(1896) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1895
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(1896) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1895

RECHERCHES

, SUR *

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTéRIE

. ET L'IDIOTIE -

PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET L'IDIOTIE

COMPTE-RENDU DU SERVICE

DES ENFANTS IDIOTS, ÉPILEPTIQUES ET ARRIÉRÉS DE

BICÊTRE PENDANT L'ANNÉE 1895

PAR

BOURNEVILLE

MÉDECIN SE HICSTAS

Avec la. collaboration de

MM. BONCOURT, COMTE, DARDEL,

DUBARRY, LERICHE, LOMBARD, NOIR (J.), PILLIET,

RUEL, SOLLIER, TISSIER.

INTERNES ET ANCIENS INTERNES DU SERVICE.

Volume XVI

Avec 31 figures dans le texte et 8 planches.

PARIS

AUX BUREAUX DU

PROGRÈS MÉDICAL

14, Rue des Carmes, 14.

1 FÉLIX ALCAN

ÉDITEUR

108, Boulevard Saint-Germain, 108.

1896

PREMIÈRE PARTIE.

Histoire du Service pendant l'année 1895.

(Bicêtre et Fondation Vallée).

Bouhnéville. Bicétre, 1895

PREMIÈRE PARTIE

Section I : Bicêtre.

Histoire du service pendant l'année 1895.

I.

Situation DU service. - Enseignement primaire.

Les enfants de la 4° section du quartier des aliénés

de l'hospice de Bicêtre sont répartis en trois groupes :

1° Les enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,

mais invalides ; 2" les enfants idiots gâteux ou non

mais valides; 3" les enfants propres, valides,

imbéciles, arriérés, instables, pervers, épileptiques

et hystériques ou non.

I. Enfants idiots galeux, épileptiques nu non,

; mais invalides. Ce premier groupe est subdivisé en

deux catégories. La première se compose des enfants

idiots complets, ne parlant, ni ne marchant, considé-

rés généralement, mais à tort, comme tout à fait incu-

rables. En effet, la plupart d'entre eux sont suscep

iv Petite école.

tibles d'amélioration, même a un degré très notable.

On leur apprend à se tenir debout à l'aide de barres

parallèles (1), à marcher soit en les tenant sous les

bras, soit à l'aide du chariot; on fortifie leurs mem-

bres en exerçant successivement chaque jour et à plu-

sieurs reprises toutes les articulations, en leur faisant

des frictions stimulantes, etc... En 1895, 2 enfants ont

appris à marcher (2) ; 3 ont été rendus propres (3) ; un

a appris à manger seul (4). Dès qu'un enfant marche

sans aide, il est envoyé il la petite école, d'abord le

matin, puis toute la journée aussitôt que ses forces le

permettent. Tous ces enfants sont placés sur des

petits fauteuils spéciaux que nous avons décrits (5).

La seconde catégorie comprend les idiots absolu-

ment incurables, en beaucoup plus petit nombre qu'on

ne le croit d'habitude, et les épileptiques devenus clé-

ments ou gâteux sous l'influence des accès ou des

poussées congestives qui les compliquent; ils ne peu-

vent plus être que l'objet de soins hygiéniques et

devraient former un groupe spécial. Aussi essayons-

nous de faire aménager pour eux l'un des sous-sols

encore disponibles où ils seront réunis et surveillés

durant le jour. Cette installation nous servira égale-

ment pour d'autres enfants dont l'incurabilité est

reconnue et que nous sommes obligé de maintenir

dans les écoles où ils sont une occasion de trouble et

qu'ils contribuent à encombrer sans aucun bénéfice

pour eux. ,

II. Enfants idiots, galeux ou non gâteux, épilepti-

ques ou non mais valides, (l'élite école). Ces

enfants fréquentent la petite école confiée exclusive-

(1) Voir Compte rendu de IS8ï. fit/. 1, p. .

(2) Baurli... Lèse...

(3) Boule ... Math...

(4)Boute...

(5) Voir Compte rendu de 1887, /ili. et 1 l,

PETITE ÉCOLE. v

ment à des femmes. Dans le courant de l'année, 258

enfants y ont été inscrits. Sur ce nombre 13 sont dé-

cédés, 13 sont sortis définitivement, 5 ont passé

à la grande école, deux ont été envoyés dans les

sections affectées aux adultes et un a été trans-

féré.

Sur les 226 enfants qui restaient à la petite école

au 31 décembre 1895, 15 ne mangent pas seuls, 60

se servent de la cuiller, 106 de la cuiller et de la

fourchette, 45 de la cuiller, de la fourchette et du cou-

teau. 8 enfants gâteux, de ce groupe, sont devenus

propres (1).

Tous les enfants sont exercés à la gymnastique

Pichery, sauf ceux qui, venus du groupe des invalides

étant infirmes, n'ont pu y prendre part. 26 enfants

de la petite école et de la petite école complémentaire

ont fait régulièrement les exercices de la grande gym-

nastique. - 20 enfants ont travaillé cette année dans

les différents ateliers : tailleurs, cordonniers, vanniers,

menuisiers.

La petite école comprend : 1° le traitement du gâ-

tisme qui consiste à placer, après chaque repas, les

enfants gâteux sur les sièges d'aisance que nous avons

décrits dans l'un de nos Compte rendus précédents ;

2° les leçons de toilette qui consistent à apprendre

aux enfants à se laver la figure et les mains et à s'ha-

biller ; - 3°les exercices pour l'éducation de la main,

des sens et de la parole ; 4° les leçons de petite

gymnastique ; - 5° les leçons de choses; - 6° les

exercices élémentaires relatifs à l'enseignement pri-

maire dont nous avons si souvent parlé dans nos comp-

tes rendus de 1880 à 1894.

Petite école complénentaire. - Elle est confiée à

(t Baudi ? Desbarrie..., Westermeye..., Barbr...., Daves...., Cheva-

lier..., Sig0.r... ? Lamb....,

VI PETITE école.

une femme dévouée, 1\pDe Bonnet, qui s'est mise g'éné-

reusement à notre disposition. Elle est aidée par une

première infirmière, M ? Cordonnier, qui a également

la surveillance de l'un des dortoirs où couchent les

enfants de cette école. Aux 22 enfants qui y étaient

présents le 1 ? janvier 1895 nous en avons ajouté 20

autres au mois de juillet, dont cinq étaient gâteux.

Mille Bonnet a en outre pour surveiller les enfants une

infirmière et deux jeunes malades arriérées de la Fon-

dation Vallée, Briss... et .Tupi... dont elle améliore

d'ailleurs l'instruction.

Deux enfants ont été rendus propres :

1" chars.. (Victor), pris dans le service des gâteux, commen-

çant 11 peine à marcher, ne parlant pas et gâtant constam-

ment. Aujourd'hui il ne gâte plus, parle, exprime ses

besoins, reconnaît et nomme les différentes parties de son

corps, les couleurs, les chiffres : - 2° 11111... (Emile), ne gâte

plus et son intelligence s'éveille. -

Six enfants ont été améliorés pour la parole :

.10 Bobliq... (Maurice), demi-sourd, pris à son arrivée il y a

trois ans, n'entendant que les sons et ne comprenant le sens

d'aucun mot. L'oreille, exercée chaquejour, s'est améliorée, la

langue est devenue plus habile. L'enfant dit tout plus ou moins

distinctement, converse avec ses camarades et grâce à la lec-

ture sur les lèvres peut suivre les exercices de la classe; - 2°

Cam..., qui ne prononçait aucun mot, commence à exprimer

ses besoins, à nommer ses camarades, les lettres, les chiffres,

les couleurs; - 3° Guimi... parle un peu plus distinctement;

cet enfant passait naguère toutes ses journées à droite et à

gauche ; il était impossible de le tenir en classe sans qu'il eut

des colères épouvantables, mordant, égratignant, donnant des

coups de pieds à tous ceux qui l'approchaient. Maintenant il

vient très docilement en classe tous les matins, montre beau-

coup de bonne volonté, commence à syllaber, à former les

chiffres, il compter, n'a plus d'accès de colère. Toutes les

après-midi, il va il l'atelier de menuiserie et le maître est

satisfait de lui; - 4" G'se... (René), pris a son arrivée, était

absolument dénué d'attention et ne paraissait pas entendre ;

il criait et se balançait continuellement sans articuler un seul

PETITE école. VII

mot. Aujourd'hui il ne crie plus, commence à parler distinc-

tement, reconnaît, nomme et caresse les personnes qui s'oc-

cupent de lui, répond à son nom, montre les différentes par-

ties de son corps, de ses vêtements.

5° Lemait... (G.), absolument muet il y a 3 ans, a fait de

grands progrès pour la parole et la classe ; il commence à

syllaber, nomme les chiffres, les couleurs, les surfaces et

reconnaît en grande partie le contenu de la boîte de leçons

de choses.

6° Thierro.. (P.) est un sourd-muet renvoyé de l'école d'As-

nières. A son arrivée, il ne prononçait que A, 0, P, T. Main-

tenant, il possède un petit vocabulaire, écrit, lit sur les lèvres,

dit à propos quelques petites phrases.

Trois enfants ont appris à lire couramment.

1° Bouil... n'avait rien appris jusqu'en juillet 1895 : il lit cou-

ramment, fait des dictées, additionne, écoute avec beaucoup

d'attention les leçons orales et répond parfaitement aux ques-

tions qui lui sont posées.

2° Goup... (E.) a appris à lire couramment, à faire des dic-

tées, des problèmes.

3°1\Iami.. Emile (18 ans) ne connaissant que les lettres en

janvier 1895, lit couramment, apprend tous les jours des

leçons, profite bien de toutes les leçons orales, mais sa para-

lysie l'empêche d'écrire. - Trois autres enfants lisent pres-

que couramment. Beli.. (Charles), Derep.. (Victor), Cuizini..

(Henri). Celui-ci avait été renvoyé de plusieurs écoles comme

absolument dépourvu.

Les 7 autres enfants que nous avons signalés l'an-

née dernière comme lisant couramment ont fait de

véritables progrès sous tous les rapports.

Tous les enfants de cette petite école complémen-

taire ont été notablement améliorés, souvent au delà

des prévisions qu'on aurait pu faire. C'est surtout par

eux qu'il est possible de montrer aux plus sceptiques la

possibilité de transformer intellectuellement des en-

fants réputés idiots. Ces résultats sont dus au dévoue-

ment et aux aptitudes éducatrices de Mmes Bonnet et

Cordonnier.

Aux moyens anciens employés à la petite école nous

VIII

PETITE ÉCOLE.

en avons ajouté quelques-uns que nous allons décrire

brièvement. 1 1

Double. règle. - Pour apprendre aux malades les

plus atteints les notions élémentaires du dessin, dont

l'acquisition nous permettra plus tard d'aborder l'en-

.seignement de l'écriture, nous avons, d'après les indi-

Fig. 1.

Fig. 2.

PETITE ÉCOLE. IX

cations de Séguin, fait faire à l'atelier de menuiserie

des enfants, deux règles réunies à leurs extrémités

par des charnières qui permettent de les confondre

en une seule en les repliant l'une'sur l'autre. Un

intervalle de 3 cm. environ a été ménagé entre elles

de manière à ce que l'on puisse tracer aisément dans

cet intervalle une ligne droite, sans être obligé de

s'appuyer sur un des bords internes du petit appareil

(Fig. 1 et 2).

Nous commençons par la verticale. La double règle

ouverte est appliquée sur le tableau noir perpendicu-

lairement au sol. L'enfant est exercé à tracer une

ligne verticale dans l'espace ménagé entre les deux

règles. La main ne peut dévier que d'une manière

restreinte. Lorsque l'idiot est parvenu à nous donner

une ligne à peu près parfaite, nous plions l'appareil

et nous nous en servons comme d'une règle ordinaire,

à la droite de laquelle l'enfant dessine une verticale

sans toutefois s'appuyer sur la règle, qui doit servir

non pas à guider la main, mais l'oeil. Nous remplaçons

ensuite l'appareil par deux verticales parallèles tra-

cées à la craie, entre lesquelles l'enfant doit s'exercer,

puis nous effaçons une parallèle, d'abord celle de droi-

te, ensuite celle de gauche, enfin nous habituons l'en-

fant à tracer une verticale d'un point à un autre et,

pour terminer, une verticale sans aucun point de

repère. - Nous procédons de même pour le tracé de

l'horizontale. Là encore nous avons suivi la méthode

de Séguin, telle qu'il l'a exposée pour le dessin dans

son admirable livre (1).

Dominos en couleurs. - Pour utiliser en quelque

sorte et préciser la notion de couleur donnée par l'exer-

cice des planches coloriées et du ^tableau correspon-

dant, l'un de nos anciens instituteurs de Bicêtre, main-

(t) Seguin (É). - Traitement moral, hygiène et éducation des idiots. 1SX4,

p. 43(i.

PETITE ÉCOLE.

tenant professeur à l'Institut Médico-Pédagogique, M.

BOYER, a eu l'idée de faire faire un jeu de dominos en

couleurs. Ces dominos sont des planchettes de même

forme que les dominos ordinaires, mais plus grands

queux. Les couleurs mises a contnuution sont : le

blanc, le noir, le violet, le bleu, le vert, le jaune et le

rouge, soit sept couleurs correspondant dans le jeu

ordinaire aux six, cinq, quatre, trois, deux, un et blanc.

Fig. 3.

PETITE ÉCOLE. xi

C'est à dessein que nous avons laissé de côté l'indigo

et l'orange qui ne sont pas des couleurs assez fran-

J''if;.4.

XII PETITE ÉCOLE.

ches pour nos enfants. Nous avons ainsi, pour ne citer

qu'une série : le double rouge, le rouge et blanc, le

rouge et noir, le rouge et violet, le rouge et bleu, le

rouge et vert, le rouge et jaune et ainsi de suite. Nous

nous sommes bien trouvé de ce nouveau jouet, qui

pourrait être utilisé pour les enfants des écoles

maternelles, aussi bien que pour les enfants arriérés

de nos asiles.

Cône à chevilles. - Comme exercice préparatoire

à l'enseignement de l'écriture, nous apprenons à l'en-

fant à placer dans des trous obliquement percés

sur un cône de petites chevilles qu'il est obligé de

tenir à la façon d'un crayon ou d'un porte-plume

(Fig. 3).

Boîte à trous. - Nous avons fait faire également

une boite en bois fermée présentant à sa partie supé-

rieure des trous de trois diamètres différents. Des

boules de grosseur correspondante sont placées entre

les mains de l'enfant qui doit les faire passer par les

trous. Trois planchettes indépendantes qui glissent

entre deux rainures sur la partie supérieure de la boîte

permettent de dissimuler à volonté telle ou telle série

de trous et de présenter à l'enfant soit des trous d'égale

grandeur, soit des trous de grandeurs extrêmes {Fig. 4).

Cette boîte constitue un nouveau moyen d'éducation

de la main et de l'oeil et contribue à apprendre aux

enfants à faire la différence entre le volume des bou-

les.

Leçons de choses : tableau roulant. - On se sou-

vient que tous les espaces libres de la section, compris

entre les divers bâtiments, ont été transformés en

jardins : j. des surfaces, j. des solides, j. fleuriste, etc.

et que tous les arbustes, toutes les plantes portent

une étiquette où figure leur nom. Ces jardins sont des-

Fig. 5. - Tableau roulant.

xiv Grande école.

nés aux leçons de choses. Durant toute la belle saison

les enfants s'y rendent par séries, accompagnés de

leurs maîtres ou de leurs maîtresses. Dans le but de

faciliter les leçons nous avons fait fabriquer deux

tableaux roulants. La figure 4 permet de se rendre

compte de la manière dont on procède pour cet ensei-

gnement en plein air.

III. Enfants propres et valides, imbéciles , arriérés ,

instables, pervers, épileptiques, et hystériques ou non

(Grande École). La population de cette école était de

214 enfants au 1 cr janvier. 167 ont fréquenté les ateliers

par grande série, 20 par petite série (une heure), 28 ne

travaillent pas. 29 autres ayant le certificat d'études

forment une division supérieure et ne vont à l'école

qu'une demi-journée par semaine et travaillent à l'ate-

lier toute la journée. Les autres enfants sont répartis

en quatre classes (57, 48, 38 et 42 enfants). Du 16

janvier au 12 mars, l'Administration a remplacé M.

Boutillier, en congé illimité, par un instituteur intéri-

maire, M. Bousquet, puis nommé à titre définitif M.

Fromont.

Aux examens du certificat d'études qui ont eu lieu

à Villejuif le 4 avril, trois enfants de Bicêtre (Berthel ?

Rata., Belhag..) et trois filles de la Fondation Vallée

(Maigr..., Barb ? Grangoi..) ont subi les épreuves avec

succès (1).

Cette année encore, afin de mettre nos instituteurs

et leurs aides, ainsi que nos sous-employées attachées

aux écoles, mieux en mesure d'améliorer la pronon-

ciation des enfants et de développer leur parole, nous

les avons envoyés successivement par séries, au

nombre d'une vingtaine, à l'Institution nationale des

(1) Au même examen 7 infirmières, 5 infirmiers et deux élèves externes de

l'École municipale d'infirmiers et d'infirmières de Bicêtre. ont également

obtenu le certificat d'études.

Grande école. xv

sourds-muets. Nous profitons de l'occasion pour

remercier M. Javal, directeur, M. Dubranle, censeur,

du concours qu'ils veulent bien nous prêter chaque

année.

Société de gymnastique. Cette société continue

à fonctionner comme l'année précédente sous la direc-

tion de M. Grandvilliers. Les enfants faisant partie de

la société, au nombre de 46, ont fait une promenade

à Robinson. -Douze enfants choisis parmi les élèves

les plus habiles en gymnastique ont assisté, sous la

conduite de leur maître dévoué, M. Goy, à une fête

de gymnastique donnée au gymnase Voltaire.

Fanfare. - La fanfare est restée sous la direction

de M. Landosse, instituteur, jusqu'au 1" août. Elle se

compose de 18 enfants qui ont pris part au concours

de musique de Vitry-sur-Seine au mois de juin. Ils

ont remporté un 3° prix de lecture à vue et un 2" d'exé-

cution. Les enfants de la fanfare ont fait une prome-

nade à Robinson (9 juillet) ; ils ont prêté leur concours

à la distribution des prix aux enfants incurables de

l'hospice d'Ivry (25 juillet), à la distribution des prix

de l'école d'infirmiers et d'infirmières de Bicêtre (11

juillet) à celle de l'école d'infirmières de la Salpê-

trière (29 juillet).

Musée scolaire. - Ce musée continue à servir aux

séances de projections et aux leçons de choses.

Caisse d'épargne. - Elle est confiée à l'un des ins-

tituteurs, M. Mcsnard.

Le total des sommes versées en 1895 a été de. 291 fr. 60

L'encaisse au 31 décembre 1894 était de. 699 fr. 65

L'épargne des deux années est donc de....... 991 fr. 25

60 élèves ont versé depuis le 1°' janvier, ce qui

porte à 163 le nombre des enfants participant à la

XI" ! Promenades et distractions.

Caisse d'épargne. Le nombre des livrets retirés à la

fin de 1895 était de 98.

Société de jeux. - Elle se compose de 25 enfants.

Au mois de décembre 1895, ont été dépensés pour le

jeu de billard 30 fr. 50. - M. Mesnard, le premier ins-

tituteur, a cédé la surveillance de ce groupe à

M. Fromont. A la fin de décembre l'encaisse prove-

nant de la cotisation des enfants était de 3 fr. 50.

EscWmc. A plusieurs reprises le moniteur d'es-

crime a fait défaut. Après deux mois d'attente M. Loi-

seau prévôt, prend son service le 4 novembre.

Dans. - Les exercices de danse se font 1'éguliè-

rement mais sans direction sérieuse.

Enseignement du chant. - A notre arrivée à Bicê-

tre, en 1879, nous avons trouvé comme professeur de

chant, M. Pény. Nous avons bientôt constaté qu'il ne

s'occupait que des enfants les moins malades, les plus

dociles, laissant absolument de côté la très grande

majorité des enfants. Nous avons demandé au profes-

seur de s'occuper de tous les enfants valides et par-

lant et de nous remettre une note sur la voix et les

aptitudes musicales de chacun de ces enfants. En dépit

de nos recommandations, nous n'avons jamais pu

obtenir qu'il s'occupât des enfants que nous lui dési-

gnions et qu'il nous fournit les renseignements que

nous lui avions réclamés. Les notes qu'il consignait

tous les six mois, pour la forme, sur nos observations

n'ont jamais eu la moindre valeur. En présence de

cette force d'inertie, il ne nous restait plus qu'à récla-

mer la mise à la retraite de ce professeur et, après

plusieurs années, nous avons enfin obtenu satisfaction.

Par un arrêté en date du 31 décembre 1894, M.

Sutter était chargé de l'enseignement du chant à

Enseignement DU chant. S\'lI

l'hospice de Bicêtre et à la fondation Vallée. Il est

entré en fonctions le 1 ? janvier 1895.

Conformément à nos instructions, il s'est occupé

successivement de tous les enfants. Il a réparti ceux

de la petite école et de la petite école complémentaire

en deux sections et ceux de la grande école en trois

sections. Aucun d'eux ne savait lire la musique et ne

possédait de notions sur la théorie musicale, sauf une

demi-douzaine d'enfants appartenant à la fanfare.

« Pour arriver à un bon résultat, dit M. Sutter, j'ai

dû organiser un cours de solfège et il m'a fallu près

de quatre mois pour arriver à un résultat sérieux. En

même temps, j'ai dû faire chanter aux enfants tous les

degrés de la gamme musicale, dans tous les tons, de

façon à améliorer le timbre de leur voix. Les enfants

sont ainsi parvenus à savoir lire eux-mêmes les notes,

à en connaître la valeur et il posséder les notions élé-

mentaires de la théorie de la musique. Quand je les

trouve suffisamment avancés pour bien lire un mor-

ceau de chant et l'apprendre avec fruit, je leur fais

chanter des choeurs. Dans cette tâche, j'ai rencontré

des difficultés considérables, tant j'avais de voix

incomplètes, fausses et mal timbrées. Mais, à force

d'insistance, en établissant un classement spécial, en

multipliant les auditions, j'ai fini par faire exécuter

des choeurs à deux, puis à trois parties ».

Les efforts de M. Sutter ont été couronnés de suc-

cès ; il a pu former un groupe d'enfants convenable-

ment instruits au point de vue musical pour prendre

part au concours quia eu lieu le 12août 1895àGentillyet

obtenir une palme en vermeil, luttant avantageuse-

ment avec des enfants des écoles ordinaires, mieux

doués intellectuellement. En maintes circonstances,

nous avons réuni les petites filles de la Fondation Val-

lée avec les garçons de Bicêtre et nous les avons fait

chanter ensemble dans les choeurs.

BOURNUVILLE, Bicêtre. 1895. **

XVIII Distractions.

Nous avons chargé M. Sutter de s'occuper égale-

ment de la fanfare et, depuis qu'il en a pris la direc-

tion, elle a fait de sensibles progrès. Tous les six mois

nous lui faisons relever l'étendue et le timbre de la

voix des enfants. Ce travail nous fournira, croyons-

nous, des renseignements intéressants sur la mue de

la voix au moment de la puberté. Ces recherches ont

déjà permis de constater que chez les épileptiques, qui

sont dans leurs périodes d'accès, le timbre de la voix

devient moins clair et moins sonore et quo son éten-

due diminue parfois très notablement M. Sutter a

même remarqué que certains enfants qui avaient une

étendue d'environ 13 notes n'avaient plus qu'une éten-

due de 4 à 5 notes pondant la période d'accès.

Le nombre des enfants qui participaient à l'ensei-

gnement du chant était de 274 à la fin de l'année 1895.

Promenades et distractions. - Les enfants de la

grande et de la petite école qui sont propres ont con-

tinué à faire des promenades soit à Paris, soit aux

environs. Dans ces promenades les instituteurs et les

institutrices doivent donner des leçons de choses et

exercer les enfants aux jeux de balle et de ballon.

Voici l'énumération des différents endroits où ils ont été

cnpromenade cette année : Place delà Salpêtrière, Parc

de Montsouris, SquareMongc, Jardin des Plantes, Jar-

din du Luxembourg, Jardin d'Acclimatation, Montrou-

ge, Porte d'Orléans, Villejuif, Vitry, Ivry, Lion de Bel-

fort, Robinson, Place de l'Hôtel-de-Ville, Saint-Man-

dé, Route de l'IIay, Musée de Cluny, Gontilly, Ar-

cueil, Fort des Hautes Bruyères, Gare Montparnas-

se, Manufacture des Gobelins, Maison Sigaut, fabrique

de pain d'épices, etc.

Les distractions ont été nombreuses. A noter la dis-

tribution de jouets du jour de l'an, les déguisements

du mardi-gras et de la mi-caremc ; une matinée par

VISITES ET permissions. xix

les artistes de la Gaité-Montparnasse ; le concert des

frères Lionnet ; - et surtout une séance de ma-

rionnettes, continuée par une représentation dramati-

que, donnée par M. Lucien Darthenay et Meule Louise

Darthenay. Les jardiniers sont allés à l'Exposition

d'horticulture et à l'Exposition de chrysanthèmes. Les

imprimeurs sont allés à l'Exposition de lithographie.

Visites. - Les enfants ont reçu 9.117 visites ; les

visiteurs ont été au nombre de 14.614. Voici la statis-

tique des permissions de sortie et des congés :

xx Bains et hydrothérapie.

au point de vue de la dentition et de l'hygiène de la

bouche : nous n'avons eu qu'à nous féliciter de son

service.

Bains et hydrothérapie. Les bains et les douches,

joints à la gymnastique, à l'emploi des bromures,

surtout de l'élixir polybromuré d'Yvon, du bromure

de camphre du Du Clin et des médicaments antiscro-

fuleux, ont continué, comme par le passé, à être la

base du traitement en 1895. Il a été donné dans

l'année 18.613 bains ainsi répartis :

Visites du service. xxi

sins représentant séparément, le cheval, la jument,

puis le cheval, la jument et le poulain réunis.

Nous avons apporté quelques modifications aux

tables scolaires : la harre de soutien des tables a été

abaissée presque au ras du sol, afin d'empêcher les

malades de placer leurs pieds entre cette barre et le

sol, disposition qui avait pour inconvénient de gêner le

retrait des épileptiques de leur table quand ils étaient

pris d'accès. Nous avons fait fabriquer des tables à

une place pour les malades qui ne peuvent supporter

aucun voisinage. Enfin nous avons ajouté au matériel

d'enseignement les belles planches murales d'anato-

mie de notre ami M. le professeur Laskowski.

Visites du .ser7,ice. - La section a été visitée en

1895 par MM. Bessonneau, professeur; Dr Babinski ;

D1' Baratoux; D'' Balian (de Constantinople) ; D1' Biho-

rcl ; D'' Cornillon ; Dr Cunéo, directeur du Service de

santé de la Marine ; D'' Cahn ; D1' Calmettes ; Dr Emma

Sutro Merist (de San-Francisco) ; D'' Ferrari ; Dr Kroug

(de St Pétorsbourg); Morcau, conseiller municipal;

Morve ; D'' Monakow (de Zurich) ; D1' Matta (de Madrid) ;

Maréchaux, rédacteur du Journal de Seine-e ! -Oise;

Dr Petit (de Pont-sur-Yonne) ; colonel Tamisey ;

Sanchcz Bergou (de Valence) ; Vincenzo ; Guiffrida

Ruggeri, étudiants; D'' Vorfraud ; D1' Vaquez; Wal-

wlhein, architecte du gouvernement; Dr Wilows (de

New-York) ; D'' Wirenius (de Saint-Pétersbourg).

Jadot, inspecteur primaire ; MC de Rute ; Dr Marino-

Zuniga de Mexico ; D'' Guillermo-Rodriguez, (de Val-

paraiso) ; D'' Mitaftis (d'Athènes) ; Dr Calès, directeur

de l'asile d'aliénés de Château-l'icon ; D'' Léon Tissier

(de Paris) ; Dr Strelzoff (de Moscou) ; Dr Ulrich de

Kosmanos (Bohème). - De même que les années pré-

cédentes, la Commission de surveillance des asiles de

la Seine (21 mai) et la Commission d'assistance publi-

que du Conseil général (14 nov.) ont visité le service

XXII

MUSÉE PATHOLOGIQUE.

Musée pathologique. - Le Musée s'est enrichi

notablement en 1895 ainsi que le montre le tableau

suivant :

Enseignement professionnel. xxiii

II.

Enseignement professionnel.

Cet enseignement a été dirigé en 1895, comme les

années précédentes, par MM. LEROY pour la menui-

serie, Allène pour la couture, DunrouLIN pour la

cordonnerie, 1\101UN pour la vannerie, Mercier pour

la brosserie, Pour G. Gaie

pour la serrurerie, PERTHUIS pour le jardinage.

De même aussi que les années précédentes nous

n'avons qu'à les féliciter tous, non seulement pour le

zèle et l'intelligence qu'ils apportent chaque jour à

donner l'instruction professionnelle aux enfants, mais

encore pour la bonne direction morale qu'ils savent

leur imprimer. Bien des fois, dans ces Compte rendus

annuels, nous avons rappelé nos réclamations auprès

de l'Administration afin qu'elle les en récompense en

les admettant à jouir de la pension de repos qu'elle

accorde aux agents du personnel secondaire (1). Long-

temps nous nous sommes buté contre les règlements

de l'Administration de l'Assistance publique qui refu-

sent au personnel payé au mois et non logé, aux ou-

vriers à la journée, l'admission à la pension de repos,

accordée à tous les agents du personnel secondaire

(1) Lorsque nous avons établi le programme de la construction de nos ate-

liers nous avions prévu au second étage des logements pour les chefs d'ate-

lier. Ultérieurement nous appuyant sur les inconvénients qui résultent dans

les établissements hospitaliers du logement d'un grand nombre de personnes

dont la présence n'est pas indispensable, nous avons demandé que les chefs

d'ateliers fussent logés au dehors où ils sont plus libres. Nous ne pensions

pas qu'on en tirerait argument contre eux pour leur refuser la pension de

repos.

xxiv Enseignement professionnel.

(surveillants, infirmiers, etc.). Nous avions beau de-

mander que cet avantage ne fut donné qu'au bout de

dix ans, à titre de récompense, nous n'aboutissions il

aucune solution. A la visite de la Commission du Con-

seil général en octobre, nous souvenant que les agents

dits du service professionnel, et entre autres les chefs

d'atelier, étaient dans la plupart des asiles de la Seine

dans les mêmes conditions que les chefs des ateliers

des enfants, c'est-à-dire payés il la fin du mois et logés

au dehors et que néanmoins, ils avaient droit iL la

pension de repos; nous avons fait valoir cette simili-

tude de situation, insistant en outre sur ce fait que

notre service faisait partie non de l'hospice affecté aux

vieillards et aux infirmes, mais du quartier consacré

aux aliénés, en d'autres termes d'un véritable asile.

Ces nouveaux arguments, joints aux anciens, ont

apporté la conviction dans l'esprit de quelques-uns

des membres de la Commission. L'un d'eux, M. Ernest

Moreau a déposé au Conseil général, avec l'appui de

ses amis, la proposition suivante le 5 novembre 1895 :

Messieurs,

«L'hospice de Bicêtre. possède un quartier d'asile et compte

à la section des enfants des chefs d'atelier, dont la situation

est inférieure à celles de leurs collègues des autres asiles de

la Seine. Leur salaire est moindre et ils n'ont droit à aucune

indemnité et à aucune pension de retraite. Cette situation

nous parait anormale. En conséquence, j'ai l'honneur de dé-

poser sur le bureau du Conseil, au nom de plusieurs de mes

collègues, la proposition suivante : -

« Le Conseil général, délibère :

« Les chefs d'atelier de la section des enfants de Bicêtre. sont t

assimilés au point de vue du traitement et de la retraite il

leurs collègues des asiles de la Seine.

Signé : Ernest Moreau, Landrin, Cornet, Chausse, Georges

Girou, Picau, Attout-Tailfer, Reulos, Alfred Moreau, Paul

Brousse, Champoudry, Louis Lucipia.

M. E. Moreau a demandé le renvoi à la 3° Commis-

' Enseignement PROFESSIONNEL. xxv

sion qui a été prononcé. Celle-ci a renvoyé l'examen

de cette proposition à la 5° Commission du Conseil

municipal. Nous ferons connaître l'an prochain la

décision qui sera intervenue. Espérons qu'elle sera

favorable.

Le tableau ci-après met en évidence les résultats

obtenus en 1895 par nos chefs d'atelier (p. xxvi).

Les travaux du jardinage seul ne sont pas évalués.

Il est en effet assez difficile de faire une estimation

précise. Pourtant nous croyons que l'Administration

aurait intérêt à essayer d'en avoir une approxima-

tion.

Les sept maitres - non compris le jardinier dont le

travail de ses apprentis et le sien dépassent assuré-

ment le salaire - sont payés à raison de 6 fr. 50 par

jour, soit pour l'année 16.607 fr. 50. Cette somme étant"

déduite de celle du travail des enfants (31.997 fr.),

il reste un bénéfice de 15.390 fr. (1). Le travail des

enfants couvre donc : 1° la dépense occasionnée par le

salaire de leurs maîtres ; - 2° l'intérêt à 5 0/0 du capi-

tal employé pour la construction des ateliers (210.000

francs) et, de plus, il y a un bénéfice de 4.890 fr. qui

vient atténuer les dépenses d'entretien des enfants (2).

Nous n'insisterons pas sur les avantages que procu-

rent ces ateliers tant au point de vue de l'intérêt des

malades qu'à celui de l'Administration. Nous ajoute-

rons seulement qu'il serait convenable, à tous les

égards, que nos anciens malades qui passent soit aux

aliénés adultes, soit aux incurables trouvent un meil-

leur accueil dans les ateliers de l'hospice et que les

chefs de ces ateliers leur témoignent plus de bienveil-

lance.

(1) L'évaluation est faite non par nous, qui sommes incompétent, mais par

l'inspecteur du service d'architecture, M. Delahaye, etparM. Bru, économe.

(2) Voir nos Compte rendus précédents et entre autres, 1892, p. XXI et

XXII; - 1893, p. XXI. *

Mouvement DE la population. xxvii

111.

Statistique. - Mouvement DE la population.

Le 1 or janvier 1895, il restait dans le service 526 en-

fants (1) : 501 idiots, imbéciles et épileptiques dits alié-

ries et 25 réputés non aliénés. On sait qu'il s'agit là

d'une distinction purement administrative. Sur ce

nombre, 5 étaient atteints de surdi-mutité, 8 de cécité,

18 de rumination ; 89 étaient gâteux, 82 héniplégi-

ques, 27 baveux, 35 onychophages, 3 déchireurs d'on-

gles. Voici maintenant le mouvement de la population

en 1895.

YSVIII Mouvement de la population.

Décès. - Les décès ont été au nombre de 24. Le

tableau ci-après fournit les renseignements concer-

nant le diagnostic, la clate et la cause du décès, ainsi

que les principales particularités présentées par les

malades (p. xxx).

Sorties. - Des 51 malades sortis de la section, 1

a été dirigé sur l'une des sections d'adultes de la

division des aliénés, les autres à Ville-Evrard et à

Villejuif comme épileptiques incapables d'être mis

en liberté ; 37 ont été rendus à leur famille guéris ou

améliorés, ou sur la demande de celles-ci. Le tableau

des pages xxxiv et suivantes indique les motifs de la

sortie et la nature de l'affection pathologique dont

étaient atteints ces malades sortants.

Évasions. - Elles ont été au nombre de 17 ; onze

enfants sont rentrés ou ont été ramenés le soir même ;

six enfants : Winch..., Loutr... (3 fois), Lefébu... et

Lége... sontrestésunou plusieurs jours absents. Nous

ne faisons figurer clans le tableau des sorties que les

enfants qui n'ont pas été réintégrés dans la section

après leur évasion et qui, par conséquent, ont été dé-

falqués.

Transferts. - Ils ont été au nombre de 3, concer-

nant les enfants Eckh ? dirigé sur Sedan, Loutr...

(Ernest), sur Rouly, Stenbeckeli ? dirigé sur un asile

de Belgique. Ces transferts constituent une mesure

indigne d'un pays civilisé, quand ils s'appliquent à

des enfants dont les parents habitent Paris mais qui

sont nés dans les départements. Les demandes des

préfets ont été beaucoup plus nombreuses, mais plu-

sieurs familles ont préféré reprendre leurs enfants que

de les laisser partir loin d'elles et, par conséquent, être

mises dans l'impossibilité de les visiter et de soulager

leur infortune. La mesure prise, sur notre proposi-

Population. xxix

tion, par le Conseil général de la Seine et qui consiste

à recevoir et maintenir dans les asiles de la Seine les

enfants nés dans les autres départements, lorsque

leurs parents sont domiciliés à Paris ou dans une com-

mune de la Seine depuis trois ans, tout en ne récla-

mant aux départements d'origine - c'est-à-dire où les

enfants ont leur domicile de secours - que le prix de

journée payé par ces départements dans leurs propres

asiles, n'est pas acceptée par la plupart des préfets.

La mesure si humaine, si généreuse du Conseil géné-

ral de la Seine envers ces enfants et leurs familles les

laissent trop souvent indifférents. On le comprend

d'autant moins que le maintien dans les asiles de la

Seine de cette catégorie d'enfants n'entraîne, nous le

répétons, aucun surcroît de dépenses pour les dépar-

tements qu'ils administrent.

Population au 31 décembre 1895. - Il restait à

cette époque dans le service 519 enfants se décompo-

sant ainsi : 494 enfants idiots, imbéciles ou épilepti-

ques, dits aliénés et 25 réputés non aliénés. Sur ce

nombre, 5 sont atteints de surdi-mutité, 8 de cécité,

16 de rumination, 21 de syndactylie complète ou par-

tielle ; 1 d'hémimélie; 93 sont gâteux, 81 hémiplégi-

ques, 54 baveux, 45 onychophages, 4 déchireurs d'on-

gles.

xxx DÉCÈS.

XXXII DÉCÈS. 1

Il

1

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Thymus; GLANDE thyroïde. XI

Thymus et glande thyroïde. - Nos études sur

l'idiotie myxoedémateuse nous ont conduit à repren-

dre, il y a six ans, des recherches anciennes (1868)

sur la glande thyroïde, et incidemment sur le thy-

mus. Le tableau ci-après donne quelques renseigne-

ments sur ces deux organes chez nos malades décédés

en 1895.

XLII PERSONNEL DU SERVICE.

Nous essaierons un jour de voir s'il y a lieu de tirer

quelque conclusion des pesées du thymus et de la

glande thyroïde que nous consignons tous les ans

dans nos Comptes rendus. Mais elles n'auront qu'une

valeur relative jusqu'à ce que nous puissions les met-

tre en regard de pesées analogues faites chez des

enfants réputés normaux.

Personnel du service en 1895. - Le personnel était

ainsi composé : 1° Service médical : deux internes

titulaires, MM. Tissicr et Lombard, un interne pro-

visoire, M. Rastouil ; un conservateur du musée patho-

logique, M. Sollier.

2° Service scolaire : a) grande école : 4 institu-

teurs : MM. Mesnard, Landosse, Grandvilliers et

Fromont ; - un professeur de chant, M. Sutter ; -

un professeur de gymnastique, M. Goy ; - un maître

d'escrime, M. Loiseau et deux infirmiers dont l'un

a le grade de [or infirmier. - b) Petite école : ]\1110'

Agnus et 13ohain, surveillantes; 1\11110 Croizelle, sous-

surveillante ; - deux premières infirmières : 1\T ?

Muguet et Pacquelet et 8 infirmières de dortoir

aidant les maîtresses d'école ; en outre 4 infirmières

n'ayant pas de dortoir, sont affectées aux soins et à

l'enseignement des enfants de la petite école.

3° Enseignement professionnel : 8 maîtres dont

nous avons donné les noms plus haut (p. 00); plus

deux infirmiers de garde.

4° Service hospitalier : il se compose de M.

Girard, suppléant, remplissant les fonctions de sur-

veillant ; de M. Acard, suppléant faisant fonctions

de sous-survcillant, de MIIIO Ronzier, sous-surveillante

(infirmerie) ; de 1\1'no Malençon, suppléante (bâtiment

des gâteux) ; de Mmo Grisard, 1 ro infirmière (pavillon

Personnel DU service. ILIII

d'isolement) ; de Mme Gladel, suppléante de nuit; de

deux suppléants, M. Malençon attaché plus spéciale-

ment au musée et chargé du service de distribution

de la pharmacie, M. Givalois, suppléant (baigneur);

d'un premier infirmier (portier), de 2) infirmières de

jour ou de nuit, et d'un perruquier ; total du person-

nel secondaire : 85.

Section II : Fondation Vallée.

Histoire du service pendant l'année 1895.

I.

Situation DU SERVICE. - Enseignement primaire.

Dans nos précédents rapports nous avons rappelé

que la Fondation Vallée avait été aménagée pour un

chiffre maximum de cent enfants. Or, en 1895, de

même que les années précédentes, la population a

toujours été supérieure à ce chiffre. Elle était de 130

le 1" janvier et de 140 le 31 décembre. Cette situation

est aggravée par plusieurs causes : la disposition défec-

tueuse de la plupart des dortoirs, la présence à la Fon-

dation de gâteuses et d'épileptiques qui ne devraient

pas y être placées puisque le règlement primitif assi-

milait la Fondation Vallée, destinée aux filles, à la

colonie de Vaucluse, affectée aux garçons, et d'où l'on

exclut les gâteux et les épileptiques. Nous avons donc

dû organiser dès le début deux groupes : 1° les enfants

gâteuses valides et invalides; 2° les enfants propres.

Enfants idiotes et gâteuses. - Elles étaient au

nombre de 40 le 1 cr janvier 1895 et de 50 à la fin de

l'année. Leur installation est toujours aussi défectu-

euse et ce n'est que grâce au zèle et au dévouement

de l'infirmière qui est chargée de ce service que nous

avons pu en atténuer les inconvénients et même

obtenir quelques bons résultats au point de vue du

Enseignement pratique et primaire. XLV

traitement. Nous ne reviendrons pas sur les moyens

employés, car ils ont été indiqués dans les rapports

antérieurs. Les idiotes gâteuses invalides ne quit-

tent pas les locaux et la cour qui leurs sont affectés;

mais celles qui sont valides sont envoyées aux classes

durant une partie de la journée. Quatre enfants sont

devenues tout-à-fait propres : Contelc..., Glay..., La-

bad..., et Montac...

Enfants idiotes, imbéciles, épileptiques, etc.,

valides. - Enseignement primaire et enseignement

pratique. - Les procédés employés, sont éga-

lement les mêmes qu'à la section de Bicêtre. Les

améliorations réalisées dans les écoles des garçons sont .

introduites immédiatement à la Fondation. L'idéal

que nous cherchons à réaliser consiste à occuper les

enfants du matin jusqu'au soir, en variant le plus pos-

sible les exercices. Les jeux même doivent contri-

buer à leur éducation.

Au lever, on apprend aux enfants à faire leur toilette,

à faire leurlit, à nettoyer leur dortoir. - Aux repas, on

surveille les enfants qui savent manger seules et on

corrige leurs mauvaises habitudes ; on apprend aux

autres à se servir de la cuiller, de la fourchette, etc.

Sur 140 enfants, présentes à la fin de l'année, 50 savent

se servir de la cuiller, de la fourchette et du couteau ;

46 de la cuillère et de la fourchette; 24, de la cuillère

seulement. 20, étaient incapables de manger seules.

Quatre enfants ont appris à manger sans aide : Cantcl ?

Monta ? Wim... etMan...

120 enfants ont fréquenté l'école et exécuté les

exercices de la gymnastique Pichery ; 48 enfants font

les exercices de la grande gymnastique, sous la direc-

tion de M"° Langlet et sous la surveillance de M. Goy,

qui vient tous les jeudis à la Fondation.

Les leçons de choses sont multipliées le plus

l'LVI DESSIN, chant, enseignement professionnel.

possible et ont lieu soit dans les jardins, dont les

arbres, les arbustes, les plantes, etc., sont étiquetés.

Les détails dans lesquels nous sommes entré dans nos

Rapports de 1890 à 1894, au sujet de l'habillement et

de l'éducation de la digestion, de la respiration et de

la circulation, nous dispense d'y revenir cette année.

Le cours de dessin, qui a lieu deux fois par

semaine, a continué <L être fait il titre gracieux, par

Mill" Bru, femme de l'économe de Bicêtre. Il a été

suivi régulièrement par 20 élèves, divisées en deux

sections. Les résultats obtenus sont très satisfai-

sants ; la plupart des enfants dessinent des ohjets

usuels d'après nature, ainsi que les ornements d'après

le relief. Les résultats seraient encore meilleurs si

les élèves n'étaient gênées par le défaut d'éclairage

de la salle. Tous les dessins qui le méritent sont con-

servés dans des dossiers au nom de chaque élève, ce

qui permet déjuger de leurs progrès.

Enseignement du chant. - Cet enseignement est

donné depuis le 1 CI' janvier par M. Sutter, professeur

de chant à Bicêtre. Il a rencontré chez les fillettes

les mêmes difficultés que chez les garçons. 60 enfants,

divisées en trois séries, ont profité de cet enseigne-

ment.

Enseignement professionnel. - A mesure que les

enfants se développent, on leur apprend tous les soins

du ménage ; à mettre et à retirer le couvert, à netto-

yer les réfectoires, laver la vaisselle, etc. Dix des moins

arriérées, aident le personnel à apprendre à manger

aux enfants incapables de mang'cr seules et à per-

fectionner celles qui mangent malproprement. ,

Deux des enfants de la Fondation Vallée, Briss... et

Jup..., sont employées comme demi-infirmières iL la

petite école complémentaire de Bicêtre. Une autre,

Maigr ? quia obtenu son certificat d'études, suivi les

Enseignement professionnel. XLVII

cours de l'école d'infirmiùres et ohtenu son diplôme

a été mise en congé et est employée comme infir-

mière.

Les deux seuls ateliers que nous possédons ont con-

tinué à fonctionner régulièrement. Le travail, évalué

par M. Bru, économe de Bicêtre, d'après le tarif réduit

de l'Administration s'est élevé à 3.288 fr. pour l'atelier

de couture dirigé par M'lie Ehrmann, et à 525 fr. pour

l'atelier de repassage dirigé par Mille Lejeunc. Total :

3.873 fr., soit 1.490 fr. de plus qu'on 1894. Le nombre

cles'iï-1>lurentics a varié de 21 à 26. En outre, 20 enfants

travaillent une heure par jour et 28 une demie-

heure. - 15 enfants savent faire complètement les

layettes, 12 du crochet. 8 savent marquer, 5 font

assez hicn la tapisserie. Le tableau suivant donne

mois par mois, le nombre d'apprenties et l'évaluation

du travail :

XLVIII Visites.

Visites, permissions de sortie, congés. Les

enfants ont reçu 2.199 visites. Les visiteurs ont été

au nombre de 3.605. Ces chiffres témoignent de la

sollicitude des familles envers leurs malheureux

enfants. Il semblerait que, se rendant compte de la

responsabilité héréditaire qui leur incombe, elles

redoublent d'affection pour eux.

VISITES, bains ET hydrothérapie. XLIX

Revaccinations. - Elles ont été au nombre de 29

dont trois avec succès.

Bains et hydrothérapie. -Nous avons eu recours,

dans une large mesure, aux hains et aux douches,

comme d'habitude. Quant aux autres moyens de trai-

tenant ils ont été les mêmes que dans notre section

de Bicêtre. - Nous veillons le plus possible à l'hy-

giène sexuelle et pour les petites gâteuses et pour les

filles pubères. Les enfants ont pris généralement

leurs douches à la Fondation. - Quant aux bains,

l'installation de la Fondation n'ayant pu fonctionner

une partie de l'année, nous avons dû nous servir des

hains de Bicêtre. - Les bains de pieds ont été éga-

lement donnés à Bicêtre où il existe, nous tenons à

le rappeler, une installation rendant facile le lavage

simultané des pieds d'un grand nomhre de malades ;

aussi sera-t-il nécessaire, le moment venu de faire

une installation semblable à la Fondation Vallée.-

Voici la statistique des hains et des douches en 1895 :

L - -1 Promenades, améliorations diverses, etc.

de Bicêtre. - Tous les dimanches, après la visite de

leurs parents, on les amuse à danser entre elles.

Améliorations diverses. La cour des enfants

gâteuses a été complètement bitumée. -Une canalisation

en tuyaux de poterie a été faite dans la cour d'en-

trée pour recevoir les eaux ménagères et les eaux plu-

viales qui, autrefois, couraient à air libre. Le pavage

en grès de cette même cour, qui était en mauvais état,

a été remplacé sur notre demande par un pavage en

Lois qui rend moins dangereuses les chûtes des en-

fants. Mentionnons : la réfection de l'unique cabinet

d'aisances qui dessert les dortoirs du premier et du

second étage du grand bâtiment ; - la fourniture

pour l'ouvroir d'un casier fait par l'atelier de menuise-

rie des enfants de Bicêtre, etc.

Teigne. - Sept enfants ont été soignées au pavil-

lon des Contagieux de l'hospice de Bicêtre : Laport ?

Guillaum ? Denntr ? 1-Iusso ? Olive ? Lc Ga ? Gra-

ffa...

Maladies intercurrentes. - Nous n'avons à noter,

en outre des maladies qui ont occasionné la mort et

dont on trouvera la liste au tableau des décès, que des

accidents légers : gourmes, engelure, conjonctivite, etc.

Nous n'avons eu qu'un seul cas de maladie conta-

gieuse ' Trouille... (Jeanne), âgée de 7 ans, a été

envoyée au pavillon d'isolement de Bicêtre pour la

scarlatine (20 juin-5 août).

. II.

Statistique. - Mouvement DE la population.

- Le leur janvier 1895, il restait à la Fondation 130

enfants se répartissant ainsi :

MOUVEMENT DE LA POPULATION. LI

lu PERSONNEL DU SERVICE.

Évasions. Comme les années précédentes, nous

avons pas eu d'évasion en 1895.

'Transferts. - Ils ont été au nombre de 5, ceux des

enfants : Loye ? Court ? lien... et Rai ? dirigées sur

Villejuif et Garni... sur l'Asile de Tours.

Population au 'SI décembre 1895. -Il restait il la

Fondation 140 enfants se décomposant ainsi :

0

M-

n

t*

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1 H

, .m

1 -

1

LVI Agrandissement DE la fondation.

. III.

CONSTRUCTION DU bâtiment de CENT lits.

Nous avons reproduit claus notre dernier Compte-

rendu (p. LVII) le rapport que nous avons été chargé

de faire à la Commission de surveillance des asiles sur

la construction d'un bâtiment de cent lits il la Fon-

dation Vallée. Le projet a été voté par le Conseil

général. Les travaux de terrassement ont commencé

à la fin de janvier, ceux de maçonnerie au commen-

cement de mars. Le gros oeuvre du bâtiment était

terminé au mois de décembre. Nous en donnerons la

description dans notre rapport de 1896.

Section III. Assistance et éducation des

enfants anormaux.

I.

Création de classes spéciales annexées aux écoles

primaires ordiciaires pour les enfants arriérés.

Rapport présenté A la délégation cantonale du Vexe

arrondissement (séance de décembre 1895) ; par Boun-

NEVILLE.

MESSIEURS.

Le département de la Seine assiste, traite et instruit à

l'heure actuelle dans ses asiles ou quartiers d'hospices

plus de mille enfants idiots et épileptiques ainsi répar-

tis :

LVIII Enfants arriérés.

catégorie d'enfants anormaux. On peut, en effet, évaluer

à une centaine ceux qui sont inscrits pour être admis lors-

qu'il y aura des lits vacants : d'autres demeurent dans leurs

familes qui ignorent l'existence des établissements où on

les reçoil et qui, mal renseignées, ne croient pas à la pos-

sibilité d'améliorer la situation physique et mentale de

leurs malheureux enfants. D'autres enfin, après avoir

été renvoyés de diverses écoles, parce qu'ils sont insuffi-

sants, turbulents. instables ou pervers, placés même en

correction, sont abandonnés à eux-mêmes, vagabondent

et servent d'instruments il des misérables plus Intelligents

et plus vicieux.

En général, dans le public, on englobe sous le nom d'i-

diots tous les enfants qui sont, sous le rapport intellec-

tuel, au-dessous de la moyenne. Les médecins, tout en se

servant du mot générique idiots, distinguent plusieurs

espèces, suivant les degrés d'idiotie : 1° les idiots propre-

ment dits - les plus malades ; - les imbéciles; les

dans chacune de ces espèces.

A côté de l'idiotie, de l'imbécillité et de l'aT1'iél'ati0n

intellectuelles, il y a encore l'imbécillité morale dans la-

quelle les facultés affectives et morales sont perverties,

tandis que les facultés intellectuelles sont conservées ou

peuvent même être développées.

Tous les enfants atteints d'idiotie, il tous les degrés, les

enfants atteints d'imbécillité à ses degrés les plus avan-

cés, les enfants frappés d'imbécillité morale doivent être

hospitalisés, car leur séjour a ta maison est dangereux et-

parce qu'ils immobilisent en quelque sorte et presque com-

plètement un des membres de la famille, alors que dans les

asiles une personne suffit pour soigner et surveiller ou

8 enfants ou même davantage.

Ceux que vise la proposition 'que nous vous avons faite

il y a quelques années, et, dont nous avons à nous occu-

per ici, ce sont les imbéciles les moins malades, inoffcn-

sifs, sans altération des sentiments moraux et les arriérés

ou les simples d'esprit. :

· Classes spéciales. 1,131

Des premiers, un certain nombre sont hospitalisés. Or,

comme ils ne sont pas dangereux et ne peuvent le devenir*

que s'ils sont sans surveillance de la part de leurs famil-

les, il y aurait un grand avantage à les soigner et il les

éduquer en dehors des asiles, en les laissant dans leurs

familles et en les envoyant dans des classes spéciales. En

agissant ainsi, on désencomberait les asiles, laissant

les places qu'ils détiennent il de plus malades qu'eux. On

ferait de la véritable assistance républicaine puisqu'on

leur viendrait en aide, en les maintenant dans leurs famil-

les, tout en procédant -Il leur développement physique

et intellectuel. '

Les seconds, les arriérés, les débiles, les insuffisants

sont soit dans les écoles, soit dans leurs familles. Ceux

des écoles sont une gêne pour les instituteurs et les ins-

titutrices. Ils troublent les classes, sans profiter des le-

çons. Ils sont l'objet de la risée, des moqueries de leurs

camarades qui leur donnent des surnoms blessants ; ils

sont les souffre-douleurs des autres enfants. Leur carac-

tère s'irrite, ils deviennent violents, leur état mental

s'aggrave.

Quant au dernier groupe, composé des arriérés, souvent,

instables, qui sont censés rester dans leurs familles, ils

sont généralement à à eux-mêmes, errent dans.

les rues, fréquentent les vagabonds ou les pires vauriens,

et leur servent d'instruments pour commettre des délits,

de toutes sortes el même des crimes. On les arrête, on les

place dans des maisons de correction où ils finissent de se

perdre et plus tard la société dépense pour eux, en pure

perte, dans les prisons, un argent qui aurait été mieux em-

ployé il les instruire, il les relever, à les perfectionner.

Pour ces différentes catégories d'enfants, les moins-

malades, qui n'offrent qu'une diminution des facultés;

intellectuelles, sans perversion notable des instincts, sans

accidents convulsifs. les asiles-écoles ne sont pas indis-

pensables. On pourrait les assister, les traiter et les.

instruire dans des classes spéciales où seraient mis il

contribution, pour eux, les méthodes et les procédés d'é-

ducation des asiles-écoles. i

LX Enfants arriérés.

Nous ajouterons même que la société a le devoir de

s'intéresser à eux. La loi sur l'obligation de l'instruction

l'exige : il ne faut pas qu'ils soient plus longtemps hors

de l'école. Aujourd'hui on se les rejette de tous côtés ; on

essaie de l'école laïque puis de l'école congréganiste.

Finalement ils sont exclus. Que deviennent-ils ? de mau-

vais sujets d'abord, ensuite des criminels, en général

toujours irresponsables.

Bien des fois, nous avons appelé l'attention sur ces

classes spéciales, entre autre ici même, en 1891. Nous

appuyions notre proposition sur l'existence, dans certaines

villes des Pays Scandinaves, d'Allemagne, de la Suisse et

d'Angleterre de ces classes sp(;Ci;iles.

Ce sont le Danemark et la Norwège qui, les premiers,

paraissent avoir institué ces classes spéciales (1) qui leur

ont rendu et leur rendent chaque jour d'incontestables

services.

En 1889, le gouvernement bâlois a créé à titre d'essai,

dans la ville de Bâle, des classes à l'usage des élèves de

faible intelligence. « On n'y admet, ni les enfants atteints

de maladies corporelles ou mentales, ni les enfants cor-

rompus. » Le nombre des élèves d'une classe spéciale ne

doit point dépasser 25.

Au mois de janvier 1892, le School noanl for London

nous a adressé une de ses institutrices les plus distinguées,

Mistress Burgwin, chargée de se rendre compte de ce

que nous faisions dans notre service de Bicètre. Sa mis-

sion consistait aussi à étudier, s'il y avait lieu, l'organi-

sation de ces classes spéciales dont nous venons de parler.

A la suite de la mission de Mistress Burgwin, le School

Board de Londres a décidé, en juillet 1892, l'organisation

de classes spéciales. Il y avait en mars 1894, 9 classes

spéciales avec 12 instituteurs ou institutrices titulaires

et 7 adjoints qui ont acquis les qualités requises pour la

direction des 7 nouvelles classes spéciales qui vont être' \

(1) Voir : Bourneville. - As.sisla,ce, frrrifrnunt et ériucalion rles eyante

idiots, rapportant an Congrès national d'Assistance publique de Lyon en

18 ! J4, pages Il ? Il ? etc,

Classes spéciales.

LXI

créées (1). En présence des résultats obtenus, d'autres

villes se préparent maintenant à suivre l'exemple donné

par le School Board de Londres. Les classes ont été

visitées par les inspecteurs royaux. « Après cette inspec-

tion, dit Mistress Burgwin, quelques écoliers sont retour-

nés dans leurs anciennes écoles, où, je l'espère, ils seront

capables, jusqu'à un certain point, de suivre leurs cama-

rades. S'il en était autrement, l'élève qui se serait montré

trop inférieur serait réadmis à l'école spéciale. »

L'an dernier nous avons entretenu de nouveau la délé-

gation cantonale de cette question et sur notre demande

M. Foubert a invité les instituteurs et les institutrices

des Va et VIe arrondissements à lui adresser une liste des

enfants arriérés et indisciplinés qu'ils avaient dans leurs

écoles. Nous avons résumé le résultat de cette enquête

dans le tableau suivant :

LXII Enfants AIUUERËS.

