elles se confor-
ment à la loi, dès qu'elles sortent des limites de la loi, opposez-vous et cessez d'obéir ». Tous les hommes, pour lui, aussi bien les chrétiens que les musulmans, sont amis de Dieu tant qu'ils font le bien ; ils en seront les ennemis, s'ils commettent le mal.
Doué d'un esprit très positif, il s'est montré l'adversaire du mysticisme contemplatif. « N'attendez rien après moi du ciel, Dieu a fermé les portes du ciel et m'a envoyé pour vous avertir que sa lumière se trouve sur la terre et dans le cœur humain. La terre est mon église. Ordonnez le bien, défendez le mal, la justice d'une heure vaut mieux que la dévotion de soixante-dix ans. Cherchez la science du berceau au tombeau, aussi loin qu'elle se trouve. Aidez-vous pour le bien, ne vous aidez pas pour le mal. Voyagez, regardez, contemplez les merveilles de la création, vous y verrez et comprendrez l'immense puissance du créateur. »
Voilà ce que le Coran enseigne :
Il y a encore deux principes de la loi de Mahomet qui sont inscrits dans la jurisprudence musulmane et font partie du code de l'empire ottoman.
Io Les préceptes se transforment avec les nécessités des temps.
2° Si la raison et les préceptes transmis se contredisent, la raison doit être préférée et le'précepte reste à expliquer.
Parce qui précède, on voit clairement que Mahomet n'eût pas été hostile à rétablissement du gouvernement de la République. D'ailleurs quand il mourut, les musulmans se trouvant embarrassés, l'un d'eux proposa de se constituer en Etat. On l'approuva et l'on discuta des moyens par lesquels on choisirait le chef. Plusieurs candidats furent proposés. Ce fut Ebou Békir qui, à une majorité écrasante, fut élu chef de l'Etat. Dans une seconde élection, il obtient l'unanimité. Il n'était pas de la famille de Mahomet et on le préféra au gendre du prophète que tous considéraient comme un des plus braves et des plus instruits parmi les musulmans.
Mahomet n'avait pas voulu constituer une dynastie, d'après lui la souveraineté devait appartenir au peuple et l'autorité devait résider dans la loi.
Lorsque Ebou Békir mourut, Orner lui succéda. Il n'était pas plus parent de Mahomet que Ebou Békir, on l'appela commandeur des croyants, voulant indiquer par là qu'il n'était ni maître ni souverain.
Ceux qui ont visité la Turquie ont pu se rendre compte que le peuple turc est essentiellement religieux. Les musulmans ont la conviction religieuse si arrêtée qu'ils ne sauraient entendre ni supporter aucune dérision, ni aucune attaque contre leur religion. Ils ont pu s'assurer en môme temps que depuis un siècle, les Turcs ont adopté toutes les institutions occidentales. Toutes les lois françaises ont été traduites, presque mot à mot, et ont été adoptées
dans toutes les branches de l'administration,en s'efforçant
d'islamiser le progrès et de se rapprocher particulièrement
des lois françaises..
Aucun citoyen, instruit ou ignorant, aucun des Ulémas n'a suscité la moindre opposition contre ces innovations on peut donc en conclure
qu'il n'y avait entre ces progrès législatifs et la religion aucun antagonisme ni de fait ni de principe. *
Il en a été de même de toutes les innovations scientifiques. Sous les règnes précédents, elles avaient été accueillies en Turquie avec la plus grande faveur. Ceci n'a rien qui puisse surprendre, la loi coranique est essentiellement une loi d'évolution. Mahomet conseille à ses disciples de se conformer toujours aux obligations nouvelles qui résultent de la marche des événements.
Par tout ce qui précède il y a un désaccord évident entre la morale du Coran et la politique musulmane actuelle.
De grands penseurs, de tous les temps et de tous les pays, ont proclamé comme un droit primordial la liberté, pour tout homme, de cultiver son intelligence de se tenir au courant des découvertes scientifiques.
Or une population de trente millions d'habitants se trouve systématiquement privée de ce droit.
Si la religion coranique, et je crois vous l'avoir suffisamment démontré, n'est pour rien dans cette régression intellectuelle dont la constatation est affligeante pour l'humanité. A quoi faut-il l'attribuer ?
Messieurs, vous savez que le peuple turc, privé d'une constitution qui le fasse arbitre de ses destinées, plie sous le joug du pouvoir. De ces deux éléments en présence : la nation asservie et le prince qui l'opprime, à qui faut-il faire remonter la responsabilité de la situation ? J'avoue mon impuissance à répondre à cette question et je fais appel pour la résoudre au savoir et à la compétence désintéressée des savants fondateurs de l'Ecole de psychologie.
La, folie dans les dynasties orientales,
par le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés
Quidquid délirant reges, plectuntur achivi. Horace, encore sous l'impression de la lecture de l'Iliade, retrace à son ami Lollius les principaux épisodes de la guerre de Troie. La colère d'Achille, les fureurs d'Àgamemnon et les combats formidables qui en sont la conséquence, lui inspirent un sentiment d'admiration dont il ne peut se défendre. Mais bientôt sa pensée se reporte sur les guerriers dont le sang généreux a abreuvé les champs de bataille. De sa plume tombe cette phrase célèbre qui évoque si bien les misères qui résultent de la dangereuse fureur des princes et l'imbécillité des sujets. En effet, lorsque les rois sont atteints de délire, ce sont les Grecs qui payent les frais de leurs folies.
La Fontaine, avec un grand bonheur d'expression, a traduit la même pensée dans ces deux vers souvent répétés :
¦ Hélas ! On voit que de tout temps Les petits ont pâti des sottises des grands. »
La même idée se retrouve dans tous les pays sous forme de proverbes. Qui de nous n'a entendu de bonnes gens s'écrier, à la nouvelle de quelque imprudence gouvernementale : « C'est toujours le peuple qui paye les pots cassés. »
A une époque qui n'est pas éloignée de nous, la France a connu les horreurs de l'invasion. Elle a perdu deux de ses plus belles provinces. Des centaines de mille d'existences humaines ont été sacrifiées. Je ne parle pas de l'énorme rançon qui nous a été imposée, car plaie d'argent, dit-on, n'est pas mortelle. Tout cela parce que la main débile d'un monarque circonvenu par son entourage, a apposé sa signature au bas d'une déclaration de guerre.
Plus récemment, une nation alliée à la nôtre, a, par le fait de l'impé-ritie de ceux qui la dirigent, eu à subir les plus dures épreuves. A ce sujet, les orientaux n'ont donc rien à envier aux occidentaux.
*
Le premier roi des pays d'Orient, dont l'aliénation mentale ait été enregistrée par l'histoire, est Saùl.
Troublé par les menaces du grand prêtre Samuel, il tomba dans une sombre mélancolie. 11 fut, si nous en croyons la Bible,agité parunmauvais esprit venant de l'Eternel. La musique fut, pour la première fois, utilisée comme agent thérapeutique. Lorsque l'esprit de Dieu était sur Saùl, David prenait la harpe et jouait de sa main. Saûl respirait alors à l'aise, il se trouvait soulagé et le mauvais esprit se retirait de lui.
L'affection mentale dont souffrait Saul serait aujourd'hui rangée dans la catégorie des psychoses dites périodiques. Cela explique qu'il en eut plusieurs accès. Il eut la fin malheureuse que faisait pressentir l'affaiblissement de ses facultés. Vaincu par les Philistins à la bataille de Guilboa, en l'an 1055 avant notre ère, il se tua lui-même, en se traversant de son épée pour ne pas tomber vivant entre les mains de ses ennemis.
Xous devons à Hérodote le récit qu'il tenait des prêtres d'Egypte des accès de délire furieux auquel était sujet Cambyse, roi de Perse. Le grand historien éprouve même quelque embarras pour en expliquer la cause * tant sont nombreuses, dit-il, les calamités qui frappent les hommes ».
Cambyse épouvanta l'Egypte par ses cruautés. Il ne se contenta pas de faire mettre à mort le roi Psammenit, de faire enterrer douze seigneurs de la cour, d'égorger son frère Smardis, il tua de sa propre main l'innocent bœuf Apis. Toutes ses expéditions militaires, dirigées de la façon la plus incohérente, aboutirent à des désastres. A la fin, dans un accès de démence, il tua sa sœur, qui était en même temps son épouse, et se fit involontairement une blessure dont il mourut.
Le seul fait de son existence qui témoigne peut-être d'une lueur de raison, c'est qu'il fit un jour écorcher vif un juge convaincu de prévari-
cation, et ordonna de recouvrir de sa peau le siège sur lequel devaient s'asseoir les successeurs de ce magistrat. Tant il est vrai que dans les folies les plus confirmées, on pourrait parfois trouver quelque grain de raison.
Si l'on s'en rapporte au texte d'Hérodote, Cambyse avait été affecté de la maladie que quelques-uns appellent le mal sacré. Il n'est point invraisemblable, remarque Hérodote avec sa pénétration habituelle, que, le ¦corps souffrant d'un si grand mal, l'esprit ne fût pas resté sain.
Après avoir montré, par ces exemples, que l'aliénation mentale a fait son apparition de bonne heure chez les souverains de l'Orient, il me reste à vous montrer que les dynasties qui se sont succédées dans les mêmes pays n'ont pas cessé de payer leur tribut aux atteintes de l'aliénation mentale.
(à suivre.)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 19 novembre 1907. — Présidence de M. lé D' Jules Voisin
Superstitions javanaises,
par M. le Dr Ling béer (de la Haye).
Dans le numéro d'avril 1907 de la Revue de l'Hypnotisme a été publiée une étude très documentée de M. Albert Mersier sur le oKikayat Ab-doulla », l'autobiographie d'un Malais érudit de Malaca ; il y discute en particulier les superstitions de ses compatriotes.
Pendant mon voyage à Java, la principale île de l'Archipel Néerlandais, j'ai pu constater, chez les indigènes et aussi chez les créoles et même les vieux émigrants Hollandais, une suggestïbilité extrême, non moins grande que celle des péninsulaires, se manifestant par toutes sortes de superstitions,
Il existe des rapports officiels sur les maisons hantées, bombardées au grand jour avec des pierres tombant du ciel, de familles persécutées parles crachements des esprits, mâchant le« Sirih » ; nombre d'ensorcellements témoignent de cette « force silencieuse », a Stille kracht » comme on l'a appelée. La maladie des indigènes « latah » témoigne d'une suggestïbilité excessive, analogue aux épidémies psychiques du moyen-âge. Ils ont leurs petites faiblesses, comme d'ailleurs la plupart de nous. Ainsi avant d'entreprendre quelque action importante ils tueront par exemple toujours une poule noire. Mais nous avons aussi nos petites superstitions, du treizième à table, du danger de se mettre en mer le vendredi, etc. Cependant toute leur vie, tous-leurs actes sont gouvernés par une peur continuelle à l'égard des nombreux esprits toujours présents à leur mémoire.
Sans exagération, on peut dire qu'ils subissent un joug des plus lourds par leur peur des esprits et revenants.
Voyons par exemple les superstitions qu'on observe pendant et avant la construction des maisons des indigènes dans le Préanger (Java).
D'abord il faut choisir au moins sept sortes différentes de bois, si l'habitant veut prospérer, et alors surtbut du bois d'arbres fruitiers aux fruits acidulés comme le tamar indien (asem), afin que l'eau vous en vienne à la bouche, en voyant l'édiûce, ou bien d'arbres aux fleurs odoriférantes, afin qu'on ait toujours beaucoup de visiteurs qui s'y trouvent à leur aise. Point de bois d'arbres à épines, ou de vieux arbres tombés à la renverse, ou provenant d'une maison consumée par le feu ou d'arbre saint comme le waringin dont on n'a pas encore chassé l'esprit qui l'habitait ; tout cela raccourcit la vie, allume de nouveau l'incendie, apporte de la peine, expose les habitants à toutes les maladies.
On commencera à bâtir le vendredi, mais un bon vendredi, car il y a aussi de mauvais jours et de mauvais mois.
Je pourrais ainsi énumérer des milliers de précautions qu'il faut prendre pendant et avant la construction des habitations mêmes des plus simples. La brochure de Habbema sur les « Superstitions dans le Préanger, (la Haye, 1900) », en pullule.
Dominé par la suggestion omnipotente d'une impuissance absolue de réagir contre les oppresseurs qu'Allah leur a donnés, leurs propres princes d'abord, qui étaient pis encore que les Hollandais des derniers siècles, ce peuple d'une quarantaine de millions est gouverné par la petite Hollande, c'est-à-dire par une poignée d'Européens. Il est dominé certes, mais jamais connu.
Une de mes impressions de voyage est que nous ne parviendrons jamais à pénétrer directement,par l'analyse psychologique directe, dans cette âme quasi-musulmane,'mais presque tout à fait hindoue. L'Indien, en nous reconnaissant comme son maitre, nous regarde aussi comme son ennemi héréditaire ; il est sur la défensive aussitôt que nous l'abordons, et il ne souffrira jamais que nous pénétrions dans sa vie intime. Un de mes compatriotes, qui a vécu pendant vingt ans dans le Kampong, le village indigène, avec le seul but d'étudier cette âme étrangère, a constaté qu'il ne savait rien encore et qu'il n'en saurait jamais davantage.
Ce n'est pas une surprise pour le psychologue de trouver chez ce peuple hypno-suggestible un nombre considérable d'amulettes, très intéressantes pour ceux qui étudient les superstitions et le folklore./
Je vous en parlerai d'après ce que j'ai vu moi-même et lu chezKnebel sur les o Amulettes javanaises », Batavia 1908, auquel j'emprunte bon nombre de mes données.
Presque tous les Javanais portent des « djimats » ou amulettes, préservatifs et remèdes contre les maladies, pour domptîr les chevaux, pour faire peur aux crocodiles, pour neutraliser le venin des serpents, pour faire dévier les balles ou faire rater les coups des ennemis, pour préserver les enfants des convulsions.
Ils les portent en collier, ou dans la ceinture, ou en anneau, en bracelet, ou bien ils les enferment soigneusement pour les montrer ou porter dans des circonstances particulières, comme dans la guerre sainte : ou bien encore, ils les mettent en terre, jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de les déterrer, par exemple lors d'un déménagement. Au musée d'ethnographie de Batavia on m'a dit qu'il est presque impossible de se procurer des amulettes. Les Javanais n'en parlent jamais. Voilà la raison pour laquelle je ne puis vous en montrer aucune.
Je veux vous nommer cependant les principaux de ces objets mystérieux : 1° Le Kaloeng-Amin. C'est une sorte de chapelet que les enfants portent, pour être préservés de toutes sortes de maladies ou de con-¦ vulsions ; le cordon est censé posséder une vertu mystérieuse après toutes les prières, « moelved », qui sont prononcées en passant les boutons dans ce cordon.
2 » Le Kaloeng-Djirn&t-isin. C'est une bande de papier sur lequel es inscrit un texte arabe que le Javanais ne peut pas lire mais qu'il copie sur un livre aux formules magiques. Cette bande est roulée, puis aplatie, ensuite cousue dans un coussinet de toile et suspendue au cou d'un enfant, ou portée comme ceinture par tes femmes enceintes. Elle est également portée contre les maladies et les convulsions.
Ce djimat ressemble aux pilules de papier imprimé avec lesquelles une dame du monde aristocratique, près de Berlin, guérissait ou prétendait guérir, de nos jours, la fièvre paludéenne.
3° Le Kaloeng-Keljocbœng-Kasijan. C'estune pierre violette, enchâssée en argent ou en cuivre jaune, portée au coude l'enfant ; elle le préserve des convulsions, lui fait aimer ses parents, lui fait suivre tous leurs conseils et le rend sage.
4* Le Kaloeng-rnerdjan-Arab ou collier de corail rouge est considéré à Java (comme aussi en Hollande), comme un signe de maladie lorsque les grains sont pâles, et de bonne santé lorsque les grains sont rouges, brillants.
Je vous cite encore le Kaloeng-soengoi-malsao-boilé~ingkang-dûeng-koil, c'est-à-dire un collier de pièces rondes de corne de buffle, mais d'un buffle exceptionnel, au pelage blanc, aux yeux bleus, et aux cornes dirigées en bas. Celui qui le porte est préservé du diable, car celui-ci a peur d'un tel animal.
Puis le Kaloeng, Koctivening, simao ingkang,pedjah, ngoerang, c'est-à-dire l'ongle d'un tigre mort de vieillesse, qui garantit de la petite vérole.
Le kodjila est une sorte d'amande, cousue dans un coussinet et attachée au cou de l'enfant ; elle rend inoffensif le venin de serpent. La dent d'un rhinocéros, portée en collier, rend l'enfant insensible aux piqûres des scorpions et des myriapodes.
La peau d'un petit d'une biche (Hidang) venue avant terme, et que l'on couvre de formules, préserve de la toux et de l'asthme.
Un collier à écailles de 14 ou 15 petits coquillages de mer est un préservatif précieux contre les rhumatismes et les convulsions. Le
tcepi-pivois est une pierre arabe verte, qu'on porte dans une bague. Si l'on tombe malade pendant le voyage, on n'a qu'à mettre la bague dans un peu d'eau qu'on boit ensuite, et Ion peut s'attendre à une guérison certaine.
Le soupé-akik au contraire, une pierre arabe de couleur brune, sertie dans une bague, tient la maladie à distance. La première dent qu'un cheval a perdue, portée en bague, rend le porteur capable de dompter les chevaux sauvages.
Un morceau de coque de noix de coco, avec un œil, porté en ceinture, met à l'abri des coups de fusil de ses ennemis.
Lorsqu'un enfant a des convulsions, on lui frotte le visage avec la robe de sa mère, et d'ordinaire leB convulsions disparaissent. Cette robe (Nain) est maintenant sainte, « sarat, paripih. »
Lorsqu'une jeune fille a ses règles pour la première fois, on conserve le linge dont elle s'est servie, puis, lorsqu'elle se marie et a des enfants qui souffrent de convulsions, on sort ce linge, ce o djimat paripih », on l'étend sur l'oreiller de l'enfant et la guérison s'en suit. Ce djimat n'a d'influence que sur les propres enfants ou petits-enfants de la femme qui s'est servie de ce linge. Ces quelques exemplea suffisent pour donner une idée de la crédulité et de la suggestibilité vraiment orientales de ces peuples arriérés.
Je ne dirai rien contre ces amulettes ; elles ne sont pas nuisibles ; et même, en somme, elles sont plutôt utiles, si elles peuvent suggérer la guérison de certaines maladies.
D'ailleurs, nous avons beau nous plaindre de la crédulité et du fétichisme des indigènes ; cela n'empêche que, chez nous aussi, même dans nos cercles aristocratiques, soi-disant instruits, on a nombre de ¦ djimats ».
Il faut sympathiser avec ces indigènes.car nous voyons qu'ils subissent encore ce joug des esprits et des revenants qui troublent leur manière de penser et qui empêchent leur développement intellectuel et moral.
Le seul moyen de les en délivrer, c'est de les instruire. Tous les étrangers qui ont visité nos colonies et qui ont pu faire la comparaison de celles-ci avec les colonies anglaises, par exemple, reconnaissent que les Hollandais sont des colonisateurs experts, et je suis parfaitement de leur avis.
Toutefois, on ne songe pas assez que les temps marchent, que l'obéissance passive et aveugle aux Occidentaux, (qui m'a révolté mille fois pendant notre voyage), s'atténue peu à peu, que les races jaunes assujetties voient avec stupéfaction ce que sont devenus les Japonais' et les Chinois ; si l'on veut garder, vis-à-vis des indigènes, le rôle d'un ami, d'un frère ainé, il faut qu'on développe leur intelligence, qu'on fasse de ces êtres ignorants, soumis et sournois, des amis, des êtres pensants et libres. Maintenant on craint plus qu'on ne l'avoue le péril jaune ; le Japon, la Chine regardent, par exemple, nos colonies comme une part de l'empire céleste sous le drapeau néerlandais seulement à titre tempo-
raire.Si l'on développe ces peuples,on en fera desamis-alliés invincibles; ils accepteront avec gratitude la direction de notre ancienne civilisation, tandis que, mal instruits, ennemis des Européens, ils seront une proie facile pour les démagogues ambitieux, ignorants et sans expérience.
La protection des débiles mentaux contre les sévices dont ils sont l'objet dans les campagnes et dans les ateliers.
Par M. le Dr Toulzac, médecin-lé gisle à Versailles
Le malade dont je vais vous parler est un débile intellectuel qui, attaqué par un individu, s'est défendu bravement.
Dans ce cas vulgaire, j'ai essayé de dégager un peu de philosophie.
Au mois de juillet 1906, le tribunal correctionnel de Versailles me commettait par un jugement pour examiner ce malheureux déshérité qui devait avoir tous les torts, selon son adversaire, parce qu'atteint d'idiotie.
Voici mon rapport :
o Je soussigné, Maurice Toulzac, docteur en médecine et médecin légiste de l'Université de Paris, demeurant à Versailles, rue de l'Orangerie, numéro 27, commis par un jugement de la deuxième chambre correctionnelle du Tribunal de première instance, séant à Versailles, en date du vingt-six juillet mil neuf cent six, à l'effet d'examiner 0... (Charles-Joseph), trente ans, journalier, demeurant à Maisons-Laffitte, non condamné, libre, prévenu de coups et blessures réciproques,et dire :
« 1° Si le prévenu était en état de démence au moment de l'acte, dans le sens de l'article 64 du Code pénal.
a 2° Si l'examen psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui des anomalies mentales et psychiques de nature à atténuer dans une certaine mesure sa responsabilité.
« 3° Fournir tous renseignements pouvant être utiles à la manifestation de la vérité.
« Serment préalablement prêté, ai procédé à l'examen de C... en mon cabinet, en présence de sa mère, et après avoir pris connaissance de toutes les pièces du dossier, après m'être entouré de tous renseignements utiles, ai consigné, en mon honneur et conscience,dans le présent rapport, le résultat de mon expertise.
« C... et M... se sont réciproquement porté des coups et fait des blessures.
« 0... prétend que M... lançait des pierres sur un prunier situé dans le champ où il travaillait, qu'ayant dit à M... de finir, ce dernier s'est avancé vers lui pour le frapper, qu'il s'est défendu. M... prétend n'avoir pas lancé de pierres,qu'étant accusé faussement par C... une discussion s'engage, au cours de laquelle C... devient furieux et frappe M... lequel s'est défendu.
« J'ai demandé à C... de me faire le ré3it de cette rixe.
« II est très difficile de comprendre C... ; il est atteint de trouble de l'articulation des mots.Il est très difficile de se faire comprendre deC... car il est sourd.
« Cependantavec une mimique expressive etune grande vivacité,il me fait le récit suivant : « Le quatorze juin dernier, M... a lancé des pierres dans le champ où je travaillais, je les ai rejetées hors du champ, M... est alors venu, il m'a terrassé, m'a frappé avec une binette. J'ai porté plainte à la gendarmerie.
- * Mais, lui dis-je, pourquo' avez-vous frappé en mil neuf cent trois Mme A... avec votre binette ? C.me répond toujours bredouillant, et toujours avec force gestes : « La mère A... se saoule tout le temps, elle m'avait insulté toute la journée, elle m'a attaqué, je me suis défendu. » ;
« Pourquoi avez-vous, en mil neuf cent six, insulté, puis lancé des pierres à la vieille mère de Mme A... quia 80 ans ? » Réponse : « La vieille travaillait dans son champ, elle a lancé dans le champ où je travaillais des pierres et des tessons de bouteille, je les ai relancés dans son champ. »
« La première fois, on voit entrer en jeu la binette, la deuxième fois les pierres, la troisième fois la binette et les pierres. Il est à remarquer aussi que les réponses de C... sont vraisemblables et logiques et qu'il sait se défendre.
Examen de C. :
a Outre son embarras de la parole, outre sa surdité, C... attire encore l'attention. Il mérite, en effet, d'être plus profondément analysé physiquement.
« Sa vigueur physique est médiocre, il est de faible constitution, au cou il porte de nombreuses cicatrices d'adénites tuberculeuses, le coude du bras gauche présente des cicatrices, l'articulation est partiellement ankylosée par suite d'arthrite tuberculeuse, le bras droit, lui aussi, présente des cicatrices d'abcès tuberculeux. L'annulaire de la main droite et le médius de la main gauche sont raccourcis par suite de tuberculose osseuse qui a déterminé l'élimination à gauche d'une phalange, à droite d'un métacarpien.
« A quatre mois, il a eu des convulsions internes.
« A cinq ans, il est hospitalisé à Berck. A sept ans et demi, il est sourd et ne parlait pas encore.
« Mais à partir de ce moment, au fur et à mesure qu'il grandissait, il apprenait à parler.
« A l'école, ses camarades, le voyant souffreteux et moins intelligent, le taquinaient beaucoup, mais il a pu apprendre à lire, à écrire, à compter ; il sait faire une addition ; quand il fait une erreur, si on la lui fait remarquer, il sait la rectifier tout seul.
« Actuellement, il travaille comme ouvrier agricole, mais il n'est occupé que parce qu'il travaille à un prix inférieur.
« Au village, encore aujourd'hui comme autrefois à l'école, sa mère
prétend qu'on 1 agace, qu'on l'énervé beaucoup, que lui, faible d esprit, ne souffre pas beaucoup la contradiction, qu'il est emporté et qu'il devient parfois violent.
« Sa mémoire est faible et infidèle ; interrogé sur l'âge et le lieu où il a fait sa première communion, il répond : « J'avais 14 ou 15 ans, c'était à Paris, dans une église, je ne sais pas. »
« J'ai parlé des troubles de l'articulation des mots, je dois ajouter que son vocabulaire est très restreint, sa mimique est expressive, mais c'est là la forme du langage la plus élémentaire, elle est par conséquent "la moins atteinte.
Discussion
« Nous avons évidemment affaire ici à un faible d'esprit, à un individu atteint de débilité mentale ; irritabilité morbide, réaction impulsive, faiblesse et infidélité de la mémoire, troubles du langage, vocabulaire restreint, sont tous les signes qui confirment cette opinion.
c Son émotivité, son irritabilité pathologiques le rendent plus sensible qu'un individu normal aux excitations venues du dehors, telles par exemple que de simples injures.
Conclusions.
* 1- O... est atteint de débilité mentale.
« 2* Celle-ci, sans être portée au point de lui enlever la conscience de ce qu'il fait, est cependant dénature à atténuer sa responsabilité dans une très large mesure.
f Fait à Versailles le vingt août mil neuf cent six .»
Le tribunal correctionnel présidé par M. Worms, vice-président, à Versailles, a renvoyé C... etM... dos à dos.
Je n'ai pas eu la prétention de publier ici une étude qui soulève un problème de haute philosophie, ni un cas où les difficultés du diagnostic ne le cèdent qu'à son extrême rareté ; pas davantage, je n'ai voulu amorcer une discussion transcendante sur la médecine mentale.
C'est un cas banal d'observation quotidienne, qui n'a qu'un intérêt, celui de présenter un faible d'esprit, vivant et agissant dans son entourage.
C'est une observation de psychologie rurale.
Au village, la débilité physique et mentale de malheureux pareils les exposent aux taquineries et même aux mauvais traitements encouragés par le silence complice des spectateurs.
A l'école, ces débiles physiques et intellectuels sont taquinés, bousculés, roulés par terre par leurs camarades, comme si ceux-ci, dont les pères sont souvent méchants, ivrognes et durs à leur femme, voulaient étouffer celui dont le seul crime est d'être le plus faible et de ne savoir se défendre.
La vie de ces déshérités devient un supplice ; mais, parfois, pris d'une indignation de faible et de timide, poussés par la fureur, ils se vengent avec rage de leurs persécuteurs.
Un grand nombre de ces déshérités ne sont ni délinquants ni criminels mais ont encore une certaine valeur industrielle et rendent d'appréciables services dans les emplois inférieurs, tels que manœuvres dans les ateliers, valets de ferme, ouvriers agricoles, bergers, etc..
Ils ne relèvent pas de l'asile, ils ont besoin d'être protégés contre autrui.
Mais pour cette protection, j'estime qu'il ne faut pas compter sur l'Etat-Providence. Pour que cette protection soit efficace il faut qu'elle émane de tous les citoyens, principalement du maitre d'école et du médecin psychologue.
L'Education seule peut ennoblir et élever le niveau social des collectivités.
L'évolution vers le plus de bien-être par la justice aura fait un grand pas lorsque cette éducation morale sera au niveau de l'instruction.
Tic douloureux du pied
par M. le Dr Maurice Bloch.
J'ignore si ce symptôme a déjà été décrit, mais il me semble, en tout cas, assez intéressant pour être signalé, même s'il est déjà connu.
Il s'agit d'un homme, âgé de 50 ans, tabétique et souffrant depuis quelques années, au pied gauche, de douleurs atroces s'accompagnant de mouvements réflexes assez étendus.
Je laisserai de côté tous les autres symptômes tabétiques présentés par ce malade, pour vous démontrer que ces crises doivent être distinguées des douleurs habituelles aux ataxiques. Chez mon malade, ces douleurs paraissent avoir leur origine à la face externe de l'extrémité inférieur du cinquième métartasien, pour, de là, s'irradier vers la face dorsale du quatrième ou du cinquième métatarsien ; elles affecteraient donc le nerf musculo-cutané. Elles éclatent par crises, jusqu'à quatre, six, dix et parfois davantage dans la journée ; elles durent vingt, trente et même jusqu'à quarante secondes, augmentent graduellement d'intensité pour décroître ensuite, arrachant au malheureux patient des cris et des gémissements, dont l'intensité croissante et ensuite décroissante permet de suivre pour ainsi dire la marche du paroxysme. De plus, ces crises s'accompagnent de mouvements considérables du pied, et assez rythmés ; on voit le pied se jeter de droite à gauche et de gauche à droite, les orteils fléchir et se redresser, tandis que la jambe reste immobile. Après la crise les contractions continuent, et, au dire du malade, elles cesseraient peu dans la journée, sauf pendant la marche et le sommeil ; ces accès seraient à peu près constants'toute l'année.
Or, chez le tabétique, rien de semblable ; les douleurs fulgurantes, ainsi que leur nom l'indique, sont instantanées ; elles éclatent généralement toutes les deux ou trois semaines pour ne durer, relativement, que peu de temps, et ne s'accompagnent jamais de mouvements réflexes étendus.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'on pourrait, peut-être, désigner ce symptôme sous le nom de * tic douloureux du pied », par analogie avec ce qui se passe à la face, ou encore de « névrite épileptiforme du pied », suivant une expression empruntée à Trousseau.
La responsabilité pénale dans le droit romain
par M. le docteur Bérillon, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés, licencié en droit.
. Dans le droit romain, la non-responsabilité du prévenu résulte de son incapacité à répondre aux questions du juge. — L'excuse n'est admise qu'en cas de folie évidente. — La loi des XII tables protège la personne et les biens de l'aliéné. — La protection est étendue à la sécurité d'autrui par le rescrit de Mare-Aurèle. — Il n'admetpas l'excuse pour les crimes commis dans les intervalles lucides. — L'article 64 du Code pénal reproduit la même disposition. — L'aliénation mentale entraine de piano l'excuse ou, ce qui revieot au même, la non-responsabilité. — Au point de* vue juridique, le fait d'être responsable, ou de ne pas être responsable, ne comporte aucune idée métaphysique.
Le récent congrès des aliénistes et neurologistes tenu à Genève-Lausanne, a terminé ses travaux par l'adoption, à une faible majorité, d'un vœu formulé par M. le professeur Gilbert Ballet et formulé dans lès termes suivants ;
« Considérant :
« 1° que l'article 64 du Code pénal en vertu duquel les experts sont commis pour examiner les délinquants ou inculpés suspectés de troubles mentaux, dit simplement qu'il n'y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l'action ; que le mot responsabilité n'y est pas écrit ;
« 2° que les questions de responsabilité qu'il s'agisse de la responsabilité morale ou de la responsabilité sociale,sont d'ordre métaphysique ou juridique, non d'ordre médical ;
« -3° que le médecin seul compétent pour se prononcer sur la réalité et la nature des troubles mentaux chez les inculpés, et sur le rôle que ces troubles ont pu jouer sur les déterminations et les actes desdits inculpés, n'a pas à connaître de ces questions ;
« Emet le vœu :
« Que les magistrats dans leurs ordonnances, leurs jugements ou leurs arrêts s'en tiennent au texte de l'article 64 du Code pénal et ne demandent pas au médecin expert de résoudre lesdites questions qui excèdent sa compétence. »
De la lecture de ce vœu, ¡1 résulte quele motde responsabilité devrait être proscrit des rapports médico-légaux pour deux motifs : le premier, c'est qu'il n'en est pas fait mention dans le Code pénal ; le second, c'est que les questions de responsabilité sont d'ordre métaphysique.
En faisant cette proposition, M. Gilbert Ballet était inspiré par les meilleures intentions. Son but était assurément de ramener l'expertise, en ce qui concerne l'aliénation mentale, à des conceptions aussi positi-
ves que lorsqu'il s'agit des autres expertises médico-légales ; mais le libéralisme bien connu de son esprit me permettra de ne point partager son opinion sur les motifs qu'il invoque en faveur de sa réforme. En effet, je soutiens, d'une façon formelle, que d'une part, la question de la responsabilité est inscrite dans le Gode et que de l'autre la notion de la responsabilité pénale ne comporte aucune idée métaphysique.
A ces deux points de vue, si je suis arrivé à une opinion si opposée de la sienne, c'est peut-être parce que, pour l'étude du problème qu'il vient de remettre à l'ordre du jour, je suis parti d'un point de départ absolument différent. Tandis qu'il tirait ses arguments de vues personnelles, j'ai cru qu'il était préférable de recourir à la méthode historique et de remonter simplement à l'origine juridique de la question.
S'il est un sujet sur lequel les médecins légistes et les professeurs de médecine légale ne manquent jamais d'exercer les traits d'une facile ironie, c'est lorsqu'il s'agit de faire ressortir l'ignorance des magistrats en matière d'aliénation mentale. Après les discussions assez confuses auxquelles la question de la responsabilité pénale vient de donner Heu, ces derniers seraient assez fondés à retourner l'argument, et à souhaiter que les médecins légistes fussent un peu plus familiarisés avec la connaissance de droit.
En effet, l'étude du droit romain, complétée par celle du vieux droit français, est seule capable de nous donner des notions exactes sur la genèse de la notion de responsabilité pénale. Nous nous bornerons à indiquer aujourd'hui les renseignements que nous avons tirés de l'histoire du droit romain, nous proposant de compléter prochainement cette étude, par une communication sur la responsabilité telle qu'elle était envisagée dans le vieux droit français.
* * »
Lorsqu'on se livre à une étude assez approfondie du droit pénal romain, on rencontre un certain nombre de circonstances, ou pour mieux dire d'espèces, dans lesquelles des délits ou des crimes, entraînant des châtiments déterminés parla loi, sont l'objet d'excuses. Ces excuses ne figurent pas dans le texte des lois, elles émanent de dispositions particulières, de rescrits impériaux ou de sénatus-consultes.
Les circonstances principales dans lesquelles l'auteur du crime ou du délit était exempté de toute pénalité étaient les suivantes :
L'impuberté.
L'aliénation mentale.
Certaines injures faites aux esclaves.
Le jus occidendi du père de famille.
Le jus occidendi du mari (en cas d'adultère).
Le cas de force majeure.
Le cas de légitime défense.
L'état d'ivresse (n'entraînant qu'une atténuation de peine).
De toutes ces circonstances, la seule qui se rattache à notre sujet est
l'aliénation mentale. Elle est d'ailleurs la seule qui comporte, à notre époque, l'intervention du médecin-expert. C'est à elle que nous limiterons l'objet de notre communication. Cette incursion dans le droit pénal romain suffira, nous en sommes fermement convaincu, à réfuter toutes les objections qui, au nom do l'expertiee médico-légale, ont été formulées contre le mot et l'idée de responsabilité pénale.
*
Le mot responsabilité dérive du mot latin responderé. Au point de vue pénal, il signifie simplement la condition de celui qui est conduit devant le magistrat pour y répondre d'actes délictueux ou criminels.
Dans notre droit pénal, de même que dans le droit pénal romain, le premier acte de la procédure a toujours été l'interrogatoire du prévenu par le magistrat. Cet interrogatoire, qui comprend l'ensemble des questions du juge et des réponses de l'accusé, était, chez les Romains, entouré de garanties qui disparurent complètement pendant le moyen-âge. Leur rétablissement constitua un des plus grands bienfaits du Code Napoléon.
La condition essentielle pour que cet interrogatoire se poursuive régulièrement, c'est que l'inculpé soit capable de comprendre le sens des questions qui lui sont posées et aussi d'y répondre d'une façon sensée. Si cet inculpé n'a pas gardé le souvenir des actes qui lui sont imputés, s'il se montre hors d'état d'en apprécier la portée, s'il s'exprime d'une façon incohérente, s'il déraisonne, en un mot, le juge n'a pas en face de lui un responseur, c'est-à-dire par corruption de mots, un responsable. L'interrogatoire est suspendu ipso facto. A notre époque, lorsque le juge conserve quelque incertitude sur la réalité de l'aliénation mentale de l'inculpé, avant de le faire bénéficier de l'excuse légale de la démence, il lui est loisible de recourir aux lumières de médecins experts. Il n'y est cependant pas tenu d'une façon expresse, le cas n'ayant pas été prévu dans le code d'instruction criminelle.
Contre l'emploi du mot responsable, comme du mot responsabilité qui en est le dérivé, on a invoqué divers arguments. Le premier est que ces termes ne figurent pas dans l'article 64 du code pénal. Cet argument est tout à fait dépourvu de valeur. Il est même de nature à faire sourire les légistes. Si le mot responsable n'est pas prononcé dans l'article 64, il figure dans le titre du chapitre deuxième du code pénal, ainsi rédigé : - « Des personnes punissables — excusables ou responsables — pour crimes ou pour délits. » Les jurisconsultes étant gens laconiques quelques mots leur suffisent d'ordinaire pour exprimer leur pensée. A ce point de vue, ils pourraient servir d'exemple aux médecins, la prolixité sévissant surtout dans le langage médical.
L'idée du législateur de diviser les personnes punissables — c'est-à-dire qui se sont mises dans le cas d'encourir une punition — en deux catégories : les excusables d'une part, les 'responsables de l'autre, est
évidente. La question de la responsabilité se trouve donc nettement inscrite dans le code. Bien plus, le fait de placer le mot excusable avant celui de responsable indique au juge que sa première préoccupation doit être de penser à des excuses possibles, et, le cas échéant, d'en faire bénéficier l'individu punissable.
Si les médecins commentateurs de l'article 64 n'ont pas saisi l'intention formelle du législateur, c'est que, peu familiarisés avec la lecture du code, ils n'ont pas attaché assez d'importance au titre du chapitre. A l'Ecole de Droit, dans les examens, cela vaut une boule noire au candidat.
• «
C'est à la loi des XII Tables que commence la série des dispositions légales relatives aux aliénés. Mais si loin que remonte cette loi, elle ne paraît avoir fait que sanctionner une coutume existant déjà sous les rois. Le texte en est ainsi rédigé : « Si furiosus escit, ast ex custos nec . escit, adgnatum gentiliumque in eo peeunia que ejus potestas esto. b {*). Il figure dans la Table V et a été invoqué par Cicéron (2).
L'aliéné qualifié furiosus est évidemment celui dont le dérangement mental est très accentué et se traduit par un délire évident. C'est ce genre de folie que Cicéron définit ainsi : « Furoremesseratî sunt, menais ad omnia cœcitatem. » (3). Il s'agit de la folie dangereuse, de celle qui nécessite d'urgence l'intervention des pouvoirs publics. Africanus considère ces aliénés comme dépourvus de toute volonté : « Furiosi nulla voluntas est. » [*)'. On retrouve la même appréciation dans une constitution des empereurs Dioclétien et Maximien. Ils reconnaissent que, de toute évidence, l'aliéné agité est hors d'état de comprendre quelquechose : « Nec furiosi ullum esse consensum rnanifestum est. » (B).
Cependant Cicéron admet que la folie se manifeste sous des formes différentes. II mentionne, en particulier, la débilité mentale légère : insania juncta stultitiœ. Cet état n'est pas dangereux, puisqu'il permet de vaquer à des occupations faciles et de continuer à mener la vie commune : « Tueri mediocrilatem officiorum et utfce communem cultum atque usitatum. » (*).
. » *
L'aliéné, chez les Romains, était désigné sous des dénominations différentes telles que a furiosus, démens, insanus, mente captus, aliénâtes mentis » C). La constatation de l'un ou de l'autre de ces états
(1) En ce qui concerne le fou, s'il n'a pas de gardien, le soin de sa personne et de ses biens appartient à ses agnais ou à ses proches.
(2) Cicëron : Ad Berennium, 1. 1S.
(3) Cicébon : Tusculanes, III, 5. Œuvres complètes, t. XVI. (4)47. Digeste, XXIX, 2.
(5) Const., 2. c iv.. 38.
(6) Cicéron : Tusculanes, iii, S.
(7) Les descriptions les plus scientifiques des diverses formes de l'aliénation mentale se trouvent dans les écrits d'Arétée, do Soranus, de Cœlius Aurelianus, de Ga-Hen et de Paul d'Egine.
mentaux impliquait au pointde vue pénal, pour celui qui en était atteint, une seule et même conséquence, l'irresponsabilité. Elle découlait de l'incapacité dans laquelle se trouvait l'inculpé de répondre d'une façon sensée aux questions du juge.
