(1856) Journal du magnétisme [Tome XV]
/ 187
(1856) Journal du magnétisme [Tome XV]

1856

JOURNAL

DU

MAGNETISME

RÉDIGÉ

Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins

SOUS LA DIRECTION

DE M. LE BARON DU POTET.

La vérité, n’importe par quelle bouche; / le bien, n’importe par quelles mains.

TOME QUINZIÈME.

PARIS.

BUREAUX; RUE DE BEAUJOLAIS, 5

(palais-uoyal)

MAGNÉTISME,.

JOURNAL

DU

DISCOURS

POUR PRÉPARER LE LECTEUR AUX RÉVÉLATIONS LES PLUS MYSTÉRIEUSES DE LA SCIENCE NOUVELLE.

Lorsque, par un effort de son génie, l’homme a trouvé une vérité importante, il a fait beaucoup sans doute, mais il reste à la faire adopter, et, en reconnaissant les difficultés qu’il faut vaincre, les obstacles à renverser, les préjugés qu’il faut détruire, les intérêts qu’il faut combattre, on est tenté de s’écrier : Découvrir ce n’est presque rien, établir c’est tout! En effet, Messieurs, si nous ouvrons les annales des sciences, si nous suivons à travers les âges le progrès humain, nous voyons combien de peines et de chagrins accablèrent les novateurs, combien ils furent malheureux. Ils payèrent par le tourment de toute leur vie cette faveur du ciel, un instant de génie. Pourquoi donc en est-il ainsi? Pourquoi, dans ce siècle de lumières, la vérité rencontre-t-elle les mêmes obstacles que dans les temns d’iirnoranr.ft ?

Par M. le baron DU POTET.

La science fait du stras, La nature du diamant.

PREMIÈRE PARTIE.

— h —

Il y a, Messieurs, au fond du cœur de l'homme des passions mauvaises qui ne changent pas, qui ne changeront jamais : l’orgueil et l’intérêt! Lorsqu’un ordre de chose s’est établi après de longs combats d’intelligence, lorsque des principes scientifiques se sont généralisés, lorsque des hommes sont en possession des faveurs de la fortune et du pouvoir, et qu’ils jouissent en paix sur un sol tranquille, comment verront-ils avec plaisir ce qui doit les déposséder en faisant surgir des hommes nouveaux qui apportent des principes différents, des découvertes nouvelles? Vous voulez qu’ils se dépouillent tout à coup de l’éclat qui les environne, qu’ils consentent tout au moins à partager la gloire qu’ils surent acquérir souvent par beaucoup de travail. Vous voulez qu’ils ouvrent le temple de la science et qu’ils accueillent ce qui va diminuer leur puissance. 11 ne peut en être ainsi, cela n’est pas possible! Qu’exigez-vous? Un sacrifice qui ne se vit jamais. — C’est donc par la lutte, le combat que la vérité découverte va se produire. Plus cette vérité sera importante, et plus leurs efforts devront être puissants, car 011 ne vous cédera sur aucun point. Plusieurs générations passeront ainsi sans jouir des bienfaits que la vérité leur apporte.

Pourquoi cette digression ? Vous allez reconnaître qu’elle n’est pas étrangère à mon sujet. Ecoutez-moi donc, Messieurs , avec bienveillance et attention, car je vais toucher à deux fibres bien sensibles : je vais, portant mon regard sur la conduite d’hommes honorables et qui acquirent une réputation scientifique par des travaux dont je suis loin de contester la valeur, vous montrer pourtant que tous ces génies ont les passions vulgaires, qu’ils ressemblent à ceux du temps passé, et que notre faible nature , lors même qu’elle est animée par le feu divin, laisse voir le limon dont elle fut formée.

Je vais faire luire à vos yeux une vérité nouvelle contestée par la science, que vous-mêmes, peut-être, ne saisirez pas tout à coup, quoique vous n’ayez nul intérêt à ce qu’elle ne soit pas ; je vais transporter vos esprits dans le domaine

de l’inconnu, vous parler do phénomènes réels, mais qui s’expliquent difficilement encore aujourd'hui.

Semblable au voyageur qui, ayant visité des lieux inconnus avant lui, cherche à s’y transporter encore par la pensée pour que ses récits soient sincères, et que l’on ne puisse l’accuser de mensonge ou d’exagération, je vais, devant vous, revenir un instant sur mon passé et vous faire suivre la route que j’ai parcourue, vous parler des choses merveilleuses que j’ai vues. Ne vous hâtez pas de porter un jugement, attendez la fin de mon récit. J’espère avoir des témoignages en faveur de ma sincérité.

On s’est demandé souvent ce que c’est que la vie, et, après en avoir considéré le mécanisme, si ce qui la manifeste ne pouvait se présenter sous un aspect nouveau. Mais ccnnais-sons-nous bien notre propre nature? En avons-nous saisi toutes les propriétés? N’y a-t-il plus rien à découvrir en nous? La science a déjà répondu; les instruments qui font mouvoir notre machine sont depuis longtemps décrits, leur connaissance est devenue vulgaire. La vie même n’a pu échapper à nos investigations : nous l’avons tant étudiée qu’aucun de ses mystères ne reste plus à dévoiler. Et le philosophe a jugé sur les données de la science, il a pensé comme elle, et il a accepté son jugement en tirant les conséquences morales des phénomènes physiques ou intellectuels dont le tableau si riche, si magnifique était placé sous ses yeux.

Et voilà que tout à coup la limite est tranchée ; voilà une vie nouvelle et inconnue qui apparaît avec toutes ses merveilles ; l’homme n’était connu que par ses actions et ses facultés dans l’état de veille. Voici la nature surprise dans les moments où les organes reposent, où toutes les combinaisons de l’esprit sont différentes, où il obéit à d’autres impulsions, où enfin les ressorts jugés nécessaires pour faire agir

1 esprit sont rompus ; où les sens sont inutiles pour que le jugement s’exerce; où n’ayant plus besoin de leur témoignage, il les récuse môme, car, dans cet état singulier, on voit sans les yeux, on entend sans les oreilles, les corps opaques sem-

blent ne rien intercepter, et, chose plus merveilleuse encore, les actions humaines sont jugées différemment que dans l’état de veille, où on condamne souvent ce que l'on avait trouvé juste, où.enfin, ce qui nous est étranger, les actes d’autres individus, leurs pensées mêmes, viennent se réfléchir, se peindre en nous; en nous, où, à la faveur de cettelampe qui brille au fond de nos organes, de ce miroir magique, si vous voulez me permettre cette expression, 011 peut traduire et rendre jusqu’aux sentiments les plus secrets. Ce daguerréotype nouveau ne peint pas seulement les formes, il fait plus, il grave jusqu’aux pensées, et ce tableau s’anime, il parle votre langage, mieux que vous-même. Puis tout s’efface bientôt; il suffit d’une pensée, d’un désir de celui qui a produit cette merveille pour qu’elle s’anéantisse jusqu’à ce qu’il lui plaise de faire, de nouveau, fonctionner son divin instrument.

le m’arrête un instant : il me semble entendre les murmures de votre raison, et je suis d’autant plus disposé à la tolérance pour vos opinions, votre manière de voir même, que j’ai été comme vous : j’ai souri, j’ai rejeté ces contes des Mille et une Nuits, je les croyais tels, du moins. J’ai expérimenté pour m’assurer si je n’étais point trompé ou si je ne me trompais pas moi-même. J’ai réussi à briser les doutes qui m’assiégeaient, j’ai produit les faits que, dans mon orgueil ou mon ignorance, je regardais comme impossibles. Un essai n’eût pas été suffisant, j’ai répété à satiété l’expérience, j’ai varié les lieux, les temps, les sujets, et la nature, toujours constante lorsqu’on sait la solliciter pour les mêmes causes qui la font agir d’elle-même, s’est plue à reproduire devant moi ce que d’abord je prenais pour un produit de mon imagination ou de celle de l’homme qui avait voulu m’initier à de profonds secrets. Vous pouvez donc douter encore sans craindre ma censure.

Heureux notre temps, où la liberté est assez grande pour que l’on puisse enseigner toute découverte; plus heureux encore du changement de nos mœurs qui a permis ii la tolérance de s’établir sur ce coin de terre où est placée la France.

Cette terre fut jadis couverte de sang humain versé par l’ignorance et le fanatisme ; des accusations vagues de sorcellerie, de magie, de démonologie, suffisaient pour que l’on allumât votre bûcher. Ils sont passés ces temps.pour ne plus revenir ; ils ont laissé des souvenirs ineffaçables que je rappelle en passant seulement, parce qu’ils ont trait à mon sujet. Sachez-le, excepté quelques misérables, les victimes immolées n’étaient coupables que des torts de la nature, car c’est elle qui leur avait donné un pouvoir, une faculté en dehors et supérieure au vulgaire. Les savants partageaient alors l’ignorance commune sur les véritables causes des phénomènes de seconde vue, d’extase, d’insensibilité, de prévision, phénomènes qui se montrèrent également sur cette infortunée Jeanne d’Arc, et qui lui valurent les tortures et le bûcher.

Oui ! heureux ce temps, disons-nous, car la science nouvelle qui se produit en dehors de la science, de la science des écoles, a besoin d’un appui qu’elle n’a jamais trouvé ; elle a besoin de la sagesse du pouvoir comme de la vôtre propre. 11 faut donc que de grands faits se soient accomplis, car dans aucun temps il n’y aurait eu sécurité pour nous ou pour tous ceux qui seraient venus au milieu de vous avec mon but et ma pensée avouée.

Maintenant nous allons nous rendre compréhensible, nous allons débrouiller ce chaos d’idéesqu’à coup sûrj’aifaît naître dans vos esprits ; car ce que je vous ai dit est étrange quoique ■vrai, et demande par conséquent un développement et des explications.

Veuillez donc m’écouter. Par une faculté naturelle que nous possédons tous, nous pouvons agir hors de nous sur les êtres qui nous approchent ou qui se trouvent dans la sphère Tactivité de notre intelligence ou de nos nerfs, en tant qu’ils aient reçu le surcroît d’activité nécessaire ; nous pouvons agir déjà et déterminer des changements dans une organisation qui n’est point la nôtre, la modifier profondément, et faire apparaître la série de phénomènes dont je viens tout à l’heure de vous donner la courte analyse. Est-ce

d’un fait isolé, d’une nature à part dont je vous entretiens? Non; ces faits se produisent partout aujourd’hui. Beaucoup de ceux qui les exhibent sont très-ignorants des causes qui les déterminent, mais ils savent qu’ils ont le pouvoir de les faire éclore, et ils en usent à leur volonté, et c’est ainsi que les fails nouveaux entrent dans le monde en dehors de la science, ou plutôt malgré elle, toute étourdie doit-elle être, après avoir nié, après avoir accablé de railleries et de mépris les gens honnêtes qui les lui présentèrent, croyant que c’était un dépôt sacré qui ne pouvait être mis en de meilleures mains qu’en celles des érudits et des savants.

Ainsi, magnétisme, somnambulisme, extase sont trois faits nouveaux dans notre monde. Les sciences se croyaient en repos, elles doivent changer de pivot si elles ne veulent être renversées ou bouleversées de fond en comble.

En définitive qu’est-ce donc que le magnétisme? C’est, répondrons-nous, un agent impondérable, que l’on ne peut point voir, qui ne peut se peser, s’analyser; mais il est seulement saisissable par les effets innombrables dont il détermine la production.

Qu’est-ce que le somnambulisme? C’est une apparence de sommeil des sens, une espèce de coma, qui saisit quelquefois l’homme le plus robuste lorsqu’on fait pénétrer dans son organisation l’agent magnétique en suffisante quantité. L’homme n’est plus le maître alors de briser ce lien invisible qui l’enchaîne pourtant, car, semblable à celui qui prit une forte dose d’opium ou de liqueurs fermentées, il ne revient à lui que lorsque l’agent puissant a diminué son action, ou bien lorsque celui qui a produit volontairement cette perturbation a consenti à la faire cesser.

Qu’est-ce que l’extase ? C’est la mort sans la mort, décrite par Platon; c’est un état également nouveau que le magnétiseur peut produire, et pendant lequel l’âme se détache pour un instant de la matière, la domine au lieu d’en être dominée, et, semblables aux purs esprits, les extatiques montrent des facultés merveilleuses qui remplissent d’enthousiasmeles

hommes qui les étudient et les constatent sans les comprendre encore.

Quelles sont les conséquences tle ces phénomènes, phénomènes qui entrent dans le domaine public sans règles, sans frein, sans mesure, et toujours sans que les .Ycadémies daignent ouvrir les yeux pour les considérer. Il serait absurde de ne pas supposer que vous les avez déjà tirées vous-même ces conséquences, si vous admettez toutefois que les phénomènes annoncés sont vrais; mais je vais, avec vous, les formuler d’une manière plus explicite encore.

Cette nouvelle force, agent des phénomènes dits magnétiques qui ont un caractère physique et susceptible d’une étude approfondie, va jouer le même rôle qu’a joué l’électricité, c’est-à-dire que tout ce qu’il y a de haute intelligence va être appelée à dire ce qu’est cette force, sans pouvoir s’entendre sur sa nature, et de là un déluge de systèmes plus ou moins ingénieux, mais propres à exercer l’esprit de plusieurs générations de savants.

Le sommeil magnétique, si curieux déjà, et le devenant davantage par une série d’expériences nouvelles, bouleversera à coup sûr pendant longtemps la cervelle de nos grands hommes. Cette vie double présentant deux natures distinctes, deux personnages à part dans le même individu, lorsqu’on croyait bien se connaître parce qu’on en avait étudié une seule, l’autre n’étant pas soupçonnée; cette vie double va fournir encore de quoi écrire des volumes capables à eux seuls de former une bibliothèque considérable.

L’extase,ou cette espècede ravissement d’esprit dans lequel l’âme, niée par la science, apparaît avec toute sa majesté, va détruire la philosophie, c’est-à-dire qu’elle va en changer les principes et établir des croyances nouvelles. Nous allons donc assister, si la paix est durable, à l’introduction d une ère nouvelle qui doit à jamais marquer parmi les siècles et jeter la plus vive lumière sur le monde ; et reconnaissez comme cette découverte du magnétisme arrive dans un temps où tout ce qui est vrai peut se produire sans craindre aucune persécution. Mais on se demande : Comment les

hommes si attentifs et qui firent dans tons les temps une étude si profonde des facultés de l’homme, ne reconnurent-ils pas cette force dont je vous signale l’existence? Sans vouloir reporter vos esprits trop en arrière de nous, n’apercevez-vous pas le rudiment de toutes ces facultés dans l’état naturel de l’homme ? Cabanis ne vous a-t-il pas dit qu’il avait vu des malades avoir l’instinct des remèdes et pressentir leur crise avec une justesse qui étonnait son esprit? Petetin n’a-t-il pas observé clans plusieurs cas de catalepsie tout ce qui distingue le caractère somnambulique d’aujourd’hui, la connaissance des choses secrètes, la vue des objets cachés, la lecture, à travers de corps opaques, des caractères écrits, la traduction même des pensées? Y a-t-il un seul médecin qui ait eu à traiter des affections nerveuses qui n’ait reconnu des perceptions singulières ? Le docteur Despine n’a-t-il pas constaté l’existence de ces mystérieux phénomènes de la vie, sans que le magnétisme ait été en rien la cause de leur existence? Et quand nous venons vous dire ce que la nature fait rarement, l’art est parvenu à le produire, vous vous étonneriez et vous ne pourriez vous imaginer rien de semblable !

Hélas ! ceux qui n’ont point de vertus doutent de ce que les autres en disent ; nous sommes comme des enfants qui s’étonnent de chaque chose nouvelle, jusqu’à ce que l'usage répété leur ait ouvert l’esprit, et sur ce point il est des hommes qui ne vieillissent jamais. Etonnez-vous donc de votre vie, et vous aurez sujet, car c’est là la plus grande des merveilles. Pourquoi donc ce fait de la vie ne vous émeut-il point? Parce que vous êtes habitués aux actes qui la constituent. II en sera de même un jour pour les phénomènes magnétiques, vous en jouirez sans vous préoccuper de la cause qui les fait naître.

Pourquoi donc, me demanderez-vous, s’est-on avisé si tard de l’existence de cette force magnétique? Pourquoi, si elle était, n’a-t-on pas produit tous les phénomènes que vous avancez? A cela, je vous répondrai : l’électricité était dans l’air depuis la création du monde, comment se fait-il

que le simple instrument qui la manifeste n’ait pas été trouvé plus tôt ? Le galvanisme, c’est-à-dire l’action de divers métaux les uns sur les autres a toujours existé, pourquoi ne l’a-t-on reconnu que dans ces derniers temps? Depuis que l’on fait du feu, on a vu de l'eau bouillir et aucun homme n avait songé qu’il y avait là une force puissante qui devait jouer un si grand rôle. Ne vous étonnez donc plus si la nouvelle force que je présente à vos yeux est restée si longtemps dans l’oubli. Peut-être découvrira-t-on des agents plus puissants, plus merveilleux encore. Il y a longtemps qu’il m est à moi démontré que dans tous les siècles passés des hommes étaient en possession des secrets que Mesmer a eu le courage de révéler; mais déjà il était dans un temps où il y avait plus de lumière, il y avait moins à craindre pour lui, car malheur à l’homme qui, dans les temps d’ignorance, eût osé produire en public les faits qui commencent à se montrer sur le théâtre. Sans doute les connaissances acquises étaient imparfaites; mais Vanhelmont, Kirker, Santanelli, Robert Fluds, Porta et plus de cent autres que je pourrais nommer, n’avaient-ils point opéré des prodiges dont la cause réelle était l’agent mystérieux dont nous poursuivons l’étude ?

Mais ne le voyez-vous pas dans tous les siècles, se présentant entourée de mystères? Qu’étaient les pythonisses, les crisiaques de la Grèce ? Comment s’opéraient ces guérisons miraculeuses que l’histoire nous rapporte? Ne les rejetez pas, car elles sont vraies et se reproduisent aujourd’hui.

L’histoire de tous les peuples est remplie des récits de prodiges qui tous ont pour cause première l’agent magnétique dont nous voulons vous mettre en possession. La science refuse l’examen des faits, ou plutôt elle n’admet aujourd’hui que tout ce qui est contraire à la vérité. Les faits positifs sont passés sous silence, les rapports favorables enfouis dans les cartons ; rien n’est changé pour elle, tandis que la vérité circule partout ! Cruelle science, espères-tu par ton silence calculé faire reculer la vérité? Crois-tu qu’il n’y aura nul

homme généreux qui osera démasquer ton hypocrisie et faire connaître tes projets? Le bien et le mal se répandent, un pouvoir dangereux se révèle au monde, une croyance s établit, et tu fermes les yeux ! Des futilités occupent tes instants, tandis que les plus beaux phénomènes de la vie se produisent jusque dans des échoppes. Courage donc ! persistez dans votre aveuglement, nous nous passerons de votre concours désormais; nul d’entre nous ne vous sollicitera plus; \ou>-viendrez de vous-mêmes à la vérité lorsqu’elle régnera sur les masses ; mais il ne sera plus temps, la science sera alors dans le cœur de tous, mais non encore dans vos livres.

Plusieurs mémoires d’une importance majeure m'ilatU par^nus je me vois forcé de reculer la continuation de ce discours au n°230. NosabounM auront, au reste, beaucoup à gagner à ce retard, les pièces qu j blier étant pleines d'intérêt et d’actualité.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

-a ^ n

*- ^ O W »'

de l’état de rêve. — du somnambulisme.

Si l’on examine avec soin ce qui se passe lorsque l!on

l ève, on s’aperçoit tout de suite de ceci : que, le plus souvent, les songes ne sont formés que de deux ordres de perceptions, celles de la vue et celles de l’ouïe.

Pendant un rêve, le plus ordinairement, en effet, notre intelligence voit et entend, et, avec ces perceptions, elle raisonne absolument comme à l’état de veille; mais, le plus souvent, cela ne va pas plus loin.

Les autres sens, toucher, goût et odorat, peuvent cepen- , dant agir pendant les songes, mais d’une manière toute différente et vraiment digne de remarque ; il faut que la sensation en existe bien réellement pour que nous en ayons conscience, et alors elle fait plus que d’être perçue, elle réagit sur toutes les facultés, et donne naissance à un certain groupe d’impressions se rapportant toutes à la sensation reçue.

Je suppose, pour fixer les idées, que, pendant le sommeil, une personne se trouvant placée dans les conditions qui la mettent à même de percevoir les sensations intenses, vienne à être piquée légèrement, immédiatement elle se croit entourée d’individus prêts à la frapper ; elle verra son sang couler, des personnes accourir à son secourè, et bien d’autres choses encore, mais toutes se rapportant à la sensation qu’elle a reçue.

Prenons un autre exemple : supposons qu’un homme, pendant un sommeil incomplet, soit soumis à l’influence d’une odeur agréable; il se croira aussitôt transporté dans un magnifique jardin orné des plus belles fleurs, et de làl’o-

rigine d’une foule d’autres idées du môme genre qui ne larderont pas à se transformer en objets réels, grâce à. leur mode de perception.

On serait ainsi en droit d’établir cette distinction entre les sens de la première et de la seconde catégorie (Gazette des Hôpitaux, 15 janvier 1856), que les premiers concourent à la production des songes, tandis que les seconds les provoquent; du reste, je commence par dire qu’il n’y en a pas qu'un capable de les produire; une préoccupation intellectuelle très-vive, comme on le sait, est aussi dans le même cas.

Quand le rêve est le résultat d’une perception externe et que cette perception est désagréable, le songe ne s’appelle plus songe ; on le désigne généralement sous le nom de cauchemar. D’après ce qui précède, on voit qu’il serait peut-ôtre plus juste de donner ce nom à tous ceux qui sont le résultat d’une sensation provenant d’un des sens de la deuxième classe. Mais tout ceci démontre quelque chose de plus encore, la possibilité de la transmission d’une perception externe de second ordre sans amener la disparition de l’état de rêve, tandis que pour les sens de la première classe il n’en est nullement de même.

Dans les songes, ainsi que nous venons de le voir, les deux sens, vue et ouïe, agissent le plus souvent ensemble ; mais quelquefois aussi il n’y a que la vue. Ainsi «une dame rêve qu’elle est à son piano (M. Baillarger, Gazette des Hôpitaux, 3 janvier 1856) ; elle a beau parcourir les touches de son instrument, elle n’entend aucun son. » Mais il n’y a pas seulement que cette dame qui rêve ainsi ; très-souvent j’ai vu en songe des régiments faire feu, et pas le moindre bruit ne parvenait à mon oreille, ce qui me semblait bien extraordinaire, quoique en état de rêve.

L’impression cependant pouvait en être perçue, car j’avais conscience de celles de la vue ; il y avait donc pour celles de l’ouïe un organe qui ne fonctionnait pas, mais cet organe n’était pas l’appareil sensitif lui-même, puisque? ainsi que le fait remarquer M. Baillarger, chez les sourds et les aveu-

gles, où ils n’existent pas, les songes se produisent aussi bien que les hallucinations de ces deux sens.

On est donc ainsi forcé logiquement à admettre :

Io Que les impressions extérieures des sens de la première catégorie ou classe n’arrivent pas directement à l’appareil ou à l’organe capable de nous en rendre compte, mais qu’elles sont reçues dans un autre supplémentaire jouissant de la propriété de recevoir les impressions du dehors et celles du dedans, et les transmettant tous au sensorium commun de la môme manière ;

2° Que, pour les sens du goût, de l’odorat et du toucher, il n’en est'nullement de même, de sorte qu’elles lui arrivent directement sans passer par des organes intermédiaires.

Examinons maintenant ce qui se passe dans le somnambulisme ; mais, avant de le faire, citons quelques observations qui nous mettent à même de mieux interpréter les faits.

Obs. I. — P.....âgée de quarante-sept ans, domestique,

était entrée à l’Hôtel-Dieu pour se faire traiter d’une attaque de choléra.

Entre autres renseignements, voici ceux que j’obtins. Sa mère était morte folle à la Salpêtrière ; elle-même était sujette depuis longtemps à un grand nombre d’accidents nerveux extrêmement curieux, mais que je passe sous silence; son fils, enfin, avait fréquemment des attaques ressemblant complètement à celles de l’hystérie.

Cette femme était, de plus, somnambule à un degré même assez prononcé. Ainsi, à trois reprises différentes, elle se coupa pendant son sommeil les cheveux, et, comme elle vivait seule alors, elle constatait la vérité de ces faits par les cheveux qu’elle trouvait le lendemain rangés dans un coin de sa chambre. Une autre fois elle alla à la Seine, près de laquelle elle demeurait, et s’y baigna.

Dans cet état, elle avait aussi l’habitude d’écrire des lettres, et à des personnes assez influentes, car voici à ce propos ce qui lui arriva. Un jour elle fut appelée chez M. le préfet de police, qui était alors M. Carlier, et on lui demanda ce que signifiaient les lettres qu’elle avait écrites ; elle ré-

pondit, comme on le pense bien, qu’elle ne savait pas ce qu’on voulait lui dire. On la magnétisa alors, et on la laissa dans cet état pendant quelque temps; puis on la fit sortir avec certaines précautions, et après lui avoir donné 50 fr. Voilà du moins ce qu’elle me raconta.

Du reste, elle faisait plus que d’écrire, et cette femme garde chez elle quelques petits travaux qu’elle a faits en état de somnambulisme.

Cette observation présente bien son intérêt ; mais en voici une autre bien autrement curieuse et qui, je crois, donne beaucoup de poids aux opinions que je vais émettre. Elle a d’autant plus d’importance que, quand je l’ai prise, je ne me doutais pas le moins du monde de ce que j’avance aujourd’hui, et que je m’étais contenté de prendre avec toute l’exactitude dont je pouvais être capable les faits qui se présentaient à moi.

Obs. II. — T..., mariée en secondes noces, est une femme de quarante-cinq ans, brune, de haute stature, d’un embonpoint modéré. Sa mère, âgée de soixante-douze ans, est épileptique depuis six ans. Son père est somnambule. Enfin la plupart de ses frères et soeurs, au nombre de dix, sont morts très-jeuues de convulsions.

Cette femme est sujette elle-même à des accidents nerveux ; elle est de plus somnambule, et cela depuis sa plus tendre enfance. Ainsi, à l’àge de dix à douze ans, le soir elle se levait à moitié, s’asseyait sur le bord de son lit, et se mettait à causer avec sa famille qui faisait la veille, puis, après avoir conversé quelque temps, elle se recouchait. Le lendemain, lorsqu’on lui demandait ce qu’elle avait fait et dit le soir, elle restait tout étonnée et affirmait avoir toujours dormi.

D’autres fois elle se levait pendant la nuit, allait au buffet, se coupait un morceau de pain, prenait un peu de fromage, puis se mettait au lit pour le manger. Le lendemain matin, à son réveil, elle trouvait ses draps pleins des débris de ses repas nocturnes.

Plus tard, lorsqu’elle fut mariée, elle se levait encore pen-

liant la nuit, cl sc mettait tranquillement à se promener ! dans sa maison.

Pendant cet état (le somnambulisme, elle avait les yeux ovcrts et entendait parfaitement ce qu’on lui disait ; mais dès qu’on la touchait, dès qu’on voulait la retenir dans son lit, elle commençait par se débattre, et ne tardait pas à se réveiller. Elle avait alors des battements de cœur extrêmement violents.

lin jour, son mari la vit se lever, puis allumer sa lumière, aller à l’armoire et se mettre à remuer tout le linge. Cet homme lui demanda ce qu’elle faisait, et elle lui répondit très-tranquillement qu'elle voulait voir si elle retrouverait un billet de banque qu’elle avait caché dans un drap. Le mari la laissa faire. Lorsqu’elle eut fini, elle se recoucha et se mit de nouveau à dormir. Mais, au bout de quelque temps, elle voulut se lever encore ; le mari la prit par le bras et la força à rester au lit. Immédiatement elle se réveilla, et lui demanda pourquoi il la retenait et pourquoi il la réveillait.

Quand elle est en état de somnambulisme, et qu’on lui dit qu’elle dort, elle se fâche toujours beaucoup. 11 en est de même lorsqu’on lui défend d'exécuter ses promenades nocturnes. Mais, malgré cela, elle n’en reste pas moins très-profondément endormie.

Quand cette femme doit avoir, pendant la nuit, un accès de somnambulisme, pendant le jour elle est inquiète, en même temps que triste et abattue ; elle éprouve comme des tranchées au niveau de la région épigastrique.

Dans cet état, on peut donc voir, entendre et exécuter un certain nombre d’actes, sans que pour cela on en ait nullement conscience. Mais dès que l’on agit sur un des sens de la deuxième classe, comme le démontre assez clairement la seconde observation, immédiatement l’homme revient à lui.

On est ainsi conduit à penser que tous les sens sont alors capables de recevoir une impression, mais que la disposition pour ceux de la première catégorie n’est pas la même que pour ceux de la seconde. Les premiers peuvent être impressionnés, mais l’impression est transmise quelquefois aux au-

très facultés de l’âme sans que le semorium commune ne soit en rien influencé. Pour les seconds, l’impression ne pouvant pas passer par un organe intermédiaire, arrive directement â cette faculté ou organe, qui redevient alors sensible, et capable, par conséquent, de recevoir les sensations visuelles et auditives.

Pour me résumer, je dirai que, dans l’état de somnambulisme, la conscience ou sensorium commune devient incapable de recevoir une sensation intense, et que par conséquent elle ne peut ni voir ni entendre, puisque ces perceptions ne lui arrivent pas directement, mais qu’elles viennent se produire primitivement dans un organe supplémentaire, qui les renvoie ensuite au sensorium commune. Elle est cependant soumise à celles provenant du dehors, qui, en agissant sur elle, la réveillent, si je puis m’exprimer ainsi, et la mettent dans la possibilité de recevoir les impressions des sens de la première catégorie.

Dans l’état de sommeil, tout l’opposé aurait lieu, c’est-à-dire qu’alors le semorium commune ne serait principalement influencé que par des sensations intenses donnant naissance aux songes.

D' JUDÉE.

FAITS EXTRAORDINAIRES OPÉRÉS PAR LES DERVICHES.

A Monsieur le baron du Pot et.

Monsieur,

Dans un article intitulé : La Vie intime et la rie nomade en Orient, publié dans la Revue des Deux-Mondes du 1er février 1855 (1), la princesse Christine Trivulce de Belgiojoso raconte qu’en février 1852, elle fut témoin à Angora, l’ancienne Ancyre (Turquie d’Asie), de faits merveilleux accomplis par des derviches.

(1) Pages 486 et suiv.

« lin beau matin, dit-elle, je vis entrer un petit vieillard à manteau blanc, à barbe grise, à bonnet pointu de feutre gris entouré d’un turban vert, à l’œil vif et à la physionomie aussi bienveillante cpie naïve. Ce vieillard s’annonça comme le chef de certains derviches faiseurs de miracles que le grand muphti m’envoyait, afin de me faire assister à leurs opérations. Je me confondis en remercîments et me déclarai prête à assister au spectacle qui m’était offert. Le petit vieillard entr’ouvrit la porte, fit un signe, et reparut aussitôt suivi de ses disciples.

Ils étaient au nombre de huit, et il est certain que si je les eusse rencontrés pendant mon voyage, au coin d’un bois, leur apparition m’eût causé peu de plaisir. Leurs vêtements en lambeaux, leurs longues barbes incultes, leurs visages pâles, leurs formes émaciées, je ne sais quoi de féroce et de hagard dans les yeux, tout cela contrastait singulièrement avec le rond et frais visage de leur chef, sa physionomie ouverte et souriante et son costume passablement coquet. Les disciples se prosternèrent en entrant devant lui, me firent un salut de politesse, et s’assirent à distance en attendant les ordres du petit vieillard, qui, de son eôté, attendait les miens. J’éprouvais un certain embarras, qui eût été encore bien plus pénible, si la séance à laquelle j’allais assister eût été provoquée par moi. J’en étais, par bonheur, parfaitement innocente, et cette pensée me donnait un peu d’aplomb; mais je n’osais pas faire le signal de commencer... je ne savais pas encore quoi. Je m’attendais à une scène de grossière imposture, à laquelle je serais forcée d’applaudir par politesse, et dont je devrais me montrer la dupe par bienséance...

Je fis servir le café pour gagner du temps, mais le chef seul accepta; les disciples s'excusèrent, alléguant la gravité des épreuves auxquelles ils allaient se soumettre. Je les regardai, ils étaient sérieux et impassibles comme des hommes qui attendraient la visite d’un hôte ou plutôt dun maître révéré. Après un court silence, le petit vieillard me demanda si ses enfants pouvaient commencer, et je répondis que cela ne dépendait que d’eux seuls. Prenant ma réponse pour un

encouragement, le vieillard fit un signe, et l’un des derviches se leva. 11 alla d’abord s’agenouiller devant le chef et baiser la terre : celui-ci lui imposa les mains comme pour lui donner sa bénédiction, et lui dit à voix basse quelques mots que je n’entendis point. Se relevant alors, le derviche quitta son manteau, sa fourrure de poil de chèvre, et prenant de la main d’un de ses confrères un long poignard dont le manche était garni de sonnettes, il vint se placer debout au milieu de l’appartement. Calme d'abonl cl recueilli, il s’anima par degrés sons te coup d’une action intérieure; sa poitrine se souleva, ses narines s'enflèrent et scs yeux roulèrent dans leurs orbites avec une singulière rapidité. Cette transformation était accompagnée et aidée, sans doute, parla musique et les chants des autres derviches qui, commençant par un récitatif monotone, passèrent bientôt aux cris et aux hurlements cadencés, auxquels le battement régulier et pressé d’un tambourin imposait une certaine mesure. Lorsque la fièvre musicale eut atteint son paroxysme, le premier derviche leva et laissa retomber successivement le bras qui tenait le poignard, sans paraître avoir la conscience de ces mouvements et comme mu par une force étrangère. Un tressaillement convulsif parcourut tous ses membres, et il mêla sa voix à celle de ses confrères, qu’il réduisit bientôt à l’humble rôle d’accompagnateurs, tant ses cris dépassaient et dominaient les leurs. La danse se joignit à la musique, et le derviche protagoniste exécuta des bonds si prodigieux, tout en continuant son hymne d’énergumène, que la sueur ruisselait sur son torse nu.

C’était le moment de l’inspiration. Brandissant le poignard qu’il n’avait jamais quitté, et dont la moindre secousse faisait résonner les mille grelots, il tendit le bras en avant, puis, le repliant soudainement avec force, il s'enfonça le fer dans la joue, si bien que la pointe en sortit dans l'intérieur de la bouche. Le sang se fit jour aussitôt par les deux ouvertures de la plaie, et je ne pus retenir un mouvement de la main pour faire cesser cette scène horrible. — Madame veut voir de plus près, dit alors le petit vieillard qui m’observait atten-

(ivement. Faisant signe à l'exécutant d’approcher, il me fit remarquer que la pointe du poignard avait bien réellement traversé les chairs, et il ne se tint pas pour satisfait qu'il ne m’eût forcé à toucher du doigt une pointe.

— Etes-vous convaincue que la blessure de cet homme est réelle? me dit-il ensuite.

— Je n’en doute nullement, répondis-je avec empressement.

— C’est assez, mou fils, reprit-il en s’adressant au derviche qui était demeuré, pendant l’examen, la bouche ouverte, remplie de sang, et le fer dans la blessure ; allez vous guérir.

Le derviche s’inclina, retira le fer, et, s’approchant d’un de ses confrères, il s’agenouilla et lui présenta sa joue, que celui-ci lava il l'extérieur et à l’intérieur avec sa propre salive. L’opération ne dura que quelques secondes ; mais lorsque le blessé se releva et se tourna de notre côté, toute trace de blessure avait disparu.

Un autre derviche se fit, avec la même mise en scène, une blessure au bras qui fut pansée et guérie par le même moyen. Un troisième m’effraya; il était armé d’un grand sabre recourbé qu’il prit à deux mains par les deux extrémités, et s’en étant appliqué la lame du côté concave sur le ventre, il l’y fit entrer en exécutant un léger mouvement de bascule. Une légère couleur de pourpre se détacha aussitôt sur cette peau brune et luisante, et je suppliai le vieillard de ne pas pousser les épreuves plus loin. 11 sourit et m’assura que je n’avais encore rien vu, que ce n’était là que le prologue; que ses enfants se coupaient impunément tous les membres, et au besoin la tête, sans qu'il en résultât pour eux te moindre inconvénient. Je crois qu’il avait été content de moi, et qu’il me jugeait digne de goûter leurs miracles, ce qui ne me flattait que médiocrement.

Le fait est pourtant que je demeurai pensive et embarrassée. Qu’était cela? Mes yeux n’avaient-ils point vu, mes mains n’avaient-elles pas touché? J’avais beau me rappeler les tours de nos plus célèbres prestidigitateurs, je ne trouvais dans mes souvenirs rien qui approchât de ce que je

venais de voir. J’avais affaire ici à des hommes ignorants cl simples à l'excès ; leurs tours aussi étaient de la plus grande simplicité et ne laissaient guère de prise à l’artifice. Je ne prétends pas avoir assisté à un miracle, je raconte fidèlement une scène que, pour ma part, je no saurais expliquer.

J’étais fort émue, je l’avoue, et le lendemain j’écoutai sans sourire les récits d’autres faits merveilleux dont m’entretint le docteur Petranchi, établi depuis plusieurs années à Angora et y remplissant les fonctions d’agent consulaire anglais. M. Petranchi croit que ces derviches possèdent des secrets naturels ou, pour mieux dire, surmiturels (1), moyennant lesquels ils accomplissent des prodiges pareils à ceux des anciens prêtres d’Egypte (2). Ce n’est pas là mon opinion ; je me contente de n’en avoir aucune, ce qui est le seul moyen de ne pas faire fausse route en certains cas. »

Voilà, monsieur, le récit des faits merveilleux dont la princesse de Belgiojoso fut témoin. Ne jugez-vous pas convenable de le publier dans votre estimable journal, en priant les magnétiseurs de consulter leurs somnambules sur les procédés des derviches, et de vous adresser les réponses intéressantes qu’ils pourront obtenir? Ces réponses pourraient servir à la fois à l'explication de ces prodiges et à la gloire du somnambulisme si elles fournissaient quelques renseignements utiles pour la guérison des blessures.

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération très-distinguée.

EMILE CHARTÈVRE.

(1) C'est-à-dire extraordinaires pour nous qui connaissons si peu de choses. E. C.

(2) Sur l’origine des derviches, bien antérieure au mahométisme, et leurs rapports avec les prêtres dlsis, voir la Turquie contemporaine, par M. Cbarles Rolland, c. 15. E. C.

VARIÉTÉS.

—e-y-fcq-'l/g—

Le théâtre nous offre aujourd’hui une moisson abondante; nous recevons deux analyses d’une pièce nouvelle. Comme chacune d’elles offre de l’intérêt, par considération pour les deux critiques, nous ne voulons pas choisir : c’est pourquoi nous les donnons toutes deux.

Baron DU POTET.

LE MAGNÉTISME AU THÉÂTRE.

Les Chcveos de ma femme, vaudeville en un acte de MM. Labiche et L. Battu.

Sous ce titre piquant, les Cheveux de ma femme, le théâtre des Variétés offre à son public, depuis janvier dernier, une amusante pochade dans laquelle le somnambulisme magnétique joue un rôle capital, — soit dit sans jeu de mots.

C’est peut-être la première fois que le théâtre exhibe une pièce complètement favorable au magnétisme, et admet la réalité de la lucidité somnambulique, tout en se maintenant dans les sphères du comique et de la drôlerie.

Voici en quelques mots la donnée de ce petit ouvrage :

Un M. Lardenois est allé prendre les eaux de Spa avec sa femme Eulalie. M. Lardenois est affecté d’une monomanie qui consiste à croire que la santé de sa femme est très-sérieusement compromise. Pour apprendre au juste quelle maladie menace les jours d’Eulalie, il coupe à celle-c. une mèche de cheveux, et s’en va consulter une somnambule; mais, n’ayantpas rencontré la pythonisse, il revient au logis et, se souvenant qu’il s’était autrefois un peu occupé de mesmérisme, il se décide à magnétiser sa femme, à l’endormir et à la consulter elle-même sur sa maladie à l’aide de la boucle de cheveux qu’il lui a enlevée.

Or, il est bon que vous sachiez qu’Eulalie porte une fausse natte, empruntée àlachevelured’une de ses amies, Mmc Joli-

pointe, et c’est sur cette natte d’emprunt que M. Lardenois a cueilli l’ondoyante mèche.

Doué d’un fluide puissant, l’excellent mari endort sa femme et la rend somnambule séance tenante, en présence de son ami Jolipointe. Il fait d’abord sur elle quelques expériences d attraction et d’insensibilité, pour se convaincre de son sommeil magnétique, puis, la jugeant suffisamment lucide, il la consulte à l’aide de la mèche de cheveux. Eu-lalïe déclare que ce sont les cheveux d’une femme mariée qui mène de front plusieurs intrigues d’amour à l’insu de son mari ; que cette femme se dispose, pour le moment, à faire une partie d’ânes avec un séducteur.

Jugez de la perplexité de M. Lardenois, de sa fureur et de ses transports jaloux ! jugez aussi de la joie maligne et des secrètes espérances de M. Jolipointe, adorateur clandestin d’Eulalie !... car Jolipointe croit voir dans les confessions de la somnambule qu’il est payé de retour, et il s’en va louer des ânes.

De là un enchevêtrement de quiproquos, d’imbroglios et de joyeusetés qui excitent le fou rire dans la salle.

Finalement, Eulalie avoue à son mari qu’elle a une fausse natte, et que la mèche qu’il tient entre les mains appartient à M“' Jolipointe, qui se trouve pour le moment aux eaux de Gavarnie.

Jolipointe n’a que le temps de partir pour les Pyrénées afin d’empêcher sa femme de faire sa partie d’ânes.... Probablement il arrivera trop tard.

Numa joue le rôle du mari magnétiseur d’une façon charmante. Il émet le fluide et dirige ses passes avec une sûreté, une méthode parfaites.

Nous engageons tous les magnétistes et magnétophiles à aller voir les Cheveux de ma femme au théâtre des Variétés.

J. i.ovy.

— A mesure que le magnétisme s’est développé, son influence ne s’est pas seulement limitée aux sciences morales et physiques, mais le domaine littéraire et dramatique s’en est emparé à son tour, et maintes fois Mesmer et Puységur

ont été transportés sur la scène. C’est ainsi que le Journal du magnétisme a souvent eu à rendre compte de certains drames ou de certaines pièces de comédie où le magnétisme fournissait, sinon tout le sujet, du moins une bonne part de l’intrigue et des péripéties. La fin de l’année a été marquée par deux de ces productions, l’une au Vaudeville, Pênicaud te Somnambule, l’autre, les Cheveux de ma femme, aux Variétés. La première est trop loin de nous pour qu’il soit utile d’y revenir. La seconde, au contraire, s’est maintenue sur l’affiche et se joue tous les soirs avec succès. La pièce dont nous nous occupons n’a pas l’importance d'Irène ni celle du Château des Tilleuls, et, pour n’être pas signés de M. Scribe ou de M. Bouchardy, les Cheveux de ma femme n’en sont pas moins une chose fort amusante où le somnambulisme n’est pas trop malmené et où le magnétisme est absolument étranger aux indélicatesses passibles de la cour d’assises ou de la huitième chambre. Nous n’analyserons pas la pièce de MM. Labiche et Battu, ceux de nos lecteurs qui aiment à voir mettre le magnétisme en pièces pourront satisfaire leur curiosité en allant au théâtre des Variétés. Pour nous, il nous suffira de constater qu’il s’agit cette fois d’une consultation donnée sur une mèche de cheveux coupés sur une fausse natte, que de là découlent mille imbroglios et quiproquos exhilarants, jusqu’à ce qu’enfin la vérité se démêle à l’honneur et à la gloire de la lucidité somnambulique. Peut-être le sujet est-il un peu tiré par les cheveux, peut-être aussi l’artiste (mademoiselle Hinry) chargée du rôle de la somnambule est-elle trop peu rachitique pour le physique de son emploi ; mais ce sont des détails. Et puis, d’ailleurs, les cours de déclamation du Conservatoire n’ont pas encore introduit l’étude du somnambulisme in anima vili. Il ne reste donc aux acteurs que l’insuffisante ressource de prendre des leçons chez madame L. L. ou chez mesdames X. X., somnambules plus ou moins phthisiques. Mieux vaut encore pour nos actrices se risquer sans maîtres, dussent-elles paraître invraisemblables. En somme, les Cheveux de nui femme ne sont ni une farce désopilante comme les Extases

de M. Ilochenez ou comme Edgard et sa bonne, ni une facétie sérieuse dans le genre d'Irène. C'est un vaudeville simple et sans prétention, amusant de détails, agréablement joué, et c'est plus qu’il n’en faut pour que le magnétisme n’ait pas lieu de se plaindre.

FERDINAND SILAS.

DÉFI DES SPIRITUALITES.

Avant lu dans plusieurs journaux américains le défi d’un nommé Anderson et les commentaires peu bienveillants dont il a été l’objet, je déclare accepter ce défi et me soumettre aux chances d’un examen. Voici ce que je propose : Nous aurons un jury de douze citoyens doués d’une certaine intelligence et d’un esprit convenablement cultivé, exempt de tous préjugés religieux. Devant le jury ainsi formé, je serai le champion du spiritualisme, et le magicien du nord sera celui de la thèse contraire. Je réclamerai la faculté de faire entendre autant de témoins que je voudrai pour prouver la vérité des manifestations et communications spiritualistes.

Je prouverai que, par le moyen des coups, des hommes et des femmes acquièrent la connaissance de faits qu’ils ignoraient et que personne autre ne pouvait connaître. Je prouverai que les médiums écrivains servent d’instrumentsà de semblables communications. Je prouverai que des médiums mis en transe ont connaissance de faits qui se sont passés sur la rive opposée de l’Atlantique, à des époques assez récentes pour qu’il ne fût pas possible d’en transmettre la nouvelle, et qu’ils annoncent prophétiquement des événements qui ensuite se réalisent. Je prouverai que des pianos du poids de six à sept cents livres sont soulevés et transportés sans aucun contact humain, et avec autant de légèreté que si c’eût été un tabouret ; que les chaises et les tables voyagent autour des chambres comme si c’étaient des êtres doués de vie et de volonté, et sans qu’aucun être humain se trouve à portée. Je prouverai que des pianos et autres instruments

de musique sont joués artistement et produisent une musique admirable, sans contact humain; que des voix d’esprits, c’est-à-dire des voix qui ne sont pas proférées par des organes mortels, chantent et accompagnent ces instruments. Je prouverai que des médiums, qui n’ont jamais lu un livre traitant de science, qui n’en comprennent môme pas le langage et en ignorent la nomenclature, reçoivent, au moyen des coups, des communications où brillent la science la plus profonde, les recherches les plus curieuses. Je prouverai qu’il a été produit des lettres d’une, deux et trois pages, d’une belle écriture très-serrée, dans des circonstances qui rendent toute action humaine impossible et qui défient toute inculpation de collusion. Je prouverai qu’il a été fait, sur du papier, des dessins avec des plumes et de l'encre ou des crayons de couleur, représentant des personnages, des paysages et d’autres objets variés,«et cela dans des circonstances qui rendent impossible toute action humaine. Je prouverai toutes ces choses devant le jury, au moyen de témoins des deux sexes dont la véracité n’a jamais été suspectée et dont le serment serait reçu devant n’importe quelle juridiction où les questions de vie et de mort se résolvent d’après les témoignages.

Les expériences auront lieu dans la ville de New-York. Les jurés recevront 5 dollars par jour pour leur service, outre leurs frais de voyage. Si je réussis à constater les faits susénoncés, le sorcier me paiera les 10,000 dollars qu’il offre.

S’il dépose la somme entre les mains du professeur Hare, du juge Edmonds ou d’un banquier quelconque, pour qu’elle soit remise à la partie qui gagnera, d’après le verdict du jury, il courra la chance de perdre son argent ou de gagner une popularité bien supérieure à celle qu’il pourrait acquérir par tous les faits magiques qu’il pourra jamais produire.

(Spiritual Messenyer, de Cincinnati, du 32 décembre 1855.)

E.-V. WILSON.

— Je suis de ceux qui professent une foi bornée au magnétisme. J’entends d’abord que cette science doive se voir circonscrite; trop de charlatans l’exploitent ; cçci ressemble à l'art et aux faiseurs, deux choses disparates.

Il y a cependant des éditeurs responsables, comme M. le baron du Potet, qui, devant huit élèves de l’École polytechnique, ne sourcillent pas.

Exemple : Ces élèves avaient demandé à M. du Potet une conférence particulière pour causer avec lui du magnétisme.

Or, et c’est une personne digne de loi, un témoin préseni à la séance, qui nous rapporte ceci, — M. du Potet, aprè; quelques explications préalables, a obtenu sur ces jeune! incrédules les résultats suivants :

1° Une commotion semblable à celle du lapin frappé surir nuque ; — (c’est l’expression du sujet que nous rapportons ic. textuellement; ses jambes ont fléchi, etc. ;

2° Le phénomène de l’attraction invincible (vers lui M. du Potet) sur un second sujet retenu en vain par quatre de ses camarades ;

3° line pièce de cinq francs étant magnétisée sans doute ï cette intention et placée sur la cheminée, le troisième sujet a subi une fascination telle que, malgré le bruit, les conversations, etc., il n’a pu en détacher les yeux ;

U° Celui-ci, étant assis, a décrit avec son corps la para' bole exacte d’un cerceau sur sa chaise, à la volonté du ma gnétiseur ;

5° Trois autres, debout et appuyés mutuellement la mai; sur l’épaule, ont été renversés comme frappés de la foudre

6° Enfin — le dernier — jeune homme de vingt-cinq ans a éprouvé tous les symptômes de l'ivresse, sa titubation ses désordres, etc., etc.

Et maintenant, nierez-vous le magnétisme?

ROGER DE BEAUVOIR.

(Extrait du Mousquetaire, n° ¿8, 17 février).

Le Gérant : 11ÉUEHT (de Gamay).

Paris. — Imprimerie de Pommcret et Moreau, quai dc> Augustin!, 1T.

INITIATIONS.

Le récit du Mousquetaire, inséré à la fin de notre dernier numéro, est exact, mais il manque de développement.

Cette conférence, je dois le dire, en amena une autre qui eut lieu le dimanche 2Zi février. Trente-trois élèves de l’E-cole Polytechnique vinrent ensemble me demander de faire sur eux quelques expériences comme celles que j’avais faites, le dimanche précédent, sur quelques-uns de leurs collègues.

Le temps n’était pas très-favorable : il faisait froid et humide; néanmoins je me rendis à leurs désirs et je soumis plusieurs d’entre eux à la magnétisation. Les premières tentatives furent sans résultat apparent ; puis quelques-uns des magnétisés sentirent distinctement l’action exercée sur eux, et, les magnétisations continuant, quatre d’entre eux furent vivement impressionnés. Une sorte de tétanos, accompagné de tremblements nerveux d’un caractère particulier et indescriptible, s’était développé assez rapidement, et la crainte commençait à naître chez les spectateurs. Je dus, à la demande de ces derniers, cesser une démonstration dont le but était déjà dépassé. On fut obligé de soutenu les magnétisés que je m’empressai de calmer et de rendre à leur état naturel. Deux, entre autres, avaient été couchés à terre par la force magnétique exercée à une distance de plusieurs mètres.

Ces messieurs, en me remerciant, m’assurèrent qu’ils étaient bien convaincus, et qu’il ne leur restait aucun doute sur cette nouvelle puissance qu’ils m’avaient demandé de leur faire connaître.

Baron DD POTET.

To.' K XV. — N° **8. — 25 Janvier 1856.

î

MESMER ET SON MEDIUM.

« Je prierai pour vous, mon père, et il vous enverra un autre consolateur, l’esprit de vérité que le inonde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit ni ne le connaît. — Quand cet esprit sera venu, il vous enseignera toute vérité. »

I

« Longtemps les ténèbres ont régné sur la terre ; l’aurore d’un beau jour s’est enfin levée sur les hommes. Lorsque la nuit laisse peu à peu sa place au jour, l’horizon blanchit un peu ; puis, bientôt, la clarté, de plus en plus, illumine la terre et enfin le soleil paraît avec éclat. Si cet astre brillant paraissait tout à coup avec la force qu’il a dans le milieu du jour, quel œil humain pourrait en soutenir la lumière? — De même que le visible, Dieu a ordonné ce qui ne peut être vu, et la marche suivie à nos yeux par la nature matérielle, se répète dans la spiritualité. L’aurore a paru sur la terre, et Dieu s’est servi de moi pour commencer à blanchir l’horizon; c’est le magnétisme qui a annoncé aux hommes que le jour se préparait à venir ; bientôt, sa lumière se répandant sur la terre, et les yeux de l’âme s’habituant à autre chose que les ténèbres, quelques rayons ont lui aux regards faibles et étonnés de l’esprit. Mais la force de sa vue a grandi avec l’éclat des rayons, et la lumière a lui, lui de plus en plus. — Allez, âmes humaines, vous n’êtes pas au terme des merveilles, le soleil n’est pas levé, vous n’apercevez encore que l’extrémité de quelques-uns de ses innombrables rayons. Les miracles ne font que commencer : ce que vous voyez est peu de chose auprès de ce qui vient; votre siècle pourra se dire heureux, car il sera éclairé Ou jour de la lumière éternelle. Préparez-vous à de grandes

dioses. Cependant, ne considérez point, dans ces miracles que vous allez voir d’ici peu de temps et dans ceux que vous voyez maintenant, le côté merveilleux, seul; ce n’est point pour distraire votre esprit harassé de milliers de combinaisons pécuniaires, que Dieu envoie de telles choses. — Non, non, les hommes qui devaient être toujours soumis à ses lois, s’en sont fatalement et considérablement écartés, et c’est pour les ramener à lui et les sauver du bourbier infect de tous les vices et de l’ignorance la plus funeste, qu’il les éclaire peuTà peu par les puissances diverses de la nature, en attendant qu’il envoie lui-même son esprit incréé. — Hommes, encore une fois préparez-vous ; que la persuasion que les communications spirituelles établissent dans votre esprit, au sujet de l’existence de Dieu et de l’âme, ne vous serve point à être plus coupables. Sachant que vous êtes immortels, que Dieu est pur et juste, purifiez vos âmes, afin de ne point rendre inutile la bonté du Très-Haut pour vous; car ce n’est point pour vous laisser croupir dans le vice, ballottés par les passions comme la barque par les flots, que l’esprit fait voir à l’homme sa puissance inconnue pendant si longtemps, mais pour vous porter à Dieu, votre créateur, avec d’autant plus d’ardeur et de foi que vous croyez moins à la réalité de ce qui n’est plus qu’esprit pur. »

Signé : MESMER.

Je puis garantir la parfaite honnêteté et la scrupuleuse sincérité du médium auquel nous devons cette communication, et je dois ajouter que c’est sans connaître en rien ce que sa main écrivait qu’il lut lui-même, à sa grande surprise, ce que sa plume venait de tracer à son insu.

Baron DO POTET,

CLINIQUE.

Extase avec lucidité spontanée chez une jeune fille hystérique. (Fait rapporté par le docteur Giuseppe Fetti, de

Monteleone, près de Pérouse.)

Rosa V., domestique, âgée de vingt-cinq ans, et dont la santé étr.it affaiblie depuis longtemps par des accès protéi-formes d’hystérie, fut rencontrée dans la maison qu’elle habitait par un ecclésiastique qui, ayant appris que cette jeune fille se livrait à des habitudes de légèreté et de dissipation, bien excusables à son âge, mais dont les conséquences étaient funestes pour sa santé, résolut d’user sur elle de l’influence de son caractère, afin de la faire rentrer dans une vie plus plus sérieuse et plus régulière. A cet effet, il l’engagea à assister tous les soirs à une réunion en petit comité de certaines dévotes qu’il nourrissait de lectures pieuses, de récits d'un religieux outré et d’homélies enthousiastes qu’il leur débitait avec des façons d’inspiré et d’une voix de tonnerre.

La jeune fille se soumit à ce régime spirituel, et elle le suivait déjà depuis plusieurs semaines, lorsque survint chez elle l’époque menstruelle, qui se montra cette fois plus abondamment que d’ordinaire, et peu de jours après elle fut saisie d’un accès soudain d’extase qui se manifesta par l’occlusion complète des yeux, la résolution de tous les membres, une insensibilité générale et une concentration profonde qui ne dura que quelques instants. On l’assit sur une chaise, et là elle se mit à gesticuler, à parler de Dieu et des saints, qu’elle déclarait voir parfaitement, exhortant ses compagnes à faire pénitence, fulminant contre leur conduite, les menaçant des peines éternelles et prêchant avec une rare éloquence.

Cet état se dissipa au bout d’un certain temps, mais se reproduisit tous les soirs à dater de ce jour.

Aucun profane, tout d’abord, n’était admis parmi la sainte assistance, mais les merveilles produites par cette jeune fille se multiplièrent à tel point et prirent de telles proportions, qu’on jugea convenable de ne plus en faire un mystère. La porte fut alors ouverte aux curieux, et l’auditoire se remplit de personnes de la ville de toutes conditions dont le témoignage sérieux et impartial put donner aux faits une authenticité d’observation et de contrôle qui permet de les établir comme il suit :

Rosa V. a les yeux fermés ; elle n’entend ni les voix, ni les cris de ceux qui l’entourent, ni aucun bruit, quelque fort qu’il soit; son insensibilité à la douleur est complète ; elle ne sent ni les piqûres, ni les brûlures.

Dans cet état elle parle de sujets bien au-dessus de son intelligence ordinaire et qui tous, comme on doit s’y attendre, ont pour texte de prédilection les questions les plus élevées de la théologie.

Elle n entend et ne voit, et encore de temps à autre seulement, que son directeur spirituel, qui, sans s’en douter, fut réellement son magnétiseur. Elle en perçoit ou en devine les intentions et y obéit.

Elle révèle des choses cachées ou éloignées avec exactitude ; mais surtout elle prédit avec une infaillible précision la durée de son accès, l’heure et la minute à laquelle il doit cesser et celles auxquelles doit commencer l’accès du jour suivant.

En avançant, la crise en vint à se reproduire tous les soirs à la même heure, sans que la présence de son directeur fût davantage nécessaire, non plus que les prières qui, d'habitude, la précédaient toujours.

Le docteur Fetti, qui rapporte ce fait dont il a été témoin, peu disposé à l’accepter aveuglément, et afin d'éviter toute supercherie, imagina, pour s’assurer que le moment auquel elle avait annoncé que devait cesser son accès ne lui était pas indiqué par le timbre de la pendule située dans la

chambre voisine, imagina, disons-nous, d’arrêter sans en rien dire, le balancier de cette pendule, pendant que la jeune fille était en crise, et cclle-ci, au moment où il y portait la main, l’appela par son nom de l’autre chambre, lui disant qu’elle voyait bien ce qu’il allait faire et lui reprochant son incrédulité.

Ce qui concourt, en outre, à éloigner la possibilité d’admettre ce fait comme une extase véritable dans le sens religieux de ce mot, mais qui indique bien que son origine est purement un effet magnétique, c’est que Rosa V., dans son état normal, est loin de suivre la conduite régulière qu’elle prêche avec tant de ferveur dans son état exceptionnel; pendant sa crise provoquée, elle est toute austérité et toute componction, pendant sa vie ordinaire, c’est toute autre chose.

Une particularité assez curieuse, c’est que son directeur spirituel étant tombé malade, l’extase cesse chez Rosa V. ; il revient à la santé, et l’extase se manifeste de nouveau.

Pour la faire cesser entièrement, il fallut lui faire quitter la maison qu’elle habitait ainsi que le prêtre et la séparer ainsi de son magnétiseur involontaire.

{Traduit de l'italien.)

arrêter sans en Ionique la jeune iù ¡1 y portait la mbre, lui disant i reprochant son

possibilité d’ad-ans le sens reli-î son origine est ïsa V., dans son régulière qu’elle optionnel; pen-stérité et toute est toute autre

1e son directeur chez Rosa V. ; il i nouveau, lui faire quitter tre et la séparer

e ritalien.)

THÉORIE DES ESPRITS.

-MWW-

ÎUL1N0DIE. — ÉLECTRICITÉ BROTE, ÉLECTRICITÉ INTELLIGENTE.

Mon cher maître,

Serait-il donc écrit qu'on ne saura jamais à quoi s'en tenir sur le phénomène des tables parlantes ? Cependant ce n'est pas faute de théories, car chacun fait la sienne, chacun compose son petit bouquet d'explications irréfutable! et le donne à flairer k ses amis, à tout le monde, quand de nouvelles expériences le fanent, l'effeuillent et l’enterrent, comme cela vient d'arriver au joli système que je vous ai triomphalement communiqué, il y a peu de jours, hélas ! J'y tenais cependant beaucoup, il me semblait le seul probable, le seul vrai, mais pst ! autant en emporte le vent. Je vous dirai donc que je sors d'une maison des plus honorables, où l'on a eu la bonté de me laisser discuter pendant quatre heures avec un guétidon laqué qui m'a battu sur tous les points le plus lestement du monde, après le thé, comme il l'avait promis.

L'avant thé s'était passé en spirituelles gaudrioles, en jeux de mots, en bouts rimés, que le guéridon remplit à merveille, et en galants quatrains qu'il adressait aux dames les plus jeunes et surtout les plus jolies. Cela va très-vite avec l'alphabet coupé en deux et le changement de pieds frappeurs. On préfère, comme dans l'ancienne Grèce, le trépied fatidique, parce qu’il prend des allures moqueuses, ironiques ou impérieuses ; qu’il rit, vous délie ou vous re-prde fièrement quand il vous a batlu ; il interroge, il salue, il caresse, se dépite et vous frappe comme une personne naturelle. Il n'y a vraiment pas 4 se méprendre sur sa pantomime. Le guéridon est bien préférable au panier et & tout autre mode d’évocation.

Si l’on fait un jour un guéridon en forme de mannequin, ce sera la chose la plus drôle et la plus curieuse du monde.

Mais le thé est pris, asseyons-nous, il a promis d’être franc.

— Dis-nous d’abord si tu es un être indépendant et différent de nous ? — Non. — Mais qu’es-tu donc ? — Je suis votre âme ! Tu ne peux donc agir que par nous et avec nous ? Si je le pouvais, est-ce que je ne me manifesterais pas sans vous? — Oui, mais c’est que tu as besoin de nos organes pour te manifester. — Certainement, puisque c’est vous qui me créez. - Comment se fait-il que tu es plus intelligent que chacun de nous pris à part? — C’est que vous êtes plusieurs et que la résultante est plus grande que l’u-Mais comment sais-tu des choses que nous ne savons pas ? Qui te l’a dit? Sais-tu ce que tu sais, sais-tu ce que tu penses ? — Quand tu frappes au loin ou que tu fais apparaître des lueurs, comment cela se fait-il ? — Par

1 électricité. — Ali ! oui, l’électricité mise en mouvement par 1 âme. L âme, c’est l’électricité même. — Et où va l’âme en se séparant du corps? — Elle va rejoindre Dieu ou le diable. — 11 y a pourtant des athées qui nient l’existence de l’âme. — En connais-tu? — Oui, W... — Il le dit, mais ne le pense pas. — L’esprit est-il subordonné à l’âme? — C’est la même chose. — 11 y a un esprit qui m’a répondu, quand je le pressais de me dire son nom : Ix soleil ne se nomme pus, il éclaire; j’aurais bien voulu savoir ce qu'il était. — Et quand tu le saurais, en serais-tu plus avancé?

— On dit que les esprits américains ont enlevé le juge Ed-monds et l’ont tenu quatre heures suspendu. — L’as-tu vu?

— Les journaux américains nous racontent des effets surprenants que nous n’obtenons pas en Europe ; il y a des mains qui vous touchent, des lettres qui vous sont remises entre les doigts. — L’as-tu vu ?

Ceci équivaut à une négation de la part de cet inincarné, comme il s’appelle.

Si de grands savants s’associaient pour interroger les tables, ils obtiendraient donc des résultats magnifiques ? —

C’est selon, il y a des âmes qui s’ignorent faute d’exercice , cela dépend d’ailleurs de l’unité et de l’harmonie des pensées. — Mais si des criminels s’asseyaient autour d’un guéridon, quel serait le sujet de la conversation ? — Ils parleraient crimes, vol, assassinat, etc. — Si c’étaient des imbéciles? — Ils diraient des imbécillités, — Il n’y a donc pas de moyen sur de s’instruire avec les tables? — Qui donc pourrait mieux t’instruire que ton âme qui est la reproduction du divin Créateur ?

Je vous prie de croire, mon cher maître, queje n’ajoute lien à cette relation que j’ai fait collationner par les personnes présentes à la séance, séance dont elles avouent n’avoir jamais eu de plus explicite, à cause de la parfaite unité de sentiments qui régnait dans l’assemblée ce soir-là.

lin des assistants fit la remarque que si moi, je me mettais à la table avec mon système contraire, elle parlerait dans mon sens.

— Eh bien ! cela viendrait justement à l'appui du principe qu’elle développe. — Ali ! c’est vrai, fut la réponse de l’objectionneur qui retourna s’asseoir dans son coin.

Reprenons la discussion :

— Ainsi toi queje croyais un esprit indépendant de ceux qui te font agir, tu n'es que notre créature éphémère; il est donc inutile de te consulter, puisqu’on n’en peut rien retirer.

— iYest-ce donc rien qu’un verre pour voir plus clair dans ta conscience et celle des autres?

A ce compte, l’invention de la table parlante correspondrait, dans l’ordre moral, à l'invention du microscope dans l’ordre physique, puisqu’ils servent tous les deux à rassembler des rayons épars pour éclairer des choses souvent confuses, embrouillées ou imperceptibles à l'œil nu. La table serait donc un réflecteur parabolique des lumières diffuses de notre conscience, qui viennent se rassembler en un point, avec un degré d’intensité que nous serions incapables d’obtenir dans notre isolement. Vœsoli!

Quand ce ne serait que cela en effet, il est évident que

les tables parlantes seraient d’impayables secrétaires, susceptibles de rédiger en termes choisis, non seulement nos pensées vagues, mais de débrouiller nos intentions les plus nébuleuses, de corriger nos vers boiteux, de nous dicter des lettres d’affaires les plus prudentes et de nous composer des chants et des paroles de première facture. 11 y a même déjà sur plus d’un pupitre des morceaux dictés par les tables qui feraient honneur à un musicien de talent. C’est en cela surtout que la pratique suivie des tables, en petit comité choisi, peut être d’un grand secours, bien qu’elles n’évoquent, en résumé, que ce qui est en nous, mais qui n’en serait peut-être jamais sorti, comme le statuaire ne tire d’un bloc que la statue qui s’y trouvait sans qu’on pût la distinguer, et qui pouvait y rester éternellement sans l’évocation du sculpteur. La table a confirmé cette explication.

Remarquons bien que c’est toujours l’esprit, familier de la maison ou du petit comité qui se manifeste. La table sera peintre ou poète, religieuse ou impie, folle ou sage, triste ou gaie, d’après la société qui la fait agir : cela ne fait plus l’objet d’un doute pour moi.

Il n’y a donc pas d’autre esprit dans la table que l’esprit de ceux qui l’entourent et ¡’influencent. Ceux qui n’obtiennent jamais que des esprits ignares, menteurs, sales ou bêtes, ne font pas l’éloge du leur. Le guéridon : ce miroir magique, dévoile l’état piteux de leur conscience.

Il me semble que cette explication a plus d’un point de contact avec celle de M. Morin que j’ai combattu jusqu’aujourd’hui; mais j’avoue mon erreur, et comme lui je ne crois plus aux esprits, aux sorciers, aux revenants en dehors de notre création, puisque le phénomène peut s’expliquer autrement et d’une façon plus rationnelle.

Je suis d’avis que si Morin avait gardé l’anonyme dans ses écrits, il aurait fait dans l’ordre scientifique la même sensation que Junius dans l'ordre politique. Morin est un penseur et un écrivain sansonnien capable d’ébranler le dôme de la Sorbonne et de l’institut.

Chacun de nous possède donc un fond de richesse intel-

lcctuelle inépuisable dont nous ne connaissons que les affleurements. C’est une mine que seul on ne peut qu’égratigner, mais qu’on serait en état d’exploiter par l’association, d’autant plus profondément que les collaborateurs seraient plus nombreux, plus dévoués et plus laborieux.

Voilà une comparaison physique qui s’applique on ne peut mieux à l’exploitation de la conscience et donne raison à l’église et motive la prière en commun.

Il n’y a pas de miracles qui ne puissent résulter delà collaboration mentale d’un nombre de fidèles rassemblés autour de la sainte table pour communier avec Dieu. La difficulté consiste à produire l’unité d’aspirations et la sincérité de la foi chez les collaborateurs qui seraient capables de soulever des montagnes, aux termes de l’Évangile, s’ils agissaient d’accord ; mais 011 sait que les résultats peuvent être annulés par la présence et l’action mentale d’un seul intrus malintentionné, précisément comme dans le magnétisme, ce qui prouve l’identité des deux phénomènes.

Serait-ce cette prévision qui a fait repousser avec tant de soins les profanes de tous les temps et de tous les temples ?

— Ce que tu me demandes, m’avait dit le guéridon, n’est rien moins que la clef du mystère ; je serai franc; et il l’a été comme je le suis.

Il y avait huit ou neuf témoins silencieux et attentifs qui n’ont pas perdu un mot de la discussion ; j’en ai probablement perdu plus qu’eux.

Encore un souvenir :

— Est-ce que les esprits, après la mort, ne vont pas choisir spontanément chacun leur place dans le monde spirituel, d’après le degré de pureté qu’ils ont acquise pendant leur temps d’épreuve sur la terre, comme l’a dit Swedenborg?

Le guéridon, après avoir fait un mouvement d’étonnement, répond : — Pas mal trouvé ! c’est dommage que cela ne soit pas vrai.

C’est cependant très-séduisant, car beaucoup de faits semblent mieux s’expliquer en admettant l’existence des esprits ; mais quand on aura la mesure de la puissance de

— /iO —

l’âme humaine, tout s’éclaircira plus simplement encore, jusqu’au transport des objets matériels, ce qui est prévu déjà par le soulèvement des tables, en violation des lois de Newton.

Si l’âme est un foyer d’électricité, un électro-moteur sel-facting intelligent, il peut produire de la lumière, du calorique et de la force par la multiplication des éléments. Une table de trois ou quatre personnes ne serait autre chose qu’une batterie vivante de trois ou quatre éléments dont les efforts combinés mettraient eu mouvement les corps inertes, aussi bien qu’elle y met nos muscles, même à notre insu, •comme dans l’acte de la respiration. Pourquoi notre seule présence ne produirait-elle pas un effet quelconque, sympathique ou antipathique sur ce qui nous entoure, même à distance, sous la pression du libre arbitre qui nous reste acquis dans tous les cas? On expliquerait ainsi le mauvais ail, la jet lai ura, les sorts et les malédictions qui semblent planer sur certaines gens, lesquels se sont attiré, par quelques mauvaises actions, des haines vigoureuses et persévérantes.

Plus d’une personne de nature choisie m’a confié que tous les individus qui lui ont gratuitement fait du mal finissaient misérablement, comme si le don de les obséder par la pensée leur était octroyé par la justice distributive universelle, cette électricité statique du monde moral, dont l’équilibre indûment rompu tend sans cesse à se rétablir.

Nous ajouterons que puisqu’une torpille peut tuer une grenouille à distance par une décharge électrique dirigée à sa volonté, un homme peut bien renverser certains crapauds comme on est exposé à en rencontrer dans la vie. Ceci expliquerait parfaitement Y envoûtement et les obsessions, ainsi qu’une foule de phénomènes anciens dont on avait pris le parti de nier l’existence, dans l’impossibilité de les expliquer d’après notre ignorance de cette importante partie des lois de la nature, qui n’a jamais fait l'objet des études terre à terre qu’on nous fait suivre à coups de pensums.

Si nous admettons Vexistence d’une électricité morale

— Al -

analogue à l’électricité matérielle, le phénomène de la vie est expliqué ; l’électricité devient l’âme du monde et le moteur universel qui fait couler le sang dans nos veines, monter la sève dans les végétaux, rassembler, en les choisissant, les molécules minérales dans les filons terrestres et tourner les globes célestes.

L’électricité serait le principe unique dont la Providence se sert pour régir l’univers tout entier. Cette simplicité, cette unité de moyens est un des attributs certains de la puissance du divin Créateur qui n’a pas besoin, comme . nous, de la complication des rouages et des ressorts.

Le célèbre Van Alons nous a avoué qu’il avait, par sa* seule présence et sa volonté, déterminé des combinaisons chimiques qui se refusaient à s’opérer dans la main de ses élèves. v

Les anciens étaient plus près de la vérité que nous, en disant que l’esprit régit ou remue la matière, mens agitat motem.

Cela compris et admis, tous les phénomènes du monde objectif et subjectif deviennent explicables d’une manière intelligible.

Si, au lieu de ne considérer l’électricité que comme un un fluide aveugle (1) qui ne suit que le chemin matériel qu’on lui trace, vous lui accordez de l’éclectisme quand il procède des règnes minéral et végétal, de l’instinct quand il procède du règne animal, et de l’intelligence quand il part du cerveau de l’homme, vous aurez la clef des arcanes qui ont été jusqu’ici lettres closes.

Notre pensée, qui se transporte aussi vite d’un lieu à un

(1) Nous avons déjà émis l'opinion que le tonnerre en boule, ou l'électricité globulaire qui se promène lentement autour d'un appartement comme pour l’examiner, qui so dirige vers un trou recouvert de papier, le décolle et se précipite dans la cheminée, paraissait doué d’une certaine intelligence.

On en peut dire autant d'une foule d'effets produits par la foudre, tels que le transport et l'impression d’un rouleau de pièces d'or sur le dos d’un avare qui le gardait dans sa poche. No serait-ce pas la preuve de l’existence d’une électricité intelligente?

autre que l’électricité, n’a-t-elle pas avec clic un air de parenté ou de similitude qui pourrait, au besoin , passer pour de 1 identité? La différence de qualité de ces diverses électricités ne peut-elle pas être attribuée à la différence des éléments de la pile qui les produit ? pile minérale , pile végétale, pile animale ; car il vient d’être démontré par M. Becquerel , à l’académie des sciences que la vie est le résultat d’une action de piles voltaïques fonctionnant continuellement à l’aide de leurs pôles, négatifs et positifs , correspondant entre eux et cessant d’émettre de l’électricité aussitôt que l’action des piles n’a plus lieu. Cette découverte de la science physique coïncide parfaitement avec celle de la science psychique, que nous sommes sur de communiquer les premiers au monde intelligent.

M. Becquerel aurait dû faire entrevoir que l’électricité engendrée par le contact d'un acide et d’un métal devait différer de celle que produisent des éléments végétaux ou animaux, et que l'électricité cérébrale humaine pouvait plutôt produire des pensées que des chocs et des étincelles, bien qu’elle en soit susceptible elle-même. Qui peut le plus peut le moins.

Vous voyez que la science matérielle n’est plus très-éloi-gnée de la science spirituelle, leur point de contact est trouvé. '

Je n’entrerai pas plus loin dans cette forêt vierge, où je ne serai suivi que de ces rares adeptes qui ne font nulle difficulté, comme vous, mon cher maître, de dépouiller les vieilles défroques qu’ils ont longtemps portées, pour essayer un habit neuf et le garder s’il leur va.

Un Correspondit.

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

—1/S—

Le Christian spiritualist contient, dans son numéro du 3 mars dernier, la relation suivante signée de M. P.-B. Randolpli, d'Utica :

« Je me trouvais à Syracuse avec plusieurs personnes qui devaient se rendre à Koontown, ou plutôt à Edwerton, village situé à 2/i milles d’Utica, où nous devions nous réunir à quelqùes autres individus parmi lesquels sont des médiums très-remarquables. Après le thé, on forma le cercle : il contenait huit médiums, y compris mistress Loomès, de Saquoit, médium d’un très-grand pouvoir. Cinq personnes se mirent debout sur la table, et en appuyant leurs épaules contre le plafond, firent tous leurs efforts pour maintenir immobile la table qui, en dépit de son énorme poids (environ 3,000 (1) livres), se mit en mouvement avec autant de légèreté que si elle eût été de liège. J’ai vu M. Phelps, surintendant de Syracuse, dont le poids est de 225 livres, essayer d’arrêter la table; mais il aurait aussi bien réussi à arrêter le vent. La table sautillait en rond malgré tous ses efforts. Mistress W., de Earlville et ses deux fils étaient présents, ainsi qu’une autre autre dame médium dont j’ai oublié le nom. Après qu’ils se furent assis quelques minutes, les esprits saisirent des sonnettes préparées pour cet objet et un tambourin, et en tirèrent des sons ravissants, ce qui nous frappa d'étonne-ment. Ces jeunes gens produisirent une grande variété de phénomènes dont le plus singulier est celui-ci : la salle étant dans l’obscurité, de la table à laquelle ils sont assis, s’échappent des lumières phosphorescentes qui varient en

(1) La livre (pound) est de 45grammes.

— hk —

grosseur, depuis celle d’un pois jusqu’à celle d’un gland. Ces lumières dansent autour de la salle dans toutes les di-rections, se combinent en forme de couronne et se posent successivement au-dessus de la tète de différentes personnes. 11 se passa aussi, par l’intermédiaire de mistress W., un phénomène, qui dépasse les miracles de l’Ohio et de New-York, ce n’est rien moins que la création de la matière. Les esprits tirent, de l’extrémité des doigts de cette dame, quelque chose qui ressemble à des aiguilles d’acier, parfaitement visibles et palpables, et que chacun peut saisir. Elles sont aussi fines que des crins de cheval et présentent l’aspect de l’acier. Au toucher, elles sont douces comme du veleurs, et, quand on les met à la flamme d’une bougie, elles se roulent comme si elles sentaient la flamme. On en plaça dans un livre où elles restèrent quelques heures, puis elles s exhalèrent. Je confesse mon incompétence pour rendre raison de ce phénomène. C’est là un de ces faits d’une haute portée qui peuvent fournir la clef du vaste problème de la formation de l’univers. »

a. s. M0R1N.

BIBLIOGRAPHIE.

Fiat lux! Telle est l’épigraphe de bon augure choisie avec beaucoup d'à-propos par un journal nouveau qui vient de se fonder à Turin sous ce titre non moins heureux : la Lumière magnétique.

Nous venons d’en recevoir les cinq premiers numéros, ceux de janvier, cette feuille ayant voulu commencer son existence avec l’année nouvelle, à la suite de laquelle viendront pour elle s’ajouter, nous l’espérons, et nous formons pour cela les vœux les plus sincères, une longue série d’années de prospérité et de succès. Tout, au reste, nous donne droit de compter sur un semblable résultat et de le prédire presque à coup sûr.

Le directeur-rédacteur, M. le professeur Francesco Guidi, est un homme dont le nom n’est pas nouveau en magnétisme. 11 s’était déjà fait connaître dès 4851 par la publication d’une brochure remarquable intitulée : Magnétisme animal et somnambulisme magnétique. Membre correspondant de la Société de mesmérisme de Paris, magnétiseur sérieux, consciencieux et dévoué, M. Guidi ne laissera pas péricliter'l’entreprise à laquelle il vient de se consacrer et à laquelle il apportera, pour la vivifier, en outre de ses connaissances réelles et pratiques en magnétisme, l’ardeur de l’imagination du poète et le feu sacré de la jeunesse, qui ne connaît point les difficultés et se rit des obstacles. Son programme est écrit en tête de son journal avec beaucoup de fermeté et de dignité.

« Nos opinions magnétiques et notre profession de foi, dit M. Guidi, sont connues de tout le monde. En nous déclarant ouveitement les défenseurs et les propagateurs des doctrines mesmériennes, nous avons toujours suivi la voie

du progrès, sans jamais, toutefois, nous écarter des sains principes enseignés par les plus consciencieux et les plus savants maîtres de la science merveilleuse de l’influence de l'homme sur l’homme. Soldat de la vérité, aussi éloigné de la servilité que de la licence, nous avons dit avec le courage de la conviction : nous croyons, et nous tentons de faire partager aux autres notre croyance, sans nous inquiéter plus de celui qui, au seul nom de magnétisme, hausse ironiquement les épaules ou sourit avec dédain, que de celui qui, dans sa rigide austérité, se hâte de lancer l’anathème sur cette science sans la connaître.

« Nous nous proposons de faire, dans cette feuille, tous nos efforts pour que ta- Lumière magnétique dissipe les ténèbres de 1 erreur, découvre les mauvais desseins de ceux qui s'obstinent à nier les vérités magnétiques ou de ceux qui les calomnient, remette dans le bon chemin ceux qui se sont fourvoyés, donne du cœur aux timides, et présente aux malheureux qui souffrent le consolant sourire de l’espérance. »

Voilà un langage comme nous l’aimons, et qui, nous n’en doutons pas, doit aller à son but près de tous ceux qui ont une intelligence saine, une raison sans préjugés et une volonté loyale de connaître la vérité. Or, ces gens-là ne manquent pas à Turin. En voulez-vous la preuve? Le 23 novembre 1855 se fonde dans cette ville une Société philomagnétique dont la constitution, les procédés et les travaux sont analogues à ceux des sociétés de Paris. Deux mois après, le 25 janvier 1856, cette société comptait déjà soixante-six membres, et, dans le nombre de ces soixante-six sociétaires, on ne compte pas moins de quinze médecins. Presque le quart ! 0 académiciens de Paris, que dites-vous de cela ? De que côté se trouve l’équité, le bon sens, l’amour du bien et la vraie intelligence de ses devoirs ? Ici le Piémont précède la-France. Aussi est-ce à bon droit que, fier de ce résultat, le rédacteur en chef de la Lumière magnétique, après l’avoir constaté dans son compte-rendu, termine par cette réflexion si honorable pour son pays en même temps qu’elle est la condamnation des corps savants des autres nations qui ont la prétention de marcher à la tête de la civilisation et du progrès :

« Et ce que nous avons obtenu en si peu de jours, les sociétés mesmériennes étrangères les plus distinguées n’ont pu l’obtenir en bien des années. Médecins loyaux et loyaux magnétiseurs, tous convaincus que l’union fait la force, repoussons loin de nous les diatribes et la polémique, serrons-nous fraternellement la main et unissons nos lumières et nos œuvres pour le plus grand bien de l’humanité souffrante. »

Mais ce n’est pas tout. Voici deux pièces officielles citées par ce même journal et que nous nous bornons à traduire sans commentaires. Elles n’en ont pas besoin.

Très-honoré monsieur,

Le soussigné, au nom du comité médical de la ville d’Acqui, vient vous prier de vouloir bien vous rendre, avec la somnambule que vous dirigez, au sein de notre famille médicale, afin d’apporter la conviction des phénomènes magnétiques dans l’esprit de ceux qui professent sincèrement l’art de guérir en s’appuyant sur la vérité.

D’ALESSANDRl, docteur-médecin.

Acqui, le 31 juillet 1855.

A monsieur Francesco Guidi, professeur de magnétisme.

COMITÉ MÉDICAL DE LA PROVINCE d’ACQUI.

Je soussigné déclare que le professeur Francesco Guidi, dans les expériences de magnétisme et de somnambulisme qu’il a faites à l’aide de M11* Louisa, le 31 juillet 1855, en présence du comité médical d’Acqui, a réussi, à notre pleine et entière satisfaction ; en foi de quoi je lui ai, sur sa demande, délivré le présent certificat.

Acqui, le 1er août 1855.

Le président du comité,

DOMENICO 1VALDI, docteur-médecin.

Docteur BRACCO, vice-secrétaire.

Voilà un noble exemple à suivre. Mais pour cela faire il faudrait être animé du môme esprit de bonne foi, de loyauté et du désir de bien faire que les médecins piémontais. Et, à

cet égard, lesFlourens, lesGerdy, les Bouillaud et consorts auraient, ce nous semble, grand besoin d’aller à l’école à Acqui.

Au reste, le corps médical n’est pas le seul qui ait donné son adhésion à la Société philomagnétique de Turin ; nous y voyons figurer, en outre, les noms les plus respectés et les plus honorables : l’avocat Broderio, le comte Bruno de Tor-naforte, le chevalier Balbiano d’Aramengo, l’avocat Bian-chi, le comte Negri de Montalenghe, les avocats Fagnola et Grosso, le savant Mossone, le capitaine Vacha, les chevaliers Buglioni de Slonale et Vitale, de Torricella, le poète llo-mani, et tant d’autres qu’il serait trop long de citer ici. Avec de semblables appuis, le magnétisme doit progresser énergiquement et la tète haute en Piémont; et, ou nous nous trompons fort, ou cette société, la dernière venue et qui n’a que deux mois de date, pourrait très-bien laisser, avant qu’il soit longtemps, bien loin derrière elle une grande partie de ses ainées qui s’enorgueillissent de longues années d’existence.

Le journal que vient de fonder M. Guidi est donc sûr de ne pas manquer de lecteurs assidus et de soutiens éclairés, mais à condition qu'il ne s’écartera pas de la ligne sérieuse et mesurée qui convient aux sujets qu’il doit traiter. La Théorie du magnétisme animal, qu’il publie par articles successifs dans chaque numéro, est une bonne chose et répond au besoin d’exposer clairement au public, qui n’y est pas encore initié, la base fondamentale des croyances que l’on cherche à faire prévaloir par la clarté du raisonnement et la force incontestable des déductions logiques. A l'appui doivent venir les faits, et, Dieu merci, ils ne manquent point. Aussi ne saurions-nous trop recommander à M. Guidi une extrême sévérité dans le choix qu’il fera de ceux-ci. Point d enthousiasme, point d’exagération ; nous sommes assez riches à cet égard, les vérités sont déjà assez étourdissantes par elles-mêmes sans qu’il soit besoin d’y ajouter le prestige de 1 imagination ou l’amplification du fanatisme. Point de romans, d’anecdotes apocryphes, d’historiettes emprun-

tées aux una. Des faits, rien que des faits authentiques, officiels , certifiés par le témoignage de dates positives, de noms irrécusables et défiant tout contrôle, même les plus hostiles.

Point de bouffonneries non plus, ni de satires, quelque spirituelles qu'elles puissent être. Les licences carnavalesques elles-mêmes, quoi qu’en dise M. Guidi, ne peuvent, suivant nous, en légitimer l’admission dans une feuille qui marche sous la bannière d’une doctrine aussi sérieuse, aussi sainte que le magnétisme. La polémique engagée par lui dans le cinquième numéro de son journal avec un autre magnétiseur, M. Allix, ne nous paraît donc pas d un bien bon goût, et nous eussions préféré la lui voir entreprendre sur un autre ton et dans d’autres formes. 11 ne nous appartient point d’entrer dans le débat, et nous nous sommes d’ailleurs imposé la loi de toujours nous tenir en dehors de toute discussion qui nous est étrangère. Mais nous ne pouvons nous empêcher de rappeler à M. Guidi ses propres paroles, que nous citons plus haut :

« Point de polémique, point de diatribes; serrons-nous fraternellement la main, loyaux magnétiseurs, et rappelons-nous que l’union fait la force. »

Que M. Guidi mette ces excellents conseils en pratique ; qu’il soit indulgent, puisqu’il est fort, et qu’il se rappelle qu’un journal mesmérien ne doit pas être un pamphlet. Im Lumii're magnétique doit éclairer comme le soleil ; elle ne doit point éclater dans les jambes comme les pétards des enfants des rues.

E. de MALHERBE.

VARIÉTÉS.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PRIVAS.

ESCROQUERIE. — LA SORCIÈRE DE LA VOULTE.

Il est peu clé médecins qui comptent autant de pratiques que Rose Astier, femme Rois, de la commune de la Voulte. Elle a la réputation de guérir les maladies contre lesquelles la science des médecins ne sait qu’écliouer ; aussi l’affluence est grande dans sa demeure. On y accourt de toute l’Ardèche et de toute la Drôme, de l’Isère et de la Haute-Loire. Cette femme n’appartient à aucune école. Elle n’ordonne ni sangsues, ni cataplasmes, ni tisanes. Elle a horreur de toutes les drogues qui se manipulent dans les officines des pharmaciens. Elle se borne à dire aux malades qui viennent la consulter ces simples paroles :

« Ayez la foi et faites des prières : celui qui vous a créé et mis au monde, qui a organisé votre frêle machine, est aussi le seul qui sache Te secret de la guérir et de la conserver. »

En même temps, la femme Bois indique les prières qu’il est bon d’adresser à Dieu et marque le jour où, à la suite de ces prières,W>n recouvrera la santé. Elle n’exige aucun honoraire ; mais si votre santé, rétablie par ses pieux remèdes, vous suggère envers cette femme quelques sentiments de reconnaissance, elle accepte le cadeau que, de bonne amitié, vous venez lui offrir et le distribue aux pauvres de son hameau, car elle habite la campagne dans la commune de la Voulte.

Un témoin, qui ne pèche pas par un excès de dévotion, a déclaré, à l'audience, que sa femme malade, après avoir

épuisé, sans pouvoir guérir, toutes les ressources de la médecine et de la pharmacie, l’avait prié d’aller consulter la femme Bois ; que cette femme lui avait prescrit des prières qui devaient être récitées pendant quarante jours ; que ces prières faites et ce délai expiré, sa femme avait recouvré la belle santé dont elle jouit en ce moment. L’auditoire, qui était sans doute un peu mécréant, s’est permis de rire :

« Oui, messieurs les esprits forts, a dit ce témoin, vous avez beau rire, les choses sont arrivées comme je le déclare à la justice; tâchez avec votre incrédulité d’obtenir de tels résultats. »

On se demande comment il se fait qu’une femme semblable, qui donne des conseils si moraux et si religieux, qui pratique de si bonnes œuvres, se trouve sur les bancs de la police correctionnelle. Voici ce qui a pu l’amener devant la justice : la femme Bois ne se contente pas d’ordonner à ses pratiques des prières et des bonnes œuvres, elle cherche à faire croire qu’elle est inspirée de Dieu et que Dieu lui dévoile ses secrets ; que les âmes des morts lui font connaître leurs souffrances et leurs besoins, et qu’elle voit ces âmes malheureuses.

Elle habite dans un hameau où des voisins complaisants, après s’être assurés des projets de ceux qui viennent consulter l’oracle, après avoir acquis la connaissance des mœurs, des démarches et de la situation de ces dupes, vont en prévenir la femme Bois, qui ne manque jamais de dire aux consultants qu’elle sait d’avance ce qu’ils viennent demander, le chemin qu’ils ont pris, les rencontres qu’ils ont faites et les parents dont ils déplorent la perte; alors les pratiques, frappées d’étonnement, la considèrent comme une prophé-tesse qui connaît le passé, le présent et l’avenir.

Pour mieux frapper les esprits et mieux établir son influence, elle reçoit ses pratiques dans une espèce de chapelle qui se trouve au sein de son habitation, et où brûle sur un autel, à côté des images du Christ et de la sainte Vierge, une lampe vigilante comme celle qui existe dans nos églises, attestant la présence de la Divinité.

... Ignés vigiles Excubias divûm ælernas...

Là, placée dans un fauteuil, comme la sibylle sur son trépied, elle prononce ses oracles, après avoir étonné et quelquefois effrayé ses pratiques par la connaissance qu’elle a de leurs secrets : « Vous êtes venus à moi par tels chemins, leur dit-elle; vous avez fait telles rencontres; votre père et votre mère sont morts depuis telle époque, leurs âmes qui sont en souffrance vous ont accompagnés chez moi, sans que vous les ayez vues ; elles vous demandent des prières et des bonnes œuvres. Empressez-vous donc de les satisfaire, si vous voulez être délivrés des maladies qu’elles vous envoient pour attirer votre attention sur leurs besoins. »

Un pauvre diable, qui avait perdu sa femme et qui soignait sa jeune fdle malade que les médecins avaient abandonnée, vint consulter la sibylle delà Voulte, et il faillit tomber à la renverse lorsque la femme Bois lui dit :

« C’est l’âme de votre épouse qui vous a conduit ici, je la vois encore à côté de vous, elle vous touche. »

Ce pauvre mari devint pâle et tremblant comme si en effet sa femme était revenue de l’autre monde. Bref, il consentit à faire les prières ordonnées et sa jeune fille guérit.

Jusque-là, rien de bien coupable. La femme Bois était tout au plus passible des peines que la loi prononce contre ceux qui font métier de deviner et de pronostiquer, art. ¿79, n° 7, du Code pénal.

Mais les pratiques de la femme Bois qui ne savaient pas lire, et elles étaient nombreuses, et qui par conséquent ne ' pouvaient pas faire elles-mêmes les prières ordonnées, étaient obligées de recourir à des tiers ; alors la femme Bois se chargeait de cette mission. Elle déclarait qu’elle ferait elle-même les prières et exigeait pour ses peines diverses sommes qui étaient aussitôt comptées par ses dupes.

Le ministère public a vu dans ces manœuvres les caractères de l’escroquerie, et il a cité en conséquence la femme Bois devant le tribunal correctionnel pour s’entendre appliquer les peines prononcées par l’art. 405 du Code pénal.

M' Charles Taiipenas était chargé de la défense de la prévenue. Il a combattu avec énergie la prévention; il a soutenu que l’art. 405 du Code pénal, quelque large et quelque élastique qu’il fût, n’était point applicable à sa cliente.

Néanmoins et sur les conclusions conformes de M. Bois-sier, substitut du procureur impérial, le tribunal a déclaré la femme Bois coupable d’escroquerie; mais, admettant les circonstances atténuantes à cause des bonnes œuvres qu’elle avait pratiquées dans le lieu de sa résidence, il n’a prononcé contre elle qu’un mois d’emprisonnement.

[Droit.)

Il y a beaucoup de gens qui croient très-fermement au magnétisme, qui en sont les plus fervents admirateurs, mais qui, par cela même qu’ils en reconnaissent la puissance merveilleuse et, pour ainsi dire, sans limites, voudraient que l’usage en fût interdit par la seule crainte de l’abus qu’on en peut faire.

A ces esprits timorés peuvent parfaitement s’appliquer les paroles que l’on dirait prononcées exprès pour eux, quoique dans d’autres circonstances, par un publiciste italien d’infiniment d’esprit, Norbert Rosa, lequel a dit plaisamment : « Si ce vieil argument de l’abus pouvait être admis et pré ■ valoir en toutes choses, voici quelles en devraient être les conséquences logiques : il faudrait donc arracher la vigne, parce que Y abus du vin produit l’ivresse ; il faudrait déchirer les chapons avec les mains, attendu qu’avec les couteaux et les fourchettes on peut se piquer et se couper ; il faudrait supprimer les écoles, parce que si l’on ne savait ni lire, ni écrire, on ne lirait pas de livres prohibés et on ne ferait point de faux qui exposent le corps au risque des galères en ce monde et l’âme ;\ celui de l’enfer dans l’autre; et ainsi de suite. »

— Il s’est passé ces jours-ci à Vienne (Autriche) un événement singulier qui pouvait avoir les conséquences les plus affreuses. Un employé qui travaillait à son bureau se sentit

pris subitement d’une inquiétude indicible, d’une terreur dont il ne se rendait pas compte, mais qui le détermina à rentrer chez lui. Il trouva en effet sa femme qu’il avait laissée chez lui au lit, parce qu’elle était accouchée trois jours auparavant, tout habillée, les yeux hagards, la mine fiévreuse. «C’est bien que tu viennes, lui dit-elle, car je vais rôtir l’oie, et elle sera prête de suite. » En même temps le malheureux employé entendit les cris d’un enfant à. la cuisine. Il s’y précipita et trouva le nouveau-né lié dans la poêle à frire. La mère, prise subitement du délire des femmes en couche et prenant son enfant pour une oie, allait le faire périr d’une mort cruelle. Le père était heureusement arrivé assez à temps pour prévenir ce malheur.

(L’Union, du vendredi 22 février.)

ATTRACTIONS D’OUTRE-TOMBE.

A monsieur le baron du Potct.

Monsieur,

Dans le n° 225 du Journal du Magnétisme, vous rapportez un fait extrait du journal la Presse ; et, dans les réflexions qu’il vous inspire, j’ai remarqué cette observation qu’il y a des attractions d’outre-tombe. Vous avez ainsi exprimé d’une manière heureuse une idée dont j’étais depuis long-frappé. J’avais été vivement ému d’un fait qui s’est passé dans ma famille et qui vient à l’appui de votre doctrine.

J’hésitais à le publier dans la crainte de fournir un nouvel aliment aux railleries des matérialistes toujours disposés à traiter de sornettes tout ce qui ne s’explique pas par les lois du monde physique. Mais, en voyant mes croyances aux communications spirituelles partagées par un homme aussi éminent et aussi judicieux que vous et par un grand nombre de personnes éclairées, je me sens encouragé, et je crois utile de faire connaître à vos lecteurs des faits qui prouvent cette importante question.

Au mois de juillet dernier, M"’* Dénisot, ma parente, habitante de Saint-Malo, est venue nous voir avec sa fille Ernes-tine, âgée de seize ans. Le lendemain de leur arrivée, ma femme conduisit cette jeune personne au cimetière de Montmartre où repose sa tante Marie, morte depuis quatre ans. Dès qu’elle approcha de sa tombe, elle éprouva un frisson, un tremblement nerveux et des suffocations qui durèrent jusqu’au soir. Elle avait aimé tendrement sa tante; et le lendemain de cette triste journée, elle nous raconta que dans la nuit qui suivit sa mort et avant qu’elle ait pu avoir connaissance de cet événement, elle s’était sentie entraînée hors de son lit par une force irrésistible, les draps avaient été violemment enlevés du lit, elle avait en vain lutté contre cette puissance inconnue, elle avait été contrainte de céder et elle était tombée à terre. Son récit, plein d’émotion, portait un cachet de vérité auquel il n’y avait pas à se méprendre. Cependant nous hésitions à ajouter foi à cet événement, tant il nous paraissait extraordinaire.

J’avais entendu parler de faits analogues; et rien n’autorise, ce me semble, à les déclarer impossibles. Mais ne voulant rien admettre que sur bonne information, et me tenant en garde contre des impressions qui auraient pu être causées par des hallucinations, j’écrivis au père pour avoir des renseignements. Voici sa réponse :

Saint-Malo, le 22 août 1855.

Mon cher Ogier,

Les faits dont vous m’entretenez sont si étranges qu’ils me semblent tenir du miracle, et je ne puis y penser sans frémir. Toutefois je dois croire au témoignage de mes sens, et je vais vous raconter ce que j’ai vu.

Vous connaissez notre appartement à Saint-Malo et savez qu’il y a dans notre chambre deux lits à un mètre de distance, dans l’un desquels couchent mes deux filles Ernestine et Zoé.

Nous savions que ma sœur Marie était bien malade à Pa-

ris où elle demeurait ; néanmoins nous avions appris qu’elle allait mieux et nous étions loin de croire que sa fin fût si prochaine. Je fus réveillé en sursaut à deux heures du matin par le bruit d’une chute lourde. Je me retourne et je vois au bas du lit Ernestine toute nue, étendue sur le parquet et se débattant sur la couverture et le drap qui semblaient avoir été tirés avec symétrie. Je l’appelle-; elle se relève et vient se jeter dans mes bras. Je la rassure de mon mieux. Je songe alors à sa sœur Zoé que j’aperçois seule toute nue sur le lit; elle s’éveille en criant : Ma tante! Toutes deux vont se recoucher et ne parviennent que difficilement à se remettre de ces violentes émotions dont elles ne pouvaient se rendre compte. Ce n’est qu’à sept heures du matin que nous avons appris, par une lettre de Paris, la mort de Marie arrivée la veille à six heures du matin, ce qui nous a tous plongés dans la consternation. Voilà le récit exact de ce qui s’est passé.

Tout à vous, etc. Dénisot.

J’ai pensé que cette relation aurait quelquelque intérêt, et qu’en réunissant les faits semblables, on pourrait peut-être découvrir une partie des lois qui gouvernent le monde des esprits. Je me borne à vous fournir des matériaux dont votre sagacité saura tirer parti au profit de la science.

Agréez, monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite considération. Votre tout dévoué serviteur.

Ogier.

AVIS.

Tous les magnétiseurs qui sc croiront des droits à la médaille de Mesmer sont priés de faire parvenir, il l’appui de leur demande, les pièces sur lesquelles ils s’appuient, afin que M. lo baron du Potet puisse les soumettre à l’appréciation du jury magnétique qui doit incessamment être convoqué.

Ces dopuments doivent être envoyés, sous le plus bref délai, à M. le baron du Potet, président du jury, au bureau du Journal.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay). Paris. — Imprimerie de Pommerol ei Moreau, qual dea Auguslio», 17.

DE LA MARCHE DU JOURNAL.

Le Journal du Magnétisme modifie en ce moment la marche qu'il a suivie jusqu'à ce jour. — Son rédacteur en chef veut lui imprimer à la fois une impulsion nouvelle et une nouvelle direction.

Cette résolution de M. du Potet a une grande importance, à cause de l’autorité incontestée de son nom dans le monde magnétique, et de l’expérience que lui ont acquise ses longs travaux. De plus, elle nous a frappé à un point de vue qui semblera puéril à beaucoup de gens, bien qu’il nous paraisse grave. M. du Potet, en effet, est avant tout ce qu’on appelle un esprit prime - sautier, qui procède plus par sentiment que par raisonnement. Cette appréciation un peu vague, que tous ceux qui l’approchent n’ont pas manqué de faire, prend plus de précision pour quiconque a étudié les phénomènes magnétiques au point de vue psychologique. Cela ne veut rien dire, sinon que M. du Potet est essentiellement sensitif et intuitif. 11 perçoit, comme les somnambules, les impressions qui affectent autrui, et, comme d’autres somnambules de plus haut titre, il est affecté par les idées qui fermentent autour de lui.

Le fait seul de la détermination de M. du Potet, sensitif, et qui vit complètement plongé dans le groupe magnétique, serait donc pour nous une indication suffisante de la néces-cessité d’une évolution dans la marche des études magnétiques, quand même d’autres symptômes qu’il n’est pas indispensable d’étudier en ce moment ne viendraient pas appuyer cette opinion.

Mais les deux faces de l’esprit humain, le sentiment et le raisonnement, ont chacune son importance ; nous nous proposons donc d’examiner au point de vue positif et la nouvelle impulsion que M. du Potet veut imprimer au Journal, et la tendance spiritualiste qu’il lui donne en ce moment.

11 sera d’autant plus utile d’étudier la nouvelle direction,

Toue XV. — N° **•>. — 10 Février 1856.

qu’il ne faut pas se dissimuler — qu’elle doit déplaire cl quelle déplaît en effet à la plus grande partie des magnétiseurs, et, par ainsi — qu'elle semble en contradiction avec la qualité si remarquable d’intuition dont est doué M. du Potel.

Nous ne désespérons point d’expliquer cette contradiction apparente, et de faire accepter de la majorité des lecteurs la nouvelle direction quand elle sera mieux comprise.

Mais, auparavant, nous éprouvons le besoin de dire quelques mots sur la marche des idées et sur leurs évolutions pour juger plus sainement de la crise par laquelle passe en ce moment le magnétisme, crise dont le Journal subit en ce moment le contre-coup.

Prenons la question d’un peu loin. — Voir de loin, c’est presque toujours voir de haut.

Jusqu’à présent, et il en sera probablement encore longtemps ainsi, — tout est mystère dans la fructification, et ce mystère correspond analogiquement au mystère de la création. A partir de ce moment initial des êtres, tous sont soumis à une même loi de développement, dont les phases principales sont :

|n Transition ascendante : LA CRÉATION, toute mystérieuse ainsi que nous venons de le dire;

1'° Phase ascendante : LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE ;

*° Transition ascendante : LA naissance ;

Phase a,cendante : LA CROISSANCE, (^oSnce;

Transition supérieure : puberté;

Phase d'apogée : MATURITÉ ;

Transition inférieure : affaiblissement;

1» Phase descendante : DÉCLIN. j “^ude.

fre Transition descendante : la MORT.

>..................

Mais, dira-t-on, ce tableau est incomplet. Qui vous empêche de le compléter ? Etes-vous opposé à ce que le Journal fasse une pointe vers les régions mystiques? Alors nous

venons de vous poser une énigme, une charade, un logo-griphe dont nous vous défions de trouver le mot. Et cependant nous vous mettons en môme temps au défi de nier la justesse des premiers termes de la série. Donnez-vous votre langue aux chiens? - Il n’y a cependant là rien de bien malin. — Voulez-vous que je vous aide? Après tout ce n’est pas indispensable pour comprendre la crise qui nous intéresse en ce moment. Nous ne sommes pas encore à la phase d’apogée; nous sommes jeunes, à quoi bon nous préoccuper de la fin —s’il y a une fin ? Je vous mets sur la voie. Mais faites attention. Je ne vous prends pas en traître, et si vous me suivez encore un peu, vous cheminez tout doucement vers l’infini que vousjparaissez redouter.

J’ai peut-être eu tort d’écrire la série en long. Les mystiques avaient pris le cercle pour symbole du temps. Si j’avais écrit la série circulairement, la première transition descendante aurait coïncidé avec la première transition ascendante. Mais je vous avertis que cette solution du premier degré et de mode simple laisserait quelque chose à désirer à un mystique intelligent de première année. Il saurait, en effet, que si le cercle donne l’idée de l’infini dans le temps, le cercle, dont tous les rayons sont égaux, répugne à l’idée du progrès qui suppose une variation constante dans tous les sens. Il devinerait probablement la solution simple de deuxième degré, en écrivant la série en spirale plane asymp-totique à son origine, et dont les spires indéfiniment grandissantes se développent en nombre infini. Un mystique de onzième année ne seJ contenterait pas d’une solution du deuxième degré, et tirerait de l’analogie géométrique tout ce qu’elle peut donner, une solution composée du troisième

degré.......; mais tout cela est bon pour des rêveurs et des

songe-creux, et nous, nous sommes des gens sages qui ne nous occupons pas de pareilles billevesées.

Bornons-nous donc aux premiers termes indiscutables de la série.

Or cette loi que nous ne poussons pas plus loin dans ses détails, parce qu’ils ne sont pas indispensables à notre su-

jet, cette loi préside aussi bien aux développements d'une science et à ces évolutions, qu’au développement d’un être et aux crises ou transitions de son développement.

Graine, œuf ou fœtus accomplissent leur phase embryonnaire sous l’influence absolue de causes externes spéciales, dans des conditions opposées à celles qui doivent présider à la vie organique après la naissance, et toujours à l’abri de la lumière. De même, l’état rudimentaire de la science ne peut guère faire présumer à l’ignorant ce qu’elle doit devenir plus tard, et toujours elle revêt des formes mystérieuses. Elle est à l’état de science occulte. Elle affiche des allures mystiques ; elle n’enseigne pas, elle initie ; elle n’a pas d’élèves, mais des adeptes. Elle ne communique pas la vie, elle l’emprunte à des éléments tout formés, à la tradition, aux sciences déjà existantes. Ce sont les cotylédons, la substance vitelline, la mère qui alimentent le germe,

Tout alors est attribué à des puissances su périeures. Il n'y apoint de découvertes, — rien que des révélations. Les poètes sont des prophètes — vates. — C’est la phase d’inspiration.

Les organes divers, à peine ébauchés, n’ont pas d’activité, et ne concourent pour ainsi dire pas à leur propre dévelop-mentquileurvientdel’extérieur.—C’estlaphased’incubation.

Pendant la phase embryonnaire, l’être passe par tous les degrés de l’échelle inférieurs à celui qu’il doit atteindre. — Les sciences, à leur origine, empruntent les formes et l’organisation des sciences qui les ont précédées. Elles sont confuses et se définissent mal.

Astronomie, chimie, physique, etc., il n’est pas de science dont l’origine ne se perde dans la nuit des mystères de l’initiation. Puis, lorsque les circonstances — préparées ou fortuites — sont favorables à l’éclosion, ¡l’être brise ses enveloppes, la science se révèle à la lumière (1).

(1) Les mathématiques pures peuvent sembler en dehors de la loi analogique sur laquelle nous nous basons. Il n’en est rien. Comme nous le disons un peu plug loin, les sciences sont graduées comme les êtres, et la grande loi de l’analogie n'est autro que celle du parallélisme. A quel être Faut-Il donc rapporter les mathématiques pures que l'humanité étudié, mais qu'elle n'invente pas; la science des sciences sur laqueUc toutes

»lais à sa naissance, l'étre n'a encore de développés que les organes propres à la vie individuelle ; ceux qui doivent servir ¡1 la vie de relation sont pour ainsi dire à l’état latent. Ce candire d'individualisme n'est pas moins tranché dans la science naissante. Elle s'est tout entière incarnée dans le révélateur. Selon l'expression d'un homme de génie qui n'avait probablement pas encore la conscience qu'en lui il y avait non seulement un poète, mais encore, comme chez tous les vrais poètes, un grand philosophe :

... i.'id«e...

So bit homme, grandit, tombe, creuse un sillon.

Nous ne pouvons esquisser l’analogie qu’à grands traits t mais pour qu'elle puisse être saisie, il faut que l'on comprenne bien ce que veut dire la vie d’une idée ou d’une science, et en quoi, malgré l'analogie, elle diffère de la vie d’un être.

L'étre ne vit réellement que par ses manifestations. — Ainsi de la science. Sa vie intérieure, pour ainsi dire, consiste dans le travail intellectuel de ceux qui s’y adonnent; sa vie extérieure — dans les phénomènes produits par le rayonnement de l’idée, c’est-à-dire dans les œuvres accomplies par ceux qui la pratiquent.

L’être est d’autant plus parfait que ses organes sont plus développés et mieux équilibrés ; pour la science, les organes ont les différentes branches ou sectes, groupes divers poursuivant des buts spéciaux. Son organisation générale sera représentée par' les liens qui uniront les groupes divers. La science sera d’autant plus parfaite que les buts spéciaux seront plus variés, plus étendus, et se rattacheront mieux \ une tendance commune.

Unité, — variété, ce sont les deux qualités essentielles de la vie, et leur dosage concurrent est l'étalon composé à l’aide duquel on peut mesurer, avec une certitude mathématique, et son état individuel, et son degré relatif.

s'appuient cl qui n'emprunte rien au\ autres; qui vit j»r elle-même, rayonne sur toutes et les éclaire; qui s'impose «Tune façon absolue et uns contrainte; qui piano au-dessus do l'erreur ut de la discussion?...

Il est donc évident — et chacun pourra compléter les développements que nous interdisent les limites que nous nous sommes imposées — que les idées, suivant leur portée plus ou moins grande, doivent être rapprochées des êtres plus ou moins élevés dans la série; et que, s’il s’agit d’une science digne de ce nom, c’est chez les êtres de haut titre qu’on doit chercher le rapport. Réciproquement, les rapports analogiques établis entre une science et les êtres de degré supérieur devront faire préjuger de sa portée.

Les êtres qui occupent le plus haut degré de l’échelle animale sont ceux dont la vie fœtale est la plus longue relativement à leurs dimensions. Ce sont surtout ceux dont la basse enfance ressemble le plus à un prolongement de la phase embryonnaire. De tous les êtres que nous connaissons, l’homme est celui dont la basse enfance exige le plus de soins extérieurs, et se prolonge le plus. La science la plus positive, la plus parfaite, sans contredit (1), c’est l’astronomie. C’est celle qui est restée le plus longtemps à l’état embryonnaire, et qui, après qu’elle avait déjà pris rang comme science positive, a gardé le plus tard les allures mystiques. Tycho et Képler lui-même étaient de grands astronomes, et n’en étaient pas moins des astrologues. Newton se rattachait encore aux cabalistes.

C’est aussi dans les degrés supérieurs que s’observe la plus grande inégalité dans les divers développements des facultés diverses. Apparaissent d’abord les facultés purement individuelles, les fonctions de la vie organique ; puis les facultés physiques de la vie déflation, la sensibilité et lamotilité; puis les facultés affectives, et enfin les facultés intellectuelles qui ne prennent leur entier développement qu’après que l’être a conquis la faculté créatrice, est apte à la reproduction de l’espèce, lorsqu’il a accompli le dernier progrès physique qui devait lui donner la perfection relative.

Le magnétisme, qui est si longtemps resté à l’état latent, caché sous les mystères de l’initiation et des sciences occul-

(I) Nous exceptons toujours les mathématiques. Voir la note ci-dcssus.

tes, enfoui sous les mythes religieux et sacerdotaux, a magnifiquement accompli sa phase embryonnaire. Le magnétisme, la science propre de la vie, c’est-à-dire des relations de l’ètre avec les autres et avec lui-même, a bien parcouru tous les degrés rudimentaires inférieurs. Il a été confondu avec toutes les branches des connaissances humaines qui se rapportent à la vie : avec l’astrologie qui s'occupait de l’influence de phénomènes célestes sur la destinée humaine, branche qui a produit la météorologie, encore imparfaite ; avec l’alchimie qui étudiait spécialement l’action des substances matérielles sur l’organisme, chimie physiologique et pathologique; avec la physique embryonnaire (action dite encore aujourd’hui des impondérables sur l’économie animale, — le feu des alchimistes) ; avec les mystères religieux, étât rudimentaire de la philosophie et de la morale. La gestation de l’idée s’est faite régulièrement et dans de bonnes conditions.

A sa naissance, quand, incarnée dans Mesmer, elle s’est produite au jour, les plus heureuses circonstances ont accompagné sa venue. La philosophie du dix-neuvième siècle, sapant tous les préjugés bons et mauvais, avait admirablement déblayé le terrain. Désabusée d’erreurs, mais vide de croyances, la France, alors l’organe intellectuel du monde, était avide de nouveautés. Aussi les parrainages illustres ne firent point défaut à la nouvelle science. On pouvait croire que son éducation se ferait rapidement, confiée à des mains habiles. Mais arriva la tourmente de 89, et la pauvrette, oubliée dans le bouleversement général, se trouva recueillie par des mains pieuses et dévouées, mais en général peu savantes, et qui s’occupèrent plus de son éducation physique que de son éducation intellectuelle. Aussi grandit-elle, forte et vivace, tantôt sous l'ombrage des arbres de Buzançais, tantôt avec Deleuze dans la retraite du Jardin-des-Plantes.

On aurait reconnu en elle , exercée seulement à quelques procédés manuels, la fille des mages, des initiés, des illuminés, des voyants?... — C’est la loi! — C’est aux mamelles d’une robuste nourrice exempte des soucis intellec-

— Hh —

tuels, que les forts doivent sucer le lait qui rendra leurs organes sains et vigoureux.

Aussi voyez-la depuis, bien qu’attirant quelques esprits supérieurs qui ont deviné son avenir, voyez-la se jouant avec les gens au cœur simple et droit que séduisent sa force et sa bonté, et dont elle restera toujours la consolatrice et le soutien. Qui croit donc que son éducation ne s’est pas bien faite? Qui donc, en lui voyant dépenser jusqu’à ce jour la plus grande partie de ses forces en amusettes, n’a pas compris que c était pour elle une saine gymnastique? Quels raffinés, quels délicats à courte vue ont donc trouvé son éducation trop démocratique, ou, comme ils disent du bout des dents, trop populacière? Où donc vouliez-vous, s’il vous plaît, qu elle allât puiser les instincts du bon, du juste et de 1 honnête sinon là où ils sont? Dans quel autre milieu', je vous prie, pouvait- elle se pénétrer du sentiment de la famille, rencontrer et l’amitié, et l’amour et le dévouement pour compléter son clavier affectif?

Mais voici que ses aspirations intellectuelles s’éveillent. Un peu longtemps bercée de contes de nourrices, s’ignorant encore, timide et n’osant se définir, elle se regarde quelquefois elle-même cornu,e un revenant; elle rêve encore de son état embryonnaire, et retrouve la magie dans de nuageux souvenirs. Puis, se prenant pour un simple reflet des sciences ses sœurs, parce qu’elle sent le besoin de s’appuyer sur elles, elle veut leur emprunter de petits bouts d’hypothèse.

« Un fluide, s’il vous plaît, qui veut me prêter un fluide ? Magnétisme, électricité, vous en avez deux, je n’en demande qu un pour le moment; ce n’est qu’à titre d’emprunt; et encore je déguiserai l’emprunt par une épithète ; je dirai fluide magnétique animal, ou bien électricité vitale. Toi physiologie, ma petite sœur, bien que tu ne m’aies pas montré trop de bon vouloir jusqu’à ce jour, tu as aussi un fluide nerveux ou vital, ou quelque chose comme ça, dont tu ne sais trop que faire. Prête-le-moi, je n’en abuserai pas plus que toi. »

Enfant qui veut singer les ridicules des grandes personnes.

Ses facultés intellectuelles demandent cependant à se former, indice assuré que l’époque de la fécondité s’approche. La crise de la puberté est arrivée, et c'est le moment où son état demándele plus de soins. l)oit-on laisser s’égarer sans direction fixe son imagination, ou son jeune raisonnement errer sans une impulsion bienveillante? Là est la question. Doit-on chercher à comprimer l’un de ses essors, et cela est-il au pouvoir de quelqu’un? Si tout a démontré, jusqu’à présent, que les essors étaient incompressibles ; si toutes les forces se sont fait jour malgré les obstacles ; si toute puissance naturelle a droit à la vie, dirigeons-en les essors avec intelligence si nous pouvons, ne nous attelons jamais par-derrière au char qui marche. Si l’opinion publique en Europe veut étouffer la tendance spirituahste, elle fait explosion en Amérique. Y est-elle dans une bonne voie? c’est ce que nous ne saurons qu’après avoir pris connaissance de ce qui se passe dans le nouveau continent, et après avoir examiné les choses par nous-mêmes.

M. du Potet nous convie à cette étude dont l’exposition est terminée. Telle est la nouvelle direction qu’il veut imprimer au Journal. Nous nous proposons d’essayer dans le prochain numéro d’examiner quelles sont les conditions de cette étude, et quelles précautions on doit y apporter. Et si les lecteurs veulent nous le permettre, nous jetterons ensuite ensemble un coup d’œil sur les procédés à employer pour faire progresser le magnétisme comme science, c’est-à-dire les voies et moyens pour suivre l’impulsion nouvelle que le rédacteur en chef veut imprimer au journal.

A. PETIT D’ORMOY.

LE SPIRITUALISME EN FRANCE.

jq /T\ r o ^

Monsieur,

Vous désiriez d’autres faits de mes études, et l’un de vos collaborateurs, M. Hébert (de Garnay), ce magnétiste d’une expérience mathématique, m’avait demandé d’assister à la production de phénomènes qu’il n’avait jamais pu voir encore.

Deux séances lui furent spécialement consacrées. En voici le résultat.

Auparavant veuillez me permettre une digression utile, à mon avis, pour une partie de vos lecteurs.

Les philosophes de l’antiquité nommaient le type humain un microcosme, univers en petit; parce que, suivant eux, l’homme renferme foncièrement l’universalité de la création. Ne pourrait-on démontrer comment cette possession virtuelle s’accomplit, probablement, dans la perpétration de quelques-uns de nos mystères?

Disciple de l’enseignement expérimental, j’aime à le laisser ici s'exprimer lui-meme. Écoutons-le.

Dans le commencement de mes essais, alors que, sans boussole et sans pilote, je bravais une mer inconnue, ne sachant où trouver le rivage abordable ou seulement une lueur à travers ma nuit épaisse, un statuaire belge, magnétiseur des plus anti-spiritualistes, m’amena sa somnambule, blanchisseuse de fin à l’avenue de Lamothe-Piquet. C’était une femme brillante de jeunesse et belle d’une vigoureuse organisation ; sa lucidité n’avait point franchi, jusque-là, le diapason des idées de son guide ordinaire.

Il la met en voyance. Après diverses interrogations, j’arrive à l’épidémie du jour, la vogue des tables parlantes et des esprits. Le magnétiseur en rit à gorge déployée.

— Vous ne mordez pas à ces sottises-là, vous, un chirurgien-major?

— Ma foi ! je ne voudrais pas le garantir. Depuis peu, j’ai vu tellement s’abaisser les barrières de l’impossible, que je n’y comprends plus rien.

— Allons donc! vous avez dû pourtant dépister bien des.... couleurs.

Je venais d’approcher mon guéridon, sur lequel j’avais apposé les mains.

— Ah ! ah ! voilà le monsieur! Voyons, qu’il nous débite sa leçon.

La somnambule était sérieuse : elle regardait avec une attention remarquable.

— Il parait que ceci vous intéresse? lui dis-je.

— Est-ce que vous y découvrez quelque chose? ajoute l’artiste.

— Sur le plateau de la table, je vois la volonté du major.

— Ma volonté ? Par exemple ! Comment se montre-t-elle ?

— C’est un courant lumineux qui jaillit vivement sur la tablette.

— Ahl

La tête de la voyante se recule d’un mouvement convulsif ; ses yeux sont fixes ; elle contemple avec une immobilité d’expression.

— Qu’avez-vous ?

— J’aperçois... dans le pied de la table.... des puissances ! ! !

— Des puissances ?

— Oui ! continue-t-elle d’une voix basse et frissonnante.

— Des bêtises ! ! ! Vous rêvez ! s’écrie le magnétiseur.

— Je ne rêve pasl je les distingue.... très-positivement.

— Que signifie ce langage ? repris-je à mon tour. Qu’est-ce que ces puissances ?

— Eh ! ce sont celles qui se rendent à votre appel.

— Je n’ai pas dit un mot.

— Vous ne savez donc pas que tout est aimant dans le monde... et que la pensée humaine, un des aimants les plus

forts, attire ou repousse... môme sans que l’homme s’en doute !

Cette apostrophe me frappa d’un trait de lumière. Depuis, je ne l’ai jamais oubliée.

Le magnétiseur devint bientôt un prosélyte delà nouvelle croyance ; et moi, grâce à la parole de la femme du peuple, j’avais appris qu’une simple disposition mentale dont nous n’avons pas toujours assez de conscience, peut, dans l’irradiation latente de cet effluve d’individualisme que l’on désigne du nom de fluide, agir en tel ou tel sens, en dehors de notre personne.

D’après cette base de physiologie, chacun de nous ne porterait point en permanence, comme le supposait la doctrine ancienne, la sphère interne d’un univers en miniature (hypothèse inintelligible autant qu’indémontrable); mais (ce que la raison ne répugnerait pas à concéder) notre ame, en vertu de sa puissance d’aspiration et d’expansion , et par le jeu régulier de l’appareil cérébral, jouirait, malgré sa clôture de chair et d’os, du privilège îéchanger des relations progressives avec les forces vitales universelles. Quel empire superbe et quelle responsabilité !

Mon but n’est point d’en traiter ici. Je ne veux que prouver la fatalité dobstacle inhérente à des états plus ou moins saisissables, plus ou moins habituels ou seulement passagers, de certaines activités d’organisme. Le fait me fut souvent confirmé par la suite. Je vais en rapporter différentes observations.

Avec le concours d’un agent invisible, se déclarant l’esprit d’un sémillant adolescent, du nom deDormond de Saint-Wahll (1) , nous obtenions chez le docteur *** une foule d’in-

(1) Fils d'un colonel suisse, il naquit à Bordeaux, proteste-t-il. Ayant perdu sa mère, morte très-jeune, ii partit pour Venise, sous la tutelle d'un ancien chcvau-léger, qui se chargea de l'éducation de l'orphelin. I,a pauvre mère, fille d'un vieux gentilhomme, n'aurait eu la consolation d’une union légitime que près du terme de sa vie, et l’enfant ne fut reconnu qu'à sa dixième année. 11 mourut à Paris, sous Louis XV, à l'âge de dix-huit ans.

rroyabilitis des plus inadmissibles. M"c L*** et moi nous parvenions ainsi, par l’apposition momentanée des mains sur le chapiteau de la pendule du salon, à suspendre la marche de son mouvement. Après un arrêt prolongé tant qu’on le souhaitait, nous lui redonnions, de la même manière, sa liberté de mesurer le temps. Ces prodiges transpirèrent ; si bien que (j’étais encore au service), nous fûmes priés, en compagnie du commandant Saucerotte, d’accepter invitation à deux soirées particulières dans un palais. Les manifestations y réussissaient au degré variable des aptitudes sympathiques. Une intelligence occulte, nommée Morina, s’annonçant comme une pieuse âme défunte du royaume d’Andalousie, avait répondu, par écrit, au cours d’une conversation en espagnol; langue que, nous autres, ne connaissions aucuns. Le petit Dormond, multipliant ses gentillesses, conquérait l’admiration générale. A la main fermée d’un prélat, qui s’était présentée sous cette précaution oratoire :

« Table ! combien ai-je de pièces de monnaie ? » il avait fait retentir quatre coups sonores, sortis inconcevablement de la contexture d’une table à coulisses, qu’il enlevait quelquefois par des soubresauts d’une vigueur stupéfiante. Le nombre quatre avait deviné juste. Une seconde main s’était empressée de suivre la première, en formulant sa question avec plus de désinvolture. Six coups, d’une précipitation joyeusement sentie, venaient, par leur exactitude spontanée , d’exalter la satisfaction à son comble. On engage M. le Dr Rayer, qui causait à l’extrémité de l’appartement, à se mêler aux épreuves ; il s’y prête de la façon la plus aimable, moyennant ses réserves d’incroyance, par respect pour ses convictions. A peine s’est-il glissé parmi l’assemblée, que tout cesse immédiatement. On a beau redoubler d’efforts et d’instances; rien! obstinément rien! 11 fallut que l’illustre académicien battît eu retraite; encore ne fut-ce, malgré cela, qu’au bout d’un assez long intervalle, que les aventures se décidèrent graduellement à reparaître.

Aux séances de Marcillet, la seconde fois que je profitai des exhibitions publiques d’Alexis, j’étais accompagné de

M. R., ex-capitaine du 29° de ligne; il n’admettait guère que jonglerie dans le magnétisme, tandis que moi, déjà, j’y procédais aux débuts de mon initiation. Placés ensemble à côté du lucide, nous eûmes de lui des effets bien opposés. S’étant appliqué, vers le sommet postérieur de la tète, un pli de huit feuilles doubles que j’avais eu soin de lui passer sans qu’il y portât les yeux, il s’écria tout de suite et très-exactement : « C’est la Gazette des Hôpitaux. » Puis, avec une épingle, sans déranger le paquet de sa situation, il le transperça de part en part en me prophétisant qu’il piquait ¡le mot Doyen, à la quatrième page du journal. J’ôtai la bande, je dépliai l’exemplaire, et dans un compte-rendu des obsèques d’Orfila, je trouvai ledit mot traversé par la piqûre, à l’endroit désigné. — M. R*** confie ensuite au sujet une espèce de disque plat, plus large qu’une pièce de 5 fr., recouvert de papier. Alexis l’explore, le tâte, le retourne, le flaire ; il se le pose sur le front, sur l’épigastre ; il cherche, il lutte, il s’impatiente, et n’aboutit qu’à de fausses visions... récidivées. Enfin, de gueire lasse, il restitue l’objet au questionneur, en proférant avec dépit, dans l’accès d’une secousse nerveuse : « Je ne puis pas 1 » Qu’était-ce donc que cette chose impénétrable ? Une médaille, à l’effigie d’un des rois de France (1).

(1) C'est le cas de remémorer aussi le fait curieux publié par un magnétiseur de Paris, à l'occasion d'exercices de ce genre à Saint-Germain-en-Laye.

o Je m’étais muni, raconte-t-il, d’une pièce de 5 fr. évidée dans son centre, et dont les deux parties, pile et face, se vissant l'une sur l'autre, laissent entre elles un espace secret formant médaillon intérieur. Je m'approchai d’une dame présente dans le salon des séances, et, lui montrant la pièce que je déposai devant elle, je la priai de vouloir bien se rendre seule dans un salon voisin pour y écrire ello-même et très-lisiblement, un mot sur un morceau de papier qu'elle plierait en quatre et qu’elle renfermerait, toujours elle-même, dans l'espace vide de la pièce.

« La chose faite, et cette dame étant revenue vers moi, je préparai un papier blanc devant servir d'enveloppe, et je tirai de ma poche.au hasard, et en ayant soin de fermer les yeux, deux autres pièces de 5 fr. propres à la circulation monétaire, et dont ni cette dume, ni moi, ne pûmes voir ni nfc connûmes le millésime et les effigies. J'en plaçai une des deux sur la

M"" 11***, d’une santé très-délicate, souffre souvent d’asthénies névropathiques, devenant parfois la scène d’accidents les plus capables d’effrayer d’habiles médecins, non familiarisés aux formes indéfinies de ce Protée de la patho-génie des femmes. Dans une crise récente, j’avais facilement apaisé la malade par quelques passes d’eflluves légers. Un jour où je sortais de longs débats scientifiques, je la trouve en proie à sa tourmente cruelle: en toute hâte, pour l’en débarrasser, j’use du magnétisme : Hélas ! au lieu que s’éteigne l’orage, il menace de s'élever à la tempête. Heureusement, songeant à l’éréthisme des discussions dont j’étais sans doute empreint, et d’ailleurs ayant là l’un de mes collègues, le docteur Vergesse (1), que je pouvais employer en grande abondance, je le prie d’agir à ma place. Il ne croyait peut-être pas du tout à l’arcane bienfaisant que j’attendais de son œuvre ; mais, plein de la volonté de soulager, et confiant dans

face do la pièco évidée, qui n'était autre qu’un Louis XVIII de 1815, et je plaçai la seconde pièce du côté du millésime 1815. Ceci fait, je pris mon papier blanc et enveloppai le tout, la pièce-médaillon se trouvant entre les deux autres, et j'invitai la dame, qui avait bien voulu écrire le mot è l'intérieur, & s’approcher du somnambule Alexis, en lui demandant de définir ce qu'était la chose qu'elle lui remettait entre les mains.

c Alexis accusa aussitôt trois pièces de 5 fr., dont les deux, tant du dessus que du dessous, étaient, dit-il, à l’effigie de Louis-Philippe, l'une de 1857, l'autre de 1835. Il indiqua ensuite l'effigie de Louis XVIII sur la pièce du milieu, et la dame qui lui avait remis ces pièces lui ayant demandé ce que cette dernière pouvait avoir de particulier relativement aux autres, Alexis concentra un instant son attention, indiqua que la pièce était creuse, qu'elle se vissait, qu'elle contenait une pièce d'or (’)!... Mais il en revint do suite à diro qu’elle contenait un papier plié à l'intérieur duquel était écrit un mot formé de quatre lettres; et, prenant la main de la dame, h l'effet de s'assimiler sa pensée, il accusa aussitôt le mot Plut, ayant une majusculo eu tête. Tout ce qu’il avait dit fut vtrifié et se trouva être do la plus scrupuleuse exactitude. (J.-A. Gemiil.)

(1) Aujourd'hui médecin-major de Iro classo do la gendarmerie de la garde.

(*) An moment où Alexia accusa une pièce d'or, M. Alexandre Dumas ae trouvait prèa de lui et croyait fortement que la dame dont il est question arail renfermé à l’intérieur de la pièce de 5 fr. un sequin de Venise que, peu (fimtants auparavant, il lai avait va entre les mains. Alexia subissait cette influence de pensée par radiation, et aans ce qu’on appelle le rapport préalablement établi.

les exhortations d’un vieux camarade, mon successeur n’eut pas, une minute ou deux, promené sa main, riche d’une pléthore nutritive,queM'-'B***, endormie instantanément, reposait au bonheur d’un calme profond.

L’été dernier, un petit canon, que je portais aux breloques de ma chaîne de montre, se sépara de son affût et tomba près de moi, sur le parquet de ma chambre. Je ne savais me rendre compte de la manière dont cet objet avait pu se détacher, puisque la goupille qui le parcourait dans sa largeur se retrouvait non dérangée, et que pas une solutioc de continuité n’établissait de brèche nulle |>art. J’avais conté la chose à ma mère, et je lui commençais ma démonstration, quand, sans que C on y touchât, et, devant nos regards émerveillés, lu goupille se mit à se mouvoir, comme d'elle-même, en sortant d’un des trous où cette pièce était logée. Elle acheva de se retirer doucement jusqu’à la fin de la longueur de la tige, réduite à surplomber tout à fait au dehors. Nous interrogeâmes Dormond. — « C’est, nous dit-il, une plaisanterie, pour vous amuser. » Je réinstallai ma petite pièce d’artillerie, qui ne bougea plus. Le 4 juillet, au milieu de la famille du docteur B***, je reparlai de cette espièglerie. Presque aussitôt le petit canon s’enfuit de nouveau ; pourtant, cette fois, avec l’attention de se laisser choir dans ma main droite. Nous nous empressâmes de constater la situation de la goupille. Elle avait une de ses extrémités hors de son trou, qu’elle effleurait immédiatement au-dessous de lui, sans le plus mince écartement, et comme si nous l’avions surprise au moment qu’elle allait se réintégrer en sa demeure. Nous plaçâmes ma montre sur la cheminée du salon, et nous espérâmes vainement la suite du second acte des escamotages de Dormond. Tout semblait devoir en rester là; je reprenais déjà ma montre, lorsqu’un cri général, parmi l’assistance enchantée, salua notre joyeuse satisfaction, la petite verge venait de rentrer dans sa châsse! A Versailles, une troisième sortie s’effectua devant témoin encore. Je remis moi-même la cheville, et son rajustement ayant résonné de ce bruit que fait entendre le ressort d’une fermeture,

j’eus la persuasion que le déplacement ne récidiverait plus. Cependant j’engageai Dormond à nous le reproduire. « J’y réussirai, me répondit-il, mais ta défaillance morale m’affaiblit : tu devras t’adjoindre le concours de M"* L***. » Depuis, je n’ai pas eu lieu de l’essayer.

Un de mes aides-majors du 1 hc d’artillerie (1),M. le doc-leur C***, nouvellement nommé médecin-major du 10° de cuirassiers (en garnison à Versailles), profita de son voisi-rage de Paris pour m’y faire une visite. Convaincu qu’il accepterait le sérieux de ma parole, si renversantes qu’en apparussent les assertions, je ne balançai pas à susciter chez lui l’ardeur d’un néophyte. 11 sollicite, séance tenante, un acte irrécusable. Je ne pouvais reculer. Par malheur, voilà que tout marche de mal en pire ! Je redouble de zèle et de bon vouloir en pure perte : les phrases s’interrompent ou se construisent défectueusement; les lettres se succèdent sans ordre; ce sont des mots dépourvus de sens ou des consonnes intarissables. Je ne soupçonnais point la cause de cet imbroglio. Pour le vaincre je me concentre avec explosion de toutes mes forces 1 La table se soulève, se livre à des contorsions et finit par écrire : « Il ne reste pus tranquille !» Je regarde le docteur : il était à. peu de distance, les bras accoudés sur ses genoux, les yeux dans une projection fixe en face du guéridon.

— De qui parles-tu? répliquai-je. M. G*** ne bouge pas; il ne se mêle à rien ; en quoi te troublerait-il ?

— Sa tête !

— Est-ce que vous n’êtes point impassible ainsi que je vous en avais prié? demandai-je au spectateur.

— Ma foi ! c’est à jeter sa langue aux chiens. Je m’épuise vainement à chercher comment et d’où cela peut naître.

— Mais, malheureux, vous m’exténuez!... Vous me briseriez si je continuais davantage. Vous êtes jeune et fort, et

(1) Où je servais avant d'appartenir à la gendarmerie d'élite.

votre tension cérébrale foudroie ma trop facile complaisance. Arrêtons (1) !

J’ai surabondamment divulgué, je pense, combien la nature des dispositions latentes importe à l’issue des résultats. C’est un point essentiel qu’il ne faut jamais perdre de vue.

Eb bien ! M. Ilébert n’adopte pas le spiritualisme : s’il ne le nie formellement, il n’en éprouve et n’en poursuit pas moins, au dedans comme à l’extérieur de son silence, une secrète soif d’analyse contradictoire de ce qu’il ne parvient pas à s’expliquer. Il est entouré, pressé, lié par l’évidence, rien de plus : on l’étonne, on l’étourdit, on le déconcerte ; on ne le subjugue pas. Cette persévérance du doute, précieuse hors du laboratoire des expérimentations, les adultère dès qu’elle s’immisce à leur activité. Du reste, cet observateur avait eu la discrétion de me prévenir que des médiums le redoutent, l’excluent même comme un obstacle au succès.

Voici maintenant le procès-verbal des deux séances :

Le 29 décembre 1855, neuf heures et demie du soir.

M11' Octavie Passerieu de Varez, le comte de Vauréal, M. Hébert et moi, nous nous sommes réunis dans le but d’obtenir et de constater des phénomènes spiritualistes.

M11" Octavie s’empare d’un guéridon ; elle l’actionne en appelant hautement l’esprit de Balzac. L’effet ne se traduisant pas assez ostensiblement, elle réclame ma coopération. J’applique une de mes mains sur le meuble, sans toucher celles de l’évocatrice, et sur-le-champ il s’anime. Une mani- , festation se présente (2), sous le nom du grand écrivain.

(1) Cette lutte me suggéra l’idée que, pour vaincre les académies, il ne s’agirait peut-être que de so présenter avec un nombre d’adhérents double ou triple de celui des réfractaires. Les quantités absorbent les unités, et la victoire se déciderait pour la plus vigoureuse phalange.

(S) K mesure que son progrès se développe, l’ensemble do la jeune personne gagne une vague modification, quelque chose d'un léger effleurement (sans torpeur préalable) do cet état connu des experts (le 3" degré de l'éhcelle classique des magnétistes), dans lequel ün dominateur exerce le charme, la tuggeition au sein de l’organisme qu’il envahit mentalement.

Cette gradation, très-judicieusement professée par M. Hébert dans son

M. Hébert la prie de vouloir bien l’examiner. Après quelques minutes de communication silencieuse où le consultant tient une main sur la table, elle lui répond par le mouvement très-précipité du langage alphabétique :

— La tète me paraît étrange dans ses dissemblances harmoniques. La profondeur de l’œil est extrême : le bas du visage a une froideur qui condense cette recherche de l’inconnu, teinte d’idéalité qui est annoncée dans son premier regard!... Je ne puis me permettre un plus long examen dans si peu d’instants : je me priverais moi-même, si je vous condamnais au silence.

— Avez-vous souvenir de moi ?

— Oui,, vous m’avez appris trois choses importantes : la puissance de la volonté, que j’étudiais alors ; l’usage de cette puissance, et le cas dans lequel on pouvait et l’on devait l’employer.

— Veuillez, pour accélérer ma conviction, dire où et quand vous m’avez connu, si vous le pouvez.

— Régulièrement, deux fois par semaine, il m’eût été possible de vous suivre, si mes jours de travail ne m’eussent fait visiblement manquer quelquefois à ces intéressantes

cours, n'aurait, selon moi, qu’un seul lort : ce serait (»i tant eit qu'elle comporte le grief que je lui suppose I) de borner illogiquement à notre simulacre humain le privilège de la produire.

L'homme interne (l'âme) possède une puissance intelligente. Comme tel, ce qu'il est maître d'opérer ici-bas pendant la vie terrestre, il doit conserver le pouvoir et la nécessité de le faire (dans le mode convenable, en de ressemblantes circonstances et pour les mêmes fins) à travers ses migrations du l'immortalité.

Dès lors il est naturel que dans ces intus-susceptions extra-mondaines, on remarque, comme eu celles de ce monde, ces analogies et ces concomitances de symptômes.

Lorsque l'on dit qu'un médium est un somnambule évéillé, l’on ne dit rien, si l'on ne spécifie en même temps, avec la précision la plus intégrale et mime la plus large induction , ce que c’est que le somnambulisme , et quels sont les attributs ou destinations révélatrices de ses différentes phases.

Dieu ne créa point de moyens inutiles. Aussi la biologie, de quelque manière qu'on l'expérimente, n’est-clle point un simple amusement de curiosité vaine : ses lois contiennent la science des destinées universelles.

réunions. Mais je vous devais encore mes absences et les heures de haute réflexion que les phénomènes, racontés par vous, m’inspiraient. J’étais alors tout plein de vous ; je regrettais, et cela bien souvent, que ma pensée ne vous pût faire répondre, quand, du sein de mes réflexions, elle courait, plus agile que l’oiseau, vous soumettre, pour moi, une objection pour moi sans réponse... qui m'aurait pu dévoiler parfois tout un mystère !

M. Henry Delaage arrive et touche la table.

— Je te donne la main, BalzacI

— Je te ternis aussi la mienne. Ami, que dis-tu de ces phénomènes que les hommes trouvent nouveaux ? J’en aurais long à te conter si tu pouvais, parfois, m'accorder quelques instants. Les tortures de l'esprit, je dirais môme de la science, viennent de l’ignorance douteuse et incertaine dans laquelle les hommes travaillent aujourd’hui. Le tort enfin est tout entier (Luis l'homme de science! Il se tue lui-même 1... Il étouffe, dans une criminelle étreinte, l’esprit de ces masses d’enfants ; innombrables troupeaux qui se groupent autour de lui, pareillement à ces myriades d’in* sectes ailés qui s’agitent follement dans les rayons d'une pâle lumière. L’esprit, mon cher, soude et remplit les mondes. Rappelle-toi ces mots... de l’apôtre... saint Paul, je crois : « ln Deo vivimus, movemus et sumus. » « Nous vivons, nous agissons et nous sommes en Dieu. L'esprit est dieu ! La lumière peut seule t’élever jusqu’à la puissance nécessaire pour bien comprendre que l’homme a tout en lui, et qu il serait effrayé de lui-même, si Dieu lui permettait de se juger dans sa faible raison. Ce jour viendra pourtant : jusque-là, ayez le désir de croire. Pour croire, sentez d’abord ! La croyance est une prière, et par la prière, votre pensée deviendra supérieure à l’instinct; et votre âme, par jet de lumière! entourée de sa première auréole, s'éloignera de terre... où tout est mensonge. D’un vol rapide, elle parcourra les mondes... que lu pensée heurte chaque jour, en y voulant pénétrer; elle verra alors... de ses grands yeux-, elle sentira de tout son amour ; et de ces hautes régions,

régions lumineuses, elle éclairera l'homme. 11 sera alors dans le sentier du vrai.

11. de Balzac.

Un nouvel effluve (ou la condensation du premier) endort M"c Octavie. La Portugaise (1) intervient. L’extérieur de la manifestation change d’aspect et d’allure : c’est une accentuation spéciale, ce sont des expressions particulières et d’un terroir d’étrangeté frappante, qui s’articulent par la bouche du médium. L’entretien franchit les limites d’une causerie familière pour se poser en une thèse véritable que l’interlocutrice discute et soutient à l’encontre des objections de M. Hébert (2). La Portugaise nous dit adieu ; puis le médium se réveille.

l,o 9 janvier 1856, neuf heures du soir.

Les mêmes personnes, excepté M. Henry Delaage, se retrouvent au rendez-vous.

La manifestation s’obtient promptement. M. Hébert aborde son dialogue avec elle.

— Est-ce Balzac ?

— Oui.

— lleprenons l’épreuve commencée.

— Volontiers. Auparavant je te fais une question : les jours te semblent-ils pareils, quand en toutes choses ils paraissent semblables? Béponds ! La science et l’esprit se sont réunis ce soir pour causer ensemble de leurs croyances respectives : la science est-elle prête ?

— Oui, si c’est moi qui représente la science.

— Réponds alors à ma première question.

(1) Voir lu n° 423 du Journal du Magnétisme.

(2) En dehors de la séance, I.uisa dicta la recette d'une friandise qu'elle goûtait fort, et de son temps, selon ce qu'elle déclare, très-estimée en Portugal :

« Zeste d'orange.

Quartiers d’orange,

Beurre, sucre et eau;

Laiiser cuire le tout, jusqu'à la transparence do zeste.

— C'est très-bon I... et cela fera du bien à la petiteI »

— Non, je voudrais la réponse que j'attends depuis la dernière séance.

— Plus tard, après cela. C’est moi qui te convie d’abord à une première réponse. L’homme ne doit pas parler, c’est la science seule ; si elle n’est point prête, l’esprit se rappellera que... le féminin sut mériter toujours une courtoisie telle, que l’attente qu’il impose doit paraître aimable. L’esprit attendra le jour et l’heure de la science! Maintenant, cher maître, tendez-moi de nouveau la main ; le disciple va essayer de se montrer fidèle à vos enseignements, et dans sa mémoire à les bien apprendre. C’est, je crois, chez mon ami, aimable auteur de si jolies nouvelles, que, autant qu’il m’en souvienne, j’avais, deux fois par semaine, la possibilité du bonheur de vous voir ? Dites ! me comprenez-vous ?

— Non.

— En vérité ?... Lisez-moi bien : chez Roger de Beauvoir?.., Et dans des séances scientifiques d’un temple de docteurs ?... Je serais désolé de puiser à faux dans mes souvenirs. Je ne vois que... Roger!... Et le temple ! Je suis sûr de vous bien connaître. L’êtes-vous autant de ce que vous m'avez si bien su apprendre ? Ne me pardonneriez-vous pas si le sentiment du cœur, — que je nommerai souvenir ! — avait absorbé , anéanti en moi cette faculté à l’aide de laquelle on se retrace l’image d’une maison, d’un temple, d’une vue? Dites !

— Oui. Mais je n’aurai pas acquis la conviction que c’est bien vous.

— Je pourrai te la donner par tant d’autres choses. Veux-tu donc, pour croire, torturer un pauvre esprit qui ne demande que lumière ? et la trouve-t-on sur la terre, le crois-tu ?

— Si tu ne te souviens pas du lieu, pourrais-tu te rappeler l’époque ?

— En 1841, je crois. En 1835, je fus mis en rapport avec celui qui m’aida, comme toi, à comprendre un peu ces phénomènes mystérieux dont l’homme est étonné chaque jour. Voilà ce qui me reste de dates précises : je les dois

encore à vos souvenirs. Je te demande huit minutes de suspension.

Juste à la terminaison de la huitième minute (1) la manifestation reparaît. M. Hébert la prie de faire écrire la main de M"» Octavie, phénomène qu'il est très-désireux de voir. On passe crayon et papier au médium, et très-prestement il trace ces mots :

. J’aurais, ma foi, bien envie de vous amener à cette séance même ce cher Gautier (2), qu’un long silence nous avait presque fait oublier, ingrats que nous sommes... quand nous restons hommes... et rien qu'hommes ! qu’en ui tes-vo us » ))

— Soit !

M"' Octavie nous prévient qu'une autre force l'agite : son bras trahit quelques mouvements convulsifs ; puis une autre écriture vole... par saccades plus rapides, et d’une originalité caractéristique plus tranchée que celle de tout à l’heure.

,J:,ÎéIt0i3,Un bie,n d,oulx et Sentil se'gneur !... disoient, en vérité, les dames de la cour. Pourquoy, comme elles, ne le voudriez-vous point croire ? Elles ont toujours en leur cœur secret instinct du vray, et byen doulce, et sensible pensée! je vous 1 assure !... v *

« Je cherche en mes chemins fleuris et dans mes doulx et feuillus hautrms, quelle bien gentille fleur je pourrai cueillir pour vous 1 offrir... en tout dézir de vous plaire. »

— Que signifie le mot : hautrin?

— « Coteau, petite montagne ; je la vais faire flourir • pour vous dans cette même minute, attendez. »

Après une courte pause, le mouvement reprend moins vite :

« En mon triste et bien doulx chant, je chante sans cesse les soupirs cuisants de la si triste fleur... brisée avant de

(1) Le consultant regardait, à pari, la marche de sa montre.

(î) La première fois que cette manifestation s’est présentée, elle écrivit-« Je suis fils d’Henry II et d’Honrietle de Balzac. Honoré de Balzac mon parent, m’a conduit près de toi ; jon suis très-heureux, etc. Jeté ferai des fables pour te distraire. Bauac-Gaotua

naître. En mes douloureuses lamentations, je fais ouïr à qui me veut bien entendre, les regrets des insectes de lumière,

3ui, les jours d’yvert, n'ont point la jouissance de leur si oulx soleil! Je vais donc te les faire ouïr, si tu 1113 veux si bien écouter ?

4u— Voyons.

— « Il y avoit, en un jour printannier, si doulce tourterelle, qui chantoit..., en chanson cruelle, paroles de guerre.

« Le ramier blessé laissoitouïr ses tristes soupirs, et tourterelle cruelle disoit: Dans le soleil qui luit, dans la fleur qui veille, il vole et volera cet in-sjcte gentil que mon cœur admire ! que n’est ainz mon ramier volage... qui a blessé mon cœur, en lieu d’inlid Jité ? —Le ramier répondit : Les plumes de mon aile ne peuvent donc rien, ô ma belle ? si doulce tourterelle ne me disparoit point de mon cœur, devant moucherons et demoiselles !... De fleurs nouvelles et de doulx chants d’abeilles... je laisserais souvenir, si... vers mon si doulx nid, tu veux bien revenir?

« La tourterelle ne fut pas cruelle; femme à demi, elle sourit.... et lui répondit : Ah ! qu’entends-je ici !... Est-ce fleur qui soupire ?

— J’en sais d’aultres.... moins longues et moins lourdes pour vos si doulces sensibilités. En voulez-vous ouïr?

— Merci. »

Nous levâmes la séance.

Au bas du procès-verbal, rédigé parM. Hébert, il écrivit : « M. du Potet peut seul dire si les réponses à mes questions sont exactes. »

Dr CI.EVER DE MALDIGNY.

(La suite au numéro prochain).

VARIÉTÉS.

LES PRESCRIPTIONS SOMNAMBULIQUES.

Nous remarquons dans Y Union magnétique du 25 janvier dernier, le compte-rendu d’une séance de la Société philan-thropico-magnétique. Un des membres, y est-il dit, appelle l’attention des sociétaires sur les consultations ridicules données par certains somnambules qui compromettent le magnétisme. Al. le président fait à ce sujet les réflexions suivantes : « Les magnétiseurs qui ont des somnambules, soit continuellement, soit accidentellement, devraient d’abord s’occuper à diriger leur lucidité. Un bon somnambule ne doit pas formuler des ordonnances excentriques. 11 y a assez de substances, assez de matières dont la vertu médi-catrice est hors de doute, assez de plantes médicinales dont l’emploi est toujours suivi,d’effets satisfaisants, pour que les somnambules puisent dans cette grande pharmacie de la nature. »

Voilà un arrêt péremptoire, mais qui heureusement n’est pas sans, appel. On interdit les consultations ridicules : soit; mais qu’entend-on par là? Une prescription court grand risque de devenir ridicule quand elle n’est pas efficace, et il n’y a pas que les somnambules auxquels il arrive de ne pas guérir ; combien de docteurs diplômés et patentés, tout en suivant de point en point les règles de la science officielle et en ne puisant que dans le codex canonique, prescrivent de ces médications dont l’efficacité est proverbialement comparée à celle du cautère sur une jambe de bois ! Qu’on se permette alors de trouver ridicule leurs consultations, on en a le droit. La sentence que nous avons reproduite se réduirait alors à celle-ci, c’est que ceux qui se mêlent de guérir devraient toujours réussir... Cette vérité n’est pas neuve, mais elle est consolante.

Mais, d’après les développements donnés par M. le président, ce ne serait pas d'après le succès (toujours problématique) de la consultation qu’il faudrait juger si elle mérite, ou non, le reproche de ridicule, ce serait d’après sa nature même : l'ordonnance ne doit jamais être excentrique. Nous avouons humblement ne pas comprendr e comment, aux yeux d’un homme sensé, un ordonnance en elle-même peut'être taxée de ridicule, avant même qu’on sache si elle pioduira

l’effet voulu : car enfin, si bizarre qu’elle paraisse , si elle guérit, elle a atteint le but; le malade alors s’inquiétera peu de votre critique, et si vous persistez à vous en égayer, les rieurs ne seront certainement pas de votre côté. Entre une prescription, même ridicule, qui guérit, et une ordonnance magistrale, hérissée de mots grecs, et qui ne guérit pas, le choix ne saurait être douteux. Le succès est tout : ne chicanons donc pas sur les moyens.

On ne veut pas de remède excentrique, c’est-à-dire étranger à ceux que la Faculté a l'habitude d’ordonner. C’est nous ramener à la vieille doctrine si spirituellement flagellée par Molière, qui interdisait de prescrire d’autres médications que celles de l’Ecole, matadus dût-il crevare et mon desuomato. Voilà de singulières prétentions qu’on ne devait pas se croire obligé de discuter au dix-neuvième siècle, et qu’on est étonné de trouver chez les magnétistes, c’est-à-dire chez des novateurs assez audacieux pour méconnaître la sacro-sainte autorité des académies qui ont déclaré ex ca-thedrâ que le magnétisme n’existait pas. Nous voudrions bien savoir si le traitement des maladies par les passes et par l’eau magnétisée est conforme aux saines traditions, et ne serait pas taxée de ridicule et d’excentrique par les doctes aréopages. C’est tomber dans une étrange inconséquence que de braver l’orthodoxie en admettant le magnétisme et le somnambulisme, puis de ne permettre au somnambulisme de s’occuper de maladies qu’autant qu’il ne fera usage que des remèdes orthodoxes.

On repousse l’excentrique, le bizarre, l’inusité... Mais, en général, une chose ne nous parait bizarre que parce qu’elle ne nous est pas familière, d'où l’on ne peut rien conclure contre son mérite. Les remèdes connus, approuvés, admis au codex, ont commencé par être nouveaux, par conséquent bizarres, excentriques, ridicules même. On aurait donc pu, à leur apparition, les proscrire au même titre que telle prescription déclarée baroque des somnambules. Et c’est ce qui a eu lieu. Les corps savants ne se sont pas fait faute d’anathématiser les innovations en tant qu’innovations : on a condamné l'émélique, la vaccine, etc. Puis, l’expérience ayant prouvé l'efficacité de ces inventions, il a bien fallu que la faculté en vînt piteusement à faire amende honorable et à insérer dans ses formulaires ce qu’elle avait d’abord excommunié. Mais les inventions avaient-elles besoin de ces rétractions pour être utiles, salutaires? Leur efficacité était-elle subordonnée à une décision de docteurs en robe?...

Après de telles aberrations, de telles palinodies de la part des corps savants, comment peut-on encore repousser un remède parce qu’il est nouveau et qu’il n’a pas encore obtenu de la faculté droit de bourgeoisie?... Ne retombons pas dans les fautes de l’ancienne école, et ne dédaignons aucune des ressources que nous olfre la pharmacie de la nature.

On nous dit qu’il y a assez de substances dont la vertu médicatrice est hors de doute, pour qu’il n’y ait pas besoin d’aller en chercher d’autres. Non, mille fois non ; il n’y en a pas assez, et la preuve, c’est qu’avec cette myriade de substances enregistrées si méthodiquement au codex et étiquetées si coquettement chez les apothicaires, les médecins sont, hélas! si souvent dans l’impossibilité de nous guérir. Et là où ils échouent, il faut bien que d’autres essaient de réussir. Et puisque la pharmacopée doctrinale est insuffisante, il faut bien chercher en dehors, et enrichir l’humanité de médicaments plus efficaces. L’obligation de se renfermer dans les limites officielles n’est rien moins que la négation du progrès, c’est dire que le catalogue des remèdes doit dès aujourd’hui être irrévocablement clos, et que, quoiqu’il arrive, 011 ne pourra, sous peine de sacrilège, y ajouter un seul mot : le char de la science doit s’arrêter, les oracles vont désormais être muets... et les malades se tireront d’af-laires comme ils pourront. Quant aux nouvelles découvertes qui pourront surgir, elles auront le tort de venir trop tard il ny a plus de places pour elles, et, ma foi, notre sièqe est fait. y

Les somnambules ont, à ce qu’il paraît, un tort bien grave, c est de ne s’assujettir dans leurs prescriptions, à aucune règle conventionnelle. Mais qu’y faire? Cette originalité est dans leur nature. Ils n’ont pas la prétention de lormuler une théorie de thérapeutique, de donner des règles générales pour guérir dans tous les cas semblables (ou réputés tels). Non : ils ne savent rien, mais ils ont l’instinct pour guide ; ils voient le remède et ils vous l’indiquent de corn lance. Ne leur demandez pas pourquoi ils vous le prescrivent, car ils sont tellement ignorants, qu’ils ne pourraient pas meme vous dire cur opium facit dormire. La prescription qu ils vous donnent est pour vous seul et pour le mal actuel; ils sentent que ça vous guérira.... et dans une foule de cas, ces singuliers médecins ont obtenu des cures merveilleuses, ont guéri radicalement des maladies auxquelles tout l art des médecins n’avait pu apporter le moindre sou-

lagement. C’est ébouriffant, j’en conviens; mais, ridicule nu non, cela est.

Acceptons donc les somnambules pour ce qu’ils sont pour les médecins de la nature, et n’allons pas les gâter en les confinant dans un étroit sentier d'où ils ne devraient pas s écarter. Laissons-les suivre librement leurs inspirations et n ayons pas la prétention de diriger leur Iwidilt. Les’ diriger, ce serait leur inculquer nos connaissances à plus ou moins haute dose, en faire des demi-docteurs : puis, au Jieu de chercher à voir les remèdes en vertu de leur propre lucidité, ils ne feraient plus que se rappeler une leçon apprise; de bons somnambules on aurait ainsi fait de médiocres médecins, et il y en a bien asssz. Nous perdrions trop au change.

a. s. MORIN.

AVIS.

Le journal est une tribune où chacun, dans certaine mesure , peut venir exposer son système, ses idées, lorsque surtout il s’agit d’un grand fait. C’est pourquoi nous avons inséré dans notre dernier numéro la relation de phénomènes qui paraissent contradictoires ou opposés au spiritualisme, que nous nous proposons de défendre. Nous prouverons bientôt que le Samson de notre correspondant n’a renversé qu’un palais de carton.

Baron DU POTET.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay)

P«m. — Imprimerie de [’oumi.tr cl Miiuii, 17, quai des àoKu «Ins.

DE LA NOUVELLE DIRECTION DU JOURNAL.

LE SPIRITUALISME.

Dans le dernier numéro, nous avons jeté un coup d’œil rétrospectif rapide sur les évolutions passées du magnétisme, pour juger son évolution actuelle. Il s’agissait surtout des phases mystiques de la science, et nous avons procédé par cette analogie, grande clef des arcanes mystiques, plus ou moins déguisée k toutes les époques sous la forme du mythe , du symbole, du signe, de la parabole ou même du simple apologue. Nous ne nous attendons pas à ce qu’on attache une grande importance à cette forme, et nous étonnerions beaucoup de gens, et surtout les géomètres, si nous formulions ici la prétention — facile à justifier d’ailleurs — que nous n’ayons fait qu’appliquer un procédé usuel des mathématiques appliquées, qui constitue l’un desplus puissants et des plus précieux moyens d’investigation analytique.

Mais cela nous est inutile. Quelque brèves et écourtées qu’aient été les considérations présentées dans notre article du numéro précédent, elles auront suffi pour mettre sur la voie les esprits rêveurs, et ils tireront eux-mêmes les conséquences des prémisses. Aujourd’hui nous voulons parler de la phase actuelle du magnétisme, et nous allons nous maintenir dans le positif et le réalisme.

Cela nous semble d’autant plus nécessaire que la question a été plus souvent traitée par des enthousiastes que des gens froids et positifs. — Il y a temps pour tout. — Sans doute il ne faut pas que tous les opérateurs analysent avec circonspection et leurs sensations et les moindres détails de Tojie XV. _ K» »30. - ïû Février »50. 4

l’expérience, quand il s’agit de phénomènes qui supposent une surexcitation singulière chez ceux qui les produisent. Il n'en faut que plus de calme lorsqu’on veut les examiner. Heureusement la nature humaine est flexible ; et non seulement il y a des esprits calmes et raisonneurs pour discuter avec sang-froid les observations des enthousiastes ; mais comme il a été départi à chacun de nous deux facultés opposées — qui cependant ne s’excluent pas, Dieu merci, — l’imagination et le raisonnement, chacun peut trouver en lui les éléments de l’enthonsiasme pour produire les phénomènes, et ceux d'une saine critique pour les apprécier.

Sans vouloir même effleurer la question historique du spiritualisme, nous nous contenterons d’observer que la croyance aux esprits et aux communications extra-mondaines a plus ou moins subsisté à toutes les époques, et que jamais jl n'a cessé de se reproduire des faits au moins bizarres que l'on a attribués à des êtres en dehors de l’animalité et de l’humanité terrestres. Par intervalles , ces faits prennent brusquement une intensité et revêtent une généralité inaccoutumées, pour retomber ensuite à un niveau qui n’a plus rien d’insolite.

Or, en présence de pareils phénomènes, il n’est pas permis de se refuser à F examen. L’Académie des sciences, à tort ou à raison , répond aux faits des tables tournantes qui frappent à sa porte : — Vous n’êtes fds ni de la lumière , ni de la chaleur, ni de l’aimant, ni de l’électricité ; je ne vous connais pas. Vous vous êtes sans doute trompés de porte : Voyez à côté. — Si les phénomènes moraux du spiritualisme croient avoir meilleur accueil à l’Académie des sciences morales et politiques, ils se trompent. On les renverra à l’institut, section de physique ou de mécanique , à cause des phénomènes matériels, ou à l’Académie de médecine comme faits physiologiques. Quant à celle-ci, elle ne sera pas plus hospitalière, et sera plus illogique. Elle repoussera le spiritualisme comme une folie, et refusera cependant de l’étudier.

Eli bien, quand même le spiritualisme ne serait, comme

le choléra, qu’une maladie présentant habituellement quelques cas isolés, et qui éclate de temps en temps en épidémies contagieuses et nomades, il n’en serait pas moins digne d’intérêt.

L’Europe vient d’avoir, il y a deux ou trois ans, une invasion de l'épidémie, qui sévit à son tour d’une façon bien remarquable en Amérique , et présente encore aujourd’hui des cas assez fréquents et fort graves en France, à Paris même.

Or, bien que la mode ait changé, que l’engouement pour les tables et les esprits soit passé ici, et que l’étude de cette vieillerie d’hier semble fastidieuse à beaucoup, elle tient de trop près aux phénomènes magnétiques pour que les mesméristes n’aient pas un grand profit à retirer de cette étude, même en réservant leur opinion sur la cause des phénomènes.

Elle les intéresse encore à un bien plus haut degré sous un rapport qui ne nous semble pas avoir été bien compris.

Pendant que les magnétiseurs restent en dehors de l’étude des phénomènes du spiritualisme, ils n’en portent pas moins la solidarité de tout ce qui se produit en ce genre, sans qu’ils y prennent part.

Et il faut bien le reconnaître, si en Amérique le spiritualisme semble amener une évolution libérale des idées philosophiques , en Europe, ou du moins en France, il semble vouloir nous faire rétrograder au moyen-âge. 11 y a un parti habile et fort qui s’en est emparé, et qui a déjà commencé à en tirer de bonnes ressources. Il ne discute pas les phénomènes , il les exploite. Qu’il y ait bonne ou mauvaise foi chez les opérateurs, qu’il y ait enthousiasme ou hullacina-tion, que lui importe. 11 n’a qu’un critérium. Toute manifestation spiritualiste qui sert ses intérêts vient des anges. Ce qui lui est défavorable ou ce qu’il redoute vient des démons.

Or, voici que presque tous ceux qui s'occupent du spiritualisme viennent fournir des armes à ce parti ; et concurremment — ceci est bien plus appréciable en province —

voici que le magnétisme rencontre dans ses applications, même thérapeutiques, bien plus de répugnances et d’hostilités que jamais.