En ce qui concerne les écoles maternelles, sur 12 écoles,

une seule, celle de la rue du Sommerard, signale quatre

arriérés. Il est évident. que cette enquête, faite à la hâte,

par des personnes qui n'ont pas de connaissances médi-

cales, aurait besoin d'être reprise en leur donnant des

indications dél aillées sur le but que l'on poursuit. Certains

-maîtres et certaines maîtresses, par exemple, ont craint

d'être accusés de négligence s'ils mentionnaient l'exis-

tence dans leurs classes d'enfants indisciplinés ou arrié-

rés. Cependant, telle qu'elle est, celte enquête sommaire

montre qu'il y a 83 enfants arriérés et 49 indisciplinés des

deux sexes dans les écoles des V et VIe arrondissements

sur une population scolaire de 3.575 garçons et de 3.207

filles. Elle met en relief l'utilité de la création des classes

spéciales dont nous venons de parler.

Les indications sommaires que nous avons données sur

ce qui se fait l'étranger, la statistique approximative des

enfants arriérés des écoles du Ve et du VIe arrondissement,

les essais qui ont été faits dans quelques écoles pour deux

autres catégories d'enfants anormaux, les aveugles et les

sourds-muets, nous paraissent fournir des arguments

sérieux en faveur de la proposition que nous avons

l'honneur de faire il la délégation cantonale du Ve arron-

pissement. -

Si vous l'adoptez, il titre de voeu., y aurait lieu pour

l'administration supérieure, il laquelle votre décision se-

rait transmise, de nommer une commission qui serait

chargée d'examiner les voies et moyens pour sa réalisa-

tion et en particulier le programme de l'enseignement qui

devra'être' fait dans ces classes spéciales. -

En terminant ce rapport succinct, permettez-moi de

vous remercier d'avoir bien voulu m'autoriser à préciser

devant vous les lignes principales d'une réforme qui me

parait appelée il rendre de réels services à un certain

nombre d'enfants déshérités. Voici la formule que je vous

soumets :

« La délégation cantonale du Ve arrondissement émet

le voeu qu'il soit créé dans quelques-uns des arrondisse-

Classes spéciales. LXIII

ments de Paris des classes spéciales pour les enfants

arriérés n'offrant ni perversion des instincts, ni acci-

dents convulsifs. »

Ce voeu a été adopté par la iJélégation cantonale et

adressé par son président, M. Albert Meurgé, à M. le

Préfet de la Seine.

II.

Assistance, traitement, éducation des enfants

anormaux (1).

Au temps où nous étions conseiller municipal de

Paris, nous avons consacré une bonne part de notre

action aux réformes de l'Assistance publique. Parmi

elles, il en est une qui nous a plus particulièrement

passionné : l'Assistance, le Traitement et l'Éduca-

tion des enfants anormaux. C'était logique, naturel,

puisque tous, à des titres divers, sont des malades

ou des infirmes et qu'ils relèvent de la science et de

l'intervention médicales. Nous avons, alors, tracé

les grandes lignes du programme des réformes que

le Conseil municipal républicain avait le devoir

d'accomplir à leur profit.

Nous avons fait accepter successivement par le Con-

seil municipal un voeu pour l'agrandissement de la

Section des enfants idiots et épileptiques de la Sal-

pêtrière (2), un autre réclamant la création d'un Ins-

titut pour les enfants aveugles des deux sexes (3) ;

un troisième demandant la création de deux Écoles-

(ll MM. les D" Ilamon du Fougeray et Cou6toux ont eu l'excellente idée

d'écrire un livre intitulé : Manuel pratique des méthodes d'éducation spéciale

aux enfants anormaux {aveugles, sourds-muets, idiots, bègues, etc.), dans

lequel ils ont réuni tous les renseignements nécessaires aux médecins et aux

familles pour les guider dans le traitement, l'éducation et le placement des

enfants anormaux. C'est la Préface uue nous avons écrite pour leur livre que

nous reproduisons ici.

(2) Rapport sur une demande d'augmentation de la subvention de l'asile

des jeunes garçons infirmes de la rue Lecourbe. (21 mai 1883, n° 45.)

(3) Ibidem, p. 11.

LES enfants anormaux. LXV

dispensaires pour les enfants rachitiques (1) ; enfin,

nous avons fait voter la construction, à Bicêtre, d'une

section distincte, destinée aux enfants idiots et ner-

veux : (2). Dans ces circonstances nous ne faisions que

traduire les sentiments des mandataires de Paris.

Depuis cette époque, si tout n'a pas été réalisé, beau-

coup a été fait : l'École Braille a été organisée pour

les aveugles; un petit service a été installé à l'hospice

d'Ivry pour les enfants difformes et incurables; un

Institut départemental a été créé à Asnières pour les

sourds-muets ; la Fondation Vallée, envoie d'agran-

dissement, a été affectée aux filles idiotes et la sec-

tion de Bicêtre a été construite.

La loi sur l'instruction primaire comporte l'obli-

gation pour les familles de donner à leurs enfants

l'instruction' élémentaire jugée absolument indis-

pensable. Par contre, elle entaauie, pour le gouver-

nement de la République, le devoir de mettre à la

disposition des familles tous les moyens d'obéir à la

loi, qu'il s'agisse d'enfants normaux ou anormaux.

Des efforts considérables, de lourds sacrifices, ont

été faits pour les premiers et, de ce côté, nous n'aurons

bientôt plus rien à envier aux nations les plus civili-

sèes. Malheureusement, il est loin d'en être de même

en ce qui concerne les enfants anormaux. La seule

excuse que pourrait invoquer l'État, pour se sous-

traire à l'obligation que lui impose sa propre loi,

serait l'impossibilité, reconnue évidente, de pouvoir

procéder à leur éducation, car ici éducation et ins-

truction se confondent. Or, il n'en est pas ainsi. En

effet, toutes les catégories d'enfants anormaux, et le

livre de MM. Hamon du Fougeray et Couëtoux le

(t) Rapport sur la création de deux insliluts ou écoles-dispensaires pour les

enfants rachitiques' du difformes. (11 juin 18S3, n' 55).

(2) Rapport sur la création d'un quartier spécial pour les enfants idiots et

épileptiques à l'hospice de Bicêtre. (21 juinl883).

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. 1<U'* *

LXVI Les enfants ANORMAUX.

démontre d'une façon péremptoire; sont susceptibles

d'être améliorés, relevés, instruits : aveugles, bègues,

idiots ou arriérés, sourds-muets, etc.

Pour les aveugles, les bègues et les sourds-muets,

le doute est dissipé : tout le monde reconnaît qu'ils

sont susceptibles d'être instruits au point d'arriver à

jouir, sauf quelques restrictions, des droits et des

avantages des autres citoyens. Mais l'accord cesse

quand il s'agit des enfants idiots et nerveux. Pour

eux cependant, les obligations scolaires do l'Etat se

doublent d'un devoir non moins impérieux sous le rap-

port social : la sécurité de ces enfants et la sécurité

publique.

Si, dans notre pays, en dépit de nos efforts inces-

sants, en dépit de l'oeuvre humanitaire accomplie par

le Conseil municipal de Paris et le Conseil général

de la Seine, l'opinion demeure incertaine, sceptique

même, au sujet du traitement et de l'éducation des

enfants arriérés, faibles d'esprit, elle est faite, fixée

définitivement aux États-Unis, en Angleterre, dans

les pays Scandinaves, en Allemagne. Dans tous ces

pays, médecins, instituteurs, administrateurs, s'oc-

cupent avec un grand esprit de suite, avec un succès

croissant, du relèvement de cette catégorie d'enfants

anormaux, la plus importante par le nombre.

C'est, on ne saurait trop le répéter, par la diffusion

et le niveau de l'instruction publique il tous les degrés

et par la honne organisation de ses établissements

d'assistance, qui ne laissent aucun enfant ou aucun

citoyen sans instruction et sans secours, qu'on peut

juger du degré de civilisation d'un pays. Au gouver-

nement de la République il conquérir, pour la France,

le premier rang. Y concourir patriotiquement, tel est

le but des auteurs du Manuel pratique.

Les statistiques officielles des différentes catégories

Les enfants anormaux. LXVII

d'enfants anormaux sont si anciennes ou présentent de

si grandes lacunes qu'on n'a qu'une idée très vague

du nombre de ces infortunés et partant de leurs

Ilescins, lcal : w : 11 plus considérables qu'on ne se le

figure. Il importe donc de dresser pour chacune de ces

catégories une statistique précise. Cette tâche

urgente, qui incombe plus spécialement au Jlinis-

(le l'Intérieur, fournirait des renseignements

sérieux sur l'étendue des besoins auxquels on DOIT

donner satisfaction.

Une étude attentive de tout ce qui a été fait, et

qu'ont résumé avec une grande clarté MM. Hamon

du Fougeray et Couetoux, conduit à un certain nom-

bre de constatations que nous estimons utile de mettre

en relief.

a) L'entrée dans les établissements spéciaux est

trop souvent entourée de difficultés, sans compter que

les familles ignorent parfois l'existence même de ces

établissements. Il conviendrait d'ouvrir largement

leurs portes et de délivrer libéralement aux familles

tous les renseignements qui leur sont nécessaires pour

le placement de leurs enfants. Il faudrait enfin créer,

partout où il n'y en a pas encore, des asiles-écoles

régionaux ou inter-départemenlaux pour les enfant

anormaux, au lieu de les centraliser à Paris, comme

cela se pratique dans une trop large proportion pour

les aveugles et les sourds-muets.

b) Pour tous les anormaux, aveugles, sourds-

muets, idiots ou arriérés et il est fort probable qu'il

en est de même pour les bègues, il faut commencer

l'éducation ou le traitement médico-pédagogique le

plus tôt possible. Pour tous, il faut intervenir vite, afin

d'empêcher que l'enfant, plus ou moins délaissé, ne

contracte de mauvaises habitudes contre lesquelles ils

LXVIII Les enfants anormaux.

faudra lutter, en outre de la maladie ou de l'infirmité

primitive.

c) « Le devoir social à remplir, écrivent MM. Ha-

mon du Fougeray et Couëtoux, grandit en raison di-

recte des difficultés Ù surmonter. » Un long temps est

indispensable pour obtenir la première amélioration,

enregistrer les premiers progrès. 11 faut un an pour

démutiser un sourd-muet et plus de temps encore

pour faire, chez un idiot, l'éducation du sens du tou-

cher qui fera l'éducation du sens de la vue. Mais, dès

qu'il s'est produit quelque heureuse modification,

d'autres surviennent et plus rapidement. Les familles

doivent donc prendre patience, faire crédit au mé-

decin, à l'éducateur..

ri) Les difficultés à surmonter pour tous les enfants

anormaux exigent que leur éducation et leur traite-

ment soient confiés à des personnes compétentes,

expérimentées. Aussi les médecins et les instituteurs

qui s'occupent d'une catégorie spéciale d'anormaux,

devraient-ils être au courant des méthodes et des pro-

cédés employés dans le traitement et l'éducation des

autres anormaux. Prêchant d'exemple, chaque année

nous envoyons successivement les instituteurs, les

institutrices-infirmières de notre service -Il l'Institution

nationale des Sourds-Muets et iL l'Institution des Jeu-

nes Aveugles. Dans l'avenir, lorsque l'on comprendra

bien les précieux avantages de l'idée que nous sou-

tenons, on reconnaîtra la nécessite ? sinon de créer

une école spéciale, tout au moins d'instituer un

ensemble de cours théoriques et surtout pratiques pour

les instituteurs et les institutrices des enfants anor-

maux.

e) Nos auteurs insistent sur la supériorité de l'éclte-

cation collective. Nous partageons leur sentiment.

Les enfants anormaux. LXIX

En cela, eux et nous, sommes d'accord avec la plupart

des hommes qui se sont occupés de l'éducation des

anormaux. Tous les essais d'éducation isolée d'enfants

arriérés que nous avons vu tenter ont exigé, pour

des résultats équivalents, une plus grande somme de

travail. L'imitation, l'entraînement, l'amour-propre

même, joints à la pluralité des maitres, qui conser-

vent plus aisément lcur autorité, leur puissance édu-

catrice qu'un seul maître, contribuent à assurer la su-

périorité à l'éducation collective. Il n'y a aussi que

des avantages à la coéducation des sexes pour les plus

jeunes des enfants anormaux, à quelque catégorie

qu'ils appartiennent. Il y a alors tout bénéfice à con-

fier ces classes mixtes à des femmes, institutrices,

surveillantes, infirmières.

Le but qnc nous poursuivons avec les auteurs du

Manuel pratique, c'est de relever les anormaux à la

dignité d'hommes, de les rapprocher le plus pos-

sible des citoyens ordinaires, de les rendre capables

de subvenir il leur subsistance, d'arriver à pouvoir

les placer, de les utiliser. D'où la nécessité dans les

institutions ou mieux les asiles-écoles créés ou à

créer pour eux, à côté de l'éducation intellectuelle

et morale, d'un enseignement professionnel, afin de

mettre largement en oeuvre toutes les aptitudes na-

turelles ou provoquées.

Lorsque nous serons parvenus au maximum du

relèvement, nos anormaux, devenus adultes, se divise-

ront en deux grandes classes.

Les uns, les plus défavorisés, demeureront inaptes

à vivre au dehors. Ils continueront, quoique à un

moindre degré, d'avoir besoin d'un secours perma-

nent, d'une tutelle constante. On y pourvoira avec les

établissements d'adultes, dotés d'ateliers où, dans la

mesure de leurs forces et de l'amélioration obtenue,

LXX Enfants anormaux.

ils continueront par leur travail à diminuer les char-

ges que la société s'est fraternellement imposée.

Les autres, c'est-à-dire ceux qui sont devenus

capables de vivre en liberté, ont cependant besoin

d'être soutenus, surveillés. On y parviendra l'aide

des Sociétés de patronage qui fonctionnent déjà régu-

lièrement et qui devront être multipliées. Grâce à

elles, à l'activité, au dévouement de leurs membres,

parmi lesquels il serait désirable de voir figurer les

anormaux guéris, favorisés de la fortune, on évitera

que ces anormaux, redevenus normaux et instruits, ne

tombent dans la mendicité, dans le « trimard », ou

que, abandonnant le métier qu'on leur a appris, ils

ne deviennent des journaliers à tout faire et peu à peu

à ne rien faire.

Dans un admirable discours qu'il prononçait le

25 décembre dernier, au banquet qui lui était offert par

la Ligue française de l'czsei yzc2ezt, M. Léon Bour-

geois annonçait que, dans le prochain budget, en voie

de préparation, il n'oublierait pas « d'inscrire d'une

façon précise, nette, le Programme d'assistance et de

prévoyance définitif de la République »... « Il n'est

pas possible dans une démocratie comme la nôtre,

disait-il, qu'un être humain soit placé ou soit laissé

dans l'impossibilité physique de pourvoir aux néces-

sités de son existence. Il faut que la société ne per-

mette pas qu'un être humain puisse ainsi mourir. »

Et après avoir énuméré les points du problème de

l'assistance traités et résolus, il ajoutait : » Mais l'é-

difice tout entier n'est pas encore achevé ; il faut

faire vivement et complètement le tableau do ces né-

cessités de l'existence. 11 faut se placer en face de

ces besoins et créer résolument les ressources néces-

saires à y pourvoir. » ,

Les refermes pratiques que nous avons indiquées à

Les ENFANTS anormaux. LXXI

grands traits, d'après la lecture du Manuel, répondent

à l'un des principaux chapitres du programme magis-

tral, si profondément humain, que nous venons de rap

neler. Tout ce programme n'est pas réalisable du jour

au lendemain, mais chaque jour doit enregistrer un pas

en avant. Alors la République entrera sérieusement

dans la voie des réformes sociales !

Pour terminer cette préface déjà trop longue, nous

résumerons notre opinion qui, nous en sommes per-

suadé, sera confirmée par le lecteur, en disant que

MM. les Drs Hamon du Fougeray et Couëtoux, par

l'exposé de la situation des enfants anormaux, ce

qu'elle est et ce qu'elle doit être, ont fait plus qu'un

utile et bon livre : ils ont accompli une bonne action.

DEUXIÈME PARTIE

Clinique et anatomie pathologique.

Bourneville, Bicêtre, 1895. 1

I.

Idiotie et Épilepsie symptomatiques de méningite ;

PARBOURXËVtLLEETjLEmCHE.

Sommaire. - Père, alcoolique et scrofuleux. - Grand'mère

paternelle, cancéreuse. Un oncle paternel, alcoolique,

aliéné. - Cousine germaine paternelle, muette et imbécile.

- Mère, hystérique. Grand'père maternel, alcoolique,

mort d'apoplexie. - Deux frères et une soeur morts de con-

vulsions.

Premières convulsions à 2 ans. - Convulsions mensuelles

de 2 à 7 ans. - Affaiblissement consécutif de l'intelli-

gence. - Suspension des convulsions à partir de 7 ans.-

Gâtisme. - Turbulence. - Clastomanie. - Grimpeur. -

Conjonctivite purulente (1883). -Méningite aiguë ?

AUTOPSIE. - Lésions méningées anciennes et récentes.

Psorentérie.

Max... (Léon), né à Paris, le 2G août 1874, est entré à l'hospice

de Bicêtre (service de 51. 130Ul\NEVILLE), le 10 novembre 1883.

Antécédents (Renseignements fournis par sa mère le. 19 jan-

vier 1883). - Père, imprimeur, mort en 1880, à 34 ans, d'une

tumeur blanche du genou; abcès froids au cou. Excès de

boissons hebdomadaires. [Père mort asthmatique à 88 ans.

- Mère morte d'un « chancre rongeant » à la figure. - Une

nièce muette et un peu idiote. - Un frère alcoolique est

à l'Asile clinique (Ste-Annc) comme paralytique général (1). -

Pas d'autres aliénés, pas d'épileptiques, d'apoplectiques, de

difformes, de suicidés, de criminels dans la famille].

Mère, 27-ans, fleuriste, sujette à des attaques de nerfs reve-

(11 Renseignement de M. le D' Magnan.

4 Antécédents.

nant une vingtaine de fois par an ,surtout a la suite de contra-

riétés. Pas de migraines. S.mté bonne. Intelligence dévelop-

pée. [Père alcoolique, mort u'une attaque d'apoplexie.

Mère atteinte do varices. Grands parent*, frères, soeurs,

en bonne santé. - Pas d'aliénés, etc., dans la famille].

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de dix ans.

Quatre enfants : 1° Notre malade ; - 2° garçon mort à six

semaines de convulsions internes ; à l'époque de la concep-

tion de cet enfant, le père commettait plus d'excès de bois-

son que lorsque le premier enfant a été conçu - 3" garçon

mort à 8 jours de convulsions ; 4° tille morte à 15 jours de

convulsions.

Notre malade. - Rien de particulier lors de la conception.

- Grossesse bonne. - accouchement à terme, naturel, sans

chloroforme. -A la naissance, l'enfant était bien, n'avait pas

d'asphyxie. - Elevé fm sein en nourrice, il a tété au moins

jusqu'à un an. - Première dent à un an. Dentition de lait

complète à 3 ans. M... a commencé à marcher à 18 mois, mais

il se tenait mal.

Ses parents l'ont repris à 2 ans. 15 jours après, premières

convulsions : l'enfant avait les yeux tournés, les membres

raides ; puis il fut pris de secousses égales des deux côtés :

cette attaque dura une heure environ. - A partir de cette

époque jusqu'à 7 ans, les convulsions seraient revenues envi-

ron tous les mois, avec la même forme et la même durée,

semblant diminuer chaque fois, mais légèrement, l'intelli-

gence.

Malgré cela l'enfant a commencé à parler un peu vers cinq

ans. A cet âge, il était encore éveillé et paraissait intelligent.

C'est vers ce moment qu'il tomba accidentellement dans l'eau.

On l'en retira de suite, non asphyxié ; il grelottait et il était

tout blanc de peur. Cet accident n'aurait pas modifié les con-

vulsions mensuelles qui ont cessé à 7 ans.

Mis alors à l'école on ne put le garder parce qu'il n'appre-

nait rien et qu'il gâtait, ce qu'il fait encore à présent. z

Instruction absolument nulle. - Il dit quelques mots, com-

prend assez bien ce qu'on lui ordonne : sa mère lui faisait

faire quelques commissions. -Il a peu de connaissance des

objets usuels. Il se sert un peu de la cuiller et de la fourcliette,

se lave très mal, ne sait ni mettre, ni ôter ses vêtements.

L'intelligence n'aurait pas baissé depuis l'âge de 7 ans.

Onanisme dès le bas-âge. Claslomanie : il aime surtout à

briser ses joujoux. Il aime à grimper, à sauter ; parait avoir

Idiotie ET épilepsie méningitiques. 5

quelque conscience du danger. Il est très peureux, peu

caressant ; cependant il n'a jamais été méchant, et n'a pas de

mauvais instincts. Sommeil bon. Pas de secousses, ni de ver-

tiges. l'as de grincements de dents. - Baye un peu. Vorace.

Digestions bonnes. Aucun accident scrofulcux, sauf une

ophtalmie à répétition de 7 à 10 ans. - Bonne santé habituel-

le. Rougeole à G ans; il n'aurait pas fait d'autres maladies.

Etat actuel (\~i fèv. 1SS4). Tête. Forme générale irrégulière.

Front étroit dans le sens transversal, assez haut. - Bosses

frontales normalement saillantes. Bosse pariétale droite un

peu plus saillante que la gauche.

6 Description DU malade.

L'enfant qui, dit-on, n'aurait pas eu de convulsions depuis

l'âge de 7 ans, a eu 8 accès en décembre 1883 et 3 accès en

janvier 183'i. - Rien en février jusqu'à ce jour. - On n'a

pas plus que dans la famille constaté de vertiges.

IDIOTIE ET ÉPILEPSIE méningitiques. 7

irréguliers : les inspirations sont tantôt très-profondes, tantôt,

au contraire, avortées; d'autres se font en plusieurs saccades. '

- Thorax sonore; on n'entend pas bien la respiration; mais

on ne trouve pas de râles.

Coeur : environ 80 révolutions par minute, régulières. Pas

de souffle ; éréthisme fébrile ; les bruits sont retentissants.

Quant au pouls, il est introuvable sur les radiales et les tem-

porales. 'l'.lt. 39".

Le soir, résolution encore plus marquée, mouvements plus

faibles. Quand on assied le malade, sa tête retombe jusque

sur le lit. 'l'.lt. 3`J°,G. G.

2G février. - L'enfant n'a pas dormi cette nuit. Il n'a cessé

de se remuer, de chercher à quitter son lit, d'injurier les

personnes qui le gardent. - A plusieurs reprises, on lui a

demandé où il avait mal : il a indiqué sa tête.

Ce matin, la prostration est encore plus complète qu'hier,

bien que le malade ait manifestement sa connaissance. Les

traits sont immobiles, la bouche et les yeux ouverts; il suit

des yeux ceux qui l'entourent. - Lèvres sèches, blanches par

places ; bouche non fuligineuse. - Aux joues la pâleur

prédomine maintenant sur la cyanose. L'enfant demande

instamment à boire.

La diarrhée continue, mais peu abondante; les matières

seraient presque aqueuses. Il n'y a jamais eu de sang dans

les selles. Ventre : nullité à droite, tympanisme à gauche ;

gargouillement partout. - La pression ne fait pas contracter

les traits du malade.

Respiration à 40, plus régulière qu'hier. De temps en temps,

on note une inspiration plus profonde, qui coïncide avec une

légère et courte agitation. - Pouls radial un peu perceptible,

régulier, à 10. - T. li. 41, 3.

Pendant la visite, l'enfant meurt sans aucune agitation, et

auec sa connaissance. - On le trouve inondé d'une diarrhée

verdâtre et grumeleuse. A aucun moment, il n'y a eu do

sang dans les selles. - T. R. un quart d'heure après le décès :

43 ? ? . ; - une heure après : 39,1. ; - 2 heures après : 39°.

Autopsie '24 heures après le décès. - Poids 21 kilog. 80

(commo avant la maladie) ; du reste il n'y a pas d'amaigris-

sement apparent.

Tête. - Cuir chevelu, rien sauf les plaques de teigne

Crâne. Voûte asymétrique. - Petites ecchymoses exclusive-

ment po'tostfques. Base symétrique.

Calotte. Les os du crâne sont minces d'une façon presque

8 Autopsie : lésions méningitiques.

uniforme. Les bosses pariétales sont très arrondies ; il y a

une légère dépression de la bosse frontale gauche et de la bosse

occipitale droite. Dans son ensemble le cr;tne a la forme trigo-

nocéphale. Les sutures sont toutes très apparentes sur les deux

faces et assez sinueuses; il existe une série d'os wormiens sur

la moitié supérieure des sutures pariéto-occipilales.

Méninges. - Liquide en quantité nor-

male. Adhérences par paquets des deux feuillets de l'arach-

noïde, probablement anciennes, sur la convexité et à la base.

Pie-mère. Sur la convexité, opacité presque générale. OEdè-

me, vascularisation fine et ecchymotique au niveau du lobe

sphéno-temporal droit. - La pie-mère s'enlève à peu près

bien, mais souvent, dans les scissures, les deux feuillets

sont accolés (surtout dans les scissures de Sylvius). A cer-

tains endroits, on produit des éraillures de la substance

grise; c'est principalement sur l'hémisphère droit, au niveau

de la face externe du lobe occipital, la moitié antérieure de

la première frontale, l'insula, le lobule orbitaire, la circon-

volution du corps calleux (toutes ces parties offrent une

coloration rougeâtre, comme saumonée) et sur toutes les

régions de la base du cerveau. Le nerf optique droit est adhé-

rent à la circonvolution voisine. - Pie-mère du cervelet

et de l'isthme mince ; pas d'adhérences.

Encéphale. - Poids : 4 ! i90 gr., avec les méninges.

Hémisphères égaux. - Cervelet, bulbe et protubérance, avec

les méninges, 170 gr., - Hémisphères cérébelleux égaux,

n'offrant rien de particulier, ainsi que le bulbe et l'isthme.

Ce¡'veau. - Hémisphère droit. - Face convexe. La 1 : ,

composée de petits plis transversaux dans son tiers antérieur,

envoie un pli de passage à F2; elle se termine en arrière'

par deux branches : l'une supérieure qui descend sur la face

interne jusqu'au sillon calloso-marginal ; l'autre, très-grosse,

(1 cm. z), s'insère sur 1 de niveau. -La F2 est grosse, sinu-

euse, avec plusieurs petits sillons superficiels ; elle envoie en

avant un pli de passage à 10';1 et s'insère sur FA, au fond du sil-

lon, par deux insertions que sépare une cavité dans laquelle

plonge un petit pli de passage de FA. Il y a là une sorte

d'emboîtement réciproque. - F3, sinueuse, s'insère de niveau

sur FA par une insertion assez volumineuse. - FA est très-si-

nueuse,grosse, mais ne trancho point par son volume sur les

circonvolutions frontales. - Slt profond, très-sinueux.l'A

très-tortueuse, un peu plus petite que FA, se termine en bas

par une bifurcation ; le sillon qui sépare les doux branches

de cette bifurcation a un cm. 1/2 de long, et s'étend jusqu'à LI.

IDIOTIE ET épilepsie méningitiques. 9

P1, bien développé, envoie en arrière un pli de passage au

lobe occipital. - P2, assez volumineux, avec sillons superfi-

ciels. - PC assez gros; mais au-dessus de lui et en avant,

séparé de I''= par un sillon profond, existe un lobule qui reçoit

un pli de passage de P1 : c'est ce que nous appelons d'habi-

tude le lobule du pli courbe, situé en arrière. - LO assez

gros, sinueux, avec sillons très-superficiels. La disposition du

pli courbe et de son lobule doit être attribuée à ce fait, que la

scissure parallèle, qui est profonde, est presque horizontale.

- LI, quatre digitations, la postérieure bifurquée. - 1",

sinueuse, envoie un pli de passage en arrière de LI, dans le

fond de SS et deux pli-i de passage à T2. - T2 est formée de

trois parties séparées par des sillons transversaux et assez

distincte de '1 ? - T3, T1 grosses, séparées de CA par

des sillons assez profonds.

Face interne. FI grosse, formée de plis transversaux

séparés par des sillons plus ou moins profonds. - SCM assez

profonde, surtout en arrière. - CCCA assez simple, avec de

nombreux points où la substance grise a été enlevée. - LP

gros, avec encoche profonde entre FI et PA. Son sillon est

court, superficiel, vertical. LI' est séparé de FI (face

interne), de CCCA et de LQ par un sillon profond. LQ gros ;

sillons profonds. - SPO profonde. - Coin plissé, mais super-

ficiellement. - Scissure calcarine assez creuse. LO assez

p'issé. - CII grosse. CA, VL, CO, CS, rien. - Lobe orbi-

taire, formé de circonvolutions séparées par des sillons

assez profonds.

Hémisphère gauche. - Face convexe. FI est grosse,

sinueuse, envoie deux plis à F2 et présente en arrière une

encoche au niveau du bord supérieur, moins profonde que

celle de droite, et une petite insertion de niveau. - F2, assez

sinueuse, avec sillons assez profonds, s'insère sur FA à

mi-hauteur et envoie en avant un pli de passage à F-3. - Fa,

est sinueuse et s'insère en retrait sur FA. FA, grosse, si-

nueuse, sans sillons. - Slt profond. - PA assez volumineuse

dans son tiers moyen, grêle dans ses deux autres tiers. A sa

partie inférieure, on trouve un sillon superficiel, faisant le pen-

dant de la bifurcation de droite. - P1 formée de circonvolutions

développées, sinueuses, envoie un pli au lobe occipital, un au

lobule pariétal inférieur, un au lobule du pli courbe situé

comme à droite en avant du pli courbe. PC assez gros.

LO, normal LI, quatre digitations, dont trois bifurquées.

Tri sinueuse, sans plis vers '1 ? envoie un prolongement au

fond de SS. - SP profonde. T2 bien développée, envoie

10 Autopsie LÉSIONS intestinales.

deux plis de passage à T3, - T3, T'' très plissées et bien

séparées. - '1'1 complètement distinguée de OU par un sillon

profond.

Face interne. - ), formée de plis transversaux sinuoux.

SCM peu profonde en avant, profonde en arrière.-CCCA

bifurquée dans son tiers antérieur. - LP, encoche profonde

en avant entre le (face interne) et FA et petite encoche

répondant à SR. ; pas de sillon. - LQ gros. CouT. assez pe-

tit. - Scissurespariéto-occipilczle et creuses.-LO

bien plissé. - Le ventricule latéral, la couche optique, le

corps strié n'offrent rien iL signaler. - Le corps calleux a G

à 7 mm. au milieu, 9 à 10 en avant. - Lobe orbilaire plissé.

Titoi,,tx. - Coetti,iioriiiil l 10-i,.). -PoLtiioitq.-Aclliéi,eilceg

anciennes des deux sommels et du lobe moyen à droite. Pas

de tuberculose. - Hyperhemio légère à droite, un peu plus

prononcée à gauche. P. droit, 250 gr. ; P. gauche,

110 gr.

Abdomen. - Tube digestif. - OEsophage, eslomac nor-

maux ainsi que le duodénum. Sur le reste de l'intestin grêle

et sur le gros intestin, saillie marquée des follicules clos.

Peu d'hyperhémie, sauf dans la région ileo-coecale. - Pla-

ques de Peyer hyperhémiées, gonflées, sans ulcération.-

Ganglions mésentériques légèrement engorgés ; les iléo-

ccau.v le sont plus que les autres. - Foie normal (890 gr.).

- Raie, ferme et d'un rouge foncé (50 gr.). - Reins : IIy-

perhémie. Catarrhe des bassinets. Tubes collecteurs encom-

brés de matière muco-purulente.- L'albuminurie n'a pas été

recherchée. - Poids : H. gauche (90 gr.) ; - IL droit (lis gr.).

(L'hyperhémie est plus prononcée à gauche).

Réflexions. - I. Dans les antécédents héréditaires

nous avons à relever des deux côtés l'influence de

l'alcoolisme. C'est là, en quelque sorte, une cause ba-

nale, que, depuis une vingtaine d'années, nous n'avons

cessé de signaler dans nos publications. Nous avons

soin aussi de relever l'action que peut exercer la pro-

fession. Bien que, dans ce cas, la profession du père

ne fut point, par elle-même, insalubre, elle l'est par

les habitudes fâcheuses qui existent trop souvent dans

les ateliers de typographie. Il est de coutume que,

chaque jour, l'un des ouvriers d'une équique paie une

Réflexions : alcoolisme. 11

tournée, et il s'agit, en général, d'un litre de vin, à tous

ses camarades. On conçoit aisément quelles sont les

tristes conséquences d'une habitude aussi pernicieu-

se et sur l'individu et sa progéniture : ici elle est évi-

dente. Les excès de boisson du père n'ayant point

cessé de progresser, nous voyons tous ses enfants suc-

comber peu après, la naissance à des convulsions.

II. De 2 à 7 ans, l'enfant a eu des convulsions qui

Fig. 1.

12 Idiotie et épilepsie méningitiques.

ont réapparu à peu près tous les mois et ont affaibli

lentement et progressivement les facultés intellectuel-

les. Ce sont ces accidents et l'examen général de l'en-

fant à l'entrée, qui nous aident à poser le diagnostic

anatomo-pathotogique de l'idiotie. Malheureusement

nous sommes obligés de nous confier, relativement, aux

renseignements, et ces renseignements ont une valeur

très variable, selon l'habileté d'observation et l'intel-

ligence des parents. Il n'est pas rare non plus que le

médecin n'ait contribué en formulant trop tôt une

opinion, qu'il ne rectifie pas, à l'erreur de la famille.

III. Le diagnostic de la maladie terminale était difli-

cile. L'extrême irritabilité de l'enfant, l'hyperesthésie

cutanée, la céphalalgie intense, les vomissements sans

efforts, les irrégularités de la respiration - joints aux

antécédents et au début brusque - nous impo-

saient le diagnostic de méningite. La diarrhée conti-

nue, les caractères des selles nous auraient certaine-

ment retenus si nous n'avions eu affaire à un enfant

gâteux, et nous auraient fait pencher pour le dia-

gnostic : fièvre typhoïde. Ce fait témoigne une fois

de plus des difficultés que présente le diagnostic chez,

les enfants idiots. .

IV. Quant à la température (Fig. 1), elle ne nous

fournit pas, ici, d'indications précises. Sa marche a

été tout à fait irrégulière. Le tracé ne ressemble pas

au tracé classique de la fièvre typhoïde avec son

ascension progressivement croissante d'un degré un

ou deux dixièmes quotidiennement durant les pre-

miers jours de la maladie. Il ne se rapproche pas non

plus de celui de la méningite qui, d'ordinaire, débute

par une température élevée, qui se maintient avec des

rémissions matinales peu accusées.

(I) Voir : Iiourneville - Notes et observations cliniques et tltr'I'/J1oméll'i-

(jI/es sur la {ilion' typhoïde. Paris, 1Hi : J..

Idiotie ET épilepsie méningitiques. 13

La température après la mort a atteint un chiffre

considérable, 43°, 2, qui est autant du fait d'une

méningite que de la dothiencntéric, car l'une et

l'autre de ces maladies peuvent se terminer par une

semblable élévation de la température.

V. L'autopsie nous a révélé : 1° les lésions de la

fièvre typhoïde à la première période ; - 2" des lésions

méningées récentes sur des lésions méningées ancien-

nes.

Tel qu'il est, malgré ses lacunes, ce cas nous mon-

tre l'intérêt qui s'attache à l'étude des maladies chro-

niques du système nerveux chez les enfants.

II.

Idiotie méningitique ;

PAR BOURNEVIIXE ET CONCOURT.

SOMMAIRE. - Bien du côté paternel aupoint de vue nerveux.

Un frère et une soeur morts de tuberculose ( ? ). - Mère

d'une intelligence peu développée. - Grand'mère mater-

nelle un peu nerveuse. - Pas de consanguinité. -Inéga-

lité d'âge de 5 ans.

Enfant petit à la naissance. - Jamais de convulsions.

Fièvre à huit mois dite typhoïde ( ? J, suivie d'un état

d'hébétude. - Altitude inclinée de la tête. - Parole,

attention, affectivité, nulles. - Marche à deux ans.-

Gàlisine. - Voracité. - Salacité. - Clastomanie, grimaces

de la face. Grincement des dents. dictes inconscients.

- Tentative d'incendie. - Granulie. - Mort.

AUTOPSIE. - Méningo-encéphalite chronique. - Lésions

tuberculeuses des poumons.

Lapous... (Lucien), né à Paris, le 5 mars 1882, âgé de 9 ans,

est entré le 2 mai 1891., à Bicêtre (service de M. Bourre-

ville).

Renseignements fournis par sa mère le -16 mai 1891. -Père;

âgé de 36 ans, garçon de magasin dans une maison de con-

fection ; c'est un homme de taille moyenne, robuste, jouissant,

d'une bonne santé ; il n'a jamais eu de convulsions, ni de

fièvre typhoïde, ni de rhumatismes, ni de dartres, ni de

migraines ; il souffre uniquement d'une dyspepsie. Pas d'al-

coolisme ; fume peu. Il y a dix ans qu'il habite Paris, aupara-

vant il vivait à la campagne. Il a un caractère froid, calme ;

il est travailleur et bon père de famille. Son instruction se

borne à savoir lire et écrire. -[Père, 58 ans, cultivateur dans

l'Orne, bien portant; ni alcoolisme, ni accidents nerveux.-

Mère, morte à 55 ans ; peut-être a-t-elle succombé à une

Antécédents. 15

affection de l'estomac ; elle n'était pas nerveuse. - On n'a eu

aucun renseignement sur les oncles ou les grands-parents,

soit paternels, soit - Onze frères ou soeurs : sept

sont morts jeunes, deux auraient succombé à une affection

de la poitrine; les survivants, deux frères et deux soeurs,

sont bien portants. - Il n'y a rien à signaler dans le reste

de la famille.]

Mère, 31 ans, fait des ménages, n'a eu ni convulsions, ni

fièvre typhoïde, ni rhumatismes, ni dartres, ni migraines.

Santé excellente. Son intelligence semble bornée; son ins-

truction est à peu près nulle, elle sait à peine lire et écrire ; n'est

pas nerveuse. - [Père, mort à 70 ans, d'une affection stoma-

cale ; non alcoolique, ni nerveux. - Mère, 71 ans, travaille

encore à la terre ; a fréquemment des maux de tête; un peu

nerveuse, jamais d'attaques de nerfs. - Aucun renseigne-

ment sur les grand-père et grand'mère paternels; en tous

cas ils sont morts âgés. Grand-père maternel, aucun ren-

seignement. Grand'mère paternelle morte à la suite de

couches. - Six oncles paternels ; cinq sont morts, un seul

est survivant et a des enfants, tous en bonne santé. - Une

tante paternelle et une tante maternelle, très âgées, sont

bien portantes. - Trois frères : deux n'ont rien de particu-

lier ; l'un est marié et n'a pas d'enfants ; un troisième est mort

en bas-âge. - Quatre soeurs : trois sont mariées et deux ont

des enfants bien portants et intelligents.]

Pas de consanguinité. - Différence d'âge de cinq ans.

Trois enfants : 10 notre malade ; 2" un garçon, 7 ans, fort

et intelligent ; -3° une fille, 5 ans, bien portante et intelli-

gente. La mère qui donne les renseignements est enceinte.

[En avril 1893, le père de l'enfant nous dit que sa femme est

morte en couches de son quatrième enfant, un garçon, qui a

maintenant 18 mois et semble intelligent ; il serait en retard

pour la dentition, n'ayant que six dents.]

Notre malade. - Au moment de la conception et pendant

la grossesse bons rapports entre les parents ; aisance dans le

ménage. Ils étaient heureux de cette grossesse qui était atten-

due depuis deux ans ; pas de peurs, pas d'envies. - Accou-

chement à terme et naturel ; le travail a duré longtemps. Pas

d'albuminurie, pas d'éclampsie. - A la naissance, l'enfant

était petit (2 kilogr. 5) ; ni asphyxie, ni cordon autour du cou.

- Elevé au sein jusqu'à 4 mois par sa mère. A cette époque

l'enfant est sevré et envoyé à la campagne, où il est nourri

-16 IDIOTIE 1l : : NINGITIQUE.

avec du lait de vache. 111 jamais eu de convulsions. La

dentition aurait été tardive. 8 mois, il aurait eu une fièvre

typhoïde ( ? ) ayant duré un mois ; en même temps il aurait eu

une autre fièvre ( ? ). La convalescence fut longue. A la suite

de cette maladie, l'enfant a gardé un air d'hébétude qui ne

l'a jamais quitté. C'est depuis cette époque qu'il a la tête

dans l'attitude spéciale suivante : elle est inclinée sur le

tronc de sorte que l'enfant a toujours l'air de chercher par

terre. Il n'a jamais parlé. Les cris qu'il pousse sont inintelli-

Il ne se retourne pas quand on lui parle. Un bruit

intense à côté de lui n'a, pendant longtemps, déterminé aucune

réaction ; maintenant on dit qu'il se retourne. Il a marché à

deux ans, il a toujours été gâteux, il a depuis quelque temps

des périodes durant lesquelles il est propre, puis il recom-

mence à gâter. Il mange gloutonnement, ne mastique pas ;

sa mère prétend « qu'il mangerait toute la journée. » Les diges-

tions sont bonnes. Il ne fait attention qu'à la nourriture;

tout le reste lui est indifférent, même sa mère; il suit toute

personne qui lui présente quelque chose à manger. Il est

salace, déchire ses habits, casse tout ce qu'il a entre les mains.

Il est incapable de s'habiller et de se déshabiller seul.

Il fait des grimaces, grince des dents, gesticule, court sans

raison vers un but imaginaire. Etant à la campagne, il

s'est livré plusieurs fois à des actes impulsifs inconscients.

Il allait détacher à toute heure de 1 1 journée les vaches dans

les écuries du village. Il a mis aussi le feu dans une cage à

oies. Si on le frappe pour l'empêcher de commettre de tels

actes et c'est, dit-on, le seul moyen à employer, il pleure et

se retire dans un coin où il passe des heures, la tête fléchie

sur le tronc. Il ne joue jamais seul ou avec d'autres enfants.

Pas de rougeole, de scarlatine, ni de coqueluche. Pas

d'ophtalmie, d'otorrhée, d'adénite, de bronchite ni d'hémo-

ptysie ; à plusieurs reprises on a vu du sang dans ses selles.

Premières dents à 13 mois ; dentition complète à 20 mois.

Les parents attribuent la maladie de leur enfant à la fièvre

typhoïde.

En. avril 1893, le père nous a fourni les renseignements

suivants sur cette maladie : il est resté trois jours sans

connaissance ; la tête était brûlante ; il n'aurait pas ou de con-

vulsions mais il aurait eu delà diarrhée. Il affirme que, avant

cette maladie, son enfant était aussi avancé que les enfants

de son âge, qu'il le connaissait ainsi que sa mère, qu'il souriait,

disait papa et maman, et que, après la maladie, toutes ces

promières manifestations ont cessé. C'est vers 18 à 20 mois

Antécédents. 17

que les parents ont reconnu que leur enfant était arriéré

parce qu'il ne parlait ni ne marchait.

21 mat. - Traitement : sirop d'iodure de fer ; douches de 30

secondes; petite école.

13 juin. La dentition de lait est encore complète à l'âge de

9 ans. Les dents de lait sont usées dans la moitié de leur

hauteur aux deux mâchoires. Les incisives sont légèrement

mobiles. Il n'y a qu'une seule dent nouvelle. Cette usure des

dents vient de ce que celles-ci se rencontrent exactement

bout à bout. Les gencives sont en bon état.

L'enfant va à la petite école. Là, on constate qu'il n'ar-

ticule aucun son et on croit qu'il n'entend rien. Quand il est

content, il pousse un petit cri ; il a toujours la tête inclinée

sur le tronc, mais le corps reste droit. Il marche lentement,

traine ses pieds et se talonne. Jamais onne l'a vu courir.

A table, il mange proprement et se sert de la cuillère et de

la fourchette. Il mastique convenablement. L'appétit est bon,

sans aucune préférence. L'enfant n'est ni gourmand, ni salace.

Il ne bave pas. Les digestions sont bonnes ; les selles sont

régulières. Pas de vers. Il gâte de temps en temps. Il est long

à s'endormir et la nuit il est souvent agité. Il ne se mas-

turbe pas, mais on a remarque qu'il croisait ses jambes l'une

sur l'autre en y comprenant sa verge. Il est incapable de se

nettoyer lui-même, de s'habiller ou de se déshabiller, de nouer

les cordons de ses chaussures qu'il lace cependant seul.

Il grince des dents continuellement, hoche de la tête. Le

caractère est assez bon. L... aime à être embrassé, mais ne

tend pas la joue lui-même. Il affectionne beaucoup les fleurs

et, si on lui en présente, il les met à sa boutonnière.

En classe, il est attentif, comprend ce qu'on lui demande,

imite bien ce qu'il voit faire. Il ne sait pas faire les lettres ; il

trace des bâtons. Aucune notion des couleurs, des longueurs,

des volumes, etc. Il connaît quelques objets (livre, crayon,

règle, aiguille, dé). Il fait quelques exercices de gymnasti-

que et commence à sauter. Il aide à débarrasser la table au

réfectoire et à ranger les assiettes et les gobelets.

État actuel. - Juillet. Cet enfant est bien constitué.

Les téguments sont colorés et assez gras. Le visage est sans

expression, le regard fuyant.

Tète assez régulière. Les fontanelles sont ossifiées. Légère

saillie des bosses occipitales et pariétales. Cheveux châtain-

foncé, abondants ; petit épi on tourbillon à la partie posté-

rieure. La face est ovale, asymétrique, la moitié droite est

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. 2

18 DESCRIPTION DU malade.

plus accusée que la gauche. Le front est saillant, élevé. Les

bosses frontales sont peu prononcées. Les arcades sourciliè-

res sont à peine saillantes au toucher. Les sourcils sont blonds,

à peine marqués à droite. De ce côté, on trouve une légère

interruption à la partie moyenne. Les paupières sont norma-

les, toujours en mouvement. Les cils sont noirs, bien fournis;

il n'y a pas de blépharite, ni d'exophtalmie, de strabisme,

ou de nystagmus. Iris brun, pupilles égales, réagissant à tous

les agents. L'examen fonctionnel de l'oeil n'est pas possible.

Nez court, droit, un peu renflé à gauche et au niveau de

a partie moyenne ; déviation de la cloison a gauche. L'enfant

a du coryza. L'examen de l'odorat est impossible. -13ow;/lC

grande, lèvres épaisses, l'inférieure un peu renversée, la

supérieure saillante à la partie médiane. - Langue,

palais et voûte palatine normaux, symétriques, luette petite.

Amygdale* un peu grosses. Goût peu développé ; répugnance

pour le sulfate de quinine. Réflexe pharyngien conservé ; pas

de tumeurs adénoïdes. Sillons naso-labiaux il peine marqués.

- Pommettes régulières, un peu saillantes. Joues normales.

Menton petit, arrondi, un peu fuyant ; fossette légèrement t

marquée. - Oreilles grandes, bien ourlées, en forme de

bateau par suite du renversement de la partie supérieure du

pavillon ; le lobule est détaché. L'ouïe ne parait sensible

qu'aux grands bruits.

· RUBÉOLE. 19

proéminent. Le foie et la rate ont leurs dimensions naturel-

les. - Colonne vertébrale régulière.

Membres supérieurs symétriques, grêles, normaux, moti-

lité normale. - inférieurs, grêles et symétriques ;

léger genu valgum.

25 juillet. - Traitement : Continuer les douches.

. octobre. - L'enfant est revacciné sans succès. Il présen-

te trois cicatrices apparentes à chaque bras.

Décembre. - Lapous.. est devenu propre. Il s'occupe du

nettoyage et pleure si on veut l'en empêcher. On l'exerce à

la parole; il apporte peu d'attention aux exercices.

1892. 20 février. - L'enfant est envoyé à l'isolement pour

une légère éruption. T. R. 39°,G. - Soir : T. R. 39°,6.

21 février. - Eruption 7,ttbo ? oliqite discrète. Les phénomè-

nes thoraciques sont peu marqués. Toux peu fréquente; con-

jonctivite légère. T. R, 38°, 3, Soir : 39°, 4. - Potion avec

sirop de tolu et acétate d'ammoniaque.

22 février. - La température a considérablement diminué

(37°,4). L'éruption a pâli ; elle se présente au niveau de cha-

que poignet sous la forme de plaques en bracelet, sans inter-

valles de peau saine. L'état général est bon. - Soir :

T. Il. 37°, 6.

23 février,-Matin : T. R. 37°, S.-Soi1' : T. R. 38°, 1.

24 février. -Matin : T. R. 37°, 3. - Soir : T. R. 37°, 5.

25 février. T.R. 37°. Le malade n'a plus que de légères

plaques livides. Desquamation du cou et de la face. Soir :

T. R. 37°, 3.

26 février. - T. R. 39°, 5. -Soir : T. R. 37°.

27 février. -Matin : T. R. 37°, 3. - Soir : T. R. 37°, 1.

28 j'éurier.- llati7l : T. R- 36°, Q.Soir : T. R. 37°, 4.

29 février. - Malin et Soir : T. R. 37°, 2.

1er mars. -Matin et Soir : T. R. 37°. La convalescence

suit son cours, sans aucun accident.

2 mars. - Matin : T. R. 36°, 6. - Soir : T. R. 37°.

3 mars. Matin : T. R. 36°, 4. - Soir : T. R. 37°, 1.

4 mars. Matin et Soir : T. R. 37°.

5 mars. - Matin : T. R. 36°, 6. - Soir : T. R. 37°.

6 mars. L'enfant sort du pavillon d'isolement.

Juin. - Lapous... fait peu de progrès, au point de vue de

la parole. 11 place les chiffres, les couleurs, les lettres. et les

surfaces. Il aime et accomplit bien les exercices de nettoyage

et de balayage. Il a de l'ordre et de la propreté.

20 Tuberculose pulmonaire ; mort.

Décembre. - Durant ce semestre l'enfant n'a réalisé aucun

progrès. Il est devenu obstiné, refuse de travailler, pleure,

pousse les personnes qui veulent le faire rester tranquille.

Depuis les derniers temps, il essaie de prendre par ruse et

sans bruit les clés avec lesquelles il ouvre parfaitement les

portes. Quand il ne peut y arriver par subterfuge, il essaie

par la flatterie. S'il ne réussit pas il manifeste de l'ennui ; s'il

réussit, il est, au contraire, très fier. Lorsqu'il lit et surtout

quand il écrit, il est agité, tire la langue, la contorsionne et

exagère son grincement de dents. S'il est assis, il se balan-

ce continuellement. Dans la marche, la jambe gauche reste

toujours en arrière. L'enfant se fait très bien comprendre par

signes.

1893. Janvier. - Puberté. Visage, corps et pénil glabres.

Verge 2 cent. de longueur et 2 de circonférence. Le prépuce

est long; gland découvrable. Testicules de la grosseur d'un

oeuf de merle.

3 avril. L'enfant est amené à l'infirmerie. Il tousse et a

la langue sèche. T. R. 39", 2. A l'auscultation, râles fins, dis-

séminés dans toute l'étendue du poumon droit et souille à la

base.

4 avril. Même état ; dyspnée. T. R. 38°, 8. Potion de

Tood; acétate d'ammoniaque; lotions. - Soir : T. R. 38".

6 avril. - La dyspnée est moins prononcée. - T. R. 3S°, 8.

La situation générale semble meilleure ; l'état du poumon

est stationnaire. -Quinquina et Tood. - Soir : T. R. 38o, 8.

7 avril. - L'état est le même. - Soir : T. R. 38".

8 avril. - A 5 heures, du matin, après une nuit tranquille,

l'enfant se réveille brusquement en proie à une dyspnée in-

tense et une agitation qui ne dure qu'une demie-heure,

accidents qui sont suivis de râle trachéal et de cyanose du

visage. Le pouls devient filiforme. Malgré les injections sous-

cutanées d'éther, les sinapismes et les lotions vinaigrées, à 9

heures du matin, l'enfant respire de plus en plus mal, se

cyanose de plus en plus, le visage devient violet, les yeux

s'excavent et s'éteignent. La langue est couverte d'un enduit

noir et coagulé. L'enfant meurt sans convulsions.

MÉNIN60-ENCÊPHAI..ITE ; TUBERCULOSE pulmonaire. 21

22 lllr; rtrvGO-W cr : Prrnr.rTr.. ; tuberculose pulmonaire.

\IrNINGO-l;NCIPHALIT1J. 23

II. La maladie que l'enfant a eue à huit mois et

qu'on a qualifiée de fièvre typhoïde a peut-être été

une méningite. En tout cas, la fièvre typhoïde, excep-

tionnelle à l'âge de huit mois étant admise, il est

certain que l'enfant a éprouvé des accidents cérébraux

graves : congestion de la tête, perte de connaissance.

Cette maladie a eu pour conséquence de modifier pro-

fondément l'intelligence. L'évolution régulière qu'on

avait précédemment constatée s'est arrêtée.

L'attitude particulière de la tête, les périodes

alternatives de propreté et de gâtisme, les grince-

ments de dents, la gloutonnerie, la salacité, les tics,

les impulsions inconscientes, la clastomanie, le trai-

nement des pieds, indice d'un affaiblissement des

jambes, etc., nous ont fait penser que l'idiotie com-

plète devait être rattachée à une méningo-encépha-

lite.

III. L'autopsie a confirmé le diagnostic en faisant

constater des lésions inflammatoires chroniques très

étendues de la pic-mère et de la substance grise d'un

certain nombre de circonvolutions.

IV. La température consignée matin et soir durant

le rubéole confirme ce que nous avons dit précédem-

ment dans un mémoire spécial (1).

V. Le tableau de la température après la mort est

digne d'attirer l'attention. Progressivement la tempé-

rature tombe de 3'J°, à à 2-20, température de la chambre;

puis la température du corps descend au-dessous de la

température do la chambre et enfin la température du

corps remonte pour se mettre en équilibre avec la tem-

(1) De (a roséole idiopathique on rubéole, par Bourneville et Bricon (Compte-

rendu du service des enfants Ve Ificifre pour 1884, t. v, p. 89.

24 MÉNINGO-ENCÉPHALITE.

pérature de la chambre. Ce fait s'ajoute à ceux que

nous avons publiés précédemment pour montrer d'une

façon évidente que la thermométrie, au moins dans

nos climats, est un moyen certain de constater la réalité

de la mort.

III.

Idiotie symptomatique de méningo-encéphalite

généralisée ;

PAR BOURNEVILLE et DUBARRY.

SOMMAIRE. - Père, enfui à l'étranger après escroquèrie. -

Arrière-grand'mère paternelle morte paralysée. Mère,

paraplégie traumatique. - Double consanguinité. - Inné-

galité d'âge de 3 ans. - Un frère et une soeur sont peu in-

telligents.

Jamais de convulsions. - Marche 15 mois. - Début de la

parole à 3 ans. - Propre à 6 a ? is. - Aptitude à l'instruc-

tion nulle. Parole traînante. -1884 : Urticaire ; diar-

rhée ; - ascaride ; - affaiblissement prog ressif. - marche

impossible. - Tuberculose pulmonaire; mort.

AUTOPSIE. - Cavernes pulmonaires. - Lésions chroniques

des méninges et de la substance grise des circonvolu-

tions.

Boucher... Séguin Ldouard Paul, né iL Chatignac (Cha-

rente) le 8 mai 1870, est entré le 13 juin 1883, à l'hospice de

Bicêtre (service de M. Bourneville).

Renseignements fournis par sa tante maternelle (` ? 0 décem-

bre 1883.).- Père, 50 ans, sobre, bien portant, notaire, a quitté

la France l'année dernière après avoir fait 150.000 francs de

dettes.- [Son père, également notaire, est mort du choléra

en z Sa mère est morte d'une pneumonie à 81 ans.-

Grand'père et grand'mère paternels morts de vieillesse.-

Grand'père maternel, mort de rétention d'urine à 91 ans; -

grand'mère maternelle, morte paralysée à 78 ans. - Trois

frères morts jqtines, l'un d'une fièvre typhoïde, l'autre du

choléra, le troisième tuberculeux.- Une soeur morte jeune on

ne sait de quoi.- Pas d'affections nerveuses dansla famille.]

26 ri Idiotie méningitique.

Mère, 53 ans, paraplégique depuis 6 ans à la suite d'une

chute, n'est nullement nerveuse, très intelligente.- [père

mort d'une affection cardiaque. - Mère morte à G6 ans d'une

hydropisie consécutive à une maladie du coeur. Le grand-

père etla grand'mère étaient cousins germains issus de deux

soeurs. Pa, d'autres détails. - Deux frères et trois soeurs bien

portants ainsi que leurs enfants].

Consanguinité : le père et la mère de notre malade sont

cousins germains issus de deux soeurs.

Sept enfants : 10 garçon, 28 ans, intelligence au-dessous de

la moyenne, il n'a pas réussi dans ses études;- '2° et 3" deux

garçons, morts l'un .1 3 ans de cholérine, l'autre à 5 ans de

fièvre typhoïde; 110 garçon, 23 ans, a fait ses études, est

intelligent; - 5- garçon, 20 ans, le plus intelligent de tous ; -

Co tille, -1S ans, rachitique, peu intelligente.

7° Notre malade. - Grossesse normale.- Accouchement

à terme, naturel, sans chloroforme. Pas d'asphyxie à la nais-

sance. - Elevé au sein par une nourrice iL la campagne. Il

n'aurait jamais eu de convulsions.il a marché à quinze mois,

mais n'a commencé à parler qu'à 3 ans et n'a été propre que

vers l'âge de 6 à 7 ans. La première dentition dans son

ensemble n'aurait pas été retardée. Envoyé à l'école, il fut

impossible de rien lui apprendre. Chez ses parents, il aimait

beaucoup entendre le chant et le piano; on assure qu'il retrou-

vait les airs; sa voix était juste et agréable. L'enfant ne sait

ni s'habiller ni se déshabiller et mange malproprement. Il

est gai, affectueux, caressant, mais excessivement poltron.