Sous ce rapport, tous les textes assimilent l'aliéné à l'enfant (infans) (') ou à l'impubère (2). II est considéré comme « non doli ? ???? ». Dans la loi de injuriis, il est dit : « Hi pati injuriam soient, non facere » En vertu de ce texte, si l'aliéné vient à causer un dommage à quelqu'un on ne lui applique pas la loi Aquilia de damno. Les choses doivent se passer, dit Ulpianus, comme si ce danger avait été le fait d'un animal, ou s'il était dû à la chute d'une tuile ou au hasard d'un événement quelconque {*).
Par le fait de son aliénation mentale, l'inculpé échappait à toutes les lois pénales, à la loi Pompeia. de parricidiis, à la loi Comelia de sicariis, etc. Il est excusé par son malheur, disait Modestinus (5). D'autres sont allés plus loin, considérant l'aliéné comme déjà assez puni par sa manie (furor) (e).
Lorsque la question de la folie était posée, le juge avait le devoir de punir l'accusé en cas de simulation et celui de le mettre hors d'état de nuire, si la folie était furieuse, le texte latin est formel. Il indique même que la distinction entre la prison et l'asile est surtout légale, car le mot car ??? est employé pour les deux usages (7).
Cela résulte d'un rescrit de l'empereur Marc-Aurèle, en réponse à la demande du magistrat Scapula Tertyllus, et depuis intercalé dans le code. Il a trait à un certain Œlius Prîscus qui avait assassiné sa mère.
(1) Infantessunt qui fart non possuni, c'est-à-dire qui ne peuvent exprimer leurs idées ; n'étint pas capables de répondre utilement à un interrogatoire, la loi romaine les tient pour non responsables.
Les jurisconsultes sont unanimes à ce sujet : ils assimilent, tous, Yinfans au fw riosus, au mente captus. En effet, cette dernière dénomination peut aussi bien s'appliquer à celui-chez qui la raison ne s'est pas encore révélée, qu'à celui qui l'a perdue.
Paulus dit qu'on ne peut intenter à l'aliéné, ni à l'enfant, l'action d'injure, parce qu'ils manquent tous deux de l'intention coupable et n'ont même aucune idée de l'injure « affectu doli et captu contumeliœ ? (Paulus. Sententiœ, lib. 5, tit. 4 \ 2.).
Dlpianus déclare également que si l'enfant a causé un dommage il ne sera pas plus tenu que l'aliéné « de damno injuria ; >. (L. S, § 1. D. de injuriis).
(2) L'impubère chez les Bomains, devenait responsable desesaclesdéllctueux dès qu'il était susceptible de les apprécier, c'est-à-dire dès qu'il était « proximus puber-iiti :¦. Kn général on ne regardait comme ¦ proximus puberlati n que celui qui était très près de quatorze ans.
(3) L. 3, § 1, Digeste. Deinjuriis.
(4) Quemadmodum si quadrupes damnum dederit, aut si tegula ceciderit (L. 5,
i ?. Digeste. De lege Aquilia) vel si cas ? aliquo sine facto personœ evenerit (L. 61, in fine).
(5) ??? fati infelicitas excusât.
(6j Quum salis furore ipsa puniâtur.
(7) Ut si simularet plecteretur, si fureret in carcere coriKneretur. (L. 13, ? 1, Digeste. De off. pross.). — A Borne, l'emprisonnement ne constituait pas une pénalité.*
ii était considéré comme une mesure de précauUon. Cela résulte d'un texte d'Dl-pianus : « Carcer ad continendos homines, non ad pualendos haberl débet, » (D. xlVIII, 19.) La prison n'a pas pour but de punir, mais seulement de maintenir enfermé, de réduire à l'impuissance-
En voici la traduction exacte : « S'il t'est parfaitement démontré, répond le souverain, qu'Œlius Priscus est tout à fait privé d'intelligence, par l'effet d'une aliénation mentale permanente, et sans qu'on puisse soupçonner la simulation, tu lui épargneras la peine des parricides, car il est assez puni par sa folie même ; mais il faudra l'enfermer, et même Venchttîner, si cela est nécessaire à la sécurité des voisins ('), et peut lui servir à lui, de correction et de sauvegarde, cependant, si comme il arrive le plus souvent, cet aliéné jouit, par intervalles, d'une raison plus saine, tu rechercheras avec soin, s'il a commis le crime dans un de ces moments-là, auquel cas la maladie ne peut être invoquée comme excuse (2) ; nous verrons alors si on doit lui infliger le dernier supplice. Ta lettre nous a appris que cet individu était d'un rang et d'une condition à être gardé par les siens dans sa propre maison. Il faudra citer devant toi ceux qui l'ont observé au moment du crime et rechercher la cause d'une telle négligence. Tu rechercheras la culpabilité de chacun d'eux. Des gardiens sont donnés aux aliénés pour les empêcher de commettre des actes nuisibles à eux-mêmes, mais aussi dangereux pour les autres personnes. En cas d'accident, c'est avec raison qu'on punira ceux qui se seront montrés négligents à remplir leur devoir. > (8)
On peut voir, à la lecture de ce rescrit, que les Romains se faisaient une idée assez nette de l'aliénation mentale. Ils la considéraient comme une véritable maladie, et ils en avaient parfaitement observé certains caractères, telsque la continuité propreà telle forme (mentis capfio), et l'intermittence fréquente dans telle autre (furor). L'excuse de l'aliénation mentale n'était admise qu'autant que l'acte punissable avait été accompli pendant un accès de folie furieuse. L'accusé était puni pour le crime accompli dans un intervalle lucide. Oependant les Romains n'allaient pas jusqu'à considérer que dans les intervalles de calme, l'aliéné dût être considéré comme entièrement sain d'esprit.
On lit, en effet, dans un texte de Javolenus : « Ceux qui sont en proie à la fièvre tierce, quarte, à la podagre, au mal comitial, ne peuvent pas, même dans les jours où la maladie est absente, être regardés comme sains. »(*) Ce que dit Javolenus de l'épilepsie, s'appliquait nécessairement à la folie.
Les jurisconsultes romains, s'ils n'admettaient d'excuses que pour le crime commis pendant l'accès de folie, n'allaient cependant pas jusqu'à
il ' t Diligentins custodiendus orit quoniara tam ad pœnam quam ad tntelam ejus et seeuritalem proximorum pertinebil ». Tels sont les termes formels dans lesquels il est permis de s'assurer de la personne de l'aliéné, tant pour pourvoir à sa propre sécurité qu'à celle de son entourage.
(2) C'est de cette notion que s'est inspiré le législateur français dans la rédaction delà première partie de l'article 61 du Code pénal ainsi conçue : « Il n'y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action. »
(8) Modestinus, 9, 2. Digeste, SLVIII.
¡4) Nequidem, tris diebusquibus morbus vacaret, recte sani dicentur. {L. 53. Digeste. De œdU. cdicl.
considérer l'individu comme absolument sain d'esprit pendant les intervalles lucides. Il existait au moins une circonstance dans laquelle ils concevaient la persistance dé la disposition au trouble mental, c'est lorsqu'il s'agissait de la vente d'un esclave. A cet effet ils avaient ouvert la porte à une action rédhibitoire pour le cas où un esclave aurait été vendu comme sain d'esprit, alors qu'il était simplement dans un intervalle lucide. L'aliénation mentale intermittente était donc, chez l'esclave, assimilée à la boiterie intermittente chez le cheval. Elle pouvait devenir une cause de résiliation de vente.
¦
• *
Dans l'appréciation de la folie, le juge ne disposait pas d'un pouvoir discrétionnaire aussi étendu que celui du juge d'instruction moderne. Pour que l'accusé eût le bénéfice de l'excuse légale, il fallait que son aliénation mentale fût confirmée ('). Il devait être, dit le texte latin, absolument privé de ses facultés intellectuelles « omniintellectucareat ». ! ! en est encore de même dans un certain nombre de législations. En Allemagne, en Italie, en Grèce, en Ecosse, l'absence de responsabilité ne peut être invoquée qu'autant que les troubles de l'intelligence sont très accentués et que le pouvoir de discernement parait complètement aboli.
La question de la folie criminelle avait été complètement résolue par les Romains. Lorsque les fous dangereux ne pouvaient être surveillés et contenus par leurs parents, ils étaient, dans un but de prévention, sur l'ordre du gouverneur de la province, enfermés en lieu sur (a).
Au prétoire, le juge pour conclure chez un accusé à l'existence de la folie, prenait ses décisions sans recourir à la collaboration d'un médecin expert. Il basait évidemment sa conviction sur un ensemble de constatations portant sur la mimique, l'attitude, les gestes, les actes, les paroles. II la déduisait surtout des réponses qui lui étaient faites (3).
Nos médecins experts, quoi qu'ils puissent dire, ne procèdent pas d'une manière différente. Ils attachent certainement plus d'importance que ne le faisait le juge romain aux signes objectifs, aux symptômes pathogno-moniques de l'aliénation mentale, mais en résumé, c'est surtout par les réponses qu'ils parviennent à obtenir d'un aliéné qu'ils se font une opinion sur la nature de son délire ou de ses interprétations délirantes.
Gomme au temps des Romains, celui qui, au cours d'un ou plusieurs interrogatoires, fait preuve d'intelligence, d'attention, de réflexion, de jugement, de raison et se montre capable de faire des réponses conformes au sens commun, est d'emblée présumé responsable. Par contre,
j (i)L. 13,81. deoff. pries.
(2) L'incapacité de l'aliéné était pour les juristes un fait qui ne supposait pas de discussion, lillc était justifiée par l'évidence même : Gains dit expressément : Furio-sus nullum negotium gerere potest quia non intelligit quid agat. i L'incapacité est établie par la nature encore plus que par la loi : t Furiosum sive stipulâtur, sive promittat, nihil agere, nalura mani(estum est. (L. I, § 1 ?. D. XLIV, 7.)
(3} A Rome, pendant fort longtemps la médecine fut exercée par des Grecs, esclaves ou affranchis. On conçoit que, dans ces conditions, le magistrat n'ait pas consenti à déléguer une partie de ses attributions a une personne de rang inférieur.
lesindividus dont les paroles, ainsi que les actes, témoignent d'un défaut marqué de réflexion, d'une diminution accentuée de la volonté, ceux qui subissent la tyrannie d'idées fixes, obsédantes, systématisées, et enfin tous ceux dont les facultés intellectuelles sont profondément troublées, le démontrent par la difficulté qu'ils éprouvent à donner des réponses raisonnables. Cette constatation permet de les faire passer de la catégorie des responsables dans celle des excusables. Ils échapperont dès lors aux pénalités édictées par les lois. L'action judiciaire étant éteinte, ils ne seront plus justiciables que des mesures administratives destinées à pourvoir à la sécurité publique ou subvenir à la subsistance des infirmes. Telle est la conception qui nous a été transmise par le droit romain, et contre laquelle n'a pu prévaloir jusqu'ici aucun argument de fait ou de sentiment.
* *
La deuxième objection contre le mot de responsabilité, c'est qu'il implique une idée de métaphysique. Elle se trouve réfutée par la démonstration que le mot et l'idée dérivent directement du droit romain auquel notre droit n'a fait que les emprunter. Les juristes romains se souciaient fort peu de métaphysique. Doués d'un esprit positif, ils n'avaient d'autre préoccupation que de donner satisfaction à des intérêts légitimes. Quand ils eurent constaté que l'existence de troubles mentaux chez certains accusés constituait un obstacle à la mise en application des règles judiciaires, leur formalisme s'en émut et les poussa à consacrer, pour ces cas exceptionnels, des droits à une excuse légale.
La responsabilité pénale, telle qu'on la dégage des espèces mentionnées dans le Corpus juris civilis, n'a pas d'autre rapport avec la responsabilité dite morale qu'une presque similitude de désignation. La conception toute métaphysique d'une responsabilité morale, comportant des sanctions plus ou moins providentielles, ne remonte pas à une époque très éloignée de nous. Certains en reportent l'origine à Maine de Biran, ce sous-préfet de Bergerac qui, pour charmer les loisirs de sa fonction, consacra de longues années à épiloguer sur des abstractions. Victor Cousin, sans cesse préoccupé de se concilier les applaudissements des étudiants tout en ménageant les idées rétrogrades du gouvernement de la Restauration, en trouva le moyen dans les élucubrations de Maine de Biran. Il en tira ses dissertations sans issue sur le libre arbitre, la prescience, l'existence réelle du moi, la conscience morale, la distinction de Pâme et du corps, l'apologie des causes finales, etc.. De nombreuses générations de candidats au baccalauréat ont été alimentées de ce spiritualisme de convention qui ne fut, en somme, qu'une , machine de guerre, opposée, par les universitaires de l'école de Victor Cousin, à l'intransigeance du mysticisme religieux. Il n'est pas étonnant que de naïfs bacheliers, devenus magistrats ou médecins légistes, aient introduit dans leurs jugements ou leurs rapports quelques bribes de ce fatras d'idées abstraites dont l'Université les avait gavés pendant si longtemps.
Dans son livre sur les Philosophes français au xdc* siècle, Taine a fait bonne justice de ce système philosophique qui consistait surtout à ménager les opinions puissantes. II a rendu à notre Université, comme le disait un homme d'esprit l'inestimable service d'immoler la métaphysique sur l'autel du bon sens, avec l'arme du ridicule. Nous pensions qu'il s'agissait d'une exécution définitive et qu'il ne serait plus nécessaire d'y revenir.
*
Admettre chez un prévenu l'existence de l'aliénation mentale confirmée, équivaut, en jurisprudence, à reconnaître qu'il est non responsable et, par déduction logique, excusable.
Ces tautologies sont fréquentes dans le langage judiciaire. Elles ont été consacrées par un long usage. Depuis les temps les plus reculés, les magistrats ont admis la nécessité, probablement dans un but de clarté, de renforcer l'idée exprimée par l'emploi de termes différents, mais ayant, au point de vue juridique, la même signification. Ces habitudes ne présentent, en fait, aucun autre inconvénient que celui d'augmenter la dépense de papier timbré.
Il n'en est pas de même de la tendance à admettre, que parce qu'il y aurait des demi-fous, il devrait y avoir également des demi-responsables.
La loi ne connaît que des excusables ou des responsaô/es et le rôle du médecin-expert consiste expressément à déterminer pourquoi un demi-fou doit être rangé dans l'une ou dans l'autre de ces catégories.
A ce point de vue, sa mission est identique à celle de l'aliénistc auquel incombe la tâche, souvent fort délicate, de conclure au maintien de tel demi-fou dans un asile, tandis qu'il considérera que tel autre peut sans inconvénient être laissé en liberté :
L'adoption de ces doctrines ne tendrait rien moins qu'à instituer, dans les asiles d'aliénés, l'organisation qui existe dans les collèges et à y recevoir des demi-pensionnaires, prenant le déjeuner de midi. Ce serait également introduire dans la justice humaine, la conception théologique du purgatoire réservé, sinon aux demi-responsables, tout au moins aux demi-coupables.
Lorsque M. le professeur Gilbert Ballet demande qu'on débarrasse le langage médico-légal d'une phraséologie quelque peu prétentieuse, mise la mode par des littérateurs égarés dans l'expertise judiciaire, il fait preuve d'indépendance de caractère et je l'approuve sans réserves.
Mais, j'ai tenu à défendre contre lui la légitimité du mot responsabilité, consacré par l'usage, et dont le sens étymologique n'a pas cessé de correspondre à un état défini, qui est celui de pouvoir répondre d'une façon sensée, intelligente, logique, réfléchie, normale, à des questions catégoriques.
C'est à la conservation de l'intelligence, à l'intégrité du jugement et des autres facultés mentales que correspond le pouvoir de répondre
sainement. Celui-là seul qui * potest sane responderé » mérite le qualificatif de responsable.
L'idée de la responsabilité pénale, gravée sur les tables d'airain du droit romain, est une conception réfléchie, fondée sur une observation rigoureuse de faits positifs : elle résistera à toutes les objections et à tous les paralogismes.
Séance du 17 décembre 1907. — Présidence de M. le D' Jules Voisiîî.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les docteurs Jourdan (de Marseille), Lemesle (de Loches), Bouyer (de Paris) et Plantier (d'Annonay), ainsi que les brochures suivantes : D' Redard :La chirurgie orthopédique dans les affections d'origine nerveuse spastiques et paralytiques. — D' La-dame (de Genève) : Prostitution, police des moeurs et santé publique. — Dr Claparède : Quelques mots sur la définition de l'hystérie. D' Car-taz : De la surdité hystérique.
M. le Dp Bérillon présente un jeune garçon atteint de surdité hystérique, qu'il a traité par la suggestion et la métallothérapie. Il rapporte également un cas d'aphonie hystérique.
Discussion : MM. les docteurs Paul Magnin, Jacques Bertillon et Bérillon.
La discussion commencée le mois dernier, à propos de l'expertise médico-légale et de la question de la responsabilité, continue.
Prennent la parole MM. les Dr' Legrain, Bérillon. Demonchy, Jourdan (de Marseille), Raffegeau (duVésinet), M. le professeur Lionel Dau-riac et M. Bliech. La discussion sera continuée à la séance de janvier.
M. le Président met aux voix la candidature de MM. les docteurs Cogrcl,D'Hôtel (de Poix),daSilva(dePorto-AIègre, Brésil)etdeM.Collin, qui sont nommés, à l'unanimité, membres titulaires de la Société. La séance est levée à 6 h. 45.
L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité (')
(Suite de la discussion générale)
par M. le Dr Raffegeau {du Vésinet)
Comme M. Legrain je comprends les scrupules du médecin expert, lorsqu'il est appelé par le juge à déterminer le degré de responsabilité d'une personne accusée d'un méfait ou d'un crime ; mais il* est des devoirs auxquels on ne doit pas se soustraire, et, a mon avis, les médecins
(I) Cf. Revue de l'Hypnotisme, octobre et novembre 1907 ; février 1908.
auraient tort de déserter la mission, redoutable assurément, mais ne dépassant pas toutefois les forces humaines qu'ils avaient acceptée jusqu'à présent.
Le médecin, en effet, est l'homme le plus qualifié dans notre société pourapprécierle degré de responsabilité d'un inculpé, et sans parler des renseignements de tout ordre qu'il peut se procurer, il a le droit, après avoir fait appel à ses connaissances anatomiques, histologiques, physiologiques, etc., il a le droit, dis-je, de porter un jugement motivé sur les actes qui sont soumis à son examen.
Prenons, par exemple, le côté anatomique.N'est-il pas évidentquesile médecin expert se trouve en présence d'un inculpé chez lequel il constatera soit une asymétrie marquée du crâne, soit un prognathisme très accentué, soit des malformations des mains ou des pieds, soit môme des anomalies des organes génitaux, il verra là des signes de dégénérescence qui lui permettront d'asseoir son jugement, en attendant qu'il fasse passer sa conviction dans l'esprit des magistrats.
Le Dr Legrand du Saulle, dont l'autorité peut être justement invoquée dans cette discussion, recommandait particulièrement de ne pas négliger l'examen physique dans les expertises médicales et tous les psychothérapeutes savent combien il est utile de procéder au môme examen chez les personnes atteintes de maladies nerveuses ou mentales.
Le médecin, je le répète, a seul les connaissances nécessaires pour examiner complètement les inculpés et c'est ce qui lui donne le droit plus qu'au philosophe et au juge d'apprécier le degré de responsabilité d'un individu dans tel ou tel acte délictueux.
En tous cas, si j'étais inculpé moi-même, plutôt que d'être jugé par un philosophe ou un magistrat, j'aimerais mieux l'être par un médecin, celui-ci étant souvent doublé du reste d'un bon psychologue.
Et puis, si l'on ne veut pas s'en rapporter à l'avis d'un seul expert, ne peut-on pas faire appel à un contre-expert et s'il n'y a pas accord entre les deux premiers experts, ne pçut-on pas s'adresser à un troisième expert ? La véritable solution du problème me parait donc être dans l'expertise contradictoire.
L'expertise médicale et la question de la responsabilité 1
par M. le Dr Etienne Jourdan (de Marseille)
Au point de vue psychologique, la responsabilité, comme le libre-arbitre, ne peuvent être admis comme l'expression d'une faculté supérieure et étrangère à l'ensemble de l'organisme, comme l'expression de ce que les philosophes ont appelé le Moi qui sent et qui veut. Tout acte, au point de vue psycho-physiologique, peut être rapporté à ses causes efficientes et déterminantes que l'on trouve dans l'hérédité, le milieu, l'instruction et l'éducation, dans les circonstances organiques ou sociales, souvent les deux à la fois, dans lesquelles se trouve l'individu.
Vouloir déterminer, tant psychologiquement que judiciairement, la responsabilité d'un individu c'est s'exposer à une erreur. La seule chose
à laquelle l'expert puisse répondre sans sortir de son rôle de médecin c'est de dire si l'individu soumis à son examen est sain ou malade. S'il est malade il ne peut y avoir de châtiment si atténué soit-il, il ne peut s'agir que d'un traitement, d'une mesure de préservation sociale.
Le point sur lequel devrait porter toute l'attention des médecinsqui, par leur fonction, peuvent quelque chose auprès des pouvoirs publics, c'est de faire réformer les conditions de l'expertise médico-légale. Un juge ne devrait pas demander à un expert de se prononcer sur le degré d'une responsabilité toute morale (ce qui dépasse son rôle, je dirais presque son entendement) mais de dire si, en son âme et conscience, il considère quel'individu qu'on soumet à son examenestmalade, dans quelle mesure cette maladie a pu influer sur l'acte qu'on lui reproche, en somme, établir la filière psychologique par laquelle l'idée délictueuse est née et a ensuite été exécutée. Oe n'est que sur ces données exactes que le juge pourra se prononcer en toute connaissance do cause, et, connaissant non seulement le délit mais encore celui qui l'a commis, faire œuvre de véritable justice.
Séance du mardi 2i janvier 1908. — Présidence de M. le d' Jules Voisut
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les docteurs Cauvy, Raffegeau, Mignon, Coste de Lagrave et Feuillade, ainsi que les publications suivantes :M. St-Yves : Les Saints successeurs des Dieux.— Mlle Ioteyko : L'analyse des courbes de fatigue comme procédés de diagnostic dans les maladies nerveuses ; Les substances algogènes ; Un cas de tic de la face guéri par suggestion.
La société reprend la question de l'expertise médico-légale et de la responsabilité, qui a été maintenue à l'ordre du jour.
M. le-professeur Ubeyd-Oullah (de Constantinople) traite : de la responsabilité dans la loi musulmane.
Discussion, MM. Bérillon et Scié-ton-fa. Cette question de la responsabilité est maintenue à l'ordre du jour de la séance de février.
M. le Dr Pamart présente une malade au sujet de laquelle il montre l'action de l'or sur une anesthésie.
Discussion : MM. Bérillon,Paul Magnin,Ubeyd-Oullah et Jules Voisin.
M. le Dr Bérillon fait une communication sur le sujet suivant : La psychothérapie graphique, mode d'action et applications.
Discussion : M. Demonchy.
M. le président met aux voix les candidatures de MM. Soubhi Bey (de Constantinople),Aziz Saabit (du Caire) et T. Mitchell(de Tonbrigdge) qui sont élus, à l'unanimité, membres titulaires de la société. La séance est levée à 6 h. 50.
Action métallothérapique de l'or sur une hémianesthésie,
par M. le Dr René Pamart, professeur à l'Ecole de psychologie. {Présentation de malade)
Le mois dernier, M. le Dr Bérillon parlait ici même des rapports de l'hémianesthésie avec certaines psychoses, et signalait l'action, mystérieuse mais indéniable, de la métallothérapie dans les cas de ce genre. Voici précisément une jeune fille qui présente de l'hémianesthésie, et qu'un de nos confrères m'a adressée pour la raison suivante : depuis * nombre d'années, elle s'imagine avoir dans le gosier un crapaud, ou un animal du même genre ; il suffit qu'elle y pense pour qu'elle sente l'animal remuer, remonter le long de l'œsophage, et elle lui attribue la production des sons qu'il lui arrive alors d'émettre involontairement. Comme il était naturel de s'y attendre, l'examen de cette malade m'a clairement montré l'existence, chez-elle, de la grande névrose, le prétendu crapaud étant la lorme qu'attribue son esprit à la * boule » classique.
J'endors cette malade et, sans prononcer devant elle une seule parole capable de lui fournir une suggestion, j'explore sa sensibilité au moyen d'une épingle... Vous voyez que l'anesthésic est complète du côté gauche, tandis qu'il y a hyperesthésie à droite.
J'applique maintenant sur le front, à gauche, c'est-à-dire du côté insensible, cet objet dont je ne lui dis même pas la nature, toujours pour la même raison. Au bout de quelques instants, elle se plaint et cherche à se débarrasser de ce contact, qui semble douloureux. A ma question : d Que re s sentez-vous ? » Vous l'entendez me répondre : « Cela me brûle ». C'est donc, réalisée devant vous avec un plein succès, la reproduction du phénomène que nous signalait en décembre notre honoré président, M. le Dr Voisin ; ce phénomène, en raison des précautions prises, ne saurait être attribué à une suggestion ; il est bien dû à l'action propre du métal employé.
Discussion :
M. Paul Magnin.— L'application de cette pièce d'or n'a-t-elle pas provoqué le phénomène du transfert ; n'y a-t-il pas, dans la région correspondante à droite, une anesthêsie compensatrice de la brûlure provoquée à gauche ?
M. Pamart. — J'explore à nouveau la sensibilité. En effet, comme le prévoyait M. Magnin, c'est maintenant la moitié droite du front qui est insensible.
M. Paul Magnin. — En opérant un assez grand nombre de fois des transferts successifs, on parviendra à rétablir une sensibilité également répartie des deux côtés.
M. Bérillon. — Ce jour-là, sans qu'il soit nécessaire d'intervenir autrement, il ne sera plus question de ce crapaud gênant ; il aura disparu en même temps que Tanesthésie.
J'ai observé plusieurs fois que, chez les hystériques présentant de l'hémianesthésie, lorsque le côté insensible est le côté gauche, les sentiments affectifs semblent émoussés ; dans le cas inverse, ils sont exacerbés, et les héraianesihésiques du côté droit sont disposés à toutes les fantaisies amoureuses.
M. R. Pamart. — Quel que soit le mode intime d'action de l'or dansées ¦ cas-là, nous avons entre les mains une arme dont l'emploi ne parait comporter aucun danger ; donc, si nous espérons être mieux instruits quelque jour, nous sommes autorisés, en attendant, à utiliser pratique- . ment la métallothérapie en faveur de toute une intéressante catégorie de malades.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société tPhypnoIogie et de psychologie.
La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 17 mars, à 4 heures et demie, sous la présidence de M. le DT Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications déjà inscrites :
Dr Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité. Inscrits : MM. Dyvrande, procureur de la République, Dr Voisin, D' Toulzac (de Versailles).
Df Bahaddin Chakir Bey, de Constantinople : l'organisation de l'expertise médico-légale en Turquie.
M. Scié Ton Fa, docLeur en droit : La responsabilité dans le droit chinois.
Dr Bérillon : Les conditions fondamentales de la production de l'hypnotisme.
D' Witry de Trêves La thanatophobie ; son traitement par la suggestion hypnotique.
M. Podiapolsky, de Saratow : Considérations psychologiques sur le sommeil somnoformique.
D' Ossokine, de Saratow : L'érythrophobie.
La a slnistrose *
Un des effets inattendus de la loi de 1898 sur les accidents du travail a été d'enrichir le dictionnaire médical d'un nouveau mot et de doter l'humanité d'une nouvelle maladie : la « sinistrese » ; que le professeur Brissaud a défini : « une affection psychique, causée par l'idée fixe qui
s'emparait de l'ouvrier accidenté, que tout accident survenu au cours du travail constitue un dommage comportant réparation. »
Il était intéressant de savoir quel accueil le tribunal réserverait à cette affection nouvelle qui, d'après le docteur Brissaud, arrivait peu à peu à absorber l'activité psychique et allait même jusqu'à briser les ressorts de l'activité physique de l'ouvrier qui en était atteint.
La quatrième chambre du tribunal, présidée par M. Duehauffour, y a répondu en déboutant purement et simplement l'ouvrier demandeur :
... Attendu, dit le jugement, que la loi du 9 avril 1898 ne permet d'allouer d'indemnités que pour les incapacités qui sont la suite directe d'un accident du travail ;
Attendu que l'incapacité dont l'ouvrier parait atteint résulte non de l'accident, mais de l'opinion erronée que le blessé s'est faite des droits qui lui appartenaient, en se persuadant à lui-même qu'une rente lui était nécessairement due ; que, dans ces circonstances, Sempère n'est pas fondé à demander l'allocation d'une rente.
Si ce jugement fait jurisprudence, comme il y a lieu de l'espérer, la sinistrose y trouvera le traitement curatif que les médecins n'avaient pu trouver jusqu'à ce jour. Qui de nous n'a été frappé de l'état mental de ces ouvriers qui, à tout prix, veulent que le sinistre ait pour effet de leur constituer une petite rente. De là à s'exposer bénévolement à l'accident il n'y avait qu'un pas. Qui pourrait prétendre qu'il n'a pas été franchi ?
Le visage spectral (suite)
A la suite de la note parue dans le dernier numéro par laquelle je signalais l'existence, à l'état permanent, chez certaines jeunes filles ou jeunes femmes, du signe des yeux cernés, donnant à la physionomie l'impression d'un visage spectral, j'ai reçu de divers lecteurs des renseignements intéressants.
M. le Dr H. Lefevre a eu l'occasion d'être consulté de temps en temps à sa clinique d'ophtalmologie par des personnes présentant cette disposition. Il n'attribue pas ce signe à la pratique de l'onanisme, mais à un trouble de la nutrition. Sur douze sujets qu'ilaobservés, toutes étaient atteints de migraine plus ou moins accentuée et faisaient usage de doses élevÔesd'antipyrine.ChezIa moitié,la cessation du médicamentaeupour effet de ramener un faciès normal.
Le dernier cas de visage spectral observé par nous, il y a deux jours, concerne une jeune fille atteinte de maladie de Basedow. Il y a lieu de soupçonner chez elle l'intoxication paludéenne. Elle ne fait pas usage de médicaments. Le signe des yeux cernés est chez cette dernière très accentuée.
Je continuerai à recevoir avec intérêt les communications, relatives à ce signe, qui pourraient m'ètre adressées.
Dr Bérillon.
Anesthésie générale par auto-suggestion
La Revue médicale signale un fait des plus curieux. Une jeune femme, à qui cinq dents devaient être arrachées, fut admise à l'hôpital. Cette opération devait se faire sans douleur, par inhalation de chlorure d'éthyle, au moyen d'un masque en caoutchouc dans lequel une capsule de l'anesthésique pouvait être écrasée par un écrou de forme spéciale.
Le masque fut mis en place et l'écrou serré. La patiente ayant perdu connaissance, l'extraction des cinq dents se fit sans autre difficulté ; mais peu après, comme le masque devait servir pour une autre opération, un médecin constata que, par suite d'une fausse manœuvre, la capsule de chlorure d'éthyle n'avait pas été écrasée par l'écrou, et que l'anesthésie n'avait pu se produire. La patiente était donc demeurée endormie sous l'effet d'un phénomène d'auto-suggestion.
La science connaît déjà des cas du même genre. Il y a quelques années, un médecin d'un grand hôpital américain fit l'expérience suivante: à une quinzaine de malades réunis dans la même salle, il fit prendre une pondre anodine. Le remède absorbé, le médecin simula une erreur, et dit que la poudre était de l'émétique. Quatorze malades furent pris de vomissements, comme si vraiment ils avaient pris de l'émétique.
Ouvrages reçus à la Revue
Df Paul Jacoby : Etude sur la sélection chez l'homme.— In-8-, 600 p. — Alcan, Paris, 10 francs.
D' Grasset : Thérapeutique des maladies du système nerveux. — In-12
relié, 600 p. — Doin, Paris 1907, 5 francs. Saint-Yves : Les saints successeurs des dieux.— In-8*, 416 p.—Nourry,
Paris 1907, 6 francs. Dr Binet-Sanglé : La folie de Jésus, son hérédité, sa constitution, sa
physiologie. — In-8*, 300 p. — Bibliothèque de l'Ecole de psychologie.
Maloine, Paris 1908, 4 francs. D* Oddo : Maladies de la moelle et du bulbe. — In-12, 37ô p. — Doin,
Paris 1908, relié, 5 francs. de Milloué : Conférences au musée Guimet 1901-1903, 1903-1906.—
2 vol. in-12. — Leroux, Paris 1907. de Milloué : Bouddhisme. — In-12, 200 p. — Leroux. Paris 1907. Ch. Truby : La suggestion au point de vue spiritualiste et spirite.— In-12,
420 p.— Vigot, Paris, 4 francs. D' Jaguaribb de Sao-Paulo : La radiation des effluves humains. —
grand in-8', 72 p. — A.Rousseau, Paris 1907. L. Bérillon : La timidité chez l'enfant. — In-8-, '19 p., Bureaux de la
Revue de l'Hypnotisme. — Paris 1908, 1 franc. E. Boirac : La psychologie inconnue, introduction à l'étude expérimentale des sciences psychiques. — ln-8*, 350 p. — Alcan, Paris,
5 francs.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BERILLON
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
22' Année. — N* 10
Avril 1908.
BULLETIN
Assemblée constitutive de la Société française d'éludés islamiques. Le jubilé du D' Magnan.
„La Société française d'études islamiques fondée à Paris, par M. le professeur Ubeyd-Oullah, de Constantinople, M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie et M. Pirmin Verdier, avocat, a tenu son assemblée constitutive le samedi 21 mars 1908 (18, Safer 1326 de l'Hégire] à l'Ecole de psychologie.
Le président,après avoir exposé que la Société avait pour but l'étude des principes et des éléments de la civilisation musulmane, émanés des préceptes religieux, philosophiques, législatifs du Coran et de la tradition ; qu'elle se proposait l'étude des conditions de la vie des Musulmans et qu'enfin elle rechercherait et proposerait les solutions par lesquelles l'Islam se mettra en accord avec l'Occident et par lesquelles il coopérera à la civilisation générale, il fait procéder à l'adoption des statuts. Ils ont été admis à l'unanimité.
Plusieurs notabilités musulmanes avaient répondu à l'appel du professeur Ubeyd-Oullah et, en particulier, M. Aziz-Saabit bey, du Caire ; M. Souhbi bey, de Constantinople ; M. Edhem bey, secrétaire d'ambassade et M. Bel Azouza, de Tunis ; étaient également présents : MM. les D" Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, Firmin Verdier, avocat ; M. le Dr Paul Farez, professeur à l'Ecole de psychologie ; Scié-Ton-Fà, mandarin chinois ; M.le Drde Groer, de Saint-Pétersbourg ; M. le Dr R. Pamart, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. le D'de la Fouchar-dière ; M.J. de la Verdière, ingénieur ; Mlle Lucie Bérillon, professeur au Lycée Molière ; M. le Dr Demonchy, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. Rougier, ancien élève de l'Ecole des langues orientales ; Mlle Alice Bérillon, professeur au Lycée Racine ; M. Ginde, banquier, M. Collin, manufacturier ; M. Coursan, ingénieur ; Mme Markowicz, publiciste ; M. Maroger, élève de l'Ecole des hautes études orientales ; M. Toussaint, homme de lettres, etc.
Parmi les premiers adhérents qui s'étaient excusés de ne pouvoir assister à la réunion, nous devons citer M. le comte d'Aspremont, conseiller d'ambassade ; M. Valenlino, sous-directeur au ministère des Beaux-Arts ; M. Paul Magnin, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. Rappelin, membre de la mission Brazza ; M. Christmann ; M. Jules
Bois, homme de lettres ; M. le Dr Bahaddin-Chakir bey, de Constanti-nople ; M. le D'Félix Regnault. professeur à l'Ecole de psychologie ; M. Fuad Pacha, etc.
La Société a ainsi constitué son Comité directeur : Président : M. le Dr Bérillon ; vice-président : M. le professeur Ubeyd-Oullah ; secrétaire général : M. Firmin Verdicr ; trésorier : M. le D'Paul Farez. Elle a décidé ensuite qu'elle tiendrait des réunions mensuelles et que la fondation de la Société serait célébrée par un banquet dont la date a été fixée au samedi 11 avril, date anniversaire de la naissance de Mahomet. 11 a été décidé que diverses questions de grand intérêt psychologique seraient mises à l'ordre du jour des prochaines séances mensuelles de la Société.
Les adhésions peuvent être adressées à M. Firmin Verdîer, secrétaire général, au siège de la Société, 49, rue Saint-André-des-Arts. -
Une cérémonie fort touchante vient d'avoir lieu à l'Asile Clinique dans l'amphithéâtre où le Dr Magnan fait ses leçons depuis quarante ans. Ses amis et ses élèves, pour fêter le jubilé de cette belle carrière consacrée à l'étude et à l'enseignement des maladies mentales, lui ont offert une plaquette, œuvre du professeur Paul Richer, membre de l'Institut.
Cette fête a été troublée par la fâcheuse nouvelle survenue inopinément de la maladie grave du docteur Mierzejewski, de Saint-Pétersbourg, venu tout exprès pour apporter au docteur Magnan l'expression émue d'une affection qui remonte à de nombreuses années, et délégué par le Conseil médical de l'Empire. Le docteur Magnan, fort ému, en a fait part à l'assistance.
M. Clemenceau, président du Conseil des Ministres, qui présidait la réunion, s'est associé aux paroles du docteur Magnan et lui a donné l'accolade au milieu des applaudissements. ,
Le professeur Bouchard a retracé ensuite en quelques mots heureux la carrière du docteur Magnan, dont il a été l'ami dès le commencement de leurs études médicales. Fréquemment applaudi,- il a redit leurs débuts communs, leurs espérances d'alors. Il a terminé en le félicitant des belles découvertes qui ont grandement servi la science.
Après lui, le docteur Motet, membre de l'Académie de Médecine, M. Gley, professeur au Collège de France, les docteurs Ritti, Briand, Sérieux se font les interprètes des compagnies auxquelles ils appartiennent pour féliciter le docteur Magnan et le louer des progrès qu'il a fait faire à la science qu'il honore si grandement. Tous ont été unanimes à dire quelle révolution il a apportée dans la médecine mentale en fondant sa méthode sur l'observation attentive des malades et en montrant les précieux enseignements que la physiologie pathologique puise dans les leçons de la clinique.
M. Magnan a remercié ensuite tous les orateurs et avec eux le docteur
•Bajenof, qui lui a remis deux adresses de la Société des neurologistes et aliénistes de Moscou. Il a remercié également le docteur Ladame, de Genève, de lui avoir apporté le salut de ses confrères suisses. Puis il a rappelé qu'il y a vingt-cinq ans le médecin qui ne prescrivait pas l'emploi de la camisole de force était blâmé, pour le péril qu'il faisait courir aux malades et à leur entourage. On lui prédisait les pires accidents. A l'Asile Clinique, où il a cessé d'y recourir depuis longtemps, la fureur maniaque a disparu des salles. En douze ans, le service de l'admission n'a eu a déplorer que 3 suicides sur plue de 20,000 malades hommes, et pas un seul parmi un nombre égal de femmes aliénées.
La démonstration est donc complète et M. le docteur Magnan peut donc considérer ce résultat comme le plus grand honneur de sa longue existence de médecin aliéniste.
Aucune des définitions actuelles de l'hystérie n'est légitime.
Par M. le D' Paul Maonin. Extrait d'une leçon faite k l'Ecole de Psychologie, le 30 janvier 1908.
-Avant d'aborder l'étude des divers traitements de l'hystérie, il me semble nécessaire de passer rapidement en revue les. principales opinions émises sur sa nature. Suivant en effet le point de vue auquel ils se sont placés, les thérapeutes ont été entraînés à donner une importance prépondérante à tel ou tel procédé pour ainsi dire à l'exclusion de tous les autres ; de là diverses méthodes plus ou moins étroites, plus ou moins systématiques mais qui peuvent néanmoins, chacune en soi, entrer pour une part utile dans la cure de la névrose.
Les hystériques d'aujourd'hui, nous dit-on, ne sont plus telles qu'on les rencontrait autrefois ; les descriptions longtemps classiques de la Salpêtrière ne correspondent pas à la réalité, Charcot faisait de l'hystérie de culture et c'est le médecin qui provoque l'apparition des stigmates en les suggérant de par le fait même qu'il les recherche. En dehors des examens maladroitement conduits et je les accorde nombreux, il y a dans cette façon de voir, je vous l'ai bien montré, une très grande exagération ; il est certain toutefois qu'à la clinique des maladies nerveuses, on observe actuellement bien moins de grandes hystériques que jadis, mais cela se comprend de soi. Les conditions dans lesquelles se faisaient la visite et les leçons du Maître à cette époque, "l'influence grande de sa personne, celle du milieu, l'esprit d'imitation, Paúto-suggestion des malades, les suggestions inconscientes qu'elles se faisaient entre elles, telles étaient les causes multiples de développe-
ment de la névrose. Mais, comme l'a dit très justement M. le » professeur Raymond, « la grande hystérie n'est pas réduite, comme certains le pensent au souvenir d'une épidémie éteinte^., les malades ne changent pas autant qu'on le croit ; ce sont plutôt les observateurs qui changent leur manière de voir ». On pourrait presque appliquer à l'hystérie, envisagée dans son ensemble et en tant que maladie psychique, une comparaison faite par M. Richer, dans ses belles études sur la grande attaque, à un point de vue il est vrai différent en même temps que plus restreint : « La charpente de l'édifice reste partout la même, l'ornementation seule diffère ». Et de fait, cette ornementation a pu varier suivant les époques, les circonstances extérieures, les conditions sociales du milieu dans lequel évoluaient les malades mais la charpente estrestéela même ; le fond n'a pas changé et l'état mental de l'hystérique est aujourd'hui ce qu'il était autrefois.