M. de Mirville est l’apôtre de cette nouvelle croisade. Oh ! il ne combat pas le magnétisme ; il l’admet pleinement ; il reconnaît tous les faits. Au premier aspect, on le prendrait pour un auxiliaire , et nous connaissons quelques magnétiseurs qui s’y sont laissé prendre. M. de Mirville , dans ses caresses, embrasse le magnétisme comme Néron embrassait ses adversaires à la lutte, pour les étouffer. Or, depuis que le mot d’ordre a reçu dans le livre de M. Mirville une publicité — qui sort peut-être des bornes de la prudence habituelle de ce parti — il circule souterrainement avec la plus grande activité. On sait par combien de fds et de liens plus ou moins occultes ce parti de l’ignorance et de la superstition tient la société sous son influence. Sans vouloir rentrer dans la voie analogique, nous pouvons dire que c’est là peut-être le plus grand danger que court le magnétisme dans la crise qu’il traverse en ce moment. Si le magnétisme ne se fait pas du spiritualisme une arme qui lui assure la victoire, le spiritualisme pourra bien devenir une arme qui le tuera.

Nous avons employé le mot de spiritualisme pour nous conformer à la désignation adoptée par ceux qui s’occupent de l’ensemble assez vague de phénomènes qu’aux États-Unis surtout on a attribués à l’action directe d’êtres en dehors de l’humanité, sans vouloir d’ailleurs rien préjuger sur la cause qui les produit.

A l’époque où la mode des tables tournantes régnait encore, nous avons inséré dans le Journal lu Magnétisme (n° du 10 mai 1854) un article où nous n’avons pas cru nécessaire d’adopter l’hypothèse des esprits pour expliquer les phénomènes bien constatés dont nous avions eu connaissance. Depuis, les faits cités sont devenus fort nombreux , principalement en Amérique. Il était fort important de connaître ce qui s’était fait sous ce rapport de l’autre côté de l’Atlantique. Mon ami, M. A. S. Morin, a eu la patience de dé-

pouiller une niasse de journaux américains, et d’en traduire quelques extraits qui ont été reproduits par le Journal du Magnétisme (1). Or voici, d’après nous, ce qui résulte de son travail. Le phénomène a deux faces bien distinctes, matérielle et intellectuelle : déplacements de corps, bruits attribués aux esprits, —communications attribuées aux esprits. Tandis que chez nous, dans le principe, communications intellectuelles et mouvements étaient généralement connexes, en Amérique les deux ordres paraissent se diviser d’une façon plus tranchée : ici l’on a des mouvements , des coups mystérieux ; là, des communications par médiums parlants ou écrivants.

Mais il ne faut pas se faire illusion ; à peu d’exceptions près, les faits d’ordre matériel sont cités d’une façon peu précise, la constatation en est fort peu régulière, et surtout leur portée paraît souvent d’une puérilité extrême.

Quant aux communications, elles ne paraissent pas dépasser la limite des forces intellectuelles de l’homme, et souvent elles restent au-dessous de la médiocrité. Seulement leur ensemble paraît avoir une tendance assez remarquable.

En Amérique , la liberté légale (nous soulignons le mot à dessein) est absolue , aussi bien la liberté religieuse que la liberté civile. Le droit légal de discussion est absolu. Mais aussi en Amérique règne un despotisme absolu, c’est celui de l’opinion publique. Or, cette opinion, qui tolère toutes les explications les plus contradictoires, voire môme les plus saugrenues , de la Bible , n’a jamais permis qu’elle fût mise en discussion. Quiconque aurait osé exprimer qu’il révoquait en doute l’origine divine de tout ou partie de la

t\) Il était indispensable que les magnétiseurs, en France, fussent mis an courent de co qui se passait aux Etats-Unis. Nos somnambules lucides, sou pour les recherches, soit pour les cures magnétiques, y sont remplacé- pur les médiums devins ou guérisseurs. Nous sommes convaincus qu’à présent que l'insertion successive de ces extraits est terminée, les lecteurs d' journal sauront gré à la rédaction de les avoir mis à même d’apprécier l'iir lortance du mouvement spiritualiste américain.

Bible (Ancien et Nouveau Testament) eût été par le fait frappé d’une réprobation universelle, d’une sorte d’excommunication morale. Eb bien! l’ensemble du mouvementspiri-tualiste a une direction anti-chrétienne très-prononcée. Les esprits américains semblent reprendre dansle Nouveau-Monde l’œuvre des philosophes du dix-huitième siècle en Europe. Les arguments de l’Encyclopédie, les railleries de Voltaire, les raisonnements tout modernes de Strauss viennent se reproduire tour à tour signés de noms d’outre-tombe, et l'opinion publique ne s’insurge pas. Quand bien même le mouvement spiritualiste n’aurait, d’autre résultat que d’avoir amené une révolution morale dans un grand peuple, ce serait déjà quelque chose d’immense, et l’on voit combien on aurait tort de refuser son attention à une cause qui peut produire de tels effets.

En France, les faits sont beaucoup moins nombreux , et l’attention générale n’est point fixée sur eux. Cependant, pas plus ici que là-bas, ceux qui s’en occupent ne restent froids devant la production du phénomène , et cela se conçoit. L’enthousiasme et l’exaltation paraissent être les conditions nécessaires pour qu’ils prennent naissance. Et c’est là (pour le dire ici en passant) ce qui explique pourquoi les esprits sensitifs se préoccupent du spiritualisme , bien que les masses qui les entourent restent indifférentes. C’est que l’indifférence n’est jamais une force, et que les sensitifs ne sont affectés que par ce qui est de sa nature expansif.

Le zèle des spiritualistes, leur enthousiasme, l’animation de leurs paroles agit très-vivement sur les natures impressionnables, tandis que l’indifférence du grand nombre, toute négative de sa nature, est sans action sur eux (1). Ceci n’est autre chose que la traduction magnétique de ce principe bien connu que la passion vraie est essentiellement contagieuse quand elle est en contact avec une nature passionnée.

(1) Nous avions promis, dans noire dernier article, d'expliquer par quelle contradiction apparente M. du Potel, qui perçoit intuitivement les désirs collectifs, imprimait au journal une direction qui devait, au premier abord, déplaire à la majorité des lecteurs.

Et c’est là qu’est un des plus grands dangers de l’étude du spiritualisme, — car il est temps que nous abordions cette question. Avant d’appeler les esprits dans cette voie, M. du Potet a écrit à plusieurs reprises qu’on courait risque d’y laisser sa raison. Ceci est hors de doute, et les exemples ne manqueraient pas. Pour nous, nous avons vu d’excellents esprits se détraquer pour s’être engagés imprudemment dans cette route dangereuse. Nous comptons parmi nos amis des hommes intelligents, de bons et braves cœurs, dont la raison a été ébranlée, et n’a pas complètement repris son assiette. Hélas ! parmi eux, Hennequin, une âme dévouée, une haute intelligence, y a perdu la raison et la vie.

Il ne faut donc s’adonner à cette étude qu’autant qu’on s’est examiné avec attention, et encore ne le faut-il faire qu’avec la plus grande circonspection.

Une disposition dangereuse , nous devons le dire ¡ci tout d abord, parce qu’elle inspire généralement à ceux qui eu sont doués une sécurité bien trompeuse , celle qui a peut-être fait le plus de victimes, c’est une incrédulité systématique et absolue. En présence d’un fait qui les frappe et qu’ils ne peuvent expliquer, les incrédules de parti pris sont complètement désarçonnés. Et notez bien que le danger est le même —qu’il s’agisse d’un fait en dehors des lois habituelles , ou d’un fait que des circonstances inaperçues déguisent en prodige , ou même d’un tour de passe-passe bien exécuté. Ceux-là qui n’ont, en général, jamais rien creusé à fond, et à qui une instruction superficielle déguise leur propre ignorance ; ceux-là qui font fi de l’induction et de l’analogie et rejettent d’avance l’existence des êtres en dehors de l’humanité, parce qu’ils ne les ont jamais ni vus ni touchés ; ceux-là qui ont la folle prétention de connaître toujours les causes de tous les effets (1), sautent brusquement de la négation absolue à une affirmation aussi absolue,

(1) Sans doute c’est un devoir de rechercher les causes des effets observés; mais tant qu'un travail souvent lent et opiniâtre des générations n’a pas trouvé ces causes, il faut savoir se résigner à ignorer.

d’une incrédulité systématique à une crédulité presque niaise. Tout ce qui leur arrive par une voie qu’ils croient surnaturelle , ils ne le discutent pas. Les contradictions les plus choquantes ne les arrêtent pas ; les niaiseries ne les rebutent point ; les affirmations les plus contraires à l’évidence les trouvent crédules (1). Le choc a été trop fort ; leur rai son est ébranlée, et la réaction ne se fait pas toujours assez complète pour que l’équilibre faussé se rétablisse.

Les esprits d’une docilité extrême, au contraire, ceux qui cèdent facilement à la suggestion d’autrui, les gens crédules chez qui les convictions, peu profondes d’ailleurs, ne sont point fondées sur le raisonnement, ne courent aucun risque à se lancer dans la voie du spiritualisme; mais leur concours ne sera pas très-profitable à la discussion, qu’ils n’élucideront point par une saine critique. Cependant ils peuvent être fort utiles comme coopérateurs, et s’ils sont en même temps sensitifs, c’est parmi eux qu’on a le plus de chances de rencontrer des médiums.

La tournure d’esprit la plus favorable qu’on puisse apporter dans l’étude des phénomènes du spiritualisme est celle d’un homme susceptible d’enthousiasme , cependant capable d’un examen froid et sérieux ; chez qui, en deux mots, l’imagination et le jugement soient en équilibre (2). Cette condition est assez rarement remplie ; mais

(1) Nous savons quelque part une corbeille qui, depuis deux ans, a commis plus d'âneries qu'Henri Monnier, le sténographe infatigable de la bâtlse humaine, n'en a enregistrées dans toute sa vie, et qui trouve toujours des curieux, plus encore! des curieux habitués. Ladite corbeille traite de tout, même de l'astronomie transcendante sous la dictée d'Arapo. Quelle astronomie et quel Arago ! Voyez quelle est la force de la logique : la corbeille a toutes les qualités qui peuvent faire un tout Complet et homogène. Elle est niaise autant qu'ignorante; son outrecuidance n’est pas moindre que son ignorance et sa niaiserie. Nous avons vu un journal qui paraissait à toutes les nouvelles lunes, dont le rédacteur avait aussi la manie de parler de sciences sans y rien connaître au fond ; mais il en savait au moins A peu près le vocabulaire; il avait incontestablement de l'esprit. Défaut d'unité. — Hélas I ce journal n'a pas pu accomplir plus du vingtième de son cycle lunaire. 11 est tombé, et la corbeille de eiyui est toujours sur son... fond.

(2) Nous ne parlons pas du degré de développement plus ou moins con-

lorsque la prédominance d’une des deux faculté n’est pas trop tranchée, on peut marcher avec confiance.

11 est presque oiseux d’ajouter que plus l’imagination sera vive, plus 011 aura de chances de rencontrer des phénomènes remarquables , et plus le raisonnement aura de puissance, mais on courra le risque de s’égarer (1).

Que chacun s’examine donc et se juge avant d’entreprendre cette étude. S’il ne sait pas s’enthousiasmer, s’il n’arrive jamais, sous l’empire d’une forte émotion ou d’une concentration profonde, à se sentir hors de lui, sa curiosité aura de grandes chances d’être déçue, le phénomène semblera fuir devant lui.

Celui, au contraire, qui ne sait pas rentrer en lui-même quand il le veut, qui ne peut pas à volonté retrouver son calme, même sous l’empire d’une émotion vive, celui-là, non seulement ne saura pas observer, mais il courra le risque de voir échapper sa raison dont il n’est pas assez maître.

Nous avons beaucoup insisté sur ce point parce qu’il nous paraît capital, et que nous ne saurions trop mettre en garde les imprudents contre un danger malheureusement trop sérieux.

Quelle est maintenant la voie à suivre pour étudier les phénomènes spiritualistes ? On peut classer — sans aucune prétention scientifique —les faits présentés sous ce titre par les partisans du spiritualisme en quatre groupes :

1° mouvements des objets matériels avec contact d’opérateurs terrestres.

2» Mouvements d’objets matériels sans contact.

sidérable des deux facultés. Il est bien évident que ce degré détermine la puissance Intellectuelle, dont chacun apprécie l'importance; mais il n’est point indispensable d'être un homme de génie pour se livrer avec fruit à aucune étude, même à la plus ardue.

(1) La division philosophique des facultés de l’âme est si mal faite, et le vocabulaire do la psychologie si incomplot, que nous sommes obligé d'employer le mot d'imagination, qui n’a rien de précis. Si, employant les termes de Fourier, nous eussions dit qu’il fandrait avoir la cabalitU, lalternante et la comporte «gaiement développées, nous eussions parlé plus juste, mais nous n'aurions été compris de personne.

2° Bruits sans cause physique apparente.

4° Communications.

Aucun de ces quatre groupes de phénomènes ne devra Être négligé; la logique voudrait qu’ils fussent étudiés dans l’ordre que nous venons de fixer ; mais on sera presque toujours obligé d’observer au hasard des occasions qui se présenteront.

Tous ces genres de faits sont également attribués à l’intervention des esprits, et, de plus, les partisans de ce système affirment presque unanimement que l’incrédulité d’un ou de plusieurs spectateurs empêche la production des phénomènes ou en diminue singulièrement l’intensité! Nous ne discutons pas cette opinion, que les premiers magnétiseurs avaient aussi à propos du magnétisme, mais qu’ils ont bien modifiée depuis ; nous nous contentons de la constater. On doit donc, en assistant aux expériences ou en y prenant part, se placer toujours dans l’hypothèse des opérateurs pour se trouver en harmonie avec eux. Suivre cette recommandation n’aura rien de difficile pour les personnes douées du caractère que nous avons indiqué comme convenable à cette étude. Nous parlons d’ailleurs à des magnétiseurs, dont la première qualité est d’être maîtres d’eux-mêmes, et de savoir toujours se placer, par un effort de la volonté, dans la disposition d’esprit qu’ils veulent imprimer à leur sujet.

On prendra donc part au rit des opérateurs, s’ils en ont un; on appellera par la pensée l’assistance des esprits, enfin on s’abandonnera entièrement aux impressions, en les observant comme on observera les faits extérieurs, mais sans discuter plus les unes que les autres.

Après la séance et le plus tôt.possible, on devra prendre note exacte de tout ce qu’on aura observé de nouveau, même quand il s’agirait de détails et de circonstances qui pourraient paraître de peu de valeur.

Puis, au fur et à mesure que l’on aura un assez grand nombre d’observations, on les rapprochera, on les comparera et on les discutera très-froidement avec soi-même, en ayant soin de se placer dans une situation d’esprit exacte-

nient contraire à celle qu’on avait dû prendre pour assister aux expériences. C’est-à-dire qu'on devra écarter toute idée préconçue , apprécier, autant que faire se pourra , les lois des phénomènes indépendamment de toute hypothèse, puis enfin, essayer chacune de celles qui ont été présentées pour voir laquelle cadre le moins mal avec l’ensemble des faits (1).

Voilà les règles générales que nous croyons pouvoir donner à ceux qui voudront avoir chance de démêler la vérité ! Mais ils n’oublieront pas que la première règle pour ne pas s’égarer, c’est de savoir, vis-à-vis des autres et surtout vis-à-vis de soi-même , reconnaître son ignorance, tant qu’on n’a pas de certitude.

Voici maintenant sur quels points spéciaux nous appelons leur attention :

Les mouvements avec contact, attribués à des esprits, ont été beaucoup observés lors de la mode des tables tournantes. Ont-ils été bien observés?

On devra principalement remarquer si les mouvements sont en rapport avec les efforts possibles des opérateurs. On reconnaîtra si un ou plusieurs des opérateurs jouent le rôle (2) de médium ou celui de directeurs influents.

Toutes les fois qu’on reconnaîtraun médium (et ceci s’applique à tous les ordres de phénomènes, puisque dans l’hypothèse admise par les spiritualistes il y a toujours un médium), on examinera s’il est dans une sorte d’état magnétique connu sous le nom d "état de charme. Tous les magnétiseurs savent que les .apparences de cet état diffèrent peu de celles de l’état normal. 11 offre cependant, eu général, quelques nuances plus faciles à saisir qu’à énoncer : une espèce d’abattement tant que le sujet n’agit pas; quelques légers

(1) Nous ne voulons pas rappeler toutes celles qui ont été mises en avant; en voici cependant les principales : l'intervention directe des esprits, los actions inconscientes, une force physique inconnue émanant de la volonté;

L’action des esprits sur les médiums qui leur ferait produire des actes involontaires; la supercherie... etc.

(î) Jouer le rôle est pris ici en bonne part, et ne veut pas dire simuler.

mouvements convulsifs dans les membres, et surtout un regard tout spécial, un peu hagard, à la fois brillant et voilé.

Que l'observateur se pénètre bien de ceci : c’est que, dans l’état de charme, le sujet cède à toutes les suggestions avec la plus grande facilité. Il suffît, dans cet état, d’un geste pour décider l’acte du sujet ; quelques-uns d’eux possèdent la communication de pensée, et subissent l’influence de ceux qui sont en rapport avec eux (1).

Cette étude ne peut être, dans tous les cas, que très-pro-fitable aux magnétiseurs, en leur fournissant l’occasion d’examiner sous une nouvelle face cet état assez mal connu jusqu’à ce jour, et en les habituant à considérer l’état du sujet abstraction faite des procédés du magnétisme, ce qu’ils n’ont peut-être pas assez fait jusqu’à ce jour.

Le mouvement des corps matériels sans contact ne de-

(1) Chez certains sujets, il est, pour ainsi dire, impossible de distinguer l’état normal de l'état de crise imparfaite , ou peut-être, leur état normal n’esl-il lui-même qu’un état de crise imparfaite. Mme Petit d'Ormoy, ma femme, qui d’ailleurs a été un assez bon médium tant que les expériences l’ont intéressée, est dans le cas dont je parle. Et cependant, j'ai essayé sans succès, ainsi que plusieurs autres mesméristes, d’obtenir des effets magnétiques. Un sentiment do froid assez intense, tel est le seul résultat produit-Dans son état normal, elle est très-souvent influencée soit sciemment, soit d'une façon inconsciente par la pensée d'autrui. La communication n'est pas toujours nette, précise et distincte, bien que cela arrive quelquefois , et que j’en aie des exemples concluants pour moi. Comme ce genre de faits n’est pas très-commun, ^t qu'il est en général difficile è bien constater, nous croyons devoir en citer un assez frappant, et qui peut jeter quelque jour sur la question des voix qu’entendent certains médiums.

Dimanche 10 février, M™" Petit d'Ormoy était seule chez elle , occupée à lire un journal. M" Ogier vint sonner à l’une des portes de l’appartement que j'occupe.

La sonnette de cette porte ne se fait entendre que du côté de la cuisine, et, comme je l'ai dit, ma femme se trouvait seule en ce moment dans sa chambre à coucher. M"» Ogicr redescend, et comme sa petite fille, qui l'accompagnait, était très-fatiguée, elle entra chez la concierge pour laisser reposer l'enfant et attendre son mari, qui devait la rejoindre à cette heure-là chez moi.

Un gros quart d'heure s'était écoulé, et M"* Ogicr s'impatientait fort, tirant sa montre è chaque instant, lorsque l’enfant vit Mm Petit d'Or-

mande qu’à être examiné avec une grande attention physique. Il est facile de simuler des mouvements sans contact, et même d’en obtenir par des moyens physiques très-connus. M. Robert-Houdin plaçait sur une marche de l’escalier, qui divisait son amphithéâtre, une boite en fer, puis il vous priait de la soulever. A sa volonté , on la trouvait d’un poids minime, ou comme adhérente au sol. L’interposition d’un journal, d’un mouchoir, n’empêchait pas l'expérience de réussir.

moy passer devant la loge, regarder dans la rue et rentrer. Mais à ce moment, ma femme trouva devant elle Mme Ogier.— « Tiens, c’est vous. Vous m’avez appelée ? — Mais non. »

Ces deux dames montèrent, toutes deux fort étonnées de ce qui venait d’arriver.

Or, pendant que Mm» Ogier attendait à la logo, voici ce qui se passait au premier, il”' Petit d'Ormoy, qui n'avait pu entendre le coup de sonnette (qui d'ailleurs ne lui aurait pas fait soupçonner la présence de M“® Ogier chez le concierge ), tout on lisant son journal, se disait : « — Comme ces bruits de la rue sont étranges; il me semble qu’on m’ap-« pelle.» — Au bout d’un certain temps: — « Il n’est pas possible qu’un « marchand resto si longtemps au même endroit à crier la même chose. « D'ailleurs, c’est bien une voix qui appelle distinctement: Madame « d'Ormoy 1... Madame d’Ormoy !...»Se levant, elle va à la fenêtre, écarte le rideau et jette un coup d’ceil dans la rue. Puis, levant les épaules et se riant au nez à elle-même à cause de sa préoccupation, elle reprend sa place au coin du feu et son journal. Cependant, sa préoccupation redouble, elle arrive à un état d'agacement, et, n'y pouvant plus tenir, entendant toujours celle voix distincte qui l'appelle de la porte, elle sort de l'appartement, descend l’étage pour aller inspecter la rue.

Or, ma femme n’attendait personne, et d'ailleurs les personnes qu'on attend ne sont pas dans l'usage d’appeler les gens de la rue pendant plus d’un quart d'heure.

M. Morin demandait, dans un des derniers numéros, que l’on constatât un fait d'obsession.

En voilà un d’autant plus remarquable — que le sujet n’avait pas été prévenu , et qu'aucun rôle ne peut être assigné à l’imagination ; — que M“” Ogier, qui jouait le rôle d’obsesseur, n’en avait ni la conscience ni la volonté; — que les relations entre ces deux dames ne sont ni assez anciennes, ni assez fréquentes pour constituer ce que Deleuze nommait le rapport préétabli. (Il est vrai que ma femme s’est trouvée en rapport avec M“« Ogier en état somnainbulique, et que cela suffit peut-être pour établir un rapport persistant entre deux sensitifs.)—Enfin il est remarquable à cause de la voix nettement articulée que M“* Petit d'Ormoy se figurait entendre, et venir d'un point déterminé.

On produit des électro-aimants qui enlèvent des poids de mille kilogrammes, et l’interruption ou la reprise du courant voltaïque donne alternativement ou fait perdre à un barreau de fer doux la propriété d'attirer le fer. C’est sur ce principe qu’était basé le tour de M. Robert-Houdin ; c’est sur ce principe qu’est fondée la télégraphie électrique. Le récepteur tourne sans aucune impulsion directe, énonce lettre à lettre, ou signe à signe, des dépêches, des discours entiers ; et personne , même parmi ceux qui sont les plus ignorants en physique, n’est tenté d’attribuer aux esprits les communications électriques.

Un fort électro-aimant, qui tournerait sur le plancher, entraînerait un lourd guéridon dans la base duquel on aurait encastré une barre de fer. Si l’on soupçonnait une supercherie de ce genre, elle serait facile à reconnaître en présentant autour de la table, dans diverses positions , une boussole horizontale, ne fût-ce qu'une boussole breloque.

Mais, s’il y a supercherie, il faudrait que leurs auteurs fussent bien peu fins, si l’on pouvait, à première vue, deviner leurs ficelles. Et nous croyons possible, par des moyens physiques, même de faire tenir des corps en l’air, sans contact. Nous n’avons cependant jamais fait l’expérience.

Qu’on ait surtout grand soin de ne pas confondre un témoignage positif avec un témoignage négatif qui est presque sans valeur. Quoique vous donniez à cette phrase : J’ai vu un pantin danser sans ficelles —une forme entièrement affirmative, elle n’en contient pas moins un témoignage positif, et aussi un témoignage simplement négatif. Cela veut dire : J’ai vu danser un pantin, et je n'ai pas vu de ficelles.

Nous n’avons jamais été témoin de mouvements sans contact, et si l’on en a simulé devant nous, c’a été par des moyens qui ne supposaient pas chez leurs auteurs des connaissances physiques et mécaniques bien étendues , ni un esprit d’invention bien raffiné. Des fils noirs, qui ne se voient pas à une certaine distance, surtout à la lampe avec abat-jour (1)

(1) Il arrive fréquemment que les médiums ne puissent supporter les

— ou des impulsions directes adroitement imprimées aux objets pendant que les regards des assistants sont portés d’un autre côté, — ont fait tous les frais des simulations dont nous avons été témoin.

Or il nous est arrivé de ne pas constater la supercherie du premier coup. Qu'avions-nous constaté avant de reconnaître la ruse ? Qu’avaient constaté ceux qui avaient déjà plusieurs fois été témoins des mêmes faits sans apercevoir les ficelles du tour de passe-passe? Comme nous-mêmes, ils avaient vu des objets se mouvoir, et N’avaient pas vu la cause du mouvement ; cependant, faute de dédoubler ainsi leur propre témoignage, ils croyaient avoir positivement constaté des mouvements sans contact.

On dit souvent qu’il faut se méfier du témoignage des sens ; que les sens nous induisent en erreur. L’intelligence calomnie ses organes. C’est elle qui, par un raisonnement fautif, conclut mal de sensations vraies, mais qu’elle interprète. faussement.

Cette distinction entre les observations positives et négatives, qui s’applique à tous les cas dans les sciences naturelles, est incontestable, et cependant nous avons vu beaucoup de gens intelligents reculer devant ses conséquences.

On n’arriverait jamais, disent-ils, à aucune certitude physique. Heureusement que cette conclusion — qui ne détruirait d'ailleurs pas la vérité du principe, si elle était rigoureuse — est exagérée. La conclusion légitime, c’est qu’une observation isolée n’est pas concluante en tant que négative. Mais, à mesure que les expériences se multiplient, en faisant varier les circonstances et les opérateurs, les probabilités d’erreur décroissent rapidement, et l’on arrive à n’avoir plus que des chances d’erreur infiniment petites. C’est ainsi que l’astronomie est arrivée à donner à ses principes toute la certitude que comportent les choses humaines.

lumières un peu vives (surtout les lumières obliques.) La même disposition se présente aussi assez souvent chez les somnambules, malgré l'occlusion des paupières.

Appliquons ceci au cas spécial dont il s’agit en ce moment.

M. de Gasparin a publié le résultat de ses observations sur les tables mouvantes. 11 est impossible de faire les expériences avec plus d’intelligence que n’en a montrée le groupe qui les a exécutées. Nous trouvons là un témoignage de haute valeur — car chacun sait que dans les observations les témoignages non seulement se comptent, mais aussi se pèsent. 11 ne faut pas cependant perdre de vue qu’il y a parmi ces affirmations une négation : il n’a été aperçu aucune cause physique connue du mouvement. Nous n’avons pas de raison de suspecter la bonne foi des opérateurs. Nous ne connaissons personnellement aucun d’eux (1), mais il y en a dont le nom nous inspire la plus entière confiance. Cependant il n’est pas impossible qu’il y ait eu parmi les coopéra-teurs quelqu’un qui ait voulu se jouer des autres. Aussi M. de Gasparin art-il bien soin de préciser les circonstances et les précautions prises. — Ce sont là des témoignages positifs qui excluent déjà de grandes chances d’erreur. Les expériences ont été faites chez lui, dans un local qu’il a pu examiner, avec des appareils qu’il a pu vérifier à plusieurs reprises. Ses procès-verbaux seront donc les plus précieux éléments de la question. Mais par cela môme qu’un seul groupe a opéré, et qu’une seule circonstance , toujours la même, a pu échapper à la sagacité des observateurs, quelque grande qu’on la suppose, la négation qu’aucune des causes physiques connues n’a pu opérer les mouvements constatés ne deviendra une certitude que lorsque plusieurs autres groupes auront répété des expériences analogues, en procédant avec un esprit critique aussi sain, des précautions aussi minutieuses et une aussi grande défiance d’eux-mêmes.

Nous ajouterons qu’il est étrange que pas une des publications postérieures à celles de M. de Gasparin n’ait constaté d’expériences scientifiquement faites pour infirmer oucon-

(1) A moins que M. de Gasparin ne soit un ancien élève de l'École Polytechnique de la promotion de 1830.

firmer les résultats obtenus par l’honorable expérimentateur, et que nous appelons (le tous nos vœux l’instant où les magnétiseurs entreront dans cette voie scientifique positive. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce sujet, en nous occupant de l’impulsion que M. du Potet veut imprimer aux études magnétiques.

Nous avons cru devoir parler avec quelques développements de ce point si délicat de la méthode dans les sciences d’observation, et si nous l’avons fait à propos du mouvement des objets sans contact, c’est parce que nous avions un excellent exemple à mettre sous les yeux du lecteur (1). 11 n’en doit pas moins être bien entendu que ce que nous venons de dire s’applique à tous les cas. Cette observation nous permettra d'être très-bref sur ceux qui nous restent à examiner.

Pour les bruits attribués aux esprits, il faudra surtout s’attacher à reconnaître s’ils se produisent spontanément ou à la demande des assistants ; s’ils paraissent pour tous les observateurs partir du même point. Jusque-là il n’y a presque que de l’observation et point d’expériences.

Si, comme nous l’avons lu, on peut entendre des bruits paraissant provenir d’objets mobiles et placés arbitrairement, rien ne serait plus facile que d’entrer dans la voie expérimentale.

. #

On pourrait alors reconnaître si le phénomène des coups

(1) De tous ceux qui se sont occupés des sciences d'observation, l’esprit qui s'est montré le plus fin dans les aperçus, le plus précis dans l'observation, le plus ingénieux dans l'expérimentation, le plus judicieux dans la discussion critique des Faits, le plus logique dans les déductions, le plus sévère dans les conclusions ; le guide, en un mot, le plus sûr dans la voie de la méthode scientifique (sans en excepter Descartes) , c’est François Arago. Et parmi scs chefs-d'œuvre qui sont, en même tomps que des monuments impérissables pour la science, le meilleur enseignement de l’esprit philosophique, nous signalerons le mémoire sur le tonnerre , dont la lecture n’exige aucune connaissance antérieure, et qut offre le résumé le plus complet (et nous osons ajouter le plus parfait) de la méthode positive dans les sciences d’observation. (Arago, 1.1«, des Notices scientifiques.)

mystérieux a bien sa cause médiate ou immédiate dans le corps même d'où il paraît provenir.

Nous avons indiqué un mode d’expérience positive, et nous n’avons pas appris qu’on ait essayé ni celui-là ni aucun autre.

Il consisterait à obtenir des bruits paraissant provenu' d’un plateau de verre saupoudré d’une poussière fine, et disposé sur le goulot d’une caralTe placée elle-même sur un guéridon. On aurait eu soin de visiter le guéridon et de le séparer du sol par des tapis accumulés, un matelas ou tout autre objet transmettant mal les vibrations. Si le bruit se produit réellement dans le plateau , la poussière sera, après la production du phénomène, disposée en figures régulières. (Lignes nodales) (1).

Nous avons, chez le Drde M"", vu un médium , une demoiselle ( loute gracieuse et fort jolie), qui déclarait entendre à son oreille une voix qui lui dictait ses communications. Elle ajoutait qu’elle en sentait le souffle sur la tempe et sur la joue.

Dne plume légère comme un marabout, qu’on pourrait disposer d’une façon qui n’aurait rien de disgracieux (car même dans les expériences, nous admettons la légitimité de la coquetterie , quand le sujet est une femme jeune et jolie) , pourrait servir à reconnaître si le souffle existe réellement, ou s’il n’y a qu’une impression existant seulement pour le sujet. L'agitation des barbes de la plume devrait avoir, dans le cas de la réalité du phénomène, des caractères différents lorsque la voix se fait entendre au sujet ou lorsque la voix se tait.

Dans chaque cas particulier, on devrait ainsi imaginer quelque mode de vérification de la nature des phénomènes.

Partout où les esprits produisent des mouvements ou des bruits mystérieux — nous avons déjà dit que pour assister à des expériences spiritualistes, il faut se placer au moins momentanément dans l’hypothèse du commerce avec des

(1) Un article fort remarquable sur le ragle, inséré dans le Journal du Magnétisme, a fait voir que l’hallucination , ou pour mieux dire peut-être une illusion dont la cause inconnue semble une hallucination, peut avoir le caractère collectif. Dans le système spiritualiste, co phénomène du ragle trouverait son explication dans la présence du démon de Midi des Écritures : ô Damone meridiano, libéra nos.

êtres étrangers à l’humanité - ils déclarent que leur but, en donnant naissance à ces phénomènes, est de triompher de l’incrédulité. Ils doivent donc désirer que les expériences revêtent le caractère de la certitude, et soient dépouillées de toutes les circonstances propres à nourrir la défiance et à fournir des raisons ou des prétextes à la négation.

Les propagandistes convaincus seraient donc inexcusables , et rendraient leurs convictions suspectes, si tous leurs efforts ne se dirigeaient pas dans cette voie.

Nous n’avons plus à parler, pour terminer cet article, trop long peut-être déjà, que des communications spirituelles, proprement dites. Si on les considère à part du mouvement matériel des objets, qui est dans certains cas leur mode de manifestation, elles consistent dans une transmission de pensée par l’intermédiaire d’un médium parlant ou écrivant. Dans tous les cas, uu des points les plus importants serait l’indication d’un critérium pour constater l’identité des esprits. Il n’est pas à notre connaissance qu’aucun de ceux qui ont traité cette matière en ait signalé aucun. Jusqu à ce qu’on en ait découvert, ou que les esprits en aient communiqué un sérieux , il restera toujours une immense difficulté.

Cependant, indépendamment des effets matériels dont nous avons parlé, et qui pourraient conduire à démontrer le commerce des esprits avec les hommes, il pourrait y avoir dans les communications elles-mêmes un élément de certitude qui dispenserait de résoudre la question d’identité. 11 suffirait que leurs communications prouvassent une portée d’esprit supérieure à celle de l’humanité. Qu’ils indiquent quelque grande loi physique ou morale inconnue. Qu ils fassent connaître, par exemple, les lois des actions moléculaires qui échappent à nos sens grossiers, mais que nous pourrions vérifier dans leurs conséquences appréciables, les affinités chimiques, la cristallisation, etc. Qu’ils nous fassent connaître le lien soupçonné entre les phénomènes de 1 électricité et ceux de l’aimantation. Qu’ils nous manifestent les formules de la sympathie ou de l’antipathie des êtres,

nous pourrons la vérifier, car elle serait la clef de la science mesmérique.

Toutes les communications niaises, et même celles qui offrent un charme de rédaction curieux et attrayant, n’auront d’autre importance réelle que celles qu’elles pourraient avoir si elles émanaient directement du médium, car toutes les circonstances de leur production : voix mystérieuses , mouvements involontaires accusés par le sujet, changement d’organe dans la prononciation, écritures diversifiées, divination , pourraient s’expliquer, même en mettant hors de doute la bonne foi du médium , par l’hallucination , la suggestion , l’imagination, la communication ou l’emprunt de pensées. Or de l’hallucination, de la suggestion , etc., nous en avons vu mille exemples dans les sujets magnétiques, et il n’est pas un des effets que nous avons énumérés que nous n’ayons pu-observer dans des états de crise magnétique imparfaite (1).

Ces phénomènes n’en méritent pas moins toute l’attention des magnétiseurs ; car même dans l’hypothèse où nous nous plaçons seulement pour le besoin de la discussion, ils auraient le plus grand intérêt à étudier ce singulier état, ses modifications diverses, et la façon dont il se produit.

Notre but a été de faire voir que les magnétiseurs ne peu-

' (1) Ces faits seraient fort analogues aux faits de possession. Or l'Église, à laquelle on a reproché de les admettre trop légèrement, avait pourtant fixé des conditions assez sévères, et bien qu’elles ne nous paraissent pas probantes, beaucoup de spiritualistes n’en ont pas exigé d’aussi complètes pour accepter comme venant des esprits les communications de leur médium.

Voici textuellement les symptômes de possession d’après le rituel :

Signa autem dœmonii obsidentis sunt :

Parler en phrases suivies (pluribus verbis ) une langue inconnue , ou la comprendre ;

Jouir de la vue à distance ou à travers les corps opaques ;

Faire preuve do forces au-delà de ce que comporte l’âge et la condition du sujet.

Et autres choses de même sorte.

(Traduit d:un vieux rituel de l’Église irimatialc des Gaules.)

vent refuser l’étude des phénomènes du spiritualisme et qu’ils n’ont pas plus de droit à s’y soustraire avant d’avoir tiré des conclusions claires et précises des faits, que les physiologistes n’ont le droit de refuser l’étude des phénomènes magnétiques.

Fais à autrui comme tu voudrais qu’il te fût fait.

Nous avons dit que la contre-partie de l’étude analytique du spiritualisme était pour les magnétiseurs l’examen scientifique des faits magnétiques, la synthèse et la coordination des phénomènes déjà observés. Dans un prochain article, nous chercherons à apprécier comment les magnétiseurs peuvent seconder les efforts de M. du Potet pour suivre l’impulsion qu’il veut imprimer à la science.

A. PETIT D’ORMOY.

VARIÉTÉS.

DÉFI AUX MAGNÉTISEURS.

Le journal X Ami des sciences a publié, dans ses numéros des 24 février, 2 et 9 mars , plusieurs lettres de M. Mabru qui propose à tous les partisans du magnétisme une série d’expériences publiques pour constater la réalité du magnétisme et trancher cette question d’une manière ou de l’autre : tout se passerait sous la direction de M. le docteur Au-zoux, qui aurait le choix des membres du comité d’examen, et qui mettrait son amphithéâtre à la disposition des opérateurs. M. Mabru met de la persistance dans ce défi ; il demande s’il est possible de savoir enfin à quoi s’en tenir sur le 'magnétisme animal, si depuis soixante-douze ans il a fourni à scs nombreux expérimentateurs un seul fait constant et positif sur lequel on puisse baser un jugement solide. C’est par bienveillance pour nous qu’il nous offre les moyens de réhabiliter le magnétisme animal... s’il existe.

Ce défi a excité, comme on devait s’y attendre, une vive rumeur dans le monde magnétique, et il n’a pas manqué de joûteurs pour relever le gant. Le même journal a inséré les lettres de MM. de Rovère, Matthieu, Lecoq, Gentil, Derrien, sans compter celles qu'il n’a fait que mentionner. Parmi les auteurs de ces réponses, les uns ont déclaré accepter la lutte et présentent des observations sur les conditions suivant lesquelles elle doit avoir lieu ; les autres la repoussent comme inutile ou inopportune. M. Lecoq, horloger de la marine à Argenteuil, est de ce dernier avis, et le motive ainsi :

« Les personnes qui croient aux faits ont de quoi se satisfaire largement aujourd’hui ; les salles du Waux-Hall, de la Redoute, les salons de M. du Potet sont chaque semaine témoins d'une variété de phénomènes qui doit satisfaire la curiosité , et ceux qui pourraient se passer dans les salons

de M. le docteur Auzoux n’ajouteraient ni ne retireraient rien à tout ce qui a été constaté des milliers de fois depuis cinquante ans. Dans dix ans, quand M. Auzoux et tous ceux qui vont le suivre, seront arrivés à une conviction quelconque, il se présentera un autre docteur qui montrera les mêmes exigences, et ne s’occupera pas plus des travaux de ses devanciers que M. Auzoux, et croira lui aussi que l’univers entier attend qu’il ait une opinion.»

Ces réflexions judicieuses me paraissent renfermer en peu de mots la solution de la question. Quand le magnétisme fit son apparition, il était tenu de prouver son existence : des épreuves solennelles, en présence de délégués des corps savants, étaient le meilleur moyen de faire connaître au monde la vérité sur ce point. Celui qui voulait s’éclairer, ne pouvait le faire qu’en mettant en demeure les partisans du magnétisme de le rendre témoin des phénomènes qui lui étaient attribués. Aujourd'hui la situation est toute différente. D’innombrables expériences ont été faites, une foule d’ouvrages ont été publiés, des hommes du plus grand mérite ont pris part aux débats soulevés par le magnétisme, des constatations authentiques ont été faites ; des sociétés nombreuses, établies dans la plupart des grandes villes, se livrent journellement à la propagation de la science de Mesmer, et donnent fréquemment des séances publiques d’expérimentation. Est-il permis à un homme désireux de s’instruire de faire abstraction de cet immense amas de documents, et de se.reporter à soixante-dix ans en amère, en ne tenant aucun compte des progrès accomplis ? Celui qui veut étudier une question dans une branche quelconque des connaissances humaines, doit, avant tout, chercher à se mettre au courant des travaux accomplis : jusque-là, s’il a le malheur d’ignorer ce que tout le monde sait, il aura fort mauvaise grâce de se prévaloir de son ignorance en sommant la science de comparaître devant lui pour justifier de ses titres. Celui qui ne saurait de physique que ce qu’on en savait il y a un siècle serait-il bien venu à mander les physiciens pour qu’ils aient à prouver que leur science a fait

des progrès ? On se contenterait de la renvoyer à l’école.

Quelle réponse devons-nous donc faire à celui qui vient sérieusement vous demander si le magnétisme existe, et s’il a un seul l'ait à présenter?... Bornons-nous à rappeler quelques documents d’une valeur incontestable. — L’Académie de médecine chargea, en 1826, une commission d’examiner les faits du magnétisme et de lui en faire un rapport : cette commission procéda à son examen avec maturité, fit de nombreuses expériences, et, en 1831, M. Husson fit, en son nom, un rapport remarquable qui a été extrêmement répandu , et qu’il n’est pas permis d’ignorer quand on s’occupe de la science de l’homme. Les conclusions (citées dans la lettre deM. Derrien) sont extrêmement favorables au magnétisme ; un grand nombre de phénomènes des plus curieux y sont constatés, et les signataires sont MM. Bourdois de la Mothe, Fouquier, Guénaud de Mussy, Guersant, Husson, Itard, Leroux, Marc et Thillaye, tous occupant un rang élevé dans le monde médical. Voilà donc des juges éminemment compétents, dont les lumières et la sagacité ne peuvent être révoqués en doute ; qui, pendant un temps fort long, ont procédé à de nombreuses et minutieuses recherches , et qui ont fini par acquérir la conviction de la réalité du magnétisme, et en ont hautement proclamé les résultats.

— En 1820, M. du Potet, en vertu d’une autorisation de l’administration des hospices, a fait à l’Hôtel-Dieu de Paris des expériences qui ont eu un grand retentissement : non seulement il a guéri par l’emploi du magnétisme la demoiselle Samson qui n’avait pu obtenir des secours de la médecine aucun soulagement, mais encore il a démontré de la manière la plus palpable la puissance du magnétisme en endormant à distance le sujet, et en opérant dans les conditions imposées par les médecins.

Beaucoup d’ouvrages contiennent les relations détaillées d’opérations chirurgicales faites sur des sujets rendus insensibles par le magnétisme ; nous citerons entre autres les opérations bien connues de M. Jules Cloquet ; celles qui ont été faites à Cherbourg , en 1846, par MM. les docteurs

Loysel et Gibon, en présence des plus hautes notabilités de la ville, qui ont signé les procès-verbaux ; les centaines d’opérations faites à Calcutta par le docteur Esdaile, dans un hôpital spécial créé par le gouverneur général des Indes, et sur lesquelles il a été publié des rapports officiels.

Nous pourrions multiplier ces citations : nos archives nous en fournissent une ample moisson, et nous n’avons que , l’embarras du choix. Nous sommes donc en droit de dire que le magnétisme a fait ses preuves, et que parmi les phénomènes auxquels il donne lieu, il y en a dont la constatation ne laisse rien à désirer. Nous pouvons donc, sans trop nous émouvoir, entendre les bravades de ceux qui ne connaissant pas le premier mot du magnétisme, veulent que nous leur en démontrions l’existence.

Si importantes que soient les autorités que nous invoquons , nous sommes loin de prétendre qu’on doive s’incliner devant elles et accepter le magnétisme de confiance, sans examen. L’homme ne doit admettre que ce qui lui est démontré, et chacun, pour s’éclairer, doit vérifier par lui-même. On fera donc pour le magnétime ce qu’on fera pour toute autre science qui repose sur des faits. Mais ce que nous combattons, c’est l’étrange prétention de certaines personnes de se faire en quelque sorte les procureurs généraux de la science, de traiter le magnétisme en accusé, et de lui dire : tu vas à ma volonté t’asseoir sur la sellette, tu n’agiras que sous ma direction , et si je ne suis pas satisfait, il sera bien entendu que je rendrai sur toi un verdict souverain, et que je te condamnerai à rentrer dans le néant.

Nous ne reconnaissons à personne le droit de prendre ainsi fait et cause pour la vérité qui ne manquera jamais de champions. Les amis du magnétisme sont toujours disposés à en propager la connaissance, et se font un plaisir de rendre témoins de leurs expériences les personnes qui désirent s’instruire ; c’est même là le but principal des sociétés. MM. Ma-bru et Auzoux , ainsi que tous les autres incrédules , ont à leur disposition tous les moyens de s’éclairer. Mais quelle que soit l’importance de ces messieurs comme savants, une

conférence, à laquelle ils prendraient part, ne pourrait avoir pour résultat d'amener une décision définitive sur la question du magnétisme dont la cause ne peut souffrir, ni de la maladresse de quelques-uns de ses partisans , ni de l'obstination ses détracteurs.

M. Derrien fait ressortir avec beaucoup de justesse combien est déraisonnable la prétention de M. Auzoux, de diriger des expériences magnétiques. M. Auzoux, qui nie le magnétisme, qui est étranger aux travaux importants dont il a été l’objet, qui n’en connaît ni les ressources ni le mode d’action, est-il apte à le diriger?... La raison ne dit-elle pas, au contraire, que pour démontrer à un incrédule un ordre de faits qui lui est inconnu, il faut d’abord s’entendre sur un certain nombre de phénomènes regardés comme concluants, puis produire ces phénomènes en donnant à l’incrédule toute satisfaction sur les précautions à prendre contre la fourberie? Mais s’il plaît à l’incrédule de demander au magnétisme plus qu’il ne comporte ou d’imposer aux magnétiseurs des conditions qui les mettent dans l’impossibilité d’agir, leur refus d’accepter une telle lutte ne l’autorisera pas à chanter victoire.

Ce n’est pas la première fois que M. Auzoux se trouve en présence du magnétisme. 11 y a plusieurs années , M. le Dr Louyet, M. Bard et quelques autres magnétistes, lui ont présenté des phénomènes très-variés, ont opéré non seulement sur des hommes, mais aussi sur des animaux ; et, certes , quant à ceux-là, on ne pouvait ni les soupçonner d’être des compères, ni alléguer le pouvoir de l’imagination; on a produit sur un cheval le tétanos, le sommeil, le rire, l’érection , etc. M. Auzoux n’a voulu admettre aucun fait comme concluant. Il est donc à croire qu’il y a chez lui parti pris de persisterquand même dans sa dénégation, et qu'aucune nouvelle épreuve ne vaincra son obstination.

Nous ne pouvons clore cette discussion sans relever un incident rapporté dans le dernier numéro de l'Ami des Sciences. Voici comment M. Mabru termine son prétendu résultat de l’enquête sur le magnétisme animal : — « Un membre

de la Société mesmérienne , envoyé tout exprès pour s’entendre avec M. le docteur Auzoux sur la nature des expériences qu’on se proposait de répéter, a fini, après vingt minutes d'entretien ou plutôt d’hésitation , par déclarer de la manière la plus complète l’impuissance dans laquelle se trouvent les magnétiseurs de nous exhiber quelques-uns de ces faits tant prônés, et qui, pour nous, comme pour tout le monde, auraient cependant été si concluants.

« En présence d’un pareil aveu d’une incapacité si notoire, les feuilles du doute tombèrent subitement de tous les yeux. Quant à moi, reportant aussitôt mon esprit vers la foule des crédules, je pus, à l'aide du rayon lumineux qui venait d’apparaître , mesurer toute l’étendue de la misère humaine. C’est donc avec regret qu’au double point de vue de la science et de l’humanité, nous constatons aujourd'hui la nullité absolue du magnétisme animal. »

Rectifions quelques inexactitudes, pour ne rien dire de plus. Il est faux que la Société du mesmérisme ait donné mission à quelqu’un de ses membres de la représenter auprès de M. Auzoux. Loin de là : une discussion s’y est engagée à propos des défis de Y Ami des Sciences, on y a rappelé les expériences faites devant M. Auzoux par MM. Louyet et Bard, et il a été décidé que la Société ne répondrait point à l'appel de M. Auzoux. Les membres qui ont pu se rendre auprès de celui-ci n’ont donc agi qu’en leur nom personnel, et ne pouvaient engager ni la Société, ni le magnétisme. 11 serait donc souverainement déraisonnable de se prévaloir des paroles d’un individu pour proclamer, comme M. Mabru, la nullité absolue du magnétisme ; et une conduite aussi illogique est bien propre à nous faire mesurer toute l’étendue de la misère humaine; il est fâcheux qu’un homme aussi instruit s’applique volontairement les écailles sur les yeux pour ne pas voir, et se croie par là autorisé à nier la lumiere. Mais il y a plus : nous n’avons nul besoin de désavouer aucun de nos collègues, et nous sommes en mesure de déclarer que celui qui s’est entretenu avec M. Auzoux n’a pas tenu le propos que lui attribue M. Mabru. L’éditeur du jour nal

eu raison de dire que « M. Mabru interprétait à, sa manière ce qui s’est dit ou fait chez M. Auzoux, et que ce qu’il exprimait, c’était l’impression qu’il en avait reçue, son sentiment particulier, enfin son opinion. » ■ Il est évident, ajoute le rédacteur, que le membre de la Société mesmérienne n’accorderait point qu’il ait déclaré de la manière la plus complète l’impuissance des magnétiseurs à exhiber un seul fait; mais qu’à ces expressions, il ajouterait celles-ci : Dans tes conditions imposées pur MM. Auzoux et Mabru. Autrement la déclaration du membre en question équivaudrait à un aveu de stupide ignorance ou de mensonge impudent. De la lettre de M. Mabru, il n’y a donc qu’une conséquence positive à tirer, savoir que MM. Auzoux et Mabru , maintenant convaincus de la nullité du magnétisme animal, se retirent d’une enquête pour eux désormais sans motif. »

Les observations sensées du rédacteur en chef prouvent que s’il n’est pas encore des nôtres, du moins c’est un adversaire loyal, avec lequel on pourra s’entendre et avec lequel il pourra y avoir profit à discuter. Nous ne demandons pas mieux que de continuer le débat avec lui, persuadé que la vérité ne peut que gagner aux recherches consciencieuses. Le magnétisme , loin de redouter la lumière, n’a cessé de réclamer l’examen, et les épreuves sérieuses ont toujours eu pour résultat de lui attirer de nouvelles recrues : sûr de sa force, il se consolera de l’anathèuie de MM. Mabru et consorts.

A. S. MORIN.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay). Paris. — Imprimerie de Pommeret e( Moreau, quai des Auguatini, 17.

Ed invitant les mesméristes à l’examen des faits nouveaux du spiritualisme, M. du Potet a ajouté quelques mots de blâme dirigés contre ceux qui s’occupent de magnétisme, et pour leur donner moins d’acrimonie, il les a présentés presque comme son mcl culpâ de rédacteur en chef. C’est à son propre Journal qu'il adresse des reproches qui nous atteignent tous.

Assez longtemps, nous a-t-il dit, le Journal du Magnétisme s’est borné à enregistrer des faits de somnambulisme, des relations de guérisons.

Et il faut bien reconnaître que ces faits, plus ou moins bien observés, sont assez accumulés maintenant pour donner à ceux qui pratiquent le magnétisme la mesure du pouvoir dont ils disposent, mais que les observations n’ont pas toujours le caractère d’authenticité nécessaire pour porter la conviction dans l’esprit des incrédules. Elles n’ont pas toujours eu le cachet de saine critique qui peut leur donner une valeur scientifique, qui peut les faire servir à la constitution théorique du magnétisme.

Pour compléter ce point de vue, ajoutons à ce qu’a dit M. du Potet cette considération que sa modestie l’a empêché de faire valoir.

Lorsque j’ai commencé mon long et fructueux apostolat, aurait-il pu dire avec orgueil, je ne me suis pas contenté de produire des faits plus ou moins merveilleux, et de les enregistrer sans contrôle. A force de persévérance, à force de conviction expansive, à force de zèle obstiné, je suis parvenu à triompher de la froideur des indifférents, à provoquer la discussion des malveillants. J’ai décidé le monde

APPEL AUX MAGNÉTISEIW&

extérieur à un examen sérieux des phénomènes magnétiques.

Mais lisez les procès-verbaux ; relisez les rapports de M. Husson, méditez-les, et voyez avec quelle prudence les observations ont été recueillies, avec quelles précautions ont été faites les expériences ; éludiez l’esprit de critique qui a présidé à leur discussion. Considérez après cela quelle autorité ont ainsi conquise les résultats. Si la propagande du magnétisme n’a pas persévéré dans cette voie , pourrait toujours ajouter M. du Potet, est-ce bien le mauvais vouloir de la science officielle qu’il faut seul en accuser?

Si nous avons prêté la question à l’honorable rédacteur en chef du Journal du Magnétisme, ne lui prêtons pas la réponse, car elle ne serait pas dans son caractère. Dans le rude apostolat qu’il a accompli, toujours calme et serein, il a accepté les concours bienveillants, et a toujours trouvé au-dessous de lui de se plaindre quand il a rencontré la tiédeur, peut-être même quand il a trouvé de l’ingratitude.

Eh bien ! disons-le hautement, puisque lui, il ne le dirait pas : — Ce sont ses alliés, les magnétiseurs, qui ont refusé de le suivre dans cette voie qu’il avait ouverte. 11 s’est élancé dans la mêlée confiant dans ceux qui devaient le suivre. Il était seul ou presque seul, il a marché néanmoins. Il a planté , au milieu du camp ennemi, le drapeau du magnétisme. Qui est venu se ranger autour de ce drapeau ? Qui lui a prêté main-forte ? Qui l’a soutenu sur la brèche ? Pas un de ceux qui, à cette époque, pouvaient revendiquer quelque autorité dans le groupe magnétique. Il a cependant fait une trouée dans l’armée des Philistins, il en a rapporté de glorieux trophées. Les rapports de la commission permanente de l’Académie de médecine ne sont pas seulement un titre de gloire pour M. du Potet, ce sont des monuments pour l’avenir, ou du moins les fondations du monument que la génération nouvelle doit élever à la science inaugurée par Mesmer.

Après avoir déposé ce germe au sein du monde scientifique, ne trouvant point de coopérateurs intelligents pour

l’aider à. le cultiver et à le faire fructifier, toujours actif, toujours zélé, et jamais découragé, il a semé à pleines mains l'enseignement des faits par la Fi ance et par l’Europe. Les collaborateurs lui avaient manqué, il a cherché à s’en créer. Il a fondé des publications, il a écrit, provoqué la formation de sociétés magnétiques, dirigé de près ou de loin une propagande active et incessante au milieu des masses.

Maintenant ce n’est plus un petit noyau, un groupe isolé, qui constitue le personnel magnétique militant. C’est une année. — Armée assez mal organisée il est vrai, et point du tout disciplinée ; mais quand arrive le temps de la moisson, si les épis sont abondants, il ne faut pas trop s’inquiéter si le vent qui les a mûris les a quelque peu mêlés. Cela n’empêche pas d’engerber.

Voici donc le moment de se remettre à l’œuvre entreprise d’abord par M. du Potet. En reprenant la direction effective du Journal, il vous a dit qu’il voulait recommencer son travail comme lorsqu’il n’était qu’un jeune homme.

Est-ce donc qu’il faut de nouveau aller demander aux Académies de constater tardivement l’existence du magnétisme? Non, sans doute. Les circonstances ont changé ; les besoins ne sont plus les mêmes. Alors que la parole de Mesmer n’était acceptée que d’un petit nombre d’adeptes, l’opinion d’un corps constitué pouvait lui prêter un concours précieux. Dans tous les cas, la discussion ne pouvait avoir qu’un retentissement utile. Les Académies qu’on attaque avec raison, quoiqu’avec trop d’acrimonie parfois, à cause de leur esprit de routine et d’immobilisme, sont en général composées d’hommes dont l’opinion est loin d’être à dédaigner, et dont le concours nous serait sans doute utile et précieux. Mais, en tant que corps constitué, une Académie, si savants que soient ses membres, n’a point qualité pour prendre une décision scientifique. Dans les sciences, la vérité se démontre et n’est pas affaire de vote, de boules noires ou blanches. Quoi ! si trente boules noires, par exemple , avaient nié que la vaccine est un moyen de prévenir la variole, pendant que vingt-neuf boules blanches l’affirmaient, le principe serait-il le moins du

monde affaibli? Nous allons plus loin. Cette question de votes, qui suppose une lutte, ne laisse pas même aux décisions académiques la valeur d’une opinion individuelle. Une opinion individuelle pèse de tout le poids du nom de celui qui la professe. — Une décision est anonyme ; rien ne prouve que l’appoint de la majorité n’a pas été fourni par les médiocrités relatives, qui composent toujours le gros des assemblées; elle n’a de poids que par les considérants dont elle s’appuie. Chacun ensuite juge dans son for intérieur.

Est-il à désirer d’ailleurs que la science officielle reconnaisse le magnétisme ? La question paraîtra étrange à bien des gens, et si nous la résolvions négativement, ils seraient peut-être tentés de crier au paradoxe. — Nous n’hésitons pas cependant à déclarer que, suivant nous, notre cause aurait plus à y perdre qu’à y gagner.

Lorsque le magnétisme a demandé à l’Académie ses lettres de naturalisation, il ne s’était pas encore répandu dans les masses. Il n’avait pas encore publié beaucoup de livres ; il n’avait pas de journaux. La science officielle, en l’acceptant, n’avait pas le droit de se montrer exigeante à son égard, et de soupeser d’un air dédaigneux le bagage scientifique de celui qu’elle eût adopté. Le magnétisme alors n’avait à dire que ceci : — J’existe, et c’est à vous que je demande de féconder mon avenir. Mais aujourd’hui il a déjà de longues années d’existence et de pratique, on a le droit de lui demander compte de son passé. Or nous avons produit des faits, nous les avons enregistrés. Mais, à part les tentatives initiales de M. du Potet, et quelques efforts isolés sans grands résultats, où sont les travaux scientifiques sérieux ? Quelles lois avons-nous formulées ?

Solliciter maintenant l’appui de la science odiciélle serait faire aveu d’impuissance. Et soyez-en sûrs, si elle reconnaissait le magnétisme, ce ne serait pas une adoption, mais une confiscation. Ces principes, que nous avons eu si grande peine à mettre hors de doute par tant d’expérimentations publiques et privées, — après les avoir niés jusqu’au dernier moment, elle les déclarerait connus de

toute antiquité ; elle les retrouverait dans Paracelse, dans Avicenne ; elle les retrouverait partout, et prouverait au besoin qu’elle leur a toujours rendu hommage. Et, faisant semblant d’ignorer les observations antérieures, affublant, selon sa louable habitude, de noms grecs les divers états magnétiques que nous avons constatés, elle s’approprierait tous les travaux préparatoires qu’ont déjà accomplis les magnétiseurs. Vous prenez peut-être ce que je viens d’énoncer pour une imagination saugrenue ; eh bien ! je vous le dis , cette manœuvre est déjà commencée, et les discussions si obscures et si filandreuses entre les vitalistes et les organi-cistcs (pardonnez-moi ces mots barbares) n’ont pas d’autre but. Je vous le dis, méliez-vous des vitalistes. Ils ont l'air de vouloir ressusciter les entités morbides des vieilles écoles du moyen-âge, ils vous parlent de diathèses constitutionnelles, de diathèses accidentelles ; méfiez-vous. Ils ne tendent à rien moins qu’à s'emparer subrepticement du magnétisme.

Et si la cause du magnétisme devait y gagner, tout en déplorant le moyen, nous le redouterions moins. Mais, à côté de la question scientifique, il y a, pour le corps médical, la question de boutique.

Ah ! si le magnétisme n’avait pas le malheur d’être un si puissant moyen curatif, il n’y aurait pas un grand danger. Peut-être croira-t-on que les médecins se contenteraient d’obtenir un changement dans la législation qui leur assurât à cet égard un monopole que les lois actuelles ne sauraient leur garantir sans une interprétation forcée. Cette pensée peut venir, en effet, à ceux qui se sont peu occupés du magnétisme, ou du moins ne se sont pas consacrés avec assiduité à des traitements magnétiques. Mais ceux qui ont suivi des cures de maladies chroniques, de ces maladies que la médecine est impuissante à guérir, même souvent dont elle ne peut atténuer les effets, savent que de persévérance il faut apporter dans ses soins ; ils n’ignorent pas que, si quelques-uns des cas les plus graves sont parfois guéris comme par miracle, ce u’est là que l’exception ;

qu’en général, si, dès les premières séances , le malade éprouve un certain soulagement, l’amélioration devient bientôt stationnaire , et qu’il faut des magnétisations longues , fréquentes, nombreuses, pour que l’organisme ait recouvré les forces suffisantes à produire la crise naturelle qui assure la guérison.

Une visite pour un médecin, à moins qu’il ne s’agisse d’une séance initiale et d’explorations minutieuses pour un diagnostic compliqué, une visite n’est ni longue, ni fatigante, et une ordonnance est bientôt faite. 11 n’en serait pas de même d’une magnétisation d’une heure, avec tention continuelle de la volonté, et il faut une organisation robuste pour suffire à trois ou quatre séances consciencieuses par jour. Quel est le médecin, s’il a un peu de clientèle, qui voudrait, à moins d’une sorte d’amour héroïque pour la vérité, voir la médecine subir cette transformation ? Quel prix ne lui faudrait-il pas exiger de ses soins pour ne pas voir, à son budget, baisser le chapitre des recettes? D’autre part, il faudrait, par une raison inverse, être fort riche pour se permettre le luxe d’un traitement magnétique à prix d’argent. On ne saurait le nier, avec l’organisation actuellb du corps médical, les médecins ne sauraient suffire aux traitements magnétiques (1).

Mais les médecins peuvent-ils consacrer officiellement la doctrine de Mesmer, proclamer la souveraine puissance curative du magnétisme, sans vouloir s’en réserver le monopole? Croyez-vous qu’ils affirmeront publiquement la vérité: savoir, que cette force, cette vertu curative réside chez tous, et qu’il suffit de la volonté pour la mettre en jeu?

Certes, il est parmi les médecins des hommes que leur intérêt personnel ne ferait pas reculer devant la vérité. Nous croyons au désintéressement, au dévouement des individus : nous pensons même que ces vertus sont moins rares que ne l’imaginent les esprits chagrins. Mais elles ne sont pas, elles

(i) Comme l’on! noté tous ceux qui ont traité la question, et h leur têle Deleuze, c’est dans la famille seulement, ou entre amis intimes, que peuvent s'exercer les magnétisations au point de vue curatif.

ne peuvent pas être l'apanage des corporations, et surtout des corporations restreintes et privilégiées. Les qualités de chacun disparaissent dans l’esprit de corps toutes les fois que l'individu est absorbé et confondu dans le groupe. L’héroïsme est rare ; plus rare encore est l’héroïsme anonyme.

Le jour où la médecine aura reconnu que le magnétisme est trop vivace pour qu’elle puisse l’enterrer (et ce jour n’est pas loin ), elle cherchera à l’absorber à son profit. Or cela n’est possible qu’en restreignant les principes, en faussant la science, en la hongrant pour la rendre inféconde. Nous ne doutons pas de l'issue de la lutte, mais nous craignons que des tracasseries ne fassent obstacle au rapide développement du magnétisme.

Faisons, si nous le pouvons, la conquête des savants ; mais tenons-nous à distance respectueuse de la science officielle. Ennemie peu redoutable de la vérité que nous proclamons, elle en serait un auxiliaire dangereux.

Maintenant donc que les travaux de dégrossissement (les plus pénibles à coup sûr) sont accomplis, n’appelons pas de secours étranger. Grâce au ciel, si la cause magnétique veut organiser ses forces, elle trouvera dans son sein tous les éléments nécessaires à des études sérieuses. Dans l’immense quantité d’observations qui ont été recueillies sans ordre, des hommes studieux, pourront sans aucun doute trouver la base d’un classement régulier des phénomènes (1). Mais cela ne suffit pas, et c’est besogne individuelle.

S’il est utile de régulariser l’analyse des études magnétiques , il n’est pas moins urgent de les synthétiser.

• 11 faut reprendre en quelque sorte en sous-œuvre tous les fondements du magnétisme; soumettre à des expériences rigoureuses les résultats déjà obtenus; vérifier les points

(1) Les observations magnétiques ne sont pas les seules où l'on doive puiser. On doit rapprocher des résultats obtenus par le magnétisme les phénomènes mystiques, les phénomènes splritualistes, dont nous avons recommandé l’élude dans un précédent article, et inème certains phénomènes pathologiques.

douteux ; donner sanction à quelques affirmations isolées , ou en faire justice ; il faut Lattre, vanner, et cribler la récolte déjà faite.

Les magnétiseurs s’irritent en général de l’incrédulité qu’ils rencontrent, des objections qu’on leur fait, des chicanes qu'on leur oppose. Ils ne veulent pas qu’on mette en doute leur bonne foi. Dans les sciences, on ne doit croire qu’à ce qui est prouvé. C’est donc non seulement un droit, mais un devoir que d’exiger que les résultats de l’expérience soient indépendants de la bonne foi de l’opérateur. 11 y a plus. L’autorité intellectuelle — même de celui qui a fait depuis longtemps ses preuves — ne doit point être acceptée sans contrôle. Aussi les résultats d’une expérience ne sont-ils acceptés comme constatés que lorsqu’elle a été répétée plusieurs fois, d’une façon régulière, en notant avec soin toutes les circonstances.

I! semble qu’on ne sache pas suffisamment combien il est difficile de mettre bore de doute un fait, un simple fait. Mais aussi, quand un fait est bien prouvé, quelle autorité ne conquiert-il pas sur les esprits ! Les phénomènes les plus brillants du magnétisme ont rarement déterminé des convictions ; les phénomènes les plus simples que le témoin peut plus facilement constater et discuter dans tous ses détails ont été le point de départ de la plupart des adhésions les plus intelligentes (11.

Les phénomènes surtout qui peuvent se simuler, — même difficilement — sont ceux qu’il faut apporter le plus de réserve à produire devant les incrédules. Us sont plutôt propres à mettre les spectateurs en défiance, et à rendre suspectes des expériences qui seules auraient porté la conviction dans leur esprit.

Le groupe magnétique de Cherbourg est un de ceux qui ont rendu le plus de services à la cause , en s’attachant à prouver d’une façon régulière l’un des plus remarquables

(1) C’est ce qu'a parfaitiinent compris M. du Potet, et, à ses séances d'expérimentation, il s'attache surtout, comme il le dit lui-méme, aux faits rudimentaires. *

résultats de la magnétisation, — mais aussi l’un des plus difficiles à démontrer, — l’insensibilité. Un nombre considérable d’opérations graves, faites en présence de témoins nombreux, notables, qui ont signé les procès-verbaux constatant non seulement le calme des traits, mais la régularité du pouls, et la liberté d’esprit des sujets pendant toute la durée d’opérations longues et cruelles, — a mis le principe hors de doute pour tout esprit sain qui n’a pas de parti pris de mauvaise foi, et qui verrait la masse des procès-verbaux. Un fait isolé de ce genre, quelque bien constaté qu’il fût, n’aurait cependant aucune valeur, parce qu’on a vu — par exception — des gens subir des opérations très-douloureuses sans donner signe d'émotion , tant était grand sur eux-mêmes l’empire de leur volonté (1).

Mais des résultats nombreux, — obtenus sur des individus connus, qui ne s’étaient soumis à la magnétisation que dans l’espoir de se soustraire à la torture des instruments chirur-caux ; qui viennent tous affirmer qu’ils seraient incapables, dans l’état normal, de dissimuler une vive douleur ; qui d’ailleurs ont, pendant l’opération , déclaré n’éprouver aucune souffrance, et n’ont conservé aucun souvenir au réveil,

— ont démontré ce qu’un fait isolé eût laissé douteux.

C’est donc au raisonnement à discerner quels sont les faits qui, ne pouvant être simulés, ne demandent qu’une constatation simple, pour laquelle il ne s’agit que de compter et de peser les témoignages, et ceux qui, susceptibles de simulation , doivent être répétés en variant les sujets ou les expérimentateurs.

(1) N’y a-t-il pas, dan9 les quelques exemples d'insensibilité apparente, un phénomène magnétique (auto-magnétisation)? La souffrance était-elle réellement aussi grande que dans l’élat normal, et o’y avait-il pas diminution notable de la sensibilité du sujet ? Sans être susceptibles de subir sans contraction musculaire une torture aussi grave qu’une amputation, n’avons-nous pas tous remarqué quo, d.ins les moments où nous concentrons notre volonté, où , comme on le dit, nous nous raidissons contre la douleur, nous souffrons en réalité beaucoup moins?

Dans lous les cas, nous oserions affirmer que le petit nombre de ceux qui ont offert ces exemples d’insensibilité apparente auraient été de puissants magnétiseurs.

Un des membres du groupe magnétique de Cherbourg, qui avait coopéré aux expériences dont je parlais tout à l’heure, M. E. P...., m’a raconté une anecdote qui me paraît bien faire ressortir cette distinction.

Il avait soutenu , contre un chirurgien de scs amis, un incrédule, la thèse de l'insensibilité magnétique. Quelques jours après—j’ai, lui dit-il, un sujet que j’amène à l’insensibilité la plus complète. Tout justement la pauvre femme souffre d’une dent cariée; vous savez combien l’avulsion d’une dent, d’une grosse molaire est douloureuse. Voulez-vous la lui arracher vous-même ? Vous êtes comme saint Thomas, incrédule. Peut-être, comme lui, croirez-vous après avoir vu. Le docteur accepte la proposition. A la séance, il propose au sujet éveillé de lui arracher sa dent. La dame manifeste un grand effroi. On n’insiste pas. Le magnétiseur endort le sujet, et, au bout de quelques instants, déclare que l’opérateur peut agir.

Le docteur fait ouvrir la bouche du sujet, regarde la dent, monte lentement sa clef de Garengeot en attirant vivement l’attention de la patiente sur l’opération, et affectant de passer l’instrument devant ses yeux (le sujet avait les yeux ouverts et l’incrédule ne se doutait pas qu’elle pût être aveugle).

11 saisit enfin la dent, et, par un effort lent et continu, la détache en faisant durer une minute et demie l’opération, qui n’exige ordinairement que deux ou trois secondes.

Pendant tout ce temps, le sujet avait répondu avec calme à toutes les questions, le pouls n’avait pas varié. — Eh bien ! êtes-vous convaincu ? — Oui ! — Parbleu ! Il n’est pas possible qu’une femme subisse pendant une minute et demie une pareille douleur sans crier, sans manifester la moindre émotion. — Il est vrai que c’est peu probable ; mais c’est possible. S’il n’y avait eu que ce fait, je ne serais pas convaincu. — Sur quoi donc est fondée votre conviction ? — Ah ! vous n’avez pas remarqué cette mouche qui s’est promenée pendant presque tout le temps sur les cils et à la commissure des paupières, et qui a fini par se poster sur la cornée

transparente. Ceci n’était pas sur le programme. Je ne crois pas qu’avec de l'étude on puisse arriver à empêcher le clignotement des paupières et les mouvements convulsifs du globe de l’œil quand une mouche vient s’y promener et le sucer de sa trompe. Mais comme on n’a pu prévoir une circonstance aussi insolite, on n’a pas dû s’y exercer. Je n’ai pas besoin de voir d’autres faits.

Lorsqu’on a affaire à des incrédules polis, et qu’on fait devant eux des expériences, ils ne vous disent pas : — Je serais convaincu, si j’étais sûr de votre bonne foi et de celle du sujet ; mais ils restent incrédules comme devant. Toutes les fois que j’ai expérimenté avec l’intention de convaincre, j'ai toujours eu soin de dire aux assistants (ceci ne peut se faire qu’en très-petit comité) : Je n'ai point de raison de supposer que vous suspectiez ma bonne foi, ni celle du sujet. Mais mon but est de vous amener à une conviction scientifique et raisonnée. Nous nous placerons donc, par convention spéciale et expresse, dans l’hypothèse d’une défiance absolue. Nous chercherons, d’un commun accord, à écarter toutes les circonstances qui pourraient rendre les résultats douteux. 11 faut que vous m’aidiez à rendre la conclusion indépendante de la bonne ou de la mauvaise foi du sujet etde l’opérateur, aussi bien que de leur connivence. Et j’ai toujours eu à m’applaudir de ce parti.

C’est le seul point de vue où l’on puisse se placer pour constituer scientifiquement le magnétisme. Mais comme l’incrédulité réelle et presque toujours malveillante peut influencer les sujets magnétiques, combien n'y aurait-il pas d’avantages à se placer fictivement au point de vue du doute absolu? Qu’un groupe de magnétiseurs opère, en discutant les expériences avec toute la rigueur que pourrait y apporter l’incrédulité la plus obstinée, aucun trouble n’affectera le sujet qui ne sera entouré que de volontés bienveillantes , et en accord entre elles et avec lui. Puis, quand on aura arrêté un programme bien établi, bien circonstancié, on pourra le soumettre alors à la critique extérieure, et produire devant l’incrédulité des expériences incontestables, puisqu’elles

rempliraient toutes les conditions convenues et acceptées.

Que le magnétisme , après avoir élucidé avec soin , dans le silence et le recueillement, toutes les questions solubles en l’état actuel de la science, se présente devant une commission libre, composée d’hommes intelligents, pris hors de la science officielle, parmi les capacités de tous les ordres (1), qu’on donne de la publicité à des procès-verbaux réguliers d’expériences bien faites, et l’on n’aura à craindre de la part de la science officielle ni tentative de confiscation, ni tracasseries qui puissent entraver ou ralentir les progrès du mesmérisme.

Si nous engageons les magnétistes à s’organiser de façon à procéder d’une manière plus scientifique, croit-on que nous voulions blâmer la marche adoptée par la plupart des sociétés magnétiques, et méconnaître les services qu’elles ont rendus, et qu’elles doivent continuer à rendre à la cause? On se tromperait étrangement sur notre pensée ("2).

En multipliant les expérimentations publiques, elles ont fait immensément pour la propagande. D’ailleurs , ce serait fort mal raisonner que de déduire des principes que nous avons posés qu’elles sont sans valeur au point de vue scientifique. Sans doute , il est peu de faits parmi ceux qui s’y produisent qui ne soient de nature à être simulés, et le petit nombre de ceux qui seraient concluants ne peu-

(1) Pourquoi dos ingénieurs, dos architectes, dos jurisconsultes, des négociants, des hommes de lettres seraient-ils moins compétents, lorsqu'il s'agit d'apprécier des faits et do les discuter, que des anatomistes et des physiologistes? Il ne faut pour cela quo de bons yeux et surtout du lion sens. Ces qualités ne font point, que je sache , partie du monopole doctoral. *

(2) Il ne faut repousser aucun moyen , il ne faut méconnaître aucun service. ta lucidité somnambulique, exercée comme industrie , a donné lieu à des abus déplorables, contre lesquels les magnétiseurs de bonne foi ont dù lancer des paroles d'indignation. Cependant, cette industrie elle-mime a contribué à répandre la foi au magnétisme. Entre autres, la lucidité si rcmarquablo d'Alexis (M. Alexis Didier), qui, par une exception singulière, semblait s’aiguiser encore dans la lutte contre l’incrédulité, a triomphé de bien des doutes obstinés.

vent être assez bien examinés par les spectateurs pour servir (le base à une démonstration rigoureuse (1). Mais ceux môme qui pourraient être attribués à la mauvaise foi prennent une valeur probante par leur masse, attendu qu’il devient impossible de supposer qu’une foule de sujets toujours variés soit tout entière composée de gens qui viennent faire en public de fausses déclarations pour attester un mensonge.

Traduisons ceci en nombres :

Au Waux-Hall, par exemple, les premier et troisième jeudis de chaque mois, la Société du mesmérisme donne des séances d’expérimentation publique. Les procès-verbaux ne sont pas, ne peuvent pas être très-détaillés sur les effets obtenus. Mais ils constatent que, d’après la déclaration spontanée et publique des sujets qui se sont soumis aux expériences , les deux tiers ont ressenti quelques effets ; un peu plus de moitié d’entre eux accusent des effets plus ou moins intéressants, mais bien marqués. — Or, à chaque séance, on distribue à ceux qui en désirent deux séries de trente billets portant chacun un numéro correspondant à l’un de ceux que les magnétiseurs reçoivent à, leur entrée. Ou prévient, en outre, que ceux qui se présentent ne doivent jamais s’être soumis aux expériences du Waux-Hall.

Voici de bonnes précautions pour écarter le soupçon de connivence. Faisons maintenant la part large à l’esprit de défiance : n’allons point rechercher si beaucoup d’incrédules n’ont pas été convaincus après avoir eux-mêmes ressenti les effets magnétiques (ce qui écarterait de leur part tout soup-

(1) Un des états que produit la magnétisation, le coma, offre un intérêt pratique trop négligé peut-être ; car la résolution musculaire y est tou-r jours accompagnée de 1 impassibilité (analgésie) qui pourrait, pour les opé. rations chirurgicales, suppléer à l’insensibilité. Il peut très-utilement ser. vir, dans la plupart des cas, à une démonstration rigoureuse de l'action magnétique. Car les extrémités supérieures sont très-souvent gonflées et violacées (probablement par suite d'une gêne de la circulation dans les vaisseaux capillaires ). De plus , une sueur abondante perle à la paume des mains. Cet effot, no pouvant être simulé , est. par cela même, un de ceux qui peuvent êli e regardés comme les plus probants ; mais il n'est pas de nature à être contrôlé par la masse des spectateurs.

çon de connivence). Admettons contre toute raison qu’il y ait quatre-vingt-dix-neuf à parier contre un que ceux qui déclarent avoir réellement éprouvé des effets marqués sont ou des hallucinés ou des menteurs.

Quinze cents sujets par an passent sur les banquettes du Wauv-Hall pour se soumettre aux expériences. Un tiers, soit cinq cents, déclarent réels les effets que le public a pu remarquer. En quatre ans seulement, cela fait deux mille déclarations. Appliquons à ces chiffres le calcul des probabilités. S’il y en a un seul parmi ces deux mille dont la déclaration soit exacte, la réalité de l’action magnétique est démontrée. Quelle est donc la chance pour que tous se trompent, ou trompent le public? car il ne faut rien moins que cela pour que le principe magnétique puisse être nié. Pour une seule épreuve, la chance d’erreur dans l’hypothèse posée est de quatre-vingt-dix-neuf sur cent ; —après deux épreuves, de quatre-vingt-dix-neuf fois quatre-vingt-dix-neuf sur dix mille, et ainsi de suite (1). En effectuant les calculs, on arrivera à conclure que la chance d’erreur du principe se réduit à moins de deux billionnièraes, c’est-à-dire que celui qui ne connaîtrait que les résultats obtenus au Waux-Hall pendant quatre ans pourrait, avec avantage, parier cinq cent millions contre un pour la réalité de l’action magnétique.

Pour qu’un incrédule, qui ne connaîtrait toujours que ces mêmes résultats, pût logiquement rester dans un doute absolu , pour qu’il reconnût autant de probabilité à la négation qu’à l’affirmation (ce qui, pour un homme intelligent, suffit pour décider à un examen sérieux), il faudrait qu’il admît comme probable que sur cinq mille six cent soixante et dix-sept, qui déclarent au public ce qu’ils ont ressenti, il doit y en avoir cinq mille six cent soixante-seize hallucinés ou menteurs.

(1) La probabilité d'un résultat, qui dépend do la coïncidence de plusieurs événements , est égale au produit des probabilités de tous ces événements. C’est ce qu'on appelle probabilité composée. Ici le résultat dépend de la fausseté de deux mille déclarations. La probabilité de la fausseté de chacune d'elles est quatre-vingt-dix-neuf centièmes. La probabilité composée sera donc 0.99,oou ou bien 0.0000000018637S.

Ce raisonnement, — qui conduirait à des conséquences encore plus rigoureuses, si on l’appliquait non aux expériences d’une seule société, mais à toutes celles qui se font en public, — démontre à la fois l'utilité de ce mode de propagande, et la nécessité d’une organisation du magnétisme permettant de tirer parti de tous les travaux. Quelles ressources présenteraient, au contraire, les sociétés existantes, si une méthode scientifique imprimait une direction commune à leurs efforts !

La niasse des coopérateurs ne serait-elle pas précieuse pour vérifier les assertions de M. Esdaile sur la puissance de la magnétisation collective ; pour s’assurer si les résultats obtenus par lui ne sont pas dus au climat dans lequel il opérait, aux facultés spéciales de la race indienne ? Que de lois entrevues, et qui n’attendent que des efforts bien dirigés pour passer à l’état de lois constituées ! Est-il vrai que la facilité de magnétisation s’affaiblisse en allant du Midi vers le Nord, tandis que les facultés mystiques paraissent plus développées dans les climats extrêmes et moins fréquentes aux latitudes moyennes?

Quelques magnétiseurs ont signalé des symptômes propres à faite reconnaître les sujets sensibles au magnétisme. La valeur scientifique de leurs idées serait bientôt fixée, si, au VVaux-Hall, à la Redoute, etc., on les soumettait à des observations suivies. Presque toutes les sociétés se livrent dans leurs travaux intérieurs à l’étude de la physique, de la physiologie. Si elles voyaient un but direct et immédiat à leurs efforts, leurs membres auraient bientôt appris à faire les observations qui leur seraient recommandées.

Et quelle riche mine à exploiter pour la science que cet élan que les sociétés magnétiques ont imprimé à la curiosité publique ! Avec quelle facilité n'arriverait-on pas à trouver des sujets ofTrant toutes les facultés diverses, dans la quantité d’individus qui se présentent spontanément aux expérimentations (1) !

(1) On objectera peut-être que beaucoup de ceux que la curiosité a décidés ne se prêteraient pas ù des expériences suivies ; que ceux qui au-

Il existe certainement beaucoup de procès-verbaux dont une discussion intelligente pourrait tirer un grand parti en les rapprochant; mais tout cela appelle la création d’un centre où convergent tous les organes magnétiques, comme tous les organes de la vie aboutissent au cerveau.

Ou voit, quand M. du Potet parle de donner une nouvelle impulsion au magnétisme, qu’il n’est point un utopiste, et que la solution est aussi facile qu’urgente : il ne faut qu’un petit noyau d’hommes de bonne volonté qui aient du temps à consacrer aux études sérieuses du magnétisme, et qui ne manqueront pas de trouver des auxiliaires bienveillants et précieux dans tous les magnétiseurs (1).

Comment atteindre ce but? Est-ce par une délégation officieuse de toutes les sociétés magnétiques? Doit-on faire un appel à tous les magnétiseurs, et que de leur concours sorte une commission libre qui se mette en rapport médiat ou immédiat avec les sociétés existantes? C’est ce que nous n’examinons pas ici. Notre nom n’a aucune autorité, mais nous croyons ces idées utiles, et nous laissons l’initiative sur ce point à ceux qui se sont conquis dans le monde magnétique une autorité légitime.

A. PETIT D’ORMOY.

raient de la bonne volonté manqueraient de temps ; que leur temps, c’est leur fortune, la vie do leur famille. Ceci se réduit évidemment à une question de dépense , fort minime d’ailhurs.

(1) Nous n'avons pas voulu loucher, dans cet article, à la question des dispensaires magnétiques, dont la solution so trouve cependant implicitement dans ce qui précède. N’est-il pas cependant déplorable de reconnaître que Paris, sous ce rapport, est inférieur à des villes de second ordre en France, et à presque toute l’Europe? Faut-il chercher ailleurs que dans le défaut d'unité l’infériorité que nous avons le regret de signaler ?

CLINIQUE.

THÉRAPEUTIQUE MAGNÉTIQUE.

Attaque d'hystérie calmée par le magnétisme. — Je me trouvais dernièrement chez un de mes amis (rue de Malte, n° h), lorsque nous entendîmes à l’étage supérieur des cris perçants et un bruit assez considérable pour nous faire désirer d’en connaître la cause. L’ayant demandée, on nous répondit que c’était la bonne qui avait ses attaques de nerfs ; peu après, on vint me prier de venir la voir pour essayer de la calmer. Je me rendis donc auprès de la malade que je trouvai sans connaissance, étendue sur son lit, et en proie à des convulsions cloniques très-violentes. Je l’examinai avec attention, et je crus reconnaître qu’elle était hystérique. Voici, du reste, les symptômes que je remarquai, et qui, je pense, sont assez nombreux et assez concluants pour ne laisser aucun doute sur la nature de l’affection. Avant de perdre connaissance, la malade avait accusé la sensatiou d’une boule partant de l’utérus et se portant, avec un froid glacial , à la poitrine d’abord, puis au cou où elle avait produit et produisait encore une espèce d’étouffement ; la respiration était pénible et saccadée, la face'décolorée, et, en même temps, ily avait un trismus très-prononcé.

Après avoir bien constaté tous ces symptômes, je fis écarter les personnes qui touchaient la malade, et, sans en rien dire, j essayai de la calmer au moyen du magnétisme. Je plaçai donc une de mes mains sur le front, et l'autre au-dessous de l’épigastre, et j’actionnai fortement l’utérus et le cerveau. Au bout de quelques minutes, les convulsions devinrent plus faibles et moins fréquentes, les traits perdirent leur rigidité, la respiration fut moins pénible, et la malade

revint à elle avec un sentiment de bien-être qu’il fut facile de remarquer. Elle me regarda, prit ma main droite qui se trouvait sur son front, la serra affectueusement dans les siennes, et me remercia de tout le bien que je lui faisais. Ayant remarqué qu’elle était sous l’influence magnétique, je fis sur elle une expérience qui réussit mieux que je n’aurais osé l’espérer. On lui banda les yeux , puis je promenai ma main au-dessus de son corps environ à un décimètre de distance, et elle indiqua toujours sans hésitation et sans commettre la moindre erreur au-dessus de quelle région se trouvait ma main.

Lorsque je me retirai, elle était entièrement calmée. Je n’ai pas pu la revoir depuis cette époque ; mais je suis persuadé que le magnétisme eût été un puissant remède pour la soulager et même pour la guérir.

D., élève en médecine.

Cas de somnambulisme observé par M. le Dr Archambault, et communiqué à la Société de Médecine pratique. (Séance du 3 janvier 1850.)

M. Archambault entretient la Société d’un fait de somnambulisme qu’il a eu l’occasion d’observer sur une jeune femme âgée de trente ans, d’une constitution vigoureuse , mariée depuis douze ans, mère de trois enfants. Cette malade présente, depuis plus de six mois, des troubles nerveux caractérisés par des accès d’hystérie violents qui se renouvellent jusqu’à vingt, vingt-cinq, trente fois dans une période de douze heures, se terminent souvent par de la catalepsie, et durent environ de dix minutes à un quart d’heure. Aucune médication n’a pu modifier cet état.

Cependant, à la fin de décembre, les nuits, qui étaient devenues un peu plus calmes, bien qu’il n’y eût pas de sommeil, furent remplies par des accidents d’un nouveau genre, et tels qu’on ne les avait point encore observés.

Vers trois heures du matin, la malade était prise régulièrement d’un accès d’hystérie, auquel succédait un état cataleptique , qui durait un quart d’heure environ ; puis après, lui survenait de l’agitation. La malade était assise dans son lit, et, bien que paraissant étrangère à ce qui l’entourait, elle n’en conservait pas moins l’idée des rapports des objets. Elle ne parlait point, avait les yeux largement ouverts, les pupilles dilatées : elle cherchait à prendre ses vêtements, et si on s’y opposait, sa physionomie exprimait la contrariété.

Le 29 décembre, à trois heures du matin, elle eut un accès d’hystérie qui ne dura pas plus de cinq minutes. 11 survint ensuite de la catalepsie, puis, à trois heures et demie , la malade sortit de son lit. On la laissa faire. Elle s’habilla seule, et cette femme, affaiblie par huit mois de maladie, ne pouvant pendant le jour se mouvoir sans soutien dans ses courtes promenades, nous étonna par sa vivacité et la précision de ses mouvements. Elle marchait avec assurance dans son appartement, évitant les obstacles que nous mettions sur son chemin ; elle accomplissait seule les mêmes actes pour lesquels il lui fallait l’aide de sa domestique pendant la journée.

11 y eut chez elle ceci de remarquable, c’est que la période de somnambulisme commençait toujours à trois heures du matin, et se terminait à cinq heures, quelquefois avant, rarement plus tard. On pouvait prévoir la fin de l’accès quand la malade commençait à se déshabiller ; aussitôt qu’elle s’était couchée, elle était prise d’un accès d’hystérie , à la fin duquel elle avait complètement perdu le souvenir de ce qui s’était passé. Elle croyait avoir dormi, et n’accusait qu’un sentiment de courbature générale et souvent une soif vive.

Pendant cinq nuits de suite, elle nous sembla sous l’empire de la même idée ; elle voulait en finir avec la vie, et elle essaya de plusieurs moyens.

Pendant la veille, elle avait eu occasion de voir l'endroit où sa domestique déposait son argent; une nuit, elle prit plusieurs pièces de monnaie, les mit dans un verre avec un

peu d’eau, et enferma le tout clans une armoire, dont elle cacha si bien la clef qu'il fut impossible de la retrouver. Cela paraît d’autant plus extraordinaire, qu’on ne l’avait pas quittée d’un instant, et que sa domestique l’avait suivie pas à pas. Elle s’était approchée d’une fenêtre, avait ébranlé les persienues, et, n’ayant pu parvenir à les ouvrir, elle était venue s’asseoir à la place qu’elle occupe dans la journée. En vain chercha-t-on la clef de l’armoire tout le jour suivant; M“* *** elle-même eu parut vivement contrariée ; elle dut se passer de plusieurs objets de toilette dont elle avait besoin.

La nuit suivante, sans hésitation aucune, la malade se lève, s’habille, ouvre sa fenêtre, et prend la clef qu’elle avait cachée entre deux lames de la persienne. Elle ouvre son armoire, prend le \ erre dans lequel elle avait déposé de la monnaie de cuivre ; nous lui secouons fortement le bras, et le contenu tombe à terre. Elle frappe violemment du pied , et son visage exprime la plus vive contrariété. Elle se prépare alors un verre d’eau sucrée ; nous voulûmes savoir si le goût était conservé ; pendant qu’elle était détournée, nous enlevons le sucre, et nous mettons dans l’eau une quantité de sel blanc assez considérable. Elle prit à peine une gorgée de liquide, elle le rejeta immédiatement, lava elle-même son verre, et, après avoir bu un peu d’eau, elle revint s’asseoir auprès de sa table à ouvrage. Elle prit du papier, et écrivit une lettre à son mari.

Elle lui annonçait qu’elle avait formé le projet de cesser de vivre, que la surveillance dont elle était l’objet avait déjoué tous ses calculs, mais qu’elle espérait trouver bientôt le moyen d’en finir avec la vie. Cette lettre était affectueuse ; elle se sentait coupable, disait-elle, mais elle était fatiguée de souffrir, et, désespérant de guérir jamais, elle voulait mourir.

Nous voulûmes savoir si la vision s’exerçait pendant ce temps, et voici quel fut le résultat de nos recherches :

Si on mettait une main, un livre entre les yeux de la malade et la lumière, sans que toutefois le papier fût complé-

tement dans l’obscurité, M"* *** continuait sa lettre ; si on interposait un écran entre l’œil et le papier, M" *** cessait d’écrire; puis, dans un brusque mouvement d’impatience, elle écartait l’obstacle ou le rejetait loin d’elle. 11 en était de môme quand on s’opposait à l'accomplissement de sa volonté. Si nous nous mettions devant elle de manière à lui fermer le passage, elle nous repoussait ; souvent même elle luttait avec nous, et, lorsqu’à plusieurs reprises l’ayant laissée descendre au jardin pendant la nuit, nous voulûmes l’empêcher de mon ter sur les bancs, de saisir des branches d’arbre, nous eûmes beaucoup de peine à la contenir, et jamais, à quelque effort qu’elle se soit livrée, nous n’avons pu la faire sortir de cet état de somnambulisme. Nous la pincions, elle ne témoignait aucune douleur; nous l’avons plusieurs fois piquée sans qu’elle manifestât la moindre impression. Elle semblait obéir à l’impulsion fatale d’une idée dominante ; elle luttait contre les obstacles que nous lui opposions et qui apportaient un retard à l’accomplissement de projets dont elle perdait conscience pendant la veille ; puis, à cinq heures moins un quart, avec une régularité presque mathématique, quelle qu’eût été la période de somnambulisme, elle se déshabillait à la hâte, ne s’occupant pas de tout ce qui ôtait en dehors du cercle de ses idées ; elle agissait comme si elle eût été seule: elle se mettait au lit, était prise d’un accès d’hystérie, après lequel elle semblait s’éveiller, sortir d’un rêve, s’étonnait de nous voir auprès d’elle, et, si on l’interrogeait, elle n’avait pas souvenir de ce qui venait de se passer.

Toutes les nuits jusqu’au 18 janvier, les mêmes phénomènes se sont reproduits avec la même régularité, la même forme. A cette époque, apparurent de vives douleurs ayant leur siège à l’épigastre , et s’accompagnant d’un sentiment le torsion, quelquefois de reptation dans l’estomac. De trois heures à cinq heures du matin, ces douleurs n’existent pas; mais la malade ne se lève plus, elle est dans un état de somnambulisme qui diffère du somnambulisme d’autrefois, en ce que, dans les premiers accès, il était impossible d’obtenir

d’elle une réponse, et que maintenant elle parle, s’adressant à son mari, à ses enfants, etc., et racontant ce qui l’a impressionnée dans la journée.

Le 20, il n’y a qu’une demi-heure à peine de rêvasseries.

Enfin, le 21, comme la gastralgie s’était montrée sous forme de violents accès, on donna de l’opium haute dose (0,30). Le médicament détermina de la somnolence qui dura toute la nuit; il n’y eut plus de somnambulisme à partir de ce moment, et bien qu’aujourd’hui encore le sommeil ne soit pas revenu , bien que les nuits se passent sans qu’il y ait à peine deux heures de somnolence, il n’y a plus d’autres accidents nerveux que des accès d’hystérie, au nombre de trois ou quatre, rarement plus.

En communiquant ce fait à la Société, M. Archambault n’a eu pour but que d’appeler son attention sur le somnambulisme qu’on a si rarement l’occasion d’observer, et de demander à ses collègues le fruit de leur propre expérience. Il se réserve, du reste, de fournir plus tard à la Société les détails curieux offerts par cette observation et les rapports qui ont paru exister entre les phénomènes de somnambulisme et les autres troubles nerveux offerts par la malade, examen d’autant plus précieux qu’il a pu être fait régulièrement par des médecins qui n’ont pas quitté la malade pendant toute la durée des accidents.

A l’occasion de ce fait, M. Pertus rappelle qu’il a entretenu la Société, il y a quelques mois, d’un cas à peu près semblable; il en différait seulement en ce que la malade était facilement tirée de son sommeil. Ce fait a été rapporté en détail dans le compte-rendu de la séance du 5 juillet dernier.

A M. le Rédacteur du Journal du Magnétisme.

Cher et honoré collègue,

Je fus appelé, le 10 mars 1856, chez M. Busson, fabricant d’accordéons, 17, rue des Francs-Bourgeois, pour donner des soins à une demoiselle de vingt ans, qui, depuis cinq

quarts d’heure, était en proie à une violente attaque d’hystérie.

J’appris que tous les 10 de chaque mois, au moment du flux périodique des règles, cette demoiselle était prise d’une attaque de cette nature , attaque moins intense, et dont la durée n’excédait jamais un quart d’heure. La violence de l’attaque était telle, que cette jeune fdle , étendue sur le carreau, luttait, parfois avec avantage, contre quatre jeunes gens vigoureux qui cherchaient à la contenir, et, lorsqu’elle dégageait ses bras, elle portait ses mains à son cou, comme pour le déchirer ou enlever un corps étranger qui l’étranglait. Tout son corps était affecté de mouvements convulsifs; la respiration était bruyante, les battements de cœur irréguliers ; la figure était rouge et animée; la malade jetait parfois des cris et prononçait souvent le nom d’une personne qui lui était chère, et qu’elle avait perdue depuis peu, circonstance qui avait sans doute contribué à la prolongation de l’attaque.

Cette observation, qui a beaucoup d’analogie avec celles que je vous ai envoyées il y a près de trois ans, et qui sont consignées dans le n° 165 du Journal du Magnétisme du

10 juin 1853, présente aussi cela de commun que l’attaque d’hystérie céda comme par enchantement à quelques passes faites, pendant sept à huit minutes, depuis le haut du ster» num jusqu’au bas-ventre.

C’est presque toujours avec la même facilité que les magnétiseurs triomphent des attaques d’hystérie ; en est-il ainsi de la médecine? Voici la réponse du professeur Piorry, un des plus illustres représentants de la science officielle : « Une fois que l'attaque d’hystérie est déclarée, il est fort difficile, s’il n’est impossible, d’en arrêter les périodes successives ; nous avons vu mettre en usage, ou prescrit nous-même, une infinité de remèdes de toutes sortes, depuis l’innocent galbanum ou le castoreum, l’assa fœlida , dont l’odeur est repoussante ; depuis la myrrhe, le musc, la mélisse, rtc., qui frappent si vivement l’odorat, jusqu’à l'o-pium, la belladone, le zinc, etc., donnés en portions ou en

injections clans le rectum. Nous avons appliqué de la glace sur le front, des ventouses ou des cataplasmes chauds aux cuisses. Nous avons fait tenir la tête élevée et les pieds abaissés et pendants, etc., tout cela n’a pas entravé la succession des phénomènes hystériques. L’attaque se terminait à peu près comme si l’on n’eût rien fait. [Traitéde Médecine pratique. t. 8, n" 12162, année 1850.) Ce que le professeur Piorry dit de l’hystérie peut s’appliquer à une foule de maladies nerveuses, contre lesquelles la médecine est très-souvent impuissante , tandis que le magnétisme les combat presque toujours avec succès. Espérons que les progrès incessants que fait tous les jours le magnétisme feront ouvrir les yeux aux médecins, et qu’ils finiront, dans l’intérêt de l’humanité, par lui donner la place qu’il doit occuper parmi les moyens thérapeutiques les plus efficaces.

Je ne terminerai pas, cher confrère, sans vous faire part d’une petite remarque que j’ai faite sur l’eau magnétique.

Avant de quitter cette jeune personne, je lui fis boire de cette eau,qu’elle trouva très-fade; une demoiselle, qui était présente et qui n’avait jamais été magnétisée, la trouva sucrée : j’en conclus, d’après plusieurs expériences, que cette demoiselle était sensible aumagnétisme ; elle l’était en effet au suprême degré. La saveur qu’éprouvent certaines personnes non magnétisées, en buvant cette eau, ne pourrait-elle pas être mise au nombre des signes présomptifs de la sensibilité magnétique? Les quelques essais que j’ai faits semblent le confirmer ; mais il faut la sanction d’un plus grand nombre d’expériences.

Agréez, cher collègue, l’assurance de mes sentiments les plus distingués et de mon dévouement.

Dr Loctet.

19 mars 1856.

INSTITUTIONS.

Société du HcüuiiériMiic de Parla«

Le 28 février dernier, la Société du mesmérisme a procédé au renouvellement de son comité. M. Hébert (de Gar-nay), ayant été réélu président, a déclaré que des motifs graves le mettaient dans l’impossibilité d’accepter de nouveau cette fonction. La Société, par l’organe de son doyen d’âge, lui a exprimé ses vifs regrets d’être privée de son concours : il a payé un tribut d’éloges à l’honorable M. Hébert qui a été le principal fondateur de la Société, qui, depuis douze ans, l’a dirigée avec zèle et dévouement, et qui a rendu d’éminents services à la cause du magnétisme.

La Société a élu pour président M. du Potet, qui en était précédemment président honoraire : cette élection a été accueillie par d’unanimes applaudissements. Ont ensuite été élus MM. Leger et A.-S. Morin, vice-présidents ; Louyet, secrétaire ; Vuillerme-Dunand, secrétaire-adjoint ; Carpentier, censeur ; Petit d’Ormoy , Courtaux, Ogier et Fabre de La-grange , censeurs-adjoints ; Arnette, trésorier ; Sallard, bibliothécaire-archiviste.

Le (5 mars, M. Du Potet est entré en fonctions et a présidé la séance publique du Waux-Hall, dont la vaste salle était insuffisante pour contenir la foule des personnes empressées d’entendre sa parole sympathique et de s’initier, sous sa direction , à la connaissance du magnétisme. Dans une chaleureuse allocution , il a rappelé les grandes choses accomplies par les sectateurs de cette science sublime et a exposé ce qui leur restait à faire; ils ont à vaincre, par l’évidence et l’éclat de leurs démonstrations, l’opiniâtreté et le dédain des corps savants ; ils ont à répandre dans toutes les classes les notions du mesmérisme, à en vulgariser l’u-

sage, à en généraliser l'application partout où son action bienfaisante pourra soulager les maux de l’humanité. L'auditoire a été électrisé en l’entendant décrire la grande mission réservée à la découverte de Mesmer, et a manifesté son approbation par de vives acclamations.

M. du Potet, à la séance particulière , a engagé la Société à donner un plus grand développement à ses travaux intérieurs ; il serait bon que les groupes, constitués pour l’étude du mesmérisme, fissent dans le silence et le recueillement des expériences précises sur les points encore contestés parmi les magnétiseurs. 11 serait à désirer surtout que la Société vît accroître ses ressources et pût fonder un établissement qui lui permît de régulariser l'application du magnétisme.

— Elle ne doit pas pour cela négliger l’œuvre de la propagande pour laquelle elle a déjà fait tant d'efforts, et non sans succès. Qu’elle continue à répandre la lumière de la vérité sur tous ceux qui veulent ouvrir les yeux pour voir, sur tous les hommes de bonne volonté. Mais qu’elle agisse avec prudence ; qu’elle n’accepte pas légèrement les défis lancés par les incrédules émérites qui ont depuis longtemps fait leurs preuves de parti pris ; qu’elle se méfie des pièges tendus par la mauvaise foi, et qu’elle n'oublie pas surtout que ceux qui vivent de la mauvaise santé publique, ceux pour qui les maladies sont le capital dont ils tirent leur revenu , sont les ennemis naturels du magnétisme, dont l'application généralisée préviendrait la plus grande partie des maladies.

M. du Potet a terminé en rappelant le but moral du magnétisme qui, avant tout, doit se proposer de faire le bien. de soulager les souffrances, et par suite de concourir à l'amélioration physique et morale de l’humanité ; il a flétri les hommes qui déshonorent le magnétisme par des expériences immorales et des exhibitions honteuses.

A l’avenir, le Journal du magnétisme rendra compte des travaux les plus importants de la Société.

VARIÉTÉS.

JURY MAGNÉTIQUE.

Nous avons l'honneur de rappeler aux magnétistes que le jury doit s’assembler du 25 au 30 de ce mois. Nous engageons donc de nouveau les magnétiseurs, les écrivains de la cause, tous ceux enfin qui croient avoir quelques droits à une récompense, à envoyer le plus tôt possible leur demande avec les pièces à l’appui, pour que les membres du jury puissent se prononcer sur leur valeur.

Cette année, la solennité de la fête de Mesmer, pendant laquelle les récompenses seront décernées, se distinguera elle-même par une splendeur nouvelle due à de nombreuses découvertes, et au nombre toujours croissant des intelligences qui viennent à nous pour seconder nos travaux. Il faut que la vérité brille comme le soleil, afin que nos antagonistes en soient éblouis. Il faut que ce soit un jour de triomphe , et que le 23 mai devienne à tout jamais la réhabilitation de la vérité , la glorification du grand initiateur Mesmer.

Le jury magnétique, animé par le plus louable désir, recherche avec persévérance les noms qui ont marqué ; mais, pour que son travail soit plus complet et ne laisse rien à l’envie, il a besoin d’être secondé et de connaître les hommes modestes, dévoués et bienfaisants qui ont accompli dans le silence des œuvres méritoires.

Il faut donc que les magnétiseurs les recherchent et nous les fassent connaître, afin que leur mérite soit apprécié et reçoive publiquement le prix dont ils se sont rendus dignes par leurs vertus.

Ce n’est point assez pour nous encore ; nous faisons, de

plus, appel aux magnétiseurs éloignés du centre de Paris, à ceux de la province, à ceux de l’étranger, pour qu’ils viennent à notre banquet animés par cette grande pensée que le sort futur des destinées morales de l’humanité est entre leurs mains, et qu’ils doivent, en se groupant en masses fraternelles et serrées autour du buste de notre maître, former un faisceau sacré que les mauvaises passions soient impuissantes à dissoudre ou à briser.

11 faut que nos frères d'un autre continent apprennent que nous ne leur cédons en rien dans l’amour de la vérité, et que la France est toujours le foyer du dévouement et de la lumière.

Baron DU POTET.

AVIS.

La nécessité de ne point interrompre les articles de M. Petit d’Ormoy, qui expliquent la phase nouvelle dans laquelle est entré le Journal du Magnétisme, nous a forcé de suspendre la continuation du travail de M. le Dr Clevers de Maldigny, qui n’aurait pu paraître que par trop minimes fractions ; ce travail reprendra son cours de publication dans 'le numéro prochain, et sans interruption.

Baron DU POTET.

Le Gérant : HEBERT (de Garnay).

Pârit. — Imprimerie de Pouwut et 17, quai des Aogtutiju.

LE SPIRITUALISME EN FRANCE.

Suite (Voir le n. 229 de ce Journal).

Comme c’était à pressentir d’après son annotation , les témoignages décernés à notre inaccessible réfractaire ont fait fausse route ; ils ne sont pas allés à leur véritable adresse.

M. Hébert n’a jamais vu qu’une seule fois le grand romancier; ce fut en vous accompagnant dans votre visite à Balzac, à son arrivée en Russie, en 1842.

Nos antagonistes ont beau jeu !

Pourtant, à travers ces fondrières que nous essayons de rendre praticables, n’a-t-il pas surgi quelque chose qui mérite attention , et la lice (1) est-elle demeurée totalement à. nos adversaires? Examinons.

Lorsque nous eûmes causé, chez vous, du résultat de ces deux séances, M. de Malherbe m’a dit : « C’est moi qui connais Roger de Beauvoir ; c'est un de mes amis. L’erreur ne repose ici que sur une appréciation pur communication indirecte. »

M. de Malherbe, peut-être, a touché juste.

Nous exerçons tous un rayonnement individuel sur les gens que nous fréquentons ; nous recevons aussi la transfusion du leur (2) ; si bien que, de près ou de loin, nous trans-

(1) L’effet des dispositions insciemraent peu favorables (effet souvent fâcheux, ainsi que j’ai tenté de l’établir par des démonstration évidentes) ressort littéralement de l’influence du consultant, je pense, à cette plainte éloquente et signiHcative, exhalée par la manifestation: « Veux-.tu donc, pour croire, torturer un pauvre esprit qui ne demande que lumière? Et, la trouve-t-on sur la terre, le crois-tu? »

Cet effet se révèle également dans la forme des productions spiritua-listes. Leur élégance, leur richesse improvisatrice n'ont pas été ce qu'elles ont coutume d'être.On en jugera bientôt par la comparaison d’autres morceaux ués des mêmes auteurs, mais en des occasions plus propices.

(4) Aucun maguétiste no saurait récuser l’essentialité de cette force occulte, et je puis la démontrer iiceux qui l’ignorent.

Par une haute température, le 48 juin 1855, vers cinq heures du soir,

To.vk XV. — N“ *3*. — 45 Mars 1856. 6

portons une édition, ou pour lu moins un filon interne des personnes avec lesquelles nous vivons d’habitude. Eh bien !

M”10 Célénio de V", après avoir bu trente-cinq gouttes d'une teinture préparée par moi-méme, avait été laissée en compagnie de M“» M'". Au bout de peu do temps, cette seconde dame éprouva l’action narcotique ('} de l'influence de son amie, et finit par s’endormir. &lmo de V" se dégagea de l'assoupissement que j’avais provoqué chez elle ; sa crise disparut à mesure que les étreintes s’emparaient de sa victime; le dégagement se montra complet quand le sommeil lucide fut intronisé chez M“« M”-. Enfin, le complément de cette expérience, c’est que Mm'dcV‘" redevint légèrement entreprise à son tour , dès que Mmo M*” sortit do sa situation de voyance.

lin soir, ¡’expérimentais sur M. Charles do Vauréal dans l’atelier de son frère (**), en présence de deux artistes do mérite qui, pour développer plus vite et soutenir l'extension des facultés que je voulais surexciter, avaient l'obligeance de nous jouer des plus beaux morceaux des grands maîtres, sur le violon et le piano. Cette musique nous avait ordinairement secondés d'un concours très-avantageux. Cette fois, Charles venait de boire quarante-cinq gouttes de ma préparation : j’avais négligé le soin (si re-commandable dans ces essais par substances ingérées) do me placer dans l’état d isolement nécessaire. Ce jeune homme s'endormit, et moi, qui n a-vais rien pris, je ne tardai pas à succomber au sommeil aussi, pondant plus d’une heure et demie. Je me réveillai le premier et je décrivis à ces messieurs les troubles nerveux que j'avais essuyés. Quelque temps après, Charles, délivré d'un lourd coma, se plaignit de la non réussite de la seconde vue qu’il avait en vain espérée, et qui, ce soir-là, s’était changée en une longue névrose. La description qu'il en donna cadrait avec ma description personnelle, qu'il ne connaissait pas. Nftus avions été la proie des mêmes désordres, sous l'empire d'une même substance, qu’un seul de nous avait Ingérée: l'action, équilibrée sur un double théâtre, s’étuit réduite à des symptômes soporeux et spasmodiques.

Une autre fois, j’expérimentais sur trois personnes ensemble : Mme M***, M. Henry de Vauréal et son ami Alexandre Les résultats se dessinèrent en raison des idiosyncrasies. L'effet parut nul chez M. Alexandre, où domine l'activité sanguine, organiquement plusémissivc que réceptive. Chez Mmo M'**, nous eûmes un cortège de contrariétés capricieuses. Chez M. Henry, dans un calme contemplatif, plusieurs perceptions se succédèrent, enfouies qu’elles furent définitivement sous l'irruption incontestable de l'influence ambiante. Il subissait la pensée de Mme SI"', et savait ce qu’elle allait nous dire avant qu'elle ne proférât une syllabe. On s'en convaincra parce memento qu'il m'a remis, concernant cette intéressante notion physiologique.

« Juin 1855.

« J'ai pris la préparation avec Mm* XI“' et mon ami. Après avoir eu lé-

(•] Le caractère assez confiant du narcotisme est une espèce d'état magnétique, où l'alanguissemenl du corps coincide avec une excitation nerveuse.

(••) M. le vicomte Henry de Vauréal eat on des talents de ta France dans la statuaire. Charles se consacre «u* éludes médicales.

51. Hébert est votre gérant; il fut votre Mvc, et comme votre (Us d'adoption; M. de Malherbe, l’ami de M. Ro-

gèremcnt la tôle lourde, en fermant les yeux j’ai vu des images fantasmagoriques. Je crois que l'action de la substance a élé troublée parce que IHANT IMSS 1. ESPRIT DE M“* M'", je me suis aperçu Welle soupçonnait notre bonne foi ( ). Dès lors, l’action a élé décroissante.

* "• DE Vadrêal. »

"en|,y n eut pas plus tôt perçu la transfusion des soupçons de M“«M-qu’elle ...’adressa ces reproches très-amèrement: « Docteur'... c'est très’ mal! je n aurais jamais supposé cela de vous! Ces messieurs ont feini de boire leur dosa : mo, seule, trompée par un faux semblant, , ai bu la mienne.'... etc., clc. » ’1 la

J-eut-on douter de cette irradiation occulte et de son importance? Rappelons aussi que cet occultisme n’est que relatif

les sensitifs même de «o vie habituelle (ceux dont I impressonnabilUé g transcendants, comparativement à notre obi générale), ce rayonnement n’est plus occulte, mai, parfaitement visilu et d un aspect lumineux. Les lettres od.ques du chevalier de Reichentoch ont dissipé toute ombre d’incertitude sur cette vérité physique si peu ré pandue parmi les représentants de la science. ’ P ve~

Et ce rayonnement lumineux, configurant notre forme extérieure aussi .n ‘I» " -os qualités diverses les plus cachées (bonnes oumZ va.ses), peut plus ou moins laisser sa trace sur tout ce qui fut plus ou moins en rapport avec lui-même. i.usou

On sait qu'un lucide introduit dans un appartement... où n!était ver tonne , mais dans lequel , auparavant , on avait fait successiteLmt asseoir un individu sur six sièges différents, y vit six fois limage lumi rieuse de ce même individu, représentée en autant de portraits assis chacun sur un de ces sièges. ’ c a Dans un de ses envahissements magnétiques. M118 Octavip ali»;. i sur un fauteuil, quand (la Po?tuga?se) £ préSf qt, su" S

(•) Dans un vojage en Lorraine où m’avait conduil la mort d'un de me, in.» , . . mefntprédilc d'une façon d« plu, imprévue,, timi quc jt , ”0j 'IU1

cne.lbs une observation de ce genre, el bien Plo, émouvante. ' J

Dn de me, parents s’étonnait q„c je ne rejetasse poinl compte da délire „1,. • n ces perceptions singulières, non rare, a.u approche, du trépas Je ne nui d„ r je en n «primant qu’a moitié ma pensée, que, dan. ces circonstanc.,, de, mal.d “ entén ' dent et vo.ent rWem,n( ce que le médecin et le, autant, ne vol,,,! ni nontend l vl *7. r0BOn ' ans le temps, un de nos voisin, a p„r.|u „ f " V°'“

babitions la même maison , mais 4 deux étag» d'inleivalle. Des que l'érto'mTnV" î imminent, j emmena, chex moi ce voisin fort accablé. Je ne savais que lui dire l d i non me paraljsa.,, tellement qu’il m'écliappa l'une de ce, phrase, où l'e,pril «'’en défam-• Ne VOU' laissez pas abattre à co point!... PeuWtre qu’elle en reviendrai . N™ Ir ‘ a,s,s an fond de mon appartement, toule porte était close, et je ne parlai, „ ; 'ë'l0n' »ou. tl, bien I tout 4 coup la mour.nle ,e mit 4 crier de loule, se, force, ■ , Mo ^ p.'.“ »ou, monte,!... vous trompei mon maril c’est tris-,nai. Vou,savez bi»n oue ' "W"'r *« p.,1. Perinne ne pu, deviner comme.,., 4 deux éUg” au^, ! , J» n enretira-

ger de Beauvoir (que, nous, nous ne connaissons pas), est, chaque jour, le collaborateur de M. Hébert à son institut magnétique. Serait-ce forcer le raisonnement que d'entrevoir à ce creuset d’intimités réciproques les éléments diffus de cette voyance troublée, où l’on nous parle d’un «temple de docteurs » (les réunions de votre propagande magnétique ) , puis, de « cet auteur de si jolies nouvelles, » etc. ; (l’ami de M. de Malherbe) ? Je n’insisterai pas davantage :

là, quelqu'un de malade s’était reposé lout récemment. Ce diagnostic n’était que trop vrai; la malade (une jeune femme qui venait de sortir, et que nos yeux n’eussent pas soupçonnée en cette triste situation!) succomba peu de mois après.

Par le flair do ce rayonnement les sauvages reconnaissent non seulement le passage de leur ennemi, mais son état àj calme ou d’inquiétude.

C’est cette image lumineuse que saisit et fixe sur la plaque... sensitive... le miracle de la photographie.

Voici deux exemples de la perception de cette image... à distance.

La femme d’un conseiller d une cour royale magnétisait sa femme de Chambre, pour lui donner de la santé. Cette domestique devint somnambule : nul ne le sut, car le traitement s'opérait secrètement, afin d'éviter les plaisanteries. « Cette dame (*) se faisait ai,lcr par son mari. Un jour où la séance magnétique avait été accompagnée de fortes douleurs la somnambule demanda du vin vieux : le mari prit un flambeau et sortit pour en aller chercher. Il descendit le premier étage sans accident; mais la cave était située assez profondément au-dessous du sol, les marches étaient humides; .1 gl.ssa à moitié de l’escalier, et tomba en arrière sans se blesser et même sans éteindre la lumière qu'il tenait 6 la main. Cela ne l’empécha’ pas ensuite de continuer sa route, et de remonter avec le vin demandé II trouva sa femme m,truite de sa chute et de tous te, détails de son voyaae souterrain; la somnambule les avait racontés, à mesure qu’ils étaient arrives.....

« La femme d’un colonel do cavalerie, que son mari magnétisait dans des circonstances semblables, était aussi devenue lucide ; dans le cours de la cure, une indisposition le contraignit à se faire aider par un officier de son régiment; cela ne dura que huit à dix jours. Quelque temps après dans une séance magnétique, le mari, ayant mis sa femme en somnambulisme, 1 engagea à s'occuper de cet officier : « Ah ! le malheureux I s écria-« t-elle, je le vois, il està il prend un pistolet; courez vile...» Le lieu indiqué était à une lieue : on monta sur-le-champ ù cheval; mais quand on arriva, le suicide était consommé. »

par c- C"““L • -net*.

dipuli cU ta Scint, «le. Paru, 18M-J'aurais pu pui*r de ce. r.il.l m. propre *,nrce, miil ,«. mil.ns ne !onl im>i plel., e. le non, honorée ,oe y cil. „1 onc .n,ori,i. D'.iHeur. cert.,„. ouvr.ge. deviennent üej, r.re, el ne vont p.» entre le. m.in, du plu, gr.nd nombre ; il ne f-ol donc p„ cr.:ndre ,1 „nprunl.r 1 ce. ouvr.ge. d’une .incirW de, pin. pnrc4, cc on. de »lide, car le bon grain doit m Riucr dans le champ de toua.

chacun appréciera. Pour moi, j’en suis convaincu, l'état des curieux, en de telles consultations, est le phare ou l'ètei-gnoir des phénomènes de lucidité.

De son côlé, Al. Delaage , dès que je le revis, me répéta plusieurs fois : ,, (]e qui m’a le plus frappé chez M11“ Octa-Y.e, moi.... l’un des intimes de Balzac, c’est, pendant sa correspondance, l'empreinte de son masque sur la figure du médium, a

Mais pour M. Hébert, en fuit de spiritualisme, ces données, quelles que nous les interprétions, sont... néant!

Et vous cl moi, Monsieur, bien d’autres aussi, malgré ces difficultés, nous n’en continuons... nous n’en continuerons pas moins de croire.

Quelle conclusion abstraire de cette divergence?

Que la loyauté se trouve de part et d’autre.

Tâchons d’en convaincre le lecteur.

On l’a redit nombre de fois depuis M. deBonald : «L’homme est une intelligence... servie par des organes. » Au milieu de nos sociétés encore, et parmi les êtres les mieux doués , existe-t-il une exceptionnelle organisation que l’on offrirait comme un modèle parfait? Non, sous le règne d’une foule de causes dissolvantes, nous avons tous , par-ci, par-là, quelque endroit désharmonique, soit en plus, soit en moins.’ Nos facultés perceptives varient selon les inégalités de leurs appareils, comme l'usage de nos membres s’assujettit à l’état de leur complexion et de leur existence.

Vousn’exigerezpasdel’individuqui n’aqu’unbras, qu’il soit

tenu d’en mouvoir deux? 11 en est de même des fonctions de l’intellect : la pulpe cérébrale en forme le clavier. En thèse générale, la restriction des limites du front; leur étendue même, dont 1 élévation fuit et s’incline en arrière ; un vertex déprimé, sont des embarras philosophiques (1). Les types de la deuxième de ces trois catégories brilleront dans des acquisitions de détails ; mais la gande synthèse leur échoira

0) Heureusement que, chez eux, l’arrét de la nature n’est pas irrévo-MmmoMlent*' n0n0bslanl ,’4*c* on V réussit à révoill®r ** germes qui

plus difficilement. Ils auront besoin de l’irradiation héroïque de la volonté sur les vallées négatives, ou sur les plaines rudimentaires, avant d’y recueillir l’étincelle.

Des connaissances phrénologiques sont-elles donc indispensables à ceux qui s’occupent sévèrement de la bio-dyna-murgie ? Oui ! parce que l’examen du cerveau les guidera dans le choix de leurs sujets, et dans ce que l’on peut et doit attendre des diversités organiques de l’encéphale (1). Disons-le vite : le siège de La Spiritualité (2) réside au

(1) Des ouvrages spéciaux que j'ai parcourus, je recommande les Notions de phrénologie, par Julien Lu Rousseau.

(2) Des phrénologues l'ont dénommé lo foyer de L'Illusion; comme si La Souveraine Sagesse, Créatrice et Suprême Harmonie des mondes, dans le but odieux de nous tromper aux recherches de ses lois divines, avait perfidement voulu sceller en nous un faux guide, un outiljmensonger, un fonds d’égaremenls inévitables.

Au contraire, tous nos organes, à leur degri normal, ont une destination, une portée de perfectionnement de l’individu : leurs excès, leurs écarts, leur manque de développement, nous entraînent seuls loin do la raison. A ce compte, il n’est pas un de nos sens qu’on ne puisse intituler le théâtre des chimères.

On a calomnié la phrénologie, comme 011 a vilipendé le magnétisme. Assurémenl, elle n'est pas une science faile (quelle science entière possédons-nous?); mais elle témoigne déjà de données belles et bien posées.

Je n’ai guère que la topographie de cette étude, je ne m’exerce pas à ses applications; deux fois cependant, sans lo rechercher, j'en ai pu confirmer la justesse.

Quelqu'un, avec qui j’étais lié dopuis de longues années, provoque en plaisantant et sans y croire, mes explorations cranioscopiques. Je constate chez cette personne ce que je n'y soupçonnais pas. Elle se relève et, d'une aigre humeur de décontenance, elle me jette cet aveu naïf: 0 Ohl ce que vous me dites!., c'est parce que... vous me connaissez! » Depuis, nous no nous sommes plus revus.

En diligence de chemin de fer, je fus frappé du beau galbe de l’intelligence d’une jeune femme en face de moi. Plus tard, la conversation mecon-duisità lui dire: «Vous devez avoir des rapports avec le ciel! »Elle fondit en larmes, et, me considérant avec suprise, elle me narra le sommaire d'un horrible danger où, très-salutairement, elle avait eu, d'une apparition, avertissements et conseils. Cette jeune femme était la fille d'un capitaine de naviro marchand, du port de Cherbourg.

Une apparition! Cela fera rire nos exclusifs possesseurs du bon sens. Je les renvoie au docle historien qui réédifie, avec connaissance approfondie, les vieilles assises de nos annales nationales.

Voici l’une de ses notes à l'article de Jeanne-d'Arc :

« Il existe dans l'humanilé un ordre exceptionnel de faits moraux et physiques qui semblent déroger aux lois ordinaires de la nature : c’est

point de jonction de chaque partie médio-latérale supérieure

l'état d'extase cl de somnambulisme, soit spontané, soit artificiel, avec tous ces étonnants phénomènes do déplacement des sens, d'insensibilité totale ou partielle du corps, d'exaltation de l'âme, dc perceptions en dehors île toutes les conditions de ta vie habituelle. Cetle classe de fails a été jugée à des puinls de vue opposés. Los physiologistes, voyant les rapports accoutumés des organes troublés ou déplacés, qualifient de maladie l’état extatique ou somnambulique, admettent la réalité de ceux des phénomènes qu'ils peuvent ramener ù la pathologie et nient tout le reste, c’est-à-dire tout ce qui paraît en dehors des lois constatées de la physique. La maladie devient même folie à leurs yeux, lorsqu'au déplacement de l'action des organes se joignent des hallucinations des sens, des visions d'objets qui n'existent que pour le visionnaire, l'n physiologiste éminent a fort crûment établi que Socrate était fou , parce qu’il croyait converser avec son démon. Les mystiques répondent non-seulement en affirmant pour réels les phénomènes extraordinaires des perceptions magné-tii|iies, question sur laquelle ils trouvent d'innombrables auxiliaires et d'innombrables témoins en dehors du mysticisme, mais en soutenant que les visions des extatiques ont des objets réels, vus, if est vrai, non des yeux du corps, mais des yeux de l’esprit. L’extase est, pour eux, le pont jeté du monde visible au monde invisible, le moyen de communication de l'homme avec les êtres supérieurs, le souvenir et la promesse d une existence meilleure d’où nous sommes déchus et que nous devons reconquérir.

« Quel parti doivent prendre dans ce débat l'histoire et la philosophie?

« L’histoire ne saurait prétendre à déterminer avec précision les limites ni la portée des phénomènes ni des facultés extatiques et somnambu-liques ; mais elle constate qu’ils sont de tous les temps et de tous les lieux; que les hommes y ont toujours cru; qu'ils ont exercé une action considérable sur les destinées du genre humain; qu'ils se sont manifestés non pas seulement chez les contemplatifs, mais chez les génies les plut puissants et les plus actifs, chez la plupart des grands initiateurs; que, si déraisonnables que soient beaucoup d'extatiques, il n'y a rien de commun ESTRE LES DIVAGATIONS DE LÀ FOLIE ET LES VISIONS DES EXTATIQUES; que CCS

visions peuvent se ramener è de certaines lois; que les extatiques de tous les pays et de tous les siècles ont ce qu'on peut nommer une langue commune, la langue dos symboles, dont la langue de la poésie n'est qu'un dérivé, langue qui exprime à peu près constamment les mômes idées et les mêmes sentiments parles mêmes images.

« Il est plus téméraire peut-être d essaver de conclure au nom de la philosophie. Pourtant le philosophe, après avoir reconnu l'importance morale de ces phénomènes, si obscurs qu'en soient pour nous la loi et le but. après y avoir distingué deux degrés; l’un, inférieur, qui n’est qu'une extension étrange ou un déplacement inexplicable de l’action des organes; l'autre, supérieur, qui est une exaltation prodigieuse des puissances morales et intellectuelles, le philosophe pourrait soutenir, à ce qu'il nous semble, que l'illusion de l'inspiré consiste à prendre pour une révélation apportée par des êtres extérieurs, anges, saints ou génies, les révélations intérieures de cette personnalité infinie qui est en nous, et qui |iarfois, chez les meilleurs et les plus grands, manifeste par éclairs des forces lalentes dépassant presque sans mesure les facultés de notre condition

du crâne avec le siuciput ( le sommet central de la tète) ,

actuelle? En un mot, dans la langue de l'école, ce sont là pour nous des faits de subjectivité ; dans la langue des anciens philosophes mystiques et des religions les plus élevées, ce sont les révélations du férouer mazdéen, du bon démon (celui do Socrate), de l'ange gardien, de cet autre Moi qui n'est que le moi éternel, en pleine possession do lui-même, planant sur le moi enveloppé dans les ombres de celle vie ic'est le sens du magnifique symbole zoroastricn partout figuré 5 Persépollset à Ninlve; le férouer ailé ou le moi céleste planant sur la personne terrestre.

« Nier 1 action d'ètres extérieurs sur l’inspiré, ne voir dans leurs manifestations prétendues que la forme donnée aux intuitions de l'extatique par les croyances de son temps et de son pays, chercher la solution du problème dans les profondeurs de la personne humaine, ce n'est en aucune manière révoquer en doute l’intervention divine dans ces grands phénomènes et dans ces grandes existences. L'auteur et le soutien de toute vie, pour essentiellement indépendant qu’il soit de chaque créature cl de la création tout enlière, pour distincte que soit de notre être contingent sa personnalité absolue, n'est point un être extérieur, c’est-à-dire étranger à nous, et ce n’est pas du dehors qu’il nous parle : quand l'âme plonge en elle-même, elle l'y trouve, et, dans toute inspiration salutaire, notre liberté s'associe à sa providence. Il faut éviter, ici comme partout, le double écueil de l'incrédulité et de la piété mal éclairée : l une ne voit qu’illusions et qu'impulsion purement humaine; l'autre refuse d'admettre aucune part d'illusion, d’ignorance ou d'imperfection là où elle voit le doigt de Dieu, comme si les envoyés de Dieu cessaient d'être des hommes, les hommes d'un certain temps et d'un certain lieu, et comme si les éclairs sublimes qui leur traversent l'âme y déposaient la science universelle et la perfection absolue. Dans les inspirations les plus évidemment providentielles, les erreurs qui viennent de l'homme se mêlent è la vérité qui vient de Dieu. L’être infaillible no communique son infaillibilité à personne.

« Nous ne pensons pas que cette digression puisse paraître superflue; nous avions à nous prononcer sur le caractère et sur l'œuvre do ci lie dos inspirées qui a témoigné au plus haut degré les facultés extraordinaires dont nous avons parlé lout à l’heure, et qui les a appliquées ù la plus éclatante mission des âges modernes : il fallait donc essayer d’exprimer une opinion sur la catégorie d’êtres exceptionnels auxqueisappar-tient Jeanne d'Arc. n

(Histoire de France, tome 6, par Hbnrï Martin, 1855.)

Cotte note, quelque manière devoir que l'on en adopte (hors lo cas de délire, ici hors de saison), venge la question, des mépris et de la puérilité qu'on lui décerne trop généralement.

Puisque nous sommes sur le chapitre des apparitions, celle que rapportait une feuille publique de l'Ouest (¿« Commerce breton), est assez plaisante pour être communiquée aux amateurs de l'extrà-monde.

« Le Saint Valentin, do la Trinité, capitaine LegotT, est entré à Saint-Malo avant-hier. Le capitaine et l’équipage font des récits merveilleux qui sont 1 objet de mille commentaires. Voici lo résumé des rapports et des interrogatoires de l'équipage:

et l’on peut être certain que les tendances au spiritualisme s’élèvent ou s’abaissent au niveau de la saillie ou de l'affaissement de cette région.

« Etant dans les parages des Cosquets, on entendit tout il coup des voix étrangères retentir sans que l'on eût entrevu aucune embarcation aborder le nnvire. I.e capitaine regarda dans sa chambre et y aperçut une femme jeuneet belle, en compagnie d'un ours qui parlait. La femme adressaau ca-pitaineles provocations les plus agaçantes, auxquelles il résista obtinément. Alors parurent une autre femme et trois hommes qui furent bientôt réunis dans la grande chambre, et se firent bientôi servir à manger et à boire. I.e mousse déclare leur avoir versé à boire ; l'ours mangeait et buvait comme les autres. Une des femmes était vêtue de blanc, et portait des gants noirs ; l'autre, vêtue en noir, portait des gants blancs.

« Inutile do peindre la surprise et l'effroi de l'équipage. Comment ces personnages étaient-ils parvenus à bord, sans aucune embarcation visible? Les idées les plus fantastiques s’emparèrent bientôt de l'imagi-tion des marins. Ces femmes devinrent des sirènes, et cependant personne n'avait aperçu la moindre queue de poisson ; l'ours fut quelque chose comme le diable de nos vieilles légendes. Il parait cependant qu’un des hommes de l'équipage appliqua un coup do bâton fort peu fantastique à l’un des mystérieux personnages, mais celui-ci ne sembla pas 1 avoir senti, et cette circonstance redoubla l’effroi général.

« Ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que ces six personnes étranges ont disparu comme elles étaient venues. Lo mousse a déclaré devant nous que, longtemps après, on entendait des voix dans l’eau, à l’arrière, et que deux hommes ont suivi le navire à la nage sans l’aborder. Du reste, cet enfant, qui semble peu crédule, a pensé que c’étaient des gens qui faisaient de la physique.

n On so livre à mille conjecturés qui se détruisent les unes les autres.

o Le public appréciera, s'il peut. »

(Extrait du Journal de Seine et-Oise, 1«r octobre 1851.)

L'authenticité de ce récit dûment vérifiée, nombre de critiques, je le conçois, n'y voudraient accepter que le mirage d'imaginations en délire. Pourtant, pour lo rationalisme le moins clairvoyant, une telle interprétation serait-elle inattaquable, s’il s’agissait des visions d'un enfant on bas âge, apercevant nettement... des choses dont il n'avait nulle notion antérieure. et que l'usage et les années lui pouvaient seuls, ce semble, apprendre à connaître? Ces visions so sont effectuées.

Jérôme Cardan, auteur italien très-distingué, mathématicien et médecin du seizième siècle, a consigné dans l'histoire de sa vie (De proprià Vitâ liber), ce curieux don do sa plus tendre enfonce.

« Le second indice d une nature extraordinaire, écrit-il, s’est manifesté dans ma quatrième année, et a continué pendant trois ans. Mon père voulait que je restasse au lit jusqu’6 la troisième heure du jour, et lorsque je m’éveillais auparavant, tout le temps qui restait entre l’heure de mon réveil et celle de mon lever, se passait pour moi dans la contemplation d'un spectacle ravissant et miraculeux, qu'il ne m'est jamais arrivé d’attendre en vain. Je voyais passer devant mes yeux une longue suite de figures et d’images diverses, revêtues de forme dont l'apparence était celle de l’airain ; elles semblaient composées d'une multitude de petits anneaux

Quant à M. Hébert, m’en référant à sa profession de bio-

pareils à ceux dont on l’ail les cuirasses, ainsi que j'ai pu en juger depuis; CAR A LOB S JE SAVAIS PAS ENCORE VU DE CUIRASSES. Celle vision surgissait toujours à la droite do mon lit; elle s'élevait peu à peu et marchait lentement vers la gauche, jusqu'à ce que, ayant tracé un demi cercle complet, elle disparut. C'étaient des châteaux, des maisons, des animaux, des chevaux avec leurs cavaliers, des prairies, des arbres, des instruments do musique, des théâtres, des hommes de statures et de formes diverses, revêtus de costumes non moins divers; c’étaient surtout des musiciens armés de trompettes dont il me semblait percevoir le son par la vue, bien que mes oreilles ne fussent frappées d’aucun bruit. D'autres fois c’étaient des armées, des peuples entiers, des champs, des bosquets, do vastes et sombres forêts, des (leurs et des oiseaux de toute espèce, et mille autres choses existant dans la nature, mais que je voyais pour la première fois, toutès belles, bien formé.'«, et seulement dépourvues de couleur comme l’air dans lequel elles se jouaient. Souvent il arrivait qu'au lieu de passer professionnellement devant mon lit, cette masse immense d'objets divers se produisait rapidement tout entière et dispa-paraissait aussitôt, de telle sorte que jo saisissais d’un seul coup d'œil, ut pourtant sans confusion, les détails et l'ensemble de ce tableau magique. Tous ces objets étaient assez légèrement tracés dans l’air pour que la vue passât au travers et s'étendit au-delà; et pourtant les formes en étaient bien arrêtées, et ils se dessinaient distinctement dans une atmosphère partiçulière, composée elle-même de cercles visibles à l’œil et néanmoins transparents. Je jouissais avec délices du spectacle de ces merveilles, et je fixais sur celte vision des yeux si attentifs et si animés, que ma hière me demanda un jour si je voyais quelque chose dans l'air. Tout enfant que j'élais, j'eus la pensée que si je racontais ce que je voyais, l'auteur inconuu de ce prodige en serait offensé, et que je cesserais d’en èlre témoin; et comme j'ai eu, dés mon enfance, pour le mensonge, une répugnance que j'ai toujours conservée, je restai longtemps sans répondre. — Mais, mon (ils, ajouta alors ma mère, que regardes-tu donc si attentivement?... Je ne me rappelle plus quelle fut ma réponse, et je crois même n'en avoir fait aucune. »

Ces perceptions ultrà-fonctionnelles qui, pour le médecin Cardan, ne s’alfranclmsaient pus des idées superstitieuses de son époque, n’étaient, en dernière analyse. qu'UDe simple extension sensitive, fruit delà physiologie pathologique, avec faculté consécutive de pénétration du monde cccultu.

Des prédispositions héréditaires (*), unies vraisemblablement à des troubles encéphaliques de l’existence utérine, influences gestatives d'une mère adonnée à la colère (**), avaient fondé chez le fœtus une originelle surexcitation célébrale, avec suruutrition de quelques parties adjacentes. De là, pour l'enfant, une congéniale exaltation perceptive, activée par

(*) I*e père de Jérôme Cardan avait reçu, dans sa jeunesse, une grave blessure à la tôle : ensuite de celle atteinte peul-étre, il n’articulai« po nt librement la parole. Se* yeux étaient blancs et njetalopes, et sa vue se conserva tellement que, jusqu'il l'extrémité le sa vie, il ne fil jamais usage de lunettes. Célait un savant, toujours occupé de grands travaux intellectuels. Sa femme brillait par une grande mémoire, beaucoup d’esprit et de sentiments religieux.

(**) L'an et l’autre de scs parents s’abandonnaient i cette passion.

(/ynamiirr/istc (1), je le prie de consentir à ce que je lui dise : Ceux qui nient ies prodiges du magnétisme sont-ils dans le vrai, parce que le magnétisme n’a pu, jusqu’à présent., sortir vainqueur des luttes académiques ? Les magnétistes qui rejettent le spiritualisme parce qu’ils n’y croient pas , et qu’ils n’acquièrent ex abrupto tout ce que réclame l’inquisition d’un programme imposé par l’incroyance (2), n’ont-ils quelques liens de corrélation avec tous les négateurs haut-

l'alitalion prolongée après le réveil. De là, de même, au moment de l'enfantement. une chevelure longue, noire et crépue; première anomalie signalée par l'auteur parmi les étrangetés du pronostic de sa destinée. Anomalie rehaussée encore par un état de léthargie, suite do vaines manœuvres d'accouchement forcé, dans un travail do parturition qui dura trois jours (").

Joignez à ce commémoralif une constitution prononcée des organes de La Spiritualité (MervcillosUé) (*•), vous aurez la clef des contemplations de l’enfant prodige; voyances réelles et supérieures, et non divagations hallucinées.

Les médecins phrénologues et magnétistes ne s’en étonneront pas, bien que l’auto-biographe expose en ces termes ce qu’il regardait comme un mystère impénétrable :

« Le premier signe qui annonça en moi une nature en quelque sorte anormale, date de mon enfance même. Je suis né avec des- cheveux longs, noirs el crépus; ce que je considère, sinon comme miraculeux, du moins comme fort étrange, surtout h raison de cette circonstance que je suis venu au monde privé de mouvement, et sans donner signe de vie.»

Malgré mes explications, l’historique de ces apparitions ne perd rien de son prix. Il invite à réfléchir les gens qui se persuadent qu'il est plus facile à notre espèce de créer le trésor des merveilles naturelles que de les voir.

(1) Que l'on me passe le terme, qui, dans mon intention, sépare l'opérateur instruit des manipulateurs empiriques.

(2) Un sujet mis en situation tétanique par son magnétiseur cessait momdntanément d'être tétanisé, si la main incroyante de Magendie s'avisait de le faire mouvoir. Et l’aigle-pliysiologiste de conclure que le prétendu magnétisme arguait d'un phénomène faux ! N'est-ce pas là l'histoire du spiritualisme en ses mauvais jours?

‘ ') • Tentaliê, abortivis medieamentia fruitrà ortus juin ;... mater eonflictata tribut perpetuil ditbui inpartu;... natut ergù, ¡mit ù maire exlraettu tanquàm mvrtuui, etc. > (Cardan, De vitd

propviâ ¡.

(") Cardan ne dit là dessus que ce qu’il pouvait dire en son temps : un front large, et découvert tur la jonction des tempes : ( • Frvute latiore, et in laterilui ubi temporibia jungitur cepilUi unda. ») Si celle région eût été diprimée, il t'aurait indiqué.

Toute la force incombait à l’appareil de l'intelligence, le reste du corps ne présentait qu'on fléle Appendice : pelite taille; poitrine étroite ; extrémité* grêles ; santé mauvaise. (. Statura mtdiçerii ; pectore angaito atiqualiter ; brachiil admodùm tinaibae; infirmo Itatu ‘orporie. • J Il en est constamment h peu près ainsi, quand l'ensemble de l'organisme fonctionne sans pondération.

mi très qui ne savent encore rien de l’incroyable pouvoir humain ? Alexis, obscurci dans ses efforts de voyance à l’égard de la médaille remise par M. R. ; Alexis, abusé par l'irradiation de l’idée de M. Alexandre Dumas relativement au contenu de la pièce de cinq francs évid e, n’était-il plus individuellement Alexis? M. Hébert (ou tout autre expérimentateur des plus habiles) , annonçant d’avance à son audi-

toire...... des actes qui n’éclosent pas, et qui, chez ses

somnambules, sont quelquefois remplacés par des effets contraires, échappés de causes inappréciables, a-t-il perdu pour cela son identité personnelle, et ses sujets n’ont-ils plus la leur ? Enfin, pour nous rapprocher du sens mystique de la manifestation : les âmes ayant quitté nos conditions, et revenant y paraître semblables sous un organisme d’emprunt, doivent-elles nous sembler pareilles, en toutes choses, à ce que ces âmes ouï été dans leur native incarnation ? Un poète a fait ressortir cette différence :

L'esprit qui croit saisir la lueur éclipsée

N'étreint, comme lxion, qu’une ombre de pensée.

En descendant de son éther limpide, la lumière s’assombrit à l’épaisseur de nos ténèbres.

M objecterez-vous que dans vos leçons, sans recourir à des esprits étrangers, vous simulez, par une magie amusante, des reines, des marquises, des bergères, etc., qui, l’instant d’après, s’évanouissent avec l’hallucination de vos somnambules revenues à leur vie ordinaire ? J’ai déjà tâché de faire comprendre que cette suggestion n’est qu’une greffe, consé-quemment l’émanation étrangère des résolutions de votre esprit, portées par vos fluides extérieurs en C organisme soumis à votre domination ; greffe analogue à celle qu’entreprennent les esprits extrà-mondains.

Pour opérer la vôtre, il vous faut l’emploi de votre parole, — cette fille du verbe-principe ! — aidant votre pensée, cette parole secrète ! — toutes deux pro-créalrices (créatrices subsidiaires), à l'image de la création divine. Vos sujets alors font ce que vous savez d’avance qu’ils vont

faire. En est-il de la sorte pour les manifestations surgissant de leur propre essor, dessinant leur personnification réelle, ou celle de leur propre caprice (1), et se complaisant aux mille exubérances fortuites qui stupéfient les frivolités les plus incroyantes ?

(1) C’est ici le scabreux de la question. Comment peut-on s'édifier sur l'identité des personnages? line lucide m’affirme qu elle distingue du mélange à la lumière des esprits trompeurs, de quelque spécieuse apparence qu'il se couvrent. Cependant si l’on n’a pas de lucide, et même conjointement à ce moyen de contrôle, il est un critérium que je crois le meilleur.

Le tétragrainme qui forme notre vocable do La Toute Puissance, l'ap-pellatif de l'Absolue Vérité, le mot Dieu, prononcé non pas ininlelli-geinment et du bord des lèvres, mais d'un jet de l’âme, et dans la conscience de sa faculté d'aspiration vers le vrai; ce mot alors exerce, au cours de ces choses, l’empire d’un éclair irrésistible ("). La fraude se (rouble, se tait et se rétracte; la sincérité persiste avec calme, en vous laissant l’intuition d’une quiétude à laquelle on s'en rapporte.

J’ai la confiance que l’élan du cœur, se maintenant ainsi sur ses gardes, finit par amener et se rendre d'une facile accession les éIres chers qu’il appelle.

Pour les inconnus, c’est plus chanceux ; mulgré cela, par l’intermédiaire des rapports d'affection et de sympathie,—çuc l'on cultiveserait-il impossible d'étendre avec quelque sécurité ses relations? La prudence est de ne pas s’abandonner.

J’avais demandé, par cette entremise, la venue de Gall cl de Spurzheim ; il me fui dit que leur réponse avait été : « Qu’il travaille! »

On comprend effectivement que les âmes hors de la vie terrestre, pas plus que les hommes parmi nous, ne sont des jouets condamnés A la merci de désirs ou d'amusements sans vergogne. Inventeriez-vous un supplice comparable * la position d’un sort pareil?

Au surplus, les intrigues do l’ambition, les calculs do l’égoïsme, les intérêts sordides, les pantelants appétits de l’aveuir, n’ont rien à rechercher aux parvis de ce sanctuaire.

(*) Dos opposants m'ont dit : Pourquoi Dieu dans cette affaire? J’ai répondu : Pourquoi la cause en tout?

Si l’on ne croit pas h la possibilité, uon plus qu’k l’efficacité d’une atpiration vers La Cau.>e Supréuie, il est inutile assurément d’y recourir. Mais si l'on a cette croyance, on obtient de son appui ce qui vous fait défaut autrement.

Dan. une expérience récente où des doutes avaient surgi dans mon esprit, l’essor de ma volonté n’avait pas suffi pour noos éclairer. Nous passions outre quand, d'une ptniic mentale .*colemnt, ù Ciniu de toutl— j’eus l'idée d’agir comme je l’indique plus haut. La table, au lieu de continuer, balbutie, tergiverse cl s’arrête.

— « Comment! lui dit-on, nous ne pourrons pas savoir kquoi nous en tenir ?

— «C’est pourtant bien facile; hélas 1 de reconnaître la vérité. Mes phrases sont sans suite quand on m'ordonne , au nom du Souverain Maître , de parler... et de dire vrai! » (Cette réponse fut écrite d'un trait spontané, parla main de \lUaOctavie).

Drs voyants supérieurs protestent que par l’einltalion d’une foi puiuanli et d’un plein vouloir du bien, il nous est possible d’attirer h notre préservation, un effluve des limbes de la lumière diviae, comme il est facultatif au sujet maguétique de puiser de la force et du soutien au sein de son magnétiseur.

Non, certes ! Vous en avez eu la preuve désormais, et j’en pourrais centupler les citations.

Ecoutez-en quelques-unes que je vous prierais de m’expliquer par un système plus concluant que celui de 1 admission des esprits.

Au printemps de 1854, le médecin en chef d’un des hôpitaux militaires de Paris vint causer avec une de ces manifestations, s’annonçant l’esprit d’un Allemand. Nous étions deux personnes (ignorant cette langue), et le docteur qui se mit à la parler. Toutes les réponses à ses questions ne furent pas seulement des plus satisfaisantes, mais le phénomène présenta ceci de très-curieux : c’est que la table ne répondait à chaque interrogation qu’après avoir entendu, comme nous l’entendions, des coups très-nets, très-distincts, très-sonores, j’allais dire très-intelligents, dans l’épaisseur de la muraille (la partie de la maison que j’habite est isolée, et forme un coin de rue). Nous demandâmes ce que cela signifiait. La table répondit : « C/est un autre esprit qui me fournit les renseignements nécessaires ; je ne fais que vous les transmettre ; car, moi, je ne sais rien du sujet sur lequel le docteur m’interroge. *

Un soir, chez un de mes anciens condisciples, deux personnes et moi nous causions avec la maîtresse de la maison ; quelques petits coups, nettement frappés à ses pieds, dans l’intérieur du parquet, éveillèrent notre attention. L’entretien continua toutefois sans que l’on s’arrêtât à cet incident. Les coups se renouvelèrent avec un peu plus de force au même endroit. C’était vers le milieu du salon, la lumière se répandait partout, de sorte que , regardant les jambes de la société, je les examinais sans avoir l’air d’y prendre garde. On causa toujours. Les coups revinrent encore un peu plus forts et comme avec une douce volonté d’être remarqués.

— Entendez-vous? fis-je à la fin.

— Oui, répondit tout le monde.

— Madame , c’est à vos pieds que l’on a frappé par trois fois, avec insistance. Questionnons, si vous y consentez.

On se met à la table : elle se penche aussitôt... avec des

démonstrations de tendresse, sur les genoux de cette dame; puis, par l’usage de l'alphabet, la manifestation dit :

— ( Pauvre mère ! je lis tes préoccupations ! Tu penses à de l’argent!... »

— Il parle d’argent!... C’est un mauvais esprit! interrompt un jeune homme, en retirant précipitamment ses mains.

— « Ne l’écoute pas ! je suis un esprit de Dieu. Tu vois que je lis au fond de ta pensée, .le suis ton petit Gustave. »

— Gustave! C’est un des enfants que j'ai perdus depuis longtemps. Il n’avait que sept mois lorsqu’il est mort.

— « Je veille sur notre famille, et, pour que tu n’en doutes pas, je viens t’avertir que... demain de l'argent t’arrivera. »

M'"c *** hocha la tète, d’une façon fort peu convaincue.

Dans les quarante-huit heures, je revis ces personnes : la prédiction s’était réalisée. Il leur était advenu d’une main étrangère... que nous ne connaissions presque pas, et qui, je tatteste, se trouvait dans l'ignorance absolue de ce que je viens de raconter; il leur était advenu, de la manière la plus improbable, un billet de mille francs... tombé des nues, puis-je dire, fort à propos !

M. le comte d’Ourches pourrait, au besoin, certifier, aussi bien que moi-môme, le fait de cette historiette scrupuleusement véridique.

En 1853, chez le docteur ***, nous étions six témoins (quatre personnes de la famille, un jeune ingénieur et moi), lorsque nous entendîmes pour la première fois, comme cela se passe en Amérique, une voix humaine, d’ün accent strident,

NOUS PARLANT HAUT ET TRÈS-DISTINCTEMENT EN FRANÇAIS. Ce

soir-là, nous eûmes des coups frappés partout et si fort...

QUE LA MAISON EN TREMBLAIT ! C'ÉTAIENT DES CANONNADES ! M" *** en fut terrifiée.

Cet été, chez M“* C ***, deux femmes qui se détestent, s'étant rencontrées en visite, s’assiégeaient de semblants de gracieusetés, quand tout à coup, sans intervention risible, ni fraude, une voix, au milieu de la chambre, se mit à

faire d’un ton ricaneur : « Ohoh ! oh ! » Les deux visiteuses déconcertées se retirèrent avec embarras, en laissant Mme G *** toute stupéfaite de leur mésaventure.

Chez moi, pendant la nuit (de trois à quatre heures du matin), dajis le calme et le silence les plus complets, ce prodige se représenta. J’étais malade, et seul avec mon domestique occupé depuis un moment à me donner des soins ; ce serviteur, très-digne de ma confiance, entendit en môme temps que moi-môme, près de nous deux, une voix inconnue et bienveillante nous dire hautement et d’un ton doux : « Bien réussi ! » Tant mieux ! répondlmes-nous ensemble et sans nous émouvoir.

A Versailles, nous eûmes des scènes d’acoustique diverses (musique instrumentale, chants humains, pépiements d’oiseaux, douces mélodies, fanfares, etc.), dans des circonstances multiples et tout à fait inattendues. De délicieuses odeurs, parfums variés et des plus délicats, nous arrivèrent de même au sein d’un appartement clos à doubles portes, et strictement dans la retraite la plus intime. Après la venue de ces petits miracles, la table nous demandait comment nons les avions trouvés, et si nous étions contents.

Direz-vous que ce sont là des hallucinations ?

A votre aise!

D' CLEVER DE MALDIGNY.

[La fin au numéro proc/uiin).

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

IK MONDE DES ESPRITS.

Nous avons donné dernièrement quelques extraits d’un ouvrage d’Alphonse Esquiros sur la vie future. On a pu voir que le spiritualiste français, tout en démontrant le dogme de l’immortalité progressive, était fort réservé dans ses hypothèses sur l'état des êtres humains après la mort. Il ne sera pas sans intérêt pour nos lecteurs île comparer les inductions un peu timides d’Esquiros avec les données claires et positives offertes par le spiritualisme américain. De les écrivains enrôlés sous la bannière de la nouvelle doctrine, M. Robert livre est celui qui nous’paraît offrir le plus de garanties scientifiques. Il a été professeur de chimie pendant trente ans dans l’université de Pennsylvanie. Lorsqu’il commença à s’occuper des manifestations spirituelles, c’était avec l’intention bien arrêtée de dissiper ce qu’il considérait comme une erreur ou de dénoncer la fourberie des médiums. Mais il ne tarda pas à s’apercevoir que nulle théorie purement physique ne pouvait rendre compte des phénomènes. Il multiplia les épreuves : il construisit un appareil ingénieux, au moyen duquel il pouvait prévenir toute illusion et découvrir toute supercherie. Enfin il s’avoua vaincu et publia un livre dans lequel il racontait ses expériences. Il fit plus ; il comparut devant le public de New-York, au mois de novembre dernier, et confessa onvertement sa croyance aux esprits. De cette séance mémorable on pourrait dater l’alliance définitive du spiritualisme moderne et de la science.

Le livre de M. Hare est intitulé : Le Spiritualisme scientifiquement démontré. Les extraits suivants de cet ouvrage

font partie d’une communication que le savant professeur attribue sans hésiter à l’esprit de son père.

« Mon fils, en vous parlant des destinées de l’homme , je tâcherai, suivant l’étendue de ma capacité et d’après mes perceptions les plus développées de la vérité, de vous donner quelques notions aussi correctes et aussi précises qu’il me sera possible, de l’important sujet qui nous occupe. Le monde habité par les esprits s’étend de soixante à cent vingt milles au-delà de la surface de la terre ; tout l’espace intermédiaire, y compris celui qui entoure immédiatement cette planète, se divise en sept régions concentriques , nommées sphère^. La région adjacente à la terre , scène première de l’existence de l'homme , est connue sous le nom de sphère rudimentaire.

Les six autres peuvent s’appeler sphères spirituelles.

Les six sphères spirituelles sont des zones concentriques ou des cercles, d’une matière extrêmement raffinée, entourât.', la terre comme autant de ceintures. La distance qui les sépare est réglée par des lois invariables.

Je vous prie d’observer que je ne vous parle pas ici de vaines chimères ni de simples imaginations, mais de réalités absolues, aussi absolues, en vérité, que les planètes de votre système ou que le globe sur lequel vous habitez. Ces régions ont des latitudes et des longitudes, des atmosphères qui leur sont propres, dont les courants doux et onduleux produisent les ¡sensations les plus délicieuses et les plus vivifiantes. La surface en est couverte d’une immense variété de paysages pittoresques, de montagnes majestueuses, de vallées, de rivières, de lacs, de forêts et de tous les phénomè-mes qui correspondent, dans le sens spirituel, aux plus sublimes phénomènes de la terre. Les arbres et les plantes, couronnés d’un feuillage d’une exquise beauté et de fieurs brillantes et variées, exhalent les parfums les plus doux et les plus suaves.

L’économie physique et l’aspect des sphères diffèrent dans chacune d’elles. Des scènes nouvelles, augmentant toujours

en grandeur et en sublimité, s’ollrent sans cesse a nos yeux, à, mesure que nous progressons.

Quoique ces sphères tournent avec la terre sur un axe qui leur est commun et ne forme qu’un seul et même angle avec le plan de l’édiptique, elles n’attendent de votre soleil ni la lumière ni la chaleur, lilies sont éclairées et réchauffées par un soleil spirituel, correspondant à celui de votre planète, et dont la splendeur continue sc refuse à toute description.

En conséquence, nous ne connaissons ni divisions du temps en jours, semaines, mois et années; ni changements de saisons , occasionnées par la révolution annuelle de la terre. Nous ne faisons allusion à ces diverses époques que lorsque nous traitons des affaires de votre planète.

Quoique, comme vous, nous avancions sans cesse vers la perfection, notre appréciation du temps et des saisons diffère étrangement de la vôtre : ce qui est pour vous le temps est pour nous l’éternité. Dans la sphère rudimentaire, les pensées de l’homme, [soumises aux conditions du temps et de l’espace, sont limitées en conséquence ; les nôtres s’étendent à mesure que nous nous affranchissons de ces restrictions, et nous permettent d’arriver ainsi à une perception plus nette de la vérité.

L’économie politique des sphères se rattache seulement à ce qui tient aux richesses. Celles-ci, innombrables et accessibles à tous comme l’air et la lumière , sont à la disposition de tous les membres de la société, suivant leurs besoins et l’emploi qu’ils en veulent faire, toute demande recevant satisfaction égale.

La richesse, sur la terre, consiste en ces objets de nécessité ou de luxe qui ne peuvent se procurer que par le travail ou le capital. La valeur en est déterminée généralement par le temps et la peine que coûte la production. Dans les sphères , ces objets, existant à profusion , n’ont, de même que l’air que vous respirez, aucune valeur commerciale. Nul n’a besoin d’acheter. 11 n’a qu’à s’approvisionner à un fonds commun et inépuisable.

Chaque sphère est divisée en six cercles ou sociétés, formés d’esprits attirés les uns vers les autres par les lois de sympathie et d'affinité.

Quoique ces sociétés soient établies sur des bases à peu près semblables et offrent tous les mêmes traits distinctifs, cependant il est aisé de voir, après un examen plus attentif, que les variétés des caractères qui distinguent chaque société sont presque infinies, et aussi nombreuses, pour ainsi dire, que les individus qui la composent.

Chaque société a ses instituteurs , choisis tantôt dans des sociétés supérieures, tantôt dans des sphères plus élevées. Leur mission est de nous communiquer les trésors de science et d’expérience qu’ils ont acquis, trésors que nous transmettons ensuite aux esprits placés au-dessous de nous. Par cet échange continuel, nos facultés morales et intellectuelles s’élèvent à une conception plus haute et plus sublime des vues de ce grand Créateur qui déploie sa puissance non seulement au sein des sphères que nous habitons, mais au sein de ces orbes innombrables et resplendissants qui roulent dans l’espace.

Contrairement à ce que s'imaginent bien des personnes dans la sphère rudimentaire, nous n’abandonnons pas les études que nous avons commencées sur la terre, ce qui supposerait la perte de nos facultés intellectuelles, et nous constituerait vos inférieurs. Au contraire, nous allons progressant en science et en sagesse, et continuerons à, progresser ainsi, à travers les siècles sans fin de l’éternité.

Enchaînés comme vous l’ôtes à votre planète par les lois de la gravitation, vous n’avez nécessairement que des moyens limités d information ; tandis que nous, arrivés à une sphère plus haute de pensée et d’action, et ayant devant les yeux un horizon plus vaste, nous pouvons pénétrer plus avant dans les merveilles de la création, et nous élever de plus en plus vers 1 Ltre infini que nous ne devons jamais atteindre.

Nos recherches scientifiques et nos investigations s’étendent à tout ce qui appartient aux phénomènes de la nature,

à toutes les merveilles du ciel et de la terre, à tout ce qu’il est donné à l’esprit de l’homme de concevoir et d’embrasser. Ces travaux, en exerçant nos facultés, forment une part considérable de nos jouissances. Les sciences sublimes de l’astronomie , de la chimie , des mathématiques, engagent surtout notre attention, et nous offrent une source inépuisable d’études et de réflexions.

En outre de ces occupations, nous trouvons des jouissances inexprimables dans des réunions où assistent nos amis les plus chers, nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos parents. Là s’éveillent les émotions les plus tendres et les plus vives , là s’évoquent les souvenirs les plus doux, là régnent l’amour et l'harmonie, et les cœurs battent à l’unisson.

Cependant, il arrive souvent que des individus unis par les liens du sang ne sont pas attirés les uns vers les autres par des sentiments d’affection ou de sympathie. Quoique ces personnes se trouvent séparées souvent pendant un long espace de temps, elles ne laissent pas de se rencontrer quelquefois, celles qui habitent les cercles plus élevés ou les sphères supérieures descendant vers les sphères inférieures, dont les habitants ne peuvent s’élever à elles, jusqu’à ce ce qu’ils soient préparés pour cette transition, suivant les lois fixes et inviolables de la progression. La durée de ces séparations varie suivant les degrés relatifs des qualités morales et intellectuelles des individus.

Les liens de parenté, quelque faibles qu’ils soient, se maintiennent pendant l’éternité, lors même qu’une séparation plus ou moins longue interrompt les relations entre les individus.

Quant à ce qui concerne le mariage, je vous ferai observer que, sur la terre, c’est un acte civil, contracté par deux personnes , d’un commun accord ou quelquefois contre le gré de l’une d’elles, et annulé légalement par la mort d’une des deux parties. Cet engagement peut se renouveler dans le monde des esprits, si tel est le bon plaisir des contractants. Autrement, rien ne les y oblige.

Le mariage céleste cependant ne ressemble en rien au vôtre. C’est comme la fusion de deux âmes en une seule, résultant d’un amour réciproque ; c’est la conjonction des principes négatifs et positifs , formant un lien indissoluble , qu’aucune législation humaine ne peut atteindre ; c’est une union qui émane de Dieu même et qui est éternelle comme lui. On nous demande souvent : — Tout le monde sera-t-il marié dans le ciel? — Je réponds : Oui, certainement. L’homme n’a pas été créé pour vivre seul sur la terre et dans le ciel. Chacun cherchera et trouvera la compagne qui lui a été destinée.

Les esprits mauvais ou non développés se dirigent, en raison de leurs affinités, vers la seconde sphère, où ils s’associent et demeurent ainsi un espace de temps indéterminé. Cependant, malgré leur dépravation et l’obscurité morale qui les environne, ils finissent par ressentir les efl'cts de l’influence bienfaisante que les intelligences supérieures ne cessent d’exercer sur eux. Tôt ou tard, ils commencent à s’apercevoir de la position basse et dégradée qu’ils occupent. Alors, grâce aux moyens de progression qui sont sans cesse à leur portée, grâce aux nouvelles sources de contemplation et de délices qui leur sont offertes, leurs facultés se développent graduellement. Les grossiers penchants de leur nature cèdent aux impulsions de la raison, leurs passions brutales s’apaisent; ils aspirent à des associations et à des plaisirs plus élevés qui, à leur tour, engendrent de nouveaux désirs et de nouveaux sentiments.

Nous trouvons un plaisir extrême dans la pratique de nos talents en musique, et nos efforts laissent loin derrière eux ceux des plus sublimes génies de la terre. Quand nous nous réunissons pour adorer Dieu dans nos temples inondés de lumière céleste, nos voix entonnent des hymnes de louange et de gratitude en l’honneur de celui dont nous tenons l’être et tous les biens dont nous jouissons.

D'après tout ce que je viens de vous dire, il est aisé de s’apercevoir que nous sommes des créatures douées de fa-

cul tés morales, intellectuelles et sensitives. Au lieu d’être, ainsi que vous l’imaginez, des ombres vaporeuses et sans substance, nous possédons des formes tangibles et symétriques, des membres gracieux et arrondis, et cependant si subtils et si souples que nous pouvons glisser dans l’atmosphère avec une rapidité électrique. L’éclair peut enflammer l’horizon , le tonnerre retentir sous la voûte des deux, la pluie descendre en torrents, néanmoins, par un seul acte de notre volonté, nous nous transportons en sûreté à vos côtés.

Nous sommes doués de toute la beauté et de toute la vivacité de la jeunesse, et couverts de vêtements flottants, assortis au degré de raffinement de nos corps. Ces vêtements se composent de principes phosphorescents ; nous avons le pouvoir d’attirer, d’absorber ou de réfléchir les rayons de la lumière, suivant notre condition plus ou moins développée. Ceci explique la raison pour laquelle les clairvoyants nous aperçoivent sous différents aspects, depuis la teinte la plus obscure jusqu’à la clarté la plus brillante.

L’organisme spirituel est une forme humaine perfectionnée , analogue à l’organisation corporelle dans ses parties, ses fonctions et ses rapports. Le cœur bat en pulsations mesurées, les poumons remplissent l’office de la respiration, le cerveau développe le fluide magnétique dont les courants vivifiants pénètrent l’organisme spirituel. L’homme, dans l’état rudimentaire, se compose de trois parties : l’âme, l’esprit et la chair; dans les sphères, il est seulement âme et esprit. Arrivé aux portes de la mort, il se dépouille de la forme extérieure, comme il le ferait d’un vêtement usé. L’enveloppe grossière et pesante qui lui avait été donnée dans le but de développer son organisme spirituel lui devient inutile, et il s’en affranchit pour s’élever d’un essor plus rapide vers l’Être infini auquel il aspire.