Il aime à détruire tout ce qui lui tombe sous sa main. Quoique

assez délicat, il ne serait jamais malade. La parole a toujours

été traînante et il terminait chaque mot par un e muet sur

lequel il appuyait longuement.

État actuel. - Tête ovoïde, aplatissement assez prononcé

au niveau du vertex, la bosse pariétale gauche est moins bom-

bée que la droite. Cheveux blonds assez abondants. Front

étroit mais assez élevé.

Oreilles légèrement écartées, bien ourlées, lobule non atlhé-

rent. - Nez régulier. Lèvres peu épaisses; bouche assez

grande ; vente palatine légèrement ogivale.

Coti assez court. - Thorax bien conformé; circonférence

au niveau du mamelon pondant l'expiration, < ! 4 cent. Organes

thoraciques, rien de particulier. Membres grêles et longs.

Maladies intercurrentes. 27

La sensibilité générale paraît normale. - L'odorat semble

émoussé car l'enfant respire avec la même indifférence la

teinture de valériane et l'eau do roses. - Le sens du goût n'a

pas subi d'altérations. - L'ouïe est normale.

Facultés intellectuelles. L'enfant dit le nom de tous les

objets qu'on lui présente, ainsi que celui des différentes par-

ties du corps, mais la parole traîne surtout sur la fin des

mots. - Poids : 31 kg.

1884. 15 juin. éruption d'urticaire sur les avant-bras, les

cuisses, le cou, la poitrine, le ventre, les lombes, les fesses.

Bain d'amidon, purgatif. - Le lendemain, l'éruption a disparu.

27 juin. - Depuis hier, diarrhée (sept selles dans la nuit).

Limonade purgative.

22 décembre. Depuis quelques jours l'enfant marche dif-

ficilement, et paraît souffrir de la cuisse gauche qui est dans

la flexion et l'adduction. Après avoir chloroforimé le malade,

on examine l'articulation de la hanche qui paraît saine. Quel-

ques jours après, la douleur cesse.

1885. 7 janvier. - Diarrhée intense, le malade entre à l'in-

firmerie. 'l'. R. 38°. -

28 TUBERCULOSE pulmonaire.

cultation permet d'entendre partout le murmure respiratoire,

mais les [bruits du coeu¡' sont nettement perçus au sommet

droit et au môme point on perçoit un retentissement exagère

de la voix.

4J mars. L'amaigrissement augmente toujours. Langue

blanche, appétit très capricieux. L'enfant boit iL peu près un

litre de lait par jour. Diarrhée fétide, d'un vert grisâtre. Les

veines sous-cutanées abdominales sont légèrement dilatées ;

la sonorité abdominale parait diminuée par places. - Poids

25 kg. 90. au lieu de 31kg. qu'il pesait à son entrée dans le

service.

Depuis le 5 février, la température a oscillé entre 38° et 38°,5.

16 mat. - Conjonctivite catarrhalc de l'oeil gauche. Collyre

au sulfate de zinc. Jusqu'au 30 mai, la conjonctive oculo-pal-

pébrale reste rouge et vasculaire. A cette époque, la tumé-

faction des paupières devient plus intense; elles sont très

adhérentes par leur bord libre, et en les décollant, il jaillit un

flot de pus. Collyre au nitrate d'argent. - Au bout de 5 ou G

jours, l'état des yeux s'est beaucoup amélioré.

L'appétit est revenu, les fonctions digestives sont réguliè-

res ; de temps en temp3 cependant l'enfant a encore de la diar-

rhée qui s'arrête avec le bismuth. Jusqu'au mois de juillet la

température prise matin et soir se maintient entre 37° et 38°.

15 juillet. - La kérato-conjonctivite a laissé sur l'oeil droit

un leucome circulaire ayant un millimètre environ dans tous

les sens et siègent sur la partie externe de la cornée. Il pré-

sente à son centre un point transparent et se prolonge à la

périphérie par une opacité diffuse. La partie interne de la

cornée gauche est le siège d'une opacité encore plus marquée

qu'à droite. - Poids 2 ! Jkg.40.

19 octobre. - Depuis le commencement du mois, l'enfant

refuse de quitter le lit. Quand on le lève do force, il s'affaisse

sur ses jambes qui ne peuvent le soutenir. L'appétit est nul.

De temps en temps B... tousse : submatité, augmentation des

vibrations sous la clavicule droite. L'auscultation est impos-

sible à cause des cris de l'enfant. Le sommeil est agité, l'en-

fant se réveille fréquemment, et fait pour vomir de vains ef-

forts. Il a de l'incontinence d'urine et des matières fécales. -

La maigreur est extrême, on observe une rougeur érythéma-

teuse au niveau des apophyses épineuses de la région dorsale

et du sacrum. - Malgré son mauvais état général, l'enfant a

conservé toute sa gaité ; il a essayé même de chanter jusqu'à

sa mort qui est survenue le 7 novembre 1884. T. R. un quart

d'heure après la mort : 39°,5 ; une heure après : 38°,2; -

deux heures après : 38°. - Poids après le décès : 18 kilogr. 70.

111ÉNINGO-HNCPHALITI;. 29

Autopsie le 9 novembre à 10 heures. - Thorax. - Plèvre

quelques adhérences au sommet. gauche, mais beaucoup

plus marquées au sommet droit. - Poumon droit (460 gr.) :

le lobe supérieur présente une vaste cauerne ; on en trouve

une plus petite à la partie supérieure du lobe inférieur, qui

est fortement congestionné. - Poumon gauche (210 gr.)

n'offre rien de particulier. - Péricarde : 20 gr. de sérosité

environ. - Coeur (105 gr.), tissu musculaire rouge.

Abdomen. - Estomac ratatiné; sa muqueuse est très alté-

rée. Intestin grêle très congestionne; il n'y a pas trace

d'ulcération. - Foie (1150 gr.) stéatosé. - Rate (150 gr.) nor-

male. - Reins très congestionnés se décortiquant facile-

ment ; le droit pèse 180 gr., le gauche 140 gr.

Tête. - La calotte est tout à fait ovoïde. La bosse parié-

tale gauche est moins bombée que la droite, il y a un léger

aplatissement de la bosse frontale droite. Les os ont une

épaisseur de 3 à 5 millimètres. Les sutures sont très dente-

lées et bien visibles sur les deux faces. Plaque transparente

au niveau de l'angle antéro-supérieur des deux pariétaux.

La calotte est très creuse au niveau des pariétaux. '

Encéphale 1HO gr. - Cervelet et isthme 175 gr. On

essaye de décortiquer le cerveau mais on trouve partout des

adhérences. On le met dans une solution de eliloral et le

lendemain on cherche à enlever la pie-mère et on constate

que les sillons sont très serrés, les replis correspondants

de la pie-mère étant unis de la façon la plus intime : on ne

peut sur aucun point enlever une parcelle de pie-mère sans

entraîner une couche plus ou moins épaisse de substance

grise.

Les adhérences existent également sur le cervelet la pro-

tubérance et le bulbe. Cependant la pie-mère ne parait pas

épaissie, ce qui domine c'est l'encéphalite.

Hémisphère droit. - La première circonvolution fron-

tale est sinueuse et plissée, les adhérences de la pie-mère

sont surtout marquées dans ses trois quarts postérieurs. Elle

envoie un pli de passage à la deuxième, et s'insère de niveau

sur la frontale ascendante. - La deuxième frontale présente

des adhérences au même niveau que la précédente, elle

envoie un pli de passage à la troisième, et s'insère par un

pied volumineux sur la frontale ascendante. - La troisième

frontale, sa'1S adhérences sur sa moitié antérieure, est peu

développée ; elle se bifurque à sa partie postérieure et s'in-

30 TI1 : NINGO-PNCÉPHALITI;.

sère par ses deux branches sur la frontale ascendante. - Le

sillon de Rolando est sinueux et assez profond. - La parié-

tale ascendante est mince ainsi que la frontale ascendante, les

adhérences y sont encore plus marquées que sur cette dernière,

surtout à la partie supérieure. - La première pariétale envoie

un pli de passage au lobe occipital. - La deuxième pariétale

est peu développée. Les adhérences sont très marquées sur

ces deux dernières circonvolutions. - Le pli courbe, assez

volumineux, envoie un pli de passage au lobe occipital. - Le

lobule de l'insula, très développé, se compose de trois digita-

lions bifurquées. On ne remarque à sa surface aucune adhé-

rence. - La première temporale est lisse et présente peu

d'adhérences ainsi que la deuxième et la troisième qui sont en

partie confondues. - Le lobe occipital, assez volumineux,

est facilement décortiqué.

Face interne. La pie-mère est aisément séparée de la

substance cérébrale. La circonvolution du corps calleux

envoie un pli de passage entre l'extrémité postérieure de la

première frontale et le lobe paracentral. Ce pli il plus'd'un cen-

timètre de largeur. Le lobe paracentral et le loue carré

sont volumineux et ont des sillons superficiels. Le second

offre des adhérences à sa partie supérieure. - Le coin se

décortique facilement. En enlevant la pie-mère, on entraîne

des fragments de substance cérébrale sur la circonvolution

de l'hippocampe.

Hémisphère gauche. Face convexe. La première frontale

envoie deux prolongements il la deuxième et s'insère sur la

frontale ascendante un peu au-dessous du bord supérieur

de l'hémisphère. La deuxième frontale, sinueuse, envoie un

pli de passage à la troisième et s'insère sur-la frontale ascen-

dante au fond du sillon. La troisième frontale se bifurque en

arrière. La frontale ascendante est volumineuse et sinu-

euse. Le sillon de Rolando est assez profond. - La pariétale

ascendante est grêle et envoie des prolongements à la pre-

mière temporale, au pli courbe, et à la deuxième temporale.

- Lapreitièî@e temporale projette un pli de passage qui s'em-

boile dans le pli courbe. La deuxième temporale est cou-

pée dans sa partie supérieure parla scissure parallèle, celle-ci

allant s'ouvrir dans le sillon qui sépare la première tempo-

rale du pli courbe. La première temporale, lisse, envoie un

pli de passage au fond de la scissure de Sylvius ; elle est en

partie confondue avec, la deuxième et la troisième. - Le lobe

de l'insula est exactement pareil à celui du côté droit.

Face interne. - La circonvolution du corps calleux est

DII : VlrrGO-rwccYHnLIrL. 31

lisse et présente quelques adhérences à son origine. Le lobe

paracentral est lisse, le sillon de Rolando y forme une enco-

che. - Le lobe carré est bien développa. Pas d'adhérences. -

Les autres parties de l'hémisphère gauche sont normales.

Réflexions. I. Les antécédents héréditaires sont

peu chargés ; mais les renseignements que nous avons

pu recueillir nous paraissent bien insuffisants. Nous

avons noté une double consanguinité ; mais on sait,

d'après les statistiques que nous avons publiées que,

dans l'étiologue de l'idiotie ou des idioties, la consan-

guinité n'a d'action réelle que s'il existe des tares

héréditaires.

II. Comme l'autopsie l'a fait voir, les lésions prédo-

minent sur la face convexe et sont presque nulles sur

la face interne. Des deux côtés les lobes temporaux,

occipitaux, et l'insula sont indemnes; des deux côtés

aussi la lésion prédomine sur la première et la seconde

temporales et sur le pli courbe. Elles sont moins pro-

noncées sur la frontale et la pariétale ascendantes

que sur les circonvolutions situées en avant et en

arrière.

IV.

Idiotie méningitique; - Syphilis héréditaire;

Par DOURNEVILLE et DARDEL.

Sommaire. Enfant naturelle. Mère syphilis; Renseigne-

ments insuffisants sur lui et sa famille. - Mère probable-

ment syphilitique (traitement spécifique à Saint-Louis).

Pas de consanguinité.

Syphilis héréditaire. Névrite optique et perte de la vue

de l'oeil gauche. - Mouvements choréïqtces. - Tic de la

face. - Parole lente. - Prostration et contractures. -

Traitement antisyphilitique. - Amélioration. - Mort sans

convulsions. - Pas d'élévation de température après la

mort.

AUTOPSIE. - Synostose localisée. Taches d'athérome.

Décortication facile. - Epaississement des méninges. -

Escarrhes multiples.

Del... (Jeanne) née à Rio de Janeiro le 21 juin 1879 est

entrée à la fondation Vallée (service de M. BOURNEVILLE,), le

27 juin 1893.

Renseignements fournis par la mère de l'enfant (10 juillet

1893). Père né au Brésil, de parents français, vint en France

pour y faire ses études, y fit la connaissance de la mère de notre

malade et l'emmena au Brésil ses études terminées. Il n'abu-

sait pas d'alcool, mais fumait beaucoup et avait une conduite

irrégulière. Il a eu la syphilis qu'il soigna longtemps. Son

apparence extérieure indiquait une santé robuste, et tant

qu'il a vécu avec sa maîtresse, il n'a pas été malade. Il aban-

donna maîtresse et enfant alors que celle-ci était âgée de

trois ans. On dit qu'il avait un caractère bizarre. - [On n'a

pas de renseignements sur son père et sa Il était fils

unique. - On ignore s'il y a des antécédents nerveux dans

sa famille.]

Antécédents héréditaires ET personnels. 33

31èi@é, à toujours été bien portante, n'a jamais eu d'accidents

nerveux. A l'Age de dix-huit ans, elle alla au Brésil, où elle

eût le vomito negro, et accoucha avant terme. Elle a vécu

trois ans avec le père de son enfant, qui lui faisait subir de

mauvais traitements. Il lui a probablement donné la syphilis,

bien qu'elle ne l'avoue pas. Elle présente; en effet, à la face

palmaire des doigts des syphilides qui ont été traitées à

l'hôpital Saint-Louis par l'iodure de potassium et la liqueur

de Van Swieten. On ne lui a pas reconnu d'autre accident

syphilitique. Elle eut cependant une fausse couche de sept

mois, provoquée, dit-elle, par une peur. L'enfant avait belle

apparence, n'était pas émaciée, et ne parait pas avoir présenté,

au moment de sa naissance, de lésions cutanées. Cette fausse

couche précéda la naissance de l'enfant que nous avons dans

le service.- [Son père est mort à 71 ans; sa mère, à 63 ans,

en démence. - Une soeur, mariée, qui souffre de migraines,

est très « nerveuse », mais n'a pas eu d'attaques.]

- Pas de consanguinité.

Notre malade. Rien de particulier à la conception. -

Contrariétés et chagrins pendant la grossesse; son amant la

battait. - : 9ccottcltemettt à terme, naturel. - Pas d'éruptions

cutanées a la naissance. Élevée au sein par sa mère.-

Rougeole à 4 ans. Coqueluche à 5 ans. A l'âge de 7 ans, elle

a eu des croûtes dans les cheveux, qui ont guéri sans traite-

ment.- Pas de convulsions. Faiblesse de la vue. Elle revint

en France vers l'Age de 8 ans. Elle présentait, autour des ongles

des doigts de la main et des pieds, des ulcérations (onyxis

-probablement de nature spécifique) que la mère appelle des

engelures.

Del... a fréquenté l'école, où elle se faisait remarquer par

ses gamineries et sa méchanceté; elle battait ses camarades

il tel point qu'on fut obligé de la rendre à sa mère. Elle lisait

déjà avec difficulté, comme une myope.

II y a cinq ans, le Dr Chcvallereau, consulté, diagnostiqua

une 7'étinite syphilitique et prescrivit un traitement que -la

mère ne fit pas suivre longtemps à son enfant. Deux ans plus

tard, elle alla consulter le Dr Meyer, qui diagnostiqua : perte

de la vue de l'oeil gauche, affaiblissement très grand de l'oeil

droit, par suite d'altérations indélébiles du nerf optique et de

la rétine - et lui fit porter des lunettes.

- Depuis un an et demi seulement, Del... a des mouvements

c/wreï ! ,on)1es et des troubles de la parole. On prétend que

l'intelligence n'est pas affaiblie et que la mémoire est bonne.

On n'a pas noté de pertes de connaissance. Le caractère

Bourneville, Bicêtre, 1895. - 3

34 IDIOTIE méningitique.

aurait changé. Del... devient timide et reste enfant dans sa

manière d'être. Elle aime beaucoup sa poupée.

Pas de migraines, ni de douleurs ostéocopes, ni d'éruptions

cutanées. - Elle n'est pas encore réglée, mais ses seins sont

volumineux.

Traitement : Hydrothérapie ; - friction tous les soirs der-

rière les oreilles avec de l'onguent napolitain.

Etat actuel. - Enfant très grande et bien développée pour

son Age, mais se fait tout de suite remarquer par la bizarre-

rie de son expression. Elle est sans cesse en mouvements,

comme si elle avait la chorée. - La parole est lente, sacca-

dée, nasonnée. Del... regarde les gens en riant d'un air hébété.

La peau est très pigmentée; les cheveux font très noirs,

abondants, régulièrement implantés. - Pas d'adénites.

Tête. - Elle est d'habitude penchée à droite en raison des

lésions oculaires. Elle est régulièrement ovoïde les bosses

pariétales sont peu saillantes ; la région occipitale l'est légè-

rement, le front est assez élevé un peu plus bombé à droite,

les arcades sourcillières sont assez proéminentes. Paupières

bien mobiles, fentes palpébrales largement ouvertes. Sourcils

longs et bien fournis. Pas de blépharite. Les yeux sont gris.

Les pupilles réagissent à la distance et à la lumière, mais celle

de gauche parait un peu plus petite. Pour lire, l'enfant appro-

che le livre qu'on lui présente très près de'ses yeux. - Nez

droit, fort, narines régulières. - Odorat normal.- Pommet-

tes peu saillantes et symétriques. - Bouche moyenne, lèvres

peu épaisses, la supérieure un peu saillante. - Palais,

rien d'anormal; voûte peu profonde. -Amygdales peu volu-

mineuses. Goût normal. - Dents bien implantées, n'offrant

pas de cannelures sur la continuité de la couronne ; la canine

droite a une encoche latérale. - Menton, grand, non bifide.

- Oreilles grandes, bien ourlées. L'ouïe parait intacte.

Cou bien détaché. Corps thyroïde difficile à saisir.

Membres supérieurs : bien musclés, sans ancienne cica-

trice. Les mains sont régulières, les ongles sont courts, can-

nelés.

Membres inférieurs : leur conformation est naturelle ; ils

laissent voir plusieurs petites cicatrices, de la dimension d'une

pièce de 20 centimes, traces d'une éruption furonculeuse au

dire de l'enfant. Les réflexes paraissent plutôt exagérés.

Thorax normal ; en arrière, entre les deux épaules, la pig-

mentation est plus foncée, avec, çà et là, des points blancs

(cicatrices d'acné). Rien aux poumons et au coeur. Colonne

vertébrale, aucune déviation.

Description DE la malade. 35

Abdomen et bassin, réguliers. Le foie semble normal ; la

rate n'est pas perceptible.

Organes génitaux et puberté. - Poils très noirs et touffus,

surtout au niveau des grandes lèvres, s'étendant sur le mont

de Vénus, et jusqu'au périnée. Toute la vulve est très pig-

mentée. Les petites lèvres sont cachées par les grandes ; elles

mesurent 1 cent. et demi de hauteur. Clitoris diflicilement visi-

ble. Fourchette très accusée. Fosse naviculaire très dévelop-

pée et très profonde. Ecoulement leucorrhéïque abondant.

Hymen intact, circulaire.

Seins très développés, fermes et coniques. Aréole très pig-

mentée. - Mamelon saillant.

36 . IDIOTIE méningitique.

Poids : juin 1893 : 44 k. ; - décembre 1893 : 39 k. 500.

Taille en juin et décembre : 1 m. 56.

18 novembre. - D... entre à l'infirmerie pour des plaies

multiples des orteils, dont la face supérieure présente des

surfaces ulcérées, saignantes et fongueuses. - Pansement à

l'iodoforme.

7 décembre. - Sans cause apparente, l'enfant tombe dans

un état de prostration très prononcé. Le cou est raidi, les

articulations des membres supérieurs ne jouent plus avec la

même facilité, les muscles paraissent contractés, les fléchis-

seurs surtout. Les nombres inférieurs sont également raidis.

les genoux serrés l'un contre l'autre. - Le regard est fixe.

- La pupille gauche est plus petite que la droite. L'enfant

devient gâteux, no veut plus se lever, ne parle plus et ne

demande pas à manger. 9 décembre. - T. 37°.

LÉSIONS MÉNINGÉES. 37

escarrhes se forment aux talons ; l'escarrhe fessière s'agran-

dit et se creuse. On reprend le sirop de Gibet et les frictions,

1er 7Tiai's. L'enfant baisse beaucoup.

15 mars. - La prostration est complète. Mort le 17 mars

sans convulsions. - Poicls après décès, 30 kil. 200.

38 IDIOTIE méningitique.

Durant la section des hémisphères et l'examen de la base, il

s'écoule environ 25 gr. de liquide La

pie-mère se décortique très bien sur le bulbe et la protubé-

rance annulaire, dont les différentes parties sont symétriques.

Hémisphère cérébral droit.- La pie-mère est très nota-

blement épaissie à la face interne du lobe frontal et sur pres-

que toute l'étendue de la face convexe de l'hémisphère. La

décortication se fait avec une facilité remarquable. La corne

d'Ammon, la couche optique, le corps strié, les plexus

choroïdes ne présentent rien à signaler. - Le ventricule

latéral est un peu plus creux que d'habitude, sans que ses

prolongements semblent dilatés. - La pointe postérieure du

lobe frontal, au niveau de la bandelette optique, est légère-

ment grisâtre. - Les circonvolutions sont presque partout

grèles sur les deux faces, comme rétrécies, d'une assez

grande simplicité en raison du petit nombre des plis de pas-

sage. Il n'y a pas de foyer de sclérose. - Sur les doux faces,

et principalement sur la face interne, les sillons sont larges,

béants et tout à fait superficiels.

Hémisphère cérébral gauche. La sur la face

interne, tout le long du bord de la grande scissure, sur la

face convexe des lobes frontal, pariétal et occipital, est

finement vascularisée, épaissie, avec de nombreuses trainées

blanchâtres. - Les circonvolutions sont un peu plus grêles

que de l'autre côté, et cela sur les deux faces. Les sillons

sont encore plus larges que sur l'autre hémisphère. - Rien aux

plexus choroïdes, ni à la conte d'Ammon, ni aux masses

grises centrales. Il n'y a que sur la moitié postérieure des

lobes temporaux que la pie-mère n'est pas sensiblement

épaissie, et cela, des deux côtés.

Moelle épinière. - Rien àl'examen macroscopique, à part

un épaississement de la dure-mère, sur une hauteur de Ou, 10.

Quant à la pie-mère, elle est un peu plus grise à ce niveau.

' SYPHILIS héréditaire. 39

Thorax. - Coeur normal (150 gr.) ; pas de persistance du

trou de Botal. - Poumons sains, mais très légers : le gau-

che : 170 gr., le droit : 60 gr.

Abdomen. - Foie normal à la coupe (920 gr.) ; vésicule

pleine de bile ; pas de calculs, - Rate un peu petite (85 gr.).

- Rein droit normal à la coupe (100 gr.) ; - le gauche parait

un peu congestionné (ifi0 gr.). Ils ne renferment pas de cal-

culs. Estomac, pancréas, intestins, rien de particulier. -

L'utérus est petit, mais bien développé. Isolé des annexes,

il pèse 15 gr. Les annexes pèsent 10 gr. et paraissent forte-

ment vascularisées,

Escarrhes. - Les escarrhes que la malade présentait aux

orteils sont cicatrisées. - Escarrhe à la jambe gauche, au

niveau du condyle interne du tibia et une autre un peu

plus bas. - A la jambe droite, à la hauteur du condyle inter-

ne du fémur, petite escarrhe peu profonde. Au niveau du

trochanter droit, large escarrhe, mettant à nu le grand tro-

chanter. Carie profonde à ce niveau. A la hauteur du tro-

chanter gauche, on constate une autre escarrhe, mais moins

profonde, l'os n'a pas été mis nu de ce côté. Escarrhe cuta.

née à chaque talon. Grande escarrhe sacrée, dénudant la

crête du sacrum en plusieurs points et de chaque côté; au

niveau de l'épine iliaque postérieure et supérieure, l'os est

mia à nu. A la partie postérieure du thorax, de chaque côté,

à la hauteur de l'épine de l'omoplate, l'os est à nu.

Réflexions. I. - Nous avons toujours soin d'inter-

roger les parents de nos malades sur la syphilis, indi-

rectement d'abord en posant un certain nombre de

questions relatives aux manifestations de cette maladie,

puis directement en précisant la question. Nous pre-

nons également le soin de les interroger à part, afin

de nous placer dans les meilleures conditions possibles

pour connaître la vérité. Eh bien, malgré ces enquêtes

minutieuses, le nombre des cas, où la syphilis peut être

invoquée pour expliquer la genèse des maladies ner-

veuses chroniques des enfants de notre service, est

très peu considérable. Dans le cas actuel, le doute

n'est pas possible. Le père était syphilitique et tout

semble indiquer qu'il a infecté sa maîtresse avant

la conception de la malade, un premier accouche-

40 .Syphilis héréditaire.

ment avant terme permet au moins de le supposer.

II. - On ne peut se former une opinion sur l'I2.érï-

(lité nerveuse l'histoire, des deux familles n'étant

qu'imparfaitement connue.

III. - La syphilis ne paraît s'être manifestée que

tardivement, à 8 ans, par des onyxis d'abord, puis, à

9 ans, par une rétinite syphilitique. Il est probable

aussi que c'est aux lésions syphilitiques du cerveau

qu'il faut attribuer les accès de violence, les impulsions

de l'enfant, les mouvements choréiformcs, les troubles

de la parole, la persistance du caractère enfantin,

l'affaiblissement progressif de l'intelligence, les acci-

dents méningitiques, compliqués de troubles trophi-

ques, observés à la fin de 1893 qui, après s'être atténués

pendant quelques semaines, ont ensuite réapparu et

ont abouti à une terminaison fatale.

IV. - L'autopsie a fait découvrir une synostose

complète des sutures coronale droite, interpariétale et

d'une partie des sutures pariéto-occipitales. C'est la

première fois que nous observons une synostose aussi

étendue, sur 390 crânes. Néanmoins, rien ne dénotait

une gêne de l'encéphale, car la dure-mère était plissée

et affaissée sur le cerveau, indice non de plénitude

mais de vacuité relative.

Les méninges étaient notablement épaissies sur

presque toute l'étendue des hémisphères cérébraux,

sauf à la partie postérieure des lobes temporaux (La

sensibilité est demeurée intacte et la station debout,

les yeux fermés, a toujours été possible).

La décortication de la pie-mère s'est effectuée par-

tout sans difficulté. Les circonvolutions sont très

grêles, sans qu'il paraisse y avoir, au moins à l'oeil nu,

de foyer de sclérose.

V.

Épilepsie idiopathique ; État de mal ; Mort ;

Lésions méningitiques;

Par nOURXE\'IUÆ et DARDEL.

Sommaire. - Père, rien de particulier. - Grand-père pater-

nel, nombreux excès de boisson, coléreux. Arrière-grand-

père paternel, médecin, mort de la gravelle. - Arrière

grand-oncle paternel, alcoolique, paraplégique. - Oncle

paternel, alcoolique.

Mère, morte de tuberculose pulmonaire. - Grand' tante ma-

ternelle, fille entretenue, morte à 25 ans. - Une autre

grand' tante, attaques de nerfs, aliénée, alcoolique, hémi-

plégique. - Soeur, morte de méningite.

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de 4 ans.

Marche difficile. - Cholérine à 13 mois. - Rougeole à 16 mots.

- Fracture du bras gauche à 2ans. - Pleurésie à 6 ans ?

Début des crises nerveuses a 8 ans. - A 11 ans et demi,

luxation du bras gauche. Marche croissante des accès.

- Déchéance intellectuelle. - Etat de mal; mort.

AUTOPSIE. - Adhérences de la dure-mère 1 la calotte C)'t1-

mienne. - Adhérences de la pie-mère dans la zone rolan-

dique supérieure.

Couilb.... (Amélie Gcorgette), née à Paris le 14 mai 1877,

est entrée iL la Fondation Vallée le 1 mars 18 ! je (service

de M. BOURNEVILLE) et est décédée le 15 février 1895.

Antécédents héréditaires. (Renseignements fournis par le

père de l'enfant). Père, 39 ans, bouc;heur à l'émeri , sobre ;

pas de convulsions dans l'enfance ; toujours bien portant ; pas

d'accidents nerveux, ni syphilitiques, ni rhumatismaux ; pas de

migraine ; intelligent, travailleur (gagne de 5 à G fr. par jour).

- [Famille du père. Père, mort. 5G ans « à force de boire » ;

42 Epilepsie idiopathique.

était un alcoolique invétéré; aurait eu des accès de delirium

tnemens; caractère violent, battait sa femme ; était cependant

laborieux. - Grand-père, médecin, sobre, bien équilibré,

mort de la gravelle à 66 ans. Grand'mère, décédéc à 60 ans ;

rien de spécial. - Mère, morte à 32 ans, d'une tumeur abdo-

minale ; pas de rhumatisme, n'était pas nerveuse. - Grands-

parents maternels inconnus. - Grand-oncle paternel interné

à l'asile de Bicêtre, alcoolique; n'aurait pas eu d'attaques

épileptiformes, mais parait avoir été paraplégique. Un

frère, âgé de 33 ans, afficheur, alcoolique, peu intelligent;

aurait eu des hallucinations. - Une soeur, bien portante.]

Mère, fleuriste ; pas de convulsions ni plus tard de crises de

nerfs, peu émotionable ; pas de rhumatisme, ni d'affection

cutanée, morte à 31 ans de tuberculose pulmonaire. [Famille

de la mère. Père, mort à 60 ans, mère, à 50 ans, on ne sait

de quoi. - Un oncle ne présente rien de particulier. - Tante

mariée, sans enfants, bien portante ; - une autre a 5 enfants,

tous en bonne santé. Une tante, 25 ans, a fille entretenue ;

- Une autre tante, de 40 ans, « un peu folle», a été à la Salpê-

trière, a eu des crises de nerfs assez fréquentes ; alcoolisme ;

hémiplégie gauche, mariée, n'a pas eu d'enfants. Dans le

reste de la famille, pas d'idiots, d'aliénés, etc.].

Pas de consanguinité. - Mère plus âgée de 4 ans.

5 enfants : f garçon, 17 ans, pas de convulsions, boucheur

à l'émeri, travailleur et intelligent; - 2° garçon, 15 ans, pas

de convulsions, bonne santé habituelle, travailleur et intel-

ligent ; en apprentissage chez son père; 3° notre malade;

- 4° une fille, i i ans, bien portante, bonne écolière ; - 5° fil-

le, morte àH ans, de méningite avec conUUl.,iotis, en quatre

jours. '

Notre malade. Conception, rien de particulier. - La

grossesse s'est bien passée. Le père se souvient cependant être

rentré un jour par hasard ivre chez lui, a brisé la table et

des chaises, mais n'a pas frappé sa femme, qui, toutefois,

fut péniblement impressionnée. - Accouchement à terme,

naturel. - Pas d'asphyxie à la naissance. Élevée au sein

par sa mère, et sevrée à 22 mois. - Dentition normale, marche

à un an. Pas de convulsions pendant les cinq premières

années. Cholérine à 13 mois. Rougeole peu grave à 16 mois.

- - Pas de fièvre typhoïde, de scarlatine, ni de variole, etc.

Pas de gourmes, pas d'affection oculaire ni auriculaire. Pleu-

résie à 6 ans, survenue à la suite d'un refroidissement, soignée

Antécédents personnels. 43

à l'hôpital Trousseau, guérie au bout de 3 mois sans ponction.

A deux ans, chiite sur le côté et fracture du bras gauche. -

Dès son enfance, le père aurait remarqué qu'elle avait une cer-

taine difficulté dans la marche ; l'enfant se buttait au moin-

dre obstacle.

Les crises nerveuses ont débuté à l'âge de 8 ans. La pre-

mière survint vers minuit. L'enfant poussa un cri rauque et

perdit connaissance. Elle était très pâle, puis elle fût agitée

par des convulsions cloniques et urina sous elle. Pas de mor-

sure de la langue, pas de bave ni de ronflement. Elle s'endormit

tranquillement.

On ne peut invoquer, pour expliquer l'apparition des pre-

miers accès, aucune émotion, aucune cause spéciale. Couilb...

resta un an sans avoir de nouvel accès, puis elle en eût deux

ou trois en deux mois. - Chaque fois, la crise était suivie

d'émission d'urine. Les bras se contractaient en dedans, la tête

etait en extension forcée, ainsi que le tronc et les membres

inférieurs. Depuis cette époque, les crises sont plus fréquentes;

elle en a deux ou trois par semaine. A l'école, elle n'a jamais

rien appris : elle ne sait ni lire, ni écrire. - Pas de mauvais

instincts, pas de kleptomanie, ne taquinait pas ses frères et

soeurs, jouait au contraire volontiers avec eux et avec ses

camarades et était plutôt rieuse. Pas d'accès de violence et de

colère, mais était un peu entêtée. Il y a trois mois, le père

est allé consulter M. Charcot, qui ordonna du bromure, et fit

le diagnostic d'épilepsie.

Etat actuel (22 avril 1890). - Le teint est légèrement coloré,

pas de maigreur, ni d'embonpoint exagéré. Expression un peu

étonnée, parait intelligente, propre, soigneuse, et se tient bien.

Peau glabre, lisse, assez fortement pigmentée en brun. -

Pas de cicatrices vaccinales au bras gauche, trois petites au

bras droit. Pas d'autres cicatrices ou blessures sur le corps.

- Aisselles etpubis glabres ? Pas de ganglions axillaires,

inguinaux, cervicaux. - Les cheveux sont noirs, frisés, assez

courts, bien implantés, mais un peu incultes. - Seins non

développés ; il n'y a pas d'aréole mamelonnaire. Au-dessous du

sein gauche, il y a un petit 71CI;UIIS.

Tête. Forme générale presque quadrangulaire, aplatie,

symétrique. Bosses frontales normales. Fontanelles fermées.

Front peu élevé ; sa hauteur est moindre à la région des

tempes, à cause de l'implantation des cheveux ; hauteur

médiane 4 cent. - Face large. - Le diamètre transversal est

presque égal, en apparence, au diamètre vertical. Arcades

44 DESCRIPTION DE la malade.

sourcilières assez saillantes. Sourcils noirs, implantés dicho-

tomiquement, comme les nervures d'une feuille sur la nervure

centrale. Paupières souples et normales ; fentes palpébrales

horizontales. Cils noirs, longs. Pas de blépharite, pas d'exoph-

talmie. - Les yeux sont mobiles dans tous les sens. Pas

de strabisme, pas de nystagmus. Iris de couleur brun

verdâtre ; pupilles petites, égales, réagissant bien à la lumière

et aux distances. - Pas de lésions de la cornée, ni de la conjon-

tive ; sensibilité cornéenne et acuité visuelle normales. - La

notion des couleurs est peu développée. C... confond le vert et

le jaune, ne connaît ni le violet ni le bleu. Le champ visuel

n'est pas rétréci.

Ne : camus, à large surface d'implantation, dilaté au niveau

de sa partie moyenne, se rétrécissant ensuite légèrement pour

se dilater de nouveau vers les narines. Petit nævus rouge sur

sa face dorsale. Narines larges. Odorat normal.

La bouche est grande, les commissures se prolongent pres-

que horizontalement. Lèvres peu épaisses. Voûte palatine,

voile du palais, amygdales normaux. Goût : C... ne reconnaît

pas les saveurs, prend le sucre pour le sel, sans que la réci-

proque soit vraie. - Menton arrondi, à fossettes. - Oreilles

grandes, écartées de la surface d'implantation, à contours

bien dessinés; hélix, anthélix, tragus et antitragus réguliers.

Le lobule est petit, mais non adhérent.

Le cou est court, arrondi ; le corps thyroïde fait une saillie

notable au niveau de l'isthme et des parties latérales.

Épilepsie idiopathique. 4.5

toilette convenablement. On n'a pas constaté chez elle d'ona-

nisme. Elle est affectueuse, aime qu'on lui témoigne de

l'amitié.

Traitement- Elixir polybromuré, une cuillerée à soupe pen-

dant une semaine, puis deux pendant une semaine, trois

pendant une autre; aller ensuite en diminuant; suspendre 15

jours et recommencer ; - Hydrothérapie : douche de 40

secondes.

. 28 juin. - Puberté. Aisselles glabres. Seins non saillants.

L'aréole mesure 8 millimètres de diamètre. Mamelon peu

saillant. - Pénil glabre, non saillant. Capuchon très déve-

loppé. - Clitoris assez gros. - Hymen en fer il cheval, intact,

pas de déchirure, quoique l'ouverture soitassez grande. Rien

à l'anus. Pas d'onanisme.

Décembre. - C... fait quelques progrès commence à con-

naître ses lettres, et à écrire; elle travaille assez bien il l'ou-

vroir, mais ne donne pas tout ce qu'elle pourrait donner : elle

est d'une nature nonchalante.

1892. Juillet. -C.... est devenue très indolente, n'apporte

pas de bonne volonté à ce qu'un lui fait faire ; aucun progrès

à la classe.

1892. -Janvier. Puberté. - Glande mammaire peu dévelop-

pées. - Mamelon du volume d'un petit pois. - Aisselles et

pénil glabres. - Grandes lèvres épaisses, petites lèvres peu

développées.

8janvier. - L'enfant en permission, s'est brûlé la joue droite

(brûlure au 101' degré) ; rougeur érythémateuse, sans phlyctène.

Pansement il la vaseline boriquée.

9 janvier. L'élixir polybromuré a été continué jusqu'à ce

jour, d'une à 4 cuillerées. Les douches ont été suspendues en

novembre. Pas d'amélioration. 5 cuillerées d'élixir polybro-

muré (1).

1893. 17 janvier. Même état au point de vue de l'épilepsie

C.... ne fait pas de progrès, on ne peut rien obtenir d'elle.

Même traitement.

1804. Juin. Puberté. - Pas de poils sous les aisselles.

Seins naissants, aréoles légèrement tuméfiées.

(1) Chaque cuillerée soupe de l'élixir employé dans le service répond à

deux grammes de bromure.

46 Épilepsie idiopathique.

État DE MAL ÉPILEPTIQUE. 47

et dans la nuit du dimanche à lundi, une vingtaine d'accès. Le

lendemain elle était très abattue, répondait à peine aux ques-

tion qu'on lui posait. Elle eut encore une série d'accès, per-

dit alors complètement connaissance et resta dans un

état comateux qui inquiéta les parents et les décida à la

ramener à la Fondation. Les accès s'étaient succédés avec

une très grande fréquence. Les parents disent en avoir

compté plus de deux cents. Quand nous l'avons vue, elle était

étendue sur son lit, immobile, sans connaissance, ne réagis.

sant pas aux excitations extérieures. Le réflexe cornéen

est conservé ; pas d'inégalité pupillaire ; pas de paralysie

C... a eu un accès en notre présence, très court. Son visage

pâlit, les membres supérieurs se raidirent en extension, ainsi

que le tronc et les membres inférieurs, et furent secoués par

quelques convulsions cloniques ; les commissures labiales

s'agitèrent quelques secondes, puis l'enfant retomba dans le

coma. Pas d'écume aux lèvres, pas d'émission d'urine.

Traitement : Lavement purgatif; enveloppement dans un

drap sinapisé ; bromure : 6 gr.

Tableau des mensurations de la tète.

48 Poids, taille ; Autopsie.

céphalique gauche. Le pouls se relève un peu, le réflexe cor-

néon paraît plus sensible ; toutefois Couil.. ne reprend pas con-

naissance, la température s'abaisse et la mort survient dans

le coma, à 9 h. du soir. z Température au moment de la mort :

/ion,, 4; - une demie heure après, 39,G; - 2 heures après,

'31"; 4 heures après, '200; 6 heures après, 16o; -'1) heures

après, 13°. La température de la salle était de 13 :

Tableau du poids, et de la taille, etc.

Lésions méningitiques. 49

50 Hérédité ET alcoolisme.

Abdomen. - Foie, volumineux ; l'extrémité gauche recou-

- %,relit rate (1130 gr.) ; rien iL la coupe; pas de calcul dans

le vésicule biliaire. - Estomac, intestins, rien d'anormal.

Les organes génitaux internes et externes ne présentent rien

de notable.

Réflexions. - I. Dans les antécédents héréditai-

res, nous avons à relever des excès de boisson graves

avec accès de delirittnz tremens et des crises de vio-

lences chez le grand-père paternel; des excès de bois-

son suivis d'aliénation mentale chez un grand oncle

paternel; une arriération intellectuelle et des excès

de boisson chez un oncle paternel ; l'aliénation, des

excès de boisson, des crises de nerfs et une hénziplé-

gie gaucho chez une grand'tante paternelle. Une soeur

de la malade est morte de méningite avec convul-

sions.

II. L'épilepsie a débuté a l'âge de 8 ans, sans cause

appréciable. Le premier accès a été suivi d'une

rémission d'une année, puis les accès ont réapparu

tous les mois, ensuite toutes les semaines et même

plusieurs fois par semaine. Durant les neufs premiers

mois de son séjour à la Fondation, C'.... a eu 32 accès.

Ils ont augmenté surtout pendant le premier semestre

de 1891, et il s'y est ajouté des vertiges. A partir de

1892, l'enfant, qui avait fait quelques progrès, montre

une tendance à la déchéance et les accès vont en aug-

mentant. En février 1895, elle est prise d'un étal de

mal et succombe en trois jours.

III. L'autopsie a fait constater des lésions ménin-

gitiqtces assez étendues, un état grole des circon-

volutions, le peu de profondeur des sillons et

l'absence complète de toute lésion en foyer. Notons

encore la persistance du thymus, bien que l'enfant

fut âgée de plus de 18 ans.

IV. Les cas cl'e;pilehsie compliqués de méningite

Méningite DES épileptiques. 51

chronique sont assez communs. Nous avons publié un

mémoire sur cette question en 1880 (1) reposant sur

un grand nombre de cas. Depuis nous avons eu l'occa-

sion d'en relater d'autres exemples et l'on en trouve

aussi d'analogues dans les recueils périodiques. Il y

aurait donc un intérêt pratique à ce que les auteurs

des Traités classiques de pathologie interne consa-

crassent un paragraphe spécial à la méningite des épi-

leptiques dans leur chapitre des méningites chroni-

ques. Rappelons en passant que déjà dans notre

mémoire de 1880 nous avons fait un rapprochement

des cas de méningite chronique de l'enfance avec la

paralysie générale de l'adl.dle (2).

(1) Bourneville, D'Olier et Brissaud. Contribution A t'dtttde delà démen-

ce épileptique. (Arcldces de Neurologie, 1881, tome page 213.)

( ? ) Dourneville et Wuittiame. Ménin[/o-encéphalite chronique générali-

sée che : .1ln enfant de 12 ans. (Archives de Neurologie, IS8 ? , tome III,

p. 3n-33G). La planche qui accompagne ce travail montre que les lésions de

meningo-encéphatite occupaient presque toute la face convexe de l'hémis-

phère droit et que la décortication de la pie-mère avait mis à nu le squelette

de la substance blanche.

VI.

Pseudo-porencéphalie : Hémiplégie gauche ; - Épilep-

sie partielle ; Déchéance; - État de mal ;

Par BOURNEVILLE et COMTE.

SOMMAIRE. - Père et grands parents paternels, rien de par-

ticulier. - Deux oncles paternels, bec-de-lièvre. - Mère,

excès de boisson, divorcée. - Pas de consanguinité. - Iné-

galité d'âge de 6 ans.

Asphyxie légère à la naissance. - Début de la dentition à

6 mois. - Promères convulsions à 8 mois, se renouvelant

mensuellement. - Faiblesse des membres supérieur et

inférieur du côté gauche, constatée à 18 mois. - Locali-

sation des accidents dans les membres du côté gauche.

Accès incomplets jusqu'à 12 ans, puis accès complets. -

Hébétude prolongée à la suite. Marche des accès avant

l'entrée à Bicêtre. or Description du malade. - Hémiplê-

gie gauche avec contracture. Diminution relative des

accès (1892-aoùt fob94). - Augmentation des accès (septem-

bre 1994); apparition des vertiges : déchéance progressive.

- Mort dans un état de mal.

Autopsie. - Asymetrie crânienne très prononcée, côté droit

moins développé que le gauche. - Inégalité de 320 gram-

mes entre les hémisphères cérébraux. Pseudo-kyste sur la

face externe de l'hémisphère droit, répondant à un ancien

foyer probablement d'origine artérielle. - Atrophie con-

sidérable des circonvolutions voisines, atrophie croisée de

' l'hémisphère cérébral droit et de l'hémisphère cérébelleux

gauche. - Noyau tuberculeux du poumon droit - Infil-

tration caséeuse des ganglions trachéo-bronchiques et mé-

sentériques .

' Dufo ? (Pierre Maurice), né à Paris, le 7 mars 18M, est.en-

tré à Bicêtre (service de M. Bourneville), le 1 ? décembre 1891.

Convulsions; hémiplégie gauche; ÉPILEPSIE. 53

Antécédents. - (Renseignements fournis par son père le 28

décembre 1891). - Père, 48 ans, homme de peine, vigoureux,

un peu d'embonpoint, calme, non alcoolique et, en effet, on

n'en observe pas les apparences. A 21 ans, il a eu une « variole

hémorrhagique » et est resté malade huit mois. A la suite

de cette maladie il est parti pour le service militaire où,

atteint de battements de coeur et de bronchite, il fut réformé.

Depuis, il a toujours un peu toussé, sans jamais s'aliter.

[Père, tailleur de pierre, caractère un peu emporté, mort à

43 ans à la suite d'un refroidissement ; habituellement bien

portant. - Mère morte de vieillesse à 74 ans; elle avait une

excellente santé et son fils ne lui a connu aucune maladie;

caractère posé; comme son mari elle ne buvait que de l'eau.

Grand'mère maternelle rien à signaler, à part un asthme

avec bronchite; morte à 78 ou 80 ans. Aucun renseignement

sur les autres goands-haeil.·.- Trois frères et quatre soeurs.

Le frère aine, mort à l'âge de 34 ans d'une fièvre typhoïde,

avait un bec-de-lièvre ainsi que le plus jeune. - Dans le reste

de la famille, aucune affection nerveuse, psychique, arthriti-

que, etc.]

Mère, 42 ans, divorcée en 1888, et depuis son divorce son

mari ne l'a jamais revue. Jamais elle n'était malade (à part

une soi-disant péritonite sur laquelle nous reviendrons), et

11 n'a pas entendu parler d'une maladie quelconque de sa

femme avant son mariage. D'un caractère tranquille à l'état

normal, elle s'enivrait souvent, parait-il, et se livrait alors à

des actes de violence. C'était un enfant trouvé, et on n'a

eu aucun renseignement sur sa famille.

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de 6 ans (mère

moins âgée).

Trois enfants : 4 un garçon venu à terme, mort d'une

méningite vers l'âge de six mois; z 2" notre malade ; - 3° un

garçon, venu à terme, ayant actuellement 7 ans, intelligent

et travailleur.

Notre malade. - La grossesse, comme les autres, a été

très-bien supportée : à peine quelques indispositions au

début, telles que maux de tête fréquents. A 7 ou 8 mois, la

mère aurait fait une chute dans l'escalier ; mais il n'y a pas

eu d'accident consécutif. - accouchement à terme, naturel,

en 7 ou 8 heures ; présentation du sommet ; circulaire du

cordon. - A la naissance, état d'asphyxie légère ; mais il a

suffi de quelques frictions pour le faire crier. C'était un

enfant assez gros ; il n'a pas eu de convulsions au moment de

54 CONVULSIONS; hémiplégie gauche; épilepsie.

l'accouchement, ni les jours suivants; il n'était pas non plus

en état de somnolence.

A la suite de cet accouchement, la mère aurait eu une

« péritonite » qui se serait déclarée le lendemain et aurait

duré deux mois. Malgré cela, prétend le mari, elle a nourri

son enfant au sein jusqu'à l'âge d'un an, puis on l'a confié à

une nourrice à la campagne ; celle-ci l'a sevré.

Première dent à six mois; la date de la dentition complète

est inconnue. - Début de la parole à 18 mois, de la marche à

deux ans, difficile par suite de la faiblesse de la jambe gauche.

Déjà, depuis un mois, on s'était aperçu que l'enfant avait la

main gauche plus faible que la droite, sans rien remarquer

encore du côté des membres inférieurs. Cette paralysie parait

devoir être rattachée à des convulsions survenues à 8 mois,

sans que les parents aient pu les attribuer à une cause quel-

conque. Elles ont continué à peu près tous les mois et, jusqu'à

douze ans, elles ont consisté simplement, dit-on, en mouve-

ments des globes oculaires et raideur des membres. Lorsque

l'enfant a pu exprimer ses sensations, il annonçait ses crises

en se plaignant de maux de tête ; on le couchait et il avait son

accès. Au bout d'un quart d'heure ou vingt minutes, l'enfant

tombait dans un sommeil profond qui durait deux ou trois

heures.

A douze ans, les accès se sont modifiés. L'enfant tombait,

et il prétendait que « c'était son bras paralysé qui l'entraînait

et le renversait à terre » ; outre les mouvements des yeux, il

y avait des mouvements de la tête qui se portait alternative-

ment à droite, puis à gauche ; de plus, des mouvements lents

et étendus du bras gauche et de la jambe gauche ; pas de

déviation de la bouche ; écume, quelquefois incontinenco

d'urine.

En temps normal, l'enfant 'semblait aussi intelligent que

les autres enfants de son âge ; il avait un caractère très doux,

ne cassait, ne volait rien ; pas de fugues. Mais ;i la suite de

ses accès et pendant huit jours au moins, l'intelligence était

obnubilée et, en classe, on ne pouvait plus rien en faire :

« on eut dit qu'il avait oublié tout ce qu'il avait appris aupa-

ravant. »

Jusqu'à douze ans, Duf.... est resté chez ses parents,

allant à l'école communale; ensuite, il a été mis en pension

et y est resté jusqu'à treize ans et demi environ. A ce

moment, les accès sont devenus de plus en plus fréquents,

survenant tous les quinze jours environ d'abord; puis leur

fréquence augmentant sans cesse, l'enfant arriva à en avoir

presque tous les jours. C'est ce qui a décidé son père à le

DESCRIPTION DU malade. 55

faire entrer à l'hôpital des Enfants-malades ; de là il a été

envoyé à Laroche-Guyon, puis à l'Asile clinique et enfin à

Bicêtre.

État actuel. - L'enfant est pâle et d'aspect chétif, plutôt

maigre, et le pli de pincement entre deux doigts est peu épais.

Peau blanche, très écailleuse, cheveux châtain foncé bien

implantés. - Pas d'adénopathie.- Petite cicatrice arrondie,

lenticulaire, sur la tempe gauche.

Tête. - Il s'agit d'un enfant microcéphale ; la tète, en

effet, est petite, un peu losangique vue d'en haut. Ce qui

frappe, c'est son asymétrie et son irrégularité; la moitié gau-

che est bien plus volumineuse que la droite. Les bosses parié-

tales et frontales (celles-ci peu accusées) sont plus dévelop-

pées à gauche ; la glabelle, le bregma et le lambda, au lieu

d'être tous sur la ligne médiane, sont placés dans un plan

fortement oblique d'avant en arrière et de droite à gauche ;

le frontal est particulièrement saillant, de sorte qu'il existe

un ressaut au niveau de son union avec les pariétaux. Enfin,

tandis que l'obélion est fort élevé, l'occipital est aplati et

l'inion peu marqué.

Mensurations de la tête (1).

56 Description DU malade.

principalement à la paupière supérieure où ils sont un peu

relevés en haut. Pas de blépharite. - Orbites normaux. -

Pas de paralysie oculaire, de nystagmus, ni d'exophtalmie.

Iris bleu clair; pupilles égales entre elles, réagissant bien à

la lumière et à l'accommodation. Acuité visuelle normale ;

l'enfant reconnaît bien les couleurs. Pas de diplopie, ni de

polyopie; champ visuel non rétréci.

Nez légèrement aquilin ; bien conformé, cependant un peu

dévié à gauche; odorat normal. Pommettes peu saillantes,

symétriques. Bouche assez grande, lèvre supérieure légè-

rement pendante ; palais osseux légèrement ogival, voile

normal, amygdales non hypertrophiées. Le goût est assez

développé et l'enfant apprécie bien les diverses saveurs. z

On note un léger prognathisme supérieur ; à la mâchoire

supérieure, il y a 13 dents, l'incisive latérale droite n'est pas

sortie ; les dents sont serrées, mais bien rangées. - A la mâ-

choire inférieure, il n'y a que 12 dents légèrement écartées et

bien rangées ; les deux incisives médianes sont absentes. -

Menton carré et légèrement dévié à gauche. - Les oreilles sont

grandes et épaisses, bien ourlées, fortement décollées à leur

partie supérieure; leur lobule n'est pas adhérent. Ouïe saine.

Cou grêle ; corps thyroïde normal.

Les membres supérieurs ne sont pas également développés.

Tandis que le bras droit jouit de l'intégrité absolue de ses

mouvements, le gauche, beaucoup plus grêle et atrophié,

est paralysé, mais incomplètement. Les extenseurs sont pris,

la main est en flexion et en pronation ; la supination est

impossible. Par contre, les mouvements d'élévation, d'abais-

sement et de rotation du bras, sont conservés, ainsi que la

flexion et l'extension de l'avant-bras. - Il parait y avoir un

peu d'hyperesthésie à gauche ( ? ).

Pour les membres inférieurs, on note également des diffé-

rences. A droite, le membre est normal et ne présente aucune

trace de paralysie; à gauche, il est fort affaibli et atrophié ;

l'enfant le traîne en marohant et porte sur la pointe du pied.

Les mouvements de flexion et d'extension de la cuisse sur

le bassin, de la jambe sur la cuisse, sont possibles ; mais le

pied est maintenu en valgus équin et on note de la contrac-

ture des fléchisseurs.

Cage thoracique normale. Rien à l'auscultation du poumon

et du coeur, pouls régulier. - L'abdomen est fort élargi dans

le sens transversal, surtout à sa partie inférieure qui est très

développée; foie et rate normaux.

Sensibilité générale conservée au tact, à la température

et à la douleur. '

DESCRIPTION DU malade. 57

Membres supérieurs.

58 Marche DES accès.

étaient devenus bien moins fréquents qu'ils ne l'étaient chez

lui (ils étaient presque quotidiens) et au moment de son entrée.

- Traitement : Douches de 40 secondes.

1894. Juillet. - Puberté. Léger duvet sur toute la figure,

principalement sur la lèvre supérieure. Aisselles glabres,

ainsi que les membres supérieurs et inférieurs. Bouquets de

poils fins il la racine des bourses et jusqu'à la moitié de leur

hauteur. Mêmes dimensions de la verge. Le testicule gauche

(côté paralysé) est un peu plus petit que le droit. Pas d'ona-

nisme.

Tableau des accès.

Etat DE MAL. 59

de la même année, la démence est déjà presque complète :

l'enfant ne reconnaît ni sa classe, ni ses vêtements, ni sa

place, ni son cahier, ni la direction même où on lui dit d'aller.

Il est impossible d'en obtenir une réponse à moins de lui

poser cinq ou six fois la même question ; et encore cette

réponse ne se rapporte-t-elle pas du tout à la question posée.

Il pleure toute la journée parce qu'il a perdu un objet quel-

conque, s'empare de tout ce qu'il trouve comme lui apparte-

nant et se défend quand on veut le lui reprendre. L'état

général reste bon, l'appétit est conservé.

1895. 21 février. L'enfant entre à l'infirmerie à cause de

son état de déchéance intellectuelle et physique. Le 8 mars,

série d'accès et, à 2 h. ? il meurt en ayant eu 25.

Température pendant les accès.

60 PSI ? UD 0-POR E-, ( : ÉP Hk 1,1 E.

sur la branche droite ; il n'y en pas sur la branche gauche.

Notons en passant que tous les os wormiens sont situés du

côté du foyer cérébral. Sur la coupe les os n'offrent pas

de différence entre les deux moitiés. Il y a des plaques

transparentes au niveau de la suture métopique, des parié-

taux et surtout du pariétal droit et de chaque côté de l'occi-

pital surtout iL gauche.

A l'ouverture de la dure-mère, on aperçoit une vaste poche

creusée dans la substance cérébrale que recouvre la pie-

mère ; à l'ouverture de cette cavité il s'écoule environ 20 gr.

de liquide céphalo-rachidien.

Cerveau. - Hémisphère droit. -Bien moins développé que

le gauche, il mesure 15 cent. dans sa plus grande longueur

et 9 cent. de hauteur environ.

Face externe. - Au niveau de la zone rolandique, on aper-

çoit, après avoir enlevé les méninges, une vaste dépression

occupant à peu près toute la région et ne communiquant pas

avec le ventricule latéral. Là, les circonvolutions sont déchi-

quetées et considérablement atrophiées, la substance grise

indurée ; la pie-mère, épaissie, est adhérente, mais cependant

on peut avec quelque soin l'enlever sans entraîner de frag-

ments notables de substance cérébrale. La scissure de Syl-

vius, par suite de cette atrophie des circonvolutions, se

trouve très largement béante et laisse à découvert la région

insulaire qui constitue le fond de ce foyer.

A sa partie tout antérieure, l'insula est à peu près normal

ainsi que la région préinsulaire ; mais plus en arrière ses cir-

convolutions sont à peine saillantes, presque nulles, et la

substance cérébrale sclérosée forme une coque mince et dé-

pressible qui sépare du ventricule la dépression que nous

venons de décrire.

Tout autour, les circonvolutions qui bordent la scissure de

Sylvius sont atrophiées et à peine reconnaissables. On peut

cependant les suivre n peu près, et en étudiant les circonvolu-

tions de la face externe, une par une, voici ce qu'on trouve :

I : est très développée et s'insère par deux pieds sur la l' .A. ;

de petits sillons superficiels et surtout longitudinaux vien-

nent lui donner un aspect irrégulier et complexe. La 13 est

également très développée, et ces deux circonvolutions vo-

lumineuses donnent au lobe frontal un développement assez

considérable, relativement. - Cependant la Fa est presque

totalement atrophiée, se présente sous forme d'un cordon

induré et tortueux de 2 ou 3 millimètres d'épaissour, cela sur

les-3/4 postérieurs de son étendue, elle ne devient un peu épaisse

PSEUDO-POlOENCÍ,PIfALIE. 61

qu'à sa partie tout antérieure (trois centimètres environ). -

La F.A. est atrophiée au même degré que la précédente dans

ses deux tiers inférieurs tandis que le tiers supérieur est rela-

tivement normal. - La Il présente un arrêt de développe-

ment, ainsi que la partie supérieure de la P.A. ; mais les deux

tiers inférieurs de celle-ci, le lobule du pli courbe, le pli

courbe lui-même et les deux premières temporales sont repré-

sentées par de petits rubans indurés et irréguliers analogues

à ceux qui constituent la F3 et une partie de la I .A. - La

T3 et le lobe occipital ne présentent rien à signaler. Le pli

pariétal inférieur est également compris dans le foyer et réduit

à une sorte de petite crête.