L'étude scientifique de l'hystérie n'a réellement commencé, je vous le rappelle, qu'avec les travaux de Brodie en Angleterre, de Briquet en France ; vous savez quel rôle prépondérant Charcot a fait jouer à l'idée fixe dans la genèse de la plupart des accidents de la névrose, à la suggestion dans leur reproduction expérimentale et leur disparition. C'est en étendant la conception de Charcot que Mœbius, que Strümpell sont arrivés à une définition nouvelle « qui cherche à grouper les symptômes autour d'un phénomène moral » (P. Janet). L'hystérie devient un ensemble de maladie par représentation.
Ce fut là un véritable progrès. La plupart des auteurs à partir de cette époque définirent l'hystérie par l'idée fixe et par l'auto-suggestion et cette façon de faire eut tout au moins un avantage, celui de mettre en relief, d'une manière il est vrai un peu puérile, le caractère psychologique de tous les phénomènes hystériques que l'on cherchait toujours à com-prendrejusque là en se plaçant sur le terrain de l'organicisme. C'est là un sujet sur lequel je me suis étendu assez longuement dans mon enseignement de l'an dernier pour n'avoir pas à y revenir.
Remarquons en passant que Ziehen, de Berlin, n'a fait que reprendre les idées de Mœbius et de Strümpell lorsqu'il considère l'hystérie comme « caractérisée par une influence anormalement exagérée des représentations mettant en jeu l'affectivité et 1 emotivité ». Il y a longtemps que nous savons à quoi nous en tenir sur le rôle considérable de ces deux derniers
facteurs dans la genèse des accidents hystériques et cela qu'ils se montrent sous forme de phénomènes d'inhibition ou de dynamogénie.
Quoi qu'il en soit, actuellement encore, grandes sont les divergences lorsqu'il s'agit de définir la nature intime des troubles fonctionnels dont les manifestations hystériques sont la conséquence ; chacun envisage la grande névrose sous un angle différent suivant les tendances naturelles de son esprit : les uns se placent sur le terrain de la psychologie, d'autres proposent une explication anatomo-physiologique, d'autres enfin envisagent dans leurs définitions le côté purement clinique.
De toutes les théories psychologiques de l'hystérie, la plus remarquable à mon avis est celle de M. P. Janet ;jevous l'ai exposée longuement, je ne puis que vous la résumer. Pour cet observateur « l'hystérie est une maladie mentale appartenant au groupe considérable des maladies par faiblesse, par épuisement cérébral ; elle n'a que des symptômes physiques assez vagues, consistant principalement dans une diminution générale de la nutrition ; elle est surtout caractérisée par des symp-tômesmoraux ; le principal est un affaiblissement de la faculté de synthèse psychologique, une aboulie ou rétrécissement du champ de conscience, qui se manifeste d'une manière particulière : un certain nombre de phénomènes élémentaires — sensations et images — cessent d'être perçus et paraissent supprimés de la perception personnelle ; il en résulte une tendance à la division permanente et complète de la personnalité, à la formation de plusieurs groupes indépendants les uns des autres ; ces systèmes de faits psychologiques alternent les uns à lâ suite des autres ou coexistent ; enfin, ce défaut de synthèse favorise la formation de certaines idées parasites qui se développent complètement et isolément, à l'abri du contrôle de la conscience personnelle, et qui se manifestent par les troubles les plus variés d'apparence uniquement physique ». En somme « l'hystérie est une forme de désagrégation mentale, caractérisée par la tendance au dédoublement permanent et complet de la personnalité ».
Cette conception rend admirablement compte du caractère psychologique des manifestations hystériques et cependant M. Janet considère la névrose comme une maladie mentale ainsi qu'il le dit dans son récent rapport au Congrès d'Amsterdam. On doit pour l'étudier adopter les méthodes de la
psychiatrie, analyser le caractère psychologique de chaque symptôme et surtout comparer cette maladie avec les autres maladies mentales connues ; et des arguments qu'il présente à l'appui de ses idées et dont l'exposé m'entraînerait trop loin, M. Janet conclut que l'hystérie lui semble être « une forme de la dépression mentale caractérisée par la tendance au rétrécissement du champ de la conscience et à la dissociation des systèmes d'images et des fonctions qui par leur synthèse constituent la conscience personnelle » vous le voyez, c'est pour ainsi dire énoncée en langage psychiatrique la définition exprimée plus haut en termes psychologiques. Toutefois, cette nouvelle formule n'est pas sans dérouter un peu puisqu'aussi bien elle fait disparaître les limites très nettes qui séparent l'hystérie non compliquée des maladies mentale, tout au moins si Ton conserve au mot mental sa signification habituelle en psychiatrie ; mais elle n'en indique pas moins une voie nouvelle et, à ce titre, elle reste très intéressante.
Des idées précédentes, on peut rapprocher celles de M. le professeur Grasset. Pour cet auteur, je vous l'ai dit maintes fois, il y a deux sortes de centres psychiques comme il y a deux ordres de phénomènes psychiques : des centres psychiques supérieurs (centre 0) auxquels est dévolue la fonction psychique supérieure (actes conscients, volontaires, libres, dont le sujet est responsable) et des centres psychiques .inférieurs (polygone) correspondant à l'automatisme psychologique de M. Janet et auxquels appartient la fonction psychique inférieure (actes inconscients, automatiques, involontaires, n'entraînant pas la responsabilité). C'est par la désagrégation du polygone que peuvent s'expliquer toutes les manifestations de la névrose que M. Grasset se refuse d'ailleurs à considérer comme une maladie mentale ; ne méritent ce nom que les maladies du psychisme supérieur, or l'hystérie est le plus souvent une maladie du psychisme inférieur, polygonal, et des communications entre les deux psychismes. Certaines hystériques peuvent devenir mentales mais c'est par participation du centre psychique supérieur et c'est alors une complication de la maladie. La conception de M. Grasset est certes très séduisante. Elle nous fournit un schéma très commode pour expliquer, en apparence, certains laits mais, je ne saurais trop vous le répéter, il n'y a là qu'un schéma dont rien n'est venu démontrer l'exactitude.
Deux mots, en passant, d'une théorie discutée récemment
encore au Congrès d'Amsterdam, celle de Freud. Pour cet observateur, les manifestations de l'hystérie sont toujours d'origine sexuelle ; une foule de désirs, d'aspirations génitales datant de l'enfance seraient refoulées, étouffées au point de devenir subconscientes ; toute la thérapeutique consiste donc à ramener ces aspirations dans le champ de la conscience, le malade alors comprend la cause de son mal et est guéri. J'avoue que cette prétention d'expliquer toute l'hystérie par des troubles génitaux de l'enfance me semble bien extraordinaire ; ces troubles ne s'observent que chez quelques sujets et n'ont d'importance que dans des cas très spéciaux. Freud n'a d'ailleurs publié que des fragments d'observations ; il n'a exposé nulle part d'une façon complète les principes de sa méthode psycho-analytique qui dérive en somme des procédés d'analyse psychologique que M. Janet employait depuis longtemps déjà ; le mémoire qu'il a publié avec-Breuer en 1893 ne peut laisser aucun doute à ce sujet ; il n'était que juste de le rappeler.
Toute opposée est la théorie de M. Sollier ; pour lui, la conception de M. Janet ne peut s'appliquer à tous les faits observés : l'élément psychique, l'idée n'a aucune influence primordiale sur le développement de l'hystérie, sur la forme de ses manifestations. Les phénomènes psychologiques décrits comme principes de la névrose n'ont ni plus ni moins de valeur que les phénomènes organiques, physiologiques et deviennent une conséquence. Charcot a dit très justement que l'hystérie est moins une maladie au sens vrai du mot qu'une façon spéciale de réagir et de sentir ; c'est également l'opinion de M. Sollier, mais c'est précisément sur les réactions et les sensations des centres modifiés, comme nous allons le voir que se développent les idées et les sentiments et c'est le trouble phy- * sique qui est primitif. C'est une erreur de vouloir faire de l'hystérie une maladie mentale ; elle doit être considérée comme « un trouble physique, fonctionnel du cerveau, consistant dans un engourdissement ou un sommeil localisé ou généralisé, passager ou permanent, des centres cérébraux et se traduisant, par conséquent, suivant les centres atteints, par des manifestations vaso-motrices et trophiques, viscérales, sensorielles et sensitives, motrices et enfin psychiques, et suivant ses variations, son degré et sa durée, par des -crises transitoires, des stigmates permanents ou des accidents paroxystiques. Les hystériques confirmés ne sont que des vigi-
lambules dont l'état de sommeil est plus ou moins profond, plus ou.moins « étendu ».
Ajoutons toutefois que si l'on s'en rapporte aux divers compte-rendus des Congrès de Genève et d'Amsterdam parus dans les journaux de médecine, M. Sollier semble être moins absolu que dans ses premières publications. Qu'il s'agisse d'engourdissement, de sommeil, d'inhibition, le mot importe peu. Ce qu'il faut retenir c'est £jue cette diminution de l'activité cérébrale une fois produite a tendance à persister ; elle nous explique les caractères des troubles hystériques, elle nous fournit les. indications d'une thérapeutique pathogénique. Quant à rapporter rigoureusement aux centres anatomiques du cerveau, tels qu'on les délimite actuellement les troubles fonctionnels hystériques, l'auteur y renonce d'autant plus volontiers que c'est là une question secondaire et que toutes ses recherches de physiologie générale l'amenèrent à défendre de plus en plus « une conception dynamique et non purement mécanique de l'activité cérébrale dans laquelle l'autonomie étroite des centres corticaux telle qu'on la conçoit encore disparait en grande partie. » Plusieurs observateurs, M. Raymond entre autres s'étaient refusés à voir dans tous les hystériques des vigilambules et à souscrire un déterminisme que l'auteur attribuait aux centres fonctionnels de Pecoree ; la critique, vous le voyez semble avoir porté.
Si scientifique qu'elle puisse paraître au premier abord, la théorie physiologique de l'hystérie n'est au fond que la traduction en langage vaguement anatomique d'observations psychologiques et le trouble physique fût-il primitif, l'idée n'en joue pas moins un rôle capital dans la genèse de la plupart des stigmates et des accidents hystériques qui lui sont en quelque . sorte subordonnés. C'est là précisément un fait que, plus que tout autre l'enseignement de Charcot a mis en lumière.
Des définitions physiologiques, mais on en fera tant qu'on voudra : « L'hystérie, pourra-t-on dire, est une psychonévrose dépendant essentiellement d'une faiblesse, d'un défaut de résistance héréditaire ou acquis de toute la corticalité cérébrale, dont les diverses zones peuvent être séparément ou simultanément inhibées ou excitées, ces états d'inhibition ou de dynamogénie étant susceptibles d'apparaître brusquement et de disparaître de même, sans laisser de traces, sous l'influence d'un choc physique ou moral. » Au fond cette définition n'est ni meilleure, ni pire que beaucoup d'autres ; elle a l'a-
vantage d'être conforme aux idées de mon regretté maître Brown-Séquard sur la nature de l'hystérie et de l'hypnotisme ; elle est même d'autre part assez clinique. Tiendra-t-on à parler le langage anatomique, au mot « zones » il suffira de substituer celui de « centres ». On pourra même ajouter le corollaire suivant : o De là la variété des manifestations hystériques plus ou moins nombreuses, plus ou moins accentuées suivant que les centres psychiques, sensitiis, sensoriels, moteurs, vaso moteurs ou trophiques sont eux-mêmes plus ou moins profondément, isolément ou simultanément atteints, a
Dans une conférence que je vous ai faite en 1905 sur « l'hystérie et l'indépendance des hémisphères cérébraux », je vous ai montré qu'on pourrait aussi tenter d'expliquer par Pasyner-gie du fonctionnement de ces organes les diverses manifestations de la névrose, d'interpréter par la désunion de leur attelage l'anarchie mentale des hystériques. Mais encore faudrait-il tout d'abord savoir comment se comporte à l'état normal la synergie des hémisphères et à ce point de vue les traités de physiologie ne sont guère explicites.
(A suivre.)
La folie dans les dynasties orientales,
par le D' Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés (suite) ()
Tandis que des travaux importants, au premier rang desquels il faut citer ceux de Ireland, Jacoby, Brachet, Galippre, ont démontré l'influence que la dégénérescence héréditaire a exercé sur le sort de familles royales de l'Occident, rien de pareil n'a encore été tenté pour les dynasties de l'Orient.
Le fait est d'autant plus regrettable qu'il permettrait de réfuter en partie les légendes tendancieuses qui tendent à représenter, en bloc, tous les souverains orientaux comme des despotes uniquement préoccupés de la satisfaction de leurs caprices, aux dépens de l'intérêt de leur empire. Qu'il en ait été ainsi pour quelques-uns, cela n'est pa douteux. En réalité, le plus grand nombre des kalifes et des sultans ont fait preuve sur le trône des plus hautes vertus publiques et privées, et se sont conciliés l'admiration de leurs sujets. Je ne crains même pas d'affirmer que la proportion de ceux qui se sont révélés des hommes réellement supérieurs dépasse de beaucoup celle que pourrait établir une comparaison avec les dynasties qui ont régné, par exemple, sur
(1) Voir la Revue de l'Hypnotisme de mars 1908.
l'Angleterre, sur l'Espagne et sur la France. Ainsi, il serait difficile de trouver une pléiade d'hommes plus remarquables que l'ont été les sultans Osman, Orkhan, Amurath IM, Mahomet I", Amurath II, Mahomet II, Sélim I", Soliman I", dont le courage, l'esprit organisateur ou le génie ont porté à leur apogée la grandeur et la puissance de l'Empire Ottoman.
Lorsqu'on étudie avec impartialité l'histoire des peuples musulmans, on est surpris du grand nombre des souverains dont l'amour de la justice, l'intelligence et la sagesse, ainsi que les encouragements accordés aux sciences et aux arts, sont célébrés par les historiographes. Mais au règne de ces hommes vertueux, dont le principal souci fut d'assurer à leurs peuples la plus grande somme de jouissance et de bonheur, succèdent inopinément des périodes dans lesquelles le pouvoir tombe entre les mains de véritables insensés.
Cette regrettable alternance se retrouve aussi bien chez les kalifes de Bagdad, dans les dynasties des Seljoucides que dans les familles qui se sont succédé pendant douze siècles sur le trône d'Egypte sous le nom de Thouloumides, Kchidites, Fatimistes, Ayoubites, mameluks Baha-ristes et mameluks Bjorjites. Il en est de même chez les sultans de la Perse et de l'Inde.
Il n'y a rien d'étonnant, étant donné le nombre considérable de ces souverains, à ce que l'on puisse observer chez eux les modalités psychologiques les plusdiverses.il ne faudrait cependant pas tomber dansl'erreur si commune qui nous porte k juger les mœurs anciennes avec les idées du présent. Beaucoup de rois peuvent nous apparaître comme des hommes autoritaires, cruels ou défiants, sans qu'aucune de ces dispositions puisse être légitimement rattachée à une perturbation mentale. Ils n'étaient pas différents de leur milieu et conformaient leur conduite aux tendances généia es de leur époque. Il y a même un grand nombre de^ cas où la Raison d'Etat pourrait être considérée comme une justification plausible d'actes, dont l'appréciation échappe à une observation trop sentimentale.
Il ne faut considérer comme aliénés que ceux dont les troubles mentaux peuvent être rattachés à une forme définie de l'aliénation mentale. A la rigueur, on pourrait ranger dans ce nombre ceux dont la défectuosité s'est surtout manifestée par une insuffisance de la valeur intellectuelle caractérisée par le terme générique de-débilité mentale. Mais ces princes insignifiants, dont la faiblesse a été le plus souvent suppléée avec avantage par l'autorité de ministres habiles, n'ont généralement laissé qu'une faible trace dans l'histoire. Il n'en est pas de même des souverains chez lesquels les troubles psychopathiques se rattachent plutôt à ces formes de la dégénérescence mentale héréditaire dans lesquelles dominent ◀tantôt▶ l'impulsion et l'obsession, ◀tantôt▶ les dispositions à la manie raisonnante et aux idées de persécution. L'examen de quelques-uns de ces cas, analysés aussi complètement qu'il est possible de le faire dans une étude rétrospective, suffira pour nous rendre
compte des dangers que peut présenter le pouvoir absolu lorsqu'il est exercé par un esprit déséquilibré.
*
El Hakim Biamrillah, kalife fatimiste d'Egypte de 996 à 1020, s'est rendu cé'èbre par un grand nombre de singularités et d'acteB déraisonnables. Une quantité d'anecdotes le représenlent comme un prince à la fois sanguinaire et fantaisiste, ne dédaignant pas d'agrémenter ses cruautés de quelques pointes d'humour.
Il était atteint de phobie auditive et avait au plus haut degré l'horreur du bruit. Un jour, passant devant un bain de femmes, il trouva qu'elles se montraient trop bruyantes en prenant leurs ébats. Il ordonna de murer la porte de l'établissement, et elles y moururent de faim.
Pour pouvoir se promener à son aise dans des rues silencieuses, il avait eu l'idée bizarre de faire du jour la nuit et réciproquement. Ses sujets devaient, sous peine de mort, dormir pendant toute la journée. Il ne leur était permis de vaquer à leurs affaires qu'après le coucher du soleil.
Une après-midi, dans le cours d'une de ses promenades, il rencontra un charpentier qui sciait du bois. Il lui reprocha d'enfreindre ses ordres. « Avant votre loi, lui répondit l'ouvrier, je dormais le jour et je travaillais la nuit ; c'est pour vous témoigner de ma soumission à vos ordres que j'ai changé mes habitudes. El Hakim Biamrillah se montra,charmé de l'à-propos de sa réponse et lui fit grâce.
Le Kalife avait l'habitude de se promener sur un âne. De temps en temps il s'arrêtait à la porte d'un marchand et procédait à la vérification de ses poids et mesures. Quand il constatait que ce marchand était enclin à la fraude et que ses mesures n'étaient pas conformes au règlement il le faisait appréhender et dépouiller de ses vêtements. II invitait alors un nègre gigantesque, dont il faisait son compagnon habituel, à infliger au coupable un châtiment qui présente la plus grande analogie avec le supplice du pal. Le nègre ne se faisait pas prier pour accomplir sa tâche ignomineuse et il s'élançait sur la victime avec une ardeur toute virile. A la vue de la grandeur de son infortune, le patient se mettait à pousser des cris déchirants. Alors El Hakim Biamrillah trouvait un plaisir extrême à ce répugnant spectacle. Il en riait avec éclats : « Ne te tourmente pas, disait-il à la victime, il te fera la bonne mesure. ¦
De tels personnages n'Inspirent pas longtemps le respect ; un matin, il fut assassiné par la même foule qui, peu auparavant, applaudissait à ses folies.
Peu après sa mort une secte de Syrie a fait du Kalife Biamrillah un martyr de sa foi et s'est mise à l'adorer comme un dieu. On la désigne sous le nom de secte des Durouzes ; elle s'est perpétuée jusqu'à notre époque et compte encore actuellement une centaine de mille d'adhérents.
Le premier des sultans ottomans chez lesquels des troubles mentaux confirmés se soient manifestés est Sélim II, il fut le onzième de ceux qui ceignirent le sabre d'Osman. Proclamé sultan en 1566, il se laissa entraîner sans aucune résistance, dès son arrivée au pouvoir, aux débauches les plus honteuses. On le vit s'adonner d'une façon intempérante à l'usage du vin et à celui de l'opium. On conçoit que dans ces conditions, il se soit peu préoccupé des affaires de l'Etat. Le premier des sultans de Turquie, il abandonne une des prérogatives de la fonction qui est de se montrer à la tête de l'armée.
Toujours ivre, il avait transformé son palais en un lieu de plaisirs et les administrations publiques en cabarets. Le mauvais exemple parti de haut, gagna toutes les classes de la sociétés. Dans un pays où la loi religieuse interdit l'usage des boissons alcooliques, elles se débitaient dans les rues, sur les places publiques, à la porte des mosquées. Les poètes de la cour célébrèrent les bienfaits de l'ivrognerie, et Hafiz, dans une ode célèbre écrit : « le vin engendre tous les vices, mais il nous est plus doux que le baiser d'une jeune fille. »
Un habile ministre, Mohamed Sokoli, préserva la Turquie de désastres irréparables. Il obtint même quelques succès et conquit l'île de Chypre. On a assuré que si le sultan avait attaché quelque prix à la possession de Chypre, c'était à cause de la qualité renommée de ses vins. C'est peut-être la seule circonstance où l'ivrognerie d'un souverain ait contribué à l'agrandissement de son royaume.
Selim II, qui a conservé dans l'histoire le surnom de l'Ivrogne, fut en réalité atteint de dégénérescence héréditaire se traduisant par de la dipsomanie.
¦
Ibrahim dit le fou, succéda en 1640 à son frère Àmurath IV, on raconte que jusqu'à son avènement au trône, il avait, sur les conseils de sa mère, la sultane Kiosun, simulé l'imbécillité. C'est à cette ruse qu'il aurait dû, en détournant la susceptibilité jalouse d'Amurath, d'éviter l'exécution capitale. Il aurait ainsi bénéficié de la prescription du Coran, qui recommande de traiter les déments et les faibles d'esprit avec humanité. Si l'on en croit la formule de Lassègue qui affirmait qu'on ne simule bien que ce qu'on a, Ibrahim était dégénéré.
C'est à la folie des dégénérés héréditaires qu'il faut rapporter les dérangements d'esprit, dont il donna tant de preuves. Incapable de gouverner, il s'en remettait pour la direction des affaires, à d'indignes favoris. C'est ainsi que l'on vit se succéder dans ses faveurs Sultan-zadch Mahomet, l'écuyer Yousoufet son précepteur Djndji.
Les femmes de son harem abusaient de la débilité de son esprit. Pour les satisfaire, il dilapidait les finances, ainsi, il lui arrivait d'assigner à chacune de ses favorites le revenu d'une ou deux provinces. Toute femme
qui lui plaisait devait tomber en sa possession. Il n'épargna même pas la fille du Mupbti, qu'il fit enlever et renvoyer ensuite à son père en la traitant avec mépris.
Sous l'influence de la moindre contrariété, il s'irritait et prenait des décisions inspirées par l'esprit le plus cruel. Un jour, il ordonna un massacre général des chrétiens de son empire. On eut grand peine à lui faire rétracter cet arrêt, qui menaçait la vie de plus de la moitié de ses sujets.
Il se livra à un grand nombre d'excentricités. Il aimait avec passion les parfums et les fourrures. Ayant pris l'habitude de coucher sur des pelisses d'un prix très élevé, il en fit une telle commande que le lynx et la zibeline devinrent très rares. Son goût pour la parure l'avait amené à exiger des vêtements très ornementés, couverts d'hermine et étince-lants de pierreries.
Sa peau présentait une hyperesthésie maladive. Pour éviter le frottement des étoffes, il avait imaginé un vêtement lâche, tout formé de zibeline, dont le contact caressait partout l'épidémie, et dont aucun pli ni aucune ceinture ne gênait sa sensibilité.
11 eut un jour l'idée de convoler en justes noces avec une épouse dont la taille serait celle d'une géante. Des émissaires cherchèrent dans tous ses états une jeune fille de stature démesurée. Ils la découvrirent dans une jeune arménienne qui fut amenée au palais et eut pendant quelques mois la plus grande influence sur l'esprit d'Ibrahim.
Une de ses manies consistait à faire enfiler des perles dans tous les poils de sa barbe. Il se montra tellement tyrannîque et insupportable, qu'il fut déposé. Quelques jours après, il fut étranglé dans la cellule où il avait été interné.
Il nous parait légitime de rattacher lestroubles mentaux présentés par Ibrahim à la folie des dégénérés héréditaires.
La responsabilité dans la loi musulmane
par M. le Professeur Ubeyp Oullah (de Constantinople)
Dan . la loi de Mahomet, les droits et les devoirs sociaux de l'homme devant être conformes à sa capacité, le manque des sens physiques et moraux supprime les devoirs et prive des droits. L'homme qui ne remplit pas ses devoirs en est responsable. Tout homme a le devoir de respecter les droits des autres.
Dire qu'une personne est aliénée mentalement, c'est dire qu'elle est privée de jugement. Celui qui est privé de jugement n'a point la capacité d'entendre et de comprendre ce qu'on lui dit ; il n'a pas non plus la faculté de distinguer le bien et le mal, le bon et le mauvais, l'utile et le nuisible. La folie est, d'après la loi musulmane, l'absence de la faculté de distinguer entre ces choses.
L'aliénation mentale dégage l'homme de tout devoir, comme de toute responsabilité.
D'après la majorité des docteurs théologiens et juristes mahomé-tans, une obligation que l'on ne peut accomplir n'est pas une obligation ;, l'obligation de chacun doit être en proportion de sa capacité, donc soit, dans les matières de la foi, soit dans les pratiques de dévotion, surcharger un homme plus que ne le comporte sa capacité morale et matérielle est inadmissible. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la loi de Mahomet est plutôt une législation qu'une religion ; cette législation émane de source divine, tous les droits et les devoirs sociaux de l'homme deviennent donc des obligations coraniques. Se conformer .à la loi est une obligation à l'égard de soi-même, tout comme les autres sont dans l'obligation de nous laisser jouir, en toute liberté, des privilèges accordés par la loi. La base de l'obligation étant la raison, le fou n'a aucune obligation, donc il est irresponsable s'il commet quelque chose de nuisible aux autres.
Les juristes méthodistes musulmans résolvent la question d'irresponsabilité de la personne en se basant sur le verset 286 du ch. II du Koran :
« Dieu n'imposera à aucune âme un fardeau qui soit au-dessus de ses forces. » C'est en se basant sur ce verset qu'on a adopté dans la loi musulmane le principe suivant : « Si la raison et les préceptes ou les textes transmis se contredisent, le dernier mot revienta la raison. »
Ces juristes, après avoir établi l'irresponsabilité du fou par ce verset, discutent la question logiquement.
La raison étant l'œil intérieur de l'homme, rendra responsable un homme qui n'a pas la raison serait tout à fait rendre un aveugle responsable de sa cécité.
Il me semble avoir vu, dans certain texte de la méthode de jurisprudence musulmane, qu'un des juristes disait que la folie, pour rendre l'homme irresponsable de ses crimes, doit, au moins, durer vingt-quatre heures.
L'existence de la raison chez l'homme ne s'aflirme que par sa volonté que les philosophes appellent libre arbitre. Chez les musulmans il y a une catégorie de théologiens qui n'admet point de volonté en l'homme et qui nie ainsi le libre arbitre. Ils disent qu'il est absurde de discuter l'irresponsabilité de l'aliéné puisque la responsabilité ne peut pas exister, à cause du manque de libre arbitre chez l'homme en général. Les juristes méthodiques ne discutent point cette question avec les théoriciens aussi longtemps que la prétention de ces derniers se restreint au simple raisonnement ; mais dès qu'un crime est commis, les juristes punissent le coupable ; si celui-ci se met à raisonner sur l'absence de libre arbitre, ils lui répondent ironiquement : « Si vous avez commis ce crime avec votre volonté, vous êtes coupable et vous méritez d'être puni, par conséquent nous vous punissons , si vous manquez de volonté et si vous êtes irrésistiblement déterminé à accomplir vos actions, nous, hommes comme vous, nous sommes également déterminés àfaireeeque nous faisons, excusez-nous donc de vous punir... »
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 18 février 1908 — Présidence de M. le D' Jules Voisin
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de.la correspondance qui comprend des lettres de MM. les docteurs Witry (de Trêves), Anastay (de Marseille), Besson {de Marseille), Marcolino da Silva (de Porto-Ale-grej, Jaguaribe (de Sao-Paolo, Brésil) et Swann (de Melbourne).
Les communications inscrites à Tordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
1. — M. Jules Voisin. Orises hystériques survenant à la suite d'un hystéro-traumatisme,sous l'influenceaVun rêve, et guéries par la réduction de ce rêve.
Discussion : M\I. Paul Magnin, Bérillon, Paul Farez.
2. M. Paul Farez. Mort par émotion, suggestion, etc. Discussion ; MM. Paul Magnin, Bérillon, Jacques Bertillon.
3. M. Witry (de Trêves). L'hypnothérapie et la suggestion armée.
4. M. Podiapolsky (de Sataroff). Influence des états psychiques sur les changements de couleur de la peau, etc.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. Dehogues, chirurgien-dentiste de la Faculté de Paris, Gudmundur Finnbogason, professeur à Rey-Kjavik (Islande), D' Besson, médeein principal de la marine, Anastay, Président de la Société d'Etudes psychiques de Marseille, Verdier, sous-chef du Cabinet du Ministre du Travail. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité. • La séance est levée à 6 h. 45.
Hypnotisme et suggestion « armée » 'portrait, lettre).
par M. le Dr Witry (de Trêves)
Je vais vous parler de deux malades que j'ai guéris par l'hypnose avec suggestion « armée ».
Le premier est un buveur temporaire, un Quartatesâufer comme on dit en Allemagne. Agé de 34 ans, instituteur, marié et père de quatre enfants, il s'enivre tous les trois mois pour trois ou quatre jours ; son père, lui aussi, était un buveur. Il est venu me demander de le soigner, je l'ai trouvé très suggestible et j'ai pu l'endormir dès la première séance. En insistant sur les ravages causés par l'alcool, je lui ai suggéré un dégoût profond de son mal et lui ai affirmé qu'à l'avenir (il y avait encore deux semaines jusqu'au moment critique) il ne saurait approcher de ses lèvres aucun verre contenant une boisson alcoolique. Je l'hypnotise encore trois fois et, la dernière fois, je lui dis : a Je vais
vous donner une image qui sera pour vous en quelque sorte, une aide et un soutien pendant les jours critiques. Portez-la toujours et regardez-la souvent, vous sortirez vainqueur de cette lutte. » Je l'éveille alors et lui donne la carte postale illustrée de la collection de l'Institut psychophysiologique de Paris : dispensaire anti-alcoolique ; traitement psychologique d'un buveur par le Dr Bérillon.
Le malade est parti et le temps critique s'est passé sans accident. Il s'abstient depuis cinq mois de toute espèce d'alcool.
Dans le second cas, il s'agit d'une jeune fille de bonne famille, d'excellente éducation mais pauvre et qui devait se marier à un jeune homme dont le pèreavait fait une grosse fortune ; une tante estépileptique, un frère est arriéré. Une de ses meilleures amies, jalouse de ce mariage, ne cesse de lui insinuer, ce qui est faux, que l'argent de ses futurs beaux-parents a été gagné d'une façon malhonnête et que cette fortune lui portera malheur. La jeune fille qui est une exaltée religieuse, s'émeut tellement de cette prétendue révélation qu'elle songe à rompre les fiançailles. Elle ne dort plus et tombe dans une désolation profonde. Le mariage doit avoir lieu dans quinze jours. On me l'amène. Ce n'est qu'au bout de dix séances que je réussis à l'endormir superficiellement. Je lui suggère qu'elle recevra de moi, à son réveil, un papier par lequel je certifie, sur mon honneur, que cet argent a été honorablement gagné ; j'ajoute que, munie de ce document, elle retrouvera le calme et la tranquillité, puis qu'elle épousera de bon cœur son fiancé. Je l'éveille et lui remet le papier en question. Elle partit et depuis quatre mois elle est une épouse très heureuse.
L'Erythrophobie, par le Dr N. E. Ossokine (de Saratow)
J'ai eu, au cours de l'année dernière, l'occasion d'observer trois cas d'érythrophobie. Avant de les décrire, je me bornerai à rappeler les explications que les divers auteurs ont données de la psychogénie de l'anomalie en question.
Les premières notions relatives à l'érythrophobie remontent assez loin. D'après Hoche, en effet, ce trouble fut décrit par Casper vers 1840. D'autres auteurs anciens, Burgess, Ch. Bell, Lavater, Gratiolet, Darwin en font également mention. Mais notre'connaissance de cet état morbide s'est] tout particulièrement enrichie dans les dix dernières années du siècle passé, Boucher, Pitres, Régis et Bekhterev enontdécrit toute une série de cas. Boucher faisant rentrer l'érythrophobie dans le cadre des obsessions, l'explique par un déséquilibre général du système nerveux, sans cependant en déterminer la cause immédiate, ni la psychogénie. Pour Pitres et Régis, la plupart des cas d'érythrophobie évoluent sur un terrain de tares héréditaires chez des dégénérés, des neurasthéniques ou des hystériques ; ils accusent, entre autres causes
occasionnelles, un facteur quelconque, agissant directement sur la sphère émotive. Les choses se présenteraient, par exemple, ainsi : Il arrive à un jeune homme de rougir inopinément, ce qui peut paraître déplacé aux personnes de son entourage. A partir de ce moment, chaque fois qu'il se trouve dans des conditions rappelant celles où il a rougi pour la première fois, surtout lorsqu'il est en présence des mêmes personnes, la rougeur qui l'avait si désagréablement impressionné, apparaît de nouveau. A la longue, l'idée seule que chose pareille puisse se répéter suffit à provoquer la rougeur de la face.
D'après Bekhterev, « la peur de rougir » ne saurait être identifiée avec les idées obsédantes, mais serait un état émotionnel, survenant dans certaines conditions et s'accompagnant de rougeur de la face, quant à l'angoisse éprouvée par le sujet, elle n'apparaîtrait que secondairement.
De ce qui précède, résulte l'identité des opinions de Pitres et de Bek-terev qui, tous deux, placent l'émotion à la base de l'érythrophobic. Cette manière de voir a été contestée parVaschide et Marchand. Considérant que, chez les sujets dont il s'agit, des troubles vasculo-nerveux, avec accompagnement d'un état émotif, peuvent se produire rien que par l'effet du souvenir, ils admettent un trouble primitif des fonctions intellectuelles. Pitres etRégis.pour leur part, ne partagent pas cette opinion : ils estiment que la circonstance invoquée par Vaschide et Marchand ne saurait prouver d'une manière concluante que l'érytrophobie est un trouble pur et simple des fonctions intellectuelles. En effet, l'idée qui provoque la rougeur de la face étant liée à un sentiment de crainte, elle implique déjà l'émotion. Quoiqu'il en soit, la faconde penser de Vaschide et de Marchand trouve des partisans (Popov).
Mais, comme toute phobie obsédante, l'érythrophobie peut être considérée au point de vue de ceux qui, comme Raymond, Arnaud, Billod, P. Janet, envisagent tous les états d'obsession en général. Ces auteurs, en particulier Arnaud, estiment que les obsessions répondent à un trouble complexe de l'activité psychique, lequel, en plus des sphères intellectuelle et émotionnelle, atteint encore la volition. D'après Arnaud, chez les individus affectés d'une forme quelconque d'idées obsédantes, on peut toujours constater un affaiblissement de la volonté d'arrêt, celte aboulie précédant l'apparition des états d'obsession. La conscience de l'affaiblissement de la volonté inquiète les malades qui vivent dans l'attente angoissante de nouveaux tourments, ce qui explique l'état particulier de leur émotivîté. Concentrant leurs efforts pour lutter contre l'idée obsédante qui envahit leur conscience, ils en arrivent au plus profond désespoir. Pour ce qui est de la signification de cette idée, elle apparaît comme une formule définitive, individuellement colorée, d'un processus mental.
Je passerai maintenant à la description de faits que j'ai observés et, en terminant, j'essaierai d'esquisser la pathogénie individuelle de' chacun d'eux. Je commencerai par un cas où l'érythrophobie s'accompagnait de phobies d'un autre genre.
I. —P. L..,âgé de dix-sept ans,séminariste, estissu d'une mèrehys- " térique et d'un père alcoolique. On relève, parmi ses panents, du côté paternel, une mortalité précoce qui a fait que d'une famille originairement nombreuse, il ne reste plus aucun membre vivant. Dans son enfance, le malade a eu la rougeole et la diphtérie. A l'âge de dix ans, il s'adonna, pendant quelque temps, à la masturbation. Au séminaire, il souffrit de maux de tête, d'accès de vertige, d'insomnie, et il devint timoré. Les accès vertigineux se produisaient brusquement pendant la marche et la station debout, ainsi qu'à l'église, en même temps que survenait l'idée de la possibilité d'une chute. Puis le malade fut pris d'agoraphobie. Ces troubles s'accentuèrent surtout l'an passé. Depuis lors, le malade est devenu érythrophobe ; il craint de regarder quiconque dans les yeux.
En présence d'autres personnes, il éprouve une forte émotion accompagnée d'angoisse, d'oppression, de palpitations cardiaques, de transpiration et d'une sensation pénible dans les yeux, comme après une lecture prolongée ; les paupières s'abaissent et paraissent trembler. Actuellement, ces troubles se produisent non seulement quand on regarde lé malade, mais même s'il lui semble seulement qu'on le regarde. Cet état est instable : ◀tantôt▶ il s'améliore, ◀tantôt au contraire, il empire. Les exacerbations paraissent se produire à la suite de pollutions. En hiver, il y a amélioration ; il y a également détente lorsque le malade se trouve dans l'obscurité. Le malade est de haute taille ; il est pâle ; le pannicule adipeux est modérément développé ; les fentes pal-pébrales sont larges ; on note du tremblement des doigts ; les bruits du cœur sont normaux ; le pouls est à 120 ; le corps thyroïde est quelque peu augmenté de volume.
Ce qui est caractéristique dans ce cas, c'est le lien qui unit les phobies aux troubles somatiques. Ainsi les vertiges sont en rapport avec l'agoraphobie et I'érythrophobie est liée aux troubles vaso-moteurs.
Comme traitement, j'ai eu recours à la galvanisation du sympathique et à la suggestion hypnotique. Le malade était sensible à l'hypnotisme, et il éprouvait, après la séance, une amélioration temporaire. Cependant, il ne venait à ma consultation qu'irrégulièrement, ce qu'il expliquaitpar son manque de décision et son peu de foi en la guérison. Aussi nepuis-je rien dire de son état actuel.
IL —Le 23 mai vint me consulterunemployéde banque, âgé de trente-deux ans. Son père est mort d'une apoplexie cérébrale, sa mère est nerveuse. Dans son enfance, jusqu'à l'âge de treize ans, le malade fut opéré, à plusieurs reprises, sous le chloroforme, pour des lésions osseuses qu'il dit avoir été d'origine traumatique. Quelques années auparavant, il eut une affection pulmonaire aiguë dont la résolution ne parait pas avoir été franche. Depuis cette époque, il continue à souffrir de palpitations et de dyspnée. A la moindre émotion, il est pris de tremblement ; au moment de s'endormir, il éprouve une secousse, ce qui, parfois lui fait
passer des nuits blanches. Il rougit souvent. Au sujet de ce dernier trouble, ce malade s'exprime de la façon suivante : « Dès qu'on me regarde, je rougis ; ces rougeurs sont particulièrement intenses et fréquentes en présence de gens qui connaissent mon infirmité, c'est-à-dire de mes parents. Je suis timide, je me trouble sans raison. Toute visite au médecin provoque de fortes palpitations cardiaques qui cessent dès que le médecin commence à m'examiner. Pareille émotion se produit, sans raison, dans nombre de cas analogues, bien que je sache et que le bon sens me dise qu'il n'y a aucune raison de s'émotionner. » — Examen clinique : Le malade est de taille moyenne, de bonne constitution ; sa peau est fine ; la face s'empourpre fréquemment ; le thorax est réguliè-rement conformé ; sa moitié gauche, légèrement aplatie, respire plus faiblement que la moitié droite. La percussion dénote delà submatitédu côté gauche., en arrière et en bas ; le murmure respiratoire est affaibli ; dans les fosses sous-claviculaires, l'expiration est prolongée, le pouls est à 90, les réflexes cutanés sont augmentés d'intensité.
Ces signes suffisent amplement pour établir le diagnostic d'une pneu- ; monie chronique, d'origine vraisemblablement tuberculeuse et compliquée de pleurésie gauche ; en plus, il y a hyperexcitabilité du système vasculaire, liée, suivant toute apparence, à un état d'obsession, comme dins l'observation précédente. Je conseille le séjour à la campagne, pendant l'été, et je prescris des calmants du système nerveux.
Le malade ne se montra plus à ma consultation.
On voit que les deux sujets dont j'ai esquissé l'histoire morbide sont entachés d'hérédité pathologique. Un second point à considérer, c'est qu'ils accusent des troubles de la circulation lesquels, chez l'un d'eux, se rattachent à une forme fruste de maladie de Basedow. Cette dernière circonstance peut être évidemment envisagée en rapport avec d'autres faits analogues, illustrant le lien qui existe, chez les sujets souffrant -d'une forme quelconque de phobie obsédante, entre ce symptôme ner-' veux et les troubles somatiques.