J’appellerai maintenant votre attention sur quelques-uns des avantages qui doivent résulter de la communication avec les esprits. Par elle, le fait de l’immortalité de l’être humain devient une certitude, et la connaissance que le monde

acquiert de ce fait n’est plus le résultat d’une foi aveugle, mais d’une théorie positive. Par elle , les rapports de l'esprit et de la matière seront mis ii découvert, et les hommes deviendront des êtres pensants et rationnels. Par elle, des relations saintes et délicieuses s’établiront entre tous les habitants du globe et leurs amis dégagés du corps terrestre ; l’esprit humain se développera et s’affranchira de ses préjugés plus que vous ne le pouvez concevoir ; la fraternité et l’union s’établiront entre tous les membres de la famille humaine ; les principes de l’amour de Dieu et du prochain seront reconnus et mis en pratique. L’homme acquerra une idée infiniment plus élevée de Dieu et entrera en communication plus intime avec l’auteur de son être. La mort perdra son aiguillon, et le tombeau sera dépouillé de ses terreurs.

La doctrine du progrès sans fin de l’âme prendra la place des vieilles erreurs. »

(Nouvelle-Orléans, Feuilleton de la Revue de l'Ouest, 1«' mari 1856 .)

VARIÉTÉS.

Le Courrier du Bas-lthin, dans son numéro du 16 décembre dernier, rend compte d’un procès criminel qui s’est débattu devant la cour d’assises de ce département : le nommé Eugène Wilhelm était accusé d’avoir contribué à l’évasion d un prisonnier. Le journaliste, en traçant le portrait de l’accusé , trouve moyen de lancer quelques traits contre le magnétisme. « Fils d’un commissaire de police, Wilhelm avait, comme Figaro, exercé un peu tous les métiers. Tour à tour garçon de café , sommelier et soldat, il avait fini par s’établir à Strasbourg pour y exercer l’industrie un peu ténébreuse de dormeur-magnétiseur. A l’en croire alors, il jouissait de vertus occultes extraordinaires; il suffisait de quelques passes pour le plonger dans le sommeil magnétique, et dans ses crises somnambuliques, la seconde vue lisait dans le corps humain, caractérisait les maladies et prescrivait la panacée qui devait amener le soulagement et la guérison. La renommée avait rempli bientôt la ville des cures merveilleuses du nouveau thaumaturge. Assis mollement dans un fauteuil à haut dossier, dans une pièce où régnait un clair-obscur mystérieux, les paupières fermées, lair grave, il prononçait d’une voix traînante ses oracles, ainsi que le faisaient jadis à Memphis et à Delphes les pythonisses et les sibylles de l’antiquité. Et les niais d accourir et d’apporter discrètement leurs beaux écus sonnants au disciple de Mesmer. » Le journaliste termine ainsi son récit : « Pendant les débats, Wilhelm est resté calme : sans doute, la clairvoyance prophétique lui avait déjà fait entrevoir la décision des jurés qui ont rendu un verdict de non culpabilité. »

Al. Chalin, qui nous transmet cet article, nous commu-

nique en même temps la réponse judicieuse et incisive qu’il a adressée au rédacteur du journal : nous regrettons que son étendue nous empêche de la reproduire. Nous ferons seulement à ce sujet une petite réflexion. Ce ne sera pas la première fois que les détracteurs du magnétisme, en voulant le bafouer, lui auront été utiles. Que doivent penser les lecteurs du journal de Strasbourg ? Il nous entretient d’un homme que nous ne connaissons pas, qui n’est accusé en définitive que d’un fait arbitrairement qualifié de crime par le législateur : cet homme passe pour jouir d’une clairvoyance extraordinaire pour voir les maladies et les remèdes ; il n’est bruit dans la ville que de ses cures extraordinaires ; fort du témoignage de sa conscience, il paraît avoir prédit son acquittement. Avant de broder surtout cela des plaisanteries plus ou moins spirituelles, n’y aurait-il pas à s’enquérir s’il y a un peu de vrai dans tout ce que rapporte la renommée sur cet homme extraordinaire? Pour qu’il se soit acquis une telle réputation de guérisseur, ne faut-il pas qu’au moins quelques cures remarquables aient appelé sur lui l’attention publique en prouvant qu’il jouissait de facultés transcendantes, ou qu’il possédait des moyens de guérir inconnus aux médecins? N’est-il donc pas important de rechercher ce qui en est, et la science n’est-elle pas intéressée à une pareille vérification ?... Ne vaudrait-il pas mieux se livrer à cette étude que de chercher à nous égayer sur la forme du fauteuil du thaumaturge ou sur le ton avec lequel il donne ses consultations ? Ou nous nous trompons fort, ou les abonnés du Courrier auront retiré de la lecture de l’article un vif désir de faire connaissance avec le somnambule Wilhelm et d’observer de près les merveilles du somnambulisme. Sans nous préoccuper des intentions du journaliste, nous lui adressons nos remercîments pour le service qu’il rend à notre cause ; et chaque fois qu’il se passera dans sa localité un fait concernant le magnétisme, nous l’engageons à nous draper de la même manière.

— On lit dans YOpinione, à la date de Vigerano, 7 février :

« Avant-hier, au tribunal de Vigerano, s’est terminée une affaire qui a excité au plus haut degré l’attention publique. 11 s’agissait de deux villageoises toscanes, les sœurs Inno-centi, qui, par la force du magnétisme, ont réussi à dévaliser littéralement, près de Mortara, la maison des époux Maffei, qui étaient tellement émerveillés et ensorcelés, qu’il ne leur restait plus rien. Ces dames s’étaient introduites dans cette maison sous le prétexte de demander une adresse. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que la femme de Maffei a été dépouillée même de ses vêtements qu’elle portait sur elle. Les magiciennes, c’est ainsi qu’on désignait ces dames, étaient déjà parties avec un joli butin , quand quelques personnes du voisinage vinrent dans cette maison, et, après s’être assurés du fait, s’empressèrent d’aller chercher les carabiniers royaux de Mortara, qui, en un clin-d’œil, parcoururent tous les chemins des environs et surprirent ces dames et deux hommes avec une charrette sur laquelle on transportait les objets volés, au moment où ils allaient traverser le Tessin, près de Cassolo, et passer en Lombardie. Les débats ont entièrement roulé sur des faits qui paraissaient surnaturels, en sorte que l’avocat Borio, l'un des défenseurs, a rappelé très à propos ce mot de Prazio : Velut œgri somma, nova; finguntur species. L’autre sœur Innocenti était défendue par l'avocat Boldrini. 11 est bon que les populations se tiennent en garde contre ces manœuvres coupables. »

— Un acte de somnambulisme assez curieux s’est produit chez une jeune femme, mariée nouvellement, à la Croix-Rousse. La nuit même de ses noces, elle s’est levée sans que son mari eût osé la réveiller, et a appareillé et remis environ douze cents maillons destinés à un métier de cravates qu’elle devait faire aller quelques jours après. C’est là un fait qui mérite d’autant plus d’être cité, qu’il est probablement inouï dans les annales de la fabrique.

, (La Presse du 18 février.)

—11 y a quelques jours, dit l'ire impériale, M. le docteur Vignes, médecin en chef de l’hospice de Tarbes, a eu à constater dans son service un cas de catalepsie. Le malade était un soldat ; il est resté soumis, pendant plus de trente-six heures, à l’étrange affection qui suspend en quelque sorte la vie, et donne à celui qui en est atteint l’apparence d une figure de cire.

A peine l’habile docteur eût-il tiré le malade de cette affreuse situation, qu’on vint réclamer ses soins pour un autre militaire, qui était tombé en proie au même mal. La crise de celui-ci a coimnoncé il y a deux jours, et 011 dit que cet état d’immobilité et d’insensibilité n’a pas encore cessé.

On comprend facilement, ajoute Y Ere impériale, que la singularité de cette coïncidence a été pour M. le docteur Vignes un puissant motif de rechercher si ces deux accidents ne devraient pas être attribués à une seule et même cause. Puisse-t-elle ne pas venir des horribles substances dont certains débitants de liquides se serviraient pour falsifier leurs vins !

LE SPIRITUALISME EN FRANCE.

Suile. (Voir les n. 229 et 232 de ce Journal.)

Hume prétendait que notre inonde sublunaire n’est qu’une duperie, se repaissant de vaines apparences.

Mais parlons sérieusement.

Pour le physiologiste-rnagnétiste, qu’est-ce, aujourd’hui, que le phénomène appelé, par la science négative, hallucination ?

Est-ce un phénomène hybride, comme l’entend l’éclectisme (1) : Vérité, manifestation divine, quand il provient des hommes célèbres, ou des personnages de l’Ancien et du Nouveau-Testament ; folie, mensonge, quand sa naissance est ordinaire et profane ?

Ou plutôt, de l’avis d’un vrai penseur (2), n’est-ce point : « Une communication mal comprise, inconsciente, avec l’ordre invisible ? » •

Pouvez-vous douter de l’intégrité de votre raison et du bon sens des coopérateurs, lorsque vous examiniez ce spectacle curieux?

Et les choses dont il reste des vestiges indéniables, comme celles auxquelles vous avez participé, sont-elles de chimériques images ?

Voici quelques nouveaux exemples de ces œuvres qu’il faut avoir vues naître, — vous en êtes convenu, — pour se faire une idée de leur spontanéité d’éclosion , tout à fait imprévue du sujet aussi bien que des assistants. Vous le sa-

(1) Des hallucinations, par le Dr Brierre de Boismont; 2» édition. Paris 1852.

L’auteur, avec les meilleures intentions, s'est arrêté fatalement au seuil de la saine philosophie naturelle.

(2) Julien Le Rousseau, ouvrace cilé.

vez par vous-même, vous l’avez vu de vos yeux, vous l’avez entendu de vos oreilles : la main du médium part, rapide comme l'éclair; ou bien, recueillant auditiveraent ce qu’une voix prononce pour lui seul, la sienne le dicte avec aplomb et sans faillir, comme le ferait celle d’un professeur.

En voici pour dill'érenls goûts; choisissez!

C’est l'esprit familier de mademoiselle Octavie qui commence :

« L’auteur du Père Goriot vous salue.

« L’auteur de Sérap/iita vous vient instruire sur toutes choses, et sur l’esprit que renferment toutes choses !

« L’auteur du Lys (Unis la vallée vous vient dire de ne jamais méconnaître même un rien, quand il vient du cœur.

« L’auteur de Modeste Mignon vous vient défendre le trop grand attrait, le trop grand empire que l’inconnu exerce d’ordinaire sur les âmes sensibles et sur les cœurs d’une poétique tendresse.

« L’auteur de la Peau de chagrin vient vous dire de ne point trop souhaiter. La fée bonne se lassant, mauvaise fée pourrait , en échange des choses de vos souhaits, prendre chacune de vos heures. Ne serait-ce pas bien vite , et trop vite même escompter votre vie? L’esprit de Peau de chagrin, ou plutôt son essence, se trouve tout entière dans ces quelques mots. Je ne l’extrais que pour présenter à vos yeux, par la voix de la sagesse et de la raison, un mélange plus vrai, un tableau plus fidèle de ce qu’est notre vie , et des moyens qui doivent, seuls, composer et emplir cette vie !

« L’auteur de...

_ Est-ce que tu vas nous passer en revue tous tes ouvrages ? C’est qu’ils sont nombreux !

_« Non ! plus qu’une chose pour ce soir : un rien ! Une

feuille de chaque fleur par toi aimée ; une goutte de ces mille gouttes d’odbrante rosée, perle du jour, dont ces fleurs et ces feuilles se parent au matin ! Un rien, un souffle éveillant l’insecte reposant dans sa fleur; un soupir et tout ce qu’il peut dire pour faire taire et oublier un chant d’oiseau; uq murmure léger dans le feuillage (ébats joyeux et cachés

îles sylphes heureux) ; un chant de pastourelle écouté et entendu en de poétiques lieux.

« Je vois toutes choses vivantes et reposées ! Un beau jour de mai les vient parer toutes ; dans ce jour le torrent se fait plus menaçant pour devenir plus beau ; il doit célébrer, je gage, les myriades de fleurs qui supportent les rayons d’un ardent soleil, en baignant leurs têtes parées des couleurs du prisme dans son écume moelleuse, légère et douce neige d’été, qui leur vient donner la vie !

« Ce torrent ne vous semble-t-il pas un géant dans sa force, un génie dans son élévation, et un poète aussi grand dans ses adorations par la fleur, qu’un de ces héros antiques, Virgile ou Homère, devenus dieux par la consécration des souvenirs et des siècles? Ne vous semble-t-il pas, comme à moi, la personnification du génie qui chante, qui pleure qui adore, et qui apprend au monde entier, par son immense voix, qu’il sait attendre et aimer ? 11 ne reste menaçant, en continuant d’être poète, que pour les poètes-enfants’qui,’ lui voulant succéder, osent rêver comme lui la gloire et l'immortalité I « h. de Balzac. »

Faites donc improviser, par votre troisième degré magnétique; la touche fantaisiste de ce poëme !

Ou bien cette chanson d’une éloquence osée... sous les mots charmants d’une irréprochable simplicité :

« A la fontaine Du vallon vert,

Je vis Hélène Un jour d’yvert.

Turlu, torlou,

D'Hélène jolie,

Turlu, turlou,

Je fus très-jaloux.

■ Son cœur bien tendre Devint le mien.

Le temps... d'attendre !

Fut presque rien.

Turlu, turlou,

Hélène ma mie,

Turlu, turlou,

Sut me rendre fou 111

« Nos amourettes Vécurent là,

Toujours simplettes Même au-delà.

Turlu, turlou,

Hélène, ma mic,

Turlu, turlou,

Ce temps fut blon doux!

« François Ier. »

Ou seulement cette fable :

« II y avait une fois un cocon qui préoccupait, par sa blancheur et sa finesse, l’esprit de bien des demoiselles et de bien des sauterelles babillardes; elles l’auraient maltraité..." si elles l’eussent osé ! ! !

« Le jour vint où le cocon s’entr’ouvrit et devint, comme le nid de l’oiseau, l’abri d’un petit insecte qui reçoit de Dieu la récompense de sa soumission à l’obscurité : il eut des ailes brillantes et le pouvoir de voler dans l’air, dejse confondre avec les fleurs, et de puiser dans leur sein*le plus doux miel !...

« Chère petite, le cocon est l’image de l’être béni de Dieu, de l’être appelé par lui à traduire ses merveilles, ses imposantes harmonies, et attendre dans l’obscurité la récompense de son œuvre. « Balzac-Gaotier (1). »

Ces trois joyaux sont mieux venus que la dernière produc-

(1) Mourir, pour nous, c’est la métamorphose do l'insecte s’élançant de sa chrysalide. Le cimetière (mot synonyme de dormitoin), c'est le champ où rotourno à ses éléments notre habitacle de la terre, après notro spiritualisation... plusou moins éclatante, selon la série où nous transmigrons.

« La mort ne brise rien ! » nous écrivait uno de ces manifestations aujourd'hui si vulgaires.

Une autre à qui l’on reprochait le désaccord observé sou vent entre elles, ou bien entre leur langage et celui d’un somnambule, improvisa ce vers:

> Le somnambule cil homme, ot l'Eupril n’est p«s Dieu ! .

— Quelle serait la première condition pour améliorer l'humanité ? lui demanda-t-on.

— « Dépouiller l’homme des langes de la misère; car cllene produltquo la semence du vice. Une fois cela fait, le sol humain deviendrait plus propice, et ls bien y pourrait fructifier. »

Une autre, en prenant congé do nous, finissait ainsi :

« La plus pure jouissance pour l’homme, sur la terre, cstdanslo sentiment du devoir accompli. »

— Mais qu’est-cc que le devoir?

« Le devoir, en l'envisageant d’une manière absolue, est l’obligation

tion de nos deux séances, n’est-ce pas ? C’est que nulle entrave n’enrayait la verve des improvisateurs.

« Vous, Monsieur, qui professez une tendance à croire à... LA force vitale (1) . (terme panthéistique très-vague dès qu’il ne se rattache à rien d’essentiellement déterminé ; sorte de ferment générateur sans entité précise, sans dérivation spéciale, sans individualité positive; action chimique, synergie végétale, mmination mammifère, aussi bien qu’étincelle du génie (2) ; résolvez-moi, par cette force que vous ne spécifiez pas, le petit problème que je vais vous offrir.

harmonique du libre usago dos facultés humaines, mis en rapport d'équilibre avec la satisfaction des intérêts d'autrui.

« Le devoir, dans les conditions actuelles et toutes transitoires de la so-ciélé présente, c'est l'obéissance aux lois, mais en sachant user de toute initiative licite pour préparer à l'avenir le perfectionnement de la législation. »

(1) Paroles de M. Hébert à la réouverture de son cours, février 1856.

(2) Car la force vitale circule partout, infime dans le règne que nous qualifions inerte, parce que la vio ne s’y transmue qu'interstitiellement élémentaire. Consultez un lucide, il vous lo certifiera. Pas un atôme de la création qui, pour le voyant, no projette l’aigrette lumineuse de sa perspiration rayonnante, si faible qu’elle soit en sa proportion du degré potentiel-moléculaire. Les lettres de Reichenbach nous l'enseignent péremptoirement, et, pour mon compto, je vous en soumets encore une donnée pratique.

La mère de Mlle Octavie avait eu la curiosité d'essayer de mes expériences par l'alcoolé que je prépare. En dépit d’un stimulus fréquemment alimenté, les images ne se dévoilaient qu'avec lenteur et par un sillonne-menl fugace, bien que, de moment en moment, je me servisse d’un adjuvant électrique. Cette dame so désolait que le succès n'égalât pas ceux obtenus sur d’autres personnes. Mlle Octavie, qui venait d’entrer en voyance, me dit: « C'est grande peine perduo que d’agir comme vous le faites I Une abondante irradiation vous frustre, chez ma mère, par les extrémités inférieures. Placez-lui de l'or (•) à la plante des pieds, pour empêcher cette soustraction perfide. On suivit le conseil : aussitôt les effets furent manifestes. La force d'émission métallique (quoique à distance), développa dans chaque jambe le cours d’une vive chaleur, qui se répandit dans 1e reste de l'économie, et maintint la surexcitation encéphalique. Mais tout mon côté gauche, en rapport avec le sujet, fut frappé d’engourdissement et d’une profonde constriction douloureuse, que je pris pour une subite atteinte de rhumatisme, et que j'attribuais à quelque courant

(') Dam la supposition que le méial, i l'ilôt natif, soit doué d’une ébaucho vitale, objec-tcra-t-oii peut-être, il en est nécessairement dépourvu dés qu'il a passé par le travail de i'oinme. Non; rien ne meurtI... dam It tau abtoU du mot t les diverses transmutations que nous appelons mort», d’après notre langage conventionnel, ne sont que des étals différents, ayant chacun son activité relative.

M. Henry de Vauréal déclare (dans la note qui le concerne) qu'il voyait des fantasmagories.

On commettrait une erreur ( et je tenais à le prouver ! ) si, de cette expression, l’on inférait que les choses perçues en état de sur-vitalité cérébrale ne sont que des illusions. Voici le témoignage du contraire :

A la fin de mai 1855 , à Paris, Charles, par l’influence d’une ingestion de ¿0 gouttes de la teinture que j’essayais, se procura de nombreuses perspectives extra-terrestres, qu’il nous décrivit en majeure partie.

d'air, sans pouvoir découvrir d'où je le recevais. — « Vous vous trompez, dit Mlle Octavie; c'est le rayonnement de l'or qui vous parvient par ma mère. La nature de co rayonnement est trop forte pour vous ; quittez son voisinage et prenez en main une de vos plaques de cuivre rouge. » J’obéis et mon mal disparut. M. Hébert croit expliquer cette vertu spécifique des métaux par la sensation qu'occasionne leur différence de température avec celle du corps. Evidemment ce n'est pas cela, puisque leur spécificUS rayonne, quel que soit le terme moyen de leur échauffement ou de leur refroidissement, et même... à distance, ainsi que je l’indiquais plus haut. L'essentiel, c'est le choix convenable du métal.

Je veux finir par l’exemple d’un pouvoir magnétique provenant, je crois,, de la force attractive d’une masse liquide en mouvement, et que l'auteur de la relation prête à l'entraînement du... vide.

Un ancien officier de spahis, M. Hyacinthe Hecquard, qui, pendant les années 1850 et 1851,a visité des contrées africaines peu connues, remarqua sur le chemin de Timbo (Sénégambie) la belle cascade appelée dans le pays : Kombagaga ;

« Nous étions, écrit-il, sur les bords du Kokoula, dont la largeur est, sur ce point,, de « à 50 mètres. C’est un spectacle impossible à décrire. Précipité du haut d'une montagne, se brisant sur une quantité innombrable de cascatelles, entraînant avec lui tout ce qu'il rencontre sur soa passage, ce torrent court, mugissant, pendant un quart d'heure, sur un lit de rochers polis, traverse un défilé resserré entre deux montagnes abruptes, et so précipite tout ii coup dans un gouffre de plus de 100 mètres de hauteur, au fond duquel cette masse d'eau n'arrive qu’en pluie pour aller former un peu plus loin quinze nouvelles cascades dont la moins élevée a 3 mètres de hauteur. Alasane me conduisit dans divers endroits pour me faire contempler ce phénomène dans tou te sa mogniûcence ; mais lorsque je voulus approcher du gouffre pour en apprécier la profondeur, 11 me força à m'accrocher à un arbre »ur lequel il me retint fortement, pan. dant que je me penchais pour plonger dans l'abîme. Alors seulement je compris la crainte de mon guide, car à peine avaii-je voulu regarder au fond que je n'en pouvais plus détourner le» ïeüi ; j’étais saisi d’un vertige, et le vide M'aurait infailliblement attiré a lui, si je n’avais élé sauvé po» les sages précautions d’Alasane. » (Voyagei lur la côte et dans l’intérieur def Afrique occidentale. Parie, 1853.]

Huit à dix jours après, à Versailles, clans un entretien par le langage (les tables, une manifestation qui me donnait des conseils pour la réussite de mes tentatives, me dit avant de terminer notre conversation :

— « Charles vous a-t-il donné connaissance d’une personne qu'il a dû remarquer dans sa vision?

— « 11 a vu plusieurs personnes : sa mère, entre autres.

— Il a dû voir... un esprit voilé ! Cest un haut chef de légions d’esprits. Je voulais savoir si la vision de Charles avait été complète. Julie elle-même croyait que, sur la fin des phénomènes, il avait vu ce haut esprit ! »

A ma rentrée à Paris , j’interrogeai Charles. 11 me confirma l’exacte ponctualité de cette révélation, qu’il ne craint pas d'attester derechef aujourd’hui :

« 'l ont ce que M. le Dr Clever de Maldigny rapporte des expériences auxquelles je fus soumis est de la plus parfaite exactitude; notamment le fait (incroyable, selon les idées reçues, ) de l’apparition de cet esprit voilé, dont la révélation advint au docteur, par le langage des tables, à Versailles, le 3 juin 1855. J’autorise, autant que de besoin, l’usage public de la présente attestation.

« Ch. de Vadréal, élève en médecine. »

Expliquez-moi ce fait par une banalité de force vitale, puisque vous aimez mieux vous enclouer à votre stérile impasse , que de diriger le bio-dynamisme vers le champ des esprits, c’est-à-dire vers ces régions transplanétaires qui n'existent pas sans raison d’ètre, et qui semblent plus peuplées que nos milieux les plus grossièrement tangibles.

Rentrons, si vous l’aimez mieux, dans la voie terrestre de la bio-dynamurgie. Vous produisez des hallucinations, au troisième degré de vos leçons publiques ! Mais qualifierez-vous ainsi cette mission divine, ce pouvoir conservateur que la souveraine puissance accorde au cœur humain, par l'étincelle spirituelle de l’àme ?

Ecoutez !.. puis osez soutenir, après cela, que l'émanation

dont vous vous servez sans vouloir la connaître autant que vous le pouvez, n’est que de l’organisme.

Un excellent homme, M. A..., possède une jeune lucide, d’autant meilleure qu’elle est somnambule sans qu’elle s’en doute. Un jour qu’elle était en voyance : « Oh ! mon Dieu ! fait-elle, mon oncle est bien malade, et, par malheur, les médecins qui le soignent ne lui donnent pas ce qui convient. Leur médication tuera mon oncle, s’ils lui continuent l’administration du calomel. Mon Dieu!! mon Dieu! ! ! — Ne vous désolez pas : je vais vous réveiller, et nous irons ensemble chez votre oncle, afin d’avertir la famille contre le danger que vous reconnaissez. — On ne nous croirait pas, et l’on nous mettrait à la porte. — Comment faire alors? — Cherchez ! Une consultation doit avoir lieu demain matin, à neuf heures. Si vous voulez sauver mon oncle, il faut que vous me donniez la résolution et le talent de parler aux trois médecins, et la force de les convaincre. — Vous l’aurez. »

M. A... se concentre dans une de ses plus puissantes aspirations, en formulant du fond de son cœur une de scs plus fortes volontés ; puis, en imposant les mains à la jeune fille, il lui dit : De ce moment, voos avez ce pouvoir ! » Ensuite il la réveille.

Deux ou trois jours après, elle revient, et, sans conscience du rôle providentiel qu’elle joue en ces événements, elle aborde toute joyeuse M. A... « Vous ne savez pas ! Une consultation vient d’être faite pour mon oncle, que nous avons cru sur le bord de la tombe ! C’est bien drôle, allez ! Figurez-vous que, poussée par je ne sais quoi, je me suis avisée d’assister à cette consultation et de parler aux médecins. C’était plus fort que moi, je n’y pouvais pas résister. Messieurs, leur ai-je dit, vous voyez à quelle situation est réduit mon pauvre oncle. Il est perdu, si l’on continue à le médicamenter. Laissez-le huit jours tranquille. Surtout ne lui donnez plus de calomel... (je ne sais pas ce que c'est que ça, ni comment j’ai dit ça. Quelle idée! fait-elle en riant) ; et je sens là (montrant son cœur) quelque chose qui vous l’affirme par ma bouche 1 — mon oncle guérira. Tou-

jours est-il que l’on n’a rien fait, et que mon oncle va mieux. »

Effectivement ce discours, l’air inspiré de celle qui le débitait, l’étonnement à la révélation d’un médicament ignoré de la nièce qui le proscrivait en la maladie de son oncle , la position extrême du moribond, enfin la vertu de ce quelque chose agissant invisiblement ; tout cela fit que l’on adopta le conseil, et que le parent se rétablit.

Autre exemple du pouvoir de la foi, parvenue à cette hauteur d’inébranlabilité.

M. A... venait d’endormir son sujet :

— Attendez un peu ! Je suis triste ! soupire la somnambule.

— Pourquoi donc ?

— Une bonne vieille de ma connaissance est malade.

— Qu’a-t-elle?

— Je n’en sais rien.

— C’est bien embarrassant.

— Faites ce que vous avez déjà fait pour mon oncle : j’irai la voir, et tout ira bien.

Il survient à la pensée de M. A... de vouloir que, dans le trajet de la course, la jeune fille se munisse de ce qui doit convenir à l’état de la bonne femme. Ce qui fut voulu fut fait.

Dans la huitaine, la somnambule revint et raconta bientôt qu’elle avait eu la fantaisie d'aller voir son amie, en s'amusant à prendre un bien plus long chemin : « Cela m’a retardée de près de la moitié d’une heure ; je n’en suis pas fâchée pourtant ; en route, et grâce à ce détour, je suis entrée chez un bon fabricant ; j’ai fait l’emplette d’une livre de chocolat analeptique ; je me suis donné le plaisir de le porter à ma vieille —que j’avais trouvée souffrante! — et depuis, elle se relève. »

Que dites-vous de cela, Monsieur? Est-ce de l’hallucination? Est-ce une machine poussée par une autre machine, qui fait, de concert avec celle-ci, cet acte de dévouement et

d’intelligence? Oli ! certes, la main sur le cœur, vous ne le penserez pas!., et vous vous sentirez heureux de proclamer votre espoir (1) que, pour le bien opéré par vous sur cette terre d’épreuve, il vous sera possible, quand vous aurez rempli votre pèlerinage, de veiller sur votre femme et sur vos enfants (2) !

Ce n’est point une phrase vide que je jette ici dans la discussion, c’est de la physiologie, toujours de la physiologie : l'homme est un Cire affectif par excellence ; où ses simples perceptions ne suffisent pas, ses sentiments doivent s’illuminer, et lui raffermir la conscience des causes finales.

D’ailleurs, l’âme ne se révèle pas uniquement par ses œuvres terrestres ou posthumes (3), son objectif a positivement

(1 ) Les organes de L'Espérance (placés au sommet latéral du crâne, entre les organes de La Justice et de La Spiritualité, de chaque côté de LaThéo-sophie et de La Fermeté), ne sont pas non plus des indices menteurs sur la carte de nos prédestinations.

(2) M“' M"*, veuve et douée de très-grandes qualités d'obligeance, était sollicitée vivement en laveurd’une famille dans la gène. Mm* M'" venait de s’engager tout nouvellement pour une somme de 18,000 fr., afin d'aider les entreprises commircialcs d'un jeune ménage auquel elle s'intéresse. Je la priais, nonobstant cela, de disposer d’un millier de francs au secours de celle famille, si mon intercession n'avait rien d’indiscret. Je fus inopinément interrompu par deux coups très-forts (négation formelle dans notre langage des tables), frappés tout près do nous, sur la muraille, à l'intérieur de la pièce où nous étions réunis. M“* M‘" en fut interdite ; moi, je demandai ce que cela nous annonçait. La table écrivit : « C’est M‘*‘ (le mari de celte dame) qui conseille à sa femme de ne point céder à ta prière. »

(3) On ne lira pas sans intérêt ce qui va suivre. Anna , la somnambule de M. S. (de Passy), Be moquait, ainsi que son magnétiseur, de tous les récits sur le spiritualisme. Le 2 décembre 1854, étant en vision magnétique, rue des Pyramides, à Paris, elle parla de moi (j’étais à Versailles; elle no m’avait vu qu’une fois, durant un instant ; elle ignorait ce qui me concerne; elle ne connaissait et ne connaît aucun des miens). « Je ne l’aimais pas dans mon état de veille, dit-elle; ses discours me déplaisaient. En ce moment, je le vois; je vois également... (Elle désigne une personne que nous regrettons tous les jours.) Dans deux mois, continua-t-elle, je dois avoir une belle voyance ; je désire que ce docteur soit présent : il m’élèvera beaucoup. On m’avertit. Je n'eus garde d'y manquer. Le 2 février 1855, à l’heure indiquée, je venais d'entrer dans le salon; Mlle Octavie et sa mère étaient près du feu, d'un côté de la cheminée; assise au point opposite, Anna se chauffait aussi. Je me plaçais dans mon fauteuil, quand, tressaillant subitement, elle s’écrie: « Qu'est-ce que [j'entends? C'est comme le bruit d'un essaim d'abeillesI » Elle se raidit avec frayeur. — « 0 mon

été reconnu préalablement, à son départ du corps, vous ne l’ignorez pas. J’en transcris, pour le lecteur, les deux histoires consignées dans un livre moderne d’une véracité des plus respectables.

« Quand la vieillesse amène la fm d’une existence honorable, écrit cet auteur si consciencieux (1), la mort est plutôt paisible et solennelle qu’efFrayante et triste. J’en puis citer un exemple : Une femme de quatre-vingts et quelques années gisait sur son lit ; les médecins s’étaient retirés, car l’état de la malade n’offrait aucune ressource : c’étaient les derniers efforts de la nature expirante. Une somnambule que je magnétisais consentit à en être témoin. Elle s’approcha dans un recueillement religieux, et reconnut que la vie commençait à se détacher du corps : le travail se faisait dans les plexus, elle le facilita en magnétisant doucement. Quand la vie spiritualisée (2) se fut dégagée de ce premier lien,

Dieu ! moi qui ne crois pas aux esprits... c’en est un qui me parle (*)l.. » Elle se penche en écoulant. — « Il me confie son nom ! » Elle se penche davantage, et prononce, en cherchant à mieux ouïr: o Gé... Gérard... de... Nerval I » Que l'on s’imagine notre émotion. Anna ne s’était jamais douté qu'il eût existé quelqu'un de ce nom. — « Il était malheureux sur terre I... Il est décédé récemment I poursuit-elle, etc. » M. S. survint accompagné d'amis. Anna fut magnétisée par son maitre. Après une admirable lucidité dont elle émerve ll.i tout le monde, elle lit signe à M. S. de sc retirer : « Approchez, monsieur, me dit-elle (j'étais à l’écart, près d'une fenêtre); c'est vous qui me donnerez de l'élévation. » Je m'approchai. La scène à laquelle nous assistâmes fut une des impressions les plus inexprimables que j'aie eues de ma vie. Nous étions tous dans un saisissement que l’on ne décrit pas. J’ai mentionné cette scène dans ma première lettre.

— Avant d'être réveillée, Anna me prédit: « Du chagrin I... Une mort jeuneI — Oh 1 no vous en affligez pas, ajouta la lucide, on est mieux là-haut qu’ici I » Le surlendeiuaiu, le télégraphe électrique m’invitait à partir sans délai pour Nancy : le secoud de mes frères venait d’y mourir le jour même.

(i) Chardel, ouvrage cité.

(S) Ce savant nomme vie spiritualisée ce que , dans ma lettre précédente, j ai spécialisé sous la simple désignation de : « Le fluide ! i> C’est une émanation subtile de l'âme, combinée au fluide nerveux, qui se spi-ritualise en s’imprégnant du principe vital. Cet eflluvc alors contient et transporte notre volonté partout où lo besoin s'en présente.

(*) Depuis peu, dans le» exercices tabaliques, ¡1 en est h peu près ainsi pour M"* Octarie j tlie entend distinctement C esprit lui parler à Cortillt. Il eat présumable, en pareil cas, que le» mouvements de la table n'ont plus pour motif... accessoire, que d'entretenir au degré d'activité supérieure la tension du bio-dynamisme.

— ISO —

elle se réunit au cerveau, et, bientôt après, l'âme l’entraîna comme un voile lumineux qui l’enveloppait (1). Ce voile lumineux est précisément la flamme qui, dans l'exultation magnétique, retient l’âme incertaine; el les annales du somnambulisme pourraient rapporter plusieurs faits analogues. Un de mes amis m’a raconté l’anecdote suivante :

« Une jeune personne, tendrement aimée de ses parents, mourait à quatorze ans, après avoir épuisé tous les secours de la médecine. Mon ami avait une somnambule très-lucide, on le pria de l’amener ; mais à peine fut-elle entrée dans la chambre, qu’elle dit... en s’arrêtant : La malade expire, il n’est plus temps ; son âme l'abandonne, je vois la flamme de sa vie qui se détache du cerveau. En effet, il ne restait plus qu’un corps inanimé :.tout était fini. »

L’âme n’est donc point un mythe : ou aperçoit SON objectif , c’est-à-dire son vêtement , son atmosphère lumineuse ; on sent son être actif. Telles sont ses qualités essentielles et primitives, tel sera le sens expliqué de cette phrase de Bulfon : « Il nous est impossible d’apercevoir notre âme autrement que par la pensée. »

Une brochure toute fraîche, de M. Buret, publie qu’il a vu ces esprits dans notre air ambiant : « Ils ont, écrit-il, la forme de petites sphères plus ou moins grosses. Ils courent isolément... ou au nombre de plusieurs ensemble... Ils sont, la plupart, d’un blanc opaque et comme argenté, etc. » — «L’on trouvera sans doute étrange que ces êtres (s’est-on empressé de lui répliquer), ayant une forme déterminée et des couleurs; devant, par conséquent, être visibles pour tout homme ayant des organes de la vue bien conformés, ne puissent être aperçus que par M. Buret et quelques-uns de ses amis, et se

(1) L'objectif seul de l’âme, ou, si l’un préfère, son effusion immédiate, son premier procédant, son auréole enfin fut visible; quant à l'essence concentrique, la lucide, remarque autre part ecl écrivain, l’avail sentie spiriiuellement... d une MANIÈRE positive... qu’aucune expression connue ne pouvait rendre... La sensation que la vie xpiritualisée donne en s écliap-panl du corps , esl celle d'une lumière blanchâtre enveloppant. Un être actif I » (Esquisse de la mature humaine, expliquée par le magnétisme animal. Paris, 1S26.)

dérobent au commun des hommes. » Cette critique n’est-elle pas un peu légère? N’objecte-t-elle pas à la vérité d’un phénomène réel, ce que les magnétiseurs reprochent aux antipathies de leurs adversaires ?

Je ne connais pas M. Buret; j’ignorais qu’il eût vu... ce que j’avais vu, ce que d’autres verront, c’est présumable, s’ils y procèdent convenablement. Voici comment cette constatation m’est tombée en partage, depuis deux ou trois ans.

J’étais hors ville, dans un lieu découvert ; la tête nue, je regardais l’espace au-dessus de moi ; ma pensée errait sans objet précis. Soudain il me sembla remarquer, à ma grande surprise, une quantité de perles brillantes, s’illuminant à mon regard, et voltigeant de çà, de là; s’élevant, voyageant à des distances qui m’échappaient. J’étudiais déjà le magnétisme, et je me dis : C’est là le dégagement de mon fluide extérieur ; ma vue, appropriée pur une contemplation suffisante, parvient à le distinguer d’une manière nette , comme le font les somnambules. Je recommençai différentes fois l’expérience, en plein jour : elle ne manqua jamais, quelle que fût la constitution atmosphérique. D’abord on ne voit rien ; ensuite, par l’effet d’une certaine durée de l’attention, l’œil projetant, je pense , un effluve plus actif, quelques points sombres et mobiles se détachent du vague ; puis enfin ils s’éclairent, et leur nombre augmente.

La publication de M. Buret m’obligeait à questionner sur ses interprétations et sur la mienne. 11 me fut répondu : « Ces globules aériens sont vraiment des âmes ; ce ne sont pas des âmes élevées, mais celles aux environs de votre globe, dont elles ne quittent l'atmosphère qu’à mesure de leur épuration. Les âmes des régions au-dessus, dans leurs communications terrestres, ne sont visibles qu’à ceux auxquels elles se dévoilent spécialement.

— « Toi, dis-je à Dormond, occupes-tu les environs de la terre?

—• Oui, les couches les plus hautes.

— « On peut te voir ?

— « Certainement.

— " Alors, parmi tous ces globules, fais-moi reconnaître le tien.

—« Je te le promets. ->

Le surlendemain, je sortis par une belle journée : au lieu convenu, je me mis à regarder. Le soleil brillait très-vif, la température était douce, chaude môme, et l’air déjà parfumé des haleines du printemps : soit pour cela, soit par une autre cause , je ne vis jamais tant de ces miniatures mouvantes , plus agiles, plus riches d’étincelles, et plus petites dans leur dimension ; ce qui les rassemblait en quantité plus dense. Je me délectais au plaisir de cet écrin délicieux, quand une pensée me souilla le conseil de regarder plus haut. Je renversai la tète en arrière, et... tout au zénith... j’aperçus... (je dirai quoi dans la minute).

Après ma promenade, on appela Dormond. En accourant avec force cabrioles et gambades joyeuses , il me dit devant M°" F... et ma sœur : « Tu as dû me voir lorsque tu regardais au-dessus de ta tête : je suis descendu en tournant et en te faisant des,signes lumineux ; la bulle était bleue , nacrée de rouge tendre. » C’était exact : au plus haut que portassent mes regards, cette bulle était venue s’épanouir comme une de ces jolies étoiles roses de nos feux d’artifice.

Fabricmido fit faber. En s’exerçant à l’obtenir, les contemplateurs les moins prédisposés parviendront à ce dévoilement.

On est allé bien au-delà, vous le savez encore : de l’antiquité jusqu’à nous, des voyants des premiers âges et des lucides modernes témoignent de la visibilité de l’objectif suprême , qu’ils nomment le soleil spirituel, dont les soleils astraux ne reflètent que d’infiniment pâles rayons. Me demanderez-vous si cette vue me semble réelle ? Oui ! vous répondrai-je : tout, dans les conditions concordantes, doit être visible, ou sensible, du plus haut au plus bas. Tout se relie de La Cause aux conséquences ! Remontons la filiation , et nous atteindrons au sommet : ce théorème est rigoureux. On dévoile sans beaucoup de peine , je l’ai dit, les objectifs des existences diaphanes qui nous environnent ; de même, les

voyances sublimes peuvent arriver à. découvrir les sublimités. Rien n’existe qui ne doive être vu , qui ne puisse être senti ! Sentir, c’est le rôle initial de la vie.

Ainsi que l’histoire des millions de siècles (1) de notre planète est écrite en ses entrailles, comme le prouve la géologie; la prédestinée de notre reliement (religion) au Principe Unitaire, Créateur Absolu des mondes, est insérée en notre organisme, la phrénologie nous l’apprend. La lettre de cette bible divine demeure muette au fond de bien des atrophies : c’est la faute humanitaire, et non celle de la nature.

Si les organes de La Spiritualité, ces ailes terrestres de l’homme interne, occupent les caps avancés de l’orient et de l’occident de nos voies perceptives les plus transcendantes, comme deux avenues d’en haut, ou deux clairières vers l’immortalité, n’oublions pas que le couronnement de toutes nos facultés, l’axe de leur gravitation convergente, l’organe de L’Unitéisme (La Religiosité, La Vénération, la Théoso-phie), plane au centre de nos divers appareils, comme l’U-nité Toute-Puissante, à laquelle il tend naturellement à nous relier, domine et possède toutes les forces, toutes les œuvres issues et tributaires de sa création (2).

Le premier de nos contemporains de libre savoir et de raison éminente qui n’ait pas craint de sortir ouvertement des préjugés de l’Ecole autant que des prohibitions de l’an-

(1) Le Nil a consommé plus de quarante mille ans pour transporter les terrains nécessaires à la formation du sol actuel de l'Egypte. (Géologie de la période quartenaire, par H. Rkboul, correspondant de l’institut.)

lin ouvrage en train de publication, et propre à rectiQer, parmi los masses, bien des idées do la chronologie traditionnelle, c'est le Monde avant la Création de l'homme, par le Dr W. F. A. Zimmekhass. Paris, 1856.

(2) « La foi inlégrale, se coin|>osant de la double adhésion de l'intelligence et du cœur, n'a pas encore pu exister dans le monde. C'est principalement par un sentiment vague de crainte ou d'cspérance que l’humanité a cru jusqu’à présent ; ce qui indique que La Vénération a joué un rôle fort important dans la religion. Désormais, il en sera autrement, car la foi s’appuiera exclusivement sur la science, sa base naturelle; et le sentiment d'adoration n’étant plus ébranlé par les doutes et les assauts de \a raison, pourra s'élever jusqu'au ravissement, jusqu'à l'extase, sans craindre de tomber dans les illusions superstitieuses.» (Julien Le Rousseau, ouvrage cité.)

cienne Société du Magnétisme, si sévère contre les expériences en dehors de leur application au traitement des maladies ; Cbardel, que vous vous plaisez si justement à louer dans vos leçons, n’a-t-il pas publié ces lignes, que vous ne pouvez, que vous ne voulez mettre sous le boisseau ?

« Plusieurs somnambules, dans C état lucide, ont vu le soleil spirituel , et pour ceux qui croient à l’immortalité. les phénomènes que je viens d’exposer doivent paraître conformes à la nature des choses. Je terminerai ce chapitre en rappelant que, il y a plus de deux mille ans, Platon, instruit par une intuition semblable à celle de Swedenborg , avait aussi déclaré que te monde spirituel était le monde des causes, et la terre celui des effets ; qu’il était éclairé par un soleil d’une nature différente du nôtre; que sa lumière était d’une pureté dont rien n'approche, et qu’elle était la source du bonheur et de la vérité. On voit que ces révélations sont en tout conformes à celles du prophète suédois (1). Elles paraîtront bizarres à ceux dont elles contrarieront les convictions matérialistes ; cependant il faut reconnaître que les phénomènes du somnambulisme lucide y ajoutent de puissantes probabilités. »

Est-ce avancer par là que, du soleil spirituel, il n’émerge pas des immensurabilités d’inépuisables horizons? L infini possède seul l’infini ! Pour nous, créatures visiteuses de la terre, ce qui paraît indubitable jusqu’ici, c’est uniquement la perspective sans bornes d’une suprême image de sur-lu-mière inénanarrable, épanchant l’irrésistible sentiment de l’amour et du respect de La Cause de l’univers. Les magnétistes ne peuvent pas plus nier cette image, qu’ils ne nient la visibilité du fluide magnétique pour la voyance de leurs sujets.

Revenons au spiritualisme.

Les esprits, à ce que prétendent et semblent démontrer

(1) «Pendant les extases de Swedenborg, la terre disparaissait à ses yeus.

Socrate aussi, dans cet état, cessait de la voir. »

« Swedenborg assure que c’est du soleil spirituel que l’Ecriture parie quand elle dit que les saints verront Dieu face à face. »

les phénomènes actuels, vivent hors de l’enveloppe charnelle, en y conservant la faculté d’effusion et de communion sympathiques, et la possibilité d’y réengendrer, visiblement pour la raison, des preuves palpables de leurs actions distinctes, moyennant la condition voulue. Hors de ladite condition , ces actions se passent au-dedans de nous-mêmes, sans que 1 immense généralité des hommes en aient conscience. Alors ces forces agissent en eux, — suivant la qualité de nature! — comme cette jeune femme, que nous avons vue à Paris, agissait sur ses prodigieux petits oiseaux, en leur infusant, par irradiation volontaire, une science si jolie, si sorcière, et nullement magnétopliobe. C’est de cette manière que la servante de M- M*** fut dotée subitement du magique talent d’écrire, pour s’adresser cette leçon morale : « Jeannette est une menteuse ! »

Ne vous paraît-d pas que cette physique, — acceptable pour le raisonnement plus en lumière ! — est logiquement et matériellement déduite ? Voilà ce que je dis à M. Hébert, en le félicitant de sa persistance à n’enregistrer sur ses tablettes que les faits susceptibles du contrôle... humain, sinon encore personnel.

On me reprochera d’avoir été prolixe, je n’ai qu’une excuse : avec toute estime que de droit envers les travaux du magnétiste, j’ai voulu combattre, autant que j’en suis capable, ce que je crois ses erreurs. J’ai tâché de le convaincre, parce que, si je suis dans le vrai, la conversion que je tente est capitale ; car l’homme qui prend charge de répandre la parole ne doit, à titre quelconque, mêler l’ivraie à l’ense-mensement des préceptes.

A vous, Monsieur, j’ajoute en reprenant haleine : dorénavant , je 1 espère, tant que, par des preuves patiemment et sincèrement passées à rélamine, on n’aura pas éliminé celles que fai recueillies dans une longue et patiente étude, on ne nous taxera plus d’idées gratuites, de superstition burlesque, d’hypothèses de sentimentalité.

Selon ces preuves, des êtres, dans notre voisinage mysté-

lieux, vivent avec nous (1), et peuvent abuser «le notre aveugle obéissance à leur occulte suggestion. Ces êtres, dans leur état de transformation et d’existence actuelle, sont, pour la plupart du moins, nos prédécesseurs en ce monde (2). Ils peuvent revêtir l’aspect et prendre le langage qui leur conviennent. Telle est la source des oracles du passé, transmettant leur parole anonyme sous le voile et sous l’épouvantail de Dieu (3) : la foule de nos devanciers devait s’y laisser prendre ; la terre avait à mûrir au soleil de l’entendement.

(1) Ce sont les dièses et les bémols f) de nos gammes concertantes à travers les secrètes affinités de la cosmogonie.

En ce sens, ils revendiquent l'application do ces paroles :

« Ce pouvoir plus ou moins élevé des mondes....., selon le degré de

leur place dans la hiérarchie...... planant et s'exerçant, non seulement

sur les groupes ou mondes immédiatement subordonnés à eux, mais encore sur ceux qui sont plus bas placés, s’exerce sur la terre. » (Théologie cosmogonique, ou Reconstitution de l'ancienne et primitive loi, par D. Kamée. Paris, 1853.)

(2) Une équitable insertion au bulletin des premiers défricheurs de cette voie neuve, revient à M. Alphonse Caliagnct.

(3) Suivant la Genèse, quand Jacob, après avoir fait pass;r à sa famille le gué de Jaboc, y fut demeuré seul :

« Il parut en même temps un homme qui lutta contre lui jusqu’au matin.

« Cet homme voyant qu’il ne pouvait le surmonter, lui toucha le nerf delà cuisse, qui se sécha aussitôt.

« Et il lui dit: Laissez- moi aller, car l’aurore commence déjà à paraître. Jacob lui répondit : Je ne vous laisserai point aller que vous ne m'ayez béni.

« Cet homme lui demanda : Comment vous appelez-vous? 11 lui répondit je in'apiK'.lle Jacob.

o Et le même homme ajouta : On no vous appellera plus à l'avenir Jacob, mais Israël (") : car, si vous avez été fort contre Dieu, combien lo serez-vous davantage contre les hommes ?

« Jacob lui fit ensuite cette demande : Dilcs-moi, je vous prie, comment vous vous appelez? 11 lui répondit : Pourquoi demandez-vous mon nom? Et il le bénit en ce même lieu.

« Jacob donna le nom de Phanuel à ce lieu-là, en disant : J’ai vu Dieu face h face, et mon âme a été sauvée.

« Aussitôt qu'il eut passé ce lieu qu'il venait de nommer Phanuel, il vit le soleil qui se levait | mais il se trouva boîteux d'une jambe.

o C'est pour cette raison que jusqu'aujourd’hui les enfants d'Israël no mangent pas de nerf de la cuisse des bêles, se souvenant de celui qui fut touché en la cuisse do Jacob, et qui demeura sans mouvement. » (Chap. xxxu, vers. 24, etc.)

(•) Les «nges d'en haul et les anges d'en bas, dans la tradition biblique.

(*') Etymologie hébraïque : Sara, combattre. El, Dieu. Oui vrivaul contre DUu.

L’Ecriture ne nous l’enseignc-t-elle pas? « Les premiers seront les derniers! » 11 ne s’agit que de comprendre.

Je me sens ici sur un terrain délicat : je ne voudrais heurter l’arche sainte d’aucune placide conviction. Chacun a droit au respect de sa foi, dès qu’elle ne blesse autrui (1). Loin de moi l’odieux désir de harceler les réserves inoflensi-ves, s’inquiétant ii l’endroit du magnétisme il cause des foudres que lui lance une portion du clergé (2). Ce n’est qu’aux fauteurs de malédictions sous la prétendue main du Christ, que je ne puis m’empêcher de dire: Est-ce que le Christ,— plus avec nous qu’avec vous ! — ne fut point accusé de même par ses crucificateurs, d’être un suppôt de l’enfer? Est-ce qu’il ne fut point un temps où l'on anathématisait la médecine aussi, parce qu’elle se mêlait de guérir les lèpres envoyées par la colère de Dieu ? La colère de Dieu ! Ceux qui

(1) Le dogme religieux, je veux dire l’irrékbagabilitè d'un lies prédestiné Je l'homme à la cause absolue qui: nous appelons Dieu (•), diffère des cultes, qui ne sont que des formules de la véhité. Depuis les formules d’autrefois, l’intelligence a marché... L'intelligence marche toujours I

Laissons la terre accomplir scs évolutions.

Si nos labeurs n'offrait encore qu'une géode obscure, elle porte le grain du pbogbès : qu’il s'élève, et ses pas ultérieurs dépasseront peut-être les étoiles. Ko! de la création, l'homme, en ses destinées, doit conquérir l’univers.

(2) Tous les écclésiastiques ne s’associent pas à cette réprobation. Les abbés Almignana, Loubert, de llobiano, d'autres encore ont protesté hautement contre elle : « Montrer le mal où il n'est pas, écrit l'abbé Loubcrl, ce n’est pas le faire voir où il est ; le montrer partout et toujours, c’est exposer à ne le faire soupçonner nulle part. »

Lo comte de llobiano, savant cl rigoureux investigateur, s’est fait coa-naître par ses lettres si remarquables sur le magnétisme, qu'il appelle Kêviiurgie; titre qui ne traduit pas complètement l'opinion de cet écrivain... très-spiiilualiste, nul n’en doute.

En 1821 .j’étais élève à l'hôpital militaire d'instruction do Lille : nos professeurs y ressuscilérenl la motilité, par des courants d'éleclro-néururgie, sur les cadavres chauds de deux décapités. L'automatisme organique de ces tronçons humains que l'âme avait fuits, se convulsionna tant que l'on voulut. L’une des tôles roulant ses yeux hagards et grinçant sa mâchoire, faillit me mordre un doigt. Elle serra très-fort entre ses dents l’instrument que je lui présentais. Pourtant, sous le simple galvanisme métallo-né-vrurgique, eût-elle pu... penser à me prévenir d’évilcr sa morsure?

( J II n eu besoin '¡'avertir que je ne parle qu’en physiologiste sYlo» ant do spiritualisme el de la plirlnologie.

profèrent ces paroles sont les ignorants ou les sacrilèges : Dieu! c’cst La Vérité complète ! La Souveraine Puissance!

— L'agent de tous les maux et de toutes les colères où nos détresses, de plus en plus fourvoyées, s’assassinent les unes les autres sous un masque hypocrite; cet agent lâche et menteur, c'est l’homme ici-bas... et dans ses inlimes engeances, n’importe où.

Mais, nous le savons, et nous le répéterons d’àge en âge : l’homme, pur ses /¡nulles virtuelles, est un des plus forts aimants de la nature ; par la constance et la fermeté de sa volonté progressive, ¡1 peut, — en lui-même comme autour de lui-même,—repousser le mal, attirer le bien... pour tous!... et nécessairement pour lui. Quel plus digne présent pouvait-il ambitionner?

Les mondes subsistent d’harmonies, bonnes ou mauvaises. A nous, par des courants unanimes, de passer des malheureuses aux meilleures. La première chose à faire pour fixer résolument la route du bien, c’est d’éteindre le plus possible... et toujours!., et toujours!!!., les souffrances et les haines.

Dieu merci ! les vieux temps s’en vont, les nouveaux se lèvent. Des voix de l’espace ont crié jadis : « Le grand Pau est mort !.. » Les voix jeunes d’une radieuse aurore s’écrieront : La lumière s’avance ! ! !

Des retardaires (1) prétendent en vain lui barrer le passage : elle luira pour tous.

(1) La Revue des Deux-Mondes (13 février 1836) contient un article de M. Littré, de l'institut, qui, somme toute, n'établit rien que co que l'on sait déjà, l'existence ancienne et continue de ces faits extraordinaires,qu’il considère exclusivement comme symptômes de maladies personnelles ou collectives se résumant idc pures hullucinations.

M. Littré n’est pas plus heureux dans ses conclusions, qu’il ne le fut naguère dans son apostolat pour Le Positivisme de son ami M. Auguste Comte.

Si l'étude sur laquelle, sans la connaître bien, se prononce dictatoriale-ment l’honorable traducteur d'Hippocrate, débute tout au plus comme science abstraite, 011 ne niera pas, toutefois, qu’elle 11e travaille avec persévérance à se constituer ce patrimoine. Parlant de l'empirisme (l'obser-servation brute), elle essaie (à tâtons, si vous le voulez I) d’asseoir ses

Voilà, Monsieur, renseignement de nos expériences. Que chacun les juge.

|.ocicl de nos aïeux, écho des premiers ans,

Fut l'erreur el l'airain qu’ont traversés nos pères :

Eclairons l'avenir, — libres et bienfaisants l —

Et nos neveux naîtront sous des cieux plus prospères.

D' CLEVER DE MALDIGNY.

Post-Scriptum. Depuis que ces lignes sont écrites, M. Hébert cl moi nous avons, de nouveau, conféré de leur sujet. Nous nous trouvons maintenant presque d’accord, si même nous ne nous accordons complètement. Il ne se refuse plus

théories sur les déductions d'une physiologie expérimentale. Et de la part de ses serviteurs et de ses adeptes, c'est là du courage et do la conviction profonde, au milieu des déboires et des avanies qui les accueillent.

Sans doute, et nous ne sommes plus ù le démontrer, il faut une sur-vi-bration des fibrilles nerveuses, je dirais volontiers une sur-spiritualisation do la pile cérébrale, pour «jn tirer une sur-imtrumentat^n ; j'entends ainsi l excellence de raffinement d’une sensivite plus exaltée, d’uneaflec-tibilité plus exquise de la trame organique. De là, cependant, on n'a pas le droit de poser en axiome que ces résullats n’aboutissent qu'à des fascinations. Pourquoi ne pas énoncer de môme que l’œil, armé du microscope, n'a plus qu'une vue malade et pervertie?

M. Littré demande quel progrès ont amené les diverses épidémies anormales qu’il sacrifie à sa critique; puis il répond par une négation. Elles ont produit, peut-on lui répliquer, des explosions de forces inouïes, qui, si leur appréciation se développe et se complète, doivent tourner au prolit do l’humanité, dans un temps ou dans un autre. En eflet, de ces anomalies mieux étudiées et mieux comprises, peuvent sortir des bases régulières et puissantielles de la physologie, comme, des désordres de la maladie, ont surgi des règles de la santé.

J’ai des raisons de croire que tels événements de la scène du monde actuel, jetant en désarroi les présomptions et les calculs des plus habiles, ne démentent pas l'efficacité de cette source de salut. Que serait-ce donc, si, dans l'intérêt de la marche humanitaire, on instituait largement l’intelligence et l'exercice de cette loi providentielle encore aux vagissements du berceau des siècles?

A ceux qui, m'ayant suivi jusqu’à ces dernières lignes, les accuseraient d enthousiasme et d’exagération, je n’ai qu'une chose à dire: refusez les prémisses, nu subissez leur conséquence.

Isolés, et pourvus de forces éparses et capricieuses, vous procréez des faits particulier/, plus ou moins futiles, plus ou moins bizarres; au lieu de ces abrégés précaires et peu dignes de leur principe, cimentez un faisceau des lumières les plus saines, dirigez le concert de ses aspirations vers les œuvres vives de la civilisation et du bonheur, etvous remporterez pacifiquement les victoires les plus glorieuses, les plus durables.

à l’éventualité de forces extérieures, distinctes, intentionnelles et personnelles, pouvant agir sur notre organisme, dans leur analogie et subrepticement, comme noire propre force interne (notre âme) le fait de droit sur nous-même, et comme elle a subsidiairement le pouvoir de le faire sur ceux envers lesquels elle exerce une action magnétique, mutuellement consentie, ou n'émanant que de notre tacite volonté.

Mais, dit-il (et de point en point je suis de son avis), il n’épouse pas, sur l’unique langage de ces forces, une complaisante assurance en l'identité des personnages qu’elles prétendent si facilement nous amener, non plus qu’en la solidité de leurs conseils et de leurs prévisions. Pour bien des motifs (j’en rappellerai les causes tout à l’heure), ces mondes occultes, dans leurs relations avec le nôtre, nous exposeraient à, péril, si, renonçant à notre libre arbitre, le plus noble apanage de l’homme, nous inféodions ces impulsions étrangères au gouvernement de notre conduite. Leurs dires et leurs faires, en leurs communes occurrences, condensent un mélange très-dangereux à la crédulité béotienne. Nous avons eu des prédictions remarquablement accomplies, et, simultanément, quantité d’assertions non justifiées. C’est-l’infirmité générale de ces formes du magnétisme (somnambulisme, etc.), de quelque manière que tous les considèrent et les exploitent jusqu’à présent. Cette déclaration n’infirme rien de mes propositions antérieures; je neveux que faire ressortir le vice des pratiques usitées, et non incriminer la virtualité providentielle que compromettent nos mains ignorantes.

Ainsi (je cite ce fait encore, parce que son actualité vibre en l’émotion européenne), Jean le Pasteur (voir le n° 223 de ce journal) annonçait à M"* Octavie, en 1854 et devant d’honorables témoins (1), que la France aurait bientôt un fils impérial du nom de Jean (2).

(1) l)e leur nombre je puis nommer le comte de Vauréal et son fils Charles.

(2) En hébreu : Jehohhanan , grâce do Dieu, (formé de Jehovah, Dieu; et de Ilhanan. faire grâce.)

En 1815, après la rentrée de Napoléon aux Tuileries, plusieurs officiers

IVaulre part, des circonstances prédites (que je tenais, d’avance, de M'"e du P***) ont caractérisé la naissance de l’enfant.

lit des deux côtés, le reste des choses pronostiquées, si l'avenir prochain ne leur interjette quelque conjoncture fatidique, aura manqué d’éclosion.

Qu’est-ce que cela prouve? Que la fantaisie, la hâblerie ont leurs desservants chez nos plus près voisins inconnus, non moins que chez nous. Saint Augustin convenait que les anges se trompent (1). C’est que les anges,

«le l'empire étaient réunis dans une maison de Versailles, chez le capilaine F..., pour fêter le retour de leur ancien chef. Une dame proposa de con-suitersur la fortune de ce grand revirement politique.

— Et comment cela ?

— Placez une clef dans un livre d’évangiles, à la page de celui de saint Jean ; puis vous fermerez le livre, tandis que, dans un autre, on lira ledit évangile. Si la clef tourne, c'est que l'empereur se maintiendra sur le trône.

— Oli ! alors... elle va joliment valser I s'écrièrent les militaires.

On suivit ponctuellement l’instruction : la clef ne bougea pas. Bruyants éclats de rire!... et force quolibets I

— Attendez I repartit la dame. Demandons si les Bourbons reviendront.

— Eux? allons doncl... JamaisI

I.a personne réitéra la lecture, et, cette fols, la clef lourna.

Chacun haussa les épaules, sans vouloir en croire ses yeux.

Quatre mois s'étant écoulés, LouisXVUI trônait pour la seconde Restauration.

La vérilé do cette anecdote m’est garantie par M1"“ F..., ma belle-mère qui tenait elle-même le volume où l’avait tant étonnée cette rotation phénoménale.

(1) Et lui. l’évêque d'Hippone, il fautait contre la réalité, lorsque n’in-terprélant que la lettre de la légende adamique, il déniait des antipodes aux habitants de la terre (").

o On distingue trois époques ou phases dans l'existence des civilisations et des peuples. La première a pour expression l’amour avec toutes les bonnes qualités aimantes du cœur. L’expression do la seconde est la force orgueilleuse et féroce, sans bonté et sans amour. La troisième enfin s'incarne dans l'idée de la ruse cl de l’asluce; c’est la plus odieuse et la plus détestable de toulcs les situations sociales. »

(Théologie Cosmogonique.)

Le mot Adam, selon l’esprit de son symbole, signifierait l'aurore des premiers âges de l’humanité.

Ci Cette aberration lit rappelle par I.icbig, ùan.' m:» NouutUi Ltttrti iur ta chimie, 1852. 37* lettre, p. 304.

ou, comme nous dirions actuellement, les évolutions successives de ces êtres de la vie transfigurée, sont des essaims nombreux qui glissent à notre aveugle portée, plus de pies babillardes que de rossignols. Et, dès qu’une agasse pseudonyme réussit à se faire écouter, le vrai chanteur se retire; parce que l'esprit supérieur est toutes délices, tout amour, et qu'il n’entre point dans ses joies pures d’avoir à livrer bataille.

Jusqu’au moment où, dans une calme possession de notre raison, au-dessus de toute superstition, affranchis de tout préjugé, fermes, vigilants et forts de la foi d’une liberté sans alliage, nous aurons appris à savoir préserver les voies spi-ritualistes, à bien choisir les médiums et mieux encore les lucides, à féconder leurs plus hautes facultés maintenues avec dévouement et désintéressement dans les sommités de perceptions, il faut donc nous résigner à de rares éclairs de bonne lumière et, le plus souvent, à reléguer la voyance aux macédoines des interlopes.

Comment en adviendrait-il autrement? L’attraction est le ressort de la nature, et notre société fiévreuse, au milieu du choc et des intrigues de toutes ses passions en travail, n’encastre que des conducteurs hétérogènes, — rayons d'autant de piles discordantes, — dans ces passerelles sympathiques entre notre existence et celle des pléiades latentes autour de nous. 11 n’en peut sourdre, conséquemment, que des océans de déceptions pour quelques lueurs normales. Au fruit 011 reconnaît la sève et la qualité de l’arbre.

Le plus fort extatique de notre époque, homme sincère et sans antipathie contre les chercheurs en divergence avec son point de vue, m’écrivait de Londres, le 17 décembre dernier : « Combien d'agents, dont la nature plus ou moins ténébreuse ne nous permet pas de contrôle parfait, sont déjà venus nous apporter différents anneaux qui ne peuvent aller à la même chaîne, différents fils qui n’appartiennent point à la même trame! Que savons-nous sur l’identité même de ces visiteurs si près de nous qu’ils entendent nos désirs, qu’ils s’enveloppent dans la pondérabilité de nos fluides ex-

primants, ou de notre verbe manifestant, et traduisent notre pensée, notre intention, notre imagination, notre volonté, notre faiblesse, nos doutes et notre exagération?»

C’est pourquoi la méthode est si difficile dans les premiers pas de ces tentatives, ('/est pourquoi la science antique repoussait l’approche des profanes. C’est pourquoi l’initiation semait d’épreuves et de degrés tous les accès du temple.

Aussi, que n’obtenait-elle pas? Pénétrant les lois cosmiques, elle guérissait des maladies réputées incurables, elle opérait des résurrections, elle stupéfiait par des miracles des plus vraisemblablement impossibles l’orgueil des savants non initiés.

Qui croirait aujourd’hui l’histoire de ce roi de Médie arrivant chez les brahmanes, lesquels, sans nulles provisions que les végétaux de leur frugal réfectoire, invitentle monarque à souper, et lui servent un repas splendide où lesplats venaient d’eux-mêmes, en l’air, se placer sur la table? Cependant le témoin de ce festin incroyable est une des plus vastes lumières de la Grèce, un si haut caractère qu’il fut surnomméle Christ du paganisme, et qu’il compte au nombre de ses ardents admirateurs un des prélats canonisés par l’Eglise catholique, saint Sidoine, évêque de Clermont, au cinquième siècle. Ce témoin est un philosophe si véridique, d’une valeur et d’une dignité si recommandables, que l’un de ses biographes de nos jours (1) ne peut s’empêcher d’écrire de lui, tout en répudiant ses prodiges : « C’est un sage , sévère dans ses moeurs, irréprochable dans sa conduite, doué par la nature d’une physionomie céleste, habile à la fois dans la connaissance des beaux-arts et dans celle du cœur humain ; exercé en éloquence, ainsi qu’en politique ; instruit, par ses voyages , dans les secrets de la nature ; par ses études, dans ceux de la philosophie, mais surtout dans cette philosophie sublime qui enseignoit aux souverains et aux gouverne-mens à régir leurs Etats pour le bonheur du genre humain. » Ce témoin, c’est Apollonius de Tliiane, convive de ce fameux

(1) Legiusd d’Aussy, membre do l'institut, mort en 1801.

souper, et qui le rapporte comme un simple événement des us et coutumes des bralimines :

« larchas se dressant en pieds (1), invita le Roy à banqueter avecque eux ; ce qu’aiant accepté volontiers, arrivèrent là de par eux inesmes au milieu de tous, sans que personne y mist la main, quatre trippiez (2) à la façon de ceux de Delphes selon que les descript Homère; soutenus par deux jeunes pages de bronze, que les Grecs estiment estre Ganymèdes et Pélops : et la terre toute jonchée d’herbes odorantes beaucoup plus que ces licts où nous avons ac-coustumé de prendre nostre réfection. Le pain, puis après les fruicts et herbages venoient d’eux mesmes à travers l’air, dans de beaux plats de porcelaine, et des canestres, le tout par ordre, et mieux préparé qu’il n’eust été sceu estre de la main des plus excellens credenciers. Sur deux de ces quatre trippiez servans de buffet, estoit du vin et sur les deux autres, en l’un de l’eau chaude, et en l’autre de la froide comme venant d’une fontaine, avec des couppes de cristal, et des éguiôres, les couppes et tasses suffisantes la moindre pour esteindre la soif du plus grand buveur, à l’usance et mode des Indes, la plupart faites des plus fines et exquises pierres précieuses dont on enrichit les carcans (3) et anneaux en Grèce. Ces pages versoient là-dedans du vin et de l’eau, et les portoient aux banquetans, tout ainsi que s’ils eussent esté de chair et d’oz, tout en vie (à).» (Philostrate,

(1 ) Se levant.

(2) Trépieds.

(3) Colliers.

(4) Ces contrées ont conservé des débris de l'ancienne science brahmi-que. On lit dans I'Amsiebdausciie-Courant :

« Il est reconnu que les populations indiennes nous ont devancés, nous autres Européens, dans quelques inventions, etqu’aujourd’liui encore elles possèdent des secrets qui sont incompréhensibles pour nous. Ainsi, les Chinois connaissaient, plusieurs siècles avant nous, l'imprimerie, et ils faisaient de la poudre bien longtemps avant l'Europe.

« Au Bengale, l'art d'enchanter les serpents frappe encore chacun d'étonnement.

« Il est acquis que, dans l'Inde anglaise, en 1814, le gouvernement du Bengale eut connaissance d'une émeute soudaine, soulevée par les peu-

I ii dApollonius Thianéen, livre III, cliap. vin, p. S9; traduction de B. de Vigcnire. Paris, 1599.)

Magnétistes de toutes les écoles, si cette histoire est avérée,— et ce qui se passe au-delà de l'Atlantique semble vous le garantir, — au lieu de disputer sur les frontières et démarcations qui vous parquent en sectes stériles, grandissez-vous d’une édification complète, abritez votre puissance contre tout dissolvant, assurez-vous de dignes coopé-rateurs, mettez-vous d’abondance à l’œuvre, et vous étendrez indéfiniment les conquêtes de nos rapports naturels avec les immensités du spiritualisme.

Qu’est-ce, en effet, que le magnétisme bien compris ? La notion et l’emploi salutaire de toutes les existences de la vie universelle.

Dr C. DE M.

plades de l’intérieur. I,'instruction démontra que ces peuplades étaient informées que les alliés avaient eu le dessous à la première journée de Waterloo. Elles surent de même, peu après, que la bataille avait été gagnée par les Anglais et leurs alliés.

» Seulement trois semaines plus lard, le gouverneur du Bengale en reçut la nouvelle officielle, qui lui avait été immédiatement expédiée par lord Wellington, à l’aide de courriers partis du champ de bataille mémo.

o Un fait Identique paraît se produire en ce moment.

« I.es lettres de Calcutta, reçues cette semaine, mandent quo l'on y attend avec une vive impatience l'arrivée de la malle d’Europe, attendu que les peuplades de l’intérieur ont reçu ta nouvelle anticipée de la conclusion delà paix. Cette nouvelle, dont la population européenne ne savait rien encore et ne pouvait rien savoir, parce que la malle n'était pas arrivée, a devancé à Calcutta la vapeur et môme le télégraphe (de Bombay à Calcutta). »

VARIÉTÉS.

Dans la séance du 5 mai dernier, le comité du Jury magnétique a fait un bon nombre de nominations, niais ce n’est que le mardi 13 qu'elles seront confirmées.

Nos abonnés ont pu voir que depuis que nous avions pris la direction effective du journal les numéros paraissent dans leur ordre, et que déjà nous avions regagné du temps perdu. Nous sommes en mesure pour que rien désormais ne ralentisse la publication de notre journal.

Baron DU POTET.

Paris. — Imprimerie de Poxmbi\*i et Moneic, 17, quai de» Augustin».

CLINIQUE.

SUR UN CAS DE NÉVROSE SINGULIÈRE ET COMPLEXE (1).

Du 10 au 15 mars, rien de bien particulier à noter dans l’état de notre jeune malade. Toujours des contractions spasmodiques durant plus ou moins de temps, extases, somnambulisme, agitation sans sortir du lit.

15 mars. Journée terrible. Dès le matin , il éprouva de violentes contractions à la gorge, aux yeux et aux jambes. Vers onze heures , ces douleurs augmentèrent, surtout la gorge. 11 devenait violet et menaçait d’être asphyxié. Après avoir horriblement souffert pendant à peu près une heure, il perdit la vue, par occlusion spasmodique des paupières, la parole et l’usage de ses jambes. Alors, les souffrances diminuèrent , sans le quitter entièrement. 11 ne pouvait se faire comprendre qu’en écrivant à tâtons, sur une ardoise, et encore ne le pouvait-il pas toujours, parce qu’il en était souvent empêché par une douleur au poignet droit.

10 mars. La journée se passe en contractions fréquentes dans les jambes, dans les yeux et dans la gorge.

17 mars. Mêmes douleurs que la veille ; mais, vers quatre heures du soir, elles deviennent si fortes, que P... se débattait dans son lit et poussait des cris. Après quelques heures de souffrances horribles, il recouvra la parole, la vue et l’usage des jambes. 11 était environ huit heures du soir. Longtemps auparavant, il avait annoncé par écrit que ces douleurs auraient ce résultat. Bientôt après, il tomba dans une extase qui dura jusqu’à onze heures et demie.

18 mars. En s’éveillant, P... annonce qu’il ressent en

(1) Cette histoire est la suite d’un article inséré dans le n. 50 de ¡'Union médicale, et que nous n'avons pus publié, parce qu’il offrait peu d intérôt.

lui une grande excitation, un bouillonnement clans les entrailles et qu'il aura une journée agitée. En effet, il passa la journée à faire les exercices gymnastiques dont j’ai parlé précédemment, c’est-à-dire à sauter sur les portes, dans les placards, il marcher sur les cheminées, à franchir des chaises , à les porter en les tenant entre ses dents par un barreau, rapidement d’une chambre à l'autre. De temps en temps, il avait des accès de somnambulisme.

19 et 20 mars. Crispation et douleurs successivement et brusquement comme toujours, dans toutes les parties du corps; le 19 surtout, il cul des douleurs tellement vives au cœur et de telles contractions à la gorge, qu’il poussait des cris affreux et devenait tout bleu.

21 mars. De grand matin, il annonce des bouillonnements dans les entrailles, indice certain d’une mauvaise journée. En effet, il fut très-agité, comme le 18, et eut encore de longues crises de somnambulisme. Durant cet accès, j’ai pu noter très-souvent le phénomène suivant :

On aurait dit qu’il prenait plaisir à dire l’heure qu’il était, celle à laquelle on avait fait ou dit telle ou telle chose ; il répétait à chaque crise, par exemple, lorsque son père était indisposé : Je suis aussi sûr que mon père est plus malade qu’on ne le dit, que je suis sûr qu'il est telle heure à telle pendule. Or, l’heure indiquée ù. un quart de minute près était presque toujours d’une exactitude rigoureuse, et il n’y avait dans sa chambre ni montre ni pendule. Cette exactitude dans l’appréciation du temps disparaissait avec la crise. Pendant un de ces accès de somnambulisme, on lui jeta de l’eau fraîche à la figure. Lorsqu’il revint à lui et qu’il se vit mouillé , il tomba dans une grande irritation, dans une espèce de désespoir que l’on eut beaucoup de peine à calmer, car il ne s’expliquait pas pourquoi on l’avait ainsi mouillé à son insu. Immédiatement il retomba en extase, et on en profita pour changer sa chemise et faire sécher l’autre qu’on eut soin de lui remettre, car il éprouvait toujours une vive et pénible émotion quand , au sortir d’une extase, il remarquait un changement, si léger qu’il fût, dans ce qui

l’environnait au moment où il était tombé. Pendant ces crises, son existence était comme suspendue, et, à la fin de l’accès, ¡1 terminait une phrase que cet accès, long quelquefois d’une demi-heure ou d’une heure, avait suspendue.

Irrité d'avoir vu, à plusieurs reprises, différents papiers entre les mains de plusieurs personnes, ce qui l’avait fait tomber en extase, il déclara avec emportement que , puisqu’on n’avait pas plus d’égard pour lui, il allait au second étage se précipiter par la fenêtre ; cela dit, il prend sa course, et on n’arriva que juste à temps pour l’en empêcher. Alors commença une longue lutte entre P... et les assistants, qui le contenaient à peine , tant ses forces étaient surexcitées, lutte qui, du reste, se termina brusquement comme toutes ses crises.

22 mars. Le plus souvent, les matinées étaient assez calmes ; mais, ce jour-là, P... éprouva, dès six heures du matin , une assez longue crise extatique, pendant laquelle il pria Dieu de le guérir. Il s’était levé pour faire sa prière. On le remit au lit, et, à son réveil, il n'eut pas conscience de ce qui s’était passé.

Presque tous les matins il annonçait, par ce qu’il ressentait, ce que serait la journée, et rarement il se trompait.

Ce jour-là, lui ayant demandé comment il se trouvait :

« Entre le bien et le mal, me répondit-il, et je ne sais encore lequel des deux l’emportera. » Plus tard, son père s’étant présenté avec du papier à la main, chose qui, depuis le 5 mars, l’épouvantait si fort, il eut une courte extase. Quand il en fut sorti, son père lui fit quelques observations sur la nature et la destination de ces papiers ; il voulut alors les voir et les toucher, ce qu’il fit sans la moindre émotion. Enfin, vers dix heures et demie, il fut pris d’une dernière crise de somnambulisme , pendant laquelle il remercia Dieu d’avoir exaucé sa prière cl de lui avoir rendu la santé ; au moment où il parlait désignant l'heure exacte : onze heures huit minutes.

_ Bientôt la crise passa, et il|s’écria : « Maman, je suis guéri I » Ce qu’il y a de singulier, c’est la foi ferme , inébranlable, qu’il avait en sa guérison ; et aux doutes, aux hésitations

aux craintes que l’on pouvait lui exprimer, il opposait imperturbablement sa réponse : «Je suis guéri. »

Il voulut s’habiller et descendre pour dîner avec sa famille. Le matin encore, ses jambes ne pouvaient le supporter, et après midi, il alla sur la promenade et lut sur pied toute la journée, sans se plaindre d’autre chose que de faiblesse à la jambe droite. Le lendemain , même état ; il va la messe avec sa mère, et pendant l'office, la faiblesse de la jambe disparaît brusquement.

Depuis lors, la guérison ne s’est pas démentie ; il lui reste seulement une grande impressionnabilité ; un rien l’agace et le met de mauvaise humeur, et il est incapable de la moindre application. La mémoire n’est plus aussi bonne que pendant la maladie. Dès le matin il est sur pied, et il éprouve le besoin de marcher toute la journée.

Devons-nous croire à une guérison, ou bien assistons-nous à un état de transition simple? C’est ce qu’il serait, je crois, bien difficile d’avancer, et ce que l’avenir seul démontrera.

Inutile d’ajouter que, comme toujours en pareil cas, quoique j’eusse annoncé la possibilité d’une guérison brusque , nombre de gens ont crié au miracle. Dois-je dire que ce n’étaient pas les plus éclairés en la matière, et les moins intéressés peut-être ?

Le malade a commencé depuis plusieurs jours le régime tonique conseillé par M. Moreau, régime qu’il suivait avant sa maladie, et auquel on a ajouté l’huile de foie de morue.

Dr Ch. CAVIOLE,

Médecin en serond de l'hôpital de Cabors et du lycée impérial.

— On écrit de la Ferté-Macé, le 7 avril, à la Liberté de Caen :

a Dans uii petit village des environs de la F erlé-Macé existe une jeune fille de vingt-deux ans, atteinte, depuis cinq années, d’une maladie aussi singulière que cruelle, et

qui pourra paraître bien invraisemblable, quoiqu’elle ne soit pas sans précédent dans les annales de la médecine.

d Cette jeune personne est continuellement dans une sorte de léthargie et ne se réveille de ce prorond sommeil qu’une fois par jour, pendant quelques instants, vers trois heures de l’après-midi.

« Quelquefois, mais à de rares intervalles, ce sommeil se prolonge deux, trois et môme huit jours, pendant lesquels elle ne donne d'autres signes d’existence qu’un souille extrêmement léger, presque imperceptible.

« Mais ce qui paraîtra le plus extraordinaire, et ce fait rencontrera plus d’un incrédule, c’est que, depuis un an, elle n’a pas absorbé le moindre atome de nourriture, pas même une goutte d’eau.

« Cependant, elle est d’un embonpoint remarquable : sa figure est pleine, fraîche et rose ; elle paraît jouir d’une excellente santé, et elle avoue ne ressentir aucune douleur ni aucun besoin, excepté celui de dormir.

« Toutefois elle éprouve, au moment de son réveil, une sorte de crispation nerveuse tellement violente, que souvent plusieurs personnes ne peuvent la maintenir dans son lit, d’où elle s’échappe parfois pour rouler à tex-re. Dans ce moment critique, elle met en pièces tout ce qui lui tombe sous la main ; son lit et ses vêtements ne sont pas épargnés; elle mord convulsivement tout ce qu’elle peut atteindre, et se dévorerait les mains si on n’avait pas la précaution de les lui envelopper en conséquence.

« Cette crise effrayante dure de deux ii cinq minutes ; puis la malade se calme peu à. peu, frotte ses yeux appesantis, regarde l’heure à l’horloge, examine en souriant ses visiteurs consternés et commence à parler très-nettement.

« Mais, îi chaque demi-minute, il faut avoir soin de lui donner de l’eau dont elle s’humecte seulement la bouche et la gorge, et qu’elle rejette à l’instant môme.

; Tout en opérant ainsi, elle répond à toutes les questions qui lui sont faites, entre dans tous les détails de sa maladie et semble satisfaite de l’intérêt qu’on lui porte.

d Pendant tout ce temps, elle a toute sa présence d’esprit, toute sa mémoire, et sa gaieté naturelle se trahit par une foule de bons mots et par un rire joyeux et franc qui contraste singulièrement avec sa triste situation.

«Mais ces moments de lucidité ne sont qu’éphémères, et ne se prolongent jamais au-delà de quinze minutes ; c’est alors qu'une sorte de hoquet se déclare, sa poitrine se soulève, ses membres s’agitent, ses sourcils se contractent, ses yeux se ferment, ses dents se serrent à se briser ; puis tout est dit : elle retombe dans un profond anéantissement, où elle restera au moins jusqu’au lendemain, à la même heure.

« Pendant son sommeil, qui est d’un calme parfait, son teint est moins coloré et son pouls plus faible. Dans cet état, elle a toute l’apparence d’une personne morte, et 011 peut la placer dans telle position que l’on voudra sans qu’elle fasse le moindre mouvement. On peut parler très-haut, crier même à scs oreilles, elle 11’entend rien. On a essayé de lui faire quelques piqûres, elle n’a rien ressenti, et elle est intimement convaincue, et cette conviction est d’ailleurs partagée par bon nombre de ses visiteurs, qu’elle est littéralement morte pendant vingt-quatre heures, au bout desquelles elle ressuscite pour mourir de nouveau.

« Aussi la mort réelle n’est pour elle qu’un vain mot, car souvent elle la souhaite ardemment et sincèrement, en disant : « Quand donc m’endormirai-je pour 11e plus me réveiller? » Toutefois elle conserve les sentiments les plus religieux ; elle manifeste souvent le désir de se confesser, et sachant bien qu’il lui est impossible de recevoir la communion, elle répète souvent d’un air visiblement contrarié : «Je serai cette année comme les impies, je ne ferai pas mes Pâques. »

« Tels sont les effets de cette incroyable maladie , qu’il n’appartient qu’à la science d’expliquer, et qui attire chaque jour une foule de curieux dans cette maison, lesquels 11e peuvent que constater les faits sans pouvoir y apporter le moindre remède.

« Néanmoins, 011 ne peut passer sous silence l’accueil aimable que les visiteurs reçoivent de cette famille affligée, ni les soins empressés, incessants, donnés à la pauvre malade par l’une de ses sœurs, véritable modèle d’abnégation, de dévouement, et dont le nom seul est un éloge.

« Moisson , professeur. »

■; Que voyons-nous, dans ces deux observations? Des phénomènes de somnambulisme naturels, — ceux-là môme qu’artificiellement nous produisons, et que depuis longtemps nous cherchons à prouver en les démontrant.

La nature ici fournit des médications précieuses ; elle soulève son voile, elle montre, elle indique au médecin le chemin qu’il faut suivre, mais l’Esculape, ignorant le magnétisme , les ressources qu’il offre, ne voit rien, il est passif, il n’aurait qu’à étendre la main pour guérir promptement, sûrement, et éviter de longues souffrances, il aime mieux conserver sa nullité. Trop heureux le malade que la nature conduit 1

Magnétiseurs, vous en savez plus que les médecins sur la véritable médecine ; continuez votre active propagande et le jour du triomphe viendra pour vous.

Baron DU POTET.

CONTROVERSES.

IE MONDE DES ESPRITS MIS A LA PORTÉE DES BÊTES PAR UN FOD.

Tel est le titre d’un article fort original, inséré dans le n° 22(5 du Journal du Magnétisme. Si l’auteur eût eu moins de verve , plus de difficulté de- style, il eût peut-être pris plus de garde à l’étrangeté de ses opinions, aux conséquences singulières que l’induction peut en tirer, et aux contradictions contre lesquelles se choquent et se blessent ses idées. J'ai une sincère sympathie pour tous ceux qui regardent par de là l’horizon étroit des réalités tangibles ; mais j’aime que les vues de l’esprit ne soient point substituées à la narration pure et simple des phénomènes qu’on a rencontrés. Ceux-ci, jetés dans le monde difforme de la préconception, en sortent souvent mutilés. Ce monde, c’est la théorie. Voici celle de l’auteur :

Nous avons, dit-il en commençant, un esprit et un corps. L’esprit est immortel. Or, il est contradictoire de croire à cette immortalité et de nier les relations que nous avons avec ceux qui habitent les régions d’outre-tombe. Très-bien. Mais voici où la séparation s’opère entre nous. Comment et quand se font ces rapports ? — Je n’ai pas à répondre à cette question que s’est posée l’auteur, et qu’il résout ainsi qu’il suit : « Pendant la veille, dit-il, notre âme habite le corps ; mais quand le sommeil nous vient, quand l’assoupissement nous gagne, l’âme infidèle s’enfuit. Elle court, l’indiscrète , mettre l’oreille à la chatière du monde extérieur, pour entendre ce qui s’y dit, et l’œil pour voir ce qui s'y passe. » Ce que vous ignorez, c’est que l’auteur reconnaît que l’âme a pour occupation ou pour fonction de faire manœuvrer le corps. Que devient donc celui-ci ainsi abandonné? 11 dort, répond-il, et n’allez pas l’éveiller. — Mais il ne fait pas que dormir ; il digère, reprenons-nous à notre tour ; il respire ; la circulation de ses fluides n’est point

arrêtée; les'glandes sécrètent, pendant le sommeil comme pendant la veille. Pendant que notre esprit prend ainsi la clef des champs et danse au sabbat, y a-t-il en nous un esprit intérimaire qui ait pris son lieu et place et s’acquitte des fonctions corporelles qui ne peuvent s’accomplir sans lui ? Ou bien l’âme n'aurait-elle qu’à donner une forte impulsion vitale avant sa désertion, proportionnant toujours son absence à la vigueur du mouvement imprimé, afin de revenir à son poste avant que la machine se soit arrêtée ?

Ces questions ont bien leur importance; car si les idées physiologiques de l’auteur que je combats lui permettent d’admettre que le corps peut vivre sans qu’une âme l’anime constamment, elles sont dénuées d’une élasticité qui les met à l’abri de toute sérieuse atteinte, puisqu’il a reconnu au début cette destinée fonctionnelle de l’âme appliquée au jeu de l’esprit, et qu’il compare son rôle à celui du meunier qui, après avoir mis son moulin en train , en sort et y rentre à son gré. II vous reste un refuge, monsieur le fou, c’est l’opinion de ceux qui admettent l'organisation, animée par le principe vital et habitée par l’âme , qui, en ce ce cas, n’a pas à descendre aux fonctions purement organiques. Mais vous ne pouvez être à la fois spiritualiste et vita-liste ; vous avez, d’emblée, pris rang parmi les premiers ; vous seriez obligé, pour vous faire admettre par les seconds, d’effacer la première et la plus belle ligne de votre profession de foi : • L’âme occupée à faire manœuvrer le corps qui lui est confié. » Vous voilà donc obligé d’établir une intermittence dans les fonctions de l’âme, esclave le jour, libre la nuit, ou plutôt participant au monde des esprits pendant le sommeil et à celui des corps pendant la veille. Mais pendant la nuit, qui donc est là, quand elle n’y est plus; qui fait fonction d'âme en son absence? Si cela vous embarrasse, dites-nous franchement que quelque esprit complaisant vient la relever de sa faction et monter la garde pour elle. D’où il faudrait admettre que nous avons une âme pendant l’éveil, et que cent autres se succèdent pendant le sommeil. Je souligne ce mot, afin de m’en expliquer avec

vous. Si l’âme ne regarde dans le monde des esprits que pendant le sommeil, que fait-elle, où est-elle, quand, au lieu d’un rêve, vient le délire pendant la veille? Ce qu’elle perçoit alors, sont-ce des entités ou de vaincs réminiscences auxquelles une impression plus vive donne plus de relief? Si ce sont des entités, il est donc vrai qu’elle peut les voir sans quitter le corps, puisqu’elle ne s’en va que lorsque celui-ci s’endort, et que ce n’est point le cas. Si ce sont des hallucinations, des produits d’une imagination égarée, qui vous dit que celles du sommeil ont plus de réalité ? Et s’il est facile de démontrer que le rêve dépend de la môme faculté cérébrale que le délire, quelle importance faudra-t-il accorder à vos explications? Voudriez-vous dire qu’alors c’est un autre esprit espiègle ou mystificateur qui arrive ? Mais qui vous a dit que le vôtre est incapable de mystification et d’espiégle-rie, et que, toutes les fois que celles-ci se montrent, c’est un autre qu’il faut en accuser?

Mais passons sur cela, et entrons dans votre théorie, dans votre hypothèse : « Quand nous dormons, notre esprit va « voir à ta chatière du monde extérieur ce que font les es-« prits, ses frères ; il va fraterniser, selon votre expression, « folâtrer avec eux à travers le monde fantastique des gno-t mes et des sylphides. Libre de toute entrave matérielle, « ayant jeté là sa livrée, il vit compère et compagnon avec « tous les diables de Callot, tous les fantômes ¿’Hoffmann , « assiste à l’accroissement rapide d’un Lilliputien qui, dans « une minute, aura la taille de Gargantua, et découvre ainsi « des vérités, des en tités, méconnues pendant la veille.» —Or, pour bien voir et mériter toutes les nuits une longue émancipation, voici la recette qu’il est d’une haute morale d’enseigner, car l’âme n’a qu’à gagner dans le commerce des âmes libres qui valent un peu plus que les âmes incarnées. Ce peu est encore quelque chose. Faites de copieuses libations, vous folâtrerez toute la nuit sous les pampres verts en compagnie des esprits des bacchantes avinées ; lisez le soir quelque conte de Boccace ou de La Fontaine, la nuit vous ouvrira les portes d’un sérail d’esprits féminins qui auront

conservé de leurs formes charnelles assez pour que vous maudissiez le jour indiscret qui luit et vous éveille. Mangez bien, chargez-vous l’estomac de viandes échauffantes, le cerveau sera plein de souvenirs libidineux ; arrosez tout cela d’un vin généreux , perdez l’esprit en un mot, soyez tranquille., celui-ci n’y perd rien ; les âmes le recevront ce soir. — Soyez sobre, régulier dans vos habitudes, vous dormirez d’un sommeil sans poésie; votre âme restera prosaïquement enfermée dans votre corps, la sotte ! elle ne sera point admise aux jouissances de l’émancipation.

Que pensez-vous de cette morale, partie intégrale de la philosophie de l’auteur que je combats ? A-t-il lui-même entrevu la conclusion que je découvre dans ses prémices , et doit-il s'étonner que nous restions indifférents, même lorsqu’il nous appelle hommes de peu de foi? Ilélas! que vou-lez-vous que nous fassions d’un pareil flambeau? 11 vaut mieux ne pas y toucher que de le saisir pour en éclairer une lanterne... magique. Et ceci nous ramène à un passage de votre article, monsieur, où vous nous faites un crime, à nous chenilles que nous sommes, de ne pas vouloir croire qu’un jour nous deviendrons papillons. A quoi bon , grand Dieu, se donner cette peine ? Ne nous avez-vous pas affirmé que papillon et chenille sont toujours même bête ; que celui-là a à peine un peu plus d’intelligence que celle-ci, et que cette différence est précisément celle qu’il y a entre l’esprit incarné et l’esprit devenu libre? — Vous soulevez et résolvez bien vite une question immense, celle de notre destinée! Mais patience, s’il vous plaît. Et c’est pour devenir papillon que vous dites que votre âme est immortelle! ! 11 n’y a pas grand crime à penser dès lors que chenilles nous sommes et chenilles nous serons. Le rôle d’accusateur convient peu à qui sait si bien réduire la faute.

Pour vous rendre un compte exact de ce que notre âme gagne à l’émancipation, il fallait d’abord vous demander quelle influence l’incarnation et les passions ont sur l'esprit avant de la nier. Je vous soupçonne fort, monsieur le fou, de n’avoir jamais lu Cabanis, ni pris garde aux modifications

que les âges et les fonctions apportent à notre manière de sentir, de comprendre, d’imaginer et de juger. Car, s’il en était autrement, vous n’oseriez écrire, aux yeux de (ous, ce que vous nous dites du monde extérieur, qui ne diffère pus autant qu’on te croit de celui-ci, car c’est exactement le même, moins la matière, etc. C’est comme si vous disiez que la nuit est exactement le jour, moins le soleil. Voilà un malheureux adverbe, convenez-en. — Le fait est que notre esprit de trente ans n’est pas celui de vingt, que celui de cinquante diffère des deux autres. 11 est modifié par la seule influence de la matière ; il peut arriver jusqu’à la déformation, si la matière l’y conduit. Echapper à cette modification, c’est devenir libre, c’est entrer dans l’exercice intégral et harmonique de ses facultés ; c’est éloigner de son état antérieur autant que la force s’éloigne de la faiblesse, l’audace de la timidité, le savoir de l’ignorance, l’inspiration de l’idiotisme. Il y a donc entre les esprits incarnés et les esprits libres plus de distance que vous ne le pensez.

Ce qui m’a fait entreprendre cette réfutation, c’est que le rôle du magnétisme y est méconnu par l’assimilation du somnambule à la table parlante. Je n’ai point à médire de celle-ci ; j’ai en main la relation de faits capables d’émouvoir ; mais ces faits sont d’un autre ordre que les faits magnétiques. Pour vous, monsieur le fou, l’extase est une possession ridicule , capable de mystification et de mensonge. Pour nous, c’est le milieu de l’inspiration ; c’est celui vers lequel l’âme doit monter pour voir dans les mystères de l’avenir ou dans les profondeurs de l’inconnu. Mystification et mensonge sont réservés à cet esprit, aux allures souriquoi-ses, qui furtivement quitte son corps endormi, y rentre au moindre bruit, se hasarde à en sortir de nouveau pour s’y précipiter tout tremblant au moindre soubresaut qui réveille notre paupière.

Vous nous avertissez d’avoir à nous tenir en garde contre les esprits, parce qu’il en est de trompeurs, capables dienvahir les somnambules, les tables et les paniers ; donc gare aux crédules. — Les somnambules peuvent être envahis, mais

alors ils ne sont plus somnambules , leur lucidité est absorbée immédiatement. Un fait peut submerger l'autre ; la rive peut être inondée ; mais la rive et la rivière sont deux et non un, comme vous l’avez cru.

Un mot encore avant de finir. Vous avez écrit ces lignes : « L’esprit i/ni conduit ma plume me dit que ces payes sont ce qui a /■té écrit jusqu’ici déplus vrai sur les esprits. » — A quel signe reconnaissez-vous les esprits sincères? quelle est la marque des esprits faux ? Les esprits sérieux (celui qui a guidé votre plume en est), ont-ils le pompon rouge des grenadiers ? Les esprits légers ont-ils le pompon jaune des voltigeurs ? — Encore une question : Avez-vous écrit endormi ou éveillé ? Chacun comprend combien il m’importe dele savoir. Si vous avez écrit pendant la veille, d’après votre théorie, c’est votre propre esprit qui parle. Si c’était pendant votre sommeil, à quoi, dans l’esprit qui a guidé votre plume, avez-vous reconnu un esprit sérieux, vous qui dormiez? Certains prétendent que c’était un esprit flatteur ; et il y en a, prenez garde.

L’esprit qui, depuis deux heures, a pris possession de ma plume me dit que votre théorie n’est qu’un fantôme qu’un rayon de réflexion fait s’évanouir. Il pense que chacun de nos lecteurs porte en lui cette clarté que j’appelle pour conjurer un esprit ennemi. Il affirme, et s’offre à le prouver, que le sommeil magnétique est une zone splendide, dans laquelle quelques erreurs peuvent se rencontrer, parce que l’esprit n’a pas divorcé avec son enveloppe ; parce que l’àme tient encore au corps par le lien mystérieux de sa destinée. Mais c’est là que résident les plus hautes vérités morales, psychologiques et physiologiques. Le mensonge n’y peut venir ; la sainteté seule l’habite, et l’inspiration ne s’y révèle que lorsque le dévouement, la foi et la prière l’invoquent. Deleuze le savait : l’auriez-vous oublié ?

Die, le 16 mars 18D6.

Un Médecin df. campagne. A. C1IEVANDIER, Docteur.

VARIÉTÉS.

I.E LOUSTIC DE LA FACULTÉ.

Parmi les journaux de médecine, il en est plusieurs qui reconnaissent la réalité et l'efficacité du magnétisme : nous pouvons citer notamment ïAbeille médicale, qui a publié d’excellentes études de MM. Cornet et Bellangé. Quelques autres journaux n’en sont encore qu’au doute méthodique et s’expriment, à l’occasion , avec bienveillance sur le magnétisme. Enfin il y a les traînards qui ne se lassent point de ressasser les vieilles épigrammes, les plaisanteries surannées, et n’opposent aux faits les mieux avérés qu’une dénégation systématique, qu’un éternel et monotone ricanement. l)ece nombre est l'Unionmédicale, qui, dans son numéro du 2.2 mars dernier, régale ses lecteurs d’un feuilleton antimagnétique. Plusieurs de nos adversaires nous avaient habitués à une polémique convenable, digne de gens qui cherchent la vérité : mais M. Amédée Latour préfère la pasqui-nade : il ne croit pas déroger en faisant monter Uippocrate sur les tréteaux , et en lui faisant faire des gambades pour amuser le public.

Après avoir fait l’oraison funèbre de M. le professeur Gerdy, il a cru ne pouvoir offrir à cette âme colérique d’hécatombe plus agréable qu’en immolant pour la centième fois le magnétisme qui était la bête noire, le cauchemar de l'illustre défunt.

« 11 n’y a, dit-il, que les magnétiseurs qui aient la prétention d’imposer silence au cri des organes souffrants, comme disait Broussais ; bien mieux, de détruire le mal en détruisant la cause. » Voilà de singulières affirmations de la part d’un médecin. Les magnétiseurs ont bien , il est vrai,

la prétention qui leur est attribuée d’apaiser les douleurs et môme, en beaucoup de cas, de faire disparaître le mal physique ; mais ils ne sout pas les seuls qui aient cette prétention , et il me semble que la médecine n’a pas d’autre but. M. Latour serait-il désabusé île sa science au point d’en confesser hautement l’impuissance radicale? 11 y aurait trop d’humilité de sa part; car, pour ne mentionner qu’une des découvertes de la médecine, ne peut-elle pas, par l’emploi du chloroforme, imposer silence au cri des organes souffrants? M. Latour croit-il impossible de détruire le mal?... Ce n’est sans doute pas là sa pensée : nous ne chercherons pas plus longtemps à deviner ce qu’il a voulu dire. Ce qu’il y a de plus clair, c’est qu’il a voulu faire une malice : seulement la pointe n’est pas allée frapper à son adresse.

11 nous raconte , comme un fait très-instructif, l’histoire d’une demoiselle qui, d’après le diagnostic des médecins , était bien et dûment atteinte de tumeur cancéreuse intestinale. Mais il paraît que ces médecins, qu’on nous dit tn's-éelairés, n’étaient habiles qu’en pronostic, et qu’ils ne parvinrent ni à guérir, ni à soulager la malade. Celle-ci , ne trouvant pas de salut dans la science oliicielle, chercha naturellement d’un autre côté.

Flcctere si nequeo superos , achcronta movebo. Elle s’adressa au voyant des Batignolles, qui annonça la présence, d’un énorme entozoaire (ver intestinal) , et prescrivit une médication qui devait l’expulser. « La thériaque et les elexi-pharmaques les plus composés sont des drogues très-simples à côté de la cuisine effrayante de ce jeune voyant. »

Avant de continuer ce récit, qui, j’en suis sûr, vous intéresse , cher lecteur, permettez-moi de vous demander si vousn’avez pas besoin de commentaire. Un médecin, qui a suivi des cours pendant quatre ou cinq ans, qui a passé des examens et thèse en robe noire avec rabat et bonnet carré, ne peut décemment parler comme tout le monde, et doit ressembler un peu à ce savant dont parle Rabelais -qui, pour raconter qu'il s’était promené dans Paris, disait qu'il avait déambulé dans les compiles de cette urbe inclyte.

Ici nous avons la thériaque qui, à ce qu’il paraît, est une espèce d’opiat fort compliqué dans le genre du thé-Gibou. Mais qu’est-ce que des alexipharmaqucs? Rien que d’entendre prononcer ce mot, il vous coule une sueur froide sur le front, et vous croyez voir se dresser devant vous les batteries formidables qui faisaient fuir M. de Pourceaugnac. Quoique ayant appris un tantinet de grec au collège, j’avoue que je ne pus saisir, par l’étymologie, la signification de ce terrible mot, et que je fus forcé de recourir tout bonnement au dictionnaire, qui m’apprit que cela voulait dire contrepoison. Alors pourquoi ne pas dire simplement contre-poison? Ah ! c’est que tout le monde comprendrait, et l’un des plus beaux privilèges de certains savants est de parler pour n’être pas compris ; de sorte que quand le malade vous a déclaré son mal, vous le lui répétez en vous servant d’un synonyme venu du grec, ce qui doit le flatter extrêmement, et c’est souvent à cette traduction, prononcée d’un ton soutenu, que se borne l’utilité du médecin. — Il ne me suffisait pas de savoir la signification du mot alexipharmaqué; j’en demandai l’étymologie, et je vis qu’il venait d'alcxô (repousser) et de spharicon (venin). Mais alors on devrait prononcer alexispharique. Le mot a été changé en nourrice et tellement défiguré, qu’il n’est plus reconnaissable. La dernière moitié ne peut venir que de pharmacon, remède. On ne devrait donc appeler alexipharmaque que ce qui chasse les remèdes ou ce qui chasse les pharmaciens. Cette dénomination pourrait donc convenir aux magnétiseurs qui très-souvent réussissent à guérir par de simples passes, sans emploi d’aucun médicament, et qui, par conséquent, rendent inutile le ministère des pharmaciens. Toutefois je n’en fais pas l’objet d’une motion spéciale ; et, pour mon compte, je ne tiens pas du tout à être traité d’alexipharmaque.

Revenons à notre malade. Elle souffrit beaucoup par suite du traitement auquel la soumit le voyant, qui ne parvint pas à la guérir, et elle rendit son âme à Dieu, qui n’a pas voulu la soustraire au long supplice infligé par le voyant. — Il est clair que si Dieu n’avait pas voulu la soustraire, il l’aurait

laissée vivre et servir fie sujet d’expérience : ce n’est pas la première fois que M. Latour dit tout le contraire de ce qu’il veut dire... C’est peut-être le défaut des gens qui ont trop d’esprit.

11 y a clans ce récit une lacune bien regrettable. On ne nous dit pas si les médecins ont fait l’autopsie de la personne en question. C’était cependant le seul moyen de nous faire connaître qui, des médecins ou du voyant, s’était trompé dans le diagnostic. Y avait-il tumeur cancéreuse? y avait-il entozoaire? y avait-il l’un et l’autre? n’y avait-il ni l’un ni l’autre ? C’est ce qui reste enveloppé de ténèbres. Dans le doute, nous ne voyons pas pourquoi M. Latour se croit autorisé à chanter victoire. Tout ce qu’il peut affirmer, c’est que le voyant n’a pas guéri la malade : soit, mais les médecins ne l’ont pas guérie non plus. Nous ne leur en faisons pas un reproche, mais nous avons bien le droit d’observer que l’insuccès doit rendre modeste, et que le champion de la médecine n’a pas à se glorifier du fait qu’il nous raconte.

11 croit terrasser le somnambulisme, et il ne prouve même pas que, dans le cas particulier dont il nous entretient, le somnambule se soit trompé, soit dans son diagnostic , soit dans scs prescriptions thérapeutiques. Et quand il aurait trouvé un cas d’erreur de somnambule, en serait-il bien plus avancé? N’arrive-t-il jamais à la médecine de se tromper? Hélas ! il nous en donne un frappant exemple, puisqu’il nous assure que son héros, M. Gerdy, est mort de la phthisie pulmonaire, dont il ne s’est jamais cru atteint. Ainsi voilà un homme qui enseignait à guérir les autres, et qui, loin de guérir son propre mal, ne pouvait même en déterminer la cause !...

Combien de fois faudra-t-il répéter que les magnétistes n’ont jamais songé à douer les somnambules de l’omniscicnce ni de 1*infaillibilité : ce qu’ils affirment, c’est que certains somnambules jouissent de facultés transcendantes et peuvent, en certains cas, voir l’intérieur du corps humain , y lire les lésions des organes et indiquer les remèdes. Mais comme ils sont sujets à se tromper, la prudence commande de soumet-

tre leurs prescriptions à un contrôle judicieux. Ceci bien entendu, on comprend qu’il est tout à fait oiseux de citer à grand bruit des cas de bévue de somnambules, et que la cause du magnétisme n’a rien à perdre tout ce tapage.

A propos de la polémique engagée récemment dans Ami des sciences, relativement au magnétisme, M. Latour prétend que les magnétistes ont refusé l’enquête ou ont cherché à en annuler d’avance les résultats, et il ajoute : « C’est la répétition exacte de ce qui s’est passé toutes les fois que l’Académie de médecine a voulu intervenir dans cette question, toutes les fois que d’autres compagnies savantes, moins officielles que l’Académie, ont cherché à expérimenter, toutes les fois enfin que des hommes sérieux, impartiaux et de bonne foi, ont tenté de s’éclairer sur ces phénomènes prétendus magnétiques. » Il y a là une ignorance ou une légèreté que nous ne savons commentqualifier. Faudra-t-il donc toujours, à chaque dénégation d’un incrédule, rappeler les nombreux et imposants témoignages qui constatent d’une manière irrécusable la puissance du magnétisme ? M. Latour ignore-t-il notamment le rapport de M. Husson, qui devrait à ses yeux jouir d’une autorité toute particulière, comme émanant du rapporteur d’une commission de l’Académie de médecine ? N’a-t-il jamais entendu parler des débats auxquels ce rapport a donné lieu, et de déclarations faites en faveur du magnétisme par plusieurs des sommités de la science médicale? Comment, en présence d’adhésions d’une aussi grande valeur, ose-t-il encore soutenir qu’aucun homme sérieux n’a pu se convaincre de la réalité du magnétisme?

Il est faux que les magnétistes aient jamais repoussé l’enquête, et.tous les jours ils se mettent à la disposition des personnes qui cherchent de bonne foi à s’éclairer. Ce qu’ils refusent, c’est d’accepter des conditions imposées par des individus qui ne connaissent rien en magnétisme et qui néanmoins ont l’étrange prétention de le diriger.

M. Latour, du reste, rend superflue toute investigation; il connaît à fond la nature du magnétisme, et il la dévoile :

i. Je n’ai jamais vu , dit-il, un sent fait que je n’aie pu expliquer par des moyens très-naturels et que je n'aie pu répéter après plus ou moins d’exercice , à la stupéfaction des magnétologistes. Que des hommes jeunes encore, avec des sens intègres, répètent ces expériences, je leur promets le môme succès, s’ils y mettent la même persévérance. 11 n’y a pas besoin d’enquête pour cela ; chacun peut en faire une qui ne lui laissera rien à désirer. Que M. Mabru , par exemple, veuille bien assister à quelque séance magnétique, qu’il retienne le tour qui lui paraîtra le plus surprenant, et que, rentré chez lui, il cherche à l’exécuter, il y parviendra, j’en suis certain, s’il s’obstine en cherchant bien. »

Les magnétiseurs n’ont pas la prétention de produire rien de surnaturel ; ce ne sera donc que par des moyens naturels qu’il faudra chercher à expliquer les phénomènes qu’ils présentent. Et comme ils ne se donnent pas pour avoir des privilèges surhumains, il est certain que ceux qui, après avoir été témoins des faits, s’attacheront à développer la force dont ils auront vu les manifestations, pourront le plus souvent obtenir les mêmes résultats. Mais ce n’est pas là sans doute ce qu’entend notre adversaire. 11 n’a vu que des tours, c’est-à-dire des jongleries, d’ignobles escamotages, et, grâce à sa sagacité, il en a surpris le secret qu’il ne juge pas à propos de divulguer, ce qui aurait été pourtant un excellent moyen de nous confondre. Il accuse donc de la plus audacieuse fourberie ou de la crédulité la plus niaise tous les magnétistes, parmi lesquels nous comptons avec orgueil des hommes éminents dans tous les genres. Quand on ose formuler publiquement une telle accusation , on doit être en état de la soutenir, sous peine de mériter des épithètes.... peu flatteuses. Eh bien , nous allons offrir à M. Latour le moyen de mettre le public à même de juger son assertion. Qu’il se donne la peine d’assister à quelque séance du Waux-Hall ou de la Redoute ; parmi les personnes qui s’y soumettent aux magnétisations, il s’en trouve loujours plusieurs qui présentent les phénomènes d’insensibilité et de catalepsie (pour ne parler que des plus vulgaires) : que M. Latour essaie d’i-

miter ce qu’il appelle leurs tours, et nous lui garantissons que ce petit essai vaudra bien une enquête.

a. s. MORIX.

11 est pénible d'avoir encore ¡1 signaler de temps en temps des procès pour faits de magnétisme : espérons que bientôt les magistrats comprendront que l’exercice d’une faculté admirable et si féconde en résultats utiles pour l’humanité ne peut constituer un délit.

M. Fauvelle Le Gallois était récemment poursuivi devant le tribunal de police correctionnelle de la Seine, pour une annonce ainsi conçue : « Magnétisme et lucidité universelle, chez Fauvelle Le Gallois, le magnétiseur humanitaire, auteur de la Somnambule spiritualistede la Salutation à Jeanne dArc et de la Lumière, à travers les âges, ouvrage dédié à Mm” Fleurquin , 3 , rue Jean-Jacques Rousseau, de neuf à six heures, tous les jours. » Le ministère public prétendait trouver dans cette annonce la preuve de l’exercice de la divination.

M* Pouget, avocat chargé de la défense du prévenu, s’est acquitté de sa tâche de la manière la plus distinguée. La plaidoirie , reproduite en entier dans le journal le Divan industriel du 6 de ce mois, est aussi remarquable par le raisonnement que par le style.

11 a démontré que c’était au ministère public à fournir la preuve des faits sur lesquels il appuyait sa prévention ; qu’il ne produisait ni procès-verbal, ni enquête, ni documents qui pussent en tenir lieu ; l’annonce incriminée ne promet ni consultation, ni divination, mais indique que M. Le Gallois pratique le magnétisme avec lucidité ; et quand même on persisterait à voir dans cette annonce la promesse de divination, il ne s’ensuivrait pas que l’intention se fût réalisée et que des faits de divination eussent eu lieu ; et ce n’est que sur des faits que peut être basée une condamnation.

Prenant la question de plus haut, M° Pouget a pris la dé-

fensc du magnétisme, a prouvé que ses résultats étaient acquis à la science et à l’humanité, et qu’on ne peut se rendre coupable en en faisant l’application dans des vues bienfaisantes, particulièrement en soulageant les malades. L’art. ¿79 du Code pénal a eu en vue les charlatans qui abusent de la crédulité publique, qui exploitent l’ignorance et entretiennent la superstition : on ne connaissait pas alors le magnétisme, auquel il est impossible d’appliquer ces dispositions sans outrager le bon sens et l’équité. Qu’y a-t-il de commun entre ceux qui pratiquent le magnétisme et ceux qu’a voulu atteindre le Code pénal ?...

Malgré cette habile plaidoirie, le tribunal a condamné le prévenu à 15 fr. d’amende par chaque contravention. Malgré le peu d’importance de la condamnation, M. Le Gallois a pensé avec raison qu’il se devait à lui-même et à la cause du magnétisme de défendre jusqu’au bout la question de principe, et il a interjeté appel. I)e nouveaux débats auront donc lieu devant la Cour impériale : le magnétisme ne pourra qu’y gagner.

M“0 H. Stone, de Brecksviile, dont le mari était en voyage, se trouva extrêmement malade et tout à fait abattue : elle dit à son beau-frère que c’était l’effet d’un rêve affreux qu’elle avait eu la nuit précédente : elle avait vu son mari expirer dans des souffrances atroces, à bord d’un bateau à vapeur. Or, au moment même où ce rêve avait lieu , voici ce qui se passait. Son mari naviguait sur le Collins, où un incendie se déclarait ; réveillé brusquement par les cris d’alarme , il s était précipité dans la cabine qui était remplie d’une fumée épaisse. Un nommé Farr, son compagnon de voyage, l’a entendu appeler au secours et est parvenu à s’échapper. Quant au malheureux Stone, il aura été étouffé par la fumée ou dévoré par les flammes. Le navire ayant disparu dans es eaux, on n’a pu trouver aucune trace des victimes. —

Gomment sa femme le voyait-elle d'une grande distance, pendant qu’endormie elle ne pouvait faire usage de scs sens? Existait-il entre les deux époux une sympathie si étroite que ce qui arrivait à l’un était ressenti par l’autre? L’esprit de la femme se dégageait-il de son corps, pendant son sommeil, et était-il attiré vers la personne aimée dont il voyait le triste sort, et revenait-il dans son enveloppe terrestre avec les impressions recueillies dans cette pérégrination ?... Ou bien la femme endormie se trouvait-elle douée de la lucidité semblable à celle des somnambules qui leur permet de voir à des distances considérables?...

Ecriture mus main risible. M. Rerfus Elmer, de Spring-field, écrit à l’Ere nouvelle, de Boston, que Mmc Belden, de West-Springfield, médium, fut dernièrement informée par les esprits qu’une lettre lui avait été récemment écrite de Boston, et ne lui était pas parvenue. Elle les pria de lui en faire connaître le contenu. Ils répondirent qu’ils allaient satisfaire à sa demande ; ils l’invitèrent à placer une feuille de papier et une plume dans un tiroir d’une autre chambre, et à les laisser pendant cinq minutes. A l’expiration de ce temps, M“« Belden fut poussée à regarder dans le tiroir : elle y trouva une note à elle adressée par un ami de Boston, avec la date, l’adresse, etc. Il n’a pas encore été vérifié si une lettre pareille lui a été réellement écrite de Boston : mais le fait seul de l’écriture du duplicata prétendu, et dans de telles conditions, est déjà très-remarquable.

(Extrait du Spiritual Telcgruph, n° du 28 octobre.)

Nous continuerons nos investigations dans le domaine du spiritualisme, c’est un devoir pour nous d’examiner aVec soin et attention les curieux phénomènes offerts à nos regards. — Non , tant de gens honnêtes ne peuvent être dans l’erreur; — peut-être se trompent-ils sur la véritable cause des faits observés. — Le doute est pour nous une raison de plus de poursuivre sans conclure.

Notre tâche exige que nous placions sous les yeux du lecteur attentif les pièces les plus probantes, afin de laisser le temps d’examiner et de comprendre.

Mais nous tiendrons compte des objections et nous ne nous laisserons point accuser d'aveuglement. Celui qui marche en avant doit craindre de ne point être suivi, mais ce n’est point un motif pour qu’il s’arrête s’il le croit et s’il est dans le vrai.

Nous sommes au moment où notre journal va devenir plus intéressant que jamais , car il va contenir les matériaux les plus instructifs et les plus curieux que nous ayons jamais publiés.

Baron DU POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

DE? HALLUCINATIONS, ou Histoire raisonnée dos apparitions, des visions, dos songi's, de l'extase, du magnétisme et du somnambulisme, par le docteur Biuehre de Boismoki ; 2° édition. 1 vol. in-8°, G. Baillière, éditeur.

JI. Bricrrc lo Boismont, connu dans le inonde médical par des travaux du premier ordre, a traité exprofesso le sujet si vaste et si intéressant ties hallucinations, sujet qui se rattache à la physiologie, à la psychologie, il la religion, à la théosophie, à l’histoire. Il a entrepris de faire une monographie de cette singulière maladie qui trouble le cerveau par la perception de sensations imaginaires, qui parfois dérange la raison et pervertit le jugement, mais qui parfois aussi s’est alliée, chez certains personnages célèbres, à la conduite la plus sage, aux sentiments les plus nobles, à l’exaltation la plus féconde en grands résultats.

La folie idéale, dit un des auteurs par lui cités, est l’état intellectuel d’une personne qui croit voir ou entendre ce que les autres no voient ni n’entendent pas, qui s’imagine converser avec des êtres, apercevoir des choses qui ne tombent pas sous les sens, ou qui n’existent pas au dehors telle qu’elle les aperçoit ; ou bien encore lorsqu’elle aperçoit les objets extérieurs dans leur réalité, a des idées fausses et absurdes de sa propre forme et des qualités sensibles des objets. » Cette définition contient la distinction des hallucinations et des illusions : « L’hallucination est la perception des signes sensibles de l’idée, et l’illusion, l’appréciation fausse do sensations réelles. »

L’auteur décrit les hallucinations qui se produisent dans les divers états morbides, dans le cauchemar et les rêves, dans 1 extase, le magnétisme et le somnambulisme ; il en re-

cherche les causes, en analyse les caractères et présente quelques moyens propres à les combattre. Il a recueilli une foule de faits qu’il apprécie avec sagacité, il les coordonne , les discute, et l’on peut dire que son livre présente l'état le ¡»lus avancé de la science sur ce sujet. Et pourtant, malgré toutes ses recherches et ses efforts, il n’a pu encore élaborer un système satisfaisant pour expliquer ces aberrations si communes île l’esprit, ces éclipses déplorables de la raison. C’est que nous touchons ici aux plus profonds mystères de la nature humaine dont la science n’a pu encore sonder les abîmes.

M. de Boismont admet comme parfaitement établis les phénomènes du magnétisme et du somnambulisme, et nous sommes heureux de signaler cette adhésion éclatante d’un homme aussi éclairé, d’un juge aussi compétent. Il cite, parmi les faits qu’il regarde comme authentiques, des exemples de clairvoyance somnamIndique et d’insensibilité produite par le magnétisme. Il n’hésite pas à reconnaître qu'il y a là, autre chose que le pouvoir de l’imagination, et qu’il est impossible que l’esprit n’exerce pas une influence considérable sur le corps, par la raison fort simple que celui-ci peut à son tour développer des propriétés extraordinaires. Voici comment il rend compte de la vue somnambulique ; « On peut établir que les faits de clairvoyance, de prévision, de seconde vue, consignés dans les ouvrages sur le magnétisme, rentrent, lorsqu’ils sont authentiques, dans le domaine des hallucinations, en ce sens que les pensées se colorent, que les idées s’imagent, que l’esprit, en un mot, se revêt de son enveloppe matérielle. Il est contraire aux lois de la physiologie de supposer que , pendant la vie, le phénomène de la clairvoyance soit répandu sur la surface du corps et qu’il ait surtout son siège à l’épigastre, au bout des doigts, etc. Les sens ont des fonctions distinctes qui leur ont été attribuées par Dieu depuis la création de l’homme ; ils ne peuvent pas plus se remplacer les uns les autres, qu’Être suppléés par des parties qui n’ont pas avec eux les moindres rapports de forme, de structure, de fonctions ;

tandis qu’on comprend que, dans des circonstances particulières, ils acquièrent des qualités qui frappent d’étonnement. Les phénomènes de clairvoyance, de prévision, de seconde vue, dépendent d’une illumination soudaine de l’organe cérébral qui éclaire les sensations restées dans l’obscurité , et leur donne une vivacité plus grande. 11 se passe ici ce qu’on observe dans le somnambulisme naturel, sous l’influence d’une cause inconnue : l’individu voit distinctement dans son cerveau les escaliers, les appartements, les lieux qu’il parcourt; il y lit le caractère des livres qu’il a devant lui, de la lettre qu’il écrit. C’est un miroir interne où viennent se réfléchir toutes ses impressions, et qui lui sert de guide pour se conduire ; mais, dans ce cas, l’action a lieu sur des réminiscences, des souvenirs, car l’individu vient-il à s’engager dans un endroit qui ne lui est pas connu , il chancelle, trébuche et peut même se blesser. Dans le somnambulisme artificiel, les prescriptions sont plus nettes, plus étendues, indiquent un isolement plus complet do l’esprit, une activité plus grande de ses facultés. Comment cela a-t-il lieu? Nous n’en savons rien. Connaissons-nous mieux ce qui se passe dans les mille combinaisons de la pensée, dans l’acte de la volonté? Hélas! non. Ce sont des faits qu’il faut admettre, mais dont le mode de production nous échappera probablement toujours (p. 323). »

Il y a là des opinions que nous ne pouvons laisser passer sans observation. Quand un somnambule voit à travers des corps opaques des objets situés à une distance considérable, s'il en rend un compte parfaitement exact, il faut reconnaître qu’il a vu juste, et sa perception ne peut aucunement être comparée aux hallucinations qui impliquent une erreur de l’esprit causée par la perception d’un objet imaginaire. S’il est reconnu qu’il a vu des objets réels, mais qu’il se soit trompé sur certains détails, il y aurait lieu d’admettre qu'il a vu, quoique d’une manière imparfaite, ainsi qu’il nous arrive quand nous considérons un objet trop éloigné ou trop peu éclairé. Mais quand ce que croit voir le som-uambule n’a aucun rapport avec la réalité, il est assez difii-

cilc de se rendre compte de ce qui se passe chez lui : il nous parait probable que, même dans ce cas, il n’y a pas à proprement parler hallucination ; mais que le somnambule voit des objets réels : seulement il confond les temps et les lieux; il applique , par exemple, à la personne sur laquelle vous l’interrogez, ce qu’il voit d’une autre personne ; il commet ainsi des erreurs, bien que ses sensations soient réelles. Toutefois, comme chacun de nos sens, dans l’état de veille , peut être halluciné, il est possible qu’il en soit de même chez le somnambule du sens en vertu duquel il se met en rapport avec les objets extérieurs ; mais c’est ce qu’il est le plus souvent fort difficile de discerner. Pour l’homme éveillé, il y a un critérium souverain, c’est le témoignage commun. Si quelqu’un, par exemple, prétend voir dans ma chambre, à tel endroit désigné, un fantôme ou tout autre objet que personne ne peut apercevoir, on prononce à coup sûr que cet objet n’existe pas, et que celui qui le voit est halluciné. Cette règle n’est plus applicable aux somnambles dont le mode de vision s’exerce par des moyens tout différents ; leurs perceptions ne comportent donc pas le même genre de vérification. Si donc un somnambule, cherchant à décrire, par exemple, mon appartement où il n’a jamais pénétré , en fait une description inexacte, je pourrai bien en conclure qu’elle ne s’applique pas mon appartement ; mais je ne pourrai aflinner qu’elle ne répond pas à un autre appartement que le somnambule aura vu et qu’il aura pris pour le mien.

11 y a des états différents auxquels conduit la magnétisation, qui diffèrent du somnambulisme, et dans lesquels il y a évidemment hallucination. Dans l’état de charme, le sujet, soit en contemplant le miroir magique ou la boule de cristal , soit par un autre moyen , subit l'influence du magnétiseur et éprouve, à la volonté de celui-ci, un véritable mirage qui lui fait voir des scènes fantastiques. Dans l’extase, les phénomènes sont encore plus marqués : le sujet s'élance de lui-même hors du monde réel, son imagination vagabonde se représente les spectacles les plus variés ; l’extatique voit

le cicl ouvert, converse avec les anges, etc. C’est là le règne de l’hallucination.

Quant au inode de perception du somnambule clairvoyant, nous en sommes réduits à îles conjectures. Cependant il est évident qu’on ne peut en rendre compte par l’action ordinaire des sens. Quand on se sert du mot voir, c’est donc improprement et à défaut de terme qui exprime cette opération d’un genre particulier. Quels sont les organes qui fonctionnent alors ? C’est ce que nous ignorons. Mais, tant que la science n’aura pas éclairci ce problème, il y aurait de la témérité à affirmer, comme le fait M. de Boismont, qu’un organe ne puisse remplir exceptionnellement une fonction toute différente de celles auxquelles il est destiné dans la vie normale, et que l’épigastre, le bout des doigts, ou toute autre partie du corps ne puisse pas être momentanément le siège de la vision ; ce qui ne veut pas dire que cet organe jouerait le rôle de l’œil en transmettant au cerveau les impressions de la lumière, mais bien qu’il servirait à mettre le sujet eu rapport avec les objets extérieurs suivant des lois encore inconnues, et qui vraisemblablement n’ont rien de semblable à celles de l’optique. Les somnambules qu’on a interrogés à ce sujet n’ont pu fournir jusqu’ici d'explications suffisantes: ils sentent qu’ils voient, ils ne peuvent dire comment, et les expressions leur manquent pour rendre compte de leurs sensations. Des recherches persévérantes parviendront sans doute à jeter quelque lumière sur ce sujet intéressant.

A. S. MORIN.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

CURES MAGNÉTIQUES

OPÉRÉES A DISTANCE.

Les hommes qui exploitent cette science en faveur de l’espèce humaine ont été couda nnés à de fortes amendes et à I interdiction avec l'humiliante épithète d’escroquerie, eux qui ne ruinaient rien de qui que ce fût.

Voici des faits qui prouveront assez l’efficacité de cet agent bienfaisant et l’impuissance de notre science médicale, à nous qui improuvons tout ce qui ne sort pas de notre arsenal de thérapeutique médicale et chirurgicale, et qui nous croyons les seuls bienfaiteurs de l’humanité souffrante. ’

En mai 1852, j’avais une petite fille, âgée de deux ans et quatre mois, qui se trouva affectée d’une congestion cérébrale, et quoique médium moi-même, je ne voulus pas prendre sur moi de la soigner seul ; et, pour empêcher, en cas de mort, la critique du voisinage de dire que j’avais laissé mourir mon enfant, j’appelai à 111011 secours l’honorable docteur L....... qui m’aida à la tuer plus vite; car il prescrivit force glace et force frictions mercurielles sur la tête, au point que le 1 h juin, cette chère enfant mourut, plutôt victime de la violence d’un traitement intempestif que de la force de la maladie.

Mais, pour n’avoir rien à redouter de la critique humaine, nous déployâmes tout ce que la pauvre science médicale avait déposé dans 110s cerveaux en fait de thérapeutique. Avec cela et la garantie de nos diplômes, nous nous sommes crus en sûreté très-légale.

Vers la fin de juin , j’eus occasion de passer à Pau , et je fus voir un vénérable vieillard, ancien commandant , qui jouissait à juste titre d’une grande réputation philantropique dans tout le Béarn envers l’humanité souffrante ; je lui fis part de la perte que je venais de fane. Il me répondit que si je m’étais adressé à lui aussitôt, mon enfant ne serait pas

mort, et me dit de lui écrire en pareil cas, qu’il agirait aussi bien de loin comme de près : car, dans ce moment-lii et jusqu’il sa mort, il lui a été interdit de recevoir cliez lui aucun malade. La circonstance ne se fit pas longtemps attendre.

Le 18 décembre môine année, mon garçon Emile, âgé de sept ans, atteint subitement d’un mal de tète foudroyant, allait indubitablement subir le môme sort que sa petite sœur, si je l’avais encore confié à la science médicale; mais, cette fois, je m’adressai :ï deux de mes amis, qui étaient deux grands magnétiseurs, l’un placé à. quarante lieues de distance, c’était M. Laforgue, à qui il est fait allusion plus haut, vénérable octogénaire et victime de son dévouement à l’humanité souffrante, par les persécutions que son grand amour lui a values. Il me fit réponse le 21, et voici ce qu’il me disait : « Mon cher monsieur, je me suis occupé de votre « fils aussitôt après la réception de votre lettre; il fut sou-« lagé ii l’instant, hier 20 décembre, après midi. »Suit ensuite la prescription qu’il me donnait à exécuter moi-même sur mon enfant.

L’autre, M. Cheneau, Constant, rentier à Monnetous-sur-Clier (Loir-et-Cher), encore une autre victime des dénonciations , placé à cent trente lieues de distance, m’écrivait le 26 décembre, et me disait entre autres ; « J’ai la pensée « que votre fils est rétabli et que le Seigneur a bien voulu « exaucer mon invocation, etc., etc. » En effet, mon fils fut guéri le lundi 20 décembre, dans l’après-midi, venant de passer la nuit du 19 dans des transports les plus alarmants, car il délira toute la nuit.

Quel est celui d’entre nous, messieurs, qui puisse se flatter d’en faire autant? Mais ce n’est pas tout, car je ne fais que commencer.

En mai 1853, me trouvant moi-même atteint d’un mal de tête continuel, pour lequel j’avais employé les émissions sanguines et sans résultat, j’en fis part à mes deux amis le 27, et voici ce que me disait M. Laforgue, dans une réponse qu’il me fit le 30 mai ; « Mon bien-aimé frère en N. S. J.-C., » car c’est ainsi qu’il me qualifiait, « vous avez eu tort de

« vous faire saigner et purger, il suffisait de penser au frère « Chéneau et à moi, etc., etc. » Vers la fin de juin , je me trouvai aussi atteint d’étourdissements très-fréquents, qui 111’einpôchaienl de me livrer à tout travail de tête, ce qui me donnait beaucoup de souci. Le 25, je m’adressai encore à mes deux grands amis ; M. Cheneau me répondit le 27, et voici ce qu’il me disait : « Mon cher frère dans le Seigneur Jésus-« Christ, »car c’est ainsi que nous nous qualifions aussi réciproquement tous les deux, « votre dernière lettre m’oblige à «vous écrire immédiatement pour vous rassurer, etc., etc. »Je m’abstiens du reste, parce que je ne serais pas compris. Le 11 juillet, je reçus aussi une réponse de M. Laforgue, et voici ce qu’il me disait : « Mon bien-aimé frère, je vous en-« gage à persévérer dans le bien, dans la prière et dans « toutes mes prescriptions, etc., etc. » Et tous mes maux de tète, ainsi que les étourdissements, avaient disparu immédiatement.

Le 11 novembre, mon épouse fut saisie d’un violent mal de tète qui ne discontinuait pas. Le 14 , j’écrivis en conséquence à M. Cheneau, et le 18 à M. Laforgue, car le mal de tête ne cédait pas ; il me répondit le 23, en me disant : c Me trouvant moi-môme très-souffrant et mon secrétaire « étant indisposé depuis quelques jours, je n’ai pu vous ré-« pondre qu’aujourd’hui, mais je me suis occupé de ma-« dame Darrieau, etc., etc. » Et le 20, aussitôt qu’il s’en fut occupé, mon épouse fut guérie. Le 3 décembre , je reçus une réponse de M. Cheneau , qui me disait «Je n’ai pas eu « le temps de répondre à votre lettre du 14 du mois der-o nier, mais je crois devoir vous dire que madame Darrieau «a dû avoir un grand changement, etc., etc. » Que dirons-nous de cela, mes très-honorables confrères ?

Le 3 août 1853, j'écrivis à ces deux hommes de Dieu pour

leur recommander M. Pierre B....... demeurant à Bordeaux,

rue du Loup, atteint depuis’quatre ou cinq jours d’une affection nerveuse accompagnée de convulsions avec de grands

efforts de vomir, pour lesquels l’honorable docteur L......

employait force limonade gazeuse, qui ne faisait au contraire

que surexciter le système nerveux et les efforts de vomir, au lieu de les calmer.

Le 5 août, je reçus une réponse de M. Chencau, qui m’informait qu’aussitôt après la réception de ma lettre, il s’était

occupé de M. Pierre 11...... et il m’indiquait la marche à

suivre pour continuer jusqu’à guérison. Le lendemain (i, M. Laforgue me disait dans sa réponse qu’il s'était occupé de M. Pierre B...... et me donnait aussi les indications auxquelles le malade devait se conformer, et il se trouva guéri presque immédiatement. (Ces indications étaient pour ainsi dire semblables, mais surtout pour le môme résultat.)

Quelques jours après, je leur écrivis pour la belle-mère de M. Pierre B...... affectée depuis plusieurs années de tremblement du bras droit, depuis l’épaule jusqu’à l’extrémité de la main , dont elle a été soulagée très-promptement, ainsi que d’une fistule lacrimale dont elle était également porteuse depuis longtemps. Sa fille, épouse B...... était affectée d’un ozène depuis vingt-cinq à trente ans, avec perte de l’odorat, et les médecins n’avaient pu y apporter aucune amélioration. Le 30 septembre, j’en fis part à M. Chcneau, qui, quoiqu’à la distance de cent trente lieues , l’a guérie par le magnétisme en très-peu de jours, de sorte (pie cet ozène a complétementdisparu, et elle espérait recouvrer l’odorat lorsque je cessai de voir cette famille, et dès lors aussi ils ont renoncé à tout secours médical pour ne plus s’en rapporter qu’au bienfaisant magnétisme.

A.....H...... mon neveu, militaire à Lorient, m’avait fait

part que, depuis deux ans, il était atteint d’un violent mal de tête continuel, mais dont les crises devenaient insoutenables tous les soirs. J’écrivis en conséquence le 10 septembre 1853 à M. Cheneau ; voici ce qu’il me répondit le 28 : « Mon » cher frère , je dois vous dire que votre neveu m’a beau-* coup occupé et fatigué ; il était malade à la mort, etc., etc. » Le 2 octobre , mon neveu m’écrivit de chez lui , car il était alors en congé, en me disant que ses douleurs de tête n’étaient pas si fortes; au contraire, que, depuis quelques jours, il remarquait qu’il ne souffrait presque pas, et qu’il attri—

buait ce mieux au grand repos qu’il avait chez lui; car il ignorait jusqu’alors que je me fusse occupé de lui auprès de mon ami ; mais qu’il ressentait toujours une douleur dormante à la tôle, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Le h novembre, il m’écrivait de Lorient : « Le mal de tête m’a o repris de plus belle. Le 1" novembre, j'ai beaucoup souf-« l'erl, et depuis je me trouve dans une position assez triste.» I.c II décembre, il m’écrivait ce qui suit : * Depuis un « mois, je me porte assez bien, je ne souffre presque pas de « la tête ; cependant je l’ai très-sensible, et je puis à peine « coiffer mon schako ; l’appétit est bon, je digère très-bien : u en un mot, je ne me plains plus. Cependant, si vous étiez « assez bon ponr ne pas m’oublier auprès du bon M. Che-n neau, il pourrait encore, par ses bons soins, me débarras-i ser complètement de cette sensibilité qui existe encore « dans ma tète. Vous m’avez donné l’adresse de ce bon raon-0 sieur, mais je n’ai pas osé lui écrire. Je vous prie de vou-« loir bien vous charger de ce soin, et de le remercier en-« core une fois pour moi. »

Voici maintenant ce qu’il me disait dans une lettre du 0 janvier 185/i : « Ne m’oubliez pas surtout auprès de ce u bon M. Cheneau, qui m’a tant fait de bien et de qui je « conserve toujours de chers souvenirs. Je vais très-bien, je « souffre très-peu. »

Voilà donc où est arrivé ce jeune militaire avec le seul magnétisme exercé sur lui médiatement ou à distance par des hommes de bien que l'on traque comme des bêtes fauves, par le seul motif qu'ils font du bien illégalement ; après avoir pendant deux ans usé de toutes les ressources de l'art médical, sans en avoir pu obtenir que des surcroîts de douleurs, ce magnétisme que l’on tue physiquement, mais qui ressuscite spirituellement, et qui désormais doit s’introduire partout, malgré la fermeture de toutes les portes, pour soulager et guérir les malades que la médecine ne peut guérir et qu'elle condamne à vivre avec leur ennemi, en les déclarant incurables quand elle n’y peut rien.

Oui, ce magnétisme se rit aujourd’hui de l’ironie et des

sarcasmes de ses détracteurs , et il répandra , quoi qu’il en soit et à tout insu, son baume et sa propriété bienfaisante, d’ici à Saint-Pétersbourg, à Pékin, et il pénétrera même d’une extrémité à l’autre, n’en déplaise à notre savoir, sans que nous puissions empliècher sa libre circulation.

Un mot actuellement sur le magnétisme immédiat ou par attouchement. Il y a environ dix-sept ans, l’aîné de mes frères fut atteint d’une douleur à la cuisse gauche, qui nelui permettait de marcher qu’à l’aide de béquilles. Après avoir été soigné par les médecins sans aucune amélioration , ils lui conseillèrent les bains de Dax. Après avoir pris quelques bains, il fit dire à mes parents d’aller le chercher, parce qu’ils’en trouvait beaucoup plus mal. Enfin, accablé de souffrances , mes parents résolurent de l’accompagner à Pau , auprès du brave M. Laforgue, dont la renommée s’était répandue dans tout le pays. Arrivé chez lui, après lui avoir fait sa magnétisation, ce digne vieillard le prit par la main, lui fit faire trois fois le tour de sa cellule, et lui ayant donné scs instructions, il lui dit de s’en aller en paix , que le dimanche suivant il irait à la messe sans béquilles. Le lendemain \ h août, ils rentrèrent à la maison, cl le 15, qui était la fête de l’Assomption, mon frère s’en fut à la messe tout à son aise, et depuis il n’a plus souffert de cette partie.

Marie G...... P...... qui avait été domestique chez mes

parents, devint paralysée d’une main qui s’était fermée de telle manière qu’il était impossible de lui faire ouvrir les doigts sans les briser : 011 lui conseilla, après bien des soins médicaux employés sans succès, d’aller trouver le très-vénérable M. Laforgue, qui, après une courte magnétisation, lui ouvrit les doigts l’un apri$ l’autre, et la renvoya agissant de cette main comme de l’autre.

Qu’a valu à M. Laforgue son grand amour de l’humanité souffrante et tous ses bienfaits envers les milliers de malades qu’il a soulagés et guéris? Des persécutions et rien que des persécutions, et, après sa mort, les journalistes de Bordeaux, aussi bien que ceux de la localité, se sont même refusés à insérer sa nécrologie dans leurs journaux, par la

raison qu’elle contenait le récit de ses bienfaits humanitaires opérés par le magnétisme , parce que, a-t-on dit, ils déconsidéreraient les exploits et la bravoure de cet ancien commandant, en excitant la risée du public.

Qu’ont valu aussi à M. Cheneau les soins humanitaires qu’il a prodigués au moyen du magnétisme à une quantité innombrable de malades en 1S52 ? Une condamnation et l’interdiction. Cependant il guérissait les fous, les aveugles, les sourds, les muets, les paralytiques, les cancéreux , etc. lin jour, il y a eu chez lui de six à sept cents personnes, et on a compté cent quatre voitures aux environs de sa demeure. Dans l’espace de sept à huit mois, il a soigné de neuf à dix mille malades. Toutes ces disgrâces lui sont arrivées, parce que malheureusement il n’était pas nanti d’un diplôme.

Voici maintenant un fait qui m’est personnel. En 1833 , étant militaire, je me trouvais en cantonnement à Béthune (Pas-de-Calais) avec la batterie que j’administrais, car j’étais maréchal-des-logis-chef d’artillerie. Etant à danser un lundi soir dans une salle de danse unie comme une carte, au début de la première contredanse, je chavirai mon pied gauche , et dans mon élan pour traverser après le premier en avant-deux , j’appuyai d’une telle force sur mon pied, qu’il m’en résulta une entorse des plus violentes. Je ne pus rentrer la caserne qu’en m’appuyant sur les bras de mes camarades, et je me couchai. Durant la nuit, mon pied devint très-enllé et fortement échimosé, et la douleur était atroce. Le lendemain , je ne pus me lever pour faire l’appel. Quelques-uns de mes canonniers me dirent qu’il y avait dans la ville de Béthune un homme qui avait guéri, quelque temps auparavant, le maréchal-des-logis-chef, mon prédécesseur, d’un pareil accident, qui lui était arrivé également un lundi soir et dans la même salle de danse. Je me fis accompagner immédiatement chez ce guérisseur ; mais il fallut me monter à cheval et m’en descendre en arrivant chez lui, car il m’était impossible d’appuyer mon pied par terre , tant je souffrais.

Ce brave homme, qui avait la mine d’un ouvrier, se fit apporter de l’eau dans une assiette, me fit mettre le talon de

mon pied dedans, et commença par arroser de cette eau mon coude-pied , passa légèrement son pouce dessus à plusieurs reprises, (it ensuite trois signes de croix sur la même partie, et y souffla à trois fois dessus ; après quoi il me dit que je pouvais m’en retourner à pied. Eli bien ! le croira-t-on ? mais le fait est certain , je renvoyai mon cheval, et je me retirai à pied à la caserne.

Le lendemain ou le surlendemain, le chirurgien-major d’un régiment de ligne étant venu passer la revue de santé à mes hommes, je lui fis part de mon événement. Il me dit que j’aurais un baromètre à mon pied pendant dix ans. Mais fort heureusement sa fâcheuse prédiction ne s’est point réalisée, car je n’eu ai jamais souffert ni par le beau, ni par le mauvais temps.

C’est pourtant à de telles gens que l’on demande compte de tous ces beaux résultats, et pour récompense on les condamne avec interdiction de faire le bien. Mais que dirions-nous, si 011 faisait rendre compte à chacun de nous , praticiens légalement autorisés, non seulement pour nos insuccès, mais encore pour tous les malades qui meurent, soit parce que le médecin n’a pas connu la maladie ni ses causes, soit parce qu’il a prescrit, quoique avec la plus grande sagacité, des remèdes tout à fait opposés? Et c’est ce qui arrive malheureusement trop souvent, car, dans bien des cas, nous sommes forcés d’agir à tâtons et par des essais, ce qui prouve qu’il n’y arien de stable ni de déterminé dans la pratique du médecin, même le plus expérimenté et le plus consciencieux.

Ne voyons-nous pas, lorsque nous sommes obligés de nous réunir en consultations auprès d’un malade , nos opinions divisées sur les moyens qui ont été employés à l’égard du malade qui en est l’objet, et souvent blâmer le médecin ordinaire ? L’un aurait pratiqué une large saignée du bras ; l’autre aurait préféré les sangsues ou les ventouses scarifiées loco dolenti; un autre proscrit toute espèce d’émissions sanguines ; tel autre aurait prescrit telle potion ou tel remède spécifique, suivant le genre d’affection ; un autre encore la désapprouve pour en prescrire une qui n’aurait pas

produit un meilleur effet. Belle situation que celle d’un malade en pareille circonstance ! Et l’homœopathie ne se trouve-t-elle pas aussi en dissidence avec la médecine officielle?

Ne voyons-nous pas encore de grands chirurgiens réunis pour se concerter sur le cas d’une amputation , les uns se déclarant pour et les autres contre? Et lorsque la majorité est pour l'opération , qu’en résulte-t-il ? La mort de la vic-vime souvent dans les vingt-quatre ou soixante-douze heures, par l’effet d’une fièvre de réaction , quand même l’opération aura élé faite avec la plus grande dextérité. Voit-on jamais de pareils accidents sur des malades soignés par ces hommes de bien ? Non, jamais. Ceux qu’ils ne guérissent pas complètement, ils les soulagent du moins considérablement.

Pourquoi donc, messieurs et très-honorables confrères, puisque l’art médical est impuissant en pareil cas, ne voulons-nous pas nous rendre à l’évidence ? Ne serait-il pas bien plus satisfaisant pour nos consciences et bien plus honorable pour le corps médical d’embrasser avec confiance cette nouvelle science médicale, dite magnétisme, que de nous porter, lorsque nous sommes à bout de moyens suffisants, à l'extrême et cruelle ressource de l’amputation d’un membre , d’une mâchoire, d’une lèvre, d’une tumeur axillaire schireuse ou autre, d’un sein et de la langue même, ainsi que je l’ai vu faire dans ces diverses circonstances, lorsqu’il s’agit d’un cancer, sans que l’on puisse néanmoins détruire le principe morbide de cette redoutable affection, à laquelle le malade finit par succomber plus tard, après avoir enduré tant de souffrances, lorsqu’il n’a pas succombé sous le couteau du chirurgien le plus habile, qui frémit lui-'môme lorsqu’il se voit réduit recourir à un moyen si violent?

-le suis le plus petit d’entre les médecins, et ma voix est bien faible; néanmoins, j’espère qu’elle fera germer dans le cœurdequelques-unsdemesconfrères ledésird’explorercette science, afin de pouvoir bien la juger avant de la condamner. Je les en conjure au nom de Dieu et de l’espèce humaine.

DARHIEAU, Médecin.

POLÉMIQUE.

DÉBÂCLE DE LA MÉDECINE.

Depuis bien des siècles, la médecine a été en butte à des attaques de tout genre-, on a raillé son esprit de routine, son horreur pour les innovations, son système exclusif ; on lui a reproché son insuffisance, son aversion pour les moyens qui auraient pu la régénérer. 11 faut croire que le corps médical lui-même se sent bien malade. Voici un de ses organes, f Union médicale, qui pousse des cris de détresse :«Le corps médical, dit M. Sanderet, sent que la terre lui manque, que la vie lui échappe ; il se démène sous l’étreinte d’aventures fatales qui le déroutent et l’effraient, et cette attitude caractérise le danger. Une profession est perdue quand tous les cœurs ardents, quand tous les esprits vigilants qui lui appartiennent cherchent à tout prix un régime qui les protège ou une issue qui les sauve... La médecine est mise à la portée de toutes les intelligences, sinon de toutes les bourses , au grand dommage de la santé publique. Publications de toute nature, petites brochures, méthode Raspail, méthode naturelle, etc. J’en passe et des meilleures. L’exercice illégal sous toutes ses formes, tous les genres de piperie, homœopathie, remèdes spiritualistes, somnambulisme, matrones, rebouteurs, sorciers, illuminés, eaux miraculeuses et jusqu’aux tables tournantes, venaient compléter l’attaque. En cette matière, tout réussit, même la plus énorme mystification. Toujours debout malgré les édits, les décrets, les lois et les arrêts, malgré la réprobation universelle des honnêtes gens, l’exercice illégal marche invulnérable et triomphant, soutenu par des forces puissantes, l’amour de l’absurde , du merveilleux, la peur de la mort....

et puis les remèdes secrets, les sirops préparés, les préservatifs, les spécifiques, les ami... de toutes variétés, que chacun peut acquérir et employer sans surveillance et sans contrôle. La pharmacie se plaint bien haut et veut sortir d’affaire, elle a raison sans doute ; mais elle s’est suicidée par les procédés qu’elle a elle-même mis en œuvre en braconnant sur les terres de la profession médicale, et il lui sera peu pardonné parce qu’elle a beaucoup péché. — Les améliorations sociales, la mise en action de tant de procédés d’économie politique qui tous ont pour but une assistance légitime et plus efficace , l’association dans toutes scs forces, la charité dans toutes ses touchantes manifestations, sociétés de secours mutuels, bureaux de bienfaisance , médecins cantonaux, traitements à forfait ou abonnements, soit pour des collections, soit pour des individus, toutes ces institutions et leurs analogues, dont le fruit, grâce au ciel, est le bien du plus grand nombre , agrandissent le vide qui se fait autour de nous et rendront bientôt l’exercice de la médecine plus stérile encore que laborieux. — Nos progrès eux-mêmes, les découvertes et les méthodes dont s’enrichit l’art de guérir, précipitent la révolution... Calculez quelle est la somme de la population qui, s’échappant par toutes ces voies si multipliées et si diverses dans leur nature, leur action et leur légitimité, s’affranchit ainsi sans cesse de la profession médicale, et presse, à l’insu de beaucoup d’entre nous et sans y songer elle-même, le moment inévitable où disparaîtra, pour sa plus grande part, la pratique de la médecine, en même temps que, par une action corrélative, nos services sont moins appréciés et leur rémunération avilie... La société laisse faire, que lui importe? Nous sommes devant elle comme les pouvoirs déchus dont on n’a plus besoin ni peur ; elle nous invoque en contestant ; elle utilise le fruit de nos travaux et de nos progrès après les avoir niés. C’est une exploitation permanente pour cause d’utilité publique, seulement on indemnise les propriétaires de moellons et de jachères... »

Ces doléances si aigres, si lamentables, exciteront-elles la

sympathie, la commisération?... Hélas! nous craignons bien qu’elles ne provoquent que le dédain. Comment! voilà des hommes graves que l’on croyait tout dévoués à la science , n’ayant d’autre passion que de soulager les maux de l’humanité : et tout ce qui les préoccupe, c’est le soin de .smirer la caisse! Ils voient avec dépit le public s’éloigner d’eux ; les recettes sont en baisse, le temple est désert, l’autel délaissé , et plutôt que de chercher si la cause de cet abandon ne serait pas due à leur propre incurie, ils veulent nous apitoyer sur leur détresse. 11 y a là aussi peu de dignité que de bon goût... Bien plus : 011 ala maladresse d’accuser les progrès sociaux , les institutions qui tendent à diminuer la misère , les perfectionnements de l’industrie, et enfin l’hygiène elle-même qui, en faisant disparaître les causes des maladies, réduit de plus en plus le ministère du médecin. Il faudra donc regretter le temps où la négligence des administrations publiques laissait la voie publique infectée d’eaux croupissantes et de matières putrides qui, en répandant des miasmes pestilentiels, amenaient de bonnes épidémies , de fructueux choléras, de plantureuses fièvres jaunes. Oh ! alors au moins le médecin ne manquait pas de besogne, le malade donnait, il y avait plaisir et profit à prendre le bonnet de docteur. Mais, au train dont vont les choses, la science et l’industrie se liguant pour prévenir le mal par une foule de règlements sur la salubrité publique, les maladies deviendront tellement rares, qu’on les citera comme des exceptions phénoménales, et il n’y aura pas de l’eau à boire pour ces pauvres médecins, qui en seront réduits... à faire, dans quelques journaux, l’oraison funèbre de la médecine. Comment avoir le cœur assez dur pour ne pas s’intéresser à de si grandes infortunes !

Si seulement on réservait aux médecins l’exploitation exclusive des maladies qui persistent encore malgré les progrès de toute nature; mais, non, les lois qui consacrent leur monopole sont mollement exécutées. Et qu’est-ce qu’une modique amende pour arrêter l’audace de tant de gens qui se permettent de guérir sans brevet? Que de concurrents en-

valussent le domaine du médecin et rognent sa pitance déjà si maigre ! De tous ces insolents intrus, en est-il de plus odieux que les magnétiseurs et les somnambules? On leur a prouvé par a plus b qu’ils n’existaient pas et ne pouvaient pas exister, que leur prétendue science, leur prétendue lucidité étaient contraires à toutes les saines doctrines universitaires, réprouvées par l’Académie, auathématisées par l’E-glise, on opposition à toutes les lois divines et humaines : et pourtant ces effrontés charlatans se permettent journellement d’opérer les cures les plus merveilleuses, à la barbe des médecins et à leur grand détriment ; et, pour ajouter au scandale, ils se font un malin plaisir de choisir précisément les cas désespérés, ceux où a échoué tout l’art médical, et c’est alors qu’ils réussissent le mieux, pour constater leur supériorité. Sans doute, tous ces beaux résultats, se passant en dehors des prescriptions de la Faculté, sont parfaitement nuls et ne doivent pas compter , mais les badauds qui se trouvent guéris ont la sottise de ne tenir aucun compte de la forme qui devrait être tout, et de s’engouer follement d’inventions auxquelles ils ont dû leur salut, il est vrai, mais qui n’en méritent pas moins le mépris de tous les honnêtes gens. N’est-ce pas l’abomination de la désolation !...

Comment échapper à ce désastre, comment conjurer une ruine imminente ? M. Sanderet, comme feu Jérémie, ne sait que gémir, et il n’indique aucun remède. Au lieu de manifester si bruyamment sa tristesse, de se lamenter si piteusement sur la perte d’intérêts mercantiles , que ne porte-t-il son attention sur le mouvement actuel des esprits, que ne comprend-il que ces fléaux, contre lesquels il vomit ses imprécations, contiennent un principe de vie, et que c’est là que la médecine doit trouver sa régénération ? Le magnétisme développe chez l'homme de nouvelles facultés , introduit de puissants moyens de guérison , jette de vives lumières sur la nature humaine, et fait jaillir, par la lucidité somnambuli-que, de magnifiques révélations sur les maladies et sur les moyens d’y remédier. Nier l’évidence , se raidir contre la force invincible des faits, c’est jouer le rôle le plus miséra-

Lie et le plus ridicule, c'est faire comme les chiens qui aboient contre la lune. Que les médecins examinent sérieusement le magnétisme , comme l’ont déjà fait beaucoup des plus distingués d'entre eux ; qu’ils appliquent à son étude leurs connaissances acquises, ils enrichiront ainsi leur science de précieuses ressources et grandiront en influence et en considération. Qu’ils renoncent enfin à ce dédain fort peu philosophique pour tout ce qui est étranger à l’enseignement de l’école; qu’ils prennent au contraire pour règle de ne rien mépriser sans examen, de s’enquérir de tous les procédés, bizarres ou non, par lesquels 011 prétend guérir; qu’ils les soumettent à un contrôle sévère et consciencieux, et qu’ils s’approprient tous ceux dont ils auront vérifié l’efficacité. Qu’importe que ces procédés choquent certaines idées préconçues, qu’importe que la raison n’explique pas leur action ? Faire du bien est l’essentiel : guérissez ; la théorie se fera plus tard, si c’est possible. La médecine officielle n’est-elle pas, en grande partie, empirique? L'emploi de la plupart des remèdes inscrits au codex n'est-il pas basé uniquement sur leur efficacité reconnue , et non sur des considérations scientifiques établissant à priori un rapport entre la nature de ces remèdes et l’action qu’ils doivent produire ?

Allons, adorateurs du passé, séchez vos pleurs, cessez de vous désoler d’un discrédit qui n’est dû qu’à vous-mêmes ; ne vous obstinez plus à vous envelopper majestueusement dans vos toges surannées et à contempler stérilement vos vieilles idoles : osez ouvrir les yeux à la lumière qui éclaire de nouveaux horizons, entrez dans la voie du progrès, et de glorieuses destinées couronneront vos efforts.

A. S. MORIN.

PLUS D’ESPRITS!

PALINODIE llmc (1).

Mon cher maître,

\ V'

Aujourd’hui que j’ai trouvé le fil du labyrinthe oajHÿ^yais,. presque tout à fait déserté les mystérieuses avenùfesi^jlÿ-rentre avec assurance, parce que je ne crains plus la rencontre du minotaure de l’ignorance , et me sens de force à le prendre par les cornes et à lui parler dans les yeux.

Dire que depuis six mille ans il se nourrit des victimes de la superstition, de la crédulité et de l’impiété, ce serait refaire l’histoire psychique du monde depuis les gnostiques jusqu’aux know-nothings, leurs dignes disciples, et les Mormons leurs victimes.

Si les mages et les hyérophantes ne nous ont pas laissé la clef de ce grand mystère, c’est qu’ils ne l’ont jamais possédée. Ils auront, comme les boudhistes, obtenu des résultats, les auront multipliés, organisés peut-être, mais n’ont jamais pu les expliquer, à défaut des modernes notions sur l’électricité, base de tous les phénomènes de communications spirituelles, telles que la magie, la cabale, l’astrologie, la thélémancie, la cartomancie, la sorcellerie, le magnétisme, etc.

Quelques écrivains modernes ont dit : électricité vitale, mais n’ont pu débrouiller son action, tant que le grand mot : électricité intelligente n'a pas été prononcé et expliqué, comme je viens de l’entendre d'un trépied véridique qui a trahi tous ses collègues. J'avais cru, d’après ses premières indiscrétions, devoir diviser l’électricité en trois sortes, minérale, végétale et animale ; c’était trop, il me rappelle à l'ordre et n’en admet que deux, Xélectricité brute et l'électricité intelligente, laquelle n’est ni plus ni moins que notre âme, image de celle du Créateur qui possède aussi le don de créer. Notre pensée serait une vibration ou une

(1) Voir lo numéro 22G du journal.

effluve de notre cerveau, et nous pourrions lancer au loin cette invisible étincelle sans avoir besoin des fds indispensables à l’électricité brute ou aveugle.

Questions :

— Peut-on, en projetant une pensée bonne ou mauvaise sur une personne, l’impressionner en bien ou en mal?

— Oui, répond la table, si elle est assez forte ; c’est ce que vous entendez par les mots puissance de volonté, et par l’aphorisme vouloir c’est pouvoir.— Mais il faut, avant tout, pouvoir vouloir, et les lâches, les indolents et les malades ne savent pas vouloir.

Une gymnote qui souffre ne peut ni tuer sa grenouille ni renverser son pêcheur à la ligne, ni terrasser un cheval comme M. de Humboldt l’a vu.

Le vigoureux penseur est comme un vigoureux boxeur, l’un assomme son monde au physique et l’autre au moral.

11 y a des gens malheureux, tout le monde leur marche sur le corps, Us ne réussissent à rien, ils n’ont pas de chance, etc. Vous voyez comme toutes ces énigmes sociales s’expliquent aisément par la doctrine dont Morin fut le premier révélateur.

Continuons. — Quand un jeune homme pense à une demoiselle, est-ce qu’il ne la contraint pas de penser ii lui ?— Oui, c’est ce que les pères appellent un ensorcellement. — Si deux amis, en se réparant, prenaient soin de noter toutes les minutes auxquelles ils pensent l’un à l’autre, est-ce que leurs carnets comparés s’accorderaient? — Oui. — Est-ce que c’est cette observation qui a donné naissance au proverbe : quand on parle du soleil on en voit la queue ? — Les rayons, oui. — Est-ce que les gens qui se sont attiré > par leur improbité, des haines vigoureuses, sont malheu-rei^es de ce chef? — Oui, c’est cela qu’on appelle remords de conscience. — Est-ce que c’est l’action de la pensée hostile de tout un peuple qui fait tourner la tête aux mauvais rois et les renverse? — Oui. — Une pensée contraire qui les soutient et les conserve ? — Oui, et ils restent calmes quand ils sont sollicités par ces deux forces con-

iraîres: c’cst la meilleure situation pour foire de grandes choses. —11 est donc vrai que la pensée gouverne le monde, qui- cette pensée émane de l’âme, que l’âme émane du Créateur qui l’a laite à son image, et que l’homme a beau s’agiter, c’est toujours en définitive Dieu qui le mène et le mène vers le progrès infini malgré sa résistance, malgré son inertie, malgré tout? — Oui. — Est-ce vrai ce que m’a dit le guéridon de Dumotay : L'univers est régi pur un esprit immuable qui délégué dans les globes des esprits supérieurs pour éclairer les humanités et les faire capables de s’unir à lui? — Il faut avoir bien compris le phénomène pour en parler en si bons termçs, fut la réponse.

Je vous le demande, cher maître, est-il quelque chose de plus clair, de plus simple et de plus consolant que cette doctrine peu cabalistique, peu magique, peu diabolique qui nons en apprendra plus que tous les papyrus carbonisés de la bibliothèque d’Alexandrie, lesquels n’étaient sans doute que les archives des Plotémées, dont nous remercions le grand Omar de nous avoir débarrassés ?

Remettons-nous à la table : — Veux-tu faire un compliment à la personne que tu viens d’entendre chanter? — Oui, donnez des rimes. Cette demoiselle se destinant au théâtre avait désiré faire juger de sa voix par un grand maître. Voici comment ont été remplies les quatre rimes données au hasard par trois personnes :

Avec une aussi belle.... voix On peut gagner une.... fortune.

Mais il oe faut pas faire.... choix l)u théâtre de.... Pampelune.

On passa ensuite au jeu des ressemblances, et toutes celles qu’on proposa furent immédiatement résolues comme suit : — Quelle est la ressemblance entre la Cruvelli et une locomotive ? Toutes deux ont une voix fort étendue sur le sol. — Entre ce jeune homme et mon chapeau ? Tous deux mal formés. Entre ma tabatière et la maîtresse du logis? toutes deux fort brisées. — Entre une chanteuse et un crapaud? — La chanteuse fait quelquefois des coacs et le crapaud toujours.

Quand on lui demande le petit nom de la cantatrice étrangère, elle dit que personne de la table ne le connaissant, elle ne le connaissait pas non plus. Un colonel qui le savait apporta sa main, elle ne put pas le dire davantage, ajoutant que la puissance était du côté de l’ignorance. Alors on le dit à l’oreille de trois personnes, il y avait donc égalité de savoir et d’ignorance ; la table se dressa du côté d’un jeune homme qui savait. — Que fais-tu là? — Je lis dans son cerveau le nom A’Octavie, c’était le mot cherché.

Vous voyez que tout concourt à vérifier et confirmer le fait que la divination de la table n'est autre chose que la réaction de la pensée d’un seul aidé de collaborateurs en sympathie ou en neutralité d’opinions; mais ce qu’il y a de merveilleux, c’est l’acquisition de cette certitude et l’explication satisfaisante pour les adeptes, de la manière dont ce phénomène est produit.

Voici, en somme, le credo de ce vieux mystère :

La table peut dire ce que vous savez, ce que vous avez su et ce que vous êtes capable de savoir. Elle dit aussi ce que vous désirez et pressentez ; elle est également susceptible de seconde vue, comme certains somnambules, et d’une certaine dose de prescience, comme les sages et les philosophes, observateurs de la loi des probabilités.

Cette création éphèmère de nos sens, cette doublure de nos facultés intellectuelles parait jouir comme nous de son libre arbitre, peut nous poser des questions à côté des nôtres, et môme contraires à nos pensées ou à nos opinions, ce qui a fait croire à l’intervention d’un tiers étranger. En admettant ces divers points, admis déjà par les magnétiseurs expérimentés, les explications n’offrent plus d’ambiguité et viendront successivement se ranger dans le cadre unique du mouvement perpétuel qui est l’âme et la vie du monde matériel et spirituel tout compris.

Cette création intelligente a sa spontanéité aussi complète et plus virtuelle que la nôtre même pendant qu’elle existe ; on peut dire à nos dépens, car nous ne serions pas capables, dans ces moments de tension mentale, de faire des réponses en termes propres et choisis comme elle le fait. Ainsi,

un jeune violoniste île seize ans, Monastcrio, ayant mis pour la première fois , avec une demoiselle de son âge, la main sur un guéridon , en le priant de lui dire quelque chose ;

voici sa réponse :

Je te pridis un prand succès Pour ton archet, Inn œil de flamme,

Mon fils, ne fais jamais d'excès,

Do la victoire à toi la palme I

Je vous laisse à penser l’enthousiasme qui s’empara de ce

néophite. 11 demanda quelques mots sur son bon maître

qu’il venait de visiter. Le guéridon répondit :

Il fut pour toi rigide et bon,

Conserve bien dans ta mémoire Sa belle justesse de son ,

C’est le vrai chemin de la gloire.

Il y a des milliers de preuves que les jeunes gens des deux sexes, pleins de vie et de naïveté, impriment aux tables une action beaucoup plus vive que les gens d’âge préoccupés, qui n’apportent qu’une attention intermittente au phénomène. Ainsi un homme fait, aidé de deux jeunes collaborateurs dociles à ses conseils et à sa manière devoir, sera dans les meilleures conditions de succès, si d’ailleurs il ne se trouve pas d’influence hostile parmi les trois ou quatre spectateurs au plus, que l’on peut admettre à condition qu’ils gardent le silence et la neutralité.