Face intérieure. - Rien de particulier à noter : les circon-

volutions temporo-occipitales sont normales, les circonvolu-

tions olfactives interne et externe également, ainsi que le

reste du lobe orbitaire.

Face interne. - Circonvolution du corps calleux normale ;

circonvolution frontale interne également. Lobule paracen-

tral bien développé et ne présentant aucune lésion; à sa par-

tie toute supérieure on voit aboutir la scissure de Rolando

qui, à ce niveau, est naturelle. - Lobe quadrilatère, coin,

normaux. Dans leur ensemble, quoique d'apparence régulière,

toutes les circonvolutions de la face interne participent à

l'arrêt de développement.

Ilémisphère gt2cche. - Beaucoup plus volumineux que le

droit, il mesure 19 centimètres de longueur sur 10 centimè-

tres 3; de hauteur. Il n'offre aucune lésion.

Face externe. - Scissure de Rolando bien nette, légère-

ment contournée en S italique, limitée à chacune de ses

extrémités par un pli de passage, et par conséquent n'attei-

gnant pas le bord supérieur de l'hémisphère. - La scissure

de Sylvius, a peu près rectiligne, laisse voir l'insula normal.

- Le lobe frontal est très développé, ses circonvolutions

complexes, unies par des plis de passage et parcourues par

de petits sillons irréguliers. La F. A. est comme divisée par

un sillon superficiel en deux parties dont l'une, supérieure,

se continue avec le pied de la Fi et dont l'autre, inférieure,

se continue avec les F2 et F3. La F3 surtout est très dévelop-

pée et le cap en particule ! ' est très marqué. - La P.A., la P1

n'offrent rien de particulier; le lobule du pli courbe est par

contre fort développé, parcouru de sillons; le pli courbe est

uni aux circonvolutions voisines par des plis de passage

volumineux, particulièrement aux circonvolutions occipita-

les. - Les lobes temporal et occipital n'offrent rien de spécial.

62 Imbécillité, hémiplégie, épilepsie.

Face interne. - Circonvolutions du corps calleux, frontale

interne, lobule paracentral normaux on n'y voit pas aboutir la

scissure de Rolando. - Lobule quadrilatère, coin réguliers, ,

ainsi que les circonvolutions temporales.

Face inférieure. Rien à signaler.

Cervelet. - Les deux lobes ont un développement inégal,

le gauche est un peu plus petit.

Isthme de l'encéphale, normal à l'examen macroscopique :

les deux pyramides antérieures sont d'égal volume.

Examen HISTOLOGIQUE. 63

Le canal vagimo-péritoninl persiste jusque dans le canal

inguinal, mais ne communique pas avec le péritoine. -Tuber-

culose des os du tarse gauche, principalement du calcanéum.

Examen histologique, par le Dr PILLIET. - L'hémisphère

malade a été conservé dans le liquide de Millier, mais depuis

un temps assez long. L'essai des méthodes de réduction d'ar-

gent ou de mercure sur les filaments des cellules n'a donné

aucun résultat. - Les méthodes anciennes; coloration par

l'hematoxyline éosinée ou le carmin d'alun ont donné les

résultais suivants :

'1° Coupe de la région pariétale, au bord du foyer. Les

coupes comprennent plusieurs circonvolutions aplaties, ser-

rées les unes contre les autres et diminuant d'épaisseur de

façon à ne plus former que de petites crêtes. Les circonvolu-

tions les moins atrophiées sont constituées par un mince

liseré névroglique superficiel ; puis par [une nappe serrée de

volumineuses cellules rondes à gros noyaux, ayant l'aspect de

la corde myélocytiques du cervelet, et enfin par un centre

réduit de substance blanche dans laquelle se trouvent des

corps granuleux provenant de l'émulsion de la myéline. On

peut suivre les libres descendantes de cette substance dont

l'étendue est du reste fort restreinte.

Au-dessous de cette couche se trouve une nappe de tissu

fibrillaire d'apparence conjonctive, qui supporte à sa face pro-

fonde un revêtement de cellules cubiques appartenant à l'é-

pithelaircs du ventricule sous-jacent. Il n'y a donc pas de

porencéplialie vraie, mais plutôt une lésion du foyer de la pre-

mière enfance. La couche de myélocytes qui constitue à elle

seule la substance grise des circonvolutions se poursuit en

diminuant considérablement d'épaisseur jusque sur la mem-

brane qui forme le fond du foyer; et qui se trouve par consé-

quent constituée par ces cellules sous la pie-mère à sa face

externe et par l'épithélium ventriculaire avec le chorion à sa

face interne. Ce chorion est parcouru par do nombreux capil-

laires dilatés et des strates de sang épanché.

2° Coupe du lobe pa1"acentral, sain en apparence, au dessus

du foyer. - Ce lobe comprend.peu d'éléments cellulaires,

contrairement à ce qu'on devrait constater à cet (les gran-

des cellules pyramidales qui aient exister normalement en ce

points sont remplacées par de petits éléments i-ocuolés dont

les contours anguleux ne sont pas distincts. La vascularisa-

tion est très développée et les capillaires s'anastomosent en

64 PSEUDO-PORENCÉPHAUE.

formant un réseau serré au lieu d'être d'être disposés en lignes

verticales parallèles.

En résumé il existe un foyer d'atrophie étendu, probable-

ment d'origine artérielle et une diminution très notable du

nombre et du volume des grandes cellules motrices, dans

les parties d'apparences saines qui avoisinent le foyer.

Réflexions. - I. Les renseignements sur les deux

familles du père et de la mère sont très incomplets.

Nous avons essayé, mais en vain, de retrouver le père,

pour combler, les lacunes. Nous n'avons qu'à relever

l'existence d'un bec de lièvre chez deux oncles pater-

nels de l'enfant et l'alcoolisme chez sa mère.

II. L'asphyxie qui existait à la naissance, quoique

légère, a pu, jointe à l'alcoolisme chronique de la

mère, contribuer à préparer les lésions qui se sont

traduites, à 8 mois, par des convulsions.

III. Les premières convulsions ont éclaté à huit

mois. Elles ont été suivies d'un affaiblissement para-

lytique de tout le côté gauche. Elles ont eu aussi pour

cause l'imbécillité et l'épilepsie hémiplégique.

IV. A la première attaque convulsive ont succédé

de petites crises revenant à peu près tous les mois,

précédées de douleurs de tête et se terminant par un

sommeil profond. Elles ont continué jusqu'à 12 ans

avec les mêmes caractères, ayant toute l'apparence

des accès d'épilepsie partielle : le malade était

entraîné du côté paralysé et les mouvements convulsifs

étaient limités à ce même côté.

V. Les accès n'ont pas cessé d'avoir une marche

croissante et ont abouti à un état de mal, absolument

comme chez les épileptiques ordinaires. Il en a dif-

féré toutefois en ce sens que la température n'a pas

atteint le degré élevé que l'on note d'habitude dans

l'état de mal qui complique l'épilepsie ordinaire.

Etat de MAL dans l'épilepsie partielle. 65

Nous avons publié plusieurs faits analogues. Deux

surtout méritent d'être rappelés. Le premier concer-

nait une malade hémiplégique dont nous avons com-

muniqué l'observation à la Société de biologie en

187G. Il est survenu un état de mal pareil à celui

que nous venons de relater et la température n'a pas

dépassé 39° (1). - Le second a trait à une enfant de

10 ans, Merl., hémiplégique et atteinte d'épilepsie. Elle

a eu un premier état de mal, offrant également les

mêmes caractères, dans lequel la température n'a

pas atteint : 390, bien que, en sept jours, elle eût eu 279

accès. Toutefois ces malades peuvent avoir, ainsi que

nous le faisions remarquer dans les commentaires de

cette observation, un véritable état de mal. C'est ce qui

est arrivé chez cette dernière malade. A peine quelques

semaines s'étaicnt-elles écoulées après l'état de mal

d'épilepsie partielle, qu'un seconcl état de mal se

développa : les accès différaient notablement, non

seulement des accès isolés, mais aussi des accès qui

avaient composé le premier état de mal. En moins de

40 heures, M... eut plus de 300 accès et succomba avec

une température atteignant silo (2). z

VI. Dans la majorité des cas d'épilepsie hémiplégi-

que, due à la sclérose alrophique, l'intelligence se con-

serve dans cles proportions en rapport avec les circon-

volutions qui ont été respectées par le foycr et de

l'action qu'il a exercé sur l'arrêt de développement

consécutif des circonvolutions voisines et de tout

l'hémisphère correspondant. En pareil cas, il est pos-

sible de développer l'intelligence du malade dans une

(1) Contribution à l'élude des localisations cérébrales ; obs. d'hémiplégie

cérébrale infantile spasl'lOdi'llW (épilepsie p.ll'tielle). (.lIél)1oil'es de la Société

de biologie, 18711, p. 'lti ? 17(j).

( ? ) Hémiplégie in ? rnlilesniuircl'tpilrtpsie7arlielln; étal de mal épileptique;

rrwrl.. loy·r arrcinn intéressant les circonvolutions frontale et pariétale

'ascendantes et lu/mie paracentral (Société anatomique, 1876, p. 558-571)

BOU11NVILLL, Bicêtre, 1895. 5

66 z PSEÙDO-PORENdpIIALIE; démence.

mesure plus ou moins grande. Il n'en est plus de même

- clans les cas d'imbécillité, d'hémiplégie et d'épilepsie

symptomatiques de méningo-encéphalite : très fré-

quemment on assiste a une déchéance progressive. Il

semble en être de même dans certains cas de lésions

en foyer; celui qui précède en fournit un exemple.

L'enfant qui, Ù son entrée, possédait une intelligence

à peu près normale, après être demeurée stationnaire

pendant près de trois ans, s'est affaiblie rapidement,

sous le rapport intellectuel, par suite de l'augmenta-

tion des accès.

VII. Le foyer ou psewlo-hyste a détruit les deux

tiers postérieurs de la troisième frontale, le quart infé-

rieur de la frontale ascendante, les deux tiers inférieurs

de la pariétale ascendante, le pli courbe, le pli pariétal

inférieur, la première et la seconde temporales. Ainsi

que nous l'avons vu, le foyer ne communique pas avec

le ventricule latéral. Il s'agit donc là d'une pseudo-

porencéphalie, occasionnée par une lésion destructive

postérieure à la naissance et non d'une porencpbalie

vraie qui, elle, a pour cause un arrêt de développe-

ment antérieur à la naissance. Cette lésion en foyer a

eu pour conséquence un arrêt de développement con-

sidérable des circonvolutions situées en dehors du

foyer et restées saines. Les mensurations transcrites

plus haut et l'inégalité de poids (a20 gr.) donnent une

idée exacte de la différence considérable qui exis-

fait entre les deux hémisphères. Dans leur ensem-

ble les circonvolutions et les sillons de l'hémisphère

gauche, paraissent normalement développés. - Signa-

lons l'atrophie croisée de l'hémisphère cérébral droit

et de l'hémisphère cérébelleux gauche. -

VIII. Le siège de la lésion rend compte du degré

relativement peu accusé de l'hémiplégie, qui prédomi-

nait au bras gauche. L'arrêt de développement de ce

Assistance DES enfants IDIOTS. 67

.membre et du membre inférieur correspondant était

,au contraire assez prononcé et en quelque sorte hors

de proportion avec la paralysie.

IX. La tuberculose s'est développée d'une manière

latente, coïncidant avec l'aggravation de l'épilepsic

sur laquelle elle n'a pas exercé d'action, les accès étant

au contraire devenus plus nombreux. Elle a évolué

d'ailleurs sans que l'enfant, en déchéance, sesoitjamais

plaint : c'estce qu'on observe souvent chez les malades

de ce genre. Le tableau ci-après fait constater que,

sous l'influence de la maladie terminale, la taille est

demeurée stationnairo et que le poids a notablement

diminué.

Tableau du poids et de la taille.

'68 Assistance DES enfants IDIOTS.

chroniques de Bicêtre n'avaient pas songé qu'elle dé-

sencombrerait les hôpitaux spéciaux et que, partant,

elle devait contribuer à assister et traiter un plus

grand nombre d'enfants.

VII.

Idiotie complète probablement congénitale;

Par %'VILLE et QUEL

SOMMAinE. Père, fièvres intermittentes, épileptique avec

accès rares. - Mère, rien de particulier, sauf qu'elle a

uriné au lit jusqu'à 16 ans. - Grand-père maternel, excès

de boisson, mort de congestion cérébrale. - Pas de con-

sangwinitè. - Inégalité d'âge de 10 ans.

Première dent à 4 mots. Début de la marche et de la parole

à un an; cessation de la marche et de la parole. Gâtisme ;

incapacité de s'habiller. - Accès de cris. - Tics; se mord

les mains ; accès de colère. Progrès de la marche. Etat

syncopal subit; mort rapide.

AUTOPSIE. - Adhérences de la dure-mère aux os; injection

de la pie-mère qui se détache facilement. - Coloration

chair de saumon des circonvolutions. - Un peu d'oedéme

des cordes vocales.

Mus... (Alice), née le 20 mars 1890 à Malakoff (Seine), est

entrée le 9 novembre 1892) à la Fondation Vallée (service de

M. BOURNEVILLE,).

Antécédents. (Renseignements fournis par le père le 15

novembre 1892) : - Père, 44 ans, charpentier, n'a jamais eu de

convulsions, de fièvre typhoïde, de choréc, de rhumatisme ;

n'est pas sujet aux migraines; ne présente aucun signe de

syphilis, ni d'alcoolisme. Il ne fume pas, mais chique énormé-

ment. Caractère gai, doux. Pendant la Commune, il était en

convalescence à Paris, à la suite de fièvres intermittentes

contractées à Madagascar, pendant son service militaire,

quand on vint le chercher pour l'enrôler dans les bataillons

de fédérés. Lors de l'entrée des troupes de Versailles, il

voulut rentrer dans l'armée régulière. De ce fait, il passa

sous le feu des deux partis et faillit être fusillé par.

70 Antécédents héréditaires ET PERSONNELS.

ceux qu'il abandonnait et par ceux qu'il voulait rejoindre.

C'est sous l'influence de ces émotions qu'il dit être devenu

« épileptique ». Il eut, à ce moment, un premier « accès »

et en aurait depuis cette époque un ou deux par an. Cet

homme est intelligent et répond nettement aux questions ; les

yeux sont cependant un peu hagards. - [Son père est mort à

31 ans d'un « chaud et froid », il était ingénieur des ponts et

chaussées. - Sa mère, âgée de 68 ans, est bien portante. -

Aucun renseignement sur les grands-parents paternels ou

maternel : il n'a pas entendu dire qu'il y ait eu parmi eux

des personnes atteintes de maladies mentales ou nerveuses.

Un oncle paternel, deux oncles et deux tantes maternels en

bonne santé. Pas de tares physiques ou mentales chez leurs

enfants. - Une SOEur, religieuse, est morte à 83 ans. - Deux

frères ont succombé vers 10 ou I ans, il ne sait de quoi. Il

n'y a pas d'autres épileptiques dans la famille, pas d'idiots,

d'aliénés, pas de suicidés, de débauchés].

Mère, 34 ans, femme de ménage ; pas de convulsions de

l'enfance ; pas de maladies nerveuses ou autres ; elle a uriné

au lit jusqu'à 1G ans ; éprouve de rares maux de tête mal carac-

térisés. - [Père, mortalG9 ans de i congestion au cerveau ·> :

on n'a pas eu le temps de constater des troubles paralytiques ;

il était alcoolique. - Mère, 68 ans, bien portante, sans trou-

bles intellectuels. - Pas de renseignements sur les grands-

parents. - Un oncle paternel est mort d'accident; deux au-

tres oncles paternels sont en bonne santé. -Pas d'épileptiques,

ni d'aliénés dans le reste de la famille].

Pas de consanguinité. - Différence d'âge de 10 ans.

Six enfants et une fausse couche :

1° Une fille morte à 4 mois d'athrepsie ; 2° une fille, 10

ans, intelligente ; -3o une fille morte à 18 mois d'une « fluxion

de poitrine » ; - 4" notre malade ; 5° deux jumelles âgées

de 8 mois, bien portantes. L

Antécédents personnels. -A la conception, rien de particu-

lier. - Grossesse normale ; pas de chutes, d'émotions, pas

d'albuminurie, pas de tpntative d'avortement. - Accouche-,

ment à terme, sans intervention, ni chloroforme; présenta-

tion du sommet. - A la naissance, l'enfant était grosse, non.

cyanosée ; pas de circulaire du cordon. Elle fut élevée au sein

par sa mère et sevrée à Il mois sans difficulté. - Première-

dent à 4 mois. Début de la marche et de la parole vers un an,

mais à la suite d'une bronchite, qui survint peu après et- la.

DESCRIPTION DE la malade. 71 i

tint au lit doux mois, elle cessa de marcher et de parler. Elle

n'aurait jamais eu de convulsions. La mastication est défec-

tueuse. Pas de salacité. L'enfant ne bave pas, il proprement

parler, mais elle rejette de la salive avec bruit, sans pouvoir

la projeter au loin. Pas de succion, de rumination, ni de

troubles digestifs ; elle a toujours gâté. Vaccinée il trois mois.

L'enfant n'a jamais eu de dermatoses, ni d'accidents scrofu-

leux, ni de traumatismes. Elle reconnait ses parents et « se

plait bien » avec sa soeur plus âgée. Pas d'onanisme, ne grince

pas des dents.

État actuel (12 novembre 1892). L'enfant est pâle ; toute-

fois, elle paraît bien portante. Pas d'adipose, ni d'émaciation,

Physionomie douce, peu intelligente. On attire bien l'attention

de l'enfant : elle regarde, ne comprend pas.

Cheveux chatain-clair, longs, régulièrement implantés : tour-

billon normal. Crâne de volume moyen, symétrique. Au

niveau des fontanelles, on perçoit un ressaut formé pour l'an-

térieure, par le bord antérieur des pariétaux, pour la pos-

térieure, par l'angle inférieur de l'occipital ; pas d'autres

inégalités à la palpation. - Front assez élevé, découvert,

fortement convexe, pas de cicatrices. - Face courte, carrée;

arcades sourcilières non saillantes. Orbites grandes, non

déformées. Paupières normales et également mobiles. Sour-

cils bien dessinés, écartés l'un de l'autre, châtain-clair. Cils

assez longs, bien implantés, de couleur brune ; pas de blépha-

rite. Globes oculaires normaux. Conjonctive saine. Iris gris-

bleu. Pupilles égales paraissant réagir à la lumière et à l'ac-

commodation. Quant à l'examen fonctionnel de l'oeil, il n'est

pas possible chez l'enfant.

Nez camus; lobule intact; cloison et sous-cloison non

déviées ; narines assez grandes regardant en bas et en avant :

il est impossible de reconnaître si les odeurs causent quel-

que impression. Pommettes peu saillantes, symétriques. -

Bouche moyenne, large do 3 centimètres. Lèvres minces ;

commissures horizontales. Voûte palatine profonde, presque

ogivale; voile du palais intact. Langue normale; amygdales

assez volumineuses. Muqueuse buccale saine. Réflexe pha-

ryngien normal. L'enfant fait la grimace au sulfate de quini-

ne, tire la langue pour avoir du sucre. Dents temporaires au

complet, saines, bien rangées. Menton petit, non prognathe.

Oreilles assez grandes, écartées : à droite l'hélix est assez

bien ourlé, mais l'anthélix ne remonte pas assez haut, de

sorte qu'entre les deux existe une capsule assez grande; il

n'en est pas de même du côté gauche. Pas d'otorrhée.

72 DESCRIPTION DE LA MALADE.

Cou assez long, circonférence 22 centimètres, pas de gan-

glions sous-maxillaires. Corps thyroïde petit, vaguement per-

ceptible.

Thorax assez bien développé, sans aucune déformation.

Pas de lésions du coeur, ni des poumons : la respiration a le

type abdominal. Bassin assez large.

Organes génitaux. - Pénil saillant, glabre, grandes lèvres

saillantes; leur face externe est recouverto d'une éruption

vésiculeuse sur fond rouge qui se prolonge vers la racine des

cuisses; clitoris très petit, non recouvert par le capuchon :

les petites lèvres sont accolées au-dessous du méat, puis s'é-

cartent de nouveau plus bas. L'orifice de l'hymen n'est pas

visible ( ? ).

Membres supérieurs régulièrement conformés; les ongles

ne sont pas rongés, mais la peau de la face dorsale présente

au niveau du métacarpe plusieurs épaississemevls : l'un d'eux

siège au niveau de l'articulation métacarpo-loalangienne du

pouce des deux côtés; les autres sont disséminés sur toute

la face dorsale. Quelques-uns sont ulcérés, saignants, d'autres

masqués par de petites croûtes épidermiques incomplètement

détachées. - Membres inférieurs régulièrement constitués

dans toutes leurs parties.

Mesures de la tête.

Autopsie. 73

à chaque instant quand on l'habille, qu'on la nettoie et surtout

avant de s'endormir. Elle ne marche point, mais se tient assez

droite dans le chariot. Elle ne sait pas manger seule, se tient

mal à table ; elle prend plaisir à plonger les mains dans sou

assiette pour porter les aliments à la bouche ou les jeter à

terre. Elle n'est pas salace, elle mange avec appétit ce qui

lui est présenté aime le vin, le lait et surtout le chocolat. Ne

sait pas s'habiller seule, se fâche quand il faut le faire, ne sait

ni boutonner, ni lacer. Elle gâte le jour et la nuit. Sommeil

calme ; dès le réveil, elle se met à crier; elle transpire beau-

coup.

Caractère assez affectueux ; elle aime les caresses, mais se

met en colère dès que son désir n'est pas satisfait; témoigne

une grande joie à la vue de ses parents, surtout de sa soeur

âgée de 10 ans.

Tics. Mus... se mord les mains constamment et avec vio-

lence, surtout la partie dorsale externe, d'où les calus que

nous avons décrits. Elle se cogne la tète, a toujours les gen-

cives saignantes.

Traitement : Sirop d'iodure de fer, huile de foie de morue

deux bains salés par semaine ; exercices de marche.

15 décembre. L'enfant fait cles progrès au point de vue,

do la marche ; elle se tient mieux et exécute quelques pas en

la tenant par la main ; elle cric quand on veut la mettre

dans le chariot. Le 26 décembre, embarras gastrique et toux,

sans fièvre ; on lui donne un vomitif ; potion calmante.

1893. 11 - L'enfant, bien portante toute la matinée

avait mangé à 11 heures et demie comme d'ordinaire. Elle

s'endormit vers deux heures selon son habitude. A deux

heures et demie on s'aperçut qu'elle pâlissait. Immédiate-

ment, elle est mise dans le décubitus dorsal, on lui fait

prendre du sirop d'éther, elle est couverte de sinapismes et

flagellée avec de l'eau et du vinaigre. L'interne de garde

pratique la respiration artificielle sans succès. L'enfant est

décédée à 4 heures.

Poids après décès : 9 kilog. Température un quart d'heure

après la mort : 35° ; - une heure après : 28", 5 ; 3 3 heures

après : 28° ; 5 heures après : ` ? ï^,5. T. de la salle : 12°.

Autopsie faite le 13 mars 1893, 10 heures après le décès.-

Tête. - Le cuir chevelu, assez épais, présente une ecchymose

un peu au-dessus du front et une vascularisation notable au

niveau de la région temporale droite. - Les os du crâne sont

minces (2 à 3 mm. au plus), peu durs, transparents par pla-

74 i Autopsie.

ques très nombreuses. La plus large plaque existe au niveau,

de la fontanelle antérieure qui est ossifiée mais déprcssible

au niveau de l'angle antéro supérieur du pariétal droit. Les

sutures sont très dentelées et non ossifiées sur la face con-

vexe ; elles sont transparentes en grande partie sur la face in-

terne. Les cavités de la base sont symétriques, le trou

occipital n'est pas rétréci. La glande pituitaire a le volume

d'un tout petit haricot, elle mesure G à 7 millimètres trans-

versalement et 4 a1 5 mm. d'avant en arrière; elle présente

une petite partie jaunâtre et indurée. Très peu de liquide

céphalo-rachiclie2.

La duré-mère étant très adhérente aux os au niveau de la

fontanelle antérieure, de chaque côté de la suture sagittale et

de la suture lambdoïde, on est obligé delà couper circulaire-

ment. La pie-mère est fortement vascularisée à la partie

moyenne de la face convexe des deux côtés. - Les nerfs

olfactifs, optiques, les tubercules mamillaires, les pedon-

cules, etc., ainsi que les artères de la base sont symétriques

et sans lésions. - La glande pinéale, d'un gris rosé, a 4 à 5 mm.

de longueur sur 3 il 4 mm. de largeur et d'épaisseur.

Idiotie PIIORAI3LEntENT congénitale. 75

hachées par des sillons superficiels en pavés irréguliers, cette

disposition est plus marquée à droite qu'à gauche. - Sur la

face interne de l'hémisphère droit les circonvolutions sont

très peu plissées tandis qu'elles le sont notablement plus sur

l'hémisphère gauche; ceci s'applique principalement à la cir-

convolution frontale. Les sillons sont peu profonds. - Les

masses centrales n'offrent rien de particulier.

Le cervelet, la protubérance et le bulbe ne sont le siège

d'aucune lésion.

Cou. Le corps thyroïde est normal (5 gr.) ; le thymus (5 gr.),

occupe la partie médiane et mesure H cent. de long. - Les

cordes vocales sont trës-cedemattëes et congestionnées; mais

il parait rester un passage suffisant pour l'air.

Thorax. Les poumons (210 gr.) et le coeur (60 gr.) sont

normaux. Pas de persistance du trou de Botal.

Abdomen. Foie normal (510 gr.) - Le rein droit (42 gr.)

présente des traces de lobulation; le rein gauche pèse 40 gr.

Capsules surrénales, rate et pancréas, rien de particulier.

Estomac vide ; la muqueuse est un peu congestionnée.

L'intestin est normal; l'appendice vermiculaire a 12 cent.

de long. La vessie est distendue par une grande quantité

d'urine. - Cause probable de la mort : asphyxie par oedème

de la glotte.

Réflexions. - I. Relevons, au point de vue de

l'hériclité, l'épilepsie chez le père de l'enfant ; -l'in-

continence d'urine jusqu'à 16 ans chez sa mère ; -

des excès de boisson et une congestion cérébrale chez

le grand-père maternel.

II. Nous avons soin de mentionner dans nos obser-

vations la différence d'âge qu'il y a entre les pèro

et mère do nos malades. Ici elle était assez grande,

10 ans. Un jour nous chercherons à voir s'il y a quel-

que conclusion à tirer de tous ces faits et s'ils con-

firment les opinions émises par certains auteurs qui

attribuent une influence à la disproportion des con-

joints sur la production des enfants arriérés.

III. L'enfant paraît avoir été normale jusqu'à sa

deuxième année, époque où elle eut une bronchite ( ? )

76 IDIOTIE PROBABLEMENT congénitale.

qui dura deux mois. C'est à cette maladie que l'on

attribue l'idiotie car, à la suite, elle ne pouvait plus

marcher et avait perdu ce qu'elle savait au point de

vue de la parole. Toutefois l'absence de convulsions,

de symptômes cérébraux graves, autorise à mettre en

doute cette étiologie.

IV. Cliniquement l'idiotie était complète. En l'ab-

sence de détails précis sur la maladie de la seconde

année, nous avons pensé qu'il s'agissait d'un arrêt de

développement congénital. L'autopsie viendrait à

l'appui de ce diagnostic, car il n'y avait ni lésions

méningitiques, ni lésions en foyer.

VIII.

Arriération intellectuelle consécutive à une brûlure de

la tête; instabilité mentale; - délire mystique;-

fièvre typhoïde avec rechute ; mort ;

Par BOL'UNKVILLE et TISSIÉ.

Sommaire. Père et grand-père paternel, violent. - AlTière

, grand-père paternel et tante paternelle cancéreux. - Mère

migraineuse. - Grand-père maternel, excès de boisson, -

. Pas de consanguinité. - Égalité d'âge. - Exemples de

gémellarité. ·

Grossesse accidentée par de vives contrariétés. - Enfant

jumeau. - A 8 mois brûlure grave du cuir chevelu de

l'oreille gauche et de la joue gauche, suppuration prolon-

. gée. - Parole et marche complètes à 3 alls. - Rougeole et

coqueluche à 5 ans. - A la même époque on note la fai-

blesse de l'intelligence, la bizarrerie du caractère, des accès

. de colère. - Idées mystiques; - Fugues. - Déguisement £

en moine. - Arrestation. - Envoi à Bicêtre. - Descrip-

tion de l'enfant. - Persistance des idées mystiques. -

Amour de la solitude. - Nuls progrès à l'école. - Fièvre

typhoide; - anlélioration; - abcès; - rechute; - hé-

7no1'1'hagie intestinale; mort.

Autopsie. - Aucune lésion macroscopique des méninges et

du cerveau. - Lésions intestinales caractéristiques.

IIenneq..., Georges, né à Paris le 20 mai 1878, est entre

dans le service le 5 juin 1894 à l'âge de 16 ans.

1 Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère).

Père, employé de commerce au moment où il a quitté sa

femme; il aurait actuellement 51 ans. Les renseignements

sur son enfance sont incomplets; il ne semble avoir eu aucune

maladie grave avant son union, et n'en a eu aucune après.

78 Antécédents héréditaires.

Son caractère était vif et emporté, enclin à des colères violen-

tes pendant lesquelles, toutefois, il ne se livrait à aucun acte

de brutalité. Il ne fumait pas à l'excès, ne se mettait pas en

état d'ivresse, et ne semble pas avoir présenté de symptômes

d'alcoolisme chronique. - Après dix ans de vie commune, à

l'âge de 35 ans, il s'est séparé de sa femme à l'amiable pour

incompatibilité d'humeur. [Famille du père. Le père de cet

homme était bien portant au moment de l'abandon de la mère

de l'enfant ; il n'était pas alcoolique, n'avait pas de crises ner-

veuses, mais était d'un caractère très violent. La 7 ? iè7,e n'a

présenté dans sa vie aucune particularité digne d'être notée;

les renseignements sur son caractère manquent. - Le grand-

père maternel est mort d'un cancer, ainsi qu'une tante. Dans

le reste de la famille paternelle, on ne relève l'existence

d'aucune maladie nerveuse ni d'aucune difformité physique].

Mère, 51 ans, cuisinière, n'a pas eu de convulsions dans

l'enfance. Sa santé générale aurait été délicate : a -8 aiis enté-

rite violente qui s'est fréquemment reproduite; à 12 ans,

affection cutanée aiguë. Actuellement elle est robuste, bien

portante, saufqu'ellc souffre seulementde migraines intenses.

Son caractère est facilement irritable ; pourtant elle n'a jamais

eu de crises nerveuses et, quoique cuisinière, fait un usage très

modéré de l'alcool. - [Famille, de la mère. - Sa mère est

morte à 76 ans, asthmatique. Son père, nerveux, violent

alcoolique, de tempérament arthritique (maux d'estomac,

migraines, ulcères variqueux) est mort à 79 ans « de vieil-

lesse. » Parmi les autres ascendants maternels, on ne relève

aucune tare nerveuse, aucune maladie digne d'être signalée.

De même il n'existe dans la parenté collatérale aucun idiot,

-aucun épileptique, aucune malformation congénitale; la mère

de l'enfant a 3 soeurs vivantes et parfaitement portantes. -

Dans le reste de la famille, il n'y aurait eu ni aliénés, ni

difformes, etc.] ,

' Pas de consanguinité. - Egalité d'âge. - '

Cinq enfants : 1" garçon né à 8 mois et demi, mort en nourrice

- à 6 mois d'affection inconnue; - 2° fille bien constituée, née

à 8 mois et (lui est morte de diphtérie à 3 mois; - 30 fille née à

8 mois, morte à un mois en nourrice on ne sait de quoi; - 4o

-et 5", deux jumeaux, une fille morte en nourrice il 6 mois

et demi avec de l'ictère, l'autre est le malade. Cette gros-

sesse double n'était pas la première dans la famille maternelle :

la soeur de la mère de l'enfant a donné naissance à deux gar-

cosumea ? ; une grand'tante maternelle de l'enfant et une

Antécédents personnels. 79

cousine germaine de la mère ont eu chacune une grossesse

double).

Notre malade. Au moment de la conception, les parents

ne vivaient plus en bonne intelligence. Ils se sont séparés

avant la naissance de l'enfant. - La grossesse s'est effectuée

dans de bonnes conditions physiologiques, bien que la mère

-se soit un peu serré le ventre que distendaient outre mesure

les deux jumeaux. Elle signale surtout de fréquentes contra-

riétées dues à des querelles avec son mari. - L'accouchement,

naturel, a eu lieu vers la fin du huitième mois; le travail a

duré 4 heures, aucun incident ne l'a entravé. - fol la naissance,

les deux enfants n'offraient pas d'asphyxie et n'avaient pas de

circulaire du cordon. -- Le garçon, cependant plus gros que

la fille, ne pesait que 2 kilogrammes. Nourri au sein par sa

mère durant un mois, il a été ensuite élevé au biberon (lait

de vache) par une nourrice. Il n'aurait jamais eu de convul-

sions. A 18 mois il commençait it marcher et avait plusieurs

dents quand est survenu un accident qui a beaucoup entravé

son développement au dire de la mère. Il est tombé dans le

feu et a eu le cuir chevelu, l'oreille et la joue du côté gauche

fortement brûlés. La suppuration a duré plus de 3 ans et a

été longtemps accompagnée do diarrhée. A part cet accident,

l'enfant n'a eu d'autre maladie que la rougeole à 5 ans et la

coqueluche aussitôt après. Son développement a été entravé

par la suppuration de la plaie de la tête. Il n'a bien marché et

bien parlé que vers 3 ans. C'est vers 5 ans seulement que sa

mère a remarqué la bizarrerie de son esprit et la faiblesse de

son intelligence ; bien que d'un caractère doux et affectu-

eux, il avait des colères qui lui faisaient perdre toute raison;

-il présentait enfin à propos d'émotions banales une agitation

inquiétante. Mis dans un pensionnat de frères durant 3 ans, il

y a contracté les idées mystiques, qui devaient plus tard s'exa-

gérer. Deux fois il a tenté de s'enfuir, ce que l'on attribue à

ce qu'il était toujours brutalisé à cause de la difformité occa-

- siontiée par la brûlure et de la gourme. C'est en raison de ce

dernier accident que les frères l'auraient rendu à sa famille.

Il avait alors 12 ans. Ses tendances religieuses, la bizarrerie,

de son caractère, son désir de solitude n'ont fait que s'accen-

tuer pendant les 3 années qui ont suivi. L'enfant a passé les

quatre premiers mois de cette période chez des parents en pro-

vince près de Belfort et le reste dans un pensionnat de Bre-

tagne, sorte de maison de correction tenue par des frères. -

Ses fugues devenaient plus fréquentes, ses colères plus violen-

tes, sa piété de plus en plus exagérée. Revenu à Paris à 15 ans,

80 Description DU malade.

sans amélioration, on a tenté de lui faire apprendre plusieurs

métiers : tentatives inutiles, l'enfant maladroit et mal disposé

cassait tout et ne faisait aucun progrès. La moindre observa-

tion de ses parents motivait des colères folles dans lesquelles

il menaçait de sauter par la fenêtre ou de tuer sa mère; il se

levait fréquemment la nuit pour rêver et prier, parfois il

éclatait de rire. Il avait depuis longtemps formé le projet de

devenir le disciple de Jésus-Christ, selon sa propre expres-

sion. Pendant les 15 derniers jours de son séjour chez sa

mère, sans qu'on eut remarqué de changement dans ces habi.

tudes ni d'augmentation de ses idées religieuses, il se con-

fectionna en cachette une robe de moine avec une couverture;

puis il partit un dimanche malin dans le bois de Clamart. Là,

il enleva ses vêtements et ses chaussures, revêtit sa robe de

moine, noua une corde autour de ses reins, prit son livre de

messe, se cacha dans un buisson et se mit en prière. -Le soir

des gendarmes le trouvèrent dans cet état et l'arrêtèrent. -

Réclamé et repris par sa mère, il montra une agitation telle

qu'il devint dangereux de le garder plus longtemps. Au bout do

quatre jours on dut le remettre aux mains de la police qui l'en-

voya à la préfecture, puis à l'Asile clinique, et enfin à 131cétre.

- Son sommeil était bon; il avait depuis longtemps des cépha-

lées durant lesquelles il se frappait le front. Son caractère,

en dehors de ses colères terribles, était caressant et bon.

- Jamais il n'a eu de véritables crises nerveuses d'aucune

sorte. - On attribue son état mental à la brûlure.

État actuel (1 juin 1894). - Apparence générale satisfai-

sante, adipose assez marquée, face colorée. - La peau pig-

mentée est rude.

Tète. Les cheveux sont châtains, irrégulièrement implan-

tés. - Toute la partie gauche du cuir chevelu, dépourvue de

cheveux, est occupée par la cicatrice de la brûlure signalée

précédemment et qui a détruit tout le pavillon de l'oreille.

Crâne, peu volumineux, à peu près symétrique. - Fonta-

nelles soudées. - Les bosses pariétales, développées, élargis-

sent le crâne qui par contre est assez bas. Front assez dé-

couvert, mesurant 6 cent. de hauteur médiane. Bosses

frontales peu marquées.

La forme générale de la face est triangulaire. - La cicatri-

ce de la brûlure descendjusqu'à la région sus-lryoidienne. Les

arcades sourcilières, peu saillantes, sont garnies de sourcils

abondants, plus foncés que les cheveux et séparés par un no-

table écartement sur la ligne médiane. Les fentes palpébra-

les sont larges et horizontales, les cils longs; pas de blépha-

DESCRIPTION DU malade. - 81

rite. - Les yeux grands, normaux, jouissent de tous leurs

mouvements. L'iris est brun ; les pupilles, moyennement dila-

tées, réagissent à la lumière et il l'accommodation. La vision

des objets, la perception des couleurs et l'étendue du champ

visuel sont absolument normales. - Le nez est droit et

l'odorat bien développé. - La bouche est symétrique et de

grandeur moyenne ; les lèvres sont minces. Les diverses

parties de la cavité buccale ne présentent aucune anomalie :

les mouvements de la langue sont libres et le goût parfait.

- Pas de prognathisme. La pommette gauche est un peu plus

saillante que la droite. - Oreille droite de dimensions

moyennes, sans aucune anomalie; le lobule est un peu adhé-

rent il la gauche.

Le cou, assez court, mesure 39 cent. de circonférence. Le

corps thyroïde est perceptible.

La cage thoracique et l'abdomen sont normaux; l'examen

de tous les organes n'offre rien de particulier.

Puberté. - Léger duvet sur la lèvre supérieure; rien au

menton. Thorax glabre. Quelques poils longs autour de la

racine de la verge, sur les bourses et au pourtour de l'anus.

Verge : longueur 7 cent. 5 ; circonférence : 8 cent. Le prépuce

recouvre le gland; pas de phimosis. Les testicules, sans

aucune anomalie, sont de la grosseur d'une noix.

Les membres sont régulièrement conformés et libres dans

tous leurs mouvements ; le bras et la jambe du côté gau-

che sont toutefois beaucoup plus faibles que les membres du

côté droit; les saillies musculaires sont un peu moins mar-

quées. Les ongles ne sont pas rongés.

La sensibilité tactile, douloureuse, réflexe et thermique

est naturelle.

L'enfant comprend toutes les questions et répond claire-

ment. Son instruction est assez développée. 11 accuse des

névralgies fréquentes siégeant au-dessus de l'orbite gauche

et s'étendant : ) toute la tête; quand elles atteignent une cer-

taine intensité il perd la notion de ce qu'il fait. L'enfant dé-

clare lui-même avoir des peurs fréquentes et des accès de

colère.

A l'école, IIenn., se montre studieux et docile, il lit à voix

un peu basse, mais avec expression et sans défaut de pro-

nonciation. Il écrit correctement et possède des notions de

calcul, d'histoire et de géographie assez étendues.

1SJ i. Déce»tbr·e. - L'enfant s'accuse lui-même d'être taquin,

de se mettre continuellement en de violentes colères et de-

l3oUwEVtLLE, Bicêtre, 1895. 6

82 Fièvre typhoïde; rechute.

mande à être isolé en cellule. - On le met aux douches et à

l'huile de foie de morue.

Les progrès à l'école sont nuls ; son assiduité et sa èonduite

ne laissent rien à désirer, mais il se plonge souvent en des

silences, en des rêveries dont on le fait difficilement sortir, -

Il a gardé ses coutumes de piété, fait sa prière chaque soir,

dit son chapelet, lit son livre de messe, porte un scapulaire.

Tantôt il se frotte les mains, tantôt il les applique sur ses

oreilles comme pour ne pas entendre ce qui se dit afin de

s'absorber dans ses idées. Durant les récréations, il s'isole de

ses camarades.

1895. 27 mat. - L'enfant entre iL l'infirmerie avec les

symptômes d'une pyrexie au début (fièvre, langue sale,

courbature, angine légère). Le 30 mai, on note une aLbtc-

minurie notable.

31 mais Les symptômes sont assez nets pour imposer le

diagnostic de fièvre typhoïde (T.R. 41°). - Langue rôtie,

taches rosées sur l'abdomen, douleur et gargouillements

dans la région coecale, céphalée, albuminurie persistante. -

.Traitement : Bains froids, caféine, acétate d'ammoniaque.

Jusqu'au 7 juin, la maladie suit son cours normal : Tempé-

rature élevée, très peu abaissée à la suite des bains donnés à

23°. - Délire presque continuel ; pouls à 120, mou; râles de

congestion pulmonaire surtout à droite.

7 juin. - Chute de la température et amendement consi-

dérable des symptômes. - Cet état satisfaisant dure du 7 au

11 juin. La température oscille entre 39° et 3S° et s'abaisse

à 37°, 8. Le 12, au soir, elle monte à 39" (fis. 2), diminue le 12.

- 13 juin. - Elévation brusque de la température qui, do

3S°,2, atteint le soir 41° sans grande aggravation pourtant

de l'état général. Un petit abcès, découvert à la cuisse droite,

est incisé : c'est à lui, sans doute, qu'il faut attribuer la 'l'.R.

de 39° notée le soir de la journée du 11 juin. Toutefois l'état

- ne s'améliore pas et le 14 on recommence les bains froids et

on purge le malade. - La rechute est rendue évidente par

une abondante éruption de taches rosées.

Dans la nuit du 14 au 15, hémorl'hagie intestinale de moyenne

abondance ; la T.R. tombe à 3J°, 2 (Fig. 2) ; le pouls, petit, est

à 120. Le poumon est rempli de râles de congestion. On sup-

prime les bains, on proscrit la caféine, l'acétate d'ammonia-

que et on pratique des injections de sérum artificiel. Du 15

au 26, l'état du malade reste très précaire, sans incident

grave. Le délire, tranquille, reparait le 26, en même temps

- que le malade s'affaiblit visiblement. Le 26 au soir, chute de

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Fig. 2. - Fièvre typhoïde; abcès ; rechute.

84 AUTOPSIE.

la température 3î°, 7, sans aucune amélioration de l'état

général. - Le 28, mort à 5 heures du matin avec une tem-

pérature de 39°, . - Un quart d'heure après la mort : T.R.

390; - une heure après : T.R. 37°; - deux heures après :

3G° ; 5 heures après : 30° ; - 9 heures après : 20°, la tem-

pérature de la chambre étant également à ` ? 0 ?

Tableau du poids el de la laille.

Autopsie : LÉSIONS intestinales. 85

86 . Examen HISTOLOGIQUE.

Les méthodes ordinaires de coloration par l'hématoxyline

avec décoloration subséquente ont donné les résultats sui-

vants :

1° Lobe frontal. On constate que la couche superficielle de

la substance grise est intacte. Il n'y avait donc pas d'adhé-

rences. Les couches sous-jacentes, des petites cellules, des

cellules moyennes et des grandes cellules pyramidales de

l'écorce grise ne sont pas distinctes les unes des autres. -

Elles forment une seule nappe, très riche en éléments cellu-

laires, comme chez les jeunes animaux. Chacune de ces

cellules nerveuses est arrondie, globuleuse, unipolaire et n'a

pas encore pris le type pyramidal, leur noyau est très volu-

mineux. Nous avons vu qu'on ne pouvait suivre leurs pro-

longements. - Les faisceaux descendants qui vont à la

substance blanche ne présentent pas de paquets de fibres

dégénérées.

2° Lobe pariétal. La surface grise est encore intacte et son

épaisseur est normale. Dans l'épaisseur on constate que les

vaisseaux sont nombreux, dilatés, entourés d'une gaine

adventice, riche en noyaux. Les cellules nerveuses sont

pourtant aussi abondantes que dans le lobe frontal et pré-

sentent les mêmes caractères de développement incomplet,

ce sont des cellules globuleuses ou piriformes comme celles

que l'on rencontre chez les très jeunes chiens.

3° Lobe occipital. Son aspect est tout à fait semblable à

celui des deux précédents; cellules globuleuses à protopla-

sma clair, vaisseaux nombreux, faisceaux descendants non

dégénérés.

4° Corps thyroïde. Le corps thyroïde'présente au contraire

un aspect opposé à celui qu'on lui trouve dans l'enfance. Ses

alvéoles sont considérablement élargis, distendus par la

substance colloïde et sont sensiblement plus dilatés que

ceux de l'adulte. Il y a donc hypersécrétion de la glande et

tendance au goitre kystique.

En résumé, ce que l'on constate surtout, c'est un état de

non développement des cellules nerveuses qui, bien que très

abondantes, gardent les caractères qu'on leur voit chez les

jeunes animaux. Ajoutons qu'elles sont entourées de nom-

breux vaisseaux ce qui est encore, du reste, un caractèro

foetal.

Réflexions. - I. Nous n'avons rien de bien sérieux

à noter dans les antécédents héréditaires, du moins

d'après les renseignements qui nous ont été fournis.

Délire mystique. 87

II. Notre malade était jumeau et dans la famille,

ainsi que cela se rencontre souvent, il y avait eu

déjà plusieurs cas de gémellarité. C'est là, d'ailleurs

un fait connu et dont nous avons eu maintes fois

l'occasion de citer des exemples à titre de simple

curiosité. Plus tard, peut-être, pourrons-nous en

faire la statistique et voir s'il y a quelque con-

clusion à en tirer au point de vue de l'étiologie de

l'idiotie. La même recherche a été faite au sujet de

la multiplicité cles naissances.

III. La grossesse n'a été accidentée que par des

contrariétés banales qui ne paraissent pas avoir eu

de conséquences. La naissance a eu lieu un mois

avant terme, ce qui n'est pas rare dans les cas de

grossesses douilles. C'est là, aussi, une circonstance

l'accouchement avant terme que nous avons

toujours soin de mentionner dans toutes nos observa-

tions.

IV. Jusqu'à 18 mois l'enfant ne semble pas avoir

différé sensiblement des autres enfants. Alors survint

une brûlure grave et étendue du côté gauche de la

tête et de la face, qui a suppuré très longtemps et

aurait entravé à la fois le développement physique et

le développement intellectuel. C'est à cet accident que

la mère attribue l'état mental de son fils et qui

peut se résumer ainsi : faiblesse do l'intelligence,

bizarrerie du caractère, accès de colère, instabilité

mentale, idées mystiques. Cet ensemble symptoma-

tique a persisté, avec prédominance des idées mysti-

ques qui, durant une certaine période, ont même

revêtu l'allure d'un véritable délire.

V. La fièvre typhoïde a eu d'abord une marche

bénigne qui faisait espérer une issue favorahle. Une

rechute inopinée, compliquée d'hémorrhagie intes-

tinale, a occasionné un affaiblissement progressa

88 FIÈVRE typhoïde,; RECHUTE.

qui s'est terminé par la mort au bout de cinq semai-

nes. Le tracé thermométrique (Fig. 2) est très-inté-

ressant car il indique avec netteté la marche de la

température au début de la fièvre typhoïde, durant

la période d'état, à la période de défervescence, inter-

rompue par une élévation due à la production d'un

abcès, enfin une élévation continue, correspondant à

la rechute avec un abaissement momentané consécutif

à l'hémorrhagie intestinale Cet abaissement ther-

mique paraît être la règle, en semblable occurrence.

Nous en avons relaté un certain nombre de cas per-

sonnels ou empruntés aux auteurs dans un mémoire

spécial (1).

VI. Contrairement à ce qu'on aurait pu supposer,

en raison de l'intensité et de l'étendue de la brûlure,

de la chronicité de la suppuration, l'autopsie n'a décelé

aucune lésion des méninges.

(1) Bourneville. Noies et observations cliniques et thermométriques sur

la fièvre typhoïde. Paris 18Í, p. h-G2. Ce travail renferme 10 tracés ther-

mométriques.

IX.

Épilepsie. - Atrophie cérébrale localisée. - État de

mal. - Influence des injections de Brown-Séquard;

Par BOURXEVILLE et SOLLIER.

SoMMAinE. Rien du côté du père. Mère, nerveuse.

Grand-père maternel, alcoolique. - G1'and'mère mate1'-

nelle, hémiplégique droite avec aphasie. Arrière-grand-

père paternel, mort paralysé. - Cousine maternelle, cho-

7'éiqtte. - Frère, convulsions de l'enfance.

Emotion violente de la mère au sixième mois de la grossesse.

- Premier vertige à huit ans. - Premier accès à onze ans.

- Accès sériels. - Diiiiiiiutio711 de l'intelligence. - Aug-

mentation des accès sous l'influence des injections de

Brown-Séquard. - État de mal. Mort.

AUTOPSIE. - Atrophie cérébrale localisée.

Le nommé Dec..., né à Paris le 22 mai 1878, est entré à

Bicètre (service de M. le Dr BOURNEVILLE,), le 29 mai 1892, où

il est décédé le 8 mai 1894.

Renseignements fournis par la mère. - Père, 50 ans,

doreur sur métaux (1), fort, de taille ordinaire, sobre. Pas de

convulsions dans l'enfance. Fièvre typhoïde à 18 ans. Marié

à 29 ans. Caractère emporté. Pas de maladie de peau, pas de

migraines; quelquefois douleurs dans les membres. Exem-

pté du service militaire par son numéro.- [Père, 75 ans, tail-

leur, sobre ; pas de maladies nerveuses. Bien portant, pas de

paralysie. - Mè1'e. 75 ans, couturière ; bien portante ; pas de

maladies nerveuses. - Grand-père paternel, tailleur, tué par

accident.- Grand-père maternel, aubergiste, très sobre ce-

(1) Nous notons toujours la profession des père et mère de nos malades

afin de pouvoir, un jour, vérifier l'action îles professions réputées insalubres

sur le produit de la conception.

90 Antécédents héréditaires.

pendant, dit-on. Grand'mères paternelle et maternelle, pas

de renseignements. Deux oncles paternels, dont l'un a été

tué en Crimée, et l'autre est tailleur, sobre, sans maladies

nerveuses.- Tante paternelle, bien portante. - Ni oncles ni

tantes maternels.- Une soeur, 3 ans, en bonne santé ; pas

de troubles nerveux, ainsi que sa fille, âgée de 9 ans.- Dans

le reste de la famille, ni idiots, ni épileptiques, ni aliénés, ni

paralytiques, sourds-muets, etc.] -1

Mère, 'il ans, sans profession ; pas de convulsions ni de

maladies dans l'enf ? ce. A 22 ans, écoulements nerueux qui

passaient avec des inhalations d'éther ; jamais de crises de

nerfs. Toujours un peu anémique. Coliques néphrétiques il

y a 2 ans. Maux de tête passagers. Caractère très doux mais

impressionnable. - [Père, mort il 77 ans de pneumonie, ne

faisait pas d'excès de boissons, mais buvait habituellement

« comme tout le monde n.- Mère, morte à G5 ans d'hémiplé-

gie droite avec aphasie. Toujours maladive. Érysipôles à re-

chutes. A partir de la ménopause elle ne fut plus jamais

malade.- Grand-père patcrnel, mort paralysé après une lon-

gue captivité en Espagne, très fort. - Grand'mère paternelle,

morte à 99 ans, jamais malade. - Grand-père maternel, ordi-

nairement bien portant, mort à 64 ans d'une pneumonie.-

Grand'mère maternelle , morte on ne ne sait de quoi a la suite

d'une violente émotion. - Oncle paterne ! , mort à 57 ans pro-

bablement d'une affection pulmonaire. - Deux tantes pater-

nelles, une morte de pneumonie à 57 ans, l'autre vivante, 55

ans, n'est jamais malade. Trois tantes maternelles, de 70,

59 et 57 ans, toutes trois fortes et bien portantes. - Frère, 45

ans, en bonne santé, sobre, marié, a quatre enfants : un est

mort à 11 ans de péritonite tuberculeuse; le deuxième, 19 ans,

'et le troisième, 17 ans, n'ont rien de particulier ainsi que le

plus jeune. Aucun n'a eu de convulsions. - Dans le reste de

lafamille, une cousizze maternelle a eu la chorée. A part cela,

ni idiots, fous, épileptiques, etc.]

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de 9 ans (père

plus âgé).

Deux enfanta : le garçon, 21 ans, employé chez son père,

a eu des convulsions dans l'enfance au retour de nourrice.

Depuis lors pas d'autres affections nerveuses; il est intelli-

gent.

2° Notre malade. - Grossesse bonne; toutefois, notons une

violente émotion vers le sixième mois, à la suite de contra-

' Antécédents. 91

riétés de famille, sans perte de connaissance, ni accident uté-

rin. Ni coups, ni chutes, ci envies. Pas d'alcoolisme, pas d'é-

clampsie. - Accouchement à terme, très difficile, mais sans

fers, ni chloroforme.- Pas de circulaires, mais asphyxie à la

naissance : il a fallu flageller le nouveau-né pendant une

demi-heure. Nourri au biberon jusqu'à 2 ans.

Première dent on ne sait à quel âge. Parole à 2 an : a. Marche

à un an. Il n'aurait jamais eu de convulsions, et n'aurait pas

fait de maladies jusqu'à 5 ans 4 ? A cet il a eu le croup et a

été opéré. Il a rapide ment guéri. Ni rougeole, ni scarlatine, ni va-

ricelle, ni variole, ni fièvre typhoïde. Coqueluche à un an, en

nourrice, très modérée. Gourme et otorrhée. Il n'avait jamais

eu d'étourdissements ni de vertiges, lorsqu'à t'age de 8 ans,

un matin pendant qu'on le débarbouillait il se serra fortement

contre sa mère. Il fut vu par un médecin qui lui donna dubro-

murc. Pendant deux ans ces sortes de crises se manifestèrent

au moins une fois par jour. Il sentait que celaallait le prendre,

courait s'accrocher à une table et restait les ]/eux fixes et les

bras raides quelques seconde*, c'était tout. Il est tombé pour

la première fois à l'âge de M ans. Pas d'écume, pas de bave,

pas de morsure de la langue. Il avait les poings fermés. Secous-

ses des bras et des jambes. Cela se reproduisait 12 à Il fois

par jour et tous les jours depuis dix-huit mois. Dans l'inter-

valle, il est resté neuf mois au collège sans rien avoir.

Auparavant et jusqu'à l'âge de 9 ans il était fort avancé,

très intelligent. A la suite, au contraire, il ne voulait plus

travailler. Après chaque crise, surtout depuis un an, il est

devenu voleur et méchant. Il fallait deux personnes pour le

tenir. Il voulait mettre le feu chez lui, et agonisait ses parents

de sottises.

On ne s'est jamais aperçu d'onanisme. Il a toujours bavé

beaucoup et mangeait très salement depuis sa maladie. Il ne

gâtait pas, mais à chaque crise il urinait sous lui. Il avait des

hallucinations, voyait des voleurs, des personnes étrangè-

res autour de lui. Il aimait beaucoup ses parents. A l'âge

de 10 ans une voiture lui a passé sur le pied, mais comme

il avait des galoches il n'a rien eu de touché et n'a eu que

très peur.

État actuel cl février 1893). - L'enfant est pâle, mais a la

figure pleine et est assez fort. - La physionomie est triste

et il a l'air peu intelligent. Cheveux blonds et fournis.

Crâne rond, bosses frontales accusées, la droite un peu

plus saillante que la gauche. A gauche la bosse occipitale

est volumineuse, Front assez large, mais bas. - Visage rond;

92 DESCRIPTION DU malade.

arcades sourcilières peu prononcées ; sourcils peu accusés et

très peu abondants, très pâles. - Paupière supérieure bouffie,

l'inférieure est séparée de la joue par un léger sillon. Cils

très blonds et peu abondants. Yeux bleus, peu mobiles;

légèrement saillants ; pas de nystagmus, ni de strabisme.

Pupilles égales, réagissant bien. Nez droit, symétrique. Bou-

che toujours entrouverte ; lèvres volumineuses. Langue,

longue, étalée. Amygdales très volumineuses ; pas de tumeurs

adénoïdes. Menton arrondi ; fossette centrale. - Oreilles,

assez grandes, bien ourlées; lobule non adhérent.

Corps thyroïde, perceptible. - Thorax normal, peu musclé.

- Colonne vertébrale non déviée. Bras normaux, mains lon-

gues ; doigts-volumineux. - Membres inférieurs, normaux ;

Peau blanche. Cicatrice de la trachéotomie. Viscères nor-

maux. - Rate volumineuse.

La parole est lente. L'état intellectuel est affaibli, l'enfant

arrive avec effort à donner la date du jour et de sa naissance. Il

est violent, bat ses camarades, et cela en dehors de ses

accès. Pas de tremblement de la langue. Il bave beaucoup

après ses accès.

Voici le nombre total de ses accès en 1802, 1893 et 1894.

De mai à fin décembre 1892 : 293 accès et 10 vertiges. En 1893

211 accès. - Les quatre premiers mois de 1894, 49 accès et

un vertige.