C'est ainsi que le professeur Bekhterev, a eu, maintes fois, l'occasion de constater que les sujets présentant des crises intestinales ou vésicales, de nature obsédante, sont en même temps atteints d'une affection chronique de l'intestin ou de l'urètre. Je connais d'autres exemples, fort nombreux, de l'influence exercée par des lésions organiques sur la vie mentale, notamment en ce qui concerne la production d'impulsions, d'idées et de phobies obsédantes. Dans son travail « Les sensations externes et internes ; leur influence sur le caractère de l'activité », Dril traite cette question en déUîl, et il cite des cas d'impulsions au suicide ou à l'homicide, ainsi que d'anomalies du sentiment religieux, liées apparemment à des affections génitales, cas dans'lesquels les troubles mentaux disparurent sous l'influence d'un traitement visant les lésions somatiques. Chez mes deux malades, la phobie obsédante a pu germer aux dépens des sensations internes, qui, dans certaines conditions, s'associaient à l'émotion ressentie une fois en présence d'autres person-
nés. Mais le malade, oubliant cette origine de sa phobie, pouvait la considérer comme venant on ne sait d'où. Tenant compte d'une telle psychogénie, le traitement devra avoir pour objectif principal, d'une part, d'amender l'intensité des sensations ressenties et, d'autre part, de suggérer qu'il est possible de réprimer l'émotion. Quel pourrait être le succès de cette façon de procéder, c'est ce que les observations ultérieures sont appelées à montrer. II est vrai que les auteurs qui se sont occupés de l'érylhrophobie, Bekhterev, Pitres et Régis, ont pu se convaincre qu'elle cède difficilement au traitement. Cependant, là où le trouble est lié à l'hystérie, il est impossible d'obtenir un résultat favorable, comme en fait foi le cas suivant qu'il m'a été donné d'observer :
III. — Z., âgée de vingt-et un ans, est élève de l'Ecole des aides-médecins ; aucune hérédité morbide ; diphtérie dans l'enfance ; à neuf ans, elle fut atteinte de chorée de Sydenham qui persista tout un hiver ; à quatorze ans, elle s'est livrée à la masturbation, mais d'une façon passagère, dit-elle ; depuis trois ans elle souffre de céphalalgies et d'oppression alors qu'elle est émotionnée ; elle est devenue érythrophobe, il -y a un an de cela, après avoir lu la description de cette anomalie dans le Manuel de pathologie générale du professeur Podvyssotzky d'après lequel ce trouble serait lié à l'onanisme. Venue, le 2G septembre, à ma consultation, elle est si émotionnée qu'elle ne peut parler qu'au bout d'un certain laps de temps. Sa face est empourprée, angoissée et sa respiration accélérée. Elle dit que, dès le début de son affection, elle se sentait mélancolique, ne pouvait voir les personnes de sa connaissance, ni suivre les cours, croyant qu'on allait se mettre à parler de son affection et qu'elle ne pourrait dissimuler son émotion. Elle ne sait plus où elle va ; si elle ne guérit pas, il ne lui restera, dit-elle, que le suicide.
A l'examen clinique, la malade apparaît de constitution normale, sans signes d'aucune affection viscérale ; le pouls est à 80 ; il existe un léger tremblement des doigts ; les réflexes tendineux sont vifs ; le réflexe pharyngien est aboli ; la sensibilité à la douleur est légèrement diminuée dans la moitié gauche du tronc ; on réussit à provoquer le transfert de cette hypoalgésie.
Je propose à la malade un traitement par la suggestion ; elle consent à s'y soumettre.
Le 29 septembre, après la première séance, la malade se sent mieux ; elle peut étudier et se promener ; elle admet déjà que son état," si pénible, ne tardera pas à se dissiper. A la suite de chaque nouvelle séance, l'amélioration s'accentue. La joie de vivre, le désir de réaliser ses aspirations sont revenus. La malade a récupéré son aptitude au travail intellectuel ; elle peut suivre les cours, sans éprouver d'émotion particulière à la rencontre des personnes de *>a connaissance.
Le 21 octobre, après la dixième séance, la malade vient me dire que son état physique est maintenaut tout à fait normal ; elle se sent bien. Un point toutefois l'inquiète, celui de savoir si l'hypnotisme ne va pas
affaiblir sa volonté. Après avoir entendu mea explications à ce sujet, elle est tranquillisée. Je l'ai rencontrée récemment : elle m'a dit que ses troubles avait disparu définitivement(1).
De l'influence des états psychiques sur les changements de couleur des cheveux et de la peau, et sur la guérison de la « lèpre biblique » (zaraath).
par M. P. Podupolsky (de Saratoff).
A la mémoire du Professeur G. P. Mûnch.
L'influence des états psychiques sur le corps est un fait des plus curieux dans le domaine des suggestions. Il est très probable que tous \os cas de ce genre doivent être expliqués pa* une influence sur les fonctions de l'organisme. Je désire, dans la présente communication, étudier l'action des états d'âme sur le pigment.
D'une part, nous connaissons des cas où la couleur des cheveux reste intacte jusqu'à la vieillesse extrême. Ainsi, le professeur Metchnikoff signale un cas de conservation partielle de la coloration des cheveux chez un centenaire. D'autre part, la décoloration précipitée des cheveux a été maintes fois observée chez déjeunes sujets sous l'influence d'une frayeur subite, d'un, chagrin, d'une grave maladie, etc. Donatus est peut-être le premier qui parle du blanchiment brusque des cheveux (1588). Parry, chirurgien en chef aux Indes, observa un cas remar_ quable. Un cipaye révolté etarrèté en 1858 par les Anglais fut condamné à mort. Pendant l'interrogatoire, ses cheveux commencèrent à blanchir et il devint chauve en une demi-heure, sous les yeux de tous les assistants. A l'âge de quarante ans, Brown-Séquard observa que les poils .de sa barbe blanchirent en moins d'une nuit. L'auteur ne rattache ce fait à aucune émotion. Pouchet, Lange, Charcot, Leloir, Vidal et d'autres auteurs signaient beaucoup de cas de ce genre.
Landois observa un cas de décoloration d'une chevelure blonde en une nuit, pendant un accès de délire alcoolique accompagné d'hallucinations terrifiantes. Landois attribue ce phénomène à la pénétration d'un nombre considérable de bulles d'air dans le centre et, par places, dans la couche périphérique des cheveux. Ces bulles d'air, en réfléchissant la lumière, donnaient aux cheveux une coloration argentée.
(1) Bibliographie :
Boucher : De l'érythémophobie. (Comptes-rendus du XIIe Congrès international, le médecine. 1897). Pitres et Régis : L'obsession de la rougeur ou érythrophobie. ;Arch. de Neurol janvier 1897 et mars 1903}. V. Bekhterev : Le rougissement de la face comme force morbide particulière. Obzor psychiatr. 1896 N° 12 L'érythxo-phobie. (Obzor psychiatr. 1897 N° 1 et 8). N.M. Popov : Un cas d'érythrophobie. (Obzor psychiatr. 1897 N° 11). Arnaud : Sur la théorie de l'obsession. (Arch. de Neurol., avril i902). D. Dril : Les sensations externes et internes ; leur influence sur le caractère de l'activité. (Vièstnilc psychopatol., 1907, fasc. 2). V. Bekhterey : Les crises intestinales et vésicales obsédantes et leur traitement par la suggestion. (Obzor psychiatr. 1907 N° 1).
Nous connaissons un cas remarquable. Une dame fut arrêtée inopinément. Elle était au désespoir et passa toute la nuit assise, appuyant sa téte contre une de ses mains. Le matin, la partie chevelue de la téte qui reposait sur la main était complètement blanche. Le même matin il fut reconnu que son arrestation résultait d'une erreur. Elle fut libérée, et la partie de la chevelure blanchie reprit peu à peu sa couleur naturelle.
Hack-Tuke mentionne des cas de perte et de reconstitution alternative de la pigmentation des cheveux qui. d'après ses observations, coïncidaient avec des états psychiques, maladifs ou sains.
Le Dr Foustanos a décrit un cas de reconstitution du pigment foncé des cheveux — des moustaches d'abord, de la barbe, des cheveux ensuite — chez un homme de 90 ans qui blanchit très tôt. Monolakis cite le cas d'un prêtre dont les cheveux blancs sont tous tombés six mois après une grave maladie et repoussèrent complètement noirs.
Ces exemples, pris au hasard, indiquent l'existence d'une relation étroite entre les états psychiques et la perte ou la reconstitution de la pigmentation des cheveux que nous avons en vue dans la présente notice (*).
En parlant du blanchiment des cheveux il est tout naturel de se rappeler qu'il existe un genre de o blanchiment de la peau ». Nous avons en vue le o .vitiligo » maladie très connue et bien inoffensive, qui se manifeste sur le corps par des taches blanches ou plaques de peau non pigmentées. Ces taches augmentent de volume et de nombre ; elles se voient surtout très distinctement sur la peau brune des orientaux. Le a vitiligo » attaque également la peau faiblement pigmentée de l'Européen, mais l'affection est moins apparente sur ce fond blanc. Il peut amener une bigarrure marbrée du corps entier et aboutir au blanchiment, de la tête aux pieds. Comme la perte du pigment d'un segment de peau entraine aussi une dépigmentation du cheveu nourri par ce segment, il est clair que le « vitiligo » affectant la peau affecte aussi les annexes de cette dernière — les cheveux.
Le Dr Fédérolf a décrit un cas très instructif. Un jeune paysan du. gouvernement de Khersan conduisait un chariot de blé au moulin. Ayant laissé tomber son fouet, qui glissa sous le chariot, le paysan arrêta son cheval et introduisit son bras entre les rayons de la roue pour atteindre le fouet. Le cheval tira avant que le paysan eut le temps de sortir son bras de la roue. II fut effrayé au point de perdre connaissance. A l'hôpital, on constata unefracture du bras. Ses cheveux blanchirent et sa peau se couvrit de taches blanches, qui grandirent, devinrent con-
(1) Nous laissons de côté la calvitie, la sécheresse des cheveux et leur cassure qui ont souvent pour cause des étals psycho-nerveux. Ainsi, le professeur Nicolsky, de Varsovie, décrivit en 1900, sous le nom de Trichorrhexis areola, un phénomène très intéressant : sous l'influence de causes nerveuses les cheveux furent comme coupés autour de la lête, mais ils sont restés intacts aux racines. Cf. aussi Du-breuilh ; Troubles Trophiques des cheveux. (Ann. de Derm. et Syph. 190 ?, N* h).
fluentes et à la fin, tout son corps fut bigarré, (Vratch. 18113, ? 50). Ce cas est intéressant comme exemple d'un « blanchiment de la peau » presque instantané par suite d'une vive émotion, pareil au blanchiment des cheveux dans les mêmes conditions, et d'autant plus intéressant que les deux phénomènes se sont présentés ici simultanément. Un naturaliste, M. Smyrnoff, connaissait personnellement un étudiant qui avait des taches blanches sur la face dorsale des mains. Elles étaient apparues à la suite d'un très grave accident de voiture qui aurait pu lui coûter la vie.
Citons encore un cas du Dr G. Lomer. Dans sa jeunesse, un homme tomba d'une hauteur de dix mètres et fut blessé au front, près du cuir chevelu. Quand la plaie se cicatrisa, les cheveux qui la recouvraient blanchirent. Ce qu'il y avait d'exceptionnel dans ce cas, c'est que ce stigmate acquis devint héréditaire dans deux générations. Des cinq enfants vivants de cet homme, trois ont des mèches de cheveux blancs à la même place que chez le père. Des neuf enfants de sa fille aînée, les cinq premiers ont des troubles trophiques de pigmentation. Le premier, le second, le quatrième et le cinquième ont des mèches blanches à la même place que le grand-père et des taches blanches sur le corps, ils sont en plus sourds-muets ; le troisième enfant n'est que légèrement sourd, n'a pas de mèche blanche, mais présente des taches blanches sur les jambes (').
L'exemple le plus typique que je connaisse est toutefois « le cas de vitiligo, d'origine nerveuse, » du D' Kisséleff (Vratch, 1884, ? 23). M. V. rencontra dans un compartiment de chemin de fer, un homme dont les mains attirèrent son attention ; elles étaient couvertes de taches blanches et, en les voyant, M. V. éprouva de suite une répulsion, à laquelle vint bientôt s'ajouter la crainte de contracter la même maladie. Cette crainte ne le quitta pas tout le long de son voyage, malgré le départ de l'homme malade qui descendit bientôt de voiture. Involontairement, M. V. continuait à voir, avec une exactitude photographique, les taches qui avaient frappé son imagination. Il arriva chez lui le soir du même jour, raconta aux siens sa rencontre et mentionna aussi sa peur d'avoir le môme mal. Il passa une nuit très agitée et ne rêva que des taches blanches sur les mains du voyageur inconnu. Le matin, à son grand effroi, M. V. remarqua que ses mains étaient couvertes de taches blanches absolument identiques à celles qu'il avait vues la veille. Depuis ce jour et pendant deux ans, elles sont stables et ne se changent en rien. L'hiver, elles sont moins visibles à cause de la blancheur de la peau ; en été, elles sont plus apparentes sur la peau hâlée par le soleil.
Pour les hypnologues, ces cas, qui montrent un rapport intime entre les émotions et la perte du pigment des cheveux et de la peau ont une valeur particulière : l'idée d'appliquer la suggestion dans les cas du
(1) Ein Beitrag zur Lehre von der Vererbung enooroener Eigenschaflcn. (Neu-rologische Centralb. 1905, N" 6).
« vitiligo » surgît tout naturellement. Mais il n'est pas facile de trouver un sujet pour réaliser cette expérience, parce que, chez les hommes à peau blanche, cette maladie est peu apparente, est considérée comme très anodine en elle-même, et n'ennuie guère celui qui en est atteint.
L'occasion d'appliquer la suggestion dans un cas de « vîtilîgo » m'a été offerte par mon ami M. Smirnoff, connu pour se3 voyages en Orient et ses travaux scientifiques. D'un de ses voyages au Turkestan, il ramena de Russie un t&djik affecté d'une bigarrure de la peau qui porte en Turkestan le nom de pièss et qui n'est autre chose que le a vitiligo ». Cet homme suivit M. Smirnoff, car il ne voulait pas rester dans sa patrie où il était menacé d'exil pour cause de maladie considérée par les indigènes comme c déshonorante » et ¦ impure ». Les malades de ce genre sont méprisés et inspirent une terreur superstitieuse môme plus que les lépreux ; ils sont envoyés dans les colonies de lépreux, lesquels, de leur côté, éprouvent pour les « vitîligineux » une grande répulsion, a Pièss » est un mot d'injure dans le langage courant ; un cheval à taches blanches porte le nom « pièss-at » et sa chair est considérée, comme impropre à la nourriture d'un musulman ; les prières spéciales réservées aux morts sont refusées à un homme qui meurt en tombant d'un tel cheval (*).
Le malade, Mourade, sujet de Boukhara, musulman, âgé de 45 ans, était atteint d'un vitiligo très fortement développé sur tout le corps. Je l'ai photographié le 23 août 1903. J'avais en vue d'agir par la suggestion sur le bras gauche, où les taches étaient plus récentes et j'ai photo-. graphie ce bras à part en y appliquant tout le long un mètre dont les divisions reproduites en petit sur la photographie devaient me servir d'indications dans les mensurations ultérieures des taches.
D'après les dires de Mourade, l'origine du mal peut très vraisemblablement se rattacher à la crainte superstitieuse de ce poltron en présence des « vitiligineux La première tache apparut, paraît-il, au front, près des cheveux, alors que le malade était encore jeune, La maladie progressait lentement et put rester très longtemps cachée à tout l'entourage excepté au père du malade. Personne dans la famille, sauf un oncle du malade, n'était atteint de vitiligo.
La poltronnerie peu ordinaire de Mourade l'empêcha de s'endormir assez profondément aux séances d'hypnolisation. Il avait peur de mourir ou de ne pas se réveiller, venait aux séances avec déplaisir et les -
(1) D'après M. Boukéikbanov de Omsk, on connaitdans la steppe des Kirguises une maladie de peau du même genre. Elle n'amène pas un isolement aussi complet ; elle porte le nom de ala-pièss et se traduit par les mêmes taches blanches sur la peau brune de Kirguises. M. Boukéïkhanov m'écrit qu'un jour le maître de la maison où il a été invité, refusa de se mettre a table avec ses bûtes. Cela a paru blessant, mais on a su ensuite que le chef de famille avait peur d'être désagréable aux invités, parce que sa figure était couverte des taches de alû>piès$. Il a contracté la maladie il y a plusieurs années déjà. Au début 11 inspirait une crainte à ses proches, mais on s'y est habitué peu à peu. Toutefois, il s'isole de ses petits enfants, ne les embrasse jamais et ne leur permet pas de dormir dans son lit, comme c'est l'usage chez les Kirguises.
manquait souvent. Il ne pouvait être question de chercher à obtenir l'amnésie au réveil. J'ai pu faire deux ou trois suggestions sur la disparition d'une tache spécialement désignée.
Il me paraissait admissible que dans tons les cas de blanchiment de la peau et des cheveux, où les cellules productrices du pigment ne sont pas encore mortes, ou n'ont pas encore subi de modifications organiques profondes et ne présentent, pour ainsi dire, que des troubles fonctionnels, on peut espérer obtenir le rétablissement de leurs fonctions. C'est pour cette raison que j'ai choisi une tache ronde, récente, d'environ 12 millimètres de diamètre. C'était cette tache que visaient mes suggestions. Malheureusement, j'ai dû renoncer aux expériences après la quatrième séance. Toutefois, ayant revu Mourade en février 1906, j'ai pu constater, grâce à mes notes soigneusement prises et à mes photographies, qu'un chapelet de petites taches au nombre de huit, qui se trouvait tout près de la tache choisie pour l'expérience, avait disparu sans laisser de traces. La grosse tache que j'avais en vue persista sans le moindre changement.
Depuis, je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer un autre cas de « viii-ligo. * Il me semble pourtant que la question mérite une attention spéciale et une vérification expérimentale répétée, pour que l'on sache si la restitution complète du pigment est passible de la suggestion dans les cas de « vitiligo » et les cas de blanchiment des cheveux surtout de provenance émotionnelle. {A suivre).
COURS ET CONFÉRENCES
Spasme de l'œsophage (') par M. le Professeur Raymond.
Voici un malade de 33 ans, ayant présenté des accidents nerveux, survenus dans certaines conditions très particulières. D'apparence saine et vigoureuse, cet homme émotif, très impressionnable, vit un jour un chien, auquel il portait beaucoup d'affection, s'étrangler en avalant un os. Très impressionné par les difficultés qu'il éprouva à arracher cet os, et par les souffrances de l'animal, il lui fut impossible de reprendre son repas momentanément interrompu par l'incident que nous venons de signaler ; une grande peur d'être étranglé par les aliments s'était emparée de cet homme. Depuis cette époque — il y aura bientôt cinq ans — notre malade n'a jamais pu se nourrir autrement qu'avec des aliments liquides ; la simple idée qu'il faut avaler quelque chose, provoque chez lui un spasme violent de l'œsophage, et d'autant plus marqué qu'il se trouve en présence d'étrangers. Quand il est seul
(t) Présentation de malade à la clinique des maladies du système nerveux de la Salpétrière.
ou en présence d'amis, il peut parfois diminuer ce spasme et déglutir plus facilement. .
Cet homme a une santé excellente, etneparaitavoir aucun organe malade. Cependant un examen laryngoscopique doit être fait, pour qu'on s'assure qu'aucune lésion latente n'est la cause déterminante d'un spasme organique.
Ce n'est assurément pas le cas ici, puisqu'une sonde œsophagienne pénètre très facilement. Nous sommes donc en présence d'un spasme fonctionnel, pour lequel le mot hystérique serait peut-être excessif, car, à part le phénomène qui nous occupe, il n'est pas possible de déceler chez cet homme, aucun autre phénomène qui puisse être mis sur le compte de l'hystérie.
Il s'agit donc d'une névrose de l'œsophage et nous savons que les névroses, sans mettre la vie en danger et sans qu'il y ait de lésions, peuvent durer pendant des mois où même des années, sans qu'il se produise la moindre modification.
Chez les malades présentant des affections de ce genre, il faut toujours se méfier des erreurs graves qui sont très faciles à commettre. Je me rappelle le cas d'un malade qui présentait un spasme œsophagien et qui était venu réclamer mes soins. Je le fis préalablement examiner, avant de commencer le traitement, par un laryngologiste, en raison de quelques troubles laryngés sans importance ; on découvrit un épithélioma du larynx, dont il n'était pas possible de soupçonner l'existence.
On conçoit donc l'importance et l'attention qu'il faut attacher à cet examen, alors même que tout nous conduit à croire que nous sommes en présence d'un simple spasme fonctionnel.
La psychothérapie parviendra àdélivrer rapidement notre malade d'une affection qui lui rend si pénibles les conditions de l'existence.
Psychologie du combattant sur le champ de bataille. La volonté de vaincre. ('( par M. le capitaine Villetard de Lagdérïe
« Chaque individu, à quelque peuple qu'il appartienne, se fait, en imagination, un tableau toujours inexact et illogique, de ce que peut-être un champ de bataille, à moins d'être un soldat de carrière et d'en avoir vécu les heures mortelles, déprimantes ou enthousiastes. Il est donc nécessaire de poser d'abord la question de la psychologie du combattant sur son vrai terrain, avant d'envisager le lieu même où cette psychologie développera ses faces multiples, ses à-coups, ses surprises, ou son entraînement, qui la mènera à son apogée de force effective : la Volonté de vaincre.
« La psychologie du soldat, avant toute lutte, sous toutes les latitudes
(I) Conférence faite le 2 mars 1908 à l'Ecole de psychologie.
et dans tous les pays, doit faire le sujet d'une étude de temps de paix avant de se manifester sous le feu.
« Gomment préparer un soldat, maître de ses nerfs, alerte, résolu, imbu de l'idée maîtresse du sacrifice volontaire pour la communauté, et pour la grandeur de la Patrie ?
« Voilà le premier problème.
« La raison, la philosophie, les nécessités sociales, le but à atteindre, et partant les moyens à employer pour y parvenir, solutionnent automatiquement ce problème.
« Il ne suffit pas, pour l'éducation dite moderne, d'être préparé à faire ; un bon citoyen pour être assuré de devenir un soldat même passable.
« Le citoyen travaille non pas seulement en vue delà communauté, de la société, il travaille,avant tout, pour son intérêt personnel,pour réaliser un gain journalier, mensuel, et tangible en argent, en profit divers.
« Le soldat doit, au contraire, s'interdire toute pensée de lucre, de gain personnel, — il n'a qu'un but : se sacrifier, ot par là, faire du vrai socialisme pratique, dans l'amer devoir, obscurément, librement consenti.
a Le citoyen apprend à vivre le plus, le mieux, le plus longtemps, le plus utilement possible.
« Le soldat doit apprendre, lui, surtout à mourir, — à être prêt au bon marché de sa vie, pour servir de couverture au bon citoyen et lui permettre travailler en paix.
« Comment préparer le soldat, faire d'avance sa psychologie, — armer son cœur, — son cerveau, — pour les sacrifices suprêmes toujours possibles, malgré l'énervant leit raotiv de La Paix et du Bien-Etre à outrance, dont on berce les esprits de nos jours.
« En apprenant à l'enfant, chez l'instituteur, au jeune homme, dans les collèges, lycées, universités, que le Bien-Etre est un acheminement sur vers la mollesse, l'impuissance, la veulerie ; que savoir souffrir gaiement les misères de la caserne et du service militaire, est un glorieux, utile et sage apprentissage de la vie, que cela seul trempe un homme ; que, le lendemain d'une déclaration de guerre, la nourriture, lo coucher, l'effort, seront l'inverse radicalement de la vie coutumièrc ; qu'en conséquence, il faut y avoir été préparé pour être capable de les supporter ou de les fournir.
« L'histoire prouve que cela ne s'improvise pas, que jamais cela ne s'est improvisé. Donc, pour produire sur le champ de bataille, la volonté de vaincre, il est de toute nécessité logique d'avoir entraîné d'avance, dès le bas-âge, la volonté du citoyen, pour lui permettre de supporter les douleurs nécessaires, de consentir les sacrifices que tout individu, dans tous les pays, se vante de savoir faire pour la grandeur de sa Patrie. La France, première de toutes, pour continuer sa mission civilisatrice de plus de quinze siècles, a besoin d'être disciplinée fortement, militairement, afin que ses rivaux sachent qu'elle est capable d'appuyer son Droit par la Force ».
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La pathologie nerveuse chez les anciens Hébreux,
Par M. L. Delmas (suite et fini.
Les Prophètes, leur état mental . — D'après le Df Wulfîng-Luer, on les distingue dans la Bible, sous des noms différents. Avant Samuel, on les appelle roès, c'est-à-dire voyants ; puis khozehs, c'est-à-dire visionnaires, ou nabis, c'est-à-dire proclamateurs. Ce dernier terme est d'ailleurs le sens exact du mot grec prophètes ; d'où l'on tire le mot français prophète.
Pour les Juifs eux-mêmes, les prophètes étaient donc des voyants, des visionnaires, des proclamateurs, c'est-à-dire des /ous. D'ailleurs, le même mot hébreu servait à désigner indifféremment le fou et le prophète.
De plus on désignait encore le nabi sous le nom d'« homme de l'esprit » ; ce qui veut dire qu'il est dirigé, animé, instruit par l'esprit divin ; c'est dans sa bouche que Dieu met ses paroles. Il en résulte que la folie n'était pas considérée, chez les Hébreux, comme une maladie, mais comme l'état de l'homme possédé par une divinité.
Souvent les prophètes parlaient en s'accompagnant de musique soit vocale, soit instrumentale. Puis, pour captiver l'attention de la foule et laisser une impression durable sur les esprits, ils représentaient volontiers ce qu'ilsavaientà dire par des actes symboliques ; ilslaissaient croître leurs cheveux, s'affublaient de costumes bizarres, jetaientsur leurs épaules une peau d'ours ou de lion qui leur servait en même temps de couche ; ils faisaient des gestes désordonnés, et donnaient, en un mot, l'illusion de la folie.
De plus, les prophètes juifs étaienttrès souvent apparentés à des dégénérés. Moïse, que l'on peut considérer avec juste raison comme le premier des prophètes, avait un frère, Aaron, et une sœur, Myriam, qui présentaient, tous les deux, des signes manifestes de dégénérescence mentale ; Myriam était une musicienne exaltée et elle était atteinte d'une affection cutanée très certainement d'origine névropathique.
Le prophète Samuel, dont la mère était hystérique, donna le jour à deux fils qui furent des prévaricateurs. Enfin, d'autres prophètes eurent des fils qui, comme leurs pères, étaient pris, au son de la musique, de véritables accès de délire.
Mais il est un point fort intéressant à étudier, c'est l'état mental de ces prophètes.
Une des conditions sine qua non pour être prophète, était d'être crédule, enclin au merveilleux et d'avoir subi des suggestions religieuses.
Les idées religieuses des prophètes Juifs n'avaient rien d'original ; elles étaient presque toujours identiques ; car ils se les transmettaient sans modifications, telles qu'ils les avaient reçues.
Les prophètes jouissaient parfois d'une santé physique robuste, le
plus souvent, ils étaient débiles, ce qui ne veut pas dire qu'ils étaient idiots ou imbéciles ; car certains, comme la prophètesse Débora, firent preuve d'une grande intelligence. Mais, par suite de la conformation spéciale de leur cerveau dont le développement était incomplet, ils n'agissaient que par des mouvements impulsifs qui pouvaient les entraîner à des actes homicides ou réprouvés par la morale.
En outre, ils avaient souvent des rêves intenses, des hallucinations auditives ou visuelles et surtout verbales. Parfois, sous l'influence d'une vive émotion, il s'établissait de véritables colloques entre eux etle dieu dont ils se considéraient comme les envoyés, les interprètes. Mais chez eux, dominaient surtout l'égoisme et l'orgueil.
L'égoisme se trouve développé à un point tel qu'ils ne peuvent supporter que l'on s'adresse à d'autres qu'à eux. Il suffit pour le prouver de citer la manière dont s'expriment les livres saints au sujet de la mort du roi Àssa. Celui-ci, atteint de la goutte, s'était adressé aux médecins ordinaires et non aux prophètes ; aussi, après avoir langui pendant deux années, il mourut. (2 Chr., VI).
L'orgueil est la conséquence de leurs hallucinations et du délire de manie religieuse qui résulte de leur égoïsme. Il semble, en effet, difficile d'admettre qu'il en soit autrement, lorsqu'on se considère comme le confident, l'interprète et l'envoyé de la divinité : d'où cette attitude autoritaire que l'on trouve chez les prophètes.
Comme beaucoup de dégénérés, les prophètes juifs sont des individus tristes et malveillants. Très facilement irritables, ils font presque toujours des prophéties de malheur. Ils haïssent les profanes ; et souvent ils ne se contentent pas de faire dés reproches ; ils se laissent entraîner à de violentes colères, au cours desquelles ils menacent tous ceux qu'ils considèrent comme infidèles à la divinité ; et même ils n'hésitent pas à frapper de leur propre main.
En outre, non contents de détester les profanes qui ne se soumettent pas à leurs exigences et à leurs caprices, les prophètes se haïssent entre eux et s'adressent également les pires menaces.
Enfin, doués d'un pouvoir suggestif si intense qu'ils sont eux-mêmes convaincus de la réalité de ce qu'ils avancent, les prophètes juifs savent inspirer une confiance telle que les malades viennent en foule les consulter ; leurs suggestions font disparaître les symptômes hystériques et leur prestige s'en trouve considérablement accru.
De l'étude qui précède, nous pouvons conclure que la pathologie nerveuse des anciens Hébreux n'existe pour ainsi dire pas. Elle semble comprendre surtout des lésions fonctionnelles du système nerveux : les névroses sont fréquentes ainsi que les troubles mentaux qui se compliquent de phénomènes hallucinatoires conduisant ces peuples essentiellement croyants jusqu'au mysticisme. D'ailleurs, cet état mental était religieusement entretenu par les prophètes dont la puissance forçait l'admiration des foules. Eux-mêmes mentalement dégénérés, ils nous apparaissent comme des extatiques, des illuminés, des mystiques que
le surnaturel hantait et dont les prophéties variaient suivant la disposition du moment, le tempérament, l'instruction, l'opinion de l'individu ; en un mot, c'étaient des aliénés ainsi que l'admettent nos psycho-patho-logistes modernes qui s'accordent à considérer le mysticisme comme aboutissant fatalement à un état mental particulier qui relève de la psychiatrie. Ces conclusions furent déjà portées par Spinoza en 1678 et elles ont été adoptées, de nos jours, par M. Binet-Sanglé dont les travaux, sur ce sujet, font autorité.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie-La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura
lieu le mardi 19 mal, à 4 heures et demie, sous la présidence de
M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière. Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque
mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à
y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.
Communications deja inscrites : i)r Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité (suite). Dr Bahaddin Chakir Bey, de Constantinople : l'organisation de l'expertise médico-légale en Turquie. M. Scié Ton Fa, docteur en droit : La responsabilité dans le droit chinois.
Dr Bérillon : Idées fixes affectives en relation avec l'hémianesthésie hystérique. ¦ /
Avis important- — La séance annuelle de la société aura lieu le
mardi 16 juin et sera suivie d'un banquet.
L'onanisme et les yeux cernés
C'est une opinion courante que l'une des conséquences de l'onanisme chez les enfants est de leur donner des « yeux cernés ». La constatation des yeux cernés a pour effet de provoquer chez les parents une indignation mal contenue, dont les enfants sont souvent les innocentes victimes.
Au Dispensaire pédagogique de la rue Saint-André-des-Arts, on m'amène fréquemment des enfants accusés de se livrer à l'onanisme. L'accusation est basée sur ce fait qu'on les voit pâlir soudainement et que leurs yeux sont cernés. Or, dans un assez grand nombre de cas, ce n'est pas l'onanisme qu'il faut incriminer, mais bien le petit mal épi-leptique, se traduisant par des accès légers, des absences, des vertiges. L'opinion des parents est tellement enracinée, que la démonstration de l'existence de troubles nerveux graves ne parvient pas à les convaincre, Ils veulent à tout prix que leurs enfants se livrent à l'onanisme
Il arrive, d'ailleurs, fréquemment que l'enfant avoue s'être livré à l'onanisme alors que cela n'a pas eu lieu. Ce n'est que par cet aveu qu'il obtient un peu de tranquillité. Tant qu'il n'a pas avoué, on ne cesse de le tarabuster.
Dans d'autres cas, l'existence des yeux cernés est liée à la présence de vers intestinaux ou d'oxyures.
. Récemment une jeune institutrice est venue medcmander de la traiter de ce mal des « yeux cernés ». Il lui suffit d'avoir eu un peu d'insomnie pour avoir les yeux fatigués. Dans la maison où elle se trouve placée, la maltresse de maison attachant trop d'importance à ce signe, lui en a fait plusieurs fois, en présence de tierces personnes, des observations déplacées. Elle insinuait qu'une jeune fille sage ne devait pas avoir oies yeux cernés ». Ces insinuations ont eu pour effet de rendre l'existence de cette jeune institutrice tout à fait insupportable. Elle déclare qu'elle est l'objet de jugements absolument téméraires et que, si ses yeux sont parfois cernés, c'est parce qu'elle n'a pas un sommeil régulier.
Dr Bérillon.
A la note ci-dessus, notre sympathique confrère le Dr E. Monin ajoute la suivante : « La croyance à de mauvaises habitudes chez les enfants ou les jeunes personnes qui ont les yeux cernés est très répandue dans le public et j'ai, plusieurs fois, été consulté à cet égard, par des pères de familles inquiets. Voici un couplet populaire qui me revient à l'esprit et que j'ai entendu chanter il y a déjà bien longtemps.
Au pays rural de Nanterre J'ai vu couronner la rosière. Et j'ai conçu plus d'un roupçon J'crois qu'c'était de la contrefaçon. A mon avis, y aura maldone A lui décerner h., couronne. Je crois, ma foi, qu'on ferait mieux D'iui décerner plutôt les yeux.
NOUVELLES
4 "
Enseignement de l'Hypnotisme et de la Psychologie.
Ecole de Psychologie, 49, Rue Saint-André-des-Arts (Semestre d'Été 1908)
Cours de Psychologie appliquée a la pédagogie. — M. le Dr Bérillon, professeur, médecin-inspecteur des Asiles d'aliénés, commencera son cours le jeudi 14 mai, à cinq heures (Salle des Conférences de l'Ecole de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts) et le continuera les jeudis suivants, à cinq heures. Sujet du cours : Les enfants et les adolescents anormaux. Applications de l'hypnotisme à la pédagogie : Jeudi 14 mai. — Le problème des enfants anormaux. — Les causes des
anomalies.
Jeudi 21 mai. — Les anomalies intellectuelles : Idiotie, arriération. Jeudi 28 mai. — Congé de l'Ascension.
Jeudi 4 juin. — Les anomalies du caractère : Tristesse, timidité, pusillanimité, colère, etc.
Jeudi 11 juin. — Les anomalies morales : Kleptomanie, mensonge, indocilité, etc.
Jeudi 18 juin. — Les anomalies instinctives : Turbulence, onanisme, onychophagie, perversité, etc.
Jeudi 25 juin. — Les anomalies physiques. — Les stigmates de la dégénérescence.
Jeudi 2 juillet. — Les paranormaux. — Les faux anormaux. — Les enfants mal élevés.
Jeudi 9 juillet. — La lutte contre la dégénérescence. — Les établissements médico-pédagogiques.
Les leçons seront complétées par des présentations de malades, par des projections, et par une excursion à l'établissement médico-pédagogique de Créteil.
Les consultations du dispensaire pédagogique et du dispensaire antialcoolique ont lieu les mardis, jeudis, samedis, de dix heures à midi, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Le cours publio, annoncé ci-dessus, sera complété par un cours de psychothérapie pratique et d'hypnologie fait par les D" Bérillon et Paul Parez. Le droit d'inscription est fixé à 50 francs. — S'inscrire à l'Ecole de Psychologie.
Cours pratique de psychothérapie et d'hypnologib. — MM. les docteurs Bérillon et Paul Farez, commenceront, le mardi 11 juin 1907, un cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie.
Ce cours sera privé ; il comportera des démonstrations pratiques et sera complet en dix leçons ; il se fera à l'Ecole de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, où les inscriptions sont reçues les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. On peut également s'inscrire par correspondance.
Le droit d'inscription est fixé à 50 francs.
Les leçons auront lieu aux dates suivantes : -
M. le Dr Bérillon, les 11, 13, 16, 18 et 20 juin, à 10 h. 1/2 du matin.
M. le D' Paul Farez, les mêmes jours, à 6 heures du soir.
Cours libbe de psychopathologie du tdbe digestif a la Faculté de Médecine de Pàbis (2° semestre de l'Année scolaire 1907-1908). — M. le Dr Paul Farez reprendra, à la Faculté de Médecine (Amphithéâtre Oru-veilhier, 15, rue de l'École de Médecine), le jeudi 30 avril, à quatre heures, son cours libre de psychopathologie du tube digestif ; il le continuera le jeudi de chaque semaine, à la même heure.
L'Administr&teur-Gèra.nt : Ed. BERILLON.
Paris, Imp. a. Quelqii6j« u, rue Gerbert, 10
EXPÉRIMENTAL ET -THÉRAPEUTIQUE
?2- Année. — ? il.
Mai 1908.
BULI^HlN
La dix-scpticme séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie. — Les aliénés en liberté. — Doit-on avertir un malade de sa fin prochaine.
La dix-septième séance annuelle de la Société d'hypnologie aura lieu le mardi 16 Juin. Plusieurs communications importantes figureront à l'ordre du jour. En particulier la question de l'homosexualité, envisagée au point de vue de l'étiologie, de la psychologie et de la thérapeutique, sera traitée par M. le Dr Witry, de Trêves. Des médecins et des sociologues éminents prendront part à cette discussion. Nous invitons tous nos collègues de la Société qui pourraient apporter d'utiles contributions à cette étude, toute d'actualité, de se faire inscrire pour la discussion et d'adresser, dès à présent, au secrétaire général, le titre de leurs communications personnelles.
Le Dr Bérillon fera sur la même question, à l'aide de projections, une présentation de documents inédits.
Le programme comprend également des ^communications sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique. En particulier. M. le Dr Paul Joire, de Lille, fera avec projections, une étude de l'expression des sentiments au moyen de l'hypnose.
Le bureau de la Société engage très vivement les membres de la Société qui résident en province et à l'étranger, à collaborer à l'éclat de celte réunion et à assister au banquet, auquel prendront part un certain nombre de notabilités scientifiques.
Depuis plusieurs années, avec un zèle auquel on ne saurait trop s'associer, M. le D' Ritti, le savant médecin de la Maison nationale de Charenton, ne cesse d'appeler l'attention sur les dangers qui résultent pour la sécurité publique, du fait de laisser un certain nombre d'aliénés en liberté.
A maintes reprises, il a démontré que si l'on avait tenu compte des manifestations de dérangement mental signalés par l'entourage, de nombreux crimes pourraient être évités La lecture des faits divers est, à cet égard, suffisamment édifiante. Elle prouve, d'une façon péremp-toire, que les auteurs des crimes passionnels étaient, le plus souvent, des alcooliques, des déséquilibrés, d^s dégénérés qui, avant de
commettre leurs attentats, s'élaient livrés aux extravagances les plus évidentes et avaient proclamé leurs intentions homicides.
Diverses campagnes de presse, absolument injustifiées, ont faussé à un tel point le sentiment public qu'on en est arrivé à négliger absolument la sécurité publique pour ne se préoccuper que de la liberté individuelle.
Les médecins eux-mêmes ont subi l'influence de ces préoccupations. C'est ainsi que, malgré des dérangements d'esprit évidents, se traduisant par des propos incohérents, de l'alcoolisme, une impulsion au vagabondage, la fameuse Jeanne Weber, inculpée du meurtre de plusieurs enfants, avait, après un examen médico-légal, été laissée en liberté. A chaque instant, des commissaires de police, avisés des excentricités et des impulsions dangereuses de tel ou tel de leurs administrés, répondent : « Nous interviendrons seulement lorsqu'il aura blessé ou tué quelqu'un ; jusque là, nous n'avons pas qualité pour intervenir. » De cette attitude résulte assez fréquemment la mort d'une personne saine d'esprit et qui n'avait rien fait pour mériter un tel sort-
C'est qu'en réalité il y a plusieurs catégories d'aliénés qui sont particulièrement dangereux. Tels sont les persécutés-persécuteurs, les alcooliques et les dégénérés atteints d'impulsions à l'homicide ou au suicide. Les chiffres des statistiques établies par M. le Dr Ritti, démontrent une incessante augmentation des crimes et délits commis par leB aliénés en liberté. II faut espérer qu'en intéressant fortement l'opinion, des crimes comme celui qui vient d'être commis sur des enfants par la dégénérée impulsive qu'est Jeanne Weber, amèneront les pouvoirs publics à se préoccuper un peu plus de la sécurité des gens inoffensifs.
Doit-on avertir un malade de sa fin prochaine ? Le Dr sir John Frayer, membre de la Société Royale de Londres et chef du service sanitaire des Indes, a fait récemment une déclaration ainsi conçue : « Je n'admets pas que la mort surprenne un malade sans qu'il en ait été informé ».
Consulté à ce sujet par le Dr Porcheron, de Marseille, le Dr Huchard a fait la réponse suivante, qui paraît résoudre sagement :
« Je n'admets pas que l'on dise à un malade qu'il va mourir, cela pour deux raisons principales : 1° parce qu'un médecin peut se tromper ; 2° parce que beaucoup de malades, en apparence les plus courageux, ne pourraient supporter une telle condamnation.
Je n'admets pas davantage que l'on cache entièrement la vérité aux malades, et c'est là que doit se montrer le tact du médecin. Pour ma part, je n'ai jamais eu à me repentir d'avoir fait comprendre à un malade la gravité de sa situation, en lui laissant toujours de l'espoir que le médecin lui-même doit conserver, s'il veut être digne de sa tâche et de sa mission. Le médecin n'a pas à entretenir la crainte de la mort, mais l'espoir de vivre.