Nous avertissons les amateurs, médiums ou non, de ne se laisser jamais aller à des expériences de salons mondains où on les invite souvent dans le but d’amuser la compagnie. Le plus prudent, quand ils se sont laissé prendre dans un raout, c’est de s’esquiver à la française.

Plus tard, quand le nombre des négateurs aura diminué, quand il se sera formé de petites églises comme aux Etats-Unis, les phénomènes acquerront beaucoup plus d’intensité et s’élèveront jusqu’aux miracles, comme aux temps de la foi primitive de nos pères, miracles qui se sont raréfiés avec la foi, et, comme la foi, jusqu’à cesser entièrement.

Ce temps où des centaines de fidèles se réunissaient autour de la sainte-table pour communier en Dieu reviendra sans aucun doute.

Le monde marche an spiritualisme, puisse-t-il être plus spirituel qu'il ne l’est aujourd'hui.

Dieu. force intelligente. Ame de l’univers,

Fais vibrer mon cerveau pour célébrer en vers Va gloire et la boulé, car vainement je m’use A liait i Apollo:*, à eare-scr ma muse;

Ces dieux devenus vieux ont le tympan perclus,

"ii a !i au le prier, ils ne réponde t plus;

J'aime mieux m'adresser ii la table parlante.

Kobo fidèle et sûr de l ime inconsciente De deux ou trois croyants tablis alentour.

Dont elle met I esprit et le eusur au grand jour,

Formule ce qu’on soi , dit ce qu’on ne sait guère,

«a que l’on a su, voilà tout le mystère.

'.'liant aux esprits malins ou grossiers ou railleurs.

11> Mini en vous, inessieure. ne cherchez pas ailleurs.

I.n lableest un miroir >pii grossit et reflète La pensée et les vœux de notre âme inquiète.

Us CoKiiEsrosDAür.

Telle est l'inconstance de l’esprit humain que nous voyons rejeter aujourd'hui comme mensonge, ce qu’hier encore nous adoptions comme vérité. C’est une oscillation perpétuelle et qui fait douter de la solidité de la raison. La constance ne saurait-elle donc exister que là où est la foi ? La science récuse la foi, — elle a raison. La foi récuse la science, elle a doublement raison, car ce qu’elle produit, quoique ne pouvant s'expliquer, est bien supérieur aux œuvres de la science.

Rien ne nous étonne donc aujourd’hui, tout semble contradictoire dans les explications qu’on donne et qu’on voudra donner d’un phénomène encore inexplicable, l’esprit de plus d’un homme distingué s'y perdra, mais nous manquerions à notre mission si nous n’admettions dans le Journal «lu Magnétisme que ce qui se rapproche de notre sentiment, et dans la pièce que nous insérons tout y est contraire.

Nous touchons au merveilleux, la force miraculeuse est aux mains des hommes, c’est plus que la science vulgaire qu'il faut posséder pour la manier, — c’est de la sagesse; mais la science parfois conduit à la sagesse, et qui dit sage dit en même temps voyant. Lorsque nos savants seront des sages, ils n'expliqueront pas, ils verront.

Baron DU POTET.

VARIÉTÉS.

Une table péripatéticienne. — « Un habitant d’Utica, qui était dans notre bureau il y a quelques jours, nous racontait le fait suivant dont il avait personnellement connaissance. Une dame d’Utica devint veuve il y a quelques mois; elle avait aimé tendrement son mari. Elle prit l’habitude d’aller chaqué jour dans le cabinet où étaient suspendus les vêtements de son mari ; elle les embrassait avec effusion. 11 y avait déjà longtemps que durait cette habitude, quand elle reçut de l’esprit de son mari une communication, par laquelle il lui prescrivait d’enlever ces effets et de les transporter au grenier. Elle se disposa à obéir à cette demande, et pendant qu’elle recueillait les bardes pour les monter au grenier, une petite table, qui était près d’elle, fit un mouvement pour l’accompagner : tout en se tenant à une certaine distance, elle se mit à marcher derrière elle, monta l’escalier, entra dans le grenier comme si les lieux lui fussent bien connus ; elle pressait ses mouvements , exprimait un «air de surveillance, et elle observait la manière dont les vêtements étaient déposés dans un lieu convenable. Après que tout fut fini, la dame descendit les escaliers, la table la suivit encore, et en entrant dans la chambre d’où elle était partie , elle se donna à elle-même une bonne secousse comme pour exprimer sa satisfaction et annoncer que son rôle était terminé, et ensuite elle se tint tranquille.»

Thomas Say.—« Thomas Say, quaker distingué et homme excellent, naquit à Philadelphie en 1700. A plusieurs époques de sa longue carrière, il offrit des exemples remarquables de facultés transcendantes. Pendant un accès fort douloureux de pleurésie, qui lui arriva à l’âge d’environ 70 ans , il éprouva une crise, et pendant plusieurs heures, ses amis

et le médecin le regardèrent comme mort. Néanmoins, il revint à la vie : il raconta qu’il avait eu des visions béa-tifiques, qu’il avait entendu des voix d’hommes, de femmes et d’enfants qui chantaient de la manière la plus ravissante les louanges de Dieu. Il ajouta que pendant son extase,

il avait vu mourir trois hommes, et il rapporta les diverses circonstances de leurs décès. Deux de ces personnes étant connues de ses interlocuteurs, ceux-ci envoyèrent immédiatement quelqu’un pour s’informer de la réalité et des circonstances de leur mort. Il se trouva que ces deux personnes étaient réellement mortes pendant la crise de Say ; et tout ce que ce dernier avait rapporté de la manière dont elles étaient mortes fut confirmé de point en point. La troisième des personnes dont il était question était un nègre appartenant à la veuve Kearney. Quelque temps après que Say eut repris connaissance, cette veuve envoya vers lui pour lui demander s’il pensait que les âmes des morts se connussent. Il répondit affirmativement, et il ajouta qu’il avait vu son nègre mourir pendant qu’il était en transe. Elle demanda où cet événement avait eu lieu. 11 répondit : Dans une cuisine de briques entre le pilier de la cheminée et la muraille, et quand on enleva le corps du lit pour le poser sur une planche, la tôte glissa des mains de ceux qui le tenaient. La daine déclara que tout cela était parfaitement exact. D’autres questions ayant encore été faites à Say, il dit qu’on avait ensuite placé le corps du nègre entre la porte de derrière et celle de la rue. Mme Kearney dit qu’elle ne se rappelait pas cette circonstance. Mais quand Say ajouta qu’ils ne l’avaient déposé en cet endroit que le temps pendant lequel ils étaient allés dormir sous une fenêtre près de laquelle 011 le plaça ensuite, elle déclara que tout cela était parfaitement vrai. Say décrivit les esprits de ces personnes comme possédant une forme humaine , bien qu’il vît en même temps leurs corps matériels, les murs interposés ne mettant aucun obstacle à sa vue. »

— /frirs et cure remarquables. — « Le même Sav possédait à uu très-haut degré le don de guérir, soit en indiquant des remèdes, soit en exécutant des manipulations. On eut recours à lui dans le cas suivant : Une jeune daine, qui demeurait quelque distance de Philadelphie où résidait Say, avait été pendant longtemps affligée d’accès d’épilepsie, et les médecins n’avaient pu lui apporter aucun soulagement. Une nuit, elle vit en rêve une personne qui lui déclara que si elle voulait aller à la ville et s’adresser à Thomas Say, elle serait guérie de ses accès par les médicaments qu’il prescrirait. Quoiqu’il lui fût resté de cette vision une impression profonde, elle n’y attacha pas plus d’importance qu’à un rêve ordinaire. Quelque temps après, elle vit encore en rêve la même personne qui lui reprocha de ne s’être pas conformée à ses avis. La dame s’excusa en disant qu’elle n’avait aucun moyen d’aller à la ville, qu’elle ne savait pas aller à cheval, n’y ayant jamais été, et enfin qu’elle ne connaissait aucunement l’homme en question. Son donneur d’avis la quitta, puis il revint avec deux chevaux ; ils en montèrent chacun un , et ils arrivèrent chevauchant ensemble chez Say ; dès qu’elle le vit, elle s’éveilla. Le jour suivant, elle fit part de ses rêves à quelques-uns de ses amis, et quelques instants après, elle vit venir vers la maison où elle se trouvait, un jeune homme conduisant deux chevaux qu’elle reconnut pour ceux de sa vision. Elle monta celui qu’elle avait rêvé monter, le jeune homme monta l’autre, et tous deux arrivèrent ainsi à la ville, et pondant tout le chemin , elle voyait d’avance, au moyen des souvenirs de son rêve, tout ce qui allait lui arriver. Ils se rendirent directement à la demeure de Say, que la dame reconnut, toujours d’après son rêve. Elle lui fit connaître son mal, il lui prescrivit des médicaments qui la guérirent, et depuis elle n’eut aucune rechute.

Traduit par A. S. MOUIN.

— m —

Qu’était-ce iue les psvlles de l’antiquité? Que sont les charmeurs de serpents modernes de l’Egypte et de l’Inde? Quel est le secret des dompteurs d’animaux féroces que nous voyons chaque jour sur nos théâtres ? N’y aurait-il pas là quelque chose à étudier et serait-ce un sujet indigne des recherches sérieuses des magnétistes? L’étude des forces cachées, des puissances inexpliquées est essentiellement de leur domaine, et, à ce point de vue, il nous semble que l'influence jusqu’ici mystérieuse de l’homme sur la brute mériterait une investigation scientifique plus approfondie de leur part. Il y a là peut-être de bien bulles découvertes à faire.

Ces réflexions nous sont inspirées par un article que nous venons de lire dans la I.ucc magne lira, de Turin. Cet article nous annonce la prochaine arrivée à Paris d’une jeune Péruvienne, née à Cusco, dans la capitale même du royaume des Incas, Isabelle Mandez, laquelle vient de donner en Piémont des représentations d’un genre tout à fait nouveau, où elle a pour co-acteurs non point des lions, des tigres, des hyènes ou des ours, comme vingt autres l’ont fait déjà, mais une affreuse collection de tous les serpents les plus terriblement renommés de son pays. Le serpent à sonnettes, à lunettes, à corne, la vipère et toutes ses variétés, les crotales, les pythons, les boas, toute cette brillante et redoutable famille lui sert comme de jouets, et elle renouvelle sur eux toutes les merveilles des charmeurs anciens et modernes.

Le serpent, animal essentiellement magnétiseur lui-même, serait-il donc aussi susceptible de subir à son tour l'influence magnétique ?

Voilà une occasion de faire à peu de frais et sans se déranger des observations qu’on est, d’ordinaire, obligé d’aller chercher au Caire, à Calcutta ou à Singapoure.

E. de M.

BIBLIOGRAPHIE

Nous avons reçu les quatre premiers numéros de l’année 1856, janvier, février, mars et avril, du journal 11 Mesme-rista (Le Mesmériste), publié à Turin par une société de médecins et de magnétisles, et l’abondance des matières auxquelles peut à peine suffire notre journal, nous a empêché jusqu’à ce jour de rendre compte de cette excellente publication. La propagation du magnétisme a lieu de jour en jour dans une progression si rapide et l’extension de nos rapports scientifiques avec tous les points du globe prend des proportions si considérables que nous nous trouvons, bien malgré nous, en retard avec un grand nombre de nos correspondants de l’étranger. Qu’ils aient donc la bonté de ne point nous en vouloir pour ce silence indépendant de nos désirs et qui ne nous empêchera pas de rendre, en sou temps et tour à tour, toute justice aux envois qu’ils veulent bien nous faire.

Il Mesmerisla, qui nous paraît être la continuation, sous un autre format, du Magnitofilo, que publiait à lui seul le professeur Allix, est une revue mensuelle, paraissant par cahiers de A 8 pages, petit in-8°. C’est, sans contredit, ce que nous avons vu jusqu’ici, parmi les publications magnétiques, de plus soigné comme œuvre typographique. Caractères, format, papier, impression, rien n’est négligé, et le fond, hâtons-nous de le dire, répond pleinement à la forme. Voilà une œuvre comme nous les aimons; voilà de la propagande bien comprise ; voilà de la science sérieuse et ue la discussion honnête. Le ton calme et grave de cette feuille est, suivant nous, un remarquable indice de progrès. La modération convient à qui a la conscience de sa propre

valeur, et c’est un grand pas de fait que d’avoir laissé derrière soi la phase de l’enthousiasme et de la violence.

Dans le Mesmerista, la partie thérapeutique nous parait surtout traitée avec un soin tout particulier, et nous avons noté d’excellentes observations dans la clinique des docteurs Vandoni, Caramagna, Siriati, Peano ainsi que de notre compatriote M. Allix qui a tant l'ait à Turin pour la cause magnétique.

Ce n’est pas à dire pour cela que la partie psychologique soit négligée ou traitée avec indifférence, tant s’en faut, et nous pouvons citer un très-remarquable article du docteur Vandoni sur le phréno-mesmérisme, un autre de M. Allix sur le fluide et la volonté, un de M. le comte Pettoveli sur l’automagnétisation, etc.

Cette publication, essentiellement utile au point de vue de la science, a également le grand avantage de mettre en communication directe entre elles les différentes sociétés magnétiques de chaque Etat de l’Italie, dont les progrès deviennent de jour en jour plus éclatants, et le Mesmerista les enregistre avec soin. Nous lui devons la lettre du docteur Vandoni que nous croyons être agréablesànos lecteursen lacitant plus loin in extenso, afin de leur faire partager la satisfaction que nous avons éprouvée en apprenant la grande nouvelle de l’admission officielle d’une clinique magnétique à l’hôpital de Milan.

Les charlatans, les faux magnétiseurs, les saltimbanques, les soi-disant somnambules extra-lucides, ces frelons du mesmérisme, par exemple, se loueront peu de l’apparition du Mesmerista qui ne les épargne guère. Il les cite et les démasque sans pitié. C’est justice; et en accomplissant ce devoir, il se crée un titre de plus à l’accueil bienveillant de tous les vrais disciples de Mesmer.

Résumons-nous en disant que le Mesmerista, tel qu’il vient de se montrer à nous dans ces premiers numéros, nous semble, non seulement une publication utile et opportune pour le moment, mais en outre destiné à devenir un recueil véritablement classique et digne d’avoir sa place dans la

bibliothèque de tout magnétiste ami des études consciencieuses, substantielles et intelligentes.

E. dk MALHERBE.

La Lice Magnetica, une autre feuille qui se publie également ¡1 Turin et dont nous avons annoncé aussi l’apparition au commencement de cette année, n’a point failli à son programme. Nous l'avions prévu. Organe spécial de la Société philo-magnétique de Turin, société dont nous avons signalé tout d’abord la remarquable composition, de plus, ayant pour rédacteur en chef un homme aussi habile que le professeur Guidi, avec des collaborateurs tels que les Dugnani, les San-Vitale, les Coddé, cette publication ne pouvait que rapidement progresser et servir vaillamment la cause magnétique. Elle n’en est encore qu’à son vingtième numéro, et déjà elle a donné à ses lecteurs la mesure de ce qu’elle peut faire en leur oll'rant :

L'ue étude d’une haute portée sur l’extase humaine, par le comte San-Vitale, ce noble vétéran du mesmérisme en Italie : nous reviendrons sur ce travail qui n’est pas encore terminé, et dont l’importance mérite qu’on s’y arrête particulièrement ;

Une analyse très-savante, par le D' Luigi Coddè, de la Magnétothérapie du comte Szapary ;

Un excellent article sur les tables tournantes, les médiums et le somnambulisme puységurien, par M. Antonio Zuc-coli ;

Et une foule d’autres bons articles qu’il serait trop long d’énumérer ici, mais qui porteront leurs fruits parmi ceux qu’ils sont destinés à initier à la grande vérité.

De mêmeque son confrère le Mesmerista, la Lice Magnetica fait une vigoureuse guerre aux charlatans et aux imposteurs, et nous aimons à croire que, grâce aux efforts réunis de ces deux énergiques champions, le Piémont, plus heureux en cela que la France, se verra radicalement purgé de cette plaie du magnétisme, dont ils sont les plus nuisibles ennemis.

Nous avons, avec un bien sincère plaisir, remarqué la cordiale entente dos deux habiles rédacteurs en chef sur ce terrain commun et dans ce but généreux. Et qu’il nous soit permis de le dire ici, lorsqu’une vaine et regrettable polémique s’éleva entre les deux honorables professeurs , lorsque nous faisions de notre côté appel à la modération , à la tolérance, à l’union , peut-être pouvons-nous espérer, avec une bien vive et bien profonde satisfaction, que nous n’avons pas été tout à fait : Lu voix criant dans le disert. L’é-mulation n’est pas la rivalité, et deux sociétés, fondées dans le môme objet, poursuivant le même but, professant les mêmes croyances, cherchant à faire briller les mêmes lumières aux yeux de l’humanité tout entière, peuvent bien vivre côte à côte se tendant fraternellement la main , et ne mettant leur véritable amour-propre à se devaucer que dans leur ardeur répandre les bienfaits de la science dont elles se sont donné pour mission de semer les germes. Union, union et fraternité! telle doit être la devise de notre drapeau à nous tous, magnétistes de tous les pays, que rassemble moralement une même pensée de bienveillance universelle.

E. de MALHERBE.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Paru. — Imprimerie de Powumi cl Moumg, 17, qnoi des Augustin;.

FÊTE DE MESMER.

122° ANNIVERSAIRE DE I.A NAISSANCE DE MESMER ,

11» Célébration , 35 mai 1856.

Le 23 mai dernier, anniversaire de la naissance de Mesmer, la fête annuelle, qui réunit dans de fraternels banquets tous les disciples de la science dont ce rare génie fut l'apôtre persécuté, a été célébrée avec une sympathique ardeur, non seulement à Paris, non seulement dans toute la France, mais en Italie , en Angleterre, en Allemagne , en Amérique, d’où nous arrivent chaque jour des comptes-rendus et des procès-verbaux de cette solennité.

Nulle part, toutefois , nous croyons pouvoir le dire, les adhésions n’auront été plus nombreuses, l’ensemble plus chaleureux, l’union plus cordiale, que dans les vastes salons de Lemardelay, où, ainsi que l’année précédente, s’étaient rassemblés les membres de la Société du Mesmérisme et les magnétistes de toutes les provinces qui se trouvaient momentanément à Paris. L’immense et splendide salle de banquet, où peuvent s’asseoir cependant -120 convives, s’était trouvée encore trop étroite pour contenir tous ceux qui, arrivés plus tard, auraient voulu prendre part à cette fête de famille.

Nous ne craignons pas de l’avouer, ce qui nous a le plus vivement frappé dans cette imposante réunion, ce n’a été ni l'ensemble vraiment magique de la décoration de la salle du banquet, ni l’éclat des milliers de lumières se reflétant dans les bronzes dorés et les cristaux au milieu des moissons de fleurs qui encombraient les tables, ni ces mille détails du luxe et du comfort auxquels, disons-le en passant,

ie goût el l’élégance d’une femme avaient bien voulu présider.

Non, en dehors de la satisfaction délicate de tous les sens dans ce bien-être de bonne compagnie, nous avons pardessus tout subi l'impression morale que devait faire naître, chez tout penseur sérieux, le spectacle vraiment philosophique de cotte assemblée grave et sereine, de ce concours si spontané et si compacte cependant d'hommes de tous les âges, de toutes les religions, de toutes les conditions et de toutes les classes de la société , hommes dont beaucoup inconnus les uns aux autres, se trouvaient, à peine entrés, u leur aise et en famille, en ne voyant autour d’eux que des visages amis et des mains tendues.

11 y a quelque chose d'éminemment respectable, de profondément touchant dans ces agapes fraternelles où est le bienvenu quiconque se présente avec la sincérité et la dignité d’une même et unique croyance, la vérité pacifique enseignée par le maître, d’une même et unique volonté, le soulagement physique et l’amélioration morale de l’humanité.

Chrétiens ou israélites, luthériens ou anglicans, magistrats, généraux, administrateurs, médecins, littérateurs, industriels, négociants, hommes de labeur ou de loisir, tous, mus par la même pensée, et volontairement inclinés sous le même niveau de cette franc-maçonnerie de la science et de la charité universelle, ne portaient plus qu’un nom, celui de magnétistes et sans distinction de rang ou de croyance , ne reconnaissaient pour les plus grands et les premiers parmi eux que ceux qui apportaient le plus de science acquise, le plus d’expérience utilisée, le plus de bien accompli.

A tous ces titres réunis, la présidence revenait de droit et tout naturellement à l’illustre chef du magnétisme du dix-neuvième siècle, au successeur direct de Puységur et de Oeleuze, au baron du Potet, un de ces noms auxquels appartient le rare honneur de n’avoir point besoin de commentaires.

Assis au haut bout de l’immense table, il avait à sa droite

et à sa gauche les vice-présidents de la Société du Mesmérisme et les magnétistes étrangers auxquels leurs frères de Paris offraient les honneurs de l’hospitalité. Parmi eux, à ces places de distinction, des femmes jeunes et élégantes se faisaient remarquer par leurs fraîches toilettes et venaient témoigner que leur sexe, dès qu’il s’agit de souffrances à consoler, de bienfaits à répandre ou d’une foi à confesser, se trouve toujours au premier rang.

A huit heures, le premier toast a été porté par le président qui, d'une voix forte et vibrante, a prononcé les paroles suivantes, interrompues presque à chaque phrase par des tonnerres d’applaudissements :

« Mesdames et Messieurs,

d J’occupe parmi vous la place la plus élevée ; pourquoi cette distinction ? Vous devez penser sans doute que je saurais mieux qu'aucun autre magnétiste rappeler à votre mémoire l’homme de génie dont nous célébrons aujourd’hui la fùte, et que, fidèle écho de vos pensées, je saurais traduire dignement les sentiments de vos cœurs reconnaissants.

« Vous avez ainsi rendu ma tâche difficile ; puisse-jé n’y point faillir et me montrer digne de la faveur dont vous m’avez comblé !

h Mais, Messieurs, nous n’avons plus à retracer la vie de notre maître, à vous faire connaître son origine, ii vous parler de ses luttes et de ses malheurs. Non, tout ceci a été dit et appartient désormais .au domaine de l’histoire. Nous devons seulement aujourd’hui vous entretenir de ce que Mesmer se proposait en publiant sa doctrine, en cherchant à la généraliser, en répandant enfin un nouvel art : celui (le guérir les maladies et de préserver les hommes.

« Messieurs, Mesmer n’était pas seulement un savant de premier ordre, il mérite un plus noble titre : celui de grand philosophe et de bienfaiteur de l’humanité. Ne voulait-il point, en effet, ce qu’après lui nous voulons tous, faire descendre dans la famille les principes d’une médecine naturelle, bien supérieure à celle enseignée dans les écoles?

ne voulait-il point que chaque humain tirât de lui-même l’agent de la guérison de son semblable et que le principe de la vie, rendu mobile par la volonté, fût l’instrument du bien d’autrui? N’avez-vous point reconnu que cet agent nouveau était en effet la force médicatrice elle-même?

« Mesmer ne voulait-il point enfin établir, parmi les hommes, une harmonie universelle, propre à entretenir la santé et à faire de bons et utiles citoyens ?

« Ah ! Messieurs, cette vérité de fait était trop belle et trop réelle pour être accueillie par les savants; et n’est-ce point aussi par leurs refus obstinés, par leurs mauvais vouloirs que nous sommes devenus les dispensateurs de ces sublimes principes? Honte aux savants, mais reconnaissance à vous, Messieurs, puisque votre mission, toute volontaire et désintéressée, consiste à répandre la connaissance des moyens propres à réparer les erreurs de cette fausse science et à faire connaître à tous les hommes une des lois de la nature inscrite dans son code divin !

« Je vais essayer, Messieurs, et par une inspiration du moment, de vous peindre le tableau du présent et de l’avenir du magnétisme. Mais, avant, j’ai un grand devoir à remplir. Permettez-moi, Messieurs, de m’acquitter d’une dette de reconnaissance chère à mon cœur. Je dois dang cet instant remercier le jury magnétique.

« Cette médaille d’or, la première offerte, je la lui dois, et, pour la première fois, je la porte sur ma poitrine. Mes collègues ont pensé que j’étais digne de cette marque d’estime, je les en remercie ; mais qu’un jour, à ma mort, e lie retourne à sa source première, qu’elle soit comme un tali sman pour mes successeurs, un drapeau pour le magnétisme. Ah! jamais celui qui la portera ne sortira de vos rangs pour passer à l’ennemi. Que cette médaille enfin devienne un titre de noblesse qui oblige son possesseur.

« Je remercie le jury magnétique.

( Maintenant, Messieurs, dirigeons nos regards vers l’avenir, voyons en esprit les modifications que le temps doit, à coup sûr, produire dans nos sciences, dans nos mœurs et n os

institutions. Si nous ne nous trompons point, Messieurs, tous les systèmes des sciences vont crouler; la médecine, la physiologie, la fausse philosophie, ne pourront plus, sans les principes nouveaux, se soutenir un instant.

« Et ne voyez-v ous point une croyance religieuse, unique et vraie, s’établir universellement sur la terre, par la démonstration rigoureuse que nous pouvons donner de l’existence en nous d’un agent immatériel ayant la toute-puissance, puissance que l’homme n’a pu se donner et qui vient certainement de Dieu ? Voyez-vous ce qui doit un jour, bientôt, résulter de cette pensée émise autrefois et que les hommes de nos jours ont trop oubliée ? Dieu te voit ! Vérité que nous rendons plus sensible encore par une autre vérité. Non seulement, dirons-nous désormais, Dieu te voit, mais l’homme peut te voir; ta vie, tes (tétions, quelque secrètes et cuchíes qu’elles soient, peuvent être dévoilées. Voyez-vous le mal moral obligé de s’avouer vaincu, et les hommes méchants forcés de revenir à la vertu ?

« Voyez-vous les maux physiques attaqués dans leurs racines par la vie, par cette force qui conserve et guérit, par ce magnétisme enfin, et les êtres s’améliorant de génération en génération, présentant enfin le type parfait qui sortit un jour radieux des mains du Créateur et qui s’était dégradé d’âge en âge en venant jusqu’à nous ?

« Ou ne verra plus alors tant d’hôpitaux où la charité s’épuise chaque jour en œuvres coûteuses, mais stériles. Il restera sans doute des plaies à cicatriser : la nature produit parfois des infirmes, mais ceux-ci diminueront de nombre; quand l’arbre sera bon, le fruit deviendra meilleur, les germes ne seront plus altérés dans leur essence, et le bonheur pour tous en résultera.

« C’est alors, Messieurs, que des chants d’allégresse s’élèveront vers l’Eternel pour le remercier de tant de bienfaits. Mais je m’arrête, il 11e faut pas que l’enthousiasme nous saisisse, c’est à ceux qui vivront dans les temps de réalisation qu’il sera permis d’élever leur langage à la hauteur des divines vérités que vous sentez tous, mais auxquelles vous 1:0

pouvez encore donner une sanction complète si ce n’est par le sentiment et les battements de vos cœurs.

« Mais lorsque nos philosophes, nos moralistes, nos penseurs et tous nos écrivains; lorsque nos physiologistes, nos psychologistes et nos médecins auront été amenés à la vérité du magnétisme par les faits éclatants de nos mains ou de leurs propres œuvres, alors, Messieurs, tout changera autour de nous ; au lieu de chercher le progrès là où la lumière ne peut exister, là où le raisonnement ne peut s’exercer que dans le vide de la pensée, les savants seront amenés là seulement aussi où est la source du beau, du vrai et de toute science morale.

« Car, sachez-le, Messieurs, le progrès réel ne résulte jamais que des vérités morales sanctionnées par la raison et généralement acceptées. Lorsque le doute existe sur un point, il amène toujours la confusion, le désordre, souvent la guerre civile et étrangère. La vérité, au contraire, rend les hommes pacifiques, elle n’a besoin ni du glaive, ni du bûcher; elle échauffe, il est vrai, les âmes, quelquefois même elle consume le corps, mais elle rend tolérant et bon celui qui a l’insigne bonheur d’en être éclairé. Et voici pourquoi les vrais disciples des philosophes d’autrefois furent des modèles de vertu et de sagesse. Vous voyez bien qu’il faut plaindre les fanatiques et les intolérants de toutes sortes, ce sont des esprits malades dont les idées sont étroites, dont le sens moral est perverti.

« Constatons déjà le progrès réalisé. En un pareil jour, nos bons aïeux eussent apporté autour de cette enceinte chacun leur fagot pour brûler leurs semblables ; car nous sommes les sorciers d’autrefois. Nous, plus sages que nos devanciers, nous apportons chacun une goutte d’huile pour alimenter le flambeau qui doit un jour guider les pas des hommes les plus illustres à travers les ténèbres qui enveloppent encore le monde. Puissent-ils ne jamais s’égarer et ne faire servir qu’au bien des peuples les vérités qu’ils auront découvertes ! Puissent-ils, à leur tour, trouver des cœurs reconnaissants qui honorent et fassent chérir leur mémoire !

« Pour nous, Messieurs, animés d’une ferme croyance, confiants surtout dans l'avenir, nous nous formons en phalanges dont le nombre et les rangs vont chaque jour grossissant; nous marchons ainsi à la conquête morale du monde entier sans torturer personne, sans faire couler le sang humain. Notre patrie aura un jour cet honneur insigne d’avoir fourni les premiers soldats de cette milice, désormais invincible, car une vérité démontrée reçoit à l’instant môme le don de l’immortalité, et les plus cruels tyrans ne peuvent plus rien contre elle.

« Mais après nous, Messieurs, voici venir l’Amérique, ce monde jeune encore, qui, fécondant à son tour la découverte de Mesmer, en fait sortir tout un ordre nouveau de phénomènes, et, nous montrant un horizon sans limite, s’y élance résolument en s’écriant en avant! Puissent ces faits merveilleux, dont vous avez lu les récits, acquérir bientôt ce degré de certitude qui, dans des faits inférieurs, est notre apanage!

« L’Angleterre nous devance par ses institutions magnétiques, par ses dispensaires, mais nous avons l’orgueil de croire que bientôt nous ferons plus et mieux que l’Angleterre.

« Le Piémont a déjà commencé depuis longtemps son œuvre magnétique ; des hommes généreux et instruits montrent surtout la vérité par son côté utile et applicable, des cliniques sont établies, des enseignements ont lieu.

« L’Allemagne, plus lentement, s’initie au magnétisme; mais ses plus profonds penseurs, loin d’imiter les nôtres, nous empruntent au contraire les faits merveilleux du sommeil, de l’extase et de la magie, pensant avec juste raison que là est l’avenir de toute philosophie vraie.

« La Belgique est sans cesse parcourue par les magné-tistes nomades, et, nous pouvons le dire, le plus instruit des savants de ce pays a sa place marquée à ce banquet : il est membre du jury.

« Nos colonies reçoivent sans cesse de nos missionnaires volontaires des leçons de magnétisme, et les traitements de

malades abandonnés rendus à la santé exaltent les heureux résultats obtenus par une nouvelle et saine pratique.

« La Suisse a son dispensaire et ses magnétistes dévoués et pleins de cœur, ils nous doivent leur foi.

«Naples et Rome même ont dans leurs murs des bouches muettes, mais des mains actives ; comme un souille de vie, la vérité s’y est introduite.

« La Russie, que l’on pourrait croire en arrière du progrès, compte déjà un grand nombre de magnétistes distingués, et, dans ce pays, les hôpitaux nous sont ouverts.

«Ai-je besoin de vous entretenir de nos Sociétés magnétiques? — Non, — leurs travaux vous sont connus, et ce n’est pas à moi qu’il appartient de les louer.

«Partout enfin la lumière commence à luire, et nos antagonistes, effrayés de nos conquêtes, n’osent plus sur nous lancer l’anathème et nous poursuivre de leurs clameurs, et, chers Collègues, soyez-en certains, tous attendent dans un silence prudent le jour où l’occasion viendra s’offrir de réparer leurs torts.

«Chaque instant voit apparaître un livre en notre faveur; nos mots nouveaux entrent dans le langage avec leur sens propre. Le roman, le feuilleton, le théâtre, puisent souvent leurs inspirations aux sources du magnétisme ; il n’est plus une bourgade , à moins qu’elle ne soit dans des lieux bien lointains , où 011 n’ait entendu parler du magnétisme et du somnambulisme, où nous n’ayons enfin un représentant de nos idées. Marchons donc en avant sans rechercher le bruit, mais sans fuir le combat ; dédaignons de répondre à de perfides attaques. Evitons les pièges tendus à notre bonne foi; puis, comme des hommes laborieux dont la journé a été bien remplie, laissons à Dieu les destinées du lendemain.

« La mort n’est qu’un mot vide de sens, le repos même est un mensonge, la nature ne se repose jamais, tout en elle est mouvement et vie, nous apercevons seulement les diverses phases de ces transformations. La mort, Messieurs, n’est qu’un réveil, une résurrection !

«Heureux donc seront ceux dont les mains bénies auront

aidé la nature en faisant le bien et en perfectionnant ses ouvrages. Heureux seront ceux qui auront banni de leur cœur l’égoïsme, et auront adouci le sort des malheureux malades, en leur dispensant cette pure essence qu’on nomme la vie cl qui nous a été départie pour un si noble usage.

«¡Non! celui-là n’est point magnétiste qui cherche la fortune ; non, celui-là n’est point magnétiseur qui ne sent point en lui l’amour du sou semblable, et qui, considérant la possession des biens de ce monde comme le but de la vie, s’acharne à sa poursuite. En cherchant dans ce qui est matériel la satisfaction île ces grossiers désirs , l’homme se couvre tout vivant d’un linceul, et, comme la bùte , il ne découvrira jamais en lui ce qui surmonte nature. Il rivera, au contraire, son âme à l’animalité pure, et n’en aura jamais que les plus bas instincts.

« Messieurs, dans ce monde, chacun a son destin ; du ciron jusqu’à l’homme, tout obéit à une loi mystérieuse, mais l’instinct ne la devine point, le génie épuré en reconnaît, en conçoit l’existence, et, tout en s’y soumettant, l’homme seul a le secret pouvoir de se soustraireà cette loi, c’est ce qui le rend en quelque sorte égal aux dieux. Telle est lacause de sa supériorité sur tout ce qui l’environne. Ne parlons donc qu’avec modestie de notre industrie, des édifices que nous savons construire, de nos arts et de nos sciences d’école : les animaux savent mieux construire que nous leur demeure ; ils savent se procurer ce qui est essentiel à leur bonheur, sans aller consulter des membres d’académies, comme ils savent bien mieux que nous encore reconnaître ce que la nature a créé pour leur usage ; nous ne faisons souvent que les imiter. Si nous nous vantons du pouvoir que nous avons de franchir les espaces , nous voyons près de nous les oiseaux voyager sans boussole et éviter les orages en les pressentant. L’art sans doute a ses splendeurs, mais la nature nous montre ses divines harmonies.

f Non, le véritable génie de l’homme ne lui vient point de ce qui part d’en bas ; pour devenir véritablement grand, il faut qu’il s’élève et perce son enveloppe, et aille enfin cher-

cher dans le ciel ses plus belles et ses plus pures inspirations.

«Voilà, Messieurs , le fond de la doctrine magnétique de notre maître, et c’est pour glorifier celui qui nous l’a enseignée que nous sommes ici ; vous voyez bien, Messieurs, que je manque de force et de génie pour en faite sentir dignement le mérite et la grandeur. Car moi, Messieurs, du festin que se donnaient entre eux les demi-dieux de l’antiquité, j’ai seulement ramassé les miettes ; trempant mes doigts dans leur coupe divine, j’ai humecté mes lèvres et mouillé mon front. Mesmer, avant nous tous, y avait bu à longs traits. Pwjsé-gur y goûta ; Dcleuze vint après nos maîtres; je fus donc le dernier; du feu qui les brûla tous je ne recueillis qu’une étincelle, et voilà près de vous mon excuse.

« Messieurs, ce siècle dont je ne dois pas trop parler, ce siècle d’industrie démolit notre vieil édifice social ; il en disperse au loin les assises. Les peuples aujourd’hui sont des marchands , la patrie un grand bazar; mais cette situation a sa raison d’être, comme le chaos avait la sienne ; de tous les éléments actuellement confondus doit se former bientôt un nouveau inonde. Lorsque le magnétisme aura trouvé sa formule, tous les législateurs sortiront de nos rangs. Oh ! le magnétiste qui voudrait vivre dans l’histoire n’aurait qu’à écrire cette prophétie, car elle est vérité. Accomplissons donc les décrets de la Providence, semons, sans orgueil, le grain divin d’où doit sortir le germe de,ce qui sera !

' Notre assurance excitera le rire de nos contemporains, de nos faux sages, mais ce rire n’empêchera point les destinées de s’accomplir. Avant trente ans, les plus puissants monarques se feront gloire de nos conquêtes et seront les plus fermes soutiens du magnétisme. Et savez-vous pourquoi, Messieurs, c’est que nous n’amenons avec nous nul ferment de discorde ; n’a-t-on pas protégé la vaccine? a-t-on troublé les homœopathes ? L’électricité circule. Non , la vérité nouvelle ne sera point persécutée, elle sera, au contraire, un fleuron ajouté à la couronne des chefs d’empire. Heureux le règne où les grands faits se produisent, où les

vérités se révèlent, ce sont, elles qui marquent les dates ineffaçables, ce sont elles encore qui grandissent les souverains, car tout bien leur est rapporté.

« 11 est vrai, Messieurs, qu’on vit parfois de grands criminels jeter le grain à l’eau dans des temps de disette; il est vrai que Socrate but la ciguë et que Jésus fut mis en croix ; il est également vrai que Galilée dut se mettre à genoux ', et qu’on brûla Jeanne-d'Arc ; mais ces crimes ont éclairé le siècle où nous vivons ; ils sont un opprobre pour les temps où ils se sont produits, ils pèsent comme un remords sur l’humanité tout entière, ils ne se renouvelleront plus.

« Gloire donc à Mesmer, Messieurs, à cet heureux génie , que son nom, porté par les échos au delà des mers, soit entendu par nos amis et par nos frères, afin que nos communs transports fassent vibrer les cordes harmoniques qui lient ce monde à celui plus heureux où demeurent les grands esprits; ce sera le moyen d’en être toujours inspiré !

« A la gloire de Mesmer ! »

Nous peindrions difficilement la sensation produite par cette chaleureuse allocution, à laquelle l’émotion de l’orateur lui-même, lorsqu’il parla de cette médaille d’or si bien gagnée et qu’on voyait pour la première fois à son côté, ne manqua pas plus que celle de ses auditeurs. Nous avons bien souvent et depuis longtemps entendu M. le baron du Potet parler en public, mais jamais nous n’avons trouvé autant que dans cette occasion sa parole facile, entraînante et sympathique.

Après lui, M. Morin, l’un des vice-présidents de la Société du Mesmérisme, s’est levé à son tour, et en quelques mots* comme il sait les dire, a porté un toast très-justement et très-vivement applaudi et que nous nous faisons un plaisir de. donner en entier à nos lecteurs.

« Aux Sociétés du magnétisme;

« A tous ceux qui, dans les diverses contrées du globe, s associent à nos efforts, sont animés de la même foi, professent la même doctrine et travaillent comme nous à la pro-

pagation et l’application des grandes vérités révélées par l'homme de génie dont nous célébrons aujourd'hui la mémoire.

i Messieurs,

« Lu jury magnétique ne compte que peu d’années d’existence, et déjà il peut s’applaudir, avec un légitime orgueil, des succès qu’il a obtenus. Occupé à rechercher, à constater, à mettre en lumière les services rendus à la cause du magnétisme , il a rempli sa tâche av ec autant de zèle que d’impartialité ; il a appelé dans son sein tous ceux qui se sont distingués par des travaux de quelque importance, aussi bien le savant qui a enrichi l’humanité du fruit de scs méditations , que l'homme de labeur qui, dans une sphère plus modeste, a mis en pratique ce que d’autres avaient enseigné, et s’est consacré avec ardeur au soulagement de ses semblables. Les récompenses que décerne le Jury ont été distribuées dans toutes les classes de la société, dans toutes les parties du monde ; partout elles ont été accueillies comme une distinction éclatante, et parmi ceux qui sont fiers de la porter, on compte des hommes éminents dans tous les genres, des écrivains, des savants, des artistes, des magistrats, qui tous regardent comme leur plus beau titre l’honneur d’avoir apporté leur contingent aux progrès du magnétisme.

« C’est une mission bien douce pour le jury que de proclamer de nouveaux lauréats ; c’en est une non moins satisfaisante que de payer un tribut d’éloge et de sympathie aux sociétés qui concourent au grand œuvre.

« La Société du Mesmérisme, qui réunit tant de travailleurs émérites, qui, par ses séances du Waux-Hall, a si puissamment contribué à répandre la connaissance et le goût du mesmérisme, a droit à une reconnaissance particulière : elle a acquis un nouvel éclat en mettant à sa tète l’illustre président du Jury, le digne continuateur des Puységur et des Deleuze, l’athlète infatigable qu’une voix unanime a proclamé depuis longtemps le patriarche du magnétisme.

« La Société pldlanlhropico-mugnû tique mérite égale-

ment notre gratitude. Rivalisant do zèle et de dévouement, elle fait sans cesse de nouvelles recrues et s’occupe surtout d’appliquer le mesmérisme au traitement des maladies et de donner ainsi à la découverte de Mesmer sa véritable destination. Ces deux sociétés, loin d’être animées, l’une à l’égard de l’autre, de sentiments d’envie ou de malveillance, se regardent comme deux sœurs, comme deux légions du même corps d’armée, combattant sous le même drapeau, ayant la môme devise et marchant au même but, une noble émulation soutient leurs efforts ; chacune d’elles voit avec bonheur les succès de sa rivale et met son ambition à les surpasser en faisant mieux encore.

« Plusieurs villes de France possèdent aussi des sociétés magnétiques qui déploient autant d’activité que d’énergie. Toulouse, antique foyer des sciences et des arts dans le midi, soutient dignement sa réputation par sa brillante institution magnétique où est régulièrement organisé le traitement des maladies, tant par l’application directe du magnétisme que par l’emploi de la lucidité somnamlmlique.

« Les autres contrées de l’Europe ont reçu la semence mesmérienne ; partout elle a heureusement fructifié, et d’abondantes moissons ont couronné les efforts des travailleurs. En Allemagne, en Italie, en Espagne , dans les lles-liritan-niques, il existe des sociétés de magnétisme ; de nombreux journaux sont consacrés à l’étude de la science nouvelle, des asiles sont ouverts pour recevoir les malades et offrent chaque jour à la théorie la plus brillante et la plus utile des constatations , celle des faits. Les villes de Londres, Edimbourg, Dublin, Turin, ont des établissements d’une telle importance qu’il y aurait injustice à ne pas accorder un solennel témoignage d’admiration aux hommes estimables qui, par de longs travaux et des sacrifices de tonte nature, sont parvenus à les fonder et à en assurer la prospérité. Honneur à Esdaile, Ca-pern,Gregory, Elliotson, Allix, à tous ceux qui se sont dévoués au triomphe de la vérité; la postérité bénira leur mémoire, et leurs noms resplendiront à côté de celui du maître au Panthéon de l’avenir, où l’humanité inscrira ses bienfaiteurs.

a Si nous étendons nos regards au-delà de l’Atlantique, quel magnifique spectacle s’offre à nous ! Là point do facul tés ou d’académies armées du privilège officiel de l'orthodoxie médicale, ayant le monopole de la science et le droit de réglementer uniformément les procédés de guérison et d’excommunier tout ce qui s’écarte de leur routine. Toute liberté est laissée aux croyances, et chacun est juge des moyens auxquels il doit recourir pour rétablir sa santé. Là, plus que partout ailleurs, le magnétisme a pénétré dans les habitudes et exerce son action salutaire. Là fleurissent des sociétés magnétiques, recommandables par le nombre et par la valeur de leurs membres. D'innombrables publications contiennent journellement d’intéressantes relations, de lumineuses discussions sur les diverses branches du mesmérisme qui se produit parfois sous des formes étranges, merveilleuses, insolites, et qui paraît appelé à modifier profondément les opinions religieuses. Comme Alexandre-le-Grand, le magnétisme se trouvant trop à l’étroit dans un monde, aspire à envahir les mondes supérieurs et à établir des communications entre l'humanité et les sphères célestes. Des phénomènes prodigieux, inexplicables par les lois connues de la nature, semblent annoncer l’invasion d’êtres surhumains; des individus doués de facultés transcendantes s’élancent au-delà des limites assignées jusqu'ici au pouvoir de l’homme.

« Des guérisons qu’on serait tenté d’appeler miraculeuses signalent ce mouvement intellectuel et nous font voir quel bien immense nous sommes appelés à accomplir dès que nous saurons le vouloir avec foi, énergie et persévérance.....Saluons avec respect, avec amour, les chaleureux apôtres qui ont donné à la doctrine de Mesmer ces magnifiques développements, et surtout ne nous laissons pas refroidir par les timides avertissements de ces tièdes prosélytes qui, arrivés à un certain degré, trouveraient bon que le progrès n’allât pas plus loin ; qui, au delà de leur étroit horizon, n’aperçoivent plus qu’impossibilités, utopies et chimères, et dont l’œil débile ne peut supporter les splendeurs réservées à celui qui cherche résolument la vérité.

i Quand nous contemplons par la pensée toutes ces vaillantes phalanges des sectateurs du magnétisme qui, en ce jour, s’associent à nos vœux, quand nous sentons tant de cœurs généreux répondre à nos aspirations, combien doivent grandir notre courage et nos espérances ; combien nous devons prendre en pitié les railleries, les insultes, les ana-thèmcs et les obstacles de toute sorte qui retardent encore le triomphe !

«Sans doute, la lutte est loin d’être terminée : le magnétisme aura encore à subir de rudes épreuves, à livrer plus d’une bataille; ses adhérents auront à déployer toutes leurs forces ; mais la victoire n’en sera que plus glorieuse ; les conquêtes chèrement achetées sont les plus solides et les plus durables. Ne doutons pas du succès : la cause du magnétisme n’est-elle pas la cause de Dieu?...»

M. Petit d’Ormoy, un autre des vice-présidents de la Société, a pris ensuite la parole :

« Trinquons, Mesdames!

« Trinquons, Messieurs!

« Trinquer est un plaisir fort sage « Qu’aujourd'hui l'on traite d'abus.

« Quand du mépris d'un tel usage « Les gens du monde sont imbus.

« De le suivre, amis, faisons gloire,

« Riant de qui peut s'en moquer... »

i II me suffit de cette citation de Béranger, le poète national par excellence, pour établir que l’usage de trinquer est éminemment français. — Or, soyez-en sûrs, un usage français ne peut guère manquer d’avoir en lui quelque chose de magnétique. Le caractère de notre nation n’est-il pas de rayonner incessamment sur tout ce qui l’approche? N’éprouvons-nous pas, plus que les autres peuples, le besoin de liens sympathiques de tous les ordres et de tous les degrés ? N’y a-t-il pas pour le Français un irrésistible instinct d affection qui l’attire vers ceux qui l’entourent? N’y a-t-il pas en lui je ne sais quelle vertu qui rapproche invinciblement de lui ceux vers lesquels il se sent attiré ?

«La France n’a-t-elle pas toujours été en même temps — le foyer qui éclaire et qui échauffe, — le foyer vers lequel converge tout rayon de lumière et d’amour?

« Trinquer, — c’est prendre un contact réciproque en s’unissant par une volonté commune et bienveillante ; trinquer,

— c’est un acte essentiellement magnétique.

« Nous ne voulons faire aucune critique ni rechercher, par quelles transitions bizarres, l’usage rationnel, français et magnétique de porter des santés en trinquant, a été remplacé par la singulière habitude de boire àdes idées abstraites, lorsqu’on ne boit pas à la santé des morts. Nous n’avons point à nous demander comment le mot trinquer, si gai, si expressif, qui rend si bien le son joyeux des verres qui s’entre-choquent, a fait place à l’affreux toster , que nos bouches françaises ne prononcent qu’avec difficulté, et qui rappelle — Dieu sait pourquoi ! —l’idée... d’offrir une rôtie.

« Nous sommes toujours prêts à nous associer de cœur et d’âme à toute pensée généreuse. Nous ne demandons pas mieux, — même au milieu d’un repas, — que de rendre hommage à la mémoire des morts ; nous ne refusons point de prendre part à des tosts, puisqu’il faut se résigner à cet affreux vocable.

« Mais nous sommes Français et magnétiseur. — Pour l’amour de Dieu, qu’on nous laisse trinquer !

« C’est une tradition que saint Jean, devenu trop vieux, et ne pouvant plus faire de longs discours, énonçait en deux mots le dogme qu’il avait prêché pendant toute sa longue carrière. — Aimez-vous, disait-il ; aimez-vous les uns les autres.

« Le philosophe qui résume le mieux l’esprit gaulois. le curé de Meudon, le joyeux abstracteur de quintessence, François Rabelais de Chinon, élevé es abbaïes de Touraine,

— la province de France où l’on trinque le mieux, a condensé dans un seul mot la doctrine de la fraternité humaine : TRINQUE ! trinque ! oracle béni de la dive bouteille !

« Car trinquer, trinquer au vin, c’est se vouloir récipro-

quement, — et nous autres, magnétiseurs, nous savons que vouloir, c’est agir, — trinquer, c’est se vouloir réciproquement toute la joie, tout le bonheur que le vin peut donner ou faire rêver; c’est vouloir l’oubli et la consolation pour celui que le chagrin afflige, la résignation et le soulagement pour celui qui souffre : c’est vouloir communiquer sa force à celui qui est faible, la santé au malade ; c’est vouloir pour tous la joie et le bonheur.

« Trinquer à la française, c’est par une effusion magnétique se confondre ensemble dans une communion fraternelle.

«Pendant trente ans, Hussites, Taborites, Calixtins ont arrosé de leur sang de martyrs les champs de la Bohême plutôt que de renoncer à la communion par le vin. — Nous, n’en laissons point périmer l’usage. Trinquons! trinquons avec le vin, qui accroît les forces et réjouit le cœur.

« Trinquons avec le vin de France qui emprunte à notre sol, pour nous les rendre en effluves magnétiques, la gaieté et la bienveillance sympathiques qu’il paraît avoir reçues de la nation bénie qui le féconde.

« Trinquons avec le vin à la mousse folâtre comme notre humeur, avec le vin pétillant de la Champagne dont les frémissements joyeux semblent nous sourire au bord du verre.

« Au moment où le magnétisme est près de son triomphe, si les magnétiseurs savent unir leurs efforts —sympathisant par l’intelligence et par le cœur, formons la chaîne magnétique ! Trinquons à la ronde, et pour finir comme j’ai commencé par une citation de Béranger :

« Rapprochons nos cœurs et nos verres!

« Trinquons, Mesdames I Trinquons, MessieursI »

Ce toast, il faut bien nous résigner à ce néologisme, adopté par un usage général, mais qui ne nous plaît pas plus qu’à M. Petit d’Ormoy, ce toast donc, puisque toast il y a, si pétillant d’entrain et de verve gauloise et à plusieurs reprises interrompu par de francs applaudissements, a reçu l’accueil de la plus cordiale et de la plus communicative gaieté.

Une bonne fortune toute nouvelle était réservée au banquet

de cette année qui devait, par une heureuse et charmante initiative, montrer pour la première fois aux regards émus de ses convives, une femme du monde et du meilleur, une femme de beaucoup de cœur et de non moins d’esprit, surmontant la timidité naturelle à son sexe et se levant à son tour pour dire quelques paroles touchantes, et profondément senties en faveur de cette science à laquelle elle a dû sa guérison ;

« Messieurs et Mesdames,

« C’est la première fois qu’il m’est donné d’assister à la fête anniversaire de la naissance de Mesmer. — Je le considère comme un honneur, mais aussi comme un pas définitif dans la voie merveilleuse que cet homme, à jamais célèbre, a indiquée à ceux qui veulent avec lui s’éclairer de son flambeau. — Lumière douteuse, pâle , tremblante naguère, — aujourd’hui, phare si puissant, qu’il éclairera le monde!... le monde régénéré par lui, modifié dans les idées, moralisé dans ses habitudes, charmé et consolé dans ses espérances, car c’est la science, enseignée par Mesmer, qui a soulevé un coin du voile mystérieux jeté sur l’éternité... La terre n’est plus qu’un lieu d’exil, d’expiation, peut-être,... mais que la mort relie au ciel... — Ne sommes-nous pas rassurés sur nos destinées futures, si nous en croyons les spiri-tualistes ? — La rédemption n’est plus chose impossible, selon que nous l’enseignent pourtant nos prêtres catholiques.

« 11 n’est pas une femme vraiment épouse, vraiment mère, qui ne sente en soi une reconnaissance profonde, Messieurs, pour le digne, courageux et illustre continuateur des préceptes de Mesmer. — C’est à lui que nous devons de connaître et d’appliquer ce pouvoir magique que tous nous possédons en nous. — Pour faire le bien, il ne faut que vouloir ! nous dit-il de sa voix simple comme la vérité. — N’est-ce point une révélation ?

« Avez-vous compris qu’à ce droit de vie et de mort, inhérent au titre de père, s’attache un sens moral, peut-être

inaperçu jusqu’alors?... De ce droit, qui en constitue deux, laissons le droit de mort aux temps anciens et barbares. — Le droit de vie, que notre époque, intelligente et passionnée pour les grandes découvertes, nous le rende !... Qui ne donnerait sa vie, en effet, pour ranimer les étincelles presque éteintes d’une existence plus chère cent fois que la sienne?

— Mais j’entends par ta vie ce feu divin que Dieu , dans sa bonté infinie, a donné à tous les êtres répandus sur ses mondes...

« Avec quelle ardeur, quel indicible sentiment de confiance en l’Etre suprême aujourd’hui la mère ne se penchera-t-elle pas sur le berceau de son enfant malade, lui envoyant de la pensée , du cœur, de l’âme, ces effluves magnétiques, invisibles courriers apportant la santé à l’ange que revendiquait déjà la tombe entr’ouverte? — N’est-ce pas là, Mesdames et Messieurs, ce beau droit de vie et de mort, noblement, saintement reconstitué?

« Je suis un exemple des bienfaits sans nombre que peut répandre le magnétisme. — Je n’en doute pas, un esprit m’a envoyée vers celui que nous appelons tous avec orgueil : notre maître. — Presque aveugle pendant quatre années, le plus bel éloge que je puisse faire de sa science, Messieurs, n’est-ce pas en vous lisant moi-même ces expressions de ma profonde et éternelle reconnaissance?... »

Alpuo.nsine M.

23 mai, 1856. Paris.

Ces paroles si pleines d’élévation et de sentiment, que l’émotion a permis à peine à M"* Masson d’achever, lui ont valu une véritable ovation de chaleureuses et sympathiques félicitations.

La série des toasts (encore ce malheureux mot) aété close par une spirituelle satire, en prose cette fois, de M. Bahiaut, qui dans un de ces contes allégoriques dans la manière du 18' siècle, a semé à pleines mains l’ironie et l’épigramme sur les ennemis systématiques du magnétisme. Le voile était si transparent et ses portraits si ressemblants que chacun les

reconnaissait à mesure que l’ingénieux conteur les expôsait, sous cette forme frivole en apparence, à ce pilori de la raison et du bon sens. Aussi son succès a-t-il été complet lorsqu’en terminant, il a précisément pris pour objet de son toast (encore!) cette divinité voilée et si souvent méconnue, le bon-sens.

L’abondance des matières ne nous permet pas de dorfner aujourd’hui cette pièce, dont les dimensions dépasseraient les limites du cadre de notre journal ; mais dans notre prochain numéro nous serons heureux d’en faire profiter nos lecteurs.

Enfin, M. Lecoq, remplaçant au banquet M. Cahagnet, retenu chez lui par la maladie, a porté, eu son nom, un toast au spiritualisme.

La soirée a été terminée par une intéressante cérémonie, celle de la proclamation et de la remise solennelle des médailles accordées par le jury magnétique et que son président le baron du Potet a délivrées à ceux qui s’en étaient rendus digues, soit par leurs travaux littéraires en faveur du magnétisme, soit par les cures opérées, soit par les institutions fondées, soit enfin par leux1 zèle et leur dévouement à la propagation de la grande et bienfaisante vérité mesiné-rienne.

La proclamation de chaque nom était accompagnée d’une courte allocution rappelant sommairement les œuvres du nouveau titulaire et ses droits à la distinction dont il était honoré.

En voici la liste :

Médailles «le Bronze.

MM. O’Mallet,

Salvat,

Lodis de Serré, D. M. Alp. Cahagnet,

Le Comte Szai*arv, Ogier,

Abnette,

MM. Louyet, Chamonin,

A LUX,

Vando.ni, D. M., Coddè , D. M. Orioii.

Montions honora Mr*.

MM. Menouillard ,

V üiixermé-Dunand,

Bacot.

M. du Potet, se rappelant, après l’appellation des noms, quelques-uns de ces hommes méritants, mais dont le jury n’avait pu encore s’occuper, nomma M. le comte de San-Vitale (de Gênes) et M. Thurin (de Meaux), et fit part des regrets qu’il éprouvait de voir ajourner pour eux une récompense plus éclatante de leurs travaux.

M. Salvat s’approcha alors du président, demanda la faveur de dire un mot et prononça les paroles suivantes :

« Monsieur le président,

« Ceux dont vous venez de proclamer les noms m* chargent de vous remercier et d’adresser au jury l’expression de leur vive reconnaissance pour la distinction honorable qu’il daigne leur conférer. En satisfaisant à la demande de mes collègues, je dois me séparer d’eux pour un moment, leur position différant de la mienne. Les longs et utiles servjces qu’ils ont rendus au magnétisme les signalaient comme vraiment dignes d’être récompensés ; la décision du jury, en ce qui les concerne, est donc un acte de bonne et stricte justice. — Pour moi, dont les yeux se sont ouverts trop tard à la vérité dont Mesmer fut le révélateur, réfléchissant au peu que j’ai fait jusqu’ici pour cette grande cause, je ne puis voir dans la médaille qui m’est décernée qu’un encouragement , une exhortation à faire mieux : à ce titre, je l’accepte avec joie et avec la ferme résolution de répondre par un redoublement de zèle il la faveur dont je suis l’objet.

« Certes, il faut le reconnaître, les encouragements ne nous manquent pas aujourd’hui. Quoi de plus propre à soutenir le courage des magnétistes que le discours que nous venons d entendre dans la salle du banquet? quoi de plus propre à enflammer notre ardeur que votre parole, cher maître , qui puise sa force dans une si loyale et si profonde conviction ?

« D'une main hardie et prudente tout à la fois, vous avez soulevé un coin du voile qui nous cache les destinées de l’humanité. Vous avez appelé nos regards sur les horizons lointains de l’avenir; vous avez fait briller à nos yeux les magnifiques triomphes réservés au magnétisme. Ce magnétisme, naguère dédaigné, flétri par ceux qui auraient dû en être les premiers et les plus fervents apôtres, le voici, malgré leur opiniâtre résistance, établi sur un terrain plus ferme, plus égal, plus favorable aux grandes luttes qu’il doit soutenir encore. Ces premiers succès laborieusement conquis sont, vous l’avez dit, le gage d’une prochaine victoire, victoire définitive, complète, dont votre puissante imagination a tracé le tableau saisissant et proclamé d’avance les immenses résultats. Une philosophie vraiment digne de ce nom substituée aux vaines et trompeuses philosophies enfantées par l’esprit humain jusque-là privé du flambeau de la vérité ; une seule religion , une religion consolante, réunissant dans une même foi tous les peuples par elle rendus meilleurs et plus heureux; tels sont les fruits promis à notre persévérance, à nos efforts !

« Gloire à ceux qui comme vous, cher maître, auront attaché leurs noms à ces sublimes conquêtes I

«•Quant à nous, soldats obscurs, mais dévoués, nous aurons du moins l’honneur d’avoir marché sur vos pas, de vous avoir secondé dans la mesure de nos forces, et notre récompense sera le sentiment du devoir accompli. »

Cette éloquente improvisation, prononcée d’une voix émue et chaleureuse, fut couverte d’applaudissements par lesquels tous témoignèrent s’associer de cœur aux sentiments exprimés si brillamment par l’orateur; puis l’assemblée se sépara en s’ajournant à un an pour célébrer de nouveau, au nom de Mesmer, cette fête de la vraie fraternité et de la charité universelle.

Nous n’avons pas encore de détails sur les autres banqueta magnétiques donnés par nos confrères ; nous savons seulement que les convives y ont été nombreux. 11 ne faut pas voir dans ces séparations des partisans d’une même idée,

habitant la même ville, une rivalité, mais seulement une nécessité. Quel est donc maintenant le local qui pourrait les contenir tous ? Ils doivent forcément se diviser par groupes pour ces jours de solennité, où un devoir de reconnaissance et d’admiration les appelle à se présenter tous comme un seul homme. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ces comptes rendus pleins d’intérêt pour eux , nous n’en doutons pas, au fur et à mesure qu’ils nous parviendront.

Au moment où l’épreuve de ce numéro nous était remise, nous apprenons seulement par un de nos amis, qui y assistait, que le banquet de la Société philantro-magnétique, présidée par l’honorable docteur du Planty, a été extrêmement brillant et animé. Des étrangers et des savants de distinction, parmi lesquels le célèbre phrénologue docteur Castle , le poète italien Burioni, s’y faisaient remarquer. Notre spirituel et joyeux confrère Jules Lovy y a chanté de ravissants couplets dont nous sommes heureux de pouvoir citer le suivant :

Depuis un an Volta nous est fatal ;

Oui, je le dis, voilà notre rival;

Et pourtant c'est à tort qu’ici l’on s'épouvante Du foyer de l'esprit l'étincelle vivante,

Cela vaut bien, messieurs, la morsure brûlante Des plaques de métal.

E. De MALHERBE.

VARIÉTÉS.

Coups mystérieux, prétendue explication. — On se rappelle que, il y a quelques mois, un docteur allemand, M. Schiff, mit en jubilation les académies en leur faisant part d’une découverte bien précieuse et extrêmement ingénieuse, c’est qu’en faisant jouer certains muscles de la jambe, on pouvait, après s’être un peu étudié, parvenir à produire de petits bruits ; d’où il concluait, avec une logique qu’on ne saurait trop admirer, que tous les bruits dont on n’avait pu jusqu’ici préciser l’origine, pouvaient bien être dus à des jeux de muscles de la jambe ; que, bien plus, ce devait en être la cause unique, et que, par conséquent, il avait trouvé la clef des coups mystérieux dont les Américains ont la bonhomie de se préoccuper. M. Schiff, il est vrai, n’obtient, en se coutournant péniblement la jambe, qu’un léger son toujours uniforme; tandis que les coups mystérieux se diversifient à l’infini, se font entendre dans toutes les directions, varient en intensité depuis le murmure à peine perceptible jusqu’au coup de tonnerre, imitent tantôt la percussion qui serait faite sur le bois, le verre, les métaux ou tout autre corps, tantôt des bruits compliqués, tels que grincement de la scie ou du rabot, le roulement de tambour, etc. N’importe, si M. Schiff n’obtient pas tout cela par ses muscles, il espère l’obtenir plus tard quand il se sera suffisamment exercé; et en attendant, il veut qu’on lui tienne compte de sa bonne volonté, et que les succès qu’il nous promet lui soient comptés comme acquis.

Malheureusement il s’abuse s’il se flatte qu’on lui décernera les honneurs de l'invention. D’autres, bien avant lui, avaient fait la même découverte. M. Barthé nous écrit que, il y a six ans, trois médecins de Buflfalo, dont le docteur

Flint, ont trouvé que les rappings étaient le résultat d’un jeu de certaines articulations; d’autres médecins se sont empressés de répéter avec éloges l’explication de leurs savants confrères, et le docteur Dowler a publié, il y a trois ans, à l’appui de cette thèse, un long article dans le Delta de la Nouvelle-Orléans. Cette découverte, publiée au centre du spiritualisme, n’a pas empêché les coups d’aller leurtrain.

A. S. MORIN.

Etrange vision, découverte d’un vol. — Madame F...., âgée de 35 ans, médium très-développé, magnétisa une somnambule qu’elle avait formée autrefois, et la questionna sur quantité d’objets qui avaient disparu de son domicile. La somnambule déclara qu’ils avaient été emportés la veille par une servante qui avait été congédiée. Madame F.... accueillit cette réponse avec une confiance entière, car elle s’en rapportait beaucoup mieux aux somnambules qu’à elle-même. Le soir, elle se retira seule dans sa chambre à coucher, et elle se disposait à se mettre au lit. Ses deux domestiques dormaient déjà dans une chambre voisine. Mais, au moment de se coucher, elle se sentit attirée vers la table : elle s’y plaça, croyant qu’on allait la faire écrire. 11 n’en fut rien, mais quelques secondes s’étaient à peine écoulées qu’elle vit debout devant elle une femme ayant l’attitude du repentir, et tenant d’une main un mouchoir dont la perte lui était très-sensible, et de l’autre divers objets que madameF... reconnut pour ceux qui lui avaient été dérobés. La personne qui lui apparaissait ainsi était l’une des deux servantes qui, en ce moment même, dormait dans la chambre voisine. Et cependant c’était bien elle aussi qui se présentait, parfaitement visible, comme si elle y eût été réellement en corps, et il faut noter que madame F.... avait une confiance entière dans cette domestique qu’elle avait à son service depuis plusieurs mois, et que d’ailleurs elle était bien persuadée que la voleuse était partie la veille.

Tout à coup madame F.... entendit à son oreille une voix

très-distincte qui lui parut parfaitement naturelle, et qui lui dit : * Tu la crois fidèle; va voir dans sa malle, et tu y trouveras ce qu’elle t’a volé. »

Elle alla doucement réveiller l’autre domestique et l’emmena au rez-de-chaussée où était la malle pour en faire ensemble l’examen. La clef y était restée, il ne fallut que soulever le couvercle, et l’on trouva tous les objets qui avaient été volés.

La coupable, réveillée quelques instants après, ne sut que dire, sinon qu’elle n’avait pas pris ces objets pour les garder. Elle fut renvoyée le lendemain.

11 n’est pas présutnable que la clef fût laissée d’habitude à cette malle qui contenait des objets volés, et qui se trouvait dans une pièce où tous les gens de la maison avaient accès. L’avis fut-il donné ce soir-là parce que la clef y avait été oubliée?.... Cet oubli même n’avait-il pas quelque chose d’imposé?.... Que savons-nous?....

JOS. BARTHÉ.

Nouvelle-Orléans, 26 septembre 185*.

Lettre de M. le docteur Carlo Vandoni à M. Alix, président de la Société de propagande magnétique de Tfirin.

Milan, le 13 février 86.

Mon cher et honoré collègue et président,

Vous savez avec quelle ardeur je m’occupe ici de la cause du magnétisme, tant en entretenant une clinique quotidienne médico-magnétique, qu’en cherchant à obtenir des sujets d’une haute lucidité, et en étudiant avec toute la conscience et toutes les lutnières qui sont en moi les innombrables phénomènes de cette merveilleuse science.

Me trouvant ces jours derniers en relation d'affaires scientifiques avec le Dr Andrea Verga, l’excellent directeur de notre hôpital, et avec son secrétaire, le Dr Mosè Pizzi, qui,

tous deux, m’honorent de leur amitié, nous vînmes à causer du magnétisme (pour lequel ils n’ont point de répugnance non plus que pour mon mode de traitement qui leur est parfaitement connu), et au moment de prendre congé de ces messieurs , je m’avisai de leur demander quand donc il me serait permis de dire quelque chose du magnétisme dans une de nos séances médicales mensuelles de l’hôpital. Le directeur, entrant dans ma manière de voir, m’encourage dans ce projet, me conseillant toutefois de le proposer d’abord comme moyen anesthétique pour réduire à l’état d’insensibilité les malades destinés à être opérés à l’hôpital, quitte à émettre plus tard et progressivement la proposition de son emploi dans d’autres cas.

Vous pouvez vous imaginer avec quel enthousiasme j’accueillis uneaussi franche etgracieuse concession quim’ouvrait

un large champ pour pouvoir enfin, moi, le premier, parler publiquementdu magnétisme devant cette assemblée savante.

Je me hâtai donc de rédiger un mémoire relatif aux procédés à employer pour réduire à l’état d’insensibilité magnétique un sujet qui devait être soumis à une opération chirurgicale , m’offrant en même temps en qualité de magnétiseur pour mettre ces procédés en pratique, et je fis, hier soir, la lecture de ce mémoire en présence de la réunion de médecins et de chirurgiens distingués, qui se rassemblent tous les mois en conférence à l’hôpital. Lorsque j’eus terminé ma lecture, le directeur invita ses confrères à émettre leur avis sur ma proposition, et j’ai eu l’insigne satisfaction de la voir accepter, les deux habiles chirurgiens Masnini et Gherini s’étant tout des premiers levés pour l’accueillir favorablement, en me proposant immédiatement deux de leurs malades qui devaient subir une amputation.

Mais ce n’est pas tout ; ce point capital gagné, une nouvelle proposition non moins importante fut faite aussitôt par le Dr Viglezzi, qui, considérant tout obstacle à l’exercice du magnétisme, même à l’hôpital, comme désormais levé par ce précédent, exprime le désir que je sois également admis à traiter certaines névroses si rebelles aux moyens curatifs de

la médecine ordinaire, et m'offre d’entreprendre le traitement d’une enfant de douze ans, malade d’une de ses salles, et atteinte d’une chorée extrêmement violente.

Je m’empressai d’adhérer, avec toute l’ardeur possible, aux vœux de mes doctes et sages confrères, et j’ai, dès ce matin même, commencé à entrer en fonctions à l’hôpital où je me propose de tenir un journal consciencieux et régulier de clinique que je me ferai un devoir de vous transmettre avec la constatation officielle et les signatures des médecins et chirurgiens qui doivent en être les témoins.

Je ne puis me louer assez de la bienveillante protection et des encouragements que me prodigue en sa qualité de directeur le docteur Verga, un véritable ami du progrès.

Voilà un grand pas fait par le magnétisme et non moins glorieux pour notre ville, qui doit s’honorer de cette initiative , que pour tous les membres de notre propagande auxquels une bonne part de l’honneur doit en revenir.

J’espère avoir, pour ma part, bien mérité de la science en lui faisant faire ce pas en avant, et j’appelle de tous mes vœux les efforts réunis de nos collègues en pratique, afin d’en retirer tout le fruit possible pour le bien de l’humanité. Que mon exemple les encourage à des efforts sans relâche pour que le magnétisme se répande sur toute la surface de la terre et porte partout la vérité et ses bienfaits.

Recevez l’assurance de mes sentiments de bien sincère amitié , et croyez-moi toujours

Votre affectionné collègue et ami,

D' Carlo VANDONI.

Traduit de l'italien par E. de ¡1.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Paris. — lœprimoric do Pommiut et Mouio, 17, qnii dcV Auguslim.

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

¿«mui'on humaine. — L’éditeur du journal Hartford Times rend compte en ces termes d’une séance de spiritualisme, qui a eu lieu dernièrement dans cette ville :

« M. Henry Gordon, médium bien connu , qui a résidé à Springfield et à Philadelphie, où il a donné lieu à des manifestations très-étonnantes, est maintenant dans notre ville. Nous avions entendu parler de mains spirituelles qui faisaient tourner les tables, qui élevaient le corps du sujet en l’air, et d’autres faits remarquables qui se passaient dans ces cercles ; mais je n’avais encore eu occasion d’en observer aucun par moi-même, lorsque je fus invité à une séance où nous nous trouvâmes environ vingt personnes, dont quelques-unes n’avaient jamais rien vu de semblable. Dans le cours de la soirée, M. Gordon fut mis en transe ; son corps et ses membres devinrent raides ; il fut enlevé de son siège et transporté sous la table qui était fort grande. La planche du centre s’enleva, ét M. Gordon, aussi raide qu’une fourche , passa par cette ouverture et fut transporté au-dessus de la table et autour de la salle, tantôt dans la position verticale , et tantôt en faisant un angle de 45°. Il fut ensuite élevé jusqu’au plancher et ramené à son siège. Et, pendant tout ce temps, il nous parut ne remuer aucun de ses muscles. 11 nous fut impossible d’apercevoir le moteur qui produisait ces mouvements. Il fut encore enlevé une fois à moitié de la hauteur d’un escalier et suspendu la tête en bas. Une clochette fut transportée et sonnée, puis jetée sur la table, sans aucune action humaine. Il y eut encore d’autres manifestations semblables. Les personnes qui désireraient en être témoins en ont toute facilité, et probablement elles détermineront M. Gordon à passer ici toute la saison. »

Tome XV. - N» *3ï. _ 10 jDIN 1856. 11

Le Spiritual Telegraph, du 17 novembre dernier, contient aussi une relation concernant le môme médium : « Nous avons déjà cité dans nos colonnes des exemples irrécusables d’enlèvement en l’air du corps de M. Henry Gordon par l’action des esprits. L'expérience suivante nous a été dernièrement attestée par M. Lorin L. Platt, de cette ville (New-York), demeurant Canal Street, n°13â, et je pense qu’elle n’a pas encore été publiée. Peu de temps après que M. Gordon commença à être médium, à une époque où l’auteur de cette relation demeurait à Newtown (Connecticut), il y eut chez lui une soirée du trente à quarante porsonnes, à laquelle se trouvait M. Gordon. Après que tout le monde fut assis, les esprits invitèrent M. Gordon à passer avec M. et madame Platt et deux ou trois autres personnes dans une chambre voisine. On se rendit à cette invitation, et ces personnes étant assises dans l’obscurité , M. Gordon annonça la présence de l’esprit du père de M. Platt, qui, dit-il, se disposait à l’enlever. M. et madame Platt saisirent alors la ceinture du vêtement de M. Gordon , sentirent qu’il s’élevait et s’a-baissait à plusieurs reprises, et le sentirent définitivement s’élever à deux pieds au-dessus du sol et se mouvoir graduellement dans l’air, étant toujours maintenu à cette hauteur. Lorsqu’il approcha de la porte, elle s’ouvrit (je ne sais par quel moyen) , et nous fûmes éclairés par la lumière venant de l’autre chambre. Alors tout le monde vit distinctement M. Gordon flotter, entrer dans un vestibule et descendre à terre en rebondissant comme un ballon gonflé. Durant ces promenades en l’air, ses pieds étaient élevés d’environ deux pieds au-dessus du sol, et sa tête passa juste au-dessous du bord supérieur de l'ouverture de la porte. Après qu'il eut repris sa place dans son fauteuil, on éteignit les lumières, les esprits l’enlevèrent de son siège et le firent flotter au-dessus des têtes des personnes amies qu’il toucha fréquemment dans les différentes parties de la chambre. A la fin , deux jeunes dames, assises à l’une des extrémités de la table, s'assurèrent qu’il était assis auprès d’elles à sa place primitive : quelques instants après, on entendit

un bruit pareil à celui d'un corps tombant sur la table ; les esprits frappèrent pour demander de la lumière, on éclaira, et alors Gordon, assis sur le même siège et transporté de l’extrémité opposée de la salle, fut vu sur la table et couvert du tapis. Et notez qu’il y avait autour de cette table un triple cercle de personnes assises, de sorte qu’il était impossible à M. Gordon de gagner la table de l’endroit où il avait été, sans passer par-dessus les têtes des assistants.

Mouvements des tables sans impulsion humaine. — Le New Englund spiritualist, du 17 novembre dernier, contient une relation signée John James liird, dont nous extrayons le récit des faits les plus remarquables :

« Une lourde table, autour de laquelle nous étions assis et sur laquelle nos main3 étaient posées, s’éleva graduellement du parquet jusqu’à la hauteur de six pouces et resta quelque temps suspendue, puis se balança de côté et d’autre ; il y eut ensuite dans la table des vibrations qui se communiquèrent à nos corps et à nos sièges , comme s’il s’en échappait un fluide énergique. Deux d’entre nous éprouvèrent au genou une sensation semblable à celle que produirait l’étreinte d’une mairi, et des coups violents se firent entendre dans la table. Un peu avant midi, nous montâmes à -l'appartement supérieur ; nous nous assîmes autour d’une grande table carrée. Nous entendîmes des coups très-forts dans cette table, et d’autres paraissaient venir des différents côtés de la chambre. Moi et la dame qui était assise près de moi, nous fûmes violemment éloignés du cercle, avec les chaises sur lesquelles nous étions assis, et poussés presqu’à l’extrémité de la chambre, puis l’impulsion s’exerça par un mouvement circulaire. J’essavai, mais sans succès, de résister à cette force inconnue : la table se mut vers nous, laissant derrière elle le reste de la société. Notre hôte, qui est un homme instruit et fort distingué, observa tous ces phénomènes avec beaucoup de soin , ainsi qu’il l’a depuis certifié à M. Hume ; il reconnaît qu’il ne pouvait y avoir aucune supercherie ; il laisse à la science à expliquer tout cela.

Je suis également convaincu qu’il n’y avait ni collusion, ni

illusion. Des manifestations semblables ont eu lieu dans la famille de M. Rymer avant que M. Hume partit pour l’Angleterre. Je pense qu’il est du devoir des hommes intelligents de chercher une explication plutôt que de travailler à jeter du ridicule et des soupçons injurieux sur des personnes d’une réputation sans tache, qui ont le courage de déclarer hautement ce qu’ils ont vu et de soutenir publiquement leurs convictions. »

A. S. MORIN.

Nous publions tous ces faits en répétant que c’est pour nous un devoir de les faire connaître, dussent-'ls choquer quelques esprits. Attendons donc que la lumière se fasse ; nous l’entrevoyons déjà, et le prochain numéro contiendra sur ce sujet un intéressant mémoire dû a notre savant 'olla-borateur, le professeur de l’Université d’Edimbourg, Williams Grégory.

Baron DO POTET.

VARIETÉS.

LE MAGNÉTISME EN CALIFORNIE.

Depuis quelques années, le magnétisme a marché à pas de géant ; il a pénétré dans les contrées les plus reculées, même dans celles où la civilisation n’est encore qu’à l’état de germe.

Nous recevons de la Californie les nouvelles les plus satisfaisantes sur les progrès de notre cause. Un de nos com-pau-iotes, aussi dévoué qu’éclairé, M. Pascal Quayne, y a répandu le magnétisme avec succès. Dans la traversée, il eut occasion d’en faire apprécier les bienfaits. Un passager, M. Alexandre Lartigue, fut atteint d’une fluxion de poitrine; le médecin du navire, après lui avoir donné ses soins, déclara qu’il n’y avait plus de salut possible, et que le malade allait prochainement succomber.

Heureusement celui-ci eut la pensée de recourir au magnétisme , dont il avait vaguement entendu parler et auquel il n’avait aucune confiance : il fît venir M. Quayne, qui, sans se laisser décourager ni par la gravité du mal, ni par l’arrêt du médecin , se mit à magnétiser avec énergie ; après un mois et demi de traitement, il a obtenu une guérison complète ; M. Lartigue, qui lui doit la vie, a certifié l’exactitude des faits que nous venons de rapporter, et manifesté hautement sa reconnaissance pour le magnétisme.

Arrivé à San-Francisco, M. Quayne se livra avec ardeur à la propagande et s’attacha surtout à se rendre utile par le traitement des maladies.

L’épouse du sieur Garnier, atteinte d’hydropisie, a été guérie par lui après un mois de magnétisation. Beaucoup d’autres cures ont récompensé son zèle. Il a formé le noyau

d’une société de mesmérisme, qui sera un centre de propagation. Les adeptes , bien que peu nombreux encore , sont pleins de foi et d’ardeur : ils ne peuvent manquer de faire fructifier la semence de vie. Au 23 mai, ils ont dû se réunir pour communier avec tous les magnétistes du inonde, en célébrant l’anniversaire de la naissance de Mesmer.

Plusieurs journaux ont accueilli les relations d’expériences magnétiques et de séances de somnambulisme, et ont ainsi contribué à faire connaître une science dont le nom même était naguère ignoré dans ce pays. Félicitons le courageux apôtre dont l’initiative a produit d’aussi heureux résultats.

Ajaccio, 23 mai 1856.

« Mon cher maître,

« Mon éloignement de la France depuis les quelques années que je suis converti à la doctrine mesmérienne n’a pu me permettre encore d’assister à la fête commémorative de la naissance du grand rénovateur. Si, jusqu’ici, j’ai vainement espéré ce bonheur, je me suis toujours associé par la pensée et par le cœur aux manifestations enthousiastes de la société que vous présidez si dignement. Aujourd’hui, pour compléter cette participation morale et lointaine et fêter, dans mon isolement, l’anniversaire mémorable de l’illustre Mesmer, j’ai cru ne pouvoir mieux employer qu’en le consacrant à une relation magnétique un jour noblement célébré sur tous les points civilisés du globe.

« Narration fidèle de l’un des eirets du magnétisme, puisse cette relation, nouvelle et remarquable preuve de lucidité somnambulique, intéresser les lecteurs de votre journal et les exciter à des études, à des recherches fécondes peut-être dans l’avenir en résultats avantageux.

« J’habitais, depuis quelques mois, la Corse quand un malheur de famille, aussi terrible que foudroyant, vint me frapper cruellement dans mes plus chères affections. Les

circonstances qui avaient précédé, amené ou suivi ce drame sanglant me faisaient une loi de rentrer en France et de quitter un pays où j’avais tant souffert dans l’isolement de ma douleur et de mon désespoir.

« Ce départ, que de hautes interventions et d’invincibles considérations surent différer pendant trois mois, allait enfin s’accomplir et, je puis le dire, sans esprit de retour en Corse : j’avais alors de très-sérieuses raisons de penser ainsi. Je fis part de ma secrète résolution à une famille amie, qui, elle aussi, avait été douloureusement éprouvée par la mort prématurée d’une fille, charmante jeune femme, mariée depuis trois ans à peine. Une fille restait à la famille de C***, dont le chef était conservateur des forêts dans cette lie. Cette fille mariée sur le continent français à M. de F***, que des fonctions publiques tenaient éloigné de ses parents, était désireuse autant que ceux-ci de se rapprocher d’eux, au moment surtout où le deuil et la désolation les entouraient.

« L’emploi que j’occupais nous semblait alors devoir très-certainement devenir vacant, soit que j’eusse été appelé ailleurs, soit que j’eusse donné ma démission ultérieurement. Cet emploi convenait de tous points à M. de F***, qui aurait eu d’autant plus de chances de l’obtenir que, personne ici n’ayant connaissance de mes projets de retraite, aucun des candidats à ces fonctions n’aurait pu agir en temps utile.

« A la veille du départ, après avoir combiné avec M"' de C*** les démarches collectives que prescrivaient les circonstances, je lui proposai, comme auxiliaire très-puissant à mon sens, l’intervention d’une somnambule parisienne de ma connaissance. Cette intervention devait consister à nous aider de ses conseils dans la direction à donner aux démarches dont pouvait dépendre le succès de notre combinaison. M™' de C***, quoique médiocrement persuadée, à cette époque, de la puissance du magnétisme, mais confiante en ma véracité comme en ma discrétion, me remit pour servir de rapport entre elle et la somnambule, dans quelques lignes de son écriture, une série de questions pour la circon

stance et en outre la suscription d’une lettre écrite par son gendre.

« Parti d’Ajaccio le 7 février 1854, je me rendis immédiatement à Toulouse, d’où, après avoir consacré quelques semaines à ma famille, je continuai ma route sur Paris, stationnant à Tours où m’appelaient de pieux devoirs et un douloureux souvenir!

« Arrivé dans la capitale de la civilisation pendant la première quinzaine d’avril, l’une de mes premières visites fut pour la somnambule, M"” ,Bellisson, dont les rares facultés magnétiques ont fait le charme et l’admiration de l’élite des salons officiels et aristocratiques de Paris.

.« La lucidité somnambulique, vous le savez, étant extrême ou bornée, capricieuse et variable suivant une foule d’influences et de conditions indéterminées encore, je mis le plus grand soin à magnétiser et endormir Mmo B***, qui fut, ce jour-là, d’une remarquable lucidité.

.« Apeine eut-elle appliqué sur son front l’écrit de M"1' de C***, que, franchissant la distance et la mer, cette soinnam-bule-me la dépeignit au physique d’abord, puis au moral, et de la façon la plus complète, n’omettant ni la grâce exquise et la beauté, ni l’esprit et la bonté de Mm0 de C***. Ensuite, malgré qu’elle n’eût de notre cher conservateur aucun objet, si ce n’est le rapport de sa femme, M“" B*** fit de lui le portrait le plus exact : sa distinction, sa loyauté, sa cordiale affabilité, rien enfin de ces qualités précieuses qui font aimer M. de C*** ne fut oublié par ma sibylle. Encouragé par ce début de bon augure, j’engageai avec elle le dialogue suivant :

« — Puisque vous êtes si bien en communication spirituelle avec l’auteur de cette écriture, pourriez-vous me dire si le succès doit couronner son entreprise, et à quels moyens nous devons recourir pour l’assurer?

« — C’est inutile, répondit-elle.

« — Nous échouerons donc?

« — Ce n’est pas ce que je veux dire; il ne vaut pas la peine de tenter ce que l’on regretterait bientôt.

« — Je ne puis comprendre que la famille de C*** ou moi

regrettions ce que nous désirons mutuellement, répliquai-je.

« — Il résulte de l’examen que j’ai fait dans la tête de la dame qu’elle veut attirer son fils auprès d’elle, dans un pays qu’elle va quitter prochainement. Il est donc inutile, je le répète, de travailler à une chose qui serait ensuite déplorée par la famille, objecta la somnambule.

« — Mais, vous vous trompez grossièrement, m’écriai-je, le conservateur ne peut pas quitter la Corse où il n’est que depuis dix mois, lorsqu’il a pris, au ministère, l’engagement de rester trois ans dans cette île. Vous me semblez très-lucide aujourd’hui, examinez, réfléchissez, et calculez bien avant de répondre.

( — Je suis effectivement très-clairvoyante en ce moment, et je vous le déclare, ce que j’ai dit du retour de M. de C*** est on ne peut plus certain, car avant trois mois il sera rappelé en France, et avec avancement.

« — Cela me semble d’autant plus extraordinaire que c’est moins probable; mais enfin, puisque vous l’affirmez si catégoriquement, me pourriez-vous dire, chère sibylle, dans combien de temps aurait lieu cette promotion, et dans quelle contrée de la France on enverrait mon ami?

« — Je garantis, répondit-elle d’un ton parfaitement résolu, qu’avant trois mois il recevra sa nomination. Sa résidence future est une ville située à environ 80 lieues de Paris, et il en sera d’autant plus satisfait que c’est un pays connu déjà de votre ami, où il se plaira beaucoup.

« En présence de renseignements pareils, et surtout de l’attitude impérieuse et solennelle de ma somnambule, je dus renoncer à toute démarche tendant à la nomination en Corse de M. de F***, et j’écrivis, le jour même 16 avril, à M"' de C*** la relation détaillée de cette séance magnétique.

« Ma lettre, qui fut un événement singulier et inattendu,, livra la famille de C*** à tous les calculs possibles de probabilités et d’improbabilités. Elle renonça dès lors, d’après mes avis, à toute espèce de tentative ultérieure, préoccupée et curieuse de l’avenir, o J’étais depuis peu de jours revenu à mon poste, à l’expi-

ration de mon congé, contrairement à mes vœux et à, mes espérances, lorsque, par le courrier du 27 mai, des dépèches ou journaux annoncèrent à Ajaccio la nomination de M. de C*** à la conservation des forêts de Vesoul ! ! ! La distance qui sépare de la capitale le chef-lieu du département de la Haute-Saône est de 87 lieues. On doit encore faire savoir que ce pays, cette contrée où était appelé M. de C*** n'était pas nouveau pour lui, son père ayant été, sous la Restauration, préfet d’un département limitrophe.

« Citer de tels faits, qui peuvent être confirmés immédiatement par le témoignage de l’honorable conservateur, me dispense de tout commentaire. Je m’en abstiendrai donc.

« Ne pensez-vous point, mon cher Maître, que cet événement, et les circonstances dans lesquelles il se produisit, donnant raison absolue aux prophétiques paroles de M“* B***, soient de nature à réfuter certaines déclamations systématiques de quelques sceptiques impuissants et enragés contre le magnétisme?

u Recevez la nouvelle expression de mes sentiments les plus affectueux et dévoués.

« Alfbed D’HÉRISSON,

Conseiller de préfecture* ■

« Cher Maître I

«Voilà un siècle que je n’ai eu le plaisir de vous voir, et au regret du cœur se joint celui de la conscience, n’ayant pu me rendre à mes devoirs de membre du jury. Mais que faire, sinon se résigner à la dure nécessité ! Comme s’il n’eût pas suffi de mes travaux lexicographiques, boulet auquel je me vois rivé pour au moins huit mois encore, pour surcroît d’empêchement, il a fallu que la lune rousse, d’atroce influence, se complût à me gratifier d’une grippe des mieux conditionnées, et qui m’a tellement secoué, que je suis presque continuellement à la fièvre, que la moindre conversation , l’excitation la plus légère suffit pour provoquer uue

aphonie complète, et que je rentre chez moi épuisé des petites excursions de vingt minutes que j'ai l’intrépidité de pousser jusqu’il la rue d’Aumale, à dix pas de chez moi, pour tâcher de me remettre à flot. Et avec cette défaillance du corps, le pas de course au cœur pour vous aller voir !

« De sorte que, pauvre exilé, me voilà bien décidément « hors de dedans, » c’est-à-dire éloigné du sanctuaire, étranger aux faits et gestes de l’école, ignorant les péripéties de la science ; en plein désert enfin ; privé de la manne céleste à laquelle j’aspire, et de la parole du maître dont j’ai soif, semblable au cerf altéré bramant après la source rafraîchissante. Car, malgré mon ardent désir, je le sens, il me faudra renoncer demain encore aux agapes fraternelles, auxquelles il ne me sera permis d’assister que d’esprit et de cœur.

« Si je n’ai pas paru à vos séances, cher maître, je ne me suis pas fait faute d’y envoyer, pour s’y convaincre, de visu, des étrangers préalablement gagnés par discussion à la cause. Les Manuels et les instructions pratiques ont dû s’en ressentir. Deux des néophytes (Allemands établis au Mexique), attardés peut-être, et ne sachant comment se faire jour à travers la foule qui ce jour-là assiégeait le salon, ont été remarqués et introduits avec une grâce parfaite par une aimable dame, dont ils n’ont pu louer assez la rare prévenance. A ce seul trait, j’ai reconnu de suite Mmo la baronne du Potet, et en remerciant ici la noble dame au nom de ces messieurs, je ne fais que dégager ma parole.

« Il paraît que — comme les livres — les lettres et les médailles aussi ont leurs destinées. M. de Reichenbach m’annonce ces jours-ci qu’il vient de recevoir enfin sa médaille et les lettres que le consul général d’Autriche, il y a six mois, m’avait promis d'expédier de suite. Si c'a été par grande vitesse, il faut avouer qu’elle prend son temps, et si toutes les expéditions autrichiennes vont ce train-là, le progrès là-bas doit joliment marcher. M. de Reichenbach, au départ de la lettre qu’il m’adresse, allait répondre à celle de M. le colonel Mac-Shechy et remercier la société de la distinction dont elle avait bien voulu l’honorer. Seulement, dit-il, ce

qui me cause autant de peine que de surprise, c’est de voir m’arriver ensemble et la récompense de mes travaux et leur presque désaveu dans le journal. — J’ignore à quel passage du journal a trait ce.regret de l’illustre auteur des Dynumides. Ce serait, du reste, un hasard bien inspiré, que celui qui ferait arriver, le jour môme de sa grande réunion , à la société, ces remercîments qu’il lui adresse. Je ne connais pas les lettres odiques, telles que les a publiées Caha-gnet ; mais, au dire de l’auteur, cette traduction est loin de répondre à ses intentions , sur lesquelles le traducteur aurait été dans une méprise complète. Il voudrait en voir une autre traduction, intelligente, exacte , et m’engage à m’en charger, ce qüe je m'empresserais de faire si j’en avais le loisir.

« Voilà! c’est le temps qui me manque, cher maître, sinon j’aurais bon nombre de communications à faire au journal, et d’assez curieuses au point de vue psychologique surtout, celui de mes préférences. Ce double moi, par exemple, cette double faculté de l’âme, l’intelligence consciente, active, et latente, interne, celle peut-être que dégage le somnambulisme, ces deux moi enfin, dans l’identité, j’ai réussi jusqu’à un certain point à les mener de front, à les faire agir simultanément en contrastes progressifs, à la stupéfaction , pour ainsi dire, de la première, c’est-à-dire d’une dame de ma connaissance, avec laquelle je causais à une table que nous avions fait admirablement parler. C’était en Allemagne. Nous nous entretenions du magnétisme, dont elle avait horreur, en ayant entendu parler comme d’une chose occulte, immorale, exécrable. Nous discutions, elle me conjurait de renoncer à ces abominables pratiques, et se trouvait être, sans s’en douter, un magnifique sujet. Je lui mis un crayon en main et glissai dessous une feuille de.papier. « Pourquoi ça ? demanda-t-elle ; dois-je écrire ? — Non, répondis-je, n’écrivez pas , et continuons. Vous parlez du magnétisme, et n’en avez aucune notion ; dites-moi donc ce que c’est que le magnétisme. Réfléchissez bien, et puis répondez. » Elle se recueillit un instant en fermant les yeux, et traça ces mots

en grands et beaux caractères, entièrement différents de sou écriture habituelle : Le magnétisme est un don de Dieu, une puissance qui vient d’en haut, u Eh bien, repris-je, répondez donc. — N’eu parlons plus, je vous prie, dit-elle en me regardant, vous connaissez mon opinion. »Puis, jetant les yeux sur le papier, elle fut prise d’un saisissement impossible à décrire. Cette dame était souffrante. Dans l’une des séances suivantes, — car frappée, émue jusqu’aux larmes parfois, des idées tendres, souvent sublimes et toujours religieuses qu’à son indicible étonnement traçait son crayon inspiré, elle sentait disparaître sa crainte, sa répugnance, et avait consenti à continuer l’expérience, — dans une séance suivante donc, elle indiqua, toujours sur mes questions, le siège de son mal; elle se prescrivit un traitement magnétique des plus détaillés, le nombre de magnétisations, le mode à suivre, l’heure favorable, le tout avec une grande précision et netteté de vue. A chaque question que je lui adressais, il se faisait un certain recueillement, puis elle écrivait, et ensuite se mettait à lire avec une grande curiosité ce qu’elle venait de tracer à son insu. C’était comme un demi-somnambulisme à l’état de veille, la conscience des choses extérieures ou de la vie de relation à côté d’un travail intérieur qui y échappait : dualisme flagrant, des plus extraordinaires et des plus intéressants à observer ; car l’état de veille était complet et accidenté même de préoccupations de ménage, qui nécessitaient parfois des interruptions passagères de nos séances, sans que ce quasi-somnambulisme en souffrît le moins du monde. Il y avait là, pour l’observateur, matière à réflexions. Dans une autre séance encore, après lui avoir demandé des nouvelles d’une ancienne amie de cœur, dont depuis des années, à son grand regret, elle était séparée par deux cents lieues de distance, sur ma demande si elle croyait la revoir bientôt, elle écrivit : « Dans deux ans d’ici, au mois de mai, nous serons réunies. » J’apprends qu’effectivement, par suite de circonstances inattendues, elle a dû aller, ces jours-ci, se fixer dans la ville même où réside cette amie. Il y avait donc là, à moins de coïnci-

dence fortuite, pressentiment ou prévision sonmambulique.

— Il était intéressant de savoir jusqu’à quel point il me serait possible de réunir eu pleine activité cette double faculté, cette âme dédoublée, ce psychique enfin, dont nous sommes loin de connaître la valeur déterminée et dont j’avais devant n:oi le singulier spectacle. Je résolus donc de les mettre en présence, et soutenant de mon injonction réitérée le moi conscient, en lui répétant d’un ton d’autorité : « Tenez ferme, ne cédez pas, n’écrivez pas ! »

— M’adressant au moi interne, je formulai une question. Alors s’établit une lutte des plus opiniâtres : le crayon, traçant par saccades des lettres aussitôt interrompues que commencées, semblait se tordre en tous sens pour échapper aux doigts crispés qui s’efforçaient de le retenir et d’empêcher l’écriture ; puis, un mouvement convulsif, et, se raidissant tout à coup, le bras se lança vers moi avec une violence extrême ; tandis que sous le double effort moral et physique, le sujet s’affaissa sur lui-même, le bras toujours tendu vers moi. Je dus résoudre la catalepsie.

« Vous parlerai-je d’une jeune personne qui, exaltée par les expériences de tables qu’elle voyait pour la première fois

— (toujours les tables ! direz-vous ; mais les tables ne sont que les instruments, excellents instruments d’étude psyco-logique, du reste), — cette jeune fille me pressait de recommencer, et, à ma prière, de se reposer un peu : « Le temps de compter 100, répondit-elle. — D’accord , répliquai-je, comptez jusqu’à 100, va pour 100! (Et n’arrivez pas à 50!) » ajoutai-je mentalement. Là-dessus elle part avec une rapidité prodigieuse, pour avoir plus tôt fini, tandis que je reprends la conversation avec son père, qui, quelque peu sceptique à l’endroit des tables, avait assisté avec quelque surprise à des expériences très-concluantes. Entre temps, la jeune fille allait son train sans encombre , lorsque, arrivée à 46, sa vélocité subit une baisse notable ; puis, avec des

pauses croissantes, 47..... 48, et comme faisant effort de

mémoire, 49, dit-elle, et s’arrête : «Eh ! mon Dieu ! «s’écrie-t-elle toute troublée et rouge de confusion, et dans une con-

steniation si comique, que tous les assistants partent d’un éclat de rire. « Va-t-il pas falloir renvoyer mademoiselle à l’école pour rapprendre à compter jusqu’à 100 ? dit la mère en riant aux larmes de l’embarras, en effet fort risible, de sa fille cherchant à rassembler ses souvenirs. — Voyons 49 ; qu’est-ce qui vient après 49? Mais, va donc, 50!... » Et la pauvrette stupéfaite de regarder piteusement sa mère eu disant : « Je ne puis. » Et, en effet, bien que tous les amis lui vinssent en aide en le lui répétant sans cesse, elle ne pouvait prononcer 50, et ne le put que lorsque je le lui permis mentalement. Quand je donnai l’explication du tour, personne n’y voulut croire; si j’avais averti mon monde, on y aurait cru bien moins encore. C’était bien là, si je ne me trompe, l’inverse ou la contre-partie de l’expérimentation biologique, puisque c’était l’injonction mentale et non la suggestion articulée qui avait été obéie.

« Evitant, dans toutes ces expériences de tables, de me lancer dans le royaume des esprits, j’ai cru devoir me tenir strictement sur le terrain physiologique, sans y trouver toujours, il est vrai, selon ma petite théorie à moi, la solution des phénomènes observés. Un fait néanmoins m’a singulièrement ébranlé. C’est Mesmer, lequel répondant, par la main d’une dame, aux questions d’un mien ami de Paris, qui le sommait de vaincre mon incrédulité par une preuve pour ainsi dire palpable, m’adressa en bel et bon allemand, poroles et caractères, et toujours par le crayon de cette dame, aimable Parisienne, complètement étrangère à cette langue, les mots suivants : Tu n’as donc pas confiance en moi? — A partir de ce moment, l’avouerai-je? je me sentis comme bien réellement en présence d’un être invisible, et dans une perplexité difficile à surmonter.

« Combien d’historiettes de ce genre n’aurais-je pas à vous conter, cher maître ! Mais que de bonnes choses aussi à vous dire, à commencer par un excellent confrère, dont j’ai fait la connaissance chez le Dr Siemers à Hambourg, et que nous verrons peut-être un jour à Paris, M. Edouard Czippick, Styrien , excellente nature, excellent magnétiseur, qui a

opéré d’admirables cures, et sur lequel je donnerai une note au journal aussitôt que j’en aurai le loisir.

« Mais excusez, je vous prie, cette lettre interminable, à la-quelle, après l’avoir commencée hier soir vers minuit, je n’ai pu toucher de la journée aujourd’hui. Et en ce moment où je la termine, vous voilà tous réunis au banquet fraternel ; les nobles paroles retentissent, au choc des verres jaillissent les idées généreuses, et les cœurs se retrempent dans la communauté des sentiments, à l’expression multiple et inspirée du dévouement et de l’amour de l’humanité !

« Aug. GATHY. »

83 mai 1856.

ira FAUX SOMNAMBULE DÉVOILÉ.

A M. te Rédacteur en chef du journal le Mousquetaire.

Monsieur le Rédacteur,

Dans plusieurs circonstances, vous avez bien voulu ouvrir les colonnes de votre estimable journal à quelques fatis gomnambuliques, sur le simple énoncé que je vous en fis; fier de la confiance que vous m’avez accordée, je prends la liberté de vous raconter encore aujourd’hui une histoire non moins étonnante sur le même sujet ; histoire dont les phases se sont déroulées devant mes yeux, sans que, pour cela, je puisse dire en avoir été le témoin oculaire. Mais n’anticipons pas sur les événements, la suite ne prouvera que trop, hélas ! la vérité de cette assertion.

C’est à Argenteuil, près Paris, qu’eut lieu cette séance. A Argenteuil, terre deux fois bénie, qui possède la robe sans couture de Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme nous l’a scientifiquement prouvé le rédacteur de /’Univrés cathou-que... Cette localité renferme également dans son sein le célèbre spiritualiste Cakagnet, qui, bien qu’en chah- et en os, par l’intermédiaire de ses sibylles, a le rare privilège de causer avec les morts !

Jugez, monsieur le rédacteur, si je fus heureux , moi, grand croyant des phénomènes somnambuliques et ami du merveilleux, en recevant une lettre m’invitant à me rendre sur cette terre mystique.

Cette lettre, je vous l’envoie en vous priant de l’insérer également, étant nécessaire pour aider à l’intelligence sur ce qui va suivre.

Argentcuil, co 15 mai 1856.

u Monsieur Marcillet,

« Je serais enchanté que vous voulussiez bien me rendre une petite visite d’ici à peu de jours. J’aurais à vous entretenir d’un jeune lucide qui promet des merveilles ; j’ai déjà obtenu avec lui, lorsqu’il était en état de somnambulisme, ’a peinture d’un paysage vraiment remarquable, fait à l’huile, la nuit, dans une pièce complètement privée de lumière. La toile de ce tableau porte 35 c. de longueur sur 25 c. de largeur. J’ai dressé procès-verbal réguli er de la séance dans laquelle la production a été faite chez moi le 25 avril dernier, en présence de témoins.

« Ce jeune homme doit, le 25 de ce mois, nous peindre encore, étant en sommeil magnétique, le portrait d’un grand personnage que vous connaissez fort bien. Si vous désirez assister à cette séance, je vous serai obligé de me le faire savoir. Je vous préviens toutefois que la séance ne commencera qu’à neuf heures du soir et devra se prolonger près de deux heures.

« J’ai bon espoir de réussite, ayant déjà un précédent.

« J’ai bien l’honneur d’être, etc.

« Constant Lhéract.

o 125 , Grande-Rue. »

La lecture de cette lettre me jeta dans un assez grand embarras. Je croyais bien être à même de constater une expérience somnambulique, mais la complication du fait artistique, je l’avoue avec toute humilité, m’embarrassait singulièrement.

Ayant déjà eu l’occasion de mettre à l’épreuve l’obligeance

si bien connue de notre célèbre peintre Gudin, je m’adressai à lui, pour le prier de m’accompagner, afin de donner à cette solennité somnambulique tout l'éclat que son approbation devait lui procurer !

M. Gudin, ayant accepté ma proposition, s’adjoignit deux de ses amis, et nous nous mîmes en route. Arrivés à Argen-teuil, nous nous trouvâmes bientôt en présence d’un nombreux auditoire, qui attendait avec anxiété la reproduction d’un nouveau miracle! Quatorze signatures, parmi lesquelles on remarquait en plus : le sceau de M. le maire, le cachet de M. le commissaire de police, voire même la griffe du brigadier de gendarmerie; le tout était apposé derrière une toile encadrée, qui attestait avoir été scrupuleusement examinée ; à l’aide d’une telle précaution, cette toile non plus ne pouvait être changée.

Du reste, ces sages avis, si minutieusement exécutés, avaient été recommandés à l’avance par l’oracle sur son trépied, qui ordonna aussi que l’on traçât à la craie, autour de lui, un cercle de douze pieds de circonférence (à l'instar de ceux que fait M. le baron du Potet, dans ses concluantes séances ) , afin d’être à l’abri de toute influence profane et de jouir dans cette enceinte sacrée de la lumière céleste si

nécessaire à l’accomplissement de son œuvre!..... Il avait

prédit de plus qu’en mélangeant ses couleurs, il se tacherait le bout des doigts, et son magnétiseur, en cette circonstance, avait même été prévenu de lui préparer une cuvette d’eau pour s'en tarer les mains.

Enfin, le moment si ardemment attendu est arrivé ! On ferme les persiennes, on éteint les lumières et le travail va commencer. L’allocution suivante est prononcée par le sujet dans l’état somnambulique.

« Je supplie les croyants de se recueillir et d’unir leurs volontés en une seule, forte et bienveillante, afin de m'aider à accomplir la tâche si difficile que je vais entreprendre. »

Cette prière, adressée à l’auditoire avec onction et au milieu de la plus profonde obscurité, inspira réellement un parfait recueillement, et j’avoue pour mon compte que cette

invocation me trouva tout à fait sympathique! Alors, le cœur libre, la tête légère et les doigts déliés, notre extralucide se mit à la besogne.

La cuvette est bientôt demandée, puis apportée, grâce au magnétiseur, qui a obéi aveuglément en la préparant à l’avance , et va la chercher religieusement à travers les ténèbres, en s’écriant :

« Tout cela, messieurs, sa lucidité l’avait annoncé ! »

Cette prophétie produisit sur les spectateurs une surprise stupéfiante.

Ses mains lavées, il se met à la besogne, comme un vrai rapin d’atelier; il chante plusieurs airs d’opéra comique, entre autres , sans doute avec malignité, celui-ci : la Dame blanche vous regarde... Ensuite il cause, il rit, il annonce même que sa lucidité va être parfaite.

Son magnétiseur est appelé de nouveau par lui, afin de lui dégager les oreilles pour mieux entendre, dit-il, ce que va dire son auditoire. Il s’adresse à moi de préférence et m’interpelle par ces paroles :

— Avouez, monsieur Marcillet, que votre Alexis n‘en ferait pas autant ?

Cette assurance, avant l’accomplissement d’un phénomène aussi surprenant, me fut pénible, sachant qu’on peut tout espérer de la lucidité d’un somnambule, mais que lui ni son magnétiseur ne peuvent rien promettre !

Enfin, après une demi-heure passée dans les ténèbres, nous entrevîmes, pendant le temps que mit à se consumer une allumette , l’esquisse de la moitié d’une figure, et un fragment d’épaulette.

— C'est admirable ! s’écrie Gudin.

Et tous les assistants de répéter :

— C’est admirable ! ! !

L’obscurité renaît ; le somnambule recommence à causer vraiment comme s’il n’avait que cela à faire; et, au bout d’un quart d’heure, à la lueur d’une nouvelle allumette, nous entrevoyons une figure entièrement terminée, accom-

pagnée d’épaulettes et de décorations très-bien mises à leur place...

Alors, redoublement d’admiration et trépignement de pieds !

Encore les ténèbres, puis les chants. Mais, pour faire encore une nouvelle et ingénieuse allusion à notre position, il fredonne cette fois la romance de Richard Cœur-de-Lion : Dans une tour obscure, etc.

Enfin , après une heure et demie d’attente dans une

anxiété..... ténébreuse, les mots sacramentels : C’est fini!

sortirent de sa bouche, en ajoutant :

— Il ne me reste plus qu’à transcrire au bas du tableau :

Offert à S. M. l'impératrice pur son fidèle sujet Jules ***, Argcnlcuil, ce 25 mai 1856.

Cette fois, une chandelle est allumée et nous pûmes apercevoir à travers sa douteuse clarté le portrait de ¡’Empereur et la dédicace en lettres rouges.

En cet instant solennel, ce fut un enthousiasme général, et notre célèbre peintre de s’écrier :

— Jeune homme, dans votre intérêt, veuillez ajouter : Fait en présence du peintre Gudin.

— Je voudrais bien pouvoir le mettre ainsi.....répondit

l’illuminé, mais ça m’est impossible.....mes anges gardiens

me défendent d’outrepasser leurs ordres.

Et, au même instant, il retourna son tableau pour le soustraire à notre vue. Le mouvement qu’il fit en cette circonstance permit de remarquer un brillant reflet qui nous prouva qu’il venait d’être verni.

— Tout ce qui reluit n’est pas or, me dit alors M. Gudin, et malgré tout mon respect pour le somnambulisme, je ne puis croire qu’on puisse étendre un vernis sur une peinture fraîche.

Il en fit aussi l’observation à l’artiste, qui répondit sans se déconcerter :

— Ce vernis a été préparé par moi, dans l’état de lucidité; il a la propriété de ne pas effacer la peinture.

— Eli Lien ! lui ditM. Gudin, perinettez-moi au moins de passer légèrement mon doigt sur le bord de votre tableau, afin de m’en assurer ?

Aussitôt le patient fut pris d’une attaque nerveuse et serra convulsivement son tableau sur sa poitrine, comme s’il eût craint d’être pris en fraude.

— Sortons d’ici, me dit alors mon utile arbitre, nous sommes joués.

Et au moment où nous opérions notre retraite, le défiant peintre aperçut la cuvette accusatrice encore remplie d’une eau blanche et bourbeuse qui nous prouva clairement que, si cette eau avait pu servir à laver des mains, elle devait aussi avoir été employée à lessiver le tableau fait au moins huit jours à l’avance, puis recouvert ensuite d’une couche épaisse, qui en masquait la peinture.

Ainsi ce que nous avions pris pour un travail phénoménal et même divin n’était qu’une matérielle succession de lavages, faits à vue de nez.... pour faire disparaître l’espèce d’empâtage qui recouvrait le tableau.

Cette ruse, pour ne pas dire plus, me rappelle l’adroit stratagème qu’employait le peuple italien sous nos guerres de l’Empire, en recouvrant aussi d’un enduit les tableaux de leurs maîtres pour mieux nous les cacher, et repeignant par-dessus d’autres sujets grossièrement faits.

Dans Argenteuil, on fait plus. Comme en Italie, on cache bien aussi ses œuvres, mais l’habileté consiste à savoir les montrer ensuite.

Je restai un moment anéanti après l’arbitrage si concluant de M. Gudin ; mais une réaction toute d’indignation s’opéra bientôt en moi, et m’amena à faire la réflexion suivante : Le somnambulisme est un phénomène de la nature utile à l’humanité ; mais il ne faut pas lui demander plus qu’il ne peut donner. Partout et toujours, c’est un devoir de démasquer les misérables qui lui nuisent en se jouant de la crédulité publique.

J'allais terminer cette lettre déjà trop longue, monsieur le rédacteur, lorsque l’instituteur d’Argenteuil vient de m’a-

dresser, par écrit, tous ses regrets pour le dérangement que nous a occasionné la ténébreuse cérémonie qui s’est passée dans sa classe même.

Je crois donc, de toute justice, devoir rapporter en entier cette lettre , afin de faire connaître , tant la loyauté que la politesse de son auteur, ainsi que la preuve qu’il constate de la supercherie qui fut faite devant nous.

« Monsieur,

« Le chemin du surnaturel a le malheur d’être parcouru de temps en temps par des fripons, c’est regrettable ; quand un magnétiseur peu exercé se laisse refaire sur une aussi grande scène et avec un public choisi, comme celui qui était réuni dimanche dernier, car ceux qui font parade de ne croire que ce qu’ils peuvent mathématiquement voir font aujourd’hui les esprits forts et déclarent le magnétisme une distraction de l’adresse , etc.

« Quant à moi, je suis faible en cette science et je vais de plus en plus étudier, afin de pouvoir découvrir les farceurs du genre de notre prétendu lucide.

« J’ai chassé ce polisson de chez moi, et le commissaire a trouvé bon de l’envoyer dormir à la prison de la ville. Toute peine mérite salaire, vous voyez que notre commissaire connaît cet adage.

« Recevez, monsieur, les vifs regrets que j’éprouve de vous avoir fait perdre votre temps, ainsi qu’aux personnes distinguées qui vous ont accompagné.

« Je suis honoré de m’être trouvé quelques instants avec vous, monsieur, ainsi qu’avec notre illustre peintre, à qui nous devons tant 1 Ce qui m’afflige, c’est que des hommes de mérite aient été appelés à figurer dans une pareille parade.

« Ne m’en gardez pas rancune, monsieur, et présentez, je vous prie, l’assurance de mon respect à M. Gudin.

« J’ai l’honneur d’être, etc. Lambert.

« Argunteuil, cc i7 mai 1856. »

o P. S. — J’oubliais de vous dire qu’à la mairie, notre banquiste a avoué sa supercherie. »

Ce qui m’a valu l’honneur de cette lettre, monsieur le rédacteur, c’est le regret qu’a éprouvé M. Lambert d’être venu exprès à Paris pour me rappeler que c’était toujours le 25 mai, à neuf heures du soir, qu’aurait lieu, hélas ! l’exhibition de l’œuvre de la nuit... avec prière de n’y point manquer.

J’ai l’honneur d’être, monsieur le directeur, votre tout dévoué et affectionné

MARCILIiET,

11, ruo GcofTroy-Marie.

Paris, 1er juin 1856.

Il y a quelques années, un récit semblable eût été saisi avec avidité par les antagonistes du magnétisme et offert en pâture à tous les niais qui font ordinairement cortège aux savants et aux médecins. Aujourd’hui, voyez la différence des temps, ce fait que nous donnons plus haut n’est plus considéré que comme une pièce fausse que l’on trouve çà et là au milieu d’un trésor ; on cloue cette pièce ou on la brise, mais on se garde bien de rejeter ce qui est de bon aloi.

Ce n’est pas moins un devoir de démasquer sans pitié les fourbes et les trompeurs quels qu’ils soient; leurs pièges d’ailleurs sont si grossiers que bien maladroit est celui qui s’y laisse prendre.

Baron DU POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

Nous rendions compte , dans un de nos derniers numéros , de ¡l’apparition d’une .nouvelle feuille magnétique à Turin, et voici qu’aujourd’hui nous avons à nous occuper d’une autre publication du même genre qui vient de prendre naissance à Milan, cette fois. La grande et bienfaisante vérité dont nous nous honorons d’être, dans notre obscurité, un des [champions les plus dévoués, est, on le voit, dans une période de progression d’autant plus remarquable que sa marche, à l’étranger surtout, avait été entourée de tant d’obstacles et d’empêchements imposés par le fanatisme, l’ignorance ou l’égoïsme, qu’on était en droit de douter qu’elle eût, sous cette pression morale, jeté d’aussi profondes racines ; mais, au premier rayon de liberté intelligente, à la première ouverture de sage tolérance, ses manifestations se hâtent et se pressent ; le travail silencieux des penseurs se présente au grand jour ; la plante, en même temps qu’elle montre sa fleur, donne ses fruits mûris dans l’ombre ; les meilleurs esprits que l’on croyait étouffés ou étiolés se dressent les mains pleines et disent : Nous voici, et nos œuvres avec nous.

Nous n’en voulons pour preuves que les lignes suivantes que nous traduisons de cette nouvelle revue mensuelle Le Psychologiste (lo Psicologico), publiée à Milan par M. Giu-seppe Mozzoni, docteur ès-sciences. Elles suffiront pour donner une idée de l’importance que doit avoir une œuvre dont l’idée est comprise d’une manière aussi sérieuse, dont le but est indiqué avec tant de droiture et qui se recommande avant tout par une grande simplicité de langage et une grande sincérité de raisonnement.

« Le style, c’est l’homme, » a dit Buffon, et si cette appréciation est d’une exactitude générale et rigoureuse, nous ne pouvons que féliciter vivement les partisans de la vérité magnétique de compter au nombre de leurs frères M. Moz-zoni, qui, comme 011 va en juger, est un de ces caractères qui honorent une cause et un de ces publicistes qui savent la défendre. Ecoutez-le plutôt. Voici le début du Psyciiolo-

GISTE :

Qü’EST-CE QUE LE MAGNÉTISME?

« Demandez à la science des académies quel est le prin -cipe qui produit en nous la fièvre, les crampes, les convulsions, les contractions tétaniques, la catalepsie, les attaques d’épilepsie, les songes effrayants, les hallucinations, le délire, etc., etc. Ce sont des questions auxquelles, vous pouvez en être certains, elle ne répondra pas.

Or, la science magnétique peut, dans certaines conditions, produire la fièvre et la faire disparaître ; elle peut exciter des convulsions, des crampes, des contractions tétaniques , et elle peut les faire cesser : elle peut faire naître des songes pleins d'épouvante, des hallucinations, des délires, et il lui est aussi facile de nous en débarrasser.

Ces phénomènes et d’autres du même ordre dérivent évidemment d’un principe unique, matériel, positif quoique invisible, inhérent à la nature même de l’organisme humain et agissant par excès ou par défaut, suivant les circonstances; principe unique, puisque cette science ne met en mouvement qu’un seul et unique fluide aussi bien pour détruire que pour produire les phénomènes dont nous parlons.

Le magnétisme existe donc, et n’eût-il pour lui que ces seuls phénomènes, il aurait le droit d’être déjà quelque chose.

Mais il va bien plus loin. Faites qu’un magnétiseur puissant soit appelé auprès du lit d’un agonisant (dans un stade donné), et la vie de celui qui allait s’éteindre pourra être prolongée pendant des heures, des jours, des semaines, des mois entiers ! (Nous en avons nous-même, tous les jours,

sous les yeux, un exemple dans la personne de la femme d’un de nos amis intimes , laquelle , sans espoir et sans chance de vie , n'est soutenue et ne vit en effet uniquement que parce qu’elle se trouve littéralement enveloppée d’un atmosphère de ce fluide dont son mari la sature chaque jour.) Ce fluide, qui s’oppose à la destruction , est donc un fluide essentiellement vital, ou plutôt la vitalité elle-même qui, surabondante dans un individu , peut passer et s’assimiler dans un autre individu, chez lequel la vitalité propre viendrait à manquer.

Il y a plus. Vivre, c’est sentir, et sentir, c’est avoir le parfait usage de nos sens. Or, si ce fluide a la faculté de prolonger la vie chez un mourant, il aura, par conséquent, celle d'accroître la vie chez un individu sain et susceptible d’en recevoir une quantité plus grande ; accroître hi vie chez cet individu, ce sera lui accroître la sensitivité, c’est-à-dire augmenter en lui l’usage et la perfection des sens. C'est un axiome que l’absence ou la défectuosité de l’un des sens est compensée par l’accroissement du sens qui peut le suppléer; ainsi la perte de la vue est*compensée par le perfectionnement de l’ouïe ou du toucher, et réciproquement. Donc, si chaque sens est susceptible d’une amélioration notable, il est évident qu’en augmentant la sensitivité dans un individu, nous pourrons l’amener à ce point que tous les sens acquièrent la perfection dont ils sont susceptibles : que la vue, par exemple, devienne aussi perçante que celle de l’oiseau, l’ouïe aussi fine que celle du serpent, l’odorat aussi subtil que celui du chien, etc.

Eh bien ! le fait suit cette logique évidente ; le magnétisme acquiert un tel raffinement dans tout son mode sensitif que, dans ce premier et simple stade, nous voyons l’homme déjà plus grand que lui-même, c’est-à-dire doté de l’instinct médical, cet instinct que la brute possède à un degré positif et éminent suivant les besoins de son organisation particulière, et que l’homme seul a perdu par suite delà dégénération et de la corruption de sa nature. Quelle ne doit pas être l'immense utilité de cette merveilleuse sensitivité

pour l’individu qui l’acquiert, si, remis en possession de Fin stinct médical, il peut en user pour sa propre santé , et se prescrire les remèdes appropriés dans l’état de maladie !

Voilà donc un des premiers bienfaits et le premier but du magnétisme, se guérir soi-même.

Mais ce n’est pas tout. Malade ou en santé, l’homme peut encore, dans cet état. servir de médecin à son semblable, puisque, par un moyen de communicatioi»quelconque, il en arrive à ressentir en lui-même les désordres dont souffre celui qui le consulte, et il emploiera pour le guérir cet instinct médical qui lui sert pour lui-même. — Le fluide magnétique n’est donc pas seulement un agent qui guérit directement, mais encore il improvise des médecins ; c’est une médecine tout entière, la science de la médecine naturelle qui doit fort donner à penser à la médecine des écoles. Quoi donc d’étonnant si, dès sa première apparition, les hommes d’académie s’efforcèrent de tout leur pouvoir de la décrier, alors que leur véritable et consciencieux devoir eût été de l’approfondir, de l’étudier et de la légaliser par l’enseignement public. L’humanité aujourd’hui se trouverait déjà dans de bien autres conditions.

Mais allons plus avant, et faisons bien comprendre, dans toute l’étendue du mot, ce que c'est que le magnétisme.

Qu’entend-on par homme de génie? N’est-ce pas l’individu doué d’une grande promptitude de perception et d’une puissance d’imagination non moins grande ? Or, la rapidité de la perception dépend nécessairement de la perfection des sens (et notre magnétisé la possédera à un degré éminent, puisqu’il a été artificiellement rendu sensitif par excellence) , et la chaleur de l’imagination résulte à son tour d’un non moins prompt usage des idées reçues par le moyen des sens; nous pourrions donc arriver ainsi à admettre qu’un idiot, convenablement magnétisé, peut être transformé en homme de génie, résoudre les questions les plus ardues avec justesse et promptitude, et frapper d’étonnement par l’élévation de ses idées. Nous voici nécessairement en pleine psychologie, car l’âme qui pense et qui raisonne est ce qui distingue

l’homme de la brute, et le génie est son apanage exclusif. «

Voilà comment on entend, comment on discute, comment on pose le magnétisme de l’autre côté des Alpes , et il nous semble que de ce côté-ci on ne saurait le faire avec plus de bon sens, de logique et de clarté. Le Piémont et la Lombar-die, on le voit, ont largement regagné le temps involontairement perdu, et les ouvriers de la douzième heure peuvent marcher de pair avec ceux qui les avaient précédés dans la vigne. La patrie de Christophe Colomb et de Galilée est, qu’on ne l’oublie pas, le pays des esprits observateurs et curieux, investigateurs et opiniâtres. Ouvrez-leur les barrières, débarrassez-les des entraves, et vous verrez surgir les Torricelli, les Voila, les Galvani, et tous ces grands découvreurs de la science dont le nom, de même qilfe celui de Mesmer, est la gloire de l’humanité.

E. DE MALHERBE.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Pari». — Imprimerie de Pomumt el Moule, 17, quù lies Augustin«.

LE SPIRITUALISME EN ANGLETERRE.

Edimbourg, ce 21 juin 1856.

Mon cher baron.

Quoiqu’il y ait bien longtemps que je ne vous ai rien écrit, ce n’est pas que j’aie cessé de m’intéresser, comme autrefois, aux progrès du magnétisme. Mais les nombreuses occupations qui tiennent à ma chaire m’ont empêché d’écrire sur le magnétisme autant que je l’aurais voulu , et la mauvaise san té de ma femme m’a forcé d’aller tous les ans en Allemagne ; de sorte que je n’ai pas pu visiter Paris. J’avais espéré d’y venir pendant cet automne, mais, cette fois, je ne pourrai quitter l’Angleterre. Je crois donc de mon devoir de vous envoyer quelques observations que j’ai faites depuis que je vous ai vu.

I. Des manifestations dites spiritiialistes.

A. Mouvement des tables.

Depuis plusieurs années, j’ai eu assez souvent occasion de voir des expériences sur le mouvement des tables, et d’y prendre moi-même part. J’ai fait varier les conditions autant que possible, et je suis bientôt parvenu à la conclusion que le mouvement des tables est un phénomène véritable, qui n’est pas le moins du inonde dû aux efforts musculaires des assistants, comme le prétend d’ailleurs, après une étude insuffisante des faits, le célèbre physicien Faraday. Si ce savant avait bien cherché, il aurait trouvé que les tables non seulement se meuvent quelquefois sans contact des mains ou des personnes, mais qu’elles sont restées parfois suspendues au-dessus du plancher pendant un certain temps. Il est vrai

Tome XV. - N» «»S. _ 25 Jom «56. ii

que je n’ai pas vu moi-même ces deux phénomènes, mais j’ai pu me convaincre que les muscles des assistants n’influaient en rien sur le mouvement. J’ai vu des tables, sur lesquelles quatre ou même seulement deux mains étaient posées aussi légèrement que possible, faire dans tous les sens des mouvements très-forts, frapper même sur le plancher de manière à nous faire croire que la table se brisait ; traverser le salon dans le sens commandé et vivement ; se baisser à terre et se relever ensuite ; faire des révérences aux personnes de la société; et plusieurs fois j’ai senti, mes mains avec celles d’un ami étant sur la table, mais ne la touchant guère, que cette table faisait des sauts en haut, pour ainsi dire, avec une grande force, se mouvant ainsi contrairement à nos mains. Il est évidemment impossible de faire sauter une table perpendiculairement en posant les mains dessus, même en essayant de le faire ; et nous avons mis un soin extrême à n’exercer aucune influence musculaire qui nous fût perceptible. Enfin, je suis resté convaincu que dans les expériences bien faites les muscles n’y sont pour rien.

Quelquefois, en posant simplement nos mains, ou plutôt les extrémités des doigts, sur la table , en ayant soin de ne pas peser dessus, et sans former la chaîne que j’ai trouvée inutile, la table a commencé de tourner ou de frapper presque aussitôt. C’était toujours quand il y avait dans le cercle certaines personnes, enfin des médiums.

D’autres fois, après une demi-heure, une heure et même davantage d’attente, nous n’avons pas vu le moindre mouvement. Les personnes du cercle désiraient pourtant bien de le voir ; elles étaient sans doute fatiguées, et elles devaient souvent peser sur la table sans le savoir ; mais jamais je n’ai obtenu du mouvement, à moins qu’un médium ne fût présent. Il va sans dire que j’ai toujours prié mes associés de prendre bien garde de ne pas laisser agir leurs muscles, et que je répétais souvent cet avis. Mais, dans les circonstances favorables, le mouvement a toujours eu lieu.

Quoique je n’aie pas encore vu que la table se mouvait sans contact des mains, je sais , il n’en pas douter, que ce

fait s'est assez souvent reproduit. Un ami, dont le nom est un des plus distingués dans la littérature, m’a raconté ce qu’il a vu chez une dame qui est médium. Cet ami fut d’abord sceptique, et il a cru que c’était une supercherie. Mais, après beaucoup de visites chez cette dame, et après avoir soigneusement étudié les faits, il fut convaincu de la vérité du phénomène. Après la dernière séance, quand il n’y avait dans le salon que la dame, un autre monsieur et mon ami, qui tous se tenaient éloignés de la table et en différents endroits du salon, et pendant que mon ami s’exprimait à la dame comme parfaitement convaincu que les faits qu’il avait vus étaient de véritables faits naturels, la table, c’était une très-grande et forte table ronde, d’un diamètre et d’une pesanteur peu ordinaires, lit un saut vers lui, en traversant d’un bond la moitié du salon. Comme il demandait à la dame ce que cela voulait dire, la table sauta encore, et s’il ne s’était pas vivement retiré à la muraille, elle serait tombée sur lui. Des trois personnes au salon, pas une n’était près de la table. Je regarde ce fait comme aussi certain que si je l’eusse vu moi-même, car mon ami n’a pu se tromper sur une pareille chose, et bien certaiement il est incapable de vouloir tromper qui que ce soit.

D’autres personnes, très-instruites et parfaitement dignes de foi,'m’ont aussi raconté qu’elles avaient vu des tables marcher sans l’imposition des mains, se lever du plancher, se tenir suspendues en l’air pendant un certain temps, et même se transporter au bout opposé du salon , sans toucher le plancher, avec un mouvement ondulatoire. Je ne puis douter de l’exactitude des faits observés par des personnes comme celles dont je parle. Ce sont des hommes de science et de froide raison, qui, pour tout au monde, ne feraient pas le plus petit mensonge.

B. Jtéponses faites au moyen des tables.

Dans toutes les expériences que j’ai faites, c’est la méthode des coups frappés par le pied de la table qui a été suivie. Je préfère cette méthode à celle des coups sur la ta-

Lie, qui sont d’ordinaire tellement légers que je ne puis guère les saisir. On évite ainsi, d’ailleurs, la suggestion qui peut être faite quand on indique par le doigt les lettres d’un alphabet écrit- La table se lève d’un côté et frappe du pied. Un coup veut dire oui; deux coups, non. On demande si l’on veut bien épeler la réponse , et, dans ce cas, on comprend qu’un coup, c’est a; deux coups, c’est b, et ainsi de suite. Avec un peu d’habitude, cela va assez vite. Mais j’ai remarqué une chose, c’est que souvent, après plusieurs lettres, on croit savoir le mot, et l’on attend la prochaine lettre avec confiance ; mais bien souvent on s’est trompé, et la table ne s’arrête pas à cette lettre attendue partout le cercle , mais à uue autre, parce que le mot n’est pas ce qu on croyait.

J’ai observé aussi qu’en général les réponses sont de nature à être entièrement inconnues aux personnes présentes. Je veux parler des cas où l’on ne demande pas ce que l’on sait déjà, c’est-à-dire son propre nom, son âge, le nombre de ses enfants, son jour de naissance, etc., mais où l’on fait parler l’intelligençe, quelle qu’elle soit, de la table. Ainsi, par exemple, une fois je vis mouvoir la table, et je demandai : c- Veux-tu me dire ton nom? — Oui. —Dis-le donc? Peter Rovy. — Qu’étais-tu? — Simple soldat. — Dans quel régiment? — 29' (ou 30*) infanterie. — A quelle époque es-tu mort? (La date est donnée. C’était dans l’été de 1854.)

— Où cela? — A bord du Vulcain, vaisseau de guerre de S. M. B. — Dans quel endroit? — La mer Noire. De ¿elle maladie ? — Du choléra. » Et ainsi de suite.

Il n’y avait que cinq à six personnes présentes et aucune d’elles ne connaissait ni le nom de Peter Rovy ( ce dernier nom de famille est inconnu à toutes les personnes auxquelles j’en ai parlé depuis), ni son existence, ni son histoire ; personne ne savait si le régiment indiqué était dans la mer Noire, sur le Vulcain, ni s’il y avait un vaisseau de ce nom, et, dans ce cas, s’il était dans la mer Noire en 1854. On m’a promis de prendre des renseignements pour savoir à quoi s’en tenir sur le Peter Rovy ; mais ces

renseignements me manquent encore. Seulement j'ai su depuis qu’il y a un vaisseau Vulcain, vapeur de guerre, qui a été à la mer Moire à l’époque indiquée.

(.eci n est qu un échantillon ; j’ai eu souvent des réponses pareilles, également inattendues de tout le monde ; des noms et qualités, des endroits et des événements ont été donnés, dont personne n’a jamais entendu parler.

Je dois ajouter que les tables se trompent très-souvent quand on veut leur faire prédire l’avenir, môme très-prochain. Ce que j’ai vu là-dessus m’a convaincu que dans de telles demandes lasuggestion agit fortement sur l’intelligence qui répond quelle que soit cette intelligence et dans quelque lieu qu’elle se trouve.

C. Les médiums sont des sujets magnétisables, et il y a beaucoup de rapports entre le magnétisme et l'influence qui se développe dans les expériences de tables.

On sait qu’il y a des médiums pour les tables ; d’autres qui écrivent, et d’autres qui déclament. J’ai eu l'occasion de voir un de ces derniers. C’est une jeuue dame américaine d’une haute intelligence. Depuis longtemps elle est sujette à des crises, dans lesquelles elle parle avec beaucoup d’éloquence et d’entrain. Elle est pleinement convaincue que ces discours lui sont suggérés par les esprits de ses parents défunts, qui lui ont dit dans le commencement, quand elle était très-jeune fille, que ces crises ne lui manqueraient jamais dans les réunions publiques où elle devait déclamer; mais qu’elles ne lui viendraient jamais à des occasions inopportunes. Elle ajoute que cela ne lui a jamais manqué en public, mais qu’en particulier elle n’en est pas la maîtresse ; quelquefois cela vient en particulier quand elle le désire , mais le plus souvent c’est en vain qu’elle l’essaie. Une dame m’a dit qu’en prenant la main du médium , elle avait quelquefois évoqué la crise, et elle l’a essayé, mais inutilement, devant moi. Une autre dame, qui a beaucoup de pouvoir magnétique, a fait aussi l’essai, et, cette fois, la crise

est venue tout de suite. Elle a eu des contractions des paupières, les pupilles des yeux ont été bientôt convulsées et tournées en haut, et les yeux se sont fermés. C’était, à n’eu point douter, l’état ordinaire de somnambulisme plus ou moins lucide (mais on m’a dit que c’était justement la crise du médium avec ses caractères ordinaires), .l’en ai eu bientôt la preuve , car cette fois elle n’a pas déclamé comme il l’ordinaire, mais elle a commencé tout de suite à, examiner la santé de la dame qui l’avait magnétisée. Elle a décrit exactement et minutieusement l’état actuel, ainsi que l’état passé de cette dame, qui lui était absolument inconnue ; elle a suivi les traitements passés, et, à la fin, elle a prescrit un traitement magnétique assez singulier, qui a fait plus tard beaucoup de bien à, la malade. Je me crois fondé à dire que ce médium déclamant ne l’était qu’autant qu’elle se trouvait dans l’état de somnambulisme magnétique spontané.

J’ai reçu, de la part de personnes qui en avaientété témoins oculaires, les détails les plus étonnants sur les phénomènes produits en présence d’un autre médium américain, lesquels phénomènes surpassent tout ce qui a été publié dans ce genre. Je n’entre pas ici dans ces détails; je veux seulement faire observer, que, selon tous les témoins de ce cas remarquable, le médium, un jeune homme, tombe spontanément flans un état qui paraît être le somnambulisme très-lucide, et que c’est alors qu’ont lieu les phénomènes en question. Il paraît que la lucidité de ce médium est bien grande. A la simple vue d’un portrait, il a pu décrire toute la vie, les souffrances, le caractère, etc., de la personne; il a même senti, en sa propre personne, tous les symptômes de la maladie dont était mort le défunt; sa figure, sa voix, ont pris de la ressemblance avec celles du mort ; il a été affecté d’une toux violente, absolument semblable à celle qui avait tourmenté celui-là. Enfin, il a montré de la sympathie à un degré remarquable, comme on la voit dans les étages avancés du somnambulisme.

Il me semble que ces faits démontrent, dans un médium bien remarquable, l’étroite affinité qui existe entre les mé-

dirons et les somnambules, ce qui est aussi prouvé par les faits ci-dessus annoncés chez la jeune dair.e.

Je passe maintenant à un cas que j’ai été à même d’observer. C est celui d’une jeune demoiselle que j’ai connue depuis cinq à six ans comme somnambule très-lucide. Je l’ai invitée à faire partie dans l’état de somnambulisme d’un cercle autour de la table. La table n’a pas tardé à frapper et à donner des réponses : alors j’ai prié la demoiselle de se retirer de la table, et elle est allée s’asseoir sur un canapé à quatre pas de la table. Celle-ci a continué de répondre, quoi-qu il 11 y eut que deux expérimentateurs. Mais voici quelque chose d inattendu. Après plusieurs demandes et réponses, la somnambule, à laquelle je tournais le dos, me cria, sur une nouvelle demande, « Je sais la réponse qui va venir. » ai e’ et effectivement, cette réponse est venue. Ceci a été plusieurs fois répété; on lui a fait dire bas la réponse, afin qu à la table nous ne la sussions pas, et elle a été toujours exacte. De temps en temps elle a dit qu’il n’y aurait point de réponse, et alors la table a frappé l’alphabet entier sans s arrêter, et même à plusieurs reprises. Il me fut donc démontré que les réponses venaient de l’intelligence de ma somnambule, quoiqu’il soit bien possible que ceci ait lieu le plus souvent à l’insu de la somnambule ou du médium. * Comme cette somnambule présentait la vue à distance ainsi que la rétrospection d'une manière bien remarquable! je lui ai demandé si elle pouvait voir le nommé Peter Kovv (voir plus haut). Il faut ajouter que je ne lui en avais point parlé d avance. Comme elle le fait toutes les fois qu’il s’agit de quelque chose de lointain, elle a fait, mentalement, tout e voyage. D abord elle alla à Londres, et de là jusqu’à Southampton par le chemin de fer, en se plaignant surtout du froid et de l’obscurité dans les tunnels. Ensuite elle entra dans un bateau à vapeur, et bientôt elle se plaignit du vent du mouvement et du mal de mer. Pendant ce trajet, elle se balançait comme si elle avait de la difficulté à marcher ■ se tenir debout, et elle devint même pâle. Je fis passer mal de mer par quelques passes, car je l’avais déjà vue,

dans un voyage pareil, beaucoup souffrir de nausées, et sur le point de se trouver tout à fait mal. Enfin elle nous dit qu’elle y était, qu’elle se trouvait sur un vaisseau de guerre (vapeur) ; qu’il y avait des troupes à bord ; qu’on était sur la mer Noire, et qu’elle chercherait le P. Itovy. Bientôt elle commença à trembler et devint pâle, et sur mes demandes elle me dit qu’elle le voyait couché, pâle, immobile; ici elle se couvrit les yeux, elle me dit tout bas qu’il étaitptirli (c’est sa phrase pour dire mort ; car, comme beaucoup de somnambules, elle ne veut pas employer le mot de mort ou de mourir). C’était du choléra. Après quelques instants, elle y regarda encore une fois, et elle me dit qu’on l’enveloppait dans quelque chose, et qu’on le cousait dedans. Je la fis regarder encore, et elle vit qu’on y attachait un boulet aux pieds, et qu’on le lançait à la mer, les pieds en avant. Toute cette scène lui a fait «ne impression bien pénible, comme du reste il lui arrive toujours quand elle voit, dans le somnambulisme, un mort quelconque. Comme elle ne savait absolument rien de ce que la table avait dit de P. Rovy, il me semble que ce qu’elle a vu confirme l’histoire de la table. Ce qui m'a surtout frappé, c’est qu’elle a vu les funérailles du soldat à la mer, à quoi je n’avais pas pensé une seule fois. D’ailleurs j’ai eu bien souvent l’occasion d’être convaincu qu’elle voit, indépendamment de la pensée de son magnétiseur, souvent même juste le contraire de ce qu’il attend.

Plus tard, pendant que la table nous donnait (la somnambule étant à quelques pas de là) les détails les plus inattendus sur un certain Moore, colonel, et gouverneur de quelque fort (dont le nom indien m’échappe) dans l’Amérique ou le Canada, dont l’esprit (soi-disant) nous entretenait, qui était mort il y a à peu près cent ans d’après son dire, mais dont personne, parmi nous, n’avait jamais entendu parler, pas plus que de son fort ou château indien, je priai la somnambule, qui dans ce moment ne faisait pas attention à nous, étant occupée par une dame qui la consultait, de m'expliquer, si elle le pouvait, comment la table fut mise

en mouvement ; alors elle y regarda pendant une réponse, et elle me dit qu’elle voyait sous la table un petit homme vieux, dans un costume militaire qu'elle dépeignit : habit large et galonné, à inanches très-larges, culotte courte, souliers à talons élevés et à boucles d’argent, épée, et chapeau galonné à cornes, dentelles, etc., enfin le costume à peu près du temps de la reine Anne ou de Georges I". Ce vieux militaire, dit-elle, levait la table et la faisait frapper les coups nécessaires de son pied. Il est très-possible que cette idée lui ait été suggérée par les réponses. Mais ce qui m’a frappé, c’est qu’elle ne fit pas attention à nos expériences cette fois-ci, mais qu’il semble pourtant que les réponses sur le gouverneur Moore ne lui fussent pas inconnues, quoiqu’elle fut occupée d’autre chose. C’est ce qui me fait penser que ces réponses, comme celles de la première expérience, venaient d’elle, quoiqu’à son insu.

Je parlerai .ici d’un cas arrivé à une amie qui a étudié ces phénomènes. Elle avait une amie somnambule et lucide, dont la présence, comme dans le cas que j’ai décrit, faisait mouvoir la table, qu’elle fût ou non en somnambulisme. Une fois qu’elle y était, la table répondit au nom d’un mort, bien connu de mon amie, mais absolument inconnu de la somnambule. Le défunt, que j’ai connu, était d’un caractère on ne peut plus aimable, et il était surtout passionné pour la musique. La somnambule ne savait rien de tout cela, pas même son nom. Mais quand les réponses venaient de ce défunt, mon amie pria la somnambule de lui dire comment les réponses se faisaient (c’était des coups sur la table). Alors la somnambule dit qu’elle voyait, derrière son amie, la forme d’une personne qu’elle décrivit exactement comme fut autrefois le défunt. Il était lumineux, habillé en blanc, sa figure rayonnait de bonté, et il venait de lui une infinité de fils de lumière à la table, par lesquels la table était frappée ou rendait des sons. Comme mon amie exprimait son étonnement, la somnambule lui dit. Est-ce possible que vous ne le voyiez pas, en regardant là, derrière vous? Oh! il est si beau, si aimable; et tenez, n’entendez-vous pas cette

musique admirable dont il jouit tant? Ici, il me semble que la somnambule ait été très-lucide, et qu'elle a lu dans la pensée de mon amie, où elle a trouvée la personne, le caractère et les goûts du défunt, que les réponses aient été dictées par elle, mais à son insu.

Toutefois, les faits que je viens d’exposer démontrent jusqu’à l’évidence que les somnambules lucides font de bons médiums, du moins assez souvent ; — que certains médiums ne sont autres que des somnambules lucides , ou du moins qu’il y a des rapports intimes entre le somnambulisme et l’état du médium.

Il faut remarquer que si, dans les expériences des tables, les réponses viennent de la lucidité des médiums, cette lucidité n’est pas, dans la plupart des cas, manifestée dans l’état de somnambulisme, mais plutôt dans les cas, assez connus, de lucidité spontanée à l'état ordinaire, ou du moins à un état qui n’est pas celui du somnambulisme. Il ne faut pas non plus oublier que tout cela se fait à l’insu du médium ou du lucide, qui peut même être occupé de toute autre chose.

Mais dans ceci, il n’y a rien qui doive nous étonner. Dans la lucidité spontanée, ou la seconde vue, comme on peut la nommer, le voyant ne sait pas comment il voit, mais seulement qu'il voit. Et pendant qu’il voit, même à distance, il peut s’occuper de tout ce qui l’entoure, comme les autres, les non voyants. Plus loin je donnerai les détails d’un cas remarquable de seconde vue, dans lequel la voyante n’a pas la moindre conscience de la manière dont elle voit.

Il n’y a qu’un seul principe qui puisse nous éclairer dans ce dédale de faits; ou nous voyons les somnambules, étant éveillés, sans conscience de ce qu’ils ont vu, dit ou fait, sans conscience aussi des moyens par lesquels ils voient ; ou l’on voit des individus qui, dans la société, sont tout à ce qui se fait autour d’eux, mais qui, au même instant, voient à distance par une lucidité qu’ils ne s’expliquent pas. Enfin il n’y a que ce seul principe qui puisse expliquer les phéno-

mènes multiformes de conscience double, ou de conscience divisée, exercées alternativement ou simultanément.

Ce principe est celui de la dualité du cerveau. Les deux moitiés du cerveau sont chacune un cerveau complet, comme les deux yeux sont chacun complets et indépendants. De même qu’on peut voir parfaitement d’un œil, on peut parfaitement penser, sentir, etc., d’un cerveau, c’est-à-dire d’une moitié du cerveau. Plus encore, comme il a été prouvé que la plupart des hommes ne font usage habituellement que d’un œil, de sorte que l’autre devient souvent affaibli par manque d’usage, de même il est probable que l’on n’emploie ordinairement que l’un des deux cerveaux tandis que l'autre repose. Je crois même que dans le sommeil ordinaire, tandis que le cerveau dont on a fait usage le jour se repose, l’autre s’éveille et fait des songes.

Je crois aussi, d’après ce que j’ai vu chez les somnambules, que lorsqu’on les endort, on n’endort que le cerveau habituellement actif, en réveillant l’autre, qui est celui dont on se sert ordinairement dans la lucidité. Ceci explique naturellement comment au réveil on n’a pas la conscience de ce qui s’est passé pendant le sommeil magnétique, et comment on s’en souvient aussitôt que l’on est endormi de nouveau (le ce sommeil-là.

11 est évident que la conscience des actes de chaque cerveau doit être séparée de celle de l’autre. Mais il se peut que tous les deux cerveaux fonctionnent en même temps, comme il arrive pour la seconde vue, et chez quelques somnambules à l’état de veille. Ces derniers voient non seulement ce qui se passe autour d’eux, mais aussi en même temps des visions, des personnes, des choses, des événements, qu’on trouve appartenir aux sommeils magnétiques passés, mais que le somnambule ne reconnaît pas comme déjà connus. Ce dernier fait prouve que dans ces cas, qui sont absolument parallèles à ceux de la seconde vue, ce n’est que le cerveau ordinairement actif dont la conscience est, pour le moment, tout à fait éveillée, tandis que l’autre

n’a conscience que du résultat et non pas de sa propre activité.

Pour en revenir, à nos médiums, je pense que les faits que je viens de rassembler prouvent que les médiums, étant à l’état de veille ou du moins pas en somnambulisme, peuvent participer, au moyen du cerveau ordinairement actif, à tout ce qui les entoure, avec pleine conscience de leurs actes, tandis qu’au moyen de l’autre cerveau, ordinairement passif ou reposant, ils exercent la lucidité, lisent les pensées, voient à distance, et enfin dictent les réponses de la table, sans conscience de leurs actes, excepté dans la vue à distance, où ils ont quelquefois conscience du résultat seulement. Les deux médiums américains dont j’ai parlé sont pleinement convaincus que les réponses viennent des âmes de personnes défuntes ; mais je pense qu’étant plus ou moins somnambules et lucides, ces réponses viennent de leurs propres intelligences, mais sans conscience aucune de ce fait. Il est certain que les réponses leur semblent venir des morts, niais en ceci il n’y a rien de bien diflicile à comprendre.

D. Causes du mouvement des tables, et des coups mystérieux.

Si les réponses sont dictées par la lucidité spontanée et sans conscience du médium , il est probable aussi que le mouvement, ainsi que les coups, ont une origine également magnétique.

Voici l’idée que je m’en suis faite. Le magnétisme dépend, sans aucun doute, d’une influence naturelle que l'on peut nommèr fluide , si l’on veut, mais qui est du moins parfaitement analogue aux autçes influences impondérables, telles que là chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme de l'aimant, la gravitation, l’attraction chimique, l’attraction de la cohésion, etc. On parle aussi de l’électricité comme d’un fluide, on parle du fluide magnétique (de l’aimant), mais pas autrement que nous ne parlons du fluide magnétique (mesmérien). Ce sont des influences, des forces,

et voilà tout ce que nous en savons quant à leur nature intime. On les nomme aussi des attractions, comme celle de l’aimant, de l’électricité, de la gravitation, etc. Mais le mot attraction n’est qu’un nom donné à la cause inconnue de certains phénomènes. Ainsi une pierre tombe jusqu’au sol, et on dit que c’est à cause de l’attraction exercée par la terre sur la pierre, ou plutôt entre toutes deux. Mais ai l’on demande pourquoi, comment la pierre tombe ou est attirée, on ne trouve d’autre réponse que celle-ci : « La pierre tombe, parce qu’elle tombe , » ce qui ne nous éclaire pas beaucoup. On ne sait pas ce que c’est que l’attraction qui donne aux corps la pesanteur ; c’est une autre.façon de dire le fait, et voilà tout. La pierre tombe, et nous ne savons pas pourquoL La loi de l’attraction, de la gravitation est connue, mais ce n’est que la force, et nullement la nature de cette force qu’explique la loi. Tout ceci s’applique, mututis mutunüis, à toutes les influences ou forces naturelles, dont nous ne connaissons pas la nature ou l’essence en aucun cas, mais que nous pouvons mesurer et apprécier jusqu’à un certain point. La seule différence qu’il y ait entre la force mesmérienne et la force magnétique de l’aimant, par exemple, sous ce rapport , c’est que les lois, la mesure de la dernière sont connues, tandis que celles de l’autre ne le sont que très-imparfaitement encore. Il y a cinquante ans, les lois de l’électricité et du magnétisme de l’aimant étaient également inconnues.

Non seulement toutes ces influences sont analogues les unes aux autres, mais aussi elles sont tellement liées entre elles qu’elles se transforment l’une dans l’autre ; la chaleur en lumière, en électricité, en magnétisme , en affinité chimique, en mouvement ou force motrice., la lumière en chaleur, en électricité, etc., etc.; l’électricité en chaleur, en lumière, en magnétisme, etc., etc.; le mouvement en chaleur, en lumière, en électricité, etc., etc. Les physiciens les plus distingués sont maintenant d’avis que toutes ces influence ne sont que des manifestations diverses d’une seule et même force ou influence, pour ainsi dire centrale, qui les embrasse toutes. Mais si cela est, qui nous dira que nous connaissions

déjà toutes les manifestations possibles de cette force? 11 n'y a pas longtemps que l’électricité et le magnétisme de l’aimant ou de l'action chimique ont été découvertes. Qu’y a-t-il d’étonnant que l’on puisse découvrir une nouvelle influence ou force impondérable, capable de se transformer en toutes les autres, ou de se développer dans chacune d’elles?

Supposons que le magnétisme animal soit cette nouvelle influence. En ce cas, je m’attendrais à la voir produire par les autres, et Reichenbach a démontré que la force qu’il nomme celle d’Od, et qui est identique à la force mesmé-rienne, se développe par la chaleur, la lumière, l’électricité, l’aimant, les cristaux , la force chimique des corps simples ou composés, l’action chimique, la friction, etc. Maintenant il est tout aussi possible qu’elle se transforme en d’autres influences: en chaleur, en lumière, comme nous le voyons chez les somnambules ou chez les personnes sensitives éveillées ; pourquoi pas aussi en mouvement, comme la chaleur, elle-même issue de la lumière du soleil, l’est dans la machine à vapeur? Si la force mesmérienne peut se changer en mouvement ou en force motrice, voilà l’explication du mouvement des tables et d’autres corps pesants, sans l’intervention des muscles.

Quant aux coups et aux sons en général, la même explication suffira. Le son n’est qu'un mouvement des particules de l’air. On n’a donc qu’à supposer la force mesmérienne transformée en cette espèce de mouvement, et nous avons tous les sons possibles. 11 est certain que Reichenbach, comme il m’a écrit il y a longtemps, a trouvé que les sons produisent de la lumière visible aux sensitives et sans doute aussi aux somnambules. Quand on jouait du violon dans sa chambre obscure, la corde sur laquelle on jouait devint brillante de lumière, et peu à peu le violon aussi devint lumineux. La même corde, quand un des bouts serait dans la main d’un magnétiseur, deviendrait lumineuse par le courant mes-mérien. Dès lors, il me semble possible que la force mesmérienne prenne la forme de sons, qui ne sont que du mouvement.

Je pense donc que le médium, à son insu, agit par sou cerveau ordinairement passif, en produisant la lucidité , le mouvement et les sons, et cela sans en avoir aucunement conscience. Au contraire, il croit que tout cela vient d’autre part.

Cetie théorie s’applique également à tous les faits connus de répulsion, comme chez Angélique Cottin, ou de bruits et bouleversements comme il en est arrivé dans tous les pays et dans tous les siècles. Jamais les auteurs de ces faits n’ont eu conscience de ce qu’ils faisaient.

E. Sur les communications spiritualités.

Dans toutes les expériences que j’ai faites, je n’ai rien vu qui pût démontrer que les morts y fussent pour quelque chose. Il est possible qu’ils y soient pour beaucoup , et je ne nie pas du tout que l’on puisse communiquer avec les âmes des trépassés. Mais tout ce que j’ai vu peut s’expliquer par la lucidité du médium, exercée à son insu.

J’avoue que la théorie des esprits qui nous parlent par les tables ou par les coups est de beaucoup plus simple que celle que j’ai adoptée ; mais les preuves y manquent, je veux dire les preuves irrécusables, du moins dans ce que j’ai vu et étudié.

J’ai vu, par exemple, un médium qui écrit involontairement, et j’ai pu me convaincre que ce médium n’avait pas la moindre conscience de ce qu’il écrivait. Mais j’ai vu aussi que les phrases écrites avaient absolument la tournure qui était habituelle chez le médium.

Toutefois, il ne faut pas oublier qu’en Amérique des centaines de mille personnes, qui toutes en ont vu cent fois davantage, croient aux communications des esprits, et que, parmi ces croyants, il y a beaucoup d’hommes d’une intelligence supérieure, qui ont été forcés par les faits, quoiqu’ils fussent peu oune fussent pas disposés à adopter cette croyance.

Peut-être que j’ai encore trop peu vu. Je désire vivement voir davantage. Mais, en attendant, je veux indiquer

qu’en Amérique aussi il y a,, môme parmi les spiritualités les plus distingués, quelques-uns qui admettent quelquefois que les communications peuvent avoir leur origine chez le médium.

M. lejugeEdmonds, dans une leçon qu’il a donnée sur les abus et les dangers du spiritualisme, parle de plusieurs cas de ce genre. Il dit qu’un médium avait des communications très-satisfaisantes de ses parents morts ; mais que, quelque temps après, l’orgueil le poussa à en avoir de personnes plus élevées, comme Franklin, Washington, etc. Plus tard, il a voulu en tirer des saints et des apôtres, et il en a eu, entre autres, de l’apôtre Paul. Mais il n’était pas encore content, et il a terminé par communiquer avec notre Seigneur Jésus-Christ en personne.

M. Edmonds dit que toutes ce9 visions, excepté pourtant les premières, celles des parents du médium , venaient de l’intelligence du médium lui-même et étaient tout à fait trompeuses, et il parle de plusieurs autres cas analogues. Mais il ne nous dit pas comment on peut distinguer les communications trompeuses des véritables ; il ne parle d’aucun critérium à cet effet, et il me semble que son opinion là-dessus soit tout à fait arbitraire. Aussi je me demande : si les visions de Franklin, etc., venaient du médium , pourquoi pas aussi celles de ses parents? Si celles-là ont une telle origine, il me semble certain que celles-ci doivent avoir la même origine, si l’on veut être logique.

On m’a parlé, et j’en ai pu lire aussi, de faits d’un ordre supérieur, que pour le moment je ne saurais peut-être expliquer sans l’intermédiaire des esprits. Mais d’abord , je n’ai encore vu aucun de ces faits ; ensuite il serait possible qu’on les pût expliquer en supposant que le médium non seulement est lucide et dicte les réponses sans ea avoir conscience, mais aussi qu’il a le pouvoir tant soit peu magique , mais que je crois magnétique, d’agir tellement sur toute l’assistance, que tout le monde verra ce que le médium voit. Ceci ne serait qu’un effet de la suggestion ou de ce qu’on a nommé, bien mal à propos, la biologie, mais exercée, comme

la lucidité du médium, à son insu, et, ce qui est plus étonnant, à l’insu des sujets de l’expérience. Je crois que ce dernier phénomène, c’est-à-dire le pouvoir d’affecter simultanément un nombre quelconque de personnes, même à leur insu, de manière à leur faire voir à toutes la même vision, ne vous doit pas être tout à fait inconnu, comme un trait de la magie. Toutefois, 011 ne peut le regarder comme impossible, et si le médium produit cet efTet, non pas seulement à l’insu de ses sujets, mais à son propre insu, ce qui se peut concevoir à l’aide de la dualité du cerveau, nous avons alors les circonstances voulues pour que, par exemple, tous les assistants voient, en même temps, et même puissent toucher de leurs mains, une main , un bras, une figure qui est devenue visibles, comme des personnes dignes de toute confiance m’assurent l’avoir vu et touché.

Je ne me cache pas que la théorie que je préfère ne soit beaucoup plus complexe que celle des esprits, seulement je n’ai pas encore vu des preuves satisfaisantes de cette dernière. Mais j’ai si peu vu, comparé aux croyants des Etats-Unis , que je donne ma tiiéorie ou mon hypothèse avec la plus grande réserve. Je suis pleinement convaincu des faits comme de phénomènes naturels et véritables, et je suis prêt à adopter toute hypothèse qui sera en harmonie avec tous les faits, surtout s’il y a des faits qui demeurent inexplicables par toute autre hypothèse. Mais jusqu’à présent, autant que j’en puis juger, l’hypothèse des esprits des morts, comme cause directe des phénomènes, n’en est pas encore là.

F. Faits de seconde rue.

La personne chez laquelle ce phénomène s’est développé est une dame dont la santé a été mauvaise depuis bien des années. Dernièrement elle a été magnétisée journellement pendant près de deux ans, ce qui lui a fait beaucoup plus de bien que tous les autres traitements, qui avaient tous échoué. Sa maladie est obscure et compliquée, mais le système nerveux est profondément affecté. On a souvent essayé

de la magnétiser, mais, à l’exception d’une seule personne, aucun magnétiseur n’a pu l'endormir. La personne qui a réussi à l’endormir une fois est un jeune parent, qui a voulu seulement essayer sa force magnétique, ce qu'il a fait pendant que la malade jouait du piano, et à son insu. Elle s’est endormie, et l’expérience a été répétée plus tard. Elle manifestait, étant endormie, une forte sympathie avec l’opérateur, de sorte que s’il voulait sortir du salon, elle souffrait beaucoup. Elle a aussi montré un commencement de lucidité, mais le départ du magnétiseur a empêché de pousser plus loin l’expérience. Depuis, beaucoup de magnétiseurs, et des plus vigoureux, ont essayé de la magnétiser, mais sans qu’aucun d’eux ait pu l'endormir. Peut-être est-ce j’état de sa santé qui l’a rendue si intraitable.

En revanche, elle a eu un pouvoir magnétique tel qu’elle n’a presque jamais manqué d’endormir ceux qu’elle magnétisait. La fatigue qu’elle en éprouvait cependant était telle qu’elle a été forcée d’y renoncer, à de rares occasions près. Après avoir essayé tous les traitements possibles, elle est revenue au magnétisme, et une magnétisation d’une heure tous les matins lui a fait, après quelques mois de magnétisation, un bien immense. C’est pourquoi elle a continué le magnétisme jusqu’à présent. Pendant les années 1852-3, 1853-4 et 1854-5, elle n’a jamais pu sortir l’hiver de la maison, ni aller en société ; mais depuis le traitement magnétique régulier, qui n’a jamais produit le sommeil magnétique , et qui a été commencé vers la fin de 1854, elle a fait bien des progrès, et pendant l’hiver passé , elle est allée en société comme autrefois.

Premier fait. — 11 y a maintenant assez longtemps que cette malade a eu des visions dont elle me parla souvent, mais qui paraissaient ressembler à des songes. Mais il y a six ans, étant en Allemagne, elle vit un jour son fils qui était à Edimbourg. Elle le vit au lit et malade, tandis que la nourrice de l’enfant était debout, près de la fenêtre, et regardait le petit malade qui semblait dormir, en pleurant et en se tordant les mains. Elle me fit part de cette vision, la

première qui lui semblait vouloir dire quelque chose, et elle exprima sa conviction que l’enfant était bien sérieusement malade. Peu de jours après, arriva une lettre, dans laquelle on lui manda qu’il avait été malade le jour de la vision, mais qu’il allait déjà mieux et qu’il serait bientôt tout à fait rétabli. Elle me dit que bien sûr il avait été beaucoup plus malade que la lettre ne disait, mais que, tout allant bien, on n’avait pas voulû lui faire de la peine en lui disant tout. De retour en Ecosse, elle alla tout de suite dans la chambre qu elle avait vue, et dans laquelle on avait changé la position des meubles, et elle dit à la nourrice : « Là était le lit, et ici vous fûtes debout quand vous vous êtes tordu les mains de douleur. » La nourrice étonnée avoua que l’enfant avait été ce jour-là en grand danger pendant quelques heures, qu’elle pleurait et se tordait les mains à l’endroit indiqué mais qu heureusement la fièvre avait subitement diminué et que, avant qu’elle eût écrit, tout allait si bien qu’elle n en avait rien dit. C’était une personne bien élevée, dans laquelle on avait toute confiance.

Deuxième fuit. — Comme cette vision s’était pleinement confirmée, je priai la malade de me dire toutes les visions qu’elle pourrait avoir par la suite. Plusieurs mois plus tard, j’étais chez elle dans la soirée, quand elle me dit qu’elle voyait un grand bateau à vapeur en pleine mer, mais incendié et brûlant vivement. Elle vit les flammes, l’équipage et les passagers en confusion. 11 y avait, dit-elle, beaucoup de monde; la mer était un peu agitée, elle vit des bateaux qu’on descendait remplis de monde. Tout à coup elle s’écria qu’un bateau trop plein de monde avait chaviré et qu’elle voyait les malheureux se débattant dans l’eau et se noyant. Elle m’assura que la plupart des voyageurs étaient perdus, que la mer était couverte de cadavres et de moribonds. Je pensai d’abord que ce n’était qu’un rêve, mais elle était parfaitement éveillée ; il y avait même quelques amis chez elle qui n’ont pas remarqué qu’elle eût cette vision, excepté moi-même, à qui elle le dit dès le commencement, et une dame qui était assise près d’elle. Quelques jours plus tard, le jour-

nal donnait les détails de la perte de C Amazone, gros vapeur plein d’émigrants et de passagers pour l’Amérique, qui avait eu lieu au moment de la vision. Tous les détails correspondaient exactement à ceux que j’avais notés au moment de la vision ; le bateau trop chargé de monde avait chaviré, et le journal parlait des malheureux qui se débattaient dans l’eau, d’après un témoin oculaire dans les mêmes termes dont la voyante s’était servie.

J’ai cherché, mais je n’ai jamais pu savoir comment elle avait pu diriger sa vue lucide vers C Amazone dont elle n’avait jamais entendu parler.

1 roimème fait.— Pendant l’hiver de 1853-54, la malade était ù. Rome. Un jour elle dit à sa bonne qu’elle venait de voir son mari au lit et malade à Edimbourg, mais que ce n’était rien de grave. Elle écrivit cependant, et cette lettre croisa en route une autre de son mari, dans laquelle il lui disait qu’il avait dû rester au lit pendant un jour seulement, c’était le jour de la vision.

Quatrième fait. — Un jour, à Rome, elle vit une demoiselle morte à Edimbourg. Elle ne pouvait dire le nom de cette demoiselle, mais elle dit que c’était une parente de son mari, qu’elle avait vue une ou deux fois, mais qu’elle avait peu connue. Trois jours plus tard elle vit une série de voitures de deuil allant à l’enterrement, et dans une de ces voitures elle vit son mari, c’était dans la première voiture après le corbillard. Tout cela fut écrit à son mari; mais le jour où cette lettre fut mise à la poste, une lettre de son mari l’informa de la mort d’une cousine à lui, qu’elle n’avait vue qu’une ou deux fois. Comme proche parent, il avait suivi l’enterrement dans la première voiture, le jour même de cette dernière vision. A l’époque de la vision de la mort, elle venait justement de mourir subitement, quoiqu’elle eût été longtemps souffrante.