L'enfant est un de ceux sur lesquels on a essayé l'action

thérapeutique des injections de suc testiculairc. Ce traite-

ment, commencé le 13 février 1893, a été appliqué de la façon

suivante : du 13 au 16 on a fait une injection quotidienne avec

la solution faible ; - du 16 au 19 deux injections ; du 19 au 28,

une injection avec la solution forte; du 1er mars au 26 mars

trois injections avec la solution forte. Sous cette influence il y

a eu augmentation des accès qui ont été trois fois plus fré-

quents. Le physique ne s'en est pas ressenti. L'intelligence

n'a pas augmenté quoique l'enfant semble plus éveillé. Il

bave moins mais cela d'une façon intermittente.

Le 2 juin l'enfant a eu 15 accès. - La température a pré-

senté la marche suivante :

Etat DE MAL épileptique. 93

l'enfant est tombé en déchéance. Néanmoins le 25 juin il peut

retourner à l'école.

Puberté (Juillet 1893). - Corps glabre. Verge : longueur

5 cent.; circonférence : 5 cent. 1/2. - Testicules égaux, de la

grosseur d'un oeuf de merle. Gland découvrable, méat el

anus normaux.

Mensurations de la tête.

94 Autopsie.

3 mais 2 accès dans la journée. Matin : 37",4. - Soir :

à 80,6. - Purgatif. 2 accès dans la nuit.

4 mai. - 5 accès dans la journée, 2 dans la nuit. Matin :

T. R. 38°,4. -Soir : T. R. 37°,6.

5 mari. - 2 accès dans la journée. Matin : T. R. 37°, 6. -

Soir : T. R. 38°, 2.

6 mais 1 vertige. Matin : T. R. 39°, 4. - Soir : T. 40°.

7 mai. - Pas d'accès. Matin. T. IL 40°, 2. - Soir : T. R. 40°, 1.

8 mat. - Matin : T. R. 39°,4. L'enfant meurt dans la journée.

La température après la mort a présenté la marche suivante.

- Après la mort : 39°; - 9 /4 d'heure après : 38°, 5 ; - une heure

après : 38° ; - deux heures après : 37° ; - trois heures après ;

36° ; - 6 h. : 35° ; - 9 h. : 30° ; - 12 h. : 20°. (Température de

lachambre 15°). -15 h. après : 18°. (Température de la cham-

bre 13°).

AUTOPSIE. - Nous n'avons pu examiner que la tête. Cuir

chevelu assez épais. Calotte épaisse, asymétrique, beaucoup

plus développée à droite qu'à gauche; plagiocéphalie : bosse

frontale droite et bosse occipitale gauche saillantes. - Su-

tures fermées, sans synostose. Elles sont toutes très sinueu-

ses à larges dentelures et en grande partie transparentes. Le

crâne est dur et peu épais (1). Notons une dépression très

prononcée des pariétaux de chaque côté de la suture inter-

pariétale immédiatement au-dessus de la suture coronale.

Cette dépression a une longueur de 4 il 5 centimètres sur 2

de long.

Base du crâne également asymétrique. Obliquité de gau-

che à droite du trou occipital (2). Crête frontale très saillante.

Fosse sphénoïdale gauche plus profonde que la droite.

Glande pituitaire du volume d'un petit haricot, d'aspect

normal. En regardant le cerveau par la base, l'hémisphère

gauche semble moins gros et moins long. - Les nerfs, les

pédoncules de la base sont égaux et symétriques.

Hémisphère cérébral gauche. (530 grammes.) - Au niveau

de la scissure de Sylvius, au pied de la Il il existe une po-

il) Bien que, au moment de la mise en page la mort remonte 1 20 mois la

partie centrale des pariétaux et la partie moyenne du frontal sont demeurées

grasses malgré le dégorgement : c'est une particularité que nous avons déjà

signalée en ce qui concerne les crânes des épileptiques.

(2) Nous mentionnons l'état du trou occipital dans toutes nos autopsies d'épi-

leptiques parce que quelques auteurs ont essayé de rattacher l'épilepsie à, un

rétrécissement de cet orifice.

PSEUDO-KYSTE DU cerveau. 95

che kystique remplie d'un liquide fibrineux, de forme ovale, à

grand axe parallèb à la scissure, et mesurant 4 cent. de long

sur 3 cent. de large. Les circonuolutions qui en forment le

fond sont atrophiées et présentent un aspect vermicelle. Cette

atrophie porte sur le tiers inférieur des circonvolutions ascen-

dantes. Celles-ci, normales dans leurs deux tiers supérieurs,

s'amincissent tout-à-coup au niveau du sillon qui sépare la

première de la seconde frontale. La FA présente un aspect

vermicelle également et les plis de passage qui la réunissent

à F2 ainsi qu'une partie du pied de F2 présentent la même

atrophie. Le repli qui réunit FA à PA est réduit à une simple

lamelle transparente. La PA n'est atrophiée que dans son tiers

inférieur, mais n'est pas vermicellée. Par suite de cette atro-

phie, les circonvolutions de l'insula sont complètement à

découvert. (Fig 3).

Les méninges s'enlèvent facilement sur le reste de l'hémis-

phère, et ne présentent pas d'adhérences. Les autres circonvo-

lutions n'offrent pas trace d'atrophie^ -

5

( ( FA 'PA

F1

^ )l ; ))il l'fi

/u .t>' 'LPI \Lpi \

lez

- r "S-1

1 i ? 3. - I ? li'2, F : i, première, seconde et troisième circonvolutions fron-

tales. - SS, scissure de Sylcuis. - SR, sillon de Rolando, - FA, frontale

ascendante, - PA, pariétale ascendant, - L1'I, lobe pariétal inférieur.

96 Impressions maternelles.

Hémisphère droit. (585 gr., c'est-à-dire 55 gr. de plus que

le gauche.) - Rien de particulier.

Les ventricules latéraux, les noyaux gris des deux côtés

n'ont aucune lésion macroscopique.

État de mal; température. 97

Les véritables accès ont paru à cette époque et, sauf

une rémission de neuf mois, ils se sont montrés très

fréquents. L'intelligence qui, assure-t-on, était déve-

loppée, s'est affaiblie progressivement, l'enfant est

devenu violent, grossier et a offert des périodes d'ex-

citation avec hallucinations. Durant son séjour dans le

service, les accès ont persisté, très nombreux, et n'ont

pas-été influencés par les divers traitements employés,

notamment par les injections sous-cutanées de suc

tcsticulaire (1). Enfin, il a succombé à un état de ntal.

V. Nous trouvons ici la confirmation de ce que nous

avons écrit sur la température centrale pendant les

séries d'accès (élévation modérée) et pendant l'état de

mal (élévation rapide et considérable).

VI. Au point de vue anatomo-pathologique, ce cas

est à rapprocher de ceux qui se trouvent disséminés

dans les volumes précédents du Compte-rendu de

Bicêtre et de celui qui figure dans le présent volume

(p. 60).

(1) Voir l3nnrneeille et Cornet. - Compte-rendu de 1893, t. XIV, p. 109.-

Des 28 épileptiques qui ont été soumis aux injections hypodermiques de suc

testiculaire en 1893, dix sont morts à l'heure actuelle : 13asn..., Bouter...

Deco..., Fara..., Gassin..., Guibl..., Lalleni..., Morti..., Tliom... (B). \Vil..

C'est lit une mort : Ul.é proportionnellem' nt plus grande qu'on ne l'observe

d'habitude Nous croyons que, durant le même temps, sur 28 autres épilep-

tiques pris au hazard il n'y a pas eu autant de décès.

Bourneville, Bicêtre, 1895. 7

Sclérose cérébrale hypertrophique ou tubéreuse,

compliquée de méningite ;

Par BOURNEVILLE.

Les observations de sclérose lt ill)ei-1 t-ol-)hiq tic ou

tubéreuse sont encore en petit nombre. Bien que nous

n'ayons pas l'intention de faire un historique complet

de la question, nous croyons cependant utile de don-

ner quelques indications de nature à aider ceux qui

voudraient faire une monographie de cette maladie.

.C'est en 1880 que nous avons publié dans les Archi-

ves de Neurologie notre première observation (1),

suivie peu après d'une autre, accompagnée d'un exa-

men histologique fait par M. Brissaud (2). Notre troi-

siéme observation a été communiquée à la Société

nnatoll1.i(juc en février 1881 (3). La quatrième a été

également présentée à cette Société en juillet de la

même année (4).

Nous citerons ensuite un cas de Breckner (Ardt.

sur Psychiatrie, XII, 3) et un autre consigné par M.

Jules Simon dans ses conférences Sur la sclérose (5)

{iBouriieviLIcj.Sct'oc.htcrctttic des circonvolutions cérébrales, idiotie

et épilepsie lténeipléyiyne (Enfant Fit ... , Marie), p. 81, avec une ¡jr'¡i1clle : .

- (2) lbid, 1880, p. 397 (Enfant llolll'y...1 avec 2 pl.

(3) Bourneville et Bonnaire. - Idiotie complète ; vertiges et accès épilepti-

ques ; sclérose tubéreuse des circonvolutions cérébrales (BII/i. de Soc.

anal., 1881, p. 180) (Knf. Mor... Ch.).

(4) Bourneville et Bonnuire. Sclérose tubéreuse ou hypertrophique des

circonvolutions cérébrales (Ibit ? 1881, p. 545).

(5) Revue mensuelle des maladies de l'enfance, 1883, p. 55, 1884, p. 1 et 100.

SCLÉROSE CL.RÉ13RALE hypertrophique. 99

cérébrale de l'enfance (1884). S'appuyant sur nos

deux premières observations car il ne semble pas

avoir eu connaissance des deux suivantes et sur cel-

les de MM. Brcckncr et J. Simon, M. II. Richardière

a consacré un chapitre spécial à la Sclérose hypertro-

phique dans sa thèse inaugurale (1).

En 1888, sur notre conseil, M. J. Thibal prit

pour sujet de thèse la sclérose tubéreuse (2), ras-

sembla toutes les observations que nous venons d'é-

numérer et y ajouta une observation inédite, recueillie

par nous en 1879. M. Thibal a essayé de tracer la noso-

graphie de la sclérose hypertrophique, en passant

successivement en revue l'étiologie, l'anatomie patho-

logique, la symptomatologie, le diagnostic, le pro-

nostic, etc. En raison du petit nombre de faits,

alors connus, cet essai est forcément imparfait. C'est

pour aider à le compléter que nous publions l'obser-

vation suivante. .

Sommaire. Père. nombreux excès de boisson, syphili-

. tique, mort de paralysie générale. - Grand'mère pater-

nelle morte aliénée.

Mère, très nerveuse, syphilitique. G)'a ? id')ne ? 'ema(e}' ? teHe

, morte diabétique. - Arrière-grand-père maternel, excès de

boisson. - At·rière-grand' mère maternelle morte d'un

cancer de l'estomac. - Deux oncles maternels morts d'af-

(sections cérébrales. - Soeur, très nerveuse, strabique.

. Pas de consanguinité. - Illégalité d'âge de 8 ans.

, Conception problable durant une poussée syphilitique.

Violences et colères durant la grossesse. - PremIers signes

d'idiotie à 3 mots. - Début de la parole toujours limitée

it quelques mois ic 33 mots. - Début de la marche z. la

même époque. - Premièl'es convulsions à 8 mois ; leur

fréquence ; disparition it 3 a ? is. - Accès de cris diurnes

1 Richardière il - Éludes sur les encéphalites primitives de l'enfance.

I ? ris, (ss ? ),. : 3, s ! et so.

(*2) Thibal (J ). Contribution à l'élude de la sclérose tubéreuse ou hyper-

., trophique du cerceau.

100 Antécédents héréditaires : FOLIE, SYPHILIS.

- et nocturnes. Krouomanie. Tics. - Grincements de

dents. - Balancement. - /lave. - Gâtisme.

. 1892. Rubéole : marche de la température. - Description de

la malade.

1893-1694. même étal de l'enfant ; aucune amélioration.

1895. - Cachexie progressive ; diarrhée ; mort.

AUTOPSIE. - Sclérose hypertrophique ou tubéreuse

méningite chronique; - granulations tuberculeuses du

poumon droit.

Laut.. (P. Léontinc). née à Paris le 17 décembre 1885, est

entrée à la Fondation Vallée, le 21 mai 1892.

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère le 13

juin 189 ? 2). - Père, enfant naturel, 47 ans, marchand de meu-

bles, pas de convulsions de l'enfance, ni de migraines, tem-

pérament très nerveux caractère exalté, a contracté le syphi-

lis avant le mariage (35 ans). Un ou deux mois après, sa femme

a remarqué une éruption à la peau, des maux de gorge,

etc. Il a dû suivre de nouveau un traitement spécifique. Il

. est devenu aliéné en 1890, et il a fal u l'interner au mois de

novembre à l'asile de Villejuif où il est mort le 29 mars 1894.

« Il était syphilitique, nous écrit le Dr Vallon qui l'a eu dans

son service, et il avait fait des excès de toutes sortes, surtout

des excès alcooliques Pendant près de trois ans. il a présenté

de l'excitation maniaque avec prédominance d'idées ambi-

tieuses et, par intervalles, des idées hypochondriaques.

Durant cette période, malgré un examen attentif, on n'a pu

constater d'autres troubles physiques qu'un myosis peu accusé.

Néanmoins, dés le début, me fondant sur le caractère du dé-

lire, je l'ai considéré comme atteint de paralysie générale et

je le montrais à mes internes, comme un de ces cas de para-

lysie générale dans lesquels les symptôme-* psychiques exis-

tent seuls pendant plus ou moins longtemps, les signes phy-

siques n'apparais-ant que plus tard. En effet, à un moment,

il s'est produit de l'hésitation de la parole, puis un véritable

embarras qui s'est accentué de plus en plus. En même temps

ont apparu des troubles oouio-pupillaires et les forces ont

diminué progressivement. Des attaques épilepliformes sont

survenues et il a succombé dans le marasme. L'autopsie a

montré l'existence macroscopique des lésions habituelles et

très prononcées de la par lysie générale. » - [Père, inconnu,

partant aucun renseignement sur sa famille. - Mai-

tresse de musique, intelligente, sobre, morte d'une pleurésie

à l'Aliile clinique (6 janvier 1890) où elle était entrée comme

Antécédents PERSONNELS. toi

atteinte de démence avec idées de persécution (Magnan).

Grand-père maternel, mort très âgé, on ne sait de quoi. -

Pas de détails sur la grand'mère paternelle, ni sur les oncles

et tantes. On ne croit pas qu'il y ait eu parmi eux d'aliénés].

Mère, 39 anus, de meubles, très intelligente, bien

portante; pas do co. nuisions de l'enfance, mais elle était

sujette à des colères violentes dans tesquene- elle se roulait

par terre : elles ont disparu à la suite de « deux fessées »,

dit-elle. Pas de migraines. Son mari lui a donné la syphilis

peu après le mariage : » on m'a fait prendre do- pilules inercu-

riellesetdel'iorluredepotassiunt. »-[Pr : re,foncleurenetüvre,

n'a jamais eu d'accidents professionnels; sobre, caractère

assez emporté, est en bonne santé. - Mère, morte à 52 ans

du diabète, n'a jamais eu d'accidents nerveux. -G ? ,a ? id-pi-7-e

palernel, excès de boisson dans la jeunesse, décédé 8'i ans,

Grand'mère paternelle, morte également il. 84 ans.

Grand-père maternel, mort à 8 : 3 ans, sobre, asthutatique.

Grand'mère maternelle, morte à 62 ans, d'un cancer de l'es-

tomac. Les oncles et tantes des deux côtés, ainsi que leurs

enfants, n'auraient pas eu d'affections nerveuses ou menta-

les. - Trois frères : deux sont morts l'un à 18 mois d'une

affection cérébrale sans convulsions, pense-t-on ; l'autre a eu

une coxalgie et a succombé à une méningite ; le survivant

est d'une constitution délicate; il a une fille de 11 ans. affectée

de coxalgie. - Deux soeurs : une est morte phtlti.iqtte; l'au-

tre, bien portante, n'a pas eu de maladies nerveuses. - Pas

d'idiots, d'épileptiqnes, de suicidés, de débauchées, de crimi-

nels, etc., dans le reste de la famille].

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de 8 ans. - -

1°-G" Six fausses couches en trois ans, la première à 6 mois

de grossesse. 8 mois après le mariage. 'Foules paraissent

devoir être attribuées à la syphilis donnée par le mari à sa;

femmes7" notre ma ! a le ; - Ho une fausse couc/)e ; U" une-

fille, qui s'est tuée en tombant d'une fenêtre ; elle sem-

blait être sous le coup d'une maladie du cerveau, était très

nerveuse, commençait il loucher ; elle était très intelligente,

avait beaucoup de mémoire ; bien que n'étant âgée que de.

4 ans et demi, elle retenait Imites les poésies qu'on laisait

réciter aux grandes élèves et les déclamait. Jamais elle n'a-

vait eu de convulsions (1).

(1) La mère du malade, réglée à il ans et demi, s'était mariée une première

fois à 23 ans et avait eu de son mari, mort de néphrite aiguë, une f3lle morte

d'asphyxie pendant l'accouchement.

102 Antécédents personnels.

-Notre malade. à l'époque delà conception, le père, afrir-

me-t-on, était sous le coup d'une nouvelle manifestation de la

syphilis, entre autres il avait une poussée ganglionnaire ;

il n'avait pas encore de signes d'aliénation. - Grossesse : pas

d'envies, d'alcool, d'oedème, d'idées noires, etc. File vivait

encore, au moins au début de la grossesse, on bonne intelli-

gence avec son mari et n'a su qu'il lui avait donné la syphilis

que quand il a été interné à l'A-ile clinique le 10 novembre

1890, « le 10*' anniversaire dé notre mariage » et ce jour-la elle a

fait une nouvelle fausjecouche de deux mois et demi, qu'ellcat-

tribue aux fatigues et aux chagrins occasionnés par la maladie

de son mari et aux scènes du Ait cours de cette

grossesse son mari était déjà violent, lui donnait des coups

de pieds et de poings de tous les côtés, même sur e ventre.

Ces violences occasionnaient chez elle de fréquentes colères.

- Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme, en deux

heures; présentation de la tète. - il la naissance, pas d'as-

phyxie ; elle était grosse (non pesée), a crié de suite. Elle a

été élevée à la campagne au biberon (lait de vache) jusqu'à

21 mois. Sa mère l'a visitée au troisième mois et s'est aperçue

qu'elle n'était pas « naturelle. » Elle ne regardait pas, ne

souriait pas, avait les yeux fixes, ne semblait pas entendre :

« j'avais peur qu'elle ne fut sourde. » A 5 mois, elle l'a fait

venir à Paris et l'a montrée à quatre médecins qui, contrai.

rement à son opinion, ne lui trouvaient rien d'extraordinaire.

« Pourtant, elle ne manifestait rien, n'était pas attentive, son

regard était vague, sans expression». Le sommeil était calme,

sans cris, depuis la naissance. L'état physique était satisfai-

saint. - Première dent vers un an : dentition complète il

Début de la parole à 33 mois, papa, ni ohé ! et de la

marche à la même époque : elle serait partie tout d'un coup

à la suite d'une application de pointes de feu le long de la

colonne vertébrale ; elle courait très bien, « comme un lapin ».

Premières convulsions à 8 mois : flexion prononcée de la

tête, inclinaison légère du tronc pen lant quelques secondes,

abduction et extension des bras en croix, mains fermées, les

pouces en dedans, puis déflexion et extension de la tète,

adduction des bras. Pas de mouvements cloniques. Léger ster-

tor. L'enfant est revenue vite à elle (2 à 3 minutes). A la suite

de ces convulsions, sa mère l'a fait venir pendant 3 ou 4 jours

durant lesquels elle a pu assister à plusieurs crises. lten-

voyée chez sa nourrice, elle a en des crises tous les 3 ou 4

jours, puis, au bout d'un mois, tous les jours jusqu'à son

retour chez sa mère (21 mois). Elle avait it ce temps, 2 ou 3

accès par jour. Elle fut conduite à M. A. Voisin qui lui près-

DESCRIPTION de la malade. 103.

crivit des frictions mercurielles sous les bras et de l'iodure de

potassium et lui appliqua tous les 5 jours des pointes de feu

le long du rachis. Il l'a soignée jusqu'en 1890.

Vers 3 ans, les accès ont disparu. Ils ont été remplacés

par des cris de feu, avec grincements de dents « qui en

étaient brisées », contracture des mâchoires et rougeur in-

tense de la face, venant par accès le jour et la nuit, de il

heures à 2 heures. Ils étaient moins forts le jour. En même

temps, les bras et les jambes se rapprochaient; il fallait dé-

ployer une grande force pour desserrer celles-ci. Il n'y avait

pas de perte d, la connaissance ni de stertor. - En plus de

ces accès de cris, Lau... se tapotait le front avec la main

droite, ou bien se cognait le front sur la table : « elle souffrait'

de la tête. » - On n'aurait pas noté - en dehors de ces

accès de cris qui ont persisté jusqu'à feutrée à la Fonda-

tion Vallée - d'alternatives de pâleur et de rougeur de la face.

A 3 ans et demi - environ six mois après le début des

accès de cris, sont survenus un balancement antéro-postérieur

du tronc, des contorsions de la bouche, la protraction de la

langue « qu'elle avait très grosse et qu'elle a sucé jusqu'à

son admission. »

Dans la marche, elle ne butait pas, courait, s'arrêtait s'il y

avait un obstacle, mais ce n'est que vers 5 ans qu'elle est

parvenue à monter le trottoir, qu'elle s'amusait ensuite à

monter et descendre sans cesse : « c'était pour elle un véri-

table bonheur. »

En 1890, après la mort de son père, l'enfant, qui avait 6 ans,

a été placée à la campagne où elle a continué à avoir les

mêmes accidents. Deux ans plus tard, étant devenue souf-

frante et la garda n'en voulant plus, sa mère est allée la cher-

cher et l'a conduite à l'hôpital des Enfants-Malades (service

de M. Di3soroixiHe. Trois semaines plus tard elle a été envo-

yée à l'Asile clinique et de là à la Fondation Vallée où elle

est arrivée avec la rubéole.

Pas de paralysie, un côté n'est pas plus fort que l'autre.

Elle est incapable de manger seule, mais elle peut porter le

pain à la bouche. Elle a bavé jusqu'à 3 ans. La mastication

est à peu près nulle; pas de vomissements; garde-robj quo-

tidienne ; jamais de constipation. Elle a toujours été gâteuse.

Pas de vers ; pas d'onanisme.

Avant l'entrée, aucune maladie infectieuse, aucun accident

scrofuleux, aucun traumatisme. Elle a eu des engelures aux

pieds et aux mains.

Les sentiments affectifs sont nuls ; elle ne parait éprouver

aucun plaisir à voir sa mère. - Jamais elle n'a semblé rien

HI4. DESCRIPTION DE la malade.

comprendre. Elle ne joue pas avec les autres enfants, s'a-

muse seule pendant longtemps avec des cailloux, à remuer

des objets qui font du bruit, des clefs, un petit grelot, et alors

elle rit ? 1'as de clastomanie. La mère répète qu'elle grinçait

des dents « pendant des nuits entières. »

1892. 21 mat. Laut .. a dû être immédiatement isolée.

Elle présente depuis ce matin une éruption rubeonque. con-

fluente dans le dos. sur les bras et les m tins, discrète à la.

face ; conjonctivite et rhinite assez faibles Aucun phénomène

anormal du côté des organes respiratoires.

2 ? mat. - L'éruption a pâli sur les bras et le devant du

tronc. Pas de modifications des plaques de la face.

3 juin. L'érythème a complètement disparu sans la moin-

dre complication. La fig. li, relative à la marche de ! ' tempé-

rature, indique que l'on a eu affaire, ici, à une rubéole /1).

État actuel (Juin 1892). - État général médiocre, ce qu'ex-

plique la rubéole dont l'enfant vient d'être atteinte.

Tête. Cheveux blonds, bien implantés. Crâne sensiblement

symétrique. Légère dépression au niveau du siège de la fon-

tanelle antérieure. Bosses frontales et pariétales peu dévelop-

11) Voir : Bourneville et P. Bricon. - De la roséole idiopathique ou rubéole

(avec G tracés thermométriques) (Compte t'endtt de Bicêtre pour 1884, p. 89).

- Fig. 4. - Rubéole.

DESCRIPTION DE la malade.. 105;

pées, l'occipitale saillante. Front assez élevé, peu large.

Face ovale, les arcades sourcilières et les pommelles ne sont

guère proéminentes. Léger prognathisme. IJ'uption érylhé-

mateuse à la base du liez, antérieure à la rubéole ; pointillé

plus rouge sur la face, à la joue gauche en particulier ; peti-

tes saillies offrant l'apparence de nævi. - Fentes palpébra-

les n iturelles ; sourcils et cils blonds, peu fournis, réguliers ;

mouvements normuix des ? /eu\' qui ne sont le siège e

d'aucune lésion. Réactions pupillaires et vision semblant

physiologiques. Nez d oit : narines peu volumineuses.

Bouche grande, le plus souvent béante. Lèvres assez grosses,

l'inférieure prociclente. L'en ant sort constamment à demi la

langue et grogne. Prognathisme très accusé. La première

dentition est complète Les dents sont déviées, les incisives

supérieures sont en rétroversion. Voûte et voile du palais et

amygdales, rien de particulier. - liet7to(i légèrement en galo-

che. Oreilles assez longues, bien ourlées, à lobule détaché,

passablement volumineux. L... parait entcndr. : : le bruit d'une

montre approchée de son oreille attire son attention.

Cou. Circonférence, 24 cent. Rien à noter. - Thorax régu-

lier. L'i percussion et l'auscultation ne décèlent aucune lésion

du coeur et des poumons. Abdomen assez volumineux,

sans altération appréciable du foie, de la rate, etc. - Scoliose

peu prononcée à droite à l'origine des lombes, bien qu'on ne

trouve pas d indice bien net de rachitisme. - Organes gétti-

taux, rien à relever. - Léger érythème de la région anale,

dû au gâtisme. '

Les membres supérieurs sont grêles, peu musclés. Les

mouvements sont gauches et la position des mains bizarre :

elles semblent être le siège d'une légère contracture. Sur

le dos de chaque main, davantage à droite, épaississement

papittomateux de la peau, avec desquamation croùieusc qui

parait due aux morsures continuelles, aux pincements, aux

coups que l'enfant fait subir constamment ce.- régions Les

ongles sont bien implantés et la forma des mains régulière.

Les mimbres inférieurs ont une morphologie normale. Le

gauche est peut-être un peu p'us développé que le droit. -

La marche est dillicile, hésitante.

La peau du tronc est rugueuse; le pannicule adipeux est

très réduit. Quelques petites cicatrices a ta partie supérieure

du clos. Quatre Cicatrices de vaccin sur le bras gauche et trois

à droite. Il n'y a pas d'adénites.

Lau ? pousse continuellement des cris perçants, hurle en

quelque sorte, ce qui rend son voisinage insupportable : -

106 SCLÉROSE hypertrophique ET méningite.

La parole est nulle. Elle parait comprendre quand on l'ap-

pelle, regarde un instant puis cache vite sa figure avec les

mains. Elle ne sait ni s'habiller ou se déshabiller, ni manger

seule. La mastication parait assez bonne ; les selles sont quo-

tictiennes : gâtisme.

18 octobre. - Revaccinée sans succès.

189 2S jan/)ir ? O février. Impétigo du cuir chevelu.

.Illtll·'t. Ecole. Malgré le traitement tonique et les

exercices physiques, nous n'avons obtenu aucune améliora-

tion.

1804. Juillet. - L'état de l'enfant est toujours le même; le

gâtisme persiste. Elle continue à se mordre les mains, à se

frapper le front, à jeter des cris, à se mettre, "ans motifs, dans

de violentes colères, jusqu'à en étouffer, à se balancer d'avant

en arrière quand elle est assise, etc.

1895. Janvier. Elle se déchire constamment le nez, cogne

sans cesse ses mains qui sont couvertes de croûtes épai-ses.

Bien qu'elle ait un appétit très exagéré, sa maigreur est très

prononcée. Elle voudrait toujours être couchée.

Juillet. - La situation s'aggrave de plus en plus. Malgré

la surveillance, et quoiqu'on lui attache les mains, sa figure et

son nez surtout, sont écorchés. L'appétit n'est plus aussi exa-

géré ; on note de la diarrhée. La maigreur augmente. Lors-

qu'elle est le, é ? L... se roule par terre et cherche à se met-

tre au soleil, car, en dépit de la saison, ses extrémités sont

très froides. Les accès de cris persistent le jour et la nuit.

24 juillet. - Etat cachectique de plus en plus prononcé.

Diarrhée continuelle. T. IL ;{7o, 2. Soir. T. R. 37°, 3.

25 juillet. - T. R. 31l, 5. - Soir : 37°, 8. - 26 juillet. L'af-

faissement et l'amaigrissement augmentent. T. R. 37°, 5 et

37°, 9.

27 juillet. - T. 1 ! . 37,, 4 et 37°, 6. - 29 juillet. T. R. 37°, 5

et 37°, 9. - 29 juillet. 'l'. IL 37°, 6 et 37°, 8.

30 juillet. - Malin. T. R. 37°, 8. Mort. - La T. R. a offert la

.marche ci-après z

Autopsie : état DES sutures.. 107 i

Mesures de la tête.

108 . SCLÉROSE hypertrophique ET méningite.

taie ascendante, à l'extrémité de la premier-1 temporale, enfin,

l'une d'elles paraît remplacer le pli. pariétal inférieur. Sur la-

face interne, nous avons il noter une masse f ! c ! ereuse à l'ex-

trémité inférieure de la première circonvolution frontale, et

une autre occupant le coin. (PL I et If).

Hémisphère gauche - sur les deux faces, nous retrou-

vons les mêmes lésions de méningo-encéphalite et des masses'

scléreuses sur les seconde et troisième circonvolutions fron-

tales ; une aulre, très volumineuse, siège sur la moitié infé-

Fin. 5.

- HÉRÉDITÉ : FOLIE, SYPHILIS. 109

rieure de la frontale ascendante; une. autre occupe le pli

courbe ; une autre la partie antérieure du lobe occipital. - z

La face interne de cet hémisphère ne présente aucune

masse seléieuse, mais, en revanche, la méningo-eucéphalile

est à peu près généralisée.

Les masses scléreuses tranchent par leur coloration blan-

châtre sur les circonvolutions voisines ; elles sont très dures,

leur surface est lisse, leur forme très variable et très diffi-

cile à décrire, l'une d'elles à la forme d'une cornemuse, une

autre celle d'un pentagone presque régulieret par conséquent

ayant des bords rectillignes, la plupart ont des contours

plus ou moins arrondis. (PL. III et IV).

Cott.- Quelques traces de thymus; la glande thyroïde n'a

pas été examinée.

Thorax. - On trouve des granulations tuberculeuses au

sommet du poumon droit : le lobe inférieur est très conges-

' tienne. Il en est du même du lobe correspondant du poumon

gauche. Goeui' (G5 gr.), sain ; pas de persistance du trou de

Botal.

Abdomen'. - Foie (425gr.), en dégénérescence graisseuse.

Rate, petite. Rein droit (toge.) ; - rein gauche (38 gr.) ;

décortication facile; commencement de dégénérescence amy-

loide(i).

Réflexions I. - Ici, l'hérédité est très chargée.

Le père était syphilitique et a succombé à la para-

lysie générale. - La (grand'mère paternelle de l'en-

fant est morte aliénée. Tous renseignements nous

font défaut surle grand père paternel et sur sa famille.

La mère, très nerveuse, sans accidents convulsifs, a

contracté la syphilis du fait de son mari. Deux oncles

maternels ont été enlevés par des affections cérébT8.-

les, une arrière-grand' mère par un cancer , une tante

. par la phtisie.

II. A l'époque de la conception, père et mère,

(il L'autopsie a été 'hite le jour de notre départ pour le Congrès de Bordeaux

et présente malheureusement quelques lacunes. C'est ainsi que la paroi des

ventricules latéraux n'a. pas été sérieusement examinée. -

110 MÉNINGITE ET SCLÉROSE HYPERTROPHIQUE.

seml)le-t-il, étaient en puissance de syphilis, les six

fausses couches précédentes en témoignent. La gros-

sesse a été accidentée par des coups, des chagrins, des

colères. Dès le troisième mois, la mère s'est aperçue

que son enfant était anormal et signale elle-même les

premiers signes de l'idiotie, indices d'un arrêt de

développement congénital. La sclérose tubéreuse a-t-

clle été la cause ou la conséquence des convulsions

survenues à 8 mois et qui se sont reproduites avec une

grande fréquence jusqu'à trois ans, nous ne saurions

nous prononcer à cet égard.

Quant aux accidents qui se sont substitués aux con-

vulsions, c'est-à-dire les accès de cris, les cognements

de tête (krouomanic), les grincements de dents, nous

les rattacherons volontiers à la méningo-encéphalile.

III. Il ressort des détails que nous avons donnés, que

l'enfant était atteinte d'idiotie complète. Outre les

symptômes que nous venons de relever, nous rappel-

lerons les suivants : parole nulle, incapacité de s'aider

en quoique ce soit, balancement antéro-postérieur du

tronc, attitude particulière et contracture légère des

mains, marche difficile et hésitante, gâtisme. L'en-

fant a succombé à une cachexie progressive liée à la

ndningo-encéphalite et à une tuberculose limitée du

poumon droit.

IV. Toutes les sutures persistaient, même la suture

métoljiCjue, bien que la malade fut âgée de 10 ans.

(Fig. 5).

V. Les lésions sont de deux espèces, les unes relè-

vent de la méniwgo-eltcéphalile, les autres de la sclé-

rose hypertrophique. Le diagnostic, déjà difficile

quand il s'agit d'une idiotie reconnaissant pour cause

la méningo-cncéphalito seule, à peu près impossible

quand elle est due à la sclérose hypertrophique, est

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 111

à peu près infaisable lorsque, comme dans le cas

actuel, il y a double lésion.

La 7nétito-eicépltalite était très étendue. Elle

intéressait toutes les circonvolutions respectées par la

sclérose hypertrophique. Elle était à peu près géné-

rale sur la face interne des hémisphères où il n'exis-

tait que de rares îlots scléreux. Les Planches I, II,

III et IV donnent une idée très exacte du degré et de

la répartition de la méningo-eneéphalite.

Les îlots de sclérose hypertrophique étaient très

inégalement répartis : 13 sur la face convexe de l'hé-

misphère droit (PL. I, 1, 2, 3... 13), un seul sur la face

interne (PL. II, 1) ; - 7 sur la face convexe de l'hé-

misphère gauche (PI,. III, 1, 2, 3... 7) et deux sur la face

interne (Pr,. IV, 1, 2).

La forme des îlots est très diverse et échappe à

toute description. Leur surface varie entre un centi-

mètre carré et 5 à 6 centimètres carrés. A la coupe,

on sent une résistance due à l'induration très pronon-

cée au niveau de l'écorce, puis moindre à mesure que

l'instrument pénètre en profondeur.

Tous ces ilôts font une légère saillie et tranchent net-

tement par leur couleur blanche sur la couleur grise

des circonvolutions voisines. Ils sont durs au toucher.

A leur niveau, il n'y avait pas de traces de méningite ;

la pie-mère, qui était plutôt mince, s'enlevait sans

difficulté.

VI. Les examens hislolog iques ont montré que, dans

la scie'rose hypertrophique, les éléments nerveux font

absolument défaut dans toutes les parties sclérosées.

Le tissu de chacun des nodules tubéreux consiste

essentiellement en une trame névroglique excessive-

ment dense. Dans ce tissu scléreux, les noyaux ne sont

pas beaucoup plus abondants qu'à l'état normal ; seu-

lement, bon nombre d'entre eux présentent des pro-

longements ramifiés et affectent la forme de cellules

112 Histologie pathologique.

araignées. Tout-à-fait à la surface, la condensation

de la névroglie est poussée à l'extrême, d'où une

dureté presque cartilagineuse de ces foyers d'encépha-

lite. Voilà pour la substance grise. - Dans la subs-

tance blanche, la lésion scléreuse, à part la différen-

ce de densité, présente des caractères identiques. -

La vascularisation de ce tissu morbide est excessive-

ment restreinte (1).

VII. Dans le cas de ce genre, avons-nous dit, on

trouve d'habitude des noyaux scléreux sur la paroi des

ventricules latéraux et de petites tumeurs blanchâtres,

-mamelonnées, dures, légèrement saillantes à la sur-

face des reins. L'autopsie a été faite en notre ahseim e

et l'interne, qui en était chargé, n'a pas fait mention

de l'existence ou non de ces lésions.

(t) Voir pour plus de détails, l'examen l11stologif¡ue, fait par M. BRISSAUD,

et consigné dans les Arcfiiues de Neurologie, t. 1, 1880, p. 40li-'il2.

XI.

Idiotie complète symptomatique ; microcéphalie congé-

nitale ; arrêt de développement des circonvolutions :

double craniestomie ;

PAI\ 110CUNEVILLE, LOMBARD et 1'tLHET.

Sommaire. Père, excès de boisson, caractère sombre, vio-

lent. - Grand'père paternel, excès de boisson. - Oncle

paternel, idiot. Mère, migraineuse. - Grand'mère ma-

ternelle, migraineuse. - Pas de consanguinité. - hzéga-

lité d'âge de 8 ans.

Grossesse accidentée par des chagrins et des violences, des

vomissements et des pertes de connaissance. Frayeurs au

sixième mois. - Accouchement auec le forceps. -Asphy-

xie à la naissance. - Brûlures des phalangettes du pied

droit : cicatrisation au bout de trois mois. - Convulsions s

` durant les neufs premiers mois de la vie. - Athrepsie. -

Premières dents vers six mois, début de la marche à 4 ans :

-' côté gauche plus faible que l'autre. - Gâtisme, accès de

colère. - Première craniectomie en novembre 1892, à

droite : diminution des accès de colère, même état de la

paralysie du côté gauche. Seconde craniectomie en août

1893 : pas de changement notable.

1894. - Description du malade en avril.

- t 895. - Mort de cachexie. : AUTOPSIE. - Description du crâne : cicatrisation des brè-

- ches osseuses dues auxcra ? ttectom.tes; MëntHtte chro-

- nique. - Arrêt de développement des circonvolutions

cérébrales.

'Examen histologique.

' Thonn... (Iaurice), né le 15 août 1888, est entré dans le ser-

vice, le 20 avril 1894.

Antécédents.' - (Renseignements fournis par sa mère, le

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895.. , 8

114 Antécédents héréditaires.

4 mai). - Père, âgé de 45 ans, palefrenier, intelligent, marié

à Lige de 25 ans. il a quitté sa femme depuis 7 à 8 ans. Au

moment de son mariage, il faisait déjà de fréquents excès de

boisson, surtout d'eau-de-vie. Sa passion pour l'alcool n'aurait

fait que croître depuis. Sombre, d'un « caractère ours » en

dehors de ses périodes d'ébriété, il devenait violent, brutal,

et « battait sa femme » quand il était ivre. Séparé d'elle

judiciairement, mais non divorcé, il devait contribuer à

l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; la mère ne l'a jamais

revu. Il n'aurait pas eu de convulsions dans l'enfance. Il

était « très sain », dit la mère, n'a jamais eu de maladies de

peau, ni de signes de syphilis. - [Son père, cultivateur, est

mort à GO ans, des suites d'une suppuration chronique de la

jambe. Rhumatisant, alcoolique renforcé; l'ivresse le rendait,

parait-il, violent et dangereux. Sa mère est bien portante,

sobre. Elle n'ajamais eu d'attaques de nerfs, ni de paralysie.

- Grands-parents, tant du côté du père que de la mère, pas

de renseignements. - Elle ne connaît qu'un oncle paternel

mort, raconte-t-elle, il y a dix-huit mois à la suite d'une grande

frayeur : un incendie s'étant déclaré dans le voisinage, il vou-

lut mettre à l'abri un fût d'eau-de-vie; celui-ci se serait en-

flammé entre ses mains. - Deux frères : l'un, idiot depuis

l'âge de 7 ans, consécutivement à une « fièvre cérébrale »,

est mort à 20 ans, on ne sait de quoi; l'autre est en bonne

santé, sobre, marié, sans enfant. - Une soeur, intelligente,

bien portante, mère de trois enfants, qui n'ont point présenté

d'accidents névropathiques. - Ni aliénés, ni suicidés, ni

sourds-muets de naissance, etc.] .

Mère, âgée de 38 ans, couturière, n'a jamais eu de convul-

sions dans son enfance ; d'un caractère tranquille autrefois,

elle devint nerveuse à la suite d'une contrariété ; cependant

elle n'aurait pas eu de crises. Avant l'Age de 16 ans, elle se plai-

gnait quelquefois de maux de tête. Depuis sa puberté, elle fut

sujette à des migraines accompagnées de vomissements. Elles

survenaient jusqu'à deux fois dans la même semaine, plus fré-

quentes en été qu'en hiver. Elles persistèrent après le mariage

et durant la grossesse ; elles ont un peu diminué dans ces der-

nières années. - Son père, très sobre, sans antécédents ner-

veux ni arthritiques, est mort à 57 ans, d'une pleuro-pneumo-

nie. - Sa mère est très nerveuse, coléreuse et emportée ; elle

a eu des migraines pendant sa jeunesse, mais point de crises.

- Grand-père paternel, pas de détails. - Grand'mère pater-

nelle, morte à 95 ans. - Grand-père et grand'mère maternels

morts d'affections pulmonaires; aucun accident névropathi-

Antécédents personnels. 115

que. - Une ta ? ite maternelle serait morte de tuberculose à 18

ans. Un frère et deux sam1'S morts de fièvre typhoïde ; l'une

d'elles avait cinq enfants qui n'ont rien de particulier. Dans

le reste de la famille, on ne signale ni suicidés, ni aliénés,

etc.]

Pas de consanguinité. - Inégalité d'Age de 8 ans.

Un seul enfant : notre malade.-A la conception (plus de 7

ans après le mariage), le père se livrait de plus en plus à l'i-

vrognerie et à la débauche. Néanmoins, si les rapports n'é-

taient pas rares pendant l'ivresse, la mère ne croit pas que

l'enfant ait été conçu dans ces conditions. Durant sa gros-

sesse, la mère eut à subir de nombreuses contrariétés du fait

des habitudes vicieuses de son mari qui la volait pour aller

boire. Aussi, pendant les premiers mois, était-elle souvent tris-

te, hantée par de vagues idées de suicide. Elle se « trouvait

mal » après chaque repas. Cet état, qui persista pendant les

quatre premiers mois de la grossesse, s'accompagnait de

vomissements et de perte de connaissance. Dix à quinze

minutes avant la perte de connaissance apparaissaient t une dou-

leur rétro-sternale violente et un malaise général. Vers le

second mois, elle eut une grande frayeur; son mari rentrant

ivre la battit; elle cria se mit à trembler, mais ne perdit pas

connaissance. Un mois avant l'accouchement, elle fit une

chute dans la l'ue, eut des petites douleurs comme.pour accou-

cher, mais pas d'hémorrliagie. Vers la fin de la grossesse ap-

parut de l'oedème des jambes et des cuisses ; rien aux mains,

ni aux paupières : on ne peut savoir si les urines furent albu-

mineuscs à ce moment.

L'accouchement se Ht à terme et dura 24 heures. Le for-

ceps fut appliqué par une sage-femme, assez maladroitement,

sur une présentation de la tête, ainsi qu'en témoigne le cer-

tificat du médecin qui attribue aux désordres causés par cette

intervention, les crises 71e7'uewses constatées plus tard chez

l'enfant. - il la naissance, il était en état d'asphyxie. On le

mit dans un bain ; il ne commença à crier qu'au bout d'un

quart d'heure. Pour le réchauffer, une des personnes présen-

tes à l'accouchement l'approcha si près du feu que le pied

droit fut bridé. Les cinq phalangettes seraient tombées et

l'enfant souffrit beaucoup durant huit jours. La brûlure ne

fut guérie qu'au bout de trois mois. Pendant les neufs pre-

miers jours l'enfant fut atteint de convulsions qui se succé-

dèrent sans interruption. Il n'y avait pas d'intervalle entre

deux crises successives. Les yeux étaient convulsés en haut,

les membres raidis et agités de secousses continuelles, sans-

116 DOUBLE craniectomie.

prédominance d'un côté ou de l'autre. « Le forceps, dit la mère,

avait produit deux plaies qui ont laissé deux dépressions sur

la région pariétale droite. » Il se serait formé là durant toute

une année des abcès à répétition. - Pendant le premier mois,

l'enfant qui souffrait et de sa tête et de son pied brûlé aurait

maigri beaucoup. Il prenait difficilement le sein et n'avait pas

la force de têter. C'est à la fin de ce mois que le médecin con-

sulté conseilla l'alimentation exclusive par le bouillon de

veau. Malgré l'apparition de muguet dans la bouche, l'enfant

récupéra assez rapidement des forces. Il fut nourri au bouil-

lon jusque vers l'âge d'un an. La première dent apparut vers

cinq ou six mois. Il ne souffrit pas de sa dentition. Il com-

mença à marcher vers quatre ans, mais il était très faible ;

c'est alors que sa mère s'aperçut que le côté gauche était moins

fort que l'autre. L'enfant n'avait jamais été propre jusqu'à la

première craniectomie (novembre 1892). Le sommeil était

calme, sans cauchemars, ni cris. Assez souvent, il avait des

accès de colère : « c'était de l'énervement ». Pas de krouo-

manie, de grincements de dents, pas de traumatisme d'au-

cune sorte. La parole était limitée aux mots : papa, maman,

qu'il prononçait mal avant l'opération, dit la mère, et sans

application bien nette à la personne désignée. Après l'opé-

ration, il prononça plus distinctement ces deux mots, mais

il appliquait le mot « papa » à tous les hommes qu'il voyait,

Il parvint à dire le mot « non ». On l'habille et il n'aide en

rien à se vêtir. Il commence à se servir de la cuiller ; mais

l'emploi de la cuiller dans l'assiette est beaucoup plus difficile.

Chez lui il s'amuse avec une petite brouette qu'il conduit bien.

Dans ses colères, et avant la première opération, iljetait, bri-

sait, cassait ce qui lui tombait sous la main ; il griffait et mor-

dait.

On ne signale chez lui aucune maladie infectieuse (rou-

geole, scarlatine, etc.), ni d'accidents syphilitiques. Il a eu

de l'eczéma du pavillon ; pas de blépharite, d'otorrhée, ni d'au-

tres accidents scrofuleux. A différentes reprises, il rendit des

ascarides ; il en rend encore de temps en temps.

La première craniectomie fut pratiquée à l'âge de 8 ans

par M. Lannelongue, à l'hôpital Trousseau, au mois de no-

vembre 1892, et nécessita un séjour d'un mois à l'hôpital.

L'os fut trépané sur le côté droit un peu au-dessus de la

région où siégeait la lésion attribuée au forceps. (Fig. 6).

Après cette première opération, l'enfant serait devenu, dit-

on, plus propre, plus calme surtout et paraissait comprendre

mieux ce qu'on lui disait. Depuis sa sortie de l'hôpital jusqu'en

août 1893, la situation resta la même qu'aussitôt après l'opé-

DESCRIPTION DU malade. 117

ration, cependant les accès de colère et d'énervement avaient

diminué. La paralysie gauche ne fut pas sensiblement modi-

fiée par cette craniectomie droite. Toutefois, les accès de

colère et d'énervement auraient diminué de fréquence. Comme

cela n'avait pas réussi tout à fait, dit la mère, j'ai demandé

une nouvelle opération. Cette deuxième craniectomie fut

exécutée par M. Prengrueber a la Maison municipale de Santé,

en août 1893. L'enfant resta 15 jours à l'hôpital.

Il serait devenu propre ia la suite de cette opération : « c'est

venu insensiblement dit la mère. La parole n'a pas subi de

modifications. Pourtant il comprendrait mieux et serait plus

calme. Quand il veut uriner, il fait « han, han » et porte la

main à ses organes génitaux ; pour la défécation il insiste

davantage, tire par la main, montre le vase. Il est devenu

très peureux et a peur qu'on touche à sa tête.

On note que, depuis son entrée dans le service, l'enfant a

cessé d'être calme ; il pousse des cris, se cogne la tète et se

mord les mains.

Etat actuel (21 avril 1894). - Le teint est coloré; adipose

moyenne, aspect de bonne santé; l'expression est hébétée. -

La peau est blanche ; nulle part ni au cou ni aux aines, ni

aux aisselles, on ne sent de ganglions tuméfiés. Vue de face,

la région temporale droite parait un peu déprimée. En pal-

pant la tête, on perçoit de chaque côté une dépression de l'os,

longue à droite et à gauche d'environ 8 centim., plus large à

gauche qu'à droite. A chacune des dépressions correspond

une cicatrice rosée, légèrement saillante, dirigée d'avant en

arrière, d'environ 12 centim. de longueur et presque entière-

ment cachée par les cheveux. Cicatrices et dépressions ré-

sultent des craniectomies. L'os parait reconstitué ; en tous

cas, nulle part on ne perçoit de battements encéphaliques.

Les cheveux sont châtain clair, abondants, bien implantés,

sans épi. Les fontanelles sont fermées. Le front est bas,

étroit, fuyant vers les tempes. La hauteur médiane est de 4

centimètres. Il est continuellement ridé par la contraction

des frontaux et du pyramidal.

Le visage est oval, les arcades sourcilières sont assez sail-

lantes, garnies de sourcils blonds, peu abondants. A la queue

du sourcil droit, cicatrice longue de 3 centimètres. Les paupiè-

res sontnormales ; la fente palpébrale, mesurant 3 centimètres

de largeur, est bordée de cils de longueur moyenne, bien im-

plantés. Pas de blépharite. Les globes oculaires sont mobiles,

sans strabisme, paralysie, ou nystagmus ; les iris sont bleus;

les pupilles, égales, réagissent à la lumière et à l'accommoda-

118 Description du malade.

tion. Il est impossible de savoir si Th... distingue les couleurs.

Le nez est légèrement courbé, le lobule gros, l'aile droite

un peu plus développée et descendant un peu plus bas que

la gauche. Il est difficile de juger de l'état de l'odorat.

- Les pommettes sont proéminentes, symétriques. La bouche

grande, paraissant un peu déviée à droite, est entrouverte.

L'enfant bave et crache continuellement, soit sur ses mains,

soit sur les objets qui l'entourent. - La lèvre supérieure est

régulière. On ne trouve pas de déformation ogivale de la

voûte palatine. Rien d'anormal au voile. Amygdales moyen-

nement développées. Il est tout à fait impossible de se ren-

dre compte de l'état du goût. - Le menton est long, un peu

en avant, symétrique par rapport aux maxillaires supérieurs.

Le cou mesure 27 centimètres de circonférence au niveau

du larynx; le corps thyroïde est petit, mais perceptible.

Le thorax, presque cylindrique, un peu saillant en avant,

au niveau de la partie inférieure du sternum, mesure 61 cen-

timètres et demi de périmètre à la hauteur des mamelons.

L'auscultation du coeur et des poumons est difficile ;t prati-

quer à cause des cris incessants de l'enfant.

Les organes abdominaux paraissent normaux. - La verge

mesure 2 centimètres de longueur et 3 centimètres de cir-

conférence. Le prépuce est long et le gland indécouvrablc,

phimosis. Les testicules sont dans les bourses, le gauche

plus bas que le droit, du volume d'un haricot, le droit plus

petit, du volume d'un pois (' ! ). Rien de particulier à la région

anale. Onanisme fréquent dès que l'enfant ne se sent pas

surveillé.

Les membres supérieurs sont bien développés; les mains

rouges, violacées, les doigts gros, comme cedématiés, conti-

nuellement mouillés de salive. Les mouvements provoqués

sont normaux; mais tandis que le bras droit est sans cesse

agité, soit pour porter la main àla bouche, soit pour se donner

des coups sur la face et sur la tète, le bras gauche est immo-

bile.

Les membres inférieurs paraissent normaux, un peu éma-

ciés. Au pied droit, on note les traces de la brûlure qui a pro-

duit des désordres étendus. Le gros orteil a un ongle très

petit et est plus court que celui du pied gauche.

Les quatre autres orteils n'ont pas d'ongle. On trouve sur

chacun d'eux une cicatrice irrégulière, siégeant sur la face

dorsale, sauf pour le cinquième ou on trouve une cicatrice

sur la face plantaire. En explorant le squelette, on voit que les

2 ? et 3me orteils n'ont que deux phalanges tandis que le '1 Ille

IDIOTIE par arrêt DE développement. ho, z

et le 5me n'en possèdent chacun qu'une seule. L'enfant se ¡

tient debout, marche seul, mais en traînant un peu la jambe .

gauche. - Le réflexe plantaire paraît diminué, le réflexe patel-

laire est exagéré.

La sensibilité générale est intacte dans tous ses modes.

L'enfant paraît tout à fait inintelligent, ne prononce que

le mot maman ou le mot non. Il s'agite et crie sans cesse,

bave et crache sur tout ce qui l'entoure. Il paraît méchant,

coléreux et s'oppose énergiquement à l'examen. Gâtisme.

Traitement : Élixir polybromuré, huile de foie de morue, z

sirop d'iodure de fer et bains.

Mat. - Exercices de prononciation.

Juillet. - Une légère amélioration se manifeste.

Septembre. - Conjonctivite pblycténulaire. - Le traite-

ment hydrothérapique et bromure est continué pendant les

mois suivants.

Mesures de la tête. ;

i ! 0 CRANIECTOMlES : CICATRISATION DES OS.

une surveillance assidue. On ne trouve rien du côté des diffé-

rents organes ou appareils. Le 27, la température s'élève à

38°; l'haleine est très fétide; aucun symptôme net à l'examen

des organes thoraciques ou abdominaux ; cependant la dépres-

sion qui est apparue il y a quelques jours augmente ; l'en-

fant meurt le matin du 28 sans convulsions. - La tempéra-

ture prise après la mort est à 38° 5;-un quart d'heure après à

38° ; - une heure après, 37° 5 ; - deux heures après, 36° ; -

quatre heures après, 34°; - six heures après, 20°. - La

température de la salle est à 20°.

Autopsie faite 25 heures après le décès. - Cou. - Quel-

ques traces de thymus. Corps thyroïde (8 gr.) ; le lobe gauche

est plus développé que le droit.

Thorax. - Poumon droit (175 gr.) ; - poumon gauche

(145 gr.); congestionnés à la base. - Coeur (122 gr.) nor-

mal.

Abdomen. - Foie (495 gr.) ; Rate (45 gr.) ; - Reins (52

gr. chacun) ; - Pancréas (25 gr.), normaux. Pas de calculs

biliaires, etc...

Tête. - Le cuir chevelu, médiocrement épais, présente

des adhérences au niveau des cicatrices opératoires. Le

crâne est petit, dur, difficile à scier ; la coupe de la base parait

symétrique; son épaisseur varie de 2 mm. à 5 mm. La coupe du

pariétal droit répondant à la première craniectomie est pres-

qu e moitié plus épaisse que celle du pariétal gauche. Le trou

occipital n'offre rien de spécial. On voit de nombreuses adhé-

rences allant de la dure-mère à la paroi osseuse crânienne

au pourtour des deux trépanations, surtout à gauche. La

suture coronale est normale ainsi que les sutures pariéto-

occipitales. Il existe, en revanche, une synostose complète

de la suture sagittale ; à peine quelques vestiges sont-ils per-

ce ptibles en arrière. A gauche de la suture et au niveau

de son tiers moyen, on trouve un épaississement de la voûte,

formant une véritable éminence. A droite de la suture, à 6

centimètres du plan .sagittal, il existe une dépression, sorte

d'empreinte, sans saillie correspondante iL la face interne

(forceps ? ). A la face interne du crâne quelques vestiges de la

suture sagittale sont visibles. L'empreinte du sinus longitu-

dinal supérieur n'est bien apparente qu'en arrière.

A droite, brèche produite par la première craniectomie, à 2

centimètres de la ligne sagittale. Elle mesure 5 centimètres

et demi de longueur et 2 centimètres à la partie postérieure

Craniectomies ; sutures. 121

qui est la plus large. La membrane qui ferme la perte de

substance est résistante surtout en arrière, où l'on trouve des

avancées osseuses partant des bords. A la partie moyenne on

voit un isthme osseux très net. La seconde craniectomie a

laissé une vaste perte de substance antéro-postérieure, un peu

oblique en bas et en dehors, longue de 8 centimètres, large

de 3 centimètres et demi. Elle est comblée par une mem-

brane élastique et résistante; sur la partie antérieure de

Fig. 6.

122 IDIOTIE par arrêt DE développement.

laquelle on trouve un ilot osseux de 8 à 10 millimètres de

longueur et de 6 millimètres de largeur. Des jetées osseu-

ses partent des bords de la perforation mais ne se rencon-

trent nulle part. (Fig. 6).

La dure-mère est un peu épaissie; pas de caillots dans les z

sinus. -La de la base et de la convexité un peu'

épaissie, très finement vascularisée, est facile à détacher z

de la substanoe cérébrale; elle offre des taches laiteuses sur les i

deux tiers moyens de la convexité, au voisinage de la grande i

scissure et quelques plaques ecchymotiques sur les plis I

pariétaux et à la pointe des lobes frontaux. - Les diffé-

rentes parties de la base de l'encéphale sont normales et '

symétriques. - La glande pineale, la glande pituitaire, celle-cil ,i

du volume d'un petit haricot, n'offrent rien à signaler. ';

Idiotie par arrêt DE développement.. 123

volumineuse, ainsi que le lobe paracentral et le lobe quadri-

latère dont le tiers inférieur se compose de circonvolutions

grêles. Le coin est bien plus petit que celui du côté droit et

se confond en partie avec le lobe occipital peu développé,

comme le lobe temporal. La circonvolution du corps calleux

est moins volumineuse que celle de droite. La comparaison

entre les deux hémisphères fait voir une grande asymétrie des

circonvolutions.

Les ventricules latéraux, les masses centrales, le bulbe et

la protubérance sont intacts à l'examen macroscopique.

Examen histologique par M. PILLI1;T. - Les pièces ont été

fixées au bichromate de potasse et colorées à l'hématoxyline

avec ou sans décoloration consécutive suivant les cas. Les

résultats ont été sensiblement les mêmes dans les différents

points examinés.

1° Lobe frontal. La couche superficielle, sous pie-mérienne,

a son épaisseur normale, mais elle est fort peu vascularisée.