Je n'admets aucun intermédiaire (ni ministre du culte, ni membre de la famille) pour renseigner franchement un malade sur sa situation. Je ne l'admets pas, parce qu'on peut faire dire au médecin ce qu'il n'a pas dit et ce qu'il ne pense pas, et parce qu'il doit assumer seul la responsabilité de son pronostic et de ses actes.
Un médecin, libre-penseur ou religieux, doit respecter les opinions de ses malades ; et lorsque ceux-ci ou leur entourage demandent si la situation est assez grave pour réclamer les secours de la religion, le devoir du médecin lui commande impérieusement de s'incliner en silence etdedire la vérité, sans se départir du tact auquel j'ai fait allusion. Voici ce que j'ai coutume de dire aux malades, gravement atteints, qui m'interrogent à ce sujet : « Votre état est loin d'être désespéré ; mais, prendre ses dernières dispositions au point de vue familial et religieux, c'est toujours faire acte de prudence, et cela ne peut faire que du bien ».
Auprès de son malade, le médecin doit rester absolument neutre dans toutes les questions politiques ou religieuses.
. H. HUCHARD.
Aucune des définitions actuelles de l'hystérie n'est légitime.
Par M. le D' Paul Maonin.
Extrait d'une leçon faite à l'Ecole de Psychologie, le 30 janvier 1903.
(Suite.)
Je ne ferai que vous rappeler également les hypothèses très ingénieuses mais rien moins que démontrées qui reposent sur la rupture de l'équilibre du potentiel du système nerveux (P. Joire) ou sur Pamiboïsme des neurones (Lépine — Binet-Sanglé) et j'arrive à deux conceptions qui ont été l'objet de vives discussions, celles de MM. Bernheim et Babinski.
M. Bernheim est un grand démolisseur ; la suggestion hypnotique de Liébeault s'est transformée, grâce à lui, pour les esprits superficiels il est vrai, en suggestion à l'état de veille et l'hypnotisme dont ses premiers travaux semblaient exagérer les bienfaits n'existe plus. Aujourd'hui, c'est à l'hystérie qu'il s'en prend. Envisageant les diverses manifestations de la névrose, il n'en voit qu'une, l'attaque, qui puisse passer pour typique et encore n'est-elle pas spécifique au sens vrai du mot ; elle ne représente que « l'exagération d'un phénomène normald'ordrepsycho-physiologique » — « L'hystérien'est pas une entité morbide, n'est pas une maladie... n'est pas Une névrose primitive... C'est un réflexe émotif et rien de plus » et ce réflexe, exagéré chez les sujets hystérisables, peut se
greffer sur toutes les affections qui créent l'anxiété, qui, organiques ou non, sont capables d'avoir sur l'économie un retentissement nerveux ou psychique. Nous sommes tous plus ou moins exposés à avoir des crises d'hystérie suivant qu'est plus ou moins grande notre susceptibilité aux diverses perturbations morales, aux diverses émotions ; une fois déclarées, ces crises se renouvellent par auto-suggestion et il s'établit dans l'organisme une sorte de diathèse hystérique ; leur forme varie suivant les individus et l'agent émotif mais elles peuvent toujours être supprimées par la simple éducation suggestive inhibitoire du malade à l'état de veille. Tous les autres phénomènes considérés jusqu'ici comme hystériques peuvent se rencontrer chez des sujets simplement impressionnables et manquer chez des sujets hystérisables ; les stigmates sont le produit de la suggestion médicale inconsciente, la mentalité des hystériques n'a rien de spécial et les symptômes psychiques s'ils existent sont dus aux maladies psychiques sur lesquelles la crise est greffée. La névrose se trouve donc réduite à cette seule crise sans que soient d'ailleurs aucunement justifiées les raisons pour lesquelles elle est dépouillée du reste de ses manifestations. Dire que tout se réduit à un réflexe exagéré n'est pas une bien claire explication ; le problème ainsi que l'a fait observer M. Claparède est précisément de savoir pourquoi ce réflexe est exagéré chez certains individus alors qu'il ne l'est pas chez le plus grand nombre ; il faut bien que quelque chose distingue les premiers des seconds. M. Bernheim nous dote il est vrai généreusement d'un appareil hystérogène très développé chez les uns alors qu'il ne l'est pas chez les autres et à ceux qui lui reprochent d'avoir oublié de nous dire en quoi il consiste il répond que sa pensée a été mal comprise et qu'il entend par là « un appareil symptomatique hystérogène » l'émotion actionnant, chez chacun, suivant son individualité, tel ou tel appareil symptomatique. « Quand la réaction se fait sous forme de crises de nerfs, on a appelé cela de l'hystérie, mot qu'on peut supprimer pour dire crise de nerfs » et du coup voilà, de par cette méthode d'identification forcée si chère à son auteur, la névrose en effet supprimée, sans que nous soit toutefois le moins du monde indiquée la nature intime du mécanisme qui distingue, toutes causes pathogènes égales d'ailleurs, les sujets à appareil symptom,atique hystérogène de ceux qui n'en ont pas ; la question, vous le voyez, reste entière. Je ne saisis pas très
bien, je dois l'avouer, quel avantage il y a à substituer à la notion d'hystérie telle qu'on la comprend généralement celle d'innombrables psychonévroses d'origine émotive, suggestive ou traumatique ; cette façon de faire ne tend rien moins qu'à restaurer de toutes pièces l'ancien nervosisme ; la clinique ne me semble pas avoir grand'chose à y gagner.
Tout aussi discutables me paraissent être les idées de M. Ba-binski ; cet observateur a formulé successivement deux définitions de l'hystérie ; la première, proposée en 1901 à la Société de Neurologie, est ainsi conçue :
« L'hystérie est un état psychique rendant le sujet qui s'y trouve capable de s'auto-suggestionner.
Elle se manifeste principalement par des troubles primitifs et accessoirement par quelques troubles secondaires.
Ce qui caractérise les troubles primitifs, c'est qu'il est possible de les reproduire par suggestion avec une exactitude rigoureuse chez certains sujets et de les faire disparaître sous l'influence exclusive de la persuasion.
Ce qui caractérise les troubles secondaires, c'est qu'ils sont étroitement subordonnés à des troubles primitifs. »
A cette manière de voir, on pouvait faire et on a fait l'objection que l'auto-suggestion peut jouer un rôle important dans d'autres maladies psychiques que la névrose, qu'elle ne saurait donc en constituer un élément pathognomonique et qu'enfin les hystériques sont susceptibles de présenter de nombreux symptômes qui en sont indépendants.
Tenant compte de ces critiques, M. Babinski a modifié le début de sa définition qui reste d'autre part presque littérale ment la même.
L'hystérie, dit-il dans une conférence faite à la Société de l'Internat le 28 juin 1907, est un état psychique spécial capable d'engendrer certains troubles ayant des caractères qui leur sont propres, »
Le critérium sur lequel s'appuyait tout d'abord l'auteur se trouve ainsi disparaître ; de ce fait, sa définition perd toute ea valeur ; elle ne nous apprend rien sur la nature de cet état psychique spécial et se trouve réduite en somme aux caractères qu'elle assigne aux troubles primitifs, savoir « qu'il est possible de les reproduire par suggestion avec une exactitude rigoureuse chez certains sujets et de les faire disparaître sous l'influence exclusive de la persuasion. »
Mais, je vous l'ai dit, il est des accidents hystériques qu'il
est aussi impossible de produire par suggestion que de guérir par persuasion. A ceux qui lui font pareille objection M. Babinski répond qu'il ne prétend pas assigner aux troubles hystériques le caractère d'être engendrés par suggestion mais simplement de pouvoir être reproduits par elle, qu'il n'affirme pas non plus qu'on soit toujours certain de les guérir par persuasion mais seulement qu'ils sont susceptibles de guérir par ce moyen. Or, ainsi que l'a fait remarquer si justement M. Cruchet ('), pour qu'une définition soit légitime, il faut qu'elle s'appuie sur un caractère nécessaire et permanent ; si ce caractère n'est que possible et contingent, elle n'apparaît plus que comme un postulat dans le temps et c'est précisément le cas ici.
Il ne me semble pas non plus très légitime de vouloir faire reposer une définition sur la différence de signification toute conventionnelle des deux termes suggestion et persuasion, le premier impliquant une idée raisonnable, le second au contraire une idée déraisonnable. Si au point de vue philologique et grammatical suggestion et persuasion ne sont pas synonymes, elles n'en forment pas moins, au point de vue psychologique les termes extrêmes d'un même processus. Il n'y a entre ces extrêmes que des transitions insensibles et dans bien des cas, il serait très difficile de dire si l'on a fait de la suggestion ou de la persuasion. Quand ce ne serait qu'avec ces sujets qui ont une faculté de contrôle à peu près égale à zéro et chez lesquels la suggestibilité est énorme. Je vous ai développé assez longuement mes idées sur ce point pour n'avoir pas à y revenir. M.. Babinski a d'ailleurs bien comprisce que sa façon de voir avait de trop absolu : « Je n'ai jamais soutenu, dit-il, que la cure soit toujours la conséquence directe d'un raisonnement serré ; il n'en est pas moins vrai que, contrairement à la suggestion, le processus mental qui aboutit au retour à l'état normal est raisonnable sinon rationnel, ou tout au moins n'est pas en opposition avec le bon sens. Avoir confiance dans un médecin qui promet la guérison est chose toute naturelle ; ajouter foi à la parole d'un sorcier affirmant l'action infaillible de quelque remède secret n'a rien d'absurde de la part d'un esprit sans culture intellectuelle ; le guérisseur agit par persuasion». Cela revient à dire, en somme, que l'idée de guérison étant conforme à la raison, tout procédé, si
(1) R- Crochet. Définition de l'hystérie en général et hystérie infantile. Province Médicale 10,07 (p. 505 et suivantes.)
absurde soit-il, qui peut servir à introduire cette idée dans l'esprit agit par persuasion. Vous le voyez, nous voici amenés à cette conclusion que la suggestion armée du sorcier fait disparaître le trouble créé par l'auto-suggestion ou la suggestion d'autrui.
Mais alors que reste-t-il de la définition ? . Cette auto-suggestion, cette suggestion d'autrui restent pour M. Babinski les seuls vrais facteurs des manifestations primitives de la névrose. Dès lors, en bonne logique, il est obligé d'exclure de l'hystérie toute une série de phénomènes (viscéraux, vaso-moteurs, trophiques) qui, je vous l'ai démontré, en font cependant partie. D'autre part, du fait que ces manifestations sont souvent sous la dépendance d'une idée, il ne s'en suit pas que le sujet qui en est porteur en connaisse la raison et je vous ai dit quelle difficulté on éprouve parfois à ramener dans le champ de la conscience l'idée subconsciente cause de tous les troubles. La forme même de ceux-ci n'a fréquemment aucun rapport avec une conception que le malade aurait pu se faire d'avance. C'est une erreur de croire que l'hystérique organise toujours son accident comme il le comprend. La plupart du temps il en va autrement et les phénomènes morbides observés ne sont pas nécessairement le résultat de la suggestion et de l'auto-suggestion. Au reste si la suggestibililé est en général très exagérée chez les hystériques, il n'en est pas toujours ainsi et certains d'entre eux sont bien les êtres les plus insuggestibles qui se puissent rencontrer. Quoi qu'il en soit,'les travaux de M. Babinski n'en ont pas moins le très grand mérite d'avoir permis de distinguer, grâce à des signes certains, les troubles hystériques des affections organiques avec lesquelles elles étaient jusque là si facilement et si souvent confondues et c'est là un résultat considérable.
En résumé, ces deux conceptions dont l'une repose sur l'hypothèse purement gratuite d'un appareil symptomatique hystérogène, l'autre sur une définition de mots et sur une pétition de principe n'ont en somme rien de rigoureusement scientifique. Elles se ressemblent par bien des côtés ; toutes deux démembrent l'hystérie au point de la rendre méconnaissable, de la faire presque disparaître. Les vives polémiques auxquelles se sont livrés MM. Bernheim et Babinski me font penser, malgré moi aux plaideurs du bon La Fontaine ; tout comme Perrin Dandin je serais tenté de leur accorder à chacun
une écaille sans dépens car, malgré tous les arguments qu'ils ont fait valoir à l'appui de leurs thèses, ce n'est certes pas d'eux que nous est venue la lumière.
(à suivre)
La folie dans les dynasties orientales.
par le Dr BÉRiLLON, professeur h l'Ecole de psychologie, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés.
(suite) (« ).
Ibn Batuta, célèbre voyageur maure qui parcourut l'Inde et la Chine dans le cours du xrv* siècle, a laisse sur Mohammed Toghlak, sultan des Indes, qui le reçut àsacour.des renseignements 1res circonstanciés. Us permettent de se faire une opinion assez nette de la mentalité de ce singulier monarque.
Le père de Mohammed Toghlak, Geias-u-Dïn Toghlak, était d'origine fort modeste. Il avait commencé par être esclave turc. Bien qu'il n'eut qu'une instruction fort restreinte, il se montra souverain équitable et intelligent Son fils, Mohammed, dont l'éducation fut soignée et qui excellait dans la culture des lettres, des sciences et des arts, se montra, au contraire, le plus exécrable des despotes. Un historien anglais, Mounstuart Elphinston, en a donné le portrait suivant : « Ces splendides talents et ces perfections lui furent donnés en vain. Ils étaient accompagnés d'une perversion du jugement qui, tout en tenant compte de l'enivrement du pouvoir absolu, nouslaisse douters'il n'a pas été affecté, plus ou moins, de folie. Toute sa vie se passa à poursuivre des projets visionnaires par des moyens également déraisonnables, avec un oubli total drs souffrances qu'il occasionnait à ses sujets. Les résultats en furent plus malheureux que ceux du règne d'aucun prince de l'Inde o (s).
L'exposé de quelques-uns des actes de sa vie suffira pour édifier sur son absence complète de sensibilité morale et sur l'irrésistibilité de ses impulsions instinctives.
Pendant que le sultan Geias Toghlak, son père, était allé commander une expédition militaire dans le Bengale, Mohammed Toghlak fut chargé du gouvernement en qualité de vice-roi. Quand son père, à la tète de son armée victorieuse, revint prendre possession de son trône, Mohammed s'avança à sa rencontre et le reçut dans un grand pavillon de bois qu'il avait élevé en son honneur. Ibn Batuta, qui tint le récit de témoins oculaires, raconte que le pavillon était construit de telle sorte qu'il
(1) Voir la Revue de l'Hypnotisme de mars et avril 1908.
(2) Voyages d'Ihn Batuta. Traduction latine par.Kosegarten, 1818.TradncIion française. Société asiatique. T. III. Paris 1805.
(3) Mounstuart Elphinstone. The hfstory of India. The Ilindu and Mahométnn periods. London. 1857, p. 347.
devait s'écrouler sous le poids des éléphants. Le kiosque tomba sur le sultan et sur son Sis favori qui l'accompagnait. Mohammed ordonna qu'on apporta des pioches et des pelles pour dégager son père, maïs il fit signe de ne pas se presser. Les outils ne furent apportés qu'après le . coucher du soleil. On trouva le sultan couché sur le corps de son fils. Il n'était pas encore mort, mais on l'acheva en ayant l'air de lui porter secours. Ce fut le premier crime de Mohammed Toghlak.
Ibn Batuta s'étant présenté à sa cour, y fut accueilli avec faveur. Le sultan lui fit de riches présents et, à plusieurs reprises, payases dettes. Il le nomma juge à Delhi, avec un fort traitement ; et comme le voyageur ne connaissait pas la langue du pays, il lui donna deux substituts. Batuta eut plusieurs entrevues avec Toghlak. Ses voyages furent écrits après son retour au Maroc, son pays natal, il ne pouvait donc avoir de motifs pour dire autre chose que la vérité. Quoique la singularité des événements racontés puisse rendre son récit sujet à caution, la partie la plus incroyable de sa narration est confirmée par divers historiens hindous, qui écrivirent d'après différentes sources. Le grand voyageur oriental a fait ressortir dans les termes suivants les principaux traits de caractère du despote indien.
« Toghlak, nous dit-il, aimait surtout à faire des présents et à verser le sang. A la porte de son palais, on voyait toujours quelques mendiants qui devenaient riches, ou les cadavres de quelques hommes mis à mort. Sa générosité, sa bravoure et ses actes de violence et de cruauté envers ceux qu'il trouvait en faute, lui aurait valu une certaine popularité dans le bas-peuple. En dépit de cela, il lui arrivait de se montrer l'homme le plus modeste et le plus équitable que l'on pût trouver. Les cérémonies de la religion sont observées à sa cour, et il est très sévère sur l'assistance régulière à la prière. Il mit à mort neuf personnes en un jour, pour avoir négligé les prières accoutumées.'Les contrées voisines, telles que l'Yémen, le Khorassan et la Perse, étaient remplies de légendes au sujet de ce prince et de sa grande générosité envers les étrangers. »
Ferishta ('), l'historien mahométan des Indes, qui écrivait environ 260 ans plus tard, dit que Toghlak fut le prince le plus éloquent et le plus accompli de son temps ; il composa quelques bonnes poésies, et fut le protecteur des hommes de lettres. Ses lettres, en arabe et en persan, montrent tant d'éloquence, de bon goût et de bon sens que les érudits les plus capables des derniers temps les étudiaient avec admiration. Batuta nous dit que, quoique Toghlak comprit assez bien l'arabe, il ne pouvait pas le parler couramment. Il est donc probable qu'il eut recours à quelque secrétaire arabe. Ce prince aimait beaucoup l'histoire, et avait si bonne mémoire qu'il se rappelait tous les événements avec leurs dates. Il était également habile dans les sciences physiques, la logique, l'as- . tronomie et les mathématiques. Il avait le talent de découvrir lecarac-
(I) Mohammed Kasim Ferishta : Histoire de l'élévation au pouvoir de Mohammed dans l'Inde, traduite du persan par John Briggs. Londres, 1829, p. 410.
tèredes personnes après un très court examen. Il alla jusqu'à soigner des malades qui étaient affligés de maladies extraordinaires. Il étudia la philosophie des écoles grecques, et après son avènement au trône, il . soutint des dicussions avec le métaphysicien Assaud Muntuky, le poète Oobeid, et d'autres dont les noms étaient autrefois populaires. Les présents qu'il fit à ces lettrés qui le flattaient, dépassent toute croyance.
Le même historien rapporte que ce prince qui faisait construire des hôpitaux pour les malades et des maisons de refuge pour les veuves et les orphelins, était complètement dépourvu de pitié. Il hésitait si peu à répandre le sang humain qu'on aurait pu croire que son but était d'exterminer entièrement l'espèce humaine.
Il ne se passait pas une semaine sans qu'il fit mettre à mort un des hommes savants ou saints qui l'entouraient ou quelques-uns des secrétaires qui le servaient.
Tous les jours, écrit Ibn 15a tu ta, on amenait à la grande salle d'audience des centaines de gens enchaînés, les bras attachés au cou et les pieds liés ; quelques-uns étaient tués, d'autres torturés et battus. Les bourreaux étaient assis. La porte extérieure de la salle d'audience et les corps des victimes restaient exposés trois jours. Les éléphants du sultan avaient été dressés à lancer les hommes en l'air, et à les rattraper avec leur trompe, à couper les membres sur des couteaux attachés à leurs défenses, ou bien à les piétiner. Ce monarque effrayant ne se plaisait pas à lire des contes et des romans ; il n'encourageait ni les bouffons, ni les acteurs. Ses plaisanteries mêmes revêtaient un ton cruel. Quand il décida d'exiler ses beaux-frères, il écrivit sur un morceau de papier : x Bannissez l'enfant trouvé, et bannissez également le mangeur de souris. * Un d'eux était d'une origine inconnue, et l'autre était un arabe du désert. Or, on disait que les arabes mangeaient la gerboise, petit rongeur considéré par le peuple comme une souris. Cette verve sinistre était, chez lui, un peu héréditaire. Un jour, sous le règne de son père, on fit courir le bruit que le sultan était mort. Le vieil empereur, ayant fait saisir quelques-uns de ceux qui colportaient cette nouvelle, ordonna qu'ils fussent enterrés vivants, à ce sujet il déclara : « que puisqu'ils l'avaient enterré vivant en plaisanterie, il pouvait bien les faire enterrer vivants en réalité. »
Mohammed Toghlak avait entendu parler du papier monnaie employé en Chine, et pensait enrichir le trésor impérial en fixant une valeur arbitraire à la monnaie de cuivre. On l'accepta seulement par crainte ; mais on ne put la faire adopter dans les provinces éloignées. Des négociants ayant été autorisés à en frapper de très grandes quantités à la Monnaie, par une faveur spéciale, ils achetèrent des marchandises qu'ils expor-. tarent dans les pays étrangers. Le mécontentement devint si grand que le roi fut obligé de faire retirer de la circulation la monnaie de cuivre de valeur imaginaire, et d'arrêter les paiements, de sorte que des milliers de gens furent ruinés. Personne n'en profita, si ce n'est quelques marchands et quelques banquiers.
Ce fut surtout dans son idée fixe de transférer la capitale de l'Inde de Delhi à Diogiri que Toghlak montra à la fois la bizarrerie de son esprit et sa fermeté à surmonter tous les obstacles qui s'opposaient à l'accomplissement de ses désirs. Suivant Ibn Batuta, son irritation avait été provoquée par des lettres anonymes, jetées la nuit dans la salle d'audience, dans lesquelles on lui reprochait ses crimes et ses folies. Ne pouvant se venger directement sur les auteurs de ces libelles, sa colère tomba sur toute la population de Delhi. Il donna aux habitants une indemnité pour leurs maisons, leur ordonna de se diriger vers Diogiri, presque à sept cents milles de distance, et se décida à faire de cette ville la capitale de l'Inde, sous le nom de Donlatabad. Ceux qui n'avaient pas d'argert furent nourris en chemin au frais du public.
Des crieurs proclamèrent que dans un délai de trois jours, personne ne devrait plus être trouvé dans la cité de Delhi. Il ordonna qu'on recherchât soigneusement ceux qui se cacheraient. Ses esclaves trouvèrent dans les rues deux hommes, l'un paralytique et l'autre aveugle. Us les amenèrent devant le souverain qui ordonna que le paralytique fût lancé par une catapulte et que l'aveugle fût traîné de Delhi à Donlatabad, c'est-à-dire à quarante jours de marche. I ! tomba en pièces durant le voyage ; il n'arriva qu'une jambe à Donlatabad. Tous les habitants quittèrent Delhi. Ils abandonnèrent leur mobilier, leurs biens, et la cité devint un désert.
« Une personne digne de foi, continue Ibn Batuta, m'a assuré que le sultan monta un soir sur la terrasse de son pa'ais, regarda vers la cité de Delhi, où il n'y avait ni fumée, ni lumière, et dit : « Maintenant mon cœur est satisfait, et mon esprit est tranquille, o II est impossible de mieux déciire la détente nerveuse et la satisfaction interne que ressentent les aliénés atteint de folie héréditùre, lorsqu'ils viennent de céder à une de leu-s impulsions obsédantes.
Perishta rapporte un exemple non moins frappant du caractère étrange et de l'égoîsme excessif de ce despote. » Sur le chemin de Donlatabad, il fut affligé d'un violent mal de dents et en perdit une. Il ordonna de l'enterrer avec beaucoup de cérémonie à Bhir. Un magnifique tombeau qui fut élevé à cet endroit, reste comme un monument de sa vanité et de sa folie. »
En l'année Î337, il conçut l'idée d'envahir la Chine. Ce fut en vain que ses conseillers l'assurèrent qu'il était impossible de conduire une armée à travers les montagnes qui séparent le Thibet de l'Inde. La volonté arbitraire du monarque étouffa toute remontrance, et cent mille cavaliers, dit Ferishta, furent envoyés sous le commandement du fils de sa sceurà travers le Népaul. Quelques-uns arrivèrent de l'autre côté de l'Hy-malaya, où ils furent aisément repoussés. Par suite de la poursuite des Chinois, des attaques des montagnards, de la famine et de la saison pluvieuse, il revint à peine un homme. Seuls les soldats laissés en garnison dans quelques forts pour assurer les communications, purent revenir sains et saufs, mais leur sort ne fut pas meilleur que celui des nutres
car ils furent mis à mort par l'ordre du sultan, à leur retour à Delhi.
Un volume ne suffirait pas pour enregistrer les excentricités auxquelles se livra Mohammed Toghlak. Une de ses manies consistait à s'humilier volontairement devant des personnes auxquelles il attribuait quelque supériorité, où à se rendre comme un simple citoyen devant les tribunaux pour répondre des plaintes déposées contre lui.
Ainsi, ayant reçu à Delhi la visite d'un fils du Calife Almostansir, il le combla de présents. Mais un désaccord étant survenu entre eux, celui'ci lui renvoya ses cadeaux. Alors, Mohammed Toghlak vint humblement lui présenter ses excuses pour l'avoir contrarié et lui dit : « Au nom de Dieu, je ne croirai que vous avez de la sympathie pour moi, que lorsque vous aurez mis votre pied sur mon cou. » 1
Le fils du Calife lui répondit : « Quand je devrais mourir, je ne ferai pas une telle chose. » Le Sultan reprit : « Je jure par ma tête que vous le ferez. » Il mit sa tête sur Ls sol, et un de ses grands officiers prit dans sa main le pied du fils du Calife et le plaça sur le cou du souverain, qui se leva alors, disant : « Mon esprit est en repos, car je sais que vous vous plaisez avec moi. »
On retrouve là encore la satisfaction qui succède chez les dégénérés à la réalisation d'une impulsion irrésistible.
Un homme d'un rang élevé parmi les Hindous prétendit que le souverain avait causé la mort de son frère sans motif légal et le cita devant le juge. Le monarque répondit à l'assignation, il vint à pied, sans armes. Ayant salué le tribunal, il se tint debout devant le Cadi. Il avait préalablement avertit ce fonctionnaire qu'il ne se levât pas pour lui, et ne bougeât de sa place quand il arriverait au tribunal. Le juge décida que le souverain était tenu à dédommager la partie adverse pour le sang qu'il avait versé, et la sentence fut exécutée. Dans une autre circonstance, un Musulman prétendit que le sultan lui devait de l'argent. L'affaire fut démontrée en présence du juge, qui condamna Toghlak à payer une somme d'argent et il la paya.' '
Un jeune homme de la caste de fils des rois et grand officier de la couronne, accusa le souverain de l'avoir frappé sans cause, et le cita devant le Cadi. Celui-ci décida que le sultan devait indemniser le plaignant en lui donnant une somme d'argent, si cela pouvait le satisfaire, mais qu'il avait droit à une revanche directe. Toghlak envoya chercher le jeune homme et lui remit un bâton, disant : « Par ma tète, vous devez me battre, comme je l'ai fait pour vous. » Le garçon prit le bâton, et donna au sultan vingt-et-uo coups avec une telle vigueur que son bonnet tomba de sa tète. Mohammed n'en témoigna aucun ressentiment, trouvant qu'il avait été traité comme il le méritait.
Parmi les incidents de son règne qui méritent d'être racontés, il convient de citer la lutte qu'il eut à soutenir contre un homme qui n'avait pour sa défense que son courage et la force de son caractère.
Chihab u din était un homme renommé par ses vertus. Il avait l'habitude de jeûner pendant quinze jours de suite. Les deux sultans précé-
-dents l'ayant en grande estime, avaient coutume de le visiter et de lui demander sa bénédiction. Dansuneaudience publique,ilrefusaune place qui lui étaitofferte par Mohammed Toghlak. En proie à la colère, le sultan donna l'ordre à un célèbre jurisconsulte de lui arracher la barbe ; et ce dernier refusant, il ordonna qu'on leur arracha la barbe à tous deux, et qu'on les envoyât en exil. Chihab u din, après avoir été sept ans à Diogiri, fut rappelé, et fut de nouveau tenu en honneur par le sultan. Ensuite, il se retira sur un terrain inculte à quelques milles de Delhi, où il vécut dans une grotte qu'il avait fait creuser, et s'occupa pendant plus de deux ans à cultiver et à irriguer les terres désolées qui étaient à l'entour. Le monarque, à son retour de Delhi, le reçut avec pompe. Quelque temps après, il l'envoya chercher de nouveau, mais Chihab u din refusa de venir. Alors le sultan détacha un de ses principaux fonctionnaires qui l'avertit du danger qu'il y aurait à persister. Le cheik répondit : « Je ne servirai jamais un tyran ; » et quand le sultan fut informé de ceci, il ordonna que Chihab u din fût amené devant lui, et lui demanda : « Dites-vous que je suis un tyran ? » 11 répondit : « Oui, vous êtes un tyran, » lui rappelant plusieurs choses qu'il avait faites, au nombre desquelles La dévastation de la ville de Delhi, et l'ordre donné à tous les habitants de quitter la ville. Le sultan lira son cimeterre et le passa à Sadr Aldjihan, disant : « Confirmez que je suis un tyran, et cou-pez-moi le cou avec celte épée. » Chihab u din reprit : « Celui qui porterait témoignage de ce fait, sans aucun doute, serait tué ; mais vous avez vous-même conscience de vos propres crimes. » Mohammed Toghlak, au comble de la fureur, commanda que ses pieds fussent liés ensemble et ses mains attachées à son cou. Le malheureux resta dans cette position pendant quatorze jours sans manger ni sans boire.Chaque jour on ramenait à la salle d'audience, et les avocats et les cheiks lui disaient ; « Rétractez votre assertion. « Chihab u din répondait : « Je ne me rétracterai pas ; Mohammed Toghlak est bien un tyran. » Le quatorzième jour, le sultan lui envoya de la nourriture ; mais le cheik ne voulut pas manger, et dit : « Mes biens ne sont plus de monde. Retournez vers votre maitre avec votre nourriture. » Mohammed ordonna immédiatement que l'on fit avaler au Cheik environ deux livres de matières fécales. Des balayeurs ramassèrent cette ordure et la firen* dissoudre dans l'eau ; puis, le jetant sut le dos, ils lui ouvrirent la bouche avec des tenailles et la lui firent avaler. Le jour suivant, le cheik, refusant toujours de retirer sa parole, fut décapité. Le sentiment de la justice outragée et de la pitié avait à un tel point rempli son âme d'indignation, qu'il ne voulut pas servir un tyran. Seul il osa exprimer les murmures et les pensées de tous à la face du despote, au milieu de tant de courtisans rampants et prêts à remplir l'olfice de bourreaux.
Ibn Batuta, qui avait la réputation d'être un ami de Chihab u din, était •en grand danger de périr victime de la colère du sultan. Ce fut probablement à cause des pénibles impressions qui suivirent sa fuite, que le voyageur renonça à toutes ses possessions, et se retira pour vivre dans
l'ermitage d'un célèbre saint musulman, avec lequel il resta cinq mois. A la fin de ce temps, Mohammed Toghlak le rappela en sa résidence, et lui confia une magnifique ambassade auprès de l'empereur de Chine.
Afin de pouvoir prodiguer des dons extravagants aux étrangers, et entretenir une armée de Mongols, de Turcs, de Persans et d'Afghans, Mohammed Toghlak chargea le peuple d'impôts si énormes que dans les terres fertiles entre le Gange et Jumna, les cultivateurs, fatigués de l'existence, mettaient le feu à leurs maisons et se retiraient dans les bois avec leurs familles et leur bétail. Beaucoup de villes populeuses furent abandonnées et restèrent ainsi pendant plusieurs années. Quelques receveurs d'impôts, incapables d'en percevoir le montant devinrent eux-mêmes les chefs des révoltés. Il témoignait ainsi qu'il n'avait aucun souci de la prospérité et de la sécurité de ses sujets.
A mesure qu'il avançait en âge, il devenait de plus en plus soupçonneux. De nombreux espions le tenaient au courant de tout ce qui pouvait le concerner. Il y avait une oreille appliquée à toutes les serrures. Ce que les maris disaient à leurs femmes dans l'obscurité de la nuit lui était plus ou moins fidèlement rapporté dès le lendemain.
Mohammed Toghlak témoignait par tous ses actes qu'il n'avaitaucun pouvoir de contrôle sur lui-même, de même il n'avait d'autres inspirations que celles de ses caprices. Un jour ayant mangé avec excès d'un plat de poisson qui lui plaisait, il succomba aune indigestion.
Pendant vingt-sept ans il avait soumis ses sujets à la plus odieuse et à la plus insupportable des tyrannies. »
Par un juste retour des choses d'ici-bas, son neveu Firus Toghlak qui lui succéda, prit immédiatement les mesures les plus capables de réparer les maux causés par son prédécesseur. Dans un décret gravé sur la mosquée de Firosabad, on lit les phrases svivantes :
« Ce fut la coutume dans les temps précédents de répandre le sang des Mahométans dans les circonstances futiles, de les mutiler et torturer pour de petites fautes en leur coupant les mains et les pieds, le nez et les oreilles, en leur arrachant les yeux, en pulvérisant les os des coupables vivants avec des maillets, en brûlant les corps avec le feu, en les crucifiant, en leur clouant les mains et les pieds, en les écorchant tout vifs, en leur coupant les jarrets et en taillant leur corps en pièces. Dieu, dans sa bonté infinie, s'étant plu à me conférer le pouvoir, m'a aussi inspiré de mettre fin à ces pratiques. »
Un peu plus loin, Firus ajoute : * J'ai pris aussi la peine de découvrir les parents survivants de tous ceux qui ont souffert de la colère de =mon dernier seigneur et maître, Mohammed Toghlak, et les ayant pensionnés et pourvus, je les ai amenés à accorder leur plein pardon et leur •rémission à ce prince, en présence des saints et savants hommes de ce temps, dont les signatures et les sceaux, comme témoignage, sont joints •à ces documents. Le tout a été mis dans une boite et déposé dans te •caveau où Mohammed Toghlak est enterré.
Il n'est pas possible de voir en Mokammed Toghlak autre chose qu'un dégénéré atteint de la forme d'aliénation mentale désignée actuellement sous le nom de folie héréditaire.
Un simple citoyen, doué du caractère de Mohammed Toghlah aurait été considéré comme un individu mal équilibré. Ses tendances à la dissipation l'auraient promptement amené à la ruine. Ses actes de violences lui auraient attiré des condamnations. Ses supérieurs et ses chefs l'auraient mal noté et il aurait été privé de tous ses emplois. Inévitablement il eût été voué à une déchéance certaine. De telles individualités sont souvent de véritables fléaux pour leur famille et pour leur entourage. Mais les désastres qu'ils occasionnent sont peu de chose à côté du mal qu'ils peuvent accomplir lorsqu'ils tiennent dans leurs mains le sort d'une grande nation.
Il n'y a pas pour l'humanité de spectacle plus effrayant que celui d'un fou sur le trône, entouré de courtisans et de bourreaux empressés à réaliser ses fantaisies les plus dépravées.
La situation devient plus grave encore quand l'activité délirante, par laquelle tout un peuple est entraîné à la défaite et à la ruine, peut se concilier chez le despote avec un reste de raison suffisant pour qu'il puisse défendre sa situation personnelle.
fk suivre./
SOCIÉTÉ D'HYPKOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance do 18 février 1908. — Présidence de M. le D" Jules Voisix.
De l'influence des états psychiques sur les changements de couleur des cheveux et de la peau, et sur la guérison de la « lèpre biblique » (zaraath). {Suite et fin).
par M. P. Podiapolsky fde Saratoffj.
Examinons maintenant les guérisons des lépreux par Jésus, et le terme o lèpre » (zaraath) des anciens hébreux.
La Bible présente un intérêt très grand pour l'hypnologie non pas seulement comme un témoignage de l'ancienneté de la suggestion employée comme moyen thérapeutique, mais aussi au point de vue des méthodes en usage alors et de l'étude des maladies qu'on soumettait à ce traitement avec succès. L'hypnologae moderne y reconnaît souvent ses proprea méthodes et constate que la technique de la suggestion était très avancée en ces temps reculés. Jésus, fin psychologue, expert sur le diagnostic, appliquait la suggestion avec un talent particulier et un grand suedès.
Les cas de la guérison de l'homme à la « main sèche » est décrit uniformément par trois évangélîstes [Mathieu, XII, 9-13 ; Marc, III, 1-8 ; Luc, VI. 4-10). Il paraît qu'il s'agit là de la guérison non d'une atrophie-de la main, mais d'une paralysie hystérique du bras qui pendait comme*-
une corde, sans se relever. Il ressort du texte que le terme Gnal du miracle était l'accomplissement d'un mouvement par le bras Les pharisiens interdisaient aux hébreux d'accomplir, le jour du sabbat, certains actes ou travaux ; mais le Christ guérissait au jour du sabbat. Là, l'ancien esprit formaliste entrait en contradiction avec la tendance nouvelle. Un jour de sabbat un malade, dont le bras était immobile (dont la main était « sèche »), se trouvait dans la synagogue. Tous les assistants attendaient, sans doute, que, selon son usage, le Christ accomplit des guéri-sons malgré le sabbat. L'infirme l'espérait aussi. Jésus entre. C'est celui qui attire l'attention générale, lui qui apparemment peut tout.... Jésus ordonne au malheureux de se mettre au milieu de la synagogue, l'isole, le met en vue parmi des gens sains et heureux qui ne sont pas tous d'accord avec Jésus sur la possibilité de guérir l'infirme et surtout un jour de sabbat ! La question perfide est prête : « Est-il permis de guérir le jour de sabbat», demandent les pharisiens, ce à quoi Jésus répond par une autre question : « Est-il permis de faire du bien le jour du sabbat, ou de faire le mal? de sauver une personne ou de la laisser périr? Et ils se turent» (Marc, III, 4). D'après Mathieu (XII, 11) il les confondit en ajoutant : t Quel sera celui d'entre vous, qui, ayant une brebis, si elle tombe le jour de sabbat dans une fosse, ne la prenne et ne l'en retire? Et combien un homme ne vaut-il pas mieux qu'une brebis ! Il est donc permis de faire du bien dans les jours de sabbat. » Et Marc (111-5} ajoute ce détail : « Alors, les regardant tous avec indignation et étant affligé de l'endurcissement de leur cceur, il dit à cet homme : Etends ta main. Et l'homme étendit sa main qui devint saine comme l'autre. »
Prenons un autre exemple de l'art parfait avec lequel Jésus savait profiter des circonstances favorables pour appliquer la suggestion à l'état de veille. C'est la guérison du paralytique à Capernaùm, probablement un cas de paralysie hystérique. Ce cas est aussi rapporté par trois évangélistes (Mathieu, IX. 1-8; Marc, II, 1-12; Luc, V, 17-26). Un jour Jésus enseignait en présence de beaucoup de pharisiens et de docteurs de la loi, venus de Galilée, de la Judée et de Jérusalem. On apporta au guérisseur un homme perclus sur son lit. La foi dans le pouvoir guérisseur de Jésus existait sans doute et chez ceux qui apportèrent l'homme et chez le malade. La foule est si compacte qu'il n'y a pas moyen d'atteindre Jésus. Mais la foi est grande : les gens n'hésitent pas à démolir la toiture et ainsi font descendre le lit du patient juste aux pieds du dévoué guérisseur (Luc, V, 19). Sans contredit, l'expérience est entourée d'aussi bonnes conditions que possible, car celui qui doit être guéri est tout préparé à la guérison. L'avantage de celui qui fait la suggestion se résume dans la transformation de la suggestion en auto-suggestion.
(i) Le D' Vtasemsfaj a cité un cas de guérison d'une atrophie consécutive à l'hémiplégie par des suggestions répétées. Le D' Pètroff a vu ud cas où un ordre unique à l'état de veille Ht lever le bras à un malade qui depuis longtemps avait le bras immobile. Une atrophie de ce bra* avait été diagnostiquée.
Mais Jésus ne se presse pas, il agit avec circonspection, comme s'il sondait le terrain... Ayant vu leur foi, il dit à l'homme : ¦ 0 homme ! Tes péchés te sont pardonnes » (Luc, V, 20). Cette formule vague n'est pas suivie d'effet. Dans l'expression des visages et dans le murmure de la fouie le sublime guérisseur devine l'indignation des pharisiens et des docteurs qui, d'après leur foi formelle, ne peuvent voir que blasphème dans les paroles de Jésus. Le malade lui-même commença peut-être, à subir l'influence de la scène muette, mais Jésus efface les doutes sans plus de retard. Il leur dit, comme s'il lisait dans leurs coeurs, parlant en même temps pour le malade : « Quel raisonnement faites vou' dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé, ou de dire : Tes péchés te sont p rdonnés ou de dire : Lève-toi, et marche ? » Et le miracle s'eccomplit sur le champ.
Il triomphal par la logique irrésistible, par la formule brillante qu'il employa il exalta la foi du malade en lui-même, il exploita son attente et finit par lui donner une conviction absolue dans la possibilité de la guérison.
Ce n'est pas pour tous les cas que les évangélistes nous fournissent des détails sur les procédés de suggestion employés par Jésus. Il est aussi possible que l'audace de ses formules brèves : « Je le veux, sois nettoyé » (Luc, V, 13), s'explique par sa grande renommée dont il profite avec un parfait succès.