Cinquième fait. — La malade étant en Allemagne, dans le mois de septembre 1854, me dit un jour qu’elle voyait un grand nombre de vaisseaux, pleins de troupes, s’approcher de terre. Alors elle vit et décrivit, dans le plus grand détail,

l’opération du débarquement, où des centaines de barques nageaient en ligne vers le rivage. Elle en vit sortir les troupes à uniformes rouges et bleus qui se formaient tranquillement, et puis marchaient vers l’intérieur sur un terrain plat au niveau de la mer, en allant obliquement jusqu’à une espèce defalaise escarpée, d’une hauteur moyenne, qui bordait le terrain plat, et peu large près de la mer. Ici une route montait obliquement la falaise, en haut de laquelle se trouvait une campagne plate étendue, sur laquelle elle vit s’éloigner les troupes à mesure qu’elles montaient la falaise. La face de la falaise était en terre rouge. On ne savait rien à cette époque de l’endroit où les troupes débarqueraient en Crimée, on attendait seulement une expédition quelconque. Quelques jours ou quelques semaines après vinrent les nouvelles de l’Aima, ainsi que du débarquement qui s’était opéré absolument comme elle l’avait vu et le jour même de la vision. Plus tard encore 011 vit dans lé journal « The illustrated London News» des dessins exacts des lieux et de l’opération. La malade reconnut de suite les localités et m’indiqua la falaise. En étudiant la description des dessins, je vis que la face de la falaise était en terre rouge, et ainsi de suite.

Ici je dois dire que, du moment où l’on commençait à attendre la guerre, ou même avant cela, quand on se battait au Gap, aux Indes ou en Algérie, la malade voyait très-souvent des visions guerrières, des troupes de toute arme, de tout pays, des vaisseaux, des villes fortes, des marches, des escarmouches, etc., etc., mais que je n’avais jamais le moyen de contrôler ces visions. Ce qui les rend plus remarquables, c’est que la malade n’a jamais pris le moindre intérêt ni à la guerre, ni aux troupes; qu’elle n’y pense jamais, du moins autant qu’elle a la conscience de ses pensées, mais que cependant ses visions, excepté les premières qui arrivaient à de longues intervalles, et que j’ai décrites, ne roulaient que sur la guerre et les troupes. Ce n’est aussi que dans la première, la troisième et la quatrième des visions ci-dessus esquissées qu’elle ait jamais vu ce qui l’intéressait. Jamais elle n’a pu évoquer à volonté une vision, ni de son enfant, ni

de son mari quoiqu'elle le désirât fortement. Les visions là-dessus sont venues spontanément, et elle n'a pas pu les retenir longtemps; elles passaient toujours bientôt. La plupart (le ses visions sont en partie obscurcies par un nuage, et quand elle cherche à percer ce nuage la vision se perd ou se change aussitôt. Elle n’a pas le moindre pouvoir sur les visions, et elle n’a jamais pu comprendre comment elles ont une teinte si guerrière, vu qu’elle ne pense jamais à la guerre, ni comment elle n’a jamais pu voir ceux qu’elle aime, tout en le désirant avec toute l'énergie dont elle est capable. J’ai déjà dit qu’elle n’a point la conscience de la manière dont elle voit, mais qu’elle voit seulement le résultat. J’explique cela par la dualité du cerveau. Pendant que, d’un cerveau, celui qui est ordinairement actif, elle prend sa part de la société, de l’autre, et à son insu, quant à l’opération, elle voit les événements qui se passent à distance, au moment même. C’est la seconde vue pure, mais cette vue arrive sans qu’elle sache pourquoi et s’en va de môme.

Sixième fait.— Elle a vu les cérémonies de l’enterrement du maréchal Saint-Arnaud ; elle a décrit tout, le catafalque, les assistants, etc., précisément comme plus tard les journaux. Et elle ne savait môme pas qu’il fût mort, n’en ayant jamais entendu parler.

' Septième fait. — Elle a vu l'empereur Nicolas mort, d'abord sur son lit, ensuite dans une église, et elle a décrit minutieusement tous les appareils funèbres comme on les a vus plus tard dans les journaux. Elle ne s’y intéressait aucunement.

Huitième fait. — Pendant la guerre d'Orient, elle a vu presque tous les jours des combats, ou des marches de troupes, des vaisseaux de guerre, des places fortes, et une foule de choses qu'on ne pouvait identifier, et qui souvent passaient rapidement l’une dans l’autre comme les vues dissolvantes.

Mais un jour, étant en Allemagne, elle a eu une vision remarquable, en ce qu’elle fut différente des autres, et qu’elle dura longtemps tout en changeant, comme un panorama

mouvant. Il lui sembla qu’elle était dans une place forte, qu’elle regardait d’en haut, mais de près. C’étaient des murs crénelés, avec des canons, des tours énormes, dans lesquelles elle vit des chambres en pierre voûtées, avec des canons, puis encore des murs, puis de l’eau et des vaisseaux, puis encore des murs, des tours, de l’eau et ainsi de suite pendant assez longtemps. Rien ne chassait cette vision, qui à la fin la fatigua beaucoup. C’était, dit-elle, quelque chose de sombre, d’épouvantable, qui la fit frémir.

Quelques jours après vint la nouvelle de la prise de Mala-koff et de l'évacuation de la ville de Sébastopol ; et quand plus tard on vit la description des fortifications sur le port, avec des dessins, elle reconnut les lieux qu’elle avait visités, mais, comme j’ai déjà dit, sans qu’elle y eût jamais pris le moindre intérêt.

Depuis les négociations pour la paix, comme on ne se battait plus, elle n’a presque pas vu de combats; mais dernièrement encore elle a vu des troupes en mouvement.

Voilà, Monsieur le Baron, le cas de seconde vue que j’ai été à même d’étudier, et que j’ai cru devoir être intéressant pour tes lecteurs de votre journal.

Je dois vous dire que depuis bientôt trois ans, nous avons' fondé ici une société pour l’emploi du mesmérisme comme agent curatif, dont je suis le président, et qui tient des séances particulières une fois par semaine, et plusieurs séances publiques dans le courant de chaque année. Nous avons bon nombre d’opérateurs (mais pas encore assez pour nos malades), qui ont été instruits par MM. Jackson et Davey, deux magnétiseurs distingués. On a fait beaucoup de guérisons, et je vous enverrai le dernier rapport, où vous trouverez plusieurs cas intéressants, surtout celui d’une femme alitée par le rhumatisme depuis 35 ans, et qui, après avoir été traitée par tous les médecins possibles, avait été forcée de quitter l’hôpital, condamnée comme incurable. Après quelques mois de magnétisation, elle a pu aller à pied et faire son ménage, et je l’ai montrée à une réunion de personnes distinguées, qui ont été bien frappées de ce résultat. Elle

n’est pas encore tout à fait guérie, car elle a les mains toujours un peu contractées ; mais la cure n’a pas été longue ; elle est comme ressuscitée, l’on continue le magnétisme, qui peut-être avec le temps la guérira entièrement.

Pour en finir avec cette longue lettre, une demoiselle bien connue comme écrivain, miss Catherine Sinclair, a organisé, à ses propres frais, pendant l’hiver passé, une série de leçons à une société choisie, sur des sujets très-variés; la poésie, le théâtre, l’histoire naturelle, les inventions nouvelles, la géologie, la musique ou plutôt la théorie de l’acoustique, etc. Ces leçons ont été données par les messieurs de la société, et l’un d’eux, M. Robert Chambers, a pris pour sujet les manifestations du spiritualisme aux Etats-Unis. M. Chambers croit au magnétisme qu’il a étudié, et il a essayé de prouver qu’une partie de ces manifestations dépendaient d’illusions ou de songes, mais que la majeure partie en était véritable, et qu’elle dépendait du magnétisme et de la lucidité. J’avais communiqué à M. Chambers mes idées, qu’il partage jusqu’à un certain point; mais il n’a pas nettement exprimé sa pensée, qui était pourtant favorable au magué-tisme. Plus tard M. le professeur D‘ Bennett, le même qui a donné autrefois des leçons contre le magnétisme, a donné une leçon sur la tragédie de Macbeth, uniquement parce qu’il y a là des choses qui ont du rapport avec le magnétisme. 11 a cherché à prouver que tous les effets du magnétisme résultent de la monotonie des opérations ou de l’épuisement qui en est la suite ; que la lucidité est ou le résultat de la suggestion de la pensée, ou bien une imposture. Il parla longuement des merveilles de la suggestion, ou feignant d'oublier qu’il l’avait niée avec acharnement tant qu’elle se trouvait consignée comme un des phénomènes de l’état magnétique; qu’il y a juste six ans qu’il l’adopta pour la première fois, quand la biologie l’avait introduite dans toutes les maisons ; que c’étaient les magnétiseurs qui avaient toujours proclamé la puissance de la suggestion dans tous leurs ouvrages ; qu’il y a dos milliers de faits que la suggestion ne peut pas expliquer; que les effets magnétiques peuvent

être pleinement produits sans aucune longue ou monotone opération ; que le magnétisé, au lieu d’être épuisé, est fortifié, et se porte beaucoup mieux pour la plupart du temps. 11 n’a jamais étudié le magnétisme; il n'a vu qu’un peu de suggestion à l’état de veille, et non seulement il veut maintenant que la suggestion explique tout, mais il voudrait faire croire que ce sont les médiums qui nous ont enseigné les effets de la suggestion, tandis que ce sont les magnétistes qui l’ont observée, et les médiums l’ont constamment niée jusqu’à l’ère de la biologie. Après son attaque contre le magnétisme, Miss Sinclair, qui connaît le magnétisme et qui en a vu beaucoup, m’a prié de donner une leçon sur le magétisme, au lieu d’une que j’allais donner sur le microscope. Comme ce fut le vœu de toute la société, je l’ai fait, et je leur ai parlé pendant plus de deux heures sur le magnétisme, la lucidité, les manifestations spiritualistes, etc., etc. Dans ce discours, j’ai décrit les faits essentiels du magnétisme, de la lucidité, de la seconde vue, des corps, des tables, etc., dans le sens de cette lettre, et j’ai tout lieu de croire que mon discours a reçu l’approbation unanime de la société. Toutefois, le fait que, parmi quinze leçons données de la sorte, trois ont été sur le magnétisme, et sans qu’on y eût pensé d’abord, prouve que le magnétisme et le spiritualisme occupent beaucoup les esprits. La société en question est l'élite d’Edimbourg, et le nombre des auditeurs était de 180 à 200 ou davantage, dont plus de la moitié dames et des plus instruites.

J’ai donné aussi, il y a un mois un autre discours sur le magnétisme animal à une réunion des ouvriers et des maîtres de la petite ville de Galashiels, où les auditeurs étaient 300. Je leur ai expliqué ce que c’est que le magnétisme, et comme quoi c’est un pouvoir que nous tenons de la nature, et dont nous pouvons faire usage pour guérir. J’ai exposé l’insuffisance des objections portées contre le magnétisme, et je leur ai conseillé de l’essayer eux-mêmes, et de ne le juger que d’après les faits bien avérés.

Vous voyez, mon cher baron, quoique je n’écrive pas

aussi souvent que je le devrais faire, que je ne néglige pas le magnétisme, et que nous cultivons ici avec quelques succès le magnétisme comme agent curatif. Ce ne sont pas les malades qui manquent, pas même ceux que la médecine a prononcés incurables; ce sont les opérateurs, car, comme vous le savez, chaque opérateur, surtout s’il a une autre profession, ne peut traiter que peu de malades.

Votre dévoué,

William grégory.

En Amérique, les Etats du sud de la grande république ont conservé le caractère et l’esprit de leurs ancêtres français, et la Revue de l’Ouest, de Saint-Louis (Missouri), journal rédigé en français, nous donne un spécimen assez plaisant de la gaieté nationale traditionnelle. Ce sont des couplets en style grivois, composés et chantés à un banquet offert, en 1844, à M. du Potet par ses élèves de Besançon. 11 est assez curieux de voir cette chanson, qui n’a jamais été publiée que nous sachions, nous revenir du continent américain après douze années, et apporter ainsi une preuve de plus de la ténacité du lien qui unit, malgré la distance, les magnétistes des deux hémisphères. La reconnaissance envers le professeur, un bon souvenir du cœur, ont pu seuls conserver l’existence à cette bluette dont le principal mérite était l’à-propos. La facture un peu surannée a été évidemment inspirée par quelques-unes des toutes premières chansons de Béranger, dans lesquelles on retrouve le nom du personnage qui a la parole. Voici quelques-uns de ceux qui nous ont paru les plus piquants :

VARIÉTÉS.

LE MAGNÉTISME

DÉCRIT PAR CADET BUTEUX A SON AMI LA TULIPE.

Air : Du Pat redoublé.

Quand tu m’as expliqué ¡'progrès,

T' as oublié z'un’ chose :

C’est 1’ plus fameux d’tous les secrets,

Quoiqu’ maint jaseur en glose.

J’guéris de tout, mêm’ du haut mal,

Comm’ d'un p'til rhumatisse :

Ça s’ noram1 magnélisse animal,

Ou lout court magnétUse.

Pour donner c’ remèd' souverain,

Gn' y a pas b' soin de pharmacie,

Nous 1’ portons tous au bout d’chaqu' main ;

C’ n’est point z’ un’ facétie.

Toi-z-ct moi nous v’ià guérisseurs Sans avoir pris nos grades :

Ça P ra bisquer bien des docteurs Et rir' ben des malades.

Le plus beau d’l'alTair’, c’est d’avoir Quéqu’ somnambul’ lucide :

Lucid' veut dir’ qui peut tout voir,

L’œil fermé sans l’fluide.

Tu sons combien dans c' t’ univers ,

C'est merveill' qu'un' tell’ vue,

Lorsque tant d’gens, les yeux ouverts,

Ont toujours la berlue.

Pour ces dormeurs-là rien d'caché,

Rien qu1 d eux on n’ puisse apprendre;

Point d’méchant tour, point d’s’eret péché Qu’ par eux on n’ puiss’ surprendre.

Gare aux femm’s d’aveugles maris Qu’ pareil Argus menace I Jusque dans 1’ moindr’ trou d’souris Un lucid’ voit c’ qui s’ passe.

On l’i brû!’ du soufre au museau,

Des pétards à l’oreille,

Voir nièm' des charbons sur la peau Sans qu’ lout c' manège l’éveille.

C' pendant ¡' dislingu’ sous scs doigts lin ch'veu d'mâle ou d'femelle,

El par son estomac quéquefois J' peux lire sans chandelle.

Si lui-mém’ s’ trouve maladif,

J' vois c’ que son ventro loge,

Et prescris 1’ moyen curatif De r’monter son horloge.

Pour d’autres malad’s, dans certains cas.

Avec fruit on l’consulte,

Et les mdecins qui n’ guérissent pas Prenn nt ça pour une iusulle.

D’ certains savants l’invention C’est qu’ tous ces phénomènes Vienn'nt de l'imagination

Des pauvr's cervell's humaines.

Sur cos messieurs, c’est p' t-êtr’ ce qui fait Qu' ben souvent il arrive Qu’ le magnétisse est sans effet,

Faut' d'imaginative.

V1ANC1N.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Pârij. — Imprimerie île Poxubrii et ïohiü, J7, quii ilei Auguilin».

CORRESPONDANCE.

Ce 21 juin 1856.

A Momicur le baron du Potet, directeur du Journal du Magnétisme

Monsieur et honorable ami,

La nouvelle direction que vous annonciez devoir être sui-v désormais par le Journal du Magnétisme, que V0U3

M «ir “•« ■*« ta, JtarvaZ»

«Sir «■ «» ¡-P-

Ji “““? ,ous I'afeï dil (”• 2M). et comme l'a nipété tednT d’0m0y (n- 23l)' votrejournal n’a plus

““ CCmm'"u magnétisme et du somnambulisme, il faut que les magnétistes purs - je dé-

gne pai le mot purs, ceux qui ne s’occupent de cette science

TJT™ ra0yeT Î gUérir’ - assez généralement, n ont à citer que des faits de ce genre, soient frappés d’ex-

Aon et laissent la parole à ceux qui ont d’assez bons yeux

d assez bonnes oreilles pour voir et entendre des esprits

qm souvent semblent en avoir fort peu. Ainsi, de longues

nées d études, des observations et des notes, tout cela sera

Perdu parce que le Journal du Magnétisme, rompant en

comnili S°rteavec son no,n et son Passé, se sera laissé complètement envahir par les esprits.

Et ne craignez-vous pas, vous, Nestor de notre science,

une voix formidable, celle de tous les magnétistes purs,

tiA,f °Dt nombreux’ ~ celle môme de l’humanité en-«e, ne vous crie comme Dieu à Gain : qu’as-tu fait de

ton frère?......Oserez-vous, comme ce grand coupable, répondre: Vous ne me l'aviez pus donné en garde !...

En supposant même un instant comme réel tout ce que, depuis quelque temps, on nous raconte sur les esprits, je me demande en vain ce qu’ont à y gagner le magnétisme et le somnambulisme purs, qu’on cherche à y mêler sous prétexte que c’est la même fore qui produit ces laits si différents, cependant.

Quant à moi, magnétisant chaque jour depuis près de douze ans, et disposant depuis ce même temps d'une somnambule des plus lucides — M. le docteur Louyet peut le dire— j’ai vu et montré à mes amis bien des faits de toute espèce: prévisions sans nombre, vues d’objets cachés, etc., faits commandés ou spontanés; j'ai, joint à ces amis, dont quelques-uns étaient d’une incrédulité rare, même à l’existence du magnétisme, — ce qui ne se trouve ni même ne se comprend plus, — j'ai, dis-je, fait tourner, damer, écrire, parler bien des tables, des guéridons et des crayons-corbei/les, dans des conditions aussi concluantes que celles citées par M. de Gasparin pour ses expériences, mais je conteste en toute humilité que jamais, non plus que ce savant observateur, il ne m’a été donné d’apercevoir le plus mince esprit, ni même de le soupçonner réellement, bien que Napoléon, Socrate, Cagliostro, Jésus même, les plus grands noms, en-lin, de l’époque et des temps passés, se prétendissent présents et opérant, et qu’ils se donnassent la peine de nous annoncer, à nous chétifs mortels, des choses qui, loin de se réaliser, se sont, au contraire, pour quelques-unes au moins,

— changées en d’amères déceptions. Laissez-moi vous citer un fait tout récent :

C’était dans la soirée du 30 septembre 1855; — devant bientôt quitter Paris, j'avais réuni chez moi quelques amis; le camp était à peu près partagé : quatre dixièmes d’incrédules renforcés jusqu’à nier le magnétisme même; deux dixièmes de spiritualistes aussi renforcés dans leur croyance que les précédents dans leur négation , et quatre dixièmes de croyants, ou à peu près, au magnétisme et au sonwam-

bulisme thérapeutique et à leurs effets communs, pour me servir de votre expression, 1 c

Des; i'wM'üe», quatre étaieDt de „ mème fe

P-.C, I. 11.... avocat, et représentant du peuple aux as seiublees constituante et législative, sa dame et leurs deux jeunes et,,* filles, de 21 et 23 ans; leurs frères n’avIS

Les tables avaient tourné, causé, etc., etc.; le crayon--corbeille, dont c’était le tour, allait son train sans trop se fane puer, bien que d une manière assez maussade. Il faisait comparaître, tour à tour et à la volonté des assistants, les I prus demandés, dont, à part moi et bien que je fusse à cote delà corbeille, j’admirais la rare complaisance ; en effet' non seulement ces esprits répondaient bien ou mal à toutes es questions qui leur étaient posées, mais encore, afin d’é-

™ÎdpT/Î'111^ .é,Crivaient Ieur signa'ement avec au-tant de détails qu auraitfpu en mettre un commis aux passeports. Et tout cela , écrit en caractères différents suivant que les esprits changeaient, mais le tout avec une orthographe à faire frémir une plume d’auberge. Le crayon paraissait enfin, accomplir sa tache avec assez de mauvaise humeur et, déjà, il avait fort indisposé contre lui madame R... en refusant sans façon de lui dire son petit nom (faute de lë savoir sans doute) et en l’invitant, avec assez peu de poli-esse à s occuper de choses plus sérieuses, lorsqu’impatienté lui-même par le malin caquetage de l’aînée des deux sœurs il coupa court à la conversation qu’il soutenait, et l’interpellant vivement, lui dit, ou plutôt il écrivit : — Toi tu es bonne, mais tu as l'air trop précieuse; puis, comme s’il se lut aperçu que sa sortie pouvait paraître quelque peu inconvenante, il crut la réparer en ajoutant : _ toi, sa sœur, est P/m gentille. Après cette naïveté qui nous fit rire tous môme la sœur précieuse, le crayon reprit le plus tranquillement du monde sa conversation commencée avec l’un de* assistants.

Ln instant aprèS, et ne trouvant pas suffisant, paraît-il, le enipérament donné à sa brusquerie première, et voulant,

sans doute, la pallier complètement et se remettre au mieux dans l’esprit de ces demoiselles, il s’interrompit de nouveau tout à coup et, se tournant vers l’aînée des deux sœurs pour marquer que c’était d’elle qu’il allait parler, il écrivit : Toi, la grande, tu le marieras dans cinq mois et demi ; puis, il décrivit minutieusement l’état ainsi que les qualités et les défauts physiques et moraux du prétendu supposé. Ensuite, passant à la plus jeuue, il ajouta que son tour viendrait un an plus tard avec une personne dont le signalement physique et moral fut, ainsi que la profession, —militaire..., pour le moment, — donné avec les plus grands détails (ces précieux autographes sont encore en ma possession ainsi que bien d’autres du même geme.)

Je quittai Paris, et, lié d’une intime affection avec la famille R...... — dont, malgré mes 50 ans, les chefs ont pour

moi des sentiments paternels que je leur rends avec un dévouement tçut filial, — je ne manquai pas en janvier dernier , cinquième mois de la prédiction, de la leur rappeler sous forme de plaisanterie, leur promettant d’assisler au mariage de leur fille aînée, ma bonne sœur d’affection, malgré les A00 lieues et le bras de mer qui nous séparaient, m’engageant à partir au premier avis.

Peu de temps après, je reçus en effet une lettre de faire part, mais encadrée d’une sinistre bande noire et m’annonçant, hélas ! la mort des deux jeunes et belles filles que j’avais quittées pleines de santé depuis quelques semaines à peine, et qui étaient décédées à un mois d’intervalle l’une de l’autre !

Je ne vous parlerai pas de ma douleur à cette funeste nouvelle, mais je dirai que, ne sachant à qui m’en prendre pour l’alléger quelque peu, j’écrivis ce triste événement au crayon-corbeille resté à Paris, et lui reprochai de s’être moqué de nous d’une aussi cruelle façon. Savez-vous sa réponse?... La voici telle qu’elle m’est parvenue, et je tiens pour être de la plus bonne foi les amis qui me l’ont transmise. Je cite textuellement : *

« II est bien difficile de dire aux gens qu’ils mourront dans

« l’année ; en leur disant : Vous vous marierez ; cela est vrai, « c’est-à-dire qu’ils se marieront avec une autre existence n et avec les personnes désignées (mariage spirituel qui est « le seul vrai, sans tracasseries, etc., etc.). Ce n’est que « quand le réveil est complet dans une autre existence que « l’on peut connaître celui qui vous est destiné pour le ma-« riage spirituel. »

Si un esprit s’est servi du crayon pour tracer les pronostics que j’ai dits et les lignes qui précèdent ; si, comme il le prétend, il connaissait, mais ne pouvait dire le sort à venir de ces deux jeunes filles, pourquoi donc se poser d’abord en oracle et, sans être même interrogé, leur annoncer qu’eiles se marieront, 1 une danscinqmois cl demi, et l’autre un an après, si la première doit mourir dans quatre mois et la seconde dans cinq?... Pourquoi, surtout, ces détails minutieux sur les qualités et les défauts, tant physiques que moraux, des deux prétendus supposés?... Pourquoi ne pas, au contraire, faire pressentir leur mort à ces deux jeunes personnes en leur annonçant, sans s’expliquer davantage, un grand et prochain changement dans leur existence, et en leur donnant de sages conseils pour s'y préparer efficacement ?......

N’aurait-ce pas été plus rationnel, plus moral, plus spirituel même, plus digne d’un esprit, enfin?.....

Alléguera-t-on qu’en leur annonçant un changement qui n’eût pas été précisé, l'esprit aurait pu faire beaucoup de mal à ces jeunes filles en frappant ainsi leur imagination? Cette allégation serait peu digne d’un esprit sain ; car, je le demande, que pouvait-il arriver de pire à ces pauvres enfants, qui, brillantes de jeunesse et de santé, avaient quelques droits de compter sur un long et bel avenir?....

Je ne tirerai aucune conclusion de ce triste fait et des réflexions qui le suivent, elles sont assez clairement indiquées par le fait même.

Rappelé au but de ma lettre dont je me suis écarté un instant, toujours cette question me revient en tête, — je n’ose plus dire à l’esprit : — A quoi l’intervention des esprits peut-elle être utile au magnétisme et au somnambu-

lisme curatifs? Les vertus de l’un et la clairvoyance de Jfcutre en seront-ils accrus? Guérira-t-on mieux ou plus facilement? Les guérisons seront-elles plus certaines et en plus grand nombre?... Quelle que soit la face sous laquelle j’envisage cette question capitale, — toujours la réponse est que cette intervention sera, non seulement inutile, mais nuisible à notre science.... Raisonnons:

Il y a un instant, les magnétistes purs vous faisaient craindre ce reproche dans l’avenir : Qu’as-tu fait de notre science ?... Maintenant, permettez-moi de vous demander en leur nom à tous — et môme en mon nom seul, pour le cas où ils me dénieraient la faculté de le faire pour eux, ce que je ne crois pas :

Que voulez-vous faire du magnétisme thérapeutique? Permettez-moi de vous le rappeler, vous avez usé votre vie à vouloir convaincre de la vérité du magnétisme pur et de ses effets les savants de la science officielle ; le Propagateur du Magnétisme animal d’abord, et le Journal du Magnétisme ensuite et jusqu’à ce jour, n’ont été qu’une longue et inutile supplique aux corps savants, sorte de gens, dit Tardy de Montravel, qui ne croient pas, parce qu’ils ne veulent pas croire, soit qu’ils pensent que le magnétisme est contraire à leurs intérêts, soit qu’il en coûte à leur amour-propre de revenir d’un jugement trop précipité. Ceux-là, soyez-en bien persuadé, ne le croiront pas plus en voyant qu’en ne le voyant pas, et s’ils demandent des faits, ce n’est pas pour essayer d’opérer leur conversion, mais parce qu’ils se flattent que ces faits serviront à notre confusion.

Ne nous mettons donc pas en peine de cette classe d’incrédules ; l’esprit de critique, de satire et de mauvais vouloir qu’ils apporteraient aux expériences — si même, et selon leur habitude, ils n’avaient l’incroyable prétention de les diriger — pourrait nuire à leurs résultats et par suite au Vbàgnéti&me. Aussi les incrédules de cette espèce — et c’est ]a pjre _ ne s’avoueront-ils convaincus que lorsqu’il sera

devenu absurde de nier.

Les quelques mots qui précèdent répondent en passant

aux provocations de MM. Mabru et Auzoux, que je trouve dans votre n. 230. Les savants de l'école sont et seront toujours les mêmes : les expériences devront avoir lieu chez M. le docteur Auzoux, sous sa direction — et il nie le magnétisme qu’il ne connaît pas — et il se réserve le choix

des membres du comité d’examen!.....Que vous semblerait-

il des chefs d’une religion qui, voulant décider du mérite, de la valeur, de la vérité d’une religion contraire, se réserveraient les choix des juges?...... Ne vous croiriez-vous pas

revenu au bon temps oul’évêque Cauchon, et, plus tard, Lau-bardemont, voulant faire brûler le premier Jeanne d’Arc, et l’autre le curé Grandier, choisissaient eux-mêmes les juges qui devaient accomplir ces iniquités ?.....

Aussi, notre collègue, M. Lecoq, a cent fois raison quand il se demande si ces savants — MM. Mabru et Auzoux — pensent que C univers attend qu’ils aient une opinion; car, en supposant même que ces doctes personnages soient amenés à nous par suite des expériences qu’ils demandent, ont-ils la prétention de croire que leur nouvelle croyance, leur conversion aura plus de poids dans la balance des savants de la routine médicale que le rapport de la commission nommée par la faculté en février 1826, et dont le docteur Hus-son fut l’interprète, 1831, après cinq ans d’investigations, de

recherches et d’expériences cent fois répétées?.....Si telle

est leur prétention, — et cela y ressemble beaucoup, — nous nous abstiendrons de la qualifier, bien persuadé que chacun trouvera très-facilement le mot qui doit y être accolé.

Pour en finir avec ces sortes de défis, repondez donc à ces illustres savants, au nom du monde magnétiste, et à tous ceux qui pourraient entrer en lice par la suite, par le nôtre que voici :

Savants qui voulez vous éclairer et vous convaincre, magnétisez vous-même de bonne foi et sans parti pris , et nous vous défions de ne pas être convaincus, comme nous, de la réalité du magnétisme et de sej> effets thérapeutiques ; vous aurez la direction de vos expériences auxquelles nous ne voulons pas même assister, tellement nous sommes certains

— m —

des résultait, ; et vous seuls serez vos juges. Vous nous direz ensuite si le magnétisme existe ou non, et, sur votre ) apport, nous nous réservons de dérider du mérite de votre BONNE foi qui nous sera alors bien t omme.

Parti,a de cette digression ; je reviens à mon sujet :

11 est matériellement impossible, chacun le sait, que les médecins puissent se livrer avec fruit à la pratique du magnétisme thérapeutique. D’autres avant moi, et avec bien plus de talent, en ont développé les motiis, et ils sont péremp-toires : ces Messieurs ne pourraient donner que deux ou trois consultations par jour — encore tous ne le pourraient pas — et. par ¡;;::te, leur budget irait trop à la dérive. D’un autre cô'.ê, un traitement magnétique sérieusement administré serait trop coûteux pour la plupart des malades, et bien peu — les riches seuls — pourraient y suffire ; que deviendraient alors les pauvres?... Je sais qu’il est d’honorables exceptions, mais, surtout dans le cas dont il s’agit, elles sont loin d’être la règle, et ils sont rares les docteurs Hébert (de Garnay), Louyet, Ordinaire, Léger, Duplanty, Perrier, etc., etc.

11 est donc évident que chercher à remettre l’emploi de la science magnétique aux mains des médecins, c’est vouloir l’anéantir ; c’est fausser, dénaturer les intentions du Créateur qui, dans sa bonté, n’a pas donné cette précieuse faculté à tous les hommes pour qu’elle devienne le monopole de quelques-uns.

Cette science qui, quoi qu’on en dise, n’est ni si difficile ni si dangereuse qu’on le prétend, doit donc, au contraire, être introduite dans les familles, et c’est dans ce but, dans cet unique but, que vos séances hebdomadaires, celles du Waux-Hall et celles de la Redoute, ont été fondées, et qu’ont été établies sur tous les poiuts du globe des sociétés magnétiques à l’instar de celles de Paris.

Souvenez-vous, d’ailleurs, que vous-même avez écrit : « C’est au peuple, c’est a celui que l’erreur EXPLOITE DEPUIS « des siècles, que le magnétisme devrait être présenté et « NON POINT LE FAIRE PASSER PAR LE CANAL DES SAVANTS, QUI

« n’en VEULENT POINT PARCE Qu’il DÉRANGE LEURS SYSTÈMES. » Pourquoi donc ces appels incessants aux Facultés alors qu’on doit, au contraire, fuir leur approche? Pourquoi frapper ainsi chaque jour à une porte, que, clans l’intérêt bien entendu de la grande famille humaine, on doit craindre de voir s’ouvrir?... Le magnétisme ne sera que trop tôt reconnu par les corps savants; faisons qu’avant ce moment redouté des hommes sensés, il se soit infiltré partout, qu’il soit adopté et pratiqué dans les chaumières d’abord; les châteaux et les palais viendront ensuite et toujours assez tôt. Souvenons-nous que le célèbre docteur KorefT appelait « un des plus grands malheurs qui aient frappé le magné-« tisme, son envahissement par les hautes classes de ta « société, lors de l’arrivée de Mesmer en France. »

De tout ce qui précède il résulte donc que ce n’est pas aux classes privilégiées, mais aux masses que doivent profiter, d’abord, les bienfaits du magnétisme, et que ce serait aller contre ce louable but que de le livrer aux médecins.

Si le magnétisme thérapeutique doit être introduit dans les masses, dans le peuple, d’abord, examinons maintenant si les nouvelles tendances du Journal du Magnétisme sont un moyen propre à arriver à ce résultat désiré.

Vous avez dit quelque part dans le journal qu’unë trop puissante société, dont M. de Mirville s’était fait le représentant et l’organe, avait reconnu et accepté le magnétisme et le somnambulisme sous toutes leurs phases, mais qu’elle en attribue les faits à une puissance occulte et surnaturelle; et comme ces nouveaux adversaires, — si nouveaux ils sont ! — n’ont pu s’emparer à temps du magnétisme, c’est tout naturellement au démon qu’ils attribuent l’œuvre de Dieu.

Vous avez, avec raison, combattu cette tendance comme complètement fausse et erronée ; si, maintenant, vous proclamez l’intervention des esprits dans les faits de magnétisme et de somnambulisme, vous servez les vues secrètes de cette société, car vous aurez beau dire, répéter et crier que vous entendez par esprits ceux des morts, ceux intermédiaires ou habitant des zones ou mondes supérieurs où

notre âme doit aller les joindre en quittant sa dépouille mortelle, ces adversaires, dont les ramifications s’étendent si loin, ne voudront pas vous croire; on travestira vos paroles, on en dénaturera le sens, et le peuple, toujours-crédule et qui, dès son enfance, n’a appris à connaître d'autres esprits que les bons et les mauvais, les anges et les démons, ne pourra attribuer ces faits qu’à Y esprit malin, puisque, déjà, Rome, en proscrivant l’emploi du magnétisme, s’est basée sur ce motif. Il en résultera que les bienfaits de cette science des sciences dont les anciens se sont servis avec tant de succès pour obtenir des guérisons qui semblaient être miraculeuses et qui le paraîtraient encore aujourd’hui si nous ne connaissions celles des Laforgue et autres, il en résultera, dis-je, que les bienfaits de cette science de Dieu seront perdus pour les peuples, pour les familles, auxquels elle a été destinée, de tous les temps, par la toute-puissante bonté du Créateur.

En analysant — assez sévèrement il faut le dire — le premier volume des Arcanes de la vie future, etc., que vous avait dédié son auteur, sans doute dans l’espoir d’un meilleur accueil, vous vous êtes demandé comment les ombres pouvaient parler sans bouche matérielle et penser sans cerveau. Ne pourrait-on pas, aujourd’hui, vous renvoyer à bon droit votre question, et, de plus, y ajouter celle-ci : Comment ces mêmes ombres peuvent-elles, sans mains, faire mouvoir des meubles, des crayons, et surtout apparaître sans corps, puisque qui dit esprit dit le contraire de matière?

Donc si, maintenant, vous admettez les esprits, pour être conséquent, il faut admettre (les corps avec lesquels ils puissent se manifester, alors gare aux moustaches, à l’épée, etc., que vous ridiculisiez si gracieusement; il faudra bien les admettre forcément aussi, alors même que les unes seraient portées fièrement, et au risque de voir l’autre prête à sortir du fourreau du matamore, si ces divers ornements ont fait partie de son individu ou de ses vêtements pendant sa vie terrestre, et que vous vouliez établir l’identité. Je dis ceci parce que je vous sais trop de votre siècle pour vouloir faire apparaître

les nouveaux esprits sous le vilain costume de nos anciens revenants. Ce serait peu gracieux et vous n’auriez pas les dames pour vous.

Je ne parlerai pas ici de tout ce qu’a dit un de vos collaborateurs, M. Chocarne, sur les esprits, mais ne vous semble t-il pas comme à moi que ce que je viens de citer — pris au hasard entre tant d’articles écrits dans le môme sens — implique une certaine contradiction avec la nouvelle direction que vous vous proposez de donner au Journal du Magnétisme?

Puis, comme vous paraissez accepter avec une certaine préférence l’opinion des médecins qui ont eu, non seulement le bon esprit, mais le bon sens de se rendre aux vérités du magnétisme, écoutez ce que dit, dans le Journal du Magnétisme (vol. 9, page 329), le docteur Charpignon, d’Orléans :

« Depuis quelques années tous les esprits se sont absorbés « dans le somnambulisme; et quel somnambulisme! non

« PLUS SEULEMENT CELUI QUI S’OCCUPAIT DES MALADES, mais

« celui qui transporte l’esprit de l’homme dans les régions « surhumaines. Prévisions, divinations de l’avenir, recher-« elles des vols, des pertes, des amours, visions au loin, « prophéties politiques, révélations sur les âmes des morts, « apparition des esprits, religions nouvelles, tel est l’idéal « de la voie dans laquelle certains esprits on jeté le magné-« tisme. Route ténébreuse, remplie d’illusions mélangées « cependant de réalités saisissantes. Le public étonné, con-t vaincu en grande partie par les merveilles, quelquefois « sans discussion possible, suit avec avidité cette pente « ouverte à cet instinct naturel en nous, qui entraîne vers v les choses de l’autre monde. De là le désir de l’imitation, « de la simulation, et l’homme trouva les moyens de si bien « imiter certains phénomènes somnair.buliques, que plu-« sieurs magnétiseurs même se laissèrent prendre à l’ana-« logie. On voit donc aujourd’hui des gens doués de la « seconde vue artificielle faire des choses comme les som-« nambules les plus lucides, et, ce qui est le pire, c’est « que les uns affirment que c’est le résultat du magné-

« tisme et que les autres disent que non ; le publc voit, et « confondant tout ensemble, ne sait plus où il en est, et il « n’hésite plus, quand il connaît la méthode de la double vue, à dire que les somnambules des magnétiseurs sont « des compères de cette nature. De cette conclusion, je le « déclare, résulte pour le magnétisme un obstacle nouveau, « que le temps, toujours le temps, fera très-certainement « disparaître; mais c’est toujours un retard, et qui sera (i long, croyez-moi. »

J’ai rapporté in extenso ces réflexions afin de n’en pas altérer le sens, mais que vous en semble? Bien qu’écrites depuis six ans, et paraissant dirigées principalement en vue d’atteindre les bateleurs du magnétisme, mais touchant cependant en passant les révélations sur les Ames des morts et les apparitions d’esprits, ne vous paraissent-elles pas écrites d’hier tant elles sont applicables aux tendances du moment, aux apparitions des esprits; et n’est-ce pas le cas de répéter: quel somnambulisme ?... C’est que ces lignes du docteur Chaqngnon sont l’expression de la vérité, et que la vérité est de tous les temps.

Aussi, je ne vois qu’un seul bon côté ii cette nouvelle tendance toute spirituaüste du journal, côté qui, peut-être, pourrait la faire excuser en quelque sorte, c’est, je me hâte de le dire, que cette tendance sera, pour me servir du mot de M. Charpignon, un obstacle qui éloignera un moment redouté de tous les penseurs sincères et de bonne foi à l’endroit de la faculté, comme le docteur Koreff l’était en parlant des hautes classes : moment où la médecine officielle, à bout de dénégations absurdes, et entraînée, forcée par l'opinion publique, s’emparera du magnétisme, cette unique médecine de la nature, pour l’étouffer tout doucement dans ses serres de vautour sous le faux semblant de s’en laire un auxiliaire, alors que c’est à elle, médecine des écoles, que revient cet humble rôle.

Donc, si vous en croyez une voix amie, vous laisserez une large part du journal aux faits magnétiques et somnambuli-ques purs, aux cas de guérisons, aux faits divers qui en résul-

tcnt ou qui s’v rapportent même de loin; il en restera toujours assez pour messieurs les esprits, quelle que soit, d’ailleurs, leur loquacité.

Car, eu fin de compte, que résulte-t-il de toutes ces tergiversations?... Voyez combien, aujourd’hui, il y a peu d’en* semble, peu d’unité dans le camp mesmérien!... Croyez-vous que ce défaut d’union provienne seulement de son immense accroissement, du grand nombre d’adeptes qui le grossissent chaque jour? Non ! vous ne pouvez le penser, puisque, tant qu’il ne s’est agi que de produire des faits, de les mettre au grand jour, le monde magnétiste a été uni comme un seul homme, mu qu’il était par la louable émulation d’en produire toujours de plus profitables à l’humanité, de faire le plus de bien possible.

Mais aussitôt qu’on a voulu des systèmes, chacun s’est arrogé le droit de bâtir le sien à sa guise — en dénigrant celui du voisin — qui sur le /luide, qui sur les vibrations, sur l'imagination, les esprits, sur tout, sur rient... Enfin, autant de systèmes ou de théories, autant de sectes, et la discorde est arrivée dans notre camp comme autrefois, parmi les guerriers du camp d’Agramant, avec moins de dangers pour les combattants, il est vrai — car, aujourd’hui, on ne rompt que des plumes — mais au grand détriment de la science magnétique, et ii la plus grande jubilation de ses ennemis naturels : les médecins.

Puis, dites-moi, d’où vous viennent, en notre science, ce3 hautes connaissances que vous professez avec tant de succès et que chacun vous reconnaît?... Sont-ce les faits, une pratique longue, persévérante et de tous les instants, ou ces mille théories ou systèmes enfantés chaque jour par tous les cer-vaux creux qui, éprouvant le besoin de faire gémir la presse et pensant occuper d’eux la renommée, hélas!... ne font qu’enrayer, embourber le char du magnétisme?

A une demande semblable la réponse est faite depuis longtemps, et un de nos maîtres à tous, Puységur, s’en est chargé quand il a fait appel aux faits et qu’il a repoussé de toutes ses forces les théories et les systèmes!... Car Puy-

ségur, homme de bien par-dessus tout, avait compris tout d’abord que ce ne serait que par les faits, et non par des systèmes ou des théories que peu de personnes lisent, même en les supposant exacts, ce qui n’est rien moins que prouvés, que ce bienfait du Créateur, cette médecine de la nature, ce précieux reste de la puissance adamique, selon l’heureuse expression de Lacordaire, le magnétisme enfin, pénétrerait dans les masses.

11 est donc plus qu’évident, et on ne saurait trop le répéter, que ces systèmes ne sont bons, pour la plupart, qu’à satisfaire l’amour-propre de ceux qui les mettent au jour, et que nous ne pourrons avoir un système vrai pour la science magnétique que lorsque nous aurons assez de faits, assez d’observations, publiés, pour saisir l’enchaînement de tous les phénomènes qu’elle présente, soit dans son ensemble, soit dans les différentes et si nombreuses ramifications.

Des faits donc, et toujours des faits ; accumulons-les, inscrivons-les en les publiant le plus possible, et en consignant soigneusement les procédés suivis par chacun de nous et leurs conséquences, puis, que le tout soit classé avec méthode, et alors le système et la théorie du magnétisme en découleront sans peine et sans efforts, et ce seront les vrais, les bons, les seuls système et théorie; mais, peut-être , n’est-il pas temps encore.

En effet, pour établir, comme le dit Tardy de Montravel, que la science du magnétisme n’est point vaine, elle doit être prouvée par des faits, et le concours de la multitude des malades qui lui devront lu vie en constatera l'existence mieux que ne pourraient le faire les plus forts raisonnements.

Aussi, cet auteur, s’adressant à toutes les personnes éclairées qui s’occupent de la pratique du magnétisme comme moyen de guérir, dit-il : a qu’elles doivent se communiquer o cette foule de faits qui, demeurant isolés et n’étant con-« nus que de ceux-là seulement qui en ont été les auteurs « ou les témoins, seraient par là perdus pour l’humanité. « Je ne me lasse pas de le répéter, cette communication

— »Al »

I. |fo i|t|t»|IU «llll« Ira lnit(jliii|iai-|||a «al Uliao|i|||ielllllÒ09M*

atti)« mi* piogièa ile In aii«iir«, «(, Hau« «II«', un un «luti t> pua n'illll’IMll« it rulll«l' Iirttlicotlp il« filili« ll'llll« drroll-f yuilu auliliin« «|iil Ulivi'« U I rapi il laminili 1« cimili}) I» .. pina vhnI« «l 1« pina ridi« i «I i|iil, t'Oiiaiilriiita amia Iiiim « Ira l'Uppoi la , puniti Oli« lu clef ilo liilltua luta collimili» « annera, u

Voli» pom i'«* lu'uliJucUir, pnut-òlro, qu« c«a priVopUm , Odila ilr|niln «ohitnlr ili* iiiim , (Milioni lion» pour l'Opoqu«, mula i|ii«, ilupiila loia, Ir iiiAglKÌtlaiUO u il teeoué tei hi li y ti ri unire/li' connue un minili», » (‘.«Ih mi vini i nvuii|lu ou fou i|til 1« ni« i inni» il n‘mi fin» viril, il n'otl ;ni» majeur ni• torti». IH, »'Il limi vii crollo lo iiiOum «utour, inni* nurou» ltvuUOOUp ti tttlondl’u, CUI', prévoyant »un» «Ionio collo olijoc. lìmi, Il y répond luilxaiilo-illx un» ti l'nvanco pur con molti trop propliétlqmm, Jo lo crolliti in Celln «cience ne »era pur-« /¡¡ih nu ni nnuiuc qu'nprétpi a »¡tur» siècle» peut-tire d'e,r-« pfritnett et ile rec/ierehei. »

Nou» avons dolio l>l«n travailler, à lultor en coro pour quo lo qmiii-mlulle atteigne colto viri/ih', cotto majorité, tunl (IómIiòon.

J'ai parlé, il y a un imitant, do clutter le» faits; lei, uno difficulté gravo ho présente : quel ont l'homino asse/. dévoué à rianimili ti*! pour s'en clmrger? Et »'il s’on trouve un, suf-iiio-t-il & cet immenso travail? Jo ne le penso pas, fût-cc mémo mon excellent auii, M. Minile, le savant auteur do divers ouvrages sur le magnétisme, et notamment de Y Exposé des cure» opérées en /‘'rance pur le magnétisme ; ouvrage épuisé et qui devrait, avec la permission de son auteur, — qui la donnerait certainement, — être compris en entier dans la nouvelle œuvre que je propose. 11 faudrait donc, non un seul liomme, mais une société de magnétistes dévoués pour mener à bonne fin cette œuvre gigantesque, qui pourrait, dans ce cas et à bon droit, avoir pour titre : Encyclopédie de la science magnétique, etc. — Les esprits y auraient leur part. —

Mais, pour dire toute ma pensée à ce sujet, il faudrait

encore . — elione ([tii, peut-être , n« plaira pin fi uni« I-h médecin» quo nous comptons diin* nos rang*— Il faillirait. sinon luire abnégation complèto, ilo Um le* iman pim ou moins barbare», plu* ou inolnn farci* «lo groc ou de latin . adopté* pur In trienee officiel!*, daim le soûl but do m ron-dre Inintelligible au commun do» uutrhjr» do se* drogue*, du moins le* falro précéder d’une part, et suivre, do l'autro, avec don renvois Idon précl*. de» désignation* les r1"' ml' gaire», car cet ouvrage, dé.lié fi fliurmnnltéontiòitì fi laquelle Il tarait dominé, doit pouvoir être compris do tou*, et non ile messieurs les invanii seulement.

Il faudrait enfin bannir toute la spéculation mercantili) de cotto publication, faire même un appel, non seulement aux magnétistes do tou» les pays , mais il tou* les homme* vrai-mont philnntropes du monde entier, afin quo les frais soient, en granilo partie, couverts par uno souscription humanitaire, ot quo, »1 cot ouvrage revient MO fr., par exemple, il puisse être donné ii tous pour 2 frann, fût-il plus volumineux que le Dictionnaire do l’Académie, ce qui pourrait

bien arriver. r

Ce serait lii lo seul moyen do rendre cotte œuvre profitable il tous, en la répandant dans les masses avec une plus grande profusion encore que la méthode Raspali de 1 Ir. 26, et de manière il ce que chaque famille puisse en avoir un

exemplaire. . .

Pour bien me faire comprendre enfin , cette association serait il peu près semblable à la Société biblique, qui a répandu sa publication avec une si grande profusion et gratis ou & peu près ; et si mon idée se réalise, ce qui ne peut se faire, je crois, qu’avec votre aide, je m’inscris le premier et pour 100 fr. Veuillez en prendre note et vous en souvenir. Alors, vous pourrez dire que le magnétime n’est plus seulement adulte, mais qu’il est viril, majeur, et que la médecine des écoles a cessé d'être.

Pardon de cette nouvelle digression; elle ne sera pas sans fruits, si mon idée germe et si vous la fécondez. Je reviens à mon sujet, car il est temps d en finir.

No supposez pn* »>*• («ut co (pii précède que je ni« le» ’*-prit* et leurs manifestations. vous série* dans l’erreur : je DOt'TF. et je (li'tiir eroirc, car cette croyance serait conso-lante et ferait supporter avec plus de patience et de résignation les Hilare* tlu cette vie. Aussi puis-je m’appliquer avec vérité cette repartie que, l’été dernier, je m'attirai d’un crayon-corbeille , auquel, comme épreuvo , j'affirmais uvoir foi aux esprit« de l'autre monde : C’kbt a i>iiik quk tu dêsi-ms l’avoih, rôpllqua-t-il. Oui, cela est vrai, très-vrai, je le désire et ne crains pas do le dire bien liant ; mais, je lo ré-IM*tc encore, j»' ne vois pas co que le magnétisme et lo somnambulisme thérapeutiques ont il gagner à la venue de cette croyance.

Le but de ma trop longue lettre n’ost donc pas la négation des esprit», mais de réclamer notre place au soleil de la publication , en vous priant de réserver, dans le journal que vous diriger, la plus largo place aux faits du magnétisme;»//’, de celui que j’appellerai naturel, humain , ordinaire, commun, terre-à-terre mémo, si l’on veut, par oppo-sion aux qualifications do sur ou super-naturel, magique, spirituel, sur-humain, hyper-terrestre, etc., etc., comme on désigne celui des esprits.

Convaincu comme je le suis que la science magnétique ne s'établira solidement que sur des faits, et que, lorsqu’il est assez heureux pour guérir ou soulager, un homme , ami de ses semblables, n'a rempli que la moitié de son devoir, s’il peut en outre les aider à faire comme lui, en lui indiquant les moyens qui lui ont le mieux réussi ; je crois que nous devons continuer à enrichir les collections et les publications magnétiques de tous les faits qui se présenteront à nous, ou que nous produirons, ainsi que les moyens qui nous les ont fait obtenir, puis conserver précieusement ces recueils comme des dépôts sacrés et ne permettre qu’on y touche que pour en augmenter la valeur, en y additionnant de nouveaux faits, c’est de là qu’ensuite, et comme je l’ai dit plus haut, que jaillira par torrents la lumière qui doit éclairer le monde, et emporter dans son cours les lueurs trompeuses,

No supposez |>n* »>*• tout r (pii précède qu« je nie le» es-prit* et leurs manifestations. vous seriez dans l’erreur : je DOfTF. et je (h'tirc croire, car cette croyance serait conso-lante et ferait supporter avec plus de patience et «le résignation les misère* il.' cette vie. Aussi puis-je m’appliquer avec vérité cette repartie que, l’été dernier, je m'attirai d’un crayon-corbeille , auquel, comme épreuvo , j'affirmais uvoir loi aux esprit« de l'autre monde : ('.‘est a i>ii»e que tu dêsi-nts l’avoih, répliqua-t-il. Oui, cela est vrai, très-vrai, je le désire et ne crains pas ilo le dire bien liant ; mais, je lo ré-IM*tc encore, je ne vois pas co que le magnétisme et lo somnambulisme thérapeutiques ont il gagner li la venue île cette croyance.

Le but de ma trop longue lettre n'est donc pas la négation des esprit», mais de réclamer notre place au soleil de la publication, en vous priant do réserver, dans le journal que vous dirige*, la plus large place aux faits du magnétisme;»//’, de celui que j’appellerai naturel, humain , ordinaire, commun, terre-à-terre mémo, si l'on veut, par oppo-sion aux qualifications de sur ou super-naturel, magique, spirituel, sur-humain, hyper-terrestre, etc., etc., comme on désigne celui des esprits.

Convaincu comme je le suis que la science magnétique ne s'établira solidement que sur des faits, et que, lorsqu’il est assez heureux pour guérir ou soulager, un homme , ami de ses semblables, n’a rempli que la moitié de son devoir, s’il peut en outre les aider à faire comme lui, en lui indiquant les moyens qui lui ont le mieux réussi ; je crois que nous devons continuer à enrichir les collections et les publications magnétiques de tous les faits qui se présenteront à nous, ou que nous produirons, ainsi que les moyens qui nous les ont fait obtenir, puis conserver précieusement ces recueils comme des dépôts sacrés et ne permettre qu’on y touche que pour en augmenter la valeur, en y additionnant de nouveaux faits, c’est de là qu’ensuite, et comme je l’ai dit plus haut, que jaillira par torrents la lumière qui doit éclairer le monde, et emporter dans son cours les lueurs trompeuses,

nous fournit de nous exprimer de façon à dissiper toute incertitude , à lever tout doute possible dans l’esprit de nos lecteurs sur notre manière d’envisager le sujet de scs préoccupations et celui de plusieurs d’entre eux aussi peut-être.

Que notre honorable correspondant et ami se rassure, nous n’avonsjaniaiscu, nous n’aurons jamais l’intention de négliger un seul instant, au profit de quelque autre science que ce soit, celle à la défense, à la propagation et au triomphe de laquelle nous avons consacré toute notre vie. 11 y a quelque quarante ans que nous avons planté ce drapeau : nous avons veillé auprès de lui, nous avons combattu pour lui avec une fermeté qui ne s’est point lassée: ce n’est point pour l’abandonner vers la fin de notre carrière et alors que, grâce aux efforts qui ont si énergiquement soutenu et encouragé les nôtres, il prend enfin dans le monde la place victorieuse que lui ont si longtemps refusée les ignorants et les envieux.

11 n’a donc pu entrer un seul instant dans notre pensée d’établir des catégories parmi ceux qui combattent à nos côtés autour de ce drapeau, bien moins encore de frapper d’exclusion au profit de l’une de ces catégories l’étude ou la pratique d’une quelconque des innombrables branches de cette science, universelle comme la nature dont elle est une des plus fécondes manifestations.

Mais c’est précisément à cause de l’immensité des questions qui s’y rattachent, c’est précisément parcc que nous considérons le magnétisme comme un centre commun auquel viennent aboutir une infinité de filons encore inconnus, que nous croyons de notre devoir d’étudier, de scruter assidûment et de livrer aux investigations sérieuses des magnétistes, les faits nouveaux qui se produisent et qui peuvent bien n’être que des rayons de ce grand foyer.

Notre honorable correspondant aurait dû le remarquer, nous n’alfirmons rien, nous ne donnons rien comme positif, nous n’établissons point de théories et nous ne faisons point de systèmes. Nous avons dit : Voici depuis quelques années des phénomènes étranges, inexplicables par les arguments de la raison humaine, comme par les lois de la science vul-

gaire, qui se manifestent aux yeux de toute une population nombreuse et intelligente, chez laquelle ils excitent une sensation qui en arrive à se formuler parties mesures politiques. Ces phénomènes traversent l’Atlantique et viennent frapper d’étonnement en Europe des hommes sérieux, intelligents, des savants sincères qui à leur tour en étudient ardemment la production. Eh bien ! ces phénomènes, dont le mot n’a point été trouvé encore, il faut que nous les connaissions, afin de pouvoir les étudier ensemble. Voici peut-être un de ces nouveaux filons du magnétisme; suivons-le, fouillons-le. Qui sait quelle richesse n’en jaillira pas, quelle lumière n’en éclatera pas tout à coup, pour illuminer cette science où les plus habiles marchent encore à tâtons, où, hormis les effets que nous constatons tous les jours, tout est à établir, les principes, les formules et les lois !

Voilà pourquoinous avons voulu réserver dans ce journal aux faits nouveaux et inconnus du spiritualisme une portion (une portion seule, c’est bien entendu ) de l’espace que jusqu’ici nous avions exclusivement consacré à l’étude spéciale du magnétisme thérapeutique. Celui-ci n’est plus, Dieu merci, à démontrer. Aveugles sont ceux qui ne le veulent point voir. Nous croyons donc ne point lui nuire en lui adjoignant l’étude de faits qui peuvent s’y rattacher, et ce serait ajouter à son développement que de démontrer que c’est à lui que doivent se rapporter les guérisons produites par les médecins spiritualistes.

N’est-ce pas là peut-être même un des moyens d’abréger les plusieurs siècles de recherches et d expériences dont parle Tardy de Slontravel ? C’est, en tout cas, mettre son précepte en usage, et nous devons chercher partout, et toujours, quand même, la lumière qui nous manque encore. Voilà notre intention, voilà notre but.

Et pour conclure et répondre en même temps à tous ceux qui nous ont presque fait un crime de nos investigations dans le spiritualisme , nous disons : que c’est pour nous un devoir, un devoir rigoureux d’en agir ainsi que nous le faisons. Garder le silence serait une faute que, plus tard peut-être,

on ne nous pardonnerait point. F.t nous aimons a croire que c’est seulement parce que la pensée de n>s contradicteurs ne s’est pas appliquée îi peser ces «¡ -.estions qu’ils s’étonnent de l’importance que nous attachons à leur étude. Quand la nature lève son voile, il faut tâcher devoir tout ce qu’elle nous montre et ne pas considérer seulement une partie. Qui sait d’ailleurs les surprises que le temps ou le génie nous ménage?

Ceci est-il assez net, assez précis, nous l’espérons, et nous espérons aussi que notre honorable correspondant y verra la preuve de notre ardent désir de ne laisser subsister dans son esprit aucune trace d’une fausse interprétation et d’un malentendu qui ne tend à rien moins quà nous faire considérer par lui comme un Caln magnétique.

Baron DU POTET.

FAITS.

Les faits de guérison instantanée ou presque instantanée, admis par toutes les religions et regardés comme miraculeux , sont rejetés comme des fables par la médecine officielle. Les magnétiseurs, — avec raison suivant moi, — les revendiquent comme étant de leur domaine, et en citent avec orgueil quelques-uns authentiquement établis.

Dans cet ordre de faits, ceux qui sont le plus généralement acceptés, bien que ce soient peut-être les moins bien constatés, sont les guérisons que les toucheurs ont la prétention d’opérer.

Quelques procès — où généralement les juges ne laissent pas faire la preuve de la puissance des accusés, — viennent révéler des faits isolés, sans qu’il en résulte rien de concluant, sinon qu’il existe des toucheurs et des gens qui ont foi en eux.

Il me semble qu’il serait utile pour tous d’élucider la question, et, pour les magnétiseurs en particulier, n’y a-t-il pas un immense intérêt à s'assurer si les faits de cette nature sont prouvés; si c'est bien un acte magnétique, et si enfin la promptitude du résultat tient à la nature des procédés , ou à quelque vertu spéciale à l’opérateur, — à son idiosyncrasie, comme disent les physiologistes.

Ce n’est pas moi qui ai la prétention de résoudre ces questions. Humble praticien du magnétisme, j’étudie les maîtres, sans oser décider les points scientifiques encore obscurs, et le bien que je fais, je l’attribue non à ma science, mais à ma foi, à mon zèle et à mon dévouement. Seulement je puis apporter à la question de fait un témoignage sincère,

simple et clair; c’est un devoir que je m’empresse de remplir.

Le jeudi Zi juin, dans l’après-dînée, j’étais allé à lîelleville donner des soins à. un malade. Quand j’en sortis sur les huit heures du soir pour aller à la séance du Waux-Hall, ce n’était pas de la pluie, ce n’était pas une averse qui tombait, c’était une trombe d’eau qui crevait. Pas de parapluie, et bien entendu pas de voiture. Je me résignai, ne pouvant faire autrement, et je me mis à courir. Les ruisseaux barrés par des travaux étaient transformés en lacs, en cascades, en torrents. Malheureusement, en sautant pour franchir un de ces obstacles, je posai le pied dans un trou que rien ne faisait distinguer dans les flaques d’eau, et une violente douleur dans le pied droit me força à m’arrêter. Je me traînai sous une porte cochère, et, par une magnétisation énergique , je triomphai assez rapidement de l’angoisse. Je repris ma route en boitant, et quand je fus, comme on le dit vulgairement, échauffé, je marchai sans difficulté. Après être resté au Waux-Hall dans mes habits mouillés à fond, je rentrai chez moi et me couchai, me croyant quitte de tout. Mais, sur les trois heures du matin, je fus réveillé par une violente douleur dans la région de la cheville et du coude-pied. Mes tentatives de magnétisation furent inutiles. — J’avais d’ailleurs du malaise et peut-être de la fièvre.

Le matin, ce ne fut qu'avec la plus grande peine que je pus faire mon tracas habituel, et la marche était un acte douloureux et pénible au dernier point. Quelques jours s’écoulèrent pendant lesquels je patientai, croyant que le mal passerait de lui-même. Pas d’amélioration sensible ; je pouvais à peine poser le pied par terre, et ni la souffrance, ni l'enflure assez forte ne diminuaient. Des magnétisations opérées par moi et par quelques autres magnétiseurs me firent ensuite obtenir quelque soulagement momentané. J’avais l’adresse d’une guérisseuse d’entorse,'et j’avais bonne envie d’en essayer; mais on m'avait inculqué l’idée que mon mal provenait d’une fraîcheur gagnée en restant traversé au Waux-Hall. Enfin, le 22, — il y avait dix-huit jours que

j’étais éclopé, — un médecin, après avoir examiné la partie lésée, déclara que c’était bien une entorse et une bonne entorse, et me conseilla ie repos absolu, avec des allusions continuellement répétées d’eau très-froide. Aussi je m'empressai.... lie prendre une voiture et de me faire conduire chez M. B... (1), toucheur ’entorse,rue.... n“...., dont 011 m'avait raconté plus de merveilles encore que de la guérisseuse. J’en fus pour ma course : je 110 trouvai pas mon homme, qui ne devait rentrer (pie plus tard.

Je m’étais fait ramener au bureau du journal. A l’heure où je devais retourner chez ie toucheur, 11’ayant, de la tue de Beaujolais, que le Palais-Roval à traverser pour gagner l’omnibus, je fis ce trajet péniblement, en boitant très-bas, malgré l’appui d’une canne et bien qu’ayant le pied soutenu par une bande de compression. J’arrivai à l’adresse indiquée, et là je trouvai un homme de manières très-simples, l’air bienveillant, qui, sans aucune apparence de charlatanisme, mais avec une confiance communicative, se mit à ma disposition. L’appareil défait, je voulus lui indiquer les parties douloureuses ; mais lui : « Je vois bien, » dit-il, et sa main, sou pouce, veux-je dire, se promenait doucement sur les parties souffrantes.

Au bout tle deux minutes environ d’un massage qui, après avoir contourné les chevillés, le coude-pied et le tendon d’Achille s’était étendu jusqu’au genou en longeant certain- muscles du devant de la jambe, M. B...., l’opérateur, me fit quelques passes avec contact sous le pied : « C’est fini, conclut-il. — Faut-il remettre mes bandes? — Sans doute, t;il-il en souriant, remettez-les... dans votre poche.

— Combien de temps de repos, me faut-il ? — Point. — Je puis marcher ? — Oui. » Et me voilà, marchant, dans le peu d’espace qui était à ma disposition, sans douleur, mais boitant par habitude ou par timidité. « Faut-il prendre une voiture? — Non, plus vous marcherez, mieux cela vaudra. »

(1) Nous ne pouvons donner le nom et l’adresse, parce que la permission nous on a été refusée. M. B... craint do s’exposer à des poursuites légales.

— Et l'on so plaint que la vérité et l’erreur soient difficiles à démêler !...

Et j’ai, depuis cet instant, marché comme si de rien n’était, boitant un peu dans le commencement, parce que je ne savais plus placer ma jambe. Mais un jour ou deux d’étude et surtout d’exercice m’ont appris à marcher comme tout le jjHjnde, — j’entends comme ceux qui marchent droit. Ainsi je l’ai dit en commençant, je laisse à d’autres le soin de tirer les conséquences du fait. Quant à moi, je l’atteste : en deux minutes, j'ai été guéri d’une entorse grave, dont plusieurs personnes ont constaté les symptômes, — enflure, gonflement des veines, tension de certains muscles—d’une entorse qUi me faisait souffrir et m’empêchait de marcher depuis dix-huit jours, et h laquelle la médecine officielle pronostiquait encore un long cours. Conclut qui voudra, moi j’affirme, et je marche.

Etienne JOIN,

Employé au Journal du Magnétisme.

VARIÉTÉS.

Depuis quelque temps, la Lombardie et la Toscane, grâce au zèle de quelques hommes généreux, sont entrées, à l’égard du magnétisme, dans une voie de progrès qui fait bien augurer pour l’avenir de cette science dans ces parties de l’Italie. 11 y a quelques mois à peine, le docteur Vandoni obtenait l’introduction du mesmérisme à l’hôpital de Milan. C’était assurément le meilleur démenti donné à ceux des médecins (de plus en plus rares dans ce pays, disons-le) qui s’obstinent it vouloir traiter, bon gré mal gré, cette science de chimère ou de charlatanisme.

Aujourd’hui, ce succès est suivi d’un autre d’une valeur considérable aussi et dont nous laissons à nos lecteurs à apprécier toute l’importance.

Le sieur Molossi, phrénologue distingué de Milan, a lu, à

la Société d’encouragement, un mémoire, dans lequel il déclare affecter un prix de 1,000 fr. à celui qui, dans l’espace de deux années, produira la liste authentique du plus grand nombre de névroses guéries exclusivement par le magnétisme direct.

Des faits semblables parlent trop éloquemment d’eux-mêmes en faveur de notre cause pour qu’il soit nécessaire d’y ajouter des commentaires sur la puissante influence qu’ils doivent avoir à l’égard du magnétisme comme agent thérapeutique.

Le charlatanisme des somnambules, cette plaie du magnétisme , fait encore des siennes en Piémont. 11 y a peu de temps , tous les magnétiseurs de Turin furent mandés près du commissaire de police de leur quartier respectif, et défense leur fut faite de donner désormais des consultations somnambuliques. Cette mesure générale avait été prise en raison de la déplorable réclame suivante, qui avait été placardée et répandue dans la ville à dix mille exemplaires :

LA SIBYLLE MODERNE,

MADAME MONGRUEL , SOMNAMBULE.

Consultations de 11 ù 5 heures.

ON PEUT CONSULTER

Sur maladie, nouvelle ou réputée incurable ; sur le résultat d’une affaire, d’un projet ou d’une invention quelconque ; sur la moralité, la position (sic!.') ou l’état de santé de toute personne avec laquelle on est eu relations; en un mot :

SUR LE PASSÉ , LE PRÉSENT ET l’AVENIR.

Un docteur est attaché au cabinet.

Toute réflexion de notre part serait superflue, ajoute tv

Mismeristu, auquel nous empruntons cette nouvelle; la lecture de ce document, où l’immoralité ne le cède qu’au ridicule, suffira pour faire comprendre à tout honnête homme combien il est déplorable de voir la science de Mesmer et de Puységur exploitée aussi effrontément par d’avides spéculateurs. Quant à nous, nous ne pouvons qu’applaudir de toutes nos forces à une mesure qui aura pour résultat, nous l’espérons, de mettre un frein à l’invasion toujours croissante du charlatanisme et de restreindre à des mams probes et consciencieuses l’usage sérieux de cette science, dont tous les exploiteurs éhontés ne tendent qu’à dénaturer le but éminemment bienfaisant et respectable.

• E. DE M.

Poschiavo, S juin 1856.

i Mon cher maître,

«.....En Italie, j’ai eu de fréquentes occasions de magnétiser, et, bien que dans ce pays peu de gens connaissent et étudient le magnétisme comme on le devrait, tout le monde s’en mêle : particulièrement dans les Etats du pape, où il est le plus rigoureusement défendu. A Bologne, où j’avais magnétisé plusieurs fois, la police m’a envoyé mon passeport avec l’ordre de partir dans les vingt-quatre heures. Ignorant la prohibition qui existait et voyant tout le monde magnétiser autour de moi, je fus assez surpris de cette injonction ; je fis valoir ces motifs près du directeur général de la police, qui m’autorisa cependant à rester, mais à condition de ne plus pratiquer.

« I)e retour dans mon pays, ce fut autre chose. Le conseil de santé m’intenta un procès à cause des cures que je faisais. Heureusement nos tribunaux, plus éclairés que nos médecins, me donnèrent gain de cause et me laissèrent toute liberté de faire le bien à ma manière. Je vous laisse à

penser le désappointement de MM. du conseil de santé qui croyaient déjà me tenir. Aussi, à présent que je sms maître du champ de bataille, beaucoup de gens viennent ici pour se faire traiter, et je suis assez heureux pour obtenir de fré-

^"uannéfderaière, j’ai obtenu de nombreuses guérisons et n’ai p^s magnétisé moins de 176 malades, la plupart atteints d’affections déclarées incurables par les médecins. Le nombre de mes magnétisations, dont je tiens soigneusement note, n’a pas été moindre de 4,934 dans le courant de cette

seule année.

« Recevez, mon cher maître, etc.

« F. B. RAGAZZI. »

errata.

Onelaue persuadés que nous soyons que nos lecteurs ne s’y tromperont ooint nous nous hâtons de relever deux erreurs typographiques ; „sont éussées dans notre dernier numéro et qui altôront complé-ZZiïJSSL Phrase de la lettre du savant professeur Grégory

^ÎÏÏSüug- * *9- ** mWwn‘ ,iu’il faul lire’et non

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

P.rU. - Imprimerie de Po»««t et Mo««, 17, quai de. Augustin».

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

L’homme se meut dans un labyrinte dont l’issue lui reste cachée. 11 apprend et désapprend sans cesse, et, à la fin d’une carrière, souvent fort longue, il ne sait presque plus rien. Ce que, depuis des siècles, on lui disait être vrai, l’expérience lui apprend que c’étaient des erreurs. La nature est la seule autorité valable, la seule infaillible , et si elle répond à qui veut l’interroger, c’est à la condition de se dépouiller des préjugés que rien de solide ne justifiait. La révélation, qui a dû commencer avec le monde, se continue et ne cessera jamais. Si nous trouvons que l’erreur marche partout à côté de la vérité, c’est pour que nous ayons le mérite de les séparer l’une de l’autre : le.travail est notre lot, parce que nous sommes des esprits et que l’esprit ne se repose jamais.

Une grande erreur, pour n'en citer qu’une, due à la vieille théologie, est de croire que l’esprit humain, par le seul fait de son affranchissement du corps, doit immédiatement tout savoir. Il y a beaucoup de gens que le croient, d’autres sont tombés dans l’excès contraire, le matérialisme. La communication avec le monde invisible, soupçonnée ou reconnue de tout temp3, mais plus généralement admise aujourd’hui, et l’identité bien établie dans une multitude de cas des personnages qui communiquaient, ont déjà mis à néant l’erreur grossière des matérialistes en même temps qu’elles nous ont montré la marche progressive à laquelle nous sommes tous appelés, et qu’il dépend de nous d’accélérer ou de ralentir. Beaucoup de gens refusent de croire aux esprits, ou bien ils les gratifient de menteurs, de méchants, de démons, parce que leurs communications ne: sont pas encore exemptes d’alliage, et qu’ils ne font pas tout ce que notre exigence

irréfléchie voudrait leur voir faire. On dit : s’ils peuvent faire ceci, ils doivent faire cela... C’est encore préjuger, c’est vouloir aller trop vite et ressembler au glouton qui avale trop et s’indigère pour être ensuite dégoûté de ce qu’il aimait auparavant. Digérons avec calme, puisque le temps ne nous est pas compté.

Un aveugle (et nous sommes tous plus ou moins aveugles) questionne un passant et en reçoit une réponse. Par la forme et le ton de cette réponse, l’aveugle peut, jusqu’à un certain point, juger de la capacité et de la sincérité du passant; mais il ne lui est pas aussi facile d’apprécier la valeur absolue de la réponse : il lui faut en appeler à sa propre raison, qui est le plus souvent fort peu éclairée, ou bien attendre. Si l’information se trouve être fausse, il ne s’ensuit pas que le passant ait été de mauvaise foi : il a pu se tromper involontairement.

Un malade consultait autrefois un seul médecin et suivait aveuglément ses prescriptions. L’insuccès, trop souvent répété, a diminué .la confiance du malade, et il consulte aujourd’hui plusieurs médecins dont il reçoit quelquefois autant d’avis différents. 11 n’en conclut pas que ces hommes sont des menteurs ou des méchants ; mais il reconnaît qu’ils savent moins qu’il n’avait préjugé. C’est ainsi que sa raison grandit, et les erreurs constatées deviennent autant de pas faits vers la vérité.

Dans les relations avec le monde invisible, on doit procéder avec la même réserve; car les esprits ne sont, eux aussi, que des hommes que notre préjugé a follement doués de connaissances que tous n’ont pas encore. 11 faut comprendre que, dans l’autre monde, peuplé de ceux qui sont partis de celui-ci avant nous, il y a, comme ici, des ignorants et des savants, des bons et des mauvais, etc., avec une infinité de nuances intermédiaires, et q«’il y a, là aussi, des sphères d’attraction, bien variées sans doute, comme nous voyons ici les hommes se grouper en raison des goûts, des professions, etc. Nous ne voyons plus les autres, et les moyens qu’ils emploient pour se manifester à nous

sont plus mystérieux, parce que nous y sommes moins accoutumés : voilà probablement toute la différence.

Lorsque vous faites des expériences un passe-temps de salon, il est présumable que vous êtes visités par des esprits analogues au vôtre, et aux circonstances, et qui veulent s’amuser comme vous. Si leurs discours ressemblent alors à des mystifications, il ne faut pas vous décourager pour cela, ni retourner en arrière vers des théories d'électricité, de pensées inconscientes ou à'êtres de raison éphémère : ces explications, qui tendraient à nous ramener au matérialisme, ont vécu un jour, et elles ont fait leur temps, parce qu’on les a reconnues insuffisantes. Votre désappointement peut être une transition nécessaire.

Un médium dont la mère est dans l’autre monde, demande à celle-ci des conseils. Si cette mère ne savait rien ici-bas, il lui faut tout apprendre là-haut ; mais son affection maternelle peut n’avoir point diminué, et, voyant le désir d’apprendre de son enfant, elle lui répond, comme elle l’aurait fait ici, parce qu’elle croit être vraie. Si elle est assez sage pour reconnaître son incapacité, elle s’informe de ceux qui l’entourent; mais, comme dans son groupe ils en savent tous aussi peu les uns que les autres , elle ne transmet que ce qui lui semble le plus vraisemblable. Si cependant la réponse n’a pas le sens commun, on aurait tort de repousser cet esprit comme un menteur, un méchant ; il est plus charitable de ne le considérer que comme un ignorant. D’ailleurs, la faute est plutôt du consultant que de l’invisible. Un autre esprit que l’on questionnera sur le même sujet n’en saura peut-être pas davantage, et pourtant il répondra différemment : juste ce que nous voyons ici-bas. Se plaindre alors de la contradiction et déclarer que tous les esprits sont des imposteurs, ou qu’il n’y a pas d’esprits, est un acte déraisonnable.

Il ne faut jamais perdre de vue ce qui se passe dans notre état rudimentaire, et il faut comprendre que, tant que le monde terrestre sera peuplé d’égoïstes, de voleurs, de débauchés, il y aura nécessairement aussi, dans l’autre monde,

des Êtres vicieux groupés comme sur terre, et qui sympathiseront et communiqueront de préférence avec les mortels qui leur ressemblent, ou qui n’ont pas encore assez appris pour les distingner au premier abord,

Les communications spirituelles sont généralement ce que les font les éléments employés. Pour celui qui veut s’en divertir, elles sont un amusement toujours instructif cependant à quelque point de vue. Celui qui cherche la preuve de l’existence d’amis qu’il ne voit plus, la trouve. Le fils qui communique avep l’esprit de sa mère, reçoit des témoignages d’affection plutôt que de véritables regrets. L’homme qui cherche à satisfaire un intérêt mesquin ne peut guère manquer d’être trompé ; mais celui qui, faisant abnégation de lui-même, travaille sincèrement pour le bonheur de ses semblables, pourra communiquer avec ces esprits élevés qui n’ont plus une affection restreinte à des individualités, mais qui désirent le progrès de l’humanité tout entière.

Nous employons de préférence comme instruments des organisations impressionables, mais, autant que possible, à un esprit docile; mais une grande variété de faits nous montre que l’indocilité de l’esprit, et même la résistance apparente de la matière, ne sont pas toujours des obstacles. Cherchons donc encore, cherchons toujours, puisque, « par un travail opiniâtre, on vient à bout de tout. » L’étude de la matière nous a éloignés de la nature invisible, et les académiciens seraient bien surpris de ce que des sauvages pourraient leur montrer. Le magnétisme, cette première phase de la grande science, s’est bien fait accepter; il en sera de même de l’autre. Guérir le corps est beaucoup assurément ; mais la plaie morale s’étend presque à tout le monde.

En attendant, continuons à enregistrer les faits :

Le docteur H.-F. Gardner, de Boston, a reçu de M. N. M. Laning , de Baltimore, la lettre suivante, datée du 22 avril dernier, que je traduis du New England spirituulist :

« Mon cher ami,.....vous vous rappellerez peut-être qu’après vous avoir entendu raconter ce qui avait eu lieu dans la nuit que vous aviez passée avec lui (M. lledman, de Bos-

ton), à Washington, j’exprimai le désir de voir quelques-unes des manifestations, et j’obtins avec peine de ce médium de passer une nuit avec lui avant qu’il s’en retournât. Je ne m'arrêtai point à son apparente indifférence, et dimanche au soir, 20 avril, je m’installai chez lui pour la nuit.

« 11 y a quelques années, alors que je n’étais pas encore un adepte de la nouvelle philosophie, j’avais invité un M. Savage , médium pour les manifestations physiques, et Goo-dall acteur qui promettait beaucoup et que je connaissais depuis mon enfance, à passer une nuit avec moi, pour être témoins des phénomènes étrangers que l’on disait se produire, la nuit, en présence de M. Savage. Rien de remarquable cependant ne s’offrit en cette occasion , si ce n’est quelques bruits qui se firent entendre sur les murs, le plancher et ailleurs, au moment où nous nous couchions. Je me levai le matin, et, en m’habillant, l’idée me vint de jouer un tour à Goodall, qui alors dormait profondément, ainsi que Savage. Pour cela, je me glissai sous son lit, et me mis à frapper sur le plancher, les pieds et les côtés du lit. Ces bruits réveillèrent bientôt Goodall, qui s’assit dans lé lit, et se mit à interroger ce qu’il croyait être un esprit ; et, après avoir demandé que les coups fussent frappés en divers endroits, ce que je fis avec beaucoup de difficultés, mais apparemment à son entière satisfaction , il en témoigna sa reconnaissance à l’invisible en disant, très-gravement, je vous remercie, à quoi je répondis avec le même sérieux et en lui montrant la tête : vous fies bienvenu. Ce fut assez : il sauta hors du lit, fort mécontent ; mais j’avais pris les devants, et je lui échappai cette fois. Voici le reste :

* Avant-hier au soir, en entrant dans la chambre de M. Pied-man, j’eus bien soin de fermer la porte, de l’essayer ensuite et de m’assurer que tout était bien. Nous étions seuls. Nous avions à peine éteint la lumière et gagné le lit, que des bruits sourds se firent entendre sur le mur opposé ; ils devinrent de plus en plus forts et semblèrent s’approcher davantage. Je levai la tête pour tâcher de mieux découvrir

d’où ils partaient, et alors un livre fut jeté sur le lit. Je m’en emparai : il faisait clair de lune , et je pouvais ;'i peu près lire le titre du livre. Cinq coups rapides furent alors frappés : c’était la demande de l’alphabet, et il fut épelé: nous allons en avoir de belles. Un autre livre vola dans la chambre et vint frapper la persienne, tandis qu’au môme instant notre ami Redman me dit de le retenir, parce qu’on le tirait hors du lit. Je le saisis et fis de vains efforts : une puissance supérieure me domina ; Redman fut entraîné hors du lit, puis sous le lit. Nous nous étions à peine recouchés, qu’un autre livre fut violemment jeté contre la persienne, et vint tomber sur le lit, ce qui nous fit tirer la couverture sur nos têtes. Aussitôt nous nous sentîmes assez rudement frappés avec une petite canne qui était dans un coin de la chambre lorsque nous nous étions couchés. Redman, en essayant de mieux garantir sa tête avec la couverture, découvrit ses pieds et reçut un coup sur un cor, ce qui lui fit pousser un cri de douleur.

«Pensant que ce jeu finirait si je m’asseyais dans le lit, je me décidai à mieux observer et à découvrir, si c’était possible , comment ces faits se produisaient. Je m’assis donc et vis distinctement la canne levée sur moi, puis me frapper plusieurs fois. Redman était toujours sous la couverture. Et quoique j’aperçusse clairement la canne tout entière, je ne distinguais rien qui la fît mouvoir. Les coups devenant de plus en plus forts, je crus prudent de faire intervenir la couverture, et je me recouchai. Alors je sentis comme si quelqu’un piétinait sur moi. La lampe fut jetée aussi sur le lit. L’alphabet ayant été redemandé, il fut épelé : vous êtes bienvenu. Je demandai si c’était mon vieil ami Goodall, et la réponse fut affirmative, en même temps que des bruits, en signe de divertissement, se faisaient entendre en divers endroits de la chambre.

«Redman paraissait effrayé, et il craignait quelque mauvais tour lorsque le pot à l’eau et d’autres vases vinrent à se déplacer, et qu’il sembla se manifester une détermination de nous faire sortir. Ce fut en vain que nous priâmes qu’on

nous laissât dormir : ils se montrèrent intraitables. Une fois encore nous nous couvrîmes, et alors nous fûmes tous les deux tirés hors du lit comme collés l’un à l’autre, et lorsque nous fûmes sur le plancher, la canne fut encore employée assez activement sur nos épaules ‘et sur le dos. Je parvins ii m’en saisir et à désarmer ainsi l’invisible assaillant, qui ne la reprit pas. Encore nous arrangeâmes le lit et y remontâmes, et, l’alphabet ayant été redemandé, il fut de nouveau épelé : vous êtes bienvenu (1). Nous entendîmes alors les bruits les plus étranges, et, craignant pour le mobilier, nous jugeâmes qu’il était prudent d’aller loger ailleurs. Ne trouvant pas d’allumettes, nous dûmes nous habiller sans lumière, et, en ce faisant, mon mouchoir alla se rouler autour du cou de Redman, tandis que des livres et des journaux lui étaient jetés, ainsi que dans diverses parties de la chambre. Nous sortîmes, et, en descendant l’escalier , Redman fut frappé sur le dos avec quelque chose comme une natte. La table, dans le vestibule, se leva lorsque nous passâmes ét un livre vint frapper Redman à la tête au moment où celui-ci ouvrit la porte extérieure. Nous nous trouvâmes enfin au grand air, et nous nous félicitâmes d’en avoir fini. Nous nous rendions chez moi lorsque, en passant sous une enseigne placée au-dessus de la porte voisine, nous y entendîmes des coups , et lorsque nous entrâmes chez moi, quelque chose nous fut encore jeté. Les bruits furent continués lorsque nous nous couchâmes, mais il nous fut permis de dormir sans être molestés davantage.

«C’est ainsi que finit l’histoire de ces frappantes manifestations , et je comprends pourquoi Redman tenait si peu à ce que je passasse une nuit avec lui. Quant à moi, je n’eus aucune crainte, et je m’amusai beaucoup de l’affaire que j’aurais bravée jusqu’au bout; mais les invisibles avaient fait des -menaces qui firent craindre à Redman la reproduction de ce qu’ils avaient déjà fait une fois auparavant, et il ne voulut pas rester plus longtemps.

« J’ai oublié de dire qu’il était une heure et un quart lors-(1) Ou, peut-être, bienvenu* .•« welcome.» J. B.

que nous arrivâmes chez moi, et que, le matin , l’entrée, l’escalier, aussi Lien que la chambre , étaient parsemés de livres et d’autres objets que les domestiques eurent à ramasser. »

L éditeur du 7 iffanÿs Monthly, de Nevv-York, publie l'article suivant dans son numéro d’avril, et l’éditeur du New England spiritualist le reproduit avec une note, ayant été, lui aussi, présent à la séance qui en fait le sujet.

« Phénoménal. — Dans la soirée du 16 février, j’assistais à une réunion chez M. Farrar, à Boston, en compagnie de douze à quinze personnes. Un jeune homme, nommé Squire, était le médium. Une partie des manifestations ont lieu à la lumière, 1 autre dans l’obscurité. Ce qui va suivre se passa d abord à la lumière : Un crayou fut posé sur un papier que le médium tint d’une main sous la table, l’autre main restant sur la table, à la vue de tout le monde. Quelques personnes étaient assises à la table; d’autres étaient placées de manière à voir sous la table. En très-peu d’instants, les mots suivants furent écrits sur le papier, sans l’aide d aucune main physique : Ayez la montre. Une montre fut alors fournie, et chacun l’examina. Puis le médium la prit, en tourna la chaîne autour de son pouce, la serrant ensuite des autres doigts de manière que la montre pendait à deux pouces au plus au-dessous de la main, et M. Farrar enveloppa cette main avec un mouchoir, afin d’empêcher l’exercice des doigts. Cette main et la montre furent alors passées sous la table, l’autre main du médium restant sur la table. Dans cet état, la montre fut ouverte, le double boîtier retiré, puis les deux boîtes refermées. Cela fut répété deux fois. Un autre monsieur donna sa montre, qui fut ouverte de la même manière. Les boîtiers en furent également ouverts et refermés à certains intervalles que l’on déterminait en comptant un, deux, trois : dès qu’on prononçait le mot trois, le die se faisait entendre. L’aiguille des heures fut déplacée, comme cela fut demandé. Ces faits se produisirent à la lumière et dans des circonstances où la tricherie n’aurait pu manquer d’être découverte.

« Les phénomènes que voici miantenant eurent lieu dans l’obscurité : Une table ronde, forte et pesant plus de cinquante livres, fut soigneusement examinée par la compagnie. Le médium se plaça à côté et posa le bout de ses doigts sur le bord de la table devant lui, puis la lumière fut éteinte. A l’instant même, la table sauta par-dessus la tête du médium, en se renversant, et alla tomber sur un lit qui était tout près. Cela fut répété plusieurs fois. Ensuite, celui qui le voulut se plaça contre le médium , et pesa ses doigts sur le bord de la table, qui alors se levait, se renversait et restait sur leurs mains. Plusieurs personnes firent cette expérience, et elle fut parfaitement satisfaisante pour toutes. Ensuite, le médium se plaça sur le lit, étendant un bras de manière que ses doigts pussent toucher la table, et, à l’instant, celle-ci s’élevait jusqu’au plafond, une hauteur de dix pieds, d’où elle descendait ensuite carrément sur ses pieds : elle montait avec une grande force. Plusieurs d’entre nous virent une lumière accompagnant la table dans son ascension, et particulièrement lorsqu’elle frappait le plafond. Et cela encore fut répété plusieurs fois à la satisfaction de tous. Ensuite on plaça la table au côté de la chambre opposé au lit, une distance de dix à douze pieds : le médium s’assit d’un côté de la table, et moi au côté opposé. Nous étendîmes les bras pour toucher la table de nos doigts, et alors elle partit avec une grande force au travers de la chambre, et alla tomber sur le ht (1).

« Enfin, la compagnie forma un cercle, tous se tenant par la main, y compris le médium. Je tenais la main droite de celui-ci dans ma main gauche, etD. K. Minor tenait la main gauche du médium dans sa main droite. Le médium s’éleva alors aussi haut que nous pouvions atteindre en nous dressant sur nos orteils; il flotta circulairement autour des têtes et, lorsqu’on le demandait, il posait les pieds sur la tête et

(1) On peut ajouter que le médium ne touchait quelquefois la table qu'avec les doigts de la main gauche, et qu’il était permis à n’importe qui

de lui tenir l’autre main, afin de s’assurer qu’aucun effort musculaire n’était fait de sa part. Mais les muscles d’un géant n'auraient pu accomplir ce qui fut fait en cette occasion. (Kdit. N. E. Spimtcaust.)

les épaules de ceux qui le désiraient. Cela fut répété plu -gieurs fois, chaque personne étant admise à tenir les mains du médium, afin de se convaincre qu’il n’y avait pas de compérage. Quand le médium s’éleva du plancher, au lieu de s’appuyer sur ma main, celle-ci était tirée avec lui, et j’étais fortement tiré moi-môme lorsqu’il passait au-dessus du cercle.

« Tels sont les simples faits : chacun peut se les expliquer comme il lui conviendra. »

Autres preuves. — Sous ce titre, le Spiritual Telegraph vient de publier la lettre que voici, datée de Nevv-York le 23 avril dernier, et que je regrette de ne trouver signée que de l’initiale T. Mais les choses s’étant passées dans la ville même où s’imprime le journal, il est probable que les éditeurs ne les ont accueillies qu’à bon escient. Ce n’est d’ailleurs qu’un rameau de l’arbre gigantesque en voie de croissance.

a Permettez- moi d’user de votre feuille pour faire connaître les faits suivants que je constatai avant de croire aux. communations spirituelles. Je ne demande pas au lecteur d’en tirer les mêmes conclusions que moi, mais qu’il ne doute pas des faits eux-mêmes.

« Dans l’été de 1855, je poursuivis mon investigation avec l’aide, comme médium, d’une jeune fille, nommée Hutchings» de onze à douze ans, au n. 337, Broadway. Une séance eut lieu ainsi : nous étions dans une petite chambre de dix pieds sur douze. Nos deux chaises, une petite pochette, un tambour, une clochette, deux morceaux de corde et deux mouchoirs, composaient tous les objets mouvables dans cette chambre. Avec l’une des cordes j’attachai solidement les mains du médium derrière son dos, et, avec l’autre, je retins ses pieds au barreau de sa chaise. Je bandai ses yeux avec l’un des mouchoirs, et j’appliquai l’autre sur sa bouche, de manière qu’elle ne put ni voir ni parler. Je pris, en outre, la précaution de placer, debout, entre ses dents, un petit morceau de bois d’érable, de la grandeur d’un quart de

piastre et d’un quart de pouce d’épaisseur, afin de mieux empêcher qu’elle n’articulât aucune parole.

« La chambre étaitassez éclairée pour queje visse la moindre mouvement d’elle et de moi. Je posai mes mains sur la ^able, et aussitôt de forts coups se firent entendre, non pas seulement sur la table, mais encore sur les montants et le dossier de ma chaise. Je me levai et montai sur celle-ci, où je me tins debout, ayant à ma main droite le tambour qui arrivait ainsi presque à toucher le plafond. Un petit air, — une sorte de marche, — y fut exécuté pendant environ trois minutes. Et, tandis que je tenais ainsi le tambour élevé, les doigts de ma main gauche étaient posés sur la tête du médium, de sorte qu’il était impossible que.la jeune fille produisît elle-même ces bruits. Je m’assis, et la clochette fut enlevée de la table; elle sonna pendant environ trente secondes au-dessus de nous, puis elle fut posée sur ma tête sans l’aide de mes mains qui étaient jointes sur la table, ni celles du médium qui étaient attachées derrière elle.

« A une autre séance, j’avais une soucoupe dans laquelle se trouvait de l’eau et plusieurs morceaux de phosphore. Je vis au moins quatre mains de différentes grandeurs prendre de ce phosphore et le mouvoir, quelquefois dans une direction circulaire et d’autres fois en zig-zag autour de la chambre et presque jusqu’au plafond. Je vis aussi les mains d’un enfant de l’âge de quatre ou cinq ans, ainsi qu’une femme complètement développée, prendre au même instant du phosphore dans la soucoupe et l’emporter aux extrémités de la chambre. J’entendis alors une voix qui semblait provenir d’un être qui aurait été directement au-dessus de nos têtes, et dire : O vous, de peu de foi! A ces mots , je portai mes mains à la bouche du médium : elle était telle que je l’avais arrangée, de même que ses mains et ses pieds ; le médium parut sortir d’une sorte de sommeil dès que je l’eus touché. Tels sont quelques-uns des nombreux incidents que je pourrais rapporter.

« Je sais donc ceci : que ni le médium, ni moi, ni aucun autre mortel, ne fit ce que je viens de dire ; qu'il y eût là

une intelligence en dehors de nous, cela n’est pas douteux. Le modus operaiidi par lequel mes amis de l’autre monde rendirent ainsi leur présence visible et tangible (comme le Christ, après sa mort, se manifesta à ses apôtres en diverses occasions), n’est pas ce que je cherche à expliquer. Mon but est simplement de raconter les faits, des choses qui pointent comme des aiguilles, avec une parfaite certitude, vers les étoiles polaires des vérités spirituelles qui illuminent le ciel de notre vie future.

n Les précautions que j’ai prises dans mes investigations m’ont satisfait qu’il ne pouvait y avoir de compérage, et l’honnôtcté, aussi bien que le bon sens, me forcent d’attribuer ces manifestations à leur source légitime : nos amis de l’autre monde.

« Jouti BARTHET. »

Nouvello-Orléans, 14 mai 185G.

Un de nos honorables collègues, homme de mérite et de sens, vient de partir pour les Etats-Unis pour examiner spécialement les phénomènes du spiritualisme.

Cette sorte de mission qu’il s’est donnée sera, nous en sommes certain , dignement remplie , et les rapports qui nous parviendront, insérés dans le journal, auront pour nos lecteurs un caractère de certitude que les extraits que nous avons publiés n’auraient su leur donner.

Baron DU POTET.

CLINIQUE.

Céphalalgie nerveuse périoclü/ue intéressant la région fronto-temporale.

Térésa Tardy, âgée de vingt ans, belle et forte jeune fdle, d’une robuste santé, rouge de cheveux et d’un tempérament nerveux-sanguin, était arrivée jusqu’à cet âge sans avoir jamais eu d’autre maladie sérieuse qu’une pleurésie : les autres indispositions qu’elle avait pu éprouver n’étaient qu’éphémères et sans aucune importance.

Depuis un mois environ, cette fille souffrait excessivement d’un violent mal de tète, pour lequel elle vint me consulter plusieurs fois. La douleur était variable et ne se présentait jamais ni à la môme heure, ni sous la même forme, ni au même degré. Tantôt c’était le matin, tantôt l’après-midi, tantôt dans le silence de la nuit : parfois elle était cuisante, d’autres fois lancinante, ou produisait, pour me servir des paroles de la malade, une sensation pareille à celle d’un foret ou d’un trépan. Enfin , quand elle était arrivée à son apogée, des symptômes concomitants de l’estomac venaient s’y ajouter et se manifestaient sous la forme de nausées ou de vomissements.

Le 16 du mois d’avril dernier, elle se présenta encore chez moi, tout en larmes, me conjurant de la débarrasser de cette souffrance qui était devenue intolérable. « Soit, lui dis-je d’un ton de commandement, asseyez-vous là, fixez attentivement mes yeux, sans prononcer une parole, et concentrez toutes vos pensées comme si vous vouliez dormir, » Après sept ou huit minutes de magnétisation sans passes, uniquement par le regard, je vis les vives couleurs de ses joues céder la place à une pâleur générale, et cependant

dans ce moment même, comme elle me le dit plus tard, elle éprouvait à 2a face une chaleur telle qu’il lui semblait être environnée d’un cercle de feu. Les paupières se fermèrent peu à peu et elle entra en sommeil magnétique.

Je plaçai alors la main droite pendant trois minutes sur le sommet de la tête, et faisant ensuite des passes longitudinales de ce point aux extrémités des épaules, des bras et du thorax, exerçant ainsi avec la pointe des doigts une action dérivative, puis, souillant à froid sur la partie douloureuse , je terminai l’opération en lui commandant fortement de s’éveiller.

Dans cette première séance, le soulagement obtenu fut notable. La sensation de douleur aiguë et lancinante était tout à fait disparue ; il ne restait plus sur la substance cérébrale qu’un sentiment de pesanteur, comme celui d’une masse de plomb. Le 17, la douleur reparut ; je la magnétisai comme la veille, et l’amélioration fut plus marquée encore. Dans les journées des 18,19, 20, 22 , 23 et 26 , elle augmenta progressivement, accompagnée de phénomènes plus ou moins bizarres; et enfin le 27, après une séance d’une heure, cette malade prenait congé de moi, parfaitement guérie et jouissant de toute sa santé habituelle. Depuis cette époque, elle n’a plus éprouvé aucune douleur de tête, comme elle vient elle-même de me l’assurer sur la demande que je lui avais fait faire de venir me confirmer sa cure radicale et de l’attester par sa signature.

G. CARAMAGNA,

Dr en médecine et en chirurgie.

San-Damiano d’Asti, 11 mai 1856.

Céphalalgie nerveuse. — Suite de couches.

Le 21 mars dernier, je fus appelé près d’une certaine femme Vallino de Vaglio, récemment accouchée, et qui, depuis plus de dix jours, souffrait d’un violent mal de tête. Aux symptômes qu’elle me décrivit, je reconnus que l’affection était de nature exclusivement nerveuse.

Pendant qu’elle me faisait ce récit et sans qu’elle s’en aperçût, je dirigeai, à distance, un courant de fluide magnétique depuis le cerveau jusqu’à l’épigastre, avec'«, ferme volonté de décharger les régions cérébrales. Au bout de dix minutes, les paroles de la malade devinrent pénibles et interrompues par des bâillements. Je me levai alors et fis, toujours sans qu’elle le vît, deux passes latérales des tempes à l'épigastre ; puis je la laissai, lui disant que si son mal de tête persistait, elle se fît faire le lendemain une petite saignée.

Le 22 , j’allai la voir, et, à peine entré, elle me dit que son mal de tête était parti avec moi le jour précédent, et que depuis il n’était pas revenu; que, par conséquent, elle ne s’était point fait saigner.

Je crois nécessaire à présent de donner ici quelque explication sur la prescription que j’avais faite. J’avais ordonné la saignée, non qu’elle me semblât utile, mais pour ne point laisser la malade sans lui rien prescrire, et certain, d’ailleurs, qu’il ne serait pas nécessaire d’y recourir, attendu que ce n’était point le premier cas de ce genre qui se présentât à moi, et sur lequel j’avais obtenu ce résultat. Enfin, je m’abstins de lui prescrire aucun sédatif, parce qu’alors je n’aurais plus été à même de constater à quelle médication appartenait réellement la guérison.

SIR1ATI.

Dr en médecine et en chirurgie.

Milan , avril 1856.

Le docteur Dittmar, de Sainte-Marie-aux-Mines, département du Haut-Rhin, communique au journal te Glaneur le fait suivant :

Une jeune fille de ce pays fit, il y a quelque temps, une chute qui lui occasionna plusieurs blessures à la tête. Un insecte de la famille des myriapodes, qui ont l’habitude de fuir l'air et la lumière et de se cacher sous les pierres, de s introduire dans les fissures les plus étroites où ils se nourrissent de substances végétales et animales, trouva toutes ces

conditions favorables dans l’une des plaies de la tète de cette enfant, où ¡1 se glissa et où les commencements de la cicatrisation le laissèrent enfermé.

pcpuis cette époque, celle-ci fut sujette à des douleurs de té te £t à des érysipèles qui faisaient entrevoir la probabilité qu’un corps étranger avait pénétré dans la blessure. Dans ces conditions la plus légère émotion suffisait pour faire tomber la patiente dans de violentes convulsions contre lesquelles échouèrent tous les efforts de la médecine.

C’est vers cette époque qu’elle entra à mon service, et, voyant que je ne pouvais par aucun remède ni prévenir, ni arrêter les crises, je me déterminai à la magnétiser dans le moment même des convulsions. La magnétisation arrêta court immédiatement l’accès, et pendant plus de trois semaines elle n’en éprouva plus aucun ; mais ils furent remplacés par des léthargies périodiques qui, parfois, ne duraient pas moins de trente à quarante heures.

Une frayeur soudaine, puis plus tard l’extraction d’une dent firent, chaque fois, reparaître les convulsions que je combattis de nouveau par la magnétisation. A la cinquième, la malade devint lucide. A partir de cette époque, je ne la magnétisai plus qu’en présence de témoins dignes de foi, et c’est devant eux qu’elle annonça qu’elle avait dans la tête un insecte qui, sous l’action magnétique, avait déjà perdu de ses forces, mais que cependant il serajt nécessaire d’extraire en faisant une incision à un point qu’elle indiquait.

Pendant quatre séances successives, elle nous répéta la même déclaration et fixa elle-même le jour et l’heure où l’opération devait avoir lieu.

Nous nou3 décidâmes enfin, sur ses instances pressantes, à lui obéir, et l’opération fut pratiquée par mes confrères, MM. Gros, Neser et moi-même. Nous trouvâmes et retirâmes en effet de la plaie l’insecte dont avait parlé la malade, ensuite de quoi la cicatrice se forma et fut complète en quatre jours.

A dater de ce jour, tous les accidents disparurent et sa santé est redevenue aussi parfaite qu’elle l’était auparavant.

Wildebad, le 10 juillet ltsaj,

n Monsieur,

« Permettcz-moi de prendre la liberté de vous écrire et dt vous dire que je suis heureux d’être allé vous voir à. Paris et d’avoir eu foi, d’après vos paroles, dans le magnétisme.

« J’ai trouvé une occasion ici de me faire traiter par ce moyen , et M. Brunet de Ballons, le célèbre magnétiseur, dont j’avais appris à connaître la modestie et le talent, m’a complètement guéri, dans l’espace de huit à dix jours, de mon hernie que j’avais depuis quinze à dix-huit ans.

« Agréez-en, par contre-coup, vous-même, mes remerct-ments, et recevez, Monsieur, l’assurance de mon dévouement respectueux.

« Constant PETIT. »

La Société mesmérienne d’Edimbourg pour le traitement des maladies par le procédé du magnétisme, Société dont est président notre très-savant et très-honorable confrère le docteur Grégory, a bien voulu nous communiquer le rapport de la seconde Assemblée générale tenue cette année, et nous y trouvons la preuve de progrès extrêmement remarquables, tant par la grande extension qu’elle prend chaque jour, que par le nombre et la variété des maladies qui ont été guéries.

Le bureau de cette Société particulièrement distinguée est composé, pour l’année 1856, de la manière suivante.

Président.

Le docteur William Gregory, professeur à l’Université d’Edimbourg.

Vice-Présidents.

Le général Thomas Makdougall, baronnet, grand-croix de l’ordre du Bain, membre correspondant de l’institut de France, etc.

Sir Georges Scott Douglas, baronnet,

Sir Wallw Trevelyan, baronnet.

Sir Thomas Hepburn de Smeaton, baronnet.

Le docteur James Esdaile, ex-chirurgien en chef de la Présidence de Calcutta.

Le docteur John Elliotson.

Le docteur William Macdonald, professeur d’histoire naturelle.

Le docteur James Scott, médecin consultant, résident.

Les directeurs et les membres du comité, les secrétaires, trésoriers, membres honoraires et correspondants au nombre de 40 sont également tous des hommes non moins distingués par leurs lumières et leur position sociale que ceux dont nous venons de citer les noms.

On peut aisément se former une idée de ce que doit être une société ainsi composée, de l’impulsion énergique qu’elle peut donner à la science, ainsi que de la marche éclairée dans laquelle elle doit la diriger.

Les résultats ne se sont point fait attendre. Des maladies réputées incurables ont été traitées avec une assiduité et une persévérance qui ont amené des guérisons pour ainsi dire miraculeuses. Nous ne pouvons, dans le cadre, trop étroit pour tant de faits, de ce journal, entrer dans les détails, quelque intéressants qu’ils soient, des traitements divers que nous avons sous les yeux ; nou3 devons forcément nous borner à donner le résumé authentique et officiellement constaté des plus importants.

Ont été guéris :

Un cas de rhumatisme articulaire général dont la malade, une blanchisseuse, souffrait depuis 35 ans. (En 3 mois.)

Un cas de consomption chez une fille de 20 ans. (En 4 mois.)

Un cas d’entorse, qui n’avait pas moins de 9 ans de date et à la suite duquel le malade était resté boiteux, avec accompagnement de vives douleurs. (En 15 jours.)

Un rhumatisme de la cuisse et de la jambe, inutilement

traité par tous les moyens de la médecine. (En 4 mois.)

Un cas d’épilepsie, remontant à sept années Je date, et causée par une frayeur. (2 mois et demi.)

Affaiblissement de la vue chez un jeune garçon de 14 mis, tel, qu’après avoir avoir lu seulement quelques lignes, il lui devenait impossible de continuer : les caractères devenaient confus et se brouillaient devant ses yeux au point qu’il ne pouvait plus les distinguer. Il a été magnétisé pendant plusieurs mois de 5 à 10 minutes par jour, et il peut maintenant lire pendant plusieurs heures de suite sans la moindre difficulté.

Crises nerveuses à la suite d’une chute sur la tête du haut d’une échelle. Le malade en eut 40 le lendemain de l’accident. La maladie avait 8 ans de date. (En 3 mois.)

' Asthme. (En 2 mois.)

Paralysie du poignet à la suite d’une fracture. (En 3 mois. )

Tremblement nerveux dans les bras, (4 mois.)

Nous n’irons pas plus loin ; nous pourrions citer plus de cent guérisons, toutes dignes d’intérêt ; nous en avons extrait seulement ces quelques-unes que nous venons de citer, afin de donner une preuve de plus de ce que peuvent, dans tous les traitements magnétiques, même ceux qui semblent présenter le moins de chances, de ce que peuvent, disons-nous, le dévouement et la volonté d’un côté, et de l’autre la confiance et la persévérance. E. de M.

VARIÉTÉS.

La Luce magnetica, de Turin, du 12 juillet, contient les deux articles suivants :

LES MORMONS.

Au seigneur docteur Bcrrutti et confrères.

Quoique ce ne soit pas un article de foi que le mot docteur soit synonyme de docte, cependant, avant de lire vos filandreuses diatribes, nous croyions qu’un diplôme de docteur avait réellement un peu plus de valeur.

Que nous apprennent, en effet, vos longues et lourdes paroles ? Que vous et vos pareils ne croyez pas et ne voulez pas croire au magnétisme. Eh ! que nous importe votre incroyance? — La science et la vérité font leur chemin sans se préoccuper de vos boufdonnements. Le soleil, par hasard, cesserait-il de nous envoyer ses bienfaisants rayons, parce qu’il plairait à un fou de fermer les yeux et de le nier ? — Vous ne parlez que d’or, d’argent, d’é-cus, de bourses grasses et autres semblables facéties de juif, qui indiquent assez clairement au public impartial la cause de votre grande colère :

La langue Trappe là où la dent est malade !

Nous vous en prions, pour la plus grande gloire du magnétisme , messieurs les médecins, allez, allez toujours, criez-nous plus d’injures encore, et montrez votre platitude dans toute sa nullité. Peut-être alors l’exemple des Mormons d’Amérique pourrait devenir contagieux, ou tout au moins en arrivera-t-on à séparer des médecins routiniers et têtus, ennemis de tout progrès, ceux (dont le nombre déjà n’est pas petit) qui veulent le progrès et croient au magnétisme.

En attendant, pour l’édification du public«t pour la vôtre aussi, permettez-nous de conclure par la simple narration de ce que viennent de faire les Mormons.

« Les Mormons de l’Amérique du Nord (dit un grawj n journal), ont chassé tous les médecins, ayant trouvé infi-« niraent plus sage de leur substituer un nouveau système de d médication, qui consiste à traiter exclusivement toutes les « maladies avec de l’huile d’olive et des simples. Ce traite-ci ment, ajoute-t-ou, a déjà, produit des milliers de miracles ! »

Sur ce, portez-vous bien, messieurs les médecins, si vous pouvez, et méditez un peu sur ces diables de Mormons.

Francisco GUIDI, Professeur par la grûce du magnétisme.

Cet article est suivi d’un autre qui en est le véritable complément , et que nous croyons devoir donner aussi à nos lecteurs , avec le vigoureux assaisonnement dont il est épicé à la mode italienne, qui ne l’épargne pas, comme on voit.

UN NOUVEAU CHAMPION Dans la question du magnétisme.

UNE NOUVELLE PROFESSION DE FOI.

Nous avons eu la patience de lire une longue tartine dans le Risorgimento d’hier, tartine écrite par un certain docteur-baron de Beaufort, qui, avec la plus parfaite désinvolture, s’en va débitant à grand bruit de trompes ses sentences magistrales. N’ayant point l’avantage de connaître ce monsieur et n’ayant pas réussi à découvrir le nom de ce nouveau génie dans le Dictionnaire des hommes illustres de la vieille Europe, nous avons dû, avec quelque raison, supposer que c’est un de ces très-savants médecins que les Mormons ont, dans un accès de mauvaise humeur, chassé de leur pays. (Ces Mormons ont, en effet, la ridicule prétention de jouir de la liberté de se guérir avec les moyens les plus simples que nous fournit la médication de la bienfaisante nature.)

D’après cette supposition, nous devions tout naturellement croir« également le docteur-baron très-ennemi de tout nouveau système. Aussi nous tombâmes de notre haut en lisant que c’était un croyant au magnétisme ! Nous sommes persuadés que la tartine en question aura mis en mouvement la bile des Boggio, Demarchi et compagnie, mais ils se seront promptement calmés après avoir vu que ce nouveau champion vient frapper sur les Écus des magnétistes,

La langue frappe là où la bourse est malade,

et invoque, lui aussi, de la bonté du gouvernement, un prompt auto-da-fé de toute la gente magnétique. Mais comment cela se peut-il, direz-vous, puisqu’il est lui-même un croyant? Doucement, bons lecteurs : voici l’explication de la charade ; voici la bizarre profession de foi de l’illustre baron-docteur :

« Je crois au magnétisme et je le propose comme moyen « utile dans les seules mains des médecins. Je crois, en « conséquence, nécessaire d’appeler ânes, charlatans et « fourbes tous indistinctement ces soi-disant professeurs de « magnétisme. Je crois également opportun de discréditer « le magnétisme dans des mains non médicales , en en exa-« gérant, selon fart, les risques et les dangers. Je crois « qu’il convient de déclarer la clairvoyance des soinnambu-« les une chimère, afin que par elle on ne découvre pas les « balourdises des médecins et l’on ne guérisse pas sans « avoir le droit d’être guéri. Je crois enfin qu’il faut don-« ner à entendre à tous nos fidèles séides que les médecins « sont infaillibles, et que, sans un diplôme de médecin , « l’homme ne peut retirer aucun fruit des meilleures étu-« des, ne peut avoir ni science, ni esprit, ni jugement, ni « sens commun. »

Avec une profession de foi ainsi conçue, un article quelconque, fût-il aussi soporifique que l’est celui du baron-docteur, devait nécessairement recevoir une place distinguée dans les colonnes du liisorgimento.

Les journaux de Turin et de Milan nom annoncent plusieurs très-remarquables cures magnétiques :

Un cas d'épilepsie et un de c/torée, ou danse ^ Saint-Guy, par le docteur Vandoni ;

Rhumatisme arthritique, par le docteur Caramagna;

Deux cas de sciatique, une suppression des lochies à la suite de couches, et une métrorrhagie excessivement grave, par le professeur Allix.

La Société philomagnétique de Turin publie une protestation solennelle, au nom de tous ses membres, contre un article d’un certain avocat, C. P. Boggio, qui, dans le journal le Risorgimento, avait annoncé se poser en champion d’une croisade dirigée par lui contre le magnétisme et les magnétiseurs.

Dans cet article, qui fait honneur au bon goût de son auteur, ce Monsieur ne trouve pas de meilleurs arguments que de débuter par traiter le magnétisme de fantasmagorie, d’hallucinations, de stupidités et d’imposture ; les magnétiseurs de charlatans, de fourbes et d’escrocs ; et les magnétisés de niais, d’aveugles et d’imbéciles.

Vraiment la Société pliilomagnétique a de la bonté de reste de répondre à de semblables grossièretés. Les noms honorables des membres qui la composent sont la meilleure réponse aux plates injures d’un adversaire qui va chercher sa logique dans le répertoire des halles.

Que Messieurs les membres de la Société philomagnéti-que de Turin nous permettent de leur citer une anecdote du siècle dernier, qui, s’ils l’avaient connue, leur aurait donné la mesure du cas que l’on faisait, à cette époque, de certains avocats dont Chamfort l’encyclopédiste donne la mesure par l’épigramme suivante :

Chamfort donnait un grand dîner. Il avait commandé à: sa cuisinière de lui acheter un beau poisson, et est tout surpris de voir celle-ci revenir du marché avec son panier vide. « Eh bien , et ce poisson ? — Monsieur, il n’y eu avait pas. —

Comment, pas de poisson au marché ! c’est impossible ! _

Monsieur, il »e restait plus qu’un beau saumon , mais un avocat ve*ait de l’acheter. — Eh bien, sotte que vous êtes il falMit acheter le saumon et l’avocat l’un portant l’au-tr;. Voilà tout. »

Le Boggio en question ne serait-il pas, par hasard, petit-cousin de ces avocats-là auxquels Chamfort faisait allusion ?

__ E. DB M.

« Monsieur le baron,

« Pensant que le fait suivant pourrait offrir quelque intérêt aux lecteurs du Journal du Magnétisme, j’ai l’honneur de vous le communiquer :

« Lundi l/j juillet, vers sept heures et demie du soir, sur le quai des Ormes, un jeune homme fut pris d’une attaque d’épilepsie. Il fut aussitôt entouré d’un grand nombre de personnes. Des sergents de ville s’approchèrent, et l’un d’eux, voyant de quoi il s’agissait, se mit sans hésiter à magnétiser le malade. Le résultat ne se fit pas attendre. Presque aussitôt la crise cessa. Malheureusement l’opérateur, croyant le malade complètement remis, s’en alla. Quelques instants après, une rechute avait lieu , mais cette fois insignifiante et qui ne dura que quelques secondes.

« La préfecture de police, qui publie une instruction pour les secours à donner aux asphyxiés, devrait bien, en l’absence de tout moyen efficace contre l’épilepsie, compléter cette instruction en engageant ceux de ses agents que leur service appelle incessamment sur la voie publique, à pratiquer sur les épileptiques de légères frictions sur les membres supérieurs et inférieurs, prolongées jusqu’aux extrémités. Je ne doute pas que cette pratique, qui d’ailleurs n’a pas les apparences ostensibles de la magnétisation, n’eût de bons résultats.

« Agréez, monsieurje baron, l’expression de la gratitude avec laquelle j’ai l’honneur d’être votre élève et abonnée.

a Cécile NEVEU, née HÜET,

* 8, quai des Ormes. »

Au moment de mettre sous presse, 110as recevons de madame Neveu le mot suivant que nous nous îaisons un devoir d’ajouter à la suite de la lettre précédente, c^me son complément nécessaire :

« Paris, le 29 juillet 56.

n monsieur le baron ,

h Dans l’intérêt de la vérité, j’ai une rectification à faire dans le fait de l’épileptique que j’ai eu l’honneur de vous communiquer ces jours derniers :

« Ce n’est pas un sergent de ville, mais bien le surveillant de la Place-Royale, qui a magnétisé sur la voie publique.

« Nous avons entrepris, mon mari et moi, le traitement de ce malheureux jeune homme.

» Cette affection est héréditaire. Un de ses parents, qui en était affecté, est mort fou.

« Le sujet offre beaucoup de sensibilité, mais le guérirons-nous? Dieu le veuille.

« Recevez, monsieur le baron, le salut de votre servante ,

« Cécile NEVED, nie HUET. »

DU FLUIDE EX DE IA VOLONIÉ.

Un somnambule magnétique peut-il, par le simple contact avec une personne, connaître si cette personne a déjà été magnétisée par son magnétiseur ordinaire à lui (le somnambule) ou même par un autre magnétiseur qu’il ne connaît pas?

Je n’hésite pas à répondre affirmativement. Le fait que je vais citer en est une preuve incontestable.

Une jeune fille de seize ans environ qui, depuis plusieurs

mois, habitait Turin, revint dernièrement ici, à Allia, où elle a ses points, atteinte d’une ophtalmie assez grave, particulièrement de l’œil droit. On lui donna le conseil de ve-air consulter une somnambule que j’ai chez moi, et à, peine celle-ci lui eut-elle pris la main et tâté le pouls qu’elle s’écria : « Cette enfant a déjà été magnétisée. — C’est vrai, répondit l’autre, une fois seulement. — A quoi connaissez-vous cela? lui dis-je à mon tour. — Je m’en aperçois, me dit la somnambule, parce que je sens ma main répoussée par un fluide qui n’est pas te sien propre. Je le vois, en outre, dans son sang. »

Ce fait à lui seul suffirait, il me semble, pour prouver que dans le magnétisme animal il y a un agent physique qui est le fluide.

La môme somnambule, qui est douée d’une rare sensibilité et d’une lucidité très-remarquable m’a, déplus, donné hier une preuve irréfragable que ta volonté de la part du magnétiseur non seulement ne produit rien sur la personne magnétisée, mais que celle-ci, si elle est très-sensible et depuis longtemps habituée à la magnétisation d'un seul, ne pourra pas, même en le voulant, repousser le fluide de son magnétiseur, celui-ci fût-il présent ou éloigné, et n’eût-il aucune volonté de la magnétiser.

Voici le fait à l’appui :

Hier, 6 avril, la jeune somnambule dont je parle vint chez moi, selon son habitude, pour être magnétisée (je l’ai guérie, il y a un mois environ, d’une grave aménorrhée dont je parlerai une autre fois). A peine entrée dans la chambre, je lui demandai comment elle se portait. — Bien, me répondit-elle, cependant vendredi dernier après-midi, et toute la journée du samedi, je me suis sentie tellement accablée de sommeil que, malgré toute ma volonté et tous

es efforts, je n’ai pu réussir à le vaincre entièrement.

Je l’endormis en quelques secondes et lui demandai alors quelle était la cause de ce sommeil dont elle s’était plainte.

— La cause ! dit-elle, oh ! je la vois bien maintenant, c’é-

lait votre fluide. Voici comment cela a eu ]ieu : Vendred après-midi, tandis que j’étais avec ma patronne à travailler dans la boutique, il vint une personne qui se mit a n0us par-1er de magnétisme et de vous. A peine eus-je entendu votrê nom et le mot magnétisme, que ma pensée aussitôt vola vl?s vous et je me sentis immédiatement accablée par le sommeil. J’en avais tellement honte que je faisais tous les efforts imaginables pour ne point succomber, et néanmoins je pouvais à peine parvenir à rester éveillée. Si j’avais pu dormir seulement un quart d’heure, cela aurait suffi pour me débarrasser de cet accès de sommeil et eût été bien meilleur pour ma santé.

A ces faits que répondront les votontines?

G. B.

Alba, 7 avril 1856.

(Extrait du Memerista,)

CHRONIQUE.

Nos lecteurs ont appris par le Moniteur, et après lui, les autres grands journaux, que, pendant son séjour à Plombières, S. M. l’Empereur avait assisté à une séance expéri-rimentale de magnétisme et y était restée jusqu’à la fin.

C’est presque un événement pour le magnétisme ; car un monarque ne se dérange pas pour examiner des jongleries ; et, sans que le fait dont nous parlons donne une sanction complète au magnétisme, il montre pourtant combien ses progrès sont réels et sa marche rapide.

Mais nous avons bien d’autres exemples, et si nous étions indiscret nous dirions : Dans tel royaume où on défend encore le magnétisme, le souverain et sa famille l’étudient en secret. Tel autre roi également a rassemblé tous les ouvrages écrits sur cette matière et recherche les hommes éminents qui peuvent lui donner le dernier mot de cette science.

Il n’est pas jusqu’au Brésil, où on ne magnétise à la cour du souverain de cet empire, et enfin empereurs, rois, princes, grands dignitaires de tout grade, tous magnétisent.

Et nos savants imitent-ils les monarques de la terre? Non, ils ont perdu la voix, la force leur manque pour la contradiction et la vertu leur fait défaut pour l'examen.

Baron DU POTET. *

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Puis, — Imprimerie de Pohmeui et Moreau, 17, quii do AuguMins.

THEORIE ET PRATIQUÉ.

MALADIE DE I.’üTÊKUS (MATBICE).

Le Journal du Magnétisme doit de la reconnaissance à .M. de Guibert do Clellcs, qui, dans un article excellent sous beaucoup de rapports, a protesté contre la tendance, par trop exclusive, de la direction du journal vers les phénomènes appelés spiritualisme. M. du Potet a répondu que l’appel fait en faveur des études spiritualités n’emportait pas

1 exclusion des autres études positives et pratiques du magnétisme. Cette affirmation était vraiment nécessaire, car, à juger de l’avenir par ce qui avait lieu depuis quelque temps, c en était fait du mesmérisme, ou du magnétisme, en tant que science : du magnétisme, je me trompe, car, après tout, le J our nul du Magnétisme n’est plus le seul organe de cette science, et Y Union magnétique, par sa direction plus sérieuse, plus traditionnelle, plus pratique, eût remplacé parmi les magnétistes son aîné devenant désormais l’écho d’une minorité enthousiaste d’une illusion. Je sais combien la position d’un rédacteur est embarrassante ; il faut accepter les opinions les plus opposées et n’exclure aucune théorie. Mais ici, il est évident que la direction a été absorbée par les idées nouvelles des spiritualistes et s’élançait dans ces obscures et incertaines investigations, au mépris des notions les plus saines et les plus certaines que la science encore si incomplète du magnétisme possède. Doit-on blâmer M. du Potet de cette déviation? Non, car il n’y a eu déviation que par l’exagération des travaux et des prétentions, les faits dits spiritualistes ayant appris, pour qui a su les apprécier à leur juste valeur, ce que peut le magnétisme, et ce dontsont susceptibles l’intelligence et la sensibi-

lité de l’homme. 11 fallait, il faut encore étudier ces phénomènes qui sont loin d’avoir la valeur qui leur est accordée; et comme l’espace d’un numéro du journal est insuffisant pour réunir doctrine et expérimentation de toute nature, il fallait ou il faudrait au moins aviser à ce qu’il en fût autrement. En effet, voyez l’inconvénient de cette consécration unique d'un numéro aux faits et théories spiritua-listes : des personnes incrédules , ou seulement mal assises dans la connaissance si complexe du magnétisme, lisent ce seul numéro, et certes, elles n’ont pas envie d’en lire un second, tant elles reçoivent une impression défavorable, impression fausse , sans aucun doute , mais qui a porté coup et qui fait juger le magnétisme à travers ce prisme illusoire des rêves et des hallucinations qui caractérisent la doctrine des tables parlantes, des crayons révélateurs et des médiums inspirés. Je le-répète, ce genre de phénomène est à explorer encore, on y trouve des révélations d’une grande loi ontologique, mais ne délaissez pas les autres manifestations de la vie en action, manifestations qui ont des rapports directs avec la vie pratique. Que n’a-t-on dès lors songé à fusionner les deux journaux qui, au lieu de prendre une direction opposée, de se faire antagonistes et de créer deux camps, eussent satisfait en même temps aux besoins de la science, de l’époque et des désirs particuliers ? J’écrirai à l'Union magnétique qu’elle aussi manque de vue ou plutôt qu’elle borne trop son horizon. Je connais ce qu’il y a à objecter, les rivalités, des amours-propres à aplanir? Toujours la même histoire !...

Encore une autre récrimination que j’ai à faire : c’est cette opposition injuste et ignorante contre la médecine... En vérité, on dirait que toutes les maladies sont guérissables par le magnétisme ! A l'œuvre, messieurs, et l'expérience vous convaincra de l’insuffisance monstrueuse du magnétisme dans des cas nombreux où des moyens médicaux guérissent sûrement et vite. Arrière ces inutiles prétentions! La science qui étudie l’homme est complexe et la médecine est loin d’être nulle. La science officielle est injuste

à son tour envers le magnétisme ; elle se prive d’un moyen bien précieux ! Vous redoutez tous l’alliance!... Mais ce sont lit de pauvres considérations personnelles auxquelles la maturité du temps n’aura nul égard. Voilii plus de vingt années que je cherche , que j’étudie, que je pratique la science et l’art de guérir; j’ai travaillé dans le calme et la solitude, et la vérité s’est faite pour moi. Une doctrine médicale et philosophique est sortie de ces longs travaux ; elle est appuyée sur des guérisons nombreuses, et, je puis le dire, dès ce jour, le magnétisme n’y a point effacé les vérités de la médecine, et la médecine n’a pu se passer du magnétisme. Tout mûrit à son temps ; l’erreur disparaît à la fin et la vérité demeure. C’est assez dire.

Voulez-vous prendre la peine de lire quelques lignes encore, je vais rapporter un fait de ma pratique : je choisis celui-là, parce qu’iin des amis du Journal du Magnétisme, le Dr Leger, en a été l’instigateur.

Une jeune dame d’Orléans avait eu, à la suite d’une couche, une maladie grave des organes du bas-ventre. Traitée par plusieurs médecins, elle avait échappé à la mort, mais la maladie passa à l’état chronique, se concentra sur la matrice, les ovaires et les ligaments, et laissa la malade incapable de se lever, en proie à des douleurs sourdes et presque continues.

D’autres médecins donnèrent en vain leurs soins à cette malade ; un nombre considérable de sangsues furent employées ; vingt saignées, vésicatoires sur le ventre, préparations mercurielles, opiacés sous toutes les formes ; l’opération de la curette utérine fut pratiquée par un médecin qu’on fit venir de Paris ; mais, malgré tous ces énergiques moyens et à cause d’eux je dirai même, la malade arriva, au bout de six années de luttes, à un état de faiblesse , de complications morbides tel, qu’elle fut abandonnée comme devant succomber dans plus ou moins de temps. On était à la fm de 1854 ; et, par une de ces circonstances qu’on appelle hasard et qui arrivent à point pour empêcher la vie de finir, le D' Leger vint à Orléans, et fut consulté pour cette dame.

Ce médecin comprit de suite la mauvaise d irection donnée aux soins que recevait la malade ; il fit tout changer, et conseilla comme le plus puissant moyen de salut l’emploi du magnétisme, et me fit appeler.

La malade ne mangeait plus, nous lui fîmes prendre des bouillons et des jus de viande ; elle buvait des tisan es émollientes, on la mit à l’eau vineuse ; elle ne pouvait supporter la lumière du jour sans s’évanouir, les persiennes de la chambre restaient fermées, on fit arriver l’air et la lumière ; depuis cinq mois, on n’avait pu faire le lit à cause des soull'rances du ventre et les syncopes qui survenaient dans les mouvements , nous parvînmes en quelques jours à changer la malade de lit ; une enflure générale existait par tout le corps, avec une décoloration complète de la peau, les règles n’avaient pas paru depuis plus d’un an , le docteur Leger prescrivit le phosphate de fer ; chaque soir, la malade prenait une trentaine de gouttes de laudanum pour avoir un peu de calme, et si elle y renonçait, elle était en proie à une agitation nerveuse pénible, et ses douleurs du bas-ventre augmentaient, on supprima rigoureusement ce calmant factice et pernicieux.

Dès la première magnétisation , j’endormis la malade, et je pus dès lors lui procurer un sommeil bien autrement préférable à celui de l’opium. J’avais le soin de magnétiser le soir, afin de laisser une nuit meilleure sous l’influence du magnétisme. Le somnambulisme ne se manifesta point, mais l’action du magnétisme était profonde. Peu à peu la malade put manger convenablement ; elle se leva bientôt, puis marcha dans ses appartements ; les règles reparurent après deux mois de traitement, les douleurs diminuèrent considérablement, le sommeil revint, enfin une amélioration notable fut obtenue.

Cependant il y avait encore beaucoup à désirer, la malade restait pâle , bouflie, ne pouvait sortir dehors, le magnétisme avait épuisé son action, je le cessai et je le remplaçai par des frictions d’eau froide salée et pai* des douches froides. Le mieux progressa assez rapidement; nous arn-

vâmesau beau temps, et je fis prendre les douches en plein-jardin et au soleil. On put enfin dire que la malade était guérie ; elle conservait encore un peu de difficulté dans la marche et de la sensibilité dans les parties primitivement afTectées, aussi je crus devoir l’envoyer prendre les eaux d’Enghien, d’où elle vient de revenir parfaitement rétablie.

Nous venons de voir, dans cette observation, l’efficace puissance du magnétisme ramener le calme et l’équilibre dans le système nerveux, ranimer les forces et l’appétit et régulariser les fonctions digestives, mais son action était insuffisante pour opérer la recomposition du sang d’une part et pour.ramener les forces musculaires, tombées dans une inertie extrême. Les préparations ferrugineuses et les douches d eau froide ont satisfait aux besoins de l’organisme. C’est ainsi que, par une combinaison de la médecine naturelle et de la médecine artificielle, il a été possible de guérir une des affections des plus graves et des plus compliquées.

Celui qui s’adonne à la pratique de l’art de guérir doit se prémunir contre les prétentions exclusives des systèmes. La nature est un grand livre dont chaque page renferme des secrets différents, soumis tous à une même loi synthétique et génératrice. L’intelligence des secrets de la nature sera toujours plus ou moins complet et en rapport avec les facultés individuelles, facultés que nous pouvons développer par l’étude et par le sympathisme ; en d’autres termes, nous pouvons nous faire savants et sensitifs. Pour conclure et nous renfermer dans notre spécialité et nos aptitudes , je dirai : La médecine sera toujours un art et une science, et il y aura toujours des artistes de valeur différente, que vous appeliez ces artistes médecins ou magnétistes.

Dr CHARPIGNON.

Orléans, juillet 1856.

VARIÉTÉS.

Les Chinois , qui ont devancé la civilisation européenne dans presque toutes les branches des sciences, ont pratiqué le magnétisme thérapeutique dès l’antiquité la plus reculée.

Voici un fait extrait d’un ouvrage chinois qui n’a pas moins de dix siècles de date et dont nous devons la traduction à M. de Sacy :

La femme d’un des premiers mandarins de l’empire était gravement malade d’une affection inconnue et refusait obstinément de se soumettre à l’examen indispensable des médecins. Aussi son état avait empiré à tel point qu’on s’attendait d’un jour à l’autre à la voir succomber.

Un vieux savant, ayant entendu parler de ce fait, se vanta que, sans la voir, sans la toucher, il la guérirait certainement , si elle voulait se confier exclusivement à ses soins. La malade accepta de grand cœur ces conditions. Alors le vieillard apporta un long bambou creux , dont il fit passer une des extrémités à travers la persienne de l’appartement de cette femme, lui recommandant de l’appliquer sur la partie douloureuse; il le laissa daDS cette position pendant un quart d’heure qu’il employa , de son côté, à souiller activement par l’autre extrémité du bambou. Cette opération fut répétée six jours de suite, et, au bout de ce temps, la malade se trouva parfaitement guérie.

Le manda Ai, frappé d’admiration et de reconnaissance, récompensa dignement le vieux sage et lui demanda par quel procédé magique il avait accompli ce prodige.

c Ce n’est point de la magie, répondit le vieillard. Mon art ne sort point des lois ordinaires de la nature , et c’est pour cela qu’il est toujours efficace. 11 consiste tout sim-

plement dans la connaissance des moyens de diriger ma vie dans un corps souffrant, et de lui donner ainsi les forces qui lui manquent pour lutter contre la maladie et en triompher. »

Qui ne reconnaîtra dans ces paroles la théorie la plus simple et la plus claire, de même que dans l’insufflation à travers le tube, les procédés les plus répandus du magnétisme ?

Nous avons reçu le troisième numéro de la revue mensuelle Lo Psicologico, que publie à Milan le Dr Giuseppe Mozzoni ; mais le numéro à a été saisi et sa publication arrêtée à la requête de l’archevêque de Milan.

Un avis, publié par le rédacteur, annonce qu’appel a été fait de cette mesure violente auprès des tribunaux impériaux de Vienne qui décideront en dernier ressort.

Nous avons lieu de nous étonner de cette étrange rigueur de la part du clergé lombard , qui devrait cependant bien savoir que la persécution est un mauvais moyen d'étouffer les croyances, et que c’est à ce foyer, au contraire, que se sont fondées, presque toujours, en s’y fortifiant et s’v retrempant , les religions de tous les peuples. Nous nous en étonnons surtout dans cette ville de Milan , où le magnétisme est pratiqué avec tant de publicité, d’éclat et d’avantages par des hommes aussi distingués que les docteurs Dugnani, Vandoni, et tant d’autres, auxquels le corps médical de Milan s’est fait gloire de donner les encouragements officiels les plus sérieux et les plus effectifs.

Nous ne pouvons que joindre nos souhaits et nos espérances à celles que fonde le( rédacteur du Psicologico sur la justice éclairée de la haute cour de Vienne.

E. DE M.

BIBLIOGRAPHIE.

ÉLECTRO-DYNANYSME VITAL,

Par A.-F.-P. PHILIPS (1).

I.

Cet ouvrage est un des plus remarquables qui aient depuis quelques années été publiés sur le magnétisme. Ce qui lui assigne un caractère tout particulier, c’est que l’auteur a voulu procéder par des méthodes purement scientifiques, et quel qu’ait, à cet égard, été son succès, on lui doit de la reconnaissance pour avoir dirigé dans cette voie le magnétisme qui s’était jusqu’à présent trop maintenu dans l'affirmation pure, ou s’était jeté dans des systèmes presque toujours dépourvus de base. Cependant l’apparition de ce livre a eu peu d’éclat, et, il faut l’avouer, il est peu connu, même de ceux qui s’occupent spécialement du magnétisme. Il y a plus : quelques journaux ont parlé de l’ouvrage, et l’ont fait d’une façon bienveillante; mais pas un des articles qui lui ont ôté consacrés n’a été un compte-rendu proprement dit, et nous oserions affirmer que les critiques qui ont parlé du livre de M. Philips ne l’avaient pas lu.

Cependant l’E!ectro-dynamisme vital est parfaitement écrit; et, bien qu’étranger, l’auteur manie notre langue avec une correction de style, une justesse d’expression, une facilité d'élocution' que pourraient à juste titre lui envier bien des auteurs indigènes. Pourquoi le livre a-t-il été aussi peu lu? Pourquoi en outre le Journal du Magnétisme en rend-il un compte aussi- tardif? C’est que l’ouvrage, très-

(1) Un fort vol. in-8, chez J. B. Bailliùre, rue Hautefcuille.—Paris, 1855.

savant, ce qui est un mérite, est un peu trop hérissé de termes techniques d’une part, et d’autre part, de néologismes multipliés. Sans doute lorsqu’on a une idée neuve à exprimer, c’est un droit que de la dénommer par un terme nouveau ; mais de ce droit, il ne faut pas abuser, sous peine de fatiguer l’attention du lecteur et souvent de le décourager, surtout quand il s’agit de lecteurs français.

Le savants anglais et les savants allemands sont presque toujours en même temps des érudits et des linguistes. Il se trouve en France beaucoup de savants qui ont creusé la science tout aussi profondément au moins que s’ils eussent été des Allemands à tête carrée, mais qui ne sont pas des hellénistes de première force, et s’il leur faut à la fois suivre les idées de l'auteur, et étudier son langage à coups de lexique, ils se rebutent, et laissent là le livre. Nous croyons que M. Philips a mieux saisi le génie de notre langue que le caractère de notre nation. Ses idées, qui méritent certainement d’être connues, seront donc plus lentes à se répandre; mais nous sommes convaincu qu’elles feront leur chemin, et, pour notre part, nous affirmons que ceux qui voudront se donner la peine de faire quelques efforts d’attention, c» lisant l’ouvrage de 11. Philips, nous sauront gré de les avoir encouragés à cette étude.

Cette affirmation qu’il y a du fruit à retirer de la lecture de l'Electro-dynamisme vital, nous la faisons, sachant bien pourtant que ceux qui liront jusqu’au bout l’ouvrage éprouveront comme nous un désappointement qui pourrait bien se traduire par un mouvement de colère contre l’auteur et contre celui qui conseille de le lire. Nous avons éprouvé ce désappointement, cette colère, en trouvant pour conclusion à des

prémisses bien posées et qui promettent des merveilles.....

une réticence absolue.

Mais la colère ne nous rend point injuste, et ne nous empêchera pas de reconnaître et de signaler les services que l’auteur a rendus à la physiologie en général et au magnétisme en particulier.

Le travail de M. Philips est considérable, et son cadre fort

bien posó embrasse beaucoup de détails. Nous allons chercher à rendre compte de l’idée essentielle et dominante du livre, et l’analyse que nous essaierons de débarrasser des difficultés que nous avons signalées dans l’ouvrage , en rendra, nous l’espérons, la lecture beaucoup plus aisée.

11 faut d’abord qu'il soit bien entendu que l’auteur, tout en ne parlant guère que d’électricité vitale ou d’électricité nerveuse, tout en paraissant même la distinguer quelquefois du mesmérisme, n’a pas au fond la prétention de s’occuper d’autre chose que du magnétisme animal ou mesmérisme.

11 a soin de le dire lui-même en propres termes, non pasen commençant, mais dans le cours déjà avancé du livre. Nous citons textuellement (p. 225-226).

« Par la nature transcendante et incomparable des forces « qu’il met en œuvre, le mesmérisme se présente tout à fait u hors ligne dans la série médicale de l’ordre physique (1),

« et y occupe véritablement ce que dans la terminologie « fouriérienne, on nomme le rang pivotai. En effet l agent

« MESMÉRIQUE QUI N’EST AUTRE QUE’ L ÉLECTRICITÉ VITALE Se

« dégageant du corps des animaux, soit par émanation spon-« tanée, soit par expression rayonnante de la volonté, réunit,

« à tous les caractères anévhrérétiques, toutes les attnbu-«. tions névhrérétiques. En vertu de ses propriétés générales,

« et tel qu’il se répand de lui-même, il agit comme force « anévhrérétique (agissant indirectement sur le système ner-« veux), et il n’en est point dont l’action soit aussi puis-« santé et aussi étendue, car ce fluide vient s ajouter « l’agent de la vitalité avec lequel il est homogène, et ac-« croître en lui la puissance par laquelle tout aliment nour-„ rit et tout remède guérit. Soumis à C élaboration de la

(1) Les magnétiseurs considèrent depuis longtemps la lh6raP“j'’“* magnétique comme étant d'ordre composé, c’est-à-dire comm ,ares_ fols d'ordre physique et d'ordre moral : et, tout en paraissant en treindre «u rôle d'agent physique à la conclusion, 1 auteur,^dans rant du paragraphe que nous reproduisons, lui reconna ’’ DoUe

morale. Nous soulignons dans la citation les passages qui ju assertion.

« pensée, il peut être imprégné à volonté de toutes les proie priétésnévlirérétiques (agissant directement sur le système » nerveux) distribuées aux différents corps, et, ici même, « ces forces spécifiques peuvent être gardées comme le pro-ii duit mesmérique d’une pensée fixé dans l’essence des subs-« tances, et se perpétuant avec elles comme un succédané « préparé par la nature pour devancer les efforts créateurs « de 1 âme humaine, et ménager son activité créatrice.

« Le mesmérisme est ainsi le résumé quintessenciel de « toutes les puissances thérapeutiques exploitées par les « différentes méthodes appartenant au système des impres-« sions physiques. »

M. Philips, qui a bien soin d’avertir que l’électricité vitale ne doit pas être confondue avec l’électricité ordinaire et qui ne trouve de commun entre ces deux forces qu’une transmission indépendante des substances pondérables, ne dit pas pourquoi il a préféré cette appellation à celle de magnétisme animal, qui pourrait, ainsi qu'elle, être considérée comme nom d’espèce appliquée au genre (1) et aurait du moins en sa faveur la raison de l’usage.

Nous croyons deviner que M. Philips voulant présenter de nouveau au monde savant la question du magnétisme, et la présenter par son côté scientifique, a jugé utile de lui imposer une étiquette neuve pour attirer l’attention. Peut-être si l’auteur avait passé quelques mois à Paris, comme il eût dû le faire, et comme il en avait l’intention, ses idées, à cet égard, se seraient-elles modifiées.

(1) C’est par cet usage usité dans les sciences naturelles que M. Philips justifle son électricité vitale. Ainsi les naturalistes ont fait la famille des félins qui emprunte son nom au genre chat (felis) d’où felis leo, lion ; et felii catufchat; — le genre chien, qui emprunte son nom k l'espèce chieo, d’ou canis lupus, loup et canis canis, chien.

Un prédicateur prèchantsur les plaisirs mondains, qu’il bl&mait, se posait

cette objection que J.-C. avait bien été i la noce de Cana__« Oui, mes

frères, répondait-il, mais ce n'est pas ce qu’il a fait de mieux. » Nous ferions la même réponse au sujet des naturalistes; et nous n’approuvons en principe ni électricité vitale, ni magnétisme animal. Nous subissons l'usage, parce qu’il y a toujours inconvénient à ne pas parler la langue reçue. Dans tous les cas, 011 n’a le droit de la modifier que pour l’améliorer.

— m —

il

Voici du reste le plau des idées qui dominent le livre :

1. Tous les actes de la vie s’accomplissent sous l’influence du système nerveux.

2. Chaque nerf a une fonction spéciale et déterminée.

3. Toute modification possible de l'organisme humain peut être obtenu par des modifications de l’activité nerveuse.

à. L’homme par son action mentale peut produire sur son système nerveux toutes les modifications possibles d'activité.

!>. L’homme peut dans sa mémoire trouver le souvenir des moyens à employer pour reproduire toutes les modifications nosologiques et thérapeutiques dont les fonctions végétatives sont susceptibles.

0. On peut par la parole exciter le souvenir chez un individu, et par suite produire sur lui, par l’impression mentale, tous les effets nosogénétiques et thérapeutiques. Nous avons voulu condenser tout d’abord la série des propositions principales de M. Philips, pour montrer combien son livre offre d’intérêt aux physiologistes et aux magnétiseurs. Elles sont fort.bien développées, et si nous n’admettons pas avec l’auteur qu’elles sont démontrées avec une ligueur mathématique, nous reconnaissons pleinement que plusieurs ont acquis dans son livre une autorité aussi considérable que celles de la plupart des lois admises en physiologie.

Nous allons succinctement résumer l’esprit de ses démonstrations.

III.

La première proposition, qui sert de base à toutes les autres, est admise par les physiologistes, et nous ne la résumons brièvement que pour rendre compréhensibles les suivantes aux personnes à qui les éléments d’anatomie ne seraient pas familiers.

L’appareil nerveux dans l’homme et dans tous les animaux supérieurs se compose de deux grands systèmes, le système cérébro-spinal, dont la matière est une substance moelleuse blanche, et le système ganglionnaire facile à distinguer du premier par la couleur grise de la substance. Le système cérébro-spinal se compose d’une masse encéphalique (cervelle et cervelet) logée dans la cavité du crâne, d’un prolongement qui règne dans toute la longueur du tronc en traversant toutes les vertèbres de l’épine dorsale (moelle épinière) et de paires de nerfs qui, sortant par des ouvertures placées tout du long de cette colonne, se ramifient dans tout le corps, jusqu’aux points les plus extrêmes.

— Si l’on coupe ou si l’on comprime un de ces nerfs ou l’un de ces rameaux, la sensibilité et l'activité musculaire de la partie dont l’innervation est ainsi empêchée disparaissent immédiatement. — Donc les nerfs blancs sont les agents de la sensibilité et du mouvement. Par cette raison ces nerfs sont appelés aussi nerfs de la vie de relation.

Le système ganglionnaire se compose de ganglions (pelot-tes de substance nerveuse grise) disséminés dans les cavités du corps humain, d’où, partent des nerfs qui se répartissent à tous les organes de la vie organique. Si l’on opère la section d’un de ces nerfs ou d’un rameau, la fonction de l’organe desservi cesse aussitôt. — Donc les nerfs gris sont les agents des fonctions organiques. Ce sont donc les nerfs de la vie organique ou végétative. Le système porte aussi le nom de grand sympathique, ou grand trisplanchnique, (occupant les trois cavités.)

Si l’on considère un nerf blanc et qu'on le suive dans son parcours, on voit qu’il est toujours accompagné d’un filet gris dont l’origine est un ganglion du grand sympathique. Si de même on examine un cordon nerveux gris, on peut remarquer, soudé à lui dans tout son parcoure, un filet blanc qui appartient au système cérébro-spinal. — Cette liaison entre les deux systèmes est de la plus haute importance. C’est sur elle que s’appuie presque toute la doctrine de l’auteur. Les physiologistes n’ont pas encore su tirer un

grand parti de cette connaissance anatomique, et l’ouvrage que nous examinons rend dans tous les cas un très-grand service à la science en la dirigeant dans cette voie. Nous avons depuis longtemps compris que là est la clef de la plupart des phénomènes magnétiques, et nous engageons tous les magnétiseurs à bien étudier cette partie du livre de M. Philips, qui leur ouvrira de vastes horizons (1).

IV.

Tout nerf a une fonction *p-(lalc et déterminée.

Dans les nerfs de la vie de relation (nerfs blancs), les deux fonctions de sensibilité et d’activité sont remplies par des filets parallèles, mais différents ; et, bien que l’anatomie ne puisse les diviser qu’à la racine même des nerfs, au point où ils partent du tronc, leur distinction jusqu’à l’extrémité de leur parcours n’en est pas moins hors de doute. A leur origine on peut vérifier leur double nature par la section d’une des deux racines, qui n’éteint que la sensibilité ou l’activité musculaires, suivant qu'on coupe l’une ou l’autre. Mais une fois cette constatation faite, les cas de paralysie accidentelle locale, qui laissent subsister quelquefois l'une ou l’autre seulement des deux facultés, prouvent que le nerf tout entier contient des filets des deux espèces, et dont l'action s’exerce d’une façon indépendante.

Lorsque j’étais enfant, et que j’ignorais parfaitement ces détails anatomiques, je me rappelle avoir trouvé fort drôle qu’un ancien officier en retraite, une espèce d’Hercule vieilli, qui en me parlant amicalement tenait mes deux mains dans une des siennes, et les écrasait rudement, s’excusât du mal

(1) Les anastomoses, réunions entre les deux systèmes, sont très-multi-pliées, mais le scapcl n'a pas réussi à les séparer assez nettement pour que les anatomistes osent péremptoirement affirmer, comme le faitM. Philips, qu'un filet du système ac ompagno partout et toujours un rameau de l'autre système. Mais aucun anatomiste n'oserai t nier que cette affirmation

t au moin* probable.

/

qu’il m’avait fait en me disant qu’il avait cette main-là paralysée. Elle était privée de sensibilité, mais je puis affirmer qu’elle n’était point privée du mouvement.

Ce que des cas isolés donnent occasion d’observer par hasard, les expériences magnétiques permettent de l’expérimenter régulièrement, puisque nous pouvons obtenir sur certains de nos sujets, et à volonté, la paralysie locale et restreinte, soit de la sensibilité, soit du mouvement.

Les nerfs des sens ne servent qu’à transmettre la sensation spéciale qu’ils ont fonction de transmettre au cerveau. Le nerf optique transmet la sensation de lumière et ne transmet jamais la sensation du son ou du goût. Ainsi du nerf auditif qui transmet les sons et non la lumière; ainsi de tous. Il y a plus. Quelle que soit la manière dont le nerf ait été mis en activité, en quelque point de son parcours qu’il ait été actionné, c’est toujours la sensation spéciale et déterminée à laquelle il est affecté qui sera transmise au centre sensitif.

Que le sang vienne affluer en trop grande abondance et surexciter le nerf auditif, et nous entendrons des bourdonnements. Dans l’obscurité, les paupières, clignant vivement» dépriment le globe de l’œil et lui laissent reprendre sa forme. Le nerf optique est ébranlé : nous voyons une lumière. Un coup porte sur l’œil ou lui communique une secousse qui arrive jusqu’au nerf optique. Nous voyons trente-six chandelles.

Nous nous heurtons le coude ; si le nerf qui passe entre les deux os de l’avant-bras et se ramifie ensuite entre les doigts annulaire et auriculaire est lésé, c'est à ces deux doigts que nous attribuerons la sensation.

Il est du reste un procédé qui permet de communiquer une activité anormale à l’un quelconque des nerfs du corps. C’est de le comprendre dans le circuit d’un courant galvanique. Or, à quelque point de l’un des systèmes nerveux que l’on fisse cette application, l’activité de l’organe correspondant se trouve accrue ; mais la nature de sa fonction n est pas changée. Un nerf de la vie de relation transmettra une

sensation de goût, de lumière ou de son, etc., s’il appartient à l’un des organes des sens. Il se produira des mouvements ou de la douleur si le nerf est affecté à la motilité ou à la sensibilité. Enfin, si c’est un nerf de la vie organique se rendant au foie, aux reins, etc., ou plus généralement à l’une des glandes, la sécréton de la bile, de l’urine, ou enfin la sécrétion propre la glande sera augmentée ; mais le produit de cette sécrétion ne sera pas altéré. De ces faits d expérience M. Philips conclut rigoureusement à la spécialisation du nerf pris dans son intégrité, et, par une induction ingénieuse et fort probable, il étend la conclusion à toutes les fibrilles composant le nerf. Puisque nous voyons le nerf de la vie organique présider au renouvellement des parties du corps, il est probable que chacun d’eux, comme les nerfs blancs, est composé de deux parties distinctes dont l’une est chargée de la fonction d’assimilation (appropriation de substances étrangères) et ne produit qu’assimilation, dont 1 autre estchargé de l’excrétion et ne produit que l’excrétion, comme tout (expulsion des substances usées de l’organisme) dans les nerfs de la vie de relation, le nerf de la sensibilité ne fait que transmettre la sensation, et le nerf de la motilité ne produit que le mouvement. Chaque point de 1 organisme aurait donc sa fibrille de composition et sa fibrille de décomposition.

V.

Cette analogie très-rationnelle, une fois admise entre les deux systèmes nerveux, il s’ensuit par une déduction facile que de simples modifications dans l'activité nerveuse suffisent à produire toutes tes modifications possibles de C organisme. En effet, soit en augmentant l’activité d’une fibrille d’assimilation, soit en ralentissant l’action de la fibrille correspondante d’excrétion, on peut rendre l’assimilation plus considérable et accroître ainsi la partie desservie par la fibrille ; réciproquement, en diminuant l’activité assimilatrice ou en surexcitant l’excrétion, on peut amoindrir la paitie correspondante aux nerfs sur lesquels on agit. Enfin, si 1 ac-

tivité des fibrilles antagonistes s’accroît à la fois dans une même proportion, la rénovation delà partie que nous considérons s’accomplira plus rapidement sans que ses dimensions changent.

Comme nous avons admis la spécialisation absolus de fonction de chaque fibrille nerveuse, on conçoit que ce qui vient d’ètre dit s’applique à tous les éléments qui constituent l’organisme humain et qu’il n’est pas de modification qui ne puisse s’en déduire. Eclaircissons cela par un exemple que prend M. Philips, et qui fait bien concevoir le mécanisme de l’opération. — Considérons un os spécial, par exemple, l’un des os de la jambe, le tibia. L’os se compose presque intégralement de deux parties constitutives — le phosphate calcaire, corps terreux, qui donne à la charpente humaine la dureté et la rigidité, — la gélatine, substance élastique et agglulinative qui réunit les molécules terreuses, leur fait faire corps, donne ainsi au squelette un certain degré de souplesse, et empêche les os d’être cassants. On sait que les proportions de ces deux éléments varient d’un os à l’autre, et dans chaque os suivant l'âge du sujet. Le tibia, chez l’adulte, est un os fort dur et très-riche en calcaire. Par une cause quelconque l’os est-il resté trop gélatineux (accident qui se présente chez les sujets rachitiques) , il suffit d’activer les fibrilles nerveuses qui assimilent le calcaire en ralen-tissant l’action de celles qui s’expulsent. L’elfet sera plus rapide si, en même temps, on amoindrit l’action des fibrilles qui assimilent la gélatine.

S’agit-il de détruire un exostose (accroissement anormal de l’os en un point déterminé), ralentissons en ce point toutes les fonctions assimilatrices, activons les fonctions excré-tives et le résultat sera obtenu. Une action inverse produirait un résultat contraire et donnerait naissance à un exostose.

11 est bien évidemment sous-entendu que les substances nécessaires à l’assimilation ont été fournies à l’organisme, c’est-à-dire que la nutrition est convenable, et en même temps que le système nerveux est dans son intégrité.

Si le régime alimentaire ne contenait ni chaux ni phos-

phore — peut-être même s’il 11e contenait du phosphore de chaux tout formé — l’activité nerveuse qui préside à l’assimilation du sel calcaire aurait beau être considérable, l’os ne s’enrichirait point d’éléments terreux. Et la première condition pour que le système nerveux opère, c’est qu’il existe.

Ces deux observations, qui sont de la force des prescriptions de la cuisinière bourgeoise : — Pour faire une fricassée de poulet, prenez un poulet, etc., (et encore elle sous-entend la condition d’un cuisinier ou d’une cuisinière), — peuvent sembler puériles ; mais on est si peu habitué, en magnétisme comme en thérapeutique, à procéder par la voie positive, que presque toujours on objecte à un système des impossibilités qui sortent du cadre qu’il embrasse. Il ne faut donc pas négliger les restrictions logiques quand bien môme, énoncées, elles peuvent paraître par trop évidentes.

Ainsi nous n’avons pas la prétention de juger l’homœopa-thie que nous ne connaissons pas assez pour adopter à son égard une opinion. Mais nous savons qu’elle n’a pas la prétention de s’opposer par des globules à l’action mécanique de l’arme qui entame les chairs; à l’action physique de la foudre qui décompose les organes, à l’action chimique de la substance qui détruit les tissus. Mais, pour avoir négligé des restrictions bien évidentes, elle s’est exposée à des objections comme celle-ci, que nous avons vue imprimée dans des ouvrages soi-disant, sérieux. — Eh bien ! donnez donc des globules à celui qui est empoisonné par l’arsenic, et si vous n’y joignez pas — en dose allopathique — une substance qui forme avec l'arsenic un composé insoluble, sans action sur l’économie animale, votre sujet homœopathiquement traité mourra bel et bien.

On ne manquerait pas de faire des objections semblables contre le principe de M. Philips. Nos observations deviendront inutiles le jour où, parmi les gens qui s’occupent de sciences (nous ne disons pas parmi les savants), il n’y aura plus de niais ni de gens de mauvaise foi. Ce jour-là nous nous empresserons de les retirer.

Si nous n’étions pas limité par la nature même de cet article, nous montrerions que ces vérités, à la façon de M. de la Palisse, pourraient devenir fécondes, et, en jetant un coup d'œil sur l’échelle générale des créations, nous ferions voir qu’à mesure que l’être s’élève, et que son organisme se complique, les diverses parties s’éloignent de plus en plus de l’identité, le système nerveux se différencie parallèlement, et qu’en même temps la nécessité de l’intégrité du système nerveux pour la reproduction des parties devient plus absolue. Nous reconnaîtrions que l’animal, dépourvu de centro nerveux, chez qui chaque filet médullaire est identique avec l’ensemble, se reproduit intégralement de l’une quelconque de ses parties ; puis, nous élevant dans l’ordre organique, nous trouverions des êtres dont quelques parties fort importantes peuvent se reformer par une espèce de végétation ; enfin, dans les animaux supérieurs où les ganglions se différencient de plus en plus, nous verrions qu’il n’y a que des organes inférieurs et de peu d’importance qui soient susceptibles de se reproduire. Nous regrettons de ne pas pouvoir développer cette thèse qui serait un argument bien puissant pour soutenir le système de la spécialisation nerveuse chez, l’homme qui sert de base à tout l’ouvrage de M. Philips.

VI.

L’homme, par son action mentale, peut produire sur son système nerveux toutes les modifications dactivité possibles.

Jusqu’ici nous avons marché d’un pas assez sûr, parce que nous nous sommes maintenus sur le terrain du domaine physique. Nous voici parvenus au domaine moral, et nous abordons les questions qu’indique le sous-titre du livre de M. Philips :

Relations physiologiques de l’esprit et de la matière.

Questions jusqu’à présent bien abstruses et fort obscures. Si l’auteur n’a pas tout résolu, s’il n’a pas jeté sur tousles.

¡points une lumière aussi éclatante que celle du jour, ce sera beaucoup d’avoir indiqué des solutions, d’y avoir fait pénétrer quelque clarté.

Les ganglions du grand sympathique lancent des filets gris dans tout le système céphalo-spinal, et réciproquement des filets blancs, appartenant au système céphalo-rachidien, se rendent aux ganglions, et, après les avoir traversés, accompagnent dans toutes leurs ramifications les nerfs du système ganglionnaire.

Or, les nerfs blancs, — nous le savons par l’expérience,

— sont les organes des deux grandes fonctions animiques : la sensibilité et l’activité qui contiennent tout le moi humain. C> ue liaison entre les nerfs de la vie de relation et ceux de la. vio végétative conduisent à priori M. Philips à admettre que l'homme subit une sensibilité interne et possède une activité interne, c’est-à-dire qu’il est affecté par les faits de la vie organique et qu’il peut, à son tour, exercer sur eux une action par influence mentale.

Celle conclusion paraît théoriquement probable. Mais du moins, eu ce qui concerne la sensibilité, l’expérience semble de tout point infirmer la théorie. M. Philips glisse très-légèrement sur ce point important que nous ne pouvons lui accorder. Les inflammations môme graves des organes ne causent pas de souffrances directes; et il n’y a souffrance qu’autant que l’inflammation s’étend à des tissus qui reçoivent des nerfs propres du système cérébro-spinal.

lu chien, dont on a ouvert le flauc, et qui a donné des signes indubitables de souffrance lorsqu’on tranchait les muscles et qu’on ouvrait la plaie pour faire saillir la rate, parait fort peu tourmenté de la porter ainsi en dehors et exposée — au contact de l’air — à une température Inférieure à celle de son corps. Bien plus, cette glande est si peu sensible, que ce morceau de mou qu’il aperçoit n’excite eu lui que l’appétit, et qu’il déchire sa rate à belles dents sans paraître percevoir d’autre sensation que la satisfaction gustuelle qu’il éprouve à dévorer un mets délicat.

Tout ou plus, en fait de seusibilité consciente interne, se-

rions-nous assez généreux pour concéder que les lésions organiques deviennent sensibles par un malaise vague et indéfini, et encore ne sommes-nous pas bien sûr que le malaise apparaisse avant que la lésion de l’organe n’ait produit quelque perturbation dans les appareils qui reçoivent directement l’innervation de la sensibilité externe.

L’influence des organes sur le moral n’est autre chose qu’une impression subie par le moi humain. Dans ce cas l’être est passif, comme lorsqu’il subit les impressions de la sensibilité externe. Cette réaction des organes sur le moi humain, sur laquelle M. Philips appelle l’attention, pourrait être invoquée par lui comme une preuve de la sensibilité interne. Mais comme il a besoin plus tard de supposer au sujet la mémoire détaillée de l’activité spécifique de chaque filet nerveux, cette impression vague que nous rappelons ici ne peut lui être d’aucun secours pour sa conclusion.

Nous nous sommes aussi demandé à quelle fin ce lien entre les deux systèmes nerveux qui semble si nécessaire en principe et que l’expérience applique si peu. Dans un travail, depuis longtemps préparé, et qui a bien des chances de ne pas dépasser l’état embryonnaire, nous avons formé une conjecture qui s’appuyait du moins sur un ordre de faits constatés par l’expérience et qui suffirait peut-être à l’argumentation de M. Philips. Mais ce n’est pas ici le lieu de développer cette idée, qui demande d’ailleurs encore à être, mûrie.

A nos yeux, et nous le déclarons franchement, il y a là dans I’Electro-dynamisme vital une lacune importante.

L’influence active de l’âme sur les organes est, ce nous, semble, bien établie et ingénieusement expliquée par l’auteur. L’action du moral sur le physique, et la réaction du physique sur le moral ont été reconnus de tout temps, fton seulement on sait que la pensée produit les mouvements qui traduisent en actes la volonté, mais on n’ignore point qu’une fois la pensée formulée mentalement, les organes du mouvement obéissent et produisent les actes volontaires inconscients.

Dans le numéro du 10 mai 1854, à propos du mouvement des tables, nous avons examiné cette question des actes Inconscients avec assez de détails, et M. Philips se trouve sur ce sujet parfaitement en accord avec ce que nous en avons dit à cette époque. Mais la considération de ces actes volontaires inconscients le conduit à un système psychique renouvelé de l’hypothèse des Archies, système qui joue un grand rôle dans l'ouvrage que nous examinons. Bien que la nécessité de condenser les propositions qui conduisent l’auteur à son but principal nous ait amené à élaguer tout ce qui ne tendait pas directement à la conclusion, et que nous ayons débarrassé notre marche de tous les systèmes accessoires, nous croyons devoir dire un mot de l’hypothèse psy-cologique de l’auteur, qui ne manque pas d’originalité.

VII.

DIGRESSION PSYCOtOGIQCE.

Pour lui, les âmes occupent un lieu déterminé. Non pas qu’il les suppose matérielles et qu’il leur assigne des dimensions. Elles ne sont pas susceptibles d’étendue. Il leur assigne un lieu, centre idéal de l’organe qu’elles régissent et qui se réduit à un point géométrique sans dimensions, n’ayant ni longueur ni largeur, ni épaisseur. Cette idée de point réduit à l’infiniment petit absolu entrera difficilement dans l’esprit de ceux qui ne sont pas habitués aux considérations de l’infini et des limites, mais elle est familière a^x géomètres.

L’auteur suppose que chaque centre nerveux est le siège d’une âme présidant aux actes confiés à l’activité nerveuse des filets qui en dérivent. Le cerveau serait le siège de l’âme gubernatrice, de celle qui possède le sentiment du moi, et personnifie l’être intégral. Pour lui chaque renflement vertébral de la moelle épinière serait un cerveau avorté, occupé par une âme dirigeant en sous-œuvre certains mouvements volontaires. 11 admet donc chez l’homme trois ordres d’âme

bien distincts. L’AME HUMAINE ayant son siège dans l’encéphale dominant tout le système. Lcs'ames spinales exécutant les mouvements volontaires et pouvant continuer sans nouvelle intervention de l'âme humaine les mouvements qu’elles ont commencés sous sa direction et auxquels elles sont habituées. — Ces ilmes spinales sont donc susceptibles d’une certaine éducation. Elles répondent assez bien à ce que Xavier de Mestre, dans le charmant opuscule, Voyage au tour de ma chambre appelle la bête. 11 est évident que c’est aux âmes spinales que M. Philips rapporte les mouvements volontaires inconscients.

11 admet enfin des AMES GANGLIONNAIRES qu’il place dans les ganglions de la vie végétative, présidant chacune à une fonction organique spéciale.

Qu’on ne se hâte pas de sourire de ce ce système, et de le considérer simplement comme une conception baroque et qui ne mérite aucune attention. Nous sommes , pour notre part, convaincu que, sous peine de rejeter absolument toute idée psychique et de tomber dans le matérialisme absolu (qui a du moins le mérite d’être un système dn et rationnel, s’il n’est pas raisonnable), il faut admettre l’âme comme un système animique composé.

Après avoir étudié avec sagacité cette sorte de mouvements que l’habitude a rendus familiers, qu’on exécute — comme on dit — machinalement, et pour lesquels il semble que la pensée n’intervienne que pour déterminer le commencement de l’acte ou en interrompre le cours, M. Philips cite deux expériences fort intéressantes.

Pendant un mois, M. Flourens a, dit-il, conservé vivant le corps d’une poule qu’il avait privé de son encéphale et qui continuait à végéter. « Il (le corps de la poule) faisait plus, ajoute toujours M. Philips, il se mouvait de lui-même, courant sur ses jambes suivant une tendance aveugle et en quelque sorte automatique , toutes les fois qu’on lui communiquait une impulsion. »

Ceux qui admettent l’âme comme principe essentiel de la vie peuvent ici à la rigueur objecter que l’organisme de la

•poule n’était pas assez complètement détruit pour que le lien mystérieux de l’âme et du corps fût rompu , et voyaut la perception et l’activité subsister à un degré moins parfait peuvent attribuer le fait à l’imperfection organique, sans avoir recours au dédoublement de 1 être, —sans admettre la mort de l’animal intégral et la survie d’âmes inférieures ayant perdu leur centre de direction.