Les couches sous-jacentes sont tout à fait confondues, par-

courues par des capillaires en lacets au lieu d'être rectilignes.

Ils sont du reste peu abondants. Les noyaux des cellules

névrogliques sont rares ; les cellules pyramidales petites ou

grandes sont bien plus rares ; aucune n'est complètement

développée. Les faisceaux blancs descendants de l'écorce sont

grêles et encore leur volume apparent est-il dû à de la myé-

line inégalement répartie, car les fibres y sont peu abondan-

tes.

2° Lobe pariétal. Une des circonvolutions les plus volumi-

neuses a été prise comme objet d'études. Elle a fourni des

aspects tout à fait semblables à celui qui est relaté plus

haut. Tout au plus, vers le milieu de la hauteur de la subs-

tance grise trouve-t-on des cellules pyramidales d'un certain

volume, correspondant aux grandes cellules pyramidales de

la région, mais beaucoup plus petites qu'à l'état normal.

3" Lobe occipital. Ici l'atrophie est très prononcée. Les dif-

férentes couches delà substance grise, sauf la première, sont

absolument confondues; les cellules pyramidales sont indis-

tinctes dans beaucoup de points ; les faisceaux blancs sont

très atrophiés.

4° Circollvolltlion de l'hippocampe. La rangée des grandes

cellules motrices. est extrêmement clair-semée et la névroglie

124 IDIOTIE par arrêt DE développement.

se montre autour d'elle à l'état fibrillaire lâche, ce qui indique

un certain degré d'oedème cérébral.

En résumé, le non développement des cellules nerveuses

proprement dites, des neurones, est extrêmement accusé dans

les différents points de cet encéphale, sans lésions artérielles,

sans inflammations méningées. On se trouve donc en présence

d'un cas d'idiotie par arrêt de développement.

Réflexions. - I. Nous retrouvons encore l'in-

fluence de l'alcool isme sur laquelle nous avons si sou-

vent appelé l'attention : père et grand'père paternel

ivrognes. Notons en outre l'idiotie chez un oncle pater-

net de l'enfant, la migraine chez sa mère et sa grand'-

mère maternelle.

II. Durant la grossesse, chagrins, idées vagues de

suicide, vomissements suivis de perte de connaissance,

frayeur, etc. Cet ensemble d'accidents a dû retentir

sur la nutrition générale de l'enfant et a peut-être

occasionné l'arrêt de développement du cerveau. A

cette situation déjà fâcheuse sont venus s'ajouter les

difficultés de l'accouchement qui ont nécessité l'ap-

plication du forceps, l'asphyxie prolongée à la nais-

sance, compliquée d'une grave brûlure de l'un des

pieds et enfin des convulsions qui auraient persisté

pendant huit jours « sans interruption ».

III. Les détails consignés dans l'observation font

voir que l'enfant était atteint d'idiotie à un degré pro-

noncé : parole bornée à deux mots même mal appli-

qués, gâtisme, marche tardive, affaiblissement paré-

tique des membres du côté gauche, etc.

IV. L'enfant subit une première craniectomie en

novembre 1892, alors qu'il avait 8 ans. L'opération a

été faite sur le côté droit du crâne. La seconde cra-

niectomie a été pratiquée 10 mois plus tard sur le

côté gauche. L'une et l'autre opération ont parfaite-

IDIOTIE par arrêt DE développement.. 125

ment réussi, mais les résultats consécutifs sous le

rapport du mieux intellectuel ont été à peu près insi-

gnifiants.

V. Le crâne (fig, 6) montre que la brèche de la pre-

mière craniectomie est en grande partie comblée et

que la brèche de la seconde craniectomie est égale-

ment, quoique à un moindre degré, en voie d'ossifica-

tion. La prétendue liberté donnée au cerveau n'a donc

été que très temporaire. L'examen du crâne fait aussi

constater une synostose compte de la suture sagit-

tale. Est-elle antérieure à l'intervention opératoire ou

est-elle due au travail qui s'est effectué dans la bande

osseuse intermédiaire aux deux brèches opératoires et

comprenant cette suture, nous ne saurions nous pro-

noncer, tout en inclinant vers la seconde hypothèse en

nous appuyant sur la persistance des dentelures des

sutures coronale et pariéto-occipitales et aussi sur les

troubles apportés par les deux opérations dans la

nutrition de la bande osseuse intermédiaire. Nous

rappellerons à cette occasion que sur 470 calottes cra-

niennes, rassemblées dans notre Musée de Bicêtre, 6

seulement, y compris le crâne actuel, sont le siège

d'une synostose partielle prématurée.

VI. Au point de vue anatomo-pathologique, l'idio-

tie, dans ce cas, doit être attribuée à un aî-rêt de déve-

loppement des circonvolutions cérébrales.

XII.

Idiotie : monstruosité physique et morale ; - acrocépha-

lie ; - cécité complète ; - surdité incomplète ; - Epi-

lepsie ; - Nanisme relatif ; - obésité ;

Par BOURNEVILLE et .I. X01U.

Sommaire. - Père, accidents scrofuleux de naissance. -

Grand'tante et grand-oncle paternels aliénés. - Mère,

grand-père et grand' mère, morts tuberculeux.- Arrière-

grand-père maternel, excès de boisson. - Grand-oncle

maternel, épileptique. - Pas de consanguinité. Inèga-

. lité d'âge de 2 ans. - Frère : instabilité mentale; perver-

sion des instincts.

Grossesse : impression vive occasionnée par la lecture de récits

relatifs aux monstres. - Aspect monstrueux de la tête et

de la face à la naissance.- Début de la marche à 15 mois,-

de la parole à18mois,-de la propreté à. 2 ans.-Intelligence

et affectivité naturelles jusqu'à 28 mois. - A cet âge, cécité

complète en moins d'un mois. - Simultanément, tacitur-

nité, affaiblissement considérable de l'intelligence. - Cri-

ses migraineuses auec douleurs cervicales de 3 à 10 ans.

- Larmoiement disparu à un an. - Idées de jalousie. -

Amendement progressif de l'aspect monstrueux de la tête

et de la face. - Habileté manuelle extraordinaire. - Clas-

tomanie. - Passion du mal.

1880-1881. - Ecrthyma. - Tentatives multiples de strangu-

lation sur plusieurs enfants.

1882. - Persistance de la manie de destruction. - Klepto-

manie. - Onanisme.

1883-1889. - Même état intellectuel. - Développement de la

puberté.

1890. - Description du malade ; malformations diverses.

- Cyphose cervico-dorsale. - Écholalie. - Tics. - Sur-

dité incomplète. - Syphilis acquise. - Épilepsie. -

Antécédents héréditaires. 127

Marche de la puberté et de la croissance. Exiguïté de la

taille. - Obésité très prononcée. - Traitement thyroï-

dieu : diminution de poids.

Ric... (L.-Ed.), né à Paris le 23 mai 1868, est entré le 23 avril

1880 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Antécédents (Renseignements fournis par la belle-mère de

l'enfant le 6 mai 18SO et complétés par son père en 1893.)

Père, 40 ans, est depuis 1854, contre-maître àla manufacture

des tabacs. Marié en 1867 (de ce mariage est issu notre

malade) ; il se remaria en 1878. Il n'a été atteint même dans

.son enfance d'aucune maladie infectieuse grave, ni d'aucun

accident nerveux. Une calvitie légère, depuis l'âge de 35 ans,

dénote une tendance à l'arthritisme. Pas de dermatose si ce

n'est un sycosis de la barbe traité et guéri à l'hôpital St.-Louis.

Il porte aux mains des cicatrices laissant présumer une résec-

tion ancienne du deuxième métacarpien droit, à la suite d'acci-

dents scrofuleux, mais on ne peut donner de renseignements sé-

rieux à cet égard. 11 ne se laisse aller que fort rarement à des

excès de boisson, fume très modérément. Intelligence normale.

- [Famille du père. Père mort à 55 ans d'une affection pul-

monaire au dépôt de St.-Denis, homme de peine, chargé de

famille, il s'était laissé aller au découragement etalaharesse ;

néanmoins il aurait été sobre et n'aurait pas eu de maladies

nerveuses. - Mère, 73 ans, bien portante pas d'accidents né-

vropathiques. (Nous avons appris depuis qu'elle est morte à 78

ans, d'affaiblissement progressif sans démence.) - Trois frè-

res bien constitués, en bonne santé. Ils ont eu des enfants :

les uns vivent et n'offrent rien d'anormal, les autres sont morts

en bas âge, mais on ne sait de quoi. - Deux soeurs sont mor-

tes à un et deux ans, aucun renseignement précis à leur

sujet. - Rien de particulier sur les grands parents. - Une

tante maternelle, Barbe E...., fut internée comme aliénée à la

Salpêtrière le 7 décembre 1862. Cette femme, alors âgée de 43

ans, fut successivement soignée dans les services de MM.

Baillarger et Moreau, le diagnostic était : Monomanie avec

hallucinations de l'ouïe; elle fut transférée le 13 décembre

18G6 à l'asile de St. Venant (Pas-de-Calais.) - Un oncle mater-

nel, Michel E...., a aussi été atteint d'aliénation mentale.

Pas d'autres antécédents pathologiques ni psychiques inté-

ressants sur la famille du père.]

Mère, morte ia 29 ans en 1871 d'une affection chronique de

128 Antécédents PERSONNELS.

la poitrine après 4 ans de maladie (tuberculose probable).

Intelligente, elle avait successivement exercé les métiers de

femme de chambre et de couturière. Elle n'avait pas eu, croit-

on, de maladie sérieuse autre que sa maladie ultime. Ner-

veuse, émotive, peu expansive, « caractère en dessous » elle

n'avait jamais eu cependant de crises de nerfs ni d'accidents

nerveux véritables. Elle était sobre et avait reçu une certaine

éducation. - [Famille de la mère. Père, cuisinier, serait mort

« de la poitrine 9. Il aurait été sobre mais fort joueur. Il n'au-

rait jamais eu de maladie nerveuse. - Mère, à laquelle ressem-

blait beaucoup, dit-on, sa fille, serait aussi morte poitrinaire.

Elle n'aurait jamais eu d'accidents nerveux. Le grand-

père paternel, géomètre arpenteur il la campagne, y avait une

réputation d'astronome ; il passait pour très intelligent. Il

était très alcoolique ; il est mort assez âgé sans avoir présenté

des troubles mentaux. Ni frères ni soeurs. A signaler en

outre un oncle maternel, instituteur, épileptique, mais qui

tombe fort rarement. Cet oncle est très sobre mais très avare.

Il a un garçon et une fille qui se porteraient bien et n'auraient

pas d'accidents comitiaux. - Rien de plus à noter dans la

famille de la mère].

Pas de consanguinité. (Le père est de Paris et la mère de

l'Oise.) - Inégalité d'Age de deux ans.

De ce mariage sont nés deux enfants : 1° Notre malade ;

- 2° Un garçon, né en 1870. Ayant perdu sa mère durant le

siège, il fut un peu négligé, sa constitution physique s'en

est ressentie et sa santé est assez mauvaise. Malgré cela, il

est régulièrement conformé, est intelligent, a bonne mémoire,

son caractère est doux. Il n'a jamais eu de convulsions, ni

présenté d'accidents nerveux (1).

De son second mariage, le père de R... a eu : 3° un gar-

çon. Cet enfant est actuellement (1880) âgé de 14 mois. Il est

en nourrice, parait bien conformé et bien portant et n'a pas

eu de convulsions (2).

Notre malade . - La mère eut une grossesse assez bonne,

troublée seulement par quelques scènes avec sa belle-mère

qui n'aurait pas voulu qu'elle eut alors des rapports avec son

(1) Il est mort phtisique en 1890.

(2) Cet enfant est entré dans le service en 1803 On a noté tout d'abord un

médiocre développement des sentiments affectifs, puis. à 5 ans, une diminu-

tion de l'intelligence consécutivement a une albuminurie, aggravée par des

pratiques solitaires il partir de 8 ans. Son état peut se résumer ainsi :

arriération intellectuelle, instabilité mentale. Il est maintenant (1895) très

notablement amélioré et pourra bientôt sortir.

Antécédents personnels. 129

mari. Elle lisait alors un livre de vulgarisation de Debay, inti-

tulé : Physiologie du mariage ; la partie qui avait rapport à la

grossesse et aux monstruosités l'aurait impressionnée vive-

ment. - L'accouchement aurait été normal et à terme. - L'enr

fant, àla naissance, paraissait ne pas avoir de front ; son crâne

était latéralement déprimé, les yeux faisaient saillie et « ils

étaient à fleur de tête ». On constatait sur les faces latérales

des dilatations veineuses de la grosseur d'une noix. En un mot,

il était absolnment monstrueux. Il n'était pas aveugle (il ne le

devint qu'en 1870). Il fut élevé au sein par sa mère et ne fut

sevré qu'à 15 mois environ. Le début de la marche fut à 15

mois; celui de la parole à 18 mois. Il fut propre à 2 ans envi-

ron. Il n'a jamais eu de convulsions. Jusqu'à l'âge de 2 ans et

4 mois, R... voyait parfaitement; il paraissait assez intelli-

gent, était affectueux et jouait comme les autres enfants. A

cette époque, il devint aveugle assez brusquement, la cécité

se manifesta d'abord sur un oeil ( ? ) ; puis quinze jours après

l'autre fut frappé. En moins d'un mois, il ne vit absolument

plus. En même temps, il devenait taciturne, son intelligence

baissait au point de devenir idiot en deux ou trois mois. Cette

transformation s'opéra chez lui graduellement, sans plaintes

ni pleurs.

En dehors de ces graves accidents, l'histoire de la santé de

R ? durant son jeune âge, est simple. Il n'eut pas d'accidents

scrofuleux, pas d'affection cutanée, pas de maladie infectieuse.

Il fut vacciné avec succès.

Il avait généralement le cou incliné et paraissait en souf-

frir un peu de temps à autre. Parfois alors survenait en outre

de la cephalagie avec vomissements, par crises de deux jours

de durée environ (migraine probable). Ces crises auraient

disparu depuis 2 ans. Les yeux larmoyaient abondamment,

mais ce larmoiement aurait cessé à la suite d'un traitement

appliqué à l'Asile Clinique.

L'enfant dort bien, sans rêves, ni agitation. - Il mange

avec appétit tout ce qu'on lui donne, est un peu vorace sans

être coprophage. Il va régulièrement à la selle. Il ne sait ni

cracher, ni se moucher. Il se tient mal à table, se sert assez

maladroitement de la cuillère. Pas d'onanisme constaté. Il est

affectueux avec son père et sa belle-mère dont il parait même

jaloux. - Il aimait autrefois beaucoup sa grand'mère pater-

nelle, mais cette affection a disparu depuis qu'elle a rapporté

au père les méfaits dont il se rendait coupable en son absence.

R..., en naissant, comme nous l'avons dit, avait la tête

déformée, au point de passer pour un monstre ; depuis, la con-

formation de l'extrémité céphalique s'est notablement modifiée

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. 9

130 Antécédents PERSONNELS.

et la difformité qui subsiste, bien que, encore considérable,

serait, affirme-t-on, fort atténuée.

L'état intellectuel de Ri... est bizarre, il ne développe de

l'intelligence que pour casser, briser, démonter les objets et

parait en avoir conscience, et cela depuis qu'il est aveugle.

Tout jeune, sa seule distraction consistait à entasser dans le

jardin sable et cailloux. Il ne pouvait fréquenter les autres

enfants, seule la petite fille de la concierge où il habitait jouait

avec lui, le faisait damner. Ses parents l'occupaient à écosser

les pois, à casser le sucre, à scier et fendre le bois, besognes

dont il s'acquittait bien sans jamais se blesser. Le reste du

temps, il courait le long du mur de la chambre qu'il habitait,

allant et venant ainsi durant des heures. Il déployait une

adresse et une imagination étonnantes à exécuter de nombreux

Fig. 7. - R... à 12 ans (1880).

Antécédents PERSONNELS. 131

méfaits. Son grand plaisir consistait à dévisser les serrures.

Une fois il démonta une table en enlevant les vis qui la

fixaient et dont on ignorait la présence ; il défaisait les rou-

lettes du lit de ses parents. Un jour en faisant levier avec une

barre de bois et en superposant des cales, il parvint à soule-

ver un lit très lourd. Il arracha toute l'étoupe qui garnissait

en-dessous le sommier et s'en fut en riant la porter à sa grand'-

mère. Il se rendait si bien compte de la sottise qu'il venait

d'accomplir que, tandis qu'il tendait d'une main l'étoupe arra-

chée au sommier, il se protégeait de l'autre le visage dans

l'attente de la correction méritée. Il avait encore la manie de

déplacer les meubles, et l'on dut fixer au mur une armoire

qu'il prenait plaisir à traîner au milieu de la chambre. Les voi-

sins constataient parfois ses manies, ils le virent monter les

escaliers en dehors des marches en s'accrochant à la rampe ;

la mère d'un autre enfant, placé dans le service, nous a raconté

qu'elle l'avait vu chez sa grand'mère démonter les meubles

et les serrures et que lorsqu'on le laissait seul, on avait soin

de suspendre au plafond les chaises pour l'empêcher de les

briser. Notons encore que R... a toujours eu une excellente

mémoire, qu'il reconnaît tout le monde et se souvient de faits

accomplis depuis plusieurs mois.

1880. - Depuis l'entrée de R... à Bicétre, il a été facile de

vérifier l'exactitude des dires précédents, sur son habileté

manuelle et ses penchants. Il a dévissé à diverses reprises la

charnière d'une armoire, dépaillé des chaises, etc. Une scie

et une baguette en bois lui ayant été données, il a scié, en

tenant la scie entre ses genoux, la baguette en 8 morceaux.

Il sait s'habiller et aide même fort bien à habiller et à désha-

biller les autres petits malades. On n'a pas constaté d'ona-

nisme.

9 août. - Éruption echtymateuse du dos. Traitement : bains

et sirop d'iodure de fer.

1881. 4 janvier. - R... a tenté d'étrangler l'infirmier V...

il y a deux jours, et l'enfant G... ce matin avec une corde

qu'il avait dissimulée. Tous les deux portent au cou un sillon

ecchymotique. Ce n'est pas, d'ailleurs, la première tentative

de ce genre.

30 juin. - Pas de nouveaux essais de strangulation. Il fait

des progrès en gymnastique, est très propre, s'habille, ciré

ses souliers. Les autres enfants en revenant des cabinets

vont se faire reculotter par lui.

132 DESCRIPTION DU malade.

31 juillet. - Tentative nouvelle de strangulation, cette fois

avec les mains sur l'enfant D... qu'on a trouvé suffocant.

1882. 11 janvier. - R... conserve ses manies destructi-

ves; il vole tout ce qui lui tombe sous la main. Un pantalon

trop court, par exemple, lui a été donné, R... disparaît quel-

ques instants et revient avec un pantaton long qu'il a dérobé

on ne sait où. S'il a froid, il déshabille sans scrupules un au-

tre enfant et s'approprie son tricot.

19 juin. - Etat de santé générale satisfaisant. Parfois ona-

nisme.

25 décembre. Mêmes instincts destructeurs. Pour ne pas

assister aux exercices de gymnastique, qu'il exécute du reste

bien, il brise toujours quelque chose, déchire son pantalon,

lacère les souliers d'un camarade, etc. Il raconte ses exploits

avec satisfaction et un rire sardonique tout particulier ; il

semble vouloir en tirer vanité. On a essayé pour le punir de

lui mettre le manchon et même la camisole, il a toujours

trouvé le moyen de les déchirer et de s'en débarrasser. Il

connait maintenant tous les enfants de la petite école. Il n'a

plus fait de nouvelles tentatives de strangulation.

1883. 4 août. - Pas de modifications notables. (Fig. 8).

Examen de la dentition par M. le Dr CRUET. - Mâchoire

supérieure : Douze dents saines mal rangées, mâchoire laté-

ralement déprimée et préominant anguleuse ment sur la ligne

médiane. Mâchoire inférieure : Douze dents saines et bien

rangées sur une mâchoire normale.

Articulation. Prognathisme supérieur peu prononcé. Les

dents inférieures touchent le collet des dents supérieures.-

Voûte palatine étroite et assez profonde. Gencives un peu

rouges au bord. - Dents recouvertes de mucus.

1884. 11 mars. - R... entre à l'infirmerie pour être soigué

de deux petites ulcérations aux talons dùes aux frottements

de ses chausures. -Pansements phéniqués; guérison rapide

(26 mars).

1885-1886. Aucune modification notable dans l'état de

l'enfant.

1887. Juin. - R... en raison de ses aptitudes manuelles

est placé comme apprenti dans l'atelier de rempaillage. Il a

la manie de couper les cordons des chemises des autres

enfants, ou des tabliers dont il peut s'emparer ; de les atta-

cher ensemble et de les placer sur lui, en guise de bretelles

(fig. 9).

DESCRIPTION DU malade. 133

1888. 16 juillet. - Puberté. - Fin duvet sur la lèvre supé-

rieure ; joues, menton, aisselles glabres. Touffes de poils assez

abondantes à la partie inférieure du pénil et à la racine des

bourses. Verge : longueur, 7 cm. ; - circonférence 6 cm.

Gland découvrable, méat normal. - Bourses rétractées. -

Testicules égaux, de la grosseur d'un petit oeuf de pigeon.

- Périnée et région anale garnis de poils assez abondants.

1889. 11 septembre. - Puberté. - Aisselles garnies de quel-

ques poils. Pas de changements notables dans le développe-

ment des organes génitaux et du système pileux, si ce n'est

un léger accroissement de volume des testicules comparés à

un petit oeuf de poule. Légères ulcérations sur les bourses

paraissant dues au frottement de la chemise.

Fig. 8. - R... à 15 ans (octobre 1883).

134

DESCRIPTION DU malade.

1890. 17 février. -État actuel. -État général satisfaisant,

adipose peu prononcée, téguments colorés. Expression géné-

rale stupide, air hébété.

Peau fine, pas de cicatrices. Cheveux châtains foncés, assez

Fig. ;). - R... à 19 ans (août 1887).

abondants et régulièrement implantés, à tourbillon postérieur

médian. Sourcils assez fournis et accentués ne correspondant

que dans leur partie externe à l'arcade sourcilière à laquelle

ils sont sous-jacents dans leur partie interne. Cils rares à gau-

Description DU malade. 135

che, assez nombreux à droite. Système pileux peu abondant

et sous forme de duvet léger à la lèvre supérieure, rare au

niveau des aisselles, abondant au périnée, nul au devant de

la poitrine. - Ganglions légèrement hypertrophiés au niveau

des plis inguinaux.

Tête. - Crâne oxycéphale, indice céphalique ; 1,32. Défor-

mation très prononcée sans asymétrie. Front très fuyant et z

allongé, sans bosses frontales. Du côté droit l'on sent, sous

la peau, des irrégularités de la surface osseuse; une crête est

saillante sur la ligne médiane, son origine ,est à la racine du

nez, aile va ensuite en s'atténuant et se porte légèrement à

droite. A la partie supérieure du front est un ressaut indiquant

la suture fronto-pariétale. Les bosses pariétales n'existent pas.

Il n'y a plus traces de fontanelles. La forme générale du crâne

est celle de la petite extrémité d'un ovoïde antérieurement

aplati. L'analogie complète du crâne de R... avec celui

d'un hébridais de Mallicolo exposé par M. Dedoyart à la sec-

tion d'anthropologie de l'Exposition universelle de 1889, est

très frappante.

Face. Visage allongé dans le sens vertical. L'axe de la face

forme un angle obtus ouvert à droite avec l'axe crânien.

Asymétrie marquée, le côté gauche est notablement moins

développé que le droit. - Arcades sourcillières peu proémi-

nentes, situées à 2 cm. environ d'un plan vertical passant par

le bord inférieur des orbites. Elles sont toutes deux sur le

même plan horizontal. Paupières saillantes à cause de l'ex-

ophtalmie qu'a le malade. La paupière supérieure est très

développée. L'occlusion complète de l'oeil est possible. Latente

palpébrale est dirigée obliquement en bas et en dehors. Du

côté gauche, elle est moins étendue en appparence par le fait

d'une blépharite chronique qui détermine aussi de ce côté un

léger ptosis. .

Yeux. Exophtalmie très prononcée, strabisme divergent.

Nystagmus dans toutes les directions. Conjonctivite légère,

pas de lésions de la cornée. Iris verdâtre. Pupilles égales

réagissant à .la lumière. Cécité absolue.

Nez irrégulier, continuant le plan du front à sa racine et se

déviant manifestement à droite vers sa pointe. Atrésie liné-

aire de la narine gauche qui laisse suinter un liquide muqueux.

L'odorat parait exister, mais le malade ne fournit aucune ex-

plication sur les substances qu'on lui fait sentir. Pommettes

saillantes, mais surtout à gauche. Sillon naso-labial plus

accusé à gauche qu'il droite. Lèvres peu développées, naturel-

lement entr'ouvertes. La lèvre supérieure laisse habituelle-

ment à découvert les incisives. La commissure gauche est t

136 Description du malade.

plus éloignée de la ligne médiane que la droite. La moitié

gauche de la ligne supérieure est plus mobile que la moitié

droite.

La langue a sa mobilité ordinaire, elle est un peu déviée à

droite. Le palais forme une voûte triangulaire dont le raphé

médian est fortement dévié à droite dans sa moitié posté-

rieure. Les amygdales sont déchiquetées et ulcérées. Le goût

parait normal. Réflexe pharyngien peu accentué. - Menton

arrondi et fuyant. La partie gauche de la mandibule descend

plus bas que la droite.

Oreilles. L'oreille droite est moins développée que la gau-

che. Les deux oreilles présentent des déformations mar-

quées. Le lobule est peu développé et adhérent. La racine

de l'hélix fait une saillie transversale dans toute l'éten-

due de la conque. L'hélix n'est ourlée que dans la portion

ascendante du côté gauche. L'anthélix présente une triple

racine dont la 3c branche va se confondre verticalement avec

l'hélix au-devant du tubercule de Darwin qui est assez mar-

qué. A droite la déformation est un peu moins accentuée

qu'à gauche ; l'hélix est légèrement enroulée et l'anthélix ne

présente que deux racines. L'ouïe est très dure ; le malade

n'entend ce qu'on dit que lorsqu'on lui crie dans l'oreille.

Mobilité de la face plus prononcée à gauche qu'à droite. -

Sensibilité égale.

Cou court, ciconférence : ont3 ? . Pas d'adénopathie. Pas

d'hypertrophie du corps thyroïde.

Thorax. Saillie assez prononcée de la région sternale

supérieure. Ma7 ? xe22es assez développées. Légère cyphose cer-

vico-dorsale ; pas de déviation scoliotique de la colonne ver-

tébrale. Coeur, battements réguliers. Aucun signe anormal à

l'auscultation et à la percussion du coeur et des poumons.

Mouvements respiratoires : 25 à la minute; pouls régulier, à

70.

Abdomen un peu proéminent; le foie et la rate paraissent

normaux.

Organes génitaux. Verge : longueur : 65 mm., circonfé-

rence : 78 mm. Gland découvert; testicules de la grosseur

d'un petit oeuf de poule, égaux. Anus normal.

Membres supérieurs. Développement égal, saillies mus-

culaires normales. Examen dynamométrique : D. 30; G. 25.

Aucune malformation des mains, doigts et ongles. - Mem-

bres inférieurs bien développés et normaux tant au point

de vue morphologique qu'au point de vue fonctionnel.

Réflexes et sensibilité cutanée normaux.

Le malade parle dilficilement; les mots sont mal articulés

Description du malade. 137

on a beaucoup de peine à comprendre ce qu'il veut dire. Lors-

qu'on lui pose une question, il répète la phrase entendue en

guise de réponse (écholalie).

27 juillet. - Toujours destructeur, le malade se livre de

plus en plus à des violences vis-à-vis des enfants et des infir-

miers. - Douches froides.

Décembre. R... est mis à la grande école et voici la

note remise à son sujet par son instituteur.

« Sa physionomie est presque toujours souriante. Il fait

parfois des grimaces, se mord l'index de la main droite en

remuant la tête à droite et à gauche, pendant crue la main est

repliée en l'air dans la position qu'il lui donne pour faire signe

à quelqu'un de s'approcher. Lorsqu'on arrive près de lui, il

tâte avec les mains, et tout en parlant compte les boutons

des vêtements. Il est très actif, aime bien à s'occuper, est

adroit et malgré son infirmité sait bien se diriger. C'est ainsi

qu'il va de la classe aux cabinets de la cour sans qu'on le con-

duise. Il marche le corps droit les mains tendues en avant.

Il ne casse, ni ne déchire rien actuellement, aime à se cacher

dans un coin et lorsqu'on le retrouve, il rit bruyamment répé-

tant : « R... s'est caché, » R... mange proprement, n'est

pas glouton et ne bave pas. Il s'habille soigneusement. Il n'est

pas grossier, est doux avec les enfants, leur parle, les caresse

et les chatouille. Pas d'onanisme. En classe, son défaut est

de cracher constamment en faisant bruyamment remonter

les mucosités de sa gorge. Il se balance aussi souvent d'a-

vant en arrière en riant.

Intelligence. - Il comprend ce qu'on lui dit, connaît les

jours de la semaine, sait le nom des diverses parties de son

corps. Il a la notion des nombres, compte des bâtonnets

qu'on lui présente et les doigts de la main allongés, enles pal-

pant. Il compte spontanément jusqu'à 19, s'arrête et continue

jusqu'à 29 si l'on prononce 20, jusqu'à 39 si l'on dit 30. Il se

rend compte de la longueur, de l'épaisseur et de la pesanteur.

Parole. - Il a l'accent nasillard, articule nettement les syl-

labes directes : ba, pa, cha, etc. Il a de la peine à articuler les

sons où se rencontrent deux consonnes fortes : Ex. : crayon.

Il grasseyé un peu mais se fait comprendre, il emploie tou-

jours la troisième personne, en parlant de lui : « R..., dit-

il, a fait ceci ou cela ». Il tutoie tout le monde. Il est un peu

sourd surtout de l'oreille droite. Sa mémoire est bonne. Il sait

ce qu'il a à faire en classe, où est sa place, etc. En classe, il

enlève sa calotte en entrant, la met soigneusement dans sa

poche, pour la remettre en sortant. Il aime à faire des cons-

138 DESCRIPTION DU malade.

tructions avec des pochettes, à compter avec le boulier et

n'est pas désagréable.

Atelier de paillage. - Moins destructeur qu'auparavant ;

s'il apprend à bien placer sa paille il la défait bientôt.

1891. 20 février. - R... présente des ulcérations de la

bouche d'aspect spécifique, il est mis à l'isolement. L'origine

de ces ulcérations, ne peut être décelée. - Traitement ioduré

et mercuriel.

1892. 3 mars. - R... a eu des plaques muqueuses sur les

bourses et dans la bouche. Actuellement il ne présente plus

d'accidents et n'a pas d'adénopathie.

15 juillet. - Puberté. - Duvet léger à la lèvre supérieure.

Le reste du visage est glabre, ainsi que le thorax. Aisselles

garnies de poils assez longs, mais pas très abondants. Pénil

garni de poils abondants, longs et frisés, ne s'étendant pas

vers l'abdomen, mais gagnant un peu la région inguino-cru-

rale. Membres glabres. - Verge, longueur : 8 cm. ; circonfé-

rence : 7 cm. 5. Testicules de la grosseur d'un oeuf de pigeon, le

gauche descend plus bas que le droit. Région anale normale,

garnie de nombreux poils s'étendant au périnée, aux fesses

et au bas des reins où ils sont clair-semés.

1893. 18 Janvier. Puberté : Aucune modification.

3 Mars. - Maintenu longtemps à l'isolement des syphiliti-

ques bien que sans accidents, y rendait de nombreux services ;

mais ses instincts de méchanceté et de destruction se réveil-

lent et on doit l'envoyer à la grande école.

15 juin. - R... devient plus méchant, tourne sa fureur

contre lui-même et s'égratigne le visage. Il se déplait à l'école

où les autres enfants le taquinent et comme sa surdité s'est

accrue, il est leur victime. Son père vient demander son retour

à l'isolement des syphilitiques où il affectionnait particuliè-

rement Mme Chaperon l'infirmière qui prenait soin de lui.

13 juillet. - Depuis son retour à l'isolement, il s'est calmé

et ne s'égratigne plus. Pas de modification de la puberté.

14 décembre. - Le malade à fait une escapade : à 5 h. 1/2

du matin, il a quitté le dortoir, a longé le mur de ronde, arra-

ché un treillage, l'a dressé le long du mur assez élevé, s'en

est servi pour l'escalader et s'est laissé glisser de l'autre côté.

IMPULSIONS, TICS, écholalie, ETC. 139

Il a alorssuivi le mur de l'hospice jusqu'à la porte principale

où le concierge l'a cueilli et reconduit dans le service.

20 décembre. Ce matin R... s'est précipité sur une

infirmière qui lui faisait une observation, l'a saisie par les

mains, égratignée et frappée à coups de pieds sans qu'elle ait pu

se dégager et durant cela il criait : « C'est pas fort les femmes.

R... a pas peur des femmes » ! !

A l'école, il brise tout et cherche à saisir au passage les

enfants pour leur faire du mal. - Cette année (1893), l'un de

nous, dans un travail sur les tics, a décrit les tics coordon-

nés et l'écholalie dont R... est atteint dans les termes sui-

vants.

Description des tics et de l'écholalie. - R... offre

comme tics de simples balancements antéro-postérieurs qu'il

exécute sur une chaise dont il applique le dossier contre un

mur et sur laquelle il s'assied les deux pieds postérieurs du

siège le supportant seul. Il parvient ainsi àse balancer violem-

ment des heures entières. R... parle d'une façon traînante

et est écholalique parfait, surtout avec les personnes qui ne

vivent pas continuellement avec lui. Lorsque les phrases qu'on

lui adresse sont un peu longues, il ne répète que les derniers

mots.

Ex : D. Qu'est-ce que tu as fait ce matin ? R. Ce matin.

- Tu as garni le poële ? - R. Garni le poêle. - D. Veux-tu

du pain, R... ? R. Du pain, R... (1).

1894. Rien à signaler de particulier, si ce n'est le dévelop-

pement progressif de l'adiposité du malade. 4 accès épilep-

tiformes (1 en septembre et 3 en novembre).

1895. H août. -Le poids allant en progressant on applique

à R... le traitement thyroïdien. Chaque jour le malade pren-

dra un lobe de corps thyroïde.

25 août. Aucune modification dans l'état général, dans le

pouls ni la température. Durant cette année le malade parait

être en déchéance. 11 a présenté 5 accès épileptiformes (1 en

février, 1 en avril, 2 en juillet et 1 en août, ce dernier seule-

ment durant le traitement thyroïdien. Ces accès n'ont mal-

heureusement pas été bien observés. Il en avait déjà eu 4 en

1894, un en 1893 et un en 1884. Il est regrettable que ces accès

(1) J. Noir. - Étude sur les tics, 1894).

Tableau des mensurations de la tête.

Tableau du Poids et de la Taille.

142 HÉRÉDITÉ.

n'aient pas été décrits, mais il est à noter que de 1884 à 1893,

ils ne se sont pas produits.

Décembre. - Puberté. Quelques poils courts dessinent une

ligne étroite sur la lèvre supérieure; un groupe de poils rares

à la pointe du menton. Rien aux joues. Poils longs, peu abon-

dants sous les aisselles. Les membres supérieurs, le tronc sont

glabres. Poils noirs, abondants sur tout le pénil, à la racine

des bourses et envahissant les aines. Bourses rétractées,

pigmentées. Testicules égaux, de la grosseur d'un oeuf de pi-

geon. Verge : circonférence, 8 cent. ; longueur, 4 cent. et demi.

Poils assez nombreux à la partie supérieure de la face in-

terne des cuisses. Poils courts, assez rares, à l'anus. Poils

Fig. 10. - Il... il 26 ans (1895),

MONSTRUOSITÉ ; CÉCITÉ. 143

assez abondants dans le sillon inter-fessier, sur ses bords

jusqu'à l'extrémité supérieure du pli inter-fessier. (Fig. 10,

11 et 12).

Réflexions. - L'observation de ce malade pré-

sente un grand intérêt au triple point de vue de ses

états physique et psychique et de l'action thérapeu-

tique' obtenue. - z

I. Les antécédents héréditaires sont suffisants pour

légitimer jusqu'à un certain point les infirmités de

R...-Deux aliénés du côté paternel, un ivrogne et

Fig. 11. - R... a 2G ans (189j).. ..

144 Monstruosité ; cécité.

un épileptique du côté maternel, un demi-frère interné

dans le service pour instabilité mentale et perversion

des instincts. -

II. Les troubles de la grossesse sont d'autant plus

vagues qu'ils ne sont que l'écho de racontars parvenus

aux oreilles de la belle-mère de l'enfant, sa mère étant

morte depuis longtemps ; aussi ne doit-on y ajouter

qu'une confiance secondaire.

III. A la naissance, la monstruosité de la tête est

Fig. 12. - R... à 26 ans (1895).

IDIOTIE ET épilepsie. 145

constatée, mais jusqu'à 28 mois, on ne remarque rien

de trop anormal, l'enfant est arriéré, sans que rien

d'inquiétant ne se révèle. A cette époque survient la

cécité d'origine centrale et, avec elle, tout un cortège de

troubles mentaux. Les déformations physiques s'ac-

centuent, la tête reste toujours monstrueuse ; de la

cyphose cervico-dorsale s'accuse; R.. engraisse et l'obé-

sité s'ensuit; malgré cela, les muscles augmentent et

les organes génitaux se développent normalement à

l'époque de la puberté.

IV. Comme troubles morbides à symptômes soma-

tiques, on n'a noté durant la longue période d'obser-

vation il laquelle il a été soumis (16 ans) que quelques

douleurs de tête mal définies, de rares accès épilepti-

f ormes, de l'ecthymaet des manifestations de syphilis

acquise dont il a été impossible de décéler l'origine.

V. Quel que soit le degré de monstruosité de R...,

au point de vue somatique, il n'atteint guère l'étran-

geté de son état mental. Presque aveugle-né, sans

éducation spéciale, nous voyons cet être dégénéré

acquérir une habileté manuelle remarquable, affiner

les données du sens du toucher au point d'accomplir

des travaux difficiles même pour un enfant de son âge,

intelligent et bien portant ; mais ce qui chez lui est

plus surprenant, c'est qu'il n'emploie son adresse

qu'au mal, et non au mal fait inconsciemment. Quand

il manigance et exécute une sottise, il se rend compte

des conséquences et sait bien qu'une correction l'at-

tend. Très jeune, nous le voyons démonter les som-

miers de sa grand'mère, qu'il va chercher ensuite,

riant aux éclats, lui fait constater le méfait et se garan-

tit le visage avec le bras pour esquiver le soufflet qu'il

prévoit. Plus tard, nous le voyons tentant d'étrangler

ses petits camarades et racontant avec une satisfaction

sans égale : « R... a voulu étrangler le petit garçon ».

Bourneville, Bicêtre, 1895. 10

146 Perversion des INSTINCTS.

Alors la parole prend à la fois un ton malicieux, sar-

castique et satisfait, indéfinissable. Malgré cela, tous

les instincts ne sont pas chez lui absolument mauvais.

Il témoignait à sa belle-mère une afTection poussée

même jusqu'à la jalousie. Il est docile avec l'infirmière

qui s'occupe de lui, et lui rend sans récriminations

et sans méfaits mille petits services. Il est relative-

ment propre et bien tenu. Lorsqu'on le met à l'école

et qu'on le sépare de la brave femme qui l'a soigné

jusque-là, il devient méchant, coléreux et l'on est

obligé de le replacer sous sa surveillance.

R... est donc un imbécile, dégénéré au plus haut t

point ; les stigmates psychiques abondent et outre la

passion du mal qui domine toute son histoire, nous ob-

servons en outre de la kleptomanie, de la clastomanie,

des tics coordonnés et enfin l'écholalie. Remarquons

qu'il est atteint à la fois d'écholalie et de cécité, que

cette coïncidence n'est pas rare, que cette observation

jointe à d'autres a porté l'un de nous (1) à poser l'hy-

pothèse que l'écholalie paraissait influencée par le

manque complet ou partiel de la mémoire visuelle.

VI. R... qui avait eu un accès d'épilepsie en

1884 et n'en avait plus eu depuis cette époque jusqu'en

1893, en a eu 4 en 1894 et 5 en 1895. En raison de sa

cécité, on ne peut invoquer l'influence de la vue de

ses camarades. L'épilepsie, qui est la « bête noire »

des idiots, est due sans doute à une irradiation des

lésions qui existent à la base du cerveau et ont occa-

sionné la cécité.

VII. Enfin, dans cette observation, nous ne saurions

passer sous silence les résultats obtenus sur l'obésité

de R... par l'ingestion de glande thyroïde. Ce trai-

tement néanmoins ne parait pas avoir modifié notable-

ment son état psychique (Voir p. 200).

(1) J. Noir. - Études sur les tics. Une constatation analogue a été faite

dans le même travail sur la coïncidence de l'échokinéttie et de la surdité.

XIII.

Idiotie symptomatique de méningo-encéphalite ; Rein

unique ; Persistance du trou de Botal ; Cryptorchidie

double ;

Pau BOURNEVILLE et T1SSIEU.

SOMMAIRE. Pére ? umeau alcoolique, mort d'une hémopty-

sie foudroyante. - Oncle paternel mort de convulsions. -

Deux oncles paternels, excès de boisson.

Mère, rien de particulier. - Une soeur et un frère morts de

convulsions

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de 4 ans (mère plus

âgée.) J

Première dent à 6 mois ; dentition complète à 15-18 mois. -

Début de la parole et de la propreté à un an ; - de la ma1'-

che à 18 mois. - État de mal convulsif un an ; durée 24

heures. - Aucun accident consécutif. - Émotions vives

à 2 ans et demi suivies d'une perte complète de la parole

et d'accès de colère. - A 6 ans, retour brusque de la pa-

role à la suite d'une violente colère.

A dix ans, traumatisme grave : boïterie, crises céphalalgie

ques ; - troubles de la parole; - gâtisme intermittent, etc.

- Aggravation à la suite d'une nouvelle émotion (12 ans).

Rougeole à 6 mois ( ? ) et à 6 ans. - Otite double à 10 ans et demi.

Mort par congestion pulmonaire.

AUTOPSIE. - Méningo-encéphalite chronique très étendue

rappelant les lésions de la paralysie générale. Conges-

tion pulmonaire. -Malformations multiples. Rein uni-

que. - Cryptorchidie double. - Persistance du trou de

Botal (1).

(I) Cette observation itpin'u, résumée, dans le Bulletin de la Société anato-

nei(ue, ` ? h,j,mvier 18J(;.

148 Antécédents héréditaires.

Champc... (Georges Auguste), né à Paris le 6 août 1879, est

entré à Bicètre le 13 août 1891 (service de M. BOURNEVILLE).

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère).

Père né avec deux autres jumeaux ; pas de convulsions

dans l'enfance, ni d'accidents nerveux; caractère très doux ; al-

coolique, s'enivrait fréquemment avec du vin ; son ivresse était

gaie, jamais violente. Ouvrier électricien, il travaillait au mi-

lieu des vapeurs acides ; il est mort à 42 ans, à la suite d'une

hémoptysie foudroyante en quelques minutes; il toussait un

peu depuis un mois. - [Famille du père. .Père, âgé de 80

ans, vigoureux, caractère doux, aucun excès, aucune tare

nerveuse. - Mère morte à 75 ans d'affection pulmonaire ai-

guë; jamais de troubles nerveux. - Grands-parents, morts

très vieux, nul accident cérébro-spinal. - Deux oncles morts

vieux, alcooliques, sans aucune tare nerveuse. - Deux tan-

tes décédées vieilles, sans accidents névropathiques ; leurs en-

fants sont bien portants. - Trois suceurs en bonne santé ain-

si que leurs enfants ; la troisième était jumelle du père de no-

tre malade. Le troisième enfant jumeau était un garçon mort

à deux ans de convulsions.

Mère, 46 ans, journalière, d'apparence chétive, paraissant

de caractère calme, d'intelligence ordinaire. A part une fiè-

vre typhoïde légère à 16 ans, santé toujours parfaite; pas de

convulsions, pas de migraines, etc. - [F'atnille de la mère.-

Père, 69 ans, journalier, toujours bien portant, de caractère

doux, sobre, sans troubles nerveux. - morte à 00 ans

d'une hernie étranglée ; pas d'accidents névropathiques.

Grands-parents morts très vieux, sans manifestations ner-

veuses. Deux soeurs bien portantes, dont l'une a 12 enfants

parfaitement sains. - Dans le reste de la famille, ni aliénés,

ni paralysés, etc.] - Pas de consanguinité. - La mère a 4

ans de plus que son mari.

Six enfants : '10 Fille morte des suites d'une chute il 5 ans,

n'avait pas eu de convulsions ; - 2° notre malade ; 3" fille

morte à 3 ans de convulsions ; - 4° fille de 8 ans, intelligente,

bien portante ; pas de convulsions ;-5° un garçon mort quel-

ques heures après la naissance; - 60 garçon mort de convul-

sions à 8 mois.

Notre malade. L'enfant n'aurait pas été conçu pendant

l'ivresse du père. - La grossesse n'a été signalée par aucun

accident. - L'accouchement a été de tous points normal;

Antécédents personnels. 149

présentation de la tête ; liquide amniotique en quantité

moyenne, comme a ses autres grossesses. L'enfant est né-

petit, mais en parfait état de santé, sans la moindre asphyxie.

- Nourri au sein par sa mère jusqu'à 20 mois. - Première

dent à 6 mois; dentition complète de 15 à 18 mois. - Début

de la parole à 18 mois, de la marche à un an.

Premières et uniques convulsions à un an ; elles ont com-

mencé vers 10 heures du matin ; la veille et la nuit précédentes,

il n'avait rien offert d'anormal. Rigidité générale, sans prédo-

minance d'un côté; paupières closes; mâchoires contractu-

récs ; pas de secousses ; pas de vomissements. L'enfant

paraissait comme mort. Cet état a duré 24 heures. Sa mère l'a

levé le lendemain ; elle dit qu'il n'était pas abattu, qu'il

n'avait pas un côté plus faible que l'autre ; qu'il a mangé et

joué comme d'habitude, enfin que « les jours suivants, il était

comme auparavant. » On assure que, de ce moment à 2 ans et

demi, « l'enfant n'aurait offert aucune modification du caractère

ni de l'intelligence et qu'il était comme les autres enfants de

son âge. »

A 2 ans et demi, il a éprouvé une émotion vive en voyant

mourir sa sieur ainée. Il couchait clans la même chambre, les

pieds de son lit répondant aux pieds du lit de sa soeur. Il s'est

levé tout debout l'entendant gémir et a assisté à sa fin. L'émo-

tion s'est renouvelée lorsqu'il a vu les « croque-morts » pro-

céder iL l'ensevelissement. Il criait après eux, gesticulait

comme s'il voulait leur dire des sottises : « ça lui avait donné

comme une colère en dedans ». Le jour même, il a pe1'Clu com-

plètement, affirme-t-on, l'usage de la parole. Avant cette

double émotion, il parlait « comme une pie », prononçait tous

les mots; sa parole était plus développée que celle des enfants

de son âge. A partir de la aussi, il est devenu coléreux, mais

à un degré modéré. Néanmoins, il se faisait très bien com-

prendre, par gestes, de ses petits camarades. A 6 ans, son père

lui ayant fait des remontrances parce qu'il avait battu sa soeur,

il s'est mis dans une violente colère, crispant les mains et tout

d'un coup il a prononcé le mot : « me... » et aussitôt, assure-

t-on, il a recouvré entièrement la parole.

De 6 à 10 ans, on n'aurait rien noté de particulier ; il était

intelligent et bien portant. A dix ans, il a été renversé par un

cheval et la voiture lui a passé sur le corps en contusionnant

fortement la cuisse gauche. Il a eu très peur, avait la figure

toute décomposée mais n'a pas perdu connaissance. On l'a

150 Antécédents personnels.

conduit à l'hôpital Lariboisière où il est resté quelques jours.

Après l'accident, boiterie de la jambe gauche, crises céphal-

algiques, revenant 2 ou 3 fois par mois, obligeant sa mère

de le coucher, et accompagnées de congestion de la face et

surtout des oreilles qui devenaient violacées. Elles duraient

d'une heure à une journée. Pas de grincements de dents, pas

de vomissements, pas de roideurs du cou, pas de cogne-

ments de tète. Jusqu'à l'admission, ces crises seraient restées

les mêmes. Parallèlement l'intelligence aurait un peu baissé,

la parole serait devenue moins libre et l'enfant, de temps en

temps, faisait au lit.

A 12 ans, il a été très vivement impressionné on assistant

à l'hémoptysie foudroyante qui tua .son père. Les symptômes

qu'il présentait se sont aggravés; il est devenu « tout drôle »,

la parole lui a manqué progressivement; il gâtait plus souvent ;

à chaque instant, il voulait aller chercher son père et, comme on

s'y opposait, il entrait dans de violentes colères. Aucun autre

accident ne serait venu s'ajouter aux crises céphalatgiques

qui continuaient ; pas de vomissements, etc.

Rougeole à 6 mois ( ? ) et à si ans; - pas d'autres maladies

infectieuses. - Pas de gourmes ; otite double cinq ou six

mois après la chute (10 ans 1/2) ; pas d'ophthalmie, etc. ; ni

vers, ni onanisme.

1891. 4oiei-déceaaaba·e. - Parole lente, très défectueuse ; on

a peine à comprendre ce que l'enfant demande. Voix un peu

gutturale. - La vue, l'odorat, le goût, l'ouïe sont conservés.

- C... se tient assez bien à table, mange assez proprement,

se sert de la cuiller et de la fourchette. L'appétit est naturel,

sans gourmandise ni salacité ; la mastication est bonne ainsi

que la digestion; les selles sont régulières, de temps en temps

involontaires. - Bave fréquente, en dehors des repas. - Le

caractère est doux et affectueux. C.. recherche de préférence

la compagnie des petits enfants avec lesquels il joue et partage

volontiers les friandises que ses parents lui apportent.

Ses connaissances scolaires sont nulles. Il fait des efforts

pour comprendre ce qu'on lui explique et pour exécuter les

exercices de la petite gymnastique (fig. 13).

1892. Janvier. - C.. est parvenu à distinguer les couleurs,

les chiffres, les étoffes, à placer les lettres et les chiffres, à

boutonner et nouer. Il lace plus facilement. La parole est

toujours défectueuse. Il exécute assez bien les exercices de

DESCRIPTION DU malade. 151

gymnastique. Le gâtisme continue mais est intermittent. En

résumé, légère amélioration.

Juin. - L'enfant travaille assez bien, semble plus éveillé.

Il gâte très rarement et, à cet égard, il y a une grande diffé-

rence entre les temps froids et les temps chauds. La parole

est moins défectueuse. Il fait mieux les exercices de gymnas-

tique.

Fig. 13. (Août 1891).

1893. Janvier. - Aggravation. La marche devient de plus

en plus difficile et le gâtisme de plus en plus fréquent.

Décembre. - Co ? ît7*acfure des membres inférieurs qui

rend la marche impossible. La parole se limite progressi-

vement. Le gâtisme est à peu près constant. L'enfant maigrit.

(Voir le tableau du poids.)

152 Description DU malade.

1894. Avril. - Description du malade. - L'état général est

devenu encore plus mauvais. L'enfant pâle, maigre, a l'aspect

cachectique.

Tête. - Cheveux bruns, abondants ; deux épis sur le front,

de chaque côté de la ligne médiane. - Crâne de volume nor-

mal, symétrique, nettement dolichocéphale ; fontanelles fer-

mées. - Front assez développé dans tous ses diamètres pré-

sentant une cicatrice transversale, longue de 3 centimètres,

au niveau de la bosse frontale gauche. - La figure, allongée

et étroite, n'a aucune expression. Arcades sourcilières sail-

lantes ; sourcils bruns, longs, clair-semés. Les fentes palpé-

brales mesurent un peu plus de doux centimètres ; les cils,

longs, sont le siège d'une légère blépharite. La mobilité des

yeux est normale : pas de nystagmus, de strabisme, d'exo-

phtalmie. Iris gris bleu ; pupilles réagissant à la lumière ; l'en-

fant reconnaît le bleu, le jaune et le vert. - Nez droit, long, 1

mince; lobule peu développé ; odorat normal. Pommettes et

jouespeu saillantes, symétriques. - Douche régulière ,longue

de 5 centimètres; lèvres épaisses; voûte palatine profonde;

langue et amygdales peu volumineuses ; pas de malformation

de la cavité buccale, goût normal. - Menton carré, sans pro-

gnathisme. Oreilles assez grandes, écartées de la tête, bien

ourlées ; lobule assez long, non adhérent.

Dentition. - Mâchoire supérieure : 13 dents; la canine

gauche est en voie d'éruption ; les incisives médianes sont.bien

rangées, légèrement écartées, érodées. - Mâchoire infé-

rieure : dents d'assez bonne qualité, bien rangées; la première

petite molaire gauche n'est pas encore sortie.

Articulation temporo-rnaxillai1'e normale ; les incisives

médianes supérieures, par suite de leur petitesse, recouvrent

très peu les inférieures. Gencives en bon état.

Cou : 25 centimètres de circonférence au niveau du larynx.

Corps thyroïde petit, mais perceptible.

Thorax. - Aucune déformation ; circonférence au niveau

des seins : 61 centimètres. La peau du thorax est le siège

d'une desquamation furfuracée. La respiration, normale,

affecte le type diaphragmatique. -- Coeur, rien ; pouls régu-

lier, rapide, 100 pulsations à la minute.

Abdomen régulier ; foie et rate de volume ordinaire.

Escharre de la largeur d'une pièce de un franc au niveau de

l'articulation sacro-iliaque droite.

Sensibilité au contact et à la température normale.

Depuis un an, ainsi qu'on le voit par les notes annuelles, le

maladeest de plus en plus en déchéance; il ne marche plus, ne

DESCRIPTION DU MALADE. 153

parle plus guère, est devenu tout à fait gâteux; ce qu'il avait

d'intelligence a diminué considérablement.

Puberté. Visage et corps absolument glabres ; verge : long.

3 cent ; circonf. 3 cent. et demi ; prépuce recouvrant le gland ;

méat normal ; bourses petites, vides ; les testicules ne peu-

vent même pas être sentis à Panneau. Anus infundibuliforme.

Membres supérieurs très amaigris, immobilisés par une

contracture assez accusée dans la position suivante : les bras

sont appliqués contre le tronc en légère rotation interne ; les

avant-bras sont dans une position intermédiaire à la prona-

tion et à la supination et à demi-fléchis sur les bras ; les

doigts sont à demi-fléchis. La peau des mains est violacée et

froide.

Membres inférieurs très amaigris aussi; les jambes sont for-

tement fléchies sur les cuisses qui sont elles-mêmes fléchies sur

le bassin ; la contracture est telle qu'il est absolument impos-

sible de remettre le membre en extension complète ; les mus-

cles de la partie postérieure de la cuisse sont nettement at-

teints de rétraction de leurs tendons. Le réflexe patellaire est

à peu près aboli ; le réflexe plantaire est diminué. - Les

mouvements volontaires sont très limités, les mouvements

provoqués peu étendus, la station debout tout à fait impos-

sible. - La marche, possible il y a quelques années, n'existe

plus aujourd'hui en raison des contractures. (Fig. 14).

Mensurations de la tête.

154 DESCRIPTION DU malade.

DESCRIPTION DU malade. 155

Soir : T. R. 38°, 8, - Le malade meurt à 11 heures du soir.

La température après la mort a eu la marche suivante :

156 II·.NI\GO-NCÉPHAL1TR.

Autopsie faite 33 heures après le décès. Tète. Cuir che-

velu assez épais, pâle, un peu jaunâtre. - Le crâne est tout-

à-fait ovoïde ; les os sont durs, épais de 5 à 7 millimètres.

Les sutures sont toutes très-apparentes sur les deux faces,

toutes sont également très-sinueuses. La suture métopique

persiste dans toute sa hauteur. La partie de l'occipital, le long-

des dentelures de la suture pariéto-occipitale gauche, forme

un relief assez prononcé pu' rapport il la partie correspon-

dante du pariétal gauche.

Lorsque la calotte crânienne est enlevée, la dure-mère

apparait plissée comme un sac incomplètement rempli. -

L'apophyse crista-galli, volumineuse, mesure 17 millimètres

de hauteur sur5 d'épaisseur. Les fosses de la hase paraissent

symétriques, le trou occipital normal. Les sinus latéraux sont

remplis de caillots en grande partie jaunâtres, le plus volu-

mineux occupe le sinus latéral gaucho : le sinus longitudinal

supérieur est distendu par un caillot occupant les trois quarts

de son étendue. - La pic-mère est partout épaissie et vascu-

larisée, mais un peu plus sur la face convexe oit il existe des

plaques ecchymotiques et blanchâtres prédominant à

droite. Les faces internes des lobes frontaux sont accolées

l'une à l'autre. Môme épaississement au niveau du chiasma.

La glande pitui taire a le volume d'un haricot moyen. z

Les nerfs olfactifs et optiques, les tubercules mamillaires, les

artères et les nerfs de la base sont symétriques. La 11,1

pinéale est relativement petite. - Le C01']'S calleux est mince ;

sa coupe n'a pas plus de 2 à a millimètres d'épaisseur.

Hémisphère droit. La pie-mère est épaissie à peu près

sur toute la. surface convexe de l'hémisphère ; son enlèvement

entraine avec elle une couche plus ou moins profonde de

substance grise sur les circonvolutions suivantes : les trois

frontales (la première frontale est la moins atteinte). la {rrJ11-

tale ascendante toutes les temporales, les plis pariétaux, tout

le lobe occipital. - Sur la face interne de l'hémisphère, les

lésions de méningo-encéphalite occupent le lotie occipital, le

lobe quadrilatère, le lohe temporal, le tiers-antérieur de la

première frontale. - Le ventricule latéral est notablement

dilaté (Pr.. VII).

Hémisphère gauche. - Les lésions de méningo-e11c¡;pha-

lite sont à peu près également étendues. - La est

très épaisse. - Le ventricule latéral est dilaté.

Des deux côtés les noyaux gris centraux et les cornes

d'A 111111 on n'offrent rien à signaler.