Dans les actes (III, 1-8} nous trouvons la description du procédé de guérison employé par Pierre et Jean, qui agissaient * au nom du Christ ». Près du Temple un impotent de naissance ( ?) demandait l'aumône. « Pierre et Jean ayant les yeux arrêtés sur lui, Pierre lui dit : Hegardc-nous. Et il les regardait attentivement, s'attendant à recevoir quelque chose d'eux. » Mais Pierre, chose tout-à-faitinattendue, lui refuse une si simple aumône, disant qu'il n'a ni or ni argent, et puis soudainement ajoute : « mais ce que j'ai, je te le donne ; au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-loi et marche. » Le prenant par la main il le lève et l'impotent marche. Ici le psychologue profite des divers dispositions d'humeur, obtient l'effet voulu au nom de Jésus, produisant une extrême émotion.
Mais il est surtout intéressant d'étudier les guérisons des lépreux par Jésus.
La notion moderne de la lèpre est, certainement, incompatible avec l'idée de sa guérison par la suggestion. Il nous faudrait élucider ici : 1° ce que la Bible entendait sous le nom de lèpre ; 2° si ce terme lèpre, « zaraath » de l'hébreu, correspond au terme moderne lèpre, c'est-à-dire à l'elephuntiasis grœcorum ; 3° si la Bible n'avait pas en vue cette dernière, quelle est précisément la maladie dont elle parle ?
Pour moi toutes ces questions sont résolues parles remarquables Ira-vaux du professeur Munch, qui consacra 17 ans de sa vie à l'étude
(1) G. N. Munch. Die Zarooth (Lepra) der hebraischen Bibet. Vienne (893, édit. Léopold Voss.
de la lèpre dans le sud de la Russie, ainsi qu'en Egypte et au Tur-kestan (M.
C'est grâce à l'enseignement de M. Miinch de Kieff, (mon oncle), et à ses travaux que je puis me permettre, moi, naturaliste adonné à la psycho-biologie, d'aborder ces questions de dermatologie.
C'est le XIII' chapitre du Lévitique qui décrit surtout avec détails la lèpre des hébreux, le zaraath. Lorsque le seigneur ordonna à Moïse de mettre sa main sur sa poitrine sous le vêtement, cette main devint immédiatement « blanche comme neige de lèpre » : de même dans d'autres endroits de la Bible où il est question de la lèpre, on note la blancheur comme un signe caractéristique de la lèpre, tandis que la blancheur ne l'est nullement. Au contraire, la coloration violacée de la peau, des enflures, desamputationsspontanées de fragments de membres, des déformations du corps sont les symptômes de cette terrible maladie. La désignation de ces symptômes manque dans la description biblique. La symp-tomatologie des taches du zaraath n'est pas non plus conforme à la morphea alba qu'on rencontre dans la lèpre.
L'analyse des termes du XIIIe chapitre du Lévitique amène le professeur Miinch aux conclusions suivantes :
La « Pega » de l'hébreu signifie la marque ou le stigmate du zaraath, d'une maladie de peau spéciale, qui ne correspond nullement à la lèpre. Les mots seeth, sapachath (synonyme de mispachath) et bhaërelh signifient « tache blanche » d'une intensité de blancheur différente, blancheur caractérisée parfois comme une éclatante blancheur de neige. « Zarabeth « (18-28) signifie une cicatrice fraîche ; selon Michnes c'est une cicatrice mince, transparente comme la pelure de l'ail, contrairement à zaleketh qui signifie une ancienne cicatrice.
La Bible décrit : 1° les phénomènes de la maladie sur la peau saine (Lev. XIII, 2-17) ; 2° le zaraath d une peau affectée par le Schechin ou le mihhwath esct (18-28) ('). ; 30lezaraaf/i des parties chevelues de la tête, (la maladie nethek : 28-37), et enfin 4* le zaraath de la calvitie (40-44) ('2) .
Les versets 2 à 28 et ceux de 40 a 44 décrivent, selon Miinch, levitiligo classique (seu leucopathîa ecquisita) ; c'est à ce dernier que correspond « la lèpre des hébreux, » le zaraath, et non pas à la lèpre des modernes, Velephantiasis graicorum. C'est ici aussi que nous avons le diagnostic différentiel du vitiligo et de la cicatrice blanche ou delà tache blanche d'une autre provenance.
Il est remarquable qu'actuellement encore, comme nous l'avons déjà
(1) S'appuyanl sur le fait qu'il est aussi question de couleur rouge dans ces versets quelques auteurs ont voulu y voir la morphea rubra en môme temps que la morphea alba. Mais il n'y a presque pas de doute possible qu'il soit question de la couleur d'une cicatrice récente riche en vaisseaux sanguins (instar corlicis aiu)..
(2) Les versets 38 et 39 se rapportent à une maladie « pure » le botak et non au zaraath ; les versets 45 et 48 parlent du deuil de « l'impure t, atteinte du zaraath et de son éloignement de la société. Les versets 47-59 parlent du zaraath des vêtements et de : . : -'. itati !. Il s'agit vraisemblablement de taches de moisissure qui, de nos jours encore, produisent parfois la terreur chez les gens du peuple.
dit, le vitiligo, endémique, d'après le Professeur Miinch, en Turkestan, inspire une crainte superstitieuse plus forte que la véritable lèpre. Le vitiligo du Turkestan (pièss) entraine le même isolomentque la véritable lèpre {mahau) dans les villages des lépreux (mahau-fchan ou mahau-kichak) (').
Le za.rtid.th du corps est décrit avec une certaine méthode dans le chap. xin du Lévitique :
1* Le zaraath soupçonné {' ?),.apparition d'une ou de plusieurs taches suspectes.
2« Le zaraath constaté et évident (3-8}, tendance des taches à s'agrandir en surface et à augmenter en nombre. 3° Le zaraath invétéré (9-11), bigarrure du corps.
4" Le zaraath du corps entier (12-13), blanchiment général du corps.
5« Quelques éclaircissements à propos de la dite maladie :
Ainsi, il ne faut porter le diagnostic de véritable zaraath que lorsque les taches ont une tendance à s'agrandir et à se multiplier, lorsque la blancheur envahit les cheveux avoisinant la peau malade et enfin lorsque la tache o parait n plus enfoncée que la chair environnante. Cette dépression ne correspond nullement à la morphea atrophica ; elle n'est qu'un phénomène purement apparent, un effet de contraste.
Cela se voit facilement sur les excellentes photographies du Professeur Miinch. Les régions de peau saine, brune, fortement pigmentée des Orientaux paraissent comme superposées sur la peau blanche, dénuée de pigment, et les places blanches paraissent comme enfarinées (3-8).
Le zaraath invétéré (9-11) présente une phase plus avancée de la maladie lorsque, sur les taches blanches, apparaît ce que la Bible nomme bassar chaj ou michjath bassar, ce qui se traduit dans nos bibles par « chair vive. » Toutefois, d'après Mienne et Septuaginta, cela signifie « une chair saine, » une peau saine et pas du tout une plaie ; du reste, comment comprendre l'apparition d'un cheveu blanc dans une plaie ! (3-10).
Dans le cours de la maladie, lorsque les taches blanches, en se réunissant, ont envahi toute la surface du corps, il peut rester des parcelles de peau saine qui forment des taches brunes sur un fond complètement blanc, ce sont les bassar-cfiaj 19-11). Dans sa période dernière la maladie envahit tout le corps, la peau de l'individu blanchit de la téte aux pieds (12-13 ;, c'est alors que le patient esteonsidéré comme » pur ! » (13). Mais les parcelles de peau brune disparues peuvent réapparaître sur le corps complètement blanchi, les bassar-chaj (14-17) se forment à nouveau ; ceci nous indique la reconstitution de la pigmentation.
11 s'en suit que l'impureté réside dans la bigarrure de la peau, puisque l'individu de coloration uniforme, brune ou blanche, est
(1) Le baras blanc des arabes (vitiligo) peut aus*i être assimilé au djizam arabe (lepra). Cf. Maxcu. La lopre existait-elle au temps de ÎLûisel {Gazette médicale de la Russie Méridionale, Odessa, 1893, ?' 9,10 ct.ll.j
également considéré comme « pur ». Et il est clair que les termes impur » et ¦ pur » (') expriment, non pas l'idée de contagion, mais une impureté spéciale, conventionnelle, superstitieuse. Le Professeur Münch l'explique comme une impureté spirituelle, comme un péché intérieur que le doigt de Dieu indique par un signe extérieur, un stigmate qui est Ve vitíligo ou la pièss, ou le zaraath.
Telles sont les conclusions de feu le Professeur Münch.
Pour celui-ci, il n'y a pas de doute que la lèpre du Nouveau Testament soit identique à la lèpre de l'Ancien Testament. Elles sont toutes les deux indiquées par le même nom grec « lepra » ; nous voyons que dans le Nouveau Testament la lèpre est l'ée aux mêmes rites sacrés ou aux mêmes pratiquas superstitieuses. « Va, dit Jésus au lépreux qu'il vient 4e guérir, montre-toi au sacrificateur et offre pour la purification ce que Moïse a commandé » (Luc v, 14) ; il est utile de comparer ce passage de l'Evangile avec le chapitre xiv du Lévitique sur le sacrifice de la purification.
Toutefois, on ne saurait dire au juste en quoi consistait la guérison de la lèpre biblique, puisque la apúrete ¦¦ pouvait signifier la reconstitution totale du pigment, comme aussi sa complète disparition. Elle pouvait consister aussi dans le simple rite de la purification. Il se peut que ce rite fût destiné à produire, non seulement l'effet moral, mais aussi l'effet physique. Si l'on se reporte au chapitre îv de l'Exode (v. o-7), la main de Moïse pouvait devenir blanche de lèpre comme la neige « puis redevenir comme son autre chair. » Il lui suffisait, pour obtenir alternativement les deux aspects de placer sa main « dans son sein o et puis de l'en retirer ('). Il est douteux que le miracle [5J de Jésus lorsqu'il guérissait le lépreux consistait en une simple déclaration que l'homme était pur, en un simple accomplissement de rite. Peut-être s'agissait-il en provoquant un choc, d'activer le cours de la maladie, de la faire aboutir en une complète blancheur du corps ? La loi sacrée se déclarait satisfaite parcela aussi. Mais il va de soi que la resíiíuíío ad integrurn était tout de même le but suprême.
Dans une de mescommunications précédentes, en 1902, j'ai indiqué la possibilité d'inversion de ces phénomènes, je veux dire que les phénomènes de provenance physique entraînent la possibilité de leur disparition par la même voie physique mais, en sens inverse, j'y insistais sur l'emploi de la suggestion dans les cas de blanchiment des
(1) Comp. les versets 3, 8 et il avec les versets 1*2 et 13.
(2) Hozias était atteint-d'un vitíligo incurable, aux mains. Jusqu'à sa mort il avait vécu, selon l'usage, isolé. Dans d'autres cas, l'isolement durait de 7 à 14 jours. La blancheur apparut sur le front du roi Hosias a la suite d'une colère. (II* Livre des Chroniques, xxvi). Un mot d'Elisée provoque chez Guéhazi la blancheur héréditaire dans sa famille (II Livre des Bois, v, 27). Marie était devenue « pure ¦ au septième jour, car il est dit qu'elle revint au camp après ce terme, et que les Hébreux ne continuèrent pas la route, attendant son retour (Les Nombres xii).
(3) Dans sa réponse aux envoyés de Jean-Baptiste, qui demandèrent s'il est celui qui doit venir, ou s'il faut en. attendre un autre, Jésus dit : o Les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, Us lépreux sont purifiés » (Mathieu xi, 5).
cheveux par suite d'émotions, puisque le phénomène de blanchiment parait être soumis à une action plastique des impressions (').
D'après Luc la guérison du lépreux s'était accomplie comme il suit : « Comme Jésus était dans une ville de la Galilée, un homme, tout couvert de lèpre, l'ayant vu se jeta la face contre terre et le pria, disant : Seigneur ! si tu le veux, tu peux me nettoyer. Et Jésus étendit la main, le toucha, et lui dit : Je le veux, sois nettoyé. Et au même instant la lèpre le quitta. Et Jésus lui défendit de le dire à personne ; mais va, lui dit-il, montre-toi au sacrificateur et offre pour ta purification ce que Moïse a commandé, afin que cela leur serve de témoignage » (Luc, V, 12-14). Marc dit aussi : « La lèpre quitta aussitôt cet homme et il fut nettoyé » (Marc, 1,42). Mathieu (VIII, 3) s'exprime de la même manière. : « Et aussitôt il fut nettoyé de sa lèpre ». Ici aussi Jésus ordonne un sacrifice de purification. Luc (XVII, 11-19} rapporte encore la guérison de 10 lépreux. Allant à Jérusalem, Jésus rencontra sur son chemin dix lépreux qui se tenaient éloignés et qui, voyant Jésus, s'écrièrent : « Jésus notre Maître, aie pitié de nous ! » Il leur ordonna d'aller se montrer au sacrificateur. « et il arriva qu'en s'en allant ils furent nettoyés ; et l'un d'entre eux, voyant qu'il était guéri, retourna sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix ; et il se jeta aux pieds de Jésus, le visage contre terre, lui rendant grâces. Or, il était Samaritain. » En définitive Jésus lui dit : « Lève-toi, va ; ta foi t'a sauvé ».
Sans entrer dans l'analyse du mécanisme du blanchiment de la peau et des cheveux — deux phénomènes étroitement liés dans le vitiligo — je dirai que la suggestion hypnotique paraît toute indiquée dans les cas de dépigmentation d'origine émotionnelle ou psychique principalement au début de l'affection.
N'est-il pas naturel de tendre par ce moyen à |la restitution intégrale du pigment ? Nous avons dans les cas de guérison de la lèpre biblique des précédents instructifs.
On prétend que le blanchiment des cheveux survient très souvent pendant la nuit (MetchnikofTj.Dans le cas du docteur KisseletT déjà cité, le vitiligo apparut sur les mains aussi le matin, après .une nuit de rêves inquiétants. Cette observation est digne d'attention, carie sommeil naturel, — comme l'inattention, la frayeur, la grande émotion et l'état hypnotique — constitue un état dans lequel l'âme est, pour ainsi dire, à nu, sans défense contre les influences extérieures, dépourvue de son contrôle ordinaire, la réflexion.
Il serait surtout possible d'essayer la suggestion comme moyen thérapeutique contre le vitiligo dans les contrées où cette maladie est très répandue, au Turkestan par exemple, où elle est une véritable calamité pour les malheureuses victimes des superstitions et de l'ignorance humaines.
Grande est la puissance des superstitions et des préjugés. Us exercent • (1) IV* volume des Travaux de la Société des Naturalistes à Saratoff.
sur les esprits un empire tout aussi grand que la suggestion elle-même, et un signe somatique peut n'être que l'extériorisation d'une-défectuosité psychique.
On croyait que le bras du paralytique hystérique était incurable. On avait habitué le malade à y croire et il ne pouvait guérir. Jésus, Payant abordé avec une opinion contraire, le guérit.
D'ordinaire, on estime que le blanchiment des cheveux est irrémédiable et progressif, abstraction faite du moment où il commence et des causes qui le produisent. Le vitiligo est soumis au même préjugé. On conçoit qu'il peut devenir endémique, là où une loi religieuse implacable pèse sur cette affection de tout son poids, où elle s'impose si manifestement à l'attention sur la peau brune d'hommes à moitié nus.
Nous sommes en droitde supposer que les phénomènes de la dëpigmen-tation présentent deux catégories de blanchiment : le blanchiment incurable, organique, et un blanchiment fonctionnel, où la coloration primitive de la peau et des cheveux peut être reconstituée. Ces conclusions nous sont dictées par les faits, mais elles demandent néanmoins une justification expérimentale, d'autant plus rigoureuse que la portée théorique et pratique de ces faits est très grande. C'est l'expérience seule qui doit avoir ici le dernier mot. Et, à mon avis, un vaste champ d'études est ouvert dans ce domaine au médecin hypnologue.
Crises hystériques survenant à. la suite d'un hystéro-traumatisme, sons l'influence d'un rêve, et guéries par réduction de ce rêve,
par M. le DT Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Mlle S., âgée de 19 ans, fut victime en octobre dernier d'un accident de voiture. Elle est tombée de voiture et a failli être piétinée par le cheval. Elle était à l'époque de ses règles. Elle eut une grande frayeur, ses règles furent suspendues immédiatement et, dans la nuit, cette jeune fille fut prise d'accidents convulsifs à la suite d'un rêve qui représentait l'accident dont elle avait été victime. Elle criait : enlevez le cheval, et faisait de 1res grands mouvements clowniques. A son réveil elle ne se rappelle rien. Dans la journée, sous l'influence d'une émotion vive, d'un embarras de voiture, elle présente une grande attaque d'hystérie.
Ces crises d'hystérie empêchent la malade de vaquer à ses affaires, (elle est domestique dans un magasin) et se renouvellent toutes les nuits sous l'influence d'un rêve rappelant l'accident.
Le 6 décembre 1907 la malade vient à ma consultation externe de la Salpètrièrc et me raconte les faits ci-dessus.
Son examen dénote une hémi-anesthésie droite presque complète, une abolition du réflexe pharyngien et un point ovarien droit, pas de dyschro-matopsie, clou hystérique au vertex, point mammaire droit, pas de troubles auditifs, dermographisme très prononcé. Pas de sensibilité à l'or,
à. l'argent ou aux pièces de métal, pas d'interversion des troubles de la scnsiblité sous l'influence de l'aimant.
Traitement : Valérianate d'ammoniaque, douches.
19 décembre 1907. — La malade est moins énervée mais elle présente toujours des attaques sous l'influence d'un rêve. Je prescris le même traitement mais de plus j'endors la malade par la fixation du regard, et je lui fais la suggestion suivante : « Vous n'aurez plus de rêve la nuit. Vous ne penserez plus à votre accident, vous De serez plus impressionnée par la vue des accidents de voiture, vous serez bien portante. »
27 décembre. — Guérison complète. La malade n'a pas eu d'attaques d'hystérie depuis sa dernière visite et je ne constate plus les troubles de la sensibilité ni l'anesthésie pharygienne. Le darmographisme existe encore mais est moins accusé.
Février 1908. — La guérison persiste. La malade a repris, depuis janvier, son travail. Cette observation est des plus instructives. Elle nous montre la pathogénie mentale de l'affection, sa guérison par le fait de la disparition du réve, c'est-à-dire de la représentation mentale de l'accident et rinefHcacité de l'application de l'or ou de l'argent et de l'aimant pour la réapparition de la sensibilité. -*
Discussion :
M. Paul Magxik. — Dans les cas de ce genre, il ne faut ni hésiter ni tarder à employer l'hypnotisme proprement dit. Ce qu'on désigne sous le nom de o persuasion » aurait peut-être amené ce rêve à l'état subconscient ; dans cet état, ce rêve fût resté pathogène ; seul l'hypnotisme est capable de le déloger. Ceux qui prétendent que cet hypnotisme thérapeutique est inutile ou dangereux sont des gens ou ignorants ou de mauvaise foi.
M. Bérillon. — Chez de nombreux malades, j'ai observé des crises diverses, des névroses et des psychoses, consécutives à un réve obsédant qui revenait toutes les nuits et qui reproduisait le traumatisme initial : incendie, cheval emporté, accident de voiture, etc. Dans tous ces cas, j'ai remporté des succès grâce à la suggestion hypnotique, aidée ou non de la métallothérapie.
M. Paul Parez. — Une femme a, le jour et la nuit, des crises que l'on prend pour de l'angine de poitrine. Après l'avoir hypnotisée, j'évoque son subconscient et je me fais raconter le rêve, ignoré au réveil, qui provoque la réapparition des crises. Après avoir lu, un soir, dans un ouvrage d'Alexandre Dumas les horreurs du supplice des « embucos », elle réve, la nuit suivante* qu'elle-même y a été condamnée et va être mise à mort de cette manière épouvantable... et elle a sa première crise. Depuis lors, le souvenir de ce rêve la fait tomber eh état second et lui donne, chaque fois, une crise très impressionnante, pendant laquelle elle croit éprouver, les unes après les autres, toutes les phases de ce supplice. Très rapidement, grâce à l'hypnotisme, j'ai fait dispa-
raitre ces crises en supprimant de son souvenir ce réve pathogène que j'aurais ignoré si l'hypnotisme ne m'avait permis de le dépister.
(Cf. 10" Congrès des aliénâtes et ncurologistes, Marseille, avril 1809.)
La psychothérapie graphique, son importance dans le traitement
des idées fixes.
Par M. le Dr Bérillon, Professeur à l'Ecole de psychologie.
La psychothérapie graphique n'est pas seulement, comme je l'ai démontré dans une précédente communication, d'une efficacité incontestable dans le traitement des aboulies : elle est également douée de plus grande efficacité lorsqu'il s'agit de traiter des idées fixes et même des obsessions.
Chaque jour les faits ne cessent de me démontrer sa supériorité sur la psychothérapie purement verbale.
Les exercices d'écriture appliquée, lorsqu'ils sont exécutés d'après la méthode rigoureuse à laquelle je suis arrivé après de nombreux tâtonnements, nécessitent la mise enjeu d'uneffort moteur complet. Pendant ces exercices l'application de l'esprit est porté à son maximum. Tandis que la plupart des occupations courantes sont compatibles avec la persistance d'idées fixes ou obsédantes, l'applicaton nécessaire pour réaliser l'exercice d'écriture appliquée constitue, au contraire, une action dérivâlive suffisante pour détourner l'esprit du malade de ses préoccupations maladives. La répétition journalière de ces exercices permet de réaliser rapidement une véritable rééducation de l'attention. On comprend donc toute l'importance que cette méthode peut avoir dans le traitement d'idées fixes.
La suggestion par l'inlervention du sens musculaire décrite par Braid se trouve réalisée dans l'exercice d'écriture appliquée. L'attitude, les gestes et les mouvements qui favorisent l'application mentale, préparent cette application et entraînent son apparition. Us sont le point de départ d'un réveil de l'activité dans les régions psycho-motrices du cerveau qui en avaient perdu l'habitude.
Charcot a démontré que la superposition des images graphiques aux images visuelles avait le pouvoir de réveiller des idées que les seules images visuelles étaient devenues, chez certains sujets, incapables d'évoquer (').
La psychothérapie graphique place le malade dans les conditions les plus favorables pour la mise en jeu deson_initiative. Obligé de collaborer au traitement par un effort personnel, il n'est plus un sujet purement passif sous la direction du médecin.
(1) J. H. Charcot. Sur un appareil destiné à évoquer les Images motrices graphiques chez des sujets atteints (le cécité verbale. Application à la démonstration d'un centre moteur graphique fonctionnellcmcnt distinct (Progrèsmédical, n"25 189"2).
Il ne larde pas à recouvrer un certain nombre d'aptitudes motrices qu'il avait perdues. En particulier la culture du sens musculaire reconstitue chez lui la faculté d'apprécier le degré de contraction qui doit être réalisé pour l'obtention du résultat voulu. Ainsi, progressivement il arrive à faire mieux, à s'appliquer davantage, avec un effort moindre. Ce retour de la dextérité manuelle et de la souplesse dans tout le système musculaire ne sont pas un des moindres avantages de la psychothérapie graphique.
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un entraînement psychologique. Le principal écueil de ce traitement réside donc dans l'impatience des malades qui né se soumettent pas avec assez de docilité à la graduation des exercices.
La suggestion verbale, c'est-à-dire celle qui consiste à énoncer devant le malade des formules plus ou moins évasives ou affirmatives, peut convenir aux sujets chez lesquels dominent les aptitudes auriculaires et que pour ce motif on a souvent désignés sous le nom d'auditifs. Mais i est absolument certain, contrairement à ce qu'on a parfois affirmé1 que le nombre des auditifs est de beaucoup inférieur à celui des sujets chez lesquels dominent les aptitudes visuelles.
Pour s'en rendre compte, il suffit de constater le succès habituel des enseignements dans lesquels la plus grande part est faite à l'attention visuelle. Les conférences avec projections sont toujours plus suivies que les autres ; les séances multipliées du cinématographe ne parviennent pas à lasser l'intérêt du public. Il est même vraisemblable que l'extension continue de l'enseignement de la lecture et de l'écriture dans les masses populaires ne cessera pas de développer les aptitudes visuelles aux dépens des aptitudes auditives.
Tandis que l'illettré se mettait surtout en communication par l'oreille avec le monde extérieur, c'estactucllement dans la lecture que l'homme instruit va chercher ses inspirations. L'homme moderne tend donc de plus en plus à devenir un visuel.
Les images visuelles laissent toujours dans notre cerveau des impressions plus persistantes et plus précises que les images auditives. On se-souvient mieux d'une scène dont on a été témoin que de paroles qui ont été prononcées ; on se rememórela physionomie des personnes, alors qu'on a les plus grandes difficultés à retenir leurs noms. Devant les tribunaux on fait plus de cas des témoignages visuels que de ceux qui sont basés sur des souvenirs auditifs ; ils sont moins sujets à Terreur.
Or, malgré ces données, pas plus en psychothérapie qu'en pédagogie, on n'a songé à tirer un parti suffisant de l'imagination visuelle. Cependant, la vision mentale est la faculté qui permet, avec le plus de facilité d'introduire dans le cerveau sous forme d'images, les idées qui peuvent contribuer à perfectionner notre esprit. Elle est également la faculté qui permet de faire revivre, avec le plus d'intensité, les images précédemment introduites.
Dans son Essaisur le langage. Charme a pu dire avec raison : «Nous pensons notre écriture, comme nous écrivons notre pensée. »
Il n'y arien de plue logique que de recourir à l'écriture lorsque l'on veut faire pénétrer dans un esprit une idée qui par sa valeur morale, par sa persistance, par son utilité pratique doit l'emporter sur toutes les autres. C'est donc à tort que la psychothérapie graphiquea été, jusqu'à ce jour, systématiquement dédaignée. Je ne négligerai rien pour démontrer que le moyen le plus efficace pour faire pénétrer dans un esprit une suggestion curative ou moralisatrice, c'est de recourir au mécanisme de l'écriture appliquée. Il n'est pas besoin de démontrer que les conditions les plus favorables serontréalisées lorsque le malade sera, leplus possible, mis à l'abri de toutes les distractions qui viendront détourner son tien-tion. Le monoïdéisme qui est une des manifestations les plus frappantes de l'état d'hypnotisme pourra donc être utilisé chez les sujets dont les idées fixes et les obsessions sont profondément enracinées. Dans l'état d'hypnose le malade est évidemment plus malléable, les suggestions visuelles aussi bien que lès suggestions auditives ont plus de prise sur lui. II y a donc des cas où son intervention constitue un gage de succès.
La psychothérapie graphique, je crois l'avoir théoriquement et pratiquement démontré, apporte une contribution nouvelle au traitementdes aboulies et des idées fixes.
Un peu plus tard, lorsque cette thérapeutiquenous sera revenue de l'étranger, et qu'elle sera couramment utilisée dans les kurhaus de la Suisse, de l'Allemagne ou de l'Amérique, j'espère que Ton voudra bien se souvenir que la première mention en a été faite à la Société d'hyp-nologie et de psychologie.
CRITIQUE BIBLIOGRAPHIQUE
Hypnotic Therapeutics in Theory and Practice,
by John Duncan Quackenbos A. M- M. D. 1908. — London and n'ew-York Harper and Brothers Publishers par M. le D' Van Rentebghem (d'Amsterdam)
Le Docteur Quackenbos, de New-York, a fait ses études de médecine au College of Physicians and surgeons of New-York et fut reçu docteur en 1871. Il étudia depuis la philosophie et accepta après son doctorat ès lettres, la position de professeur de Philologie à la Columbia University, donnant des cours de psychologie, de philologie et de religions orientales. L'étude du magnétisme animal l'attira spécialement et lui fit reconnaître le rôle capital réservé à la suggestion dans les symptômes mesmériques. Après vingt années données à la philosophie, dont dix ans de professorat, il se retira de l'Enseignement pour s'établir médecin en 1894.
Après l'étude théorique de l'hypnotisme et de la suggestion, il résolut d'aborder son application pratique. L'occasion propice ne se présenta cependant que cinq ans plus tard.
On lui permit, notamment pendant l'hiver de 1899, d'essayer l'hypnotisme sur un grand nombre de pensionnaires d'un des nombreux asiles de nuit situés dans le Borough of Ma.nfiatta.rn, quartier mal famé de New-York. Ainsi, le Docteur Quackesros a fait ses premières armes sur un tas de vagabonds et de malmenés de toute espèce, adonnés aux vices les plus divers et quoiqu'il dût opérer dans des circonstances peu favorables à la cure, les succès obtenus par lui furent si nombreux et si frappants, qu'il résolut dorénavant de se donner exclusivement au traitement des maladies nerveuses par l'hypnotisme thérapeutique.
Une première publication Hypnotism in Mental and Moral culture vit le jour en 1901. Il y loue l'hypnotisme comme moyen de développer la puissance de la volonté et comme remède dans les maladies du sens moral. .
Durant la période de sept ans qui sépare ce premier livre du Traité théorique et pratique de l'Hypnotisme thérapeutique que je me fais un plaisir d'annoncer, l'auteur a traité quelques milliers de nouveaux cas et résume dans ce volume les résultats obtenus par lui, tout en les_com-parant à ceux de ses confrères Américains et Européens.
Dans son introduction, il rappelle l'œuvre de Liébeault, le fondateur de l'hypnotisme thérapeutique contemporain il fait la part des mérites de Charcot, cite les noms des travailleurs de la première heure en Europe et fait une mention très particulière de la clinique de feu le Docteur Wetterstrand, de Stockholm. Un desamis du Docteur Quacken-bos avait passé un mois chez Wcttertrand. Le pasteur protestant Docteur Wilber force-New ton, suivant journellement la visite de notre regretté confrère, fut frappé de son modus curandi consistant dans l'acte de circuler pendant trois heures consécutives dans son grand salon rempli de 50 à 100 malades, imposant la main et chuchotant à l'oreille des paroles de consolation, d'espoir, de guérison, ce qui lui rappela les temps des apôtres de Jésus.
L'auteur mentionne le volume remarquable du Docteur Milne Bramwell, de Londres, cite les écrits et les mérites de ses confrères en psychothérapie américains, des Docteurs Hamilton-Osgood et Morton Prince, de Boston, du Docteur Guerrish, de Portland (Maine) et du Docteur Osgood Mason, de New-York, et se plaît à rappeler le nom du Docteur Yamaguchi, de Tokio (Japon), comme exerçant avec succès la psychothérapie suivant les traditions de l'Ecole de Nancy.
Dans une série de huit chapitres, l'auteur traite à tour de rôle des mystères de la sous-conscience (the Translimînal), du sommeil comme agent favorisant la suggestibilité, des différents degrés de la suggesti-bilité, de la suggestibilité des personnes en danger de mort imminente, de I'auto-suggestion, insistant sur le rôle de celle-ci dans le modus curandi de la Christian Science, de la Guérison métaphysique, des Cuers de foi et de prières, de l'Ostéopathie et de leurs congénères, enfin des prétendus dangers de l'hypnotisme thérapeutique, se rangeant à l'avis des maîtres européens, notamment que ces dangers sont nuls si l'opéra-
tion est confiée aux mains des médecins compétents et qu'ils ne se produisent que chez le malade se confiant à des mains inexpérimentées ; il finit par condamner les représentations théâtrales de l'hypnotisme expérimental.
Après l'exposé théorique, l'auteur s'étend sur les applications de la suggestion comme agent thérapeutique principal dans les maladies fonctionnelles du système nerveux et comme palliatif dans le traitement des maladies organiques. Il rappelle que dans touttraitcment chronique ou physique, la suggestion joue un rôle, mais qu'il faut se garder de voir en elle une panacée. Dans maint cas, il s'agit de faire collaborer différents facteurs thérapeutiques pour arriver à ses fins. Le médecin philosophe et psychologue saura fairo la part du traitement psychique, diaetétique, physique et chimique pour le plus grand bien du malade.
Ainsi, traitant de la cure de la neurasthénie, après avoir indiqué le surmenage et les falsifications des denrées comme causes occasionnelles de cet état morbide, il insiste sur une bonne nourriture, une meilleure répartition du travail et du repos, l'administration de la lécithine, des glycérophosphates, l'interdiction des boissons fermentées et du tabac, le séjour à la campagne, l'un et l'autre appuyés d'une sage psychothérapie.
Le traitement des obsessions et des impulsions morbides lui a valu beaucoup de succès. Il préconise l'emploi de la suggestion dans le traitement de certaines formes de maladies mentales au début de leur évolution. Elle fait merveille si l'on réussit à captiver l'attention du malade. Il est d'avis que les asilesd'aliénésrenfermentun grand nombre de malades à qui on aurait pu épargner la disgrâce de l'internement psychique. Il cite quelque cas de guérison de manies religieuses : manie de la prière, remords de conscience ; de troubles mentaux se montrant à l'âge critique du climactérium et du développement de la puberté ; d'amnésie aiguë consécutive au choc ou suite d'une maladie grave ; de folie morale, etc. Sous le chef de folie morale ressortent l'envie et la jalousie morbides, la vanité excessive, les excès de colère ou de couardise, la pyromanie, la kleptomanie, l'habitude de mentir, la passion du jeu, les aberrations sexuelles, les habitudes alcooliques, la morphino-cocaino-tabaco-manie, la profanation, les défauts de caractère chez les enfants. C'est dans ces cas surtout, dit-il, qu'on reste frappé de la puissance de la suggestion. Elle sait opérer de véritables résurrections, des transformations du caractère incroyables, produites dans un instant.
M. Quackenbos a traité un grand nombre de personnes adonnées aux boissons alcooliques. Il distingue trois classes de buveurs, soit :
1. Les buveurs habituels qui s'enivrent chaque jour, les ivrognes proprement dits ;
2. Les pseudo-dipsomanes qui présentent des accès périodiques d'ivrognerie préludant par des symptômes bien connus de leur entourage, à savoir : de l'irritabilité, de l'inquiétude et de la dépression morale ;
3. Les dipsomanes vrais, ressortant de la folie circulaire. Ce genre de malade est aliéné avant qu'il ne commence à boire et continue à l'être pendant la période morbide, même dans le cas que par défaut de boissons alcooliques il n'a pas l'occasion d'assouvir sa soif morbide.
Selon l'expérience de l'auteur la majorité des malades de la première catégorie ne veulent pas consentir à se faire traiter, ils n'aiment pas être dérangés dans l'habitude qu'ils ont contractée. Au moins 90 0/0 deux, tant hommes que femmes évitent le commerce des personnes qui veulent les sauver et les corriger de leur vice. Il juge incurables les vrais dipsomanes et prétend que les plus grands succès sont obtenus dans la classe des pseudo-dipsomanes. Comme règle fondamentale il ne faut entreprendre le traitement hypno-suggestif que chez le malade qui désire ardemment être guéri et n'instituer la suggestion que chez le malade à jeun de boisson. L'auteur a traité dans le cours de huit ans un grand nombre de cas d'alcoolisme et doit en avoir mené à la guérison 80 0/0. Après l'alcool, le tabac cause le plus grand dommage à la santé physique et morale de l'individu. La cigarette surtout est un des pires ennemis de l'homme. L'inhalation de sa fumée donne aux poisons volatiles tels que la nicotine, l'oxyde de carbone et l'acide prussique le libre accès des poumons et permet leur absorption et diffusion dans le sang.
La fatalité veut que l'habitude de fumer la cigarette se gagne très tôt dans les écoles primaires, s'installe dans la bonne société et devient article de mode chez les dames du grand monde. La suggestion hypnotique est le meilleur remède du vice de l'habitude du tabac. Souveraine dans le sevrage du poison chez les morphinistes, elle permet de réduire de jour en jour la dose du narcotique jusqu'à abstention complète tout en épargnant au malade les souffrances du sevrage et de l'abstinence. Cette cure doit être entreprise dans un hôpital et conduite sous la surveillance permanente du médecin et de ses gardes-malades. Le sevrage obtenu, on a à compter avec deux dangers : d'abord celui de la récidive possible puis celui que le malade n'aie recours à un autre stimulant. Aussi le médecin dans les premiers temps suivant le sevrage ne perdra pas de vue son malade et continuera longtemps encore à lui réitérer la suggestion à intervalles de plus en plus éloignés.
Pire que la morphine, la cocaïne fait des ravages dans les rangs de la clas ?e ouvrière américaine (demoiselles de magasins, marchands de journaux, nègres dans les Etats Méridionaux), dans celle des femmes du demi-monde, dans les rangs des hommes d'affaires, des prêtres, des médecins surmenés.
A cet effet, l'auteur appelle l'attention sur l'excellente loi promulguée dans l'Etat du Nébraska, dont il prédit l'adoption future dans tous les Etats de l'Amérique du Nord.
Elle édicté que » toute personne dipsomane, adonnée à l'abus des boissons alcooliques, de la morphine, de la cocaïne et de leurs congénères narcotiques, sera détenue, soignée et traitée dans l'Asile d'aliénés de
Nébraska. Les inspecteurs des asiles d'aliénés, instruction faite de l'accusée, ont !e droit de condamner les malades (les coupables) à un confinement dans l'hôpital dont la durée ne saurait dépasser trois ans. Le malade occupe une chambre isolée et est soumis au traitement qu'on jugera le mieux approprié à son état afin de neutraliser les effets délétères du narcotique dont il a abusé, de reconstituer ses forces physique et psychique et de rééduquer son moral. Le directeur en chef a le droit de libérer sur parole le malade guéri ou convalescent. L'exeat est donné conditionnellement. Avant d'obtenir sa liberté provisoire, le convalescent est tenu de signer le vœu écrit d'abstinence d'alcool et de narcotique durant un terme de trois années et doit promettre formellement de ne fréquenter durant cette période ni bars, ni cafés ou autres lieux publics du même calibre, ni les personnes indulgentes sous le rapport de Tus ou de l'abus de ces poisons.
La personne libérée sur parole doit faire parvenir un rapport écrit le 1« ' de chaque mois au directeur en chef de l'Asile, tenant qu'il n'a viole son serment en aucune façon.
Ces rapporta sont contrôlés par une Commission départementale des inspecteurs des Asiles d'aliénés. Le malade libéré trouvé en" faute est repris par la justice sur l'ordre du directeur général de l'hôpital susdit et confiné de nouveau dans l'Asile, quitte à reprendre le traitement.
La timidité est un état pathologique qui se rencontre en Amérique comme partout ailleurs. L'auteur a traité près de 200 cas de cette maladie et prône l'excellence de la suggestion à l'état de sommeil provoqué dans ces cas.
A propos de la cure des bègues, il rappelle les résultats brillants obtenus par feu le docteur Wetterstrand et insiste sur la nécessité de tenir longtemps le patient en observation après que sa guérison a été. obtenue et de lui donner à grands intervalles de temps en temps une suggestion pour assurer le succès permanent. II a recours souvent à cet effet, à l'aide d'un parent du malade qui a une influence suffisante sur lui et le charge de répéter chaque soir au convalescent la suggestion nécessaire au moment même que celui-ci se trouve sur le pointde s'endormir.
Dans le trac du musicien, du chanteur, de l'artiste dramatique, du prêtre, de l'orateur public, la suggestion hypnotique a prouvé être d'une valeur surpassant de beaucoup celle de tout autre mode thérapeutique.
Quatre pages sont vouées aux avantages que procure la pratique de la suggestion à la garde-malade qui a appris à la manier. Personne ne se trouve dans des conditions aussi avantageuses que la sceur pour couler la suggestion au malade dormant, délirant, sur le point de s'endormir et lui donner du calme, lui rendre l'espoir, apaiser ses douleurs, abattre son anxiété et l'aguerrir contre les maux à venir. L'auteur a réussi à se former un état-major de « trained-nurses » qui le suppléent avec le plus grand avantage pour le malade dans un grand nombre de
cas traites à domicile ou dans les maisons de santé. Il est heureux de pouvoir constater, écrit-il, que beaucoup àv. femmes instruites, intelligentes et de grand caractère se vouent aujou d'hui à la profession si noble de garde-malade !
L'été dernier j'ai faità Amsterdam la connaissance de Mme Higgins, une des « trained nurses » du docteur Quackenbos, lorsque dans sa tournée sur le continent européen elle visitait les principales cliniques de psychothérapie.
Si toutes les collaboratrices du docteur Quackenbos ressemblent à cette dame, mon confrère américain est assurément bien assisté.
Toute médaille cependant a son reverset je me demande si l'ambition de faire le bien ne pourrait un jour ou l'autre jouer un mauvais tour à la meilleure des nurses et la porter à oublier son rôle d'assistante en l'incitant à quitter le second rang pour s'établir au premier. Espérons qu'elles sauront résister à cette tentation.
Un autre chapitre est consacré à l'hypno-pédagogie. L'auteur rappelle les mérites spéciaux du docteur Bérillon et sa priorité dans l'application de l'hypnotisme thérapeutique à l'orthopédie mentale. Il insiste sur le changement de milieu des enfants vicieux et fait ressortir que les bons exemptes et les suggestions intelligemment choisies sont autrement efficaces que les simples admonestations et les punitions corporelles.
Un dernier chapitre de la partie clinique de l'ouvrage mentionne le beau rôle dévolu à la mère de famille comme éducatrice des enfants et celui assigné à l'épouse comme soutien moral de l'époux. L'auteur s'étend largement sur la puissance morale du bon exemple et sur les avantages que confère un sage maniement de la suggestion à la femme mariée, à la mère intelligente. Alors que les remontrances et conseils donnés à l'état de veille ne suffisent pas à corriger certains défauts, la mère épiera le sommeil commençant de son enfant pour lui donner la suggestion appropriée et l'épouse tentera le même procédé pour remonter le moral du mari surmené et pour lui assurer un bon sommeil.