Cependant si cette expérience, dont nous n’avions pas connaissance, est bien rapportée, elle a une grande importance so la rapprochant de la suivante, que tout le monde a faite ou peut répéter (1).

)ue l’on tranche en deux, à la jonction du corselet et de Fabdomen , un coléoptère. La partie antérieure conservera «Jeux pattes (ambulacres) et l’abdomen en aura quatre pour -sa part. Or le corselet se dressera sur ses ambulacres, et suivant de l’œil les mouvements de l’ennemi, cherchera à se défendre avec ses mandibules qui, cliezles fortes espèces, n’ont point cessé d’être redoutables. Le corselet conserve donc la ■ærïsibilité et l’activité, il voit et se meut. A peine séparé, Fabdomen fuit en s’éloignant du corselet, par un mouve-«ssent qui, pour l’animal complet, serait un mouvement rétrograde. Si l’on touche la fraction postérieure du coléoptère, le mouvement se modifie, et la sensibilité tactile est manifeste. L’abdomen divisé jouit donc aussi de la sensibilité et de Factivité, les deux facultés qui constituent la vie. Ceux donc pour qui la vitalité suppose une âme ne peuvent ici dénier ie dédoublement animique. Nous retrouverions ce fraction-»en.ent vital jusque dans la patte du faucheux (phalan-îgram).

•Serait-on tenté de regarder comme une objection sérieuse que, dans les deux expériences précédentes, les fractions incomplètes n’accomplissent pas une évolution vitale régu-•

1) Depuis que cet article est composé, nous avons étudié les expériences -de M. Flourens. Ce n'est pas pendant un mois, mais pendant dix mois qu a . -vécu la poule qui servait de sujet à l'expérience. Mais aussi elle était privée seulement des hémisphius cérébraux et non pas de l'encéphale. (Floues, Hscherc. sur le système nerveux des animaux vertébrés■)

lière et qui se prolonge normalement, parce que , dans ces cas, la mort résuIte pour les fractions de la division elle-même?

Qu’importe le temps de la vie , s’il y a vie? Mais allons plus loin que M. Philips, et descendons encore l’échelle animale. Prenons un ver de terre , lombric commun , de grande dimension. Tordons-le vers son milieu, de manière à. rompre la communication nerveuse entre les deux parties de ranimai, sans cependant trancher l’animal en deux. L’unité d’action a disparu : la volonté est dédoublée. Les deux parties se meuvent et cherchent à ramper chacune de son côté , mais les efforts se neutralisent. Les portions ainsi liées sans unité vitale périssent au bout de peu de temps. Que si, au contraire, la section a été complète , chacune des portions accomplit librement ses mouvements. Bientôt la plaie de chaque bout se cicatrise, et vous avez deux lombrics distincts , qui n’ont pas l’air de se douter qu’ils ne sont que le dédoublement d’un même individu.

Coupez en plusieurs morceaux, dans quelque sens que ce soit, un polype d’eau douce, et chaque fragment formera un animal complet que vous ne pourrez bientôt plus reconnaître d’avec un polype resté en entier. Si donc on regarde la vie comme supposant le principe animique, il faut de toute nécessité, dans ces deux derniers cas, admettre l'âme comme multiple, ou, ce qui est la même chose, comme divisible. Si l’on refuse d’admettre le principe animique dans les animaux de degré inférieur, à quel degré commencera le privilège del’&me? Le restreint-on àl’homme? Qu’on yprenne garde! Les facultés que l’on attribuerait à l’âme humaine appartiennent aux animaux et ne diffèrent que par le degré.

On voit donc que le système des âmes composées n’est pas dépourvu de bases sérieuses.

L’idée n’est pas neuve, et si nous voulions faire ici de l’érudition (ce dont Dieu nous garde — et vous aussi, lecteurs !), nous pourrions la retrouver dans la plus haute antiquité. Ce qui fait le mérite de M. Philips, c’est d’avoir appliqué à cette idée la méthode sériaire qu’il possède fort bien, et d’avoir hiérarchisé les fonctions des diverses âmes.

Nous n’avons que deux reproches à adresser au système de l’auteur : — le premier de n’être pas assez osé, et de n’avoir pas poussé jusqu’au degré infinétisimal sa division ani-mique. S’il y a des âmes fonctionnelles spéciales, correspondant aux fonctions nerveuses spécifiques, comme les fonctions nerveuses se subdivisent à l’infini, pourquoi ne pas être logique, et s’arrêter en chemin?

Comment, indépendamment de la logique directe, vous, monsieur Philips , qui avez si bien le sentiment de l’analogie universelle, qui professez ce grand principe, — que l’être supérieur est le résumé de tous les êtres inférieurs, que l’homme est un microcosme, — comment ne proclamez-vous pas que

Dans cet organisme, qui contient intégralement tous les éléments de l'organisme, depuis l’organisme infiniment simple de la substance minérale, en passant par l’organisme rudimentaire de la monade, et s’élevant d’une manière continue dans l’ordre de la création jusqu’à son propre degré, les âmes de tous les degrés doivent se retrouver hiérarchisées comme les fonctions auxquelles elles président.

11 est vrai que pour vous les âmes ne sont pas de degrés divers, et que le degré de l’organisme auquel elles sont mystérieusement reliées, leur assigne seul, d’après vous, leur place dans la hiérarchie animique. — Et c’est le deuxième reproche que nous faisons à votre système. Comment ! pour vous, toutes les âmes sont ci virtuellement égales, et infinies dans la puissance de leurs facultés ; » vous mettez sur la même ligne l’âme de l’homme et celle de la monade! Plus de loi en ce cas qui relie l’état d’avancement d’une âme et celui de l’organisme auquel elle est jointe. — Cette âine, « infinie dans la puissance de ses facultés, » appartient à la molécule infiniment petite, et c’est au hazard, — non,— à la loi des attractions moléculaires qu’elle devra la place qu’elle occupera dans un nouvel organisme. Et comme, dans un corps organisé , l’excrétion de toutes les parties se fait d’une manière continue, au moment où la molécule , à laquelle est attachée l’âme encéphalique, sera rejetée de l’or-

ganisme, elle sera donc relevée de son poste comme une sentinelle fatiguée , et notre âme consciente se renouvelle , d’après vous, comme nos ongles ou comme nos cheveux.

Niez le principe animique, je le veux bien, mais ne déguisez point le matérialisme sous la forme d’une psycologie dérisoire. — Si la conscience de soi et la personnalité sont indépendantes de 1 âme, le mot âme dans votre bouche n’a plus le sens que lui donnent et le langage vulgaire et le langage philosophique, si ame, pour vous, ne veut dire que molécule chimique, si son identité n’est que l’identité atomique, que voulez-vous que nous en fassions en psycologie ? Si 1 âme par elle-même ne conserve ni souvenir, ni spontanéité, elle n’est plus rien qu’une hypothèse inutile, et qu’il faut rejeter au plus vite.

Et que signifie alors ce passage de votre livre qui n’a de sens qu autant que vous admettez la persistance de l’individualité animique, même après la mort de l’homme :

« Quand nous désignons le corps par le nom de lame, c’est donc par une extension métonymique des attributs du contenu au contenant, qui n’est permise qu’autant que I’hôte est dans la demeure. Quand vous dites : « Mon ami Jac-« ques, » c’est bien I’individualité animique, c’est bien une âme et non plusieurs âmes que vous entendez nommer ; pourquoi dès lors employer une locution mensongère qui, en défigurant la vérité, fait germer les erreurs les plus funestes? Ah! ne dites plus « Je vais accompagner »«on ami « Jacques à sa dernière demeure, » car ce que vous appelez encore votre ami, ce n’est plus déjà que son manteau de rebut ! »

Si, comme il semble résulter de ces paroles que j’ai transcrites textuellement, vous admettez la continuation de l’individu après la mort corporelle , puisque Individualité animique est pour vous un hôte contenu dans le corps; puisque le cadavre n’est plus déjà que son manteau de rebut, le manteau de rebut de Jacques, qui n’a plus la vie organique humaine — que devient votre système de localisation de l’âme identifiée à la monade ?

Admettez donc l’individualité animique avec ce qui constitue l'individualité, savoir le souvenir plus ou moins complet et l’activité propre, ou rejetcz-la clairement.

Nous voulons bien admettre votre système d’âmes composées, mais à la condition que votre division sériaire hiérarchisée sera continuée jusqu’il l’infini ; que 1 âme sera susceptible de s’élever ou de s’abaisser par l’assimilation de nouvelles âmes quelle attirera dans sa sphère d’action ou par la perle d’âmes qui, au moment d’une des transitions que nous appelons morts, abandonneront, en vertu de leur spontanéité, l’âme directrice qui aura cessé de leur être sympathique ; à la condition enfin qu’une loi inconnue, mais déterminée d’élection par attraction , attribuera aux âmes de divers degrés un organisme qui leur soit propre ! Cela veut peut-être dire que nous admettons votre système à la condition d’y substituer le nôtre. Qu’importe ! Nous voulons bien que'notre âme s’appelle légion , mais nous refusons d’en faire le. caporal postiche d’une escouade d’âmes spinales et lechef temporaire d’un peloton d’âmes végétatives.

Nous ne demandons pas mieux — de temps en temps — que de nous lancer dans la métaphysique conjecturale de l’ontologie ; mais nous désirons , autant que possible que les conjectures et les hypothèses ne violent pas leslois de l’analogie universelle, sans autre profit que celui d’attenter à la dignité humaine et de rompre le lien hiérarchique entre les êtres.

Seulement nous préférons ne point mêler les conjectures ontologiques aux raisonnements physiologiques, et c’est pour cela que nous avons détaché la partie scientifique du livre de M. Philips de son système conjectural, et que nous revenons à l’étude positive dont notre digression psycologique nous a un instant détourné.

A- PETIT D'ORMOY.

(La suite nu prochain numéro.)

Le Gérant : I1ÉBEKT (de Garnay).

P.m. - Imprimerie Je Pomur.ti cl UoM»o, 17. do Aogtuliiu.

CLINIQUE.

Notre honorable confrère et ami, M. Thomas Capern , l’habile magnétiseur de Londres, nous envoie une liste des nombreuses cures qu’il a opérées dans cette ville, depuis le mois de septembre 1855 jusqu’au mois de mars dernier.'

Parmi ces traitements, dont quelques-uns sont extrêmement remarquables, nous citerons :

Une fièvre de Crimée, chez un soldat des gardes, guérie en une seule séance.

Douleurs résultant de blessures, chez trois autres militaires de l’armée d’Orient.

Six cas de rhumatismes de diverses natures.

Deux rhumatismes nerveux, dont l’un n’avait pas moins-de vingt-cinq et l’autre de vingt années de date.

Trois cas de goutte.

Un tic douloureux.

Une amaurose.

Nous ferons en outre remarquer que , dans les trente-quatre cas de guérison dont se compose la liste de M. Capern , il ne se trouve qu’un seul des malades sur lequel il ait obtenu le sommeil. Tous les autres ont été traités et guéris sans parvenir à ce degré si éminemment favorable et en même temps si rare, quoi qu’on en dise, de sensibilité magnétique apparente.

Baron DU POTET.

FAITS.

OBSERVATION SYMPATHICO-HOMOEPATHIQUE.

^ A M. le baron Du Potet.

Mon cher maître,

Je viens d’avoir occasion de faire une observation qui me semble intéressante au point de vue magnétique, et je vous la transmets. Si vous en portez le même jugement que moi, vous pourrez insérer ces quelques lignes dans le Journal du. Magnétisme.

Ma femme, en ce moment, essaie du traitement hoinœo-pathique. Le docteur, disciple d’Hahmemann, lui a ordonné une potion à prendre par cuillerées deux par jour. — En voici la formule : noix vomique, quinzième dilution, une goutte ; eau distillée, 120 gr., soit huit cuillerées. Vous savez ce que sont les dilutions homœopathiques ; mais vous ne vous êtes peut-être jamais donné la peine de calculer au juste la quantité de médicament ingérée, si l’on peut appeler cela une quantité.

Dans la première dilution , il entre une partie, 1 gr., je suppose, de la substance, et 99 gr. d’alcool, si la substance est soluble, sinon on procède par trituration avec du sucre de lait. La première dilution contient donc un centième, 0,01 du médicament. La deuxième contient de même 1 pour 100 de la première, et ainsi de suite. On pousse quelquefois jusqu’à la deux-centième. Ici nous nous arrêtons à la quinzième. La première sur 1 gr. contient 0"-,01 ; — la deuxième, 0Br',0001 ; — la quinzième,

0Br-,000000000000000000000000000001 pour une goutte

qui pèse 0Br-,05 les cinq centièmes de ce chiffre, soit 5 précédé de 31 zéros. La cuillerée de potion ne contient que le huitième d’une goutte, ou

0>",00000000000000000000000000000000625 ou 6 décil-lionnièmes et un quart. L’imagination est complètement impuissante à se représenter des fractions si minimes, et les allopathes sont parfaitement fondés à dire que pondéra-lement le médicament a complètement disparu. Je ne sais pas si le remède produira quelque effet, et ce n’est pas une observation thérapeutique pour ou contre l’homœopathie que je vous adresse.

En prenant la première cuillerée de potion, Mm* d’Ormoy a dit : o Oh ! voilà quelque chose qui doit être bien « amer. »

Je lui ai demandé si elle trouvait la potion amère. — « Non, elle n’a pas de saveur. On sent bien un peu d’al-« cool, mais c’est plutôt l’odorat que le goût qui est im-« prcssionné. » Ainsi, son appréciation portait non pas sur la saveur de la potion , mais sur la saveur en quelque sorte virtuelle de la drogue, qui en est la base à dose infinitésimale. J’ai d’ailleurs goûté le contenu de la fiole, je n’ai pas trouvé la moindre apparence d’amertume, et je crois avoir le goût aussi délicat que celui de M"* d’Ormoy. D’ailleurs elle ne trouve pas non plus d’amertume à la potion, et depuis elle n’a pas ressenti l’impression qu’elle a éprouvée à la première cuillerée. Ainsi il résulterait de là qu’au moins, dans un cas spécial, une cuillerée de potion préparée homœopathiquement, et ne devant contenir que moins de sept décillionnièmes de gramme d’une substance a pu produire une impression applicable , une perception. 11 me semble que pour les magnétistes et aussi pour les ho-mœopathes, c’est une observation importante à noter ; car la perception, comment qu’elle soit produite, démontre une action sur le système nerveux. L’observation démontre donc, d’une part, qu’une préparation homœopathique à la quinzième dilution a une action réelle sur le système nerveux : elle démontre, d’autre part, au profit des mesméristes, que

— m —

la perception peut exceptionnellement atteindre des proportions qui dépassent les bornes de l’imagination.

Les conclusions de l’observation ont assez d’importance pour qu’elle vaille la peine qu’on la discute. Comme je ne puis m'être trompé en entendant la réflexion de ma femme, et ses explications, il n’y a donc à craindre de ma part que le mensonge. C’est, comme dans toute affaire de témoignage, une question de moralité. Quant à l’intérêt que je puis avoir à mentir, il est facile à démontrer à ceux qui voudraient s’enquérir que j’ai vu pour la première fois, il y a huit jours, un médecin homeeopathe, et que je suis parfaitement indifférent par rapport à l’iiomœopathie que je n’ai point étudiée, et pour ou contre laquelle je suis encore tout à fait impuissant à me passionner, lteste donc la chance que je mente pour établir un principe indirectement utile à la cause magnétique. — Témoignage à peser.

M»e d’Ormoy déclare qu’elle ignorait que la noix vomi-que fût amère. 11 est très-probable qu’elle n’en a jamais goûté. A-t-elle entendu parler de la saveur de cette drogue? Elle affirme que non. Trompe-t-elle ? Pourquoi n’accuserait-elle pas la saveur aux expériences suivantes? Dans quel but? Elle ne s’intéresse pas à l’homœopathie qu’elle ne connaît pas plus que moi, et je dois avouer, en le regrettant, qu’elle ne s’intéresse guère plus au magnétisme, qu’elle ne nie pas, mais dont elle est bien loin d’être engouée. Enfin est-ce une réminiscence inconsciente ?

Ces objections sont très-graves, mais, qu’on le remarque bien, leur gravité tient uniquement à ce que l’observation est isolée. Qu’on note toutes celles qui pourront se présenter dans le même ordre. Que ceux qui ont à leur disposition des somnambules sensitifs fassent des expériences à ce sujet (car les sensitifs à l’état normal sont très-rares) , et la multiplicité des observations, si elles concordent, mettrait la

difficulté à néant.

Il reste, car nous ne voulons pas discuter incomplètement, une objection grave contre notre conclusion, c’est que, par erreur ou négligence, le pharmacien ait mis dans la po-

lion une goutte d’une dilution plus basse ( mon fils était présent lorsqu’on a versé la goutte unique dans une fiole pleine d’eau prise à môme au tas de fioles remplies d’avance).

Mais comme personne ne trouve de goût !i la potion , la conclusion resterait la même, car le raisonnement aurait la même valeur, si nous l’avions fait sur des billionnièmes que sur des déciJlionniômes, et les billionnièmes correspondent à une dilution d’un numéro peu élevé.

Si vous croyez, mon cher maître, qu'il y ait intérêt à ce qu 011 suive la voie expérimentale que j’indique , et qui me semble propre à, donner une base physiologique positive à l’étude des phénomènes magnétiques de perception extranormale , donnez place à ma lettre dans les colonnes de votre journal.

Agréez, etc.

Paris, 23 août 56.

A. PETIT D’ORMOY.

CHRONIQUE.

Une affaire intéressante a occupé avant-hier l’audience du tribunal correctionnel.

La dame D..., originaire et habitante de notre ville, comparaissait sous la double prévention d’exercice illégal de la médecine et d’escroquerie. Voici les faits curieux et étranges qui ont été révélés par les débats :

Guérie par le magnétisme d’infirmités réputées incurables, grâce aux soins d’un magnétiseur distingué, bien connu à Toulouse, M. Olivier, la dame D... était devenue bientôt un sujet magnétique remarquable. Non seulement elle recevait ou transmettait avec succès le fluide magnétique, mais encore elle obtenait à l’état de veille les phénomènes qui peuvent se réaliser pendant le sommeil magnétique provoqué par les passes. Lorsqu’elle était en présence d’un malade, la sympathie profonde qu’elle ressentait pour les souffrances, pouvait, d’après elle, produire une sensibilité capable d’amener l’extase, et lui assurer la lucidité qui provient ordinairement du sommeil somnambulique. Après la mort de M. Olivier, la dame D..., poussée par un sentiment de charité et d’humanité qui, selon elle, anime tout magnétiseur, donna gratuitement ses soins à quelques amis atteints d’affections graves ; le bruit de ses succès se répandit bientôt, et malgré ses efforts pour empêcher une trop grande affluence, de nombreux malades vinrent réclamer le secours de ses consultations. Ce n’étaient pas seulement les pauvres attirés par la gratuité qui s’empressaient d’accourir ; des personnes appartenant aux classes élevées de la société, ne craignaient pas d’entrer en relations avec la somnambule illettrée qui obtenait des résultats étonnants. 11 ne fut

bientôt plus question dans notre ville, et même dans les villes voisines, que de la somnambule du quartier de Terre-Gabade. La clientèle était des mieux fournies et de nature à faire envie à plus d’un docteur. Tout cela eut un terme, grâce à l’intervention de la police. Une instruction fut suivie, et la dame D... s’est vue traduite en police correctionnelle.

A l’audience, des témoins nombreux constatent des cures vraiment merveilleuses : les hernies étaient guéries avec une facilité incroyable, les luxations, les foulures, les humeurs froides, les affections pulmonaires ou catharrales, en un mot, les maladies les plus graves dont plusieurs médecins avaient désespéré, disparaissaient comme par enchantement sous l’influence des passes magnétiques et des prescriptions médicales de la somnambule. Les bossus eux-mêmes étaient assez heureux pour se voir débarrassés de leurs fardeaux.

Ces faits inexplicables, confirmés avec une énergique insistance par les témoins, s’étaient produits sans que jamais la dame D... eût exigé un salaire ; elle acceptait avec peine les faibles honoraires qu’on la forçait presque à recevoir; d’un autre côté, rien n’établissait qu’elle eût employé des manœuvres frauduleuses pour faire croire à l’existence d’un pouvoir imaginaire, et pour se faire remettre les quelques sommes d’argent qu’elle avait reçues ; aussi le tribunal a prononcé son relaxe sur le chef de l'accusation relatif à l’escroquerie. Mais comme il y avait de sa part exercice illégal de l’art de guérir, le tribunal l’a condamnée à 15 francs d’amende et aux dépens.

Cette décision a été accueillie avec une vive satisfaction par les admirateurs et les adeptes de la dame D..., qui paraissent professer pour elle un véritable enthousiasme. Décidément le magnétisme arrive à la popularité ; qu’il n’oublie pas cependant la police correctionnelle !

(Journal (le Toulouse.)

M. Olivier, dont il est question dans cet article, était un de mes élèves du Midi. C’est à lui que cette contrée doit le progrès qui s’y est fait en magnétisme. 11 a communiqué ce feu qu’il avait reçu de moi; mais moins robuste que son

maître, ce feu a consumé sa vie. El ne serait-il résulté de son labeur et de sa foi que ce procès que nous venons de transcrire, que le magnétisme lui devrait une page brillante, car son retentissement a exercé une influence manifeste sur l’opinion, ce que n’aurait pu produire le meilleur des livres.

Baron DU POTET.

On nous raconte le fait suivant : L’un de ces jours derniers, M. Marcillet, le magnétiseur, se rendait à l’établissement des bains Deligny, lorsqu’il vit apporter sur la berge un homme jeune encore ne donnant plus signe de vie, et dont les traits décomposés avaient une apparence cadavérique. Cet homme s’était affaissé sur lui-même un peu après sa sortie du bain, et les premiers secours de la médecine n’avaient pu le ranimer. M. Marcillet, s’approchant, dit à la foule qui l’entourait : « Tenez, messieurs, lorsqu’un cas semblable à celui-ci se présentera devant vous, faites simplement comme moi, vous aurez un plein succès. » Il se pencha aussitôt vers le moribond, et par des insufflations à chaud sur le cœur, par un massage énergique auquel il joignit des passes à grands courants, il ramena en quelques minutes cet infortuné à la vie, puis il disparut, laissant les spectateurs de cette scène dans le plus profond étonnement.

(Extrait du Siècle du vendredi 21 août.)

BIBLIOGRAPHIE.

ÉLECTRO-DYNAMYSME VITAL,

Par A.-F.-P. PHILIPS.

Suite et fin (1).

VIII..

L’action du moral sur le physique ne fait question pour personne. D’abord les appareils qui reçoivent leur action de l’innervation cérébro-spinale sont sous son empire direct. M. Philips admet cependant que les nerfs, fournis par la moelle épinière, produisent des mouvements inconscients et involontaires ; mais cette distinction des mouvements inconscients en volontaires et involontaires nous semble mal fondée. Il n’y a que l’observation qui nous rende compte des mouvements inconscients. Il semble que nous en soyons les spectateurs étrangers. Le raisonnement seul nous conduit à reconnaître qu’ils résultent d’un acte inconscient de notre volonté. Si nous ne les avons pas observés avec assez de soin, ou si notre jugement a manqué de perspicacité, nous les regarderons comme involontaires.

Mais cette difficulté n’a aucune importance sous le rapport qui nous occupe, et le point délicat de la question c est l’action du moral sur la vie organique. Les anastomoses fréquentes des deux systèmes nerveux rendent cette action probable à priori; mais cela ne suffit pas. L’expérience et l’observation viennent-elles confirmer cette conjecture théorique? Ici nous pouvons répondre avec assurance : —Oui.— Car il n’est peut-être pas un des organes dont la fonction

(1) Voir le numéro du 10 de ce mois.

soit connue qui ne subisse quelque perturbation sous l’empire d’une passion ou d’une pensée.

Toute impression un peu vive, qu’elle nous cause peine ou plaisir, influe sur la circulation, l’accélère ou la ralentit. C’est une vérité vulgaire qui traîne clans les opéras-comiques, et qui nous a été chantée sur tous les airs avec accompagnement de vielle organisée :

Mon cœur palpite De crainte et d'espoir; il bat plus vite...

(Tou* les opéras-comiques, sauf variantes.)

La colère nous fait rougir ou pâlir, c’est-à-dire fait affluer le sang au cœur, ou le fait refluer vers la périphénie, et l’observateur physionomiste sait très-bien distinguer par la nuance du teint l’emportement brutal qui empourpre la face, de la colère concentrée, mais souvent plus redoutable, qui blêmit le visage.

La terreur suspend la respiration et modifie l’hématose.

Une surprise violente trouble les fonctions du foie, et cette impression mentale instantanée peut occasionner, occasionne souvent une jaunisse (ictère) grave et de longue durée (1).

L’inquiétude, le chagrin troublent les fonctions digestives et enlèvent l'appétit.

La douleur physique et morale a une action spécifique sur la glande lacrymale et fait couler les pleurs.

Un chagrin violent fait, dit-on, quelquefois blanchir les cheveux en une nuit, c’est-à-dire atrophie toutes les glandes qui sécrètent la substance colorante des cheveux (2).

(1) Nous avons été à même d'observer un sujet qui offrait, sous ce rapport, une singularité assez curieuse. M. M"‘, d’un teint habituellement pâle, blanc aux lumières, jaunissait d'une façon marquée à la moindre émotion, comme les autres rougissent. C'était un ictère bien caractérisé. Le blanc de l’œil (cornée opaque) devenait franchement jaune, et ces symptômes se dissipaient en quelques minutes.

(2) Nous citons cet exemple, parce qu’il est répété partout. Est-ce bien authentique? Et, dans tous les cas, en admettant le fait, les narrateur»

Une pensée érotique produit souvent plus d’effet qu un contact voluptueux.

Il y a des personnes chez qui l’effroi détermine une envie d’uriner; mais c’est peut-être un simple relâchement musculaire des sphincters.

Enfin, chacun connaît l’effet produit sur les conscrits par la peur à une première affaire. — D’où la locution malséante : Avoir la peur au ventre.

Contentons-nous d’ajouter que des effets complexes d impressions morales peuvent, de l’aveu de tous les nosologistes, occasionner les maladies les plus graves, déterminer instantanément la syncope et même la mort.

Mais ce qu’il nous importe d’indiquer brièvement, c est qu’à côté d’exemples funestes cités dans les ouvrages spéciaux , nous trouvons des cas de guérisons quasi-miraculeuses produites par l’impression morale. Et, sans remonter jusqu’au fds de Crésus qui a, disent les historiens, quoique muet de naissance, trouvé, à la vue de son père en danger, la faculté de s’écrier : « Soldat, tu vas tuer Crésus ! » nous trouvons nombre de cas authentiques et bien constatés de guérison due à des émotions.

La certitude du rapatriement suffit pour dissiper les symptômes de la nostalgie, maladie mortelle que des causes morales produisent et guérissent.

C’est surtout dans les paralysies qu’on a recueilli des exemples de guérison instantanée sous l’empire d’un sentiment de frayeur. Plusieurs personnes ont retrouvé, pour échapper aux dangers de l’incendie, l’usage de leurs membres depuis longtemps privés de mouvement.

On conçoit que les guérisons instantanées doivent être beaucoup plus rares, lorsque des maladies chroniques sont de nature à troubler profondément toute l’économie organique, que dans le cas de paralysies où la propriété conductrice des nerfs est seule altérée.

prétendent sans doute que la portion des cheveux poussée à partir de Incident était blanche; car nous ne croyons pasquon ptfw¿“¡S ’" des cheveux déjà blancs puissent se décolorer presque instantanément.

M. Philips cite deux cas qui lui sont, dit-il, attestés par ■les témoins dignes de foi, mais qu’il ne nomme pas. Les faits sont assez remarquables pour que nous regrettions qu’il n’ait pu leur donner plus d’authenticité.

Une jeune servante, affectée d’un cancer au sein, « ap-« prend que sa maîtresse vient de succomber à l’opération « qu’avait motivée une affection pareille. Y cette nouvelle, « elle s’affaisse comme foudroyée et tombe en cessant de « donner aucun signe de vie. Merveille ! 011 croyait la relever « morte, et on la releva guérie : la tumeur avait totalement « disparu ! »

. Je tiens, » ajoute M. Philips, « la relation suivante d’un « témoin très-honorable que j’ai encore la satisfaction d’avoir « pour élève. Une femme du Valais devait subir, au bout de a vingt-quatre heures, l’ablation d’un goitre énorme. Cette ef-& frayante perspective agit si puissamment sur son âme, que « cette âme, poussée à un effort suprême, trouva la force de « remplir elle-môme l’office du cruel scalpel objet de sa a terreur. Quand le lendemain le chirurgien se présenta à « l’heure convenue pour l’opération, déjà il n’y avait plus « lieu, le goitre n’existait plus. »

L’action modificatrice de la pensée sur les organes une fois constatée, voici comment l’auteur de l'Éleotro-dynamisme vital en donne l’explication physiologique.

Mais, avant de résumer son système fort ingénieux, constatons que les actes qui dérivent du système cérébro-spinal ne sont point, comme on est généralement porté à le croire, des actes de pur instinct et qui se fassent sans apprentissage. Nous ne savons faire mouvoir que les muscles que nous nous sommes habitués à mettre en mouvement. Qu'un individu qui ne s’y est jamais exercé essaie de donner un mouvement de va-t-et-vient latéral à l’œuf du bras (biceps brachial), et le muscle n’obéira pas à sa volonté. Cependant tous les hercules qui se montrent en baraque ont acquis par l’exercice la faculté d’opérer ce mouvement qui, pour eux, est aussi facile que l’est, pour nous, celui de nos doigts.

Santorio qui, au seizième siècle, a fait de nombreuses

expériences sur la digestion, pour connaître les modification s que subissaient les aliments dans l’estomac, s’était exercé au vomissement volontaire, et, à un moment quelconque, il déterminait chez lui la nausée qu’il faisait naître et arrêtait comme il le voulait.

Les sourds-muets possèdent tous les organes de la voix ; mais comme, privés de l’ouïe, ils ne sont point sollicites pai l’imitation au langage articulé, ils n’ont pas la parole, et ne poussent que des cris confus. Cependant leurs organes phonétiques sont susceptibles d’éducation. Mais quel travail inouï pour arriver à l’articulation, lorsqu'il faut qu une oreille étrangère rectifie leurs premiers essais, quand l’ouïe 11e fixe pas chez eux le souvenir des efforts musculaires qui a produit le son correct. Et cependant ils ont la puissance virtuelle de la parole, et le fait le prouve. 11 y en a qui prononcent toutes les syllabes, et nous citerons M. B. Dubois, qui ne sait pas ce que c’est qu’un son et qui parle aussi nettement (nous allions écrire aussi facilement) qu’une jeune fille avec ses compagnes, et non seulement il parle, inaisil enseigne avec succès l'art de la parole dans la classe spéciale d’articulation qu’il dirige à l’institution des Sourds-Muets.

11 ne faut donc pas, comme dans le cas de la sensibilité qui n’existe que par la conscience de son existence, se préoccuper de la conscience de l’activité du système cérébro-spinal sur l’organisme. L’homme ne connaît pas les limites de son action nerveuse dépendant de la volonté; seulement, dans tous actes qui sont du ressort du système nerveux blanc, nous voyons l’innervation produire la contraction musculaire et ne jamais produire d’autre action.

Comment donc concevoir une contraction musculaire dans les organes celluleux et non fibreux que desservent les nerls gris, et comment agissent les filets blancs qui les accompagnent? 11 suffit de concevoir que la membrane (névnlème) qui revêt comme d’une tunique chaque cordon nerveux et chaque fibrille de ce cordon, et qui semble disparaître vers les dernières ramifications des nerfs, que le névnlème,

disons-nous, participe, du moins à son extrémité, de la nature fibreuse, et forme là une sorte de sphincter (anneau contractile) qui enveloppe la fibrille.

Cette hypothèse que la délicatesse et la ténuité des ramus-cules nerveux extrêmes ne permettent pas plus au scalpel de vérifier qu’elles ne laissent suivre les ramifications des anastomoses, trouve une sorte de confirmation dans la nature d’un organe spécial, de l’iris qui, n’offrant pas à l’anatomiste des apparences musculaires, n’en est pas moins éminemment contactile, et règle l’ouverture du diaphragme oculaire. Elle suffit à rendre parfaitement compte de toutes les actions possibles de la pensée sur l’organisme. Nous avons fait voir en effet que toutes les modifications organiques concevables pouvaient être produites par les variations dans l’activité des différentes fibres nerveuses. Or 011 sait que la compression d’un nerf peut en diminuer, et même en paralyser complètement l’activité.

Si donc nous admettons que l’innervation du système blanc peut exercer une compression sur l’extrémité de chaque fibre nerveuse grise, par l’intermédiaire de sphincters spéciaux, nous concevons que la pensée qui a la direction du système blanc puisse faire varier l’activité des nerfs de la vie végétative entre toutes les limites possibles depuis son maximum correspondant à une compression nulle, jusqu’à zéro si la compression devient assez grande.

Ce point est le plus important de la théorie de M. Philips, et nous croyons ne pas devoir nous contenter de cet aperçu à priori.

A posteriori nous avons démontré par l’observation l'influence de la pensée sur la vie végétative. L’expérience démontre que la pensée n’a d’autre organe de. son action que les nerfs du système cérébro-spinal. Mais ces nerfs ne servent dans tout ce que nous connaissons d’eux qu’à produire des contractions musculaires. Nous sommes donc conduits à admettre que leur intervention dans la vie végétative a lieu par ce procédé qui leur est spécial, et sans lequel nous ne saurions concevoir l’influence démontrée. D’ailleurs

une contraction musculaire ne peut produire sur le système nerveux que la compression, et la compression ne peut que ralentir l’activité nerveuse.

Une induction sévère et rigoureuse nous amène donc à conclure que partout où nous voyons une modification organique produite par une force mentale, il existe un système fibreux, une sorte de sphincter mis en jeu par les nerfs de la vie de relation, et réagissant sur les nerfs de la vie végétative.

Et comme tous les nerfs de la vie végétative sont, les uns comme les autres, accompagnés de filets blancs de l’autre système, nous ne pouvons nous empêcher de généraliser la conclusion, et de formuler cette proposition :

L’homme par son action mentale peat produire sur son système nerveux toutes les modifications possibles d'activité, et par suite il peut par son action mentale obtenir toutes tes modifications possibles de son organisme.

Quand bien même l’ouvrage de M. Philips ne contiendrait que cette proposition et ses développements, et il renferme beaucoup de vues et d’aperçus que la nécessité de nous restreindre nous a fait sciemment négliger, — quand même ce principe théorique serait, dans l’état actuel de la science, sans aucune application, l’auteur n’en aurait pas moins rendu un service signalé, et la psychologie lui devrait de la reconnaissance tout aussi bien que la physiologie. Un principe nouveau est, par une loi nécessaire de l’esprit humain, la source d’applications pratiques. Et cela résulte de la connexion analogique intime entre le monde des idées et celui des faits — pour éviter le langage métaphysique — cela résulte de la liaison entre la pensée et l'action, que nous croyons avoir démontrée dans ce paragraphe.

Mais dès à présent, pour les magnétiseurs, les applications du principe doivent être évidentes. Car, sitôt que l'on admet l’influence de la volonté d’un être sur un autre — et c’est là l’idée concrète qui résume le mesmérisme, indépendamment de toute hypothèse — on voit que la proposition

de M. Philips donne au magnétisme une base scientifique, et peut diriger les opérateurs dans l'application.

Nous regrettons que l’auteur n’ait pas développé dans ce sens l’idée à laquelle il .est parvenu; mais ce regret n’est pas de notre part une critique. M. Philips avait son plan et son but spécial, il a suivi sa voie. Le champ de la science n’a point de haies ni de clôtures, tous ont le droit de moissonner ce qu’üN a semé.

Nous n’avons pas tout approuvé sans réserve dans l’ouvrage que nous examinons ; nous avons encore à exprimer quelques critiques. Mais, au point où nous en sommes parvenu, nous croyons avoir justifié ce que nous avons dit en commençant : (pie I’Electro-dynamisme vital est une œuvre d’une haute valeur.

IX.

Nous voudrions terminer ici notre compte-rendu ; car les deux autres propositions que nous avons encore à examiner ne sont pas traitées d’une façon satisfaisante.

Si la sensibilité consciente interne était bien établie, au point où nous en sommes parvenu, il suffirait d’énoncer le principe :

L'homme peut dans sa mémoire trouver le souvenir des moyens à employer pour reproduire tous les phénomènes qu'il a déjà éprouvés,

Pour le mettre hors de doute. Mais rien ne peut nous faire supposer qu’il y ait souvenir là où il n’y a pas eu conscience de l’impression, de sorte que nous ne pouvons admettre que l’homme sache, au besoin, se rappeler comment telle ou telle fibrille nerveuse est impressionnée lorsqu’elle apporte un contingent d’activité plus considérable; et c’est ce qui serait nécessaire pour comprendre que la « mémoire « est une voie commune qui peut conduire l’impression « mentale sur toutes les facultés végétatives. »

Peut-être n’avons-nous pas bien saisi les raisonnements de l’auteur sur ce point; mais enfin nous y avons appliqué

toute notre intelligence et toute notre attention. Nous avons relu avec le plus grand soin la série des démonstrations, la même lacune nous semble subsister. Du reste les articles qui traitent ce point dans C Electro-dynamisme vital ne sont pas très-longs, et nous allons les citer textuellement. Le lecteur saisira peut-être le joint du raisonnement qui nous a échappé.

tt 460. Toutes les facultés sensitives — et par elles toutes les autres facultés de l’âme — jouissent de la propriété, plus ou moins développée suivant les individus, de renouveler, par le travail intime de leur activité propre et par le concours de l’intelligence, les impressions qu’elles ont une fois reçues de leurs excitateurs directs, et cela sans que l’intervention de ces derniers soit actuellement nécessaire. Cette propriété, c’est la mémoire. »

. 11 a été démontré » — c’est nous qui soulignons ce mot — « que pour exciter une faculté végétativee il suffit d’exciter la faculté sensitive qui lui correspond (456) ; or nous venons de constater que, par l’intermédiaire de la mémoire, toute faculté sensitive peut être excitée mentalement. »

Voici maintenant l’article ou mieux les articles auxquels renvoie l’auteur.

« 455. Maintenant il est à observer que l’excitation d’une fibre sensitive n’est autre chose au fond que l'excitation de la faculté sensitive dont elle dépend (179-12°). 11 s’ensuit que la réaction causée dans une « fibre active » par l’excitation de la « fibre sensitive » complétementaire ne peut être considérée autrement que comme la réaction d’une « faculté sensitive » sur une « faculté active ; * et alors nous arrivons naturellement à la conclusion suivante :

« 456. POÜR IMPRESSIONNER UNE FACULTÉ VÉGÉTATIVE, C’EST-A-DIRE POUR FAIRE NAÎTRE TOUTES LES MODIFICATIONS NOSOLO-GIQUES ET THÉRAPEUTIQUES DONT SES FONCTIONS SONT SUSCEP-1 TIRLES, IL SUFFIT D’IMPRESSIONNER LA FACULTÉ ENDESTHÉSIQUE CORRESPONDANTE (66). »

Voici la série des propositions (179) qui ont trait à la ques-

tion qui nous occupe, et qui seront facilement saisies, puisque nous avons donné le système animique de l’auteur.

« ...................“

« 8“ Toute âme est servie par un système nerveux composé d’autant d’éléments, c’est-à-dire d’autant d’espèces de fibres qu’elle a de facultés à exercer. »

, , .................

« 10° A toute fibre correspond une faculté animique. »

( 11° Les propriétés distinctives des actions vitales dont chaque fibre est le siège remontent jusqu’à la faculté animique elle-même, et à elle exclusivement elles appartiennent d’une manière absolument intrinsèque. »

« 1*2° «L’action effective du monde extérieur sur les fonctions vitales, » que nous avions amenée d’abord à se laisser définir, « l’excitation des fibres par lesquelles s’accomplissent ces fonctions, » se trouve circonscrite en analogie finale dans cette expression irréductible : »

« L’action effective du monde extérieur sur les fonctions DE LA VIE, c’est L'EXCITATION DES FACULTÉS VITALES PAR L INTERMÉDIAIRE DES FIBRES CORRESPONDANTES. »

Enfin, voici l’art. 66 cité plus haut :

« 66. La sensation se produit sous deux formes générales et en vertu de deux modes d’activité du sensorium commun (principe sensitif de l’âme) qui sont la sensitivité extestine ou exesthèsie, et la sensitivité intestine ou endesthèsie. . . » « 68. La sensitivité intestine est destinée à mettre le sensorium en relation avec toutes les parties vives de 1 organisme, afin que l’âme soit avertie par la souffrance des perturbations qu» peuvent menacer l’harmonie de ses organes, et contrainte au besoin, par un aiguillon pressant, de porter un prompt secours à la vie ainsi menacée. Au contraire, un doux sentiment de bien-être, ou bien encore un frisson de volupté monté de la profondeur des entrailles, l’invitent à se reposer avec confiance sur la solidité de ses appuis matériels, et sont pour ainsi dire l’approbation et la récompense e l’usage normal qu’elle en fait. »

« 72.....En premier degré d’analyse, elle (l’endes-

thésie) se divise en trois branches qui sont.....3° la sensitivité ensevelie dans l'épaisseur des tissus et qui ne se manifeste guère que par la souffrance. »

Nous ne voyons rien dans tout cela qui prouve, qui tende même à prouver la sensibilité consciente des organes, et encore moins la mémoire spéciale des impressions de la vie organique ; la mémoire, cette propriété par laquelle on doit impressionner ta faculté endesthélique correspondante pour faire naître toutes les modifications nosologiques et thérapeutiques dont les fonctions végétatives sont susceptibles.

X.

Qu’importerait après tout que nous n’eussions pas bien saisi le raisonnement qui conduit à cette conclusion théorique, ou même qu’elle fût incomplètement établie, si l’auteur donne le moyen par lequel On peut par la parole exciter le souvenir chez un individu, et, par suite, produire sur lui, par l'impression mentale, tous les effets nosogétiques et thérapeutiques ?

Malheureusement ce moyen n’est pas donné ou il est enveloppé « d’un voile que la lecture attentive suffira pour rendre transparent, dit l’auteur, et qui ne sera dès lors un obstacle réel que pour la dangereuse indiscrétion des esprits trop pea soucieux de la science pour se donner la peine d’en faire une étude sérieuse. En outre, je — M. Philips — réserve entièrement pour une instruction verbale et personnelle l’exposition des règles purement pratiques de l’art des impressions mentales, la présence d’un homme expert étant indispensable pour diriger les commençants au début de leur expérimentation. »

Certes, chacun a le droit de parler ou de se taire; mais transporter dans la science l’aphorisme de Talleyrand : « La parole a été donnée à l’hoinme pour déguiser sa pensée, » c’est, ce noussemble, dépasser le droit ou en abuser. Je comprends qu’on donne au public une énigme scientifique à de-

viner, c’est-à-dire un problème à résoudre ; mais qu’on lui donne la solution enveloppée de voiles, — en langue vulgaire — déguisée, c’est tout bonnement un rébus.

11 y a des gens chez qui le goût d’une médecine noire provoque la nausée, d’autres que l’odeur d’une bête puante fait tomber en pâmoison ; il en est que la vue d’une araignée horripile ; à ceux-ci le toucher du crapaud donne des attaques de nerfs; le bruit d’une scie qu’on afl'ùte agace presque tout le monde. — Quant à nous, notre médecine, notre bête puante, notre araignée, notre crapaud, notre scie, c’est le rébus. Aussi sommes-nous très-peu aptes à déchirer le fameux voile. Que chacun lise donc l’ouvrage et devine le rébus.

Quant à nous, examinons la question sans avoir égard aux obscurités que l’auteur nous donne pour nous éclairer. Quels sont les termes du problème ? Pour que la parole, rénonciation produise une impression mentale profonde, il faut qu’elle trouve créance. 11 faut donc qu’elle soit démonstrative et alors qu’elle s’adresse au raisonnement, ou bien qu’elle soit aflirmative et alors il faut qu’elle s’adresse à la crédivilé, comme l'appelle M. Philips, ou, comme nous dirions, à la crédulité ou à la foi.

Le procédé par raisonnement est connu de tout le monde, mais il n’impressionne pas généralement avec beaucoup d’énergie. La foi, au contraire, — et cette vérité n’est pas neuve, — enfante des miracles. Quel est donc le moyen d’exciter la foi, ou plus simplement la crédulité? Indépendamment du secret de M. Philips, le problème a plusieurs solutions connues. La principale, — nous ne disons pas la meilleure, — celle qui sert de base au procédé le plus généralement employé, c’est celle qui est fondée sur la connaissance de la bùtise humaine : c’est le charlatanisme, qui n’est pas neuf, mais qui a toujours le privilège d’exploiter, aujourd’hui comme hier, la crédulité universelle. — Puissant moyen qui a bien sa part dans quelques miracles, et que, dans notre état actuel de civilisation basée sur le mensonge, nous n’oserions pas proscrire d’une manière absolue.—Ainsi

— Ail —

qu’une pauvre créature crédule et superstitieuse vienne me conter qu’elle est ensorcelée par un berger, — et il n’est guère de magnétiseur qui n’ait reçu quelque déclaration analogue, — et je n’hésiterais pas, pour guérir cette imagination malade, à avoir recours à une sorte d’homœopathie morale, c’est-à-dire à employer à petite dose le charlatanisme qui doit, comme les causes morales de la maladie, agir sur la crédulité. Je me donnerais pour un sorcier bien plus fort que le berger ; puis, avec deux ou trois paroles biscornues et un geste emphatique, je romprais le charme.

Vient ensuite un procédé bien connu des juges d’instruction — de l’ancien régime, s’entend — et des captateurs d’héritages de tous les temps : c’est le procédé dont l’électro-biologie et l’hypnotisme ont fait la base de leur méthode, c’est la suggestion, qui consiste à amener petit à petit le sujet à ses fins par une série d’affirmations très-voisines les unes des autres, sans saut brusque d’idées, en commençant toujours par une affirmation qui soit d’accord avec les opinions et les idées actuelles de celui auquel on s’adresse. Les affirmations peuvent être remplacées par des questions dont la forme contienne implicitement la réponse, et toujours avec les précautions susindiquées. — Tous les magnétiseurs connaissent ce procédé et savent quelquefois le combiner avec le premier.

Mais de tous les moyens d’exciter la crédulité, le plus noble à la fois et le plus puissant lorsque l'on peut l’employer, c’est de croire profondément à ce que l’on affirme ; c’est d’avoir la foi robuste, intégrale, la foi qui rayonne, qui se traduit par la physionomie, par le geste et par la parole, la foi qui se communique invinciblement. C’est là le vrai procédé thaumaturgique ; mais il n’est pas toujours à la portée de tous. Pour celui qui le possède dans le moment où il opère, il n’est pas besoin d’avoir recours à des moyens préparatoires qui plongent le sujet dans cet état de stupeur, ou pour mieux dire de concentration que nous nommons état de charme (1), éteignant ainsi, autant que possible, toutes les (i) Pour quo cet état de stupeur soit produit, il faut surtout que la fa-

facultés autres que celles de la crédulité. Elle la surexcite assez pour que les autres soient dans une sorte de sommeil relatif.

M. Philips rappelle en quelques mots les procédés connus pour favoriser Citât passif, c’est le nom beaucoup plus convenable qu'il donne à l’état assez mal désigné par les magnétiseurs français sous le nom ù’itat de charme. La fixité du regard, les drogues, la magnétisation , enfin la rondelle de zinc et cuivre, à laquelle il attribue un galvanisme particulier (qu’est-ce qu’un galvanisme particulier?) et que, d’après notre expérience particulière, nous regardons, jusqu’à preuve contraire, comme identique avec la fixité du regard sans distraction sur un objet quelconque ( procédé de l’hypnotisme).

Une ligne de points, qui termine l’article consacré à ce sujet, nous ferait supposer que M. Philips se réserve le secret d’autres procédés.

Voici le résumé des points principaux du livre de M. Philips. La partie théorique en fait une œuvre hors ligne. La partie qui concerne les applications ne doit être considérée que comme l’annonce de coure que l’auteur se proposait sans doute de faire en France, puisque c’est en français et à Paris qu’il a publié son livre. Des circonstances ou des considérations que nous ne sommes pas à même d’apprécier, car les motifs énoncés dans l’introduction nous semblent insuffisants pour expliquer son changement de résolution — n’ont sans doute qu’ajourné l'époque où il complétera son œuvre par l'enseignement oral. Jusque-là, nous n’avons pas à nous prononcer, et sommes persuadé que M. Philips, qui n’a pu avoir i’intention de laisser ainsi son public dans un

culté du raisonnement soit comme endormie, et c'est surl'8bsence de raisonnement chez le sujet qu'est fondée la méthode de suggestion que nous avons énoncée en quelques, lignes : le rapprochement des idées très-voisines, mais non logiquement déduites. — Ce n'est pas ici le lieu de nous étendre sur cette méthode qui exigerait des développements considérables, et qui joue souvent un grand rôle dans.le magnétisme, souvent même à l’insu de l’opérateur.

— Zi/i 3 —

état perplexe, saura apprécier comme un signe flatteur de l’impatience d’en apprendre davantage la colère que nous ont donnée ses réticences.

A. PETIT D ORMOV.

DE LA CATALEPSIE, par Puel, docteur en médecine, mémoire couronné

par l’Académie impériale de médecine. Brochure in-4. Paris, Baillière,

1856.

La catalepsie est une des maladies les plus curieuses à étudier et les moins connues ; elle se présente rarement, elle offre des symptômes variables ; l’observateur, réduit à examiner par lui-même un ou deux faits, ne peut les rapprocher des faits précédents qu’au moyen de relations plus ou moins défectueuses. La question intéresse particulièrement les magnétistes. En effet, la plupart des caractères qui distinguent la catalepsie peuvent être obtenus artificiellement et sans danger sur les sujets magnétiques, et c’est même là un des exercices les plus ordinaires des séances magnétiques ; les individus atteints de catalepsie jouissent quelquefois de la faculté de lucidité et offrent une grande analogie avec les somnambules et les extatiques ; enfin cette maladie, qui fait le désespoir de la médecine ordinaire, cède au magnétisme, et c’est un des cas où brillent avec le plus d’éclat l’excellence et l’utilité du magnétisme employé comme moyen de guérison. Nous devions faire connaître à nos lecteurs l’ouvrage de M. le Dr Puel, qui, du reste, mérite toutes leurs sympathies et sert utilement notre cause.

11 a fait une véritable monographie de la catalepsie , de manière à nous donner un résumé complet, méthodique et substantiel de tout ce qui a été écrit sur ce sujet, en y joignant le résultat de ses propres observations. Il cite tous les documents transmis par les divers auteurs, de manière

— hhlï —

à nous faire connaître comment la maladie a été observée et traitée aux diverses époques. Pour les cas qu'il a été appelé lui-même à traiter, il en donne l’historique parfaitement détaillé.

Voici la définition qu’il donne de la catalepsie : « C’est une névrose intermittente, sans modification notable dans les fonctions de la respiration et de la circulation, avec une perturbation spéciale île toutes les fonctions de relation. essentiellement caractérisée par l’impossibilité où est le malade d’étendre ou de contracter volontairement les muscles de la vie animale, tandis qu’une personne étrangère peut à son gré faire passer successivement ces mêmes muscles par tous les degrés intermédiaires entre les limites extrêmes de contraction et d’extension. »

L’auteur décrit ensuite les symptômes résultant du trouble des diverses fonctions vitales. Voici ce qu’il dit à propos de la vue : « Il est évident que l’occlusion absolue des paupières ne permet pas à la vision proprement dite de s’opérer selon les conditions physiques et physiologiques ordinaires; il ne peut y avoir, dans ces circonstances, qu’une perception plus ou moins vague de la différence qui existe entre la lumière et l’obscurité. Quant à la question de savoir si la vue peut s’exercer complètement à travers les paupières parfaitement fermées en vertu de quelque loi physiologique inconnue, comme ce phénomène auquel ou a donné le nom de vision à travers les corps opaques, a été signalé plus particulièrement dans les cas de catalepsie compliquée de somnambulisme, ce n’est pas ici le lieu de s’en occuper. » Il est à regretter que M. Puel, obligé de se renfermer dans la spécialité du sujet proposé par l’Académie, n’ait pu s’occuper de cette branche si importante : heureusement il nous promet de nous en dédommager dans un second mémoire qui sera le complément du premier. Les préventions bien connues de l’Académie n’auraient sans doute pas permis aux concurrents de se prononcer eu toute liberté sur la question. En s’adressant au public dans son prochain ouvrage, l’auteur ne sera plus lié par les règles

d’une prétendue orthodoxie; il aura pour juges tous les amis de la science, il nous fera connaître le résultat de ses études sur la lucidité , et nous croyons pouvoir lui prédire .une récompense qui vaudra bien le prix de l’Académie.

M. Puel passe en revue les causes prédisposantes et déterminantes de la catalepsie. Parmi les causes morales, il en est dont l’action se rapproche singulièrement de l'action magnétique. L’amour et la haine, nous dit-il, peuvent amener la catalepsie. Parmi les exemples qu’il cite, en voici un des plus singuliers. « Une jeune personne, mariée à mi homme quelle aimait peu , fut prise de catalepsie huit jours après son mariage; elle retourna chez ses parents, et là elle n’avait d’accès que si elle pensait à son mari, si elle en entendait parler ou s’il venait la voir. Rondelet ajoute même un fait curieux à recueillir pour l’histoire des antipathies : elle avait, dit-il, un accès avant d’avoir vu ou entendu son mari, lors même qu’il venait vers elle à son insu (page 91). » Il aurait été à désirer que le narrateur de ce dernier fait nous eût transmis quelques détails circonstanciés , et notamment eût indiqué la distance où était le mari quand la femme, qui ignorait sa démarche, était prise d’accès de catalepsie. Même à défaut de ces détails, il y a là certainement un document précieux à consigner dans les annales du magnétisme. La femme était-elle avertie de l’approche de son mari par un flair semblable à celui des chiens de chasse ; était-elle douée par intervalles et à l’état de veille, d’une lucidité spéciale qui, parmi tous les objets éloignés, ne lui faisait voir que la personne abhorrée; était-elle impressionnée par le fluide particulier de son mari, ou (suivant d’autres systèmes) par les vibrations que celui-ci produisait? C’est ce qu’il est difficile de décider. Toujours est-il qu’il se passait un phénomène en dehors des lois ordinaires, phénomène rentrant dans la classe de ceux qu’on appelle merveilleux, que la science officielle s’obstine à repousser, et qu’elle sera bientôt obligée de reconnaître.

M. Puel, .après avoir laborieusement compulsé tout ce qui a été écrit sur la catalepsie , et recueilli tous les moyens

employés pour la combattre, conclut à l’impuissance de la médecine. « J'avais essayé, dit-il, de mettre une sorte de classification ou môme simplement un peu d’ordre dans l’énumération que je me proposais de faire des médicaments employés à diverses époques contre la catalepsie ; mais j’ai dû renoncer à ce travail fastidieux, par la conviction à laquelle je suis arrivé, qu’il n’aurait aucun résultat utile au point de vue thérapeutique. On est vraiment effrayé de la liste innombrable de médicaments et de formules que renferment les ouvrages anciens ; et ce qu’il y a surtout de déplorable, c’est de voir les auteurs les plus sérieux tomber dans une telle prolixité, lorsqu'il s'agit du traitement, après avoir été si avares de détails sur l’observation proprement dite, et en particulier sur les symptômes. On me pardonnera, je l’espère, de ne pas aborder ce chaos de formules dans lesquelles on trouverait, à coup sûr, les neuf dixièmes de la matière médicale, depuis la diagridin et tant d’autres médicaments tombés aujourd’hui dans un oubli complet, jusqu’au castoréum dont la réputation, comme antispasmodique, s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Mais, même en laissant de côté les vertus problématiques des médicaments spéciaux, nous retrouvons dans l’histoire de la catalepsie presque toutes les méthodes thérapeutiques : émissions sanguines, purgatifs, vomitifs, révulsifs, frictions,

bains, eaux minérales, électricité, etc., etc..... Hélas! il

n’est peut-être pas un seul agent médical qui n’ait été mis en œuvre contre cette cruelle maladie... Les auteurs les plus compétents, même parmi les modernes, avouent l’impuissance de l'art contre cette affection. »

Faut-il donc se résigner à rester inactif en présence de cette affreuse maladie, et n’attendre le salut que du travail

de la nature ?..... Heureusement il n’en est pas ainsi, et

M. Puel, dans son récit remarquable du traitement de Mmc D..., nous indique la voie salutaire. 11 commença par constater que l’administration de tous les médicaments connus avait été plus nuisible qu’utile , et il se décida à supprimer toute médication active, à prescrire des bains et une

«alimentation fortifiante. Puis il remarqua que, par suite de légères frictions le long du bras, la main s’entr’ouvrait, les doigts s’allongeaient par un mouvement lent et régulier, le bras acquit une souplesse telle qu’après avoir été soulevé, il retombait sur le lit comme un corps inerte. En faisant de pareilles frictions sur les autres muscles, il obtint le relâchement le plus complet. Enfin il toucha légèrement les paupières pour faire cesser la contraction des muscles orbi-culaires, et la malade, jusque-là privée de sentiment, ouvrit les yeux et recouvra immédiatement connaissance. Le lendemain et les jours suivants, en employant les mêmes procédés, il obtint le relâchement complet des muscles contractés et le retour de l’intelligence et du sentiment. Il varia ensuite les expériences, en changeant l’ordre suivant lequel il agissait sur les parties du corps, et le même succès eut lieu constamment; des témoins recommandables, choisis parmi les notabilités scientifiques, constatèrent ces faits si curieux et en furent émerveillés. Le médecin , convaincu dès lors qu’il avait prise sur le mal, chercha à influer sur le retour des accès, et il y réussit. Il employa comme auxiliaires la belladone, les douches et les compresses d’eau froide au cou. En combinant tous ces moyens pendant plusieurs années , en déployant un dévouement et une persévérance au-dessus de tout éloge, il parvint, au prix de longues fatigues et en compromettant sa propre santé, à une guérison complète. C’est là un résultat qui lui fait le plus grand honneur. Et ce n’est pas seulement d’un bienfait individuel qu’il faut le féliciter, c’est de la constatation de l'efficacité d’une méthode, c’est d’une grande leçon donnée au corps médical. Car, il n’y a pas à s’y tromper, c’est par le magnétisme que M. Puel a guéri sa malade ; le mot ne se trouve pas dans sa relation , mais la chose y est clairement décrite ; le mot eût fait reculer d’horreur les doctes juges du concours , la chose a été accueillie par eux avec faveur, et l’auteur leur a paru digne du prix. Applaudissons à leur sentence : que l’anathèine continue à peser sur le mot, nous y consentons bien volontiers, pourvu que la chose soit acceptée. Peut-être

même l’Académie de médecine, pour ménager son amour-propre, inventera-t-elle un nouveau mot (probablement tiré du grec) pour désigner la découverte de Mesmer, et grâce à ce baptême, daignera-t-elle enfin l’admettre dans son sanctuaire ; c’est ainsi que le clergé , après avoir fulminé contre certaines cérémonies païennes, ne pouvant venir a bout de les déraciner, a pris le parti de les faire entrer dans son rituel en prenant seulement la précaution d’v apposer une étiquette canonique.

A. S. MORIN.

NÉCROLOGIE.

Le magnétisme vient de faire une perte cruelle dans la personne d’un de ses plus nobles et plus énergiques propagateurs, le comte Negri di Montalenghe, de Turin. Tous les magnétistes de cette ville se sont fait un devoir d’accompagner jusqu’à sa dernière demeure ce vénérable président honoraire de'la Société philomagnétique de Piémont, où son beau caractère laisse d’unanimes regrets.

Le Gérant HÉBERT (de Garnaj).

LE SPIRITUALISME EN AS'/iÉRIQUE,

En continuant de donner quelques extraits des journaux américains traitant du spiritualisme, ceux qui me blâment d’en agir ainsi verront que leurs observations , leurs craintes, ne m’ont point imposé, et que, basant ma conduite, non sur mes intérêts, niais sur ceux de la vérité, je veux autant qu’il est en moi me montrer novateur, c’est-à-dire rechercher partout et toujours tout ce qui peut se rattacher de près et de loin au magnétisme.

Je considère que les peureux, les faibles en puissance magnétique, en mettant en jeu leur haute raison, ne font qu’agir d’après une vue étroite et signalent ainsi leur iirt-puissance. Le merveilleux qui nous accompagne sans cesse et auquel nous ne pouvons nous soustraire ne nous indique-t-il point un ordre caché , voilé , et qu’il faut enfin découvrir? Et celui-là même qui aujourd’hui expliquerait le mécanisme physique de la guérison des êtres par le magnétisme dévoilerait un mystère : l’agent qu'on est forcé de reconnaître n’est encore qu’un mot: le principe reste inconnu. La vision, la vue à distance, l’instinct des remèdes, le mouvement des corps et cent autres phénomènes ne mériteront-ils donc point qu’on les examine sous tous leurs aspects et qu’on leur consacre une place dans ce journal ?

Nul enfin n’a plus que moi fait de sacrifices au magnétisme, et la place que j’occupe, chèrement payée, me donne la liberté dont j’use.

Baron DU POTET.

M. le juge Edmonds, célèbre par son livre sur le spiritualisme, a adressé au journal le Christian spiritualist de New-York la lettre suivante, qui a été reproduite par plusieurs autres journaux américains.

New-York, 21 octobre 1854.

« Cher Monsieur,

« Peut-être qu’ayant raconté le naufrage de CArctic, vous seriez désireux d’avoir plus de détails sur les événements dont je vous ai entretenu l’autre jour ; je vais essayer de

vous satisfaire.

« Quelques jours avant que nous eussions reçu les nouvelles de ce sinistre, on fit un essai pour obtenir à ce sujet une communication de ma fdle qui, 1 année précédente, avait annoncé le naufrage du San Francisco. Mais on ne réussit pas à cause de l’inquiétude qu’elle éprouvait sur le sort d'une de ses parentes qui était en mer, et dont la peu-sée s’unissait continuellement dans son esprit à celle de naufrage. 11 en résulta une confusion et une anxiété qui troublèrent sa clairvoyance ; toutefois l’idée d’un naufrage se présentait fréquemment à son esprit et l’impressionnait

très-vivement.

« Le lendemain du jour où nous reçûmes la nouvelle du naufrage, je retournai chez moi dans l’après-midi, et j’y trouvai mon ami, M. J., et ma fdle. Il était en communication avec un esprit. Je suivis avec attention l’expérience ; pen-dant'deux heures , les communications eurent lieu par son intermédiaire, et par ceux de Laura, de M. A., qui vint dans le cours de la soirée et de moi-même : on s’occupa des passagers de l’Arctic, dont je vous ai parlé.

« Je fus pénétré de l’idée que les esprits d’une centaine d’entre eux au moins étaient présents parmi nous, quoiqu’un bien plus petit nombre seulement fût connu de nous et se soit entretenu avec nous.

«N. B. Blunt, dernier attorney du district, l’évêque Wain-right, lsaac T. Hooper, Dr Cory, et d’autres esprits de nos amis, furent aussi présents et s’entretinrent avec nous ou par notre intermédiaire.

« Je contemplais notre réunion, et particulièrement un de mes amis qui était en proie à une grande excitation. Il me cria : — Dieu ! Edmonds, est-ce bien vrai ? La mort est-

elle bien ce que vous disiez? Et qu’est-ce que la mort? Est-il possible qu’elle produise des transformations?...

« Je répondis : —Vous voyez , et vous pouvez juger par vous-même. Portez sur ce sujet la clarté de votre intelligence, et vous comprendrez.

« — Mais, me dit-il, où suis-je ? que dois-je faire ? où vais-je? En sera-t-il toujours ainsi?...

«Je lui dis : —Non , sans doute, il n’en sera pas toujours ainsi. Mais il me serait difficile de vous dire ce qu’il y a à faire ; car je ne puis connaître toutes les circonstances qui nous environnent. Mais il y a ici quelqu’un que vous ne voyez pas, et qui peut vous renseigner.

« — Qui donc ? demanda-t-il.

« — C’est, répondis-je, notre ancien ami Blunt.

« —Bali ! répliqua-t-il. Il est ici ? Et où donc ? Faites-le-moi voir. Que j’apprenne de lui où je suis et où je dois aller.

« Cette conversation s’étant ainsi prolongée, M. Blunt se manifesta par l’intermédiaire de ma fille, et s’exprima ainsi :

— Juge, dites-lui que je suis ici, prêt à l’aider, et qu’il n’a qu’à désirer vivement pour me voir et m’entendre en personne. Pour le moment, son esprit est dans une telle confusion et une telle incertitude, que ni son frère ni moi ne pouvons nous rendre visibles à lui.

» Ces paroles me furent prononcées d’une voix très-nette, et furent entendues par le questionneur, qui détourna de moi son attention, et se dirigea du côté d’où venait la voix de Blunt, avec lequel il engagea une conversation.

« D’autres esprits conversèrent alors avec moi. L’un d’eux me dit que sa dernière pensée, quand son corps périt avec le navire, fut que, dans peu d’instants, il serait réuni è. sa femme et ses enfants, qui étaient décédés. Il dit encore une chose qui m’étonna beaucoup, c’est que, quand il s’éveilla, il vit sa femme et ses enfants passer loin de lui dans différentes directions, et il se trouva seul tout près de la terre.—Cela, dit-il, doit-il toujours rester ainsi ? Ne les reverrai-je jamais, jamais? Et dois-je toujours errer près de la terre?

« Un autre que j’avais bien connu me dit avec une vive émotion : — Ami Edmonds, ce que j’avais toujours regardé comme des illusions d’un esprit malade est donc une vérité ! Je le vois bien à présent. Je sais que je suis mort ; mais maintenant il me semble que je suis sur terre comme auparavant , et je cause avec vous aussi commodément que jamais. Oh ! dites-moi ce que tout cela signifie et ce que je dois faire.

« Je l’envoyai au père Hopper, qui était présent, et que je lui indiquai comme bien plus en état que moi de l’instruire. Mais il s’éloigna au contraire de Hopper, et me rappela qu’ils avaient été en désaccord sur terre, et qu’ils avaient eu ensemble de difficultés dans les réunions religieuses.

« M. Hopper alors s’adressa à moi par l’intermédiaire de Laura et me chargea de le rassurer et de lui déclarer que, quant à lui, il ne conservait aucun souvenir fâcheux du passé, qu’il était même tout prêt à l’aider. Et il ajouta : — Dis-lui, juge, que je mettrai maintenant autant d’empressement à le rechercher qu’il en mettait autrefois à m’exclure des meetings. Dites-lui bien cela.

« — Il n’est pas besoin, lui répondis-je, que je répète vos paroles ; car il entend tout ce que vous dites par l’organe du médium. Mais votre allusion à votre ancienne mésintelligence me cause du trouble.

« Dites-le-lui, répliqua Hopper. Ne croyez pas qu’il y ait ici matière à rire. Ce que je désire, c’est d’être votre ami et mettre en repos l’esprit de mon ancien antagoniste.

«—Bien, lui dis-je , mon vieil ami ; c’est sans doute déjà fait ; car il vous tend la main.

« Et tous doux s’en allèrent ensemble et se dérobèrent à ma vue.

« Un des marins m’adressa la parole, et quoique ce fit un homme de peu d’éducation , ainsi que ses camarades, il était évidemment plus à son aise et avait plus l’air d’être chez lui. 11 me dit qu’après le choc, il n’eut plus le sentiment de son existence jusqu’à ce que le radeau fût détaché du vaisseau ; il fut très-occupé à arrêter la voie d’eau, et quand

ce travail fut terminé, il songea à se sauver lui-même. Il avait une mère âgée, une femme et des enfants à New-York, et il se demandait à lui-même : — Que feront-ils cet hiver sans moi? Alors il s’élança du vaisseau pour gagner le radeau ; mais son élan fut trop court, et il tomba à l’eau ; il fut entraîné sous le radeau contre lequel sa tête heurta jusqu’à ce qu’il périt par submersion.

« Cet individu était beaucoup moins agité que les autres , et j’obtins de lui un récit exact de beaucoup de choses.

« Il parla avec beaucoup d'admiration des efforts faits à bord du vaisseau par celui qui nous avait parlé le premier ; cet homme s’était emparé du commandement et avait dirigé tous les travaux ; il était froid, recueilli, énergique; il faisait sentir son action et se faisait obéir partout où il se montrait.

« Il parla aussi de la conduite de l’équipage quand tout espoir de salut fut perdu. Il dit que ce fut un spectacle vraiment sublime. Tous furent calmes et résignés, comme si chacun s’affermissait soi-même pour aller au-devant de sa destinée.

« Je lui demandai comment il se faisait qu’ils vinssent chez nous en aussi grand nombre, et s’il n’avait pas encore rencontré quelques habitants du monde des esprits, outre ceux qui étaient entrés ici avec lui.

« U répondit qu’ il en avait vu d’autres, que son pôre et deux autres de ses parents étaient venus à lui, avaient salué son arrivée et lui avaient dit ensuite d’aller avec les autres et d’apprendre ce qu’il pourrait. 11 ne put pas me dire son nom, ni la rue où il avait demeuré. Il ne se trouvait pas là un se”1 médecin par l’intermédiaire duquel il pût exprimer l’idée abstraite d’un nom.

« Parmi ceux qui conversèrent avec moi était une femme. Elle était fort gaie et enjouée, et de ce qu’elle me dit, il résulta pour moi la preuve que pendant sa vie elle avait beaucoup plus pensé aux autres qu’à elle -môme. Elle comprenait mieux que les autres la condition où elle se trouvait, et elle était venue avec les autres bien plus pour les seconder que dans des vues personnelles.

« L’évêque Wainwright, parlant par l’organe de M. J., récita une prière fort touchante et qui fit sur nous une vive impression.

« L’esprit qui me parla en dernier lieu me dit être un Européen, dont le nom m’était inconnu ; mais il connaissait le mien. Il avait déjà de son vivant prêté quelque attention h la philosophie spiritualiste et l’avait trouvée d’accord avec la raison et les aspirations de l’homme, et avec ce qu’il avait étudié de la nature (et ce n’est pas peu dire, car c’était un homme fort instruit). 11 se trouvait sur le vaisseau, voyageant pour affaires et se rendait dans son pays ; il avait l’intention d’entrer en relation avec moi. 11 me dit que sa croyance lui avait rendu de grands services ; car non seulement elle l’avait délivré des terreurs delà mort, mais encore elle l’avait mis en état, lors de son entrée dans une nouvelle existence, de comprendre sa position et de savoir où il était. En conséquence, il n’avait pas partagé l’ébahissement, l’excitation et la confusion qui s’étaient emparés de tous ses compagnons.

ci Quand ces nombreux individus se réveillèrent avec la conscience de leur avènement au nombre des esprits, ils furent étonnés de la condition où ils se trouvaient, et une voix leur dit : Les portes de la mort ont été ouvertes pour vous.—Maintenant que les portes de la vie éternelle s’ouvrent pour vous. Retournez à la terre, et apprenez comment on y entre, lisse sont en conséquence dirigés vers la terre, se sont répandus dans diverses directions et ont trouvé des médiums sur le continent. C’est ce qui fait qu’un si grand nombre d’entre eux se trouva avec nous.

« 11 me dit qu’il m’était impossible de me former une juste idée de l’état où ils étaient. Il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Quelques-uns éprouvent la tristesse et la stupéfaction ; chez d’autres, la terreur et l’incertitude amènent des symptômes de démence ; chez quelques-uns on voit une stupide indifférence ; d’autres sont heureux de leur confiance dans l’avenir, sans qu’ils sachent ce qu’il sera. Il eu eSt peu chez lesquels la science cultivée sur la terre inspire e

bonheur et l’espérance. Ceux-là sont les plus gais et les plus confiants, qui, sur terre, ont été le moins égoïstes et se sont le plus dévoués pour autrui.

« Ils furent, continue-t-il, entourés par des brillants esprits qui s’empressèrent de leur venir en aide ; mais ayant été arrachés soudainement à la vie terrestre sans que les liens mortels aient été graduellement déliés par la vieillesse ou par les maladies prolongées, leurs sentiments terrestres dominaient encore chez beaucoup d’entre eux, et l’excitation, la confusion, l’anxiété, régnant dans leurs esprits, ils se trouvent insensibles à l’approche des hôtes brillants du monde spirituel. Voilà pourquoi, ajouta-t-il, nous ne nous voyons pas tous les uns les autres, bien que nous voltigions ensemble autour de vous. Nous avons un sentiment obscur de la présence les uns des autres, et, au moyen de l’intermédiaire des médiums, nous pouvons vous entendre et converser avec vous. C’est dans ce but que nous avons été conduits ici par nos guides spirituels, afin que nous puissions nous instruire de notre vraie condition, et, dans notre commerce avec les mortels, nous défaire des erreurs qui s’étaient inculquées chez nous dans notre vie mortelle. Ainsi, juge , parlez-leur. Ils peuvent tous vous entendre et s’instruire par vous des réalités qui sont devant eux , et qu’ils doivent apprendre à connaître tôt ou tard : Parlez-leur clairement et avec douceur ; car vous ne pouvez concevoir combien il y a de douleur et d’anxiété dans les cœurs que vous pouvez soulager.

« Conformément à cette invitation, je parlai quelques minutes. Je raisonnai avec eux de la grande doctrine du progrès dont la révélation se fait maintenant à l’homme. Je leur rappelai que depuis leur naissance leur vie a été un progrès ; et maintenant ils avaient de la peine à comprendre que cette vie se continue encore suivant cette même loi du progrès. Il était important pour eux de savoir que depuis leur entrée dans cette période, ils pourraient apprendre à diriger sagement leurs actions. Et, heureusement pour eux, ils étaient dans une condition où ils pourraient vérifier à volonté

et avec certitude la vérité ou la faussete de leur enseignement. Et s’ils eu sont satisfaits, ils pourront facilement s’initier à la loi d’après laquelle le progrès est avancé ou retardé. Cette loi est l’amour, l’amour de Dieu et du prochain qui se manifeste non seulement par l’expression, mais par les efforts actifs des hommes pour se faire du bien les uns aux autres. C’est ce qui a lieu aussi bien et mieux dans la vie des esprits que dans l’existence mortelle.

« Je leur dis aussi qu’ils étaient entourés d’esprits brillants qui étaient tout disposés à les prendre dans leurs bras et à leur enseigner les vérités saintes qui vont aussi être révélées à l’homme sur terre, et à leur indiquer le chemin des séjours plus heureux auxquels ils peuvent parvenir par la suite. Et je leur assurai qu’ils se rendraient accessibles à leurs bons amis les esprits en désirant vivement leur présence et leur concours, et qu’ils profiteraient ainsi de leur assistance inappréciable qui dissiperait promptement les nuages du doute et de l’incertitude, et ferait briller à leurs yeux la lumière sainte et émanée des régions supérieures.

« Je leur dis que je ne leur demande pas de recevoir ces choses comme vraies par cela seul que je les aurais dites, mais de les examiner avec tous les avantages qu’ils possèdent actuellement, et de juger par eux-mêmes. Ils n’auraient pas à se fatiguer dans leurs recherches ; mais si le résultat est de leur faire reconnaître que j’ai dit la vérité, ils trouveraient par conséquent que mon enseignement a été pour eux un bienfait inestimable.

« Je développai ces idées, et reconnaissant en peu de mots mes auditeurs à la protection de notre Père céleste et à la sollicitude paternelle des brillants esprits qui se tiennent autour d’eux , je terminai cet entretien, et ils se dérobèrent à ma vue.

a Signé : J. W. EDMONDS. »

(Traduit par A. S. MORIN.)

SÉANCE DU l/l AOUT. — PRÉSIDENCE DE M. MORIN.

Discussion sur la lucidité.

M. Ogicr rapporte que, le 20 juillet dernier, M. le docteur Leger étant venu chez lui pour soigner sa petite fille, on endormit M™' Ogier, qui, après avoir pris la main de M. Leger, lui dit aussitôt : « Dans quelques jours, vous ferez un voyage auquel vous ne vous attendez pas ; vous irez dans une ville où vous n’êtes jamais allé, et ce sera avantageux pour vous. » Trois jours après, M. Leger fut appelé à Boulogne-sur-Mer pour procéder à l’autopsie et l'embaumement d’un enfant.

M. Leger confirme cette relation : il déclare que, lors de sa visite chez M. et M'"" Ogier, il ne s’attendait aucunement à faire le voyage de Boulogne, et n’avait même aucune connaissance des événements qui l’ont amené.

M. Morin fait observer qu’à propos de la lucidité des somnambules , beaucoup d’incrédules regardent comme impossible la vue des choses passées ou futures. C’est toujours un très-mauvais système que de faire dépendre d’une théorie la réalité d’un fait, puisque nous pouvons par nos sens nous assurer de son existence, et aucun raisonnement ne peut tenir contre le témoignage que nous nous rendons à nous-mêmes. Quoi qu’il en soit, il s’en faut de beaucoup que les objections opposées aux phénomènes en question aient l’importance qu’on y attache généralement. De ce qu’on n’expliquerait pas comment une chose a lieu, il ne s’ensuit aucunement qu’elle soit impossible. Quoiqu’on ne puisse donner, quant à la vue somnambulique, des explications aussi nettes et aussi bien justifiées que pour les phénomènes physiques faisant depuis longtemps le sujet d’observations

suivies, néanmoins on peut présenter des hypothèses qui, en attendant une vérification rigoureuse, servent du moins à satisfaire l’esprit en prouvant qu’on peut rendre compte du phénomène, et peuvent guider dans la voie des investigations.

On a dit bien des fois qu’il n’y a pas de fait passé qui n’ait laissé de traces , et que, d’un autre côté, il n’y a pas de fait futur qui n’existe déjà en germe ; que, par conséquent, avec une vue suffisamment pénétrante, on peut dans le présent voir la révélation du passé et de l’avenir. — Comment le passé laisse-t-il des traces?... 11 y en a sans doute de plus d’une sorte. Mais la plus facile à concevoir, c’est celle des images lumineuses. On sait que la vision d’un objet a lieu au moyen de la transmission faite à notre œil, par la lumière, de l'image de cet objet. Cette transmission n’est pas instantanée : on est parvenu à calculer très-exactement la vitesse de la lumière ; elle met environ huit minutes à nous venir du soleil (distance trente-deux millions de lieues), elle met beaucoup plus de temps à nous venir des planètes les plus éloignées ; il y a des étoiles dont la lumière met peut-être cent ans à nous parvenir. Nous les voyons donc, non pas telles qu’elles sont au moment où nous les apercevons, mais telles qu’elles étaient il y a cent ans ; elles pourraient même être éteintes ou détruites depuis l’instant où leur image s’est mise en marche vers notre œil, et néanmoins cent ans après ce départ, nous les verrions aussi brillantes.

— Ceci entendu, il ne se passe pas un fait sans que l’image de la chose ne se transmette dans l’espace à des distances indéfinies ; cette image existera donc toujours, sinon pour les yeux humains , du moins pour les êtres placés dans des conditions convenables pour la voir. Ainsi rien n’est perdu ; les faits honteux, les crimes qui n’ont pas de témoins au moment où ils se commettent, en auront à une époque quelconque. Si nous concevons maintenant qu’un somnambule, doué de la faculté de voir à une grande distance les choses actuelles, ait un moyen de vision plus rapide que la lumière, il pourra saisir les images disséminées dans l’espace et voir

les événements accomplis dans des temps plus ou moins reculés. Si même la vision du somnambule a lieu à l’aide de la lumière, il pourra encore percevoir les images par réflexion. Si, par exemple, un fait a lieu à midi, l’image arrivera à midi huit minutes à une distance de trente-deux millions de lieues ; elle y sera réfléchie et parviendra au somnambule à midi seize minutes.

On ne peut affirmer que les choses se passent ainsi ; cette hypothèse fait voir néanmoins que la vue du passé n’a rien d'absurde ni d’impossible.

Allons plus loin. Ce que nous appelons le présent est en réalité le passé, puisqu’il y a un intervalle de temps appréciable entre l’instant où un fait a lieu, même à proximité de ma main, et l’instant où je le vois. Donc, entre notre vision ordinaire et la vision du somnambule s’exerçant sur des événements très-anciens, il n’y a qu’une différence de degrés, difl'érence qui s’explique si l’on conçoit que le rayon lumineux, au lieu de nous arriver directement, nous est venu après de très-longs circuits.

M. Petit d’Ormoy présente quelques considérations sur le même sujet. Quand un somnambule lucide palpe des cheveux ou autres objets ayant appartenu à une personne parvient ainsi à se mettre en rapport avec cette personne, la décrit au physique et au moral et voit sa vie entière, il suit de là (bien que nous ne sachions pas comment les choses se passent) que des objets matériels peuvent conserver la trace d’événements passés. Ces traces peuvent subsister plus ou moins longtemps; elles peuvent être empreintes dans dis objets autres que ceux qui ont été portés par les acteurs des événements. De là on arrive à une possibilité indéfinie de voir le passé.

Quant à l’avenir, il y a un ordre de faits dont la prévision n’a rien de choquant, ce sont ceux qui ne dépendent pas du libre arbitre ; ces faits ne sont que la conséquence de faits antérieurs; il y a entre les uns et les autres un enchaînement nécessaire, conformément aux lois invariables de la nature. Il n’en est pas de même des faits où le libre

arbitre joue un rôle. Si un tel fait a pu être prédit, il doit donc s’accomplir fatalement, et la liberté humaine disparaît

Toutefois , dit M. Petit d'Ormoy, s’il m’était présenté un fait bien constaté, je m’inclinerais, je ferais taire mes répugnances. Mais tous les faits de prévision dont j’ai connaissance n’ont été divulgués qu’après l’événement, ce qui leur Ôte toute autorité. — « 11 est plusieurs classes de faits où intervient la liberté humaine et dont la prévision ne me paraît pas incompatible avec le libre arbitre. 1“ Souvent l'action d’un individu est déterminée par des causes existantes au moment de la prévision. Ainsi, dans le cas que vient de rapporter M. Ogier, il est possible que, quand IL Leger était en rapport avec M— Ogier, des personnes aient déjà arrêté le dessein de le charger d’aller à Boulogne pour remplir une mission, et cette mission ôtait telle que, selon toute probabilité, il ne devait pas la refuser; la somnambule, ayant vu ou senti l’existence de ces circonstances, a pu annoncer d’avance son départ, et alors la vue du fait futur, bien que très-remarquable comme exemple de lucidité, rentre dans la catégorie de la vue des faits présents. 2* Quand un fait est l’œuvre d’un grand nombre d’individus, par exemple une élection, si le somnambule voit les dispositions actuelles des personnes qui composent la collection, il peut apprécier, avec très-peu de chances d’erreur, combien il y en aura dont les dispositions seront modifiées jusqu’à l'événement ; et alors, bien que chaque membre soit libre et maître de son vote jusqu’au moment du scrutin, le résultat •de rensemble peut être vu d’avance avec une probabilité d’autant plus grande que la masse d’individus sera plus considérable, probabilité qui se confondra humainement avec la certitude , si l’on opère sur de grands nombres.

IL Morin fait observer, en principe, que toutes les sectes reügieuses et la plupart des sectes philosophiques admettent toot à la fois la prescience infaillible de Dieu et la liberté de l’homme : bien que ces deux dogmes soient difficiles à concilier, cependant on n’hésite pas généralement à les ad-

— m —

mettre l’un et l’autre ; 011 reconnaît donc que la prévision; d’un fait n’empêche pas qu’il ne soit libre. Quand on descend de la prévision de Dieu à celle de l’homme, non seulement les mêmes motifs de conciliation existent, mais ort. peut dire qu’à bien prendre la difficulté s’évanouit. En effet, Dieu seul prévoit avec une certitude absolue ; l’homme ne prévoit qu’avec une probabilité plus ou moins grande de rencontrer juste. En prévoyant, il formule le résultat,, tel qu’il se présente à lui, des motifs divers qui peuvent influer sur la détermination d’une personne. Mais dès qu’on laisse une part, si petite qu’elle soit, au pouvoir qu’a la volonté de se prononcer malgré la pression des mobiles susceptibles; d’être appréciés, le fait cesse d’être fatal, et le libre arbitre est sauf. 11 n’est personne qui, dans l’état ordinaire et en usant de son jugement, ne prévoie et ne prédise des actions libres ; le somnambule lucide voit plus juste et embrasse un plus large horizon. O11 peut admettre sa faculté: de prévision sans compromettre la cause du libre arbitre,et 3 est à désirer qu’un tel scrupule cesse d’arrêter ceux qui pourront être à même d’observer et de constater les faits--, si curieux et si importants de prévision.

CLINIQUE.

Fracture de la cheville. — Michel Quicke, âgé de cinquante-cinq ans, demeurant h Londres, Paradise-Buildings, n° 5, New-Road, fut violemment renversé le 27 décembre dernier par un policeman qui poursuivait deux enfants. L’accident sembla fort sérieux, et cet homme fut relevé et transporté en voiture à. Ste-Mary’s-Hospital. Là il fut visité par les docteurs Coulson , Gascoyne et Staples , accompagnés d’un nombre considérable d’élèves.

Les douleurs éprouvées dans ce moment par le blessé étaient intolérables, et les médecins furent d’avis que l’accident était une fracture simple et une dislocation de la cheville. Leur examen ne dura pas moins d’une heure.

Depuis, le malade, qui dut rester confiné dans son lit pendant trois semaines, reçut chaque jour la visite et les soins des trois médecins ci-dessus nommés, ou tout au moins de l’un d’entre eux.

En quittant son lit, il ne pouvait marcher qu’avec des béquilles et encore fort difficilement, et, sans ce secours, il lui était complètement impossible de supporter le poids de son corps. Lorsqu’il était couché, les douleurs, qui n’avaient jamais disparu , étaient diminuées par cette position ; mais en essayant de marcher, elles se montraient aussi aiguës que jamais. Cependant il fut averti, trois jours après s’être levé pour la première fois , qu’on ne pouvait pas le garder plus longtemps à l’hôpital, à cause du besoin de lits pour de nouveaux malades. Le docteur Staples lui donna le conseil de s’adresser à l'hôpital de la Maison de travail.

Le jour suivant, comme cet homme s y rendait, il y rencontré dans la rue par une personne ( M. Capem ) qui.

ayant remarqué le triste état dans lequel il se trouvait, lui demanda la cause et la nature de sa maladie. 11 la lui expliqua avec détails et ajouta qu’il se dirigeait vers le nouvel hôpital où on lui avait conseillé de s’adresser.

M. Capern lui demanda s’il voudrait consentir à différer sa résolution d’un jour seulement et venir le retrouver le lendemain à midi dans une taverne du voisinage dont il lui donna l’adresse. Le malade accepta la proposition et fut exact au rendez-vous le jour suivant. M. Capern lui fit prendre quelques rafraîchissements , puis se mit à promener la main sur le membre blessé de haut en bas, en passant sur la cheville et allant jusqu’au bout du pied.

En quelques minutes, la jambe, qui avait toujours jusque-là été tremblante et glacée, se réchauffa sensiblement : le sang parut revenir en bouillonnant dans les veines de la jambe et du pied avec des sensations tout à fait nouvelles : enfin un soulagement immédiat et une liberté de mouvement, dont il n’avait pas joui depuis son accident, se manifestèrent à la suite des premiers symptômes.

M. Capern l’invita alors à marcher dans la chambre, ce qu’à son grand étonnement cet homme put exécuter sans le secours de ses béquilles. Quelques passes furent encore faites , et Dieu accorda aux efforts de M. Capern cette bénédiction de réussir au point que le blessé se trouva tout à fait débarrassé de toutes douleurs, de tout embarras, et aussi libre et maître de sa jambe que dans aucun temps de sa vie. Il se retira joyeux et reconnaissant de cette guérison si inattendue, et portant en triomphe ses béquilles désormais inutiles aux yeux de ses voisins et de sa famille frappés d’étonnement.

Quatre jours après, il se rendit à Ste-Mary’s-Hospital, dont il avait été si longtemps un des pensionnaires, et se présenta aux mêmes docteurs Coulson, Gascoyne et Staples. 11 leur raconta toutes les circonstances de sa rencontre avec M. Capern et des moyens si simples employés par celui-ci pour opérer la cure qui leur semblait si merveilleuse.

Ces messieurs examinèrent de nouveau la jambe et la che-

— m —

ville qui avaient été blessées, et reconnurent que toutes deux étaient de nouveau dans leur état normal : à la suite de quoi ils firent longuement causer l’ancien malade sur tout ce qui s’était passé, et parurent extrêmement intéressés par son récit et surtout par la brièveté du temps qui avait suffi pour produire tant de bien.

Cet homme est maintenant un des employés de la paroisse et suffit par son travail à l’entretien de ses trois enfants.

(Traduit de l'anglais par E. de M.)

A Monsieur le baron du Potet.

Cher Maître,

Depuis quelque temps f habite la France, et à peine arrivé, la besogne ne m’a pas manqué, comme vous allez voir. Je me suis momentanément fixé à Morteaux, près la Grand’-Combe, département du Doubs.

J’y ai soigné d’abord une jeune fdle, atteinte d’aménorrhée , et chez laquelle la poitrine, à la hauteur des bronches, présentait un singulier gonflement d’un développement que je ne puis mieux comparer qu’à un pain de deux livres. Cette enfant, seul soutien de sa famille, était dans un état qui ne lui permettait plus de se livrer à aucun genre de travail.

Dix-sept magnétisations ont suffi pour tout remettre dans son état normal.

Un jeune homme de la même commune, à la suite d’une chute du haut d’un toit fort élevé, fut frappé d’une paralysie à l’épaule qui amena une ankylosé du bras , lequel était collé au corps, sans signe de vie. Quarante séances de magnétisation lui en ont rendu le complet usage.

Un enfant de quatre ans, de la commune des Gras, était,

depuis l’âge de deux mois , paralysé de la jambe gauche , dont il portait le pied derrière son dos.

Il était également atteint d’une maladie de la vessie. Au bout de huit jours de soins magnétiques, j’ai commencé à m’apercevoir d’un changement dans son état. Le pied, qui ressemblait à un bout de corde ou plutôt à un nœud, tant il était difforme , a gagné à partir de ce moment un demi-millimètre de croissance par jour et la cuisse un millimètre. A présent, le pied est bien conformé ; l’enfant a abandonné les béquilles dont il faisait usage et les a remplacées simplement par deux cannes, sur lesquelles il s’appuie en se servant de ses jambes.

La maladie de vessie a', de son côté, complètement disparu.

J’ai fait constater cette guérison par un grand nombre de témoins et ai soumis l’enfant à la visite des gens de l’art.

Malheureusement voilà le clergé de ce pays qui se met contre moi, et le desservant des Gras et de la Grand’ Combe ne craint pas d’annoncer du haut de la chaire à ses paroissiens que le magnétisme est l’œuvre du démon ; il leur défend de me recevoir, de me consulter, et, dans le cas où ils désobéiraient, les menace de les priver de3 sacrements de l’Eglise. 11 en résulte que ces pauvres gens maintenant, du plus loin qu’ils m’aperçoivent, se bâtent de faire de grands signes de croix pour m’exorciser.

Vous voyez, monsieur le baron, que nous trouvons toujours devant nous les mêmes adversaires, etc., etc.

NICOLAS STEVENIN.

Morlcaux, le 6 septembre 1856.

FAITS.

« Monsieur le baron,

« Je crois "devoir vous donner connaissance d’un fait qui n’aura rien de neuf pour vous, mais qüi me semble avoir droit à trouver place dans les annales du magnétisme.

« 11 y a quelques mois, je recevais la visite d’un propriétaire des environs du Mans, ancien commandant, M. Verdun. u Monsieur, me dit-il, j’ai connu Deleuze, et par lui u j’ai acquis quelques notions de magnétisme ; mais je ne « suis pas assez au courant des données de la science pour « m’expliquer ce qui vient de m’arriver. Je viens vous « prier de vouloir bien me donner votre avis à cet égard.

« Chassant dernièrement, je m’aperçus en rentrant que « ma montre me manquait ; mes gens se mirent en quête, « et toutes leurs recherches restèrent sans résultat. — Ce « que conseilla l’un d’eux, ce fut d’aller trouver Jeannette, «vieille fdle pauvre d’un village voisin. Cette femme fut, « en effet, priée de rechercher ma montre, et, le lende-« main, elle me la rapporta. Je l’interrogeai sur les moyens « qu’elle employait pour retrouver les objets perdus. Voici « ce qu’elle me dit : Quand on a perdu quelque chose et « qu’on me demande de le rechercher, j’y pense toute la « journée ; le soir, je prie Dieu et la Vierge de me faire la o grâce de retrouver l’objet perdu. J’en rêve la nuit ; je > vois comment la scène s'est passée, et au réveil, guidée « par ce rêve, je vais juste à l’endroit où se trouve l’objet. « Ainsi pour votre montre, je vous ai vu dans un bois où « une épine a accroché la chaîne de votre montre près d un « chêne ; je me suis dirigée vers le bois ; j’ai reconnu le

« chêne pour être celui que j’avais vu dans mon rêve, et la « montre était auprès. »

« Ce récit me parut contenir tous les éléments d’une lucidité déterminée spontanément, une sorte d’extase naturelle provoquée par un acte mental, la prière, et en m'expliquant ainsi ce phénomène, je dis au commandant que je serais heureux de connaître cette voyante qui, dans le pays, passe pour sorcière. 11 me l’indiqua, et l’ayant interrogée sur la manière dont les visions et rêves se manifestaient, elle me dit à peu près ce que je savais déjà. Seulement j’ai su qu’é-tant jeune, elle était hystérique et sujette à des visions.

« Je suis, etc.

a J. GAUTIER. »

Le Mans, 6 août 185C.

« Monsieur le baron ,

n Je vous envoie le récit d’une expérience et quelques réflexions, le tout destiné au Journal du Magnétisme, si vous jugez que cette place soit méritée.

« Je lis fort assidûment votre journal, et je ne saurais trop vous féliciter de la sage franchise avec laquelle vous êtes entré dans la voie nouvelle, dans la voie spiritualiste. Après avoir nié et hésité, moi aussi je me suis rendu devant des expériences qui ne m’ont laissé aucun doute ; bien d’autres suivront cet exemple.

«Mais verrons-nous ces vérités reconnues et acceptées? Je ne sais trop. 11 faut reconnaître que beaucoup d’esprits, d’ailleurs fort solides, ne sont pas aptes à saisir des vérités de ce genre, vérités en queque sorte de pur sentiment ; et, à côté d’avantages, je vois bien aussi quelques inconvénients à la popularisation de cette doctrine, mais ce sont là des points sur lesquels vous avez réfléchi plus profondément que je ne saurais le faire, et j’abuserais de vos moments en prolongeant cette lettre.

«Peut-être un jour vous communiquerai-je, pour votre journal , le récit de quelques expériences d’invocations d’esprits.

« Veuillez agréer, monsieur le baron, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

« lamothe. »

Bordeaux, -i septembre 1856.

COMBIEN LES MAGNÉTISEURS DOIVENT SE TENIR EN GARDE CONTRE EUX-MÊMES. — INCERTITUDE DES RÉSULTATS.

Le fait que nous allons rapporter n’a nullement pour but de porter atteinte aux résultats admirables et presque toujours vrais obtenus par la magnétisation des lucides ; cependant il montre que l’erreur peut se glisser au milieu de la vérité, et il apprend à ne jamais compter trop aveuglément sur un résultat ; il montre notamment combien il serait dangereux de s’en rapporter au magnétisme pour la découverte et l’attribution des délits, idée qui a été quelquefois émise au souvenir de la découverte par la baguette magique de l’assassinat de Lyon en 1092.

J’avais causé magnétisme avec deux médecins ; l’un ayant vu des faits et convaincu ; l’autre ayant peu vu, ayant peu compris ce qu’il avait vu, et n’ayant pas la moindre foi. Je cherchais à convaincre ce dernier, et lui offris, dans ce but, l’expérience suivante. J’ai à ma disposition , lui dis-je , un jeune garçon, fort sot, presque idiot, mais qui jouit de la faculté de voir à distance, soit dans le charbon, soit dans le miroir Dupotet, soit dans un verre d’eau, etc., les êtres dont ma volonté et ordinairement le prononcé de leur nom commandent l’apparition. J'évoquerai votre fille, je noterai l’heure et le jour et vous dirai bientôt, quoique à vingt lieues de distance et sans aucun objet d’elle, quelle sera alors son occupation. J’étais fondé à lui parler ainsi, parce que des expériences de ce genre m’ont souvent réussi : la plupart des magnétiseurs les ont faites. Mais il m’a paru utile de montrer un échec, afin de garantir contre une confiance

trop illimitée. Il y a autant de danger à croire trop aveuglément qu’à ne pas croire du tout, et c’est aux magnétiseurs que nous nous adressons ici.

Un dimanche, à trois heures de l’après-midi, je me livrai donc à cette expérience. Mon petit ludice voit, au-dessus d’un morceau de charbon, M"* G***, tout au plus un quart de minute après l’émission de mon ordre. Il me la dépeint en traits trop caractéristiques pour que je ne la reconnaisse pas. Elle est eu costume de ville qu’il décrit, marche dans une rue. Je lui commande de la suivre ; après cinq minutes de marche, elle entre dans une maison ; la description du logis me fait reconnaître le domicile de la jeune personne ; elle entre dans une pièce où se trouve un monsieur d’une quarantaine d’années, à front chauve, etc. C’est son père ; elle s’assied sur lui et l’embrasse.

Pendant mon séjour dans cette famille, j’avais été fréquemment témoin de scènes de ce genre ; je ne doutai donc pas de l’exactitude de celle qui m’était décrite. J’écris fort empressé à mon médecin , espérant le convaincre, ou tout au moins l’ébranler fortement en faveur du magnétisme. Malheureusement rien de semblable n’avait pu se passer au moment indiqué. Le père et la fdle étaient séparés; la jeune personne à deux lieues du domicile paternel, et alors à table entre sa mère et son oncle.

Mon somnambule, s’il mérite ce nom, m’avait donc induit en erreur. Malgré l’attention que je prends constamment pendant une expérience de fixer mon esprit sur des objets étrangers, précisément afin de ne pas exercer une influence involontaire, mes souvenirs avaient agi malgré moi ; ils s’étaient détachés de mon cerveau et étaient allés se fixer sur celui de mon somnambule. Cette transition involontaire d’idées anciennes m’a paru un fait assez remarquable pour mériter d’être noté. On savait bien que par la magnétisation on transmettait facilement une pensée, une volonté. Cela a lieu même à l’égard de personnes non endormies ; il suffit qu’elles soient seulement sensibles. Mais savait-on que cette transmission se faisait insciemment, et

même plus que insciemment, malgré nous? Je ne le crois pas, et c’est ce que mon expérience constate. Voilà un des modes de formation de nos idées mis à nu. C’est ainsi que les purs esprits qui nous ont connus ici-bas, et avec lesquels nous conservons des relations principalement par la prière, savent non seulement nos actions, mais aussi nos pensées les plus secrètes et lisent jusque dans les replis les plus profonds de nos cœurs.

Pendant cette expérience, mon petit somnambule, que je ne prépare jamais par aucune manœuvre, que je n’ai même jamais endormi complètement, et qui d’ailleurs, à demi endormi, ne parle qu’en se réveillant, mon petit somnambule tend seulement à tomber dans l’assoupissement. Mais il ne peut que voir les personnes et saisir leurs mouvements, tandis que les bons voyants saisissent, quoique avec quelque doute, les pensées qui agitent les personnes évoquées. Cette incertitude diminue de plus en plus selon que le rapport est établi plus parfaitement par la communication d’un objet mieux imprégné de fluide : les meilleurs, on le sait, sont un fragment même de la personne, des cheveux, un crachat, du sang, etc.

L. LAMOT1IE.

Il se publie, depuis quelque temps à Genève, un journal protestant dont voici le titre :

« Journal de l’âme, s’occupant essentiellement des phénomènes d’intuition ou de sentiment, et, en particulier, de ceux relatifs à la prière , aux songes , à la contemplation , à l’extase, aux visions, à la lucidité magnétique , à l’instinct des animaux , aux phénomènes des tables , à ceux du crayon, etc. »

« Il convient peu aux protestants, dit le Chroniqueur de Fribourg, de parler de l’ignorance superstitieuse des populations catholiques, lorsqu’ un journal, comme celui dont nous venons de donner le titre, s’imprime à Genève, dans la capitale du protestantisme, et trouve non seulement des lecteurs, mais des partisans forcenés. »

(L’Union du 9 septembre.)

En avant, novateurs,>e vous laissez point arrêter par les clameurs des repus et des blasés. Parlez-nous, parlez-nous des facultés de l’âme, de tout ce qu’elles ont de saisissable ; fouillez dans ce domaine encore si peu connu et dédaigné par les médecins. Cherchez la force miraculeuse, cet agent merveilleux dont se servit Jésus pour opérer des prodiges. Remontez jusqu’à la source de l’extase et du ravissement, et dites-nous par quel secret pouvoir l’âme sait prédire les temps et voir dans la matière le jeu caché des rouages qui font mouvoir la machine.

On vous accuse de réveiller les superstitions, de chercher à en éterniser la durée ; vains prétextes ! Allez, ce qui peut au contraire ôter la souillure qui est encore attachée aux

VARIÉTÉS.

- m —

vérités morales, n’est-ce point la connaissance parfaite de nous-mêmes, sans laquelle ou ne peut arriver à celle de Dieu? Le temps me manque à moi-même pour jeter un regard sur l’occulte puissance de ma volonté et sur tous les faits dont je suis l'écho. J’espère que bientôt je seconderai vos efforts et que j’apporterai ma pierre à l’édifice que vous élevez.

Baron DU POTET.

LA PSYCHOMÉTRIE.

Les Américains appellent ainsi l’art de mesurer les esprits des hommes. 11 semble bien difficile, pour ne rien dire de plus, que les facultés morales puissent être jaugées, pesées, chiffrées avec autant de précision que des denrées ; celui qui parviendrait à trouver ce secret rendrait un immense service au genre humain ; car alors rien ne serait plus facile que de classer les individus suivant leur capacité, d’attribuer à chacun la fonction à laquelle il a droit par ses aptitudes, et de réaliser l’utopie saint-simonienne ; il n’y aurait plus de brigues, de cabales, d’élections, d’orages populaires, ni de révolutions, puisqu’il existerait un moyen certain, rigoureux de découvrir le plus digne de chaque emploi ; les illusions de l’amour-propre se dissiperaient, chacun pouvant s’apprécier et connaître au juste sa propre valeur. S’il faut en croire le Journal of man de Cincinnati, cet immense problème serait résolu, la psychométrie serait une science constituée : voici la cotation qu’il nous^ donne dans son numéro de juin dernier :

Pour psychométrer un individu, vous prenez une lettre écrite par lui. Vous fermez les yeux, afin de vous isoler du monde extérieur et de vous mettre dans un état parfait d’abstraction , de concentration et de passivité. Vous placez ensuite la lettre au centre de votre front, l’expérience ayant constaté que c’était là l’endroit le plus convenable. Après quelques instants, vous commencez à ressentir des impressions ; les traits les plus prononcés du caractère de l’auteur

de la lettre s’offrent à vous les premiers ; vous ressentez une pression semblable à celle d’un doigt sur les parties du crâne dont les protubérances correspondent aux qualités qui distinguent la personne en question.

Supposons, par exemple, que les principaux traits de son caractère soient la fermeté, l’estime de soi-même, la combativité. Vous éprouverez d’abord une sensation à l’organe de la fermeté , et si cet organe est très-développé chez l’auteur de la lettre, la sensation, qui commencera par être sem-biabe à celle que produirait une légère pression, augmentera d’intensité et finira par devenir douloureuse. On l’explique par une excitation sympathique de l’organe, ce qui détermine à cet endroit un afflux du sang et du fluide nerveux. Il en résulte chez vous une réflexion tirée de la connaissance que vous avez des fonctions de l’organe, et, en conséquence, vous affirmez que la personne a de la fermeté, qu’elle tient à ses opinions, qu’elle est même obstinée, etc. Au bout d’un peu de temps, la sensation cesse au siège de la fermeté, une sensation semblable a lieu au siège de l’estime de soi-inême, puis à celui de la combativité. Vous connaissez donc le caractère de la personne.

M. R. H. Brown , auteur de l’article, assure qu’en quatre mois il a expérimenté sur deux cents personnes , et qu’il ne s’est pas trompé une seule fois.

Il cite deux anecdotes qui peuvent faire juger du genre d’erreurs auquel il avoue que son procédé peut exposer. Dans une réunion nombreuse, une personne présenta un écrit, et le pnyc/iomélreur décrivit exactement, non l’auteur de la lettre, mais la personne qui avait présenté l’écrit. Une autre fois, on apporta un papier blanc, et le psyc/tomé-treur décrivit le caractère de celui qui le lui avait donné. M. Brown explique ces faits en disant que le psychométreur ne peut décrire le caractère d’une personne qu’autant qu’il se sera mis en rapport avec elle, que le rapport peut s’établir par un écrit, mais qu’il peut aussi bien avoir lieu par un mouchoir, une mèche de cheveux, un contact matériel, ou même par la concentration de la pensée , et que, dans

les deux anecdotes qui viennent d’être rapportées, la vue et le contact de ceux qui avaient apporté les papiers avaient suffi pour établir le rapport.

On voit par là que le procédé rentre dans celui qu’emploient généralement les somnambules; lespsychométreurs ne sont donc que des sensitifs éveillés ; c’est une espèce du genre des extatiques lucides. Ceux-là seuls peuvent se livrer à la psychométrie, qui sont doués de facultés exceptionnelles , ce qui distingue en propre la méthode américaine (qui paraît appartenir à M. Buchanau), c’est l’emploi de la phrénologie par les sensitifs qui, par là peut-être, trouvent moyen de se guider plus sûrement que s’ils se bornaient à rechercher en eux-mêmes les impressions des passions des personnes qu’ils veulent étudier.

La psychométrie, telle que nous l’expose M. Brown, peut ofTrir de l’intérêt ; mais nous avouons être bien loin de partager son enthousiasme, ni d’admettre avec lui qu’il y ait là une science. Comme moyen de connaître et de mesurer les qualités morales des hommes, ce n’est qu’une application de la phrénologie, et ce moyen comportant des chances d’erreur par suite de la divergence des rapports, et n’étant d’ailleurs accessible qu’aux sensitifs les plus éminents, classe excessivement restreinte, vaudra toujours beaucoup moins que l’emploi direct de la phrénologie qui elle-même a encore bien à faire pour être en état de nous donner avec certitude la mesure de l’homme. 11 n’y avait donc aucune nécessité de forger le mot de psychométrie, qui est beaucoup trop ambitieux et qui exprime une chose impossible dans l’état actuel de nos connaissances. 11 y a beaucoup d’inconvénient à créer des mots impropres qui, presque toujours, entraînent des idées fausses, jettent de la confusion dans les discussions et nuisent aux progrès de la science. Nous avons eu à subir le débordement de la mentambulance, de l’électro-biologie, de Y électricité intelligente, etc. Nous croyons devoir protester, dès le début, contre l’invasion de la psychométrie.

A. S. MORIN.

On écrit de Rangoon au Murning C/ironicle : 11 est arrivé ici, ces jours derniers, un Birman qu’une jonque chinoise a recueilli à dix milles à l’est de Tavoy. Les aventures de cet homme méritent de vous être contées.

11 y a sept mois, six hommes de Tavoy s’embarquèrent pour aller dans celle des îles Preparis qu’on nomme Bundur, afin d’y récolter la noix de coco. Les tribus birmanes qui habitent les côtes méridionales de Tessanarim reconnaissent la propriété de la récolte à l’expédition arrivée la première sur les lieux. Les hommes de Tavoy étaient depuis un jour ou deux à Bundur, lorsque y débarquèrent des gens venant de Moulmein. Ceux-ci furent désagréablement surpris d’avoir été devancés et tentèrent de récolter contre tout droit. Les premiers venus s’opposèrent à cette prétention, engagèrent leurs adversaires à se rendre dans l’île voisine, appelée Wa, consentant toutefois à abandonner de la récolte ce qu’ils ne pourraient pas emporter. Ces propositions furent acceptées. Cependant quelques jours après, tandis que les légitimes occupants, détournés de la récolte des noix par la pluie ou par quelque autre empêchement, se livraient à la pêche d’un poisson très-recherché des Chinois, leurs prétendus amis les attaquèrent h. coups de mousquet. Des six hommes de Tavoy, trois étaient dans l’eau, les trois autres se reposaient sur le rivage. Ces derniers furent tués et leurs camarades blessés. Ceux-ci nagèrent tant qu’ils purent, afin d’échapper à leurs ennemis ; mais deux succombèrent à la fatigue et à leurs blessures et se noyèrent. Le troisième parvint h gagner la rive sans être aperçu. Sur le bord se trouvait un tronc d’arbre creux ; le fugitif s’y réfugia, et pendant six mois il y vécut, ne s’aventurant à sortir qu’après s’être assuré, par un regard jeté à travers les fentes de son singulier asile, qu’il ne courait aucun danger. Alors il allait faire provision de noix, seule nourriture qu'il pût se procurer. A la fin, n’apercevant plus ses ennemis, il jugea qu’ils étaient partis, et dès lors, abandonnant sa retraite, il fouilla l’île et avisa au moyen d’en sortir. Mais toutes les embarcations avaient été prises par les hommes de Moulmein. Une nuit, le nou-

veau Robinson rêva que, dans une critique, se trouvait un esquif caché clans les hautes herbes, et comme placé là tout exprès pour le prisonnier. Chose étonnante ! le songe n’était point trompeur. Quand le birman se fut rendu, à son réveil, à l’endroit qu’il avait vu en rêve, il y trouva la barque embarrassée dans les roseaux. Le birman a conté le fait avec le plus grand sérieux au capitaine de la jonque, et il le répète avec une si parfaite bonne foi que le moindre doute est impossible. — Avec son vieux couteau brisé par la noix de coco, notre Robinson sut se fabriquer un mât, et tous ses préparatifs achevés, ses noix, précieuse provision contre la famine en mer, déposées dans la nacelle, il dirigea sa barque tant bien que mal, et, grâce à l’observation du soleil et des étoiles, vers Tavoy, la patrie et la liberté. Bientôt il fut rencontré par la jonque chinoise, qui le prit à son bord et le sauva des périls de la mer. (Moniteur du 21 août.)

Résultat des magnétisations opérées au Waux-Jlalt pendant le 1" semestre de 1856.

Sur 458 personnes magnétisées, dont 328 hommes et 130 femmes, on compte 350 personnes sensibles, et sur ce nombre, 234 hommes et 116 femmes.

Enfin, sur ce nombre de 350, ou en compte 47 très-sensibles, parmi lesquelles 25 hommes et 22 femmes.

Baron DU POTET.

Le Gérant : HÉBEBT (de Camay).

CLINIQUE.

RELATION D'UN CAS D’HYSTÉRIE avec sommation spontanée, par le professeur Nicolo Cekvello. Palermo, 1853.

On sait que, clans plusieurs affections morbides, il se développe spontanément chez les malades des facultés transcendantes, semblables à celles que le magnétisme fait éclore artificiellement chez les somnambules : les médecins , appelés à traiter ces cas singuliers, se trouvent ainsi à même d’observer un ordre de phénomènes qu’ils avaient parfois rejeté avec dédain et considéré comme contraire aux lois de la nature. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux, assaillis par des faits extraordinaires, ont été obligés de se rendre à l’évidence, puis, après des observations minutieuses et suivies avec impartialité, sont devenus fervents sectateurs du magnétisme.

La relation publiée par le professeur Cervello est une des plus curieuses qui existent en ce genre : elle présente des circonstances merveilleuses dont on ne trouverait peut-être pas d’autre exemple parmi les faits sérieusement constatés.

Le sujet de ces observations est une jeune personne de Palcrme, nommée Ninfa Piliberto. A l’âge de seize ans, elle éprouva de violentes convulsions hystériques ; les accès se renouvelèrent avec une force extrême pendant trois jours, puis ils diminuèrent de fréquence et d’intensité, et ils cessèrent tout à fait. Mais alors la malade se trouva triste, abattue, épuisée ; elle passait les nuits sans sommeil, et le jour, elle ne parvenait que rarement et difficilement à s’endormir d’un sommeil léger et agité ; elle tomba quelquefois en somnambulisme, les accès durèrent fort peu de temps. 11 lui arriva un jour d’être témoin d’un spectacle qui fit sur

elle une profonde et funeste impression : elle vit conduire au supplice six condamnés. Son imagination en fut frappée, et elle éprouva un sentiment d’horreur qui l’obsédait sans cesse. Elle cherchait à échapper par le sommeil à l’image hideuse qui la poursuivait ; devenue somnambule, elle descendait de son lit et s’occupait de travaux de couture, puis elle se mettait nue sur le parquet, afin de trouver de la frai-cheur. Son état devint de plus en plus fâcheux ; elle eut une fièvre périodique, de violentes douleurs de tête et une grande prostration ; elle était triste, taciturne, abattue ; elle cherchait un peu de repos dans les travaux d’aiguille et dans la lecture de livres d’histoire. Elle perdit l’appétit, devint très-pâle , et il se manifesta une enflure œdémateuse des pieds et des jambes, ainsi que dans la région du foie.

Jusque-là elle avait obstinément refusé les secours d’un médecin : l’excès de la douleur la détermina enfin à y recourir. C’est alors que l’on appela M. Cervello. Celui-ci constata la chlorose et s’occupa principalement de combattre la perturbation des fonctions digestives. Quelque temps après reparurent d’affreuses convulsions qui durèrent vingt-quatre heures et furent suivies d’un sommeil dehuitheures; ensuite, les convulsions recommencèrent, avec constriction à la gorge, oppression et tout le cortège de l’hystérie la mieux caractérisée ; ces accès terribles durèrent trois jours, pendant lesquels il n’y eut que de légers intervalles de repos troublés par le délire et d’affreuses hallucinations ; la malheureuse était épouvantée par la vision d’émeutes, de combats ; elle voyait le sang couler, les mourants tomber par milliers.

La maladie présenta diverses phases pendant lesquelles la malade fut plusieurs fois en danger de mort ; elle perdit la mémoire et ne reconnaissait plus personne, même ses plus proches parents. Un jour, au grand étonnement de sa famille, elle demanda à écrire. On lui donna tout ce qu’il fallait, elle posa sa main paralysée sur le papier pour le maintenir, de l’autre elle prit la plume et se mit à écrire. Il sembla d’abord qu’elle traçait au hasard des lettres dont la réunion ne signifiait rien ; mais, avec un peu d’attention,

on reconnut que ces lettres étaient écrites à rebours, à la manière orientale ; elle avait ainsi écrit son nom et son âge. Elle écrivit dill'érentes choses de la môme manière. Elle nota le jour et l’heure, bien que depuis plusieurs jours elle eût été dans un état d’anéantissement. Elle se mit à compter des objets , un à un, mais en commençant par le nombre le plus élevé, pour finir par l’unité, opération fort difficile, puisqu’elle suppose que, pour désigner le premier objet, on connaît le nombre total. Ainsi, on lui présenta un cornet de bonbons, en la priant de les compter : elle vida le sac, et, sans prendre le moindre intervalle, elle désigna aussitôt un des bonbons, en disant vingt-huit, puis 27, 26, et ainsi de suite jusqu’à 1.

Elle eut des extases pendant lesquelles elle restait immobile , les pupilles fixées vers une certaine direction , sans que l’interposition d’une lumière très-vive produisit le moindre changement. Elle était alors isolée complètement ; aucun bruit, si violent qu’il fût, ne faisait d’impression sur elle. Elle entrait dans un monde fantastique , s’entretenait avec des personnages imaginaires, et elle manifestait des sentiments très-divers, suivant la nature des visions et des conversations. Parfois elle croyait entendre une musique délicieuse, et elle en répétait quelques fragments en montrant une vive satisfaction. La durée de cet état était variable : tout d’un coup elle perdait sa vision, elle restait assoupie une ou deux minutes, puis, après avoir éprouvé une secousse générale, elle revenait à son état habituel ; elle ne-, conservait aucun souvenir de ce qu’elle avait vu ou entendu ; et quand on l’interrogeait, elle ne comprenait rien aux questions sur ce qui s’était passé.

Elle devint lucide : on la questionna, dans ses crises, sur sa maladie, et elle annonça d’avance les accès et toutes les circonstances qui devaient les accompagner ; elle annonça notamment le jour où elle recouvrerait l’usage de son bras droit, les autres membres demeurant paralysés.

Elle présenta le phénomène extraordinaire de la transposition des sens ; elle entendait par les mains et par les pieds.

On réussit également pour le goût, la vue et l’odorat : on lui appliqua notamment sur le bras un petit paquet d’assa-fétida ; elle fit un geste de dégoût et pria qu’on éloignât de la portée de son nez l’objet qui sentait mauvais ; on retira le paquet de son bras pour l’approcher de scs narines, elle remercia alors qu’on l'eût délivrée d’une odeur détestable. Un lui mit ensuite sur le bras du fromage de Hollande : elle exé-çuta avec la bouche les mouvements de la mastication , et elle remarqua que, pour le moment, le fromage de Hollande ne lui faisait pas plaisir. Oii plaça près de son bras un prospectus des chaînes galvano-électriques de Golbei;g ; elle le plaça la tète en bas, dit que c’était un imprimé, quelle n’en pouvait lire le contenu, parce que sa vue était trouble, mais qu’elle distinguait bien les armes d’Autriche. Ou constata ainsi, par un grand nombre d’expériences, que la transposition de tous les sens était complète : pour obtenir la sensation , il n’était pas nécessaire que l’objet fût en contact avec son bras, mais il y avait une sorte de sphère d’activité de deux ou trois pouces de diamètre en deçà de laquelle elle percevait l’impression des corps étrangers. Le narrateur observe que, pour rendre les expériences parfaitement probantes, on avait soin de s'y prendre de façon que le sujet ne pût acquérir, par les moyens ordinaires, aucune notion des corps destinés à agir sur eüe d'une manière anormale.

Après plusieurs phases de sa terrible maladie, elle se remit à écrire, mais d’une manière toute singulière : elle n’employait que des chiffres. Après plusieurs explications , on reconnut qu’elle leur donnait une valeur conventionnelle, que le chiffre 1 représentait la lettre a, le chiffre 2 la lettre b, et ainsi de suite ; réciproquement, pour exprimer des nombres, la lettre a tenait lieu du chiffre 1, la lettre 6 du chiffre 2, et ainsi de suite, et l’astérisque (*) du chiffre z o. Avec cette sorte d'alphabet, elle écrivait à rebours, c est- -dire de gauche à droite, et avec une rapidité extrême. L s’étonnait qu’on ne .pût déchiffrer à première vue son écr -ture, et elle enéprouvait même de l’impatience. Plus tare, écrivit des lignes dans le sens vertical, à la manière des w

nois. Puis, elle se servit des caractères grecs pour écrire des mots italiens (toujours à rebours). L’auteur observe qu’elle n'avait jamais étudié le grec, mais qu’une fois, pendant son somnambulisme, on lui avait présenté un alphabet grec, sur lequel elle n’avait eu le temps que de jeter un rapide coup d’œil. — Ce jour-là, elle se crut Grecque, née à Athènes; sa physionomie et son langage exprimèrent des sentiments mâles et patriotiques; elle brandissait avec colère un éventail en guise de poignard, et elle parlait sans cesse d’immoler un ennemi : elle était comme transfigurée.

Elle dédaraqu’elle pourrait parler toute espèce de langues ; que si elle avait un piano à sa disposition, elle exécuterait toute espèce de musique. Elle écrivit que ce jour-là elle penserait et écrirait en grec, le lendemain en français, et le surlendemain en anglais. Effectivement, ce jour-là elle ne parla ni ne comprit l’italien ; elle parlait avec tant de volubilité qu’on ne pouvait parvenir à la comprendre ; il sembla «aux personnes qui l’écoutaient qu’elle parlait grec, et l’on ne réussissait à lui faire comprendre quelques mots d’italien qu’en en appelant les lettres une à une et en se servant des dénominations grecques.

Le lendemain, elle ne comprenait ni le grec, ni l’italien, mais seulement le français. Sa physionomie était gaie, enjouée , spirituelle. Elle ne pouvait connaître les heures à l’horloge qui était italienne. On lui présenta une grammaire italienne-française, elle en lisait les mots français, mais montrant les mots italiens, elle déclara ne pas les comprendre et ne pouvoir les prononcer. Interrogée sur ce qui s’était passé la veille, elle dit n’en avoir aucun souvenir, et n’.avoir jamais «appris ni parlé d’«autre langue que le français. Elle dit être Parisienne, et comrn.e on lui parla en français, elle se moqua de ses interlocuteurs, disant que c’étaient des provinciaux qui avaient un mauvais accent.

On attendait avec curiosité ce qui allait se passer le surlendemain; car elle avait bien appris le français, mais elle ne connaissait pas un mot d’anglais, et personne , dans sa famille ni dans son entourage, ne savait cette Langue. On

craignait donc qu’elle ne parlât sans être comprise, comme il était arrivé du grec, et on voulut vérifier sa prédiction quant à l’anglais, en faisant venir auprès d’elle des personnes possédant bien cette langue.

En conséquence, on appela deux Anglais et six autres personnes possédant à fond la langue anglaise, tous gens fort instruits et fort recommandables. Dès que la malade s'éveilla, on lui parla en italien et en français : elle demeura stupéfaite comme un individu qui ne comprend rien. Puis, s’exprimant dans l’anglais le plus pur, elle manifesta son étonnement de ce qu’on n’eût pas encore servi le thé. Un des Anglais présents se mit à causer avec elle ; elle soutint parfaitement la conversation. Priée d’écrire quelque chose, elle écrivit le quantième du mois en ces termes Fifteen septem-ber (15 septembre). Elle dit être de Londres ; elle avait l’air grave, les mouvements dédaigneux, et elle fit le simulacre de boxer à la manière anglaise. Le soir, elle passa en revue les personnes avec lesquelles elle s’était entretenue, apprécia la manière plus ou moins correcte dont elles s’étaient servies de la langue anglaise , et signala les deux Anglais de naissance comme l’ayant parlée avec le plus de perfection.

Le jour suivant, elle se remit à parler italien, mais ce fut en pur toscan , et non dans le dialecte sicilien, qui était sa langue maternelle ; elle dit être de Sienne, fit une description exacte du pays de Sienne, des chefs-d’œuvre des arts qui s’y trouvent. La différence entre ces deux idiomes est telle que les personnes présentes, habituées au sicilien, avaient parfois beaucoup de peine à la comprendre et étaient même obligées de recourir à un dictionnaire.

Il lui arriva plusieurs fois d’écrire en se servant de caractères qui parurent n’appartenir à aucun alphabet connu, mais qu’elle choisissait arbitrairement pour remplacer ceux de la langue usuelle ; elle en donna quelquefois la clef ; d’autres fois, elle ne les expliqua pas , et l’on ne put les déchiffrer. L’auteur en donne un fac simile, ce sont des signes assez compliqués, et l’on ne conçoit pas quel motif a pu porter la malade à se créer ainsi gratuitemenl des dira-

cultés. Ce qu’il y a de merveilleux dans cet épisode, c’est que, sans aucun apprentissage, elle ait ainsi employé des signes bizarres qu’elle traçait avec une extrême rapidité, malgré l’énorme obstacle qu’un tel mode d’écriture devait apporter à l’expression de la pensée.

Le curé de la paroisse, informé de ces faits extraordinaires, persuadé, d’après les règles canoniques, que parler des langues non apprises et prédire exactement les circonstances futures de la maladie étaient des signes certains de la possession démoniaque, jugea qu’il y avait lieu de procéder à l’exorcisme. Les parents se soumirent de bonne grâce à sa demande, et, en conséquence, le prêtre, revêtu de ses ornements sacerdotaux, procéda, avec toute la solennité du rituel , aux cérémonies prescrites par l’Eglise pour chasser le diable, et ordonna avec véhémence au malin esprit de dire qui il était et de sortir du corps de la malade. Il réitéra plusieurs fois ces conjurations. Mais ces tentatives n’amenèrent aucun résultat, aucune modification dans l’état de la malade qui écrivit, dans son état de crise, que le diable n’était pour rien dans les souffrances qu’elle éprouvait, ni dans les facultés singulières dont elle jouissait. L’auteur, tout en professant un grand respect pour l’autorité de l’Eglise, discute fort j udicieusement ses prétentions et prouve que,,si étrange, si inexplicable que soit un fait, ce n’est pas une raison pour le déclarer surnaturel ou pour l’attribuer à l’action des démons.

Les tourments de la jeune fille ayant ensuite redoublé d’intensité, elle eut des accès de démence et chercha à échapper par la mort à des souffrances devenues intolérables. Le docteur Raffaele, qui secondait M. Cervello, se mit à parler avec autorité à la malade, en lui disant qu’il voulait qu’elle s’endormit : il lui appliqua les mains sur les épaules, et fixa sur elle des regards pénétrants. Elle resta quelques instants les pupilles immobiles; mais bientôt ses paupières se fermèrent, et elle s’endormit d’un sommeil paisible. Une demi-heure après, elle se réveilla à l’appel du docteur Raffaele et lui déclara que ce sommeil lui avait fait.

un bien extrême et l’avait beaucoup mieux reposée que n’aurait fait une heure de sommeil ordinaire. Le lendemain matin, interrogée, dans un de ses accès, sur ce qui pouvait la soulager, elle répondit que le seul remède qui pût calmer ses nerfs et améliorer sa santé, était l’agent magnétique, et elle supplia qu’on lui fit quelques passes, disant que cela suffirait pour l’endormir promptement. Une conférence eut lieu avec le père et les frères sur le parti qu’il convenait de prendre, et, après mûre délibération, on se prononça pour l’emploi du magnétisme. L’auteur avoue l'embarras où il se trouva, n’étant alors aucunement initié au magnétisme. Mais, guidé par les leçons qu’il avait puisées dans les ouvrages sur cette matière, et animé du vif désir de se rendre utile, il se mit courageusement à l’œuvre. Il magnétisa la tête, les épaules, les genoux et les pieds ; puis, s’éloignant à la distance d’une longueur de bras, il agit à grands courants. Il détermina ainsi un sommeil doux et réparateur accompagné de somnambulisme. La malade déclara qu’elle en éprouvait un grand soulagement, qu’il fallait continuer l’emploi de ce moyen, mais que néamoins il ne pourrait empêcher la période de suivre son cours.

Une nouvelle phase vint encore compliquer la série déjà funeste des accidents de cette longue et cruelle maladie. Le 5 octobre, Ninfa parcourait une chambre tenant une tasse à la main ; elle posait le pied gauche à terre, se disposait à lever le pied droit pour se porter en avant, et elle étendait un bras pour présenter le vase à son frère. C’est dans cette attitude qu’elle tomba en catalepsie ; elle resta court au milieu d’une phrase commencée , complètement immobile, sans souffle, et semblable, dit l’auteur, à la statue d’Hébé. On changea son attituue, et elle conservait toutes celles qu’on lui donnait. Cet accès dura une heure : après quoi elle reprit le sentiment et l’usage de ses organes, et, comme si le temps de la catalepsie n’était rien pour elle, elle termina la phrase commencée lors de l'invasion de l’accès. Toutefois elle ne recouvra pas entièrement la raison. Un des accès subséquents fut suivi du sommeil magnétique pendant !©■

quel elle se prescrivit du sirnp de térébenthine ; elle recommanda que, quand elle tomberait en catalepsie , on lui serrât fortement le front, qu’on lui soufflât à froid sur une oreille, et qu’on lui jetât quelques mots d’une voix brève et impérieuse , disant qu’en procédant ainsi, on abrégerait beaucoup les accès. Elle déclara que, pendant la catalepsie, malgré l’insensibilité apparente, elle souffrait horriblement.

— Il est bon de prendre note de ce renseignement contraire à l’opinion généralement admise.

Après plusieurs évolutions de sa maladie, elle annonça à M. Cervello qu’elle mourrait le 31 octobre, et elle décrivit minutieusement tout ce qu’elle éprouverait jusqu’à cette catastrophe. M. Cervello crut prudent de cacher aux parents cette prédiction ; il eut avec la malade, dans ses accès de somnambulisme , plusieurs entretiens dans lesquels il s’efforça de la rassurer contre ce funeste pronostic, et il obtint d’elle l’indication du traitement à suivre pour combattre le mal. Tout ce qu’elle avait prédit se révéla de point en point jusqu’à la journée du 31 : à l’heure fatale, elle resta sans mouvement, sans respiration, semblable à un cadavre. Mais heureusement cette crise n’eut pas l’issue qu'elle avait annoncée. Les docteurs Cervello et Radaele, secondés par des amis dévoués , employèrent le magnétisme avec énergie et persévérance, et leurs généreux efforts furent couronnés du plus brillant succès ; ils parvinrent à arracher la jeune fille des portes du tombeau ; elle recouvra le sentiment et la parole, déclara qu’elle était sauvée, et remercia Dieu avec ferveur de lui avoir conservé la vie. Elle eut ensuite diverses crises somnambuliques dans lesquelles elle annonça que la maladie, après être arrivée à son apogée, allait entrer dans une période décroissante ; elle en décrivit d’avance toutes les phases , et désigna le 26 décembre pour le jour de sa guérison définitive, ce qui ferait une durée d’un an pour la maladie. On se conforma à toutes ses prescriptions, parmi lesquelles le magnétisme jouait le rôle principal ; les choses se passèrent exactement comme elle l’avait annoncé ; enfin , à l’époque dite, elle se trouva parfaitement guérie, et il ne lui resta

— ÛSG —

aucune trace des longues et cruelles épreuves par lesquelles elle avait passé.

Nous nous sommes un peu étendu sur ce traitement à cause de sa haute importance, et néanmoins nous avons été obligé d’omettre beaucoup de faits extrêmement intéressants ; la relation entière est un des monuments les plus curieux de l’histoire du magnétisme. Nous nous bornerons à. une réflexion sur le dénoûment. Nous voyons qu’une personne , ayant fait preuve d’une lucidité extraordinaire et douée de la faculté d3 prévision pour tout ce qui la concernait elle-même, s’est trouvée en défaut sur un seul point, c’est quand elle a annoncé sa propre mort. Il est vraisemblable que la lucide voit apparaître devant elle les événements futurs, comme autant de tableaux : se voyant inerte, inanimée, toutes les fonctions vitales suspendues, elle est saisie d’horreur et se voit morte : on peut juger, par cet exemple et d’autres semblables, qu’on ne doit pas se laisser décourager quand un lucide annonce sa mort pour une époque fixe. Il peut se faire que ce qu’elle a pris pour la mort ne soit qu’une léthargie. D’ailleurs il ne faut pas oublier que le lucide, même celui qui est doué de la plus grande perspicacité, ne peut embrasser qu’une sphère limitée, les événements qui doivent se passer au-delà de cette étroite enceinte échappant à sa vue ; mais ces mêmes événements peuvent, par un enchaînement successif de causes, influer sur ceux qui doivent avoir lieu dans l’horizon ouvert au lucide et y produire des perturbations qui mettent en défaut quelques-unes de ses prévisions. Ainsi le judicieux docteur Husson, dans son excellent rapport à l’Académie de médecine sur le magnétisme, rapporte qu’un malade, devenu somnambule et soumis à ses observations, prédit exactement, pendant quelque temps, toutes les phases de sa maladie avec les circonstances les plus minutieuses, puis annonça, pour un certain jour, une crise définitive qui devait le sauver. Mais il arriva, dans l'intervalle, un accident qu'il n’avait pas prévu : le malheureux périt écrasé par une voiture. Qu’en faut-il conclure ? Une seule chose, c’est que toute faculté humaine

a des bornes, ce qui est évident et n’est contesté par personne. Mais on ne peut en tirer aucune conséquence défavo-ble, ni contre la lucidité somnambulique en général, ni en particulier contre celle du malade de Husson. Cet individu, qui avait fait preuve d’une grande clairvoyance, voyait probablement juste quand il annonçait que le jeu de ses organes amènerait telle modification de laquelle résulterait, pour telle époque précise, la crise dont il donnait la description, et il est au moins probable que les choses se seraient passées ainsi sans l’événement qui l’a frappé d’une mort prématurée. Cet événement était en dehors du cercle des choses sur lesquelles portait son attention. Et, en supposant même qu’avec des facultés encore plus éminentes, il eût pu l’apercevoir, il y aurait toujours eu, au-delà de ce que pouvait atteindre sa vue, une infinité d’autres causes pouvant influer sur les événements qu’il prévoyait et en déranger le cours. 11 faut donc toujours, en cas pareil, faire la part de l’imprévu, et, par conséquent, la prévision des lucides ne peut donner qu’une chance plus ou moins probable, mais jamais de certitude absolue. On voit néanmoins, même d’après les relations de MM. Husson et Cervello, que les prévisions peuvent, pendant une longue période, être conformes à la vérité, et que le médecin peut en tirer un parti très-avantageux dans l’intérêt du malade.

M. Cervello a joint à sa relation quelques dissertations dont nous regrettons la brièveté, et qui font honneur à son savoir et à son jugement. Il faut surtout lui savoir gré d’avoir osé publier un pareil ouvrage dans un pays où il n’est certainement pas sans danger de heurter de front les préjugés dominants et de se faire ouvertement le champion de la vérité. Nous croyons donc devoir, au nom de tous les amis du magnétisme, lui adresser nos félicitations.

A. s. MORIN,

SPIRITUALISME.

UN MÉDIUM POLYGLOTTE.

Notre ami et correspondant, l’honorable M. Jos. Barthet, de la Nouvelle-Orléans, vient de traduire un remarquable discours du révérend Wm. Heyer sur Je spiritualisme, prononcé dans l’église unitaire de Rochester le 29 juin dernier (1). C’est une exposition savante et lumineuse de la doctrine des nouveaux spiritualistes : l’auteur s’attache à prouver qu’elle est le développement et le couronnement de toutes les anciennes religions, mais qu’au lieu d’exiger le sacrifice de la raison , elle fait un appel à. l’intelligence humaine, et s’appuie sur le raisonnement et l’observation , et que les faits auxquels elle recourt, bien que notre inexpérience les répute merveilleux , s’accomplissent en vertu des lois constantes et immuables de la nature, Dieu n’ayant jamais besoin de s’écarter du mode d’action qu’il a réglé; L’examen de cet ouvrage nous écarterait trop de notre sujet : nous nous bornerons à, extraire de l’introduction une relation qui ne peut manquer d’intéresser nos lecteurs :

« A l’une des dernières séances de la Société des Patriarches (2), un médium, pilote deSteamboat, qui ne sait que l’anglais, peu de français et seulement quelques mots d’espagnol, a écrit, dans une obscurité presque complète et en notre présence immédiate, en sept langues différentes, et peut-être en huit, car il y a plusieurs lignes d’hiéroglyphes qui semblent avoir un sens. L’anglais, l’allemand, le français, l’espagnol, le latin, le grec et l'hébreu ont été écrits correctement, et, à ce qu’il semble, par des mains différentes. L’anglais, l’alle-

(1) Brochure in-12. La Nouvelle-Orléans, 1856.

(S) La Société des Patriarches est une institution des esprits, et ils ont voulu qu'elle restât secrète pour un temps, c’est-à-dire jusqu'à ce que les spiritualistes soient assez nombreux pour que les railleries de la vanité ou do l'intérêt n’entravent plus le progrès chez les personnes timorées. Elle a surtout pour but de développer des médiums, parco que les esprits ont besoin d'instruments aussi parfaits que possible pour communiquer sûrement avec les mortels. J. B.

mand, ainsi que l’hébreu que des Israélites ont traduit plus tard et déclaré très-pur, traitent d’un incident survenu à l’une des réunions précédentes des Patriarches. Le médium, en outre, a fait divers croquis d’une régularité telle que l’on dirait que le dessin lui est familier, et qu’il a dû se servir d’un compas et d’une règle, ce qui n’a point eu lieu. Dix grandes pages ont été remplies, en une heure , dans une obscurité presque absolue pour nous, tandis que le médium se plaignait qu’il y avait trop de lumière. Le papier avait d’abord passé par mes mains, et il était blanc : plusieurs autres personnes s’en sont également assurées, et l’ont ensuite certifié par écrit.

Pour ce qui est de l’obscurité, il se trouvera peut-être des gens qui diront que les chats y voient la nuit, et que certains hommes peuvent avoir des yeux de chat. Passe pour cette explication. Mais la mémoire peut être comparée à un sac dans lequel on ne peut puiser qu’autant qu’on y a déposé , et comme il est certain que le médium n’a jamais mis dans la sienne ni latin, ni grec, ni hébreu, il reste évident qu’il n’a pu prendre dans son propre fonds. Si des magnétistes peu éclairés cherchent à expliquer ce phénomène par la soustraction de pensée, je les embarrasserai en leur disant qu’à la réception de ces communications , il ne s’est trouvé personne dans l'assemblée qui connût seulement les caractères hébreux, personne même qui se souvînt assez du grec pour le traduire à la lecture. 11 a donc fallu que le médium empruntât à la mémoire d’un autre ou d’autres , en dehors de nous et invisibles, c’est-à-dire qu’il fût leur humble instrument.

Cette conclusion me semble irréfutable, et l’opinion contraire d’hommes d’ailleurs très-savants, mais qui n’ont pas suffisamment étudié le sujet, ne saurait être d’aucun poids. Des yeux pour voir, des mains pour toucher, des oreilles pour entendre : tels sont les véritables moyens d’investigation. »

JOS. BARTHET.

CORRESPONDANCE.

Je viens de recevoir de M. Vuillermedunant, secrétaire adjoint de la Société du Mesmérisme, une lettre dans laquelle se trouvent rapportés certains faits de lucidité som-nambulique qui me paraissent de nature à intéresser nos lecteurs, et dont je citerai les suivants :

d A Monsieur le directeur du Journal du Magnétisme, à Paris.

« Monsieur le directeur,

M’appuyant sur des témoignages irrécusables et sans intention autre que celle d’énumérer des faits que j’ai été à même de constater plusieurs fois, ainsi que beaucoup de personnes s’occupant comme vous de magnétisme, je garderai ici le rôle d’historien ou de narrateur fidèle, tâche assez difficile déjà quand il s’agit de porter à la connaissance de tous des phénomènes produits sous l’influence d’une puissance naturelle que trop longtemps on s’est refusé à admettre.

« Bien qu’autorisé à publier les localités où les expériences ont eu lieu, je prendrai la liberté de taire les noms des personnes, en m’offrant toutefois à dédommager les incrédules par les pièces authentiques tenues à leur disposition.

« Dans le courant du mois de juin dernier, Mms Ogier, si appréciée par la Société du Mesmérisme, fut invitée à se rendre à Saint-Germain-en-Laye , chez M. le général R..., dont l’épouse , parfaitement convaincue de l’existence du magnétisme, ne laisse jamais passer une occasion de faire partager ses convictions.

« Depuis longtemps, M"' R... parlait de la lucidité de M" Ogier, lorsque M. le comte de T..., engagé par sa dame à avoir chez lui une réunion à laquelle assisteraient les membres de sa famille curieux d’examiner les phénomènes merveilleux dont on les avait entretenus, accueillit avec em-

— m —

pressement M. et M"' Ogier, sous les auspices de M"* R...

n A neuf heures du soir, Mmc Ogier, dirigée par son mari, fut endormie magnétiquement au milieu d'une nombreuse société ; et, sur l’invitation qui fut faite à l'une des personnes de vouloir bien donner la main à la somnambule pour établir le rapport (ainsi que les magnétistes l’entendent) , M“" Ogier lui dit bientôt : « Madame, vous êtes mariée (c'é-v tait vrai) : je voudrais .vous parler de votre santé ; mais « comme nous ne sommes pas seules, conduisez-moi, je « vous prie, dans la pièce voisine ; votre mari peut y venir, « ainsi que M“* votre mère (et, en même temps, elle dé-« signe du doigt ces personnes, bien qu’elle ne les eût ja-» mais connues) ; » l’entretien dura un quart d’heure, et les trois consultants affirmèrent, en reprenant leur place, qu’ils étaient véritablement surpris de ce que M"0 Ogier leur avait dit de leur santé et que leur caractère avait été parfaitement dépeint. Ce témoignage ne contribua pas peu à exciter la curiosité, chacun alors de consulter l’oracle, et tous manifestèrent leur satisfaction.

« Comme il était permis de croire que M“' Ogier était en bonne voie de lucidité, d’autant mieux que la société entière s’extasiait devant ses révélations, son mari crut devoir en profiter pour accroître et la curiosité et l’étonnement. 11 formula cette question. Que diriez-vous si Madame vous parlait de ceux qui ne sont plus ; si elle vous en faisait le portrait physique et moral ? — Chacun le regardant d’un air d’incrédulité, M. Ogier invita la société à placer dans la main de la somnambule les cheveux ou quelque autre objet ayant été porté par des personnes décédées. On ne répondait pas à cette invitation, et M”' Ogier allait être réveillée, lorsque M. le général de T... présenta à M“c Ogier un papier plié avec soin. Elle le plaça sous son nez, le flaira, le mit sur son front, et, après quelques instants, elle dit ne rien voir.

« M. Ogier avait bien sujet de regretter de s’être ainsi avancé dans sa proposition ; mais le général, insistant avec toute la bienveillance qui le caractérise, encourage la som-

nambule, lui commande même de se reposer un peu , car, dit-il, elle doit être fatiguée (il y avait deux heures qu'elle dormait). Ces paroles produisirent un bon effet : M“' Ogier persista, et elle déclara que le papier contenait des cheveux. Après la réponse affirmative, elle déplia le papier, et chacun put voir qu’il existait deux enveloppes. La somnambule continuant annonce que ce sont des cheveux d’un homme brun ; un oui fut répondu par le général. Mmc Ogier resta quelques minutes sans mot dire, puis elle reprit : Je viens de le chercher sur la terre, ne l’ayant pas trouvé, j’en conclus qu’il est mort! (Oui). — Il y a déjà longtemps ; géné-néral, vous l’avez connu, cet homme? Il était de taille moyenne, il avait le cou court, il était plus âgé que vous ; il ne portait pas de barbe (c’est vrai) ; il était entêté, irascible , pourtant bon cœur et reconnaissant ; il a habité les Tuileries : ce sont des cheveux de Napoléon 1" que vous m’avez donnés !

« Le général, qui avait répondu affirmativement à chacune des révélations de M"' Ogier, est saisi d’une émotion profonde à la dernière, et elle gagna bientôt aussi tous les spectateurs.

« Plusieurs résultats heureux avaient été très-souvent obtenus à l’aide d’un intermédiaire ayant été porté par une personne décédée ; la maladie, le caractère, avaient été exactement décrits, le portrait en avait été fait, mais c’est la première fois que la somnambule prononçait le nom de la personne. Le début de la lucidité de M’u0 Ogier a quelque chose de remarquable : on conçoit facilement que son attention devait naturellement être tournée plutôt vers des parents de la société que vers une personne étrangère.

« Maintenant ce phénomène de vision, qui pourra paraître extraordinaire à quiconque n’a pas étudié le somnambulisme, comment sera-t-il traité par les magnétiseurs?

« Beaucoup diront assurément : C’est de la soustraction de pensée ; d’autres l’appelleront transmission. Je n’ai pas la prétention de juger dans ces deux hypothèses, seulement j'aime à leur répondre à l’avance que l’état somnambulique

nous donne aussi des exemples de perception et de vision d’un autre ordre, et j’invoquerai celui-ci, qui, s’il ne bat pas en brèche les premières suppositions , il a du moins le singulier effet de les modifier.

« Dans le courant du même mois de juin dernier (peu importe la date) , à la suite d’un paiement, un négociant oublia la clef de sa caisse à son bureau, et, dans la journée, il s’aperçut qu’il lui manquait trois rouleaux de mille francs. Ses soupçons se portèrent sur scs employés, mais dire le coupable était difficile. Deux jours après cependant, ses doutes disparurent : tout lui fut révélé, et l'endroit où était caché l’argent, et le moyen de connaître le voleur en môme temps que celui de le faire arrêter : 011 ajoute que le jeune homme n’en était pas à son coup d’essai. La procédure qui a élé dirigée pour cette affaire et la condamnation que la cour d’assises de la Seine vient de prononcer, confirment assez la justesse des renseignements fournis au négociant par la somnambule Mmc Ogier. M. Morin, vice-président de la Société du Mesmérisme de Paris, s’est plu h vérifier l’exactitude de ce fait auprès des personnes qu’il intéressait ; mais, par considération pour la famille du malheureux commis, en faveur duquel le négociant même a réclamé l’indulgence de la cour, je m’abstiens de citer les noms.

« Dans ce phénomène de vision, il est évident que la somnambule n’a pu soustraire une pensée qui n’existait pas, puisque le négociant ne connaissait ni le voleur, ni le lieu où se trouvait l’argent ; car autrement il n’aurait consulté personne............

« Baron DTJ POTET. »

La lettre que nous insérons n’offrira point aux lecteurs habituels du Journal du Magnétisme un fait, une vérité nouvelle. Car les faits révélés par son auteur sont depuis longtemps d’une notoriété positive pour eux. Mais cette lettre montre que, sur des points différents et sans s'être communiqués, des hommes qui sont étrangers l’un à l’autre peuvent se rencontrer sur le même chemin. Elle vient corrobo-

— m —

rer les faits de magie déjà cités et leur donner une nouvelle sanction.

En publiant ces observations, je pourrais faire observer que je fus le premier des modernes qui souleva le voile qui cachait certains mystères de la nature ; mais je n’ai point cette envie et cette jalousie qu’ont parfois les novateurs. Il m’importe peu d’avoir été assez heureux pour découvrir. Ce n'est pas là où je place mon contentement réel : il est dans le bien que j’ai pu faire et dans celui que j’ai préparé. Passager de cette génération , j’ai marqué mon pas peut-être sur le sable, car je vois déjà des hommes cherchant à en effacer la trace. Peu m’importe ; l’arbre planté survivra au temps, c’est là mon seul désir et ma seule ambition. Qu'il porte seulement de bons fruits ; mais que la vérité soit connue pour le bonheur des hommes. Celle-ci est téméraire, remplie de dangers, voilà pourquoi j’en parle peu et laisse à tous les autres la responsabilité de leurs actes et de leurs écrits.

Ce que j’ai publié, je l’ai fait avec discrétion ; car il faut être fort pour manier cette arme. Comme toute armure antique, bien peu aujourd’hui pourraient s’en servir. Ma crante trop réelle est de voir ces divulgations venir avant leur temps. Divulguer l’avenir n’est pas un bien pour tous les hommes : c’est les faire souffrir deux fois, c’est les mettre en présence du bourreau.

Pourtant, petit à petit, une vérité immense sera connue. Que Dieu veuille que les esprits de tous s’y préparent, et que la résurrection d’une chose antique trouve les hommes forts du passé pour en tirer ce qu’ils savaient de propre à gouverner les nations. Baron dü potet.

u Monsieur,

« Dans le mois de décembre 1854, vous eûtes la bonté de m’écrire et de m’éclairer sur quelques phénomènes du magnétisme qui étaient obscurs pour moi, depuis une grave ophtalmie qui m’a privé de ma vue m’a empêché de soumettre à votre haute appréciation les résultats que j’ai ob-

tenus dans la pratique du magnétisme. Malgré ma cécité, je suis obligé aujourd’hui, dans l’intérêt de la science, de porter à votre connaissance une découverte que j’ai faite et que je crois inconnue jusqu’à présent.

« Il y a sept ou huit mois, le hasard me fit découvrir la façon d’un miroir fort curieux et en même temps très-surprenant. Ce miroir est de la plus grande simplicité ; tout le inonde peut le faire et réussir avec plus ou moins de succès. Voici comment on le fait : on noircit avec de l’encre noire le creux de la main gauche, en faisant une tache de la grandeur approximative d’une pièce de dix centimes ; on verse sur cette tache deux ou trois gouttes d’huile, ensuite on magnétise cela au moyen de quelques passes avec sa main droite : une autre personne peut aussi faire ces passes magnétiques de la durée d’une demi-minute ; cela fait, il faut appuyer sa main pour ne pas fatiguer et fixer ses yeux sur la tache huilée. Il arrive que des rayons magnétiques s’établissent entre les yeux et la tache que j’appelle miroir. Aussitôt que ces rayons se sont établis, on voit dans le miroir des choses vraiment extraordinaires, telles que des villes , des édifices, des campagnes, des animaux , et surtout des hommes avec lesquels l’opérateur parle, et ceux-ci répondent soit par des gestes, soit en écrivant, soit avec la voix, mais celle-ci n’est entendue que par l’opérateur seulement. Une demoiselle dernièrement voyait des musiciens et entendait leur concert harmonieux sans que personne autre eût rien entendu. Il arrive souvent qu’au début l’opérateur voit dans le miroir sa propre figure ; dans ce cas, il faut commander à cette tête de s’en aller et faire venir d’autres personnes : on verra avec étonnement que la tête disparaît et d’autres figures paraissent. Si on désire voir un des siens, même des personnes qui sont mortes, les images de ces personnes paraîtront sur la demande de l’opérateur : il est bien entendu qu’on peut aussi parler avec ces images.

« Un jeune homme de l’âge de vingt ans, qui n’avait jamais connu ses parents, ayant été enfant trouvé, vit sa mère qui lui dit son nom et le lieu de sa demeure ; cela s’est passé

en Italie il y a quinze jours. Le jeune homme se proposait de partir pour l’endroit désigné pour voir si la révélation du miroir était véridique. Mon départ d’Italie m’a empêché de poursuivre cette révélation importante.

« J’ai fait des expériences du miroir sur beaucoup de personnes , et sur tout le monde cela a réussi, seulement j’ai remarqué que les personnes d’un tempérament robuste et sanguin n’obtiennent de résultat qu’avec beaucoup de persistance; quelques-unes la première fois qu’elles ont fait l’expérience, n’ont obtenu de résultat qu’au bout d’un quart d’heure, tandis que les personnes d’un tempérament lymphatique ou nerveux obtiennent des résultats immédiats. Il en est de ce phénomène comme du somnambulisme : pour la première fois il faut un peu de patience, pour les fois successives le phénomène se manifeste sans beaucoup de peine. Une chose essentielle qu’il faut observer, c’est que l’opérateur doit fixer ses yeux sûr le miroir sans jamais les en détourner.

« Je m'abstiens, quant à présent, de formuler une opinion sur ce miroir excentrique et dire quelle est l’essence matérielle ou spirituelle des figures qui se manifestent dans le miroir, il me faut encore d’autres expériences pour pouvoir être fixé à cet égard. Ce que je puis affirmer pour le moment, c’est que ce phénomène s’obtient par l’effet du mognétisme.

« Je vous demanderais en grâce , Monsieur, pour ma satisfaction de vouloir bien me dire si vous avez connaissance qu’un miroir pareil ait été fait par d’autres personnes avant moi : je ne suis pas au courant de ce qui se passe dans la sphère des personnes qui pratiquent le magnétisme, et je serais bien heureux, si la découverte de ce miroir m’appartenait, d’avoir apporté du coin de terre reculé où je me trouve un grain de sable à la construction de l’édifice de la science magnétique.

« Agréez, Monsieur, mes sentiments respectueux.

a MAGL1ULO,

20 septembre 1856. « Rue d'Armandy, 12, Bûne (Algérie). »

VARIÉTÉS.

LES FEUILLETONS MAGNÉTIQUES.

Le magnétisme, comme toutes les doctrines, a des défenseurs de toutes sortes qui, pour servir sa cause, emploient des moyens très-divers. Pendant que les uns offrent au public de laborieuses dissertations, de savantes expositions, d’autres, prenant une forme plus légère et plus effrayante, cherchent plutôt à amuser qu’à instruire , et rendent des services en répandant des notions utiles, et préparent le terrain destiné à recevoir la bonne semence. Nous sommes loin de dédaigner le concours que nous prêtent des écrivains qui souvent sont nos auxiliaires beaucoup plus qu’ils n’en ont l’air : romans, comédies , almanachs , chansons même, tout cela peut devenir moyen de propagation. Nous applaudissons donc à ceux de nos confrères qui, dans les journaux, racontent avec verve des historiettes concernant le magnétisme : c’est une mine très-riche à exploiter, et un habile feuiUetonniste, tout en ne choisissant que des faits bien authentiques, peut présenter à ses lecteurs des récits pleins d’intérêt, qui surpassent même ce que l’imagination pourrait créer de plus merveilleux.

Parmi les écrivains qui traitent du magnétisme, M. Jules Lovy est certainement un des plus féconds et des plus spirituels , et nous avons souvent lu avec plaisir ses charmantes facéties, ses jolis couplets, et les feuilletons dont il enrichit ¿'Union magnétique. Mais nous avons à regretter qu’il ait oublié le rôle auquel le destine la nature de son talent Collaborateur du Journal pour rire et du Ménestrel, il a pris l’habitude de ne voir dans les choses les plus graves que le côté plaisant, de faire plus de cas d'un bon mot que

d’un argument solide, de rire un peu de tout et parfois de lui-même. II pouvait sans doute glaner dans les fasles magnétiques des anecdotes propres à égayer ses lecteurs; mais c’était entreprendre une tâche évidemment au-dessus de ses forces, que d’écrire une histoire môme très-abrégée et très-superficielle du magnétisme. Pour aborder un si vaste sujet, il faudrait avoir lu et médité les nombreux ouvrages qui traitent du magnétisme, être versé dans les sciences qui s’y attachent, et pouvoir apprécier les travaux des hommes éminents qui ont consumé leur vie à la recherche de la vérité ; il faudrait, en outre, de profondes études sur l’antiquité, afin de suivre la marche du magnétisme à travers les âges, de faire voir ses transformations, ses luttes, ses prodiges , et de discerner les résultats réels et bien constatés d’avec les fables accréditées par l’ignorance et la superstition.

M. Lovy ne s’est pas proposé un plan aussi vaste en consacrant, tous les quinze jours , quelques lignes à Y Histoire du fluide : il se borne à des causeries sur les contemporains. Mais ayant la prétention de discuter sérieusement contre son habitude, il aurait dû au préalable étudier avec plus de soin les hommes et les choses qu’il soumet à sa critique. La manière dont il rend compte des séances hebdomadaires de M. du Potet annonce bien peu de réflexion ; nous sommes étonné qu’il n’ait pas mieux compris la haute portée de quelques-uns des exercices dont le Journal du Magnétisme a donné, il y a quelques années, des relations fort remarquables , et nous avons vu avec peine qu’il ait montré trop peu d’égards pour la personne et les travaux de l’illustre continuateur de Mesmer. Nous ne nous attacherons pas à réfuter tout ce qui devrait l’être. Nous nous bornerons à rectifier une erreur matérielle. Voici comment s’exprime le feuilletonniste sur le Manuel de C étudiant magnétiseur : « Ce livre , basé en grande partie sur l’enseignement pratique, se rapproche bien plus de l’école Deleuze que tous les précédents écrits du baron ; mais, publié après l’excellent ouvrage de M. Charles Lafontaine, Y Art de magnétiser, il ne put avoir, aux

yeux des magnétistes purs, qu’une importance relative et presque secondaire, etc.....» A une affirmation aussi tranchante, la meilleure réponse est dans le rapprochement des dates. La première édition du Manuel a paru en 1848, et la publication en est môme plus ancienne, puisque cet ouvrage avait été donné, pour la majeure partie, par fragments détachés, dans le Journal du Magnétisme; la seconde édition est de 1850, et le livre de M. Lafontaine n’a été publié qu’en 1851. Il est donc au moins étrange qu’on fasse en quelque sorte de M. du Potet un imitateur maladroit de M. Lafontaine. Quant au mérite du Manuel, notre appréciation serait suspecte ; nous ferons seulement remarquer qu’il a été traduit en plusieurs langues, qu’en Amérique il en a été fait plusieurs éditions, et que dans le monde magnétique il jouit de l’autorité d’un véritable classique.

M. Lovy croit pouvoir fixer des bornes à l’essor du magnétisme, et, s’appuyant sur les conseils de M. Lafontaine, il recommande prudemment de fuir la magic. Qu’entend-il par là, et en quoi consiste précisément ce fruit défendu dont la possession serait, à ce qu’il paraît, un don funeste? Quand le magnétiseur parvient à obtenir des phénomènes supérieurs à ceux de ses devanciers, doit-il éviter de les reproduire, faut-il qu’il les passe sous silence dans la crainte de trop étendre la puissance humaine ; doit-il mettre la science sur le lit de Procuste ? A partir de' quelle limite dépasse-t-on le magnétisme licite pour entrer dans le domaine de la magie illicite et envahir la sphère interdite à nos recherches ? Ces sages conseillers en sont-ils donc venus à s’inspirer des vieilles mythologies d’après lesquelles Dieu aurait départi à l’homme de brillantes facultés en lui défendant de les exercer ? Et sont-ils bien sûrs eux-mèines de ne pas être coupables d’une témérité sacrilège? Par exemple, n’est-ce pas commettre le péché de magie que de prétendre, comme M. La Fontaine, faire dévier, par la seule volonté et sans contact, l’aiguille du galvanomètre, ou attirer un corps humain réduit à l’état de masse inerte?... Nous bornons là nos questions. M. Lovy n’a probablement pas attaché une

grande importance à sa critique; et pour qu’on pût s’engager avec lui dans une polémique sur ce sujet, il faudrait qu’il commençât par mieux formuler ses assertions.

A. s. MORIN.

Bien que poursuivi à outrance par tous les gens bon. nêtes, par tous les magnétistes vraiment digues de ce nom et par toutes les publications sérieuses qui s’occupent delà science nouvelle , le charlatanisme ne se décourage pas et continue son œuvre désorganisatrice sous toutes les formes. Le croirait-on ? 11 y a à New-York un médecin français qui tient boutiques de philtres, de poudre d’amour, d’élixirc omrae celui de Fontanarose, qui lance des prospectus où il en vante les vertus et en garantit l’infaillibilité, et cela daus le chef-lieu de la civilisation des Etats-Unis ! eu plein dix-neuvième siècle ! au milieu d’une population intelligente, raisonnable, sérieuse et morale !

Le journal la Lcce magnetiga,.de Turin, donne à ce sujet un article détaillé, que, pour l’édification de nos lecteurs , nous leur traduirons in extenso dans notre prochain numéro.

BIBLIOGRAPHIE.

L’abbé Rohrbacher, docteur en théologie de l’université de Louvain, a publié récemment une Histoire universelle de l’Eglise catholique, en vingt-neuf volumes in-8 de 650 pages. Cet ouvrage important jouit d’une grande autorité, et les opinions qui y sont émises sur différentes questions qui se rattachent à l’anthropologie sont prises en grande considération par un public nombreux ; aussi avons-nous vivement regretté de voir l’auteur émettre un jugement complètement faux par rapport au magnétisme. Comme la plupart des savants qui ont voulu dire quelque chose sur cette question si capitale en philosophie et en physiologie, l’auteur n’a pas pris connaissance de toutes les pièces du procès ; il a suivi les autres sans prendre la peine d’étudier nne question qui en vaut si bien la peine, qu’il n’est plus nn ouvrage sérieux qui en traite plus ou moins bien et plus ou moins logiquement, mais enfin qui la consigne. On lit à la page 345 du t. 27 : « Quelques années avant Cagliostro, un médecin allemand, Mesmer, né à. Mersbourg, en Souabe, l'an 1734, avait encore fait plus de dupes en France par sa doctrine et sa pratique du magnétisme animal. L'engouement public fut tel que, quand il fut à Paris, le baron de Bre-teuil eut avec lui une conférence officielle, dans laquelle il lui offrit, au nom du roi, 20,000 livres de rente viagère et nn traitement annuel de 10,000 fr. pour établir une clinique magnétique... Mesmer refusa tout net et partit avec quelques-uns de ses malades pour les eaux de Spa. » Suit l'intervention de Desion, le retour de Mesmer, les cours faits par d’Espremenil et Bergasse, la description du traitement au baquet, dans laquelle on remarque cette phrase : « Lorsque

Mesmer venait à paraître , tenant en main la baguette magique dont tous avaient plus ou moins ressenti I e pouvoir, un mot, un simple signe excitait ou calmait, à son gré, les êtres mobiles qui l’environnaient. 11 est vrai que pour mieux assurer sa puissance, il avait des confidents secrets de ses volontés qui donnaient les premiers l’exemple d’une soumission absolue. On sent aisément combien un pareil charlatanisme était dangereux pour les mœurs. »

Mais, en vérité, qui vous a dit, monsieur l’abbé, que les choses se passaient ainsi ? Vous répétez de vieilles objections que les faits que nousreproduisons chaque jour ruinent facilement. Prévention et ignorance de la chose que l’on veut juger, voilà ce qui conduit à des assertions fausses qui égarent une génération , ce dont on est responsable dans sa conscience.

Continuons : « L’enthousiasme public pour ces réunions et les désordres nombreux qui les accompagnaient déterminèrent le gouvernement à faire examiner la doctrine et l’emploi du magnétisme par une commission composée de quatre médecins et de cinq membres de l’Académie des sciences. Parmi les premiers, on remarque un médecin estimable, Guillotin, d’abord jésuite et plus tard parrain de la guillotine.,.. Parmi les seconds, on remarque Francklin, ambassadeur del’Union américaine, le chimiste Lavoisieret l’astronome Bailly. — (Et le célèbre Jussieu, vous l'oubliez ?)

— Les dix commissaires — vous aviez dit neuf, — s’assurèrent de la manière la plus indubitable que tous les effets attribués au magnétisme animal résultaient uniquement de cette influence qui fait, par exemple, que nous bâillons quand nous voyons bâiller, que nous rions quand nous voyons rire, et que même nous pouvons exciter en nous des émotions physiques très-violentes par la seule action de notre pensée. Voilà ce qu’ils développèrent dans un rapport publié, rédigé par Bailly. Quant à la question beaucoup plus importante de l’influence de la doctrine de Mesmer sur les mœurs, les commissaires crurent devoir en faire la matière d’un rapport secret, destiné à être mis sous les yeux du

roi, seul. Ils réduisirent les causes de cette influence immorale à des agents réels qui sont l’attouchement, l’imitation et le pouvoir de l’imagination sur les sens.... » Et la retraite de Jussieu, qui ne voulut pas signer le rapport et qui en rédigea un particulier,dont les conclusions sont opposées à celles de ses collègues ? On passe sous silence ce fait si important !

« De nos jours, continue l’auteur, ce même charlatanisme se reproduit sous le nom de somnambulisme magnétique : les autorités ecclésiastiques et autres feront bien d’y prendre garde..... L’aventurier Mesmer ne répondit pas au rapport des commissaires : bientôt il quitta la France, emportant l’argent des souscripteurs, auxquels il n’avait point donné son secret, et, pardessus le marché, les accusant dans un libelle de le lui avoir dérobé. Il mourut ignoré dans sa ville natale en 1815. »

Pauvre magnétisme ! non seulement tes phénomènes sont niés quand on les voit, mais ton histoire est écrite avec l’inexactitude la plus grande et avec la partialité la plus révoltante I 11 faut que tu recèles dans tes flancs d’immenses révolutions pour que ta destinée soit ainsi tourmentée 1 II est vrai que parmi les hommes qui ont voulu paraître servir le magnétisme, un trop grand nombre a semé tant d’erreurs, tant de mystifications, tant d’exploitation , et tant de théories ridicules, que les intelligences de bonne volonté ont eu grand’peine à séparer l’ivraie du bon grain ; mais enfin, pour ceux qui prennent la raison et la justice pour guides, faut-il conclure du particulier au général ? Et que pense M. l’abbé Rohrbacher des hommes qui traitent la religion catholique d’une grande erreur, parce qu’ils voient des mauvais prêtres et qu’ils prennent à tâche de se nourrir des objections des religions rivales ? Il les accuse, ces hom-mes-là , d’esprits incomplets et inconséquents , et, suivant moi, il a raison : eh bien , par la manière dont il a traité l’histoire et la doctrine du magnétisme, M. l’abbé s’est rangé parmi les hommes sans logique et parmi les paresseux pour n’avoir pas étudié convenablement la question.