IIÉNINGO-NCI'HALITli. , 157

Thorax.- A l'incision des téguments, on constate une infil-

tration graisseuse généralisée très prononcée. Le plastron

sternal présente des adhérences pleurales à son sommet et à

son bord inférieur. - Poumon gauche (225 gr.), normal.-

Poumon droit (375 gr.), adhérences au diaphragme et à la paroi

costale; les scissures interlobaircs sont accolées fortement;

congestion intense dans les trois quarts de la hauteur du

poumon. Pas de tubercules. Péricarde très chargé de grais-

se. Pas de liquide péricardiquc. - Cano' (115 gr.), petit, mou,

Fig. 15.

158 Rein UNIQUE.

de teinte jaunâtre, sans aucune lésion d'endocardite. - Per-

sistance du trou de Botal admettant une plume de corbeau.

Fig. 16.

REIN UNIQUE. 159

Abdomen. - Le péritoine ne contient pas de liquide ; les

épiploons sont très-chargés de graisse. - Les intestins sont

flasques et pâles. - La rate (50 gr.) est molle et son tissu

rougeâtre. - Foie (725 gr.), adhère fortement au diaphragme ;

son tissu est pâle et atteint de dégénérescence graisseuse.

Organes géï21to-2cï·iïvaiï·es.- La masse intestinale étant

écartée, on constate l'absence totale du rein gauche : la fos-

sette rénale est comblée de graisse au milieu de laquelle on

ne trouve aucune trace de tissu rénal. En ce point, au niveau

de la quatrième vertèbre lombaire, la colonne vertébrale for-

me un angle saillant à gauche et en avant. Le rein unique

(fig. 16) est situé à droite de la colonne vertébrale, à la place

du rein normal ; il est entouré d'une épaisse atmosphère grais-

seuse ; sa forme et son orientation sont régulières ; il mesure

13 cent. de longueur, 7 cent. de largeur, 5 cent. d'épaisseur.

Le hile absolument normal donne issue à l'artère ; la veine et

l'artère gardent leurs rapports respectifs habituels. - L'u-

retère unique va s'aboucher dans la vessie à sa place ordi-

naire ; on ne trouve au troisième angle du trigone aucune

trace de l'uretère correspondant. L'appareil rénal gauche

s'est donc complètement atrophié sans laisser de trace. De

même on ne trouve sur l'aorte et la veine cave inférieure

aucun vaisseau destiné au rein absent.

La muqueuse vésicale présente au niveau du trigone trois

petits polypes qui semblent avoir donné lieu à l'hématurie

constatée le matin de la mort. Les testicules, petits et égaux,

sont remontés dans le canal inguinal, au niveau de l'orifice

interne. Pas de hernie congénitale. ,

RÉFLEXMxs.I. L'hérédité n'a pas eu, dans ce cas,

une influence notable. Nous n'avons à consigner que

l'alcoolisme relatif du père et, collatéralement, les

convulsions chez une soeur et un frère du malade.

II. L'enfant parait avoir été tout-à-fait normal jus-

qu'à deux ans et demi, époque où, à la suite de deux

vives émotions qui se sont succédé à bref délai, il a

perdu complètement l'usage de la paole. A 6 ans.

Après une persistance de 3 ans et demi, cette aphasie,

d'un genre particulier, due à une sorte de ? sténo-

mène d'arrêt, aurait cessé consécutivement à une vio-

160 PAllALI ? >1E générale de l'enfance.

lente colère qui aurait excité le centre de la parole.

C'est là un cas à rapprocher des cas d'aphasie hysté-

rique,

III. La mère de C... nous a affirmé à plusieurs

reprises que, malgré l'aphasie, l'intelligence était

entièrement conservée; que, après le retour de la

parole (6 ans), jusqu'à 10 ans, il ne présentait rien

de particulier et ressemblait en tout aux autres en-

fants de son fige. A cette époque survient un accident

de voiture, qui occasionne des crises céphalalgiques

intenses, fréquentes et accompagnées de congestion

de la face et surtout des oreilles. A notre avis, c'est

là le début de la méninyo-encéphalite chronique,

diagnostiquée pendant la vie et vérifiée à l'autopsie.

Parallèlement à la répétition de ces crises, l'intelli-

gence s'affaiblit et la parole devient moins libre. A 12

ans, une nouvelle émotion - la mort presque subite

de son père - aggrave la situation de C... La parole

est de plus en plus compromise, le gâtisme s'accentue,

il survient de l'hébétude et des accès de colère. L'en-

semble de ces symptômes détermine la mère iL récla-

mer le placement de son enfant et le médecin qui donne

le certificat, le Du Charvot, résume ainsi, d'une façon

très exacte, chose rare dans les certificats que nous

recevons, la situation de C... :

« Atteint depuis 2 ans, à la suite d'un accident de voiture,

d'aliee2tiot mentale caractérisée, par de l'idiotisme, avec

aiiiiiésie absolue, locutiotis ditrieiles, -,I-

amnésie absolue, paralysie générale, locutions de iiioiioiiix-

tisme et incontinence double, le tout compliqué de monoma-

nie furieuse ». (29 juillet 1891).

IV. Bien que la situation fut grave, nous avons es-

sayé de remonter l'enfant physiquement et intellectuel-

lement. De l'admission à la fin de 1892, nous avons

obtenu un arrêt dans l'évolution de la méningo-encé-

phalite et l'enfant s'est réellement amélioré. Il est pro-

1 MÉNIN&0-ENCÉPHA.LITE. 161

balle que si, alors, profitant mieux de cette amélio-

ration, quelque légère qu'elle fût, nous avions procédé

à des applications répétées de vésicatoires sur la tête,

suivies d'applications de capelines d'emplâtre de

.Vigo, nous serions arrivés à un autre résultat.

En 1893 survient une aggravation des symptômes

qui n'a fait que s'accentuer progressivement jusqu'à

l'issue fatale ; la marche, de plus en plus difficile,

devient enfin impossible; le gâtisme, de plus en plus

fréquent, devient permanent.

V. La marche de la température après la mort, ici,

confirme les nombreux faits que nous avons publiés.

On voit que progressivement la température du corps

se met en équilibre avec celle du milieu ambiant. Le

thermomètre permet par conséquent, dans notre cli-

mat, de s'assurer de la réalité de la mort.

VI. Le crâne n'offrait aucune trace de synostose.

Toutes les sutures persistent et, bien que l'enfant eût

SEIZE ans, la suture 7)îétol)iqite était visible dans toute

sa longueur, sur les deux faces de la calotte cranienne.

VII. L'autopsie a vérifié le diagnostic porté à l'en-

trée, en faisant constater des lésions très accusées de

méningo-encéphalite, semblables à celles de la para-

lysie générale de l'adulte. Sur un certain nombre de

circonvolutions, l'enlèvement de la pie-mère entraî-

nait toute la substance grise, laissant à nu la subs-

tance blanche, formant des crêtes plus ou moins atro-

phiées et plus ou moins indurées. (PL. VII). Ce cas s'a-

joute à ceux, déjà nombreux, que nous avons consi-

gnés dans les Compte-rendus annuels de notre ser-

vice et qui paraissent avoir échappé à la plupart des

auteurs, qui, dans ces derniers temps, ont parlé de la

paralysie générale de l'enfance ou de l'adolescence.

VIII. Enfin, nous croyons devoir relever les diver-

BOURNLVILLLE, Bicêtre, 1895. il

162 REIN UNIQUE. 1

Fig. 17. - Rein en l'er iL cheval vu de face. - C., capsule ; R. D., rein

droit; R. G., rein gauche ; C. S., capsule surénale ; D., diaphragme ; - V.

C., veine cave; V. R. D., veine rénale droite; V. R. G., veine rénale

gauche; A. R., artère rénale; A. R. S., artère rénale supplémentaire;

A. R. M. S., artère rénale médiane supplémentaire; B., bassinet ; u., ure-

tère ; A. I. P. D., artère iliaque primitive droite; A. I. P. G., artère ilia-

que primitive gauche.

REIN UNIQUE. 163

ses malformations organiques que présentait cet

Fig. 18. - Rein en fer à cheval vu en arrière. R. rein; C. S., capsule

surrénale ; A. R., artère rénale; V. C., veine cave; A. R. S., artère rénale

supplémentaire; U., uretère ; A. I. P. D., artère iliaque primitive droite;

A. I. P. G., artère iliaque primitive gauche ; A. I. E., artère iliaque ex-

terne ; A. I. I., artère iliaque interne.

164 IDIOTIE : malformations congénitales.

enfant : 1° la persistance du trou de Botal, à un degré

prononcé, malformation qui est loin d'être rare chez

les enfants atteints de l'une ou l'autre des formes d'i-

diotie ; - 2° la double cryptorchidie ; l'absence de

l'un des reins (Fig. 16). Il s'agit là d'un vice de con-

formation qui se rencontre assez souvent et dont on

trouvera des exemples assez nombreux dans les

Bulletins de la Société anatomique. M. Jolyen a rap-

porté à la Société, quelques jours auparavant, un cas

tout-à-fait analogue au nôtre (1).

Nous avons, dans le temps, relaté un cas de rein

unique, différent du cas actuel en ce sens que lc rcin

unique était constitué par la soudure des deux reins,

sous forme de fer à cheval, et placé en travers de la

colonne vertébrale. Les Fig. 17 et 18, qui représentent

ce rein et que nous avons cru bon de reproduire,

comparés à la Fig 16, nous paraissent de nature à

intéresser nos lecteurs.

(1) Bul. de la Soc. anal., janvier 1896, p. 9.

TROISIÈME PARTIE

Thérapeutique.

x

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse traités par

l'ingestion thyroïdienne ;

PAR BOURNEVILLE,,

Le lendemain de la communication d'un travail

intitulé : De l'idiotie avec cachexie pachydermique

ou idiotie myxoeclémateuse, que nous avons faite le 14

août 1889 à l'Association française pour l'avancement

des sciences, nous avons reçu de M. le D'' Arnaud

(de St.-Gilles), qui avait assisté à la séance, une lettre

dans laquelle il soumettait à notre appréciation un

mode particulier de traitement, alors tout-à-fait

inconnu et qui, depuis cette époque, a fait un grand

chemin (1).

« M. Brown-Séquard, dit-il, pense, non sans

raison peut-être, que les glandes ou du moins

quelques-unes d'entre elles ont une action encore

inconnue sur la nutrition, par suite de certains prin-

cipes qu'elles verseraient incessamment dans la circu-

lation. N'cn serait-il pas même du corps thyroïde ? Dès

lors on s'expliquerait facilement la cachexie consé-

cutive à l'absence de cette glande.

« En outre, cette théorie pourrait conduire à un

traitement rationnel de la cachexie pachydermique :

le traitement par les injections sous-cutanées (ou

(1) Voir Archives de neurologie, 1890, tome XIX, p. 228, à la fin de notre

mémoire intitulé -, Nouvelle observation d'idiotie m ? /xoed( ! m.iff'se (cachexie

pachydermique). ..

168 Thérapeutique.

même peut-être par l'absorption intestinale) de cer-

tains principes empruntés à la glande thyroïde. »

Différentes circonstances nous ont empêché, malgré

notre désir, d'essayer immédiatement le traitement

indiqué par M. le D'' Arnaud. Entre temps est inter-

venu un essai de traitement par la greffe de la

glande thyroïde dans la cavité péritonéale (1). La

malade qui avait été soumise à ce traitement, Wathi...

(Augustine) est entrée dans notre service et nous avons

constaté qu'aucune amélioration ne s'était produite.

Les autres tentatives de ce genre ne semblent pas

avoir donné des résultats bien satisfaisants (2).

En 1891, M. le Dr Murray publia la première obser-

vation de guérison du myxoedèn : e par les injections de

suc thyroïdien et, en 1892, M. le professeur Bouchard

communiqua à l'Association française pour l'avan-

cement des Sciences (3) les observations de deux myxoe-

démateuses adultes, notablement améliorées par le

même traitement. Ainsi se trouvait appliquée l'idée

émise deux ans auparavant par M. le Dr Arnaud, c'est-

à-dire le traitement thyroïdien. A partir de leurs publi-

cations, ce mode de traitement s'est rapidement vulga-

risé.

Personnellement, en mars 1893, nous avons fait

administrer le suc thyroïdien en julep, puis en novem-

bre de la même année nous avons pratiqué les injections

sous-cutanées de liquide thyroïdien sur trois malades

(1) Lannelongue. - Sur la transplantation du corps thyroïde sur l'homme,

(En collaboration avec Legroux). (Comptes-Rendu de la So ciété de Biologie,

8 mars 1890, p. 13.,). La malade en question est celle qui fait l'objet de notre

seconde observation.

(2) Consulter entre autres les travaux de MM. Watther, Battincourt,

dn D' Serano, Ilorsley, qui ont suivi la publication des recherches physio-

logiques du prof. Seliiil d'abord puis du Do Eiselsberg.

(1) Bouchard (Cli.). - Réflexions snr deux cas de myxoedème, truites par

des injections de suc thyroïdien (Session de Pau, 1892, \'e partie, p. 292).

TROIS cas D'IDIOTIE hfYOEZDi3MATEUSE. 169

atteints d'idiotie myxoedémateuse due à l'absence oon-

génitale de la glande THYROIDE : Debarg..., âgé de 28

ans; Wat ? âgée de 18 ans et Gonich..., âgée de 1 an 1/2.

Les injections ont été au nombre de 65, 63, 29 (1). Ce

traitement n'a déterminé aucune amélioration sensi-

ble chez ces malades. C'est pourquoi nous nous sommes

décidé à recourir à l'ingestion stomacale de la

glande thyroïde du mouton. Nous avons commencé

par un demi-lobe c'est-à-dire le quart de la glande (2),

puis nous avons donné un lobe, ou la moitié. Trois

malades ont été soumis à ce traitement à partir du

31 mai et il a été continué jusqu'à ce jour. Durant

cette période, soit plus de deux mois, nous avons fait

prendre régulièrement la température des malades ma-

tin et soir, leur poids tous les huit jours et leur photo-

graphie également tous les huit jours.

Les tracés que nous plaçons sous vos yeux indiquent

les oscillations de la température (tracé rouge), les modi-

fications du poids (tracé bleu) ; les rectangles et les car-

rés verts, placés en bas de chaque tableau répondent aux

jours où l'on a administré la glande, les rectangles cor-

respondent à un demi-lobe, les carrés à un 'lobe entier.

Ces explications préalables étant données, nous allons

maintenant aborder l'exposé de chaque cas.

Observation I. - Idiotie rlYY0EDÉ111 : 1TEUSE.

SOMMAIRE. - Père tuberculeux ( ? ). - Oncle maternel para-

lysé, aliéné et sujet probablement à des accès d'épilepsie.

- Frère et soeur morts tuberculeux. - Soeur strabique à

la suite de convulsions de l'enfance, morte tuberculeuse.

(1) La malade qui a reçu le moins d'injections était une malade externe

Gonich ? âgée de 1 an 1/2, habitant Ivry, que sa mère amenait tous les deux

jours. Les injections sous-cutanées ont été pratiquées à partir de 1890, par

Vassole, Pisanti, Gley, Magnan, etc.

(2) Nous avons pesé pendant 8 jours les lobes, soit la moitié des glandes ;

les pesées nous ont donné les résultats suivants : 1 gr. 70, 1 gr. 40, 1 gr. 95,

2 gr. 20, 2 gr. 30, 2 gr. 60, 2 gr. 80, 2 gr. soit environ 2 grammes par lobe frais,

ou demi-glande.

170

Thérapeutique.

Renseignements incomplets sur les antécédents du malade.

- Marche à 18 mois. - Propre de bonne heure. - Arrêt

de développement, bouffissure et épaississement à partir

de 3 atis. - Etat du malade au 1er février 1890. -Lésions

scrofuleuses et rachitiques. - Absence de la glande thy-

roïde ; symptômes classiques de l'idiotie myxoedémateuse :

pseudo-lipomes ; persistance de la fontanelle antérieure;

.hernie ombilicale ; eczéma; arrêt de développement phy-

sique et intellectuel ; parole, voix, etc..

1893-1894. Julep avec extrait de glande thyroïde et injections

sous-cutanées de liquide thyroïdien, résultats négatifs. -

1895. Ingestion stomacale de glande thyroïde de mouton.

Amélioration : Élévation de la température; diminu-

tion de poids; - phénomènes divers dus au traitement;

- modifications de la voix, etc.

Debarg... (Jules), né à la Ventie (Pas de Calais), le ti octobre

1865, est entré à Bicétre dans notre service, le 23 février 1890.

Il s'agit là d'un malade dont nous avons publié l'observation

détaillée dans les Archives de neurologie (1) et que nous

avons reproduite dans le Compte-rendu du service des

enfants de Bicêtre pour l'année 1889 (tome x, page 172), aussi

nous bornerons-nous à citer le sommaire de son observation.

Les figures 1, 2, 3 et 4 ne laissent aucun doute sur la réalité

de l'idiotie myxoedémateuse.

La température rectale (2) du malade prise avec soin à

diverses reprises n'a jamais dépassé 37 degrés et a été en

général au-dessous de ce chiffre c'est ce que montre le petit

tracé qui figure à droite de la Planche V111. -Le poids, relevé

tous les six mois depuis l'entrée du malade, a offert la pro-

gression suivante :

TROIS cas D'IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE.

171

La taille du malade qui était de 0m 91 à l'entrée, en 1890,

était de 0m 93 en juin 1893, de 0m 94 à la fin de la même année

et encore de 001 94 au mois de mai 1895.

172 THÉRAPEUTIQUE.

Le traitement a commencé le 31 mai 1895. Nous avons

administré un demi-lobe de glande thyroïde du mouton,

coupé en petits fragments, dans du bouillon chaud. Voici un

résumé succinct des phénomènes observés :

3 juin. - Les paupières sont un peu dégonflées ; les

mouvements sont toujours

lents; la parole, le carac-

tère et la voix n'ont pas

changé.

4 juin. - Deb... pleure

parce qu'il éprouve des

douleurs dans le ventre et

les reins.

5 juin. - Les douleurs

ont disparu. Les paupiè-

res sont encore un peu

plus dégonflées, le malade

maigrit. Nous donnons un

lobe.

7 juin. - Amaigrisse-

ment notable (2 k. 300).

Apparition de la fièvre

(38°, 4) ; pouls 100 ; batte-

ments du coeur réguliers.

8 juin. - En raison de

l'amaigrissement rapide et

d'une température de 38°,

le malade ne prend qu'un

demi-lobe. Rien dans les

urines. Pouls : 120.

9 juin. - Tremblement

généralisé, sueurs abon-

dantes au visage. Pouls :

120, régulier. Etatlypothy-

mique. Pas de glande.

10 juin. 1/2 lobe. Pouls : 120. Vers 2 heures de l'après-

midi, tremblement, faiblesse et sueurs. Deb... marche dillici-

lement. Sueurs dans la nuit. Urine de 24 h. : 750 grammes.

Il juin. - Pas de glande .Pouls : 120. Haleine fétide, douleur

Fig. 18.

TROIS cas D'IDIOTIE myxoedémateuse. 173

au niveau'de l'estomac. Urine : 650 gr. Le visage est beaucoup

moins gonflé, les yeux sont plus ouverts. Érytlhème des aines

dû aux poussées sudorales.

'12 juin. - Tremblement de tout. le corps sans sueurs,

affaiblissement, persistance des douleurs stomacales. Uriné :

500 gr.

13 juin. - Dans la nuit, vomissements alimentaires. La

faiblesse des jambles est moins prononcée. Le médicament

est suspendu jusqu'au 5 juillet. L'érylhème inguinal a disparu.

14 juii. - Tremblement des jambes qui oblige de maintenir '

le malade au lit, pour éviter le retour des faiblesses qui le

prennent dès qu'il se lève. Douleurs abdominales, diminu-

Fig. 19.

l'ig. 20. -

174 THÉRAPEUTIQUE.

tiondes tumeurs graisseuses du cou. Urine : 400 gr. Potion de

Tood et caféine.

z15 juin. - Agitation pendant la nuit : le malade s'est levé

sur son lit et voulait battre la veilleuse. Ce matin il ne se

rappelle point de ce qui s'est passé. Urine : 500 gr. L'appétit

est toujours médiocre et le malade se nourrit surtout de lait.

17 juin. - Le tremblement a diminué, les douleurs ont

disparu, la température descend à 37°; le poids n'est plus

que de 24 kil. 100. La peau devient moite. Pouls : 120.

Fig. 21. - Deb... en septembre 1895.

TROIS CAS D'IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 17 : ;

20 juin. - La langue est moins épaisse, la prononciation

est meilleure ; les lèvres sont moins violacées ; la marche qui

d'habitude était lente et pesante semble devenir plus rapide.

21 j'mn. - Le malade assiste au concert des frères Lionnet

et le soir, sans cause appréciable, la température s'élève à 38".

Durant la suspension du traitement, le poids qui s'était

abaissé jusqu'à 24 k., 100 est remonté à 25 le, 050. Les urines

se maintiennent aux environs de 500 gr. Jamais elles n'ont

contenu de l'albumine ou du sucre.

5 juillet. - Reprise du traitement (1/2 lobe). Deb... se met

Fig. 22. - Debar... en septembre 1895.

176 Thérapeutique.

en colère, ce qu'on n'avait jamais vu et casse sa pipe parce

que l'infirmier examinait ses poches. Le pouls est descendu

à 60.

6 juillet. - Urine : 500 gr. Pouls : 60.

7 juillet. - La température s'élève de nouveau à 37°, li.

Urine : 1 litre. Pouls : 70.

8 juillet. - Pouls : 70 ; T.R. 37", 2. Urine : 525 gr.

9 juillet. - La peau du malade reste toujours moite. Avant

le traitement chez lui, comme chez les malades de cette

catégorie, la peau était sèche. Les croûtes du cuir chevelu

ont complètement disparu. On observe une desquamation de

la peau des mains et des pieds, Deb.... taquine les infirmiers,

par exemple cache leur casquette ; jamais on n'avait noté

autant de spontanéité. Diarrhée, douleurs du ventre et du

dos, affaiblissement des jambes. Pouls : 120. Matin : T.R.

37°, 4. - Soir : 38°.

11 juillet. - Pouls petit : 130 ; ;1'.lut. 370,4. Urine hier 750 gr.,

aujourd'hui 500 gr.

12 juillet. - La diarrhée a disparu, la faiblesse des jambes

est moindre. Pouls : 120 gr. Urine : 500 gr.

13 juillet. - Depuis hier soir, coliques, diarrhée, courba-

ture générale. Le malade est affaissé, n'a pas d'appétit. Urine :

500 gr. Pas de glande. La desquamation de la peau des

mains et des pieds continue. Pouls : 120. Urine : 500 gr.

14 juillet. - ? lobe. Pouls : 120. Urine : 260 gr. ( ? ).

15 juillet. - l'as de glande. Pouls : 120. Urine : 500 gr. La

peau est moite.

16 juillet. - Va lobe. Pouls : 120. Urine : 500 gr. Quelques

coliques.

17 juillet. - Pas de glande. Pouls : 120. Urine : 500 gr.

Coliques, sueurs.

18 juillet. - Depuis hier soir, prolapsus du bourrelet

hémorrhoidaire. Pouls : 100; Sueurs; faiblesse générale.

Urine : 560 gr. - Potion : bismuth, bétol, laudanum. - On

supprime la glande thyroïde.

19 juillet. - Le bourrelet hémorrhoidaire est réduit et la

diarrhée a cessé. Pouls : 84.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 177

20 juillet. - La physionomie exprime la fatigue. Le poids

qui avait augmenté , ainsi que nous l'avons vu, durant la

période de suspension du traitement, sans revenir toutefois

au chiffre primitif, a notablement diminué depuis la reprise

du traitement, car il est descendu à 22 kil.,500; aussi l'amai-

grissement est-il évident : non seulement les pseudo lipomes

ont diminué, mais le ventre est devenu beaucoup moins

volumineux : tandis qu'il mesurait au niveau de l'ombilic

Om,740, il ne mesure plus que Om, 67. La peau des mains

demeure moite et devient souple ; les ongles poussent bien

plus rapidement et sont plus brillants. Les mouvements

sont plus vifs, la parole est moins lente, le malade est

moins engourdi. Pouls : 90. Urine : 500 gr.

28 juillet. - Bien que la médication ait été suspendue le

18 juillet, le poids a continué de baisser (22 k.,300).

[Depuis notre communication, nous avons repris le traite-

ment à la date du 13 août, le malade ayant gagné 500 gr. et la

température descendant à 37 degrés et au-dessous, ainsi que

cela existait avant tout traitement. Nous lui avons fait prendre

un lobe tous les deux jours jusqu'à la date du 30 septembre :

les mouvements et la parole sont plus vifs, l'intelligence est

un peu plus éveillée, il n'a plus éprouvé aucun malaise et,

depuis le 11 septembre, sa température n'est jamais descen-

due au-dessous de 37 degrés. Le poids après avoir diminué

du 16 août (22 kil.,800) jusqu'au 7 septembre (22 kil., 450) est

remonté à 22 kil.,800 (17 septembre) et s'est maintenu à ce

chiffre (28 septembre).

Voix. - Nous avons fait examiner le malade au point de

vue de la voix par M. Sutter, professeur de chant de notre

service. Voici la copie de la note qu'il nous a remise : « Avant

le traitement, Jules Debarg... n'avait qu'une étendue très fai-

ble, correspondant à 2 degrés, depuis la dernière observation

l'enfant a gagné 4 degrés.] (PL. 0, tracé n° 1.)

OSS. II. - IDIOTIE myxoedémateuse.

SOMMAIRE. - Père, fièvres intermittentes. - Grand-père

paternel, apoplectique. - Grand'mère maternelle, excès

de boisson. - Cousine germaine, paralysie consécutive à

des convulsions. - Cousine germaine sujette à des atta-

ques. Grand-père maternel, apoplectique. - Grand'mère

maternelle, excès de boisson. - Oncle maternel, proba-

blement apoplectique. - Tante maternelle, aliénée. -

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. 12

'178

Thérapeutique.

Consanguinité. Un frère mort de convulsions, un autre

idiot et épileptique; un troisième a eu des convulsions.

Accouchement à 10 mois ( ? ). - A la naissance, fontanelle

antérieure très large. - Hernie ombilicale. - Premières

dents à mois. -tel deux ans chute sur la face, écrasement

du nez et fracture du maxillaire inférieur. - Ozène con-

sécutive. - Développement de la cachexie pachydermique.

- Rachitisme. - Absence probable de la glande thyroïde.

Malformation de l'un des orteils. - Dentition.

1890. Greffe d'une glande thyroïde du mouton dans la cavité

péritonéale (Lannelongue).

1-893-1894. Julep avec extrait de glande thyroïde et injections

sous-cutanées de liquide thyroïdien : résultats négatifs.

1895. Ingestion stomacale de glande thyroïde : élévation de

la température;- diminution de poids;- phénomènes

divers dûs au traitement : modification de la voix, aug-

mentation de la taille, etc. - Amélioration

Wathi... (Augustine) née à Paris le 7 décembre 1875, est

entrée à la fondation Vallée,(dans notre service) le 7 juin 1890.

L'observation de cette malade figure dans la communica-

tion que nous avons faite le 14 août 1879 à l'Association

française pour l'avancement des sciences. Elle a été repro-

duite dans le Progrès Médical, .1890, p. 3, et dans notre

Compte-Rendu de Bicètre pour l'année 1889 (p. 57). Les

Fig. 23, 24, 25, et 26 donnent une idée de sa situation à l'âge de

11 ans 1/2 et de 14 ans. Les tableaux ci-après permettent

de se rendre compte de son développement physique.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 173

La température rectale, notée à différentes époques, avant

le traitement, était toujours inférieure à 370 et ne dépassait pas

36°, 6 ; le 7 jour du traitement elle atteint 37° et le 9" jour

elle monte à 38°.

12 juin. - Amaigrissement; paupières . moins gonflées

(diminution de poids de 2 kilogr.) ; quelques secousses dans

les membres.

43 juin. - Tremblement presque continuel des membres

supérieurs.

14 juin. - Persistance du tremblement. Diminution de

l'appétit.

16juin ? La porte de poids est de 2 kil. 500, Wathi...

Fige 23. Wat... en 1887 (onze ans et demi).

180 Thérapeutique.

parait plus agile ; elle a moins de répugnance au mouvement

et essaie, ce qu'on ne lui avait jamais vu faire auparavant, de

courir avec ses camarades.

25 juin. - L'agilité semble augmenter, W... tournemainte-

nant facilement sa tète. Les masses graisseuses situées à la

nuque et sur les côtés du cou ont diminué, la parole est plus

nette.

12 juillet. - Les mains et les pieds font peau neuve, les

ongles poussent bien, les cheveux restent raides, le teint est

moins jaune. Wathi...est très gaie. moins timide, répond avec

plus d'aplomb.

Fig. 24. - V;vt... à 14 ans (mai 1889).

TROIS cas d'idiotie myxoedémateuse. 181

20 juillet. - Contrairement à ses anciennes habitudes,

Wathi.. ne reste pas toujours assise ; elle aime au contraire à

marcher et essaie de courir ; elle devient espiègle et fait des

niches aux autres enfants il y a quelques jours, elle a voulu

jouer à cache-cache avec ses camarades.

. 29 juillet. - Wathi.. n'est plus aussi timide, elle a plus

de spontanéité et plus d'agilité. Elle se cache derrière les

portes avec un petit bâton à la main dont elle donne un

coup à chaque enfant qui passe. Prise sur le fait, elle prétend

que ce n'est pas elle et désigne une fillette quelconque en

disant : « tiens c'est-elle ». Elle tire les robes des infirmières

182 Thérapeutique.

ou les rubans de leur bonnet et rit bruyamment. La desqua-

mation des mains et des pieds continue.

30 septembre. - Durant presque tout ce mois, la tempéra-

ture est demeurée au-dessus de 37°. La physionomie est plus

éveillée; les masses lipomateuses des joues ont diminué ; le

teint n'est plus aussi terreux et se rapproche du teint natu-

rel. L'ozène dont elle est atteinte s'est améliorée, l'écoule-

ment nasal a diminué et l'odeur est de moins en moins fétide

Depuis quelque temps le teint n'est plus du tout ter-

reux ; les paupières, considérablement dégonflées, laissent

bien voir les globes oculaires, les lèvres sont rosées, les

Fig.. 2G Wat... iL 14 ans (mai 1889).

TROIS cas D'IDIOTIE myxoedémateuse. 183

cheveux sont devenus beaucoup moins secs au toucher, le

cuir chevelu est tout à fait sain et la malade n'a pas eu cette

année les poussées eczémateuses qu'elle a d'habitude. La fon-

tanelle persiste et on sent une dépression qui peut être éva-

luée à deux centimètres dans tous les sens avec une sorte de

fissure transversale des deux côtés. Toutes les masses lipo-

mate uses ont considérablement diminué. Aucune modifi-

cations des seins ni de la vulve, le corps tout entier est

glabre. - Les mains et les pieds n'ont plus l'aspect pachyder-

mique, il ne semble plus y avoir de dépôt graisseux exagéré

entre la peau et les muscles.

Modifications de la voix. - Depuis le traitement la voix est

Fig.27. Wat... en septembre 1895.

184 Thérapeutique.

devenue bien plus claire et a gagné en étendue. L'enfant qui,

le 14 juin, n'avait qu'une étendue de 6 notes, avait, le 24 juillet

un timbre de voix plus sonore et d'une étendue de 7 notes.

Taille. - La taille qui était de 882 millim. le 31 mai était de

905 millim. le 17 août et de 92 centim. à la fin de septembre.

Le pouls n'a pas dépassé 96 pulsations.

Les figures 27 et 28, comparées aux. fgures 24 et 25, don-

nent une idée exacte de l'amélioration obtenue.

; OBS. III. Idiotie myxoedémateuse.

SOMMAIRE. - Enfant naturelle. - Père, sobre, caractère

- sournois ; renseignements insuffisants sur lui et nuls sur

Fig. 28. - Wat... en septembre 1895.

TROIS cas D'IDIOTIE myxoedémateuse. 185

toute sa famille. - Mère, rien de particulier. - Grand-

père maternel, excès de boisson, mort d'apoplexie. - Oncle-

maternel, mort de convulsions. -Petit cousin, pieds bots.

Pas de consanguinité. Egalité d'âge entre le père et la mère.

Grossesse : émotion vive au quatrième mois. A la nais-

sance, bonne santé apparente. - Aucun renseignement

précis sur l'enfant jusqu'à son admission. - Dentition

imparfaite et en retard. - Encore malpropre à l'entrée.

- Ne marche pas seule. Premiers mots à 2 ans. -

Affectivité nulle.

1894. Prolapsus du rectum. Vaccinée auec succès.

1895. Ingestion de la glande thyroïde de mouton. - Résumé

des phénomènes dûs au traitement.

Gangl... Marie, née à Nancy, le 6 mai 1881, est entrée le 10

août 1894 à la Fondation Vallée.

Renseignements fournis par la mère de l'enfant (le 6 sep-

tembre 1894).

La malade est une enfant naturelle. - Père, valet de

chambre, a eu des rapports avec la mère de G... pendant 2

ans, très sobre, fumeur, caractère sournois, grand, vigoureux ;

aucune maladie de peau, nez aquilin, cheveux châtain foncé.

Il était soldat du train et ordonnance du général X... à Nancy

quand il a fait connaissance de la mère de la malade, domes-

tique dans une maison que fréquentait son général. Il a

abandonné sa maîtresse, à qui il avait promis le mariage,

trois mois après la naissance de l'enfant. - Aucun rensei-

gnement sur sa famille.

Mère, 36 ans, autrefois domestique, maintenant concierge.

Pas de convulsions de l'enfance, pas de migraines, tempéra-

ment assez nerveux, sans crises ; physionomie régulière,

cheveux châtain foncé, nez aquilin, pas de maladie de peau

ni de syphilis. Bien qu'elle se soit mariée il y a 10 ans elle

n'a pas eu d'enfant.

Son père, menuisier, buvait la « goutte » tous les matins et

quelquefois dans la journée, il est mort d'une attaque d'apo-

plexie en une heure. Sa mère est morte « asthmatique » ; elle

n'était ni nerveuse, ni migraineuse. - Elle a eu cinq frères

ou soeurs. Ses deux frères sont morts l'un peu après l'accou-

chement, l'autre de convulsions à 3 ans. - Ses trois soeurs

seraient bien portantes ainsi que leurs enfants. - Les grands-

parents paternels et maternels sont morts vieux, sans acci-

dents nerveux. - Dans le reste de la famille, pas d'autre cas

d'apoplexie, pas d'idiots, de goitreux, de bègues, de sourds-

186 Thérapeutique.

muets etc... - Un cousin maternel issu de germain, a les

pieds tournés. Pas de consanguinité : le père est du départe-

ment de la Seine;- la mère est de Saint-Avold près Metz

où il y a des goitreux. - Égalité d'âge.

Notre malade. Bien portants tous deux à la conception.

Grossesse : au lui- mois elle a eu une émotion vive occasionnée

par un incendie dans la maison de sa tante où elle était

allée passer quelques jours ; elle prétend avoir été très

effrayée, ne pas s'être trouvée mal, mais avoir été prise

d'un fort tremblement qui aurait duré une demie heure : « Je

tremblais si fort, que je ne pouvais rester assise. » La nuit

suivante, elle aurait dormi tranquillement et, depuis, elle

n'aurait plus pensé à l'incendie. Ce n'est qu'un mois après

qu'elle a senti remuer son enfant : « elle n'a jamais remué

beaucoup. » Ni envie d'alcool, ni coup, ni chûtes, pas de

vomissements ; ni syncopes, ni constriction du ventre. Elle a

fait connaître son état de grossesse à ses patrons et comme

le soldat lui avait promis le mariage, on la garda. Elle entra

six semaines avant terme dans un asile de Nancy. Accouche-

ment à terme, naturel, sans chloroforme, présentation de la

tête ; elle a eu des petites douleurs pendant deux jours et de

fortes douleurs pendant deux heures. Son ventre était gros,

mais elle dit avoir perdu plus de sang que d'eau. - A la

naissance pas d'asphyxie, pas de cordon autour du cou, l'en-

fant a crié de suite. - Elevée au sein par sa mère durant un

mois puis placée chez une soigneuse d'enfants (nourrie au lait

de vache). Elle l'a visitée tous les mois pendant un an. A cette

époque (13 mois), peu avant son départ pour Paris, ayant su que

la gardeuse donnait à son enfant de l'eau de pavot dans son lait

et lui faisait prendre des trempettes à l'eau de vie, elle l'a repri-

se et placée chez sa tante paternelle (grand' tante de l'enfant)

Alors elle n'avait que deux dents, était petite, ne marchait pas

ne prononçait aucunmot, avait la peau blanche et non cireuse.

Elle aurait été bien soignée chez sa tante qui aurait continué

longtemps l'alimentationlactée. - Sa grand'-tante étant morte

« de vieillesse » (75 ans), sans accidents nerveux l'enfant a

été ramenée à Paris par une ses tantes maternelles chez

laquelle elle est restée huit jours avant d'être placée il la

Fondation. Elle a remarqué que son enfant ne marchait pas

seule, qu'elle était très coléreuse, sujette à la constipa-

tion. On ne lui a pas dit qu'elle ait jamais eu de chute du rec-

tum. Elle avait déclaré que l'enfant était propre, cependant

il lui est arrivé de gàter dès les premiers jours de son arrivée-

Comme maladie antérieure, on a signalé une bronchite en

1892.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 187

État actuel. (Août 1894). - La malade présente tous les

caractères de l'idiotie avec cachexie pachydermique.

Tête. symétrique, assez grosse, de forme rectangulaire ; le

front est bombé sur une assez grande largeur, les bosses

frontales sont assez développées, la droite plus que la gauche.

Les bosses pariétales sont peu saillantes, de même que l'oc-

cipitale. La fontanelle antérieure n'est pas complètement

fermée ; elle a environ 0.03 cent. d'avant en arrière et 0.04

transversalement. Le cuir chevelu est assez épais. Les che-

veux sont châtains et peu abondants surtout au niveau des

tempes : ils sont assez longs et assez fins et plus doux au

toucher que chez les autres enfants myxoedémateux. Au voi-

sinage du front et des tempes, ils ont une coloration plus

claire. Pas d'éruption eczémateuse. Le visage a une forme

rectangulaire ; il est plus large au niveau des joues et aplati

à son extrémité. - Les arcades sourcillières sont peu sail-

lantes et il existe au-dessus d'elles une dépression assez

prononcée à droite, très prononcée à gauche. Les sourcils

sont irrégulièrement implantés ; les poils, peu nombreux au

niveau de la tête des sourcils, sont plus fournis vers la queue.

Les paupières supérieures sont gonflées, surtout la gauche.

Les cils sont longs, réguliers et agglutinés par une sécrétion

jaunâtre, ceux de la paupière inférieure sont plus rares et

plus courts ; les fentes palpébrales sont peu ouvertes. Les

yeux sont mobiles dans toutes les directions sans aucune

lésion. Les iris ont une couleur d'un gris bleuté, les pupilles

sont égales et réagissent bien à la lumière et à la distance.

- Le nez est épaté, large, effrondré (nez camus) (1) ; les nari-

nes sont larges la racine du nez est tout à fait déprimée.

La bouche est grande, presque constamment ouverte, cepen-

dant la langue ne pend pas et la salive ne s'écoule pas

au-dehors, les lèvres sont épaisses, l'inférieure est pendante.

État des maxillaires et de la dentition. -a) Les maxillai-

res sont marqués de prognathisme alvéolaire. Le maxillaire

supérieur présente en particulier un abaissement très mar-

qué de la voûte palatine, semblant indiquer un état patholo-

gique des fosses nasales postérieures.

La courbe offre alvéolaire à chaque maxillaire un grand

développement, ce qui détermine l'évolution défectueuse des

dents permanentes.

(1) C'est pour montrer la différence de forme du nez de la malade de celle

du nez de ses père et mère que nous avons mentionné, détail qui a pu paraî-

tre insignifiant mais qui a, au contraire, sa valeur, que ceux-ci avaient le

nez aquilin. w

188 . Thérapeutique.

Les bords alvèolaires sont recouverts, surtout au niveau

maxillaire inférieur, par un chaos de dents temporaires et

permanentes chevauchant dans toutes les directions. La

plupart des dents temporaires à ce maxillaire sont encore en

place soit entières avec leur couronne, soit privées de celle-ci.

Les dents permanentes ou de remplacement ont fait éruption

en avant ou en arrière de l'alignement des premières. Les

dents permanentes sont de volume et de constitution normaux.

Les dents temporaires étaient plutôt réduites de volume.

En résumé : 1° Anomalie des maxillaires et de la voûte pala-

tine ; z Anomalie des des dents temporaires ; 3° Anomalie

d'éruption de ia deuxième dentition (anomalie du siège) avec

anomalie de nombreuses dents temporaires (1).

La voûte palatine est large, peu profonde, les amygdales ne

sont pas volumineuses, la luette est longue. - Le menton,

court et, large se continue insensiblement avec les joues, cel-

les-ci sont larges, tremblottantes, épaissies par l'infiltration

graisseuse. Les oreilles, peu écartées de la tête, sont

bien ourlées, le lobule est nettement dessiné, légèrement

arrondi et à moitié libre.

Le cou est court; sa circonférence est de 0.25 cent; on sent

très bien les cartilages cricoïde et thyroïde et au-deesous les

anneaux de la trachée, mais on ne trouve pas de traces de la

glande thyroïde

Thorax. - Il est assez développé, un peu étroit transversa-

lement, large d'avant en arrière; sa circonférence prise à 00-2.

-cent, au-dessous des mamelons est de 0.53 cent. On note une

légère dépression de la région sternale ; il n'y a pas de chapelet

rachitique. Le dos e 4t arrondi, les épaules sont peu saillantes.

La colonne vertébrale forme une saillie notablement exagé-

rée au niveau de la partie inférieure du cou et de la partie

supérieure du dos; il existe également une légère convexité à

gauche des vertèbres dorsales. L'ensellure est assez accusée

mais n'est pas aussi exagérée que chez les autres idiots myxce-

démateux. L'épaule gauche est un peu affaissée et la droite

relevée. - La percussion et l'auscution ne décèlent rien

d'anormal dans les poumons et le coeur.

L'abdomen est volumineux, saillant, proéminent. - L'om-

bilic forme une petite saillie. Les fesses, par rapport au volume

exagéré du ventre, semblent petites.

(1) Note de M. le D' Bouvet, médecin dentiste à l'hospice de Bicêtre.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 189

Les glandes mammaires ne sont pas perceptibles, l'aréole

est pâle et a près d'un centimètre de diamètre. Toute la

région pectorale est infiltrée de graisse.

Organes génitaux et puberté. Le pénil est glabre, moyen-

nement adipeux, saillant. Les grandes lèvres sont assez volu-

mineuses ; les petites lèvres triangulaires. Fourchette assez

développée, fosse naviculaire profonde, orifice hyménéal

circulaire, étroit. Muqueuse vulvaire pâle; aucune sécrétion

pathologique. L'anus et les aissselles sont glabres.

Les membres sont petits, gros, épais et relativement

courts par rapport au tronc ; la disproportion cependant est

moins accusée chez elle que chez les malades précédents.

Aux membres supérieurs nous n'avons à noter que l'épaissis-

sement des mains.

Aux membres inférieurs signalons une légère incurvation,

à concavité interne, des jambes et le rapprochement des ge-

noux en dedans, l'épaississement de la peau des pieds et son

aspect violacé.

Sur tout le corps la peau est pâle, jaunâtre, cireuse, prin-

cipalement à la face ; elle est douce au toucher et n'offre pas,

quanta présent, de desquamation furfuracée. Pas d'hypertro-

phie sensible des ganglions. - La sensibilité générale sem-

ble légèrement obtuse, ce qui tient peut-être à l'état intellec-

tuel de l'enfant. Elle est très sensible au froid (1)

Digestion. Appétit médiocre, difficile dans le choix des ali-

ments, n'aime pas le vin préfère la soupe et les légumes. Elle

se sert de la cuiller et de la fourchette mais ne peut découper

la viande; la mastication est très lente et imparfaite. Pas de

bave, ni de succion, ni vomissements, ni rumination; cons-

tipation habituelle. Elle gâtait presque toutes les nuits dans

le commencement de son séjour (elle est devenue propre

au bout de quelques semaines). Elle marche assez bien, à la

condition d'être toujours tenue par la main ; le pas est encore

mal assuré. Elle a une assez grande répugnance pour le

mouvement, préfère demeurer assise.

La physionomie est douce, mais sans expression. L'enfant

répète le nom d'un grand nombre d'objets, répond oui ou non

aux questions qu'on lui adresse, mais ne fait pas de phrases.

Elle parait peu affectueuse et ne montre aucune joie quand

ses parents viennent le voir, aucun chagrin lorsqu'ils

s'en vont ; ne s'amuse qu'avec sa poupée ; elle ne sait ni

(t) Pendant l'hiver z-1895, elle refusait de descendre et voulait rester

. constamment à l'infirmerie oit la température était meilleure,

1 ! JO Thérapeutique,

s'habiller, ni se déshabiller, elle est contente lorsqu'on la net-

toie. Le caractère est plutôt triste, elle est très susceptible,

pleure à la moindre contrariété. - L'attention est assez diffi-

cile à fixer. - La mémoire parait très bornée.

Pseudo-lipômes des aisselles et du cou.

Trois cas -d'idiotie myxoedémateuse. 131

25 juin. - Gangl... est plus agile. Naguère elle voulait tou-

jours demeurer au lit, maintenant elle demande à se lever ;

elle est toujours gaie, cherche à causer un peu avec tout le

monde et fait des petites réflexions.

5 juillet. - Le traitement a été suspendu depuis 8 jours

parce qu'on a manqué de glande thyroïde ; on le reprend

aujourd'hui.

12 juillet. - Gangl... prend difficilement sa glande; il faut,

pour la décider, lui donner un peu de vin, qu'elle avale aussi-

tôt après l'ingestion, elle est très gaie, beaucoup plus vive,

elle bavarde continuellement. En classe elle est même dissi-

pée et dissipe les autres. Elle est devenue câline ; sa parole

est plus nette.

J ? i. 2a. - Taes trois malades au milieu de juin 1895,

192 . THÉRAPEUTIQUE.

- n 2'a';juillet. - L'appétit est bon, la marche est plus assurée, : la physionomie est plus éveillée, le teint est moins jaunâtre.

Septembre. Gangl ? est plus alerte, la marche est deplus

en plus ferme, elle prête plus d'attention à l'école, elle semble

moins sensible au froid, elle devient joueuse.

La peau est blanche, sans aucun caractère myxoedémateux,

les paupières sont tout à fait dégonflées ainsi que les joues,

les lèvres sont rosées ; la physionomie est éveillée ; les che-

veux sont doux au toucher, le cuir chevelu est intact. On-

sent encore la fontanelle dans une longueur d'environ trois

centimètres, et une largeur un peu plus grande sous une

forme étoilée. A aucune époque du traitement on n'a remar-

qué de sueur ; on n'a noté qu'une très légère desquamation.

Fig. 20. - Les trois malades fin septembre 1895.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 193

Voix. Avant le traitement, l'enfant avait une voix très fai-

ble comme timbre et oommd étendue (quatre notes). Le 1 4 juin,

la voix est plus sonore. Le 24 juillet l'enfant a gagné trois

notes, une en bas, deux en haut (ce qui fait une étendue de

7 notes).

Sa taille qui était de am, 89 avant le traitement est mainte-

nant de 0 ? 95.

Les symptômes dûs au médicament se sont succé-

dé ainsi : dégonflement des paupières, amaigrisse-

ment, élévation de la température rectale qui, au

lieu de rester au-dessous de 37° ainsi que cela est la

règle chez les idiots myxoedémateux, monte à 38° et

au-dessus; tremblement, faiblesses lypothymiques,

sueurs profuses remplaçant la sécheresse habituelle

de la peau; affaiblissement des jambes, augmentation

du tremblement, tachycardie, vomissements, agita-

tion, excitation, diminution du volume de la langue

et de la coloration violacée des lèvres, poussée plus

rapide des ongles, disparition des croûtes de la tête,

desquamation des mains et des pieds qui perdent leurs

caractères Lies, coloration de plus en plus

naturelle de la peau qui perd sa teinte jaune de cire,

diarrhée au lieu de constipation. Tous les mouvements

s'assouplissent. La préhension est moins lente ; la

marche plus légère et plus rapide. La taille se déve-

loppe ; la sensibilité au froid diminue.

Au point de vue intellectuel, nous avons à relever

l'excitation, les accès de colère inhabituels se substi-

tuant à la torpeur, davantage de spontanéité. L'hé-

bétude disparait, la physionomie est plus éveillée, plus

expressive et traduit les émotions qui, jusqu'alors, ne

se manifestaient par aucun changement sur un mas-

que toujours impassible. L'aptitude au travail sco-

laire augmente.

Nous avons fait faire toutes les semaines la photo-

graphie, en groupe, de ces trois malades, nus. Ces

BOURNEi'ILLE, Bicêtre, 1895. 13

194 Thérapeutique.

photographies, que nous plaçons sous vos yeux, met-

tent en parfaite évidence les heureuses modifications

produites par le traitement.

. Les tracés résument hien les changements survenus

dans la température et dans le poids des malades. La

température s'élève et dépasse la normale sous l'in-

fluence du traitement, s'abaisse et tend à revenir à

son degré antérieur, c'est-à-dire au-dessous de la nor-

male, pendant les suspensions du traitement. Le poids

diminue durant l'administration de la glande thyroïde

et augmente durant les suspensions (PL. VIII, Tracés

1, 2 et 3).

Tous les symptômes, en particulier la diminution

de poids, l'éléuation de la température, les accidents

nerveux, la tachycardie, etc., et partant la nécessité

de la suppression momentanée du médicament, ont

été très accusés chez le malade de 30 ans (Obs. I),

moins prononcés chez celle de 20 ans (Obs. II) et encore

moins chez celle de 14 ans (Obs. III). - La dose avarié

d'un demi lobe à un lobe de glande thyroïde du

mouton. L'action de la glande, dans ces cas est indis-

cutable et, en raison de l'effet produit, il convient de

surveiller son emploi avec soin afin d'éviter des acci-

dents qui pourraient devenir mortels.

Nous avons insisté naguère sur le rôle important

que, selon nous, jouait la glande thyroïde sur la NUTHI-

tion de l'organisme (1), en particulier du cerveau,

d'où l'idiotie ; sur le système osseux, d'où le nanisme,

la persistance de la fontanelle antérieure, la clé/oo- ? nation cles membres, l'état particulier des os (2), etc. ;

sur le système cutané, d'où la cachexie pachyderme-

- (1) Compte-rendu du service des Enfants de Bicctre, pour 1889, t. XI, p.

106, etc.

(2) Ibidem., 1891, t. XII, p. 34.

Trois cas d'idiotie myxoedémateuse. 195

que, les etc. ; enfin sur les organes

de la génération, d'où l'absence de puberté, etc. Ces

idées sont confirmées par les phénomènes observés

chez nos trois malades, surtout les deux dernières qui

ont éprouvé une véritable transformation : l'accrois-

sement de la taille en fournit, entre autres, une

démonstration péremptoire (1).

(1) Ce travail a été communiqué au Congrus des aliénistes et des neurolo-

pistes de Bordeaux, au mois d'août 1895.

II.

De l'action de la glande thyroïde sur la croissance

et l'obésité ;

Pau BOURNEVILLE (1).

Dans une communication sur Trois cas d'idiotie

ln yxoerlém,ateuse traités par l'ingestion thyroïdienne,

faite à la session du Congrès des aliénistes et des neu-

rologistes qui a eu lieu au mois d'août dernier à Bor-

deaux, nous avons eu soin do mettre en relief l'action

exercée par la glande thyroïde sur la croissance de

nos trois malades et sur leur état d'obésité. Voici le

résumé, au premier point de vue, de leur histoire.

Ons. I. - Idiotie myxoedémateuse.

Chez le premier, Deb... (Jules), âgé de 30 ans, la taille s'est

accrue de 2 centimètres et demi, moins que chez les autres,

ce qu'explique d'ailleurs son âge déjà avancé. Cependant ce

résultat est d'autant plus intéressant, que si, jetant un coup

d'oeil sur le tableau de sa taille de janvier 1890 à janvier 1895,

on remarque que, durant cette période de cinq ans, la taille

ne s'est accrue que de 2 centimètres et demi. Or, c'est là

justement l'accroissement qui s'est produit, non plus en cinq

ans mais en quatre mois, sous l'influence de l'ingestion

thyroïdienne.

Croissance ET obésité. 197

OBS. II. - Idiotie mt/.ïoecMmateuse.

Wa... (Augustine), âgée de 20 ans, a été suivie par nous de-

puis 1882, d'abord comme malade externe, puis dans le service

depuis 1890. De 1889 à 1895, son poids et sa taille ont offert

les modifications ? près :

198 Action de la glande thyroïde,

OBs. IV. - Imbécillité à un degré prononcé; macrocéphalie;

adipose exagérée.

Dr... (E. Lucie), née à Paris le 16 août 1884, est entrée dans

notre service le 2 janvier 1891.

De 1891 à 1895, le poids et la taille ont eu la progression

indiquée dans le tableau ci-dessous : .

Croissance ET obésité. 199

200 Action DE la glande thyroïde.

Croissance ET OBÉSITÉ. 201

dans la période correspondante de 1895, 51 accès et

35 vertiges, ce qui semblerait indiquer qu'il y avait

déjà, avant le traitement, une tendance à l'aggravation

de l'épilepsie.

OBs. V1.- Idiotie; acrocéphalie; obésité prononcée;

exiguïté de la taille.

Ri... (Louis Edouard), né à Paris le 23 mai 1868, est entré

dans notre service le 23 avril 1880.

Il s'agit là d'un malade très intéressant à divers points

de vue, notamment la conformation étrange de la tète, la

perversion des instincts, l'obésité et enfin l'exiguité de

la taille. Nous avons pu suivre son développement depuis

15 ans. Le tableau suivant (p. 202) permet d'avoir une idée

de son évolution physique. (Voir l'Oi3s. complète p. 120.)

Il a pris un demi lobe tous les jours du Il 1 août au 2 ! )

septembre et un lobe quotidiennement du 1 ? octobre au 4

novembre, soit 86 jours de traitement.

Tableau du Poids et de la Taille.

Croissance et obésité. 203

consacrée à l'exposé des résultats qu'a donnés à l'au-

teur la médication thyroïdienne chez les enfants ? 7H/.\'o"dëmatet;\'; la seconde à ceux que le suc thyroï-

dien lui a procurés chez des enfants « en arrêt plus ou

moins complet de croissance pour une autre cause

que le ? 7H/ce< : mc. » En ce qui concerne les enfants

myxoedémateux, M. Hertoghe a résumé les résultats

qu'il a enregistrés dans le tableau suivant :

204 Action DE la glande thyroïde.

dans un cinquième à l'établissement précoce de la

menstruation; - enfin, dans un sixième cas à une

débilité congénitale extrême. Le tableau ci-après met

en relief l'augmentation de la taille.

Croissance et obésité. 2U5

Ce tableau sous les yeux, comparons la croissance

des malades traités avec celle de 8 garçons et de

10 filles, imbéciles ou épileptiques, se rapprochant

plus qu'eux des enfants ordinaires.

3(ycedémale2,a.

206 Action DE la glande thyroïde.

nuation du traitement. Depuis la suppression il a continué à

augmenter : 16 kgr. (10 janvier 1896).

II. Icliots obèses. - Nous n'avons qu'à relever rapi-

dement les particularités consignées dans les tableaux

que nous avons donnés plus haut.

4° Dr... (E.L.), Il ans. Le poids initial était de 29 kgr. Sous

l'influence du traitement, il est descendu à 25 kgr., 700, soit

un amaigrissement de 3 kgr ? 300. Deux semaines après la

suppression de la glande thyroïde il a commencé i se relever

et, aujourd'hui (10 janvier), il atteint le chiffre de 27 kgr. 600

5'l'li... (M.E.), 11 ans. Le poids initial était de 31 kgr. Il

s'est abaissé il 2') kgr. 150, soit un amaigrissement de 1 kgr.,

850. Notons .que du 19 octobre au 2 novembre, bien que le

traitement fut continué, il y a eu une légère augmentation

du poids qui n'a fait que s'accuser à partir de la suspension

du traitement et que, le 10 janvier, le poids était de 30 kgr.500.

60 R... (L.E.), 27 ans. Le poids, loin de diminuer durant

l'administration de la glande thyroïde, s'est, au contraire

accru, puisque de 59 kgr., 200 il est arrivé à 64 kgr., 400. Ulté-

rieurement, alors que R... ne prenait plus de glande thyroïde

depuis cinq semaines, le poids est descendu à 57 kgr. 500,

soit une diminution de 1 kgr., 700, sans que rien ne puisse

expliquer cette diminution consécutive. Le 10 janvier, le

poids était de 57 kgr. Différence en moins : 2 kgr. 500.

Sauf l'irrégularité que nousvenons de signaler chez

tous nos malades, il s'est produit un amaigrissement

rapide sous l'influence de la médication thyroïdienne.

Nous devons faire remarquer qu'au bout d'un certain

temps l'accoutumance survient, que le poids ne dimi-

nue plus et enfin qu'il se relève, en général, peu après

la suppression du traitement, d'où la nécessité de le

reprendre après une période de repos.

(Les photographies que nous plaçons sous les

yeux des membres de la Société, prises avant, pen-

dant et après le traitement, permettent de se ren-

dre compte de la croissance et de l'amaigrisse-

ment.)

III.

Imbécillité prononcée probablement congénitale ; spas-

mes musculaires et coprolalie ;

PAR BOUIi\I : \'1LLI : et .1. IIOYEU.

Sommaire. Père, céphalalgies. Grand'mère paternelle

migraineuse. - Grand-oncle et grand' tante paternels

atteints de débilité mentale. - Mère, rien de particulier ;

modification de la couleur des cheveux à chaque grossesse.

Tante maternelle morte d'un cancer du sein. Pas de

consanguinité. Inégalité d'âge de six mois. - Gémella-

rite.

Emotion vive au cinquième mois de la grossesse : tremble-

ment, douleurs abdominales pendant huit jours. Pre-

mière dent Ù six mois ; dentition complète à ving-huit

mois ; marche à seize mois. - Propre à dedans. Début

de la parole à dix-huit mois. - Jamais de couMtstOts.

Constatation de l'arriération entre quatre cinq ans : défaut

d'attention, etc. il sept ans, irritabilité croissante, aug-

mentée encore par les moqueries de ses camarades.

Début des spasmes et des tics à onze ans. Tendance à se

, rapprocher des garçons.