Dans un appendice l'auteur rapporte un cas de clairvoyance observé par lui chez une de ses malades et rappelle à cet effet les études intéressantes de MM. Myers, Barrett et Franck Podmore.
C'est avec un grand plaisir que j'ai lu 1s livre que je viens d'analyser. Il porte l'empreinte de ce bel enthousiasme dont nous nous sentîmes envahis dans ces premiers temps des publications nancéennes qui nous apportaient l'enseigneTOent du maître Liébeault et nous firent connaître le merveilleux agent dont il venait de doter l'humanité.
Notre confrère de New-York, le docteur Quackenbos a fait une bonne œuvre et j'ose prédire que son enseignement contribuera largement à répandre les doctrines de l'Ecole de Nancy et la renommée de son fondateur le docteur A. A. Liébeault sur le vaste continent américain.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 19 mai, à 4 heures et demie, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.
Les séances de la société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les litres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane, et les cotisations à M. le Dr Paul Farez, trésorier, 154, boulevard llaussmann.
Communications déja inscrites : Dr Paul Farez : L'expertise médico-légale et la responsabilité (suite). Dr Bahaddin Chakir Bey, de Constantinople : l'organisation de l'expertise médico-légale en Turquie. 3>( Bérillon : Idées fixes affectives en relation avec l'hémianesthésie ; -du coté droit chez les hystériques. _ Dr Henry Lemesle (deLoches).— Présentationd'unbandeau hypnogène.
Avis important. — La séance annuelle de la société aura lieu le mardi 16 juin et sera suivie d'un banquet. Les membres de la Société sont invités à envoyer leur adhésion e". le titre de leurs communications au secrétaire général.
NOUVELLES
Cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie. — MM. les docteurs Bérillon et Paul Farez, commenceront, le mardi H juin 1907, un cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie.
Ce cours sera privé ; il comportera des démonstrations pratiques et sera complet en dix leçons ; il se fera à l'Ecole de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Art ?, où les inscriptions sont reçues les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. On peut également s'inscrire par correspondance.
Le droit d'inscription est fixé à 50 francs.
Les leçons auront lieu aux dates suivantes :
M. le Dr Bérillon, les 11, 13, 10, 18 et 20 juin, à 10 h. 1/2 du matin. M. le Dr Paul Farez, les mêmes jours, à 6 heures du soir.
L'Administrateur-Gêrant : Ed. BÉRILLON.
l'arfs, Imp. A. Queiquejeu. rue Gcrbcrt, 10
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
?2« Année . — N* 12 - Juin 1908.
BULLETIN
La section de pédagogie au Congrès de l'Association française, sous la présidence du docteur Bérlllon. — La Société française d'études Islamiques.
M. le docteur Bérillon, président de la section de pédagogie au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences a ainsi présenté le programme général de la section :
« L'Association française pour l'avancement des sciences tiendra son prochain Congrès, à Clermont-Ferrand, du 3 au 10 août 1908.
* Désigné pour présider la 18' section (Pédagogie et Enseignement), j'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien participer à nos travaux. Les questions suivantes, inspirées par le souci de l'actualité, seront l'objet de rapports et donneront lieu à des discussions approfondies :
* 1° La collaboration de la famille et de l'école dans l'éducation.
« 2° Les enfants et les adolescents impulsifs et vicieux. Mesures de préservation sociale et procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables.
c 3° L'enseignement scolaire des devoirs de protection et d'assistance à l'égard des animaux.
« Je vous invite à prendre part à ces discussions, ainsi qu'à nous adresser les résultats de vos études personnelles et de votre expérience pédagogique.
« Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour assister aux séances et faire des communications au Congrès. Cependant, pour participer aux avantages des membres titulaires (voyages à demi-tarif, excursions, réceptions, publications), je vous engage à vous inscrire à l'Association française, dont la cotisation annuelle est de 20 francs.
c Je vous prie de m'adresser, dès maintenant, le titre des communications personnelles que vous vous proposez de faire au cours de nos séances. Il serait utile d'y joindre un résumé pouvant servir de base à la discussion. Les communications seront annoncées au programme de la session qui paraîtra prochainement.
• « La session du Congrès de l'Association françaises Clermont-Ferrand présente une occasion essentiellement favorable pour permettre aux membres des divers ordres d'enseignement, aux professeurs des écoles spéciales, professionnelles ou techniques, ainsi qu'à toutes les personnes
qui s'intéressent aux questions d'enseignement, de se réunir et de délibérer en commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former les générations futures. -»
•
» «
La Société française d'Études islamiques fondée à Paris le 21 mars dernier par M. le professeur Ubeyd-Oullah de Constantinople, le docteur Bérillon, professeur à l'Ecole de Psychologie et Firmin Verdier, avocat, docteur en droit, tiendra sa prochaine réunion mensuelle le mardi 23 juin à cinq heures à l'École de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, sous la présidence du Dr Bérillon, avec l'ordre du jour suivant : 1° le Mouvement du Monde musulman ; 2" M. Ferid bey, directeur de l'Etendard Egyptien, la Renaissance musulmane ; 3° M. Gcrvais Courtellemont : la Marche de l'Islam vers le progrès. (Cette communication sera accompagnée de projections en couleurs) ; 4° Mme Marko-witch : L'Œuvre poétique d'une dame turque (Mme Mihr Ennissa) : 5° Communications diverses.
Cette réunion est assurée du meilleur succès, le grand banquet qui a eu lieu le 11 avril dernier, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du Prophète, ayant déjà mis en contact les personnalités nombreuses à Paris qu'intéressent toutes les questions éminemment actuelles qui touchent à l'Islam. Le zèle actif et éclairé de M. le professeur Ubeyd-Oullah ne tardera point à recueillir ainsi la légitime satisfaction de ses efforts qui tendent si justement à éclairer réciproquement TOrient et l'Occident sur leurs sentiments respectifs.
Aucune des définitions actuelles de l'hystérie n'est légitime.
Par M. le D' Paul MaGNIn. Extrait d'une leçon faite â l'Ecole de Psychologie, le 30 janvier 1908-
[Fin.)
M. Crocq (de. Bruxelles) professe des idées sensiblement analogues aux précédentes. Avec M. Babinski il considère la suggestibilité exagérée comme un des principaux éléments de la névrose mais, comme M. Bernheim, il rapporte certaines de ses manifestations, la crise entre autres, à l'émotivité primitive. L'hystérie constitue pour lui un syndrome mental « un état psychopathologique caractérisé par l'hyperimpressionna-bilité, la diminution du contrôle cérébral et l'hypersuggestibi-Iité » et c'est sur ce fond mental qu'évoluent les divers stigma^ tes et accidents comme autant d'épisodes morbides passagers.
Dans son rapport au Congrès de Genève-Lausanne M. Schny-der (de Berne) se refuse lui aussi à considérer l'hystérie comme
une entité morbide, mais, contrairement à M. Bernheim, il pense que les troubles regardés comme lui appartenant (stigmates sensitivo-sensoriels, troubles moteurs, viscéraux, etc.) constituent, au même titre que la crise, les manifestations de processus psychiques anormaux auxquels on peut sans inconvénient appliquer la dénomination d'hystériques. Simples épisodes chez certains sujets, ils peuvent être chez d'autres assez étendus, assez continus pour qu'on puisse parler d'une hysté-risation de la mentalité sans qu'il faille d'ailleurs entendre par là qu'il existe un état mental spécial caractéristique de la névrose. Cette hystérisation peut atteindre en effet des mentalités très dissemblables et c'est là précisément la raison des différents aspects sous lesquels se présente l'hystérie suivant les conditions ethnologiques et sociales des individus. Elle est constituée par l'exagération et la perversion de réactions psychiques et psycho-physiques normales, spécialement des réactions émotionnelles et des manifestations de la suggestibilité. « On retrouve dans la mentalité de l'enfant la base de toutes les manifestations hystériques et on peut parler d'une hystérie infantile physiologique. L'hystérie de l'adulte est étroitement liée à certaines conditions physiques qui représentent en somme une régression de la mentalité vers le type infantile » caractérisé surtout par un manque de jugement logique. Cette faiblesse de critique rationnelle entraîne l'hystérique dans un système d'auto-suggestions qui finissent par troubler profondément sa personnalité et le conduisent à une conception erronée des situations réelles et à un défaut d'adaptation à celles-ci. L'hystérie est -avant tout « une maladie d'évolution de l'esprit humain ».
L'étude sociologique et philosophique que l'auteur fait de la névrose peut éclairer dans une mesure certains points de son histoire et de son étiologie mais je ne pense pas que sa « conception morale de l'hystérie » puisse pratiquement intéresser la clinique. Elle ne nous fournit pas d'éléments de diagnostic suffisants et ne nous donne sur la nature tout comme sur les limites de l'hystérie que des indications réellement par trop vagues. On est aussi en droit de se demander avec M. Cruchet « comment l'état normal de l'enfant s'est transformé en hystérie physiologique... Il ne faut pas comparer l'enfant à l'adulte et conclure de l'adulte à l'enfant... il y a chez l'enfant sain manque de jugement, irréflexion, si on le compare à l'adulte, mais cette comparaison est fausse par rapport à l'âge de l'en-
fant ». De par le fait que l'état mental infantile peut, dans certains cas, exister chez l'hystérique, il n'en faut pas conclure que ce même état mental soit hystérique chez l'enfant. Les termes très impropres d'hystérie physiologique ne peuvent donc être synonymes de mentalité infantile autrement « cela reviendrait à dire que tous les enfants sont des hystériques ce qui est évidemment faux ».
Le rapport de M. Claude au même congrès nous ramène sur le terrain de la clinique. « L'hystérie, conclut-il, peut être considérée comme une diathèse prenant, en général, son origine dans un état constitutionnel du système nerveux, le nervosisme, caractérisé par un défaut de régulation dans les processus réflexes élémentaires, psychique ou organiques. Elle tire son caractère propre de la faculté qu'acquiert le sujet d'isoler d'une façon consciente ou inconsciente, certaines perceptions ou apercëptions, et de leur laisser prendre pendant un temps plus ou moins long, en dehors de l'activité psychique supérieure, une importance telle, qu'elles exercent une action dynamogéni que considérable sur certaines fonctions et cela," grâce à la modification primitive des processus r6-. flexes et aux dépens d'autres perceptions ou apercëptions laissées dans l'ombre. »
L'auteur attribue donc au nervosisme les phénomènes qui relèvent d'une simple perturbation permanente dans les processus réflexes élémenfaires réservant l'épithète d'hystérique aux symptômes qui ne peuvent s'expliquer que par cette faculté spéciale qu'a le sujet d'isoler certaines perceptions ou certains concepts et de leur laisser prendre une influence dynamogénique telle que la fonction en soit troublée. La recherche des symptômes latents de l'hystérie permettra de mettre cette faculté spéciale en évidence. Dans l'ensemble de ces symptômes latents, M. Claude estime que, chez les hystériques indemnes de toute suggestion médicale, il y a lieu de distinguer ceux qui relèvent du nervosisme originel et ceux qui sont l'expression de la névrose. Au premier groupe appartiendraient la sensation de boule, l'hyperesthésie de certaines parties du tégument, Phypoalgie, le dermographisme, 'etc. Dans le second rentre toute la série des phénomènes variés que l'on peut provoquer pour ainsi dire expérimentalement par suggestion. C'est l'épreuve, si l'on veut, de la sugges-tibilité. Quant au symptôme présenté par un sujet manifestement hystérique, il ne sera rattaché à la névrose que par
exclusion, la méthode de diagnostic différentiel étant la seule rationnelle. Dans certains cas enfin la guérison par suggestion pourra servir de pierre de touche.
Dans ses leçons sur les Névroses et Psychonévroses, M. le Professeur Raymond a bien fait ressortir également le rôle prépondérant que joue Tobnubilation du moi dans le mécanisme de production des divers syndromes hystériques. Une série de sensations correctrices, psychiques, motrices, sen-sitives, tactiles, musculaires, articulaires ou autres faisant défaut, celles qui sont nettement enregistrées prennent, de ce fait, une ampleur, un relief exagérés et deviennent ainsi pathologiques. Il y a là un véritable déséquilibre du contrôle que l'individu peut exercer sur ses fonctions, le degré de suggestibilité étant précisément en raison inverse de ce contrôle. Portée à l'extrême, cette suggestibilité « laisse éclater dans toute leur intensité les innombrables manifestations de la névrose, en rapport immédiat avec les pensées, les représentations mentales, les sensations, surtout émotives... Le désordre du moi de l'hystérique, sa manière de réagir et de sentir, créée brusquement ou lentement, se résume en une modification plus ou moins durable du régime des réflexes cérébraux, laissant ceux-ci sans frein correcteur, fonctionner à faux et produire tels ou tels désordres pathologiques dans les divers domaines dont ils étaient .chargés d'assurer le fonctionnement régulier. » Et, après avoir montré que cette conception permet de comprendre l'infinie variété des manifestations hystériques, M. Raymond donne de la névrose la définition suivante : « La psychonévrose hystérie — qui n'est qu'une manière spéciale de réagir et de sentir de la part de l'individu atteint — résulte d'une modification particulière du dynamisme nerveux, caractérisée par un trouble du régime des réflexes corticaux ou sous-cortiaux.Ceux-ci, inhibés ou excités engendrent la dissociation des opérations physio-psychologiques et leur fonctionnement isolé et sans contrôle ; ainsi sont créés des syndromes nerveux plus ou moins durables dans les divers domaines que règlent ces réflexes. »
Bien que nos connaissances sur le régime normal des réflexes corticaux et sous - corticaux soient encore bien ru-dimentaires, cette conception n'en est pas moins intéressante. Tout en indiquant aux chercheurs une direction pour l'étude de la pathogénie de l'hystérie, elle présente l'avantage d'être très clinique ; elle montre combien l'observation des malades
s'éclaire de par les travaux des psychologues, et il faut l'avouer, c'est là une notion incomprise encore de bien des médecins.
Reste une définition purement clinique, celle de M. le Professeur Pitres (de Bordeaux) « L'hystérie, dit-il, est une névrose dont les accidents très variés ont pour caractères communs : a. de ne pas être sous la dépendance directe de lésions organiques ; b. de pouvoir être provoqués, modifiés ou supprimés par des manœuvres externes ou par des causes purement psychiques ; c. de se succéder sous différentes formes et à différentes époques chez le même sujet ; d. de ne pas retentir gravement sur la nutrition générale et sur l'état mental des sujets qui en sont atteints. » Pour ancienne qu'elle soit, elle n'en demeure pas moins une des meilleures.
Il me faut enfin examiner une très curieuse conception due à M. Claparède, le distingué psychologue Genevois. Elle dérive de sa théorie biologique du sommeil. Pour cet observateur : « Le sommeil est une fonctionactivede défense, un instinct qui a pour but en frappant l'animal d'inertie de l'empêcher d'arriver au stade d'épuisement. » La fonction hypnique est, comme tout acte instinctif soumise à la loi fondamentale de l'activité animale, la « loi de l'intérêt momentané ». Ce n'est pas la réceptivité qui est affaiblie, abolie, mais bien la réactivité, notamment la réactivité d'intérêt, d'adaptation et le mécanisme du sommeil consiste en somme dans une réaction de désintérêt pour la situation présente.
Par comparaison, un certain nombre de manifestations de la névrose, sinon toutes, dérivent elles aussi de la fonction inhi-bitrice de défense, mais si le dormeur réagit et se réveille dès que survient un motif d'intérêt supérieur à son désintérêt, il n'en est plus de même chez l'hystérique dont le désintérêt persiste et échappe à la loi de l'intérêt momentané. Ici, de par le terrain, la prédisposition, la réaction de défense est exagérée, anormale, elle constitue pour ainsi dire un réflexe de dégoût psychique comparable à ce qu'est, par exemple, le réflexe du vomissement pour le corps. Elle entraine le développement de telle ou telle idée, s'oppose à la réalisation de tel ou tel acte et les stigmates sont en somme la conséquence de ces réactions d'inhibition mentale défensive. Et, conséquent avec lui-même, M. Claparède se demande si les manifestations cutanées hystériques (troubles trophiques et vaso-moteurs) ne peuvent pas être regardées comme la réapparition déformée et inadéquate, puisque les organes eux-mêmes ont été transformés,
des réactions ancestrales de défense peaucière qui ont joué un si grand rôle dans l'animalité.
Vous saisissez toute l'originalité de cette théorie biologique de l'hystérie ; l'auteur ne semble, du reste, se faire aucune illusion sur la valeur pratique de cette série d'hypothèses si ingénieusement enchaînées et termine son travail par cette conclusion peut-être très philosophique, mais par trop sévère, ce me semble, que vouloir définir l'hystérie avantd'en avoirdécelé la nature est une entreprise inutile et dangereuse. En restant sur le terrain de la clinique on peut, je crois vous l'avoir montré, faire œuvre utile, exempte de danger, mais je dois ajouter toutefois, qu'à l'heure actuelle, la définition de l'hystérie reste encore à trouver.
La folie dans les dynasties orientales,
par le 0' Bérillon,
professeur à l'Ecole de psychologie. médecin-Inspecteur des asiles d'aliénés.
(Fin) (•).
L'étude impartiale des règnes de trente-cinq sultans de la dynastie des Ottomans permet d'affirmer que vingt-cinq d'entre eux étaient doués d'un état mental normal. Seize se sont même révélés comme des hommes d'une valeur réellement supérieure ; c'est à juste titre qu'ils ont mérité l'admiration et la reconnaissance de leurs sujets. Chez neuf autres, les dispositions intellectuelles ne furent certainement pas à la hauteur de la lourde tâche qui leur incombait, mais cette légère infériorité fut largement compensée par le choix d'habiles ministres. A tout prendre, leur règne ne fut pas inférieur en gloire et en- prospérité à ceux des hommes remarquables qui avaient assuré la grandeur de l'empire ottoman.
Malheureusement, dix des sultans ont présenté, à un degré plus ou moins accentué, les manifestations de la dégénérescence mentale héréditaire. Plusieurs, bien que possesseurs d'une intelligence brillante, n'ont pas su résister à l'enivrement du pouvoir absolu. Dans nombre de circonstances, où on ne saurait invoquer la justification tirée de la raison d'Etat, ils se sont livrés à des actes où l'odieux le dispute au ridicule. Six de ces derniers ont abouti à l'aliénation mentale confirmée. II est pénible de constater que le règne de ces dix malheureux insensés a accumulé sur leur empire plus de ruines, de défaites et d'humiliations que la valeur des vingt-cinq autres ne lui avait apporté de gloire et de prospérité.
Dans un livre très documenté, paru sous le titre Demi-fous et demi-(1) Voir Revue de l'Hypnotisme n' de mars 1908 et suivants.
responsables (') le professeur Grasset vient de faire ressortir, avec beaucoup de justesse, les grands dangers que font courir à la société les individus qui n'ont que l'apparence de la raison sans en avoir la réalité. Après avoir exposé les méfaits que ces demi-fous, vivant en liberté, ne cessent de faire courir à leur famille ou à leur milieu, il n'a pas hésité à demander contre eux des mesures de protection légitime. -
H a démontré la possibilité d'une prophylaxie individuelle, familiale et sociale de la demi-folie. Mais, si le savant professeur de Montpellier s'est étendu avec complaisance sur les tares psychiques que l'on rencontre chez les écrivains et les artistes de génie, il ne s'est pas préoccupé un seul instant des dangers que des demi-fous, pour ne parler que de ceux-là, peuvent faire courir à des nations entières, lorsque l'application du dogme de l'hérédité les a placés sur le trône. M. le professeur Grasset ne paraît pas admettre qu'il y ait eu des demi-fous, voire même des fous complets, parmi les souverains de tous les .pays. Cependant s'il est une situation dans laquelle ces dégénérés héréditaires puissent être nocifs, c'est bien lorsqu'ils assument la responsabilité du gouvernement et décident du sort des peuples.
J'incline à penser que, s'il n'a pas abordé ce redoutable côté de la question, c'estmoins par la crainte de s'exposer à commettre un délit de lèse-majesté, que par celle de ne pouvoir apporter à la question de solu-lution satisfaisante.
Cependant, la réunion de la conférence de la Haye laisse entrevoir à ce sujet des horizons naguère inespérés. Il n'est plus téméraire d'admettre que, dans un jour prochain, une des attributions les plus légitimes de cette conférence pourrait être de décider si des troubles mentaux survenant chez un souverain ne constituent pas une incapacité formelle pour l'exercice de ses fonctions. Le jour où elle serait saisie par un groupe de sujets notables, qualifiés par leur valeur morale et par leur rang social, d'une question de cet ordre, il est probable qu'elle serait quelque peu embarrassée. Elle tenterait évidemment de se tirer provisoirement d'affaire en déclinant toute compétence au point de vue du diagnostic de l'aliénation mentale. Mais l'idée énoncée ne tarderait pas à prendre corps, et il ne serait pas surprenant que la conférence de la Haye, protectrice naturelle des nations désarmées, ne tienne aussi bientôt àhonneur d'étendre son aide tutélairc aux peuples opprimés par des despotes dépourvus de raison.
C'est peut-être dans l'extension des attributions de la Conférence internationale que se trouverait la solution de la question posée par le professeur Ubeyd Oullah à l'Ecole de psychologie.
J'avais quelque peu hésité à m'engager dans l'étude que je viens de faire trop incomplètement devant vous. A vrai dire, je ne regrette plus aujourd'hui d'avoir cherché à soulever le voile qui cachait à nos yeux les grandeurs et les défaillances de la grande civilisation
flj Grasset : Demi-fous et demi-responsables. In-8', Paris, 296 pages, Alean, 1907.
ottomane. Les recherches auxquelles je me suis livré ont contribué à modifier quelques-unes des opinions auxquelles, sur la foi de légendes, mon esprit s'était arrêté.
- En effet, lorsque Ton compare la valeur intellectuelle et morale des sultans ottomans, pris dans leur ensemble, à celle des souverains des divers pays occidentaux, on ne peut manquer d'arriver à la conclusion que la supériorité n'est pas du côté de ces derniers. '
Tout observateur impartial sera frappé de ce fait, qu'avant d'aboutir à la dégénérescence, les dynasties musulmanes, avaient traversé de longues périodes de puissance et de prospérité.
Dans aucune famille royale d'Occident, on ne trouve d'aussi longues séries d'hommes réellement supérieurs, au pointdc vue de l'intelligence aussi bjen qu'àcelui du caractère, que chez les Kalifes arabes et les sultans ottomans.
A l'article Folie du Dictionnaire philosophique, Voltaire fait plaisamment remarquer que dans le courant du xv » siècle, le roi de France Charles VI, le roi d'Angleterre Henri VI, et l'empereur d'Allemagne Venceslas, « perdirent la faculté de raisonner o. Or, au moment même où les souverains des trois plus grands royaumes de l'Europe occidentale étaient frappés d'aliénation mentale, le trône de Turquie fut successivement occupé par Mahomet IV, universellement considéré comme un souverain équitable et généreux et par Amurath II, représenté par tous les historiens comme un fidèle observateur de la foi jurée, comme un prince plein de droiture et de justice et aussi comme un des plus grands et des plus nobles représentants de la dynastie ottomane. . Quand les thèses de cette séance de réouverture de nos cours n'auraient eu pour effet que de dissiper quelques croyances légendaires et de rectifier quelques appréciations trop communément répandues, nous ne manquerions pas de nous en féliciter. Mais cette réunion nous a valu une satisfaction encore plus appréciable : celle de l'avoir tenue sous la présidence d'un maître aussi remarquable par sa valeur scientifique que par l'élévation de son esprit. En apportant à l'Ecole de psychologie, œuvre d'initiative individuelle et de libre recherche psychologique, l'appui de sa haute autorité, M. le professeur Brissaud, s'est acquis des titres imprescriptibles à notre affection. Qu'il nous permette de le remercier bien vivement de son encouragement si précieux et de lui en exprimer notre sincère et profonde reconnaissance.
*
• ¦
.Après la lecture faite par MM. Ubeyd Oullah et Bérillon, M. le professeur Brissaud, qui présidait la séance de réouverture des cours de l'Ecole de psychologie, a prononcé une éloquente allocution. Ne pouvant en donner le texte rigoureusement exact, nous nous bornerons à en donner le résumé analytique, qui en renferme les éléments essentiels.
12.
Allocution de M. le docteur Brissaud,
Professeur à la Faculté de Médecine
Le qualificatif de tyran n'avait pas à l'origine le sens qu'on lui attribue aujourd'hui. Les Grecs, et ensuite les Romains, entendaient par le mot grec despote, un maître de maison, le chef d'un groupe familial. 11 est vrai que chez les anciens l'autorité du père de famille était empreinte d'une certaine rudesse qu'elle a perdu de nos jours.
L'organisation d'une société a toujours comporté l'obligation d'un chef. Dans les premiers groupements humains, la fonction de chef était naturellement dévolue à celui qui se distinguait par des qualités de force, de prudence ou d'expérience. C'est ce qui s'observe encore aujourd'hui chez les animaux vivant en troupeau, à l'état de liberté.
Tant que les sociétés furent peu étendues, et que les besoins de l'homme furent peu compliqués, il est notable qu'il y eut de bons tyrans. Leur rôle se bornait à maintenir l'ordre, à assurer la part légitime de chacun et à veiller à la conservation du patrimoine commun.
Mais l'élargissement progressif de la cité ne tarda pas à rendre la tâche du tyran plus difficile. Les discordes plus fréquentes entre les citoyens, la corruption des mœurs, la méchanceté irréductible de certains des gouvernés, nécessitèrent de la part du gouvernement l'intervention de décisions de plus en plus arbitraires. Pour maintenir son autorité, il arrive un moment où celui qui commande a besoin de recourir à des auxiliaires chargés de l'exécution de ses ordres. De là sans doute est venu tout le mal. Parmi ces collaborateurs, les courtisans dominent inévitablement. On connaît l'action délétère de la flatterie. Combien peu, même lorsqu'il s'agit des hommes les plus énergiques, peuvent se vanter d'échapper à l'influence de suggestions répétées, émanant d'un entourage intéressé.
Un tyran perverti par de constantes adulations ne tarde pas à devenir orgueilleux, autoritaire, soupçonneux et vindicatif.
C'est ainsi que, par une transformation en quelque sorte inévitable, le bon tyran du début est devenu le despote exécrable et exécré.
L'étude de cette évolution constitue une excellente leçon de psychologie. Elle enseigne qu'il n'est pas prudent de confier à un homme, quels que soient ses mérites, une autorité sans contrôle. Attribuer à quelqu'un l'exercice d'un pouvoir absolu, c'est l'exposer, d'une façon presque fatale, à la tentation d'en abuser.
On ne saurait s'imaginer à quel point l'exercice prolongé de la puissance arbitraire peut corrompre les esprits les meilleurs et les mieux intentionnés. Pour s'en convaincre, il n'est pas nécessaire de recourir à la documentation de l'histoire ; il ne serait pas difficile d'en trouver la démonstration dans la gestion d'administrations moins importantes que des royaumes où mêmes des ministères.
La possession du pouvoir absolu a pu permettre à quelques hommes de génie de contribuer à la marche en avant de la civilisation. Mais leur
apparition constitue un fait si exceptionnel, qu'il est préférable de ne pas faire entrer cette éventualité en ligne de compte.
On a eu beaucoup plus fréquemment à constater chez les monarques absolus l'existence d'un caractère faible, indécis, fatalement destiné à devenir le jouet de conseillers avides et peu scrupuleux. Dans un trop grand nombre de cas, des potentats déséquilibrés, atteints de dégénérescence mentale, se sont livrés aux pires excentricités. On a pu même se demander s'il n'eût pus mieux valu qu'ils fussent franchement fous ; leurs peuples auraient eu plus de chance d'en être promptement délivrés. En effet, ces alternatives de raison et de folie qui se manifestent d'une façon périodique dans l'esprit du souverain absolu amènent la pire situation. Lorsque, par ses actes déraisonnables, il a provoqué les irritations des esprits sévères, il lui suffit ensuite d'accomplir quelques actes à peu près sensés pour se concilier les suffrages des indulgents et des optimistes. En fin de compte, il bénéficie de la diversité des opinions à son égard, et son influence désastreuse se perpétue pour le plus grand malheur de son peuple.
Comment venir en aide aux nations affligées d'un tel mal. Je crois que le seul moyen efficace, c'est de s'efforcer par une propagande légitime, de faire pénétrer dans la masse du peuple opprimé les idées de civilisation qui sont les nôtres. Le despotisme n'est pas conciliable avec un certain degré d'instruction. L'exemple des nations occidentales en a apporté une démonstration des plus frappantes. Les enseignements des philosophes et des syndicalistes au xvni* siècle ont plus contribué à préparer les grands mouvements politiques que tous les actes de révolte individuelle. L'idéal de liberté et de progrès qui se dégage de leurs écrits, en pénétrant jusque dans les profondeurs de la nation, y a déterminé des courants d'opinion irrésistible. Il en est résulté la transformation complète et définitive du régime social de notre pays. C'est par l'action civilisatrice des penseurs, des écrivains, des savants que les peuples asservis arriveront à la conquête de leurs droits légitimes.
Mais il faut leur souhaiter de ne pas changer leur sort, comme exemple s'en rencontre si souvent dans l'histoire des peuples .contre une situation moins enviable.
Voltaire, en quelques lignes où se retrouve sa spirituelle ironie, fait ressortir l'inconvénient qu'il peut y avoir à remplacer la tyrannie d'un seul par une oligarchie non moins détestables.
« Si je n'ai qu'un despote, écrivait-il, j'en suis quitte pour me ranger contre un mur lorsque je le vois passer, ou pour me prosterner, ou pour frapper la terre de mon front, selon la coutume du pays ; mais s'il y a une compagnie de cent despotes, je suis exposé à répéter cette cérémonie cent fois par jour, ce qui est très ennuyeux à la longue lorsque l'on n'a pas les jarrets souples. »
Par une extension en quelque sorte prévue de son programme, l'Ecole de psychologie devait, un jour ou l'autre être amenée a s'occuper des rapports de la sociologie avec la psychologie.
On commence à se rendre compte de l'intérêt des études qui permettent de comprendre par quel mécanisme certains hommes exercent une action directrice si marquée sur l'esprit d'autres hommes. C'est là l'objet principal de vos études. Je ne saurais trop vous encourager à les continuer.
Aujourd'hui, vous avez voulu proclamer le droit qu'à tout esprit de bénéficier des découvertes scientifiques et de cultiver librement son intelligence. C'est avec la plus grande spontanéité que je m'associe à vos efforts pour la réalisation de ce but élevé. Je terminerai cette allocution, inspirée par les sujets qui viennent d'être traités, en félicitant les professeurs de l'Ecole de Psychologie de leur initiative dont ils ont fait preuve en organisant leur enseignement. J'ai été heureux de l'occasion qui m'était offerte d'apporter ma collaboration à des hommes animés de l'amour du progrès et qu'un même idéal a réunis, celui de contribuer par leurs efforts à la recherche et à la vulgarisation de la vérité.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 17 mars 1908- — Présidence de M. Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. Bahaddin Chakir Bey, Scié-ton-fa, Louis Maillet, Wïtry (de Trêves), Domingos Jaguaribe (de Sao-Paulo, Brésil), Podiapolsky (de Saratow), ainsi que les publications suivantes : Le Mal de mer, essai de pathogénie et de traitement, par M. le T>- Louis Maillet ; — La Peste en Russie, par M. P. Podiapolsky (de Saratow).
Les communications annoncées à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
1. D' Witry (de Trêves). Quelques cas de thanatophobie guéris par la suggestion hypnotique.
Discussion : Dr Bérillon, Dp Jules Voisin.
2. Dr Pamart : Aphonie hystérique et hémianesthésie.
Discussion : Dr Bérillon.
3. D'Ossokine (de Saratow). L'érythrophobie.
4. D' Bérillon. Les conditions fondamentales de la production de l'hypnose.
A propos du récent travail du professeur Brissaud sur la sinistrose et pour répondre à une question de M. le Dr Granjux, M. le D' Bérillon étudie dans quelles conditions l'hypnotisme, pour êtrecilicace, devrait être appliqué aux k Sinislrosés. »
Prennent la parole MM. les docteurs Pamart, Marcellin Cazaux, Voisin, Magnin, Paul Farez et Bérillon.
La société décide de maintenir cette question à l'ordre du jour.
M. le Président met aux voix les candidatures de M. de Leymarie, avocat à la Cour, et du Dp Bauduy qui sont nommes, à l'unanimité, membres titulaires de la Société.
La séance est levée à b" h. 50.
Quelques cas de thanatophobie guéris par la suggestion hypnotique.
par M. le Dr Witry, de Trèves-sur-MoselIe.
Les malades atteints de thanatophobie, que j'ai traités, appartenaient tous à des carrières libérales ou à la bonne bourgeoisie. Les ouvriers et les campagnards ne m'ont jamais présenté cette peur brusque et obsédante de /a mort en pleine santé et en pleine conscience. J'ai consulté aussi bon nombre de moribonds des classes inférieures ; ils mouraient tous avec un certain stoïcisme que j'ai trouvé rarement chez les moribonds des classes aisées. Je dois ajouter ici que mes observations portent pour la majeure partie sur des catholiques. Leur conception philosophique moniste et leur foi solide écartaient la peur de la mort dans tous les cas observés chez les moribonds instruits. Les thanatophobes, que j'ai traités, pendant ces dernières années, par la suggestion hypnotique, étaient tous, sans exception, des névropathes de familles dégénérées.
1er cas. — En pleine nuit on m'appelle chez Mlle S.... En chemin, le père me raconte que sa fille se lamente d'une façon inquiétante ; elle va, dit-elle, mourir en quelques heures d'une méningite, elle fait ses adieux à ses parents, etc. Elle s'était couchée très tranquillement, puis s'est éveillée à minuit et a tout de suite commencé à pleurer. Il s'agit d'une fille unique, âgée de 18 ans, très bien développée, très instruite, ne présentant pas de stigmates de dégénérescence ; elle a été, auparavant, en vacances pendant six mois, chez une tante très hystérique ; le père est alcoolique. La malade se tord dans son lit. implore mon aide et me déclare qu'elle va mourir dans le délai d'une heure. Je l'examine : pas de fièvre ; je lui fais des passes en lui suggérant le sommeil ; au bout de trois quarts d'heure s'installe un sommeil profond qui dure jusqu'à neuf heures du matin. A cette heure, je la revois et je l'éveille. Elle est très reposée et très tranquille, n'a plus aucune trace de phobie et se rappelle la scène de la nuit dans ses moindres détails. Elle n'a pas eu de cauchemar avant l'attaque : la phobie a éclaté subitement. Je lui fais encore quelques suggestions. Depuis trois ans rien d'anormal chez elle. A noter qu'au moment de sa phobie il sévissait, dans la région, une épidémie de méningite.
Deuxième cas : Ancienne institutrice, 49 ans, de père et mère aliénés. Même attaque brusque de thanatophobie. La malade crie au secours,
ne veut rien manger, s'alite et fait venir le prêtre. Sueurs abondantes, pouls petit, prostration complète. On m'appelle le deuxième jour. La malade ne veut pas de médecins puisqu'elle va mourir ; elle me demande cependant de l'aider devant l'horreur de la mort. L'examen dénote un état somatique absolument normal, avec, toutefois, ancsthêsic complète de la jambe gauche et du rein droit. Je fais une injection de scopomor-phine et, pendant que la malade s'assoupit, je lui suggère de se lever après huit heures de sommeil sans éprouver la moindre peur. Elle dort très bien et se lève sans trace de phobie. L'attaque s'est reproduite deux fois depuis. La malade est venue tout de suite chez moi et une simple suggestion a fait disparaître la phobie.
La thanatophobie est très récalcitrante, quand elle se présente chez les personnes âgées. J'ai fait cette observation que les prêtres âgés sont surtout exposés à la thanatophobie. Ceux que j'ai traités étaient tous des névropathes et des scrupuleux. La thanatophobie persistait chez la plupart jusqu'à la mort. D'autres, qui se soumettaient au traitement hypnotique, éprouvèrent un grand soulagement. Un seul en fut guéri après quelques séances. Hérédité : Un frère aliéné, une sœur suicidée. M. l'abbé H. a soixante-quatre ans, pas d'artério-sclérose, très robuste, mais très nerveux. Très pieux ; la phobie s'est déclarée chez lui un matin quand il se levait. Depuis huit jours il ne peut plus dormir. Il accepte Je traitement par l'hypnose.
Organes internes absolument sains. Léger strabisme. Le malade prend au début de chaque séance un quart de gramme de véronal. Je lui fais des passes et pendant que l'action somnifère du véronal commence je lui fais mes suggestions. Suit un sommeil de deux heures. Le .malade se réveille'avcc un léger sentiment de fatigue (action du véronal), la phobie a diminuée.
Après quatorze séances consécutives la phobie a disparu. Guérison depuis deux ans.
Un quatrième cas est celui d'un confrère, médecin directeur d'un asile d'aliénés, 40 ans, de père mort de tuberculose, de mère mélancolique. Un enfant est mort de tuberculose. Le malade a présenté déjà quelques attaques de nosophobie, et essayé tous les médicaments antituberculeux. Très nerveux, très brusque, sans conception philosophique de la vie. Il arrive et me déclare qu'il est très surexcité, qu'il a une peur folle de mourir » parce que l'on ne sait pas, s'il y a tout de même un enfer. » L'état somatique est complètement sain. Le confrère avoue avoir « fait la noce » pendant quelques jours de suite. De là, cette thanatophobie à . la suite de l'idée des peines de l'enfer. Il accepte mon interprétation, prend des bains prolongés, quelques douches, 80 centigrammes de. ¦véronal et après quelques jours de repos, la joie de vivre et l'instinct de la conservation l'ont repris. La nosophobie a subsisté, le confrère se refusant à croire à la suggestion par l'hypnose.
Aphonie hystérique et hémianesthésie « -
par le Docteur René Pamart professeur à l'Ecole de psychologie.
Le 21 janvier 1908, Madame L., demeurant à St-Etienne, venait à la clinique de la rue St-André-des-Arts pour confier sa jeune fille à nos soins, sur la recommandation d'un de nos confrères. Alexandrine L., àgéc de 14 ans, plieuse de rubans, parait jouir d'une belle santé générale ; grande et forte, elle semble plus âgée qu'elle ne l'est réellement. Et, de fait, la maladie actuelle est la seule de toute son histoire.
Les antécédents héréditaires ne présentent rien de particulier ; la mère est bien portante et ne semble pas nerveuse ; le père, également d'une bonne santé, est employé de chemin de fer. C'est un homme sobre et tranquille, à existence régulière.
Le 25 mai 1906, Alexandrine L. reçut une violente secousse morale, bien capable d'éveiller les manifestations d'une névrose jusqu'alors latente. Elle fut attaquée, le soir, par un jeune homme dont les intentions sont faciles à supposer, et qui chercha à la renverser dans le fossé bordant la route. La force musculaire d'Alexandrine lui permit de se dégager et de s'enfuir ; mais le lendemain elle était toute couverte de rougeurs s'accompagnant de sensations de brûlure. Elle fut reçue à l'hôpital, où on la traita par les douches froides pendant six semaines. Pendant ce séjour, elle eut chaque semaine une violente crise nerveuse, avec perte de connaissance. Après sa sortie de l'hôpital, les crises augmentèrent de fréquence et de durée, se renouvelant tous les deux jours et se prolongeant chacune pendant 5 heures.
Vers le milieu de juillet 1906 se produisit une crise particulièrement violente, annoncée par une sensation d'étouffé ment, et au sortir de laquelle Alexandrine demeura complètement aphone. En même temps se manifestait une contraction spasmodique de l'œsophage tellement complète qu'il fallut, pendant un mois, nourrir exclusivement la malade au moyen de lavements alimentaires. Brusquement, à la fin d'août, e* sans cause occasionnelle apparente, Alexandrine se réveilla un beau matin dans un état parfaitement normal.
Pendant cette première phase de la maladie, la menstruation s'était accomplie régulièrement. Au mois d'octobre 1906, les règles ne parurent point ; en revanche une complète aphonie se manifestait de nouveau, un matin au réveil, en même temps qu'une hémianesthésie gauche totale, avec anesthésie du voile du palais. A partir de ce moment, les règles revinrent, mais tous les quinze jours, et cet état ne se modifia plus jusqu'à l'époque où le traitement nous fut confié (21 janvier 1908).
A cette date, l'aphonie est absolue, et la parole est exclusivement chuchottée. Les réflexes pupillaires, rotuliens, plantaires, sont conservés, normaux et égaux des deux côtés ; mais l'anesthésie cutanée, qu'il s'agisse de piqûre, de chaleur ou de froid, est complète a gauche. Le voile du palais, chatouillé ou piqué, ne réagit point ; la moitié gauche
de la langue est insensible à la piqûre et le sens du goût y est aboli. Une barbe de plume chatouillant la narine gauche ne provoque pas d'é-tcrnuement.