Nous eu appelons donc à une nouvelle édition, parce que le sentiment du devoir et de la vérité étant dans la conscience du prêtre, il reconnaîtra la réalité du magnétisme comme fait et comme doctrine, tout en signalant les énormes abus que peut entraîner une pratique imprudente.

Dr CHARPIGNON, d’Orléans.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS.

M. Chalin travaille avec zèle à répandre le magnétisme clans la ville de Strasbourg. Nous avons reçu de lui plusieurs relations intéressantes dont nous allons donner quelques extraits à nos lecteurs.

« Le 9 mars dernier, plusieurs personnes se réunirent place ***, n. , afin de faire connaissance avec le magné-time : il y avait quelques dames, un prêtre, deux médecins, dont l’un d’une incrédulité renforcée.

n A huit heures du soir, les expériences ont commencé ; les demoiselles Clémentine et Eugénie ctM',,cD... étaient assises près d'uue fenêtre; j'étais placé en face d’elles, h une distance de cinq mètres. J’allai vers ces daines : du pied je décrivis sur le parquet trois raies formant un triangle ; je ne fis, du reste, aucune passe ni autre geste, et ne dirigeai même pas mes regards vers elles ; j’attendais assis ce qui allait arriver.

« Ces daines s’endormirent. M""' D... commença par rire, puis rire de nouveau ; son corps se pencha en avant ; elle se laissa tomber sur les genoux, sa tète allaut d’une épaule à l’autre ; sa physionomie exprima la colère, puis la satisfaction. De son côté, M"° Clémentine hocha la tête en avant et en arrière, tomba à genoux, puis se'mit à imiter le chien : elle aboyait, jappait, grognait et cherchait même à mordre.

« Arrivées au sommet du triangle, les deux dames se disputent la possession de la ligne que j’ai tracée. Elles viennent se coller à ma jambe. Je change de place : elles me suivent en réglant leurs pas sur les miens et en imitant la marche du chien. Par ma volonté, je transforme M"' Clémentine qui imite successivement la marche et la voix du mouton, de l’âne, du chat, de la poule et du coq, puis re-

prend ceux du chien. Je mets fin] à ces imitations, et elle tombe sur le parquet, raide et immobile comme un cadavre.

n Je fis cesser cet état et je produisis seulement la rigidité des bras, et j’invitai l’incrédule docteur H... à essayer de les faire fléchir sans faire souffrir le sujet. 11 prit les bras et parvint, après beaucoup d'efforts, à abaisser les bras ; mais le sujet manifesta une vive douleur et s’en plaignit hautement. Je recommençai l’expérience, et les bras ayant été mis en tétanos, je les fis fléchir par ma volonté, sans effort ni douleur pour le sujet.

« Pour vérifier l’insensibilité, le docteur alluma un papier et le promena sous le nez et sur les mains du sujet qui ne donna aucun signe de sensibilité.

«Je rendis muettes plusieurs dames de la société ; il y avait contraction des mâchoires, et la langue était collée au palais.

« Je fis adhérer au parquet les pieds de M"’ Clémentine, et l’on ne parvint à l’en détacher qu’avec des efforts énormes , tandis que je n’avais besoin que d’un geste pour lui rendre le libre usage de ses pieds.

h Je multipliai et je variai les expériences au gré des spectateurs. Le docteur H..., digne élève des Bouillaud et des Dubois (d’Amiens), trouva toujours matière à épiloguer et ne voulut jamais convenir qu’un seul fait fût concluant. Heureusement je fus dédommagé par la satisfaction du reste de la société, dont beaucoup de membres furent acquis à la cause du magnétisme. »

« chalin. >

SPIRITUALISME.

MAGNÉTISME ET ESPRITS; DISTINCTION ET LIMITES.

L’histoire du magnétisme moderne présente dès aujourd’hui deux phases : dans la première, les expérimentateurs se bornent à communiquer à d’autres êtres semblables à eux une partie du fluide dont ils sont porteurs ; ils augmentent ainsi la dose naturelle aux personnes soumises à leurs actions, les fontjparticipant d’une portion de leur propre vie, et leur donnent la superintelligence sur les êtres humains ordinaires. Puységur, et tous les magnétiseurs à sa suite, magnétisaient bien aussi des corps inertes, des végétaux, des arbres; mais ces corps étaient dépourvus de mouvement, ne pouvaient parler, agir, manifester une pensée qu’on les supposait d’ailleurs incapables de percevoir.

La seconde phase, dans laquelle nous venons d’entrer, est caractérisée par la manifestation, à l’aide de corps inertes, tables, paniers, etc., des propriétés propres au fluide humain, telles que le mouvement, la pensée et l’expression de cette pensée. 11 n’y a pas, selon nous, d’autre mystère dans le phénomène des tables parlantes. Ces tables deviennent magnétisées par les personnes qui les touchent, une partie du fluide de chacun des opérateurs se détache de lui et va se concentrer dans la table. Ce fluide circule dans les pores du bois et en fait, tant que l’opération dure, un petit être sensible, un être humain , mieux même qu’un être humain ; car il n’est pas limité , gêné, obstrué par des organes matériels ; la réunion, l’addition des fluides de diverses personnes lui donne, comme au somnambule endormi, la superintelligence. Mais ici la vie, ne s’alimentant pas à un

foyer corporel à elle propre, cesse et s’évapore , en même temps que la réunion et le contact des mains.

C’est donc bien tort, selon nous, que quelques personnes supposent que, toutes les fois qu’une table parle, cil« est animée par un esprit ayant eu vie. Non , ce n’est qu’un reflet des opérateurs additionnés en intelligence et en clairvoyance , et dégagé cl’organes qui nuisent à la lucidité des perceptions.

Ce n’est pas à dire cependant que l’esprit d’un Être ayant eu vie ne puisse se trouver dans une table. Mais ceci est un autre ordre de phénomène qui n'a de commun avec le précédent que le mode de manifestation.

Tous les magnétiseurs savent qu’un des effets du (luide inspiré par la volonté de l’opérateur est d’attirer ou de repousser les corps animés. On fait marcher en avant, en arrière, à droite, à gauche, une personne tant soit peu sensible. Le magnétiseur possède encore la même faculté à l’égard des esprits des trépassés; lorsqu’il s’adresse à eux, ils reçoivent l’impression de sa pensée. La sensibilité des esprits ne se borne pas à recevoir ces impressions; ils sont aussi tenus, dans de certaines limites, de satisfaire les désirs qui leur sont exprimés, tout autant que ces désirs leur paraissent justes et convenables, et notamment de se déplacer. Ils peuvent donc venir occuper une table , un panier, si la demande leur en est faite et manifester leur pensée, en répondant aux questions qui leur sont faites, tout comme ils peuvent descendre sur une somnambule et parler par sa bouche.

Mais ce sont, nous dira-t-on , de simples affirmations que vous énoncez ; il vous reste à les prouver. Le mode de démonstration abstraite fait ici complètement défaut. Ce n’est que par l’expérimentation et le sentiment de l’évidence que l’on peut acquérir, en cette matière, une conviction. Et comment résister à une preuve de ce genre, lorsque, par exemple, 011 se trouve en rapport avec un être chéri, lorsque l’on reconnaît dans la bouche de la somnambule le sujet déjà oublié de conversations anciennes, que l’on s’entend

adresser des conseils souvent sur les détails les plus intimes de sa propre vie ? Dire que c’est la somnambule seule qui agit, n’est possible qu’à l'homme de mauvaise foi ou à celui qui n'a point expérimenté. 11 y a toujours des traits, des mots qui chassent tous les doutes.

Les évocations et les communications avec les morts ne sont pas, d’ailleurs, des phénomènes qui datent d’aujourd’hui. Le Deutironome contient (ch. xvm, v. xi) la défense de consulter l'esprit de Python, des devins, ou d'interroger tes morts, pour apprendre d'eux la vérité (1).

Le récit d'Héliodore, dans les Épiques, n’est pas moins connu : Mycale s’y livre à toutes les formules de l’évocation.

Et, sans chercher à faire parade d’érudition, voici un passage du Voyage du jeune Anadiarsis : « A cette caverne (de Cnmes, auprès de Naples) est attaché un privilège dont jouissent plusieurs autres villes. Nos devins y viennent évoquer les ombres tranquilles des morts, ou repousser au fond des enfers celles qui troublent le repos des vivants. Des cérémonies saintes opèrent ces effets merveilleux. On emploie d’abord les sacrifices, les libations, les prières, les formules mystérieuses ; il faut ensuite passer la nuit dans le temple, et l’ombre, à ce qu’on dit, ne manque jamais d’apparaître en songe.

« On s'empresse surtout de fléchir les âmes que le fer ou le poison a séparées de leurs corps. C’est ainsi que Cal-londas vint autrefois, par ordre de la pythie, apaiser les mânes irritées du poète Archiloque, à qui il avait arraché la vie. »

Qui n’a présent à l’esprit l’épisode d’Orphée et d’Eurydice, et plus d’un passage de Virgile et'd’Horace, dans lesquels il est question d’apparitions et d’enchantements? Sous peine de faire sourire quelques lecteurs, nous oserons

(1) On a beaucoup disculé sur la question do savoir si Moïse avait enseigné le dogme de l'immortalité de l’éme. Quelle meilleure preuve que cette défense peut-on donner de la croyance des Hébreux à la persistance de làmo après la mort? Comment pourrait-on évoquer les morts, s'ils n’oxistaient plus?

dire que nous ne considérons point ces passages comme pures fictions et fantaisies d’artistes, mais comme offrant une large part au réel et au positif.

Les philosophes alexandrins se livraient aussi à l’évocation. ('.'était un des points fondamentaux sur lesquels reposait leur mysticisme si élevé, et traité cependant avec tant de dédain par nos grands philosophes patentés. Plo-tin, selon Porphyre, s’éleva souvent à l’intuition extatique du premier et souverain Dieu. Porphyre, lui aussi, eut le don d’une de ces unions à l’âge de AS ans. Les extases de ce genre sont toujours le résultat de la pratique de la nécromancie.

Ces doctrines se renfermèrent le plus souvent dans des sociétés secrètes, chez les rose-croix , les illuminés, dans certaines loges de francs-maçons, chez les martinistes, etc.

De nos jours, M. Cahagnet est un de ceux qui sont entrés le plus hardiment dans cette voie, d’où tendent déjà à sortir des sectes sur le nouveau continent (1).

On peut distinguer les évocations en deux classes, celles où l’esprit n’est pas visible, celles où il est visible. Les pre mières sont d’une pratique plus facile; les secondes ne sont pas sans inconvénient. Dans ce dernier cas, l’expérimentateur doit se mettre lui-même dans l’état de somnambulisme forcé. La distinction que nous venons d’établir apparaît dans l’évocation de Samuel. Ainsi, Saül reconnaît Samuel, à la description faite par la pythonisse d’Endor; mais la pythonisse elle-même le vit.

M. Constant raconte, avec quelques détails fort intéressants, comment, étant à Londres, il évoqua Apollonius de Thyanes, et obtint de lui la révélation de secrets importants. Apollonius lui apparut enveloppé tout entier d’une sorte de linceul plutôt gris que blanc ; il sentit passer près de lui comme un souille, eut froid, et eut un bras engourdi jusqu’à l’épaule. 11 n’entendit pas de voix; mais les questions furent résolues d’elles-mêmes dans son esprit.

I ' Voir un article purement narratif, mais néanmoins fort intéressant, inséré dans la llcvue britannique , 1856.

« Conclurai-je, dit-il, (le ceci, que j’ai réellement évoqué, vu et touché le grand Apollonius de Thyanes? Je ne suis ni assez halluciné pour le croire, ni assez peu sérieux pour l’affirmer. L’effet des pantacles est une véritable ivresse de l’imagination, qui doit agir vivement sur une personne déjà impressionnable et nerveuse. Je n’explique pas par quelles lois physiologiques j’ai vu et touché ; j’affirme seulement que j'ai vu et que j’ai touché; que j’ai vu clairement et distinctement, sans rêve; et cela suffit pour croire à l'efficacité réelle des cérémonies magiques. J’en crois, d’ailleurs, la pratique dangereuse et nuisible ; la santé, soit morale, soit physique, ne résisterait pas à de semblables opérations si elles devenaient habituelles.... L'effet de cette expérience sur moi fut quelque chose d’inexplicable. Je n’étais plus le même homme, quelque chose d’un autre monde avait passé en moi ; je n’étais plus ni gai, ni triste ; mais j’éprouvais un singulier attrait pour la mort, sans être, cependant, aucunement tenté de recourir au suicide.... La dame âgée dont je parle ( sur la demande de laquelle il fit ces expériences) avait, certainement, quoiqu’elle le niât, l'habitude de la nécromancie et de la goëtie. Elle déraisonnait quelquefois complètement, se livrait d’autres fois à des colères insensées, dont elle avait peine à bien déterminer l’objet. »

Le récit de M. Constant a donné une idée du danger qui peut accompagner ces opérations ; elles ne sont pas seulement dangereuses, elles sont toujours fort difficiles; nous doutons en outre qu’elles soient jamais convenables. Ajoutons enfin qu’elles exposent à de fréquentes erreurs. Par tous ces motifs, nous ne saurions trop engager à ne plus se livrer à un genre d’expériences dont il ne peut y avoir à retirer aucun avantage, mais plus d’un inconvénient.

Une statistique de la vie des magnétiseurs et de leur fin serait fort curieuse à faire; nous croyons qu’elle présenterait beaucoup plus de cas de suicide, d’aliénation qu’aucune autre profession. Ce n’est pas à dire que ceux qui entrent dans cette voie ne soient pas bien doués ; mais, indépen-

damment de l’action asthénique qu’exerce la magnétisation fréquente, il faut avoir un esprit d’une trempe ferme pour ne pas s’arrêter quelquefois interdit et comme épouvanté. C’est donc avec bien juste raison que le Code pénal, conforme en cela aux prescription« de Moïse, prohibe le métier de deviner, de pronostiquer, d’expliquer les songes. La seule incertitude du résultat aurait suffi pour devoir faire poser ces sages prescriptions.

Cependant, à un point de vue scientifique dépourvu de tout intérêt mercantile et désigné uniquement par des hommes préoccupés de l'avancement do la science et de l'amour de la vérité, ces expériences peuvent, nous le croyons, ouvrir des voies nouvelles. Les curieux fragments du Spiritualisme scientifiquement démontré par M. Robert Hare, professeur de chimie à l’Université de Pensylvanie (1), montre quelles éclatantes lueurs peuvent eu jaillir. Nous hésitons d’autant moins à admettre les points principaux avancés par M. Hare, que , de notre côté , et avant de connaître ce fragment, nous étions arrivé à des résultats à peu près analogues.

L. LAMOTHE.

(1) Voir le Journal du 25 mars 185G.

CORRESPONDANCE.

L’honorable et habile docteur James Esdaile, naguère chirurgien de la Présidence des Indes Anglaises à Calcutta, nous envoie une brochure avec une lettre.

La lettre est sous forme de circulaire adressée à la presse quotidienne. La voici :

« Monsieur,

« Permettez-moi de vous adresser l’exemplaire illustré ci-joint de mon mémoire sur l’introduction du magnétisme dans les hôpitaux publics de l’Inde, mémoire contenant des faits dont l’exactitude a été récemment reconnue par le témoignage public du marquis de Dalhousie. Cette édition illustrée a été spécialement imprimée pour les membres de la presse quotidienne (les dessins ne convenant point pour l’édition ordinaire, destinée à la circulation), afin que ces messieurs puissent s’édifier de la manière la plus complète et la plus évidente sur la réalité du magnétisme ; réalité que les journaux de médecine prennent à tâche de dissimuler au public avec le soin le plus minutieux.

«( Je veux en même temps m’adresser directement 5, vous, Monsieur, pour vous demander si, soit comme individu privé, soit comme journaliste, vous approuvez le silence systématique sur des faits semblables que garde et qu’a gardé jusqu’à ce jour la partie médicale de la presse.

« En cherchant à attirer l’attention publique sur une série de faits d’une haute importance pratique que j’ai été à même d’observer, on ne saurait insinuer, même avec la moindre ombre de vérité, que j’en agisse ainsi dans un but d’intérêt personnel de clientèle, car il y a longtemps que j’ai renoncé à la pratique de ma profession, et rien au monde ne saurait me déterminer à la reprendre.

« Je suis, Monsieur, etc. »

Voici un début assez net et assez vert. Notre honorable confrère en magnétisme d’Édimboiirg n'est point de ceux qui disent de demi-vérités, ou qui se laissent arrêter par les obstacles du mauvais vouloir. Et plût au ciel que tous les magnétistes fussent animés de la môme courageuse franchise et d’une pareille énergie d’initiative !

Mais ceci n’est que le début, et nos antagonistes enracinés n’ont qu’à se bien tenir. 11 va leur planter le flambeau dans les yeux.

La brochure a pour titre : Introduction du magnétisme (avec lu sanction du gouvernement) dans les hôpitaux publics de l’Inde. Dédie au corps médical. Pour épigraphe les fameuses paroles de Luther : « Je suis déterminé à arracher tous les masques, à ne rien épargner, de môme qu’à ne fermer les yeux à rien, afin que la vérité puisse être transparente , sans mélange et ait enfin ses coudées franches. »

Le choix de ces paroles est significatif, il indique nettement ce que sera la brochure, le but qu’elle se propose, l’esprit dans lequel elle a été conçue et le style qui l’exprimera. Tout, en elfet, y est clair, précis, formel, appuyé de procès-verbaux, de dates, de témoignages individuels et de pièces officielles.

Tout d’abord une lettre du 22 juin 1856, signée par 11 des h0 membres du comité de bienfaisance d’Exeter, et adressée au marquis de Dalhousie, ex-gouvernenr des Indes Anglaises, auquel ces Messieurs transmettent la brochure du docteur Esdaile en lui soumettant respectueusement la demande suivante :

« S’appuyant sur ce que le nom de l’honorable Marquis se trouve fréquemment cité dans la susdite brochure, ils espèrent que Sa Seigneurie voudra bien, dans l’intérêt de la vérité et de l’humanité, leur donner son opinion sur l’opportunité d’admettre ou de rejeter le magnétisme, dont 011 leur a conseillé l’emploi comme moyen curatif pour le traitement des fous, dont le nombre augmente annuellement dune manière effrayante dans cette ville, aussi bien que dans les

autres parties du royaume, et à C égard desquels le mode actuel de traitement est si généralement inefficace, »

Réponse du marquis de Dalhousie, déclarant que tous les faits rapportés dans la brochure du docteur Esdaile sont de la plus scrupuleuse exactitude ; qu’il ne se croit pas compétent pour décider si le magnétisme convient au traitement de la folie, mais que, comme moyen anesthésique dans les opérations chirurgicales, il peut en certifier l’efficacité établie à ses yeux par les rapports officiels de témoins du plus haut caractère administratif, etc.

Fort de cet imposant témoignage de la part de ce haut fonctionnaire (celui-là même qui, en récompense de ses services, l’avait nommé chirurgien de la présidence), et la véracité des faits contenus dans son mémoire, ainsi établie d’une manière incontestable, le docteur, après cet indispensable préliminaire, adresse à ses confrères une épitre dédicatoire, dont voici le début :

AUX MEMBRES DU CORPS MÉDICAL.

« Messieurs,

« Quand je vous aurai dit que le présent mémoire est, en partie du moins, un article refusé, vous trouverez peut-être que c’est un triste compliment que de vous le dédier.

« Mais les circonstances en raison desquelles il a été refusé par les éditeurs de la Revue mensuelle des sciences d’Édimbourg sont si étranges et touchent en même temps si directement à vos intérêts, que je considère comme un devoir de ma profession de les soumettre à une appréciation consciencieuse et impartiale de votre part, et de vous demander respectueusement si c’est avec votre approbation que toute preuve évidente de ce qui est le sujet de mon mémoire ( le magnétisme ) est repoussée et supprimée de vos journaux, comme celaaeulieu constamment jusqu’à ce jour.«

Il est bon de savoir que le docteur Esdaile, sollicité par le docteur Simpson d’Édimbourg, avait envoyé à celui-ci un premier mémoire relatant cent soixante et un cas de tumeurs du scrotum opérées pendant le sommeil magnétique.

Ce docteur Simpson, qui est, à ce qu’il paraît, un des éditeurs du journal des Sciences d’Édimbourg, 11e fit point imprimer l’article qu’il avait lui-même demandé à M. Esdaile, et, après bien des détours et des fins de non recevoir, forcé dans ses derniers retranchements, finit par déclarer au docteur Esdaile que ses confrères du journal, auxquels il avait soumis le mémoire en question, avaient craint que cet article ne fût pas suffisummenl pratique pour un journal pratique comme le leur.

La défaite est étrange et le prétexte singulièrement choisi, car le mémoire que nous avons sous les yeux contient, seulement dans son premier chapitre, 18 grandes pages de descriptions d’opérations, de détails de procédés chirurgicaux , tout ce qu’il y a de plus pratique, et se rapportant aux cas les plus divers de la science, parmi lesquels nous remarquons :

Tumeurs du scrotum, de toutes grosseurs, depuis 10 livres jusqu’à 103 livres............200

Amputation de la cuisse..................2

ld. du bras....................2

Id. de la jambe..................1

ld. du pouce de la main............1

ld. du pénis.......... 3

Extraction d’un cancer à la joue............1

ld. Id. à l’œil..............1

ld. Id. au scrotum..........3

Opération de la cataracte................3

Lithotomie..........................1

Lithotritie .........................1

Réduction de hernie étranglée..............3

Etc., etc., etc.

En tout ; 261 opérations diverses pratiquées par le docteur Esdaile lui-même sur des patients à l’état magnétique ; et notez qu’il n’a point été tenu compte des petites opérations de la chirurgie journalière, considérées comme insignifiantes à côté de tous ces cas redoutables que nous venons de citer, mais qui cependant ne sont pas tout à fait

indignes d’attention au point de vue de la puissance du sommeil magnétique. Telles sont les ouvertures simples d’abcès, les extractions de dents, les applications d’acide nitrique sur de larges blessures, les ponctions d’hydrocèles, les introductions de sétons, etc., etc. — Si tout ceci n’est pas de la pratique, que faut-il donc, en vérité, à Messieurs les éditeurs des journaux d’Edimbourg? Non, comme le dit très-bien M. Esdaile, c’est de la loyauté, de la bonne foi, de l’impartialité qu'il leur faudrait avant tout ; et c’est ce qui ne se trouve pas plus chez nos adversaires de l’autre côté du détroit que chez nos adversaires de ce côté-ci.

L’importante question de la mortalité à la suite des opérations a présenté des résultats bien remarquables et bien ;pratiques, cependant. Sur les ’200 opérations de tumeurs scrotales dont nous venons de parler, tumeurs dont la moindre pesait 10 livres et dont quelques-unes pesaient jusqu'à 103, la proportion des décès a été de 5 pour 100 ; soit 10 morts sur 200 opérés, parmi lesquels un grand nombre avaient de 50 à 60 ans.

Mais ce qu’il importe de noter et ce qui n’est pas moins extraordinaire que l’étonnant succès proportionnel des 190 guérisons obtenues, c’est que chez pas un seul des patients qui ont succombé, la mort n’est arrivée immédiatement et directement par suite et en conséquence de l’opération ; chez tous, elle a été amenée ou par la fièvre, ou par la dys-senterie, ou par le choléra, ou enfin, par épuisement complet du système et par ce qu’on peut appeler maladies d’hôpitaux ou accidents.

MAX.

(Sera continué.)

a Messieurs,

« J’ai à constater une fois de plus un cas de guérison qui se présente assez souvent, niais qui, par son extrême facilité à se produire, est, et sera toujours fort intéressant.

« J’eus l’occasion, dans un voyage queje fis tout récemment

en Provence, de rencontrer l’épouse d’un des membres de ma famille, une cousine malade et au lit, à la suite d’une imprudence; étant dans une phase de sa menstruation, elle lava dans de l’eau froide; la circulation du sang s’arrêta tout à coup ; on fit appeler le médecin, qui fit, je crois, tout ce qu’on doit faire en pareil cas, c’est-à-dire les sangsues à la partie interne des cuisses, des linges chauds sur le bas-ventre, et boire une tisane appropriée à cet effet. Mais les choses ne changeaient pas; je trouvai la malade très-faible et fort entreprise; je ne crois pas me tromper en jugeant qu’elle devait rester ainsi couchée pendant plusieurs semaines , et peut-être maladive toute sa vie !

« Dans cette condition, je pensai de suite au magnétisme; et, pour faire valoir sa cause et faire croire à son extrême puissance, je ne crus pas devoir opérer moi-même, certain d’avance du succès qu’on pouvait obtenir et de l'effet que produirait cette cure dans ce pays. J’expliquai donc la manière d’agir à son mari, jeune homme plein de santé, d’énergie et fort intelligent ; je lui recommandai de la frictionner généralement et enfin s’arrêter et faire des passes descendantes sur les cuisses. Ma recommandation fut suivie le soir même, et le lendemain matin ma cousine fut débarrassée ; il s’échappa même des caillots de sang par l’utérus en assez grande quantité ; cette guérison émerveilla beaucoup de gens et étonna grandement le docteur qui revint le lendemain, pensant bien trouver sa malade au lit, et qui l’aperçut vaquant à ses affaires. Elle put aller ainsi quelques jours après à une fête de village qu’elle n’espérait pas voir quelques jours auparavant. Je dois dire que, sûr du résultat avant de commencer la magnétisation, j’avais promis qu’elle y assisterait, ce dont on fut très-frappé. La nouvelle s’en répandit bientôt partout, et surtout dans ma famille qui est très-nombreuse ; j’y pus même encore observer un phénomène assez étonnant sur une petite fille. Le cas est moins commun que le premier.

a Cette enfant, âgée de six ans environ, a, depuis quelques années, une espèce d’éblouissement ou spasme qui se pro-

iluit à chaque instant du jour ; joue-t-elle avec ses compagnes, va-t-elle à la messe, tout à coup ses jeux sont interrompus ; elle bégaie, la parole expire sur ses lèvres, ses yeux se convulsent, elle s’affaisse comme si elle eût été frappée par ia foudre ; puis quelques secondes se passent, et enfin elle revient sans avoir senti aucun mal.

« La première fois que je vis se passer cette sorte de convulsion, j'examinai attentivement ; je ne tardai pas, malgré le peu de connaissances que j’ai en matière médicale, à accuser de suite l’enfantement d’une affection épiletique. Je pensai et dis au père que probablement la maladie s’effacerait quand la puberté arriverait, ou qu’elle pourrait s’aggraver, s’il ne prenait immédiatement des soins pour en empêcher le développement, et alors je lui conseillai le magnétisme. Je lui fis remarquer aussi que, bien que le principe d’une maladie nerveuse fût en elle, l’enfant se laissait aller à cette espèce de pâmoison avec une trop grande facilité; je lui donnai encore un moyen que je pratiquai séance tenante avec succès, à ma grande satisfaction. J’attendis un second accès (et ils sont fréquents); je ne lui laissai pas le temps de se produire ; j’employai le procédé de l’abbé Faria (commander en agissant); je lui mis vivement les doigts en pointe à la racine du nez et lui dis fortement : Arrête-toi ! arrête ! Tout aussitôt elle reçut une commotion qui fit avorter ledit accès.

« J’augurai très-favorablement du résultat de cette première épreuve, et je conseillai aussi d’agir ainsi; car je pensai qu’on pouvait bien briser de cette façon la régularité de cette maladie en germe, en la frappant à son approche, en remuant de cette manière le principe qui commence à s’établir en maître; et, comme un ennemi poursuivi et traqué sans relâche, tombe dans un désarroi complet, et ne trouvant plus d’éléments pour se reconstituer, laisse la place au vainqueur.

c C. PAUL, STATUAIRE, ORFÈVRE. »

VARIÉTÉS.

Voici la traduction littérale que nous avous promise, dans notre dernier numéro, de l’article de la Luce magnetica, relatif à l’abus du magnétisme, pratiqué audacieusement et publiquement aux Etats-Unis :

CHARLATANISME.

LES POUDRES MAGNÉTIQUES ü’AMOUR, du docteur Velpeau, de Paris, domicilié à Ncw-York.

« Voilà donc le magnétisme par les mains d’un médecin, réduit en philtres, en poudres, en élixir d’amour à la façon du docteur Dulcamara (1). Son programme, que nous trouvons dans le Moniteur Savoisien, n’a pas besoin de commentaires pour démontrer qu’il n’est tout au long qu’une inqualifiable profanation.

» Le docteur Velpeau, de Paris, a l’honneur d informer » respectueusement les jeunes demoiselles et les jeunes « messieurs des Etats-Unis que, confiant dans les succès déjà •i obtenus par son agence magnétique, et, encouragé par « le généreux appui qu’il a reçu depuis son arrivée dans « ce pays, il s’est déterminé à fixer sa résidence dans la « ville de Ncw-York, et y a ouvert, en conséquence, un « cabinet pour la vente de ses célèbres poudres magné-« tiques d'amour, dont l’usage est si général en Europe, « où elles ont reçu le patronage des cercles les plus distin-« gués, et ont ôté la cause de millions d’heureux mariages.

(1) Personnage de l'opéra boulTc italien , VEUsir tïamorc, de Donizetti, le mémo que le Fontanarose, du Philtre, d’Auber, dont le libretto italien est la traduction.

« Le docteur a fait, de la science du magnétisme et de « ses influences sur les affections du cœur humain , l’objet « des études de toute sa vie.

« Après vingt années d’expériences et de fatigues conti-« nuelles, il a réussi atteindre le but merveilleux, et est « aujourd’hui en mesure de garantir au public que ses « poudres sont fabriquées d’après tous les principes de la n science, et peuvent être facilement employées par toute « personne qui désire obtenir l’amour d’une autre personne; « qu’en outre, elles ne contiennent aucune substance nui-« sible. 11 garantit qu’une lettre contenant des susdites « poudres, dans les mains de personnes prudentes, sans i avoir égard à l’âge, ni à l’extérieur, et dans quelque a condition quelles se trouvent, leur procurera l’amour it constant de quelque personne que ce soit de l’autre sexe.

« Les poudres sont préparées et vendues par le sieur « Velpeau, n» h22 1/2, Broadway, New-York, où devront « être adressées toutes les demandes.

« Le prix , par lettre, contenant 8 paquets de poudres, « nombre suffisant pour une année, est de 1 dollar (5 fr.

« A2 c.).

n Le plus grand secret sera gardé sur toutes les commu-« nications. n S’adresser au docteur Velpeau, n N. B. Toutes les poudres sont garanties. »

(La Luce magnetica, 30 août 1850.)

Ainsi que l’observe avec tant de raison notre honorable confrère, un semblable factum, où l'effronterie le dispute à l’immoralité, n’a pas besoin de commentaires. Mais, après des faits de cette nature, doit-on s’étonner des obstacles que rencontre l’adoption générale du magnétisme? N’est-il pas bien concevable que l’on voie chaque jour repousser, par ceux qui en ignorent encore toute la portée sérieuse et bienfaisante, une science qu’on ne leur présente qu’en en faisant un abus aussi grossièrement cynique?

Mais aussi, ce ne doit être qu’une raison de plus pour

tous les vrais, tous les honnêtes magnétistes, pour tous les sincères et consciencieux praticiens, de redoubler de zèle à poursuivre les faux frères , à, divulguer hautement les loups recouverts de la peau des brebis, et à étouffer l’ivraie dans la moisson du bon grain répandu à profusion par des mains bienfaisantes et infatigables. Max.

Nous avons lu avec une extrême satisfaction, dans le Mesmerisla du mois de mai dernier, une lettre de M. le docteur Vandoni, de Milan, dans laquelle il annonce qu’il a repris pour son compte et s’est mis à étudier avec tout le soin possible les expériences des docteurs Buchanan et Per-siston de Washington.

Le premier ¡de ces deux médecins avait, si on se le rappelle, découvert, disait-il, un organe de la chaleur ou calorifique dans le corps humain, et le siège de cet organe se trouvait, suivant lui, dans le menton; de telle sorte qu’en excitant ce point, on parvenait promptement à élever d’une manière très-considérable la température de tout le corps.

Le second, le docteur Persiston, s’emparant de ce fait qu’il avait vérifié, en conclut logiquement qu’un organe du froid devait correspondre à celui du calorique, et, après de longues recherches, il parvint, en effet, à découvrir et à, constater le siège de ce nouvel organe dans la rotule du genou.

Ces deux messieurs annoncèrent leur découverte, mais sans entrer dans le détail des procédés nécessaires pour les constater, se bornant à dire que c’était en excitant les organes en question qu’on obtenait les résultats qu’ils avaient observés.

Ce silence à l’égard du moyen-pratique, ce mode d'excitation laissé ainsi dans le vague des suppositions, l’énormité même des chiffres constatant les modifications de température obtenues dans les corps humains et qui présentaient tous les caractères de l’exagération (il ne s’agissait de rien moins, en effet, que d’une élévation de 60 degrés Réaumur

au-dessus de zéro et d’un abaissement de h degrés au-dessous); toutes ces causes réunies firent considérer l’annonce des médecins américains comme une erreur, peut-être même, disons le mot, comme une gasconnade (les Etats-Unis, on le sait, y sont assez enclins), et depuis 18/*0, époque de la publication de ces faits, nul ne s’en occupa.

A l’exception toutefois du docteur Vandoni qui déclare avoir reproduit et vérifié toutes ces expériences sur une de ses somnambules, la jeune Rosa Fornasari, qui a exhibé, nous annonce-t-il, les différents phénomènes de chaleur, de froid et d’électricité, en présence de plusieurs médecins et physiciens qui en ont été frappés d’étonnement.

C’est donc maintenant à l’honorable docteur qu’il appartient de nous mettre au courant, et nous espérons qu’il voudra bien nous donner le détail circonstancié de ses expériences personnelles et des moyens qu’il emploie pour les produire. Ce sera une nouvelle dette de reconnaissance que contractera envers lui la science qu’il enrichit chaque jour et à laquelle il s’est dévoué avec tant d’éclat.

MAX.

BIBLIOGRAPHIE.

Parmi les banalités ayant généralement cours et communément admises, il y a celle qui consiste à désigner les Français comme un peuple d’un caractère inconstant, léger et rieur, orné d’un esprit éminemment superficiel, sans suite et frivole. Voilà pour le moral. Des qualités physiques, nous n’avons pas à nous en occuper ici. Les faiseurs de Dictionnaires, de Géogrnp/iies et de Guides ont brodé sur ce thème à satiété. 11 reste donc bien établi pour tout le monde qui sait lire, que nous sommes particulièrement folâtres et badins, incapables d’une idée sérieuse, et ne nous occupant des questions de quelque gravité que pour les traiter par-dessous la jambe.

Par contre, les Américains du Nord, la race anglo-saxonne des Etats-Unis, sont représentés dans les mêmes livres comme une nation singulièrement positive et calculatrice , approfondissant sérieusement les choses pratiques avant tout, et n’aimant pas plus à gaspiller ses idées que son temps et ses capitaux.

Or, dans ce moment, une grande question agite les esprits en France, aussi bien qu’en Amérique, c’est la question des ... esprits. Nous n’avons pas besoin d’en faire ressortir toute l’importance en même temps que l’obscurité. Elle vient à peine de naître et renferme peut-être la clef de bien des mystères dont depuis des siècles la raison humaine cherche en vain l’explication. Elle mérite donc h tous égards une étude patiente et approfondie : elle veut être maniée avec une grande prudence, et ne doit pas plus être l’objet d’un accueil enthousiaste et inconsidéré, que d’une réprobation aveugle et irréfléchie , de peur qu’avec elle 011 n’ac-

ce pie de grossières erreurs, qui ne feraient qu'épaissir ses ténèbres, ou qu’on a rejeté la lumière qu’elle apporte peut-être pour les dissiper.

Comment cette grosse question est-elle envisagée dans les deux pays?

D’après la tendance diamétralement opposée , d’esprit et de caractère des deux nations, suivant les anus traditionnels , l’enthousiasme passionné qui embrasse aveuglément l’affirmative doit être du côté des Français, et l’étude froide et sérieuse qui ajourne sa décision jusqu’à plus mûr examen, doit être le partage des Américains.

C’est précisément le contraire qui a lieu.

En France, des hommes d’une haute intelligence, de-profonds penseurs, savants, magnétistes , physiologistes, qui ont vu et entendu cependant, ne se croient pas encore suffisamment éclairés pour se prononcer dans un sens ou dans l’autre. Ils observent patiemment, ils groupent les faits et les étudient, et se gardent bien d’adopter, comme hase d’une théorie ou fondement d’un système ces soi-disant révélations, qui ne sont, elles-mêmes, qu’un de ces faits, une production de cette force ou de cet agent qu’il s’agit d’abord de connaître et de définir.

En Amérique, c’est bien une autre affaire. Là le spiritualisme est une église, il est passé à l’état de dogme ; il devient une influence politique ; il a scs meetings, ses pétitions ; qui sait, peut-être aussi son candidat présidentiel? Bien mieux encore : voici venir un savant qui le prouve par A plus B. Le Spiritualisme, scientifiquement démontré. Tel est le titre d’un ouvrage publié, il y a quelques mois, à New-York, par M. Robert Hare, ancien professeur de chimie de l’Université de Pensylvanie.

Lorsque M. Hare commença à s'occuper des manifestations spirituelles, c’était avec l’intention bien arrêtée de dissiper ce qu’il considérait comme une erreur ou de dénoncer la fourberie des médiums. Mais il ne tarda pas à s’apercevoir que nulle théorie purement physique ne pouvait rendre compte des phénomènes. Il multiplia les épreuves ; il con-

slniisit un appareil ingénieux , au moyen duquel il pouvait prévenir toute illusion et découvrir toute supercherie. Enfin, il s’avoua vaincu, et publia un livre dans lequel il racontait ses expériences. 11 fit plus , il comparut devant le public de New-York au mois de novembre de l’année dernière, et confessa ouvertement sa croyance aux esprits. Enfin, il vient de publier le livre dont nous nous occupons.

Comme résumé de laits curieux et d’expériences remarquables, nous le croyons digne d’un intérêt sérieux ; mais, connue démonstration scientifique, nous pensons qu’il laisse encore fort à désirer. Les extraits suivants mettront nos lecteurs à même d’en juger ; extraits qui font partie d’une communication que M. Hare attribue, sans hésiter, à l’esprit de son père.

; Mon fils, en vous parlant des destinées de l’homme, je tâcherai, suivant l’étendue de ma capacité et d’.après mes perceptions les plus développées de la vérité, de vous donner quelques notions aussi correctes et aussi précises qu’il nie sera possible, de l’important sujet qui nous occupe.

« Le inonde habité par les esprits s’étend de 60 à 120 milles au-delà de la surface de la terre ; tout l’espace intermédiaire , y compris celui qui entoure immédiatement cette planète, se divise en sept régions concentriques, nommées sphères.

« La région adjacente à la terre , scène première de l’existence de l’homme, est connue sous le nom de sphère rudimentaire.

« Les six autres peuvent s’appeler sphères spirituelles. Les six sphères spirituelles sont des zones concentriques ou des cercles d’une matière extrêmement raffinée , entourant la terre comme autant de ceintures. La distance qui les sépare est réglée par des lois invariables.

« Ces régions ont des latitudes et des longitudes, des atmosphères qui leur sont propres, dont les courants doux et onduleux produisent les sensations les plus délicieuses et les plus vivifiantes. La surface en est couverte d’une immense variété de paysages pittoresques, de montagnes ma-

jestueuses, de vallées, de rivières, de lacs, de forêts, et de tous les phénomènes qui correspondent, dans le sens spirituel , aux plus sublimes phénomènes de la terre. Les arbres et les plantes couronnés d’un feuillage d’une exquise beauté et de fleurs brillantes et variées, exhalent les parfums les plus doux et les plus suaves.

« Quoique ces espèces tournent avec la terre sur un axe qui leur est commun, et ne forment qu’un seul et môme angle avec le plan de l’écliptique, elles n’attendent de votre soleil ni la lumière, ni la chaleur ; elles sont éclairées et réchauffées par un soleil spirituel, correspondant à celui de votre planète et dont la splendeur continue se refuse à toute description.

« L’économie politique des sphères se rattache seulement à ce qui tient aux richesses. Celles-ci, innombrables et accessibles à tous, comme l’air et la lumière, sont à la disposition de tous les membres de la société, suivant leurs besoins et l’emploi qu'ils en veulent faire, toute demande recevant satisfaction égale.

« Chaque sphère est divisée en six cercles ou sociéfés formés d’esprits attirés les uns vers les autres par des lois de sympathie et d’affinité. Chaque société a ses instituteurs, choisis tantôt dans des sociétés supérieures, tantôt dans des cercles plus élevés. Leur mission est de nous communiquer les trésors de science et d’expérience qu’ils ont acquis, trésors que nous transmettons ensuite aux esprits placés

au-dessous de nous.

« Contrairement à ce que s’imaginent bien des personnes dans la sphère rudimentaire, nous n’abandonnons pas les études que nous avons commencées sur la terre, ce qui supposerait la perte de nos facultés intellectuelles et nous constituerait vos inférieurs. Au contraire, nous allons progressant en science et en sagesse-, et continuerons à progresser ainsi à travers les siècles sans fin de l’éternité.

« Nos recherches scientifiques et nos investigations s é-tendent à tout ce qui appartient aux phénomènes de la nature , à toutes les merveilles du ciel et de la terre ; à tout ce

qu’il est donné à l’esprit de l’homme de concevoir et d’embrasser. Les sciences sublimes de l’astronomie, de la chimie, des mathématiques engagent surtout notre attention et nous offrent une source inépuisable d’études et de réflexions.

« En outre de ces occupations, nous trouvons des jouissances inexprimables dans des réunions où assistent nos amis les plus chers, nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos parents. Là s’éveillent les émotions les plus tendres et les plus vives ; là s’évoqueut les souvenirs les plus doux ; là régnent l’amour et l’harmonie, et les cœurs battent à l’unisson.

« Cependant il arrive souvent que des individus unis par les liens du sang ne sont pas attirés les uns vers les autres par des sentiments d’affection ou de sympathie. Quoique ces personnes se trouvent séparées souvent pendant un long espace de temps, elles nejlaissent pas de se rencontrer quelquefois, celles qui habitent les cercles plus élevés où les sphères supérieures descendant vers les sphères inférieures dont les habitants ne peuvent s’élever jusqu’à elles. Les liens de parenté, quelque faibles qu’ils soient, se maintiennent pendant l’éternité, lors même qu’une séparation plus ou moins longue interrompt les relations entre les individus.

« Quant à ce qui concerne le mariage, je vous ferai observer que, sur la terre, c’est un acte civil, contracté par deux personnes, d’un commun accord, ou quelquefois contre le gré de l’une d’elles, et annulé légalement par la mort de l’une des deux parties. Cet engagement peut se renouveler dans le monde des esprits, si tel est le bon plaisir des contractants ; autrement, rien ne les y oblige.

ci Le mariage céleste, cependant, ne ressemble en rien au vôtre. C’est comme la fusion de deux âmes dans une seule, résultant d’un amour réciproque ; c’est la conjonction des principes négatifs et positifs, formant un lien indissoluble , qu’aucune législation humaine ne peut atteindre ; c’est une union qui émane de Dieu-même et qui -est éternelle comme lui. On nous demande souvent : Tout le monde

sera-t-il marié dans le ciel? Je réponds : Oui, certainement. L’homme n’a pas été créé pour vivre seul sur la terre et dans le cicl. Chacun cherchera et trouvera la compagne qui lui a été destinée.

« Nous trouvons un plaisir extrême dans la pratique de nos talents en musique, et nos efforts laissent loin derrière eux ceux des plus sublimes génies de la terre.

« D’après tout ce que je viens de vous dire, il est aisé de s’apercevoir que nous sommes des créatures douées de facultés morales, intellectuelles et sensitives. Au lieu d’être, ainsi que vous l’imaginez, des ombres vaporeuses et sans substance, nous possédons des formes tangibles et symétriques , des membres gracieux et arrondis, et cependant si subtils et si souples, que nous pouvons glisser dans l’atmosphère avec une rapidité électrique. L’éclair peut enflammer l’horizon, le tonnerre retentir sous la voûte des cieux, la pluie descendre en torrents, néanmoins, par un seul acte de notre volonté , nous nous transportons en sûreté à vos côtés.

« Nous sommes doués de toute la beauté et de toute la vivacité de la jeunesse, et couverts de vêtements flottants assortis au degré de raffinement de nos corps. Ces vêtements se composent de principes phosphorescents; nous avons le pouvoir d’attirer, d’absorber, ou de réfléchir les rayons de la lumière, suivant notre condition plus ou moins développée. Ceci explique la raison pour laquelle les clairvoyants nous aperçoivent sous différents aspects, depuis la limite la plus obscure jusqu’à la clarté la plus brillante.

« L’organisme spirituel est une forme humaine perfectionnée, analogue à l’organisation corporelle dans ses parties ,-ses fonctions et ses rapports. Le cœur bat en pulsations mesurées ; les poumons remplissent l’office de la respiration ; le cerveau développe le fluide magnétique dont les courants vivifiants pénètrent l’organisme spirituel. L’homme, dans-l’état rudimentaire, se compose de trois parties : l’âme,l’esprit et la chair; dans les sphères, il est seulement ¡une et esprit.

« Les esprits mauvais ou non développés se dirigent, en raison de leurs affinités, vers la seconde sphère, ou ils s’associent et demeurent ainsi un espace de temps indéterminé.

« J'appellerai maintenant votre attention sur quelques-uns des avantages qui doivent résulter de la communication avec les esprits. Par elle, des relations saintes et délicieuses s’établissent entre tous les habitants du globe et de leurs amis dégagés du corps terrestre ; l’esprit humain se développera et s’affranchira de ses préjugés plus que vous ne pouvez le concevoir ; la bigoterie des sectes sera renversée ; on reconnaîtra enfin que la plupart des enseignements prétendus religieux ne sont qu’une exploitation de la crédulité humaine ; qu’ils n’ont jamais eu d’autres fondements que les plus grossières absurdités, et la palpable ignorance de la nature des choses. La doctrine du progrès sans fin de l’âme prendra la place des vieilles erreurs. »

En voilà assez, nous n’irons pas plus loin dans ces citations, trop longues déjà peut-être. Nos lecteurs, d’aprè3 elles, sont en état d’apprécier comme nous, la valeur de la démonstration dont le procédé se réduit, en l’analysant, à ceci : Majeure : il y a des esprits : — Mineure : car un esprit m’a dit telles et telles choses (les détails d’organisation extramondaine que nous venons de citer), — Conséquence : donc, il y a des esprits. » — La déduction nous semble d’une logique douteuse et peu propre à convaincre les récalcitrants, qui répondent tout naturellement : Noos connaissons votre mode d’argumentation, monsieur Hare, et nous allons vous le traduire matériellement. — » 11 y a là une chandelle. — car je me suis brûlé, — donc, il y a une chandelle. »

Que vous ayez été brûlé, nous n’en doutons pas ; vous nous l’affirmez, et nous avons foi dans la sincérité de votre assertion. — Nous ne voyons pas la brûlure, il est vrai, et nous pourrions, à la rigueur, en contester l’existence, remarquez-le en passant; mais nous voulons bien croire que

la brûlure existe ; ou, si vous l’aimez mieux, qu'une révélation d’un monde surnaturel s’est manifestée très-sincèrement votre imagination.

Mais qui vous dit que cette brûlure est le résultat du contact d’une chandelle plutôt que d’une bougie, d’une lampe ou d’un charbon ; en d’autres tennes, que cette révélation est le fait d’un esprit plutôt que d’un rêve, d’une hallucination ou de toute autre action inconsciente de votre propre intelligence surexcitée ? Puiser la démonstration d’une proposition contestée dans les corollaires de cette même proposition n’est pas de la logique admissible dans l’ordre moral. Ce n’est que dans l’ordre physique que le fait est démontré par le fait lui-même.

Donc, pour ceux qui doutent (et le nombre n’en est pas petit) , il y aura certainement aggravation, même après avoir lu les touchants détails de l’organisation civile et politique du monde des esprits révélés à M. Hare. Et qui sait, peut-être même quelques mécréants, sceptiques endurcis, hydrophobes du fantastique, iront-ils jusqu’à évoquer de lointains souvenirs, et, faisant un cruel rapprochement des sphères spirituelles révélées par M. Hare, avec une planète qui nous touche de plus près, s’aviseront-ils de comparer l’existence des esprits qui, selon lui, habitent ces sphères avec l’existence des habitants du monde lunaire, sur lesquels, il y a vingt-cinq ou trente ans, le grand Herschell nous transmit, par la voie de l’Amérique, de si étranges détails,

Sérieusement, nous qui croyons sincèrement à la bonne foi et à la conviction de M. Hare ; nous qui ne mettons point en doute son honorabilité et son désir sérieux de nous faire partager ses croyances; nous qui n’admettons point que l’on rejette soudainement et sans bonnes raisons une opinion professée pendant trente ans, pour en prendre une nouvelle diamétralement opposée, comme on se dépouille d’un vêtement usé pour en prendre un neuf; nous enfin qui, comme lui, avons adopté pour devise celle d’un des

journaux spiritualistes de son pays : More lighl.more light, encore de la lumière , plus de lumière; nous lui dirons que son livre, excellent pour ceux qui croient déjà ce qu'il croit lui-même, est, pour nous autres Européens, ce que serait Euclide ou Descartes pour l'enfant qui ne connaît pas encore les quatre règles de l’arithmétique ; que nous en sommes encore aux rudiments, tandis qu’en Amérique, ils en sont déjà aux abstractions; qu’il nous faut des faits, beaucoup de faits, et que les faits nous manquent.

Max.

AVIS- —L’absenco de notre rédacteur en chef, le baron du Potet parti en toute hâte pour Hambourg, d’où on était venu le chercher pour le traitement d’une névrose extrêmement grave, a relardé la publication du présent numéro et empêchera également celle du numéro du 25oclobre en temps voulu. Mais aujourd’hui que M. du Potst est de retour, nous allons nous mettre en régie avec nos abonnés en leur donnant sans intervalle les numéros du 25 octobre et du 10 novembre.

E HU AT A.

Les typographes commettent parfois de lourdes bévues ; dans le n° dernier, page 497, ligne S, ils nous font dire effrayante au lieu de attrayante ; page 485, ligne 18, révéla au lieu de réalisa. La sagacité du lecteur aura sans doute sufli pour rectifier ces fautos; toutefois nous les signalons pour l'acquit de notre conscience.

Il s'est aussi glissé (page 499) des fautes d'impression dans l’article sur M. Lovy, en ce qui concerne les dates de publication des ouvrages do MM. du Potetel. L’ifontaine. Nous rétablissons las véritables dates. La première édition du Manuel de M. du Potet est de 184G, celle de l'Art de magnétiser de M. Lafontalne est de 1S47, et le premier feuillet de ce dernier ouvrage contient un prospectus de librairie où se trouve le Manuel dont l’antériorité est donc incontestable.

Le Gérant : UÉBEKT (de Garnay).

Somnambulisme naturel. — M. Chalin nous communique une relation fort intéressante sur l'état du magnétisme à Strasbourg. Il n’y manque pas de zélés partisans, bien que certains médecins le combattent avec une fureur aveugle qui n’aboutit qu’à les rendre ridicules. L’un d’eux, appelé dernièrement auprès d’une malade chez laquelle il savait qu’il avait été fait des expériences de magnétisme, dit d’abord à la personne qui venait le chercher : Jurez-moi sur votre parole d'honneur qu' elle n’a point été magnétisée, et alors j’irai ta soigner. Après bien des hésitations, il crut pouvoir définir le genre de maladie. On lui dit alors que son opinion était conforme à celle qu’avait exprimée une somnambule, trois semaines auparavant. Bah ! répondit-il , c’est le hasard.

Nous extrayons du rapport de M. Chalin la relation suivante :

«La demoiselle Adèle C... a été malade de la petite-vérole, il y a un an ; à la suite de cette maladie, il lui est resté une impressionnabilité excessive. La moindre émotion lui causait des attaques de nerfs; elle se roulait à terre pendant ces accès qui duraient trois ou quatre heures; elle perdait alors l’usage de la parole, souvent l’écume lui sortait de la bouche ; elle a même eu des accès de folie qui ont duré huit jours, à la suite desquels elle se trouva privée des sens de la vue et de l’ouïe. Un médecin lui prescrivit des bains et des calmants. Elle devint naturellement somnambule, ce qui frappa de terreur sa famille qui n’avait jamais entendu parler de rien de semblable. Tous les jours, la malade s’endormait d'elle-même, à la même heure. Dans cet état, elle

CLINIQUE.

s’occupait spontanément de sa maladie et de la santé de ses proches; elle s’est prescrit des médicaments qui lui ont procuré beaucoup de soulagement; elle a guéri sa sœur d’une affection au foie ; elle a éclairé sa famille sur plusieurs faits qui l’intéressaient. On avait accusé, il y a environ six ans, une pauvre fille d’avoir volé une chemise: la somnambule, sans que personne l'ait questionnée à ce sujet, se mit à en parler, affirma que l'accusée était innocente du larcin qui lui était imputé, et que la chemise avait été placée par mégarde dans un endroit qu’elle désigna, et où elle était encore; effectivement, on y retrouva la chemise. Elle fit plusieurs prédictions qui se réalisèrent.

« Pendant les six semaines qui suivirent sa première crise somnambulique, elle a eu journellement des attaques de nerfs extrêmement fortes pendant lesquelles elle se heurtait contre les murs et était en proie à des mouvements très-violents ; quand l’attaque était passée, elle était épuisée et comme anéantie pendant plusieurs heures. Son moral était sensiblement modifié, elle exprimait des sentiments religieux ; elle s’exaltait et elle déclarait que ses souffrances étaient un châtiment de ses fautes et une épreuve que Dieu lui envoyait ; elle exhortait les personnes de sa famille à prier pour elle ; elle recourait particulièrement à un petit garçon qui, pendant tout le cours de sa maladie, a dressé une sorte de procès-verbal de tout ce qui s’est passé.

« Elle déclara à plusieurs reprises qu’elle se guérirait elle-même et qu’elle n’avait aucunement besoin de médecin. Néanmoins ses parents n’ayant aucune confiance dans ses assertions et effrayés de son triste état, s’adressèrent à un médecin. C’était un adversaire implacable du magnétisme et du somnambulisme, qui, informé d’une partie de ce qui avait eu lieu, répondit avec aigreur : Puisqu’elle est somnambule , qu’elle se guérisse elle-même. Toutefois, il consentit à venir la visiter, et il lui prescrivit divers médicaments qui ne produisirent aucun effet. Les parents, désolés de cet insuccès et frappés de la confiance que la jeune fille montrait dans sa propre lucidité, pensèrent qu’il pourrait bien

y avoir autant de chances de salut en se laissant guider par elle. On prit donc le parti de se conformer à' ses prescriptions sans en rien dire au médecin.

« Elle ne pouvait parler qu’avec une très-grande difficulté et en bégayant. Elle annonça que le jour de Pâques, à onze heures du matin, elle recouvrerait la vue et l’ouïe et que sa parole redeviendrait libre comme avant sa maladie. Elle s’imposa un jeûne absolu de trois jours. Le Samedi-Saint, elle pria le petit garçon et la sœur de celui-ci de communier à son intention. A leur retour, elle pria le jeune homme de lui souffler dans la bouche et de prononcer le mot Dieu. Le jeune homme ayant fait ce qui lui était demandé , elle prononça à son tour le mot Dieu ; elle le remercia ainsi que sa sœur de leurs bons soins ; puis elle pria avec ferveur et à haute voix pendant quelques instants, ensuite elle s’arrêta court, comme si un obstacle insurmontable lui coupait la parole,.et elle parut incapable d’articuler aucun mot. Le lendemain, à onze heures, ainsi qu’elle l’avait annoncé, elle recouvra l’usage complètement libre de la parole, ainsi que la vue et l’ouïe. Le retour de ses facultés fut un heureux événement pour ses parents qui en furent témoins; il s’y trouva aussi un pasteur protestant qui fut émerveillé de ce qu’il voyait. On avait invité le médecin à s’y rendre, mais il refusa, et quand on lui fit part de ce qui s’était passé, il dit qu’il ne trouvait dans tout cela rien d’extraordinaire.

« A partir de ce jour mémorable, la santé de mademoiselle Adèle s’améliora sensiblement, les accès d’épilepsie ne revinrent plus ; elle s’est prescrit le séjour de la campagne et les eaux minérales. Elle a passé deux mois à la campagne , elle est allée ensuite aux eaux : il ne lui est resté de sa longue et cruelle maladie, qu’une affection du poumon droit, selon ce qu’elle a déclaré dans son somnambulisme dont elle continue à avoir des accès spontanés. Elle a annoncé que, pour la guérir complètement, il n’y avait qu’un moyen; savoir : l'emploi d’une certaine plante qu’elle 11e peut désigner, mais qu’elle voit au-delà de la mer. Il faudrait, suivant elle, qu’elle allât sur les lieux même , parce que l’us: ge de cettj

plante ne peut être efficace qu’autant qu’on la triture fraîchement cueillie et qu’on l’emploie immédiatement. Aiusi, en supposant qu’elle parvienne ;ï trouver le nom do la plante, ou à la désigner clairement, il y aurait la difficulté presque insurmontable d’un voyage long et dispendieux. On l’engage à appliquer sa lucidité ii la découverte de quelque autre remède d’une exécution plus facile.

« Quoi qu’il en soit, il demeure constaté que, parle seul in-stin t somnambulique, elle est parvenue à faire cesser complètement ses souffrances, à recouvrer les facultés dont elle était privée, eu un mot, à rentrer dans l’état normal. Puisse un pareil exemple prouver aux familles combien ou est coupable de dédaignai- les bienfaits du Créateur, ot combien sont précieuses les lumières dont il gratifie certains malades ! iN’est-il pas déplorable de voir encore des médecins rire du somnambulisme qui sauve des malheureux que leur art est impuissant à soulager? »

FAITS.

TRANSPLANTATION. — GUÉRISON.

Si je commençais ce récit avec l’adorable phrase qui commence toujours les naïfs et spirituels contes de Perrault : « 1) était une fois, » et que je le poursuivisse dans le infime style, chacun croirait que c’est un miracle éclos, comme tous ceux surgissant de la magique baguette des fées ; car ce que je vais raconter aux lecteurs de cet intéressant journal est tout aussi émerveillant, et, de plus, a l’immense intérêt de la vérité.

Une jeune fille, mademoiselle A... V..., somnambule, prise de jalousie pour une autre somnambule, sa rivale (à ce qu’elle exagérait dans sa pensée), quitta brusquement !e salon d’expériences de son magnétiseur.

Soit l'effet de la saison , soit chagrin, mademoiselle A... tomba gravement malade; une fièvre violente la dévorait depuis plus de trois semaines, et tout remède fut impuissant à la sauver, et elle répétait sur son lit de douleurs sa famille navrée : « Oh ! il n’y a que M. G... qui puisse me guérir, mais je l’ai blessé en le quittant. »

— Et moi, je suis convaincu , répondit son frère, qu’il viendrait : il est si bon, si humain ! je vais aller lui dire que tu souffres. »

En effet, le frère de mademoiselle A... s’empressa d’aller raconter au magnétiseur l’état désespéré dans lequel se trouvait sa sœur, et toutes ses craintes.

M. G... n’hésita pas une minute : il s’agissait de tenter une guérison pour consoler une famille.

11 trouva la malade en proie à une fièvre si intense que la

transpiration avait inondé jusqu’au second matelas. 11 la magnétisa avec foi, force et charité.

La jeune fille, se trouvant un peu calmée, M. G... avisa sur la fenêtre une magnifique plante de chanvre.

« Tenez-vous beaucoup à ce chanvre ? dit-il à la mère.

— Moi, monsieur, je ne tiens qu'à la santé, à la vie de ma fille!»

Alors M. G... s’avançant vers la fenêtre s’approcha du chanvre et dégagea sur lui tous les miasmes morbides qu’il avait puisés auprès de la malade.

Le lendemain , nouvelle magnétisation sur la jeune fille, dont le mieux était déjà fort prononcé.

Le chanvre avait pris une teinte jaune.

Le jour suivant, mademoiselle A... tout à fait bien ; ce même jour, le chanvre desséché comme si la lave d’un volcan avait passé par là.

Le jour suivant encore celui-ci, la malade était guérie, et le chanvre mort 1

Madame V... dit au magnétiseur : «Tenez, monsieur, je vais arracher ce chanve ; à quoi bon garder une plante morte ?

— Non, madame, de grâce, interrompit M. G..., laisser-moi faire mon expérience. »

Alors donc, le magnétiseur s’approcha du triste chanvre dont la tige jaune était inclinée, et dont les feuilles criaient sous le doigt comme les feuilles mortes en décembre crient sous les pieds qui les froissent.

11 se prit à magnétiser la plante desséchée en sens inverse, pour la dégager de tous ces miasmes pestilentiels dont il

l’avait saturée.

Puis il se fit donner un vase d’eau qu'il magnétisa aussi ™ur lui donner une vertu bienfaisante, et en arrosa lentement et complaisamment le chanvre flétri, ignorant cequ.

en pourrait résulter.

Le lendemain, les tiges étaient relevées et les feuille mortes commençaient à se détacher.

Le troisième jour, toutes les vieilles feuilles étaient tombées et le chanvre avait reverdi.

Le quatrième jour (et la malade parfaitement guérie), la plante était admirable et luxuriante d’une repousse de branches et de feuilles pleines de vie et d’ardeur. On pouvait dire encore, avec Perrault, « qu’elle verdoyait au soleil. »

Eh bien , n’est-il donc pas émerveillant et palpitant d’intérêt, ce petit drame de la jeune fille et du chanvre?

Le magnétiseur qui rend la vie à mademoiselle A... et qui empoisonne le chanvre ; car tout mal qui donne ou peut donner la mort est un poison.

Ici toute la péripétie d’une agonisante dont on enlève le mal pour le transplanter sur le chanvre. Le pauvre chanvre victime qui succombe en trois jours; puis, en trois ou quatre autres jours, le miracle de sa résurrection !

Cela vaut bien, je crois, le Chat botté ou la Belle aux cheveux d’or, et l’on peut redire cette charmante histoire à ses enfants sans craindre de les affliger, ni de les tromper,- puisque tous les mourants et morts se portent à merveille.

Malade moi-même et charmé par ces faits, je me suis empressé de me procurer deux plantes que M. G... a aussi magnétisées avec le fluide et la volonté de transplanter le mal.

Ma tête se dégage, ma fièvre diminue, mais, en revanche, le bégonia discolor incline ses feuilles jaunissantes, le rosier est grillé comme s'il eût été victime d’un incendie, et j’ai la cruauté d’assister avec plaisir aux derniers moments de mes deux fleurs désignées à. la mort !

Robert D'AULNE.

CORRESPONDANCE.

Lettre ii M. le baron du Pot et, directeur du Journal du Magnétisme,

Sur certains fails d'exorcisme, de possession , de prédictions et guérisons miraculeuses, c'est-à-dire de magnétisme, d'épilepsie , de convulsion, de somnambulisme et d'extase , arrivés dans le nord de la Franco , depuis lo cinquième siècle jusqu'à nos jours.

« Monsieur le directeur,

n Dans la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire fin d’août, vous me dites que vous accueillerez très-volontiers pour votre journal les faits relatifs à la science magnétique que j’ai été à même de recueillir dans mes recherches historiques sur le nord de la France; je m’empresse aujourd’hui de vous payer mon petit tribut à ce sujet.

« Les faits magnétiques furent fréquents à'toutes les époques et dans tous les pays, et si l’on avait à recueillir tous ceux qui se sont passés dans le nord de la France, il y aurait des volumes à écrire. Je ne puis entreprendre une telle tâche, mais ce que je veux bien faire, c’est de porter à votre connaissance tous ceux que le hasard m’a fait tomber sous la main dans le courant de mes travaux d’histoire locale.

« Le premier personnage par ordre chronologique que nous ayons à citer comme ayant été, en son temps, doué d’éminentes vertus magnétiques, est saint Médard, l’illustre évêque de Noyon et de Tonrnay, dont les rosières de Sa-lency vénéreront toujours le nom et la cérémonie touchante qu’il institua dans ce lieu, berceau de ses jeunes années. Partout, dans les légendes, dans les églises, sur les gonfanons qui lui sont consacrés, il est représenté exorcisant, chas-

sant les démons, c’est-à-dire magnétisant de la parole, du regard, du geste, du souille ou autrement, guérissant les épileptiques , les convulsionnaires , etc.

« Pour ceux qui, étrangers à l’histoire du magnétisme et du somnambulisme dans les temps anciens et chez les peuples modernes, seraient portés à repousser cette assimilation des miracles de saint Médard à ceux que la thérapeutique mesmérienne opère, nous invoquerons Tacite, Suétone, les anciens auteurs et ce qu’ils disent de Pyrrhus, roi d’Epire, d’Apollonius de Thyane, de l’empereur Vespasien ; nous citerons le fameux Greatreakes, qu’on vit guérir au dix-septième siècle, en Angleterre, une foule innombrable de malades par le simple attouchement. 11 est prouvé aujourd’hui que le don de guérir magnétiquement et en quelques instants est parfois développé à un très-haut degré chez certains hommes, surtout chez ceux que distinguent la force du tempérament, l’énergie de la volonté, une imagination vive, de fortes convictions religieuses, une vie pure, continente, austère, l’amour du prochain. Ainsi furent, entre tant d’autres, le roi Salomon au temps de sa sagesse, les prophètes Elie, Elisée, saint Clair j abbéde Vienne,saint Germain, saintMartin, saint Grégoire le Thaumaturge, saint Bernard, etc. L’une des maladies qui fut souvent guérie par ces saints personnages, et cela quelquefois par une insufflation dans l’oreille, est celle-là même qui fit la renommée de saint Médard : l’épilepsie ou possession du démon , car c’est ainsi que nos pères, qui voyaient le diable partout, avaient qualifié , d’après les livres saints, cette terrible maladie. La science magnétique, comme vous le savez , monsieur le baron, donne anjour-d’hui sur tous ces faits des détails, des explications curieuses que les expériences de chaque jour viennent corroborer. Pour ce qui est de saint Médard , de même que saint Ghislain, autre saint de l’ancien diocèse de Cambrai, d est tout particulièrement invoqué pour les maux de tête et les épilepsies, et j’aime d’autant plus à rappeler ce fait, que je suis né dans un village consacré à l’illustre évêque de Noyon, que je suis magnétiseur et que j’ai déjà eu 1 avan-

— ft/iâ —

lage le guérir ces deux genres d'affection, notamment la première.

h Deux siècles après saint Médard, vécurent ;\ l’abbaye de Lobbes , eu Belgique, deux hommes non moins célèbres par leurs vertus curatives, et de plus par le don de prévision. L'abbaye de Lobbes , que Mabillon appelle la plus célèbre académie des Gaules, que distinguèrent ses richesses, la foule de grands hommes qu’elle a produits, s’élevait non loin de nos frontières, dans une situation éminemment pittoresque. Elle était baignée par les eaux de la Sambre, et les voyageurs qui traversent ses ruines, en allant de Paris à Cologne par le chemin de fer, ne manquent pas de s’y arrêter. C’est ce qui nous engage à en parler.

« Elle avait eu pour fondateur un puissant seigneur frank, nommé Landelin, qui, après une jeunesse très-orageuse, se convertit, eut une vie d’anachorète et passa pour opérer beaucoup de miracles. Mais, plus célèbre encore fut à ce sujet la réputation de ses deux successeurs, les abbés saint Urs-mer et saint Erme.

(iUrsmer surtout fut un homme fort remarquable, comme on peut le voir par sa vie qu’écrivit, quatre-vingts ans plus tard, un de ses successeurs, l’abbé Anson (1). 11 était né d’une famille opulente à Floyon , près d’Avesnes , en Hai-naut, où l’on montre encore l’emplacement de sa maison paternelle et une fontaine miraculeuse qui lui est consacrée. Il étudia les belles-lettres autant qu’on les étudiait de son temps, et joignit aux avantages de l’esprit et du corps qu’il possédait à un très-haut degré, ceux des plus rares vertus. Il fut, dit-on, un modèle d’humilité, de patience et de charité , et sa sobriété était si grande, qu’on le vit pendant dix ans ne manger rien autre que de la bouillie. Ce que nous avons dit ci-dessus , l’exemple des anachorètes de la Tlié-baïde, des fakirs de l’Inde et d'une foule d’ascètes, de saints hommes, montrent que quand un pareil détachement de la vie sensuelle et des préoccupations mondaines a lieu

(1) Voy. la vie de ce saint dans les Bollandiitei.

citez des hommes éclairés, d'une foi vive , etc. , il donne à leurs moindres attouchements, à leur souille, à leurs regards, à leur parole, à leur volonté , une faculté de guérir les maladies d’autant plus grande qu’ils sont davantage entourés de créance, de vénération, de célébrité, qu’ils exercent un plus puissant ascendant moral sur le vulgaire. Ursmer fut un de ces hommes, et la légende a enregistré les nombreux miracles qu’il opéra dans les contours où il alla prêcher la foi, comme évêque régionnaire , notamment dans les diocèses de Laon et de Cambrai, aux cantons de la Thiérache et de la Fagne, dans la Flandre, où il jeta les fondements des monastères d’Afllighem et d’Aldembourg. Au nombre des guérisons merveilleuses que saint Ursmer opéra par le simple attouchement, j’en citerai une, entre autres, qu’un de ses successeurs à l’abbaye de Lobbes, le fameux Rathier, a tout particulièrement consignée (voyez Specilegii, t. vi). Cette guérison eut lieu sur une jeune fille atteinte d’écrouelles, que le bienheureux Ursmer, son oncle, avait placée à Maubeuge dans le noble chapitre de Sainte-Aldegonde. C omme onle voit, il n’y eut pas seulement queles rois de France qui eurent le don de guérir ce mal incommode.

«Saint Erme, successeur de saint Ursmer comme abbé de Lobbes et comme évêque régionnaire des provinces belgi-ques, à la faculté de guérir joignit le don de prévision, ce don merveilleux que possédèrent à un si haut degré certains brahmes de l’Inde, les prophètes hébreux, les oracles de la Grèce, les sibylles d’Italie, les druidesses gauloises, les extatiques de la Thébaïde , Savonarole , Cardan, Jeanne d’Arc, sainte Thérèse, Swedenborg, etc. Voici commentle biographe de saint Erme, l’abbé Anson, raconte l’une de ces visions d’après Flagbert, l’un des disciples mêmes du saint.

« C’était au ten ps où Charles Mortel marchait contre Ra-ginfred, maire du palais des rois de Neustrie. La veille du jour où Charles en vint aux mains, l’abbé Erme, son ami et son protégé, retiré, selon son habitude après matines, pour prier dans son oratoire, fut tout à coup assiégé par une telle

envie de dormir, qu’à peine il pouvait se tenir sur pied. Au milieu îles efforts qu’il faisait pour résister au sommeil, il entendit une voix qui lui cria : C/atiics est victorien.c. La vérité de cette révélation fut confirmée quelques jours après par la nouvelle de la célèbre victoire de Vinci qui livra à Charles Martel tout l’empire des Franks.

« Mais ne n’est pas tout. Lorsque Pepin-le-Brcf vint au monde, saint Erme dit à un des officiers de Charles qui était venu le voir de sa part, qu’?«n fils finit né à son nutilre et qu’il serait appelé Pépin. Puis, après qu’il eut pris congé de lui, il ajouta, parlant à ses amis, que ce fils obtiendrait le titre de roi des Franks cl gouvernerait avec une grande rigueur ; ce qui se réalisa de tout point comme en fait foi l’histoire de France (1).

« Une autre fois, saint Erme se rendait de Lobbes à Floyon (2), berceau desainlUrsmer. Chemin faisant, il s’arrêta soudain, puis il dit solennellement à ceux qui l’accompagnaient : En vérité, je vous te dis, en ce moment tombe, une des grandeurs de la terre. On sut qu’à cette heure-là même était mort Ratbod, puissant duc de Frise et ennemi de Charles Martel, ce qui délivra l’Austrasie d’un grand lléau. Un jour que Charles Martel se rendait au palais du fisc royal de Leptines, se trouvant non loin de Lobbes, il dit à ses serviteurs : « Allons à l’abbaye. » Aussitôt les cuisiniers et les boulangers, avec le reste des domestiques, prirent cette direction. Ils arrivèrent au monastère en disant : Charles nous suit. Saint Erme chantait pieusement en ce moment les psaumes dans son oratoire. Le monastère se remplissant bientôt d’une foule de gens armés, le prévôt Martin envoya un moine à l’oratoire pour demander à l’évêque de conduire la communauté à la rencontre du prince. Le moine trouva le saint entonnant le psaume : Deus judicium régi du

(1) Voyez dan6 les Acta tanctorum , avril vm , p. 374, la Vie de saint Ermin, par l’abbé Anson.

(2) Cet endroit, célèbre dans l’histoire et où se sont tonus plusieurs conciles, se trouve au nord de Lobbes, près Bincbe, le long de la voie romaine de Bavai à Tongres.

cl justitiam titam filio regis, ce qui ne l’empêcha pas de s’acquitter respectueusement de sa mission. L’évêque lui répondit : Sors (Cici, et continua à chanter. Le prévôt chargea de la même mission un autre religieux que le saint renvoya également sans discontinuer ses prières. Enfin Martin, ne pouvant plus se contenir, courut tout furieux à l’oratoire , et lorsqu’il fut en face de son abbé , il lui dit, en élevant la voix : « Votre conduite est singulière ! Pourquoi ne venez-vous pas nous dire ce qu’il faut faire ? Charles, notre seigneur, est sur le point d’arriver. » Le saint abbé de répondre : « Donncz-leur tout ce qu’il faut, et dites qu’ils peuvent retourner près de leur maître ; car, en vérité, Chartes ne viendra pas au monastère cette année. » Le prévôt exécuta les ordres de son maitre, et la multitude qui était entrée partit bientôt, apprenant que Charles Martel, changeant de dessein, avait continué sa route pour le palais de Leptines.

« Saint Erme était natif de la contrée qui a formé de nos jours le département de l’Aisne. 11 parait que cettre contrée a été de tout temps féconde en extatiques et en somnambules. Au dixième siècle , on y vit aux environs de Saint-Quentin, lors des débats du puissant comte de Vermandoise, Héribert, contre les rois de France, des visionnaires, des con-vulsioDnaires semblables aux trembleurs des Cévennes, prophétiser contre ses ennemis et les anathématiser, et ces prédictions , ces anathèmes se justifier dans la suite. A Vervins, naquit, au milieu du seizième siècle , une des plus célèbres extatiques de ce temps, Nicole Aubry, fille d un boucher de cette ville. Dès l’àge de puberté, elle eut le don de prévision porté à un très-haut degré, ce qui fit croire, comme c’était encore l’habitude à cette époque, qu elle était possédée du démon. Voici en quels termes D. Lelong , auteur de XHistoire du Diocèse de Laon, parle de cette jeune fille que quelques siècles auparavant on eût brûlée.

« Etant regardée , à cause du merveilleux de ses dires, « comme possédée du démon, elle fut conduite en pèlerinage « à Pierrepont, à Notre-Dame de Liesse et ensuite à Laon.

« L’évêque Jean de Bours, plein de commisération pour cette « prétendue énergumène, fit dresser un échafaud au milieu « de lacathédrale,oùl’on apporta le Très-Saint-Sacrement,et, « par des exorcismes réitérés , il obtint la guérison de cette « infortunéeen présence d’un peuple innombrable. Florimond « de Rémond, témoin oculaire , dit que ce miracle attendrit « les protestants et procura la conversion de plusieurs d’en-« tre eux. On fait tous les ans à Laon, le 8 février, en action « degrâcesde cette délivrance, une procession solennelle fon-« dée par l’archidiacre, neveu de Jean de Bours : j’ai vu dans « la cathédrale un bas-relief fort beau et très-ancien , qui « représente ce prélat exorcisant une énergumène. Christophe « d’Héricourt, doyen de Laon, en composa l’histoire in-/i°, v qu’il dédiaà Charles IX : le manuscrit est dans les archives « du chapitre. Jean Boulet, prêtre de Laon, principal du col-« lége deMontaigu, où il professait l’hébreu, publia en 1575 « un abrégé de cetévénement, dédié au pape Grégoire XIII. « Antoine Desplanques, doyen de Saint-Quentin, donna aussi « en 1567 cette histoire, dont le président duFay publia une «copie; mais, ajoute D. Lelong, ces autorités n’empêcheront « pas la plupart des lecteurs de révoquer en doute la posses-« sion de cette femme, qui était d’une constitution mélanco-« lique et atrabilaire, sujette aux vapeurs et peut-être à l’é-« pilepsie (1 ). »

« Du département de l’Aisne était aussi native une autre femme qui porta également à un éminent degré le don de prévision. Nous voulons parler d’Ade de Roucy, épouse du fameux Thierry d’Avesnes.

h Thierry, le frère de Gérard d’Avesnes, qui périt d’une mort à la fois si tragique et si glorieuse en terre sainte, était un seigneur turbulent et intraitable. Dans une guerre féodale contre son suzerain, le comte de Hainaut, on l’avait vu porter le fer et la flamme jusque dans les antiques basiliques de Sainte-Aldegonde et de Sainte-Waudru, de Mau-beuge et de Mons. Un pareil sacrilège, accompli au milieu

(J) Voyez Bill, du Diocèie de Laon, p. 4Û6.

d’une époque pleine de ferveur religieuse, avait soulevé de toute part l’indignation des populations pieuses du Hai-naut. Un ermite des environs de Mons se fit l’écho de l’indignation générale : il maudit le mécréant qui, dans sa fureur sauvage, n’avait point su respecter le sanctuaire des saintes patronnes du pays , et lui prédit une fin qui serait le châtiment d’une vie pleine de crimes. La prédiction s’accomplit en effet quelques années après. Ce fut dans une grande chasse à laquelle le seigneur d’Avesnes fut convié de la part de son suzerain. Comme il poursuivait un sanglier dans la vaste forêt de Mormal, n’ayant en main qu’un cor et un épieu, et autour de lui qu’un petit nombre de serviteurs, il tomba dans une embuscade que lui avait dressée un seigneur du voisinage, Isaac de Berlaimont, et mourut percé de coups. On rapporte qu’Ade de Roue y, son épouse, avait eu le pressentiment de cette mort, qu’elle en avait prévenu son mari, s’était jetée à son cou pour l’empêcher de partir, mais en vain. Cette femme , de laquelle 011 a dit qu’elle fut veuve de trois maris, qui tous avaient péri par le fer, mais qui ne versa jamais de larmes sur eux , tant était grande sa force d’âme, finit ses jours dans le cloître , après s’être signalée par plusieurs autres faits remarquables de divination.

« Mais voici venir une autre femme non moins intéressante à connaître que Nicole Aubry et Ade de Roucy. Comme elles, elle fut douée de la faculté de seconde vue, de prophétie; elle eut aussi celle de pénétrer les pensées, de lire dans les cœurs, de parler diverses langues, ce qui lui valut, comme à tant d’autres au moyen-âge, de passer pour possédée du démon. Mais nous laissons parler à ce sujet l’annaliste du Hainaut au seizième siècle, François Vinchant.

« Le 10' jour du mois d’avril 1584 , fut présentée en la-« dite ville de Mons, audit messire Louis de Berlayinont , n archevêque de Cambrai, par M. François Buisseret, doc-« teur ès-droit, lors archidiacre du Cambresis et official du-« dit seigneur illustrissime, sœur Jeanne Fery, âgée de « vingt-cinq ans, native de Solre-sur-Sambre, près Mau-

« beuge, religieuse professe du couvent des sœurs noires de « ladite ville de Mons, possédée des malins esprits dès l'an li « de son bas-âge jusque» à la 25*. En sorte qu’elle fut pre-« mièrement exorcisée le 12 dudit mois d’avril du comman-« dement dudit archevêque , par Jean Mainsent, lors cha-« noine et puis doyen de Saint-Germain, qui usa à cest ci eifet de prières, de bénédictions et aspersions d’eau gré-« goriane , qu’avait bénite ledit seigneur archevêque , de « sorte que ladite possédée fut délivrée du tourment inté— « rieur de ces malins esprits au mois de novembre, ce qui « continua jusqu’au 3 du mois de mai de l’année suivante, (.auquel jour elle fut derechef agitée ; mais au 2L* dudit « mois, elle fut entièrement délivrée par l’assistance et l’in-« vocation de sainte Marie-Magdelaine, et principalement « en vertu de la réception de la sainte Eucharistie que luy «donna ledit archevesque en l’église du Val-des-Ecolliers.

« Cependant elle fut rendue si ignorante, elle qui, durant « son exorcisme, parlait grec, lu lin et autres langues, quelle « fut rendue comme un enfant de quatre ans, en sorte qu’il « convint de la catéchiser et de la remettre à la connais -« sance de la foi chrétienne. En cette conjuration y tin-« rent aussi la main ledit M. Buisseret, Nicolas Goubelle , (c lors chanoine de Cambrai et puis doyen ; Grégoire Holo-« nius, docteur en théologie, doyen de l’église Notre-Dame « de Cambrai ; M. Jacques Joly, curé du Béguinage , et « maistre Michel Bavay, père confesseur desdites noires « sœurs, mais surtout y travaillèrent lesdits archevêque et « maistre Jean Mainsent. A raison de quoy ladite Jeanne « Fery souloit depuis appeler ledit archevesque son grand-« père, et ledit Mainsent père. Les principaux diables qui « la possédèrent se disoient avoir nom , l’un Gorga, 1 autre « Cornau ; mais l’archevesque fut celuy qui, dès lors jus-« qu’à présent, a tous jours esté par le menu peuple appelé : « le bon diable des noires sœurs (1). »

« Cette histoire de possession et d’exorcisme, dans un

(1) Voyez la nouv. édition des Annalei da Itainaul, de Vi.ichant, 1. 5, p. 318.

couvent de femmes, a pour pendant dans le Hainaut les faits curieux rrivés au monastère des sœurs AugustinesdeSainte-F-lisal)(!tIi du Quesnoy, en lAfll. Mais ici les faits furent plus nombreux, plus merveilleux, plus ini|)orlants, curent une durée plus grande et furent accompagnés de circonstances odieuses qui rappellent Urbain Grandier et les possédées de Loudun.

« Ces pauvres sœurs du Quesnoy tombèrent l’une après l’autre comme par l’effet d’une épidémie dans des accès nerveux, des convulsions, des crises extatiques, on ne peut plus étranges : prophétisant, révélant les choses cachées ou éloignées, montrant une force musculaire, une agilité de corps extraordinaire , luttant d’une manière étonnante contre les lois de la pesanteur et de l’équilibre. Voilà pour le merveilleux. Quant à l’odieux, le voici, du moins autant qu’on peut le connaître par les pieux et ignorants annalistes du temps, qui ne disaient jamais que la moitié des choses : tant que les pauvres sœurs ne firent que gambader, se contorsionner, prophétiser, découvrir les choses éloignées , ce fut bien ; c’étaient de nouvelles preuves à l’appui de l’existence du diable, une heureuse occasion de montrer la puissance des exorcismes ; mais ne voilà-t—il pas que parmi les pauvres possédées, quelques-unes se mirent à être indiscrètes, à révéler des choses présentes qu'elles auraient beaucoup mieux fait de garder pour elles ! Une entre autres, Jeanne Potierre, s’accusa étourdiment d’avoir connu charnellement fois dans le monastère son révérend père confesseur. C’était là une révélation bien imprudente , bien scandaleuse. Aussi plus que jamais on se hâta de faire intervenir le nom du diable dans cette affaire. 11 fut convenu que c’était l’esprit des ténèbres qui avait pris la forme du père confesseur pour séduire la trop sensible Jeanne Potierre, et que c’était à Satan tout uniment et simplement qu’elle avait eu affaire. Bien qu’elle n’en pouvait, et que résister au diable en telle occurrence est une chose bien impossible, bien qu’elle en fût toute repentante, la pauvre religieuse fut condamnée à vivre en chartre privée au château de Selles, à

Cambrai, pour le reste de ses jours. On eut le talent de ne pas l’y laisser respirer longtemps. Elle mourut quelques mois après, emportant toutes ses révélations dans la tombe.

« Plusieurs chroniqueurs ont laissé la relation de cette trfa-dure et doloreuse oppression qu'aucuns mauvais esprit: firent aux religieuses du Ouesnoy-le-Conite. On la retrouve dans les différentes histoires du Hainaut de Vinchant, de Delewarde et d'Hossart. Mais c’est dans la Chronique du ■monde de Jean Massée, imprimée à Anvers en 1540 , ainsi que dans un manuscrit de Simon Leboucq, prévôt et historien de Valenciennes au dix-septième siècle, qu’il faut en aller chercher le meilleur récit. Voici la traduction de ce qu’en dit l'historien Massée :

« Dans cette même année 1491, vers la fête de la chaire «saint Pierre, les démons (chose terrible à dire!) vinrent « établir leur demeure et s’installer dans le monastère des « dames du Quesnoy qu’ils vexèrent misérablement pen-« dant quatre ans et quatre mois. Vous les eussiez vues fré-« quemment vaguer à travers champs comme des chiens, « s’élever dans les airs comme des oiseaux, grimper aux ar-« bres comme des chattes, se suspendre aux branches, u imiter les cris des différents animaux , divulguer ce qu'on « doit taire, et prédire l’avenir. Enfin, chaque fois que mon-u seigneur Henri, évêque de Cambrai, ou Gilles Nettelet, n doyen de la cathérale, homme de toute vertu, se présentait « pour les exorciser: « [Voilà, criaient-elles, te cornu « qui s’avance, il vient pour nous menacer). » Après avoir u eu recours à tous les saints, les noms de ces dames futí rent expédiés h llome ; Alexandre VI en donna lecture u pendant le divin sacrifice de la messe, mais ce fut en . vain. Jeanne Potière, qui passe pour être la cause primi-« tive de ces maux , commença, dès l’àge de 9 ans , à s'a-« muser avec le diable qu’elle accusait d’indignes coin m un i-« cations réitérées 434 fois dans le monas ère. Maisle diable u est un menteur que nous ne devons pas croire. Jeanne « Potière, âgée de quarante ans, fut amenée à Cambrai, et « elle périt bientôt dans sa prison vers la Saint Martin, l’année

« môme de cette calamité. Ce ne fut qu’après quatre ans, « dans le mois de juin , que les autres dames fui ent dépos-« sédées. »

« Voici maintenant une partie du récit naïf de Simon Le-boucq : « L’an I490 , durant la solemnitez de Pâques, au-

o cuns espritz diaboliques se logèrent en ung monastère de » religieuses réformées de l’ordre Saint-Augustin, situé au « Quesnoy-le-Comte ; il y avoit illecq de 80 à 100 femes , u bien renommez de très-dévoste et honneste vie et conver-« sation, mais plusieurs d'icelles furent successivement traie vaillez et vexées tant horriblement, que jamais n’avoit été n vue ni lue du semblable. Entre les aultres, la fille Robert « Buttard , eagée de onze à douze ans, fut des premières « possessez et disoit chose merveilleuses, incridibles et u espouvantables à ceux qui l’interroguèrent, detordoit u les membres de son corps, sautoit en air, contour-« noitles yeux, et la face tout à rebours, espouvantoit de sa « grosse, hideuse et horrible voix tous ceux qui l’escou-« toient, ce que possible n’estoit de faire sans estre vexée « de l’esprit malin. Item une autre religieuse , de l'eaige de u vingt-deux ans, fille du sieur de Villers, estoit semblable-« ment persécutée, de quoi l’abbesse du lieu, fort vénérable « dame, ensemble les religieuses, furent en grand soucy et » desplaisance, doubtant que ce pitoyable accident ne se « multipliast en elles, et pour secours et remède envoyè-« rent vers M. Gilles Nettelet, licencié en théologie, doyen « de Cambrai, homme fort dévôt, lequel avec M. Nicol Go-« nor, docteur en théologie et prieur des frères prescheurs « de Vallenchiennes, lesquelz se trouvèrent audit monastère, « iceulx ensemble, eux confiants en la miséricorde de u notre seigneur. Préadvise de leur faict, commenchèrent à n examiner les religieuses et conjurèrent les ennemis pos-« sessans, parlans par les bouches d'icelles, et cogneurent « qu’il estoit venu llecq par permission divine une légion « de diables, de hierarcis, de séraphins, et estoient aulcuns u d’eux princes, aultres vassaux, aultres serviteurs : le n principalle d’entreux s’appelait Zahu, ung autre G ion, ung

a autre Gorgius , et avoient noms assez consonnans aux ■ noms des mondains liabitz, instrumens, et ceux du temps « prisent corne Panto/Iles, Courltiiil et Mornifes, ». ,

« Iceluy doyen de Cambrai avecq ledit prieur des jaco-« bins de Vallenchiennes, et ung autre jacobin nomé frère « Jean Sarrazin , tindrent un petit chapitre pour sçavoir « comment l’on poldroit extirper lesditz ennemis. La con-« clusion fut prise entre eulx, et viendront devant une pa-« tiente ayant l’ennemy au corps, lequel, par la bouche « d’icelle, dit ainsi : « Or-ru, vous avez tenu votre chapitre « et sy avez conclud telle et telle choses. * Ce que \ rav es-« toit, de quoi les conjureurs s’en trouvèrent moult esmer-« veillés, et retournèrent à demi confus. Ledit prieur s’ad-« visa cornent il poldroit decevoir l’ennemi, et au premier c de leur délibération comença dire Beneclicite, corne l’on « fait au commencement de la confession, puis pour déchas-« ser lesdits espritz, firent chanter trois messes et jeusner « trois jours routiers, et puis après se trouvèrent devant la « patiente, et dirent : Quelle chose avons-nous maintenant « capitulez et conclud ? L'ennemi répondit « le lienediciie t me a tollu et oslé la cognoissancc. » Les jeusnes accomplis, « les trois messes furent célébrez, l’une de Notre-Daine, « la seconde du Saint-Sacrement, et l’autre du Saint-Es-

• prit. Les ennemis furent conjurez , et aucuns se dépai ti-e rent. Monseigneur Henry de Berghes, évesque de Cambrai, « arriva audit Quesnoy-le-Comte environ le dimence qu’on « clian temiscricordi/is Domini; il vint audit monastère, il con-« jura et fist sortir horsd’une patiente trois ou quatre espritz; « il se mist en l’habit pontifical pour réconcilier et tenir la t place ; les ennemis lenommoient le grand Cornu, à cause « de sa haute mitre. Quand aucuns espritz ne vouloient « parler et tenoient les bouches serrées des patientes, le « doyen de Cambrai boutoit ses doigtz sacrés devant la bou-« che, et disoit : Si tu as pouvoir de mal faire ou de mor-« dre ces doigtz sacrés, si d’en faire ta puissance, ils sont « en ton habandon, ou sinon , ouvre la bouche, et je te le

« commande, et lors, la patiente, quitte de son travail, ou-« vrit la bouche, parlant et obéissant audit doyen. •

« La cause doncq et origine pourquoy les ennemis se bou-« tèrent audit monastère fut, corne disent plusieurs, pour « les énormes et dissolus péchez que comist une religieuse « illccq professe, nomée sœur Jeune Pothierre, d’aige de

■ quarante-cinq ans ou environ , native d’un village situé « près d’Ath, en Hainaut. Ladite religieuse, vaincue de « l’exécrable et exhorbitant vice, fut par un vendredi des « Quatre-Temps de septembre ensuivant, preschée au palais « de Cambrai par ledit M. Nicoüe Gonor, en la présence du

• révérendissime père en Dieu, monseigneur l’évesque de

Cambrai, dessus nomez et ses vicaires , trois chanoines « de Notre-Dame, trois de Saint-Géry , les abbés de Saint-« Sépulchre, avecq le gardien des cordeliers; ladite reli-« gieuse cogneut qu’elle s’estoit enamourrée follement de t leur pater, qui avait l’administration de leurs âmes; le bon « pater, voyant sa folle pensée , ne voulant acquiescer à sa « volupté charnelle et folle plaisance, s’absenta du lieu to-« tallement et s’en retourna à Phalenipin, dont il estoit venu, t et lors la povre malheureuse fut plus ardente en sou cou-« raige et en flambes que devant. L’ennemy la cognoissaut

i touchée des espineaulx et feux de Vénus, se transmua et « print forme dudit pater, sy que finalement au nom de luy, « la cogneut charnellement plusieurs fois, et puis lui dit

• qu’il estoit le diable; et icelle religieuse, tout apprinse de « luy, l’appeloit son amoureux. Plusieurs articles fort hi-« deux et abominables, dérogeant à notre foy, cogneut « ladite sœur Jehenne Potierre après avoir comis et perpe-

trez avecq luy qui n'étant dignes de recorder ni remémo-

■ rer, desquelles elle se uionstroit repentante, et fut con-

• damnée à chartre perpétuelle, voire jusques au rappel de « mondit sieur de Gambray, et luy fut faiste une géolle au

• château de Selles, où elle termina sa vie peu de jours » après catholicquement come on disait... »

Ceste diabolique pestilence dura continuellement audit

• monastère de Quesnoy-le-Couite l’espace de six à sept

« ans, où plusieurs notables filles furent piteusement vexées « et menées en divers pèlerinages pour y trouver remède

■ etguarison: finalement, par la grâce de Dieu, ceste 111er-« veilleuse playe cessa, dont louenges en doivent Cire ren-« dues au Créateur de tout. Amen. »

« Quelques autres faits de possession, d’exorcisme et de persécution pour cause de prétendues relations avec le diable se passèrent en différents monastères du nord de la France. Mais le loisir et l’espace nécessaires pour les consigner ici nous manquent. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de renvoyer les amateurs aux Archives du Nord, excellent recueil qu’un antiquaire, un bibliophile érudit, M. Di-naux, publie à Valenciennes depuis passé vingt-six ans. M. Dinaux a rassemblé sur les histoires de possédés, de sorciers, dans les anciennes provinces belgiques, une foule de documents. Un grand nombre d’entre eux ont été publiés par lui dans sa revue, et nous y signalons entre autres les Exorcismes des Brigiltines de Lille, article qui figure dans le tome premier de la première série. 11 y a là de l’étrange, du merveilleux comme dans l'affaire des Augustines du Ques-noy, mais surtout de l’odieux, de l’exécrable, du tragique.

« M. Dinaux a récemment fait connaître un épisode curieux se rattachaut à la fameuse bataille de Malplaquet, dans lequel, sans qu’il s’en doute, se trouvent consignés deux faits purement magnétiques : l’un, de vue à distance ou double vue , l’autre, de résurrection de cadavre par le souille, l’étreinte, la chaleur communiquée , fait qui s’est reproduit tant de fois dans l’histoire, entre autres en ces derniers temps , de la part de la princesse de Ligne et du célèbre docteur Desprez, qui rappelèrent à la vie, l’une, son enfant, l’autre, sa femme , que les médecins avaient abandonnés comme morts.

« Voici l’épisode de la bataille de Malplaquet, tel que nous avons cru devoir le présenter :

« 11 y avait dans l’armée française, à cette journée célèbre, un jeune officier issu d’une des plus nobles familles du Hainaut. Aussitôt que la nouvelle de la bataille et de la retraite qui

s’ensuivit sc fut répandue dans le pays, la mère de ce jeune officier, madame la comtesse de Le Danois, qui habitait le château de Ilaismes, près Valenciennes, courut s’informer de son fils unique qui s’était trouvé au plus fort de l’action. Elle apprend qu’il a élè victime de son courage et qu'il figure au nombre de ceux qu’on croit morts. A lors elle tombe dans les convulsions du désespoir et passe la nuit au milieu des crises nerveuses les plus effrayantes. Au milieu de ces crises se développe tout à coup cet état prodigieux de sommeil magnétique, d’extase, que la science et de nombreuses observations ont expliqué de nos jours. Douée du don de prévision et de vue à distance, la pauvre mère aperçoit son fds respirant encore sur le champ de bataille. Pleine de cette idée et toujours livrée au merveilleux sommeil, elle part à l’instant, accompagnée de sa femme de chambre, pour Mal-plaquet.

« Elle y arrive au milieu du désordre inséparable de la suite d’un terrible carnage ; rien ne l’arrête, elle traverse le champ de bataille au milieu des scènes les plus déchirantes, et retrouve enfin le corps de son fils nu, froid, déjà dépouillé, confondu avec une multitude de cadavres, et prêt à être jeté dans une sépulture commune. La malheureuse mère relève le corps de son fds, et, aidée de sa femme de chambre , le transporte dans son carrosse et repart pour Valenciennes. Pendant la route, ses étreintes, ses baisers, son haleine, le mouvement de la voiture, une douce chaleur, raniment le cadavre et lui rendent la vie. Sa blessure heureusement n’était pas mortelle. Des soins nombreux, intelligents, ne tardèrent pas à lui rendre la santé.

« Cet officier, ainsi miraculeusement sauvé, se maria depuis , et c'est de lui qu’est descendu, par les femmes, le prince Ernest d’Aremberg, propriétaire du château actuel de Raismes, l’un des personnages les plus éminents de la Belgique.

« Mais puisque nous voici à parler de Malplaquet, nous dirons qu’à une lieue de là, à Bettrechies, petit village situé au nord-ouest de Bavai, se trouve actuellement une des som-

nambules les plus remarquables du nord de la France, madame Godard. Cette femme, par le don précieux qu’elle a de reconnaître les maladies à l’aide d'une simple mèche de cheveux, d'en donner un diagnostic complet et d’en indiquer infailliblement les remèdes, s’est fait une réputation qui n’a pas manqué d’exciter la bile des médecins ; ceux-ci, par plusieurs fois , l’ont envoyée au tribunal d’Avesnes pour exercice illégal de la médecine; mais toujours elle a été absoute, et elle s’est retirée avec l’autorisation d’exercer encore et même de pouvoir vendre des simples.

« Tous les malades dont les hippocrates de l’arrondissement ont aggravé l’état et tous ceux qu'ils n’ont pu guérir, ont recours à elle, et très-souvent elle apporte remède à leurs maux. Il en est de même d’un paysan belge, qui habite à quelques lieues de là, près'de la petite ville de Beaumont. Cet homme, appelé Jacqûis, est un vieillard d’un esprit tout à fait inculte et illettré. Mais il est doué d’une capacité merveilleuse, celle de reconnaître, à l’aide d’un flacon d’urine, les afiections de ceux qui vont le visiter. Jamais il ne se trompe. Plusieurs médecins, inconnus de lui, des jeunes gens frivoles, afin de mettre son aptitude aussi bien que sa patience à l’épreuve, hii ont parfois porté de l’urine d’àne ou de cheval : toujours l’Esculape en blouse a su reconnaître le piège qu’on lui tendait, et a envoyé les facétieux visiteurs au vétérinaire ou chez eux, leur indiquant l’avoine comme étant le remède le plus approprié à la circonstance.

• A quoi cet homme doit-il cette faculté étonnante, aujourd’hui parfaitement constatée dans tout le pays qu’il habite? quel est le principe de la merveilleuse clairvoyance le la somnambule de Bettrechies ? comment peut-on expliquer tous les autres faits qui précèdent? Je n’en sais rien. Mais de ce qu’on ne peut en avoir l’explication, est-ce une raisou pour en douter? N’y a-t-il que les choses expliquées, démontrées, auxquelles on doit croire ? En ce cas, le cercle de nos croyances serait bien restreint. Pour moi, il me suffit qu’un fait me soit constaté clairement à différentes reprises pour que je l’admette. Sa démonstration raisonnée viendra peut-

être plus tard. L’homme est bien loin de tout connaître, il ne fait que marcher à tâtons au milieu de mystères impénétrables. Le temps lui en livre quelquefois le secret, et il est tout étonné alors de l'absurdité îles hypothèses qu’il avait établies pour répondre à sa curiosité et au désir qu’il a de tout expliquer. Gardons-nous bien de ces hypothèses hasardées. Gardons-nous surtout d’imiter ces hommes pleins de suffisance, et d’un systématique scepticisme , qui, confiants dans le peu de science qu'il nous est permis d’acquérir ici-bas , nient et persécutent ce qui surpasse leur entendement, ricanent au lieu d’observer et de se rendre compte. Combien do grandes vérités n’ont-elles pas ôté ainsi accueillies à leur aurore , combien de fois la science humaine ne s’est-elle pas trompée à leur égard, et combien est grand le nombre de ses arrêts qu’il a fallu réformer, rapporter de siècle en siècle. Qui sait s’il n’en sera pas ainsi de ceux de la médecine actuelle, do ceux des prétendus corps savants à l’égard de l’immortelle vérité que Mesmer et Puységur ont res-suscitée en ces derniers temps, et que vous, monsieur le baron, vous vous appliquez avec un succès de plus en plus grand à populariser tous les jours.

« Agréez, etc.

« PIERART,

« .Membre de diverses Sociétés savantes, à Dourlers (Nord). »

BIOGRAPHIE.

A. J. DAVIS

(I/j fameux médium américain).

Le temps des messies et des révélateurs privilégiés est passé. C’est ce qu’il importe de rappeler avant de parler d’un homme qui exerce une attraction puissante sur une multitude d’esprits et qui, depuis une dizaine d’années, joue en Amérique le rôle d’un réformateur philosophique et religieux. Toutefois, l’avertissement par lequel je commence

n’implique aucun reproche, soit à l’adresse de M. Davis, qui n'a jamais affiché aucune prétention à l’inspiration surnaturelle , soit à l'adresse de ses partisans, qui cesseraient de l’être s’ils lui attribuaient une autorité spirituelle contre laquelle il a toujours protesté. J’ai seulement voulu prémunir les lecteurs contre toute fausse interprétation de cet article et m’inscrire contre l’erreur de ceux qui, ne connaissant le philosophe que de nom, s’obstinent à le classer dans la famille des Mahomet et des Jo. Smith.

D’ailleurs, ce n’est ni d’une apologie de l’homme, ni d’une justification de son système, ni même d’une explication de sa doctrine, qu’il s’agit ici. Les questions personnelles nous touchent peu. Elles infestent le champ de la politique. Tâchons au moins d’en purger la science et la morale. Si nous avons pris un nom propre pour texte dans cette circonstance, c’est que ce nom résume et représente très-bien une nouvelle phase qu’il importe de signaler dans l’histoire intellectuelle du peuple américain.

” D’abord, qu’est-ce que M. Davis? Ses amis répondent sans hésiter, c’est un voyant. Voilà un mot terriblement suspect aux yeux des disciples de Voltaire, d’Helvétius et de Cabanis. Cependant l’esprit français a aussi subi l’influence dejMesmer, de Puységur et de Deleuze, sans parler de Fou-rier et de Saint-Simon. Il ne s’alarmera donc pas trop de ce terme-ressuscité de l’hébreu; mais il demandera des éclaircissements et des preuves. En voici. M. Davis ne s’annonce pas et personne ne l’a jamais prôné comme un oracle infaillible, comme un envoyé spécial de la Divinité. Bien loin de là, il passe en revue les hommes qui se sont prétendus investis d’une pareille mission, et il démontre que, dans tousjles cas, il y a eu imposture ou illusion. Le don qu’il a lui-même de lire dans les secrets de la nature n’est point un privilège particulier ; c'est l’attribut de tout être rationnel ; mais cette faculté ne se développe en nous que sous de certaines conditions physiques ou morales, rarement remplies, et toujours en vertu de lois immuables. Avec ce commentaire, le mot voyant nous paraît admissible.

Maintenant, quels sont les faits qui attestent le développement de la clairvoyance ou de l’intuition dans le personnage qui nous occupe ? M. Davis était dans son enfance un apprenti cordonnier, et son éducation littéraire s’est bornée aux éléments de la lecture et de l’écriture. Cependant il a publié à l’âge de vingt ans le livre des Révélations de la nature, où sont abordés quelques-uns des plus difficiles problèmes de la métaphysique et où le mécanisme de l’univers est esquissé à grands traits. Ses aperçus de cosmogonie et sa description des sphères spirituelles peuvent être considérés comme de simples hypothèses ; mais il faut reconnaître que le système est conçu avec grandeur, développé logiquement, qu'il est conforme aux données positives de la science et capable de satisfaire les aspirations les plus ambitieuses de l’âme humaine. Quand on pense que tout cela est sorti du cerveau d’un jeune artisan de village, dépourvu de toute instruction et de toute expérience, on est forcé de convenir que bien des écrivains de l’ère biblique ont acquis leur titre de prophètes inspirés à meilleur marché que M. Davis.

L’auteur des Révélations a publié depuis plusieurs autres ouvrages, dont le plus remarquable est celui qui a pour titre : G real Harmonica. C’est une espèce d’encyclopédie, où sont développés les principes posés dans les Révélations, et à laquelle plusieurs volumes doivent sans doute encore être ajoutés. Dans cette nouvelle production, les tendances réformatrices du philosophe se manifestent avec une vigueur et une netteté toujours croissantes. 11 ne transige avec aucun des systèmes religieux qui ont eu cours dans le monde jusqu’à présent. 11 les rejette tous au nom de la science et de la raison. 11 sacrifie sans scrupule le dogme d’un dieu arbitraire, delà création limitée dans le temps, de la providence Spéciale, du péché originel, de la rédemption, de la damnation , et leur substitue la doctrine de l’âme universelle ou positive, du développement graduel, du gouvernement des êtres par des lois nécessaires de l’innocence primitive de tout homme, du perfectionnement social et de l’immortalité progressive. 11 n’y a peut-être rien de nouveau dans aucun

de ces principes pris isolément; mais jamais l'ensemble n’en a été présenté avec autant de force et de hardiesse ; jamais les vieilles superstitions théologiques et politiques n’ont eu à subir de la part d’une seule intelligence un assaut plus général et mieux combiné.

Mais cette attaque n’a plus un caractère purement négatif et révolutionnaire comme celles du dernier siècle. En Amérique comme en Europe, nous arrivons à la période positive du rationalisme. Jusqu’ici la raison n’avait guère déployé ses forces que pour combattre et renverser l'autorité. Le temps est venu pour elle d'affirmer sa propre puissance et d’établir son empire légitime. La théocratie biblique ou protestante est beaucoup plus profondément minée dans ce pays qu’on ne le suppose généralement. Elle paraît encore presque intacte ii la surface ; mais, à la moindre secousse, tout l’édifice s’écroulera. Pendant longtemps, ceux qui lui échappaient semblaient sc réfugier dans une indifférence respectueuse. Mais la neutralité ne saurait convenir aux hommes. Quand ils cessent d’admettre un symbole religieux, soyez sûr qu’ils en cherchent ou en attendent un meilleur. Aussi dès que la voix de Davis s’est fait entendre, a-t-elle trouvé un écho dans de nombreuses intelligences ; les théories harmoniennes out été accueillies avec ardeur; elles ont servi à régler et à diriger le mouvement spiritualiste qui s’est manifesté avec tant de fougue vers la môme époque. Aujourd’hui, la parole de l’ancien cordonnier de Poughkeep-sie est une des plus aimées et des plus redoutées de l’Amérique, celle peut-être qui exerce l’influence la plus pénétrante et la plus durable.

(Extrait de lu Revue de l’Ouest de Saint-Louis, Missouri.)

Le Gerani : IIÉBEUT (de Garnny).

CLINIQUE.

Mademoiselle Céline N... était soignée depuis trois semaine? pour une conjonctive fort intense, causée par l’introduction d’un insecte dans l’angle interne de l’œil et parles manœuvres maladroites d’une jardinière qui s’était faite sou oculiste.

Le médecin consulté à Paris avait jugé nécessaire de faire des mouchetures sur toute la conjonctive très-œdémutiés. L’œdème et l'inflammation n’en firent que plus de progrès»

Appelé vers cette malade, j’ordonnai un collyre et de?: topiques ad hoc qui augmentèrent la douleur et reproduisirent une effusion de larmes considérable.

En face de ce beau résultat, je voulus bien me rappeler que j’étais magnétiseur... La personne étant d’une sensibilité exquise, j’obtins le sommeil presque spontané.

« Ah ! ah ! me dit la somnambule, c’est fort heureux que vous vouliez bien invoquer Mesmer pour moi; eli bien, je vousannonce que, dans trois jours, je serai guérie.

— C’est impossible, lui dis-je, le mal est trop sérieux-

— Homme de peu de foi, reprit-elle, heureusement que le magnétisme est plus sage que vous et qu’il guérit sans l’autorisation de celui d’où il se révèle. »

Je magnétisai l’œil malade dix minutes chaque matins

Application de la main, sept minutes ;

Insufflations, trois minutes;

Eaumagnétiséepourbassiner l’œil dans la journée et la nuit.

Au bout de trois jours, l’œil était complètement guiril

Les seules traces des mouchetures du savant oculiste apparaissaient rouges encore.

Au dernier jour du traitement, la jeune fille me dit -

« Eh bien , lequel est le plus fort eu vous du médecin ou du magnétiseur?»

Lecteur, je vous le laisse à juger.

6 novembre 185G. Docteur LÉGER;

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

le trouve, dans le Spiritual Telegraph, un long article, signé de M. Charles Partridge, fondateur de ce journal, qui fut le premier établi des organes maintenant si nombreux du spiritualisme. En voici la traduction considérablement abrégée :

Preuves d'immortalité. —Rien n’intéresse autant l’homme que de savoir s’il doit mourir à la dissolution de son corps terrestre. Les preuves d’une vie future ont été en si petit nombre et si obscures, qu’il n’y a guère eu d’hommes intelligents qui ne se soient préoccupés avec anxiété de cette grande question. Nos espérances à cet égard, avant les manifestations spirituelles de nos jours, reposaient presque exclusivement sur les apparitions consignées dans le Nouveau-Testament.

Ce livre en mentionne deux faits. Le premier est que Moïse et Elie apparurent au Christ et à trois de ses disciples. Ce fait a semblé isolé, dans une période de dix-huit cents ans; et, en raison du temps reculé où il se produisit, et du petit nombre de personnes qui ont dit en avoir été les témoins, il a été insuffisant pour la plupart des hommes, car, disent-ils, si le retour d’un esprit est un événement si rare (en admettant qu’il en soit revenu un ou deux dans ce cas), il doit s'ensuivre qu’un esprit est rarement immortalisé, et la preuve d’une vie future étant en raison du nombre et de la certitude des témoignages, les chances d’immortalité sont si réduites, qu’à peine peuvent-eüesjustifier un espoir.

Il est raisonnable sans doute de supposer que si les esprits existent, et s’ils peuvent revenir, ils doivent aimer à en donner la preuve, et le cas cité, s’il est vrai, montre qu'ils l’ont donnée. Mais s'ils ne revenaient plus, il serait

présumable qu’ils ne sont jamais revenus, et que les prétendus témoins étaient hallucinés ou trompés de quelque autre manière.

L’autre fait, rapporté dans la Bible, serait la résurrection du Christ. Mais on affirme que celui-ci était quelque chose de plus qu’un homme; et si cela était vrai, nous ne serions guère autorisés à conclure de son immortalité à la nôtre.

On allègue encore, comme base d’espérance, que partout l'humanité aspire à l ivre, et l’on en déduit que cette aspiration universelle constitue une prophétie, et entraîne la nécessité d'une vie éternelle. Mais le fait que nos plus pressants désirs de vivre ici sont brisés lorsqu’on s’y attend le moins, renverse cet argument, et avec lui s’envole tout espoir basé sur le désir et l’aspiration.

Bien donc que des faits ne peut nous tirer d’embarras. Un phénomène extraordinaire et isolé ne peut suffire à déraciner un scepticisme aussi profond et universel. Et ces faits doivent ne comporter aucune autre explication, et entraîner la conviction avec eux.

Nous sommes heureux de proclamer que de tels faits se sont produits et s’accomplissent tous les jours dans le inonde, et qu’ils s itisfont les incrédules les plus endurcis. Us consolent les affligés, en leur démontrant la présence d’ètres qu’ils croyaient avoir perdus pour toujours, et ils font naître la joie et le bonheur la où ne régnaient plus que la douleur et le désespoir. Ils font rendre des actions de grâce au Créateur et conservateur de ces jeunes plantes, destinées à grandir, fleurir et porter leurs fruits dans une vie éternelle.

Considérons l’homme et les faits, et supposons une expérience : voici un homme vivant, et dans le parfait exercice de ses facultés. Nous pouvons l’étudicr, observer Iss phénomènes qu’il présente à nos sens : il parle , il chante, il écrit, il nous raconte l'histoire de sa vie. Nous pouvons mesurer ses proportions et le peser ; on pourrait couper une portion de sa chair, de ses os, de ses nerfs, et l’analyser : armés des moyens connus de la science, nous descendrions jusqu’aux éléments de son être. Si nous le plaçons dans un

vase de verre , qu’ensuite nous fermons hermétiquement, nous observons que la respiration devient difficile, la parole s’arrête, le brillant de ses yeux s’éteint, le mouvement cesse. I.a vie, Vesprit, le pouvoir moteur, s'en sont échappes, et il ne reste plus qu’une masse de matière inanimée. Nous constatons le changement; mais, quelle que soit notre habileté, nous ne pouvons pas déterminer quand et comment s’est faite la séparation du principe de vie d’avec le corps physique. Et môme rien ne démontre que la vie a quitté le corps, si ce n’est la décomposition qui s'ensuit. Autant que nous avons'pu l’observer, rien ne s’est échappé du verre, et nous n’avons encore aucune preuve que quelque chose ait quitté le corps. Nous le tirons hors du vase, nous le reposons , nous recourons aux procédés chimiques et à tous les moyens connus, et l'homme physique se trouve là tout entier. Le savoir humain ne va pas jusqu’à découvrir ce qui constituait l’homme réel : on constate seulement qu’il n’est plus là.

Les sciences populaires, qui ne reposent que sur des expériences de chimie, de mécanique, d’optique, ne peuvent faire découvrir l'homme essentiel. On en poursuit l’ombre en arrière, et l’on trouve que tout s’annihile, se perd ou s’évapore dans la terre et dans l’atmosphère. Et voilà quelle serait la fin de l’homme d’après les sciences acceptées ! Et c’est ainsi que nos plus chères affections et nos espérances seraient frustrées et ensevelies dans la nuit du tombeau ! Mais l’alTection, la vie, l’esprit, ne peuvent pas se peser, ni se dissoudre avec des alcalis ou des acides, et la science n’a donc rien connu jusqu’ici de l’esprit ni de l'immortalité. Grâce à Dieu, une autre science se fait aujourd’hui, et elle ne s’arrête pas à des ombres ni à des formes physiques : elle prend connaissance de tout l’être humain, aiïection, aspiration , vie; elle accepte tout ce qui a été connu jusqu'ici, et elle montre que l’homme réel, dans la vie terrestre, est l’esprit, qui doit survivre à la matière et se retrouver au-delà de la tombe.

La double nature de l’homme est évidente. Quand non*

avons commencé l’examen de tout à l'heure , la forme qui est maintenant inanimée devant nous était imprégnée et rendue active par l’esprit ou par un principe dont l’absence actuelle constitue le changement qui s'est opéré. Si nous voyons que la forme reste, nous savons tout aussi bien que quelque chose en est sorti, et nous le savons, en vertu d’é-16 nonts qui sont en nous, et qui sont les analogues de ceux qui m'son/ plus dans le corps maintenant inanimé que nous contemplons. Nous savons infailliblement que le corps reste tout entier : du moins, tel que sait l’apprécier la science matérialiste ; mais ce corps n’a plus conscience de notre approche, comme il l'avait il n’y a que quelques instants. Et nous n’avons fait que le priver d’air, et nous n’en avons rien vu sortir. Ce qui l’a quitté a pu traverser le verre qui est une dos substances les plus compactes que nous connaissions. Et puisque tous les éléments appréciables par la science dans l’homme vivant se retrouvent dans le corps inanimé , la double nature de l’homme est évidente : la conscience, l’intelligence, le pouvoir moteur, la vie , sont d’invisibles , d'intangibles réalités que l’on ne peut recueillir dans les creusets, ni retrouver par d’autres moyens scientifiques

L’homme réel a donc quitté le corps.

Tout ce qui s’est ainsi mystérieusement évanoui sera, pour plus de commodité, désigné par le mot esprit, et il reste à démontrer qu’il existe encore. 11 ne faudra point perdre de vue que nous n’avons pas aperçu la vie, mais seulement le phénomène spirituel dans ses esprits multipliés, c’est-à-dire la manifestation à nos sens de la vie dans le corps physique. Nous ne devons donc pas confondre l’invisible, l’intangible réalité, la vie, avec la matière qu’elle animait.

La vie est partout répandue dans le vaste univers ; l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la terre que nous foulons du pied, la roche même, tout respire de la vie. Ces paroles du Christ : u Dieu peut faire sortir des hommes de ces pierres » renfermaient une grande vérité : cela voulait dire que les germes de vie sont dans toutes les parcelles de

roche, et qu’ils en sortiront, subissant, avec les siècles, des transformations diverses qui aboutiront à la forme humaine. Chaque phase de la vie développe les organisations qui lui sont propres. 11 y a des créatures qui se meuvent dans la terre, dans le bois, l’eau, l’air; et chacune, suivant sa nature, est visible ou invisible, avec ou sans l’aide de microscope. Et de ce que nous voyons, aussi bien que de l’analogie, nous devons conclure que la vie est dans toutes les formes, de même qu’une puissance invisible se manifeste dans le vent et les tremblements de terre. Avant que le microscope n'eût été inventé, on ignorait l’existence d’une multitude d’êtres animés, et 011 l’aurait niée; une infinité d’autres nous seraient dévoilés si l’on parvenait à faire des instruments plus puissants. Nous voyons la vie éclore du sable sur le bord de la mer, de même que de la roche jusque-là stérile des montagnes. Elle se manifeste dans des végétaux, qui tombent après leur saison, pour reparaître ensuite sous d’autres formes, végétales et animales, et plus tard, sans doute, en la forme humaine. En vue des faits, et aidés de la science, acquise aussi bien que de l’analogie, est-il raisonnable de nier la continuité d'existence de l’homme?

On 11e distingue pas mieux les lignes de démarcation entre les différentes formes de la vie, dans les minéraux , les végétaux , les animaux et l’homme, que l’on ne précise la séparation des couleurs dans l’arc-en-ciel ; mais de ce que l’on voit, on conclut qu’il y a des formes animées qui échappent à nos sens. Le nier, serait ressembler aux matérialistes qui ne croient qu’à ce qu’ils peuvent peser et dissoudre dans leurs creusets. Le critique observateur de la cristallisation, ¿ans les règnes végétai et animal, regarde la combinaison de certains éléments comme l’indice d’autres formations

dans une phase ultérieure.

On dit que cinquante-quatre éléments simples sont seuls trouvés dans la nature, et que de là se développent toutes les formes animées qui frappent nos regards. Les degrés d’imperfection de ces formes dépendraient des combinaisons de ces éléments, dont quelques-uns se trou\ent dans cha-

cnne d’elles dans les règnes minéral, végétal et animal, tandis que tons se combinent harmonieusement dans l’organisme humain, et forment ainsi le microcosme ou l’abrégé de la nature tout entière.

Si donc les formes diverses qui recèlent la vie dans les premiers règnes sont le résultat de différentes combinaisons (l'une partie des cinquante-quatre éléments répandus dans la nature, et si chaque combinaison est une prophétie d’une forme animée plus parfaite, nous devons en conclure qu’une forme supérieure d’existence doit résulter de la combinaison de lous les éléments, comme il en est de l’homme avec les éléments connus jusqu'ici.

11 ne s’ensuit pas que tontes les formes supérieures doivent être appréciables à nos sens. L’œil ne peut pas tout voir, ni l’homme tout savoir : ses capacités sont relatives à la sphère de ses combinaisons élémentaires, et il ne peut prendre connaissance que d’éléments en rapport avec sa qualité et sa conformation organique. 11 est aussi déraisonnable de nier l'existence de choses dans un état de raffinement qui dépasse notre compréhension , qu’il le serait de n er celle de ce qui peuple l’espace au-delà de la portée de notre vue. La matière appréciable, en quoi que ce soit, ne fournit de preuve de la présence ou de l’absence de la vie, que par ses phénomènes. Nous pouvons analyser la matière; mais la vie, jamais. Et, autant que nous pouvons le pressentir, il y a des règnes de vie tellement raffinés, qu’ils dépassent de beaucoup les appréhensions de l’homme ici-bas. U est très-probable, pour ne rien dire de plus, que l’homme, dans sa condition immédiatement supérieure, ne pourra pas voir les esprits d’un ordre plus élevé. Les esprits qui viennent à nous , ou que nous croyons venir, ont une forme matérielle plus ou moins raffinée; et nous ne savons pas si les difficultés que nous éprouvons à les voir et à communiquer avec eux , ils ne les rencontrent pas, à leur tour à l’égard d’autres esprits , dans des conditions encore supérieures. Si ces derniers sont dans un état aussi tranché (admettant qu’ils existent, et que la

communication soit réelle), n’ont-ils pas à employer, comme médium, pour communiquer avec nous, ces autres espiits inférieurs à eux, et qui nous sont moins inaccessibles par leur nature plus voisine que la nôtre ?

Les preuves directes de la présence ou de l'absence de lu vie, dans une chose quelconque, sont du ressort d'un état Supérieur que l’avenir peut nous réserver. L'hoinm« ne peut comprendre la vie qu’autant qu’il s’élève et qu'il résume harmonieusement la vie, l’esprit et la sagesse divine. Dirons-nous donc que la vie commence et finit avec le corps matériel? Non, non, mais bien que, pour les formes extérieures, et les perceptions qui nous sont dévolues, nous pouvons découvrir des régnes de vie, la sagesse et l’immortalité.

J'ai dit que quelque chose est sorti du corps humain que nous avons examiné, ou plutôt que l’homme a quitté le corps. II nous faut maintenant tâcher de le retrouver ; de montrer qu’il vit encore ; qu’il a connaissance de ce que nous faisons de son corps, aussi bien que de nos recherches pour trouver Son esprit; qu’il porte encore le même intérêt et la même affection aux ami6 qu'il a laissés en arrière; qu’il peut faire usage de toutes les facultés essentielles de son être, et, de plus, qu’il a des relations avec la nature physique telles, qu’il peut reconstruire et réorganiser, dans des circonstances favorables, et au moins temporairement, un corps physique , en entier ou en partie. La réapparition d'esprits et d’autres phénomènes fournissent la même preuve de la présence de cet agent puissant, que celle que nous avons de l’esprit invisible qui a quitté le corps de tout à l'heur- , au qu’un esprit semblable fait mouvoir, pour écrire cet article, la matière grossière dont ma main est formée. L’acceptation ou le rejet de l’un de ces faits entraîne celle des deux autres.

11 n’y a pas plus de raison, ou de preuves, pour dire que l’esprit humain est annihilé, ou que sa faculté de mouvoir la matière est perdue, parce que son corps terrestre est dissous, qu’il n’y en aurait pour nier que le même esprit qui, dans chaque individu, a commencé par s’approprier et re-

nouvclcr la matière dès son enfance, continue à le faire flans nn âge avancé, et qu’il ail renouvelé son corps entier tous les sept ans, comme on l’affirme. Il est aussi raisonnable de croire que l’esprit survit à la dissolution du corps, qu’il l’est d’admettre qu’il a survécu à ces divers changements. La grande loi de la vie n’est point changée par la mort ou par le rejet d’une matière pour une autre : il n’y a de changé que les formes et les conditions.

Voici des propositions que j’essaierai de justifier par des faits de ma propre expérience ou de celle d’autrui.

1° Des phénomènes, tant anciens que modernes, démontrent que les esprits peuvent reprendre quelques-uns, ou tous, des éléments épnrs qui avaient constitué leur corps terrestre, et en reformer un corps humain, en entier ou en partie ;

2° Les esprits ne sont pas astreints à n’employer que les seuls éléments qui avaient formé leur corps terrestre, ils peuvent s’approprier d’autres éléments homogènes, tels que ceux qu’exhalent continuellement les corps vivants. Ils peuvent môme attirer à eux tous les éléments dont le corps hu-main est composé, quel que soit leur degré de solidité ou de subtilité, depuis la matière la plus grossière jusqu’à l'essence spirituelle. Et ceci rend compte des divers degrés de visibilité et de tangibilité des esprits.

A l’appui de ces hypothèses, et comme preuve de l’existence et de la présence de puissantes intelligences invisibles ou esprits, je vais rapporter quelques-uns des phénomènes que j’observai dans la soirée du 12 novembre 1854, dans une réunnion à New-York.

Une compagnie de dames etde messieurs s'était réunie dans la maison n* 555, rue Honston , pour observer des manifestations spirituelles, dans une chambre d’environ vingt pieds sur vingt-cinq, et un plafond de onze pieds de hauteur. H y avait trois chandelles allumées sur les tables autour desquelles nous nous plaçâmes, et une forte lampe sur une autre table dans un coin de l’appartement. Nos tables étaient au nombre de trois, rapprochées bout à bout et formaient une

longueur d'environ quinze pieds. Il y avait deux médiums, l’un à chaque bout ; j'étais placé vers le milieu.

La moitié environ des personnes présentes étaient des invités, et ils s'assirent indistinctement avec les membres ordinaires du cercle. Les esprits commencèrent par des rups, et, à l’aide de l’alphabet, ils épelèrent des communications. Cela fut répété à divers intervalles de la soirée.

Les mains des médiums furent plusieurs fois mues par les esprits, et elles écrivirent, en prose et en vers, très-rapidement, donnant chaque fois le no n de l'esprit qui communiquait, et toujours l’écriture , le style et le sentiment, correspondaient , autant que nous pûmes en juger, à ce qui distinguait l'esprit quand il venait sur terre. Les personnes formant le cercle furent souvent touchées, et leurs vêtements furent tirés par des mains d’esprits, ce qui fut quelquefois vu par les sceptiques, aussi bien que par les croyants.

Pendant la soirée et à divers intervalles, plusieurs personnes furent requises par les esprits de passer leurs ma ns sous la table (car autrement toutes les mains étaient posées sur la table, à la vue de tout le monde), et, de cette manière, cinq lettres furent successive ent reçues par ces mains : toutes étaient enfermées dans des enveloppes et adressées au cercle. Une autre lettre tomba du plafond, au-dessus de nos tètes, sur la table devant nous. On reçut donc six lettres dans cette soirée ; elles furent toutes lues, excepté une, q ii était écrite dans une langue qu'aucune des personnes présentes ne connaissait suffisamment.

Ces lettres semblaient avoir été écrites pendant la séance, et par différents esprits, et contenaient généralement une feuille de papier. Une d’elles contenait les noms des personnes présentes, et c'étaient des facsimile de leur écriture : un seul nom était omis. Ma propre signature était si bien faite, que si elle m’avait été présentée devant une cour de justice, et que j’eusse été mis sous serment, j’aurais été obligé de la reconnaître pour véritab'e ; et je sais pourtant bien que ce n’est pas moi qui l'avais écrite. Les signatures des autres

personnes étaient également parfaites, ainsi que chacun le reconnut.

L une de ces lettres était écrite avec des encres de différentes couleurs, magnifiquement assorties, et comme les couleurs de l’arc-en-ciel, de sorte que personne ne pouvait préciser où une couleur finissait et une autre commençait.

La lettre qui tomba du plafond, je la vis au moment de son départ, et lorsqu’elle n'était pas de trente à trente-trois centimètres du plafond. Elle ne descendit pas rapidement, ni en ligne droite jusqu'à la table, mais doucement et en oscillant, formant une course en zig-zag, comme si elle était conduite par un agent intelligent, mais pourtant invisible. Je le fis remarquer aux personnes du cercle avant qu’elle n atteignît la table et elles le virent comme moi.

Moi, comme d'autres, je fus requis de mettre ma main vers mon genou, partiellement sous la table, ce que je fis, et aussitôt je sentis quelque chose qui frappait mes doigts, et je suppose que c’était la lettre que je reçus ensuite dans la main. Je sentis également quelque chose qui ressemblait à la main d’une personne morte : c'était froid et pâteux. Je sentis distinctement des doigts. La lettre était tenue par cette main qui, plusieurs fois, la plaça dans la mienne, et la retira tout à coup avec une grande force. Elle me fut laissée à la fin et je la posai sur la table. Elle était dans une enveloppe, cachetée et adressée au cercle qui en prit lecture.

Ces lettres traitaient de divers sujets, quelques-unes étaient très-intéressantes et instructives ; les autres parlaient des personnes du cercle, leur reprochant certains écarts dans leur conduite, et les exhortant à changer de voie et à suivre les préceptes chrétiens. Il y avait des cltoses mortifiantes pour eux, et je suis bien convaincu qu’ils ne les auraient pas exprimées s'ils avaient été les auteurs de ces lettres.

Les esprits secouèrent rigoureusement les tables, les déplaçant quelque peu, et en frappant quelques personnes qui

forem ainsi repoussées. Le drap qui les recouvrait fui tiré. Quand je vis s'en aller celui qui était devant moi, je m'eu saisis, et je dus employer une grande force pour le retenir. Il fut cependant arraché de mes mains et tiré sous la table. Enfin, les tables restèrent tranquilles, et un espace d’environ seize centimètres reste ouvert entre deux de ces tables, près de moi. Nous essayons de rapprocher ces tables, mais les invisibles opposèrent plus de force.

La lumière de la lampe et des chandelles se projetait jusqu’au plancher par cette ouverture, et il aurait été impossible à qui que ce fût, ou à rien de visible, de se tenir sous la table, ou de se présenter à cette ouverture sans être découvert dans les manifestations qui suivirent.

Des mains et des pieds d’esprits, complètement formés, se montrèrent par cette ouverture, de même que dans différents points autour du cercle, aux côtés et aux bouts de la taille.

Lorsque ces organisations parurent à cette séparation des •Utiles, elles semblaient provenir de dessous ces meubles, de roa et de l’autre côlé les mains étaient quelquefois assez élevées pour que nous eu vissions les poiguets et des portions du bras. Les personnes qui étaient vers les bouts de la table se levèrent et s’approchèrent; elles se penchèrent vers l'ouverture en question et elles virent les formes que je wyais et qu’elles décrivirent comme je les décris.

Moi, et tous ceux qui le voulurent, prirent les mains des espritsetlesexaniinèrenl soigneusement jusqu’à leurs ongles. EUes étaient, en ce qui concerne la vue et le toucher, de véritables mains avec leurs os, chair, peau, comme nous les trouvons quand nous regardons et touchons les mains des ■sortels.

D*?ux des personnes invitées, et qui étaient des sceptiques, rois à Tune des extiémitûs du cercle, dirent avoir vu distinctement une grosse main brune saisir la robe de soie •Xaue dame placée entre eux et tirer celle-ci presque hors Je sa chaise. Un de ces messieurs prit cette partie de la robe

pour l'arracher de cette main, et la tension fut telle que l’étoffe se déchira avec bruit.

Je posai mon crayon vers le bord «le la table, à un mètre environ de distance, c’est l'endroit où la plupart de ces exhibitions de inainset de pieds avaient lieu, et je vis ma main venirle prendre et l’emporter, et, presque au même instant, la même main me le présenta par l’ouverture qui était devant moL Je vis très-distinctement cette main et j'en reçus le crayon. Bien d’autres faits se produisirent avec des résultats analogues. ,

lin couteau à deux lames, qui avait servi à tailler les crayons, disparut mystérieusement à la vue de tous, et reparut ensuite, les deux lames ouvertes, tenu par une main d’esprit qui le brandissait devant nous, tandis que des rapt-épelaient : Ne bougez pas ou vous pourriez être blessés. Je dirai ici que je ne pense pas qu’il pût y avoir le moindre danger pour nous : je crois plutôt que c’était un jeu dé la part des esprits, ou qu’ils voulaient attirer plus particulièrement notre attention sur ce fait.

Le pied nu d’un esprit, complètement organisé dans sa forme terrestre, autant qu’il nous semble, se montra dam l’ouverture des tables. Les orteils en é'aient dans une position horizontale, et l'extension en était telle que ce qui1 paraissait de la jambe était presque en ligne droite avec le pied. Ce pied se montra ainsi plusieurs fois dans cette on-verture horizontalement, et dans le sens de la longueur du cercle, en travers de l’ouverture et juste à la hauteur de-ia surface inférieure de la terre. Sa position et ses mouvements étaient tels qu’aucun mortel n’aurait pu les prendre et les produire. D’ailleurs, l’endroit où cette exhibition avait lien se trouvait trop éloigné de l’extrémité la plus voisine da cercle pour qu’on y eût pu atteindre de là, et on n aurait pa manquer de s’apercevoir d’une tricherie, chasuu étendant les pieds et les jambes sous les tables pour mieux Lire la vérification.

Je crois ces explications suffisantes pour que les lecteurs soient à même d’apprécier les faits.

Ces sortes de manifestations amènent la conviction de la présence et de l’identité des esprits, surtout dans les cas où le visage et tout le corps ont été reconnus par des parents et des amis, aux mêmes particularités de forme et d'expression qui caractérisaient les sujets lorsqu’ils étaient encore de ce inonde................

CORRESPONDANCE.

VUE A DISTANCE.

A M. le baron du Potet.

« Monsieur et cher maître,

« 11 est un fait qui m’est particulier et que je crois devoir faire parvenir à votre connaissance comme me paraissant se rapprocher du domaine de la science qui nous occupe. Peut-être ce fait dont je veux vous parler vous pa-raltra-il très-ordinaire, et parmi les nombreuses observations auxquelles vous vous livrez tous les jours pour pénétrer les secrets de la science magnétique, avez-vous été à même déjà de le constater ; pour moi, il m'a paru digne d’«bservation.

« 11 y a eu deux ans au mois de septembre dernier, je fus atteint de cette maudite fièvre typhoïde de la manière la plus violente ; le médecin qui m’a soigné a vu tout d’abord que j’étais menacé d’une très-forte maladie; déjà, au bout de quelques jours, j’étais accablé par la fièv.e et presque sans connaissance, de sorte qu’une personne que j’avais près de moi pour garde devint bientôt insuffisante pour me donner tous les soins qu’exigeait ma position ; puis, me troyant bientôt sur le point de cesser de vivre, écrivit à

mes parents pour les informer du danger que je courais et les engager à envoyer quelqu’un de ma famille près de moi pour 1 aider à me soigner. Craignant de m’impressionner ou de me laisser croire que je courais quelques dangers, elle hésitait pour me faire savoir que probablement j'allais avoir la visite de quelqu’un de ma famille ; pourtant, ne voulant point non plus me laisser surprendre, elle nie demanda dans la soirée si je ne serais point fâché de voir quelqu’un de mes parents qui resterait près de moi pendant ma maladie.

« Il est probable qu’à cet instant ma pensée se sera transportée vers mes parents, et ma mère, plus impressionnable peut-être par des dispositions particulières ou des causes que je ne connais pas, fut avertie cette nuit-là de l’état dans lequel je me trouvais. Elle fit un rêve (du moins ce qu’elle a appelé un rêve) dans lequel elle me vit très-malade, étendu , souffrant sur mon lit; et quoique n’ayant jamais vu Paris, ni par conséquent le logement que j’occupais (elleen était séparée par une distance de plus de quatre-vingts kilomètres), elle a parfaitement vu les dispositions de mon lit et l’intérieur de ma chambre, ainsi que la manière dont elle était disposée dans la maison où je restais (rue de Fourcy-Saint-Antoine, 3).

« Ma mère , qui a toujours eu beaucoup d’affection pour ses enfants, fut désolée dans son rêve ; elle se réveilla toutacca-blée, et fit part à mon père de ce qu’elle venait d’éprouver, mais il n’y fit pas très-attention, disant : • C’est un rêve. * Pourtant ma mère insistait, était tourmentée et disait : Ce n’est pas un rêve ordinaire, mon fils a certainement quelque chose, je l’ai trop bien vu malade sur son lit ; elle se leva avec la même idée, et son tourment ne la quitta pas d’un instant. Mon père, au matin, sortit pour ses affaires et rencontra en route le facteur qui lui remit la lettre écrite la veille par ma gardienne, et après en avoir pris connaissance, comme il s’absentait pour une partie de la journée, il pria le facteur de poursuivre jusque chez lui et de remettre cette lettre à ma mère. Voyant arriver le facteur, ma mère dit: c C’est une lettre de Paris, n’est-ce pas ? » Et la voyant

décachetée : « Vous avez rencontré mon mari ; mon fils est ma-« lade, j’en suis sûre. » Elle ne fut point détrompée de sa pré-vivion en apprenant par celte lettre l’état mauvais de ma santé, car, depuis son rêve, telle avait été son idée.

€ Dès le lendemain matin, elle se mit en route pour venir vers moi, et, arrivée dans la maison où j'étais, elle ne fut point embarrassée pou se diriger vers ma chambre. Elle me trouva dans la position qu'elle m’avait vu la nuit de son rêve, ainsi que les dispositions de mon lit dans ma chambre; elle avait même indiq lé l’avance la couleur blanche de ma couverture el de mon tour de lit, qui était exacte.

« Tels sont. Monsieur, les faits observés que je puis considérer comme exacts. Ma mère n’est point somnambule; peut-être cet elT.;t est-il la cause d’une lucidité déterminée en raison des circonstances, je n’oserais donner une conclusion k ce sujet, peut-être, vous, Monsieur, beaucoup plus expérimenté que moi, reconnaîtrez-vous dans descas semblables une cause qui jusqu’alors m'échappe.

« Veuillez agréer, etc.

« gomy. »

Pa is. le '-5 uiai 1856.

VARIÉTÉS.

11 y avait longtemps qu'on n'entendait plus parler des tables tournantes et des esprits frappeurs , si j’excepte un publiciste très-croyant, qui ne s’endort jamais qu’au milieu d’un cercle de veilleuses que les lutins nocturnes ne peuvent franchir, à ce qu’il parait, qui s’occupait encore, à Paris et ailleurs, de ce nouveau culte débarqué un beau matin d’Amérique avec les dernières nouvelles de la Californie. Eh bien I depuis quelque temps, les nouveaux dieux se relèvent; l’acajou recommence de plus belle à rendre des oracles, et, d’ici à peu de jours, vous entendrez tous les meubles craquer dans leurs jointures ; tous les guéridons vont entrer en danse. Cette recrudescence de fièvre, qui s'empare tout à coup des chaises et des fauteuils, a été causée par l’arrivée à Paris d’un medium extraordinaire, qui porte le nom d’un illustre historien anglais, et qui est originaire de l’Ecosse, ce pays où s'est manifesté pour la première fois le phénomène de la seconde'me.

Entrez dans le premier salon venu, vous entendrez parles de M. David H... et de ses surprenantes aventures. La pensée de M. David H... évoque les esprits les plus rebelles ; il marche escorté de fantômes et d’apparitions. S’il franchit le seuil d’une maison, tous les meubles trépignent d’aise, tout le mobilier le salue par des craquements continus. Les âmes errantes le poursuivent, et il ne peut échapper à l’obsession de ces compagnes invisibles. Vous comprenez qu’un tel homme doit être à la mode, et c'est à qui le recevra, le fêtera et mettra à sa disposition tous les meubles de son salon. Ce Paramelle des esprits frappeurs ne se prodigue pas , il n’a encore paru que dans trois ou quatre maisons, dont le mobilier est aujourd'hui fort endommagé ,

mais sa réputation s’est aussitôt répandue par la ville ; et il est devenu le lion du moment. 11 n’y a décidément plus à se préoccuper des distractions delà société parisienne pour cet hiver. Elle a la comédie de salon et les esprits frappeurs, ('.’est plus qu'il ne lui en faut pour traverser agréablement la saison. (Extrait du Siècle.)

LES ÉLUS DE L’AVENIR, ou le Progrès réalité par le Christianisme, pur Paul Auguez. 1 vol. in-8; Di-ntu , 1856.

L’auteur de cet ouvrage a fait précéder les deux titres que nous venons de transcrire, de celui-ci : Religion, magnétisme, philosophie. C’est annoncer assez clairement le rôle immense qu’il assigne au magnétisme dans l’amélioration du genre humain. C’est donc un nouveau champion de la cause que nous servons ; nous saluons en lui un adepte plein de chaleur et de talent, et nous devons à ses efforts un encouragement sympathique. Nous avons lu son ouvrage avec plaisir ; mais, dans son propre intél êt, nous devons le mettre en garde contre les louanges ridicules et exagérées que ne pourrait excuser même la camaraderie la plus bienveillante. Le livre est précédé d’une introduction par M. H. Delaage, où se trouve l’appréciation suivante : « Jusqu’ici les penseurs avaient manqué d’un coup d’œil assez vaste pour embrasser sous leur différents côtés les formes que revêt l’intelligence et indiquer les lois de leur perfectionnement : les Elus de f Avenir ont réalisé ce travail colossal qui, par sa vastitude ambitieuse , donnait le vertige au cerveau et la défaillance au cœur. » Nous aimons à croire que M. Auguez a trop de bon sens pour se laisser éblouir par la vastitude d’un éloge aussi colossal. Il a voulu faire ressortir les avantages de la foi religieuse, exalter la supériorité du christianisme qui doit inspi-

BIBLIOGRAPHIE.

rer le philosophe, le savant, l’artiste, le médecin ; et il prophétise à l’humanité les plus brillantes destinées quand ces Élus de C Avenir, pénétrés de l'enseignement chrétien , seront à la hauteur de leur noble mission. 11 n'y a là rien de bien neuf ni de bien concluant; ce sont des aspirations poétiques plutôt que des démonstrations ; et l'auteur semble même plus préoccupé du soin d’arrondir des phrases harmonieuses que de celui de présenter de solides arguments. Il est tellement pénétré de son sujet, qu’il ne paraît pas même s’inquiéter si ses assertions devront être acceptées du lecteur ; et pourtant il ne peut ignorer que sa thèse a donné lieu à de nombreuses et laborieuses discussions; que des écrivains du plus haut mérite ont combattu les affirmations qu’il pose comme des axiomes ; qu’après des débats aussi animés, on peut regarder le procès comme non encore jugé sans appel, et qu’il ne suffit pas de quelques paroles tranchantes pour mettre fin à la lutte et décider la victoire.

Nous ne pouvons le suivre dans ses considérations sur la religion : obligé de nous renfermer dans notre spécialité, nous ne nous occuperons que de ce qui concerne le magnétisme.

Ceux qui traitent du magnétisme ou qui s'en entretiennent, savent de quoi il s’agit, bien qu’ils ne soient pas toujours d'accord sur les limites de ce qu’ils appellent ainsi ; mais ce qu’on exprime par ce mot, est, nous devons le reconnaître, quelque chose de peu précis; il est donc extrêmement difficile de le définir. Aussi la plupart des auteurs, après avoir écrit de gros volumes sur cette matière, n'ont pas osé donner de définition. M. Auguez a cru pouvoir en donner deux, une de lui-même, et l’autre de M. Delaage. D'après celui-ci, le magnétisme est une émanation de nom-même dirigée par la volonté. Il est clair que cette définition est beaucoup trop large et a le tort de s’appliquer à une infinité de choses étrangères au magnétisme. Par exemple, quand par notre volonté nous dirigeons sur quelqu’un ou sur quelque chose une excrétion quelconque, il n’y a là rien de magnétique. — Voici la définition de M. Auguez ; « Le

magnétisme animal est une manifestation passagère de la domination originelle de l’homme sur la matière, un retour d’un instant à la royauté adamique du passé, un avant-goût de la royauté chrétienne de l’avenir. » Voici comment il développe son idée de chute : « Depuis la fin mystérieuse de la période adamique, l’humanité proscrite travaille sans relâche s’affranchir des maux et des erreurs, suite d’une chute, d'une dégradation dont la cause certainement prévue, peut-être même amenée par une combinaison cachée de la Providence , est, sans nul doute, la matérialisation que l’homme fit subir à son essence en transportant la vie de son âme dans les membres et dans les organes de son corps. »

Quand on veut élucider une question scientifique, on devrait s’appuyer sur l’observation et le raisonnement, et non sur des rêveries fantastiques ou sur des traditions mythologiques. Rien n’est moins démontré que la déchéance de l’homme. L’histoire nous enseigne au contraire qu’il n’a cessé de se perfectionner, de développer ses facultés, d’é-tendre son empire sur la nature, et que son point de départ a été la sauvagerie qui est encore l’état des peuples restés en dehors du mouvement général. L’homme civilisé n’a rien à envier à l’homme primitif, et, comme l’a dit Fourier, F Age d or, que l’ignorance plaçait dans son passé, est réservé à son avenir et sera le couronnement de ses travaux séculaires. Laissons à la théologie à expliquer les premiers chapitres de la Genèse dans lesquels plusieurs Pères, et notamment Origène, n’ont vu que des allégories morales et non des réci's faits pour être pris à la lettre. En s’en tenant même aux textes sacrés, on ne voit aucunement que l’homme, avant sa sortie de l’Éden , ait joui de facultés supérieures à celles qu’il possède actuellement, et spécialement ait été investi d’un pouvoir magnétique. L’assertion de l’auteur à ce sujet est donc purement gratuite et ne repose sur aucun fondement. C’est un jeu d’imagination, un caprice auquel on ne peut attacher aucune importance. Il est même à remarquer qu’il fait bon marché de l’autorité des livres saints.

Car, d’après la Genèse, la faute qui a été cause de la chute a consisté à enfreindre la défense qui lui avait été faite de goûter «lu fruit de l’arbre de la science du bien et du mal; ainsi, bien que la désobéissance fût coupable, du moins le mobile qui l’a porté à commettre cette faute était une noble ambition, la soif immodérée de la science. M. Auguez, au contraire, arrange très-librement la tradition en supposant que la cause de la chute fut la malériafisnlion que ¡'homme fit subir, etc. 11 se joue également de la science et de la religion, et il ne se donne pas le moins du monde la peine de justifier ce qu’il avance. — Enfin, même en admettant comme vrai son roman humanitaire, il n’aurait pas réussi à nous donner une idée exacte du magnétisme en uous disant que c'est un retour à la royauté adamique, puisqu’il ne nous explique pas en quoi consistait cette royauté. La domination de l’homme sur la matière s’exerce actuellement par l’industrie ; sa définition ne nous dit pas si dans Ja période adamique, il existait une domination d’un autre genre et quels en étaient les caractères. Sa définition, loin d'éclairer la question, n’est propre qu'à l'embrouiller.

M. Auguez professe, sur la cause du mal physique, un système fort étrange : « Nous ne craignons pas de soutenir, dit-il, conformément à l'opinion des fondateurs de notre sainte religion, que les faiblesses et les maladies de l’âme sont l’unique cause des faiblesses et des maladies du corps. La santé, qui n’est que l’égale répartition du fluide vital dans les différents membres de l’individu, devient impossible pour lui lorsque son organisaition physique se trouve sous la dépendance d’une âme que souillent l’incroyance et le vide. Si l’on remontait à l’origine de chacune des perturbations que l’on remarque dans une organisation malade, on y constaterait infailliblement l’action d'un ou de plusieurs des sept péchés capitaux. Entre sainteté et santé, entre péché et maladie, entre croyance et guérison , nous ne trouvons aucune différence. » U est dans l’erreur en attribuant au christianisme cette doctrine dont on ne trouve aucune trace, ni dans l’Écriture sainte, ni dans l’enseignement de l’Église.

L’Évangile y est même contraire : car on voil dans saint Jean (ch. ix) qu’à propos d’un aveugle de naissance, les disciples de Jésus lui demandèrent si cette infirmité avait pour cause les péchés de cet homme ou de ses parents ; Jésus leur répondit que ce n’était ni l’un ni l’autre. La religion enseigne que ce n’est pas en ce monde terrestre que l’homme de bien doit attendre la récompense de ses bonnes œuvres, que souvent il y sera exposé aux épreuves les plus pénibles, que son attachement à la vertu peut lui coûter sa fortune, sa réputation, sa santé, sa vie môme, et que c’est dans un monde supérieur qu’il trouvera le prix de ses sacrifices. En fait, quoi de plus commun que de voir des gens très-croyants et très-charitables, accablés de maladies et d’infirmités, pendant que d’affreux coquins jouissent d’une santé inaltérable ? Quand la sœur de charité se consume en veillant auprès des malades, quand elle est atteinte par la peste ou le typhus, et succombe victime de son dévouement héroïque, l’égoïste sait se préserver en fuyant le foyer de la contagion. Qui osera dire alors que les souffrances et la mort de l’une, que le salut physique de l’autre sont la rétribution proportionnelle de leur moralité?..... Et pourtant l’erreur de

l’auteur vient d’une fausse application d’une grande vérité qu’il a reconnue , c’est « qu’il existe entre l’homme et la matière sur laquelle il a reçu le don d’exercer une souveraineté toute-puissante, une véritable solidarité de bonne ou de mauvaise direction. » Oui, sans doute, l’homme est appelé à façonner, à embellir et améliorer le globe terrestre dont les progrès sont liés aux siens , et, suivant qu’il s’acquitte plus ou moins bien de cette tâche, l’état physique et moral du genre humain sera plus ou moins florissant; mais, outre cette solidarité, il en existe une entre tous les membres de la grande famille humaine, qui, malgré leur inégalité de développement, participent tous au mouvement général de l’ensemble, de sorte que les fautes des uns influent sur les autres et retardent leur marche ; la réversibilité admise par l’Église pour les bonnes actions existe aussi pour les mauvaises ; il en résulte que nul ne peut faire

isolément son salut, et qu’on ne peut se sauver qu’en travaillant â l’amélioration de ses semblables.

M. Auguez fait une pompeuse apologie de l’application du magnétisme à la thérapeutique ; ce sera là, suivant lui, la médecine de l’avenir ; par là «. L’homme fera rayonner sa vie sur ceux de ses frères qui, moins parfaits que lui, sont en butte aux atteintes du mal et de la douleur. C’est de cette manière que guérissaient Jésus et ses disciples qui apportèrent au monde nouveau le seul mode de guérison universel, direct et certain, en rendant la vie à l’enveloppe matérielle de la créature par l’effusion sur elle du principe de vie dont elle émane. Aussi Jésus et ses apôtres ont-ils été les plus grands des médecins anciens et modernes. »

Il y a là deux contradictions manifestes que nous sommes obligé de relever. L’auteur, à deux pages de distance, reconnaît que la science du magnétisme se perd dans la nuit des temps, qu’elle a été connue des prêtres de presque toutes les religions primitives, et que sous divers noms, elle était pratiquée chez les Hébreux, chez les Assyriens, chez les Égyptiens, chez les Grecs et même chez les peuples moins civilisés de l’Asie indienne où les sectateurs de Brama la pratiquent encore de nos jours. » Puisque le magnétisme était généralement connu et pratiqué dès la plus haute antiquité, on ne peut donc en attribuer l’introduction au christianisme. Bien plus, on peut dire que la période chrétienne a amené le déclin et l’oubli du magnétisme. En effet, chez les nations païennes, le magnétisme et le somnambulisme ont été, comme le constate l’auteur, d’un usage constant et général, ont vécu sous les auspices de la religion et ont eu les prêtres pour principaux adeptes. Chez les nations chrétiennes, au contraire, on ne voit rien de semblable ; aussitôt après la fin de l’ère apostolique, toute trace de magnétisme disparaît ; la recommandation de guérir par l’imposition des mains n’est plus qu’une lettre morte ou comme le souvenir de merveilles exceptionnelles, accomplies en dehors du cours ordinaire des lois qui régissent l’humanité; les hommes qui, de loin en loin, exécutent des œuvres transcendantes,

sont traités de sorciers, flétris et poursuivis comme coupables de commerce avec les esprits infernaux; l’Église actuelle voit d’un très-mauvais œil le magnétisme, et l'on ne peut invoquer la bienveillance de certains ecclésiastiques qui, îtcet égard, ont montré un certain courage en luttant contre l’esprit général du clergé ; enfin leur opinion individuelle ne peut être mise dans la balance avec l’autorité de la sacrée Pénitencerie de Rome qui, consultée par l’évêque de Lauzannc sur la légitimité du magnétisme et du somnambulisme, a répondu, le 1" juillet 1841, par un décret de prohibition (1). Comment donc pourrait-on soutenir sérieusement que c’est au christianisme que le monde est redevable du

magnétisme ?...

Notre auteur, comme s’il prenait à tâche de se contredire à chaque page, examine si les guérisons évangéliques et apostoliques étaient dues à l’action du magnétisme; il repousse l’affirmative comme un horrible blasphème, et il cite à ce sujet une déclamation ronflante de M. Delaage. Ces messieurs devraient pourtant tâcher de se mettre d’accord avec eux-mêmes. Si, comme ils le disent, Jésus et ses apôtres ont été de sublimes médecins, s'ils ont doté l'humanité de la médecine de l'avenir, si le magnétisme curatif est un des mille bienfaits apportés sur la terre par le Sauveur des hommes (page 151), pourquoi sera-t-il interdit de ranger les auteurs de ces travaux au nombre des grands magnétiseurs, et comment ce qui est une vérité sous la plume de MM. Au-guez et Delaage, sera-t-il une erreur coupable sous celle de tel philosophe allemand ou français?... C’est une inconséquence que nous ne nous chargeons pas d’expliquer.

Quant à la question en elle-même, nous voudrions au préalable qu'on se rappelât un peu la fameuse histoire de la dent d'or, et qu'on vérifiât authentiquement et scientifiquement les faits sur lesquels on veut discuter. Un magnétiste

(1) Cette pièce se trouve dans un 'grand nombre d'ouvrages. Voyei notamment : Lettres sur le Magnétisme, par Ricard, lettre II; Dictionnaire de Théologie, de Borgier, nouvelle édition, v" Magnétisme animal.

fort estimable, enchanté de la superbe relation donnée par M. (.auvain,dans le Constitutionnel, du miracle de la liquéfaction du sang de saint Janvier, cherchait à l’expliquer par l’action magnétique des prêtres et des fidèles. Je lui fis observer qu'il était indispensable, avant tout, de s’assurer si le contenu des fioles est bien du sang ; car si ce n’était par hasard qu’une graisse fusible à la température de la main, il n’y aurait qu’un phénomène physique des plus simples, et il n’y aurait pas lieu de se creuser la tête pour décider si la force des volontés combinées suffît, sans aucun agent matériel, pour opérer sur la matière inerte. On a fait, en tout temps, de volumineuses dissertations pour expliquer certains faits merveilleux dont il aurait fallu commencer par établir la réalité.

Ces réserves faites, nous pouvons examiner les arguments de M. Delaage, en observant que, comme il ne s’agit pas ici de théologie, toute liberté doit être laissée à la discussion philosophique. On allègue comme caractère distinctif de certaines cures Y instantanéité, ce qui doit, nous dit-on, les placer à une distance incommensurable au-dessus des opérations magnétiques. La durée du temps nécessaire pour obtenir un effet magnétique dépend de nombreuses circonstances, notamment de la puissance de l’opérateur et de l’impressionnabilité du sujet. Les annales du magnétisme offrent de nombreux exemples d’action instantanée; souvent il arrive qu’à peine le magnétiseur a commencé à agir, le malade est délivré d’une oppression ou éprouve toute autre modification salutaire. Le célèbre Laforgue a bien des fois obtenu ainsi des guérisons immédiates. Les touchewrs sont renommés pour l’extrême rapidité avec laquelle ils produisent des résultats admirables, et il en a été rapporté dernièrement un exemple dans le Journal du magnétisme (n» 239) du 10 juillet. Entre une guérison qui demande deux heures et celle qui s’effectue en quelques secondes, il D’y a qu’une différence de degré ; et si l’on doit regarder comme doué d'une puissance supérieure celui qui réussit dans le moins de temps, comme en définitive cette supériorité

est mesurable, il ne s’ensuivra aucunement qu’il y ait entre lui et ceux qui ont besoin d'un temps double , triple, décuple , etc., la distance qui sépare Dieu de l’homme, l’infini du fini. I)e ce qu’un homme s’élèvera à un degré que je ne puis atteindre, je conclurai qu’il possède des facultés plus élevées que les miennes, mais je ne pourrai conclure, ni qu’il est plus qu'un homme, ni que ce qu’il fait soit contraire aux lois de la nature.

Le second argument est plus difficile à saisir. « Magnétiser, dit M. Delaage, c’est faire rayonner son individualité, afin del’infiltrer dans les veines d’un autre; c’est inoculer son essence vitale dans les membres de son sujet; chaque homme a un rayonnement spécialisé par son individualité, et ce rayonnement possède une vertu d’une bienfaisance d’autant plus puissante que l’homme est plus vertueux. » D’où il conclut que les guérisons évangéliques manifestent une personnalité divine... (’.’est là le coup de massue réservé pour terrasser ses contradicteurs. En définitive, ce n’est que la reproduction, en d’autres termes, des raisonnements auxquels nous avons déjà répondu. M. Delaage s’empresse de détruire ce qu’il vient d’édifier, en ajoutant : « Plus l'homme se rapprochera de Dieu par l'amour et la prière, plus il attirera en lui cette grâce sanctifiante qui plaît, charme et guérit. » Donc les œuvres qu'il accomplira ainsi, sont de même nature que celles auxquelles on les compare. M. Augue/est tellement enchanté du concours que vient de lui prêter son ami,... qu’il n’a rien de plus pressé que de démolir sa preuve en disant que si les magnétistes pratiquent convenablement leur science, ils feront des miracles dont personne ne contestera l'importance et C utilité, u puisqu’ils auront pour résultat de rendre à ceux qui ont eu le malheur de le perdre le plus désirable de tous les biens, la santé.» Donc les guérisons opérées actuellement par le m ignétisine sont semblables aux anciennes ; donc il suffit d'une individualité humaine. Au surplus, les dernières paroles que nous venons de citer sont conformes à l’Évangile où Jésus dit : « Celui

qui croira, fera ries choses pareilles anx miennes, et de plus grandes encore. » (S. Jean, xiv, 12.)

En résumé, le livre de M. Auguez contient un chaleureux et éloquent plaidoyer en faveur du magnétisme. Quant au reste, on ne peut guère le regarder que comme l'essai d'un jeune homme qui fait plus de cas de la forme que du fond et qui était impatient de faire ses premières armes. Quand il aura étudié avec plus de maturité les sujets importants dont il a déjà entretenu le public, nous sommes persuadé qu’il pourra enrichir la science et la littérature d’ouvrages d’une haute valeur.

a. s. MORIN.

NÉCROLOGIE.

Le jury magnétique vient de perdre un de ses membres les plus éminents, M. François Orioli, de Rome, docteur en médecine, professeur d’archéologie à l’université de Rome, conseiller d’Etat, membre correspondant de l’institut de France, etc. C’était un savant distingué et un travailleur infatigable. Malgré les fonctions importantes dont il était chargé, il sut trouver assez de loisir pour s’occuper du magnétisme animal ; il apporta dans cette étude l’esprit d’observation et la sagacité dont il avait fait preuve dans ses recherches scientifiques ; il voulut, pour se convaincre, des faits parfaitement constatés. Aussi son adhésion, fruit de nombreuses expériences, n’en fut que plus précieuse pour notre cause, qui peut, à juste titre, s’enorgueillir d’avoir compté un tel partisan. Quand son grand âge ne lui permit plus de prendre à la lutte une part active, il suivit encore avec intérêt les discussions ardentes auxquelles le magnétisme ne cessa de donner lieu, et sa parole vénérée conti-

nua d'encourager les jeunes athlètes chargés de poursuivre la lutte, et qu’il aimait à soutenir de ses conseils. 11 accepta avec reconnaissance le titre de membre du jury ; et, dans sa lettre de remercîments, il exprima combien il appréciait cette institution à laquelle il déclarait s’associer de tous ses

A.S.M.

Nous recevons le prospectus d’un nouveau journal qui nous promet un organe de plus pour le magnétisme. Le rédacteur en chef est M. le docteur Cornet, dont on connaît les spirituelles productions et la verve caustique. L’Ane savant, tel est le titre que portera son journal ; il parlera un peu de tout, et de bien d’autres choses encore, telles que la science des ânes et les âneries des savants. Nous souhaitons cordialement le succès du uouvel arrivant.

Baron DU POTET.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

LUCIDITÉ, PHÉNOMÈNES MERVEILLEUX.

Nous extrayons les récits suivants de la correspondance de notre ami M. Jos. Barthet, de la Nouvelle-Orléans, dont la véracité est bien connue :

« Une dame qui ne parle que l’anglais, qui n’est jamais sortie de son pays, qui ne me connaît que depuis quelques mois pour s’être trouvée avec moi dans des réunions de spiritualités, qui n’a jamais pu entendre prononcer le nom de ma mère, ni rien savoir sur ma famille, se trouva indisposée. Un médium lui ayant conseillé le magnétisme, elle réclama mes soins. Je lui donnai une première séance dans son salon, eu présence de sa fdle. Il ne se passa rien de remarquable , si ce n’est un peu de somnolence. Après trois quarts d’heure ou environ, je l’engageai à monter à sa chambre et à se reposer, recommandant à sa fille de veiller à ce qu’elle ne fût pas dérangée.

« Le lendemain, je trouvai la patiente peu disposée à recommencer, parce qu'à la suite de la première magnétisation, elle avait dormi cinq heures, et qu’elle avait à travailler pour ses enfants. Elle finit cependant par se laisser persuader, et je la magnétisai comme la veille. Après une demi-heure environ, elle ne dormait point, quoiqu’elle fermât les yeux de temps en temps ; elle rompit tout à coup le silence en me disant : Est-ce que votre mère ne s’appelait pas M*** ? — En effet, c’était son nom , répondis-je. — Elle est ici. — Cela se peut. — Elle y était aussi hier. — Comment cela ? — Quand vous m’eûtes dit de monter à ma chambre et que je fus arrivée au pied de l’escalier, je crus

que je no pourrais pas le franchir, tant je le voyais encombré de monde. Mais une dame vint me prendre par la main et me conduisit. Elle me dit son nom sans rien ajouter; mais je sentis que ce devait être votre mère. — Où la voyez-vous ? — Là, contre votre épaule. Elle est de la (aille de M™ 11. — C’était à peu près cela. — Elle me paraît âgée de quarante-cinq ans. — Elle les avait quand je la vis la dernière fois, et il y a de cela plus de trente ans. — Mais elle ne parle donc pas.l’anglais ? — Elle n’en savait pas un mot. _ C’est donc cela que je ne comprends pas ses paroles, et pourtant je sais ce qu’elle me dit. — Vous saisissez ses idées qu’ensuite vous exprimez dans votre langue. —Vous avez un frère? — Oui. — C’est ce que me dit votre mère.

« J’étais tout à ce que je faisais, et il n’est pas probable que tous ces renseignements, et bien d’autres, aient été puisés en moi-mème. Je ne puis pas douter que le médium ne vît ma mère qu’elle dépeignait si bien, dont elle me disait le nom, et qu’elle entendait parler de mon frère unique, bien que, dans ces deux séances, ma pensée n’ait été aucunement dirigée vers le souvenir de ma mère morte depuis près de douze ans, ni sur mon frère éloigné. 11 est d ailleurs bien certain que ces choses n’étaient point tenues à la connaissance du médium par les moyens ordinaires d information.

« Cette dame ne dormait pas. Depuis, elle a souvent écrit mécaniquement et par inspiration. 11 lui arrive parfois de voir beaucoup de personnes invisibles pour nous; elle les entend parler et les comprend, même lorsqu’elles ne s’expriment que par signes, ce qui a lieu quelquefois.