État de la malade en février 1893.

Traitement nzéclico-pédagogique. Description des spas-

mes musculaires, leur variété. Évolution de la puberté;

apparition des règles en mai 1894. Début de la coprola-

lie, (juin 189/1).- Amélioration progressive : disparition des

spasmes et de la coprolalie, développement intellectuel pro-

gressif. Amélioration remarquable.

Marie-Louise Th..., née le 16 octobre 1879 dans la Loire, est

entrée il l'Institut médico-pédagogique le 1 1 février 1893.

ANTÉcéDENTS. - (Renseignements fournis par le père et la

mère le 23 avril 1893.) Père bien portant, quarante-huit

ans ; assez grand, fort ; parfois céphalalgie ; pas de maladies

208 Amélioration considérable.

de peau; pas de rhumatismes, marié à 27 ans ; pas de mala-

dies vénériennes. [Famille du père. Père. Mort d'une flu-

xion de poitrine à cinquante-sept ans, sobre, pas d'accidents

nerveux. - llère, migraineuse, morte il cinquante-cinq ans

de refroidissement; rien à signaler dans la famille du père,

sinon un oncleet une tante paternels-peu intelligents qui ont

servi chez leurs frères et soeur, pas d'enfants].

Mère, quarante-huit ans, bien portante, pas d'accidents ner-

veux, physionomie intelligente. A son mariage, nous dit-elle,

elle était très blonde, iL chaque couche, ses cheveux tombaient

en abondance et repoussaient vite et de plus en plus bruns.

[Famille de la mère. - Père, mort écrasé par un mur, sobre,

très intelligent; pas d'accidents nerveux. Mère, soixante-

douze ans, bien portante, pas d'accidents nerveux; deux fré-

res : un mort de l'influenza, a un fils en bonne santé ; l'autre,

bien portant a un fils de même ; deux soeurs : une morte d'un

cancer du sein, très intelligente, pas d'accidents nerveux,

pas d'enfants quoique mariée ; l'autre soeur célibataire. Dans

la famille de la mère, ils sont tous nerveux, mais ni paralyti-

ques, ni aliénés].

Pas de consanguinité; inégalité d'âge de six mois.

Six enfants et deux fausses couches : 1" et 2° jumeaux (gar-

çon qui mourut à trois mois faute de soins, fille morte à

quinze jours ; était restée longtemps au passage; nés à sept

mois ou sept mois et demi) ; 3" et 4" deux fausses couches ;

- 5° une fille qui a dix-sept ans, pas de convulsions, très

intelligente ; 6° une fille qui a quinze ans, boiteuse à 1a suite

d'une chute dans l'escalier, bien portante, intelligente, pas de

convulsions; - 7° notre malade; - 8° un garçon qui a neuf

ans, bien portant, a perdu un oeil par l'éclat d'une capsule,

intelligent, pas de convulsions.

Noire malade. - Conception, rien de particulier. - Gros-

sesse, forte émotion au cinquième mois : on vint annoncer à

la mère que son mari était écrasé, elle a tremblé dix minutes,

elle a dù s'asseoir, mais elle n'a pas perdu connaissance, for-

tes douleurs abdominales qui ont duré huit jours. - Accou-

chement à terme, naturel, sans chloroforme. - A la nais-

sance, belle enfant, pas d'asphyxie, a crié de suite. Élevée au

sein par sa mère, sevrée iL treize mois, première dent à six

mois, dentition complète à vingt-huit mois sans accidents ;

marche à seize mois (plus tard que ses frères et soeurs), pro-

pre à deux ans, début de la parole il dix-huit mois. -.JaH1aÍfI

de convulsions. - C'est vers quatre ou cinq ans qu'on s'a-

perçut qu'elle n'était pas comme les autres : « elle répétait

Imbécillité prononcée; SPASMES musculaires, ETC. 209

souvent la même chose et on ne pouvait pas la fixer ». Mise

en pension vers l'âge de sept ans, elle fut l'objet des moque-

ries de ses compagnes. Elle devint de plus en plus nerveuse,

« méchante », désobéissante, paresseuse. C'est vers onze ans

que les spasmes firent leur apparition ; l'enfant prenait à cha-

que instant un nouveau tic .Pas de succion, pas de grincement

de dents, pas de balancement. Elle aurait eu des vers (oxyu-

res) à différentes reprises ; pas de céphalalgie ; sommeil bon,

pas de cauchemars; pas d'onanisme ; tendance à jouer avec les

petits garçons. - Rougeole à sept mois, légère scarlatine,

coqueluche à un an ; pas de bronchite, pas d'ophlhalmie. pas

d'adénites, pas d'abcès. Le père attribue la maladie à la forte

émotion de la mère durant la grossesse : « Ça lui vient de

naissance, dit-il, elle a toujours laissé à désirer ».

Etat de la malade à son entrée le 11 février 1893 à l'Institut

médico-pédagogique. a) Etat physique. - Physionomie

peu éclairée, les yeux, d'un gris bleu, ne sont pas vifs : les

cheveux mal plantés, grossiers, de diverses nuances, lais-

sant le front découvert ; les sourcils sont abondants, sans

solution de continuité, en ailes de chauves-souris, comme les

cheveux blonds et châtains. Le visage est fatigué, vieillot ; le

front est presque toujours ridé, les sourcils froncés, l'arcade,

sourcilière est saillante, le nez aquilin très fort, les lèvres tou-

jours closes sont minces, le menton est proéminent. La peau

est rude, d'un teint jaunâtre, desquamation.

L'habitude générale du corps ne présente rien de particu-

lier, pas d'asymétrie des membres; les seins ne sont pas sail-

lants, aisselles et pénil glabres. Le buste est épais, les mem-

bres inférieurs sont courts.

b) Etat physiologique. - Marie-Louise est d'une grande

activité, elle court sans cesse, bavarde continuellement en

faisant de grands gestes , très irritable ; le moindre travail

appliqué, la moindre tension de l'esprit l'énervent; elle frappe

du pied, elle pousse des cris inarticulés ; les mouvements des

jointures se produisent normalement. Organes des sens : vue,

assez bonne, distingue les principales couleurs du spectre,

no confond que les tons neutres; ouïe, ne présente rien de

particulier, préfère les tons doux et traînants aux sons écla-

tants et saccadés; toucher, assez délicat, aime beaucoup à pas-

ser les mains sur tout ce qui est soyeux; odorat, normal;

flaire presque tout ce qu'elle mange; goût, légèrement per-

verti, aime les saveurs fortes, mettrait du sel partout. Parole,

léger défaut de prononciation, zoli pour joli, sose pour chose.

ljOUnNBVILL1 : , Bicêtre, 1895. 4 ! k

210 Imbécillité.

Spasmes fréquents : lorsqu'elle cause, elle parle avec une

volubilité extraordinaire; elle s'arrête brusquement par mo-

ments pour lancer des éclats de voix qui paraissent la fati-

guer. Il semble que ces spasmes se produisent surtout aux

mots Commençant par une dentale ou une labiale. Il lui arrive

même souvent d'intercaler dans ses phrases une expression à

elle que l'on pourrait écrire lotit en plein. Ces trois mots

paraissent lui servir à donner plus de force à son idée et à

faire plus facilement des éclats de voix, elle les répète jusqu'à

trois fois et toujours crescendo. C'est d'une voix sourde et fati-

guée qu'elle prononce la deuxième partie (en plein). Lorsque

ces spasmes se produisent au commencement d'une phrase ou

d'un mot quelconque, ils ne sont pas aussi accentués. A

chacun de ces spasmes la physionomie change : l'enfant baisse

la tête, fronce les sourcils et rejette la tête en avant en fai-

sant éclater sa voix. A table les spasmes se traduisent par

des raclements dans le gosier accompagnes de haussements

d'épaules et de sourds aboiements de gros chien

Les fonctions digestives s'accomplissent régulièrement ;

selles quotidiennes, tendance à la constipation. - Respira-

tion, rien de particulier. - Contrairement aux renseigne-

ments fournis par les parents, le sommeil n'est pas toujours

tranquille. Il arrive à l'enfant, la nuit, de bavarder sans qu'on

puisse comprendre ce qu'elle dit.

c) Etat psychologique. - L'intelligence est peu dévelop-

pée. - Marie-Louise ne parait pas être maîtresse des idées.

Parfois, elle a de véritables idées fixes. Quand elle entend

parler d'un accident ou de quelque chose qui l'impressionne,

elle y revient à chaque instant, insiste, fait des questions de

détail, demande si cela ne pourrait pas lui arriver. Voit-elle

une voiture, par exemple, elle veut, dit-elle, se faire écraser

et lorsque la voilure passe près d'elle, elle fait un mouve-

ment, aussitôt réprimé, pour se précipiter sous les roues.

Elle s'est un jour coupée le doigt en mangeant une pomme ;

elle demande aussitôt si le sang coulerait bien fort en se fai-

sant au cou la même blessure. On parle d'autre chose, mais

Marie-Louise Th... revient à son idée et fait avec le couteau

le simulacre de se couper le cou. De peur d'accident on lui

retire le couteau.

L'attention, bien que possible, est de très courte durée, la

réflexion est impossible. - Jugement naïf; dans la conversa-

tion, coq-à-1'âne perpétuels ; une véritable confusion préside

Traitement médico-pédagogique. 211

a tous ses raisonnements. Mémon'e assez développée, réci-

te sans y rien comprendre de petites fables apprises à la

pension.

Ses parents prétendent qu'elle connaît ses lettres, mais

nous constatons bientôt qu'elle n'en connait que les noms

par ordre, mais les confond toutes. Connait imparfaitement

les chiffres qu'elle confond souvent encore. A la notion d'uni-

té et de pluralité, ne sait compter que jusqu'à dix.

d) Etat instinctif et moral. Tif .... a l'ins-

tinct de la conservation personnelle ; peureuse en gymnas-

tique ; ordonnée et soigneuse ; taquine et pas méchante ; n'ai-

me pas être grondée, ou entendre gronder quelqu'un. A la

notion de la propriété - très coquette ; n'est pas égoïste ; as-

sez docile, ne désobéit qu'en parole ; très affectueuse ; n'a pas

la notion du bien et du mal. Volonté active, veut toujours

produire quelque chose. Aime la société, surtout celle des

petits garçons. '

Traitement. - Bain d'un quart d'heure tous les huit jours,

duuche complète en jet en éventail tous les jours; petite et

grande gymnastique, cxecices des aiguilles pour la préparer

à la couture, travaux scolaires (lecture, écriture, calcul).

1893. Juillet. - Les spasmes ont diminué, à table surtout;

ils ne se produisent jamais devant un étranger. M. L. n'aime pas

la gymnastique, fait bien cependant le mouvement des échel-

les jumelles (système et de l'échelle convexe ; dis-

tingue toutes les lettres, lit sans épeler (d'après la méthode

nègimb1ud) les mots composés de syllabes simples (une con-

sonne, une voyelle). Ecrit les mots qu'elle lit. Imite de petits

dessins sur papier quadrillé. Pas de progrès en calcul, pour-

tant elle commence a compter jusqu'à vingt sans se tromper,

ne peut arriver a acquérir la notion du temps, commence

néammoins iL faire une différence entre hier et demain. A

la couture, elle travaille au canevas fait des ourlets irrégu-

liers.

Août. Traitement. Deux douches par jour, élixir poly-

bromuré d'Yvon. - L'élixir est prescrit pour atténuer les

spasmes et les périodes d'irritation. Les progrés continuent

en lecture et en écriture ; elle écrit iL ses parents des lettres

qu'elle sait lire ; les spasmes persistent.

Octobre. - Suspension de l'élixir. - Les spasmes parais»

sent avoir pris une nouvelle expression. A tout bout de

champ, l'enfant pousse un cri que l'on pourrait écrire « péAn.J »

212 TRAITEMENT MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

elle appuie surtout sur la première syllabe. - Les progrès

continuent en classe au point de vue de la lecture et de l'écri-

ture. Toujours en retard pour le calcul.

Novembre. - Au cri « péan » s'est substitué le cri « hirch »

précédé d'une forte aspiration.

1894. Janvier. - L'enfant se développe, elle épaissit, mais

ne grandit pas. La région pectorale devient saillante, les

seins commencent il se dessiner mais leur limitation est

encore dillicile, l'aréole est rosée, le mamelon a quatre ou

cinq millimètres de diamètre. Sous les aisselles, bandes de

poils de sept centimètres sur un il deux centimètres. Au

pénil, dans sa moitié inférieure et dans la partie médiane; poils

châtain foncé de quatre à cinq centimètres de long, se pro-

longeant sur les grandes lèvres dans leur moitié supérieure;

poils blonds assez nombreux sur la moitié inférieure des

grandes lèvres. Les petites lèvres sont très développées (plus

d'un centimètre de large), le capuchon fait saillie à la partie

supérieure de la vulve : - L'activité de Marie-Louise n'est pas

aussi débordante; elle est heureuse de s'occuper aux travaux

du ménage. Son jugement ne parait pas aussi naïf; par

moments on s'aperçoit qu'elle raisonne mieux.

En classe, elle lit mieux et copie mieux ; pas de progrès en

calcul. - Les dessins d'après modèle sont plus réguliers, ne

peut encore reproduire un objet usuel d'après nature. - En

gymnastique, ses mouvements sont réguliers, elle travaille au

commandement et commande elle-même.

Mars. Même traitement, reprise de l'élixir polybromuré

en raison des retours des périodes d'excitation. - Le dévelop-

pement de la puberté continue : le sens génésique s'éveille ;

M.-L. préfère de plus en plus la compagnie des petits garçons

à celle de ses camarades; par moments, expressions risquées

dont le sens parait lui échapper. Très capricieuse il l'ate-

lier de couture où l'on constate cependant des progrès réels ;

fait sur son canevas, d'après modèle, toutes les lettres de

l'alphabet.

Progrès en lecture et en écriture, fait les lettres majuscu-

les, compte sans se tromper jusqu'à cinquante ; ne peut encore

comprendre l'addition.

Avril. Même traitement : élixir polybromuré, suspendu

et repris alternativement.

- Nouveau tic singulier : elle lève successivement les deux

"bras, l'avant-bras replié sur le bras et se frappe le nez de ses

deux coudes; ello accompagne ce mouvement d'un nouveau

Cri « ouègne », la première partie est toujours plus accentuée.

Coprolalie ; impulsions génitales. 213

Elle s'amuse aussi quelquefois à faire venir la salive en abon-

dance entre les dents et les lèvres, à la faire mousser et à s'en

barbouiller toute la figure. Durant ce mois, l'enfant à été très

excitée, les spasmes sont fréquents, elle est jalouse des fil-

lettes de son âge, effrontée avec les infirmières. En classe,

pas de progrès.

Mai. - Même traitement. L'enfant se plaint de douleurs

lombaires, de la sensibilité de ses seins, de lassitude dans les

jambes. Caractère insupportable, on est même obligé de

l'isoler il plusieurs reprises.

Premières règles, le 9 mai, assez abondantes ; durée quatre

jours. La seconde moitié du mois a été beaucoup meilleure ;

Marie-Louise compte, lit les nombres jusqu'à cent ; commence

l'addition.

Juin. - Même traitement. - Les spasmes se produisent

sous la forme d'un nouveau cri « pia » qu'elle accompagne

d'un mouvement particulier : elle projette brusquement le ven-

tre en avant en ramenant en arrière les bras et la jambe

gauche.

Début de la coprolalie. - Les spasmes musculaires sont

remplacés par la coprolalie : M.-L. prononce tantôt à pleine

voix, tantôt à demi-voix dans le courant de la conversation le

mot de Cambronne. Elle sait qu'elle fait mal en disant des

paroles grossières ; quand elle arrive à se retenir, sa conver-

sation est hachée, saccadée, il lui tarde d'être seule pour

donner cours à la coprolalie. Si elle laisse échapper une gros-

sièreté, on s'aperçoit aussitôt qu'une détente s'est produite,

et que sa conversation est normale.

18 juin. - Règles, durée cinq jours. - Préférence marquée

pour les corvées dégoûtantes, par exemple vider et rincer en

se cachant les vases de nuit des gâteuses ; elle comprend en

effet qu'elle ne doit pas faire cette besogne.

En classe, progrès à constater. Commence à mettre l'ortho-

graphe, compte jusqu'à mille.

Parait avoir le sentiment de la justice, reconnaît facilement

quand elle a tort.

Juillet. - Traitement : douches, élixir polybromuré de une

à deux cuillerées avec suspension. - Le 10, règles, durée qua-

tre jours.

On remarque qu'il y a alternance, entre la coprolalie, et les

spasmes musculaires; lorsque la première s'atténue, Tes

seconds redoublent et réciproquement. Véritables poussées

génitales qui paraissent inconscientes. Elle appelle l'un de

nous « son amoureux » et voudrait qu'il l'embrasse au lit.

514 Traitement médico-pédagogique.

/iott(. Traitement : douches, suspension de bromure,

gymnastique, etc. - L'cnfant est réglée régulièrement. z

Les spasmes musculaires sont de moins en moins fréquents,

mais la coprolalie persiste.

Septembre. - M.-L... fait très régulièrement tous les exer-

cices de la grande et de la petite gymnastique. Elle écrit sans

faute et sous la dictée les cent premiers nombres, fait des

additions sans retenue; son écriture est régulière, mais elle

écrit très gros, car elle appuie trop sur sa plume ; la mémoire

scolaire parait se développer ; elle connaît la valeur de tous

les termes géographiques, l'histoire élémentaire des temps

primitifs de la France, elle acquiert de petites connaissances

usuelles (aliments, tissus, éclairage et chauffage) ; en gram-

maire, distingue le nom, l'adjectif et le verbe, sait mettre au

pluriel les noms et les adjectifs, les notions de forme se pré-

cisent dans son esprit ; clans les travaux manuels elle pro-

gresse ; elle fait bien le point de tricot et commence à racom-

moder des bas.

Octobre. - Les cris redeviennent fréquents; ce sont des

gnas saccadés qu'elle accompagne de coups de poings sur

sa poitrine; elle fait aussi à chaque instant le simulacre de

s'élancer sur quelqu'un en inclinant le corps en arrière et

projetant le corps en avant (arc de cercle vertical).

Novembre. - Recrudescence de la coprolalie, mots très

grossiers à l'adresse de ses parents. Les progrès se sont t

arrêtés en classe.

Décembre. - La coprolalie diminue, les cris se font entendre

rarement, les mouvements spasmodiques sont encore plus

rares. L'arrêt persiste dans les progrès scolaires.

1895. Janvier. Marie-Louise devient de plus en plus

calme, les mouvements spasmodiques semblent avoir disparu.

A l'école le travail est plus assidu : elle connait l'orthographe

de tous les mots usuels, fait des copies sans faute, conjugue

à l'aide de la grammaire les temps principaux des verbes

réguliers, fait de petites additions avec retenue.

Février. - L'enfant ne crie plus, les mots grossiers sont de

plus en plus rares ; Marie-Louise aime la société de ses petites

compagnes auxquelles elle se plaît à rendre service. A l'école,

progrès dans l'orthographe d'usage, mais grande difficulté

dans l'application des règles grammaticales.

. Mars. - Les cris et les mots grossiers n'ont pas reparu. En

classe, bonne volonté à laquelle elle no nous avait pas habitué.

Avril. - Durant ce mois on a constaté quelques mots gros-

siers. M.-L. fait bien les ourlets des serviettes et des draps.

Amélioration considérable. 215

.Va ? - Ni cris ni mots grossiers. L'enfant devient raison-

nable et même prévenante; ses manières sont beaucoup plus

douces. Les progrès à l'école et à la couture continuent; il

n'y a que la gymnastique qu'elle ne fait pas avec plaisir.

Juin. L'enfant nst de plus en plus gentille, elle est sen-

sible aux reproches qu'on lui fait de plus en plus rarement.

En classe l'écriture est meilleure, l'enfant lit couramment,

fait seule des lettres à sa famille, l'orthographe est meilleure,

elle fait de petites soustractions, sait écrire les nombres de

quatre chiffres. A la couture, fait les petites réparations d'en-

tretien. C'est elle qui fait le ménage de sa chambre qu'elle

tient très propre.

Juillet. - Marie-Louise sort en congé avec ses parents le

1" juillet. Au bout de quelques jours d'observation et de

promenades en ville, ils la trouvent très améliorée, la consi-

dèrent comme guérie et se décident à l'emmener chez eux

(10 juillet).

Octobre. - Une lettre qui nous est adressée par les parents

de Marie-Louise, en octobre 1895, nous annonce que l'enfant

« va de mieux en mieux, et contente tout le monde. Ses

parents et ses amis l'ont trouvée bien changée ».

Tableau des mensurations de la tète, du poids et de la taille.

216 Traitement médico-pédagogique.

d'origine congénitale et nous paraît devoir être ratta-

chée à la vive émotion éprouvée par la mère au cin-

quième mois de la grossesse. Jamais, en effet, on n'a

noté de convulsions. Dès la première année, l'enfant

était en retard par rapport à ses soeurs. Ce n'est toute-

fois que vers quatre ou cinq ans que les parents se

rendirent un compte exact de l'arriération intellec-

tuelle de leur enfant.

III. L'enfant fut mise en pension, mais, ainsi qu'il

advient généralement en pareille circonstance, (- Marie-

Louise fut le souffre-douleur de ses compagnes. Loin

de s'améliorer, son état mental s'aggrava, et, en par-

ticulier, son irritabilité alla sans cesse croissant, pré-

parant l'éclosion de nouveaux accidents. Les spasmes

musculaires, les tics variés, firent leur apparition (Il 1

ans).

IV. Le développement de la puberté semble avoir

été l'occasion d'un arrêt dans l'amélioration, que le

traitement avait procurée. Cet arrêt a été momentané,

et après l'établissement des règles, les progrès intel-

lectuels ont suivi une marche ascendante. C'est alors

aussi que s'est produite une modification dans la

nature des spasmes. Les spasmes musculaires ont

été remplacés par des spasmes qu'on pourrait appeler

psychiques, caractérisés par de la coprolalie et des

impulsions à accomplir, malgré la défense, les beso-

gnes les plus répugnantes. Pendant plusieurs mois, on

a observé une alternance curieuse entre les spasmes

musculaires et les spasmes psychiques.

V. A partir du mois de décembre 1894, sous l'influ-

ence persistante du traitement médico-pédagogique,

on note une amélioration croissante de l'état général

de la malade : les spasmes musculaires et les spasmes

psychiques s'éloignent de plus en plus et cessent défi-

Amélioration considérable. : il i

nativement; l'intelligence se développe, l'enfant arrive

à lire et écrire couramment, à compter jusqu'aux nom-

bres de 4 chiffres, qu'elle écrit et lit, à faire des

additions et des soustractions, à acquérir des notions

sur tout ce qui l'entoure ; le raisonnement n'est plus

aussi naïf; l'attention et la réflexion sont possibles,

ce qui lui permet d'apprendre et de connaître l'ortho-

graphe, de rédiger elle-même des lettres pour ses

parents. Marie-Louise devient, en un mot, une enfant

presque ordinaire, se plaisant aux occupations de son

sexe et de son âge (travaux de ménage et de couture).

Personnellement, nous estimons que la famille aurait

mieux fait de laisser cette jeune fille en traitement

pendant plusieurs mois encore, afin de consolider les

résultats obtenus et d'en provoquer certainement de

nouveaux.

IV.

De l'emploi thérapeutique du bromure de camphre

ou camphre monobromé ;

p .11' IIOl"I\E\.ILLE.

De nombreux travaux ont été publiés sur les usa-

ges thérapeutiques du bromure de camphre depuis

notre dernière revue (1). Nous allons les analyser

hrièment et nous y ajouterons de nouveaux faits,

empruntés à notre pratique ; enfin nous insisterons

sur ceux qui sont relatifs à l'épilepsie vertigineuse.

I. Dans nos publications antérieures, nous avons

signalé les bons résultats obtenus à l'aide du bro-

mure de camphre dans les affections des organes

c/énito-ZCiozies, en particulier contre les troubles

nerveux de la vessie, le ténesmc vésical, etc., par

MM. Siredey, Dcsnos, Lannelongue, Longuet, Gubler,

Berger, Petrowitz etc. (2). Nous appuyant sur l'ex-

périence de ces auteurs, nous avons prescrit, en

maintes circonstances, le bromure de camphre en

capsules à des malades atteints de blennorrhagie

accompagnée d'érections douloureurcs, seules ou

jointes il de la cystalgie. Toujours ces malades nous

ont affirmé avoir retiré un prompt soulagement de

cette médication, et le fait suivant vient à l'appui de

notre opinion.

(1) Progrès médical, 1885, 11- 24, p. 408.

(2) La plupart de ces auteurs ont employé les capsules du Dr Clin.

Bromure de camphre. 219

OBSERVATION I. - BLe71720T)'It8(JiG' ; herpès lonsurans pris

pour des syphilides du cuir chevelu; cyslalgie co)îséctttive

à une injection phéniquée. - Erections douloureures ; cys-

taluie : bromure de camphre. Guérison. (Obs. commuquée

par le D1' Marcel 13nl¡l : -\D).

Fér..., employé aux Halles centrales, âgé de 28 ans, marié

depuis quelques mois, est soigné par son pharmacien pour

un écoulement uréthral remontant à une quinzaine de jours.

c'est-à-dire au commencement de février (1886).

Antécédents. Pas de maladies antérieures, si ce n'est quel-

ques douleurs rhumatismales qui lui reviennent par inter-

valles ; rien au coeur. Uu grand-oncle s'est suicidé. S'aperce-.

vant que ses cheveux tombaient par places, il a fait part de

sa découverte à son pharmacien ; celui-ci lui a donné clos

pilules mercurielles à la dose de ? et lui a prescrit une injec-

tion phéniquée à la dose de ? ' ? - (Pas de renseignements).

En prenant sa première injection, le malade a senti une

sensation de froid et, immédiatement après, une douleur

fulgurante qui « lui a traversé le ventre ». C'est ce qui l'a

décidé à faire venir le médecin. Fièvre ; P. à 1 ! 0. - L'urine est

rare et son expulsion s'accompagne d'une émission de quel-

ques gouttes de sang qui s'écoule clans les derniers spasmes.

Traitement : sangsues au périnée, bains de siège tièdes. z

Le lendemain, la douleur est moins violente; il n'y a plus de

sang. Bains de siège, bicarbonate de soude à l'intérieur.

23 février. L'examen microscopique d'un cheveu démon-

tre la présence du tricophyton tonsurans. Lotions au sublimé.

24 février. Ecoulement verdâtre ; les douleurs persis-

tent ; le malade s'affecte beaucoup de son élat : il a parlé plu-

sieurs fois de se tuer : sa femme craint que pendant la nuit

il ne se jette par la fenêtre. Excitation, surtout la nuit, moti-

vée par des érections douloureuses et une grande souffrance

que le malade éprouve dans la vessie à chacun de ses mou-

vements. Il attribue ces phénomènes aux bains tièdes et

déclare ne plus vouloir en prendre. Traitement : 5 gr. de

bromure de camphre dans un julep avec du sirop d'écorces

d'oranges amères.

25 février. La nuit a été plus calme, mais la cystalgie per-

siste. Tendance à l'amélioration. Compresses froides sur le

périnée. Bromure de camphre, 5 gr. - 2G février. Même

traitement-. t.

27 février Les douleurs diminuent; le malade se plaint

encore d'uno pesanteur dans le bas-ventre. 29 février. Il

220 Thérapeutique.

n'y a plus de douleurs ; calme complet; le malade se croit guéri

et demande à se lever; les érections ne sont plus pénibles.

3 maw. - Épilation à l'hôpital Saint-Louis. Le bromure de

camphre est continué sur la demande du malade.

4 Le pus qui s'écoule de l'urèthre est plus jaune,

il entraine encore le matin quelques filets de sang.

5 mar8.- Cessation du bromure de camphre. Traitement :

6 capsules d'essence de santal citrin.

12 marc.- L'écoulement s'est favorablement modifié (12

capsules de 13an[ ? I.

20 mars. Le linge du malade est à peine taché. 30 mars.

Même état.

2 avril. - Le malade s'impatiente de voir l'écoulement per-

sister ; il n'a pu dormir depuis deux nuits. Quelques pesanteurs

dans le bas-ventre. Traitement : Bromure de camphre G gr.,

il continuer pendant quatre jours ; essence de santal.

7 avril ? Il reste à peine un léger suintement du canal :

6 capsules de santal.- 15 avril. Injections de sulfate de zinc

à 1 0/0, 6 capsules de santal.

20 avril. - Il n'y a plus d'écoulement; le malade doit con-

tinuer encore, pendant quelques jours, le santal et les injec-

tions ; il entre à Saint-Louis pour se faire épiler de nouveau.

Encouragé par les succès obtenus contre le ténesme

vésical chez les blennorrhagiques, nous avons employé

le bromure de camphre chez un malade, âgé de 7 ans,

atteint de rétention d'urine consécutive à une hyper-

trophie de la prostate. Les douleurs vésicales, qui

étaient extrêmement vives, ont diminué dès le second

jour et ont tout-à-fait disparu au bout de quelques jours.

Le bromure de camphre, dans ce cas, a été un excel-

lent adjuvant du traitement classique de la rétention

d'urine. C'est ainsi que nous avons été amené,

ainsi que nnii l'avons dit autrefois, à employer et à

conseiller l'emploi du bromure de camphre contrôles

douleurs vives, brûlantes, avec ténesme, des crises

vésicales tabétiipies.

Nous rappellerons aussi que le D'' Pathault a consigné

dans sa thèse un cas très intéressant de spernzatorrhée,

qui lui a été donné par M. le Dr Desnos, et dans lequel

on n'a eu se louer des bons effets du bromure de

Bromure de camphre. ? 21 1

camphre. D'autres faits sont venus plaider en faveur

de ce traitement. Nous nous contenterons de repro-

duire, sur ce point, une note insérée dans The Jour-

nal of the Anw1'ican médical Association du 20 février

1892, page 243, d'après le Médical Svnn2ay :

« Le monobromure de camphre, est-il dit, a été employé

avec plein succès dans le traitement de la spermatorrliée,

dans des cas où une foule de médicaments ordinaires avaient

été administrés sans aucun résultat satisfaisant. Finalement,

le monobromure de camphre était donné avec un prompt

effet et suivi d'une guérison parfaite. »

II. m. le D'' Curryer a publié dans Chicano mecli-

cal l'im,e8 (july 1891, p. 305), un article intéressant

sur l'emploi en thérapeutique du monobromure de

camphre. Il insiste en premier lieu sur les avantages

qu'il en a retirés « dans les maladies des enfants et

les accidents dus à la dentition. » Après avoir rappelé

qu'il a décrit, il y a plusieurs années, les bons résul-

tats qu'il avait obtenus de ce médicament, il ajoute

que s'il y revient de nouveau, c'est « afin de décider,

si c'est possible, d'autres praticiens à essayer ce

remède vraiment bon dans la période de dentition des

enfants. » Quelques citations résumeront ce travail

et donneront une idée de l'enthousiasme de l'auteur,

enthousiasme que nous constatons rarement de la part

des médecins pour les médicaments.

a Le monobromure de camphre calme la douleur des nerfs

enllammés, diminue l'intensité des névralgies, là où d'autres

remèdes ne feront généralement rien. Il est efficace dans la

diarrhée, les névralgies et les convulsions provoquées par la

dentition. »

M. Curryer ajoute qu'il prescrit également le mono-

bromure de camphre « dans les cas de turbulence,

d'insomnie, d'irritation provenant de l'inflammation

des nerfs dentaires. » 11 rappelle que le camphre, sous

toutes ses formes et ses combinaisons variées, s'est

222 Thérapeutique.

montré efficace « dans la coqueluche, la chorée, l'hys-

térie et l'épilepsie. » Puis, dans des termes quelque

peu dithyrambiques et même mystiques, - la citation

suivante le montre il vante l'emploi du monobro-

mure de camphre dans une autre maladie grave de

l'enfance :

« Le monobromure de camphre, dit-il, est un envoi de Dieu

(sic) contre le choiera infantile ; il diminue l'hypcremie céré-

Iro-spinale, calme l'irritation, arrête les symptômes réflexes

et sauve le malade

« Dans les cas complètement ^développés de choléra infan-

tile, avec abattement, amaigrissement excessif, traits pinces

et ridés, refroidissement des extrémités, incontinence invo-

lontaire d'urine, etc., ce médicament produira dans la plupart

des circonstances une réaction, arrêtera l'écoulement séreux,

contrôlera les fonctions de l'estomac, apaisera l'action ner-

veuse et donnera un renouvellement de vie.»

Nous ne pouvons formuler aucune appréciation sur

ce point particulier du traitement du choléra infantile

par le bromure de camphre, n'ayant pas eu l'occasion \

de l'expérimenter, mais il nous a semblé utile de

signaler l'opinion d'un homme qui, depuis des années,

emploie couramment, et peut-être, nous le répétons,

avec trop d'empressement, le bromure de camphre.

Voici, pour terminer en ce qui le concerne, comment

il prépare et administre le médicament :

« Je prends habituellement environ 4 gr. 36 de menobromure

de camphre en cristaux et, après l'avoir trituré dans un mor-

tier de bois jusqu'à ce qu'il soit réduit en une poudre très fine,

j'y ajoute 39 gr. 36 (1) de sucre de lait. Je continue avec soin

la trituration pendant une heure environ, jusqu'à ce que le

mélange soit bien homogène et réduit en une poudre aussi

fine que possible. Ceci fait, je mets le mélange dans un flacon

hermétiquement fermé.

« La dose que je prescris d'habitude, pour une diarrhée

ordinaire accompagnée de maux de tête, de nausées et d'in-

(1) Une drachme et neuf drachmes.

Bromure de camphre. 223

somnic, est de 0 gr. 132 à 0 gr. 198 (I) toutes les deux heures

que l'exige la gravité des symptômes. Le remède peut-être

augmenté jusqu'à ce que la maladie soit jugulée. Toutefois, la

dose indiquée apporte ordinairement du soulagement. »

L'auteur administre, parfois, concurremment l'aco-

nit, le gclscmium, la pepsine, et il termine en ces

termes : « Si les médecins pouvaient se décider à

faire l'essai du monobromure de camphre, en dehors

de tout préjugé, ils banniraient les astringents et

les opiacés et, de cette façon, ils sauveraient un

grand nombre d'enfants qui, autrement, sont perdus.»

III. - D'après M. Crinon (2), le « bromure de cam-

phre a été expérimenté pour la destruction du bacille

de la tuberculose et possède à cet égard une véritable

énergie. » Cette action est en effet très probable, le

camphre étant un antiseptique et le monobromure de

camphre étant une de ses combinaisons.

IV. - Le journal Les nouveaux remèdes (1889, p.

275) a publié sous ce titre . Usages thérapeutiques du

camphre monobromé, une note intéressante emprun-

tée au Fortschrift (1889, n° 8, p. 154) que nous repro-

duisons it-extenso.

« On sait, dit-il, que ce médicament est employé déjà, de-

puis longtemps, dans le delirium tremens et, mélangé au

phosphate acide de codéine, dans la morphinomanie aux do-

ses de 0 gr. 5 par jour. John Stevens (Mel. Pr. i le recommande

aussi dans l'épilepsie où il le prescrit à la dose de 0 gr.,6. -

Il l'a aussi administré avec succès dans beaucoup de cas

d'excitabilité réflexe exagérée comme, par exemple, l'hys-

térie et la spermatorrhée. L'action du camphre monobromé

(surtout quand il est combiné à la belladone) découle de l'in-

fluence tonique de ces deux médicaments sur les nerfs vaso-

moteurs : l'hyperémie diminuant, il se reproduit d'autant une

atténuation de l'excitabilité exagérée. Il faut commencer par

(1) Deux grains (0 gr. 006) à trois grains.

('Z) Crinon. Heouc des 1nétlil'iullcHls 110uveau.\', 1890, P. ?

224 Thérapeutique.

des doses de 0 gr. à à 0 br. 3 et ne les élever jusqu'à 0 gr. 6

que petit à petit. »

V. - Le Dr Funaioli (1) a employé sur une assez

grande échelle le monobromurc de camphre à l'asile

de Sienne. Il l'a trouvé très utile dans les formes

hystériques do l'aliénation et moins avantageux dans

la manie intermittente et la mélancolie. Enfin il n'en

a retiré aucun bénéfice dans l'épilepsie se présentant

sous forme d'accès. Ce dernier résultat négatif, bien

qu'il soit en contradiction avec les bons résultats

enregistrés par d'autres auteurs, entre autres Stevcns,

comme nous venons de le voir, n'a rien qui nous

surprenne, car c'est dans Y épilepsie vertigineuse seu-

le ou dans les cas d'épilepsie avec accès et vertiges

que très souvent nous avons eu à nous féliciter de

l'emploi de ce médicament (2).

De même que M. Funaioli, nous avons noté bien des

fois, et encore tout récemment chez une jeune fille,

Choc..., atteinte de la petite hystérie, les heureux

effets du bromure de camphre, administré sous forme

de capsules dans le traitement de divers accidents

hystériques, notamment les palpitations et les troubles

du sommeil (rêves fatigants, cauchemars). Voici un

autre fait :

Un enfant de. notre service, Dcclez..., âgé de 12

ans, avait quatre ou cinq fois par semaine son som-

meil troublé par des cauchemars : il avait tout à coup

une sensation qu'il compare à une chute dans un fossé,

un puits ou un précipice. Il se réveillait en sursaut,

effrayé. Une fois réveillé, ayant les yeux ouverts, il

s'imagine voir des soldats qui veulent le précipiter

(Il Journal of mental science, t. XXV, 1880, page 125, d'après Arclticio pur

le .11,ilillie nercose.

("2) Nuus donnons, d'après l'Index tnedir«s, 1880, page 396, l'indication du

travail suivant que nous n'avons pu nous procurer : l'éters (Il ). li.vpcrinm«-

talle Ijcllrdile zur (les .1loIWú¡,olllcallill/¡e,'s (Camplaon\

U101\()l¡romataj. Dorpat, 1880, i«-8^.

BROMURE DE camphre. 225

dans des trous (hallucinations hypnagogiques). Au

bout de 5 à 15 minutes, il se rendort. Ces phénomènes

se reproduisent 2 ou fois par nuit. Nous lui avons

fait prendre tous les soirs d'abord deux capsules de

bromure de camphre, puis trois. Le traitement a été

continué environ deux mois. Les cauchemars et les

hallucinations ont entièrement disparu.

VI. - Nous avons dit autrefois que M. Deneffe (de

Gand) avait eu à se louer de l'usage du bromure de

camphre dans le delirium tremens. Le cas ci-après,

emprunté au Dr James Weir (The Louisville Jled.

nets, 17 oct. 1885, p. 241), vient à l'appui de cette

opinion.

« Je fus appelé, dit-il, à visiter M. G... le 8 septembre dans

un hôtel de la ville et constatai qu'il était atteint de delirium

tremens. Je lui administrai une pilule purgative. Quatre

heures après l'ingestion de la pilule, il eut des évacuations

abondantes. Comme les aménagements de l'hôtel ne permet-

taient pas de pouvoir l'y soigner, je fis transporter mon

malade à l'infirmerie, et là j'ordonnai qu'on lui fit prendre

une capsule de bromure de camphre (5 grains ou 33 conti ? )

toutes les heures jusqu'à ce qu'il s'endormît. Des amis vinrent

le chercher et le tirent transporter dans une maison parti-

culière où j'allai le visiter dans la soirée. Je constatai qu'il

était encore agité, très énervé et avait des frayeurs. Il n'a-

vait pris qu'une pilule. Je lui en fis prendre une seconde et

prescrivis qu'il en prit une d'heure en heure. Après la 3'' dose

il s'endormit d'un sommeil calme et ne se réveilla que le len-

demain matin à 10 heures. En ouvrant les yeux, il réclama son

déjeuner. Il mangea avec appétit. Je pris congé de lui le len-

demain soir. »

VII. - D'autres auteurs, avant M. Funaioli, ont pres-

crit le bromure de camphre dans le traitement de l'é-

pilepsie, entre autres le Dr Decès (de Reims). Nous

l'avons essayé il y a bientôt 20 ans et, depuis, nous

n'avons pas cessé de l'administrer, en nous limitant

aux cas dans lesquels il n'y a que des vertiges, ou aux

cas d'épilepsie dans lesquels les accès sont compli-

Bourneville. Bicêtre, 1895. 15

226 Thérapeutique.

qués de vertiges nombreux. M. le D`' Cornet a insisté

aussi, dans sa thèse, sur les avantages du bromure de

camphre dans les cas de ce genre (1). A l'appui de notre

opinion, nous croyons utile de citer quelques nouvelles

observations. Nous le ferons très sommairement.

OIIS. I. - Epilepsie vertigineuse.

Sommaire. - Père violent, nombreux excès de boisson; mort

de tuberculose pulmonaire. - Grand-père paternel, excès

de boisson. - Mère, rien de particulier. Grand'mère

maternelle, morte d'apoplexie. - Tante maternelle, mi-

graineuse. - Pas de consanguinité. Inégalité (1'ilge de 2

ans. - Quatre frères morts de convulsions et deux autres

de méningite.

Marche, parole et propreté précoces. - Rougeole il 7 ans.

Début des absences il 10 ans. Bromure de camphre :

Disparition des accidents épilepliljtWs.

Susmé... (Charles Alfred), né à Paris, le 10 février 1819, est

entré à Bicètre le 30 septembre 1890.

Sa mère décrit ainsi ses accès comitiaux : « Il est pris subi-

tement au milieu de ses petites occupations, et cela 4 à .') fois

par jour, d'une perte de connaissance sans chute, sans autre,

phénomène couvulsif qu'une légère élévation des yeux. Pas

de morsure de la langue, ni de miction involontaire. Il ne

laisse pas tomber les objets qu'il tient dans la main. La durée

de ces accidents ne dépasse pas 5 à 6 secondes ».-

Bromure DE camphre. 227

OBS. II. - Épilepsie idiopathique ( ? ).

Sommaire. Grand-père paternel alcoolique. Grand'mère,

grand'tante et cousin paternels aliénés. - Autre grand-père

pateozel alaxiclue. - Grand'mère maternelle aphasique.

Soeurs, convulsions de l'enfance.

Convulsions fréquentes de 18 mois à 2 ans. - Peur à -13 ans.

- Six mois après premier accès (août 1884). - Accès de

plus en plus rapprochés. - Vertiges nombreux : bromure

de camphre ; disparition des vertiges.

Jeun... (Jos.-lIarcel), né le 26 décembre 186D, est entré dans

notre service le 3 septembre 1885. Voici le tableau de ses

accès et de ses vertiges :

228 Thérapeutique.

malade dans la section des épileptiques adultes (20 novembre

1890). De plus il a pris des douches à partir du mois de mai.

Réflexions. Après avoir fait remarquer que si

l'acélan.ilicle a peut-être diminué légèrement les ac-

cès (puisqu'il n'y en a eu que 7 du 1 ? avril au 30 sep-

tembre 1889, temps durant lequel cette substance a

été employée, tandis que durant la période correspon-

dante de 1888 on en avait compté 10), en revanche les

vertiges sont allés en augmentant (69 en 1888 et 21)

en 1889). Sous l'influence prolongée du bromure de

camphre (janvier-novembre), nous voyons les vertiges

diminuer, puisque dans les cinq derniers mois de son

séjour (juillet-novembre), il n'en a eu que 10 alors que

durant la même période de 1889 il en avait eu 81.

OI3S. III. - Idiotie complète ; Epilepsie.

5oawauie.- Père, arrêt de développement intellectuel :

céphalalgies.- Oncle paternel suicidé ace ans. Mère

rhumatisante, névralgique, migraineuse. - Grand-père

materne ! r/t'nnaHsant. Grand' mère maternelle rhuma-

tisante et migraineuse. - Arrière-grand-père maternel

mort paralytique. - Cousin-germain mort de méningite.

- Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de 19 an*

(mère plus âgée.)

Peur à la fin de la grossesse. - Première dent et parole

sa un an. Marche a 18 mois. - Gâtisme constant. Pre-

miers vertiges à un un. Accès à 14 ans et demi. - Vers

intestinaux. - Rougeole en mai 1887. Syphilis en 1888

Rubéole en 18\10. - Marche des accès et des nertiyes.-

Bromure de camphre de janvier à septembre 1894 : dimi-

nution considérable des vertiges ; suppression du médica-

ment. Élixir polybromuré en 1891 : augmentation de*

accès, réapparition des vertiges. - Bromure d'ammonium

et de rubidium en 1891 augmentation des accès et des

vertiges.

Berthou... IV ? né le 9 juillet 188, est entré dans notre ser-

vice le 2 mai 1897.

Du mois de mai 1887, époque de son admission, au mois

d'août de la même année, on ne relève aucun accident. En

BROMURE de camphre.. 229

septembre, il a 2 accès et 10 vertiges ; rien en octobre ; en

novembre 42 accès et 35 vertiges, et en décembre 4 accès et

9)7 vertiges. Après avoir consigné 10 vertiges en janvier 1888,

on ne note plus rien, par un regrettable oubli de surveillance.

Nous constatons cette irrégularité en octobre et recomman-

dons de mentionner tous les accidents qui se produisent. On

constate 105 vertiges en novembre, 161 en décembre 1888 et

198 vertiges en janvier 1889. Le bromure de camphre est ad-

ministré du mois de janvier à la fin de septembre 1889. Les

vertiges demeurent fréquents en février (119) et en mars (235),

puis sous l'influence prolongée du bromure de camphre, ils

diminuent de plus en plus, cessent presque complètement

puisqu'on n'en compte plus que trois dans les sept mois qui

suivent. Comme les accès l'emportaient sur les vertiges, en

1890 nous avons prescrit l'élixir polybromuré. Ce médica-

ment étant demeuré sans effet, nous avons essayé, du mois

de février 1891 au mois de décembre 1892, le bromure d'am-

monium et de rubidium à la dose de 1 à 4 gr. Le tableau ci-

après montre que les accès et les vertiges ont augmenté au

lieu de diminuer.

230 Thérapeutique.

phre n'ayant pas été repris en 1890, 1891 et 1892, et ayant été

remplacé par d'autres médicaments, nous voyons les vertiges

monter de 57 à. 314. Aussi nous proposons-nous de faire une

nouvelle épreuve de l'action du bromure de camphre.

OBS. IV. Imbécillité A UN DEGRÉ PRONONCÉ ET Épilepsie

symptomatique.

SOMMAIRE. - Père peu intelligent, violent; traumatisme

céphalique antérieur à la naissance de l'enfant et suivi

d'aliénation mentale. Grand' oncle paternel paralysé du

bras.- Mère, faiblesse des jambes durant l'enfance ; réglée

a 7 ans. - Grand'mère maternelle paralytique. - Oncle

maternel aliéné. - Deux tantes hystériques.- Pas de con-

sanguinité. Inégalité d'âge de 9 ans.

Grossesse tourmentée. Premières convulsions à 3 mois,

revenues à diverses reprises jusqu'à 4 ou 5 ans, suivies de

pa1'lJsie des membres inférieurs.- Accès à 4 ou 5 ans. -

Vertiges à 7 ans et demi.- Érythème noueux (1886).-

Elixir polybromuré en 1885 et 1886.- Bromure de cam-

phre du 23 avril au 7 juin 1886 : diminution des vertiges.

- Suspension du médicament : retour progressif des ver-

tiges. - Reprise du bromure de camphre en février 1887 :

Suppression des vertiges. - Rougeole. - Suspension du

bromure de camphre; retour des vertiges. - 1888 : Nou-

velle administration du bromure de camphre : diminution

des vertiges. - Suspension du médicament : rechute. -

1889 : nouveau traitement par le bromure de camphre ;

amélioration progressive. - Suspension du médicament

à partir de juillet : réapparition et augmentation progres-

des vertiges. - 1890 : Reprise du bromure de camphre

en février; amélioration. - Suspension en août suivie

d'une augmentation des vertiges en septembre. Reprise

du bromure de camphre (de 2 à 7 capsules de 20 centigram-

mes chaque, du Dr Clin}, jusqu'au leur août 1891 : Diminu-

tion puis disparition des accès et des vertiges qui n'ont pas

reparu depuis le mois de février 1892.

Lpl... (Antoine), 16 ans, est entré à Bicêtre, dans notre ser-

vice, le 21 août 1885.

Ce sommaire donne une idée suffisante de l'histoire du ma-

lade que nous ne reproduisons pas ici, ayant été insérée assez

longuement dans la thèse de M. Cornet. Le tableau suivant

que nous complétons, car le tableau de M. Cornet s'arrête au

Bromure DE camphre. 231

mois de mai 1889, met bien en relief l'action du bromure de

camphre. Chaque fois que le médicament est administré, au

bout d'un mois ou deux au plus, les vertiges diminuent : cha-

que fois qu'il est suspendu, les vertiges reparaissent et vont

en augmentant de mois en mois. Enfin le bromure de cam-

phre ayant été donné pendant un an (septembre 1890-aoùt

1891), nous avons obtenu une très sérieuse amélioration, nous

n'osons dire une guérison complète, bien que l'enfant n'ait

eu ni accès, ni vertiges depuis un an, car en fait de guérison

de l'épilepsie, on ne saurait être trop réservé.

. L'administration du médicament, pour être efficace, doit

être prolongée pendant des mois. Parfois, elle peut être sui-

vie, durant le premier mois, d'une augmentation des vertiges,

réelle ou apparente en ce sens que la surveillance est plus

attentive, dès que le malade est mis en traitement. D'ailleurs

le premier mois la dose du médicament est peu élevée.

Tableau des accès et des vertiges de Lel...

232 Thérapeutique.

tées des mots usuels, connaît les trois premières

règles, réussit les problèmes qui reposent sur elles.

A l'atelier de vannerie il s'applique et fait des pro-

grès. Dans ses dernières notes, l'instituteur constate

(pic l' « intelligence se développe et que le caractère

se modifie avantageusement, l'enfant étant moins

violent et moins grossier. » L'amélioration intellec-

tuelle a surtout fait des progrès depuis 18 mois.

Cas. V. - Epilepsie.

Sommaire. - Début des crises il 5 ans 1/2. - Grand-père très

alcoolique. - Sept tantes et oncles morts en bas-âge de

convulsions. - Soeur épileptique. - Paralysie passagère

(le la langue.

Kl... Pierre, 13 ans, est entré à Bicêtre le 8 janvier 1886.

Pendant trois ans, de 1886 à 1888, il a été mis au traitement

par l'élixir polybromuré.

z1889. 21 janvier. - Traitement : élixir polybromuré et bro-

mure de camphre. Ce dernier médicament a été administré

sous forme de capsules (Dr Clin) de 2 il 6 chaque jour, par

périodes de 5 jours; puis, porté à 7 et 8 capsules pendant 3

jours. Il a été ensuite repris, après une suspension d'une

semaine, et continué de la sorte jusqu'à la fin de 1890. Dans

les premiers mois de 1891, Kl..., alors qu'il allait notablement

mieux au point de vue du mal caduc, a été atteint de diarrhée,

s'est affaibli progressivement et a succombé à une congestion

pulmonaire (27 mars 18'))). Voici le tableau des accès et des

vertiges.

Bromure DE camphre. 233

1)1.etlx-il nous semble très utile d'administrer simultané-

ment l'élixir polybromuré et le bromure de camphre.

Les cas qui précèdent renferment, à notre avis, des

détails précis de nature à apporter la conviction dans

les esprits et à montrer l'utilité incontestable du bro-

mure de camphre seul, dans le traitement de l'épiles

sie vertigineuse, ainsi que dans l'épilepsie avec accès

et vertiges , combiné avec l'élixir polybromuré.

EXPLICATION DES PLANCHES.

23G Explication des planches.

Planche I.

Face convexe de l'hémisphère droit.

1 F2, P : I, première, deuxième et troisième circonvolutions

frontales.

F.A., frontale ascendante.

S.R., sillon de Rolando.

P.A., pariétale ascendante.

L.P.S., lobule pariétal supérieur.

L.O., lobe occipital.

Tl, première temporale.

S.S., scissure de Sylvius.

Les chiffres 1,2,3.... 91,1 indiquent les îlots de sclérose

tubéreuse.

BOURNEVILLE, Bicêtre, 9895. PL. I.

238 Explication DES planches.

Planche II.

Face interne de L'hémisphère droit.

1 , première frontale.

L.P., lobule paracentral.

L.Q., lobe quadrilatère.

C., coin.

C.C.C., circonvolution du corps calleux.

Les chiffres correspondent aux îlots de sclérose tubéreuse.

Bourneville. Bicêtre, 1895.. PL. Il.

240 Explication des planches.

Planche III.

Face convexe de l'hémisphère gauche.

FI, F2, 1 ? 1, première, deuxième, troisième circonvolutions

frontales.

F.A., frontale ascendante.

S.R., sillon do Rolando.

P.rl., pariétale ascendante.

L.l'.S., lobe pariétal supérieur.

L.P'.L, lobule pariétal inférieur.

L.O., lobe occipital.

Les chiffres i,i,3, etc., indiquent les ilots de sclérose hyper-

trophique ou tubéreuse.

Bourneville, Bicêtre, 1895. PL. ni.

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. 16

242 Explication DES planches.

PLANCHE IV.

Face interne de l'hémisphère gauche.

F1, première circonvolution frontale.

L.P., lobe paracentral.

L.Q., lobe quadrilatère.

L.O., lobe occipital.

1, 2, îlots de sclérose.

Bourneville, Bicêtre, 1895. PL. IV.

244 Explication DES planches.

Planche V.

Microcéphalie : Face convexe de l'hémisphère droit (p. 122).

Fi, F2, F3, première, deuxième, troisième circonvolutions

frontales.

F.A., frontale ascendante.

P.A., pariétale ascendante.

P.A., pariétale ascendante supplémentaire.

P.S., pli pariétal supérieur.

P.I., pli pariétal inférieur.

T2, T2, T3, première, deuxième, troisième circonvolutions

temporales.

P.C., pli courbe.

L.O., lobe occipital.

Bourneville, Bicêtre, 1895. PL. V.

246 Explication DES planches.

Planche VI.

Face interne de l'hémisphère droit.

F', première frontale.

L.P., lobe paracentral.

L.C.,lobe carré.

C.C.C., circonvolution du corps calleux.

C.C., corps calleux.

130UA1VEVILLE, Iticêlre, 1895. Pi VI.

248 Explication DES planches.

Planche VII.

Méningo-encéphalite : face convexe de l'hémisphère

cl1'02t. (p. '156).

Fez, F3, F3., première, deuxième, troisième circonvolutions

frontales.

F.A., frontale ascendante.

S.R., sillon de Rolando.

P.A., pariétale ascendante.

L.P.S., lobule pariétal supérieur.

L.P.L, lobe pariétal inférieur.

P.C., pli courbe.

L.O., lobe occipital.

T1) T2, T3., première, deuxième, troisième circonvolutions

temporales.

S.S., scissure de Sylvius.

250 Explication DES planches.

Planche VIII.

Traitement du myxoedème.

La LIGNE rouge indique la température rectale.

La ligne bleue indique les modifications du poids.

Les grands carrés verts correspondent à un lobe de glande

thyroïde.

Les petits carrés verts correspondent à un demi-lobe de

glande thyroïde.

NOTE additionnelle.

Ons. I, III et IV. - De nombreuses coupes pratiquées sur

les deux hémisphères cérébraux de Max ? Bouch ? et Deli...

n'ont fait découvrir aucune lésion.

OBS. II. - Lapoussi... Bien que le cerveau ait macéré depuis

3 ans dans l'alcool, la couche ortique et le corps strié des

deux côtés, surtout à gauche, sont volumineux ; aucune lésion

en foyer.

OBs. VIII. - Hennequi... Plusieurs coupes pratiquées sur

les lobes frontaux des hémisphères cérébraux ont fait décou-

vrir plusieurs lacunes ; nous donnerons plus tard une note

détaillée, s'il y a lieu, sur cet état lacunaire.

j

BOURNEVILLE, Bicêtre, 1895. i . Tracé n° 1 : DEBAR (Jules). 30 ans. !

' ? - 1. t 1 ? . 1

- ; ! ' ri

I 1 Tracé n° 2 : W ATH ! (Augustine). 20 ans. i i .

- ? . - - - . 1 ? ..

; Tracé n° 3 : GANGL. 14 ans 1/2. t

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE

Section I : Bicêtre.

I. Situation du service. Enseignement pri-

maire il !

1° Enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,

mais invalides m

2° Enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épi-

leptiques ou non, mais valides (petite

école) iv

3° Petite école complémentaire v

Double règle vin

Dominos en couleur six

Cône à chevillle.......................... xn

Boîte à trous xn

Leçons de choses : tableau roulant........ xn

Enfants propres et valides, imbéciles, arrié-

rés, instables, pervers, épileptiques et

hystériques ou non (grande école) ...... xiv

Société de gymnastique XV

Fanfare xv

Musée scolaire xv

Caisse d'épargne xv

Société de jeux xvi

Escrime xvi

Danse xvi

Enseignement du chant xvi

Promenades et distractions ............... xvm

Visites, sorties, congés xix

Vaccinations et revaccinations xix

Service dentaire xix

Bains et hydrothérapie xx

252 Table DES matières.

Améliorations diverses xx

Visites du service xxi

Musée pathologique xxn

II. Enseignement professionnel xxIII

Admission des chefs d'atelier à la pension

de repos xxiv

Evaluation du travail des enfants......... xxv

III' Statistique. Mouvement de la population... xxvn

Tableau général xxvn

Décès xxvm

Sorties, évasions, transferts XXVIII

Population au 31 décembre xxix x

Thymus et glande thyroïde xli

Personnel du service en 1894 XLII

Section II : Fondation Vallée.

I. Situation du service. Enseignement pri-

maire xliv

Encombrement xuv

Enfants idiotes gâteuses xliv

Enfants idiotes, imbéciles, etc., : enseigne-

ment pratique XLV

Enseignement du dessin.................. XLVI

Enseignement du chant xvvi

Enseignement professionnel XLVI

Visites, congés XLVIII

Revaccinations xLIx

Bains et hydrothérapie XLIX

Promenades XLIX

Distractions XLIX

Améliorations diverses L

Teigne L

. Maladies intercurrentes L

H. -Statistique : mouvement de la population. LI

. Tableau général Li ? Décès... LI

Sorties ; évasions ; transferts ; population au

., .. 3) décembre 1895. Personnel lu

III. QQI.1 ! 5lrnction d'un bâtiment de cent lits LVI

Table des matières. 253

Section III : Assistance et éducation

254. Table DES matières