. La malade, très suggestible, n'est pourtant pas facile à endormir tout d'abord. Mais, dès la troisième séance, ses craintes et ses méfiances ayant disparu, nous pouvons provoquer chez elle l'état d'hypnose pendant lequel elle ne cesse d'ailleurs de s'agiter, au point de glisser parfois de son fauteuil. Une pièce d'or étant alors appliquée sur le coté gauche du front produit une sensation de brûlure ; la .sensibilité à la piqûre reparaît au point même que la pièce atouché, mais pour quelques minutes seulement ; plusieurs applications prolongées pendant une demi-heure n'ont pu déterminer une seule fois le phénomène du transfert. Et cependant, nous avons patiemment cherché à le provoquer dans un but curatif. Nous pensions en effet qu'en rétablissant, par des transferts successifs et répétés, la sensibilité normale, nous avions chance de voir en même temps disparaître l'aphonie. Mais les résultats des applications métalliques se montrant à la fois si légers et si fugaces, le traitement institué fut le suivant. Trois fois par semaine, la malade fut hypnotisée, et, après avoir reçu la suggestion qu'elle allait guérir, qu'elle devait en être convaincue, qu'elle allait pouvoir, peu à peu et de plus en plus aisément, émettre des sons, elle était invitée à s'y efforcer séance tenante. Éveillée ensuite, elle était, par les soins de M. Gosset, chef des travaux mécanothérapiques de la Clinique, soumise pendant un .quart d'heure environ à un massage vibratoire de toute la région antérieure du cou. et. pendant ce massage, elle devait également s'efforcer de prononcer à haute voix les différentes voyelles.
Après une dizaine de séances, Alexandrine arrivait à émettre ainsi quelques sons, notamment sur les voyelles A et E. Elle se trouvait dans un état à peu près analogue à celui où se trouvait une de mes malades, Mlle Juliette M..., à l'époque où je présentai celle-ci à la Société le 19 décembre 1905. (Voir la Revue de l'Hypnotisme de mai (906.) Ceci m'a-.mène à vous parler de ce cas déjà ancien, car les deux guérisons furent obtenues par des procédés analogues. Dans le cas de Mlle M..., en effet, nous nous trouvons, fin décembre 1905, en présence d'une malade qui, pour faibles que fussent alors les résultats obtenus, se rendait compte de leur réalité, et en avait conclu à une confiance absolue dans l'efficacité de mes suggestions, dans le bien-fondé de mes affirmations. Le 3 janvier 1906 étant le septième anniversaire du début de son aphonie, je résolus de profiter de cette date, à laquelle se rattachait un souvenir impressionnant, pour provoquer chez elle un choc moral, en quelque sorte antagoniste de celui qui avait causé tout le mal, et annihilant ses effets avec la même soudaineté qui avait caractérisé le début de l'affection. Endormie aussi profondément que possible, Mlle M... reçut de moi cette suggestion impérative, cette affirmation catégorique, que le 3 janvier 1906, sept ans jour pour jour, heure pour heure, après être tombée malade, elle se trouverait, au réveil, radicalement guérie. Cet heureux
événement ne manqua pas de se produire, et la guérison s'est si bien maintenue que cette jeune fille, dont j'ai assez fréquemment des nouvelles, donne depuis plusieurs mois des.leçons de chant.
Je résolus de faire risquer à Alexandrine le bénéfice d'un semblable choc thérapeutique. La date choisie, date anniversaire d'un événement important pour elle, fut le 23 février 1908. Le 22 février, je l'endormis et lui fis une suggestion très nette et très impérafive. Rendue confiante par les petits progrès réalisés déjà, ma malade était en bon état de réceptivité. J'ajoute que, par acquit de conscience, j'essayai en outre, une fois encore, d'obtenir un transfert par la raôtallothérapie, mais que, sous ce rapport, mon attente fut déçue comme précédemment.
Le lendemain matin, au réveil, Alexandrine était brusquement et complètement guérie. Elle vint, le mardi 25 février, nous annoncer ce résultat. Je pus constater alors : que la sensibilité normale était rétablie des deux côtés, que la moitié gauche de la langue avait recouvré la fonction guslativc, que le voile du palais réagissait, et, chose à bien noter, que l'application de la pièce d'or sur un point quelconque de la peau ne provoquait plus aucune sensation de brûlure.
Cet état de parfait équilibre s'est maintenu depuis. Alexandrine est retournée à Saint-Etienne. Mais avant son départ, me méfiant de la mauvaise influence possible de quelque souvcnir.de quelque anniversaire impressionnant, j'ai cru devoir prendre une précaution. Quelques jours avant ces dates dangereuses, ma malade viendra me revoir ou bien m'écrira pour que je lui adresse tout au moins une suggestion écrite imposant le maintien de sa guérison.
De cette observation, deux points que nous connaissions déjà d'ailleurs, nous semblent dignes d'être soulignés :
1° L'influence favorable et véritablement précieuse du choc thérapeutique dans la guérison d'accidents nerveux provoqués eux-mêmes par un choc moral ;
2° Le fait que la guérison d'une manifestation névropathique entraîne le plus souvent, et en même temps, la guérison d'autres symptômes se rattachant à la même cause. Hémianesthésic, sensation spéciale due au contact de l'or, ont disparu en même temps que l'aphonie. C'est un retour à l'équilibre qui s'accomplit en bloc ; on pourrait le comparer à ce que produit l'introduction d'un sel cristallisé au sein d'une solution sursaturée du même sel. Nous observons journellement, à la Clinique, ce même phénomène heureux, en particulier chez les enfants que nous soignons à la prière de leurs parents, et qui, du jour où ils sont par exemple guéris de l'onychophagie, cessent en même temps de mentir, de se livrer à l'onanisme ou de se montrer paresseux ou coléreux.
SOCIÉTÉS SAVANTES
L'onychophagie à l'Académie de médecine « Rapport de M. Galippe,
sur un mémoire de M. le Dr Didsbury, relatif au traitement de l'onychophagie par les appareils de prothèse dentaire.
Soua le titre suivant : Le traitement de l'onychophagie par les appareils de prothèse dentaire, M. le Dr Didsbury, stomatologiste des hôpitaux, propose d'adapter sur les grosses molaires inférieures des onychophages un appareil amovible disposé de telle façon que lorsque les incisives supérieures se rapprochent des inférieures, celles-ci ne puissent plus se rencontrer et que, par conséquent, le tiqueur se trouve dans l'impossibilité matérielle de réaliser son geste automatique et inconscient.
L'appareil fort simple préconisé par M. le Dr Didsbury, n'est pas à -proprement parler un appareil prothétique, et c'est seulement par extension du langage technique que le présentateur a pu lui donner ce nom.
Quoi qu'il en soit, la méthode suivie par M. le Dr Didsbury est fort ingénieuse et mérite d'être louée, pour sa simplicité et pour les bons résultats qu'elle a donnés à son auteur.
II est toutefois permis de faire une réserve au point de vue du mot traitement employé par le présentateur. En dépit des bons résultats obtenus par lui, nous pensons qu'à elle seule cette thérapeutique d'ordre purement mécanique pourrait se montrer insuffisante dans certains cas et nous estimons qu'il vaut mieux la considérer comme un adjuvant nécessaire d'un traitement plus général et d'ordre étiologique.
D'ailleurs on ne doit pas oublier que, d'une façon générale, les appareils inamovibles constituent une gène pour la mastication et que, d'autre part, l'appareil amovible peut être enlevé par l'enfant, dès qu'il n'est plus surveillé.
Les onychophages sont rangés en effet dans la grande classe des dégénérés héréditaires ; il est rare qu'ils ne présentent que cette seule anomalie et qu'on n'observe pas chez eux d'autres stigmates, ou psychiques ou somatiques. C'est ainsi que MM. les docteurs Bérillon et Jules Voisin ont observé chez leurs onychophages d'autres manifestations de la dégénérescence, telles que l'incontinence nocturne d'urine, les tendances impulsives, les terreurs nocturnes, le somnambulisme, la som-niloquie, le bégaiement, la pusillanimité, les troubles moraux, les phobies diverses et surtout l'onanisme (Dr E. Bérillon).
(lj Académie de Médecine, séance du 3 mars 1900.
Parmi les stigmates physiques observés chez les onychophages par le même auteur, nous signalerons les déformations du crâne, microcé-phalie, plagiocéphalie, asymétrie frontale, etc. On a relevé également sur les mêmes sujets, du strabisme, du nystagmus, des tics divers, de l'asymétrie des deux pavillons de l'oreille, ou le déplissement des mêmes organes.
On recontrerait également, d'après le Dr Bérillon, le pbymosls, les adhérences préputiales et cHtoridicnnes, le pied plat, etc.
Du côté de la cavité buccale, on a signalé l'atrésie de la voûte palatine, des végétations adénoidiennes et des anomalies de siège des dents.
La recherche des antécédents héréditaires confirme le plus souvent, dit M. le Dr Bérillon, la présomption de dégénérescence héréditaire. « I* est extrêmement fréquent de retrouver chez les ascendants directs ou collatéraux, non seulement l'onychophagie, mais aussi les tares physiques et psychiques les plus variées. La dégénérescence dans certaines familles fertiles en onychophages atteint un tel degré qu'on n'y trouve pas un seul parent qui ne soit alcoolique, ou joueur effréné, ou convul-sivant, ou faible d'esprit, ou aliéné, ou délinquant, ou hémiplégique, ou tuberculeux. »
On voit, par ce qui précède, qu'on n'est pas impunément onycophage, bien que cette manifestation ne comporte pas toujours une interprétation aussi sévère et qu'elle soit susceptible, comme bon nombre d'autres manifestations de la dégénérescence, de présenter des degrés de gravité très atténués.
On peut rapprocher les chéilopkages {mangeurs de lèvres) (H. Meige) des onychophages. Les uns et les autres peuvent être rangés dans la catégorie des tiqueurs et ont les mêmes antécédents morbides ; et l'on peut observer chez les premiers, comme chez les seconds, des anomalies soit du côté des dents, soit du côté des lèvres et de la voûte palatine, ces anomalies permettant de les classer parmi les dégénérés. M. H. Meige a obtenu les meilleurs résultats du traitement qu'il a dénommé discipline psycho-motrice, traitement s'appliquant tout aussi bien aux onychophages qu'aux chéilophages.
Les procédés de traitement consistant à enduire les doigts des enfants de substances amères ou mal odorantes, et à immobiliser les mains ou à protéger celles-ci par des gants n'ont donné que des résultats infidèles ou inconstants.
La méthode proposée par M. le D' Didsbury rendra certainement de grands services en opposant un obstacle mécanique efficace à l'impulsion inconsciente qui pousse une catégorie d'enfants à se ronger les ongles ou les lèvres, mais nous pensons qu'il sera toujours utile de compléter ce traitement en s'adressant à la cause même de cette habitude vicieuse, c'est-à-dire en pratiquant la rééducation de la volonté, ou, si ce moyen échoue dans les cas les pluB graves, en recourant, comme l'a conseillé M. Bérillon (1893), à la suggestion hypnotique.
Nous proposons de déposer honorablement la communication de M. Didsbury dans les archives de l'Académie.
— Les conclusions du présent rapport, mises aux voix, sont adoptées. _
Faisant allusion à ce rapport, un rédacteur de la Province médicale se demande s'il est bien utile de s'occuper de l'onychophagie chez les enfants. Il s'indigne à la pensée que l'onychophagie puisse être considérée comme un signe de dégénérescence. Il ne s'agit là que de la protestation intéressée d'un onychophage qui s'indigne à l'idée d'être pris pour un dégénéré. Nous reviendrons sur cette question de l'onychophagie dans notre prochain numéro.
Les paresthésies pharyngées
par MM. les docteurs Boulay et Le Marc Hadour (de Paris)
Nous désignerons, sous le nom de paresthésie pharyngée, toute sensation erronée ayant pour point de départ ou pour aboutissant le larynx. Suivant qu'il y a sensation sans objet, ou mauvaise interprétation d'une lésion, l'erreur du malade est une illusion sensorielle. Les paresthésies pharyngées ne se rencontrent que chez les sujets présentant un état mental particulier, qui les prédispose à s'occuper et à s'inquiéter de ¦ leur maladie.
En clinique on a le plus souvent affaire à des sensations de fausse présence : le malade croit avoir dans la gorge un corps étranger (arête, épingle, os, noyau de fruit), qui ne s'y trouve pas en réalité. Le hemmage des arthritiques, certaines toux nerveuses, ont la même origine. Cette sensation de corps étranger est ordinairement fixe ; rarement elle se déplace, à la façon de la boule hystérique.
Les sensations d'obstruction se rapprochent de la précédente. Léger tic de raclage dans les formes atténuées, elles peuvent, chez les grands nerveux, se manifester par de la dysphagie et de la dyspnée, avec phobies fonctionnelles.
Lorsque le pharynx nasal est le point de départ des sensations maladives, il peut se produire une phobie respiratoire, une crise d'asthme parfois des plus violentes. La localisation de la sensation erronée peut ne pas être en-rapport avec le siège de la lésion causale (synalgie) : un calcul de l'amygdale donnera lieu, par exemple, à de violentes douleurs dentaires. D'autres fois, les malades accusent des sensations d'ardeur, de sécheresse, qui peuvent donner naissance à des tics de la respiration ou de la déglutition, et avoir pour origine des troubles circulatoires ou sécrétoires, fréquents chez les nerveux.
C'est parmi les porteurs de sensations douloureuses que se recrutent
(1) Rapport à la séance annuelle de la Société française de laryngologie, olologie et rhlnologie.
nos pires malades : leurs perversions sensitives peuvent s'irradier au lpin, et. dans les cas graves, la paresthésie aboutit à la syphilophobie ou à la cancerophobie.
En se basant sur l'état psychique et la notion du terrain, on peut distinguer plusieurs formes cliniques de paresthésies pharyngées. Dans la variété bénigne, qui comprend les cas banaux et journaliers, il n'y a qu'une sensation de gène, sans obscurcissement de la conscience, ni anxiété morbide. Les amygdales sont souvent le point de départ de ces sensations erronées, qui sont généralement curables.
Dans le type grave, le terrain nerveux est plus défini et plus accusé (neurasthénie, psychasténie) et la volition n'est pas assez forte pour chasser l'idée maladive. Parfois, cetle variété ne diffère de la bénigne que par l'importance plus grande de l'élément psychique. Il existe, d'ailleurs, tous les degrés (neurasthénie accidentelle et héréditaire, mélancolie anxieuse). Ce type grave, comme le type bénin, peutse compliquer de tics (raclement guttural, toux pharyngée, parfois très bruyante) et de phobies fonctionnelles portant sur la phonation et la déglutition.
Une place spéciale doit être réservée aux paresthésies hystériques, qui sont commandées par un mécanisme mental tout à fait différent de celui des neurasthéniques et des anxieux, et qui comporte un pronostic et un traitement particulier. Le trépied de l'hystérie, disent Bérillon et Magnin, est l'inattention et l'idée fixe et l'hypersuggestibilité. Le neurasthénique a pour caractéristique le surmenage et l'anxiété.
Au point de vue pathogénique, la paresthésie a pour point de départ soit une illusion sensorielle, soit une hallucination sensorielle.
Quand elles sont d'origine périphérique, les illusions sont déterminées, soit par une petite lésion objective, soit par des troubles vaso-moteurs (d'où hypoesthésie ou hyperesthésic de la muqueuse pharyngée) ou sécrétoires (sécheresse ou flux salivaire). D'origine interne ou organique, elles résultent d'une excitabilité du grand sympathique, qui fait que des"sensations qui, chez un sujet normal, sommeillenldans l'inconscient, envahissent la conscience de nos malades. Ces sensations, souvent étranges, aboutissent à des obsessions, à des idées fixes ou délirantes.
La sensibilité organique objective peut aussi être exaltée chez les nerveux, et devenir le point de départ d'interprétations paresthésiques.
La paresthésie peut aussi être une hallucination sans appel périphérique, une pure représentation mentale.
A côté des paresthésies par illusion ou par hallucination, il en est d'origine réflexe qui ont pour point de départ une affection d'un organe plus ou moins éloigné (foie, estomac, utérus, reins).
Une sensation à point de départ pharyngée ne constituera une paresthésie que si le malade, à force de fixer son attention sur cette sensation finit par ne plus pouvoir l'en distraire. A côté des troubles sensoriels, un état mental particulier est indispensable.
Suivant les cas, les illusions et les hallucinations pharyngées éveillent un automatisme psychique émotionnel, une phobie, ou un automatisme moteur, un tic.
Le terrain sur lequel évoluent ces troubles est un terrain caractérisé par la faiblesse nerveuse, par le faible potentiel psychique. Cette faiblesse nerveuse est acquise ou héréditaire, et, pour la créer, interviennent les intoxications et les infections.
Les facteurs moraux jouent un rôle aussi important que les facteurs physiques pour la constitution du terrain nerveux. L'âge et le sexe ont aussi une grande influence.
Le diagnostic de paresthésie pharyngée est, en général, facile, mais, réclame un minutieux examen. Il faut, cependant, penser au rhumatisme du pharynx qui se différencie par la durée éphémère de la douleur, à certaines névrites douloureuses de la gorge (variqueuse tabéti-que), à l'akinésia algéra de Mobius.
Le pronostic dépend du terrain : c'est-à-dire de la suggestibilité du malade et de son désir de guérir.
La thérapeutique ne sera efficace que si le malade a été soigneusement étudié et le terrain névropathique exactement défini. II ne faut jamais traiter ces patients de malade imaginaire, de crainte d'exagérer leurs troubles ; on déclarera l'examen satisfaisant, rassurant, et on affirmera la curabilité des lésions que présente le pharynx. Le traitement local a souvent une action merveilleuse (excision d'un petit adénome de la luette ou du pilier, ablation de végétations).
Nos préférences vont aux moyens doux, car un traitement qui laisse après lui des réactions douloureuses comme le galvanocautère par exemple, est susceptible d'exagérer la phobie ou de substituer une nouvelle sensation maladive à l'ancienne. On obtient souvent d'excellents résultats d'un simple badigeonnage au menthol. La cocaïne, l'iode, la résorcine, peuvent rendre des services, de même qu'une discision ou un morcellement de l'amygdale, un curettage de végétation.
Le traitement local doit être proscrit chez les neurasthéniques graves et les psychasténiques ; il ne ferait que les confirmer dans leur erreur maladive.
La médication interne sera le plus souvent inefficace. Par contre, les agents physiques seront très avantageusement employés (hydrothérapie, stations thermales, électricité, massage).
Mais le traitement sera avant tout psychique. Dans les cas graves (neurasthénie, psychasténie) on cherchera à modifier le terrain par une hygiène morale et une rééducation de la volonté et de l'attention.
Le traitement par excellence sera la suggestion à tous les degrés et sous toutes ses formes : suggestion hypnotique, suggestion précédée de la narcose chloroformique ou utilisant le sommeil naturel.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Les Maladies de l'Energie, par le Docteur Albert Deschamps. Préface de m. le Professeur Raymond. 1 vol. in-8°, .s fr. (Félix Alcan, directeur).
Ce qui constitue l'originalité de cette œuvre, c'est l'unité de sa doctrine. L'auteur ne s'est pas borné ù décrire, après tant d'autres, cet état de faiblesse nommée « Neurasthénie » et dont on a voulu, bien à tort, faire une espèce pathologique distincte ; il est remonté aux origines. Pourquoi, s'est-il demandé, un individu de bonne apparence ne trans-formc-t-il pas en énergie active les énergies qu'il reçoit de l'intérieur et de l'extérieur. Il y a, en effet chez ces malades un trouble 1res particulier qui porte sur les sources de l'énergie. Quelles sont ces sources ? pourquoi sont-elles taries ? par quels mécanismes ? et comment ramener l'énergie physique absente ? Tel est le problème que s'est posé le IV A. Deschamps et qu'il n résolu à l'aide de la doctrine énergétique. C'est ainsi qu'il a été conduit à écrire le premier une Pathologie de l'énergie. L'auteur décrit successivement : les causes de la diminution de l'énergie ; les symptômes moteurs et sensitifs : les troubles de l'équilibre : les symptômes chimiques et thermiques : les insomnies ; les asthénies des pauvres, des paysans, des ouvriers, des enfants. L'étude des causes et des symptômes l'amène à une interprétation nouvelle et toute personnelle des phénomènes d'asténie.
La thérapeutique est l'aboutissement naturel de la doctrine. Elle a pour but le réglage du rendement fonctionnel de l'organisme par des procédés destinés à ramener à la normale possible l'équilibre fonctionnel perdu. Tous ces procédés constituent une méthode logique et rigoureuse. Ce sont : le repos, l'isolement, l'air, le régime alimentaire, le réglage de la pression artérielle, de la minéralisation organique, de la réaction urinaire, du sommeil et de l'état mental. Un chapitre spécial est consacré à la description de chacun de ces procédés. L'auteur y a ajouté des conseils pratiques s'adressant aux médecins aussi bien qu'aux malades. Le succès de toute thérapeutique dépend en effet d'une loyale collaboration entre le malade et le médecin.
P. Saintyves. Les Vierges Mères et les naissances miraculeuses. — Essai de mythologie comparée. Paris. Librairie Emile Nourry, 14, rue Notre-Dame-de-Lorette. 1 vol.in-12 br. de 288 pp. franco......3fr. 50
On ignore même dans le public cultivé combien sont nombreuses les légendes d'enfants divins nés dans le sein d'une vierge par une opération miraculeuse. C'est l'exposé et l'analyse de tous ces récits que nous donne M. P. Saintyves en essayant de déterminer pour chacun d'eux leurs origines, ou tout au moins leurs attaches avec les rites et les cultes qui les appuient.
L'auteur aborde avec la même méthode l'étude des grandes légendes divines qui relèvent du même type. Boudha, Confucius, Lao Tsu, Christna, Jésus ont tous eu des naissances merveilleuses que la légende a idéalisées enlesornantde thèmes singuliers et miraculeux. P.Saintyves a suivi chacun de ces thèmes : adoration des animaux, chants célestes des anges ou des divas, étoile de nativité, etc., dans toute la série des légendes où ils se retrouvent, et s'est efforcé de remonter ainsi jusqu'aux balbutiements d'où sortirent les histoires saintes des fondateurs de religion.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
L'Institut psycho-physiologique de Sao-Paulo
Sous le titre : o Instituto psycho-physiologicode Sâo-Paulo », le docteur D. Jaguaribe, professeur correspondant de l'Ecole de psychologie de Paris, vient de publier une intéressante brochure, dans laquelle il relate tout d'abord les résultats obtenus par lui depuis la fondation de cet établissement (mai 1901) jusqu'au 25 mars 1908. Le bilan se chiffre par 21.970 consultations, dont 715 cas de dipsomanie, 297 de chorée, 612 de neurasthénie, 215 de dysménorrhée, 2.800 de névralgies diverses et de céphalalgie, 390 de rhumatismes, 1.260 d'hystérie, 1.800 de parésies, 216 d'incontinence d'urine, etc.
Après cet exposé purement statistique,'notre éminent confrère et collègue passe à des observations particulières, notamment k celles de troubles vaso-moteurs, tels que l'hyperhidrose palmaire, traités avec succès par la méthode hypno-suggestive. Il fait, à ce propos, des remarques cliniques de grand intérêt.
Continuant notre trop brève analyse, nous trouvons dans la brochure du docteur Jaguaribe quelques pages élogicuses et reconnaissantes où il parle de l'Institut psycho-physiologique de Paris, et de renseignement amical qu'il y a trouvé auprès du docteur Bérillon. C'est ensuite un résumé de sa communication au Congrès de l'hypnotisme de Paris 1900, la reproduction de nombreux articles de journaux brésiliens, portugais, italiens, et enfin la description de l'Institut psycho-physiologique de Sâo-Paulo, complétée par de nombreuses planches en photogravure.
Cette description nous promène d'abord dans un superbe parc, où sont aménagées des piscines et des installations de gymnastique en plein air ; puis nous voici à l'entrée de vastes bâtiments — l'Institut proprement dit — admirablement aménagés : salles de consultations gratuites, salles de sommeil, de gymnastique, de massage, d'hydrothérapie, de thermothérapie, d'électrothérapie, de mécano thérapie ; bains de lumière, blanche ou colorée ; cabinets d'inhalations balsamiques,
etc, etc. C'est un véritable établissement modèle, dont l'organisation si bien conçue fait le plus grand honneur à notre confrère et ami.
L'imagination de la mère peut-elle agir sur le fœtus ?
La Chronique Médicale publie l'intéressante observation suivante du Dr Artault, dont il garantit, pour t'avoir obserué personnellement, l authenticité.
Une jeune femme reçoit la visite d'un ami de son mari, qui lui est présenté dans le milieu du deuxième mois de sa grossesse, et qu'elle n'avait jamais vu auparavant (celte précision n'est pas inutile, avec des gaillards aussi sceptiques que vos lecteurs) ; elle est de prime abord frappée d'une malformation de l'ongle de l'index gauche de ce visiteur. L'ongle épaissi, recourbé, atout à fait la forme d'une griffe de lion ; il s'agit d'une déformation consécutive à un écrasement de la phalangette, accident d'ailleurs fréquent, et cet ongle obsède la jeune femme. A chaque visite que l'ami fait dans la maison, pendant un séjour de quelques mois, chaque fois qu'il vient dîner chez ses amis, la femme ne quitte pas son ongle des yeux, terrifiée à l'idée que son enfant pourrait naître avec un ongle pareil, cela devient pour elle une telle obsession, que le mari demande à son ami de rester ganté pour calmer les craintes de sa femme. Mais hélas ! la plaque, pardon, la pâte fœtale était impressionnée, et l'enfant naissait à terme (nouvelle précaution préjudicielle) avec un index gauche portant une griffe, ressemblant à celle du visiteur fâcheux. C'est une fillette que je vois encore souvent, et chaque fois que je regarde son doigt à griffe, je le compare à celui du modèle que j'ai vu aussi, et devant la précision expérimentale de ce fait de télégonie, autrement indiscutable que les à peu près des enutes de commères, je souris des incrédulités systématiques. Si nous n'expliquons pas, ici nous constatons.
Le danger du grand bruit dans les villes
Dans une discussion sur ce sujet, on est d'avis qu'on doit appeler l'attention sur le mal fait au malade par les bruits qu'on pourrait éviter, surtout la nuit. Dans les villes américaines, les autorités doivent veiller à ce tapage. Quoiqu'il ne soit pas certain que les affections nerveuses et les dyspepsies, si communes en Amérique, ont cette cause comme principale, cependant les neurologistcs reconnaissent que c'est une des causes de rupture d'équilibre dans le système nerveux. Un monsieur de Birmingham, qui avait subi une opération chirurgicale, est le premier à avoir réclamé à propos du carillon bruyant de deux horloges de la ville, qui sonnaient toutes les quinze minutes et le tenaient éveillé. Cette requête, portée devant le major (maire) de la ville, reçut cette réponse typique : * Je n'y puis rien ; les carillons de ces horloges sont
de première importance pour les habitants de la ville ; changer une coutume est une révolution et la critiquer une trahison. • Birmingham est un quart de siècle en retard sur Philadelphie, où la cour obligea un établissement puissant à être assez charitable pour ne pas détruire le repos et la santé de son voisin par le carillon de ses cloches. A Chicago, une croisade dans le même sens a réussi dans les mêmes circonstances et, à Détroit, la Cour a ordonné de suspendre le bruit des sirènes à vapeur, et beaucoup de cités limitent ou défendent les sifflets et sirènes des chemins de fer. La question est donc née. Là où, en plus d'une chose désagréable, la santé publique et l'équilibre nerveux sont menacés, c'est Je devoir du médecin de combattre contre.
Le Visage spectral
, La question que nous avons soulevée dans les deux précédents numéros nous a valu quelques intéressantes réponses.
Mon Cher Confrère, J'ai assez fréquemment l'occasion d'observer chez la femme cette disposition très accentuée à avoir les yeux cernés que vous avez désigné avec raison sous le nom de visage spectral. Je crois qu'elle coïncide le le plus souvent avec une affection viscérale (entérocolite ou salpingite). Vous ne serez pas fâché d'apprendre qu'on peut atténuer sensiblement visage spectral par des onctions avec un mélange, à parties égales deïanoline, peroxyde d'oxygène et oléats de zinç. Agréez etc.
Dr E. Monin.
NOUVELLES
Cours pratique de Psychothérapie et d'Hypnologie. — MM. les docteurs Bérillon et Paul Parez commenceront, le Jeudi 2 Juillet 1908, un cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie.
Ce cours sera privé ; il comportera des démonstrations pratiques et sera complet en 10 leçons ; il se fera à l'Ecole de Psychologie. 49, rue Saint-André-des-Arts, où les inscriptions sont reçues les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. On peut également s'inscrire par correspondance.
Le droit d'inscription est fixe à 50 francs.
Les leçons auront lieu aux dates suivantes :
M. le Dr Berillon, Ies2, 4, 7, 9 et 11 juillet, à 10 heures et demie du matin.
M. le Dr Paul Parez, les mêmes jours, à 6 heures du soir.
table analytique des matières
Académie (A l'), p. 194.
Aliénés en liberté (Les), p. 321.
Aliéné vénéré comme marabout, p. 126.
Alimentation et cuisine naturelles, par Montéuuis, p. 222.
Alliance scientifique universelle (L'), p. 62.
Allocution de M. le professeur Bris-saud à la réouverture des cours de l'Ecole de psychologie, p. 362.
Anesthésie générale par auto-sugges-tion, p. 288.
Anormaux à l'établissement médico-pédagogique de Créteil, par Dufes-tel, p. 82.
Anormaux pauvres, par Hurtrel, p. 13.
Anormaux psychiques des écoles
(Les), par Régis, p. 151. Aphonie hystérique et hémianesthé-
sie, par René. Pamart, p. 367.
Arbres qui guérissent (Les), p. 125.
Aubeau (Nécrologie), p. 63.
Autopsie d'une dame du monde (L'), p. 127.
Avancement des sciences (Association française pour l'), p. 29, 65.
Aveugles (Considération sur l'éducation des), par Mlle Mulot, p. 43
Bégaiement guéri opératoirement, p. 159.
Bibliothèque Charcot à la Salpêtrière (La), p. 161.
Brûlures suggérées, par Paul Farez, p. 179.
Congrès de Genève-Lausanne, par Paul Farez, p. 97, 129.
Congrès de l'Association française (la section de pédagogie au), sous la présidence du Dr Bérillon, à Clermont-Ferrand, p. 353.
Cours de psychologie appliquée à la pédagogie, p. 319.
Cours libre de psychopathologie du tube digestif à la Faculté de médecine, p. 319.
Cours d'hypnotisme et de psychothérapie des Drs Bérillon et Paul Farez, p. 128, 378.
Cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie, p. 320.
Craniectomie à volet chez les enfants arriérés, par Doyen, p. 24.
Crises hystériques survenant à la suite d'un hystéro-traumatisme, sous l'influence d'un rêve et guéries par réduction de ce rêve, par Jules Voisin, p. 342.
Croyances superstitieuses chez les Malais, par Mersier, p. 55.
Culture physique sur le caractère, sur le moral, sur la race (Influence de la), par Spehl, p. 163, 195, 232.
REVUE DE L'HYPNOTISME
Danger (Le) des grands bruits dans les villes, p. 377.
Débilité mentale (La), par BIin, p. 84.
Désaccord entre la morale du Coran
et la politique musulmane, par
Ubeyd-Oullah, p. 229, 258. Diagnostic différentiel des crises épi-
leptiques et des crises hystériques,
par Bonjour,.p. 117.
Doit-on avertir un malade de sa fin prochaine ? p. 321.
Dressage des animaux rétifs (considérations psychologiques sur le) par Bérillon, p. 53.
Dumontpallier (un hommage au Dr),p. 257.
Ecole de psychologie, p. 160,161, 189, 193, 224, 225.
Ecole de psychologie (Le programme de l'), p. 226.
Education de la volonté et de l'intelligence par l'auto-suggestion, par Coste de Lagrave, p. 214, 238.
Enfants indisciplinés : procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables, par Bérillon, p. 173.
Enfants idiots et arriérés dans l'iconographie antique, par Félix Re-gnault, p. 107, 145, 168.
Epidémie religieuse en Allemagne (Une), p. 75.
Epilepsic ou hystérie, par Pamart, p. 9, 80.
Epilepsie ou hystérie, par Ferencz, p. 159.
Erythrophobie (L'), par Ossokine, p. 304
Expertise médico-légale et la question de la responsabilité (L'), par Paul Farez, p. 97, 129.
Expertise médico-légale et la ques-tion de la responsabilité, par Legrain, p. 242, par Raffegeau, p. 282, par Jourdan, p. 283.
Folie dans les dynasties orientales (La), par Bérillon, p. 263, 297, 328.
Folklore, p. 55, 359.
Hypnotic therapeutics in theory and practicc, par Quackcnbos ; p. 346.
Hypnotisme à la Salpétrière (L'), p. 1.
Hypnotisme dans le traitement de la stérilité, par Joire, p. 46.
Hypnotisme dans le traitement de la grande attaque d'hystérie (Le rôle de l'), par Raymond, p. 90.
Hypnotisme et suggestion « armée », par Witry, p. 303.
Hystérie : Aucune des définitions actuelles de l'hystérie n'est légitime, par Paul Magnin, p. 291, 323 359.
Hystérie (Genèse de l'), par Terrien, p. 114.
Hystérie et neurasthénie chez le paysan, par Terrien, p. 121.
Hystérique incendiaire pendant l'état somnambulique, par Cullerre, p. 156.
Idiotie (Le pronostic de l'), par Jules Voisin, p. 177.
Imagination de la mère (L') peut-elle
agir sur le fœtus, p. 377. Interwiew de-M. Déjerine, p. 140.
Incontinence des matières fécales,
par Wiazemsky, p. 206. Infanticide chez les animaux, par
Lépinay, p. 210.
Influence des états psychiques sur les changements de couleur des cheveux et de la peau et sur la guérison de la « lèpre biblique (Zaraath), par Podiapolsky, p. 309, 335.
Institut psychologique (L') de Saô Paulo, p. 376.
Islamisme et la pédagogie musulmane (L'), par Ubeyd Oullah, p. 104, 141.
Larmes provoquées par auto-suggestion, par Félix Regnault, p. 186.
Lecture chez les arriérés (La), par Quinque, p. 50.
Léthargie persistante chez un adulte depuis 27 mois à la suite d'un traumatisme de la tête, par Eulen-burg, p. 31.
Magnan (Le jubilé du Dr), p. 289.
Maladies de l'énergie (Les), par Deschamps, p. 375.
Métallothérapie de l'or sur une hémianêsthésie (Action de la), par Pamart, p. 285.
Miracle moderne (Le), par Jules Bois, p. 60.
Mourly Vold, p. 64.
« Mucker » de Kœnigsberg (Les), par Witry, p. 41.
Muet guéri par peur, p. 95.
Occultisme hier et aujourd'hui (L')
par Grasset, p. 27. Onychophagie dans les écoles de
Paris, p. 255. Ouvrages reçus à la Revue, p. 128,
288.
Onanisme et les yeux cernés (L'), p. 318.
Onychophagie (L') à l'Académie de médecine, par Galippe, p. 370.
Paralysie hystérique du membre inférieur consécutive à une rachisto-vaïnisation, par Schwartz, p. 122.
Paresthésies pharyngées (Les), par Boulay et Le Marc Hadour, p. 372.
Pathologie comparée (Séance annuelle à la), p. 193.
Pathologie nerveuse chez les anciens hébreux, par Delmas, p. 252, 316.
Psychothérapie dans ses différents modes, par Van Renterghem, p. 68.
Protection des débiles mentaux, par Toulzac, p. 269.
Psychologie du combattant sur le champ de bataille, par Villetard de Laguérie, p. 314.
La psychothérapie graphique, son importance dans le traitement des idées fixes, par Bérillon, p. 345.
Régamey (Eloge de Félix), par Bérillon, p. 7.
Responsabilité (L'expertise médico-légale et la question de la), par Paul Farez, p. 97, 129.
Responsabilité de la loi musulmane (La), par Ubeyd Oullah, p. 301.
Responsabilité pénale dans le droit romain (La), par Bérillon, p. 273.
Résuscitée de Nuremberg (La pré-tendue), par Paul Farez, p. 220.
Rétention d'urine guérie par électro-suggestion.par Zuckerkandl, p. 124.
Rêves (De la valeur médicale des), p. 92.
Saints, successeurs des Dieux (Les), par Saint-Yves, p. 222.
« Sinistrose » (La), par Brissaud, p. 286.
Société d'hypnologie et de psychologie, p. 1, 6, 12, 28, 127, 159, 178, 188, 205, 223, 255, 282, 284, 286, 303, 318, 321, 352.
Société française d'études islamiques, p. 289.
Société française d'études islamiques, p. 354.
Sommeil de trente ans, par Paul Farez. p. 77.
Spasme de l'œsophage, par Raymond, p. 313.
Spasme œsophagien névropathique, par Raymond, p. 118.
Spiritisme (Un grave inconvénient
des séances de), p. 257. Suggestion appliquée au costume
militaire (Lois de), par Michel, p. 2,
34.
Suggestion ambiante sur la longévité (Action de la), par Clark Bell, p. 200.
Suggestibilité russe (La), p. 119.
Suicide chez les Esquimaux, p. 159.
Superstitions des auteurs anglais, p. 62.
Superstitions javanaises, p. 265.
Thanatophobie (quelques cas de) gué-
ris par la suggestion hypnotique, par Witry, de Trèves, p. 365.
Tic douloureux du pied, par Maurice Bloch, p. 272.
Traditions et mœurs persanes, p. 95.
Trophiques dans l'hystérie, (Les troubles), par Paul Farez, p. 179.
Tympanisme hystérique et grossesse nerveuse, par Raymond, p. 52.
Vespasien thaumaturge, p. 32. Vierges mères (Les) et les naissances
miraculeuses, par Saintyves, p. 375. Visage spectral, p. 256, 287. Voisin (Enseignement du Dr Jules),
p. 193, 224. Volonté de vaincre (La), p. 161.
Wetterstrand (Otto), p. 33, 94.
TABLE DES FIGURES
Brûlure suggérée, p. 181, 182. Dieu Bès (Le), p. 172.
Ecole de psychologie, p. 189. Etablissement médico-pédagogique de Créteil (Supplément), p. 5.
Figurine antique représentant un, idiot adénoïdien, p. 111.
Institut hydrothérapique du Vésinet (Supplément), p. 8.
Mal de Pott cervico-dorsal, p. 169.
Nains des tombeaux, p. 168. Nain serviteur du roi, p. 168. Nains achondroplases, p. 170. Nam-Hôtels, p. 171
Pied bot, p. 170.
Pygmées combattant les grues, p. 172. Reine de Poun, p. 171.
Terre culte antique représentant un dégénéré, p. 108.
Terre cuite antique représentant un dégénéré, p. 108.
Terre culte antique représentant un dégénéré, p. 109 :
Terres cuites antiques représentant des idiots, p. 110.
Terre cuite antique représentant un adénoïdien, p. 110.
Terre cuite antique représentant un adénoïdlen, p. 112.
Terre cuite de Tanagra représentant un enfant méningitique, p. 112.
Terre cuite ancienne représentant un dégénéré, p. 146.
Terres cuites anciennes représentant des idiots microcéphales, p. 146.
Terres cuites anciennes représentant des types de microcéphales, p. 147.
Terres cuites anciennes représentant des types de dégénérés et de déments, p. 147.
Terres cuites anciennes représentant des types de dégénérés et de déments, p. 148.
Terre cuite représentant une déformation crânienne, p. 148.
Terres cuites représentant un sca-phocéphale et un dégénéré, p. 149.
Terre cuite représentant un idiot, p. 150.
Terre cuite représentant un dégénéré obèse, p. 150.
TABLE DES NOMS D'AUTEURS
Baguer, p. 23. Boisviel, p. 159.
Bérillon, p. 7, il, 21, 23, 53, 128, 173, 178,186, 187, 263, 285,287, 297, 319, 320, 328, 342, 343, 345, 352, 359.
Bertillon (Jacques), 186.
Blin, p. 84.
Bloch (Maurice), p. 272. Bois (Jules), p. 60. Bonjour, p. 117. Boulay, p. 372. Brissaud, p. 286, 362.
Castex, p. 159.
Clarck Bell, p. 200.
Coste de Lagrave, p. 214, 238..
Cullerre, p. 156.
Dauriac, p. 187. Delmas, p. 252, 316. Demonchy, p. 185. Deschamps, p. 375. Doyen, p. 24. Dufestel, p. 82.
Eulenburg, p. 31.
Farez (Paul), p. 77, 97, 128, 129, 179, 185, 186, 187 , 220, 226, 320, 342.352. Ferencz, p. 159.
Galippe, p. 370. Geijerstam, p. 94. Grasset, p. 27.
Huchard, p. 323. Hurtrel, p. 13.
Joire, p. 46.
Jourdan (Etienne), p. 283.
Legrain, p. 242. Lépinay, p. 210. Lingbeek, p. 265.
Magnin (Paul), p. 11, 186, 285, 291,
342, 354. Le Marc Hadour, p. 372. Mersier, p. 55. Michel, p. 2, 34. Monteuuis, p. 222. Mulot (Mlle), p. 43.
Ossokine, p. 304.
Pamart(René), p. 9, 80,186,285,286,367. Podiapolsky, p. 309, 335.
Quackenbos, p. 346. Quinque, p. 50.
Raffegeau, p. 282. Raymond, p. 52, 90, 119, 313. Régis, p. 151.
Regnault (Félix), p. 107, 145, 168, 186.
Renterghem, (Van), p. 68.
Saint-Yves, p. 222, 375. Schwartz, p. 122. Spehl, p. 163, 195, 232.
Terrien, p. 114, 121. Toulzac, p. 269.
Ubeyd Oullah, p. 104, 141, 229, 258, 301.
Villetard de Laguérie, p. 315. Voisin (Jules), p. 23, 177, 185, 342.
Wiazemski, p. 206. Witry, p, 41, 75, 303, 365.
Zuckerkandl, p. 124.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.