« Elle est de temps en temps entransée, et alors elle va et vient, les yeux fermés ou parfois ouverts; elle voit, écrit, parle , et de retour h l’état ordinaire, elle n’a aucun souvenir. C’est une espèce de somnambulisme naturel ; mais quelquefois elle se rappelle plus ou moins bien ce qu'elle a vu,

entendu, dit ou fait.

« Le Christian Spiritualist, dans son numéro du 1" novembre, raconte une conversion des plus piquantes à la

cause du spiritualisme, c'est celle de l’archevêque de Caracas (Venezuela). Ce prélat venait de dresser une lettre pastorale qu’il se disposait à distribuer à ses diocésains, et ordonnant une espèce de croisade contre la doctrine nouvelle qu’il dénonçait comme une œuvre diabolique. Un juif allemand , qui demeurait près et en vue de l’archevêché , s’occupait aussi des esprits à sa manière. Il était à son guéridon, et se sentit entransè; il sortit dans la rue et se mit à invoquer Jésus et la Vierge , parlant en très-bon espagnol, langue qu’il connaît fort mal dans son état ordinaire. Les passants attroupés disaient qu’il était fou ; mais l’archevêque observait du haut de son balcon, et il prenait un intérêt extraordinaire à tout ce qui se passait. Il manda le juif chez lui, eut avec lui un long entretien, h la suite duquel il remit l'épée dans le fourreau ; la terrible encyclique ne fut pas publiée.

...... « Le Journal du Magnétisme a publié des relations

des phénomènes curieux qui se passent dans les spirit-rooms (chambres aux esprits), notamment chez M. Koons, où , entre autres choses, des instruments de musique sont mis en mouvement et exécutent des airs sans agent visible. Comme ces faits ont lieu habituellement dans l’obscurité, cette circonstance a laissé des doutes dans l’esprit de beaucoup de personnes, malgré les témoignages nombreux et imposants qui ont eu lieu sur ce sujet. Quelques incrédules demandaient ce qu’il adviendrait si la lumière, survenaut tout il coup , permettait de surprendre les phénomènes : ce serait, disait-on, un moyen de découvrir les stratagèmes, s’il y en avait, et, en tout cas, de pénétrer plus avant dans la connaissance de ces faits mystérieux. L’expérience vient d avoir lieu. Le Spiritual Telegrapk du 1" novembre dernier renferme une longue lettre de M. Ch. W. Cathcart, ancien membre du congrès, homme fort recommandable, qui nous raconte comment il a été amené à s’occuper de spiritualisme. Il était fort incrédule sur cette matière; mais, cédant à la sollicitation de plusieurs amis, il consentit à Être témoin de quelques séances : puis il prit part aux es -

sais, il obtint des résultats merveilleux, il observa avec soin et chercha à bien se rendre compte de tout ce qui sc passait. Enfin, admis dans la chambre aux esprits, il se munit en secret d’un appareil chimique dont il donne la description. Les lumières étant éteintes, 011 entendit sonner d'une trompette et battre d’une caisse. Alors M. Gathcart alluma brusquement son appareil qui inonda de lumière 1 appartement. A la stupéfaction des membres de l’assemblée, 011 vit la baguette continuer à battre la caisse comme si elle eût été tenue et conduite d’en haut par uuc main, tout le monde en étant éloigné d’au moins huit pieds. La baguette, après avoir frappé quelques coups, s’éleva plus haut, descendit ensuite en décrivant lentement une courbe, et vint se poser sur l’épaule de miss Poston. L’auteur de la narration déclare qu’il a interrogé dix-sept des personnes présentes, et que toutes ont déclaré avoir vu la même chose. M. Catli-cart, entièrement satisfait, est devenu un sectateur fervent du spiritualisme. Bien des incrédules disaient fiat lux. On peut leur dire, au propre comme au figuré, lux fada est. »

« A l’une de nos séances dernières , un étranger vint déposer sur la table du médium une enveloppe cachetée, sur lacuelle était un petit papier plié. Personne n’y touche; l’étranger s’éloigne de plusieurs pas. Les mains du médium agitent un instant la lettre, puis la droite saisit un crayon et écrit ces mots : Cette malade peut être soulagée, mais non guérie, à cause de son grand âge : on peut employer... (cé-tait une prescription). Le petit papier fut alors ouvert ; il contenait ces mots : La malade, dont les cheveux sont dans cette enveloppe, peut-elle être guérie? Et l’étranger nous dit ensuite que la malade, qui habite un autre Etat, a

quatre-vingt-cinq ans.

, A cette même séance, un autre médium fit uu long ei beau discours; il s’éleva avec force contre les hommes qui se disent seuls religieux , seuls vrais chrétiens , et qui re-poussentle spiritualisme ; il leur reprochade ne pas être le véritables disciples du Christ et offrit de le prouver. Il appela le passage de l’Evangile où il est dit que ceux qui «01-

ront, saisiront des serpents vénimeux et n’en éprouveront aucun mal (Marc, xvi, 17, 18). Il proposa d'appeler les pré-dicatcun orthodoxes à entrer en lice avec les médiums ; l’expérience consistera à manier des serpents à sonnette ceux qui le feront impunément, seront réputés disciples du Christ. Nous attendons avec impatience l’issue de ce défi.

. Le journal C Express, de Terre-Haute ( Indiana) , contient une anecdote intéressante que plusieurs autres journaux ont reproduite. Un Monsieur de cette ville se rendit à Cincinnati il y a quelques jours. Quand il voulut retourner chez lui, il manqua le paquebot et ne put par conséquent joindre sa famille avant deux jours. Tourmenté de l’inquiétude qu’il allait occasionner, il se rendit chez un ami où il rencontra un spiritualiste de l’Etat de New-York, auquel il témoigna son embarras, ajoutant qu’il y avait à Terre-Haute un médium dont il voudrait bien pouvoir employer le ministère de manière à faire savoir chez lui qu’il était retenu et qu’il ne reviendrait que lundi. Après quelques instants, le spiritualiste lui dit que le message était parti. Peu d’instants après que cela se passait à Cincinnati, le médium de Terre-Haute (comme on l’a su depuis) se rendit auprès de la famille du Monsieur absent et rapporta précisément ce qui venait d’être dit à Cincinnati.

« J. BARTHET. »

LES TABLES TOURNANTES ET PARLANTES.

A Monsieur Durai de Fraville.

Mon cher Condisciple,

Vous me demandez mon opinion sur les faits étranges qui se passent dans votre château de Condes, au sujet des tables parlantes : je suis à même de vous satisfaire et peut-être de vous convaincre, si tant est qu’un homme convaincu par l’expérience répétée, vérifiée et contrôlée, puisse inspirer plus de confiance que les colporteurs de traditions, qui ne peuvent invoquer les bénéfices de l’expérimentation directe et surtout désintéressée ; retenez bien ceci.

Il n’y a dans les tables ni esprits, ni revenants, ni anges , ni démons ; mais il y a de tout cela si vous voulez, quand vous voulez et comme vous voulez, puisque cela dépend de votre imaginative, de votre tempérament, de vos croyances intimes, anciennes ou nouvelles.

La mensambulance n’est qu’un phénomène mal observe par les anciens, incompris des modernes, mais parfaitement naturel, qui touche à la physique d’une part et à la psychique de l’autre ; mais il était incompréhensible avant la découverte de l’électricité et de 1*héliographie, parce que, pour expliquer un fait de l’ordre spirituel, nous sommes obligés de nous appuyer sur le fait correspondant de 1 orore matériel, comme les anciens poètes le faisaient par comparaisons, et les prophètes par des paraboles.

Or vous savez que le daguerréotype a non seulemen faculté d’agir d’après les objets, mais aussi d’après1 image des objets; eh bien! le phénomène en question, qui

s’appeler la photographie mentale, ne reproduit pas seulement les réalités, mais aussi les rêves de notre imagination, avec une telle fidélité que nous y sommes trompés et que nous ne pouvons distinguer une copie prise sur le vif d’une épreuve prise sur l'image.

Celte photographie mentale, direz-vous, est une chose bien extraordinaire, bien merveilleuse; —on en a dit autant de la photographie ordinaire, puis on s’y est familiarisé ; il en sera de même de la nouvelle découverte; on s’y habituera, et chacun vérifiera en faisant des tables, comme on fait du daguerréotype, les uns bien , les autres mal; car il faut, pour réussir, un ensemble de précautions et de conditions indispensables au succès. Le premier maladroit, le premier étourdi venu n’est pas plus en état d’obtenir une bonne épreuve d’un côté que de l’autre.

La magnétisation d’un guéridon , d’un animal ou d’une personne , est absolument la même chose , et les résultats sont identiques ; c’est l’envahissement d’un corps étranger par l’électricité vitale intelligente ou la pensée du magnétiseur et des assistants. Rien ne peut donner une idée plus juste et plus facile à saisir que la machine électrique condensant le fluide sur son conducteur pour en obtenir une force brutale qui se manifeste par des éclats, de la lumière. Ainsi, l’électricité accumulée sur un corps isolé acquiert une puissance de réaction égale à l’action, soit pour aimanter, soit pour décomposer, soit pour enflammer, soit pour envoyer ses vibrations au loin. Ce sont là des effets sensibles de l’électricité brute produite par des éléments bruts ; mais il y a évidemment une électricité correspondante produite par la pile cérébrale de l’homme ; cette électricité de l’âme, cet éther spirituel et universel, qui est le milieu ambiant de l’univers métaphysique et incorporel, a besoin d’être étudié avant d’être admis par la science qui ne connaîtra rien du grand phénomène de la vie avant cela.

L'électricité cérébrale, qui n’est plus pour moi et mes collaborateurs à l’état d’hypothèse, a besoin, pour se manifester à nos sens, du secours de l'électricité statique ordi-

naire.de sorte que si celle-ci manque, quand l’air est très-humide par exemple, on ne peut obtenir aucun mouvement des tables qui vous disent clairement le lendemain ce qui leur manquait la veille.

L’intelligence d’une table actionnée est le résumé, ou, si vous voulez, le reflet de l’intelligence des personnes qui l’actionnent, 011 peut môme dire de tout un salon attentif et en harmonie de sentiments et de croyances ; d’autres fois, ce D’est que la répercussion des idées d’une seule personne influente par sa volonté, qui peut môme paralyser ou activer de loin le guéridon et lui imposer tel ordre d’idées qui lui plaît.

Il n’est nullement besoin que les idées soient nettement dessinées dans le cerveau des personnes ; la table les découvre et les formule d’elle-mème en prose ou en vers et toujours en termes propres; elle demande souvent du temps pour remplir certains bouts-rimés ; elle commence un vers, le rature, le corrige ou le retourne à notre instar ; elle joue, plaisante et rit avec nous, comme le ferait un interlocuteur bien élevé. Si les personnes sont sympathiques et bienveillantes les unes pour les autres, elle se met au ton général de la conversation, c’est l’esprit du foyer; mais si on lui demande une épigramme contre une personne absente, elle emporte la pièce. Quant aux choses du monde extérieur, elle en est aux conjectures comme nous : elle compose ses petits systèmes philosophiques , les discute et les soutient comme un rhéteur des plus retors. En un mot, elle se forme une conscience et une raison à elle avec les matériaux qu’elle trouve en nous.

Tout cela nous paraîtra 'bien bizarre, bien incroyable j mais après vérification vous en arriverez là comme nous.

Les Américains sont persuadés que ce sont des morts qui reviennent, d’autres que ce sont des esprits, d’autres des démons, d’autres des anges ; et il arrive précisément à chaque groupe le reflet de sa croyance, de 'sa conviction préconçue. Ainsi les initiés des temples de Sérapis, de Delphe, des Branchides et autres établissements de ce genre, étaient-

ils bien convaincus d’avance qu’ils allaient entrer en communication avec les dieux adorés dans chaque sanctuaire, ce qui ne manquait pas d’avoir lieu.

A nous qui savons la valeur réelle du phénomène , il ne nous arrive aucune chose que nous ne puissions expliquer sans peine d’après nos principes ; nous sommes parfaitement sûrs qu’après avoir chargé un guéridon de notre fluide magnétique, nous avons créé une intelligence analogue à la nôtre, qui jouit comme nous de son libre arbitre et peut converser avec nous, discuter avec nous, avec un degré de lucidité supérieur, attendu que la résultante est plus forte que l’unité, le tout plus grand que la partie.

La meilleure condition est d’avoir pour collaborateurs llui-diques des enfants sans influence mentale, c’est à peu près comme si vous étiez seul en présence de votre conscience et en conversation intime avec vous-même, sauf que le raisonneur éphémère formule ce qui n’était qu’à l’état de chaos ou de nébuleuse dans votre conscience. 11 n’est pas une réponse dos oracles anciens qui ne trouve son explication naturelle d’après la théorie dont nous avons la clef. Sous n’accusons plus Hérodote d’avoir radoté dans ses récits les plus étranges que nous tenons pour aussi vrais et sincères que tous les autres faits historiques consignés dans les livres de tous les écrivains du paganisme.

Le christianisme, qui avait pris à tâche de délivrer le monde de ces croyances superstitieuses dont il avait reconnu l'inanité et les dangers, sans en découvrir les causes, a eu les plus grands combats à livrer pour détruire les oracles et le sibyllisme ; il a dû employer plus que la persuasion, et l’établissement de l’inquisition n’a pas eu d’autre but; lisez Ammien Marcellin et les violences des premiers empereurs chrétiens contre les consulteure de tables, et les sermons de Tertullien contre ceux qui interrogeaient capellas et mensas.

H n’a pas fallu moins de dix-sept siècles et demi pour avoir raison des sorciers par le1 fer et le feu. Les derniers survivants furent Urbain Grandier et Gagliostro ; mais 16 phénomène étant naturel, renaissait tantôt sous la-forme des

trembleurs de saint Médard, tantôt sous celle des hallucinés de saint Paris, dont Talleyrand, dans sa jeunesse, a constaté la réalité eu crucifiant une femme avec l'abbé de La-vauguillon sans lui faire de mal. Enfin Mesmer est venu.

Ce phénomène est aussi ancien que l’homme, puisqu’il lui est inhérent. Les prêtres de l’Inde et de la Chine l’ont pratiqué avant les Egyptiens et les Grecs. Les sauvages et les Esquimaux le connaissent, c’est le phénomène de. la foi, source de tous prodiges ; quand la foi s'affaiblit, les miracles disparaissent. Celui qui a dit : avec la foi, on transporte des montagnes, ne s’étonnerait pas qu’on soulevât un guéridon. Avec la foi, le magnétiseur enlève un rhumatisme, et les bergers de la Campanie obtenaient du pied de leur chèvre , comme nous obtenons du pied de nos tables , des réponses analogues aux croyances intimes des interrogateurs aussi étonnés de voir formuler leurs pensées, leurs instincts et leurs sentiments, que le sauvage est étonné de voir refléter sa figure dans une glace de Saint-Gobin. Les plus mal partagés sont ceux qui croient causer avec le démon, et ne causent qu’avec un miroir, lequel répercute leurs rêves et quelquefois l’état de leur conscience.

t L'homme, en se regardant au miroir de la table,

« S'y voit si laid, qu'il se prend pour le diable.

Plus il y a de croyants réunis par une foi quelconque autour d’une table, plus la pile est chargée, plus les résultats en sont puissants et merveilleux.

Les premiers chrétiens rassemblés autour de la sainte table pour communier en Dieq, voyaient Dieu comme ceux qui ont foi en la magie et la sorcellerie voient des enchantements et de la sorcellerie partout. Les hôtes du festin de Balthasar ont vu sur les murailles la menace née dans leur conscience contre l’auteur de pareilles orgies, et rien de plus. Cçux qui croient aux apparitions des revenants, à des taches phosphorescentes, à des bruits étranges, sont également servis selon leurs idées, car il est fait à chacun selon sa foi.

Celui qui a prononcé ces profondes paroles était bien le Verbe incarné: il ne se trompait pas et ne voulait pas tromper les autres ; il disait alors la vérité que nous ne faisons que répéter ici, sans plus espérer qu’on l’accepte.

L’homme est un microcosme 011 petit monde ; il porte en lui un fragment du grand tout à l’état chaotique. La tâche de ce petit dieu est de débrouiller la part qui lui est échue par un travail mental et matériel incessant. 11 a sa corvée à remplir par l'invention perpétuelle de nouveaux produits, de nouvelles moralités, et la mise en ordre des matériaux bruts et informes à lui départis par le Créateur qui l’a créé à son image, pour créer il son tour et compléter l’œuvre de la création, œuvre immense qui ne finira que quand le tout sera tellement parfait qu’il sera devenu semblable à Dieu et digne de s’unir à lui. Nous sommes bien loin de ce moment final, car on peut dire que tout est encore à faire, à refaire et à parfaire ici-bas, institutions et machines.

Mens non soliim agitai, sed créât molem.

Nous vivons dans un milieu ambiant, intellectuel, qui entretient dans les hommes et les choses une solidarité nécessaire et perpétuelle. Chaque cerveau est un ganglion, une station du télégraphe névralgique universel en rapport constant avec la station centrale et avec toutes les autres, par les vibrations de la pensée. Le soleil spirituel éclaire les âmes comme le soleil matériel éclaire les corps, car le monde est double selon la loi des couples. Le stationnaire ignorant interprète mal les dépêches divines et les rend d’une façon souvent fausse et ridicule. Il n’y a donc que l’instruction et la science qui puissent détruire les superstitions et les non-sens répandus par les ignares traducteurs placés aux stations de l’enseignement chez tous les peuples de la terre. Ces prétendus interprètes du Verbe ont toujours voulu imposer à leurs élèves l’obligation de jurer sans examen : in verba magistri.

Nous ne demanderions pas mieux, hélas ! s’ils traduisaient

exactement les voix intérieures qui ne trompent que les esprits faux. C’est à nous, disent-ils, à débrouiller les oracles du ciel, nous en avons la mission exclusive : « Spi-« rilas /Jal ubi vu/t, » et il ne souffle que sur nous, disent-ils.

11 souffle partout, et les rayons de la lumière spirituelle éclairent toutes les consciences ; mais il y a des hiboux qui fuient la lumière ; il y a aussi des corps réfringents, et beaucoup , qui sont privés de la faculté réflective. C’est la majorité, et quand tous les corps et tous les esprits réfléchiront également cette double lumière, on y verra beaucoup plus clair qu’aujourd’hui.

Or, si le monde ne doit finir que quand il aura atteint les dernières limites de la perfection, nous avons encore longtemps à vivre, au petit train qu’on y va. On dirait que l’humanité est asthmatique et que la marche l’époumonne.

Laissons les traînards sur les bords du chemin, ils auront du moins une utilité, celle de nous faire apprécier comme des bornes milliaires le chemin que nous aurons parcouru. En avant doncl Go a hcadl Voilà notre cri de guerre.

Si l'humanité, dépourvue De bons jarrets,

N'avance qu'à pas de tortue Vers- le progrès,

Cest que chaque jour elle tue Ses boni marcheurs,

Sauf à dresser quelque statue A ses sauveurs.

Voilà, mon cher condisciple, le résumé de quarante ans d’études et de pratique, sur ce que je ne puis appeler autrement que le phên&mènc de la. foi! phénomène dont j’ai entrepris de sonder les mystères regardés comme insondables à cause de leur protéisme infini.

J'aurais aimé, je l’avoue, y trouver un œil-de-bœuf ouvert sur le monde extérieur, un télégraphe spirituel entre les deux univers, un microscope pour analyser le règne aromal

et classer les invisibles, un logopliare satanique, si vous voulez.

Je me suis embarqué par curiosité, comme Fortunatus, sur tous ces océans mystérieux, où tant de navigateurs errent encore sans boussole, où tant d’autres ont fait naufrage , pour en revenir à la terre-ferme de la physiologie humaine qui n’a pas encore dit son dernier mot à nos savants , ni à nos théologiens.

J’amarre enfin ma barque pour toujours à ce solide axiome : La foi enfante des miracles ; les miracles ont enfanté déjà 062 religions, toutes véritables pour ceux qui les professent, et ne cesseront d’en enfanter que quand on adoptera celle de votre serviteur et ami, J...

Mon cher et trop hardi ami, je ne vous suivrai point dans vos explications, il me faudrait aborder le domaine spirituel et parler de l’autre monde. L’inquisition, dont je publie aujourd’hui les décrets, me fait peur. 11 est bon que je sache ce que d’abord on va faire de vous avant de me hasarder à vous fa're connaître ma pensée intime. Votre tout dévoué attendra donc un mois, et il prendra la plume pour vous répondre, si, d’ici là, vous n’ètes point brûlé.

Baron DU POTET.

NOTICE SUR JEANNE D’ARC.

Au commencement du quinzième siècle, les Anglais étaient maîtres d’une partie de la France. Charles VII, ro' faible, qui succédait à un monarque en démence, était pressé non seulement par eux, mais encore par les Bourguignons alors tout-puissants. Son armée sans discipline, ses courtisans cupides et lâches, faisaient horreur aux bourgeois et aux paysans; ceux-ci, que le sentiment religieux n'avait point abandonnés, attendaient quelques secours du ciel. Le vieux prophète Merlin avait prédit que la Vierge descendrait sur le dos du Sagittaire; et le bruit courait qu’une pucelle venant des marches de lu Lorraine, mettrait sous ses pieds les Anglais (qui se servaient encore d’arcs et de flèches).

Le pressentiment populaire fut vérifié par l’événement. Le 6 janvier 1412, Jeanne d’Arc était née à Domremy, hameau situé sur les marches de la Lorraine, près de Vaucou-leurs. Elle avait trois frères et une sœur : Jacques, Jean , Pierre et Catherine.

Jeanne d’Arc fut élevée avec un grand soin par sa mère qui avait songé , quelques jours avant la naissance de Jeanne, qu’elle accouchait d’un foudre de guerre. Ce songe avait, dans son esprit, une grande signification ; elle rêvait un avenir glorieux pour sa fille chérie qu’elle éleva avec soin.

Jeanne était aussi distinguée par son curé, homme instruit et bon Français, qui l’entretenait sans cesse des malheurs du pays. Elle allait chaque jour pcier dans l’église, puis elle passait son temps, comme les jeunes paysannes, à garder le troupeau de son père, à filer, à coudre et à aider sa mère dans les travaux de la maison.

Mais elle ne se mêlait pas aux jeux de scs compagnes, quoiqu'elle fût chérie d'elles toutes, à cause de sa douceur et de sa bonté. A un kilomètre et demi de son village se trouvait une chapelle aujourd’hui détruite, sur la côte du Bois-Chenu, et nommée XErmitage Sainte-Marie ; Jeanne s'y rendait chaque jour pour invoquer la Sainte-Vierge. « Son enfance, dit M. Henri Martin, offrait déjà ce mélange de méditation solitaire et de puissante activité, qui caractérise les êtres promis aux grandes missions (1). »

Elle parvint ainsi à l’âge de treize ans. Le récit des malheurs de la France, des campagnes dévastées, des hommes et des femmes assassinés par les Anglais et les Bourguignons, l’émouvait au point que souvent on la surprenait versant des larmes amères, et demandant à Dieu la délivrance de sa patrie (2).

Un jour qu’elle travaillait dans le jardin de son père, elle fut éblouie soudain par une vive clarté ; l’église, qu’elle apercevait, lui parut illuminée : Jeanne, tombant à genoux avec recueillement, croit entendre une voix qui lui dit : ci A« craignez rien, Jeanne, persévérez dans votre piété; votre âme est si pure que Dieu vous a jugée digne de remplir une grande mission. » Les jours suivants, elle voyait l’archange saint Michel, accompagné de deux saintes et lui disant : Partez, Jeanne, vous seule pouvez sauver ta France, Dieu vous choisit pour aller secourir te roi et délivrer votre pays; sainte Catherine et sainte Marguerite vous guideront dans cette œuvre sainte.

Ces visions duraient depuis quatre ans ; la jeune fille s’écrie enfin : Vous l'ordonnez, 6 mon Dieu, que votre volonté soit faite. Alors elle prophétisa. Un jour elle s’écria : Avant un an le roi Charles sera couronné à Reims, où l'aura conduit une jeune bergère commandant aux armées. Un autre jour, elle annonce qu’avant un an elle aura fait fuir Anglais et Bourguignons. C’était au commencement de

(1) HitI. de France, t. vi, p. 1*0.

(2) Bill, pop., par M. Huit), p. 16.

1/|28. Son père alarmé et la croyant folle, la maltraite et veut la marier ; mais Jeanne résiste à tout.

Enfin un jour elle décide son oncle, chez qui elle se trou-vait accidentellement, à la conduire chez Robert de Baudri-court qui gouvernait Vaucouleurs pour le roi de France.

« Messire, dit-elle au gouverneur, monseigneur le roi du ciel m’a envoyée vers vous afin que vous me fassiez conduire en France, au gentil Dauphin. Dieu m’a choisie pour faire lever le siège d’Orléans et faire sacrer le roi Charles VII à Reims. » Baudricourt ne lui répondit que par une injure grossière. Jeanne retourne quelque temps après vers ce gouverneur qui l’accueillit encore fort mal. Mais la jeune fdle lui ayant annoncé qu’en ce moment môme l’armée française venait d’éprouver une sanglante défaite, cette nouvelle se trouva vérifiée. D'un autre côté, deux gentilshommes confiants dans la prophétie, avaient fait des démarches près du gouvernenr qui se décida enfin à envoyer la jeune fille vers le roi.

Charles VII se trouvait alors à Chinon , fort embarrassé et se sentant incapable de secourir Orléans vivement assiégé par les Anglais. Averti de l’arrivée de la Pucelle, il la fit entrer dans sa chambre, qui était encombrée de courtisans dont la plupart avaient de plus beaux habits que les siens. Elle s’adressa d’abord au roi, et le salua avec un air modeste et respectueux ; il voulait la tromper, et lui dit : Ce n'est jjas moi; voilà le roi, en lui montrant un de ses courtisans : mais elle l’assura qu’elle le connaissait bien, quoiqu’elle ne l’eût jamais vu, et lui parla avec tant d’esprit, de hardiesse et de honne grâce, que toute la cour crut voir en elle quelque chose de divin. Elle promit hautement de délivrer Orléans, et de faire sacrer le roi à Reims ; et pour imposer une entière confiance, elle révéla au monarque des choses secrètes qu’il n’avait jamais dites à personne : u Vous sou-« vient-il, sire, lui dit-elle, que le jour de la Toussaint der-« nière, avant que de communier, vous demandâtes à Dieu

ii deux grâces : l’une de vous ôter le désir et le courage de « faire la guerre, si vous n’étiez pas légitime héritier du

« royaume ; et l'autre, de faire tomber toute sa colère sur « vous, plutôt que sur votre peuple ? »

Charles VII, étonné, crut que , pour s’assurer de la vérité , il fallait d’abord savoir si elle était puce/le. La belle-mère du roi la fit examiner, en sa présence, par des sages-femmes qui la trouvèrent vierge. Il fut même décidé qu’elle n’était pas encore sujette aux incommodités ordinaires de son sexe, quoiqu'elle eût passé l’âge où ces incommodités commencent. Après l'examen des sages-femmes, elle subit celui des docteurs. Tous conclurent que Dieu pouvait bien confier à des filles les desseins qui ordinairement ne sont exécutés que par des hommes. Le Parlement, à qui le roi renvoya l’inspirée, fut un peu plus difficile ; il la traita de folle, et osa lui demander un miracle. Jeanne lui répondit qu’elle n’en avait pas encore sous sa main ; mais qu’à Orléans elle ne manquerait pas d’en faire. Les Anglais étaient sur le point de prendre cette ville. Charles, qui, en la perdant, eût perdu sa dernière ressource, crut devoir profiter du courage d’une fille qui paraissait avoir l'enthousiasme d’une inspirée et la valeur d’un héros. Jeanne d’Arc, vêtue en homme, armée en guerrier, prend le commandement de l’armée française à qui elle communique la confiance qui l'anime. Elle marche ensuite du côté d’Orléans, y fait entrer des vivres, et y pénètre elle-même en triomphe. Uni coup dé flèche, qui lui perce l’épaule dans l’attaque d’un des forts, ne l'empêche pas d’avancer. « Il m’en coûtera, dit-elle, un peu de sang; mais ces misérables n’échapperont pas à la main de Dieu ! » Et tout de suite elle monte sur le retranchement des ennemis, et plante elle-même son étendard. Le siège d’Orléans fut bientôt levé ; les Anglais furent battus dansla Beauce ; la Pucelle se montra partout une héroïne.

La première partie de sa mission remplie, elle voulut accomplir l i seconde. Elle marcha vers Reims, y fit sacrer le roi le 17 juillet 1*29, et assista à la cérémonie, son étendard à la main. Elle voulut alors se retirer dans sa famille, disant que sa mission était remplie ; mais le roi s’y opposa et la força de rester à la tête de son armée.

Jeanne d’Arc fut blessée à l'attaque de Paris et faite prisonnière , par trahison, au siège de Compiègne, dans une sortie. Alors elle fut lâchement abandonnée par le monarque, honteux d’avoir été délivré par elle. Les prédicateurs publièrent dans toutes les paroisses qu’elle était sorcière, et l’université de Paris confirma cette imputation. Cauchon, évêque de Beauvais, vendu aux Anglais, fut chargé de la juger à Rouen, avec cinq autres prélats français, un évêque anglais, un frère prêcheur, vicaire de l’inquisition, et une cinquantaine de docteurs. Cauchon falsifia ses interrogatoires dans le procès-verbal. Il l’insulta et la fit insulter par certains prêtres. Enfin, en 1431, cette héroïne fut condamnée au bûcher « comme sorcière, devineresse, sacrilège, idolâtre, blasphémant le nom de Dieu et des Saints, désirant l'effusion du sang humain , ayant tout à fait dépouillé la pudeur de son sexe, séduisant les princes et les peuples , etc., etc. »

Jeanne parut sur le bûcher le 30 mai avec la même fermeté que sur les remparts d’Orléans. Ainsi mourut, à dix-neuf ans, cette fille sublime que nul n’égala dans les fastes de l’humanité. Elle mourut martyre, mais son sang, plus que ses exploits encore, sauva le peuple français. Elle avait prédit à tous ses juges et bourreaux une fin sinistre, et cette dernière préJiction fut encore accomplie.

Pierre d’Arc et Jean d’Arc, frères de Jeanne , laissèrent des enfants. On remarque parmi les descendants 3e Pierre, qui sont très-nombreux , M. Alexandre de Haldat, médecin distingué et littérateur, et M. Villiaumé, le célèbre historien de la Révolution française de 1780 (1).

11 y a un an, plusieurs personnes de Paris, d’Orléans et du département des Vosges, où est aujourd’hui situé Domremy, ont conçu le noble dessein de fonder un musée au lieu natal de Jeanne d'Arc. lin grand nombre de dons d’objets d'art et de livres, ainsi que des souscriptions particulières en argent, sont venus répondre à cet appel. Les communes du

(1) Bill. pop. de Jeanne d'Arc, par 11 Iluin.

pays, ainsi que les autorités administratives , y ont aussi répondu avec empressement.

M. Paul, jeune statuaire, a été chargé de faire une statue de Jeanne cl'Arc, qui est en ce moment exposée aux Champs-Elysées, et qui a été fondue par M. Brochon. Elle sera inaugurée à Domremy en septembre 1856, époque d’une fôte où veulent accourir pieusement toutes les populations de la Lorraine. L’artiste a parfaitement réussi dans son œuvre : il a choisi le moment où Jeanne, apercevant l’archange Michel et les deux Saintes, reçoit des conseils. Le type de la tête est fortement accentué et fait sentir, malgré l'extase, le courage dont la Pucelle était douée.

Toutes les corporations de France seront convoquées à la fête qui durera trois jours. Des chœurs et cantates, composés exprès par nos premiers poètes et compositeurs, y seront exécutés. Après la fête religieuse solennelle et des jeux allégoriques, il y aura un banquet, un concert, un bal et des illuminations, avec des salves d’artillerie, qui donneront à cette fête tout l’éclat que mérite le sujet.

Observations. Nous avons cru devoir insérer cette notice, bien qu’elle semble s’écarter un peu du cadre habituel de nos travaux ; elle s’y rattache néanra >ins à plus d’un titre. M. Paul, auteur de la statue dont il est question, est un ma-gnétiste fort distingué, aux succès duquel s’intéresseront sans doute beaucoup de nos lecteurs , et son œuvre est surtout l’expression d’une idée magnétique. Il a cherché à reproduire un des plus beaux types qu’offrent les annales de la science à laquelle nous sommes dévoués. Nous devions donc encourager ses efforts et applaudir à son œuvre où,il a su faire revivre l’inspiration de l’extatique. Jeanne d’Arc offre tout à la fois la réunion des vertus les plus pures et des facultés les plus brillantes ; en elle se sont développés spontanément ces dons transcendants que le magnétisme ne parvient à faire éclore chez les plus heureux sujets qu’à l’aide de pénibles efforts : la vue à distance , la connaissance des pensées intérieures, la prévision de l’avenir. Aussi cette vie, si glorieusement et si utilement remplie, est-elle,

pour le magnétiste particulièrement, un sujet d’études toujours fécond. Malgré le grand nombre d’écrits publiés sur cette héroïne, on ne se lasse pas d'en entendre de nouveaux récits, d’en parcourir les détails ; et là où tant de poètes et d'artistes ont trouvé le sujet d’admirables compositions, une mine inépuisable reste encore ouverte et offre de nouveaux trésors à ceux qui savent l’exploiter..

En songeant au bûcher fatal où périt celle qui sauva la France, on se demande: Comment ce crime du fanatisme n’a t-il pas du moins inspiré une horreur salutaire et prévenu le retour de semblables aberrations? En reconnaissant l’innocence de la victime immolée comme coupable du crime imaginaire de sorcellerie, ne devait-on pas ouvrir les yeux sur le danger de poursuivre comme ennemis de Dieu les individus qui se distinguaient par des facultés exceptionnelles, par des actions extraordinaires? Ne devait-on pas renoncer à ces accusations aussi odieuses que déraisonnables , qui avaient déjà fait couler des flots de sang ?... Hélas ! la catastrophe de Rouen a élé malheureusement suivie de bien d’autres du môme genre; l'ignorance et la fausse science ont continué leur3 affreuses persécutions, et naguère encore il s’est trouvé des hommes* rpii ont applaudi au supplice d’Urbain Grandier, et, déclarant diabolique tout ce que n’explique pas leur débile intelligence, ont dévoué aux flammes terrestres, en attendant celles de l'enfer, tous ceux qui osent dépasser les limites tracées par la routine ! Ne nous lassons pas d’appeler le mépris et l’horreur sur ces tentatives insensées. Puisse le souvenir de Jeanne d’Arc, la sublime sorcière, frapper d’impuissance les continuateurs de ses bourreaux !

VARIÉTÉS.

Parmi les productions que fait naître le renouvellement de l’année , nous avons remarqué l'Almanach prophétique pour 1857. On y trouve des récits intéressants, notamment des exemples de pressentiments et de visions annonçant l'avenir. Il y a surtout une notice fort bien faite sur Quelques médecins sam médecine. Elle commence ainsi ; « Est-il possible à des hommes doués d’une secrète influence magnétique, possédant en eux une force inconnue, de soulager l’humanité sans le secours des drogues et des remèdes?» L’auteur, qui se prononce résolument pour l'affirmative, rappelle ce qu’enseigna sur ce sujet Pomponace ; puis il raconte la carrière merveilleuse de Valentin Greatrakes, de Gassner et d’un Belge, nommé Driesken Nypers. Ces hommes extraordinaires ont pratiqué le magnétisme sur une grande échelle : les deux premiers ont devancé Mesmer et ont été en quelque sorte ses précurseurs. Les guérisons nombreuses et éclatantes qu’ils ont obtenues en suivant leur instinct naturel donnent la mesure de ce que peut l’homme quand il voudra employer pour le bien de ses semblables les facultés que la nature a mises en lui. Nous recommandons cet almanach aux amis du magnétisme.

ATTRACTION d’OÜTRE-TOMBE.

Avant-hier, l’autorité était appeléeà constaterque M. Pierre B..., âgé de cinquante-six ans, habitant d’un village voisin de Paris, s’était donné la mort en se coupant la gorge avec un

rasoir. Sur un meuble de la chambre où était son cadavre, on a trouvé une longue lettre adressée à un de ses amis, et dans laquelle il expliquait ainsi la cause de son suicide: « J’ai hérité de ma famille ci’une fatale monomanie. Mon père, deux de mes frères, ma sœur, et avant eux dix de mes aïeux se sont eux-mêmes donné la mort. Tu sais que j’avais doublé par mon travail et mon intelligence la fortune que m'avaient léguée mes parents ; mais one pensée fatale me dominait sans cesse : la mort! qui me faisait entrevoir, dans un inonde inconnu, une félicité ignorée sur cette terre. Jusqu'à cinquante-six ans, j’ai continuellement lutté contre cette fatale pensée, et c’est surtout depuis leux ans, depuis que je n’ai plus le tracas des affaires, qu’elle m’obsède à tel point qu’à l’heure où j’écris ces lignes, je me prépare à ne plus résister. Le moyen le plus prompt de me débarrasser de la vie est de me couper l’artère carotide; c’est ce que je vais faire. Adieu ! »

Ce fait vient à l’appui de l’opinion de certains médecins qui ont écrit sur le suicide, qu’ils ont considéré comme une maladie mentale, parfois héréditaire,et qui, surtout lorsqu’il est entouré de circonstances bizarres ou dramatiques, est contagieux en ce qu’il peut frapper et porter à l’imitation des hommes prédisposés déjà par une faible organisation.

SOMNAMBULISME. — ESCROQUERIE. — EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE.

Le rôle de la justice criminelle en face du somnambulisme n’était pas sans dilTlculté. Ne devait-on jamais voir que des jongleries et des manœuvres frauduleuses dans les phénomènes si étranges du sommeil magnétique? Ou, au contraire, dans l’incertitude de la science sur la nature et la portée des facultés développées par cet état anormal, fallait-il toujours s’abstenir et attendre le mot de l’avenir sur

cette bizarre énigme? La sagesse pratique des tribunaux les a tenus en garde contre l’un ou l’autre excès.

Sans croire aveuglément aux merveilles du somnambulisme , et en les tenant même pour très-suspectes, ils ont pensé que ies empiriques, qui s’étudiaient à rechercher le sens de ces rêves extatiques et qui donnaient pour des oracles les réponses arrachées aux somnambules pouvaient être souvent de très-bonne foi, et devaient alors échapper aux peines prononcées contre les escrocs. Lorsqu’au contraire , ils ont aperçu dans les faits traduits à leur barre des indices de mauvaise foi et de manœuvres frauduleuses, ils n’ont pas hésité à en frapper sévèrement les auteurs.

Dans l’espèce actuelle , il n’y a guère de doute possible.

La dame Grisou, qui se dit couturière, exerce depuis dix ou douze ans à Reims la profession beaucoup plus lucrative de somnambule. Si l’on en croit la prévention , elle donne, moyennant trois francs par séance, des consultations pour découvrir les vols, les infidélités conjugales et pour guérir les malades. Elle a, d’ailleurs, singulièrement simplifié l’appareil dont s’entourent ordinairement ses confrères. Elle Va pas besoin de se faire assister d’un médecin, ce qui fait une première économie. Elle supprime même le magnétiseur, cet acolyte obligé de tous les disciples de Mesmer. Une bague en fer qu’elle passe à son doigt au moment de la consultation suffit pour la plonger instantanément dans le sommeil magnétique, et ensuite , pour la sortir de cet état d’extase, il suffit aux consultants eux-mêmes de lui faire sur la tête quelques passes qu’elle a soin de leur enseigner avant de s’endormir.

Les choses allaient ainsi à merveille, et la clientèle affluait dans le logement qu'occupait la dame Grisou à l’auberge de l'Etoile, quand le hasard vint troubler cette prospérité.

Le 13 juin dernier, un agent de l'autorité, chargé de faire le recensement de la ville de Reims, entre dans la chambre de madame Grisou, et la trouve occupée à rendre ses oracles à deux malades. Deux autres attendaient leur tour dans une pièce voisine. L’agent fait son rapport. La police informe,

et la malheureuse somnambule est bientôt traduite en police correctionnelle sous la double prévention d’exercice illégal de la médecine et d’escroquerie.

Le premier délit fut seul reconnu par le tribunal de Reims qui, par jugement du 2 juillet, condamna la dame Grisou à 5 fr. d’amende, et la renvoya du chef d'escroquerie.

Mais le ministère public interjeta appel de cette décision, et la dame Grisou comparaissait devant la cour, assistée de M* Boulloche, son avocat.

M. Gouget, avocat général, a soutenu l'appel, et déclaré que, sans examiner en général la légitimité des pratiques du somnambulisme, il ne pouvait pas y avoir de doute, dans l’espèce, sur la simulation du sommeil magnétique, et, par conséquent, sur la fraude employée par la prévenue. M. l’avocat général lelôve l'étrangeté de cette communication prétendue du fluide magnétique au moyen d'un anneau. 11 rappelle les déclarations de clients de la dame Grisou, qui affirment qu’ils ne se sont aucunement conformés aux prescriptions qu’elle leur avait faites de l’éveiller au moyen de certaines passes, ce qui n’avait pas empêché la somnambule de s’éveiller fort aisément. L’entrée des agents de police avait eu aussi pour effet immédiat de la faire sortir du sommeil où elle paraissait plohgée. Ne sont-ce pas là des preuves certaines de fraude ?

M.* Boulloche présente la défense de la prévenue.

La cour, après délibéré, a rendu un arrêt par lequel elle a infirmé le jugement de première instance , reconnu l'existence des manœuvres constitutives de l’escroquerie, et condamné la femme Grisou à trois mois de prison et 100 fr. d'amende.

Parmi les journaux étrangers consacrés spécialement au magnétisme, la Luce magnetica , de Turin , occupe un rang des plus distingués.. Le numéro du 6 décembre contient la suite d’une dissertation fort savante et fort instructive sur les fa-

cuités somnambuliques ; l’auteur les retrouve clans les monuments de l’antiquité et explique d’une manière ingénieuse ce que les anciens nous ont transmis sur la magie.

Il Tempo, journal politique publié à Casole (Piémont), donne, dans sou numéro du 21 novembre dernier, le récit d’une séance curieuse de magnétisme par M. Allix, membre du jury magnétique de Paris. En présence d’une assemblée nombreuse et choisie, il a varié ses expériences et a obtenu un brillant succès. Un avocat, qui se trouvait au nombre des curieux , s’est trouvé envahi par le fluide que répandait le professeur et qui ne lui était pas destiné : il a fallu le secours deM. Allix pour le remettre dans son état normal. M. Allix, ajoute le journal, s’occupe surtout d’appliquer le magnétisme à la guérison des maladies et à la production de l’insensibilité pour les cas chirurgicaux, ce qui permet aux patients de subir sans douleur les plus graves opérations. M. Allix, qui sait se multiplier pour propager la vérité, fait des cours de magnétisme, et il a publié sur cette science deux excellents ouvrages qui ont le plus grand succès.

LETTRE ENCYCLIQUE

De la sainte inquisition romaine et universelle à tous les évêques contre les abus du magnétisme.

Mercredi, 30 juillet 1856.

Dans la réunion générale de la sainte inquisition romaine et universelle, tenue au couvent de Sainte-Marie-de-la-Mi-nerve, LL. EE. RR. les cardinaux inquisiteurs généraux contre l’hérésie dans tout le monde chrétien, après avoir mûrement examiné tout ce qui leur a été rapporté de divers côtés par des hommes dignes de foi, touchant la pratique du

magnétisme, ont résolu d’adresser la présente encyclique à tous les évêques pour en faire cesser les abus.

Car il est bien constaté qu’un nouveau genre de superstitions a surgi des phénomènes magnétiques auxquels s'attachent aujourd’hui bien des personnes, non point dans le but d’éclairer les sciences physiques, comme cela devrait se faire, mais pour séduire les hommes, avec la persuasion que l’on peut découvrir les choses cachées ou éloignées, ou futures, au moyen du magnétisme et par des prestiges, et surtout par l’intermédiaire de femmes nerveuses qui sont tout à fait sous la dépendance du magnétiseur.

Déjà plusieurs fois le Saint-Siège, consulté sur des cas particuliers, a donné des réponses qui condamnent comme illicites toutes expériences faites pour obtenir un effet en dehors de l’ordre naturel, ou des règles de la moralité, ou sans employer les moyens réguliers ; c’est ainsi que, dans des cas semblables, il a été décidé, le mercredi 21 avril 18/jl, que l'usage du magnétisme, tel que C exposait la demande, n’est pas permis. De même, la sainte congrégation a jugé à propos de défendre la lecture de certaines livres qui répandaient systématiquement l’erreur en cette matière. Mais comme, en outre des cas particuliers, il fallait prononcer sur la pratique du magnétisme en général, il a été établi comme règle à suivre, le mercredi '28 juillet 1852 : « En écartant toute erreur, tout sortilège, toute innovation implicite ou explicite du démon, l’usage du magnétisme, c’est-à-dire le simple acte d’employer des moyens physiques, non interdits d'ailleurs, n’est pas moralement défendu, pourvu que ce ne soit pas un but illicite ou mauvais en quoi que ce soit. Quant à l’application de principes et de moyens purement physiques à des choses ou des eiïets vraiment surnaturels pour les expliquer physiquement, ce n’est qu’une illusion tout à fait condamnable et une pratique hérétique. »

Quoique ce décret général explique suffisamment ce qu’il y a de licite ou de défendu daus l’usage ou l'abus du magnétisme , la perversité humaine a été portée à ce point, qu'abandonnant l’étude régulière de la science, les hommes

voués à la recherche de ce qui peut satisfaire la curiosité, au grand détriment du salut des âmes et môme au préjudice de la société civile, se vantent d’avoir trouvé un moyen de prédire et de deviner. De là, ces femmes au tempérament débile, qui, livrées par des gesles que n’accompagnent pas toujours la pudeur, aux prestiges du somnambulisme et de ce que l’on appelle la claire intuition, prétendent voir toutes sortes de clioses invisibles, et s’arrogent, dans leur audace téméraire, la faculté de parler sur la religion, d’évoquer les âmes des morts, de recevoir des réponses, de découvrir des choses inconnues ou éloignées, et de pratiquer d’autres superstitions de ce genre pour se faire à elles-mêmes ou à leurs maîtres des gains considérables par leur don de divination. Quels que soient l’art ou l'illusion qui entrent dans tous ces actes, comme on y emploie des moyens physiques pour obtenir des elfets qui ne sont point naturels, il y a fourberie tout à fait condamnable, hérétique, et scandale contre la pureté des mœurs. Aussi, pour réprimer efficacement un si grand mal, souverainement funeste à la religion et à la société civile, on ne saurait trop exciter la sollicitude pastorale, la vigilance et le zèle de tous les évêques. Qu’autant donc qu’ils le pourront, avec le secours de la grâce divine, les Ordinaires des lieux emploient tantôt les avertissements de leur paternelle charité, tantôt la sévérité des reproches, tantôt enfin toutes les voies de droit, selon qu’ils le jugeront utile devant le Seigneur, en tenant compte des circonstances de lieu, de temps et de personnes, qu’ils mettent tous leurs soins à écarter ces abus du magnétisme et à les faire cesser, afin que le troupeau du Seigneur soit défendu contre les attaques de l’homme ennemi, que le dépôt de la foi soit gardé sauf et intact, et que les fidèles confiés à leur sollicitude soient préservés de la corruption des mœurs.

Donné à Rome, à la chancellerie du Saint-OIfice du Vatican, le à août 1856.

V. Card. MACCHI.

Ce décret est grave , il intéresse l’avenir du magnétisme ;

nous aurons ¡1 l’examiner sévèrement, mais scrupuleusement. La vérité nous a toujours trouvé son zélé défenseur, et l’arme viendrait-elle du pape et de tous les cardinaux, que nous n'en deviendrions que plus passionné pour la signaler au monde.

Si les inquisiteurs étaient les dispensateurs de la lumière du soleil, la terre n’ en serait que bien peu éclairée, et le sublime ouvrage de Dieu disparaîtrait bientôt. Le magnétisme, une autre lumière, on ne l’éteindra point.

Les réflexions au prochain numéro.

Baron DU POTET.

Le Gérant . HÉBERT (de Garnay).

LE SPIRITUALISME EN CALIFORNIE.

Le magnétisme et le spiritualisme ont envahi même les contrées où la civilisation commence à peine à poindre ; déjà des apôtres fervents répandent en Californie la science de Mesmer, et les journaux de cette contrée publient de temps en temps d’intéressantes relations de leurs expériences. Noua empruntons le récit suivant au True Califomian du 19 septembre dernier; le rédacteur en chef rend compte d’une 8éance à laquelle il assistait :

« La table s’éleva en l’air et se balança à droite et à gauche, plusieurs meubles furent mis en mouvement par un agent invisible qui joua de la guitare j on entendit des ooups Violents. Désirant vivement connaître le nom de l’esprit présent, nous le lui demandâmes, et le nom qui nous fut donné par l’alphabet fut Capitana. C’était celui d’une dame de Ka-naka, qui était morte quelques années auparavant, dans un fige fort avancé, et qui avait été connue d’une des dames présentes. Après avoir obteuu ce renseignement, M. J. P... demanda si l’esprit pourrait nous apparaître. Une réponse affirmative eut lieu aussitôt, et l’esprit promit de donner le signal en faisant sonner les sonnettes. Le bruit annoncé eut lieu presque en même temps que la prcfmesse était formulée. Au même moment, un épais buisson qui se trouvait au dehors, tout près de la fenêtre à l’est, fut agité avec un grand bruit, et nous aperçûmes près de la fenêtre une figure hu-

mainc qui glissa doucement en se dirigeant vers la cuisine. Nous fixâmes avec avidité nos regards sur cette forme étrange, mais bientôt elle disparut ; elle se trouvait alors environ à une distance de dix pieds de nous, et il faisait un beau clair de lune. Je me levai et marchai vers la fenêtre, mais je m’assurai qu’il n’y avait plus rien. Presque aussitôt après cette disparition, une autre forme humaine s’éleva de terre et s’assit sur le seuil de la cuisine : l’aspect en était effrayant, et il n’y a pas de paroles qui puissent exprimer l’épouvante que nous éprouvâmes. Le fantôme se tenait penché, silencieux et immobile, éclairé par les rayons de la lune : c’était une sublime horreur. 11 était d’un noir sombre ; sa tête et son corps étaient couverts d’un manteau d’une blancheur éclatante.

« Nous restâmes à la fenêtre comme pétrifiés à ce spectacle. Je proposai à la société de sortir : je courus à la porte, suivi des autres personnes, excepté M. B... qui demeura à la fenêtre, absorbé par la contemplation du fantôme. Dès que nous fûmes sortis de la chambre, une manifestation d’un autre genre eut lieu. Les tables, les chaises, les coussins, semblèrent animés de vie et se mirent à danser devant nous et à exécuter les sauts les plus fantastiques. Comme je sortais , un coussin se croisa avec un flambeau allumé, et tous deux vinrent me heurter la tête ; une des dames fut atteinte par un tapis de pied et presque aveuglée par la poussière. Arrivé à la porte extérieure, je voulus l’ouvrir ; mais, à notre grand étonnement, nous la trouvâmes barricadée, de manière à rendre la sortie impossible. Arrêtés dans cette direction, nous revînmes auprès de M. J. P..., qui nous conduisit par une autre issue, et nous nous proposâmes d’aller par la cuisine à la rencontre du fantôme. Mais quand nous fûmes à l’endroit où nous l’avions vu, il n’y était plus. M. B..., qui, pendant nos évolutions, avait gardé invariablement son

poste d’observation à la fenêtre, nous dit que sa disparition avait été aussi rapide que son apparition. Pendant les moments qui avaient précédé son départ, il s’était tenu dans la position d'une personne qui écoute attentivement, et avait semblé se disposer, soit à entrer dans la cuisine, soit à s’évanouir, suivant que les événements l’exigeraient. On trouva à terre son manteau qu’on put saisir et transporter à quelques pas ; puis ce vêtement disparut aussi. La mère de madame J. P... et une autre dame s’étaient tenues à une autre fenêtre pendant toute cette scène, et leurs observations furent parfaitement conformes aux nôtres.

n Après que nous fûmes remis de notre émoi, nous refîmes le cercle et nous fûmes favorisés de la visite d’esprits plus gracieux qui rendirent des mains visibles et tangibles pour nous, et nous laissèrent l’impression la plus douce et la plus satisfaisante de ces communications. «

LES TABLES PARLANTES.

Les tables ne sont plus 1 la mode en France, la fantaisie a besoin de renouveler scs récréations. Mais les graves, les immenses questions soulevées par les exercices des tables mouvantes et parlantes sont loin d’être résolues, et l’intérêt qu’elles excitent ne se dissipe pas avec le caprice de quelques oisifs. Aussi, félicitons-nous ceux qui persévèrent dans leurs recherches, qui vont à la découverte de nouvelles vérités, et qui, peut-être, vont nous dévoiler tout un monde. M. Mathieu, ancien pharmacien des armées, connu par plusieurs brochures fort spirituelles et fort instructives sur ce sujet, a publié, en dernier lieu, une brochure intitulée : Un mot sur les tables parlantes, suivi du Crayon magique et du Guéridon poète. Nous allons en donner quelques extraits qui ne pourront manquer d’intéresser nos lecteurs,

L’orateur énumère les diverses hypothèses par lesquelles on a cherché à expliquer le langage des tables :

La première consiste à prétendre que l’on triche volontairement. C’est-à-dire que pendant des semaines entières, des mois entiers, des hommes sérieux, appartenant au barreau, à la littérature, à l’industrie, à la médecine, au clergé mûme, se seront donné le détestable plaisir de mystifier les gens, et de rivaliser dans leurs cabinets ou dans leurs salons avec MM. Bosco et Robert-Houdin. Cette hypothèse excite mou dégoût, et je demande au lecteur la permission de ne pas m’y arrêter.

La seconde consiste à dire que l’on triche involontairement, qu’on s’illusionne et qu’on a la berlue. Celle-ci est beaucoup moins désobligeaute et a le droit d’être examinée. On peut demander en effet sans offenser personne si des mouve-

ments capables de faire soulever les pieds d’un guéridon on d’une table n’auraient pas lieu par suite de je ne sais quel éré-tliisnie nerveux, à l’insu même des expérimentateurs. Tout eu rendant justice à ce qu’il peut y avoir d’ingénieux dans cette hypothèse, ja ne la discuterai point. Je renvoie le lecteur aux expériences qu’il trouvera relatées plus loin. 11 jugera lui-même en son âme et conscience si elle suffit à 1'e.vpli-cation des faits produits.

La troisième consiste à dire que le langage des tables est un fait de magnétisme animal et même de somnambulisme ; que tout ce qui émane d’elles est un reflet de la pensée humaine ; qu’autour d’elles on rêve tout éveillé ; que tout ce qu’elles débitent, histoires et contes, moralités et immoralités, réponses de toute espèce, saillies, boutades, réflexion} imprévues, etc., que les vers même qu’elles font, — car elles en fout, — que tout cela, dis-je, est extrait du cerveau des personnes qui expérimentent et se traduit par les mouvements de la table en vertu d’une opération magnétique dont aucune d’elles n’a conscience. Le phénomène du langage des tables serait alors un phénomène de haute physiologie et même de psychologie. Je ne demande pas mieus qu’il en soit ainsi. C’est encore au lecteur à voir, d’aprèe les expériences qui suivent, si la cause répond suffisamment à l’effet.

La quatrième consiste à supposer que des esprits, vaguant dans l’espace et autour de nous, entrent en communication avec les personnes qui expérimentent, soit qu’on les évoque, soit qu’on ne les évoque point et qu’ils arrivent spontanément ; soit que ces esprits aient appartenu à l’humanité et soient de véritables revenants, invisibles et impalpables, doués seulement du pouvoir d’agiter la matière — mens agi. lut molcm — et de s’entretenir avec nous au moyen de signaux et de mouvements convenus ; soit que ces esprits, inférieurs ou supérieurs à l’homme, aient une existence propre, en dehors de l’humanité, et s’amusent, pour ainsi dire, à venir converser avec nous ; soit enfin que ces esprits appartiennent tour à tour aux deux catégories que je viens

d’établir. Cette hypothèse est grave, et il est permis d’y regarder à deux fois avant de l’adopter. Dans les diverses publications qui ont déjà paru sur le phénomène des tables parlantes, elle a été posée explicitement, carrément, pat-plusieurs auteurs. Je serai moins tranchant, je l’avoue ; je conviens qu’un grand nombre d’apparences tendent à justifier ce hardi système, qui nous jette à corps perdu dans le merveilleux, dans le surnaturel, dans le monde invisible ; mais mon imagination , mon esprit, ma raison, reculent encore devant cet abîme et auraient besoin d’un bon coup d’éperon pour faire le saut.

La cinquième hypothèse attribue au démon (tel que l’E-glise catholique nous enseigne à y croire ) tous les faits et gestes des tables parlantes. C’est lui qui, avec l’aide de scs nombreux satellites, s'amuserait — ici le mal est bien à sa place — à offrir aux hommes une récréation nouvelle, propre à les induire en erreur, à exciter, à troubler, à ébranler même leur imagination, à les conduire au mal, à les perdre enfin, dernier terme de ses espérances et de ses tentatives de toute sorte contre l’humanité. Protée habile, il prendrait tous les masques, se donnerait tous les noms, revêtirait tous les caractères, se faisant tantôt religieux et moral, tantôt sceptique et railleur, souvent insolent et grossier, obscène jusqu’au dégoût, sale jusqu’à l’ordure ; se présentant ici comme un esprit bienheureux, arrivant en droite ligne d’un des cinq cieux habités par les élus : là , comme un esprit sorti du purgatoire (ou 2* ciel) , qui vient demander des prières : plus loin, comme un esprit échappé de l’enfer (ou 1" ciel), qui vient en maraude nous mettre dans la confidence de ses fautes passées et de leur éternel châtiment : plus loin encore, comme Satan lui-même, en frappant nettement et résolument ce nom détesté. Je n’ai pas besoin de dire que cette cinquième hypothèse est celle du clergé et de beaucoup de personnes religieuses ; de là les scrupules de nos évêques et leurs défenses, qui vont chaque jour se multipliant. Pour l’admettre, il est clair qu’il faut commencer par croire au

diable. Or, parmi tant de gens qui, de no« jours, ne son l catholiques que de nom, combien n’y en a-t-il point qui, croyant à Dieu, ne croient pas Satan, mais le regardent comme une création poétique, comme un être de raison, comme un mythe? Mais peu importe, dira-t-on ; si le diable existe, ce n’est pas l’incroyance de tel philosophe, de tel savant, de tel homme d’esprit qui l’empêchera d’exister ; soit. Aussi ne viens-je faire ici la leçon à personne. J’ai l’habitude, en dehors d’une discussion acceptée, de respecter toutes les croyances ; elles sont une affaire entre Dieu cl l’homme. J’avouerai môme que les expériences des tables parlantes portent parfois un cachet véritablement diabolique, sinon comme intelligence supérieure , du moins comme malice, comme ruse, comme cynisme. Cependant, je ne conclus pas, je ne veux pas conclure. Je ne veux que rendre justice à tout le monde, et par cela même que mes opinions philosophiques ne me soumettent pas précisément aux décisions de nos honorables prélats, je me plais à reconnaître qu’ils sont ici, non seulement dans leur rôle et dans leur droit, mais encore dans la vraisemblance. C’est aux savants, c’est aux hommes instruits et lettrés de nous proposer et de nous faire accepter une solution différente. Nous autres profanes, nous attendons. Mais quoi ! à quelques exceptions près, les savants, les hommes instruits et les hommes de lettres nous prennent en pitié ! Les savants veulent bien nous accorder les tables tournantes , et ils nous donnent môme une explication assez ingénieuse de ce phénomène ds rotation (que je laisse de côté, parce qu’il n'est que le prélude du phénomène, bien autrement saisissant, du langage) ; mais quant aux tables parlantes , ils se contentent de hausser les épaules, et ils passent leur chemin. Les hommes instruits et les hommes de lettres ne sont guère plus traitables. Dans leurs conversations de salon ou dans leurs journaux, ils nous raillent avec plus ou moins d’esprit, mais certainement avec un aplomb imperturbale ; quelquefois môme ils se fâchent : ils disent que la croyance à de pareils faits est quelque chose de pitoyable et sera la honte de notre époque. Pauvres savants ! pau~

— flùâ —

vres tommes instr»!*»1 pauvres hommes de lettres! Vous n’avez pas vu, vous n’avez pas expérimenté ; ou, ce qui re--iil'iu au même, — non, ce qui est pire encore, — vous avez mal vu, vous avez mal expérimenté ; je vous le pardonne. Uais il faudra bien que vous subissiez tôt ou tard la réalité de ces laits qui vous révoltent ; et que deviendront alors votre incrédulité si fiôre, votre hostilité ardente, votre opposition systématique? Je vous vois venir : vous direz :«Nous avons été prudents, c’était notre devoir. » A la bonne heure! •Nous nous embrasserons, et ce sera fini.

La sixième hypothèse, enfin, consiste à dire que tantôt des •esprits ayaut appartenu à l’humanité, tantôt des anges, tantôt le démon, soit en personne, soit représenté par tel ou iel de ses acolytes, font parler les tables, et que c’est à nous de nous tenir |en méfiance, exposés que nous sommes à être visités tour à tour par les uns et par les autres. Cette dernière hypothèse rentre évidemment dans les deux précédentes, ce qui me dispense de l’examiner.

Voilà donc les différents systèmes que l’on a imaginés pour Tendre raison du phénomène si nouveau, si imprévu, des tables parlantes, qui, en plein dix-neuvième siècle, nous est tombé tout à coup sur la tête, comme une tuile d’en haut. Quand je dis que ce phénomène est nouveau, je me trompe peut-être ; on a voulu en trouver les traces dans le moyen-âge, dans l’antiquité même j c’est une question que j’abandonne aux érudits. J’ajouterai que ces différents systèmes S’appliquent également au phénomène de l’appareil que j’ap-jpellerai — car il faut bien lui donner un nom — le crayon magique. Ou ne peut douter, en effet, qne ce phénomène si remarquable de Vécriture ne soit du même ordre que celui du langage. J’en traiterai bientôt, et l’on jugera. Mais achevons d’abord ce que j’ai voulu dire des tables parlantes.

Comme tout le monde, j’ai commencé par douter, par aier même, qu’une table pût parler. Je faisais, à cet égard, la grande objection des incrédules : « 11 est impossible b qu’un morceau de bois inerte pense et communique sa «pensée, a Puis la croyance m’est venue par degré9,

comme dans toute conversion raisonnée et qui n'est pas le. résultat d’une soudaine illumination-, et j’ai fini par reconnaître non pas qu’une table pouvait penser et parler, mais que quelque chose pouvait penser et parler par l’intermédiaire d’une table, ce qui est bien différent. Ainsi il ne faut pas qu’on nous accuse, nous qui croyons, de donner la pensée au bois ; il y aurait méprise, sinon mauvaise foi. Non, la table ne pense pas et ne parle pas; elle sert d’instrument, et voilà tout. Est-ce bien entendu?

La première expérience à laquelle j’assistai me jeta dans' une étrange perplexité. Après plusieurs choses incohérentes, dans le détail desquelles je n’entrerai pas, une personne des plus honorables, dont j’aurai occasion de parler plus-loin, et qui exerce sur les tables une influence toute particulière , prit place autour du guéridon ; et comme cette personne a\ait plusieurs fois obtenu des vers, on demanda un quatrain au guéridon, et le guéridon fit un quatrain. Les-vers étaient bons, ma foi, bien qu’une des rimes pût à la rigueur être trouvée trop riche. (Voir la partie de cet opuscule intitulée : te Guéridon poète.) 11 me fut impossible de croire que ces quatre vers émanassent du guéridon, et je ne dissimulai pas mon .incrédulité. Les personnes qui étaient à la table avec moi me déclarèrent alors sur Y honneur qu’elles n’y étaient, sciemment, pour rien. Je respectai leur déclaration ; mais j’avoue que si plus tard l’expérience ne s’était pas renouvelée sous mes yeux , et dans des conditions qui écartaient toute idée de supercherie et d a-musement, j’aurais eu bien de la peine à ne pas conserver quelque doute. Comment, en présence de pareils faits, na pas se défier de tout le monde ? Comment ne pas se défier de soi-même ?

Ma seconde expérience ébranla singulièrement mon incrédulité ; ce qu’elle offrit d’imprévu, de suivi, de raisonnable (et je souligne ce dernier mot, parce qu’il y a souvent beaucoup de dévergondage dans le langage des tables), lit-sur mon esprit une impression dont je garde le souvenir»

bien que familiarisé maintenant avec ces mystérieuses conversations.

Après un certain temps d’application des mains sur le guéridon, autour duquel nous étions assis au nombre de quatre, le guéridon leva successivement ses trois pieds, pour donner le signal de son animation. Nous le priâmes de désigner son pied oui, son pied non et son pied compteur; ce qu’il fit. Il y a des expérimentateurs qui se contentent d’un seul pied, en faisant frapper un coup pour oui et deux coups pour non ; mais je préfère l’autre méthode ; elle a quelque chose de plus net et de plus saisissant. Cette triple désignation bien arrêtée, nous commençâmes la conversation :

. « Comment t’appelles-tu ? — Abcotin. — Est-ce un nom français? — Oui. — Dans quelle ville es-tu né? — Metz. Quelle était ta profession ? — J’étais sans profession. — Tu étais donc rentier? — Oui. — Es-tu mort depuis longtemps?

— Oui. — Combien d’années? frappe d’abord les dizaines, puis les unités. — 85. — Es-tu esprit, toi qui nous réponds ainsi?—Oui. —Qu’est-ce donc qu’un esprit? —Tu nelecom-prendrais pas. — Après la mort le comprendrons-nous? — Oui. — Aucun vivant ne peut donc le comprendre ? — Non. Existe-t-il un fluide quelconque jouant un rôle dans le phénomène des tables parlantes ? — Oui. — A-t-il un nom ?

— Oui. — Lequel ? — Magnétique. — A quoi tiennent certains insuccès dans la production des phénomènes ? — Aux personnes. — A quelles personnes? — Toutes les personnes n'ont pas le même fluide. — Peut-on le reconnaître à certains indices? — Non. — C’est donc à l’essai? — Oui. — Quelques opérateurs se vantent d’avoir obtenu des vers par l’intermédiaire d’une table ; disent-ils vrai ? — Oui. — Es-tu poète, toi? — Non. — Pourrais-tu nous faire des vers?

— Non. — Pourrais-tu nous faire connaître sommairement ton histoire? — Oui. — Eh bien ! réponds. Etais-tu vieux quand tu es mort? — Non. — Quel âge avais-tu ? — 19 ans.

— De quoi es-tu mort? — Je me suis brûlé la cervelle. — Pourquoi ? — Pour une femme que j’adorais. —T* aimait-elle T

— Oui. — On s’est donc opposé à votre union? — Non. — Avez-vous été unis? — Non. — Elle t'a été infidèle? — Oui.

— C’est pour cela que tu t’es tué?—Oui. — T’aimait-elle encore ? — Oui. — On l’a donc forcée à en épouser un autre ?

— Oui. — Ainsi elle a ¿été mariée ? — Oui. — L’avais-tu demandée en mariage? — Non?— Sont-ce tes parents qui s’y seraient opposés? — Non. — Ce sont donc ceux de la jeune fille? — Oui. —Pourquoi? —J’étais bossu. — La jeune fille t’aimait donc malgré ton infirmité? — Oui. — Etait-ce pour ta fortune ; car tu nous as dit que tu étais rentier?— Non. —Sur quoi donc son amour pour toi s’appuyait-il ? — Ma bonté. — Tu es à plaindre, et nous te plaignons sincèrement. — Merci. — Es-tu heureux dans l’autre monde ?

— Non. — Tu y es donc malheureux? — Oui. — Le seras-tu toujours ? — Oui. — Est-ce à cause de ton suicide que tu es malheureux ? — Oui. — Il n’est donc pas permis de se donner la mort? — Non. — Y a-t-il plusieurs cieux? — Oui. — Combien ? — Sept. — Dans le premier souffre-t-on ?

— Oui. — Et dans le second? — Oui. — Y souffre-t-on autant que dans le premier ? — Non. — Et dans les cinq autres souffre-t-on? — Non. — Peut-on sortir du premier ciel ? — Non. — Et du second? — Oui. — Ainsi, toi, tu es dans le premier ciel, et tfl y souffres ? — Oui. — Est-ce qu’il n’y a pas de miséricorde pour toi? — Non. — Quoi ! aucune espérance ? — Non. — Tu dois être bien malheureux? — Oui. — Faut-il prier pour toi? — Non. — Est-il utile de prier pour les âmes qui sont dans le second ciel ? — Oui. — Comment appelle-t-on ce second ciel? — Lieu d’expiation. — Et le premier ciel ? — Damnés. — Avec qui est-on dans le troisième ciel et dans les suivants? — Dieu. — Avec qui est-on dans le second ciel? »

La table garda le silence sur cette dernière question. Nous lui demandâmes alors : « Et dans le premier ciel avec qui est-on ? » Au lieu de répondre, elle se livra à des mouvements désordonnés, se soulevant tour à tour sur ses trois pieds, comme pour échapper à l'obligation de s’expliquer là-dessus. Nous continuâmes :

«Ce mot te coûte donc bien à prononcer? Dis-nous-le pourtant, nous le voulons. — Satan. — Où sont les deux dont tu nous as parlé? veux-tu nous le dire? — Non. Sont-ils près de la terre ? — Oui. — En dehors de 1 atmosphère terrestre ? — Oui — Dans quelque planète que nouî connaissions? — Non. — Dans l’espace? — Oui. — Tu peux donc sortir temporairement du premier ciel, puisque

tu es ici?___Oui. — As-tu fait un long trajet pour venir? —

Non. — L’homme peut donc t’évoquer? — Oui. — N’y a-t-il que les esprits du,premier ciel qui puissent venir comme tu le fais? — Oui. — Ceux des autres cieux ne peuvent venir?

— Non. — Serait-il plus prudent de ne pas évoquer ainsi les esprits? —Oui. — Est-ce désagréable à Dieu ? — Non. *

Je le répète, cette seconde expérience m’impressionna vivement. Je connaissais comme très-honorables et très-sérieuses les personnes avec lesquelles j’expérimenUds, et je les savais parfaitement incapables de me tromper. Ce n'est pas que j’ajoutasse foi à ce récit d’outre-tombe ; mais il avait une telle apparence de vérité, qu'il était bien diffi--cile de ne pas se laisser prendre à l’intérêt qu'il inspirait. Quel était l'acteur secret de cotte scène de nécromancie? quel était le ressort mystérieux de cet appareil fantasmagorique ? Je n’en savais absolument rien, pas plus que je ne le sais aujourd’hui ; mais je sortis rêveur de la séance, et regagnant mon domicile, je répétai plusieurs fois, 1 oreille basse : a 11 est donc bien vrai que les tables parlent ! »

Ces deux premières expériences furent le prélude de plusieurs autres. Aucune d’elles ne me fournit une conversation aussi suivie, aussi prolongée que celle du fantastique Abcotin; mais elles ne furent pas pour cela sans ia-térôt.

L’auteur, en narrateur fidèle, ne dissimule pas les résultats qui pourraient contrarier tel ou tel système : il avoue que des tables se sont souvent moquées des opérateurs « que les personnages qui s’annonçaient comme auteurs des discours «obtenus, donnaient de fausses indications, dési-

gnaient, comme ayant été leur domicile, des rues qui n’ont pas existé, prenaient des noms imaginaires, de manière à dérouter les personnes qui auraient pu croire à une véritable identité; bien plus, ce qu'il y a de pire, c’est que souvent on n’obtenait que des réponses sottes, ou des propos grossiers et môme obscènes. On connaissait le caractère des opérateurs, la pureté de leurs mœurs, leur aversion pour les choses malveillantes ; on ne pouvait donc leur attribuer les ignobles pensées exprimées par le pied du guéridon. Quel était donc le véritable auteur?...

M. Mathieu nous donne quelques échantillons des poésies obtenues par le crayon magique. 11 se sert d’une planchette assez grande pour que deux opérateurs puissent y appliquer chacun une main ; cette planchette est traversée vers le haut par un crayon solidement fixé, qui ne dépasse que de quelques centimètres, de manière à former sur le papier un plan légèrement incliné. Après un temps plus ou moins long d’application des mains, elle s’anime (si toutefois les deux opérateurs ont l’influence nécessaire), et elle se promène sur le papier en écrivant toutes sortes de choses. Les mains doivent suivre le mouvement, en n appuyant qu’autant qu il Je faut pour que le contact ne cesse pas d’avoir lieu.

Voici un des petits poëmes obtenus ainsi LA VAGUE.

Où vas-tu, tague terne et sombre?

Où vas-tu, rapide torrent?

Est-ce un butin qu'au sein de l'ombre Entraîne ton ûot dévorant?

— Je suis la vague de la vie,

Que souilla le sable du bord ;

Je presse mon onde salie Loin de l'étroit courant du port.

Je cherche, but de ma carrière,

L'immensité des océans,

Pour m'y laver de la poussière Du temps.

L’auteur termine ainsi :

CONCLUSION.

Le langage des tables (et j’y comprends l’écriture magique) est un phénomène considérable, devant lequel je ne comprends pas qu’on puisse , à moins d’une complète incrédulité , rester indifférent. M. Victor Meunier disait avec quelque raison, ce me semble, dans la Presse du 8 mars dernier, en répondant à M. l’abbé Moigno, un de nos savants incrédules : «Supposons l’hallucination. Eh bien ! une hallucination pareille , qui a pris de telles proportions, est un beau sujet d’étude ; il faut chercher la cause et le remède... Supposons maintenant qu'au lieu d’avoir affaire à une hallucination, nous ayons affaire au diable. Eh bien ! faudra-t-il laisser échapper cette occasion, sans doute unique, d’en constater expérimentalement l’existence? » J’ajouterai : « Supposons que ce ne soit ni une hallucination, ni le diable ; supposons qu’il s’agisse d’une cause naturelle , de la manifestation d’une faculté humaine inconnue jusqu’à ce jour; supposons encore qu’à défaut du diable , proprement dit, le monde spirituel et invisible se révèle à nous, avec ses habitants, bons ou mauvais, instruits ou ignorants, récompensés ou punis ; quoi de plus intéressant que de sonder la première hypothèse ? quoi de plus curieux que de scruter les mystères de la seconde ? »

J’ai entendu dire par des hommes graves : « Mais à quoi bon ? où cela vous mènera-t-il ? quel fruit espérez-vous en recueillir dans la pratique ? n’est-ce pas du temps perdu que celui que vous dépensez autour d’un guéridon , pour n’en obtenir souvent que des choses absurdes, contradictoires, ordurières? » Je répondrai : « Si vous aviez plus d’ardeur pour la science, plus de zèle pour la vérité , vous ne parleriez pas ainsi. Le temps qu’on met à faire la conquête d’une vérité n’est jamais perdu. Quand cette vérité est conquise (et nous n’en sommes pas encore là avec les tables), on peut, onjdoit même abandonner ce qui est démontré être inutile ou dangereux ; mais jusque-là il est bien permis d’é-

tudîer et «le chercher sans relâche, pour arriver à une conclusion , fût-ce à cette dernière. Dieu n’a-t-il pas autorisé les hommes à discuter entre eux les merveilleux secrets de la créatif 11 ? u Mun/tmn trudidit disputationi eorum. »

Est-ce à dire que je conseille à tout le monde de pratiquer ¡’expérience des tables ou du crayon ? — Non, vraiment D’abord, tout le monde n’y réussit pas; pourquoi? je n’en sais rien. Ensuite, parmi les personnes douées de plu? ou moins d’influence , il en est sur l’imagination desquelles les effets obtenus pourraient produire une lâcheuse impression. On a signalé plusieurs cas de folie survenue à la suite de ces conversations mystérieuses. Sans aller jusqu’à la folie, l’esprit peut se troubler, s’inquiéter, se frapper outre mesure. Je ne parle pas des gens que domine le sentiment religieux ; ceux-là ont dans la défense de leurs chefs spirituels un motif suffisant pour s’abstenir. Mais je recommanderai à tous les autres de se tenir en défiance d’eux-mêmes et de n’expérimenter que s’ils se sentent au-dessus de toute grave émotion. Qu'ils le fassent alors, en y apportant un esprit sérieux, un cœur droit, une conscience honnête. Et qu'on ne raille pas, si je m’exprime ici avec une certaine solennité. Le langage des tables, j’en ai la profonde conviction, n’est pas un simple amusement de société ni un jeu d’enfants...

Je conseille, enfin, jusqu’à ce qu’une règle nous soit donnée pour démêler le bon d’avec le mauvais, le vrai d’avec le faux — si jamais cela nous arrive, — je conseille de ne pas ajouter foi aux révélations ni aux récits de l’être ou agent quelconque qui parle par les tables, ou qui écrit par le crayon. Je conseille surtout de ne pas adresser, soit au crayon , soit au guéridon, des questions indiscrètes ; de ne pas les interroger sur l’état présent des personnes dont on regrette la perte, sur la fidélité conjugale, sur la santé, sur l’avenir ; d’éviter, en un mot, tout ce qui peut laisser dans l’esprit une impression triste, un souvenir importun , dont on aura bien de la peine à se débarrasser entièrement. On m’a raconté qu’une pauvre dame est morte en couches, sui-

vant la prédiction d’un guéridon qu’elle avait eu l’imprudence de consulter à ce sujet plusieurs mois auparavant. Je ne dis pas que le guéridon ait réellement prédît ; mais que cela soit, ou que la dame ait été victime de son imagination ébranlée, l’événementn’en est pas moins déplorable et propre à nous servir de leçon.

Ma tâche est à présent terminée. Je l’ai remplie suivant la mesure de mes forces ; et si je n’ai réussi à répandre qu’un intérêt médiocre sur mon sujet, je me rends du moins cette justice, que j’ai été sincère et véridique autant qu’on peu» l’être. J’aurais pu parler de bien des choses encore ; dire ce qui se fait en Amérique, ce qui se fait en Allemagne; raconter, sans sortir de notre pays, d’autres expériences qu’on m’a racontées à moi-même. Mais, outre que je me suis imposé le devoir de ne citer généralement — ici et ailleurs— que des expériences personnelles (c’est toujours la meilleure garantie d’authenticité), j’ai voulu être bref, afin d’être plus sûr d’être lu ; et si j’ai voulu être lu, ce n’est pas pour moi, qui suis peu de chose, c’est pour le phénomène, qui est beaucoup.

Adieu donc, lecteur. Et maintenant expérimente, tu feras bien ; n’expérimente pas, tu feras peut-être mieux encore.

LE MAGNÉTISME ET L’INQUISITION.

Nous avons publié, dans notre dernier numéro, un décret de la sainte inquisition romaine et universelle contre les abus du magnétisme. C’est là. un grave événement. Comme depuis longtemps on n’entend plus parler de l’iuquisition, on pouvait la croire supprimée ; sans doute, les progrès de la raison, exerçant une salutaire influence sur les mœurs, auront amené (se disait-on) la chute de cette abominable institution, et l’Eglise, dans son intérêt bien entendu, n’aura rieu de mieux à faire que de chercher à effacer les souve* nirs lamentables que rappelle ce nom abhorré. Mais ou avait trop présumé du bon seus de la cour de Rome, qui n’aban. donne aucune de ses prétentions , aucun de ses moyens de domination j elle a eu le triste courage de notifier au monde l’existence et les actes du tribunal qui, pendant plusieurs siècles, a versé des flots de sang, a exercé les tortures les plus odieuses, a été l’opprobre et le fléau de l’humanité : c’est en plein dix-neuvième siècle qu’on ose reprendre la tradition des Dominique et des Torquemada, glorifier ceux qui ont couvert l’Espagne de bûchers, qui ont fait à la pensée humaine la guerre la plus atroce et la plus impie, ont lutté par la terreur contre le développement de la science et. de la civilisation, ont abusé indignement du nom du Christ pour ensanglanter le monde et renouveler l’infamie des sacrifices humains.

Aujourd’hui du moins il ne s'agit de brûler personne : bien que les dévots ultramontains, qui s'inspirent de la lecture de CUnivers, et les démonophobes, grands pourfen-

(leurs de tables et de corbeilles, aient fait à cet égard toutes leurs réserves et nous aient promis, pour un temps plus opportun, de nous édifier par quelque bel anto-da-fé, il ne s’agit encore que de définir des points de dogme et de morale , et de tracer aux fidèles des règles de conduite. Quelque éminente que soit la position des auteurs du décret, ils n’en sont pas moins justiciables du tribunal souverain de la raison , qui a cassé les sentences rendues contre les novateurs, et qui ne respectera pas davantage les arrêts contraires à la science.

Dans l’acte que nous examinons , on rappelle une décision du 21 avril 1841, statuant que le magnétisme■ tel qu'il est exposé n’est plus permis ; mais en lisant l’exposé qui précède, on voit qu’il s’agit moins du magnétisme à propre1-ment parler que du somnambulisme. La décision du 28 juillet 1852 est plus explicite : • En écartant (est-il dit) toute erreur, tout sortilège, toute invocation implicite ou explicite du démon , C usage du magnétisme, c’est-à-dire le simple acte d’employer des moyens physiques , non interdits d’ailleurs, n’est pas moralement défendu , pourvu que ce ne soit pas un but illicite ou mauvais en quoi que ce soit. » Cette solution a de quoi rassurer la conscience de ceux qui se livrent à la pratique du magnétisme. Il n’en est aucun qui pense avoir besoin de recourir au démon ; bon nombre de magnétistes n’y croient pas ou n’y croient guère ; quant à ceux qui y croient, ils ne jugent certainement pas à propos de le faire intervenir dans des opérations où ils peuvent parfaitement réussir sans lui ; bien plus, comme les magnétiseurs dignes de ce nom ne se proposent que le bien des malades, ils se gardent bien d’appeler à leur aide celui qui est le mal personnifié. La restriction apportée par l'inquisition ne gênera donc personne. Nous voudrions pouvoir dire qu’elle n’est que superflue. Mais ce serait une qualification bien indulgente. Si quelques hommes timorés avaient des scrupules sur l’emploi des machines à vapeur, qu’elles recourussent à l’inquisition, et que cet auguste tribunal répondît qu’on peut les employer, mais à la condition de ne pas y mêler l’invocation

du démon, donnerait-il une haute idée de sa sagesse et de ses lumières?... Dès que les inquisiteurs reconnaissent implicitement que le magnétisme peut être exercé sans le concours du démon , il s’ensuit que les effets magnétiques sont dus à une loi naturelle ; donc ceux qui les obtiennent ne font qu’user légitimement de leurs facultés, et il est tout à, fait ridicule de faire intervenir le démon dans la question.

Le sortilège n’étant autre chose que l’emploi du pouvoir diabolique, la restriction à cet égard ne diffère pas de la première.

11 y a une condition plus difficile à remplir, c’est celle qui prescrit d'écarter toute erreur. Sur ce point, il aurait été bon d’ajouter quelques explications. Les magnétiseurs font de leur mieux pour éviter l’erreur; mais qui peut jamais être parfaitement sûr de ne pas se tromper? Le magnétisme ne sera-t-il licite qu’autant que ceux qui le pratiquent seront exempts de toute erreur, ou y a-t-il seulement un genre spécial d’erreurs capables de compromettre leurs opérations ? Doivent-ils être traités plus sévèrement que ceux qui se livrent à toute autre opération du domaine de l’homme, sans que l’erreur frappe nécessairement leur travail de nullité et rende coupable ce qui de sa nature est innocent?... Comme on ne peut supposer que les graves docteurs, chargés de veiller à l’intégrité de la foi, aient exigé l’impossible et se soient fait un jeu d’interdire absolument ce qu’ils semblent autoriser, comme ils n’ont pu, dans la même phrase , exprimer le oui et le non , il y a évidemment lieu de suppléer à leur laconisme nébuleux et d’admettre une recommandation aux magnétiseurs de rechercher sincèrement la vérité et de proscrire tout ce qui peut être une cause d’erreur, toute fraude, tout charlatanisme. S’il en est ainsi, nous souscrivons bien volontiers à cette condition.

Nous adhérons également à celle qui interdit un but illicite ou mauvais en quoi que ce soit. Les patriarches du magnétisme, ceux qui ont le plus contribué à le faire connaître, à en étendre le domaine, Mesmer, Puységur, Deleuse, du

Potet, etc., n'ont cessé de déclarer que le magnétisme avait pour but de soulager l’humanité souffrante, de contribuer à

1 amélioration physique et morale de nos semblables ; ils ont repoussé avec énergie tout ce qui peut devenir une cause de désordre, tout ce qui peut blesser la charité ou la pudeur, et ils ont condamné de toutes leurs forces les adeptes imprudents ou capables qui se sont écartés de ces règles de sagesse, et à plus forte raison ceux qui ont fait des applications dangereuses ou immorales. Nous sommes donc, à cet égard, en plein accord avec les révérends inquisiteurs.

Mais voici malheureusement que nous n’allons pius nous entendre r « Quant à l’application de principes et de moyens purement physiques à des choses ou à des effets vraiment surnaturels pour les expliquer physiquement, ce n’est qu’uue illusion tout à fait condamnable et une pratique hérétique.» Quand ou s’attribue la haute mission de guider les populations, on devrait, avant tout, s’attacher à tenir un langage parfaitement elair et à définir avec précision ce qu'on veut leur interdire. Ici nous n’ avons qu’un galimatias tellement obscur qu’on peut se demander si les auteurs se sont compris eux-mêmes...,,^ Un principe est une conception de l’esprit : un principe purement physique est | doue un non-sens. Employer des moyens physiques, c’est se servir des-lois naturelles qui régissent la matière, ce qui 11e peut amener que des résultats purement naturels; il est donc déraisonnable de supposer qu’on puisse appliquer des moyens physiques à des choses ou ) des effets vraiment sunutlurels. Le surnaturel est ( par définition ) ce qui est contraire aux lois de la nature ; l’application des moyens physiques, ou, ce qui est la môme chose, des lois de la nature, ne peut donc jamais produire rien de surnaturel. Les facultés de l’homme ne peuvent ôtre que naturelles : donc l’application de ces facultés a un but quel qu’il soit, ne peut tendre qu’à une chose naturelle. Pour tenter le surnaturel, il faudrait être maître de la nature. Pour expliquer le surnaturel, il faudrait être en état de connaître toutes les ressources de la nature, sans quoi, ignorant jusqu’où elles peuvent s’é-

tendre, on ne pourra jamais affirmer qu’un fait quelconque en dépasse les limites. En interdisant d'expliquer physiquement les effets surnaturels, on a voulu probablement condamner ceux qui ne veulent voir que du naturel là où cer- 1 taines écoles prétendent constater le surnaturel, ce qui x'en-verse l’idée de miracles ; mais cette question philosophique est tout à fait étrangère à la légitimité de telle ou telle manifestation de l’activité humaine. Et d’ailleurs que celui qui, par des moyens physiques, a produit un effet quelconque, l’explique comme bon lui semblera ; cet effet, dû à un travail humain, n’a rien de miraculeux; l’explication, vraie ou fausse, qu’on en donnera ne peut donc intéresser la question des miracles ou du surnaturel. Les rédacteurs de l’arfêt semblent avoir jeté au hasard quelques grands mots qui font partie de leur polémique habituelle, sans s’inquiéter de ce qui résulterait de leur accouplement désordonné. Comme conclusion, on blâme une illusion coupable, sans que le lecteur puisse deviner à qui s’adresse cet anathème, et on termine par les mots de pratique hérétique qui doivent être fort étonnés de se trouver à pareille fête. Faut-il qu’un laïque rappelle aux princes de la théologie que Xhérésie est une secte qui, tout en restant chrétienne, se sépare de l’Egllsé? Or, bien qu’on ne puisse démêler au juste en quoi consiste ce que ces Messieurs ont voulu condamner, il est évident au moins que ces pratiques ne supposent pas nécessairement la foi chrétienne, et que, pouvant être exercées par des juifs, des mahométans, des païens , des déistes, panthéistes, athées, etc., elles ne tendent aucunement à diviser l’Eglise, à retrancher ou attirer quelque article du symbole, en un mot, à créer ou favoriser une hérésie quelconque.

Le nouveau décret enchérit sur les précédents quant à la réprobation du somnambulisme. Il parle, nous ne savons pourquoi, de femmes au tempérament débile, bien qn*un grand nombre d’hommes soient mis journellement en som--Dambulisme et jouissent de la lucidité, tels que le célèbre Alexis, qui a été certainement supérieur à toutes les femmes à tempérament débile, signalées par le décret. Connne il

n’est question que de femmes, il pourrait y avoir doute si la condamnation est applicable au cas où l’on n’emploie que des hommes.

On s’élève contre ceux qui « prétendent voir toutes sortes de choses invisibles et s’arrogent, dans leur audace téméraire, la faculté de parler sur la religion, d’évoquer les âmes des morts, de recevoir des réponses, de découvrir des choses inconnues ou éloignées, et de pratiquer d’autres superstitions de ce genre... Quels que soient l’art ou l’illusion qui entrent dans tous ces actes, comme on y emploie des moyens physiques pour obtenir des effets qui ne sont pas naturels, il y a fourberie tout à fait condamnable, hérétique, et scandale contre la pureté des mœurs. »

L’inquisition ne marche qu’enveloppée de ténèbres et semble éviter de faire connaître clairement sa pensée. En effet, les actes qu’elle vient d’énumérer constituent, suivant elle, une coupable fourberie : on doit croire dès lors qu’il ne s'agit que de la simulation de la lucidité , de la fraude consistant à abuser des dupes en les faisant voir à des lumières extraordinaires qu’on ne possède pas. Si c’est là seulement ce que l’on condamne, nous sommes encore prêts à applaudir ; seulement il faudra attribuer équitablement à chacun la part qui lui revient. Le somnambule qui, sachant qu’il n’est pas lucide, exploite la crédulité du public, est un escroc ; mais celui qui consulte sur sa santé, sur le sort de personnes absentes ou sur tout autre sujet légitime, ne commet aucun acte répréhensible, même quand la confiance est mal placée; sa position est celle de tout homme qui cherche à s’instruire et qui s’adresse aux personnes auxquelles il suppose des lumières supérieures aux siennes.

Mais les somnambules vraiment lucides sont-ils coupables d’exercer leur lucidité, et les autres personnes sont-elles coupables d’y recourir? Voilà ce que ne décide pas formellement le décret, et c’est cependant là la question capitale. Le but que se proposent les uns et les autres est-il répréhensible? C’est ce qu’il s’agit d’examiner. Laissons de côté Vévocation des morts, chose très-peu connue en Europe et dont

il est inutile de c> préoccuper. Parler sur la religion n’est pas le fait habituel dtj somnambules ; mais s’ils ont la fantaisie de causer à ce sujet, nuig ne voyons pas qu’ils fassent plus de mal que s’ils en parlaient à l'état de veille. 11 y a des somnambules qui, dans leur état c.* crise, sont animés de sentiments très-religieux : pourquoi ne leu. permettrait-on pas de les exprimer, ce qui ne peut qu’édifier les Estants?

— Voir les choses invisibles : s’il s’agit de choses absolument invisibles, c’est perdre son temps que de chercher à les voir, ainsi que l’a reconnu M. de la Palisse. S’il s’agit de choses invisibles relativement, de choses que nous ne pouvons apercevoir dans notre état habituel, pourquoi serait-il défendu d’agrandir notre horizon et de perfectionner nos moyens de connaître? A ce compte, il faudrait donc aussi prohiber le télescope et le microscope qui nous mettent à même de voir les choses invisibles ; il faudrait donc défendre au myope de mettn des lunettes ou de consulter un plus clairvoyant relativement aux objets éloignés ; ce que fait le clairvoyant pour le myope, le lucide le fait pour l’homme ordinaire.

Découvrir les choses éloignées, c’est encore voir des choses invisibles; quant à découvrir les choses inconnues, il est bien entendu qu’elles ne sont inconnues que de celui qui consulte. En règle générale, quand nous ignorons une chose qui nous intéresse, nous nous adressons à ceux qui ont des connaissances plus étendues, et dans ce fait si simple, si naturel, il ne peut y avoir rien de blâmable ni d’un côté ni de l’autre.

Le décret semble considérer comme surnaturelles les prérogatives que nous venons d'énumérer, sans pourtant se prononcer formellement à cet égard. Mais sur quoi se fonde-t-on pour déclarer surnaturel un acte humain ? Est-ce parce qu’il est dû à des facultés que ne possèdent pas tous les hommes î 11 y a là un vice de raisonnement palpable ; car les hommes sont doués inégalement par la nature, et quelques-uns présentent des qualités transcendantes dont on trouve à peine chez le vulgaire les premiers rudiments. Les facultés dont il

s’agit, de voir les choses éloignées ou cachées, connaître les maladies et les remèdes, de voir l’ave»'*’» etc., ne se rencontrent pas seulement chez les ¡»vjets magnétiques, elles se sont trouvées chez des per*»ûnes qui n’avaient subi aucune action de ce genre, chez des somnambules naturels , des cataleptiques, ¿es hystériques, des extatiques, etc. Si donc ces faciles ont pu éclore chez certains sujets sans lo concours Je personne et sous la seule influence de maladies, d’âceidents ou d’autres causes naturelles, il n’y a pas de raison pour faire intervenir des causes surnaturelles à l'égard d’autres sujets qui présentent des phénomènes amenés artificiellement.

Le clergé, par la voix d’un de ses organes les plus éloquents et les plus vénérés, de M. l’évêque d’Orléans, a rendu à, Jeanne d’Arc, une justice tardive, a glorifié ses vertus héroïques, a déplorélejugementiniquequil’afrappée ; elle a donc étélavéede l’inepte inculpation de sorcellerie. Or, comme elle a vu des choses éloignéesou cachées et prédit l’avenir, ou est donc obligé de reconnaître que cette intuition peut exister sans être due au démon.

En résumé , l’inquisition, quoique montrant beaucoup de défiance pour le magnétisme * l’autorise sous certaines conditions qui sont remplies dans la généralité des cas ; elle se montre encore plus malveillante pour la lucidité somnambu-lique, mais la décision est tellement entortillée qu’on ne peut affirmer s’il y a condamnation ni sur quoi elle porte. La question restera donc indécise, même dans le monde orthodoxe, et chacun interprétera le décret suivant sa manière de voir. Le magnétisme n’en continuera pas moins sa marche , et la science ne laissera perdre aucune des vérités acquises, san3 s’inquiéter si elles ont le malheur de déplaire aux successeurs des juges qui ont condamné Galilée. Les découvertes de ce grand homme importunaient 1*Eglise et paraissaient inconciliables avec l’orthodoxie ; aussi on les anathématisa, et l’homme de génie contraint par la violence à les désavouer des lèvres, bien que, gardant au fond du cœur la conviction basée sur les études de toute sa vie, laissa échapper ces mots :

Lu terre tourne pourtant. Et l’Eglise, obligée plus tard de céder devant les progrès des lumières, subit les arrêts de la science et eut le dépit de voir tourner en dérision sa sentence, triste monument d’ignorance et d’orgueil.

Ce souvenir aurait dû la rendre plus circonspecte, lui inspirer plus de retenue sur les matières étrangères à sa compétence. Qu’elle craigne de s’exposer encore à des rétractations humiliantes. Il en sera bientôt du magnétisme comme du mouvement de la terre : nul n’osera le nier, et on se repentira d’avoir mêlé des questions de foi à des matières qui ne relèvent que de l’expérience et de la raison.

A. 9, MORIN.

VARIÉTÉS.

l’anf. savant.

... Le secret que je possède pour communiquer avec les hommes, c’est le magnétisme. Certains animaux comme certains hommes sont doués d’un fluide qui développe un état mystérieux, et donne l’intuition des choses passées, présentes et futures. Je possède à un très-haut point la faculté intuitive, et lorsque je rencontre un sujet docile, je la lui communique par l’émanation de l’agent magnétique. Alors il lit dans ma pensée, dans ma mémoire comme dans un livre. Vous savez que ce qui entre dans la tête d’un âne n’en sort jamais; aussi est-il impossible d’imaginer tout ce que mes collaborateurs y trouveront. Ce sont des Christophe Colomb qui vont à la découverte d’un monde inconnu.

Les femmes sont plus généralement somnambules que les hommes, de même les hommes sont plus généralement magnétiseurs. Vous ne vous étonnerez donc pas de trouver des femmes parmi mes collaborateurs. Vous n’en serez peut-être pas fâchés, car elles sont très-lucides et racontent très-naturellement ce que je leur inspire. Ce sera toujours dans mon cerveau que tout se puisera, et je suis réellement seul rédacteur en chef de ce journal.

En pensant sérieusement, chers lecteurs et chères lectrices, que Jupiter a pris alternativement la figure et l’esprit amoureux d’un taureau et d’un cygne pour se faire adorer de deux femmes, vous ne trouverez point étonnant que le directeur-gérant ait pris la figure et l’esprit contemplatif d’un âne pour se faire apprécier du public. C’est Esculape qui lui a inspiré cette pensée , parce que l’âne savant a aussi

en médecine de très-grands secrets à dévoiler et une très-grande mission à remplir.

En lisant attentivement ce programme, vous verrez vous-même tout ce que le journal doit vous dire.

Sam son détruisit trente mille Philistins avec une simple mâchoire d’âne. Le directeur-gérant trouvera certainement de quoi alimenter trente mille lecteurs dans l’immense cervelle de... I’Ane savant.

Tel est le prospectus d’un nouveau journal que publie M. le Dr Cornet. Ce médecin promet de traiter dans sa feuille tout ce qui a rapport au magnétisme.

Je, soussigné, certifie que M. E. T. Mayer a guéri radicalement ma femme, après environ un mois de traitement magnétique, d’une gastro-intestinale qui avait résisté au traitement médical de plusieurs années, entrepris successivement par deux médecins.

La Neuville-les-Masigny, le 25 décembre 1856.

CHEVALOT.

Un de mes correspondants m’écrit de Toronto que le magnétisme et le spiritualisme font au Canada d’immenses progrès ; il se tient dans toutes les villes des assemblées où des prédicateurs des deux sexes exposent les nouvelles doctrines ; le spiritualisme y est devenu une religion qui fait aux anciennes églises la plus rude concurrence et qui a raillé, dans quelques localités importantes, plus du cinquième de la population. Les expériences amènent des résultats de plus en plus merveilleux. Voici un fait que nous extrayons de la relation de notre correspondant :

— m —

A Utica, tin ministre protestant annonça qu’il ferait nn sermon où il prouverait la fausseté du spiritualisme. Au jour indiqué, une foule immense remplissait le temple ; l’élite de la population se pressait pour entendre l’orateur en vogue, et l’on était curieux surtout de l'entendre traiter un sujet qui occupe l’attention générale. Le prédicateur monte en Chaire ; après la prière d’usage, il tremble, balbutie, puis il prononce un discours dans lequel il défend avec chaleur la cause qu’il devait combattre, et se pose comme champion du spiritualisme. L’étonnement est général : les uns disent que c’est un esprit qui s’est emparé de lui et qui emploie se3 organes au service de la bonne cause; d autres déclarent qu°il est possédé du démon. Les membres de la congrégation indignés interviennent, saisissent le ministre et 1 enlèvent de sa chaire, au grand scandale des orthodoxes, à la joie triomphante des spiritualités. 11 y a eu plusieurs autres exemples de conversions de ce genre qui rappellent la con. version de saint Paul (act. ap. ix), et la palinodie de Balaara (nombres, xxiu).

EABON DU POTEX.

ERRATA.

A la dernière page du dernier numéro : lisez à la 3e ligno : terreur,

au lieu de l'arme. ...

A la dernière ligne, lisez le magnétisme, cette autre lumière, on ne 1&-

teindra pas.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnaj).

INSTITUTIONS.

Ceux qui cloutent encore du progrès que fait journellement le magnétisme n’ont qu’à assister à quelqu’une des séances publiques que donne, deux fois par mois, la Société du mesmérisme , ils verront un spectacle aussi grandiose qu’instructif. La vaste salle du Waux-Hall, dont la capacité vient encore d’être augmentée par suite de nouvelles dispositions, peut à peine suffire à l’affluence des personnes avides de s’initier au magnétisme. A chaque séance, une foule empressée se précipite et envahit toutes les parties du local. Après une allocution du président pour exposer quelques-uns des éléments de la science, on offre des cartes aux personnes de l’assemblée qui désirent se soumettre à la magnétisation : il s’en trouve ordinairement soixante réparties en deux séries. Ces personnes s’asseyent sur des divans en vue du public, et des membres de la Société se mettent à les magnétiser. Le public garde un religieux silence ; on observe avec curiosité, avec étonnement cette opération nouvelle pour beaucoup de spectateurs. Parmi eux, il se trouve des indifférents, des incrédules, des railleurs, race très-commune en France ; les uns cherchent sérieusement à s éclairer, d’autres ne sont venus chercher qu’un passe-temps frivole, d’autres enfin sont disposés à une critique peu bienveillante. Les spectateurs appartiennent à toutes les classes de la société : il s’y trouve des médecins, des savants, des artistes , des hommes versés dans toutes les branches des connaissances ; il s’y trouve aussi des artisans, des hommes

de labeur, aux vêtements plébéiens, aux mains endurcies par les fatigues. Aucun choix, aucun parti pris n'ont présidé à ces agglomérations formées par le hasard. Il a donc toutes les conditions désirables pour rencontrer un public impartial et désintéressé.

Chaque magnétisation dure dix minutes, temps bien court et ordinairement insuffisant dans les expériences qui se font en particulier. Et cependant il se manifeste les phénomènes les plus variés, les plus merveilleux. A peine les magnétiseurs ont-ils fait quelques passes, et la plupart des sujets dénotent les graves modifications produites dans leur organisme par l’action magnétique, et dont chaque spectateur peut suivre la marche. Les uns éprouvent de la pesanteur de tète, des papillotements qui annoncent la somnolence ; d’autres arrivent au sommeil complet, quelques-uns même passent au somnambulisme ; il y en a dont les bras en tétanos sont aussi rigides , aussi inflexibles que des barres de fer ; les uns sont complètement insensibles ; d’autres sont attirés ou repoussés par le magnétiseur dont la main est pour eux comme un véritable aimant ; ils semblent avoir perdu leur libre arbitre et la disposition de leurs organes ; le magnétiseur les fait mouvoir dans tous les sens, est maître de leurs actions, les dirige à son gré; certains sujets, cédant à une espèce d’imitation automatique, répètent servilement tous les gestes de leur magnétiseur. Enfin le magnétisme se révèle sous mille formes, il manifeste sa puissance avec une évidence irrésistible.

A l’issue de chaque série, les personnes qui ont été magnétisées viennent successivement rendre compte de ce qu’elles ont éprouvé, et le président le fait connaître à haute voix. On peut donc, en entendant ces déclarations, se faire une idée exacte des résultats. 11 y a quelques personnes qui n’ont rien éprouvé ; c’est le plus petit nombre, et en moyenne la proportion n’atteint pas le sixième du total. On ne doit pas s’étonner de cet insuccès partiel : 011 sait que toutes les personnes 11e sont pas sensibles à l’action magnétique ; en outre, il y en a un grand nombre qui, bien que possédant à

un haut degré l’aptitude à être impressionnées par le magnétisme , ne sont sensibles qu'à une action , suivie pendant plusieurs séances; d'autres, qui n’ont rien ou presque rien éprouvé dans une séance publique, au milieu d’une foule de distractions, donnent des résultats très-marqués, si 011 les magnétise dans le calme et la solitude. 11 faut aussi faire la part des affinités instinctives : telle personne est insensible à l’action d'un magnétiseur, surtout s il lui est inconnu, et deviendra un sujet très-sensible entre les mains d’un autre magnétiseur. Enfin certaines personnes, en se soumettant en public à l’action magnétique, y apportent une volonté contraire, et par là combattent ou même annihilent les efforts du magnétiseur. O11 conçoit donc que toutes ces causes (et il y en a bien d’autres encore que nous pourrions énumérer) doivent amener un certain nombre de mécomptes, peu nombreux du reste , et que compensent largement les succès.

Parmi les personnes qui ont ressenti des effets plus ou moins considérables, il y en a dont l’extérieur n’annonçait aucune perturbation, et qui néanmoins déclarent avoir été influencées d’une manière très-sensible. Les uns ont éprouvé soit de l’engourdissement, soit une chaleur insolite, soit, au contraire, un froid étrange ou bien des frissons, des tremblements dans certaines parties du corps; les autres ont éprouvé des sensations pénibles, mal de tête, oppression , difficulté de respirer, etc., tandis que des individus, qui étaient venus souffrant de rhumatismes ou de diverses douleurs, ont été soulagés ou même ont obtenu la cessation au moins temporaire de leurs maux. Quelques-uns ont présenté un larmoiement qui a duré pendant toute la magnétisation. Il y en a chez lesquels le moral a été plus affecté que le physique, qui ont eu l’esprit agité, bouleversé, qui ont eu une tendance aux visions ou à l’exaltation, à l’extase ; d'autres ont été plongés dans une sorte de torpeur, d’hébétement. Plusieurs n'étant qu’imparfaitement dégagés ont de la peine à rendre compte de ce qui leur est arrivé ; il y en a même qui, sans avoir dormi, n’ont qu’un souvenir confus de ce

— m —

qu’ils ont éprouvé. Ce qu’il ya de plus singulier, c’est de voir les sujets qui ont été somnambules, qui ont été attirés et promenés tout autour de la salle , qui ont étonné et parfois égayé toute l’assemblée par leur docilité à subir en tout l’action de leur magnétiseur, venir sérieusement affirmer qu’ils n’ont rien éprouvé, si ce n’est un peu d’envie de dormir : la mémoire des faits récents est entièrement perdue pour eux, à partir du moment où ils ont commencé à ôtre envahis par

l’action magnétique.

Après les deux séries composées de personnes prises au hasard, on en compose une troisième des sujets qui ont paru les plus remarquables, dont on développe davantage les facultés , et avec lesquels on peut produire des effets plus caractérisés : on los met plus en vue, on les signale l’attention de l’auditoire, et l’on peut, par quelques explications détaillées, faire ressortir les phénomènes merveilleux qui se présentent.

En présence d’une telle accumulation de résultats, l’incrédulité la plus obstinée est bien forcée de se rendre. On ne peut récuser l’autorité de tant de faits en alléguant l’objection banale de compérage. Les individus magnétisés n’ont été ni amenés, ni préparés par les magnétiseurs : ce sont' des personnes-qui d’elles-mêmes se sont offertes, que le sort a distribuées entre les magnétiseurs ; à chaque séance ont lieu de nouveaux appels auxquels répondent de nouvelles personnes, et l’on a môme soin d’exclure celles qui, par hasard, seraient reconnues pour avoir été déjà magnétisées, les membres de la Société voulant éloigner jusqu’au moindre soupçon de connivence et réserver les billets aux personnes qui désirent juger par elles-mêmes de ce que c’est que le magnétisme. Les expériences sont donc d’une loyauté, d’une sincérité irréprochables, et il n’y a rien de plus concluant.

Aussi les séances sont un des meilleurs moyens de propagation : il n’en est aucune qui ne prépare ou ne détermine de nombreuses conversions, qui ne serve efficacement la cause du magnétisme. Bien des spectateurs, éclairés par les faits nombreux dont ils y sont témoins, deviennent

de fervents adeptes ; d'autres , dont la conviction est plus lente à se former, sont au moins ébranlés, sentent leurs préventions se dissiper, se promettent de compléter leur instruction par de nouvelles études , à la suite desquelles.,, se mettant eux-mêmes à l'œuvre, ils ont la satisfaction.de repro-duine ce qu'ils ont va faire.

Les séances publiques sont une pépinière inépuisable de magnétiseurs ; c’est un foyer incessant de lumières et d’activité. C’est là une des tâches les plus importantes et les plus fécondes de la Société du mesmérisme, c’est par là surtout qu’elle rend d’éminents services, et l’empressement syrnpar tbique du public prouve que ses efforts sont dignement appréciés.

Nous manquerions aux devoirs d’une bonne confraternité si, à ce sujet,, nous ne rendions un tribut d’hommages aux travaux de la Société philantliropico-inagnétique qui poursuit le même but et à peu près par les mêmes moyens : bien que le local dont elle dispose soit beaucoup moins, vaste et qu’elle ne donne qu’une séance publique par mois,,, cic-constances, qui restreignent considérablement la portée dE son enseignement, néanmoins elle contribue puissamment à la propagation du magnétisme ; elle compte dans son sein des hommes de cœur,, dévoués; et intelligents, dont le concours est extrêmement précieu«. Comme les deux sociétés diffèrent, à quelques égards, quant à l’ordonnance des séances publiques » nous croyons utile de présenter quelques observations sur la principale de ces différences-

A. la Société philantbropico-magnétiq.ue, la première série est consacrée au traitement des malades par le magnétisme : la seconde seulement a pour but (comme au Waux-HaLL) de produire soit le. sommeil, soit, des effets de curiosité.. On a demandé s’il n’était pas préférable d’introduire aussi l’application pratique dans les exhibitions publiques, et la question a été soumise à la Société du mesmérisme qui „ après une mûre délibération, a cru devoir maintenir l’ordre: de ses séances ; voici quels ont été les principaux motifs de sa détermination :

Sans doute , le magnétisme est destiné, non pas à satisfaire une vaine curiosité, mais à soulager l’humanité souffrante , et les apôtres du magnétisme doivent, autant que possible, prêcher non pas seulement par les discours, mais surtout par l’exemple. Seulement ils doivent choisir avec discernement les circonstances les plus opportunes pour les démonstrations pratiques. Or, on a estimé que ce n’était pas en une magnétisation de dix minutes, et en présence d’un public distrait et indifférent, qu’on pouvait apporter à des malades un secours efficace. Pour procéder convenablement, il faut d'abord que le malade explique avec soin en quoi consiste son mal et quelles en ont été les phases, ce qui exige un entretien plus ou moins long, et ne peut se faire commodément en présence de témoins. 11 est extrêmement rare que le magnétisme puisse, en quelques instants, causer un soulagement appréciable ; ordinairement ce n’est qu’à la suite de longues et nombreuses séances que le magnétiseur parvient à se rendre maître du mal ; il est donc prudent de ne l’attaquer qu’autant qu’on est assuré de pouvoir le combattre avec toutes chances de succès, ce qui exige un traitement suivi et persévérant. Mais, dans une séance publique , à peine vous serez-vous rendu compte de la tâche à entreprendre, que la sonnette du président vous condamnera à l’inaction, et vous aurez le regret de n’avoir pu donner à votre malade la moindre idée de ce que vous êtes en état de faire pour lui. Quand les sujets viennent ensuite déclarer ce qu’ils ont éprouvé, le grand nombre des résultats négatifs accuse l’insuffisance des moyens employés ; et si quelques malades déclarent avoir ressenti des effets salutaires, le président sera obligé, pour les faire apprécier par l’assemblée, d’entrer dans des détails techniques peu intelligibles et aussi peu attrayants pour la majeure partie des assistants.

En se bornant aux effets physiologiques, on est plus certain de produire des effets sensibles sur un plus grand nombre de sujets, de rendre ainsi palpable la puissance du magnétisme ; on répand le goût de la science , et l’on initie de

nouveaux disciples qui seront bientôt en état de multiplier les applications thérapeutiques.

11 serait à désirer que les institutions magnétiques servissent de modèle et fissent cette application sur une grande échelle; mais ce ne pourrait être que par la fondation de dispensaires ou infirmeries magnétiques où les malades seraient admis pendant tout le temps nécessaire et soumis à un traitement approprié à leur état, sous la direction de médecins éclairés : qu’il soit tenu note exacte des résultats obtenus , afin d’enrichir la science de nouveaux matériaux, et de faire connaître les cas où le magnétisme peut être le plus utile, et les procédés les plus efficaces. C’est ce qui se fait à Londres, Edimbourg, Dublin et dans quelques autre9 villes étrangères, où l’esprit d’association a enfanté des prodiges. 11 est pénible d’avouer sur ce point notre infériorité. Paris, qui a vu naître le magnétisme, qui lui a fourni ses plus illustres prosélytes, qui a fait rayonner la nouvelle doctrine dans le monde, Paris, cerveau de l’humanité, où se sont élaborées tant d’idées grandes et généreuses, et qui aurait dû devancer les autres pays dans la voie de la réalisation, est restée en retard. Ce ne sont pourtant pas les éléments qui manquent : il s’y trouve un nombre immense d’amis chaleureux du magnétisme : ils n’ont qu’à s’unir pour être en état d’accomplir ce noble dessein ; que les deux sociétés prennent l’initiative, et bien des coopérateurs fervents répondront à leur appel.

K. S. MORIN.

LE MAGNÉTISME EN HOLLANDE.

Extrait de l’Echo universel du 6 décembre 1853.

Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur les expériences électro-magnétiques que se propose de donner en cette ville M. Siemelink. Malgré le cercle positif dans lequel l’esprit humain se tourne de préférence dans notre siècle, les phénomènes incompréhensibles, qui sont peut-être les précurseurs d'une science encore inconnue, ne laissent pas de préoccuper les imaginations. Les expériences de M. Siemelink sont un aliment peu ordinaire à cette curiosité.

De nombreux certificats, délivrés au magnétiseur par des personnes de toutes conditions, prouvent, au reste, que ses expériences, bien loin de nuire, exercent une influence salutaire sur l’organisme de ceux qui ne craignent pas de s’y soumettre.

Extrait de l’Echo universel du 25 décembre 1 853.

M. Siemelink donnera demain sa seconde soirée magnétique. Le succès de sa première soirée permet de recommander des expériences qui intéressent autant qu’elles étonnent. S. M. la reine a bien voulu faire retenir huit places pour la i eprésentation de demain.

Extrait de l’Echo universel du 21 janvier 1856.

On ne doute plus maintenant de la réalité de cet agent qui s’appelle magnétisme et dont la puissance occulte se manifeste par des symptômes physiques trop évidents pour laisser planer le moindre soupçon de charlatanisme. II s'agit seulement de trouver des hommes experts dans cette nouvelle branche des sciences modernes.

M. Siemelink, magnétiseur à Amsterdam, par le succès de plus en plus considérable de ses expériences, répond entièrement à la tâche qu’il s’est choisie en ce pays, et mérite désormais une place à part parmi ceux qui s’occupent du magnétisme et de son application.

Extrait du Joridagsblad du 6 janvier 1856.

Comme une preuve que la force magnétique, développée parla volonté d’un magnétiseur, peut aussi opérer sur une patiente à plusieurs lieues de distance, sans que la patiente en ait la moindre prescience ou connaissance, nous communiquons aux lecteurs du journal de dimanche les phénomènes suivants de la force magnétique, dont la vérité a été confirmée par des témoignages authentiques.

M. Siemelink, magnétiseur à Amsterdam , dont la force magnétique a déjà été critiquée tant de fois par les différents journaux, a maintenant en traitement une patiente à Laandam, sur laquelle il opère journellement ; on s’est demandé si le magnétiseur peut ainsi opérer sur ses patients à de grandes distances, sans les en prévenir ? M. Siemelink, répondant par l'affirmative, promit d'en donner confirmation par des faits.

Le magnétiseur étant à Amsterdam le 1" décembre, voulut convaincre les incrédules de la vérité de ce fait.

Vers les sept heures du soir du même jour, il se retire à l’écart et magnétise à trois lieues de distance les yeux de sa patiente de Laandam, affirmant que les paupières se fermeront pendant une demi-heure. L’opération finie, il en écrit un rapport abrégé , le cachette et part, allant le jour suivant comme de coutume, par le bateau à vapeur, à Laandam ; il remet le rapport cacheté et apprend des relations de la patiente que ses paupières s’étaient fermées pendant une demi-heure, malgré tous les efforts qu’elle avait faits pour les ouvrir, tandis qu’elle n’avait nullement perdu connaissance. Ceci arriva précisément à sept heures, pendant qu’elle était sortie et dans un cercle de plusieurs personnes.

Bien que le magnétiseur eût fourni la preuve convaincante que la force magnétique peut opérer à une grande distance, il y en avait quelques-uns qui étaient portés à. attribuer ce fait au hasard, ce qui décida le magnétiseur Sie-melink à répéter son expérience à l'improviste, et il le fit vendredi 7 décembre suivant, mais cette fois, à un autre moment de la journée. Le résultat de cette expérience fut en tout identique à la précédente.

Au second essai, il parut ii M. Sicmelink qu'on avait essayé d’ouvrir les yeux par force, et le jour suivant, il .apprit en effet que le frère de la patiente avait tâché en vain de lui ouvrir les yeux, ce qui lui avait causé un accident nerveux et fait perdre connaissance pour un moment.

Extrait de la Gazette d’Arnheim du 28 février 1856.

M. Sicme/ink, à Amsterdam, qui pratique la médecine magnétique, n'est pas seulement doué de la force extraordinaire qu’il met en jeu, mais il use de cette force avec science et parfaite connaissance de cause. Différents rapports, dont nous avons pu prendre connaissance, en rendent témoignage , et des déclarations des personnes considérables, il ressort qu’il a réussi très-heureusement il guérir des maladies très-graves, môme considérées comme incurables.

Extrait du Londagsblad, du 6 juillet 1856.

Amsterdam, 6 juin 1856. Ce soir, à neuf heures, le magnétiseur Siemetink, assisté de la clairvoyante madame Jeanne, tint une séance magnétique concernant M. P. D. Loetorbagh, médecin de vaisseau à bord de la frégate néerlandaise Pa-lembang, capitaine Hoekstra , partie de Nieuwediep le 14 avril. Le rapport original fut envoyé par le landmail aux Indes, et la vérité de la vision magnétique sera évidente à l’arrivée dudit vaisseau aux Indes ou à son retour dans sa patrie.

Nous donnons en attendant le contenu de ce rapport :

La somnambule étant dans une position clairvoyante, dé-

clare entre autres choses ce qui suit, concernant lesdits vaisseau et médecin.

« Je vois très-clairement le docteur ; dans ce moment il est occupé à écrire dans son propre appartement, il est tout pensif.

« Je ne vois pas qu'il soit arrivé quelque chose d’important au Palembang par suite de mauvais temps.

« Le médecin a beaucoup parlé à bord du magnétisme.

« Je vois avancer le Palembang très-lentement, non avec un vent fort à pleines voiles, le vent en poupe bien chaud, mais pas excessif ; le vaisseau n’a pas encore passé la ligne ; il me paraît qu'à présent il est à 10 degrés de latitude septentrionale et 1 ü degrés de longitude occidentale.

« Il y a huit semaines que le Palembang a passé de hautes montagnes, à tribord.

« Il y a peu de malades à bord, mais mon ami L... a eu beaucoup à faire avec des malades atteints du mal de mer. On a vu un vaisseau en mer, c'était un vaisseau néerlandais; il avait reçu du dommage, par une tempête, on ne l’a pu secourir.

« Le capitaine est en bonne santé, quoiqu’il souffre beaucoup du mal de tête.

« Pourquoi M. L... ne se sert-il pas des bains de pieds que je lui ai conseillés?

« Dans ce moment, dix heures et demie, il se trouve dans la grande cachutte, avec toute la compagnie ; on parle beaucoup ensemble; mais L... n’écoute pas, il est abstrait; il avait un grand papier en mains, et était venu de la dunette, il l’a mis de côté : ce sont quelques notes.

« Nous le voyons revenir à Amsterdam ; d’ici là, il nous écrira une lettre des Indes ; il sera content de ce j’ai déclaré.

« MM. •/. C. ton Cale et F. C. Michel ont signé le rapport et déclaré avoir assisté à cette séance. »

Extrait du Londagsblad, 5 octobre 1856. Amsterdam, 17 septembre. Le magnétiseur M. Siemelink,

à Amsterdam, ayant été invité à donner quelques preuves de l’électro-magnétisme, satisfit à ce désir exprimé avec la plus grande promptitude ; un public très-nombreux , réuni dans la salle de la société Apulto, fut littéralement stupéfait par les résultats que produisit sa force magnétique. l)e l'application du magnétisme modifié, opération en condition veillante, nous disons seulement que les preuves étaient incompréhensibles. Des personnes magnétisées , après avoir été dans des mouvements faligants pendant un quart d’heure, ont conservé leur pouls dans un état normal, et ce pouls a été accéléré ou ralenti à la volonté du public, sans le contact du magnétiseur, et les personnes qui furent soumises à ces expériences étaient des personnes du public qui s’étaient offertes volontairement, par conséquent tout à fait étrangères au magnétiseur. M. Siemelink fit à cinq personnes former une chaîne et les fit tomber eu sommeil magnétique, seulement en soutenant la main d’une d’elles, lien mit ensuite trois, dont deux dames dans un état cataleptique , et leur fit exécuter, par sa volonté magnétique et sans prononcer un seul mot, tous les mouvements que le public désira et qui furent exécutés avec la plus grande exactitude ; il leur fit adopter des attitudes dans lesquelles on ne peut rester une minute en état de veille, et les leur fit conserver pendant longtemps ; il leur ouvrit les yeux et ils restèrent non seulement immobiles, mais en môme temps insen-bles à la lumière et au vent ; il excita en elles l’envie de chanter, et, suivant le désir du public, il fit entonner à l’une d’elles le chant national, par l’effet de sa volonté magnétique, et sans lui adresser la parole; il paralysa ou raidit quelques membres, et mit ceux-ci dans un état d’insensibilité parfaite, et Ot exécuter aux personnes soumises à son influence magnétique des attitudes historiques, genre d’expérience qui réussit de même entièrement.

BIBLIOGRAPHIE.

IiA VERITA SOL MAGNETI9MO ANIMALE , onia tpiegatioM ratiomlt

dei fenomeni del magneliimo, del sonnambulisno et délie lu vole dan-tanti e parlanti. (La Vérité sur lo magnétisme animal, ou ojpllootiuns rationnelles des phénomènes du matiiiétisme, du somnambnlisn» etdes tables dansantes et parlantes), par M. E. Au.ii. — Turin, 1856.

M. Allix est connu de nos lecteurs comme un des champions les plu6 zélés et les plus éclairés du magnétisme : U ne néglige aucun moyen de le répandre et de l’appliquer : les séances, les cours publics , la pratique thérapeutique-, les journaux, les livres, il met tout en usage avec un égal succès. 11 a déjà publié en italien le Guide élémentaire de l’étudiant magnétiseur. La petite brochure qu’il vient de faire paraître est destinée à donner les notions les plu» élémentaires du magnétisme aux personnes qui y sont tout à fait étrangères ; c’est un exposé clair, élégant, dont la lecture pourra amener beaucoup de personnes à votre cause en leur inspirant le désir de connaître plus à fond le magnétisme. Seulement nous regrettons que M. Allix, tout en se renfermant dans le cadre étroit qu’ils’était tracé , n’ait pas présenté des notions plus étendues. Ainsi, dans le chapitre premier, il s’attache à prouver que c'est une erreur depré-tendre qu’on ne doit croire que ce qu’on peut expliquer. Il a mille fois raison , mais quelques lignes sur cette question auraient suffi ; il a cru devoir donner d’assez grands développements. Au second chapitre, il énumère les effets du magnétisme , et il ne donne même pas de définition de plusieurs expressions peu connues du vulgaire; de sorte qu’il ne fait guère qu’une table de matières : quelques explications auraient été indispensables.

Dans les chapitres suivants, il professe sur les diverses branches du magnétisme des opinions sur lesquelles il y aurait beaucoup à discuter. Nous ne pourrions répondre dr une manière complète à tout ce qui nous paraît contestable, sans faire un travail plus étendu que sa brochure elle-même. Nous

nous bornerons à rendre compte de son plan et à présenter de temps en temps quelques observations.

Dans le chapitre 111, il définit ce qu’il entend par magnétisme animal, et il s'explique sur la cause qui le produit. Cette cause, suivant lui, « invisible comme l’air, la chaleur, les gaz, impalpable comme la lumière, n’est autre que le fluide vital et nerveux. 11 a son origine dans le fluide universel répandu dans l'espace, qui, pénétrant notre organisme par le moyen des voies respiratoires, s’y élabore et subit une transformation, et alors il prend la dénomination de fluide nerveux. Ce fluide préside à tous les actes de la vie ; les nerfs lui servent de conducteurs... Au moyen de certains gestes, le magnétiseur peut émettre au dehors le fluide nerveux qui envahit l’organisme de la personne qui désire être magnétisée. » Il réfute l’opinion de ceui qui attribuent ces effets à l’action du diable.

L’auteur s'attache ensuite à dissiper les craintes des personnes qui croient dangereux de se soumettre au magnétisme, et qui pensent que les sujets sont sous l’empire absolu du magnétiseur. Tout en reconnaissant l’influence considérable de celui-ci, M. Allix est d’avis que le sujet conserve son libre arbitre, qu’on ne l’entraînera pas à faire ce qu’il ne ferait pas dans son état ordinaire, et particulièrement qu’on ne lui arrachera pas ses secrets. Cette question est grave et épineuse. Mais quelque opinion qu’on adopte à ce sujet, il faut reconnaître la sagesse des conseils de l’auteur qui recommande de ne se faire magnétiser que par des personnes dont on connaît la moralité et la discrétion, et toujours en présence de quelques témoins. C’est ce qu'ont prescrit Deleuze et les auteurs les plus honorables.

M. Allix établit qu’il n’est pas nécessaire de produire le somnambulisme pour guérir par le magnétisme; il explique les conditions nécessaires pour magnétiser efficacement, et il fait voir les dangers auxquels expose le magnétisme exercé par des personnes inexpérimentées. Nous aurions désiré ici une brève instruction sur les procédés à employer dans les cas les plus ordinaires.

11 s’occupe ensuite de la magnétisation des animaux et des végétaux. Nous remarquons cette expérience curieuse : « La sensitive a, comme on sait, cette propriété singulière que ses feuilles se replient sur elles-mêmes au moindre contact. Cette contraction, qui prouve la sensibilité de cette plante, cesse d’avoir lieu quand elle est soumise à l’action du chloroforme. En magnétisant la plante, 011 obtientle même résultat ; on pourra alors la toucher sans qu’elle se contracte.

L’auteur examine quels sont les usages utiles du magnétisme et du somnambulisme. 11 est très-réservé quant au somnambulisme : selon lui, le cas le plus favorable est celui où un malade que l'on traite devient somnambule et se prescrit les remèdes propres à le guérir ; quant à l’emploi de la lucidité pour autrui, les chances de succès sont bien plus restreintes, les vrais lucides sont extrêmement rares, et les sujets les plus éminents sont loin d’être toujours lucides ; on ne doit donc recourir à ce moyen qu’avec une grande circonspection , ce ne doit être qu’un auxiliaire de la médecine et du magnétisme direct, et non un mode unique et exclusif de traitement.

En dehors des cas de maladies, È. Allix rejette absolument le somnambulisme et condamne comme de misérables charlatans ceux qui donnent des consultations, notamment pour prédire les numéros de la loterie, pour chercher des trésors enfouis, pour faire connaître ce que pense telle personne , sa position , sa moralité, etc., pour annoncer le résultat futur d’un procès ou d’une entreprise, pour découvrir les voleurs et retrouver les objets perdus, pour faire retrouver les chiens et les perroquets perdus, pour déterminer le degré de fidélité d’un amant ou d’un mari, et autres choses semblables. Il ne veut même pas examiner si de telles recherches peuvent conduire à des résultats positifs, il les réprouve comme absolument immorales. 11 justifie sa décision par le raisonnement suivant qui ne s’applique qu’à la recherche des pensées ou des sentiments d’une personne : si la chose est impossible, celui qui s’y emploie vole l’argent du consultant. Si elle est possible et qu’elle réussisse , on

■viole ce qu’il y a de plus sacré en pénétrant dans le sanctuaire de la conscience d’autrui (page 36).

'Cette solution nous paraît beaucoup trop radicale. Il importe avant tout de bien se fixer sur un principe ; nous ne pouvons accepter une déclaration d'impossibilité absolue, puisque chaque jour de nouvelles découvertes reculent les limites du possible, et que, môme en dehors des faits constatés, nous ne pouvons jamais affirmer que la puissance de l’homme ne parviendra pas à franchir la ligne qui jusqu'ici avait dépassé la portée de nos forces. Parmi les objets de recherche énumérés, il y en a qui ne paraissent pas avoir été atteints, d’autres qui l’ont été certainement, quoique dans des cas bien rares, et M. Allix est trop versé dans l’étude des sciences occultes pour ne pas connaître les faits merveilleux qui ont été recueillis. S’efforcer de les reproduire, de les rendre plus vulgaires, ce n’est pas une tentative immorale en soi, et si nous rencontrons des sujets qui offrent de brillantes facultés, il ne nous sera pas défendu de les développer et d'en tirer parti dans un but honnête. Par exemple, pourquoi nous serait-il interdit de chercher à retrouver des objets perdus et à dévoiler les crimes des malfaiteurs ? C’est là user d’un droit légitime ; dans plusieurs cas rapportés par des auteurs dignes de foi, dans d’autres dont nous avons personnellement connaissance, ces recherches ont été couronnées des plus heureux succès, grâce à la lucidité des somnambules.

Quant à pénétrer la conscience d’autrui, nous sommes peu touchés de l’inconvénient qui résulte d’une telle violation. L’honnête homme doit non seulement se bien conduire en toutes choses , mais encore n’avoir aucune pensée qu’il ne puisse avouer au grand jour, et si chacun était bien persuadé qu’à tout instant il peut être surpris, observé par un lucide, on vivrait de manière à n’être jamais pris en défaut, et la société y gagnerait, puisque le crime et le mensonge en seraient bannis. Nous sommes bien loin d’une telle utopie, et les moyens de dévoiler les pensées secrètes sont encore trop imparfaits pour que les gens malintentionnés aient

à éprouver cet égard une frayeur salutaire. Mais en attendant , s’il arrive accidentellement qu'un individu, surpris par lin lucide, voie ses pensées dévoilées, il n’aura pas plus le droit de s’en plaindre que s’il avait été découvert par un physionomiste habile et par un observateur sagace, armé seulement des moyens ordinaires.

Quoi qu'il en soit de la légitimité de ces sortes de recherches en général, on nous accordera sans doute qu’il est au moins des cas particuliers où elles sont permises, c’est celui où une personne est obligée de se défendre des machinations d’un ennemi qui lie recule devant aucun moyen, celui où il s’agit de protéger le faible contre des embûches qui menacent sa vie, sa fortune ou son honneur; ce sera encore le cas de guerre où l’on s’efforcera de surprendre les secrets du général ennemi ; la police, agissant dans l'intérêt de la sûreté publique, devra- t-elle reculer devant l’emploi de ce moyen, s’il s’agit de déjouer des complots, de démasquer des traîtres ?...

Nous ne partageons donc aucunement en théorie les scrupules de M. Allix. Mais quand il s’agit d’apprécier les faits actuels, nous sommes d’accord avec lui pour déplorer et flétrir l'abusqu’on fait journellement du somnambulisme, et l’espèce de prostitution qui fait descendre les plus sublimes facultés jusqu’à les mettre au service des plus misérables passions. Oui, dirons-nous avec lui, il est extrêmement fâcheux qu’une foule de gens se figurent que tout somnambule tenant cabinet ouvert au public est un oracle infaillible, en état de répondre à commandement sur toute espèce de questions, de dévoiler le présent, le passé et l’avenir. C’est là une exploitation honteuse d’où résulte une superstition ridicule, et qui. donne lieu à des maux de tout genre. La lucidité est un éclair fugitif qui ne brille que de loin en loin chez les organisations les plus parfaites, et qu’il n’est pas au pouvoir de l'homme de faire jaillir à son gré ; elle n'éclaire qu’un champ limité, et nous ne pouvons en projeter à notre gré. la lumière.sur l’objet de nos désirs ou de nos passions. Gardons-nous donc de promettre plus que nous ne pouvons tenir, et évitons de corrompre les sujets d'élite en exigeant

d’eux une lucidité de tous les instants et sur toutes les matières imaginables ; c’est le moyen de les épuiser et de n’en tirer que mensonges et déceptions.

Nous abrégeons à regret les considérations sur cet important sujet : nous nous bornerons à conclure que le somnambulisme peut rendre d’immenses services, mais que, pour le diriger et en tirer parti, il faut beaucoup de sagesse et de discernement. S’il était fâcheux qu’il fût autrefois monopolisé par le sacerdoce , il n’est pas moins regrettable qu’il soit aujourd'hui travesti et avili par la multitude : c’estaux grands esprits de l’école magnétique qu’il appartiendradeluiassigner son véritable rôle et d’en développer toutes les ressources.

M. Allix, dans son chapitre IX, traite des séances publiques de magnétisme, en fait voir les avantages et les inconvénients, et conseille avec raison de n’y offrir que des phénomènes physiologiques qui ne font jamais défaut, au lieu d’expériences de lucidité qui manquent presque toujours, ce qui compromet gravement le magnétisme.

Dans le chapitre XI, il examine comment devrait être pratiqué le magnétisme , et il conclut à ce que l’usage en soit réservé exclusivement aux médecins. Nous avons toujours combattu ce système illibéral, et nous nous proposons de discuter cette question dans un prochain article.

Le dernier chapitre est consacré aux phénomènes des tables mouvantes et parlantes, sur lesquels on a tant écrit, tant raisonné et déraisonné , et qui restent encore enveloppés de tant de ténèbres. M. Allix se borne à accepter de tout point le système exposé par M. Lafontaine (1), dont il cite un long extrait. D'après cet auteur, la cause du mouvement des tables est le fluide vital à l’aide duquel l’homme peut mouvoir sans contact les corps inanimés; c’est ainsi qu’il prétend faire dévier l’aiguille du galvanomètre ou même une aiguille ordinaire suspendue par un fil de coton non tordu et placée sous un globe de verre hermétiquement clos ; M. Lafontaine assure avoir agi également sur des ai-

(1) Eclaircinementi lur le Hagnêtitme. Genève, 1855.

guilles de matière quelconque, d’or, d'argent, de platine, de laiton, de baleine, d’ivoire, de bois, de verre. Nous ne nions pas ces faits : nous regrettons seulement que M. Lafontaine, pendant qu’il habitait Paris et qu’il y donnait des séances de magnétisme, n’ait pas fait ces expériences publiquement, de manière à en rendre l’authenticité incontestable ; il a eu alors avec des membres de l’institut des pourparlers qui n’ont abouti à lien. S’il est aussi facile qu’il le dit d'obtenir ces résultats, on ne conçoit pas que quelqu’un de ses disciples ne se charge pas de nous convaincre par des faits manifestes. Plusieurs de ses lecteurs (et j’avoue être du nom -bre) ont essayé sans succès. Il en est de même du mouvement des tables sans contact obtenu par M. de Gasparin. Jusqu’à ce que ces faits puissent être reproduits avec facilité, le public devra les regarder comme douteux.

Pour les tables parlantes, il ne .suffit pas du fluide vital. M. Lafontaine, écartant avec dédain l’hypothèse des esprits, explique ainsi le phénomène : « 11 y a une surexcitation nerveuse produite par le fluide vital et dont le sujet n’a pas conscience. Cette saturation du système nerveux développe la partie instinctive de l’âme et fait que , sans somnambulisme et même sans sommeil, le sujet a une intuition, une faculté extraordinaire de perception des choses et des faits : ce qui se confond souvent avec la lucidité somnambulique, à tel point qu’elles semblent développer les facultés intellectuelles. C’-est dans cet état que se trouve le médium autour d’une table. Le fluide vital émane de chacun des expérimentateurs, et tous ces fluides se réunissent chez la personne la plus absorbante, la plus nerveuse, chez le mfdium ; cette accumulation en augmente l’intensité, et il en résulte une force dont chaque expérimentateur est solidaire. Le fluide ainsi reçu par le médium produit en lui une vibration organique qui dissipe toute sa connaissance et le met dans cet état si singulier de perceptibilité instinctive. Le médium , dans cet état mixte dont il n’a pas conscience, poussé par cette intuition instinctive qui lui permet de percevoir les choses et les faits dont il n’a aucune idée et qu’il n’a pu

— —

connaître par la sensation, dirige et attire les autres personnes sans le savoir, et, sous sa direction inconsciente, la table se meut, s’agite, répond aux pensées non exprimées, et présente tous ces phénomènes qui nous étonnent.

Après les nombreuses dissertations sur les tables parlantes, insérées dans le Journal du Magnétisme, nous craindrions de fatiguer les lecteurs en revenant sur ce sujet : nous ferons seulement remarquer que souvent le medium, tout en coopérant aux mouvements de la table ou en dirigeant le crayon ou la corbeille, continue d’ôtre en rapport avec les objets extérieurs et de converser tranquillement avec les assistants, comme s’il était dans son état normal, ce qui semble incompatible avec l’état que lui attribue M. Lafontaine, que son explication n’est donc pas satisfaisante.

M. Allix termine son ouvrage par le récit d'un défi qui a fait beaucoup de bruit en Piémont et qui ne pourrait intéresser que très-médiocrement les lecteurs français. Nous y voyons qu’au-delà comme en deçà des Alpes, il y a des charlatans qui compromettent le magnétisme en associant, dans la même exhibition , des expériences mesmériennes et des tours de jongleurs ; celui dont il y est question, et qui a figuré sur le théâtre Carignan à Turin , parodiait le miracle de la liquéfaction du sang de S. Janvier et celui de la Madone de llincini qui remue les yeux, il s’enfonçait des clous dans le nez et des sabres dans le ventre ; on conçoit que de tels exercices soient un prélude fort peu digne pour préparer à des expériences graves et. scientifiques. M. Allix a parfaitement raison de flétrir ce honteux accouplement, a. s. morin.

Les Abonnés dont l'abonnement est expiré sont priés d’envoyer leur réabonueinent directement à M. lo baron du Potet. (Affranchir.)

Un nouveau programme paraîtra dans le premier numéro de janvier 1857 ; Il Indiquera les changements survenus dans la direction et l'administration du Journal.

ARRATA.

lUV-t plissé plusieurs fautes d'impression dan, noire dernier numéro : nous rectifions celle* qui dénaturent le mus dulcite. Dan» l'arliclo sur l’inquisition, p. 636, ligne 7. eu lieu, de capablt,, lis-'i toapabUi.

Page 637» ligna 2U, au lien de affùwr, User, allirtr.

Page 638, ligne 10, au lieu de voir, I isea croire.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay). ~

TABLE

ANALYTIQUE

DES MATIÈRES DU TOME QUINZIÈME.

INSTITUTIONS.

Fête de Mesmer : 122e anniversaire, 11e célébration à Paris. Compterendu par M. E. de Malherbe. Discours et tostes de MM. du Potet, Morin , Petit d Ormoy , Baïhaut, Lecoq, Salvat, et de Mme Alphon-sine Masson. Distribution de médailles décernées par le jury magnétique, 253 à 275.

Infirmerie magnétique de Londres. Indication des principales cures obtenues dans cet établissement, sous la direction de M. Capern, 421.

Jury magnétique d'encouragement et de récompense. Annonce de la prochaine célébration de la file de Mesmer, 139. — Médailles décernées à divers magnétistes, 272.

Société du journal il Mesmerista, de Turin. Esprit de cette feuille et noms de ses principaux rédacteurs, 249.

Société du mesmérisme de Paris.

Renouvellement de son comité et élection de M. du Potet comme président, 137. — Discussion sur la lucidité somnambulique, 457.

— Résultat des magnétisations opérées au Waux-Hall, pendant le premier semestre de cette année, 476. — Séances publiques de la Société, 645 Société médico-magnétique d’Edim-

- bourg, présidée par M. le docteur William Gregory. Composition du bureau. Principales cures opérées par les soins de cette société. 381. Sociélé philanthropico-magnétique dé Paris, 649.

Société philomagnétique de Turin. Fondation du journal la Luce magnetica, sous la direction de M. Francesco Guidi.

Programme de ce journal et premiers travaux de la société , 45, 251 , 387.

CLINIQUE.

CAS DE MÉDECINE. — Maux guéris ou soulagés.

Affaiblissement de la vue, 383. Affection nerveuse, 227.

Amaurose, 421.

Aménhorrée, 464, 518.

Ankylose, 464.

Arthrite, 387.

Asthme, 383.

Blessures (suites de), 421. Catalepsie, 447.

Céphalalgie nerveuse, 225, 377. Chorée (danse de Saint-Guy), 387. Conjonctive, 561.

Consomption, 382.

Convulsion, 380.

Crises nerveuses, 383.

Dislocation de la cheville, 463. Entorses, 231, 558, 382.

Epilepsie, 583, 387, 388, 533.

Fièvre, 421, 537.

Fluxion de poitrine, 285. Goutte, 421.

Hernie, 381.

Hydropisie, 285.

Hystérie, 128, 135, 477. Maladie de l’utérus, 393.

— de vessie, 465. Métrorrhagie, 387.

Ozène, 228.

Paralysie, 383, 465. Rhumatismes, 382, 421. Sciatiquc, 387.

Spasmes, 519.

Suppression de lochies, 387. Syncope grave, 428.

Tic douloureux, 421. Tremblement nerveux, 383.

ÉTUDES ET THÉORIES.

Catalepsie (de la). Définition de cette maladie, et moyens de la combattre , en dehors de l'art médical convaincu d'impuissance. Mémoire par M. le docteur Puel, 443.

Electro-dynamysme vital et relations physiologiques de l'esprit et de la matière. Examen des théories de M. Philips, par M. Petit d’Ormoy, 400, 429.

Fluide (du) vital ou magnétique.

Coup d'œil sur son action et ses propriétés, par M. Mozzoni, 305.

Hallucinations (des) dans ce qu’elles ont de commun avec la vue som-nambulique. Examen de la théorie de M. le docteur Brierre de Bois-mont. par M. A. S. Morin. 220.

Lucidité (de la) somnainbulique, principalement en ce qui concerne les faits de prévision. Aperçus théoriques par MM. A. S. Morin et Petit d'Ormoy, 457.

Médiums et somnambules. Etroite affinité qui existe entre eux. Théorie et faits à l'appui, par M. le docteur Gregory, 313.

Physiologie magnétique. Développement extraordinaire de froid , de chaleur et d'électricité, selon qu’on actionne le nez , le menton ou la rotule. Découverte des docteurs Buchanan et Persiston , confirmée par le docteur Vandoni, 522. (Pour plus de détails. voir le tome viii du Journal du Magnétisme, page 373.

Présent (le) et l'avenir du magnétisme. Discours de M. du Polet sur la situation actuelle du magnétisme, et sur le progrès humanitaire que cette science est appelée à produire, 253.

Psychométrie, ou art prétendu de mesurer les esprits des hommes au moyen de rapports sympathi-

CONTROVERSES.

Débâcle de la médecine. Lamentations de M. le docteur Sanderet sur l'envahisse ment de l’art de guérir par l'empirisme sous toutes les formel. Réponse et conseils philo-

co - phrénologiques. Système exposé par M. Brown, d apres le docteur Buchanan , et combattu par M. A. S. Morin, 472.

Rêve (du) et du somnambulisme. Action des sens dans le rêve et lle somnambulisme naturel. Théorie et faits à l'appui, par M. lle docteur Judée, 13.

Science (la) nouvelle. Les phénomènes du magnétisme, du somnambulisme , de l’extase , et les conséquences qui en découlent, changent le pivot des sciences. Vues philosophiques, par M. du Potct, 3.

Spiritualisme. Vues diverses sur la nature et les causes des manifestations dites spirituelles , par MM. Barthet, 365 ; — docteur Che-vandier, 204 ; — docteur Clever de Maldigny, 66, 141, 169 ; — de Guibert de Clelles, 337 ; — docteur Gregory, 320, — J... (correspon-dant), 35, 239 ,594; — Lamothe, 507 ; — Mathieu , 621 ; — Max , 524; — Partridge, 562 ; — Petit d'Ormoy, 85.

Synthèse du magnétisme, ou nécessité de régulariser les études magnétiques pour constituer scientifiquement le magnétisme. Observations par MM. Petit d'Ormoy, 113 ; — de Guibert de Clelles, 348.

Théorie et pratique. Celui qui s'adonne à la pratique de l'art de guérir doit se prémunir contre les prétentions exclusives des systèmes. Réflexions par M. le docteur Char-pignon, 393.

Transitions, ou phases mystiques de la science en général et du mesmérisme on particulier. Préparation à l'étude des phénomènes du spiritualisme, par M. Petit d'Or-moy, 57.

sophiques, par M. A. S. Morin, 234.

Défi aux magnétiseurs. Observations critiques de M. A. S. Morin sur le défi porté par MM. Mabru et Au-

zoux de constater la réalité du magnétisme, 106.

Inquisition (l') et le magnétisme. Lettre encyclique de la sainte inquisition romaine et universelle contre les abus du magnétisme , suivie de réflexions par M. du Potet. 613. — Critique de cette lettre, au double point de vue de la science et de la logique par M. A. S. Morin, 633.

Loustic (le) de la Faculté. Pasquina-des de M. le docteur Amédée La-tour contre le magnétisme et le somnambulisme. Réponse par M. A. S. Morin, 210.

Médecino (la) et lle magnétisme. Débats divers entre médecins et ma-gnétisles, 106, 210, 254, 363, 384. 386, 513.

Monde (le) des esprits, mis à la por-têe des bêtes, par un fou; titre d’un article signé : un correspondant (tome xiv, page 654 ). Réfutation de la théorie renfermée dans cet article, par M. lle docteur Che-vandier, 204.

Plus d’esprits. Palinodie 11e d’un

correspondant sur la cause des phénomènes du spiritualisme. Réflexions critiques, par M. du Po-tet, 239.

Prescriptions (les) somnambuliques. Réflexions dogmatiques de M. le président de la Société philanthro-pico-magnétique de Paris, sur la direction à donner aux somnambules pour les empêcher de furmu-ler des ordonnances excentriques. Discussion sur ce sujet, au point du vue du bon sens , par M. A. S. Morin, 81.

Questions soulevées et développées, par M. de Gu ibert de Clelles, sur l’abandon apparent du magnétisme thérapeutique, et la préférence que M. du Potet semble vouloir donner aux phénomènes du spiritualisme, 337. RéponsepéremptoircdeM. du Potet, 354. — Observations sur le même sujet, par M. le docteur Charpignon, 393.

Spiritualisme. Divergences de vues à l’égard des manifestations dites spirituelles, 204, 239, 337, 620.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Apparition de lumières, 43, 373; — de mains et autres membres isolés, 375, 572, 619; — de fantomes, 375, 617 ; — de l'image d'une personne vivante, 277.

Apport de lettres par les esprits, 570.

Ascension humaine. Personnes enlevées par les esprits, 281, 373.

Attraction magnétique, 28.

Attraction d'outre-tombe, 54, 609.

Catalepsie pathologique. Faits remarquables, 201; — simples, 168, 445.

Communications avec les esprits : Esprit de Mesmer, 30, 295 ; — de H. de Balzac, 74, 170; — de Balzac-Gautier. 79, 172; — de François 1er, 171 , — d’Apollonius de Thyanes, 510 ; — de divers, 43, 68, 72, 77, 154, 157, 181, 282, 312, 450, 525, 617, 626.

Contact de personnes avec des esprits, 571.

Conversation des esprits, 450.

Coups et autres bruits mystérieux, 43, 69, 154, 283, 312, 369, 375,

617, 626.

Créations matérielles des esprits, 44, 375, 572.

Dictées attribuées à des esprits, 30, 76. 79, 157, 170, 629.

Divination. Faits, 544.

Don des langues. Faits observés sur une jeune fille hystérique, 481 ; — sur un médium. 488.

Ecriture tracee par des mains invisibles, 218, 572, 570, 626.

Effets magiques, 18, 468, 495, 505.

Erreurs des esprits, 77, 141, 340; — des somnambules, 468.

Espiègleries et voies de fait commises par des esprits, 72 , 370, 571,

618.

Esprits qui dictent, 30, 76, 79, 157, 170, 629 ; — qui déplacent et soulèvent des objels , 43 , 245 , 282, 370, 617; — qui jouunl de divers instruments, 43, 156, 375 , 591 , 617 ; — qui font apparaître des lumières , des mains, etc., 43, 373 , 375, 572, 619 ; — qui commettent des espiègleries et des voies de fait, 72, 370, 571, 618; — qui

font entendre des voix , 155, 277, 375; — qui écrivent , 218, 372, 570, 627 ; — qui font des jeux de mots , 241 ; — qui enlèvent des personnes. 281, 373; — qui se livrent à de longues conversations, 450; — qui apportent des lettres, 570; — qui se mettent en contact avec des personnes, 571; — qui apparaissent, 376, 617.

Evocation d'esprits. Voyez Communications avec les esprits.

Exorcisme. Faits, 547.

Expériences de magnétisme , somnambulisme et magie magnétique, rapportées par MM. Roger de Beauvoir, 28 ; — du Potet, 29; —

d'Herisson, 286 ; — Lamothe, 468 ;

— Vuillerme-Dunand , 490 ; — Ma-gliulo, 495 ; — Chalin, 505.

Extase avec lucidité spontanée. Faits rapportés par MM. docteur Felti ,

32; — docteur Caviole. 197;— Gautier, 466 ; — docteur Cervello, 477 ;

— Piérarl, 555.

Guérisseurs, (ouchours, thaumaturges, 50, 165, 231,360, 540, 609.

Imitation du cri de divers animaux dans l'état somnambulique, 505.

Jeux de mots des esprits, 241.

Lucidité spontanée , 32 , 197 , 466 , 479, 555; — somnambulique, 70. 144, 287, 490.

Magie. Faits extraordinaires opérés par les derviches d'Angora, et rapportés, par Mme la princesse de Bel-giojoso, 18.

Magie magnétique. Expériences, 468, 495, 505.

Magnétisme (le) dans l'histoire. Lettre de M. Piérart sur certains faits d'exorcisme, de possession, de prédictions et de guérisons miraculeuses, dans le nord de la France, depuis le cinquième siècle jusqu'il nos jours, 540.

Magnétisme (le) en Hollande, 652.

Magnétisme mystique. Curesopérées au moyen de la prière , par la femme Bois, 50 ; — par le commandant Laforgue 225; — par M. Cheneau, 226; —par divers,840.

Manifestations spirituelles, Rapports de faits remarquablus ou merveil-leux , par MM. docteur Glever de Maldigny, 66, 141, 169; — Auguste Gathy, 292; — docteur Gregory, 309 ; — J. Barthet, 365, 488,

589 ; — Juge Edmonds, 450 ; — Partridge, 562; — Mathieu, 626;

— divers, 43, 218, 245, 281, 617. Médiums, ou intermédiaires dans les

communications spirituelles, 30, 67, 74, 281, 292, 313 , 372 , 450 , 488, 557.

Miroir et signes magiques, 468, 395, 505.

Musique dos esprits , 43, 156 , 475, 591, 617.

Observation sympathico-homœopa-thique. Lettre de M. Petit d'Or-moy, 422.

Obsession. Fait, 96.

Possession. Faits, 549.

Prévision. Faits. 33, 197 , 287, 293, 315, 457, 561.

Rêves ot pressentiments réalisés, 53, 217, 246, 326, 476, 574.

Seconde vue. Faits rapportés par M. le docteur Gregory, 325. Somnambulisme magnétique. Faits de : lucidité , 70, 144 , 237, 490 ; prévision,—33,197,287,293,315, 457, 561; — vue à distance et à travers les corps opaques, 34, 144, 287, 315, 386, 468; — vue rétro, spective, 315, 492. Somnambulisme naturel. Faits rapportés par MM. docteur Judée, 15;

— docteur Arcliambault, 130; — docteur Caviole, 197; — docteur Cervello, 477; — Chalin, 533 ; — divers, 167.

Tables et autres objets qui se meuvent, sautent, etc., 43, 245, 283, 309, 370, 373, 617 ; — qui s'enlèvent sans impulsion visible, 283, 311, 373;—qui répondent, 69, 154, 312; 370, 570, 611, 626. Thérapeutique magnétique. Rapports de MM. doctour Louyet, 134; — docteur Darricau,225 ; — E. Join, 361 ; — docteur Caramagna, 377 ;

— docteur Siriati, 378; — doctour Dittmar, 379; — C. Petit, 381; — Mme Neveu, 388 ; — docteur Char-pignon, 395; — Capern, 421, 462 ;

— Stevenin, 464 ; — docteur Cer-vello , 477 ; — C. Paul, 517 ; — Ghalin, 533; — R. d'Aulne, 537 ;

— docteur Léger, 561 ; — divers, 129, 285, 398, 428.

Transplantation magnétique. Fait curieux rapporté par M. Robert d'Aulne; 537.

Transposition des sons dans un cas

de somnambulisme spontané, 479. Visions fantastiques, 43, 149, 181, 277, 575, 572, 592, 617; — magiques, 468, 495.

Voix des esprits, 155, 277, 375.

Vue en somnambulisme, 34, 141 , 287 , 313, 468, 492; — en rêve ou en extase, 70, 132, 217, 246, 574.

VARIÉTÉS.

Ane (l') savant. Titre et prospectus d'un nouveau journal de magnétisme , rédigé par M. le docteur Cormet, 588, 642.

Anecdotes, 53, 167, 428, 609.

Appel de M. du Potet aux magnétiseurs pour les inviter à l'étude des faits les plus mystérieux de la science nouvelle, 3, 57, 65, 113. — Questions soulevées à ce sujet,

337. — Réponse de M. du Potet,

354.

Biographie de A. J. Davis , médium et écrivain spiritualiste américain, 557.

Charlatanisme. Un faux somnambulo dévoilé, 296. — Affiches et réclames de la Sybille moderne (Mme Mongruel), à Milan , 362. — Les poudres magnétiques d'amour du docteur Velpeau, à New-York, 500, 520.

Chinois (les) connaissaient et prati-quaient le magnétisme il y a dix siècles. Fait, 398.

Clergé (le) et le magnétisme, 399, 613, 633.

Coups mystérioux. Prétendue expli-cation de ce phénomène par le docteur allemand Schiff, et, bien avant lui, par les docteurs américains Flint, Dowler et autres, 276.

Défi aux spiritualistes. Acceptation par M. Wilson du défi que M. An-derson, se disant magicien, a porté aux spiritualistes américains de prouver la réalité des phénomènes merveilleux attribués aux esprits, 26.

Déni de justice. La Revue mensuelle des sciences d'Edimbourg refuse d’insérer , comme n’étant pas suffisamment pratique, un mémoire uo M. le docteur Simpson, l'un es éditeurs de cette feuille, avait demandé à M. le docteur Esdaile , sur les opérations chirurgicales pratiquées par ce dernier, à Calcutta , au moyen de l'auestésie magnétique, 513.

Faux (un) somnambule dévoilé. Let-

tre de M. Marcillet au journal le Mousquetaire, 296.

Feuilletons (les ) magnétiques de M. Jules Lovy. Critique par M. A. S. Morin, 497.

Initiations. Un détachement d’élèves de lécole polytechnique se fait magnétiser par M. du Potet et se retire convaincu, 28, 29.

Intolérance à l'égard du mesmérisme, 363, 399, 471, 613.

Jeanne d'Arc. Notice sur sa vie, 602 ;

— sa slatue par M. Paul, magné-tiste, 607.

Magiciens (les) d'Angora. Récit merveilleux, 18.

Magnétisme (le) au théâtre. Analyse de pièces ou le magnétisme est employé comme ressort dramatique ou comique, par M. J. Lovy, 23 ;

— par M. F. Silas, 25.

Magnétisme (le) dans les rues de Paris, 388, 428.

Magnétisme (le) décrit par Cadet But-teux à son ami La Tulipe. Chanson par M. Viancin, 335.

Magnétisme (lo) en Piémont, 45, 249, 251, 362, 384; — en Lombardie, 278, 304, 361; — en Toscane, 167;

— dans les Etats romains, 363;

— en Angleterre, 421, 462; — en Ecosse, 381, 513; — en Californie, 285; — en Chine (il y a dix siècles), 398.

Médium (un) polyglotte, 488. Mesmer et son médium. Dictée de l'esprit de Mesmer sur les merveilles par lesquelles Dieu se manifeste aux hommes, afin de les ramener au bien, 30.

Monde (le) des esprits. Révélations des esprits sur l'existence après la vie tarrestre, 157, 450, 526, 627,

Mormons îles) de l'Amérique du Nord ont chassé tous leurs médecins, pour se soigner eux-mêmes par les moyens les plus simples que fournit la nature, 385.

Nécrologie. Mort des magnétistes Comte Negri de Montalcnghe. président honoraire de la Société phi-

lomagnétique de Turin. 448; — docteur Orioli, de Rome, 587.

Nouveau (le) Robinson, ou aventures d'un Birman naufragé, 475.

Prix affeté par M. Molossi, membre de la Société d'encouragement de Milan, au traitement des névroses par le magnétisme direct, 361.

Profession de foi burlesque d’un docteur italien, qui croit au magnetismo et le propose comme moyen utile, mais dans les seules mains des médecins, 386.

Propagande. Fondation de nouveaux journaux de magnétisme: à Turin. 45, 249 ; — à Milan , 304 : — à Paris, 588, 645. — Introduction du magnétisme à l’hôpital de Milan, 278.— Formation d'un noyau de société magnétique à San-Fran-cisco (Californie), 285.

Récits de faits étranges ou merveilleux, 18, 45, 67 , 96, l41, 169, 217, 245, 277, 281, 509, 569, 450, 569, 589, 617, 626.

Revue des journaux, en ce qui concerne les faits et nouvelles magnétiques, 28, 45, 50, 165 , 426, 577.

Science (la) officielle et le magné-

tisme. Délis, pasquinades, lamentations et chicanes à l'adresse du magnetisme et des magnétiseurs 106, 210, 251, 365, 584, 586, 513

Séance de magnétisme honorée de la présence de S. M. l' Empereur des Français, à Plombières, 592

Spiritualisme (le) en France. 55, 66 141, 169, 259, 277, 339, 620; — en Angleterre, 509; — aux Etats-Unis, 45, 217, 245, 281, 366, 449, 488, 524, 569, 589; — au Canada, 645; en Californie, 617.

Tendances des journaux de médecine à l’égard du magnétisme, 106, 210, 254.

Tribunaux. Procès de la femme Bois, dite la sorcière de la Voulte, 50;

— du somnambule Wilhelm, 165;

— de M. Fauvelle Legallois, 216:

— de Mme D.... 427; — de la femme Grisou, 610.

Vers écrits par des médiums, 171, 241, 245; — par un crayon se mouvant seul, 629.

Vol commis à l’aide du magnétisme, 167.

Vol découvert au moyen du somnambulisme, 493; — par l'apparition de l'image du voleur, 277.

BIBLIOGRAPHIE.

Almanach prophétique pour 1857.

— Mention d'un article très-favorable au magnétisme, 609.

Catalepsie (de la), par Puel, docteur en médecine.— Citations, analyse et examen au point de vue du magnétisme, par M. A. S. Morin, 445.

Electro-dynamysme vital, par A. F.

P. Philips. — Citations, analyse et examen scientifique, par M. Petit d'Onnoy, 400 , 429.

Elus (les) de l'avenir ou le Progrès réalisé par le christianisme, par Paul Auguez, avec une Introduction par Henri Delaage. — Extraits et discussion, en ce qui concerne le magnétisme, par M. A. S. Morin, 578.

Hallucinations (des), ou Histoire raisonnée des apparitions, des visions, des songes, de l’extase, du magnétisme et du somnambulisme, par le docteur Brierre de Boismont.

— Citations, analyse et examen par M. A. S. Morin, 220.

Histoire universelle de l'église catholique, par l’abbé Rohrbacher, docteur en théologie de l’université de Louvain. — Réfutation de divers passages traitant du magnétisme, par M. le docteur Charpi-gnon,501.

Luce (la) magnetica, journal fondé par la Société philomagnétique de Turin, sous la direction de M. Franceso Guidi. — Programme et extaits divers, avec commentaires, par M. E. de Malherbe, 45, 251.

Mesmerista (il). Revue mensuelle, fondée à Turin, par une société de médecins et de magnétistes, en remplacement d’il Magnetofilo. — Apréciation de l’esprit de celte revue, par M. E. de Malherbe, 249.

Mot (un) sur les tables parlantes, suivi du crayon magique et du

guéridon poète, par M. Mathieu, ancien pharmacien des armées. — Extrait, 620.

Psicologico (lo), Revue magnétique mensuelle, publiée à Milan, par M. Giuseppe Mozzoni, docteur ès-sciences. — Extrait et appréciation par M. E. de Malherbe, 304.

Spiritualisme (le) scientifiquement

démontré, par Robert Ilare, ancien professeur de chimie de l'université de Pensylvanie. — Extrait, 157. — Observation par M. Max, 524.

Verita (la) sul Magnetismo animale. Compte-rendu de cet ou-vrage, par M. A. S. Morin, 657.

LISTE NOMINATIVE

DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS

sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés on réfutés dans ce volume.

Allix, 40, 249, 272, 613, 657. Archambault (docteur), 130. Arnette, 272.

Auguez (Paul), 578.

Auzoux (docteur), 106, 343.

Bacot. 273.

Baïhaut, 271.

Balzac (H. de), 74, 171.

Bathert (Jos.), 278, 376, 488, 589. Battu (L.), 23.

Beaufort (docteur de), 385. Becquerel, 42.

Belden (Mme), 218.

Belgiojoso (princesse de), 18. Bellisson (Mme), 285.

Bennett (docteur), 332.

Bird, 283.

Boggio, 387.

Bois (femme), 50.

Boissier, 53.

Brierre de Boismont (docteur), 220. Brown, 473.

Brunet de Ballons, 381.

Buchanan (docteur), 474, 522. Buret, 180.

Cahagnet(Alph.), 272.

Capern, 421, 463.

Caramagna (docteur), 378.

Cathcart, 591.

Caviole (docteur), 200.

Cervello (docteur), 477.

Chalin, 165, 503, 533.

Chambers, 332.

Chamonin, 272.

Charpignon (docteur), 347, 397, 504, Chartèvre (Emile), 22.

Cheneau, 226.

Chevalot. 643.

Chevandier (docteur), 209.

Clever de Maldigny (docteur), 80, 156, 189.

Coddé (docteur), 251, 272.

Comet (docteur), 588, 643.

Constant, 510.

Czippick, 295.

Dalhousio (lord), 514.

D'Allessandri (docleur), 47.

Darricau (docleur). 233.

D'Aulne (Robert), 539.

Davis (A.-J.) 557.

Delaage(Henri), 578.

Dénisot, 55.

Derrien, 110.

D'Hérisson, 290.

Didier (Alexis), 69.

Dittmar, docteur, 379.

Du Potet (baron), 3, 29, 31, 57, 84, 113, 137, 140, 203, 219, 244, 255, 303, 357, 392, 421, 449, 472, 494, 588, 616, 644.

Edmonds (juge), 321. 449.

Esdaile (docteur), 513.

Esquiros (Alph.), 157.

Fauvelle le Gallois, 216.

Fetti (docteur), 32.

Gasparin (de), 100.

Gathy (Aug.), 296.

Gauthier (J.), 467.

Gentil, 71.

Gomy, 576.

Gordon (Henry), 281.

Gouget, 612.

Gregory (docteur), 334, 381.

Grisou (femme), 611.

Gudin (peintre), 298.

Guibcrt de Clelles, 354.

Guidi, 45, 385.

Hare (Robert), 157, 523.

Hébert (de Garnay), 74, 137, 141, 189.

Hecquart, 174.

Heyer, 488.

Mutchings (miss.), 374.

Ivaldi docteur), 47.

Join (Étienne), 361.

Judée (docteur), 18.